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ITINÉRAIRE

o XI

VOYAGES

DE M«. L’ABBÉ DEFELLER.

TOME PREMIER.

igt;V

« 11)^

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//i

ITINÉRAIRE,

OU

VOYAGES

DE L’ABBÉ DEFELLER

EN DIVERSES PARTIES DE L’EÜROPE :

ÉN HONGniE, EN TRANSYEVANIE , EN ESCLAVONIE, EN BOhÊME ) EN POLOGNE, EN ITALIË, EN SUISSE, EN ALLEMAGNE, ENnbsp;FKANCE, EN HOLLANDÈ , AUX PAYS - BAS , AU PAYS UEnbsp;LIEGE etc.

OXJVBAGE POSTHUME,

Dans lequel se trouvent beaucoup d’Observations et de Reflexions intéressantes.

Inpisibilia enlm ipsius, cl creaturd mundi, per ea qucs facta sunt, intellecta, conspiciuntur ; sempitemanbsp;quoque ejus virtua, et divinitas.

Rom. I.

TOME PREMIER.

mtBTAA)TF?rCA

A LIEGE,


CHEZ F*. LEMARIÉ, I MPRI MEÜR-L IB R AIRB , BROCRB l’hotbe-de-yii,i.e, »“• 8l.

Et a paris,

Chez AnCtTSTE DELALAIN , Imprimeur-Libraire, Rae de« Mathurina St.-Jacques, Nquot;. 5.

1820.

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'j^llonius intravit Persas, pertrarmuit Caucasum, Jlbanos, Scythas etc. Invenit ille vir ubique , quad disceret, etnbsp;semper proficiens semper se mehor fieret.

Hieron. Paulino.

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TABLE ALPHABÉTIQUE

Des Noms dc la plupart des Lieux dont parle l'Auteur dans cel Jtinèraire.

TOME PREMIER.

325

Aquapendeute,

367

»

Arad,

494

c.

Arménien,

i63

Canstadt,

4

B.

Carlovitz, nbsp;nbsp;nbsp;3o8 et 309

Carlsbourg,

296

Carlstad,

324

Balaton, tac ,

^9

Cassovie ou Cassaw,

229 et

Banf-Huniad,

499

257.

Bsrod,

266

Charleville,

7

Belgrade,

3 06

Chiozza,

461

Béscka,

3o8

CilvintzoK Vintz,

296

Betler, nbsp;nbsp;nbsp;245 et suiv.

Ciiiq-Eglises,

487

Betzko,

20

Clausenbourg, 270,

294 et

Bistritz, 257,2'j6 et suiv.,

5oo.

et 5o2.

Cocbova,

299-'

Bologne, nbsp;nbsp;nbsp;345 et

suiv.

Cologne,

102

Cf

Bosiakoviiia,

322

Comorre,

25

a 1)

X\.BAN, nbsp;nbsp;nbsp;gt; pag. 125

Agi-am OU ZagraL , nbsp;nbsp;nbsp;322

Agrie OU Eilau , nbsp;nbsp;nbsp;223

Albc-Royale, nbsp;nbsp;nbsp;85

Alégro, C’cst Ie nom que l’Auteurdomioita sou chieu.nbsp;Aiicóne,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;44^ sniv.

Apenniii, nbsp;nbsp;nbsp;35i a 353

Bo.sileYO,

Brinu ,

Brecskerek, nbsp;nbsp;nbsp;3o2 et 3o3

Bruxelles , 8. F'oyez cc Nom a la Table alphabé-tique du tom. 11.

Buccari, nbsp;nbsp;nbsp;828 et 332

Bude, nbsp;nbsp;nbsp;28, i4oet2ai


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,V nbsp;nbsp;nbsp;TABLE ALPHABETIQUE

Govigliaio, nbsp;nbsp;nbsp;353 Goritz ou Gortz, 336,477

Cracovie, 6, io3 et suiv., et 476.

et 176.

Graan ou Slrigonie

Crapach, voy. Krapach, Sg

Grand-Waradiii ,

262 et

Czirnitz, loc ,

3i

suiv. , et 496.

Gratz,

480

D.

H.

Déakovar,

3i5

Pebreczin,

259

Hansel. C’est Ie nom que

Pees,

273 et suiv.

1’Auteur doniioit a son

Péesakana, 273. Ses belles

clieval.

salines.

Hatvan, nbsp;nbsp;nbsp;122 et suiv.

Deva,

398

Herren grud, i5o,

et suiv.

Pobra,

299

pour ses mines etc.

E.

Hollitz,

i55

Holtitz,

92

Ele'es,

364 et 498

Hongrie : ses vins et autres,

Enied,

295

56; ses chevaux

, 82; ses

Erlau OU Agrie

, nbsp;nbsp;nbsp;223

bains, 73, 161,

i.84j

Esclavonie,

3i2

et 262.

Essek,

3i3

Hubert ( St.- ),

10

Eyseuslad,

io3

Hui,

10

F.

Huniade,

269

Felsovadas,

238

I.

Ferrare,

344

Fiuine,

329 et 333

Plok,

3i3

Florence,

353 et suiv.

Ingolstadt,

14 et 37

Forum-Julium

, nbsp;nbsp;nbsp;336


G.

Gacs, 113 et suiv., et 117 , 119 et 13,1.

K.

Kecskemeth, i4i et suiv. Kiralfalva, beau jardin, 6,0nbsp;Kptch, mont,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;106 et 109


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DE,S NOMS DES LIEUX etc Krapach, Sg , 'j8 et 11 onbsp;Krasuahorka, 288, 248 etnbsp;255.

Kreranitz, 21,28 et 109 Eri-van, mont, 108 et suiv.

r

Malacapa, nbsp;nbsp;nbsp;845

Melck, nbsp;nbsp;nbsp;16 et 17

Meleck, nbsp;nbsp;nbsp;29

Mer(i(léedela),5o3 et suiv.

Messine,

Metz,

Milletics, Miskolcs,nbsp;Mobacz,nbsp;Monoc,

Mont-Royal, Montefiascone,nbsp;Morano,nbsp;Morlavina,nbsp;Motiska,

3i8

Lazareto, Léopolstadt,

Macerata, nbsp;nbsp;nbsp;4^9

Maco, nbsp;nbsp;nbsp;494

Maestricht, 8 et 10. Voyez encore ce mot a la Tablenbsp;alpbabétique du torn. 11.nbsp;Maison (Sainte-) ou Sanctanbsp;Casa ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;4^1 et suiv.

Küttieva,

L.

Liege, nbsp;nbsp;nbsp;2 ^ *9

Lille, nbsp;nbsp;nbsp;8

Lintz, nbsp;nbsp;nbsp;i5, 16et 38

Lorette, nbsp;nbsp;nbsp;et suiv.

Lossones, nbsp;nbsp;nbsp;194

Lugos, nbsp;nbsp;nbsp;3oo

Luiano et Petra mala, 352 Luneville,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ta

Luxembourg , 1,7, i3, 27, 87, 57 a la Note, etnbsp;3io.

M.

i5

6 et 12

49*

251

489 et suiv. 226, 231 et 288nbsp;8nbsp;368

473

3i9

*4? et 197

N.

Nagy-Sérind, nbsp;nbsp;nbsp;49^

Namur, nbsp;nbsp;nbsp;10

Nancy, nbsp;nbsp;nbsp;11

Narni, nbsp;nbsp;nbsp;4^4

Nassod, nbsp;nbsp;nbsp;5o6

Neusatz, nbsp;nbsp;nbsp;3io

Neusol, 22,47, tii, 112, 118 et 192.

Neustadt, nbsp;nbsp;nbsp;21

Nitrie,

Olmutz, 91,98 et 167


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vi nbsp;nbsp;nbsp;TABLE ALPHABETIQUE

Ombrie, nbsp;nbsp;nbsp;4^7 Raifort: ses bonnes proprié-

III.

i5 3a8

429 69

7 et 11

Otiicoli, nbsp;nbsp;nbsp;4^^

Ratisbonne,

Raimagor,

P. nbsp;nbsp;nbsp;Recanati,

Religion,

Rheims,

Riefergejiurg, lisez Riesen-Gebürge, nbsp;nbsp;nbsp;7^

Riguaiio, nbsp;nbsp;nbsp;4^^

Rodiiau , nbsp;nbsp;nbsp;i54 j 280 a 288

Rome (depart de 1’Auteur pour), 290 et suiv.

Rome etc., 370 et suiv. a 477

Padoue, Palma-NoTa ,nbsp;pour 1’ltalie.nbsp;Palo,

Pa i clan, Passaw,

Pe'saro,

Pest,

Petau,

337

340

477

428

3o3

i5

455 el suiv. 29 et i4o

484


Rosnau , Rotenstein,

242 et suiv.

93*97

Peter-Waradin ,

309

Russic-Rouge,

102

Petra mala et Luiano, 352

Pic de TénérifFe et

autres ,

loGetsuiv.

S.

Pleurs,

26

Podreschan, 114 et

suiv.,et

•120.

Sanrbrunn ,

284

Polocne, 167 et suiv., et

Samos-Uivar,

292 et suiv.

iBo et suiv.

Saiicta Casa ou

Ste.-Maisoii,

Pont-a-Mousson,

6 et 7

431 et suiv.

Port-Royalo«Porto-Ré, 332

Sasvaros,

297

Porteny,

60

Scalitzé,

170

Posega,

317

Schemnitz,

22 et 46

Presbourg ,

202

Schoenbruun,

39

Scylla,

i5

R.

Sdoban,

2.30

Sedan,

r

J

Raab,

34

Ségédiu,

492

Radicophani,

366

Semlin,

3o5

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Siculie et Siculietis , i6i et suiv.

Sienne, nbsp;nbsp;nbsp;364

Simanda, nbsp;nbsp;nbsp;49^

Sinigaglia, nbsp;nbsp;nbsp;454

Solna, nbsp;nbsp;nbsp;100

Spilberg, nbsp;nbsp;nbsp;iSg

Spolete, nbsp;nbsp;nbsp;4^^

St.-Jean, i o5 et suiv., pour les hautes montagnes.nbsp;Storta,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;369

Strasbourg, nbsp;nbsp;nbsp;8 ct 13

Strigonie ou Graan ,

Strudel,

Surdac ,

Szentiakab ,

Szent-Maria,

Szerevics,

Tallia,

Temestirn,

Tcmeswar,

Ténérifï’e, Pic,

Tersate,

Tbeiss,

Thionville, nbsp;nbsp;nbsp;ii

Tirnaw, 18,42,67,85 et 98.

Tokai, nbsp;nbsp;nbsp;258

Toleutino, nbsp;nbsp;nbsp;4^9

Toszeg, nbsp;nbsp;nbsp;126

Vampires,

Varalya,

Vei tb (St.-),

Velino,

Vellegrad,

Venise,

Vlcka,

Vienne, J7,38,3o3 k 2l8 Vilisca,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;io4

VindeTokai, 227 et suiv. Vinscbacbten,

Vintz OU Cilvintz,

Viterbe,


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AVERTISSEMENT.

jES Voyages sont aujourd’liui multiplies au même degré que les Dictionnaires , les Anecdoles,nbsp;les Essais, et quelques autves productions favorites de notre litférature moderne. Accablé par Ienbsp;nombre , Ie public sent la difficult^ du cboixetnbsp;presque teujours trompé , tout en ce genre Ie dé-»nbsp;goute et Ie repousse. Si c’étoit ici une vraie description de Voyage , comme il y en a tant, nousnbsp;aurions laissé Ie manuscrit qui 1’eut contenue ,nbsp;dans robscurité oii nous 1’avons trouvé ; maisnbsp;nous 1’avons envisagé comme un Recueil d’Ob-servations et de Lettres , ou regne un langagenbsp;de sentiment et de candeur qui intéres.se Ie cceur,nbsp;et qui, par un certain nombre dfe réflexions vraiesnbsp;et ingénues, pouvoit aussi fournir quelque alimentnbsp;k l’esprit. Ce n’est point par les choses que cesnbsp;Voyages ont quelque intérêt; ce seroit plutót par lanbsp;maniere de voir.

Une mémoire excessive et en quelque sorfe surchargée, arempli ces Observations et les Lettresnbsp;qu’on y trouvera entremêlées, d’une infinite denbsp;citations , toujours heureusement appliquéesj ellenbsp;a alléré la légereté du style épistolaire; elle a en-travé la marche et du Vo}mgeur , et du Lecteurnbsp;qui voyage avec lui. Mais des Lettres ori 1’onnbsp;rend compte, non-seulement des objets qu’on anbsp;vus , mais encore des réflexions que cette vue anbsp;fait naitre , restent naturellemeut dans la classe dé

Tom. I. nbsp;nbsp;nbsp;a

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AVERTISSEMENT. celles qu’on écrit journellement dans Ie commerce ordinaire de la vie.

On s’attend bien a devoir suivre souvent l’Au-teur chez les Jésuites : il en parle souvent, et cela ne paroitra que très-naturel. Tout a changé de-puis ; et ce qu’il nous en dit ne sera pour bien desnbsp;gens que d’un foible intérêt: mais outre qu’il peutnbsp;servir a l’Histoire et a la Géographie du tems , ilnbsp;présente un point de vue très-philosophique surnbsp;les ruines d’une Société célebre qui, par ses tra-vaux et ses succes , sembloit avoir acquis une es-pece de domaine dans les sciences profanes et religieuses , et qui, en un instant, a passé de lanbsp;gloire aunéant. Semblable a celte nation puissante,nbsp;dont un Ancien nous a décrit la chute avec tantnbsp;d energie , et qui ne présente plus que quelquesnbsp;individus épars , sans force et sans confiance,

•j.. ^Eueldoü,

Gens antiqua ruit multos doininataper annos.

Plurirna perqae vias sternuntur inertia passim

Qorpara ,perqua domos , et Relligiosa deorum

Linüna ...................

Les Lettres qu’on trou vera dans la seconde Partie de eet Itinéraire , étant presque toutes adressées anbsp;un Seigneur , avec lequel Ie voyageur étoit liénbsp;d’une amitié Irès-particuliere , et qui les a gardéesnbsp;avec soin , on n’a pas eu beaucoup de peine k lesnbsp;rassembler.

II a été plus difficile d’engager l’Auteur a en per- 1

1

Le Chef suprème de fEglisc, Pillustrc, rimmortcl Pie Vil, vieiit de rétablir cette Socie'té, par une Bullsnbsp;óolemuclle, domice co 1814. fj'tote de PÈditeur.).

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AVERTISSEMENT. mettre 1’impression; on travailla dès l’année 1769nbsp;^ l’y délerminer , et ce ne fut qu aprës bien desnbsp;années qu’on obtint enfin son consentement, pournbsp;la satisfaction de ses amis et des lecteurs assimilésnbsp;a sa maniere de voir par un même genre de plvilo-sophie.

Les choses néanmoins en demeurerent la; et ces Lettres avec Ie resle de l’Itinéraire, ne paroissentnbsp;enfin que dix-huit ans après la mort de l’Au-teur.

Nous avions d’abord résolu de supprimer les anecdotes et les événemens qui regardent direc-tement la personne du Voyageur , sans avoir unenbsp;liaison essentlelle avec les choses dont il parle;nbsp;mais un ami que nous avons consulté , nous a faitnbsp;changer de sentiment. Les personnes , dit-il, quinbsp;connoissent Ie Voyageur, s’intéresseront a son His-toire , et se délasseront par Ie récit de amp;es aven-tures, de 1’attention qu'ils auront donnée a ce qu ilnbsp;y a de sérieux dans ses Observations ; et ceux quinbsp;ne Ie connoissent pas , y prendront au moins Ienbsp;même intérêt qu’ils prennent a la narration d’unnbsp;voyageur quelconque.

Quant aux Notes , qui sont en assez grand nam-hre , elles sont de l’Auteur même , et ajoulées postérieurement au récit de ses Voyages; quelques-unessont d’une autre main; elles désignentles chan-gemens survenus depuis Ie Voyage de Mr. 1’Abbénbsp;de Feller, dans les ditlérentes Villes ou Provincesnbsp;qn’il a parcourues. Enfin il en est, en petit nombre,nbsp;6t pour la même fin , ajoutées par 1’Editeur. Onnbsp;Jty trouvera pas, sans doule , tout ce que ces

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AVERTISSEMENT.

Villes OU Provinces out essuyé de revolutions et de bouleversemens depuis aS a 3o ans ; ce n’en estnbsp;point ici Ie lieu , et d’ailleurs la besogne eüt infini-ment surpassé nos forces, nos ressources et npsnbsp;moyens.

gp^On prévient que l’Imprimeur s'est conformé h. Torthograpbe que l’Auteur a suivie dans tousnbsp;ses Ouvrages; et que lorsqu’il renvoie au Dic-tionnaire histonque, et au Dictionnaire géogra-phique, c’est è. ceux qu’il a faits et publiés k Liege.

ITINERAIRE.

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EN HONGRIE, EN TRANSILVANIE, EN ESCLATONIE, en POLOGNE, en ITALIË, etc.

PREMIERE PARTIE,

DEPuis 1^65, jusqu'en 1769.

Consideratio contemplatioque naturce est aninwrum ingeniorumque naturale pabulum,

Cic., L. 2j Quxst. Acaigt;.

JORSQüE je partis pour la Hongrie, quelcjuun me pria de mettre par écrit tout ce que je verroisnbsp;de remarquable. Cela, et d’autres raisons , m’en-gagerent k faire ce recueil. J’y marqué aussi ce quenbsp;j’avois vu antérieurement k ce voyage gt; eest unnbsp;compte que je rends k un ami et k nioi-même.

J’ai vu k Luxembourg, en 1 54, un nain d'en-viron deux pieds. Je crois qu’il avoit au moins 29 ans. C’est Ie même dont il est pai'lé dans Ienbsp;torn. VIII, SuppUm. a PFlist. de Mr. de Bujfon ,nbsp;édit. in-zx^ P^S-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;paysan de Frise, qui

» en I 51, se fit voir pour de l’argent k Amster-dam. A lïige de 26 ans, il n’avoit que 29 pouces ” d’Amsterdam n. Le fameux Bébè de Stanislas ,nbsp;ie bmifaisant, n’avoit que deux pieds et deuxnbsp;Tam. I,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;A

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pouces. 11 a vécu ^3 ans , qui onl été un siecle pour lui; aussi paroissoit-il vieux. II éloit né ennbsp;1741) et mourut en i';64. H pesoit 7 liv. 3 onces,nbsp;Valmont deBomare enparle dans son Diet. d’Hist.nbsp;nat., article Nain.

Précéderament j’avois vu dans la même ville , un grand leopard , pardus animal nobilitate leoninbsp;secundum ; a tigride differens magnitudine qua einbsp;cedit, ct macidarumjigura orbiculatu, cüm illarumnbsp;sil virgata. Pliys. sacr., tom. VI, tab. 601. «. G’est-11 a-dire, Ie leopard est, après Ie lion, I’animal Ienbsp;n plus noble. II est moins grand qüe Ie tigre, dontnbsp;gt;1 il diEFere encore par ses laches rondes, tandisnbsp;)) que celles du tigre sont allongées ». Quant anbsp;l’originedu léopard,les sentimens ont étépartagésjnbsp;les uns ont pensé qu il provient d’un lion et d’unenbsp;tigresse, les autres du lion et de Ia panthere; c’esfnbsp;une erreur , eet animal a sa femelle.

A Liege , i’ai vu un homme sauvage , pris dans une isle par les Holiandois. II avoit l’air assez Euro-peen. II devoit être baptise a la Chandeleur ennbsp;i'yGa , et nommé Pierre. II est constant qu’il ma-choit et qu il avaloit les cailloux les plus durs. Jenbsp;m'en suis assure a ne pouvoir en douter. Dans Ienbsp;Testament da Mr. Scharp , ou Supplément a la

magie

blanche de Mr. Decremps, pag. 211 , on

parle de ce mangeur de pierres comme d’un charlatan stipendié. Mr. Decremps ne cite pour garant de ses assertions , que Ie directeur des Ombresnbsp;chinoiscs, assez pauvre autorité. Du reste , qu’ilnbsp;y ait ici des mensonges, je Ie crois : mais il estnbsp;sur que eet homme machoit des pierres et les ava-

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( 3 )

lolt. Decremps Uri-même avoue qu’il les avaloit, mais il pretend qu’il machoit une boulette de terre.

Je crois m’être convaincu du contraire.

On disoit que eet homme avoit été trouvé dans une isle déserte, oü les Hollandois l’avoient aban-donné fort jeune , et que la nécessité l’avoit ré-duit a trouver un aliment dans les cailloux. Maisnbsp;la cruelle cupidité pourroit bien réduire un enfantnbsp;cette extrémité au milieu de nos villes. En 1783,nbsp;il parut a Liege une fdle , un peu difforme parnbsp;un front velu , qui ne mangeoil que des viandesnbsp;crues , ne parloit pas, et atfectoit en teut Ie main-tien d’une brute. Quelques paysans fayant recon-nue par les signes qu’elle leur fit, on la retira desnbsp;mains de ses conducteurs, auxquels on l’avoit vendue. Elle déclara alors qu’on l’aAroit forcée a se taire,

^contrefaire la brute, a ne manger que des viandes et des graisses crues ; ce que la faim lui avoit ap-pris. Ramenée dans son village, a 3 lieues de Liege,nbsp;elle parut très-raisonnable , vécut en bonne chré-tienne , et mangea comme les autres.

Pour cequi concernela mastication des cailloux, on ne doit nullement la regarder Comme impossible. Pres de Malaca , on trouve une herbe quinbsp;endurcit tellement les os , que si on en frotte lesnbsp;dents , il n’y a point de cailloux si durs , qu’ellesnbsp;ne rédulsent en poudre. Je reviens a Xhomme sau-II ne faut ni im tems bien long, ni une suitenbsp;de plusieurs generations , pour que l’homme senbsp;Irouve réduit a ce triste état. On en a une preuve Artic. Zwoll,nbsp;convaincanie dans cette fille de Chalons-sur-Marne,nbsp;qui, des sa tendre enfance, avoit vécu dans les Ti\anc,Dilt;et.hist.

A 2

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Ijois. Voyez Racine, Ep. ze. surPhomme, elle se Irouve k la suite du poëme sur la Religion. II en estnbsp;pavlé plus au long clans Ie Diet, d’hist. nat., articlenbsp;Homme sawage. Que dans nos montagnes même,nbsp;et dans des plages encore inconnues de l’Europe ,ilnbsp;puisscy avoir de cette espece d’hommes, voyez Examen critique, dePHistoirenaturelledeBuffon, IQ, l.

Ciiien fidele.

you'll MsTVt Mon ami de Saive , mainlenant jésuite, a vu ce litt. , i5 juillet prodige de gratitude en 1762. Je fus a Maestrichtnbsp;1.^63 ; I’animal étoit morL On voit dans eetnbsp;Itinéraire , un attacheineut prescjue semblable denbsp;mon cheval a ma personne.

Bdllessculptu- J’ai vu a Liege, en 1762, trois pieces d’une

llyavoiten 1761 ,lorsque je demeuroisk Liege, un chien t’araeux a Maestricht, qui depuis 10 a 12nbsp;ans n’avoit pas quitté Ie tombeau de son maitrenbsp;enterré dans un cimetiere altenant aux remparts.

sculpture admirable. C’étoit la bataille d’Alexandre contre Porus , et, si je men souviens bien, cellenbsp;de Constantin contre Maxence, et la bataille d’Ar-belles , en bas-relief, de la grandeur et de la formenbsp;d’un devant d’autel. Dans ces figures tout étoitnbsp;exprimé d’après nature; la peinture n’auroit pasnbsp;mieux réussi. Le prix en étoit grand. Le sculpleur,nbsp;qui y avoit gagné la phthisie, espéroit que quelquenbsp;puissant prince en deviendroit amateur. On ac-couroit de toutes parts pour admirer ces piecesnbsp;vraiment admirables.

Le Colibri.

J’ai vu dans la même ville , au Museum des Anglois , un Colibri ou oiseau-mouche. Mr. Pluchenbsp;en fait une belle description, Speet, de la nature,nbsp;tom. I, voyez sa Table desmatieres, et Mr, Dulard,nbsp;Grandeur de Dieu. Peut-êlre ai-je tort de con-

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( 5 )

fondre Ie Colibri avec I’oiseau-mouclie. La cliffe-Tence néanmoins n'est pas grande. L oiseau-mou-clie est plus petit; on en peut faire des pendans d’oreilles. Le P. Labat confond aussi le Colibrinbsp;avec I’oiseau-inouche , et il paroit qu'il a raison.

» On pretend , dit-il, qu’il y en a de cinq a six )) especes , qui ne different entr'elles que par lanbsp;)) grosseur. II m’a paru que cette différence étoitnbsp;» assez difficile k remarquer. Et pour le coloris ,

)) je ne crois pas que cela doive faire une espece n particuliere , vu le peu de différence qu’il y a ».nbsp;Colibn est le nom que lui donnent les Caraibes.nbsp;II y a des auteurs qui I’appellent hourdonnant,nbsp;paree que quand il vole , il bourdonne comme lesnbsp;abeilles. D’autres I’appellent oiseau-mouclre, anbsp;cause de sa petitesse. C’est assurément le plus beaunbsp;et le plus petit oiseau du monde. Il y avoit aussinbsp;dans ce Museum un serpent d sonnettes, ou plul6tnbsp;les sonnettes du serpent ainsi nommé. C’est le Boi-tjuira ; ce nom lui vient des anneaux cartilagineu.xnbsp;de sa queue. V^oyez Journ. hist, et Uttér., I Fév.nbsp;pag. iy3.

Je vis encore a Liege, en i ¦jG i, k la verrerie de Mr. Nizet, sur le quai diAoroy, tous les procédés de cet art, de beaux ouvrages en verre , denbsp;grand prix , et que je n’ai vus que Pi.

J’ai vu k Treves, vers Tan 1749, le trésor de la Calhédrale , qui est fort considerable. J’y ai vunbsp;enfre autres choses , quelques grains de la mannenbsp;tombee dans le desert ; mais la tradition m’ennbsp;est tres-suspecte. Les Reliques que Ton garde hnbsp;Saint-Maximin , sont des plus i-espectables , et

A 3

A'crrcije.

A Treyés,

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lt;6)

quelques-unes paroissent assez authentiques. J'ai beaucoup admiré dans la Catliédrale un grandnbsp;ostensoir d’or , qui conlenoit en forme d’arbrenbsp;toute la généalogie de Jesus-Cbrist. Le Patriarcbenbsp;Abraham occupoit le pied , et le dernier rameaunbsp;alloil se perdre dans le soleil. J'ai vu depuis lors,nbsp;k. Cracovie , dans l’Eglise de notre College, lenbsp;plus beau et le plus riche ostensoir qui puissenbsp;être. II faut l’avoir vu pour s’en former une idéé.

II est haut de 4^5 pieds. Cet ostensoir a élé estimé vingt-qiiatre mille ducats en 1774» aprèsnbsp;qu’on eut dépouillé les Jésuites. La fa9on ne futnbsp;sans doute pas comprise dans cette estimation.nbsp;C’est une vigne d’or dont les raisins sont desnbsp;groupes de perles. On y voyoit aussi un beaunbsp;pélican de brillans.

Encore a Treves j’ai vu la belle Eglise de S. Siméon, qui est une vraie rai’eté en ce genre. C’estnbsp;l’ancienne porie de Mars, et un des plus précieuxnbsp;monumens de 1’antiquité, II paroit toutefois quenbsp;la vraie nature de ce bailment n'est point très-connue. Yoyez les Annales Trepirenses de Mr.nbsp;d’Hontheim , trop fameux auteur du Febronius ,nbsp;et autres savans qui ont écrit la-dessus. La magni-fique Eglise de S. Paulin , ses belles catacombes.nbsp;— La belle Chartreuse , a une lieue de Treves ,nbsp;vers le Luxembourg. — Le tameux monumentnbsp;d'Igel, qui a épuisé toutes les recherches du P.nbsp;Bertholet et de plusieurs autres savans. — J’ai vunbsp;entre Metz et Pont-h-Mousson, une autre antiquilénbsp;Romaine: c’est un aqueduc d’une hauteur et d’unenbsp;longueur extraordinaire; il passe par la Moselle.nbsp;Les habitans du pays l’appellent pont du diable.

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Les ouvrages des Romains étoient d’iine solidité extréme. Le souterrain qui passe sous Ie Rhone,nbsp;depuisTarasconjusqu’aBeaucaire, snhsiste encorenbsp;en entier ; c’étoit le bon moyen de passér le Rhonenbsp;entoutiems. — En 1749. j’avois vu la belle Ahba3’enbsp;d’Echternach; ony remarque un orgue immense,nbsp;une belle bibliotheque etc.

Après avoir deraeuré long-tems a Luxembourg, )’ai vu, en 1753, Sedan, Donchéri , Carignan ,nbsp;Mézieres , Chai'leville , Rhetel-Mazarin , Rheims.

¦*Voy. Pliiclip,

A Rheims on ne croit pas au miracle de la sainte ^LtAoïnè Ampoule. Saint Grégoire deTours n’enparlepoint. itocties.

En 1754, ie vis Arlon, Marche en Eamenne ,

INiamur , Bruxelles , Soignies , Binche , Halle ,

Alons , Ath, Tournay. En 175G, Lille. En 1767 ,

A 4

Sedan est une très-jolie ville , et trè's-forlifiée. Mézieres est très-fort, et très-laid. Charleville estnbsp;beau et régulier. — Rheims est une tvés-grandènbsp;ville : sa Cathédrale est peut-^etre la plus belle diinbsp;monde : son frontispice n’a sürement point d’égal.nbsp;On voit prés de Rheims un gvaiid et superbe jar-din, appartenant k M”'. de Mires ; je m’y suisnbsp;souvent promené. Les Rhémois prétendent quenbsp;Rheims (^Rhemi) vient de Remits, et que leurnbsp;ville a été batie par le frere de Romuhts. Lesnbsp;promenades de Rheims sont superbes. Un cha-noine de cette ville a légué six cent mille livresnbsp;pour leur entretien. Les Eglises sont en grandnbsp;nombre en cette ville , toutes negligees et laides,nbsp;excepté la Cathédrale , S. Remi, et S. INicaise. IInbsp;y a , a S, ISicaise , une cloche qui, loi'squ’ellenbsp;sonne, fait très-sensiblement trembler un pilier *,

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Douay , et en Septembre, raême année , Nivelle , Treves, Ti'arbacn, Mont-Royal, ruiné. Bruxelles,nbsp;ma patrie, que j’avois quittée sans la voir, est unenbsp;ville superbe. Lille est plus réguliere , mais dunbsp;reste bien au-dessous de Bruxelles. La citadellenbsp;de Tournay est démolie du cótéde la ville , qui estnbsp;forte , grande , mal peuplée. La citadelle de Lillenbsp;est la plus belle de 1’Europe. Geile de Strasbourgnbsp;est très-belle , et a plus de dehors. — Mont-Royalnbsp;étoit une place imprenable, placée sur une très-haute montagne. Elle clominoit sur la Moselle. J’ainbsp;vu a Trarbacli l’Eglise Lutliérienne, dontles Ca-tholiques ont une petite partie. Tout s’y trouvenbsp;a-peu-près comme dans les Eglises Catholiques,nbsp;orgue, confessionnal, autel, rien n’y manque. Jenbsp;crois même.que sur eet autel, il y a un, Crucifixnbsp;et un tableau etc. Rien de plus varié que Ie sys-tême Protestant.

En I ’j6o , je vis Liege: i ¦jöi, Huy; 1768 Maes-tricht, Tongres, St.-Hubert. Les deux quais de Liege sont beaux. Après Rome, c’est Liege qui 1’emportenbsp;pour la beauté des Eglises, Après Ie clergé denbsp;Rome , Ie clergé de Liege est un des plus nom-breux. Les fontaines sont encore une chose commune aux deux villes. Quales habet fontes (Saintnbsp;Chrysost.). R est faux cependant, comme quel-ques auteurs font écrit, qu’il y en ait dans chaquenbsp;maison.

Prés de Maestricht, j'ai vu ces cavites profondes, qui creusent des montagnes entieres. On dit quenbsp;Louis XIV na pas osé altaquer les habitans denbsp;Teine, village a deux lieues de Maestricht, qui

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s’étoient retires dans ces cavernes (j’ai vu depuis, ce village, en J'j'jg)- L’on a tiré de ces cavitésnbsp;les pierres dont sont baties toutes les maisons dunbsp;pays. de Bufibn ne manquera pas de regardernbsp;ces montagnes pour des bancs de sable ; mais ilnbsp;setromperaici coname dans les autres observations,nbsp;dont il a taché d’étayer son système sur la tbéorienbsp;de la terre. Ce sable est très-subtil et approche denbsp;la poussierej il est terreux, devient boueux, sertnbsp;d’engrais , fait effervescence avec les acides , etnbsp;par conséquent est calcaire. Celui des collinesnbsp;qui s’étendent de Tongres a Maestriclit, a gauchenbsp;du chemin , est vitrescible , quoique parfaitementnbsp;semblable et également rempli de coquillages; cenbsp;qui s’accorde très-peu avec la prélendue originenbsp;des pierres calcaires, comme TobserveM'quot;. deLuc,nbsp;iom. IV, pag. zzz. Depuis lors , c’est-a-dire , eunbsp;1774* nous avons trouvé un os pétrifié dans unnbsp;bloc de pierre sablonneuse , tiré de ces carrières.nbsp;Ony atrouvéaussi unemachoire de crocodile avecnbsp;quelques vertebres. On la voit cliez M'’. Drouin ,nbsp;officier Franqois au service de Hollande, a Maes-tricht. Elle y est encore acluellement (1778); maisnbsp;il est d’intention de la vendre.

Les Hollapdois montent la garde h Maestricht avec une magnificence extréme ; leur belle cavalerie y figure avec éclat. Les sentinelles sont anbsp;cheval, Ie sabre a la main (cette coutume n’exis-toit plus en 1773). A Namur et a Tournay, ilsnbsp;sont plus modestes. Joseph II les a expulsés de cesnbsp;deux places qu’ils occupoient en vertu du Traiténbsp;des barrières.

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Dé Maestricht k Liege , Ie rivage de la Meuse

est très-riant, mais moins inagnifique que celui

de Liege a Huj^- Celui de Huy k Namiir est fort

* Riviere des sauvage. Le rivage de la Brenta * est peut-ètre

Etats de Vemse, couvert de palais, mais celui deLiege est bien en italic.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^

plus interessant par savariele et ses beaux aspects, entx-e deux chaiixes de montagnes. C’est la naturenbsp;avec 1’alt. Allaht de Huy a Namur , j’ai passé souvent par une petite forêt de buis ;¦ c'est la séulenbsp;que i’aie vue.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'

A St.-Hulxert, j’ai vu la fameuse étole de ce Saint Pontife qu’on y invoque contre la rage. La perpé-tuité de cette étole ést un prödige qui approche dunbsp;miracle proprement dit,s’il n’en est un. Cependantnbsp;il est incroyable combien oii peut óter de petifesnbsp;particules pi’esque imperceptibles , sans qu’unenbsp;cliose paroisse diminuer , sur-tout- si elle a unenbsp;certaine longueur j et dès-lors la conservation denbsp;l’étole de S. Hubert, exige d’autres'preuves pöurnbsp;être regardée comnie un vrai miracle. Le P. Ro-berti, jésuite, a satisfait a tout ce que le P. le Brunnbsp;a écrit conti'e les observances de ceux qui sontnbsp;niordus par les bêtes enragées. Les PP. Martennenbsp;et Duraixde justifient aussi ces pratiques , V^oyagenbsp;Uttér. , liv. 3, pag. zqö”; mais il y a quelques explications peu naturelles, qui montrent fembarrasnbsp;des explicateurs. En , les moines de Saintnbsp;Hubert ont donné de nouvelles loix plus simples,nbsp;et plus aisées k interpreter.

Les chanoines de S. Pierre, a Liege, prétendent avoir le corps de S. Hubert , aussi bien que lesnbsp;' moines de St.-Hubcrtj mais on ne détermine le

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lieu de Ia sépulture, ni dans la Collégiale, ni dans l’Abbaye. II paroit incontestable qu’il a été trans-porté k l’Abbaye , en 817; mais la Maison et l’E*nbsp;glise ayant été réduites en cendres par les Francois,nbsp;en 1554, il y a apparence que ce saint Corps a éténbsp;consume avec Ie reste.

En 1764 . je vis Thionville , Metz, Nancy, la maison royale de Malgrange, Pont-a-Mousson etc.nbsp;— Thionville est une très-jolie ville et une placenbsp;forte. —Les trois places de Nancy sont renomméesnbsp;dans rUnivers. La place royale et la place carriersnbsp;sont au-rdessus de toute exprdsHon. Les Parisiensnbsp;avouent que leurs places, quoique plus grandes ,nbsp;sont moins belles. On voit a Nancy la Chapellenbsp;oü sont enterrés les Dues de Lorraine ; c'est unnbsp;chef-d’oeuvre. Un Conseiller du paidement me dit:nbsp;C’est Ie bijou de Nancy. La Mission ro}rale est imnbsp;palais. — La Malgrange est une maison royale denbsp;Stanislas prës de Nancy; j’y ai vu toules sortes denbsp;curiosités -. un tableau mouvant ou diflérentesnbsp;manoeuvres s’exécutent au naturel; les belles Stations du Hoi Stanislas , monument de la tendrenbsp;piété de ce Prince ; la célebre machine du F.nbsp;Paulus, représentant tous les systêmes astrono-miques , et Ie cours des planetes. Elle fut depuisnbsp;Iransportée au cabinet du Due Charles de Lorraine,nbsp;et y étoit en 1776. J’avois déja vu, a Rheims,nbsp;un fort beau planétaire, mais de beaucoup inférieur a celui-ci, et d’une construction toute différente j tous les mouvemens célestes, les éclipses etc.,nbsp;étoient ici mathématiquement mesurées. II y anbsp;un auIre planétaire a Nancy, semblable h celui

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de Ia Malgrange; il appartient a I’Academie : il indique les heures , les jours , les mois , les ans ,nbsp;les siecles. — Met2S est une très-belle ville; beau-coup de choses y sont en grand j les casernes sontnbsp;des palais. La Cathédrale est haute; l’architecturenbsp;extérieure en est belle. Les deux ponts sur lanbsp;Moselle , Ie pont Ifroi et Ie pont des Marts, sontnbsp;très-beaux. A deux lieues de Metz , au Sud , j’ainbsp;vu Frescati, maison de campagne de l’Evêquejnbsp;les batimens en sont beaux. Le jardiny est d’unenbsp;grandeur extraordinaire, bien cultivé, mais unnbsp;péu trop uniforme»

1765. nbsp;nbsp;nbsp;En i’^65 , je fus h Luneville, fort jolie ville.

Le palais du Roi Stanislas qu’on y voit, est magni-fiquejc’est Versailles en petit. Les cascades, les fontaines, le chateau d’eau, tout y est d'un goütnbsp;exquis. Louis XV dit un jour a Stanislas : Monnbsp;pere, vans êtes mieux logé que moi ¦, ce qui cepen-dant ne peut s’entendre que de la disposition inté-rieure des deux palais.

L’Eglise de S. Nicolas, abbaye de Bénédictins, entre Nancy et Luneville, est antique, mais belle.nbsp;Dom Calmet en a la representation dans sa Lorraine,

Chanteuxs eest une maison royale de Stanislas , balie dans le gout polonois. Rien de plus superbenbsp;ni de plus singulier. Les peintures qui s’y voientnbsp;dans un cabinet, sont attribuées a Stanislas; maisnbsp;elles sont trop abominables pour être l’ouvrage denbsp;ce religieux Prince.

J’ai passé par Blamont, Sarbourg, Pfalsbourg^ place forte; j’ai vu la fameuse descente de Saverne,nbsp;le palais, le jartlin superbe du cardinal de Soubise;

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Strasbourg, la fameuse horloge, Ie palais , la tour qui a , dit-on , 5i4 pieds de hauteur ; Ie fort denbsp;Kelil^ Rastadt, E.slingen, Canstadt, Geislingen ,nbsp;situé entre d’horribles montagnes qui lui dérobentnbsp;Ie jour j Ulm , DllUngen, Dona-wert, Neubourg,nbsp;Ingolstadt, Ratisbonne , PasSaw, Lintz, Crembs ,nbsp;Kicnne, Presbourg ^ Tirnmv. — J’ai vu, entrenbsp;Ratisbonne et Passaw, Straubingen, ville considerable du due de Baviere. Je ne m’y suis arrêténbsp;qu’un demi-jour,

De toutes les villes que j’ai vues , Mézieres est la plus laide , mais très-forte, et fameuse par unnbsp;siege soutenu centre Charles-Quint; Charleville lanbsp;plus réguliei-e ; Luxembourg la plus forte; Nancynbsp;la plus belle Liege la plus grande, la plus riche,nbsp;la mieux située. Monsieur de Pölnitz parle malnbsp;des Liégeois , paree que , dit-on, il a re^u desnbsp;coups de baton sur Ie Pont des Arches. Quoiquenbsp;Liege avec ses fauxbourgs soit très-grande et très-peuplée , elle ne contient pas plus de 8o millenbsp;ames. Si je devois choisir une ville pour ma de-meure, ce seroit Liege (1).

Strasbourg est fort grand, et presque rond j son circuit est d’une lieue et demie. On y compte

1

Espcce de propliétie en 1765, accomplie a 1’extinc-tion de la Société durant l’année que je prêchois a Liege, en 1773. Note de l’Auteur.

II demeura en effet plusieurs années dans cette ville après la suppression des Je'suites. II est a croire qu’il seroit d’unnbsp;autre avis, s’ilrdvoit encore, et qu’il put voir cette ville ennbsp;I’état oil l’a mise un gouvernement re'ge'nérateur. On saitnbsp;comment il a régenéré la France et presque toute 1’Europe.nbsp;R’ Éditeur.

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plus de 4e,üoo ames, dont la moitié est catholique. J’y ai vu Ie P. SauU, qui ayoit été mon prétet knbsp;Rheims, et Ie P. Bddch, que j’y avois aussi coiinunbsp;particuliéreraent. J'ai toujours estimé beaucoup Ienbsp;P. Sault. Le college de Strasbourg étoit beau etnbsp;presque acbevé, quand nos Peres Tont quitté.

Avant d’arriver a Canstadt, j’ai yu de loinLouis-boLirg, résidence du due de Würtemberg , dont la situation est charmante. Canstadt est très-laid ,nbsp;mais très-agréableraent situé sur le Necker. Je suisnbsp;fik'hé deu’avoir pas été loger a Stutgard, qui n’ennbsp;est que peu éloigné, et qui mérite bien plus d’êtrenbsp;vu. C’est a Canstadt que j’ai connu Mr. de Rhein-berg , lieutenant colonel au service de Baviere ,nbsp;qui ne ra’a quitté qua Donawert; je lui ai promisnbsp;du souvenir, ainsi qu’au P. Gold h Ingolsladt, etnbsp;au P. Le Chapelain, a Vienne; ce Pere est cé-lebre; il étoit prédicateur de la Reine de France;nbsp;il Test maiutenant de l’Impératrice (Marie-Thérese).nbsp;— Peu de tems après il perdit l’esprit, et fut trans-féré ailleurs avec une pension de 600 florins; ilnbsp;guérit ensuite, et alia prècher a Bruxelles. Voysznbsp;son art., dans h.Dict. hist.

Ulm est une assez belle ville , bien forlifiée , mais commandée. La grande église est fort belle jnbsp;elleestauxluthériens. Les catholiques enontdeux.

¦A Dillingen, notre college, l’église, la salie de la sodalité, sont d’une grande beauté. — La salienbsp;de la sodalité a Neubourg , est aussi très-belle.nbsp;Celle d’Ingolstadt surpasse en beauté les deux pré-cédentes. II y a dans cette derniere ville un établissement formé par le P. Rem, mort en odeur de

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sainteté *. La chapelle en est très-riche, et tont ce * nbsp;nbsp;nbsp;^

I nbsp;nbsp;nbsp;1 F .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, cie ce rere

fjiiartier qui est une espece cie semmaire, respire Taj7ner,j)i{g. 5i8. la sainteté. Le college est grand et compose de presnbsp;de 200 jésuites. La ville est forte, mais trop vastenbsp;pour être bien défendue.

Ratisbonne n’a rien qui soit digne du grand nom que la diete de l'Empire lui donne. Elle est situéenbsp;a l’orient d’un grand bois , formidable a cause desnbsp;voleui's qui s’y fetirent. La cathédrale nest pasnbsp;belle; elle ressemble a celle de Treves. Le pontnbsp;sur le Danube est fort long j mais il n’est ni largenbsp;ni beau. J’y ai fait connoissance avec le P. Mayer,

Principal de S. Paul, et avec le P. Wegman.

Passaw est extrêmement remarquable par sa situation. Trois rivieres, le Danube, YInn et YIlz divisent la ville en trois parties. Le college et lanbsp;cathédrale sont magnifiques. La chapelle de Notre-Dame de Passaw, placée sur la montagne, n’estnbsp;pas si belle qu’elle est célebre. J’y ai dit lanbsp;Messe.

Entre Passaw et Lintz , j’ai vu, cette même année lySS, la fameuse cataracte et le gouffre dunbsp;Danube;, le Würbel {Charjbdis) , et vers la rivenbsp;opposéele Strudel (5cj//a) , écueil également re-doulable. Ces deux endroits sont procbes l’un denbsp;1’aulre, et 1’on peut dire comme du Scylla et dunbsp;Charybdis de Messine :

Dextrnm Scylla latiis , Icevum, implacata Charybdis

Ohtinet...............

De fameux Scylla de Messine est ruiné ; le roe a été abymé dans la mer : on passe maintenant des-

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sus. On a jeté dans Ie Würbel, des poutres qui ont reparu dans Ie lac Forte, proche d’Edenbouïg.nbsp;Voyez la planche de ces gouffres dans Ie Mundusnbsp;subterr. part. i“. Je soupconne que ces deux fa-meux endroüs sent Ie reste d’une grande cascade ;nbsp;Ie Strudel seroit Ie groupe derochers d’ou partoientnbsp;les eaux, et Ie Würbel seroit Ie gouffre creusé parnbsp;une longue et lente operation des eaux précipitéesnbsp;avec force. La vue de la cascade de Schaffhousenbsp;autorise celle idéé , de laquelle on ne concluranbsp;pas fextrême antiqiiilé du monde , lorsqu’on sauranbsp;combien cette derniere cascade est changée par lanbsp;corrosion et la chute des rochers , depuis 1740.nbsp;— Scylla et Charybdis furent formés en un moment,nbsp;sans l'opération d'une cascade. Foyez Joum, hist,nbsp;et litt. , l Mal zyjS, pag. 11.

Lintz est unetrès-belle ville. Les Francois l’ayant prise en 1741, et y étant en garnison, l’appelloientnbsp;un petit Paris. Nous y avons une belle église; Ienbsp;college du nord , collegium nordicum, nest pasnbsp;moins beau.

Melck est un bourg, ou petite ville, entre Lintz et Vienne , a distance égale de' Tune et de l’autrenbsp;de ces deux villes. II est de la haute Autriche.nbsp;L’abbaye des Bénédictins qu’on y voit, est d’unenbsp;magnificence sans égale ; l’église, la bibliotheque,nbsp;l’appartement oü l’Empereur a logé , sont d’unenbsp;grande beauté. A l’entrée de l’église il y a dansnbsp;une tourelle un escalier remarquable , qui repré-sente exactement la coquille d’un escargot. Cecinbsp;me rappelle l’escalier que 1’on voit a Liege dansnbsp;leglise de S. Jacques ¦, celui-ci est double 5 il se

croise

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croise ct s’embrasse en plusieurs endroits, cl'uiie inaniere a étonner ceux qui s’y i'enconlrent.

Outre la bibliotheque de Melck , jen ai vu de BiLHotlietirKs. belles, h. Liege, chez nps Peres; a Vienne, aussi;nbsp;a Pont-a-Mousson, cliez nos Peres et chez les Pré-inonlrés j a Ingolstadt, chez nos Peres , elle estnbsp;belle et riche; a Echternach, chez les Bénédictins,nbsp;elle est petite ; a Lille , la bibliotheque du Roi; hnbsp;Tirnaw, chez nos Peres, lesliviesmanquent. Cettenbsp;bibliotheque estcepenclant laseule detoute la Hon-grie; encore n’y a-t-il que la place qu’on piiissenbsp;appellerbibliotheque.LaPologneest également malnbsp;pourvue, et j’ose assurer que dans toute la Polognenbsp;il n’y a point une seule bibliotheque qui en méritenbsp;Ie nom, si on en exceple celle de Mr. Saluski.

V’oyezle Joum. hist, et litt. ,Mars 2774,

La bibliotheque la plus complette que j’aie vue, est celle du comte de Palm k Ratisbonne; mais lesnbsp;charabres qui partagent cette précieuse bibliotheque , sont sans ordre , sans beauté , sans dessin elnbsp;presque sans jour. Je regrette beaucoup de ne pasnbsp;avoir vu , a Vienne , celle de Charles VI , qui estnbsp;publique. 11 y a dans cettebibliotheque douze millenbsp;volumes manuscrits, et trois cent mille imprimés.

Fienne. Les fauxbourgs de Vienne , l’église de S. Charles, sont superbes. La cathédrale est an-cienne et belle , la tour vaut presque celle de Strasbourg ; elle est haute de 48o pieds. La grossenbsp;cloche pese 36,4oo livres.

On a mis les beaux f auxbourgs deViénneal’abi i d’une insulte , par de bonnes lignes solidement balies. La circonvallation est immense : il reste en-Totn. I.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;B

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core , enlre les maisons et les lignes, de vastes plaines , ou l’on batira peu-a-peu. Le prince Eugene est auteur de ce plan. Les courses des rebelles Hongrois , qul ravageoient toutjusquauxnbsp;portes de Vienne, ont donné l’idée de ces lignes;nbsp;élevées en i'yo3 , elles ont été depuis considera-blement améliorées et rendues beaucoup plus solides ; les ouvrages sont en maconnerie et très-pro-pres. Ces lignes, avec le bras du Danube qui fermenbsp;le fauxbourg de Léopold, torment une circonfé-rence égale a celle de Rome et de Paris.

J’ai vu a Sclioenbrunn I’Empereur Francois Ier, trois mois avant la mort de ce bon Prince, et lenbsp;Prince Charles. J’avois vu ce dernier h Luxembourg en i'^Si. Le palais et le jardin de Schoen-brunn sont très-beaux.

A Tirnaw, oü je suis depuis le i5 de Mai, il n’y a point d’édifice remarquable après Vobserva-toire des Jésuites , et la pension royale. Celui-lh estnbsp;bien bati, fort liaut et fort large; celle-ci figureroifnbsp;inême sur la place royale de Nancy. La ville estnbsp;laide, quoique considerable depuis la fondation denbsp;Funiversité qui est toute aux Jésuites, el la translation du cliapitre de Strigonie. Je n’y ai point d’autrenbsp;plaisir que de philosopher avec inoi-même (*) , etnbsp;d’entendre la belle musique de notre église.

La musique de Vienne a perdu depuis que le Cardinal Archevêque de Trautson a supprimé les

J’ai été ensuite plus occupé; J’ai enseigné le franjois dans un séminaire, entendu les confessions, ettrayailléanbsp;dill'érentes affaires; et de plus j’ai eu occasion de voir lanbsp;Moravie, la Pologne, et presqne toute la Hongrie.

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trompelies et les tymbales , paree que ces instru-

niens clonnent a la musique ecclésiastique un air

militaire; et pourquoi pas7 Deus exercituum Do-

minus... Terribilis ut castrorum acies... Laudate Jmm. hht. et

eum in tympana. Laudate eum in sono tuhat. Lau- ^dtér., i5 Déc.

date eum in cymbalis henè sonantibus, in cymbalis nbsp;nbsp;nbsp;,

jubüationis. Ce sent les chatrés et les femmes, la P®s- Sg-

musique molle et elféminée qii’il faut chasser des

temples. Gloriati sunt, qui oderunt te in medio so~

leinnitatis tuce. C’est a Liege que la musique ec-

clésiastique est belle.

On m’avoit assuré qu’il y avoit encore des Tem-pliers a Tirnaw; mais on avoit pris pour des Tem-pliers les Cleres habillés de rouge , couleur que Ie Primat Barkocsi a supprimée depuis peu. Journ.nbsp;hist, et litt., zó Jativ. ZjSif., pag. z3o.

Le college de Tirnaw est fort grand; il y a a 5o Jésuites. Cette ville est la pafrie du célebrenbsp;et estimable Sambucus, qui voyageoit de la mêmenbsp;maniere que moi. Voici comme il parle de Tirnawnbsp;dansl’ouvrageintitulé : Emblemata et aliquotnumminbsp;antiqui operis Joan. Sambuci Tyrnaviensis Cano^nbsp;nici, 3“. editio, Antuerpicz, ex ojfic. Christ. Pïan-tini, i56^,pag. z65.

Vrbs^est Pannonicis famd inclyta , libera ,regnis i Tyrnaviam vulgus nomine reque vocat.

Bela etenim regum ditissimus undique cinxit Mcenïbus , ac densam turribus excoluit.

JlcEc. me produxit, lucem,que videre serenam T^ilalesque haustus dulcis alumna dedit.

JIuic rotA,pro insigni ,ccelestis utrinque tuetur iNuntius , et Qhristo pree side tuta manet,

B »

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Tjtque nihil certuvi in nosti is sine nuinine rebus ;

Sic rota, nifirmes , voluilur instahilis.

Messibus ^ et dives Bacclio , mercator abundat, ^rmis jure -potens , clara Deumque metu.

Hanc salvani longos tueatur Christus in annos , Turcicus liic furor , et dirninuatur honos.

Ses tours, ses hautes murailles, ses fossés pro-fonds, quoiqu’aujourd’hui inutiles , donnent a Tir-naw de rintérêt et un aspect imposant. — C’est un mauvais usage d'abolir ces vieilles défenses, sur-tout les fossés. Journ. lust. et litt., l5 Mai ,nbsp;pag. zo8.

En Septeinbre i'j65, j’ai vu Trenscliin dans Ia *ilaheshüciter haute Hoiigiie * , oü nous avons une belle maisonnbsp;^liuermon.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;église ; c’est Ie noviciat de la Hongrie.

La maison de campagne, nommée Sekalka, qui vent dire Koe, est la plus agréable qu’on puissenbsp;voir. On y voit la retraite de deux saints solitaires,nbsp;André et Benoit, dont les Hongrois font la fêtenbsp;Ie 17 Juillet. II y a, a Trenschin, garnison autri-cliieime dans Ie chateau , dont une partie appar-tient au Comte Illeshasi. Cette place est éloignéenbsp;de Tirnaw de 'rö lieues de France. J’y vis Ienbsp;général Reinhart, ancien ami de ma familie , quinbsp;m avoit engagé a faire ce voyage, et qui mourutnbsp;1’année suivanle, 1766.

Le pays, depuis Tirnaw jusqu’a Trenschin, est très-beau et très-peuplé. Ony voit un beau chateaunbsp;appartenaiit au Comte de Reway , et un autrenbsp;magnifique au Comte Antoine Erdödy ; et puis lenbsp;chateau de Betzko , situé au milieu d’une plainenbsp;arrosée par le Vagus. Ce fleuve fait des dégats hor-

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Voyage d’Alep a Jénisalem, i Av.nbsp;‘7795 pag' 495*

1'ibles , et change sans cesse de lit, ce qui Ie fait appeller Vagus. Le chateau de Betzko, qui est unenbsp;petite ville, est situé sur un roe escarpé de tousnbsp;cótés. Le roe est tout nu , et semble avoir été unenbsp;montagne , dont les terres se sonl éboulées , ounbsp;durant le deluge, ou peu-a-peu par les ptuies. Lesnbsp;montagnes de la Palestine sont en grande partienbsp;dépouillées de leurs terres. Les bonnes terres s’é-boulent plus aisément. On voit plusieurs rochersnbsp;semblables k la Chine; et un de nos missionnairesnbsp;atlnbue leur nudité aux mêmes causes.

* 74 ? Exara. critique.

A une lieue de Trenschin , on rencontre un peuplier, qui a 4® pieds de circonférence. On ditnbsp;que les cedres, qu’on voit encore au nombre denbsp;quatorze sur le Liban, en ont 44 (fourn. hist.etlitt.,nbsp;zS Nou. zySs.) pag. %7). J’ai remarqué ailleurs *,nbsp;que tout dans la nature a ses géans et ses nains.nbsp;— VoyezleDict.géogr., art. iVensWc petite villenbsp;de Suabe. Prés de cette ville, qui est du Duché denbsp;Würtemberg , il y a un tilleul, dont le tronc anbsp;'i'] pieds , 4 pouces de circonférence , et les branches, qui se prolongent horizontalement, ont plusnbsp;de quatre cents pieds d'étendue (*).

J’ai passé par treis fameuses villes des montagnes {ciuitatesmontancè), Kremnitz, Neusol, Schemnitz.nbsp;J’en ai rapporté quantité de pierres minérales.

Kremnitz est un endroit horriblement laid, situé entre des montagnes d’une hauteur extraordinaire,nbsp;comme Geislingen en Suabe. II y a un hotel desnbsp;monnoies, ainsi qu’a Nagibania.

{*) L’Editeur de eet Itinéraire 1’a vu avec admiration, le 5 Janvier i8o3.

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( ^2 )

Neusol est une petite ville , jólio , belle mème pour une ville cle Hongrie, et ^gréablement située.nbsp;Les Jésuites y ont un beau college et un tartioratnbsp;(c’est une maison destinée ii un troisieme an denbsp;noviciat, que font les Jésuites avant l’éraission desnbsp;vneux soleranels). J’y suis destine pour Novenibrenbsp;jy ai connu Ie P. Ignace Grenber, auquelnbsp;je dois un souvenir pour les amities qu’il m’a fai-tes (*). Lariviere de Graan, qui passe par Neusol,nbsp;est considerable, et d un grand secours pour Ienbsp;transport du bois nécessaire a la fonte des métaux.nbsp;II sera parlé de Neusol plus en détail, sous 1'an-née i';66.

Schemnltz n’a rien de beau que son Calvaire , qui, pour sa situation , n’a peut-ètre point d’égalnbsp;au monde. Cest une montagne parlaitementnbsp;ronde, qui se termine en pointe, un cóne exact,nbsp;couvert d’une belle venlure. Gelte montagne estnbsp;placée sur une auire comme sur une large base ,nbsp;d'ou elle domine sur toutes celles d’alentour, quinbsp;semblent lui former une couronne. Les stations,nbsp;les chapelles, les domes , sont en grand nombre etnbsp;Irès-bien disposés; touty est d’une grande beauté.nbsp;Francois I®''. y a fait biUir une nouvelle station ,nbsp;lorsqu’il visita Ie calvaire en i'jGi. La ville estnbsp;située dans Ie fond et sur la pente des montagnes.nbsp;Les maisons sont séparées par des jardins et desnbsp;arbres ; c’est a-peu-près comme Achen aux Indes,nbsp;dans 1'isle de Sumatra.

L’Empereur FranQois I®r. a visité ces trois villes

(’'¦) CePcre a étédans la suite Ie premier General de la Sociélé rétablie parPie YII, en Russie,

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en i'jöi , et Joseph II en 1764 , n'étant encore que Roi des Romains. On conserve comme desnbsp;reliques les habits de mineurs , dont ces Princes senbsp;revêtirent lorsqu’ils étoient a Schemnitz; its sontnbsp;enfermés dans des ai'moires vitrées, avec ceux desnbsp;princes Albert de Saxe, et Leopold d’Autriche.nbsp;En 1777, on y ajouta celui de lArchiduc Maxi-milien. Foj. Ie. Journ, hist, et litt., 10 Aoüt IJJJ,

pag. 6q8.

Leopolstadt est une très-bonne place de guei're; eest un hexagone. Cette ville, qui conlient peu denbsp;inaisons, fut batie par Leopold 1®=^, en i665.

Prévidie nest qu’un bourg» mais on y voit une très-belle église de Piaristes , ou religieux desnbsp;écoles pies.

Nitrie , ville episcopale , très-laide , avec un chateau élevé et une belle maison de Piaristes. —nbsp;Entre Nitrie et Léopolstadt, une belle maison denbsp;Camaldules, située dans une grande solitude.

La pauvreté et la mal-propreté des auberges de ce pays-la sont extremes. Les draps de lits n’y sontnbsp;presque jamais changés etc. — En Bohème, mêmenbsp;dans nos colleges, on n’a qu’un drap de Ut. On senbsp;couvre dun lit de plumes qm a touché dix millenbsp;corps. •—En certains cantons de la Hongrie , lesnbsp;paysans portent des chemises enduites de graisse ,nbsp;qu’ils n'ótent jamais. Telle chemise se transmettranbsp;jusqu’a la quatrieme génération.

J’ai passé prés de Kremnitz par une forêt de sa-pins , d’une beauté extraordinaire , quoique fobs curité y cause de 1'horreur en plein jour. Cellesnbsp;que j ai vues en Suabe et en Alsace , ne sont pas

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( =4 )

comparables a cclle-la. Le pin et le sapin ne sont pa's lrès-di(férens. Le sapin est plus liant, plusnbsp;droit, d’un vert plus fonce; ses branches qui con-pent le tronc a angle droit , n’ont que de petitesnbsp;sous-divisions toujours subordonnéesa la direction,nbsp;de la branche principale sur laquelle elles posentnbsp;égalejnent a angle droit; son cone est ovale , longnbsp;et moins dur que celui dii pin. Le pin est divisé ennbsp;branchettes {F^oyezl’liist. des plantes). Le cone dunbsp;pin est plus pointu et plus solide, les feuilles de cetnbsp;arbre sont plus longues, les branches plus étendues,nbsp;inais moins droiles que celles du sapin. Le pin estnbsp;d’un vert plus clair, il est moins droit et moinsnbsp;régulier.

Le cedre a beaucoup de rapport avec le pin. {J^oyez Phys. sacr. ^ tab. xxxv et alibi.') II y en anbsp;de deux cents pieds de haiit. A Solna, aufrementnbsp;Silein et Silina, j’en ai vu quatre. J’en ai vu unnbsp;beaucoup plus grand a S. Jean en Liptovie. Madame Ztentivarim’enadonnéplusieurs cones. Sousnbsp;chaque ecaille de ces cones , on trouve une especenbsp;de noix bonne a manger. Ces amandes sont lesnbsp;graines. C’est d’elles qne viennent les cedres denbsp;Chelsea. Ces cones du reste sont tort seinblables h,nbsp;ceux du pin. Quelqu’un m’a conteste ensuilq quenbsp;ce 1’ussent la des cedres du Liban; mais la description que les naturalistes font du cedre et de sonnbsp;fruit, en particulier celle qu’on lit dans le Diction-naire de Valmont de Bomare, convient exactementnbsp;aux cedres que j’ai vus ici, et qui sont très-diffé-rens de 1’oxicedre. II est bien vrai qu’autrefois lesnbsp;vrais cedres pe se voyoient pas en Europe ; mais

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®n en a planté avec des cones pris au Liban, en-tr’aulres ceux du jardin botanique de Chelsea (i).

A la fin de Septembre i'j65, j’allai a Neuheusel OU Uivar , ville démolie , mais très-célebre dansnbsp;l’histoire de Hongrie; nous y fumes telleraent ac-cablés de puces, que nous Tappellames Pulicopolis.nbsp;Je fis ce voyage avec Ie P. Bozitio , ancien préfetnbsp;de l’observatoire de Gratz, et actuellement prédi-cateur italien a Vienne, homme d’un grand mérite ,nbsp;et leP, Cervus, qui devoit se rendre a Cassaw.

Comorre est célebre par sa situation dans Tangle de Tisle de Schutt, et par ses deux citadelles, quinbsp;sont très-bonnes ; et encore par Ie tremblement denbsp;terre qui, ennbsp;nbsp;nbsp;nbsp;la détruisit presqu’entiérement.

L’église des Jésuites étoit superbe , et la plus belle de la Hongrie et de TAutriche : elle venoit d’êtrenbsp;achevée (2). On a remarqué que la veille denbsp;ce terrible événement , les chiens avoient hurlénbsp;extraordinairement j que les cris des oies , desnbsp;coqs etc. , n’avoient pas discontinue. Cest ainsinbsp;qu’k Lisbonne, ennbsp;nbsp;nbsp;nbsp;les hurlemens des chiens,

et les chants plaintifs des Coqs furent aussi-tót suivis d’un tremblement de terre a jamais mémo-rable. Ce qui prouve la vérité de ce que dit Vir-gile des signes qui avertissent les Siciliens des fer»nbsp;mentations du mont Etna:

(i) Cc jardin a 3 heues dcLojidres ne Ie cede a aucun de ce genre dans toute TEurope; il surpasse celui de Paris etnbsp;de Leyde, au moins par rapport aux plantes de TAmériquenbsp;septentrionale.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1

I 2; Le feu désola encore cetle pauvre ville en 1768.

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Ohscenique canes , importanceque volucres Signa dahant. Quotiès Cjclopur/i effervere in agiosnbsp;J^idimus undantem , ruptis fornacihim , JBtnam ,nbsp;Flammaru tique globos, Uquefactaque qtolvere Saxa !

G-soro. , L. I.

Toute la ville de ComoiTe fut élevée, avec unei partie de I'isle de Schutt, h. la hauteur de cinquantenbsp;pieds, et retomba aussi-tot. Des patres qui étoientnbsp;de I’autre cote du Danube, se disoient: Voyez Co-inorre sur une montagne. La terre s’ouvrit a quelquenbsp;distance du Danube, vers le midi , et on en vitnbsp;sortir des globes de feu. La même chose étoit ar-rivee i6o ans auparavantaux environs de Gomorrenbsp;* Istuanfi, de et de Neuheusel Incredibilis nalurce in suhler-rehitspannonicis.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;cunicuUs operandi potentia. Kirch, mund.

subterr. part, i, prsef., c. 3. II est remarquable que le Dictionnaire geographique de Vosgien, imprimenbsp;avant ce tremblement de terre , dise , en parlantnbsp;de Gomorre : II n’y a pas de ville en Europe, oiinbsp;Ion fasse tant de réjouissances durant Fannie. J’ainbsp;appris depuis un trait plus marquant. « La villenbsp;)) de Fleurs , qui étoit a une lieue de Ghiavenne ,nbsp;» dans le pays des Orisons, vers les confins dunbsp;» Milanez , fut abymée le 26 du mois d’Aout 1618,nbsp;n par une montagne qui se fendit et tomba sur lanbsp;n ville, de maniere qu’il n’en échappa pas uneseulenbsp;Voyageenitalie » personnc, de plus de 3,000 habitans. C’étoit unnbsp;parMr.deLaLan-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;d’agrément Oil les Franckenet d’antres riches

g, éJit. de Paris, )) Milanois alloient passer fautomne : il étoit de-

1769.

» venu célebrepar les arausemens ou les désordres » qui y régnoient. Un ministre zélé avoit menacénbsp;)) les habitans de la colere de Dieu, et Ton ne man-» qua pas d’allribiier a la vengeance divine ce ter-

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'» rible accident ». C’est exaclement et a la iettre, Ie terrible cliatiment dont parloif Job , et qii’ilnbsp;trouvoit si propre a caractériser la puissance et lanbsp;justice d’un Dieu irrité. Qui (ransiulit montes, etnbsp;nescierunt hiquos suhvertit infurore suo. Job.,c. g.nbsp;Ignis succensus est in furore meo, et inontium fun~nbsp;damenta comburet. |}euler., cap. 2, — Onm’avoitnbsp;assure que durantles grands trenibleraens deterre,nbsp;il arrivoit quelquefois que les champs et les mon-tagnes fussent transportés ailleurs par une especenbsp;de liquéfaclion de la terre : je commencois a re-garder cela comme une fable , lojrsque j’en trouvainbsp;un exemple dans Kircher {Mundus suhter. torn. I.,nbsp;p. 240, Z. 4, cap. zo, parag, %, refert JEgidiusnbsp;Neapolitanus'). Mais souvent c’est une montagnenbsp;qui s’aöaisse , et une aulre qui s'éleve. Entre deuxnbsp;grands tremblemens de terre, il s’écoule ordinai-rement un siecle, paree qu’il faut du tems a lanbsp;mine pour ètre en état de jouer. Je n’ai senti de

violent tremblement de terre qu’en 1760, h I.uxem-


bourg; il étoit assez fort pour faire tomber des pots ^ fleurs places sur ma fenêtre.

Graan ou Strigonie est une ville vaste , mais mal balie. Les fondemens de l’église métropolitaine ,nbsp;du palais archiépiscopal , des séminaires etc. ,nbsp;jetés par feu 1’archevêque Barkozi, promeltoientnbsp;beaucoup. On les appelle ici: Surgentes novae Car-thaginis arces. II est incertain si eet ouvrage seranbsp;Continué , pendent opera interrupia minceque mu-rorwn ingentes. Tout étoit dans Ie même état quandnbsp;je fus a Graan en 1767. Il y avoit eu dans cettenbsp;ville une ancienne église superbe, Ia mélropole denbsp;Strigonie : il en restoit une porte de marbre a Ia

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gothique, mals trës-belle. Elle vient cl'être ren-versée par I’inattentioii des oiivriers. J’ai vu i Graan les plus respectables antiquités ecclésias-tiques , et de la monnoie juive et romaine ,nbsp;trouvée dans les fondemens des nouveaux édificesnbsp;qui out remplacé les anciens.

Bude est une trës-grande vtlle, qui en renfevme trois; Arx, qui est proprement la ville, Acjiialica,nbsp;Ratzianica, qui est la ville des Grecs. C’est unnbsp;proverbe ;

Buda jugo , Venetce pelago , Florenlia campo Eminet. Ilis similes quw tibi terra dabit ?

Le nouveau palais et Tarsenal sont magnifiques , maïs la ville n’est pas forte. Placée sur une collinenbsp;commandée de toutes parts, ceinte d’une simplenbsp;iriuraille, elle a fait, en i684 et 1686, une resistance inconcevable. Le premier siege coutanbsp;28,000 hommes : enfin ilfallut le lever. L’archiducnbsp;Mathias , Rogendorff etc., en avoient fait autant,nbsp;On montre k Bude un endroit, d’ou le sang humainnbsp;couloit comme un torrent dans le Danube durantnbsp;l’assaut. On a laissé, par respect, subsister dansnbsp;cette ville un reste du batiment qui renfennoit lanbsp;célebre bibliotheque du Roi Mathias Corvin. II ynbsp;reste encore aussi une mosquée et un minaret (*).nbsp;J’y entrai, pour pouvoir dire que j’avois été dansnbsp;un temple de Musulmans. — La situation de Luxembourg est singuliere; celle de Bude a plus de grandeur. Quelques géographes ont pris celle-ci pournbsp;l’ancien Acinctum / raais il paroit qu’ils se sontnbsp;Irompés.

(*) Tour, cbez les Turcs, faite en forme de clocher, pour appeller Ic people k la priere, et annoncer les heures.

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Pest est une fort belle ville •, fhótel des invalides estun des plus beaux edifices del’Europe. L’hópitalnbsp;général de Lille en Flandre , quoique tiès-beau ,nbsp;ne lui est pas comparable : Ie frontispice annoncenbsp;la demeure d'un Iloi. Les statues,, les tropbées, lesnbsp;inscriptions brillent de toutes parts. Sur Ie frontisrnbsp;pice on lit:

......Quanta per ofquora vectum

Accipio.

VinaiLE.

A Pest commencecette plaine immense, ourien, pas mème un aibre ne borne la vue. Du cóté denbsp;Bretzin elle est rase de toutes parts ; on l’appellenbsp;mare siccum,

Allant de Bude a Albe-royale, i’aivu kMeleck un très-beau nionastere de Camaldules. Les cellules , l’église , Ie réfectoire y sont d’une grandenbsp;beauté. — II n’y a qu’un couvent de Camaldules ennbsp;ï'rance; il est prés de Paris. La maniere de vivrenbsp;de ces religieux est assez semblable a celle desnbsp;Cliarlreux. — J’ai vu a Raab des religieux denbsp;S. Camille de Lellis , et é Tirnaw des Paulins,nbsp;deux Ordres inconnus aux Pays-Bas, Les Paulinsnbsp;sont habillés de blanc, ils se disent disciples denbsp;S. Pauli’hermite. Chez les Camaldules de Meleck,nbsp;j’ai vu , dans une grotte, des pétrifications admi-rablesj c’étoit un groupe de joncs, preuve de lanbsp;rapidité avec laquelle la nature opere quelquefoisnbsp;cette métanjorphose.

Albe-royale n'arien de remarqiiable. Lamaison de nos Peres et leur église sont très-belles, et puisnbsp;c’est tont.

Lac Balatou.

Le lac Balaton est k sept lieues d’Albe. II est

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long de s3 lieues de France, et dans l'endroit oii je l’ai vu , c’est k-dire, k Karesiecert/ jusqu’a Fock ,nbsp;il est large de quatre : on croit voir la mer. Lesnbsp;eaux en sont bonnes, les poissons grands et ex-cellens j les tempêtes y sont fréquentes j je l'ai vunbsp;en fureur; les vagues étoient hautes. On assurenbsp;qu’il communique avec Ia mer j et la chose estnbsp;vraisemblable, puisqu’il y entre fort peu d’eaiinbsp;d'ailleurs; on dit aussi qu’il s’éleve une tempêtenbsp;lorsqu’on y jette des pierres : raveiiture de Loretusnbsp;{Mund. suhterr., torn. II, pag. Il3, édit. iSjB')nbsp;semble appuyer ce conté. Nous enavons jeté plu-sieurs sans eifet; c’est une vieille fable qu’on dé-bite de plusieurs autres lacs , et de plusieurs ca-vernes , dont une a deux lieues de Gratz en Sfirie.nbsp;LeP. Weiland , supérieur de notre maison d’Albe,nbsp;m’a dit que quand du milieu du lac il s’élevoit tout-a-coup de grands flots (ce qui arrive souvent et meinbsp;les navires en danger), c’étoil signe d'une pro-chaine tempête dans 1’air. II paroit en effet que lesnbsp;feux souleiTains et autres exhalaisons de la terre,nbsp;per9ant les eaux et s’assemblant dans l’air, doiventnbsp;y exciter des orages. On pourroitpeut-être trouvernbsp;ici quelques raisons physiques de ces tempêtes oc-casionnées par des jets de pierres, et dire que l’a-gitalion de lean a doruié passage auxnbsp;Esprits qui portent Ie tonnerre,

Impétueux tyrans des airs,

Qui causent les perils des raers,

Et les ravages de la terre.

Quoi qu'il en soit, sit sua cuique fides, sit Jldei liberlas. Gregor. Loretus , apud Kirch. Mund,nbsp;subterr. , part. 2 , pag. 113 , édit. 1678.

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Le P. Jaszlinszki, Vhys. part., Dissert. 3, n». pense que le lac Balaton pourroit bien aussinbsp;commiiniquer avcc le fameux lac de Czirnitz dansnbsp;la Camiole. Les eaux de celui-ci rentrent au prin-fems , avec une partie des poissons, dans le roenbsp;dont elles sont sorties; le Balaton élant trop basnbsp;pour élever le réservoir formé dans le roe , au niveau du lac , jusqua ce que la chaleur de l’été aitnbsp;fondu les neiges des Alpes et des horribles mon-tagnes de Slirie , lesquelles se rendant dans le réservoir et s’élevant jusqua l’ouverture du roe, senbsp;répandent de la dans le lit du lac j mais le senti-nrent de Jaszlinszki est une erreur. Ce nest pasnbsp;après la fonte des neiges que le lac de Czirnilz senbsp;i'emplit, c’est après l’écoulement des eaux forméesnbsp;par les neiges qu’il est a sec , paree que dans cettenbsp;saison les réservoirs re9oivent peu d’eau; les neigesnbsp;ne sont plus, la terre et le soleil absorbent presquenbsp;toutes les pluies. Les pluies d’orage ne se filtrentnbsp;pas ; trop violentes elles se rendent en forme denbsp;torrent dans les rivieres. Ces principes de séche-resse cessent en Novembre , Octobre, et quelque-fois en Décembre,

Mr. Rosset, dans son Poëme sur Pagriculture, LacdcCzimits:-et Mr. Fréron , Année littéraire, , n°. placent ce lac en Hongrie; ils se trompent. Voicinbsp;la description qu'en fait Mr. Rosset, dans une Notenbsp;du Chant IV.

» Sa longueur est de trois milles trois quarts ;

» sa largeur est de deux milles en quelques en-1) droits , et d’un mille et demi dans d’autres. La )) profondeur du lac est de trente-cinq pieds au

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)i milieu, et de douze K quinze sur les bords. Kuit )) ruisseaux s’y déchargent, et, loi'squ’il est a «ec,

quot; ils se précipitent dans Ie fond , sans Ie remplir. n On compte dans ce lac trois isles j ony remarquenbsp;» des fossés ou Ie poisson se retire. Au-dessous dunbsp;» lac est un autre lac souterrain , avec lequel ilnbsp;n communique par des trous et des crevasses. IInbsp;n est environné de grandesmontagnes, deplaines,

» de vastes cavernes ornées par la nature , a-peu-n pres comme la grotte d’Antiparos. Quelquefois » ces cavernes sont seches, et quelquefois ellesnbsp;)) se remplissent d’eau ».

» Au mois de Noverabre (*), on appergoit une 1) vapeur ou nuage blanc qui sort de ces mon-» tagnes, et qui est suivi d’éclairs , de tonnerresnbsp;j) et d’une grande pluie 5 eest Ie signal de la for-» mation du lac, L’eau sort en colonnes des ca-« vernes des montagnes , tombe dans Ie lac , et ynbsp;» jette des poissons , des oiseaux de riviere , etnbsp;1) beaucoup de canards ; ils ont peu de plumes,nbsp;» ils sont foibles et aveugles. Après quinze joursnbsp;» ils recouvrent la vue et reprennent des forces.nbsp;51 On voit jusqu’a cinquante de ces colonnes d’eaunbsp;n se précipiter ti la fois dans Ie lac : spectacle mer-51 veilleux et terrible ».

5) Au mois de Juin ou de Juillet, Ie lac coin-« mence h se desséclier; il est k sec au conimen-5) cement d’Aoüt: l’eau en se retirant, y laisse des 9 poissons et des oiseaux de passage. On y trouvenbsp;1) des broebets, des tanches , des lottes etc. Lors-


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» qu’il est a sec on en avraclie les joncs. Au bout « de vingt jours , on y coupe de très-bon foin.

» On laboure ensuile j on y seme du millet ou »gt; d’autres grains qui prennent un prodigieux ac-» croissement et mürissent en peu de jours. Aprësnbsp;» la récolte , il se forme un excellent paturagenbsp;» pour Ie béiail. Quand Ie fond est entiérementnbsp;n sec, les lievres , les bêtes fauves, les ours y des-» cendent des bois et des montagnes. On jouitnbsp;» du plaisir de chasser dans Ie lieu même oü 1’onnbsp;» avoit pêché peu de mois auparavant ».

J’ai passé bien prés de ce lac en allant de Fiume a Trieste 5 mais il ne s’y voyoit rien dans cettenbsp;saison qui put donner de l’admiration ; il étoit anbsp;sec. Le moment Ie plus curieux et Ie plus intéressant est lorsqu’il se remplit. Revenons au Balaton,nbsp;que nous avons quitté un instant.

Les poissons du Balaton sont fort grands et d’une figure singuliere, ainsi que presque tous les grandsnbsp;poissons des lacs. Ne pourroit-on pas croire quenbsp;ce sont des poissons de mer dégénérés , ou plulótnbsp;modifiés suivant 1’effet que finfluence des eauxnbsp;douces peut avoir sur les animaux indigene^^de lanbsp;mer? Cela peut paroitre raisonnable, si on adraetnbsp;ce que j’ai dit dans VExamen des époques, pag. 131.

II y a , k Véreshérény, prés du Balaton, des escargotieres que j’ai vues , et oü l’on nourrit desnbsp;escargots d’une grandeur inconnue aux Pays-Bas:nbsp;les Hongrois aiment les escargots a la folie. — Ti-hany, forteresse imprenable , est située dans unenbsp;presqu’isle formée par le Balaton. II y avoit en cettenbsp;petite ville une Abbaj’^e de Bénédictins , qui fut

Tom. I. nbsp;nbsp;nbsp;C

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délruite , ainsi que presque foutes les maisons re-ligieuses de Hongrie , sous Ie regne de Joseph II. — Vesprin , ville épiscopale, est située prés dunbsp;lac: il ne s’y voit rien de beau. Eu allant du lacnbsp;Balaton a Raab , j’ai dïiié dans une belle Abbayenbsp;de Bernardins ; jamais je n’ai vu de molnes plusnbsp;polis , plus gracleux.

Entre Ie Balaton encore et Raab, j’ai vu Ie fa-meux monastere fondé par S. Etienne, et situé sur la montagne nomnlée mans Pannonice. Ce lieu estnbsp;en grande veneration dans toute la Hongrië; je n’ynbsp;entrai pas : c’étoit autrefois une forteresse. Voyeznbsp;Martinsberg, Diet, géogr., édit. de i’j87 , ou denbsp;1793-1794.

On voit aussi entre Ie lac Balaton et Raab , la fameuse forêt de Bacon, qui étoit autrefois infestéenbsp;par six cents assassins, qui devinrent ensuite Pan-douj-es ^ sous Trenck. Tout y étoit tranquille quandnbsp;j’y passai: on m’a dit ensuite que les assassins Ba-coniens étoient ditférens de ceux de Trenck

Raab OU Javarin est une belle ville , bien forti-fiée; la cathédrale n’est pas belle. J’ai vu la fameuse porte de Raab , que Vaubecourt fit sauter par Ienbsp;nroy en d’un pétard, ce qui enleva la ville auxTures.nbsp;On y voit aussi un monument érigé par l’Empereurnbsp;Charles VI, en 1731 , en réparation de l’horriblenbsp;profanation de l’Eucharislie , qui fut Ie crime denbsp;la garnison en corps. Le Pape , dit-on (c’étoit Clément XII) , étoit d’avis que lous les coupablesnbsp;fussent sévérement punis , et que Raab fut démoli;nbsp;mais I’Empereur n’en fit rien ; les principaux officiers même ne furent que légérerae'nt punis. D’autres

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m ont dit que quelques soldats avoient été mis k mort, et ont prétendu justifier la conduite denbsp;VEmpereur, mais sans preuves sufSsantes. Voyeznbsp;cesf'aits rapportés exactement etbienéclaircisdansnbsp;VHistoire des sacrileges, edit, de 1789, pag. ’]5.nbsp;Ce Mémoire est de moi-même , d’après les plusnbsp;sürs renseignemens. On a remarqué que depuisnbsp;ce teras-la, les affaires de l’Empereur allerent denbsp;mal en pis. Charles VI, dit Voltaire, dans sesnbsp;Annales de l’Empire, tom. 2 ,Sut constamment heu-reux jusqu’en II perdit aussi-tót Naples et lanbsp;Sicile, et peu après Belgrade avec pi-esque tout Ienbsp;fruit des conquêtes du Prince Eugene. On dit quenbsp;dans cette guerre malheureuse, VEmpereur Francois Ier., alors vice-roi de Hongrie, fut pris k lanbsp;chasse par les Turcs, et que c'est la la vraie raisonnbsp;pour laquelle VEmpereur Charles céda tout-a-coupnbsp;la Servie , la Bosnië , la Valachie, dont il avoitnbsp;une grande parlie depuis 1716. On m’assura depuis que durant toute cette guerre , Francois n’a-voit pas été a Varmée 5 ce qui est faux. Ce Prince,nbsp;suivant quelques Auteurs du tems , étoit encorenbsp;en Toscane , ou il étoit allé passer Vhiver , quoi-qu’il fut général en chef de l'armée Chrétienne;nbsp;ils Vy font rester par ordre expres de VEmpereur,nbsp;appuyés sur des motifs moins vraisemblables quenbsp;tout ce que les Hongrois racontent a ce sujet.nbsp;Marie-Thérese fut sur Ie point d’être détrónée jnbsp;elle perdit la Silésie. La maison d’Autriche mou-rut avec Chai'les VI. La faute de Saül fut en ap-parence plus légere : il avoit épargné les Amalé-cites.

C 2

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(36) ^

Hist, de Ufa- On attribue a rhommage celebre que Rodol-talitédessacnl., jer_ rgndit a rEucharistie , lelevation de sa

pag. nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,

Diet.hist.,art. Hiaison 5 et I’on attribue aujourd’hui les malheurs Charles VI.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ggj. maison a I’exces de clémence de Charles VI,

dans une occasion ou la piété , le zele, le Pontife vouloient la sév’érité. On m’a assure qu’k la sollici-tation d’un illustre scélérat, un page avoit erapoi-sonne Charles , en versant dans le chocolat unenbsp;goutte d’a^ua tophana.

. nbsp;nbsp;nbsp;......nulla aconita bibuntur

Fictilibus j tunc ilia time , cum pocula sumes Geminata.

JuvBs., Sat. 2©.

Le Recteur du college de Bude m’a dit comma une chose miraculeuse , que tous les ans , le 2nbsp;Septembre , jour de la procession qu'on fait ennbsp;action de graces pour I’expulsion des Turcs , lesnbsp;aigles s’assemblent et viennent voltiger au-dessusnbsp;du peuple j mais je crois que le bruit du canon denbsp;la place les fait sortir de leur retraite , qui est dansnbsp;une montagne voisine appellee mans aquilarum ,nbsp;et que 1’odeur de tant de corps rassemblés hors denbsp;la ville, les invite h. venir chercher quelque proie;

Matth.jC. 24j uhicumque ƒuerit corpus, illic congregabuntur et

' nbsp;nbsp;nbsp;aquiloe. La procession se tient long-tems sur la

brêche , on y prêche ; et e’est ordinairement alors que les aigles paroissent: j’ajoute que Ton peut direnbsp;des Hongrois , ce que le P. Schmitt, dans sa bellenbsp;Hist, des Ottomans, dit des Turcs : Gens queenbsp;omnia interpretatur, Les Impériaux ont toujoursnbsp;regardé I’apparifion de 1’aigle comme un bon au-gure. Les anciennes nations, même celles qui

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( 37 )

ïi’avoient pas l’aigle pour armes ou pour étendard , éloient du même avis. Un aigle paroit derriere lanbsp;flotte d’Alexandre, un autre au- dessus de sa tête.

Freinshem., l. IJ, chap. 8. Quint.-Curt., l. IV, chap. zó.

OBSERVATIONS

relatives a la physique , A l’histoire naturelle ,

A LA MINERALOGIE , AUX MCEURS etC.

En 1765 , a Luxembourg, j’ai vu une liarpe enfermée dans un coffre. On en jouoit en tournantnbsp;une manlvellej le son en étÖit extraordinairenientnbsp;fort et infiniment liarmonieux.

Muséum d’I»-golstadt.

A Ingolstadt , dans le Musceuin Orbanlanum , toules sortes de curiosités. Des embrions de toutenbsp;espece. (On peut voir les progrès de I’embrioiinbsp;admirablement gravés, au tom. I®*', de la Physiquenbsp;sacrée, tab. xiii, xivet kxiii) Une momie de quatre Maniere d’em-mille ans , sans presqu’aucune alteration; dans lesnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^

pag. 114.

grandes chaleurs, il en decoule un onguent qui momies , Phys. est un excellent vulnéraire. On dit que la chair j tom. IInbsp;des momies est excellente centre la pleurésie; e’estnbsp;un conte: le peu d’efficacite qu’elle peut avoir, estnbsp;I’effet du baume. — Le type de la célebre araignéenbsp;de Milan, qui éloit de cinq pouces, — Des armesnbsp;de toutes les nations du monde. — Des étendardsnbsp;lures , des queues de clieval, drapeau turc, quinbsp;eonsiste en une pique garnie de quelques queuesnbsp;de cheval. — Un missionnaire Chinois, habille ennbsp;Mandarin, dont void I’origine : Un missionnairenbsp;avoit envoyé ces habits de la Chine -. les PP. d’In-

C 3

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golstadt dresseren! une statue au missionnaire, et Ie revêtirent de ses habits. — Des hamacs , litsnbsp;suspendus oü dorment les Américains. —La chairenbsp;du fameux Eckius , Ie fléau du Luthéranisnie, la-quelje est d’une simpUclté admirable. — Un oiseaiinbsp;de Paradis ; cetoiseauadespieds, raais fort minces,nbsp;et souvent U les perd par maladie ou par vieillesse.nbsp;II S8 repose rarement; eest un oiseau de proie quinbsp;poursuit les pigeons , les verdievs etc. j son plumage est très-beau et très-varié etc. Anie diemnbsp;cïauso coinponet vesper olympo, L'emplacement denbsp;ce Muséum est magnifique ; c’est une des plusnbsp;grandes salles , et peut-être la plus vaste que j’aienbsp;vue; elle est bien éclairée , bien ornée : les buffetsnbsp;en sont de bon goflt. L’Electeur avec toufe sa familie a été Ie voir sept mois après mon depart.

Muséum clu college de Liiutï.

Au Muséum du college de Linlz, en Autriche, il y avoit, et je l’ai vue , une horloge magnétiquenbsp;frès-bien ordonnée. Un génie suspendu montroitnbsp;les heures , un crapaud nageant indiquoit les minutes : les deux gnomons, ou aiguilles , étoientnbsp;dirigés par deux lames d’acier renfermées dans Ienbsp;coffre derhorloge,etassez éloignéesl’unede l'autrenbsp;pour ne pas mèler ni confondre leur action. Lenbsp;directeur de ce Muséum ne voulut point se persuader la possibilité du clavecin électrique; il eédanbsp;enfin, et l’on m’a dit qu’il étoit homme k l’exécuternbsp;sans délai.

A'ienne.

A Vienne, en 1765 , j’ai vu , dans la chambre obscure de l’observatoire des Jésuites, l'astrolabenbsp;etle cadran fixe du célebre Ticho : c’est un présentnbsp;de l’Empereur Leopold Les cadrans fixes ne

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tVifferenl des astrolabes;, qu'en ce qu’ils sont attachés et immobiles dans la méridienne ; la lunette estnbsp;mobile. Je vis aussi alors è. Vienne Ia belle salienbsp;de Funiversité, Ie IS^luséuTn stdticjUG etc,

MENAGERIE DE SCHCENBRüNN,

Schoenliruiin

Le dessin de cette menagerie est très-beau ; c’est une étoile parfaite : le petit dome, qui en fait lenbsp;centre, est le seul édifice qui soit couvert d’ardoisesnbsp;enAutriche. EnHongrie, il n’yen apresquepoint:nbsp;j’en ai vu, que l’Evêque d’Agrie faisoit tirer desnbsp;monfagnes d’Erlau; elles n’ont pas le beau bleu desnbsp;ndtres.

II y avoit alors (en iquot;65) dans la menagerie de Scboenbrunn toutes sortes d'oiseaux rares, des per-roquefs, des corbeaux d’inde, des oiseaux de sympathie, des autruches (*), des insatiables ou grand-

and

' Fhys, saer. f

clou enfoncé, et presque couvert d’une tumeur que la plaie tom. II. avoit occasionnée; faction des glandules digestives et lanbsp;trituration ne contribuant enrien a la digestion, le clou estnbsp;resté presqu’entier. Les poules digerent 1’argent. Si gallinisnbsp;monetam nel argenti vel cupriprojeceris , illani aridènbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lig. g, ch.

degliitient : sed uhi earn per secessnm ejecerint, semi V. Raison de cette esainjam reperies. Pluche, torn. i, pag. do^, ayouequc digestion, iSid.nbsp;les autruches avalent le fer, mais il ne convient pas qu’ellesnbsp;le digerent. Ce n’est pas , dit-ii, pour en tirer quelquenbsp;nourriture , mais pour les aider d hroyer les viandes ,nbsp;qui sont dans leur estomac, a modérer Vaction d unenbsp;chaleur excessive ^ et d déhoucherpar son poids l entree

c 4

{*) II est certain que Tautruclie avale le fer. èelles de Scliffinbrunn en avalent habituellenient; iin de mes amisnbsp;leur en a donnc, qu’elles ont pris ar ec a\-idité. Geile dontnbsp;Scheuchzer nous donne bestomac grave *, y avoit un gi

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gosier, onocrotalus, un casoar (grand oiseau saus plumes et sans alles, couvert d’une espece de sole),nbsp;des aigles de toute espece, des paons blancs etnbsp;autres 5 un pelican (*), un porc-épic, des chameaux,

et les passages des inf.estins. Celle doiit paile Sclieuclizer peut confirmer cette peiise'e. — Tliomas Brown est du mèmenbsp;seiitimeiit après Aldovrandc rjui dit avoir vu a Trentenbsp;uue autruclie dévorer des morceaux de fer, et les rendrenbsp;eiitiers et intacts avcc les excréinens ; Ego fen i frusta de-vorare ^ dum Ti-idenli essem , observavi , sed quce in-coctarursus excerneret. Cet animal loiird et simple, ditnbsp;Léon d’Afrique , qui vivoit dans un pays , oii les autrucliesnbsp;sont communes, avale sans choix tout ce qu’il trouve, ilnbsp;dévore jnsqu’a du fer ; surdum ac simplex animal j quid-quid invenit ahsque delectu , usque adferrum devorat.nbsp;— Selon Ie P. Kirclier, l’autruclie en un jour digere Ie fernbsp;que Ie feu nc consume qu'après un long espace de tems:nbsp;Struthio intro, unum diem ferrum digerit, quad abnbsp;igne nisi longo tempore consumi non potest. Le fer senbsp;fond aisément, maïs sans qu’il se consume.

(’’’) Le pelican est un oiseau de la grandeur de l’oie; il est Iriste et justifie l’exactitude de l’expression de David : Si-milis foetus sumpelicano solitudinis, Psalm. loi («).nbsp;Yoyez-enla figure, Phys. sacr., torn. 1, tab. 248, litt.Y,,nbsp;ainsi que la fable qu’on en raconte {ibid. , pag- 298),nbsp;ct que j’ai entendu mettre sur le compte de l’Ecriture,nbsp;quoique le pelican ne se trouve dans toute FEcriture qu’au

(a) Le passereau dont il est parlé au mème Ps., Vers. suiv. ; yigilavi, et f actus sum sicut passer soUtarius in tecto , n’estnbsp;jX)jnt un passereau ordinaire, mais un oiseau rare et fort triste,nbsp;que les Italiens nomment rnerulo solitario. üii le trouve dansnbsp;les Alpes du Trentin. VoyezJoach. Camera,Symb.,pag. 167.nbsp;Moii pere en a vu un a Bruxelles ; on levend un ducat a Venisenbsp;et a Milan.

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( 4i )

des clromadalres (i), un loir , des nioutons Danois

fort grands, d’autres moutons a grosse queue, tels

qu’on nous les représente dans les relations des

Indes, a cela prés qu’ils ne trainoient pas la queue

sur une petite cliarrette; des oies de toute espece;

un taureau et une vache des Indes ; un lynx , qui

1777 gt;Pag. 601

paroit être Ie loup-cengt;ier* ; une vache , avec une * Joum.hist.et ________ littêr* j i5 Aout

Verset que je viens de rapporter. — Au reste, il n’est pas encore assez prouvé que ce que Pon dit du pelican, savoir,nbsp;qu’il nourrit ses petits de son propre sang, ne soit qu’unnbsp;conté sans aucun fondement. Au moins est-il certain qu’ilnbsp;les nourrit des alimens tirés d’une grande pocLe qui luinbsp;pend sous Ie Lee. II se peut aussi que Ie pelican s’ouvre lanbsp;poitrine, et quïl en tire du sang ; ce qui rend Ie fait plusnbsp;croyaLle, c’est que, suivant les relations, ses plumes anbsp;cette partie sont ordinaireinent rouges et tcintes de sang.nbsp;Th. B rown , Eiieurs populaires , tom. i , p. l (amp;).

(i)Selon Buffbn, les Losses du cLameau ne sont pas naturelles, mais un indice de la servitude, XI, aSo. Lenbsp;dromadaire et le cLameau ne sont pas deux especes.nbsp;5. 8. Grit. « Les callosités se perpétuent, aussi Lien que lesnbsp;« bosses, paria generation n. Buft’. , XI, aSo. V^ideturnbsp;falsa hcEC inassai~um origo. JJecrescunt in lahore etnbsp;fame , crescunt in pinguedine et otio. i'i']. Dubitatnbsp;ipse , et conspectu cameli sylvestris , si daretiir , confir-mari aui expugnari liane opinioneinposse affirmat. aS t.nbsp;— Asinus , antiquissimus porlator sine gibho est, —nbsp;Nee videntur post mille annos aut ainplius gihbuinnbsp;gestaiuri eqiii , qui sicut et asini ubique terrarumser-'vimit : Cameli in sold Asice parte.

(?') Les SS. PP. se sont quelquefois servis de cette idéé pour exprimer Pamour du Sauveur , entr’autres S. Thomas , innbsp;liythmo : Pig pelicans , Jesu Dojnine, 771e i7n7nu7idum viundanbsp;. luo sanguine. Le pélican es 11’hiéroglyplie de Pamour paternel.

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partie dune autre vaclae sur Ie dos (i); un mouton k trois jambes ; différens boucs, des sangliers , desnbsp;daims, des chamois, des capricornes (2).

J’ai vu k Schcenbruim encore , chez Ie jardi-nier hollandois, des plantes de tous les pays du monde 5 des ananas , des aloes , des ichneumons ,nbsp;un palmier (3) elc. — A Vienne de la toilenbsp;d’Asbeste (4). Voyez Kirchar, Mund. subterr.,nbsp;part. 2.,

A Tirnaw, j’ai vu des singes, un diable des bois^ un crocodile, des cochons de mer, la pierrenbsp;*Voy.uneteiie d’asbeste , du papier d’asbeste *, plusieurs pierres

description de ________ ,

rAsbestCj

69.


qui portoit sous l’aisselle uue tcte humaine plantée dans sou corps. De kis rebus fuse in 3lio. Cod. Crit.

(a) Les daims ont les cornes fort hautes et hrancluies, les chevilles plattes : j’avois vu plusieurs daims au pare denbsp;Bruxelles. Si quis dainas et rupicapras distinguat,dieetnbsp;cum Plinio : Rupicapris carnua in dorsum curva,nbsp;damis in adversum. Dama pro clievreuil sumi non potest, quidquid hlaterent qucedain dictionaria. Maliinnbsp;caprum sylvestrem dicere vel capreum. De his vocibus :nbsp;Dama;, dorcades, raxtieso^vx, grammatici certant etc.

(3) Ce palmier a flcuri la meme aiiuée un peu après mon depart de Vienne. Description et repre'sentation du palmier,nbsp;Phys. sac. , torn. 1, tah. i Les dattes, ïbid., torn. 5,nbsp;tab. 525. J’en ai mangé souvent eullongrie. —La feuillenbsp;du palmier séchée devient jaune, prend Ia dureté et lanbsp;flexibilité du jonc, et se conserve de même. J’en ai vu anbsp;Liege ; les Tréfonciers s’en servoient autrefois a Ia procession du Dimanche des Rameaux.

^4) ld asheste ou Vamiante est un mineral compose de fils tres-déliés, plus ou inoins longs, appliquéslongitudi-

suhter.,ystt. a, (i) LeP. Barbier, mon recteur a Liege, a vu uu homme

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précicuses , plusieurs jolles illusions d’optique , toutes sortes de minéraux, toutes sortes de mar-nalement les uns coutre les autres ; il ne se calcine pointnbsp;par Ie fe\i; il ne peut être -vitrifié que par un feu très-violent; les acides n’agissent point sur ce mineral. La pro-priété singuliere de l’asbeste ou amiante est d’etre composénbsp;de fds .si flexibles, et qui peuvent devenir si souples, si onnbsp;y emploie Tart et Tindustrie nécessaire, qu’il est possiblenbsp;d’en faire des tissus aussi fins que ceux que l’on fait avcc Ienbsp;fil de lin et de sole. On file 1’amiante, on en fait une toilenbsp;que l’on jette au feu sans qu’elle se consume, et c’est par Ienbsp;feu qu’on la blanchit: de sale et crasseuse qu’elle étoit, ellenbsp;en sort pure et nette. Le feu consume les matieres étran-geres dont elle est cbargée, sans pouvoir l’altérer.

Pline dit avoir vu une nappe de lin incombustible, que l’on jetoit au feu pour la blancliir. On bruloit dans cesnbsp;toiles les’corps des Rois, pour que leurs ccndres ne se me-lassent point a celles du bucher. Quoique le lin fut plusnbsp;cber que les plus belles perles , ainsi que Pline le rapporte,nbsp;il n’étoit cependant pas beau; il étoit roux, difficile a tra-vailler , et très-court; il venoit de la Perse : c’étoit le seulnbsp;qui fut connu de son tems.

On trouve de très-bel amiante dans 1’isle de Corse; il y en a dont les fils ont quelquefois iu.squ’a six pouces et plusnbsp;de longueur; ce sont les plus blancs, les plus bvillaus et lesnbsp;plus rares. Cette e.spece seroit la plus propre a êire tra-vaillée et a donner une belle toile.

II en crolt encore a Eisfield dans la Thuringe; dans les mines de l’ancienne Baviere; a Jlamur dans la Belgiqne;nbsp;dans 1'isle d’Anglesey, annexe de la Principauté de Galles;nbsp;a Aberdeen en Ecosse ; a Pouzïoles en Italië; a Smynic;nbsp;en Tartarie; enfin, en Egypte. L’art de filer 1’amiante,nbsp;autrefois connu des anciens, est depuis long-tems ignore,nbsp;et mème i présetit ou ne sait point en faire de belle toile.nbsp;Les montagnards des environs de Barrege ont seiilement

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* Voy. Kirclier, cassites *, une optique extraordinaire, qui occupoit cliambre, et i'eprésentoit, en relief, lesnbsp;’nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;plus beaux jardins et édifices de l’Europe, des arcs

de triompbe etc. Tont étoit illumine et paroissoit dans Ie calme d’une belle nuit : cette illuminationnbsp;étoit produite par de petiles ouvertures faites dansnbsp;les tableaux , qui donnoient entrée k une grandenbsp;Inmiere qu’on avoit placée derriere ¦, eest l’ex-pression litiérale du système ridicule des Récolletsnbsp;de Tirnaw sur les étoiles (i). J'ai vu, depuis, la

mie adresse singuliere pour en faire des bourses et des jarretieres.

II ne fuut pas croire que Ie papier d’amianle que j’ai vu k Tirnaw, se fasse avec de la toile d’amiante. C’est unnbsp;amiaiile a fds très-flexibles, et entrelace's de maniere qu’ilsnbsp;formeiit des especes defeuillets. La couleur en est grisatre;nbsp;on l’appelle papier-fossile : il y en a de plus épais, qu’onnbsp;appellectiïr^,ssi^e. On en trouve non-sculement dans lesnbsp;environs du Krapacli, mais aussi dans la vallée de Coinpansnbsp;aux Pyrenees. T^oyez Ie Joui'n. liiat. et litt.^ 15 /'’aV. 1781,nbsp;pag. 279.

(i) Ces PP., dans une tliese soutenue publiquement, disoient que les étoiles étoient des trous, au travers desquelsnbsp;on voyoit Ie plaucher doré du ciel. Uu Jésuile attaqualanbsp;these par eet argument: Un trou ne peut fermer un autrenbsp;Dehisirou', or, une étoile en cache souvent une autre. — Sinbsp;5c. Exam. crit., Jjons PP. eussent restreint leur these aux étoiles fixes,

‘ nbsp;nbsp;nbsp;il eut été difficile de les réfuter : cela est si vrai, que Ie

célebre et estiina])le Derham croit effectivement que les Joum. hist, et néhuleuses sont des ouvertures a travers lesquelles on dé-Utt., iSMai 1786. ^g^Yre Ie ciel empyrée. — Riccioli fait mention de ce sys-lème a 1’occasion des étoiles nouvelles qui disparoissentnbsp;après avoir lui quelque tems, comme cclle de la Cassiopéo

Altnag., torn. 2, pag. i

u-

en 1572,

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même optique avec de nou%-elles pieces, a Liege,

Ie 8Décembre 17d.— J’ai encore admiréa Tirnaw une chainbre o])scure mouvante, oü l’on. voyoitnbsp;toule la ville et les environs (i). —Différenles idoles.

— nbsp;nbsp;nbsp;Le cotton avec sa planle. — Un escargot méfal-lisé, ce quiest très-remarquable (2). —Une écorcenbsp;d’arbre qui sert au même usage que la toile, etnbsp;dont les néopljyles du Paraguay se font des vête-mens (3). — Le portrait d’un anlropophage du

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Ily cn a iint: semblable a l’oljscrvatoire des Jésuitesnbsp;a Vienne.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;Ce petit escargot me'tallisé prouve, ainsi quele cLam-pignon que j’ai vu a Varalya , qu’il ne faut pasbeaucoupnbsp;de tems a la nature pour achever ces sortes d’opérations.nbsp;Ce cbampignon e'toit grand, et si exactement pétrifié, qu’ilnbsp;n’y a pas inoycn de trouyer une plus belle pétrification.

— nbsp;nbsp;nbsp;Mr. Suber, dans ses Lettres sur l’Italië , parle aussi denbsp;deux cbanipignons petrifies, qui se trouveiit dans le cabinet de Mr. Charles Allione, professeur de Botanique anbsp;Turin, et ne paroit pas douter que cette pétrification nenbsp;soit naturelle. Cependant, outre ce que je dis de Mr. An-drassy plus bas dans cette Note, et ce que la beauté dunbsp;champignon rend très-probable, Mr. Schroeter, dans sonnbsp;Léitholog. , fait mention du lapis nstMS, connu et employénbsp;par les anciens pour pétrifier les cadavres. Tom. i, pag.nbsp;104. — Le champignon de Varalya, ci-dessus, avoit éténbsp;pétrifié dans une liqueur pétrificatiye par le baron Jeannbsp;Andrassy, grand chymiste.

(3) nbsp;nbsp;nbsp;L’industrie des sauyages , pour peu qu’on la pro-voque, ne se borne pas au simple nécessaire, comme on lenbsp;dit communément. J’ai yu, en 1776, une petite maison ^nbsp;indicnne, avec tous ses mcubles, très-bien exécutée, pournbsp;servlr de modcle, et donncr un tableau de ces demeuresnbsp;sauyages. C’étoit Touvrage d’un indien de Surinam, quinbsp;pouyoit jüüter ayec les quincailleristcs de Nuremberg,

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Paraguay , eavoyé par un missionnaire. — Des monnoies Turques : elles n'ont aucune figure ,nbsp;mais seulenient Ie nom du Souverain.

En Septembre j'jöS , j'ai examiné les raachiues admirables de Scheannitz (i), dans la haute Hongrie,nbsp;qui servent ^ tirer l’eau des mines , la machine hnbsp;feu de Vinschachten (2) et dans Ie même endroit,nbsp;la machine hydraulique du célebre Mr. Heil, frerenbsp;du Jésuite, grand mathématicien, et préfet de l'ob-sercatoire k Vienne. Ce Mr. Heil est un homme

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Ou trouve toiicliant Neusol ct Schemnitz , heaacoupnbsp;de choses dans Valmont de Bomare, Minéralogie, a vol.nbsp;in-8vo, Paris, 1774-

(2) L’ingéniense invention de cette machine fera un journbsp;une époque brillante dans l’histoire des arts. II est éton-nant que cette importante de'couverte se soit laite ennbsp;France, en Allemagne et en Augleterre pfesque dans Ienbsp;même tems, sans que les inventeurs eussent eu entr’euxnbsp;la moindre relation. Comme les moyens inventés par Ienbsp;docteur Saveri, Frangois refugié en Augleterre, ont éténbsp;reconnus pour les plus simples, l’Angleterre est restée ennbsp;possession d’avoir inontré la premiere a FEurope lesnbsp;pliénomenes de Ia machine a feu. Cependant plusieursnbsp;persoimes pensent que la premiere idee en est due a Papin,nbsp;médecin frangois, professeur de physique expérimentalenbsp;a Marbourg , et membre de la Société royale de Loudres jnbsp;car, outre qu’il a fait counoitre Ie premier, par Ia fa-meuse experience de sa marmite, la force de Ia vapeurnbsp;del’eau, il en a encore parlé dans un petit Ouvrage latinnbsp;qu’il fit paroltreen ifigS. Mr. Blackey, Anglois, travaillenbsp;a nous douner un Traité complet de la construction desnbsp;machines a feu. II sera imprimé en fraujois , et fera suitenbsp;a la description des arts, doune'e par Mrs. de FAcadémienbsp;des sciences de Paris.

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simple et très-modeste c'est en voyant ces machines et les travaux immenses qui sont nécessaires pour arracher les métaux a la terre ¦, qu'on s’éci'ie : C^uid nonmortaha pectora cogis, aiiri sacranbsp;fames'. — Ces machines sont très-différentes denbsp;celles du P. Kircher, part. i., pag, zt3, ^^4 gt;nbsp;Zró. In aliis edit., consule indicem ad vocem Machina hydraulica. — Je vis, a Schemnitz, l’abrégé (Jenbsp;toutes les machines qui servent aux mines; Ie village de Vinschachten s’y voit aussi tout entier, avecnbsp;les souterrains el tous les travaux des mineurs (i).nbsp;Le mouvement d’une manivelle remue toutes lesnbsp;machines; cette piece ne sauroit être assez admirée.nbsp;— A Neusol, on me fit voir la maniere de tirernbsp;1’argent du mercure, l’argent du plomb, le cuivrenbsp;du fer par le moyen du teu , et celle de séparer,nbsp;par le moyen de l’eau , l’or , l’argent, le cuivre.nbsp;Le feu rèverbéralif est d’une activité inconcevable:nbsp;les fondeurs k Neusol, se )ettent pieds nus surnbsp;l’écume (scoria) de l’argent fondu, encore toutenbsp;rouge, sans se brüler.

J’entrai dans ces mines avec le Vicomte de Hö-gengarlen (2) ; elles communiquent avec celles de

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Kircher explique toutes ces divisions, Mund. suht.,nbsp;et Valmont de Bomare, Mineralogie^ 2 vol. in-8vo,nbsp;Paris, 1774'

(2) nbsp;nbsp;nbsp;L’intendant des mines est Comte de la Chambrenbsp;impériale , et son lieutenant Vicomte. — Le Vicomte menbsp;fit preudre le costume de mineur ; c’est un habit singulier.

Les mineurs forment une milice assez jolie : le jour que 3 y fits , le Vicomte leur fit faire 1’exercice pour honorernbsp;«11 Abljd des Prémontrés des environs de Caskaw.

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Schemnitz , qul sont i une lieue de la. J'élois entré anssi auparavaat dans celles de Neusol, qui sont knbsp;deux lieues de la ville, dans Ie He.rrengmnd (vallisnbsp;Dominorum). Elles ont, dit-on, cinq cents brasses ,nbsp;Ou 2,5oo pieds de profondeur. On varie beaucoupnbsp;dans la determination de celte profondeur: coramenbsp;on y entre de cóté , il se peut que , sous quelquesnbsp;inontagnes, elles aient 5oo brasses; mais les verti-cales n’ont ordinaireraent pas 200 brasses. Aunbsp;fond de la mine, il y a un lac qui change Ie fer ennbsp;cuivre en i5 jours de tems. J’en ai apporté unenbsp;belle piece a Tirnaw. — Le P. Kircher , Mund.nbsp;subterr., part. %., pag. 2-/^^ prouve que ce n’eslnbsp;pas une vraie transmutation : les officiers des minesnbsp;sont de son avis. — Je ne descendis point cettenbsp;fois-ci j usqu’au fond des mines 5 mais j’en vis asseznbsp;pour croire,

Esse aliquos Manes et suhterranea regna,

Et contum, stygioque ranas in gurgite nigras , jitque und transire vadum tot millia cymbd.

Juvenal.

On reviendra encore sur cette raatiere dans la suite de eet Itinéraire.

Démons mon-tagiiards.

Ce que Kircher dit des démons montagnards , qu’on a pris autrefoisppur des nains, que Paracelsenbsp;croit êlre les habitans du monde souterrain etc.,nbsp;est encore attesté aujourd’liui par les mineurs denbsp;Hongrie. A Neusol est mort depuis peu un mineurnbsp;qui, jusqu'au dernier soupir, attesta avoir vu unnbsp;de ces nains ou Bergmcennlein. Le célebre Mr. Heilnbsp;assure en avoir vu trois fout récemment. Je n’ainbsp;aucun sentiment sur ce point, que je ne veux ni

affirmer ,

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fiffiriner, iii nier j )6 dis seulement: 3Jultn wcre-dibilia z»era, biendes chosesincroyables sonlnéan-raoins vraies.

Journ. hist, et tér., I Févrieinbsp;788, pag. 186.

Ml’. Genneté dit « que si on ne vent pas consulter )) la raison , on n’a qu’k consulter tous les mineursnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;‘nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'i™*'

1) d'Allemagne, de Bohème, de Hongrie, de Tran-n sylvanie et Ie reste } qu’on trouvera que ces ou-« vviers n’ont jamais vu, ni entendu parler de tels » lutins. n Origine des fontaines, pag. 20y. II paroitnbsp;que ce premier physician de S. M. I. ne les a jamaisnbsp;interrogés ; car , sll l’eüt fait, ils lui auroient ra-conté des choses étonnantes : il n’a pas non plusnbsp;interrogé les houilleurs.

II est remarquable que presque toutes les vaches Vachesetbcenfs

.1 , f nbsp;nbsp;nbsp;T ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;• 1-1nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-1. de Hongrie.

et les boeufs de Hongne sont gris, quoiqu ils soient roux en naissant. An quia in aperto semper aëre

degunt adTibiscum* vicim'squeplanis? atisquoque * Theiss., ri-

color inter monies ubi stahulanlur. Prcetered sunt * nbsp;nbsp;nbsp;°

equi pariter sub dio hiemantes colons varii. — Les vachesdeSuisse, transplantéesenHongrie, restentnbsp;noires, même après plusieurs générations : je nenbsp;sais si elles changent enfin ; cela est a reraarquei',nbsp;et peut seivir dans la question de 1’oxigine desnbsp;negres. Les taureaux sont aussi noirs ou bruns ¦,nbsp;peu sont gris.

On y voit une espece de mouions qui ont des Moutons et comes spirales d'undemi-piedet au-dela-.leschiens chiensde berger,nbsp;de berger sont très-semblables aux moutons ; cenbsp;qu’il faut expliquer par 1’imagination.

On y remarque une espece de melon rouge qui Melons, estparfaitement rond ,tres-sain, d’un gout insipide;nbsp;on le nomme melon grec: il y en a de blancs, qui nenbsp;Tom. I.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;H

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sontqu’une variété de la même espece. Les melons ordinaires sont extrêmement grands aux environsnbsp;de Dtbretzin-, les champs en sont remplis : on en anbsp;plusieurs pour un creutzer.

A Neusol, on me montra la manlere de lirer la couleur verte de leau vitriolique. II en sera parlénbsp;plus amplement dans la suite. — A Schemnitz ,nbsp;chez Ie Baron de Harscli, toutes sortes de mi-néraux tirés des mines de Stirie, du Tirol, denbsp;Hongrie etc. , et amasses avec discernement. —nbsp;A Trenschin, j’ai remarqué 1'oratoire ou prie-Dieunbsp;de Ferdinand II; plusieurs belles reliques;le corpsnbsp;de S. Bemphimius est un présent de S. M. Marie-l'hérese : Ie squelette est très-arlistement lié etnbsp;revêlu d’un habit superbe, qui cependant ne Ienbsp;cache presque pas. — J’ai vu a Raab une momie ;nbsp;une aulre a Presbourg. — La même, a Raab el anbsp;Tirnaw , une corne prétendue de licorne, quenbsp;Kircher {Mimd. subterr., part. 2, pag. By) croit,nbsp;avec raison , être la défense d’un grand poisson ,nbsp;qu’on trouve dans les mers du Nord , et qui se batnbsp;avec la baleine. II dit, ibid., qu’il ny a jamais eunbsp;de licorne, c’est-a-dire, telle que Pline et Elien lanbsp;décrivent; car il est certifié par l’Ecriture-Saintenbsp;et toutes les histoires, qu’il y a eu un animal appelénbsp;rhinocéros (Kirch., ibid.), et Scheuchzer ajoute :nbsp;Qucestio non attinet te an , sed te quid. En lisantnbsp;Bulfon, torn. ii , onreconnoit l’ancien rhinocérosnbsp;a la figure prés. On confond souvent monocérosnbsp;SXGC rhinocéros, paree que, comme dit Scheuchzernbsp;(Phys. sacr., torn. 3, pag 3^6) Est quoque rhinoceros (nasocornis) monocéros, quee vox omnibus

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( )

unicornibus communis est, sed non contrd, — Le poisson dont parle Kircher ci-dessus , est nomménbsp;monocéros, et sa corne est vraiment celle que j’ainbsp;vue en tant d’endroits. On peut voir la figure dunbsp;poisson et desa corne, Phjs. sacr., torn. l, tab. i6,nbsp;lilt. E. On y trouvera aussi le rhinoceros quadru-pede , ibid., torn. 3, tab. 3i3. On en a vu un anbsp;Luxembourg ily a i3a i4 ans. J’ai vu depuis, anbsp;Trenschin, durant un second voyage que j’y fis ennbsp;Septerabre i quot;jfifi, la corne du véritable rhinoceros,

Ce que dit Kircher, ibid., pag. S'j, des fossiles, qui ont la forme d’une corne , est une chose cer-laine. II y a ici, au college de Tirnaw, une de cesnbsp;cornes, fort grande et fort épaisse, quoique d’unenbsp;forme différente de celle que l’antiquilé a attribuéenbsp;a la licorne. C’est la corne d’un morse ; la Sibérienbsp;en est pleine.

J’ai vu a Tirnaw faire de la poudre k canon , tirer et preparer du salpêtre d’une terre grasse. Ennbsp;plusieurs endroits de la Hongrie, j’ai vu des buffles,nbsp;des cigognes, des bistardes, des taureaux terribles.

A Presbourg , j’ai remarqué dans la pharraacie de nos PP., un basilic, la machoire d’un dauphin,nbsp;différens coquillages curieux , divers embryons jnbsp;entr’autres un ours de la grosseur du poing, très-bien formé, et aussi bien développé que la mère ,nbsp;ce qui prouve la fausseté de ce qu'on débite tou-chant la formation de eet animal. Un poulet, unenbsp;oie h quatre pieds. — Plusieurs de ces vers, quinbsp;ont rongé il y a quelques années, les vaisseaux etnbsp;les piliers a Amsterdam ; ils sont de la grosseur etnbsp;de la longueur d’un doigt; il y en a un métamor-

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(5.)

phosé en papillen. Sur ces vers qui rongent même les vaisseaux,Pluche fait cette reflexion ; « Ainsinbsp;« ces vaisseaux formidables , qui portent des ar-igt; mees entieres, qui vomissent Ie feu de toutes parts,

» et qui paroissent la gloire et la süreté de l’état,

» redoutent eux-mêmes la morsure d’un foible I) animal. Dieu n’emploie qu’un ver, pour fairenbsp;n sentir aux hommes la fragilité de leurs plus beauxnbsp;» ouvrages. Ce ver a quelquefois répandu l’alarmenbsp;)) dans une des plus florissantes républiques denbsp;)) FEurope ». Speet, de la nature, torn. 3,pag. ZOZ.

J’avois vu a Liege en i’jdi et années suivantes, au muséum des Anglois, les plus belles machinesnbsp;pneumatiques de toutes tormes ; des telescopesnbsp;newtoniens ti'ès-bien executes. Ceux de Tirnaw,nbsp;faits par Ie P. Borgias Kéry (1) sont moins beaux ,nbsp;mais excellens, et pour Ie moins égaux k ceux denbsp;Liege. L’observatoire y est beau et bien bati, quoi-que peu solidement. L’horizon y est bien dégagé,nbsp;et beaucoup plus favorable que celui de Vienne.nbsp;J’y ai assisté plusieurs fois aux observations quinbsp;s’y faisoient; la lune paroissoit fort grande , sesnbsp;laches étoient très-bien exprimées, telles que Kir-cher les représente , Mund. subt., z. part., pag.nbsp;fö.. On y voyoit aussi les laches de Jupiter; sesnbsp;satellites paroissent fort petits dans tous les téles-copes. Le soleil n’a point Ie limbe dentelé que Ie

1

Le célebre P. Kéry vit encore a Tirnaw, en 1766 : son Histoire byzantine , sa Dissertation sur la lu~nbsp;miere etc., sont cstimés. II est nommé dans VApologie denbsp;l’institut des Jésuites , pag. 807.

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P. Schemer a cru y voir, amp; Rome, l’an i635. Peul-ètre n’est-ce qu’uiie gentillesse du graveur ,nbsp;pour exprimer Is feu. Le soleil est sans tache de-puis assez long-tems; quelques newtoniens s’ima-ginent que ce délkut de taches annonce le besoinnbsp;de quelque comete, dont l’engloutissement réparenbsp;les perles du soleil. Le ii de Mars i';;66 , j’y ainbsp;remarqué trois taches fort petiles, a deux doigtsnbsp;de lextremite supérieure, Vénus paroit dans uiinbsp;de ces telescopes(1)qui est de 4 pieds 3/4,cominenbsp;la lune coiisidéi ée sans lunette. L’anneau de Sa-turne y paroit aussi très-bien. Ceux qui croientnbsp;voir les satellites de Jupiter dans les miroirs ordi-naires, sont ti ompés par une illusion d’oplique ,nbsp;causée par l’inëgalité du rairoir, J’ai vu soutenir cenbsp;point avec une opiniatreté incroyable, quoiquenbsp;toutes les regies de la catoptrique dussent détruirenbsp;cette idéé. Je crois que eest a-peu-près de la sortenbsp;que le Capucin Rheita a vu , a Cologne, de nou-veaux satellites autour de Jupiter. Les astronomesnbsp;se soiit mis a la torture a cette occasion-

Les astrolabes , les cadrans fixes sont aussi trës-beaux k Tirnaw. Les micrometres y sont ex-cellens : celui dont se sert ordinaireraent le P.

1

II y a de ces telescopes qui sont de la fagon de Casse-graine et qui renversent les objets; il y en a aussi de la fa^on de Jacobusnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^ veritable itivcnteur du teles

cope ; ccux-ci peiivent servir pour les objets terrestres. La plupart sont newtoniens; mais le P. Kéry y a fait desnbsp;cliangemens avantageux. On peut voir la difference desnbsp;telescopes de Newton et de Cassegraine, inst.

Scherffer , pag. 258 e( suiv.

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Weis ( I ) , donne , dans une revolution qui est divisée en loo part. , i min. , lo sec., 55 tierces.

Le basilic. ^ 7 auroit bien des remarques a faire sur Ie basilic que j’ai vu a Presbourg (a).

ïo. Cel animal a des pieds , il est ailé , sa queue est noueuse ; it est tel en un mot, qu’on peint lesnbsp;dragons : il est done sur et démontré qu’il y a desnbsp;dragons, cest-k-dire des serpensailes j etKirchernbsp;a raison d’appeller ohstipi capitis homines, ceuxnbsp;qui en nient 1 existence. Le lézard volant ne rem.:-pliroit pas toute I’idee d’un dragon.

20. Kircber, Mund, subt., part. %, lib. 8, cap.Zf

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Ce P. est renomme : il imprime tons Ics ans ses Observations : il est en correspondance avec les Parisiens; dunbsp;reste fort simple, etpayant, comme j’ai dit, sont tributnbsp;aux mathe'raatiques.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;Les serpens a sonnettes peuvent être regardés commenbsp;des serpens courounes, dont j’ai entendu aussi contesternbsp;1’existence : erreur. Cette sonnette n’est pas sur la tête,nbsp;inais an bout de la queue. — Serpentempulchre variega-tum reperi in agro quodam patrio} Luxemburgensis.nbsp;Embriones vidi Posonii (Posen). Miras serpentumnbsp;figuras -videre est apud ScJieuchser , Phys. sacr., tab. i.nbsp;Tab. 606, 662, 653, 654,655 , 628, 629, et tom. 7.

passim. — .An serpentes detruncati uiaant iitrimque , cum Augustino et Ponneto diversis in locis disserui.

¦— Serpentes , etiam perniciosissimi , raro Irsdunt non initati; mansuescunt i/iierrfw/n.. Vide exempla, Phys.nbsp;sacr., tom. 6, ad tab. 606.

Dieu voulant pourvoir a la surete de I’homme, a rele'gue les dragons et les monstres venimeux dans les antres et lesnbsp;deserts.

. nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. Pater omnipotens speluncis abdidit atris ,

Poe metuens.

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( 55 ) _ nbsp;nbsp;nbsp;-

nous assure que le basilic nail oe 1 ceuf d un vieiix coq. Basiliscos cx oi^o galli vefeiis nasci alatos,nbsp;adeb hodiemo die innotuit, ut quis temeranus ha-beri censeatur, qui id iiegare insolentius vdit. Lenbsp;basilic ressemble assez au coq.

3”. On dit que le basilic tue par son regard *. nbsp;nbsp;nbsp;* negat,

Ceux aui connoissent Tefficacité incroyable de cer- Th. Brown, £/-

VjcuAv.| nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;j ^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;reiirs pnpulairefi,

tains venins, n ont pas de peine a concevoir que cet nbsp;nbsp;nbsp;j ^ p^g. 269,

animal, fixant sa vue sur un oblet, puisse lui en- BufFon, Ihst. voyer par les yeux assez de poison pour le tuer (i).

Les terribles serpens de I'Orenoque, qui enveloppen! , une demi-lieue a la ronde , les lions , les tigres , liommes, cbevaux etc., d’une atmospberenbsp;venimeuse , sont bien plus admirables : tout estnbsp;attire vers le monstre, tout en est sued, comme lanbsp;belette est attirée et sucée par le crapaud. Lesnbsp;PP. de Trevoux se servent de ce dernier fait quinbsp;est constant , pour appuj'^er le premier qui estnbsp;atteste par nos missionnaires (2).

(1) Quod utiqiie non fit nisi vindenti spii'itds ofii-cacid. Kircli., de Basilico. Mund. subt. , part. 2 , lib. ix , cap. 5, de SympaiJdd. Sic fascino se amaiites infi-ciunt etc. , ibid. Elegam ille locus est.Morbusnbsp;quidam Jioirendus, Danse de S. Jean, obtutu liauritur.

Voyez Trevonx, art. Danse. Mem. de Trevoux, 174^^,

Janv., pag. 32.

{ibidem Jiabet Scheuchzer, Pliys. sacr., tom. 5, pag. 768. Etiam altissimas aces trahunt et eelerrimènbsp;volantes; ridere tarnen vuletur, nescius rem esse certain.

Molem serpentisprobat, tom. vi, tab. 628. — yives trahi infontem mineralem in S. Joanne ad Carpathum , innbsp;aprico est. Fontem ipse vidi. — On assure qu’il y a en

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Vins de Hon- nbsp;nbsp;nbsp;vins dc Hongrie sont excellens, comrae tout

Ie monde sait. On regarde constamment Ie Tokai pour Ie meilleur de la terre; maïs comrae la bonténbsp;du vin depend aussi du goüt et du tempérament,nbsp;qui sont diöërens dans tous les hommes , on nenbsp;sauroit tout-k-fait décider la-dessus, comme je Vainbsp;écrit ailleurs , aprës Malebranche. Je pense quenbsp;pour les vieillards, Ie Tokai est, généralementnbsp;parlant, Ie meilleur ; Ie Monte-Pulciano me plaitnbsp;davantage. Le Champagne encore pétillant, sur-tout le mousseux , peut paroitre préférable auxnbsp;jeunes gens (mais il est mauvais pour les gensnbsp;d’étude , souffrant des nerfs , ou suiets k des af-

' nbsp;nbsp;nbsp;feclions rhumatismales). Le vin d'Edemburg est

trës-bon. CeuxdeBude sont dediff'érentesespeces; ils sont d’un rouge foncé et d’un goüt assez analogue au Bourgogne; je préf'ere le vin de Graan.nbsp;Celtn d’Agria est aussi très-bon. Mais quoi! j’ou-bliois VHongria ; eest le roi de tous les vins. Lenbsp;vin du Necker, en Allemagne, est le plus sain quenbsp;j’aie bu, mais il n’est pas flatteur. — Voyez lesnbsp;qualités du Tokai, dans la Dissertation de Samuelnbsp;Dombi, de Vino Tokaiensi, 1^58.

En i'j66 , i’ai vu a, Tirnaw une belle et ample collection de coquillages , envoyés de Trieste,nbsp;L’étoile marine , Concham Sli. Bernardi, oü l'onnbsp;trouve une petite écrevisse, qui détruit le poisson;nbsp;on appelle celte écrevisse : le pauvre homme, Vher-jnite Bernard {Foyez Pluche, Speet, de la nature,

Espagne une fontaine qui attire tout. Celle de S. Jean, en Hongrie, attire sürement les oiseaux : a moins qu’on n’aimenbsp;mieux dire qu’clle les tue par la force des esprits minéraux.

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tom. 3y pag. nbsp;nbsp;nbsp;ffjppocampas , quce Jonnicis

objectce et ad ossa usque cxesce, mirarn Jiguram exhlbent. (^Mundus suhteri'., part. 2., pag.

Pinnasmarinas. J’aivuaussi unscorpion, qn’on nourrissoit avec des mouches et du bois pourri.

Je remai'que, on passant, qu’il y a differentes es-peces de scorpions. Elien en compte jusqu’a neuf.

J’ai remarqué , a notre maison de campagne, des oiseaux extraovdinanes et fort petits , qui cou-roient les murailles perpendiculairemnt comme lesnbsp;lézards.

A 8 lieues de Tiruaw, j'ai visité les caveaux de Caveaux Cheita , si remarquables par leur arcbilecture, etnbsp;par la nature des voutes, qui ne sont failes quenbsp;d’une terre argileuse fort dure ; il y en a qui ontnbsp;Irois étages. Firma terra est, dit Turoczi, et solidinbsp;ad insiar muri... slant celloe alice super alias , quinnbsp;tarnen quidquani vitii faciant. On passe de 1’un è.

I’autre par des canaux extrêmement étroits, que j’ai parcourus , en rampant, avec un enfant quinbsp;portoit la lumiere , non sans crainte de nous y engager a ne pouvoir en sortir aisément, k cause denbsp;la multitude des cliemins, qui font tres-facilementnbsp;oublier fentrée. Quelques-uns pensent que cesnbsp;caves ont été faites par \ts Hussites-Adamites, quinbsp;s’y retiroient, ou pour y faire leurs abominations,nbsp;ou pour se derober au zele des Catboliques (*).

{*) J’ai vu un autre souterrain magnifique a Luxembourg : c’cst un labyriuthe immense a plusieurs e'tages, bati par les Francois. On y entrc par-dessous un caraiier,nbsp;pres la Porte-Neuve: on croit ctre dans le fameux Templenbsp;deSérajüs. Ouvoil, dans la memeville, leBouc, grand

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C’est dans une de ces caves , que s'est passee rhistoire terrible de la Comtesse Baitori, mavieenbsp;au Comte Nadasly. Elle sacrifia six cents filles knbsp;sa beauté, selavantavec leur sang, pour se blanchirnbsp;le teint. Cette scélérate prit ensuiteplaisir a mangernbsp;la chair humaine, et k lt;voir expirer ces filles dansnbsp;les plus affreux tourmens. (^Quisnani hominum,nbsp;quern tu delicto videris uno, contentuml Juvenaz'^^nbsp;Cette histoire est certaine , quoique plusieurs ynbsp;ajoutent des circonstances fabuleuses. Res cerlis-sima, etnullius auctoritale elevanda, dit le P. Tu-roczi, Hangaria suis cum regionibus , pag. z8g.nbsp;Le nomdu dénonciateur est écrit sur la voute de lanbsp;cave : Felix Spring, tffzo. Le Palatin découvritnbsp;le crime en 1610.

Toutes les circonstances de cette liisloire se trouvent dans les registres du Palatin Turzo , jugenbsp;de ce crime. Le P. Kaprinai, qui travaille ici anbsp;Tirnaw, a la diplomatique de Hongrie , est ennbsp;possession d’une piece autbenlique du proces. Onnbsp;a cependant résolu desupprimercelte histoire dansnbsp;une nouvelle édition du P. Turoczi, pour ne pasnbsp;irriter la familie de Nadasty j celle des Battori estnbsp;éteinte. C’est ignorer les droits de l’histoire : ellenbsp;doit déV oiler les grands forfaits, commeles grandesnbsp;vertus, montrer jusqu’ou peut s’élever une bellenbsp;ame, et quelle est la profondeur de l’abyme oiinbsp;entraine le crime. Je ne sais si le monde a vu pa-reille afrocité depuis qu’il exisle , qua tragcedid

roe creuse' depuis peu, et qui est uiie vraie mervcille. — Ces sortes de souterrains ne sont guere propres a une boniienbsp;defense j on y est étoulïé par la fuméc.

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trlstiorem an sol unus post homines natos viderit,

on natio ulla unquam audierit, jure dubites, dit le

P. Turoczi; il désespere de trouver croyance, vix journalhist. et

sperabam , tania est facti atrocitas , fidem

quemquam me inventurum.

Je montai, durant le même voyage, sur la haule montagne de Témcstirn, ou il y a un chateau ruiné,nbsp;et d’ou Ton voit Presbourg , qui en est éloigné denbsp;quinze lieues, Tirnaw, les Comtes ou Comitalsnbsp;(C'est ainsi qu’on nomme les provinces en Hon-grie), de Presbourg, de Trenschin, de Comorre,nbsp;de Nitrie , de Strigonie. Rien de plus grandnbsp;qu’un tel coup-d’oeil : la grandeur de Dieu , la pe-titesse de la terre , s’y voient comme dans unnbsp;tableau. « La, les grandes villes paroissent commenbsp;» des points , les plus vastes régions comme unenbsp;« poignee de terre. C'est ainsi que le philosophenbsp;1) les envisage toujours ; et quand I'ceil s’unit hnbsp;n I’esprit pour juger de la petitesse de la terre, sanbsp;» fausse grandeur peut-elle en imposer 7 » Lettrenbsp;d Mr. D***. Assis sur un roc escarpé , je me livrainbsp;aux réflexions les plus consolantes, mon ame sem-bloit s’étendre avec ma vue. Regna terrce ^ cantatenbsp;Deo; psallite Domino. Cette montagne m’a biennbsp;trompe j de loin elle paroit petite : je croyoisnbsp;pouvoir en atteindre le sommet en une demi-beurenbsp;en partant de Stréda; j’y ai mis trois heures. Ce-pendant, ce n'est qu'un nain vis-k-vis du Krapach.

-— On trouve sur cette montagne, ainsi que sur le Krapach, des pierres précieuses : il faut être versénbsp;de longue main dans l’étude des joyaux pour pouvoir les connoitre; les Autrichiens aiment ces sor-tes de recherches.

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Bains de Porte-

ny,

littér.

gt;789

15 Mars

J'allai, vers le niême terns, a Porteny (*) , o'i il y a des bains celebres, dont j’ai fait usage :nbsp;1’eau en est si cliaude, qu’un poulet y est cuit ennbsp;peu de terns; elle bout continuellement. La sourcenbsp;de cette eau sort du milieu du fleuve Vagus; cenbsp;qui me fait croire qu’elle communique avec cenbsp;fleuve, c’est qu’elle croit et decroit avec lui. Ellenbsp;s’en sépare prés de Trenschin ou ailleurs , en senbsp;perdant dans quelque gouffre; apres quoi elle passenbsp;par des minéraux et des feux souterrains, et senbsp;rejoint ensuite au fleuve. Je connois plusieurs fon-taines qui communiquent ainsi avec des rivieres ,nbsp;et qui en derivent. Oij a forme depuis-lors, a Porteny , une petite isle dans cet endroit du Vagus ,nbsp;au milieu de laquelle est creusé un bassin, pour ynbsp;recevoir I’eau minerale. Du reste, cet endroit estnbsp;fort négligé , quoique le concours y soit grand jnbsp;Journ. hist, et on n’y trouve pas une babitation honnète. —; Onnbsp;peut voir De aquis et ignibus suhtei-raneis, Mund.nbsp;suhterr., part, l , lib. 6, cap. 6, de cestu et calorenbsp;thermarum ejusque causa; etquomodh ex adeb dif-^nbsp;ferenti mineralium tincturumisceantur; ubiet totiusnbsp;natures operationis schema exsculptum habes. Innbsp;Budensibus pisces sunt palmaris rnagnitudims, etnbsp;ad epulas boni.

Chateau et jar- H 7 S’ gt; ^ lieues de Tirnaw, un jardin magni-dinduComtePalfi fique, apparfenant au Comte Charles Palfi. Le

a Kiralfalva. nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;______

(*) J’ai fait ces petits voyages avec le P. Demeter, jeune homme d’un naturel charmant, et d’lme conversationnbsp;agre'able, et avec le P. Schmetzer, grand antiquaire et rai-dailliste, homme philosophe, ennemi de la nouvelle phi-losophie et de tout ce qui y conduit.

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chateau est vaste et asscz beau ; Ie jardin passe pour Ie plus beau de la Hongrie (i). Le 3 Juinnbsp;1766 , ie piis la poste pour y aller et en revenirnbsp;le même jour. Le village ou le chateau est situé ,nbsp;s’appelle Kiralfaha. Je trouvai, en effet, que cenbsp;jardin renommé méritoit un petit voyage ; on ynbsp;trouve de grandes variétés et des scenes très-riantes. La salie des festins (2), le thédtre, \her-mitage, sont jolis; Vorangerie est aussi très-riche ;nbsp;tout cela est piquant dans un pa3's que les Turcsnbsp;ontdévastétanl de fois, et qu’ils ravageoient encorenbsp;en i683. Le labyrinthe est détruit (3). On y voil

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Les jardiiis sont peu cultive's en Hongrie; ony clier-cheroit en vain Tagrcment et 1’élcgance, on y trouve knbsp;peine le nécessaire et l’utile. Je n’ai point vu de fleuristenbsp;dans tont le Royaume. Les tulipes , les anemones , lesnbsp;renoncules, les orcilles-d’ours y sont sans clioix et sansnbsp;tonn eur. Les Liégeois, et sur-tout leurs clianoines, excellentnbsp;dans la culture de ces fleurs. — Voyez Pluche , Speet, denbsp;la nat,, torn. 2, pag. 44*

(2) nbsp;nbsp;nbsp;La salie èsx, festins de Versailles est magnifique,nbsp;par la quaiitité des jcts-d’eau qui en font le centre. C’est cenbsp;qui manque a ccUe de Kiralfalva. Nota. Celle de Versaillesnbsp;est détruite.

(3) nbsp;nbsp;nbsp;II paroit que le goüt des lahyrinthes se perd ge'né-ralement: celui de Sclioenbrunn est aussi fort endommagé.nbsp;— Voyez les Reflexions sur les beaux jardins, les aspectsnbsp;pittoresques etc. Journ. litt. et hist., lyyS, Avril,nbsp;2e. pai-t. ,pag. 548. — Les labyrintbes, pour ètre un peunbsp;compliqués, demandent un trop grand esjrace et un grandnbsp;eutretien , a raison des cliarmilles ou autre genre de haie.nbsp;Si elles sont trop rapproebees, elles s’étouffent les unes lesnbsp;autres ; si pour y faire circuler 1'air, on les fixe a 3 ou 4nbsp;pieds de liautcur, l’intérct du labyrintbe est affoibli par Ia

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un grand vivier de tortues, testudinetum (*), et un pare de mille faisans ,fasianctum, en langagenbsp;du pays, mais formé sur Ie génie du latin.

La collection des plantes rares est estimable; je crois cependant les avoir vues toutes k Schoen-brunn. On y voit des ananas , des aldès de toutenbsp;espece, un arbre melonier, de la liauteur de ¦j knbsp;8 pieds , dont Ie fruit ne réussil pas toujours ; onnbsp;Ie nomme papajol. — Une haute plante sans feuillesnbsp;et sans branches , appelée candela peruviana. —nbsp;Une espece de serpent végétatif, qui croit ou dansnbsp;vue qui en de'couvre Pcnsemble, et qui instruit celui quinbsp;s’y promene, du point ou il se trouve.

(*) Les tortues sont fort communes en Hongrie : je n’en avois vu qu’k Liege. On en a pris une prés de Livournenbsp;cetteaimée 1766, au moisde Juillet, qui pesoit 1,^00 li-vres [Gazette de PreshoiirgAoüt ijGÖ). Creditepos-teri. Le boeuf Ie plus grand, dont j’aie ouï parler, n’ennbsp;pesoit que 1,600; [a) la tortuc pouvoit aller de pair aveenbsp;lui. J’en ai vu tine a Yienne, en i ^6^, qui pouvoit pescrnbsp;au plus 3oo livres; elle passoit pour un géant entre lesnbsp;tortues. Celles des Antilles out des têtes égales a celles denbsp;grands vcaux. En Sicile, on voit des écailles de tortuesnbsp;assez grandes pour couvrir des carrosses, et pour servir denbsp;barques a trois ou quatre personnes [Suspecta mihi fidesnbsp;hominis licEC narrantis).

Les tortues franches ont jusqu’a Gay pieds de longueur depuis le bout du inuseau ju.squ’a 1’extre'mité de la queue,nbsp;ct pesent alors jusqu’a 800 livres.

^a) En 1^83, on a vu, a Bruxelles, un boeuf venant des Etats du Prince de Badc-Dourlach, pesant 3,840 livres, haut denbsp;6 pieds 1 pouces , long de 11 pieds 6 pouces , ayant 11 pieds denbsp;circonférence, agé de 6 ans, et hermaphrodite.

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la terre , ou dans la pierre, cereus serpens minor.

Ficus indicce: ces figuiers sont d’une forme singuliere , sans feuilles et sans branches proprement diles. On croit voir des figues applaties, attachéesnbsp;les unes aux autres; an bout de ces figues-bran-ches, naissent quelquefois des figues réelles, qu’onnbsp;pourroit manger , sans leur extréme douceur. —nbsp;(^uelques aloës, devenus arbres; les feuilles ennbsp;sont plus courtes et plus dures : il y en a de 3 ounbsp;4 pieds de hauteur. 11 ne faut pas les confondrenbsp;avec la/oës arhre, dont parle Scheuchzer, Fhys.nbsp;sac., torn. 3, tab. 5z7. II est faux que les aloës nenbsp;fleurissent qu a cent ans; ils fleurissent k trenle,nbsp;quarante, cinquante, une fois seulement : il y ennbsp;a dont la fleur répand une odeur délicieuse. Riennbsp;de plus beau que 1’aloës en fleurs : c’est une grandenbsp;et haute pyramide , d’un arrangement admirablenbsp;dans toutes ses parlies. Ce n’est, au reste , que lanbsp;multitude et la distribution des fleurs qui flattenbsp;l’oeil; leur beauté en elle-même est peu de chose.

Un arbre nommé Bananier (en allemand Pisang) (enlatin Musa), qui a peu de feuilles , mais dontnbsp;chacune est de deux a trois pieds de long sur unnbsp;de large : quelques-uns disent que ce fut de cesnbsp;feuilles qu’Adam etEve coüvrirent leur nudité(*)}nbsp;mais cela est faux.

Hcrba sensitiva, qui s’incline et semble témoi-gner de la douleur dès qu’on la touche: ce qui vient de ce que la chaleur de la main laflétrit et fafibiblitnbsp;un moment j on la nomme encore herbe mi-

{*) C’est pour cela qu’ils 1’appellent Figuier d’Adam-

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tiieuse, Ce n'est point un zoophyte , ou animal plante. Bonnet , contempl. da la nat., pense quenbsp;een est un. EIFectiveinent, on ne peut pas direnbsp;que la chaleur de la main la fane pour un moment,nbsp;puisque toute 1’ardeur du soleil n'y fait rien j aunbsp;contraire, Ie depart du soleil la fait languir ; denbsp;plus, les petites divisions dont chaque feuille estnbsp;composée, se resserrent k fattoucheraent, ce quinbsp;n’est pas une marque de foiblesse; c’est peut-êtrenbsp;la nature de la transpiration et de l’atmospherenbsp;humaine qui produit eet effet, par son oppositionnbsp;k la nature de la plante (*). Mr. l’abbé Ray nie

(*) J’ai vu a Luxembourg, en 1764, une belle et grande plante, que nous nommions treJfle-Turc. Le P. de Mars-chal [a) la cultivoit avec soin; je n’ai pas vu cette plantenbsp;ailleurs.

En 1770, j’ai vu a Cliaufontaiiie, pres de Liege, des plantes dont on fait des couronues qui, suspendiies aunbsp;plafond d’une eliambre, croissent et fleurissent deux ounbsp;trois ans sans aucuu aliment. Journ. hist, et litt. , t5nbsp;Déc. 1784, pa-g- 628 (6).

Je vois ici, a Tirnaw, herham glacialem (herhe de glace ou herbe glaciale), Cette plante est tres-singu-liere ; elle est couverte de glace dans les plus grandesnbsp;cbaleurs; les rayons du soleil les plus per^ans n’y cbangentnbsp;rien. C’est le sue de la plante enveloppé dans de petitsnbsp;vaisseaux traiisparens et invisibles, qu’il enfle par sa fermentation. Dela vient qu’en serrant fortement Ia plante,nbsp;on la voit répandre de 1’eau.

J’ai vu en Hongrie, et depuis lors en Moravie, plu-

(a) II étoit frere de Mr. ie Baron de Marsclial, commandant de la place a Luxemliourg.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;

(/)) II est a eroiro que 1’auteur parle d’une espece de jouflarhe, que les paysans Wallens nomment hsrhe de 6'. Jean. (L’Éditeur.)

qu’il

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( 65 )

^'gt;'gt;1 y ait des plantes-animaux. Joimt, litl. et hist.,

Oct. pag. s.44.

Je partis k J heures de Kiralfalva, et je fis toute

la diligence possible, pour voir Ie même jour Ro-

denslein , qui est au Comte Rodolphe Palfl; mais

la nuit et un orage qui survint, m’en empêcberent,

el me ramenerent h Tirnaw ; j’ai vu ce chateau

trois rao.is après.

Je puis faire seul les plus longs voyages sans Mceursdcsiion-, nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;‘nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;°nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. arois etc.

m ennuyer; mes pensees ne tanssent point. J aime *

iiéanmoins a voyager avec un compagnon agréable et complaisant. Facundus comes in via, dit Terence , pro vehiculo est. J’ai remarqué dans ces der-niers voyages , que quand j’étois seul en route ,

Ou avec un compagnon dont je n’avois pas ii ré-pondre de la personne, je ne craignois rien, quoi-que je passasse paf de grandes forêts , que je cou-cbasse dans les rues suJ} dio pour éviter l’horrible

sieurs cliamps scmés de bied de Turquie (011 dit aussi bied d'Itide, maïs) que les llongrois iiomment cüciiriitz , onnbsp;eucuritza. On ni’a assure que !a moclle de la canne oiinbsp;ti^e, est bonne a faire du sucre, ct qu’on en avoit faitnbsp;1’expérience. 11 est vrai que cette moëlle est fort douce.

Le. pain de ciicürütz est cgalement doux, mais pesaut et lual-sain. J’en ai mango a Monoc en i^67:j’en ai mangénbsp;Tin gateau a Bislritz, qui e'toit excellent, et qn’on pou-voit prendre pour une tourte (ie riz. — Autres usages,

Vahnont de Bomarc, Diclionn. d’hist. nat.,0i\t. Maïs.

¦—J’üi-vu des pici’soniies curicuscs de savoir comment on détaebe les grames du cüciiriitz ; on le bat comme Ic bied,

111.115 avec quclqucs precautions. II faut masquer les bat-teurs , paree que les grains prciuicnt un essor qui pourroit les blesser.

2'om. I. nbsp;nbsp;nbsp;l'l

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mal-propreté des auberges : mals qu’au contraire tout m’effrayoit des que j’étois chargé de quelquenbsp;enfant, comme dans mon voyage de Lorraine ennbsp;1764, et en d'autres occasions. Je me conformerainbsp;dans la suite k cette observation, pour ne pas êtrenbsp;oblige de dire avec Enée :

Et me qjiem dudum non ulla injecta movehant

Tela j nee adverse gloinerati ex agmine Graii ,

Nunc omnes terrent aurw , sonus excitat omnis

Suspensum, etpariter comitique onerique tinientem.

'Firo. , 3. jEseiv.

Que j’ai bien éprouvé cela en 1767 , lorsque je me vis obligé de me charger de 1 education du Comtenbsp;Nicolas Andrassy

C’est en Hongrie que j’ai appris k connoitre cent nations ditférentes; car, sans parler des Esclavons,nbsp;des Creates (1), des Arméniens, desTransylvains,nbsp;des Allemands , des Francois , des Italiens , desnbsp;Polonois etc., que je vois tous les jours a Tirnaw;nbsp;il y vient des Tures , des Arabes, des Maro-nites (3) etc. II y a même une colonie considérablenbsp;de Russes prés d’ünguar ; ils sont iinis a 1’Eglisenbsp;Romaine. Du reste ils suivent Ie rit grec , et ontnbsp;leurs popes qui sont mariés. Leur évêque réside knbsp;Munkatz j il est zélé catholique Romain. Les Tures

(1) La milice des Croates, Pandoures, Talpaches etc.,nbsp;n’est plus si terrible qu’elle l’a été j elle est maintenantnbsp;discipline'e et habillée a la Hongroise.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;Nous avons eu, en 1765, des prètres Maronitesnbsp;qui out officie plusieurs fois dans notre Eglise selon leurnbsp;rit, qui est extrèmement différent du Romain. Leur missetnbsp;est en syriaque.

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sent k Semlin, a Posega etc, et viennent aux foires de Zagraf, cle Cronstadt etc. (*).

J’ai xemarejué cjue dans tons les pamp;ys , les Alle-mands etoient employés pour la mécanique , et qu’ils y exceiloient par-lout. Ils foumissent desnbsp;ouvriers k lout le Nord, la Suede, le Danemarck,nbsp;la Pologne, la Eussie , la Hongrie etc.

Les Autrichiens parlent tres-mal allemand j il est difficile aux liabitans des autres provinces denbsp;I’Empire de. les entendre. L’a chez eux est pro-noncé conime To, et tout est confondxi : les Hon-grois les imitent.

II est aussi remarquable que I’AHemagne ait donne des Eois k toute I'Europe. Nous voyons encore les Brunswick en Angleterre , les Holstein ennbsp;Danemarck, les Nassau en Hollande, les Gottorpnbsp;en Russie, les Brandebourg en Prusse. La Hongrienbsp;etla Bohème sont altachées a I’Autriche; I'Espagnenbsp;1'a été durant des siecles; Naples et la Sicile I’etoientnbsp;encore en 1785. La Pologne a. eu deux Augustenbsp;de Saxe. Popu/um lath Begem.

Les Allemands regardent les Hongrois corame un peuple peu civilisé; les Hongrois n'aiment pasnbsp;les Allemands:

Necdiim etiam causes irarum, sesvique dolores

Bxciderant animo...

Les Allemands paroissent avoir oublié leurs an-

(*) Uii autre eiidroit oil j’ai vecu avec des individus de beancoup de nations , est le pensionnat de Rlieims : ilnbsp;y avoit des Suisses, des Allemands, des Espagnols, desnbsp;Irlandois, des Canariens, un Américain, des Anglois, desnbsp;Hollandois ele.

£ 2

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()

ciens déniêlés avec cette nation : Ie vainqueur oublie plus aisément que Ie vaincu.

Les Hongrois méprisent les Sclavons, dont Ie pays est rempli (Les Slwons, Sclavons on Slaves,nbsp;sont une nation éparse dans Ie Royaume , différente des Sclavons ou Illyriens , liabitans de lanbsp;Sclavonie). Les Slavons respectent les Hongrois,nbsp;coinme la nation dominante; mais 1’envie et labaincnbsp;accompagnent ce respect. Les Arméniens et lesnbsp;Grecs font bande a part ; jamais je n’ai vu ninbsp;imagine d’esprits plus nationaux; c’est vraimentnbsp;Rcgnum in se divisum. Les Grecs que j’ai vusnbsp;•souvent , sur-tout les scbismatiques , ont outrenbsp;leur aiicienneperfidie, une espece de férocilé, quenbsp;leurs pei’es n’avoient pas : ils sont égaleraent bar-bares et ignorans j leur babit, en Hongrie , nenbsp;differe que peu de l'babit Hongrois.

Le Hongrois est assez sincere ; il est cordial, serviable, bienfaisant, et s'attacbe beaucoup, desnbsp;qu’avec un mérite médiocre on lui paroit avoirnbsp;quelque amitié pour lui : mais il ne faut point of-fenser la nation ; on bouleverseroit tout l’univers,nbsp;si on loue la Hongrie , fout est bien. Ce peuple anbsp;encore quelque cbose du vieux tems, ou la sim-plicité et la droiture faisoient 1’lionneur de fhuma-nilé. II est cbaste dans ses mcjeurs, grave et hon-nête dans ses discours , ut prisca gens mortalium.nbsp;Les choses cependant cbangent a vue d’oeil. Lesnbsp;Hongrois aiment les Francois j il y a un certainnbsp;je ne sais quoi analogue au génie des deux nations:nbsp;et de plus , les Ffanrais ont toujours loué leursnbsp;rebellions , et les ont soutenues par de puissantes


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diversions. Or, tout le monde sait quotes Francois sont devenus le modele de toules les nations pournbsp;le malheur de la Religion ef des mosurs (*).

La nation, en general, est assez docile et modeste , excepté dans ce qui concerne la guerre, en quoi elle pretend exceller. Elle aime h appvendrenbsp;et kseperfectionner; maisceux qui font les savans,nbsp;sont insoutenables : ils ont tout le naturel de leurnbsp;pere Attila et de leur oncle Buda : aussi, la litte-rature est-elle en Hongrie dans un état pitoyable.nbsp;Newton y triomphe, ainsi qoe Boscowich, et toutnbsp;nouveau faiseur de sjstêmes. Les nations moinsnbsp;cnltivées ont toujours la fureur d’imiter le bien etnbsp;le mal, le vrai et le faux qu’ils remarquent dansnbsp;les peoples célebres. Les Russes sont les plus fii-rieux de ces imitateurs. Les Polonois sont en celanbsp;semblables auxHongrois. Les Turcs commencentnbsp;k iraiter ; ils ont déjk des imprimeries, des livresnbsp;Francois etc.

La Religion trlompbe en Allemagne et en Hongrie , quant a I’exterieur; mais je n’y trouve pas, a beaucoup prés , les sentimens et la solide piéténbsp;que j’ai remarques dans nos Beiges , et dans ce quinbsp;reste de Catholiques en Angletevre , en Hollandenbsp;eten France. Etant dans le Luxembourg, je de-mandai a un homme qui avoit beaucoup voyage etnbsp;qui avoit un jugement bien solide, oii il pensoitnbsp;(]ue se trouvèient les meilleurs CalhoUtjues ? Je crusnbsp;qn’il alloit dire ; En Italic , en Espagne , e/i Por-lagal; ilmerépondit: Dans le pays de Luxembourg.

(*) A Vienne, on dit d’un petit-maiue : Cest un Eiancois on un Transylvain.

E 3

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— Mr, Robbe , quoique Francois , dit dans sa Gdographie, tom. i,pag. %Sj, en parlant desPays-Bas ; Oest assiirément Pendroit de tonic PEurope ,nbsp;oil la Religion Catholique est professée avec le plusnbsp;de pureté et de sincérité. En HoRgrie 11 y a quelquenbsp;chose de machinal: des soupirs, des inclinationsnbsp;profondes, des frappemens de poitrine sans fin;nbsp;jeunes et vieux, pieux et medians , tons font denbsp;nième (1). Une nouvelle hérésie feroit bien desnbsp;ravages. C'est la coutume, en Hongrie, de donnernbsp;la Communion aux enfans de 6, j , 8 ans; jamaisnbsp;OU rarement plus tard : c’est un grand abus, contraire au sentiment et k 1’usage de loute l’Eglisenbsp;Catholique. —Le Cardinal Pahmann, Archevêquenbsp;de Graan, est comme le restaurateur de la Religion Catholique en Hongrie; c’étoit bien réel-lemenl un grand homme. On garde, comme unnbsp;monument, son bonnet quarré rouge, dans la bi-bliotheque de Tirnaw. — Les églises, en Hongrie,

1

rt Mr. Maldonat (célehre Jésuite), qui étoit alors a )) Rome, s’enqiiérant a moi de 1’opinion que j’avois desnbsp;)gt; raoeurs de cette ville , et notamment en sa Religion, ilnbsp;» trouva son j ugement du tont semblable au mien (savoir);nbsp;» que le mème people étoit, saus comparaison, plus dévotnbsp;)) en France qu’ici; mais les riches, et notamment cour-)) tisans, un peu moins. II me diet davanlage qii’a ceusnbsp;1) qui lui allégoint que la France étoit toute perdue denbsp;» hérésie, et notamment aus Espaignols , de quoi il y ennbsp;« a grand nombre en son eollcge, il maintenoit qu’il ynbsp;» avoit plus d’liomes vraiment religieus, en Ia settle villenbsp;» de Paris , qu’en toute PEspaigne ensemble. » Jqurn. denbsp;Montaigne , Voyage en Italië. Paris , 1774. — Voyeznbsp;le Journ. litb. et hist., i Mars 1782, pag. 826.

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60nt presque toutes belles, ou du moins propres.

Les Hérétiqiies , sur-tout les Calvinistes , sent prodigieusement ignorans et bai bares en Hongrie:nbsp;je ne sais d’ou leur vient la coulume de peindrenbsp;des coqs dans leurs églises; c’est la comme leurnbsp;idole dans ce pays-ti; rien de semblable chez lesnbsp;Allemands. Les Prolestans de Suabe sent fortnbsp;modérés; ilsm’ont sollicité pour avoir des images,nbsp;ün homme distingué , a Uhn , me montrant unnbsp;Crucifix, me dit ; Koila mon espérancc.

Les Bavarois, ainsi que les Sueves, ne soitt pas savans , ni ne se piquent de savoir; aussi sont-ilsnbsp;droits , pieux , humains. Les Bavarois sont extre-iiiement bons; les Sueves les surpassent encore.nbsp;On sait Ie proverbe : Er ist ein guter Schwabnbsp;(C’est un bon Suabe). Ceux d’Ulm m’ont ravi.nbsp;d’aime moins les**** populum latè Regent, belloquenbsp;superbum.

Depuis que j’ai vu nos paysans Slavons, je n'ai aucune peine a croire ce que nos missionnaires nousnbsp;disent de quelques nations Indiennes et de leurnbsp;extréme stupidité; plusieurs ne peuvent compternbsp;jusqu a 3o. Celui qui m’a conduit jusqu’k Bude,nbsp;marquoit sur un. baton, par autant d’échancrures ,nbsp;Ce qui lui venoit par jour; il marquoit tous lesnbsp;jours, car il n’auroit su compter les jours ; il futnbsp;ensuite bien étonné de ce que, sans baton, j’avoisnbsp;ï'endu mon compte juste (*). Hommes etjumenta

(*) J’ai fait ailleurs des reflexions sur cette stupidile', et sur Ie tort de ceux qui semblent s’en prendre a 1’ame ounbsp;au cerveau. Qu’on nous traite en Slaves, dit Voltaire, etnbsp;flous serons Slaves.

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salvabis, Domme. Ils comptent aussi leurs péchés sur des batons, et portent ces batons au confes-sionnal (ce qui revient a la coutume des Mavagno-niens, qui étendent les doigts); et quand ils ontnbsp;fait tel péchéplus dedixfois,ils sejettentparterre,nbsp;et étendent les pieds et les mains. Quid est homo,nbsp;quodmemores ejus? Cette coutume des Slaves n’estnbsp;pas générale, mais elle existe. Le P. Andreauski,nbsp;procureur du college de Tirnaw, a entendu de cesnbsp;confessions a batons. — Cette nation est tres labo-rieuse, Irès-pauvre et très-gaie. Les nommés Sin-gari , Bohémiens , ont un air elFrayant; ils de-meurent dans des especes de camps, comme lesnbsp;Tartares vagabonds , et sont presque nus. Lesnbsp;Slaves paroissent des pliilosophes en comparaisonnbsp;d'eux. Les Valaques sont encore pires. De la cettenbsp;épitaphe : Jiic est ille Dacus, scelerum Lacus, at-quc Valacus,

Zi/o,iSepi.ij89, nbsp;nbsp;nbsp;igs ma.ximes de la Religion.

Le despotisme des nobles sur les paysans est extréme j ce qui leur plait est k eux. J’ai eu peinenbsp;k concilier ce droit avec 1’humanité. Quand lesnbsp;seigneurs les font travailler , il y a plusieurs hommes a pied OU a cheval, qui les aiguillonnent avecnbsp;des fouets il en est de inêrae des Valaques.nbsp;— Pour que le paysan soit libre et k son aise,nbsp;sans être dangereux , il doit ètre instruit, con-vaincu de la soumission qu’il doit a ses maitres ,nbsp;et pénétré des vérités de la Religion etc.; sansnbsp;quoi c’est un tigre déchainé. Les Bohémiens ne senbsp;sont révoltés en 1774 i'jnS , que paree que lanbsp;joiim, hist, et suppression des Jésuites leur avoit rendu problé-

pag. 60,

l'sll

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Mr. de Boulainvilliers , malgré l'esprit actuel

siecle , a fait l’éloge du gouvernement féodal, Ilist. de l’ancien Goiwernement de la I' rance , Lanbsp;liayc, i’]%j, 3 vol. in-8vo. Voici Ie jugeinent quenbsp;fAuteur des Trois siecles porie des idéés de cenbsp;philosophe sur celte matiere ; « Ce quil a avancénbsp;» surl’excellence du gouvernement féodal, prouvenbsp;» qu’il est des Auteurs capables de fermer les yeuxnbsp;n au flambeau de la raison et a celui de l’expé-« rience. On a beau revêtir ses paradoxes denbsp;» l’appareil d’un raisonnement captieux, répandrenbsp;» sur son style les charmes de 1’éloquence , em-» ployer toutes les ressources de 1’art pour séduirenbsp;» les esprits , fillusion n’a presque jamais sonnbsp;gt;' efiet; ou si elle subsiste quelques momens , Ianbsp;» réflexion la proscrit bien vite , et 1’auteur para-» doxal ne recueille que Ie blame qui lui est dü ».

Cependant j’ai fait, comme on Ie verra dans la suite de eet Itinéraire , quelques reflexions et observations favorables a cette opinion. Le gouvernement féodal, tel qu’il étoit dans les Gaules , lesnbsp;Pays-Bas etc., étoit une vraie anarchie; les noblftnbsp;et les paysans qui leur étoient soumis, s’cntre-tuoient pour des querelles particulieres dans l.enbsp;tems d’une guerre générale. Quand les grandsnbsp;sont entiérement soumis au Monarque, la féoda-lité est moins pernicieuse , et le paysan trouve unnbsp;soutien contre l’oppression, Journ. lilt. et hisf. ,nbsp;i Aoüt zyyy,paff. ^77. — Z Déc. zySz, pag. ^Sx.nbsp;'— z Juin zy83, pag. zog.

Les Hongrois, a l’imilation des Tqj’cs , aiment les bains j ils en sont bien pourvus. J’ai vu ceu.x de

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Bude ([) , de Graan , de Porteny , de TaBplilü, Ceux de Bude, batis par les Turcs, sont a lanbsp;turque. Ceux de Toeplilz sontentrede hautes mon-lagues , comme ceux de Chaufontaine , présnbsp;Liege. De dix en dix pas, les eaux y sont diffé-rentes, et plus ou moins fortes. A deux Heues denbsp;Schemnitz, il y a un bain de vapeurs d'une effica-clté merveilleuse : on y monte un escalier , denbsp;dessus lequel on sent faction des esprits minérauxnbsp;k mesure que l’on monte ; chaque maladie a sonnbsp;degré; et si Ie tempérament du malade est foible,nbsp;*Similequidde ü s’assied sur un degré inférieur *.

a,p. 63.

Tunis Z^Neap^ Cctte affluence de loutes les richesses de la na-Misson,tom. ture, en Hongrie , a donné lieu k ce proverbe :

Extra Hungariam non est vita; vel si est, non est ita (Hors de la Hongrie , point de vie ; ou s’il ennbsp;est ailleui’s, il n’en est point de pareille).

Le Hongrois aime les couleurs tranchantes et brillantes. Les Turcs airaent le rouge, et les Tar-tares encore plus. Les Hongrois appellent ces der-nieres woros Torok, c’est-a-dire , ruhros Turcas, ounbsp;Turcs rouges. Tous les Turcs que j’ai vus, avoientnbsp;des robes rouges, j’en ai vu d’autres depuis. L’habitnbsp;Hongrois fait extrêmementbien k la jeunesse, ilest

(1) II y a des poissons dans les eaux minérales de Bude , quoique très-cbaudcs; ils sont bons a manger. Piscespal-maris magnitudinis , frigidiorein aquam miiiimè sus-tinent, etprotifiiis expirant. Istuanti, de rebus Panno-nicis, 2o3. — En Hongrie, le gibier et le poisson sont anbsp;vil prix. Le Tihiscus est si poissonneiix, que 1’ean en estnbsp;gatée par la multitude des poissons. Les fosses qu’il inoude,nbsp;deviennent des rivieres.

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plus propre qiie tons les habillemens du monde a bien faire paroitre un beau corps; aussi, les Hon-grois sont-ils fous de leur habit ,et sur-tout de leursnbsp;Culottes : bien des jeunes gens refusent d’entrer ennbsp;religion, pournepasmettrecaligasGermanicas, desnbsp;culottes Allemandes. Its se font une loi de ce pro-verbe : Omnia si perdas, caligas sen^ane memento.nbsp;(S’il vous faut tout perdre, sauvez votre culotte).nbsp;Un de nos missionnaires , ayant fait inulilementnbsp;beaucoup d’eflbrts pour convertir un village Lu-thérien, s’avisade dire que Luther avoit eu caligasnbsp;Germanicas, c’est-k-dire, des culottes k I’Alle-niande; le predicant 1’ayant avoué , tout le villagenbsp;se convertit. Le fait est vrai, et en même terns plusnbsp;vraisemblable qu’on ne pense ; et il ne ramp;volte pasnbsp;ceux qui savent avec quelle lacilite ces peoplesnbsp;ont tant de fois passé d’une religion k I’autre. Lenbsp;peuple, en ce pays, est peu instruit des motifs denbsp;sa croyance; les ministres se sont long terns servisnbsp;de la haine des Hongrois contre les Allemands ,nbsp;pour faire des proselytes ; et les préjugés les plusnbsp;grossiers et les plus ridicules tiennent ces pauvresnbsp;lustres asservis aux opinions qu’on a intérêt denbsp;leur faire professer.

La mal-propreté et fair marecageux du pa}’s font eclorre une infinité d’insectes incommodes. Lesnbsp;cantharides nous ont obligés d’abattre plusieursnbsp;arbres de notre jardin , tant 1’odeur en etoit insupportable. Les puces y sont multipliees au-delk denbsp;fc qu’on peut penser. I.es cousins vous abymcntnbsp;Ic visage, les mains et les jambes. On y voit desnbsp;forèls entieres dévastées par les chenilles. Le?

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arbres , sans feiiilles , ramenent an milieu cle rété la ti'iste image de I’hiver. En 1766 , unenbsp;belle foret, voisine de la maison de campagne dunbsp;college de Tirnaw, etoit sans I'euilles dfes le moisnbsp;de Juin (*).

Mais les plus insupportables de tousles animaux, sont les punaises : elles m’ont assailli d’une étrangenbsp;maniere des le premier jour de mon arrivée anbsp;Tirnaw. Cependant les lits sont de fer dans pres-qiie toutes nos maisons : je ne sais si ce remedenbsp;est bon. Kirclier {Mund. suiter., part. Z, denbsp;sympalhid Jerri, pag. 2-%) assure qu’elles aimentnbsp;le lev , et Ic prouve par une expérience quinbsp;paroit déraonstrative. yéd abigendum id malumnbsp;pan’as cucurbilas in cubiculo serrari vidi Romavicenbsp;in Hungarid. Rcmedia alia contra hanc luem,nbsp;ibid. Kircher, pag. 3qS. Oleum olivce optimumnbsp;mihi prohatum , si Jerreus lectus est. — II n'estnbsp;guere possible de se faire une juste idéé de lanbsp;persecution que ces animaux font a I’homme , sansnbsp;en avoir fait l’expérience. Kirclier paroit 1’avoirnbsp;faite, quand il fait de la punaise la description sui-vante : Cymex (kuros Grads) , animal tiim formd,nbsp;turn Joetore Jcedum ct abominandum ; nidum suum,nbsp;ulplurimhm, m lectoruin grabatis, eorumfluerimis,nbsp;anfractibus, murorumque lectis vicinoritm fora-niinibus sortiuntur. Oriuntur ex sordibus humanisnbsp;atque ex halitu sanguinis corrupti and phle.gniatinbsp;vitioso mixti, quod abominandiis fcetor, quern denbsp;se spaigunt, facile indicat, qui nescio quid morti-

(*) II n’est pas rare de voir la memc cliose dans la Campitic(eontrée des Pays-Bas), et jel’y ai vue,sur toutnbsp;f w 1811. Note de VEdileur.

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t-ïnium oleat assoe fuetidce baud dtspan's mephitis.

Sed ne uUeriorem nohis aboininando suo feetore ^museam moveal, ad aha progrediamur (Mundusnbsp;subi0r,, part,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^9^)* Jai cxplicjuc ailteurs

plusieurs fois , et fort au long, comment on dolt entendre ce que dit ici Kircher , et ce qu’il fautnbsp;penser de l’origine des punaises : eet insecte fui{nbsp;la Inmiere d’une maniere étonnante; auroit-il hontenbsp;de sa turpitude ? On peut s’en preserver, au moinsnbsp;jusqu’a un certain point, si 1’on dort ayant dansnbsp;sa chambre une bougie ou une lampe allumée.

Gordan , Scaliger , Vossius, ont discuté la question ; Pourquoi les Chartreux idavoient pas de punaises ? Voyez Thiers, des superstit., torn. i, pag. 3i5.

Loeustas quoqpe majores omnibus a me visis , vidi in Hungarid, De illis vide Kirch., ibid. 383.

Caput equi probè rejert suo capite locusta, pedum quoque posleriorum robur : undè equini seminis,nbsp;sive pro mairice , siue pro seminis parte, aliquid innbsp;locuslce genesi adesse dicijorsan posset ex illis, queenbsp;Kircherus disseril de scarabceis comutis, item denbsp;apihus.Venit illarum nubes horrlda, anno 27^8,nbsp;in festo S. Magdalence Trenschinium, quee, tor-menlis per tres horas ex arce tonantibus, ad moniesnbsp;se recepit. Aruerunt momenta omnia, nudatce foliisnbsp;sylvoe etc *.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;* Joum^hht.et

Le froid et Ie chaud sont extrêmes en Hongrie: nbsp;nbsp;nbsp;plg’

fan 1^66 a été mémorable par la rigueur del’hiver. 35.~1N0v.1780, Durant le mois de Janvier, les puits ont été gelésnbsp;^ Schemnilz; des hommes et des bestiaux, les loupsnbsp;même ont péri : les oiseaux tomboient en volant.

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Les Hongrois , ainsi que les Autricliieiis , ont un attrait parliculier pour les études seclies et pé-nibles; par exemple , les calculs, les langues, lesnbsp;autiquités etc. Le P. Kliel et Mr. Monsberger ontnbsp;publié, en 1766, a Vienne, des dissertations è,nbsp;perte de vue sur une médaille de Kespasia Poïla,nbsp;mere de Vespasien, et cela avec autant de fureurnbsp;et d’injures que s’il se fut agi du salut de la chré-tienle. Pro uncrnumismate interdiim turpiterlitigaturnbsp;(Irait. Christi, L. 3, cap. 3). II est presqu’im-possible de reconnoitre la fausseté des médailles,nbsp;tant Ia fraude est devenue ingénieuse. Voyamp;z Jo-bert, Science des Médailles , torn. %, inst, zo.

Ils ont peu de gout pour la littérature et les beautés de la pliilosophie; mais ils s’occupentnbsp;beaucoup a connoitre les métaux et les pierresnbsp;précieuses : leurs cabinets en sont remplis. Je menbsp;suis pourvu aussi de minéraux , que j’ai choisisnbsp;a Neusol et h Scbemnilz, pour faire comme lesnbsp;autres ; les pierres me manquent. On dit que lenbsp;mont Krapach en produil beaucoup , et que lesnbsp;Italiens qui circulent en vendant des images, ynbsp;rodent sans cesse pour les enlever. Cependant unnbsp;de nos PP. qui y fit uiie course par ordre de lanbsp;Cour , n’y trouva que frois pierres de prix. Lenbsp;Riefergeburg , qui est une branche du Krapach ,nbsp;est, dit-on, très-riche en pierreries. ün auteur Al-Iemand prétend que quelques families Vénitiennesnbsp;se sont eni'ichies et ont bati des palais magnifiques,nbsp;au moyen des pierres ramassées dans le Riefergeburg. Voyez un petit ouvrage intitule : Johannesnbsp;Gofllieb VolMtz , gesammelete Schri/'ten etc.

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Pilaw und Leipsig zyjó , pag. z6i, — Le P. Kiicher , Mund, subterr, , part, a, pag. 86 ,nbsp;donne ties pierres precieuses une notion tres-exacte , qui est nécessaire ceux qui veuleninbsp;figurer dans la conversation avec les Autrichiensnbsp;et pavler dans leurs cabinets, Voici quelquesnbsp;Kiots de Kirclier, toiichanl les plus connues de cesnbsp;pierres:

Adamas , omnium gemmarum pretiosissima, duritieiindomabilis (i), diaphanus; in India crescitnbsp;verus et genuinus (a).

Achates variis Jiguris spectabilis gemma , colo^ ribiis differentibus imbuitur. Passim in Germania

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Pomatur tarnen et frangitur, ut hodie constat,nbsp;et hahet ipse Kircher, ibid. , pag. 20. Non liquatur,nbsp;sed consumitur igne. Journ. Mst. et litt., i Aviil, 1778,nbsp;pag, 5o I. An verè crescantgemmce? An mundo cocevce}

Vid. fol. 5,4 Grit., de Metallis et Gemmis.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;Adamas omnium visorum maximus longitu^nbsp;dinem pollicis ccquat, latitudinem superat; cestimatiirnbsp;75,000 lib. Gallic.Alter pulchrior et rotundior , sednbsp;minor , quern Carolus audax in pugnd quddam contranbsp;Heluetios amisit; constitit Hetiuriai Pud 75,000 Imp.

— Unio maximus in tJiesauro Regis Persarum , emptus

i4o,ooo lib. Gall., oequatpollicem. Vide fig. phys. saer., Mara 17-5* tom. 5, tab. SaS. — Pretiosi quidam lapides , non tarn pag. 332.nbsp;visu quum usu clari, inveniuntur in quibusdam ani-^antibus , ut in porco-spinoso , qualem vidi Alhce~

Pegalis , vel Jaurini. Pe his, Muud. subt., part. 2, pag- 54. Item , TrenscMnii. Bezoardum quoque vidi,nbsp;nascuur in sioynacho caprce cujusdam Indica; , et innbsp;^apriventre ,cujus desciiptionem hahetPiclionn.Trév.,nbsp;art. Béïoard, Quomodb fiat, dicetur infra. — Quant

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( 8o )

iwenllur ( i ). Species vurias vide m Dictiann. Trévoux, art. Agate.

ythABASTWU, est marmor splendidum varii colons (2). Minus splcndicat quia commune est. Amethtstus violacei colons est.

Beriltjjs ex viridi cccruleum colorem. inentitur, aquee maidnce similem.

* Vove7. Saver progr. f de THist.nbsp;nat., 1778, pag.nbsp;74. — Valmont,nbsp;BTt. Pierres pré-cieuses.

Raison pour la-qiielle la Russie peut faire dcvS dé-penses de luxenbsp;plutót que les au-tres Cours. Voy.nbsp;Journ* histor. et:nbsp;litt* y ï Mai 1780Jnbsp;pag. 64.

au fanieux diamant de Kussie, uu de mes amis ayant fait, eu 1775, uu xoyagc a Amsterdam, a eté coiivaiucunbsp;par des témoigiiages irrécusaLles, que ce diamant avoitnbsp;clé eli’cclivement aclicte' par 1’Impératrice de Russie ;nbsp;mais olie l a ])ayé, au moins eu partie , en terrcs pournbsp;1 millions 9.5o mille livrcs, et 100 mille livres de pension \iagcvc *. II m’a rapporto une gravure, qui repré-scnte ce diamant sous quatrc aspects diflerens : dans sa plusnbsp;grande largeur, il occiipe a-peu-près un pouce ct demi.nbsp;Celte gravure est de 17(37 , avcc des inscriptions frangoise,nbsp;angloise ct liollaiidoise. « De.scriptiond’im diamant de lanbsp;» vieille mine Laborat des Indes, de prahaiei^ qualité,nbsp;)) ct extrêmcment beau; il pese 779 grains d’H^laudc, etnbsp;» apjiartieiit au Sr. Gregorio SalTraz, de la famSlle Gogianbsp;)) Minaziau, né a Ilispahau Julfa, dcmeurant a Ams-1) terdam ».

(1) nbsp;nbsp;nbsp;La substance des agates ct des jaspes est absolumentnbsp;lamème... La grande variété de uoms donnés aux corps,nbsp;sur les plus petits accidcns, a rendu plus difficile I’etudenbsp;des fossilcs... Tons ces noms de calcédoine , de cornaline ,nbsp;(Vonyx, de sardoine etc., ne désignent pas des picrresnbsp;•particuliei cs; nous les donnons a des agates qui se distiii-guent par certaiues couleurs, par des veincs ct par desnbsp;couclies, par uu degré de pureté, de nettetc, de dureténbsp;etc. C'o/AW, Voyage mineral,128.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;Pntem albi tantum ; id vox ipsa indicat. Gallicanbsp;Albatre, ab albastro, alboastro.

CdRUTJNCUl.US ,

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( 8i )

Garsdnculvs , scu Rubinus , tucem, carhonis inslar, edit.

Chalcedonivs vartos colores rtfert, prout di-verso luminiexponitur, semidiaphanus est, et inter Onycbes computatur.

IJvANCiNTHVS pro majori vel ininori rubedinc inodó ad carbunculos, modö ad Grastatos re-i'ocaiur.

Jaspidzs plurimcB sunt species ; ob diversos, quihus pingitur, colores nomina dirersa sortitur.

Lazvtms lapis est cceruleuS) punc/is aureis no~ tutus,

. Lvdius lapis marmoris nigri species est, ad aunim ^ argentumgue probandum aptus,

Chrvsolitvs aureo colore fulget.

Onyx ab humani unguis simüitudlne dicilur} atbo-nigro calore imbuitur, lineisque varii coloris,

Sapphirus gemma ccerulea est et diaphana.

Sardiüs carni sanguinolentae sïmilis est; si? dictus, quia in Sardinia inUenitur probce notce.

Smaragdus virentium gemmarum pulcherrima.

Topazivs aquam croceo tinctam rejert.

Je me suis soigneusement informé en Hougrie tie l’existence des vampires. Ils paroissoient oubliés,nbsp;lorsque S. M., par Ie conseil de Mr, Van-Swieten ,nbsp;envoya un médecin dans Ie Comté de Saros ,nbsp;pour examiner les corps de plusieurs personnes,nbsp;qu’on y trouvoit mortes subiteraent et privées denbsp;*ang. Ce médecin passa par Bude Ie i®’’. Juinnbsp;1 'jbb. On appelloit vampires en Hongrie et en Mo-ravie, ces singuliers recenans qui paroissent avoirnbsp;faitmoins de bruit dans cespays-li, qu’en Francej

Tom. I, nbsp;nbsp;nbsp;F

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( 8a )

il en est ainsi de tout ce qui vlent des pays loin-tains. J’ai parlé ailleurs de ces vampires : je dirai quelque cliose de ceux de Pologne ci-après.nbsp;— Mr. Van-Swieten, médecin, est célebre par sonnbsp;Commentaire sur Boerhave et son grand crédit anbsp;la Cour impériale.

Chevaux

Hotiorie.

de

pagaai.

Les Hongrois sont grands amateurs des chevaux j ils sy connoissent et en ont des soins infinis. J’ennbsp;ai vu un grand nombre chez Ie Comte Charles Palfi,nbsp;a Kiralfaiva : on les tient dans les attitudes les plusnbsp;fieres; on place des miroirs devant eux ; on lesnbsp;masque pour les animer et les tenir dans une agi-Beau passage (Ie tation perpétuelle. Stare loco nescit,micat aurihus ,nbsp;Buffon , Clef du tremit arlus. Plusieurs sont attachés par les piedsnbsp;Cabinet, 1772 ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chaiiies de fer, qui servent a leur rendre Ie

pas léger. Istuanfi , de rebus Pannonicis, dit dans son élégante histoire, que de son terns il y avoitnbsp;en Hongrie un cheval pris sur les Turcs , qui ennbsp;un moment abattoit des pieds de devant Ie cavaliernbsp;qu’il avoit en lête , et Ie mordoit de fa^on a Ie tuernbsp;dans l’instant même. D’autres Auteurs encore ontnbsp;parlé de ce cheval. Dum Joannes Brascovitius,nbsp;dit Ie P. Schmitt (Imper. Otlom., l. 6.), jubentenbsp;Paljio cum insedissef Jerocice periculum facturus ,nbsp;tanto inipetu in adversarium cquilem insiluit, ut,nbsp;f 'rustrd reluctante sessore , quamquam cetate viri~nbsp;busque pt'cevalido , cemulum moinento temporis con~nbsp;fecerit. Le même P. Schmitt, ibid., 1. 6, pag. 282,nbsp;doute si ce cheval éloit nafurellement si féroce ,nbsp;innatd ferocid , an arte.

J’en ai vu un , au contraire, chez Ie Comte Rodolphe Palfi, qui étoit des plus doux, et, comnie

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tUsoit Ie Comle , des plus prudens : on pouvoit lui confier un enfant.

Recueildcpof-sies de Mr. Flo-rian,Paris, i;86, lYOl. ilj-lb.

Certain coursier , né dans 1’Andalousie ,

Fut élevé cliez un riche fermier j Jamais chfival de Prince ou de guerrier,

Ni même ceux qui xivoient d’ambroisie,

N’eurent un sort plus fortune, plus doux.

Tous dans la ferme aimoient notre Andaloux;

Tou.s pour Ie voir, alloient a 1’écurie Vingt fois Ie jour; et ce coursier chérinbsp;D’un voeu cominun fut nommé Favori.

Favori done avoit de la litière Jusqu’aux jarrets, et dans son rateliernbsp;Le meilleur foin qui fut dans Ie grenier.

Soir et matin, les fils de la ferihière,

Encore enfans, menageoient de leur pain Pour 1’Andaloux; et lorsque dans leur mainnbsp;Le beau clieval ayoit daigné le prendre,

C’étoient des cris, des transports de plaisir ;

Tons lui donnoient le haiser le plus tendre :

Dans la prairie ils le menoient courir,

Et le plus grand de la petite troupe,

Aide par tous, arrivoit sur sa croupe :

La, satisfait et d’un air triomphant,

Des pieds, dcs mains, il pressoit sa monlure;

Et Favori moderoit son allure ^

Craignant toujours de jeter bas 1’enfant.

Je dirai dans la suite de qv.#lle jnaniere on domple les chevaux.

L’architecture est fort négligée ebez les Hon- Architecture, grois et chez les Tures ; les maisons y sont malnbsp;fcaties et fort basses ; la plupart sont des rez denbsp;chaussée. Les Tures (1) balissent ordinairement

1

Titrcas nonnullos vidi. De illorum indole ac nio~

F 2

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( 84 )

avec du bois. J’ai vu plusieurs de leurs maisons k , Bude, a Albe et ailleurs. yEdifidorum elegantiamnbsp;hmhec'k lega- urbibus Turcicis frustrd requiras, dltBusbeck,nbsp;lus Ferdinandi, Epist. z.LapetUesseetlepeudelévationdesmai-hi'st!etlittér™i! turques lont paioitre de loin leurs mosquées,nbsp;M£ui785,pag.4. et leurs minarets qui sont des tours et galeries ounbsp;ils orient albah. Le Sultan ayant un jour demandénbsp;a un de ses Envoyés en France, si Paris étoit aussinbsp;grand que Constantinople; celui-cirépondit: Que ,nbsp;pour avoir une idéé de Paris , il falloit mettrenbsp;Stambol (Constantinople) sur Stambol^ et dere-(dieï Stainbol sur Stambol; et enfin une troisiemenbsp;fois Stambol sur Stambol. — Je ne sais s’il y anbsp;une ville plus malheureuse que Constantinople.nbsp;Le P. Schmitt (Imper. Ottom.) l’appelle seditio-num perpetua altrix; il pouvoit dire ; Eestis, sedi-tlonum, 2;ib/enh(e.Ellevientd'être défruite, enMainbsp;i'^66, comme Lisbonne et Comorre , avec cettenbsp;difference, que les maisons turques ne comportentnbsp;pas une telle mine.

Hhns , et an pare cJiristianis a quibusdamphilosophis prwferantur disserui 37 , 3. Crit.Qui ex Is-tuanji (de rebusPannonicis) et P. Schmitti^vxptv. Ottom.)nbsp;elegantibus et cequissimis historicis de iis fudicdrit,nbsp;nullam eis injuriam fec»i it. De eorum religions , fol..nbsp;5 sem. eloq. et 27, 3. Crit. ¦— Hodiè alios Europee

populos in inultis iinitantur et sensim mitescunt. __

Monetam habent nostree similem, nisi quöd meris in-scriptionihus signetur; nmnmuni aureum item et ar~ genteum vidi Tyrnavien 20 Sept. 1766. Vide quoquenbsp;Basbequii quatuor elegantes epistolasj item et multa,nbsp;Mc infra.

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II y a aux environs d’Albe-Royale , des \'illages entiers sous terre : il faut être altentif pour ne pasnbsp;se précipiter dans les maisons par les cheminées.

En général les maisons villageoises sont très-basses etirès-panvres. AnxPays-Bason les prendroit pournbsp;des élables de cochons. Les nies sont très-larges;nbsp;on trouve en tont cela quelque air Chinois , a lanbsp;mal-proprelé prés. — Tirnaw paroit de loin unenbsp;ville magnifique , a cause de la multitude de sesnbsp;tours , que Ie peu d’éiévation des maisons fait pa-roiire dans toute leur hauteur. La yille haute denbsp;Bude et celle de Presbourg sont mieux baties.

Les Hongrois n’aiment pas les mets délicats , Maniere de se

mais les viandes solides. Ils donneront touiours

' grie etc.

nn faisan pour un morceau de boeuf. Les Turcs au contraire n’aiment point la viande de boeuf, ilsnbsp;n’en mangent point •, mais ils ainvent beau coup cellenbsp;de mouton. Les Hongrois mangent sans beaucoupnbsp;d’assaisonnement, et souvent la viande n'est cuitenbsp;qu’a demi. Ilsne parlent que de buhula (viande denbsp;boeuf). Le Carême ne leur pese que paree qu’ilsnbsp;doivent se passer de bubula (*). Leur premier motnbsp;en entrant dans les auberges, c’est bi/bu/a ; l’au-bergisle tuera sur le champ un boeuf, pour ennbsp;donner les viandes , une demi-heure après , a sesnbsp;hóles. On tue un nombre infini de ces animaux ,nbsp;et on prend plaisir a les chasser dans les basses-eours avec de grands chiens , pour les mettre ennbsp;luieur el en rendre la chair plus molle. J’ai vu

(*) carnes homini semper fuerint permissce j an necessarice j disserui lt;fol. 43 j 3. Crit,

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de ces chasses, que les trompeltes et les tymbales rendoient assez aigréables ; mals je ne puis voirnbsp;tourmenler ainsi des animaux doux et utiles. Jptanbsp;Ovid.,fast. i8. jugo cervix non est ferienda securi.

Point de desserts dans ces pays-ci; après Ie rót, lout est finl. Leiirs sausses ne sont qu’une imitationnbsp;des sausses alleniandes et frangoises ; mais souventnbsp;rien n’est plus ridicule que cette imitation. II y anbsp;quelque tems que les Hongrois ne souffroient n»nbsp;bouillon ni ragouts ; il ne leur falloit que de lanbsp;viande mal cuite , mais en grande quantité.

Si l'on est invité a diner par uu Transylvain, il faut porter avec soi son couteau et sa fourchette jnbsp;on les porte attachés a la ceinture, ou dans Ienbsp;fourreau du sabre; on dit qu'aujourd’hui cettenbsp;coutume tombe, ainsi que celle de boire dans unnbsp;grand pot , qui contient la portion de chacun,nbsp;J’aime assez les Transylvains j its ont quelquenbsp;chose de guerrier et de résolu , ne laissant pasnbsp;d etre traitables et capables d’amitié. S’ils épousentnbsp;les intéréts de quelqu’vm , eest avec fureur,

Titres de no- Les Hongrois sont, on ne peut pas plus, attentifs Üesse,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;aux litres de noblesse. Chez eux, la profession des

arts vils n’öte point la noblesse j au contraire, ils font cas d’une grande liste d’emplois bas et rotu-riers : grand nombre de pauyres sont nobles d’unenbsp;ancienne noblesse accordée par Ie Roi S. Etienne jnbsp;ce sont souvent les plus fiers. Le précepteur d’unnbsp;jeune Comte étalera tous les titres de son éleve,nbsp;pour dire au bout qu’il est son pedagogue. Tout lenbsp;monde est exeeïlens, nobilis, preenobilis, eruditusnbsp;^ic. : un écolier ordinaire est tout cela ensemble.

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Ce govlt est commun aux Hongrois avec les nations orientales (i). Plus de culture et de vvaie philo-sophie corrigeront ce défaut (2). Rien en ceci denbsp;plus raisonnable que les Francois.

Le berceau des paysans Hongrois est une piece de toile attacbée par les deux bouts a deux pieux ,nbsp;comme les lils de nos missionnaires dans les Indes.nbsp;J’ai vu deux de ces lits dans le muséum du P. Or-ban , ^ Ingolstadt ; ils étoient proprement tra-vaillés; on les attache a de hauts arbres pour senbsp;gai'antir des bêtes teroces : il arrive même que lesnbsp;t^urs et les tigres se tiennent au pied de l’arbre, oiinbsp;1’odeur du missionnaire les attire , sans oser ynbsp;monter; ils paroissent se défier de leurs forces dansnbsp;cette attitude gênante. J’ai vu a Kiralfalva, avecnbsp;quelle rapidité les ours mentent sur les arbres :nbsp;ils y parviennent difBcilement quand les arbres

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Rien de plus fastueux que les titres des Tiircs, etnbsp;sur-tout des Sultans. On peut voir ceux de Soliinan II,nbsp;Asms VImperium Ottoin. de Sclimitt. tom. i , pag. 107 ;nbsp;ceux des autres Sultans, dans VJIistoire des troubles denbsp;Ilongrie. Voici ceux de Séliin, pere de Soliinan I. :nbsp;Selimus Ottomannus , Rex Regum et Dominus omnium Dominoruni, Ptinceps omnium Principum ,nbsp;fdius et nepos Dei. (Chronic. Turcaruin, a Lonicero,nbsp;fob 35.) — Les Perscs et les Mogols, les Chinois et les Ja-ponois, sont encore plus ridicules en cette matiere.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;Quand on parle aux Hongrois d’une tclle philosophic , ils s’e'crient que cclle de Newton qu’ils professent,nbsp;®st la veSritablc. Je me souviens, a cette occasion, de cenbsp;Lecteur Re'collet, qui se fachoit de s’eutendre dire qu’ilnbsp;n etoit pas philosophe, tandis qu’iJ avoit défendu dunbsp;philosophie et même la théologie.

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sont fori branchus, paree que ces animaux y grim-pent en ligne spirale.

Langues. nbsp;nbsp;nbsp;l'extrême diversilé des nations qui liabitent

la Hongrie, et celle des langues qu’on y parle, qui a rendu la langue latine si commune dans tout lenbsp;pays : sans la savoir, on ne peut guere convei'«er,nbsp;Dans line même compagnie, on trouvera des Ar-jnéniens, des Creates, des Slaves, desValaques,nbsp;d^s Allemands etc. ; le mo3’en de leur parler ? Lanbsp;langue Hongroise est rude k prononcer et difficilenbsp;k apprendre; elle a quelque rapport avec celle desnbsp;Turcs : plusieurs mots sent les mèmes dans lesnbsp;deux langues, selonlaremarque du savant P. Bray,

' nbsp;nbsp;nbsp;dans les apologies de son ouvrage, Annales Hun~

garomm (*). La langue Grecque semble avoir donne quelques mots aux Hongrois j ilt;^eu , parnbsp;example , Deus. are, on (reu, tertia persona aorlstinbsp;%di, exisiit. Sic et gt;1707. Jehova, existens, sumnbsp;qui sum. La langue Sclavonne est moins difficilenbsp;que la Hongroise; elle est la mere de la Bohémienne , de la Russe et de la Polonoise. Les Hongrois la deteslent, et voudroient la detruire avecnbsp;la nation, sans laquelle néanmoins ils ne sauroientnbsp;Tgt;e Utigud Va- vivre. Les Sclavons cultivent la terre, et sont lenbsp;^nieTf’liungar. pcuple de presque loute la Haute-Hongrie,nbsp;etc. Dicetur in-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. . . Rusticonim mascula militum

fra.

Proles, SabelUs docta ligonibus Versare glebas , el severcenbsp;Matris ad arbitriuin recisosnbsp;Portare fustes. , ... ......

(*) Quelques auteurs donnent aux Turcs et aux Hongrois la incme origine : ils se rapprochent effectiventent en certains points, II en sera parle' ci-apres.

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II est bien remarcjuable que Ie mot sac, soit Ie iiiême dans toutes les langues du monde, a lanbsp;terminaison prés. Ke pourroit-cm pas en donnernbsp;quelque raison? Dieu ne ciinfondit les langues quenbsp;pour di viser les ouvriers de la lour de Babel. Le motnbsp;sac n'enlroit pas dans le langage nécessaire pournbsp;s’entendre dans la construction de la tour : au contraire , prendre son sac, c’est annoncer son départ,nbsp;pi ce mot peut servir a annoncer la seule chose quenbsp;ces insensés devoient i'aire de concert.

Les Hongrois disent que les noms de plusieurs de leurs villes viennent des généraux Romains quinbsp;les ont balies. Par exemple, Sapronium (Edemburg),nbsp;de Scmpronius; Posonium, deP/so/z; Trenschin,nbsp;de Tercntianus.

Les frontieres de la Hongrie son! assez bien dé-fendues : il ne laisse pas d'y avoir de grands vides, comme entre Temeswar et Peter-Waradin. Belgrade, si nialheureusement perdu, tenoit le milieunbsp;entre ces deux places. Voltaire se trompe, quand ilnbsp;dit, tom.}., Annal. de I'Empire, que Charles VI per-

dilTemesvx’ar dans la mallieureusepaixde I'ySg.Temeswar est resté al'Empereur, avectout leBannat, qui est très-considérable. Leopolstadt, Comorre ,nbsp;Raab, sent de bonnes 1’orteresses, mais trop avan-cées dans le Royaume, et presqu’inutiles. Bude nenbsp;peut soutenir de siege, et Ton ne peut concevoirnbsp;qu elle en ait soutenu. Temeswar et Peter-Waradinnbsp;®ont assez irréguliers, mais très-forts. Arad n’estnbsp;pas encore acheve. Esseeb est excellent et régulier.nbsp;Brod n’est qu’un quarré , mais joliment fortitié.nbsp;Gradisca est assez bon. Weissembourg, ou Alba-^

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Julia, e.st la seule place forte de la Tians3'lvanie •. Charles VI 1’ayantfortifiée, on l’appelleaiijourd’hulnbsp;Carolina. Les Turcs réparent Belgrade , qui avantnbsp;sa déraoUlion étoit une place superbe, et presquenbsp;comparable H Luxembourg. Ils out Semendria ,nbsp;Nissa et d’autres places, toutes inférieures a Te-meswar et k Peter-Waradin.

Demolition (lé-eernée contre presque toutescesnbsp;forteresses. Journal hist, et litt. ,nbsp;I Mai 178a, pag.nbsp;gi.

Je parle de ces forteresses d’après les plans que j’ai ici, et Ie rapport de ceux qui les ont vues. J’ainbsp;vu moi-mêmeBude, Comorre, Raab, Léopolstadt;nbsp;et ensuite celles dontje parlerai ci-après, savoir :nbsp;Kolnock, Eilacs Ou Agria, Cassovie, Grand-Wa-radin , Weisserabourg, Garlsbourg, Teraeswar,nbsp;Belgrade, Peter-Waradin, Esseck, Sigeth, Arad,nbsp;Segedin.

*Irrégularité de sa situation. Journal hist, et litt. fnbsp;iNov. 1783,pag.

4o5,

Après toutes les forteresses que j’ai vues, je suis plus persuadé que jamais , que Luxembourg estnbsp;la plus forte'place du monde'*'. Maltlie ou Lanbsp;Valette peut lui être compare, si les plans que j’ennbsp;ai vus n’en exagerent point la force.

Fecit ex uno omne genus hominum inhahitaro super unwersam faciem terrce : definiens statutunbsp;tempora et terminos habitationis eorum.

Act, xvJi, 26,

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PREMIERE SUITE

DU VOYAGE EN HONGRIE etc.

l’]66 ET

.........£xire, locosque

jËxplorare nopos, quas venfo accesserit oras QucBTcre constituit, sociisque exacta Teferre.

) L.

J E divise cette suite, comme ce qui a precede j je parle d’abord des objets et effels naturels, denbsp;quelques ouvrages de I’art, ensuite des villes et desnbsp;peuples, quoique cette division ne soit pas toujoursnbsp;exactement gardée, Tun entrainant I’autre.

Dans un voyage que je fis k Olmutz, en Sep-tembre 1766, j’ai vu a Scalitz, dans la Haute-Hongrie , un chien marin : il est coramim dans 1’Adriatique j ce chien marin étoit tout autre chosenbsp;que le requin. ^— Une dent de cheval marin, hjp-popotame. Voyez la Physique sacrée, lom.' 5 ,nbsp;tab. 532, et Pluche, Speet, de la nat., tom. i ,nbsp;pag. 4o8 5 j’aurai occasion d’en parler ci-apres. —nbsp;Une dent de sanglier, d’environ un demi-pied,nbsp;— Une feuille de saule, assez semblable a celle dunbsp;palmier, grande et large, ciselee et frisee : e’est lenbsp;salix palmescens. Dans le territoire de Scalitz etnbsp;de Holtitz, ce phenomene n’est pas rare. L’Em-pereur Francois I®quot;quot;, a envoye une de ces feuilles anbsp;Vienne, pour être exposée dans le celebre muséumnbsp;physique du P. Frantz-. Le saule est un arbre asse^

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anoinal, il ne se propage gnere que par boutures ;

Ie male n’a ni fruit ni semence , maïs seulemenl des fleurs a élamines, et cette facilité a modifier etnbsp;a diversifier la figure de ses feuilles , est une autrenbsp;singularité remarquable : les étamines de quelquesnbsp;plantes voisines pourroient influer sur cette modification , si ces saules venoient de semences ,nbsp;car fai vu en ce genre des phénomenes curieux ;nbsp;peut-être quelque semence étrangere vient-ellenbsp;faire ici quelque tentative moins heureuse.

A Holtitz , on me fit voir une castorerie, ou vivier de castors. Le castor est un des plus admi-rables animaux que la nature ait produits. Popenbsp;dit que c'est des castors que 1’bomme a appris anbsp;balir : c’est une folie de la nature de celles dont lanbsp;philosophie moderne est remplie. On peut con-sulter sur ce sujet le P. Charlevoix, Hist, de lanbsp;Nouvelle France , et le Speet, de la nat., torn. i,nbsp;pag. 361.

Je vis aussi un troupeau de buflles : ces animaux sont d’une espece différente de celle des boeufs.

Les écLiries de I’Empereur , k Cobschan , sont très-vastes ; on y voit des chevaux d'une grandenbsp;beauté : j y en ai vu deux de Babylone, couleurnbsp;de perle , et aussi reluisans. On voit^les meilleursnbsp;de ces chevaux, peints dans une trés-belle salienbsp;enclavée , avec quelques cabinets , dans le vastenbsp;quarré qui comprend les écuries : le plafond denbsp;cette salie est très-riche et très-curieux.

J’ai vu a Rotenstein les chevaux du Comte Rodolphe Palfi, qui sont aussi très-beaux. Quandnbsp;ils mangent l’avoine, on bat du tambour, on sonne

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la trompette ; ils semblent alors ne respirer que Ie combat. Ubi audierit buccinam dicit : Vah 'nbsp;procul odoratur helium, exhortatlonem ducurn etnbsp;idulatum exercitüs. Job. 39 , aS.

. . . Turn si qua sonum procul arma dedêre ,

Stare loco nescit, mieat aui ibus et ti-ernit artus ,

Collectumque premens volvil sub naribus ignem.

Georg. 3.

A Olmutz , on itve raontra un cancre , astacus, yoyez Thys. écrevisse de mer a corps rond et court. Une écre- «aer.,tom.l,tab.

1 nbsp;nbsp;nbsp;•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 A, X 1 onbsp;nbsp;nbsp;nbsp;r . iS.htt. jG, non

visse de mer, prise sur la cote ou Ie c,rucinx tut jy, enim rapporté a S. Fran^ois-Xavier. Le P. Général a rneadum.nbsp;envoyé cette écrevisse de Rome , et paroit persuade que ce n’est point un cancre , écrevisse denbsp;mer qui ressemble a une araignée , mais unenbsp;écrevisse de mer proprement dite , qui a rapporténbsp;ee Crucifix. J’ai vu quelques Jésuites conservernbsp;une sorle de veneration pour toutes les écrevissesnbsp;de cette cóte. J’ai mangé plusieurs fois , en Flan-dre , des écrevisses de mer 5 ici, ce régal paroUnbsp;une chimere.

A Rotenstein, résidence du Comte Rodolphe'

Palfi, a quatre lieues de Tirnaw, il y a un beau cabinet de raretés , ou l'on trouve toutes lesnbsp;collections imaginables de pierres précieuses , denbsp;marbres , de cailloux , de coquillages , de médailles, de tabatieres, de pipes Turques (*) : un

(*) Les pipes Turques ont 5 a 6 pieds de longueur : on dit que cette longueur améliore la fumée. La vraie raisonnbsp;**t que les Turcs aiifient a s’occuper ou a s’amuser quand

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(94)

Voyez YHisl. net. , des corallines,deMr.Ellis.

Pêche de la ba-leine, Speet, de la nat., tom. I ,nbsp;pag. 4‘’4’nbsp;vue pcinte h Tir-naw en 1765. —nbsp;Origine des lamesnbsp;fortes et pliantesnbsp;qu’on appelle ba-leines,Yo\A. ^ pag.

406.

hérisson marin; ce liérisson est de la grandeur du porc-épicj la dent raolaire d’un elephant; desnbsp;statues de corail. Je commence h croire que lesnbsp;corallines sont des ruches travaillées par des polypes raarins : la peau d’un grand serpent qui futnbsp;pris assez prés du chateau : I'aile d’un poissonnbsp;volant (i) : une petite et jeune baleine qui appa-remment n’étoit pas encore née , ou qui venoitnbsp;de naitre ; j’ai doute, depuis , si e’etoit une baleine (3): un cancre, astacus: toutes sortes d’idolesnbsp;de bronze , de cuivre, d’ivoire etc, : des pepinsnbsp;changés en or dans les raisins de Tockai (Journ. hist,nbsp;et lltt., t Juill. lySo ^ pag. 366): une dent egalementnbsp;changée en or. De hdc aurijicalione alibi disserui.

ils fumeiit, et que pour cela il est bon que la pipe repose sur quelque chose, et qu’il ue faille pas la soutenir denbsp;la main. Un plaisant, exagerant la longueur des pipesnbsp;Turques, disoit que, lorsque les Seigneurs Musulinansnbsp;vont a leur campagne , Ie concierge de leurs palais al-lume a Constantinople la pipe qu’ils embouchent dansnbsp;leurs maisons de plaisance.

(1) Ces petits objets ont un inte'rêt particulier dans les contrdes éloignées de la mer, oil toutes les productions etnbsp;ieshabitans decette partie du globe sont regardes commenbsp;des êtres d’un autre monde.

(3) A en jugerpar sa grandeur, ce n’etoil qu’un em-brion : la petite baleine est de soixante a soixante et dix pieds; la grande de cent trente, cent soixante et quel-quefois de deux cents pieds. Cela dépend de la vitesse denbsp;I’accroissement, et conse'quemment, suivant la regie denbsp;Buffon, de la longueur ordinaire de la vie des baleines.nbsp;liparort qu’en general le poisson vit long-teias, granditnbsp;lentement etc.

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( 9^ )

Purum aunim esse omninö nego, at posse particuUs fjuihusdam deaurari. Entr’aulres minéraux , il ynbsp;a une espece dont Tor est purifié et presquenbsp;préparé comme après l’action du feu ; j'ai vu lanbsp;ruème chose a Neuïol. Des chandeliers fails d’unenbsp;matiere rare, éclose de Vopération d’un alchimistenbsp;qui a dupé leRoi de Prusse. (Histoire remarquablenbsp;d’un alchimiste pendu a Custrin. Journ. hist, etnbsp;litt. , i Févr. l'J'jSf pag, — L’écaille d’unenbsp;très-grande tortue. — ün grand morceau de bols,nbsp;de Ia longueur d’un pied , trouvé dans l’esforaacnbsp;d’un cerf, tué par Ie Cojnte Rodolphe Palfi, —

* Journ* hist* ct littér* , i5 üéci

X)es pétrifications, 1^83gt;pag. 6ofr*

Une espece de marrons aqualiquesdontIe21:'è/s9ü« est leinpli, et qui sont bons k manger. Le Ti-bisque est un grand fleuve de Hongrie, extrê'nbsp;mement poissonneux (C’est la Theiss'^. — Unenbsp;écuelle faite de fiente de vache , très-propre etnbsp;très-soUde. — Des anneaux Remains •. ils sontnbsp;très-grands et travaillés grossiérement, avec desnbsp;inscriptions en grandes lettres *. ( i) — Lanbsp;canne dont on tire le sucre.

des métalliflcalions (2). — Les serres d’une écre-

(i) On voit dans d’autres anciens anneaux, dessaphirs, des jaspes, des onyx etc., avec des bustes extrèmement biennbsp;graves. Voyez Beger, Thes. Brand., i5g, 160, 161,

162, i63.

(a) On m’a donné de 1’eau, prétenduement pétrifiée dans ies mines de Scliemnitz. Un ongle de veau, ou de daim.

Jai marqué ailleurs comment se font ces pétrifications; nbsp;nbsp;nbsp;r.-

'jue 1 eau est indestructible etc. Exemple terrible depétri- des fosüles, par

fication, et qui paroit certain, ibtMud. subter., part. 2, bertga.s, Art.AK.»

P«g- 53, la ville deBiedoblo, sur la cóte d’Afrique, pé-

'rifiée : crimes de ses habitans. Et nescierunt hi, quos Cuatbi. ' ’’

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( 9^' )

visse énorme. — Nombre de couteaux et autanf de fourchettes , rent'ermés dans un noyau de ce-nict.hist., Krt. rise, Le Cardinal Pazman assure , dans une con-Aiumno, Spamno-sur 1’Eucharistie, avoir vu ii Prague,

GBI Ct KüVEtUCK.____

suhvertit in furore suo. Job. 9,5. — jilia de petrifica-tione , metallificatione , ibid., p. i , pag. So^. — 11 y a, prés de Leulch , iin lac pétrifiant (Ce ii’est point icinbsp;proprement une pétrification). Quaud les particules pe'tri-fiques sont transparentes, rien de plus beau que les cavernesnbsp;Vêtues de ces pdtrifications ou cristallisations, si 1’on ynbsp;Mund.suhterr., porie de la lumiere. On peut voir une belle descriptionnbsp;p. I ,.pag. 123. d’uue caverne de ce genre, située dans l’isle d’Anti-Paros ,nbsp;dans i’Arcbipel , de'couverte par Mr. de Nointhel, am-Jiassadeur de France a La Porte. Voyez-en le plan et lanbsp;covipe dans le Voyage pittoresque de la Grece, par Mr. denbsp;Choiscul-Gouffier, Chap. ^,pag. 5i. II diminue beaucoupnbsp;ce que d’autres voyageurs en ont dit; peut-ètre le fait-ilnbsp;lt; par esprit de contradiction, car il lelaisse appercevoir ennbsp;plus d’une occasion : suivant sa propre description, cettenbsp;caverne est une très-belle chose. — J’ai vu de ces fleurs denbsp;terre oii stalactites bien transparentes et brillantes, a Ros*nbsp;nau, le 9Fév. 1768. —Misson, dans son J^oyage d’Italië,nbsp;torn. 1 , pag. 162, semble douter qu’il y ait de vraies pé-trificalions : celle du cliampignon, sur-tout, lui paroitnbsp;suspecte ; il y a de quoi s’étonner de son ignorance sur cenbsp;point. Le champignon se conserve peu de tems; sa pétrification, ainsi que celle du pain, des joncs etc., que j’ainbsp;vue ailleurs, semble prouver qu’il ne faut pas toujoursnbsp;beaucoup de tems pour opérer cette transmutation. Lesnbsp;principes de la pétrification ne sont point par-tout dans lanbsp;mème activité, la même quantité, le mêine ensemble denbsp;circonstances. La cuprification se fait en qtiiuze jours. —;nbsp;],a pétrification est encore une figure de l’Eucharistie. Lenbsp;l)ois périt; sa forme, son volume, ses traits, sa couleur etc.

subsistent.

dans

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lt; 97 )

dans Ie cabinet de l’Ernpereur Rodolplie II, trois cents vases d’ivoire renferinés dans un grain denbsp;poivre; ces vases avoient Ie bord doré. On faitnbsp;encore è. Ausbourg de ces gobelets d’ivoire avecnbsp;nn anneau roulant 5 on en met jusqu'k cent dansnbsp;un grain de poivre de médiocre grandeur (JUisson,

Voyage iTItalie, tom. i, pag. z63. — J’ai parlé d’autres merveilles de ce genre en différens en-droits. C’est ainsi que la nature et Tart étonnentnbsp;souvent l’imagination.

II y a, a Rotestein, des caves d’une profondeur extraordinaire ¦, elles ont trois étages : on y voit uanbsp;puits qui a ga toises de profondeur, — Un arsenalnbsp;très-propre , très-bien ordonné , oü tout est dunbsp;meilleur cboix : il s'y trouve des armes de toutesnbsp;sortes de formes 5 des cottes de mailles *, tellesnbsp;que les anciens chevaliers portoient dans les com- tom.i,aurXieamp;nbsp;batsjdes statues toutes encuirassées etc. ,etc. — Le ces cottes de mail-

1 nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;IAnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;r»nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;y-,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;les Je gain de la

saiJrequi coupalatêle au lameux Comte JNadasty. batailie do Böuc On y a grave un vers, que Je crols avoir retenu vines,nbsp;et être tel:

Francisci caput a Nadasty hie abstulit ensis.

Les Hongroisle regardent comme un saint, comrae un innocent sacrifié h I’ambition de la Cour denbsp;Vienne j mais rien n’estplus faux que cette idéé,

^ui tient encore a I’ancienne antipathie des Hon-grois centre les Allemands. Voyez Nadasty, dans le Dictionn. hist. (1) — J’y vis encore un étendard

^

(•) On a de Nadasty, Mausolceum regni jlpostolici ,

Tom. I. nbsp;nbsp;nbsp;G

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(98)

a queue de cheval, pris sur les Turcs. — Les chaines horribles , dont les Turcs chargerent lenbsp;Comte Palfi.

II y a, a 5 lieues de TIrnaw, un paysan ce-lebre , qui, avec beaucoup d'eruditioii et une bibliotheque choisie , vit absolument eh paysan ,nbsp;cultive ses champs, et ne se retuse a aucun travail, rustique : il se nomme Kutinovics; il vientnbsp;aux theses j et le livre qu’on lui donne selonnbsp;?Onmel’atlit la coutume , il le met dans sa besace *. C’est

mort en 1767, homme simple et modeste , plus estimable et

Journ. nistor. et nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-i-,- 1nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;''

«m,iMaii785, plus heureux que les Diderot, les d’Alembert, les

pag. 17. nbsp;nbsp;nbsp;Rousseau, les Voltaire, les Hume, les Buffon ,

les Helvélius et tons nos philosophes.

• nbsp;nbsp;nbsp;Beatus ille qui procul negoiiis ,

XJt prisca geus mortalium,

Paterna rura bobus exercet suis Solutus omni fcenore. . . .

Forumque vitat et siiperba civium' Potentiorum limina.

Horat,.

Non ilium populi fasces , non purpura Regum

Flectit, et injidos agitans discordia fratres ,

Nec conjurato descendens Vacus ab Istro :

Non res Romance perituraque regna, neqiie ille

Regum ac Ducum Norimbergce , 16G4, avec des figures, ouvrage ecrit en style lapidaire, commeii5aiit par Kévé,nbsp;Due de Ilongrie, et continue jiisqu’a Leopold exclusi-vement. J’ai vu des gens qui regardoient ce Mausolccum.nbsp;coinnie 1’ouvrage d’un Jean Nadasi, Jc'suile j mais le Comtenbsp;quilede'die solemnellcrnent aux Etatsde Ilongrie, le re-gardoit certainement comme son propre hien.

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( 99 )

¦J^ut doluit miserans inopem , aut invidit liahenti, Quos rami fnicius , quos ipsa volentia nuanbsp;Sponte tulêre sud , carpit; nee ferrea pira ,nbsp;Insanumve forum , aut populi iabularia vidit.

VCRG. % Georg.

« Nous avons cru, dit Fontenelle, cju'en d^-quot; robant cinq ou six syllabes a la mort, nous )) étions sürs de vivve ii jamais ; il valoit biennbsp;» mieux consentir a mourir de bonne grace , nousnbsp;gt;) et nos noms ».

L’injustice des lecteurs qui condamnenl dans un Ouvrage ce qui est bon, qui- approuvent ce quinbsp;est manvais j les intrigues, les passions qui éleventnbsp;la reputation d’un auteur vil et méprisable, et quinbsp;réprouvent un éerivain solide, sulEsent pour nousnbsp;engager k ne pas paroitre sur la scene des sciences.nbsp;gt;' Le nombre des auteurs, moi compris , disoitnbsp;n Voltaire, est beaucoup trop grand », Conten-tons-nous de communiquer h quelques esprits do-ciles ce que nous savons de beau et d’utile ¦, etnbsp;quand la Religion et le zele n’en demandent pasnbsp;davantage, n'allons point au-delk (1).

1

II est inconceyable k quels exces se portent les factions litte'raires, sur-tout a Paris, et dans les grandes quot;villes. Voyez le Discours de Mr. Lefranc a l’Acadérnie desnbsp;jeux florauXj.le 6 Janvier 1749'— Cabales des impiesnbsp;des hérétiques contre les auteurs catholiques , f. o; i.nbsp;5-3. C. Poel. — Depuis 1766, que j’ai écrit ceci, les clioscsnbsp;'ont bien pis. L’Acade'mie Franyoise a adopté un monopolenbsp;qui prépare la mine entiere de la litlérature. Linguet a eunbsp;som de consigner dans ses Arriiales toutes ces destructivesnbsp;operations. Voyez sur-tout le 11“. 29, année 1778.

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( lOO )

Je mesouslrais, sans me plaindrc ,

Aux cabales, aux noirceurs,

Qui de tout terns ont fait craiiidre Le commerce des iieuf securs.

Oui, de la simple fauvettc Le cliant me seniLle plus doux;

Et, lorsque je le répete ,

Je ne fais point de jaloux.

Voyezci-dev., nbsp;nbsp;nbsp;Etant a Transchin, durant un second Voyage que

pag.,20. nbsp;nbsp;nbsp;jlt;y gjj Septembre , on m’y montra la corne du

véritable rhinocéros, et la pierre du porco-spi-noso , que j'avois déja vue ailleurs. J’y vis aussi un éventail singulier , servant k renouveller l’air dansnbsp;les cliatnbres.

Prés de Solna, on reinarque le chateau du Comte de Szuniogh , ou il y a une belle orangerie. J’ynbsp;ai vu le portrait de sa tante qui avoit été enterréenbsp;7pendant dix-huit jours. Le Comte prenoit cettenbsp;resurrection pour un miracle j mals je sais tantnbsp;d’histoires de ces prétendus morts, enterrés et puisnbsp;ressuseités , que je ne puis souscrire k sa pensée ,nbsp;sans en avoir d’autres preuves. La tante du P. De-traux (1), monbon ami, fut exposée comme raortenbsp;pendant douze heures: elle vécut ensuite plusieursnbsp;années. On peut voir sur ce sujet une belle et sa1-vante Dissertation dans les Mémoires de Trévoux.nbsp;— Le Journ. hist, et lilt., i Déc.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;pag. 490 :

et le I Déc. 1791, pag. 491.

Similis causa in L. Lamid, viro prcetorio tradi-lur. C, JEliwn Tuberonem , prwturd functum , a

1

Savant Jésuite, né k Luxembourg , qui fut le regent de rèditeur de eet écrit.

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( lOI )

^ogo relatwn , Messala, Rufus etpler'ique tradun/.

Hcec est conditio mortalium ,• ad has et ejusmodi oc-casioncs fortuncc gigninmr, uti de homine ne morti quidem deheat credi. Plin., Hist, nat,, L. 7 , Cap.

Sa. — Aviola, vir consulans in rogo recixit; ei quoniam subvenirinonpoterat ,prcevalenteflammd,nbsp;vh’us cremaius est. Idem, ibid. — Mr. Civile,nbsp;mort trois fois , Mém. de Trévoux,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;—JuilL

1736, et Juillet 176a, pag. 1678, — Calmet,

Hist. des apparit., torn. II , pag. 207 et suiv,

— Item , un Ouvi'age allemand ; De Mastications tnortuovum,

II y a , k une demi-lieue de Solna, un autre chateau oü Ton voit Ie corps encore entier d’unenbsp;dame célebre par sa piéfé ; maïs ce corps est toutnbsp;desséché, et son incorruption ne peut être donnéenbsp;pour un miracle. J’ai vu a St.-Jean en Liptovie,nbsp;un caveau qoi conserve très-long-tems les corps quinbsp;y sont déposés : ce caveau est pénétré de soufrenbsp;en quantité considérable. Si l’on jetoit uire cer-taine quantité de soutVe , par exemple, de la hau~nbsp;teur d’un pouce , sous les cadavres enfermés dansnbsp;des cercueils qu’on recouvre de terre , ou qu’onnbsp;bouche bien herméliquement, il en écarteroit toutnbsp;genre d’insectes et de corruption. In aliquibus ter-ris dijficulter cadavera putrescunt, quia vel sunt cur., dec.nbsp;salsa;, aluminosce , aut nitrosce ; nitrum verb et salnbsp;® putredine prceseivant; vel quia simt nimis sicccenbsp;frigidae, aut nimis calidcc, —Le corps du fa-™eux anti-Pape , Pierre de Lune, le plus obstinénbsp;lt;les hommes , privé de la terre sainte , est, dit-on ,nbsp;encore entier dans le chateau éélgluccas en Ar-

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( 102 )

* tóyez Ie P. Xüïl). '

ragon. Celui de Boniface VIII fut trouvé enlier en i6o5, trois cents ans après sa mort : on peut jus-tifier la mémoire de ce Pontife * (i).

II y a une Eglise dans la Russie-Rouge f ou les corps enterrés depuis des siecles , sont conserves ; ,nbsp;ceux qu’on y met aujourd’hni ne tardent pas a êtrenbsp;consumes. On vante beaucoup la conservation dunbsp;corps de S. Alban a Cologne, ün de mes arais , Ienbsp;P. Bozisio , prédicateur italien a Vienne , mainte-nant recteur k Trieste, cjui l’a vu , m’a assuré quenbsp;la chose n etoit pas telle qn’on la disoit. Le Roi denbsp;Pruss,e a voulu s’en instruire, et n’a nen trouvé quinbsp;le convainquit du miracle. Cependanl le P. Des-poulles, Jésuite, homme respectable dans maPro^

(i) II est bien difficile de Ia jnstitier enticrement en li^ sant l’Histoire de l’Eglise Gallicaiic, tom. XII, pag. 353nbsp;et suiv. Ce qu’on dit de son corps paroit certain. « ïroisnbsp;« cent deux ans après, sous Paul V, le onze Octobre ,nbsp;» jour même de son tre'pas, on ouvrit son tombeau placenbsp;n dans la Chapelle qn’il avoit construite a l’entre'e de l’E-» glise de S. Pierre. On trouva scs habits pontificaux ennbsp;» entier, et son corps sans ctuTuption, a la re'serve du neznbsp;)) et des levres. Mr. Sponde en parle comme ténioin acu-:nbsp;)) laire, s’élant trouvé k Rome en ce tems-la : c’étoit eunbsp;)) i6o5.... On lit pourtant cbcz quantité d’liistoriens, quenbsp;» Boniface mourut en furieux, se rongeaiit les mains etnbsp;» les bras : ce qui fait voir combien la partialité alterenbsp;u quclquefois I’liistoire dans les points lesplus iinportansa,nbsp;Quoiqu’une certaine incorruption ou integrite' des corps ,nbsp;ne pronve en general rien de bien positif; elle dit beau-coup , par cela senl qu’clle eSt rare, lorsqn’elle a beu k l’é.-gard des bommes cxtraoi dinairement respectés, ou calom^nbsp;uiés.

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vince (*), et témoin oculaiie, m’a dit des merveilles de cette incorruption.Mr. Ie Comte Ybarra, liommenbsp;extrêmement éclairé et judicieux, m’assure avoirnbsp;Vliet touché a Eysenstad, Ie corps d’unePrincessenbsp;Esterhasy, morte en odeur de sainleté depuis 5onbsp;ans. Ce corps est sans aucune corruption , plein ,nbsp;et visible , dans la sacristie des Servites. IInbsp;paroit néanmoins d’ailleurs , comme on Ie verranbsp;dans la suite , que cela est faux et exagéré. Lenbsp;moyen , après cela , de croire a ce que nous ra-content les voyageurs! Voir soi-même , eest lenbsp;seul moyen des’instruire. Les voyages m'ont apprisnbsp;a croire tout possible , mais a ne me rendre qu’knbsp;1’évidence. J’ai vu a Treves et ailleurs , des corpsnbsp;entiers , mais desséchés ; j’ai remarqué ailleursnbsp;{fol. 3j, 3. Crit.) que les corps restoient souventnbsp;entiers en Hongrie.

J’ai vu a Gracovie , dans l’Eglise de notre College , outre le magnifique ostensoir que j’ai dé-crit, pag. 6 , un autre fort simple qui est le propre ouvrage du Roi Sigismond. On y voit aussi denbsp;belles cbasubles , faites par la pieuse Reine denbsp;France : j’avois vu auparavant celles que la mêmenbsp;Princesse a envoyées a la Mission de Nancy. Lesnbsp;Dames de France , Victoire et Adelaide, préseii-tant ces chasubles a nos PP. , leur dirent : Notrenbsp;Mère et la vótre, vous fait ce présent.

II y a dans cette Eglise de S. Pierre , une Clia-pelle qui ne contient que des Reliques. Les piliers

(*) Ce Pere,]ors de la .suppression des .lésuites, en 1773, étoit au College de Luxembourg ; il éloit fort agé, et viyoitnbsp;en reclus.

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de l’Aufel et tout ce qui Ie constitiie , sont des re-liquaires vitrés et très-bien ordonnés. J'y ai vu et porté dans mes mains la tête de S. Stanislas Kostka,nbsp;que j’ai baisée avec beaucoup de vénéralion, ainsinbsp;qu’une lettre de S. Fran9ois-Xavier.

Le grand nombre de corps saints qu’on voit a. Cracovie, la multitude, la beauté, la richesse desnbsp;églises , font dire aux Polonois que Cracovie estnbsp;une autre Rome , Cracovia altera Rorna. — J’ai vunbsp;au noviciat des Jésuites, une chasuble et un daisnbsp;de paille, très-bien travaillés. — A 1’entrée de lanbsp;calhédrale, la cuisse et la cóte d’un géant, avecnbsp;d’autres ossemens , appartenans , disoit-on , aunbsp;jnême corps, attirent l’attention : la cóte peut avoirnbsp;» neuf pieds de longueur. Cette cóte peut être unnbsp;fossile , ainsi que les autres ossemens , ou bien lesnbsp;restes d’une baleine , car il y a des baleines dontnbsp;les os ou arrêtes peuvent étayer ou servir a cons-truire de grands édifices. On pourroit croire encore que cette cóte est celle d’un éléphant; maisnbsp;y a-t-il eu des éléphans en Pologne , ou du moinsnbsp;en Allemagne, en Hongrie? Ces sortes de fossilesnbsp;sont-ils de véritables os enterrés? Adhuc sub judicenbsp;lis est.

Salines de Vi- II y 3 a Vilisca, près Cracovie, des mines de lisca, en Pologne. très-célcbres , et d’une structure singuliere.

Le Roi de Prusse a voulu les voir; on diroit une ville entiere sous terre , elle a ses églises et sesnbsp;chapelles, oii l’on voit des autels et des statuesnbsp;bien travaülées et faites de sel. Les Polonois at-tribuent la découverte de ces salines a Sainte Cu-irégonde, Duchesse de Pologne , qui les connut,

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lt;^isent-ils , par une lumiere surnaturelle, On y descend au nioyen d’une corde , ce qui est très-dangereux, lors même que Ia corde est neuve.nbsp;de sais deterribles exemples en ce genre : je n’ainbsp;pu y descendre; les pluies et les neiges qui gros-sissoient les torrens du mont Krapacli et des autresnbsp;inontagnes horribles , qui séparent la Hongrie denbsp;la Pologne, mena9oient de m’enfermer en Pologne,

Dcscente dan» les salines de Déesnbsp;en Transylranie,

amp;i je restois encore un jour a Cracovie. — On voil de pareilles salines en Hongrie, a Chovar, présnbsp;d’Epériés. On peut voir, au sujet des salines de vojsez ci-aprfes.nbsp;Cracovie, Gracianilibros, invitd Minervascriptos,

OU bien Austuarium hist, nat. Regni Polonici j ou Pluche , Speet, de la nat. ,¦ toni. 3, pag. izz.

II jr a k Saint-Jean, prés St.-Nicolas, dans la Haute-Hongrie, une fontaine minerale j les oiseauxnbsp;qui volent au-dessus , en sont attirés, ou plutótnbsp;elle les étourdit et les fait tomber; mais il faut quenbsp;les oiseaux ne soient pas a une très-grande hauteurnbsp;lorsqu’ils volent au-dessus de cetle source. J’ai re-marqué , la comme ailleurs , que la renommeenbsp;exagere fout, et qu’il est bon de se rendre surnbsp;les lieux pour juger des choses. Le même phéno-mene se voyoit autrefois sur le lac Averne , ennbsp;Italië , au rapport de Virgile, Luerece , Pline,nbsp;Silius-Italicus etc.

........... . Tails sese halitus atris

Faucihus effundens supera ad convexa ferehat. . . Quem super baud ullce poterant impunè volantes

Tendere iter pennis. . . ............

Undè locum Grail dixerunt nomine Aortiorc.

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Ce lac a perdu depuis long-temps cette funeste propriété. — Quelques auteurs pensent que le lacnbsp;Averne est le cratere d’un ancien volcan ; maisnbsp;Mrs. Ferben, Dietrich , Hamilton, Brydone etc.,nbsp;ont tenement multiplié les volcans en Italië , quenbsp;le public s’est tenu en défiance k I’egard de toutesnbsp;ces suppositions, bien plus systématiques , malgrénbsp;lout ce que ces Mrs. en disent, que vraiment ap-piiyes sur le temoignage de ceux qui voient avecnbsp;des yeux non prévenus.

On voit, de Saint-Jean, les grandes raontagnes nommees Krapach, Karpath, mantes Carpathici;nbsp;la plus haute de toutes s’appelle Kriaan. — Unnbsp;plaisant disoit que la lune , dans son périgée ,nbsp;heurtoit centre le Krivau. Virgile , parlant desnbsp;flots de la mer, va biea plus loin :

Ter spumam elisam et rorantia vidimus astra.

JËMEin.

Le Kotch est presqu’aussi haul que le Krivan. Du sommet de Tun, comme du sommet de 1’autre,nbsp;on decouvre Cracovie , qui est a trois grandesnbsp;journees de la. Quelques-uns font le Krivan egalnbsp;au Pic de Ténériffe; mais je crois le Pic plus haut.nbsp;On monte en un jour sur le Krivan ¦, en trois joursnbsp;sur le Pic : on voit le Pic a soixante lleues dans lanbsp;mer. On lui donne six milles d'ltalie en hauteurnbsp;quelques auteurs lui en donnent le double. Con-certal Carpathus cum altissimis guibusm montibusnbsp;totius orbis (Szentiv. misc. Curio, dec. i. 79).nbsp;Ilalicas superat Alpcs et quascumque alias (Tu-roezi , Hungar., pag. 207). Palmam inter mantesnbsp;Europeos dat Hdvetiis Bujfon. Quelques auteurs

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ilisent que Ie Pic est la plus haute montagne de terre; d’auti’es donnent cette prérogative auxnbsp;Andes, d’autres au Caucase : on dit que celui-ci anbsp;douze milles d’Allemagne, quarante-huit d’Italienbsp;perpendiculairement iSzentiv. misc. Cur. dec. 2);nbsp;cela paroit absurde. Buffon donne seize cents toisesnbsp;aux montagnes de Suisse au-dessus du niveau denbsp;la mer. La Martiniere, art. Ténériffe, donne aunbsp;Pic 471872 pieds , c’est-a-dire , pres de huit millenbsp;toises ; Herbert lui donne quinze milles Anglois 5nbsp;Dellon et Duret, neuf mille Anglois ; Vareniusnbsp;quatre et demi; Beekman deux milles et demi,

Voyez YHistoire générale des T^oyages, torn. 6, pag. iqo. Mr. de Borda', dans un Mémoire lu knbsp;1’académie des sciences, Ie 12 Nov. 1777,nbsp;réduit la hauteur a 11,424 pieds ; Ie P. Feuillet,nbsp;k i3,t’j8.

II est presque impossible dedélerminerlahauteur

des grandes montagnes (Mund. suhtcr., pari. t, Moyendecon^

pag. oA p 2, cap. Z2.); Dieu seul la connoit exac- “oitre la liauteur i L A7 ¦nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;¦nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;¦nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;¦ VA) r\ par la distance, ct

tement -. Altitudmesmoniiuimpseconspicit (rs. 94;. Ja distance par la

1.1 en est de même des asfres. De modo ordinario hautenr. Mund.

monies meliendi scripsi aliquid mier physiccB Jiguras,

ubi de arce Temelzin. Barometro mensurari censet I^^S- 94-

Bujf 'on, sed perperdin. DrfficuUatem etiam hodiè in-

vincibilem meliendi monies , habes in Snpplem.

obseiv. phil.jfol. ao. Addes : Le barometre ne

mesure guere mieux les montagnes que l’aslrolabe.

Mr. Néedham ayant calculé la hauteur du Monl-

Tourné, situé entre le mont Cénis et le pelit Saint-

Bernard, a trouvé 463 toises de dillérence entre

la méthode de Mr. Cassini et celle de Mr, Bouguer,

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qu’il employa Tune après l’aulre. Que seroit-ce, si deux différens hommes avoient fait ce mesurageennbsp;différens tems, avec des barometres différens ?

L’état de fair change pendant qu’on monte; et quand il faut monter un jour ou deux , il a tout Ienbsp;tems de subir une révolution. Le moyen de Savoirnbsp;avec certitude combien le baromelre descend anbsp;raison de la hauteur de la montagne?... Cest,nbsp;dit-on, de placer quelqu’un avec un barometre aunbsp;pied de la montagne , tandis que les autres vontnbsp;au sommet ; fair change en bas, tandis qu’il nenbsp;change pas en haut. Les grands et subits change-mens de l’atmosphere se font dans les régions in-férieures, au-dessous de la cime du Pic et du Cénis 5nbsp;c’est la que se forment les nuées et les orages etc.

J’aurois bien voulu monter sur le Krivan, mais il étoit couvert de neige : c’étoit exactement lanbsp;figure d’Atlas, telle qu’elle est représenlée dans cesnbsp;beaux vers de Virgile :

. . . Cinctum assiduè cui nubihus atris Piniferum caput et vento pulsatur et imbti :

Nix humeros infusa tegit : turn Jlumina menia PrcEcipitant senis, et glacie riget horrida barba.

PiRO. 4 jEncid.

C est chose agréable de monter sur le Krivan en été : il est rempli de merveilles, Le P. Turoczi,nbsp;Hungaria, cum suis Regionibus, l’appelle Gazo-phylacium Hungarlce, pag. zo8. Les daims , lesnbsp;roari^ottes etc. y sont en très-grand nombre : onnbsp;y voit un étang d’eau noire , qu’on nomme Oculusnbsp;maris. Vel ex altiori hjdrophylacio, vel ex nivibusnbsp;phwiistjue ontur Ine oculus, vel ex inari, undè

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oculus mans. (Reinzer, Meteorolog., dissert, xi,

Hor af.

9ult;Est. I, Quseres 'y). Cet étang n’est point tout-a-au sommet de ce luont gigantesque : Ie sommet ^ étoit beaucoup plus large, il y a quelques an-nées 5 la foudre l’a rétréci. Ferhint summos fulminanbsp;fnontes.

.............. Ipse flagranti

Firgil.

Aut Atlio , aut Rhodope , aut alta Ceraunia telo

Rejicit.......................

Que dire des pierres précieuses , dont ces mon-tagnes sont parsemées, des riches minéraux qu’elles renferment dans leur sein etc.? Mirahilis in altisnbsp;Idominus.Fis immensa arhorum, feranim,, Turoczijao^.nbsp;avium, rerumque plurimarum, nonnecessitati modhnbsp;aut utïlilati, veriim ctiam luxui innocuceque volup-tati servicntium, multum supra modum invenitur.

A quelque distance du Krivan, on ne prendroit \oyez\eSpeet. cette montagne que pour une masse isolée , tandisnbsp;que c’est un groupe de collines entassées, et en-ti'ecoupées par des vallons sans nombre.

Dans un second voyage que je fis ti Kremnitz, en 1766, i’ai vu de quelle maniere on sépare l’ornbsp;de l’argenl par Talambic et l’eau-forte; battre mQigt;nbsp;noie, allonger, couper, arrondirles lames etc.

J’ai remarqué, dans ce voyage , que les hautes nvontagnes, comme Ie Krivan , Ie Kotch, étoientnbsp;souvent couvertes de neige, lors même qu’il n'ynbsp;en avoit pas ailleurs. Quelqu’un faisant la mêmenbsp;reflexion , me dit que peut-être les montagnes en-gendroient les nuées. Celte idéé ne peut être re^uenbsp;dan^ toute son étendue 5 mais les vastes montagnesnbsp;renfermant dans leur sein une grande quantité

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( no )

d'eau et de feu , sout saus doute Irès-propres a engendrer quelques nuages; car il est reconnu quenbsp;les nuées sattachent a l’eau. Plusieurs vents ont lanbsp;mêine origine : de la l’idée des poëtes, que les ventsnbsp;sont emprisonnés dans les montagnes. Molemquenbsp;ct monies insuper altos imposuit (i ^Eneid.). Souvent on voit sortir d’un trou du Krivan une petitenbsp;nuée , qui, en un instant couvre toute la mon-tagne , et se retire ensuite dans la même ouverture.nbsp;Le supérieur de notie maison, a Saint-Nicolas ,nbsp;ra’a dit avoir vu lui-même ce phénomene lorsqu'ilnbsp;•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;montoit sur le Krivan d’^iutres m’ont dit la même

cliose, et j’ai remarqué moi-même que d'un moment a l'autre, ces montagnes étoient nettes et couvertes. Le même supérieur me dit que fair estnbsp;doux et agréable sur le sommet du Krapach, plusnbsp;que vers le milieu d’autres m’ont dit qu’il est sinbsp;subtil , qu’on n’y respire qu'avec peine : il fautnbsp;considérer les lempéramens, la hauteur de l’at-mosphere ; l’éfat actuel de fair, et d’autres cir-constances, Jean Struis, Hollandois, dit aussi quenbsp;sur iemont Ararat, 1’airestbeaucoupplus agréablenbsp;au-dessus de la region moyenne , qu’il en a faitnbsp;Vexpérience etc. Voycz le Dictionn. de Trévoux ,nbsp;art. Ararat. — Mr. de la Condamine a vécu plusieurs semaines sur les Andes , qu'on croit être lesnbsp;?AndcsonCor- plus hautes montagnes du monde *.

téer7ourT)iisi nbsp;nbsp;nbsp;inoment en süreté sur

etlitt., iSSept. le Krivan : les tempêtes subites et horribles ont *786,pag. 82.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;j-epeniif plus d’un philosophe de sa curiosité.

II paroit que celte cause des tempêtes est en raison inverse de celle de Franklin. « Le sommet des

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( III )

gt;' inonfagnes, dit-il, attire les images , et lire le Malta vidt

feu eleclrique du premier ivuage qni I’aborde. nbsp;nbsp;nbsp;multas

*gt; Le second qui suit, lorsqu it approche de celui- tudlnes .¦ aliquo-

’gt; ci déia dépouillé, lui lance son feu et dépose ses ^ilt;^^usqueadnwr-, I . nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;tern periclitatus

» eaux : le premier image atorslanqanlde nouveau sumhoTumcausd, « ce feu dans les montagnes, le troisieme appro- MeratM sumnbsp;“ chant et tous les autres arnvant successiveraent, 34.nbsp;agissent de la même sorte , aussi loin qu’ils s’e-. » tendent en arriere, ce qui peut être dans unenbsp;)) etendue de pays de qiielques centaines de lieues n,

Un New tonien dira que le vaste corps de ces monts attire les vapeurs ou desnuages déja formés:nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•

il calculera et saura, par le rapport de la nuée avec la montagne , en quel terns la tempête auranbsp;lieu. « Mais, dit Mr. Pluche, de cent personnesnbsp;« qui feront ces recherches , pas deux ne se réu-n niront dans la même conclusion ». Pour moi,

)’a)oute a ce que j’ai dit, que les hautes montagnes sent des digues ou les nuees vont se briser, et ounbsp;eiles s’arrêtent.

Onm’afaitvoirciNeusol, le aqOctobre 1766, un raifort vraiment gigantesque , que nous avouamesnbsp;être une production singuliere dela nature. J'ai re-marque ailleurs que tous les êtres, et même toutesnbsp;leurs propriétés ont leurs géans. Dans ce pays-cinbsp;on se sert avec succès du raifort centre la gra-velle ; le P, Alexandre Howath, que j’ai connu anbsp;Tirnaw, en a fait 1’expérience. On m’assure aussinbsp;que le raifort rapé et appliqué au ventre dans unnbsp;sachet, guéritmerveilleusement toutés les coliques,nbsp;meme le miserere ; appliqué au fi ont, il soulagenbsp;les maux de tète, mais son action est violente. II

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faut en manger souvent; il y a néanmoins des es-tomacs qui ne sauroient Ie digérer.

MarLre noir trouvé en Hoii-gric. Jourtti. hist,nbsp;et litt. 3 I Juinnbsp;1780, pag.24^.nbsp;Curis acuens mor-talia corda,

Ut varias usus meditando ex-ticnderet artes.

Virg.

Le marbre est extrêmement commun k Neusol, a Graan et en d’autres lieux de la Hongrie ; knbsp;Neusol, il est presque aussi commun que les aulresnbsp;pierres; le marbi’e noir est rare dans tout le pays,nbsp;ainsi que le blanc. II y a peu de mines de marbrenbsp;noir : deux, je pense, en Europe. Voyez l’archi-tecture de d’Arvillers. Je ne sais cependant s’ilnbsp;parle de celle de Stantz , en Suisse; les statuesnbsp;qu’cn y voit dans l’église paroissiale, en ont éténbsp;tirées, mais le noir est veiné de blanc. II y a ennbsp;Hongrie beaucoup de marbre de coiileur cendrée,nbsp;qui est très-beau et bien flagellé; j’en ai une bellenbsp;piece, dont Madame de Torock m’a fait présent;nbsp;ce marbre a beaucoup de rapport avec i’agate:nbsp;le plus commun est le rouge, flagellé , vergetté etnbsp;pommelé. — J’ai appris k écrire sur le marbre, lenbsp;Ier etc., d’une maniere très-aisée , et qui donnenbsp;aux lettres beaucoup de relief et d’éclat.

II y a k Neusol une infinité de machines et de inoulins qui servent k travailler le fer et le cuivre.nbsp;J’ai vu, le 4 Décembre, le moulin k cuivre : on ynbsp;coupe de grandes masses de cuivre et de fer , onnbsp;applatit les lames, ont fait des cbaudrons etc. etc.;nbsp;les marteaux font tout cela , les ouvriers ne fontnbsp;que diriger le métal pour recevoir les coups anbsp;propos,

C’est une chose terrible k voir que les fournaises qui fondent les minéraux : j’avois bien vu des fon-deries , mais celle-ci est tout autre chose. Durantnbsp;la nuit, je crois voir I’enfer ouvert, quoique les

fournaises

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fournaises soient è.^lln quart de lieue de ma cham.-: 1’air est illumine au-dessus des cheminées k.

'ine hauteur fort considerable.

........Tdfiquam si terra dehiscehs

8. Ahiieul, 2/13,

Infernos reseret'sedes , et regha recludat Pallida , Dis invisa , superqtie imfnane haralliruin

Pernatur.j.tiepidentque', immissa limine manes^

En Décembre nbsp;nbsp;nbsp;j’ai yu'a. Gaos, a deux

Voyez le Spgt;-ct. de la nat., tofnrs

petites joui'uées de Neusol, Ie chaleau du Comte de Forgacs , dont l’intér ieur est très-beau et riche-ment meubié5 les-appartemens.de Madamepeuventnbsp;foger uneReine, Gacs est unendroit dont Ie Comtenbsp;a fait une petite yjll.ej’y ai vu plusieurs arts, dontnbsp;j ignorois la.méjthode. II y a peu darts que je n’aienbsp;Vu exécuter pu allege , ou aux P,ays.-Bas , ou,ennbsp;Irance , ou en Bongrie. Je ne parlo, dans eetnbsp;Itinéraire, lt;pue des arts qu’on ne frquve pas par- 5,6,7.-La«;(-tont,: les plus communs ne doivent pas êfre né- hanerie de piu-gligés. Le philosoplie observe tout; tout est grand 6*Vag-dès qn’il instruit. — La machine a filer Tor et 1’ar-gent, que j’ai vue k Gacs, est vraiment curieiise:nbsp;on y voit un autre petit moulin, qui applatit Tor etnbsp;1’argent, et le prépare a être filé. J'y ai vu aussinbsp;faire des galons, battre 1’or en feuille etc. : unenbsp;feuille , qui paroissoit indivisible , en donnoit 60nbsp;de pareille grandeur.

Ee moulin qui sert k faire le crayon, est assez ^emblable aux moulins k farine. La manieve dontnbsp;on fait aujourd’hui le crayon, est tóute différentenbsp;de celle que Vitruve attribue aux Rhodiens,

Je fis ce voyage en fraineau : les Hongrois ai-T'om. T. ¦ nbsp;nbsp;nbsp;H

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iuent beaucöup cetle voiture (i) j c’fest ce qu’ils appelleni trahisare. Le froid est grand dans lesnbsp;pays montagneux de Hongrie ; J’ai 'été oblige ,nbsp;en 1769 , de mettre dans le calice une boule denbsp;marbre cbauffée , pour pouvoir dire la Messe. J’ainbsp;pensé mourir de.I'roid le .13 Janvier, allant ennbsp;traineau de Divm a, Neusol. Les gazettes ónt parlénbsp;du terrible froid qu’il afait ce jour-la; j’en ai pleurénbsp;comme un enfant, et sans une cabane que le bon-heur nous fit rencontier , je crois que je seroisnbsp;mort de froid.

J’ai vu h Podrescban , chéz Mr. Törock , des armes turques et tarlares , vin livre de prieresnbsp;turques, que les ancêtres de ce seigneur avcientnbsp;pris sur les Ottomans : une'^rue familiere. Lesnbsp;grues sont communes en ce pays-ci ; j’en ai vunbsp;d’autres cbez'Mr. le Comte dö Grassalkovics anbsp;Godelo. La Hongrie ést voisine de'la Tlirace , oiinbsp;elles ont combattu autrefois les Pigmées en bataillenbsp;¦Cangée.

J’ai remarqiié dans tons mes voyages , que les animaux de la mème espece sont différens dansnbsp;différens pays 5 ce qui prouve que le sol, le cli-mat’, la nourriture etc., peuvent causer une diver-sité, comme celle que nous voy ons dans les negres;

* Dictionn. nar ilest certain que les négrillons naissenlblancs *.

d’hist. nat,, Alt. jjq ailleurs que I’iniaginalion des meres , ren-Negke. nbsp;nbsp;nbsp;_____________________ _

(i) Mr. Navier, de Cbalons, docteiir de Rheiras, e* baclielier de la Faculté de Paris, a traité cette questionnbsp;singuliere, le i3 Mars 1777 : .dn salubris magnatibusnbsp;rhedula niyeo-tractoria ? S’il est salulaire aux grandsnbsp;d’aller eu traineau? II a soutenu Paflirmatiye,

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doit blancs les ours , les lievres etc., daiis les paj s Septentrionaux. Mais un Moscovite m'a assuré de-puis , que ces animaox n’éloient pas blancs ennbsp;naissant, maïs qu’ils Ie devenoient par la suile ,nbsp;comme les boeuls en Hongrie. J’ai souvent parlénbsp;dé eet article; mais j’aime encore k y revenir, pournbsp;confondre Ie matérialisme. Les pores sont entiére-meirt roux dans quelques cantons de la Hongrie :nbsp;dans d’autres ils sont entiérement noirs. Aux Pa3rs-Bas, ils ne sont ordinairement ni roux ni noirs.

— J'ai baptisé a Vodreschan, un enfant Singare (i), qui étoit tout brülé et roux, paree que ses parénsnbsp;avoient passé leur vie au soleil. J'en ai vu un autrenbsp;a Tortel, prés de la Theiss, Ie 17 Mai 1767 , quinbsp;avoit les j'eux , Ia couleur , tout Fair dun negre.

Un mulatre que j’ai vu a Vienne, étoit moins noir.

On m’a demandé pourquoi les Américains sont sans barbe ! il est assez difficile de prononcer la-dessus : il faudroit avant tout être bien assuré dunbsp;principe on cause efficiënte des plumes et desnbsp;poils. J’en ai dit quelque chose, yb/. s.3, z. Grit.;nbsp;j’ajoute que les Américains ne fout point usage dunbsp;sel *, et qu’ainsi Ie sel seminal, n’étant point aidenbsp;nbsp;nbsp;nbsp;navigat

--—----———-------—-- in Srasil. , cap,

(li On ne sait quelle est 1’origine de ces Zigeiner ou nbsp;nbsp;nbsp;gt;

° Tl nbsp;nbsp;nbsp;TT Francofurti ad

ctingares , que les rranjois nomment Fgyptiens ou Bo- Mcenum, i5go.

hémiens. Ils se disent d'Egypte, et condamnés par la

malediction de Dieu a la misere et a 1’exil, comme les

Juifs et les enfans de Chain. II est xrai qu’ils ont Ie mème

gout pour la divination que fes anciens Egyptiens. Szentv.,

Dec , 2 , 128, dit que c’est une fable. II y a qiielqnes

annécs qu’on les a chassés de la province de Luxembourg,

oil ils demeuroient dans les bois,

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du sel élémentaire, a moins de force. Quelques-iiiis disent que les Américains s'arrachent labarbe et les poils avec tant de soin, qu’on attribue a lanbsp;nature ce qui est Fetfet de leur caprice. On peutnbsp;dire en général que les Américains étant toujoursnbsp;nus (1), et n’usant que de nourritures simples ,nbsp;sont d’un tempérament sec, chaud , sans acreté etnbsp;sans beaucoup d’humeiirs. On voit aussi chez nousnbsp;des hommes sans barbe et sans poils; lesEthiopiensnbsp;sont également sans barbe; leur tête na que peunbsp;de cheveux. G’est défaut ou excès de chaleur;nbsp;excès qui desseclie et dissipe les hunieurs j défautnbsp;qui ne peut les digérer et les poujser. Les cheveuxnbsp;ne sont que des produits formes des vapeurs fuli-gineuses du sang , qui, poussées paria chaleur versnbsp;la superficie du corps , se condensent en passantnbsp;par les pores de la peau : peut-être Ie vêferaentnbsp;favorise-t-il cette condensation. J’ai vu a Lursanbsp;prés de Pest, en Hongrie , une femme qui avoitnbsp;la barbe si forte , qu’elle se couvroit Ie mentonnbsp;pour ne pas prêter k rire. — Selon 1’Auteur desnbsp;Recherches sur les Américains (ouvrage absurde

1

Vixi alicuhi nos oinnes pilosos fore , si nudi ad polos hahitarernus ; sed nuncplane dubito ; etsiprovidanbsp;natura pilorum ferax sit in animantibus polo vicinis.nbsp;Homines plane pilosos visos esse, verèque hominesnbsp;fuisse dixi in 3. Grit. ylt neque jEthiopes , nequenbsp;Singari nostri , neque Americani , etiam Zonales ,pi-losi sunt quamvis nudi. Puellam salso sanguine labo-rantein, adstuporem crinitarn vidi. Oves salis amantee.nbsp;sylvescunt land. Avium sal in plumaspennasque abit;nbsp;urinam non faciunt.

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Bt très-mauvais) , c’est la grande hunridité de l'A-mérique , qni en rend les liabitans sans polls. Depuis leur mélange avec les étrangers , ils sontnbsp;plus velus. Ceux qui prétendent que la coutumenbsp;de s’arracher les polls a rendu cette dépilation lié-réditaire , sont réfutés par les plus simples notionsnbsp;de la physique. Un pere aveugle n’engendre pointnbsp;d’aveugles. Voyez pag. ^o, tom. I, Recherches surnbsp;les Améncains.

A Gaos, )’ai vu faire des fourneaux ou poëles ^ chauffer , d'une forme particuliere j ce sont denbsp;grandes et belles statues , bien travaillées et faitesnbsp;d’une terre blanche qu'on trouve dans Ie voisi-ïiage , OU bien d’une autre espece de terre, moinsnbsp;belle que la premiere , inais bien vernissée. Cesnbsp;fourneaux font un bel effet dans les salles ; i’en ainbsp;Vu un qui représente Confucius , ce fameux phi-losophe et législateur Chinois ; d’autres représen-lent des sirenes , des Turcs , des Maures etc.

Le 5 Février 176'j , feus la curiosité demonter h une caverne , qui est au milieu d'une montagne,nbsp;i une lieue de Neusol. L’entrée en est percée dansnbsp;Un grand roe. Je suis fenlé de croire qu’autrefoisnbsp;d y a eu des mines d’argent ou de cuivre dans cettenbsp;Uiontagne , qui n’est pas éloignée du HejTengrmdnbsp;(val des Seigneurs), dont }’ai parlé ailleurs. II ynbsp;^ prés de St.-Jean , en Liptovie , une autre ca-'verne renommee, que Szentivari, Dec.pag. Gj,nbsp;soupeonne avoir été une mine. On dit que lesnbsp;Uiines de ce pays-la ont été exploitées par les Ronbsp;Uiains.

J’ai vu a Neusol une espèce de marbre, que 1’on

II d

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trouve dans I'Autriche supérieure, et qui a les propriétés les plus remarquabies. On Ie nommenbsp;hlmmelstein, Réduit en poudre, il devient une mé-(lecine efficace contre les chaleurs ou inflammations , les fievres , les indigestions etc. Ce quinbsp;paroit incroyable , c'est que ce marbre met unenbsp;difference entre les hommes et les temmes. Lenbsp;rouge opere mieux chez les hommes; le blancnbsp;chez les femmes. S'il n’y avoit pas dans la naturenbsp;d’autres phénomenes pareils , je ne me serois pasnbsp;laissé persuader de fexislence de celui-ci. On dit,nbsp;par exemple , que pres de l'isle de Socotora , surnbsp;la cóte d’Afrique , il y a deux isles, dans 1’unenbsp;desquelles les femmes seules , dans l’autre lesnbsp;hommes seuls peuvent vivre. II est certain d’ail-leurs que le tempérament de la femme, élant pournbsp;l'ordinaire plus foible que celui de fhomme, de-mande des remedes proporlionnés.

On voit encore h Neusol une digue, qui passe diagonalement par le Graan. Elle a une demi-lieuenbsp;de long, et est surmontée d’un plancher, qui est tou-jours net, paree qne 1’on n’y passe ni a cheval ni ennbsp;voiture. On s'y promene ainsi au milieu des eaux,nbsp;et entre deux bords très-rians. Cette digue sert anbsp;arrêter les bois que le Graan amene aux fondeurs :nbsp;de la vient qu’on fappelle Rastra. L’Empereurnbsp;Joseph II, n’étant encore que Roi des Remains ,nbsp;prit plaisir a se promener sur ce pont. Sur un desnbsp;sieges qui s’y trouvent d’espace en espace , on Ütnbsp;les vers suivans:

Qtcisqueperegi'inus Regis memor esto Josephi , Qiiifuit, exactd messe, Neosolii. i7tgt;4‘

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^ nbsp;nbsp;nbsp;(119)

Et celui-oi ;

Jiicfuerat quondam Kegis sedile Josephi.

J’ai vu dans la niême ville plusieurs antiquités tirées de la vieille Eglise du chateau, que pour lorsnbsp;On réparoit et dans la Maison-de-Ville , des cha subles précieuses et antiques, d’un travail en bas-relief, auquel je n’ai enqore rien vu de semblable.

J’ai observe qu’en Hongrie on se sert de pins et de sapins , pour former des pyramides et d’au-tres figures dans les jardins , comme nous y ein-ployons les ifs.

Les vents qui nous amenent de la pluie en.France et aux Pays-Bas, donnent Ie beau tems en Hongrie.nbsp;Au contraire , Ie vent d’Orient venant de la Mer-Noire , qui est voisine de ce pays-ci, fait pleuvoir.nbsp;Ce qui me convainc de la vérité des réfiexions dunbsp;E. Régnault a ce sujet, Voyez aussiReinzer, Me-teorologia, dissert. 6, qucest. conclus, 3.

Dans un second voyage que je fis a Gaos (il faut prononcer Gatsch) , Ie 4 Avril i'jGq , je visnbsp;graver les tables de cuivre, dont on se sert pournbsp;faire la toile cirée; et la maniere de faire Ie velours et la pluche. Le chateau de Gacs est aussinbsp;avanfageusement situé que le Spilbergen Mora\'ie.;nbsp;on en pourroit faire une forteresse importante.

Le Comte deForgacs fait actuellementtravailler ^ une machine qui, attachée a une voiture et ap-pliquée a la roue , marque exactement la mesurenbsp;du chemin que 1’on parcourt. C’est un odometrenbsp;lel que celui par le moyen duquel Dulens a mesurJnbsp;les principales routes de 1’Europe. J’ai vu cette ma=nbsp;chine exécutée en bois 5 le Comte 1'a fait construire

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en fer ; elle est très-Curieuse. Le inouvement de Ia derniere roue est si insensible, qu’il faut je ne saisnbsp;combien de mille lieues pour qd’elle ait achevé sanbsp;revolution,

Xheiös.

Voyage de Ia Le 16 de Mars 1 ^6'^, je partis de Neu^ol (Haute-Hongrie), pour me rendre a Pbdrcschan, dans le Comté de Neugmd, d’ou , après un séjour de troisnbsp;semaines , je me mis en route avec une nombreusenbsp;compagnie, pour aller demeurer quelque tems surnbsp;les bords de la Tbeiss , un des quatre principau:^nbsp;fleuves de Hongrie (*), renommé dans 'to'ute l’Eu-rope, par la prodigieüse quantité de poissons qu’ilnbsp;nourrit, par la multitude de toutes sortes d’oiseauxnbsp;qui demeurent dans les lacs formés par ses inon-dalions dans les Campagnés voisines, et enfin parnbsp;la singülarité du pays qu’il parcourt. Tous les ans,nbsp;la Theiss ést tellement rem pile de vers et d’insectesnbsp;durant trois ou quatre jours, que l’eau en devientnbsp;une espece de bouillie ¦, ils descendent ensuite aunbsp;' » fond et servent de nourriture aux poissons. Celanbsp;arrive vers le i4 Juin; on dit alors que la Theissnbsp;fleurit. C’est ainsi qUe paroit quelquefois sur lanbsp;Meuse une prodigieüse quantité de petits papillens ; on les assemble par le moyen d’une botte denbsp;paille allumée ; ils viennent s’y brüler les alles ,nbsp;tombent dans l’eau, et deviennent la pature desnbsp;poissons. Les apparences laiteuses de l’eau de lanbsp;mér ne sont auire chose qu’une multitude de petitsnbsp;insectes luisans, qui ne brillent que durant la nuit;

. Ces quatre fleuves sont Ie Danube , la Theiss ^ ^Tihiscusj ^ la Drave, la Save.

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on ne peut en douter , après les observations du oapilaine Newlan , de Mrs, FrancMin, Nollet, Ri-gaud, médecin de la marine de Calais. Ces animalcules si multipliés , sont sans doute l'essaimnbsp;OU Ie frai d’une espece de poisson,

Le 8 Avril, je dinai k Gacs, petite ville dont je parlois il n’y a qu’un instant, au chateau dunbsp;Comte de Fergacs, qui pour lors étoit absent, etnbsp;je vins couclier a Sa gal, chez le curé. Comme ilnbsp;ii’avoit qu’une chambre a nous donner, et quenousnbsp;étions k i8 personnes , je dormis dans la voi-ture qui ne me mit point a l’abri du froid , ni denbsp;la pluie , ni d’un loup , qui vint me rendre visitenbsp;a la portiere. En voyage, rien ne me rebute, riennbsp;ne m’afflige : j’ai vu pleurer mes compagnons, tan-dis que j etois de fort bonne humeur.

Fn.gida dat potum , tellus inarata cubile ;

Cervical saxum , tenues speliinca recessus ;

¦Arentes victum rami lapidosaque corna etc.

Un voyageur doit se résoudre k tout cela, et en rire. Je n’ai perdu ma bonne humeur que dansnbsp;deux voyages, celui dlOlmutz et celui de Cracaw,nbsp;et cela pour raison.

Leg, nous passames par Szecsény, ou le Comte Sigismond Forgacs a un fort beau chateau ; la for-teresse ou jadis les Turcs dominoient, est k present démolie.

Nous dinames a Told; nous y vimes une femme de 114 ans, J’en ai vu une, dans ce même voyage,nbsp;agée de 120, La premiere paroissoit plus agéenbsp;que la seconde : je ne voulus point croire quenbsp;celle-ci eut cet age|, raais on ra’en a convaincu ,

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Oil du moins on m’a fait voir par quelques époques, qu’il sen falloit peu. Dans ces contrées de telsnbsp;exemples ne sont pas rares. En i'j'jö , il est niortnbsp;dans le Comte de Zathmar une Dame de laS ans.nbsp;Nous passames la nuit suivante a Cosarcha, cheznbsp;un Gentilhomme nommé Marsouski-Gabor i jenbsp;coucliai sur une planche; et le lendemain, lo,nbsp;apres avoir vu les belles ecuries du Comte Gras-solkovitz, ornées de statues de chevaux, deboeufs,nbsp;de patres , qui sont les rich esses du pays , nousnbsp;dinames a Hatvan.

Avant d’arriver a Hatvan, on voit les monts Matra, célebres en Hongrie , et qui sont repré-sentés dans les armoiries du Royaume, avec lesnbsp;monts Patra et Fatra.

Hatifan est un endroit assez renorame dans I’liis-toire de Hongrie; les Turcs et les Chretiens s’en sont souvent emparés , le reprenant les uns surnbsp;les autres. On n’y voit rien de reniarquable quenbsp;le chateau du Comte Grassolkovilz, et un conventnbsp;de Capucins.

A Hatvan commence cette fameuse plaine , qui occupe une grande partie de la Hongrie en-de 9anbsp;et au-de-lk de la Theiss; quelques-uns la nommentnbsp;Mare siccum. On dit qu’il n’y a point de plainenbsp;pareille en Europe, sinon dans la petite Tartarie.nbsp;On y voit de terns en terns des monceaux de terre,nbsp;qui paroissent avoir été des especes dobserva-toires , d’ou Ton pouvoit voir Tarrivée de I’ennemi.nbsp;On y voit aussi d’autres inégalités, qui paroissentnbsp;être I’ouvrage des vents , dont la violence est terrible dans cette plaine; les sables entassés par les

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vents el battus de la pluie, auront pris consistance durant un grand calme. La terre ne paroit pasnbsp;propre anourrir des.arbres j il n’y amême, dansnbsp;le peu de jardins qu’on y rencontre , que quelquesnbsp;arbrisseaux insignifians et chétifs. Dans les vigno-bles Aq Kecskemeth, ou la terre est sablonneuse,nbsp;les arbres sont assez grands : les pruniers sentnbsp;presque les seuls arbres de ces cantons; aussi nenbsp;jettent-ils point de profondes racines. J’ai observénbsp;que sous la prenaiere couche, qui est une terrenbsp;excellente ^ la profondeur d’environ un pied etnbsp;demi, il y avoit une terre glaise, ou les autresnbsp;arbres ne sauroient s'enraciner. L’usage immodérénbsp;de ces prunes, entretient la dyssenterie parmi lenbsp;peuple de ces vastes cantons.

Comme les villages y sont fort éloignés les uns des autres, on ne voit ordinaireinent que ciel etnbsp;gazon , sans qu’il y ait ni maison, ni arbre , ninbsp;quoi que ce soit, qui puisse fixer la vue. Virgilenbsp;auroit dit : Codum undique, et undique cespes; etnbsp;Ovide : Qubcumque aspicio nihil est nisi cespes etnbsp;tether. Le soleil s’y leve et s’y couche comme dansnbsp;la mer , et I’horizon y est aussi étendu qu’il puissenbsp;être : de quelque cote qu’on regarde, la vue senbsp;perd, et Ton voit autant d'espace,

. . . Qu’un homme assis au rivage des mers Voit d’un roc élevé d’espace dans les airs,

Et que des immortels les coursiers rapides

En francliissent d’un saut.........

Boiieau.

Après-midl, nous paiiimes de Hatvan, et pas^--sames par un rdilage de Jaziges, nation qui fait la

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guerre a laPandoure, et qui forme dans les troupes de Sa Majesté une milice distinguée, ainsi quenbsp;les Cumaniens : ceux-ci sont les descendans desnbsp;Uzas (1). Rien de plus humain ni de plus soumisnbsp;que ces peuples, ainsi que les Creates , quand ilsnbsp;sont chez eux, pauvres et opprimés par les nobles,nbsp;accablés de coups etc, Rien de plus terrible dansnbsp;la licence des armes. Rusticagens est optimaJlens,nbsp;est pessima gaudens.

Nous vimes , le même jour , les restes d’un canal qui devoit joindre la Theiss av'ec le Danube.nbsp;Je passai la nuit dans une etable isolee, au milieunbsp;d’une vaste campagne ; dix-sept chevaux, qui s’ynbsp;promenoient a I’aise, m’auroient mille fois écrasé,nbsp;si' I’instinct du clieval ne I’empechoit de foulernbsp;rhorame aux pieds. Je ne laissai point de dormir,nbsp;quoique moins bien que nos cochers, qui me firentnbsp;songer bien des fois h ces vers d'Horace :

..........Somnus agrestium

herds virorum, non humiles domos Faslidit,

1

» Les Uzas, ou Uzes, peuple Tartare, plus fe'roc» » encore que les Hongrois, passerent le Danube en io66,nbsp;n pour attaquer I'Empire. Ils se disperserent peu de ternsnbsp;» après : quelques-uns vinrent se jeter entre les bras denbsp;» I’Empereur (Constantin X), qui leur donna des etablis-« semens en Macedoine, oii ils se civiliscrent et demeu-» rerent lide'leraeut soumis. Les autres, conservant leurnbsp;n liberté et leur fe'rocité naturelle , s’ancterent au-delanbsp;» du Danube, dans ce qu’on nomme aujomd’hui la Mol-» davie, et dans cette partie de laHongrie qui porte encorenbsp;n le nom de Cumauie, ou Ton voit Zolnock, Arad,

» gedin, Kocskemi etc ». Le Beau, Hist. duJias-Emp., L. 79, tom. 'i'] , pag. 2i4-

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Le 11 , nous dinaines a Ahan, qui est un grand tiourg, ball a la mode du pays. Les maLsons y sentnbsp;ou sous terre, ou balies de (ene ou de roseaux;nbsp;rjuelques-iines sont de bois. On y garde les grainsnbsp;dans de grandes fosses qu’on recouvve de terre,nbsp;et dont on a soin de retenir la place. Le's souris,nbsp;sans doute, out donné le dessin-de ces greniers.

Sub ten is posuitque domos , atque horrea fecit.

On m’a montré une de ces fosses, oii Ton en-graissoit les pores , au point de devoir les ceindre de cercles de fer , pour les empêcher de crever;nbsp;Un plaisant disoit que celte pratique étoit centrenbsp;la tempérance.

II y a a Aban une ecole Juive, ou j’ai pris plaisir d’aller ; j’y ai vu, avec admiration, I’attachementnbsp;de ces bons Hébreux k la langue sainte et aux livresnbsp;saints. L’Hébreu des rabbins et des savans juifs,nbsp;est différent de celui de I’Ecriture. Le Chalda'iquenbsp;y est mêlé , les mots des deux langues sont souvent changés, la signification en est restreinte ounbsp;élendue. L’arabe , le grec, le latin, différentesnbsp;langues modernes y figurent aussi, sur-tout lanbsp;liongroise , parmi les rabbins hongrois,

Les habitans du pays , j’entends les hommes , sont habillés de peaux de moutons, et portent denbsp;grandes pelisses leur couvre-chef est le kalpac ounbsp;chapeau hongrois leur chaussure, une piece denbsp;Cuir et des cordes entrelacées; leur chauffage , desnbsp;-toseaux ou dé la fiente séchée ; ils se frottent lesnbsp;cheveux avec du lard pour les avoir bien noirs ,nbsp;ce qui donne aux églises une odeur insupportable.

^ Les chiens, les bmufs , les taureaux , les pores

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( i-iö )

ïiiême et les vaches sont fort a craiadre , sur-lout pour les étrangers, dont l’habit les irriie.

Les Hongroismontagnards sont beaucoup mieux fails de corps et d’esprit, que ceux qui habitentlesnbsp;plaines : il est dès-lors très-faux de dire, avec nosnbsp;philosopbes , qu’un peuple est doux quand il nenbsp;lui manque rien, Que manquoi(-il aux Grecs, auxnbsp;lloraains etc,? Que manque-t-il aux Turcs, auxnbsp;Chinois ?

Lesoir, nous arrivames h Toszeg, qui étoit Ie but du coyage : Toszeg est un village situéau bordnbsp;dun grand lac , que la Theiss entrelient. Nousnbsp;nous promenames souvent sur ce lac qui, lorsquenbsp;les^eaux sont grandes, peut avmir quatre k cinqnbsp;lieues de circonférence. Quand les eaux se reti-rent, on y plante des choax, on y fauche , on ynbsp;chasse , ce qui lui donne quelque rapport avec Ienbsp;fameux lac de Czirnitz. Le lac de Toszeg , etnbsp;quelques autres, tburnissent des roseaux a tout lenbsp;pays vöisin : ces roseaux servent abatir et a couvrirnbsp;les maisons. hes Russiens nèmmoms et les Va-laques du Comté de Marrnaros, amenant du sel anbsp;Zolnock, y amenent quantité deboispar la Theiss;nbsp;ce bois se vend k un prix très-modique, et suffitnbsp;k tout le pays des environs. J’ai déja observé ail-leurs que la sagesse du Créateur n’a laissé aucunnbsp;pays , sans compenser les incommodités qui s'ynbsp;trouvent par quelques avantages.

La iertilité de cette plaine est inconcevable : les Slaves y viennent cbercher des grains , comme lesnbsp;enfans de Jacob en Egypte. Ils y apportent desnbsp;vases de terre qu’ils écliangent contre le grain

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c(ue les vase's peuvent contenir. Les asperges crois-sent en abondance dans les champs. Tel champ portera une seconde fors , sans qu’on y ait semé.nbsp;Ipsaque tcUuS oriinici Itberiiis , mdlo poscenie fo-rehat. -— Primce benedictionis vestigia hinc indénbsp;Deus in maledicta terra reliquit. Simde quid de do-miniö infcras... Nonobstant tout cela, ce pays estnbsp;Ie plus triste qu’on puisse voir; il manque de bois,nbsp;de pierres, d’eau etc. Üon omnisfort omnia tellus.

Le vin de Körös, de Kecskemüth etc., est bon; il est moindre cependant que celui des montagnes.nbsp;L’air y est beaucoup moins sain que dans la Haute-llöngrie, mais plus chaud et beaucoup plus proprènbsp;a l'avoriser la fécondité de la terre. Le même joutnbsp;que je quillai les montagnes , je sentis cette diffé-rence; les monts étoient encore couverts de neige,nbsp;taudis qne le zéphyr jouoit dans ces riantes campagnes. Cependant, le i**'. ,2, 3 et 4 de Mai, ilnbsp;neigea beaucoup , sur-tout prés de Segedin : nousnbsp;eumes h Toszeg, avec la neige, un froid terrible,nbsp;mais bien inférieur a celui que nos montagnardsnbsp;éprouverent les mêmes jours. J’avois fait la même”nbsp;remarque le 20 Avril 1765, en arrivant de Luxembourg h Metz, oü les jardins avoient déja un airnbsp;très-gracieux, tandis que l’hiver régnoit encorenbsp;dans les nótres.

Virg., Géorgi

Et ciim tristis hiems etiam nunc frigore saxa Rumperet et glacie cursus frenaret aquarum ;nbsp;llle coniam mollis Jam turn tundebat acanthi ,

jEstatem increpitans seram...........

La chasse et la pêche sont des plus intéressantes dans ces plaines de la Theiss ; les lévriers y font


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Plaisante et admirable chasse a Taigle , Speet, denbsp;la nat., torn. I,

pag. 320 , tirée

des Mém, de Mr. de Thou.

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merveille. Ou ivy trouve que des renaids et des lievres; les clievreuils, les cerfs etc., ne sauroientnbsp;s’jcaclier. En hiver, les loups n’y sent pas rares.

¦Les poissons sent en telle quantité dans la T helss, qu’on les enfonrehe avec des tridens. II n’y a pasnbsp;de jlewe au monde, dit Ie P. Fournier dans sanbsp;Géographie, chap. 19, qui soit preferable a lanbsp;Theiss pour l’abondance, la bonté , ou Iq dwérsiiénbsp;des poissons (1). II pouvoit dire la même chose desnbsp;oiseaux qui habiteut les hords du fleuve et les lacsnbsp;qu’il forme : j’y en ai vu des especes que je n’avoisnbsp;pas cru exister. Nous allions a la chasse des bis-iardes , des grands-gosiers , des lepffitgantz etc..,nbsp;et même des chevaux; les mêmes especes sont va-riées h l’infini. Les paons y sont communs et fa-iniliers. J’ai vu, dans ces plaines, des aigles d’unenbsp;grande beauté, mals tous inférieurs h ceux desnbsp;Alpes et de la Suisse, qui enlevent des moutons etnbsp;des enfans de six k sept ans.

........... JHox in ovilia

Demisit hostem vividus impetus,

Nunc in reluctantes dracones Egit amor dapis atqiie pugnm.

Horat. L. IV. Od. 3.

Les plus hautes montagnes sont Ie séjour chéri des aigles.

1

1

Une tête de carpe fut serVie a une table de six a sept personnes, taut elle e'toit grande. — Au mois de Juin, cenbsp;fleuve est duraut quelques jours fort trouble et plein denbsp;vers : c’est l’aliment du poisson, ou peut-ètre 1’épanouis-sement des ceufs. C’est un excellent manger, sur-lout lesnbsp;jeunes, ce que j’ai eu peine a croire.

Mirati

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Miratl sumus priscorum Hungarorum judïcmm,

Pannortiam , Jelix omnium rerum copid domi-cdium, sibi delegerunt. Magnum spatium terras ^mensi eramus , turn trans mare, turn citra (Amasianbsp;et Constantinopoli), quo tarnen nihil prceter tor-Tidum et exile, et tantiim non ariditate enectuinnbsp;gramen, hordeum, triticumque videramus. Atlluiv-gartam ingressis etc. Busbec, leg. feud. i.Epist. i.

Plusieurs personnes m’ont dit que dans Ie paj's dont je parle , Ie seigle se change en froment.nbsp;« On a admis la conversion du bied en ivraie , denbsp;« Tavoine en seigle; on a prétendu que lexpé^nbsp;« rience confirmoit cetle conversion, etilafallilnbsp;n que des pliysiciens de profession tentassent sansnbsp;» rougir des experiences , dont une saine philo-gt;' sophie montroit assez quels devoient être les ré~nbsp;« sulfats. Ces expériences ont done été faites ;nbsp;gt;1 Ton a poussé lés précautions jusqu’au scrupule,nbsp;« et la prétendue metamorphose est resfée dansnbsp;» l’ordi'e des préjugés ». Cont. de la nat., torn. I,nbsp;part. j,chap. 1%. Cependant les dégénérations sontnbsp;certaines ; et pourquoi la culture ne rameneroit-elle pas un être dégénéré k sa nature premiere 7nbsp;Cat. philos., n°. 6o.

Malgré la grande fertilité de ces contrées, les paysans y sont tres - pauvres , et menent une vienbsp;digne de compassion. Legrand norabreestpresquenbsp;toujours logé avec les bestiaux h.la belle éloile.nbsp;Pauper et injimd de gente sub dio moratur(Hora{.).nbsp;Les nobles tirent tout a eux, et sont extrêmementnbsp;attachés kleurs possessions. Ils s’étudient sans cessenbsp;a augmenter leurs revenus, a multiplier leurs trou-

Tom. I. nbsp;nbsp;nbsp;I

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( '3o )

peaux : on n'y entend parler que de clievaux, de boeufs, de moutons, de nouvelles terres acquises.nbsp;C’est la toute la conversation de ces Messieurs. Unnbsp;philosophe qui se trouve malheureusement enclavé parmi eux, n’a d’autre plaisir que de con-verser avec lui-même, et de dire avec Horace :nbsp;-Bsf uf viro vir latius ordinet

^rbusta sulcis........

.... j^qua lege necessitas Sortitur insignes et imos.

Lib. 3j Od. i.

ou Lien :

.....Sans reHche il s’agite ct s’empresse;

Verumtamen in imagine per-transit homo; sednbsp;etfrustrd coiitur-batur , thesauri-zat jet ignoratcuinbsp;congregahit ea.nbsp;Ps. 38.

Rien ne peut contenter ses frivoles besoiiis ;

Lc mcprisable ainas d’une fausse richessa Occupe tons ses soins.

Pour des bicns fugitifs, ó Ciel! que de fatigues!

A-t-il vu reussir ses penibles efforts?

Yoici qu’uu seul instant a des cnfans prodigucs Livre tons ses trdsors.

I?Abbe Desfontaines.

Avec tout cela ils vivent pauvrement et crasseu-sement. Une chambre loge souvent toute une familie , et le reste va k proportion ; j'ai fait tout au monde pour leur donner un peu d’élégance et unnbsp;peu de philosophie , pour les guérir un peu d’unenbsp;trop grande faim des biens de ce monde; mais jenbsp;n’ai rien gagné.

Ilium si propiio condidit horreo Qiddquid de lyhicis verritur areis,nbsp;Gaudentein patrios findere sarculonbsp;jdgros j attalicis conditionihus ^

Numquum dimoveas.

Horat. ,L. I , Od. I.

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( )

J'allai durant ce tems , huit fois a Zolnock qui est k trois lieues de Toszeg. Zolnock est assez re-nomraé par la forteresse que Ferdinand I y fitnbsp;Mtir , et dont les Turcs ont été long-tems lesnbsp;raaitres. Ce n’est qu’un triangle de terre , mais quenbsp;la Tlieiss et une autre riviere rendent difficile anbsp;prendre. On y voit sous la porte des ossemensnbsp;d’un gëant trouvés dans la Theiss ; je les ai me-sures. Ce géant peut avoir eu 12 a i4 pieds. J’ainbsp;marqué ailleurs qu’il y avoit eu des geans de cettenbsp;grandeur. On m’avoit dit ces os vingt fbis plus’nbsp;grands qu’ils ne sont en effet 5 ce qui prouve encorenbsp;combien peu on doit se fier aux relations. Au restenbsp;comme il y avoit peu de ces os , et que je n’ai punbsp;les combiner , je ne veux point prononcer si cenbsp;sont effectivenient des os humains.

On m’a demandé k cette occasion s’il y avoit eu des éléphans en Hongrie : il y en a eu sans donte.nbsp;Maximilien II en a eu un k Presbourg , qu’Istuanfinbsp;dit avoir vu lui-mêine. Get éléphant n’éloit pasnbsp;grand : on le voit représenté d’après nature anbsp;Vienne , sur la place ou est la belle pyramide denbsp;Leopold, érigée en I’lionneur de la Ste. Trinilé.nbsp;Les Rois de Macedoine faisoient la guerre auxnbsp;Remains avec des éléphans , d’ou ils ont pu aisé-nient passer en Pannonie et dans les provinces voi-sines. D’ailleurs le délugeles arépandus par-tout.nbsp;Quelques-uns se sont sauves, d’autres ont été eni-portés par les eaux etc. En 1772 , on Irouva ennbsp;Sibérie un rhinoceros, j’entends le squelette de cetnbsp;animal, et des éléphans sans fin {Buffon, tom. XI,nbsp;pag. 88 et suit’.). Le vrai est, que , tout bien exa-

I 2

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miné , on ne trouva alors que l'ivoire de la vache xa.SiXVa.e(yoy.YExamendes époquesclelanatiiré).^1).

Les Récollets ont une belle Eglise ii Zolnock. J’y ai vu durant la semaine Sainte , dés cérémonies fort singulieres : on se donnoit des souftlets ,nbsp;on faisoit des processions de flagellans , on lesnbsp;femmes mêmes se flagelloient j une troupe d'en-fans battoit la terre avec un fracas terrible ; c’estnbsp;ce qu'on appel loit battre Pilate: Ccedere Pïlatum.nbsp;II n'est pas croyable combien tout cela paroit es-tsenliel a ces peuples, ainsi que se frapper la poi-trine , pousser des soupirs etc. II est vrai que lesnbsp;Allemands sont k-peu-près du même avis. Unnbsp;homme se trouvant k Vienne dans l’Eglise denbsp;S. Pierre , cui e.d une rotonde, entre deux Autelsnbsp;opposes, oü deux Messes étoient k l’élévation,nbsp;fut fort embarrassé. Enfin il se décida, et se frappanbsp;la poitrine d un poing , et Ie dos de l'autre. Lenbsp;Gardien du couvent de Zolnock, nommé Bóna-

1

Hominum pecoruniqiie ossa,. certis concurrenti-hus causis , non posse succis ignibusque injlari , ter~ restribusque particulis condensari , non ausim ajjir~nbsp;mare , etsi ridicula idea hcec esse videatur. Aliitnbsp;similitudinibus videtur expugnari , aliis roborari.nbsp;In jluviis , ejusmodi ossa frequentia. Journ. hist, etnbsp;litt., i5 Mai 1778.

» Elephantorum ossa quce in paludibus variis Da^ » nubii reperis , vertebra; , dentes , Integra mandi-» hula cum dentibus Tibice etc. , ah illustri Comiténbsp;n Aloysio-Ferdinando Marsiglio (Danubivis Pannonico^nbsp;)) Mysicus, Amstelod. i736,toin.II,pag. 273,tab. 283i)nbsp;» describuntur et splendidissiinis iconibus exkiben-^nbsp;n turn. Gesner de Petrificatis, cap. ai.

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venture Aès, me fit fieaucoup d’amitié et trop d’honneur.

Hors l’Eglise de ces PP. et Ie chateau, Zolnock ö’a de remarquable que Ie magasin de sel; ce ma-gasin est fort considérable, et Ie sel que Ton tirenbsp;des salines Ae Rhonaszeck est très-beau.nbsp;tissimum totd Europa salem suis includit montïbusnbsp;regio Marmoriensis (Turoczi, Hangar, cum suisnbsp;region., pag. 208). Le sel de Transylvanie estnbsp;cependant préférable.

Le chateau de Zolnock n’a maintenant que cent hommes de garnison. On trouve dans ce chateau ,nbsp;ainsi que vers Segedin, et dans toutes ces contrées,nbsp;pour peu qu’on fouille en terre, des ossemens hu-mains , monumens des guerres terribles qui ra-vagerent le pays. La Hongrie est le pays oü 1’onnbsp;abataillé le plus, si Ton excepte peut-être lesnbsp;Pays-Bas et laLombardie. Par-tout on trouvesiesnbsp;restes de camps ou de retranchemens etc. On peutnbsp;dire du Danube ce que Virgile dit du Simoïs ;nbsp;Tot correpta sub undis scuta virüm, ^aleasquenbsp;et Jortia corpora volvit. A deux lieues au-dessousnbsp;de Segedin , on voil le champ de la terrible ba-taille de Zeuta , oü vingt mille Ottomans périrentnbsp;par le fer ou dans les flots de la Theiss.

Uil jour le lahoureur dans les mêmes s'dons,

Oü dorment les débris de tant de bataillons, Heurtant avec le soc leur antique dépouille,

Trouvera, plein d’efTroi, des dards rongés de rouille; Entendra retentir les casques des héros ,

Et d’un cei) elFrayé contemplera leurs os.

Pelille , trad. des Géorg.

I 3

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Scilicet et tempus veniet, cüm fmibiis illis ^gricola , incm'vo terram molitus arairo ,

Exesa inveniet scabrd rubiginepila ,

Et gravïbus rasfris galeas pulsabit inertes , Grandiaque effossis mirabitur ossa sepulcris.

Vino. , L, t , Georg.

II n'y a pas long-tems que ces belles plaines sont cultivées. Les guerres avec les Turcs avoient toutnbsp;détruit, tout ravagé : on n’y vovoit ni villages, ninbsp;ti'oupeaux, ni terres labüurées. C’éloit unvrai desert , un trésor enfoui el ignoré.

Quippè uhifas versum atque nefas ,tot hellaper orhem, '1'am multcB scelerum facies. JN'on ullus aratronbsp;Eignus bonos ; squallent ahduclis arva colonis ,

Et curves rigidum falces conflantur in ensem.

Ibid.

Qrie d’borrciirs en effet ont souillé la nature!

Les -villes sont sans lois, la terre sans culture ;

En des cliainps de carnage on change nos guéretsj

Et Mars forge ses dards des armes de Cérès.

Delh.le , ibid.

Qtiogra^hique»

J ai vu plusieurs fois k Zolnock des troupes de Russiens et de Valaques, qui liabitent Ie Comlé denbsp;'ilarmaros. Ces peuples sont Grecs de religionnbsp;niais unis k l'Eglise de Rome; on dit qu’ils n'ontnbsp;jamais été schismatiquesj qu’ils liabitent la Hongrienbsp;depuis S. Etienne etc. Leurs popes portent unenbsp;\oycz Russiens, soutane violettc, Le jour du Saint-Sacrement , ilsnbsp;lt;lans \eIhcUonn.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;jjos prètres. — Les autres Va

laques quihabitent le Bannat et la Transylvanie, sont en grand nombre schisniatiques , et beau-coup plus féroces que ceux de Marmaros. Qui ditnbsp;Valaque, en Hongrie, dit le plus méchant des

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hommes, comme on voit par cette épitaphe : Ilic joum. hist, et est ille Dacus, scelerum Lacus atque Valacus.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;/2^f.,^Janv.i';85,

Les Russes parlent la langue Moscovite, laquelle est un idióme de la Slavonne. Les Valaques ontnbsp;leur langue propre, qui a beaucoup de rapport avecnbsp;ritalienne. lis se disent une colonie Romaine; cenbsp;qui est en effet très-probable : leur habillement estnbsp;grossier et lourd , ainsi que celui des Russes.

J’eus plusieurs conférences , k Zolnock , avec des marchands Grecs : c’est la premiere fois quenbsp;mon peu de Grec m’a servi (i). Parmi ces marchands, j’en trouvai un qui étoil homme d'esprit,nbsp;de savoir et d’expérience ; il professoit la Procession du Saint-Esprit a Filio, comme nous, maisnbsp;il restoit néanmoins attaché k son église; il étoitnbsp;de Thessalonique. On rencontre parmi eux desnbsp;gens fort humains, qui n’ont point pour l’Eglisenbsp;Romaine la haine que les Grecs lui portent ordi-nairement; ils n’attendent, pour s'unir k nous ,nbsp;que l’exemple de la Czarine.

J'ai pris plaisir a lire leur catéchlsme et d'autres ouvrages. Le catécliisme est intitule : Orlhodoxanbsp;CoTifessio Calholicce atque Apostolicce Ecclesicenbsp;Orientalis ; (Confession orthodoxe de l’Eglise Ca-tholique et Apostolique d’Orient) , imprimé knbsp;Breslaw, iijSi (2). Ce catéchisme a toute la forme

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Les Grecs prouoncent plusieurs lettres et syllabes

autrement que les Francois et les Beiges Hellénistcs. Par exemple :nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;rota npavour, ils prouoncent tis ouranis.

Leur s devient scli etc.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;Dans toute la Grece, il n’y a point d’imprimcrie,nbsp;pas mcme a Constantinople j au moiiis il n’y en a point

I 4

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( i36 )

et la division des nótres ; ü est bien fait; j’y ai trouvé tout ce que Mr. Arnauld a écrit contrenbsp;Mr. Claude, dans la Perpétuité de la foi. J’ai re-marqué qu’ils nient moins la Procession du Saint-Esprit a Filio, qu’ils ne prétendent que cettenbsp;croyance n'est point nécessaire au salut. Voyez lanbsp;Quest. 6ie. de 1’ouvrage cité, a la fin.

Ces Grecs avoient aussi leRituel (JSuchologiuin) du P. Goar, Dominicain très-savant; ils en fontnbsp;grand cas. ; et l'Evangile , en ancien grec , etnbsp;en grec plat, tel que Ie peuple Ie parle , impriraénbsp;a Hall, en Saxe , i 'j i o. Les Russes, les Valaques ,nbsp;les Polonois du rit grec , ignorent cette langue, etnbsp;font l’ofBce en leur langue. Les Rasciens, répandusnbsp;en Hongrie, en Servie etc., Ie font en Slavon cor-rompu.

Tous ces peuples prient pour les morts , sans néamnoins admettre Ie purgatoire; et ilsavouent,nbsp;Quest. 64 et 65, que personne ne peut être dé-livré de I'enfer. Pourquoi prient- ils done (i)7 —¦nbsp;Théophilacte (2) se donne la torture a ce sujet. II

Voyez Cl des nbsp;nbsp;nbsp;^trecs puissent se servir. Le peu qu’ils impriment,

sous, pag. 145. nbsp;nbsp;nbsp;^ Venise ou en Hollande etc. Les Russes unis

impriment en Pologne: ils veulcnt actiiellement établir une imprimcrie a Karol, en Hongrie,

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Quidam, cum Misson Calviniano Mc sy^spen-sioaem salutis allegant, aed numquid ex operihus etnbsp;non aliorum preeihus judicahuntur damnandi ? Novinbsp;ego protestantes salutis suspensw vindices , qui tarnennbsp;non orant pro mortuis.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;Les Grecs appellent The'opldlacte Saint. C’est Ienbsp;seul homme (Je merite qu’ils aient eu depuis Ie schisme;

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( )

•iistingue , il explique; il ne satisfait point.’ II dit que personne ne peut êlve délivié de 1’enfer parnbsp;ses mérites , mais bien par les prieres des autres,

Le Grec , dont j’ai parlé , avoit horreur de celte doctrine. La Quest. 66®. semble, du moias versnbsp;la £n, nier seulement Fexplication que quelquesnbsp;latins ont faite du purgatoire, laquelle , en certains points, est en efl'et fabuleuse. La Quest. 63®. Joum, hist, einbsp;établit Ie jugement particulier , remettant Fexécu-tion parfaits de ce jugement k la fin du monde.

Ils disent ordinairement la Messe de S. Chrysos-tome , qui est belle et bien faite; quelquefois celle de S. Basile. ün de ces Grecs pensa se facher denbsp;ce que je demandois si en etfet ilspensoient commenbsp;nous, touchant la Transsubstantiation. II n’est pasnbsp;concevable comment Mr. Claude a pu nierce point.

Stupenda Claudii, Carenionici ministri, ccBcitas et audacia, dit Nat. Alex., ssec. xiii, cap. v., art. 4,nbsp;n°. ij. Les Grecs unis se servent des ornemens desnbsp;Latins, quand ils disent la Messe dans nos églises;nbsp;el nous pouvons nous servir des leurs, quand nousnbsp;disons la Messe chez eux. Ils ne sacrifient pas surnbsp;une pierre , mais sur line nappe, ou est peint unnbsp;Christ, et sous laquelle il y a des reliques (*).

car je ne pense pas qu’il faille ajouter OEcnmeniiis. On ne sail même s’il a vecu an q'., io‘=., ou u i'. siecle. D’ail-leurs, il n’est qu’un abreviateur de S. Chrysostome.

( * ) Quidam repreJiendunf ^ Grrecoe in templo ple-rurnque stare; sed illi alieni sunt ah ecclesicB sensu:

I'leniento, Domine____ omnium circumstantium. — Qui Can. Missce.

statisin domo Domini; et ignorant veteres usus. Voyez le Traité de Jean le Lorrain, De I’ancienne couiumenbsp;d’adorer dehouf.

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( gt;38 )

Dans ce pays-ci, ainsi qu’a Bude, on les appelle Albglaubig, apparemment paree qu'ils ne regoiventnbsp;que les six premiers Conciles-généraux; peut-êtrenbsp;aussi, paree qu’ils rejettent Taddilioii Filioque, etnbsp;qu’ils gardent Ie Symbole de Nieée ou de Constantinople tel qu’il étoit aneiennement; peut-être ,nbsp;paree qu’ils reeurent les premiers la foi, et qu’ilsnbsp;sont les prémiees de l’Evangile. L'aneienne rigueurnbsp;du jeiine subsiste eneore parmi eux ete,

Le 22 Mai, j’allai voir leurs églises a Bude et a Pest; elles sont belles, propres, et ne different pres-qu’en rien des nótres, Ils y ont une musique ,maisnbsp;sans orgues: leur sonnerie, aBude, est belle. Leursnbsp;ornemens sacerdotaux ont une forme plus antiquenbsp;que les nótres. Ils n’ont point de statues , maisnbsp;beancoup d’images, qu’ils lionorent avec beaucoupnbsp;de piété : j'ai même vu une lampe bruler devantnbsp;quelques images , dans la maison d’un Grec denbsp;Zolnock. Ils ont beaucoup d’images célebres, qu’ilsnbsp;disent être miraculeuses. II y a k Pest une imagenbsp;miraculeuse de Notre-Dame, k laquelle on rendnbsp;un culte grand et bien solemnel (1).

1

Sancti Moscorum non statim rejiciendi ; pauci illis proprii ; ignorantes inagis quam perlinaces. Bol-landus, Maio, torn. i. — Epliemer. Graecorum et Moscorum, h°. 20. — Mosci initio Catholici, non schismatici. Ibid., contra Possevin. — N”. xi, seró schismatici , ibid. — Varielas ritus non scindit, sed ornatnbsp;Ecclesiam , ibid., ig. — « Basile convoque le vm'. Con-» cile, oü Pliotius fut condamné; la Religion ebrétienuenbsp;» s’étendit en Russie ». Ee Beau, Jlist. du Bas-Empire.nbsp;Voyez Wlodomir, dans le Dictionn. bist. — De iiidis-solubilitate Matrimonii , f. 29, 3. Grit. — Ignorantia

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( 1% )

On m’a demandé, a cette occasion, si les schis-inatiquespouvoient avoir des images miraculeuses, et s’il se faisoitparrai eux des miracles? Comme jenbsp;crois le peuple inatériellement scliismatique et hé-rétique, je n’oserois point assurer qu’im culte orthodoxe , tel qiie celui des images , ne frit pasnbsp;quelquelbis approuve par des miracles. Au reste ,nbsp;la stupide ignorance des Grecs Russes etc, , estnbsp;tres-propre k controuver des miracles et a les multiplier a I’infini, On en trouve plusieurs exemplesnbsp;dans les beaux Mémoires du P. Sicard. Les Grecsnbsp;honorent sur-tout S. Paul, S. Chrysostome, S. Ba-sile etc, Ils rendent aux reliques le même cultenbsp;que nous.

J’eus , a Bude , une conférence avec un moine Moscovite , qui me réjouit beaucoup, et me fitnbsp;toucher au doigt I’ignorance et les pauvres raisonsnbsp;des schismatiques : je le quittai avec compassion.nbsp;Je parlois sans cesse a ces Grecs et k ces Rasciens,nbsp;du Concile de Lyon et de celui de Florence, ok

quorumdam theologorum G^rcccis perperam errores af-fingentium,, f. 5, C. Theol., 29, 3. Crit. — Duobus punctis , nimirum Papa; primatu et additione Filioquenbsp;Grcecorum controversias circumscribit Pejachovich.nbsp;Controv. Ecclcs. Orient. elOccid., Gra;cii, 1752. Caucusnbsp;niulta eis perperam ajfinxit; in quibiisdctm autem ve-rius dixit , qudm fateatur Allatius , Caucoplusculiimnbsp;asperior. — Imposture du medecin Poncet, qui accom-pagnoit le P, Breyedent; sur quoi, voycz les Notes dunbsp;P. Brotier, sur la 2®. edition des Lettres édifiuntes , parnbsp;1’abbc Querboeiif. — Item , un fait assez remarquable dansnbsp;la Relation d’un Jjage en Ethiopië , 2®. vol. des Lett,nbsp;edifi. — Eéflexions sur les miracles, f. 9, 8, 4- Crit.

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les Grecs ont souscrit a tous les dogmes des Ro-mains ; ils convenoient de tout cela. Plusieurs disent que si la Czarine consentoit a l’union, toute la Grece suivroit son exemple. — Les Lutliériens,nbsp;croyant être plus heureux que les Calvinistes,nbsp;dont les tentatives avoient été sans succes, ontnbsp;voulu s’attaclier les Grecs. Un de leurs docteurs anbsp;mêrae donné Ik-dessus un ouvrage extravagant :nbsp;Bcclesia Grceca Lutheranisans j mais les Grecsnbsp;ont horreur de cette secte bien plus que de Rome.nbsp;Hoffman, autre Lulhérien, se moque lui-mêmenbsp;de eet ouvrage; et Ie des tin de Pierre lil nous ap-prend ce qu’il en faut penser. Le Calviniste Beau-sobre , Bi, de la Polit. , pag. 400, dit : « Lesnbsp;» Grecs, les Jacobites , les Arméuiens, les Nes-» toriens, les Cophtes, les Abyssiniens, les Chré-» tiens de S. Thomas etc., se rapprochent plusnbsp;» des Catholiques Romains que les au tres ».

Bude.

J’ai été charmé de revoir Bude ; c'est sur-tout en venant de la Theiss, qu’on voit bien la bellenbsp;situation de cette capitale. Locus, dit Busbec,nbsp;Epist. I , videtur de industnd Imperia HungaricBnbsp;delectus. Comme on voit en même tems Pest, lenbsp;coup-d’ceil est des plus magnifiques. Ce sont sur-tout les bains de Bude, qui rendoient cette villenbsp;si chere aux Tures, nation la plus mal-propre quinbsp;existe, quoiqu’il n’y en ait aucune qui se lave plusnbsp;souvent; yEthiopemlarant. II y a, a Bude, quatrenbsp;OU cinq bains , dont les eaux sont toutes diffé-rentes les unes des autres; j’ai usé de celui qui estnbsp;proche du ponton, sur la rive du Danube.

Pest.

Pest est devenu, depuis peu d’années, une trés-

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belle ville (i) : j’avois vu Irop superficiellement laniaison des invalides dans mon premier voyage,nbsp;i’ai été plus curieux cette fois-ci. Les Freres de lanbsp;Miséricorde, qui sont les médecins spirituels etnbsp;corporels des invalides, m’ont tout fait voir. Lenbsp;qiiartier des fous a de quoi occuper un philosophe;nbsp;il y trouvera des folies admirables et bien difBcilesnbsp;a expliquer.

Le lo Mai, j’allai h Kecskemeth, bourgextrê-mement considerable : on y compte quarante mille ames (a), et k peu prés autant dans les desertsnbsp;voisins, qui gardent les bestiaux appartenans k lanbsp;ville, OU qui cultivent quelques vignes, quelquesnbsp;champs etc. Les vignes , dont la ville est ceinte ,nbsp;lui donnent un air fort agréable : quant a la villenbsp;même , les maisons y sont sans ordre, de sortenbsp;quon y voit k-peu-près autant de rues que denbsp;maisons. Charles VI y ayant envoyé quelqu’unnbsp;pour en tirer le plan, celui-ci jeta devant Sa Ma-jesté une poignée de pois , disant que c’étoit Ik Ienbsp;plan de Kecskemeth. — Les Calvinistes y sont ennbsp;grand nombre; j’ai vu leur église. Les Récolletsnbsp;sont chargés de la paroisse Catholique. Les prêtresnbsp;des écoles-pies, fondés par S. Joseph Calasanz,nbsp;y ont un nombreux college et une très-belle église.nbsp;La jeunesse confiée k leurs soins m’a paru fort

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Les Turcs sont extrêmement peu curieux de 1’dlé-gance et de la beaute' des villes. Toutes les villes de Hongrienbsp;étoient dans un état aflreux, quand on les reprit sur lesnbsp;Turcs. Elegantiam in urhïbus Ttircai-um JruMra re~nbsp;quiras. Busbec, Epist. i.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;On le dit, mais il n’y en a pas dix mille.

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( gt;4 1 )

modeste et bien élevée, et je ne puis que me louef de la maniere dont ces Peres m’ont accueilli.

Le X9, du mêine mois , je Cs un voyage au delti de la Theiss, ou je ne vis rien de renlarquable,nbsp;sinon les moulins du pays : des clievaux ou desnbsp;boeufs, attelés k une grande roue dentée, poséenbsp;horizontalement, font tourner la meule.

Le 6 Juin , je vis pour la Iroisieme fois Pest et Bude. Ce voyage fut le plus pénible que j’eussenbsp;encore fait : j elois parti de la Theiss a pieds, sansnbsp;argent, sans guide , sans compagnon , sans batonnbsp;(car il n’y en a pas dans toute cette contree). Ï1 ynbsp;avoit unmois que je devoisêtrede retour k Neusol;nbsp;mon principal differoit toujours : il n’y avoit pointnbsp;d’autre moyen de me délivrer. Sortant de Toszeg,nbsp;je me prosternai au pied du calvaire , recommandant mon voj age k Dien , qui eut soin de tout. Surnbsp;la route , les chiens , les boeufs, les taureaux, toutnbsp;m’inquiétoit. Je pouvois dire avec le Prophete, etnbsp;plus liltéralement que lui ; Circumdederunt me

vituU multi, tauri pingucs obsederunt me..... Cir-

cumdederunt me canes multi. Ps. 21.

Mon sac et un grand manteau d’hiver, me char-geoient beaucoup : pour surcroit de malheur , jè tombai malade a Siglit. Je partis néanraoins le len-demain, et un Frere'servile m’ayant pris par cha-rité dans sa charrette, j’arrivai heureusement anbsp;Pest (1). On y tenoit dans ce moment-la une

1

Anivaut a Bude, cn 1765, je tombai malade avec mon compagnon, d’unc maladie qui, dans I’nn ct dansnbsp;1’autre, avoit les mcmes symplomcs. Je fus d’abord attaquénbsp;plus violemincnt que lui : je me recommandai instainmcnt

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( i43 )

grande foire ; outre des Grecs, des Arméniens, des Juifs de Turquie etc., je fus charmé d’y voirnbsp;un grand nombre de Turcs assemblés. J’avois vunbsp;des Turcs en différenies rencontres , sans jamaisnbsp;les bien considérer ; je réparai pour lors cettenbsp;negligence. II est certain que l’habit turc , et ennbsp;général l’babillement oriental, donne un air denbsp;grandeur et de majeslé; et quand les couleurs sontnbsp;bien assorties , il ne peut manquer de fixer lanbsp;vue (1 2). Le rouge et Ie vert, sur-tout, plaisentnbsp;beaucoup aux Turcs j mais le vert, ainsi que lenbsp;turban blanc, n’est permis k qui que ce soit, ex-cepté aux Musubnans; on dit même que la couleurnbsp;verte n’est pas indistinctement permise a tous lesnbsp;Musulmans. J’ai déja parlé des Turcs, ci-dessus.

LesAuteursqui peHvent ser vir denbsp;regie du juge-ment a porter desnbsp;Turcs, sont prin-cipalement Is-tuanfi ; De rebusnbsp;Dannonicis, Scli-niith , Imperiumnbsp;Oltom., Busbecknbsp;etc.

¦— Ils sont aujourd’hui beaucoup plus traitables qu’ils n’étoient , lorsqu’ils dorainoient jusqu’auxnbsp;portes de Raab et de Vienne. On ne peut nier qu’ilnbsp;n’y ait parmi eux de fort braves gens, polis, hon-nêfes, fideles etc. Ces vertus sont une suite denbsp;l’humanité , et non pas du Mabomélisme j Attilanbsp;aussi avoit des vertus.

1

a S. Franjois-Xarder, et je partis le sur-Iendemain, avec le P. Borizio, pour Albe-Royale , tandis que mon pauvrenbsp;P. Cerpus avoit en forme les fievres hongroises, qui le tin-rent aux portes de la mort pendant trois semaines. Hfedb-cinam carnalem corpori meo nunquam exhibui; sednbsp;haheo Dominum nostrum Jesum Christum , qui solonbsp;sermone restaurat unipersa.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;S. Agatlia.

2

Kestis longa , ccsterisparibus , semperpomposior

et dignior quam brepis.....Pcdcs vestis defluxit ad imos,

Et vera iucessu patuit Dca. Virg. , i JEneid.

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( i44 )

Reflexion sur les louanges don-néesaux infideles,nbsp;voyez ci-aj)rès.

Le parallele que certains philosophes ont voulu faire des Turcs et des Chretiens , est ridicule etnbsp;absurde (i). Un bon Turc vaut mieux qu’un mau ¦nbsp;vais Clirétienj soit: que s'ensuit-il de Ik? Cicéronnbsp;et Caton valoient mieux que Luther, que Vigilance etc. Les Païens valoient done mieux que les

Chréliens ?...... Au milieu de la barbarie et de la

férocité, on voit des traits frappans de droiture, comme chez les Huns, les Goths, les Carthaginois,nbsp;les Iroquois, les Hurons etc. Les vertus morales^nbsp;des Turcs, des Païens etc., prouvent, contre lesnbsp;philosophes , que la vertu n’est rien d’arbitraire,nbsp;qu’elle est Ibndée sur la raison, qui est la mêmenbsp;par-tout.

J’ai dit ailleurs, aprèsMr. Pluche, que les Turcs sont descendans d’Ismaël: Je sais qu’on dispute Ik-dessus ; mais comme ils ont pris les moeurs , lanbsp;religion , 1’habit des anciens Sarrasins, que leurnbsp;empire est comme grefFé sur celui des Caliles , onnbsp;peut les regarder comme Arabes et comme ïdu-méens. Saint Jerome nomine les Sarrasins Jsmaë-* In vita Mal- ^ Szentivani (Miscell. cur.), nomme les Turcsnbsp;Agareni, d’Agar, mere d’Ismael. II semble que

(i) Montesquieu refute ces visions, Esp. des Loix, liv. 24 j ch. 3 et 4 ; liv. i6, ch. 6 etc. II condamne 1’abbénbsp;du Bos et Boulaiuvilliers , liv. 3 , ch. 24 (Voyez le Journ.nbsp;bist. et litt., i5 Oct. 178a, pag. 269), et Mr. de Tott,nbsp;(i Ayril 1785 , et suiv.) — Contradictions pour et contrenbsp;Mahomet, dans Voltaire, Erreurs de Volt., torn. i,nbsp;pag^^54. — Vains cloges qu’il donne au gouvernementnbsp;Turc, ibid., pag. 137. — Rapidite' de leur chute, Journ.nbsp;kist. et Uit. I Mars, 1784, pag. 873.

le

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( -4-^ )

Ie peuple de Dieu doive toujoars avoir les enfans d’Ismaëi pour ennemis , et que Dieu veuille se ser-vir de celte race pour les cliatier. N'os autem,

Jrafres , secundüm Isaac, promissionis Jilii sumus.

Sed quoinodo tune is, qai secundüm carncin nafiis Suerat, persequebatur eum, qui secundüm spirilum:nbsp;ita ct nunc. Galat.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;:gt;.8,2p. Memor esto, Do-

mineffiliorum Edom in die Jerusalem ; qui dicunt:

Exinanite, exinanite usque ad ƒundamentum in ca.

Ps. i36.

Les iniprimerles sont maintenant communes eu Turquie, malgré les piaintes des prêlres Tures.

On y imprime mème des livres francois en langue turque. Les sciences dissipeiont cette religion té-nébreuse. II est a craindre que I’indillerentisme ,

Vincrédulité , en un mot l’esprit de ce siecle , n’y

passe avec les sciences, et sur-tout avec les livres

IVancois; mais ce sera toujours un bien que la perto

de Venthousiasme musulman, qui fermoit pres-

que entiérement la porie a la vraie Foi, et rendoit

la conversion des Tures presque impossible. Les

Imans , ou prêfres Tures , ont déja perdu beau-

coup de leur autorité. En un mot les Tures s’hu- journ. hht. et

manisent beaucoup , et se lamiliarisent avec Ie diUr., i5 Avrii

Christianisme C). nbsp;nbsp;nbsp;^784, pag. 593.

Le q Juin 1767 , je vis J'Eatzen, ville episcopale sur le Danube, dont le Cardinal Mi gazzi es tEvêque. 1

1

En ijfig, ils vont coinbatlre coiitve les Russes pour la Religion Caüiolique, avec les conféderés de Pologiie,nbsp;tons cruises, et porlant la Croix a Iciirs drapeanx : ilsnbsp;oiu 15,000 officiers Francois et Allcmands dans leur proprenbsp;armee.

Tom. J, nbsp;nbsp;nbsp;K

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( )

La catliédrale, qul est un grand edifice, ir'est point encore achevée. L'EgUse des Ecoles-Pies , et cellenbsp;desDominicains sont assez belles.On voitJi^ateCTtnbsp;un are de triompbe élevé en l’honneur de l’Empe-reur Francois el deMarie-Thérese. Get arc futnbsp;frappé de la foudre et endoinmagé , Ie jour mèmenbsp;que eet Empereur inourut a Inspruck. Les Hon-grois qui interpretent tout, coinme nous l’avonsnbsp;déja remarqué, ne manquerent pas de raisonnernbsp;la-dessus.

J’arrii'ai Ie mème jour k Schaak, on nous avons une residence. Depuis environ 9 beures du matin j’étois rentré dans les montagnes ; qu’ellesnbsp;sont agréables k voir , lorsque pendant deux moisnbsp;on n’a vu que ciel et gazon! Arrivé a Schaak, j’ynbsp;trouvai lieureusement les Comtes Colloredo (*) etnbsp;Schalknberg, qui, Ie lendemain, me conduisivenlnbsp;a Chemnitz. Je montai au chateau pour bien con-sidérer la ville que ^’avois déjk vue ddux Ibis; etnbsp;après avoir assisté aux réjouissances failes pour Ienbsp;rétablissement de la Reine , je rentrai Ie 9 dansnbsp;mon cher Neusol. Le mème jour , a Chemnitz ,nbsp;j’avois parlé au Corate Slampjer, président de Ianbsp;Chambre,impériale de cette ville. Toute la hautenbsp;Hongrie retentit des éloges de ce seigneur, qui estnbsp;un jeune homme d'une modestie et d’une piéténbsp;exemplaire. Dès que le poëme de la Pucellc eutnbsp;commencé a paroitre dans le pays, il acheta tous

En passant par Ie village de St.-Antoine , le Conitc de Colloredo alia voir une lemme Zigeiner, qui venoitnbsp;d’accoucher de cinq eiifans vivans.

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les exemplaires qu’il en put trouver, pour les dé-truire et diminuer au nioins l’effet de Ia contagion.

Le 11 Juin, j’allai dire la Messe ad veteres mantes (aux vieilles monlagnes , altgehürg) , oü il y a une très-belle image miraculeuse de la Saintenbsp;Vierge ; eet endroit est a deux lieues de Neusol.nbsp;De Ik je fus voir quelques cascades cèlebres dansnbsp;le pays, qui sont a une grande lieue de Xahgebürg.nbsp;Une de ces cascades est d’une grande beauté : ellenbsp;est large et partagée en dilTérens ruisseaux, dontnbsp;la chute est irréguliere, et qui, entremêlés de verdure , Ibrment le plus beau coup-d’ceil. 11 n’y anbsp;aucune de ces cascades qui soit (rès-haule et dontnbsp;la chute soit bien bruyante (*).

Nous avons entre ces cataractes une auh'e residence appelleeü/o/w/ta ; toute cette conlrée est animée par l’exploitation des minéraux ; on y yoitnbsp;plusieurs mines , dans deux desquelles )’eus la cu-rnbsp;riosité d’entrer. La premiere passoit jusqu’au Her-rengrund, qui est a trois quarts de lieue de Ik.nbsp;J’entrai aussi dans le vaste creux d’un roe , ou j’ainbsp;senti toute la majesté de la nature dans les lieux

Pulchra est Rheni caladupa ad Schafhausen in Helvetia.—Alia pulchrior in traetu Tigurino (dansnbsp;le canton de Zurich) ad Édirliha'ch , et planè magnifica.

Caladupam promüs ternhilem Kelini amnis des-

eribit Kiïchcv , Mand. suht, j l. %, cap. Q,fol. 4- Ex VoyezUDiet.

trecentorum pedum altüudine labitur ;perpetuum iri- nbsp;nbsp;nbsp;’’nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^ *

dem Jiabet in nuhe ex contusis aquis confectd.De

Eau lapsïbus quid dieam? Cicero vel in Catone jnajore,

vel in Scipionis somnio ait istorum locorum incolaspreo

slrepiiu, surdos esse, at fahè.

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Cgt;48)^

solitaires et refirés. On. pretend que ces mines etoient en exploitation des le terns des Remains :nbsp;il en est plusieurs d’al^andonnées , qui sont assu-rément d’une grande antiquite.

Les babitans de ce canton sont tres-bien faits ct d'un excellent naturel; si je savois le sclavon, etnbsp;que le supérieur de Moliska me demandat, pas-serois volontiers ma vie avec ces pauvres monfa-gnards. Extrema per illos justitia excedens terris ves-tigia fecit. 2. Georg.

De ma vie je n’ai vu de lieu plus riant, plus propre a loger un philosopbe et un bomme denbsp;lettres. Les fontaines qui ruisselent de tous cotes ,nbsp;donnent a ces collines un agrément touHi-fait rave.nbsp;O nymplianim domos I ó sedes musarum I 0 locanbsp;litteratis apta secessibus! Busbec., Epist. i. —^ As-pectus stellati cceli et cavern® nigv® , ®qua vinbsp;Deum animo sapientis admovent : Si ascenderonbsp;in Cesium, tu illic es; si descendero. in infernmn ,nbsp;ades. Verb Deus est in foraniinibus petres, in ca-

vernci macerice.--Emittis fantes in convallibus :

inter medium montium perlransibunt aquae. Super ea volucres cceli habitabunt; de medio petrarum da-bunt voces. Ps. io3.

Les auteurs profanes , comme les ecrivains sacrés , se plaisent a nous présenter ces imagesnbsp;si agréables et si touebantes.

Jiara mihi , et riguiplaceant in vallibus amnes: Flumina amem , sylvasque inglorius. 0 uhi campi ,nbsp;Sperchtusque , et virginihus hacchata lacainisnbsp;Taygeta ! 6 qui me gelidis in vallibus Ilceminbsp;Sistat, et ingenti ra.moruin protegat uinbrd!

2. Geo?^.

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¦..........Turn sylpis srena coruscis

Desuper ; Iiorrentique atriun nemus imminet unihró-

Fronde sub adpersd scopuiis pendent Urns antrum ;

Intiis aquae dulces , vivoque sedilia saxo ,

Nympharum domus...............

I. jEiieid. 1G4.

Quapinue irt^gens , alhaque populus Umhram hospitalein consociare amantnbsp;Ramis , et obliquo lahoiat

Limplia fugax irepiidare riro.

IIORAT.

Agréables deserts, sejour de I’iiinoccnce,

Oil loin dcs -vaiiites, de la magnificence, Commence nioii rejios et Unit mon tourment:nbsp;Vallons, rocliers, ruisseanx, aimable solitude,

Si vous fiites leinoins de mon inquietude,

Soyez-lc désormais de mon contentement.

Jouissez en repos de ce lieu foidune;

Et le calme et la paix y tiennent leur empire 5 Et dcs soucis aflrcux le souffle empoisonnenbsp;N’y corrompt point Fair que Fon y respire.

Je dois reconnoitre que, clans tons mes voyages, les Hongrois me font assez d’accueil; ils aimentnbsp;et estiment les Francois , coinme je I’ai déja dit.nbsp;Quoique je sois Beige (*) et non Francois , onnbsp;a’appelle constamment Gallus, Frenzoss, Franc-zuch, Sclav. Franezuz, Crovd. Franezia ,lio-ngr.nbsp;Pen de gens m’appellenl par mon nom : le people,nbsp;sur-tout, regarde les Francois comme des hommesnbsp;d’qne nouvelle espece. Lorsejue jetois a Neusol,nbsp;on s’assembloitautour demoi, des que je paroissois

(*) LeP. Defellcr, originaire du Ducliedc Luxembourg, esl né a Bruxelles. (JJFditeur).

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(^5o)

pour dire la Messe; ce qui m’obligea de la dire lorsqu’il y avoif peu de monde a l’église. Un plai-sant (I'admirable P. Speranlzi) disolt qu’il falloitnbsp;me porter par la ville , enfermé dans un coffre, aunbsp;son d’un flageolet.

Mon exil les touche, et les porie a me Tadoucir, tanclis qu’il ne me touche pas moi-mème : ils menbsp;regardent comme

Troas, relliqiiias Danaüm atque iinmitis jicliillei

Errantes , longè patrio,, maria omnia circnm.

Ceux qui ignorent la destinée des Jésuites , en France (car lesHongrois ne s’embarrassent guerenbsp;de ce qui arrive hors de chez eux), sont extrême-ment surpris de me voir, et ne peuvent concevoirnbsp;qu'un Francois quitte son pays , pour venir de-meurer en Pannonie. Je leur dis alors avec Enée i

Postquam res Asia; , Priamiqiie evertere gentem

Immeritain visum superis , ceciditque superhum ' Ilium , et omnis humo famat Neptunia Troia,

Ei persa exilia- y et desertas quwrere terras

jéutturiis a^imur dipiïm. ...........

o nbsp;nbsp;nbsp;o

3. AÜNJBIjD.

Le 4 Aoüt i’quot;67, j'allai voir Ie Herrengrund (vallée des seigneurs , vallis dominorum) , qui n’estnbsp;éloignée de Neusol que de deux lieues de France.nbsp;On y va par un chemin très-agréable et bien en-tretenu : on monte pendant une heure sans aucu-nement descendre, ce qui n’empêche pas que lenbsp;fferrengrundue soit une vallée. Ce lieu est célebrenbsp;pat' ses mines de cuivre, qui sont abondantes; parnbsp;celles d’argent et d'or , beaucoup moins impor-tantes , et sur-tout par ses eaux vitrioliques qui

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changent Ie fer en cuivre. J’avois négligé, dans un vayage que j’avois fait auparavant an Herrengrund,nbsp;de descendre jusqua la source des eaux vifrio-liques; je l’ai fait cette fois-ci. Nous la tröuvamesnbsp;a trois cents pieds de profondeur perpendiculaife.nbsp;On m’avoit dit que cette profondeur étoit de cinqnbsp;cents brasses : il est vrai que les mines pénetrentnbsp;plus bas dans la terre; mais 1’eau vitriolique senbsp;trouve a la hauteur que je viens de dire. Rarementnbsp;les profondeurs passent cent brasses, on cinq centsnbsp;pieds (*). L’air est sain dans ces mines, et ne nuitnbsp;point aux mineurs. II fait fort chaud dans cellesnbsp;qui sont profondes : nous suames beaucoup avantnbsp;d’arriver a l’eau vitriolique.

Quand Ie fer cuprifié est tiré de feau , fl se durcit peu-a-peu ; dans l’eau vitriolée, il est mounbsp;comme de la paté ; ce cuivre est facile k traVailler,nbsp;et préférable a tout autre.

On dit oi’dinaireinent que cette cuprification se fait par succession ou substitution des parficules denbsp;Cuivre a celles du fer, comme dans la petrification jnbsp;cependant un nom cle Jesus, concave du cóté du

(*) Les salines de TVilisha, en Pologne, ont i,5oo pieds de profondeur; Vahnont de Bomare ne leur en donne quenbsp;600. Celles de JoacJdnis-Thal, en Bohème , sont les plusnbsp;profondes que Pon connoisse; elles ont 280 toises, ou i ,680nbsp;pieds. Tout ce que dit Mr. de Buffon, Epoq., vol. 1,nbsp;Plt;^g- 213 ef sidv. ; torn. i , pag. 817, soiit des exage'ra-tions risibles. Voyez Examen des Epoques ,pcig. 201. —nbsp;Fausse mesure de la mine de Cotteberg, Journ. kist. etnbsp;litt. , \^Juillet\r.?gt;\,pag.[\\^. F.n qucl sens ces mesu resnbsp;pourroient être exactes, ci-dessus, pag. 48.

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( iSa )

fer, oü Ie cuivre s’étoit attaché , et Ie fer qui suh-sisloit encore, me feroient aclmettre la voie d’adhé-sion, si cela ne m’avoit été montré par un Newto-nienfurieux, et qu’une bonne partie du fer n’eut été dissoute. II est vraisemblable que cela se faitnbsp;par adhesion et par succession.

Tout fer qu’on met dans le bassin on la source tombe , se change en cuivre en très-peu de terns.nbsp;Les Crucifix de fer, les couronnes , les clefs , lesnbsp;clous , les armoiries, les noms des personnes dis-tinguees, le tout étant de fer et mis dans le bassin ,nbsp;VoyezKirrlier, (jjgparoit commc fer, et se change en beau cuivre

etc€ que nous Qi- nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^ ^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^

ions nbsp;nbsp;nbsp;de la meilleure qualite.

Bien des gens se récrient la-dessus , et écrivent que ce fait prouve évidemment la transmutation desnbsp;métaux , tandis que ce n’est que le resultat d’unenbsp;simple opération de docimasie (*) , qui prouvenbsp;lout le contraire. Faites dissoudre du cuivre dansnbsp;de Feau-forte 5 meltez ensuite une lame de fer biennbsp;nette dans la dissolution, vous verrez bientot Feau-Ibrte lacher prise sur le cuivre , et attaquer le fernbsp;pour le dissoudre. Alors le cuivre dissous reparoitnbsp;et s’attache au fer, en Fenveloppant comme d’unenbsp;fine limaille , jusqua ce que tout le cuivre se soitnbsp;dégagé de Feau-forte, qu’il se soit attaché ii la lamenbsp;de fer, ou précipité au fond du vase.

Dans la montagnc, Feau de pluie penetre par la terre et par les jointures du roc , sur la mine denbsp;cuivre. Cette eau douce s’y charge de nitre, fond

(*) Docimasie on Docimastiquc, terme de cliymie : c’cst uii essai que Fon fait en petit sur lc.lt;v’piues, pour con-noltre quels sont les me'taux qu’elles coutiemicut.

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( i53 )

Ie vitriol de la mine , s’impregne de son acide, et devient par-lii une sorte d’eau-forte , qui dissoutnbsp;tout Ie cuivrequ’elle Irouve enétatmélallique dansnbsp;Ie mineral. Ce cuivre, dissous dans l’eau, est porienbsp;avec elle de jointures en jointures du roe, jusqu’knbsp;ce qu’il tombe dans Ie bassin j et la , dès qu’onnbsp;y met du fer , l’eau lache son cuivre, Ie deposenbsp;autour du fer en Ie rongeant, a la longue, par unenbsp;eau continuellement renouvelée , jusqu a ce quenbsp;tout Ie fer ait disparu ; mais toule la forme du fernbsp;est déja très-bien figurée en cuivre , que Ie fer sub-siste encore. Ainsi, de cette operation merveil-leuse, il ne résulte simplement que la precipitationnbsp;du cuivre dissous en un sediment, dont une partienbsp;s’attache au fer, et 1’autre tombe au fond du bassin,nbsp;ensuite au fond du ruisseau qui en sort, et dansnbsp;les fosses qui Ie recoivent (1).

On tire d’une autre source d’eau vilriolique, la plus belle coulenr verte, et cela par la simple subsession du vdtriol. Cette couleur' est cliargée denbsp;cuivre; et durant la guerre derniere, on la jetoitnbsp;dans les tournaises , pour en tirer ce métal, pareenbsp;que la couleur ne pouvoit se vendre qu a un prixnbsp;trop modique. J’ai parlé ailleurs de cette eau qu’onnbsp;appelle ciment, ou cément-wasser (eau de cementation). Voyez Journ. kist. et lilt., i Déc. i'}8o ,nbsp;pag. 519.

On voit, dans cette vallée , une belle maison

1

Eliani hcec cupi ificalio imago queedam Euclior-risticB ent. Non est mêra siihsiitutio : forma, pondus, magniludo marient. In petrificaiione manet etiain co~nbsp;lor. Alia 24 Theolog.

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( i54 )

et des alambics magnifiques, destines k tirer cette couleur par Ie feu j mais Mr. de With a écbouénbsp;dans celfe entreprise. La couleur séparée de cettenbsp;fagon palissoit peu-a-peu, et perdoit tout sonnbsp;éclat 5 faction du feu en avoit apparemment óténbsp;certaine humidité nécessaire a sa conservation. —nbsp;J'ai vu depuis, en Transylvanie, a Rodnau,, fairenbsp;la plus belle couleur verte avec du vitriol et unenbsp;eau minérale alkalique. On met im huitieme d’oncenbsp;de vitriol contre un pot sauer-brunn. J’aurai, ci-après , occasion de parler de cette source d’eaunbsp;minerale.

Les Remains, dit-on , ont connu et exploité les mines de Herrengrund : ce qu’il y a de sur, c’estnbsp;qu’il y en a beaucoup d’abandonnées , dont onnbsp;ignore absolument l’ancienneté. On assure aussinbsp;que les Remains ont cultivé les mines de Schmelnitz.nbsp;Quant kcelles de Transylvanie, la chose est sansnbsp;réplique. On lit, k Torda, l’inscription suivante:

Jon Inventori ,

Diti Patri , Tprrx Matri ,

DeTRCTIS DacïAS TUESAURIS ,

J)ir. Nerva Prajasus Ca:s.

Aug. VOTUM SOLVIT.

Torda , néanmoins , n'a aujourdRui que des mines de sel. — A la fin d’une inscription , knbsp;Salathna, on lit : Procurator aurarice. Et dans unenbsp;autre , Ik-même : Collegium aurariarum.

. incedunt En Septembre, 1766 , j’ai vu Scalitz, Hollitz, longo ordine Tlradish, Vdlcgrad, OlmutZfProsnitz, Vischau,

gentes,_ nbsp;nbsp;nbsp;.

Quam vanw lm- JjTlftJl.

guls , habitu nbsp;nbsp;nbsp;Hn’y a dc reniarqitable kiSca^Vz (Haute-Hongvle),

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( i55 )

notre college et notie église. Le P. Haror, lecteui’ de celte niaison, est a l’égarcl de ses liótesnbsp;le supérieur le plus lionnêle que j’aie encore vu.

Hollitz (on prononce Hollitsch), k une lieue de Scalitz, est un pelit endroit riant, depuis quenbsp;l’Empereur Francois y a bati un beau palais,nbsp;et qu'il y a établi une fabrique de faience, quinbsp;est devenue célebre. On y fait les ouvrages lesnbsp;plus délicats, et toutes les clioses imaginables ennbsp;faience , comme les Saxons en porcelaiiie. Cesnbsp;ouvrages, même les plus grossiers, sont très-chers.nbsp;— Le palais de l’Empereur est défendu par quatrenbsp;bons bastions et deux fosses : on y voit un petitnbsp;arsenal, ou il y a quinze a seize pieces de canon.nbsp;Les cuisines et nombre d’appartemens sont entié-rement sous terre, tout aiitour du palais , qui ennbsp;paroit dautant niieux : ce plan est très-singulier ,nbsp;et peut-être unique. H y a encore a Hollitz unnbsp;beau et vaste grenier, une grange immense , etnbsp;d’autres monumens du goüt de Frangois I®*'. pournbsp;l'économie champêtre. II faisoit ses délices de cettenbsp;terre, oü il avoit attiré un grand nombre de Fran-cois-Lorrains.

Ilradish, en Moravie, est mal bati, mais agréa-blement silué, quoiqu’un grand nombre de lagunes qu'on y trouve, doivent readre eet endroit mal-sain. Notre college est ce qu’on y voit de plusnbsp;remarquable.

Vdlegrad est il une lieue de Ik : c'est une superbe abbaye deBernardins;leur église est une des plus belles que j’aie vues, et nulle part je n'ai trouvénbsp;de Moines plus attachés aux Jésuites que ceux-ci.

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( i56 )

En allant de Vdlegrad a Ldannec, terre appar-tenant au college de Hradish , on traverse une ibrêt de six lieues , oü l’on rencontre plusieurs monu-mens. II y en a un , dont les caracteres ne sontnbsp;plus lisibles : on m'a dit qu’il conservoit la mé-moire d’une grande ville , jadis située en ce lieu,nbsp;qui fut, dit-on, engloutie durant un horrible trein-hlcment de terre; cela est possible , et ne manquenbsp;pas d’exemple, On peut voir , entr’autres, l’en-gloutissement de Sainte-Euphómie, si énergique^nbsp;ment décrit par Kircher, dans la Preface de sonnbsp;Mundus subterraneus.

Hcec loca vi quondant et ¦vastd convii Isa ruina., (Tantum cEvi longinqua valet mutare vetustas)nbsp;Dissiluisse ferunt.................

ViRO. 3. jEneid.

D'autres cepenelant m’ont assure que c’étoit une fable, et que cette pierre marquoit un repas quenbsp;les anciens Seigneurs de ces contrées, ou un desnbsp;Marquis de Moravie, avoient pris dans cette forêt.nbsp;C'étoit en effet l’usage des anciens, de conservernbsp;par des monumens et des inscriptions, Ie souvenirnbsp;de ces banquets cliampêtres. Voyez-en un exemplenbsp;dans Ie Voyage de G. Loretus, inséré dans Ienbsp;Mand. subterr. On en voit une preuve ailleursnbsp;dans cette même forêt. Je me souviiis , a cette occasion , de deux parcils repas que j’avois faits autrefois dans Ie Grunewald, grande forêt, a peu denbsp;distance de Luxembourg, l’un pres du Glasbrunn,nbsp;l’autre pres du Schetzelbrunn. Quece dernier en-droit étoit charmant, et propre a attirer un philor

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( IS? )

soplie I I,es hommes du slede ne senfent guere les t'harmes de ces belles solitudes.

JVogt;i umhrie altoi'uni nemorum, non nhollia possunt

Praia movere animuni, non quiper saxa 7)olutus ,

Pnrior electro campum petit amnis........

3. Georg.

Le saint hermite Schctzelius a, dit-on , vécu dans le creux d’un roe , epi est proclie de cettenbsp;fonlaine. Ilahitarunt Di quocjue sylvas.

Heureux sejour de 1’innoccnce,

Ruisseaiix, vallons délicioux,

Cliar.tons celui, doiit la puissance,

Forma ces agréablcs lieux.

A epelque distance de cette ford , que je traversal pour aller a Ldannec vers Olrautz , on trouve un ancien chateau , très-vasfe et fortifié anbsp;l’anticpie , appartenant au Comte de Killenbourgnbsp;et un peu au delk, une belle église, ou il y a unenbsp;Image miraculeuse.

Olmutz, capitale de la Moravie , est une très-belle ville, assez grande, bien fortifiée. Les statues el les fontaines embellissent les places : on y voitnbsp;une pyramide des plus superbes, dressée en i'jSS,nbsp;k rhonneur de la Sainte Trinité. Le réfectoire denbsp;notre college , ainsi que la blbliolheque, sont d’unenbsp;rare magnificence. Ce réfectoire est plus raagni-fique que celui cle Tirnaw, qui est simple, maisnbsp;le plus majestueux que j’aie vu. On voit dans cettenbsp;blbliolheque deux globes d’une beauté et d’unenbsp;grandeur très-extraordinaires. La salie des actesnbsp;est imposante; celle de I’universile, a Vienne , estnbsp;plus majestueuse , celle-ci est plus brillante.

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( IW )

II y a a Olmutz cent Irente Jésuiles : nous y avons un trës-beau séminaire pour leducation denbsp;]a jeunesse ; mais de tons les séminaires de cesnbsp;pays-ci , il ii’en est aucun qui me plaise commenbsp;ceux de France. Je dois tont h. celui de Rheims :nbsp;nos Peres de France étoient f^its pour la jeunesse,nbsp;de l’aveu même de Mr. Ie Chancelier d’Aguesseau,nbsp;qui n etoit point de nos amis.

Excudent alii spiraiitia molliüs cera,

Credo equidern , vivos ducent de itiarmore vultus j Orabunt causas meliüs , Coelique meatusnbsp;Eescrihent radio , et surgentia sidera dicent.

Tu regere imperia pueros , Jesuita , memento :

JIcE tïbi erunt artes , castosque imponere mores.

Ahstralie ab obsccenis teneras sermonibus aures j Mox etiam formes prmceptis jrectus aniicis ,nbsp;Asperilatis et invidicB corrector et irce.

Dans Ie tems que j’étois a faire ce voyage , il y avoit a Jgla-w un camp de soixante mille hommes,nbsp;que j’aurois vu volontiers : j’en avois vu un denbsp;douze mille prés de Luxembourg, vers l'an 1748.nbsp;— j’ai vu Ie dernier siege que Ie Roi de Prussenbsp;avoit mis inulilement devant Olmutz (*), expriménbsp;par des lignes et des redoutes, qu’on venoil denbsp;faire , pour représenter 1’attaque h I’Empereurnbsp;Joseph 11. — Un trës-beau monastere, qui avoi-sinoit'trop les fortifications, a élé démoli en 1778.

Prostenitz ou Prosnitz et Vischau, sont deux petites villes passables, sur la route ó^Olmutz a

Le Roi avoit pcu ayancd Ie siege; il n’avoit pas etw core pil se rendre maitre d’une redoute isole'e et cloignéenbsp;du corps de la place.

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( iSg )

Brinn. Ceüe route est belle et bordée d'arbres comme en France et atix Pays-Bas. Les deuxnbsp;places sont assez jolles.

Brinn est aussi beau qu’Obnutz : les deux places y sont belles. On volt sur Ie Kraut-Markt (marchénbsp;aux herbes) nombre de fontaines sortant d’un röcnbsp;ibrt élevé qui présente la noble irrégularité de lanbsp;'nature. Les Eglises y sont fort belles; la nótre eslnbsp;magnifique. Celles des Augustins , des Cordeliersnbsp;et des Donainicains inéritent aussi la curiosité denbsp;l’étranger.

Spilberg est une ciladelle imprenable, qui do-mine la ville et tons les environs ; eest un cóne d’une hauteur énorme. Cependant dans un secondnbsp;voyage que j’ai fait a Brinn , j’ai remarqué quÉnbsp;cette citadelle étoit fort incommodée par une hau1nbsp;leur voisine. Les Suédois y ont deux fois échoué.nbsp;La ville est aussi fortifiée par des bastions et desnbsp;demi-lunes.

Dorchana-w est un village h deux lieues de Brinn , vers la Hongrie, oü nous avons une rési-dence et Tadministration d’une Eglise célebre parnbsp;une statue rairaculeuse de la Ste. Vierge ; j’y alnbsp;dit la Messe. J’observerai en passant, que je n’ainbsp;vu üulle part d’Image miraculeuse plus belle etnbsp;plus digne de nos Eglises , nulle part plus de solide piété qu’k la Cliapelle de Notre-Dame knbsp;Luxembourg (1).

1

Cette Cliapelle, située prés de la A'ille, et qu’on peut appeller un lieu de piéte', un lieu de sainteté, a snbsiste’nbsp;jusqu’a la guerre effroyable , qu’on doit nommer la guerrenbsp;du pldlosophisme j coinmencée en 1792 et termine'c ennbsp;1815. Membre du college de Luxembourg, je visitois cette

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( ifio )

I-es Moraves et les Bohémiens sont hons : ils sonf moins iniitateurs des nations célebres que lesnbsp;Polonois, les Hoiigrois et les Russes. La nouvellenbsp;philosophic ne les domine pas encore ; ils sontnbsp;assez niodesles pour enseigner la théologie dunbsp;P. Muska, jésuite Autrichien. Ce P. est actuelle-ment compagnon du Provincial d’Autriche. Lesnbsp;Parleniens de France , dans les comptes rendus,nbsp;Pont cilé avec Busenbaum , la Croix , Keller etc.nbsp;La maniere de vivre dans les Colleges hongrois menbsp;plait infiniment plus que celle des Bohémiens; toutnbsp;en Hongrie a un air 1'amilier , tiicile, amical. Nosnbsp;PP. de Silésie n’ont plus aucune communicationnbsp;avec ceux de Bohème; Ie Roi de Prusse leur a faitnbsp;donner un Provincial. Dans dix Provinces denotrenbsp;Société, que j’ai vues, jen'ainulle part trouvé plusnbsp;d'affabilité et d’amitié5 nulle part autant de magnificence a 1’égard des étrangers que chez les Polonois. Ils m’ont accablé de caresses; les mets étoientnbsp;sans nombre , Ie vin de Tockai sans mesure.

Pendant les raêmes vacances , j’eus occasion

Ghapelle aiis.si souvent que je ie pouvois, et jamais je n’y eiitrai sans ressentir u: e impression, sans cprouvernbsp;un sentiment que je ne saurois détlnir. Mille autres pournbsp;lors et depuis co toms-la , m’ont avoué qu’ils avoientnbsp;yoyezVHist.de constamment éprouvc la même chose. Le concours desnbsp;N. ü. de Luxem-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^ journalier. Mais rien de plus édifiant que

rOctave qui se céléhroit dans FEglise du college, oii l’on apportoit la sainte Image, et oü clle demeilroit exposéenbsp;depuis le quatrieme jusqu’au cinquieme Dimanche aprèsnbsp;paques. L’affluence y étoit iucroyahle; et, pour dire tontnbsp;cn deux mots, je ne crois pas que l’on puisse faire aunbsp;Ciel une violence mieux combine'e. (Note de VÉditeur.)

de

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( )

de connoitre quelques nations étrangeres trans-plantées en Hongrie , comme les Arméniens , les Sicules etc. — Les Siciiles (Siculi) descendentnbsp;¦vraisemblablement des Scythes 5 et SicuU, dil-on,nbsp;vient de Scytuli; d’autres leur donnent une autrenbsp;Origijie, Mr. Ie Beau, Hist, du Bas-Empire, tom.nbsp;VlI, pag. 354 gt; dériye Siculi de Sek-hel, dont ilnbsp;ne donne pas la signification. II dit que ce peuplenbsp;est un reste des Huns , ce gui est vrai de tous lesnbsp;Hongrois.il dit quelesSiculiens écrivoient dehautnbsp;en bas comme les Chinois , peres des Huns. II estnbsp;plus qu’apparent que les Siculiens n'ont jamaisnbsp;beaucoup écrit, et qu’il n’y a pas eu de livres denbsp;leur fa^on dans Ie tems qu'on suppose qu’ils écrivoient de haut en bas (1 2).

Les Sicules sont bons et traitables, dès qu’on ne touche pas a leur liberté c'est pourquoi ils dé-testent les Allemands, avec lesquels cependant ilsnbsp;s’accommodent un peu mieux depuis quelque tems.nbsp;La situation particuliere de la Siculie, entourée

1

(2) Quoiqu’il nous paroisse très-naturel d’c'crire de gauche 'a droite, on a employé chez difi'érens peuples lesnbsp;quatre directions, de gauche a droite, de droite a gauclie,nbsp;de haut en bas, et de bas en haut. On sait que la secondenbsp;niéthode est celle des Hebreus, et que Ia quatrienie a éténbsp;cclle des Mexicains. II faut convcnir néanmoins que notrenbsp;•uéthode est la meilleure. Eu écrivanl de bas en haut,nbsp;OU cache et on eflace ce qu’on \ient d’e'crire; Ie jncme in-couTénient subsiste a un certain point en écriyant de droite

2

gauche. En écrivant de haut en bas, on fait faire au bras un voyage continnel, au lieu qu’en direction horizontale , il ne change presque pas de point d’appui.nbsp;Tom. J,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;L

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( l(gt;2 )

lie montagnes , a inis ce peuple a I’abri des réva-lufions qui ont un pen altéré le génie des Huns dans les autres Hongrois.

Je ciois devoir ajouter a ce que j’al dit des Sicilies , Textiait d’une lettre de Mr. le Comtenbsp;Ybarraf a Mr. N**. Ce seigneur qui daigna m'ho-norer constainment d’une amitié distinguée, parlenbsp;ainsi dans cette lettre.

Transcrit mot n Vous m'ordonnés de vous dire quelque chose i. mot exacte-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;brave nation de nos Siculiens. Le nom

ment d’apres ro-

rigiiial. nbsp;nbsp;nbsp;n Székhel est derive du latin Siculi, on réellement

)) Scilhuli, paree que ce sont eux seuls qui sont » de vrais Hongrois , ou les restes des Scythes,nbsp;» qui possedent leurs terres sans donation de Roynbsp;» ou Prince , et sans aucun instrument de con-II cession , mais come leur acquisitum proprium.nbsp;» Qui quoique laboureurs et depuis quelqucs an-1) nées soldats , sont tons nobles , cum onere mili-igt; tandi. Cette nation qui fait grande et illustrenbsp;I» noblesse (la familie de ma femme da présentnbsp;gt;) en est une des premieres) liabite les districts ounbsp;1) comtées suivant, Osik, Harornszik, Gyorgyo ,nbsp;» Udvarkeli, Marvs , Aranyos, dont C^siX: etnbsp;» Gyorgyo sont telment Catholiques purs, qu’ilnbsp;M n’y est pas permis aux protesfans d’y séjournernbsp;I) pendant Irois jours. Ces districts ou sedes sicu-» licalcs sont gouvernés au lieu des supiêmesnbsp;» Comtes, par des supiêmes Juges royau:t. Aunbsp;» temps de la prétendu reformation , e’etoit le bill sayeul de ma femme qui gardoit avec ses troupesnbsp;» les issues des montagnes de Csik et de Gyorgyonbsp;» pour arrêter les moines et les prêtres qui en vou-

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( )

” loient sorlir pour embtasser Ie nouveau Evan-» glle qu’on préchat k Hermanstadt, oü il fit exé-» cuter a mort tous ceux qui persistoient dans leur » detestable dessein , sur une montagne , qui en-» core porie Ie nom de Pap-Halal, cest-k-dire ,nbsp;n la mort des prèlres. Les autres districts Siculiensnbsp;» sont en parli melé de calvinistes, et cellui denbsp;5gt; Marus et UdvarkeJy plein des Arriens, ou Uni-

» taires , c’est-a-dire de Sociniens.......»

Signé : n Ig. Comle d’Ybarra ».

Les Arméniens sont en grand nombre dans la Transylvanie : il est assez difficile de savoir comment ils y sont venus (1). Ils habitent presque seulsnbsp;la ville de Samos-Uivar; ils sont bons Catholiques-Romains. J'ai trouvé depuis , prés de la Theiss,nbsp;nn de ces Arméniens de Samos-Uwar, qui parois-soit fort brave homme, et prenoit pour une injurenbsp;que je parusse douter s’il étoil Catholique-Romaih.nbsp;J^ous recevons cette année dans la Société un novice Arménien. — La province des Jésuites d’Au-triche est composée d’une infinité de nations. J’ai

1

Comment les Saxons sont-ils venus eu Transylvanie? Quelques Auteurs diseut que la devastation de leur paysnbsp;par Charlemagne, leur lit chercher nn asyle dans celui-ci.nbsp;Peiit-être sont-ils Ik depuis les Croisades, ce que quelquesnbsp;écrivains ont cru; d’aiilres disent que ces Saxons descendent des faineux enfans de Hamwelen , enlevés par Ienbsp;diahle, et portésjusqu’en Transylvanie. Ceux qui croirontnbsp;avec Ie P. Schott, que les animaux iureiit portés en Amé-rique par les Anges, no rejetteront pas cette histoire desnbsp;Saxons. — Voyez D. Calinct, Hist, des appar. , et lesnbsp;Jrnag. de Mr. Ouffie, torn. II, pag. ii8.

L 5t

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( i64 )

vécu , k Neusol, avec ün grenadier Prussien nont-mé Poulek , qui étant prisonnier en Autriche , se convertit et se fit frere Jésuite. G etoit un des meil-leurs freres que j’eusse vus; il me disoit en riant;nbsp;Die Protestanten was sind das vorLeutl

Quelques conversations avec un Sicule Arien, nouvellement converti, homme d’esprit et de lecture , m'ont fait connoitre a fond l’état de ces sec-taires en Transylvanie, oii beaucoup se sont retires , après avoir été chassés de la Pologne. Je lesnbsp;ai vus a Clausenbourg en 1768. Ce sont vraimentnbsp;des Aliens , quoi qu'en dise Schwartz. Blandralanbsp;ést comme Ie fondateur de cette hérésie dans cettenbsp;province. David Cyihrée est aussi un de ses apó-tres j ils sont grands chicaneurs , grands dialecti-ciens , et ont tout Ie génie de Socin, de Crellius etnbsp;des anciens Ariens, tels que S. Grégoire de Na-zianze et Eusebe nous les représentent (1). Lenbsp;passage de 1’Ecriture, dont ils se tirent le plus mal,nbsp;est celui de S, Paul, au chap. 20®. des Actes:

1

Lingumque audaces et mulliplices nexus , per quos simplicitas perit Jidei. Telwque .Aranece imhe-cillus career ; qum levia illigant rohustis risus. Greg.nbsp;Nanz., in Carm. de vita sua. — Non inquirentes quidnbsp;Sacree doceant Scripturce, sed cujusmodi syllogismo-rumforma... requiratur... Qubd si quis aliquem Scripsnbsp;turce locum iis ohjiciat, examinant, utriim connexumnbsp;an disjunctum syllogismi genus ex eo conjici possif.nbsp;Euseb. ,1.5, Hist. Ecclcs., c. 28. — Solvunt ligantqusnbsp;queestionum1 vincula , per syllogismos plectiles. Vatnbsp;captiosis Sycophantarum strophis etc. Prud., in Pr1f-ad Apoth.

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Regere. Ecclesiam Dei quant acqinswU sanguine Apiès avoii' proteslé confre la divinité dunbsp;ï'ils et du Saint-Espiit, ils baptiseiit oojnme nous ;nbsp;ils reconnoissent Ie libi’6 arbitre * Ie purgaloire ,

OU du moins mgt;e espece de purgaloire, la nécessité des bonnes oeuvres, etc. Toufe bonne oeuvre estnbsp;Sacrement; Ie Baplême nest point nécessaire , ilnbsp;n’y a point de péché originel eic., etc. On les ap-pelle Unitaires .- ils condamneut Arius , et disentnbsp;que Ie Vei'be, n’a existé , ,nl avant Ie .comraence-®ent, niau commencement, autrement qu’en promesse (é« prótiiissiom), Quoique cötle secfe soitnbsp;la. plus subtile et la plus söpliisllque de toutes cellesnbsp;qui oht désolé l’Eglise , elle n’a jamais su fixer sesnbsp;dogmes. Soils'fÉmpereur Constance, il y eut plusnbsp;de onze ou douze formules de foi différenles; nouvelle preuve de la nécessité d’écouter l’Eglise Ca-ftolique. — Leurs églises sont sans autels , sansnbsp;images etc. , in templo aboininatio desolationis.

Dan., c. 9 (*).,

Le neophyte avec qui j’eus ces entreliens, a5'ant toujours de la peine a concevpiv que le Fils denbsp;Dieu put avoir la nature divine, sans que cettenbsp;nature fut différente de celle du Pere, je lui prisnbsp;la main , et l’appuyant sur mon baton , je lui dis

®n nous promenant: Ne vous setvez-vous point de Sic lapis angu-

„„ 7 nbsp;nbsp;nbsp;•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;gt;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;t ..„7 ¦; laris unicus, est

panetis A et paridis B susleifta-menlam.

ce baton, comme sije ne m en scraoïs pas, et esl~il nbsp;nbsp;nbsp;A etva-

(*) Cullus adeö inciiltus , et religio ortini religione et sacro ornatu sacrisque ritihus destituta. Contra Ca-tiiolicoruTntemplorum et sacrorum incredibilis qucedamnbsp;niajestas etc.

L 3

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mains man appui, paree qu^il est Ie vótre 7 N’est-il pas vrai quevous wez im bdtonpourvous protnener,nbsp;et que f en ai un aussi, quoique ce bdfon soit Ienbsp;piême? Cette isimple comparaisoa , quoique déi'ec-tueuse (car s’il y en avoit de parfaite en ce genre,nbsp;Dieu cesseroit d’etre) l’a plus affecté que de longsnbsp;raisonnemens qu’il faut éviter , autant qu’il estnbsp;possible , a l’égard des catéchumenes et des néo-phytes. Infirmum autem in Jide assuniite, non innbsp;disceptationibus cogitationum. Rom, c. i4i

Segniüs irritant animum demissa per aures , Quam qua; sunl ooulis subjecta Jidelibus , et qiianbsp;Jpse sihi tradit spectator. . ^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.

JIoRAT. ^ Art. poet,

J’ai souvent aussi remarqué qu’il vaut mieux, coinme dit Pascal, faire voir a iios freres erransnbsp;la grandeur et la majesté de la Religion Catho-lique, ses caracteres divins etc., que de démontrefnbsp;séchement Ia vérité de ses dogmes en détail. Pournbsp;rendre les hérétiquès dociles , il faut leur fairenbsp;sentir adroitement, mais avec force, combiennousnbsp;sommes persuadés qu’il n’y a point de salut horsnbsp;de l’Eglise Catholique. Qwce pars Jideli cwn inji-deli7 t^uand on leur dit des choses solides avecnbsp;douceur, et avec modestie , sans prendre fair et Ienbsp;ton de Ia dispute, et sans paroitre vouloir entrernbsp;en maliere, sans paroitre songer a leur conversion , ils se trouvent vivement touchés. Remarquenbsp;du jP. Auger f dans Tanner, analogue a celle-ci ,•nbsp;pqg.

Ce néophyte disoit qqe les miuistres Ariens se

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( 1^7 )

^nverliroient tons , si Ton poiirvoj’oit a leur sub-distance.

Quid facerem ? iteque servitio me exire licehat,

Nee tam, prceseiites alibi cognoscere divos (1).'

VlRG. , I Eci.

Les Polonois avec tosqiiels j’ai conversé pendant les vacances, m’ont fait connoitie leur nation plusexactementqne jene l’avois conniie jnsques-lh.nbsp;Leur habit est assez analogue it celui des Ttircs :nbsp;culottes larges , robe longue, téle rasde, a unnbsp;flocon prés, qu’iis laissent croitre a«-dessiis de lanbsp;tète , a la longueur de quafre a cinq doigts ; leurnbsp;bonnet est fait cle peaux , et d'unè autre formenbsp;que Ie turban. La plupart des nobles sont vêtus 5inbsp;la francoise j la milice est presque toute habilléenbsp;de la sorte. Les Russes quittent plus généralementnbsp;leur habit que les Polonois. Le miel assaisonnenbsp;presque tous les mets deceux-ci; la bierre , l’hy-dromel et Teau-de-vie fontleur boisson ordinaire 5nbsp;la Hongrie leur fournit le vin. Leur politesse estnbsp;gênante et affeclée; ils vous embrassent les jambesnbsp;pour vous saluer. Ils spnl très-zólés Calholiqiiesnbsp;et ci-devant ils tiroient le sabre durant 1’Evangile ,nbsp;soit pour témoigner qu’ils étoient prêts a mourirnbsp;pour la foi, soit pour se montrer prompts h dé-fendre l’Evangile centre les Tures et Ifes infideles;

1

Voyez plus bas Fétat des autres sectaires en ÏIoii-grie, des Grecs etc. Les Anabaptistes sont presqu’éteints. La Reine vent absolument que le reste se convertisse.nbsp;J’ai vu pour la premiere fois des Anabaptistes en Suabe,nbsp;entte Strasbourg et Rastadtjils étoient assez hutnains,elnbsp;vénérables par la lougueur de leurs Itarbes.

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ceJte coutume n’est pas encore entiérement iom-bée : k Posnanie il y a toujours un chevalier de Malte qui tire son sabre au milieu de l’église,nbsp;durant la lecture de l’Evangile.

Les Jésnites fran9ois qui sont en grand nombre dans la Pologne , y ont donné une nouvelle facenbsp;aux études; sans introduire la fureur du newto-nianisme et réduire toules les sciences au calcul,nbsp;ils ont fait embrasser aux Polonois tout Ie beau etnbsp;l’intéressant de la philosophic. J’ai ici une thesenbsp;du V.Luskina, soutenue a Varsovie en 1764, quinbsp;est tiès'intéressante et pleine de choses. Le P. Lus-kina a éludié chez nos Peres , a Paris , et s’y est*nbsp;beaucoup perfeclionné. La litlérature est négligéenbsp;en Pologne.

f'-gT nbsp;nbsp;nbsp;Fran9ois en tout, ne soit très-préjudi-

Vict. géog., ciable a la simplicité de leurs moeurs et a la Reli-Art. PoLOGKE et gjon. L’aqcent des Polonois est fort singulier, et

\ jkRSOYlGr nbsp;nbsp;nbsp;Tlnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;r»nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•

tieat de l'accent fran^ois : ils disent, par exemple, Polognia, comme les Francois Folagne. Ils ap-puient sur 1’i; et le font long,; Pologina, Cracovia,nbsp;Saint Stanislas , Evêque de Craeovie,.et S. Stanislas Kostka, sont leurs deux principaux Patrons. •nbsp;Sainte Cunégonde, Duchesse de Pologne, y estnbsp;aussi en grande veneration.

Voyage en Po- Cracoi’ic, capitale de ce vaste Royaume, est une grande ville, avec trois faiibourgs très-étendus ,nbsp;nommés Clcpkardia, Stradomiria, Casimiria. Dansnbsp;ce dernier se trouvent les synagogues des Juifs.nbsp;Le trésor de S.. Stanislgs est très-considérable. De-puis que Varsovie est devenue la residence du

Journ, hisï. et II est k craindre que la fureur des Polonois k

logne.

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^oi, Cracovie a perdu beaucoup de son lustre : Varsovie lui cede néanmoins infiniment pour l’é-tendue , les antiquités, la beauté des églises etc.nbsp;La distance de 1’une a I’antre est de 90 lieues denbsp;France. J’avois été en route pour aller ii Cracovie,nbsp;et avois changé de dessein ii Trenschin, Je m’ennbsp;repentis bien des fois, et voulus souvent y allernbsp;depnis , sans pouvoir réussir. Enfin, aprës deuxnbsp;ans, je fis ce voyage en Octobre i'j66. Je vouloisnbsp;conhoifre les Polonois , et avoir une idéé de cenbsp;vaste Royaume.

Je partis done Ie ii Octobre, et arrivai Ie même jour a Trenschin. J’y trouvai expirant Ie généralnbsp;Reinhard, nion ami, que j’y étois venu voir Fannbsp;passé. Le lendemain j’allai voir la citadelle , quenbsp;j’avois négligé de voir k mon premier voyage 5 ellenbsp;est extrêmement haute et escarpée, et ne peut êtrenbsp;prise que d’un cóté , par ou elle est commandée.

Je me remis en route, k environ midi, pour aller coucher k Vholi. Lk, j’eus le plaisir de voir unnbsp;banquet de noces k la Sclavonne. La parure desnbsp;époux , la quantité et la qualité des mets , tout étoitnbsp;divertissant. Je lus invité k ce singulier repas , etnbsp;je n'eus garde de refuser; mais je n’y fus que spec-tateur. Je régalai ces Slaves d’un très-bon vin quenbsp;j’avois apporlé de Tirnaw : ils étoient extasiés denbsp;cette mariiere d’agir,

Allant de Tizolia Zolna, onYoliBlétritz, bourg considérable , plusieurs chateaux, situés sur lenbsp;laite des plus hautes montagnes , un grand village , nommé Vischaw, agrcablement situé dansnbsp;une belle plaine arrosée par le Tagus, A l’heure

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de midi, i3 Octobre, nous arrivames a Xolna,

Zolna est une petite ville oii nous avons une residence. Les Ilécollets y ont une belle maison.nbsp;Cette ville est située aux pieds d’hovribles monta-gnes qiie nous passames Ie lendemain, i4 Octobre , pour arrivcr vers midi a Tchacha. Lk, onnbsp;fait des provisions comme pour passer les sablesnbsp;de l’Egypte 5 car de Ik a Cracovie , il n’y a ninbsp;pain , ni vin , ni viande a trouver ; cela paroitranbsp;incroyable. Quoi, dira-t-on , dans les grands villages, dans les soi-disantes villes , comme Kend,nbsp;Zolura, il ne se Irouveroit pas un inorceau denbsp;pain kacheter7 Qui Ie croira, s’il ne l’a éprouvé?nbsp;Mais que mangent done ces paiivres liabitans ? Ennbsp;vérité, je n’en sais rien : je n’ai vu manger per-sonne dans toute cette route. Les Polonois n'ontnbsp;pas besoin de pain; ils n’en mangent presque point.

Le mème jour, après avoir manqué d’entrer en Silésie dont nous n’étions éloignés que de deuxnbsp;cents pas, nous arrivames ebez le vicaire, k Sca~nbsp;lltzé, auquel nous demandaraes k loger. C’étoit unnbsp;jeune prêtre, sage, modeste et pieux, pauvre au-dessus de toute expression, qui nous recut de sonnbsp;mieux. Je ne cessai de fadinirer, sur-tout quandnbsp;j’eus vu la férocité des hommes sauvages avec les-quels il demeure , et qu'il supporle avec une douceur extréme. Je me rappelai, et lui appliquai cesnbsp;paroles du Prince des Apólres ; « Tout occupé knbsp;gt;5 perfectionner 1’homme intérieur ; se conservanlnbsp;» dan? une pureté incorruptible, doux, modeste,nbsp;» complaisant ¦, un lel hommo n’a pas besoin desnbsp;n biens de ce monde pour paroitre riebe aux yeux

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» de Dieun. Qui absconditus esl cordis homo, in i.Petr.jC.S, incorniptibilUate quieti ac modesti spiritus, qui est

conspectu Dei locuples,

Ce village, ainsi que les autres de ces cantons , est d'une longueur prodigieuse, et silué Ie longnbsp;d’une riviere nommée Kisoutzka, que nous pas-sames ce jour^Ia environ vingt fóis. Je Ie croisnbsp;long de deux a trois lielies de France. J’ai re-mavqué depuis , que sur les fronlieres de Tran-sylvanie et de Moldavië , il y a des villagesnbsp;également longs, et vesserrés dans leur peu denbsp;largeur par deux chajnes de monlagnes.

Les liaFitans de Soalitzé sont assez semblables aux sauvages de TAinéiique t leur habit, leursnbsp;demeures, leurs talons , leurs expressions , me ,nbsp;rappeloient l’idée des Hurons, Jls sont souventnbsp;serviables, fideles et de bon cceur; mals lout celanbsp;a un air et un ton Iroquois, Leurs expressionsnbsp;sont pleines d’énergie, Allez-vous è Pcglise ? ditnbsp;mon interprete au conducteur, que Ie cbapelainnbsp;nous avoit donné. Serois-jo en vie, répondil-il , sinbsp;je n’y al/ois pas 7 Ils étoient lous Lulhériens , il ynbsp;a quelques années; nos jnissionnaires lesonl con-vertls et uu peu humanjsés, Syleestres hominesnbsp;saccr interprcsque deorum,., cultu Jcedo deterruit,

Ilorat., Art. poet, (1),

Leurs maisons sont des poutres de sapin, assez

1

Il y a sept ans que les habitans des montagnes de diiveiz adoroieiit encore un vieux pin, et y attachoient desnbsp;ex-Doto. Nos missionnaires pensereut perdre la vie pournbsp;l'avoir coupé.

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bien enchassées les unes dans les aufres , ainsi que dans presque tout Ie nord. L'église a Scalitzé esïnbsp;balie de la même fa9on : dans, les autres contréesnbsp;de Ia Hongrie , elles sont assez propres ; mais lesnbsp;sonneriessontpar-toutpeuharmonieuses. II serablenbsp;que les fondeurs ne savent donner aux clochesnbsp;les proportions relatives. Nos carillons , dont onnbsp;ignore Ie nom, y passeroient pour des jeux ma-giques : on dit que Ie Prince Esterliazy en a unnbsp;petit dans son palais de Kirmartony.

Les paysans de cette contrée vont a demi-nus , même dans les grands froids. Leurs chandellesnbsp;sont des morceaux de pin ou de sapin , qui éclai-* l/rit odora- rent assez bien, mais dont la fumée élouffe *.

tam nocturna in lumina cedrum.nbsp;•j. rEneid, i3.

» Sur ces monts entassés, séjour de la froidure, j) Au creux de ces rochers, dans fces goufires affreux,.nbsp;)) Je vois des animaux, maigres, pMes, hideux,

» Demi-iius, affamés, courbes sous 1’irifortune.

» Ils sont liouimes jjourtant ; notre mere commune » A daigné jtrodiguer des soius aussi puissaitsnbsp;» A pétrir de ses mains leur substance mortelle,

» Et Ie grossier instinct (i) qui dirige leur sens,

» Qu’a former Ie vainqneur de Pharsale et d’Arbelle a. Ge passage est de Voltaire , dans son Ode sur lanbsp;mort du Dauphin, laqnelle du reste ne vaut rien.

Le 15 Octobre, nous arrivames vers buit heures et demie aux confins de la Pologne avec la Hongrie. Ceslimites sont sur une haute monfagne, dansnbsp;un terrein désert et sterile , oü l'on ne voit quenbsp;des sapins. II nous fallut passer par un bois affreuxnbsp;et des chemins impraticables : au sorlir de ce bois,

(^i) Ceci peut se prendre en un sens vrai et raisonnable.

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petit Polonois nous présenta un petit fromage ï'ond, dur comme la pierre, sans gout ni saveur.nbsp;Ces fromages sont communs dans ce pa}'s-ci. Nousnbsp;dinames a Miloka, chez une Juive , qui nous gatanbsp;deux poulets en les enfumant de sapin , et nousnbsp;obligea de jeüner. Le curé fut plus charitable, etnbsp;nous envoya du pain et de la bierre.

Le soir , nous coucbaraes k Xivetz, ville Polo-noise , oü il y a un beau chdteau , et une mission. Le missionnaire Jésuite qui nous a recus , est unnbsp;homme vrairaent extraordinaire , poli, prudent,nbsp;agréable; homme d’expérience et d’un grand zele;nbsp;c’est, pour ainsi dire , l’idole du pays , tant il estnbsp;aimé et estimé par-tout. II étoit ennemi déclaré denbsp;la coutume de quelques missionnaires qui nenbsp;mangent point de certains mets, et qui professentnbsp;d’autres singularités : il peut néanmoins se faire quenbsp;cela soit nécessaire dans certaines circonstances.

Ce missionnaire me dit que les Russes n’ont pas pour les Catholiques-Latins la haine qu’onnbsp;leur prête, mais bien pour les Luthériens et lesnbsp;Calvinistes qu’ils regardent comme des impies.nbsp;Ils ont permis que deux de nos missionnaires ai-dassent les soldats k mourir : il y en eut soixantenbsp;et dix qui se convertirent. Le général dit que lesnbsp;Jésuites et les popes étoient la même chose. Lesnbsp;ambassadeurs Russes nous ont souvent protégésnbsp;en Perse et ailleurs: il n’en est pas tout-k-fait denbsp;même avec les Grecs,

En parlant des vampires, il me dit que leur existence en Pologne étoit incontestable ; qu’ilnbsp;avoit lui-même été chargé d’exarainer le corps

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de noire brasseur enlerré dans notre égllse k Calisse, Tan 174^, et qu’il l’avoit trouvé gonflénbsp;de sang et sans corruption. Le P. Lerset, Jésuilcnbsp;Fran9ois, qui setoit moqué des vampires, fut tel-lement frappé k la vue de ce cadavre , qu’il nenbsp;voulut point se coucber , sans qu’il y eüt quatorzenbsp;Jésuitesdanssa cbambre. Ilm’assuroit quece corpsnbsp;sortoit du tombeau ; que lui, missionnaire, luinbsp;avoit mis des chaussons nets , qui se trouverentnbsp;sales la nuit suivante. Il lui fit enfin tranchei' lanbsp;tête, et tout fut fini.

II est vrai néanmoins que les vampires sont nioins généi-alement comius en Pologne , en Hon-grie , en Moravie, qu’en France. II en est ainsi denbsp;tout ce qui vient de loin : vires acquirit eundo. Resnbsp;IndiccB, dit Maffee, quarum ipsa longinquitas habetnbsp;delcctalionem. La description des vampires, qu’onnbsp;Irouve dans le Supplément du Dictionnaire de Tré-voux, est assez conforme k ce que nous dit le missionnaire. Voyez 1’art. Strjges. Mais le remedenbsp;dont il y est fait mention, est absurde; je n’en ainbsp;enlendu parler nulle part: cette médecine est très-propre k animer le style de l’auteur des Imaginations dc Mr. Oirffle.

J’ai cru pouvoir expliquer une parlie du phé-nomene de notre missionnaire, par le magnétisme (1) qui constitue l’amour. Un corps épuise

1

Fascino se amantes inficiunt.Varice notandas circumstanticE, a'ér, terra, corpora , non semper cequd-liter promovent hunc magnetismum , nee ubique. —nbsp;Sed quid de nocturnd ambulatione ? Si vera tarnen.

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t'U auin; corps , a une distance considerable. Quoi t[u il en soit, Ie niissionnaire croit que Ie diable senbsp;sert de ces corps pour inquiéter les vivans : il ni'anbsp;dit la-dessus des choses assez satisfaisantes. Lenbsp;démon peut-il conserver les corps ? Peut-il lesnbsp;animer? Pent-il se servirdes corps des justes, ounbsp;seulement de ceu.x que la magie lui a consacrés?nbsp;Dans une fameuse histoire vampirique , arrivée knbsp;Divin, le diable se servoit du corps dun magicien.nbsp;Etoit-il permis de déterrer ces corps, et de lesnbsp;détruire?)., Cogiladones mortalium ümidce, et ih~nbsp;certce providendce nostrce (i).

La magie (a) est extrêmement commune dans ces pays ignorans, sur-tout parmi les liéréliques,nbsp;qui manquent absolument d’instruction. J'ai vunbsp;prés de Saint-Nicolas un homme roué au-quel on avoit coupé bras et jambes , pour sennbsp;servir dans 1’art magique. Mon compagnon louchénbsp;par une femme inconnue , la retoucha tout denbsp;suite (3). Pour moi je n’ai jamais voulu le faire,

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Moyen aisé d’expiiquer le valnpirisme, par les principes desadvcrsaircs de la magie, Journ. hist, etlitt. 15 Mars

— Vampirisme des Tonquinois, i5 Janvier 1779.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;La magie généralement est plus rare aujourd’hui,nbsp;paree que le peuple est plus instruit, moins férocc, etnbsp;plus éloigné du commerce avec 1’enfer. C’est la conse'-quenoe d’une pensee du P. Kirclier et deLorctus, f. 7^

3 Grit. Autre raison, i5, 2 Grit.; 20,6 Grit. — Exemplcs certains de magie, 6, 4 Grit. — Ridicule des incrc'duJes,nbsp;f. 20, ibid.

(3) nbsp;nbsp;nbsp;Gette pratique, pcut-êtrc superstitieusc , n’est pointnbsp;exclusivement proprc aux pays dont parle 1’Auteur. Dansnbsp;la Belgique et dans le pays de Liege, ou la recommande^

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quoiqu’elle m’eüt frappé deux fois el que je n'igno^ rasse pas Ie sentiment des Casuistes Ik-dessus. Innbsp;Domino coirfido... In Domino spcravi, non timebonbsp;quidJaciat inihi homo, aut diabolus. Non ilmebis

a timore nocturno......a negotio perambulante in

tenebris,ab incursu et dcemonio meridiano. Je suis persuade , malgré bien des histoires, que Ie diablenbsp;ne sayroil nuire aux serviteurs de Dieu, qui senbsp;confient entiérement en la protection de leur puissant Maitre : j’entends d’une mauiere grave et vrai-lïient nuisible j car S. Paul lui-même fut frappénbsp;par Vangelus satance.

Le i6 nous logeames a Zotura, ou Zator, chez Ie cure qui , après son médiocre soupé , fut biennbsp;aise de manger les resles de nos provisions ,nbsp;mais fort embarrassé a trouver un coin dans sanbsp;maison , oü Ton put étendre de la paille qui nousnbsp;servit de lit. Zotura est une soi-disante ville ,nbsp;moins belle que nos villages deFlandre. Nous di-sions en parlant au curé ; In hoe pago, et il senbsp;tuoit k dire : In hdc civitate. Voulant me faire lion-neur, il me fit officier dans son Eglise : je fis tontnbsp;de travers •, on m'étourdissoit en clianlant autournbsp;de moi en polonois : Sevente Bozé etc. Sanctenbsp;Deus etc., pour 1’heureux succès de la Diete.

Le 17 a neuf heures du matin nous passames la Vistule sur un ponton , et k trois heures , post va-T'ios casus , post tot discrimina reruni, nous arri-vames k Gracovie. J’en ai déja dit un mot plus

et ma bonne grand’mere me disoit qu’il falloit retoucher OU frapper plus haut que n’avoit fait la sorciere. [Note denbsp;l’Edüeur').

haut ¦,

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ïiaulj j’ajoute que cette vilSe est fort sale et peu aninaée. Cracovie et Clephard ou CUopard sont aunbsp;Nord; Stradomir C;\ Casimiraw Midi. II y a clans lanbsp;Casimiria , qne les Suédois cjnt presque détruite ,nbsp;wne infinite de Juifs ils y ont jusqu'a six sj'na-gogues. J’en ai vu une par le moyen d’un medecinnbsp;juif, assez honnête honnne, que j’allai trouver anbsp;cet effet on m’a tout montré , tout expliqué. Leurnbsp;habit d’assemblée est tout différent de 1’ordinaire;nbsp;il est fort singulier. Je les ai vus sortir des synagogues , tous en habit polonois noir. Apparemmentnbsp;qu’ils avoient change dans le vestibule des synagogues , k cause du tems cpi étoit pluvieux.nbsp;Oremus et pro peifidis Judceis,

Ils sont formidables en Pologne par leur nombre. Un rabbin puissant converti entraina, il y a quel-ques années, une grande multitude de ses freres knbsp;la Religion chrétienne, après les disputespubliquesnbsp;qui eurent lieu a Léopol ou Lemberg. On en.nbsp;faisoit monter le nombre k 5,ooo. L’Arclievêquenbsp;lafln de Léopol donna k celte occasion un Mandement fort insti uctif (1). Ce même rabbin quel-que tems après , alloit se faire passer pour le Messienbsp;et causer une révolution en Pologne 5 il fallut fen-fermer : il s’appelloit Chapcheuka.

On voit pres de Cracoide le tombeau de Cracus, fondateur de la ville ; eest une petite montagnenbsp;sous laquelle on le dit enterré. On ajoute quenbsp;chaque soldat de son armee jeta sur lui une poi-

1

11 y a a Léopol trois Arclievêqucs, im Latin, un Grec , un Annénien : ces deux derniers sont unis. Je doul^nbsp;si celui des Grecs u’est nas .^implement Evêque.

Tom. I. nbsp;nbsp;nbsp;M

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gaée de terre, et que leur grand nombre fit éclorre cette montagne. C’étoit la coiilume des anciens denbsp;marquer les tombeaux des inorts illustres par unenbsp;grande elevation de terre. Ergb, dit Virgile , liv. 3 ,nbsp;^neid. Iiistauramus Policlorojitnus etingens ad-geritur tellus.

LesEglises a Cracovie sont magnifiques, sur-tout la Catbédrale; dans celle de S. Pierre, qui est cellenbsp;de notie College, Ie grand Autel est majestueux;nbsp;celle de S. Vincent-de-Paul; celle de fUniversite,nbsp;OU 1’on voit Ie tombeau de S. Jean (^antius canonise tout récemment; celle des Dominicains , oünbsp;est Ie tombeau de S. Hyacinthe ; celle des Paulinsnbsp;batie a l’endroit du mavtyre de S. Stanislas. II y anbsp;dans l’Eglise des Chanoines de Latran , une cliairenbsp;de vérilé très-belle en forme de barque. Docehat denbsp;I,T7c, Chap. 5, naviculd iurhas. Je n’ai vu de ces chanoines, ainsinbsp;que quelques autres religieux quaCracovie, Onnbsp;voit a la Catbédrale , qui est dans Ie chateau, Ienbsp;sépulcre magnifique de S. Stanislas j il y a choeurnbsp;perpéluel , ainsi que dans l’Eglise de Notre-Dame.

Les Rois de Pologne sont inhumés dans la Ca-thédrale , oü se vmient leurs mausolées. La Cha-pelle oü est enterré Sigismond est superbe; elle est couverte de lames dorées , et quelques-unesnbsp;sont d’or. Misson , Voyage d’Italic , liv. i, pag.

, parle d’un toit pareil ü Inspruck : il Ie croit effeclivement d’or. — Les deux plus beaux mausolées que j’aie vus, sont celui du Prince Erard denbsp;la Marck, dans la Catbédrale de Liege, et celui dunbsp;Comte de Mansfeld a Luxembourg. Louis XIV fitnbsp;enlever quatre pleureuses qui faisoient parlie de

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celui-ci, et peu s'en t'allut qu’il ne lit enlever Ie monument lout entier (i).

La grande cloche de Cracovie que l’on vanle heaucoup , ne pese que neuf mille livres ; aussinbsp;m’a-t elle paru petite ; celle de Neusol a Ie n^êmenbsp;poids , et un très-heau son.

Le palais des Rois , qui touche k la Cathédrale, est fort simple : on y montre la cliambre ou est nénbsp;S. Casimir. On dit que celui de Varsovie est ma-gnifique. Celui du Due de Courlande , qui est surnbsp;la grande place, paroit assez bien. La hibliothequenbsp;de notre College est pitoyable j celle de la maison-professe est im peu meilleure , a double étage , ounbsp;mezzanine* , dans le govit polonois. J’ose assurer *Orilred’arcl\i-que dans toute la Pologne il n’y a pas une biblio- p^mlL’uxétag'^snbsp;theqiie qui en mérite le nom , si l’on excepte celle dans sa hauteur,nbsp;de Mr. Salus/d. Voyez Journ. hist, et lilt., i Marsnbsp;^774 gt; r‘^S-

L’Université dé Cracovie est peu illuslte : les Jésuiles n’y ont rien a dire. Elle étoit en gala anbsp;l’occasion de la fête du B. Cantius , qui en a éténbsp;membre. La veille de la fète , les écoliers firent anbsp;la porte des classes une bruyante nlusique , entre-mêlée d’affreu-x cantiques ; trois chaudrons de poixnbsp;briilante faisoient le beau de celte fète.

Tout est en fermenlation dans ce royaume. Un camp de Russes prés de Varsovie tient la Diete ac-tuelle en respect.

I-a Pologne abonde en miel ¦, la cire y est excel-

(I) On croit que celui du Pi incc Erard de Ia Marck a été la proie du vainqueur dans la guerre de la revolution fi an-coise , du i8*. siccle. [Note de l’Éditeiir).

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( iSo )

lente : les cierges et les Ijougies n’y sont point composés de poix on de snif, comme les nótres.nbsp;Les Hongrois sont presqne également pourvus denbsp;cire. Dans quelques endroits, cornme a Grand-JVaradin, on vend la livre des plus belles bougiesnbsp;blanches trois maricmus ; ce qui est encore chernbsp;comparativenient.

Les Polonois sont fort différens des autres nations , pour riiabit, la nourriture, Ie goüt, les coLitumes , Ie gouvernement , lalangue , l’accent,nbsp;Tart de la guerre etc. Cela m’avoit donné une nouvelle ardeur de les voir. Ils aiment plus les Francois que les Alleraands. Les nobles ne diront pasnbsp;qu’ils sont habillés h Pallemande ^ maïs d la Jrannbsp;coise. Depuis que les Anglois semblent l'emporternbsp;sur les Francois , on fait tout d Pangloise. Lesnbsp;Dames de Varsovie se piquent de pailer anglois.nbsp;O imitatores seivum pecus! Les Polonois saventnbsp;eux-mênies qu'ils sont singuliers en tout. Ils vousnbsp;disent sans cesse : Popolski, more polonico , a Ianbsp;polonaise. Maïs leurs facons et leurs usages ne leurnbsp;font aucun tori dans 1’esprit du pliilosoplie, qui nenbsp;leur reproche que 1’afl'ectation des airs étrangers.nbsp;En effet, comme dit l’Auteur des Lettres sur lesnbsp;Francois , pag. 115 ; Les étrangers qui adoptentnbsp;ces choses et s’en parent, mcritent d’êtrc marquésnbsp;de tout Ie ridicule qu’elles peuvent avoir. Le bonnbsp;des Francois est toujours omis dans Fimifation etnbsp;dans la ressemblance que veulent avoir avec euxnbsp;les nations étrangeres; on goüte seulement leursnbsp;sots systêmes , leur pédanterie et leurs airs denbsp;petits-maifres j ce qui n’est que singerie et peti-tesse. Qu’il y a d’indignité a se faire valoir par-

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• Le mérite de Vhomme n’est pas wie chose si ignoj-ce que nous sojons rédidts a avoir recours anbsp;tóutcs ces ajfeclations , d lui subslituer un méritenbsp;étrangnr qui fait de Vhoinnie wie johe chose, unnbsp;colfichct ,plul6t qu’unecreature qui aitdela dignrté.

¦— Les Turcs ont aussi cédé enfin ^ l’imilalion. Rien , dit Buffon , est plus oppose d limitation,nbsp;qu^une forte dose de bon sens. Hisl. nat. , torn. IV,nbsp;pag. 89.

Les Lithuaniens et ceux de la Russie blanche , sont sujets a une inaladie fort singuliere et pi-esquenbsp;incroyable. Une lioupe de cheveux s’entrelace etnbsp;désigne une contraction inférieure ou extérieure,nbsp;qui occasionne des douleurs extrêmes , et causenbsp;quelquefois la mort (*). On sait quand Ia houpenbsp;murit, et on la coupe alors avec beaucoup de pré-caution. Les Eglises oü il y a des Images miraculeuses , sont remplies de ces flocons de cheveux,nbsp;qu’on y suspend comme autant d'ex-voto : c’estnbsp;ce qu’on appelle plica polonica. Les brouillardsnbsp;rendent ces provinces fort humides.Laluetfe a unenbsp;semblable correspondance avec les cheveux.

Les Palatins, les Starostes, et toule la premiere noblesse de Pologne, est magnifique; on croit voirnbsp;autant de Rois. La noblesse subalterne est très-jalouse de sa dignité : un Schlachta, ou noblenbsp;ordinaire , ne se nomme qu’avec emphase. Ces

(*) Etiam sanguis per pilos exit; tubes quippè liahent. Ohservavi per niicroscopium in Demo Hungar. 1768,nbsp;aquas arsenicales plicam creare , ait Voyage du Nord,nbsp;3,25. Magna immundities Polonorum , Jouni. hist, ctnbsp;iitt., i5Déc. 178^, pag. 577.

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Messieurs , en imitant le ridicule de la politesse fran^oise, n’ont garde d’approiiver la liberie et lanbsp;franchise qu’elle permet. Ils voulent des respectsnbsp;et des contraintes sans fin; tout se fait cliez euxnbsp;avec pompe et une étiquette mesurée. La liberténbsp;francoise consiste h oser s'asseoir, quand on estnbsp;las; a demander a boire et a manger, quand onnbsp;en a besoin; a dire que le vin n’est pas bon, qnandnbsp;il ne 1’est pas etc. S’il y a sujet de rire, que ce soitnbsp;111 la liberté d’une nation ; il y a sans doule de quoinbsp;rire davantage, de voir des nations chez qui cetlenbsp;liberté ne se trouve pas.

Les nobles Polonois ont perdu , dans, la dernlere diete , le droit qu’ils avoient cbacun en particulier,nbsp;de protester centre la diete, et de la rendre nolle.nbsp;Rien n etoit plus ridicule que ces asseinblées ; onnbsp;montoit sur les autels, sur les confessionimux, surnbsp;la chaire etc. On crioit, le sabre k la main : Nonnbsp;indulgeo , haheo gravissimas rationes etc., et puisnbsp;on en venoit au sabre. Cependant la diete actuellenbsp;a rétabli la totalilé des suffrages pour les matieresnbsp;de religion. Les Cathollques, et sur-tout I’Evequenbsp;de Cracovie, ont paru avec éclat dans cet te Diete (1).

1

Tout a change depuis : des esprits .siiperticiels ap-plaudiroiit a la réformc qu’oii a faito dans le gouvernement de la Pologne; les hommes sages no Ic feront point. Le génie national a peri, ct e’est cerlainementnbsp;beaucoup; e’est mcme tout, j’ose le dire. Avec cettenbsp;très-dcfectueuse Constitution, avec tous les inconveniensnbsp;de la féodalité, les Polonois ont résisté a toutc la puissance Ottomane; tandis qu’cllc cnv.ahisscit les Etats mo-narchiques les plus puissans, les Polonois nc lui ont pasnbsp;cede im police de terre. Qu’oii inette actuellemciit cettenbsp;nation a la mème épreuve.

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( ’83 )

Les funérailles des magnals Polonois sont superbes : on leur éleve de magnifiiH’es catafalques, et la dépense qu’on y fait, monte a des sommesnbsp;incroyables. Les Lithnaniens font dans les églisesnbsp;des courses de chevaux , comme les capitainesnbsp;d’Enée. Ils brisent centre Ie catafalque l’épée, lanbsp;lance , Ie baton de commandement et les autresnbsp;nifli-ques de dignité. Les Troyens et les Grecsnbsp;faisoient a-peu-prës de même aux funérailles denbsp;leurs héros. On diroit que David fait allusion anbsp;eet usage : Ibi confregitpotentias arcuum, scutum,nbsp;gladium et helium.

II n’y a pas au reste bien long-tems que dans ïios provinces , les chevaux paroissolent aussi dansnbsp;les églises aux obseques des grands. Voici ce quenbsp;je lis la-dessus dans VHistoire de Lorraine , parnbsp;Durival: « En i56G , dit-il, la cérémonie des ob-« seques du Due Eran9ois I®''. , se fit avec lanbsp;» pompe la plus éclatante, en présence des Pi'incesnbsp;« de la maison de Lorraine , dans l'église des Cor-n deliers de Nancy. C’étoit aloi’s fusage de con-)) duire 1'offrande dans féglise, en faisant lourner

derriere Tautel les chevaux du Prince défunt. )) On fit la même chose encore en 1608 , h lanbsp;» pompe funebre du Due Charles III. On y menanbsp;» quatre chevaux, Ie cheval d’honneur, un chevalnbsp;» bardé pour la bafaille , Ie cheval de secours , etnbsp;» enfin Ie cheval de service ». Cette coutume pa-roit imitée du ii™'. Livre de 1’Enéide, v. 80.

Post hellator eqiius , positis insignibus , jdUthon

It htcrymans , guttisque humeclat grandihus ora.

Nous quittames Cracovie ie 19 Octobre, a trois

M 4

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( i84 )

heures après-midi, et nous arrivames k Pictlcontz, Le 20 , nous fumes a Zwetz. Nous rentrames ennbsp;Hongrie le 21 , a six heures du soir 5 nous dépas-sames les limites qui sont sur une montagne très-’nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;haute et très-escarpée, et descendimes a Pulhora,

OU un rommis a la douane, horame d’expérience et grand voyageur , nous obligea d'entrer cheznbsp;lui, et nous recut de son mieux. Sa femme etnbsp;ses entans nous accueillirent avec un zele et unenbsp;veneration inexprimables. J’ai observé plus d’unenbsp;füis , que plus on s’éloigne des lieux ou l'argentnbsp;circule, plus on trouve d’hospitalité et de franchise. L’ignorance des besoins de fantaisie donnenbsp;ce contenternent haliituel, qui rapproche les hom-

___ nbsp;nbsp;nbsp;mes. Plus on s’éloigne des lieux de commerce ,

plus on s’éloigne des vices qu’il engendre.

Journal hi si. et Ricn négalc l’hospitalité des Hongrois. Dieu les

i5 nbsp;nbsp;nbsp;garde d'être jamais civilisés a la mode des nations

1778, pag. 3)8. élégantes et polies, d’avoir des idéés de commerce,

r-15Mars 1^85, nbsp;nbsp;nbsp;posséder 1’art et fesprit! Le bonheur d’une

pag, 890, nbsp;nbsp;nbsp;*nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;‘

nation ne consiste pas dans ces raffinemens.

Mr. Grisogono de Traw, dans un ouvrage in-litulé : Pé/lexions sur l’état présent de la Dalmatic, imprimé k Venise en 1776, voudroit abolir cette belle qualité chez les Dalmates, et voudroitnbsp;y substituer des hótelleries 5 mais ces vues sontnbsp;bien peu philosophiques , et montrent combiennbsp;peu Mr. Grisogono sait apprécier la valeur desnbsp;clioses. « L’hospitalité, dit-il, bannie par l’écornbsp;)) nomie du milieu des nations commerqantes,nbsp;)) semble s’être réfugiée en Dalmatie. Un Mor-xgt; laqué qui toule l’année nourrit sa faipille avec

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( i85 )

gt;' du lalt et des herbes , pour ne pas diminuer Ie “ nonibre de ses troupeaux, oublie tous ses prin-» cipes deconomie a la vue d’un étranger. 11 sa-n crifie volontiers un agiieau ou un clievreau ,nbsp;« pour apprêter un diner rustique a un passagernbsp;« qu'il ne connoit pas. Cette facilité , ajoute-t-il,nbsp;» privé la province d’hótelleries publiques ». Onnbsp;voit que l’auteur traite sa matiere en politique, etnbsp;non en philosophe. Peut-être rhospitalilé et quel-ques aulres vertus des Dalmatiens , sont-sllesnbsp;plus estimables et plus voisines du bonlieur quenbsp;les richesses que Mr, Grisogono veut introduirenbsp;parmi eux,

Psalm, 34,

Avant que d'arriver a Pulhora, la nuit, les bois , les torrens , les precipices, la neige quinbsp;fondoit, les chemins les plus affreux , nous avoientnbsp;mis dans une étrange situation, Aliquotiès usquenbsp;ad mortem periclitatus sum horum causd. Eccli 24*nbsp;Nous éprouvions déjk lesdeux malheursprononcésnbsp;par un Prophete, centre des voyageurs iniques :nbsp;Fiat via illorum ienebree et luhricum. Heureuse-inent nous n’avions pas Angelus Domini perse-quens eos,

Le 22 , nous dinames a Trestina, et couchames a Zouherctz, Ces peoples nous sont lort attachés anbsp;cause des missions que nos PP, tont chez eux : ilsnbsp;sont plus officieux que les autres montagnards,nbsp;J’eus plaisir a voir l'empressement avec lequel ilsnbsp;nous servirent : leur pauvreté est extreme. Unenbsp;mauvaise chambre loge les bêtes et les hommes.

C’est chose remarquable que parmi ces peuples d n'y ait rien k craindre sur les grands chemins,

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( )

Danger d’une ni la nuit dans les auberges ; tandis que dans les

population exr.es- nbsp;nbsp;nbsp;i »nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;r •

give, Jour/i. hist. P^J's des plus polices on ne lait point tin pas en

et Utt., I sürelé.

77^1 P^S- ’ nbsp;nbsp;nbsp;Après avoir pris a Zowèe/'etóun renfort d’honimes

et de chevaujt, nous passames une montagne hor-^ rible, et arrivames a Saint-Nicolas Ie aS a midi. Nous y avons une residence fort lielle, mais très-pauvre : les habitans de ce lieu sont presque tousnbsp;Luthériens. Quand nous eumes vu quelques cu-riosités dans les environs , nous nous remimes ennbsp;chemin Ie 24 : nous dinames a Rosenberg, bourgnbsp;considerable , et couebaraes chez des Luthériens ,nbsp;k Cralovan. Lit, je cessai de voir les monts Kra-pach, dont la vue m'attachoit beaucoup.

Le 0.5, nous fumes a midi a Turocs (*), ou nous avons une residence. Get endrolt est fa-meux, a cause dun esprit, qu’on dit revenir dansnbsp;notre maison. Ce bruit injurieiix a la mémoirenbsp;du grand Cardinal Pazman, est une fable pure etnbsp;'nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;un conte d’enfant.

Le 26, nous dinaraes a Stubna, apr'es.avoir pris le bain, et 'logeames a Kremnitz, chez les PP. Ré-collets. L’eglise paroissiale de Kremnitz est fortnbsp;belle ¦, e'est une espece de rotonde. Les deux toursnbsp;en sont d’une belle forme , couvertes de cuivre etnbsp;de bossages dores.

Le 27 , nous fumes a Chemnitz, et le 28 , a Neusol. J’avois vu ces deux endroits I’annee pré-cédente.

(*) Cs j en Hongrois, se prononce comine is.s , coinme sch ; e’est ce qui fait que j’ceris souvent le inemenbsp;mot différemment.

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( gt;87 )

A ce que j’ai dit plus haul des mcems et des langues de ces peiiplcs, j’ajoutei'ai ce que j’ai re-gt;ïiarqué depuis.

Les Jésuites sont Cures dans un grand nombre de villes, et font souvent les fonctions de Curesnbsp;dans leurs missions. Cest en Hongrie que j’ainbsp;pour la premiere fois baptise , donné le Vialique,nbsp;porte la Communion aux prisonniers etc.

L’education des enfans Hongrois , mêrae des nobles, a quelque chose de rustique. On les gate,nbsp;et néanmoins on ne cesse de les frapper ¦, c’estnbsp;toute I’inslruction qu'on leur donne : je parle desnbsp;parens; les Jésuites ne raéritent point ce reproclie,nbsp;Ils out, sans doute , voulii exprimer 1’éducationnbsp;paternelle, quand ils ont mis sur le convict anbsp;Edenbourg , cette inscription :

Jfcc est conviclus , datur Me et victus et icUis,

Ictus ut ingeniutn , corpora victus edat.

II faut ici excepler les nobles policés.

Les nobles Hongrois laissent reposer leurs morts deux ou trois semaines , six mois, un an etc. dansnbsp;leurs caries , avant de les enterrer. Cette coutumenbsp;a quelque chose d’Egyptien ; mais elle est bonnenbsp;pour s’assurer de la réalité de la mort, toucliant la-quelle on se trompe assez souvent.

Les Hongrois , portant un corps mort a l’église, chantent le Psaume J^enite, exuUemus Domino,nbsp;d’un ton qui m'a toujours arraclié des larmes , tantnbsp;gt;1 est propre a la componclion. La mort de 1'bommenbsp;et Celle de tous les êtres , est un hommage solemnelnbsp;rendu a Félernité et a la grandeur de Dieu , que cenbsp;^Psaume peint si vivement : Dcus magnus Doini-

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( iSS )

Conjitehor tihi nus , e( Rex magnus supcr omnes deos... In manu

da terribiliter magnificatas es.

qida terribiliter ¦ nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;r- ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;t ¦nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,

’ nbsp;nbsp;nbsp;. c/Ms sunt omnesJines terrce... ipsius est mare et ipse

1^8- nbsp;nbsp;nbsp;Jhcit illud, et aridam fundaverunt manus ejus...

non nbsp;nbsp;nbsp;P^oremus covam Domino quifecitnos... Nos aute/n

stultus non uitel- populus ejus et oves pascuce ejus. Ps. 94. hgeihxc Ps.gi,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Hongrois sont assez

ofïicieux j j’ajoute que les pauvres paysans, sur-tout les Slaves (car les strictè Hungari, du cóté de la Theiss, sont moins bons), ont plus de sentimensnbsp;el plus d'humanité que nos philosophes Francois.nbsp;Barbari verb procstabant non modicum humanitatemnbsp;nobis. Act. 28. J’ai trouvé , dans Ie Comlé denbsp;Neugrad, un de ces paysans qui m'aravi : j’ai eunbsp;bien de la peine k lui faire reprendre l'argent qu’ilnbsp;avoit mis dans notre voiture pour continuer noirenbsp;voyage. Si Ton demande quelque assistance, toutnbsp;le village se met en mouvement : ils me portoientnbsp;entre leurs bras, pour ne pas me laisser marchernbsp;dans la boue. Voilk ceux que nos philosophes ap-pellent des barbares, des automates.Melior estnbsp;profecto humilis rusticus, quam superbus philoso-phus (Th. a Kerapis , Imit. Christi, 1. i , c. 2).nbsp;Nos raffinemeus , nos affectations, nos politessesnbsp;outrees , nous ont réduifs k ne plus aimer lesnbsp;hommes qu’en qualité (Xêtrcs.

En certaines choses , les Hongrois sont plus dé-licats que les Fran5ois ; ils se munissent davantage contre le I'roid ; j’entends les nobles ; ils sont ,nbsp;comme les Polonois, pelisses de haut en bas.

La langue hongroise a beaucoup de mots em-pruntés de I’allemande; par exemple, has maison, de haus. Peut-être ces mots viennent-ils d’une

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( i89 )

taere commune aux deux langues. Schelma de Malta vidi'rr-schelm {i);groff, de nbsp;nbsp;nbsp;var, altendez ,

quot;Wart. Le P. Sainovics, compagnon du P. Heil, tudines. Eccli.

dans l’observaüon du passage de Vénus dans la

Laponie , en 1769, a fait imprimer une Disserta-

lion inlitulée : Demonstratio idioma Hungarorum

ct Lapoiium idem esse, réfutée dans les gazettes

llttéraires et ciiliques de Prague, en 1771. La

langue hongroise , si 1’on excepte quelques mofs

adoplés, n'a nul rapport avec aucune langue con-

nue , la laponoise peut-être exceptée. Bort, Ice~

nicret, vizet, du vin, du pain, de Veau, a l’accu’-

satif. — Coxe et Mallet défendent l’observalion du

ï*. Sainovics, Voyez Laponie , dans le Diction~

nairc géographic/ue.

Je trouve , dans l’allemand de Luxembourg , des mots bongrois 5 comme kabos, choux ; Hsn-grois , kahosla (2); F evens, Ferensjen, Franqois ,

Hongrois , Ferens ; haisch, fouet; Hongrois, coi'-bdcs, se prononce corbatsch.Szent, Saint; les Luxembourgeois disent aussi Szent Jacob , Szentnbsp;Endrès etc.Az, eest cela, cela est; les Luxembourgeois disent aussi az, au-lieu de ist, est. —

Niclos, Nicolas; les Luxembourgeois disent iVf-c^los, Szent Niclos.

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Le mot Chelm se trouve dans un diplome de lanbsp;féte des foux. Voyez Mémoire pour sei-vir d l’Jtiisioire

laféte des foux , par Mr, du Billiot, nbsp;nbsp;nbsp;, pag. 118,

Béception de H. de Bourbon.: sgavoir faisons , et chelm 9^1 ne le voudra croire.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;Dans quelques cantons du pays wallon, onappellenbsp;balbus , les eboux pommés.

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( '90 )

Les Huns ont été probahlement dans ce pays; ils y auront laissé quantilé de soldats vieux, blessés,nbsp;jnariés aux Beiges. Attila fut défail prés de Clia-lons; soa immense armee inonda la Champagnenbsp;et toutes les provinces voisines; mais plusieurs denbsp;ces mots sont postérieurs a Attila. — Nous ver-rons , ci-après , que Ie langage saxon est Ie mêmenbsp;que celui de Luxembourg. gt;

On y trouve aussi des mots latlns, comme post-post, dessert j per se, sans contredit j templom , église. Ce dernier mot me fait croire que les anciens Huns n’ont pofnt eu de temples. — J’ai ditnbsp;ailleurs que ces mots hongrois , templom, evan-geliom , testanientoin etc. , prouvent en faveurnbsp;de 1’accent frangois et belgique; car ils (les Hongrois) écrivent et prononcent om. Cette preuve anbsp;paru une démonstration a ceux de Tirnaw, denbsp;Vienne, de Cassaw, et sur-touL a ceux de De-breczin et du Grand-Waradin (1).

1

Nostriprceceptores nbsp;nbsp;nbsp;Qaintilianus, ceruou,

ssRUouque 7) cX o , litteris scripserunt (nimirüm uo ^ non vu) quia suhjecta sibi vocalis in unum sonuvinbsp;coalesceref, el confandi nequiret (id est, ne fortè duo unbsp;in unum abirent et serum diceretur; nee seruum , neenbsp;seruom , sed servom ut patet ex liis quae de littera Fnbsp;subjungit) Nunc u gemind scribuntur ed ratione quanbsp;reddidi. Neutro sans modo 7gt;ox quam sentimus ejji-citur. Nee inutiliter Claudius jEoliam ilium, ad hos ususnbsp;F litteram adjecerat. Quintil., iiistit. orat. litt. 7'cap. 7.

Si porrb ope litteras F recta erat pronuntiatio serfom, profectb o proniintiabatur; nusquiun enim legimns o so-nuisse ut u ; saspè autem m ut o. — Vide plura in antiquinbsp;noviqui Latii ortliographicd jd. Claudio Dausquio,p. 37»

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( I9I )

Les Autrichiens onl rcauvaise grace de contesler sur ce point avec les Francois , tandis qu’ils pro-noncent sans aucun fondement Va comme o dansnbsp;leur propre langue, ein Glos JVosscr, cinguterMon.

Les Hongrois, leurs disciples, comraencent k écrire o et a abolir l’o dans faliemand. J’ai déja lunbsp;Coffée, kleiner Monn , Zimmermonn. Les seigneursnbsp;et les savans esiiment l’accent saxon; mais Ie peu-ple rit et traite de Swab ceux qui prononcent ainsi,nbsp;simaginantque tousles Allemands parlent cornmenbsp;les Autricliiens , excepté les Sueves éparpillés ennbsp;Hongrie, L’allemand de Luxembourg approclie denbsp;1'autrichien , Wosen pour blasen ) do (la), pournbsp;da etc. , scJdoffen pour schlajfcn.

Neusol oü je demeure depuis Ie a8 Oct. i'j66,

- ¦ _ _ _ -----__________________ •

Toruaci, i632. Sed ibid, multisprobat exemplis dicendum vieous, bonous etc., pag. 53.

L’allemand a plusieurs mots du latin., par exemple, hahen , lat. habere ; essen , lat. esse ; ani, lat. armus.

La laugue sclaxomie a des plirases entieres lt;jui, avec la même prononciation , signifient tont autre cliose eii fran-5ois, par exemple, Ie sclayon qui dit; coupez-moi ci , yeutnbsp;dire : nous nous acheterons cela.Je n’entends pasnbsp;cela,\ei\X dire : cette femme faisoit paüre les hestiaux.

J’ai cela , signifie il est allé.Qui va ld ? veut dire: il a fait signe. On sent qu’il faut prononcer ces mots ennbsp;fraiicois; car c’est l’accent franjois qui les fait entendrenbsp;Jiux Slaves : les voyant écrits, ils n’y concevroient rien.

Plusieurs mots franjois qui neviennent ni du grec, ui du latin , viennent peut-être du sclavon, ou d’uiie merenbsp;commune a ces deux laugues. Je , par exemple, en sclavonnbsp;fa.Cocher , sclav. coc/itte. Cochitz , cnLongrois,nbsp;signifie la luèiue chose. — Ki , ou Kiesoda [KilscJwda) ,nbsp;CU hongrois, et en frangois, qui.

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( *92 )

tne plait beaucoup de ma vie, je ri’ai vécu pltiS content, plus Iranquille , plus joyeux, quoique Ienbsp;troisieme an de noviciat soit un au de penitence.nbsp;Les environs de la ville sont extrèmement variesnbsp;et très-rians. L’exploitation des minéraux la rendnbsp;très-animée, et présente des choses intéressantes anbsp;voir. On y mange Ie plus beau, Ie meilleur painnbsp;que j’aie jamais mangé habituellement : je dis Aa-biiuellement, -car j’en ai mangé d'admii’able ii Co-more et a Bude.

J’ai eu beaucoup de plaisir a voir la piété des Neusoliens ent'ers Ie grand Xavier. Les Hongrois,nbsp;en general, l’honorent beaucoup : ceux de Schem-nitz, de Trenscbin , de Zagrab etc. , ont fait denbsp;son jour une fête solemnellej en plusieurs endroitsnbsp;Ia veille de cette fête est un jour de jeune. Oher-bourg, en Stirie, est un endroit très-célebre parnbsp;une Image de S. Xavier, et un temple augustenbsp;administré par des prêtres séculiers.

;8o,pag. 496.

II y a , a Neusol, un grand nombre de Lutbé-riens : ils portent une grande croix k leurs enler-remens, et ont beaucoup d’usages catholiques. J'ai vu , Ie 17 de Janvier i , 1’enterrement solemnelnbsp;d’une Dame Luthérieane , dont Ie rit étoit asseznbsp;Passage de la con- singulier. — Les Luthériens de Neusol ont la confession (PAugs- Pension auriculaire, et se confessent en détail : lesnbsp;therfjbL»!fo'quot;. Slaves n’eu veulent pas; 1’obslination des uns etnbsp;et lilt., I Déc. autres est inconcevable. On distingue leurs

maisons de celles des Catholiques, par des inscriptions grecques OU latines , en grand caractere. Leurs minlstres sont habillés de noir, et portentnbsp;des rabats blancs; dans leglise, ils portent une

robe

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( 19^ )

robe longue. Leurs églises ne different presque en rien des nótres. J’ai vu chez eux , a Tamasi, présnbsp;de Lossones, des images , un orgue, une cliaire dq-,nbsp;predication, un autel, des cierges , un Crucifix etc.nbsp;Ils disent une espece de messe en Sclavon, Gloria,nbsp;Credo, Dominus vobiscum etc. Ils célebrent lesnbsp;fêtes de la Vierge , mais seulement celles dont ilnbsp;est fait mention dans l’Ecriture j comme la Purification , la Visitation , l’Annonciation. Ceux denbsp;Cassaw ont qualre Sacremens; ceux de Bistrilznbsp;trois; les autres deux, rejetant la Confirmation etnbsp;1’absolution. Leurs catéchismes sont d’une difle-rence infinie.

Neusola été entiérement consume par les flammes en 1761. Cet incendie , dont on peut voir la description imprimée la même année k Presbourg,nbsp;est un des plus terribles qui ait eu lieu depuis lanbsp;destruction de Sodome. Les flammes se répan-doient par-tout comme des torrens, et se commu-niquerent même aux forêts situées sur de très-hautesnbsp;niontagnes, a une demi-lieue de la ville. Le vent,nbsp;qui changeoit de tems en teins, les dirigeoitde tellenbsp;sorte, qu’il semble que Dieu ait voulu que rien n’ynbsp;échappat. On ne pouvoit se tenir dans les rues : lanbsp;lerre étoit devenue ardente ¦, toute la ville n’étoitnbsp;qu’une fournaise vive image de ce qui arriveranbsp;)) A ce moment piévu par nos aïeux,

» Qui coiifondra Ia terre avec les cieux,

» Lorsque la flamme cn ravages féconde » Viendra sapper les murailles du monde,

» Pour reproduire, en ses vastes tombeaux,

» De nouyeaux cieux et des hommes nouyeaux. »

RorSSEAT.

Tom. I. nbsp;nbsp;nbsp;N

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( 194 )

L'église Luthérienne échappa aux fïammes, quoi-qu’elle fut de bois : les Luthériens ont crié au miracle , et ont été confirmés dans leurserreurs, quoi-que, vu les circonstances , rien n’ait été plus'natu-rel. Cette église nest pas dans la ville; si elle vient a être détruite , les sectaires n'oseront la rebatir.nbsp;Ils ont la mèrae défense a Presboiirg et ailleurs (1).

Le 21 Mars je fusvoir les Calvinistes aLossones, capitale du Comté de Neugrad. Ils dominent dansnbsp;cette ville , oü les Catholiques sont dans un éfatnbsp;fort humiliant. Le ministre fut très-élonné de lanbsp;visile que je lui rendis; il me dit tout de suite quenbsp;le Roi de Portugal avoit fait divorce avec le Pape.nbsp;Rien ne put fengager a me faire voir l’église ; maisnbsp;il me montra sa bibliotheque , qui est assez riclienbsp;pour ces cantons : elle est dans une place voütée,nbsp;et fermée d’une porte de fer, Ce ministre est la plusnbsp;vive image de Calvin que j’aie jamais vue. Toutesnbsp;les ténebres de sa secte paroissoient dans sa phy-sionomie. J’allai voir l’église a 1’lieure de la prierenbsp;du soir : il y ëtoit scul attendant le peuple pour lenbsp;séduire et le perdre. Le voyant dans sa guérile ,nbsp;avec son air fourbe et cache, je me disois ces paroles du Prophete : Sedet in insidiis.,.. in occultisnbsp;ut interficiat innocentem. Oculi ejus in pauperemnbsp;respiciunt, insidiatur in abscondilo , quasi leo innbsp;speluncd sud. Insidiatur ut rapiat pauperem ra-peiv pauperem dum altrahit eum (Psalm. 9). Unenbsp;persuasion intime qu'on prêche la vérité , la vraienbsp;religion, donne un air et des facons toutes diffé-

1

Je n’ai vu de grand incendic que celui de l’hótel-de-de-TÜle, a Lille, eu 1757.

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( 19^ )

rentes de celles que j’ai remarquées dans ces messieurs. La candeur et l’assurance sont les compa-gnes de la vérité (i). Quelques bons-mots centre Ie Pape, ou l’histoire ridicule de quelques moines,nbsp;sont leur ressource, quand on les presse et qu’onnbsp;leur fait toucher 1’errenr au doigt. Un savant mé-decin convenant de tout ce que je disois , se ras-suroit néanmoins et se confirmoit dans sa secte,nbsp;paree qu’un sot moine avoit mis l’inscription sui-vante sur un tronc destine aux offrandes ;

So bald der Pfenning in der Casten hlingt,

¦Also gleich die Sehl aus dein Fegfeuer springt.

C’est-a-dire :

Silót que Ie pfenning (2) sonne dans cette trappe , Des feux qui la purgeoient l’aine aiissi-tót s’échappe.nbsp;C’est ainsi que nos Francois se consolent par unenbsp;chanson de la perte d’une grande bataille.

On ne voit dans cette église que les murailles , des chaises , la guérife du minisü’e , la table dunbsp;pain , la chaire de predication , sur laquelle on anbsp;CU soin de mettre ce texle tiré de la I®*'®. Epifre denbsp;(i) Erat docens eos sicut potestatein habens y et non

sicut Scriba; lt;

dicamus occulla dedecoris j non ainbulantes in astutid, neque aduUerantes verbum Dei ; sed in manifestalionenbsp;veritatis , commendantes nosmetipsos ad omnem con-scienliam hominuin coram Deo. 2. Cor. IV. 2. — SpirCnbsp;tiudis auteni judicat omnia , et ipse a nerninejudicatur.nbsp;1- Oor. II. i5. — Et Icetatus sum in omnibus , quoniainnbsp;^ntecedebat me ista sapientia. Sap. VII. 12. —- Dominusnbsp;dabit verbum Evangelizantibus virtute inultd. Ps. 67.nbsp;Loquehar de testimoniis tuis , et non confundehar.

Ps. 11S.

(a)Petitc jiicccdemonnoie d’Allemague,deHollande etc.

IS a


; et Phariscei. Matth., 'f. 2g.—Ah-


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( 19^» )

* Simulacris. S. Jean , Chap. 5 : Filioli, ciistodite vos ab idolis *.

Mes chers enfaiis , gaixlez-vous des idoles. — Ils ont des cloches , mais point d’orgue.

Le tilre des ministres (Calvinistes) en Hongrie est clai'issimus Dominus , clanss'mia Dominatio.nbsp;— La secte aime h être appellee réformée , ainsinbsp;que Ia Luthérienne évangélique ; celle-ci est Evan-gélique, comme Scipion est Jfricain pour avoirnbsp;dévasté I’Afrique.

Ces Messieurs Calvinistes sont maintenant fort modestes ; mais ioujours prêts k remuer a la premiere occasion ; on ne sauroit trop les contenirnbsp;dans le devoir.

Ni faciat , inaria ac terras , coelumque profundum

Quippèferant rapidi secuin, verrantque per aurtis.

I JLncid.

Les Luthériens sont plus honnêtes et plus ma-iiiables que les Calvinistes; peut-être paree que les Luthériens sont Slaves, et les Calvinistes Hongrois.nbsp;lis s’accommpdent moins avec les Calvinistes qu’a-vec les Calholiques. Les uns et les autres ont éténbsp;autrefois si puissans en Hongrie, que \e.nomPapisinbsp;est resté aux Catholiques dans la langue hongroise.nbsp;La plupart des Calvinistes sont aujourd'hui Armi-inens} ils détestent le Synode de Dordrecht commenbsp;le Concile de Trenle , les Gomarisies, comme lesnbsp;Catholiques (i).

(i) Je.me suis bien convaincu de la vérité de ces paroles d’un Auteur judicieux ; In plehe est queedam insignisnbsp;animi hebeludo , cui qiiidquid dixeris , illud deniquenbsp;suum repetit se veile niori in fide in qua natas est. Innbsp;aliis mentis elalio , in aliis spes vana , timor in aliasnbsp;stoUdus , in plarimis vitae licentia et salutis incuria-Rud.jllist. de Huiigar.

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DEUXIEME SUITE

DU VOYAGE EN HONGRIE etc.

ET 1768.

Vir in nmltis expertus cogitabit midta; et qui multa didicit ,enarrabit iniellectum, Qui non est expertus ,nbsp;pauca recognoscit.

Eccli., C, 34, V. 9,10.

ü E négligé dans celte deuxieme suite la division que j'ai gaiclée pi’écédemment, et je marque chaque chose dans 1’ordre selon lequel je Vai vue.nbsp;On se rappelle avec plaisir la suite et l’époque desnbsp;observations qu’on a l’aites , la succession des de-meures qui ont varié notre existence terrestre.nbsp;ForsanethcBc quondam nieminissejuvahit, II semblenbsp;qu’on se reproduit asoi-même avec les pays ou l’onnbsp;a vécu , et les choses qu’on y a vues, et, les aven-tures qu’on y a essuyées. On jouit du présent et dunbsp;passé. Si l’on regrette des jours qui ne sont plus,nbsp;on se réjouit de les avoir eus. Le plaisir du sagenbsp;subsiste, lorsmêmeque la cause n’en subsisteplusjnbsp;le Clirétien voil dansl’histoire de sa vie, celled’unenbsp;aimable providence a son égard. Deus qui pascitnbsp;me ah adolesceniid meü, usque in prcesentem diem.nbsp;Genes. 48.

Le aS Aout i ¦^67 , je fis un second voyage dans la belle solitude de Motisca .- j’allai voir la sourcenbsp;du ruisseau qui forme ces belles catavactes. Ellenbsp;occupe un espace considérable , et consiste en unenbsp;infinité de peliles veines , qui sortent de la terre

M 3

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( 198 )

* Le contraire Journal hist, etnbsp;litt., I Mai 1^80 jnbsp;pag. 33,

comme d’un ciible (i). L’eau de ce ruisseau est froide en été, en hiver elle est trop cliaude pournbsp;ètre bue j par Ia même raison , qui rend les cavesnbsp;et tous les souterrains plus cbauds en liiver qu'ennbsp;été. Quelques-uns disent que Ie tbermomelre mar-, que les caves plus froides enliiver qu’en été*; inaisnbsp;que dire des fontaines ? L’homme n’en juge que re-lativement aux mets égalemeiit cuits en hiver et ennbsp;été j OU relativement au vin et a l’eau de la mêmenbsp;cave et du même puits en hiver et en été. A Chaux,nbsp;village de la Franche-Comté, h cinq lieues denbsp;Besan9on , se trouve une caverne oü il y a en été

(I) nbsp;nbsp;nbsp;Dans cette retraite lieureuse,

Je vois de nouvelles caux :

Si leur course est moins pompeuse,

Leurs jeux n’eii sont pas moins beaux; Tendremeiit clles gazouillentnbsp;Prés des arbres qu’elles mouillent.

J’aimc a cótoyer la rive D’im riant et clair ruisseau;

De sou onde fugitive Je contemple le tableau :

C’est 1’image de la vie.

Ainsi s’e'coulent nos jours;

Mais qu’ils sont digues d’envie,

Quaud ricn n’en trouble le cour.s!

.T’y laisse couler mon esprit,

Comme cctle onde gazouillante Qui suit le cliemin de sa ])ente,

Que nulle loi ne lui prescrit.

Ruisseau, si je grossis ton oude,

Si j’y inêle souvent mes ])lcurs,

C’est que la course vagabonde Mc fait songer it mes erreurs.

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( 199 )

des pj’ramides de glace qui se fondent en hiver.

* Journ. hist, et litt. , I Mainbsp;1784, pag. 6.

Les herbes les plus salutaires et les plus pré-' cieuses se trouvent dans Ie canton de Motisca ; Ie cochleare, Ie polupodiuni, hngua-cervina etc. On ynbsp;trouve aussi des champignons odoril'érans d’unnbsp;grand prix, nommcs fungi cervini. Les Dimanchesnbsp;et les Fêtes , les femmes et les filles vont aprèsnbsp;Vêpres chercher ces ditférentes plantes , qu’ellesnbsp;vendent ensuite a très-vil prix *.

Les habitans de cette contrée jouissent d’im excellent tempérament et de la santé la plus durable; on y voit des personnes d’une rare beauté : ilsnbsp;sont d’une affabilité incroyable. Leur plaisir est denbsp;voir un Jésuite : j'ai ressenti une grande satisfaction a parcourir ditférentes vallées et k entrer dansnbsp;les maisons des charbonniers. On me baisoit lesnbsp;mains avec autant de respect que l’on baise Jesnbsp;pieds du Pape : je pailois k ces bonnes gens parnbsp;interprete, avec plus de plaisir qu’aux Princes denbsp;la terre (i).

(i)iVbre -varios inhiantpulchrd testudinepastes... jit secura quies et nescia fallere vita ,

Dives opum variarum , et Iwtis otia fundis , Speluncce viviqiie lacus et frigida tempe ,nbsp;Mugitusque boum, dulcesque .sub arbore somninbsp;Non absunt. Illic saltus ac lustra ferai-um;

¦Etpatiens operum , parvoque assiieta juventus ; Sacra Deüm, sanclique Patres , extrema per illos

Justitia excedens terris vestigia fecit.......

2. Georg.

Que Mr. Thomas traite Lien ce .sujet dans son Epitre au peuple! .

Foriunatus et Hie Decs qui novit agrestes ,

IN 4

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( 200 )

Le lendemain, jour de S. Bartliélemi, je me rendis k clieval ad veteres monies, d’ou après avoirnbsp;chanté la Messe devant l’Image miraculeuse denbsp;Notre-Daine , et entendu la confession des Alle-mands, qui accourent en foule a cette église , jenbsp;revins a midi a Motisca. Le soir je fus de retour k Neusol. Je croyois que c’éloit Ik mon dernier voj'age en Hongrie; mais le 2i Octobre, jenbsp;dus me préparer a y retourner, pour aller 'chez lenbsp;Comte Andrasi, comrae on le verra ci-après. Jenbsp;reviens k ma course actuelle.

Le 5 Septembre 176'j, je partis de Neusol avec le P. Skerlecs, Create, un des plus aimables compagnons de voyage que j’aie jamais eus. Nous ar-rivames le même jour a Chemnitz, d’oü après avoirnbsp;¦jfu une belle collection de minéraux (i), de pierresnbsp;extraordinaires, et de tout ce qu’on trouve dans

Panaque, sylmnumquesenem, Nymphasquesorores. Ilium non populi fasces , nou purpura regumnbsp;Flexit, et infidos agitans discordia fratres ,nbsp;jiut conjuralo descendens Dacus ah Istro.

* Inopici 3 51 malum , parvurn et breve est. Potiüsnbsp;quia ibi nee divi-tice nee paupertas 3 sed aureame-diocritas etfelixnbsp;sujficientie.

Non res Pomance periluraque regna, neque ille jiuf doluit miserans inopein *, aut invidit 'hahenti.nbsp;Qiios rami fructus , quos ipsa volentia ruranbsp;Sponte iulêre sud carpsit, nee ferrea juranbsp;Insanumque forum, aut populi tabularia vidit.

Firg. ibiJ-

( I) On me fit remarquer que les minéraux sont diffr-rens dans les difl'érentes mines, do sorte que les mineurs vous diront de quelle mine telle piece est tirée, quoique b'Snbsp;mines soient peu distantes les unes des autres. ¦

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( aoi )

les mines, nous partimes Ie lendemain; nous pas-sames par T^inschachten, dont j’aidéja parlé , et par Prandorff, pour aller couclier a Schiffart. Nousnbsp;rencontrames après-midi un petit camp de cavalerie d’environ sept escadrons.

Le 'j , nous vimes Nitria, ville episcopale avec un bon chateau , qui peut être très-bien défendu jnbsp;Galgocs (qu’on prononce Galgotz) , autrement ap-pelé Freystadt, oü nous dindmes j Leopolstadt etnbsp;Tirnaw, oü nous restames deux jours et demi.

J'eus la consolation indicible d’y revoir mes diers Hongrois , avec lesquels j’avois vécu un an etnbsp;demi, ainsi que mes collegues exiles.

Le 8, i’enfendis derecbef le beau Laudato pueri, dont j’ai parlé *. J'ai cbanté bien des fois ce beau *yoy.MiscelL,nbsp;Psaume mis ainsi en musique, ü Rosnaii avec lenbsp;P. Varadi en 1768.

Le 9, nous dinames a VAlbanum, grande et belle maison de campagne. Une bonne musique etnbsp;la plus aimable compagnie nous y aftendoient. J’ynbsp;vis un eiFet prodigieux d’un tourbillon : une grangenbsp;neuve et solidement batie, renversée en un instant } deux OU trois personnes y périrent. — Lesnbsp;ouragans , ou tourbillons d’air produits par desnbsp;vents contraires , sont encore plus fréquens sur lanbsp;terre que sur la mer , et les etfets en sont quelnbsp;quefoiS plus prodigieux. « J’ai vu, dit Bellarminnbsp;¦gt; {De ascerisu mentis in Deum), je ne le croircisnbsp;n pas , si je ne l’avois pas vu , une fosse énormenbsp;)j creusée par le vent, et toute la terre de cettenbsp;» fosse emportée sur un village; en sorte quenbsp;igt; l’endroit d’oü la terre avoit été enlevée, parois-

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( 202 )

Buffon, iiist. „ soit iin trou épouvantable, et que Ie village fut naf.jtom. I.pag.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;°

» entiérement enterre par cette terre transpor-)) tée ».

Nous parlimes Ie lo , après les plus tenclres adieux , et au soir nous arrivames a Presbourg, —nbsp;Le 11 , nous vimes derechef Ie basilic (*), dontnbsp;j’ai parlé ailleurs ; un passereau solitaire, tel quenbsp;j’en avois vu quekjues-uns a Vienne. Nous allamesnbsp;ensuite au chateau que le Prince Albert a beau-coup embelli. J’y ai vu de belles peintures denbsp;-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Rubens et de quelques autres peintres célebres :

(*) It j en a deux autres plus grands dans Ic cabinet curieux de 1’Empereur, a Vienne, prés de la bibliothequenbsp;royale. Lc Comte d’Ybarra m’assura qu’ils e'toient luinbsp;ouvrage de 1’art ; jo ne Ic crus pas alors; je I’ai cru depuis.nbsp;Celui de Presbourg n’est point factice : celui que j’ai vunbsp;depais tors ii Clausenbourg , pourroit plutot l’être; il cstnbsp;fort semblable a unc ebauve-souris, et peut en etrc unenbsp;cspece. — Au rcste, le savant J-iianxus, Systema ?iaturci;nbsp;la fin, pease cottniie le Comte d’Ybarra, ii°. 9: Est lacertanbsp;alata per artem , monstrose ficta et siccata. Idem denbsp;Hydra Ilambiirgensi ipse detexit, n°. i. — Composi-tionem agni scytici , vide ibid. n°. 6; ex radicibusfili~nbsp;cinis .AmericanM cpmpositus est.J)e aliis aniina-libus dubiis , vide iS et 38 Miscell. et passim in hocnbsp;liin.Ex pisce Rajd jfiugi basilLscos ait Misson ,nbsp;Voyage d’ltalie, pag. i6r , tom. i. » Quoiqu’on put aise-» meat faire des basilics avee des coqs-d’inde ou des ser-« peas volans, oa les fait plus communément avec Icsnbsp;» peaux marquetees des raies ou des aiiges , ainsi que 1’anbsp;1) observe Aldrovandus, et qu’il I’a parfaitement de'ciitnbsp;)) dans son excellent Traite'des Poissons ». Tb. Brown,nbsp;Erreurspopulaires, tom. i, pag. 2y i. — Chats-canards ,nbsp;Journ. hist, et lilt., i Acut 177H, pag. 5oi.

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( 2o3 )

plus belle porcelaine de Saxe , employee a des lustres et a d’autres ouvrages d’un grand gout etc.

¦— Je vis aussi a Presbourg un certain Mr. Biver mon conipatripte, cpii étoit venu me voir a Tirnaw.

II étoit gouverneur des Comtes Zapari. Le Comte Paul est un des plus ainiables cavaliers que j’aienbsp;vus. Une des Comtesses Zapari vient de faire sonnbsp;héritier notre college de Cassovie, qui ne sub-sistoit qu’avec bien de la peine , et qui par cenbsp;moyen sera dorénavant fort a son aise.

Le 12, nous vimes une ancienne église balie par Etienne , Hoi de Hongrie , et une petitenbsp;monlagne, qu’une poignée de terre apportée parnbsp;cliaque soldat d’une grande armee fit éclorre ,nbsp;ainsi que le mausolée de Cracus. — Régelshrunn,nbsp;oü nous dinames ; Ebersdorff, palais de Léopold,nbsp;qui est maintenant un hópital, et enfin Eieime.

Lei3 , nous vfimes 1’Impératrice Marie-Thérese, Grandeur etpo-1'Empereur son fils , et toute la familie impériale.

L’Ambassadeur de Naples , Due de Sainte-Elisa- et Utt., i5 Juin

beth, parut avec éclat ii 1’occasion du prochain '7775 P^g. 278.

inariage de son maitre avec 1’Arcliiduchesse Jo-

sephe, qui mourut un mois après. — L'arsenal des

bourgeois est fort beau : on y voit un grand aigle,

fait de sabres enlevés aux Tures; la tête du fa-

nieux Kara-Müstapha, sa chemise, un tambour

Turc d’une forme toute particuliere, qui estune

espece de porfe-voix etc.

Le caveau des Empereurs mérite d’être vu : il est dans le cloitre des Capucins. La religion et lenbsp;hon goüt de Marie-Thérese paroissent dans 1’aug-nientafion qu’elle y a fait faire. Ferdinand 11 et II1,

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( 204 )

Mathias, Rodolphe, n’ontque de simples cercueils. Leopold et Charles sont un peu distingués. Marie-Tlierese y est déjk représentée a cóté de Franqoisnbsp;On y voit aussi I’urne de I’Archiduc Charles etnbsp;qqelques aulres , le tout en étain d’Angleterre.

Mehus est ire nbsp;nbsp;nbsp;Q uelles i’éilexions ne préscntent point au philo-

HI domurn lactus nbsp;nbsp;nbsp;i i^i / . inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;\nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i ^ i

qudni in domum sophe Lhrétien les cendres augustes de tant de convivii •• in illd grands Princes , dont la gloire couvroit autrefois

enim finis cunc- nbsp;nbsp;nbsp;i , r\nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i nnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;t i tt

torum adinonetar le monoe I On reprochoit a ILmpereur Joseph 11 honiinum, et vi- trop grande popularité: ce Prince repondit que,

vens cogitatqmd

futurum sit. Ec- s iL lie devoit converser qu avec ses egaux, le caveau cles.jC, 7, V. 3, dgg Capucins deviendroit son palais. « Quelquesnbsp;» Seigneurs s’etoient plaints au niême Empereurnbsp;)) de ce qu’ils ne pouvoient pas jouir a leur aisenbsp;» des promenades pulrliques, paree qu’elles étoientnbsp;gt;) trop remplies de petite noblesse et de peuple,nbsp;)) suppliant S. M. de faire fermer le Prater et denbsp;jgt; régler que 1’entrée n’en fut perraise qu’a eux. Cenbsp;» Monarque surpris de la demande , leur réponditnbsp;» avec cette sagesse qui fait son caractere : Si jenbsp;» ne voulois voir que ines egaux, je devrois menbsp;» renƒermer dans les caveaux des Capucins, oii re-n posent les cendres de mes ancêtres ; j’aime lesnbsp;» hommes sans distinction , et je préfere ceux quinbsp;n ont de la vertu et des sentimens , d ceux quinbsp;j) comp tent des Princes parmi leurs aieux n. Lenbsp;gazetier de Cologne en rapporlant ce trait en i Ty4 jnbsp;a fait un anachronisme de septa huitans. Aiueste,nbsp;1’esprit de cette popularité de Joseph II a été par-faitement connu quelques années après.

La bibliotheque de notre Maison-Professe est ncuve et fort belle , mals peu riche en livres. Le

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( 5o5 )

mème jour on me fit voir la cliambre oii Ton crolt f[ue S. Stanislas Kostka recut la Communion de lanbsp;main des Anges. On en a fait une chapelle dont Ienbsp;dehors est bien paré.

Le i4 , j’allai voir Ie college des laiigues Orien-(ales , lequel est proche du college académique: les Jésuites en ont Tadministralion. L’église et lanbsp;maison des Salésiennes , sont belles. J’y trouvainbsp;un compatriote , Mr. Bernard, confesseur de cesnbsp;Dames; il me combla d’amitiés. J’y dinai avecnbsp;Mde. de Sehottcndorff, qui me connoissoit, et quinbsp;avoit demeuré long-tems a Luxembourg ; c’est as-surément une Dame très-pieuse et d’un caracterenbsp;très-esfimable.

J’ai vu le belvedere, palais du Prince Eugene, et fruitmagnifiquede ses victoires. CegrandPrincenbsp;n’a rien négligé pour rendre ce batiment superbe :nbsp;on auroit pu y mettre cette inscription :

Barharico pastes aura spoliisque sitperbi. L’auteur des Temples anciens et modcmes, ou Observations historicjues ct critiques sur les plus cè.le-hres monumcns iparchitecture, y trouve dans lanbsp;decoration extérieure un goüt gothique : ce juge-ment paroit peu juste. On y voit des tableaux ennbsp;mosaïque très-estimés, et des peintures admirablesnbsp;qui représentent les victoires de ce grand général;nbsp;l’entrée de Francois et de Joseph h Francfort lenbsp;couronnement de Joseph ; la création des Chevaliers ; l’entrée d’Elisabeth de Parme, premiere Im-pératrice h Vienne; le mariage d’Elisabeth et denbsp;Joseph etc. Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que ,nbsp;nonobstant la multitude inlinie de personnes qui


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( 2oG )

paroissent clans ces tableaux , et la petltesse ou il a été nécessaire de les représenter, tous les portraits sont tirés d’après nature, et c[u’il n’est guerenbsp;possible de s’yméprendre. Tels étoient ces tableauxnbsp;dont parle Virgüe au i®*'. livre de l’Enéide : Senbsp;quoque Prlacipibus permixtum agnovit Acliivis. Onnbsp;y voit aussi les statues des Empereurs et du Princenbsp;Eugene; les personnages qui coraposent la cournbsp;de l’Einpereur de la Chine , fails de cire, et repré-sentés au naturel. Feu l’Empereur (Francoisnbsp;les fit venir de Pékin pour une somme très-consi-dérable. Voltaire a beau nommer les Chinois Ienbsp;plus sage peuple du monde; je conviens qu’il y anbsp;de la sagesse chez eux, mais cette cour me paroitnbsp;fort sotte.

Les statues du belvedere sont extrêmement bien faites ; les sphynx sur-tout qui y sont en grandnbsp;nombre ; les atlas c^ui font Ie péristyle, et deuxnbsp;clievaux cjui sont a 1’entrée de derriere ; mais parnbsp;une negligence impardonnable on a laissé mutilernbsp;par les enfans un grand nombre de ces belles statues. On voit dans ce palais un petit salon d’unenbsp;rare beauté j Ie plafond seul a coüté trente millenbsp;florins.

Je fus après cela au Noviciat des Jésuites : on m’y montra de beaux reliquaires et d’anciennesnbsp;reliques , entr’autres une main de Sainte Anne.nbsp;L’authenticité de cette relique est encore un pro-l)lême : on montre deux mains droites de Saintenbsp;Anne ; je pense que celle que j’aie vue , est lanbsp;gauche , et les Acta Sanctorum ne la rejettent pasnbsp;comme une fausse relicpe.

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( 5.07 )

Le inuswum-physicum du P. Fraiitz, joignant le college oriental, est digne sur-tout de I’oeil d’unnbsp;philosophe ; il me paroit preferable k celui d’In-golstadt, au nioins pour remplacement; il occupenbsp;deux salles. On monle a la galerie par deux esca-liers , qui n’ont d’autre soutien que l’équilibre. Onnbsp;y voit un Maure qui sonne l’heure , et qui donnenbsp;aufant de coups de marteau que Ton veut. Get artifice ma fait comprendre une charlatanerie quinbsp;m’a toujours intrigue, quoiqu’elle ne s’exécute pasnbsp;toujours de la fa9on dont on Texécute ici. — Lanbsp;celleclion d'idoles y est estimable ; on y voit unnbsp;agneau k deux têtes , qui est assez grand, et quinbsp;paroit avoir vécu deux mois j on ly a envoyé denbsp;Crems il y a un an. II s’y trouve aussi plusieursnbsp;grands oiseaux extraordinaires, entr’autres un hi-bou d’une grandeur énorme, vrai géanl de sa race.nbsp;J’ai observé ailleurs que tous les êtres, et mêmenbsp;toutes les qualités , telles que la mémoire, la force,nbsp;la science , la vue, avoient leurs géans ainsi quenbsp;leurs pj'gmées. — J’ai vu aussi un orgue de papiernbsp;macbé j deux livres Chinois d’une propreté extreme etc. Ces livres ne sont imprimés que d’imnbsp;cóté, le papier étant trop mince pour qu’on puissenbsp;employer les deux laces. Le caraclere est immobile et grave sur du bois. Pour les 90,000 carac-teres Chinois il faudi oit une casse immense, et knbsp;liniprimeur de bien bonnes jambes pour courirnbsp;continuellement d’une lettre a l’autre. II paroit quenbsp;Ia plupart des anciens livres n’étoient aussi écritsnbsp;que dun cóté : c’étoient, comme 1’on sait, desnbsp;rouleaux. Celui dont il est dit : Scn'ptus intits et

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( 2o8 )

fans, étoit distingué, en ce quHI étoit écrit ties deux cótés, Voyez Tart. Pfolomée Philadelphe,nbsp;dans Ie Dictionnaire historique. — Après lasup-pression de la Compagnie de Jesus , ce muséumnbsp;deraeura sous la direction du P. Frantz, qui ennbsp;étoit encore démonstraleur en Octobre 17 ;4'

La bibliotheque impériale ne Ie cede a aucune bibliotheque ; tout y est d’une magnificence plusnbsp;que royale. On m’a dit depuis que celle du Vaticannbsp;est plus belle ; mais cela est faux. Le plafondnbsp;de la coupole menacoit ruine j on consulta Bos-cowich (*) et Ximenès , deux célebres Jésuitesnbsp;nommés dans YApologie de finstitut, pag. 3o8 :nbsp;on travaille depuis long-tems a le soutenir. Cettenbsp;bibliotheque peut consister en trois cent mille volumes j elle contient outre cela douze mille raa-'nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nuscrits , et les plus nombreuses collections de

carles , de plans , de vues etc. qui ont appartenu au Baron de Stosch k Florence. Feu le Baron vannbsp;Swieten, qui a eu pendant 27 ans la direction denbsp;cette bibliotheque, 1’a considérablement augmen-tée; il y a mis, entr’autres choses, tous les livresnbsp;tures , persans, arabes et dans d’autres languesnbsp;orientates, qui sont sortis de 1’imprimerie d’Ibra-him-Etfendi , ci-devant établie a Constantinople.

Journ. hist, et Mr. de Nessel a dressé un grand catalogue in-Joi-littér. , i5 Mai manuscrits de cette bibliotheque impériale , ‘^7-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^ Vienne, 1690. On y a placé un pla

netaire selon le systême de Copernic ; il est d’un grand prix et peut-être unique dans son genre;

J’ai TU le P. Boscowich a Liege.

tons

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( 209 )

tons les mouvemens en sont exactement mesurés, et suivent ceux du ciel.

Le 15, j’allai voir un palais de Lichtenstein dans le fauxbourg de Rossaw. La grande salie en estnbsp;très-belle et très-spacieuse : les degrés sont denbsp;marbre, et toute la maison se ressent de la magnificence du Prince Wenceslas de Lichtenstein. Lenbsp;Comte de Mahoni, ambassadeur d’Espagne , ynbsp;faisoit alors de magnifiques préparalifs pour le balnbsp;qu’il alloit donner a l’occasion du mariage du Roinbsp;de Naples avec l’Archiduchesse Josephe. Cette ai-mable Princesse mourut k Schoenbrunn le i5 Oc-tobre , élant sur le point de partir pour Naples.nbsp;Elle n’y alloit qu’h regret, et disoit qu’elle aimoifnbsp;mieux mourir : Dieu l'exauca.

Le i6, je vis Mauer, qui est a deux lieues de Vienne. Le College , le noviciat y ont leurs mai-sons decampagne; ony voit une allee d’amandiers.nbsp;Ce lieu est très-agréable.

Le i'j , on me conduisit en bonne compagnie a l’arsenal impérial, qui est une merveille en cenbsp;genre. On dit que les autres nations n'ont rien quinbsp;y soit comparable. La salie oü l’on voit les bustesnbsp;en bronze de Fran9ois I'o’. , de Marie-Thérese ,nbsp;du Prince Lichtenstein , est sur-tout remarquable.nbsp;Le dessin de 1’édifice est des plus variés et des plusnbsp;nobles ; eest une de ce* choses, dont on doit dire :nbsp;ff on est in intellectu , nisi priiis fuerit in sensu ; onnbsp;ne peut en avoir une idéé sans l’avoir vue. II s’ynbsp;trouve des trophées sans fin. On y voit les armesnbsp;fiAttila, de Scanderbeg (*) , de Charles - Quint,

{*) J’ai êu en main le faweux sabre de Scander-

Toni', ƒ. nbsp;nbsp;nbsp;Q

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( 210 )

lt;le Tillieïc. Les habits de Gustave-Adolphe des héros a cheval, des guerriers encuirassés pa-roissent dans Ie plus bel ordre : la plupart des statues sont fades d’après nature et sont des portraitsnbsp;fideles. Defunctaque corpora vitd magnanimümnbsp;heroum. ^neid. vi. Anna procul currusque virCimnbsp;miratur inanes. Stunt terra defixce hastoe^ Ibid. Onnbsp;ne peut voir Ie jeuneRoi Louis,tuéasansnbsp;pleurer son sort. Jnfelix puer atque impar congressus Achilli. ^neid. i. La plupart de ces armesnbsp;semblent avoir été transportées d’Inspruck, ounbsp;plutót de 1’arsenal du chateau Ambrosien prés denbsp;cede ville , ou un Archiduc les avoit rassembléesnbsp;a grands fraix. J’ai sous les yeux un grand in-folionbsp;d’eslampes , appartenant k Mr. Ie Baron de Gier ,nbsp;dont Ie litre est : Augustissimorum Imperatorum,nbsp;Megum , Archiducum , Principum etc. imagines,nbsp;quorum arma, aut Integra aut horuni partes, anbsp;Serenissimo Principe Ferdinando ex omnibus ferènbsp;orbis terrce provinciis conquisita, in Ambrosianccnbsp;arcis avmamentario a sud serenitate non procul ci-vitale OEniponfana constructo conspiciuntur, OEni-ponti, excudebat Joannes Agricola, l6oi,

Quoique tout cela soit magnifique , il s’y mêle quelque chose d’horrible ; toute la fureur de Marsnbsp;s’y montre comme dans un tableau ; Furor impro-bus intüs Sceva scdet super arma.... F remit horri-heg. Maliomet II a eu raison de dire qiie ce sabre n’ayoitnbsp;rieii do particulier, et que les siens dtoieiit nieilleurs. Lenbsp;bras de Scanderheg faisoit Je mérite du sabre. — Missounbsp;parle d’uu sabre de Scanderheg gardé a Venise datis far-scual du palais ducal.

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( 2II )

dus ore ci-uenlo (*). On voit diins une place d’en nbsp;nbsp;nbsp;i.

t’as, une cote de géant d’environ trois pieds ; une tortue d’envh'on 3oo livres j ce qui n’est pas extraordinaire : les tortues franches ontjusqu’k six anbsp;®ept pieds de longueur depuis le bout du museaunbsp;jusqu’a Textremite de la queue, et pesent alorsnbsp;jnsqu’a 800 livres,

Le 18 j’allai ?i Gromef-iVeusjVs, village a4lieues de Vienne , voir mon cousin Jungblut, chanoinenbsp;de la Cathedrale , qui mourut peu de terns après,

Dans ce village on se plaignoit beaucoup du defaut de pluie dont on avoit besoin pour pouvoir ense-mencer les terres , et 1’on rejetoit ce manque denbsp;pluie sur une vieille meuniere du voisinage. D’es-pace en espace on voyoit des groupes d’épis , quanbsp;les moissonneurs avoient abandonnés aux vents :nbsp;telle est la superstition des paysans de ce canton;nbsp;ces flocons d’épis s’appellent windspels (feuille volante) j le vent content de cette nourriture épargnenbsp;te reste du bled.

{*) Ah ! quid insanum sapientis ultrb

Mentis ardorem sequimur ? quid atra Cogit excordes celerare tristisnbsp;Stamina fati ?

QuamduKvitcB ratio magistra Per procellosum pelagus vagantesnbsp;In necem prtzceps agit et cruentcenbsp;‘ Ora Charyhdis ?

Non satis multas inimica mortis Falce vis gentes rapuit rapitque ?

Quid novis nostro capiti minantem nbsp;nbsp;nbsp;Joum. hist, et

Cingimus armis? nbsp;nbsp;nbsp;^*^0’ Jaitvier

Musaj Leodienses, lyba^pag. 46-

O 2

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( 212 )

Nous passames par Lantzendoiff, ainsi nomjné k cause du grand nombre de lances qu'on trouvenbsp;aux environs. On pretend que c’esl la qu'arriva lanbsp;défaile des Quades , et Ie miracle de la legion fulminante , qui est représenté dans I’Eglise du lieu.nbsp;II faut supposer que les Quades occupoient lesnbsp;bords du Danube , sans quoi I’eau n’auroit pu mjn-quer k l’armée Romaine.

Le 20 , nous alliimes saluer les PP. Thérésiens H Aderkling, campagne du College Thérésien,nbsp;OÜ les cavaliers passent les mois de Septembre etnbsp;d’Octobre : dans ce pays-ci on nomme cavaliersnbsp;la jeune noblesse.

Le 21, nous vimes le jardin botanique qui esl beau. Le jardinier est un Franqois natifde Metz,nbsp;qui nous montra tout avec un empressement extréme ; la plante qui porte le café (1 ) , la cannenbsp;k sucre , le cotonier, cereus serpens triangularisnbsp;avec sa fleur , fort different de celui que j'ai vunbsp;en Hongrie chez le Prince Palfi ; arbor draco}nbsp;musa, le bananier, que j'avois vu ailleurs j Xacacia,nbsp;1’arbre melonier , un euphorbier d’une force extréme : feu I’Empereur en donna une très-pelil®nbsp;épine k un poulet, qui mourut k I’instant.

Le 20 nous fumes voir le palais et le jardin du Prince Sch%varlsembcrg ; ce jardin est superbe; onnbsp;y voit de beaux grenadiers. Les statues en sont

1

En certains pays on nomme fort mal a propos cafl la feve lupine, on la feve de la plante appellée lupin ¦nbsp;ces deux plantes sont absolument difl'érentes, et n’oidnbsp;pas le moiudre rapport entr’elles.

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( 2i3 )

fort belles , mais trop francoises. La Diane qui s’y trouve avec ses oréades est de toute beauté.

Qiialis in EurotcB jipis , autper juga Cinthi

Exercet Diana choros quam mille secutce

Hinc atqne hincglomerantur Oreades; illapharetram ^neid.

Eert humero , gradiensque deas supereminet omnes.

Latonce tacitiim pertentant gaudia pectus.

Nous allames voir ensuile Ie jardin et la campagne ordinaire da College ; celle de Tirnaw vaut beau-coup mieux.

Le 29, nous vimes la belle rotonde de S. Plerre.

Nous rendimes une visite au célebre P. Heil: ce P. qui est directeur de l’observatoire, est nomménbsp;dans \'Apologie de l’inslitut, pag. 3o8 j eest unnbsp;bomme simple et fort modeste. II vient d’etre ap-pellé en Danemarck par le Roi, avec le consen-tement de l'Impératrice ; le P. Seinovics mon aminbsp;b Timaw 1’accompagne. Nous pümes voir en mêmenbsp;tems le muséum astronomique , et Tobservatoirenbsp;de rUniversité.

Idorphanolrophium du P. Barhamsner : les en-fans y sont élevés en soldats; ils en ont l’habit, les exercices etc., et sont néanmoins appliques k dif-férens arts. Le bailment qu’ils occupent, est vastenbsp;ot bien ordonné; eet établissement aquelque chosenbsp;de singulier et en même tems de très-louable.

Le 3o Septembre, le i et 2 Octobre , j’ai passé les matinées a la bibliotheque impériale , pour ynbsp;chercher certaines choses que je n'aurois pu trou-ver dans toutes les bibllotheques de la HongrLe, etnbsp;dont j’avois tenu note.

Le ï®r, Octobre, je fus voir les écuries impé-

O 3

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( 2i4 )

riales. — Ce jour-lk je vis aussi la noble garde hongroise, sa maniere de vivre et la belle maison.nbsp;qu'elle habite dans Ie Josephienstadt, C’est sur-toutnbsp;la peau de tigre en guise de manteau, lecalpac,nbsp;les bousses h la hongroise, qui font bien paroitrenbsp;cette garde. Un detachement de cette même gardenbsp;noble suivit l’Archiduc Léopold a Florence , etnbsp;alia jusqu’a Rome, voir Ie Pape. Toute Tltalie futnbsp;enchantée de voir ces Hongrois, dont l’habit denbsp;gala est superbe. Le Saint-Pere recut lui-mêmenbsp;l’abjuration d’un d’entr’eux qui étoit Galviniste , etnbsp;lui assigna une bonne pension : il donna a tousnbsp;une médaille d’or.

Le Brader (les Viennois prononcent Prater) est une forêt située dans le Léopolstadt; l’Empereurnbsp;vient de la faire ouvrir pour être une promenadenbsp;publique. UAugarten, jardin de l’Empereur Léopold , est situé au même fauxbourg : on l’a beau-coup embelli en

La Maison professe , située sur la grande place, paroit avec éclat : elle est bien balie et d’une bellenbsp;ordonnauce; mais la plupart de ceux qui 1’habi-tent, sont des Peres anciens et peu animés , ce quinbsp;m’en rendroit le séjour assez désagréable , si jenbsp;devois y demeurer long-tems. J’ai proposé d’ynbsp;mettre pour inscription :

Veniunt morhi tristisque senectus.

Le P. Bruder qui y rétablissoit sa santé , et le jeune novice Baihiani furent ma société. Maltanbsp;ferunt anni venientes commoda secum ; malta rece-dentes adimunt. Horat., art. poet.

Le 8 Octobre, je vis pour la premiere fois un

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( )

iiegre en habit africain. A cela prés, j’avois vu k Vienne des individus de toutes les nations, qui ,nbsp;dans leur habillement, ont quelque rapport avecnbsp;*ious. J’avois vu aussi plusieurs negres en habitnbsp;europeen dans différentes provinces. — Jè ne saisnbsp;s’il est au monde quelque lieu , oü l’on voie autantnbsp;de bossus qu’a Vienne.

Le même jour, allant me promener du cóté de Schoenbriinn , je vis I’Empereur qui j alloit ennbsp;birouche, et un pen après le célebre van Swieten,nbsp;revenant de 1’église de Sainte Marie de bon seeoursnbsp;{Maria auxilialrix). Je vis aussi le Prince Albertnbsp;de Saxe-Teschen et TArchiduchesse Christine sonnbsp;épouse. Rentrant dans la ville , je rencontrai unenbsp;autre Archiduchesse. L'étiquette de la Cour obligenbsp;tout le monde a sortir de carrosse pour saluer lesnbsp;Princes , ce qui est très-gênant, et tient trop dunbsp;cérémonial,

Le P. l’Enfant (1), célebre Jésuile , prédicateur du Roi Stanislas, et maintenant de Flmpératrice ,nbsp;revint de Dresde vers ce tems-la. Je Tus ravi denbsp;faire connoissance avec lui; sa maniere de penser,nbsp;ses fagons, son caractere ne pcuvent qüe faire estimer infiniment son amitié.

La plus belle église de Vienne est celle de S. Charles : c’est une rotonde dont l’archifecturenbsp;ii’est pas sans reproche, mais dont les beautés fontnbsp;disparoitre les défauts. II y a, a cóté de fenfrée ,nbsp;deux grandes colonnes sur lesquelles sont re-

présentés les principaux événemens du regne de ___________¥ __________

1

II fut massacre a Paris le i Septemhre.

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( 2i6 )

Charles VI. L’abbé May, auteur des Temples anciens et modernes, en fait une critique un peu trop sévere.

Le i6 Octobre , nous allames , Ie P. Leuridan, Jésuite de Lille et moi, a Saint-Vith , maisonnbsp;royale a deux lieues des porfes de Vienne. Nousnbsp;passames par Schoenbrunn , on étoit le corps denbsp;I’Archiduchesse Josepbe , morte la veille , le journbsp;mème de Sainte Thérese, fête de son auguste mere.nbsp;Le Jardin de Saint-Vith est petit, mais joli et varié.nbsp;Les appartemens y sont beaux : le plancher ounbsp;parquet des salles basses est remarquable; il est;nbsp;composé de bois de difFérentes couleurs , ce quinbsp;lui donne un air de mosaique et fort propre. Lesnbsp;tapisseries de ces salles sont extrêmement biennbsp;peintes, et représentant au naturel les peuples (1),nbsp;les plantes et les animaux de l’Aniérique. On y voitnbsp;un rhinocéros fort diiférent des anciens origes, etnbsp;de 1’animal que nous appellons aujourd’hui rhinoceros ; il a quelque chose du griflbn. On y voitnbsp;aussi une béte de charge, dont les piecls de devantnbsp;ont quatre ongles, et ceux de derriere seulementnbsp;trois , ce qui pourroit la faire regarder comme unenbsp;substance mixte. Mr. Brisson pense que c’est unenbsp;espece simple. Je l’ai vue depuis a Mons : on 1’ap-pelle tapir ou manipouri. Cetle béte est fort doucenbsp;et porte-des fardeaux d’un poids énorme : elle estnbsp;presque sans poil et tient beaucoup du cochon.

1

Quoique les Amcricains de Ia zóne torride ne soient pas noirs au mème degré que les negres d’AiVique , il y e»nbsp;a qui approchent beaucoup de eeiix-ci.

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lt; 217 )

C’est un ainphibiequi nage mieux qu’il ne marche,

Le pi ture an^ ttche d'Iiercola--no,e contorni in-gt;nbsp;else, con qualchenbsp;Spiegazione , Napoli , 1757 etc,nbsp;Regiastamperia».

LeS^.vol.a paru en 1767.

Le 20 Octobre, je vis le palais et le beau jardin du Comte Harrach , situes dans un des fauxbourgsnbsp;assez prés du Belvédere. — Le jardin et la biblio-tlieque du college Thérésien. On voit dans lenbsp;jardin une grotte dont Charles VI faisoit ses dé-lices. La bibliolheque sans être fort grande, estnbsp;riche et bien choisie : j’y vis un Irès-bel ouvragenbsp;que je cherchois depuis long-terns , les Antiquitésnbsp;d’Herculanum, imprimees a Naples en 1767 etnbsp;1760 etc., avec des figures extrêmement bien gra-vées, qui nous apprennent q\x Herculanum étoitnbsp;une ville fort adonnee a la debauche, et ou lesnbsp;bonnes moeurs étoient peu respectees. Qui trans-tulit monies : et nescierunt hi quos suhveHil in furore suo. Job, c. 9, f. 5. Pour dix jusles, s’il s’ynbsp;en fut trouve autant, Dieu auroit épargné Sodome,nbsp;comme nous 1’apprend 1’Ecriture (Genes, ch. z8).nbsp;Je ne crois pas qu’on ait osé graver toutes les horreurs qu’on a trouvees dans les ruines de cettenbsp;ville abominable.

Mr. Fougeroux de Bonderoy, dans ses Recherches sur les mines d’Herculanum, et sur les lu-mieres qui peuvent en rcsulter relativement a Vélat présent des sciences et des arts, avec un traité surnbsp;la fabrique des mosaïques , k Paris , chez Desaintnbsp;1770, pag. 74, prétend que ces figures et sur-toutnbsp;cette prodigieuse multitude de Priapes , dont lesnbsp;uns servoient de lampes , les autres de pur ornement etc., n’étoient pas absolument une suite du dé-réglement des moeurs , mais du desir d’une grandenbsp;population. Ce desir dans une nation dont les moe,?.-

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( 2l8 )

trueuses débauches tarissoient les sources de Ta gé-nération , n’éfoit assuréinenl pas bien général ou du moins bien conséquent. Le culte rendu au dieunbsp;Priape et ‘a ces petites figures obscenes, ne prouvenbsp;autre chose, sinon qu’on avoit divinise la luxure,nbsp;et que le désordre étoit devenu partie du culte public. Mr. Fougeroux ne parle que d’une statue quinbsp;semble enfin lui persuader que les plus horriblesnbsp;débauches étoient en honneur chez les Romains.nbsp;Encore voudroit-il en quelque sorte isoler ce crimenbsp;dans la personne du sculpteur. II faut qu'il n’aitnbsp;pas lu l’Histoire Romaine , et qu’il n’ait pas vunbsp;attentivement toules les figures recueilHes dansnbsp;rédition royale de Naples. On n’accorde point lesnbsp;honneurs de la peinture ni de la sculpture , cheznbsp;aucune nation , aux vices qui y sont en horreur.nbsp;Sapientiam enitn prcetereuntes non tantum in hoenbsp;lapsi sunt ut Ignorarent hona; sed ct insipientice sucenbsp;reliquerunt hominibus memoriani , ut in his queenbsp;peccaverunt, nee laterepotuisscnt. Sap., cap. g.

Le 22, nous allames voir le calvaire et la belle dglise qu’on y batit. Ce calvaire est bien con^u ;nbsp;on y monte des deux cótés de l’égUse par de beauxnbsp;escaliers, le long desquels sont dressées les stations. La chapelle du Saint Sépulcre est toutenbsp;semblable a celle de Jerusalem.

En revenant de 1^, nous vimes l'Empereur k cheval, accompagné de deux Princes et des gardesnbsp;hongroises. Ce Monarque est d’une aelivilé extréme , et donne les plus grandes espérances, aunbsp;cas qu’une guerre vienne h s’élever.

Le 26 Octobre, je partis de Vienne pour aller

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( 219 )

Monoc chez Ie Comte Etienne Andrassy. Je vis Ie même jour un crocodile de 3 a 4 pieds.

Deux jours avant mon départ, Ie P. Lalieu, provincial de notre province Gallo-Belgique menbsp;rappella; mais nos supérieurs donnerent quelquenbsp;explication k ce rappel, et me firent parlir pournbsp;la Hongrie.

Je fis un détour par Tirnavv, pour accompagner les PP. Leuridan et Dewez, deux Jésuites Beigesnbsp;qui vouloient voir mes Hongrois , dunt je leurnbsp;avois dit tant de bien. Ceux-ci soutinrent parfai •nbsp;tement la réputation que je leur avois faile.

Le 28 , nous observames Ie soleil a Tirnaw : les taches en étoient plus remarquables qu’en i'j66nbsp;oyez ci-devant, pag, 6x, etle Journ. hist, et lilt.,nbsp;z6 Octobre l’J’JJ, pag. z8o). J’y vis dans le cabinetnbsp;de physique les ossemens d’ungéant de i5 pieds,nbsp;trouvés dans la Drave (chose très-douteuse). Jenbsp;vis ensuite d’autres ossemens h-peu-près de lanbsp;même grandeur gt; et tous ces géans n’ont eu quenbsp;12, i3 , i4 OU i5 pieds.

Le 3i, je vis Raah pour la seconde fois *. nbsp;nbsp;nbsp;* goyezd-iey.

J’avois passé par Altenboui'g , on j’avois vu le P. Sluha, frere du Comte deee nom, aumóniei' dunbsp;régiment du Prince Albert, et célebre par ses malheurs en Portugal. Les fortifications de Raab menbsp;parurent plus considerables qu’h mon premiernbsp;voyage, oü les fortifications incomparables denbsp;Luxembourg occupoient encore mon esprit. Ellesnbsp;sont néanmoins de terre en grandepartie, et un peunbsp;délabrées. Le régiment de Molck , autrefois Sta-renberg, qui y est en garnison , a a sa solde une


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( 290 )

troupe de Maures , pour faire Ia musique turque, qu’on entend toutes les fois que les grenadiers sentnbsp;de garde. Cette distinction a été accordée k ce régiment , pour avoir haché en pieces un corps denbsp;Turcs, et s’etre empare de leur musique. Cettenbsp;musique m’etourdit beaucoup pendant la nuit; etnbsp;Ton avoit eu soin de me prevenir, afin quelle nenbsp;m’intriguat point. — Les Turcs ne savent guerenbsp;d’autre accord que I’octave , ce qui donne k leurnbsp;musique quelque chose de grave et de monotone,nbsp;qui ne laisse pas de plaire dans certains airs. Ennbsp;général les Orientaux ne souff’rent pas la musiquenbsp;k plusieurs parties. — Etant a Neusol, un soldatnbsp;de ce régiment me fit appeller k la prison : c'étoitnbsp;un Francois, et il y étoit détenu comme déserteur.nbsp;Outre la consolation spirituelle que j’eus de lenbsp;mettre bien avec Dieu , j’eus encore cede de lenbsp;voir arraché k la mort.

aS.

pag.

Je fus le même jour k Comore, qui commence * Vo^ez, ci-dey. k se relcver de ses mines *. J'y revis avec beau-coup de plaisir leP. Rehacsheck, mon co-novice aunbsp;troisieme an , k Neusol (i) , qui me fit des amitiesnbsp;trop marquées pour être oubliées.

Le 2 de Novembre allant k Groan, je viscouper et polir le marbre. A six lieues de Comore, je fusnbsp;obligé, par la négligence de raon cocher , de

(I) On fait deux noviciats dans la sociélé des Jésuïtes ; le premier, qui est de deux ans, se fait en entrant ayantnbsp;remission des veeux simples. Ceux que 1’on admet a la profession solemiielle des ^ veeux, doivent avant cettc profession , faire un troisieme an de noviciat. {Note de l’E~nbsp;diteur].

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( 221 gt;

prendre la poste pour arriver ce jour-la k Graan,

Comme il étoit nuit lorsque j’arrivai, et qu’on entend rarement la poste a Graan, le cor du postilion mit loute la ville en alarme, et Ton forma surnbsp;mon arrivee un raisonnement fort ridicule , dontnbsp;on fit part le lendemain au P. supérieur.

Le 3, j’arrivai en poste k Bade .- mon coclier y arriva presqu’en même terns, A Comore il avoilnbsp;hu, et on lui coupa la bourse dans la maison oinbsp;il passa cette nuit : il vint se plaindre k Bude denbsp;cefle aventure ; je me plaignis de la mienne et desnbsp;fraix de la poste. — Je vis derechef la mosquée etnbsp;les bains turcs, qui sont dans la ville basse dunbsp;cóté de Graan. —Jelrouvai au college leP. Buch-herger, mon directeur au troisieme an , devenunbsp;recteur; le P. Dobai, mon grand ami k Tirnaw;nbsp;le P. Rochel, que j’avois aussi connu particu-liéreraent k Timaw, ainsi que plusieurs autresnbsp;Peres. Je puis bien assurer que de ma vie je n’ainbsp;re9U tant de politesses, ni éprouvé fant de cordia-lité que chez mes chers Hongrois,

Le ponton de Pest k Bude est abrogé j on y a substitué un beau pont de bateaux, dont les fraixnbsp;seront bientót remboursés, car on y paie très-chernbsp;le passage.

Après avoir mieux considéré la situation de yoyez cJ-der. Bude , je con^us une meilleure idee de sa force, pag- a8.

Si Ton construisoit quelques ouvrages sur le Mont

St.-Gérard, qui domine la place, le siege pourroit 1781, pag. 698.

en devenir très-laborieux. Que la situation de cette

ville est magnifique! Regardant du haut de la ci-

tadelle la ville basse, celle des Grecs, le Danube

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( 1%% )

avec ses isles , Pest et la plaine immense qui s’étend au dela de Tcmeswar, je sentis tout ce que la phi-losophie chrétienne fait sentir , quand un espritnbsp;penseur proraene ses regards sur de grands objets.nbsp;Sit gloria Domini in sceculum ; Icetabitur Dominusnbsp;in operibus suis.. Cantabo Domino in vitd med :nbsp;psallam Deo meo quamdiii sum (Ps. I03). Venite,nbsp;exuüemus Domino : jubilemus Deo salutari nostro.nbsp;PrceoccupemusJaciem ejus in confessione.... Quo~nbsp;niarn Deus magnus Dominus et Rex magnus...nbsp;Quoniam ipsius est mare, et ipse fecit illud; etnbsp;aridam fundaverunt manus ejus etc. etc.

Despiciens Deus immensas ex cethere moles , Terramque tractusque marts, ccelumqueprofundum ,nbsp;Quceque illic natura refert miracula rerum,

Ipse sibi pulchmm gratabitur ipse laborem.

MusasLeod. i^Gijpag. ïSsé

Le 5, après avoir été au bain, je vis l’église des Grecs unis, qui est confiée aux RR. PP. Récol-lets. II me semble qu’on n’auroit pas dü mettre denbsp;statues dans celte église, et que le rit grec y auroitnbsp;mieux fait que le latin j les schismatiques s’y lais-seroient plutót attirer. Diversitas ritüs non scindit,nbsp;sed ornat Ecclesiam, disent judicieusement lesnbsp;Bollandistes , Mai, torn. z.

Le 6, je passai par Godelo, chateau magnifique appartenant au Corate de Grassalkoi’ics. II y a unnbsp;grand pare rempli de daims et de cerls blancs :nbsp;j y vis deux aigles d’une grandeur extraordinaire.nbsp;Les appartemens de ce chateau sont superbes : onnbsp;y voit le lit sur lequel le Prince Eugene de Savoienbsp;a été trouvé mort, et deux autres extrèmement

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riches , ovt coucherent leurs Majestés Impériales Francois I®*', et Marie-Therese , lorsqu’elles ren-rlirent visite au Comte, qui est un liomme de fortune , mais dun grand mérite. Son palais peutnbsp;'être compare au Belvedere du Prince Eugene knbsp;Vienne, quoiqu’il lui soit inférieur en bien desnbsp;ehoses.

J’arrivai le soir a Gjongos, quoiqu’éloigné de Bude de i6 lieues de France. Gyongosesi unbourgnbsp;très-laid , mais très-considérable , situé au piednbsp;du mont Matra ; nous y avons une Maison. De cénbsp;bourgnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;il y a environ lo lieues de France.

Je fis néanmoins cette route en une demi-journee, sans changer de chevaux j ce fut le n Novembre.

Agrie, que les Allemands appellent Erlau, et les Hongrois Eger, est très-célebre par deux siegesnbsp;qu'il soutint centre les Turcs. Le premier fit auxnbsp;Hongrois un honneur infini : les femmes mêmesnbsp;s’y distinguerentbeaucoup, et égalerent les hommesnbsp;en courage (*). Doha gouverneur de la ville durantnbsp;ce siege , étoit un homme de conseil et d’execu-tion, qui avoit des ressources infinies. On peutnbsp;voir cette belle défense écrite avec toute l’énergienbsp;et tout le détail possible dans Istuanfi , de rebusnbsp;Pannonicis. J’ai dit ailleurs combien cet auteurnbsp;est estimable. On peut voir encore XHistoire des

{*).........Quorujn maritcB ,

Militibus generosiores ,

Fatale norunt stringere dexterd

Femim volenti , nonque alihs dato f^irtutis exeinplo , cruentinbsp;Se rapiunt per acuta belli.

Mus. Leod. 1762, pag. ^8.

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( 224 )

troubles delJongrie. Les Empereurs Turcsfaisoient tant de cas de cette place, qu’entre leurs fastueuxnbsp;litres, ils meltoient celui de Possesseur de Pinvincible fortcresse d' Agria.

Le lendemain j’allai voir Ie chateau qui est niain-tenaut fort peu de chose. On m’y montra un vieux mur sur lequel, k ce qu’on assure , trois lis ontnbsp;fleuri en plein hiver. On voit encore k Erlau plu-sieurs maisons turques : la mosquée qui estnbsp;devenue une église, a un minaret d’une hauteurnbsp;considerable. La plus belle mosquée qui soit ennbsp;Hongrie est a Cinq-Eglises : elle est batie dans lenbsp;goüt de Sainte-Sophie, ce beau temple de Justinien.nbsp;Presque toules les mosquées sont baties sur ce module. — La chapelle du palais épiscopal est petitenbsp;et simple, mais dun grand goüt, et entiérementnbsp;revêlue dun beau marbre bleuatre.

Je fus voir le Comte Charles Esterhazi de Ga-lantha, Evêque d’Agrie. Ce prélat jette les fonde-demens d’un édifice vaste et superbe, qu’il destine k l’université qu’il veut former k Erlau. II me fitnbsp;voir les ardoises , les marbres et les charbonsnbsp;qa'il faisoit tirer des montagnes A'Erlau. Lesnbsp;ardoises sont rares dans ce pays-ci; elles n'ontnbsp;pas non plus le beau bleu des nótres. Les charbonsnbsp;y sont excellens, el bi ülent avec autant d'activilénbsp;que ceux du pays de Liege (1). Ce prélat m’ac-

1

Les charbons fossLIes réduits en poiidre, se mêleul avec 1’argile : le feu en est moins violent, et 1’on consumenbsp;par cc moyen moins de charbon. Cette composition faitenbsp;en consistance de mortier, et partagée en petites masses,nbsp;soit en forme de briques, soit en boules, s’appelle ho-

corda

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( 225 )

corcla Irès-gracieusement l’appi’obalion, contre la coutume , sans examen préalable.

Je Irouvai a Erlau Ie P. IIenter, missionnaire Segnerien, issu d’une ancienne familie de Baronsnbsp;Transylvains; homme d’un grand zele et d’unenbsp;grande mortification. Je fis avec lui Ie voyagenbsp;^Erlau k Monoc. — Le P. Keltz, recteur d'Erlau jnbsp;est un homme extrêmement estimable , et une desnbsp;meilleures têtes de notre province d’Autriche. J’ainbsp;vu peu de personnes qui fussent plus conformes inbsp;ma fa90n de penser..

diets , en langage wallon,et quelquefois briquettes. Ov), pent brüler a la fois de ces hochets et de la Louille vive. Lanbsp;menue houille s’amasse dans les liouilleres: ce sent les par-fnbsp;celles qui tombent des grosses pieees. On appelle quelque-fois houille les cliarboiis fossiles, et quelquefois les hochetsnbsp;qui sont la composition de cette houille en poudi’e raèléenbsp;avfcc de l’argile, a la proportion d’un 6®. ou d’unnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;de celle-

ci avec la houille en poudre. —^ Voy. la Connoissance des veinea dehouillej par Genneté, in-S®., Nancy, chezLecIere,nbsp;J774- Cet Auteur dit que la houille se reproduit tous lesnbsp;quaranteans; ce qui certainement n’est pas général. Ce-pendant il 1’assure sans restriction, et en donne les raisons, voyez la page 122. —Autre Traité sur la houille,nbsp;lourn. hist, et litt., t Aoht 1776, pag. 497* — Cetfe er-reur de Genneté est inconcevable dans un homme qui anbsp;été a Liege, et qui paroJt être au fait de la chose sur la*nbsp;quelle il écrit. Ibid., i Nov. 1779, pag. Sao, et i Avnlnbsp;pag. 548.

Le nom de houille vient d’un certain maréchal nommé I^rudhomme le Ilouilloux, qui, dit-on, en fit la dé-«ouverte. On ajoute qu’un fantóme sous la figure d’ujunbsp;'^leillard vètu de blanc, lui en inontra la mine.

Tom. I. nbsp;nbsp;nbsp;P

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( 1126 )

Ce même jour je logeai è, Niarod, village ap-partenant au College d’Agrie. Je dinai Ie lende-main a Vatta, chez un noble fort lionnète horame; et Ie soir je fus a Girints chez Ie Comte de Dort',nbsp;et enfin Ie lo , a Monoc (1). Le lendemain de monnbsp;arrivée, nous allames , le Comte et moi, déter-miner la hauteur d’une fontaine avec tout l’appareilnbsp;de la géométrie.

Ce fut a Monoc que je fis la connoissance du Comte d’17;nrm^ Espagnol d’origine, qui demeurenbsp;en Transylvanie : c’est un Seigneur très-aimable,nbsp;très-accompli , et qui parle bien francois. Je n’ainbsp;pas vu de séculiers plus exemplaires, plus pieux.

Quiconque devroit faire en poste le mème voyage que je viens de faire , peut se régler sur le suivantnbsp;dénombrement des postes.

iVicnne. nbsp;nbsp;nbsp;postes. Sil’oiiva deVicnneaCasï-

Prcsbourg.......4 nbsp;nbsp;nbsp;montagries,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;on

Jalirendorff......i nbsp;nbsp;nbsp;va par

Viselbourg.......i nbsp;nbsp;nbsp;i

Hochstrass.......• nbsp;nbsp;nbsp;j

Raab......... i

Gonyu........'. i

Comore........2

Neszmeli....... • i

Neudortr........i

Dorog......• • • 1

Vcresvar.......1 nbsp;nbsp;nbsp;J

Bude..........i nbsp;nbsp;nbsp;j

Kérepes.

postes.

Presbourg.......^

Csekleiz........\

Saiib....... . nbsp;nbsp;nbsp;I

Tirnaw........i

i. .1

Galgocs.

Rippin. . nbsp;nbsp;nbsp;. . .

Tapolesan.....

Ifitra-Sambokreth.

Vesztenics.....

Baimocs......

Aszod.........I J

Hatvan........1

Rudiio.......

Thuroez-Sainbakz.

1

Monoc est prés de Tohai , dans la Haute -Hougrie-

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( 227 )


Nolcsova......

* Ces deux en-droits conduiseiit

Rosenberg.....

jMokragy. ....

plutót aCracovie;

^Nameszto.....

il laut de lioseii^

Petendorf. ....

berg,prendre sur Petendorf.

Okolicsma.....

**Iln’y apoint

Hibes.......

de poste dans ces

Lucsiuna. ....

deux eudrOits.

Suaboles......

Leutsovia.....

Biaczovecz.....

. . 1

Berthot......

•. li

Eperies......

Lemesan. .....

. . I

Cassaw. .....

.. . ï

lt;iyongyos.......1 nbsp;nbsp;nbsp;I

Kapolna.......2

Agrie.........i nbsp;nbsp;nbsp;»

Kereztes.......* 2

Onod.......... •

3

^Monoc.

*'^(Girints.......i

Si par la premiere route ou va jusqu’ii Cassovie , On prend d’Onod sur Szerens, Tokai, ou plutótnbsp;sur Wilmann et Szina. Ainsi ó!Onod a

Szerens. j. . t . .

Wilmann. ....

Szina. . « i . . .

Cassovia......

Wn de Tokai.

Le 16 Novembre, jallai a un vieux chateau du Comte Andrassy, oü l’on fait le vin de Tokai.nbsp;Voici comment on y procédé : on choisit les raisins les plus beaux et les plus mürs j après les avoirnbsp;Conservés quelques jours , on les jette dans denbsp;grandes cuves. Ce qui ddcoule des raisins sansnbsp;fjoon les pressure, s’appelle essence. On les foulenbsp;ensuite avec les pieds , on jette quelque autre bonnbsp;vin dessus, et on laisse fermenter le tout. G’est IAnbsp;1 aiissbruch, vinum passurn , aszszu szolobor. Onnbsp;Verse ensuite sur ces raisins quelque autre vin

P »

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( )

choisi, qu'on y laisse , jusqu’k ce qu’il en ait tiré Ie gout de Yaussbruch. C’est ce qu’on appellenbsp;inaslas. Les vins orclinaires de ces cantons senbsp;* ^comme ailleurs *, On ne choisit pas les raisins,nbsp;toiu. a^pag^SS; on les foule avec les pieds dès qu’ils sont cueillisnbsp;et jetés dansla cuve 5 on les met ensuite au pres-soir. Ils ont tous une supériorité marquée sur lesnbsp;meilleurs vins de Hongrie. Leur extréme douceurnbsp;m’a incommode les premiers jours; j’ai dü leur subs-tiluer un vin foible et aigre en comparaison. J’ai bunbsp;aBude de Yaussbruch deBude, qui étoit excellent 5nbsp;je l'égalois au Monte-Pulciano. Le vin du Bourgnbsp;nommé Tokai, n’est pas meilleur que celui denbsp;Tartzal, Mad, Tallya ou Tailya, Szènto , Ke~nbsp;resztin, Liszka, Toltsua et des endroitsdemoindrenbsp;consideration enclavés entre ces bourgs , commenbsp;Golop, Monoc etc. Les Hongrois appellent tousnbsp;ces vins , ainsi que celui de Tokai , vina suh~nbsp;montana. Quelques-uns ajoutent a ces endroits ,nbsp;Patak et Uihelin ; d’autres leur disputen! eet lion-neur. On fait ici la vendange Irès-tard, vers lanbsp;mi-Novembre, soit que la nature du raisin craignenbsp;moins la golée , soit que toute cette contrée soit knbsp;Joum. hist, et fabri des vents du nord sous la protection du montnbsp;1*786 pao^igcTètnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;disposition même des vignobles.

11)1. nbsp;nbsp;nbsp;La lie du Tokai communique puissamment son

gout aux autres vins , et s’épuise difficilement. C’est d’une lie pareille que le Prophete a pris 1’al-légorie Verumtainen fcex ejus non est exinanita.nbsp;~ Ce qu’on appelle essence n’est guere potable jnbsp;c’est plutót une huile qu’un vin : on s’en sert pournbsp;améliorer les autres vins. On m’avoit dit que du

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( 2^9 )

Tokai on ne pouvoit faire du vinaigre , a cause

de son extreme douceur. J’en ai gouté néanmoins

qui avoit dégénéré en excellent yinaigre , chez le

Commandant a Bistritz en Transylv'anie. nbsp;nbsp;nbsp;ci-dcr.,

. nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;pag. o6.

Turoczi, Hungar. cum suis region. , pug. aog

dit : Celehenimum Europa unwersu Tokainis de

montibus vinum, cui an simile orbis proforat non

immeritb dubitant multi. « Le vin des montagnes

n de Tokai, dit-il, est très-renommé dans I’Eu-

n rope entiere, et bien des gens doutent avec raison

» s’il^en est de pared dans tout 1’univers ». Les

Dues de Bourgogne se qualifioient Seigneurs, des

meilleurs vins de la chrétienté. C’étoit le cas d'avoir

la guerre avec les Rois de Hongrie (*).

Le i8 Novembre, ie fis le voyage de Cassovie Vojagelt;3cCss-

/¦rlt; nbsp;nbsp;nbsp;ftnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;sovie,

(Lassaw) : nous passaines par Szanto, bourg con-sidérable et renommé pour I’excellent vin que ses collines produisent. Nous dinames k Gons-ruzka arrivaraes a Cassaw d’assez bonne heure,nbsp;quoique nous 1'ussions partis fort tard , et quenbsp;Cassaw soit éloigné de Monoc de i8 èi 19 lieuesnbsp;de F ranee.

Cassaw (les Allemands disent Kaschau, les Hongrois ATössa, les Slaves ATassice) est une videnbsp;très-considérable pour ces contrées (on peut voirnbsp;la-dessus la Chorographiam urbium Hungar. a Szer~

(*) Vide Dissertaiionem pliysico-cJiymicó-medicam de -vino Tohaiensi , a Sainuele Dombi , 1^58. De no- Utt., i Juin 1786,nbsp;rninïbus et loco natali , pag. 5. De generibus et causis Pag- 188.

'uarice bonitatis , pag. i3. De principiis cbyinicis , pag. a6. De usu in homine sano , pag. 34.; in a;gro ,

pag. 45.

R a


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( 23o )

dahelyi, pag. i49 , et Turoczi, Hmgar. cumsuis regionibus, pag. i'ji). L’église paroissiale est bellenbsp;et antique : elle rempoiie sur bien des cathédrales.nbsp;L’arsenal est passable : les fortifications , partie anbsp;l’antique, partie a la moderne , sont peu impor-tantes. L’église des Dominicains est assez belle,nbsp;IMoire college n’est pas beau : Ie Recteur est Ienbsp;P. Fodor, horome d’une piété et d’une mortification. éclatantes, très-huraain , tvès-bienfaisant etnbsp;Irès-poli. Quoique je demeure h Monoc, ]e suisnbsp;attaché au college de Cassa-w, ou je serai souvent,nbsp;II y a une université peu considerable, qui est auxnbsp;Jésuites, Cassa-w et Tirnaw étoient les plus céle-bres universités de la Hongrie : Joseph II les anbsp;presque toutes abolies (Reflexions sur cetle abolition, Journ. hist, et litt. , i Décembre 1782 ,nbsp;pag. Sao).,— J’ai vu a Cassaw un Slinx, petit crd-^nbsp;codile, qui demeure toujours petit. Je Ie pris d’a-bord pour quelque lézard indien. Voyez Ie Diet,nbsp;de Trévoux, art. Crocodile.

Le If), j’allai avec mes co-exiles, Roussel et Leclerc ( 1 ) ^ k Sdoban, chez le Pope , lequelnbsp;nous requt avec beaucoup d’empressement, se re-vètit de ses habits sacerdotaux , nous fit voir l’é-glise , les vases sacrés , les saints mysteres etc., etnbsp;me fit présent d’un pain destine a la consecration.nbsp;Comme il nous vit partir dans le carrosse du Comtenbsp;de Doria. six chevaux, ils’imagina quenous étionsnbsp;des gens d’autorité, qui pourroient faire la fortune


1

Jlort missionnaire,

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( 23i )

ses fils; il nous les recommancla beaucoup, ei je fus bien faclié de ne pouvoir les aider. Ces Grecsnbsp;suivent leur rit, raais ils soiit unis avec Rome.nbsp;Leur liturgie est en sciavon : ils sont Russes d'ori-gine; on les appelle Russnaken. Leur évêque quinbsp;ést a Muncatz , tache d’établir Ie célibat parmi lesnbsp;prêtres. J’ai déja paiié des Grecs et des Russiens,nbsp;pag. z34 et suiv. Ces Russiens sont unis de bonnenbsp;foi k l’Eglise Romaine, ainsi qu’un grand nombrenbsp;de ceux qui sont en Pologne. Voyez Synodus Ru-thenorum Eccl. Zamoscia; tj%0, edit. Roinae lyzo,nbsp;dicata Benedicto XIII. — Un de ces bons Russiens unis me deinanda si en effet il y avoit péchénbsp;a fumer du tabac? ce qui me fit croire que Tim-pertinence, que rapporte Voltaire dans son Histoirenbsp;de Charles XII, est un fait réel. Un Transylvainnbsp;me demanda la même chose k Dées.

Nous revinmes Ie 21 a Monoc,\Q Comte Dori et moi. Nous fimes la route en quatre heures ,nbsp;ayant change deux fois de chevaux. Nous vimesnbsp;de loin Taliya, un des bourgs fameux par Ie vinnbsp;de Tokai,

Le 12 Décembre, je me rendis au sommet d’une montagne voisine de Monoc, ou sont les carrièresnbsp;du Corate. J’y ai vu les pieces d’un tronc d’arbrenbsp;admirablement bien pétrifié dans ces carrières ;nbsp;et j’ai dessein den porter une piece au.x Pays-Bas.nbsp;Cette montagne , qui est dégagée de tous cótés ,nbsp;jouit d’une belle perspective. On voit de la Tart-zal, Tally a et plusieurs endroils distingués par lesnbsp;vins de Tokai. Tally a est ün bourg fort consi-dérable.

p 4

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(230

pig. 5gt;

Le i3 , nous allames voir Ie chateau du général Andrassy. Ce chateau est assez beau pour ces con-(rées, ainsi que le jardin, qui est néanmoins fortnbsp;inculle, Ce Seigneur demeure a Beller, prés denbsp;Rosnau. C’est le plus affable et le plus populairenbsp;de tous les seigneurs Hongrois que j’aie vus. Nousnbsp;vimes aussi les caves du Comfe , qui sont éparsesnbsp;ca et 1^ dans le village ; elles sont creusées dansnbsp;' Voyezó-rler., unc terre argileuse , comme celle de Chella H

y en a de deux étages ; un de ces caveaux con-tient 35 pieces ^aussbruch de Tokai, ce qui dans d’autres pays feroient un trésor inestimable.

3’ai eu plusieurs conférences avec un mission-naire Polonois gt; le P. Szobcck, d’une familie Hon-groise distinguée : il étoit envoyé par la sacrée Congrégation de Propaganda, en Laponie. II ennbsp;trouva toujours fentrée fermée par les Russes,nbsp;L'Impératrice Catherine et ses ministres le trom-poient lour-k-tour. Un séculier Polonois, nomménbsp;Siernicki, homme zélé, y pénétra avec i8 compagnons, et commenca a instruire ces peuples quinbsp;sont si ignorans et si brutes, que dans certainesnbsp;conirées ils adorent les cochons. Les nobles fo-jnentent cette ignorance et ce paganisme , pournbsp;tirer de ces peoples un plus gros tribut a titre d’ido-latrie, On peut voir sur ce sujet un discours pa-ihétique dans les ouvrages de Pierre Martyr, ambassadeur de Ferdinand et d’Isabelle. Les Grecsnbsp;n’ont pas plus de talent que les Protestans pournbsp;convertir les nations. Les Moines restent dans leursnbsp;cellules, et les popes cherchent a vivre et anourrirnbsp;Jeurs families,

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( 233 )

Le mêmemissionnaire v'ülesKalmoucs} ils sont idolatres, même ceux qui sont dans l’armée Russe.nbsp;Un de leurs chefs demanda a ce missionnaire s’ilnbsp;vouloit voir le dien des Kalmoucs, et il lui montranbsp;ensuite une petite figure enveloppée de rubansnbsp;rouges , enfermée dans un coffre. Les Russes senbsp;facherent tout de bon cbntre ce missionnaire et sèsnbsp;compagnons de ce qu’ils avoient montré le Crucifixnbsp;h ces peuples, disant que ces chiens n’éioient pasnbsp;dignes de regarder le Dieu des Chréliens,

Les Russes n’ont pas encore recu le Calendrier Grégorien; maïs l’Impératrice Catherine en pressenbsp;la réception (1). Hcerelicis, dit Strada , Romanumnbsp;Calendarium respuentibus , toto coelo , atque annonbsp;errare toto, grave non est. La reformation du Calendrier, fait unhonneur infini a 1’Eglise Romaine;nbsp;honneur sanctioned par tons ses ennemis. Lesnbsp;Grecs unis n’ont pas encore recu ce Calendrier :nbsp;les Luthériens et les Calvinistes ont été plus sages.nbsp;La distribution même des Evangiles est la mêmenbsp;pour les Dimanches chez les Luthériens que cheznbsp;les Catholiques, au moins dans la Hongrie.

Le 21 Décembre 1767 , mon éleve étant tombé malade, et paroissant absolument hors detat denbsp;faire ses études, je me prépare de nouveau a quitter la Hongrie ; et si le Maitre souverain de nosnbsp;destinées n’y met obstacle, je retournerai dans manbsp;patrie. Mais je le vois, la chose trainera en longueur, litioraque Ausonice semper recedentia refrö.

Le 2(), je partis pour aller a Pataclc, avec Mr. de

1

Elle n’a pas réussi.

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( 234 )

Zumai, Vicomte on Lieiitenant-Gouverneur tlu Comté de Zemplin. Nous passames a cole de Mad,nbsp;un des bonrgs du pays de Tokai, Nous logeamesnbsp;a Tolsua , dans une belle et spacieuse maison ,nbsp;appavlenante a un parent dp Vicomte. Nous con-versames au-dela de niinuit avec un Calviniste Go-marien, fort honnête liomme, et un autre, Armi-nien , qui parloit peu , raais qui ecouloit avec unenbsp;avidite extréme. Le Gomarien avoit beaucoup lu,nbsp;et defendoit sa secte avec assez de moderation.nbsp;J’attestois sa conscience, qu’il ne croyoit pas fer-meraent les dogmes de Calvin : il hésila, et I’as-semblée en fut étonnée. II dit ensuite qu’il croyoitnbsp;les dogmes , autant qu’ils sont confornies ti 1'Ecri-ture. — Mais d’oii vous viennent les preuves denbsp;cette conformilé ? — Par la lecture de 1’Ecriture,nbsp;un esprit droit etc. — S. Paul n’avoit-il pas lu 1’Ecriture 7 Avoil-il 1’esprit moins droit etc. 7 Quenbsp;Act. 26, V. 6, dit-il néanmoins7 Et ego quidem existiniaveram menbsp;adversüm nomen Jesu Nazareni debere multa con-traria agere. Mon horame vouloit s’appuyer desnbsp;Luthériens ; je lui dis ; Vous n’avez rien de com-mun avec les Luthériens , que la guerre que vousnbsp;faifes contre Rome. Les Francois et les Turcs sontnbsp;unis a-peu-près de la mème facon quand ils fontnbsp;la guerre a l’Autriche etc. II convint que Ia com-paraison éloit exacte.

Une chose digne de remarque, c’est que les Luthériens sont mème plus ennemis des Calvinisfes que des Calholiques, nonobstant tout ce que lesnbsp;Calvinistes ont fait pour les adoucir. C’est sur-loutnbsp;la predestination calvinienne qui les irrite : lis la

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( 235 )

regardent comme un turcisme, et comme un principe certain d’athéisme et d’irréligion, ce qu’elle est effectivement. Maïs que penser du livre de leurnbsp;Patriarche, de sengt;o arhitrio ? N’esf-ce pas un alliénbsp;des Calvinistes ?

Le P. Gauthier, dans sa Chronologie , attribue aux Calvinistes loo heresies. Le P. Feuardent,nbsp;Docteur de Paris leur en donne i4oo, dans unnbsp;livre intitulé : Theomachia Calvinistica, Si oiinbsp;compte toutes les consequences, les scholies, lesnbsp;corollaires ; si on anal}^se les principes etc. , cenbsp;nombre peut être exact.

Un Calviniste grossier me dit que si le Corps de Jesus-Christ étoit aussi vaste qu’une montagne, lesnbsp;Catholiques l’auroient déjii raangé. Leurs ministresnbsp;les aveuglent par de pareilles sottises. Sumit unus,nbsp;sumunt mille ¦, quantum isti, tantum ille, nee sumptusnbsp;consumitur. Nulla rei fit scissura etc.

Le lendemain 3o, ayant vu en passant le fameux mont Tolcai, nous fumes avant midi a Patack.nbsp;La forteresse en est déraolie ; elle avoit éfé batienbsp;par le Prince Ragocsi. Les Trinitaires y ont unenbsp;Maison, ainsi que les Jésuites: nous n’y enseignonsnbsp;que trois classes , les rudimens , la grammaire et lanbsp;syntaxe. Le 3i je fus voir cetlejeunesseassemblee,nbsp;qui est très-respectueuse et fort timide. II estaisénbsp;de se l’attacher et de la bien élever.

Patack et Debreezin sont les Genere de la Hon-grie. Les Calvinistes ont k Patack un college cé-lebre et bien fréquente. Je fis une visite au doyen de leurs professeurs , qui est un brave homme. 11nbsp;est excommunié, paree que ses voyages et son ex-

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( 236 )

X. 3, C. 3.

périence lui ont fait perdre I’enthousiasme calvi-nien. II se nomme Ccécsi ; il se plaignoit avec larmes de ce qne des voleurs lui avoient enlevénbsp;quelques centaines de ducats , tandis qu’il ne s’af-flige pas de la perte de la Foi, qu’il avoue ne senbsp;Th. a Kemp., trouver pas dans sa secte. Pro modicd prcebenddnbsp;longa via, curriiur : pro ceternd vitd vix pes semel anbsp;terra levatur. II avoue qu’il a été tenté de se con-vertir a la lecture de VExposition de la Foi, parnbsp;Bossuel. J’ai appris depuis qu’il étoit mort Ca-tholique.

Les Russiens unis sont en grand nombre a Pa-tack : i’ai vu leur église , qui est peu de chose. Le pope , qui est un homme lettré et un zélé Ca-tliolique Remain , voulut me montrer les saintsnbsp;mysteres; mais je le refusal, disant que je les avoisnbsp;vus une fois pour m’instruire d'un rit respectablenbsp;dans 1’Eglise , mais que dorénavant je ne me per-mettrois pas que de si augustes Mysteres servissentnbsp;de matiere k ma curiosité.

L’Evêque Russien de Munkats a plus de 1020 paroisses sous sa jurisdiction -. grand nombre denbsp;ces Grecs unis sont Hongrois. La forme de l’ab-solution est la même que chez nous, même cheznbsp;les Schismatiques de ces contrées. Ceux-ci retran-chenf seulement ah omni vinculo excommunica-tionis etc. Elle est aujourd’hui jiidicatoire dansnbsp;presque toutes les sectes del’Orient. — Les prêtresnbsp;ne récitent leur Bréviaire que les jours oü ils disentnbsp;la Messe : il est en langue russienne et imprimé ennbsp;Pologne. IIs se servent de la lithurgie de S. Chry-soslome, de S. Basile et de S. Grégoire de Na-

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C 237 )

ziaaze. Ils chantent la Messe aussi-blen que les Romains; maïs Ie chant de ceux-ci a quelque chosenbsp;de plus auguste , do plus touchant. II est a re-marquer que presque toutes les nations et toutesnbsp;les sectes chantent les louanges de Dien,

Etant a Patach, j’allai aussi voir Ie Comte Szen-nejr, oncle de la Comtesse Andrassy, colonel dü régiment de Rodolphe Palfi : c’est un militairenbsp;liès-pieux et bien exemplaire. II ne faisoit quenbsp;passer par eet endroit : il est frere de la Comtessenbsp;Doi’i. Le Corate Dori est capitaine et gouverneurnbsp;du Comté de Zemplin, et un des sept juges de lanbsp;Chambre de Pest. J’ai eu plusieurs conversationsnbsp;avec lui : c’est un Calvinisle converti, et le meil-leur Catholique que j’aie vu en Hongrie, après le.nbsp;Comte d’Ybarra.

1768.

Le 2 Janvier 1768 , je revins h Monoc, après avoir diué h Liska, chez un Paulin , aumónier dunbsp;régiment de Haddick. Le lendemain j’écrivis auxnbsp;PP. de Patack pour les remercier.

Heu ! quam terrihilis. Boreas ululavU ab arcto,

Et teneros laceravit jiix tenuissima vultus !

Et si non bundam (1) accepissem , mortuus essem. Nona fait Monohi potui citm tangere postes.nbsp;Malta salus Patrihus , cuin primis supperiori ,nbsp;Eeheo cui memores animos ; et spiritualinbsp;Et Patri KatoncË , mihi qui bonus inclyta magncénbsp;Fecit amiciticB argamenta y locumque tenentinbsp;Hussaricos inter populos (2) tristesque Croatasnbsp;Eivere raptando assuetos , et vertere cuncta ;

(1) nbsp;nbsp;nbsp;Pelisse liongroise.

(2) nbsp;nbsp;nbsp;Ml'. Schuit, lieutenant de hussards au régimentnbsp;de Zoecsai , qui est eu pension chez nos PP. de Patack.

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( 238 )

* vide programma causce foren-sis Calv^ities an malum ? Tirna^nbsp;vice, inSG,

Queis superi largd miseris inortalibus uti Concessere maim. Tu , fill mi quoque Brute ,nbsp;Vive , vale et gaude ; gaude me vivere semper ,nbsp;Et {^quoniam bona * Calvities) calvescere semper,nbsp;Lcetari semper, stultescere denique semper.

Le 12 Janvier i'j68 , nous trouvames k Monoc un tas de feuilles de chêne extrêmement bien pé-trifié : on m’en a donné de pareilles en Liptovie,nbsp;oil ces pétrifications sont fréquenles. Je vis lenbsp;inême jour un pain pétrifié.

Le i4 , je partis de Monoc pour Krasnahoka, chateau considérable appartenant a la familie d’An-drassy. J’eus pour compagnons deux Luthériens ,nbsp;le fiscal de mon Comte et son secrétaire , avec les-quels je vecus enfort bonne intelligence. Ils eurentnbsp;plus d’egards pour moi que n’en auroient eu desnbsp;Catlioliques, et ils écouterent avec docilite ce quenbsp;je leur dis de la Keligion 5 mais nous ne dispu-tames pas même amicalement : ces disputes nenbsp;menent a rien. Ceci me rappelle que passant par lanbsp;Suabe, je dus rire de mes compagnons qui, pournbsp;n'avoir jamais vu encore de Luthériens, leur an-noncoient dupremier abord,qu’ils étoientdamnés.nbsp;Quodcumque ostendis mihi sic, incredulus odi.nbsp;Uor., art. poet.

Nous arrivamesce jour-la a nbsp;nbsp;nbsp;et logeames

chez un officier du Comte Andrassy ; nous y trouvames un petit soupé que notre bonne humeur assaisonna. Modb sit mihi mensa tripes et conchanbsp;sails purl. Hor., L. i, Sat. 3.

Le i5, nous partimes de Halmai après avoir diné, et vinmes loger a Fdsovadas, chez le Baron

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( 239 )

de Mesko qui nous recut ainsi que Madame , avec toute la cordlalité imaginable. Ce village estnbsp;presque eniiérement compose de Russiens. Lenbsp;pope nous avoit déja accordé sa raaison , lorsquenbsp;le Baron nous re9ul. Ce Seigneur est extrêmementnbsp;pieux 5 il se cont'essa le lendemain, communia etnbsp;me servit la Messe avec une dévotion exemplaire.nbsp;11 a fait tout au monde pour m’avoir cliez lui:nbsp;i’aurois bien voulu y aller pour quelque tems; maisnbsp;le Comte Andrassy ne le permit pas,

Le i6 nous AïnsMXQS h. Szentiakab (St.-Jacques). Mon fiscal voulut bien faire maigre avecmoi, cafnbsp;c’étoit un samedi; mais son secrétaire se cacha pournbsp;manger, a ce qu’il dit après, d’un poisson d quatrënbsp;pieds. Notre diner consista en deux oeufs, et unnbsp;\erre de vin assez mauvais. Mais j’aime a menbsp;trouver ainsi avec peu de chose, vis-a-vis d’unenbsp;assiette de bois et d’un pot de terre au défaut d’unnbsp;verre. Ma philosophic me sert a merveille dans cesnbsp;circonstances, et s’exprime ordinaii’ement de ma-niere h se faire un disciple de mon compagnon,

.............Nulla aconita hïbuntur

Fictilibus. Tune illa time, cüm pocula sumes G-emmata , el fulvo setinum ardebit in auro.

JursN. j Sat. 10.

Ce fiscal, brave homme, m’ayant parlé du pur-gatoire, je lui dis que rien n’étoit plus évident que 1’existence du purgatoire, puisque Dieu ne damnenbsp;point pour une parole oiseuse, et qu'il la punitnbsp;‘-ependant. De onini verbo otioso quad etc. II nenbsp;put sortir de Ih; et en efl’et il n’y a pas moyen d’ennbsp;sortir. Ces Mrs. triomphent de s’être faitrecevoir

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( ^40 )

par force enPologneavec les Calvinistes, lesjuifs, les Schismatiques , les etc. LaReiigion Calholiquenbsp;rougiroit de se voir confondue dans un edit so-lemnel avec quelque hérésie que ce soit (*). Ellenbsp;diroit : Quce cowentio 7 Signe évident que toutesnbsp;ces sectes sentent qu’elles sont coupables , etnbsp;qu’elles ne prétendent que coinbattre la vraienbsp;Eoi.

Nous vimes dans ce trajet plusieurs églises de Russiens unis : elles sont ordinairement composéesnbsp;de trois tours, Tune plus grande que I’autre. Onnbsp;dit que c’estenl’honneur de lasainteTrinité; maisnbsp;pourquoi cette inégalité ? Ces Russiens sont unisnbsp;de bonne foi, ainsi que presque tous ceux du diocese de Miinkats, sur-tout les religieux de S. Ba-sile 5 mais ils tiennent toujours quelque chose dunbsp;génie des Grecs et de leur ignorance, de leur amenbsp;servile etc. Leur extréme pauvreté, et Ie méprisnbsp;que les Hongrois ont pour eux , les rendent vilsnbsp;^ eux-mêmes ; ils ne se disent Russiens qu’ennbsp;s’humiliant,

Après midi nous vimes Torna, chateau fameux, mais démoli ; après quoi nous passames par uns

C’est ccpctidanl ce qu’elle essuie en France, en vertil de Ia Cliarle constitutionnelle de Louis XVIII, de I’annbsp;i8i4, oil il est dit, art. 5 : Chaciinprofesse sa religionnbsp;avec une éghle liherté, et obtient pour son culte la mêinenbsp;protection. Art. : Les ministres de la Religion Catlw-lique jipostolique et Romaine , et ceux des autres cultesnbsp;Chretiens , repoivent seals des traitemens du trésornbsp;'rqyal, (Note de I Éditeur).

belle

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( 24i )

belle vallée. On m’avoit dit que dans celte vallée Ie vent se faisoit toujovus sentir, lors même que Ienbsp;tems étoit toul-a-fait caline ailleurs. Eneffet, nousnbsp;senlimes , des l’entrée , un vent froid et véhément.

Je crois que ce vent sort des montagnes, qui ler-

ment cette vallée au nord. Les maisons qui sont Voyezunemon-

, nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;¦nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 taane sembla))le

proche de ces montagnes , ne peuvent avoir de ^„„5 )e jyjmidux fenêtres de ce coté-lk; tant les typlions qui en vlen- subterr. denbsp;nent sont terribles ; ils détruisent même les toils.

Ces montagnes sont un rempart assuré a ces maisons , contre tout vent qui viendroit d’au dela.

Journ. hist, et Avrilnbsp;522.

Voyez ci-devant, pag. 110. — Ayant repassé trois fois depuis par celte vallée, J’ai remarqué qu’ellenbsp;a un bassin propre h. réfléchir Ie vent en toutnbsp;sens. Gergo, ou Ie vent est des plus forts, estnbsp;justement situé dans Ie foyer de cette espece denbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^

miroir concave formé par une montagne haute et ^ escarpée.

Nous couchames h Almas chez Ie Cure, avec un Capitaine de hussards , fort honnête homme. Cenbsp;Cure a étudié a Rome, et aime extrêmement lesnbsp;Jésuites : il est néanmoina froid et nourrit peu lanbsp;conversation.

Nous parlimes Ie lendemain 1 , après que j’eus dit la Messe k une compagnie de hussards. Nousnbsp;primes 8 chevaux pour franchir une grande montagne; mais une somme de i6,ooo florins ennbsp;argent avoit tellement donné du poids h notienbsp;Voiture , qu’il n'y eut pas moyen de monter :nbsp;li fallut déballer et emraener notre trésor en troisnbsp;fois.

Tom. T. / nbsp;nbsp;nbsp;Q

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( )

Nous arrivames un peu après midi a Dernö (1), village appartenant au Comte Andrassy, qui a lanbsp;une fonderie et un vieux chateau de bois qui nenbsp;laisse pas d’etre habitable et assez commode. J’ynbsp;occupe son appartement, et y serai tandis que jenbsp;demeurerai aux environs de Krasnahorka, quenbsp;nous irons voir demain 19.

Le 19 Janvier 1768 , j’allai a Rosnau , oü nous avoirs une residence. Nous dinames a Varalya,nbsp;bcurg appartenant k mon Comte , situé au piednbsp;du chateau de Krasnahorka. Je ne pus monternbsp;jusqu’a ce chateau; le chemin qui y conduit etoit,nbsp;en ce moment, trop glissant. Vers 3 heures aprèsnbsp;midi', j’arrivai a Rosnau.

Rosnau, qui depuis a été érigé en Evêché, est un bourg considerable et bien bati, avec une placenbsp;grande et réguliere. Au milieu de celte place estnbsp;réglise des Jésuites, que les Luthériens furentnbsp;obligés de batir, pour avoir contrelait les pesti-férés lorsque 1’Archevêque de Graan, qui est Seigneur lempoi’el a Rosnau , voulut leur rendre visite. On peut voir celte plaisante histoire dans lenbsp;P. Turoczi {Hungaria cum suis regionibus). Lesnbsp;Récollets y ont aussi une Maison que le feu vientnbsp;de dé vaster. Les habitans de Rosnau, et sur-toutnbsp;la jeunesse que j’allai voir assemblée dans lesnbsp;classes, sont d’un bon naturel, polis , dociles, res-pectueux, comme sont en général les Hongroisnbsp;des montagnes, qui pour la plupart sont Slaves.

1

Les Hongrois prouonccnt 6 coimne-ea. Dern 'u Derneu ; Torock , Teureuch , etc.

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( =43 )

L’église paroissiale est vaste : on l'a reprise aux Luthériens qui s'en étoient emparés. On voitnbsp;dans une cliapelle qui joint celte église , d’asseznbsp;belles peintures, qui composoient Taulel des Lu-*nbsp;thériens ; on y voit l’Image de S. Jean l’Evai^gé-liste, et celles de quelques autres Saints.

Les Luthériens ainsi que les Calvinistes se crolent grandement déslionorés , lorsque'quelqu’un desnbsp;leurs embrasse la Religion Catliolique. Ils se pré-immissent mutuellement contre cette seduction ,

¦comme ils l’appellent, par tons les moyens possibles et les plus capables de perpétuer l’errein dans leurs lamilles.

Les Calvinistes , qiioique moins traitables et plus ennemis des Catholiques que les Luthériens,nbsp;ainsi que nous l’avons déja observé, deviennent,nbsp;quand ils se convertissent, de meilleurs Catholiques que les Luthériens. Ils sont plus savans ,nbsp;plus zélés pour leur secte, et croient avoir plus denbsp;raisons de se tenir séparés de 1’Eglise Calholique.

Les mêmes qüalifés ont fait de Paul un grand Apó--tre. Existimabam me adversüs nomen Jesu Naza^ Act. 26, T, q. reni deberc inulta contraria agere. Les Luthériensnbsp;sont plutót tolérans, et les tolérans ne se convertissent presque jamais sincérenient. Ils sont aussinbsp;plus indolens et plus mous.

On me monlra u Rosnau différens minéraux lirés des mines de Smelnitz ou de celles du généralnbsp;¦‘¦indrassy , entr’autres un morceau de fer très-remarqfiable , qui semble prouver évidemmentnbsp;Hue les minéraux se forment de la maniere que jenbsp;lai dit, foi. Sy 3 Crit, Fernmi istud adpuritatem

q »

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( 'Ak gt;

a iiaturd excoclum, veri stillicidiifixi naturain^or^ mamque rcjerehal. Lac i'eiri vocari solet. AUudnbsp;frustum vidi in Demo, sed miniis exceUens.

J'ai vu a Rosnau deux barometres exfraordi-naxres , une grenouille verte , et un poisson peu connu aux Pays-Bas, quoiqu’on en troiive dans lesnbsp;Voyezlt Diet, lïiai'ais de la Campine (1). Les HongroisTappellentnbsp;geegr., art. Da- jp/j/c/c. Conserves dans une bouleille ils annon-

MJBE1

cent Ie tems par différens mouvemens. '

T^erum ubi iempestas , et cceli mohilis humor Wdutapamp;re vias, et Juppiter hutuidus austrisnbsp;Vennat, erant quee raramodb, et quee densa relaxat jnbsp;J^ertuntur species animomm , et pectora motusnbsp;Nunc alios, alios , duin nühila venlus agehat

Concipiunt : hiiic elc................

Gmórg. l. I.

............ Et lorsque ces vapeiirs

j nbsp;nbsp;nbsp;D’oii naissent tour-a-toiir Ie froid et les clialeurs,

Ou des vents incoiistaiis lorsque I’liumide lialeiiie Cliajige pour nous des cieux riiifluence iiicertainejnbsp;Les êtres animes cliangent avee Ie tems.

Ainsi etc..................- . .

Delille, trad. des Géerg,

Ce poisson se conserve aisément en vie. Si Ton ]elte sur 1’eau dans laquelle il nage, une couchenbsp;d’huile d’olive , il devient extrêmement gros, LefSnbsp;Korigrois mangent ces poissons j maïs c’est uftnbsp;panvre régal.

Le 21 Janvier, nous allames , Ie supérieur de

1

J’cn ai vu aussi a Toumay et dans les environs : oft les trouve prés de l’Escaut, dans les fosses creusés pournbsp;J’écoiilement des eaux, dont souvent sont inondées lésnbsp;prairies qui bordent cette riviere. (JVote de l’Èditeufi

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( 245 )

liosnau, Ie P. Varadi et moi, diner a Beller, chez Ie général Andrass}^ , qul nous envoya sesnbsp;chevaux. Le chaleau de ce Seigneur est dans unnbsp;gout singulier •, il ressemble a une mosquée. Sonnbsp;épouse est une Comtesse Nadastj, fille du feunbsp;Chancelier de Hongrie. Ce général en appella è.nbsp;mon témoignage pour convaincre le P. supérieurnbsp;de l’existence bien réelle de la fameuse processionnbsp;ü'Echtemach dans le duché de Luxembourg, quenbsp;ce P. n’avoit jamais voulu croire. II est vrai quenbsp;c’est chose presque incroyable et peu conciliablenbsp;avec la majesté du Christianisme. Elle peut figurernbsp;avec le Festum asinorum. Voyez du Cange , etnbsp;l’aiiecdote rapportée dans nion Dictionnaire géo-graphique, art. Echlernach (*).

(*) » II s’y faisoit tons les ans, a la Pciitecóte, une pro-1) cession de danseurs qui reculoieiit d’un pas sur trois. )) Elle a été suppiimée eu 17^9, par un dccret de l’Ar-« clierêque de 'ïve\es, jilacété au Conscil de Luxembourg.nbsp;)) Cette cérémonie singuliere y attiroit beancoup de monde,nbsp;1) et les savaus 1’ont critiquée et approuvco tour-a-tour.nbsp;» Les uns la regardent comme un usage ridicule, proprenbsp;)) a seryir de pendant au Festum asinorum (Voyez dunbsp;w Cange, a ce mot, dans mon Biet. hist.); d’autres Tontnbsp;n envisagée comme une oeuvre péuible que la siinplicitc ,nbsp;» la bonne foi et vine intention pure pouvoient rendre mé-» ritoire ».nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.

)) Quoi qu’il en soit, nous observerons ici en passant, gt;gt; que cette facon d’avaucer en reculant d’un pas sur trois,nbsp;» a été autrefois en usage dans les pélérinages. La Reinenbsp;tl Catherine de Médicis lit voeu, si elle terminoit heiircu-1) semeut uneentreprise, d’envoyer a Jerusalem un pélerinnbsp;gt;1 qui en feroit le chemin a pied, en avanjaut de trois pas,

9 3

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( ^40 )

Je pus en cette rencontre me convaincre de nouveau avec quelle rapiclité gagne et se propagenbsp;la contagion de rirréligron et de rincrédulilé. Lanbsp;Hongrie fourmilie déja de ces pédans impies. Ser-mo eoruin ut canccr serpit. J’eüs done a Beller unnbsp;long entrelien avec Ie plus bóurru et Ie plus impudent des incrédules. A peine éilons-nous a table,nbsp;que son déisme éclala avec tant de fureur contrenbsp;Ie Christianisme , que je doiitai quelque teiiis s’ilnbsp;falloit lui répondre. Je priai Ie General et Ie P. Supérieur de lui laisser Ie tems et la liberté de toutnbsp;dire. Je lui obtins même du General, la permissionnbsp;de proposer, a ce qu’il disoit, tin terrible argument. Si on la lui avoit ref'usde , il auroit cru avoirnbsp;du supprimer une merveille, et quelques atiditeursnbsp;auroient pu Ie croire comme lui. Lorsqu’il fut las denbsp;liai'anguer sans être interrompu, je repris son discours a voix basse et d’un air fort négligé. La mo-destie et la tranquillité sont des gages de la victoirenbsp;tons'iU ex-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ces sortes de combats. L’enthousiasme gate

j)ers mole ruit nbsp;nbsp;nbsp;3^53] remarquéque les réponses les moins

sud; nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;!nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. Jnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-n

P'im tentperafam etudiees et les plus simples sont les meilleures en dt quoquepro- pareil cas. Ponite in cordibus 2gt;.esfris, non preeme-

fiirnajus, lIoR- « et en reculant d’un pas a chacpie troisieme pas. II fut )) question de trouver un homme assez vigourenx pour en-)) trepreiidre Ie voyage, et assez patient pour reculer d’unnbsp;)) pas sur trois. Un habitant dc Vcrbcrics , bourg de Pi-» cardie , se presenta, et promit d’accoinplir scnqiuleuse-)) inentte vtcu. Iliercmplit avec unc exactitude dont Janbsp;)) Reine fut persuadée par des perquisitions. Ce bourgeoisnbsp;» quiétoitmareband de profession, regut une bonne sommenbsp;» en conse'quence , et fut annobli ». {Note tirie du Biet.nbsp;f^éogr. de l’Auteur'^.

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( )

(Ilian qucmadmodüm respondealis. Ego cnim dabo vohis os et sapientiam cui non potcrunt resistere etc.

Luc. , C. 21. Infanüuin linguasJ'acis esse diserias.

L’analyse cjue je fis, fut courte ainsi que mes réponses 5 Ie Seigneur daigna me bénir et m’éclai-rer particuliércment en cette rencontre. Mon pédant ne dit aulre chose , sinon que j’étois inalin;nbsp;que je savois donner un tour adroit a ce que je disais ; que f étois un vrai Francois ; qu’on Ie voyoitnbsp;en tout; que f eusscla bonté dedéclincr mon nom etc.

Je répondis a tout ce!a par une inclination , et

mon nom ne fut pas révélé. Ce champion de l’in-

crédulitéay'antdit qu’iln’étoitpas surprenant qu’un

Jésuite défendit Ie Christianisme et 1’Eglise, Cicero

pro domo sud ; je lui fis voir que c'étoit plutót

Cicero contra domuiif suam ; mon exil appuyoit

mes preuves. Si Ie Christianisme est faux , les bons

Religieux ainsi que tous les vrais Chrétiens sont,

comme Ie dit fApótre , les plus malheureux des

hommes. Si in hdc laniüm vitd in Christo sperantes i. Cor.,C. iS.

sumus , miserabiliores siimus omnibus hominibus.

C’est Ie premier impie que j’aie vu se declarer avec autant de hardiesse dans une compagnie sinbsp;chrétienne. Ces Messieurs s’enveloppent oi dinaire-ment, et ne font voir que quelques rameaux denbsp;leurs systèmes ; ils en cachent les conséquences ,nbsp;et tandis que Ie Luthérien, l’Arien, Ie Mahometannbsp;nvoue sa croyance \ Ie Déiste ou 1’Athée n'ose declarer la sienne. Uimpie a dit dans son coeur : II Ihxitimpiusin.

n’est point de Dieu : il Fa osé Ie dire de bouche .

. nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;/ est Deus, Ore non

^joute S. Augustin , tant sa pensée est in fame.11 suit lt;msii.s est dicpre,

est. Au o.

eet avis d'Horacc ;

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(^48)

. . jjaeros coram populo Medea trucidet,

jdiit humanapalam coquat exta nefarius ^treus.

Quodcumque ostendis mihi sic, incredulus odi.

Art. poet.

Indignantur enim quihus est equus , et pater et res.

ibid.

Le 23 et Ie 23 il fallut encore diner chez Ie f;énéral : il me fit voir de beanx minéraux de ci-nabre et d’argent, une grande quantité de mer-t ure etc. , qu’il tire de ses mines ; et la fleur dunbsp;mercure qui découle des minéraux avant Tactionnbsp;du feu. Ce fut cliez lui que je vis pour la premierenbsp;fois de la monnoie de Moscovie. J’y vis aussi unnbsp;pigmée , mais beaucoup plus grand et plus massitnbsp;que celui de Stanislas , et que celui que j’avois vunbsp;A Luxembourg en 1^54 (i) il peut avoir 3 pieds jnbsp;il est agé de 5o ans.

Le 24 je revins a Karalya; et le lenderaain après avoir chanté la Messe en Ia place du Curé qui étoitnbsp;malade (2) , je montai au chateau de Krasnahorka.nbsp;La raontagne sur laquelle il est situé , est grande ;nbsp;elle n est toute entiere qu’une piece de marbre,nbsp;ct d’un beau marbre granit , la plupart blanc etnbsp;rouge. L'architecture de ce chateau est la plus ab-

(i) J’cn ai parlé au commencement de eet Itinciairc.

(3) C’est la seule église que j’aie vue en ITongric .saus orgiie, paree qu’il venoit d’etre de'tniit par uu incendie.nbsp;Lesorgues sont TU:ce.ssaires enHongr-ie, p.arceque le plaiu-cliant V est presque par-tout ignore : Torgani.ste cliantcnbsp;comme il lui plait. ou plutót comme il plait a Torgue; carnbsp;il tiiclie d’accorder son chant avec ce qu’il fait jouer.nbsp;L’orgue releve ])ourlant ce pauvre chant, sans quoi j«nbsp;n’amois guere pu tenir a TAutel.

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( 2^9 .

Horat.

suMe qu’on puisse imaginer; Dédaie n'en trouveroit jamais Tissue. On y voit i3 k i4nbsp;pieces de canon. Les peintures et les inscriptionsnbsp;Tont voir Theureuse simplicité dans laquelle vi-voient les Magnats Hongrois il iTy a que dix ounbsp;vingt ans. Damnosa quid non imminuit dies ! Lesnbsp;Hongrois ne connoissoient guere ci-devantles aisesnbsp;et les commodités de la vie, encore moins la splendour des edifices 5 je n’ai vu dans ces canlons ninbsp;portes, ni lils qui lussent proportionnés k Thomme.nbsp;II faut se réhécir et s’apetisser nuit et jour, lorsnbsp;même qu’on n’est pas grand.

Ce même jour je fus de retour dans mon ai-mable hermitage de Demo, oü je serai quelque tems seul avec mes livres et mes papiers. II n’y anbsp;personne dans tout Ie village aqui je puisseparler,nbsp;excepté la femme du Hafdeihler qui sait un peunbsp;d’allemand. J'aime eet état par la même raison quinbsp;me dégoüte de la conversation des hommes. J'é-crivis aussi-tót au P. J^aradi mon ancien ami ,nbsp;pour reraercier les PP. de Jdosnau, des auiitiésnbsp;quils m’ont faites (i).

(I) Comme les PP. de cette province aiment a m’enteiidre réciter des vers, j’e'crivis ceux-ci:

* Psalm. Laudato pueri, sa-piüs Rosnaviw recantatus.

Utpueri , laudo Dominum *sed te quoque noster Laudat amor , quód me Gallis e civibus uninn ,nbsp;Omnibus ejectum regionibus , omnium egenum,nbsp;Mure , domo sociare bonus consenseris ,atquenbsp;De larihus migrare tuis , proprioque cubilinbsp;Ponere proscriptum corpus. Quis talia fandonbsp;Non celebret ? Tiim qua; totiès mild Candida lactisnbsp;Pocula j Cafaeique dabas , ubi.lucifer umbras

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( 35o ) ces contr

et dès-lors lort officieux, ce qui me ren-

Voycz Cfquot; nbsp;nbsp;nbsp;Les ha])itans de ces contrées sont la plupart

Jlous avons dit ci-

dei^ant

lesililTéreiitesna- [iroit ce séjour fort agréable , si ie pouvois leur

tionsqnihalntcnt nbsp;nbsp;nbsp;n •nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;»nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i n' •

laHongrie. palier, lls aimcnt lös Fretres et les Keligieux : ils sont plus pieux quc les Hongrois proprement dits ,nbsp;et n’oiit pas l'horrible coutume de blasphemer Ienbsp;saint nom de Dieu , laquelle est extrêmement en-racinée chez les Hongrois. Je n’aime pas a voyagernbsp;avec ceux-ci, lors mème qu'ils me prennentnbsp;par amitié, a cause des blasphemes horribles qu’ilnbsp;faut entendre. Les Hongrois sont véhémens et ou-irés dans toutes leurs expressions. Les choses lesnbsp;plus ordinaires sont ad horrorcm , ad horripilatio-

Terfuerat, radiisque novis solpinxerat orhein, ?

* R. P. Reet.

* De Testhno-vio Josephi ocris fUsputatio, at om-nis irw, o fjènsce-qne aut ir.juruenbsp;expers. Sed oin^nbsp;nes disputationesnbsp;jam- nauseo , etnbsp;pot LUS omnia con-redo.

Tres amahiles eorivLcfores Szeut

* Renooatio vo^ 'lorum.

Quam mea depinxit non uno munere vaster Pectora supperior * , maneo qui nomine tantumnbsp;Pimidium Recti , Rectum sed rs tenet omne.

Sit Patribus studium notum , mea nota voluntas Omnibus : et Patri Kovacs spondere mementonbsp;JSlon allo postliac rapido certamine pacisnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.

Fcedera corrumpenda * ; nee inter hilaria Bacchi Pocula Tisiphonem mixturam jurgia linguce ,nbsp;Quamuis innocua , et doctis illustria rebus :

Ante Ararim Parlhus j hihet aut Ocrma7iia Tigvim.

Sunt niiliF sunt etiam tua dulciapignora cordi, Pignora hina * , sed imprimis tua maxima cura ,nbsp;Pojsque mece queedam , si vis , Antonius... ocionbsp;Post soles f ni fortè octo labantur et octonbsp;Ex casu , me riirsüm haheaX Rosnavia civemnbsp;Gaudentem , vel dispeream. Sic nü placet illenbsp;Ante alios omnes locus. Hw , sinile hüc mea vota *nbsp;A Gallis damnata feram. Sine denique nohis ,nbsp;Ibadislae ^ tuo nonnulla inpectore pars sit.

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( aSi )

nem. Horrendh me amat, c’est-a-clire , beaucoup, Taiiaricè , diabolicè vastarc , c’est gronder ou trapper légérement. Quid Tartarorum ? Diabolica ip~nbsp;sius mater etc., sont des expressions exlrêinementnbsp;fréquentes. Un Gure des environs de la Theiss menbsp;louant un jour son cheval, dit je ne sais combiennbsp;de fois : Diabolica ipsius mater. II y a de ces blasphemes que l'enfer seul peut avoir composes, ounbsp;1'impureté et la rage centre Ie Ciel se disputent hnbsp;qui aura Ie dessiis, Deus judex Justus, fortis etnbsp;patiens ; numquid irascitur per singulos dies ?

Un célebre Cordelier de Misfcolcs, mort depuis peu en odeur de sainteté, avoit coutuine de des-eendre de la voiture, quand il entendoit ces horreurs , et de prier quelque tems a genoux. Un journbsp;en seigneur lui dit : « Mon Pere, si vous descen-» dez autant de fois que vous m’entendrez blas-» phémer , nous n’arriverons pas alijourd’hui anbsp;» Miskolcs n.

Les Cordeliers ont un College a Miskolcs, bourg considerable oü j’ai été , et qui est a 8 lieues denbsp;Monoc •, Ie P. dont je viens de rapporler Ie traitnbsp;ci-dessus étoit de cette Maison, et s’app.elle Kele -men. On dit que son corps est encore entier anbsp;Miskolcs : on travaille ii sa canonisation. Mr. Fay,nbsp;*ioble Hongrois et frere du Jésuite de ce nom ,nbsp;gt;T^ort dans les prisons de Portugal a , depuis peunbsp;lait serment avec cinq autrespersonnes, qu'un journbsp;d avoit vu un globe de feu fort éclatant sous unnbsp;arbre a une distance considerable.de sa maison,nbsp;cl que s’y étant fransporté aussi-tot en carrosse , ünbsp;y avoit trouvé Ie P. Kelemen en priere, et que

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pour lors le globe avoit disparu. Ce pbenomene a pu être naturel, mais les circonstances le rendent

bien reraarquable.....Saint Gregoire s’etant caclié

pour n’être point placé sur le trone pontifical, 1'ut decouvert par Tapparition d’nn globe de feu. Sul-pice-Severe rapporte que la tête de S. Martin anbsp;paru brillante d’un globe de feu. Voyez 1'Ouvragenbsp;de Zeinzcr sur des météores de ce genre , et lenbsp;Journ. hist, etlitt., i5Nov. 1782 , pag. 4fifi*

Le 3 Février je fus encore a Bosnau ; le 5 j'y renouvellai mes voeux de Religion , et le 10 je fusnbsp;de retour a Demo.

Le 15 et le 16, je passai le carnaval a Varalya, cliez Tadministrateur du Comte Andrassy. C’estnbsp;la seule fois que j’aie fait une course en traineaunbsp;cette année. II n’y avoit presque plus de neige, etnbsp;Ton pourroit a peu-près aller de cette sorte en.nbsp;traineau k la S. Jean 5 mais c’est la A'^oiture chérienbsp;des Hongrois.

J’ai remarque durant ces petits voyages , com-bien les Hongrois agissoient simplement, sincé-rement et sans aucune ostentation d’amitié , sans empressement etc. Tel homme qui ne vous regar-dera pas seulement lorsque vous entrez chez lui,nbsp;ou qui vousdira fioidement de vous asseoir, sansnbsp;toucher son bonnet, vous donnera un diner ma-gnifique, et vous remerciera bien sincerement denbsp;I’avoir acceptej quod se humiliaverit (il est vrainbsp;quit faut s'humiliare pour entrer chez eus); il vousnbsp;remerciera, dis-je, et cela les larmes aux yeux, ounbsp;bien A'isiblement le cceur sur les levres. Cela vautnbsp;bien nos raffinemens , nos affectations, nos révé-

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rences cadencées, nos protestations plelnes de du-plicité et de mensonge. Avant.de connoitre cette qualité des Hongrois, j’étois souvent fort mal knbsp;mon aise , et m’imaginois mille liistoires dont j’ainbsp;ri ensuite.

Le 19 Février , je revins de Demo a Monoc.

Arrivés a Bakatza, nous y passames la plus mau-Vaise nuit qu’on puisse passer. Nous vinmes ensuite a Vcndegy, oü les juges du Comlé de T.orna étoient assemblés, et tenoient leur séance dans unenbsp;pauvre cabane. lis eurent une avidité extreme denbsp;me voir et de me parler •. ils m’interrogerent surnbsp;une infinité de points. II y avoit parmi eux unnbsp;Calviniste, fiscal du Prince Esterhazy, qui savoitnbsp;Un peu de francois. On me paria de Fehronius,nbsp;de VEsprit des Loix, des Lettres Persanes etc.

Toutes ces pestes sont déjk connues enHongrie , et ces Messieurs les avoient lues. ün autre livrenbsp;a la mode dans ces pays-ci, -c’est Bélisaire, dontnbsp;il n’y a néanmolns que le quinzieme Chapitrenbsp;qui soit mauvais et infecté de I’indifierentisme,

Voyez le jugement de Fróron sur tout l’ouvrage, ann. litt., zj68, ri°. i. — J’ai trouvé depuis aunbsp;Grand-Waradin le livre de \Esprit avec des notesnbsp;de Godscbeden pires que l’ouvrage qu’elles expli-quent, Leipsig, lySo , et en Transylvanie , lesnbsp;Matinees du Hoi de Prusse ; la Philosophie du bonnbsp;*ens etc. Serino eorum ut cancer serpit.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Clef da Cabl-

Le 26 Février, je partis de nouveau de Monoc avec le pere de mon éleve. Les neiges étoientnbsp;Lautes , et nous fimes en traineau le plus rapidenbsp;des voyages. Etant partis k 6 heures de Monoc,

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nous lümes renJus avant une heure h Derno. II y a 30 lieues d’un endroit a I'autie: nous cliangeamesnbsp;qua're Ibis de clievaux. A Szentiakab nous pen-sames périr au pont Ie traineau en avoit dépassénbsp;Ie bord, el nous nous crümes perdus, ainsi que lesnbsp;paysans qui nous regardoient. Mais la force dunbsp;mouvement horizontal, et la forme du traineaunbsp;qui se terminoit en pointe , nous relirerent desnbsp;bras de la mort. Mon Comte qui prétendoit ne rieiinbsp;craindre, ne cessa de me répéter cette aventure.

II me fit reniarquer en chemin la vallée que S. Ladislas, poursuivant les Tartares, doit avoirnbsp;franchie d’un saut. On dit qu’on voit encore marqués sur Ie roe de la montagne opposée les vestigesnbsp;des pieds de son cheval {1). D’autres disent que ,nbsp;poursuivi par les Tartares , il leur échappa par Ienbsp;moyen de ce vallon qui se forma en un instantnbsp;par la rupture de cette montagne.

Le 1®’'. Mars, nous allames diner a Varalya, après quoi nous montames au chateau de Krasna-horka. Le Comte y a une bibliotheque très-richenbsp;pour ces cantons. J’y trouvai plusieurs livres fran-j^ois, enlr’autres un ouvrage très-curieux et très-hardi, les Amours de Zéokinuzul, Roi des Kofi-rans. Je n’aurois jamais cru qu’on osat imprimernbsp;un pared ouvrage sous les yeux du Prince, dontnbsp;on décele les foiblesses. II est dit que ces anecdotesnbsp;sont tirées des écrits de Mr. Crébillon. Si cela est

1

Voyez au-dessus du village de Couillet, prés Charleroi, ce qu’oii nomme le pied oii le pas Bayard : c’est cxactement le pendant de cette liistoire. [Note de l’Jidi-teur).

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( a55 )

vrai, on ne peut altrilnier qu a Téditeur les calom-nies , les impiétés, les contradictions maniCestes. dont ce livre est rempli; par exemple, dans lanbsp;même page (43) , les Francois souhaitent et de-testent Tintrigue du Roi avec une peisonne de lanbsp;Pour.

Le vrai est, que Crébillon flls , auteur de Tan-zai^ du Sopha et de quelcjues autres romans las-cifs et impies, est auteur de Zéokinuzul. L’auteur des Ttois Sledes lui altribue aussi les Lettres de lanbsp;Marquise de Pompadour. Mais que dire des lettresnbsp;de plusieurs seigneurs encore vivans, cju’on vientnbsp;d’ajouter dans une nouvelle édition , qui sont desnbsp;réponses a celles de la Marquise, ou des lettresnbsp;auxquelles la Marquise répond 7 Elles sont égale-ment fabriquées, — Mort de Crébillon, Journ.nbsp;hist. et litt., i5 Mai 1777 , pag. i56.

Je vis aussi au chateau plusieurs curiosilés; une piece minerale d’or pur, et un grand champignon Uttér., i5 Aoittnbsp;exactemeiit pétrifié.

Le 3 de Mars, comnie le tems nous pai'oissoit long a Demo j j’allai h Krasnahorka, prendre desnbsp;chambres obscures, des microscopes , des miroirsnbsp;ardens , des phosphores. Je me faisois une fète denbsp;voir briller la pierre de Boulogne, mais nous nenbsp;pümes réussir : il faut qu’elle ait été mal préparée.

J’ai eu depuis ce plaisir k Boulogne. — Le 6 , je ^us a Rosnaii, d’ou je revins le 7, avec le Vicomtenbsp;de la province Mariassy, célebre dans ces contréesnbsp;par son zele pour la Religion Calholique, et par sanbsp;Pieté exemplaire. Nous continuames k nous amusernbsp;de nos expériences jusqu’au lo. Nous partimes ce

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j.our-la après midi pour Monoc , et nous éprou-varaes un froid terrible et bien extraordinaire en cede saison : un bon vin de Hongrie fut gelé dansnbsp;la voiture.

Le i3 Mars, je me rendis a Miskolcs, pour y voir le Provincial des Cordeliers ; j’avois vu cenbsp;Perea Monoc : il est savant et très-judicieux. IInbsp;me prit grandement en aaiitié dès le premier journbsp;que nous nous vimes.

Le i8, j’allai k Tallia, bourg considerable et renommé par son bon vin de Tokai. On racontenbsp;que le défunt Pontife Benoit XIV, goütant le vinnbsp;de Tallia, que l’Empereur lui avoit envoyé, dit:nbsp;Summum Pontijicem talia pina decent.

Le 22, je vis la soie que Ion cueille sur certains arbres du pays. Elle se file difficilement, paree qu’elle est fort courte j nous y mêlames dunbsp;lin pour y réussir.

Le 23 , je fis connoissance avec le Comte Bar-Tcocsi. C’est un bon Hongrois du vieux tems , fort éloigné des frivolités dont les seigneurs Hongroisnbsp;commencent k s’occuper.

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VOYAGE EN TRANSYLVANIE.

68.


17


«J 'ai fait ce voyage pour aller voir Bistritz Ie Comie A'Ybarra, Ie meilleur anii cjue j’aie dans cesnbsp;pays-ci.

Je partis de Monoc Ie a8 Mars avec les équipages de mon Gorate, qüe je renvoyai dès que les chevaux furent fatigues. Je ne sais si a mon départnbsp;des Pays-Bas , j’y ai remarqué plus de sensibililénbsp;que dans la maison de ce bon Seigneur Hongrois.nbsp;Les uns pleuroient, les aiitres n'osoient paroiire ,nbsp;d’autres m’embrassdient 5 enfin au moment du départ , la voiture allant déjk, on y montoit encorenbsp;pour me baiser les mains et les habits. Le Chiis-tianisme ne défend pas d'etre sensible a ces demonstrations d’affection. L’amitié des hommes estnbsp;un don du Giet; fhumanité en recommande I’es^-time et en soutient le prix. Je ne sais même si lenbsp;philosophe peut tirer des choses humaines une joienbsp;plus pure et une plus noble satisfaction que celle-ci. II ne s’agit au reste que des braves gens; lesnbsp;autres sont incapables d’amitié et d’attachement,

J’arrivai h Cassovie a 4 heures , après avoir change trois fois de chevaux. Je fus aussi-lót voij?nbsp;le Gomte Dory , mais je pris logement au college :nbsp;c’étoit le lundi de la semaine sainte. Je m’arrêtainbsp;huit jours dans cette ville , tant pour me faire ha-biller , que pour être l’aumónier des Francois quinbsp;y sont mêlés parmi la garnison. -r- Le Recteur dunbsp;college de Cassovie est l’homme de toute la HpWt:

Tom. J. nbsp;nbsp;nbsp;R,

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giie auquel j'aile plus tVobligation. Cestunhomme apostolique, confesseur célebre, aml de la vraicnbsp;pénitence , ainsi qiie Ie P. Henler, misslonnairenbsp;de Cassovie. — J’ai yu ehez Ie sous-principal desnbsp;pensionnaires , une belle collection decoquillages ,nbsp;de petits animaux de mer, d'oiseaux , de plantes ,nbsp;de bois etc. II y avoit une écrevisse fort singuliere:nbsp;jen ai mangé depuis de semblables a Sinigaglianbsp;en Italië.

Le 29, j’allai voir l’église paroissiale, qui est très-belle en dedans comme en dehors. Elle a unnbsp;bel escalier double, semblable ^ celui qu’on voitnbsp;a S. Jacques a Liege. — Je vis le mème jour lenbsp;moulin k poudre; et, quoique j’eusse eu plusieursnbsp;occasions de le voir, je m’instruisis pour la premiere fois des opérations de cette machine.

Le luncli de Paques, je partis par Ia poste pour Tokai, OU je ne pus arriver ce jour-laj je fusnbsp;cbligé de loger a Békecs. Un des officiers du Comtenbsp;arriva a une heure de nuit k Békecs, m’apportantnbsp;des pommes centre la soif et la poussiere. Qu’onnbsp;juge de Ik jnsqu’ou vont l’attention et Ie bon coeurnbsp;de ces bons Pannoniens. Le lendemain ayant repris la poste a Szerencs, j’arrivai avant midi anbsp;Tokai, que je vis encore avecplaisir sur ma route.

Tokai n’est qu’un bourg situé au confluent du Bodrog et de la Theiss. II y avoit un chateau quinbsp;n’existe plus. Je descendis chez les Piaristes, quinbsp;y ont une très-pauvre residence. Après le diner jenbsp;pris un guide pour monter sur le lameux montnbsp;Tokai. J’employai prés de deux heures a y monter, me reposant de tems en tems. Les vignobles

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( aSg )

Hé s’étendent pas jusqu’au sonimet; les meilleurs sont au bas de la montagne. J’ai encore remarquénbsp;ici combien il esl vrai, que les bonnes terres s’é-boulent aisémeiit. Cette montagne borne la grandenbsp;plaine de la Theiss , et a de tous cotés la vue lanbsp;plus élendue et la plus magnifique. De la je dé-couvrois Tolna , Liska ^ Koresthur , Tarisal,

Mad, Szereiics, Szanto , bourgs renommés par leurs vins excellens de Tokai j Cassaw k 22 lieuesnbsp;de la, Dehrcczin a i5 : une infinite de bourgs etnbsp;de villages apparoissent aux yeux du spectateur,nbsp;lorsque Ie terns est serein. Qu’un tel coup-d’oeilnbsp;enfante de grandes idéés, et fournit un alimentnbsp;exquis aux pensees d’un philosopbe ! Ascende ca~nbsp;cumen Phasgce, et oculos tuos circuinfer ad occi-dentem et ad aquilonem , austruinque et orientcm ,nbsp;et aspice. Deuter. 3, f.

Continuant d’aller en poste , j’arrivav Ie lende-inain a Nanas vers midi , puis a Boszoimcny.

Sagesscde eet te mesure, Journ.nbsp;hist, et litt, , i5

Lil, je ne trouvai ni cheval, ni caleche, ni postillon. La ville est calviniste , mais Ie Magistral me re9ut bieii et me fit conduire k Debreczin, oü jenbsp;fïis rendu avant Ie soiv. Adebreczin est la plus grandenbsp;ville de la Hongrie, la Geneve de ce Royaume etnbsp;la Rome des Calvinistes. La Cour vient d’ordonnernbsp;néanmoins que Ie tiers de la magistrature sei’a Ca-tholique; j’en ai trouvé Ie diplome chez l’Evêque dunbsp;(drand-Waradin. Cette ville, a laquelle on donnenbsp;ï 00,000 babitans , n'en a pas 10,000. Batie k la 1779, pagnbsp;ohinoise, elle peut servir de regie dans Ie calcul ^92-'lp la population de Kanton et de Pekin 5 elle peutnbsp;'lonner une idee de Ninive, de Babylone, de Per-

R 2

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( aGo )

sepolls. Si ces villes avoient quelques palais superbes , Ie reste n’en étoit pas moins des villages entourés de murs. C’est ainsi que daus nos villes ilnbsp;y avoit des cathédrales sqperbes , des hótels-de-ville et des palais , tandis qu’on n’y trouvoit pasnbsp;une bonne maison, — A Debreczin, les clercs cal-vinistes portent de longues robes bleues. II y anbsp;aussi dans cette ville plusieurs inaisons iurques ,nbsp;sans fenêtres du cóté de la rue. II s’y trouve unenbsp;Maison deFranciscains et une dePiaristesjle nom-bre des habitans Catholiques y est fort petit rela-tivement a celui des sectaires.

Ces Messieurs se plaignenf sans cesse qu’on les persécute , qu’on ne leur laisse pas toute la liberlénbsp;qu’ils voudroient. Mais Calvin n’a-t-il pas composénbsp;un traité pour prouver qu’on peut faire mourir lesnbsp;hérétiques? Pourquoi fit-il mourir Servet ? Que nenbsp;feroienl-ils pas des Catholiques, s’ils en étoient les,nbsp;maitres? Que n’ont-ils pas fait en France , en Hon-grie etc. 7 L’Evèque ^Eiiau, Esterhazy, voyantnbsp;plusieurs piédestaux dans féglise des Calvinistes,nbsp;demanda ce qu’il y avoit eu la-dessus. Ils répon-dirent : DesJigures (c’est Ie mot dont ils se ser-vent toujours en parlant des Images). L’Evêquenbsp;reprit : Pourquoi honorez-vous dans l’Eucliaristienbsp;la figure du Sauveur plutót que dans son Image.nbsp;JRemarquant ensuite quelques pierres sépulcralesnbsp;antérieures au Calvinisme, il se mit a genoux des-*Beaupassage, SUS, et pria poui' ces morts Catholiques Lesnbsp;Joam.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ministi'es, soit Calvinistes , soit Luthcriens, sont

1790, pag. 357. si ignorans , quils ne sauroient prêcher que ce qu’ils ont écrit. Si Ie papier tombe, ils ne sauroient

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()

plus dire Ie mot. De Ik Ie proverbe : Si charta ca~ dit, iota scientia vadit.

J’allai voir Mr. Fay, frere du Jesuile qui souf-frit si long-terns dans les prisons de Lisbonne. Carvalho I’avoit dit mort, lorsque Marie-Therese le réclama avec ses autres sujets, II sorlit de prisonnbsp;en I'j'j'j : Marie-Thérese fit les fraix de son relournbsp;en sa patrie.

M’etant repose un jour chez les Piaristes, dont le supérieur nommé Kemigius Temliny , me requtnbsp;fort bien , je partis a minuit avec la poste ordinaire. J’étois incommode, il pleuvoit, ma calechenbsp;étoit sans abri; j'approchois des Valaques et desnbsp;ixiontagnes horribles de la Transylvanie. L’inquié-tude voulut s’emparer de mon coeur 5 j’étois seul,nbsp;ne sachant ni le valaque, ni le hongrois, ni le sla-von, qui d'ailleurs n’est plus guere d’usage dansnbsp;ces cantons. Je crus que la Providence avoit as-signé ces landes stériles et les cases de ces pauvresnbsp;Valaques aux derniers jours de mon existence ter-restre. J’eus 1’avantage de ne pas me trouver fortnbsp;troubléde cetteidée, et j’auroismieux aimé mourirnbsp;la qu’ailléurs. Si j’avois continué d’aller en postenbsp;nuit et jour sans boire ni manger (car je ne pulsnbsp;me résoudre a porter avec moi aucune provision),nbsp;exposé au vent , au froid , k la pluie etc., il estnbsp;apparent que les Valaques m’eussent enterré. Maisnbsp;peu importe oir Ton périsse, ou Ton soit enterré.nbsp;Que m’importe, disoit Ie sage Théodore , que jenbsp;pourrisse dans les entrailles de la terre ou au-dessus de sa surface ? Etre mangé des chiens ,nbsp;n’est-ce pas la plus heureuse sepulture des Tar ¦

R 3

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( 202 )

tares7 Et les loix de la Bactriane ne répulent-elles pas très-heureux celui dont les Taulours ont manganbsp;Ie cadavre? Que ceci cependant soit dit sans con-séquence et comme une sortc de plaisanterie; carnbsp;comme je l’ai dit souvent et tres a\i long allleurs ,nbsp;rien de plus naturel ni de plus raisonnable que Ienbsp;soin de sa sépulture,

Mais dans Tétrange position oü je me trouvois alors , admirons la Providence ! A Hossu-Palj,nbsp;la poste se partage : Tune va vers Clausenhourg,nbsp;l’autre au Grand-Waradin. L’erreur du maitre denbsp;postes me fit aller au Grand-Waradin, oü je menbsp;trouvai cliez nos Peres , qui me ravitaillerent aunbsp;mieux, et me recurent avec une charité inexplicable. Le Baron de Patachich (on prononce Pata-chitz) , Evêque du Diocese, ensuite Archevêquenbsp;de Colocza; le Comte Kollonics (prononcez Kollo-nilsch) , Grand-Prévót du Chapitre, depuis Evêquenbsp;de Transylvanie ; Mgr. Alapi, Evêque de Dul-Cigna (*) , voulurent partager cette charité. Ilsnbsp;m’arrêterent plusieurs jours j je dinai chez eux;nbsp;j’avois des c'arrosses a mon service etc. Peu s’ennbsp;est tallu que je ne restasse accroché pour toujoursnbsp;chez l’Evmque. Ce Prélat eut avec moi une conférence de deux heures dans sa bibliotheque, quinbsp;est belle et riche. Je passai aussi. avec Elle troisnbsp;heures, a un concert charmant. La musique denbsp;l’Evêque est superbe j j’en ai peu enlendu de mieuxnbsp;iburnie. La même et a cette occasion , un plaisant

C) Dulcigna est uneville da la Haute-Alhanie, oü sont ifs plus türieux piiates,

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( 2f).l

falsant allusion anx systêmes de quelques-uns de nos pliilosophes, deuiaiida pourquoi les chevauxnbsp;ne faisoient point une pareille musique ? La question revint durant Ie soupé. Je répondis avec Helvétius , qu’il leur manquoit une main avec cinqnbsp;doigts. Mais pourquoi Ie papio , Ie singe , Ie castornbsp;n’en font-ils pas? Toute l’assemblée prit plaisir htnbsp;ridiculiser Ie philosophe fran9ois. — Le Grand-Prévót me rendit la visite que Je lui avois faite;nbsp;et, pour finir , je partis du Grand-TVaradin plusnbsp;confus que content. Je n’avois jamais rien vu denbsp;pareil en fait d’humanité, de politesse et de bonnbsp;coeur, et je croyois éprouver les illusions d’un en-chantement. Le Seigneur m’envo)'oit ce petit bon-heur, pour me préparer aux maux qui m’atten-doient au dela.

Le Grand-Waradin est une ville très-vaste : elle a, outre le Chapitre , des Prémontrés , des Capu-cins,desPaulinSjdes Trinitaires,des FF. de IaMi-séricorde, des Jésuites. La citadelle est un penta-gone, qui ne peut guere être attaqué que du coté denbsp;la ville, oü il y a un ravelin, deux lunettes, unnbsp;bon chemin couvert, revêtu de briques. On voitnbsp;sur la porte , plusieurs figures turques, avec lenbsp;buste du Bacha commandant. — Les Valaques unisnbsp;ont aussi dans cette ville leur Evêque , Suflragantnbsp;de l’Evêque latin.

On voit au Grand-Waradin une espece de han-netons , qui purgent fair de toute infection. Lors-fiue ces insectes ne paroissent pas, fair est mal-sam et les maladies regnent; ma cbambre en étoit pleine. Les grands serpens et les monstres veni-

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tloyah

poet-.

art.

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liieux existent dans les pays chauds et mal-sains. Toxici magneticce bursce. Peut-être que sans euxnbsp;les bords du Maragnon et de I’Orenoque seroientnbsp;inhabitables.

On vouloit encore me retenir au TVaradin. Jn-vitum qui serval, idem facit occidenti. J’en partis malgre tout, le i5 Avril, resolu de jeuner et denbsp;veiller. J eus encore le bonbeur d’arriver pour lanbsp;nuit cbez un noble qui me traita bien. Cetoit anbsp;Elées, derniere station de la Hongrie , vers lanbsp;Valachie Cisalpine. En arrivant, je vis un hommenbsp;venir au-devant de moi avec un empressementnbsp;extréme. Les larmes aux yeux, et les sanglots in-terrompant ses paroles , il me conduit dans sanbsp;maison. Au milieu d’une salie assez belle pournbsp;cette contréé, je vois son fils mort étendu sur unenbsp;pierre ou biere (*). C’étoit un bel enfant de i3

O PrcEclsa est velut a texente vita mea : dum adhiic crdirer succidit me. Isaias, C. 38. Quasi Jlos egrediturnbsp;et conteritur. Job, G. 14.

Impositique rogis juvenes ante ora parentum... Infantumque animas stantes in littore primo,nbsp;Quos dulcis vitcB exsortes et ah uhere raptosnbsp;jdhstulit atra dies , et fanere mersit cicerbo.

Kibo. , iEneid w.

Quatem virgines demessum pollice ftorem ,

Ceu mollis violw vel purpurei hyacinthi ,

Cut neguefulgor ad/titc , necdutnsuafomiarecessit; Nee jam mater alit tellus, viresque ministrat.

Vino.

Telle une jeune fleur, qu’un matin voit eclore,

Des baisers du zepbir, et des pleurs de I’anrore, Brille un moment aux yeux, et tombe avant le ternsnbsp;Sous le Irancbant du fer, ou sous 1’efibrt des vents»

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( 7.65 )

ans, écolier au Grancl-Waradin. Je voulus cun'* soler ce bon pere 5 mais ayant considéré ce pauvrenbsp;enfant, et voyant dans son destin celui de tous lesnbsp;liumains , et 1’inexorabililé de la mort, plus sensible encore dans une jeune victime, je pleurainbsp;avec Ie pere : j’assistai Ie jour suivant k 1’enterre-ment et aux obseques de eet enfant cliéri, Ils’ap-pelloit Charles Locs. Les Hongrois ont dans cesnbsp;cantons-la ^ un rit assez calvinien a leurs enterre-mens , et des cljansons sans fin. En général lesnbsp;Hongrois sont rarement enterrés dans les églises.

J’approuve cela, quoique je ne veuille pas blamer l’usage contraire:pareeque,commeditMr.Fleury,

» on atoujours eu grande devotion k se faire en- Mceursdescliré-gt;¦gt; terrer prés des Martj^rs; et c’est ce qui a enfin nbsp;nbsp;nbsp;^

)gt; attiré tant de sepultures dans les églises. La vé-)) nération des reliques et la croyance distincte de » la résurrection , ont elfacé parmi les Chretiens

n 1’horreur que les anciens , même les Israelites , ,, Joe*™, hist, et ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;/*H.,iDéc. 1775,

n avoient des corps morts )). nbsp;nbsp;nbsp;pag. 85^.

J'allai Ie même jour voir une maison de Zi-geiner. L’art étoit d’y entrer et d’y voir clair. Leur métier est foisiveté et Ie vol : plusieurs vont toutnbsp;nus , et sont noirs comme les mores, les yeuxnbsp;tort blancs, la peau lendue et presque luisante.

Ecce qui serviunt ei non sunt stabiles, et in Angelis suis reperit pravitatem ; quanto magis qui habitantnbsp;domos luteas. On dit des Zigeiner, qu’en naissantnbsp;ils savent trois choses , voler, jouer du violon ,nbsp;travailler Ie fer. Ils sont presque tous musiciens etnbsp;serruriers ou maréchaux. Quant au vol, leur extréme pauvreté les y engage. 3Iagnuni pauperiesnbsp;opprobrium jubet quidlibet et facere et pati.

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( a66 )

Le 17 Avril je fus a Barod au lems du diner; inais il ne s’agissoit plus de diner. Le pope, avecnbsp;ses Valaques scliismatiques , tenoit séance au cabaret. Ce pope étoit habillé comine un autre pay-san (i); il buvoit avec Madame la Po-pesse, et futnbsp;bientót aussi ivre que ses paroissiens. II vint aussi-tót me saluer , me montra son église , qui étoitnbsp;horrible , et me dit beaucoup de choses que jenbsp;n’entendois pas. Ces gens admiroient beaucoupnbsp;mon chapelet et ma lorgnette. Le Pope voulutnbsp;faire l’expérience de ma lorgnette, et examinernbsp;ma médaille : je lui dis aussi-tót, par interprete,nbsp;qu’elle étoit de cuivre , craignant qu’il ne me tuatnbsp;dans les ibrêts que j’allois traverser , s’il la croyoitnbsp;dor; car on m’avoit prévenu la-dessus. Mais j’ainbsp;recoiinu ensulte que cette crainte étoit vaine etnbsp;frivole, ainsi que bien d’autres , qu’on avoit tachénbsp;de m’inspirer. Je dois ajouter que Mr. Tokodi,nbsp;inspecteur des biens domaniaux , m'avoit donnénbsp;ses chevaux et un heiduque aux armes impériales,nbsp;ce qui me rendit fort respectable a ces Valaques.

* Be moribus Ce peuple au resfe nest pas si mauvais *; il res-^uL7am''7uprè. nbsp;nbsp;nbsp;^^s Prêtres et la grande Croix que j’ai tou-

item^Journ.hist, joui's attachée au cou , suivant l’usage des PP. de ^784^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;province quand ils sont en voyage. La pau-

Janv. 1785, vreté et la stupidité de ce peuple liennént du pro-

pag. DO.


dige.


II paroit certain que ces Valaques sont une co-

(i) I)’.aiitres popes ont des soutanes noires ou -violettes; quelquefois des paremens rouges, et portent la barbenbsp;longue.

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lonie romaine , aitisi qu’ils Ie discnl. Noïs sentlem Eneur du g»-Romain; nos sumus Romani. Leur langage a beau- ^journal hi^t!'i;t coup de rapport avec ritalien, Ie trancois , Ie la- Janv.nbsp;tin; quelques mots sont les mêmes, bos, vacca etc.

D’autres y ont l’analogie la plus sensible , comme fok,focus', apa, è'aqua-, guitu, ée guUur;fon-tina , de fontaine 5 bonna sara , bon soi?'; Jong,nbsp;en exprimant Ie jugum ; nocte bonna. II senbsp;trouve aussi dans ce langage rapsodique, des motsnbsp;liongrois , allemands , slavons , grecs etc. Leurnbsp;salutation est bonna sanitate. L’accent et ie ton estnbsp;vraiment italien, quoique moins délicat. Le ca-ractere est le grec un peu change , tel qu’il est ennbsp;usage cliez les Rasciens. II y a une imprimerie va-laque a Balasfalaa, en Transylvanie.

L’Evêque d’Arad, schismatique furieux , vient de mourir. II avoit parcouru , travesti en paysan ,nbsp;les pays des Valaques , pour replonger dans lenbsp;schisme ceux qui en étoient sorlis. II osa dire de-vant des Catholiques respectables , qu^il aimoit Journ. hist, et

mieux être Turc , que Catholique Romain. Quel- nbsp;nbsp;nbsp;Avn!,

, nbsp;nbsp;nbsp;, - rnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1778, pag. 58i.

quun lui repondit qu a aimoit peut-etre la po- — i Fév. 1785,

lygamie.

Le 18 Avril a six heiires et demie du matin , nous quittames la Hongrie pour entrer en Tran-sylvanie. Les limites des deux pays sont entrenbsp;d’horribles montagnes , qu’on nomme les Alpes.

Mon cocher n’ayant pas voulu passer le Crisins a ¦Fokete-To, oü j’avois logé, me promena dans lesnbsp;montagnes et les déserts , faisant un détour denbsp;quatre lieues. L’impatience mepritj je dis a mesnbsp;Valaques : Fous m’avez conduit dans ces déserts.

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litt., pag. 210.

pour me tuer. Ce reproche les toucha vivement : le cocher ne paria plus toute la journee; et I’aulrenbsp;me baisa les habits avec les protestations les plusnbsp;vives et les gestes les plus expressifs. Ils me direntnbsp;quV/s avoient aussi une ame; ils fontbien de le dire.nbsp;Un moment auparavant , ce dernier s'étoit misnbsp;Journ. hist, et lentement k genoux a dix pas de moi, me tournantnbsp;K'v. i;85, ]p . pyjg otant son bonnet et le mettant a terrenbsp;ainsi que son baton, une main sur sa poitrine ,nbsp;Sermentetim- I’autre élevée vers le del, il cria avec véhémence ,nbsp;blra chez lerOs-' parla quelque terns en valaque : c’etoit la pro-tiacks.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;vocation de la foudre en cas qu’il me trompat.

Journ, hist» et * nbsp;nbsp;nbsp;• tnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' n »nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;*1. i

litt. I Oct. 1777 j ^ nbsp;nbsp;nbsp;» arrive au passage ou Ion ecnt les noms

pag. 171. nbsp;nbsp;nbsp;de ceux quientrentenTransylvanie, j’aurois voulu

boire du lait 5 mais la femme valaque refusa d’en donner, paree que c’etoit un lundi: ce lundi me ve-noit mal k propos. Mes gens lui dirent que, depuisnbsp;deux jours je n’avois pas mangé. Elle se laissa fle-chir, me donna du lait et des oeufs, et ne voulut pointnbsp;en être payée. Non-seulement les Valaques, maisnbsp;encore les Hongrois , tant Catholiques que Luthe-riens et Cal vinistes, observent des jeunes arbilrairesnbsp;qu’ils ne violent jamais , tandis qu’ils transgressentnbsp;les Commandemens de Dieu , et perséverent dansnbsp;les habitudes les plus détestables. Reliquistis man-data Dei propter traditionem vestram. J’avois prisnbsp;pour queiques jours a mon service un de ces Va-laqnes, autrefois uni, mais redevenu schisma-tique , qui savoit le latin; il voulut s’attacher a moinbsp;pour avoir du pain, pro pane, disoit-il. Ces Valaques admiroient mon chocolat; ils disoient quenbsp;c’étoit de la manne.

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C'est dans ces cantons que j’ai vu pour la premiere fois cles fenêtres , ou inanieres de vitres, fades de vessies de boeufs; au moins je les pi isnbsp;d’abord pour telles : on m’a dit depuis , que cenbsp;n’étoient pas des vessies , mais des enveloppesnbsp;de boyaux. Ces sortes de fenêtres sont communesnbsp;dans ces pays-ci.

Je dormis a Huniade, bourg considerable, chez le Predicant Calviniste , bomme assez savant etnbsp;fort humain. II m’ouvrit aussi-tot son cceur, et menbsp;proposa toutes ses difficultés. Nous parlames denbsp;presque toutes les matieres controversées, avecnbsp;beaucoup de modération , au grand elonnementnbsp;de Madame et de sa Demoiselle , qui avoient tou-jours entend u crier a la hongroise dans ces sortes Reflexion sur lanbsp;d occasions. II blamoit les cérémonies , je lui citai moderation 'dansnbsp;Begeret Scheuchzer. Commeil disoitque du même ccs^isputes, voy.nbsp;bois on faisoit un banc et une statue de Saint, jenbsp;I’assistai en récitant ces mots d’Horace : Olim trun-CUamp; eram Jiculnus e'c. , cum faber incertus scam-num , Jaceretne Priapum , maluit esse Deum etc.

Les Gatholiques connoissent aussi I'usage dubois.

— Parlant deRome paienne, j’affectois d’employer dans le vrai sens les textes de I’Apocalypse , dontnbsp;ils abusent : sur quoi il parut devenir pensif. —

L’universalité de TEglise , dont je tachai de bien parler, sembla le frapper ; il ne dil mot a cela.

Néanmoins il ne pouvoit linir , lors même que nous étions couches (^). J’ai remporté de cede 1

1

On m’avoit dresse un petit lit pres du sien : it ne crssa de via questionner jusqu’a minuit.

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conférence une vive persuasion de la vérilé de ma foi. Salulem ex ïnimïcis nostris, et de manu omniumnbsp;qui oderunt nos.

Le lendemain il m’expédia pour Clausenbourg,, comblé d'amitiés et de proteslations les plus hon-nêtes , et après m’avoir demandé qui étoit monnbsp;pere. Entre Huniade d’oü je partois , et Clausenbourg oü j’allois , on Irouve de pelits cailloux plats,nbsp;qu’on dit être 1’argent des Tartares , pétrifié parnbsp;S. Ladislas; ce sont a ce que j'ai pu juger , desnbsp;coquilles pétrifiées , qu’on appelle operculites ,mai\snbsp;fort endominagées , et réduites au couvercle quinbsp;leur donne le nora A'opercuUtes. Quelques paysansnbsp;iQsap’peWenimoTtnoiedudiahle,com.ra.e ils appellentnbsp;ponts du diahle, les aquediics qui ne leur semblentnbsp;bons a rien, et qu’ils regardent comme des pieges.nbsp;Suivant Gessner , ces cailloux plats sont des héli-ciles; il en explique la nature et l’origine ; il lesnbsp;appelle aussi nwnulanos lapides, et lentes lapideas.nbsp;Bertrand , dans son Dictiomiaire universel des fos-siles, ne paroit pas s’éloigner du sentiment denbsp;Mr. Bourguel, qui regarde les numismales pournbsp;des couvercles de coclytes ou de limacons de mer,nbsp;et de cornes d’ammon : j’aime mieux croire avecnbsp;Spada , que c’est un coquillage bivalve. L’in-croyable multitude qu’on en trouve en différensnbsp;pays, me fait prélerer cette opinion; on sait quellenbsp;est i’cnorme multiplication de ces sortes de co-quillages. Gessner approche fort du même avis jnbsp;mais il les range parmi les cochleas multilocularesnbsp;vel polythalamias per diaphragmata in plura locu-lamcnta distinctas. Elfectivement rintérieur de ce

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coquillage autorise cette classification : on fait ou-vrir les /mmisinales, en les jetant loutes chaudes dans de 1’eau froide.

Je fns h. Clausenbourg pour midi : cetle rille et Hennanstadt se disputent riionneur d’être capitalenbsp;de ia province; celle-ci est la demeure du Gouverneur , qui est maintenant Mr. 0’Donel. Clau-senbourg est une ville très-antique , batie parnbsp;I'Erapereur Claude. Nous y avons une Universifé ,nbsp;une belle Maisoii de pensionnaires; on batit lenbsp;College : notre Eglise est la plus belle de la Tran-syhanie ; une célebre Image de Notre-Dame I’en-richit beaucoup : on assure que cette Image a ré^nbsp;pandu des larmes. II est vrai qu'on assure la mêmenbsp;chose fort gratuitement de quelques autres Imagesnbsp;en beaucoup d’endroits de la Hongrie ; mais ici lanbsp;chose paroit authenlique. L’lmage est belle , etnbsp;inspire de la devotion : j’en avois déja entendunbsp;parler aux Pays-Bas, et j’en avois 1’histoire. Auditu job. 4?., y. 5.nbsp;nuns audivi te ; nunc autem oculus meus videt te.

Je n’ai pas remavqué d’excès ni de fanatisme dans ce cube. Sur le grand Autel ou. est cette Image , on,nbsp;lit cette inscription : Magno Deo Uni aC trinonbsp;LaUs, FIrtUs , gLorla (1% D. GC. XXIV).

Le même jour je vis les Ariens , qu’on nomme ici Unitaires ; ils ont un Oratoire et un College :nbsp;c’est lout ce qui reste de cette abominable hérésie,nbsp;qui autrefois inonda le monde. Parmi eux lesnbsp;lettrés portent de grandes robes bleues, ceinturenbsp;et bonnet noirs ; d’autres ont de petits manteauxnbsp;noirs; Chassés de Pologne , ils se retirerent dansnbsp;cette province , ou selon I’expression de Tacite ,

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toutes les horreurs se rétbgient comme dans un * Què cuncta cloaque *. II y a en Transylvanie des Catholiques,nbsp;quot;a/ftpi^er^acon- Galvinistes, des Luthériens , des Anabaptistes,nbsp;Jluunt cdebra^ des Juifs, des Quakers , des Ariens, des Tolérans,nbsp;'c. 44™ ’ ^ ' Grecs unis, Grecs schismatiques etc. Les Calvi-nistes ont a Clausenbourg une grande et bellenbsp;église , qui appartenoit autrefois aux Jésuiles.nbsp;C’est dans cette église qu’ils ont massacré Ie F. Ni^nbsp;ger , qui s’opposoit a la profanation de I’Eucharis-tie (i). Ces Calvinisles sont extrêmement zélésnbsp;pour leur secte.

J’ai vu aussi dans cette ville un chien-marin et un basilic ; ce fut Ik aussi que je renvoyai monnbsp;domestique Valaque , dont j’étois on ne peut pasnbsp;plus las : je pris en sa place un de nos écoliers denbsp;Clausenbourg.

Etant parti de la Ie 21, je visSamos-Uimr, ville toute Arménïenne; les Latins disent Armenopolis :nbsp;je n’en ai point vu de plus belle en Hongrie. II ynbsp;a garnison dans Ie chateau qui est antique. Lesnbsp;Arniéniens sont bons Catholiques et trés-bravesnbsp;gens; ils ont la Messe selon Ie rit grec, mais leursnbsp;temples ont la forme des notres. Ils gardent leursnbsp;femmes avec Ie même soin que les Orientaux ; leurnbsp;langue est un amalgame de dix autres.

A sept heures du soir j’arrivai a Dées : on dit que ce nom Dées vient de Deus, paree que lesnbsp;Huns invoquerent Ie nom de Dieu en prenant possession de cette terre. On montre un roe , sur le-

(i) Ilsy ont un orgue; quoiqu’üs affecient aillcurs de n’en point avoir,

quel

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Cor.xi, V. 33,

Je pesois iip

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ejuel lenrs chefs iurent assis ; et sur la tour de Téglise principale on lit ces vers :

Ilunnus de Scythicis digresstis sedibus hospes ,

PannonicB gleham transfert hoe gramine et undanvj Ter clamans : Deus, hdc liceat tellure potiri-,

Desiacamque Dei dixit de nomine genterrii

Maïs loute 1’histoire des Huns est pleine de fables.

Descendu done k Dées, je trouvai avec peine du logement a la Maison de ville; et la même il n’ynbsp;avoit rien a manger ; Ie Comte Haller m’envoyanbsp;du pain et du vin, Un officier hussard , nomménbsp;Anialji, me donna un canard, sa femme un ragoutnbsp;de veau; ses hussards me servirent. Mr. de Breuxnbsp;(*), ex-Jésuite, avec lequel j'avois régenté aLiege,nbsp;et pour lors précepteur du Comte Teleky, accourutnbsp;aussi ; nous nous diverSimes au mieux, Le lende-main j’allai avec lui a Déesakna voir les salines ;nbsp;ces salines sont vastes , profondes, et donnent lenbsp;plus beau sel de roche; elles sont d’un revenunbsp;très-considérable pour le Roi.

Mr. de Breox , moi , un charissime et un ou-vrier , enveloppés dans une peau de bosuf attachée h une corde , nous descendimes dans eet abime..,nbsp;Eümes-nous peur ? Pourquoi pas 7 Le grand Paul,nbsp;compte entre ses périls une descente assez sem-blable. Per fenestram in sporlu dimissus sum pernbsp;tnitrum. La corde sur laquelle fout portoit, pou-quot;Voit se rompre , et tout étoit dit ¦, on n’auroitnbsp;point été en vie en touchant terre. Ces cordes iivrcs.'nbsp;durent trois ou quatre ans : qu’importe ? il est

{*) Mr. de Breux mourut chez le même Comte , eu Fêvrier 1774-

Tam. I. nbsp;nbsp;nbsp;S

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( ^-74 )

permis de se mellre en danger pour sallsiaire une curiosité raisoiinable.

A l’enlrée de la fosse , Ie controleur du sel arri-vant précipitamment, nous déclara qu’il y avoit un danger évident a descendre quatre a la fois 5nbsp;mais la roue marchoit déja ; nous descendimes ,nbsp;et après quelques minutes nous entendimes lebruitnbsp;des travailleurs , et appercuines des cbandelles ,nbsp;qui paroissoient comine des éiiiicelles (i). Enfinnbsp;nous touchames au fond ; ó la belle chose que cesnbsp;salines ! On jeta une grande flamine du bantnbsp;de la losse, pour nous faire voir la beauté et lanbsp;grandeur de la voute (2). Enfin nous remontamesnbsp;par la mOne corde, après quoi nous allames dinernbsp;chez Ie Comte Haller.

( I) Contre cc qiii arrive ordiiiaircmcnt; car une lumiere paroit plus grande de loin que de pres. Les rayons se ré-ti actent ici cii s’cloigiiaiit et s’ccartent de la ligne visuelie.nbsp;La raison cn est, que les rayons sortaiit d’un milieu plusnbsp;dense pour entrer dans un autre moius dense, se divergentnbsp;et s’éloigneut de Ia perpendiculaire: au contraire les rayoijsnbsp;de la lune horizontale, passant par toute l’opacité denbsp;ratsmospLcre , Ja font paroitre plus grande. Cela est tres-reinarquaLlc t'u certains jours au lever de la lune, et au,nbsp;coucher du soldi.

^2)1) Eu 1770, on a trouvé et 1’ou troiive encore main-Journ. hist, el » tenant dans les salines di^Akna , des moreeaux de sel Ziu.jiFév. 1784, » qu’unbois brMé et re'duit en cbarbon traverse d'outrenbsp;pag. 190.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;outre ; ce cliarbon est noir et brule'. Nous en avons

» fait ré])reuve avec Mr. Ie Coinle ». Leltre de Mr. de Breux , de Bées ^ Ie 6 Janvier 1770. Quel mystere pournbsp;les naturaüstcs, meme dans le système de Buffo 11! Scionnbsp;Ferber et Dietrich, iJ y aura eu la quelque voleaii.

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.-n

Les eaux étoient devenues si grandes , qu’on ne pouvoit passer mille part. Je passai iiéanmoins encore Ie Samos sur un ponton, ou se trouvoit aussinbsp;rArchidiacre des Grecs unis , brave homme , biennbsp;inslruit et bien poli pour un Valaque j mais unenbsp;autre riviere m’arrêfa k ATores/Aur, village k quatrenbsp;lieiies de Dées. Le lendemain a 8 heures du matin,nbsp;mes chevaux passerent seuls j quah'e bceufs tiroientnbsp;ma voiture ; je suivois monté sur un cheval asseznbsp;baut, que le Baron Tónna m’avoit donné.

J’arrive a Bethlem vers onze heures ; le ponton sur le Samos ne marchoit pas a cause de la rapi-diié des eaux. J’abandonne ma voiture sur le bordnbsp;du fleuve; je passe avec mon écolier dans un troncnbsp;d’arbre, au grand péril de la vie; je vais trouvernbsp;le Comte Bethlem, descendant du fameux Bethlem-Gabor, Prince de Transylvanie; c'est le pere desnbsp;Calvinistes de Transylvanie. II me recut assez froi-dement, raais un moment après nous fumes les meil-leurs amis du monde. II dit a son domestique ennbsp;hongrois , que si Je restois quatre mois cliez lui,nbsp;je lui ferois le plus grand plaisir. Nous parlamesnbsp;de touies les choses possibles : nous n’en vinmesnbsp;que lard aux controverses ; je tachai de parlernbsp;plutót au coeur qu'a l’esprit (*), et je crus voir quenbsp;lui faisois impression : je l’embrassai plusieuvsnbsp;^üis, et partis le ad a neuf heures,

( * ) Rica ne frappe plus ces Messieurs, que la demands OU leur fait, pourquoi ils sont plutót Liithe'rieiis dunbsp;l^alviuistes , qu’Arieiis ? Ils en appellent k la Bible; lesnbsp;Ariens aussi. Ils diseut que la foi de Ia Trinite' est csscmnbsp;belle ; les Ariens le uient, — Ces Alessieurs sont tOUS toléquot;

S s

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( 276 )

In itlnerihus scepè ; periculisnbsp;JlunLinarn , peri-culls lalronum ,nbsp;periculis in gen-libus f periculisnbsp;in solitudine etc.nbsp;;j Cor, y C. Ï1.

11 n’y eut pas moyen de passer le Saïo a St.-dn-‘ dras; j’y laissai ma voiture, les chevaux nagerent,nbsp;je passai avec mes gens dans une iracelle ; ensuitenbsp;je montai a cheval et arrival le même jour a Bis~nbsp;tritz, villeSaxonne, après des dangers, despeines,nbsp;des fatigues sans fin ; niais lout cela faisoit lAonnbsp;plaisir.

.............ZVon. u/la laborum

O Virgo I nova mi facies inopinaque surgit j

Omnia percepi , atque animo mecum ante peregi.

Bisintz n’a de garnison qu’un bataillon du régiment de Haller. Cette vllle tres-antique est liabitee par des Saxons qui sont presque tousnbsp;Luiheriens. Mathias Teutcher , prieur des Do-minioains , y introduisit les nouvelles erreurs , etnbsp;devint Cure et juge de la ville. On voit encore sesnbsp;armes sur la porte de Hongrie avec cette inscripnbsp;lion : Anna eximii Doctoris, Matthei plcbani is~nbsp;tius civitatis, Matthias Teutcher. M. D. XLIJ,nbsp;On voit parmiles ruines de I eglisedesDominicainsnbsp;des peintures de Van i48o , exposees a toutes lesnbsp;injures de 1’air , et neanmoins peu endommagees.nbsp;II y a a Bistritz des Piaristes et des Cordeliers. Lanbsp;grande eglise est aux Lutheriens : elle est tres-belle et ties-grande. Je I’ai vue le Mai ; onnbsp;y dislribuoit alors la Communion. Leurs Hostiesnbsp;sont semblables aux notres : leur liturgie est toutenbsp;allemande. Leur orgue est excellent, j'en entendsnbsp;tous les tons dans la maison d.u Comte; il me semblenbsp;étre dans un état violent en servant 1’hérésie, etnbsp;lans. ün predicant piêclioit a Rodna prés dc Bistritz .•nbsp;aux Luthe'riens et aux Calviiiistcs lour-a-tour, le Coin tenbsp;^’Ybarra le chassa, et il ne fut pas peniplacé.

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( 377 )

désavouer Ie chant qn’il accompagne. Le grand autel a encore les statues que les Gatholiques ynbsp;ont mises ; tous les monumens, toutes les pierresnbsp;protestent contre ces hérésies; el si les prédica-teurs se taisoient, les pierres parleroient. Si hinbsp;tacuerint, lapides clamabunt (Luc. ig, ƒ. /^o).nbsp;Attendite ad Abraham patremvestrum y et adSaramnbsp;tjuce peperit vos. Attenditc ad petram undè excisinbsp;estis , et ad cavernam laci de qua prcecisi estisnbsp;(Isaise 5i). — Presque tousles villages dela Tran-sylvanie ont des noms de Saints : il semble qu’onnbsp;ait voulu répai'tir les Litanies des Saints sur lesnbsp;villages. II y en a même un qui s’appelle Kyrienbsp;eleïson (*).

Les hommes, a Bisfritz , portent des pelisses assez courtes en guise d’habits , même en été. Ce-pendant ceux qui en ont le moyen portent des habits d’été; mais la forme de pelisse reste toujour.s.nbsp;Les femmes ont des manteaux noirs, reliaussésnbsp;dun grand collet : les ®!es ont des bonnets ennbsp;forme de tambours.

Ges Saxons parlent allemand j mais leur langage propre est l’allemand de Luxembourg , avec quel-que changement : ce qui me fait croire que lesnbsp;Luxembourgeois sont aussi une colonie Saxonne.nbsp;L’étonnement de ces Saxons , ainsi que Ie miennbsp;bit extréme , quand nous découvrimes l’identiténbsp;*^6 ces langues. De la je conclus que ce langagenbsp;le vieux langage allemand. Le naturel, Ie tonnbsp;les manieres de ces Saxons sont justement les ^

(*) Quelques isles au sud des Celebes s’appellent Pater koster,

S 3

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( 278 ) ‘

mêmes que ceux des Luxerobouvgeois. Ce sont de irès-bonnes geus, sur-tout les paysans. Entrenbsp;les bourgeois on trouve plusieurs filoux, mais peunbsp;habiles.

Les Valaques aux environs de Bistritz , sont nnis a l’Eglise Romaine. Ce sont de bonnes gensnbsp;et point du tout 1'éroces : ils respectent extrême-inent les Prêtres; et en cela les Saxons, tout Lu-thériens qu’ils sont, les Hongrois, les Zigeiner etc.nbsp;de ces cantons, leur sont semblables. Un certainnbsp;Sochronius voulut, il y a dix ans, pervertir cesnbsp;pauvies rustres les armes k la main, et les entrainernbsp;dans Ie scliisme. II s'étoit déja formé une petitenbsp;armée de Valaques , qui commettoit de grandsnbsp;excès , et qui lionoroit son general comme unnbsp;Saint. II ne put néanmoins gagner les Bistritiens.nbsp;Ce faquin étant entré dans l’école de Nagi-Bania,nbsp;{«soit dire aux enfans ; Credo in Spiritum Sanc-titm Sanctam Ecclesiam Constantinopolitanam.nbsp;L’Evêque schismativues est un certain Nova-icoi’ics, qui est une grande cru'cb.e , mais qui estnbsp;moins furieux que celui d’Arad , dont nous avonsnbsp;dit un mot plus haut, pag. 367.

J'ai trouvé dans presque toutes les maisons de Bistritz, Ie portrait de Moïse, qu’on y regardenbsp;comme veritable5 peuf-être nquot;y a-t-il que la couleurnbsp;égyptienne, qui soit en efi'et de Moïse. On lit desnbsp;deux cótés du buste :

Effigies nbsp;nbsp;nbsp;Moysis

Eiri Dei sanc- nbsp;nbsp;nbsp;tissimi

Ducis popiiU nbsp;nbsp;nbsp;Israël

Et aii-dessous;

Ex ed, qucc in tapete depicla a Tigrane

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( K9 )

JEgyptum, vastante 3216 inventa exl,

Donata dehinc Dominatori Africcs Panacolielino , quam posted Prcetornbsp;Joannes i5^2 Anglia; Reginw per Francis-cum Praconem admiralem dono ohtuUt.

Je sens assez la critique qu’on peut faire de 1’au-thenticité de ce portrait; mais je l’abandonne a d'autres, ne pouvant m’étendre sur ces sortes denbsp;choses, sans trop augmenler eet ouvrage.

Firum heve ipse equidern spatiis exclusus iniquis

Preetereo , atque aliis post commemoranda relinquo.

PiRG.

J’ai VU a Bisfrilz, chez Ie Comte d’Ybarra , une grande piece d’une tasse de grenade, qui avoit ap-partenu k Ia Reine de Portugal; cette tasse avoitnbsp;prèsd’un demi-pied de diametre. —Jy vis aussi unenbsp;dent de requin. Le peuple prend ces dents pournbsp;des langues de serpens pétrifiées : j’en avois vunbsp;une plus grande a Cassaw. —J’ai remarqué de lanbsp;terre argileuse jolinient pélrifiée, et un charbonnbsp;fossile tiré par Le Comte d'une mine de Sicile. Cenbsp;Seigneur y fut envoyé par flmpératrice a la prierenbsp;du Roi de Naples , et y demeura deux ans. Lenbsp;charbon dont je parle, a encore tons les linéamensnbsp;du bois; et l’on peut en inférer qu'un grand nom-bre de charbons fossiles ne sont point une coagulation de soufre sotilerrain, mais des bois ensevelisnbsp;paria grande revolution du délugeuniversel. —Jenbsp;vis encore une belle tabatiere faite de la lave dunbsp;Vësuve. Cette tabatiere étant cassée,leComlem’ennbsp;donna deux pelites pieces. Cette matiere a la couleur et la dureté de la pierre serpentine. Quand on

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C 280 )

la frotfe , elle répand une odeur de soufre. Cest un composé de salpêtre, de soufre, de pierreselc. li-Vidimus undan-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Ccttelave du VésuveIprulc avcc taut de vio-

tern^ruptisjor-’ *

nacibus Mih- lencc , que les flammes du torrent se mamtiennent rmm,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;quelquefois assez avant dans la mer. Le Comte me

t iammarumque ' nbsp;nbsp;nbsp;^

glohos, lique~^\ encore présent d’une piece de la lave de rEtlina.


factaque volvete fiaxa,

QjiORO, !•

Elle est plus légere et plus poreuse que celle du Vé-suve; on ne sauroit la travailler. II me fit voir aussi un caillou du Nil : ces cailloux ont la beauté denbsp;l’agate, mais ils ne sont point transparens 5 ils sontnbsp;fort durs. II me montra une araignée changée ennbsp;pierre. Toute araignée enfermée dans une boite de-vient pierre au bout de trois ou quatre ans j au moinsnbsp;celles qu’en allemand on appelle Kreulz-spinnenbsp;(araignée-a-croix) •, elles vivent entre les pierres ,nbsp;el sont reraplies de parlicules pierreuses. — Je visnbsp;aussi une montre turque : une corde de violon ynbsp;servoit de chaine; les chiffres arabes du cadrannbsp;étoient un peu différens des nótres.

Dcut* ^ C. 8 , V.7, 9, 10.

Le 8 Mai, je fis avec le Comte d’Ybarra, le voyage de Rodnau, ou sont les mines de sa direction. Ces mines ayant donné de grandesespérancesnbsp;en 1767 , on chantaun Te Deuiri’, le sermon quenbsp;fit a cette occasion un Piarisle , avoit pour texte :nbsp;Deus iuus introducet te m terrain honani... cujusnbsp;lapidesferrum sunt, et demontibiis ej'us ceris mctallanbsp;fodiuntur, ut citm comederis et saiuratus Jueris ,nbsp;benedicas Domino Deo iuo, pro terra optima quamnbsp;dedit iibi. Nous arrivames le même jour a Jaad,nbsp;village saxon : ces Saxons sont les meilleures gensnbsp;du monde , d’une candeur extréme et d’une égalenbsp;ignorance. Le fils du Cure de Bistrilz, agé de vingt

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ans , soutint ü y a pen de tenis, que Luther étoit contemporain des Apótres. Ils sont heaucoup plusnbsp;propres que les Hongrois et les Valaques ; ils ontnbsp;aussi Ie naturel et Ie langage des Luxembourgeois.

Journ. hist, et litt., I Juin 1778,nbsp;pag. i63.

Le 9 nous passames a cóté de Borco, dernier village de la Transylvanie vers la Moldavië, C’estnbsp;la qu'on fait la quarantaine lorsqu’on entre ennbsp;Transylvanie. Ayant franchi une grande rnonta-gne, nous entrames dans une contrée hideuse etnbsp;déserte, mais bien agréable k un pliilosophe. Nousnbsp;envisagions les liautes montagnes , qui seanbloientnbsp;nousenfermer dans ces vallées profondes, ignoréesnbsp;des mortel*, comrae des remparts contrela séduc-tion et la folie du monde.

Cat. phil., 3' édit.

Nous dinames a Illova Mike. Les Valaques qui liabitent eet eirdroit, sont bons et unis : leursnbsp;femmes portent des turbans et despendans d'or’eillesnbsp;a la turque. Nous passames deux fois le Samos,nbsp;qui étoit prodigieusement eirflé, et baignoit le hautnbsp;du siege de la voiture. En cheanin nous observamesnbsp;desmontagnes qui anarquoient évidemanent factionnbsp;des eaux dm aart le deluge. Toutes ces collines portent l’empreinte du dégat et de la fureur des ondes,nbsp;et point du tout d'iin déplacement lent et graduénbsp;de la mer. Enfin, après bien des aventures, nousnbsp;arrivames a Rodnau a neuf heures et demie du soir.

Nous logeaanes chez le Berch Schapfer.

Le ao, nous allames a cheval, car on aie sauroit

aller autreanent, aux mines, qui sont encoae k troas lieues de Rodnau, Nous passaanes trente-troisnbsp;fois un torrent considéaable. II faisoit uai froid ter- Informet hU-rible, et les montagnes étoient de nouveau dépouil-

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lees de leur verdure et couverles de neige. Les neiges couvrent quelqueibis ce pays-ci au mois d’Aoüt.nbsp;Il j a sept ans, on fif des courses en traineau Ienbsp;jour de S. Bartliélemi : la fête de l’Assomptionnbsp;Joiirn. hist, et nest pas toujours sans neige. Nous admirames lesnbsp;fr-’nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;gclées et figées a leur sortie de la

’ nbsp;nbsp;nbsp;terre, dans une position admirable. Cela m’a fait

soupconner que 1'opinion populaire, qui fait sortir Ia rosée de la terre , pouvoit être vraie 5 non pasnbsp;qu’elle s'altache immédiatement aux plantes aprèsnbsp;sa sortie, mais quelque tems après, lorsque Ie soleilnbsp;la précipite. Lorsqu’elle ne retombe pas d’abord,nbsp;elle dégénéré en pluie ; et de lè. vient que les pay-sans se reglent sur la rosée , comme sur nn ba-rometre.

Nous vimes, avant d’arriver aux mines , un piquet de Valaques qui garden! la sortie de lanbsp;Transylvanle : c’est une milice qui n'est, alnsi quenbsp;les Siculiens, que pour défendre la fronliere. II ynbsp;a jli ès de la une potence dressée pour les Valaquesnbsp;transfuges : ils ne laissent pas de fuir en grand nom-bre. C’est malgré eux qu’on les a réduits en nai-lice (*). Ilsfaisoient assezmauvaisefigure, portantnbsp;è-peu-près Ie même babillement qu'ils avoient au -parav'ant. Depuis lors tout cela va de mieux ennbsp;inieux ; ils sont maintenant en uniforme gris et

(*) Le capitaiue Gosimelli a public un Poënic latin sur celtc milice. 11 commence ; Undique prccmptisnbsp;qua Dada vergil ad arcton rupihus etc., imprimc anbsp;Ciausenbourg, i ¦^68. Je 1’ai dans mes collections lilte'iaires.nbsp;¦— Elogc A'Entzenherg, Jeurn. hist, et lilt. , 1 Nov.nbsp;1^80, pag. 364-ï Janv. lyfiS, pag. 56. — i5 Janv.nbsp;1^85, pag. i38.


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283 )

rouge : ieur habit est propre. Leurs officiers, quand nous les vimes, avoient des pai'emens rouges, etnbsp;des habits bruns. Ces nouveaux soVdats raenent lanbsp;charrue d’une main , et de I’autre portent le sabre,nbsp;comme les Israélites a la reconstruction du temple.nbsp;TJnd manu faciehant opus, et altera tenebantgla-dlum.Hdc arat, infelix , hdc tenet arma manu.nbsp;Ovid. — Sicque Ceres duro regnat malè junctanbsp;Gradivo.

Ces bonnes gens sont unis a I’Eglise de Rome , mais ils savent aussi peu ce que c’est que cedenbsp;union, que les schismaliques savent ce que c'estnbsp;que la desunion. Un de ceux-ci soutint a quelqu’unnbsp;de mes amis, que le schisrae consistoit k 1'aire lenbsp;tour de I’autel de gauche h droite, fandis que lesnbsp;Latins le font de droite h gauche. Ils gardent lenbsp;jeune si sévérement et si superstitieusement, qu’ilsnbsp;ne mettront pas a la bouche une pipe dont 1’extré-jnité soit de come ou d’os , tandis que le vol, etnbsp;des vices affreux ne les etfraieront point. Voyez lenbsp;Journ. hist, et lift. , i Mars lySS, pag. 36'y.

Un certain norabre cle ces Valaques habite les montagnes. Ennemis du travail, de lasociélé, denbsp;loute gêne, ils peuvent dire avec vérité :

Nos , mortale gemis , terris remoramur inerles ;

Conslruimus luteas , vilia tecta , domos.

On vient de leur distribuer des canada (pommcs de terre, patates) , qui viennent trës-bien dans cesnbsp;montagnes, oii la charrue ne peut être que très-peu d'usage. II est faux que les canada épuisentnbsp;les terres , puisqu’ils viennent très-bien dans lenbsp;sol le plus aride , com.me en Ardennes. Au con-

a. EsdrcB , 4 j

Journ. hist, et litt., i5 Janviernbsp;1785, pag. iSg.

Ignorance des Bulgares, Journ.nbsp;hist, et litt., Mill

1774, pag- 331-

Journ» hist» et litt., Janviernbsp;1785, pag. 189.

Dlverscs oliser-vations sur ce vé-gétal. Jowr«. hist» et litt. , I Mat

pi’s-

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(raire , ce genre de planlation et de récolte étant inseparable du maniement et du bouleversementnbsp;du sol, doitnaturellementlerendreplusfécond('^).

L’Evèque des Valaques unis, dont la residence est a Balasfaha, est savant et bien zélé ; il vientnbsp;de faire peindre et graver un arbre ecclésiastique ,nbsp;assez semblable k celui de Mr. Cars. Les Peresnbsp;grecs et latins des Conciles de Lyon et de Florencenbsp;sont attachés a 1’arbre; Photius, yidxc^Epheseetc.nbsp;en sont retranchés avec Arlus et Nestorius , quenbsp;l’enfer engloutit. Cette peinture exposée dans lesnbsp;églises a ramené bien des scliismatiques. Ce Prélatnbsp;a établi un séminaire de clercs , dont on esperenbsp;Journ. hist, et beaucoupj ce digne Evêque se nomme Athanasius

htt., i5 Janvier nbsp;nbsp;nbsp;jg Qiulafalva.

1705, jiag. 139 , nbsp;nbsp;nbsp;...

i\o. nbsp;nbsp;nbsp;Avant midi nous arrivaraes aux mines, qui sont

entre d’horribles montagnes, au pied du Kuhoiv, montagne comparable au Krivan et au Taurus parnbsp;son nom et par sa hauteur. Arrivés aux mines ,nbsp;nous nous mimes a genoux, et priames fort dévo-tement; car ces mines n’entendent pas raillerie.nbsp;Elies venoient d’écraser deux braves mineurs, etnbsp;de donner ainsi aux autres un avertissement par-. lant. Nous finimes assez vite la visite des.mines ,nbsp;et Ie soir nous fumes de retour k Rodnau.

Le 12 nous allames au «SaurZirartu (fontalne ai- 1

1

Les patates ou pomines de ierre , sont delicieuses dans Ics Ardennes; dans VEntre-Samhre-et-Meuse j, qnoi-qu’inferieures aux ardennoises, dies sont encore très-bonnes; au-lieu que dans les teires grasses de la Flandrenbsp;et du Brabant dies ne sont guere bonnes , ct qudquelbisnbsp;pas mangeables. (Note de I’Ediieur)

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gre). Cest une source d’eau minérale alcalique, qui a les propriélés les plus esliniables ; elle a guérinbsp;Ie Comte de Bethlem d’une paralysie, et elle estnbsp;un remede a bien des maux; je me suis néanmoinsnbsp;trouvé mal de l’usage que j’en ai 1’ait; en généralnbsp;les personnes grasses et corpulentes s’en trouventnbsp;mieux que les maigres. La source est maintenantnbsp;sur une montagne que Ie sédiment de l’eau a for-mée peu-a-peu ; les bmufs , les cerls , les che-vr’euils passent Ie Samos pour venir boire a celtonbsp;I'ontaine.

Je grimpai, un de ces jours-la, jusqu’au sommet d’une haute montagne pour voir la Moldavië-, etnbsp;si jen’eusse pensé que je ine mettois dans l’obli-gation de faire la quarantaine a mon retour , jenbsp;serois allé k Jassy, capitale de cette province. Lenbsp;Vaivode est Catholique ; c’est uii Florentin nomménbsp;Scarlats, mais natif de Constantinople. II y a knbsp;Jassy un Bacha et un corps de Turcs pour observer ce Vaivode. Celui-ci est très-altaché auxnbsp;missionnaires Jésuites qui sont chez lui ; il estnbsp;libre a tout le monde , hors les Musulmans , denbsp;faire profession de la Foi Romaine.

Le i6 , nous célébrames la fête de S. Jean Né-pomucene, patron des mines. Je chantai la Messe, et les mineurs, en habit de gala,blanc et vert,nbsp;y assisterent. Le même jour nous limes une jolienbsp;cavalcade k la fontaine; ce qui eut encore lieu AtpuerAscaniasnbsp;le 22. Nous combattimes detemsen tems pour lanbsp;palme olympique qui me demeuroit ordinaire- Gaudei eqm. ;nbsp;ment, paree que j’étois bien monlé.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^ C'famllZl'-

Lei-;, je baptisai un enfant sans le S. Chrème, rit iüos.

^ nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;AiAW. L. 4.

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ces cantons élanl presqiie cntiéreinent destitués de toutes les choses temporelles et spirituelles : j’avoisnbsp;demandé du sel, on jn’apporta du sel et du poiv're.

Le 23 , je dis la Messe dans l’Eglise greccjne des Valaques, non sans difSciiUé de la part de Mr. Ienbsp;pope qui , le jour précédent avoit renvoyé unnbsp;P. Piariste, disant que cliez eux on ne disoit qu’unenbsp;Messe par jour sur le mêrae autel.

Je remarquai, en allant le long de la riviere qui passe a Rodnau, combien sensibleraent on des-cendoit en suivant lebord avec le courant de l’eau ,nbsp;et conpus que le réfectoire des Religieux dePlone,nbsp;prés de la Meuse , sousnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.pouv'óit être de niveau

avec le chateau de Chokier, également entre Huy et Liege, car on le dit ainsi j et que Viénne est denbsp;deux lieues perpendiculaires plus bas que Dona-wert, vu la rapidité du Danube. L'/svor prés desnbsp;mines est 4^0 brasses plus haute qua Rodnau.

dependant le général PfitFer, qui entend très-bienle rnesurage des hauteurs, s’est moqué de moi, lorsque je lui ai fait part de ce calcul, sur ce que ,nbsp;disoit - il , nous n’avions pas dans Ie monde denbsp;montagne d’une lieue perpendiculaire, et qu’il fautnbsp;si peu d’inclinaison pour l’écoulement des eaux.nbsp;Reste a savoir si une pente insensible , mais suffi-sante pour donner une si grande rapidité aux eaux,nbsp;prolongée dans tout l’espace de 6oo lieues (denbsp;Donau-Eschingen jusqu’a la Mer-Noire) , n egalenbsp;pas la hauteur perpendiculaire des montagnes lesnbsp;plus fameuses ; mais cette hauteur étanl prise dunbsp;niveau de la mer , semble décider la chose pournbsp;Mr. Pfiffer.

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( 2.87 )

Le 24, nous fimes encore une bien agreable cavalcade j usqu’au retranchement fait sous Charles VI centre les Tartares et les Moldaviens. Ce fort estnbsp;tres-peu de chose, et il est cominandepar plusieursnbsp;inontagnes : on y tient une garde Valaque. Nousnbsp;bumes en passant a une autre fontaine minerale ,nbsp;qui me parut aussi bonne que le fameux Saur-briinn. Les sources minerales sont en grand nom-bre dans ces vallons , qui sent rians et très-variés.nbsp;yjn me ludit amabilis insania ? Audiiv et videornbsp;pios errare perlucos , amoenoe quos et aquee subeuntnbsp;ct aurcc. Horat. — Je ne sais si de ma vie je menbsp;suis trouvé dans une position aussi agreable qu'anbsp;Rodnau. Une aimable philosophie, qui m’est commune avec mon cher Comte A'T'baj'ra , assaisonnoitnbsp;tons mes plaisirs.

Le 25 , nous fumes kJaad chez nos Saxons, et le 26 a Bistiitz, ou j'ai vu des liaises d’une grandeur énorme , et qui peuvent passer pour géansnbsp;entre les fraises. C’etoient desfraises-ananas, au-jourd'hui fort communes. J’ai connu k Bistritz lenbsp;Stephani, Italien, capitaine d'un régimentnbsp;Valaque , et tres-aimable cavalier jj’y ai connu encore le Baron A'Enzenberg, colonelet le Baronnbsp;Baiiji, Calviniste , ou plutot indifferentiste.

Le I®*', de Juin, nous allames en cavalcade voir fabriquer les grosses cordes et les cables destinés anbsp;1'usage des mines. Ce jour-lk, le 2, 3,4 et 5 Juin ,nbsp;d y eut des neiges continuelles dans les montagnesnbsp;de Rodnau ; et a Bistritz, durant trois Jours etnbsp;demi et quatre nuits, une pluie horrible et des plusnbsp;continuelles qu’on ait vues depuis le deluge. Ce#

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( 9,88 )

pluies précédant Ie solstice , out préparé un élc sec et de la plus belle sérénité. Tout Ie contrairenbsp;est arrivé l’année suivante. Les pluies n’étant torn ¦nbsp;bées qu’ausolstice, toutl’étéa étéfroid et pluvieux.

J’ai observé que, par une suite de ladmiration que rhomme a pour tout ce qui est éh'anger et quinbsp;vient de loin, on parloit dans ces pays-ci trës-souvent et beaucoup desfrancs-macons j on traitoitnbsp;de francs-macons tous nos incrédules et nos nou-veaux pbilosophes. On me demanda ce que je pen-sois de cette société mystérieuse 7 j’en pense cenbsp;qu’il en faut penser depuis laBulle de Benoit XIV:nbsp;quand il n’y auroit rien de mal dans cette société,nbsp;son secret est condamnable. Ce qu’un de mes amis,nbsp;fort honnête homme , qui a été sur Ie point d’êtrenbsp;initié a ses mysteres, m’en a raconté , ne m’ennbsp;donne qu’une mauvaise idee. L’apologie qui s’ennbsp;trouve dans les Amusemens Uttéraires, tom. i ,nbsp;pag. 9, bien approfondie , et comparée sur-tout knbsp;l’éloge du Soliiaire de l’abbé Grécourt, pag. 335,nbsp;égaleraent bien considéré, tout cela donne beaucoup a penser, principalement quand on est informénbsp;d’une certaine qualité attachée ii nos nouveauxnbsp;pbilosophes , dont j’ai parlé ailleui’s. Ce qu’en ditnbsp;Ie Supplément de Trévoux , art. Frey-inacons,nbsp;n’est qu'un tas de'fariboles. Voyez Ie Journ. hist,nbsp;et litt, , i5 Mars , pag. 4o6. — i Décembre,nbsp;pag. 84o. — Décembre, pag. qrg. Lettre aunbsp;Prince de Ugne etc.

' Le 9 Juin, nous fimes encore une agréable cavalcade a la fontaine de S. Ladislas , qui est a deux lieues deBistritz. On ra’avoit dit que c’étoit cette,

fontaine

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( aSp )

fonlaine que S. Ladislas, comrae Moïse , avoit fait sortir d’un roe , pour étancher la soif de ses soldata ; mais il n'en est rien dit dans I’inscriplion denbsp;Ia chapelle d’oü sort cette fonlaine.

Nous rencontrames en chemin un puits sale , c’est Ie premier que j’aievu de ma vie ; il est ferme,nbsp;afin que les genssoient obligés d'acheterle sel dontnbsp;ils ont besoin. Je me Ie fis ouvrir , et en tirer denbsp;l’eau ; j’en donnai k mon cheval et a un autre j ilsnbsp;en burent avec une avidité extreme. Les bêtes anbsp;comes recherebent beaucoup ces eaux salées, quinbsp;sont assez communes dans Ie pays.

Une aventure assez tragique nous arriva durant cette promenade. Le lieutenant - colonel, commandant de Bistriiz, in’avoit oblige de monter sonnbsp;cheval. Lorsque nous eumes fait environ la moitiénbsp;de la route, il me prit fantaisie de quitter ce chevalnbsp;pour monter le mien, qui est une béte admirable.nbsp;Peu de tems après, ce même cheval, que je venoisnbsp;de quitter, jeta bas le P. Piariste qui le montoit,nbsp;et le traina , le pied dans l’étrier , d’une horriblenbsp;maniere. Nous le crumes perdu , lorsque par bon-heur la courroie de fétrier se rompit et sauva lenbsp;Pere , qui fut trouvé en assez bon éiat. Personnenbsp;ne voulut plus monter ce méchant cheval (*) ; ilnbsp;fallut done m'y résoudre, et nous arrivames heu-leusement k Bistritz pour la nuit,

Le cheval que j’ai maintenant, m’a couté 15 flo-

(’*^) Equi domantur forti sed dalei imperio j verhis lt;^enibus sed absolatis ; claniori et ictiius generosioresnbsp;‘esistunt.

Tom. J. nbsp;nbsp;nbsp;T

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rins d’Allemagne ; il est petit, maïs d’une grande beanté , vigoureux et plein de feu , un amateur ennbsp;donneroit 60, ou même 100 florins aux Pays-Bas ;nbsp;je Vy amenerai, s’il est possible ; c’est un Mol-dave, je l’ai fait seller et brider fort proprement.nbsp;Les monlagnes donnent de petits chevaux ; maisnbsp;, les plaines , comme la Flandre , la Hollande , Ienbsp;Campo-loiigo Ruihenorum f la Russie etc., en four-nissent de grands. En Transylvanie, les plaines ennbsp;pr-oduisent d’assez grands 5 mais on n’y voit pas denbsp;plaine très-considérable. On y paiera ao et 3o du'»-cats dun grand clieval, landis qu’un petit et très-bon n’en coütera que trois.

Voyage de Rome. Je me prépare a quitter Bistritz, et me dispose tout de bon au voyage de Rome, auquel j’ai tou-jours aspiré. Une si longue route m’effraieroit ,nbsp;mais je ne 1’envisage qu'en détail. Les petiles distances n’oflrent aucune difficulté ; ajoutées Tune anbsp;I’autre et mises bout k bout, elles eflectuent lesnbsp;plus longs voyages. Caudoeque pilos et equina, ditnbsp;Horace , puulatim vello , demo unum , demo etiamnbsp;unum; dam cadat elisus ratione mentis accrvi, J#nbsp;compte partir Ie 20.

......Oinnem cursum- mihi prospera dixit

Jielligio ; et cuncti suaserunt nomine Divi Italiam petere , et terras tentare repos tas.

JLneid 3-

Domimcssolus Ce ne fut néanmoins que Ie 22 Juin, que je dux ejus fiat. partis de Bistritz pour Rome, tout seul, monté siunbsp;Deuter. 32.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;clieval Hansel. Tanta fuit Romam tibi causo

videndi. Bien des incidens et des événemens com •* pliqués retarderent mon depart, et exercerent ad-

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Terriiit gente$ grave ne rediretnbsp;SceculumPj/rrhlt;Hnbsp;nova fnonstranbsp;quce stee;

Omne cüm Proteus pecus egit altos

Visere monies.

Horat. Journ, hist, etnbsp;lilt. , 1 Févriernbsp;1785, pag, 211.

mirablement ma patience. A 9 heufes , je fus k la foniaine de S. Ladislas. Après avoir laissé paitrenbsp;mon cheval, j’en allois partir sans manger, lors-qu’heureusement Voler, peintre de Distritz, arrivenbsp;avec iin assez bon diner. Je dine, et je pars.

3. Peg. 23gt;

Je passe Ie Saïo k Kyrie eleïson. Presque toutes les campagnes étoient couvertes d’eau 5 suite denbsp;rhorrible pluie dont j’ai parlé ci-devant. Après avoirnbsp;pensé périr dans la bone avec mon pauvre Hansel, j’entre dans une forêt üu je m’égare. Quenbsp;faire ? J’avois craint d'y trouver des Valaques ;nbsp;maintenant il faut les chercher. Sectamur ultra ,nbsp;quos opimus Jallere et effu^ere est triumphus. Hor.nbsp;J’en trouve enfin : après bien des prieres , unnbsp;d’eux me conduisit hors de la forêt pour une dou-zaine de creutzers. La soif me tourmentoit beau-coup et me pressoit d’arriver a Bethlem; et commenbsp;les noms et les choses se rencontrent quelquefoisnbsp;singuliérement, je disois aussi-bien que David :nbsp;O ! si quis mihi daret potum aquae de cistemd, qucenbsp;est in Bethleem! J’y arrivé enfin a 8 heures dunbsp;soir. Le Comte n’est pas cbez lui; je passe la nuitnbsp;sous quelques planches; la faim, la pluie, la tris-tesse assaisonnerent mon repos. La pluie tomba versnbsp;le matin, et lut suivie d’une sérénité de six mois,nbsp;préparée par les grandes pluies qui avoient pré-cédé de trois semaines le solstice.

Le lendemain 2d , je vais h Keresthur^ chez Mr. Torma, qui m’avoit bien traité k mon premiernbsp;passage 5 mais la , comme a Bethlem , nemo domi,nbsp;(personne au logis). Je vais è Rettek, chez le Comtenbsp;Mikès; nemo domi..... Ensuite k Dées, chez le

T t»

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Comte Teleki; nemo domi..... Enfin chez le Comte Pierre Haller; nemo domi. Madame sa mei'e menbsp;retint neanmoins a diner, et je passai la nuit sent,nbsp;dans la maison du Comte Teleki, qui etoit è.nbsp;Hermanstadt,

Le 24, je suis a Samos-Uivar, dans la cita-delle , chez le capitaine Patrick; le commandant Ekhard me fait inviter pour le lendemain, je nènbsp;puis accepter. Les soldats de la garnison sont ravisnbsp;de ma présence 5 ils sonl des plus officieux, et ontnbsp;grand soin de mon cheval, qui hroute 1'herbe damsnbsp;la place. La chapelle ou j’ai dit la Messe le lender-main , est belle et très-propre.

On voit dans un mur des casernes, le buste du celebre Cardinal Martinusius. En ce qui regardenbsp;ce Cardinal , il faul en croire Istuavfi, plutot quenbsp;Mr. de Thou et l’abbé Bechet dans la Vie denbsp;ce Cardinal , imprimée a Paris ennbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Quelle

croyance merite-t-on, quand on dit que Charles-Quint engagea Ferdinand a .se défaire de Mariinu-nius , pour s’assurer la monarchie universelle {pag. ^^4) ? Quand on ridiculise Charles V ,par lanbsp;devise des cinq voyelles a e i o u, qui est la devisenbsp;de Rodolphe II Ibid. ? Quand on dit, en 1715 ,nbsp;que cette grande Maison n’a pas encore réuni cenbsp;loyaiime a ses domaines, pag. 4^^ gt; ^'*1 6St vrainbsp;qu’il restat encore le Bannat. — D’un autre cote,nbsp;Mr. de Sacy , dans un roman philosophiquementnbsp;Journ. hlst. et boursoufflé , SOUS le titre A'Jlisloire de Hongrie ,nbsp;pagfTèonbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Marlinusius un portrait atlVeux.

— I Sept, 1784lt; Après le diner, je vais voir la grande eglise des Arméniens , qui n’est point achevee, et qui est

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très-mal peinte. Elle a une forme latlne, quoicjue la Messe s’y dise selon Ie rit grec, mais avec dunbsp;pain azyme. Le Missel est arménien, mais d’unnbsp;langage mêlé avec toutes les langues qui sontnbsp;en usage dans ce pays-ci. Dans les Missels denbsp;Rome, 1'arménien est pnr. — On voit dans cettenbsp;église un beau drapeau de daraas bleu , représentant la Sainte Trinité , avec ces paroles ; Sanctanbsp;TrinitaSf iim/s Deus , ora pro vobis , sans qu’onnbsp;ait songé jusqn’ici k corriger la bêtise du peintre.

Ces Arméniens sont un peu superstitieux, on plutót trop simples et trop crédules. Leur piété estnbsp;extréme ; leuvs moeurs exquises et tenant de l’an-cienne sévérité du Christianisrae. Quoique très-humains et bienfaisans, ils se défient des étrangersnbsp;inconnus, et sont en cela un peu Chinois. L equiténbsp;et la droiture leur sont cheres. On dit que leursnbsp;marchands vendent tout a un prix excessif; maisnbsp;dans un pays sans commerce, éloigné de tous lesnbsp;ports, de toutes les grandes villes, toutes les mar-chandises éti'angeres doivent êlre cheres 5 les Arméniens se donnent des peines infinies pour lesnbsp;faire venir: c est la nation , oü la juslice se retirantnbsp;delaterre, a fait son dernier séjour. Exlrema pernbsp;justitia excedens terris vestigia fecit. II n'y anbsp;•lue 4o ans qu’ils sont unis a l’Eglise de Rome.

th


Le 26, i’ai pour diner 1’eau du Samos, et mon *^^eval les beaux paturages de cette plaine fertile.nbsp;^ 6 heures du soir je suis k Clausenbourg; j'entrenbsp;^t^ec bien de la peine au college, après avoir cher-

Vlrg. Georg,

‘róleur de Samos-Uiv

^ en vain un logement dans la ville. Le con-

ar, n'apporlant pas mon T 3

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lt; 294 )

porte-manteau, par vin manque de parole impar-donnable, je retourne a Samos-Uwaï' Ie 29. Je revins Ie 3o k Clausenhourg. La faim me prit ennbsp;cliemin 5 deux braves hussards me donneient dunbsp;i’sahn. 32. painetunchapon. Ecceoculi Domini super metuen~nbsp;tes eum, et in eis qui sperant super misericordid ejiis,nbsp;Hteruat a morte animas eorum, et alat eos in fame.

J’ai vu a Clausenhourg un beau bézoard ap-porlé d’Amérique , pesant une livre deux onces. li y en a qui pesent jusqu’a buit livres. « Le bé-» zoard oriental, dit Buffon, Hist, nat., tom. 12 ,nbsp;igt; pag. 23, ne vient pasd’un animal particulier,nbsp;n mais de plusieurs animaux différens.» Mr.Hirsch-feld ( Briefe über die Schweitz , ou Lettres sur lanbsp;Suisse, Leipsig 1776, pag. 221) dit que les bé-zoards des daims des Alpes viennent des racinesnbsp;que les daims deterrent en hiver , pressés par lanbsp;faim, et qui se durcissent dans leur estomac rétrécinbsp;et brülant. Ce sont ces racines et ces herbes quinbsp;donnent l’odeur et la vertu aux bézoards.

Le 2 Juillet, j’assiMe avec edification k plusieurs cérémonies singulieres, mais pieuses et raison-nabies dans la belle église du College ; on y céié-broit la fête de la Visitation. Considérant le magni-fique College qu’on batissoit a Clausenhourg, je disnbsp;k nos PP. , que vu la situation actuelle de la Compagnie , ce batiment seroit probablement changenbsp;en casernes. Impius hcec tam culta novalia milesnbsp;habehit. Virg. On y travaitle une pierre d’albatre ,nbsp;qui doit former la table d’Aulel, en maniere d’urne.

Truditar dies die ;

Novceque pergunt interire luncB ;

Tu seeanda marmora

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JLocas sub ipsum funus ; ei sepuldui Iminemor , struis domos.

Hor AT.

Le 3 , j’assiste a line Messe arménienne , dite par un Religieux de S. Antoine de Venise , Supérieur en Transylvanie : ce rit arménien est mêlénbsp;du grégorien et du basilien.

Le 5, je dine a Torda, chez le controleur du sel : il y a six salines a Torda , toutes riches etnbsp;belles. On pent se rappeller I’inscription que nousnbsp;avons rapportee plus haul, pag. 154-

A Fel-Vintz, je ne puis trouver de logement, ni a la poste , ni au cabaret, ni chez le Curé catho-lique, ni chez le Predicant calviniste. Je dors donenbsp;sub dio y victima nil rniserantis orci j tandis quenbsp;Hansel broutoit i’herbe du cimetiere, je priois a lanbsp;porte de I’eglise , ayant toujours a I’esprit ces motsnbsp;de l’Ecclésiastique ; Queeswi sapientiam palam in Ecdi. C 5inbsp;oratione med : ante templum postulabam pro ilia,

Le 6, je m’arrête un peu k Enied, bourg considerable , OÜ il y a des Cordeliers : je m’égare en-suite , et ne puis faire comprendre aux Valaques h quel endroit je veux aller. Carlsbourg, fFeissen-bourg, Alba-Julia (*), Alba-Carolina, étoient desnbsp;noms inconnus. Enfin entendant dire a un Hon-gpo\s feirrar, et a un Valaque Belgrade ; et réllé-chissant que les villes qu’on nomme Alba, se nom-

Ainsi nominee de Julia-Aiigusta , mere de Marc-Au-rele son fondateur , ut ostendit , dit OEthel Thesaur. geogr., ex antiqud inscriptione ejusdem loci , Stepheunbsp;nus Taurinus , in sua Stauromaehid. Cependant je nenbsp;trouve pas cette inscription dans celles de ce pays-la, quenbsp;j’ai sous les yeux.

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moient ainsi en ces langues , je leur fis signe que c'étoit li\ que je voulois aller, ils me dii igerent, etnbsp;j’arrivai h 3 heures après midi a Carlsbourg, ainsinbsp;noramé par l’Empereur Charles VI, qui en fitnbsp;line forteresse superbe : l’enlrée est une des plusnbsp;magnifiques du monde 5 la statue équestre de cenbsp;Prince est au-dessus 4e la porte , avec beaucoupnbsp;d'autres statues symboliques. Je n’ai rien vu denbsp;semblable depuis Carlsbourg , jusqu’h l’arc denbsp;Francois a Florence.

Le 7 , je vis la forteresse en détail; l’hêtel des monnoies , oü 1’on me montra une nouvelle etnbsp;belle machine servant a élendre les lames, et lanbsp;maniere de séparer l’or d’aved’argent par Ie moyennbsp;de 1’eau forte; ensuite jefus a Téglise desValaques.nbsp;Leur Cure est un Religieux de S. Basile , hommenbsp;poli, instruit et très-judicieux : il me'présentanbsp;une tasse de chocolat et me fit mille amitiés. Cesnbsp;Basilites sont unis de bonne foi et avec zele knbsp;1'Eglise de Rome ; celui-ci est de la résidence denbsp;Balas fahm. Leur habit est noir, doublé de rouge;nbsp;ils ont par-dessus une robe assez semblable a cellenbsp;des Jésuites, et sur la tête une espece de tambour.nbsp;J’avois vu un autre Basllite , Vicaire-général knbsp;Bistritz,. J’allai voir aussi la Cathédrale , qui estnbsp;passable , mais qui manque de fenêtres ; c’est 1'é-glise de 1’Evêque de Transylvanie, quoiqu’il de-meiire a Hermanstadl.

Le 8 , je dine avec Ie capitaine Wolf a Fintz OU Cilvintz, oü il y a un chateau de 1’Evêque; c’estnbsp;la (jue fut assassiné le Cardinal Martimisius. Hnbsp;gvoit fait balir ce chateau sur les ruines d’un Mo-

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nastere qu’il avoit fait abattre. Siiivant Mr. tie Thou , Ie Supérieur de ce Monastere prédit k Mar-tinisius sa fatale destinée.

Le lendemain je fus oblige de quitter Mr. Wolf, paree que savoiture nepouvoit suivremon Hanset.nbsp;Vers minuit (le 8) j’arrivai a Sasvaros, après avoirnbsp;terriblemeiit galopé : k fentrée de la nuit je ren-contrai différentes troupes de Zigeiner (Bohémiens)nbsp;tout nus. Je n’aurois point éié a mon aise sansnbsp;I’approche des voitures du capitaine , et l’un d’euxnbsp;m’avoit déja crié : Arrête. Une Zigeinerine me regardant fixement, me répéta en allemand une pré-diction singuliere , qu'une autre femme m'avoitnbsp;déjk faite autrefois a la porte du College de Luxembourg (*). Si le bonheur dont elle me paria , estnbsp;le bonheur intérieur , elle n’a pu dire plus vrai 5nbsp;mais celui-la je le possédois déja dès-lors : et d’ail-leurs ces diseuses de bonne aventure ne s’occupentnbsp;point des destinées invisibles 5 du reste je seroisnbsp;bien faché qu’elle eüt deviné juste. Mais cette pré-diction sera sürement démentie par févénement.nbsp;Le rapport néanmoins est remarquable , et suppose assurément quelque commerce avec fes-prit des ténebres, qui croit prévoir souvent cenbsp;qu’il ne prévoit pas, et qui par sa longue expé-rience de six mille ans et sa perspicacité extréme,nbsp;louche quelquefois le vrai. Souvent il profile desnbsp;lumieres de quelques saints personnages qui fontnbsp;des prophélies 5 il les répete après eux 5 c’est la pensee de S. Augustin : Audiunt enim ticec dèrice po-testates, — II est vrai que de saints et judicieux

(*) Je rapjjellerai cette pre'diction ci-apres.

Joum. hist, et /ïVf.^iSept. 1784Jnbsp;pag. 24.

Journ. hist, et littér. j i5 Aoütnbsp;1777) pag- 614.

Prediction faite a Mde. de Maiii-tenon , Journalnbsp;hist, et lilt., i5nbsp;Opt. 1786, pag.

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personnages m’ont fait la même prediction en tec» mes plus généraux ; ils se sont également trompés.nbsp;Journ. hist, et J’observcrai ici en passant qu’il y a deux prin-cipales especes de Zigelner ; les uns sont mal ha-^ ®nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;billés , les aulres sont nus et ne sortent de leurs

forêts qu’a l’entrée de la nuit comme les bêtes fé-roces. Posuisü tenebras et facta est nox ; in illd pertransibunt omnes bestice sylvoe : ortus est sol etnbsp;Journ. hist, et congregati sant. La Valachie et la Moldavië en sontnbsp;Uttér., i5Octob. pleines.

'77 1 pag- 2 2. nbsp;nbsp;nbsp;^ Sasvaros dans un carrosse ouvert: un

terrible orage me fit fuir du carrosse dans une maison ouverte , et retourner de cette maison aunbsp;carrosse moins ouvert que la maison. J’avois jeune 'nbsp;ainsi que mon cheval; les Récollets nous retjurentnbsp;tous deux Ie lendemain. Les Valaques de ces cantons sont très-doux et très-officieux.

Le 9 , je loge a Deva, dans Ie beau chateau de la Comtesse de Haller, après avoir dit avec unenbsp;volupté spiritoelle,mes heures dans son charmantnbsp;jardin.

Le 1 o , après avoir dit la Messe chez les Récollets Bulgares , je montai au chateau de Deva, qui est fort haut, bien situé , et en état de faire quel-que défense. La vue y est des plus charmantes etnbsp;des plus variées ; ce chateau est un poste important pour entrer en Transylvanie ; il est célebrenbsp;dans 1’histoire de Ia régence du Cardinal Martinu-Voy.DEVAdans sius. La montagne sur laquelle il est bati, estnbsp;Je uir.t. géogra- ji-peu-près entourée d’un fossé d’eau, et d'un re-phique.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;tranchement régulier. Je dinai chez le Comman

dant qui deraeure dans une assez belle maison au

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bas de la montagne; et Ie soir je fus a 8 heures chez Ie capilaine Frejmuth a Dobra.

Le 11 a 3 heures du matin au sortir de Dobra , un cavalier me demanda mes passeports , et m’ap-porta de I’avoine pour Hansel; c’est la seule foisnbsp;que Ton m’ait solemnellement fait montrer mesnbsp;passeports dans tout ce voyage. J’entre dans unenbsp;fcrêt horrible, dont la traversée est de drois ounbsp;quatre milles d’Allemagne ou 6 lieues de France,'nbsp;j’y chante a pleine voix le Te Deum, pour épou-vanter les voleurs. Differens passages des saintesnbsp;Ecritures , analogues au local que je traversois ,nbsp;occupoient ma pensee. Abraham verb plantavit ne- Genes., C. 21.nbsp;mus in Sersabee, et inaocarit ibi nomen Domininbsp;Dei ceterni. —^ Invenit eum in terrd deserid, in loco Dent. 32, 10.nbsp;horroris et vastoe splitudinis.Exuliabunt omnianbsp;ligna sylvarum a facie Domini. ¦— Et deduxit eos Psalm. gSet 77.nbsp;in spe, et non timuerunt. L’idée de Dieu a quelquenbsp;ohose de plus sensible dans les solitudes et lesnbsp;deserts inaccessibles au tumulte des choses hu-maines. Je fis faire cette reflexion h mon chernbsp;Comte d'Tbaira;et depuis il écrivit des montagnesnbsp;de Rodnau, a Madame , qu’il la trouvoit d’unenbsp;grande vérité.Telle estlapiété des esprits religieus:nbsp;par-tout ils trouvent des autels dressés h FEternel,nbsp;sous l’ombre des hêtres comme sous les voütes do-rées des temples les plus magnifiques. Saint Bernard disoit que dans la connoissance de Dieu , ilnbsp;n’avoit eu d’autres maitres que les chênes et lesnbsp;hêtres. J’ai senti vivement cette impression des fb-rêts dès 1’age de 8 k 9 ans.

Je mangeai quelque chose k Cochova, au sortir


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¦*Voy. Ie Journ.

de ceüe forêt: j’enfrai ensuite dans une autre forê,t semblable ci la premiere; j’y reiicontrai des Va-'etnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;* 5 puis sorti de celte forêt, je jouai quel-

Fév. 1785, pag. que tems avec deux feux-follets. Je crus d’abord que c’étoient deux lanternes atlachées aux deux cótésnbsp;de la porte de Lugos oü j’allois 5 mais j'étois encorenbsp;a J lieues de Ik , et Lugos n’a ni porles , ni lanternes. On appelle feux-follets ces feux errans quinbsp;fuient devant celui qui les poursuit, qui trompentnbsp;Ie voyageur , et que jamais n’a pu atteindre lanbsp;course la plus rapide. Mr. Volta les a saisis , les anbsp;enfermés dans des bouleilles en y faisant entrernbsp;Fair inflammable des marais , qui s'y enflammoitnbsp;bientót après. Lettres de Mr. J^olta sur l’air inflammable des marais , Strasbourg , cliez Heitz ,nbsp;i'j’jB , un vol. in-80.

Je ne pus arriver a Lugos qu'a onze heures de nuit, ayant fait avec LIansel ce qu’on fait en deuxnbsp;jours en voiture. J'arrivai trop tard pour trouver anbsp;me loger. Le ciel servit de toit et a moi, et a monnbsp;Hansel. Deux boeufs penserent m’écraser pendantnbsp;la nuit. Lugos est une ville considérable du Bannatnbsp;de Temeswar; elle est située sur la Temès, et n’estnbsp;pas fort loin de Karansebès, qu’on donne pour lenbsp;lieu de 1’exil d’Ovide. C’est une bévue. Voyez lenbsp;Dictionn. histor., art. Ovule,

Le 12, je vais voir Féglise des Valaques schis-matiques ; de toutes celles du rit grec , c’est la plus belle que j’aie vue. Je passai de Ik pres desnbsp;écluses de la Temès, a deux lieues de Lugos. Cesnbsp;écluses proportionnent 1‘écoulement des eaux aunbsp;besoin du canal et des fortifications de Tcmeswar.

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Je dlnai chez un officier du Bannat, proprement logé a la hollandoise, qui -vint, comme Abraham,nbsp;ro’aborder sur Ie grand cliemin , el me forca d’en-trer. J’arrivai a heures h Tcmes-war, après avoirnbsp;beaucoup souffert de la poussiere et ensuite de Ianbsp;pluie , une femme valaque ayant refusé avec du-reté de me laisser entrer avec mon cheval dans sanbsp;maison, qui réellemenl n'étoit qu’une écurie.

L’administration du Bannat de Temeswar est immmdiatement subordonnée k la Chambre royalénbsp;de Vienne, sans avoir de liaison avec la Hongriej.nbsp;Ce Bannat est divisé en onze districts; toute lanbsp;partie oriëntale en est montagneuse ; on, y trouvenbsp;des mines j elle est plus habitée que la partie oonbsp;cidentale, qui est fort marécageuse. Je parlerai ci-aprèsdes changemensquiy sont survenus en 17']y.

Le i3, je vis en détail la belle ville de Temesr-¦war , batie réguliérement et magnifiquement. La Cathédrale est un bel édifice : l’Evèque n’eslnbsp;point Evêque de Temeswar, mais de Czanad.nbsp;L’église des Valaques schismatiques est belle aussi}nbsp;la nóire est une mosquée. La promenade dans lesnbsp;, galeries ouvertes des casernes est assez agréable.nbsp;On voit encore le chateau turc; la tour Eugé-nienne, par ou le Prince Eugene entra dans lanbsp;ville , après 1’avoir prise le ra Octobre 1716 5 etnbsp;plusieurs maisons turques. Je vis aussi quelquesnbsp;Juifs vêtus k la lurque. — Les églises du Bannatnbsp;ne sont point consacrées, k cause du peril oü ellesnbsp;sont d’etre prol'anées. II n’y a point de Dédicace :nbsp;si Ton recouvre Belgrade, on les consacrera, —nbsp;L’air n’est pas très-sain k Temeswar, quoique lesnbsp;marais environnans soient en grande partie dessé-

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diés, et qu’on y ait fait un lion canal, qui est d’une grande utililé. Les fievres y regnent ordinairementnbsp;sansêtre dangeieuses, pour peu qu’on se naénage.

L’erapire que !a fievre exerce sur Ia Hongrie , l’a fait reconnoitre pour une déesse , et mêmenbsp;pour une grande déesse par les anciens Ro-mains. On lit a Ostroliovo^ en Transylvanie, cettenbsp;inscription;

Febri VirjB.

Voy. Ie Journ. hist, et littér., inbsp;Oct. 1782 , pag.nbsp;i8o.

Fbrri sanct.r.

FeBRI MAONjE.

Camilla amata.

Pro FtLio.

Male afbecto p.

Le 15 , i'examinai les fortifications, en falsant Ie tour des remparls} elles sont belles et fortnbsp;bonnes. Ceux qui ont cru pouvoir les comparer anbsp;celles de Luxembourg, n’ont aucune connoissancenbsp;de l'arcbitecture militaire, et ne doivent pas mêmenbsp;avoir fait usage de leurs yeux.

Le 16 je dine, ou plutót je jeune a Parian, et après avoir pensé périr de soif et de chaleur dansnbsp;une plaine immense et stérile, quoique j’eusse bunbsp;plusieurs Ibis de 1’eau bourbeuse et fétide des puitsnbsp;qu'on y rencontre de loin en loin , j’arrive k dixnbsp;lieures de nuit k Brecskerck, oü les chiens des Va-laques faillirent de mettre en pieces mon pauvrenbsp;Hansel. Une brave femme allemande , après biennbsp;des questions, se leva en considération de ma prê-trise , et me donna un verre de bierre qui menbsp;rendit la vie} ensuite elle roe fit conduire dans unnbsp;assez bon logement.

Autrefois Brecskerck éfpit une ville et une for-

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teresse assez considérable, au milieu d’un marais, qui, lorsque j’y passai, étoit k sec par les longueSnbsp;et grandes chaleurs, et par les saignées faites parnbsp;Ie canal de Temésv/ar, qui y passe. Dans les an*»nbsp;ciennes cartes on yoit Brecskerek au milieu d’unnbsp;lac. Cest la patrie des mouclies, des cousins, desnbsp;punaises, des puces etc. arice iUuduntpestes.

Le 17 , j’étois accablé de tristesse ; moncheval mal sellé se trouvoit blessé, et presque sans sanbsp;queue, que la croupiere, frop tenduepourdégagernbsp;les épaules d’une selle improporlionnelle a la petitenbsp;béte , avoit coupée. La chaleur et les millions denbsp;cousins , ne me laissoient point reposer un moment. Le Curé me fit amilié. Un brave Croatenbsp;m’invita k diner : nous étions plusieurs convives,nbsp;mais un même gobelet servoit k tous. Je vis sutnbsp;la porte de la maison les portraits de deux célebresnbsp;vieillards très-bien tirés ; ce sonl les deux per-sonnes que Charles VI fit venir k Vienne. On ynbsp;lit ces paroles; Janos Rowin alt i'jx undSara Dessennbsp;anweib jahr gebiirftg zu Zodowir im Karanse-bischen Distrikt, haben im Ehestand gelebtnbsp;C’esl-a-diie : « Janos Rowin, agéde i'j2 ans , etnbsp;n Sara sa femme, agée de 164 ans, nés k Zodowirnbsp;» dans le district de Karansebès, vécurent unisnbsp;« 147 ans 1). Ils se nourrissoient de cucurutz ounbsp;bied de Ttirquie, qu’on voit peint dans le tableau.nbsp;On dit que la femme avoit un écureuil du mêmenbsp;age qu’elle; cependant quelques naturalistes nenbsp;donnent k eet animal que sept ans de vie. lie portrait de Rowin se voit k Bruxelles , dans Ia biblio-theque du Prince Charles. — Valmont en parle

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dans son Dlctionn. lt;FHist. nat., art. Homme,

De la Hieillesse el de la Mort, et fait mention de Pierre Zorten , paysan du même pays, agé denbsp;i85 ans (*).

Après avoir dine je montai sur un minaret; je rendis ensuite visite a I'lnspecteur imperial , puisnbsp;je partis avec un Rendeur de comptes pour Pelès-vaios. Je fus très-bien chez cet homme, quoiqu’ilnbsp;ne me connut aucunement.

Le i8, je passe le Danube k Surdac : ce grand fleuve y est d'une largeur étonnante; on croitnbsp;passer un bras de mer. C’est cependant encore biennbsp;plus bas que se trouvoit le pont de Trajan. Aprèsnbsp;m’êlre égaré pendant trois heures au-dessous denbsp;Seinlin, jerevins sur mes pas en coloyanï Belgradenbsp;et fus a 'j heures du soir chez le Vicaire-Généralnbsp;a Semlin. II y a dans cette contrée un labjTinthenbsp;de ehemins , dont il est impossible de se tirer sansnbsp;guide. C’est la seule fois que je me sois égaré aussinbsp;considerablement dans tout le voyage de Rome.

Quia delectdsli me, Domine, in facturd tud et in operibus manuum tuarum exultaho... Vir insi-piens non cognoscet, et stullus non intelliget hcec.nbsp;Psalm. 91.

It y a pea (i’annees qu’on a roue a Bistritz im Va -l.Kjue de 128 ans. — Un soldat de Charlemagne, mort sous Lotliaire, eu 1128, nomme Jean, avoit 36i ans.nbsp;Voyez Nauclerus , Cramerus etc. Berti , Hist. Eccl. ,nbsp;brev. parte id. , app. sasc. 12. La chose paroit incontestable; j’ai neanmoins peine a la croire. — Drachenberg,nbsp;mort a Aarhus en Jutland, a i^b ans en 1773. On pentnbsp;voir sa pompe funebre, son epitaplic, Gazette de Leyde ,nbsp;24 Novembre.

A^OYAGE

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VOYAGE DE SEMLIN A ROME.

I 'j68.

Oportet me et Romampidere* Act, xix. ai; Transiho igitur, etvideho terramhanc optimami Deut. m. 27.

Oemlin est une ville, ou plufot un bourg consi-dérable, babité par des Allemands , des Rasciens, des Juifs, des Turcs etc. C’est ici 1’ancien Sjr-mium. La Servie qui est au dela du Danube et.nbsp;de la Save, est, me disoit-on, bancienne Thrace jnbsp;mais cela ne peut être vrai qu'a l’égard de la Thracenbsp;du mojen dge. Celle des Remains et des Grecs estnbsp;la Romanie d'aujourd’hui. Schmith , Hist. Imp.nbsp;Ottom. et Istuanfi, appellent toujours les Serviensnbsp;Th races. Istuanfi , De rebus Pann., dit : Situm estnbsp;Belgradum in ed Thracice regione etc., et ainsinbsp;par-lout,

Semlin esi, vis-a-vis de Belgrade , dont il est se-pare par le Danube et une grande isle. Selon I’ac-cord fait avec les Turcs, on ne peut le fortifier j il n’a d’autres remparts qu’une rangée de grossesnbsp;et hautes palissades , qui sent autant de pins en-foncés enterre. hsiContumace, ou quartier de ceuXnbsp;qui font la quarantaine, a de doubles palissades ¦,nbsp;ce quartier est comme la forteresse de Semlin, Lesnbsp;hommes et les marchandises y font également lanbsp;quarantaine. Les Recollets ont une Maison a Semlin.

J'ai beaucoup parlé avec le Directeur de la Con~ tumacc, touchant la nature de la pesle turque. Ilnbsp;I'attribuoil a leur mal-propreté; mais je crois pou-

Tonij I. nbsp;nbsp;nbsp;V

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( 3ü6 }

voir y trouver encore d’aufres raisons. La peste a toujours passé pour un fleau de Dieu. An forsnbsp;quia a vino abstinent? Vinuin enim eam fugatjuxtanbsp;/)'«• Guys , et ut docet in morbis putridis expencn-tia. Vina tarnen acria , utRhcnanum, Mosellanumnbsp;Sourn. hist, et proistare passim crediturCyprio, quod laudat Guys,nbsp;later., 10 Avnl J[lii falia snirituosa vinu nialuntunde adustis vinis

i777? pas- 562. nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•

menus servantur a putredine carnes. Acetosa vina bilis foccundiora.

Le 19 Juillet, je fus voir le Commandant, Mr. de Sturm (*) , et ensuife la ville de Belgradenbsp;du cüté du Danube. Je montai, non pas sur le minaret , comme je le dis dans le Journal du i®'quot;.nbsp;A0ÜI i'j84 , pag. Sai , mais au liaut de la tour denbsp;I'Eglise Calliolique, qui est une ancienne mosqnéenbsp;(démolie en i y84) , pöur pouvóir de la mieux voirnbsp;Belgrade, avec une lunette d’approche. Je le visnbsp;encore du bant d’un ancien chateau , bien situé ,nbsp;mais qu'on n’ose i'ortiller. ]gt;e cette montagnenbsp;on vüit, outre la citadelle, une grande partle de lanbsp;ville. Enfin, malgré les craintes que le Commandant et leVicaire-Général iacherent de m’lnspirer,nbsp;j'allai avec Hansel, jusqu’au canal Ae\a.Sauspilz,nbsp;OU pointe de la Sare. L’Empereur avoit été un peunbsp;avant moi jiisqu’ii la Sauspilz. On rencontre deu.x piquets Impériaux, avaiit d’y arriver. TJn brave Croatenbsp;qui ë toit de garde, me suivit pour plus grande sureté.nbsp;La situation de cette célebre forteresse , sur unenbsp;montagne enlre le Danube et la Save, est extrêine-inent avantageuse, mais les fortifications n’en sont

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pas bien considerables : celles des Autrichifns out éié déniolies, et les Tures nont guere bati. II y anbsp;sur Ie bord du Danube une baiterie formidable.nbsp;L’attaque de la ville ne peut guere se faire que

Voyczlcs dliK'


du cóté de la Ratzenstadt ou ville des Rasciens. renssiogtsdccci.

Kien de plus tranquille aujourd nui que les Bel- dans Bonf /.s.

gradiens ; on ne voit personne sur les remparts ; nbsp;nbsp;nbsp;i

on n’entend rieii , on diroit que c'est une ville

déserfe. Aurefois ils passoient la Save, et enle-

voient tout ce qu’ils irouvoient. — L’auteur des

Considérations sur dorigine et les revolutions du

Gouvernement Romain, Paris, 1778, croit qu’au-

trefois la Save se décliargeoit dans 1’Adrialique ;

cefte idéé est réfutée par Ie seul aspect de toute

cette region, par les Alpes horribles de Carlstadt

et A^Laulach: de la maniere dont eet écrivain rai-

sonne, ou plulót déraisonne sur ce sujet, il paruit

croire que la Save remonte de Belgrade , jusque

dans la Carniole , prenant h rebours Ie dessin et

1’expression de la carte.

Le soir , au moment oü j’allois me couclier , Ie Directeur de la quarantaine entra dans ma chambrenbsp;avec quelques autres personnes , pour demandernbsp;luon avis sur unemédaille de Moise, pour laquellenbsp;les Juifs avoient déja voulu donnev plusieurs ducats.

*le ne me suis Jamais beaucoup applique a la science

des médailles; je lui dis seulement que le caractere

liébraïque moderne, qui est le Chaldaïque, n’avoit

pas été en usage au tems de Moïse. La figure de

^loïse sur cette médaille, ne s’accorde pas non plus Journ. hüt. et

^vec son portrait , dont j’ai parlé ci-devaut,

Pag. 378. nbsp;nbsp;nbsp;'' ’ ^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'

V 1

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On Jnontre des médailles d’Abraham et de Sara, de David , d'Absalon et d’Esther. Le Baron denbsp;Spanheim prouve asssz bien que nous n’avons au-cune médaille frappée avant la destruction du second Temple. II croif que la plus ancienne médaillenbsp;est celle d’Amjntas , premier Roi de Macédoine ,nbsp;laquelle se trouve danste cabinet du Roi de Prusse.nbsp;II la croit antérieure a celle d’un autre Amynlas ,nbsp;aieul d’Alexandre-le-Grand, qui est dans le trésornbsp;du Roi de France , et a laquelle le P. Hardouinnbsp;avoit donné le prix de Vantiquité. En Italië le Pa-douan et le Parmesan, et en Hollande un nqmménbsp;Carteron, sont les plus célebres faussaires en faitnbsp;de médailles.

Le 20 Juillet, je passai par Panoscha ou Banoska, OU 1’on ache vela quarantaine commencée a Semlin. J’y pris un déjeuné chez le Ghapelain ,nbsp;qui me fit beaucoup d’accueil. —Je dinai a Bésckanbsp;chez un Capitaine de Varadiniers, après avoir eunbsp;une chahde querelle avec son Enseigne , qui étantnbsp;schismatique avoit refusé de me conduire chez lui,nbsp;et qui fut très-embarrassé de 1’entrevue que j’eusnbsp;avec le Capitaine en sa presence. — Je souffris ennbsp;ce jour une telle chaleur, que la cire d’Espagne senbsp;fondit dans mes poches. Un grand orage me sur-prit sur la hauteur de Carlovitz. Mon cheval, quenbsp;je laissois ordinairement suivre sans le conduire gt;nbsp;en fut eff’rayé, et chercha prés de moi un asyle avecnbsp;une ardeur extréme.

..............Pater ipse coruscd

Plilmina molitur dextrd , quo maxima motu Terra tremit, fagêre ferm , et inortalia cordanbsp;Per gentes humilis stravit pavor. PrRO. Georg-

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Pour surcroit de malheur raon cheval se déferra, et il fallut travailler a detacher Ie fer du pied. J’é-chappai néanmoins a l’orage par la seule issue quenbsp;Ie Ciel avoit laissée. A 6 heures du soir je passainbsp;par Carlovits, ville archiépiscopale, et résidencenbsp;du MétropoUtaiu Grec schismatique , qui se Irou-voit alors a la derniere extrérnité. II mourut ennbsp;effet qu'elques jours après , et fut enterré avecnbsp;grande pompe. II étoit Conseiller intime de Marie-Thérese , et dès-lors Excellence. La Cathédrale estnbsp;assez belle : les Latins y ont aussi une Eglise. Onnbsp;y voit une chapelie balie en mémoire de la paixnbsp;HeCarlontz, en 1699, qui finit cette longue chainenbsp;de victoires qui suivirent Ie siege de Vienne , etnbsp;dëterminerent Ia decadence de l’Empire Ottoman.nbsp;— Sa Majesté est obligee d’avoir de grands égardsnbsp;pour lesSchismatiques de ces nouvelles conquêtes,nbsp;SLir-tout sur les confins.

Res dura, et regni novilas me talia coguni

jyiolivi , et late fines custode tueri.

1. iEneid.

A heures je fus a Petcr-TEaradin. J’y trouvai Ie P. Grundner, un de mes anciens amis.

Le 21, j’allai me promener a Maria schnee {Maiia ad nives). Cest une belle chapelie batie sur lenbsp;champ de bataille , oii le Prince Eugene défit lesnbsp;Turcs ennbsp;nbsp;nbsp;nbsp;le 5 Aoüt, fête de Sainte Mane

aux neiges. On me fit voir aussi 1’arbre prés du-quel le general Breuner, ayanl été fait prisonnier, fut tué de sang-froid par les Turcs.

Allant a la citadelle, je passai parle fort qu’on venoit de batir a l’arrivée de 1’Empereur, pour

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l'atiaquer el Ie défendre en sa presence. La cila-delle, extrêmement haute et 'excellemmenl forti-fiée , seroit une place imprenahle , s'il y en avoit aujourd’hui.Le Danube forme une presquisle, oünbsp;se trouve la citadelle et la ville, qui est aussi trës-^nbsp;forte. II jr a encore de bons ouvrages au dela dunbsp;Danube, et dans une isle qui est vis-a-vis de lanbsp;ville. Luxembourg est néanmoins encore tout autrenbsp;chose, quoique la situation de Peter-Waradinnbsp;puisse paroitre meilleure a quelques égards, Lenbsp;Prince Eugene a fait renforcer par un bon ouvragenbsp;a comes, le seul endroit par ou on pouvoit altaquernbsp;cette citadelle, quidominesur uneplaineimmense,nbsp;On j a coutume de tirer le canon quand il tonne,nbsp;comme on fait sur mer. II y a aussi dans cettenbsp;citadelle une belle machine hydraulique, qui elevenbsp;l ean du Danube Jusque dans la place.

Le 22 , je vis Neusatz (JVeoplanta/n) , petite ville construite depuis peu , inais déjii fort animée. Onnbsp;y compte frois Eglises Schismatiques, une Catho-lique, et une Arrnénienne j les Rasciens y ont imnbsp;Evêque. Depuis iVensa^s jusqu’a la Theiss, s’etendnbsp;un ancien retranchement Romain. Voyez Istuanfi,nbsp;Bonfinius etc. et Marsigli , opus Danubianum. Jenbsp;revins le mème jour a Peter-TVaradin.

Le 23 , i’allai voir le Gouverneur , Baron de JVulfj'en. Je vis aussi plusieurs vaisseaux de guerre,nbsp;dont on se sert contre les Turcs. Ce ne sont quenbsp;desbarques, appellees schaikcB. — Le 25 , fete denbsp;S. Jacques, je chantai la Messe dans notre Eglis^-Dans 1’après-dinée, j’allai a cheval avec le Supc'nbsp;rjeur, a Maria schnéa. J’y trouvai un major d®

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C 3ii )

Ganoniers qui avoit connu beauconp mon grand-pere : il men paria av.ec aatant d’enlliousiasme qae de reconnoissaiice.

Le 2'j, je parlis de Peter-Waradln Ie P. Grund-ner m’accompagna a cheval jiisqua une lieue de la. Je me délournai de men chemin peur voir unenbsp;alibaye de meines Sclii.smaiiques de S. Basile ,nbsp;située dans une admirable Vallée. II y a la deux denbsp;ces abbayes j je ne vis que la seconde, qui est dei-riere slch. Peu de ces moines sonl prêtres : ilsnbsp;sont frès-ignorans, et portent rarement, au inoinsnbsp;en été , l’habit religieux ; je les pris pour desnbsp;paysans on pour des doraestiqiies. II y a en Escla-vonie trente monasteres de ce genre. Les Grecsnbsp;appellenl leurs moines Calugeri. Nos missionhai-res, dans les heitres édijlanles, les nomment ennbsp;Francois Caloyers.

Je dinai k Szerevics, cliez Mr. de Bonne-Garde, inspecteur de la Cbambre impériale, qui me retintnbsp;Ie reste du jour. Vers le soir, je montai sur lesnbsp;debris d’un vieux chateau , avec une lunette, pournbsp;jouir d’une des plus belles vues qui existent. « Lenbsp;n climat, le sol et sa fertilité, les productions denbsp;n loute espece, la beauté singuliere des végétaux ,nbsp;» tout semble concourir a rendre cette contrée lanbsp;n plus brillante et la plus délicieuse de Ia terre.

') Tout y est merveilleux et de la plus satisfaisante « variété. A chaque pas on trouve des paysagesnbsp;“ uniques ; 1’oeil est frappé a la vue des tableauxnbsp;quot; les plus singuliers. Pendant buit mois de l’an-« née, les forêts y censervent toute leur verdure;

» les collines sont couvertes de vignobles et de

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I1 chateaux de la plus élégante structure ; les val-V léés sent remplles de jardins perpétuellement » chargés de fruits et de légumes excellens. Ajou-n tez h ces richesses inépuisables, les mines abon-» dantes cachées au sein de la terre , et vousnbsp;ft n’aurez encore qu’une idéé imparfaite desagré-ti mens de toute espece , qu’ofïfe la nature dansnbsp;)gt; l’Esclavonie et la Syrmie (1) ».

L’Esclavonie tire son nom des Slaves, Ce pays portoit, du tems des Remains, les noms de Pan-nonia-Valeria, èllnteramms eXivYllirie. Ceuxd’en-tre les Esclavons qui suivent acluellement Ie ritnbsp;grec , sont appellés Paatzer , Raizer ou Rasciens,nbsp;Le Danube, la Drave et la Save bornent cette con-trée dont la longueur est de 32 milles, et la largeurnbsp;de 6 milles seulement en certains endroits,et de 12nbsp;milles en d’autres. Dans eet espace, comme onnbsp;voit assez peu étendn , la variation de 1’aiguille ai-mantée est de i5 a 18 degrés. La cause de ce phé-nomene seroit très-difficile a trouver, si 1’on nenbsp;savoit pas que les mines de fer sont Irès-abondantesnbsp;dans les montagnes de la Styrie , de la Carinthienbsp;et de la Carniole.

Si, comme on le dit, il n’y a que 285,000 ames dans l’Esclavonie et le Sjrniium, on ne peut pasnbsp;dire que le pays soit bien peuplé ; et par proportion , il n’y aura guere qu’un million et demi d'ha-bitans en Hongrie, et trois millions en y ajoutantnbsp;les provinces dépendantes. ¦— Tout est Grec ounbsp;Romain dans ce pays 5 point de Calvinistes ni denbsp;Jjuthériens.

1

Extrait de la Description qu’en fait un Auteur, qu? notre Yoyageur ne nomme pas ^Note ie l’Éditeur.),

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Le 28 , ne frouvant rien pour mon cheval chez les Récollets A’Illok, bourg et chateau sur le Danube , je poussai jusqu’a Szeregrad, et pour la nuitnbsp;jusqu’a Bukovar. Les Récollets me recurenl fortnbsp;bien : ces PP. ont des Maisons dans presqiie tonsnbsp;les bourgs de l’Esclavonie; ce qui fit dire a l’Em-pereur Joseph II, qui venoit de visiter le pays ,nbsp;que c'esl un vraipays de Récollets. Ein Franciscaner Land,

Je n’ai garde d’improuver celfe multitude de Religieux qui, avec les Cures instruisent les peu-ples , et les entretiennent dans les idees et les sen-timens de la Religion ; mais c’est sur-tout dans lesnbsp;pays très-peuplés qu’on auroit tort de vouloir ennbsp;diminuer le nombre. A quoi bon les ramener dansnbsp;un monde , oii toutes les places sont prises , ou ilsnbsp;ne peuvent se placer, sans en déplacer d’autres ,nbsp;et oü ils feroient une consommalion bien plus dis-pendieuse pour se nourrir et se vêtir , au lieu quenbsp;leur pauvreté actuelle met h leur aise un grandnbsp;nombre d’individus qui jouissent des biens et desnbsp;douceurs abandonnées par ce pieux sacrifice. Lesnbsp;PP. Récollets ont dans 1'Esclavonie , 5o Couvensnbsp;bien batis , vivent très-honnêtement, et exercentnbsp;1’hospitalité de fort bonne grace. — Je dois observer qu’il y avoit anciennement une ville nom-mée Bononia, batie sur remplacement ou auxnbsp;environs dilllok, dont je viens de dire un mot.nbsp;Voyez Ortelius.

Le 29, je fus vers midi kEssek, belle forte-resse bien réguliere sur la Drove ; la ville est assez jolie -f elle plut k l’Empereur. II y a des cavaliers

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sur les remparfs, des contre-gardes aux demi-lunes et aux bastions, des lunettes aux angles rentransnbsp;du cbeinin couvert. II y a de l’autre cóté de lanbsp;Drave , un excellent ouvrage ii couronne , cons-truit par ordre du Prince Eugene. — H y a aussinbsp;^ Essek une manufacture de soie qui commence anbsp;être intéressante : les rauriers viennent très-biennbsp;en Esclavonie.

Le fameux pont d'iE'sse^ qui alloit jusqu a Darda, b deux lieues ou plus d’Essek , est tout miné.nbsp;Ce n'étoit qu’une suite de grosses planches asseznbsp;mal appuyées sur des pieux. II seroit peut-êtrenbsp;plus aisé de dessécher ces marais , que d’y fairenbsp;de si grands ponts ; mais on les regardoit, ainsinbsp;que les grandes forêts, comme des forteresses etnbsp;des i’elrancheraens. On voit encore entre lesnbsp;fortifications d’£'sse^ , des restes de l’anciennenbsp;ville de Mursia ou Mursa. Plusieurs géographes ,nbsp;entr'autres Ortelius , donnent k la ville d^Essek lenbsp;nom de Mursa : je pense que le fameux Ariennbsp;Valens de Murce , étoit Evêque de cette ville.nbsp;C’est apparemment Attila qui l’a ruinée. — Erreurnbsp;et sufEsance de Mr. Busching et de son correspon-dant ace sujet, Journ. hist, etlitt., i Janv. 177(1,nbsp;pag. 02. — Voyez aussi la Préƒ. de nion Diet,nbsp;géogr., édit. de 1778.

Je vis a Essek une belle machine hydraulique , qui éleve les eaux du fleuve , et en fournit a toutenbsp;la ville : nous y avons une Maison ; les PP. Kutternbsp;et Baffo me firent des ainitiés tout-a-fait particu-lieres.

Le 3o , veiile de S. Ignace , je chantai solem-

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nellement la Messe de mon saint fondateur; car dans ce pays-ci on célebre la veille comme la fêtenbsp;même. Après midi je fus hAlmas, arec leP. Baffb,nbsp;missionnaire de cel endroit; c'est un beau village sur Ie Danube , oü il y a une célebre Imagenbsp;de la Ste. Vierge. Nous vimes en passant Ie confluent de la Drave et du Danube : la couleur desnbsp;eaux de ces deux fleuves étoit notablement différente : c’est la proximité de Mursa avec Ie confluent du Danube et de la Drave , qui prouve quenbsp;les ruines qu’on voit prés ëiEssek, sont effective-ment les restés de cette ancienne ville. Voyez Or-telius, Thesaur. geogr., au mot Mursa.

Le 2 Aout, je pars : k quelque distance de la ville , je vois les resles hideux de nombre de vic-times immolées k la vindicle publique , par tousnbsp;les genres de supplices possibles *et inconnus dansnbsp;nos provinces 5 les uns empales , les autres percésnbsp;d’un pieux transversalement, d’autres coupés ennbsp;deux etc , etc. — Je dine k Kicica, ou plutót monnbsp;cheval dine; car dans ces pays-ci, il ne faut jamaisnbsp;s’altendi'e a manger , ni k boire , ni k dormir dansnbsp;les auberges.

Entrant a Déakovar, residence de l’Evêque de Bosnië, apparemment in pax'tibus etc,, mon Hanselnbsp;fit une cbute qui me jeta loin de lui 5. commenbsp;nous allions 1’ort modestement, je ne pus devinernbsp;la cause de cette chute , car le chemin étoit très-bon. On accourut pour m’assister, mais nous nousnbsp;relevames, Hansel el moi, sans aucun mal. L’Evêque n’étoit pas la 5 je le trouvai k sa terre denbsp;Tyrnava , k 3 lieues de Déakovar, II me reent

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bien ; mais comme il étoit logé fort a l'étrolt, je ne laissai pas de dormir avec Hansel k l’écuiie.nbsp;L’Evêque m’avoit fait préparen un appartementnbsp;chez Ie Curé ; mais je gagnai Ie Curé , et il menbsp;laissa dormir a mon aise. —La maison d’Autriche,nbsp;par la roalheureuse guerre terminée en 1739, per-dit la partie de la Bosnië qu’elle possédoit depuisnbsp;Joum, hist, et la paix de Passaroviiz en 1718. Cet Evêque réfu-

Evêque d’Esclavonie.

Les Esclavons sont extrêmement bons , hu-mains, serviabfes : l’Empereur les loua beaucoupj c'est assurément un bon peuple. Dans la guerre ilsnbsp;ne laissent pas d’être cruels. Ils croient peut-êtrenbsp;qu’on ne fait la guerre qu’aux scélérats et pour ven-ger de grands crimes j peut-être est-ce aussi Ienbsp;cojTuptio boni pessima. La langue de ces bonnesnbsp;gens est l’illyrienne : c’est un idióme de la sla-vonne , ainsi que Ie croate , Ie rascien , Ie bohémien , Ie polonois , Ie russien etc. On dit que Ienbsp;Missel, ou plutót l’Evangile sur lequel les Rois denbsp;France jurent k leur sacre, est en langue slavonne.

Le 3 Aout, l'Evêque me fit accompagner par des Pandoures , qui se relevoient d’un village anbsp;l’autre. Que ce sont de bonnes gens et de zélésnbsp;Catholiques! plutót cependant de volonté et denbsp;coeur , et par une possession générale de la Foi ,nbsp;qu’avec connoissance de cause , l’inslruction desnbsp;peuples étant très-négligée dans ces provinces.nbsp;Mais la vraie Religion a une influence si forte surnbsp;les ames , qu’il sufFit, si je puis le dire, de l’aimernbsp;pour devenir meilleur. Aj^ant quitté mes bonsnbsp;Pandoures environ midi, jem’égarai considerable-

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ment dans les monfagnes ; enfin je me retrouvai dans Ie bon chemin. Je fus très-bien accommodénbsp;pour la nuit chez Ie Curé de Pléternitz, qui est unnbsp;excellent Jiomme.

Le 4 gt; je fus h onze heures du matin a Posega, capitale de 1'Esclavonie a ce qu’on dit; car cettenbsp;ville n’a rien qui mérite ce nom ; Esse/c le mérite-roit davantage. Entré dans notre College, j’y trouvainbsp;Ie P, Speranlzi, mon co-novice au troisieme an.nbsp;Le P, Pejacevich, Recteur , me fit tout ce qu’ortnbsp;peut faire d’honneur et d’amitié è un étranger (sinbsp;toutefois Ton peut dire qu’un Jésuite fut jamaisnbsp;élranger è,aLn% aucune maison de la Société). Urnenbsp;conduisit dans 1’après-dinée a Kuttieva, anciennenbsp;Abbaye , devenue la maison de campagne du College; c’est une des plus belles que j’aie vues : tousnbsp;nos PP. de Posega sont extrêmement gracieux etnbsp;polis.

Ne laudes ‘hominem in vitd sud.

Le 5 , je fus k 1’auberge oü l’Empereur avoit diné , et j’appris avec grand plaisir la maniere populaire et bienfaisante dont ce Prince avoit usénbsp;envers tout le monde. Le Recteur lui ayant en-voyé les chevaux du College , il s’entretint tout lenbsp;long du chemin avec le cocher qu’il appelloit meinnbsp;lieber aller (mon cher vieillard). Ayant vu le mis-sionnaire de Ar««iejgt;a,il luifitplusieurs questions,nbsp;et loua les missiones Catholicas, ou missions de lanbsp;Doctrine Chrétienne , préférablement aux segne-riennes, ou de la pénitence.* Un Esclavon s’étantnbsp;écrié : JVer ist daim wiser Kaiser 7 (Qui est donenbsp;notre Empereur ?) 1'Empereur se leva dans la yoi-ture et toucha de la main sa poitrine. Plura de op~

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llmi Principis populariiate, Journ. liist. et littér. ,

I Mai 1']']’] ) pag- 72- (N.B. Time nondiim noH),

J'ai vu aussi la belle sole , qu’on recueille de-puis quelque tems en Esclavonie : les müriers y viennent très-bien. J’ai vu ensuite a Posega la ma-niere de la développer» Sa Majesté lira cette annéenbsp;la de TEsclavonie , 1100 livres de soie.

Le 6, j’allai philosopher dans une des plus belles valides du monde 5 elle est pres de Kutlies^a, etnbsp;arrosée d’un beau ruisseau, qui fait jouer plusieursnbsp;moulins plantés sur quatre pieux. La roue y estnbsp;placée horizontalement ; c’est ce qu’on appellonbsp;Lepjelmillen. On ne voit ni cousins ni autres insectesnbsp;champêtres incommodes dans ces beaux cantons 5 ilnbsp;s’y troLive sans doute quelque chose qui leur estnbsp;contraire (1). On explique souvent ces sortes denbsp;choses trop légérement par des miracles : la bellenbsp;maison que j’y vis étoit un repaire de puces ,nbsp;quoiqu’elle ne fut pas habitée. La raison qui éear-toit les autres insectes , étoit apparemment favorable aux puces. Les souris, selon la remarquenbsp;de Scaliger, en amenent beaucoup. Mures tantumnbsp;iiiferre pulicum , ut paulö minus accuratè prospec-ianti pulicis interdum cqrio tecti esse videanturnbsp;(Exercit. 246 , Sect. 5.). Jules Scaliger réfute dansnbsp;eet endroit Cardan , qui prétendoit que les Char-treux n’avoient pas de punaises , paree qu’ils ne

1

11 y a pres de Cliarleroy dans uu vallon, un Mo-iiastcre de Dames BernardiiieSjdont 1’enclos est assez grand. On m’a assure que jamais 011 ii’y a vu de hannetoiis,nbsp;quoique tous les environs en soient souvent très-infesté».nbsp;(Note de l’Éditëur).

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mangeoient point de viande. Voyez Thiers, Traité des supersf,, tom. I, pag. 3i5.

Je reviens a ma charmante vallée, oü je vou-drois demeurer.

......O l quis me densis in vallibus Ilemi

Sistat, et ingenti rainorum protegat umhrd !

J?saïm» 49»

Les lieux agréables nous dépeignent, pour ainsi dire , la beauté de Dieu m^me , et nous annoncentnbsp;son infinie amabilité. Et pulchritudo agri mecumnbsp;est. En revenant nous vimes quelques montagnesnbsp;de la Turquie , sur Tune desquelles il y avoit u»nbsp;chateau.

Le 8 , je pars : un orage horrible me surprend : je suis toujours sans manteau. Mon Pandoure menbsp;prête Ie sien. Ce bon homme étoit si stupide, quenbsp;je devois descendre de cheval pour lui ouvrir lesnbsp;barrières qui, dans cefte contrée, ferment les che-mins de distance en distance. Le soir je suis clieznbsp;Ie Cure de Pakras.

Incendie des campagnes dansnbsp;cette contrée.

Le 9 a midi, j'arrive a Méginrich, chez le Cure ; son Vicaire avoit été Jésuite : il tressaillitnbsp;de joie en me voyant. A 3 heures je suis kKuttina,nbsp;qui est déjk en Creatie, et pour la nuit kMorlanna,nbsp;dans le beau chateau du Comte Erdody, situé

sur une colline appellée Mons Claudius. L’Empe- nbsp;nbsp;nbsp;et

r'i j j'i nbsp;nbsp;nbsp;1nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;11nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;iv* • itttér. , i5 Sept.

reur Llaude, dit-on , y a eu des vignobles. Maïs 1^,-9, pag. 209.

comment Claudius y avoit-il des vignobles, si les

vignes ne f'urent plantées en Pannonie que sous

Probus ? II paroit certain qu’avant Probus il y a

eu des vignes dans les Gaules, en Espagne , en

Pannonie etc., et que eet Empereur ne fit que

lever la déf'ense faite par Domitien , den planter.


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( Sao )

La dénominalion dc cette montagne me porte en effet a croire que les vignes éloient cultivêes ennbsp;ffist.dcsEmp. Hongi'ie long-teras avant TEmpereur Probus, quenbsp;Rom., tom. XI, Cievier regarde comme Ie fondateur des vi-Paris ij55. gnes de Tokai, de Champagne ^ de Bourgogne etc.

Peul-ètre les vignobles étoient-ils absolument dé-^ vastés et abandonnés, lorsque Probus permit denbsp;les culliver, et par-la il peut être regardé commenbsp;Ie restaurateur de la liqueur bachique dans ces dif-férens pays. Mr. Crevier dit que ce Prince eüt élénbsp;sans doute célébré par les buveurs, si les buveursnbsp;éloient savans. Pluche a placé a la tête du secondnbsp;tome du Speet, de la nat., un monument qu’il suppose lui avoir été élevé par les peoples des Gau-les, de i’Espagne, de la Pannonie, en reconnois-sance des vignes qu’ilyalait planter parses soldats^nbsp;selon Ie témoignage de Kopiscus,

Probo Imperatori.

Patri Patrije.

LjBTITIJE vatori,

Enfin, est-ce de Claudius II, ou de Virabecille et cruel Claudius I, ou bien de quelque Généralnbsp;de ce nom , que la montagne s’appelle Mons Claudius? Peut-être n’est-ce pas des vignes, mais d’unnbsp;campement de Claude II, dans son expedition ennbsp;1'hrace, que vient Ie nom de Mons Claudius.

On voit dans ces contrées des ponts d’une longueur élonnante pour passer des marais. Les che-mins, pour cetle raison, sont peu droits, et l’on fait souvent des détours immenses, L'eau y estnbsp;rare, et j’aidonné jusqua 7 creutzers pourabreuvernbsp;Or.ierem.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;cheval. Aquam nostrum pecunia bibimus.

yoenit

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( )

J^cenit vilissima rerum hic aqua. Cö n’est pas qu’on Horai., ii i gt; ta vende , k proprement parler, maïs pour avoirnbsp;un gargon avec un seau, il faut I’amorCer.

Le 10, je suis k Sainte-Croix^ chez Ie Curé, qui est un très-brave homme. J’y dis la Messejnbsp;c’est la fête de S. Laurent. On y fait un ènterre-menl; les Creates y hurlent et y pleurent avec unnbsp;tumulte affreux. Ut qui conductiplorant mfunere Wem,arflt; jjo«.nbsp;dicunt et faciunt prop'e plura dolentïbus ex animo.

— Si je devois être enterré dansce pays-cl, j’aurois soin de metlre dans mon testament:

jibsint inani funere ncenice ^

Luctusque turpes y et quenmonice gt;

Compesce clamorem sepulchri ;

Mitte supervacuos honores... nbsp;nbsp;nbsp;Ideirit

Les Creates sont zélés Catholiques j jamais il n'y eut ni Lutliériens, ni Calvinistes parmi eux.

Ils ont un air martial et dégagé : les cheveux en tresse leur font bieu. En éfé its vont presque tousnbsp;nu-pieds et en chemise, avec de longues culottesnbsp;de toile. Leur langue est un idióme de la slavonne.

L’après dinée, je rencontre un Turc a cheval, bien équipé , en domino rouge ; on insultoit pu-'nbsp;bliquement ce pauvre Musuiman. — A3 heuresnbsp;je suis a Juanitz^ la il y a une palanque, ou fortnbsp;de bois et de gazon, avec garnison. Je demandainbsp;du lait a la servante du Curé , qui ra’en donna jnbsp;ce qui dans cede terrible chaleur et celle équitationnbsp;continuelle , me soulagea beaucoup : j’ai fait unnbsp;grand usage de ce remede, en mêlant de l’eau avecnbsp;le lait j ma poitrine étoit fort allaquée au sortir denbsp;Tom. 1.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;X

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Transylvanie ; je la remis aussi-tot au moyen dé cette boisson.

La nuit va, me surprendre, et je amp;uis en danger de m’égarer, je m'égare même un peu ; mais jenbsp;reviens suf mes pas, et arrive k Bosiakovina. Jenbsp;loge au chateau du Comte Dmskoidcs, après avoirnbsp;amérement reproche aux officiers une inhumanitynbsp;et une rusticité dont its n’étoient pas coupahles.nbsp;C’etoieiit les meilleures gens du monde , maisnbsp;j’ignorois les manieres croatiques : ils s’étoient tousnbsp;Bnfuis et tus par respect et par une espece de sai-sissemenl de me voir arriver.

Ce chciteau est très-antique ; ton's les manes des ancêtres doivent y revenir ; je fiis, justement logénbsp;dans I’endroit qui doit être le rendez-vous de tousnbsp;«es revenans.

Telles On nous peint les taniercs,

Oil' gisent iiinsi qn’an tombeau;

Les pytbonisses , les soi'cicrcs ,

. Dans Ic donjon d’un vicnx cliAtcau.

Gresset.

J’eus bien plus de peine: h me faire un lit a ma facon, qua me défendre des esprits. Enfin,nbsp;après avoir beaacoup souflèrt, je fus parfaitementnbsp;bien recu a Agram, ou j’arrivai le ii Aout avantnbsp;midi. Quasi morienles, et ecce. vivimus.

Agram ou Zagrab est la Capitale de la Croatie. Les géographes placent ordinairement cette ville ,nbsp;et quelquefois Warasdin en Esclavonie , croyantnbsp;que toute la contrée de la Hongrie, comprise entrenbsp;Ja Drave et la Salt;/e se nomme Esclai^onie. On anbsp;achevé de rendre Agram Capitale de la Croatie,

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lorsqu'en i , on y transféra la Régence de TFa-rasdiii. Agram est uiie grande ville et fort helle pour ces cantons. Elle est divisée en ville Capiiu-lairc, Episcopale et Royale. On y conserve un onnbsp;plusieurs corps des SS. Innocens; mais ces reliquesnbsp;sont très-suspectes.

Les Jésuites y ont un College et une Universitélt; Le P. Skerlecs , mon intime ami , étoit alors ^nbsp;Agram ; qu’il fut étonné de ra’y voir ! Le P. Julian!, Ministre (i), me fit aussi beaucoup d’ami-tiés •• le Recteur étoit absent.

La Catliédrale, bailment golhique, est estimable; les autels en sont de marbre et très-bien tra-vaillés. II n'y a qu’une Image de la Sainfe Vierge, figure puerile, indécente et fanatique, qui m’aitnbsp;blessé les j^eux.

ïlor., art.poëtt

Ue gratas inter mensas symphonia discors gt;

Et crassuTTt unguentum et sardo cum mellepapaver OJjfendunt; poterat daci quia poena sine istis.

Les Anliphonaires sont d’une antiquité respeclahle et en caractere de S-, Pierre.

J’ai vu XHisioriarum Cathedralis Ecclesice Zagra-biensisetc. ou Hisloire del’EgUse Catliédrale deZa-grab, partie Idu lome I; avec des Préliminaires ^ oii don irouve la suite des Evéques depuis Pan M, CCC.,nbsp;/usqu’d Pan M. D. C. III, avec des Notices sur cesnbsp;Evêques et surd’autres ohjets, par Mr. Pabbé Ker-“nbsp;selicfi de Corhavia, a Zagrah, in-folio (2). L’His-toire des Evêques va depuis i3oo, jusqu’en i6o3;

(i) Second Supe'ricur d’une Maison de Jésuites. Ce liyre pavoit datiCr cLe

X 2

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( ) _

elle oflVeun journal cxacl des événemens politiques pour les années i565—i6o3 , qui feroit souhaiternbsp;que l’auteur eüt enibrassé uii plus long espace denbsp;tems.

Parnïl les Evêques de Zagrab, il y a eu des Prélals distingués •, tels qu’Augustin Gazoüi, qui anbsp;cté canonisé; Nicolas Olahus, de la Maison desnbsp;Princes de Valachie , et sur-tout un George Dra-covich, célebre orateur du Royaume de Hongrienbsp;au Concile de Trente.

Le i3 , je dis la Messe dans une belle Eglise de S. Xarder, et je recommandai a ce cber Patron,nbsp;juon voyage de Rome. La maison dé campagnenbsp;des Jésuitcs est contigue a cette Eglise. Les environs sont chanuans et dclicieu.x. — On vouloitnbsp;par force me laire aller par Laubach, pour écliap-pqr a 26 larrons Turcs, qui inl'estoient et rava-geoient Ie cbemin de Fiiune a Carhtadt. Je prisnbsp;uéanmoins cette route décriée, et je vis ensuitenbsp;que j’avois bien fait.

Le 14. je dine , ou plulót je jeune h Jaska, el Ie soir je dors a Carlstadt, dans le carrosse du Comtenbsp;de Draskovics. Cette ville est de la Creatie, avecnbsp;une petite citadelle de terre. On me vola è. Carls-tadt mon beau cbapelet et une belle médaille denbsp;S. Xavier. Un hussard a paru me suivre toute lanbsp;journée pour faire cette emplette.

Le 15 , je A'is le régiment des garde-Umiies, legio conjiniaria, en parade. Je passe ^ cólé denbsp;Novigrad, ancien chateau, et je descends ensuitenbsp;dans une belle vallée, oü une eau cristalline étan-che la soifardenie de mon cheval. Je fais bien des

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reflexions sur Ia nécessilé et Ie prix des Fontaines ; sur la sagesse et la bienfaisance du Créateur. Internbsp;medium montium pertransibunl aqua, Potabunt Psalm. io3.nbsp;omnes hcstia agri; expcctabunt onagri in siti sud...

Super ea volucres cceli hahilabunl, de medio petra-ruia dabunt voces.

Je dis la Messe a Bosïlero-, c’est la fête de l’As-somption de la Sainie Viei ge, et je dine chez Madame de Polzia, qui me recoit parfaitement. Mon Hansel va comme un éclair : je ne deyois être quenbsp;pour la nuit a Bosileoo, j’y suis k dix heures dunbsp;matin. Les montagnes et les Ibrêts commencent anbsp;s'élever jusqu’aux mies j la chaleur diminue : onnbsp;ne peut regarder ce pays sans être saisi de frayeur.

On m’annonce que les larrons se sont retires. Vers trois heures après midi, je rencontre une troupenbsp;de Creates armés de toutes pieces ; ils avoient vunbsp;passer quelques cerfs , et alloient leur donner lanbsp;chasse. Ils me menent a une source d’eau pour ynbsp;désaltérer mon cheval, et me reconduisent au che-min avec un grand empressement.

La nuit me prend k Verhoesko : Madame Jake-vics ne veut pas me recevoir, elle rit de mes instances : elle est Catholique, elle a deux fils dans nos classes k Agram; n’importe, elle persiste knbsp;m’exclure. Le Cure est absent. Que faire? Pous-serai-je jusqu’k Lutzina, qui est k deuxlieues denbsp;la? Hansel doit être fatigue, la nuit commence,nbsp;on m’avertit de nouveau du danger que je cours.

Erraverunt in solitudine, in inaquoso. Hiam civi- P^alm, io6. tatis habitaculi non invenerunt. Je pars néanmoins ,nbsp;et après une demi-heure je me trouve sur une

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ïiaule montagne, h l'entrée d’une horrible forêt; c’éloit celle oü les Turcs avoient fait leurs exploits , mais je l’ignorois. Je n’avois prescpie faitnbsp;cjue monter toute la journée; cette montagne étoitnbsp;done infiniment haute. Cette forêt commence déjanbsp;a Carlstadt, et j’y étois depuis mon départ de cettenbsp;ville, mais elle est élaguée en plusieurs endroits.

QuandBuffon,tom.XII,nousreprésentefhomme défrichant une terre défigurée par la vétusté desnbsp;siecles , des pins antiques entassés jusqu’aux nues,nbsp;et Ie germe de la terre étoulfé sous ce tas de ruines;nbsp;je me dis alors : II faut que ce philosophe n’ait pasnbsp;vu l'état actuel de la nature dans les pays les plusnbsp;déserts et les plus inaccessibles a 1’industrie denbsp;l’homme. Les premiers arbres tombés pourrissentnbsp;avant que leurs successeurs soient dans Ie cas denbsp;lomber a leur tour.

Cette contrée est 1’ancienne Liburnia. On pour-i'oit croire que ces montagnes , si riches en beaux sapins, ont fourni des matériaux a la constructionnbsp;des vaisseaux dont parle Horace : Scevis Liburnis.nbsp;scilicèl invidens elc. L’observalion que je viens denbsp;faire, sur la pensee fausse de Buffon, a foujoursnbsp;lieu , tant pour cette contrée mème , abandonnéenbsp;depuis dix- sept siecles, que pour d’auties vastesnbsp;forèts éloignées des mers et de toute habitation ,nbsp;des lacs , des rivieres et de tout chemin pralicable.

L’idée seule de cette forêt, ou j’allois m’engager, roe saisira tant que je vivrai. Je vois a droite unnbsp;abime, dont Ie fond noir échappe a l’oeil; des sapins, vrais géans de la nature végétante, bordentnbsp;Je chemin de leur sommet arabitieux, et semblent

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mesurer Ia profondeur de l’abime dont ils sont partis. A gauche s'allonge vers Ie ciel une-mon-tagne égalenient liérissée de sapins contemporainsnbsp;du monde ; l’oeil en plein jour n’en perce que Ianbsp;superficie.

...........Ccelo capita alia ferentes

Concilium horrenduni : quales cutn verlies celso ^éérias quercus , aut coniferce Cyparissinbsp;Constiterant , syh'a alia Jovij , lucusque Diana;.

3. TEncid.

L’horreur et la nviit occupent ce que les sapins n’ont pas rempli. Des fosses profondes invitent lesnbsp;voleurs et les brigands a assiéger les chemins. Millenbsp;sapins blancs brisés a hauteur d’homme par la fou-dre , les vmnts et les siecles, representent dcs assassins en senlinelle. Je I’avoue, la peur me saisit„nbsp;et je fus charmé que la nuit s’epaississant, m’olatnbsp;la vue de ce hideux sejour. Hansel fut saisi lui-raême de frayeur, carnousetions seulsnous deux,nbsp;et fut plein d’ardeur pour le quitter.

It n’est pas croyable combien la bonne conscience et la paix cle Fame rassurent dans ces cir-cons lances.

Integer vita; , scelerisque purus Non eget Mauri jaculis nec arcu...

Si ae per syrtes iter cBstuosas.,

Sive facturus per inhospitalem Caucasum , vel qua; loca fahulosusnbsp;Larnhit Hydaspes.

IIoRATi

Dès que la nuit futpleine, jedevins hardi : je chantai a pleine voix le Psaume Qui habitat, lenbsp;Te Deutn, la Prélace de 1’Assomption j et je fis k

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mon tour frémir leternel silence de celte vaste forêt.

Je gagnai enfin une verrerie, nommée Sutzina, situéeau milieu de cesantres; les larrons y avoientnbsp;été, et avoient tout ravage. Je ne pus voir qu’ennbsp;iVissonnant les tristes débris qui avoient échappé knbsp;leur fureur. Cette verrerie qui est fort animée ,nbsp;ne donne pas de très-beau verre. La plus bellenbsp;verrerie que j’aie vue jusqu’ici, est toujours cellenbsp;de Mr. Nizet k Liege.

Le lendemain, i6 Aout, je passai par Rauna-gor, que les brigands avoient également dévasté. L’Iiorrible forêt duroit toujours ; je ne la quittainbsp;que vers quatre lieures aprcs midi. liaunagor,nbsp;Mercopan, Fuschma, sont des villages enclavésnbsp;dans cette vaste forêt, qui a , dit-on, sept journéesnbsp;de longueur vers la Turquie. Une telle frontierenbsp;garantit mieux la Croatie et la Carniole , que dixnbsp;forteresses. — Je dinai k Fuschina, ou j'eus unenbsp;assez plaisante conférence avec l’époux de la sus-dile Dame de Ferbocsko, qui est un honnêtenbsp;homme.

Me voici enfin , k 4 heures, hors de la forêt; ici la nature épuisée en sapins, ne produit quenbsp;des pierres et des sables brülans. Je fus dédom-magé de ce trisle aspect par la vue de la mer, denbsp;ristrie, des isles de Veglia et de Cherso , de lanbsp;ville de Buccari etc j vue k-peu-près semblable knbsp;celle dont parle Virgile au Livre de l’Enéïde:nbsp;Despiciens mare velivolum , ierrasque jacentes, lit-toraque et latos populos. O la belle perspective!nbsp;La majesté du Créateur y est peinte comme dans

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un tableau. Quoniam ipsius est mare, et ipse fecit illud, et andam fundaverunt inanus cjus. f^enitenbsp;adoremus et procidamus ante Deum; ploremus coram Domino f qid fecit nos.

Depuis ce moment, je ne fis plus que clescemlre jusqu'a Flume, I’espace de deux ou trois heuies.

La clialeur est insoutenable eutre ces rochers : après avoir descendu duiant une heure, on trouvenbsp;des villages, des jardins, des vignobles sans fin ,nbsp;des lauriers, des figuiers, des maroniers etc. Versnbsp;6 heures du soir , je fus a Fiume, mon Hansel,

I'incomparable Hansel ajmnt gagné un jour sur les trois que j’étois condamné a faire de Carlstadt anbsp;Fiume,

Le chemin de Tune de ces denx villes ë I'autre

. „ nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Joum.. hist, et

est magnifaque : on y voit des montagnes jointe:

par des ponts : c’est un ouvrage de Charles VI, nbsp;nbsp;nbsp;—

vicr 1782 , pae.

grand reparateur des chemins. nbsp;nbsp;nbsp;4,.

Fiume, qu’on appelle aussi nbsp;nbsp;nbsp;(1), est

une petite ville, mais animée et très-commei canle.

Son port est plutot un goH'e qu’un port; mais ce golfe est fort franquille : I’entree en esl dllfirile.

On n’y voit ordinairement que des vaisseaux Grecs

1

Sainl-Veitli, ou Sairit-Vitlr. li y a plusieurs autres villes de ce 110m; une en Carinthie , une dans Ic Dnclié denbsp;Luxembourg, ainsi nominees, en me'moire du MarlyrSaiutnbsp;Vitli, qiii fut ciiit dans une cliaudicre bouillante. Ounbsp;croyoit alors qu’on ne pouvoit donner anx di rnenres !m-maines des noms mieiix assortis que ceux qui faisoient unenbsp;impression de Religion et dc vertu, et qui rajipelloicjit anbsp;I'esprit la sanction de toutc société, oil Ton pre'tendoit fairenbsp;régner la félicile' et la paix.

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et Turcs. Uiie belle riviere, dont l’eau est clatre, s’y jette dans la mer; eest ce qu’ils appellent Fiu-mare. On y trouve Ie long de la mer quantité denbsp;fontaines d’eau douce ; ce qui n’a rien de bien admirable , sinon peut-être dans Ie systême de Descartes. Le flux et reflux de la mer n’est pas fortnbsp;sensible a Fiunie, ou il est d’environ quatre pieds;nbsp;il est plus considerable a Trieste. C’est uhe chose anbsp;remarquer, que I’Adriatique ait son flux et sonnbsp;reflux, tandis que la Médiferranée ne fa pas.

L’Eglise des Jesuites est une rotonde, d’une architecture tres-particuliere; on y voit un Crucifix -célebre, quiy est en grande veneration. Il y aaussinbsp;une Collégiale : une des portes de la ville ést asseznbsp;belle; elle est surmontée d’une grande aigle impériale , et porte les bustes des Empereurs Leopoldnbsp;et Charles.

Les Fiumiens sont de bonnes gens; ils admi-roient beaucoup mon cheval, paree que chez eux les bons chevaux sont rares : on ne parloit que dunbsp;polcherrimo cavallo. Leur langage est italien ou il-lyrien. On ne savoit me dire si Flume étoit ennbsp;Istrie , en Morlaquie , en Dalmatie etc. , car lesnbsp;Jouni. hist, et limites de ces regions n’etoient pas bien décidées.nbsp;1776^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;en I'j'jfi , on a declare que Flume étoit en

Flura, t Janvier Hongrie.

ci-aprfes --ifem! nbsp;nbsp;nbsp;montagne voisine I’ancien cha-

iFév.i778,pag. teau de Frangipani, et sur une autre Tersale^ ou on dit que la sainte Maison de Nazareth fut trans-portée : je parlerai plus bas de cetle translation. Ilnbsp;y a a Tersate un Convent de Récollets : on voitnbsp;dans 1’Eglise de ces Peres, .une Image de la Sainte

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Vierge envoyée par Ie Pape aux Fiumiens , pour les consoler du depart de la sainte Maisoii.

Le i8, i’allai par mer a noire maison de campagne , qui est belle , ainsi que le jardin : je pris plaisir a reciter mon bréviaire le long de la mer ,nbsp;qui se mettoit en fureur, quoique le teins fut asseznbsp;calme.

Le 19, jefisune visite au Commandant,Mr.Mih-tutter et a Madame, qui est une Mathieu de Luxembourg. La vue du haut du chateau ou ils sont logés, est magnifique : le même jour, le P. Bardarini,nbsp;Recteur, fut de retour , et m’empêcha de parfirnbsp;pour Trieste. Je lui ai beaucoup d’obligations ; ilnbsp;m’a trës-cordialement présenté sa maison pour tou*nbsp;jours. Ne pouvantdonc partir, j’allai a Buccari;nbsp;j’admirai I’industrie de ces bons et pauvres liabi-tans, qui écartent l’indigence des pierres qu’ils ba-bitent, tandis que les Hongrois croupissent dansnbsp;la crasse et la misere dans le plus fertile pays dunbsp;monde. II est certain que la premiere fertilité denbsp;la terre eut mal convenu au naturel dépravé denbsp;riiomme, quidemande du travail et des nécessités.nbsp;Hinc varice degeneraliones, insertiones, industrice,nbsp;curce etc. Tlt;di lecta diu et multo spectata labore ,nbsp;degenerare tarnen... Sic oinniaJati's in pejus ruere...nbsp;ViRG. Georg.

.............Pater ipse colendi

Hand facilem esse viam voluitiprimusqueperartem iMovit agros , curis acuens mortalia corda ,

JVec torpere gravi passus sua regna veierno.

Kirg.

Qui in sunoRE vvltus fj.nem non comedunt,

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atque ejusmodi duiis laboribus corpora non inner.-rant; %gt;el perpetuis studiis , vel industriis , poenis carnem doment necesse est; quidquid hcereiici contranbsp;voluntarias qfflictationes obganmant.

^ nbsp;nbsp;nbsp;Buccari est un endroit hideux ; et si la mer n'y

étoitpas , ce seroit un tombeau : c’est la residence de l’Evêque de Scgnia en Dalinatie. Cet Evèque ,nbsp;Pius Manzador , est un bon ami des Jésuites : ilnbsp;mene avec lui Ie P. Mordax, durant la visite denbsp;son Diocese ; j’ai appris depuis qu'il étoit mortnbsp;en 1774) Evèque de Transylvanie. J’ai vu a Buccari difl'èrentes manieres de pêcher, et un beaunbsp;poisson nommé spada, qu’on venoit de prendre :nbsp;ce poisson s'appelle aussi cspadon ou poisson dnbsp;épée. On en prend en quanlité dans Ie phare denbsp;Messine : il y en a aussi beaucoup dans la mer desnbsp;Antilles; mals ceux-ci ont l’épée dentelée, et sontnbsp;les grands ennemis dé la baleine , dont ils s’appli-quent a scier la queue. Voyez une ample description de ce poisson, et de la maniere de Ie prendre,nbsp;Voyage d’Italië et d^Espagne, par Ie P. Labat,nbsp;torn, V, pag. 221.

Je vis aussi Ie Port-Royal (Porto Ré) , qui est

très-sür et très-avantageusement sitiié. Charles VI,

ayant encore Ie Royaume de Naples, s'en promet-

loit beaucoup. On l’a négligé depuis ; mais on

* Cepoitseré- songe a y travailler *. Mr. de Verneda et nn Comte

tablit et se ram- Qj-gc, y demèureut actuellement , et en ont l’ad-m(i,Journ.nist,et , nbsp;nbsp;nbsp;,

Un,, i5 Février lïiimstration. J'y ai vu deux belles Iregales tout re-

1781, pag. 283. cenunent lancées a l’eau : elles sont nommées ,

Tune aurora , l’autre stella matutina , Yaurore, et

Xétoile du matin, L’une , je pense , est de 3o, et

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l’autre de 36 pieces de canon : les chambres , les statues et toute la sculpture en sont très-belles.

II j’ a a Flume une 1’abrique de tabac et une de sucre ; celle-ci est tres-considérable. On y voitnbsp;toutes les opérations d’une sucrerie , esceplénbsp;Ie moulin qui écrase les Cannes, et la premierenbsp;cuisson du sucre qui provient direclement desnbsp;Cannes. Cette fabrique est administrée par des Al*nbsp;Iemands et des Beiges : un deux me présenta,nbsp;avec beaucoup de politesse , uu excellent vin denbsp;Chypre.

II est difficile de se faire une idéé nette des dif-férens sucres, sans avoir suivi attentiveraent touteS les opérations d’une sucrerie. Voyez le Voyage dunbsp;P. Labataux Isles, tom. III. Les divisions et sous^nbsp;divisions sont infinies. Cassonade de caisse, estnbsp;tout sucre qui nest point en pain; candi, de Can*»nbsp;ton, ville de la Chine, est le sucre des memesnbsp;Cannes qui donnent le blanc, Maniere de le faire ,nbsp;(bid, pag. 3q3. Candi vient plutot de candir senbsp;candir, s’enci'outer, se durcir. Les raeilleurs raf-fineurs sont des AUemands et des Hollandois : Hinbsp;sont naturellement propres, actifs , yigilans, attachés au travail, dit Labat, Voyage aux isles,nbsp;tom. Ill, pag. 381. LesFrangois, dit-il, pag. 383,nbsp;sont inconstans , négUgens et trop adonnés d leursnbsp;plaisirs, pour suivre pied-a-pied le travail d*unenbsp;sucrerie.

Le a I , après avoir diné au College avec plu-sieurs officiers de fétat-major de differens régi-mens, je partis pour Lyppa. Je dormis dans l’écurie avec Hansel ¦, et le lendemain, après avoir fait mal-

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:t-propos uno poste vers Laubach, je f'us de bonne lieu re cl Trieste : de sorte que inon pauvre Hanselnbsp;avoit fait a-peu-près six posles, par uii cherainnbsp;pierreux et un pays désolé.

Je laissai tant soit peu èi gauche Ie singulier lac 'de Cziraitz', maïs il n’y a rien ay voir dans cettenbsp;saison; c'est un terrein ordinaire, il t'audroit y êtrenbsp;un an pour en suiyre les vicissitudes. La descentenbsp;de Trieste est assez seniblable k celle de Fiume : lanbsp;vallée seroit charmante, si elle étoit arrosée denbsp;quelqiie ruisseau j l’eau y manque absolument. Jenbsp;vis en descendant des montagnes, plusieurs salinesnbsp;creusées sur Ie vivage de la mer ; on fait entrernbsp;Peau de la mer dans des fosses préparées , ensuitenbsp;on ferme la communication. L’eau s’évapore et Ienbsp;sel reste ; mals ce sel n’est ni beau , ni pur , avantnbsp;la décoction.

Trieste est maintenant fort anlmé et très-com~ mer9ant, au grand regret des Vénitiens. La nouvelle ville est trës-belle) les rues en sont larges etnbsp;spacieuses. L’Svêché de Trieste est ancien et lanbsp;Cathédrale est antique. Le grand canal est remplinbsp;de vaisseaux , mais le port est desert: il n’y a d’ail-leurs qu’un bras d’achevé, et on ne songe pas knbsp;l’autre. Pour former ce bras , on a jeté dans la mernbsp;quanlité de ciment amend de Pouzzoles au Royaumenbsp;de Naples (*). Ce ciment se durcit, même dans lanbsp;iner, et devierit d’une dureté égale a celle du marbre.

J’ai ma chambre du cóté de la mer, prés d’une belle plate-forme , dont la vue est immense. J’ai

Porcelaine virnt de Pozzolo.

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c 335 )

Tu Ie muscEum nauticum du P; Orlando, professeur de la marine : dans un des corridors du College,nbsp;on voit un boulel de canon, avec ce chvonographenbsp;heureux ;

HiïC nobIs gaLLIa poMa Dabat.

Le fameux Chevalier de Forbin attaqua Fiunie et Trieste en 1702, mais sans succès.

Le 25 , il se fit un orage terrible : on m’avoit dit que le tonnerre n’ayoit point de son sur la mer}nbsp;cela est t'aux, mais il ne peut produire le bruit répéténbsp;et renforcé qu’il produit dans les pays inontagneux.

Pendant eet orage, les torrens qui découlerent des monlagnes, donnerent h la merles couleurs les pluanbsp;variées ; ce qui m’étonna beaucoup, avant que j’ennbsp;susse la raison. Rien de plus beau que le couchernbsp;et le lever du soleil dans la mer : toute la mernbsp;ressemble h un diamant, qui rejetle les rayons.

Journ, hist, et litlér, . i5 Aout

J'ai vu h Trieste, un très-grand poisson , qu’on nommoit piscis imperatorius; une fabrique de cire,nbsp;la maniere de la blancliir etc. — L’eau est extrê'nbsp;mement rare dans cette ville : il s’y trouve desnbsp;fontaines, mais une sécheresse médiocre les tarit.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,55

Le 25 , quoique le vent Idt d’une véhémence Ste! ’ nbsp;nbsp;nbsp;‘ ’

terrible, la mer étoit fort tranquille; je partis après midi. Mon Hansel étoit a l'aigle impériale , ounbsp;je 1’avois .souvent visité ; c'est ce qu'un cavalier nenbsp;doit jamais dédaigner ni négliger. Le foin et l'a-voine sont d’une cherté excessive dans ce pays-ci.

I^es Rectcurs de Fiume et de Goriu ne permirent néanmoins pas que je misse mon //ause/k fauberge.

Celui de Trieste n’a point d’écurie , etlagrêle ve-noil de lui enlever presque tout son revenu. En

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partant je passai par Ie lazarcto sporco, cjiü est Ie port de la contumace , et Hansel me porta pour lanbsp;nuit h Douine, beau chateau du Comte de la Torrc.

Le s6, je passai par Ie Forum-Julium : c’est un jardin continuel, et une espBce de paradis terres-tre, situé entre d'horribles montagnes pierreusesnbsp;et stérües. Le Lisonzo est l’unique riviere quej’aienbsp;vue depiiis Fiume •, il arrose cette belle plaine, oünbsp;l’on voit cjuantité de vignes dans les prairies, agréa-blement rangées et attachées a des saules ou a desnbsp;arbres fruitiers.

Goritzou Gorlz, ou je fus avant midi, estune assez belle ville : on y trouve beaucoup. de nobles , entr’autres les Comtes Alhemis, les Edling,nbsp;les Strasoldo. Notre College est bien situé, sur lanbsp;grande place : la Cathédrale nest pas belle, et l’in-térieur qu'on a renouvellé, a tout l’air d’un theatre. L’Arclierèque Athemis est un saint Prélat : lenbsp;jeune Comtenbsp;nbsp;nbsp;nbsp;mon cher anii, vient d’être

nommé sou coadjuteur (*). Le chateau de Goritz est fort haut et très-ancien ; il appartenoit autrefoisnbsp;auxVénitiens j ony voitencoreunlion deS. Mare,nbsp;avec l’inscriptioa : Pax tibi, Marce , Evangelistanbsp;meus (on dit que Jesus-Christ apparoissant anbsp;'S. Marc dans la prison , lui adressa ces paroles.).nbsp;J’ai vu dans cette ville , une belle rubanerie.

Les Goritziens sont pieux, humains, polis, in-dustrieux et bien fails : ils parlent allemand et carniolien, La langue carniolienne est encore un

(*) C’est ce Prélat qui a taut souilert sous le regiie de Joseph Jh

idióme

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( 33, )

idióme de la slavomie , cette mere si féconde Nous avons déjk fait la remarqiie, que, comme onnbsp;l'assure, l’Evangile conserve a Rlieims, sur lequelnbsp;les Rois i urent ii leur sacre, est en langue slavonne.

Jusqu'ici javois caché avec soin mon dessein d’aller en Italië 5 mais ii Trieste et k Goritz je com-men9ai k Ie manifester. Javois craintque, s’il nenbsp;réussissoit pas, on ne se moquat de mon beau pro-jet, et qu’on ne cbantat de moi comme de Pierrenbsp;A'Ambris:

C’étoit un terrible homme;

II avoit une fois entrepris Quasi d’aller k Rome.

Le 37 , Je passe Ie Lisonzo dans un tateau , et enfin j’entre en Italië, que j’ai toujours tant désirénbsp;de voir , et qui sembloit fuir devant moi.

Jam tandem Italics fugientis prendimus oram,

jEneidj

Salve, magna parens frugum , Saturnia tellus ,

Magna virum : tibi res antiquce laudis et artis.

Georg. ]. 2, nbsp;nbsp;nbsp;173,

Terre féconde eii fruits, Cn grands hommes fertile,

Salut!

Je passe sur la contrescarpe de PaJma-Nuova , assez bonne place Vénitienne , et vais diner knbsp;Palmada.

L’église de Palmada a un beau portail, qui se ressent déjk du bon gout italien. — Je passe prksnbsp;de deux palais , l’un du Corate Marin, Tautre dunbsp;Comte Qabrieïli : en Hongrie ils m’auroient éténbsp;ouverts , car rien n’égale l’ho.spitalité des Hongrois ¦,nbsp;mais il fallut aller loger k Codroïpo, chez d'asseznbsp;bonnes gens.

Tom. I, nbsp;nbsp;nbsp;Y

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Les Italiens appellent quelquefois palais une de-meure très-ordinaire 5 ainsi que les Hongrois ap-pellent aula la plus chétive maison de quelque noble , et palalium la salie ou plutót Ie trou h.nbsp;manger : il faut croire que palatium vient de palatum. C’est ainsi que Ie Pó est appellé Ie Prince etnbsp;Ie Roi des fleuves, non pour la quantité de sesnbsp;eaux , mais a cause de la beauté du pays qu’il par-court. Fluviorum rex Eridanus. Virgile en donnenbsp;lui-mêine cette raison , dans Ie 4®- Liv. de sesnbsp;Géorgiques :

Eridanus , quo non alius per pinguia culta In marepurpureum violentior injluit aninis.

...........» Et FEi idaii fougueux

» Qui roiilaiit a travers des campagnes fe'condes, n Court dans les vastes mers eiisevelir ses ondes ».

Deulle-

Le 28 , après av^oir dit la Messe, je passe Ie Tajamento avec deux pélerins Allemands : je voisnbsp;St.-Vith, bourg considerable; Lamota, oü il y anbsp;plusieurs*palais, une église de Capucins ou de Cordeliers, dont toutes les murailles étoient chargéesnbsp;A'ex-voto; et enfin Oderzo, ville ou bourg fortnbsp;joli, oil je suis logé vis-a-vis du palais et du beaunbsp;jardin du noble Vénitien Contarini.

On ne peut être plus mal a son aise que je ne Ie suis ; j'ignore 1’italien , je ne connois pas 1’argent fnbsp;je présente a mes hóles la main remplie de nion-noie , ils prennent ce qu’ils veulent. Je prie Dieunbsp;de m'óter Ie désir de voir Rome, et de me ramenernbsp;h. Ristritz ; mais Je sens une impulsion secvete etnbsp;invincible qui me presse de pousser mon dessein -

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( 33lt;) )

et c[iii m’en promet Ie succèk Je croj'ois entendre qnelqu’un qui me disoit; K, ostendam tibi spoii-sam uxorem Agni (Apoc. 21 .)• Et ostendit mihi ci-vitatem sanctam Jerusalem (ibid.). Je dis donenbsp;corame S. Paul ; Nunc ecce alligatus ego spirilu,nbsp;vado in Jerusalem.

Act. X'

Je suis accablé de fatigue; mais a peine suis-je au Ut, qu’un officier, après les dernieres violencesnbsp;faites a mon hóle , m’oblige a quitter la chambrenbsp;pour s’y loger , et a attendre ainsi Ie jour pournbsp;partir : l’hóte m'en fit mille excuses , mais cela nenbsp;changea rien a mon désagrément. Alors encore jenbsp;fis tous les efforts du monde pour rebrousser che-min 5 mais Ie Seigneur vouloit absolnment m’ac-corder ce que j'avois toujours désiré avec tantnbsp;d’ardeur, et me guérit mème d’un mal de poitrine,nbsp;qui étoit ce qui sollicitoit davantage jnon retour.nbsp;Cüm venisseni autem in Mysiam, tentahant ire innbsp;Bithyniam, el non permisit eos Spiritus Jesu, C’estnbsp;Oe que j'ai souvent éprouvé durant mes voyages.

Geues. i3-

Je vois déjk ici la difference qu’il y a entre les peuplas voisins des grandes villes, comroe Venise,nbsp;et ceux qui en sont éloignés. On voit un grandnbsp;nombre de palais de différens gouts , les uns plusnbsp;beaux que les autres : Ie pays est délicieux et ar-rosé des ruisseaux les plus clairs et les plus lim-pides. J^idit omnem circa rcgioiiem , quee iiniversanbsp;irrigabatur , sicut Paradisus Domini ^ et sicutnbsp;-^gjptus venientihus inSegor.

Le 2(), après avoir passé ia Piave j’arrive a Trv-viso , ville ancienne , épiscopale , morte , peu peuplée. La portc óiOderzo est assez belle, et povte

y 2

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( 34o )

Ie lion de S. Mare : la Catliédrale elFEveché sont simples. On dit que la salie de comédie y est fortnbsp;bellej je n’ai pu la voir, paree que je n’ai pu direnbsp;que je voulois la voir. Je ne sais oü j’ai passé lanbsp;nuit 5 je me souviens seulement. de l’avoir biennbsp;payé : je crois que c’est a Noalia.

Le 3o, a dix heures du matin , après avoir échappé k un grand orage , je suis k Padoue j jenbsp;dis la Messe k S. Antoine. La cliapelle ou est sonnbsp;tombeau est un bijou -.les miracles y sont sculptésnbsp;en marbre par les plus grands inaitres ; cbaquenbsp;piece est un chef-d’oeuvre. L’église est belle,grande,nbsp;ancienne; elle a sept cou^oles; on y voit les tom-beaux de plusieurs nobles Vénitiens , et de quel-ques hommes illuslres : je m’arrête quelque lemsnbsp;u celui du Cardinal Bembo , pour la mémoire du-quel j’ai toujours eu une estime particuliere 5 cenbsp;n’est pas réellement son tombeau , car Bembonbsp;mourut a Rome , et son corps y est reslé; c’est

Abuscontraire monument dressé k sa mémoire. S’il est vrai, au respect du auxnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i*nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;v i • n * i

Eglises. nbsp;nbsp;nbsp;comme le dit Bolingbrock , et apres lui 1 Auteur

des Notes sur Bolingbrock , que Bembo méprisoit

les Epifres de S. Paul, je ne l’estime plus , et je

le relegue au nombre des impies, Peut-être , en

savant orgueilleux , étoit-il rebuté du style de 1’A-

pótre : Erasme cependant ne sa voit assez admirer

l’Epitre a Pbilémon ; maïs comme les incrédules et

les impies alment a trouver des complices parmi

les grands hommes, je crois que ceci est une pure

calomnie : c’en est une au jugement de Bayle , elle

sort de la plume d’un écrivain Alleraand nommé

Thomas Langius, qui s’étoit proposé de décrier

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(34i )

toutes les nations. Dictionn. anti-phll. deNonnofe, art. Paul. Ce prétendu Bolingbrock, auteur denbsp;\'Examen important, c’est Voltaire lui-même ibid.,nbsp;et Eergier dit la même chose. D’ailleurs Bembonbsp;devenu Cardinal changea entiérement de‘conduite,nbsp;réforma ses mceurs , ses pensées et ses discours.nbsp;Voyez son article dans mon Dictionnaire historie/ue.

Voici son épitaphe ou plutót l’inscription qu’on lit k Padoue sous son buste :

PpTRI CaROI^ALIS BeMBO EFFIGIEM

Hieronymus Ismerii F-In purlico poni curavit ;

Ut cujus jngenii monumenta JBterna sunt ,

Ejus (flToqUE CORl’ORIS MEMORIA Ne a posteritatf. pesieeretur.

L’église de Ste. Justine a huit coupoles et du dessin du célebre Palladio, elle est après S. Pierrenbsp;de Rome, la plus belle du monde. Elle passe, ainsinbsp;cjue S. Pierre , toute idéé , toute expression : jenbsp;n'en dirai done rien. « L’église de Sainte Justine,nbsp;)) dit Addisson, Suppl. au voyage de Misson , pag.nbsp;»nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;7 , est la plus belle, la mieux éclairée, la moins

)) embarrassée que j’aie vue de ma vie. Elle est » estimée par plusieurs maitres, pour un des plusnbsp;» beaux ouvrages d’Italie ».

On ne garde dans cette église qu’une partie du corps de S. Luc, et non pas Ie corps entier. Missonnbsp;a done tort de multiplier Ie corps de ce Saint, quoinbsp;qu’il en soit de raulbenticité de cette Relique.

La Cathédrale de Padoue est belle et neuve.

Y 3

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( 342 )

¦— Le jardin botanique est renommé et mérite de l’ètre. — On voit snr la place , la statue équestrenbsp;d’un général qu’onm’adit êtie célebre: c’est, je croisnbsp;un certain Gambalelta. La maison de ville est an-cienne , mais en partie renouveliée. Sur les qualrenbsp;portes de la grande salie on voit Tite-Live et troisnbsp;aulres illustres Pataviens. En i'jSö , le 17 Aoüt,nbsp;iin grand tourbillon enleva le- toit de plomb denbsp;cette maison , et le porta a ce qu’on me dit , a deuxnbsp;licues hors de la ville ; ce qui est bien difficile anbsp;croire , quelque force qu’aient ces sortes de tour-billons.

Le pavé des rues de Padoue est le plus horrible que j'aie jamais vu ; mon Hansel pensa s’y cassernbsp;le cou, et ^ la fin je dus aller k pieds. L'auteur denbsp;Vitinerario per il viaggio da Firense, a Roma, n'a-Toit sans doute pas vu Padoue , quand il se dé-mena si fort contre le pavé A'Aquapendente qui estnbsp;excellent, comparé a celui de Padoue.

Je parlerois volontiers du fondateur de Padoue, paree que je sais que les savans s'exercent Ik-des-sus ; mais comme je ne puis rien décider , jenbsp;réciterai seulement les vers de Virgile, qui sontnbsp;favorables a la pretention des Padouans.

Anterior potuit inediis elapsus Achivis

Illyricos penetrare sinus , atque intima tutus L, I, .Stneid,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Jiegna Llhurnoruni et fontein superive Tiinavi..,

Hic tarnen ille urhem Patavi , sedesque heavit

Teucroruin etc.

Je sais ce qu’on répond a tout cela 5 mais je ne pqis^in’arrêter , et je dois sans délai partir pour

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( 343 )

Ferrara. On montre a Padoue le iombeau d’Ante-nor : c’est une folie , un fanatisme d’antiquaire.

Encore un mot en partanl. On dit qiie Padoue a été autrefois un port de nier : cela paroit in-cro3rable; mais il est certain que la mer quitte souvent un terrein , pour en inonder un autre. Onnbsp;dit aussi que Tongres , an pays de Liege, troisnbsp;fois plus éloigné de la mer que Padoue , fut jadisnbsp;un port. On y montre dans la belle Collégiale desnbsp;anneaux , qu’on dit avoir été sur le rivage pour ynbsp;attaclier les vaisseaux: j’ai été a Tongres sans avoirnbsp;pu voir ces anneaux.

Buffon, Hist. nat., tom. I, pag. 690, ne rejette pas cette Tradition des Tongrois. 11 cite Hubertnbsp;Thomas, dans sa Description du pays de Liege.nbsp;Buffon est intéressé a défendre Hubert Thomas ,nbsp;pour acquérir une nouvelle preuve en faveur denbsp;son systême absurde. A Betho, village a un quartnbsp;de lieue de Tongres, il y a un ruisseau qui senbsp;rend dans 1’Escaut a Anvers : on y voil des digues,nbsp;marques indubitables d’un ancien canal. Voilknbsp;comme Tongres tenoit a la mer. Les vers de Vir-gile favorisent cette opinion touchant Padoue.

TJnde per ora noveni, vasto cuinmurmure mantis ,

It mareprwruptum, etpelagopremit arpa ininaci.

Je pars de Padoue le 3i Aout a dix heures , c‘est-a-dire , ^ six ; car le soleil se couche a septnbsp;heures , et a huit le jour est ferme : c'est alorsnbsp;vingt-quatre heures en Italie. Neuf heures parnbsp;conséquent sont une heure , dix heures sont deuxnbsp;heures etc. Les horloges ne sonnent que douze

Y 4

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( 344 )

heures, excepté la principale , qui sonne treize , quatorze etc. jusqu’ii vingl-quatre.

Je passe par Rovigo : mon ffansel y étant arrivé trop tót, je dors la nuit suivante, je ne sais oü.

Le i®*'. Septembre, a quinze heures, c’est-k-dire a onze, je suis k Ferrare, qui est une grande ville,nbsp;niais assEz morte ; il y a garnison papale dans lanbsp;ville et dans la citadellej on voit sur la nouvellenbsp;place , une colonne avec la statue d’un Pape : lenbsp;inont-de-piété est magnifiquement bati; on y Utnbsp;cette inscription, qui exprime l’esprit de ces éta^nbsp;Ulissemens ;

PaUPERIBUS SU BESVANVla SeBV ASDISqV E VEPOSITIS.

Procurante Fran. Carjijnali Branciterio,

aInno M. dcc. LXI.

¦ Le Cardinal légat (en ce moment Cardinal Spi-^ jiola) demeure dans un vieux chateau, solidementnbsp;bati, et entouré d’eau : il a une garde qui est com-pösée desbirres; un de ces braves sbirres me servitnbsp;de conducteur : leur habit tient de harlequin et dunbsp;Suisse. — La citadelle est réguliere, elle a de bonsnbsp;bastions, des demi-lunes, des lunettes, un cheminnbsp;couvert: on y voit au milieu la statue de Paul V,nbsp;avec l’inscription suivante, qui est asse? bonne :nbsp;Paulus V PoRTiFEX Maximus ,

Ns, RECEDENTE IIINC PaEO, F’srrarje TUTBEA rbceeeret,

Hic ARCEM EXTRUENBO,

Mmrtsm Neptuno substituit.

Tom. ïjpag.ago. Le pauvre Misson\dit que cette citadelle fut batie par Clément VIII,

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La guerre avec Ie Due de Modene paroissoit alors inévitable j on mettoit la place en état denbsp;défense : l’alTaire est mainfenant lerminée. — Lanbsp;Cathédrale est un vieux bailment gothique; la tournbsp;en est belle et garnie de colonnes jusqu’au sommet.nbsp;Le Cardinal Archevêque Crescenti, venoit demou-rir. — Je passe la nuit a San - Carlo, chez unnbsp;homxne fort mal-honnête.

Le 2 Septembre, je dinai quot;kMalacapa un brave pêcheur me donna de bonnes grenouilles, que jenbsp;mangeai de grand appétit avec le pain dont manbsp;pauvrefé vouloit se contenter, et que ce bon hommenbsp;ne voulut pas me voir manger sans quelque accompagnement : un peu après je f'us k Bologne.

Bologne, grande et belle ville, a une Académie célebre , qu'on appelle l'Institut. Benoit XIV anbsp;donné un grand éclat a eet établissement : ce fut lanbsp;premiere chose que j’allai voir, Le batiment est unnbsp;quarré, au milieu duquel on voit un Hercule denbsp;bronze , belle statue antique. On voit ensuite dansnbsp;différentes chambres, tout ce que la nature et Tartnbsp;ont de plus précieux et de plus rare.

Nous vimes d’abord Yembrionisme, oü les com-mencemens de fhomme sont sculplés d’après nature, ainsi que tous les progrès de son accroisse-ment, ses différentes situations dans le sein raa-ternel, etc.

Deus qui humanoe substantiae dignitatem mira-biliter condidisti. Orat. Eccl. Ignoras qud ratione compingantur ossa in ventre preegnantis : sic nescisnbsp;opera Dei, qui fabricator est omnium (Eccle. xi,nbsp;y. 5). Vocans generationes ah initio, ego Domi-^

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( 346 )

Reflexion qui nus (ïsaï. C. ^i). Sicut lac mulslsli me, ct siciU

Job. Joarn. hist»

caseum me coagulasti (Job. x). Tu formasli me et etlitter. ,iSTgt;éc. posuisti Super me manurn tuarn. Mirabihs facta estnbsp;’“/S, pag. 88;. scientiatua ex me-, confortata est et non potero adnbsp;earn (Ps. i38). Ncscio qualiter in utero meo appa-ruistis ; neque enim ego spirUum ct animam donavinbsp;pobis et vitarn , et singulorum membra non ego ipsanbsp;compegised enim miindi Creator, qui formavit ho-minis nativitatem, quique omnium inrenit originemnbsp;(II. Machab. vii, f. 22, 23).

Missoa , après Scliraderus, fait mention d'un nionstre de Florence a deux lêtes , dont les affections et ies sensations étoient différentes (tom. II,nbsp;pag. 341)* Son tombeau et son épitaphe sont dansnbsp;I’Eglise de I’Hopilal ad scalas. Celui que j’ai vu anbsp;Bologne, avoit deux corps , mais mêlés et jointsnbsp;ensemble : celui de Florence vécut, dit-on, vinglnbsp;Journ. hist, et et vingt jours ; je ne puis le croire j il y a eunbsp;fin., I Juin 1786. néanmoins a Presbourg deux filles ainsi coagu-lees, qui ont yécii vingt ans leur pere étoit unnbsp;paysan , sujet du Primat Csaki. Ce Prélat, ounbsp;bien l’Impératrice Marie-Thérese , les entretenoitnbsp;chez les Religieuses de Notre-Dame ou cbez lesnbsp;Ursulines , a Presbourg 5 la chose est certaine.nbsp;L’une mourut, et on fit mourir l’aufre d’unemortnbsp;douce. J’ai depuis recu une lettre de la Mere Eme-rentiana , qui a vécu avec ces enfans ; la lettre estnbsp;du 15 Avril 1769. Ces pauvres enfans étoient fille»nbsp;dun paysan , sujet du Cardinal'de Saxe , Evêquenbsp;de Raab , qui les fit élever chez les Ursulines anbsp;Presbourg. Elles étoient jointes par 1'os sacrum;nbsp;portoient deux corps el deux jupes. Elles s’appel-

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,( 347 )

loient Mugdelcne et Judith, et ont vécu 20 ans.

L’une étoit fort stupide et se portoit mal} l'autre

étoit spirituelle et d’une bonne santé. Celle-ci ne

voulut pas mourir. quand on fut oblige de metlre

fin a ses jours, après que l’autre fut raorte dapo- et Utt., i Mars

plex=e(*). nbsp;nbsp;nbsp;^779,P=S-33lt;.

Que penser d’im enfant k deux têles , qui du reste est très-bien conforme 1 Les uns disent qu’ilnbsp;a deux ames, puisqu’il est muni de deux sensoriurnnbsp;commune deux glandes pinéales, de deux corpsnbsp;calleux, de deux centres ovales. — Les autres ré-pondent qu’on ne peut avoir deux ames, quandnbsp;on n’a qu’une poitrine. (Quest, sur l’Encyclop.,nbsp;art. Ame^ ouvrage d’ailleurs abominable.).

Locke observe a l’égard des monstres , qu’il ne faut pas attribuer rimmortalité a l’extérieur d'unnbsp;corps} que la figure n’y fait rien. « Cette immor-» talité , dit-il, nest pas plus altachée a la formenbsp;» du visage et de la poitrine, qu’a la maniere dontnbsp;» la barbe est faite ou que l’habit est taille ». IInbsp;demande quelle est la juste mesure de ditformité,nbsp;a laquelle on puisse reconnoitre si un enfant estnbsp;homme ou non. — Après cette digression, je continue k visiter les différenles pieces de YJnstitut.

Dans une autre cbambre, on voit un élan (alcc); un ver solitaire long de i4 aunes , large et plat;

(*) Je ne sais si cela étoit Lien permis en bonne morale.

Mais jiar la on a épargné a cette pauvre fille Ie cruel tour-tnent de vivre dans la société de la mort, tel exactemciit fju un tyran ingénieux en atrocité l'avoit imagine , etnbsp;qn il excrcüit sur les victimes de sa fureur ;

L. C. yCsEi»,


Mortua quin etiam jimgehat corpora vivis.

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un serpent lire du corps d’un Capucin ; un antre grand serpent; un troisieme h deux têtes ; un serpent a sonnetle; un lezard volant.

Les ouvrages de peinture , de sculpture , do dessin qui ont remporté le prix , occupent unnbsp;autre cabinet.

Ailleurs on voit la collection des mineraux, des marbres , des bijoux, des pétrifications etc., quinbsp;sont les plus rares et les plus estimes. Ensuite desnbsp;armes de toutes les nations du monde , des ex-voto du paganisme, des idoles etc. On voit dansnbsp;cette même cliambre une momie enveloppee.

J’ai vu briller la pierre de Bologne avec im éclat qui m’a ravi: j’avois en vain tenté cette expériencenbsp;en Hongrie, avec le Comte Etienne Andrassy. Lesnbsp;professeurs vendent ces pierres aux curieux : peunbsp;de gens savent les preparer.

On me montra aussi le portrait de Benoit XIV en mosaique , tiré avec le plus grand succes , etnbsp;au has duquel on lit cette inscription :

BeNEDICTO Xjy

Amplificatori Maximo.

6e portrait imlte le pinceau le plus delicat : il est placé dans la salie des assemblees publiques denbsp;rinstitut. Pour juger de la délicatesse et de la dif-ficulté de ces sortes d’ouvrages , il faut considerernbsp;le prodigieux nombre d’émaux qu’on y a employés.nbsp;La seule tête de Paul V dans l’église de S. Pierre,nbsp;en a plus d’un million sept cent mille , qui cliacunnbsp;sont moins gros qu’un grain de millet. Les pierres,nbsp;les agates, les jaspes, les cornaliiies, les sardoines,nbsp;les éméraudes, turquoises, lapis lazuli etc., qu’on

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emploie a Florence, ne prennent que rarement des nuances bien dégradées } et ces ouvrages sontnbsp;d’un prix excessif, non-seulement a cause de lanbsp;cherté des pierres qu’on y emploie , mais encorenbsp;par Ie tems qu’il faut mettre k les scier, les dressernbsp;et les refendre suivant les contours des différensnbsp;dessins qu’on veut imiter, et k les polir. On leurnbsp;substitue des émaux, dont les teintes sont plus va-riées, les degradations et les nuances plus parfaites,nbsp;et qui n’exigent pas autant de fraix dans la main-d’oeuvre. De Ik les mosaïques de S. Pierre k Rome,nbsp;qui mettent les chefs-d’oeuvre des plus grandsnbsp;maitres k l’abri de toute altération , et en état denbsp;passer aux siecles les plus reculés en conservantnbsp;tout leur éclat. Les mosaïques de S. Marca Venise,nbsp;jont comme celles de Ste. Sophie , faites avec denbsp;grands morceaux de verres coloriés; ces mosaïquesnbsp;sont de fort mauvais gout. On croit qu’elles sontnbsp;1’ouvrage de quelques Grecs venus du Levant. —^nbsp;Les Romains ont cultivé 1’art des mosaïques: Plinenbsp;et Vitruve en parlent. Opus musivum, vermicu-latum.

La chambre anatomique est encore une belle chose, k 1’Institut : on y voit une momie décou-verte. — La bibliotheque est assez belle, riche etnbsp;publique : celle des Dominicains est aussi très-belle ¦, la salie qui y conduit est très-riante. On ynbsp;a mis une inscription très-propreaux bibliothequesnbsp;publiques:

Quam sine fictions didici ,

Journ, hist, et litt., iMarsi^Sj,nbsp;pag. 393.

Et sine invidid communico ,

Et fionestatem illius Non abscondo.

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On vöit dans TEglise de ces PP. iin belle Chapelle, oü se trouve Ie corps de S. Dominique , leur foa-dateur.

La Calhédrale a été magnifiquement réparée par Benoit XIV. — L’Eglise des Carmes est dignenbsp;aussi d'être vue , ainsi que celle de S. Sauveur ;nbsp;je crois que c'est autour de celle-ci que j’ai lu :nbsp;Regnante Paulo V Rorghesio, totius Christiamnbsp;orbis sapienlissimo moderalore.

Je n'ai pas oublié Ste, Catherine de Bologne ; je ne sais ou Misson a vu qu’elle étoit embaumée ,nbsp;et qu'avant Ie prélendu miracle de cette incorrup-tion, personne n’avoit songé a sa sainteté ; contradiction frappante , comme il y en a mille dans eetnbsp;ouvrage. Depuis quand s’avise-t-on d’embaumernbsp;une pauvre religieuse, a la sainteté de laquelle on.nbsp;ne pense que cent ans après? II seroit bien difficilenbsp;h eet écrivain de prouver cc point, ainsi que biennbsp;d'autres de son Voyage d*Italië, qui est un très-mauvais ouvrage, et autant pernicieux aux Calvi-nistes, selon les idees desquels il pretend écrire,nbsp;qu’aux Catholiques.

II est vrai que ce corps nest pas fort agréable ^ voir, et que je ne voudrois pas beaucoup exalternbsp;cette incorruption : la Sainte est assise sur un autelnbsp;a gauche du sancluaire. Üne femme visionnaire anbsp;assuré au Comte Tekki, qu’elle se levoit de temsnbsp;en tems. Moils in rcligionem animis inulla nuntiata,nbsp;mvlta temerè tradita, dit Tite-Live. On peut re-voir ce que nous avons rapporté en ce genre ci-devant, page loo.

Proche de la tour Asinelli, il s’en trouve une

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( )

aufre, noinmée Tunis Gansenda, qui est inclinée de () pieds sur i3o de hauteur : elle fut hatienbsp;ainsi. Celle de Pise est haute de 188 pieds; ellenbsp;penche de i3. Ce jeu d'architecture et cette especenbsp;d’illusion cesse d’étonaer , des qu'on sait que lanbsp;ligne de gravitation ne dépasse point la base. Lenbsp;sommet de Ia tour de Vienne penche beaucoupnbsp;depuis quelques années; mais ceci est l’effet dunbsp;dépérissement de l’ouvrage : on ne le soutientnbsp;que par des ancres et des barres de fer.

Le 3 Septembre, le maitre des postes m’envoya la route de Florence : elle porte 9 postes asseznbsp;grandes. De Bologne a

j. Pianoro......i j nbsp;nbsp;nbsp;Y.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Montelaretti.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1

ij. Luiano.......\\ nbsp;nbsp;nbsp;vj.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Caffagiolio. .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;l

iij. Fcligare. nbsp;nbsp;nbsp;inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Yij.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Fontebuona.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i

iv. Covigliaio. .... i nbsp;nbsp;nbsp;vüj.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Firense......i

Je pars a 9 heures : je passe prés du beau palais de Benoit XJV, situé dans une rue large et biennbsp;batie; la Reine de Naples venoit d’y prendre sonnbsp;quartier k son passage. Benoit XIV étoit natif denbsp;Bologne, oü sa familie a rang entre les quarahtenbsp;nobles de Bologne. Après sa promotion, une denbsp;ses cousines, religieuse, lui demanda la permission de sortir du cloitre et de venir k Rome luinbsp;baiser la pantoufle : Benoit, pour lui épargner lenbsp;voyage, lui envoya une pantoufle k Bologne.

Hors de la ville je vols un autre palais magni-fique , qui n’est pas encoi'e achevé : je crois avoir entendu dire qu’il appartenoit a Don Antonio Rio-vmi. L’Apennin comanence ; je vois pour la der-

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( 352 )

niere fois Bologne et une plaine Immense jusqu’^ Venise et Goritz : j’ai diné je ne sais ou.

Entre Luiano et Peira mala, un peu k cóté du

grand chemin, au milieu d’un autre chemin pier-

reux, on voit une flamme grande et claire, qui

subsiste sans aliment et sans ouverture sensible :

c’est une vraie merveille, un petit Vésuve familier

et innocent. Voyez Misson, torn, II, pag. 345. —•

II y a un volcan semblable dans Ie Dauphiné, a

Journ. hist, et 3 lieues sud-est de Grenoble, nommé la Fontaine , i5 Juillet ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, rt 7 ¦ Tgt; •

^779) P^g-444‘ ‘^^dente. Lreogr. univer. de Jsuschmg, raxis, 1772.

Les grandes pluies leteignent; elle renait k niesure que Ia terre seche. M. de Lalande, dans son Fnbsp;attribue cette extinction aux grands vents.

Au haut de lApennin, je trouve des forêts de chataigniers doux; spectacle piquant pour un habitant du nord. La nuit me prend après Feligare .-tout est désert et nu j l’Apennin paroit dans toufenbsp;son horreur : les roes les plus sourcilleux rendentnbsp;hommage a celui oü je suis. Ccelo capita alta fe-rentes : concilium- horrendum. De fond, on n’ennbsp;voit pas ; un autre roc néanmoins s’éleve a manbsp;droite jusqu’au ciel; il renferme des cavernes que jenbsp;soup^onne recéler des assassins : Hansel va aunbsp;grand galop.

Mr. de la Condamine croit que tout lApennin a été composé de volcans : Ie Baron Dietricht, dansnbsp;ses notes sur Ie Vojage de Mr. Ferber, pag. 280 ,nbsp;Ie réfute, et dit que YApennin est constamrnent cal-ioarn. hist, et caire. Le petit volcan de Luiano est peu favorablenbsp;a Mr. de la Condamine. Voyez Apennin dans monnbsp;etsuir.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Dict. géógrapliique.

Enfin

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( 353 )

kiifin j'arrive k CovigUaio Ie maitre des posleS me reent avec humanilé, mais Ie paiivre Hanselnbsp;n’eut que de la paille : Ie son et les feves sontnbsp;1'avoine ordinaire des chevaux dans ces contrées.

Les habifans de l’Apennin sont assez semblables aux Savoj^ards par l’habillement, les fa90ns, Ienbsp;naturel. Or, la fidélité et la probité des Savoyardsnbsp;sont reconnues par tout l’univers •. ceux del’Apennln lourn. idst. etnbsp;sont bons, bien humanises et très-laborieux. Onnbsp;voit par-tout des mulets et des anes , ces derniersnbsp;sont grands ici et très-beaux; mais ce que je prenoisnbsp;pour des anes si beaux et si grands, on m’a ditnbsp;depuis que c’éloient bien réellement des mulets,nbsp;quoiqu'ils fussent de couleur grisatre comme nosnbsp;anes j je crois cependant avoir bien vu , et que cenbsp;sont vraiment des anes. Hansel ne vouloit pas lesnbsp;voir a son entree en Italië ; il m’a joué quelquesnbsp;tours; maintenant il les souffre.

Le 4 Septembre, je dis la Messc, nonobstant la mauvaise humeur d'un Cure. A 13 heures, c’est-a-dire, a 9, j’enfre dans lesnuées, un vent terriblenbsp;menace de renverser mon cheval. La descenle denbsp;l'Apennin commence : on voit des bosquets et desnbsp;allées de cypres.

A 21 heures , c’est-k-dire k 5, je vois Florence: je m'arrête k considérer le magnifique arc-de-triomphe de l’Empereur FranqoiS Ier. ^ surmonténbsp;de la statue équesire de ce Prince : eet are est fortnbsp;grand; il est de marbre rouge les statues (Jtii 1’or-nent sont de marbre blane ; on n’y a rien épargné,nbsp;ct c’est assurément ee que j’ai vu de plus beau etnbsp;de plus grand en ce genre; les anciens arcs ne lui

Tont. T. nbsp;nbsp;nbsp;Z

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sont nullement comparables. Les anlicjuaires se-ront indignés de ce jugement; mals la chose n’en est pas moins vraie.

Cent carrosses étoient arrêtés par one procession pres de la porte St.-Gal: je fis un détour, et j’entrai, en longeant la citadelle, par la porte delnbsp;prato. Je ne sais par oü cette citadelle a paru sinbsp;forte a Misson (Liv. II, pag. 341) : je crois n’ynbsp;avoir vn qu’une courtine et de rcéchans bastions.

Que j’aime Bistritz, quand j’entends Ie tumiilte et Ie fracas terrible de cette grande ville! Florencenbsp;est pavé de grandes pierres quarrées, cequi rendnbsp;la ville propre mais il est difficile aux chevauxnbsp;d’y marcher , sur-tout lorsqu'il a plu.

Le 5 Septembre, je vois d’abord la Piazza di Duca, oü est le vieux palais , la statue équesfrenbsp;de Come de Médicis, et une belle fontaine chargéenbsp;de statues , qui sont autant de chefs-d’ceuvre. Lanbsp;ville est divisée en deux par XArno, sur lequel ilnbsp;y a plusieuis ponts, dont un est chargé de mai-sons , coinme a Paris le pont au Change, le pontnbsp;St.-Michel, le pont Nolre-Dame etc. Je vois ensuitenbsp;la place et 1’Eglise du Saint-Esprit ¦, la place de lanbsp;Trinité, oü il y a une colonne surmontée de lanbsp;Justice j c’est ce qui fait dire aux Florentins quenbsp;la Justice est si haut, que personae ne peut Pattein-dre; la place de St.-Marc j la Ménagerie, oü j'ai vunbsp;deux lions , deux bonnes, deux tigres.

» La colère du bon est noble, son courage » magnanime , son naturel sensible : on 1’a vunbsp;» souvent dédaigner de pe'iits eiinemis, méprisernbsp;K leurs insultes et leur pardonner des lihedés of-

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» fensantes: on l’a vu réduit en captivités’ennuyer » sans s’aigrir, prendre au contraire des habitudesnbsp;» douces , obéir a son maitre , flatter la main quinbsp;» Ie nourrit, donner quelquefois la vie a ceuxnbsp;» qu’on avmit dévoués a la mort en les lui jetantnbsp;» pour proie (*) ¦, et, comrae s'll se les fut attachésnbsp;» par eet acte généreux, leur continuer ensuilcnbsp;)) sa protection, vivre tranquillement avec eux,nbsp;)) leur faire part de sa subsistauce, se la laissernbsp;). même quelquefois enlever toute entière , etnbsp;n souflfir plutót la faim, que de perdre Ie fruitnbsp;n de son premier bienfait n. Bvffbn, tom. IX,nbsp;Pag- 7-

Le tigre, au contraire, ne s’apprivoise jamais: les Hongrois néanmoins me raconterent une histoirenbsp;qui semble prouver le contraire. Le lion , dit-on,nbsp;est une espece de chien (pas tout-a-fait. Voyeznbsp;Journ, hist, el Ut tér., i Mars 1788, pag. 3i3) ,nbsp;le tigre une sorte de chat. « Des Bonzes Ghinois,nbsp;» pour en imposer au peuple, vont de ville ennbsp;» ville , montës sur des tigres qu’ils ont appri-n voisés , sans avoir ni muselière , ni chainesnbsp;» pour lesretenir ». (Dictionn. des Cultes relig.,nbsp;art. Bonze.) « Le tigre est peut-être le seul desnbsp;» animaux dont on ne puisse fléchir le naturel «.nbsp;{Biiffon, tom. IX, pag. i35.) Le tigre de cesnbsp;Bonzes est peut-être XOnce. « Les Persans , ditnbsp;» Tavernier , edition de Rouen, 1718 , tom. II,nbsp;” pag. a6, ont une certaine béte appelée Ones

(*) Quant aux jMartyrs la chose est certaine : ce qu’on raconte touchant d’autres personnes est très-incertain ,nbsp;fi'ès-rare et daas des circonslances très-différentes.

Z 2

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f) (vraie espëce de tigre), qui est fort douce et )) fort privée n. — « Pour les grandes chasses, onnbsp;» se sert de bêtes féroces dressées a chasser ,nbsp;» lions, léopards , tigres, panthères , onces... J’ainbsp;n vu de ces chasses en Hircanie, en i6G6 ».nbsp;(j^oyage de Chardin en Perse etc., Amsterdam ,nbsp;1711 , torn. II, pag. 82 et 33.)

)) Letigre, AiiBuJJ'on (tom.TX, in-4to,pag.35), » s’irrite des bons comme des mauvais traitemens;nbsp;1) la douce habitude qui peut tout, ne peut riennbsp;)) sur cefte nature de fer j le temps, loin defamollirnbsp;» en tempérant des humeurs féroces, ne failqu’ai-n grir le fiel de sa rage j il déchire la main qui lenbsp;» flatle , comme celle qui le frappe : il rugit k lanbsp;» vue de tout êlre vivant; chaque objet lui paroitnbsp;» une nouvelle proie, qu’il dévore d’avance de sesnbsp;» regards avides, qu’il menace par des frémisse-n mensatfreux, mêlés d’un grincement de dents ,nbsp;n et vers laquelle il s’élance malgré les chaines etnbsp;» les grilles qui brisent sa fureur sans pouvoir lanbsp;») calmer ». Voilk ce que dit Buffon a l’endroitnbsp;cité; et Buffon néanmoins , la-même, pag. 1647nbsp;cite aussi les auteurs dont ci-dessus j’ai rapporténbsp;quelques passages. A la fin on ne sait a quoi s’ennbsp;tenir ; on pourroit conclure ; Nemo adeb ferus estnbsp;qui non milescere possit.

La difference des auteurs peut venir de ce qu’on . a confondu les especes, ou de ce qu’on n’a pasnbsp;poussé les experiences assez loin. Buffon ne donnenbsp;le nom de tigre qu a ce qu’il appelle la grande pan-ihere (ibid.'). On ne sauroit faire un bon compte denbsp;toufes ses dissertations la-dessus. —Léopold avoit

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( )

tieux leopards dresses a la cliasse ; ils montoient en Croupe derriere leurs instituteurs. Karoli, chefnbsp;des Couroutz, aprës avoir détruit la ménagerienbsp;en I ^o3, se 6t faire une pelisse de leur peau. \oyeznbsp;Ie Continuateur (Vlstuanji, pag. 644) edition denbsp;Cologne, 1724.

La’Cathédrale de Florence est tres-belle 5 mais elle semble avoir paru encore plus belle a Misson.nbsp;Le chant majestueux de 1’Eglise m’y a beaucoupnbsp;aflfecté. La tour est assez semblable a celle de Fer-rare. Voyez le Dictionn. hist., art. Brune.

Le Palais Pitti, ou le Nouveau-Palais, dont le Due fait sa résidence, est fort beau , mais I'extre-mité des ailes le défigurent un peu. II y a une mé-nagerie dans le Jardin, ou Ton voit toutes sortesnbsp;de guenons, des autruches etc. On y trouve aussinbsp;une grotte superbe et précieuse,

A S. Laurent, il y a deux cliapelles on sont en-terres les Grands-Ducs ; la premiere n’a rien de bien extraordinaire5 mais fautre est la plus précieuse qui soit au monde. Le porphyre, le jaspe,nbsp;réméraude etc. , y sont prodigués et employés hnbsp;des ouvrages en mosaïque, du goüt le plus exquis.nbsp;Les armoiries de toutes les villes de Toscane ynbsp;sont travaillées de cette maniere.

La mosaïque de Florence est très-différente de celle de Rome : au-lieu du verre colorié, on em-ploie ici ditférens marbres et pierres précieuses.nbsp;Les pieces sont grandes, et représentent Tune lanbsp;mer, l’autre le ciel; celle-ci un fruit, celle-lh. unnbsp;fleuve. Cette manufacture est établie h Florence,nbsp;Voyez ci-devant, pag. 348 et 349.

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Misson, tom. n, Misson dit avolr vu six oreillers , sur les six pag. .ijg.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;mausolées : je n’en ai vu que deux; les autres doi-

vent avoir été enlevés : ils sont en effet d’une richesse inexprimable. Le peu d’exaclitude denbsp;Misson dans des points plus considerables, me faitnbsp;croire qu’il a pu confondre 2 avec 6. 11 mérite denbsp;l’indulgence, puisqu’il en a lui-même beaucoupnbsp;pour Marlin de Pologne, qui, a-peu-près, a vunbsp;les choses comme lui : Misson approuve mêmenbsp;que l’on confonde I’ampliitheatre de Vespasiennbsp;avec un temple, et cela afin de ressusciter lanbsp;Papesse.

Cette superbe et magnifique chapelle n’est pas acbevée : le grand autel se trouve dans les galeriesnbsp;du v'ieux palais; c'est un bijou. Les galeries de cenbsp;palais ont la forme du p grec n. Quelqu’un ditnbsp;qu'elles ont la figure d'une L } mais eet écrivainnbsp;doit ignorer l'alpbabet. Elles contiennent, ainsinbsp;que les cabinets qui y sont joints, les anliquitésnbsp;les plus rares, et les plus précieux ouvrages ennbsp;tout genre. On voit d’abord a 1’entrée plusieursnbsp;urnes, ou vases cinéraires, pierres sépulcrales etc.nbsp;Je remarquai une petite urne de marbre blanc, quinbsp;porte l’inscription suivante;

Carasnec inip- Philonici Prlvigni et Dyscheria Novercce cineres na quot;“rte re/j«-positi , pristi'ni odH incmores , una renuunt

ouunt. viJXineicI. nbsp;nbsp;nbsp;\

Andava com- COTimUSCCri.

hattenclo, ed era nbsp;nbsp;nbsp;bippopotame OU clicval marin desséclié et

morto. nbsp;nbsp;nbsp;l r rnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;A . ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,

Tasso, conserve dans une chambre a cote de la galerie.

Cet animal, dit Buffon, est doux, mais terrible

dans sa colere. II iie faut pas s’imaginer que l’hip-

popotame ait la figure d’un clieval. L’opinion qui

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donne a la mer tons lés aniraaux de la terre, est trës-fausse ; il y a dans la mer cent animaux quenbsp;la terre n’a pas, tels que les tortues, les huitres ,nbsp;différenles sortes de raies, Ie polsson de la lune ,

OU ortluagoriscus etc. Dun autre cóié la terre produit des animaux qui ne se trouvent pas dansnbsp;la mer, comme la pantliere , l’hiene , Ie cliameau ,

Ie mouton, la taupe etc. Quoiqu’il y ait plusieurs animaux marins, dont les noms désignent la figurenbsp;de quelques animaux terrestres, comme Ie hé-risson , les serpens marins etc. , il y en apourtantnbsp;un très-grand nombre qui ne ressemblent pointnbsp;aux animaux terrestres dont ils portent Ie nora :nbsp;tels sont, par exemple, les poissons que 1’on ap-pelle Ie renard, Ie chien, lane, la grenouille, Ienbsp;passereau , la grive , Ie lievre etc. Malta alia insignia apud Brown, Erreurs populaires, pag. 384nbsp;et suiv.

Un Laocoon avec ses deux erifans dans sa Iiilte L. a, jEneid. centre deux grands serpens. Rien de plus expressifnbsp;que cet ouvrage, qui n’est cependanl qu’une copienbsp;de celui qui est h Rome dans !e belvedere du Vatican,- ouvrage d’Agesandre Eliodien , qui l'exé-cuta avec deux autres sculpteurs sous I'empire denbsp;Vespasien. Pline en fait I'eloge comme d’une vraie Ptiuc, L. 36,nbsp;merveille en fait de sculpture. Les deux associésnbsp;d'Agesandre sont Polydore et Antenodore. Lanbsp;copie qui est a Florence, a été faite par un Chevalier de S. Jacques : en la voyant on croit lirenbsp;Virgile :

.......Spirlsque ligant ingentibuis, et jam

Bis medium amplexi , his collo squammiea circuni

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'Terga dati , superant capite ei cervicihus altis.

Ille sitnul inanihus tendit divelLere nodos Perfasus sanie vittas atroque veneno.

Une Chimere de bronze. Un Bacchus, autant qu'on peut en juger par les attribuls, dont Ienbsp;piëdestal porte : RcUctis Delphis, ctfratre, utnbsp;potui, hüc veni. — Une chambre magnifique, oünbsp;sont les portraits de tous les grands peintres, faitsnbsp;par eux-mêmes ; car les peintres se faisoient hon-neur d’être places dans cette chambre , et y en-Yoyoient leur portrait pour figurer parmi les peintres célebres. Au milieu de Ia chambre, ainsiquenbsp;dans les autres , est placée une table de pierresnbsp;précieuses, en mosaïque, d’un prix extraordinaire.nbsp;Dans Ie cabinet des idoles, on voit une colonnenbsp;d'albalre surmontée d’une Diane ; un trépied , unnbsp;sistre etc (1).

Le plus beau des cabinets est celui oü, avec d'autres statues très-estimées , se trouve la cé-lebre J^énus de Médicis : cette statue est vraimentnbsp;belle; mais j’avoue que je m’extasie rarement vis-a-vis de ces sortes de choses. Une belle campagne,nbsp;lamer en fureur, un templeaugusie lerontplutótnbsp;eet effet sur moi. La voute de ce cabinet est revê-lue de nacre de perles : le fond de la coupole estnbsp;une grande boussole. On volt sur les tables la villenbsp;de Livourne et d’autres contrëes représentées en

1

Poiiiquoi le sistre n’auroit-il pas d’accord, comme le Misson j torn. II, pagi aSi i bes baguettes d’airainnbsp;ayaut plus ou moins de longueur, ont des sous \arie's, ounbsp;ii’a qu’a Icsfrappcr en jnusique. C’cst uiic cspece de claviernbsp;PU 4e carillou : j’cn ai vu de scmblables.

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niosaïque, de la manufacture de Florence; les portraits de Luther et de Calvin.

Dans un autre, on admire plusieurs ouvrages de cire et d’ivoire. La peste et la progression denbsp;la corruption du corps humain, sont sui'-tüut re-marquables ; c’estl’ouvrage de Gaston-JeanZumbo.nbsp;Voyez son article dans Ie Dictionn. kist.

Ailleurs on voit l’anatomie d’une tête hiimaine de cire; plusieurs buffets en mosaïque , chargésnbsp;de pierreries : dans un de ces buffels se trouve unnbsp;orgue, et la descente de la Croix, faile de cire parnbsp;Ie célebre Michel-Ange Suanorotti. On y es timenbsp;sur-toutune perle grosse commeun oeuf de pigeon.

La plus grande perle, dit-on, est dans Ie trésor duRoi de Perse; elleest de la grosseur d’un pouce,nbsp;et a coüté i ,4oo,ooo livres. — Je n’ai pas vu Ie célebre diamant du Grand-Duc, qui doit avoir coüténbsp;5,000 écus : je crois qu’il se trouve actuellemenlnbsp;dans Ie trésor impérial ü Vienne. On peut en voirnbsp;la figure dans la Physica sacra de Scheuchzer ,nbsp;torn, V, tabula 523. Le plus grand diamant estnbsp;a-peu-près d’un pogce en largeur et de deux ennbsp;longueur, Phys. sac., tom. V, tab. 628 : il pese,nbsp;selon Tavernier 229, »e. carats. L’Impératricenbsp;de Russie doit en avoir acheté un a Amsterdamnbsp;en 1772 , pesant 779 grains , pour 12 tonnes d’or,nbsp;et une pension de 4,000 roubles. Je suis persuadénbsp;que c’est une fable répétée par tant de gazettes, etnbsp;inventée pour convaincre que la Russie pouvoitnbsp;continuer Ia guerre sans se gêner. (\^oyez l’histoirenbsp;de ce diamant dans le Journ. hist, et lilt., i Marsnbsp;J775, pag. 333. — Maniere d'évaluer les dia-mans, iUd., pag. 334*

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Enfin , on entre dans une assez grande piece, moins belle que les autres, oü l’on voit une petitenbsp;momie (1), de grarids globes cosmograpbiques ,nbsp;des instrumens d’astronomie , un airaant longnbsp;d’environ un pied, qui est néanraoins foible etc.

Je vis ensuite la place de 1’Annonciade avec la statue équestre de Ferdinand I®''., Due de Florence ; celte place est réguliere : l’Eglise des Ser-vites , OU sont leurs sept fondateurs, en occupe Ienbsp;fond; l’Eglise de S. Jean est passablement belle. —nbsp;Repassant par la place du vieux Palais, je visnbsp;monter la garde : on apporte Ie drapeau du Grand-Duc, et on bat aux champs.

Les Florentins sont assez officieux et polis : il ne laisse pas d’y avoir parmi eux de grands filoiix.nbsp;Leur salutation est : Servitor di vostra Signoria,nbsp;qu’ils prononcent tellement qu'on n’entend ordi-nairement que Ie mot Signoria, et d’un dióle denbsp;ton, sur-tout les villageois.

1

L’art de nos injections anatomiques, qui envoie des liqueurs dans tous les vaisseaux par Ie moyen d’unenbsp;seringue , déja perfectionné par Ruyscli, Graast, Swammerdam, est devenu aujourd’hui supérieur a la momifica-lion des Egyptiens. Mr. Nietzke vient de conserver Ienbsp;eorps d’un jeune homme dans l’état apparent d’un être vi-vant. Les chairs ambrées ont leur couleur, leur fermeté ,nbsp;comme si 1’enfant vivoit. Journ. hist, et polit. de Geneve , 20 Nov., n“. 5, pag. 36. II s’agit de verifier lanbsp;durée de eet état. — Momie d’Auvei'gne, hien supérieure anbsp;celles d’Egypte dans Ie cabinet du Roi de France, décou-verte en iqfiG.Voyez Buffon, hist. nat. , tom. XV, pag.nbsp;i65, édit. du Louvre, in-qto.

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Exod. i5.

II est heureux que je fasse ce voyage landis que les fruits sont en malurité, el que j’en puis mangernbsp;sans peine et sans clépense : souvent je ne mangenbsp;pas autre chose dans toule la journée. (^uant k lanbsp;pluie et aux orages, j’écliappe toujours heureuse-ment et a point nommé; ce qui est nécessaire, carnbsp;je suis sans manteau. Filii autem Israël ambula-verunt per siccum in medio cjus. II tomba , Ie journbsp;que j’élois a Florence, une grande pluie; il n’y ennbsp;avmit pas en depuis cinq mois; raais en Italië denbsp;très-fortes rosées y suppléent. Quand la terre estnbsp;bien seche, il pleut difficilement; quand elle estnbsp;bien trempée, il ne passe pas un nuage sans se dis-soudrej c'est 1'observation constante des cultiva-teurs. L’eau glisse sur une éponge seche. Lesnbsp;orages , les grosses nuées s’attachent aux fleuves ,nbsp;aux grandes montagnes , oü sont les réservoirsnbsp;des eaux. Lorsque j’étois a Lucerne., Ie 20 Aoütnbsp;1777 , pendant une grande sécheresse , il vint unenbsp;pluie qui ne tomba que sur Ie lac et sur les terresnbsp;voisines.

La plaine de Florence est une des plus belles et des plus riches du monde. De la Ie pvoverbe; Budanbsp;jugo, Vmetcepelago, Florentia campo Eminet.ATpxeanbsp;des montagnes pierreuses et des landes stériles, onnbsp;trouve ordinairement les terres les plus fertiles. Postnbsp;Arahiam pelream, Arabia Jëlix. C’est ainsi que lanbsp;nature, par une espece de désceuvrement, se prépare aux plus belles, aux plus riches productions;nbsp;c’est ainsi que dans Ie mont Krapach , dans lesnbsp;Alpes, l’Apennin, elle médite la fertilité de lanbsp;Ilongvie, de la I-ombardie, des plaines de Flo-

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rence etc. Toutes ces montagnes prolegent les plaines contre les vents du nord, et renvoient lesnbsp;rayons de l’astre vivifiant, comme d’iin foyer. —

II arrive quelque chose de semblable relativement aux grands hommes qui ont coutume d’être contemporains, et de laisser voir un grand vide avantnbsp;eux et après eux. La nature semble épuisée aprèsnbsp;de grandes productions , et Ton croiroit qu'ellenbsp;veut réparerses forces par une longue oisiveté. Lesnbsp;siecles d’Augusfe, deFran9ois I®gt;’., de Louis XIV,nbsp;semblent avoir été des tems que la nature setoitnbsp;choisis pour produire de grands hommes.

A 19 heures , c’est-k-dire, a 3 heures après midi, je vis d’autres jardins du Due , hors de lanbsp;porte Romaine ; ensuite remontant l’Apennin, jenbsp;vois encore Florence et sa riche plajne. Je passenbsp;par S.-Casciano et dors a Tavandli. Un gentilnbsp;garcon , bien élevé , ent bon soin de moi, et nenbsp;demanda qu’un paul; et comme fen témoignai manbsp;surprise, il répondit: C’est ainsiqu’ilfaut recevoirnbsp;les étrangers,

Le 6 Septembre, je passe par Poggibonzl, et dine je ne sais oü. Je suis de fort bonne heure hnbsp;Sienne, grande ville pavée de briques, posées denbsp;champ , c’est-a-dire, mises sur le coté. Elle a unenbsp;citadelle assez insignifiante. La Cathédrale est unenbsp;des plus belles d’Italie le dedans est de marbrenbsp;noir et blanc; le pavé en mosaique , représentenbsp;différentes histoires. Le palais du Grand-Duc etnbsp;celui de l’Archevêque sont k cóté de la Cathédrale.

On voit par-tout Rennis et Romulus , et la louve sur des colonnes ; ce sont les armoiries de

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la ville. La grande place est d’une forme ovale;

Ie milieu sert d’hippodrome ou de manege.

Dans 1'Eglise des Dominicains on voit la dia-pelle de Sainte Catherine de Sieniie; mais son corps n’y est pas : on m’a dit qn’il étoit ii Rome, a lanbsp;Minerve. Celui de S. Bernardln de Sienne est anbsp;Aquila. — Misson s’épuise en sottises et en satyresnbsp;en parlant de cette Sainte Catherine ; il est vrainbsp;quedes Catholiques extravagans ont souvent donnénbsp;occasion aux héréfiques de blasphemer les Saints.nbsp;Legendes sunt lugendce,

Depuis Bologne jusqu’ici, on donne Ie vin dans de grandes bouleilles clissées, c’est-h-dire, revê-lues d’osier ou de jonc entrelacé en maniere denbsp;claie. Les chiens servent de tournebroches, Onnbsp;voit des cliambres sans fenêtres; mais la vivaciténbsp;de fair les garanlit de toute mauvaise odeur. Ennbsp;Espagne cela est fort commun; dans nos Pays-Bas, la chose ne seroit pas supportable.

Le '5 Septerabre, je dine chez de braves gens k Bon - Convento, lieu oü mourut l’Empereurnbsp;Henri VII, Comte de Luxembourg. Je loge en-suite k San-Quiricof chez une femme devote, knbsp;XOsteria della fontevena. II y a, k S.-Quirico unenbsp;Collégiale, un couvent de Récollets, un palais dunbsp;Cardinal Chigi. On me fit une musique très-agréa-ble , la sérénité de mon ame augmentant toujoursnbsp;par les fatigues , les travaux, le dépouillement etnbsp;leloignement de tout ce qui peut attacher.

Le 8 , je vois de loin le célebre Monte-Pul-ciano. Vers midi , je suis a Radicophani, chateau désert, qui est presque dans les nues, élant

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sitiié sur une montagne du même nom , un des

plus hauls pics de 1’Apeniiin, que Mr. Ferher ei

Mr.Z)ie^/ïc/i/piélendent avoir été un volcanj ainsi

Ie pense avec eux Mr. Hamilton : il paroit assez

qu’ils ont raison. Dietricht mélend h lavérité que Journ. hist, et .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.

Ut tér., i5 Nov. \Apennin est conslamment calcaire •, soit, je pas-

1777 5 P^g- 396. serois une exception pour liadicophani. iii(/.pag. 448.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;mauvaise rencontre m’cfl'raie; je double

Ie pas , et viens diner chez une bonne vieille femme au commencement de la descente. A peinenbsp;suis-je parti, qu’un cavalier de Florence me prienbsp;de lui permettre dem’accompagner : jenfusbien-aise; sa compagnie jusquk Rome me fut commodenbsp;a certains égards, et incommode a d’autres. —nbsp;IMous évitons un grand orage. A 21 heures (5 heu-res), nous passons un torrent, et nous entrons dansnbsp;1’Etat du Pape : nous passons sur un beau pont,nbsp;bati par Clément XI j mais l’eau manque souventnbsp;a ce pont, comme au pont du Man9anarès k Madrid (1).

Aquapendcnte, oü nous couchons , est une bien

1

Nouveau Voyage en Espagne etc. Paris , chcz Regnault, 3 vol. iii-S”. Avaiit d’arrivcr a Madrid, notrenbsp;YOjagenr rencontre Ie Mancanarès, très-pctite riviere quinbsp;Cüule a quelquc distance et au bas des liauteurs sur Ics-quelles cette ville est batie. Ellea deux grands pouts, celuinbsp;dc Ségovie et celui de ïolcde : ce dernier, construit parnbsp;Philippe II, a une longueur et une largeur si pcu propor-tionnees au volume du Mancanarès , qu’on a dit gaieincntnbsp;qu’d ce beau pont il ne manquoit qu’uiie riviere. Ibinbsp;parcourant l’Espagne, on en trouve d’autres sur lesquelsnbsp;oiipourroitfairela nicmcplaisanterie; mais l’auteur adopte

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laivle ville épiscopale, sur une montagne. Le 9, jious voyons Ia Catliédrale et la place qui tientnbsp;beaucoup plus d’un village que d’une ville. Nousnbsp;cótoyons le lac de Bolsena, qui est en grandenbsp;f'ureur, tont blanc d’écume. Ce pays est fort dé-sert : il y a d’espace en espace des cavilés, d’oünbsp;1’on a tiré de la pozzolane, ou du ciment de Pouz-zol, dont nous avons parlé ci-devanf. Celte suitenbsp;de cavernes se prolonge jusqu a la montagne denbsp;Vilerbe : plusieurs sont assez profondes. Les pé-lerins et les voleurs les mettent a profit. Nous eü-

a ce sujet une re'flexion de Mr. Silhouette qui, avant de parvenir au ministère, avoit voyage en Espagne, et il jnbsp;ajoute les siennes. Voici la cause de cette apparente disproportion : « L’Espagne est coupée dans presque tous lessensnbsp;» par de grosses chaines de montagnes dont les sommets ,nbsp;» malgre' la chaleur du climat, sont souvent couverts denbsp;» neige. Les ruisseaux et petites rivieres qui découlentnbsp;)) de leurs flancs, ont habituellement un petit volumenbsp;11 d’eau, paree que la sécheresse est fréquente dans le.snbsp;» provinces qu’ils parcourent ; mais lorsque des pluiesnbsp;)gt; abondantes, ou la fonte subite des neiges vieiment anbsp;» grossir ce volume, le lit de ces rivieres s’étend d’autantnbsp;n plus, qu’il est moins profond, et qu’elles charrient beau-coup de sable ; et c’est d’après ees cas, quoique rares,nbsp;» qu’on a calculé les dimensions de leurs pouts. On leur anbsp;)) donné de la solidité pour obvier aux crues subites, etnbsp;« beaucoup de longueur, pour que les débordemens ne lesnbsp;» rendissent pas insulEsans. II ne faul pas , dit 1’Auteur ,nbsp;» taxer d’inepüe des générations, des nations entieres,nbsp;“ paree qu’on ne peut d’ abord se rendre raison de certainsnbsp;» usages, de certains établissemens. Combien de ebosesnbsp;« ridicules au premier coup-d’ocil, ne paroissent plus quenbsp;)gt; raisonnables après un peu d’examen )gt;!

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mes bieti de la peine d’échapper a une pluie ier-rible, et après avoir fait une très-inauvaise station y oü Hansel attaqué par un autre cheval, pensa menbsp;tuer sans Ie vouloii\Nous dinames proche de Monte-

fiascone.

Montejlascone nbsp;nbsp;nbsp;passable, a un Arcbevêque;

elle est située sur une hauteur ; 1’entrée en étoit autrefois bien difficile; on y a remédié. A Saintnbsp;Flavien, cjui n’est qu’i 200 pas de la ville , est en-terré Ie Seigneur Polonois ou Allemand, dont onnbsp;raconte 1‘histoire d’es^, est, est, propter nimiuinnbsp;est, Dominus mens mortuus est. Voyez Misson,nbsp;tow. II, pag. 3o4.

Viterhe, Capitate du Patrimoine de S. Pierre , ést belfe, a beaucoup de fontaines. De grandesnbsp;pierres plates , mais irréguliérement taillées , ynbsp;torment Ie pavé des rues. Sur la porte Romaine ,nbsp;on voit Sainte Rose de Viterbe.

Sorlant de Viterhe, on passe par un chemirt creiix , taillé dans de grands rochers; s’il n’étoitnbsp;pas ouvert par Ie liaut, ce seroit une espece dénbsp;grotte semblable a celle de Naples ou dePausilype.

Nous montons la montagne de Viterbe, qui est très-baute et plantée de sycomores et de chatai-gniers ; elle est infeslée de voleurs, contre lesquelsnbsp;il y a toujours un piquet de soldats. H y a unenbsp;poste de la ville jusqu’au sommef de la montagne,nbsp;et de lil une poste jusqu’^ RoncigUone. C’est unénbsp;erreur qu’on trouve dans quelques cartes et dan.lt;nbsp;cerlainesrelations, de ne mettrequ’une poste entrenbsp;Viterbe et RoncigUone. — Nous voulions poussernbsp;jusqu’a RoncigUone, mais un tems horrible nous

arrêta

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( ‘’6lt;) )

arrê'.a sur la monlagne , oü nous passames la huif: dans une Irès-mauvaise auberge.

Le lo Septembre, nous descendons et voyons Ie Lago di vico. Nous prenons une tasse de chocolat , et mon cheval de l’avoine h llondglione,nbsp;ville assez bonne , qui excite aujourd’hui l’appétitnbsp;du Roi de Naples. Tout ce pays ressemble aux Ardennes. Aprës trois postes, nous dinons a5accö«o.

A la Slorta , quatrieme poste , tandis que nos chevaux se reposent, je vais voir une belle Clia-pelle, Ou l’on croit que Dieu apparut a S. Ignacenbsp;de Loyola allant h, Rome. Le tableau de l’autel re-présente cefte vision : au-dessus de la porte il y anbsp;une table de marbre blanc, avec Vinscription sui-vante:

B. O. M.

In hoe Sacello Beus Pater

Sancto Ignatio Rojnam petenti Ad Societatem Jesit instituendamnbsp;Anno M. B. XXXPIInbsp;Apparuit

Ipsum ejusque Socios Christo Filio Crucem hajulantinbsp;Benignè commendans,

(^ui sereno vultu Ignatiuin intuitus Mis verhts affatus est:

Ego vobis Romce propitius ero.

Thyrsus G-onzales Preepositus generalis Societatis ,

Sacello refecto et ornato Sancto Parenti

P-

BCC.

Aa

Anno M.

Totn.

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( )

Vulclmt de as-pcctu ]h):ncB ex Gilhert. lournalnbsp;Jiist. et litt. , i5nbsp;I''év. Y’Z'in»

A 19 Iieures (a 4) paroit enfin la grande Rome, .... Quce de septeni totum circuinspicit orbemnbsp;Montibus , Imperii Roma Reümque locus.

Ovid. Trist.

Act. XIXj V. 21

Iteuter. Sa.

Des que je la vis , je cliantai Ie Te Deum. Depuis tant d’années je désit ois de la voir! Combien denbsp;fois avois-je dit avec S. Paul : Oportet me et Ro~nbsp;mam videre! Enfin, la Providence se rendant è,nbsp;mes ardens désirs , après avoir écarté tous les obstacles , et m’avoir donné Ie tems , la liberté , lesnbsp;mojens nécessaires, me fait voir cette chere Romenbsp;ii une époque ou j’en étois Ie plus éloigné. Elle menbsp;lira du fond de la Transylvanie, seul, monté sur unnbsp;petit clieval, sans connoissance des chemins ni desnbsp;langues , eteffectua ce grand voyage avec une effi-cace et une douceur qui caractérisent tous ses des-seins. Att'mgit a fine usque ad finem fiortiter, etnbsp;disponit omnia suaviter. La totalilé et Ie résultatnbsp;des moyens portent 1'empreinte de la force et denbsp;Pefficacité divine, oMingitJorliter, Les moyens ennbsp;détail sont naturels, el Ie dessein se cache sous Ienbsp;Roinirus solus Voile des événemens ordinaires 5 disponit omnianbsp;dux ejus fuit._ suat^iter. Je ne me suis presque jamais égaré, etnbsp;très-souvent j’ai passé Ie terme que je m'étois propose. Et deduxit eos in vium rectum, ut irent innbsp;civitatern habitationis (Ps, 106). Coiifiteantur Domino inisencordioB ejus, et mirabilia ejus fiUis ho-minum (Ibid.). Depuis mon retour, je ne sauroisnbsp;aller d’un village a l’autre, sans m’égarer.

II est remarquable que Rome, centre de l'ido-latrie , Capitale du plus grand Empire qui ait existé, soit devenue Ie chet-lieu du Christianisme.nbsp;Le premier Empereur Chrélien a quitté Rome

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pöur Pil abandonner Ie séjour (jè ri'enlre point dans la question de la donation) au Pere des Fi-deles. Dieu, dit Mr. de Claviile , avoit résolu denbsp;tout icms de faire de Rome la Jérusalem du Chris-tianismc (1). J’ai déja marqué ailleurs , qu'il éioit

1

)) Tihi Epangelium Clirisii ,ll.oina, respleitduit;

)i et quce eras ma gistra erroris ^ facta es discipula ve-» ritatis... Te ad liane gloriam epexerunt, ut gens )) saneta,populus electus, vipitas sücerdolalis et regia gt;

)) per sacram heati Petri sedeni ^ caput orbis cffecta ,

)gt; latiüs preesideres Religione divina , cpiam domiuatione )) terreiia. Quampis eniin mullis aiicta victoriis ^ jusnbsp;» imperii tui terra marique protuleris ; minus tarnennbsp;)gt; est, rjuod tihi hellicus labor subdidit, qucirn quodnbsp;pax Christiana subjecit». Leo M, Serm. I in Natali Ap.nbsp;Pftri et Pauli.

» Petrus Princeps ^postolici ordiiiis adarcemRo-)) rnani destinatur imperii^ ut lux ueritatis... ejficaciüs » se ah ipso capile per totum mundi co’rpus efunderet...nbsp;n Trophoeum Crucis Christi Romanis inferehas arci-igt; bus , quo te dipinis ordinationihus anteibant et honornbsp;poteslatis, et gloriapassionis ». Ibid, ante medium.

» Fides vctiistce (Roni®) recia erat jam antiquitüs ,

)gt; Et recta ferstat nunc item , nexupio y » Quodcumque labens sol videt, devinciens ;

;gt; Et universi preesidem mundi decet,

» Totum colit quce numinis concordiam,

Greg. Nazïaiiz. ^ cavm. de vita aua.

» Sedes Roma Petri, quce pastoralis honoris 1) Facta caput mundo , quidquid nonpossidet armis ,

» Relligione tenet.

Prosper , carmine de ingrat!.s, » Qaodautem, j dilFcbronius )ui-mème, qui Ecclesicsnbsp;)i toll as caput erat, in urbem totius orbis dominamnbsp;» perpenerit, ibiqiie se.dem fixerit suain , singulari

A a 2

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( ^7’-* )

en queUiue sorte nécessaire que Rome Tul sonmlse au Rape, et indépendante de lout Prince séculier.nbsp;Les Papes a Avignon étoient, selon la resnarquenbsp;de Vollaire mème, les esclaves des Rois de France,nbsp;et devoient s’accommoder a tous leurs caprices.nbsp;Joiirn. hist, ct S'il résidoit a Vienne, que diroient les Francois en

C’est done cette Rome que je vois, Auditu auns Job. 42? V. 5. (ludin te : nunc autem oculus mens videt te. Nousnbsp;passonsprochedun ancientombeau, que Iepeuplenbsp;dit être sepolchro di Ncronc,]^ ne sais sur quel foir-dement. Les symboles et les figures qu'on y voit,nbsp;n’ont rien de décisif.

Pres de ce tombeau , un postillon donna Ie défi a mon Hansel, paree que j’avois dit qu’il m’ac-compagnat, et qu’il allat plus vite ; il en eut unenbsp;extréme coniiisioii en grande compagnie, Hanselnbsp;disparut en im instant.

Cepays est extrêmement desert; on n’y voit point un village ; rien qui annonce la qu-oximité d’unenbsp;grande ville. Nous entrons dans un beau et longnbsp;fauxbourg,mals assez mort.Nous renconlronsplu-sieurs Ecclésiastiques , Ie Cardinal Castelli et deuxnbsp;autres Cardinaux ; celui-la étoit d pied , les deuxnbsp;autres en voiture.

La porte Flaminienne , ou la poi'ta dlpopoïo est assez belle : elle est simple, mais d’une architec-» divincB Propideniiee consilio factum videtur; utnbsp;» scilicet ipse ^ ejusque successores , indé, quasi ex su-» hlirni loco excubias agere , et muneris suipartes com-» modiiis iwplere possent. Febron., lom. T,pag. lo?..

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( ^73 )

ture noble. La facade qui est en dehors de la vüle est de Michel-Ange; celle qui est en dedans , est dunbsp;chevalier Berninije crois y avoir lu ces mots :

Paulas III, Pontifex Maximus ,

Portam liane ad amplitiidinem Extulit. Piam Flarniniam stravit.

La place du peuple frappe d’alrord a l’entrée; sa grandeur , son air dégagé , deux belles églises ,nbsp;un grand obélisque, trois giandes mes qui en partagent Ie fond , tout invite a y faire une pause. Getnbsp;obélisque est appellé Guilla di popolo les deuxnbsp;églises soïil Madonna di miracoli, et Monte Sancto,

Sur la place des Espagnols , est une belle fon-taine en ferme de barque : l’Impératrice de Russie vient den demander Ie dessin. La Trinilad delnbsp;monte occupe Ie milieu de cette place, vis-a-vis denbsp;la fonlaine ; c’est un Couvent de Minimes , lanbsp;plupart Frangois , fondé par les Rois de France ^nbsp;apparemment par Louis XI, qui appella S. Francois de Paule en France, et qui voulut par des fon-dations pieuses allonger sa vie criminelle. L’escaliernbsp;de marbre est un des plus beaux qu’on puisse voir,nbsp;et c’est réellement une des clioses ([ui m’ont Ie plusnbsp;frappe a Rome. Comme Ie palais du Grand-Duc denbsp;Toscane est sur la même montagne (c’est Ie montnbsp;Pincius) , je ne doute pas que ce Prince n’ait con-tribué a la magnificence de eet escalier.

Le IJ Septembre , nous voyons la place et Ie palais Borghese ; le pont et le chateau St.-Ange,

L’image de ce chateau est renversée dans Misson, JCom.Tbpag.iSS. ainsi que presque touies ses estampes : on prend h

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gauche , après avoir passé Ie pont, si l’on vent poursuivre son chemin , et a droite pour entrer aunbsp;chateau. Ce bel écrivain , qui n’a écrit que pournbsp;déclamer centre les inosurs , Ie Chris tianisme , lesnbsp;Papes etc, ne dit rieii de ce chateau, et se contente de lancer des injures k Sixte V , et de se mo-quer du Chrislianisme , par la maniere dont ilnbsp;parle de Borri et de Molinos : je dis du Christia-rnbsp;nisme, et non pas seulement du Catholicisme.

Le pont est superbe. Douze Anges placés des deux cófés , portent les instrumens de la Passionnbsp;du Sauveur j au-dessus du chateau est un autrenbsp;Ange de bronze. Alexandre VI a rehaussé la molesnbsp;ytdriana, et lui a donné un air de citadelle ; elle estnbsp;maintenant environnée de cinq bastions a la moderne. Misson dit qu’il u’y en a que quatre; je croisnbsp;qu’il se trompe, C’est l'Empereur Adrien qui parnbsp;une solte et stupide ambition , a fait batir cettenbsp;vaste tour pour lui servir de tombeau ; apparem-ment a limitation des pyramides Egypliennes. Onnbsp;lit du cólé du pont les mots suivans :

exprimer les sentimens que eet aspect 1’orma dans mon coeur.

Ut vidi , ut stupiii! ut me meus ahstulit ardor !

Une forêt de colonnes vient embrasser la place de deux cólés. Ce péristyle superbe est surmonté denbsp;statues : il a été lérmé pendant un tems , et hor-

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doit toule la place, mais le poriail de TEgllse en souffroit; on a done lait I'ouvertuie et le vide , lelnbsp;qu’on le voit aujourd’liui. Au milieu s’eleve le cé-lebre obelisque du Vatican; il a a ses cotes deuxnbsp;belles fontaines qui jaillissent en grosses gerbes.nbsp;Je consideiai long-terns ce bel obelisque , quenbsp;Sixte V fit placer ici avec taut de peines et de dé-penses : l’érection de ce monument est très-biennbsp;peinte dans ua des cabinets dn Valican. 11 est sur-monte dune grande Croix. Sa hauteur est de 78nbsp;pieds , sans y toinprendre la croix ni la base. IInbsp;est de granit, comme tons les obélisques de Rome.nbsp;Les hiéioglyphes en sont effaces : il y resle quel-ques mots lalins qui paroissent avoir été plus pro-fondement graves, enlr’aatres ceux-ci:

Doiniiius muncU ConsUmliiis ,om,nia fretus Cedere virtuti, ten is incedere jussitnbsp;Maud partem exiguam montis ^pontoque tumenti.

On raconte dans 1’histoire de I'erection de cet obélisque, une anecdote qui appartient a iin obérnbsp;lisque de Constantinople ; savoir , que les coruesnbsp;étant trop longues, quelqu'un cria de les mouiller,nbsp;quoique sous peine de la vie, il lut defendu denbsp;parler. Gelui du Vatican est le plus grand de tousnbsp;les obélisques d’Egypte. L’Empereur Constance lenbsp;fit transporter a Rome, au rapport d’Ammien Mar-cellin, et comme semble le prouver I’inscriptionnbsp;dont je viens de rapporter un morceau. Cet obélisque , ainsi que tous les autres , sont d’une seuienbsp;piece quarrée qui se termiiie en pointe ; ils ontnbsp;tons été transportés de I’Egypte. On lit sur le pié'rnbsp;destal de ce!ui-ci;

A a 4

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Du cóté gauche.

Sixtus V^ Pontifex Maximus Cruci invictcenbsp;Oheliscum Vaticanum jnbsp;Ah impia superslitione expiatum ,

Justiüs eb feliciiis Consecravit,

Anno M. D. LXiKXPI. Pontificatus LI.

Du cóté droit.

Sixtus V, Pontifex Maximus Oheliscum Paticanumnbsp;Diis gentiumnbsp;Impio cuUu dicatuinnbsp;Ad Apostolorum liminanbsp;Operoso lahore transtulit.

Au milieu vers 1’entrée de Ja j^ilacp.

Ecce Crux Domini Fugite partes adverscenbsp;Picit leo de TrihuJudd.

Du cóté de 1’Eglisc.

Christus re gnat,

Christus vindt,

Christus imperat,

Christus ah omni malo Plehem suam defendat.

Kous avaii^ons vers l’Eglise qui , comme dit Toni.IIjpag.iÓD. Voltaire dans les dnnales del’Empire, est Ie plusnbsp;beau monuinent d’architecture cjue les mains desnbsp;hommes aient jamais élevé. « Avec les débris denbsp;)) l’Ancienne Rome , on a construit l’Eglise denbsp;n S. Pierre ; batiment plus magnifique f]u’aucininbsp;gt;1 qui ait jamais exislé. Diet.phil., art. Jerusalem «.

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JoLirn. hisl. el. lit tér. , i5 Juin

( '^n )

Ceux qui ont voulu lui égaler S. Paul de Londres, n’avüieut peut-êire vu ui Tune ni Tautre. Saus par-ler du reste, Téglise de S. Paul est dun tiers moinsnbsp;longue que celle de S. Pierre. Voyez Misson ,nbsp;torn. II,pag. 126, et les deux plans dans Ie ojagenbsp;d’Italië , par Mr. de Lalande.

Quoique Ie Temple de Salomon soit bien an-dessus de la critique ausleré de Volfaire , il est certain qu’il n'étoit pas comparable au Vatican.nbsp;Le Temple de Jérusalem étoit analogue aux rilsnbsp;judaïques , incompatibles avec le dessin d’un seulnbsp;vaisseau simple et magnifiqoe.

Le grand Dictionnaire de la Martiniere dit que 1 eglise de S. André en Ecosse, aujourd’hui ruLnbsp;née, étoit de 7 pieds plus longue et de deuxnbsp;pieds plus large que S. Pierre ; que sa bauteurnbsp;extraordinaire , la beauté de ses piliers et sanbsp;belle symétrie, lui donnoient le premier rang entrenbsp;les édifices golhiques 5 les Dclices d’ Angleteire,nbsp;d’Ecosse et dllrlande, ne parlent pas de cettenbsp;église.

Nous considérons le portail; il est magnifiqne , malgré quelques défauts dans les détails. II porte ;

In honorem Piïncipis Apostolonim Paulus F Borghesius Jlomaims, Pontifexnbsp;Max. Anno M. D. C. Xll. Pont. VÏI. {1)

Nous entrons dans le vestibule de ce superbe Temple; tout y est précieux, tout y est magnifiquenbsp;comme dans le Temple même, On volt a droila lanbsp;porte du Jubilé : cette porie est maintenant murée j

28quot;,,

J I«g-

1

Solas pqiiicus a Paulo F est.

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mais on abal la rauraille au coitimencement tie i’année d'or. Anx deux extrémités du vestibule onnbsp;Yoit les statues équestres de Constantin et de Charlemagne , de marbre blanc, grandeur colossale.

La grandeur, la saintelé , la magnificence de cette belle Eglise, saisissent, dës I’entree, l'amenbsp;du spectateuv, et Ie laissent dans iin étonnemenl quinbsp;va jusqu’a la stupeur. II ne sait que dire , quenbsp;penser , sinon que cc lieu est terrible, et vraimcnlnbsp;la demcure de Dieu. Terribilis est loens isle. Hienbsp;domus Dei est. Je n’entrerai dans aucun détail:nbsp;on a écrit des volumes pour célébrer les beautés denbsp;eet incomparable edifice. « Monument célébrónbsp;» dans toutes les langues et toujoiirs supérieur anbsp;» l’idée qu’on s’en fait, pourvu que Ie bon sensnbsp;)) regie l’imagination. Temple auguste qui n’eutnbsp;» jamais degal en grandeur, en majesté et en ri-rnbsp;1) chesse; ou la Religion a rassemblé tout ce quinbsp;» peul servir a animer, a nourrir la piété ; oir lanbsp;)) curiosité la plus avide et la plus intelligentenbsp;» trouve de quoi se satisfaire , revient sans cessenbsp;» aux mêmes objets, et ne les quitte que déter-)) minée a revenir encore ; ou les artistes en toutnbsp;)) genre, les plus critiques et les plus habiles vien-)) nent admirer et s’instruire ». Temples anciensnbsp;et modernes, ou Observations etc.

» La plus vaste et la plus auguste maison qui » ait jamais étébatie pour Ie culle de Dieu ; n’ennbsp;)) déplaise au Temple de Salomon et a tont ce quenbsp;» 1’histoire nous raconte des plus famenx templesnbsp;Sourn.hUt.et « de l’antiquité chrétienne et profane «. Labat,nbsp;1^780'281™ V'oya^e d’Italië et d’Espagne, lom, VI, png. iqG.

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Joiirn. hist, ei littér., I Avrilnbsp;1784, pag. 483.

La Conjession (1), ou letombeau des saints Apó' Ires, surmontée de quatre grandes colonnes spi-rales d’airain, est justement sous la grande cou-pole , qui est haute de 4^2 pieds jusqu’au haut denbsp;Ia croix qui sunnonte la Loule’: c’est une especenbsp;de baldaquin qui couronne Ie toinbeau des saintsnbsp;Apótres et l’autel qu’on a placé dessus. C’est sui-vant Lalande Ie plus grand ouvrage de Ijronzenbsp;que Ton connoisse j une infinite de lanipes y sontnbsp;sans cesse alluniées dans l’ordre Ie plus beau. —nbsp;La coupole est double celle qu’on voit au-deliorsnbsp;nest pas celle du dedans j elles sont divisées parnbsp;un cscalier en spirale, qui conduit jusqu’h laboule.nbsp;On assure que cette coupole a justement la largeurnbsp;du Panthéon.

Je me prosternai devant camp;\\.q Confession, avec une grande consolation , et je remerciai Diennbsp;de m’avoir fait une grace, que les ardens déslrs denbsp;S. Chrysostome n’avoient point obtenue. Combiennbsp;de fois m’étüis-je servi des paroles de ce saint Doc-teur pour exprimer nies vceux ! Quis inihi dabitnbsp;circumvolvi corpori Pauli? -dljfigi sepulchro, viderenbsp;pulvcrein corporis illius, quee ad/iüc in ChrisLo dc-deerant, adimplentis, stigmata sua gesfanlis, ptxv-dicationem Evangelii ubique seminantis ? E.xpos,nbsp;Epist. ad Rom. — Vide Brev. Rom. 4a. Julii.nbsp;Citm Paulas etc.

Au cóté gauche de la Confession, est une grande

1

Confessio, idem est quod sepiilchrum , cryptasuh-terranea Martyris, lypsaiiotlicca, altaigt;e majus etc. Vide acta Holland, Junii, toni. VI, part. aa., de (Jonfessionenbsp;S. Petri, ff'. T.

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statue antique de S. Pierre : elle est de bronze et assez mal faite; on en a use un des pieds, a forcenbsp;de le baiser. Les magnifiques tableaux de I’Eglisenbsp;de S. Pierre out été donnés aux Chartreux, apresnbsp;qu’on en eut fait des copies en niosaïque. Ces mo-saïques sont une des grandes beautés de I’Eglise denbsp;S. Pierre (*). Les confessionnaux sont dans la partienbsp;gauche de la croisée : on y a mis des inscriptionsnbsp;qui avertissent les différentes nations du siege denbsp;leur pénitencier. Les Jésuites sont ici péniten-ciers, ainsi qu a Lorette.

, On voit au fond de 1’Eglise la 'Chaire de Saint Journ. hist, et Pierre , portee par S. Augustin , S. Ambroise ,nbsp;UtUr. , I Aout Athanase ét S. Chrysostome (que quelques-unsnbsp;prennent pour S. Grégoire de Nazianze) , statuesnbsp;colossales de bronze. Misson, tom. II, pag. 13:7 ,nbsp;y met S. Gvégoire et S. Jéróme j je crois qu'il sénbsp;troinpe. II dit aussi que la Confession est faite desnbsp;seuls clous de la couverture du Panthéon, qui anbsp;produit en outre un canon de 70 livres de balie;nbsp;folie , extravagance! — Veram esse Petri Cathe-drain consent Bollandistas, et conservatam sicutnbsp;S. Marei Alexandrice.

Les tableaux en mo,saïque , les mausolées des Papes , les statues des Apótres et des Fondateursnbsp;(f) On peut consultcr le Traité sur lafahriqiic des mo-saïques , de Mr. Fougeroux, qui se trouve ii Ia fin des Recherches sur les ruines d’Herculaniun , par le niêmenbsp;Auteur, imprime'es a Paris en 1770. On trouvera re'uuiesnbsp;dans eet ouviage toutes les helles pieces en niosaïque,nbsp;qui ornent cette grande Eglise.

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( 3Si )

tl'OvdiPs (?) etc., tüut est cl’une beauté supérieure aux idéés de quiconque n’a pas vu ces clioses. Vin-cifur sermo rei magnitudine, et minus est omne quodnbsp;diciniits. S. Hieron.

Nous voyons 1’Eglise des Peres des Ecoles-pies; de S. Laurentzo j de S. Antoine , aux Portugais;nbsp;de S. Louis , aux Francois : celle-ci est fort belle,nbsp;avec une voute joliment travaillée et doréej ellenbsp;n’est pas grande.

La Piazza Colonna, place inagnifique, au milieu de laquelle se voit la colonne d’Antonin et la statue de S. Paul. Antonin n'y a rien perdu, sanbsp;statue équestre étant posée au milieu de la placenbsp;Capitoline; et Paul, li mon avis, figure mieux surnbsp;la place Colonne , quoi qu’en dise Voltaire.

Non, encore un coup, Sixte V n’a pas mal fait,

Home moderne doit sa gloire k Pierre el Èi Paul, et point du lout k Trajan ou k Antonin 5 du reste,nbsp;voir places sur des colonnes triomphales, au milieu de Rome Cluétienne, les ennemis du Christia-nisme, et Trajan son persécuteur, eüt été unenbsp;chose qui auroit pu blesser bien des yeux. Je saisnbsp;que ce mot persécuteur, appliqué k Trajan , aigritnbsp;extrèmement nosphilosophesj ce n’enestpasmoinsnbsp;pour cela une véiité.

PiazzaNavona.Hn grand obélisque soutenu par quatre colosses, qui sont les statues symboliquesnbsp;du Danube , du Nil, du Gange et de l’Euplirate , Ouvragecle Ber

-- nbsp;nbsp;nbsp;_____________________________ iiiiu.

(’*) Les Carmes sont enfin parvenus a y placer Èlie.

Vniversus Carmelitarum Ordo Fundatori suo Elicc.

Quelfftios-iins d’ciix rcgarderont cela sans doute cönune une decision.

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( 38. )

sur nn grand bassin , dans lequel tombeni en jail-lissant de grandes nappes d’eau , qui sortent d'im rocher percé de part en part : ce roclier est d’unnbsp;rnarbre riisliqne , et forme une espece de caverne.nbsp;Un lion y boit dun cólé , et un cbeval marin sortnbsp;de l’autre. L’Eglise de Sainte Agnès, exlrémementnbsp;belle en dehors et en dedans, est au milieu denbsp;Tune des deux longues files des batimens de cettenbsp;place. C’est une chose dégoutante de lire tout au-tour de 1’architrave de la coupole ; Ingressa Agncsnbsp;iurpitudinis locum , Angeluin Domini prceparaÈumnbsp;invenit. Outre que les actes de la Sainte sont supposes , on ne pouvoit choisir pour une Eglise d’é-pigraphe plus revoltante.

Lafontaine de Trevi ou Trivii. Ti a trois nies qui aboutissent a 1’exfrémifé gauche du bassin.nbsp;Cette fontaine passe toute expression ; il n'y a ninbsp;palais ni église qui ait une facade pai'eille. On nenbsp;Salt si ce sont les eaux ou les statues qu’il faut admirer Is plus. On lit au-dessus de la grande statuenbsp;de Neptune:

Clemens X.II Pontifex Maximus Jlquam virginem copid etnbsp;Salahritate commendahilein ,

Cultu magnifico ornavit,

Anno M. DCC. XXXr.

Et plus bas :

Perfecit Benedictus XIP.

Aqua vir^o. C’est Ie nom propre de cette abon-dante fontaine; comrae aqua Felloe^ aqua Paula, autres fontaines de Rome. Les anciens personni-fioient les eaux , les divlnisoient, les marioient.

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les faisoient vine dans Ie célibat, comnie bon leur senibloit. Dautres disent que cette fontaine s’ap-pelie Virgo, paree qu’elle semble reculer, lors-qu’elle est sur Ie point de mêler ses eaux avecnbsp;celles du rivus Herculanus. C’esl Pline qui rai-sonne ainsi : quasi timeret amplexus viriles, etiauinbsp;numinis. II ne nomme pas cette fontaine , mais ilnbsp;paroit la designer par-la. Frontin dit qu’elle futnbsp;nommée ainsi, paree que sa source fut découvertenbsp;par une jeune fille.

Ovide parle de cette fontaine dans deux en-droits, qui ont beaucoup gêné les commentateurs qui ne la connoissoient pas : Ie premier est aunbsp;Liv. 3^. des Elégies, la®. Elégie;

JVunc , uhi perfusaest oleo lahente juventus ^ Defessos artus Virgine tingit aqud.

Et ailleurs :

Nee vos campus hahet, nee vos gelidissiinaVirgó ^ Nee Tuscus plaeidis develiit amnis aquis. ¦

Le College grec est assez hien bati, et paroit avec' avantage. Vraiment j’ai bien employé cette matinee ; mon compagnon n’en peut plus: cependant itnbsp;reste bien des choses, et il n’y a point de terns knbsp;perdre.

Après midi, nous voyons encore la fontaine de Trevi; car on ne se rassasie point de la voir, etnbsp;la belle piazza di colonna. Hcec plaeuit seniel, hcecnbsp;decies spectata placebit.

Le College romain est un palais grand et superbe. On lit au-dessus de la porte :

G-regoï ius XIII Religioni et bonis artibus.

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( 384 )

L’eglisé de ce College est une des plus belles de Rome ; les Bollandistes rappellent /^ei'Z de la vitte.nbsp;Ob eleganliam ac venustatem meriih dixeris urbisnbsp;ocellunï, Julii, lom. VII, gloriaposihuma S. Ignatii.

L'aiitel et Ie loinbean de S. Louis de Gonzague^ sont un bijou inestimable : on voit prés de la clia-pelle de ce Saint, Ie niausolée du Cardinal Ludo-visio, qui batit cetle magnifique église k l’honneurnbsp;de»S. Ig/iacc, óont l image est placée sur Ie maitre-autel, OU plutót c’est 1’Image de Jesus-Christ quinbsp;apparoit chaigé de Ia Croix k S. Ignace. Jamaisnbsp;1'image d’un Saint ne doit occuper Ie lieu principalnbsp;du maitre-autel : bien des geus 1'ont trop peu d’at-tention k ces sortes cle cboses. Au-clessus de 1’urnenbsp;de ce mausolée , on voit la statue de 1’oncle dunbsp;Cardinal, Grégoire XV, qui canonisa S. Ignace.nbsp;Autonr du buste de ce Cardinal, on lil :

yllter , J.gnaiium admovit aria : aller aras Ignatio.

Ce qui est judicieusement et heureusement ex-primé.

Monte Cavallo, ainsi nommé du cbeval d’A-lexandre , dont la statue est au milieu de la place, est un palais du Pape. A peine y lus-je arrivé, quenbsp;leSt.-Pere sorlit avec pompe, me regarda et me bé-uit avec un grand air de bonté. Je ne pus m’empê-cher d’estimer Ie sort de Rome moderne au-des-sus de celui de l’ancienne, en voyant son Souve-rain pacifique et débonnaire, donner des bénédic-tions a l’endroit même ou Tambition et la cruaulé,nbsp;OU du moins la fausse gloire des Empereurs paiens,nbsp;Irainoient a leur cbar des Rois malheureux. Voltaire

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( 385 )

taire lui-niêjne convient que oe changement est heureux, quand même on Ie considéreroit indé-pendamment de la Religion et de la vérité du Chris-tianisme. La philosophie et l’humanité s’accordentnbsp;dans ce sentiment (1).

On a toujours cru que les deux bucéphales qui sent devant Ie palais , étoient réellement , I’lin denbsp;Phydias et l'aiitre de Praxitele • on pourroit nëan-moins faire quelques difBcultés la-dessus. Sur lanbsp;base de l’un on lit; Opus Phidice; sur la base denbsp;Pautre : Opus Praxilelis.

Quand Ie Pape sort, sa garde a pied et k cheval Vattend devant Ie palais : celle-ci Ie suit, l’autrenbsp;bat aux champs et veste. Un Prélat porte une grandenbsp;Croix , monté sur un mulet blanc, caparaqonnénbsp;de noir; suivent quelques Prélats k cheval. Lenbsp;Pontife arrive dans un carrosse vitré, raagnifique,nbsp;assis dans un fauteuil de damas ou de velours

1

Voyez l’impertiuent Dialogue de Frere Fulgcnce avec Marc-Aurele : Déchue , si vous vpulei , mais mal-heureuse.Nou ; au contraire , lapaix y regne etc.nbsp;Journ. hist, etlitt. , i JaiiV. 1776,pag. 64.“— iSMainbsp;1778, pag.84--^ I Mai 1782, pag. 57. — Passage magiii-fique sur la fausseté et 1’inhumauité de Vhéroïsme romaiu jnbsp;voyez Eergier , dansie Déisme réfuté , 2emo_

-.....Sonantes non egoferreis

Turrnas catenis, nee miserahili Squallore dejectos trakentenbsp;Belligeros litubare currunbsp;Videbo. Sed spes alma ^ sed aurseenbsp;Felicitates , et populis salus '

Optata , longo liberates Bxilio redeunt beaiisnbsp;Tecum quadrigis,

Tom. J. nbsp;nbsp;nbsp;B b

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( 386 )

rouge : Ia garde et d'autres carrosses ferment la marche.

Nous voj^ons quatre belles Fontaines aux angles saillans de quatre rues concentrates. On voit ici lanbsp;jolie et petite eglise AeS.-Catio alle quatro foniane,nbsp;qui avec Is Couv^ent, n’est pas plus grande , h cenbsp;que 1’on assure , qu’un des quatre grands piliers denbsp;S. Pierre : exageration, on si Ton veut diminutionnbsp;si visible , qu’ii est inconcevable qu’un géometrenbsp;tel que Mr. de Lalande , ait pu la rapporter sansnbsp;le moindre correctif.

On peut dire qu’en général rien n’est plus beau, rien de plus répété a Rome, que les fontaines.nbsp;Saint Cbrysostome disoit de son terns en parlantnbsp;Fvpo9 itiFpisi Rome : Qualibus coronis duabus ornatur urbsnbsp;ad Romanos. ista ! QuoUbus catenls aureis cincta est I Qualesnbsp;habet fonles ! Vraiment, quales habet fontes !

Nous examinons un grand obelisque derriere I’eglise de Sainte Marie-Majeure. Au cóté opposénbsp;a l’église , on lit ces mots :

Christum Dominum

Quern Augustus de T^irgine nasciturum f^ivens adoravit

Seque deinceps Dominum dici vetuit .Adoro.

Je ne sais si ce trait d’histoire est bien Ibnde (*).

Cur non credamus in cateris liac atque iliac gen-tibiis, alios atque alios fuisse (qui Christum utcumque cognoveruut, uti pi'iAs dixerat). -Aug. Epist. 122/ etnbsp;hare a se semipelagiano dicta conjinnat, 1. 9. , retract. ,nbsp;c. 3i; sed excludil dignitatem. Alter locus insignis ,

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( -quot;87 )

Je clierchois ceUe inscription sans savoir oi\ elle étoit, et je Ia trouve heureusement ici.

Au cóté gauclie :

Sixtus V. Pont. 3Iax- obeliscum JEgypto adductmn , jLugusto in ejiisnbsp;Mausolceo dicatum etc. etc. Mc erigi jussci.nbsp;M. D. LXXXFL

Deux domes magnifiques sontacülé de celte égVise, et en font parlie : clans l’uu on garde la creche denbsp;notre Sauveur , d'oü 1’église est appellee Sanctanbsp;Maria ad Prccsepc. C’esl a cpoi fait allusion Vobé-lisque , aiiquel on fait dire

Christi Dei In CEternum viventisnbsp;Cunahulanbsp;Lcetissimè colo ,

Qui mortui Sepulchro udugustinbsp;Tristisnbsp;Serviër am.

l. i8, de CU'. Dei , c. 47 , vide Richard. Ficior. et alios apud Tournély , de Incarii. , pag. i8.

jVIultos in sinu infidelitatis novisse et udorasse ver rum Deuni , atque adeö Christum et nasciturum etnbsp;natum , dixi fol. lo, Cod. theol.De Sybillis etnbsp;Platone eonstare videtur. Notant Bossuet et Grotiusnbsp;hwc Plaionis 7gt;erba. Extcndenda; pcï patibulum manus.nbsp;— Sybillas snde apud Natal. Alex. Sceculo I, Dissert.

—Confuciuin ex bibliotheca regia, pag. 78.—So-cratem et Plntonem apud pewfatum Nat. Alex. See-culo II ^ Dissert. (J, nquot;. i.

Ista accuratiiis pensata in Catech. philosoph-, et ipsn Diclion. bist'.

B b 2

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( 388 )

Dans l’autre dome est une célebre Image de la Sainte Vierge , qu’oii dit peinte par S. Luc.

Misson, tom. II, pag. 19^, met la creche et l’image dans la même chapelle ; je crois que c’estnbsp;encore une erreur. II dit ailleurs que S. Luc nenbsp;fut jamais peintre 5 cela est trop Iranchant. Théodore Ie lecteurdit, au commencement du 6®. sieclenbsp;en parlant d’une Image de la Ste. Vierge peinte parnbsp;S. Luc , que rimpératrice Eudoxie Fenvoya denbsp;Jerusalem a la sainte Princesse Pulchérie.

Cette église est encore appellee Sancta Maria Major, et Sancta Maria ad Nives. La grande nefnbsp;est sans voute , mais Ie plafond est magnifique ,nbsp;ainsi qu’a S. Jean de Latran. II faut observer quenbsp;ces deux églises , S. Paul, et toutes les anciennesnbsp;égüses de Rome sont sans voute : ce qu’il faut at-tribuer a fusage plutót qu’a la timidité des archi-tectes; puisque ceux qui voüterent les Thermesnbsp;de Constantin , pouvoient aussi facilement voüternbsp;une église. Les beaux plafonds de Sainte Marie-Majeure et de S. Jean de Latran, ont été faits dansnbsp;ces derniers tems.

Le frontispice de Sainte Marie-Majeure , aprës celui de S. Pierre et celui de S. Jean de Latran ,nbsp;est le plus beau de Rome. Paul V a placé devantnbsp;cette Église, une colonne de marbre gris, tiréenbsp;d’un ancien temple de la Paix, bati par Vespasien.nbsp;Elle porte une belle statue de la Vierge : on lit surnbsp;un des cótés de la base :

Impura falsi templa Quondam numinisnbsp;Jubente mcesta perferebani Ccesare ;

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C 389 )

Nunc Iceta veri Perferens Wlatrem Deinbsp;Pe j Paule j nullis obiicebo sccculis

Les deux autres inscriptions sont egalement belles,

mais mes compagnons in’arracherent de la.

Saint Jean de LatrünhvJv, dit-on , par Cons- Voycz teBrév.

, r. .^-1 nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;\nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;- Kom. au i) Nor.

tantm, et consacre par S. Silvestre , est a lextre-

mité de Rome , contre lamuraille de la ville. C’est la premiere Eglise du monde en dignité , commenbsp;S. Pierre lest en beauté : c’est I’Eglise Episcopalenbsp;ou Catliédrale de Rome. Le Pape est Evêque denbsp;S. Jean de Latran. Le rit antique y est tellementnbsp;observe, que toutes les additions faites a la Messe,nbsp;dans des terns postérieurs aux premiers siecles ,nbsp;n’y ont pas lieu , pas mème le Dona nobis pacein ,nbsp;de S. Gregoire-le-Grand ; on ^ dit, comme lesnbsp;deux précédenies fois : Miserere nobis.

Le frontispice , quoique moins grand que celui de S. Pierre , a beaucoup de noblesse et de goiit.

Sur les deux colonnes qui sont a cóté de I’entree , on lit ces paroles :

Sacrosancta Lateranensis Ecclesia ,

Omnium urbis et orbis Ecclesiaruin Mater et Caput.

Au milieu :

Dogmate Papali datur et simul Imperiali ,

Quod sim cunctarum Mater , Caput, Ecclesiarum.

Eerh magnificus fuit ille Paulas. In solam mi-thram Pontificiam n 0,000 aureos impendit. Families suw Borghesice , Del in bonis, vel in cere, deditnbsp;scuta .^,103,000/ major futurns, si ea in res Ponti-ficias distribuisset.

Bb 3

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( -^90 )

Et ca liaut ;

Cleniejis XII Pont. Max. Anno , Christo

Salvaiori , in honorem S. Joannis Babtistce Et Evangelista; (*).

On assure que l’autel cle bois , qui est sous Ie grand autel, est celui de S. Pierre : personne quenbsp;Ie Pape, n’y dit la Messe. Les tètes des saints Apö-tres sont aussi ii S. Jean de Latran. Voyez lesnbsp;Acta Sanctorum, Junii, torn. V, pag. et seq.

Les statues des douze Apótres sont magnifiques, ainsi que Ie dome, qui est au cólé gauche en entrant : cetle chapelle et Ie dome, sont l’ouvrage denbsp;Clément XII, qui fit élever ce bel édifice a l’hon-neur de S. André Corsini, son parent.

Au cóté droit de l’Eglise, on voit un ouvrage en mosaique fort ancien. Je pense y avoir lu a-peu-près ces paroles : Monumentum antiqui Ccenaculinbsp;a Leone III extructi pro Senatu sacro et conciliis.nbsp;On voit un grand palais papal, que les Papes n’ontnbsp;iamais habité, et un grand obelisque chargé d’hié-roglyphes, dont les inscriptions iatines sont asseznbsp;difficiles h lire.

Joani. hist, el Scala sancta lateris Christi. On monte par plu-sieurs degres a une chapelle , batiraent de bon

Errcur etc Voltaire, Journ. hist, etlitt., i®*'. Mars I'jfii , pag. 322. Plaisanlc reflexion de ce Patriarclie de lanbsp;philosophic, centre la residence on sejour de S. Pierre anbsp;Rome; Leltre sur le diner de Boulain villiers , pag. i o5 ,nbsp;et ajoutez-a ce qjie j’ai dit en cet endroit, que celte Eglisenbsp;est formellernent dediée a Jesus-Christ Sauveur, ct coiisé-quemment suivaiit Pordre dii terns et des choses , nouobs-taiit que S. Pierre ait fait sa dcincure ii Ruine.

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(

gout et d'une architect ure moderne, cu il y aune Image miraculeuse du Sauveur, a laquelle Ie peu-ple a beaucoup de dévolion. Ces degrés sont aunbsp;nombre de 28 : on ne les inonle qua genoux; maisnbsp;il a, a droite et a gauche, un autre escalier quenbsp;Ton monte k pied.

Mon cicérone (*) me dit fort naïvement , en m'expliqcant l’Indulgence de la Scala sancta ;nbsp;)) Quand vous auriez tranché la tête a votre pere,nbsp;» bu Ie sang de vos treres, ravage la terre par Ienbsp;i) feu , épuisé tous les crimes; montez et descen-» dez ces degrés a genoux, et tout est comme sinbsp;» vous n’aviez rien fait ». II ne faut cependantnbsp;pas trop appuyer sur ces propos populaires et ridicules ; les ignorans ne sauroient rendre avecnbsp;¦ justesse les choses les plus raisonnables; etquelquenbsp;fausse idee qu’ils y atlachent, on n’en sauroit con-clure autre chose , sinon qu’ils ont besoin d’ins-truction et de notions plus vraies.

Ces degrés, dit-on, ont été appoi-tés de Jerusalem a Rome, sous Constantin-le-Grand ; on dit que ce sont les degrés du prétoire de Pilate. Sergius II, en 846, Célestin III et Sixte V, placerentnbsp;en différens endroits ces degrés devenus respectables pour avoir été pressés sous les pieds du Filsnbsp;'de Dieu au jour de ses soutfrances. Je n’ai gardenbsp;de garantie la tradition de leur transport ou transen) Ou appclle ainsi a Rome celui qui guide les étrangersnbsp;par la ville. Les cicérone sont les explicateurs des beautésnbsp;de Rome, les narrateurs lideles'de tous les contes populaires , qui déiiatureiit 1’idée des luomnnens saciés et pro-IVties.

13 b 4

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lalion de Jerusalem a Romej mais je suis égale-ment éloigné de blamer la dévotion du bon peuple Chrétien, qui sans raisonner savamment sur lesnbsp;occasions et les alimens de sa piété, passe par unenbsp;intention droite et pure au deinier et incontestablenbsp;objet de son culte.

n Une des ruses de nos philosophes modernes , dit un Auteur judicieux, est de jeter du ridiculenbsp;sur tous les nionumens de la superstition, dansnbsp;l’espérance qu’il en rejaillira quelqueqieu sur lesnbsp;instrumens sacrés de la Religion. Une saine critique ayant, depuis plus d’im siecle, tracé desnbsp;regies invariables pour distinguer les faits et lesnbsp;monumens apocryphes, de ceux qui sont au-thenliques, notre piété se trouve enliérementnbsp;dégagée du mélange de tous ces alimens de lanbsp;crédulilé ; il est par conséquent aussi inutile quenbsp;dangereux de nous repaitre sans cesse de cesnbsp;« lades plaisanteries, qui ne lomberoient que surnbsp;n la bonhomie de nos aïeux, puisque nous avonsnbsp;n appris h mettre une distance convenable entrenbsp;» ces monumens abandonnés a la simplicité dnnbsp;» vulgaire, et les faits sur lesquels est fondée lanbsp;2) Religion. Tout homme qui raisonne, sait qu’ilnbsp;« est assez indifférent d’abandonner a la vénéra-1) tion des fideles des monumens profanes, pourvunbsp;» que rhommage qui leur est rcndu , reviennenbsp;» en derniere analyse h celui qu’une pieuse cré-)) dulité fait croire en avoir été Ie possesseur ;nbsp;» qu’on ne doit arracher qu’avec de sages précau-n tions, a la vénération du people ces alimensnbsp;)) de sa piété j que dans tous les cas, il y a bien

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» moins de danger a tolérer, a nourrir même cette 5) piense crédulité , qu'a proposer , comrae fontnbsp;n nos philosophes , h la vénération publique, denbsp;n faux sages, souilles de tous les vices, et cor-» rupteurs des nations ». Voyez la crédulité biennbsp;plus risible et plus niaisement bonasse des anti-quaires , dans le Joiirnal hist, et litt. , 15 Nov.nbsp;1784, pag. 443.

Voyez ci-dcT.

Nous arrivons assez tard au Colysée ou Am-philhéatre de Vespasien , qui est fort endommage par une breche qu’y a faite un Prince ou Cardinalnbsp;Barberin, a 1’occasion de quoi me disoit-on faus-sement , on avoit fait dire k Pasquin ; Quod nonnbsp;fecerunt Barhari fj'ecerunt Barberini. Mais on ra’anbsp;trompé en appliquant ce bon mot au Colysée : il anbsp;été fait il 1’occasion des colonnes et de la tribunenbsp;superbe qui est au-dessus de la Conjession de Saintnbsp;Pierre. Urbain VIII , auparavant Majfeus Barberini, la fit faire des colonnes et du plafond d’airainnbsp;du Panthéon , que les Goths et les Vandales ynbsp;avoient laissés. Ce bon mot au reste n’empêche pasnbsp;que le Pape n’ait tres-bien employé ces colonnes ,nbsp;et qu'il n’en ait fait quelque chose de mieux. Jenbsp;connois des gens qui n'adorent pas Dieu, et quinbsp;sont pénétrés de respect vis-a-vis d’un vieux pilier.nbsp;L’inscription placée sur le poiiique du Panthéonnbsp;suffit pour réfiiter ce fanatisme d’antiquité.

Urbanus VIII Pontifex Maximus velustas cenei Lacunaris relicfuias in Vaticanas colu/nnas et bel-lica tomienla conflavit, ut decora inutilia et ipsinbsp;propè famce ignota, fierent in Vaticano Tcinplo-,nbsp;Aposiohci Sepulchri ornamenla , in Iladriand araonbsp;inslrumenta pitblicce securilaiis. Anno z639..

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La breche susclite fut faite par Paul III, et employee a batir Ie superbe palais Faruese. — Le long de 1’arene de eet amphitheatre , ou plutót toutnbsp;autour, on a placé de belles Stations, et au milieunbsp;une grande Croix. II y a trois rangs de piliers et unnbsp;de pilastres : le premier, je crois, est de 1’ordrenbsp;toscan , le second de l’ionien , le troisieme et lesnbsp;pilastres ont 1’ordre corinthien ou le composite.

Les Stations sont éclairées , du moins aux ap-proches de la nuit. Je fus saisi d'nne espece d’hor-reur au anilieu de ce vaste batiment a 1’entrée de la nuit : je crojmis voir les lions et les tigres dansnbsp;leurs cavernes , rassasiés du sang des Martyrs.nbsp;C’est la que le grand Ignace Evêque d’Antioche et.nbsp;tant d’autres rendirent, par leur sang, hommagenbsp;a la Croix, qui y est aujourd'hui adorée. C’est lanbsp;que les premiers Chretiens défendoient le Chris-tianisme centre les hommes, en combattant lesnbsp;bêies. Martyres a feris aliquandö illcBsi, res cerlanbsp;est ex Ignatio Antiocheno : Oro , inquit , ne sicutnbsp;et aliorum Martyrum non audeant corpus attingere.nbsp;Qubd si venire noluerint, ego vim faciam, ego menbsp;urgebo ut devoter. Epist. ad Rom.

Ignace d’Antioche, ce grand homme, une des plus grandes Lumieres de la primitive Eglise, futnbsp;condamné par Trajan, qui le fit conduire de Syriënbsp;a Rome , pour le donner aux bêtes. Après cela nosnbsp;phllosophes enragent, quand les Chrétiens regarded Trajan comme persécuteur de leur sainte Religion (1), Rien de plus juste que le tilre de per-

1

II ne faut cpie lire le Martyrologe Romain.

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( )

sécuteuv doniié a Trajan; Pline , plus raodéré, plus équitable, Tétoit lui-mème. Lisez sa Letlre anbsp;Trajan. Pourquoi laat nier ces persecutions 7nbsp;Pour enlever au Christianisme une preuve de Ianbsp;divinité de son établissement; inais cette preuvenbsp;est nulle, au nioins en partie , si on est attaché inbsp;sa Jieligion a proportion qu on sonjfre pour die. 'nbsp;Voltaire oublie eet axióme , quand , ainsi quenbsp;Fréret, il atlribue la ruine du paganisme au;: per-sécutions de Constantin. On souffre pour la Religion a mesure qii’on y est attaché; niais on n’y estnbsp;pas attaché a niesure qu’on souffre. Cette soul-france , adoucie par de grandes consolations et parnbsp;la certitude de la recompense, peut quelquefois

augmenter notre attachement a la vraie Foi.....

Les Païens embrassoient la Religion a la vue des tourmens. Par quel axióme expliquer cela 1

Dodwel donne Ie désir d’une value gloire

des motifs du martyre ; mais i». les nouveaux

pon

jlpotogie de ld

convertis, aussi-tót trainés au supplice , n’avoient Religion. pas Ie tems de se faire a ce systême dont l’adoptionnbsp;n’est rien nioins qu^aisée. 2°. La belle gloire d’êtrenbsp;exécuté , de devenir infame aux yeu.x de toutnbsp;l’Empire , et admiré par une secte méprisée etnbsp;persécu lée!

Après eet amphilhéalre , nous vimes encore trois arcs de Iriomphe , de Constantin , de Tile ,nbsp;de Septime, et nous arrivames enfin au Capitole;nbsp;maïs la nuit nous empècha de Ie bien voir ; ilnbsp;lallut se rendre a la maison , et remetlre ce piai.sirnbsp;au lendemain.

Le 12 Septeinbre, je me trouve fatigue. Tandis

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que mon cicerone va a pied , je monte a clieval pour aller è. S. Paul, k deux milles hors de la porienbsp;d’Ostie : je vois en passant la Rotonde ou le Panthéon , grand Temple, autrefois dédié a tons lesnbsp;dieux du paganisme, aujourdliui consacre an vrainbsp;Dieu , en I’honneur de la Sainte Vierge et de tousnbsp;les Saints. C’est un bel edifice dont I’anliquitenbsp;augmente le prix : une seule ouverture au haut denbsp;JouTTi. hisi.et la voute y jette uh jour ahondant. Defectu vitri,nbsp;wiain, quandb polerant , Jkneslram cedificianbsp;Trier 1789, pag. maxima redigebant... Sane lugiibria erant, atra ilianbsp;palatia, quamcumqiie magnlfica. Les plus grandsnbsp;edifices, cpand on le pouvoit, étoient condamnesnbsp;h n’avoir qu’une seule ouverture , faute de verre 5nbsp;iristes et Ingubres palais , tout magnifiques qu’ilsnbsp;étoient.

Quelques auteurs ont cru voir dans le Panthéon, la solution de cette énigrae , proposée par Virgile,nbsp;3®. Eclogue :

Die quihus in terris , et eris milii magnus Apollo ,

Tres patent coeli spatium non amplius ulnas.

Depuis le sol jusqu’au grand oeil qui re9oit le jour, ce Temple a i44 pieds, et a-peu-près autant ennbsp;largeur, les temples des paiens n’étant nulle partnbsp;très-grands : ce n’est pas qu’il n’y eut de tres-grands édifices chez les paiens; mais ils ifaimoientnbsp;pas les grandes églises. Voyez 1’ouvrage de l’abbénbsp;Journ. hist, et jyj^y, Temples anciens et modernes, pag. 8 et i8.

Kircher {Mund. subterr. , 2 part., pag. 100) remarque qu’une petite ouverture donue beaucoupnbsp;de jour, quand elle le recoil perpendicidairemcnt,nbsp;et qu’elle est au milieu du toil ou de la voute : on

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(^97 )

Volt Ie même effet dans la fameuse grotte de Naples.

Le même Kirclier (Alund. suhteir., part. i , pag. ’y8) observe qu’autrefois on montoit au Panthéon par plusieiirs degrés, tandis qu’on y descendnbsp;aujourd’hui : il conclut de la , que les plaines s’é-levent peu-a-peu; peut-être aussi paree que lesnbsp;montagnes décroissent *. Les Septem Colles sont *'\'oyez d-afrès.nbsp;aujourd’hni bien peiites. — Misson , torn. i ,nbsp;pag. 210, en donne une autre raison, qui peutnbsp;paroitre meilleure. « Rome d’aujourd’hui, dit-il,

» est de i4 OU i5 pieds plus haute que l’ancienne, n paree qu’elle est sur les ruines de celle-ci n.

Raison qui, dans le fond , rentre dans l’autre ; mais ni 1’une ni l’autre ne sont sufïisantes : la pres-:nbsp;sion énorme et continuelle des grandes masses ,nbsp;doit ici entrer en consideration. De la vient quenbsp;les arcs de triomphe et aulres edifices, ont biennbsp;moins baissé que le Panthéon , quoique ces arcsnbsp;de triomphe eux-mêmes et autres monumens soientnbsp;ensevelis a une hauteur considérable , ainsi quenbsp;la colonne de Trajan, a laquelle on a creusé unenbsp;espece de cour enfoncée et basse, pour la dégager.

C'est pour cela que la Roche-Tarpéienne est si petite , outre que les rochers diminuent plus vite que les montagnes couvertes de terre. Le froid, lenbsp;chaiul les fondent; les pluies les lavent et les consument. Gutla cavat lapidem, non vi, sed sespènbsp;cadendo.

D une aulre part, quand on considere les im-menses provisions , les matériaux de toute espece qui entrent dans une ville , on concoit que son

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( ^9^ )

terrein doit s eiever. Tant de cadavres d'homuies et d’animaux; des cent mille hommes, qui tons lesnbsp;3o ans (\^rai terrae raoyen d’une génération) senbsp;mêlent avec la terre, doivent nécessairement re-hausser la siiperficie d'une ville.

Cette derniere raison m’a paru d’abord être de quelque poids; ensuile j’ai commence a douter sinbsp;elle pouvoit entrer en consideration, vu la quan-tité prodigieuse de debris, d’immondices etc., quinbsp;s'enleve continuellement d’une grande ville. C’estnbsp;done plutót h, la pression des edifices qu’il faut at-tribuer leur airaissement3 autrement la Seine et Ienbsp;Tibre pourroient-ils se contenir dans leur lit? Carnbsp;si Rome et Paris s’exliaussoient a. un tel point, ounbsp;Ie cours de ces fleiives seroit déjk obstrué, ou leiirsnbsp;bords se seroient déja élevés a une hauteur considerable.

D’ailleurs , pliisieurs de ces masses s’enfoncent dans des champs isolés , dont Ie local supposenbsp;plutót Véboulenient et la diminution, que l’accrois-sement des lorres. II y a une pyramide d'Egyptenbsp;qui est exactement dans ce cas ; en general, celtenbsp;raison sert bcaucoup a expUquer la difficulté desnbsp;décombres trouvés h. différentes prol'ondeurs au-dessous du niveau des habitations actuelles; quoi-que, saus doute , Ie rehaussement du sol y soitnbsp;pour quelque chose. Que celui de Rome se trouvenbsp;exhaussé par les ruines et les déconrbres , eest,nbsp;ca semble, ce qu’on ne peut révoquer en doute.nbsp;Quant a la Roche-Tarpéienne, on pourroil croirenbsp;qu'elle est basée sur un terrein moins ferme et plusnbsp;sujet a s’affaisser .et h céder inscnsiblement. II faut

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néanmoins convenir que cetle roclie est encore assez élevée. L’effet cie la foudre doit aussi êtrenbsp;compté parmi les causes de la diminulion qu’on ynbsp;volt : elle en a été si fréquemment Irappée, quenbsp;S. Jéróme y voit la malediction du Ciel, qui re-proche ainsi a Torgueil et a la cruauté de Romenbsp;leurs odieux triomphes. Sanctior, dit-il , locus estnbsp;(Bellileem) rupe Tarpeid, quce de ccelo scepiüs ful-minala, ostendit qubd Deo displiceat. Revenons aunbsp;Panthéon.

R y a, a l’entrée du Temple, un grand péristyle, dont les colonnes sont de granit, ordre corinthien;nbsp;il me paroit aussi ancien que Ie Temple, paree quenbsp;ces peristyles se trouvent sur les anciennes médailles , qui représentent des temples. On lit surnbsp;la frise de ce porlique : M. Agrlppa l. ƒ. cos. ter-tiüm fecit. Quelques antiquaires prétendent qu'ilnbsp;n’y a que Ie portique qui soit l’ouvrage d’Agrippa,nbsp;et que Ie Panthéon existoit du tems de la répu-blique. — Vojmz Ie jugement de l’Electeur Palatinnbsp;sur Ie Panthéon , Journ. hist, et litl., i Juin 1775,nbsp;pag. 778. — Autre, i Aout 1779, pag. 489.

Devant Ie péristyle il y a un petit obélisque et une belle fontaine; l’obélisque porie :

Clemens XI Pontifex Max.

Foritis et Fori ornamento.

Anno M. DCC. XL

L’Eglise et la place de la Minerve. R y a dans Ie convent une bonne bibliotheque publique, ad-ministrée par les Dominicains : c’est un don dunbsp;Cardinal Casanate, dont la statue de marbre blancnbsp;se voit au fond de la bibliotheque. — Au milieu

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de la place , est un elephant portant un petit obélisque.

Paris , tom. I , pag. 2/n

On passe par un long desert, avant d’arriver a la porte d’Ostie : on volt dans ce vide une especenbsp;de ravelin cjui Ie commande, et Ie fameux Monsnbsp;testaoeus. Les innrs de la ville de ce cóté-ci, ontnbsp;été bafis par Béiisaire. Depuis St.-Ange, jusqu’anbsp;la porte du fort, qui est Ie quartier de S. Pierre,nbsp;OU d’au-deea du Tihre, il y a des bastions et desnbsp;courtines : contre la porie se trouve une grandenbsp;pyramide de pierres quarrées. Quelqu’un m’a ditnbsp;VideRomam, qu’elle étoif de Septimius-Severus} mais on y voitnbsp;inscription qui détruit cette opinion. C’est Ienbsp;pag. 4o5, édit.de Sepolcro di Ceslius, qui voulut être enten é a 1’é-

gyptienne; i! y a au-dedans une cliambre , corame dans les pyramides d'Egypte. Voyez Petrus Martyr, de Legatione Babylonicd ; eet ourTage est cu-rieux. Ce Martyr étoit ambassadeur de Ferdinandnbsp;et dlsabelle prés du Soudan d’Egypte. Le Grand-Caire s’appelloit alors Baby lone. — La Moles-Ha-driana a aussi son appartement.

Un peu après, on passe pres d’une Cliapelle , dont 1’inscription indique que c’est la que Pierre etnbsp;Paul se séparerent allant au supplice : on y litnbsp;raême ce que les saints Apótres se dirent l’un anbsp;l’autre ; mais tout cela est tiré d’une prétenduenbsp;Lettre de S. Denys a Timothée, que Baronius lui-même appelle ineptissimam. A Rome , comme anbsp;Jerusalem, la trop grande piété des Fideles a obscure! les monumens véritables par la multitude desnbsp;monumens supposés; et ceux-ci ont de plus obscure! 1’histoire et les actes des Saints. La crédulita


comme

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( 4oi )

comme l’incréduUté excessive, soutune suite de

rhumanité : il ne faut pas s’attendre a trouver quel- Joum. hist, et

que chose d'exactement raisonnable chezl'homme

dans les choses même les plus raisonnables. Paul

Aringlii , dans sa Roma subterranea , prouve la

vérité de la susdite inscription , ainsi que l’histoire

des trois Fontaines, tom. IV, pag. 4o8 et suiv.

Rien de plus pitoyable que la critique de eet Auteur, OU plutót il n'en a point.

II paroit niême douteux si S. Pierre et S. Paul soufTrirent Ie même jour : plusieurs pensent avecnbsp;S. Augustin, Serm. et 3Si, qu’ils ne soufiVi-rent pas la même année, mais run au jour anni-versaire du martyre de l’autre. Prudence dit aussi,

Hymne tz:

tJnus utrumque dies ,plena tarnen innovatus anno ,

Vidit superbd morte laureatum.

Et Ie poëte Arator:

........... Geminos quos a,ddidit asti is

Non eadem tarnen una dies ; annique voluto

Tempore sacravit repetitam passio lucem.

Sourn. hist, et litt., iFc'r. 1791,nbsp;pag. 186.

Cependant Ie sentiment bien prononcé des Bollan-distes , est que les deux saints Apótres ont souffert Ie martyre au même lieu et au même jour. Junii,nbsp;toni. V, pag. 4io, èdit. Tenet (*).

Saint Maxime, Tlomil. 5, de Petra et Paulo , dit: Petrus et Paulas , und die , uno in loco, unius tyranninbsp;toleravêre sententiam. Und die passi simt, ut ad Christum pariter piervenirent.

Ajoiitons cc qne nous lisons dans VOjp.ee divin. Durant rOct.ave des saints Apótres, et dans les Suffrages commuBSnbsp;a Laudes, PEglise cltante : GloriosiPrincipes terree, quo-Tom. T.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Cc

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( 4lt;52 )

L’Eglise de S. Paul est vaste et ancienne ; elltf est confiée aux Bénédictins de la Congregation dunbsp;Journ. hisi. at Mont-Cassin; en général elle est laide et négligée.

pa' 3*^9^* nbsp;nbsp;nbsp;apsis en mosaïque , dont les figures

^ nbsp;nbsp;nbsp;^ ^ sont horribles (On appelle apsis la séparation du

choeur d’avec la nel).Elle est sans voute et même sans lanibris ; on ddcouvre toute Ia charpente.nbsp;Des 8o colonnes qui .«outiennent la nel, il y ennbsp;a 24 grand travail et du plus beau inarbre;nbsp;on dit ([u’elles ont été tirées du mausolée d’A-drien. Voyez la critique de ce Temple par Mr.nbsp;l’abbé May , Temples anciens et modcrnes, pag.nbsp;j 22. Ce vaste edifice renferme une partie de l’an-cien ciiuetiere de Lucine, dans lequel on ne per-met pas d'entrer.

On lit sur la table iTe l’autel : Sub hoe altari re-fjuiescunt corpora SS. Apostoloriim Petri et Pauli pro medietate. Quelques-uns disent que Ie corpsnbsp;de S. Paul est tout entier k S. Paul, et celui denbsp;S. Pierre tout entier au Vatican; mais les Bollan-distes adoptent cette inscription. Voila, s’il en estnbsp;ainsi, avec la tête de S. Pierre qui est k S. Jeannbsp;de Latran, une grande diminution dans Ie dépot denbsp;ses reliques, que l’on croit être a S. Pierre.

Tout ce qui concerne Ie grand Paul, m’intéresse

modó in vitd sud dilexerunt se j ita et in morte non sunt separati.

Et a Magnificat, aux secondes Vêpres du jour de leur Fète : Hodiè Simon Petrus ascendit crucis patibulum :nbsp;Hodi'e clavicularius regni gaudens migravit ad Christum- Hodiè Paulus Apostolus lumen orbis terrae , in-elinato capite, inartprio coronatus est.

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iiifiniinent, et m'est infiniment dier j je voulus done voir aussi Ie lieu de sa mort. Après avoir faitnbsp;encore deux milles, j’arrivai aux trois Fontaines,

OU il y a un monastere de Citeaux et trois Eglises.

Celle des Religieux ¦, une rotonde, noramée Scala Coili, OU l’on voit la prison du grand Apótre,nbsp;l'autel de S. Bernard, Ie tombeau de S. Zénon etnbsp;de io,3o3 Martyrs. La troisieme est celle qu’on anbsp;batie sur Ie lieu du martyre de S. Paul.

J’observerai ici qu’on ne voit pas h. quoi bon cette prison dans la rotonde Scala Cadi. Paul arrivé au lieu du supplice, auroit-il été remis ennbsp;prison?.... Au-dessus de la porte de la troisicBnonbsp;Eglise, on lil:

;

Sancti Pauli martyrii locus,

Le niartyrè de S. Paul est représenté sur un au tel,

et celui de S. Pierre sur l’autre ; le tableau de

S. Pierre est Irès-estimé. II y a trois Ibntaines dans

cette Eglise ou Chapelle ; elles sont élégamment

revêtues de marbre. On dit que la tête de S. Paul

tombant, fit trois bonds, et que ces fontaines sor-

lirent des endroits que la tête toucha; mais pour

ne pas dire trop hardimenl que cela est fabuleux,

je dirai seulement, avec les Bolla.ndistes, qu’on

peut en douter sans scrupule : Sine piacido duhi- 'Tom.\,Junii,

tari potest. II paroit que ces trois fontaines sont

les eaux salviennes {aquee sahice) : Aringhi lui-

raênie , le rapporteur et le défenseur de toutes les

bistoires populaires, les nomme ainsi.

On rnontre un billot de marbre, revêlu de quel-ques planches , qu’on dit être celui sur lequel la lète du grand Paul fut ti'anchée. Les Bollandi.stes

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n'en parlent pas; cela ne s’accorde point avec le sabre qu’on garde en Espagne, puiscju’il supposenbsp;que S. Paul fut mis a mort d’un coup de hache ,nbsp;comme cetoit Tusage chez les Romains. On peutnbsp;voir la figure de ce sabre suspect, dans les Actanbsp;Sanctorum , tom. VI, Junii, pag. 2^3 , in Embo-Usmo.

Quoique tout cela me Cut suspect, je fis taire ma critique, et baisai cetle pierre avec piété , disantnbsp;avec S. Chrysostome : Sit mihigladius ille pro corona, et clavi Petri pro gemmis infixis in diademate.nbsp;Serm. S. Chrys. apud Metaphr. : Sed disputatur denbsp;authore. Stylus a Chrysosloino non abhorret.

Je reviens k Rome, très-content du petit voyage que je venois de faire en I’Jionneiir de S. Paul : jenbsp;me serois reproclie d’avoir négligé de voir quelquenbsp;chose, que la vie ou la mort de ce grand Saint eutnbsp;sanciifie. L’amour de Paul pour Rome, le longnbsp;sejour qu'il y a fait, le martyre qu’il y a souffert,nbsp;avoient beaucoup contribué a I’ardent désir quenbsp;j'avois eu persévéramment de la voir 1

1

Ego et Romam proptered diligo , tametsi aliunde iltam laadare queam , iienipe a rnagnitudine , ah anti-quitate, a pulchritudine , ah imperio , a divitiis , etanbsp;rebus in heltofortiter gestis. Sed his omnibus omissis,obnbsp;id illam beatarn praidico , qubd erga illos Paulus , dumnbsp;-i^iveret,adeb fuit benevolus,adeb itlos amavif,et coramnbsp;disseruit , et postrema vitam apud eos finivit. Cujusnbsp;sanctum Corpus ipsi possident : et proqrtered civitasnbsp;ilia hincfacta e,st insignis inagis , quctm ah aliis rebusnbsp;omnibus.

Chrysust., Expos, in Epist. ad Rom.

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Je passe pres d’une Eglise , noramée la hocca delta verita, prés de l’liopital des Arraéniens , parnbsp;Ie quartier des Juifs , qui portent des pieces denbsp;drap rouge ou jaune sur leurs chapeaux.

Journ, hist, et litt. , I Juilletnbsp;1776, pag. 337.

J’entre dans une belle Eglise, Maria da Porücu. — J’ai vu des voyageurs critiquer cette grandenbsp;multitude d’Eglises qu’on voit a Rome et dansnbsp;d’aulres villes : la multitude de nos Temples ennbsp;facilite laccès , nourrit la devotion , sert de monument a la piété des Fideles qui les ont batis ,nbsp;fait Tornement des villes, et étale les richesses denbsp;l’architecture en riionneur du grand Architecte dunbsp;monde. Ces monumens de piété qui, a chaquenbsp;pas, se trouvent sous les yeux du libertin, sem-blent l’arrêter dans sa marche, gêner et contredirenbsp;sesprojets. C’est, dans mie grande ville sur-tout,nbsp;une espece de protestation en faveur des mceurs,nbsp;de Ia sagesse, de Ia justice, de Ia décence, toutesnbsp;filles de la Religion; protestation muèlte, mais sensible, et d'autant plus efficace, qu’elle est plus soutenue et plus répétée.

Je vois ensuite Ie Capitole : il consiste en trois corps de batimens superbes , élevés sur les fonde-mens de 1’ancien. On y raonte a pied par un escaliernbsp;magnitique, a cótéduquel passent les voitures: desnbsp;antiques sans nombre remplissent Ie dehors et Ienbsp;dedans. Au milieu est la statue équestre de Marc-Antonin ; Misson dit que c’est Mare-Aurele; jenbsp;crois qu’il se trompe, et que c’est Marc-Antonin Ienbsp;pieux, sans néanmoins oser l’assurer contre 1’au-torité de ce terrible auteur. Cependaut tout biennbsp;cousidéré , la chose me paroit sure. Misson a éié

Cc J

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Iroinpé, sans doute , par les bas-reliefs de la colonne , qui représentent les guerres de Marc-Au-rele contre les Marcomans, les Parthes , les Ar-méniens : Marc-Aurele fit élever ce monument a la mémoire de son pere adoptif. Cependant Mr. denbsp;Braguenel, dans ses Observations nowellcs sur lesnbsp;outrages de peinture , de sculpture et d'arclutecturenbsp;ejiii se voicnt d Rome et aux environs , Londres ,

, dit comme Misson. Voltaire dans son fa-meiix Dialogue, dit avec jnoi. B’alconet dit aussi Ie clieval de Marc-Aurele ; je crois me souvenir d’a-voir lu sur Ie piëdestal : Ad conservandam optiniinbsp;Principis memoriam ; ce que Ie Pape n'a pu direnbsp;raisonnablement de Marc-Aurele , persécuteurnbsp;acharné du Christianisme : Antonin n’a pas tantnbsp;])ersécuté. II paroit au moins que la persecutionnbsp;d’Antoniu a cessé a l’époque de l’édit qu’on voitnbsp;dans Eusebe, pag. 2zS, édit. de Paris, iGS^. Onnbsp;ne peut douter i»., que eet édit ne soit Irès-réel.nbsp;ao. (^u’il ne soit d’Antonin et non pas de Marc-Aurele. Les objections de Scaliger et de quelquesnbsp;autres , contre la premiere de ces assertions, ainsinbsp;que les raisons de ceux qui l’attribuent a Marc-Aurele, sont pleineraent réfutées dansun ouvragenbsp;moderne : Commentio historico-theologica in edic-ium etc ; c’est-a-dire , Recherches histoiiques etnbsp;théologiques sur Pédit d^Antonin Ie pieux , qu'onnbsp;rctrouve dans /'Histoire ecclésiastique Eusebe etc.,nbsp;par Mr. Tobie-Godefroi Hégelmaïer , professeurnbsp;en théologie etc., ci Tubingen 1777 , i vol. in-4to.

Palconet qui avoit fait venir a Pétersbourg Ie pliitre de ce cheval, avant de faire la statue équestre

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de Pierre I®’’. , Ie critique, et ne Ie trouve pas aussibeau que les admirateurs des choses antiques.

Quoique ses critiques soient qnelquefois violeiites et dédaigneuses , il faut convenir qu’il juge asseznbsp;bien les chefs-d’oeuvre de 1’anliquité.

Je me repose, je dine ainsi que mon cicérone et mon Hansel; après quoi je monte Ie bel escaliernbsp;de la Trinité du mont Pincius, et je vois la grandenbsp;Rome du haut de la plate-forme de l’église , oil uiinbsp;Religieux Minime , Francois de nation , me conduit. Descendu de la , j’entre un moment dans Ienbsp;palais du Due de Toscane qui est assez beau , etnbsp;extrêmement bien situé. — Je vois l’église de lanbsp;Magdelene et Ie palais Altieri.

La place de la colonne de Trajan : au lieu de l’urne qui contenoit les cendres de ce Prince , onnbsp;y a placé S. Pierre. On voit sur cette place deuxnbsp;beaux temples, Ste. Catherine de Sienne, et Notre-Dame de Lorette,

J’enlre encore au palais de Monte-Cwallo ^]e vois les galeries , les jardins , et Rome du hautnbsp;d’un balcon.LePape*viént et me bénit au bout de * Clénieut XIII.nbsp;l’escalier 5 il monte en carrosse , je Ie suis, il passenbsp;auprès des bucépliales. Les deuxPrélats qui étoientnbsp;avec lui me regarderen!, et parlerent de moi a Sanbsp;Sainteté en riant, soit de ma lorgnette , soit denbsp;mon attachement a considérer Ie St.-Père, qui toutnbsp;vieux qu'il est, a assez bonne mine. La paix ,nbsp;eompagne inséparable des Saints, est peinte surnbsp;son visage , au milieu des persecutions qui l’as-siégent de toutes parts. limourutnéanmoinsquatrenbsp;mois après ; voyez 1’éloge historique de ce saint

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Ponlife , dans Ie Dictionn. hist., et dans Ie Journ. hist, etlitt., i5 Fév. 1775, pag. 249-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1

L’église du noviciat des Jésiiites, est dédiée sous l’invocatlon de S. André ; c’est une rotondenbsp;comme la plupart des églises de Rome. Elle estnbsp;petite , mais bien riclie et précieuse ; c’est un vrainbsp;bijou. ¦

J’entre au palais Barberin : je vois celui du Car^ dinal Albani; la belle fonlaine de Termini; elle estnbsp;a cóté d’une grande place nommée Piazza di termini. On y voit un Moïse qui tire de 1’eau du ro-clier ; c’est la qu’étoient les bains de Dioclétien.nbsp;Les Remains appellent cette fonlaine ,J'ontana allonbsp;terme Diocleziano.

Notre-Dame des Anges, église inagnifique en forme de Croix. Ce sont les bains de Dioclétien ,nbsp;qui dans la main d’un habile architecte ont éténbsp;ainsi transformés. La forme de Croix donnéenbsp;cette église , démontre qu’elle n’a point été faitenbsp;d’une seule salie de ces bains, comme Ie dit 1’auleurnbsp;des Temples anciens et modernes. Le cóté droit denbsp;l’église occupe une partie des vastes ruines de cesnbsp;bains.

Saint Bernard, petite rotonde, qui ne recoit de jour quepar la lanterne de la coupole, et qui néan-inoins est bien éclairée, ainsi que je l’ai observénbsp;plus haut en parlant du Panthéon.

Je traversai une grande place, peu belle , on il V a un grand jet d’eau , appellé \a.J'ontaine de Ti-riboni. Encore un coup : Quibus rebus ornatur urbsnbsp;ista ! Quales habet fontes! — Le palais du Cardinal Ferroni est beau j celui de l’Ambassadeur denbsp;'Venise, grand et vieux.

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L’église Ae \3^ Maison-professe, ou 1’église de Jesus , passe tout éloge. Le tombeau de S. Ignacenbsp;est k gauche , dans une des plus riches chapeliesnbsp;qu’il y ait au monde : le saphir , le jaspe, l’a-gate etc. , l’or et l’argent I’enrichissent a l’envi.nbsp;On estime l’autel de cette église quatre millions denbsp;scudis (deux millions de ducats) : on peut volr lanbsp;description exacte du tombeau de S. Ignace, avecnbsp;une figure en taille-douce , dans les Acta Sancto-ruui) Juin , torn. f^II, Gloria posthum S. Ignatii,nbsp;Cap. V, fol. s.

Vis-k-vis du tombeau de S. Ignace , dans une chapelle semblable , mais moins riche , est le brasnbsp;de S. Francois-Xavier , mon cher et bienfaisantnbsp;patron et protecteur. Ossa eorum puUulent'de loconbsp;suo ; nam corroboraoerunt Jacob , et redemeruntnbsp;Se in Jide virtutis. Eccli 49 , ƒ • 12.

Je reviens par le corso ou le cours , rue longue et magnifique j l’Académie francoise ou des pein-tures 5 le palais Doria qui est vis-k-vis 5 celui dunbsp;Cardinal Sciarra Colonna etc., tout donne a cettenbsp;rue un éclat plusque royal. En général les rues denbsp;Rome sont toutes belles , larges , propres , biennbsp;pavées 5 ainsi que Tobie disoit de ia nouvelle Jerusalem : Ex lapide candido et mundo omnes plalecenbsp;ejas stenientur. Cap. XIII, f. 22. — La nuit et lanbsp;fatigue me forcent k prendre quelque repos.

Le i3 Septembre , je^retourne au chateau bt.-Ange et k S. Pierre. Après avoir donné quelqu»nbsp;tems a la place et k l’église , je voulus voir la chapelle Pauline ; mais elle étoit fermée : eest la cha-pelle domestique du Pape , quand il demeure au

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f!

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Vatican. — J’enfre au palais da Vatican, contigu a l’église; c’est un vaste baliment assez irrégulier.

La chapelle Pauline dont je viens de parler, ne doit pas êlre contbndue avec la chapelle Sixtine,nbsp;oü les Cardinaux s’assemblent dans Ie tems dunbsp;Conclave , pour aller au scrutin. On y voit Ie fa-meux tableau du Jugementj par Michel-Ange. Ennbsp;i'jöa , Ie sage Clément XIII a fait un peu drapernbsp;plusieurs figures de ce tableau et du plafond : onnbsp;sent bien qu’on lui en a voulu tout Ie mal du monde jnbsp;mais les bonnes moeurs , la paix et la pureté desnbsp;coeurs , la décence et la sainteté d’un temple dunbsp;Dieu vivant, valent bien 1’enthousiasme de quel-ques spectateurs pour les belles nudités.

La bibliotheque ne répondit pas a mon attente; commencée en 1447 ,dissipée en par Ie Con-nétable de Bourbon, elle fut réparée par Ie Comtenbsp;de Tilly , qui y transporta la bibliotheque palatine. Elle est basse ; les livres sont enfermés ; lesnbsp;peintures de la 'grande salie lui donnent peu denbsp;noblesse. Les Conciles généraux y sont dépeintsnbsp;avec des inscriptions qui en déclarent Ie résultat.nbsp;Les Conciles de Bale et de Constance sont omis.nbsp;Le V®. de Latran s’y trouve. Cetle bibliotheque anbsp;la forme du T. A gauche on volt un Muséumnbsp;ajouté par Benoit XIV , et a droile les antiquitésnbsp;Roraaines , auxquelles Clément XIII a fait pré-pai'er une place fort jolie. Le feu a récemmentnbsp;ravage cette parlie du Vatican, et y a onusé beau-coup de dommage (*).

(*) La bibliotheque du Pioi de France commencée en i364 j est la premiere 4c 1’Europe pour les litres. Pour Ie

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Je vois aussi Ie jardin , fe Belvedere dont la cour présente les plus précieuses antiquités , en-tr’autres Ie Laocoon, donl j ai pai'lé ci-devant, pag.

359. —Les galeries et les antiques du Prince Hus-poli. — L’église des Espagnols , petite , mais belle et très-riclie. — Enfin pour la seconde fois lanbsp;piazza del popolo, Ie pont sur Ie Tibre, el je quittenbsp;Rome , ayant vu tout ce que je voulois voir , etnbsp;rien ne pouvant désormais ajouler a l’idée que j’ennbsp;ai acquise.

Je me suis ensuite repenti de n’avoir pas vu les nbsp;nbsp;nbsp;Cataconv

‘ nbsp;nbsp;nbsp;, DCS.

Catacombes , mes meilleiirs amis qui ont vecu a Rome , ne les ont pas vues non plus , et in’ontnbsp;détourné de les voir. Ni Ie Comte dlYban-a, ni Ienbsp;Comte Stephani, ni Ie P. Urbany , n’y ont été.

Celles de Callixte ou de S. Sébastien sont les prin-cipales. Baronius , Notes sur Ie Martyrologe, 20 Janvier, écrit Katalombes, et dit que c’est un en-droit dans lequel on descendoit d’abord et qui étoitnbsp;voisin des tombes, Le mot Catacombes est pure-ment grec , de Katacustó ,fodio , creusor , ou denbsp;Kata , propè , proclie et de Kumbos , solitudenbsp;creusóe. Quoi qu’il en soit de Tétymologie , cesnbsp;Catacombes sont l’ouvrage des païens , que lesnbsp;Chrétiens ont convert! k des usages religieux etnbsp;sacrés ; on les a creusées dans une pierre caver-

local c’est celle dc Vienne , coinmcncée par 1’Empereur Maximiiien P‘'. au commencement du iCquot;. siecle ; aujour-d’liui, en 1772, augmeiitée des livrcs du Baron Yan Swie-tcu , elle renferme Ineu certainemcnt 3oo,ooo volumes. '

La bibliotliequc de Bude et celle du Prince Eugene, 1’ont beaucoup euricliic.

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neuse , grumeleuse , et qui se rédeit aisément en poudi’e. On y a conslruit des voütes , soit de lanbsp;même pierre , soit de briques : elles tivent du journbsp;par des ouvertures ou lucarnes assez allongées ,nbsp;inais fort étroites , pratiquées d’espace en espacenbsp;au haut des voütes. On y descend par deux esca-liers; l’un conduit a l'église de S. Sébastien^ l’autrenbsp;a la voie d’Ardée. Ces lieux profonds se divisentnbsp;en une infinite de détours et de ramifications.nbsp;Voyez les Acta Sanctorum, aq Junii, tom. V,nbsp;pag. 436. Corarae les païens y jetoient de tems ennbsp;tems des cadavres (quoique chez eux 1’usage constant fut de les brüler) , on ne prend pour la dé-pouille mortelle des martyrs , que les ossemens quinbsp;présenten! des signes certains , auxquels on puissenbsp;les reconnoitre j tels que des fioles remplies denbsp;sang, une haclie enfoncée dans la tête, des flammes,nbsp;des peignes de fer , des croix , Ie monogramme denbsp;J. C., de saintes Images peintes sur du verre etc. ;nbsp;on négligé Ie reste. — Voyez les Vies des Saints,nbsp;par Butler, torn. IX, pag. 629 ou 684*

Aringhi, dans sa Itomd subterraned, donne Ie plan des catacorabes deCallixte, et de celles quinbsp;sont au-dessous : ces dernieres sont un ouvragenbsp;immense, vrai labyrintlie, peu ditlérent de celui denbsp;Crete, dontparle Virgile, ASneid. L. V, jf. 588.

Ut quondam Creta fertur lahyrinthus in altd Parietibus textum cards iter ancipiiemquenbsp;Mille viis hahuisse dolu.m, qua signa sequendinbsp;Falleret indeprensus et irremeahilis error.

Saint Philippe de INéri fut presque toujours dans celles de Callixle durant dix ans. Oir y litnbsp;ces vers:

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(4.3 )

Profunda nocLis umbra et horrendum speciis ,

Ubi extra, fugiens, nolis exosus jubar ,

Patens PJiilippiis inter has tejiebras diit,

Inter cavernas , inter hcec silentia ,

Quern deperibat, quern Jlagrabat repperit,

Qui dorinit et requiescit in ineridie,

Qiii a dit kMisson que ces catacombes eloient I’ouvragedes Chretiens? On peut soutenir savam-ment qu’elles le sent; mais les plus savans Catho-liqnes Roniains le nient. Qui prend sans distinction les os des catacombes pour des reliques ,nbsp;comme il le dit tom. II, pag. 24»? — Voila donenbsp;lerudition tirée d’Horace et de Godwin qui s’ennbsp;A’a en fumée ,241.—Ainsi que celle que fournissentnbsp;Mr. Spon et les épitaphes ou 11 y a fata, manes,nbsp;doiniis ceterna etc., 24.*- — Et un passage de Ter-tullien , 243. — Et les fioles de verre et lesnbsp;petits vases de metal, ibid. Tout est brise avec lenbsp;principe^ des qu’on le nie. —Voyez la nature etl’u-sage exclusil des catacombes, dans i'Encyclop. mé-thodique, part. Theolog., art. Catacombes et dansnbsp;les lies des Saints, par’Butler, tom. IX, pag. 629.

OBSERVATIONS

SUR L’ÉTENDUE DE ROME, SA POPULATION etc.

ES murallles actuelles de Rome ont été élevées en part ie par Bélisaire, qui a bati sur les fonde-mens des murs construits par I'Enipereur Auré-lien. Léon IV a rebati plusieurs tours et fait denbsp;grandes reparations : plusieurs morceaux enfinnbsp;sont plus vieux ou plus modernes que Bélisaire.

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( 4i4 )

L’enceiiile de Rome n’a jamais été plus grande qu’elle ne Test aujourd’hui, a moins d’y com-prendre les villages voisins. Vopiscus qui donnenbsp;a Rome cinquante milles de circonférence, a éténbsp;altéré par ses copistes, ou a compris les campagnes , les jardins, les bourgs contigus k la ville.nbsp;Oui, je Ie dis sans craindre de jne tromper, l’en-ceinte moderne de Rome comparée a l’ancienne, estnbsp;plutót plus vaste que plus resserrée.Ilest incroyablenbsp;combien les auteurs se sont égarés sur ce point,nbsp;séduits par une admiration stupide de tout ce quenbsp;Ie tems ou Tespace a éloigné de nous.

Ceux qui disent que les sept collines ne sont pas dans l’enceinte moderne , ne savent pas les déter-miner, ou bien ces collines n’ont pas été non plusnbsp;dans l’ancienne Rome, et n’en ont pas fait parlie,nbsp;sinon a titre de voisinage. Outre les monts Aven-iinus , Ccelius, Esquilinus ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, Quiri-

nalis, Palatinus, Capitolinus, qui y étoient autrefois, il y a aujourd’hui Ie Vatican, Ie Janiculus, Ie Pincius. Le Collis-Pincius n’a probablement pasnbsp;été plushabité anciennement qu’aujourd’hui, puis-qu’on l’appelloit Collis hortulorum (la colline desnbsp;peüts jardins).

II ne laut que des yeux pour s’assurer que les bornes de l’ancienne Rome sont presque généra-lement les bornes de la Rome d’aujourd’hui. Lenbsp;sépulcre de Cestius est toujours a cóté de la portenbsp;d’Ostiej l’Eglise de S. Jean ante Portam Latinam,nbsp;est oü cette porte a été du tems d'Auguste; \Am-phithealrum Cgstrensc est, comme autrefois, enclavé dans les murailles de la ville^ le Castrum

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( 4i5 )

Pmlorium est aujourcl’hui dans la ville; autrefois il n'y étoit pas ; la Porta P'laminia est toujours lanbsp;mêmej 1'enceinte d’au dela du Tibre est aujour-d'hui plus grande , et n’est point interrompiie ,nbsp;comme du tems des Empereurs ; eet ouvrage dd anbsp;Léon IV , me paroit avoir été reconslruit posté-rieurement.

Sous Aurélien, deux siecles après Néron, Rome avoit les murs sur lesquels Bélisaire a bati. Qu’onnbsp;dise qu’il y avoit des maisons de campagne jusqu’k 'nbsp;Otricoli ^ a la bonne heure : il y en a souvent a plu-sieurs lieues de bien des villes. La ville de Veïesnbsp;(aujourd’hui C'wita Casteïlana, et quarante autresnbsp;étoient dans eet espace pris a la ronde. Les Tri-taberni, sont encore aujourd’hui a la même distance de Rome, qu’au tems de S. Paul.

Les Temples étoient, en général, moins étendus que ceux d’aujourd’liui 5 mais je m’engage h ren-fermer toiites les Eglises de Rome dans 1’espacenbsp;du grand cirque et des bains d’Antonin. Cettenbsp;proposition, paradoxale pour bien des gens, 11enbsp;1’est point pour les hommes instruits des vraiesnbsp;proportions des édifices de Rome. Vo.yez Urbisnbsp;ichnographia , a Leonardo Bafalino , ligneis for-rnis evulgata , servatd proportione, contracta anbsp;J. B. Nolhs geometr. et architect., dédiée au Cardinal Lambertini, ensuite Benoit XIV. — Enfin ,nbsp;comparez les plans de notre Rome avec l’excel-lente carte de Ligorius, ayant pour titre ; Effigiesnbsp;rr^ntiqucB Boince ex vestigiis oedificiorum, ruinarumnbsp;testimonia , vetcrum auclorurn fide , numismatis ,nbsp;monumenlis ceneis , plumbais , saxeis figulinisque

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( 4i6' ) nbsp;nbsp;nbsp;,

collecfa a P. Ligorio. Horna per XIV regiones, in quas urbem divisit Imperator Ccesar Augustus.

Quant a la population , Rome n'a jamais eu cinq cent mille habitans. Les maisons de Rome étoientnbsp;isolées comme des isles ¦, elles n’étoient que peunbsp;élevées; ses cirques, ses bains, ses jardins, sesnbsp;amphithéatres , ses places étoient immenses , sesnbsp;temples sans nombre. II est presque certain quenbsp;ses citojens ne furent jamais en plus grand nombrenbsp;qu'aujourd’hui , malgré les deserts de Rome moderne.

J’ai vu des gens superficiels , objecter que la Capitate du monde entier ne pouvoit êlre moinsnbsp;peuplée que Paris et Londres ils ignoroientnbsp;que Ie systême d’agrandir et de peupler les ca-pitales aux dépens des provinces est tres-moderne. La bonne politique avertit trop clairementnbsp;des maux de eet étrange abus', pour qu’on futnbsp;tenté de Ie réatiser , avant que toutes les ideesnbsp;d’ordre et de félicité publique frissen.! altéréesnbsp;et confondues par 1’étourdie et bavarde philoso-phie. Danste i6®. siecle, on ne connoissoit pasnbsp;encore cette boursoufllure des villes capitales.nbsp;Cliarles-Quint disoit qu’f/ mettroit Paris dans sonnbsp;Gand, et il avoit raison. On savoit qu’entassernbsp;dans une seule ville la population et les ressourcesnbsp;de l’éfat, c’étoit en faire de vastes goufFres qui absorbent tout et ne rendent rien , des foyers denbsp;seduction et de corruption, oü s’abiment avec lesnbsp;ressorts et les moyens de 1’ordre, les intéréts lesnbsp;plus chers de la société humaine.

La

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( 4.: )

Lil mer insatiable, engloutissaiit les eaux Des fleuves, des tonens, des lacs et des rnisscauxbnbsp;Reiid au moins par filets, et renvoie en fontaincsnbsp;Les iributs que son sein rc^oit a cuvcs pleines;

Et toi, ville saus borne, abime de trésors,

Til n’e'pands que disette et famine au-deliors.

J'ajouterai a ce que j’ai dit de la place immense qu’occupoient k Rome les cirques, les palais etc.;nbsp;que la seule domus aurca Neronis, remplissoit unnbsp;quart de la ville- On connoit ces vers rapportésnbsp;par Suétone ;

Roiua domus fiet y F'eïos migrate , Quirites ,

Si non et Weïos occupat ista domus,

» Sortez, Rome , sortez incessaminent de Rome,

« Dans peu vous nc screz qu’une seule maison;

» Si vaste qu’elle soit, je doutc avec raison,

» Qu’elle siiffise encor pour y loger son homme.

Le même Suétone rapporte {in ^erone), comme la preuve d’une peste horrible , que durant unnbsp;aulomne il mourut Irente mille personnes, et lenbsp;texte raontre assez que tous les morts durant eetnbsp;espace de tems y sont compvis. Pesülmtid uniusnbsp;autumni triginta funerwn millia in rationem Libi-tince venemnt. On sait que ces calculs sont tou-jours exagérés ; mais s’il étoit vrai que Rome eutnbsp;en un million d’hahitans, il en seroit mort a-peu-près quarante mille par an, lors même qu’il nenbsp;végnoit aucune maladie; le dégat de la peste neutnbsp;par conséquent pas été très-grand , en emporlantnbsp;trente mille ames en trois mois. Cest au reste lenbsp;ravage que fait une peste tant soit peu violent®nbsp;Tom. T.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Dd

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C )

dans les villes de cenl mille habilans. (^uancl il n’y périt pas Ie quart du monde qui les habite, on nenbsp;juge pas qu’elle soit 1'ort destructive. C'est surnbsp;1’horrible libertinage des Remains , qu’il fairt }ugernbsp;de la population de l'ancienne Rome et de 1'Em-pire.

Jamais lltalie entièré n’a eu quinze millions d’habitans. « Sous TEmpire Romain, dit Gtosley,nbsp;») ÏËmiUa, \dL Flaminia, et tont Ie pays vénitien ,nbsp;» n'étoient qu’un assemblage de terreins noyés ,nbsp;n incultes et inhabités. Telles étoient au tems denbsp;)) Vitruve , de Strabon et d'Hérodien ces fertilesnbsp;« contréès qüi torment Ic territoire actuel d’A-n quilée , d’Altino et de Raverine. Strabon ajoulènbsp;)i que Bresse , Mantoue, Reggio et Cóme étoientnbsp;» au milieu des m,arais, et que toutes les villes dunbsp;» pays vénitien , ou étoient entiérement envi-1) ronnées par la mer, comme Venise Test main-a tenant, ou cj(ie, baignées d’un cóté par la mer,nbsp;j) ellés avoient de l’autre des lagunes, qui dans Ienbsp;»' siecle 'd’Hérodien étoient encore navigablesnbsp;1) d’Altino b Ravenne; et qu’ainsi tont Ie pays in-» termécliaire, dont Ferrare qui n’étoitpas alorsnbsp;» et son fertile territoire font aujourd’hui partie ,nbsp;» n’étoit babifé que par des grenouilles ». Obser-vciiions éur l’Iialie, torn. I, pag. 296, éditionnbsp;de

Et pag. 295 , aprbs avoir parlé des forêts qui couvroient Ie nord de l’Italie , il ajoute : « Quenbsp;j) ces forêts fussent très-anciennes, nous Ie pou-1) vons inférer d’un passage de Sidonius-ApoUi-» naris, qui parlant du Lambro, de l’Adda, de

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C rio )

H TAdige , du Mincio et des autres rivieres de la « Lombardie, oü il avoit voyage, dit que les Lordsnbsp;» de ses rivieres dtoient couverts de forêls denbsp;» chênes et d'érables, forêts dont il n’existe pasnbsp;)) aujourd'hui Ie moindre vestige ». N. B. II y anbsp;un supplément k eet ouvrage, qui sans douie estnbsp;aussi de Grosley, jnais qui n’est pas traduit denbsp;l’anglois. Journ, histor. etliitér., Mai 17741 pag'nbsp;321.

Journ. hist, el littér. j t Juinnbsp;1775, pag. 580stnbsp;781.

Ce qui rend Rome la premiere ville du monde, du cóté même de ses édifices; ce qui l’éleve au-dessus de Londres et de Paris , ce sont ses anti-quités : voilh, ce qui attire les savans et les curieuxnbsp;dans son sein. Ils y vont admirer les débris desnbsp;beaux arts, qui lui conserven! l’hommage du mondenbsp;lettré. Le Germain va gravementy conlempler lesnbsp;murailles du Capitole et du Cirque'j le Frangois ynbsp;court pour pouvoir en parler,

Et l’Anglois raurmurant contre ses destinées.

En me'disant du Pape, y répand ses guine'es.

A mon départ, jusqua Porta-prima, une des portes de Rome , je vois plusieurs resfes de l’aa-cienne Rome, qui me font philosopher k-peu-prèsnbsp;comme Sulpitius au sujet d’Egine, de Mégare etnbsp;de Corinthe , dans sa belle Leltre h Cicéron ;nbsp;Posieaquam inihi etc. Seroit-il croyable que 1’an-cienne Rome sefüt étendue jusqu’k Porta-prima ,nbsp;une grande poste au dela de l’endroit oü est ku-jourd’hui la porte Flaminienne ? Le mot Porta-prima semble dire qu’au moins le fauxbourg alloit

Dd 2

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( 4-^0 )

jusque-la. Des palais et des niaisons de campagne , OU irois a qua're bains , tels que ceux de Tilus, d'Antonin, de Dioclétien, qui étoient dansnbsp;l’enceinte de Rome, eussent sufE pour illustrer denbsp;leurs iromenses ruines cette vaste étendue.

^spice inurorum, moles , prceniptaque saxei, Ohrutaque horrenti vasta theatra situ ;

ffesc suilt Roina. T'~iden’ velut ipsa cadavera tanfee Villis adhuc spiient imperiosa minas 7

Aujourd’hui ce n’est plus qu’un desert et une vasie solitude, dont Ie silence dit plus k l'ame dunbsp;pliilosophe , que tout Ie bruit de Rome. Nousnbsp;croyons penser beaucoup, quand nous réfléchis-sons sur la briévelé et la caducité de la vie hu-inaine (1). Les villes et les empires, les gouver-nemens , les états , tout est également périssable ,nbsp;tout vérifie ce mot du Prophete : Sicut operloriumnbsp;niutabis eos f et mw'wèun/Mr. Laville que nous habi-tons a peut-être péri plusieurs fois depuis l’époque

1

Nomen nostrum ohlivionem accipietper tempus , et nemo memoriam hahebil operuin nostrorum. Sap. 2. 4-

— nbsp;nbsp;nbsp;Preeterit enim figura hujus mundi. I. Gor. 7. 3l. —nbsp;Filii hominuin , usquequo gravi corde 7 ut quid dili-gitis vanitatem et quceriiis mendacium 7 Psalm. 4- 3-

— nbsp;nbsp;nbsp;Cum igitur hcec omnia dissolvenda sint, qualesnbsp;oportet vos esse in sanctie conversationibus et pieia-

tibiis7 II. Petri, 3. ii-

Jjtliremur periisse homines : monumentaperibunt. Mors etiam saxis mannoribusque venit.

Air sou.

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( )

desanaissance; la vue des anciens palais, des mo-numens nous inspire cede pensee : nous devoirs I’appliquer a lout ce qui paroit grand et durable ennbsp;ce monde •, elle se présente naturellement a I’espritnbsp;du sage, et il y trou ve sa consolation. Accesserunt Matth. a4, V. iinbsp;discipuli, ut ostenderent ei cedijicationcs tempUnbsp;ipse auteni rcspondens dixit illis : Videtis hcecnbsp;omnia ? Amen dico voids ; non relinquetur lapisnbsp;supra lapideni, qui non destruatur. Le Clirétiennbsp;est charmé de voir 1‘hommage que la vicissitudenbsp;de tous les êtres rend a rimmortalité et a Fimrau-tabilité du souverain Etre. Sainte Thérese pleuroitnbsp;toujours a ces paroles du Credo : Cujus regni nonnbsp;erit finis. Elle croyoit alors voir toutes les grandeurs liumaines, tous les empires, tous les étatsnbsp;disparoitre les uns après les autres , confesser leurnbsp;caducité et leur foiblesse; tandis que le royauinenbsp;de Jesus-Christ, seul durable et éternel, embrassenbsp;tous les siecles.

Bossuet remarque que Dieu transporte les Empires et lesRoyaumes d’un homme a l’autre, d’une nation k une autre, d’une familie k une autre,nbsp;et que les hommes ne sont que les administrateursnbsp;et les vicaires de celui qui est. seul le souverainnbsp;maitre de la terre (1). On trouve dans cel endroitnbsp;des reflexions admirables sur la Providence, sur

I. Tim. 6.

1

)) Par-la, dit-il, se vérifie ce que dit 1’Apótre, que ’gt; Dieu est le seid puissant, Roi des Rois et Seigneur desnbsp;1) Sci gaeurs : Soluspotens , Rex regain et Doininus doft minantium, dunt le repos est inaltéralile; qui voit toutnbsp;» changer sans changer lui-nièute, et qui fait tons les chan-

Dd 3

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( 4^2 )

ia destinée des Empires , et sur la souveralneté exclusive du Roi des Rois.

Parti de Rome , je suis Ie irrême jour au soir k Rignano. Avant d’y arriver je vis de grands restesnbsp;de la voie Flaminienne , qui subsistent encorenbsp;hien j c’est la grande route , je l’évitai pour mé-nager mon cbeval qui n’aimoit pas les pierres.nbsp;Après avoir passé Civita-Caamp;tellana, et voulantnbsp;prendre un cheniin plus court, je m’égarai. Unenbsp;raéchante femme ne youlut pas rae remettre dansnbsp;Ie cliemin de Loreto, paree que mon grasseyementnbsp;me faisoit dire a-peu-près Loreto ; elle se mo-qua de moi, disant quit n’y avoit pas de Loveto.nbsp;Enfin avec un souris moqueur , elle partit en ré-pétant non capisco, non capisco. II fallut revenir knbsp;Cmta-Casiellan(i.

Remis dans Ie bon cliemin, je passe Ie Tibre sur un beau pont : mon cbeval est un peu blessé,nbsp;et après toutes les tromperies que j’ai essuyées ,

Di'ic. sarYHist. uTiiv. 4 3*'. part.

» geniens par un conseil iinmiiable j qui domie et qui óte la » puissance, qui la trausporte d’un liomme a un autre,nbsp;» d’une maison a une autre, d’uu peuple a un autre , pournbsp;» montrer qu’ils nc soiit tous que par emprunt, et qu’il estnbsp;)) Ie seul en qiii elle reside naturellement ». Cam epacua-verit omnem principatum , et potestatem et virtutem.

— nbsp;nbsp;nbsp;Confregit in die irw sucb reges ; judicahit in natio-nibus j implebü ruinas.Regnum de gente in gentemnbsp;Iransfertur propter injustitias , et injurias , et con-tumelias , et diversos dolos. ^lt;x\ï. lo, ii. — Quoniamnbsp;Domini est regnum et ipse dominabiturgentium.Vs.il.

— nbsp;nbsp;nbsp;Quoniam tu solus Doininus, tu solus allissimüs.

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( 4^3 )

t’argent commence a me manquer. Un bra^e Alle-mand de Styrie qui mouroit de faim , me demande I’anmone en lalin, d’un ton qui me penetre le cmur;

)e lui donne une petite piece de nioiinoie qui in’e-tolt très-nécessaire a moi-mêine; je 1’accoinpagnai de mes larmes (0- EHe portoit je crois I’inscrip-tion : Modicum juslo (n).

Avant d’arriver a Otricoli, je trouve des pele-rins Francois en iortmauvais état , aussi bien que moi, gais cependant et conlens aussi bien que moi. Reflex, sur ce*nbsp;Je dinemisérablenient a Otricoli, ou je rencontre

uu brave Jésuite,missionnaireda nouveau royau- Nov. ijSa , pag.

• . nbsp;nbsp;nbsp;32^.

me de Grenade : il m’embrassa avec une ]0ie ex-trême , apprenant que j’étois un Beige exile.

Ce pays est stéiile , désevt, miserable et mon-tagneux : on le prendroit pour la Nouvelle-Hol-lande. Le peu d’aniraaux qu’on voit dans cede conlrée, la nudilé qu’on y appercoit ainsi que dans

(i) Ma situation etoit alors assez semblable a celle de Mr. Corbinelli. Corbinelli n’ctoit pas bien dans scs aflaircs,nbsp;et portoit sur lui des marques parJaiites du dépéri.ssementnbsp;de sa fortune. Un jour qu’il etoit aux Miuimes, un honmienbsp;bien vètu vint se mettrc a genoux prés de lui, et lui pré'nbsp;senta la main en demaiidaiit I’aumone. Mi! Monsieur ,nbsp;lui dit Corbinelli, vous m’avez prévenu / fallois vousnbsp;en faire aiUant.

(a) Lcs petites monuoies papales out toutes des inscriptions tire'es de 1’Eeriture qui sout asSez bien cboisics; comme: Utere quasi virfrugi. Eccli. 31, 19. — In ciliosnbsp;pauperum. I. Cor., i3, 3. — Hahetis pauperes. Marc.

dicum justo. Ps. 36 , t6. 32, 19.


14, 7. — Pauperi porrige maniim. Eccli. 7,36. —¦ Mo

Ut alat eo.s in-fame. Ps.

Dd 4


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Mand. art, 1 ,

'V oyez

fiubt, , p.

piig, ii5

( 4^4 )

piusieui's autres plages d’ltalie , est moins leffet des diverses causes que les politiques et les agro-manes ont imaginées , que du déf'aut de pluie. IInbsp;n’est pas possible que I’ltalie soil gazonnee commenbsp;ia Ilollande , la Flandre et d’aulres contrées conli-nuellement arrosees par les eaux du Ciel. La Provence , I’Espagne et en général les pays ou la pluienbsp;est rare ct le soleil ardent, ont malgré leurs excel-lenfes productions , un aspect aride et nu , quinbsp;étonne les voyageurs nés dans des plages plas sep-tenirionales.

Je me trouve, avant d’être a Narni, sur la cime d’une montagne a cote d’un abime , dont la vuenbsp;lait horreur. Le Nar y coule écumant et trouble ,nbsp;avec un bruit terrible; il vient d’essuy er une étrangenbsp;cliute pres de Term. G’est proprement le Velinonbsp;qui fait cette chute, mais il se mêle aussi-tot aunbsp;iVw. Ce fleuve est rempli de souffe.

Narni n’est pas tres-beau ; Terni on je passe la nuit Test davantage. Cette ville est située dans unenbsp;vallee assez fertile et riante ; mais cela ne durenbsp;guere.... Mon indigence commence a jeter I’a-mertume sur lout ce que je vois et sur ce que jenbsp;mange; antequam comcdam siispiro. Les pierres etnbsp;les montagnes recommencent; Proche de Terni hnbsp;6 ou milles , on voit le fameux mont Ccesius ounbsp;OElius f d’od le vent sort avec une impétuosité etnbsp;une force incroyable.

Le 15 Septembre, je cotoie long-terns le lit d’une riviere desséchée ou détournée , ou d’un torrent,nbsp;qui, dans des terns de sécheresse n’existe pas. Lenbsp;FcUn.o fait dans le yoisinage une chute inexpri-

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( 4^5 )

mable , et se jette entre les pien-es et les rochers dans un abime dont on ne peut soutenir la vuenbsp;sans frémir. J’avois songé durant tont mon voyagenbsp;a cette calaracle ; mals j’ignorois alors qu’elle futnbsp;si proche de nioi, quoique la nature du pays et lanbsp;vue du Nar mêlé avec Ie Velino, in’en donnassentnbsp;quelque soupcon. Voici comme Ie P. Kircher ennbsp;parle dans Ie Mund, subter., part. 1, pag. ii5.

Fluvius summa impetu in modum arcüs ruens in profundissimam voraginem altitudme trecentorumnbsp;circitar pedum , tam horrendo strepitu , Jragore, etnbsp;murmuris vehemeiitid devolvitur, quoe si non exa-nimare adslantes, saltern stupefdcto aurium sensunbsp;ilios, non secüs ao caladupoe IS Ui, surdos redderet.nbsp;Horrcndum omninb spectaculum, infernum diceres ,nbsp;spumoris gurgitibus, et coiifusd undarwn aestuan-tium repercussione formidandum tanto labentiumnbsp;aquarum mugitu, qucz velInteramnii quinque mil-liariuin spatio , nocturni temporis sileniio ,facilbnbsp;percipiatur. Ex lapsu aqua , inter exasperalos ru-pium dentes , ita atteritur, ut in perpelud nebula tenbsp;constitutwn dicercs , neque inde nisi egregiè pei'plu-tus abeas. Sole lucente ibi perpetua iris exhibe-tur etc.

Misson pavle aussi avec une grande adiniiation de cette cascade qu’il a vue , et s’accorde parfaite-ment avec Kircher. « Cette rivière , dit-il, quinbsp;» marchoit déja d’un pas diligent, se précipitenbsp;» tout-a-coup d'une roche escarpée, haute de trois

cents pieds, et tombe dans Ie creux d’un autre » rocher , contre lequel ses eaux se brisent avecnbsp;)) une telle violence, qu’il s’en élève comme un

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( 420 )

n nuage de poussière jusqu’a la double hauteur gt;» de la cascade; ce qui l'ait aussi comme une pluienbsp;» éternelle dans tousles environs. Cette eau pul-n vérisée, forme avec Ie soleil, une infinité d’arcs-

» en-ciel..... On est, je vous assure , dans je ne

« sais quel étonnement h la vue de eet objet. La » rivière semble hater son cours avant qü’elle senbsp;» précipite. Les flots s'empressent comme autantnbsp;» de désespérés, a qui partira Ie premier. Dèsnbsp;)) qu’ils sont en I’air ils se brisent, ils bruient, ilsnbsp;)) écument, ils se choquent et se repoussent, ilsnbsp;» s'embarrassent les uns dans les autres, et tombentnbsp;)) enfin dans fablme qu’ils se sont eux-mêmes ap-» profondi , et ils en sortent tout furieux , 1’unnbsp;}) par l’ouverture d’un rocher , 1’autre par unenbsp;)) autre, lis s’en vont après cela en grondant etnbsp;« en murmurant, et se mêlent enfin parmi lesnbsp;yi eaux de la petite rivière de iVem, qu’ils gros-1) sissent pour le moins des trois quarts: c’est ainsinbsp;» que finit le pauvre Velino Tom. I, pag, 335nbsp;et 336.

I78.’5, pag. 601.

Spoleto OU Spoïete., assez belle ville, est située sur une montagne ; le chateau est fort élevé, jenbsp;Joiirn. hist, et vois la Calhédralc et l’Eglise de S. Philippe, qu’unnbsp;httér.j iS^Déc. treroblement de terre a fort endommagée en 1767-Ün grand nombre de maisons lurent renversées ;nbsp;mais les Eglises résisterent. Un aqueduc de troisnbsp;OU quatre cents pieds de hauteur (Misson le dit denbsp;63o pieds, tom. I, pag. Sda). II fournit l’eau a lanbsp;ville; il est entier et en bon état : je me suis pro-mené dessus. (^uelques jours avant mon arrivée,nbsp;un homme étoit tombé de haut en bas sans se faire

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( 427 )

aucun mal; ce cjue mon cicerone ne manqua pas d'attribuer a une Image de la Sainte Vierge ,nbsp;placeea cóté de la banquette dans une petite niche.nbsp;C’est de la qu’on a précipité des milliers de Martyrs.nbsp;Voyez mon Diet. géog?\, art. Spolete.

Je rencontre quantité de pélerins, Italiens, Al-lemands, Francois, Polonois etc., qui vont a Lo-rette , ou qui en viennent : les Allemands sont les plus pienx. — Le pays est plat jusqu’h Foligno,nbsp;e’est-a-dire , durant ao milles d’Italie(ioa iinbsp;lieues moyennes de France). Hansel fait honte anbsp;la poste qui veut le devancer.

PróT. 3o,

Cette partie de fllalie s’appelle VOmbrie. Je suis accompagné , jusqu’a Foligno, par un homme dunbsp;peuple, a cheval, si poli et si raisonnable, quenbsp;)’en suis étonné : il me parle de Dieu et de la Religion avec beaucoup de sentiment j de son ignorance et de sa simplicile avec candeur et avec unnbsp;jugement, que je ne trouve pas dans tous les phi-losophes. J’ai frouvé dans ces contrées beaucoupnbsp;de personnes de ce caraclere ; j’en louois la divinenbsp;Providence, qui a ses élus parmi les simples etlesnbsp;idiots, plulot que parmi les grands et les sages denbsp;la terre. Quoniam non cognovi lilteraturam, in-troibo in potentias Domini. Ps. 70. En general, lanbsp;anoyenne classe des gens est, en Italië, d’un commerce aise, poli, sur , ayant des sentimens et desnbsp;égards marques pour les étrangers. Cette classe denbsp;citoyens est la meilleure chez toutes les nations;nbsp;c’est Cette observation qui faisoit dire k Salomon :nbsp;Mendicilatem et divilias ne dederis mihi.

Foligno est une assez grande ville, La pluic est

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( 4^8 )

suspendue, comme toujours, jusqua mon arrives, et tombe a verse, des que je suis sous toit. Dieu ,nbsp;qui a peut-êhe attaché ma sanctification auxnbsp;voyages, aux maux que j’y souttVe, aux réflexionsnbsp;que j’y fais , m’a toujours accordé un tems favorable , et cela continua d’une maniere étonnantenbsp;jusqu’en 1776 et 1777.

Le 16 Septembre , je laisse Assise k 10 milles k gauche , ma pauvreté ne me permettant pas lenbsp;moindre circuit : j’aurois vu volontiers la bellenbsp;Eglise de S. Fran9ois et la Portioncule.

A Palo, je vois les cascades d’un beau ruisseau qui descend d’une haute montagne , fait diflérensnbsp;bouds, et anime plusieurs fabriques.

Voici de nouvelles Alpes. C’est un bras de l’Apennin qui me poursuit par-fout; on diroit quenbsp;peu content de dominer ces belles contrées parnbsp;son elevation, il veut encore les embrasser parnbsp;l’immensité de sa chaine. L’Apennin est un fitsnbsp;des Alpes , auxquelles il est lié ; peut-être sonnbsp;nom est-il un diminutif des Alpes , quasi Alpen-ninus; peut-être est-ce Alpiuin penna; les mon-tagnes de Suisse feroient l’autre aile ; en ce sensnbsp;on pourroit encore dire alia penna. Il y a dans lenbsp;Mundus subterraneus ^ une carte générale desnbsp;montagnes dé la terre et de leur cohérence : c’estnbsp;le squelette du corps terrestre , suivant fidée denbsp;l’auteur.

Sur le sommet de ces montagnes , on trouve quelques plaines fertiles. Les mendians me mau-dissent, paree que je n’ai plus rien k leur donner.

Je dine a Serra-Valle, qui est un trou horrible,

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après avoir eu une assez mauvaise rencontre. Le Comte ^Ybarra me parlant, après mon retour ,nbsp;des endroits dangereux de rifalie , me nominanbsp;d’abord Serror-P^alle. Un Dominicain s’y perdit lenbsp;raême jour , et y fut tué ou enlevé : je rencontrainbsp;bien des personnes qui le cbercboient avec sonnbsp;compagnon = celui-ci étoit extrêmement em-barrassé.

Je dors k Belforle; la nuit m’avoit surpris : un très-brave gar9on m’y conduisit avec un zele incomparable, et au-lieu d’attendre une récompense,nbsp;il me baisa la main avec beaucoup de dévotion, etnbsp;s’enfuit. Je pensai me gater le sang dans un lit in--fectë ; j’en portai les marques pendant quelquesnbsp;jours; mon excellent tempérament vainquit lanbsp;contagion, et le tont considéré, je suis convaincunbsp;que ce n’étoit qu’un mal cutané, lel que la gale.

Le ï-j. Tolentino est une ville fort vieille et

peil belle ; mais elle est extrêmement renommée

pour avoir été le lieu natal de S. Nicolas de To-

lentin. Macerala est assez grande et belle : c’est

dans cette ville que nos Peres ont commence la

dévotion des 4o heures , les trois derniers jours du

carnaval. Le pays devient meilleur ; on y trouve

d’excellentes gens , et quoique cela np soit pas

général , on ne peut que s’étonner que des voya-

geurs aient pu en donner des idéés désavanta-

geuses *. C’est sans doute leur bonhomie chré- nbsp;nbsp;nbsp;Joum.

tienne , leur pieuse et dévote simplicité qui leur Mst. ethttér., i

^ nbsp;nbsp;nbsp;rSoT. l’;82,pag.

a mérite cette injustice. nbsp;nbsp;nbsp;323.

Rccaimli, sur une monlagne, est passable : on

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( 43o )

y voit, dans Ie mur d’une grande maison , qui m’a paru êfre la Maison-de-Ville , un monumentnbsp;d’airain , qui représenle la Sainte Vierge ét lanbsp;maison de Nazareth , portee par des Anges, J’ainbsp;taché den retenir l’inscription :

F^irgini Lauretance Quad Nazarenam stiam domumnbsp;In Ricineiensi territofio (i)

Fixam voluerit,

Senatus populusque Tanti benejicii memoresnbsp;yFneam hanc molem pp.

Ce pays est très-animé : on y rencontre une infinité de pélerins et de pélerines, qui tressaillentnbsp;de joie, qui chanlent et qui s’annoncent par Ienbsp;bruit de certains tamboui's d’une forme particuliere , pour avoir été a la sancfa Casa ; mais je nenbsp;vois ni ivrognerie, ni dissolution quelconque (2).

Je vois la mer et un long aqueduc : Lorette, situé a un quart de lieue de la mer , sur une col-line, est défendu par un rempart et de très-bonnesnbsp;tours. On ne peut dire combien cette petite villenbsp;est animée : les pélerins y abordent de toutesnbsp;les parties du monde; on dit qu’en certains jours,nbsp;on en a vu 200,000. Leva in circuitu oculos tuosnbsp;et vide. Omnes isti congregati sunt; venerunt tibi.. •nbsp;Videbis el qfflues ; mirabitur et dilatabitur cor

(r) Loreto est aujourd’hui iudépendatit de Recanati. (2) Des étrangers sont toujours sages dans des paysnbsp;inconnus; c’est pourquoi les pélerins qui entreprennent denbsp;grands voyages, yivent sagement; et c’est une raison pournbsp;ne point blamer ce genre de dévotiou.

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Isai,, C. 60.

ilium... Kenient aurum etthus defcrenlcs, etlaudem Domino annuntiantcs. — Réflexions sur la paix etnbsp;la sécurité qui regne a Lorelte , inalgré cette multitudenbsp;nbsp;nbsp;nbsp;hist, et Utter., i Nov. 1782, pag. SaG.

Les habilaus de Lorette sont, la plupart, de très-braves geus , d’une grande simplicité , droi-ture, piété, humanité etc., et eest peut-êlre cenbsp;qui a attiré la- sainte Maisoii chez eux préférable^nbsp;ment ii d’autres nations. Cette foule de pélerins n’ynbsp;cause aucun désordre : leur piété, les démonstra-tions de penitence et de résipiscenoe , est un spectacle qui ne peut être indifférent a un yoyageurnbsp;Chretien. — Belle reflexion d’un pbilosophe tou-chant les remords, la pénitence, l’absolutLon et lesnbsp;indulgences, Journ. hist, et litt., i5 Juill. 1789,nbsp;pag. 397.

La Cathédrale de Lorette est une Eglise superbe; rien n’y a été épargné. Slxle-(^)uint, né dans la Marche-d’Ancóne , qui est l’ancien Agernbsp;Picenus, a donné un Evêque a cette ville , il anbsp;érigé la Collégiale en Cathédrale, et s’est particu-liérement appliqué è. I’embellir. La statue de cenbsp;Pape est a cóté de la porte de l’Eglise : au milieunbsp;de la place est une belle fontaine. Le college desnbsp;Jésuites, les Pénitenciers, le palais apostolique ,nbsp;occupent le cóté gauche de cette place, qui estnbsp;Irès-belle.

La sancta Casa est au milieu de la Cathédrale ; elle n’est pas fort grande; les murailles en sontnbsp;épaisses, balies de briques et de pierres , tellesnbsp;qu’on n’en trouve point en Italië : on y a mis unenbsp;voute postérieurement ; elle est a Textérieur

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revêtue des plus beaux ouvrages en maibre , oü les sibylles , les actions de la Sainte Vierge, Ienbsp;transport de la sainte Maison sont représentés parnbsp;les plus grands maitres. Derriere l’autel on volt lanbsp;cheminée et un enfoncement dans la muraille, oünbsp;l’on garde un habit et un petit vase de terre, quinbsp;ont servi, dit-on, k la Sainte Vierge. Un chanoinenbsp;eut la bonté de me faire voir cela en particulier,nbsp;et de faire retirer tout Ie monde.

Les murailles de la sancta Casa sont sans fon-demens , et immédiatement assises sur Ie pavé de fEglise. La statue de la Sainte Vierge est denbsp;cedre, et on la dit avoir été apportée avec lanbsp;maison : les murailles ont encore quelques restesnbsp;d’une très-ancienne peinture , que l’on attribue knbsp;Sainte Hélene.

Le 17 , i8 et 19, je suis occupé a examiner tout ceia. Le 19, je dis la Messe dans la sainte Maisonnbsp;pour Sa Majeslé 1’Impératrice (*) : on dit cons-tamment qu’en entrant dans cette Maison, on senbsp;trouve comme saisi de l’esprit de Dieu et de lanbsp;plus douce piété. On m'avoit dit la même chose denbsp;beaucoup d’autres endroits; mals je n’y avois jamais rien senti; il suffisoif même que je voulussenbsp;OU que je crusse devoir sentir quelque douceur celeste , pour que je ne senlisse rien du tout, et quenbsp;ma piété ordinaire se refroidil; mais cbaque foisnbsp;que je suis entré dans la sancta Uasn^ j'ai senti monnbsp;coeur s’enflainmer , concaluit cor mewn intra me,nbsp;et in meditatione ined exardescit ignis. Fueruntinihi

{^) C’étoit alors I’illustre Marie-Thérese.

lacrymcr

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lacrymce mecE panos. Nus pliilosophes en i'ii’Ont j pour moi j’en ai pleuré (*), Si l’aspect de quelque

(*) Jc sens parfaitement que Ie yoyage de Lorette n’est pas un voyage pliilosopliiqne; mais il est vrai cependaninbsp;qu’on y a vu des pliilosophes célebres. Montaigne, en quit-tant Rome , a pits également Ie chemin de Lorette : il ynbsp;passa même pres de trois jours j une partie de ce tems futnbsp;employé k faire construire un riche ex-voto, compose' denbsp;quatre figures d’argent, 1’une de la Vierge, devant laquellénbsp;étoient a genoux les trois autres , savoir, la sienne , eellenbsp;de sa femme et celle de sa fille , et a solliciter pour son ex^nbsp;voto j une place qu’il n’obtint qu’avee beaucoup de faveur. Ce qui surprendra peut-être les beaux-esprits de cenbsp;siecle, c’est que Montaigne y fit ses devotions. Autre sujetnbsp;d’étonncment : Montaigne croyoit aux miracles. Enten-dons-le parler lui-même :

1) II y avoit, dit-il, en même tems la Michel Martean , Journ. hist, el » Seigneur de la Chapelle, Parisien, jeune-homme trés- Aftór., i5 Jiiillet

riche, aveq grand trein; je me fis fort particuliérement nbsp;nbsp;nbsp;J'*'

)) et curieusement reciter, et a lui, et a aucuns de sa suite ,

1) Pévénernent de la guérison d’une jambe, qu’il disoit » avoir eue de ce lieu; il n’est pas possible de mieus nynbsp;» plus exactement former I’effaict d’un miracle. Tous lesnbsp;chirurgiens de Paris et d’Italie s’y étoient faillis; il ynbsp;avoit de.spandu {dépensé) plus de trois mille ecus : sonnbsp;genou enflé, inutile et très-dolureux, il y avoit plus denbsp;trois ans , plus mal, plus rouge , enflammé et enflé,nbsp;jusques a lui donner la fièvre; en ce même instant tousnbsp;autres mcdicamens et secours abandonés il y avoit jdu-» sieurs jours; dormant tout a coup, il songe qu’il e.stnbsp;» gueri, apele ses jans, se leve, se proraène, ce qu’ilnbsp;I) n’avoit faict onques puis son mal; son genou désenflé,nbsp;a la peau flétric tout autour du genou et come morte, luinbsp;•gt; alia toujours depuis en amandant, sans null’autre sortenbsp;;gt; d’eide, et lor.s il éloit en cet état d’entière guérison ,

Tom. T nbsp;nbsp;nbsp;E e


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(4'^4 )

site imposant et majestueux d une montagne, d'une vallée , dun ruisseau même, fait quelquefoisnbsp;éprouver de ces sortes d'éraotions, poui’quoi rie lesnbsp;éprouveroit-on pas dans des lieux que la Religionnbsp;et la piété ont consacrés 7

Le Predicant de Uuniade , dont j'ai déja parlé , me dit qu’il falloit détruire les Images , paree que,nbsp;ajouta-t-il, Uy a peut-être des sots qui les adoreni.nbsp;II citoit savamment fEcriture; mais je citois lenbsp;soleil et la lune , que tant de nations ont adorés etnbsp;adorent encore , sans que le Seigneur les détruise.nbsp;Au reste, a Lorette , je n’ai remarqué aucune superstition ni puérilité dans la devotion des peoples.

Le trésor de cette Eglise remplit une grande salie : tout y est dans le plus bel ordre; je ne puisnbsp;en imaginer le prix , ni en décrire 1'incroyablenbsp;magnificence. On trouve de petits livres imprimésnbsp;en différentes langues , ou 1’on voit le détail desnbsp;richesses et de tout ce qu’il y a de remarquablenbsp;dans l’Eglise et dans la ville. Je cherchai un aiglenbsp;de brillaus , qu’on ra’avoit dit avoir été donné par

I) étant revenu ii Lorette; car c’étoit d’un autre voiage » d’un mois ou deux auparavant (ju’il étoit gue'ri, et avoitnbsp;» été cependant a Rome aveq nous. De sa bouche et denbsp;« tousles si eiis, ilnes’en peut tirerpour certain que cela ».

r.

Montaigne, lorsqu’il croyoit a ce miracle,, étoit agé de 5o aiis, et avoit fait scs JEssais. Je doute fort que nosnbsp;grands pliilosoplies le mettent désormais au noinbre denbsp;leurs confreres; ce bon homme avoit des préjugés, il seranbsp;rayéde la liste.—Voyez le Journal de Michel Montaignenbsp;en Italië , par la Suisse et l’Allemagne, en 158onbsp;et i58i , arec des notes ,par Mr.de Qwe/ Jore.Paris, ebez

-cjai, 1774

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435 )

Ie Roi cle Prusse , el uii vaisseau dor, présent d’uii Sultan Turc; mals je ne pus trouver ces deuxnbsp;pieces, et Ton m’assura qn'elles n’y avoient ja-anais élé.

Voltaire condamne et ridiculise ces offrandes ; e, rears de VóP il fait prononcer la-dessus des oracles a Socrate; taire,tonunnbsp;niais ces trésors , outre qu’ils sont un monumentnbsp;respectable de la piété et de la gratitude des Chretiens , sont encore une ressource bien grande pournbsp;l’EgHse et pour l’Etat, dans des nécessités ex-trêmes ; deposes dans un lieu moins sacré, ilsnbsp;n’attendroient pas les grands besoins pour êfrenbsp;employés et dissipés. — Un jour qu’un homme dunbsp;siecle se plaignoit de la prétendue inutilité de cesnbsp;trésors consacrés h Dieu , je lui dis : Pourquoi cesnbsp;richesses qui brillent autour du corps et sur lanbsp;toilette des dames du grand monde 7 — Cest lanbsp;mode, me répondit-il. — Mais , repris-je , pourquoi la mode, qui honore la mémoire, les reliquesnbsp;OU les portraits des Saints, est-elle plus blamablenbsp;que celle qui nourrit la vanité des méchantes femmes?... Dans une misere publique, l’Eglise ouvrenbsp;ces dépots de la piété, et emploie au soulagementnbsp;des hommes, des richesses sanclifiées par 1’ac-ceptation de Dieu; au-lieu que les toilettes nenbsp;servent guere k ces sortes d’affaires.

Jourm hist, et littér. , I Mai

1783, jjag. 5‘J-

Le i8 au soir, je vais k cheval avec Ie péni-lencier Allemand et le P. Jurein, de la province de Bohème , au port de Recanati. Ce port nestnbsp;qu’un abordage , on il y a un petit fort, pournbsp;ecarterles corsaires : ceux-ci n’osent pas trop ha-zarder Tentree de cegolfe, oü les Vénitiens et les

E e 2

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(^43r.)

galeres clu Pape , de Naples etc. les eniermeroient et en rendroient bon compte ; maïs s’il prenoit anbsp;la Puissance Ottomane urie envie séiieuse de s’em-parer de ce riclie trésor, rien ne seroit, semble-t-il, plus aisé. Loretle peut résister ^ un coup denbsp;main, inais point a une armee. 11 paroit que lesnbsp;Turcs sont plus délicats que nous en matiere denbsp;procédés; j’entends les procédés publics de l'Etat,nbsp;et non la conduite générale de la nation. J’ai vu unnbsp;homine pieux, qui regardoit la,conservation dunbsp;trésor de Lorette comine un miracle.

Le i() Seplembre je pars pour Ancónej mais avant de quitter Lorette , il faut dire un mot de lanbsp;translation de la sainte Maison, et de la plaisantenbsp;idéé de Mr. Misson.

I ;88, pag. 84.

Joum. /list. et translation dune maison depuis la Palestine , i5 Sept. jusqu’en Dalmatie, el de la en Italië, est une chosenbsp;qui ne Irouvera jamais croj’^ance chez nos pliilo-soplies •, et k Dieu ne plaise que je veuille leur ennbsp;parler : cc n’est point au resle une chose qu’on nenbsp;puisse nier, ou qui soit de t’oi. Les indulgences,nbsp;les fêtes etc. , ne prouvent pas incontestable-üient ce transport ; une opinion pieuse suffit pournbsp;établir une fête, une indulgence etc. y l’objet dunbsp;culte est d'ailleurs assuré. Quand la descriptionnbsp;allemande de Lorette traite d’hérétiques ceux quinbsp;nient cette translation , je la trouve aussi impertinente en ceci, que lorsqu’elle dit du mêine ton,nbsp;que l’Ange Gabriel -annonca dans cette maison knbsp;la Sainte Vierge et sa prochaine mort et llncarna-tion du Verbe. Odi prqfanum vulgus et arceo.nbsp;L’un est une vision , l’autre une vérité ou du

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( 4^7 )

moins une probabilité respectable et autorisée,

Lorsque la mort de Marie fut prochaine , cette Sainte Vierge étoit bien loin de la maison de Nazareth.

Prcef, in Da-nielem.

Saint Jérónie fait difficulté d’admettre Ie transport d’Habacuc, et sembie approuver les raison-nemens du Docteur Hebreu sur la fausseté de ce miracle. Ce savant Pere de l’Eglise croyoit quenbsp;cette partie de Daniel n’éloit pas canonique , etnbsp;la chose alors n’étoit pas décidée. Qu’auroit-ilnbsp;done dit de la translation de la sainte Maison ?

Saint Jéróme ne sembie pas avoir réfléchi h l’en-lévement de S. Philippe, jdet, VIIl, f, dq.

lub. , C. g.

N’importe qu’il n’ait pas été transporté aussi loin qu'Habacuc ; Ie plus ou Ie moins ne fait pas l’af-faire. Dieu dans sa colere transporté les monta-gnes pour accabler les impies, Qui tj-anstulit monies, et nescierunt hi quos subverlit in furore suo,

Sa bonté n’auroit elle pu rien faire de semblable pour dédommager les Chretiens de la perte desnbsp;Lieux saints, pour aiiimer leur piété,pourhonorernbsp;sa demeure terrestre. La devotion si générale etnbsp;si décidée de lous les peuples envers cette Maison,nbsp;poLirroit être une espece de preuve , malgré cenbsp;qu'en disent Misson et du Verger.

Vovez

Le docte et pieux Lassels, dit Misson , proiwe In vérité de ce miracle par la toute-puissance denbsp;Dieu. Cela est faux; mais il en prouve la possi-bililé , et efface les préjugés que la difficulté denbsp;ce transport fait raitre. Je ne répéterai pas ce dus-Fluliuslcanbsp;que dit T’urselin de eet événement dans son élé- gt; Turna-

. -tt* • nbsp;nbsp;nbsp;*1nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1'nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nus, Raynaldus,

gante ilistoire, ni les preuves qu’d étabht pour en MartorelU.

Ee 3

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((eriuader la vérité; je ne copierai pas nou plus ce tjue j’ai écrit il y a plusieurs années a ce sujet;nbsp;j’ajoute 1“. que la statue de la Sainte Vierge estnbsp;de cedre, et qu’il n'y a jamais eu de cedre ennbsp;Italië , qu’on repi'oclie même a Virgile d’y ennbsp;avoir mis.

2». Que Ie reste des peintures est d'une très-grande antiquité , et que depuis plusieurs siecles, au SU et au vu de tout Ie monde , ce ne sont quenbsp;des restes. Si Lassels prouve mal la translation parnbsp;ces restes, ces resles prouvent du moins la folie dunbsp;systême de Misson toucliant Boniface Vlfl.

3°. Que ces pieuses peintures font assez voir que ce n’est point un batiment profane.

4°. Que la cheminée fait voir que ce n’est point une chapelle.

5°. Que la malson est sans auGun fondement, • rez de terre. Misson dissimule ce point.

ü°. Que les pierres et les briques sont si diffé-1 entes des italiennes de fous les tems, que Misson est oblige de dire qu'elles ont été choisies «veenbsp;affectation. Tom. I, pag. 3io.

7“, La sainte Maison est siluée d'orient en Occident, ce qui, selon la remarque même denbsp;Misson , est très-rare dans les Eglises d’Italie.nbsp;Ibid., pag. 312.

8“. Depuis ce transport, on ne parle plus de la m-iison de Nazareth en Palestine, quoique les anciens en aient beaucoup parlé, comme Nicephore,nbsp;Evodius , S. Epiphane, S. Grégoire de Nj'sse ,nbsp;¦S. Jean de Damas , S. Jéróme, Ie venerablenbsp;Egde eic, Le Cardinal de Vitry y a dit la Messe,

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( )

S. Louis, Roi de France y a communié. Au reste, je ne donne pas ces raisons comme des demonstrations; ce fait n’en peut avoir. 'Les conjecturesnbsp;peuvent venir au secours d’une croyance déjanbsp;établie.

Un officier me demanda nn jour en plaisantant, pourquoi on n’avoit pas retenu cetle Maison anbsp;Fiume en Dalmalie ; pourquoi on ne I'avoit pasnbsp;arrêtée ? Je lui dis ; Monsieur, si une maisonnbsp;s’avisoit de partir, vous seriez bien embarrassénbsp;pour la retenir : la difficulté de la translation n’estnbsp;pas la.

Addisson, dans Ie Supplément au Voyage de Misson, dit simplement que ce voyage est une imposture ; mais il désespere de Ie prouver. Missonnbsp;croit être plus lieureiix , et dit que Boniface VIIInbsp;fit batirla Maison en une nuit,et que Ie lendemainnbsp;il déclara que c’étoit celle de Nazareth : et il senbsp;fonde sur la mauvaise vie de ce Pape (1).

Ni Tune ni 1’autre des deux translations ne se fit sous Boniface VIII. Elle fut transporlée de Nazareth en Dalmatie sous Ie Pontifical de Nicolas IVnbsp;en 1291, que Saladin ayant pris Jerusalem, chassanbsp;tous les Chrétiens de la Syrië. De la Dalmatie ellenbsp;fut apportée en Italië en 1294 , sous Céleslin Y.nbsp;Boniface ne fut élu qu’aprfes 1’abdication de Géles-tin, lamême année i294- Mais outre eet anachronisme , voici I’absurclité de la pensée de Misson.

1

La mémoire de Boniface peut ètre solidement justi-fiée, quoiqu’on ue puisse nier qu’il n’ait éte' uu pcii em-porté. Voycz Series Rotnanorum Pontificum, a P. Kolb,

S. J.

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X*. Quand Ie batiment auvoit pu être achevé en une nuit, la chaux et les autres matériauxnbsp;eussent-ils pu être préparés en si peu d’heures?

2°. Combien d’liommes y auroient travaillé? Le secret auroit-il été bien confié ii cette multitudenbsp;dames vulgaires , viles peut-être? Si on les a jetésnbsp;dans la mer , comme m’a dit un petit-maitre, parnbsp;qui7 par combien d'hommes? Ceux-ci y ont éténbsp;jetés aussi sans doute , et par qui ? par d’autres, etnbsp;ainsi cl l’infini.

3o. La chaux on plutót le ciment, peut-il sécher en si peu de tems 7 Et le lendemain ce batimentnbsp;n’eut-il point paru tout frais et tout neuf 7

4°. Comment y afficher les débris des vieilles peintures ?

5o, Pourquoi en ce cas faire les mnrailles si épaisses '!

6°. Comment en si peu d’lieures choisirles briques fiX'cc affeclation 7

no. Les Palestinois n’auroient-ils pas réclamé en faveur de la vraie Maison de Nazarelli7 Les Sara-zins eux-mêmes n’auroient pas consent! a celienbsp;perte qui les intéressoit beaucoup.

8o. Le transport de la sainte Maison en Dalma-tie est aussi re9u , que celui de Fhime a Lorette. Le systême deMisson n’embrasse point cette partienbsp;de riiistoire qu’il pretend expliquer.

Misson se dit Calviniste ; mais la maniere dont il parle de Jesus-Christ, et de certaines observations physiques , décelent son esprit anti-chréliennbsp;el son matérialisme. 11 déteste la Religion Catho-lique , et il sent dans son arae qu'il n’en a point

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d’autre ^ lui opposer. Que devenir done? Que ne parle-t-il de la sainte église Calviniste ? Pour dis-tinguer ces sectaires des Lutliériens , il est obligénbsp;de les appeller Calvinistes. Les Catholiques gardentnbsp;leur nom au milieu de ses emportemens.

Ladvocat a raison de dire que son ouvrage est Jort mawais •• ses peintures démonlrent la corruption de son cceur abominable ; il a compose lesnbsp;fables les plus absurdes pour lui donner l’essor : ilnbsp;y a sur-tout un endroit oü la luxure et la contradiction se disputent Ie prix; enfin eet ouvrage conduit directement a l’impiété. Si l’on en óte les re-liques , les images , les papes et la papesse, ilnbsp;restera bienpeu de chose, Sa fureur anti-catholiquenbsp;Ie fait donner dans des exces et des aveuglemensnbsp;inconcevables. Par exemple , torn. II, pag. zo5 ,nbsp;voulant k toule force ressusciter la papesse , enter-rée par Blondel, par Courcelle, par Bouxhorn ,nbsp;par Coringe , par Cavée , par Schoock et tons lesnbsp;Protestans savans et modérés , il dit que c’est unenbsp;chose plus obscure et plus difficile de savoir sinbsp;famphithéatre de Vespasien n’est pas Ie temple dunbsp;soleil, que s’il y a une papesse , et que Martin denbsp;Pologne a bien pu se tromper dans 1’un sans senbsp;tromper dans fautre. La fable de la papesse estnbsp;postérieure k Martin de Pologne , elle a été insé-rée dans son ouvrage par une main étrangere :nbsp;elle ne se trouve pas dans Ie manuscrit royal denbsp;Paris j on 1’y a ajoutée après coup , de l’aveu denbsp;Blondel (1). Je crois avoir vu chez Ie Baron de

1

Saumaise s’étoit vanté que si on lui donnoit fecrit

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wfart.feot marginale , iom. 11, pag. zoS.

Cler , a Liege , un anlre exemplaire imprimé oü la papesse se trouve écrite h. la marge. Missen lui-mêmeparle d’un manuscritqui porie cette addition

Qu’il fait pitié par la maniere dont il se defend, a la même page !nbsp;— A la page 222 , il pretend qu’nne bonne femmenbsp;est aussi légitimement pontife qu’un méchantnbsp;homme; car c’est la en effet ce que dit son gali-mathias.

Je lui passe de compter entre les reliques de Rome , les cornes de Moïse , les rayons de 1 etoilenbsp;des Mages , les hans de S. Joseph (1 2) , Ie son desnbsp;cloches de Jérusalem; paree qu’en effet on trouvenbsp;en Italië et ailleurs des reliques de celte nature ,nbsp;comme on voit k Jérusalem la pierre que les batis-seurs ont rejetée. Lapidem quem reprohavenmtnbsp;cedijicantes , hic Jactus est in caput anguli. Matth.nbsp;21,5?, 4^- Pour ce qui est de 1’arche de Noé ou denbsp;l’Arche d’alliance qu’il place h S. Jean de Latran,nbsp;je suis Irès-persuadé que c’est encore une de sesnbsp;visions. Ce qu’il dit de l'ane de Vérone , est unenbsp;imposture énoi'me. Je garde la letlre queleRecteur

1

de Blondel, il Ie dissiperoit en soufflant dessas; mais Ie livre lui ayant été domie', il ve'cut six ans saus y répoudre,nbsp;et sans qu’on. ait trouve' après sa mort un seul mot denbsp;lui sur cette matiere. Rivet plus sincere que Saumaise ,nbsp;a écrit qu’il doutoit qu’on put réfuter Ie livre de Blondel,nbsp;k la satisfaction d’un lecteur éclaire'.

2

Hart. ou plutót ahan , air qui sort avee briiit dc la poitrine d’un homme qui fait de grands efforts, par excmplcnbsp;en abattant un arbre, en fendant du boisetc.

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des Jésuites de Vérone, Jean-PIector Tliiene , m’a écrite a ce sujet Ie 21 Avril 1769 (*).

(*) En 1771 , j’ai vu au college de Mons en Hainaut, uue carte de Jerusalem iinprimée et peinte. Tous les anciens monuinens s’y troiivoieiit, et la pierre angalairenbsp;étoit placée sur les remparts a la droite du lecteur ,nbsp;prés du tombeaii de Dayid, n*’. i54, avec ces paroles:nbsp;La pierre angulaire. Cette carte est dédiée d la Reine,nbsp;msre du Roi , par H. Jallot , Paris, 1678. On y voitnbsp;aussila maison du mauvais riche et de Saiute Véronique,nbsp;et aussi la fdle de Sion.

II n’y a rien dans Ie Nouveau ni dans 1’Ancien-Testa-inent, qu’on ne prétende avoir. II est vrai que la piéta trop simple du jieuple n’cst point un crime j qu’il vautnbsp;mieux pe'clier par eet excès que par 1’autre, et qu’aprèsnbsp;tout on ne reVere ces cltoses que conditionnellement etnbsp;dans la supposition qu’elles sont ce qu’on dit. II faiit 1’a-vouer ; il y a quelquefois de quoi se faclier et quelquefoisnbsp;de quoi rire ; ce sont des choses évidemment siipposées,nbsp;fausses, ridicules et impossibles.

J’ajouterai a cette note une remarque importante en cette matiere : clle est du P. Ménestrier, la Revise dunbsp;Roi justijiée etc., Paris, 1679, pag. 6g. « Dans les re-)) presentations chretiennes, dit-il, qui se faisoient il ynbsp;1) a deux ou trois siècles, dans les processions et les places

)) publiques..... On représentoit la Passion du Fils de

» Dieu, et les Histoires du Yieux et du Nouveau Testa-» ment. Et paree qu’on gardoit dans des Eglises ou dans » des Monastères les meubles et les babits qui servoientnbsp;» a ces representations, on a cru dans la suite des tempsnbsp;» qu’ils étoient les mêmes qui avoient servi dans des tempsnbsp;» plus recnlés, aux personnes dont on représentoit lesnbsp;» actions en ces spectacles. Ainsi Pon voit encore sur lanbsp;» face extérieure d’une ancienne Eglise de Vienne ennbsp;w Daupliiné, ces paroles écrites ; Ici est la poinine du

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II négligé la majeslé d'un temple et de la liturgie Catholique, pour aller chercher dans la sacristie OU dans un coin de l’église quelque tableau ridicule. II appelle Ie Psaulier de la Sainte Vierge et d’autres Oraisons semblables , wie impiéfé mons-irueuse. Cette critique est excessive et tient de lanbsp;fureur; on lui pardonneroit plutót de dire une piéicnbsp;monstrueuse. II invente , il embellit mille histoiresnbsp;scandaleuses , mille contes absurdes , pour étouf-fer l’impression que l’antiquité , la grandeur , lanbsp;sainteté de la Religion Catholique font sur lui.nbsp;Bourdaloue remarque que c’est la Ie génie et lanbsp;pratique de tous les incrédules.

Pag. 222 , toni. II : Ze sang des Papes, dit-il , en gênéral est horriblement corroinpu, ainsi quenbsp;Vwouent tous les historiens, de quelque religionnbsp;qu’ils soient. Peut-on porter plus loin l’imposturenbsp;Journ. kist. et gj. pimpudence 7.... Leur gouvernement, dit-il ,

littér. , I Jum nbsp;nbsp;nbsp;1nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' Jnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;°nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;7,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;TI

P^S- 779* nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;matheureux. Rt toule

la terre sait qu’il peclie par un excès de douceur. II entre après cela en frénésie et dans les transports de sa manie, il articnle ces beaux vers :

Servierant tihi , Roma , prins Domini Dominorum ;

Servorum servi iihi sunt nunc, Roma, tyranni.

» sceptre de Pilate ; ct on monU'c k S. Denys la laii-» terne de Judas. C’est ainsi qu’a Aix en Provence on » a Ie Veau d’or, les Articles du Symbole des Apötres,nbsp;» la harpe de David, ct cent au tres clioses semblables ,nbsp;)) qui servent aux representations qui se lont tons les ansnbsp;)) Ie jour du Sl.-Sacrcment».

De his reprasenlationibus multa apud Paquot, in tract. Molani de SS. Imag., pag. 5oo,

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Que dire? Nee satis apparet, an mlnxerit in pa-trios cineres , an triste bidenlal moment incestus j certe furit. Horat. , art. poet,

Addisson, autre Calviniste, a en horreur de tels écarts , et releve Misson dans le Supplément auxnbsp;Voyages etc, pag. 126, Leur prince (des Remains,nbsp;le Pape s’entend) est ordinairement un hoinme dénbsp;grand saroir et de grande vertu , parvenu d la ma-turité de I’age et de l'expérience ; qui a rarement ounbsp;vanité ou plaisir d satisfaire aux depens de sonnbsp;peuple f et n’est embarrassé ni dejqmme nid’enfans,nbsp;ni de maitresse. Cette réflexion peut s’appliquer inbsp;tous les Princes ecclésiastiques. Malheur au peuplenbsp;dont le Jioi est enfant. Eccle. 10 , f. 16, Journ.nbsp;hist, et littér,, i5 Mai pag. S4.

Est-ce aveuglement ? est-ce ignorance complete du génie de Luther , qui lui fait nier que la priere-écrite de la propre main de ce fougueux et luxu-rieux liérésiarque , k la fin de sa Bible que Tonnbsp;conserve au Vatican , soit réellement de lui? IInbsp;convienl qae la priere est de la même main quenbsp;toute la Bible. Or , on n’a jamais nié que la Biblenbsp;ne fut écrite de la main de Luther. Commentnbsp;nier que la priere ne soit également de lui? Missonnbsp;le nie , et cela dun ton de maitre , sans en appor-ter d’autre raison , sinon que ce seroitfaire passernbsp;Luther pour un débauchc. Qu’en pouvons-nous ?nbsp;Luther ne l'a-t-il pas été publiquement, et denbsp;1’aveu de presque tous les Protestans 7 Que Missonnbsp;sen prenne kAurifaber,qiii nous enapprend millenbsp;choses curieusps, et aux ouvrages de Luther mêmenbsp;qui décelent k chaque page la conoiption de son

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cceur aussi bien qiie les 1’ureurs de son esprit: Misson est done bien ignorant dans l’histoire denbsp;Liitlier. Four rooi j’ai fransoil autrefois cette bellenbsp;priere , que j’ai trouvée dans un auteur Luthérien ,nbsp;Chrétien Juncker, vita Lutheri, pag. aaS. Le bonnbsp;Juncker ne sail que dire , sinon que Misson nenbsp;charge pas Luther de cette priere. 11 est constantnbsp;qu'il n’y a point de priere possible , plus conformenbsp;a la vie , aux discours , aux écrits et a toute famenbsp;de Luther;

O Gott , durch deine guhte ,

Bescher uns kleider und hu te;

Audi incEntel und roecke ,

Feite hcelber und boecke j Odisen schaffe und rinder ,

Viele weiher, wenig kinder.

Sclilechte speise und tranek Madieii einem das jalir lang.

C’est-a-dire : « O Dieu ! par votre bonté , pour-)lt;¦ voyez-nous d’habils , de chapeaux , de capotes )i et de manteaux 5 de veaux bien gras, de cabris,nbsp;» de boeufs, de moutons et de génisses; de beau-)) coupde femmes et de peu d’enfans. Bienhoire etnbsp;)) bien manger est le vrai moyen de ne point s’en-« nuyer ». Qu’on décide ce qui l'emporte ici,nbsp;l’indécence , I’impiete , la luxure ou la gourman-dise. Jtt oratio (jus fiat in peccatum. Ps. 108 , ƒ. 7.nbsp;JVon potest arbor mala bonosJ'ruclus Jcicere. Matth.nbsp;7. Progenies viperarum qiiomodb potastis bonalo-qiii cüm sitis mali ? Ex abundantid enirn cordis osnbsp;loquitur. Matth. in , Jq.

(^uoique Misson soit Calviniste , et par conséquent aussi éloigné de Luther que du Pape , il fait

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eomme lous les liérétiques, comme tous les incrc-dules , dequelque secle, de quelque système qu’ils soient. Ils se réunissent toujours centre la vraienbsp;Eglise, et se défendent mutuellement, se comblentnbsp;d’éloges etc. Beatificant et beaVficantur. « Dans lesnbsp;» divisions, dit Bourdaloiie , ils suivent toujoursnbsp;n Ie parti de l’erreur ».

» S’il (Misson) n est pas mieux instruit des prin-j) cipes de sa secte qu’il Test des usages de la Re-n ligion Catholique, contre laquelle il ne cesse de )) déclamer a tort et a travers ; il est k plaindre denbsp;» professer une religion qu’il ne sait pas. II n’ennbsp;n imposera k personne de bon sens , et ne feranbsp;» paroitre que de l’ignorance ou de la mauvaisenbsp;)) volonié dans ce qu’il avance contre la nótre ».nbsp;Labat, Buoyage d’Italië, tom. VII, pag. 182.

Enfin void Ie jiigement que porte de ce voyage de Misson , Ie Nouveau Diet, hist., compose parnbsp;une société de philosophes : « Get ouvi’age, ainsinbsp;» que tons les ouvrages de Misson , est fort mau-» vais , et rempli de contes pitcyables sur lanbsp;n croyance de I’Eglise Romaine : il a plus fait denbsp;)) tort a son auteur qu’k la Religion Catholique,nbsp;)) Misson étoit né avec beaucoup d’esprit et denbsp;n raison ; mais le fanatisme changea ces qualilésnbsp;» en enthousiasme et en délire ».

C’en est assez. Ayant fait le voyage de l’Italie , je devois ces remarques sur celui de Misson :nbsp;c’étoit alors le Voyage d’Italië le plus connu j onnbsp;n’avoit pas encore celui de Lalande , de l’Abbénbsp;Richard, de Coyer, de Gruys etc. Celui de Labatnbsp;étoit devenu rare. Je devois, dis-je, ces remarques , non-seulement comme voyageur et ami

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de la vérifé , niais comme Caiholiifue et comme Chretien. Au reste je n'ai dit que la inillieme pavtienbsp;de ce qu’il y auroit a redire a eet onvrage absurde,nbsp;dont Ie style coulant et safyrique, les citationsnbsp;poétiques a perte de vue , ont gagné bien desnbsp;lecteurs inconsidérés.

Le ig Seplembre , je suis avant midi k Aneóne la citadelle est sur la montagne, ainsi qu’une partienbsp;de la ville. Celle ville est grande : elle a un longnbsp;aqueduc et un port bati par Trajan , augmenté etnbsp;réparé par Clément XII. Sur le Molo se voit unnbsp;are de triomphe de I’Empereur Trajan. Ce quenbsp;Misson dit des Moines qui demanderent ce monument , est une fable : eet are est simple et asseznbsp;petit. Je n’y ai pu lire que le mot Germanico.nbsp;Misson dit que I’inscriplion en est encore très-par-laite. Je m’en prends done a ma vuebasse et foible,nbsp;et je transcris ici cette inscription de l’ouvrage denbsp;Misson , lom. I, pag. 3o4.

Imp. Cass, divi Nervee.

F. Nervw. Trajano optimet (jrennanico Daciconbsp;Pont. Max. Tr. pol. xriis,

Imp. XI. Cos. VII.

Pp. propïdentissimo Pi incipi S. P. Q. R.

Quód adcessum Italiw Hoe etiam addilonbsp;Ex pecunia sud porlu jnbsp;Tutiorem napi^antibus reddiderii.

A gauche : c Mareinbsp;Sorori Aug.

A droite ;

Diva: Marcianco Aus.

O

PlotincE Aug.

Conjugi Aug.

On

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On voit h. Ancóne des Turcs, des Grecs , des Jiiifs etc. Sur la place de St.-Dominique , la statuenbsp;de Clément XII , dont le piëdestal porte s

dementi XII Pont. Max.

Oh extnuctas ad pestem Avertendam

In medio inari amplinsimas cedes j Productum tutioremqne factumnbsp;I'rajani portuin etc.

S. P. Q. A.

Slatuam p. p.

Vers le soir je vais examiner mon vaisseau , qul n’est qu’une tartane : il partira demain au soir, etnbsp;je perds ici mon terns.

Le 20. Je renvoie k Lorelte, avec un grand creve-coeur, mon brave Hansel, que ma pauvreténbsp;m’avoit obligé de vendre en cette ville, k condition qu'il me porteroit encore a Ancóne : j’ai re-gretté cette perte plus que je ne saurois dire , etnbsp;des ce moment mon voyage a été mallieureüx etnbsp;retardé par-tout par mille inconvéniens.

Hansel étoit un cheval vraiment rare , qui mérite des louanges égales k celles de Bucéphale ; que ne pnis-je le faire sculpter par un Phidias ounbsp;par un Praxitele , et le placer entre les deux Bu^nbsp;céphales de Monte-Cavallo l Je n’ai pas honte denbsp;parler de ce quadrupede : Ia philosophic ne dé-daigne aucun être ; la fran^oise même n'aime lesnbsp;hommes qu’en qualité d’etre (1). Le voyage de

1

Ah ! je vous aime , mals c’est en qualité d’être , dit une mere a sa Idle. Conv. des Nouv. Philos. — Lanbsp;philosophic chrétieune uourrit la seasibilité pour 1«»nbsp;Tom. J.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Ff

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( 45o )

Rome et de Lorelle avoil jelté les plus grands désirs dans riion coeur; Hansel é'oit Ie clieval des-liné k me faire faire ce voyage si chéri et tantnbsp;souliaité : il m’étoit devenu si fidele, si attachénbsp;par les bons traitemens que je lui faisois, et par lanbsp;continuité de ma société qu'il avoit souvent nuitnbsp;et jour , qu’il ne soutfroit que moi, qu’k ma voixnbsp;et k ma vue il hennissoit et donnoit les plusgrandesnbsp;marques de joiej il me siiivoit dans les chambresnbsp;sans que je pusse fempêcher. A Rignano, très-fatigué et pressé du besoin de manger, il quittanbsp;1’avoine et lange, oü j’avois oublié de l’attacher,nbsp;vint me trouver dans la chambre ou je soupois,nbsp;et jelta l’épouvanfe dans toute la niaison ; il couroitnbsp;aprës moi, comme un cbien , par les plus grandes'nbsp;villes j malheur a qui auroit voulu Ie toucher ; ilnbsp;faillit d’emporler Ie visage a un Pandoure a Peter-JVaradin ; quatre k cinq personnes ne purent Ienbsp;ferrer k Bologtte ^ il rompit bride et cordes ; eanbsp;ma presence et a ma voix, c’étoit un agneau quinbsp;laissoiltout faire. C’cst avec raison que Richelet,nbsp;dans son D/dlunnaire ^ donne cette courte et honorable définilion du cheval : Animal qui a de la.

],yèteamp;.Novil justus jumentoriini suorum animas; viscera autern impiorum cnulelia. Prov. 12. L’liomme chrétiennbsp;conserve même pour les animaiix un genre de sensibiliténbsp;approuvée dans les saintcs Lettres, et fondée sur 1’ide'enbsp;d’un Mailre souverain, qui communique 1’existence et Ienbsp;sentiment a tont cc qui respire. L’impie, qui n’appcrjoitnbsp;autre cliose dans f homme et dans la brute, qu’uii capricenbsp;de lainatiere , cn fait, par unc consequence très-juste, Ienbsp;jouct de scs pas.sious ft de sa malfaisante humeur.

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(4'Ji )

docüité, da la ménio'ire , da cccur^ de Vamour, de la reconnoissance.

HanselSiYoW la marche si belle, si noble, si clif-. férente de celle des chevaux italiens , qu’il atüroitnbsp;tousles regards. J’entendois par-tout : IIhello ca-Vallo ! forte cavallo , polcherrimo cavallo, Quandnbsp;j’etois enfré dans une ville , on ne parloit que denbsp;Hansel, on accouroit pour le voir, pour I’achelei^nbsp;s’il étolt possible. Le Recteur de Trieste me ditnbsp;plusieurs fois que j’en aurois 5o ducats , si jenbsp;voulois le laisser dans cette ville. Mais Lorette est*nbsp;I’endroit de la terre le plus ennemi des chevau.x ,nbsp;sur-tout cette année, que le foin s’y vend au poidsnbsp;del’or. Que ne fait pas la pauvrete, I’indigence!nbsp;Duris urgens in rebus egestas. Magnum pavperiesnbsp;opprobrium juhet quidlibet et facere et pad. Cinqnbsp;ducats furent le prix de I’incomparable Hansel;nbsp;animus meminisse horret, luctuque refugif. J’ainbsp;grandement manqué centre ce sage avis de 1’Ec-clésiastique : Pecora tibi sunt, attehde Hits; et sinbsp;sint utilia , persererent apud to.

II avoit été mon fidele compagnon dans cette longue route ; il avoit partagé également mesnbsp;bonnes et mes mauvaises aventures, loujours content , toujours prêt a marcher , a galoper , h dis-puter le prix a tous les chevaux de la terre; ilnbsp;in’avoit épargné deux cents ducats ; enfin, jcnbsp;1’abandonne après l’avoir expatrié h 600 lieucs denbsp;la Moldavië , dans un pays oü il sera condamné anbsp;la paille , aux mauvais traitemens , a la miserenbsp;pour le reste de ses jours 5 et de plus, le poidsnbsp;enorme du Pénitencier qui je l’ai vendu , doit

Ff a

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( 45a )

accabler Ie pauvre animal. Je l'avois acheté apvès la mort de son premier maitre, tué a Rodnau; ilnbsp;quitte sa patrie , pour périr dans une terre étran-gere après Ie départ de son second maitre. C’estnbsp;justement hoe pereunie Jïigis, hoe fugiente pens,nbsp;J’ai écrit une longue lettre en sa faveur a son troi-sieme maitre : il jn’a répondu que Hansel seroitnbsp;tout autrement traité que les chevaux de ce pays-Ik, qu’il auroit fous les jours de l’avoine etc.

Hansel me porta encore jusqu’a Aneóne, jam non mens ; de Ik je Ie renvoyai, sans vouloir lenbsp;voir partir.

.....Htc omnis curwque vieeque levamen

Ilanselium einitto. Sic me peen» optima fessum

Deseris , ó mecum tantis erepta periclis !

Non Ybarra mens, ciiin multa hoirenda moneret

Nos mihi preedixit luctus.

jEneid. 3.

Je devois cette digression k mon Hansel : la gratitude exige et Tequité même, qu’il soit parlénbsp;de lui dans la relation d’un voyage dont il a éténbsp;rinstrument, et quel instrument!

His saltern, accuinulem doms et fungar inani

Munere.

ViRO. VI JEneid. in fine.

L’aimable Providence dispose tout k 1’avantage de ses élus : si eet animal m’avoit ramené en Tran-sylvanie et ensuite dans ma patrie , j’aurois eunbsp;pour lui un attachement incompatible a vee manbsp;philosophie et mon état. Diligcnübus Deum omnianbsp;cooperantur in bonum. Déjk j’ai eu bien de la peinenbsp;k me défaire de Hansel IF, qui n’avcit pas pour

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nioi les seatimeiis de Hansel1: 11 m’alraoit, mals il almoit tout Ie monde. Je me suis consolé dunbsp;malheur de devoir m’en défaire par ces mots d’Ho-race : Post equilem sedet atra cura. La conservation de ce bon animal n’auroit pas laissé de menbsp;causer des embarras et des inquiétudes.

Après avoir vu Ie magnifique Lazarcto de Clément XII, qui est un pentagóne au milieu de la mer, pour loger les hommes et les marchandisesnbsp;condamnés a faire la quarantaine , nous quiüonsnbsp;enfin Ancóne a 9 heures dusoir (j’abandonne lanbsp;maniere de compter les heures qui est d’usage ennbsp;Italië : elle change sans cesse avec Ie coucher dunbsp;soleil, comme je 1'ai dit plus haut). Prowhirnurnbsp;portu , terrceque iirbesque recedunt,

A peine eümes-nous quitté Ie rivage , qu’uii scorpion se fit voir dans Ie navire , et se cachanbsp;aussi-tót: nous ne pumes Ie trouver, et les Italiensnbsp;en furent aussi inquiets que moi; ce qui me per-suada que eest une fausseté de dire que les scorpions ne sont pas renimeux en Italië (*), conténbsp;que j’ai souvent enlendu.

(*) C’est 1’opitiion de Lalaiide. Ceux qui sont dans cetle persuasion, confondeut sans doiite les scorpions d’Italienbsp;avec ceux des Antilles, qui ne sont pas dangcreux. Le pag. /jgö.nbsp;P. Labat en rapporte 1’exemple suivant, dont il a été lenbsp;témoin oculaire : « Le mercredi, 2 Juin 16945 les char-)) pentiers démolirent la vieille église, pour eu employernbsp;)gt; los matériaux a ragrandissement d’une m dsou , quenbsp;» l’ouavoit projetté. ün d’eux fut piqué par un scorpion;

» ccia me fit peur , paree que je croyois qu’ils étoieu t aussi n dangereux aux Isles, qu’ils le sout en Europe; niais on

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Le port il'y^ncó«e est joliment illumine tout Ie long du molo, il brille long-tems n nos j^eux : jenbsp;dors sur le tillac; le cable me sert de matelas ,nbsp;une voile est ma couverture ; ma provision pournbsp;tout le voyage est du pain et quelques figues. Jenbsp;.suis plus charmé de vivre en quclque sorte coramenbsp;mon cher Xavier, ou bien comme le grand Paul,nbsp;que si j etois traité et couché a la royale. Le froidnbsp;me gele, le vent nous arrête, ma compagnie estnbsp;des plus odieuses. N’importe; il faut prendre courage. Mails ingentlbus obstare, dit Séneque, neenbsp;sa ver'lere ac retro dare. Et Virgile : Tu ne cedenbsp;malls, sed contra, audentior Ito.

Le 21, nous prenons terre a Slnlgaglia, petite ville , avec un bon canal, qui lui tient lieu denbsp;port; cette ville est célebre par ses foires. En 1774

a m’assura le contraire, et j’en vis 1’expérience; car le bras rt du charpentier , qui avoit été piqué, n’eufla pas autautnbsp;1) que s’il avoit été piqué d’ime guêpe. On se contenta d’ynbsp;» mettre uiie coinpresse avec de 1’eau-de-vie: cela 11e 1’em-» pccha pas du tout de travailler; il iti’assura que Ianbsp;» doulcur quul sentoit, étoit fort médiocre , ctlesoir, ilnbsp;5) me lit voir son bi’as tout désenflé et sans douleur a.nbsp;V'oyage aux Isles frangoisea de l’Aniérique , tom. I,nbsp;pag. 4l3,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.

Erreur semblable sur les araignées, Journ. hist, et litt., I Déc. 1777, pag. 49®' II cerlaiu que celles de 1’Araé-ri(|ue donnent une mort prompte et cruelle. Voyagenbsp;d Italië et d’Espagne , du P. Labat, tom. V, pag. 333,nbsp;oil il fait une description piltoresque de eet aiï’reux animal.nbsp;— J’cn ai vu une en 177®, longue de trois pouces, et largenbsp;d’un pouce et demi.

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on y envoya les bijoux des Eglises des Jësuites de Rome (*) pour y être vendus.

Après midi nous nous rembarqiions : nous lon-geons Fano, nous passons la nuit dans le canal de Pésaro.

Le 32, nous enlrons dans la ville, ou le maitre du navire vonloit achever sa cargaison. Pésaronbsp;est 1’ancien Pisaurus. Cette ville est un peu for-tifiee et assez belle : on voit sur la grande placenbsp;la statue d’Urbaln VIII; la Cathedrale n’a rien denbsp;remarquable, C’est le seul endroit ou j’aie mangénbsp;des langousles, espece d’ecrevisse de mer sansnbsp;pinces, assez commune dans la Méditerranée.

Je trouve au café l'Abbé Pio, directeur de rim-primerie Amatineappartcnante au Marquis il/osca. II parie francois et me fait grande amitié : il menbsp;conduit a la galerie du Marquis, qui est fort esti-mée ; j'y vois des tableaux de Raphael, de Pierrenbsp;de Cortone, du Poussin , de Simon Conlarini etc.nbsp;Dans l’imprimerie on me fait voir la belle refutation de Febronius, par le P. Zacharie, deux tomesnbsp;en italien, et un ouvrage curieux de d Alembert:nbsp;c’est XHistairo des Moines mendians , avec unenbsp;estampe préliminaire fort puerile et peu conformenbsp;a la gravité philosophique. La justice y tient unenbsp;balance, qui porie d’uncóté des Dominlcains, desnbsp;Récollets etc. ; de l’auti-e ces mots : Justitia ctnbsp;verkas. Le poids de ces mots prévaut, les Religieu.xnbsp;sont élevés. Les rois et les grands de la terre ennbsp;sont dans l’elonnement. Astree dit: Positus es in

{*) Quarante ans aprcs, Pie VII les rcinct eu possession de leurs maisons a Rome (Note de l’Èditeur).

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Jnnrn. hni. ft slaterd, et üweiitus es minus habens. II semble que

, I.) Avril rrénie créateur, cel esprit immortel, cel homme J7;o, pag. 5.|g,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;«nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;\nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i ¦ j

unique, cette lumiere de la Franco, cette gloire de

notre siecle, aurcit pu mieux employer ses grands

talens,

Voici un mot de Linguet sur celte diatribe; T) En décriant S. Francois el S. Ignace, vous aveznbsp;n voulu, comme eux , jouir de la gloire dëtrenbsp;» fbndateur d’un ordre noiu’caii , d’un ordre ex-)) clusil', d’iin ordre impérieux et implacable,nbsp;n Joignant’rinconséqnence au despotisme, cëstnbsp;» au nom de la libcrté que vous vous êtes faitnbsp;» tyran ; cëst en revendiqimnt les privileges denbsp;)) la raison, que vous avez prefer u en interdirenbsp;» l’usage a quiconqiie ne vous auioit pas prêlé Ienbsp;» serment de fidélité ». Cëst aux sages , auxnbsp;hommes vraiment insiruits de 1’étal actuel desnbsp;moeurs , de la probité , de la religion , è. décidernbsp;si cëst aux moines qu’on doit Ie zelede d’Alembert.

Je vais cliez Ie commandant de la citadelle, Ie Marquis Paulucci : il a dans sa bibliotheque unenbsp;bonne collection , el la meilleure que )’aie vue,nbsp;de tons les auteurs qui ont écrit sur Tart militaire,nbsp;et beaucoup d’ouvrages dangereux et impies.nbsp;Nous finissons par faire Ie tour de la ville.

Le sJ. Le pilote ne veut pas me recevoir au navire, paree qu'il savoit que j'avois cherché unnbsp;autre vaisseau qui partit plutöt. Le brave Mr. Bambini , Consul de Venise, me fit l’amilié d’aller avecnbsp;moi jusqu’au canal, qui est assez éloigné, pour répri-manderce grossier pilote,et 1'obliger a me prendre.

La ville est remplie de Jésuiles Espagnols, que

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(45- )

les Francois viennent de chasser de l'isle de Corse:


Beau passage


ils soiit fort mal liabillés , et font pitié. Ceux qui pjXsoiI'lSf^ur


ont passé par Ie Duché de Parme, ont touché Ie ces pauvres exl-coeur du Prince, qui leur a fait donner a chacun


quatre ducats.


I;83, pag. 495.


Je vois au café de Venise, une belle machine , c'est une horloge qui occupe tout Ie fond de lanbsp;chambre. Un lion ailé frappe 1’heure , ses yeuxnbsp;servent de balancier; deux Turcs combattent etnbsp;frappent leurs boucliers; Moïse au milieu fra[)penbsp;Ie rocher , une fontaine jaillit. De 1’autre cóté lesnbsp;trois Mages passent devant la Sainte Vierge etnbsp;l’enfanl Jesus, qu’ils adorent; l’étoile les précede.

Une petite pluie épouvanle noire sot pilote : nous restons cette nuit-lk a Pósaro; a peine puisje regagner la ville pour y loger. Ah! que n’ai-jenbsp;encore mon Hansel! Quanti valeat, melh'ts ca-7'endo, quamfruendo üitelligimus, dit Cicéron.

Le24. Nouspartons enfina dix heuresdumatin. Je lave mon linge sur Ie bord du vaisseau , commenbsp;mon cher Xavier. Le vent devient terrible et menace de renverser le vaisseau : les flols me cou-vrent le visage j on rehausse le bord; la mernbsp;blanchit, et 1’écume forme un iris presque conli-nuel. Le froid et la miit m’obligent de descendrc,nbsp;ce que j’avois difiéré de faire , paree que l’airnbsp;me rendoit moins sensible au mal de mer. Kousnbsp;sommes couches les uns sur les aiilres , tout lenbsp;monde rend le tribut a la mer, même ceux quinbsp;déja l'avoient plusieurs fois payé : on se croit prés


den


mourir: mais il n’y a rien a craindre. La


quantilé de fruits que j’avois mangés durant ce


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{ 45Ö )

voyage m’auroit probablement causé une grande maladie , si la mer ne m’avoit neltoyé I’estoraac ,nbsp;comme elle senettoie elle-meme. Vers onze heuresnbsp;de nuit, le vent change; nous I’avons en poupe,nbsp;nous avan^ons comme 1’éclair , et nous espéronsnbsp;d’être a Venise a neuf heures du matin,

A deux heures de nuit, le vent nous devient absolument contraire j il devient nord-est. C’estnbsp;le vent Tiphonius, qu’on appelle Euro-Aquilo ,nbsp;qui troubla la navigation de S. Paul (Act. xxvij.nbsp;i4-). Celui qui le fit entrer dans I’Adriatiquenbsp;(jf. 27), doit avoir été un vent oppose; maisnbsp;peut-être le mot Adrlatlque avoit-il alors plusnbsp;d’extension qu’aujourd’hui (1).

Nous taclions en vain de gagner le port de Goro. Nous jetons une ancre : vers huit heuresnbsp;du matin, le 26 , on éteint le feu , et nous sommesnbsp;avertis de I’approche d’une tcmpête ; les mariniersnbsp;nous enferment tous, et commencent h manoeu-vrer. Latempête la plus horrible arrive, exciléenbsp;par la Tramontana, ou vent septentrional : le matnbsp;ne peut résister et devient le jouet du vent, qui lenbsp;fait pirouetter comme une baguette ; les matelotsnbsp;se troublent, et ne savent plus ou donner de lanbsp;tête : le danger est des plus pressans; le ventnbsp;redouble , les flots croissent jusqu’aux nues.

Tollimur in ccelinn curvato gargite, et iidem Subductd ad manes imos descendimus undo,.

1

Voyez fart. Méléda dans le Diet, gèogr., edition dc Liege, 1788 ou 1798 a 1794.

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( 459 )

Ter scopuli clamorem inter cava saxa dedêre ;

Ter spumam elisam et rorantia vidimus astra.

3. ^iicid.

Mes Italiens, hommes, femmes, pleurent, hur-lent et font mille histoires, qui m'auroient fait rire en toute autre circonstance. Enfin , on est avertinbsp;du dernier moment, et nous voyons la mort facenbsp;a face. Le plus ancien prêtre recite a haute voixnbsp;les Actes de Foi, de Charité, d’Espérance, denbsp;‘Contrition; des voix confuses et gémissantes 1’ac-compagnent; il donne l’absolution générale , etnbsp;dans ce moment nous croyons le vaisseau abimé;nbsp;on invoque pour la derniere fois le nom de Jesus.nbsp;Dans eet instant nous revenons sur l’eau ; nos matelots découvrent le Pó , et reprennent espérance,nbsp;(^u'Horace avoit raison, lorsqu’il disoit :

Illi robur et ces triplex Circa pectus erat qui fragilem trucinbsp;Commisit pelago ratem.

Primus................

Quem mortis timuit gradum Qui siccis oculis monstra natanlia ;

Qui vidit mare turgidum , et Infames scopulos .^croceraunia.

Od. 3, L. r.

On dit qiie c'est dans ces terribles momeiis qu’on apprend a prier. Si nescis orare, vade adnbsp;mare. Mais je trouve tout le contraire ; le troublenbsp;de fame et la vue d'une mort horrible coraprimentnbsp;toufes nos facultés. Ceux qui ont la consciencenbsp;bonne, et qui ont toujours prié avécgoüt, ont denbsp;la peine a le bien faire. Qne dire de ceux qui n’ontnbsp;lien de cela ? Si la pénitence faite a la vue d'une

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( 46o )

mort lente et paisible, dolt être suspecte , que penser de celle-ci? Au reste , un fel moment estnbsp;très-propre k faire senlir la vanité de tout ce quinbsp;nous attache ici-bas, et la grandeur du Maitrenbsp;auquel nos ames doivent être remises. O quam innbsp;hoe angustice puncto omnia mundi gaiidia desipie-bant! Quam uno iciu oculi omnis honor, dignitas,nbsp;imperium , sapientia, nil aliud nisi fiimus, bulla,nbsp;stipula a vento rapta, esse videbanturl Dum innbsp;porta cetemitatis stans animam corporeis solutamnbsp;vinculis ad incorruptibilis uitce usuram transmittersnbsp;pararem. Kircher, Mund, subterr., Praef.

Nous eiilrons dans Ie Pó ,

. JWagno lelluris ctinore


jEueid, 1. 3.


Ovid., Eleg. a,


1.


Idem, Eleg. 11

I. I.


Egressi optatd poliuntur Troes arend ,

Et sale tahentes arlus in lilture poriunt.

Arrivé k terre, je me mets a genoux, pour remer-cier Dieu de m’avoir arraché a ce genre de mort. Ergo insperatd tandem tellure potiti ,

Lustramurque juni j votisque incendimus aras.

Je me suis souvent trouvé en danger, sans que l’idée de la mort me frappat beaucoup; mais mou-rir dans les ondes me sembla la plus cruelle et lanbsp;plus horrible des morts, telle quelle est en effet.nbsp;Non mortem timeo. Genus est miserabile lethi.

Demitte naufragium , mors mihi munws erit.... Est aliquid fatone suo , ferrove cadentdmnbsp;In solitd mariens ponere corpus humo ^

Et mandare suis aliqua, et sperare sepulchrum ,

Et non cequoreis piseihus esse cihuni.

J’ai Ie bonheur de dire la Messe : Ie pilote attend que la mer s’appaise ; mais j’étois bien résolii de ne plus lui confier mon e.sistence.


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( 4Si )

Qui semel ArgoUca de classe Caphariafugit,

Semper ah Euboïcis vela l etorqiiet aqids.

Et mea cymha semel vastd percussa procelld , lllum, quo liesa est, horvet adire locum.

Je me charge done de mon paquet, et vais a pied.

Scepèpedes duris errando in cotihus ullrö

Aurivêre , gravique animam sub fasce dedêre ,

Tantus amor Romen et lustrandi gloria mundi!

Avec moi marclioient trois mauvais gamemens, c]iii me fromperent, me volerent, me pillerent denbsp;leur mieux. Onvoit dans ces cantons les plus beauxnbsp;canaux formés des eaux de la mer et du Pó. Lenbsp;pays et les edifices y sont charmans. Enfin aprèsnbsp;une 1'aim de deux jours et mille raiseres , j’arrivenbsp;très-joyeux et en très-bonne santé , vers dixnbsp;heures du soir , k Chiozza, charmé d’avoir vu lanbsp;mer , d’y avoir soutenu une lempète, et d’y avoirnbsp;vu comme dans un tableau la puissance et Ia grandeur du Créateur, mais aussi très-charmé de n’ynbsp;plus êlre.

Cetle joie et ce graiïd confenfement au milieu de mes embarras et de mes infortunes, éloient ennbsp;grande partie Teflet du mal de mer , qui m’avoitnbsp;déchargé de toute bile et avoit épuré mon sang parnbsp;une évacuation salufaire. C’est corpus quadcor-.Tumpitur, qui repousse les plaisirs de l’ame, etnbsp;l’empêche de se complaire dans le sein même desnbsp;adversités, comme le sobre et laborieux Paul :nbsp;Placeo mihi in injirmitatihus,

Chiozza est ün des ports de Venise , quoiqu’il en soit éloigné d’environ 30 a 25 milles : la ville

Idem.

Georg., 1. 4.

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( 4^2 )

n'a qu’une rue considerable , inais belle et large. On y passe sur un pont assez grand et beau , d'unenbsp;seule arcade 5 de cet endioit, on voit le soni-met (1) de la tour de S. Marc , plusieurs isles ,nbsp;forts , vaisseaux etc.

Me promenant le long du rivage , je lis une or-donnance fort édifiante , peinte en grands carac-teres sur la inuraille , centre quiconque oseroit nager a la vue du people, mênie avec des calegonsnbsp;ou hors de la vue du people sans caleqons. C’estnbsp;le Podesla , ou Gouverneur Sébastien Venier, quinbsp;donne cet ordre. II dit que c’est perdre I’innocencenbsp;de la jeunesse, que de ne pas empecher ces abus.nbsp;Son ordonnance feroit bien a Trieste , a Fiume ,nbsp;a Tirnaw , a Liege etc., ou j’ai vu des choses fortnbsp;scandaleuses.

Le 26 Septembre , j’entre dans la Piotte, qui étoit remplie de monde. On y tenoit les discoursnbsp;les plus fades et les plus sots, Jusqu’ici on s’étoitnbsp;contenté de me prendre pour un Polonois •, ici je

3 Maeid.

1

Eff'et de la roiideur de la terre. Par la même raison on voit le continent dcs qu’il paroit, comme s’il e'toit plusnbsp;bas que la mer. Turn prociil ohscuros colies humilem-que vi:!emtts llaliam. Ce que j’ai dit autrefois sur unenbsp;pretendue rcfiaclioii arrivee dans I’atmospherc marine,nbsp;in’a été contesté par des pljysiciens. II me paroissoit quenbsp;ratmosplicrc marine, plus chargee et plus epaisse , devoitnbsp;lefracter le rayon, et 1’abaisscr vers 1’oeil du spcctatcur;nbsp;de sorte que I’objet paroit avant qu’il soit récllcmentnbsp;sur I’horizon, comme le soled avant le lever et après lenbsp;couclier; et je crois encore que la chose est aiiisi; maisnbsp;cela ne déroge en rien aux effets optiques de la convexitenbsp;du globe. Journ. hist, et litt., i5 Mai i^Bdjpag.

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suis enfin declare Moscovite en belle et due forme. Je me tais li mon ordinaire , et laisse tont dire.nbsp;Nous longeons Palestrine, isle a demi habitée,nbsp;qui a 6 roilles de long : c’est une inisérable de-meure qui, presque tout 1’Iiiver, est sous les eaux.

II y a plusieurs ports ci Venise : ChiozzcLf Porto-Secco , Porto-Malamoco , Lido , Rondola , L{do~ Maggiore etc. Nons passons Porto-Secco , Mala-moco, plusieurs forts batis d’espace en espace j Ienbsp;port de la quarantaine, des vaisseaux Anglois,nbsp;Hollandois etc. , les Récollets diSan Spirito, dontnbsp;Ie Couvent remplit une isle ; les Camaldules , quinbsp;en occupentune autre; une autre isle encore, oü estnbsp;la magnifique Eglise des Capucins Ie Redemptore,

II est bon de remarquer que dans plusieurs en-droits , ces PP. ont des églises qui ne sont pas ac-ceplées par leur Général, et dont ils ne passent que pour les cbapelains ou desservans. Tous lesnbsp;ans , Ie Doge a la tête du Sénat se rend ^ celle-ci:nbsp;Ie Gardieu paroit , et profeste solemn_ellementnbsp;contre la magnificence d’une église contraire hnbsp;leur institut. Le Doge répond que la Républiquenbsp;n’est pas encore en état d’en batir une autre ; quenbsp;les PP. doivent garder celle-ci, jusqu’k ce qu’unenbsp;autre soit batiej ensuite il donne un sequin aunbsp;Gardien pour la construction d’une autre église.

Les Gapucins sont les seuls Religieux qui aient iiuité 1’exemple des Jésuites ^ lors du différend denbsp;la République avec Paul V. Ce que nous venonsnbsp;de dire du Doge et du Sénat, monfre assez que lesnbsp;Vénitiens ne sont pas si rancuniers qu’on le dit.

Je débarque sur la place St.-Marc, chargé de

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(464)

nion paquet, et apiès avoir long-tems erré avec inon conducteur, je suis enfin logé chez de bravesnbsp;gens , Allemands , proclie de S. Chrysostome, a lanbsp;Locanda Tedesca. Les Jésuiles avoienlre^u défensenbsp;du Sénat de recevoir aucun Jésuite Francois , Es-pagnol eic., ne füt-ce même qu’en passant.

Venise est au milieu d'un grand bassin appellé Laguna; située entre plusieurs isles de différentenbsp;grandeur , elle est elle-même placée sur des islesnbsp;a fleur d'eau , reliaussécs par des pilotis. Misson ,nbsp;non sans quelque sujet, dispute Ie nom d’isle anbsp;quelques quarliers de la ville : ce ne sont en effetnbsp;souvent que des pilotis enfoncés au fond de la Lagune. Venise a , dit-on , -joo ponts , aoo de pierrenbsp;et 5oo de bois; j’ai vu peu de ponts de bois , cenbsp;qui me fait douter de ce calcul. II est difficile d’a-voir une idéé de la situation de cette ville; j’avouenbsp;que je m'en étois i'ormé une toute différente de Ianbsp;réalité (*).

(*) Beau tableau de Veuise par 1’Abbé Raynal, Journ. lüsl. et litt., lo Sept. 1774;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;3?-ï- On ne peut pas

inieux reiidre Ia singularité de sa situation : mais elle ces-seroit d’etre inexpugnable, si 1’aveutnve de 1’an 860 se renouvclloit souvent.^ayez Isolario dell’ atlanie Venetonbsp;del P. Coronelli.

Viderat Hadriacls Venetam Keptunus in undis Stare urbem , et toto ponere jura mari,

Uunc mihi 2'arpeias quantum vis , Juppiter, arce»

Ohjice, et illa tui mosnia Marlis, ait.

Si pelago Tibrim prmfers, urbem aspice utramque )

Illam homines dices, hancposuisse Veos.

Sannazah. '

Voyez sur Ie commencement de cette ville , Partiele Kstisope, dans Ie Diet, historique.

On

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( 4tgt;5 )

Ou pourroit croire que ces isles sur lesquelte.s Venise est assise, sont les montagnes et les en-clroits élevés d'un pays submergé; mais ce seroitnbsp;une erreur de croire la raême chose de ioutes lesnbsp;isles.

Car, i». il y a des isles dont les montagnes cgalent ou surpassent les plus haufes montagnesnbsp;du continent, comme Ie Plc. Que seroit-ce si l’islenbsp;même de TénérifFe avoit été une grande monta-gne? Nous ne voyons point de si horribles mou-tagnes sur les Alpes, sur Ie Krapach etc. 2°. D’ail-leurs la grande profondeur de la mer , h cóté denbsp;la plupart des isles, s’oppose a ce systême. 3°. Lenbsp;terroir et la nature des isles sont souvent trés-dilFérens de la nature et du terroir du continentnbsp;voisin. Presque toutes celles de l’Archipel d’Asienbsp;et d’Europe sont dilFérentes les unes des autresinbsp;4°. On a vu iiaitre de nouvelles isles au milieunbsp;de la mer. Les isles sont une des beautés dilnbsp;monde ; elles sont l’ame du commerce.

Saint Mare est une ancienne église , dont 1’in-térieur est travaillé en mosaique : elle n’est pas très-grande , quoiqu’elle ait quatre coupoles; ellénbsp;est couverle de plomb : 1’architecture n’y est riennbsp;moins que belle ¦, le pavé Fort inégal. On dit quenbsp;la mer qui est par-dessous, a cause cette inéga-lité ; mais j’ai peine h concevoir cela, la mernbsp;auroit-elle pu déranger ainsi les grosses voüles quinbsp;soutiennent ce pavé? II est vrai que la voute n’anbsp;de force que eontre les impulsions qui viennentnbsp;d’en-haut, et par sa constitution elle ne peut ré-sister h celles qui viennent d'en-bas. Lorsque les

Tom. J. nbsp;nbsp;nbsp;G g

II

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( 4^gt;G )

caiiA reinpHsseiil les caves , il faut anêter les Ion-neaux, pour que par leur agiiation ils ne brisent pas la voute.

Au-dessus du portail sont quaire cbevaux de cuivre apportés de Constantinople, lorsque cetlenbsp;ville étoit soumise aux Vénitiens : ils sont sansnbsp;frein et sans conducteur ; symboles de la li-berté. Au fond du chceur on me montra deuxnbsp;piliers d'agate et deux de raarbre d’Egypte, quenbsp;l’on dit avoir été dans Ie temple de Salomon, Lanbsp;chaire de prédication est, dit-on , la chaire pré-toriale de Pilate. II est permis de Ie croire a qui-conque en aura la volonté : cette relique peutnbsp;figurer vis-a-vis de Tarche de Noé , des cornes denbsp;Moïse, des rayons de 1’étoile des Mages , du sonnbsp;des cloches de Jerusalem, de la pierre rejetée parnbsp;ceux qui- batissoient la Ste. Maison etc, 5 nous ennbsp;avons dit un mot ci devant. On pourroit la mettrenbsp;encore avec les os de 1’ane qui porta Ie Sauveur knbsp;Jérusalem : on les conserve a Vérone dans l’églisenbsp;de Notre-Dame des Orgues, et on les porte en procession dans un ane artificiel. — A Beauvais onnbsp;rendoit Iiien d’autres honneurs a un ane vivant.nbsp;Voyez Du Cange, Glos.festumasinorum. — Voltaire exagere ces folies , et ne les rapporto, a sonnbsp;ordinaire , que pour insulter k 1’Eglise. Un jeunenbsp;officier plein de religion , d'un jugement et d’unenbsp;érudition bien rares, me dit k l’oecasion de lanbsp;procession de Beauvais ; Ah ! raon Pere , on peutnbsp;aller bien loin dans la bonne foi, sans toucher aunbsp;fanatisme et k la superstition.

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On conserve ^ S. Marc, dans un autel k drcile; line grande partie de la Croix du Sauveur. Lenbsp;dorps de S. Marc n’est point k Venise, quoiquenbsp;quelques Vénitiens s’en glorifient, et qu’on m’aitnbsp;monlré la place ou il doit être. Le Bréviaire ditnbsp;simplement qu’il est enterré k Alexandrie : on pré-tend qu’il a été apporté d’Alexandrie k Venise annbsp;9®. siecle. — On prétend encore avoir k S, Marcnbsp;le roc que Moise frappa dans le desert ; sur ce rocnbsp;que Ton montre , on lit ces mots : Aqua quae priusnbsp;fluxit ex pelrd, oratiane Prophetce Mosi's productctnbsp;est. Nunc autem hcsc Michaelis studio labitur.nbsp;Quern serua , Christe, et conjugem Ireiiem. Cettenbsp;piece de roc a été, dit-on, apportée de Constantinople ; et I’inscriplion, quoique latine, le prouvenbsp;assez bien. Misson trouve un grand mystere dansnbsp;Nunc autem hcBc labitur. Mais il semble naturel denbsp;dire que Michel avoit conduit une fontaine parnbsp;ces mèmes ouvertures, Quoi qu’il en soit, je croisnbsp;avoir lu dans les Mémoires des missions du Levant,nbsp;par le P. Sicard , qu’un de nos Peres a vu ce ro-cher et les trous, dans la Judée. — Il est yrai quenbsp;ce prodige a été répété, et qu’il y a eu deux rochers,nbsp;savoir , Exod. xvij, f. 6, et Num. xx, ir. ti.nbsp;D’ailleurs cede ouverture pénétroit sans doute tortnbsp;avant dans l’intérieur duroc, qui apu être partagé.

Devant cette eglise antique sont trois grands mats , auxquels on attache en certains jours lesnbsp;bannieres de Chypre , de Candie, du Pélopon-nese, autrefois soumis k la répüblique de Venise.

La tour de S. Marc est contre le palais des Pro-curaleurs : la montée en est si aisée, que Maxi-

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liiilicn-Einiiiunuel, Elecieur de Baviere, y monia a cheval. C’esl une rampe, qui va tout autour denbsp;la lour , laquelle est double, alnsl que la coupolenbsp;de S. Pierre a Rome. Cest du somrtiet de cettenbsp;lour que je vis cette grande ville et les isles lesnbsp;plus voisines, rassemblées et rapelissées commenbsp;dans une miniature.

Entre Ie palais du Prince et celui des Procura-teurs, Ie long du rivage , on voit deux colonnes; Tune porie S. Theodore , l’autre Ie lion ailé denbsp;S. Mare. Saint Theodore est encore aujourd’huinbsp;Patron de la République. Misson dit bijen des sot-tises a l’occasion de la prétendue substitution denbsp;S. Mare a S. Théodore. Cetle parlie de la placenbsp;St.-Marc est appellee Ie Broglio. La place St.-Marcnbsp;est sans conlredit la plus belle qu’on puisse voir;nbsp;elle est renversée dans la figure qu’on en voit dansnbsp;Misson, paree qu’on l’a gravée telle qu’elle doitnbsp;paroitre sur Ie papier.

Prenant une gondole dans Ie grand canal, je vais voir la superbe église des Somasques, batienbsp;par Ie Sénat , en action de graces de ce quenbsp;Venise avoit été garantie de la peste ; cette églisenbsp;m’a plu infiniment ¦, on y remarque l’autel et lanbsp;statue de S. Jéróme Eniiliani, fondateur des So-masques , caiionisé Ie r6 Juillet 176'j, avec S. Joseph Caiasanlz , S. Jean Cantius, Ste. Fran^oisenbsp;de Chantal, S. Joseph de Cuperlin etc.

Toutes les gondoles sont noires il est défendu d’en avoir d’autres. Misson fait Ie portrait des gondoliers , pour avoir au bout Ie plaisir de dire qu’unnbsp;gondolier est un omnis homo ^ comme un Jésuitc.

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— Oü l’auteur des Anecdotes Vénilienncs el Tur-ques , a-t-il vu ioutes les gondoles dorées?

Je me présente deux ou trois fois a larsenal, sanspouvoiryentrer, cause quete Commandant,nbsp;qui étoit alors Ie Chevalier Julien Cornaro, ne s’ynbsp;trouvoit pas. L’entrée en est belle : trois beauxnbsp;lions de marbre blanc sont a droite, un a gauche jnbsp;un lion ailé est sur la porte, dont l'inscription est:

Navalis victorice inonumentum. M. U. LXXI. C'est la bataille de Lépante, Je vois la circonfé-rence de eet arsenal •, elle est de trois milles : lanbsp;balustrade qui en horde l’entrée^ est ornée de huitnbsp;statues symboliques.

La mercerie, ou 1’asserablage des boutiques, est une très-jolie chose, sur-tout lorsque, vers Ienbsp;soir, elle est illuminée.

La Calhédrale est neuve et fort belle ; Ie corps de S. Laurent Justinien est sur Ie grand autel. Lenbsp;palais de 1’Archevêque est assez beau.

L’église de S. Francois de la Vigne est du dessin de Palladio, au moins le frontispice , ounbsp;sont les statues de Moïse et de S. Paul. Les inscriptions , quoique bien courtes, me piment beau-coup. La statue de Moïse porte : ïJmhrarum mi-nislro; et celle de S. Paul : Dispensatori lucis.nbsp;Tout cela est beau , ainsi que l’église , qui n’anbsp;cependant rien d eclatant,

L’église des SS. Jean et Paul vaut mieux ; Ia chapelle de S. Dominique et celle de Nolre-Damenbsp;du Rosaire, ainsi que le mausolée du Doge Valier,nbsp;sont remarquables; on lit sur ce mausolée, au-dessous de la stalue de l’épouse du frere du Doge:

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Romand virtuta ,

Pietate Peiietd.

Par OU l’on volt que la piété autrefois étoit re-gardée comme Ie caractere distinctif des Véni-tiens. Damnosa quid non imminuit dies ? Sur la place qui est devant féglise des deux SS, Martyrs ,nbsp;on volt la statue équestre de Baiihélenii Coleoni,nbsp;grand Général Vénitien.

L’égUse des Jésuites est très-belle : ie grand autel porie la Sainte Trinité , ouvrage d’albatre ,nbsp;fort estimé. La voute est dorée et joliment tra-vaillée : Ie frontispice répond a,u reste •, mais unenbsp;misérable maison en óte la vue et en bouche pres-que l’entrée. Les Jésuites enseignent les classes;nbsp;on m’avoit trompé sur ce point, quand on m’avoitnbsp;dit que depuis leur rappel ils n’enseignoient pas.

1781, paj, loa,

Le Ponie-Jiial/o est Ie plus beau des ponts de Autrepontplus Venise il est bati sur le grand canal, et n'a qu’unenbsp;irjo«nu/HV.1et ®pole arcade de 89 pieds, sur laquelle il y a troisnbsp;litiér,, i5 Sep. rues et deux rangées de maisons, qui sont autaptnbsp;de boutiques.

Le a-j Seplembre, je vois l’église du Saint Sauveer , dessin de Sansovino ; Voyez le Dicl. des ar-r tistes, par l’abbé Fontenay ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, et le Journ.

hist, et lilt., du i5 Mars , pag. 4oi (1

Je reviens k l’arsenal ; j’y entre après bien des difficultés; car les Jésuites, les Capucins , les Ré-collets, les Trinitaires , les Juifs , les Grecs , les

1

Voyez aussi le Dictionn. historique de l’Auteur, edition de Licge, article J- F. Sansovino. (Note denbsp;l’Èditeur).

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Turcs n’y entrent pas pauvre et ridicule mesqni-nerie, aussi absurde par les contrastes, qu’indigne d’un gouvernement sage. On y occupe toujoursnbsp;3,000 ouvriers; il contient des armes pour 8o,ooonbsp;hommesj 4.000 canons , aSo de bromie, i,5oo denbsp;fer; 20 vaisseaux de guerre : j’ai monte sur un denbsp;88 pieces; ces vaisseaux ne sont pas acheves ; lesnbsp;armes remplissent quatre salles , dont deux sontnbsp;fort belles; mais farsenal de Vienne est tout autrenbsp;chose en ce genre.

Misson dit qu’entre autres antiquites, on voit dans cet arsenal, ou dans celui du palais, le sabrenbsp;de Scanderberg; comme je 1’ai vu aussi a Vienne,nbsp;il faut que Scanderberg en ail eu plusieurs, quoi-qu’il n’en ait eu qu’un celebre ; ou il en est de cenbsp;sabre comme de certaines reliques multipUees.nbsp;Dans la cour de I'arsenal, on rem.arque un monument dressé au Comte Schullenberg, qui a sinbsp;bien défendu Corfou.

Le Bucentauro, vaisseau que le Doge monte le i5 d’Aout, quand il va epouser la mer, est unenbsp;galere magnifique : ce vaisseau est haut, sans lest,nbsp;et se reuverse aisément; on ne le monte que quandnbsp;la mer est calme : on voit sur la proue, la Paix,nbsp;Mars etlesdieuxdelanier etc., et ces mots ‘.Aloysionbsp;Mocanigo meliarum Principe. M. DCC. XJ^II,nbsp;Antonins Coradini sculptor et inventor. Celui quenbsp;Misson a vu , étoit bien inférieur k celui qui futnbsp;construit en 1717 ou 172^, car je doute si je n’ainbsp;point omis un X dans cede inscription.

Tout le monde sait I’origine de la cérémonie d’épouser la mer ; c’est un usage fort ancien.

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Gaorg., I, X. Virgile proposoit ce mariage a Auguste : Teque Sibigenevum Thetis emat omnibus undis. Les an-neaux , les couroiines etc. , laisoient autrefois desnbsp;titles reels. Si Ie même gout et lamême jurisprudence subsistoient aujourd’hui, les Anglois épou-seroient tout Tocean , sans ejue pevsonne entrepritnbsp;de les en empêcher.

Nons longeons l’isle de Morano; elle est grande j elle a un Evêque et un Magistral particulier. C’estnbsp;dans Cette isle qu’est la célebre manufacture denbsp;glacés de Venise: on les jette les iundis, mercredisnbsp;et vendredis.La manufacture de Vienne fait grandnbsp;tort k celle-ci.

L’église de S. Jérémie est var edifice nouveau, mais assez mal ordonné. —• J’entre clans une bellenbsp;synagogue, oü les Jujfs sont assembles, et oü ilsnbsp;chantent sans goiit: j’avois déja vu une synagoguenbsp;a Cracovie. 11 y a, dit-on, 20,000 Juifs a. Venise :nbsp;lis sont disfingués par un morceau de drap rougenbsp;atlaché au cliapeau. —• En 1776) ü est mort anbsp;Venise 5,69$ habitans ; et comme , an par an ,nbsp;c’est a-peu-près Ie même nombre, vu Ie local et lesnbsp;suites de cette situation, des moeurs etc., on peutnbsp;croire qu’il n’j' a k Venise cjue 120 mille ames.

L’église des Carmes déchaussés est un vrai bijou: elle est petite , mais on ne peut rien y ajouter , ninbsp;pour la mallere ni pour Ie prix ; Ie frontispicenbsp;correspond a 1’intérieur.

Après midi je revois S. Mare , Ste. Marie , pliisieurs vaisseaux, la galere qui est toujours vis-ii-'vis la place St.-Marc, au soir la mercerie et lanbsp;place St.-Marc illuminées Tune et fautre. Du cccté

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de la tour on ne voit que des cafés, propre-inent meublés , et lous d’un goüt différent ; cela, a la lumiere des bougies , fait un très-belnbsp;effet.

Le a8 Seplembre. Je vais me promener Ie long du grand canal; je vois différentes places , etnbsp;l’église des Cordeliers , oü il y a piusieurs mau-solées , celui du Doge Jean Pesaro , celui d’unnbsp;Prince d’Est etc. Dans une chapelle, a gauche, onnbsp;conserve , dit-on, quelques gouttes du sang denbsp;Jesus-Christ , découlé de son Corps sacre durantnbsp;sa passion : il y a une pareille relique a Mantoue.nbsp;J’ai un petit peloton de coton, dont ce sang a éténbsp;enveloppé, il porte : De sacj-o gossipio, in quonbsp;recondilur sanguis pretiosissimus lateris Christi.nbsp;Mantuce adoratur. Ces paquets sont scellés et ca-chelés aux armes de Marie-Therese. 11 paroit qu'anbsp;Venise, comme kMantoue, on adore cette relique.

Quand elle seroit bien aulhentique, il y auroit encore bien des choses a dire sur cede adoration.nbsp;Les moines agiterent autrefois cettc question avecnbsp;un acharnement, qui obligea le Pape a leur or-donner de se laire. Ce fut sur-tout vers fan j44onbsp;et après , que cette dispute s’ecbauffa davantage.nbsp;La question etoit de savoir ; Si la Divinité restoitnbsp;unie au sang qui avoit coulc du Corps de Jesus-Christ , et n^avoit point été i'éassumé et réuni aunbsp;reste dans la Resurrection, Je tiens décidémentnbsp;pour la negative ; mais on peut voir la-dessus lesnbsp;auteurs qui ont traité cetle matiere. — A Bruxelles,nbsp;dans l’église de Ste. Gudule, au Bols Seigneur-Jsanc, prés de INivelles , on joint toujours une

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hostie récemmeat consacrée aux hosties et au sanj; miraculenx qu’on y conserve, pour assurer unnbsp;objel a l'ailoration des Fideles : peut-être prend-onnbsp;la même precaution a Venise et a Mantoue. D’ail-leurs a Bruxelles , ce sont des hosties sur la consecration desquelles on n’a point de doute : laseulenbsp;vétusté de ces hosties fait prendre cette précaution.

lilti.


Je passe froideraent et misérablement la nuit dans la Piolte de la Fossetta, mais bien charmé denbsp;quitter Venise, oii un plus long séjour me seroitnbsp;insupportable. En effet, c’est malgré sa magnificence une triste ville , oü durant toute l’annéenbsp;on ne voit que ciel et eau j ni cheval, ni carrosse ,nbsp;Joum. hist, et ni aucun animal vivant n’y paroit. Comme il n’ynbsp;ysr pa» 161!° ^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;caves , les vins y sont chauds et iu-

lilt., I Mai 1783,

Jiag. 55.

sipides : il s’y voit néanmoins quelques caves , ainsi que des cilernes , si bien cimentées, quenbsp;l’eau de la mer n'y trouve point entree. Qiiand lanbsp;merse retire, la puanteur rend Ie rivage inaccessible j quand elle est en fureur , elle inonde lanbsp;place de St.-Marc et une bonne partie de la ville,nbsp;tant par la violence des marées, que par lelévationnbsp;des eaux 5 car quoiqu’en general la mer ne haussenbsp;pas, des mers très-resserrées entre les terres , etnbsp;Autre ra'ison. M”' reqoivent un grand nombre de fleuves extraor-Journ. histor. et dinairemcnt grossis paries pluies, doivent, durant

un certain tems nécessaire a 1'écoulement des nouvelles eaux, surpasser leur niveau ordinaire.nbsp;L’an J770, Ie Novembre , grossie par unenbsp;pluie de trente jours, la mer s’éleva ici de septnbsp;pieds au-dessus des marées ordinaires : ajoutez iinbsp;tont ccla qu’k Venise on n'a d’autre eau que cellc

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que fournit la pluie , ou que Ton apporte du continent.

n Venise, dit Tauteur des Anecdotes Ven. ct n Tur,, torn. I, pag. 21, est sans doute Ie plusnbsp;» délicieux séjour de l’Europe, la ville la plusnbsp;!) policée et la plus agréable de toute Tltalie, Tousnbsp;» les édifices sont isolés par de larges et beaux ca-11 naux, qui ne souffrent aucune immondice etc. »

On ne peut rectifier ces mensonges qu’en disant tout-a-fait Ie contraire ; il semble que l’auteur aitnbsp;voulu écrire des ironies ou des conhe-vérités.

Le génie de ses habitans est une chose a part,

Journ» hisl, H littér, , i5 Scpt,nbsp;17747 pag- 3ai.

L’abbé Raynal fait un horrible tableau de leur affreuse politique ; mais cette politique est sage ,nbsp;elle est nécessaire pour prévenir les seditions etnbsp;les révolutions , et conserver la tranquillilé pu- -- i Nor. 198nbsp;blique dans un pays , qui, pour Ie bonheur denbsp;Vhumaniié est sans: force militaire. La chute denbsp;leurs forces et de leurs richesses est étonnanle ;nbsp;avec tout cela ils subsistent (1) dans toute l’inté- 1784, p.g. 517.nbsp;grilé de leur Constitution; moins variable quenbsp;les plus puissans ro3'aumes, cette République est

1

IIs subsisterent encore jusqu’aulems oü les Francois porterent la gucrre cn Italië, et se rendirent mailrcs denbsp;Venise et des Etats Yéniliens. Cette aiicienne Re'puLiiqucnbsp;devint, par uncfaussepaix, province soumisea I’Autrichc, .nbsp;la Providence 1’ayaiit ainsi ordonné pour 1’election litrenbsp;et calme du saint Pape Pie VII. Les Franfois la rcpri-rent quelqne tcms après. Les allies cn i8l4 s’cn enipa-rerent, et ellc est resle'e a 1’Autricbe fiVbte de l’Édi-feurj.

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inoins ctéchue clepuis dix siecles, que TEspagne, ]a France, la Snede, la Tuiquie , la Polognenbsp;depuis cent ans.

En i'j8i et années suivanles , ils tinrenl plus qu’aucun Elat centre la subversion des principesnbsp;et conlre les progrès de la pliilosoplrie anli-chré-iienne. En 1784, au-lieu de détruire les Religieus,nbsp;ils remirent l'époque de la Profession a l’anciennenbsp;date. Ce sont les pédans liétérodoxes cliassés denbsp;Veliise, qui ont élé places de préférence coinmenbsp;professeurs et directeurs dans 1'école de séductionnbsp;établie a Pavie , sous Joseph ïl j et cette Répu-blique s'estmontrée excellemment Cathollque dansnbsp;ces derniers teras d’une subversion générale et dunbsp;plus contagieux délire.

Je crois même Ibrlement que c'est I’extreme at-tachement des Vénitiens a la religion Catholique , avec leur éloignement de tous les empirismes do-minans en fait de prétendues réformes ecclésias-tiques , qui leur a attiré les sarcasmes qu'on nenbsp;cesse de lancer centre leur gouvernement. Lanbsp;grande tranquillité dont il joult (en 1787 et 88) aunbsp;milieu des troubles qui agitent tant d’Etats, prouvenbsp;beaucoup en sa faveur. Les mesures séveres qu'ilnbsp;prend centre les discoureurs politiques , sont peut-être plus sages qu’on ne pense. Si on en eut faitnbsp;autant en Hollande, ii Liege , en France, ces paysnbsp;n’eussent point essuyé les horribles convulsionsnbsp;¦qui les ont perdus.

II faut convenir néanmoins que les fanfaronnades des Vénitiens sont insoutenables : ilsexagerent etnbsp;clé%urent teut. On doit savoir quelque gré h.

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Misson ,pour avoir unpeu délrompé Ie monde Itop préoccupé en faveur de Venise. Tom. 1, pag.

Tous les Minisfres , Sénateurs , Avocals efc., a Venise , sont en perruque et en habit noir, cjuandnbsp;ils pai'oissent a la Cour, Ailleurs les premiers Mi-nislres sont en bleu , ou en rouge , ou en noir etnbsp;rouge , selon leur caractere : les bourgeois vontnbsp;prescjue tons en capote. Les femmes portent unnbsp;voile noir replié sous Ie bras, qui leur fait bien etnbsp;leur donne un air modeste.

Le 39 Septembre au matin , je suis a la Fos~ sella; k midi a Lamota , au soir a Colroïpo.

Le 3o au matin a Palmada , et a midi a Goritz, oü l’on me reqoit extrêmement bien : le bravenbsp;P. Carina, Recteur , me fit mille amities. Mais sanbsp;premiere question fut : Oü est le cheval 7 II ne putnbsp;me pardonner de 1’avoir vendu ; j'écrivis pour lenbsp;ravoir et fis les offres les plus avantageuses j toutnbsp;fut inutile.

Durum , sed levius fit patientici ,

Quidquid corrigere est nefas.

II faut done écouter la raison, et accepter éga-lement le bien et le mal que la Providence m’en-voie. Aussi bien un cheval n’est point un instrument nécessaire k la prospérité de mon voyage , si tant est que Dieu veuille le bénir et me le fairenbsp;achever heureusement (1).

1

Fallax equus ad salutem : in ahundantid autem. virtutis suce non salvabitur. Ps. 'i‘2. ,'f. 17. —Non innbsp;fortitudine equi uoluntalem hahehit.... Beneplacitumnbsp;est Domino super timentes eum , et in eis qui sperantnbsp;super misericordid ejus. Ut eruat a morie animasnbsp;eorum, et alat eos in fame. Ps. 1^6 el 33.

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J’eivtre im moment chez nn Frangols, tjui ira-Vaille la plus belle piece de soie en fleurs et en toufes sortes de figures. — Je trouve au Collegenbsp;un Maure de Tunis gt; qui demande Ie Baptêmenbsp;et se fait instruire : c’est un fort brave gar^on quinbsp;est dans la joie de son coeur d’être au college, oünbsp;il apprend avec succès. Un autre Musuiman de-venu Chrétien, lui avoit dit qu’il ne pourroit senbsp;sauver par la vertu de l’AIcoran : la-dessus il pritnbsp;la fuile , et se sauva a Gorilz : il est rare qu’onnbsp;puisse se fier a ces Maures.

Deux officiers viennent me voir 5 ce sont deux Matthieu de Luxembourg. L’un deux avoit élé monnbsp;écolier ; il me reconnut k la promenade et futnbsp;extrêmemeiit surpris de me voir a Goritz.

Le 3 Octobre , je vais a Ungersbach chez Ie Comte Edling. La Comtesse, qui est je pense,nbsp;la soeur du Comte de Cobenzl , Ministre plé-nipotentiaire aux Pa3^s-Bas , me fit voir plusieursnbsp;présens rojaux , qu’elle avoit re9us de Marie-Thérese. Le Comte me montra des ouvrages ennbsp;mosaïque , d’une espece toute particuliere , qu’ilnbsp;faisoit lui-mêrne le plus proprement du monde.nbsp;On emplóie h celte mosaïque de la cire de diffé-rentes couleiirs , qu’on applique avec un pinceaunbsp;dur et poinlu : ce travail est joli, et les peinturesnbsp;ainsi lailes sont fort durables. II paroit que cettenbsp;maniere de peindre est différente de celle dontnbsp;.1ourn.hist.et gt;1 parlé dans le Mémoii-e sur la peinfure dnbsp;lUUr., I Térr. l’cHcauslique el sur la peinlure a la cire, par Mr. lenbsp;d/c'.’A^sf. j art! Conüe de Cayius de l’Académie des belles-letlres ,nbsp;tAïi.us.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Majault, Docteur de lafaculté de médecine

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tn l’JJimiersité de Paris, et ancien rnédccin des armées du Roi etc.

Le jeune Comte qui est Ecdésiastique et Doyen du Chapitre, adepuis mon depart, regu la digniténbsp;de Suffiagant et de Coadjufeur de l’Archevêque,nbsp;qui est très-avancé en age , saint personnage etnbsp;grand ami des Jésuites, Ce jeune Prélat, devenunbsp;Arclievêque , a essuyé en i’-jSi, de bien grandsnbsp;désagrémens pour n’avoir pas voulu publier l'Editnbsp;de Tolerance, Edit qui effectivement ne devoit pasnbsp;être public par les Evêques , la tolerance civilenbsp;n’étant pas de leur ressort, et la tolérance théolo-gique étant un blasphême. Cette bonne familie menbsp;fit notifier eette promotion en Transylvanie , etnbsp;continue iv se souvenir de moi le plus amicalementnbsp;du monde.

Le 7, je pars avec un Candidat de la Compagnie, el son oncle Curé deCemitza:a midi nous sommesnbsp;i Cemitza, ou le Curé nous traite magnifiquement.nbsp;Nous allons ensuile en poste le Candida! et moi :nbsp;nous voyons un beau chdteau et un joli jardin ap-partenant au Comte Lanthieri ¦. ce pays est mon-tagneux el pierreux; on laisse a gauche des forêtsnbsp;immenses. Nous voyageons toute la nuit, et Ienbsp;lendemain k 5 heures du matin nous sommes anbsp;Laubach.

Laubach, capitale de la Carniolef^'j, a un chateau semblable a celui de Goritz, unEvêque (depuis de-venu Arclievêque) , un College de Jésuites : elle estnbsp;située sur la Laubach, Je ne sais si de ma vie j’ainbsp;ólé plus affligé de tout genre d’affliction qu'ici. Jenbsp;(*) Ou Carniol, alors il est masculin.

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suis on ne peut pas plus embarrassé , Ie Recleuc ayant perdu une lettre du Comte d'Ybarra et unenbsp;du Provincial d’Autriche, que Ie Recteur de Triest»nbsp;lui avoit adressées, au-lieu de les envoyeraGoza’^^,nbsp;comme je l'en avois prié. Ne sachant oii donnernbsp;de la tête , je pars après-midi par la diligence.

Le 9, je dis la Messe chez les Cordeliers a Cillei; je dine a Canovitz gt; je passe par Tindich-Veilntz ;nbsp;toute Cette contrée est miserable. Elle esl habitéenbsp;par les Vandales (Vindisch) ; leur langage vanda -liqiie est un idiome du slavon.

La diligences’arrêtant par-tout, m’oblige d’aller a pied : un Frere de la Misericorde me prend dansnbsp;son cbarriot pendant deux on trois lieures. Je voisnbsp;un assez beau chateau h Dicdrichstein. A g lieuresnbsp;du soir je suis a Marbourg, et le lendemain lonbsp;Octobre , vers midi, j’arrive a Gratz.

Gratz, capitale de la Styrie , est une fort belle ville : elle a beaucoup de families nobles , une ci-tadelle passable , une Université. J’y trouve deuxnbsp;amis, les PP. Fleury etVignon, de notre Provincenbsp;Gallo-Belgique: le pont sur la Mure est couvert etnbsp;assez beau. II y a sur la place une belle pyramide ,nbsp;portant la Ste. Trinité. —Le College et TEglise desnbsp;Jesuites sont bien batis : l’église est fort riche , lanbsp;piété des Archiducs de Gratz I’ayant chargée denbsp;dons. A cóté de 1’Eglise se voii une Chapelle, avecnbsp;un dome plus beau au-dehors qu’au-dedans : c’estnbsp;ce qu’on appelle le monument. L’Empereur Ferdinand II y est enterrd.

L’observatoire est un des plus beaux de I'Eu-rope. Une salie magnifique et du gout le plus ravissant i

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Vissant; différenles collections et machines ; uhlt;j méthode admirable pour mesurer ia chute iné-gale des corps. Une ville assiégée, les travauxnbsp;du siege s’exécutent très-bien, dès que la machinenbsp;est montée : des optiques. Une belle illusion op-tique , qui fait résulter l’observatoire de Gratsnbsp;de différens autres , par Ie moyen d’un verrenbsp;polygóne.

Nous voyons fa'ville du haut de l’observaloire ; ceci me rappella que voyant un jour une grandenbsp;ville du haut d'une montagne , je dis h mon compagnon , qua la vue de toutes les grandes villes ,nbsp;Ie philosophe Chretien éprouve Ie inême sentiment que Ie Sauveur des hommes a la vue denbsp;Jérusalem : T^idens-clvitatem, Jlevil super illam,nbsp;Ues grandes villes sont un composé de tous lesnbsp;vices et de toutes les miseres.

Nous allons au Séminaire des nobles , et au Ferdinandeum; autre Séminaire qui est bien ad-ministré et dont Ie Principal est un brave homme ,nbsp;très-zélé, et attenlil' auxdémarches de sa jeunesse,nbsp;ce qui est rare en ces pays-ci, Marie-Théresenbsp;voyant ce Séminaire en 1772 (je crois que c’estnbsp;Ie Ferdinandeunï), en fut extrêmement contente,nbsp;et fit a cetle jeunesse des promesses gvacieuses.

Le 12, nous allons aü jardiu du Comte Tourm-brand : on y voit des chevreuils , des daims etc.

Presque tons les Styriens ont des goitres ; on atlribue ce mal au.x eaux minérales et aux metsnbsp;trop gras fort en usage chez ces peuples 5 le malnbsp;est commun aux montagnards. On le voit aussinbsp;Tom. J.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Hh

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( )

en Hongrle et en Transylvanie, mais moins considerable et moins general qu’en Styrie. Quand Journ. hist, el On boit de Teau sur du beurre ou sur de la

^7^5 pa^'s nbsp;nbsp;nbsp;guere d'éprouver un mal

’ “ de gorge. La graisse et Ie beurre se figent et ,se durcissent dans une eau extrêroement froidenbsp;et crue. Cependant les goitres étant tres - fré-quens dans les pays oii l’on n’use pas d’alimensnbsp;extraordinairement gras , il paroit que 1’eau seulenbsp;peutproduire ces excroissances. A TVellensleitif-^W-Journ. last. et jggg Luxembourg prés de la petite ville de Ré-

L'lttGT» y 1 OGpt* • i nbsp;nbsp;nbsp;•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;• I* •nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•• f

1780, pag. 22. mich , il y a une tontaine qm multiplie singnbe-reraent ce genre de difformilé : les eaux de neige et de glace sont pernicieuses , mème aux planles.nbsp;Les habitans de Neusol, de Schcmnitz, de Mo-tiska , de Herrengrund etc. , qiii boivent plutótnbsp;des eaux minérales, vifrioliques ou arsenicalesnbsp;que les Styriens , n’ont pas de goitres. Les habitans du Krapach, qui boivent aussi des eauxnbsp;de neige , ne sont pas aussi sujets aux goitres , quenbsp;les Savoyards, les Vallésiens et les Styriens. Se-ïoit-oe paree que Ie Krapach est graniteux, et quenbsp;les Alpes sont calcaires , au moins dans quelquesnbsp;contrées , a une certaiiie hauteur ? Toutes chosesnbsp;é, examiner.

On sait, par les experiences de Margraf, que la neige contient beaucoup de chaux, et, sansnbsp;• doute, davantage dans des contrées calcaires. C’estnbsp;peut-ètre la chaux qui donne cette qualité a lanbsp;fontaine de Wellenstein : elle est dans un terreinnbsp;très-calcaire. — Mr. de Lalande aftribue les goitresnbsp;des Savoyards a des eaux crues, dures et ni-

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treuses , qui n’ont pas encore élé imbibées de Fair qui les divise et les atténua. Le remede est unenbsp;éponge calcinée , dont on prend plein un dé anbsp;coudre au matin et au soir : si le mal résiste, onnbsp;y mêle de lecarlate calcinée et en poudre j maisnbsp;cela est violent,

Le r4 Octobre, je pars de Gratz, après avoir vainement cberché un compagnon jusqu’a Bude.nbsp;Je prends sur Warasdia en Croatie, Sigefh etc.nbsp;Trompé par le domestit[ue du college, je me voisnbsp;obligé de prendre la poste , après avoir couru Iénbsp;risque d’acbeter un mauvais cheval. A minuit jenbsp;suis a Marbourg, oïl je dors queiques heures dansnbsp;récurie de la poste. A six heures du matin je menbsp;rends è. la maison des Jésuites : le P. Auer et lesnbsp;autres Peres me font mille amities , mais sur-toutnbsp;le P. Halloix, leur supérieur, né au Comté denbsp;Namur, le plus aimable et le plus bienfaisant desnbsp;hommes, Sans les quatre ducats qu'il m’avauca,nbsp;jen’aurois pu regagner la Transylvanie : lepriantnbsp;de me les prêler sur ma parole dlronneur et surnbsp;mon air ouvert, je lui demandai s’il étoitphysio-nomiste; il me dit ingénieusement en me les don-nant ; II parott que vous ne l’êtes pas.

Lei’], je vais è. la campagne du Comte Brandeis , et de la cime d’une montagne voisine, je découvre la belle situation de la petite ville denbsp;Marbourg, Je re9ois des lettres qui m'alarment :nbsp;mon voyage de Rome fait du bruit et cause dunbsp;mécontentement. Mes compagnons qui ont achevénbsp;leurs études dans différentes provinces, viennent

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tous de relourner auxPays-Bas : je suis abandonné seul dans les pays étrangers.

V^ivite felices quibus est fortuna peracta

Jam SIM. IVos alia ex aliis in fata vocamur.

Vohis parta quies , nulliun maris cequor arandum ,

uirva neque uiusoniw semper cedentia retro

Qucerenda.

L. 3. jEneid.

Le 19. De Marbourg je vais par eau a Pettaw. Le froid m’engourdit, et m’oblige k jeter l'eaunbsp;hors du navire; nous arrivons k Pettaw par lanbsp;neige.

Petau OU Pettaw est une ancienne colonie Ro-jnaine. Tacite place cette rille dans la Carniole. jw^Pnovio*^^*' Pctovio, dif-il, oppidum in Carnio est. Le piliernbsp;du carcan qu’on y voit, est un ancien monumentnbsp;que les antiquaires frémissenl de voir ainsi prosti-tué: pour moi, comme je crois les choses anciennesnbsp;et nou velles k-peu-près de la même valeur, j’en suisnbsp;moinsaffligé; d’ailleurs, est-il moins bien employénbsp;en servant k punir la transgression des loix, qu’anbsp;repaitre les yeux des savans et des curieux dansnbsp;un cabinet?

Le 20, je souffre un froid extréme vers quatre heures du soir , j’arrive a Warasdin, ville denbsp;Croatie , résidence du Ban ou Vice-Roi, qui estnbsp;le célebre Maréchal Nadasty. Cette ville n’est riennbsp;moins que belle : j’y achete pour 36 florins unnbsp;très-mauvais cheval, avec lequel étant parvenunbsp;jusqu'k Bistritz , j’en fis présent au cocher dunbsp;Comte A'Ybaira, qui le vendit 4 florins.

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Le 23 Octobre, je pars après midi, el je vais loger k Lubrec, chez le Curé , qui ce jour-laavoitnbsp;donné un repas.

Le 24, je suis au chateau du Comte Adam Bathiany ; il est beau, avec une chapelle, oii l’onnbsp;conserve une petite ampoule de sang figé, qu’onnbsp;assure être le vin consacré par un prêtre , quinbsp;doutoit 'de la présence réelle , et qui déclara cenbsp;miracle a sa mort, en i4ii. On adore ce sangnbsp;que l’on conserve dans un ostensoir , avec lequelnbsp;on donne la bénédiclion. Ce miracle a été centnbsp;ans k Rome , au tribunal de la Rote avant d'etrenbsp;approuvé. On a trois Rulles a ce sujet, Tune des-quelles est de Léon X (1). Le chapelain du chateau , Georges Kussich , me pria avec instance ,nbsp;de lui transmettre les documens que je pourrainbsp;trouver touchant cette histoire.

Je dine a Copreinitz, bourg oü il y a un convent de Récollets : en latin on.dit Capronsa, en Croate Coprivnitza : je passe la nuit chez le Curénbsp;de Bermié. Un bon Capitaine Croate me témoignenbsp;infiniment d’amitié 5 raais il est ivre avant la finnbsp;du souper.

Le 25 , je passe la Drape, et vais diner chez le Curé de Bresniiza : je vois dans eet endioit Ie

1

Je ne sais oü Misson a vu que tout le monde apoiie que Léon X. étoit un impie. On 1’a toujours regardénbsp;coinme un Pape savant, religieux , sage et modéré. J’ainbsp;remarque' ailleurs que tous les impics cherclient des compagnons,

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cjiateau du Comle Nics/d, et une très-belle église dans Ie gout italien.

Le lit que la Drave a quitté depuis quelques années , n’a plus rien de sa profondeur , et senbsp;(rouve déja presque de niveau avec le reste dunbsp;terrein environnant ¦ cela ne s'explique pas très-ai’sément; j'aimois a croire , avec Kircher, quenbsp;les plaines s^élevent j mais , en ce cas-lk , lesnbsp;campagnes se seroient aussi élevées k proportion.nbsp;On dira que les anciennes rives de la Drave senbsp;sont peu-k-peu éboulées , mais tout est gazon, etnbsp;toute la campagne est ii-peu-près de niveau avecnbsp;l’ancien lit.

Je passe la nuit chez le Curé de Babocha : le lendemain je mange du pain , et mon clieval denbsp;Tavoine chez des Calvinistes, a Istnandi. A quatrenbsp;heures je suis a Si'geth, chez le Curé, qui est unnbsp;très-brave homme. Son église est une anciennenbsp;niosquée, bien batie ; il eut la complaisance denbsp;m’accompagner a la citadelle, qu’on répare; ellenbsp;est déja en bon état, et Tonen peut faire une petitenbsp;forteresse importante. On y voit un minaret, ounbsp;la tour d’une mosquée, des casernes bien voulées ,nbsp;et la grosse piece de canon, que le célebre Comtenbsp;Nicolas de ó'ec/m'lacha si souvent conlre les Turcsnbsp;assembiés a la porie du chateau. A quelque distance de la forteresse, nons voyons la place oünbsp;eet homme incomparable fut tué, le 7 Septembrenbsp;i566, en se faisant jour a travers Tarmée Olto-mane. La Hongrie regarde ce Général commenbsp;son plus grand héros, ses guerriers le prennentnbsp;pour modele, et envient son sort. Toutes les his-

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toires tiirques , hongroises , alleniandes , fran-^oises etc. , parleiit avec élonnement de ce brave Seri/ii (*). Schott met uii de ses descendans entrenbsp;les mirahilia hominum; mais rien dft plus fade,nbsp;ni de plus gauche , que eet article de Schott,nbsp;Nicolas .Sewif y seroit bien placé. — Je soupai cenbsp;jour-la chez les PP. Récollets , qui me firentnbsp;Tamilié de m’inviter.

Le 2^ , je vois Ie lieu de Ia mort du grand Soli-man ; eet Empereur des Tures mourut devant Sigeth, trois jours avant la reddition de cette place,nbsp;qui fut emporlée malgré la belle défense du Comtenbsp;Nicolas Serini, en 1566. — Je mendie un morceaunbsp;de pain chez les Chapelains du Curé de S. Laui'ent,nbsp;qui me Ie donnent avec un zele et un empresse-ment extréme : je suis peut-être Ie premier Jésuitenbsp;qu’ils aient vu mendier son pain.

II est midi, et j’arrive a Cinq-Eglises , que les Hongrois appellent Pees (on prononce Betsch ounbsp;Petsch) : cette ville est dans la situation la plusnbsp;riante; Soliman l’appelloit son paradis. C’est unnbsp;proverbe : Neinetnek Bécs, Magyarnak Pécs.nbsp;Aux Allemands Vienne , aux Hongrois Cinq~nbsp;EgUses. — II y a peu de bévues plus plaisantesnbsp;que celle du Dictionn. encyclopédique(ie''e. édit.)nbsp;au sujet de la ville de Cinq-Eglises. A l’article

(*) On écrit aussi Zrini. J’ai vu des Hongrois qni pré-teiidoient mettre unc difï’éiencc entre Serini et Zrini; mais il est constant que Ie nom du héros dont je parle,nbsp;s’écrit de Ihne et dc fautre manierc.

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lU'cclïé, après avoir disserté sur la pluralité des bénéfices, et dit que Ie Cardinal Mazarin, Evêquenbsp;de Melz , possédoit en même tems 13 Abbayes ,nbsp;imrn. hist, et les rédacteurs ajoutent : Et quant a la pluraliténbsp;filter. , iS Mai Evèchés, Jaiius Pannonius étoit- d son décès

77 ^ nbsp;nbsp;nbsp;J 'nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;¦nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-77

itiVeque de cinq villes.

L’église que les Jésuites ont en cette ville , est !a plus belle mosquée que les Tures aient eu de-puis Bude jusqu a Andrinople : ils la viennent voirnbsp;souvent, et la regardent avec regret, ainsi que lanbsp;ville et ses riantes campagnes , et campos ubinbsp;Trojafuit. Le Recteur du College est Ie P. Wai-kovics , homme tres-savant, qul déploya unenbsp;grande bienfaisance envers moi dans le piteuxnbsp;élat oü il me voyoit réduit. Je dois aussi beaucoupnbsp;de reconnoissance au P. Todt, et au P, Spiri-luel (*).

L’église desDominicains est aussi une mosquée. Le 28 , nous voyons encore une mosquée servantnbsp;d’égljse a Thopital qui est hors de la ville, et l'é-glise Calhédrale , qu’on dit être la plus grandenbsp;de toute la Hongrie, batie par le Roi Pierre : onnbsp;y voit son tombeau, L’Evêque porte le Pallium.nbsp;C’est aujourd’hui Mr. Climo , borome savant etnbsp;cultivé. Tous les Chanoines portent la croix : ci-devant ils portoient aussi la mitre j mais Mr. Climpnbsp;la leur a fait óter.

Le 3o Octobre , après avoir perdu mon cheval durant la nuit et l’avoir enfin retrouvé , je passe

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Je reste de cette nuit chez rexcellent Curé de Bol, village AUemand , nouvellement formé : tout estnbsp;cliez lui de bon goüt et bien ordonné. II étoit sinbsp;enfhousiasmé de posséder un Jésuite Fran9ois ,nbsp;qu’il ne parloit qu’avec peine. Son Chapelain menbsp;Gonnoissoit , m'ayant vu a Tirnaw.

Le3i, je dine a Niarad, autre village AUemand,

L'église paroissiale a un bon orgue ; je l’ai touché avec beaucoup de plaisir. Allant de cette église ,nbsp;je découvre au Midi Mohacz, et cette plaine fa-meuse que Soliman couvrit de 20,000 morts de

l’armée Hongroise. On voit de l’autre cóté, vers Voyezlecrime «j tl’ 1‘t'i*nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;T * Tl *nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 d® CC PnncG deins

I nbsp;nbsp;nbsp;Occident, lendroit ou Ie jeune Louis, Koi de leijici. hhtor.,nbsp;Hongrie , périt dans sa fuite , en voulant traverser artil, fiisnbsp;Ie Carass. Istuanfi dit que Louis dans sa fuite laissa

Mohacz a droite; cela ne peut pas être , puisqu’il cherchoit a gagner Cinq-Eglises ; il avoit par conséquent Mohacz a gauche. Istuanfi se sera placénbsp;en face d’uiie carte , et pour lui , relativeraent anbsp;la situation de Louis , Mohacz étoit a droite.

On a remarqué que tout avoit élé prématuré dans ce jeune Prince :

Partus,regninn, harha ^ torus, mors denique tristis,

Immatura tibi sunt, Ludovice , nimis.

II nbsp;nbsp;nbsp;n'est pas possible de lire cette terrible et déci-sive défaite dans 1'élégant, véridique et intéressant Istuanfi , sans se sentir vivement affecté ;nbsp;toute la noblesse et Ie haut Clergé y périrent. Lesnbsp;Evêques qui commandoient plus que Ie Roi et lesnbsp;généraux, sur-tout l’Archevêque de Gran, croyoientnbsp;vaincre par miracle ; mais Dieu n’en fait pas aunbsp;préjudice de la prudence , qui est une vertu Car-

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Mach. I, C. 5. dinale. In iüd die, ceciderunt sacerdotes in hallo , dum voluntfortitcrfacere, duin sine consilio exeuntnbsp;in pree Hum.

Louis de Baden vengea Ie Roi Louis, et défit les Tures dans cettemême plaine Ie la Aoüt iGS'j;nbsp;sa victoire fut complelte, On Ut dans Ie Dictionn.nbsp;histor., que cette victoire fut remportée par Ienbsp;Due de Lorraine (art. Mahomet IK) , ainsi quenbsp;dans les Mémoires du Due de Berwick, tom, I,nbsp;pag. l5. Mr. de Berwick ne parle mème que dunbsp;Due de Lorraine ; et l’on ne peut douter en lisantnbsp;ces Mémoires , que ce Duo n’ait eu Ie commande-ment général; Istuanfi , pag. 606 , dit la mêmenbsp;cliose. Mr. Pfetfel , dans sou Ahrégè chronologuiuenbsp;de l’histoire el du droit public dd Allemagne, dit quenbsp;les Dues de Baviere et de Lorraine remporterentnbsp;cette victoire; il se trompe.

Cependant il y a une médaille frappée a cette occasion en 1’honneur du Due de Baviere. Lenbsp;champ représente la bataille de Mohacz ; 1’exerguenbsp;porte : Mohazianiim Bavaricce slrenuitatis monu-menlinn lS8j et le tour : Consociamini et vinci-mini, quia hic est Buimanuel. Isai. Le reversnbsp;représente ie buste du Due sur une colonne qu’unnbsp;laureau s’etforce de renverser. L’exergue : Liina-luin repnmit virtus, sic Boja furorem. Le tour ;nbsp;Firmitatein illustrat impetus. Je n’ai vu cette médaille qu’en bois ; le coin en est magnifique, etnbsp;ne peut avoir été fait pour un daraier.

Pour concilier tout cela , il faut regarder le Due de Baviere comme auxiliaire et ne commandantnbsp;que ses propres troupes, et le Prince de Baden

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comme généralissime des troupes des CercLes , ögalement auxiliaires. C’est sans doute pour avoir Journ. hist, etnbsp;un Louis vengeur de Louis , que quelques liislo- 'nbsp;riens Hongrois noiument Louis de Baden plulótnbsp;que Charles de Lorraine. Après cette courte digression , je reprends ma route.

Vers Ie soir je me trouve dans un danger imminent de périr, m’élanl engagé au milieu d’un troupeau de boeuts sauvages, amenés de laTheiss.

L’état d’ivresse oü je voyois Ie conducteur, aug-mente raon effroi. Je parviens enfin k m’en lirer , et vais coucher a Batina, chez Ie Receveur desnbsp;droits qui se paient au passage du Danube.

Le i^*'. Novembre, fete de tons les Saints, après avoir dit Ja Messe je passe le Danube , etnbsp;viens diner chez le Cure de Besda. J’arrive très-tard a Milletics, chez un Curé assez ridicule etnbsp;fort ombrageux. Je m’étois égaré deux fois menbsp;portant vers Szombor, petite ville oü il y avoitnbsp;alors une foire très-fréquentée : sans les clochesnbsp;qu’on sonna presque loute la nuit (c’étoit la veillenbsp;du jour des ames) , je n’eusse jamais trouvé 3IU-letics; et sans un paysan qui entendoit et parloitnbsp;le latin, les chiens m’auroient dévoré avec monnbsp;cheval j et saus mon imporlunité , le Curé nenbsp;m'auroit pas logé.

Le 2 , je dis la Messe , et poursuis mon chemin dans les plaines immenses et désertes de la Theiss.

Ma petite géographie , le soleil ou les étoiles me servent de boussole ; les chiens , les bceufs , lesnbsp;taureaux sur-tout, tout est formidable dans cesnbsp;déserls. Le souvenir de tant de personnes tuées par

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des boeufs , des ïaureaux, des buffles , doit rendre Ie voyageur attentif. Le jeune Prince Corsini futnbsp;tué par un bceuf ^Florence peu de tems après monnbsp;passage par cette ville. Le grand Clwius le fut parnbsp;un buffle, lorsqu’il alloit visiter les sept EgUses denbsp;Rome.—Mon cheval est rétif; c’est une vraie vache)nbsp;je nepuiséviler le danger ;il fuitceque jecherche, .

Filii heroum clierclie CC que je fuis. Le successeur de Hansel devoit naturellement être un mauvais cheval, unenbsp;haridelle. J’arrive cependanl a Szent-Maria, aprèsnbsp;m'être reposé dans une maison , oü j’eus de 1’eaunbsp;puante pour tout diner , du fuinier pour faire dunbsp;feu , et une tête de cheval , mais une vraie tête denbsp;cheval décharnée pour m’asseoir.

A Szent-Maria, les PP. Récollets me re9oivent parfaitement bien. Le Gardien commen9a le col-loque par un petit sermon , qui avoit pour texte :nbsp;Circuierunt in melolis , in pellibus caprinis , egen-tes, angustiati, qfflicti etc., et fit l’éloge le plusnbsp;magnifique de la Compagnie de Jesus. Rien denbsp;tout cela ne me concernoit personnellement; j’ynbsp;repondis néanmoins de mon mieux.

gt;:79gt; P^'d- 532.

Le bourg de Szent-Maria fut, qüelques années hisu^ei^ ’ déclaré ville libre sous le nora de There-sienstadt. Les habitans, quoique pauvres en appa-rence , ont de grandes ressources dans leurs grainsnbsp;et leur bétail.

Le 3 Novembre, je suis prés de mourir de faim et mon cheval avec moi : il ne m’est pas possiblenbsp;d’avoir un morceau de pain. Nous gagnons enfinnbsp;Segedin, très-grande ville, mais mal batie ; elle anbsp;un assez bon chateau, dont on va augmenter les

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( 4lt;)3 )

fortifications, car il n’y a que des tours et des demi-lunes devant les courtines. Les Piaristes ounbsp;Prêtres des Ecoles^Pies, ont un college k Si'gedin ^nbsp;its me recoivent bien , mais ils m’affligent par unenbsp;terrible nouvelle, en m’assurant que le Coratenbsp;d'Fbarra a quitté Bistritz, et demeure maintenantnbsp;a Vienne ; heureusement la nouvelle s’est trouvéenbsp;fausse.

Ces Peres viennent de célébrer la canonisation de S. Joseph de Calasance, leur fondateur, quinbsp;est vraiment un grand Saint. Sa vie, écrile ennbsp;.italien par le P. Tosetti, et traduite en allemandnbsp;par le P. Koch, est un chef-d’ceuvre dans les deuxnbsp;langues ; nous la lumes, le Comte d'Fbarra etnbsp;moi, avec une grande édification. C’est la veritable philosophie chrétienne : Magnijlcè sapien-tiam tractabat (L. a Mach. a. 9.^. Le nom du Saintnbsp;exprime heureusement cette année -. sakCxVsnbsp;JosephVs CaLasanCxIVs a Maxre DeI. C’est un.nbsp;des plus soutenables chronographes que j’aie vus.

A deux rallies plus has que Segedin, en descendant la Theiss, on voit Zenta, bourgade remar- Joum. Mst. ci quable par la victoire que remporta le Prince Eu-gene, en 1697 gt; l’armée Turque, commandee ^nbsp;par Mustapha 11, ou plus de 20,000 Turcs res-terent sur le champ de bataille,

Le 4 j je viens au confluent du Maros et de la Theiss ; je passe la Theiss , et je m’égare deux ounbsp;trois fois a I’entree de la nuit. Le feu allumé parnbsp;des patres, me dirigea vers eux : a la vue de dixnbsp;creutzers , un d’eux, qui salt I’aHemand , menbsp;conduit a Toldiac, oh je loge dans la inaison dunbsp;Cure, qui n’est pas chez lui.

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Le 5 , féte tie S. Eméi'ic , Priace-Ro^ al de Hongrie , après avoir chanté la Messe, je viens knbsp;Maco, oil je dine avec le Comle Engel, Evêquenbsp;de Csanad et de Temcswar, ancien Evêque denbsp;Belgrade. II veut a toute force me faire accepternbsp;dans son diocese une Gure allemande et francoise 5nbsp;je la refuse opiniatrément. Ce Czanad étoit autrefois une ville épiscopale; aujourd’hui ce n’estnbsp;plus qu’un village aflreux. Quand on considerenbsp;rétal OU sont maintenant réduites dans cette oon-trée des villes autrefois célebres et florissantes ,nbsp;on se nourrit de la triste , mais pliilosophique reflexion de Sulpitius , dans son Epitre a Cicéron ,nbsp;sur les ruines des plus fameuses villes de la Grece.

A Apatbjalva, on refuse de me recevoir chez le Curé, a cause qu’il est absent: je pousse jusquanbsp;Schika, oü je loge chez un brave cuirassier de-venu aubergiste. Le ftoid me tourmente toute lanbsp;nuit, et des cabus (choux pommés), qui tombentnbsp;et roulent dans ma chambre, me donnent falarmenbsp;el fépouvanle.

A Preesha, le 6 Novembre , je dine chez le Directeur des biens domaniaux , qui me fait asseznbsp;li oide mine; mals le Curé , très-honnête homme ,nbsp;qui a du monde et de la polilesse, me retient pournbsp;la nuit : il me traite magnifiquement, et menbsp;conduit le lendemain a Arad.

Le 7, je vais voir la nouvelle ville et la forte-Erreurs des Ga- rpsse qu’on batit a Jtrad : les ouvrages sont fort cette place sera formidable , el pour lenbsp;’ j pag. moins égale a Temcswar ¦¦ on y travaille avec loutenbsp;i'activité possible. C’est la premiere ville que je

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vois balir; ceHe vue m’afl'ecte beaiicoup , ei rappelle a ma mémoire Tétonnement d’Enée h lanbsp;vue de Cavthage , que Didon fait batir. L. 2 denbsp;l’Enéide.

Miratuf inolein tineas , ma^alia quondam ;

Mimtur portas , strepitumque et strata viarum.

Instant ardentes Tyiii ; pars ducere muros ,

MoUrique arcem , et manïbus suhvolvere saxa,

Pai s aptare locum tecto , et conclitdere sulco.

Qualis apes etc..................

Je loge cliez les Cordeliers , que l’on nomme Minorites dans ce pays-ci, et Frcres-Mineurs aunbsp;pays de Liege,

Le 8 Novembre, je suis a Simanda ; laumonier du régiment Voghéra, cuirassiers, me retient. IInbsp;deraeure dans une maison bamp;tie k la valaque; maisnbsp;tout y est très-propre et de bon goüt. Cet au-mónier est un Jésuite , nommé Schmit. Qu'il futnbsp;charmé de me voir dans sen extréme et profondenbsp;solitude ! il m'a écrit depuis pour avoir qualrenbsp;Hansels de Moldavië, mais je n’ai osé me chargernbsp;d’une commission de cette nature , toujours pé-rilleuse enfin, tout le monde veut avoir desnbsp;Hansels. Le Comte de Lasci, président du Conseilnbsp;de guerre, vient d’en demander douze et des plusnbsp;petits , qui sont en effet les meilleurs, au Baronnbsp;Entzenierg, Commandant des Valaques. — Jenbsp;vois aujourd’hui , pour la premiere fois , unenbsp;plantation de safran.

Le y, je jeune k Nagy-Sérind : je ra’égare dans une grande forèt, après avoir été spectateur d’unnbsp;joli combat entre une oie et des dindons. L’oie

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étoil seule contre plusieurs ; mais elle savoit prO'^ fiter si a propos de l’avantage que lui procuroitnbsp;sou élément, sur lequel les ennerais n’osoient senbsp;hasarder, que toute la gloire du combat lui resfa,nbsp;comme a ces généraux qui doivent leur vietoire knbsp;la disposition du local, et k 1’habileté avec laquellenbsp;ils Ie metlent a pi'ofit* Ma philosophie se reputnbsp;assez long-tems de ce spectacle ; les plus petltesnbsp;choses , dans la nature, ne sont indignes ni denbsp;notre attention, ni de notre admiralion 5 nous lesnbsp;donnons souvent k des objets qui les méritentnbsp;moins. Admiranda tibi leinum ^pectacula rerum.nbsp;4 Georg.

Moil cheval boite et n’en peul plus : un Hon-grois scbismalique , après bien des difficultés, me re9oit dans sa voilure. Arrivé a un gite , je dorsnbsp;dans une grange, transi de froid , après avoirnbsp;niangé une bonne bouillie , que j’avois cuite moi-inême cliez des Valaques. Ce que c’est que lanbsp;sobriélé , ou plulót Ie jeune , la saine et salubrenbsp;abstinence de tout aliment quin'est pas absolumentnbsp;nécessaire! Le 10 k midi, il y avoit deux jours quenbsp;je n’avois mangé que cette bouillie et un morceaunbsp;de pain noir; el je ne 1'us jamais plus vigoureuxnbsp;ni plus gai. La maniere dont je chantois, ravissoitnbsp;d’admiration mon Hongrois, qui , lorsque nousnbsp;étions au Grand-Waradin, dit a l’Evèque, quilnbsp;ne comprenoit rien k eet homme-lk, et que celanbsp;passoit le ion des choses naturelles,

Ce fut le I o, que nous arrivames pour diner au Grand-Waradin, ville que j'airae sipguliéremenfnbsp;depuis mon premier passage. Dès l'instant même

on

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lt; 497 )

on courul informei’ 1’Evêqne qn'un Jesiiite suspect venoit d’arriver : mon pauvre équipage m’altiroitnbsp;ces soup^ons. Ce Prélat qui me connoissoit, en ritnbsp;beaucoup, et m’en fit lui-même I’histoire. — Lenbsp;Supérieur et tous les Peres du College me re^nbsp;coivent comme tombé du ciel : je plante cliez euxnbsp;le piquet pour quelque terns , en attendant desnbsp;nouvelles du Comte d’Ybarra ; j’en recois le 15 ,nbsp;et veux partir aussi-lot; mais on ne veut point ennbsp;entendre parler.

II y a d’excellens bains prësdu Grand-Waradin', )’en ai fait usage , ainsi que deux de nos Peres ,nbsp;FribertQi Dobra. — Le 19, j’ai renouvellé niesnbsp;vcEux, ce que mon voyage m’avoit eropêché denbsp;faire plutót.

Le 21 , je revois la citadelle , dont j'ai deji parlé. On lit au-dessus de la porte :

Deo Vnl trInoqVe gratice gt;

CjFI Ipsd saLViarl hostice saCratd Die ostia aperVlt FaraDlnJ.

Par oil 1'on voit que ce fut le jour de la fete du Saint Sacrement, en 169a , que les Turcs ennbsp;furent chassés.

Le 22, je pars comblé de bienfaits et charge de présens de toute espece : le P. Fribert m’accom-pagne dans la voiture du Supérieur. A Teleth,nbsp;nous devions jeuner, le Vicomte étant absent : imnbsp;brave Hongrois, Mr. Budai,Xi.o\xs appella chez lui,nbsp;et nous traita supérieurement bien. Rien de plusnbsp;charmant que ces Hongrois honnêtes , généreuxnbsp;et magnifiquement hospitallers envers des gensnbsp;complétement inconnus. Le despotisme militaire

Tom. ƒ. nbsp;nbsp;nbsp;I i

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et la rongeuse manie des réformes, ayant efface ce caractere national, ces qualités du peuple Hon-grois ont aujourd’hui disparu avec bien d'aulres.

Mr. Tokodi nous recoit encore mieux k Elées , que n’avoit fait Badai a Teleth ; ii me donne un.nbsp;conducteur jusqua Fokete-To, oü j’arrive Ie len-demain, a3 , pour la nuit. Un vent horrible déra-cinoit et rompoit les plus grands arbres; je fus ennbsp;danger de périr au milieu d'une affreuse forêt ; ilnbsp;faisoit un tems ëpouvantable , et la pluie tomboitnbsp;comrae au déluge.

Un songe m’avoit prédit ce danger, j’en avois parlé avant de partir F Elées, sans prévoir cenbsp;vent : je m'en ressouvins aussi-tót qu’il commen^anbsp;a soufHer violeinment, et ma peur augmenta. Jenbsp;sais bien qu’il y a du ridicule a rêver commenbsp;Joum.hist. et Malliicu Laensberg j niais il n’en est pas moinsnbsp;pag^a53^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;raconté mon rêve,

que mon rêve s’est vérifié , quoiqu'il n’y eüt nulle apparence de vent lorsque je rêvai et lorsquenbsp;je raconfai mon rêve, et quoiqu’au contraire Ienbsp;tems fut très-calme.

A Fokele-To, je dors sur un banc, au milieu des Grecs et des Valaques , que j’aime bien , etnbsp;qui me servent avec ardeur : autrefois je lesnbsp;craignois 5 maintenant, et au milieu d’eux, manbsp;sécurité est extréme. Deduxit illos in spe, ct nonnbsp;timuerunt. Ps. 77.

Montaigne, dans son Voyage d’Italië, disoit qu’t7 rdétoit bien que Ie cul sur la setle. En effet ^ force denbsp;fatigue, j’en ai perdu Ie sentiment et l’idée : je nenbsp;suis bien qu’k cheval} la je repose comme dansnbsp;un lit.

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Le 24, je pars avec cette caravane de GrecS qui vont a la foire de Huniad •• je passe souventnbsp;le Crisius, qui est rnaintenant assez petit; je voisnbsp;les premieres neiges , oii six niois auparavantnbsp;j’avois vu la premiere verdure. Je dine k Banf-Huniad, chez le Dreipichfter, qui ne me laissenbsp;pas partir : je rends visite k mon Predicant Cal-viniste , qui m'avoit logé autrefois. Sachant quenbsp;je venois de Rome, il paria beaucoup du Papanbsp;sanctissimo : il ignoroit la signification latine denbsp;Ce mot sanctissinius ; il pouvoit l’apprendre dansnbsp;Quinte-Curce : Darius, ut erat sanctus et mifis ;nbsp;dans une inscription romaine, k Carlsbourg : Pronbsp;salute Domini nostri sanctissimi Antonini PU’, et hnbsp;Salathna : Conjugi sanctissimce. Le nom diAugustus {auctor et amplificator Imperii) , donné auxnbsp;Empereurs les plus indolens et les plus malheu-rcux , déplait-il k des Protesfans , tandis que Iénbsp;Sanctissimus, donné aux plus grands, aux plusnbsp;pieux Pontifes, les irrite ?

Le 25,5 deuxheuresdu malin, ill'allut me lever : la pltiie inondoit mon lit et toute la chambrCinbsp;Ces frêles habitations , faites de bois et de terre ,nbsp;ne résistent a aucun élément. La pluie continue;nbsp;je pars néanmoins, quoique les chemins soientnbsp;horribles. Que je suis mal a Vasarhélil je menbsp;seche comme je peux. Une Dame Calviniste dine,nbsp;sans avoir 1'honnêteté de me rien présenter. Jenbsp;cours de nouveau le risque de périr avec monnbsp;cheval, et ne puis gagner Clausenbourg. Je loge anbsp;Sasfenès, chez la Comtesse Mikés, alors absente ;nbsp;mais son administrateur est un très-brave homme ?

li »

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(5oo y

sa femme est Allemande} elle a voyagé en Italië. Ils me préparerent un excellent petit souper et unnbsp;bon appartement : un Valaque veilla toute la nuitnbsp;pour y entrelenir Ie feu.

Le 26, j’ai Ie plus beau tems du monde, et k dix heures du matin je suis h Clausenbourg, cheznbsp;mon brave Recteur Szegedc. Je me souviendrainbsp;toute ma vie d’un bon Frere, qui avoit la directionnbsp;de la pbarmacie, et qiri me donnant du café selonnbsp;l’usage (on alloit ordinairement pour cela a lanbsp;pbarmacie) , me dit que lorsque je reviendroisnbsp;encore, il seroit in crjptd (danslecaveau). Commenbsp;il n'étoit ni malade , ni excessivement agé , jenbsp;contredis cefte idéé de mon mieux 5 cependant ellenbsp;se réalisa peu de jours après. C’étoit un hommenbsp;fonciérement pieux, qui avoit beaucoup voyagénbsp;et beaucoup vu , et dont 1’ame étoit au-dessus denbsp;son emploi et de son état de Frere laïc.

Le 29, je dine au Séminaire, avec 280 pauvres écoliers, auxquels je consacrerois plus volontiersnbsp;mes petits talens et mes soins , qu’aux Princes etnbsp;aux Comtes.

Après tous mes voyages, je me porie parfai-tement bien; mais outre une calvitie totale, j’yai pris un air si froid et si pbilosophique, qu’on nenbsp;roe reconnoitra pas a mon retour aux Pays-Bas, sinbsp;jamais il a lieu. On me dira ce qu’Enée disoit anbsp;Hector:

..........Quibus , Hector , ah oris

Expectate venis 7 quce causa indigna serenos

Fcedavit vultus 7................

Jbieid. L. 2.

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( 5oi )'

Ma santé est si inalterable depuis mon exil, que je n’ai point fait usage du moindre remede : j’ainbsp;trouvé beaucoup de vérilé dans ces asiómes, tirésnbsp;de la Méthode aisée de conseroer sa santé, ouvragenbsp;anglois , traduit par Mr. de Bréville, avec 1’épi-graplie : Sine his, omnia remedia nihil prosunt.

Paris, 1^52.

a 89. Pour vivre long-tems, se niaintenir en a santé , conserver la force de son génie , etnbsp;» pouvoir admirer les merveilles de la Provi-n dence, il faut avoir grand soin de subordonnernbsp;n ses appétits a la raison ».

» 47quot; La tempérance prévient quantité d’acci-» dens , et nous rend raoins sensibles au froid,

)) au cliaud et a la fatigue a.

a 49- Une diete bien réglée nous dispose k a attendee la mort avec assurance a.

a 5o. Enfin, la sobriété conserve la mé- Journal de a moire, le iugement et toutes les facultés infel-rnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, jum

, nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;„nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Pag- 399.

a lectuelles etc a. nbsp;nbsp;nbsp;— i 1786,

Le 3 Decembre, je chante la Messe pour la P®s-gt;7*-fête de S. Francois-Xavier , avec une grande consolation. — Pendant mon sejour au college de Clausenbourg, je vois polir des pierres précieusesnbsp;chez le P. Fridrelsky : ce genre d'ouvrage exigenbsp;une patience, une persévérance incroyables,

Gutta cavat lapidem , non vi, sed scepè cadendo ;

Sic fit gemma nitens , non vi , sed scepè terendo.

Le 5 Décembre, je pars : le terns et les chemins sont tres-mauvais; je suis foi'cé de m’arrêter et denbsp;passer la nuit a trois lieues de Clausenbourg.

Le 6, je suis dans la citadelle, ebez le Capi-

li 3

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faine Pelrich, a Samos-Uimr; ie soir ^ Dées, chez Ie Comte Téléki, et Mr. De Breux, monnbsp;ancien confrere j Taimable Comte me retient jus-qu'au 14. Ce jour-lk, j'aiTÏve h Bethlem, chez Ienbsp;Comte de ce nom, et Ie i5 je suis pour diner anbsp;Bistritz.

Bistritz étoit autrefois une ville puissante Ie célebre Jean Huniade étoit Comte de Bistritz;nbsp;on y voit encore sa maison, J’ai lu dans un diplome ; Nos Joannes de Huniade, Comes perpetuusnbsp;B istriciensis.

Sed nos immensum spatiis confecimus cxquor,

Et jam tempus equüm spumantia solvere colla.

L. 2. Georg.

Aujourd’hui i5 Janvier 1769, on emmene Ie canon de Bistritz centre les Turcs , qui ont passénbsp;la frontiere ; les Sicules en ont pris 17 , qu’ils ontnbsp;menés aHermanstadt. Nous sommes menaces d’unenbsp;invasion, quoiqu’il soit constant qu’il ne s’agit quenbsp;de faire la guerre a Ia Moscovie ; aussi cette nouvelle s’est-elle trouvée fausse. Dans ces sortes d’oc-casions , ici comme par-tout, aujourd’hui commenbsp;au tems de Tite-Live , multa nuntiaia, malta te-merè credita.

Le 17, j’ 'ai acheté un Hansel, le 3®., bien supérieur a Hansel II, et semblable a Hansel I®®., de gracieuse memoire ; il ne me coute que 16 florinsnbsp;de Hongrie. Tons les animaux domestiques et sau-vages sont a fort bon prix dans ce pays-ci ; nousnbsp;avons une gélinotte pour 8,7,9 creutzers ; pournbsp;4o, OU même 89 creutzers un chevreuil a Rodnau;nbsp;pa lievre pour 7 creutzers, Ce sera ce 3®. Hansel

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qui me reconduira dans ma pafrie , si k Providence m’y rappelle, et si l’on me renouvelle Tordre d'y repai'oitre ; ordre qui déja lant de fois m'a élónbsp;envoyé inulilement; non point par ma tante, maisnbsp;par les intrigues de m,es am.is ou de mes cnnemis.nbsp;On interceptoit les lettres , on répondoil en manbsp;place que cela ne se pouvoit pas encore etc. Menbsp;plus tertia jactat omnibus errantem terris et jlucti-hus cestas. .(Eneid. i.

Une des choses que je me réjouis Ie plus d’avoir vues durant mon voyage, eest la mer. La beaulé ,nbsp;Tutilité , la nécessilé de lamer, sont autant denbsp;sujets qui demanderoient des discours entiers. Onnbsp;i'egarde cette partie de noire globe comme inutile,nbsp;et sans elle néanmoins l’autre ne sauroit subsister.nbsp;La navigation est entree dans les desseins du Créa-teur , pour Ie bien, et non pour la destruction desnbsp;hommes. Si la navigation répand les vices et lesnbsp;matieres nuisibles , c’est h la perversité des hommes et a 1’abus qu’ils font de toutes les bonnesnbsp;choses , qu’il faut attribuer ce mal. Je ne suis pasnbsp;étonné de voir soutenir la négalive avec beaucoupnbsp;de force et d’éloquence dans un Discours sur Ianbsp;question proposée par 1’Académie des Jeuxfloraux:nbsp;Si l’art de la navigation a étéplus nuisible qu’utile?nbsp;par Mr. Carrie de la Salle , Geneve, 1783. L'es-prit de commerce porte h un certain point, denature 1'homme , et deroge a ses bonnes qualites.

L’eau de la mer est tres-claire , le fond en est net, et le mouvement continuel ou elle est , jettenbsp;ioute immondice sur le rivage ; cette eau nestnbsp;propre ni h laver , nj a éteindre le feu. Aqua ma-,

Ii4

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Mund. siihi., rina, dit Kircher , incendiis exlinguendis inepta torn. I, pag. 323.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^ qi((,dpinguedine , qua dulcis caret , imbiita sit.

Hinc lucernce, injeclo sale, meliiis ardent. Ilinc etiain vestes aqud marind larari non possunt, qidanbsp;pinguedo sails illis inexistens potiiis injicit , quantnbsp;lavat. Cela n'einpêche pas que, contre un feu nais-sant et foible , 1’eau de la mer ne puisse êlre employee utilenient 5 car si elle ne leteint pas, ab-solument, elle l'étoulfe ; mais quand Ie feu estnbsp;violent, la parlie humide est d'abord absorbée,nbsp;et 11 ne reste bientót plus que Ia partie saline etnbsp;grasse.

Les isles , les poissons volans , les monstres nia-Ps. io3. nbsp;nbsp;nbsp;rins , les baleines etc. , Draco isle quern formasti

Speat, de la nat.

Ps. io3.

ad illudendum ei etc. ; tout cela augment© et varie les beautés de ce vaste élément. La plus belle desnbsp;isles du monde , eest Ceylan : 1’odeur agréable denbsp;ses cliamps se répand et se fait sentir a trente lieuesnbsp;dans la mer. Toutes les isles , 1’irrégularité desnbsp;coles , les golfes, etc., tendent directement k 1’u-Tovez Pluche, tupé dc fliomme. Le centre de 1’Asie et de 1’Afriquenbsp;est une pure Barbaric. L’Europe et sur-toutfllalie,nbsp;1’Angieterre , la France sont florissantes. « Nenbsp;« nous pressons pas , dit Butfon, de prononcernbsp;» sur firrégularité de ce que nous voyons sur lanbsp;» face de la terre; car nous en connoitrons bien-)) tót 1’ulililé , et niême la nécessité ». (/ƒ«/. nat.,nbsp;lom. I , pag. öp). — Que dire de mille especesnbsp;des plus beaux coquillages 7 Voyez la Physiquenbsp;sacree de Scheuchzer. UUc reptilia quorum non estnbsp;numerus.

' Les Propbeles ont regardé la mer, comme le

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symbole de la grandeur et de la puissance de Dieu. Jn mari via tua, et semilcB tuce in aquis mullis.nbsp;mievaverunt flumina vocem suam. Jülevaveruntnbsp;Jlumina Jlucius suos a vocibus aquarum multaj-um.nbsp;Mirahiles elationes marts,Prceparans monies innbsp;virtnte tua, qui conturbas prqfundum rnaris, sonumnbsp;Jluc.tuum ejus,Venite, exultemiis Domino....nbsp;Quoniam ipsius est mare et ipse fecit illud etc., etc.

» La mer n’éleve ses eaux que pour exalter par ce » spectacle la gloire et la puissance de son Au-n teur; aulant de flots , autant de voix : autantnbsp;» de murmuresde ce vaste et majestueux élément,nbsp;n autant de prédicateurs de la majesté de monnbsp;)) Dieu n, SI. de R. 99. C’est la grandeur denbsp;Dieu , peinte pour ainsi dire dans la mer , qui anbsp;fait naltre Ie prorerbe : Si nescis o rare, vade adnbsp;mare. Le sens qu’on y donne ordinairement, n'estnbsp;pas vrai.

Le soleil se levant de la mer et s’y couchant, fait de tout l'Océan un vaste diamant (1), Lesavan-tages que nous retirons de la mer sont immenses.nbsp;Sans la mer, le commerce avec les nations éloignées

Ps. ^C.

Ps. 93. Ps. 6/,.

Ps. 94.

1

Furcur de la mer , Speet, de la nat, ,XQm. III, pag. 184. — Caline, ibid. , pag. iB5. — Ulilité du flux et dunbsp;reflux, ibid., pag. 190. — De la salure, ibid., pag. 193..nbsp;— Dieu en est Pauteur, et a sale la mer des la creation,nbsp;ibid.,pA^. i^'j. — Les vents dont l’einpire est si grandnbsp;sur la mer, sont également utiles et nécessaires. Ce vastenbsp;réservoir de la sub.stance animée, absorbant la graisse desnbsp;poissons, les huiles végétales, et tous les débris des corpsnbsp;(car les fleuves y transportent tout cela) seroit le pointnbsp;de depart d’une contagion génerale sans la grande agi1

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seroit ou impossible , ou ties - difficile et peu lu-cralif; toutes les mers communiquent les unes avec les autres. — Que d’excellens poissons grands etnbsp;bs. io3. petits nous viennent de la mer! Hoe mare magnumnbsp;et spatiosum manibus : illic reptilia quorum non estnbsp;numerus , animaUa pusilla cum magnis , illic naveinbsp;pertransibunt. —Les perles, Ie corail etc., que denbsp;ricliesses dans la mer 1

Enfin la nécessité de Ia mer est sans léplique : les pluies nous viennent de la , les fleuves égale-ment, médiatement ou immédiatement 5 les ventsnbsp;en grande parlie , sans lesquels la peste , les cha-leurs excessives , de longues sécheresses ravage-roient et désoleroient la terre etc.

Le 25 Janvier 17Ö9 , je fus a Nassod, chez Ie Baron Enlzenbcrg, Commandant des Valaques.nbsp;Nassod commence a avoir l’air d’une petite ville ,nbsp;et les Valaques commencent a se trouver assez biennbsp;de la revolution qui les a rendus soldats. Mr. Ent-zenberg est le piemier Commandant des Valaquesnbsp;de ce district depuis l’érection de cette milice. Onnbsp;lit sur le tour de son écusson : Omne principiumnbsp;grace. — J’ai vu cliez lui une belle collection denbsp;cartes géographiques , de Saxe , de Silésie et desnbsp;montagnes de son district : ces cartes sont d’iinenbsp;grande ressource a un Capitaine en tems de guerre;

tation, et si les tempetes qui portent refTroi dans Tame du navigateur , ue pourvoyoient au salut de ce globe.nbsp;-— Les perles, Speet, de la nat., tom. Ill, pag. 286.nbsp;— Les vaisseaux , ïbid., pag. i tyf. — Les ee'tacés etnbsp;autres, ibid., pag. 213.

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on ne peut s’égarer avec de tels guides. Tout y est marqué dans Ie plus petit détail, avec lesnbsp;camps, les batailles, les endroils ou ont eu lieunbsp;les événemens remarquables en tout genre.

...........Dorica castra

Desertosque videre locos y littusque relictum :

Hic Dolopum Tnanus y hic scevus tendehat Jicliilles :

Classïbits hic locus ; hic acies certare solehant. nbsp;nbsp;nbsp;^neid.

Fijj DU Tome PREifii;R.

Kk

Tom. 1.

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TABLE

DU TOME PREMIER.

A.

ltertissement , nbsp;nbsp;nbsp;pag.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;)

Jtinéraire, ou J^oyages en Hqngrie, en Transyl-vanie, en Esclavonie , en Pologne, en Italië etc, , nbsp;nbsp;nbsp;t

Observations relafices a Ia physique , a l’histoire naturelle, dia minéralogie, auxmceurs etc.,nbsp;Ménagerie de Schcenbrunn ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;3g

Premiere suite du voyage en Hongtie etc,, gz Deuxieme suite du voyage en Hongrie etc.,

Voyage en Transyluanie, nbsp;nbsp;nbsp;i-Sj

yoyage de Semlin d Rome, nbsp;nbsp;nbsp;3o6

Observations sur Rome, son étendue , sa population : suite du voyage d!Italië , nbsp;nbsp;nbsp;4^3

Fin de la Table dü Tome premier.

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