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ä.
1
COURS
D'ARCHITECTURE
CIVILE.
m
m
-ocr page 2-
f
cou
D'ARCHITECTURE,
ο υ.
TRAITÉ
De la Décoration, Dißribution & Conflruclion
DES BÂTIMENTS;.
C ON Τ EN A Ν Τ
Les Leçons donnéesfen 1750, & les années
iiiivanr.es, par J. F. Blondel , Archke&e,
dans fon École des Arts.
Publié de Haveu de ΐ Auteur, par M, Ä***.
TOME PREMIER.
Chez Dîsaint, Libraire, rue du Foin-S.-Jacques·
ϊα*β^^
M DGf L.XXL
Avec Approbation, & Privilège du Roù
-ocr page 3-
t
AVIS DE L'ÉDITEUR.
A près avoir obtenu de l'Auteur
la permiiïion de publier cet Ouvrage
intéreifant , pour m'acquitter de la
reconnoiifance que je lui dois, d'avoir
bien voulu féconder, par fes foins &C
avec fon défîntéreifemeiit ordinaire ,
mon goût pour Γ Architecture, j'avois,
dans un Difcours préliminaire, faiii
l'occaiîon, en faifant connoître l'utilité
de fes Leçons, de parler auiïi, èC des
talents reconnus de cet Architecte, &C
de fon zèle infatigable pour les progrès
de ce bel Art ; mais après lui avoir
communiqué mon travail, fa modeftie
n'a voulu me permettre aucune efpece
d'éloge. « Je vous fuis très-obligé, m'a-
»t-il dit, de ce que vous penfez d'a-
» vantageux fur mon compte ; mais
«je fuis bien éloigné de croire avoir
" rempli la tâche que je me fuis im-
»pofée. Quelques connoiifances que
»vous ayez acquife dans nos Con-
• · ·
-ocr page 4-
■Λ
χ)                     A F Ι S
*> férences, les miennes m'y font apper-
» cevoir une infinité de fautes qui me
» font échappées 3 & que les hommes
» éclairés y remarqueront fans doute.
» Ne perdez pas de vue , je vous
» prie , que mon confentement à
» vous laiiïer publier mes Leçons, n'a
«eu d'autre but que l'efpoir qu'elles
» pourraient être de quelque futilité
» aux jeunes gens qui fe deftinent
» à l'Architecture : que malgré qua-
» rante années d'expérience , je n'ai
» garde de vouloir prétendre à l'ap-
» probation du plus grand nombre
» de ceux qui, de notre temps, tien-
» nent un rang diftingué parmi nous :
» fongez , ajouta-t-il, que le Manufcrit
» que je vous ai confié n'eft que le
» réfultat de vingt années de recher-
« ches ; mais qui faites dans des temps
» différents 6i à diverfesreprifes, man-
»quent peut-être de cette liaifon né-
*> ceifaire à obferver dans un Ouvrage
» qui, confié à la preife, demandoit
-ocr page 5-
DE L'ÉDITEUR.        y
* une érudition au-deiîus de mes forces.
»Donnez mon travail au Public, j'y
» confens ; mais oubliez tout ce qui me
» regarde &C qui pourrait déplaire à mes
» Contemporains. Jeune encore lorfque
» je compofai la plus grande partie des
» Leçons qu'il contient , une forte
» d'enthoufïafme fembloit m'être per-
» mife ; aujourd'hui corrigé par l'âge ,
» je reconnois le danger de cet enthott-
» iîafme, fur- tout lorfqu'il eft pouifé
»trop loin. Je n'afpire plus qu'à h
» retraite, au iilence ; ma carrière eft
» remplie: ne donnez mes Obfervations
» que pour ce qu'elles valent, & que
» votre amitié ne s'aveugle pas fur quel-
» ques talents que je dois plus à mon
» zèle qu'à mes lumières ». Pour con-
defcendre aux intentions de l'Auteur,
& me renfermer dans fes vues patrioti-
ques > je lui facrifie volontiers le plaiiîr
que j'aurois eu à m'étendre fur la répu-
tation qu'il s'eft acquife, èc fur fes
qualités perfonnelles. Je vais donc
a iv
-ocr page 6-
vîîj A VIS DE DÉDITEUR.
donner fes Leçons telles exadement
que je les ai trouvées dans fon Ma-
nufcrit, fans excepter même, ni fon
Épitre dédicatoire , ni la Préface qu'il
avoir déjà faite , n'ayant d'autre part
à cet Ouvrage, que d'en avoir accéléré
l'impreiTion 3 dont je me flatte que le
Public me faura quelque grç.
-ocr page 7-
ÉPITRE DÉDICATOIRE.
C/ Έ s τ aux Perfonnes en Place, à qui
nous devons notre état , aux Amateurs d&
la véritable Architecture qui ont animé notre
%èle : c'eß aux Architectes célèbres qui ont
dirigé nos études , aux Artifles habiles qui
nous ont éclairés fur les différentes parties de
notre Art : c'eß à nos Elevés, qui plus d*ujie
fois nous ont fourni l'occafion de réduire en
principes la plus grande partie des règles que
les Manfards ont mifes en pratique dans leurs
édifices : c'eß à ces divers Citoyens que nous
croyons devoir dédier notre ouvrage. Cet hom-
mage public r s'il efi bien reçu, fera pour nous
la récompenfe la plus fiatteufe que nous piaffions
efpérer du fruit de nos veilles; trop heureux β nos
efforts répondent, en quelque forte
, à l''attente
de ceux que nous avons ici en vue : nous nous
flattons du moins qu'ils voudront bien accceuillir
ce qui fe trouvera de moins défectueux dans ce
„Jfe- 'JÊÈÈL*.
-ocr page 8-
X        ÈpiTRE DÉDICATOIRE.
Cours. Ce qu'il contient de meilleur leur appar-
tient fans doute : mais nous ofons croire
, qu'en
faveur de l'ufage que nous avons fait de leurs
avis, ils voudront bien avoir quelqu indulgence
pour tout ce que nous avons tiré de notre propre
fond.
Quelle que piaffe être L· déci/îon du Public
fur le fort de cette entreprife affe^ importante t
nous ne l'en affurons pas moins de la pléni-
tude de notre reconnoiffance pour tout ce que.
nous lui devons jufqu'à prêfent.
-ocr page 9-
PRÉFACE. X>
O Ν peut dire que, jufqu'à préfent, nous
n'avons pas eu encore de Cours d'Architecture
qui embraiîe toutes les parties de cet Art.
Celui de d'Avilcr, eftimable à beaucoup
d'égards , eft trop incomplet. François
Blondel, célèbre Architecte , ne nous ä
guère parlé, dans le fien, que des ordres
iùivant les anciens & les modernes, des
Arcs de Triomphe, des Ponts5 à quoi 'il a
ajouté lesDefcriptions de quelques Édifices
qu'il a fait exécuter. Il manque à cet Ouvra-
ge , d'ailleurs excellent, les principes de la
conilrucfcion, de la diitribution, & de la déco-
ration intérieure ; ces deux dernières parties,
font devenues en France, depuis ce grand
Maître , un objet très-intéreiiant dans l'art
de bâtir. Un Cours complet d'Architecture
eft donc, pour ainfi dire , une nouvelle
entreprife qui ne peut manquer de devenir
utile aux différentes perfonnes qui s'inté-
reffent à cet Art. Nous convenons que ce
travail n'a pas été pour nous fans difficulté :
il s'agiiToit de fondre en un feul corps de
Leçons, tout ce qui s'eft dit d'excellent
fur cet objet, &; de lier enfemble, non-
feulement tout ce qui appartient à l'Ar-
chitecture, mais encore tout ce qui regarde
les autres Arts de goût qu'elle dirige Se
fait valoir en fe les aifociant.
»
-ocr page 10-
xij               PRÉFACE.
Nous efpérons que le Public recevra cet
Ouvrage avec quelque plaifir , du moins
nous nous rappelons avec reconnoiiTance,
l'accceuil favorable qu'il a bien voulu faire à
nos premiers efforts, Cependant nous avons
balancé long-temps à mettre au jour ce
nouveau fruit de nos occupations, les meil-
leurs livres en ce genre ne pouvant feuls
former d'excellents Artiiles : nous nous y
fbmmes déterminés néanmoins, nous étant
aperçus plus d'une fois, que l'ufage de dicter
des cahiers, fait perdre aux Elevés un temps
considérable qu'ils pourroient mieux em-
ployer à fuivre les démonftrations des
Frofeilèurs. D'ailleurs nous nous fommes
prefque toujours aperçus que les copies que
la plupart en faîfbient, étoient peu lifîbles
pour ceux mêmes qui les avoient écrites -y
que d'autres y laiiToient des lacunes qui
ïnterrompoient la liaifon que les Leçons
doivent avoir les unes avec les autres t
qu'enfin les incorrections que nous remar-
quions dans la plupart des figures, ainfi
que dans le texte &: les notes, rendoienc
néceifairement leurs Manufcrits très-im-
parfaits. Ces motifs nous ont fait pren-
dre le parti de faire imprimer cet Ou-
vrage , quelque crainte que nous ayons
eue de n'avoir rempli que médiocrement
notre objet. Nous avouons même que
-ocr page 11-
PRÉFACE.             xiij
nous avons été fouvent embarraiîés fur le
ftyle qu'il convenoit de donner à nos Le-
çons. Enfin comme il nous a paru eiTenciel
d'éviter , &. les termes de l'Art, peu uiîtés
dans le commerce du monde , & la féche-
reiTe d'un Ouvrage purement élémentaire,
nous avons cru , qu'elles dévoient être
écrites de maniere que les plus foibles nous
comprùTent, & que les hommes déjà éclai-
rés en puflent goûter les préceptes. Au
refte, au défaut d'un plus grand degré de
perfection que nous aurions deiîré donner
à notre travail , nous nous fommes du
moins tournés du côté de l'utilité : nous
avons tâché de le mettre à la portée de
ceux qui défirent s'inftruire dans l'Art de
l'Architecture, Se de fournir aux Profei-
feurs des matériaux qu'ils pourront adop-
ter dans leurs exercices publics.
Pour y parvenir , nous n'avons pas héfité
de faire part à nos Le&eurs de la plus
grande partie de ce que nos plus habiles
Archite&es ont écrit de plus intérefiant
fur cet Art. Ce n'eft donc point notre ièn-
timent feul que nous leur offrons , c'eft
une fuite d'obfervations faites d'après les
exemples les plus approuvés , de ceux
mêmes qui, fans avoir écrit fur l'Archi-
te&ure, ne nous en ont pas moins laiiîé en
France, des modèles dignes d'Athènes &£
-ocr page 12-
xiv              PRÉFACE.
de Rome. Nous avons penfé que c'étoît au
gout à nous éclairer fur ce que nous de-
vions adopter ou rejeter de leurs opinions,
chaque Architecte appelé à Ton Art par le
génie, ayant fa maniere de voir & d'appré-
cier. D'ailleurs nous fommes perfuadés qu'il
eft une imitation qui n'a rien de fervile, &
qui nous rend propres les richeflès que
nous empruntons d'autrui , foit dans les
Arts, foit dans les Lettres : trop heureux iî
nous avons bien iaifî ce que nous avons
puifé dans les Ouvrages de différents gen-
res, & lî nous ibmmes parvenus à le bien
rendre à nos Elevés.
Peut-être nous faura-t-on auiîî quelque
gré d'avoir joint nos propres réflexions à
celles des anciens &: des modernes 5 du
moins notre intention a été par-là, d'exciter
les jeunes Artiltes à examiner par eux-
mêmes , &c fans partialité, le bon ou le
mauvais effet que peut produire fur leur
eiprit, la perfection ou l'imperfection ré-
pandue dans la plupart de nos bâtiments ; à
apprécier ce qu'ils doivent imiter ou rejeter,
& a fe mettre en état de diftinguer la belle
Architecture d'avec l'Architecture médio-
cre. Nous n'ofons néanmoins trop efpérer
de ces moyens ; il peut nous être échappé
bien dos obiervations utiles : mais pour
réparer nos omiffions, nous invitons nos
-ocr page 13-
PRÉFACE.              χψ
Lecteurs à nous les faire connoître. Bien loin
que leur cenfure nous défoblige , nous
iouhaitons qu'on ne nous paife rien ; nous
n'avons pas la vanité de nous croire fans
défauts. En publiant ce Cours , nous
n'avons eu en vue que l'utilité de nos Elè-
ves, &c nous profiterons avec reconnoif-
iance des obfervations qu'on voudra bien
nous faire.
Malgré cet aveu, on ne doit pas s'atten-
dre ici à de /impies apologies 5 & quoiqu'il
s'agiflè fouvent d'obfervations faites iur
les productions des plus grands Maîtres,
des éloges affectés nous auroient femblé
plutôt un outrage pour nos illuftres Prédé-
ceilèurs , qu'un hommage digne de leurs
talents Ces mêmes éloges auroient peut-
être auiïï paru injurieux à ceux de notre
temps qui ont aiïèz d'acquis pour profiter
de nos obfervations. Le ton apologéti-
que nous a donc paru ne convenir que
pour l'encouragement qu'on doit aux
Élevés déjà avancés 5 autrement le Public
en applaudiilànt au zèle de l'Écrivain ,
blâme tout bas, ou fon incapacité , ou
fa complaifance pour les ouvrages de fes
Contemporains. D'ailleurs nous avons cru
qu'un Traité tel que celui - ci , devoir
avoir un autre but, & qu'une critique trop
auftere eil auifi peu propre à inilruire,
-ocr page 14-
xvj             PRÉFACE.
qu'une apologie outrée eil peu fatîsfaîlartte
pour les Artiltes qui en /ont l'objet.
Nous préfentons donc, avec quelque
confiance , nos propres réflexions , fans
nous attendre qu'elles foient toujours ado-
ptées : notre ambition ne va pas juiqu'à
prétendre plaire à tous 5 il nous jfuffit d'ap-
prendre à la poitérité , il cet Ouvrage
peut y parvenir, ce qu'auront penfé ceux
qui, dans les chofes d'art &c de goût, ne
font d'aucun fiecle ni d'aucun pays.
Nous avons fur-tout cherché a analyfer
ce qu'on peut appeler le rationnement de
Γ Architecture ; nous nous flattons même
que cette partie de notre Ouvrage ne fera
pas la moins intéreiîànte , nous ayant paru
la plus capable de faire éclôre le germe
du génie de l'Élevé, de développer, d'é-
tendre iès idées, de fixer fon imagination,
de préparer ion eiprit , pour recœuillir
avec fruit les préceptes les plus approuvés,
&: parvenir enfin à en faire une applica-
tion judicieufe dans fes différentes produ-
ctions. On nous a reproché plus d'une
fois , que cette facilité de nous livrer
aux vœux du plus grand nombre, avoit
ouvert trop indiiKncfement à la multitude
les moyens d'acquérir les connoiiîànces de
l'Architedurej que pour quelques Citoyens
dignes d'être inities dans iës myfteres ,
combien
-ocr page 15-
PRÉFACE.         xvij
combien d'autres étoient incapables de Jes
comprendre, d'où fe font multipliés tant
d'hommes médiocres ; mais nous avons
vu cela autrement, perfuadés, par notre
propre expérience, qu'il falloit eiîayer
de tous, pour être véritablement utile à
quelques-uns, fufceptibles d'approfondir ,
de connoître àc de fe diitinguer dans cet
Art.
Deiîrant donc que ce Cours devienne
utile, fut-tout aux Ecoles qui s'établiiîènc
dans nos Provinces, nous n'avons pas né-
gligé d'y inférer par forme dedigreiîîon les
avis que nous avons été à portée de donner
de temps à autre à nos Élevés , foit pour
encourager les uns , /oit pour exciter l'é-
mulation des autres 5 -nous avons eu inten-
tion que ce corps de Leçons puiiTe fervir
de guide à ceux qui, dans Ja fuite , vou-
dront courir la même carrière j nous ne
ferions peut-être pas entrés, dans tous ces
détails, iî nous avions écrit fur l'Archite-
cture , feulement pour les Artiiles déjà éclai-
rés , comme nous avons eu occaiîon de Ja
faire précédemment.
IJ nous reite à rendre compte de Ja di~
viiîon que nous avons donnée à ce Cours.
Nous avons commencé par traiter de Ja
décoration, avant de parler des deux autres
parties de l'Architedure qui regardent Ja
Tome I.                                                     b              , '■·
-ocr page 16-
xviij         PRÉFACE.
diitribution & la conitru&ion 5 parce qu'il
nous a paru néceiTaire de parler de la fcience
de l'Art avant de paffer à la pratique. En
effet, l'Architecte ne peut exceller dans
l'ordonnance de fa décoration , que par
le fecours de la théorie , qui fuppofe la
connoiifance des Belles-Lettres, des Mathé-
matiques Se du Deffin : connoiifances fans
lefquelles il ne peut parvenir au raifonne-
ment, aux proportions & au goût de l'Art.
P'ailleurs nous regardons la diitribution
comme une partie qui doit être intermé-
diairement placée entre la décoration & la
conitruction.
Gomme ces différentes parties ont rap-
port entr'elles, en traitant de l'une, nous
ferons quelquefois obligés de parler de l'au-
tre. Par exemple, en traitant de la décora-
tion des Édifices, nous parlerons non-feule-
ment de la diitribution extérieure, mais auffi
de la diitribution des dedans 3 on ne peut
éviter la réunion de ces deux principaux
objets, fans tomber dans l'inconvénient de
la plupart des Architectes du dernier iîecle,
qui, pour avoir négligé les commodités
qui rendent aujourd'hui nos habitations
ii intéreifantes, n'ont guère produit que
de belles façades, tandis qu'au contraire
le plus grand nombre de nos Contem-
porains , il y a trente ans , ne s'étant
attachés qu'à la diitribution proprement
.........-..................-.....
-ocr page 17-
PRÉFACE,         xh
dite, & aux embellûTements des dedans,
ont fi ibuvent défiguré l'ordonnance des
dehors, qu'ils ont, pour ainfi dire, fait ou-
blier le régne des Perrault &: des Manfard.
Nous avertifïons encore , qu'il ne nous fera
guère polîîble, en traitant ces deux premiè-
res Parties, de ne pas faire entrer dans nos
obfervations, les notions préliminaires de
la conftru&ion , qui terminera cet Ou-
vrage , le fuccès d'un bâtiment dépendant
âbfolument de la réunion de ces trois bran-
ches de l'Art : réunion qui certainement
rend l'étude de l'Architecture aujourd'hui
plus difficile qu'elle ne i'étoît, même du
temps des Grecs & des Romains. Ëxpofons
fommairement ici le plan des différentes
Leçons que renfermera ce Cours.
La Premiere Partie, qui aura pour
objet la décoration des Edifices, contiendra
une Introduction dans laquelle fe devront
puifer les idées générales de l'Architecture
& des Arts qui y font relatifs. Cette intro-
duction fera connoître l'origine, les progrès
& les révolutions arrivées dans l'Archite-
cture, ainfi que dans les Arts du Jardi-
nage , de la Sculpture & de là Peinture.
Après cette Introduction feront traités les
objets fuivants, dans autant de Chapitres
particuliers.
bij
-ocr page 18-
xx             PRÉFACE.
Sources de l'Art, ou origine des
Ordres Grecs & Romains dans lefquels
on doit puifer l'expreffion relative à la
décoration des Édifices.
Préceptes de l'Art , tirés de la pro-
portion de ces mêmes Ordres ? fuivant les
anciens & les modernes.
Raisonnement de l'Art , ou défi-
nitions des principaux membres d'Archite-
cture ôc de Sculpture, utiles à la décora-
tion des façades.
Analyse de l'Art , ou moyens de
parvenir à diilinguer la bonne Architecture
d'avec l'Architecture médiocre.
Du GOUST de l'Art, ou maniere
d'éviter tout ce qui peut y être contraire.
Application de l'Art, ou maniere
d'élever les Ordres les uns au-deiTus des
autres, avec leurs mefures exa&es dans les
différents étages de nos bâtiments, &c mis
en parallele avec ceux des principaux Édi-
fices anciens.
Fécondité de l'Art , ou moyens de
donner à chaque Édifice le caraétere parti-
culier qui lui convient.
Discussions de l'Art, où l'on prouve
que les proportions obfervées dans les Édi-
fices les plus célèbres, ont été puifées dans
la nature.
-ocr page 19-
PRÉFACE.            xxj
Licences de l'Art, au moyens de
s'éloigner de la rigidité des préceptes, en
-évitant néanmoins les abus qu'elles occa-
iîonnent quelquefois dans les productions
des Architectes médiocres.
Perfection de l'Art , qui ièule peut
faire parvenir à la régularité abfolue dans
l'ordonnance extérieure Se intérieure de
nos bâtiments.
Expérience de l'Art, qui amené à
démêler , par l'examen de quelques-uns de
nos Édifices, leurs véritables beautés, ou
les médiocrités dont plulîeurs ne font pas
toujours exempts.
La seconde Partie , qui aura pour
objet la diflribution, contiendra une Intro^
dudion fur l'origine de cette branche de
l'Architecture : à cette Introduction fuc-
cédera ce qu'on a pu dire d'intéreilanc
fur les bâtiments d'habitation , de magni-
ficence , d'utilité & de fureté. On obiër-
vera, dans cette féconde Partie, l'ordre
fuivant.
De la distribution, où l'on traitera
de la difpofition générale des Palais des
Rois , des Maifons royales, des Maifons
de Dlaifance, des Maifons de campagne, des
Châteaux, des Hôtels des grands Seigneurs,
& des Maifons des riches Particuliers.
b iij
-ocr page 20-
*xi] Préfacé.
Des Appartements en général,
des Appartements de parade, de fociété,
& de ceux nommés Appartements parti-
culiers deilinés à la demeure perfonnelle
des propriétaires. De la proportion que
les hauteurs des pièces de ces différents
Appartements doivent avoir par rapport
à leurs diamètres, &c.
Des différents genres de Pièces
qui compofent les Appartements, tels que
les Veiîibules, les Anti - chambres , les
Salles, les Salions, les Chambres à coucher,
les Cabinets & les Garderobes,
De la disposition , de l'expofîtion
& de la fituation des Galleries, des Biblio-
thèques , des Salions à double étage , des
Chapelles particulières, & des appartements
de Bains de propreté.
Des différentes formes des Esca*
LIER s , de leur difpoiition , décoration ,
conftruéHon5 de la maniere de les éclairer,
& des diverfes matières qui peuvent entrer
dans leur conftru&ion.
De la décoration intérieure des
différentes pièces d'un Appartement, rela-
tive à leur ufage particulier, où il fera traité
de la Sculpture , de la Peinture , de la
Dorure, des Glaces, du Marbre, du Bronze,
& généralement de toutes les parties qui
contribuent à l'embelliiiement de l'intérieur
des Bâtiments,
-ocr page 21-
PRÉFACE.             xxiij
De la Distribution des Cuisines
&c Fournils, des Offices, des Écuries,- des
Remifes, des Logements des Officiers, de
ceux des 'Domeftiques, des Colombiers,
des Glacières, des Chenils, des Manéges
couverts tk. découverts, de leurs dépendan-
ces, &c.
De la distribution des Oran-
geries , des Belveders, des Trianons ,
des Ménageries , des Faifanderies &: autres
Bâtiments répandus dans les Jardins de
propreté , 8c dans les Parcs des Maiibns
de Plaifance.
De la distribution des Jardins
de propreté en général, &: de toutes les
parties qui concourent à leur embelliiîe-
ment, tels que les Terraiîes, les Efcaliers,
les Pièces d'Eau, les Parterres, les Salles de
verdure, les Bofquets, les Berceaux arti-
ficiels , naturels, &c.
De la distribution et de l'or-
donnance des Édifices sacrés , tels
que les Eglifes Cathédrales, Paroiiîiales,
Conventuelles, & de celles nommées Eglifes
en rotondes.
De la distribution des Hôtels-
de-Ville , des Bibliothèques publiques ,
des Bafiliques ou Palais de la Juftice, des
Collèges, des Aqueducs, des Fontaines,
des Hôpitaux , des Marchés, des Manu-
ιέ iv
-ocr page 22-
xxiv         PRÉFACE.
factures, des Théâtres, des Foires & des
Halles de différents genres.
De la distribution des Arsenaux,
des Cafernes, des Portes de Ville, des Places
d'Armes, des Priions Militaires, des Ports,
des Ponts, &c.
La troisième Partie , qui aura pour
objet la conftruclion, contiendra une In-
troduction , où il fera parlé de ce que les
us & coutumes prefcrivent concernant les
Bâtiments : de l'art de faire des Devis ,
du poids & des différentes qualités des
matières propres à l'art de bâtir.
De la Maçonnerie en général, & en
particulier de la Pierre & du Marbre, de
la Brique, du Plâtre , de la Chaux, du
Sable & du Mortier.
DE LA MANIERE DE PLANTER UN
Bâtiment , de l'excavation des terres &
des précautions qu'il faut prendre pour
parvenir à ces deux objets.
De la construction des Murs
de fondation, de face & de refend, mi-
toyens &L de clôtures ; des différentes ma-
tières qui y peuvent entrer, & des agents
que l'on emploie pour les unir enfnnble.
Des différentes espèces de Voû-
tes , de leurs pouifées, des vouffures, des
Trompes, des Panaches, &c
-ocr page 23-
PRÉFACE.            xxv
Des Épures Se des développements utiles
à l'art du trait, pour parvenir d'une maniere
pratique à la coupe des Pierres & des Bois»
De la Charpenterie en général &
en particulier , des Planchers, des Pans
de bois, & des différentes formes & aiTem-
blages des Combles.
De la Serrurerie en général & en
particulier des gros fers de la Serrurerie &
de la Ferrure.
De la Menuiserie , où il fera parlé
de la qualité des bois propres à cet Art,
&en particulier de l'afTemblage des Portes à
Placard, des Lambris de hauteur & d'appui,
des Croifées, des Parquets & de toutes les
parties qui contribuent à la falubrité & à
l'embelliiiement des appartements.
De la Couverture en Cuivre, en
Plomb, en Ardoife, en Tuile & en Bar-
deaux : de la Plomberie concernant les
Chaînaux, les Defcentes, les TerraiTes, les
Noues, les Faîtages, les Arêtiers & autres
parties d'utilité en ce genre, & de la Déco-
ration qu'il procuré à nos Édifices.
De la Peinture d'impreiïïon, de fes
différentes efpeces: à l'huile, au chipolin, à
l'encauftique, à la grecque , en détrempe ;
de la Dorure au blanc d'aprêt & à l'huile}
des RehaulTés d'or , des Camaïeux , des
Grifailles &c autres embelliiTements de cette
efpece.
s
-ocr page 24-
xxvj         PRÉFACE.
Cet Ouvrage contiendra fix volumes,
Se environ deux cents planche^ néceiTaires à
i'intelligence du Difcours : perfuadé qu'un
deiîin bien rendu, foit qu'il repréfente un
plan, une élévation, une coupe ou quelques
.développements des différentes parties d'un
Bâtiment, prouve mieux & plus prompte-
ment que la narration la plus fatisfaifante ;
les phrafes les plus claires fuppléant mal au
deifin. D'ailleurs, de même qu'il eil rare que
Ja premiere compoiîtion d'un projet que
l'imagination fait concevoir à la hâte , fe
trouve exécutée telle que d'abord elle a été
conçue : de même il y a toujours une très-
grande différence entre des Leçons pure-
ment fpéculatives, &l celles aidées de la
dcmonilration. Combien de fois n'avons-
nous pas éprouvé, qu'une ou deux figures
légèrement tracées fur l'ardoife, épargnoient
dans nos Conférences une circonlocution
que nous n'aurions pu éviter fans cefecours.
Il faut en convenir, l'efprit le plus métho-
dique enfante quelquefois des chimères,
qu'un deiîin bien rendu détruit. Certaine-
ment il faut être très-verfé dans l'Archi-
tefture, pour imaginer avec quelque préci-
fion , & pour rendre ies idées aux autres
fans le fecours d'une figure qui parle aux
yeux. Nous pouvons le dire ici : Vitruve
n'a paru obfcur à fes Commentateurs, que
-ocr page 25-
PRÉFACE.           xxvij
parce que les planches dont il avoît accom-
pagné fes explications, ont été perdues
pour la plupart. Cet Auteur, à qui on ne
peut refufer beaucoup d'érudition & de
capacité , nous paroîtroit néanmoins plus
clair, h* fes deffins originaux nous étoient
parvenus, & ils auroient concilié ce que
des volumes de Commentaires ne peuvent
accorder.
Peut-être eût-il été à defirer que les
deffins des planches de notre Cours euiîènt
été fur une échelle un peu plus grande ;
mais il auroit fallu avoir recours à l'in-folio $
ce qui n'a pu être , & à caufe de la cherté
qu'occaiîonne un tel format, & à caufe que
nous avons deiîré rendre notre ouvrage
portatif, pour qu'il devînt plus utile à nos
Élevés, que nous avons eus principalement
en vue dans la compoiîtion de cet Ouvrage.
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V
-ocr page 26-
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jp»iiiiu!iiiiiniiu.mmu.i . m npm.i.im.mamn, uw—ιm
TABLE DES MATIERES.
INTRO DUCT ION.
■Abrège de l'Histoire de £Arch it ec-
turE. ^
                                              page ι
De tUtiàté de t Architecture.                                 11 g
Moyens d'acquérir les talents néceffaires à un Archi-
tecte.
                                                                   131
Origine de ÎArt du Jardinage. 144
Origine de la Sculpture.
                                         15 8
Origine de la Peinture.
                                           173
CHAPITRE PREMIER.
Sources de £Art%
Origine des Ordres.                                               189
Des ordres d'Architecture en général ,. & de leur
origine.
                                                               I9I
CHAPITRE II.
Préceptes de l'Art.
Planche I.
Des cinq ordres en général.                                  216
Planche IL
Divißon generale pour les cinq ordres d'Architecture,
219
Des différentes efpeces de Moulures.                    222
De la maniere de tracer géométriquement les différentes
Moulures.                                                          225
Planche III.
Des Tores & dus Quarts de Rond.                      226
Planche IV.
Des Cavets & des Scoties.                                     229
\
-ocr page 27-
DES MATIERES. xxbc
Planche V.
Des Douanes & des Talons.                               233
Planche VI.
Des Moulures compofées.                                       236
Planche VII.
Maniere de tracer les Jets d'Eau propres aux diffé-
rentes cimaifes des corniches
, & les différentes cour-
bures des frifes.
                                                  241
Planche VIII.
Des Cannelures.                                                    246
Planche IX.
Des ornements qui peuvent s'appliquer fur les Mou-'
Iure s.                                                                 χ jo
Des Ornements à fujage des Moulures droites. 251
Des Ornements à l'ufage des Moulures circulaires.
254
Planche X.
Entablement Tofcan de Palladio, comparé avec le profil
dune tête humaine. ■
                                               2Ó0
Planche XI.
Entablement Tofcan de Scammo^i, comparé avec le profil
d'une tête humaine.
                                                 201
Planche XII.
Entablement Tofcan de Vignole, comparé au profil <£une
tête humaine.
                                                        ibid.
Planche XIII.
Dénombrement des divers membres attribués à tordre
Tofcan par Fignole^
                                          2 £3
-ocr page 28-
xxx                          TABLE
Meßires générales & particulières de l'Ordre Tofcafi ï
félon Vignole. ,                                            26?
Mefures du Piedeßal.                                            266
Mefures de [Ordre ou de la Colonne.                 ibid.
Mefures de £ Entablement.                                     267
Planche XV.
De tordre Tofcan de Fignole, avec quelques  ckan^
gements utiles.                                                   268
Du Piedeßal & de la Bafe de la Colonne.         ibid.
De L· Bafe du Piedeßal.                                     260
Du Dé du Piedeßal.                                             27Ο
De la Corniche du Piedeßal.                                 271
De la Colonne.                                                      272.
De la bafe de la Colonne.                                     273
Du Fût de L· Colonne.                                          274
Maniere de tracer la Conchoïde.                           27 j
Du Chapiteau.                                                      278
De [Entablement.                                                 ibid.
Planche XVI.
Des ordres Tofcans de Palladio & de Scammo^i. 281
De tordre Tofcan de Palladio.                            ibid.
De tordre Tofcan de Scammo^i.                          2.2%
CHAPITRE III.
Raisonnement de l'Art.
Planche XVII & XVIII.
Des divers Membres d'Architecture & de Sculpture. 287
Des Colonnes & des Pilaßres.                              3,8g
Des Colonnes par rapport aux Ordres.                  291
Des Colonnes par rapport à leur Matière.           ibid.
Des Colonnes par rapport à leur Conßruclion.     293
Des Colonnes par rapport à leur Forme.              294
Des Colonnes par rapport à leur Difpoftion.       296
-ocr page 29-
DES MATIERES.          xxxj
Des Arcades.                                                        301
Des Pieds-droits.                                                2
Des Alettes.                                                          3°4
Des Irnpojles.                                                        3°?
Des Archivoltes.                                                   3°**
Des Claveaux.                                                       3^7
Des Chambranles.                                                  3°^
Des Appuis.                                                          3°9
Des Niches.                                                           3l°
Des Statues.                                                          311
Des Balufirades.                                                   311
Des Avant-corps.                                                 314
Des Frontons.                                                       315
Des Acroteres,                                                       3*7
Z?w Amortiffements.                                              3 * °
Des Tables.                                                           3l9
Des Champs.                                                         3i0
/>« Pyramides & des Obélifques.                         $11
Des Soubajfements.                                                3^3
Z>e5 A niques.                                                        324
Z>ei Refends & des Bojfages.                                3% J
jDêî Entablements décompofés.                              3-i7
Z>ei Corniches architravées.                                    3i^
Z>ei Plinthes.                                                       ibid.
Z>£î Trumeaux.                                                     3^9
Des Encoignures & des Écoincons.                      332
Des Mélanines & autres ejpeces d'ouvertures. 333
Des Cadres.                                                           33$
De la Sculpture                                                    33^
Z>« différents genres ^ornements deßines à embellir
£ Architecture.                                                    ibid.
Ζ?« ^α/èi.                                                             340
ƒ?« Trophées.                                                        342
Z?ei Cariatides.                                                      345
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xxxij                      TABLE
Des Gaines.                                                          349
Des Clefs.                                                              352
Des Confoles.                                                       ibid.
Des Cartouches.                                                     3Ç7
Des Médailles & des Médaillons.                        358
Des Culs -de- Lampes.                                         360
Des Cornes d'Abondance.                                      362
Des Feßons & des Guirlandes.                             363
Des Entrelas.                                                        364
Des Caßettes.                                                        36 j
Des Pofles.                                                            367
Des Guillochis.                                                      368
Des Vermiculures & autres Ornements ruß'iques.   369
CHAPITRE IV.
Analyse de lArt.                                   373
De la f üb limité de Ρ Architecture.                           377
De [admiration que peut caufer ΐ Architecture.      381
Du caractère d'originalité dans Γ Architecture.        384
De [Architecture Pyramidale.                               386
Ce qu'on entend par une Architecture agréable»    3 88
De la Convenance en Architecture.                         389
Duflyle vrai an Architecture.                             301
De la vraisemblance en Architecture.                   302
Ce qu'on entend par une belle Architecture,           304
De la nobleße des formes en Architecture.             30 e
De ΐ unité en Architecture.                                     39Ö
De la variété en Architecture.                                300
Du caractère libre en Architecture.                          aq\
Ce qu'on appelh abondance dans la compoßtion d'un
ouvrage d'Architecture.                                       403
De la nécefjité de rendre conféquentes les différentes
productions de l Architecture.                            405
De la nécejfité de F exactitude dans l'Architecture,  406
De
-ocr page 31-
DES MATIERES. xxxiij
Dt la nécejjitéde la f y mètrie dans l''Architecture. 408
Ce que ceß quune Architecture & une Sculpture
fymbolique.
                                                       410
De la différence qu'il y a entre le caractère mâle,
ferme ou viril dans l'Architecture,
                     4H
De la différence quon doit concevoir entre Archiu*
Bure légere , élégante ou délicate.
                       41"}
Ce quon doit entendre par une Architecture cham-
pêtre.
                                                                 417
Du caractère naïf en Architecture,
                          41$
Du genre féminin en Architecture,
                         j^ia
Ce quon doit entendre par une Architecture myßUieufe,
AU
Ce quon peut appeler une grande Architecture. 421
Ce que ceß quune Architecture hardie.                   424
Ce quon doit entendre par une Architecture terrible. 426
Ce que ceß qiiune Architecture naine.                    427
Ce que ceß quune Architecture frivole.                   42g
Ce que ceß qu'une Architecture licencieufe.             43 1
Ce que ceß qu'une Architecture difjemblable.          43χ
Ce que ceß. qu'une Architecture amphibologique.    434
Ce qu'op. entend par une Architecture vague,         43 c
Ce qu'on entend par une Architecture barbare.         435
De l'abus en Architecture.                                    437
De la mode en Architecture.                                   43 y
Ce que ceß qùune Architecture qui cß afferyie,  qui e fi
froide ou fiérile.                                                 λύ<\
Ce queßgnifie Caltération en Architecture.             44^
Ce quon entend par une Architecture méplate.        443
Ce qu'on entend par une Architecture futile.           44«
Ce qu'on entend par une Architecture pauvre.        44^
C H A Ρ Ι Τ R Ε V.
jDu gout VE l'Art.
Tome. L                                            e.
-ocr page 32-
»xxiv TABLE DES MATIERES.
CHAPITRE VI.
APPLICATION DE L'ORDRE TOSCAN à let
décoration d'une Porte de Ville libre.              4&J
Planche XIX.
Plan du Rei-de-ckauffee & de la Plate-forme fupi-
riiure d'une Porte deflinée à fervir de limites À
ΐ extrémité du Faubourg d'une Ville libre.
           468
Planche XX.
Élévation de la Façade du côté du Faubourg. 47Q
Planche XXI.
Élévation du côté de la Ville.                             aj^
Planche XXII.
Façade latérale, & coupe prife fur la profondeur du
Bâtiment.
                                                     476
COURS
-ocr page 33-
COURS .·
D'ARCHITECTURE,
■■'I H ■,,.. » ι II., ι I^^J&IU'I
INTRODUCTION.
HI ST ο ι re des Art s , dans laquelle
on doit puifer les idées générales de l'Arcki*
teclure & des autres Arts libéraux qui lui font
relatifs, tels que le Jardinage, la Sculpture
& la Peinture.
xnm 0m ίΛαβκοΑ
ABRÉGÉ DE L'HISTOIRE
DE L'ARCHITECTURE.
i^ous nous perfuadons qu'on poura tirer
■un grand avantage de la connoiifance de
l'niftoire de l'Architecture , fur-tout en com-
parant lts temps & les événements qui ont
amené Tes progrès & fes révolutions. En
Tome I.
                                      A
-ocr page 34-
*             Î Ν Τ RO DU C Τ ϊ Ο Ν.
effet, lorfqu'on parcourt les différentes ré^
gions où l'on a élevé des Edifices d'une cer-
taine importance, lorfque l'on examine les
diverfes qualités des matières que le fein de
la terre fournit aux hommes a/ec tant d'a-
bondance , que l'on confidere le fite des
lieux, les mœurs des habitants &: leur in-
duftrie, la profpérité' ou la décadence des
autres Arts qui y dorment tant d'éclat ;
iorfqu'enfin on fe rend compte des grands
Princes qui ont protégé cette fcience, ainiî
que des Architectes célèbres qui nous ont
frayé la route des préceptes,.& JaiiTé des
exemples immortels de leur favoir ; que n'a-
t-on pas droit d'efpérer d'une telle étude î
Elleiatisfait & éclaire l'Amateur, elle tient
lieu d'expérience au jeune Artiite; enfin,
elle offre aux Elevés les moyens les plus ca-
pables de fixef leur attention, & doit les
amener néceifairement à puifer les principes
de l'Architecture dans leur véritable fource;
Parcourons donc fes différents âges, fes fuc-
ces dans l'Egypte, dans la Grèce, dans l'Ita-
lie ; enfuite nous verrons ce qui a occafion-
né fa décadence, ëc comment elle a repris
•faveur en France fous François I, & de-
puis avec encore plus d'avantage fous le re-
gne des Bourbons.
L'origine de l'Architecture remonte juf-
qu'aux temps les plus reculés. Mais comble»
#
-ocr page 35-
ïntRO&ucTioNl ,. 'y
rcet Art n'a- c—il pas acquis dans la fuite par les
découvertes de l'efprit humain! Quellediffé-
"rence en effet entre les Temples de la Grèce
"& les toits ruiliques des premiers Hébreux!
Ά ne coniîdérer l'Architecture que du côté
de la néceffité, on ne fauroit douter qu'elle
ne foît àuffi ancienne quâ le monde, & que
perfectionnée peu à peu, elle ne foit deve-
nue la jfburce des autres Artsdeftinés à em-
bellir les bâtiments, à accélérer leur conûru-
cHon, ou à leur procurer de la commodité,
de la iblidité & de la falubrité.
Da bord les hommes fe firent fans dou-
te des abris contre les intempéries des fais-
ions , & les attaques des bêtes féroces. Pour
cet effet, ils commencèrent par élever des
huttes des cabanes. Les rofeaux, les can-
nes, les branches des arbres, leurs feuilles,
'leur écorce (a), l'argile furent prefque les
feuls matériaux qu'ils employèrent pour
conilruire leurs habitations.
A mefiire que les familles s'mpntntertm£i
leurs habitations informes s'agrandirent.Lts
(a) A la fin du quinzième fiecle & vers le commen-
cement du feizieme, la Ville de Moskou n'avoir pas une
inaifon conftruite en pierres, mais feulement des huttes
de bois faites de troncs d'arbres , enduites de moufle.
Les maifons du Pérou font aujourd'hui bâries de la même
maniere. Celles des iflandois ne font conllruites qu'avec
demeùues pierres ou du roc , unis avec de la moufle SC
Aij
-ocr page 36-
'4          Jntroductiok.
hommes eurent à peine fenti les befoins que
fait naître la fociété qu'ils furent fe pro-
curer des afiles plus commodes & plus du-
rables. Alors on vit leurs demeures jufque-
Jà ifolées &c éparfes dans de vaftes déferts,
ie changer en hameaux, ceux-ci devenir
ibientôt des Bourgades, & ces dernières
des Villes.
Ici l'on ne fut pas plutôt raiîemblé, qu'il
fallut Ce prémunir contre les attaques de fts
voiiîns. On leur oppofa de fortes barrières,
on conftruîiit des murs, on creuia des fof-
fés, on éleva des tours. Peu iatisfaits des
productions qu'ils trouvoîent dans leur cli-
mat , les hommes voulurent s'enrichir de ce
que la nature faifoit naître dans les contrées-
les plus reculées. Malgré Jes vents & les
eaux, ils tentèrent de franchir ces immen-
ies eipaces qui féparentles diverfes régions
du monde ; &c par le fecours du bois, ils fe
fabriquèrent des maifons flottantes , au
moyen defquelles ils pénétrèrent jufqu'aux
extrémités de la terre.
Telle eft l'origine des trois fortes d'Archî-
-___-------------------,—.-------.--------------___________
de la terre détrempée dans l'eau. Les Abyflîns pe font
leurs cabanes qu'avec du torchis, compofé de terre & de
chaume. Au Monomotapa , les habitations font toutes de
bois. Enfin il eit des Peuples, qui, l'oit pour n'avoir d'au-
tres matériaux , foit parce qu'ils font privés d'une certai-
ne intelligence , ne font leurs cabanes qu'avec des os §C
des peaux de quadrupèdes & de monltres marins.
-ocr page 37-
Introduction.            f'
tecrures, la civile, la militaire & la navale.
Arrêtons-nous à la premiere, dont nous al-
lons parcourir les différents âges.
Les premières habitations des Egyptiens
lie furent donc conftruites que de ro*
féaux Se de cannes entrelacées, & celles
des anciens Grecs ne furent bâties qu'avec
l'argile qu'ils ne favoient pas même durcir
par le iècours du feu. Le fameux Temple de
Delphes ne fut d'abord qu'une iimple chau-
mière couverte de branches de laurierv rfM
L'Aréopage dans fan origine étoît une ef-:
péce de cabane enduire de terre graiïè.
La premiere Ville fut, félon la Ge-
nèfe, bâtie par Caïn qui la nomma Henoc
du nom de ion fils -, elle éroit en Aile
où vivoient les premiers hommes. La Cal-
-dée & la Phénicie eurent auffi bientôt de
grandes Villes qui· reconnoiiibient Nemrod
&AiFur pour leurs Fondateurs. Le premier,
que l'on croit être le même que Belus, éleva Hl
la Tour de Babel, & fon fils Ninus bâtie -
Ninive. Cette Ville & céh de Rezeri, qui
eiî: à peu près du même temps,, devinrent:
célèbres par leur îmmehiè étendue.
                 .,J&.
Le bois & le torchis furent les maté^JP'
rîaux qu'on employa pour bâtir; c'eft ainiî
qu'on voit encore aujourd'hui des VIÎ^''
ki dans la Perfe , dans la Turquie ià.
-ocr page 38-
6            Introduction.
même dans la plupart de nos Provinces».
Comme les Egyptiens manquoient de
bois , ils furent obligés d'avoir recours à
la brique, puis à la pierre & au marbre}
ils nelaiflerent pas d'employer ces différen-
tes matières avec foiidité, quoiqu'ils igno-
raient l'art de conitruire des voûtes, &
qu'ils méconnulîènt l'ufage du fer.
Après les bâtiments d'habitation, il fal-
lut des édifices publics pour les divers be-
soins d'un Peuple raffemblé ; il fallut élever
jles monuments qui ferviiTent d'annales à
'"ion hiitoirej il en fallut d'autres qui fuflent
confacrés au culte extérieur de la Religion :
on vit donc s'élever des Temples, des Pa-
lais, des Baiîliques, des Places publiques,
'.des Tombeaux, qui excitèrent la piété des.
Peuples, qui annoncèrent la magnificence
des grands, embellirent les Capitales &c
immortaliferent les Héros.
Peu de*cemps après la fondation des Vil-
les dé Niftîve $c de Rezen, Sémiramis (£)fk
élever les fuperbes murailles de Babilone ,
(b) Sémiramis, Reine des Affyriens & veuve de Ninus,
mourut l'an du Monde 2038. Elle étendit fes conquêtes
d'un côté jufque dans l'Inde , de l'autre jufqu'en Ethiopie ;
&, après avoir fournis la Médie, la Lybie & l'Egypte, elle
s'oecupa à faire ériger des monuments capables de rendre
fon nom célèbre dans tous les iiecles , tels que le tom-
beau qu'elle fit élever à Ninus fon époux, les murailles
dont nous venons de parler, &c. &c.                   - . φ
-ocr page 39-
Introduction,            ψ
«]iii furent regardées comme la premiere
merveille du monde (c) : fçs murs étoient
tout bâtis de brique & de bitume 5 ilsavoient
deux cents pieds de hauteur fur trente pieds
d'épaïiTèur, enforte qu'on pouvoit, au rap-
port de Quint-Curfe (d), faire paflèr deiîlis
deux chariots de front. Hérodote dit qu'ils
étoient percés de cent portes, dont les ven-
taux étoient de brpnze Se d'une grandeur
extraordinaire. La hauteur des tours:furpaf-
ibic de quarante pieds celle des murs. Le
pourtour intérieur de la Vîlle , félon Stçg-^
bon (e), étoit de trois cent quatre-vhi
ftades ( jf) ; l'Euphrate la traverfoït d
toute fon étendue. Onavoit bâti les maifons
éloignées les unes des autres pour laiiFer
des terres labourables qui puiient nouxriiÊf
"les habitants en cas de iîége.
                  r'^H
Les deferiptions que nous en ontlavfUes*
encore Pline, Diodore de Sicile & Pauià-*
nias, nous donnent la plus grande idée du
(c) On compte fept principales merveilles du monde i
ï" Les murs de Babylone , 20 les pyramides d'Egypte^
î° la ftatue coîoffale de Jupiter Olympien, 4° le tom-
beau de Maufole , Roi de Carie , y° le Temple de Diana:
à Ephèfe, 6° le Coloffe de Rhode ,7° le phare d'Alexan*
drie.
(d) Quint-Curfe ,-lîb. ƒ , chap. 1»            .....
, (e) Strabon, lib. 16.
». - -                                                                      ,.-..
(ƒ) La ftade des anciens étoit de 6%j pieds, ce qui
fwoit pour les 380 ftades, environ 43^400 toifes.
Ai*
-ocr page 40-
8            In- τ r o du ct ι' ο κ'.
Palais de Babylone (g), que fit conftruîre
Sénuramis, ainii que des Jardins de cette
Reine, qui étoient ioutenus par des murs de
vingt-deux pieds d'épaiiièur. Ce Palais étoic
flanqué de tours hautes de quatre-vingts:
pieds. Au milieu de Ton enceinte s'élevoit
une autre tour quarrée, bâtie de briques,
& à huit étages, qui, après avoir long-temps
fervi d'Obiërvatoire au^Caldeens,fut ruinée
par Xercès. Pline ( h ) parle avec éloge de
deux Temples, bâtis dans la même encein-
te , l'un dédié à Jupiter U. l'autre à Bélus.
Ce dernier Temple , dit - il, ainfi que le
Maufolée de ce Roi, étoit de la plus gran-
de magnificence.'
Nous pourions parler ici des grands ou-
vrages exécutés par les ordres de Nitocris,
auili Reine de Babylone 5 elle fît rendre le
cours de l'Euphrate tortueux, de droit qu'il
étoit, afin de rompre J'impétuoiîté de ce
fleuve, & de rendre là navigation plus com-
mode. Ce fut auffi Nitocris qui bâtit dans
Babylone, ce pont iliperbe qui facilitoit la
communication d'une partie de la Ville à
l'autre, entreprife qui nous paroîtroit in-
croyable à cauie de la rapidité de l'Euphrate
(g) Cette Ville a donné à toute la contrée voilîne le
Jjorn de Babylonie.
(h) Pline, liv. 6, chap. 26.
-ocr page 41-
Τη τ r6 r>u c τ ι ο κ'.             $
<fc de fa profondeur, il Hérodote ne nous
aiîuroit que ce pont a exifté. Il ajoute de
plus qu'il n'a été qu'une année à bâtir.
L'Egypte à ion tour devint célèbre (ij
par la grandeur & l'immenfité de fes Edifices >
mais dans cette contrée, nul Prince ne fe
distingua autant que Séfoitris par le foin qu'il
fmt de coniiruire des ouvrages utiles. Dans
e loiiîr de la paix que venoient de lui pro-
curer Ces conquêtes, il fît élever cette belle
(t) L'ancienne Egypte qui a été le berceau des Arts,
il'eft connue que très-imparfaitement dans les hiftoires uni-
rerfelles, telles que celles d'Hérodote,de Diodore & de
plufieurs autres ; ces Auteurs néanmoins déterminent la
totalité du terrein de ce Royaume autrefois fi floriffant, à
uatre mille cent quarante-fix lieues quarrées ; le nombre
es habitants à fept millions , & celui de fes troupes à
quatre cent quarante mille hommes. Pendant le regne
a Amafis , dit Hérodote . il y avoit en Egypte vingt-mille,
Villes : Diodore cependant, n'en compte que dix-huit
mille , tant Villes que Bourgs, dignes d'être remarquées ;
& -elles dévoient même, en n'en comptant que dix-huit
mille, être très-près les unes des autres*. Par les différents
détails que nous ont donnés ces mêmes Ecrivains, nous
apprenons que les terres de ce pays bien cultivées pro- .
duifoient jufqu'à cent pour un, & que l'Egypte etoit
tellement fertilifée par les inondations du Nil , & par I'irt- .
duftrie de fes habitants, qu'elle leur, fourniffoit des recoin :
tes trois fois plus abondanres que leurs befoins, filais■';
que le barbare Cambyfe,en détruifant ces Peuples pendant ·
cinq années d'une guerre cruelle, détruifit auifi la plus
grande partie de leurs monuments qui avoient été l'ou-
vrage de dix-fept fieoles, & que ce ne fut que fous Pto- ·
lémée Philadelphe, deux cent quatre-vingts ans avant
*»trc Ere, que. l'Egypte reprit fon ancienne fplendeUï. "
-ocr page 42-
u>           Introouctiôm:
muraille de quinze cents ilades de longueur^
qui commeneoit à Pélufe, & finiiîbic à Hé-;
liopolîs. Il fit creufer des canaux pour éta-»
blir une communication aifée entre les Vil-
les les plus éloignées, &c faciliter le tranf* ,·
port des marchandifes.
Une des entreprifes qui contribuèrent le
plus à immortaliièr la gloire de ce Prince,
fut la conftruction des hautes levées qu'il or-
donna dans toute l'étendue de Ton Royau-
me , afin que dans les nouvelles Villes qu'on
y bâtiroit, on fût à l'abri des débordements
du Nil. Une infinité de Temples furent éle-
vés ious fon regne en l'honneur des Dieux:
tutélaires de l'Egypte {h)··, il enrichit fur-
tout celui de Vulcain à Pélufe y en recon-
noiiTance, dit-on , de la protection dont il
croyoit que ce Dieu lui avoit fait reifende
les effets.
Les defcriptions des Temples des Egyp-
tiensparoîtroient fabuleufes, fi elles ne nous
étoient atteftées par les Hiftoriens les plus
—----------------------------------------.---------------------.—.
{k) Long-temps même avant Séfoftris les Egyptiens,
au rapport de Lucien, avoient bâti des Temples. Ce
Peuple étoit très-religieux; les AiTyriens l'imitèrent, &
furent eux-mêmes imités dans la fuite par les Grecs, chex
lefquels Deucalion fut le premier qui en éleva ; le même
ufage paifa des Grecs aux Romains. Janus fut, dit-on, le
Îremier qui fît conftruire de ces monuments dans le pays
.jjtinj mais d'autres prétendent que ce fut Fanus, & que
de fon nom on a fait celui de Fmum qui figniiïc Tcmgkv
-ocr page 43-
Ι Ν Τ RO DU CT I O JW            t%
accrédités. M. Dorigny (/), qui arecœuiliî
avec foin ces defcriptions, rapporte qu'on
arrivoit dans ces Temples par un parvis qui
formoit une longue &l vafte avenue , ornée
de colonnes &: deftatues coloiîàles,terminée
par un veilibule d'une grandeur prodigieu-*
le & d'une élévation qui y étoit propor-
tionnée 5 que de-là on entroit dans une pla-\
ce immenle, environnée d'un grand nom-,
bre d'édifices ifolés, & dont l'ordonnance
étoit variée à l'infini. Il ajoute que de cette
Êlace on paiïbit,en traverfant d'autres veftl··,
ules, dans une féconde, 8c fouvent dans,
une troifieme ; qu'enfin on pénétroit par-
un veilibule plus vafte &: plus élevé qu&
les précédents, jufqu'au parvis intérieur du»;
Sanduaire , & que dans celui-ci tout étoit-
d'une extrême {Implicite. Les Architectes de
ces temps prétendoient fans doute , avec-
beaucoup de raifon, que la préfence de la
divinité èc la vénération due aux myfteres
qu'on y célébroit, fuffifoient pour rendra
cette partie du Temple la plus refpedable.
On met ordinairement les pyramides an
nombre des plus anciens monuments des
Egyptiens ; cependant, Homere qui parle
—-------—---------------                                                ,._,n
(/) M. Dorigny, Chevalier de l'Ordre Militaire de
S. Louis , nous a donné plufieurs Volumes fur l'Egypte j
on trouve cet excellent Ouvrage à Paris chez Vincent, rucï
§2int-5éveriçu
                                                      , o,
!
-ocr page 44-
Ψί          Introduction:
iôuvént de l'Egypte, & qui en rapporte
pluiîeurs particularités intéreilantes, ne dit
rien de ces vaftes entrepriiès. Quoi qu'il en
ibit, perfonne n'ignore que ces pyramides
étoient deflinées a imniortalifer les Souve-
rains à qui elles ièrvoient de fépulture. Rien
ne prouve mieux que ces monuments", le
deiïr ardent qu'avoient les Egyptiens de
faire paiTer leur nom à la poitérité. L'hiiloi-
re nous apprend d'ailieurs un autre motif
qui les avok déterminés à leur donner cet-
te ltruchire étonnante ; ils les regardoienc
comme une demeure ftable, au-lieu qu'ils
ne coniîdéroient leur habitation ordinaire
que comme un lieu de paflage de cette vie
«une autre, qui devoît, félon leur opinion ?
recommencer au bout de mille ans.
Les trois pyramides que l'on voit enco-
re à trois lieues du Caire, font bâties fur
le roc (m), & durantes l'une de l'autre
d'environ trois cents pas. M. de Chazelles
de l'Académie des Sciences ayant mefuré
h plus haute en 165; 3 la trouva entière, &
dit qu'elle avoir la forme d'un triangle éqiii-
latéral, dont la perpendiculaire étoit de.
foixante-dix toifes trois quarts. Sur les faces
(m) Les anciens choififfoient volontiers un femblable
fends pour leurs édifices, parce qu'il eft très-folide, &■
•qu'ils ambitionnoient de travailler pour les races futures*
-ocr page 45-
7'ν τ ro du ct ι ο Η.           ij
*xtérieures font des gradins qui conduifent
jufqu'au fommet terminé en platte-forme.
Cette pyramide eil conitruite en pierres du-
res , dont les moindres ont trois pieds de
haut Se environ iîx de longueur. Au milieu
de ion intérieur eft un fépulcre de trente-
deux pieds de longueur fur feize de largeur
& dix-neuf de hauteur : dans une des extrémi-
tés de ce fépulcre étoit, dit-il, un cénotaphe
ou tombeau vide, qui avoitété deftiné à con-
tenir le corps du Roi Pharaon qui fut en-
glouti &c perdu dans la mer Rouge. Pline
aiTure que durant l'efpace de vingt années,
trois cent foîxante mille hommes ne ceflê-
rent de travailler à la conftruétion de cette
pyramide. Les defcriptions faites par M. de
Chazelles, fervent à la fois à nous donner
une grande idée des moyens dont les An-
ciens fe fervoient pour élever à cette hau-
teur des fardeaux iî pefants, & à réfuter l'opi-
nion de Diodore de Sicile, qui prétend que
les Egyptiens ignoroient la mécanique. .
La féconde de ces pyramides eft moins
confervée que la précédente, & a moins
de diamètre. Strabon prétend que celle-ci
dans fon origine avoit été plus coniîdérable
qu'elle ne l'étoit de fon temps.
La troifieme qui a encore moins de dia-
mètre que les deux autres, paife cepen-
dant pouj· la plus bellei on remarque, eu
-ocr page 46-
«ψ.-?ρνν..~· ■-'.*■■ i%
¥4            Ι Ν Τ RO DV Cf Ι Ο Ν.
effet , qu'elle eit conftruite avec plus de
foin , & qu'elle eft d'ailleurs incruftée d'une
aifez belle pierre d'Arabie, nommée marbre
bai^ate.
Il eil à préfumer que ces pyramides doî-
vent,en partie,Ieur longue durée à la nature
du climat, où les pluies font peu fréquen-
tes; car, par l'examen qu'en ont fait plu-
iîeurs Artiites éclairés, ils ont reconnu que
/a pierre n'eft pas à beaucoup près auiîî
dure que l'ont décrit nos Voyageurs; mais
que l'air fec qui les frappe depuis tant de
iîecles a pu contribuer beaucoup à leur
confervation ; & quoique dans les joints des
parements extérieurs ils n'ayent remarqué
Jni chaux , ni plomb, ni fer, le volume
immenfe de ces édifices a pufuffirefeul pour
hs préiérver de l'intempérie des faifons.
Les obélifques n'ont pas moins contri-
bué que les pyramides, à tranfmettre à la
poitérité le fouvenir des Egyptiens. Le pre-
mier fut élevé l'an 2604 de la création du
monde, par les ordres du Roi Manusbar
ou Seigneur de Memphis. Dans la fuite ils
ornèrent d'obélifques prefque tout le pays
qu'ils habitoient : non-feulement les Sou-
verains &: les Princes, mais les riches par-
ticuliers en faifoient élever, les uns de tren-
te , les autres de foixante-dix pieds de haut
-ocr page 47-
■s
Introduction.            tf
ê£ même de cent quarante pieds. La Reli-
gion de ces Peuples leur avoir fans doute
donné le gout dominant de ces fortes d'é-
difices qu'ils confacroient pour la plupart
au Soleil (n).
On voit encore dans les carrières de la
haute Egypte de ces obéliques à demi tail-
lés. Pendant les crues du Nil, des canaux
conduifoient les eaux jufque dans ces car-
rières où l'on enlevoit, fur des radeaux, les
obélifques, les ftatues & les autres ouvrag-
es coloiTaux que l'on traniportoit dans la
aiTe Egypte par des faignées qui facile
toient la circulation de ce fleuve.
Selon Diodore de Sicile, Séibftris fie
eonilruire deux obélifques d'une pierre très-
dure j ils étoient de la hauteur de cent qua-
tre-vingts pieds, & furent élevés dans la
ville d'Héliopolis.
L'Empereur Augufte,ayant réduit l'Egyp-
te en province Romaine, voulut faire tranf
porter à Rome ces deux obélifques. L'un fut
briie fur la route} Augufte aima mieux ie
priver de l'autre que de l'expofer au même
accident. Caligula fut à cet égard plus en-
treprenant & plus heureux : la troiiîeme
année de fon empire, l'obélifque parvint à
*      '                    " *—^—     Ι'       »                  I. — „I        ,               Il .111             ,.ι—.......                    y—_■-,-..1-- !..            ^'      ■■ ■ A
(n) Auflî les appelloit-on doigts du folcil, parce qu'ils fer-
Voientle plus fouvenr à marquer les heures fur une grande
«Pceiatcde pierres prolies dont ils formojentle centre.
-ocr page 48-
··* è           Introduction-.
Rome fans être endommagé , & fût dans la
fuite élevé au milieu du cirque de Néron,
où fe faiibient les jeux publics.
Quelques-uns de ces obélifques dont
l'Egypte étoit remplie, font encore, autant
par leur grandeur que par leur antiquité ,
un des embeliuTements de la capitale du
cliriitiaiiifme. Conftantin lit démolir le cir-
que de Néron , & bâtit en fa place une
Êglife dansles ruines de laquelle s'eiltrou-
vé l'obélifque tranfporté à Rome par ordre
de Caligula. Sixte-Quint le fît élever en
J586, fous la conduite du Chevalier Fon-
tana, fur la place publique , où on le voit
encore aujourd'hui ; fa hauteur eil de douze
toifes deux pieds huit pouces, fur une baie
de huit pieds de largeur ; il eft d'une feule
pierre de granit, & félon Tarade du poids
de huit millions cent vingt - quatre mil-
liers.
On voit auffi à Arles un de ces obé-
lifques , qui vraifemblablement y a été tranf·
porté du temps des Romains. Charles IX
a commencé à le*faire tirer de deffous les
ruines qui le couvroient depuis pluiîeurs
iîecles, & il fè voit aujourd'hui vis-à-vis
l'Hôtel-de-Ville : fa hauteur eft de cinquan-
te-deux pieds, &c fa bafe de fept pieds.
Près des pyramides & des obélifques de
l'Egypte , dont nous venons de parler, on
remarque
-ocr page 49-
Introduction1.           17
remarque des reftes d'édifices qüadrangu-
laires que Thevenot croit avoir été des
Temples. Ce Voyageur fait encore mention
de pluiîeurs autres monuments dont il pré-
tend que les colonnes & les ftatues fonc
innombrables. On découvre, dit-il, ces for-.'
tes de vertiges en diverfes parties de l'Egyp-
te , & fur-tout dans la Thébaïde : là, conti-
nue-t-il , on admire un Palais dont les ref-1
tes femblent n'avoir été confervés que pour'
effacer les plus grands ouvrages. On y voyoiç
entr'autres quatre galeries à perte de vue,
terminées par des iphinx, dont la matière
étoit auffi rare que leur grandeur éton-
nante.
Le fameux labyrinthe d'Egypte étoit, fé-
lon Hérodote, plus admirable encore que les
pyramides: c'étoit moins, dit-il, un ièul
édifice que douze Palais réguliers qui fe
communîquoient enfemble. On n'eiî guère
înftruit ni fur Je temps, ηΐ fur le motif de
la conftriuiKon de ce labyrinthe (o): quel-
ques-uns prétendent que le Roi Peteiucus
i
*                            — . .                       - - ,i-                           __.·■ 1 ι.· - . 1 .... ri m i„a
(o)jDidore de Sicile, Strabon & Pline font mention
oe trois autres labyrintes ; le premier fut celui que Dédale,
conftruifït dans l'île de Crête : celui-ci eft cité par Plutar-
gue} & l'on e.n voit le deflin gravé d'après une ancienne-
Médaille dans XArchiuâurc hiftorique 4e Ftfcker. Le cç.
Jebre Architecte Théodore bâtit le' fécond » Lemnos ; k
ïpifieme étoit en Etrurigt ; '.
            .·....·...'.- }
Tgrm I,                      - Β
-ocr page 50-
'IΠ          INTRODUCTION'.
ou Thioës le fît bâtir plus de deux mille ans
avant l'Ere chrétienne. D'autres l'attribuent
au Roi Nœthéras, qui voulut, difent - ils ,
en faire fon Palais. Enfin , félon d'autrest
le Roi Mœris ou Miris ( Hérodote lui don-
ne ces deux noms) ordonna d'élever cet
édifice pour lui fervir un jour de fépulture ;
mais Hérodote (p) croit que plu'iîeurs Prin-
ces d'Egypte eurent part à fa conftruction,
& qu'il ne fut achevé que, depuis le règne
de Pfamméticus : ce qui nous paroît d'autant
plus vraifemblable, que ièlon Pline {q), le
monument dont-il s'agit, fut dédié au So-
leil. Quoi qu'il en foit, cet édifice peut être
regardé comme un des plus vailes que les
Rois d'Egypte ayent jamais fait conftruire.
Il étoit divifé en feize quartiers. On y voyoit
autant de Temples particuliers que les Egyp-
tiens adoroient de divinité», Se une grande
quantité d'édifices dont la réunion formoit
*in enfemble merveilleux. On y remarquoit
enfin des pyramides & des colonnes d'une
hauteur prodigieufe. Après avoir traverfé
des lieux iî varies, on arrivoit au labyrin-
the proprement dit. On y entroit par des
veftibules entourés de portiques élevés de
quatre-vingt-dix degrés au-deiîus du rez-
(p) Hérodote, liv. 2.
<ΐ)Ρ1ΪΒβ, Üb. 38, wp. ly
-ocr page 51-
Introduction:           τ 9
de-chauflee : le labyrinthe étoic divife" par
une multitude de pièces, dont les portes en
nombre infini empêchoient d'en reconnoî-
tre l'iifue. Le Roi Nectabis y fit faire des
réparations confîderables, dont le foin fut
confié à Circammon, qui avoit, dit-on,
de grandes connoiiiànces dans l'Architec-
ture.
Mais l'ouvrage des Rois d'Egypte, le plus
digne d'admiration , fut le Lac de Mœris}
on fait que la fertilité des terres d'Egyp-
te dépendoit de leur inondation par le Nil,
& que le débordement trop ou trop peu con-
iîdcrable de ce fleuve leur étoit également
nuifîble. Le Roi Mœris conçut le defîein de
remédier à ce double inconvénient. Pour
faciliter le moyen de reconnoître les di-
verfes terres que l'inondation avoit confon-
dues , ce Prince avoit compofë un ouvra-
ge (r) dont on a tiré les premiers éléments
de la Géométrie. Le Lac auquel il donna
ion nom l'a immortalifé. Quand le Nil ne
débordoit point aiTez pour fertilifer les terres,
les eaux qu'on fefoit écouler du Lac fup-
pléoient à l'inondation. Lorfqu'on pré-
voyoit au contraire que par l'effet d'un
débordement exceffif, les terres demeu-
reraient trop long-temps inondées, on fe-
r               - ι                ι,                   ________
— Il"     III .111 |......, .„..„„„ι -||.....L „h, pi......MU»      ||     I I 1^1——>
{r) V^yti Newcon dans fa Chronologie.
ßij
-ocr page 52-
ΙΟ             ΙNT RO DU CT I Ο Ν~ϊ
foit écouler dans le Lac une partie des eaux
du fleuve.
Ce Lac fut creufé à dix ftades de Mem-
phis. Il avoit trois cents pieds de profon-
deur, &: félon Pline (ƒ) vingt-cinq mille
pas de pourtour. D'autres néanmoins, tel
cjuePomponius-Méla,ne lui en donnent que
vingt mille, ce qui fait environ dix de nos
lieues. Au milieu du Lac étoit une île fur
laquelle s'élevoient deux pyramides, dont
chacune portoit une ftatue coloifale de mar-
bre , &: aiïïfe fur un trône. Au rapport d'Hé-
rodote (/) Se de Diodore («), on voyoic
entre les deux pyramides un fuperbe Mau-
folée qui marquoit le milieu de l'île, Se
dont on trouve les deiîîns dans l'Archi-
tecture hißorique de Fifcher.
II paife encore pour confiant que les
Egyptiens excelloient dans les Mathémati-
ques , dans l'Aitronomie, &: qu'ils perfec-
tionnèrent ces feiences lî néceifaires pour
accélérer les voyages de long cours. Ce qu'il
y a de certain , c'eil que Ptolémée Phila-
delphe fut le Prince qui s'appliqua le
plus à faire fleurir les Sciences &L les Arts,
& qu'il fit bâtir l'an de Rome 470, dans
t               ----------------------------------------------------------------                                ■ 1»
(ƒ) Pline , liv; ? , chap. 11} & Ιίγ. ƒ, chap. 5»,
(f) Hérodote, liv. 1.
I*) Diodore, liv. 1, chap. ie
-ocr page 53-
Introduction.         %lt
l'île de Pharos à un quart de lieue d'Alexan-
drie , la fameufe tour où étoit le Fanal des-
tiné à éclairer les Vaiiïèairx qui y abor-
doient en foule. Cette tour, au rapport de
Pline {x), étoit quarrée, chaque côté étoic
de cent toifes, fa hauteur de foixante-quinze,
diviiee en huit étages, terminée par une
platte-forme d'où la vue s'étendoit à près
de quarante lieues. Ce monument prit en-
fuite le nom de l'île, de fut "nommé Ρ hare ^
.nom qui devint commun à tous les édifices
du même genre. Softrate, célèbre Architec-
te Gnidien , en donna les deffins, &: pré-
iida à l'exécution, qui, félon l'Auteur que
nous venons de citer, coûta un million huit
cent mille livres. Soitrate, dit-il, touché
del 'amour de la gloire, δι ne voulant pas
déplaire à Ptolémée, imagina une inferip-
tion toute à l'avantage de ce Prince ; mais
il la fit graver fur un enduit artiftement
appliqué iur une autre infeription conçue
en ces termes : Soßrate Gnidien ^fils de Dexi-
phane
, a confacré ce monument aux Dieux nos
confervateurs,& aufalutdes navigateurs.
Cet-
te ruiè lui réuiîit ; car la premiere inferip-
tion ne dura guère qu'autant que Ptolémée
vécut : enforte que l'enduit venant à fe dé-
truire , l'autre infeription parut 5 & c'eil par
"            ■—.....'—■" -"'              .....——»IM—.BP-11— 1       !■■ IUI fc———m
(*) Pline, lib. 6. ch*p. i8.
-ocr page 54-
'fi         In τ άο dvcti ο jv.
cet artifice que le nom de cet Architecte
eft venu jufqu'à nous.
On attribue auffi à Ptolémée Philadel-
phe une idée fort ingénieufe que rapporte
Pline (y) : il chargea, dit-il, Dinocrates
le plus célèbre Architecte de ce temps là ,
de bâtir un Temple en l'honneur dArfinoë
fa fœur. La voûte de cet édifice devoit être
de pierre d'aimant, à deflein de foutenir
en l'air la itatue de la PrinceiTe, laquelle à
cet effet, auroit été toute de fer 5 mais la
mort du Roi & celle de l'Architecte empê-
chèrent l'exécution de ce projet.
Si les Egyptiens étonnoient l'univers par
l'étendue immenfe de leurs édifices qui fer-
virent de medele aux Grecs, comme nous
le dirons bientôt ; il s'éleva aulîî en Judée
un Temple non moins admirable par la
beauté de fa diftribution & celle des ma-
tières dont il étoit enrichi. Environ neuf
cent quatre-vingts ans avant notre Ere,
Salomon fît conltruire à Jérufalem le Tem-
ple célèbre qui porta fon nom. Pour l'exé-
cution d'un fi grand projet, il pria Hiram,
Roi de Tyr, de lui envoyer fon Architecte
Adoniram , fous la conduite duquel ce mo-
nument fut élevé. Trente mille de its fujets
furent employés à la conftruction de l'édi-
»----------;--------,-----------------------------------------                                                ......      . I ,      'II-
(y ) Vlite, liv. 34, chap. 14..
-ocr page 55-
Introduction'. iy
Act \ parmi lefquels il y en avoit toujours
dix mille occupés. Indépendamment de ceux-
ci , le Roi de Tyr avoit fourni à Salomon t
des Sydoniens, chargés de couper fur le
Mont Liban les bois néceflaires, & de pré-
parer d'autres matériaux. Les fondations
du Temple furent jetées très-profondément.
Des pierres d'une grandeur îmmenfe &: d'une
parfaite blancheur furent employées à la
conitruction des murs. La largeur de ce
Temple étoit de vingt coudées ({), fa lon-
gueur de foixante y &: fa hauteur le double
de fa largeur : les bas côtés avoient vingt
coudées d'élévation, & fervoient d'arcs-
boutants; ils étoient entourés d'un corps
de bâtiment compofé de trois étages, cha-
cun de trente pièces. Tout cet édifice étoic
de forme qüadrangulaire, conftruit en gran-
(ï) Au rapport de Philibert Delorme, liv. j, chap.2;
la coudée géométrique eft prife pour une toiie & demie
valant fix coudées communes. Perrault fur Vitrure, liv. 3 ,
chap. 1«, remarque d'après Philander qu'il y avoit trois
fortes de coudées : i° la grande qui étoit de 9 pieds ,
faifant environ 8 pieds 2 pouces de Roi : z° La moyenne
de 2. pieds, revenant à peu près à 1 pied 10 pouces de
Roi : 30 La petite d'un pied & demi de RoL,moins 1 pouce
&demi.
                                                               - ,
Il y a^ lieu de préfumer que la coudée dont il eft ici
queftion étoit la grande coudée, à en juger du moins par
le diamètre des colonnes qui décoroient l'enceinte du?
Temple, & dont il eft parlé d'après Villapande dans cette
defcription.
Biv
-ocr page 56-
/&4           ÏXTROIJÜCTtOftl
de partie de bois de Cedre, ÈC revêtu d'or*
Jnements d'une richelTe extreme 5 il fut ache·
vé dans l'efpace de fept années : dès-lors
Salomon le fit divifer en deux parties, donc
J'une fut deftinée à être le iancluaire, δζ
l'autre réfervéê aux facrificateurs. Celle-ci
qu'on nomma le Temple fut féparée du
ianctuaire par de grandes portes de bois
de Cèdre, couvert de lames d'or.
Villapande (a) dans la defcription qu'il
nous a donnée de ee Temple, fait monter
le nombre des colonnes à quatorze cent
cinquante-trois 5 il ajoute que plufieurs de
ces colonnes étoient de marbre blanc &
»voient fix pieds de diamêsre, & que les
plus petites étoient la moitié des précé-
dentes. Cet Auteur prétend auiîi que les
colonnes étoient corinthiennes, en quoi il
eft contredit par Vitruve qui attribue à
Callinuque, poftérieur à Salomon, l'inven-
tion de l'ordre corinthien (b).
Le Temple demeura dans iâ iplendeur
pendant toute la durée du regne de Salo-
(a)  Villapande, liv. 8.
(b)  Il pouroit néanmoins être vrai, comme le dit Villapan-
de , que le chapiteau des colonnes du Temple de Salomon,
reffemblàt aux feuilles du chapiteau corinthien de Calli-*'
Uiaque } mais que l'on dut à ce Sculpteur Grec fi célèbre
la perfection que nous lui connoiffons.
-ocr page 57-
ïtf Τ Ά O D Ü C Τ î 6 m          ïf
Mon , qui fut de quarante années, &: juf»
qu'à la cinquième de celui de Roboam.
ion fils. Alors Sézâc, Roi d'Egypte, étant
venu affiégér Jérufàlem, pilla le Temple &.
en emporta toutes lès richeiTes. Depuis il
s'écoula plufïeurs règnes durant lefquêls le
Temple fut abandonné. Enfin Joas, Roi
de Juda, le fit réparer, au moyen d'une con-
tribution offerte par le Peuple; mais quatre
cent ioixaate-dix ans après fa conitrucHon,
Nabuchodonofor ayant Conquis Jérufàlem,
ce monument fut brûlé δι tonte la Ville ré-1
duite en cendre.
Soixante-dix ans après cet embrafement,'
Cyrus, Roi de Perle, permit aux Juifs,
non feulement de retourner dans la Palef-
tine, maïs encore de rebâtir Jérufàlem & d'y
cónitruire un nouveau Temple. Ceux-ci fi-
rent tous leurs efforts pour qu'il égalât le
premier ; mais, félon l'hiftoire, il n'avoit
que la moitié de fes dimertfions. Après la
mort de Cyrus, Cambyfe fon fils, excité par
les Samaritains & par les autres Nations
voifines, défendit aux Juifs de continuer la
réédification de leur fécond Temple. Darius
plus indulgent que Cambyfe fon prédécef-
ieur, fe laiiîà fléchir aux prières de Zoro-
oabel, & lui permit la continuation de ce'
monument, qui fut achevé la iîxieme année
de fon regne.
-ocr page 58-
StS        Intro dvct ι ο κ,
Antiochus, Roi de Syrie, après avoir été
reçu dans Jérufalem, ruina cette Ville, mit
le Temple au pillage, & abolit le culte du
Dieu d'Ifraël. Ce Roi fut vaincu par Judas
Machabée, fon armée défaite, le Temple
purifié & de nouveau rétabli. Les Romains
ayant voulu étendre leur domination dans
la Judée, Pompée fe rendit maître du
Temple. Hérode l'ayant repris, le fit démo-
lir;&à ia place,il en fitélever un tçpilïeme de
la même grandeur que celui deSalomon,
& d'une magnificence prodigieufe.
La guerre des habitants de Jérufalem
avec les Iduméens leurs voiiins>occafîonna
la deftrucHon entière de la Judée ; Vefpa-
lien profita de ces troubles & bloqua la
Ville. Titus chargé d'en continuer le fîége,
la prit & la ruina jufque dans fes fonde-
ments : le feu mis aux portes du Temple
Çarvint "jufqu'à la galerie, les ordres de
'itus-ne purent arrêter les effets de Γίη-
cendie.Ainfî fut réduit en cendres cetroî-
lîeme Temple y dont la deftrudion avoit été
prédite par le Sauveur : au reite fa ruine en-
tière & la contradidion qui regne parmi les
Auteurs qui en ont parlé, nous laiilènt fort
incertains fur la véritable ordonnance de
ce monument.
Nous avons vu précédemment que le*
-ocr page 59-
ÎNTRODUCTIOIÎ.             î?
Egyptiens parvinrent à élever de varies édi-
fices, mais dans lefquels la grandeur & la
iolidité tenoient lieu des beautés de l'art.
Ils méconnurent en effet cette belle ordon-
nance dont l'afpect annonce l'ufage des édi-
fices qu'elle décore : l'art de conftruire des
voûtes étant ignoré chez eux, ils ne iurent
faire fervir les colonnes qu'à ibutenir
d'énormes fardeaux. Satisfaits d'avoir pro-
portionné à leurs befoins la hauteur èc la.
groiïèur de ces points d'appui, ils ne fe dou-
tèrent pas que l'expreffion d'un ordre, ainiî
que la beauté d'une colonne, coniîfte dans
le rapport de ion diamètre à la hauteur de
fa tige , enforte qu'ils ignorèrent les trois
expreifions folide , moyenne ôc délicate,
qui caractérifenÉ les ordres Grecs.
Cependant il faut convenir que les mo-
numents de l'Egypte ne contribuèrent pas
peu à la mpériorité que les Grecs acquirent
enfuite dans l'Architecture. Eclairés par le
fentiment fur les vraies beautés de l'art, les
Grecs s'attachèrent à perfectionner les ou-
vrages des Egyptiens ; ils furent, en s'é-
cartantdu goût dominant de ce Peuple pour
le g'tganteique, affigner à leurs édifices des
proportions déterminées , ôc fixer la régula-
rité de leur ordonnance. Les Egyptiens
n'ayant en vue que le grand & le merveil-
leux, étoient venus à bout de conftruire
-ocr page 60-
iS            ÏNTRQDUCTÏÓlf'.
avec iolidicé 5 lés Grecs parvinrent à dé-
couvrir le vrai goût de l'Architecture :
ceux-là brûlant du deiîf de s'immortalifer,
occupés d'ailleurs des difficultés de la main
d'œuvre , avoient négligé les fîneiTes de
l'exécution & méconnu les grâces de l'art ;
les autres donnèrent à leurs productions
cette régularité , cette correction , cette
jufteiîe qui fatisfait l'âme , Se préfente un
concert admirable aux yeux du fpe&ateur
éclairé. En un mot, on peut regarder les
Grecs comme les créateurs de l'Architec-
ture proprement dite, & les confidérer
comme les premiers qui ayent été dignes
d'avoir des imitateurs 5 auffi n'atteignirent-
ils pas fans de grands efforts à ce de-
gré de perfection, éc ce ne fut qu'après qu'ils
eurent appris à fubftituer à leurs modèles
une ordonnance plus légere, &; qu'ils fe fu-
rent apperçus que la plupart des édifices
Egyptiens ne préfentoient que de très-
grandes maiTes chargées d'ornements, qui,
félon nous,étoient plus gigantefques & plus
bizarres que fatisfaifantes. Cependant, au
rapport de Pline (c), les Egyptiens fe.van-
toient d'avoir poifédé la Peinture 6000 ans
avant «qu'elle fut connue en Grèce : ce qui
prouveroit du moins que l'Egypte, ainfî que
.1 -                                                                                     ■ —»——            .       M.
(c) Pline, lib. 35 , cap. 3.
-ocr page 61-
Introduction.           29
nous l'avons obfervé, doit être regardée
comme le berceau des .Arts.
Ce ne fut qu'après un allez long efpace
de temps que les Grecs imaginèrent de pé-
trir , de façonner la brique & de la faire
cuire au feu, invention qu'ils durent,félon
Pline, à Lurichus & à Hyperbius, frères,
habitants de l'Attique.
Homere en parlant du Palais de Priam
èc d'Alcinoiis, femble n'en faire coniîiter la
magnificence que dans la difpoiîtion, dans
la richefTe des matières, &" lts ornements
employés dans l'intérieur, &l ne dit rien
-des proportions obfervées dans ces édifi-
ces.
Ce fut Cadmus qui apporta en Grèce
l'art de travailler les métaux. En fe ren-
dant attentif à tout ce qui les avoit précé-
dés, en cultivant les Arts du delîîn, delà
Peinture & de la Sculpture, ainfi que les
Mathématiques, les Grecs ne tardèrent pas
à acquérir de grandes connoiflances dans
l'Architecture.
Alors on vit s'élever en diverfes contrées
de la Grèce des monuments qui par la beau-
té de leur ordonnance, effacèrent les monu-
ments Egyptiens. Les Ioniens en érigèrent
un à Théos en l'honneur de Bacchus. Ce
Temple entouré d'un rang de colonnes fut
çonftruitfur les defïïns d'Hermogènes, un
-ocr page 62-
3<5        Introduction.
des plus grands Architectes de l'antiquité,'
& dont Vitruve regardoit les ouvrages com-
me la fource où l'on puifa les meilleurs pré-
ceptes de l'Art. Le même Hermogènes fit
bâtir uti Temple à Magnéfie, Ville de Ca-
rie, en l'honneur de Diane.
Parmi tant de Temples dédiés à cette Di-
vinité , perfonne n'ignore que celui d'E-
phefe tient le premier rang (d), nul autre
ne l'égala ni en grandeur ni en magnificence;
il avoit quatre-cent-vingt cinq pied s de lon-
gueur, & deux cent vingt de largeur; fon
pourtour extérieur étoit environné de deux
rangs de colonnes de la hauteur de ibixante
pieos(e); elles étoient au nombre de cent
vingt-fept, dont trente-iîx furent enrichies
d'ornements admirables par hs plus habiles
(d) Au rapport de Vitruve , la ftatue delà Dt'eiTe étoit
de cèdre. Selon Pline, cité par le père Monfaucon, eile
étoit d'ébene ; Xénophon prétend qu'elle étoit. d'y voire ;
d'autres affurent qu'elle étoit faite d'un cep de vigne.
Ceux-ci repréfentent cette Divinité en chaflerefîe, ceux-là
entourée de bandelettes, de maniere qu'elle paroifloit em-
maillotée : fur ces bandelettes étoient des attributs & des
fymboles qui repréfentoient la nature:la pluf art lui donnent
plufieurs mamelles pour déiigner qu'elle étoit la nourri-
ce des animaux & des plantes.
(f) Vitruve prétend que ce fut Ctéfiphon qui inventa
plufieurs machines pour élever des fardeaux considérables,
tels que les colonnes de ce Temple qui étoient de marbre
& d'un feill bloc ; il raconte auiiî comment on a trouvé
la carrière d'où l'on a tiré les matériaux qui ont fervi
■4 bâtir ce Temple,
-ocr page 63-
Introduction;       $t
Sculpteurs de la Grèce 5 une entr'autres par
Scopas. Au rapport de Vitruve ( f), dePau-
fanias (g) & de Pomponius-Mela (A), ce
Temple fut le premier monument ou l'on
jdonna des bafes aux colonnes.
Nous obferverons que Spon, dans iès
voyages, dit avoir trouvé à l'endroit où
Ephefe étoit fituée , il:: colonnes, reftes
vraifemblablement des débris du Temple
de Diane. Cependant la hauteur de ces co-
lonnes , félon cet Ecrivain, avoit un peu
moins de quarante pieds, fur fept pieds de
diamètre, erreur qui peut provenir de la
différence de la meiiire dont il s'eft iervi,
a celle qui étoit alors en ufage,ou, de ce
que les Ioniens ayant rebâti plufieurs fois
ce Temple , la proportion des colonnes
avoit varié dans ces diverfes conftnicHons;
en effet Spon décrit ces fix colonnes com-
me étant d'ordre dorique, tandis que, iéîon
Vitruve, l'ordre étoit Ionique.
Toute l'Afîe voulut contribuer à l'érec-
tion de ce Temple. On employa, félon Pline
(*"), deux cent vingt années aie bâtir. Stra-
(f) Vitruve, liv. 4.
ig) Paufanias , liv. 4.
(A) Pomponius-Mela, liv. U
COPlwejliv. JÖ,
«
-ocr page 64-
31       Introduction.
bon ( k ) & Vitruve ( / ) nomment pour*
premier Architecte de ce monument Cher-
iiphon ou Ctéfiphon, auquel iuccéda fon
fils Métagenes, èc à celui-ci plufieurs au-
tres , parmi lefquels on compte Démétrius
èc Péonius.
Eroftrate voulant faire pafler ibn nom
à la poftérité, imagina de brûler le Tem-
ple d'Ephefe, & y mit le feu la même nuit
que naquit Alexandre > mais il fut relevé
avec une fomptuolîté fans égale fous le ré-
gne de ce Prince, & fur les deilîns de l'Ar-
chitecte Chérénocrates. Néron pilla dans la
fuite tous les tréfors de ce monument que
les Gots achevèrent de ruiner fous le regne
de Gallien.
Le Temple de Junon à Samos, étoit de
la plus haute antiquité, il avoit été bâti
pour la premiere fois du temps des Argo-
nautes. Il fut rétabli par Ricus de Samos,
Cet Architecte fut aidé dans cet ouvrage
par fonfîlsThéodore qui l'acheva feul. Celui-
ci puplia une defcription du Temple, con-
tenant exactement tous les détails de ià,
çonitru&ion ( m ). La célébrité de ce Tem-
(k) Strabon, liv. 14.
(/) Vitruve, liv. 7.
( m ) Au rapport de Vitruve, cette defcription fe lifoir,
ipcore du temps d'Auguftc.
            "· , .
pie
-ocr page 65-
Introduction.           33
pie d'ordre dorique ne permet guère de
douter qu'il he fut un des plus beaux mo-
numents de la Grèce 5 c'eft ainiï du moins
qu'Hérodote & Paufanias nous en parlent.
Le nom de Théodore (n) qui en fut l'Ar-
chitecte ne peut d'ailleurs qu'en donner une
grande idée,
Trophonius & Agamèdes, les deux plus
anciens Architectes Grecs, dont le nom foit
parvenu jufqu'à nous, s'étoient acquis iule
grande réputation par le fameux Temple
d'Apollon à Delphes j néanmoins ks mé-
dailles qui nous reftent & qui repréfenterit
la forme quarrée , entourée de portiques,
nous en font concevoir une idée afîez peu
avantageufe *, & Ton feroit rehté de croire
que ce Temple, comme nous l'apprend le
père Montfaucon \o), étoitpîus recomman-
datie par l'Oracle que toute la Grèce y al-
ioit confulter, & par les tréfors îmmenfes
dont les Princes & lès particuliers l'avoient
enrichi, que par la beauté de fon Architec-
ture. Il f!it brûlé la premiere année de la
cinquante-huitième olympiade, St relevé
par Spintarius, Architecte de Corinthe.
Péonîus, un des Architectes qui avaient
ie laDyrmthe de Lemnos, tiré pag. 17 j Μ&. (0).
(o) Premiere Partie, rit. 2
Tome I.
-ocr page 66-
34           Introouction.
été chargés de la conduite du Temple de
Diane à Ephefe&: Daphnis Miléllen, firent
bâtir celui d'Apollon à Milet. Celui-ci, le
plus magnifique de tous ceux qui furent
élevés en l'honneur de ce Dieu, étoit conf
truit en marbre &l d'ordre ionique ainlî que
Je Temple de Diane, & ne lui étoit infé-
rieur , félon Vitruve (p ), ni en grandeur ni
en beauté ; on peut voir d'ailleurs l'éloge
que Pline nous a laîiîe de ce monument.
Un autre Temple fut élevé en Arcadie,
près du Mont Cotytius, fous la conduite
d'îétinus, en l'honneur d'Apollon le fe-
courable. Ce Temple étoit voûté en pierres,
félon Paufanias (g), & paiToit pour un des
plus beaux monuments de l'antiquité.
Les talents d'Ictinus & de Callicrates
ne contribuèrent pas peu à faire valoir, par-«
mi les Athéniens ,1a magnificence de Pérî-
clès dans les édifices qu'il fît élever. Ces
deux Architectes conftruifirent dans la Ci-
tadelle d'Athènes le Temple de Minerve ,
appelle Parthenon , c'eftVa-dire le Temple
. de la Vierge. Ce monument d'ordre dori-
que , & qui fubiïite encore en partie, eil
rectangulaire par fon plan, comme étoienc
prefque tous les Temples des anciens, fa
(p) Vitruve, Prcf. liv. 7. ,'
(q) Paufanias ,'liy. 8,
/
-ocr page 67-
Introduction.           
longueur eil de deux cent vingt-un pieds
Bors oeuvre, & fa largeur de quatre-vingt
quatorze pieds dix pouces. Les colonnes
extérieures font fans bafe, & ont trente-
deux pieds de hauteur fin* cinq pieds huit
pouces de. diamètre. Elles font couronnées
d'un entablement qui a pue/que le tiers de-
la hauteur des colonnes. Au reite, ce ne
fut point Ictinus, mais l'Architecte Carpion,
qui, félon Vitruve, féconda Callicrates dans
la conitruclion du Temple de Minerve. Cet
Auteur ajoure que .Pediiïce étoit d'ordre
ionique : ce qui néanmoins eit contraire à
ia defcripçion qu'en a faite M. le Roi dans
«fes ruines de la Grèce (r). Mais Vitruve (ƒ)
ainlï queStrabon (/:)reeonnoiiTènt que Mi-
nus éleva le Temple célèbre de Cérès &
Proferpine à Eleufis (y.) ; cependantPlutar-
g.-------------1-----------------------1—.-------:--------1------------------------------------—------------------------------------!_,
(r) On peut voir auifi dans cet ouvrage une defcriptioiî
du Temple de Minerye Suniade, finie près du Promon-
toire de 1'Attique, appelle autrefois Sunium, & auquel
dix-fept colonnes doriques, refres de ce monument, qui
font encore fur pied, ont fait donner le nom de Cäp-tg·
Jonne.
(ƒ) Vitruve , liv. 9.
:(t) Strabon, liv. o.
( u ) Le père Montfaucon,dans fa defçHo«=Ua des Tem-
ples de l'antiquité, ne fait point mention cte celui-ci. Il rätr
{orte feulement une médaille de la maifon de Brande-
ourg, qui,félon Bergier,repréfente une efpece de Taber-
nacle , drëifé en l'honneur de Proferpine, à caufe, dit-il,
.qu'on voit à coté un épi & un pavoi, ce qui dé/îgneroit
flUtàf un Temple dédié à Cérès qu'à Proferpine.'
Cl)
-ocr page 68-
5<î       Introduction.
que en attribue le premier ordre à Corce-
bus, le fécond à Métagenes de Xipere ,
Bourg de l'Attique ; &; il ajoute que Xeno-
clès conilruifit la lanterne ou coupole qui
en couvroit le fandtuaire. Cet édifice d'or-
dre dorique pouvoit contenir, ielon Stra-
bon, plus de trente mille perfonnes, tel
étant à peu près le nombre de ceux qui s'y
trouvoient raflëmblés à l'occaiion des céré-
monies pompeufes (v)qui fe pratiquoient
le jour de la fête d'Eleufis. D'abord on laiila
l'intérieur du Temple fans colonnes 5 mais
fous le régne de Démétrius de Phalere on
voulut rendre ce monument plus majef-
tueux, & l'Architecte Philon (x) qui par
la defcription de tous ces ouvrages mérita
de tenir un rang diftingué parmi les Au-
teurs Grecs, fit ajouter des colonnes au
frontifpice de ce monument célèbre.
Plufieurs Temples furent élevés à Tégée,
Ville d'Arcadie, fur les deifins de Chyro-
iophus de l'Ile de Crête. Un de ces monu-
■ ■                                                                                                                        ''"-Ι---------■
(v) Platon , Plutarque, Cicéron ont fait une ample
defcription des cérémonies qu'on obfervoit dans le Tem-
ple d'Eleufis. Voyez auifi l'Abbé Fenel, qui a écrit fur là
doctrine que l'on enfeignoit autrefois dans les myfteres
de ces Divinités.
( χ ) Quelques-uns prétendent qu'il étoit le même que
Philon de Byfance, dent nous avons un traité des ma-
chines de guerre.
-ocr page 69-
Introduction.           37
ments fut confacré à Vénus Pàphienne ,
un autre à Cérès & à Proferpine* on en
dédia deux à Bacchus, & un cinquième à
Apollon 5 on voyoit dans ce dernier, au
rapport de Paufanias {y), une ftatuè qui
repréfentoit l'Architecte.
Quelques-uns font remonter aux fîécles les
plus reculés l'origine du célèbre Temple
de Jupiter olympien à Athènes, & pré-
tendent que Deuealion en fut l'Architec-
te. Ce Temple fubfïita l'efpace de 950 ans,
& tomba en ruine à la cinquantième
olympiade. Pififtrate entreprit de le rele-
ver , & confia l'exécution de ce deiFein aux
Architectes Antiftates , Antimachides ,
Callefchros & Perinos. Après la mort de
Pinitrate ce monument fut difcontinué
jufqu'au regne d'Antiochus le Grand.
Ce Prince, étant monté furie trône de
Syrie, voulut faire achever le Temple de
Jupiter olympien à Athènes ; le foin de le
perfectionner fut confié àCofïutius, citoyen
Romain , Architecte qui le premier avoic
bâti a Rome félon la maniere des Grecs.
Ce fuperbe édifice conftruit en marbre
& d'ordre dorique, étoit fitué dans la par-
tie baffe & au feptentrion de la Citadelle
d'Athènes. Sa vafte étendue le rendit auflî
(y) Paufanias, liy. 8.
Ciij
-ocr page 70-
À, î*Txo*irtTto»:
célèbre que les plus fameux Temples ââ
l'antiquité. Coifutius n'en ayant pas ache-
vé la conftrucUon * elle fut continuée du
temps d'Augufte $ mais le Temple ne reçut
fon dernier degré de perfection (|) que fous
Adrien, un des Empereurs Romains qui
témoignèrent avoir le plus de goût poui
Mrchite&ure. ι
Dans l'intervalle de la mort de Piiîftrâ-
fee au regne d'Anthiochus le Grand, les
habitants de Pife, où étoient célébrés les
jeux olympiques,avoient élevé en l'honneur
de Jupiter un autre Temple qui ne le" ce-·
doit guère pour la magnificence à celui
de Jupiter olympien à Athènes. Paufanias
a Jaiile du Temple de Pife coiihxuit fur les
deffins de Libon d'Elide , une defcrip-
tion très-ample qui ne peut que donner*
la plus grande idée de ce monument ; il
étoit d'ordre dorique & entouré de co->
lonnes : fa longueur étoit de 230 pieds, fa
largeur de 8 f , &: fa hauteur de 6S. Le
comble étoit couvert de tables de marbres
en forme de tuiles, invention due à Bl·
/as, Sculpteur de Naxos ; Paufanias femble
faire entendre que la Mythologie y étoic
prefque toute repréfentée , foit en Peintu*
te ibit en Sculpture.
(t) Yty*\l& ruines de la Grèce par M. le Roi ,pag< 19«
-ocr page 71-
Introduction)         '39
La plupart de cesTemples furent conftruits
des marbres les plus précieux, & revêtus
des ornements les plus analogues au genre
de ces fortes d'édifices 5 leur itruclure ad-
mirable devint une nouvelle fource de
gloire pour les Grecs, & des modèles pour
la poftérité.
Les demeures des Rois le cédèrent à pei-
ne aux Temples des Dieux : rien n'égaloit
la fomptuofîté du Palais de Maufole, Roi
de Carie, & la magnificence du célèbre
tombeau de ce Prince ; on lit dans Vitru-
ve (a) que de fon temps les murs du Palais
de Maufole étoient encore en entier : Us
étoient, dit-il, de briques, & couverts d'un
enduit fi poli qu'ils reiTembloient à dit
verre. Le même Auteur parle auiïï de ρ'ίίι-
iieurs Temples que ce. Roi avoit fait éle-
ver : un de ces édifices, dédié au Dieu Maïs ,
fut conftruit dans la partie la plus haute
de fon Palais, fîtué au milieu de la Ville
d'Halicarnafle.
Après la mort de Maufole , fa Veuve
Artémife fe rendit célèbre par le tombeau
qu'elle fit ériger dans cette Ville à la mé-
moire de ion mari 5 ce monument le plus
ibmptueux qu'on ait encore vu en ce gen-
~                                          _,        .1.- II..I. I,11—, .M., .111            ,     |                           .....——————IM »1 | 11, | ,».
(«) Vitruvc, liv. z, ebap. 8.
C iv
-ocr page 72-
4<5           In τ ro du c't ι ο ν.
re devint la quatrième merveille du mon-
de j de-là tous les édifices de ce genre ont
pris le nom de Maufolèc. Ce tombeau, au
rapport de Pline,fut le premier où l'on
employa le marbre en incruitation,, & il
ajoute que cette belle invention eft due
aux Cariens. Chaque façade de ce monu-
ment étoit décorée de 36 colonnes du mar-
bre le plus précieux, & ornée de itatues
& de bas reliefs d'une exécution admira-
ble. Satyrus & Phyteus furent les Architec-
tes de ce monument j mais Pliéthis le con-
dmüi au dernier degré de perfection en
élevant au-deiTus une pyramide qui avait
comme le Maufolée , 140 pieds de hau-
teur. A l'extrémité fupérieure de la py-
ramide , on voyoit un Char dédié au
Soleil. Les Sculpteurs qui enrichirent ce mo-
nument de tant d'excellents ouvrages, fu-
rent Léocharès, Briaxès, Scopas & Praxi-
tèle , ou, félon quelques-uns, Thimothée,
chacun d'eux orna une des façades , & il
n'eit pas furprenant que leurs chefs-d'œuvre
ayent contribué, autant que la grandeur
de l'édifice , à rendre ce monument im-
mortel.
Enfin, il n'y eut dans la Grèce aucune
Ville un peu coniîdérable où Ton n'érigeas
quelque monument, foit temple, foit pa-
lais , combeau ou fontaine, tous ouvrages
-ocr page 73-
Introduction.          4t
capables de tranfmettre à la poitérité la mé-
moire de ce Peuple, qui a pu être regardé
comme poiîefTeur des beaux Arts perfection-
nés. En effet, tous les Citoyens les culti-
voient, les Académies établies dans tou-
tes les Villes y formoient la jeuneiTe, tou-
tes les fciences y étoient enfeignées par d'ex-
cellents maîtres. D'ailleurs les Grecs étoient
naturellement fpirituels,curieux, aimant les
belles connoiflances, & s'y appliquant par
goût.Enfîn l'on peut dire que laPbyfiqué & la
morale ont concouru auffi à diilinguer cette
Nation de toutes les Nations de l'Univers.
* A l'exemple des Grecs, les Romains vou-
lurent fe iignaier par la eonftruction de
leurs bâtiments. Mais, d'abord femblables
;>,ux Egyptiens, ils ignorèrent l'heureux effer
des proportions en Archite&iire, & fe con-
tentèrent de donner à leurs édiiîcesde la gran-
deur & de la folidité. Nous apprenons des
tfiftoriens que les Sciences &: les Arts firent
d'abord peu de progrès chez ce Peuple ; ils ne
furent cultivés que par le petit nombre, le
gros de la Nation n*y prenant aucun înté-
cet : enforte qu'on ne peut guère faire re-
monter l'époque de l'introduétion des Arts
chez les Romains plus haut que la féconde
guerre Punique v environ % 18 ans avant no-
tre Ere. D'après ce récit, il y a toute ap-
-ocr page 74-
"4*       Introduction?.
parence que leur profpérité ne dura qu'en-
viron deux iîéclesj encore faut-il convenir
que pendant cet efpace de temps les Let-
tres l'emportèrent de beaucoup fur les pro-
ductions de l'Architecture qui font ici no-
tre objet.
Néanmoins dès le regne de Tarquin l'an-
cien , on exécuta des ouvrages importants $
il fut le premier Roi de Rome qui enferma
par des murs l'enceinte de la Ville 5 mais
ce qui a le plus immortalifé ce Prince, c'eir,
le conduit fouterrein dont on voit encore
les ruines. Ce conduit, en recevant toutes
les immondices de Rome, contribuoit à la
fois, à la propreté des maifons, à celle ·
des rues & à la falubrité de l'air, objets in-
téreiTants dans les ouvrages publics. Tite-
Live (b) & Denis d'HalicarnaiTe (c) nous*
font concevoir une grande idée de cette?
entreprife, ils exaltent fut-tout les avanta-
f;es qu'en retiraient les Citoyens. Quant à,
a folidité , il efl; étonnant que ces voûtes,
conduites depuis une extrémité de la Ville
jufqu'au Tibre, ayent réiîfté depuis tant des
fîecles à la charge immenfe des voitures?
quelles n'ont ceiîë de porter : l'hiftoire que
Pline ( d) raconte à ce fujet peut fervir aulîl
(b)  Tke-Livre, liv. premier.
(c)  Denis d'HalicarnafTe, liv. 3.
(d)  Pline, Jiv. $6,chap. z,
-ocr page 75-
ÎntrodùctioK'.          43'
â nous donner une idée de la folidité des édi-
fices des Romains.
Scaurus, dit-il, avoit fait conftruire urt'
théâtre qui ne devoit habiliter que lîx ie-
maines (e).Les fpedacles finis, Scaurus vou-
lut faire transporter chez lui les matériaux
qui avoient iervî à la conftruction de cet
édifice : l'Entrepreneur des ouvrages publics
exigea de ce riche Citoyen qu'il s'obligeât de
payer le dommage que pouroit càuiér aux
voûtés le tranfport de pareils fardeaux ; mais
les voûtes qui depuis 800 ans étoient de-
meurées entières foutinrent fans s'ébranler
toutes les fecouiTes qu'occafionna le tranf
port.
Ce fut encore Târquin l'ancien qui jeta
les fondements du Capitole (ƒ), & qui y
bâtit un Temple à Jupiter qu'il fît noinmer
Temple de Jupiter Capitolin > ce monument
futeniuite achevé avec beaucoup de magni-
ficence fous le regne de Tarquin le Super-
be, qui fit venir pour cela des ouvriers d'Ë-
truries ce fut auffi ce dernier qui acheva le
(e) Ce théâtre étoit orné de trois ordres, dont les
Colonnes au nombre de 360 , avoient été préparées
en moins d'un an. Celles du premier ordre étoient
de marbre & avoient de hauteur 38 pieds; ce théâtre fe
trouvoit encore embelli par un nombre prodigieux de
itatues de marbre, de bronze , &c.
( f) Environ 600 ans avant notre Ere
-ocr page 76-
44           Introduction.
Capitole, & qui y fit ériger un Temple com-
mun à tous les Latins.
Depuis les premiers temps de la Monar-
chie Romaine , l'Etrurie, aujourd'hui la
Tofcane, s'étoit diftinguée plus qu'aucune
autre partie de l'Italie, par fon goût pour
l'Architecture. Porfenna, un de fes Rois (g),
fit élever près de Clufium un tombeau dont
la ftru&ure obtint les fufFrages des Artiftes
contemporains j il étoit conftruit en pierre,
$£ s'il en faut croire un pafïage de Varron (h)
que Pline nous a confervé, fa forme avoit
quelque reiFemblance avec celle du labyrin-
the de Crête 5 mais ce qui fit le plus d'non-
neur aux Etrufques, fut l'invention de
l'Ordre Tofcan, qui depuis caractérifa l'Ar-
chitecture Romaine.
En effet les Romains ne firent long-
temps ufage que de cet Ordre, ayant une
connoiflance très-imparfaite de la Sculptu-
re, ne fâchant ni polir le marbre, ni l'em-
föer en colonnes j en un mot, ignorant
de faire des ouvrages capables d'exci-
ter une jufte admiration. Mais enfin le com-
merce qu'ils eurent avec les Grecs leur don-
na lieu d'envier à ce Peuple les merveilles
qu'il avoit enfantées. Les Romains apprirent
(e) Tlvivoit environ ƒ00 ans avant l'Ere Chrétienne.
(À) Varron, liy. 36, chap. 15.
-ocr page 77-
wi-ii^WW^;
Introduction.           45
des Grecs à rendre leurs édifices réguliers,
à y joindre la difpofition & l'ordonnance :
ils mirent tout en œuvre pour mrpailer leurs
maîtres, mais ils ne parvinrent qu'à deve-
nir leurs rivaux 5 &: malgré tous leurs efforts
pour produire de nouveaux ordres, on ne
vit paroître dans l'Italie que le Tofcan per-
fectionné & le Compoiîte, foibles imita-
tions des ordres Grecs ; ce ne fut même qu'a-
près la deftrudtion de la République que
Rome fe vit embellie par des monuments
dignes d'être tranfmis à la poftérité.
Alors on vit s'élever le Panthéon qus
fit conftruire Agrippa ( i), gendre d'Au-
gufte. Ce Temple fe nommoit ainfi, parce
qu'il étoit dédié à tous les Dieux; Agrippa
néanmoins le confacra particulièrement à
Jupiter le Vengeur 6c à Cybele. Palladio
croit que le Panthéon avoit été conftruit
du temps de la République, & qu'Augufte
étant monté furie trône, Agrippa fit élever
feulement le portique qui manquoit à l'édifi-
ce 5 cette partie du Temple paroît efFe&ive-
ment avoir été ajoutée après coup.
La forme du Panthéon , connue aujour-
d'hui fous le nom de Ta Rotonde, eft cir-
culaire par fon plan, & fa. hauteur eil égale
à fon diamètre : enforte que félon Pexpre£
----------------—.------------------------------------------------------i-------_--------iu-----p
(i) Ce Cooiul vivoiit uft peu avant notre Eté.
-ocr page 78-
4^       Introduction.
ίιοη de Palladio, il femble repréienter le
globe de la terre. Au rapport de Defgo-
dets qui l'avoit exactement mefuré, fon dia-
mètre eft de vingt-deux toifes, Le porti-
que ayant été ruiné par le tonnere, il fut
réédifié fous les Empereurs Sévère & Marc
Aurèle. Du temps de l'Empereur Phocas,
le PapeBoniface IV (k) dédia ce Temple
à la Vierge &: aux Martyrs \ Urbain VIII a
fait depuis reltaurer fon portique &l appla-
nir la place qui lui fert d'ilfue. C'eft cet édi-
fice que l'Empereur Adrien fe propofa d'i-
miter dans Athènes, lorfqu'il fît ériger à
tous les Dieux le Temple qui fut appelle
le Panthéon et Adrien,
Nous ne devons pas oublier de parler ici
du célèbre Temple de la Fortune, élevé fur
une montagne à vingt & un milles de Rome,
dans la Ville de Paleibine, construite des
ruines de l'ancienne Préneiïe. Ce Temple,
au rapport de M. l'Abbé Barthélémy, étoit
compofé d'un aifcmblage de plufieurs édi-
fices, qui pofés avec régularité fur diffé-
rents plans, s'élevoient les uns au-deifus
des autres, & en impofoient par la majefté
de leur ordonnance. Le fancluaire de ce
Temple étoit, dit-il, pavé d'une mofaïque
0*Ε*Μ*ΛΛΛ -..———..... i-i . rtfyU       ι,. ι. ι i..,- iii·.......... !        i, ".-------Γ"»
(k) Ce Pontife mourut en 614, après un regne de
fept ans,
-ocr page 79-
Introduction.           47
d'environ dix-huit pieds de long fur qua-
torze de large (/), travail précieux qui
donne une grande idée des Artiftes de ce
genre en Italie.
Augufte, félon Suétone (/«), fîgnalaia
magnificence par une infinité d'édifices ,
fruits de la paix, dont toute la terre jouif-
foit fous fon Empire 5 les bâtiments fornp-
tueux élevés dans Rome firent parvenir cet-
te Capitale au plus haut degré de fplen-
deur 5 elle changea entièrement de face :
ce qui fît dire (^u'Auguße ne l'avoit trouvez
que de brique, & qifd la laijjbit toute de mar-
bre.
Cet Empereur (λ) fit auiîi bâtir en Epire
près d'Adium la Ville de Nicopolis, â def-
fein de perpétuer le fouvenir de la
victoire qu'il avoit remportée fur Marc-
Antoine ; enfin l'on peut dire que fous ion
regne les Sciences & les Arts chez les Ro-
(/) M. l'Abbé Barthélémy nous a donné en ij6o /a
xlefcription de -cette mofaïque d'après une planche que
M. le Comte de Cailus a fait graver avec beaucoup plus
de foin Se de correction que celle du P. Kirker, gravée en
1671 , & celle de M. Ciampini, gravée en iócjq, & en-
fin que celle gravée en grand en 1711 par les foins du
Cardinal Barberin. Les fragments de marbre qui compa-
rent cette mofaïque ne font communément,dit-il , que de
trois à quatre lignes en quarré ; ceux qui forment les fi-
gures font encore beaucoup plus petits.
(m) Suétone dans la vie d'Augufte.'                    ___
(72) H régna long-temps en paix, &: mourut âgé de γ f
anSj la douzième annéedeaotre Ere,
-ocr page 80-
          Introduction.
mains, étoient un infiniment utile dans lès
mains de ce Peuple ambitieux, & que la
Philofopliie, l'Hiftoire,l'Éloquence, la Poe-
iîe , l'Architecture, la Sculpture & la Pein-
ture furent portées alors au plus haut point
de perfection.
Parmi les divers monuments de l'antiqui-
té , l'hiftoire vante beaucoup Γ Aqueduc de
Carthage ( ο ), conftruit fous le regne du mê-
me Prince. Outre un nombre infini de Tem-
ples, de Cirques, de Théâtres, de Ponts S:
d'A quéducs dont il ordonna la conftruétion,
il voulut prendre lui- même le foin du che-
min de Flaminius qui conduit depuis Rome
jufqu'à Rimini; fur ce chemin étoit un pont
remarquable où l'on érigea un Arc de Triom-
phe à fa gloire.
L'hiftoire nous parle encore de quatorze
Aqueducs immenies élevés du temps des
Céfars ; ils étoient foutenus fur des arcades
qui conduifoient l'eau très-abondamment
dans Rome, & y entretenoient continuelle-
ment cent cinquante fontaines jailliiTantes,
cent dix-huit bains publics, fans compter
hs mers artificielles deftinées à repré-
fenter les combats, connus fous le nom
de Naumachics. Cette même hiftoire nous
allure que cent mille ftatues, ornoient Iqs
(0) Foyei rArchitefturehiftoriqaede Fifcher j Jiv. S.
places
-ocr page 81-
Ι'η Τ RÔDUÇT Ι Ο Ν.            4&
P'îaces publiques, les Carrefours, les Tem-
ples, les Palais, δ: que fous ces regees mé-
morables , on voyoit quatre-vingt dix co-
lories élevés fur des portiques, quarante-
huit obélifques de marbre' granique, tail^
lés dans la haute Egypte, ouvrages'éton-
nants, qui nous lahTent à peine concevoir
comment on a pu, du Tropique aux bords
du Tybre , tranfporter des maiîès aulîî
prodigieuiès. Qu'on ie rappelle d'ailleurs
ici ce que nous avons dit en parlant de
PEgypte, touchant l'obélifque relevé par
Sixte-Quint, & par l'induitrie du célèbre
Fontana, encore révéré a Rome par la
hardiefle de cette entrepriiè {p),
Le pont d'Auguile étoit bien moins éten'
du, mais plus utile que celui qui fut cons-
truit fous les ordres de Caligula : celui-ci
avoit de longueur une lieue & demie, û
traverfoit une efpèce de Golphe, iî.tué en-
tre Pouzzole & Bôles. Au reite le pont de
Caligula ne ferv'it guère qu'à flatter 1'oj>
gueuil de cet Empereur qui vouloît traver-»
fer la mer à cheval & triompher de cet élé**
ment mieux que ne l'avoient fait, difoit>
il, Darius & Xercès {q).
\P) y°ye\ ce que nous avons dit de ces obélifques.
f «S-
(q) Aurel. Viftor & Xiphilin dans la vie de Calcul*,
?Qmt l                                D
-ocr page 82-
■ρ          Introduction.
Laconitraclion du pontd'Oftie que Jules-
Céfar avoir entreprife inutilement, iè fît
avec le plus heureux fuccès fous l'Empire de
Claude; cet ouvrage fut d'un grand lecours
aux Romains, n'y ayant auparavant vers
l'embouchure du Tybre aucun lieu de fure-
té pour les vauTeaux venant d'Afie &c d'Afri-
que , ce qui occafionnok fouvent la famine
dans toute l'Italie.
Mais jamais on ne vit plus de fomptuo-
fité & de magnificence que dans le Palais
que Néron fit joindre à celui des Empereurs.
La Cour de ce nouveau Palais où l'on
voyoit la ftatue coloifals de ce Prince, étoit
ornée de portiques à trois rangs, dont cha-
cun étoit de la longueur d'un mille: l'éten-
due des jardins étoit immenfe , ils renfer-
moient un étang entouré d'une quantité
prodigieufe d'édifices ; on auroît pris, félon
Suétone , l'étang pour une mer, & l'alfem-
blage de ces édifices pour une Ville 5 on
voyoit aulîi dans ces jardins des terres la-
bourables, des vignobles, des prairies &
pluiîeurs bois peuplés de différentes fortes
de bêtes fauvages & d'animaux domeftiques.
La grandeur du Palais répondoit à l'éten-
due des jardins : l'or, l'azur, les perles, les
pierreries 6c autres matières précieufes fu-
rent employées dans l'intérieur avec tant
de profufîon que cet édifice fut appelé la
-ocr page 83-
TNTROUUCTTON'l·             ft
iïiaîfon dorée (r); il fut détruit en partie
durant les guerres qui fuivirent la mort de
Néron (ƒ).
Au lieu où étoit l'étang, Vefpafien (t)
8c
fon fils Titus firent élever l'amphithéâtre
connu aujourd'hui fous le nom de Colijée.
jjooo ouvriers avoient déjà travaillé 10
ans à là conftrudion de cet édifice avant
qu'on en eût commencé la Sculpture ; fa for^·
me extérieure & intérieure eil elliptique > il a
de longueur hors œuvre quatre-vingt-cinq
toifes fur foixante-dix de largeur.
Vefpafien fit aufîî élever dans Rome le
fiiperbe Temple de la paix. On en voit en-
core aujourd'hui des veitiges,dont les mefu-
res nous ont été données par Defgodets (u%
Parmi les ouvrages publics qui ont iîgna-
ié la gloire des Romains, les grands chemins
tiennent fans doute un rang diftingué. Nul
(r) Suétone , dans la vie de Néron , Tacite , Pline ,
Martial de Spetlac. Epig. t.
(f) Cet Empereur fe donna la mort à l'âge de 3 ζ ans,
&: la foixante-huitieme année de notre Ere après avois
régné treize ans.
(t) Vefpafien mourut l'an 79 de J. C. après avoir ré-
gné 10 ans. Galba, Othon & Vitellius qui avoient régné
.entre Néron & lui n'avoient joui de l'Empire qu'un an
.entre eux trois. Titus fon fils lui fuccéda & ne régna
que deux ans.
(«) Defgodets, chap. 21,
-ocr page 84-
ji       Introduction*.
Peuple d'ailleurs n'eft jamais "devenu aufït
recommandable par des travaux de ce gen-
re. Le chemin deFlaminius, dont Augufte
avoitpris un foin particulier, le cédoit à pei-
ne à celui que fit conitruire Domitien (ν),
& qui fut appelé du nom de cet Empe-
reur Via Domitiana. Celui-ci conduifoit de-
puis Pouzzolles jufqu'à Sinuéze où il fe joi-
gnoit au chemin d'Appius j fa longueur étoit
de 13 lieues : le terrein où il étoit conflruit
étant peu folide, il fallut des dépenfes im-
menfes pour l'affermir ; plufïeurs affifes de
pierres y faifoient un maffif d'une largeur
& d'une profondeur fî extraordinaire qu'on
n'avoit encore rien vu de femblàbles de
grands carreaux de pierres taillés régulière-
ment furent placés avec beaucoup de foin Se
de propreté fur ce maifif dans toute l'étendue
du chemin 5 en le parcourant on rencontroit
le pont que ce même Empereur avoit fait bâ-
tir fur le fleuve Vulturne , &c un arc de
triomphe qu'il s'étoit fait ériger. Le pont
& l'arc de triomphe fîmes où le chemin d'Ap-
puis fe réunifToit à celui de Bomitien étoient
de marbre blanc & richement ornés, félon
( ν ) Ce Prince, frère & fucceiTeur de Titus fut le
dernier des douze Empereurs nommés Céfars, il mourut
l'an 96 de notre Ere, âgé de 44 ans, Se après en avoij;
régné ij.
-ocr page 85-
Introduction.       '^
les defcriptions que Stace & d'autres Auteurs
nous en ont données.
Quant au chemin d'Appius ( χ ) dont nous
venons de parler, il ne lahToit pas au rapport
tle Palladio d'être d'une grande beauté ; il
commençok au Colifée èc fe ter min oit à
Capoue. Plutarque nous apprend que Jules-
Céfar (y ) le prolongea de beaucoup.
Trajan ( ^} le fit réparer & le rendit plus
court & plus commode en faifant applanir
des montagnes, combler des vallées ôccon-
ftruire des ponts.
De iîmples Citoyens Romains iîgnalë-
rent auffi leur amour pour la Patrie par les
chemins qu'ils firent conftruire ; un des plus
remarquables étoit celui que fit faire Au-
rélius :il commençoit à la porte Aurélia ,
aujourd'hui porte S. Pancrace, traverfoit
toute la côte maritime de la Tofcane ôc
fe termïnoit à Pife.
Les chemins Numentan, de Prénefte &
Libican, étoient auffi en grande réputation s
ce premier s'étendoit depuis la porte Vi-
cinale, aujourd'hui la porte Sainte Agnès,
jufqu'àNumence. Quant aux deux derniers,
(ar) Claudius Appius vivoit environ 400 ans avant
jpotre fc,re.
(y) Mort 43 ans avant notre Ere.
tfaan Cc Prince raonta fur Ie uônc ran 97 & m°nrul
-ocr page 86-
34         Ϊν τ ito nü er ι o if;
l'un commençait à la porte Efquiline, ou"
de S. Laurent, èi l'autre à la porte Nevia
ou porte Majeure ; tous deux conduifoient
à Paleftrine.
Léon-Baptifte Alberty parle d'un très-
beau chemin appelé le portuofe qui con-
duifoit au port d'Oftie. Il étoit divifé dans
ià largeur en trois parties, dont celle du
milieu étoitréfervée pour les charrois, &
les deux autres fervoient, l'une pour aller
de la ville au port, & l'autre pour retour-
ner du port à la ville : ce qui fauvoit l'em-
barras qu'eût occaiionné une foule innom-
brable, dont une partie venoît de-Rome Se
l'autre y retournoit. On voit encore eri
divers endroits de l'Italie, fur-tout aux en-
virons de Rome,, des vertiges de ces anciens
chemins.
Domitîen ne fe fit pas moins admirer
}>är un grand nombre de Temples, de Pa-
ais èc d'autres Edifices qu'il fît élever. On"
fut étonné qu'un Prince dont les mœurs
étoient corrompues, eût été capable de con-
cevoir des entreprifes également recom-
mandâmes par leur utilité & leur magni-
ficence. Stace (a) a donné les plus grands
éloges aux travaux que fit faire cet Em-
pereur pour contenir Je Vulturne dans fort
• (a) Stace, Sylv. liv. 3, Eleg. 4»
k
-ocr page 87-
Introduction.            jy
lit , & empêcher les débordements de ce
fleuve qui ruinoit tous les lieux voiiîns.
Sous l'Empire de Trajan fut conftruit le
pont du Tage, monument de ce genre le
plus beau qui ioit en Efpagne {b). Ce
pont, tout conftruit en pierres, eil·, élevé de
deux cents pieds au defiîis de l'eau ; fa
longueur eil de fix cent foixante-dix pieds >
il n'eil· compofé que de fix arches, chacune
de quatre-vingt-quatre pieds d'ouverture.
Quant aux piles elles ont chacune environ
vingt-huit pieds en quarré. Une inicription
qu'on lit fur la porte de l'Eglife de Saine
Julien à Alcantara, nous apprend que ce
F
çjnt fut conltruit par C.Julius Lacer, Se que
EgJife étoit un Temple que cet Architecte
avoit confacré à la gloire de Trajan. On
voit encore fur le pont du Tage un arc
de triomphe , élevé immédiatement après
laconitrudiondu pont( c) ; les inferiptions
anciennes difent expreifément que la Pro-
vince qui avoit fait élever ces monuments,
les dédia tous deux à. cet Empereur.
Quelque remarquable que fût le pont du
Tage, il s'en falloit beaucoup qu'il appro-
chât delà magnificence de celui que Trajan
( b ) Bergier, hiftoire des grands Chemins de TEmpi*
η, liv. 4, chap. 38.
(0 Gruter, pag. ι6ζ, inicription 2 & 3.
-ocr page 88-
$6          ÏNTRÖDUCTIOtfl
fit conftruire fur le Danube. Les pîlés d^
celui-ci, au rapport de Dion Caiîîiis, avoient'
deux fois autant d'épaiffeur que celles du
pont du Tage, & les arches deux fois au-
tant d'ouverture 3 il étoit compofé de vingt
piles éc de vingt & une arches ; chaque
pile avoit d'épailTeur foixante pieds &c de
hauteur cent cinquante ; la' diftance de
l'une à l'autre étoit de cent foixante-dix
pieds ; la hauteur de ce pont étoit d'en-
viron trois cents pieds , & fa longueur
de huit cents toifes , fans y compren-
dre les culées. Cependant il fut conftruk
à l'endroit le plus rapide & le plus profond
du Danube : il étoit Împoflîbie d'y faire
des batardeaux pour fonder les piles 5 on fut
obligé de jeter dans le lit du fleuve une
quantité prodigieufe de divers matériaux
qui s'élevarit jufqu'à fa furface * formè-
rent des efpècés d'empâtements fur les-
quelles on affit les piles. Apollodpre de
Damas, célèbre Architecte du iecond iiecle
de notre Ere, conftruiiît ce grand ouvrage
qui iuffiroit feul pour immortaliser Trajan.
Adrien fon fucceifeur craignant que lë$
Barbares ne ië fervilTent du pont contre
les Romains en lit abattre les arches : néan-
moins un motif contraire àvoit déterminé
, .Trajan à le faire bâtir.
La bienfaifance de ce Prince & les vicloi;
-ocr page 89-
Î KT&ö nüCT ι ο Ν.            57
f és qu'il avoit remportées déterminèrent lé
Sénat &. le Peuple à lui ériger un des plus
beaux monuments qui ayent été confacrés
à la gloire dès Empereurs ; nous parlons
de la colonne Trajane qui fubiiite encore
aujourd'hui à Rome*
Autour d'une grande place ou marché
-appelé du nom dé l'Empereur Forum
Trajanum
, l'Architecte Apollodore avoit
fait conftruire pliiiîeurs édifices, parmi les-
quels étoit une bafilique où fe rèndoit la
fuftice &: où s'aiTembloient les Négociants j
on y voyoit encore cette fafneufé biblicn
thequedeTrajan , dont parlent les Hiflxv
riens. La place étoit de forme quarrée â
l'imitation des places grecques, & décorée
d'un nombre coniîdérâblê de ftatues. Un arc
de triomphe &: la colonne étoient les monu-
ments confacrés à la gloire de ce Prince.
Cette colonne fut élevée au milieu de
îa place. Comme elle étoit deftinée à pré-
conifer un Romain, on ne voulut pas fe
fervir des ordres Grecs, quoiqu'ils fuiîènt
employés dès-lors en Italie. L'ordre Tofcan
fut préféré , & ce monument prouve bien
qu'il n'eft rien de fi fimple que l'Art ne
fache embellir, & qu'un ordre ruftique en-
richi par le miniftere de la Sculpture, peut
offrir le plus beau chef-d'œuvre/ La hauteur
de cette colonne eft de cen; treize piedsj
-ocr page 90-
              INTRODUCTION.
elle fut terminée par une ftatue pédeftre de
bronze dore & de dix-neuf pieds de pro-
portion, qui repréfentoit l'Empereur Tra-
jan. Sixte V y fubflitua une itatue de S,
Pierre de treize pieds feulement (d).
Nul Empereur ne montra tant de zèle
qu'Adrien pour la conftruction des édifi-
ces (e), on eil étonné du nombre de ceux
qu'il fit élever ou rétablir. D'abord il fît bâ-
tir un Temple magnifique qui fut confacré
à la mémoire de Trajan s il fît rétablir le
Panthéon d'Agrippa , la bafilique de Nep-
tune, la place appelée Forum Augußi, les
bains d'Agrippîne &pluiîeurs autres édifices
ruines ou brûlés ; il ordonna la conftruélion
d'un mur de quatre-vingt milles de longueur"
entre l'Angleterre&: PEcoiTe., pour arrêter
les courfes des barbares. Ayant pris Jérufa-
lem il la nomma ./Elia, il bâtit un Temple'
à Jupiter fur le Calvaire, & plaça une ffca-
tae d'Adonis fur la Crèche de Bethléem y
après fa mort on conftruifît fur le Tybre près
de l'on tombeau le pont ^Elius : les débris de
ce Maufolée ont fervi depuis à bâtir le
(</) Foysi dans le parallele de Chambray., les deifins de
la colonne if raiane, & dans Fifcher ceux de la colonne
& de la placi" où elle fut élevée, qui a été gravée d'a-
près une méaVUe antique.
( e ) Cet Emp\ereur nommé ^£lius Adrien, mouruc l'art
ί
3 8,, après un re^ne de zi ans,
-
-ocr page 91-
ï NT rodU ότ ι oN.        <;$
Cîiâteau Saint-Ange. Tous ces édifices fu-
rent élevés fur les deiïïns de l'Archite&e
Détriarius.
Il y avoit peu de Villes coniîdérables de
fon Empire que ce Prince n'honorât de ià
préfence, &: prefque toutes fe reiTentirent:
de fon amour pour les beaux Arts ; on voie
encore en plufieurs endroits de l'Italie des
relies des édifices qu'il fit élever: il lauTa
jufques dans les Gaules des témoignages
de fon goût pour l'Architecture , comme
on en peut juger par le Temple de Plotine,
Ce Temple, connu aujourd'hui fous le
nom de la Maifort quarrée,eiï fitué en Lan-
guedoc, près des murailles de Nîmes ;
Adrien en ordonna la conilruclion lorfqu'iI
paifa par cette Ville pour appaifer la révol-
te de la Grande-Bretagne. Six colonnes de
front & onze latérales forment la décora-
tion extérieure du Temple; les colonnes font
corinthiennes & élevées fur autant de focles,
.chacun de la hauteur de fix pieds. Leurs fûts
font chargés de cannelures. Le diamètre des
colonnes eil de deux pieds neuf pouces, ÔC
les entre-colonnements de deux diamètres*
Sur la frife de l'entablement font das rin-
ceaux , fur les moulures de la corniche des
ornements, & fur les cimaifes fupérieures
des mufles de Lyon. Ce qui paroît fingulier.
-ocr page 92-
£o          lit τ RoütrcT ι ö tfl
c'eft que les modulons font tournés à con-
tre Cens, Au reite, l'exécution de ce monu-
ment efl de la plus grande beauté. Au mi-
lieu de l'édifice eil élevée aujourd'hui une
Eglife moderne.
Non loin du Temple de Plotine, on voit
encore des refles confidérables de celui d'I-
fis, nommé auffi le Temple de Diane ; cet
édifice de conflruction grecque paffe pour
être de la plus haute antiquité , ion plan eft
un parallélogramme dont la longueur dans
œuvre eft d'environ dix toifes & demie, &
la largeur de fix toifes. Trois Chapelles font
au fonds du Temple, &: cinq fur les ailes 5 il
eft couvert d'une feule voûte plein cintre,
conltruite de grands quartiers de pierres po-
fes fur leur plat. Plufieurs offements trou-
vés fous terre font préfumer qu'on yfacri«
fioit des victimes humaines, & les puits qu'on
remarque encore, creufés fous les piéde£
taux des idoles, fervoient fans doute aux
Prêtres du Paganifme à rendre leurs ora-
cles.
Près du Temple d'Ifis fut confiante une
fontaine en même temps Se au même ufage
que cet édifice. Après la conquête des Gau-
les , les Romains voulant la faire fervir de
bains publics, conflruifirent pour les per-
fonnes du premier rang une Nymphée, &,
-ocr page 93-
INTRODUCTION.            Ét
|sour le Peuple un grand bain découvert.
Les eaux de cette fontaine étoient conduites
dans tous les quartiers de la ville baiTe ,
3c fortant de Nîmes elles formulent une
petite rivière, dont le baflïn creufé natu-
rellement fur un rocher de trente ou qua-
rante toifes de diamètre , eil d'une pro-
fondeur immenfe & inconnue.
La fontaine eft iîtuée au pied d'une
montagne, fur le fommet de laquelle eft
le phare de Nîmes, connu fous le nom de
la Tourmagne, Ce phare eft auiîî de con-
ftruction grecque & de bas appareil. Selon
les vertiges qui en relient, il étoit compofé
de plulîeurs étages en retraite, formant des
rampes allez douces δι aiTez larges pour
que les voitures y puiTent monter. L'opi-
nion la plus commune eft qu'il fut con-
firait pour fervir aux Romains de tréfor
public, lorfquela mer étoit moins éloignée
de la plaine de Nîmes.
Adrien fit encore ériger en Grèce plu-
sieurs édifices : ceux qu'il fît conftruire à
Athênes^ou aux environs, paiferent pour
les plus réguliers de ceux qui furent éle-
vés
par fo-s ordres dans toute l'étendue de
fon empire ; c'eft à Athènes qu'il fît ache-
ver le Temple célèbre de Jupiter Olym-
pien ? dont nous avons parlé,
-ocr page 94-
'6i          In troductiojst'.
Sous Antonin (f) fut conilruit Ie ponfi
du Gard, deiliné à conduire les eaux du
Rhône au réfervoir de la fontaine & dans
l'amphithéâtre de Nîmes : ce pont qui réu-
nit deux montagnes, entre lefquelles il eil
contenu, eil compofé de trois rangs de
voûtes l'un fur l'autre ; fous les voûtes du
rang inférieur, paffe la rivière du Gardon.
Le premier rang eil compofé de iix arches
dont le diamètre eil de cinquante-huit pieds.
Chacune de leurs piles a 18 pieds d'épai£
feur fur quatre-vingt trois de hauteur. La
longueur de ce premier rang eil de quatre
cent trente-huit pieds ; les piles font pour-
vues d'avant-becs du côté d'Amon. Onze
arches de la même largeur que les premiè-
res , forment le fécond rang > elles font
conilruites en retraite, & laiifent de chaque
coté, fur la largeur du premier pont, le
pailage d'un homme à cheval 5 leurs piles
font d'ailleurs arrondies par les angles juf·
ques vers l'impoile , ce qui rend ce pailage
encore plus libre. Le troiiieme rang eil de
trente-cinq arches, dont le diamètre eil
d'environ dix-fept pieds, & celui de cha-
que pile de cinq pieds & demi. Ces troiiîè-.
(ƒ) Ce Prince, fucceffeur d'Adrien , mourut en 138^
il régna 3 ƒ ans 3 & en avpit7jlQrfqu'ilmourut,
-ocr page 95-
In troduction.         (■>$
mes voûtes foutiennent un aqueduc ; à cha-
cun des trois rangs la retombée des voûtes
eil ibutenue par des importes ; les voufloirs
des arches font extradoiîès (g).
{g) On voit en Afîe plufîeurs ponts qui ne font pas
moins étonnants que ceux des Romains : on peut citer
entr'autres le pont d'Hifpahan , nommé en Ferfe, Aliver~
dichan ,
du nom de celui qui le fit conftruire. La Ion»
gueur de ce pont, bâti fur la rivière de Sandrud cil de
jco pas , & fa largeur de 20 pas Géométriques , fans
y comprendre une galerie qui regne de chique côté.
Les ponts les plus confidérables qu'on voit en Europe,
ne fçauroient être comparés à ceux qui fe voient à la
Chine. Le grand pont Chinois , litué entre la Capi-
tale Fochcu & le Fauxbourg Naatai , eft d'une hauteur
capable de lai/Ter paffer les navires à pleines voiles. Il
eil compofé de cent arches, conrtruit de Pierres de taille,
& terminé par une balurtrade dont les piédeiLmx font
ornés de figures de lions en marbre. Fifchcr, liv. m·,
plane, xin, xiv & xv.
Le pont de Loyang, dans la Province So-Kien , eft
le plus furprenant dont les Voyageurs faffent mention ;
il eft compofé de jod piles, jointes fans arcs. Ces piles
font construites de blocs de marbre noir, chacune de 18
pas de longueur , de ζ de hauteur , &: de deux de lar-
geur. Sept de ces blocs , joints enfemble fur leur largeur,
forment celle du pont, terminé comme le précédent par
une baluftrade ornée fur fes piédeftaux de figures de lion.
On ne fçauroit trop admirer encore la hardieffe &
l'induftrie des Chinois , qui ont fu fe frayer , pour
ainfi dire , une route au milieu des airs , pour aller
du fommet d'une montagne à celui d'une autre ; ce
qu'ils font par le moyen des ponts. Pour éviter les longs
circuits des routes qui conduifent à la Capitale de la
Province Xgufi , l'on a joint les fommets des deux
montagnes, par un pont de trente ftades de longueur;
ce pont eft foutenu, en partie par des poutres, & dans
les endroits où les vallées font profondes, par des piliers
-ocr page 96-
%4        Intro Ducti on;
Marc-Aurele (/z) fit élever en l'honneur
d'Antonin, fon prédéceiTeur, la colonne,
appelée Colonne Antonine, dont la plus
grande partie fubiïite encore aujourd'hui à
Rome,
L'édifice connu fous le nom de Thermes
de Dioctétien (i), fut commencé fous cet
Empereur, continué fous Maximien & ache-
vé fous Conitanthi ( k 5 ces thermes ou bains
étoient compofés de plulleurs bâtiments
fpacieux qui font prefque tous ruinés. La
forme extérieure de l'édifice eil un paral-
lélogramme d'environ foixante-treize toifes
de longueur fur vingt-fept de profondeur :
au milieu étoit un falon terminé en voûte
d'arrêté, & foutenu par huit colonnes de
granit d'une feule pièce, L'entablement,
d'une hauteur fi prodigieufe, qu'on ne paffe deffus qu'en
tremblant ; les côtés en font garantis par des appuis de
fer ; quatre chevaux peuvent y marcher de front. Ces
fortes de ponts font affez communs à la Chine j on leur
donne pour bafe des chaînes de fer , attachées aux deux
fommets : ils fervent pour les gens de pied, & pour les
voitures légères.
( h ) Ce Prince , après avoir régné 19 ans, mouruç
l'an 180, âgé de 59 ans.
(i) Ce Prince, auquel fuccéderent Maximien
Conftantin, régna 39 ans, & mourut l'an 313} âgé de
68 ans.
(A) Ce Prince qui avoit régné un an avec Liçinius,
demeura en 324 , feul maître de l'Empire , dont ij
transféra le Siege à Byfancç en 330, ©à il mourut en 3 37,
ainii
-ocr page 97-
Introduction.           6$
aîniî que les bafes & les chapiteaux des
colonnes étoient de marbre blanc ; quatre
de ces colonnes font d'ordre corinthien,
& les quatre autres d'ordre compofitej
l'entablement eil commun aux huit colon-
nes. D'après les anciennes fondations Ser-
liu a de/îîné un plan de cet édifice ; ce
plan, qui eil au cabinet du Roi, & le deiîîn
des thermes de Diocletien , font gravés
dans l'Architecture hiilorique de Fifcher.
Ces thermes ou bains n'etoient pas les ieuls
monuments considérables en ce genre 5 plu-
iîeurs Auteurs prétendent que dans Rome
ièule il y avoit environ 800 bains publics,
compofes de pluiîeurs cours & de valres ap-
partements. Lesplusiuperbes, dontquelques
débris fe font encore admirer, iont ceux
de Diocletien dont nous venons de parler,
ceux de Paul - Emile & ceux de Titus.
On voitaufïï en France quelques antiquités
pareilles» comme à Arles, à Nim^s, &c.
Les ruines des bains de Julien l'Apoitat
('), nommés auiïï le Palais des Thermes ,
fubiîftent encore à Paris, rue de la Harpe,
près celle des Mathurins -, on ne peut
douter que ce Palais n'ait ete deiliné dans
/on origine à des bains, &; conilruit long-
ea ) Ce Prince mourut l'an 363, âgé de 37 ans , après
«n avoir régné 8.
Tome Ι.                            Ε
-ocr page 98-
6$            Int ro du ct ι on.
temps avant Ie féjour de Julien en cetté
Ville ; il y a même lieu de croire que cet
édifice fut bâti en même temps que l'an-
cien Aqueduc d'Arcueil, deitiné à y con-
duire fes eaux > ces deux monuments pa-
roiifant de même ftyle & conftruits avec
les mêmes matériaux (m).
Nous avons dit, en parlant des Thermes
deDioclétien, que ce fut Conitantin qui les
avoit achevés : on verra bientôt qu'il
avoit auffi fondé la premiere baillique de
Saint Pierre à Rome. Rapportons à pré-
fent, à propos de cet Empereur, que peu
de temps après qu'il eut transféré le fiege
de l'Empire à Biiànce, nommée depuis
Confiantinoplc , du nom de ce Prince, il y
avoit conlacré à la fageiTe de Dieu, fous
le nom de Sainte Sophie, un Temple qui
précédemment avoit été deftiné aux Dieux
du Paganifme., &; qu'un tremblement de
terre ayant renverfé cet édifice, il l'avoit fait
relever avec la plus grande magnificence.
Sous l'Empire d'Arcadius, vers l'an 400,
ce nouveau Temple fut prefqu'entiérement
réduit en cendres dans la fédition qu'oc-
        —.....                       ---------'-----------1--------------------                                 '             -------------—·
(m) En 17} 1 on trouva une des rigoles , refte des
débris de cet aqueduc. M. Geofroi, de l'Académie des
Sciences, après avoir examiné le fédiment qu'on voyoit
fur les parties latérales de cette rigole, calcula qu'elle
pouvoït avoir conduit 130 pouces d'eau au Palais dç*
Thermes.
-ocr page 99-
V
Introduct ι on.           67
caiîonna le zèle de Saint Jean Chrifoitô-
me. Ce monument éprouva encore le mcnie
accident pendant la minorité de Theodofe
Je jeune, qui, dans la fuite., le fît réparer $
&c il fubfifta juiqu'à la cinquième année
de l'Empire de Juftinien, qu'il fut entiè-
rement con/umé par les Hammes dans une
autre fedition, troubles alors très-fréquents
dans cet Empire.
Juftinien qui aimoit les Lettres & Je$
Arts, & qui s'occupoit fans ceife à multi-
plier dans Conftantinople les édifices d'u-
tilité, forma auffi le projet d'un Temple
qui pût furpaifer les plus ibmptueux mo-
numents de ce genre , qu'eut fait élever
l'antiquité païenne. Au rapport de Pro-
cope, il en confia l'exécution à Arthémius
de Traies, & lui donna pour fécond, I/î-
dore de Milet. Les fondations de ce Tem-
ple furent jetées l'an 732 de notre Ere, &
la cinquième année de l'Empire de ce
Prince. Vingt & un ans après , Juftinien
régnant encore, un tremblement de terre
fit écrouler une partie de la coupole ; il
en confia la réparation à un fécond Ifidore,
neveu du premier, qui augmenta ià hau-
teur de vingt pieds, & rendit ià forme un
peu elliptique, de fphérique qu'elle étoit.
Cette Eglife, la merveille du fixieme fiecle,
&. fur l'Ordonnance de laquelle les Arriftes
Eij
-ocr page 100-
r6%          1"ν τ ro ό υ ct ι on.
font partagés, fut confervée telle , jufqu'eri
1453 , où Mahomet fécond la convertit en
mofquée, après en avoir fait détruire feu-
lement tous les attributs du Chriiiianifme.
D'après le rapport de Procope , de Paul
Je Silentiaire & même de l'Empereur Jufti-
nien, cet édifice avoir été conitruit avec
beaucoup de folidité : on n'y employa ,
difent les deux premiers, ni chaux, ni
mortier pour joindre les pierres & les
briques enfemble ■■> on fît ufage de plomb
fondu verfé dans les interfbices, pour pro-
curer à la maçonnerie une confiftance très-
foJide cjui pût la préierver des fecouiTes
auxquelles ces contrées font fréquemment
expofées, & qu'elle h'auroit pu acquérir par
les mortiers ordinaires. Afin de prévenir les
incendies, il n'entra point de bois dans la
conitruction des combles de ce Temple }
il fut couvert par des tranches de marbre
à recouvrement. La coupole fut conilruite
de briques blanches, fpongieufes 5l îî légères
que cinq de ces briques égaloient à peine
le poids de celles dont nous faifons ufage ;
elles furent, dit-on, travaillées par ordre de
Juftinien dans l'île de Rhodes.
. L'intérieur de cet édifice étoit orné d'une
infinité de colonnes de marbres précieux (/z),
; ( » ) Ces colonnes , au dire des connoilTe urs 4 fam
-ocr page 101-
Int RöDucT ι öisr.           è$'
tels que ie porphire, Ie verd de Lacédé-
mone & de TheiTalie, le granit orientai
d'Egypte, &c. Toutes les murailles étoient
auffi revêtues de marbre încruilé d'agathe
& de nacre de perle ; enfin , les voûtes
étoient peintes en mofaïques fur des fonds
d'or, magnificence étonnante, mais aiïez
mal confervée par les fréquents tremble-
ments de terre qui ont forcé plus d'une
fois d'y inférer des armatures de fer 5 on fut
obligé de faire la même chofe aux colonnes
précieufes dont nous venons de parler.
Néanmoins malgré la prodigalité des
ornements répandus dans ce Temple , il
n'en réfulte guère qu'une merveille gothi-
que (0); encore la plupart de nos ancien-
nes Cathédrales font-elles plus varies que
Sainte-Sophie : quelques-unes même ont:
des tours & des clochers plus hardis que
la coupole d'Iiîdore 5 en forte que ce mo-
nument ne doit guère iâ célébrité qu'à
d'une proportion bien éloignée des ordres créés par les.
Grecs & par les Romains ; les chapiteaux, pour la plu-
part , font d'un goût û bizarre, qu'on ne fait à quel
ordre ces colonnes appartiennent.
(0) Voyez les planches de ce monument, gravées par
Grelot, &: celles inférées dans le fécond volume des
Commentaires de Dom Banduri, qui donne de longueur
à ce monument 260 pieds de l'occident à l'orient, &
il3 de largeur du midi au nord.
Eiij
-ocr page 102-
70           Introduction.
la hardieiTè de ion entreprife chez une na-
tion iî fujette aux révolutions de la nature
& à l'inconftance du gouvernement poli-
tique.
Il ferait difficile de fixer l'époque de plu-
iieurs anciens monuments dont on voit au-
jourd'hui des vertiges; tels font entr'autres
l'amphithéâtre, le théâtre & les arènes d'Ar-
les. Néanmoins on préfume que l'amphi-
théâtre fut conftruit par Tibère > Qüelteur
de Jules Céfar, lorfqu'il étoit chargé de con-
duire des Colonies dans les principales
villes des Gaules ; il étoit rare en effet
que les Romains en envoyaiTent dans des
villes un peu renommées, fans y faire
bâtir un amphithéâtre : ce qu'ils faifoient
dans l'intention de gagner le cœur de leurs
nouveaux fujets. L'amphithéâtre d'Arles a
pâlie pour un monument des plus remar-
quables ; il étoit entouré de portiques à
trois étages, le premier Toican, le fé-
cond Corinthien , & le troiiieme Attique.
Sa circonférence, dans fa partie fupérieure,
étoit de cent quatre-vingt-quatorze toifes
trois pieds. Le frontifpice avoit dîx-fept
toifes de hauteur ; la place du milieu >
appelée Arène, avoit du levant au cou-
chant foixante-onze toifes trois pieds. PIu-
fieurs Empereurs y firent célébrer des jeux
magnifiques.
-ocr page 103-
In t ro du ct ι ο it.          fi
On n'eft guère mieux inftruit au fujet
de l'Auteur du théâtre d'Arles, que fur
le temps de la conftrucKon de cet édifice >
on fait feulement que Conftantin (ρ), fils
de Conftantin le Grand, fejourna un hiver"
entier dans cette ville, & qu'il y fit célébrer
avec la plus grande magnificence les jeux
du théâtre & ceux du cirque. L'empereur
Gallus (q) avoit long-temps auparavant-
fait auflî repréfenter à Arles les mêmes
jeux ; Saint Hilaire ayant depuis rempli
le Siege de cette ville, en 419 , le théâtre
fut dépouillé de fes plus beaux ornements >
on acheva de le détruire durant les guerres
fanglantes que les habitants eurent à fou-
tenir contre les Goths &c les Francs.
Ceux d'Arles, qui trouvoient dans ce mo-
nument des pierres toutes taillées, & pro-
pres à fermer les brèches faites à leurs
murailles, les employèrent à cet ufage. Le
diamètre de ce Théâtre étoit de 50 toifes.
La conitruction des Arènes d'Arles eil
poftérieure à la conquête des Gaules par
Jules-Céfar ; elles font fituées près des murs
de la ville du côté du midi : les édifices,
qui les entouraient étoient bâtis de gros
quartiers de pierre grife de fix, dix& douze
(p) Ce Prince mourut en 340^ âgé de 2j ans.
{}) Mon en 153.
Eiv
-ocr page 104-
7*          Introduction.
pieds de largeur. Cette pierre tient de la
nature du marbre bejard. Le plan des Arènes
eft une ellipfe dont les diamètres font de
50 &. 65 toifes. Le peuple pouvoits'y ra£
Îembler au nombre deieizeàdix iept mille
perfonnes ; la façade intérieure a de hauteur
1 1 toifes ; elle eft décorée de deux ordres
élevés les uns fur les autres, &. dont les
colonnes font engagées d'un tiers: chacun
de ces ordres forme un rang de portiques»
compofé de foixante arcades ; l'ordre fupé-
rieur eft furmonté d'un focle portant des
encorbellements qui reçoivent des poteaux
à mouffles. On attachoit à ces poteaux la
tente qui couvroit l'Arène. Autour de
I'attique regne un trottoir large de cinq
pieds. De ce trottoir, qui iervoit de chemin
aux ouvriers , on defcendoit au pallium
par trente-trois rangs de gradins, iervant
de fieges pour le peuple. La ftructure de
ce monument en général étoit grofîîére-
menttraitée, fans moulures, δ: feulement
chanfrainée ; l'intéri jur de l'Arène étoit
fermé d'un mur de 9 pieds de hauteur , au-
tour duquel régnoit un grand pallier. C'eft
fur ce pallier qu'ctoient les iîéges référvés
pour les Sénateurs ; entre le mur d'enceinte
de r*Arène, & le portique intérieur , on
voit encore des voûtes qui étoient defti-
nees à renfermer les bètes féroces. Au centre
-ocr page 105-
Introduction.           75
<îe l'Arène étoit un Autel où fe faifoient
les facrifîces avant & après les jeux publics.
La plus grande partie des gradins de cet
édifice eft démolie, & fa façade enterrée
de 8 à 9 pieds fous le pavé de la Ville.
Aujourd'hui l'Arène eil couverte de mai-
fons d'Artifans, qui forment deux rues, à
la rencontre defquelles eil une place. On
prétend que Charles Martel (r) contribua
beaucoup à la deilruclion de ce monu-
ment , lorfqu'il fît mettre le feu à la ville
de Nîmes, où s'étoient fortifiés les Sarra-
zins qu'il pourfuivoit. Malgré le ravage
caulë par cet incendie , on voit encore
pluiîeurs bas· reliefs antiques , où font re-
Î>réiéntés un combat de Gladiateurs, une
ouve allaitant Rémus &RomuIus, & quel-
ques Divinités du Paganiime.
Aux combats de Gladiateurs qui fe II-
vroient fur les Arènes, les Romains vou-
lurent joindre la repréfentation des combats
de mer : les ouvrages qu'ils firent élever
dans ce genre, ne contribuèrent pas moins
à manifeiler la grandeur de ce Peuple ; ils
creuferent des lacs, les remplirent d'eau ,
( r ) Charles Martel, fils de Pépin Hénfial, comman-
doit les armées Françoifes, fous le règne de Chilpéric II,
$c mourut en 741.
-ocr page 106-
■ :*
74          In t ro du ct ι on.
&L les entourèrent de portiques & d'amphi-
théâtres auffî commodes pour les fpeclateurs,
que magnifiques par leur ftructures : là on
faifoit combattre des vahTeaux les uns conj
tre les autres. Jules-Géfar fut le premier
qui donna au peuple Romain le Spectacle
«l'uneNaumachie.. Les apprêts d'une pareille
fête excitèrent il fort la curioiîté , qu'il
fallut loger fous des tentes les étrangers
qui arrivoient en foule de toute part. La
naumachie de l'Empereur Claude fe fit
vers l'an 50, fur le lac Fucien. On vit com-
battre deux flottes, l'une de Sicile, l'autre
de Rhodes, chacune de cinquante galères
à trois ou quatre rangs de rames ; elles
contenoient plufîeurs milliers de combat-
tants , parmi lefquels étoient des hommes
condamnés à mort. Un triton fortant du
fond de l'eau , & mû par une machine hy-
draulique, fonna du cornet pour donner
le iignal du combat. Pour augmenter l'hor-
reur de ces fortes de batailles , qui ne
lahToient pas d'être ianglantes, Néron y
mêla des monflres marins, d'une grandeur
prodigieufe. La naumachie de Domitien,
félon Suétone , a été regardée comme une
des plus grandes entreprifes qu'on ait jamais
conçues : on creuià, dit-il, un lac fi confî-
dérable, qu'on pouvoit y ranger aifément
des flottes entières. Ce lac étoit auiïi en~
-ocr page 107-
Introduction.            77
touré de portiques. On,voit dans l'Archi-
tecture hiitorique de Fifcher , la nauma-
chie de Domitien, gravée d'après une an-
cienne médaille.
Tant de vaites monuments , tant de
grands édifices, d'ouvrages célèbres, fruits
du luxe & de l'induilrie de cette Nation
•florillante , contribuèrent à former des
Artiftes du premier ordre. D'ailleurs les
cérémonies pompeufes de la Religion des
Romains , la foule d'Etrangers qu'atti-
roient leurs Fêtes folennelles, la néceiîîté
de conftruire de vaftes édifices pour
contenir la multitude des fpectateurs qui
affiftoient aux combats des athlètes , &
aux autres jeux du cirque , furent autant
de caufes qui concoururent aux progrès
de l'Architecture ; de-là ces monuments
admirables dont les veftiges nous étonnent
encore.
Mais enfuite l'Architecture éprouva les
mêmes revers, qui diviierent & détruifirent
l'Empire Romain -, elle devint la proie de
la licence δι du mauvais gout. Elle demeura
plongéedanscet étatd'abaiiTement, durant
tout l'intervalle que la grandeur de Rome
fut éclipfée , & ne fe releva que lorfque
cette fuperbe Ville fut devenue la Capitale
du monde Chrétien 5 en forte que l'on peut
dire avec le Père Montfaucon , que la belle
-ocr page 108-
η&          In τ ρ, ο nu ct ι ο ir'.
antiquité a prefque difparu fous le régna
de Théodofe le jeune, qui monta fur le
trône vers l'an 450. Ce fut lui qui fît
élever à Conflaminople la colonne appelée
Théodoiîenne, chargée des trophées de fon
aïeul, & où l'on a long-temps remarqué
Iqs traces de l'ancienne fculpture, qui dès-
lors étoit déjà dégénérée de fa perfection.
Ce fut vers ce temps , que les peuples du
Nord, qui vinrent inonder l'Empire, y
détruiiîrent les monuments du génie : tous
les Arts, & particulièrement l'Architecture,
la Sculpture & la Peinture , tombèrent
dans l'oubli , & relièrent enveloppés de
ténèbres, fans que les Artiites fongeaiîènt
à fe rappeler la fplendeur de ceux qui hs
avoient précédés 5 en forte que les chefs
d'œuvre qu'on a vu éclore depuis , ne
doivent leur perfection qu'à ce qui a pu
échapper , êc aux injures du temps, & aux
infultes de ces Peuples féroces, qui n'avoient
pour la plupart, nul goût pour tout ce que
les Arts avoient inventé de plus excel-
lent (s). Les grotefques prirent alors fa.-
m . , ^.                                ---------———---------.-------------------------------------------.------------------------------------------------------.
(s) Malgré cette obfervatîon s il faut avouer qu'on
doit à ces peuples beaucoup d'inventions inconnues juf-
ψιά lors ; de ce nombre font les moulins à vent & à
eau , les lunettes, les vitres , la bouflole , l'imprimerie,.
Sec. découvertes qu'on n'a pu perfectionner que depuis
que les Arts ont repris tout leur luftre,
-ocr page 109-
iNTRonucTioN.           77
veur en Italie 5 hs Arriite's de cette Nation
empruntèrent de l'Egypte des fecours pour
enrichir leurs compoiîtions , qui par - là
devinrent beaucoup moins eilimables, que
lorfqu'ils hs avoient puifés originairement
chez les Grecs. A juger de ces ornements
par le recœuil des Peintures d'Hercula-
num , rien n'eft û biiarre que la plupart
de œs productions 3 dks reiTemblent aux
arabefques dont on a fait tant d'ufage en
France avec auifi peu de raifon. On remar-
que dans les unes comme dans les autres ,
<^Qs baldaquins élancés dans hs airs , &
foutenus par de frcles colonnes j on y voit
des monftres ferpentants autour de foibles
rofeaux , des plans fans régularité , des
conftrudions fans apparence de folidité,
des ornements fans choix & fans dimeniion \
imitations, pour la plupart, des ouvrages
des Chinois : 'Peuples qui, félon M. l'Abbé
Barthélemi, a reçu plufieurs ufages des
égyptiens, chez leiquels l'art n'écoit ni fixe
m ioumis à la févérité des regies 3 auiïï
voyons-nous qu'ils s'étoient abandonnés à
tous les genres de licences, depuis fur~tout
que la fervitude eut avili ces, hommes, au-
trefois iï recommandables ( t ).
lciv} ilnfr bon d.e remarSuer ^ue Μ· rAbbé Barth£-
«my, aans ion explicatif de la raofaiejue de Paleftrine
#
-ocr page 110-
η% ÎNTRonucTionl
Les Gotlis , les Francs , les Huns, le$
/Vandales &c les autres Peuples qui fortirenc
des extrémités du Nord , ayant fubjugué
δί partagé entr'eux ce ν aile empire, fe firent
un barbare plaifir de détruire ou de mutiler
tous les monuments de fa fplendeur 5 ainiî fu-
rent ruinés la plupart des édifices dont nous
venons de parler : il n'en feroit pas même
reflé les moindres,veiHges, fi quelques-uns
de leurs Rois, épris de l'amour des Beaux-
Arts, n'euiTent ordonné qu'on rétablît dans
Rome de dans les Provinces voifînes, les
monuments endommagés, & qu'on raiTem-
blât les débris de ceux qui ne pouvoient
fe réparer, Tel fut entr'autres Théodoric,
Roi des Oftrogoths. Ce Prince non-feule^
ment défendit qu'on ruinât les anciens
monuments , plus qu'ils ne l'étoient déjà,
mais encore il fit mettre en œuvre hs dé-
bris de ceux qu'on ne pouyoit reifcaurer.
La plupart de ces débris furent employés
à Ravenne, ou fut élevé un Temple fom-
ptueux, appelé la Bafilique d'Hercule. Ce
Temple fut orné d'antiques fragments de
marbre qu'on y apporta de toutes parts ,
ne propofe cette reffemblance entre les grotefques d'Italie
& les produ&ions équivoques des Chinois, que comme
un foupçon, fans l'adopter, dit-il, ni le combattre ni
l'approfondir,
-ocr page 111-
Introduction. f, 79
& confirait fur les deifins de l'Architecte
Daniel, dont Caffiodore loue l'induftrie
dans l'aiTemblage de ces différents com^·
partiments. Théodoric fit auffi élever de
rétablir à Rome pluiîeurs édifices donc
il confia le foin à l'Architecte Aloïfîus.
Athalaric («■}.-, fucceiTeur de Théodoric,
ne fe diftingua pas moins que fon aïeul,
par la protection qu'il accorda aux Beaux-
Arts.
Le goût de l'Architecture, loin d'être
renfermé dans les bornes de l'Italie y fe
manifeita dans pluiîeurs autres contrées
de l'Europe ; Arthur (x) , qui régnoit dans
les Iles Britanniques , y fit conitruire des
Temples &: d'autres Edifices confidérables.
* Alors on vit s'élever en France quantité
d'Egiifes que Clovis, Childebert, Clotaîre
&c Dagobert (y), firent contraire en diver-
£qs Villes du Royaume.
( u ) Ce Prince monta fur le trône en f 16 i & mourus
en 534.
( χ ) On n'eft pas bien certain qu'un Prince de ce
nom ait régné dans la grande Bretagne j mais les monu-
ments dont nous parlons y exiftent ; & cela fuffiroît à
THiftoire de l'Architecture 3 fi Ton ne devoit, autant qu3ü
eft poifible, y exprimer les dates.
(y) L'Hiftoire de France eft trop connue de la plus
part de nos Leiteurs, pour que nous croyons devqif
fixer' les années de l'inauguration & 4e h mop de
«hacun m nos Rois.
«
-ocr page 112-
So          Introduction.
Les autres Puiifances de l'Europe , êC
fur-tout les Princes & hs Républiques d'Ita-
lie , iüivirent l'exemple de ces Monarques,
favoriferent l'Arcliiteclure , & iîgnalerenc
leur gouvernement par des édifices publics
èc particuliers.
Mais nul Prince ne contribua, autant que
le reilaurateur de l'Empire d'Occident ?
à relever la gloire des Arts & particuliè-
rement de l'Architecture. La France, l'Alle-
magne δι l'Italie , confervent encore de
précieux relies des édifices.que CKariema-
gne fit élever. Un des monuments qui ont
Je plus fignalé le goût-de cet Empereur ,
c'eil l'Eglife qu'il fit conitruire à Aix, après
avoir clioiiî cette Ville pour la Capitale
de ion Empire. Ce Prince y fit élever cette
magnifique Eglîie , qui a donné à la Ville
le,'iurnom de la Chapelle.
Louis le Débonnaire , fon fils, ne laïüa
pas d'avoir auffi du goût pour l'Architec-
ture. Sous fon regne fut commencée l'Eglife
Cathédrale de Reims , qui néanmoins ne
fut achevée que durant TEpifcopat d'Hinc-
mar j cette Eglife peut être regardée comme
un des plus beaux monuments gothiques,:
"mais les guerres civiles qui defolerent la
"France fur la fin de fon regne, & fous celui
de quelques-uns de fes Succeifeurs, retardè-
rent confidérablement les .progrès de l'Are,
Dans
-ocr page 113-
Τ Λ O J> V C Τ Ι Ο Ν.              Si
Dans cet intervalle les Normands ? les
Danois &; les Sarrazins détruifirent la plu-
part des Eglifes &c des Palais dont la France
«toit ornée. Ce ne fut .guère que ions îe
-regne de Charles le Chauve & de Robert
qu'on vit rétablir quelques-uns de ces édi-
fices; alors ces Princes ranimèrent mi Art
dont le goût étoit change depuis la déca-
dence de l'Empire Romain. Ce fut fous
le regne de Robert-,' _&. pendant PEpi-ico-
pat de .Fulbert, que rut bâtie -l'Egliïe de
Chartres, telle-qu'on .la voit .aujourd'hui.
Les Gots en s'adonnantà l'Architecture,
/entîrent peu les beautés de celle des Grecs
&c des Romains. Sortis des régions du Nord,
où la néceffité les avoir accoutumés .à fe
précautionner contre le ravage âts torrents,
les rigueurs du froid , & î'irapétuofîté des
vents j ils apportèrent dans des climats plus
tempérés, les même idées que leurs beioins
leur «avoient fait concevoir : ils les reéliöè-
rent à la vérité fur les modèles des édifice-/
Romains ; mais ces modèles étoieat déja:
éloignés delà perfection de ceux élevés fous
les règnes des Céfars. Depuis Sévère, l'Ar-
chitecture avoit fort dégénéré : auffi vit-on
chez les Gots , la prodigalité des orne-
ments ^ iliccéder à la implicite noble £c
majeilueufe des anciens monuments | ils
s'éloignèrent même des proportions. h%
Tome
ƒ,
                                      E
/
-ocr page 114-
§2              INTRODUCTION.
hauteur exceffive de leurs colonnes n'avoît
nul rapport avec leurs diamètres. Au-lieu
d'imiter le tronc des arbres , ils n'en imi-
tèrent que les branches $ en un mot, les
Archite&es Gots firent confifter leur induf
trie à élever des édifices folides à la vérité,
mais plus étonnants que réguliers : ainil
furent bâties la plupart de leurs Egliies,
•que nous voyons encore. Néanmoins quel-
ques-unes font conftruites avec tant de har-
diefle, qu'on ne peut leur refufer une forte
d'admiration.
UArchiteéhire étoit livrée aux incerti-
tudes & en proie à la licence des Archi-
tectes Gots, lorfque le onzième fiecle vit
naître un nouveau genre d'Architedure
gothique. Les fciences floriifoient depuis
long-temps chez les Maures , ou Arabes > ils
avoient fait des progrès dans la Philofo-
phie , dans les Mathématiques, dans la
Chimie & dans la Médecine. Devenus
maîtres de TEipagne , ils y apportèrent
ces diverfes fciences qui fe répandirent
bientôt dans tout le refte de l'Europe. On
lut leurs Auteurs , on imita les édifices
conftruits dans le pays où ils venoient de
s'établir*, & Ρ Architecture fe reiîentit du
génie qui dominoit dans leurs productions*
L'Arçhite&ure gothique ? proprement dite,
-ocr page 115-
Introduction.          ffy
étok maffîve &: pefante j la moderne , donc
nous parlons , fut peut-être trop légere ,
trop délicate & trop chargée d'ornements
inutiles & de mauvais gout 3 elle créa, à la
vérité , des chers-d'oeuvre d'un nouveau
genre 5 mais la Sculpture à laquelle elle pré-
iîdoit aurlï, ne montroit que fa foibleiîe
& l'ignorance de fes Artiites. Un nombre
coniïdérable de Temples , de Palais S£
de Châteaux furent confirmes dans le
goût morefque. Alors Philippe-Auguile fie
agrandir Paris èc y fît ajouter des embeJiiiIè-
ments. Sous fon regne Thomas de Cormont
& Robert de Luzarche firent bâtir i'Êgliie
cathédrale d'Amiens, dont la longueur eft
de 60 toifes ihr 22 toifes de hauteur5 puis
on vit s'élever à Reims l'Eglife de S. Ni-
caife, conftruîte fur les deiîîns de Hugues
Libergier. £111351 Jean de Chelles acheva
la conftrucHon de l'Eglife Cathédrale de
Paris, commencée du temps de Charle-
magne. Après fon retour de la terre Sainte,
S. Louis rît élever fur les deiîîns de Pierre
de Montreau, la Sainte-Chapelle de Paris i
celiede Vincennes., ainfï que le Réfectoire,
le Dortoir ? le Chapitre & la Chapelle
Notre-Dame , qui font dans le Monafèere
de Saint-Germain-des-Près. Ce Prince char-
gea Eudes de Montreuil de conftruirë plu-
fieurs autres édifices, tels que le Val des
Fij *
-ocr page 116-
$4         Introduction.
Ecoliers , aujourd'hui la Culture Sainte^
Catherine, PHôtel-Dieu, Sainte-Croix de
la Bretonnerie, les Blancs-Manteaux, les
Quinze-Vingts, &. les Eglifes des Mathurins,
dts Chartreux & dts Cordelîers de Paris
({). Cet Architecte avoit accompagné faint
Louis à la Terre-Sainte, où il avoit fortifié
le Port &. la ville de Joppé. JoiTeîin de
Courvault, ingénieur de iaint Louis, qui
avoit auffî fait le voyage d'Outremer, eut
la conduite de plufieurs autres Monafteres.
Il femble néanmoins qu'en bâtiiîant dans
le genre de l'Archke&ure Morefque , on
n'eût pas dû imiter ce qui convient plus
a dts climats chauds , qu'à dits climats
tempérés s cette Architecture , qu'on a de-
puis appelée gothique moderne , régna
en France êc en Italie, jufqu'au Pontificat,
de Léon X.
La fondation de la Baiilique de S, Pierre
de Rome fut l'époque de la renaiiTancc
de la belle Architecture ? monument célè-
bre y & qui en furpaiîant ceux de la Grèce
6c de l'ancienne Rome , devoir confirmer
les merveilles publiées au fujet du Temple
de Diane à Ephèfe , èc de Jupiter Olym-
pien à Athènes. Excités à donner les de£
(t) Voyz% Thevèta vie des Hom. Illuftres liv. a.
-ocr page 117-
Introduction.             fi
fins d'un Temple plus vaite & plus beau;
que celui qu'avoît fondé le premier Empe-
reur Chrétien, les Architectes d'Italie, Ce
virent obligés de puifer dans la fource
du vrai beau 5'ils la trouvèrent dans les
modèles Grecs, & dans ceux que leur avok
anciennement offerts leur Patrie. Les hom#
mes de génie parurent enflammés du déiîi?
de tranimettre leur nom à la poitérité , avec
celui de ce fuperbe édifice. Du fein des
ténèbres de l'ignorance on vît donc fortîr
des Artiites fublîmes, qui rendirent à l'Ar-
chitecture, à la Sculpture & à la Peinture,
la perfection que ces Arts avoient perdue,
depuis tant de liecles,
Ainii le feizieme iiecîe fut celui du re-*
nouvellement des Arts en Italie. Pendant
que le Nord , l'Allemagne, l'Angleterreêc:
la France en proie à des guerres de Reli-
gion , négligeoient l'Architecture, elle éle-«
voit des prodiges à Rome & dans la plus!
grande partie des Provinces de cet Empire.,
Dix Papes de fuite contribuèrent fans Inter-
ruption à l'achèvement de la Baiilîque de
S. Pierre > le génie fembloit alors apparte-
nir à ce Peuple, aînii qu'il avoir été le par*
tage de celui de la Grèce.
Conftantîn avok y comme nous avons die.
ordonné la conitrudion de l'ancienne Bali-,
lique de Saint Pierre, Ce Temple, feîon
Fii]
-ocr page 118-
U           Introbvction.
les plans qui nous en reffcent, étok Cöm-
pofé de cinq nefs , dont les voûtes étoienc
ïbutenucs par cent colonnes d'ordre Co-
rinthien. On y arrivoît par une grande
place quarrée qu'entouroient de vaftes pé-
ryitiles. Le PapeNkoias V (a),voyant que
ce monument touchoit à fa ruine, conçut
le deifein de faire élever une nouvelle Egli-
iè, dont la magnificence furpaiïat celle de
l'ancienne Baiilique. Il confia le foin de
travailler aux deffins du nouveau monu-
ment à Bernard RoiTelin&: à Léon-Baptifte
Alberti. Ce dernier voulant fe préparer à
l'exécution de ce grand projet, entreprit
d'abord la conitru&ion d'une vaux tribune
au chevet de l'ancienne Baiîlique , ôc fit
démolir pour cet effet le temple de Probus,
iïtué près du même chevet $ mais la tri-
bune n'avoit encore de hauteur que trois
coudées , lorfqu'Alberti mourut ·> le Pape
JJNlcolas V le fuivit de près au tombeau.
Ce pape n'ayant pu voir exécuter les déf-
inis d'Alberti, Jules II, un de fes fuccef-
jfeurs j pofa la premiere pierre de l'édifice.
Après avoir chargé les plus habiles Archi-
tectes de l'Italie d'un projet du nouveau
Temple, il préféra ceux du Bramante. Ce-»
<&■-■■■■;--------------------------------------■'■- ■" "' ' ' " ..... ■ ■ ""                                        ·■»■
(a) Mort en 145/.
-ocr page 119-
Introduction'.          %·?
Îrendant Michel-Ange Buonaroti, nouvel-
ement arrivé à Rome , ofa blâmer haute-
ment ces deiîins. Pour accélérer la con-
itruction de la nouvelle Eglife
3 le Bramante
avoit fait brifer les colonnes de Con£
tantin * Michel-Ange prétendit qu'on au-
roit pu coniërver &c employer ces colonnes.
Néanmoins le Bramante fit élever en peu
de temps l'édifice jufqu'à l'entablement des
principaux piliers (b).
                                ■'
Léon X, fucceileur de Jules II, donna tous
fes foins au nouveau monument, il en char-
gea Julien de S. Gai, le frère Joyeux Véroneie
Dominicain, & Je célèbre Raphaël d'Ur-
bain , qui avoit appris l'Architecture du
Bramante ( c ). Déjà ce Pontife déiefpéroit
de voir l'exécution entière des deffins da
Bramante, lorfque Balcliazar Péruiîus lui
confeilla de faire pluiîeurs changements à
{es
projets j cet Architecte prétendant que
le plan du Bramante étoit défectueux quant
à la folidité. Il confervoit néanmoins le
(b) II étoit occupé à compofer fes cintres de char-
pente pour foutenir les voûtes 3 lorfqu'il mourut ert
1JI4, & fa mort ven'oit d'être précédée de celle de
Jules II.
                        V
( c) Peu de temps après, Julien & le Frère Véronefè
abandonnèrent le féjour de Rome ; le premier mourut
à Florence en 15175 fa mort fut fui vie de celle de Ra^
|>hael en 1520»
Fiv
-ocr page 120-
          Introduction.
grand dôme : maïs il donnoit à l'édifice
une forme quarrée au lieu de la forme rec-^
tangulaire que Je Bramante lui avoit aiïi-
gnée : dans ces circonilances Léon X mourut
en 15 h.
Adrien VI ne lui furvécut que d'un an:
|es troubles dont fut agité le Pontificat de
Clement VII (d) ne lui permirent pas de
s'occuper de cette entrepriië. Paul III fit
éclater fa magnificence par les embeliiiïe-'
ments que reçut la Capitale de fes Etats „
&c témoigna beaucoup de zèle pour la
eonftruclion de la nouvelle BaiïÎique 3 alors
Antoine de Saint-Gai, fils de Julien, ima-
gina un plan encore plus vaite que celui de
Péruiîus (e).
                                        ;
A ces deux Artiftes fuccéda Mîchel-Ange,
qui ne fe chargea néanmoins de cette en-
treprife qu'avec beaucoup de peines car îî
trouvoit leurs deiiîns d'un goût gothique
& prévoyoit que l'exécution en feroit trop
longue & la dépenfe immenfe : il prétendoic
*■■■■'                                     "                                           '- ' ■ ■■ .- ----------------- -.——---... ι.. ..----------------------------------------------- —— ---------------------------,. —Γ T (                                                  _                                                                  |                                     _ im
..(T.·..-.               ■ ■ .                      ■ \.                                                                                                                                                                               _                                                                .               r,,-. ■
(i) Ce Pontife régna dix ans ; il mourut en 1/34»
Le regne de Paul III, fon fuccefîeur , fut encore plus
long > il dura jufqu'en 1549.
(e) Selon le ■ fils de Julien de Saînt-Gal? TEglife
auroit eu de longueur 3 mille quarante palmes , & trois,
cent foixante palmes de largeur. Antoine de Saint-Gai
expofa en public un modele en bois ; il avoît pour
Aiîbcié dans cette entreprife 3 Laurent Florentin 3 connut
fous Je nom de Lauren^et > celui-ci mourut en j 541 3 8c
Antoine de Saint-Gai en 1546. -
-ocr page 121-
Ι ν τ R o nu er 'j^EßM §£
äu contraire que fans trop s'éloigner des
deiîîns du Bramante, on pouvoit élever
un' Temple beaucoup plus régulier : ce
qu'il prouva par un modele moins étendu |
mais d'une forme plus agréable & qui of-
froit un meilleur choix dans les ornements*-
Le nouveau modele plut iî fort à Paul III
que ce Pontife accorda à Michel'-Ange la
direction entière du monument, avec pou-
voir d'élever ou d'abattre à fa volonté, 6c
d'employer tel nombre d'ouvriers qu'il ju-
geroit convenable^ mais à peine cet excel-
lent Artifte eut-il fait travailler l'efpace de
trois années, à la conftrudion de cet édi-
fice, que la mort enleva Paul III. Jules III
lui ayant fuccédé, Michel-Ange demeura
expofé aux traits de l'envie. Néanmoins le
nouveau Pontife lui conferva la place que
fon prédéceifeur lui avoir confiée. Peu de
temps après Jules III mourut ( ƒ) j le Pon-
tificat de Marcel II, qui lui fuccéda, eut
encore moins de durées Paul IVfut élu pour
lui fuccéder 3 alors Michel-Ange eut à
eifuyer de nouveaux chagrins 5 d'autres obf-
tacles lui furent oppofés, mais il fut habî-
(ƒ) Jules III, n'avoit occupé le faim. Siege que £
ans; Marcel II, fon fucceifeur, ne l'occupa qu'un an,
faul IV-, ^qui vint enfuite, régna 3 ans, & mourut ea
.>
-ocr page 122-
'$Ù          / jv τ RO i> ύ c:.t ι ο jv\
îement les furmonter > depuis long-temps
il méditoit la conftructîondudôme^tel qu'on
le voit aujourd'hui s le modele achevé , ce
Frojet fut univerfellement approuvé, mais
exécution en fut retardée par la mort de
Paul IV. A ce Pontife fuccéda Pie IV, qui
témoigna beaucoup d'afFedion à Michel-
Ange y & renouvela les brefs que lui avoientr
accordés fes prédéceiTeurs.
; Déjà s'etoient écoulés dîx-feρt ans, du-
rant lefquels Michel-Ange n'avoit ceiTé de
s'occuper de ce monument , lorfque la:
calomnie chercha de nouveau à le traverfer»
Le Pontife lui rendit juftice & punit fé-*
verement fes ennemis ; mais Ces travaux
pénibles, joints aux ennuis ôcaux chagrins
qu'il avoit éprouvés, femblerent hâter la
fnde les jours (g ).
A la place de l'Artîfte qu'on venoit de
perdre, Pie IV, nomma Piro Ligofio ëc
Jacques Βaro^io^
plus connu fous le nom
de Vigîiole \9 èc leur recommanda très - ex-
preilement de ne point s'écarter des def-
îîns de Michel-Ange. Pie V (g), fon
fucceiîeur , renouvela la même défenfe.
Cependant Ligorio ayant voulu innover, le
(g) Cet Artifte mourut le 17 Février 1564.
i tÄ> Pif iy S Pie V régnèrent 13 ans, Tun 6 8è
ι autre 75 le dernier mourut en 1/71,
-ocr page 123-
In τ Ro du er τ ο ν.         $i
Pontife ordonna qu'on abatît les ouvrages
que cet Archke&e avoit fait conftruire $
&: chargea Vignole feul de la direction
entière de l'édifice. Ce dernier y travailla
l'efpace de neuf années, s'attachant plus
aux dehors du Temple qu'à la conilruciion
du grand dôme. Pie V> peu tranquille à
caule des armements de Séîim,Empereur des
Turcs, s'occupa uniquement du foin de faire
échouer hs projets de fon ennemi. Durant
fon Pontificat la coriftruâîon de ce Temple^
connu auiîi fous le nom d'Eglife du Vatican,
fut fort négligée. GrégoireXIIÏ (i) ayant
fuccédé à Pie V, Jacques de la Porte fut
nommé à la place de Vignole, dont il avoit
été Difcipie : l'Egliie fut enfin couverte*
on y ajouta des Chapelles, elle fut ornée de
peinture & de fculpture > mais le grand dôme
étoît refté imparfait. Il étoit réfervé à
Sixte-Quint (k) de furpaifer , dans l'efpace
de cinq ans, la magnificence des Céfars >
ce Pontiiice fit travailler fix cents Ouvriers
nuit & jours pendant vingt-deux mois. En
1590 le. dôme fut entièrement conitruit ?
on le revêtit enfuite de plomb, il fut orné
(i) Grégoire XIII fuccéda à Pie Ven 157z, &
fnourut en ijgj. "
(A) Ce Pape célèbre par le bien & le mal qu'il ft'
tajit, mourut en ijoo.
-ocr page 124-
ψΕ           In trö ou cf ι ο νΊ
fous Urbain VII (/) de côtes de métai
doré. Sous Clément VIII la lanterne com4
pofée par Michel - Ange , fut exécutée &L
perfectionnée par Jacques de la Porte 5 eiir
fuite Paul V fit prolonger l'Eglife fur les
deiîîns de Charles Madérus, $c conitruire
le portail fur ceux de Michel-Ange.
Tous ces ouvrages furent achevés en 1614.
Urbain VIII, Innocent X, Alexandre VII
êc pluiîeurs autres Papes enrichirent ce
Temple de nouvelles chapelles y de fépuk
tures, de tombeaux &: d'autres embelJiiîè-
ments , qui furent faits fur les deiîins des
plus fameux Artiiles d'Italie .· ce qui a rendu
ce monument le plus célèbre de toute la
chrétienté. Enfin , ce fut encore Alexani4
dre VII qui fit conilruire , fur les deifins
du Cavalier Bernin , cette belle place ,-
entourée d'une fuperbe colonnade qui
donne entrée à ce Temple &: au Palais du:
Vatican (m).
-------------------------------------------------,-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------. ■ .. ,                                                                              ,                                                                                                                                                                                                  ».
(/) Urbain VII régna très - peu j il mourut'l'année i[
même de fon exaltation. Les Papes dont il nous refte
àparlerr'ne fe fuccéderent pas immédiatement j nous n'in-
diquerons pas ici les dates de leurs règnes , ces dates
D'étant pas néceifaires commeTétoient les précédentes Ä
pour marquer les progrès de la conftrucüon de l'Eglife
4e Saint-Pierre.
(m) Ce Temple a de longueur dans œuvre, felon-
ie Chevalier Foritana', 102 toifes & demie j fa hauteur
ious clef, eit de 51 toifes 2. pieds ; la largeur de.1%-
-ocr page 125-
ϊ Ν Τ R Ο Ώ U C Τ ϊ Ο Ν.          $$
ήΐ Telle eil à peu-près 1'hiitoire abrégée de
ce monument, qui mérite une attention
particuliere , pouvant être regardé non-
feulement comme un enfemble de perfec-
tions, mais encore comme les chefs-d'œuvre
des talents immortels d'un grand nombre
d'Architectes célèbres, &; de tant d'autres
excellents Artiiles que Rome a vu naître
dans fon fein.
L'Angleterre , ayant embraifé le chriilia-
nifme , ne voulut pas que le compagnon
des travaux évangéliques de S. Pierre fut
moins honoré que ce Prince â^s Apôtres.
Londres fit élever fur les ruines d'un an-
cien Temple de Diane une cathédrale en
nef eft de 13 toifes & demie, & fa hauteur fous clef
de 2ζ toifes & demie. Le frontifpice a de largeur fa
toifes 2 pieds hors œuvre 3 & a de hauteur 67 toifes 2
pieds, en y comprenant la Croix placée fur le dôme 5 ee
qui revient au double des tours de Notre-Dame de Paris :
le diamètre des colonnes du frontifpice eft de 8 pieds
2 pouces , & celui de celles de la colonnade qui entoure
la place, eft de 4 pieds 2 pouces.
Le Chevalier Fontana nous donne auiïi une notice des
fommes auxquelles fe font montées les dépenfes de la
conftruélion de ce Temple: elle montoit, dit-il 3 en 1614
a la fomme de quarante-fix millions huit cent mille quatre
cent quatre*- vingt - dix - huit écus Romains , valants ,
monnoie de France , deux cent quatre millions cinq cent
foixante quatorze mille deux cents livres ; encore dans
cette fomme .ne font compris ni les frais des modèles
ni le prix de la démolition des murs abattus pour donner
s, la Bafilique fa forme a&uelle , ni même le prix dij.
-ocr page 126-
f4           ΙΝ TR O DU CT I O Ν,
l'honneur de Saint Paul , qui, par fa grari-^
deur , ne le cède qu'à la Baiîlique de Rome.
Erkinvald, quatrième Evêque de Londres,
en 67^, employa des fonds imrnenfes à
rembeililfement de cette premiere EgÜfe
qui fut réduite en cendre en r 221, fous
Guillaume le conquérant. Maurice dixième
Evêque de la même ville , entreprît d'en
faire confiai ire une féconde digne, par ia
magnificence , du culte auquel elle dévoie
être confacrée , & il la fît élever fur les
mêmes fondations. La. charpente & le clo-
cher de celle-ci , furent confumées au
milieu du feizieme fiecle s après cet acci-
dent δι pendant qu'on travailloit à le ré-
parer, tout ce monument fut encore brûlé
,,·»-—-------------—-----------------------------------------------—y—------------------------------------------------------------------------------------------------__------------,---------------------------------------------.1 ' " ,■ ;
■?.»'■
clocher élevé fous Urbain VIII, qu'il évalue à plus
de cent mille éctts Romains.
Peut être trouvera-t on que nous nous fommes trop
étendus dans la defeription de ce Monument j mais
nous avons cru que fa corjftruótion étant plus près de
notre fiecle 3 intérefleroit davantage les Architectes,
particulièrement les Elevés de France, qui vont en Italie
pour y puifer les^ préceptes de la bonne Architecture.
Nous aurions déliré même pouvoir nous étendre fur
toutes les autres productions 3 dont nous parlons dans
cet Ouvrage s ce que nous aurions fait, fi nous avions
pu trouver des Mémoires fatisfaifams à cet égard, per-
fuadés que nous fommes 3 que rien n'eft plus capable
d'échauffer le génie de nos jeunes Architectes 3 que de
les mettre à portée d'étudier 3 dans les fources, les chefs-
d'œuvre qui fe font élevés depuis le temps des anciens
Egyptiens jufqu*à nous.
#
V
-ocr page 127-
In tröductiö m          $f
par l'incendie, connue fous le nom de feu?
de Londres.
Ce fécond Temple contenoit, dit-on,
les ornements les plus précieux, on y ce-
lébroit, avec la plus grande magnificence,
les obfeques des Empereurs, des Rois &· '
des Princes. Les grandes Fêtes y étoient
auffi folennifées avec ' beaucoup d'éclat.
Après la ruine entière de ce monument cé-
lèbre , pour fon temps, en chargea Chrif-
tophe Wrein , Architecte Anglois d'une
grande réputation , de donner les deffins
d'une troîfïeme Eglife, en les aiïujettiifant
aux anciennes fondations ; c'en1 après une
tentative inutile de deux années qu'il dé-
termina les perfonnes intéreifées à l'érec^
tion de ce nouvel édifice â les rafer entiè-
rement, &■ qu'il imagina d'autres projets
dignes, tout à la fois*, &: de fes talenrs
iùbiirnes, Se de la nation qui l'avoit choiiî.
Alors il propofa un feul ordre d'Archîtec-/
ture pour le frontifpice de ce Temple ;
mais ce delîîn ne fut pas approuvé par
les Evêques, qui repréfenterent à l'Archi-
tede que cette ordonnance coloifale étoit
peu convenable à une cathédrale (/2)5 il fe
( η ) Ce qui nous paroît étonnant, fî l'on peut s'en rap->
porter à ce récit, c'eii que tous les connoiifeurs regret-
tent aujourd'hui que le grand ordre que Wrein avoit
\
-ocr page 128-
0 ê           ΙΝ TR Ο £>V'CT Î Ο Ni
détermina donc à y mettre deux ordres ait
lieu d'un, &: profita habilement de cette
néceflité , pour y employer la pierre de
Portland, reconnue la plus belle de l'Angle-
terre , & qu'il n'auroit pu mettre en œuvre
dans fon premier projet, parce que cette
pierre ne peut fournir des blocs convenables
a la bâthTe d'une grande Architecture > d'ail-
leurs il prétendit par-là éviter les fautes que
le Bramante avoit faites, difoît-il, au portail
de S. Pierre de Rome , en altérant les rap-
Î>orts que doit avoir l'entablement avec
'ordre , pour n'avoir pas fu faire ufage
de pierres d'un volume aiTez confidéra-
ble^ quoiqu'il eût la carrière de Tivoli à fa
diipoiition.
., Ce monument > tel qu'on le voit aujour-
d'hui , préfente de la grandeur , de belles
maifes (o) M beaucoup de dignité 5 néan-
moins les connouTeurs reprochent à Wrein
pluiîeurs fautes eiTencïelles, celles entr'au-
tres d'avoir incorporé de petits pilairres
dans les grands , de n'avoir pas élevé aiTez
propofé } n'ait pas eu Heu. Le module des ordres du
frontifpice aótuel ne répondant pas , difent - ils a à la
grandeur de la fabrique de ce monument.
{ 0 ) Voyez les plans & élévations de ce monument,
gravés en 1747, & la defeription hiftorique de Guil-
laume Dugdalle 3 & de Chriftophc Wrein, imprimée à
Londres,                -H
-ocr page 129-
; Mr τ &o du er ï<î ik         
fts voûtes δ£ d'avoir donné un diamètre
trop confidérable à ion dôme, relative-'
ment à la grandeur de l'édifice; mais en?
même temps, ils approuvent beaucoup les
peintures de ce dôme , ouvrage célèbre dô
Jacques Tornhill, Peintre Anglois,· qui y;
a repréfeiité , en huit compartiments , les
principaux événements de la vie de Saint
Paul. L'Architecte avoit propofé de faire
exécuter en mofàïque ces compartiments!
il avok même déjà fait venir d'Italie,
pour cela, quatre des plus habiles ArtifteS*
en ce genre ; mais les difficultés qii'occa*
fionna cette main d'oeuvre la fit rejeter ώ
l'on préféra les ouvrages de Tornhill , qui
fe font acquis tant de réputation.
Ce Temple fut commencé en î6yy Si
fini en 1710 (p), aifez court efpace en
comparaifon des cent quarante-cinq années
Îjue l'on, a été à bâtir la Bafilique de Saint-
Pierre jauffi la Nation Angloife fe prévautr
•^Uq de cet avantage, d'avoir bâti l'Eglifë
'?■■'■ (p) Avant de parler des dimenfîons de rEglife de
Wrein, nous allons donner celles de la précédente élevée
„par Maurice, dixième Evêque de Londres, & qu'ilavolt
fait conitruire fur les ruines de l'Eglifë bâtie originaire-
, ment par Erkinwal, quatrième Evêque de cette Ville. <
: ^ La longueur dans œuvre de l'ancienne Cathédrale,
tetoit.de épo pieds.; .fa largeur dans la croifée 3 de 130
pieds ; la hauteur intérieure de rEglife j.ufqu'au dôme,
Terne /.                               Q
-ocr page 130-
jpt          Jisr τάο bu er î o Ni
ile S. Paul en trente-cinq années, ious Uia'
feul Architecte & fon fils , par un feul chef·
entrepreneur > &: fous un îèul Evêque de
Londres, Ôc fur-tout par le fecours d'une
aiTez foible impofïtion fur le charbon ,
tandis que la dépenfe faite à Rome pour
l'Eglife de S. Pierre fe montok > félon Fon-
tana, à plus de deux cents millions,. comme
nous l'avons dit précédemment, dans la
note rrij page 92.
Ce fut fous le regne de François premier
* jque la belle Architecture commença d'être
connue en France. A la voix du père des
Lettres &: des Arts, les François fortirent
de leur léthargie 3 leur imagination prît Pef
for, &: bientôt ils égalèrent les plus grands
Maîtres d'Italie. François premier avok
appelé SebaiHen Serlio pour la conitruc*
tion de Fontainebleau. L'ouvrage de Serlio
excita l'émulation de nos Architectes 3 ils
lui difputerent la gloire d'élever le Palais
du Louvre 3 .& les deflins de Pierre Lef·
» ■■ 11 · ' ■           · "' ■ """W" "        · . ".           in",                            ■" liai—1          I               ■ 1' .
de ijo, la hauteur extérieure de tout le monument de
520 pieds.
                                                             : .->
La longueur dans œuvre de la nouvelle Cathédrale,
bâtie par Wrein , eft de 500 pieds j la largeur dans
oeuvre de la croifée 3 112, pieds j le diamètre du dôme ,
de 108 pieds 5 la hauteur intérieure de TEglife jufqu'au
dôme, de 110 pieds j la hauteur extérieure de tout \%
«aonument, 440 pieds. . .
j" *' '                                                                                           '
-ocr page 131-
ï fî f RO Dïï ê Τ ϊ Ο Ν.         $0
cot; ( q ) obtinrent la préférence fur les fiens ;
honneur dont les Architectes François ont
joui plus d'une fois depuis. En effet Claude
Perrault (r) fut ehoifî pour élever le
frontiipice du Louvre, Philibert Deior-
me :(s) pour le Palais dès Tuileries , ôc
ΐιι~ " i.~ ,« "' ■W-i'i'i'r ' ιίΓιϊι,Ί'Ί/ίιί;. '".'ι i' ίίιΐι-i'ii im' ni' ma , Γ" ' I Mm' " >Γ'"ί ' τ ι Γ ι.ι 11 ! i Um Ί im\
(q) Pierre Lefcoty Abbe de Qagny 3 naquit à Paris
fen ijiS , d'une familïe qui s'étoît diftinguée dans la
Robe. Sur fes deifins furent conftruites, une partie de?
la façade de l'intérieur de la cour du Louvre, la Salle
des Antiques, & la Fontaine des Saints - Innocents. II
mourut en 157&.
(r) Claude Perrault, de Γ Académie R oyak des .Scien-
ces, naquit à Paris en 1618. Perfonne n'ignore que fes
deifins, pour l'extérieur de la façade du Louvre , furenc
préférés" à ceux du Cavalier Bernin , qui âvoit été appelé
d'Italie, à grands frais , pour cet ouvrage important. Cet
Architecte fit auifi élever î'Obfervatoire, Tare de triomphe
du Trône, la Chapelle de Sceaux & celle de Notre-
Dame de Navone dans l'Eglife des Petits-Peres , près
la Place des Victoires: outre ces monuments, nous avons
de lui une Traduction dé Vitruve avec des notes , Se
un Traité des cinq efpeces d'ordonnances de Colonnes $
félon la méthode des anciens. Il mourut en 1688»
(s) Philibert Delorme naquit à Lyon au commence*
ment du XVIe fîécle. Il fut Aumônier & Confeiller du
Roi. En récompenfe de fes talents, on lui donna pluiîeurs
Abbayes, quoiqu'une fût que tonfuré. Le Château d'Anet
fut bâti fur fes deifins j il fit conftruire quelques édifices à
Fontainebleau; mais le Palais desTuileries, dont il fut l'Ar-
chitecte, mit le fceau à fa réputation. Catherine de Médicis,
fit élever ce Palais, dont Philibert Delorme fut nommé le
Gouverneur. Cet Architecte eft un des dix Commenta-
teurs de Vitruve ; il a laiiTé deux ouvrages fort utiles,
l'un fur l'Architecture. l'autre fur la coupe des pierres,;
Gij
-ocr page 132-
S$o In ta ός>uctî ο.ν.
Jacques Debroile ( t ) pour celui du Luxerri^
bourg.
\ La réputation dès Archite&es François
ne fut pas renfermée dans l'enceinte du
"Royaume. L'Efpàgne appela Louis de
Foix ( u ) pour conftruire à Madrid le Pa-
lais de rÈfcurial. L'Italie même s'embellif;
de leurs productions, & les crut dignes
îd'être propofées pour modèles à fcs Archi-
tectes.
4 Les guerres qui iuivirent le regne de
^François premier, furent de nouveaux obi*
tacles au progrès des Arts qu'il avoit tirés
de l'obfcurité. Enfin fous Louis XIV ils fuf
.rent portés au degré de perfection, qui
contribua iî fort à la gloire de ce monarque.
Alors Γ Architecture fut digne d'annoncer
à tous les âges la iplendeur d'un ii beau
;regne.
3|' Ce feroit une entreprife trop vafte que
*de retracer tout ce que Louis le Grand fit
pour les beaux Arts en général, Se en
■■; ( t ) Le Palais du Luxembourg fut conftruit au commen-
cement du XVIIe fiécle , par ordre de Marie de Médicis s
-fur les deiïins de Jacques DebroiTe. Cet Architecte
• fit encore élever le Portail Saint-Gervais ;3 & conftruire
l'aquéduc d'Arcueil.
·?) («) Louis de Foix, né à Paris. Ce fut fur fes deffins
que Ton conftruifit à Bordeaux en ι ƒ 8 ƒ, le Phare 3 appelé
Jia Tour de Cordouan 3 du nom de l'Entrepreneur de cet
'édifice.-; ν ' : :,■■■;■..:. „.: :                                        'û l
-ocr page 133-
Intro nu στ ι om i o-s
particulier pour l'Architecture , aîhiî que
tous les chefs-d'œuvre que fon regne vit
élever ; il fufïïra de citer ici les bâti-
ments les plus importants & les noms de
leurs Auteurs, tels que le Vakie-Grace ô£
le Château de Maiibns par François Man?
fard (x) 5 l'Hôtel & la nouvelle Eglife de$
Invalides, le premier par Libéral Bruant^ '
la féconde par Hardouin Manfard (y )h
les écuries , Porangerie du Château dq
Y
erfailles &; fa façade du côté du jar-
din par le même Architecte} le periilylq
du Louvre & l'arc de triomphe du Trône,
par Claude Perrault ( ^ ) 5 la porte S. Denis
: */ ■                                                        ■ ^''· ■ . - . ■■                                    :. ik                   \'.                                           -                 ■■.■--
' '1 '                                          ·                ■-'!» -                                  L .. - 4 .1. —r                    1                       1,-----------------------<----------, ι.'                                               .                                                   11.
(* ) François Manfàrd, un des plus grands Archite&es
que nous ayons eus 3 étoit originaire d'une famille d'Italie % ,
mais établie en France depuis près de 800 ans : il naquit a
Paris en 1589, U mourut en 1607. Il fir èonftruire le Portail
de l'Eglife des Feuillans 3 fon coup d'eifai 3 le Château de
Maifons, le Val-de-Grace 3 l'Egliie des Dames Sainte-
Marie3 rue Sainte-Antoine.3 le Portail des Minimes ,&r
plufîeurs autres édifices.
(y) Jules Hardouin Manfard,. neveu du précédent,
etoit Ordonnateur général des Bâtiments , Jardins , Artf
■■M Manufactures de Louis le Grands il naquit à Paris
"en 1645-. Nous avons de ce célèbre Architecte, le Châ-
teau de Clagny 3 fon premier ouvrage j celui de Trianon j
;les Jardins & le Château de Marly 3 vla Place de Ven-
dôme ; celle des Victoires 5 la Façade, de Verfailles du
côté defs Jardins 3 la nouvelle Eglife des Invalides 3 &
(fautres édifices qui font honneur à ion génie. Il mourut
*en 1708.·
l{ ζ ) Voyçz, la note r- pag. 99.,                                  I
f : - ' - ' -           G iij ■ '
-ocr page 134-
iös      Introduction.
par François Blondel (a) > hs addition?
coniîdérables faites auxTuilerîes par Louis le
Veau ( b ) 5 les Jardins de ce Palais par André
le Nautre. ( c ) j &: la Sorbonne par Jacques
le Mercier (d) : ce font autant de monu-
ments célébrés qui tranfmettront à la po£
terité la plus reculée la mémoire du regne;
4e Louis XIV.
Le iîecle de Louis XV n*eit pas moins
recommandableparles édifices élevés de nos
jours. En 1717, fut conilruit iùr les def-
fins du Chevalier Servandoni ( e ) le fron-*
——.                             " "' <WW> '                                                          -■.....— ■·· 11................ -1 r n i__ .
(a) Français Blondel, de l'Académie Royale des
Sciences, Maréchal des Camps & Armées du Roi, &
Maître des Mathématiques, de Monfeigneur le Dauphin, -
Xa Porte Saint - Denis fut élevée fur fes deiïins î il fie
reftaurer J4 Porte Saint - Antoine > &c celle de Saint;»
Bernard. Nous avons de lui un Cours d'Architecture 3 qu*il
4i<5toit aux Elevés de l'Académie dont il étoit Profeiïeur.
( b ) Louis le Veau, Architecte de Louis XIV , eut la
direétion du bâtiment du Louvre , depuis 1653 jüfqu'en,
1670. Il donna les deflîns d'une partie du Palais des
Tuileries, & fit élever le Château neuf de Vincennes ;
le Château de Vau-le-Vicomte \ l'Hôtel de Lambert,
4ans l'Ile SaintTLQuis 5 celui 4e Colbert, & plufieurs
autres«
(c)  Andre le Nautrç , célèbre par fon génie pour l'art
du Jardinage, né en 1625, & mort çn 1700.
(d)  Jacques 1« Mercier fit bâtir TEglife de la Sorbonne j
celle de l'Oratoire 3 le gros Pavillon de la cour du Louvre,
& l'avant corps de l'ancienne façade du même Palais du
côté de la rivière, le Palais Royal, l'Eglife des Dames
4e l'Annonçiade i Tours ; la Ville, le Château 8d'Eglif<$
paroiiTiaîe de Richelieu, &ç,
(e)  Jean Servandoni 4 Chevalier de l'Ordre de Chrift*
-ocr page 135-
1 irr Ro du err ο m. r'óf
1 tlfptee (ie la principale entrée deMïglife
de S. Sulpice, un des plus grands portails
d'Eglîfe qu'il y ait en France, mais qui
étant compofé d'ordres d'un grand diamètre,
exige d'être obfervé d'un point de diilance
plus éloigné j il ne poura par cette raiibn
exciter une admiration générale, qu'après
la démolition du Séminaire qui fe trouve
en face fc. beaucoup trop près de ce froil·-
tiipice^
Peu de temps après, la ville de Paris fît'
conitruire fur les deiïïns d'Edme Bouchar-
don, Sculpteur célèbre, la fontaine de
rue de Grenelle, remarquable par la beauté
de fon Architecture^ &; celle de fa Scul-
pture, coniïdérées fêparément.
Aux monuments de magnificence fuccé-*
*"                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     ' ■                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             -.....■■■-
tié à. Florence le ι Mai 1695". Il fut Elève de Tean-Pauf.
Pafimi
pour la Peinture, & de Jean-J&fepft- de Roffî pour
l'Architecture. Entre les bâtiments que nous avons de cet
Artifte en France, nous citerons l'Églife Paroiflkle de
Coulanges en Bourgogne, le- grand Autel de là Métro-
politaine de Sens , celui dès Cßartreux de Lyon 3 &"c.
C'eft auifi cet Architecte qui a bâti à Paris le Portatif
de Saint-Sulpice, & l'Efcalier ingénieux de l'Hôtel d'Au-
vergne. Ses talents , fupérieurs pour la décoration des;
Théâtres l'ont fait appeler dans différentes parties de:
l'Europe , pour y exercer cet Art. On fe rappele toujours?,
avec plaifîr, les Spectacles admirables qu'il a donnés à,
Paris dans Ja Salle des Machines aux Tuileries. Ce:
grand Artifte eit mort à. Paris en. 1767 > u&iverfelkmeofc
yegretc*
G'nr
\
-ocr page 136-
ί ©4          Â N Τ R^O DU CT Ι Ο Ν.
dereiit bientôt les bâtiments élevés- pour
■-l'utilité publique : de ce nombre furent
l'Hôpital des Enfants-Trouvés par M. Bof·
/rand ( f ), & celui des Quinze-Vingts par
M. de Saint - Martin , _ édifices qui , par
la commodité de leur diilributîon, "leur diP
;pofition &; l'ordonnance de leurs façades^
ont mérité lefuffrage des connoiiîeurs. χ
^ Un des bâtiments qui font le plus d'hon-
neur à ce iîecle, eil l'Ecole Royale Mili-
taire 6c le champ de Mars, conflruits fur
.les deiiîns de M. Gabriel, premier Archjr <
; te&e du Roi, pour l'éducation de la jeune
NobleiTe^ qu'on y élevé dans l'étude des
iciences relatives à l'art de la guerre : éta-
bliiïement propre à îmmortalifer la bienfai-
sance de notre augufte Monarque.
Avec quels tranfports les François ne
s-■■                                  .......'■- ■ i                                          ■■-                                                                                                                                                                                                                   ■ —-s»
'("ƒ) Germain Boffrand, né à Nantes en Bretagne le
7 Mai 1667, mbrt à Paris le 18. Mars 1755. Il fut Eleve
^de Hardouin Manfard,· Nous avons de cet Architecte cé-
lèbre , & de cet homme de génie , pluiieurs édifices
confidérables, particulièrement en Allemagne & en Lor-
raine. Cell lui qui a bâti à Paris , les Hôtels de Mont-
morency, d'Argenfon, les Décorations de l'Hôtel de
Soubife , les Portes 4u Petit-Luxembourg, de l'Hôtel de
.; Villars,' le Portail Ä Mercy 3 le Puits de Bicêtre, les
Ponts de Sens & de Montereau , &rle grand bâtiment des
Enfants-Trouvés, Sur la fin de fes jours il fit graver le
f ecueil de fes Ouvrages, avec un Difcours latin & fran-
çois, dans lequel il y a des observations excellentes fur
-ocr page 137-
ΙΝ Τ R OD U C ΤΙ Ο äjt         tof
firent-ils pas démolir ces vieux bâtiments
qui déroboient la vue de la belle façade
du Louvre élevée fur les deiîîns de Per-
rault _4 & la continuation de la décoration
de la Cour du même Palais > continuation
que l'on doit au zèle patriotique que M.
le Marquis de Marîgny témoigne pour
Ja perfection des beaux Arts !
                ?|
Parmi les monuments qui embelliraient
déjà la capitale du Royaume , il conve-
noit qu'elle en érigeât à la gloire de fon
Prince. La Ville de Paris témoigna le deflr
ardent qu'elle avoit de faire conilruire une
place publique au milieu de laquelle feroît
élevée la itatue de Louis le Bien-Aimé;
Plufîeurs Architectes, & particulièrement
ceux de l'Académie Royale d'Archite&ure,
^yant reçu à cet effet des ordres du Prince,
s'empreiierent à donner des projets di-
gnes (g) d'une telle entreprife, & relatifs à
différents quartiers de Paris.
                   >:
L'emplacement qui eft à l'extrémité dii
( S ) Voyez dans un ouvrage de M. Patt, intitulé :
Monuments érigés en France, à la gloire de Louis XV,
la plus grande partie des projets faits par les Archi-
tectes de l'Académie Royale d'Architecture 3 entr'autre?
ceux de M. Boffrand, qui en a fait trois / un pour la
Place Dauphine, un fécond entre le Louvre & les Tui1-
leries , & un troifieme aux Halles : celui de M. Contanr,
Quai des Théatins; de M. Chevotet, rue de la Féron-
'neriej.'de M, Souflot, entre THe Saint-Louis &: Ml
-ocr page 138-
toê       INTRODUCTION.
Jardin des Tuileries ayant paru le pfus öofti
venable , on conftruiiît, fur les deiîins de
M. Gabriel, la Place que l'on y voit aujour-
d'hui. De la principale entrée du Palais des
Tuileries, du coté du Jardin δί dans toute
la longueur de la grande allée, on apper-*
•çoit au milieu de cette Place, la ftatue
éqüeilre de Louis XV (h)\ qui procure
<*' "                          '            " '"" " " * ""'" "                 I" * ' ' '            '                    *****                                          ' .
du Palais > de M. Aubry , en face du Pont Royal j de
M. Azon, me Saint-Jacques ; de M. Rouifet, Carre-
four de Buifî > & de M. de TEftrade , Quai de Conty.
Plufîeurs autres Architectes du Roi, animés du même
îtèle, tels que MM. TAiTurance , Blondel 3 Godeau %
Manfard, &c, ont auifi donné des projets pour cette
Place, qui fans doute ne font point parvenus à l'Auteur
des monuments du regne de Louis XV 3 & qui un-jour
devront avoir place dans cette collection intéreflante.
Indépendamment dés projets des Architeot.es du Roi,
qui fe trouvent dans ce recueil , il contient encore
«ceux de quelques autres Artiftes du premier mérite 3 tels,
que celui que M. Servandoni , Peintre & Architecte,
avoit fait pour le Pont Tournant ; jfïtuation qui avoit
auifî été choifie par M. TAÎTurance y ce qui pourofe
bien avoir donné lieu au choix de S. M. fur cet empla·-
cement 3 où ett exécuté aujourd'hui le projet donné par
M. Gabriel. Celui de M, Pitrou, Ingenieur des Ponts
& Chauffées dans l'Ile du Palais j celui de M. Deftou-
che, ancien Architecte de la Ville, en face du périftyle
du Louvre j celui de M. Gouppi, Juré Expert, rue de
Belle-ChaiTe 3 fauxbourg Saint-Germain j celui de M.
Slodtz, Sculpteur & DeiTinateur du Cabinet du Roî.,
Quai des Théatins\\ celui de M. Polard , Infpe&eur
général des Ponts & Chauffées , rue de Tournon, &e.
(h) Cette ftatue a été modelée & jetée en bronze
par feu M. Bouchardon j &, des auatre figures placées
aux angles dû piédeftal, deux font de cet Artifte, & les
deux autres de M* Pigal, bien digne de lui avoir fuccédé.
-ocr page 139-
Intro du er i oh.       tof
im heureux point de vue à cette prome-
nade publique. Du côtéoppofé à la rivière,
cette Place a été décorée de deux édifices
de chacun 46 toifes de face, d'ordonnance
corinthienne, à colonnes folitaires, &: éle-
vés fur un foubaiïement, Cette Place , de
3 30toifes de longueur, fur 90 de largeur,
entourée de foiïes & de doubles baluitrades,
donne entrée aux Champs-Elifées, où une
nouvelle plantation , très-bien entendue,
procurera inceiTamment aux habitants une
promenade champêtre, digne du faite &; de
Populence de la Capitale.
Ne quitons pas ce féjour enchanté, fans
parler d'une des plus belles entreprifes qui
le foient faîtes en France dans ce iîecle, Se
même dans les fiecles précédents, c'eft le
Pont de Neuilli, dont la ligne capitale
enfile l'axe de la grande allée des Champs-
Eliiees, &; celle du Jardin des Tuileries :
ce Pont, qui s'élève actuellement fur les
deffins & fous la conduite de M. Perronet,
Premier Ingénieur des Ponts & ChauiTées,
peut être préfenté ici comme un ouvragé
célèbre., dont l'étendue, la magnificence &;
l'économie réunies, apprendront aux races
futures, ce que peut le génie, le goût & l'ex-
périence de ce Savant, auiïï bon Architecte
qu'excellent Citoyen,
Quelques progrès qu'ait fait l'Architecture
-ocr page 140-
... - -                                      ψ
t θδ           ϊ WT RO DU CT I Ο M,
fous le regne précédent, elle étoit, ce ferrB
ble, demeurée imparfaite quant à la conf;
traction des Temples $■ il étoit réfervé au
fiécle de Louis le Bien-Aimé, de trank
■mettre à la poftérké de grands édifices en
ce genre. Les nouvelles Eglifes de Sainte·*
Geneviève par M. Soufïïot, & de la Mag-
deleinepar M. Contant, fufrîront pour im?
imortalifer notre Architecture.
                  §
il manquoit à Paris une Halle au Blé 5 la
Ville vient d'en faire ériger une fur les deffins |J
de M. Le Camus de JVÎézieres. Cet édifice
interefläiit, eft remarquable par fa forme
tcirciiîaire, & par la régularité de ion apareil.
Le feu ayant confumé en 1763 la Salle
de l'Opéra, fk. fort endommagé le Palais
Royal^ auquel cet édifice étoit adoifé. On
mem de conftruire pour le même Spectacle,
.une Salle nouvelle fur les deffins de M>
Moreau., Archîteéte du Roi, & Ordonna-
teur des Bâtiments de la Ville (z)-*, &;
dans fa reconftruction , ce Palais a reçu de
nouveaux embelliiTements, qui l'ont rendu
iupérieur à ia premiere dîfpoiition.
(i) M. Moreau a aufll donné les deffins des nou-
veaux bâtiments du Palais Royal du côté de la place> ceux
du côté de la cour} legrand efcalier, la reftau ration & Ja
décoration de l'intérieur des apartements font exécutés fur
les deffins de M. Contant s Architecte du Roi, & Contrô-
leur des Invalide*.
-ocr page 141-
Introduction. g$|
Verfailles, déjà ii magnifique par fes
jardins $r par ies édifices ? vient auiïï d'être
orné d'une Salle de Théâtre fuperbe, déftinée
aux fêtes de la Cours fpe&acle qui manquoit
depuis long-temps à ce bâtiment immenfè,
**la demeure chérie d'un Monarque adoré.
Aux bâtiments d'habitation , aux monu-
ments de magnificence &c d'utilité qui s'élè-
vent à Paris fous fon regne, joignons celui
de l'Hôtel des Monnoies, qui va devenir
'l'ornement d'un de nos plus beaux Quais :
cet Hôtel, qui fe conftruit iùr les deffins
de M. Antoine, Archite&e, ofFrira dans
fon intérieur, toutes les commodités rela-
tives à un pareil édifice.
Nos plus grands Princes lignaient auilî
leur amour pour l'Architecture-,· par lès
embelluTements de "leurs Palais , & par les
nouvelles acquiiitions, qui en rendant leurs
demeures plus dignes de leur naiiFance que
dans les iîécles précédents, décorent la Ca-
pitale êc la rendent plus întéreiïante aux
Citoyens &: aux Etrangers.
Avec quel goût & quelle magnificence
nos premiers Minifbes n'embelliifent-ils
pas leurs demeures ! L'Hôtel deJVI. le Duc
de Choifeul (k) , celui de. M. le Comte de
(*) On voit dans cet Hôtel une galerie peinte par
Lafoiie, & nouvellement décorée d'un excellent gerre
exécute furies deffins de J'Autcur de cet OWàge. ^
-ocr page 142-
ΪΪΟ         liï'T %*b DÜ € t ïO tfl
Saint - Florentin (/), peuvent être cité^
comme des bâtiments qui annoncent les
talents des Architectes François, $l qui
contiennent lés chefs d'oeuvre des plus ce-*
lebres Artiftes de nos jours»
Les Hôtels de Nivernois ôc d'Uzès s'atti-*
reront également les fuhrages des connoif-*
feurs , par le génie & l'intelligence de leurs
Architectes,
Quelles eipértncés ne devons-nous pas con*
cevoir fur lés projets qu'on exécute actuelle*
ment ou qu'on fe propofe d'exécuter, %éls que
l'achèvement total de l'intérieur du Louvre,
& le tranfport de la Bibliothèque Royale
actuelle dans la partie de ce Palais qui regar-
de la rivière j celui d'un Hôtel-de-Ville fur les
delîîns de M. Moréau j celui d'un Arcenal
furies deiîîns de l'Auteur de cQt Ouvrages
celui d'une nouvelle Salle pour la Comé-
die Françoife fur les deiîîns de MM, Peyre
& de Wailly , Architectes du Röij celui
d'un Marché qui doit occuper le terrein de
J'Eglife de la Culture Sainte - Catherine ,
transportée aujourd'hui à l'Eglife où étoit
anciennement la Maifon Profeiïe des
Jéfuites j ( l'utilité de ce marché eil prouvée
( / ) Bâti nouvellement fur les deflins de M. Challegrin *
Architecte du Roi*
-ocr page 143-
IntroDücf î o ν', irt
|>àf celui qu'on vient de faire, quoique
moins coniïdérable, au Prieuré de Sainte-
Martin des Champs ) j celui de réunir le
Quai neuf avec le Port au Blé ) ( foui
cette prolongation on iè propofe de pra-
tiquer des Magaiïns pour les grains) > celui
de la continuation du Quai de l'Horloge à
l'Hôtel des Uriîns ? celui de la démolition des
maifons élevées a&uellement fur les Ponts >
démolition qui, en donnant de la falubrité
aux demeures des environs, détermîneroit
auiîî à réédifier la plupart des maifons de l'Ile
Notre-Dame dont la gothicité .& le déla-
brement rendent ce féjour trifte & peu fut}
celui de tranfporter les Cimetières hors
de l'enceinte de Paris, projet digne de la
fageiTe du gouvernement, Se déjà approuvé
par la premiere Juridi&ion du Royaume j
celui déplacer les Tueries &; les Boucheries
aux extrémités de la Ville 5 enfin celui du
redreiTement des rues , de la multiplicité
des Carrefours , de Pére&ion de nouvelles
Fontaines, ai de la réitération des canaux
fouterreins pour l'écoulement des eaux^de
la Ville dans la Seine.
Terminons l'énumératîon de ces projets iî
utiles à la Nation, par un dernier non moins
intéreiTant ni moins digne de l'attentiofi
du Miniftere : nous voulons parier de celui
propofé par feu M. Defparcieux, qui pen-
-ocr page 144-
1 ï l. In τ r ο d uct ï ö* n.
clant fes dernières années avoit propoil
d'amener à Paris , pour le bien public,
les eaux de la rivière d'Yvette, reconnues ,
par l'analyfe chymique , pour être très-
îalutaires, & dont l'idée vient d'être ac-
ceptée par le Gotivernement, qui en ä
charge fpécialement M. Perronet , bieri
digne par fes talents d'être choiii pour la
continuation de ce projet p '& pour fon
exécution.
De la Capitale de la France , le goût
des Beaux - Arts s'eft répandu dans les prin-
cipales Villes de nos Provinces , 'A point
que l'intérieur de ces Villes femblé avoir
changé de face. Sous le regne de Louis XIV,
àc quelque années après fa mort, oïl avoit
kléja conftruit pluiïeurs Places publiques où
l'on avoit élevé fa ilatue j une à Lyon en
-i 7 ï 3 3 une à Montpellier en 17185 une a
Dijon en 1725, & une à Rennes·en iji6 (m)-.
Sous
le regne de Louis XV , d'autres places
^publiques, non moins magnifiques , furent
cojaiacrées à la gloire de ce Monarques
une à Valencienne en 1742 > une à Bor-
*■'■ (m) Les ftatues élevées darts ces quatre Villes ^ font
jéqiieftres, modelées & jetées en bronze, à Lyon par
'Desjardins & les frères Gouflfcu , à Montpellier par
'Mazeline & Utrels , à Dijon par lé 'Hongre, & à Rennes
*par CoyfeYQXé               Μψ.....- ·-■■■: - *V -·■- a — '-ιΛ- ]%
deaux
-ocr page 145-
Î NT RObUCT ï O Ni         jtij
dèâux en 1743 5 une à Rennes en 1744$
une à Nancy eil 17555 une à Reims eri
1761 (n) : autant de Villes ou ces monu-
ments ont oceaiîonné la conftrudion où
la rèftauration dé pluiîeurs édifices > des
Alignements, dés Quais 9 des Portés de
Ville, des Intendances , des Bourfes j des
Juridictions, des Promenades, qui, réunies
avec la beauté des grands chemins qui com-
muniquent d*une Province à l'autre , ren-
dent agréables toutes les routes qui amènent
à la Capitale.
Après tant de monuments célèbres j qui
annoncent l'amour des iujets pour leur
Prince , ne négligeons pas de parler ici de
quelques Provinces qui s'occupent férieu-
iëment de fuivre les tracés de celles déjà
citées. La Ville de Metz i anciennement em-
bellie ibus le gouvernement de M. le Ma-
( n ) Les noms des Archîte&es & des Sculpteurs qui
ont exécuté ces monuments, font: à Bordeaux, feu M.
Gabriel, premier "A rchite&e du Roi, & M. Le Moine $
la ftatue eft de bronie & éqiieftre : à Valenciénne ^ M*
Sally de l'Académie de Peinture & de Sculpture j la ftatue
eft de marbre , & pédeftre : à Rennes, feu M. Gabriel 8ç
M. Le Moine? la ftatue eft de bronze, & pedeftte : à
Nancy, M. Héré deCorny , Architecte du Roi dé Po-
logne, & M. Guibal j la ftatue eft de bronze, & pé-
délire : à Reims, M. Le Gendre, Infpeéteur des Ponts
& Chauffées, & M. Pigalki la ftatue eft de bronzeΛ
& pédeftre;
Tome li                                H
-ocr page 146-
ïï4 I NT Ro nu er ι ο ν.
réchaldè Belle-Iile, vient de faire ériger de
nouveaux bâtiments d'utilité &c de magnifi-
cence, fous celui de M. le Maréchal, Duc
d'Eiirées, qui, par fe$ lumières, fa fageile
&c fon économie , vient d'ordonner , fous
l'adminiitration de M. le Duc de Choifeul,
de nouvelles communications, une Maifon
de Force, des Places, un Magaiïn Mili-
taire , un Hôtel-de-Ville , un nouveau Por-
tail &; des EmbellhTements pour la Cathé-
drale : il vient encore de déiîgner Rem-
placement du Parlement de cette Ville,
celui d'un Palais Epifcopal, dont on conf-
truit actuellement la façade , celui d'une
Abbaye Royale pour les Dames de Saint-
Louis ( o ) ·, édifices qui témoigneront a fes
fucceifeurs ce que peut en moins de; douze
années, une iâge atlminiftrations guidée
par le patriotifme, le bien de i'humaihité Ôc
la gloire du Prince.
La ville de Rouen , qui en 1759 fit jeter
les fondements d'un Hôtel-de-Ville , pré-
cédé d'une place, au milieu de laquelle
doit être la ilatue pédeftre de Louis XV,
nous laiiTe le regret que cet édifice, du
deffin de M. le Carpentier , Archite&e
(0) Tousses bâtiments, la plupart exécutés aujour-
d'hui, ont été faits fur les deifins de VAuteur de cet
Ouvrage. Plufîeurs de ces projets font partie du fécond
Volume de ce Cours d'Architecture,
-ocr page 147-
du Roi, ne fok annoncé ici que comme
un projet, la ville ayant été obligée de
fufpendre , pour quelques années, cet ou-
vragé important, déjà élevé à fix pieds de
terre (p).
La Ville de Strasbourg peut être citée îc!
comme une de celles qui ont le plus ilgiialé
leur zèle par la quantité d'édifices qu'elle
fe propofe de faire ériger dans fon fein -, elle
èft réfoîue de faire bâtir plufieurs corps de
Cazèrnes pour contenir nuit bataillons &
Kuit efcadf ons, une placé d'armes, un Sénat
pour les Magiitrâts, ait devant duquel &
en face de la Cathédrale, doit être élevée
une ftatue pédeftre de Louis le Bien-aimé
avec des attributs iymboliquès, qui déiï-
gneront les vertus pacifiques de ce Prince»
une Salle de Spectacles, dès communica-
tions ^ des places, des carrefours, ats> mar-
chés , des quais, dés ponts &: autres em~
belIiiTements qui ont paru alTez importants
au Màgirtrat de là ville de Strasbourg, pour
qu'il s'adreiîât en 1764 à M. le Duc de
Choifeul, &; le priât de lui nommer un Air~
chiteclie habile qui le dirigeât dans les en-
treprifes qu'il fe propofoit de faire exécuter
tJWpjJ------mi -----------ι ' - .*...· „f... } -· ■         — τ~~τ~~ l·-_-."..ΐ[τ ••..■-J.[i-i]liM_:_-^__^-l_ui--i-----*-----1-----------------1_
(p) Voyez, le Plan de cet Hôtel -de- Ville & de la
Place qui le précède dans les monuments du fiécle de,
louis XV, déjà cités.
Hij
-ocr page 148-
ïlél·       IÎÏT Ê.0 &lf CT Î O tf.
par fuccelîion de temps: l'Auteur de cet
ouvrage, fut celui que ce MiniÎtre choilît
pour ie traniporter dans cette ville. Après
en avoir levé les plans , il fit en conie-
quence pluiîeurs projets , qui, approuvés
par Sa Majefbé, s'exécutent aujourd'hui fur
tes deiîîns, & annoncent par la place d'ar-
mes dt les bâtiments qui l'entourent, déjà
élevés, ce que cette Cité deviendra un
jour, fécondée comme elle Teil par le zèle
du Magiilrat, l'amour des Citoyens , les
lumières du Préteur royal, èc l'attention
particuliere qu'y porte M. le Maréchal de
Contades , Commandant de la haute àc
BaiTe-Alface.
A l'inilar de la ville de Strasbourg, celle
de Cambrai fe propofe auiïï de faire des
embelliiîements dans fon intérieur, tels que
des places nouvelles, le redreiTement de la
plupart de les rues, des portes, des mar-
chés &: des promenades. M. de Choifeul,
Archevêque de Cambrai, ayant auffi choîiî
l'Auteur de cet ouvrage pour bâtir fon Pa-
lais Archiépîfcopal (</)$& fatisfait des plans
qu'il avok faits pour Strasbourg , l'a auiîî
. ~(q) Le fécond volume de ce Cours contiendra les
Plans de cet Archevêché. L'irrégularité du terrein nous
a fait naître l'idée d'un projet d'une forme nouvelle, qu'on
poura comparer avec le Palais Epifcopal de Metz : Palais
s-
-ocr page 149-
Introduction. ι .17
chargé d'en donner pour les travaux que
l'on defire faire dans,cette ville.
Tel eil enfin ce que nous avons cru de-*
voir dire fur ce que l'Archite&ure an-
cienne & moderne peut offrir de plus in-
téreiîant aux amateurs & aux Aruftes qui
ont deiîein de puifer les connohTances
préliminaires de cet Art û recommandatie
par lui-même, &iî utile à toutes les Nations
civilifées.
PaiTons à préfent à l'utilité de [qs diffé-
rentes productions > enfuite nous exami-
nerons le degré de fupériorîté qu'il a ac-
quis fur les Autres Arts libéraux qu'il a
fait naître , & qu'il fait aiïocier à fes pro-
ductions : nous donnerons après cela quel-
ques obfervations fur la maniere d'étudier
cet Art.
dont nous avons donné les deflîns, & qui, projeté dans-
un terrein plus régulier, offrira le contraire intéreffant
des productions de Γ Architecture, dirigées Λ ou par les
préceptes, ou par les reffources de l'Art..
*Φ*
M
-ocr page 150-
ji$ Introduction.
DE L'UTILITÉ
DE L'ARCHITECTURE,
JN ο υ S venons de voir , en parlant de
l'Origine de l'Architecture, qu'auffi-tôt que
les hommes eurent commencé à fe ra/Tem-
bier ? a jouir des douceurs de la fociété,
Ils eurent befoin de cet Art pour fe procurer
des demeures cpmmodes & durables. En
effet, c'efl par fon fecours, que dans la fuite
on éleva des monuments qui procurèrent des
places convenables aux chefs d'oeuvre des
plus habiles Sculpteurs, Se des plus grands
Peintres, &: par ce moyen leur aiTurerent une
durée confiante 5 c'eil encore par lui que
l'Architecte éclairé fait employer lî utile-
ment la pierre , le marbre a le bronze , avec
îe choix ξζ avec |a prudence d'une iàge
économie.
Oeil lä Architecture qui fait éclore tous
les genres de talents relatifs aux befoins
des hommes, qui fait naître l'émulation des
Citoyens voués aux Beaux-Arts, détermine
les grands Princes à encourager les talents
$ajlîànts § êc à réçompenfer }§s talçnçs acquis,
-ocr page 151-
In τr ob υctι ο Wi          11%
C'eil elle qui détermine le plus grand nom-
bre des propriétaires à élever des édifices
où la folidité, la commodité & l'agrément
fe trouvant réunis, fournuTent aux étran-
gers tant de différents objets propres à une
imitation utile &; réfléchie.
Si nous confîdérons ce que nous devons
a Γ Architecture , &: tous les avantages, que
nous en recevons, nous trouverons que les
tréibrs de la nature ne font véritablement
à nous, que parce qu'elle nous en aiïure
une tranquille poiFeffion $ n'eil-ce pas elle qui
procure à nos demeures la falubrité, par le
choix de leur iituation? qui nous enleigne
en empruntant les fecours de la mécanique
de de l'hydraulique, non-feulement à élever
& amener les eaux dans nos jardins de pro-
preté , mais auffi dans les dépendances hs
plus éloignées de nos habitations ?
C'eil elle qui, dans nos Cités, confinât
des Ponts, des Ports, dus Quais, des Halles,
des Marchés, des Magafins pour les grains
des Arcenaux, des Cazernes y des Hôpitaux,
des Aqueducs > des Fontaines, des Manu-
factures , des Prifons, & enfin des Sépul-
tures publiques. Tous ces monuments utiles
aux Villes libres , aîniî qu'aux Villes fron-
tières, quand ils font dirigés par des Artiiles
du premier mérite, acquièrent chacun en
particulier un caractère diftin&if ; δ: en an*
H iv
-ocr page 152-
τ%ο In τ ro du ct ι ο ν.
nonçant la capacité de Archite&es qui em
ont donné les deÎRns, ils témoignent en
même temps l'opulence des Citoyens.
C'eil notre Art qui érigeant des Temples,
à la Divinité, met les fidèles à portée de
pratiquer le culte extérieur de la Religion;
il joint la grandeur Ôc la dignité à une foli-
dité immuable , dans la difpoiîtion des
Métropoles, des Eglifes Paroiffiales & Con-
ventuelles , enfin dans tous les monuments
facrés, élevés par la piété Ôc la magnificence
des Têtes Couronnées : dans ceux-ci fur-
tout il préfîde au choix des matières , a
celui de rordonnance , & au bon goût
des ornements, qui, dans tous ces diffé-
rents genres d'édifices, doivent s'annoncer
avec cette fupériorké que les Beaux- Arts
réunis favent mettre en œuvre.
C'eft l'Architecture qui commande au
courant des rivières $ c'eil par elle qu'on
parvient à deiTécher les marais > que l'on
convertit en campagnes fertiles , les terreins.
les plus incultes, en les délivrant des vapeurs
malignes qui nous cauferoient des maladies
çiangereufes & peftilentielies.
Elle change a ion gré 5 elle adoucit le
cours impétueux des grands fleuves , elle
réprime leurs efFörts par des digues, des,
levées §C autres mafTes foJides qu'elle leur-
M
-ocr page 153-
Introduction.         ni
pppofe j 5c en les retenant dans leur lit, elle
les force de fervir utilement à la navigation.,
Si l'ardeur du foleil a tellement çpuifé
l'humidité de la terre, qu'elle n'en ait plus
ailèz pour fournir à la nutrition des légu^
mes & des fruits, l'Archite&ure nous ap-
prend à faigner les rivières, &: à. pratiquer
des canaux à travers les campagnes, pour
les arrofer & leur rendre cette fécondité
naturelle, qu'une trop grande aridité leur
avOÎt enlevée.
L'Architecture Navale bâtit auiîî des
Ports y elle remplit la profondeur de la mer
par des monceaux énormes de diverfes ma-
tières ; elle avance des môles fur les plages
découvertes, & arrête par fts travaux la
violence des vagues j on fait combien ces
différents ouvrages font néceifaires pour la
conilrudion si la confervation, âes navires
Se autres bâtiments maritimes,
Ce genre d*Archite&ure nous a appris à
conftruire des vaiiTeaux qui nous ont enrichis
des tréibrs du nouveau monde, & qui nous
ont ouvert le commerce des pays les plus
éloignés. C'eft aux travaux de l'Architede
qu'on doit le tranfport des Colonies èc la-
fondation de plufieurs Villes floriffantes
fur des côtes où l'on n'ofoit aborder avant
('étude de ΓArchitecture nayaie..
-ocr page 154-
ïii      Introduction.
Mais tous ces biens, tous ces avantages
nous feroient devenus înfru&ueux, iï l'Ar-
chïte&ure Militaire ne nous eût appris â
lts conferver. Pour cela elle nous a enfei-
gné à défendre nos Villes, par des baillons,
des foifès 9 des chemins couverts, des con-
trefcarpes & autres ouvrages de ce genre >
en forte que iî nos ennemis deviennent aifez
prodigues de leur fang, pour venir nous
attaquer dans nos foyers, elle nous enfeîgne
à couper leurs attaques par de continuelles
traverfes, &c à loger plus d'hommes & de
canons dans nos flancs, qu'ils ne iauroient
nous en oppofer du côté par où ils vou-
droient nous forcer.
Si au contraire nous croyons devoir les
attaquer dans leurs fortereiTes, elle nous
apprend comment il faut conduire nos
tranchées pour qu'elles ne foient point en-
filées 3 & comme il convient de diipofer nos
redoutes & nos places d'Armes, pour n'être
point iurpris par les forties des affiégés.
Si Γ Architecture à tant de part à la vic-
toire , elle n'en a pas moins à la magnifi-
cence du triomphe. Elle élevé des trophées
iur le champ de bataille, elle raifemble les
re&es des braves Citoyens qui ont répandu
leur fang pour le fervice de la patrie, à
deiTein de les conferver dans des monu-
ments deiïinés à faire revivre leurs noms &;
>":
-ocr page 155-
Introduction.          113
leurs a&ions fur le marbre bc fur l'airain $
& pour rendre encore ces monuments plus
glorieux , elle y repréfente les Chefs des
Nations vaincues, enchaînés & humiliés, &.
leur fait porter le poids des entablements î
en un mot, elle fe fert de tous les moyens
que l'Art autorife, pour éterniier la récom-
penfe que mérite la vertu des conquérants ,
ou les châtiments dûs à l'infolence ou à la
témérité,
L'Architedure Civile Me s'emprefle pas
moins à célébrer-le retour du vainqueur,
en le faifant paiTer ious des Arcs de Triom-
phe qu'elle fait ériger à fa gloire , Se
qu'elle enrichit de fymboles 6c d'orne-
ments exquis, par lefquels elle annonce à
la poftérké le pouvoir des Princes de la
terre, & les efforts du génie des Artiites.
Par-tout le Monarque y confîdere., les
ouvrages de génie que Ρ Architecture a
enfantés pour lui offrir des fêtes, Ôc par-
là manifeiter l'alégreife des peuples qu'il
a fous fa domination. Il eil étonné des
ftatues qu'elle a fait fondre du bronze
enlevé fur l'ennemi 5 il contemple avec une
fecrette admiration des colonnes triompha-
les , des pyramides allégoriques , &: mille
autres productions, qui toutes annoncent
Péclat dé fa vicloire, de fa clémence &;
de fa bienfaifance.
-ocr page 156-
|24           ΙΝ Τ R Ο Ι>Ί7 G Τ Ι Ο 2ν\
Enfin au retour de Ja paix, l'Architec-
ture déploie de nouveaux prodiges ; c'eft
alors qu'elle s'occupe pour le délafTenient
des Citoyens & l'ornement des Villes, à
élever des théâtres, des cirques , des porti-
ques , des bains, des bibliothèques , des
places publiques, des promenades qui ma-
nifeftent la gloire du Prince, & la douceur
d'un regne éclairé &: devenu paiiîble par (es
triomphes & fes iiiccès.
Tant davantages qui, en nous annonçant
l'utilité de l'Architeâure, nous annoncent
auffî fa magnificence , lui donnent fans
contredit la prééminence (r) fur tous les
autres Arts quelle feule régît, en les aiïo-
ciant à fes travaux : convaincus de cette
(r) Nous avions craint long-temps que f amourque
nous portons à notre Art, ne nous eut fait, au préjudice
de la Peinture &: de la Sculpture , donner la prééminence
à l'Architefture j cependant nous avons conçu que cette-
expreflion ne pouvoir paroître ni trop forte ni trop ha·*
fardée } puifqu'elle fe trouve dans les Lettres - Patentes
de Sa Majefté ( p. 4. ) données à Paris au mois de Février
1717, enregiftrées au Parlement le 18 du même mois , &·
dont nous avons cru pouvoir rapporter ici l'extrait../!. » £'4|
» tabliflement de l'Académie de Peinture & de Sculpture »,
»établie dès Tannée 1648, & confirmée en 165· y , %
9> produit le bon goût Se une grande facilité pour rintelli·*.
»gence & Tufage du deifin , dont beaucoup de Palais ±,
», Maifons Royales & autres édifices font ornés & déco-
M rés magnifiquement i & commeTArchitefture doit avoir
m la prééminence fur les autres Arts, qui ne fervent, pour-
» ainfî dire que d'ornement dans les 4iffér^{es.pA£tte&dç&
« édifice* j; nous ayons jréfolu Mj. &&·;».
-ocr page 157-
Ι ν τ Ro zur et ι ο ist. tij,
vérité, fans vouloir aiFoiblir l'excellence de
ia Sculpture, de la Peinture & du Jardi-
nage, rendons compte à nos Elevés de la
fupériorîté de l'Architecture, dans le deiTem
de les exciter à fe rendre véritablement di-
gnes un jour de s'illuftrer dans ce bel Art5~
qui lui feul fuppofe la plus grande partie
des connohTances des fcîences > des arts
utiles, des arts de goût &: des arts agréables.
Si l'Architecture eit, comme nous venons
de le voir, le plus utile des arts, nous pou-
vons dire ici qu'elle eil auffi le plus ancien,
puifqu'eile à fervî à préferver d'abord les
hommes des intempéries des faifons.
Tous les Arts libéraux, & même la plus
grande partie des Sciences, n'euiTent peut-
être jamais exifté fans l'Architecture. Ne
paroît-il pas de la plus grande probabilité,
qu'on ne peut rapporter leurs découvertes
qu'à la communication réciproque des idées
de l'homme. Or cet effet n'a pu fe produire
que dans la fociété réunie &; par les opé-
rations réitérées des facultés Pefprit humain.
Sans l'Architecture, que feroit devenue la
fociété ? A quoi nous ferviroit notre ma-
niere de fentir ? Que feroit devenue notre
induftrie, notre intelligence ? Parcourons
rhiitoire, nous y verrons que lorfque l'Ar-
chitecture eit parvenue à atteindre une cer-
-ocr page 158-
\
i%€ Intro nu er ï o Ν*
taine conildération chez une nation, fori
goût, fa fplendeur &; fa puhTance ont
acquis le plus grand éclat.
Nous pouvons le dire ici : la fupérlorité
dé PArchite&ure dépend bien moins de la
perfection de chacun des Arts qu'elle fait
concourir à fes opérations, que du choix
plus pu moins judicieux qu'elle en fait
faire, & de l'habileté avec laquelle elle lel
fait fervir à {qs vues. Qu'on ne s'y trompe
pas 5 le génie créateur & fécond de Γ Ar-
chitecte eft l'âme des Artiites qui travail-
lent ibus ies ordres : quelque précieux qu'ils
foîent, ils ne font entre ihs mains que des
inilruments au moyen defquels il doit exé-
cuter le projet qu'il médite ; ce font autant
de puiifances qu'il fait calculer , '& qu'il
multiplie ou modere à fon gré pour, pro-
duire les plus grands effets. En un mot,
les Sciences ■& Iqs Arts font des reiforts
par lefquels l'Architecture fe meut &; opère :
ils peuvent à la vérité agir fans elle , &c
Îjroduire des chefs d'œuvre 5 mais alors
eurs productions font bornées. Ce n'eft que
de leur union avec l'Architecture, que ré-
fuite l'effet auquel nous devons une maniere
d'être & une jouiifance plus heureufe & plus
parfaite.
Que ne doivent point a PArchke&ure
la plupart des Nations qui prétendent Pern-
-ocr page 159-
Ijsrr rojoùct ι ο ν. tij
porter fur celles que la providence a placées
près des Poles ou dans des climats déferts
& brûlants. Les Arts dont la vanité hu-
maine s'honore le plus chez ces peuples, 6c
ceux dont les preiliges flattent le plus leurs
fens, fe bornent à occuper leurs loiiîrs j
mais la perfection de l'Architecture feule,
efl le fruit de la fage & prudente écono-
mie , & de la politique des plus puiiTants
Gouvernements > elle eft l'objet important
de rinduftrie de leurs Citoyens > elle iadsfait
à leur luxe > elle pourvoit à leurs befoins s
elle donne aux plus grandes entreprifes la
folidité néceifaire pour braver les temps, Se
fert à faire palier a la poitérité la mémoire
des Conquérants.
Tous les Arts libéraux 9 fans doute, font
également eÎlimables lorsqu'ils concourent;
au bien public, à l'utilité des Citoyens &:
à la gloire de la Nation j ils n'augmentent
d'eilime ou de valeur qu'à raifon des con-
ventions établies dans la fociété. Le La-
boureur qui cultive la terre , l'Artifan qui
vit d'un travail pénible eft, nous ofons le
dire ici, auiîî eilenciel a l'Etat que le Guer-
rier qui combat l'Ennemi , & que le
Magiftrat qui fait parler les Lois, S'il eil
donc quelque préférence , quelque pré-
dilection attachée à une de nos connoîflan^
ces, elle ne peut convenir qu'à celles qui -,
-ocr page 160-
1*8          ϊ Ν Τ RO DU Cf ï O ft.
en devenant les plus utiles, fuppoferit lé
plus de génie ? dé dignité, &c annoncent le
plus de magnificence. Si ce que nous avan-
çons ri5eil pas fans fondement ? on doit con-
venir de la fupériorité que l'Archite&uré
doit avoir fur tous les Arts. Nous ne répé~
terons point ce qui regarde fort utilité, elle
èil inconteftable. Mats nous fommes forcés
de convenir que c'en: un Art difficile i &
qu'un boii Archite&ë,, tel que nous l'enten-
dons, ne peut être coniidéré comme uri
homme ordinaire. Nous l'avons vu ailleurs,
l'Archite&ure fit des progrès lents j certaine-
ment les autres Arts en ont fait de plus
rapides. LaPeînture & la Sculpture que nous
cpftinguons ici entre hs Arts libéraux i font
des Arts d'imitation 3 Γ Architecture au con-
traire crée plutôt les objets qu'elle ne les
imite y elle ouvre un champ ν aile à l'ima-
gination & au génie de l'Architecte. D'ail-
leurs la Peinture particulièrement fé par-
tage en pluiîeurs clafTes. Lés hommes célè-
bres* excellent chacun féparémerit dans
I'Hiftoire, la marine r la décoration dés
théâtres, &c, L'archite&ure eft une, il ne
iuffit pas d'être décorateur, diitributeur ou
conftructeur pour mériter le titre de grand
lArchite&e > il faut réunir fupériéurement
ces trois branches, &; leur aiTocier les con-
ftoiflances de tous les autres Arts qui lui
ibnt
-ocr page 161-
In TR §b? υ er ι ο ν.          129
font fubordonnës. C'eft de ces différentes
études combinées, que naît la fupériorité
de l'Architecture.
De tous les A rtiftes* Γ Architecte eil celui
qui, après l'opération, peut le moins re-
venir iur fes pas. Avant de jeter une ftatuè
en bronze, le Sculpteur conilike la nature
&: fait pluiieurs modèles 3 un Peintre ha^
bile peut faire des changements utiles à fon
tableau j un homme de Lettres peut corriger
fon ouvrage à une féconde édition j un.Mufî-
cien du premier ordre arrive à un plus haut
degré de perfection par les eifais qu'il peut
faire de Îqs comportions y l'Architecte eft
le feul qui doit juger de l'effet de fon œuvre
avant de pàifer à l'exécution. Ses ouvrages
font plus étendus, la main d'oeuvre, l'écono-
mie des matières apporte fouvent des chan-
gements indifpenfables dans fbn projet, &c
en changeant l'accord des parties au tout &
du tout aux parties, lui fait employer des
licences dont il ne s'apperçoit,la plupart
du temps, que lorfque fon édifice eft à ia
fin. Il lui faut d'autres occaiions pour ie
corriger de fes premières fautes: non-feule^
ment elles font rares j mais combien d'Ar-
chitectes de mérite ont fini leur carrière
fans avoir eu Pavantage de fe trouver à
la tête d'une de ces grandes entreprifes, qui
feules font les grands hommes dans ce genre
Tome L
                                       I
-ocr page 162-
<Χ^Ο           ΙΝ Τ RO DUtT I Ο Ν.
de talent? Les atteliers des meilleurs Artiftes
peuvent produire des chefs d'oeuvre pour
des ibmmes peu coniidérables j les édifices de
marque exigent des déf>enfes illimitées j ce
ne font que les plus puhTants Princes v les
Cités les plus opulentes, à qui il appar-
tient de former des Architectes célèbres.
Les Michel-Anges, les Bernins, en Italie j
les Manfards , les Perraults, en France , ont
prouvé, par leurs ouvrages, la fupériorité
de leurs talents, & la prééminence de leur
Art, comparé avec toutes les autres pro-
ductions qui fe font faites de leur temps.
Que ne pourions-nöus pas efpérer d'un tel
Art, il les feuîs véritables Architectes étoient
appelés à manifefler la grandeur de nos
Rois, & à élever les monuments fameux ,
confacrés à l'immortalité !
Aucun de nos Elevés ne doit ignorer que
la Porte Saint-Denis, lePériilyledu Louvre,
le Vat-de-Grace, le Château de Maîfons >.
l'Orangerie & les Ecuries de Verfailles,
font autant de chefs d'oeuvre capables de
prouver à tout homme impartial, que ces
■ monuments èc leurs auteurs, ont aiTuré à
•l'Architecture le droit de prééminence fur
tous les autres Arts qu'elle aiTujettit à fes
lois.
Après avoir parlé de la fupériorité de
-ocr page 163-
Intro nu er ι on.           13t
l^Archite&ure , nous croyons devoir finir
cette Introduction eiTencielle pour infpifer
à nos Elevés l'amour dts Beaux-Arts, par
leur indiquer les moyens de devenir un
jour eux-mêmes de grands Archite&es,
ainiî que les connoiilances qu'ils doivent
joindre a l'étude de cet Art,
Moyens d*acquérir tes talents nécejfaires à un
Architecte.
? Dans tous les temps les Archite&es ont
été néceifaires à la iociété ; ils fe font attiré
les hommages publics de toutes Iqs Nations
civilifées. Que de cottnouTances en effet,
ne faut-il pas à un Archite&e ? Vitruve l'a
dit avant nous 3 il doit connoître les mathé-
matiques, fe rendre le deiîîn familier, être
initruit de l'hiftoire des Belles - Lettres ,
s'accoutumer à obferver les hommes., à pé-
nétrer leurs goûts, leursbeÎoirts, leurs rangs,
leurs diftin&ions ; il doit favoir fe replier
fur lui-même, &: d'après fes fenfations par-
ticulières, fes obfervations àc beaucoup de
tentatives , faire paifer les chefs d'œuvre
delà nature Ôc les beautés de l'Art, dans
les ouvrages importants, confiés à fes foins.
;-Il doit préliminairement fe rendre raifon
des licences qu'occafîonne prefque toujours
raifociatioii des trois branches de l'Art.
-ocr page 164-
ij 2        Introduction,
Ceft à lui à prévoir les phénomènes de
la vue, & les lois de l'optique, a fuivre les
préceptes, &; à fa voir cependant s'en écarter
quelquefois, quand il s'y trouve forcé, 8c
ielon le plus ou moins d'importance de
^s eiitreprifes.
          '             /;*é-i ii?p
L'habile Architecte fait pénétrer dans les
myfteres-de l'Art ; pour cela il doit éviter
dans fes comportions tout ce qui ne pré^-
fente qu'une abondance itérile j il doit ap-
prendre à ménager fes moyens pour ne
pas confondre le caractère particulier qui
convient à chaque édifice : il doit favoir
paiTer par des traniitîons heureufes du grave
a l'élégant, du iîmple au compoféj varier fes
productions, en n'employant tantôt que des
mailès fortes ou légères^ .des formes racour- (
cies ou pyramidales , rectilignes ou iînueu-
Ces-·, tantôt en donnant plus ou moins de
mouvement à fes plans , foit en affectant
des corps continus, rfoit en préférant des
corps avancés ;& des corps intermédiaires.
Sans déroger à I'efprit de convenance, il
doitfouvent préférer des beautés fïeres &:
mâles,'à un caractère; doux & naïf 5 quelque-
fois au contraire, Urem ploie les grâces légè-
res, 'itk.délicates de l'Art.
; II; faut favoir que l'Architecture , ies
préceptes à part, eil un Art de goût, de
génie 6c d'invention j que quelquefois même
-ocr page 165-
Introduction.           133
©η peut & l'on doit s'affranchir de certaines
règles. Ne vouloir jamais s'en écarter, c'eft
rifquer de tomber dans la féchereiîè & la île-
rilîté. Il eil vrai qu'il n'eft pas toujours poiîï-
ble à l'Architecte de rendre raifon de tous
les ornements qu'il emploie 5 il fuffit commu-
nément de les rendre vraifëmblables, & de
faire en forte qu'ils puîifent fixer agréable-
ment les regards : mais ce que nous difons
Ici ne comprend que la Sculpture. L'Archi-
tecture , proprement dite , voit autrement.
Dans les édifices d'importance, elle a pour
objet la diipoiïtion générale des bâtiments
principaux & dé leurs dépendances. Elle
voit tout en grand j elle préfère dans nos
Villes, à la décoration des façades , des
accès & des communications faciles.,, elle
s'occupe de l'alignement des rues;, des
places, des carrefours, la diffribution des
marchés, des promenades publiques. Au
reite, il eil des ornements acceptés par
l'ufage que l'habitude a rendus néceffaires,
quoiqu'ils n'aient d'autre autorité que le
fufïrâge ùniverfel ; ils contribuent quel-
quefois à donner encore plus d'éclat a.
l'Architecture : de ce genre font les ilatues,
les trophées, les vaies, les candélabres,
qu'on place ordinairement fur les baluflra-
des ou devant les attiques, fans autre motif
que la magnificence > les ornements taillés
lu]
-ocr page 166-
134          Introduction.
fur les moulures des façades extérieures,
richeiie néanmoins qui devroit être réfer-
vée pour le dedans des appartements; les
médaillons qui peut - être devroient être
confacrés pour les fêtes publiques 3 les têtes
humaines 3 lesmafcarons qu'on place fur les
claveaux dés portes, des croifées, & aux-
quels on devroit préférer les clefs, les agra-
fes
que pluiîeurs de nos bâtiments célèbres
nous offrent pour exemple 3 les bas-reliefs,
ordinairement enfermés dans des tables, &;
dont la petîteiTe du module devroit porter
à ne les admettre que dans l'intérieur de
nos Temples, ou dans les très-grandes pièce«
de nos habitations 3 enfin les blâions, les
fupports que l'oftentation fait placer dans
les tympans i fur les frontons de nos bâti-
ments , &c quelquefois même à ceux des
édifices facrés, contre toute idée de vraif-
fembîance , pendant qu'ils ne devroient
trouver leur place que pour fervir d'amor-
tilTement fur les portes de nos Hôtels , 6c
fur celles de la demeure de nos riches par-
ticuliers : car cette efpece de fculpture ,
ainfï que les précédentes, paroîtplus tenir à
l'arbitraire qu'au raifonnement. On ne l'em-
ploie donc que parce que la plupart des
Archite&es péfent plus communément les
fufTrages de la multitude, qu'ils ne comptent
ceux des grands Maîtres, qui, quoiqu'on
-ocr page 167-
Introduction. , 13 j
petit nombre, doivent avoir la prépon-
dérance fur le vulgaire.
Pour parvenir à clioiiir avec goût ce que
nous devons imiter ou rejeter des produc-
tions de nos prédéceileurs , nous l'avons
dé}a dit, nous le répétons j il faut que les
Elevés en Archite&ure regardent le deiîîn
comme la baie de toutes leurs opérations,
non pour devenir Peintres, Sculpteurs ou
Décorateurs , chacun de ces Arts exigeant
en particulier qu'on s:y livre fans réferve y
mais parce que pour être bon Architecte ,
il leur convient de favoir aiïèz bien deiïï-
ner la figure , l'ornement, le payfage, les,
règles de la peripe&ive, &: l'art de modeler,
afin de pouvoir devenir au moins de juiles
appréciateurs des talents des Artiiles qu'ils
doivent affocier un jour à leurs travaux.
Que néanmoins ils foient bien perfuadés
qu'il leur eil également dangereux d'igao-
rer abfolument toutes ces fciences, comme
de s*y livrer avec cette fougue &i cet en-
thoufiafme qui les égare prefque toujours,
au-delà du but qu'ils doivent fe propoièr j
car, dans le premier cas, leurs compofitions
froides étant dépouillées des ornements
deftinés a les embellir, ils. font obligés de
les faire paifer dans, de nouvelles mains,,
qui fouvent en abufent j en forte que ces
beautés 7 qui ne devroient être cafaccefi-
I h
-ocr page 168-
x$& In tro&uction:
foires dans l'Architecture , deviennent au-
tant d'obitacles aux beautés primordiales
qui en con-ftituent l'efTence.
Que nos jeunes Arcliite&es évitent auffi
avec foin de fuivre aveuglément les orne-
ments qu'une mode pafTagere femble auto-
riièr j'que fur-tout ils fuient l'imitation des
ouvrages qui n'ont aucun genre ni aucun
caractère particulier , & qui fe trouvent
tels, parce que leurs Auteurs îgnoroient
ce qui conftitue le vrai beau Se le beau
idéal. N'avons-nous pas vu les ornements
frivoles des dedans paifer dans les dehors?
abus qui a mbfîité long-temps. Aujourd'hui
par une inconiëquenee tout auiîî condam-
nable , on applique le ilyle grave des dehors ?
dans l'intérieur des appartements: on donne
à nos meubles , ce que 'l'expérience nous
avoit appris à éviter, je veux dire , les
formes quarrées dont les angles bleifent
l'œuil , nuifent ·■ à la circulation des per«,
fonnes afTemblées dans nos demeures, ..&
fouvent on s'appuie du prétexte que ces
formes font imitées des Grecs, fans réflé-
chir que ces peuples ne les employaient
que dans leurs Temples ^u dans la décora-
tion extérieure de leurs édifices publics y &
qu'elles ne conviennent jamais% ou que tres
rarement, dans les choies d'agrément ou
d'un ufage journalier. Quoi de plus abfurde
-ocr page 169-
Int rob u er ι ο ν.          137
par exemple, que de charger les lambris d'un
boudoir, des mêmes feftons compofés de
feuilles de chêne & de laurier , dont on
décoroit à Rome les Arcs de Triomphe
deftinés à faire paiTer à la poftérité les
victoires du Héros ? inadvertance peut-être
plus révoltante encore , que les rocailles Sc
les ornements Chinois ? qu'on a prodigués
pendant vingt années dans tous nos bâti-
ments , & même jufques dans l'intérieur de
nos Temples. Que nos Elevés y prennent
garde j il faut du choix dans l'imitation :
qu'ils apprennent même à douter de tout ce
qui vient de leur propre fond, qu'ils confiil-
tent leurs Maîtres j qu'ils s'inftruifent avec
les Artiftes célèbres & avec les Citoyens qui
s'intéreifent à leurs fuccès ·■> qu'ils leur faf-
fent fouvent part de leurs projets.} qu'une
noble émulation anime leurs travaux : utile à
tous les âges, elle doit être l'apanage du jeune
Artifte : qu'ils étendent beaucoup plus loin
les bornes de leurs connoiiïancesj que fur-
tout ils foient modeftes fans timidité, hardis
fans préfomption ; qu'ils viiîtent fouvent les
chefs d'œuvre du iiecle paiTé , pour les
comparer avec la plupart de ceux qui s'élèr*
vent de nos jours ; qu'ils évitent principale-
ment l'incertitude dans laquelle marchent
quelques-uns de leurs émules , qui , au
mépris des véritables règles de l'Art, fem-
-ocr page 170-
13 S          Introduction,
blent, a l'cnvi les uns des autres, élever
dans cette Capitale, des bâtiments à peine
dignes de la barbarie des onze & douziè-
me iîecles : barbarie , nous oibns le dire
ici , qui fubiîftera , tant que la plupart
de ceux qui fe vouent à l'Architecture,
embraiTeront l'étude de cet Art, ceux-ci
par occafion, ceux-là par dus vues d'intérêt >
les uns par déiœuvrernent, hs autres parce
qu'il faut être quelque chofe; très-peu par
goût, par inclination , &: avec la noble
ardeur de devenir célèbres : d'où il refaite
tant de talents manques , tant de produ-
ctions informes , tant de décorations extra-
vagantes , gigantefques ou puériles;, qui
annoncent la décadence du goût. Ces
défauts fe perpétueront, tant que la plupart
dts Elevés relieront fuperfîciels , qu'ils
auront recours à l'importunité , qu'ils bri-
gueront par faveur , par protection , des
entreprifes qui ne devroient être confiées
qu'au vrai mérite, à l'expérience & à l'în*-
tiégrité.
Deux inconvénients également préjudi-
ciables aux progrès de l'Art, contribuent
aux reproches fondés que nous ofon$¥ faire
ici à pluiieurs de nos jeunes Architectes ,
M même à notre iîecie -, le premier, de ne
pas faire affez communément entrer pour
quelque chofe dans l'éducation des hommes
-ocr page 171-
In r o du c τ τ ι ο ν.         ij 9
bien nés, les connoiiTances élémentaires d'un
Art iî recommandable5 le fécond;, la pré-
cipitation du début de nos Elevés. Ceux-ci
contents des premières notions de l'Art, ne
prévoient pas qu'il faut pour parvenir à fes
/iiccès, non-feulement une profonde théo-
rie , une très-grande pratique, une longue
fuite d'expériences 9 mais encore l'étude des
grands Maîtres , qui nous ont précédés >
étude ians laquelle ils ne peuvent jamais par-
venir au iîmple, ni atteindre au fublime. Ce
beau, cette noble /implicite, doit fur-tout
caractériiër les différents édifices qu'on érige
dans cette Capitale, dans fes environs, dans
nos Provinces j & il eft intérelTant que les
perfonnes en place, chargées de la gloire
&: des intérêts des Peuples , la connoiiTent,
pour favoir au moins dîiHnguer les produ-
ctions des Architectes d'un vrai mérite d'avec
les comportions des Architectes fubalternes,
pour fe rappeler avec étonnement la folidité
immuable des monuments de l'Egypte fous
Séfoftris j la beauté des proportions des
édifices des Grecs fous Périclès j la perfe-
ction des ouvrages de l'ancienne Rome fous
les Céfars, de Rome moderne fous Léon X>
enfin le goût de cet Art iî naturel à la nation
Françoife, & qui s'eft manifefté il fupérieu-
rement fous Louis le Grand.
Si nous déiîrons que l'homme d'Etat ac-
-ocr page 172-
140 Introduction.,
qftiere des connoiifances iî utiles à tout Ci-
toyen , <jne nos Elevés fentent combien il
leur eil autrement important d'entrer dans
tous les détails de cet Art} détails qui font
feuls capables d'élever l'Artîile au-deiTus >
de lui-même , lorfqu'il a fu parvenir à un
certain degré de perfection : qu'ils voient
combien au contraire il leur feroit humi-
liant de ramper baifement dans la médio-
crité , fans pouvoir jamais mériter l'eilime
de leurs Contemporains , ni celle de la
poniérité. Que fur - tout ils fe fouvien^
nent que dans la jeuneiîè, l'imagination
prend fou vent la place des préceptes, & que
dans ion premier eflor elle choiiit plutôt les
beautés hafardées, que les beautés réelles 5
qu'ils fâchent que cela ne leur arrive préci-
iement que parce qu'ils ne mettent pas aiTez
d'ordre dans leurs idées, dans leurs études,
&. que leurs diitra&ions leur font fouvent:
perdre le fruit des préceptes qu'on leur enfef-
gne. La plupart des jeunes gens font domi-
nés par l'amour-propre; &; ce défaut leur
fait oublier , qu'après la chaleur de la com-
poiîtion ils doivent revenir fur leurs pas,
δζ fe corriger à" loîiir 5 qu'il doit toujours
y avoir une différence très - coiiiîdérable
entre le premier projet & les plans iûr
lefquels on doit bâtir 5 que cette der-
nière idée doit les fuivre par-tout, en tout
-ocr page 173-
ÎNTRODU CT I O Ν.          14t
temps, & dans toutes les occafions; que dans
la conception d'un projet il fuffit d'avoir
en vue la difpoiition générale? mais que
quand on met la main à l'œuvre, c'eit alors
Îparticulièrement qu'il s'agit d'approfondir
es règles de l'Art, l'efprit de convenance
èc les lois de l'économie : qu'il faut iàvoir
faire des facrifices, au défaut des principes
avoir recours aux reiTources de l'art 3 qu'en
un mot, dans le début de fa compofition
il faut de la fagacité, 8c félon l'occafion, de
l'enthouiiafme * dans la fuite au contraire,
du flegme, de la retenue , & des combi-
naifons.
                                                lh?%
Pour arriver à ces différents degrés dé
perfection , nous confeillons à nos Elevés,
avant d'ofer entreprendre un vol trop ra-
pide, de commencer par des comportions
lîmples & faciles, de foumettre leurs pre-
miers erForts à des hommes éclairés, qui
puuTent leur en faire fentir les plus légers dé-
fauts. Nous les exhortons à ne jamais palier
i un fécond projet, que le premier ne foit
entièrement retouché, 6t qu'il·n'ait été de
nouveau fournis âu; jugement des Maîtres
-de l'Art. Nous les engageons à ne fe paiTer
rien , à ne négliger rien, à ne rien omettre}
cette févérité eil le feul moyen qui punie
les conduire au faîte de l'Art. Sans toutes
: ees précautions, ceux qui i auroient déjà
-ocr page 174-
142 Introduction.
donné des efpérances, & laiiTé entre-voîr des
étincelles de leur génie , ne produîroient
dans la fuite que des comportions foibles \
L·.
quelquefois même au-deifous du médiocre.
Qu'ils fe reiÎbuviennent tous, qu'ils ont be-
foin d'étudier encore pour devenir des hom-
mes, qu'il n'y a qu'une étude fuivîe & appro-
fondie qui puiife en faire des Archite&es du
Î)remier ordre 5 qu'il eil néceifaîre de puiier
es préceptes à leur fource : qu'ils s'accoutu-
ment à lire les bons Auteurs,à les commen-
ter, à les extraire: qu'ils vifîtentàpluiîeurs
reprifes les modèles célèbres que nos plus
grands Maîtres nous ont laiiTés pour exemr
:plesi qu'ils s'éprouvent pluiîeurs fois dans
les comportions de même genre àc de genres
différents j que leurs projets foient toujours
aiîùjettis à des mefures données, à des ouver-
tures d'angles prefcrites, aux inégalités d'un
fol qui exiite, afin de s'accoutumer de bonne
heure à vaincre les entraves inféparables de
certaines efpeces de conitruétions. Qu'en fui-
:Vànt ces cours, enfin, nos jeunes Citoyens
Tentent tout l'avantage de leur aiTociation
avec les Amateurs qui fuivent nos confé-
rences, de qui , par leur exemple , doi-
vent leur apprendre ce que petit fur des
hommes déjà initruits r le déiîr d'aug-
menter la fomme de leurs connoiiïances j
avec ceux qui de nos Provinces viennent
-ocr page 175-
ƒNTMO Dl/CT ΙΟ Ν.            143
puifer dans nos leçons , le goût de l'Archi-
tecture } pour le répandre un jour chez
euxj avec d'autres Artiiles, qui Tentant la
néceffité indifpenfable de joindre au talent de
la Peinture & de la Sculpture qu'ils exercent
déjà avec fuccès, l'étude de l'Architecture,
accourent fe perfectionner dans cette Ecole
des Arts y avec des Artifans qui tous les
hivers viennent ajouter à la pratique qu'ils
ont déjà, les inftructions élémentaires que
nous donnons. Pluiieurs de nos Elevés né-
gligent ces éléments, parce qu'ils n'en Ten-
tent pas l'utilité. Mais on a beau travail-
ler , fans lts éléments de l'Art, on ne peut
parvenir ni à la théorie., ni à la pratique de
l'Architecture. Qu'une noble émulation ani-
me donc nos Elevés j qu'ils travaillent pour
leur propre gloire & pour celle de leur pa-
trie. Deilinés pour la plupart à porter un
jour dansles pays les plus éloignés, les mo-
dèles de nos productions, que leurs progrès
atteftent à ces Peuples , que la nation Fran-
çoife ne le cède à aucune de celles qui fe
font le plus iignalées dans ce bel Art.
Finiiîons cette Introduction par l'origine
du Jardinage , de la Sculpture & de la
Peinture , autant d'Arts libéraux , infépa-
rables de l'Architecture &c des connoiiTances
qui y font relatives.
-ocr page 176-
144 Introduction.
O RI G I NE
DE L'ART DU JARDINAGE.
JL' O e CUP ATION la plus véritablement
louable, effc fans doute l'Agriculture : auiîî
cettefcience a-t-elle été long-temps la feule
qui ait fait le bonheur, & fixé les travaux
des hommes. Enfuite elle s'eil partagée en
pluiîeurs branches, qui toutes féparément
ont contribué à leur rendre la vie plus
agréable &: plus commode. On eil parvenu
enfin à aiTocier la culture des terres avec
1'A.rt du Jardinage, d'où font réfultées di-
• verfes productions, rangées avec iimétrie,
ou difpofees avec ce beau défordre que
nous préfente le fpe&acle de l'Univers.
Perfonne n'ignore que dans tous Jes temps
les Chefs de famille, les Patriarches, les
plus grands Princes , ont encouragé l'indu-
îlrië des habitants de la campagne , & qu'ils
"n'ont pas même dédaigné d'y donner leurs
foins. Nous devons à ceux-ci une partie de
ce que Xénophon, Caton , Varron, Colu-
nielle ont écrit fur cette fcience, Ôrà d'au-
tres Ecrivains, différents Traités qui nous
ont
-' ' '                                                              ■ "                             " \
.
-ocr page 177-
Ιμτ R oî>Vc τ ίο Ν.          145
ont appris à cultiver nos héritages, à rendre
nos moiiîons plus abondantes, à émonder les
arbres y à les grerFer, comme on a dû depuis
à le Nautre , à Baptiile &c à Le Blond ; l'art
de rendre régulier un terrein montueux dans
ibnibl, & inégal dans ion pourtour, à tracer
des parterres, à creufer des boulingrins,
à placer avec un certain ordre les rieurs, les
arbultes de les ârbruTeaux de toute eipece,
les grottes , les fontaines 9 les portiques na-
turels & artiiîciels.
Mais comme toutes ces dernières par^
ties tiennent directement à l'Art, avant d'y
paiTer,difonsun mot de ce que l'on entend
par Agriculture , proprement dite , d'où,
eil émané le Jardinage qui fait ici notre
objet.
Les premiers hommes, obligés de pour-*
voira leur fubiiilance, apprirent à ouvrir,
à façonner, à améliorer la terre , &; à en
tirer ce qui leur étoit néceiTaire s enfuite
connoître les grains, les ferner, en augmen-
ter l'efpece* fut l'objet de leurs recherches:
connoiflancês que le déluge même ne dé-
truiiît point entièrement5 que NoépoÎfèdoit,
dont il s'occupa au fortir de l'arche > Se
qu'il communiqua à fes defcendants : ceux-
ci , a. leur tour, perfectionnèrent les outils,
s'attachèrent à la maîn d'œuvre , & ie don-
nèrent" pour lès inventeurs <Jè cette feienec x
]Toni& Ι.
                                  Κ
-ocr page 178-
îtf         ΙΝ f RO DUC f I O à.
quo iqu'en cor e imparfaite, tes Egyptiens
en font honneur a Ifîs & à Çmris fon
époux (s ) ; les Grecs a Cérès, êc les Romains
à Saturne à Janus. Ge qui eii certain, c'eft
que les Grecs ont eu une grande vénération
pour agriculture. Hiérön Ue Siracufe,
Attalus Philopator de Pergame , Archélaüs
de Macédoine,&: une infinité d'autres grands
hommes font loués par Xénóphon de par
Pline, de l'attachement qu'ils ont témoigné
pour les travaux champêtres. L'Hiftoire
fait auffi mention que Γ Agriculture fut le
premier objet des Légiflateurs Romains,
'& qu'on a vu pendant filuiieurs iiecles les
Héros de l'ancienne Rome, paifer de la
culture des champs, aux premiers emplois
de la République , retourner du triomphe
à la charrue, & aller ainfîfe fortifier par
]es douceurs d'une vie retirée, dans l'étude
de la philofophie δ£ la pratique de la vertu.
Les Chinois qui difputent à tous les au-
tres Peuples l'ancienneté du labourage,
prétendent l'avoir appris de Chin-Ong ,
fucceiTeur de Fohi. Quoi qu'il en foit, c'eft
de ces diverfes contrées que cette feience
fut tranfportée dans les différents climats ;
le Grecs conviennent la tenir de l'Egypte»
de lts Romains de la Grèce.
< (s) Diodorcde Scicile, liv, f y oé FÎutarqiie ,Air. lr.
-ocr page 179-
Introduction,          147
L'Agriculture fut donc honorée chez ces
Peuples, dont le plus grand nombre confacra
des Temples aux Divinités qui, félon leur
opinion, préiîdoient aux productions de la
nature.
A meiure que le goût s'épuroit, que les
connoiiîances s'augmentoient, on fongea à
tirer de cette fcience des reiîburces pour
les agréments de la iociété: ifïfenfîblement
on voulut traniporter dans les Villes les
charmes de la Campagne, & dans celle-ci
la magnificence des Villes. L'Agriculture
devint donc un Art particulier, ou plutôt
elle vit iôrtir de ion fein plufîeurs Arts
divers 5 celui de la culture des terres fut
abandonné aux Laboureurs pour les beibins
éiïènciels de la vie j le loin de faire croître
des légumes &c des fruits devint le partage
d'une cla/Ted'hommes plus inftruits > le Bo~
taniileraiTemblaavec ordre Jesfimplës utiles
à la confervation du genre-humain 5 l'idée de
tranfplanter lés arbres, de les ranger avec
iîmétrie fut confiée à des Artiiles intelli-
gents. Tous ces uiages remontent jus-
qu'aux Syriens §c aux Phrygiens (r). Les
Jardins de Midas étoîent renommés pour
la culture des fleurs (u) 5 Homere vante
( t ) Pline, lir. xx,
( u ) Héf&dote, liv. y ni.
Kij
-ocr page 180-
i4§        Introduction.
ceux d'Alcinoiis pour la régularité & la
diitribution des eaux : mais iàns doute ces
productions étoîent encore dans l'enfance,
on méconnoiiToit les moyens de fouméttre
la nature par les fecours de l'Art. On
tranfplantoit à la vérité des arbres 5 mais
on ignoroit la méthode de les élaguer, de
les greffer, fcience qui n'a été connue que
depuis le temps des Auteurs déjà cités > du
moins Moïfe n'en parle point dans les pré-
ceptes utiles qu'il donne aux liraélites fur
cet Art important.
Héiîode paiîe auiîî cette pratique fous
iîlence $ en un mot, l'arrangement deftiné
a l'embelliiTement des promenades, &c à
relever la magnificence de la demeure des
grands Princes,' eft.. due aux Artiftes de
l'Europe y mais nos Architectes en ont par-
ticulièrement fait une branché de leur Art,
& l'objet de leurs méditations j car quoi-
\ que l'Hiiloire nous apprenne que Salomon,
Cyrus le jeune, Dioclétien, Probus Si Char-
les-Quint , firent leurs délaiTements des foins
du Jardinage, il faut convenir qu'il ne s'eil
véritablement perfectionné que fous Louis
XIII & Louis XIV, qui tous deux ont
trouvé dans cet exercice les attraits les
plus féduifants.
Il eil vrai qu'en confultant l'antiquité,
elle nous parle des Jardins de Sémiramis j
-ocr page 181-
■««^■■■■■■■i
Introduction. 149
mais n'en étoit-il pas de ceux-ci comme des
bâtiments célèbres de ces premiers ilecles.
Peut-être ces Jardins, fi vantés, n'étoiènt-
ils merveilleux (y)'que parce qu'ils annon*
çoient dts efpèces d'amphithéâtres,difpofés
fur des terraiTes fort élevées * il y a du-
moins lieu de croire qu'ils manquaient
eiïenciellement par la variété de l'Ordon-
nancera forme &: l'élégance que nousià-
vons répandre aujourd'hui dans ce genre
de productions.
•En voulant même remonter aux Peu-
ples ingénieux de la Chinev qui ne s'en
font pas toujours tenus à la culture àçs
terres > que ne rapporterions-nous pas de
l'irrégularité qu'ils affectent dans leurs Jar-
dins de propreté ? Cette nation aimant peu ;
la promenade, on trouve rarement chez
elle hs avenues & les allées fpacieufes des
Jardins de, la France. Ordinairement ils
font ufâge des. chemins iînueux, & diitri-
buent par fcenes la plus grande partie du
terrein qu'ils deftinent i orner les environs
de leurs demeures. Leurs Jardiniers imitent
tour à tour les objets. îes plus, riants ou
(>) Paufanias , Pline-,, 8c plufieurs-autres Auteurs 4
nous ont donné la defcription de ces Jardins, & rap-
portent que les eaux y étaient abondantes , & qütelkfc
p^roifToient autant de mervdlles Tufpendues; en l'alto
■tr · · ·
-ocr page 182-
15© Ι ν τ no D tr e τ ι e ν.
les plus terribles, ils affectent mem« de les
diipofer de maniere que par des traniitions
brufques, ils préfentent un contrarie frap-
pant. Comme les chaleurs de ces climats
lont exceffives, ils pratiquent dans leurs
Jardins des canaux & des cafcades aux-
quelles ils refufent même toute eipèce de
régularité, préférant le défordre pittorefque
de la nature, à la iïmétrie la plus étudiée 5
ils grouppent, à la vérité, leurs arbres
comme les Peintres grouppent leurs figu-
res , & parviennent ainiî quelquefois à une
variété intéreiïante, variété que la Nation
Angloife &la plupart de celles d'Allemagne
imitent d'après eux, dans l'intention de
repréfènter dans leurs Jardins cette îrrégu- '
larité &: ces heureux caprices que leur offre
le ipeétacle des vallées, des coteaux &: des
montagnes, qu'ils préfèrent à la iîmétrie
que nous apportons le plus ibuvent dans
la diftribution de nos Jardins. Ces Na-
tions , d'ailleurs fort éclairées, regardent la
fimétrie comme une entrave au génie, &
comme un aiîùjettiiîèment trop iervile aux
règles de l'Art.
Les Anglois fur-tout, Peuple fërieuxy
afFedent jufques dans leurs Jardins parés
une /implicite, louable ians doute, mais fou-
vent trifte & monotone 5 & lorfqu'ils dé-
ploient leurs reiîburces dans cette partie
-ocr page 183-
In ï RQ du er ι ο ν. iji,
de '1*Art, ils tournent leur génie à compo-
ier des, promenades dont Paiped, feul eft
errrayant.Ä Denbigk, près Dorking^ clans
le Comté de Surreyy on remarque un Jardin
appartenant à M, Tires &; planté par us
foins, le même qui en d'autres occafions
%éanmoins a iu donner tant d'agréments aux
Vaux-Halls de Londres,; oh remarque.,; dis-
"je,un Jardin fitué fut le penchant d'une mon-
tagne,, couverte de taillis , percée de pîu-
Jïeurs allées qui fecroifent. Quelques-unes,
jde ces allées montent iur des éniinencesy
d'autres descendent dans des précipices: les
premières font riantes &,bien dreflees ries
fécondes font rudes, embarrafFées j les ^unes
;& Jes, auçresifaites à deiïein derepréienter
4es vicsi^udesde lavie hpmatne. Aux car-
refours de ;çes différentes allées* on a placé
ïdes; infoiptions morales : près de l'entrée
>de cette promenade lugubre, on trouve une
:efpèciv4e. Temple dédié à h mort, dans
Jequel eft un monument élevé à la mémoiif
du Lord Pure, & dont les revêtiiTements
intérieurs font chargés de Sentences, conv
>pofées par les meilleurs, Poètes Anglois,
entr*autres pair le IDo&eur Voung..A l'exr
irémité de cette feinde funéraire eft fune
vallée, plantée, de piçs M de cyprès , à
l'entrée dejaquelie on remarque deux fque-
letteshumains& de kxQsdifférents, qui par
-ocr page 184-
ï f% I isr τ Rö dît er ï o ti.
leur attitude, femblent avertir ceux qui par-
courent ces trilles lieux, de la fin de l'hom-
me & de Ton anéantiiîement. Mais le ipeéfca-
cle le plus erïrayant qu'on obferve dans
cette fombre vallée , c'eft une elpèce de
grotte divîfée en deux parties s dans l'une
le remarque llnçrédulîté mourante dans
le plus affreux défefpoîr, & environnée
de tous les attributs iiniltres des objets qui
n'ont fervi qu'à ^égarer pendant fa vîej
dans l'autre, au contraire, on voit l'homme
croyant à la vie éternelle ,. calme & Îërein
au moment même de la mort, Se ayant
pour fy/mboles au tour de lui, tout ce qui
a pu contribuer à le faire marcher dans le
ientier de i'efpérànce & de la vertu. 'Ces
deux actions\9 û oppoTées, font peintes par
le célèbre Hgyman avec une force & une
exprelîîan capables d'inipirer vivement au
Spectateur l'amour du bien &: l'horreur du
vice. Au reifte nous ne rapportons ici cette
jdée funèbre que pour prouver à nos Elè-
ves qu'il n'y a rien que l'Art ne puiiïè
fendre, aidé du iècours de la nature , &;
que ç'eft la réunion de ces deux parties
qui formé feule le mérite elfenciel de l'Ar-
çhîte$:e, mérite qui nëconiifte pas, comme
plufieursfe l'imaginent, às'arrêter toujours a
des idées agréables, mais, au contraire, à
exercer de bonne heure fon génie à rendre
I ■■■ Φ M. .           ... "'
-ocr page 185-
ƒ NT RO DU CT I Ο Ν.          Ι J3
feniîble & palpable l'objet qu'on a à traiter.
Il ieroît peut-être bien, par exemple,
d'Imiter dans les promenades champêtres,
qui font partie des habitations deftinées aux
hommes du monde, la variété dts Jardins
Chinois, èc dans celles deftinées à la mé-
ditation des hommes dévoués à la religion,
des objets fombres, dans le genre de ceux
uqs Jardins de Denbigh, que nous venons de
décrire. Enfin, il faut faire ufage de la maj·
gnifîcence que procurent ordinairement les
beaux Arts réunis, pour les promenades
des bâtiments confacrés aux têtes cou-
ronnées , aînfi que pour les Jardins des
maiforis de plaîfance deftinées à la réfidence
dus Grands.
Mais quittons cette digreiïîbn '& conti-
nuons de parcourir ce qui peut nous inté^
relTer touchant l'Art du Jardinage} à deÎÎèîtî
d'infpirer aux jeunes Artiftes le goût général
de cette fcience. :
Il paroîtra étonnant que les Grecs 9 qui
ont pouiTë iî loin la perfe&ion dans tous
hs autres Arts, femblënt cependant n'avoir
guère excellé dans celui du Jardinage j du
moins i'Hiftoire ne dit-elle rien d'intérei-
fant à ce fujet. Elle parle plus avantageu-
fement des Jardins de Luculk & de Néron \
Cicéron parole enchanté de ceux de Tuf-
culumy
Pline le Conful fait de grands éloges
-ocr page 186-
154 Introduction.
du Laurentin (χ) &; de fa maifon de Tof-
cane. Mais nî les faftueufes deferiptions
qui font parvenues jufqu'à nous , ni les
deffins que nous connohTons, ne préfentent
aucune idée fatisfaifante fur la diitxibution
&: la décoration <hs anciens ou des nou-
veaux Jardins d'Italie. Ce que nous en a
rapporté le Nautre ne fert qu'à nous con-
firmer dans cette opinion j il avoue même
que hs productions de ce genre qu'il a
examinées dans fon voyage à Rome n'ont
pu enrichir fon imagination , que les Jar-
dins de Tivoli, de Fréfcati & des maifons de
phifa.net des grands Ducs de Tofcane qu'ori
vante beaucoup, ne peuvent entrer en com-
Î>araifon avec ceux de nos Maifons Roya-
es î qu'à la vérité < les eaux font très-
abondantes dans la plupart des Vignes d'l·-
talie , mais que les Artiftes de ce pays^,
n'ont jamais fu fake valoir un iî, grand
avantage > que prefque toutes leurs fon-
taines font d'un.genr-e, meÎquin j qu'on
n'y remarque d'ailleurs que des grottes en
rocailles, de petits baflins, des jeux 'd'or-
fue, des chants d'oiftaux: |$4 'Mmî autres
agatelles (y) 5 qu'oaîn'y voitden de noble,
(x) Voyez la Defcription <jue nous ^ donnéef^Iibienj,
du Laurentin, & de la Maifon Tofcane de Pline le Confiil.
(y) Nous avons tiré ce que nolus'difonsici, d'un ma-
nuferit de le Nautre 3 dont M. * $ ί iReceveur général
des Finances eft poffeiTeur.
                                   .
-ocr page 187-
Introduction. 155
de grand'/ni qui porte l'empreinte &: le
caraétere du bon goût. Il nous apprend en-
core que la Vigne Pamphile &; les Jardins
du Palais Ludovifi les plus eiHmés, dit-il,
aujourd'hui dans Rome, ont été plantés fur
les deiïins qu'il en a donnés (|| D'après
ce récit on pouroit donc avancer qu'à
l'exception de la iituatîon heureufe des
anciens Jardins d&s Romains, c'eit. chez
nous que le Jardinage a proprement été
réduit en Art, comme nous avons remar-
qué, que l'Architecture le fut chez les Grées.
Nous pouvons le dire ici,c'eft fous Louis
le Grand qu'on a trouvé en France le moyen
de rendre l'Art naturel dans les Jardins de
Verfailles, de Trianon, de Marly:\ de parer
la nature par le fecours de l'Art, dans
ceux de Meudon, de Sceaux, de Chantilly,
de Liàncourtj l'un &; l'autre fe prêter des fe-
cours mutuels pour former ceux de Choify ,
CM Cet Artifte, le plus grand génie de ion fiecle ea
ce genre/ mais dont les talents furpaffoient peut-être lit
modeuie -■ à en juger par le dernier trait que nous venons
de rapporter, obtint de Louis XIV, en 1678 , d'aller
«n Italie j & c'eft pendant ce voyage que Jules Hardouin,
Manfard prit occafion de préfenter a ce grand Prince.,
les projets des Bâtiments & du Jardin de Marly, qu'il
méditoit depuis long-temps, & que Le Nautre trouva
exécutés avec le plus grand iuccès , ce qu'il ne put
pardonner à Hardouin j £bn humeur altiere m pouraîic
fupporter de rivaux.
-ocr page 188-
ï$6 Introduction.
de Fontainebleaus de Saint-Cloud (a), de
Saint-Germain-en-Laye Se de tant d'autres
lieux admirables.
Tant de chefs-d'œuvre qui ne fe ren-
contrent point ailleurs, attirent en France
l'étranger , pour acquérir, par de tels exem-
ples,, l'art de percer des routes, de planter
des bois, des parcs, &: la maniere d'ailo-
cier à la diilribution des Jardins de pro-
preté y la régularité, la commodité, l'agré-
ment & la magnificence. En effet, rien de
G ingénieufement percé que les Forêts de
Compiegne, de Fontainebleau , de Chan-
tilly: rien de iî intéreifant que les routes
des Forêts de Saint-Germain, de Sénàr, de
Verrière. Que de beautés ne remarque-ton
pas dans les grandes allées champêtres Ôc
parées des parcs de Rambouillet, de Sceaux,
de Bagnolet, où. la culture des arbres & la
hauteur des paliiTades qui les accompagnent,
forment un ipeetacle &; un ombrage enchan-
teurs. Ce bel ordre fournit les moyens de fe
tranfporter d'un bofquet à l'autre, pour
aller contempler les chefs-d'œuvre variés
des charmilles , des tapis verds, du marbre,
(<z) Voyez les volumes IV 3 V & VI de f Archi-
tecture Françoife, où Ton trouve les plans de ces diffç-
ientes Maifons. Royales x leurs Jardins, leurs Parcs &
leurs envirjons,
-ocr page 189-
Introduction, 157
du bronze & des eaux jailliiTantes, raflèrn-
blées fous tant d'afpeds différents, mais
quelquefois, peut-être, avec trop de pro-
iufion, quoique toujours avec goût, èc avec
cette régularité que nous reprochent fou-
vent les amateurs des feules productions de
la nature. Sentons le prix de tant de mer-
veilles, èc fixons à préfent notre attention
furies chefs-d'œuvre de Sculpture, qui em-
belli-iient ces promenades délicieufes.
üS
M. #4 HL
-ocr page 190-
158 Int ko υ υ er τ ο ν.
Ο Κ
Ι G IN E
DE LA SCULPTURE.
jLJe tous hs Arts utiles,la Sculpture eft
celui fur lequel on a peut-être le moins
écrit : nos Sculpteurs célèbres, comme la
plupart de nos grands Architectes , fe font
contentés de produire des ouvrages admi-
rables, &; ils ont JaiiTé le foin de vanter leurs
chefs-d'œuvre aux Ecrivains de leur temps.
Notre intention n'eft point ici d'interpréter
le illence qu'ils ont gardé iiir leurs pro-
ductions : cette tâche eft au-deiïiis de nos
forces. Rapportons plutôt, avant que d'en-
trer en matière, quelques notions principales
tirées des Mémoires publiés par l'un acn-
tr'eux , appelé aujourd'hui dans un florif
fant Empire du Nord , pour y jeter en
fonte la ftatue de Pierre le Grand.
La Sculpture ainiî que l'Hiftoire, dit M.
Falconet, eft le dépôt le plus durable de
la vertu des hommes ou de leurs foibleifes.
Son but principal néanmoins eft de perpé-
tuer la mémoire dts grands Princes , des
Héros Se des bons Citoyens 5 elle a pour
-ocr page 191-
Introduction* 159
objet de prendre la nature pour modele,
dans laquelle exifte un beau eifenciel, quoî-
qu'épars dans les différentes parties de l'U-
nivers 5 beauté qui, félon cet excellent Ar-
tifte, exclut toute attitude forcée que la
nature défavoue, aufli bien qu'un contrarie
outré. L'un & l'autre nuifent à la belle impli-
cite qui a produit les chefs-d'œuvre delaGre*
ce,&: qui devra éternellement fervir de mode-
le à la poftérité : modele, dit-il, de regleêc
de préciiîon qu'on remarque elfenciellement
dans le Gladiateur, l'Apollon, le Laocoon,
l'Hercule Farnefe,le Torfe, l'Antinous, le
Groupe de Caftor &: Pollux, l'Hermaphro-
dite, la Vénus de Médicis, &c. Modèles
excellents^qui tous ont fervi de guides dans
le dernier iîécle aux Pujet, aux Sarrazin,
aux Girardon, aux Auguer, aux Coyièvox.
Nous en pouvons dire autant ici des Bou^·
chardon, des Pigal, des Falconet, des Salis,
& des le Moine de nos Jours r.Artiftes du
premier ordre qui fe font particulièrement
affranchis des limites que les anciens s'é^
toient tracées dans le genre du bas relief,
aufli bien que de la féverité de l'antique,
pour joindre à la préciiîon des chefs-d'œu-
vre d'Athènes, les grâces que les Sculpteurs
de notre Nation favent donner à leurs com-
pqiïtions.
Mais fans vouloir entrer dans les détails
-ocr page 192-
ι So In t ro î>u ct î ο ν*
qui conitîtuent le fävoir des Statuaires Grecs
- & de ceux de notre Ecole Françoife, contenu
tons-nous de parler de l'origine de cet Arc
éc de i'embelliiTement qu'il procure à l'Ar-
çhite&ure quand il y eit appelé par la né-
çeffîté, le goût Se l'efprit de convenance/
L'homme, naturellement imitateur , a
cherché de bonne heure l'art de rendre lts
objets que lui offroit la nature >..les premiers
Artiftes par le fecours des notions du de£
iin , s'accoutumèrent à conduire les opé-
rations de la main, par le fecours de l'œuil.
P'abordle charbon, enfuite la pierre tendre
leur fournirent le moyen de deffiner ihr des
iurfaces planes j après quelques fuccès, 6c
après avoir coniîdéré la forme qu'acqué-
roient certains corps mous, en s'iniinuant
dans les cavités des matières folîdes,, ils
parvinrent à l'idée des moules. On modela
donc l'argile > mais le deiir de donner plus
de folidité à leurs produ&ions leur fît pré-
férer le bois , employer les minéraux &
fondre les métaux $ aîniî l'art de modeler
la terre, pour les befoins de la vie, devint
la fource qui fit éclôre celui de faire en relief
des figures en bois, en marbre , en bronze ;
&; quoiqu'il parohTe que les progrès des
modèles en terre, ayent eu une perfection
lente, il eil prefque certain que les premiers
peuples n'ont pas tardé à y parvenir. Le,
culte
.--■'■■                                                               '0: ■                                                                                                                                                                    ' **..■_.* ■                                                                                                                                         .
.'..'■                                                               ί                                                                                                         :
-ocr page 193-
1'ν f ko t)î7 etι ο φ,       iêi
culte des Idoles profita le premier de ce
progrès , &i ce culte remonte à la plus haute
antiquité chez les Peuples de l'Aiiè & de
l'Egypte. On n'ignore pas même que les
ilatues étoient colorTalês 3 celles de Sefoftris
& de la Reine, placées devant Je Temple
de Vulcam, félon DÎodore, étoient d'une
feule pierre , ôc âvpient trente-deux cou-
dées de hauteur. Les liraélites fondirent le
veau d'or, Moïfe plaça aux deux extrémi-
tés de l'Arche d'Alliance deux Chérubins
de même matière. Selon Homerè, le Palais
d'Alcinoüs contenoit phiiîeiirs itàtues de ce
métal, qui'pbftoient des torches pour éclai-
rer pendant la nuit l'intérieur de ce Pa-
lais. Paufanias nous apprend qu'on voyoit
de fon temps, dans la Ville d'Argos4 un
Jupiter en bois qui paiïbk pour avoir été
trouvé dans le Palais de Priam ; que l'on
montroic à Athènes une ltatue de Minerve
en bois, donnée à ce Peuplé par Cécrops,
& que ce Souverain introduifit dans les
Temples de la Grèce l'uiage des iïmulacrës.j
mais malgré tant de citations,il y a toute
apparence que les ouvrages de Sculpture
que les Grecs firent jufqu'au temps de Dé-
dale , ïerefTentireût de la maniere Egyptien-
ne. Concernes de fuivreles modelés de leurs
prédéceiTete, ils' ne faifoient pour la plu-
part que des figures gigantefqueSj dont lel
Tome I.
                             
-ocr page 194-
1        IntrojOUCtïon,
bras attachés au corps, les jambes faits pieds
joints enfemble, étoient fans variété , iàns
mouvement, fans action 5leurs iîmulacres, au
rapport de Lucain, de Juitin, de Plutarque Se
de Paufanias, n'étoient compofés que de
pierres feulement dégrofîies &; taillées fans
goût. L'idole même de Junon, fi révérée chez
les Argiens, n'étoit dans ion origine qu'un
morceau de bois travaillé fans art, feinblable
à celles que les Lapons, les Samoyedes &;
les autres Peuples utués vers les extrémités
du Nord font encore aujourd'hui. En effet,
leurs premières figures repréfentoient, pour
ainiî dire, l'homme en bloc : on rendoit bien
fon volume, maïs on négligeoit fes mem-
bres & fes traits. Ce ne fût que dans là
fuite qu'on parvint à l'ébauche des propor-
tions 3 mais cet Art ne fe perfectionna véri-
tablement que chez les Grecs, ôc Ü y parvînt
'au fublime. Après cela on voulut aller au-
delà 5 mais on tomba dans la fuperfluité j
alors le beau difparut, & cette perte hâta
l'oubli des premiers chefs-d'eeuvre qu'on
eil obligé d'aller chercher aujourd'hui dans
les entrailles de Rome, par le tranfport de
tant de merveilles que les Romains en firent
chez eux, après avoir fubjugiié la, Grèce &
s'etre enrichi de ihs dépouilles.
Ce ne fut que 300 ans après Cécrops
que les Ardues Grecs commencèrent à re-
?
-ocr page 195-
Ι Ν Τ R O D Ü <: Τ Ι Ο it.           ϊ,ϊ>3
connoître la difformité des anciennes ila-
fues, à quitter la routine des Egyptiens i
£ Imiter dans leurs ouvrages les beautés dé
lajiaturé, à donner à leurs têtes cette belle
expreiïïon, &c enfin à toutes leurs figures,cetté
fupériorité r cette touche, cette élégance &
cette fineffe inconnues jufqu'alors : ce font
ces Peuples perfectionnés qui, après avoir
découvert les proportions de l'Architecture^
furent aufli faire reipirer le bronze, ordon-
ner la vie au marbre. Ce fut chez eux que
trométhéé \b) excella . darljlcet Art divin j
ce qui fit dire de lui qu'il avoit volé le
feii.au Ciel i parce qu'il avoit fu faire., pour
ainiî dire , un homme vivant, avec de
l'argile. Ce fut encore chez eux que Dé-
dale fut donner ife.s ftatiies l'attitude d'un
homme qui eil·, en mouvement, ôc que Sceî-
mis ou Sulmis (c) brilla dans Sanios où il-
fit cette belle ftatue de Junon , l'un des
'chefs-d'œuvre de la belle antiquité. Ce
lut guiîi dans cette même ville que l'on vit
( b ) Pomponius Ga.uricu$ de Sculpturà , cup. Xvîi , àpud
■Gronovium. Thefaur. Antiquit. Gracia
, Γ. IX , col. 771.
( c ) Sculpteur auiïî favarit que Dédale, fans cependant
avoir la même réputation 3 ce qui le fit moins acccfeuillir
des blois & des Grands. Dédale au contraire, fut plus
intriguant, mais auiTiil fut expofé à plus de revers. Pomj?.
Gauncus j Tom. Jkprà dt. cot. 771.
            -■
. L ij
*
-ocr page 196-
Ï&4 iNTRozftrcrrojst.
naître l'Apollon Pythien (d)y figure inimi-
table } & qu'enfin Athènes vit former cette
admirable figure du Gladiateur (e) , en
'action de combattre ; ouvrages du premier
ordre, & dont ta.nt de belles copies ornent
aujourd'hui nos Maifons Royales. Néan-
moins tant de beautés & de perfections n'é-
toient encore que l'aurore d'un beau jour ,
qui'devoit briller fous le Gouvernement de
Périclès (f) , génie heureux, Citoyen eili-
mable, capable de difcerner ce qui devoit
tranfmettre à m poftérité la gloire de fa
Patrie, ôc de prévoir tous les moyens né-
ceiTaires pour lui procurer cet honneur.
Les circonitances favoriferent les vues
utiles de Périclès ; les victoires remportées
fur les Perfes échauffèrent l'imagination
des vainqueurs j l'abondance ô£ la paix, di-
(d) Placée aujourd'hui à Rome dans le Belvéder du
Vatican»
: (e ) Ce chef d'œuvre de la Grèce, fut trouvera un
quart de lieue de Rome, fous le Pontificat de Paul V ,
en faifant faire les fondations d'une Maifon de Plaifance
pour ia famille^ fur le terrein où avoient été anciennement
les Jardins de Néron.
(f) Ce fut ce grand homme qui inftitua le premier
dans la Grèce des Maîtres pour enfeigner à la jeuneffe
J'art du Deifin & celui de la Sculpture 3 prétendant fans
doute que, par cette étude, on deviendroit capable de dif-
cerner plus precifément la beauté des proportions 3 &
qu'oji acquerrait les connoiifances des différentes partie«
îles Beaux-Arts.
I
-ocr page 197-
iNTRönifCTIUNX      l£f
gnes fruits de Ces conquêtes, amenèrent 1'ai-
iance, le loiiîr qui la fuie,, & a(fi\m%mt &
jamais la gloire de la Sculpture. Dans la
fuite les fucceileurs de eet illultre chef des
Grecs, les Alcibiades, Sc les Paufaniasa
Athènes, les Lifandre Scies Agéfilas à La-r
cédemone, les Epamiiiondas à Thebes, les
Denis à Siracufe, l'opprefÎèur même de la
liberté de ces Peuples, Alexandre le Grand,
imitèrent un fi bel exemple, encouragèrent
les Arriffces & leur facilitèrent, des iucces
confiants èc multipliés.
                         :
Les gymnafes , où la jeuneiîi nue y s'e-
xerçoit au pugilat δι autres jeux, foarniifanc
aux Grecsl'occafîon de contempler les plus
beaux objets fans obflacles & fans voile, fu-
rent les écoles des Artiiles: ils y venoîent étu-
dier la nature, apprendre a la copier, à l'in-
terpréter 5 leur imagination s'échaufFok à l'aP
pect des plus belles nudités./ De-là ils par-
vinrent à la variété des formes ; les belles
oppoiitions leur devinrent familières 5 en-
fuite ils cherchèrent a* enter, pour ainiî
dire, les parties d'un individu fur celles d'un
autre, & furpaiferent par-là la perfection
du corps humain 5 ce qui rend aujourd'hui
leurs chefs-d'œuvre fi méceffakes aux. Ar-*
tlftes,&c iî intéreiîants aux amateurs.
Ces exercices alors iî fort en ufage, les
courfes de chars, d'hommes & de chevaux..,
Liij
-ocr page 198-
Ι 66          ί"'Ν TR 0 Β WC Τ ΙΟ Ν.
h lutte Sc tant d'autres jeux, célébrés avec
éclatézns plufieurs villes de l'Attique & du
Péiöpóneie,o.bjets de la vénération publique,
fourbirent donc aux Sculpteurs de nouveaux
moyens de fe perfectionner. Cypfelus, Roi
d'Arcadiè,àvoit iniKtué des jeux pu l'on
difpuÈoit auiîi le prix de la beauté. Depuis;
on célébra ces mêmes jeux à Sparte , à
Lesbos, à Paros dans le Temple de Junon,
iisiritutions qui furent très-favörables a l'Art}
il s'éleva 6c fé perfectionna à l'ombre de
la liberté qui régnolt chez ces Peuples.1
'La Sculpture chez eux fut toujours ém-.
ployéè à' des ufages nobles M élevés > elle
n'étoit deiKnée qu'aux Divinités ., adx ob-
jets facrés, ou à ce qu'il y 'avoir de plus
utile pour la Patrie 5 elle ne fut point cif"
fervie aux caprices d^s riches particuliers.
Tout ce qui s'exécutoit en ce genre, étoit
digne des grandes entreprifes de la Nation :
chaque Ville de la Grèce s'empreiToit à
l'envi de poiTéder les plus belles itatues
des Dieux, des Héros M des Artifles cé-
lèbres de leur temps.
Phidias par fon Jupiter Olympien & la
ibtue de Minerve, qu'on nomma la Santé,
remporta le prix fur tous Îqs prédéceiTeurs
&ç iès rivaux, &; ouvrit à {qs fucceilèurs lé
chemin de l'immortalité. Liiippe mérita
4fêtre préféré à fes contemporains?pour avojç-
-ocr page 199-
Introduction.       i6j
modelé & jeté en fonte la ftatue du Vain-
queur de ; PÀfîe. Cette belle Vénus, qui
fait une des principales curiofîtés de la Gai-
lerie de Florence , fortit dts mains d'Apol-
lodore. La Vénus de Gnide par Praxiteles y
m
celle de Scopas {g) font autant de té-
moignages de l'émulation des Artiiles Grecs.
Thimomachus s'eft immoréalifé par fa Mé-
dée, immolée avec ies enfants , é£ dont une
Epigramme Grecque nous a tranfmis la mé-
moire ( h ) s le Laocoon, cette merveille de
l'art confervée au Vatican, qui imprime
de l'horreur au fpedateur, le laiiîe incer-
tain s'il doit donner la préférence à la Sculp-
ture, à la Poéfie ou à la nature ; en un
mot, la defcriptîon de nos Hîflorîens, fur
le tombeau de Maufole, dont les Sculptures
avoîent été faites par Briaxis, Tliimothée
&; Léoçhares 5 les figures coloiTales de l'A-
(g) La dernière qu'on plaça à Rome dans.le Temple-
de Brütus-Callaïeus, fut, dit-on , préférée à celle de
Praxiteles. Lud, Demontiofius de Sculpturavctemm t caput. i,,
apud.GtonQvium. fhefaur. Antiquité ùrœc. Tom>ix jCof.788^
(k) Cette Epigramme a été' traduite en latin :
Quod rtätos feritûrà ferox Afadea moratur y
Pr&flitk hoc magni dextera Timomachi,
"lardât amor facifius , ßdaiiim dolor incitât énfeikl.
Vuh, rtßii vult natas perdtré dura fuos.
Vom. Garnie, T.fitpri-, col.yy^.
L iv
-ocr page 200-
j68         In τ rod u ct ι on.
polion & du Jupiter déjà citées , du Co?
IôîTq de Rhodes,f'& tant d'autres ouvrages
étonnants, exécutés chez ces Peuples, nous
font de surs garants que la perfection, la
beauté "& rinvention ont été pouiTées chez
eux à un très-grand degré de fupériorité.
Ce qui eil certain , c'eil que rien ne prouve
mieux la magnificence des Grecs , à cet
égard y que ce qu'en rapporte Paufanias, qui
dit avoir vu dans les diverfes Provinces
de la Grèce qu'il parcourut , environ
deux mille huit cent vinet-ièpt helles ita-
tues de amérentes matières, quoique de-
puis près de trois iîecjes les Romains räva-
geaiTent déjà cet Empire, èç que de fon
temps Néron eût déjà fait enlever de la
feule ville de Delphes près de cinq cents
ilatues (i). Mais fans vouloir citer ici tour-
tes, les merveilles des ftatuaires Grecs, ra-
prochons-noiis de notre objet, ê£ difons que
Callimaque s'eft aiiùré une gloire immor--
tejle, par la découverte du chapiteau Co~
(i ) Paufanias , Auteur Hont le mérite principal eft de
peindre d'une maniere vive & concife les lieux & les,
monuments qu'il décrit, nous rapporte auifi qu'en par-
courant les différentes Provinces de la Grèce > il a compté
fept cent treize Temples, & un nombre aflez conlîdé-
lable d'Autels , de Tréfors publics, de Portiques 3 de-
Tombeaux, & que la Sculpture étoit en grand honneur
chez ces,Peupl«s, puifqu'en parlant des Artiftes, il compte:
1$,^. Sculpteurs, contre 15 Peintres«,
-ocr page 201-
INT RO DU CT I ΟΝ.           16}
riiithien, ouvrage admirable dans fori genre,
qui, dans la fuite , a produit d'autres chefs-
d'œuvre, qui tous ont contribué à rendre.
l'Architedure plus recommandable, & à
nous faire fentir combien notre art doit
eiïenciellement à ces Peuples ingénieux. 5 I
Tant de fuccès, néanmoins ^ eurent un
regne aiïez-co.urc; les revers les plus ίφ
neites éclipferent bientôt la fplendeur des
Grecs : fubjugués à leur tour, comme ils
avoient fubjugué les autres Nations, ils
virent leur Pays confondu dans le nombre
des Provinces Romaines. Rome s'enrichit
de leurs, tréfors &c s'embellit de leurs travaux j
efclaves alors des Romains , ils furent peu
jaloux de ne travailler que pour la gloire
de leurs vainqueurs : leur génie affaiiïé s'a-^
vilît avec leur émulation, &: les Arts enneè
mis de la contrainte, périrent chez eux
avec la liberté,
                                      m,
Les Romains pofTelTeurs de tant d'excel^
lents modèles, ne firent cependant pas de
grands progrès dans la Sculpture. Leur ar-
deur qui s'étoit animée tant qu'ils avoient
combattu les Grecs, fe ralentit bientôt, dès
qu'ils s'en furent rendus maîtres. Fiers de
poiTéder les découvertes d'un Peuple qu'ils
avoient vaincus, contents d'en avoir décoré
Jeur patrie, ils ie bornèrent à une admira-
Cioii îtérile, & lçurs Artiftes ne produiûïent.
-ocr page 202-
1J<3            I NT RO nUCT I O Ν.
plus que de foibles copies des exemples cé-
lèbres qu'ils avoient lous les yeux. Cette
inaction dura chez les Romains, jufqu'à ce
que cette Capitale devenue la proie des
Gochs , vît détruire par la fureur de ces
Peuples, ce quelle avoît enlevé aux Na-
tions aiTervies. On fit à la vérité des Statues
de marbre Ôc de bronze, mais.fans art,fans
vie &: fans corre&ionj la Sculpture fut ré-
duite pour ai'nfi dire, à la décoration des
bâtiments, décoration où l'on afFe&oit de '
la légèreté ou de la délicateiTe, mais où
Ton négligeoit la convenance dans la corn-
pofition > Tordre dans la diitribution, l'é-
légance dans les formes, on s'éloigna in-
fenfiblement de l'imitation de la nature,
on lui fubiHtua la difparité,la bifarerie èc
la fingularité.
Cette révolution fit long-temps oublier
ou méconnoître les chefs cTœuvre de l'Arc
qui avoient échappé à la fureur des Peuples
du Nord 5 mais lorfque les diiFérents Sou-
verains qui s'emparèrent de l'Europe eurent
affermi leur domination, 8c établi les limi-
tes de leur Empire, le goût commença à
percer les ténèbres, où tant dé barbarie Ta-
voit enfeveli. On fouilla les entrailles de
terre, & on vit les ouvrages de la Grèce
fortir des ruines de Rome. Les chefs-d'eeu-
vrc de fculpture qu'on en tira, devinrent:
1                                                                                    '                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               :■'.,-"
-ocr page 203-
ƒ Ν Τ R Ο DU C:J Ι Ο Ν.              17't
l*objet de l'ambition des divers Souverains
de l'Italie, qui voulurent en embellir leurs
Palais &: leurs Maifons dé platfance.
La France éclairée par François I, eut
les mêmes defîrs de put les fatisfaire : ce fut
alors qu'on admira a Fontainebleau cetÇe bel-
lé Diane chaiTereile. On acquit fous Louis
XIV, la Vénus d'Arles, la Junon de Smîrne ,
& une infinité d'autres antiques, Ornements
de Verfailles, qui font revivre dé nos jours
la réputation des Anciens;.
Les François % lés Italiens, pMèÎTéurs
alors àQs richeiTes des Grecs, en firent Ά
meilleur ufage que les Romains > àc tandis
que Michel-Ange fe faifoit admirer dans
la nouvelle Rome, Jean Gougeon &. Ger-
main Piilon farprenoiént Paris, par des
ouvrages qui avoient été jufqu^alofs étran-
gers pour la France : bientôt les célébrés
A.rtiftes François en ce genre attirèrent au-
tant d'Amateurs & de ConnoiiFeurs dàris
cette Capitale, que lés Grecs & les Romains
en avoient attiré dans Rome. Rien n'eiï plus
furprenant en effet, que la rapidité des pro-
grès de nos Sculpteurs depuis cette époque,&:
l'on peut dire qu'ils atteignirent le but pref·
qu'en entrant dans la carrière : aujourd'hui
notre école Françoife, attentive à marcher
fur les traces de fts prédéceifeurs &: de la
|>.elle_ antiquité, décore non-feulement H
-ocr page 204-
ψΜ         Introduction.
Capitale & les pays étrangers de (es chefs-*
d'œuvre, mais Ton miniftere relevé L'éclat
de l'Archite&ure.
Sans la Sculpture, l'Architecture fetrou-
veroit fouvent réduite à la fureté, à l'utilité
&; à la folidité. C'eft par ion fecours que
nos Edifices iàcrés , nos Places publiques >
nos Maiions Royales, deviennent des mo-
numents dignes de la Nation. C'eft par elle
qu'ils jfe trouvent embellis extérieurement
par des ftatues, des groupes, des bas-reliefs,
des vaiès, des grottes, des cafcades δι des fon-
taines. Ces ouvrages exécutés par la plupart
de nos Statuaires célèbres font autan ta objets
intéreilànts qui attirent les regards, fixent
l'attention, &; fymbolifent l'Architecture qui
leur a donné lieu C'eft par elle enfin, Se par
le miniftere des Ornernentiftes, Sculpteurs
d'une claiîè particuliere &non moins eftlma-
ble, quoique dans un autre genre ; quon eft
parvenu à donnera l'intérieur de nos appar-
tements, cette élégance enchantereife, qui
plaît à tous les yeux, principalement lor£
qu'on fait la marier avec la Peinture donc
nous allons parler.
-ocr page 205-
In t ro d u c τ ι om          xyy
-*§Äm*Aa*-
J O RI G I Ν Ε
DE LA PEINTURE.
IVALES l'une de l'autre, la Peinture &
la Sculpture,- qui empruntent tant de fe-
cours du deffin ont eu la même origine, &.
fe font beaucoup reiTemblé dans leurs révo-
lutions & leurs progrès. Point de doute que
la Peinture fut en ufage chez les plus an-
ciens Peuples du monde. Mais il en eil de
cet Art, comme de ceux dont nous venons
de parler, il aura pris naiiTance chez les
Egyptiens, & ks Grecs l'auront perfec-
tionné.
L'Hiiloire nous apprend v que l'amour
qui a tant de fois éclairé de fon flambeau
le pinceau des Peintres les plus célèbres,
infpirarle premier cet Art divin, en appre-
nant à une amante paiïîonnée le fecret de
deffiner l'image de l'objet de fa teridreiTej
de maniere que toujours pleine de cet objet,
croyant le voir dans l'ombre qu'une lumière
projetoitfur un mur, elle fuivit & traça
avec du charbon tous les contours linéaires
qu'elle remarquai la reiTemblance d'une tête
/"
-ocr page 206-
V Ϊ74        Int non trc f jo m
û chère, étant aihfi ébauchée par Dibutade >
(k) il fut. aifé à .ion père de fuppléèr enfuite
la rondeur & le relief, dont le trait qu'elle
avoit formé > n*exprimoit encore que foible-
ment la reiTemblance. Après cet eiTai, oii
parvint fans doute en multipliant ces mêmes
lignes, à une imitation plus parfaite > &;
enfin , en ajoutant de la couleur, on for-
ma les premiers éléments de la Peinture ^
dont Pline (/) attribue l'invention aux Egyp-
tiens fix cents ans avant les Juifs. Diodore (m)
parle avec éloge du plat-fond d'Ofimandès
parfemé d'étoiles fur un fond bleu > nos
Voyageurs en décrivant les ruines & les
Palais de la haute Egypte, vantent le colo-
ris δι Tintëlligence des Peintures qu'ils y ont
remarquées 5 mais n'y a-t-il pas lieu de croire
que CQs productions fi exaltées, étoient déjà
l'ouvrage des Grecs appelés en Egypte:
elles avoient fans doute échappé à la fureur
de Cambyfè, qui détruifit autant qu'il lui
fut poiïîble, les monuments de l'Egypte i
qui portoient l'empreinte du goût & de la
magnificence. D'ailleurs à en juger par les
véftiges qui nous relient des Egyptiens, cet
( k) Fille d'un Potier dé terré dé Sieione ^ ville du
Péloponefeé
(*) Liy. vu, Se&. iyil
{m) Liv.i, pag. 56/
-ocr page 207-
Introduction.           f75
Art fut très-imparfait chez ces Peuples, ôc
ne doit être regardé que comme un pré-
liminaire qui a pu donner dans la fuite à
des hommes de génie, les moyens d'atteindre
à une plus grande perfection : auflî Ariilote
&; Théophraile (n), d'après Pline {0), don-
nent l'invention de cet Art aux Grecs, l'un
avant , l'autre après la guerre de Troie 5
quoiqu'Homere qui nous a donné la des-
cription des édifices de fon temps, garde le
iilence iûr la Peinture des Grecs, &: qu'il
parle feulement de l'Art de la Sculpture, de
la Cifelure, de l'aiguille 6c de la teinture à
l'uiàge de la broderie : 11 eil vrai qu'il con-
vient, qu'on favoit imprimer de quelques
couches, le bois &; les autres matières, &;
peindre les vahTeauxen rouge, ce qui nous
donneroit à ρ enfer que lors de cet Ecrivain,
on ignoroit encore' PArt du mélange, l'u-
nion & Toppoiition des couleurs ·, 6c qu'on
méconnohToit les reflets, les ombres les
clairs, qui confluaient la Peinture propre-
ment dite : du moins eil-il certain , qu'ori
ne s'eil fervi long-temps que de deux tein-
tes dans un même tableau (p ), & que ce ne
( η ) Thevenot,, Paul Luç^s x Grätiger, &ç.
( ο ) Pline, liv. vi ι s P*g· 4*7·
(p) Le$ ancien? appeloient ce genre de peinture , mono*
cromate
? cpnnu aujpnrd'twi fous le nom 4e gn[aiUe,s οι*
camaïeux.
.·'
-ocr page 208-
17*>          ΙΝ τ ko η υ c τι ο Ν.
fut que dans la fuite, que les Grecs ëni^
ployèrent quatre différentes couleurs {q)%
qu'ils fondirent enfemble,.& dont ils ont
compofé pendant pluiîeurs iîecles, & mémo
çlu temps d'Apelles (r) , ces ouvrages cé-
lèbres dont nous parle l'Hiitoire de cet
Lts Romains dans la fuite, par le com-
merce qu'ils eurent avec hs Grecs, ren-
chérirent encore fur leurs prédéceifeurs j
mais à fon tour, Rome fe vit elle-même
dépouillée de tant de tréfors par les Goths
& les Lombards, qui détruiiirent prefqu'en-
tiérement ce qui fe trouva de Peinture en
Italie $ de maniere qu'il n'en échappa que ce
que la prudence ou la crainte avoient enfeveli
»dans des lieux fouterreins, pour le dérober
â l'ignorance de ces Peuples féroces. On
(q) Le blanc de Mélos 3 le jaune d'Athènes 3 le rouge
de Synope & le noir.
( r)'< Apelles , Tun des plus célèbres Peintres de l'anti-
quité étoit de l'Ile de Cô , & floriffoit environ l'an du
-monde $650, *
                                                -
t (s) Les Peintres qui, félon le fentiment de Pline,
d'Èlien^ de Valere Maxime, &c. fe font le plus iîgnalés darts
la Grèce après Appelles 3 font Ardias 3 Parneus 3 EuJ»MrV
ftor de Gorinthe , Damon-Higion , Nicias d'Atheries,
Lifnon Cléonien, Pamphile de Macédoine, PaufîasSi-
'cionien , Protogene de Caune , Théon de Samos y
;Simomachus Bizantin , Gtefides, Polignotus , Tintante,
penferoic
-ocr page 209-
ItfTROÖtfCT ION.        I77
penferoït même que Ie Véfuve (0 en en*
gîoutiiTant la ville d'Herculanum ( u), moins
cruel que ces hommes barbares, mit à
couvert quelques parties de ces productions
des Arts, dans le deiTein de prévenir leur
perte entière, &: d'en conferver aiïèz pour
nous faire juger des talents des Arriiles dé
ces temps reculés. En effet, cette ville fou-
terreine nous découvre tous les jours dés
ouvrages admirables qui nous font Voir en
quel état étoît la Peinture fous le régné
des Céiàrs, quoiqu'on ioit forcé de Con-
venir que les tréfors de Sculpture qu'on
retire de fes raines , foîent de beaucoup
fupérieurs à la Peinture dont nous parlons»
Les farouches vainqueurs des Romains 5
après avoir mutilé ou détruit ce que Rome
■'( t ) Le Véfuvé , à préfent nornrfié Monte Somma, Volcail
d'Italie dans la Terre de Labour, anciennement la Cam*
panie, eft à deux lieues de Naples. C'étoit autrefois un
excellent vignoble , & les environs formoient un des plus
agréables pays de toute l'Italie ; mais aujourd'hui les
éruptions de ce Volcan en font un lieu ftérile : les laves
ou torrents, le foufre & les autres matières inflamma-
bles qu'il jeté continuellement , & quelquefois avec
beaucoup d'impétuofité , inondant les campagnes voul-
ues, & rendant fouvent les chemins impraticables.
(u) Denis d'Halicafnaffe üte l'époque de la fonda-
tion tfHerculea , appelée auffi HcracLa ou HercuLanum au
débarquement d°Hercule de Grèce en Italie, 60 ans avant
la guerre de Troie, ou 1342. ans avant l'Ere Chrétienne.
Cette Ville, dit - il , fut fucceiïivement habitée par les
Tome I.                                M
-ocr page 210-
178          Introduction.
& hs Provinces d'Italie renfermöient de
plus admirable en ce genre, ne laiiïerent ce-
pendant pas de s'exercer dans cet Art dont
ils avoient anéanti les modèles j mais ils
ne firent que le replonger dans l'enfance,
dont les Grecs l'avoient tiré. Leurs pro-
duirions furent prefqu'auiîî irrégulieres que
celles qui fe firent premièrement en Afie :
leurs tableaux reifem bloient à ceux qui ie
font encore aujourd'hui à la Chine 5 ils
étoient deftitués d'ordonnance, de perfpec-
tive, de clair o'bfcur 5 ils avoient néanmoins
l'avantage, comme ceux-ci , d'exprimer,
quoique d'une maniere aiTez imparfaite, une
vérité fage, fimple, naïve, qui plait, par la
raifon que l'éfprît ne fe trouve jamais plus
fatisfait que lorfqu'ii conçoit avec netteté
Afques , les Etrufques 3 les Pelages , les Samnites & les
Romains ; mais elle fut conlîdérablement endommagée
fous l'Empire de Tibere-Néron, par le même tremb'e-
ment de terre, qui détruîiït peu loin d'elle3 la ville de
Pompéia , le 5 Février, l'an 65 de J. C., & dont la ruine
fut entière par Féruption du Mont-Véfuve 3 qui arriva
la premiere année du regne de Titus 3 conformément au
fentiment de George Agricola , qui rapporte tous ces dé-
faites arrivés dans la Campanie, fous le feptiemeConfu-
lat de ce Prince j ainfi il eft hors de doute que Tembra-
fement du Mont-Véfuve eft arrivé Tan 99 de J. G., le
24 Août j & en admettant que le fiege de Troie fut
poftérieur de 60 ans à la fondation d'Herculanum, il
s'en fuivroit que cette Ville a fubfîfté pendant 1410 aa-
nées.
                     ~                                                                                      . ; ':>■
-ocr page 211-
ƒ η τ no ό π CT ι on.          τη$
l'intention que le Peintre a voulu expri-
mer dans fon tableau.
Nous pouvons donc dire que de même
que les Grecs prêtèrent 'une nouvelle vi@
à la Peinture , il fallut en Italie des génies
auffi heureufement infpirés qu'eux, pour
faire fortir des ténèbres de nouveaux chefs-
d'œuvre j & c'en: le fpe&acle qu'elle nous
offre dans le# feizieme iiecle. Les Léonard
de Vinci, les Michel-Ange , les Raphaël ^
les Primatices, les Jules Romain, les Car-
rache, les Carravaghe, les BaiTan, les Ti-
tien remirent la Peinture en honneur, con-
firmèrent les miracles attribués aux Zeuxis,
aux Appelles , aux Parrhaiius (λ·), & éle-
vèrent cet Art divin à une perfection peut-
être inconnue jusqu'alors.
, Bientôt l'Ecole Flamande fuivit des tra-
ces
iî brillantes : les Rubens, les Vandlk
firent la gloire des Pays-Bas j & l'Ecole
Françoife,à fon tour, formée fur les mo-
dèles de tant d'hommes célèbres, ne leur
céda en rien pour la régularité du defîîn,
pour la force de Texpreûion, pour le bril-
(*) Zeuxis d'Héraclée vivoit dans la £>ƒ' olympiadct
Plaute, dans fes Poéfîes, le compare à Appelles.
Parrahafîus d'Ephefe } qui vivoit Tan 3650. Voyez.
ce que Quintilien rapporte de ce Peintre célèbre, liv. iz,
enap. 10,
Mij
-ocr page 212-
18ö          Introduction,
lanc du coloris > pour l'invention, ni pour
l'imagination > les V.ouet, 1q$ le Sueur} lts
Pouffin-} les Lebrun , les Mignard , ont
fait douter plus d'une fois qui l'emporte de
Kome, d'Anvers ou de Paris: enfin, les Ar-
tiftes de nos jours > appuient l'indécifion j de
par leurs progrès multipliés dans cet Art, 'ils
font pencher aujourd'hui la balance en leur
faveur.
En effet, c'eft depuis le feizieme iîecle
que cet Art a acquis une nouvelle maniere
que nos Anciens (y) avoient ignorée j nous
avons vu qu'ils peignirent à frefque (f.)·,
en détrempe (a), en mofaïque (b), à l'en-
cauilique (c) j mais, comme le prouve M.
MIHI             II                                                                               ______________                                                 ------------------------------------------------------ ||n ,               , ■ | ,.■--------------------------             ...            .......—- ■           . ,.— ^..—
f y ) La maniere de peindre à Thuile eft due à Jean de
Bruge, Peintre Flamand , qui le premier fe fervit d'huile
de noix & de lin pour broyer les couleurs.
(ç) Peinture qui fe fait fur un enduit de mortier ou
de Plâtre , encore frais , avec des couleurs détrempées
avec de Peau.
( a ) Qui fe fait avec des couleurs détrempées avec de
l'eau, de la colle ou de la gomme.
( b) Ouvrage compofé de plufieurs pièces de rapport
de diveries couleurs, maitiquées fur un fond de ftüc,
& qui imite parfaitement les tableaux des plus grands
Maîtres-,- ~ — —-........-'-
                  r - - -.....# ■ '■ - .. -
( c ) Pline attribue à Ariftide le fecret de peindre avec
Ja cire; il eh rapporte la maniere', liv. 73 chap. 11. Cette
feue de peinture dont on peignoit les navires, étoit,
dit-il, fol i de , & fi fortement imprimée, qu'elle réfiftoit
à l'ardeur du foleil, & à Phumidité : Qucz fiîtum in navi-
bus ace fok, nu fale ventifaue cortumpitur.
Ce fecret a étf
-ocr page 213-
Τ Ν Τ R0 OU CT 1 Q Ν.          l8l
le Comte de Caylus, la Peinture en émail
(i),fur verre (e) , en miniature (ƒ), en
paftel (#), toutes ces façons différentes de
manier le pinceau & de marier les couleurs,
toutes ces méthodes diverfes d'imiter la na-
ture font le fruit des recherches & des ta-
lents des modernes,,& les monuments im-
mortels des découvertes qu'ils ont faites
dans la Peinture.
Mais fans entrer dans le détail de tous
ces avantages, ni de celui qu'elle procure
à Ρ Architecture en particulier, qu'il nous
fuffife de nous rappeler que, par fes gri-
failles, elle rend fupérieurement les bas-
reliefs & les rondes-boiTes de la Sculpture
& de l'Architecture5 que, tantôt elle nous
long-temps ienoré des modernes > mais depuis quelques
années M. le Comte de Caylus a fait revivre cette ma-
niere de peindre, dont M. Bachelier & M. Vieft ont fait
1 application avec beaucoup de fuccès dans. queiques-unes
de leurs productions.
                                             c y
( d ) Efpece de verre coloré, dont la matière fonda-
mentale eft rétain & le plomb, en parties egales, que
l'on fait calciner au feu , à quoi on ajoute feparement des
couleurs métalliques.
                          ,,_,',
(e) Qui confifte dans le moyen de faire incorporer
îa couleur dans le verre, fans en empêcher la tranfparence.
( ƒ ) Qui fe fait avec des couleurs très-fines bien broyées,
&que l'on emploie avec de l'eau & de la gomme fur
du velin.
                                               ,           ,         ,,
■ ( g ) Le paftel n'eft autre chofe que des couleurs dé-
layées avec de l'eau, & réduites en pâte en forme de
crayon pour peindre fur le papier*
M K)
-ocr page 214-
ί$ι      Introduction*
offre un point de vue heureuiement termi-
né par une perfpeéHve agréable, en nous
indiquant en apparence un lieu plus vafte ,
qu'il n'eil réellement 5 qu'ici, des Peintu-
res fuperbes ornent les nefs & les dômes
de nos Eglifes j que là, des fymboles allé-
goriques aiilinguent l'ufage des diveriès
pièces des appartements des Souverains >
qu'elle nous fait retrouver les campagnes
êc les mers au fein des Villes j qu'elle prête
mille agréments à. nos retraites, qui ne nous
fourniroient que des beautés peu féduîfan-
tes^ JÎ5 elle ne venoit, pour ainiî dire, peu-
pler leur folitude j qu'elle fait le charme
de nos ipeclacles, qui lui doivent tous leurs
enchantements ? que c'e/l par elle, que les
Palais les plus brillants fuccédent tour à tour
aux déierts les plus affreux 5 que du féjour
dçs morts, on fe trouve traniporté dans
l'Olympe: en un mot, que cette poè'fïe muette
varie tout, anime tout, & qu'elle eil, s'il
eil permis de parler ainfî, le vernis 6c le co-
loris de tous les Arts.
Pour nous convaincre du prix ineftimable
de la Peinture, & du cas particulier qu'en
ont fait toutes les Nations favantes, con-
itiltons lTIilloire : elle nous apprendra que
Démétrius refufa de fe rendre maître de
Rhodes, dans la crainte d'occaiîonner la.
defcru&lon des ouvrages célèbres de ProtQ-
-ocr page 215-
I-N-T RO OU CT Ι Ο Ν.          t$|
genes ( h ) ·■> que Parrhafius reçoit de ies Concî-'
toyens une couronne d'or , pour prix de-
Γιιη de fes Tableaux ; que les Rhodîens bâ-
tirent un Temple à l'un de leurs Peintres >
que la Grèce & l'Italie ont élevé des itatues
à ceux qui Te font iîgnalés par des ouvrages
importants^ que François I, Louis XIII,
Philippe III, Philippe IV, le Duc d'Orléans
Régent, de quantité d'autres grands Princes,
fe font appliqués à la Peinture j que tous
fe font fait un plaîilr de décorer par quel-
ques marques de dignité, les Artiftes les
plus célèbres : que Charles-Quint fît le Ti-
tien Comte Palatin $ & que François ï reçut
les derniers foupirs de Léonard de Vinci:
qu'enfin, les Peintres & les Sculpteurs ( de
tout temps rivaux les uns des autres) jouif-
fent. encore aujourd'hui à Rome, des Prl·-
viléges des nobles Romains 5 qu'à Venife
les Arts libéraux ont un Tribunal 5.'qu'à Flo-
(A) Démétrius, Roi de Macédoine, ayant affiégé Rho-
des, fit venir dans fon camp Protogenes, qui étoit dans
la Ville , & lui demanda s'il fe croyoit en fureté. Ce
Peintre lui répondit avec confiance : « Je fuis perfuadé
33 qu'un grand Prince comme Démétrius , en faifant la
*> guerre aux Rhodiens, ne la fait point aux Beaux-Arts. »
Ce Conquérant 3 fenfîble à cet éloge, ne voulut pas c|ue
Ton attaquât la Ville du côté où étoit Tattelier de Pro-
togenes , & aima mieux lever le fiege-, quede prendre
Rhodes, qui auroit pu être forcée du côté où demeuroit
cet Artirte.
Miv
-ocr page 216-
184          Introduction.
rence, Corne de Médicis leur accorda des
franchifes même au-deifus de celles des gen-
tilshommes 5 que dans les Provinces-Unies,
ils ont droit de participer à toutes les di-
gnités de l'Etat : qu'en un mot Louis XIV
eut une çonfîdération particuliere pour les
Peintres François j & que de nos jours notre
augufte Monarque entretient à grands frais
f Académie de Rome, &: permet à fes Pein*
tres de rendre publique leurs productions
dans l'un de fes Palais, faveur qui contribue
à entretenir leur émulation & à rendre l'Eu-
rope témoin des chefs-d'œuvre de Pein-
ture & de Sculpture de notre Ecole Fran-
çoife.
Après avoir parlé de l'origine de la Pein-
ture &: de l'ellime due aux talents fupérieurs
des Artiftes qui depuis tant de iîecles fe
font iîgnalés dans cet Art ; dlfons combien
il eft utile pour nos Elevés defe rendre ca-
pables d'apprécier les différents chefs - d'œu-
vre que la Peinture répand avec tant d'é-
clat dans les édifices lacrés, dans les de-
meures des grands, & même dans celles des
particuliers. C'eft par cette appréciation
lavante de la Peinture & de la Sculpture %
aidée de l'étude
du deiîîn & de$ conièiis des,
plus grands Artiftes, que le jeune Archi-
■Cë&e peut parvenir à appeler à propos ces
-ocr page 217-
In τ r on νc τ ι όν.         185
deux Arts à Ton fecours pour embellir its
productions ôc les faire atteindre à ce degré
de fupériorité, qu'on remarque dans quel-
ques-uns de nos chefs-d'œuvre François.
Aucun d'eux ne doit ignorer que Perrault
n'a produit le Périftyle du Louvre £c l'Arc
de Triomphe du Trône, monuments admi-
rables , que parce qu'il vivolt familièrement
avec
Leb run, Peintre célèbre > Artifte de
génie, homme de goût, & dont les produc-
tions font tant d'honneur au iiecle de Louis
le Grand j que François Blondel n'eut peut-
être pas produit le chef-d'œuvre delà porte
S. Denis, fans les fréquentes conférences
qu'il eut avec Desjardins quia fait les Sculp-
tures de cette belle porte triomphale, û
eftimée des vrais connoiiTeurs> queHardouin
Manfard doit la plus grande partie de Ces
productions aux entretiens qu'il eut fouvent
avec les Coifevox , les Girardon, les le
Nautre & autres excellents Artiftes de fou
temps. L'Hiftoire nous apprend que les plus
grands Peintres eux-mêmes , ont confulté
les gens de Lettres 5 le Pouiîîn s'entrete-
noit fouvent avec le Cavalier Marin 5 Ra-
phaël avec le Comte de Caftiglione? Giotto
avec le Dante 3 & qu'enfin les plus grands
Artiites en ce genre depuis Léonard de
Vinci, n'ont foutenu l'honneur de l'Ecole
-ocr page 218-
i$6 Introduction.
Flamande, que parce qu'ils vivoient $c con-
féroienc avec Galilée, &c. Que de tels exem-
ples nous apprenoenc donc a coniuker tous
les Artiftes des différents genres relatifs à
l'Architecture, à examiner le fpeclacle que
nous offre l'Univers .> pour imiter, non pour
copier fervilement la nature. Nos Elevés veu-
lent-ils puifer dans les tableaux de Raphaël-Ie
goiit relatif à l'Architecture ? Qu'ils le confi-
derentdans lanobleiFe &la convenance de ia
compoiîtion , la pureté de fon deffin & ia R-
neife de fon expreffion 5 en un mot dans cette
grâce inexprimable qu'il donne à la beauté,
& qui lui a mérité le fur-nom de Divin.
Qu'ils examinent le Correge&; leParmefan,
dignes rivaux de Raphaël dans l'Empire
des grâces 5 ils s'appercevront que le pre-
mier a foLivent violé les règles de la iîmétrie,
& que le fécond a fouvent manqué de cor-
rection , quoique fes figures parlent êi ref-
pirent. Qu'ils confultent Michel-Ange, pour
la profondeur du deiîîn & la maniere forte
de Îqs comportions : Le Titien pour la
belle nature δί pour l'intelligence du co-
loris y le Carravaghe pour la magie des
ombres 5 Paui Véronefe pour la richeiTe de
l'invention. Qu'ils fereiTouviennent fur-tout
que la Peinture comme la Poéiîe, n'eit autre
chofe que l'imitation de la belle nature ,
-ocr page 219-
Introduction, ^ 187
mais réduite en Art, d'où doit naître un
beau idéal. Qu'on ne s'y trompe pas, le
Naturalifte & l'Hiftorien repréfentent les
choies comme elles font ,. le Poëte & le
Peintre, comme elles doivent être. Les
chefs-d'œuvre de Policlete & de Zeuxis font
dans la vraifemblance & non dans la vérité.
Il s'agit donc de fe former dans l'imagination
des modèles de toutes les beautés diverfes
& de s'en fervir comme d'échelle pour
monter à cette perfection, dont on s'eft
fait un prototype idéal.
                             ί
Enfin, nous confeillons à nos Elevés de
ne pas négliger, comme la plupart le font,
de s'inftruire de toutes les parties des Arts
libéraux que l'Archite&ure gouverne &
régit fous ion Empire, & 'fur-tout de fe
nourrir de la lecture des meilleurs Auteurs
qui ont écrit fur la Peinture , tel que
ce que -nous a laiiTé M. de Piles , Fé-
libien, & particulièrement" Dufrenoi (i),
l'Abbé Marfy {h), M. Baîllet de Saint-
( î ) Peintre habile , né à Paris, où il eft mort en i66j,
âgé de 54 ans, a fait un excellent Poème latin , fur la
Peinture.
( k ) L'Abbé Marfy, né à Paris, & mort il y a quel-
ques années , compofa, lorfqu'il étoit Jéfuite, un Poeme
en latin, fort eftimé des connoiifeurs. On peut dire de
ces deux Ecrivains, que le premier s'eft attaché à inftruire
& à répandre dans-fon ouvrage, plus de préceptes que
s
-ocr page 220-
ïSS         Introduction. ]'
Julien (/), Μ, Wateiet (m) \ & dernière-
ment M. le Mierre , ouvrages excellents
qui ne peuvent que faire éclore le goût des
jeunes Citoyens qui travaillent à pouvoir
devenir un jour de grands Arcnkedes.
de fleurs j & que le fécond a mis dans le fîen moins
de leçons que d'images. M. de Querlon nous 1 donné
une traduction de ces deux Poèmes, qu'on trouw l
Paris chez Piffot, Quai de Conty. ° * r°UVe »
v}JJ ¥' BDÎllet de,Saint:J?lief %(φ Paroître en i7«
1 eiiai d un Poeme françois fur la Peinture.
                   ;
(m) M. Wateiet, qui, comme Dufrenoi, a réuni k&
talents de la Poefie & de la Peinture, nous a donné en
J ? u" loeme François fur la Peinture , qui a recules
applaudiffements dûs à cet Amateur éclairé.
Fin de l'Introduction*
-ocr page 221-
CO U RS
D ' A R C H ï Τ E C TU R E.
-aèti^ZigiS&Z:-.
LIVRE PREMIER.
PREMIERE PARTI E.
iea=saaaa=s=s-------saaB* as » yajffitoigüiiï—=s;s—t=s=;ï im„.,„„, aai
Τ RA Ι Τ É
DE LA DÉCORATION EXTÉRIEURE
'DES BATIMENTS-
«mmmwhimimw
CHAPITRE PREMIER.
O ri g IΝ ε des Ordres. Source dans laquelle
on doitpuifer les préceptes de la décoration
extérieure des Bâtiments.
ÎL Ν parlant de l'origine de l'Architeâure, nous
en avons reconnu de trois genres ; la Civile ; la
Militaire & la Navale, L'Archite&ure Civile , qui
fait ici notre objet , eft connue fous différentes
dénominations : Γ Antique, l'Ancienne, la Gothi-
que & la Moderne.
-ocr page 222-
190                      Cours
L'Archite&uf e antique, la plus eftimée de tontes,
fut inventée par les Egyptiens, & perfectionnée
par les Grecs ; enfuite elle pafla chez les Romains,
&yfubiifta jufqu'à la décadence de leur Empire;
enfin elle a fuccédé chez nous à la Gothique,
L'Ancienne prit naiiTance dans l'Empire d'O-
rient , & fut fort en ufage à Conitantinople.
La Gothique fe divifeen deux claiTés. La pre-
miere tire fon origine du Nord. Les Goths l'intro-
duiiirent dans prefque toutes les parties de l'Eu-
rope ; l'autre appelée Morefque ou Arabe , nous
eft venue de l'Afrique, L'Eipagne & quelques
Provinces Méridionales de la France, ont long-
temps fait ufage de cette dernière Architeclure.
La Moderne , proprement dite , eil née en France%
on peut en fixer l'époque au regne de François L
En effet, c'eft fous ce grand Prince & tes fuccef-
ieurs que les Lefcot, les Deiormes, les Manfard,
ont élevé chez nous les premiers chefs-d'œuvre
d'Architecture d'après l'antique,
ν L'Architecture, comme nous l'avons déjà re-
marqué , fe divife en trois branches: la conitruclion,
îa décoration & la diftribution. Les Egyptiens font
les Peuples qui fe font le plus fignalés par la io-
lidité .de leurs monuments, les Grecs & les Ro-
mains, par l'ordonnance de leurs Edifices, & enfin
les Françoisjdans l'Art de diitribuer leurs Bâtiments.
Pour acquérir ces différentes connoiifances avec
un certain fuccès, commençons par traiter de la
Décoration, dont lés principes doivent leur origine
aux ordres d'Architeclure dont nous allons parler.
*
-ocr page 223-
d'Architecture. 191
Des ordres d'Architecture en général,
& de leur origine.
De toutes les parties de l'Archite&ure, il n'en
eft point qui annonce plus la magnificence de l'Art,
que les ordres qui décorent les Edifices ; auiîi Γ Ar-
chitecture ne parvint-elle à fon dernier degré de
perfection, que lorfque les proportions de ces
ordres furent fixées, leurs différents caraeleres
établis , & leurs divers ufages déterminés par les
Grecs.
Le premier pas que les hommes firent dans l'Art
de bâtir, fut, comme nous l'avons remarqué pré-
cédemment , de fe creufer des afiles dans le fein
des montagnes ; enfuite ils élevèrent fur la terre
des huttes de forme conique, avec des branches
d'arbres & de la terre grafie ; puis ils fe formèrent
des cabanes qiiadrangulaires, en enfonçant per-
pendiculairement des troncs d'arbres, au-defîus
defquels ils en poferent d'horifontaux, & fur ceux-
ci d'autres qu'ils difpoferent dans une forme trian-
gulaire. Enfin on éleva des édifices plus fon-
des & plus vailes, que Ton conflruhit avec àes
piliers circulaires , faits à l'imitation de la tige des
arbres, & avec d'autres qiiadrangulaires, imités d'a-
près ceux que l'Art a voit équarris. De-là les co-
lonnes & les pilaflres. On s'en fervit durant plu-
fieurs iiecles , fans en connoître les avantages^
& fans fe douter que du rapport de leur groffeur
à leur hauteur , il pouvoit réfulter des effets ii
admirables, relativement aux divers degrés de
beauté & d'élégance, réunis à une folidité réelle
& apparente.
Pluiieurs Auteurs prétendent, quç l'on vit po.ur
-ocr page 224-
15>2                        Cours
Ia premiere fois des colonnes au Temple de Jérufa«
lern ; mais il paroît par le témoignage de l'anti-
quité , que les AiTyriens s'en étoient fervis, dans
celui qu'ils avoient érigé à Bélus. Les Egyptiens
en avoient aulE employé dans leurs édifices, fur-
tout dans ceux, où ils fe propofoient de joindre
une folidité durable à une grande magnificence.
Indépendamment de ces Edifices , les Egyptiens
élevèrent fur les fépultures des grands hommes,
des Pyramides, des Obélifques & dautres Édifices
de ce genre, d'une hauteur prodigieufe, dans Γίη-
tention de rappeler le fou venir des aétions & des
vertus des Héros , ce qui en aiîurant à ceux-ci
l'immortalité, ne contribuoit pas peu à exciter
l'émulation de leurs concitoyens. L'objet de ces
grandes entreprifes, fît appeler en général Mo*
numerus ^
tous les Edifices définies à conferver la
mémoire des morts illuftres. Mais ces monuments
reçurent enfuite, chacun félon leur forme particu-
liere, diverfes dénominations que les Grecs leur
conferverent.
On nomma Stelles les Monuments , qui, depuis
leur bafe jufqu'à leurfommet, avoient quatre côtés
égaux & paralleles.
Ceux qui d'une forme circulaire dans leur bafe
alloient toujours en diminuant jufqu'à leur fommet,
furent appelés flyks*
On nomma Pyramides·, ceux qui étant qijarrés
par leur plan, fe rétrécifToientinfenliblement juf-
qu'à leur extrémité fupérieure.
Enfin, on donna le nom aOèélifques, du mot Grec
Obelos, une broche , à ceux qui ayant feulement
leurs côtés oppofés égaux, s'élevoient aufl tou-
jours en diminuant jufqu'à une très-grande hauteur.
Parmi ces fortes de monuments * ceux qui étoient
nommés
-ocr page 225-
D'À HG H I TEC Τ URE.            I93
nommés ßyles, approchoient le plus, à caiife de
leur forme circulaire , des colonnes qui fervoient
de foutien aux édifices des Egyptiens. Les Grecs
apperçurent k relation de ces deux productions
de l'Art» L'une & l'autre devinrent l'objet de leur
imitation ; mais rien ne pouvok encore leur fervir
de modele pour le rapport de la hauteur de la
tige de, la: colonne, à ion diamètre. Le tronc des
arbres leur ayant indiqué feulement la forme des
colonnes , & les fiyles des Egyptiens ne leur ayant
oifert que des hauteurs indéterminées.
Les monuments des Egyptiens étoient couronnés
d'une urne, qui renfermoit les cendres de ceux
à la mémoire defquels on les avoit érigés. L'urne
étoit couverte d'une brique «, qui la mettoit à
l'abri des injures du temps* il y a tout lieu de
préiumer, que ces fortes d'amortiiTements ont fait
naître 'le chapiteau des colonnes , & que cette
brique a donné lieu au tailloir qui le couronne.
On fait d'ailleurs que ces urnes repréfentoient un
vafe méplat, & que c'eil d'après fon imitation qu'on
a formé les trois chapiteaux ,Tofcan, Dorique, &
Ionique, qu'on a beaucoup plus élevés dans la fuite,
pour les ordres Corinthien &: Compoiite, en y ap-
pliquant, comme dans les précédents, les feuilles,
lesgodrons, les oves> les ferons,les volutes, enri-
chiffements qu'on donnqit volontiers aux urnes,
placées à l'extrémité fupérieure des fépultures Egy-
ptiennes, r .
                                  ;
C'eil encore des monuments de ce Peuple nom**
mes fielles;, que font nés vraifemblablement les
pilaftres appelés par. Vitruve colonnes Atticurges ,
& depuis colonnes Attiques. Enfin l'heureux gé-
nie des Grecs les conduifit au point de décou-
vrir certaines proportions, jufqualors Inconnues
Tome l,
                                        N''
-ocr page 226-
194                      Cours.
dans Τ Architecture : ce que nous allons reconnoître
par la recherche de l'origine des ordres Grecs,
après lefquels nous parlerons de ceux des Ro-
mains.
                                             "
Dorus , Roi d'Achâie, ayant fait élever fous des
proportions moins arbitraires , un Temple en
l'honneur de Junon, on appela Dorique, du nom
de ce Prince, Tordre dont on.décora ce Temple.
Mais en considérant cette premiere découverte des
Grecs, on ne fera pas étonné des changements
qu'il a reçus dans la fuite , n'ayant d'abord été
porté qu'environ à quatre diamètres de hauteur,
ainû qu'on le remarque dans les ruines d'un Temple
a Athènes , où les colonnes de cet ordre avoient
6 pieds de diamètre , & feulement 22 pjeds & demi
de hauteur (â). Dans -un-autre Temple, trouvé
dans un endroit de l'Attique, appelé anciennement
par les Grecs T/wricion, les colonnes approchoient,
de cinq diamètres. Gelles du Temple de Théfée,
bâti environ dix ans après la bataille de Mara-
thon,& celles du Temple de Minerve, élevé dans la
Citadelle d'Athènes , avoient fix diamètres. Dans
la même Ville on trouve , dans les ruines d'un
Temple élevé à Augufte , des colonnes d'ordre
Dorique, qui ont à peu prèsfept diamètres* Cette
dernière proportion, à la vérité moins racourcie
que les précédentes , eil cependant encore moins
élevée , que Tordre Dorique des Temples érigés
depuis chez les Romains par les Grecs mêmes ; &
par-là ces dernières colonnes nous fembknt ap*
proeher davantage des proportions reçues chez
( a) Ruines des plus beaux monuments de la Grèce, par
M. Le Roi, féconde Parcie, pag, 6 & /uiv. ."
-ocr page 227-
D'ARCHITËCfUÎlËi           f pf
riöüs : ce qui nous fait croire , que lorfquë dans
la fuite on eût ajouté à cet ordre une bafe , qui ne
fe rencontre dans aucune des produclions de lä
Grèce du temps de Périclès ; cette bafe d'un mo-
dule , & la découverte d'un nouvel ordre Ionique
à Ephefe, porté d'abord à huit diamètres , firent
fans doute avec le temps donner à ce dernier dix-;
huit modules j & fixer le Dorique à feize, tel quo
nos modernes l'exécutent aujourd'hui dans la plu-
part de leurs bâtiments* Cette conjecture prouvè-
rent en quelque forte ia lenteur des progrès M
l'Art ; qu'il a fallu des iiecles pour parvenir à ia
beauté j à la régularité & à là perfection des or-
dres que nous connoiiTons * & que les Grecs étoieiif
d'abord bien éloignés $ pour ce qui regarde ies
ordres d'ArcMtecjture i de l'élégance qu'ils ont fit
leur donner depuis * après même avoir été réduits
„en fervitude par les Romains *
Les Grecs ayant paffe dans l'Aiie mineure fous
la conduite dlôn -, un de leurs chefs, réfoiurent de
confacrer j dans leur nouvelle Patrie j des Temples
aux Divinités qui les protégeoient. Ils cherchè-
rent donc à imiter celui que Dorus avoit érigé à
Junon; mais incertains encore fur la proportion
qu'il falloit garder dans les colonnes dont ils préten-
doient orner leurs édifices, ils imaginèrent de la
régler lui* celle du corps humain. Ayant remarqué
que la longueur du pied de l'homme eii ordioai-
rement la iixieme partie de toute fa hauteur *·!!$
donnèrent à celle de leurs colonnes fix fois leur"
«iïametre, proportion qui fut long-temps .fixée pour*
cet ordre $ δε qui n'acquit huit diamètres, comme
nous venons de le remarquer, que long-temps
après la découverte de l'ordre Ionique ; mais vou*
Ν ij
-ocr page 228-
ι$}6                     € o υ *t s
lant enfuite fe rapprocher encore davantage de
la nature , & s'étant apperçu que la tête eil la.
huitième partie du corps humain , ils donnèrent
.huit diamètres à· leurs colonnes : ainii l'ordre Do-
rique reçut fa proportion , & devint une forte
d'image de la force .& de la beauté du corps de
l'homme. Dès-lors il acquit un caraâere de viri-
lité qui le rendit propre à orner les Temples des
Dieux & des Héros.
Une heureufe découverte conduit ordinairement
à de nouveaux fuccès ; ce premier pas en ût faire
un autre. Les ioniens voulant élèvera Ephefe un
Temple magnifique en l'honneur de Diane, cher-
chèrent une nouvelle proportion , qui, fans être
moins régulière que la Dorique , offrît néanmoins
,ιιη genre de beauté plus délicat. Comme ils ävoient
déterminé le 1er ordre fur le corps de l'homme, ils
imaginèrent de régler la proportion du nouvel ordre
fur la taille plus dégagée des femmes Grecques,
& donnèrent au diamètre de la colonne, qui fut
nommée ionique , la neuvième partie de fa hauteur.
Avec cette proportion ils voulurent offrir l'image
des coiffures des Dames de la Grèce ; ils taillè-
rent pour cet effet le chapiteau en forme de volu-
tes; ils ajoutèrent aux colonnes des bafes pour
repréfenter leurs chauiîiires ( b ) ; enfin voulant
imiter jufqu'aux plis de leurs vêtements, ils creu-
ferent des cannelures fur la longueur du fut de la
colonne : en forte que les Grecs en prenant pour
{b) Quelques Auteurs prétendent que long-temps avant le
Temple d'Ephefe, on avoir ajouré aux colonnes, des baies
qui-repréfencoient des hars ou liens enùployés dans la primi-
tive Architettijre, pour ferrer le pied des arbres, qui foa-
lenoieat lés demeures ruiUques des premiers hommes,
-ocr page 229-
d'Architecture.           197
modele ce que la nature leur offrit de plus parfait;
introduifirent clans Γ Architecture la progreflion
Arithmétique: l'un & l'autre font devenus des
objets d'imitation , & une regle prefquinvariable
pour les Artiftes* ?
Un événement iingulier produint à Corinthe
une nouvelle forme de chapiteau , plus riche &
plus élégant encore, qu'aucun de ceux qui l'avoienf.
précédé , & fit naître la proportion du troifieme
ordre Grec. Une jeune fille étant morte la veille de
(es noces, fa Nourrice pofa fur fa fépukure une cor-
beille en forme de vafe , contenant plufieurs bi-
joux qu'elle avoit chéris pendant fa vie ; elle couvrit
la corbeille d'une tuile , pour la garantir des injures
de l'air. Le hafard fit placer cette corbeille fur la
racine d'une Acanthe fauvage. Cette plante venant
à pouffer au printemps, lés rameaux s'étendirent
au tour de la corbeille : mais fe trouvant arrêtés
par les angles de la tuile , ils furent obligés de fe
recourber en forme de volutes. Callimaque , Scul-
pteur Grec, frappé de l'heureux effet que produi-
foit cet enfemble , conçut l'idée du chapiteau
Corinthien, nommé ainfi, parce qu'il fut inventé
près de la ville de Corinthe. On pofa d'abord ce
chapiteau fur la tige de la colonne Ionique ; mais
comme il acquit plus de hauteur que celui de cette
colonne , & que par-là il raccourciffoit la tige de
cet ordre , on imagina une nouvelle proportion ,
dont la légèreté répondît à la délicateffe du cha-
piteau de Callimaque : pour cela ce nouvel ordre
fut porté à dix diamètres , dans l'intention d'imiter
la taille fvelte d'une jeune fille, pourvue de toutes
les grâces de l'élégance & de la beauté. Dès-lors
-ocr page 230-
ï9§                        Cours
pet ordre, appelé par Scamozzi, l'ordre Virginal\
fut deiliné à l'embélliiTement des Temples dédiés
4 Veita, à Flore, à Hébé. L'ordre ionique qu'il
appelle l'ordre Féminin , fut employé à l'ordon-
nance des Temples dédiés à Junon , à Cerès , à
Proferpine ; & l'ordre Dorique , nommé auiîî par
cet Auteur, ordre Mafculin ou Viril, confacré à la
décoration extérieure des Temples élevés en l'hon^
jieur de Jupiter, de Mars, d'Hercule, &c.
Les Grecs non contents de leurs ordres Dori-
que,Tonique & Corinthien, dont ilsavoient établi
          j
|es proportions d'après le corps humain , voulurent
fubititner à l'Art la repréfentâtîon de la nature elle-
même« 1,'efpoir de rendre immortel le fouvenir
de leurs victoires, & 1§ deiir d'éçernifçr la honte
de ceux qu'ils avoient fubjugtiés , leur fit allier
Jes trophées de leur gloire aux monuments qu'ils
          |
Revoient dans leurs cités. Les Çariens s'étant          I
révoltés contre euxfflirent punis de leur rébellion          j
par une défaite çomplette , δζ leurs femmes ré-
duites en fervitude, D'un autre côté les Perfes
qui étoient venus les attaquer jufques dans leurs
foyers, furent vaincus à Platée, | Salamine &
au pas des Terrnppyl.es.- Orgueilleux de tant d'a-
vantages j les Grecs voulurent faire paffer à la
poilérité les marques de leurs victoires ; pour cet
e'fiet ils convertirent les colonnes qui ornoient
Jeurs bâtiments en figures humaines, humiliées &
aifaiiTées fous le poids immenfe qu'elles fembloient
{apporter,. Celles qui repréiéntoient dés femmes >
étoient l'image des» Carienries efclaves. Les Perfes
captifs étoient déiignés par des figures d'hón)mes ί
4'où ces fortes de foutiens furent nommés pr.drQ
Ç^riate & pjcU;e Perfique,
-ocr page 231-
d'Arch ixe c Türe.          199
Mais Comme dételles images, quelque efama-
bies qu'elles ptiiffent être d'ailleurs-, par rapport
à la Sculpture, iemblent contraires a la douceur de
nos mœurs, qui ne permet pas d'afiêrvir awfi la
repréfentation de nos fembkbles ; oft ne peut re-
garder dans TArchiteaure une application de cette
ëfpèce que comme un aeceffoire qui exige d être
employé avec beaucoup de prudence ; autrement
ces figurés qu'on diroit avoir âii rriouvetóent r &
de ît&mi s^accorderoient mal ävecla iöudite qu on
doit affeaér de faire paroître dans tous les genres
d'édifices, Les exemples célèbres des Canatiaes
que l'on remarque à la façade de la cour & dan^
l'intérieur du Louvre (c), ainfi qù au Bureau aes
Marchands Drapiers à Paris , ne fervent qu a
prouver que la fédu&on de l'art a iouvent pré-
valu fur la vrâifemblance , qui doit toujours être
obfervée dans les décorations extérieure* & inté-
rieures des édifices.
! L'ordre Perfique lieft pas plus tolérable. Quel-
que viril que foit fon caraüere, il η offre que les
marques d'un efclavage honteux, qui fait rougir
l'humanité. On peut néanmois le placer aficz con-
venablement dans la décoration exterieure des
Portes de Villes de guerre j dans l'intention üan-
noncer à l'Ennemi le fort qui l'attend, ü une lois
il eil vaincu ; aux Prifons Civiles & Militaires ( d ) i
> ( c ) Voyez ce que nous avons dit dès Cariatides dû Louvre ,
Atèhit. îrane. quarrierae vol. pag. 19·
(d)On donnera dans la fuite de ce Cours, le déifin fait
pour 1'Arfehal de Paris du côté de laBaftilie » lors du w«t
général de l'Arfenai, dont le Minifterc m avoit charge ψ 1763,.
Ν- iv
..^ué^^H
-ocr page 232-
200                          COU R S
aux Maifons de Force & aux autres édifices de ce
genre , où il paroît convenable d'annoncer aux
coupables ce qu'ils ont à craindre loriqiuls feront
détenus dans ces lieux de punition & d'horreur.'
Si les Cariatides peuvent auiH trouver place
dans notre Architecture, ce n'eu: que dans les dé-
corations théâtrales, dont la fcène repréfenteroit
quelques actions arrivées chez les Grecs , & où
l'Artifte" feroit obligé de retracer l'image de certains
faits hiiloriques. Elles pouroient encore tout au
plus être iiipportées dans des fêtes publiques, où
l'alégreiFe commune n'exige pas cette fé vérité à
laquelle on eil aiTujetti dans la décoration des
édifices durables, & où les attributs & les allé-
gories doivent être afibrtis au genre & au cara-
ctère du monument.
Il eil encore un autre genre de îcuîpture, éga-
lement à éviter , ce font Tes Termes , enfants du
caprice & d'une imagination fervile, autre efpece
de figures humaines, qui fembîent fortir d'une gaine,
& à qui fouvent on fait porter des fardeaux : tels
font ceux que l'on remarque fur le Quai des Théa-
tins de Paris. On en voit même pluûeurs dans les
retables d'Autels de nos Temples , plus impropre-
ment placés encore que par-tout ailleurs : ils ne doi-
vent être jamais employés, & par tolérance feu-
lement, que comme ornements dans nos Jardins
de propreté, comme il s en remarque aux Tuile-
ries , à Verfailles & ailleurs.
Les Grecs ayant employé ces divers ornements
pour tranfmettre à tous les âges le fouvenir des
victoires remportées fur les Cariens & les Perfes,
leur vanité leur en fît abufer ; car ils fubilituè-
rent long-temps leurs ordres Gariate & Perfique
aux trois ordres précédemment découverts. Urfê
-ocr page 233-
d'Architecture.           20 e
telle innovation les conduiiit infenfiblement à fur-
charger même le fût de leurs colonnes , d'orne-
ments de différentes efpeces , dont la prodigalité
fut enfuite imitée par les Romains. Au refte , ce
reproche ne doit tomber que fur les Grecs des
derniers temps. Voyons maintenant l'ufage que
firent les Romains, des découvertes qu'avoient
faites ces Peuples,
i:V'                   '-''·''"■'■ ■■';"■"'                                  Φ '- -
On attribue aux Romains l'origine de l'ordre
Tofcan. Bien des Auteurs ont cru qu'ils l'employè-
rent pour la premiere fois au Temple de Janus ,
Roi d'Italie, puis à Florence, au Temple de Mars,
aujourd'huiTÈglife du Baptifterede Saint-Jean, &
qu'ils ne voulurent rien devoir aux ennemis qu'ils
avoient vaincus, quoique les effets admirables des
trois ordres Grecs ne leur fuifent pas inconnus.
D'autres aifurent que cet ordre fut inventé en
Etrurie, appelée aujourd'hui la Tofcane , lorfque
les Grecs mettoient en œuvre les ordres qu'ils
nous ont laifTés pour modèles. Quoi qu'il en
foit, cette production des Etrufques ( e ) eft bien
inférieure aux ordres Grecs, puifqu'elle ne pré-
fente que l'ordre Dorique, rendu plus matériel,
& tel que les Grecs l'avoient d'abord imaginé.
Elle merite néanmoins quelque confidération,
parce que cet ordre déterminé à fept diamètres ,
acquit un caractère qui lui fait tenir encore au-
jourd'hui un rang aifez diilingué dans l'Archi-
( e ) L'origine des Etrufques cil fort incertaine. Diodoré de
Sicile , liv. f , psg. 316., nous apprend que ce Peuple aimoit
beaucoup les Arts, & que ce goût lui vint du commerce qu'il
eut avec les Egyptiens. Voyez auûl Les Ant. Etrufq, par M«
h C, de Caylus,
_üÄd
-ocr page 234-
202                            G OURS
teclure, Enfin, d'autres Auteurs prétendent, que
dans toute l'Italie il ne reite aucun veitige de
Tordre Tofcan ; que la colonne Trajane n'eit point
Tofcane , puifqu'elle a huit diamètres ( ƒ ), & que
les ordres employés aux Amphithéâtres de Vérone
& dé Nîmes, font d'une Architecture trop ruiti-
quë pour oifirir des modèles de Tordre dont il
s'agit.
L'invention de Tordre Compofite eil encore due
aux Romains. Quoiqu'il eût été mis en œuvre
long-temps avant Vitruve, cet Auteur n'a pas jugé
à propos de lui afligner uri rang parmi les ordres,
non plus qu'à plnfieurs comportions de ce genre,
dont la divériité étoit infinie de ion temps} pro-
ductions , dit-il, qui ne coriiiitent que dans 1 af-
femblage des différentes parties des ouvrages des
Grecs : autrement pour qu'il portât le caraclere
> d'un ordre, il auroit fallu lui donner onze dia-
mètres , comme cela étoit arrivé aux premiers Ar-
chitectes dltalie , & tel qu'il s'en voit encore un
exemple à Rome, dans Saint-Etienne le Rond. Mais
cette proportion n'a été imitée depuis par aucun
Architecte; car , comme le rapporte Seamozzi,
il femhle qu'on ne puiffe naturellement fouffrir
cet excédent dans une colonne j» de même qu'il
paroîtroit difforme à un homme d'avoir plus de
mefure de tête qu'il n'en faut pour être bien pro-
portionné. Cet Auteur rapporte encore * en par-
lant de Tordre Tofcan , que le nombre de fept
(ƒ) Il eft vrai que la colonne Trajane a huit diamètres j
mais il faut confidérer que la faillie du bas-relief qui circule
'à l'entour , a faris doute obligé d'élever fori fût 3 pour mettre
ëlus de rapport entre fön diamètre apparent, & fà véritable
hauteur.
-ocr page 235-
d'Architecture. 203
diamètres eil ia plus courte proportion qu1 on puiife
donner à un ordre , quoiqu'il s'en trouve qui n'en
bnt que iix ; mais qu'il èft auiÎî erfenciël de reje-
ter cette proportion trop courte , que celle de
onze pour les colonnes les plus élevées.
Ce ne fut donc que depuis l'Empire d'Augtîfte 9
que l'ordre Compofite Romain que nous conhoiC-
jfonsj fiit employé avec quelque fuccès $ &: fa
Jiauteur fixée à dix diamètres ^ à l'exemple du
Corinthien. Les Romains, éclairés par les Grecs *
s'apperçurent à lors , comme nous venons de le
dire d'après Scamozzys qu'un ordre dont la hau-
teur ftirpafferöit dix diamètres1$ pàroîtroit ineâ*
pable d'annoncer une folidité apparente; & que
celui qui dans fa hauteur auroit moins de fept
diamètres , h'oifriroit qu'une maffe lourde &
peu digne d'entrer dans les édifices de quelque
importance.
Il faut donc reeoriiioître que c'eit aux Arcnl-
te&es de l'ancienne Rome que l'on doit la décou-
verte: du premier terme en Archite£ture 9 favöir le
rapport de 7 à 1, qui fut déterminé pour Tordre
Toican j & ce font les Architectes de là nouvelle.
Rome, qui ont fixé leut ordre Cörripófite au terme
de ίο à ί, dont les Grecs avöiént déjà fait ufagê
dans l'ordre Corinthien.
néanmoins on hé faiiroit regarder Tordre Com-
pofite comme une nouvelle découverte, puifqu'iî
hè difiere du 'Corinthien %ie P^r l'aifemmage deè
ornements de ce dernier & de l'Ionique ; ce qui
tious oblige à tiröire qu'il n'y a que quatre ordres
proprement dits , δε cela malgré Tufàge que nous
faifons aujourd'hui de Tordre Compôfitç * pour
Varier \i dèèçiâtibn îe nos édifices,
-ocr page 236-
204                      'G Ρ u R s
D'après cette obfervation , on ne doit donc
compter que quatre ordres au lieu de cinq. Car ?
fuivant le fentiment du plus grand nombre des Ar-
chitectes, ce qui conititue. l'ordre proprement dit,
eil le rapport de fa hauteur à fon diamètre. Or,
le Compofite ayant la même proportion que le,
Corinthien, il ne différé réellement de celui-ci,
que par rapport à fes ornements. Il en eit arrivé
de même à pluiieurs de nos Architectes , qui >
ayant imaginé de nouveaux chapiteaux, ont cru,
à l'exemple de Callimaque , que ces nouvelles
comportions pffriroient de nouveaux ordres ; ils
n'ont pas réfléchi, que l'Architecture Grecque
avant Callimaque, comme nous Venons de le re-
marquer , n'étoit pas arrivée à fon dernier degré
de perfection , puifque ces Peuples n'avoient
encore trouvé que les ordres folide & moyen , &
qu'il leur manquoit l'élégance dont Tordre Corin-
thien femble être le triomphe. Mais avant de
parler de i'inconféquence de nos Architectes, à
l'égard de l'ordre Compoiite & de plufieurs au-
tres productions en ce genre, difons un mot
des écarts des Romains à ce fujet, afin de faire
connoître de plus en plus la nécefîité de nous
raprocher des premières belles productions de
l'Architecture.
A l'exemple des Grecs , qui après les chefs-
d'œuvre Doriques, Ioniques & Corinthiens, vou-
lurent furpaiTer la perfection de ces mêmes chefs-
d'œuvre , les Romains ne s en tinrent pas à la
découverte de leurs ordres Toican & Compofite.
Après l'imitation des trois ordres Grecs qu'ils
employèrent dans leurs bâtiments, ils tentèrent
d'autres moyens d'enrichir l'ordonnance de leurs
façades. En vain les principes de l'art avoient été
-ocr page 237-
d'Architecture.           205
fixés par les grands maîtres, le titre de créateur
parut à quelques-uns de leurs émules, préférable à
celui d'imitateur ; enforte que fous prétexte de faire
de nouvelles colonnes, ils imaginèrent d'en fur-
charger le fût par des boffages , chargés eux-mêmes
d'ornements fouvent peu convenables ; ils les racour-
cirent pour convertir l'ordre en Attique ; ils en tor-
ferent les fûts, compoferent de nouvelles bafes,
fymboliferent leurs chapiteaux, croyant fymbo-
îifer leurs ordres; ils abuferent des piédeftaux ,
& ne craignirent même pas de tronquer leurs enta-
blements : licences qui fe font, pour la plupart,
introduites fous le Boromini, Architecte de génie
fans doute, mais auiïi incorrect que peu févere.
Si quelques Archite&es Français ontabufé à leur
tour de ces licences à l'imitation de ceux d'Italie, on
rieft pas moins en droit de leur reprocher d'avoir
fouvent négligé d'obferver dans les attributs dont ils
ont furchargé les chapiteaux , le fût de leurs
colonnes , & les moulures de leurs entablements,
une certaine analogie qui doit fe trouver entre le
ftyle de la Sculpture & le caractère de l'ordre ;
défauts qu'on remarque dans les ornements trop
délicats de l'ordre Tofcan des guichets du Lou-
vre du côté de la rivière, dans l'application des
rudentures introduites dans les cannelures Dori-
ques du veflibule du Château de Maifons, dans
les boffages alternatifs, appliqués peut-être incon-
fidérément aux colonnes Ioniques des avant-corps
du Palais des Tuileries, &c. Ces productions efti-
mables fans doute, mais non fans défauts , & qui·,
ayant trouvé des imitateurs peu verfés dans les
principes de l'Art , contribuent plus qu'on ne:
s'imagine, à leur faire croire les préceptes incer-
tains , & à leur faire imaginer des compositions
V
-ocr page 238-
zo6                       G Q ü R s                           ,
peu réfléchies, parce qu'ils mëconrioiiTent les vraies
beautés des ordres Grecs , & les vains efforts des
Romains dans cette partie de rArchite&ure. C'efl
àinii qu'ignorant leur foibleiTe, ils tentent d'ima-
giner de nouveaux ordres, tandis que l'imperfec-
tion du compoiite auroit dû leur 'apprendre l'i-
nutilité dune nouvelle tentative, fur-tout après le
peu de iuccès des plus grands Artiiles du iiecle
dernier, tels que le Brun, Perrault, Errard.( g-),
le Clerc & Dolivet. Difons ici un mot de leurs
efforts à cet égard.
Dolivet t, Peintre qui vivoit fous le regne de
Louis XIV j conipoia un nouvel ordre dans un
genre femi-gothique, & tel à peu-près que celui
que M. l'abbé Laugier nous ;a décrit dernièrement
dans un de (es ouvrages.
Le Clerc, Grayeur célèbre j <&Γιιη des meilleurs
peiïinateurs du fieçledernier',.nous a donaéfori
ordre François dans fon petit Traité fiit'£Archite-
cture; mms
quoique d'un aiiezbon genre, ilnèdifïere
du Corinthien que par les\çri^ni'ents du chapi-
teau, jpans ce même Traité il a voulu auiîi nous
donner un ordre qu'il appelle Eipagnol ; mais ces
deux productions, .quoiqu'affez eftimables , ainiî
que celles de Perrault (A), de Je .Brun [i)X d'Er^
(g) CharlesErrard, Peintre & Architecte, eft mort à Rome,
iDirç&eur de Γ Académie de France , le x$ Mai I689 , âgé de
$S ans.
""'." Ça) Perrault ayoitpropofé ce prétendu or4re FrançoisF-gfotir
le deuxième étage de î'intërieur de la coVr du vieux Louvre *
iâu lieu de .l'Attique jd.e PierreJLeCçQ.t/
.,(*".) Voyez le deflS» de cet ordre dans l'Architcérure Fr$n-
çoife. Le Brun l'avoit coinpofé pour lé projet d'un Aie de
"Triomphe au Trône , où celui<ïè Perrault -fut piréierë. Le
-Btun depuissa^exicuté cet ordre , jgpur la^lus .grande ga«i£>
dans la Gallerie de Yerfailles.
-ocr page 239-
d'Architecture. 207
tard (/ ) & de quelques Architectes de nos jours,
ne persuaderont jamais aux vrais Architecles que
le chapiteau fait l'ordre , à moins de vouloir pren-
dre la partie pour le tout. Car ii cela pouvoit être,
il ny auroit certainement point d'Artifte qui eût
plus mérité de considération dans cette partie que
Bibiane , Peintre-Décorateur Italien, qui, dans
fon Traité de la Perfpective des Théâtres , nous a
donné un très-grand nombre de profils d'entable-
ments & de chapiteaux fort intéreffants , mais qui
néanmoins ne peuvent être régardés que comme
des productions ingénieufes pour les Décorations
des Fêtes publiques, de l'intérieur de nos apparte-
ments , des pompes funèbres, &c. Néanmoins nous
recommandons à nos Elevés l'étude de cet Auteur,
parce qu'il leur fera fort utile, après la connouTance
des préceptes de l'Art, d'acquérir le goût du deiîin
que cet ouvrage doit leur infpirer.
Rapportons auffi ce que Chambrai dit dans fort
parallele des ordres antiques & modernes au fujet
des chapiteaux fymboliques des Anciens, & dont
il le garde bien de conieiller l'imitation. « Cela
» me fait repenfer , dit-il page io8, à la promeiTe
» où je m'étois engagé de donner ici quelques
»deiTms de chapiteaux extraordinaires tirés des
» antiques ; & coniidérant qu'ils ne fauroient plus
» avoir de place aujourd'hui en aucune forte d'é*
édifices, vu qu'ils n'étoient convenables qu'aiu?
»Déités du paganiime, & qu'il n'efl: plus mainte*
» naht de Jupker de 'Neptune, ni d'autres fetnbla-
(/ ) Ces ordres François font partie d'un recceuil particulier:
qui contient le$ .profils, des ordres , â'après Jes monuments de
France & d'Ipaiie , recceuil ^>pn à: parcourir ;.mais aux mesures
duquel il ne faut pas s'en rapporter, n'ayant pas été çoBÎ
fans doute d'après les -deJËns faits par Erçard.
ê
-ocr page 240-
iö8                      Cours
» bles dieux de ces temps-là, aux temples deiqileîs
» tous ces chapiteaux étoient iinguliérement appro*
» priés par des repréfentations fpécifïques à cha-
»que fujet, j'ai cru qu'il étoit plus à propos
» d'ôter ces amorces , qui ne feroient aulîibien
que reveiller le mauvais génie des ouvriers à
» les imiter » , &c. Que tous nos Architectes &
le plus grand nombre de nos Artiites, n'ont - ils
penfé de même ; mais revenons aux colonnes
torfes, prodiiüions qui annoncent plutôt les dérè-
glements du génie, que la ievérité que Γ Architecture
iemble exiger*
                    V
Quoiqu'il nous paroiiie auffi qu'il faille employer
les colonnes tories avec beaucoup de difcrétion,
ainn* que les colonnes fymboliques & l'ordre ap-
pelé Attique ; néanmoins comme il peut arriver
que dans la diverfité ldes bâtiments, ces produ-
irions trouvent bien leur place : avant de termi-
ner cette origine des ordres, nous dirons un mot
de ces trois objets coniîdérés en particulier.
• Nous n'héfitons pas à croire que les colonnes
töffes , dont l'arrangement peu régulier paroît
incapable de réiiiïance, devroient être rejetées de
l'ordonnance de tout édifice : mais celles du Maître-
Autel de Saint-Pierre à Rome , celles du Val-de-
Grace & des Invalides à Paris ont donné tant de
célébrité à ce , nouveau genre de colonnes »qu'il
femble néceiïaire d'en connoître au moins l'origine.
. Les colonnes torfes font une imitation des arbres
entourés d'autres plantes ou arbuites paraiites ,
tels que la vigne fauvage, le chevre-feuille & le
lierre, dont les rameaux & les feuillages s'étoient
incorporés avec les troncs qui leur fervoient d'ap-
pui. Ces arbres & ces arbuftes, ainû enlacés , pré-
sentaient iine tige torfe dont les Architectes d'Italie
donnèrent
-ocr page 241-
d'Architecture.           209
''donnèrent la forme aux nouveaux fûts de leurs
colonnes : en quoi il fe crurent autorifés par les
exemples de plufieurs petites colonnes de cette
efpèce qu'on voit à Rome, exécutées en marbre
antique ; d'où nous ferions tentés de conclure que
chez les Grecs, & même chez les Egyptiens , les
colonnes torfes n'étoient pas inconnues. Il eil
également vraifemhlable que c'eii d'après ces di£-
férentes imitations de la nature & de l'art, que
le Cavalier Bernin ofa faire ufage des colonnes
torfes ; il devoit réfléchir qu'il faut du choix dans
l'imitation de la nature & de la circonfpection
lorfqu'on veut la réunir à Fart. Cependant com-
me celles qu'il fît exécuter au Vatican font de-
venues , pour ainii dire, des autorités en ce genre»
le fuceès de Bernin en cette partie, réveilla l'é-
mulation des Manfards. C'eft d'après ces grands ,
maîtres que d'autres Architectes ont introduit;
des colonnes tprfes dans la décoration des Edi-
fices facrés; mais au moins faut-il obferver qu'elles
nefoient jamais que Corinthiennes ou Compofites,
& que leur diamètre, lorfqu'on veut charger leur
fût de quelqu'orpement, foit un peu diminué, crainte
qu'elles ne deviennent trop pefantes. Enfin on ne
doit jamais affecter des cannelures creuiës ou ren-
foncées dans leur fût inférieur ; il vaut mieux em-
ployer des ornements en relief, & referver ces cavi-
tés pour la partie fupérieure de leur tige.
Les Egyptiens après avoir mis en œuvre des
colonnes pour le foutien & la décoration de leurs
édifices, donnèrent à quelques-unes de leurs pyra-
mides ou monuments, la forme de leurs colonnes.
Les Grecs imitèrent d'abord les colonnes & les
Monuments des Egyptiens : mais bï^niot ils conver-
Tomç L
                                       O
-ocr page 242-
ilö          ,;::? ;; C O tf R S
tirent celles-là en ordres réguliers : dès-lors ils
Commencèrent à les regarder, moins comme une
partie éffencielle à la conflmclion, que comme
an objet de décoration ; les Artiftes de la Grèce
s'attachèrent à leur donner plus d'élégance & de
variété ; les matières les plus précieufes furent
même préférées à celles qui euffeht procuré une
folidité plus durable ; enfin les Romains, imita-
teurs des ouvrages des Grecs, portèrent la magni-
ficence au point qu'on éleva des colonnes colof-
fales qui furent cohfacrées à la gloire des Hommes
flluitres, & ils en vinrent à imaginer des fym-
boles dont ils furchargerent le fût de leurs co-
lonnes. Cette application de la Sculpture à l'Ar-
chitecture devint la fource de cette multitude
d'ordres prétendus, auxquels on a donné diverfes
dénominations , félon les ornements particuliers
qu'ils ont reçus ; telles font les colonnes hiftoriques,
triomphales , funéraires δε autres , dont nous pat-·
leron.5 dans nos définitions.
L'origine des Attiques (k) appelés par Vitruvè
ordres Atticurge , eft fort ancienne. Moïfe avoit
ordonné qu'on élevât une efpece d'Attique fur
les habitations des Hébreux; le motif de cette
loi, puifées dans un fentiment d'humanité, eil bien
digne de ce Légiflateur éclairé. Il vouloit empê-
cher que les briques , les tuiles & les autres ma-
(k ) VitruV. liv. 4 , chap. 6 , appelle Atticurge Tordre Co-
rinthien > mais comme l'a remarqué Perrault, n° ι , pag. nf,
il y a toute apparence que cet ordre étoit un ordre particu-
lier , dont les colonnes, au rapport de Pline } é'toient quàr-
irées-i & avoient une bafe , un chapiteau & des membres
d'Archite&ure dans leur fût, qui diffère abfolument des autre*
ordres. Le mot -Atticurge dérive de deux mots Grecs, qui iisni·
fient ouvrage Athénien.
                           . .
-ocr page 243-
' d'Architecture.          iii
tiéres qui couvroient les maifons des ïffaelites ,
he bleiîaiTènt les paffants , ii elles venoient à fe «
détacher par les injures du temps '■■(/). .
Pline fait mention des ordres Tofcan, X)öriqiie?
Ionique & Corinthien, &ne parle point du Cômpo-
ike non plus que Vitruve ; mais il cite, comme nous
venons de lé remarquer, un cinquième ordre qu'il
nomme Ä:tiiqüe,& dit que lés tiges en étoierit quai-
rées. Quoi qu'il en foit, cette efpece d'ordre efl
d'une proportion trop racôurcie, pour pouvoir,
entrer en parallele avec ceux que nous connomôns ;
•il ëil à éroire qu'il ne fut d'abord employé que
comme un couronnement continu, que les Athé-
niens imaginèrent pour faire pyramider les âVant-
corps dé leurs édifices. Les lloaiains «dans la fuite
ie firent fervir d'amortiiTement à leurs mörrfrm%nts>
'aîhti qii'ii s'en voit encore dés veiblges à Hoirie,
à la place de Nervà, 'aux arcs de triomphé de Sep-
timè-Sévére , de Cohftah'tih ; &c.
• Ces Moqués ëtoiènt réveùis de grandes 'tables
rèhfbficëësv propres à recevoir des bas-reliefs,
'M €es ihfèriptiöns relatives à l'objet de Fediiicel;
enfin on ajouta des tables ravalées dans leur pa-
rement.
Infenfîblement on perdit de vue l'origine & la
defKnation particuliere de ces petits étages. Les
Archite&es modernes ont voulu les faire entrer
dans l'ordonnance de leurs édifices, & ont eiïayé
de déterminer la hauteur de l'Amque, & de don-
ner à (es pilailres, une proportion qui les diftin-
1 (/) LorCque tu auras élevé les murs de ta msifon à leur
jufte hauteur, tu la couronneras pat un petit mur , afin qae
le fang de ton procliain ne foie pas verfé devant ta maifon.
Deut. cap. vi, v. 7.
O ij
ν
-ocr page 244-
212                        Cours
guât des ordres d'Archite&ure. Enfin, ils lui ont
affigné d'après ce qu'enfeigne Vitruve , planche
31 , page 127, un genre & des ornements dont
nous traiterons ailleurs.
Nous venons de rendre compte de ce qu'il nous
a paru indifpenfable de dire au fujet de l'origine
des ordres proprement dits , ainfi que fur les au-
tres objets de la décoration qui ont pris leur fource
dans ces mêmes ordres : nous avons cru, en rap-
prochant les temps, devoir paifer fous iilence la
plus grande partie des opinions de pluiieurs des
Architectes anciens & modernes ; car d'un côté ?
nous n'avons prétendu que faire connoître ce qui
ne peut être raifonnablement ignoré fur cette ma-
tière , & nous en tenir de l'autre, à ce qu'elle
nous offre de plus vraifemblable. D'ailleurs une
plus longue difcuiïîon n'auroit peut-être préfenté
aux amateurs, que des conjectures vagues & in-
certaines , & n'auroit fans doute fervi qu'à répan-
dre plus de confuiion dans l'efprit de nos élevés.
PaiTons maintenant au développement de la pro-
portion des ordres d'Archite&ure Grecs & Romain«.
-ocr page 245-
d'Architecture,            213,
! ^^^^^ËjÉj^==y—^==»
C H AFIT.R. E I L
Préceptes de liArt> tirés de la proportion des
ordres d'Architecture Grecs & Romains.
XOUR parvenir à donner généralement aux
membres d'Archite&ure qui embelliffent les faça-
des de nos édifices ,1a régularité & la beauté dont
ils font fufceptibles , rappelons-nous ce que nous
venons de dire touchant l'origine des ordres que
les Grecs nous ont lahTés pour exemple, ainii que
les efforts que les Romains ont faits pour les éga-
ler dans cette partie de Γ Architecture. Les fiiccèst
& la connoiflance des produ&ions de ces deux-
Peuples célèbres , nous feront d'un grand feeburs
pour fixer auffi les rapports, que les maiTes de
l'édifice doivent avoir avec les parties principales »
& celles-ci avec les. détails : nous y verrons aufïi la
relation qu'il faut mettre entre les avant-corps & les
arrieres-corps. Cette connohTance doit nous amener
encore à déterminer toutes les parties d'un bâti-
ment l'une par l'autre ; car il eil aifé de s'apper-
cevoir, que fi l'on néglige dans le début de fa
compofition , les rapports qu'il doit y avoir entre
la largeur & la hauteur des façades, & fi l'on
ne prévoit d'abord la quantité d'ouverture qu'elles
doivent contenir , par rapport au - dedans, il
n'en réfultera tout au plus qu'une belle ordon-
nance ; mais l'intérieur fe repentant de cette négli-·
gence, l'édifice fera imparfait.
Ο iij
-ocr page 246-
ii4            ,; ' . C o v r s ·
Combien effectivement de productions en ce
genre nous préfentent cette iniperfe&ion, parce
que m plupart de leurs Arehite&es ont borné leurs
études à la feule décoration : combien de licences
condamnables, introduites dans la diftribution ,
pour n'avoir penfé qu'après coup, aux moyens de
concilier les dehors avec les dedans, c'eft-à-dire,
- Îà" beauté de l'ordonnance des façades, avec la
commodité & l'agrément de l'intérieur. Le Château
de Maifons, le Luxembourg , le Palais des Tuile-
ries, font affez connoître qu'il ne fuffit pas d'élever
de, belles façades ; que l'Architecture ne fouffre
point de divifions dans fes parties , & que pour
devenir im Architecte du premier Ordre, il faut
être à la fois , bon Décorateur , Diitributeur in-
telligent δε Conftrucleur confommé ; qu'en un mot,
fans une profonde connoiiTance de ces trois parties,
on ne peut fe flatter d'élever des chefs-d'œuvre.
Commençons donc, pour acquérir Fart de déco-
corer nos édifices avec préciiion δζ: avec goût,
par l'étude des proportions des cinq Ordres, com-
me étant la; bafe des principes qui concernent la
décoration de nos bâtiments, partie de l'Architec-
ture 'l qui doit être regardée, fînon comme la plus
eiîenciellé, du moins comme celle qui fait le plus
d'honneur à l'Architecte, tk qui contribue le plus
à annoncer l'opulence des Cités.
En parlant de l'origine des ordres, nous avons
regardé les Grecs , comme les Inventeurs des or-
dres (m )JDorique , Ionique δι Corinthien; δζ: les
Romains, comme les Auteurs des ordres Tofcan
':.("?) Ordre, cz mot iîgnifîe l'arrangement régulier de pîu-
iîeurs belles "parties , au moyen defquelles en parvient à com-
pofçr un enfemble intéreflant. Un ordre d'Architecture pro-
-ocr page 247-
d'Architecture.           21 f
& Compofite ; les François, & les autres Nations
çivilifées , ont accepté ces deux fortes de produc-
tions , pour la décoration de leurs édifices, 8f
ont reconnu que Tordre Tofcan étoit propre à ex-
primer la. ruiticité ; le Dorique, la foliditéy Ποηί-
que , le genre moyen; le Corinthieri & le Compo.
fite, la délicateiîe. Nous dirons ici, que comme
ce dernier a la même proportion que le Corinthien*
on ne doit guère reconnoître que quatre Ordres
proprement dits ; que du moins ç'eft l'opinion de
Vitruve {n), qui n'a pas cru devoir comprendre
l'ordre Compoiite dans la claüVdes précédents.
Rendons-nous compte néanmoins des proportions,
& des différentes expreiFions de ces cinq Ordres; en
quoi nous nous conformerons au fentiment de YU
gnole ( a) : commençons par le Tofcan, pour finir
par te Compofite, & cela fans avoir égard au temps
de leurs découvertes; autrement il faudroitdivifet
les cinq ordres Grecs & Romains en deux claiTes^
prementäir > doit être confideré comme 1'oppofé dudefordrc;
il peut Remployer ele deux manières , en colonnes ou eu pi-
laftres- Les ordres font appelés par ffittttvfe,. ofdtnés & genera.'
co/umnarum.
(η) Vitruve , ingenieur d'Augufte , avpit une grande
çonuoiiTançe de la théorie, de l'Archite^ure *, & a eu pour
interprètes, Vignole , Palladio , Scammo^xi* Delorme , fbl*
land^Serlio, Albcru , Caijtaneo·, Barbarofic Viola. Perrault^
l'un de nos plus célèbres, Arcbiteétes, l'a auflj commenté ; les;
notes importantes ont renilu l?étude de Vitruve indifpenfablc
aux Architectes,
                          ;? ·.                     h ;
(o ) Vignole , Archite&e Italien , a fait bâtirl'Eglîfe du Jéfus
à Rome, & le Château de 'Caprarol.le, près de cette Vil'ki Cet
Architecte apr& s'être rendu rçeomma-ndabie par Sis préceptes
fur les cinq ordres d'Archite<&ure i cemmcHtés par/-«TA-viller &
eil: dçvenu , en cette partie 3 un objet d'imitation pour nos.
Arehite&es Ffâiî|ois j illmourut en i^fj , âgé de 66. ans». ;
O xv
-ocr page 248-
îî6 .                  Cours                          y
ainû que l'a fait Chambrai (p); mais Comme not
Architectes François ont également adopté en ce
genre les découvertes des Grecs & des Romains,
au point, que plufieurs les ont réunies dans une
même ordonnance ; fuivons îe plan que nous a tracé
Vignole ,'& comparons-le ïouvent avec Palla-
dio ( q ) & Scariimoîzi, les trois Commentateurs
de Vitruve les plus généralement eitimés.
Des cinq ordres en général·
.Planche Premiere.
Cette Planche peut donner une idée générale des
cinq Ordres
, réduits fous une hauteur commune ; ce
qui fait connoître plus pofitivement la différence du
diamètre de chacun d?eux
, comme on le remarque
par les plans qui font au-deßous de ces ordres qui
indiquent £un feul coup d'œuil leurs diverfes ex->
prefions*
        £                     .... 0 ; ...                 ί
L'ordre Tofcan îe reconnoît par la iimplicité
de.fes membres, & par fa proportion racourcie,
n'ayant que fept diamètres "ou 14 modules (r)i
(p ) Chambrai, Auteur forteftimé , quoiqu'un peu partial,
jtious a donné le parallele de Γ Architecture antique avec la
îttodeïnej [ voyez l'édition de 1701.] M. Errard, Directeur
à Rome des Académies Royales de Peinture , Sculpture1 &
Archite&ure de France , eft regardé comme l'éditeur de cet
ouvrage excellent. Voye^ la-note g, pag. xo6,
( q ) Palladio, né à Viceiïce, mort en i.jSo , l'un des Com-
mentateurs de Vitruve, le plus eftimé, s'eft acquis beaucoup
de célébrité eu Italie; par les bâtiments qu'il y a élevés. On
a de lui d,eux volumes grand in-folio, impreiïïon de Hollande s
dans lefquels on trouve d'excellents préceptes fur l'Archite-χ
éture & la plupart des chefs-d'œuvre exécutés par ce grand
Maître.
'I ( r ) Module du latin modulus , petite mefure $ c'eft une
-ocr page 249-
î>* A G ïl| C UT TÜRE,                lïf
nombre reconnu pour le premier terme en Archi-
tecture. Effe&ivement au-deiïbus deiept diamètres,
il jfemble qu'on ne puiffe faire un ordre régulier ,
qui puiffe entrer pour quelque chofe dans l'or-
donnance d'un édifice de marque. L'ordre Tofcan
s'emploie ordinairement dans l'Architecture mili-
taire, pour la décoration des portes de Ville,
des Arienaux , des Cazernes, &c. : dans l'Architec-
ture navale, pour la décoration des Ports , des
Phares, des Corderies, &e. : dans Γ Architecture
civile , pour la' décoration des Grottes, des Fon-
taines , des Orangeries, des Baffes-Cours, &c.
L'ordre Dorique de huit diamètres ou 16 mo-
dules de hauteur, fe reconnoît par les Triglyphes,
(f) diftribués dans la frife de -ion entablement,
échelle quifert à prendre les grandeurs , les largeurs, lë$
hauteurs & les faillies des différentes parties de l'ordre. Palla-
dio, Scammozzy & les autres .Commentateurs de VitruveJ
divifent leur module en 30 minutes. Nous préférons la
divifion du module de -Vignole Ç parce que divifé feulement
en n pour le Tofcan & le Dorique, peu chargés de mou-
lures i il femble devoir offrir une échelle divifée en moins de
minutes ; Se que par la raifôn contraire," les ordres Ionique ,
Corinthien & Corhpoiite, plus chargés de détails . ont beibinf
d'une échelle compofée d'une plus grande quantité de minutes :
moyens qui rendent la pratique du deiïin plus fine'3 Se l'art
de lever nos édifices plus facile.
(s) Triglyphes , du Grec Triglyphos} qui a trois gravuresΛ
eft une eipece de boifagès ,■ diltribués dans la frife de l'enta-
blement de l'ordre Dorique , par des ihtervales égaux. On
taille fur ces boliages des glypkes ou cannaux, féparés par
trois lifteaux ; ces triglyphes fe difpofent He maniere que
leurs axes tombent à plomb de ceux des colonnes ou Pilaftres,
de ceux des entre-colonnements des portes 3c des croifées ;
ces triglyphes ont de largeur , la moitié du .diamètre de la
colonne, & de hauteur, celle die la frife, qui efl: d'un module
& demi. Voyez la forme de ces triglyphes^ deiÏÏnés dans la
frife de l'entablement de l'ordre Dorique 'Λ planche premiere.
-ocr page 250-
ZlB                        C O U R 5
& par ion expreiîîon moins ruftique que le pré-
cédent. Son cara&ere virile, & la fymétrie de fes
membres ,. peuvent le faire employer quelquefois
dans les ouvrages militaires, mais plus particuliè-
rement dans l'Archite&ure civile, pour tous les
genres d'édifices facrés, publics ou particuliers.
Cet ordre doit être confidéré comme la premiere
découverte des Grecs: auiîi ces Peuples ingénieux»
femblent-ils avoir épuifé dans fa composition toutes
Us reflburces de l'Art.
L'ordre Ionique de 9 diamètres ou 18 modules
de hauteur, fe reconnoît par les volutes de fort
chapiteau, & par fa proportion plus légere que
l'ordre Dorique. Il peut être employé convenais
blement dans la décoration extérieure des maifpns
de plaifance, & dans l'intérieur des appartements.
On peut auiîi l'élever quelquefois, comme fécond
ordre, dans les façades extérieures des bâtiments.
L'ordre Corinthien eil encore plus fvelte que
l'Ionique, ayant 10 diamètres ou 2,0 modules de
hauteur ; il Té. fait reconnoitre par la délicateiFe
des ornements de fon chapiteau, & par la divi-
sion des membres de la corniche de fon entable-
Jftent. Il eil confidéré comme le dernier terme en
Architecture, car aiFezgénéralement il a. été re-
connu qu'un ordre qui avbit en hauteur plus de
dix fois fon diamètre , paroiiïbit incapable de
porter aucun fardeau : & par la même raifoh»
qu'on n'a pas voulu faire un ordre Tofcan au-
derTous de fept diamètres, afin de lui çonferv^r»
malgré fon expreiîion ruftique, une certaine beauté*
on na: pas cru devoir donner, à Tordre délicat,
une élégance qui partit contraire à ïa fplidité
qu'on doit obferver dans tous les genres d'édifiées.
L'ordre Corinthien, peut être employé dans la dé*
-ocr page 251-
d'Architecture           219
cotation des Palais des Rois, dans les dedans de
nos Temples , -& généralement par-tout où Télé-*
gance & la magnificence doivent être préférées à
la force & à la iimplicité
Enfin l'ordre Compofite, de même proportion
que le Corinthien , fe diitingue parles ornements
des ordres moyens & délicats, dont fon chapiteau
éft compofé. On le met en oeuvre dans les arcs
de triomphe, dans la décoration de nos théâtres,
dans les fêtes publiques, & par-tout où les or-
nement fymboliques doivent avoir la préférence
fur les ornements eiïenciellement confacrés aux;
ordres Grecs.
Division générale, pour les cinq
ordres d'Architecture.
Planche IT, Figure I,
Un ordre d'Architecture ? félon Vignole,ei};
affez ordinairement (t, compofé de trois par-
ties principales ; favoir, de la colonne {u) A>
; », .                 ι. Λ..;---------------;... _          ■ I ...y . .. .1 Ί, ; ι...' .... ι. ,,.ιι. :' „ 1 i,3mM;<
( t ) Ajfe^ ordinairement ; ce qui donne à entendre que \$
piédeftal & l'entablement ne font pas néceffaires à l'ordre ;
que la colonne ou le pilaftre fuffifent pour déiigner un ordre
d'Architecture ; car Jorfqu'une colonne eft élevée fur un pié-
deftal , & couronné d'un entablement, il nous fembîè qu'on
doit appeler tout cet enlemfifè , ordonnance') & que le'mot
à'ordre ne devroit indiquer que la coÎgrine ou le pilaftre. Par
exemple, on dît que la colonne coloiTale de l'ancien Hôtel de
SoifTons , aujourd'hui la nouvelle Halle au Blé , eft d'ordre
Dorique , quoiqu'elle n'ait pas d'entablement; n'eût-elle pas
oé piédeftal 3 elle feroit app'eléc de même. Les colonnes Tra-
janne & Antonine à Rome, font dans le même cas î on ne
res appelle pas moins colonnes Tofcanes, lorfqu'on les cite^
dans l'hiftoire. En effet, c'elt la colonne ou le pilaftre qui
doit déterminer la hauteur du piédeftal, & de l'entablement.
~{u) Colonnes j o» appelle ainfi un corps fàlide, de forme
-ocr page 252-
210                            C O URS
( figure première ) qui aiîigne à tout le reilende
l'Ordonnance des meiiires confiantes & détermi-
nées, dupiédeftal Β ( χ ), & de' l'entablement C (y).
Ces trois parties A Β C en comprennent cha-·
cime trois autres.
Le piédeital comprend le ibcle (ι) ou feaJfe ,β-ψ
le dé h, [a) & la corniche c, (b).
Les parties de Tordre , font la bafe d, (c) le
fut e, (d) & le chapiteau ƒ, («.).
circulaire par fon pian, & compofé d'une bafe , d'un fût &
d un chapiteau. La colonne diffère du piiafrre , en ce que le
plan de celui-ci eifc de forme qüadrangulaire. Le mot colonne
vient du latin, columna , lequel dérive 3 félon Vitruve de
eolumen, foutien.
                                                             * V
(x)rPiédefiaÎi on entend par pîêdefial, tout corps folide
compofé dune bafe, dun dé & d'une corniche : on le
nomme auffi ftylobate, du Grec ftylobaûs , foutien; >ce font
les modernes 3 qui ont ajouté aux ordres' les piédeftaux.
(y) Entablement > c'eil le couronnement de l'ordre, com-
pofé d'un architrave, d'une frife ■& d'une corniche. Ce mot
vient du latin, taiulatum, aifemblage d'un plancher.
(l ) Socle ;. on entend par ce mot , tout corps qui cnlporte
un,MUtï? ryCf 5œPatemenc : ici il tient lieu de bafe J parce
qu il elt fitué a la partie inférieure du piédeikl ; il dérive
du latin foccus , qui lignifie fandale s ou de l'Italien foccolo ,
patin.
                                      ·                     '             J ;;. ·
(a ) Dé ou tronc j quarré ou parallélogramme , ordinaire-
ment fóutenu par un foele ou une bafe, \& couronné par une
corniche,
                                                                    ν \\
j ίίΏΐ £?""c% Par « mot on entend la partie fupérjeure
de 1 entablement ; les moulures de cette partie different félon
les cinq ordres. Au refte , le nom de corniche s'applique à
toute partie taillante qui couronne un corps d Architecture ;
ce mot dérive du latin corona , couronnement.
(c) Bafe, du mot latin bafis , corps qui'en porte un autre
avec empâtement ; on l'appelle auffi fpiYe y du htm fvira.
{d) tut du latin fuftis, baron; c'eft proprement le tronc
ou la tige de la colonne 3 non compris la bafe & le cha-
piteau.
.,.(.<?.) Chapiteau, du latin capitulantt Commet'? c'eft la partie
-ocr page 253-
d'Architecture.           221
Celles de l'entablement , font Tarchîtrave g,
ǃ) la frife h, (g) & la corniche i.
Ces diverfes parties font compofées de plufieurs
autres , auxquelles on donne en général le nom
de Moulures ( h ) ; on entend par ce mot , tous
les membres (i) d'Archite&ure , qui confirment
l'art de profiler (k.) , foit dans l'application des
ordres , foit dans l'ordonnance de la décora-
tion des bâtiments. Les moulures en général em-
pruntent leur fome de l'exprefîion folide ou élé-
fupérieure de l'ordre : il en eft qui ne font compofés que
de membres d'Architecture, tels que ceux des ordres Tofcan
& Dorique; d'autres font compofés d'Architedure & de Scul-
pture , tels que les chapiteaux des ordres Ionique , Corin-?
thien & Compofir.es. Voyez la difrérence qui diftingue ces
chapiteaux dans la planche premiere.
                     /
( ƒ ) Architrave , partie inférieure de l'entablement , por-
tant fur l'extrémité fupérieure des colonnes , & leur fervant
de fommier.
(g) Frife, du latin pkrigio , un brodeur , ou du Grec iroo-
pkoros
, porte animal. C'elt la partie intermédiaire de l'enta-
blement , & fur la furface de laquelle on taille des orne-
ments courants en forme de broderie , Se entre--mêlés d'ani-
maux de plufieurs efpeces, ou de figures en bas-relief, tels,
que fe remarquent ceux deifinés dans la frife des ordres
Ionique,, Corinthien & Compoiïte dé Vignol'e, ou dans celle
des ordres Corinthiens du frontifpice de Néron 3 Se des termes
de Dioclétien. Voyez pour ces derniers le parallele de Cham»
bray.
( h ) Moulures ; on entend par ce mot 3 tous membres
d'Architecture faillants., droits, courbes, mixtes ou iînueuxj
c'eft par i'aiTemblage des moulures , Se la diverfité de leurs
cfpèces, qu'on parvient à çompofer, les cimaifes des corni-
ches , celles des architraves, des impolies, des archivoltes }
Sec.
( i ) Membres ; on entend communément par ce mot , la
partie d'un tout : en Architecture , les cimaifes 3 les larmiers,
font les membres d'une corniche. Les plates-bandes, les li-
fteaux. font les membres des architraves , des importes , des
archivoltes , des chambranles 3
Sec.
(fc) Profiler; c'eft la partie de l'Art la plus difficile; elle
neconfifte pas feulemetità/irnùer la maniere dés Anciens 5
-ocr page 254-
%%i                      Cours
gante des ordres, & fe réduifent à fept e£* j
pèces.
                                                          \" -,) \
D ES D I FFÉRENt ES ES FECES           \
DE Mo U LU RES.                            \
Planché II, Figure II.
La premiere eijpèce comprend les moulures ;
quarrées qui s'emploient de plusieurs manières : \
celles qui font marquées AB, font nommées cou- i
ronnes ; elles font les plus grandes & les plus
failîarités âes moulures quarrëes des corniches ; \
pnles nomme larmiers (/) ou gouttières,loriqu'oh :
pratique deflbus un canal comme a, pour aider
3 faire tomber goutte-à-goutte les eaux de deiTus
la faillie de la corniche, fans quoi elles couléroient .
Ssjtis le plafond ou foffîtè [m ) du larmier. Quel-
quefois ce plafond eil contourné en douane i com-
me b.
On nommé la moulure G, gros quarre ; la fail-
lie en elf moindre que celles des précédentes ;
elle feft aux tablettes des baluitrades, aux chä*
ferons des murs de clôture , &c.
La moulure D, appelée plate-bandé, fert pour
les architraves, les archivoltes Ou les chambranles.
Céâ moulurés n'ont ordinairement de relief que ce
mais encore à aflortir les expreflîons de chaque moulure , &
le caracïëre du profil, à l'ufage , à la grandeur Se à la de-
ftination du bâtiment.
                                                , . . ·
..: (.1) Larmier; membre quarré , ordinairement placé entre
4eui cimaifes; on lés appelé larmiers, minutaires ^ 'denriaa-
läires ou rriodillonaires , lorfque dans les différentes corniches
dés ordres on place des mutules, comme dans le Dorique:
des denricules, comme dans l'Ionique j des modulons, mmitiXj
jiâns lé Corinthien,
f im) Süßte* de l'Italien foßto ^plafond à i'äntiqüe" i fof-
-ocr page 255-
■;■■*■ '. '
•                                                                                                                                                           j
d'Architecture.             ii)
<|uii eh faut pour fe détacher les unes de deffus
les autres, ou du nud du mur fur lequel elles font
adaptées*
Les petites moulures quarrées font les filets ou
liiteaux, comme E F : celui Ε, placé entre pluiieurs
autres moulures,fe nomme filet, & lorfqu'il les
couronne comme F, on lui donne le nom de
îiiieau.
La deuxième efpèce comprend les moulures
demi-rondës ; celles G, font appelées tores ( η ) &
celles H , fe nomment baguettes; les unes δε les
autres font employées communément aux bafes
des colonnes & pilaftres, ainii que les filets &
les liiteaux Ε F.
La troifieme efpèce , font les quarts de ronds
convexes, comme ΙΚ , qui n'ont que la moitié
d'un tore : on les appelle quarts de ronds , ou
quarts de cercles droits , lorique leur faillie éil
par le haut comme I, & quarts de ronds ren-
verfés, lorfqu'elle eft par le bas comme K, CéS
moulures droites ou renverfées, s'appellent auflï
oves ( ο ) à caufe des ornements qu'on taille;
deiTus y lorfque ces membres font appliqués à des
cimaifes (p) ou à des ordonnancés d'Archite&üre
fufceptiblès de quelque richeÎTe,
mé de poutres apparentes, diftribuées en compartiments, qui
imitent allez bien les plates-bandes Sa les caflettes qu'on
obferve fous les larmiers des corniches Dorique , Corinthienne
& Compofite.
( η ) Tore ? du Grec toros , un câble j on nomme auflï
cette moulure j töndin | boudin, bâton & bbzel,
(o ) Voyez, lès ornements appelés oves , tracés fur la plan*
che 9 j & ce que noué en diforis eri décrivant lès différente
ornements qnon applique aux moulures.
( ρ ) Cimäife , du Grec, kfymtàïoit, Utië ôiide , parce qtîé
les principales moulures qui les-çdmpôfèîrt, font i^ûettfesti»
-ocr page 256-
224                     Cours
La quatrième efpèce renferme les moulures
creufes , nommées fcoties ( q ) comme L, ou can-
nelures comme M. Les premières fervent aux baies ;
les fécondes à enrichir les fûts des colonnes & des
pilaftres. Voyez la définition du mot cannelure ,
table des matières, dernier volume.
La cinquième efpèce, font les quarts de rond
concaves comme Ν Ο ; ils fe nomment cavets
droits , lorfque leur faillie eil par le haut,
comme Ν ; & cavets renverfés, lorfque leur fail-
lie efl par le bas comme O. On appelle encore
cette efpèce de moulure congé, lorfqu'eîle unit un
corps vertical à un corps horifontal, comme Ρ ;
ou gorge, lorfqu'eîle tient du congé & du cavet,
comme Q.
La iixieme efpèce, comprend les moulures iî-
nueufes , nommées douanes, formées de deux
portions de cercle ; on nomme douanes droites,
celles dont la faillie eil par le haut, comme R;
& douanes renverfées, celles dont la faillie eil
par le bas, comme S.
La feptieme efpèce , font enfin les moulures
finueufes , nommées talons, & formées aufli de
UQUX portions de cercle, comme les précédentes,
mais profilées en fens contraire : oh les nomme
talons droits , quand leur faillie eil par le haut,
comme Τ ; & talons renverfés, lorfqu'eîle eil par
le bas comme V.
Les dégagements e, placés entre deux moulures,
ondulées. Cimaife en François , donne à entendre les premiers
membres d'une corniche, qui indique la cime de toute l'or-
donnance d'une décoration d'Architecture.
(q) Scotie, du mot skotos , obicurité ; on la nomme encore
jiaçdh, membre creux , ou trockile, du Grec Trockilos 3 pou-
lie Λ à quoi cette moulure reifemble aiTez par fa cavité, \
. · -. ...... ......,-,..' f§
-ocr page 257-
b'ÀRGHITEGTURt           £$)
le nomment grains d'orge ; leur propriété 'eft d'em-
pêcher par leurs interiïices très-peu confidérables,
les moulures droites de former en apparence des
fécantes avec les moulures circulaires, principale-
ment lorfqu'elles font placées les unes fur les au-
tres dans une corniche ou dans tout autre mem-
bre d'Archltecfure.
Toutes ces différentes efpeces dé 'moulures, fe
tracent ordinairement au compas ; mais après avoir
acquis cette habitude, il faut s'accoutumer à les tra-
cer à la main : elles acquièrent par ce moyen plus de
grâce & de variété ; d'ailleurs on parvient par cet
exercice à leur donner un cara&ere relatif à l'ex-
preiîion de chaque efpece d'ordre , où les mêmes
moulures doivent s'annoncer différemment.
Pour faciliter les moyens d'acquérir prompte»
ment fart de profiler , ii néceffaire à l'Architecle,
nous allons donner la maniere de tracer géomé^
triquement, non-feulement {es moulures convexes f
concaves & iinueufes appliquées aux ordres d"Ar-
chitecture , mais encore les moulures appelées
moulures compofées, à l'ufage de la menuiferie 9
de i'ébéniilerie, du bois , du marbre , du plâ-
tre, &c.
De LA MANIÈRE DE TRAUER GÈoMÉ^
triquement les différentes
. Moulures.
Planche ilî,
Nous rie parlerons point ici de la maniéré
de tracer les moulures qtiarréés , comprifes
dans la premiere eipece dont nous venons de
parier précédemment ; elles ne font autre chofe
que des lignes paralleles, &: leur faillie eit pref-
Tomc i.
                 ·                         Ρ
-ocr page 258-
\
3ιβ6                          C OURS
que toujours déterminée spar -des angles droits |-
à moins qu'on ne croye devoir les incliner un peu
eu arrière , à deffein de donner en apparence plus
de ibflite & moins de faillie réelle à la maffe des
corniches, des architraves, des importes, des ar-
chivoltes , &c. ainfi qu'on le remarque aux lar-
miers & plates-bandes de l'entablement du petit
ordre Corinthien, dans l'intérieur de TEglife de
l'Oratoire à Paris, Au reite, nous croyons que
malgré cène exemple allez célèbre , on ne doit uièr
de ce moyen qu'avec beaucoup de circonfpeótion,
les' angles aigus que préfentent ces corps inclinés
étant preique toujours un abus contraire aux pré-
ceptes de la bonne Architecture.
Des Tores.
£ Les moulures ABC préfentent les différentes
courbures qu'on peut donner aux tores , fejon
qu'ils font placés à différentes hauteurs dans les
bâtiments à pluiieurs étages. Effectivement c'eit
leur iituation dans Γ Architecture qui doit déter-
miner l'Architecte à applatir plus ou moins les
tores dans leur partie fupérieure , relativement à
l'élévation de l'édifice & au point de diitance d'où
ils doivent être apperçus, fi l'on veut que leur
faillie malqtie, le moins qu'il eil poiîible, les mou-
lures quarrées qui, ordinairement, les couron-
nent.
'Maniere, de tracer le tore A , far un demi-cercle.
Le quarré A Β CD étant déterminé par la
hauteur de la moulure, divifez-le en deux parties
égales par la ligne EF; partagez cette ligne en
deux,'aifpoint G , duquel, comme centre, yous tra-
cerez le demi cercle Ε Η F,
-ocr page 259-
d'ÀRCH LT E tLT U R Ë«            227
Maniere Ae tracer Le tore Β-, par deux portions
I : - ^ \          de cercle.                       . -U
Le quarré AB CI) étant donné comme le pré-
cédent, partagez BC en cinq parties égales : de
îiois de ces parties, prifes pour faillie, tirez la
verticale Ε F ; portez ces mêmes trois parties de1
Ε en G , & tracez du point G , comme centre ,:
le quart de cercle IE; tirez enfuitele rayon Ver-'*
tical HK, en prenant fur la ligne horifontalé:
IG la ligne IH, égale aux deux cinquièmes de
RGf & du point H, comme centre y vous dé-
crirez la portion de cercle IK.
Maniere de tracer le tore C, par trois portions
de cercle.
1^-hauteur Β Ç étant partagée en fept parties
égales, on en donnera cinq à la faillie Β Ε, puis
on abaijffera la verticale E E que Ton partagera
auiïi en fept : on divifera en deux la dernière de
ces fept parties au point F, d'où, comme centre, on
décrira l'arc de cercle EH, auquel on donnera une
corde de trois parties delà hauteur Β G ,qui détermi-
nera fui cet arc le point H; on prendra auffi fur
la bafe FÇ trois parties au pointI; on élèvera
la perpendiculaire ΙΚ également de trois parties ?
&. dyi point Κ, comme; centre , on tracera l'arc
indéfini, J L :; portez, enfuite. ce. même* rayon de
H en M; divifez cette ligne oblique en deux au
pointN; puis élevez la petite perpendiculaire
Ν (X, qui rencontrant le rayon H F au point Ο,
donnera la direction de la ligne Ο KL , pour
du point,O., comme centre , tracer l'arc LH, qui
coniplëttera la courbe de ce dernier tore. '
P ij
-ocr page 260-
12&               J COiii R:s:';i
Des Quarts de Rond. /
Maniere de tracer le quart de rond A , par un.
" *
                   quart de cercle. -"--■'"■'Ρ,.r
La hauteur AD & la ..faillie AB étant égales
en'tr'elles , du point A , comme centre , & de l'in-
tervalle AB ou AD, tracez le quai r de cercle Β F Ρ :
ce premier quart de rond déterminera les deux
fuivants; mais leurs convexités ieront moins con-
iidérables , à deffein d'offrir dans une même mou-
lure trois quarts de rond , d'expreiïion folide y
moyenne & délicate."'j .: * ï
             : r
Maniere de tracer le quart de rond Β ^ par trois
ν points donnés.
Le quart de cercle BFD étant tracé comme le
précédent, tirez la corde Β D ; divifez-la en deux
parties égales en Ε , élevez fur cette corde la
perpendiculaire Ε F, partagez-la en fept parties
égaies, dont la fixiemëfe terminera au point ù ;
tracez enfuite du point H, comme centre , un
cercle qui paffe par les trois points donnés DGB:
pour cela tirez la corde D G , & fur fon mi-
lieu I, élevez la perpendiculaire I H ; tracez de
même la corde G ß, & de fon milieu K, éle-
vez la perpendiculaire Κ H ; ces deux perpendi-
culaires s entrecouperont au point H,qui, comme
centre.,, fervira à décrire l'arc Β G D.
Maniere de tracer le quart de rond C >
par trois foyers.
-■ Le quart de cercle BFD, la diagonale Β D \ &
-ocr page 261-
t>'A R.C H I TEC TURÊ.'             1Z$
Ja perpendiculaire Ε F, étant tracés comme dans
la mouluré précédente , il faut feulement placer le
point G à la cinquième diviiion de Ε F\. au lieu
de la fixieme ,„ puis trouver , comme on vient de
le dire au point Ο , le centre d'un quart de cer-
4çle-j qui paffe par les trois points donnés DGB,
enfuite tirer les perpendiculaires HO & 1 Or qui
étant élevées pour trouver le centre Ο , coupe-
ront la ligne AB au point K., &la ligne AD
au point L ; enforte que ces deux points KL
ferviront à décrire les nouvelles partions de
cercle pfopofées "M K·, i.N ; de maniere que celle
M^, détruira l'angle aigu qui fe rencontreroit
vers Β , & que celle i S fera éviter la fécante
que l'arc formeroit versD, & procurera à
cette moulure un grain d'orge q, néceifoire pour
Ja féparer d'avec la baguette Ρ , qui äccornpa-
gne affez ordinairement les quarts de ronds.
■''' D ε s Ca ν':£ τ s, '-■'"' ·,-' '""
Ρ l a-'n;:c h ε I;V.;"·'" ';;
Maniere de tracer te cavetA', par un quart
de cerne.
Cette moulure ,rinver£é/!jdiL quart de rond ,
fe trace de même. Le quarré; AB C D,.étant donné»
tracez du centre D, le quart de cercle, AEC»
ou cavet demandé. ,;;
                    ·
Maniere de tracer le cavet Β} par trois points
""donnés* : — -;—
Ce quart de cercle concave étant tracé comme
Pu/
' L
' / SE'
-ocr page 262-
\
Π^Ο           '^ ;· 'J G O Ü R S V' «3
le précédent, tirez la diagonale AD ; élevez fur
fon milieu la perpendiculaire E F , divifez-la en
«fept parties ; portez-en une de F en G ^ faites ^paf-
! fer comme dans le fécond quart de rond Β, Un arc
de cercle, par trois points donnés A G D, qui
détermineront le foy er Hy duquel, comme centre,
vous'décrivez le cavet AGD.
          ; ;            -?
%Mamdm dé traôer U càyet C, par deux foyers.
Ce troifieme cavët n'a de faillie que les quatre
■cinquièmes de fa hauteur. Pour'le décrire,'fai-
tes le parallélogramme rectangle ABC D, &. dé-
crivez un quart d'ovale , A Ε C yf de, la maniere
fuivahte.
                ."■          ,           y'y
Sur la, ligne AD, formez un triafegle équllatéraî
A F D ; du point D, comme centre, tracez le petit
arc CG, qui coupera FD au point G , enfuife
tirez la ligne indéfinie ÔG Ε qui coupera F A au
point E. Portez A Ε de A en H fur la ligne AD,
& du foyervH> comme centre,, tracez l'arc AE;
tirez en$âite la ligne Ëfit, qui étant prolongée,
-couperaCD prolongé au point I..( r.), duquel, com-
me centre, vous tracerez l'arc Ε G.
Ces moulures concaves s'appliquent auffi aux
.parties :fupérienres :& inférieures du fut des loâïres
,colonnes ou. J>ilaïtres ; alors ces moulures s'appel-
lent congésiî elles différent feulement des cavets
ABC, en ce qu'elles n'ont point de fontes ou pla-
fonds vers leurs extrémités inférieures, étant faites
(r) Ce point I, fe trouve confondu dans la figure S» pro-
che dç la lettre 0;; comiûe appartenant à la fig;· C. 9
ê<
-ocr page 263-
d'Architecture.           23*
pour unir la partie verticale du fût, avec les mou-
lures horifontales du chapiteau, ou de la baie de
l'ordre. Voyez dans le cavet C, la ligne ponc-
tuée CK,..repréfentant l'a plomb du fut, d'une cc^·
lonne, d'un pilaftre, ou de tout autre corps ver-
tical.
D es Se ο τι es.
Communément les Scories fe tracent à la main,
feul moyen de leur procurer une cavité ou un con-
tour relatif à la diverfité des baies , & à Fexpreincn
de l'ordre, auquel ces bafes fervent de ioutién \
mais comme il faut un grand ufage du deffin, pour
les tracer fans le fecours du compas ,.nous allons
indiquer la manière de trouver les foyers par les-
quels on les décrit,'afin de faciliter, la pratique
par la théorie fécondée du goût de Tart. ■
Maniere de tracer la feotie A , appelée feorie
; moderne.
Le quarré ABCD, étant divifé en quatorze
parties égales, du point E, placé à la neuvième clivi-
iion, partant de Β, abaiiîez la ligne verticale EF, des
quatre cinquièmes de EA ; formez le triangle èqui-
latéral EF G ; & du centre F, décrivez l'arc Ε G :
prolongez enfuite le rayon G F, d'une quatorzième
partie d'un des côtés du quarré ABCD, pour
avoir le point H; & dé ce point, comme centre,
tracez un arc dont la corde GI foit de deux par-
ties; puis tirez le rayon t H prolongé de deux par-
ties eriK; tracez l'arc ï L , auquel vous donnerez
nne corde de trois parties. Prolongez encore le
"rayon LK de deux parties en M, la ligne oblique
Piy
-ocr page 264-
%ï%                         Cours
MN, que vous prolongerez jufqu'à la cinquième
drviÎion de la ligne Β G: partagez cette ligne obli-
que en deux également au point O ; élevez la per-
pendiculaire O Ρ , qui coupera C Β prolongé en Ρ ;
tirez la ligne oblique Ρ M Q; enfin du point M,
décrivez l'arc LQ, & 'du point Ρ , l'arc QC , qui
finira Ja courbure de cette icotie,
Mankre. de tracer la f cône Β, appelée feotie
antique.
Le quarré A BCD , & la faillie A Ε feront les
mêmes que dans la figure précédente. Du point
E, abaiffez la ligne verticale Ε F de trois parties;
du centre F, décrivez Tare EG, dont la corde
fera de deux parties; tirez le rayon GF, puis
prolongez-le de trois parties au point H, duquel,
comme centre, vous décrirez Tare G I , en lui
donnant pour corde cinq parties : tirez enfuite le
rayon 1H, que vous prolongerez de trois parties
& trois quarts jufqu'au point Κ ; d'où, comme
centre, vous décrirez l'arc IL, auquel vous don-
nerez pour corde, fept parties, : tirez après cela
le rayon LK, puis l'oblique LC ; diviiéz cette der-
nière: en deux , au point M; élevez la perpendieu-
Jaire MN; elle rencontrera LK , au point m ,
qui, comme centre, fervira à décrire la quatrième
portion de cercle L C
Maniere de décrirela/code C\ par'cinq foyers.
Diviiez les cotés du quarré AB CD en douze
parties égales : du point E abaiiîéz la ligne per"
pendicuiaire E F, de la longueur de deux parties
& trois quarts à du centré F décrivez Farç £GA er>.
■i:
-ocr page 265-
D Architecture. 235
lui donnant pour corde deux parties ; tirez le
ravon G F, prolongez-le de trois quarts de par-
ties de F en H; & du centre H, décrivez lare
GI, dont la corde fera auili de deux parties ; puis
tirez le rayon IH, prolongez-le de deux parties
& demie en K, doù vous décrirez lare IL, en
lui donnant pour corde cinq parties : tirez le
rayon LK , prolongez-le de trois parties juiqu a
M ; de la neuvième diviiion Β C, tirez M Ν, que
vous diviierez en deux parties égales, au point
Ο ; élevez la perpendiculaire Ο Ρ , qui rencon-
trera la ligne CB , prolongée en Ρ ; enfin tirez la
ligne Ρ MQ, qui limitera Tare L Q; & du point
F, comme centre, vous décrirezTare Q C-,
Des D ou cin es.
Plan che V.
Manierß de tracer la doucine A , par deux
quarts de cercle,
ta hauteur de la moulure étant déterminée pat
le quarté AB CD , diviiez chaque côté en deux
parties égales ; tirez les lignes EF, GH, qui s'en-
trecoupent au' point I; puis du point H, décri-
vez le quart de cercle ΒΓ, & de G, comme cen-
tre, μη autre quart de cercle PL
'Manière de tracer la douane Β ~, par deux
' triangles ifocéles.
Tracez le quatre A Β C D ; tirez la diagonale
.BD,divifez-la en deux également au point I,
-ocr page 266-
2,34                   C o υ k s
& tracez deux quarts de cercle comme les précé-
dents ; enfuite divifez DI & Iß en deux, aux
points L & G ; partagez les flèches KL & G H
en fept parties ; & de DOI, & de ΓΡΒ, au-
tant de points donnés , trouvez comme dans les
"figures précédentes les foyers Q R, à deiTein de
parvenir 4 tracer cette moulure moins concave
cnie la précédente.
Maniere, de tracer la doucine C ? par trois
ftf ": ifi mi foyers, Jk
Tracez le quarré A Β CD , puis le quarre
EFGD, quart du précédent: du point Ε, comme *
centre, décrivez le quart de cercle FHD; tirez
enfuite la corde FD; & au milieu delà flèche IH
divifée en fept parties, de la cinquième Κ, ainfi
que par les points FD, faites paiTer un arc de
cercle , dont le centre fera L ; divifez enfuite
Tire D Κ en deux au point M ; tirez la ligne
M L, perpendiculaire à DK, qui coupera A D
au point Ν, duquel, comme centre , & de fin-
'tervalîe NM, on décrira l'arc MO, arc qui oc-
caiionnera un grain d'orge, ainii qu'on l'a cbfervë
dans le quart de rond C\ planché troiiieme ; pour
"tracer la partie fupérieure de cette moulure, pro-
longez l'arc MKF indéfiniment vers P, portez le
rayon L F Β en Q, tirez la ligne Q L, &
fur {on milieu , tracez la perpendiculaire V Τ,
*qui coupera BC au point Τ ; puis tirez la ligne
LT, qui coupera l'arc F Ρ au point S; & dû
centre T, décrivez Tare BS, d'où il réfultera que
Ja partie fupérieure de cette doucine fera plus
concave & moins élevée que fa partie inférieure*
#
-ocr page 267-
d'Architecture.           23 5
Des Talons.
Manwe % tracer le talon A, par quatre foyers.
La faillie AB étant fuppofée égale à la hauteur
Β G on portera de À en E, & de G en G , une
faillie de la huitième partie de AB óu environ;
enfuite on tracera un ^parallélogramme redangle
EFG H, qu'on divifera en deux également par les
"lignes IK & MN; & &r les deux lignes ΕΙ, \\
& LK, KG, on tracera deux quarts d'ovale par
les foyers al·cd, qui détermineront la courbure
de ce talon d'une manière très-reffentie, quoique
'méplate.
                     f*pr*: iï3-^ïji^pm\&
Maniere de tracer le talon Β ), par deux foyers.
ώ Après avoir tracé tin parallélogramme AB G D,
•tirez les diagonales A G „ Β D, qui s'entrecouperont
*u point E ; divifez AE en deux parties egales au
point F; élevez k perpendiculaire F G , qui cou-
-pera Aß, au poiht-G, duquel, comme centre',
•on tracera Tare AHE; tirez enfuite gEÏV «
;du point I , comme centre, répétez la même
-opération en fens contraire : ce qui rendra cette
moulure moins finuëufe que la précédente.
Maniere de tracer k talon C , dont chaque
' courbure ψαβ ψαφ trois points donnés.
Tracez d'abord cette moulure comme la précé-
dente ; divifez enfuite fa flèche F H en fept par-
ties égales; faites paner un arc de cercle parla
,iixiëme;divinoil"& par les points donnes ; ces
'M>îs points preictiront W %er G : faites la
/
-ocr page 268-
236                      Cours
même opération en iens contraire, par la partie
inferieure de ce talon * qui donnera le foyer 1, 1
& déterminera la courbure de ce talon d'une ma- J
niere moins reffentie encore que le talon B.
Des Moulu resγυ'ο ν nomme
CO M Ρ Ο SEES,
Ρ L Α NC HE VI. ί
Sous le nom de moulures compofées, on èflr·
tend celles'qui tenant des précédentes, en différent
cependant, par la maniere de les appliquer à ΓΑκ-
chiteciure, foit dans les dehors, foit dans les de-
dans d'un bâtiment, & félon qu'elles font exécu-
tées en marbre, en pierre, en plâtre, en bois, ou
en bronze : autant de coniidérations qui obligent
TArchitec"te de donner à chacune d'elles un con-
tour plus ou moins coulant, plus ferme, moins
naïf, plus riche ou moins compofé ; nuances im-
perceptibles pour le vulgaire, mais connues du
véritable Artifte, qui feul peut 'donner le dernier
degré de perfection à cette partie de l'Architec-
ture. Au reîle une telle connoiffance ne petit
s'acquérir que par l'examen des chefs-d'œuvre des
Manfards en ce genre, par le fentiment, le rat-
ionnement & le goût de l'art ; autant de moyens
qui conduifent infeniiblement le jeune Artiite à
profiler les moulures à la main, à les développer
a fon gré , & à les varier à l'infini félon le be~
foin.
■ Manierede tracer par quatre foyers ta gorge A*
La hauteur A Β étant divifée en douze parties,
donnez-en neuf à la faillie de la moulure ; -.φι
-ocr page 269-
d'Ar c h ι TECTua e.            2J7
point C , abaiffez la perpendiculaire indéfinie CEF;
portez trois parties de C en E, d'où, comme
centre, vous décrirez le quart de cercle C G :
prenez enfuite le rayon C F de quatre parties,
& du centre F, décrivez l'arc C H, dont la corde
fera de trois parties; portez enfuite la longueur;
de la ligne Hl'de neuf parties , de Β en Κ , &
tirez I'K : divifez cette nouvelle ligne en deux
parties égales au point L, & tracez la perpendi-
culaire L M, qui rencontrera BK prolongé au
point M; tirez enfuite la ligne indéfinie-MIN;
du point I, décrivez l'arc Ν H, & du point M»
l'arc NB. Cette moulure eil d'ufage dans les cor^
niches en plâtre, dans la menuiferie , dans la mar-
brerie ; & fa courbure peut fe varier à l'infini,
félon le genre qui préiide dans l'ordonnance de
la décoration où elle eil employée.
Manien de tracer par trou foyers la douane Β\
La faillie AB étant double de la hauteur BC>
conilruifez le quarré A Ε FD; partagez le fom-
met A Ε en douze parties , & le côté A D m"
deux également au point I: du point G, abaiffez
indéfiniment la perpendiculaire G H, puis du point
I, tirez la ligne parallele IK; prolongez la ligne
G H, & conilruifez le quart d'ovale IG : continuez
le grand arc de l'ovale , tracé du foyer H jufqu'à
ce qu'il coupe la ligne IK au point Ρ , puis
tirez indéfiniment la ligne HP; portez le rayon
HP de Ρ en R, & du point R, comme centre,
décrivez l'arc PC. Cette doueine s'emploie affez
généralement dans les cimaifes intermédiaires des
corniches , & elle eil fufceptible de plus ou moins
de hauteur & de,faillie, félonTappÜcacion quoi»
en fait dans la décoration.
-ocr page 270-
%38                 :·■ ^C'o.Ti^s" f
Manierede tracer par trois foyers la moulure (?,
appelée bec de corbin.
Le re&angle A Β C D ayant en largeur le dou-
ble de fa hauteur, divifez D C en quatre parties ;
tirez la diagonale du point A au point Ê, divi-
fez-la en neuf parties , prenez-en fept pour faire
les côtés d'un triangle ifocéle A F E; du fom-
met F, comme centre , décrivez l'arc A Ε , puis
abahTez fur la ligne FE, la perpendiculaire Ε G ,
qui coupera BC , au point G; portez la lon-
gueur G Ε de G en H, partagez en deux éga-
lement l'angle Ε G H, par la ligne G I, qui cou-
pera Ε F au point I, duquel, comme centre , on
tracera l'arc EHK; donnez pour corde a l'arc
H Κ , une dés neuf parties de AE, tirez le rayon
ΓΚ, portez de Κ en L une partie & demie de
AE, & du centre L, décrivez l'arc KM , qui
fera terminé en M par le rayon L M, perpendi-
culaire à AB. Cette moulure s'emploie commu-
nément en plâtre, en bois ou en marbré, dans
l'intérieur des appartements ; mais on doit éviter
d'en faire ufage dans les dehors des édifices :
cette efpèce de tore corrompu faifant rarement un*
l>on. effet. .
                                                 h
Manière de tracer par cinq foyers la moulure D,
appelée boudin.
; Cette moulure, afTez fembiable à la précédente,
fie doit non plus guère être employée que dans
l'intérieur des bâtiments, les Menuiiiers Fäppelent
boudinfimpUoi\x_ boudin k baguette: on le nomme bou-
ua
-ocr page 271-
d'Architecture.            239
ein à baguette, lorfqu'on y ajoute la moulure ronde
S; & boudin fimple lorfqu'on en iupprime cette
moulure. On fait quelquefois de ce boudin iimple,
ou à baguette, la moulure principale des chambran-
les conilruits en pierre ou en marbre ; mais il eil
mieux d'y employer celle des architraves des ordres,
chaque membre devant avoir un caractère diiUnclif,
d'où dépend l'effet de l'ordonnance. Voici la maniere
de tracer géométriquement cette moulure qui peut
varier néanmoins, félon le relief ou le méplat
qu'il convient de lui donner, relativement au genre
de la décoration.
Le fommet du re&angle A Β C D étant divifé
en quinze parties , du point Ε, abaiffez la per-
pendiculaire Ε F de trois parties & demie ; tirez
ï'horifontale F G, parallele à AB; de l'intervalle
F G de trois parties , décrivez Tare indéfini H GI ;
donnez pour corde à l'arc G H une partie δε
demie, & tirez le rayon F H, fur lequel vous
prendrez un nouveau rayon H Κ, de deux parties ;
du centre.Κ, décrivez l'arc HL, qui fera terminé
par une perpendiculaire abaiffée du point M ;
donnez enfuite pour corde à Tare H GI, quatre
parties, tirez le rayon FI, prolongez-le de deux
parties & demie en Ν, de maniere que le rayon
N,I fe trouve avoir cinq parties & demie; puis
du centre Ν, décrivez l'arc ΙΟ dont la corde
fera de trois parties: élevez enfuite la perpen-
diculaire ON, prolongez-la de fix parties & demie
vers Ρ ; enforte que la ligne Ο Ρ foit de douze
parties : du centre Ρ, décrivez l'arc O Q, qui ait
pour corde fept parties ; enfin prenez le rayon
QR, de neuf parties , & du point R,, comme
centre, décrivez l'arc Q A.
                            '*
Pour tracer la baguette lorÎqn!ôn veut l'adap-
-ocr page 272-
140                      Cours
ter à cette moulure , divifez en neuf parties
les côtés du quarré qui la contiennent, & obferVez:
les grains d'orge qui la féparent, d'une de fes
parties, félon que le préfente cette figure.
Maniere de tracer par deux triangles ifocéles,
la moulure E , appelée doucine renverfée.
Cette moulure, appelée doucine renverfée,
propre aux bafes des piédeibmx, ou à tout autre
membre d'Architecture, placé au-defTous de l'œuil
du fpettateur , fe trace de cette maniere : fup-
pofons que fa faillie foit à fa hauteur, comme 5
eil à 4 ; tirez la diagonale Β D, & la partagez en
neuf parties; prenez-en quatre au point Ε , pour
la partie convexe : fur le milieu F ύ de la ligne
DE, élevez la perpendiculaire F G J| qui coupera
AD au point G, & fur le milieu H de la ligne
Β Ε, élevez de même la perpendiculaire HI, qui
coupera Β C au point I, d'où, comme centre,
vous tracerez l'arc Β Ε ; la Baguette Κ fera tracée
comme la précédente.
Manierede tracer par trois foyers la'moulure F y
appelée
bouemént.
. Cette moiilure eft une doucine compofée que
les Menniiiers appellent bouemcnt fimpU ou à
baguette : à baguette lorfqu'on y ajoute la mou-
lure ronde L ; fimple lorfqu'on en iiipprime cette
baguette. Pour tracer la moulure dont il s'agit?
le re&angle ABCD ayant trois parties de lar-
geur , & cinq de hauteur, tirez la diagonale A C ;
divifez-là en trois parties égales, tracez fur A E
-ocr page 273-
r>*ARC Hl TÉ C Τ URE.           Η*
le triangle équilatéral A Ε F ; & du point F, com-
me centre, décrivez l'arc A Ε : tracez auiîi fur
EC , un triangle équilatéral ECG, & du point
G, comme centre , décrivez l'arc E C ; puis divifez
le côté G C en deux parties égales au point
H, duquel, comme centre, on décrira Tare indé-
fini CI ; enfin tirez ΚI, parallele à D C, & à
la diftance de la moitié d'une des cinq parties de
Β C ; cette parallele fixera le point I, qui terminera
la circonvolution de cette moulure ; la baguette L >
comme les précédentes.
De LA MANIERE DE TRACER LES f ETS
d'Eau , propres aux différentes
cimaises des corniches.
Planche VIL
Nous avons déjà dit, en parlant de la planche II; >
qu'on pratiquoit un canal ou une mouchette pen-
dante fous le fofite des larmiers fupérieurs des
corniches , principalement lorfque ces dernières
étoient placées aux façades des édifices , & cela,
avons nous dit, pour empêcher les eaux plu-
viales qui tombent fur leur faillie , de fe ré-
pandre, fur ces cimaifes intermédiaires, & iur
les parties inférieures de l'entablement : notre
attention ici s'étend plus loin, nous propofons d'ar-
rêter l'écoulement des eaux qui tombent fur la
faillie· des corniches, ou par un canal renfoncé
comme les figures AB, ou par un fofite incliné,
pratiqué immédiatement fous le lilteau, qui cou-
ronne la cimaife, comme dans la figure C , foit
que la principale moulure de cette cimaife foit
ton quart de rond ou une douane, ou enfin un
Tome I,
                                           Q
-ocr page 274-
242-                      C o υ R s
talon comme dans ces trois figures AB C \ en-
forte que par ces divers moyens , non-feulement
les membres inférieurs, mais encore le larmier fu-
périeur feroit entièrement préfervé de l'écoule-
ment des eaux du Ciel. Ce n'eft pas qu'on ne
pût pratiquer à la face du larmier une pente en
arrière , ou bien fur la faillie de la corniche un
canal qui rejetteroit les eaux par le moyen des
mufles de lion qu'on prend foin d'orner de ca-
nons de métal, tels qu'on en remarque dans les
exemples antiques, & qu'il s'en voit dans la cour
du vieux Louvre Se ailleurs; mais ce que nous
propofons, d'après quelques exemples récents,
nous paroît plus fimple , moins difpendieux , &
procure le même avantage que les mouchettes
pendantes, fans en avoir les inconvénients. D'ail-
leurs il eft bon d'obferver , que les cimaifes fupé-
rieures fe font prei'que toujours en pierre dure,
& qu'il eil utile pour la confervation du larmier,
ordinairement de pierre tendre à caufe d'une
moindre pefanteur, de placer ce canal où nous
le propofons , plutôt que fous la partie inférieure
du larmier ; parce que le féjour de l'eau qui s'y
conferve , détruit néceiTairement les fels de la
pierre, & en dégrade en peu de temps, la vive-
arrête; de maniere qu'au bout de quelques années,
ce larmier n'offre plus qu'une rupture défagréable
à l'œiiil, ainli qu'on le peut remarquer prefque
par-tout où l'on a négligé de prendre les pré-
cautions que nous recommandons. Acquérons
maintenant la maniere de tracer géométriquement
ces trois efpèces de moulures avec leurs mou-
chettes ( s ).
( s ) Terme d'ouvriers, pour exprimer, comme nous venons
-ocr page 275-
d'Architecture.             243
Maniere de tracer Le Jet d'Eau appliqué au quart
de rond A.
La ligne AB, fommet du quarré AB CD ,
représentant la faillie de la moulure, portez la
iixieme partie de cette faillie de Β en Ε, & formez
le re&angle DF, EC , dans lequel vous tracerez
le .quart d'ovale Ε G D , comme dans les figures
précédentes; puis du centre B, tracez le quart
de cercle Ε H , qui formera le canal de cette
moulure. On pourra donner plus de largeur au
canal B, & plus de faillie à la mouchette HI,
félon le caraétere que comportera l'ordonnance ,
& l'élévation où ce membre fe trouvera placé
dans la façade de l'édifice.
Maniere de tracer le Jet d'Eau applique à la
douane Β }
Suppofons que cette doucine ait un quart de
faillie plus que fa hauteur , tirez la diagonale BD,
partagez-la en cinq parties ; les trois premières
feront la corde de l'arc Β Ε ; fur le milieu F, élevez
la perpendiculaire F G, qui déterminera fur la
verticale B C, le centre G ; faites la même opé-
ration fur DE , pour avoir le centre H , & tracez
la moulure BED. Pour avoir la mouchette,
de le dire, le canal qu'on afrecÎe fous le larmier des corniches,
pour faciliter récoulemenc des eaux du ciel, & qu'ils appellent
mouchettes pendantes , lorfqu'on y ajoute une moulure en
contre-bas a comme dans la corniche Tofcane de Vigriole, Se
qu'on le remarque au larmier du Luxembourg, par DebroiTç.
-ocr page 276-
244                      Cours
prenez BI, quart de AB; élevez la perpendicu-
laire I K, d'un feptieme de Β C , prolongez-la
en contre-bas jufqu'à ce qu'elle coupe l'arc BE,
en L ; diviiez L Β en deux parties , au point M ;
& tracez du point I, la portion de cercle KM.
Ce jet d'eau ou canal, comme le précédent, peut
varier dans fa profondeur, comme fa mouchette,
pendante dans fa largeur.
-.. ■                                                                          ι                                                                             ■.                                                                                                             ■ ■' ,                                                                                             ι ■·-..■ '.-■■;                                                                    ■ ■ ■■'.                                                                                                                           ■■.,,·—"-''i'                                                                                                              λ
'■■yj                                     .'.>■'■ · ■' ■ ''.                                                        ■ .\-.i '<. ...,,;r:·-'" ■ '{                                   . ' ■
Maniere de tracer le Jet d'Eau y applique au
talon C,
Le talon .étant tracé félon la méthode précé-
dente , divifez en trois A Β, plafond ou ÎontQ
du lifteau qui le couronne ; du point A au point
C, tirez une ligne qui fera perpendiculaire ,
à une de ces trois parties ; puis tirez la ligne
δε égale D C , parallele à A Β ; portez une partie
& demie de AB en Ε ; tirez l'oblique DE; & de
E, comme centre , décrivez le petit arc DA;
enfuite tracez le fofke incliné D Β.
            π
Maniere de tracer les
differentes courbures
des Frises Bombées,
Les frifes Verticales nous paroiflent préférables
a celles qu'on nomme bombées ; cependant comme
la plupart d'entre nos modernes , tels que Palladio,
Philibert Dêlorme , François Manfard 5 &c. ont
bombé leurs frifes , nous donnons ici différentes
manières d'en tracer la courbure à l'exemple de
, ïa frife de l'ordre Ionique des Tuileries , des
Iféuilkns, de Trianon, &c.
-ocr page 277-
d'Architecture.           14 J
Maniere de tracer la courbure de la fiife A.
χ Divifez la hauteur A Β , en quatre parties éga-
les ; enfuite fur C D , comme bafe, tracez un
triangle équilatéral , du fommet duquel E, &
& de l'intervalle E,A » ou Ε Β , vous décrirez là
courbure AB.
r Maniere de tracer la courbure B.
teûe féconde frifé , moins convexe que la
précédente, fe tracera par un triangle équilatéral,
dont la hauteur AB lui fervira de bafè, pouf du
fommet C, comme centre, décrire la courbure
A BI
Maniere de tracer la courbure de lafrije C.
four tracer cette troifieme courbure, plus
compofée que celle des frifes AB , divifez k hau-
teur A Β en douze parties. Du point G tirez une
.horlfontale de la longueur dé deux parties & trois
quarts, qui fe terminera au point D ; tracez en-
fuite^ le petit quarré AF , de la grandeur de rune
des^ouze parties de A Β ; tirez enfuite D F, comme
bafetdun triangle équilatéral, dont le fommet Ο
fera le centre de lare FP; puis tirez la hgne
oblique BD, faites-en la bafe d'un triangle équilaté-
ral DBE, du fommet duquel Ε, comme centre,
vous décrirez l'arc D B.
Q·.·
-ocr page 278-
246                     C ou 11 s
Des Moulures Concaves , nommées
Cannelures.
Ρ L A Ν C H £ V I I î.
En parlant de la quatrième efpece de moulures»
décrites planche II, figure II , nous y avons
compris les cannelures. Entrons à préfent dans le
détail de leurs différentes conitruétions, & diibns
la maniere de les appliquer convenablement aux
différents ordres d'Architeéture , d'après les exem-
ples de celles qu'on remarque aux ordres Dorique»
Ionique & Corinthien de plufieurs de nos édifices
renommés.
Des Cannelures de l'ordre Dorique de \ Saint-
Sulpice.
F I G U R E I.
La* colonne ayant 20 cannelures, tracez farc
GAB, de 36 degrés; divifez-le en deux égale-
ment au point A » puis AB , encore en deux par-
ties égales au point C, qui fera le milieu du liiteau;
partagez l'arc AC, en dix »neuf parties égales;
portez-en une de C en D, & une autre de C en E>
pour avoir la largeur du lifteau qui ne fera ici
que la dix-huitieme partie de la cannelure ; tirez
la corde D F ,& prenez-en la cinquième partie,
qui déterminera la profondeur de la cannelure.
Des Cannelures de l'ordre Dorique des dehors
du Château de Maijons*
F ï G U R Eli.
Cette colonne ayant 20 cannelures, comme la
-ocr page 279-
ι .,            d'Architecture.            247
précédente, divifez l'arc AB, qui fera de 18
degrés en deux parties égales , au point C » &
partagez l'arc CB , en huit parties égales; don-
nez-en cinq à la moitié de la cannelure BD dont
la cavité fera déterminée par un demi-cercle : pour
tracer la baguette ou le rofeau,qui remplit le bas
de la cannelure, portez les deux tiers de BD,
de Β , en F ; partagez le même arc Β D en dix
parties ; portez-en neuf de F en G, & du centre G,
tracez F H , qui donnera de profondeur à l'inter-
ftice DH qui fe trouve entre la cannelure & le
rofeau à peu près la moitié de C D.
Des Cannelures de l'ordre Dorique du Veflibuk
du Château de Maifons.
·>
Figure III.
L'arc AB, étant de la vingtième partie de la
circonférence , divifez-le en deux au point C \
partagez CB & CA, chacun en dix parties;
portez-en trois de C en D, & de G en Ε ; divifez
le Meati ED en trois parties; donnez-en une
au créneau ou renfoncement X ; faites la ligne
Ε F , égale à l'une de ces trois parties , & du
centre de la colonne, tracez une nouvelle circon-
férence, qui? paffant par le point F, détermi-
nera la faillie du liileau fur le nud de la colonne ;
faites enfuite F G, égale à la moitié de Ε D,
& du centre de la colonne, tracez encore une
nouvelle circonférence HIG, d'où commencera
le renfoncement d'une cannelure en niche. Pour
tracer la cannelure Κ L Q, partagez HI en fix
parties; & du centre I, tracez l'arc KLQ, égal
à cinq de ces parties.
Qiv
-ocr page 280-
14"                         CO URS
Pour avoir la faillie de la baguette, ou rofeau
A, divifez IL en trois parties, & du point Ο,
tracez Tare MPN, puis faites le renfoncement
de l'interiHce KM , égal à Κ H.
Des Cannelures de l'ordre Ionique des dehors
du Château de Maifons.
Figure IV,
L'arc A Β étant de dix-huit degrés, partagez-
le en deux au point C ; divifez A C en fept
parties égales , & faites AD & AE égales à deux
de ces parties : donnez au créneau X la cinquiè-
me partie de ED; faites Ε F égal à cette cin-
quième partie, & tracez une circonférence pour
borner la faillie des liiteaux, & celle des joncs ou
baguettes qui rempliront le bas des cannelures ;
faites encore D G égal à Ε F, & du centre C
tracez la cannelure ; coniidérez la ligne H I,
comme le petit diamètre d'un ovale ; partagez-
la en deux parties égales % & donnez-en trois au
grand diamètre KL; tracez l'ovale, & bornez-en le
contour par un grain d'orge , placé vers le milieu
du grand diamètre KL.
                                   ' *
Des Cannelures de l'ordre Ionique du Palais des
Tuileries y du côte du Jardin,
Figure V.
Il y a feize cannelures à cette colonne; les
arcs AB & Β C, repréfentent chacun une feizie-
me partie de fa circonférence, & ont par confé^
quent chacun vingt-deux degrés & demi; partagez*
-ocr page 281-
d'Architecture.            249
les en deux parties égales , aux points E & D, pour
avoir le milieu des lifteaux ; divifez Tare AB en
neuf parties, & portez-en une de D en G, puis une
autre de E en H; des points G& H* tirez des lignes
indéfinies, tendantes au centre de la colonne ; divi-
fez l'arc G H en cinq parties , dont une partira du
point H, & fe terminera au point K, & une autre
commencera du point G , pour aboutir à L ; par
tagez la niche K, L en quatre parties , dont une
fera portée fur les rayons KM, LN, par les
points M &N; du centre M, décrivez une cir-
conférence , puis tracez le quart de rond KP:
divifez M Κ en deux , au point Ο ; faites Ο S ,
égal à Ο K, & du centre V, tracez la cannelure
SXT; portez de Β à Y, cinq quarts de KM,
& du centre Y , faites paffef par le point B,
un arc de cercle , qui déterminera la forme de
la baguette ou du rofeau ; enfin on arrêtera la
baguette par un grain d'orge, & l'un & l'autre
rempliront le bas de la cannelure jufqu au tiers du
fut inférieur de la colonne.
Des Cannelures de ΐ ordre Corinthien des dehors
du Château de Maifons.
F I G U R Ε V I.
La colonne eil ornée de dix-huit cannelures ;
ainfi Tare À Β, qui eil la diftance du milieu de
la cannelure au milieu de la côte , fera de dix
degrés: partagez-le en dix parties égales ; du
point Β vous en porterez une au point C, & une
autre à D ; puis du centre de la colonne , tracez
Tare C Ε , divifez-lé en neuf parties ; prenez-en
cinq pour tracer du centre Ε, la cannelure F X;
-ocr page 282-
2J0                       C O é R S
faites F G , d'une partie : par les points G & D,
faites paiTer un arc de cercle, pour former les
quarts de rond , qui, en accompagnant les can-
nelures , feront féparés par un créneau quarre
de la grandeur Β D. - -
£)es Ornements quipeu vent
s'appliquer sur les Moulures,
ρ l anche ix.
Les ornements dont il s'agit, tirent leur origine
des feuilles -, des fleurs & des fruits que produit
la nature. L'art de'les appliquer convenablement,
eil un des premiers mérites de l'Architeûe ; δε
celui de les imiter une partie efiencielle à la capa-
cité du Sculpteur. Pour remplir. ces deux objets,
il faut un goût exquis, & une habitude à bien
voir ce que les Anciens ont produit d'excellent
en ce genre. Il faut obferver mi contrarie heu-
reux dans les détails, fans nuire en rien à la fymé-
trie générale des formes ; il faut leur doriner un
motif afforti au caractère dé l'ordonnance : enfin
il faut les difpofer de maniere que dans une cor-
niche, une architrave, une baie , une importe,
un chambranle , il n'y ait point de moulures qui
en foient accablées , & d'autres qui en foient
entièrement dépourvues. Pour cet effet il ne les
faut placer que fur les moulures des cimaifes:, .&
rarement fur les larmiers qui les féparent f ni
fui les plates - bandes & les liiteaux , dont nous
avons-déja ; recommandé la fimplicité. Il faut
naème que ces ornements , lorfqu'on les applique
fur les moulures dès cimaifes, ibient aiïbrtis au
galbe δε aü contour de chaque membre, confidéré
féparément, afin que l'on puiiTe juger delà formé
-ocr page 283-
ρ
d'Architecture.            251
dé ces moulures avec la même facilité, que fi elles
euffent. été Mes : pour cela on doit varier le
genre des ornements fur les moulures de diite-
rentes efpeces, foit en préférant les feuilles deau
à celles d'acanthe; celles de perfil a celles de lau-
rier; celles-ci à celles d'olivier, &c. & en faifant
enforte que chacun de ces feuillages., les fleurs,
les fruits, en un mot toutes ces différentes Scul-
ptures , foient traitées d'une touche plus ferme,
ou plus légere, félon quelles feront partie dune
ordonnance virile ou délicate, & qu'elles devront^
être exécutées en pierre, en plâtre ou en marbre»
en fhic, en bois ou en bronze. Il faut encore avoir
l'attention, non-feulement de placer toujours les
axes de ces ornements , les uns au-delius des
autres, mais encore de les faire correfpondre a
ceux des colonnes ou piiaftres, & au milieu des
des entrecolonnements & des principales ouver-
tures ; en un mot, la difpofition & le choix, de
• ces ornements, doivent concourir également ƒ
procurer un caraaere relatif à Texpreffion de
l'ordre qui préfide , foit dans, l'ordonnance exté-
rieure de l'édifice, foit dans l'intérieur des appar-
tements,
Des ornements à ïufage des moulures droites.
Les figures A, B, C, D,E, F, offrent autant d'or-
nements propres à renricmiTement des moulures
quarrées ou applaties , telles que les plinthes,
les gorgerins, les fofites,les tables, les caifet-
tes, &c.                                          n ■- . r x „
La figure A, repréfente des gudlochts9 eipeces
d'ornements antiques compofés de lifteaux , & ie-
parés par des champs de même largeur, qui mar-
-ocr page 284-
2?2                     Cours
chent continuement à des diftances paralleles ; ces
guillochis , dont les angles doivent toujours être
droits, font deirinés pour les ibriies des architra-
ves, pour les plates-bandes des larmiers, les cham-
branles , &c. Voyez plußeurs de ces guillochis ,
d'un deiÏÏn antique & de fort bon goût, rap-
portés par Chambrai, dans ion parallele des ordres
antiques & modernes.
La figure B, repréfente des ornements, appelés
rofaces, qu'on emploie dans les caffettes diftribuées
dans les fofites dès larmiers, des entablements Dori-
ques, Ioniques, Corinthiens & Compoiites ; dans les
arcs doubleaux des voûtes de nos Eglifes, de nos
portes triomphales , & généralement par-tout où
la richefTe doit avoir le pas fur la iimplicité. Ces
ornements antiques ne doivent jamais fe rencon-
trer dans une même ordonnance avec les orne-
ments modernes : ils vont bien avec les guillo-
chis, avec les canaux , les ferlons , les patenô-
tres, les oves & non avec les portes, les guir- '
landes, les palmettes. Tout importe dans le choix,
dans rafTortiment des ornements : ils dépendent
du oyîe de l'Architecture ; mais ce ityle foutenu
eit peut-être une des parties les plus négligées
de nos comportions françoifes.
La figure C, nous fait voir les ornements ajppelés
rudentures, qu'on place aiTez communément dans
lés cannelures du fut des colonnes Ioniques, Co-
rinthiennes & Compoiites, quelquefois même dans
l'ordre Dorique, placé dans l'intérieur d'un'bâti-
ment , comme on* le remarque dans celles du vefti-
bule du Château de Maifons? dont nous avons donné
les développements, planche VIII, en donnant
auffi celle des ordres extérieurs du même Château,
& ceux de l'ordre Ionique du Palais dés Tuile-
-ocr page 285-
d'Architecture.            25J
ries, &c. Ces ornements, qui doivent toujours
être afîbrtis à la dignité , à la richeiTe ou à la
fimplicité de l'ordre & de la décoration des bâ-
timents , confiaient dans la repréfentation de joncs
ou de roieaux de forme convexe, placés dans le
tiers inférieur du fut des colonnes ; & c'eit de l'ex-
trémité fupérieure' de ces rofeaux qu'on fait fortir
des feuilles, des graines, des culots & autres or-
nements traités avec plus ou moins de légèreté,
félon l'application de ces rudentures aux diffé-
rents ordres d'Architecture.
• La figure D, repréfente des portes , ornements
d'un genre moderne, & compofés de larges filets 011
lifteaux, de feuilles d'eau, de feuilles de refend &
de culots à l'ufage des plates-bandes, des plinthes
& des attiques de couronnements , des amortiiTe-
ments, &c. fur-tout lorfque fur ces derniers on
n'introduit point les baluitres ni les baluitrades.
On voit dans la figure E, des canaux, ornements
antiques, concaves, féparés les uns des autres par
deslifteaux, des filets, & remplis de joncs , de grai-
nes , de dards & de feuilles d'eau, à l'ufage des gor-
gerins, des frifes, des larmiers ou de tout autre
membre vertical. Ces ornements doivent être plus
fufceptibles d'enrichiitement, à raifon de l'exprefiion
qui préiide dans la décoration ; mais dans tous les
cas il faut en ufer avec modération, les moulures
droites, deftinées à faire oppofition avec les cir-
culaires , devant être prefque toujours liiTes, maP
gré l'exemple antique de l'ordre Corinthien, tiré
des thermes de Dioclétieii à Rome , rapporté par
Chambrai dans fon parallele d'Architeâure , chap.
29, page 68.
La figure F repréfente'des ornements en bas-;
reliefs, compofés de trophées, d'armes, ou de
-ocr page 286-
254                       C o ν R $
tous autres attributs terreftres ou maritimes, à
lufage des tables rentrantes, & quelquefois des
tables faillantes, appliquées aux piédeftaux des
ordres & des baluflrades. Ces mêmes ornements
s'emploient auffi quelquefois fur les frifes des
ordres Ionique & Corinthien , fur les métopes
de Tordre Dorique , & généralement dans les or-
donnances d'Architeaure, où trop de fimplicité
fe contrediroit avec le motif qui auroit fait ériger
l'édifice.
Des ornements à l'ufage des moulures circulaires. ·
^ Les figures G,H,I,L,M,N,C), repréfentent autant
d'ornements propres aux moulures circulaires, tels
que les faifceaux dont on enrichit les tores; les
patenôtres dont on orne les baguettes ; les oves
dont on enrichit les quarts de rond droits ; les
godrons dont on orne les quarts de rond ren-
verfés , ou les becs de corbin; les miroirs qu'on
applique fur les cavets ; les feuilles de refend qu'on
taille fur les douanes; enfin les rais de cœur qu'on
place fur les talons.
La figure G, préfente une forte d'ornement
compofé de faifceaux de plufieurs baguettes, liées
& unies enfemble par des feuilles de refend ou
des bandelettes, à l'ufage des tores Corinthiens ou
Comportes; cette richeife ne pouvant guère s'ap-
pliquer aux bafes des autres ordres. Quelquefois
au lieu de ces faifceaux on applique fur les tores
des feuilles de refend, féparées par des canaux &
entremêlées de miroir ; mais ces fortes d'orne-
ments femblent y réuifir beaucoup moins : encore
faut-il que f Artiile obferve de donner aux pre-
miers , différentes expreiïions, en diûribuant plus
-ocr page 287-
d'Architecture.,           255
ou moins de baguettes autour du tore, & en
rendant les feuilles de refend ou les bandelettes,
plus ou moins rares, félon la grandeur du mo-
dule de l'ordre. Nous croyons donc qu'on doit
s'en tenir à ces fortes d'ornements pour les tores ;
& penfons ici à l'égard de la Sculpture comme pour
ce qui regarde les moulures, que pour être approu-
vée des ConnohTeurs, elle demande d'êrre mife à
fa place, & félon l'application judicieufe qu'en ont
faite les plus grands Maîtres, & non les exemples
que nous ont laifTés quelques Auteurs modernes,
qui fouvent l'ont employée dans leurs comportions,
plutôt par habitude ou par imitation que par
raifonnement. Au reite, voyez Bibiam , homme
de génie, qui, dans fa décoration des théâtres ,
nous a donné une infinité dé deflîns , de profils
& d'ornements de genres différents , d'un goût
admirable, mais plus propres à la Peinture qu'à
Γ Architecture proprement dite.
Dans la figure H, on remarque deux efpèces
d'ornements à l'ufage des baguettes, l'une nom-
mée patenôtre , efpèce de grains de perles de for-
mes variées , & placés alternativement les uns
près des autres ; l'autre nommée auffi faifceau, mais
compofée de feuilles de chêne, de laurier ou d'o-
livier , entortillées de rubans. Ce dernier genre
d'ornement pourroit auffi être appliqué au tore
G , les deux moulures dont il s'agit étant éga-
lement demi-rondes, c'eft-à-dire, compofées cha-
cune d'un demi-cercle.
La figure I, nous retrace des ornements de
forme elliptique , appelés oves, qui peuvent re-
cevoir divers enrichiffements, félon qu'ils font
appliqués aux différentes corniches en ufage dans
la décoration des façades , & dans l'intérieur des
-ocr page 288-
256                      Cours
bâtiments. Ces fortes d'ornements , qui ont la for-
me d'un œuf, font ordinairement enfermés dans
une coque imitée de celle d'une châtaigne; quel-
quefois on leur donne la forme d'un cœur, &
alors on les fépare par des dards pour fimbolifer
l'amour. Ces oves font ordinairement réfervés
pour orner les quarts de cercle convexes qu'on
nomme atiffi oves ou échine du mot grec échinos,
la coque d'une châtaigne.
La figure L, fait voir des ornements, appelés
godrons, imitant la forme d'une amande qu'on
emploie aiTez ordinairement fur les quarts de
ronds renverfés. Ces godrons font quelquefois
féparés par des canaux renfoncés qui font oppo-
iition avec la faillie des godrons ; & ces canaux
font ornés de fleurons, de bouquets de laurier,
de graines , &c. félon la richene que l'on croit
devoir procurer aux ornements de ces moulures ;
mais il faut favoir que ces détails appartiennent
plus au bronze qu'au marbre & à la pierre.
La figure M, préfente des ornements, appelés
miroirs, à Fufage des quarts de rond concaves,
nommés cavets. Ils peuvent être de forme fphéri-
que ou elliptique, entourés & féparés par âes en-
trelas, des lifteaux, & être ornés de feuilles de
refend, ou de feuilles d'eau, félon les diverfes
expreffions des moulures qui reçoivent ces efpè-
ces d'ornements.
La figure Ν, oiFre des ornements compofés de
feuilles de refend, à l'ufage des doucines droites
& renverfées. Ces feuilles peuvent être d'olivier,
de laurier, de perfil ou d'acanthe , félon que
les chapiteaux des ordres feront compofés de ces
divers genres de feuilles ; car un point eifençiel
à obferver, c'eft de tenir tous les ornements ré-
pandus
-ocr page 289-
. D * À R Ó H I f Ë C t Ü È. Ê.           'i:jf
f}ândus dans Une même décoration , d'un ityle1
égal '&' d'une expreffion femblable : l'ordre d'Arj
chiteéture tenu iimple , riche ou moyen , doit
décider ie caractère des ornements ; ce cara&ere
une fois choiû, oïl ne doit plus fe permettre de
changement j voilà pourquoi il eil à propos que
f Architecte préfide à toutes les ëfpèces de pro-
ductions qui concourent à aiTurer le fuccès de fes»
œuvres.
La 'figure O, nous offre des ornements à i'iifage
des talons droifs & renverfés , appelés rais dé mur
ou campants. Ces ornements, font fufceptibles,
ainfi que lés précédents de plus oii moins d'enri-*
chifTement, félon l'ordonnance à laquelle ils ap-
partiennent : mais en général, pour produire mi
bel effet, il faut qu'ils foient tons dii'pofés réguliè-
rement & diitribués de maniere à former entr'eux
une parfaite fymétrie. Pour cela, il convient de
recourir à des divifions exactes-, & de faire ufage
des lignes paralleles, exprimées dans ces diffé1-
rentes figures par des lignes ponctuées ; autrement
tous ces arrondiiTements préfeiiteroient plus
qu'un défordre révoltant , qui bien loin d'em1-
bellir les membres d'Architecture qui les reçoivent,
ne les rendroient fupportables ni dans les dehors»,
tii dans l'intérieur des édifices.
Nous avons cité Bibiam & Sébairien le Clerc $
comme d'excellents Auteurs en ce genre ; mais de
tous les moyens, le plus fur de parvenir à la
connoiflance des ornements dont nous venons de
parler, c'eit d'aller examiner ceux exécutés dans
nos bâtiments; c'eit d'aller deifmer tous les chefs-
d'œuvre répandus au Louvre , aux Tuileries , à
Verfailles , & dont la plupart font exécutés fur
les déiTms de Le Brun* de Le Pautre, des Girar-
Tome X,                                               R,
-ocr page 290-
1$8                      Cours
dons, des Coifevox, & des autres grands hóm»
mes qui fe font iignalés dans toutes les parties
relatives à PArchiteâure , à la Sculpture , & à là
Peinture, qui embeliiifentnos Egliiés,feos Palais1
& nos belles Maifons Royales.
Après avoir parlé en général des moulures 8c
des
ornements dont on les enrichit quelquefois *
rappelons à nos Elevés, d'après Scammozzi, que
la véritable proportion des ordres fut trouvée fut
les différentes proportions du corps humain. C'eit
pourquoi cet Auteur a cru devoir donner à l'ordre
Dorique , le nom d'ordre Héroïque; à l'ionique,
celui d'ordre Féminin; & au Corinthien, le nom
d'ordre Virginal. Si ces dénominations ne font pas
approuvées du plus grand nombre , nous les
rapportons ici néanmoins, parce qu'elles nous
paroiiTent peindre à i'efprit des idées nettes, &
conformes à la nature & aux beautés de l'Art.
D'après ces dénominations qui n'ont rien que
de fatisfaifant ; nous avons cru que pour hâter
les connoiffances de l'amateur & des jeunes Ar-
îiités/, nous pouvions auifî comparer avec San-
grado, Auteur efpagnol ? & avec Le Blond »
mort Architecte du Czar Pierre, la relation aifez
intime que peuvent avoir les dimenflons de la
tête humaine, vue de profil, avec la projection
dune corniche Tofeane , compofée ordinaire-
ment de trois parties principales, favoir: de deux
cimaifes & d'un larmier. En effet, n'entrevoit-
on pas quelque reÎTemblance dans cette corniche,
avec le front, le nez & le menton d'un homme
robuiteî & ne pourroit-on pas , par cette com-
paraifon , acquérir plus promptement , la con-
nohTance de ce qui plaît ou déplaît dans un£
corniche..
-ocr page 291-
Ö ' Â ft e H ï t E C Τ U R Ei             |||
Ëïle déplaît à coup fur aux yeux des connoifc
feurs, lorfqu'ils la trouvent trop camufe ou trop
ïaillante , trop élevée ou trop éerafée ; elle piait
iau contraire à tous les fpe&ateurs i lorfqu'iis re-
marquent dans là proportion dé fes membres
& dans la fimilitude de {es parties * une juitéffè
ïjui offre à leurs yeux quelque chofe d'intéreffant j
& ils font contents , quoiqu'ils ne puiilent pas
toujours démêler la vraie fource de leur fatisfao
tion : de même le fpe&ateur fe porte à l'admira-
tion lorfqu'il examine une belle tête dans laquelle
il remarque des parties henreufement combinées s
mais il n'auroit que du dégoût , s'il en Voyoit
une autre qui auroit le front trop bas, le nez de
beaucoup trop (aillant» & la bouché extravagäm,-
ment renfoncée*
            - .
Il eit vrai qui! ne faut pouffer cette äppikätioä
trop loin, & qu'une tète peut n'être point ahfolu-
mertt difforme, quoiqu'elle ne préfente pas toute
la régularité quexige la févérité des rapports ; que
de même auffi il fe peut rencontrer des occaiions
où j fans nuire effenciellement au cara&eré de
Tordre, on peut modifier, fouftraire ou augmentée
quelques membres dans une corniche ■> rendre ïh
faillie plus ou moins coniidérablé, félon Fefpecé*
le genre ou l'importance du bâtiment. Il y a plus^
cette liberté permife en certaines occaiions, peut
férvir à exprimer les divers caractères des diffé*
rentes productions de l'Architedure , en retraçant
aux yeux du fpeâateurj quoique dans les plus
petits détails , le motif qui a donné lieu, à l'ére-
ction de l'édifice ; de même que dans un tableau ν
d'hiitoire ou dans un bas-relief * lé Peintre & lef tft-
Söulpteutjj dansles airs dé tête dé leurs figurés *
Κ ij
-ocr page 292-
i6q                       o urs
indiquent, par l'expreifion de chacune d'elles 0iinâv
ge des pafiions qui caraciérifent les perfonnages
repréfentés fur la toile, ou par le marbre. Ainii
daris l'Architecture les corniches limples ou com-
pofées/peuvent contribuera exprimer, dans la
décoration, la détermination de l'ordre, fa pré-
fence ou fon abfence : comme dans la Sculpture
Ou la Peinture, les caractères de tète peuvent
exprimer fans peine , les différents traits qu'on a
dû donner aux foldats , d'une maniere diiiiiictive,
lorfqu'on vient à comparer ces têtes avec celles
des Héros ou des Divinités qui compofent l'or-
donnance entière, ou du chef-d'œuvre du Peintre
ou de celui du Sculpteur.
; Pour nous convaincre de la nécefîîté de cette
variété, fouvent indifpenfable en Architecture ,
nous avons aufîi tracé fur les profils exaëts des
corniches des ordres Tofcans de Palladio , de
Sçammozzi & de Vignole , un profil de tête humai-
ne , d'après lequel nous allons examiner, fans
partialité ,la différente expreiHon qu'a puproduire
Je caractère de chacun de ces profils humains ,
engendrés pour ainû dire,, du caractère & de
l'expreiîion des profils çTArchitecture, donnés à la
corniche de l'entablement de l'ordre Tofcan , par
'ces trois Commentateurs de Vitruve.
Ρ L A Ν C H £ X.             .
Le profil' d'Architecture, tracé fur cette planche»
èft celui de l'entablement Tofcan de Palladio. Sur
ce profil nous avons deifiné celui d'une tète hu-
maine , dont les parues ne nous paroiuent pas
faites pour aller enfemble. En 'effet , que Ton
èorripare le larmier, trop peu élevé, avec l'encor-
-ocr page 293-
d'Architecture            261
bellement inférieur & la cimaife fupérieure , on
iembîe s'appercevoir que le peu de hauteur dit
larmier, a déterminé le nez d'un enfant de douze
ans , foutenu par le menton d'un vieillard de
quatre-vingt , & couronné par le front d'un
homme de cinquante ans.
Plan che X !..
Sur cette planche, nous avons tracé le profil
del' entablement Tofcan de Scammozzi, puis nous
avons deiïïné, comme dans la planche précédente,
le profil d'une tète humaine qui fe trouveroit dans
le même cas que celle de Palladio,, û nous n'avions
pas ajouté à la hauteur de fon larmier le reglet
inférieur qui fe trouve placé defTous , afin
de procurer un peu plus de hauteur au nez*
D'ailleurs il éit aîl'é de remarquer que la partie
inférieure de cette tête parok lourde & pefante,
comparée avec les deux parties fupérieures qui
font trop petites.
Ρ L A Ν C H Ε Χ Ι I.
Enfin fur cette planche., nous avons tracé le
profil de l'entablement de Tordre Tofcan de Vi-
gnole, ■& nous avons également deiïïné fur ce
profil , celui d'une tête humaine, ici les trois
membres de la-corniche nous paroiifent aiïïgnetr
des rapports plus convenables entre le front , le
nez & le menton ; d'où réfulte un caraöere d'unité,
qui certainement ne fe rencontre point dans lesr
deux exemples précédents.
Si,ces obfervations ne font pas fans fondement»,
elles pourront fervir à juftifier , en quelque forte*
nos Architectes François r d'avoir préféré en. gé*·
R iij
-ocr page 294-
%fa.                       Cours
çéral dans leurs compositions , la do&rine de VI*
gnple * à celle de Palladio & de Scammozzi. La
répartition, le rapport & le choix des membres,
d'Ârçhiteaure de Vignole , principalement dans
fes, ordres Tofcan, Dorique & Corinthien, nous
paroiflant autant de chefs-d'œuvre. Cet Auteur
n'a guère contre lui que l'élévation un peu outrée
«le fes piédeitaux. On peut » fur cet objet, avoir
Recours aux fentiments de Palladio & de Scania
tnozzi ; le premier ne donne à fes piédeitaux r
que le quart au lieu du tiers , & le dçrnier a
déterminé les fiens entre le tiers & le quart.
Au reite , ces profils humains que nous venons:
$e tracer fur les profils d'Archite&ure de Vignole,,
de Palladio ,' de Scammozzi, ne doivent être regar-r
4és ici que comme des objets de comparaifou
entre les rapports de la nature & ceux de l'Art ; ils,
$ious porteront à réfléchir , que c'eft par le fecours.
de. ces deux objets réunis, qu'on peut parvenir
4 h perfection ; que cependant, félon le genre de
l'édifice > on peut ordinairement augmenter cer-
tains membres : par exemple, fans bleffer les règles,
de la bonne Architecture, on pourroit outrer la
faillie du larmier d'une corniche que repréfente
fë nez d'une tête, abaiiTer la cimaife fupérieure
ψι'indique le front, & fortifier l'encorbellement,.
repréfêntation du menton , fi Ton a intention de
donner au profil d'une corniche une expreifion
fout à fait ruftique, puiféç d'après l'ordre Tofcan ξ
ψι contraire, dans une Archite&ure noble , on.
|K>urroit- affeâter de donner plus de hauteur à
|ai cimaife iupérieure,. dans l'intention que», JAP*
penant plus élevée, elle prenne le cara&ere dik
iront de la tête d'un Héros :. on pourroit égale--
Üfifi g^ndir le larmier ^ pour dojaner Hdee 4.uft
-ocr page 295-
d'Architecture.            i6%
mz plus aquilin , &c. qui alors détermineroit
Fexpreilion d'un profil d'ordre Dorique. Il en fe-
roit de même des autres membres des corniches
deitinées aux ordres Ionique , Corinthien & Corn-
poiite. Enfin à ces trois profils de corniche , fur
lefquels font deiîinés ces profils de tëtey nous
avons ajouté le cou & les mammelles , pour faire
connoître, en quelque forte, le rapport que ces
trois parties doivent avoir avec l'architrave , ' là
frife & la corniche de ces entablements Tofcans».
Des différentes Pr ο ρ ο r τ ι ο ν s*
' ,<ΕΤ DES DIT^ER.S M.EMBRES d'ArCHI-t
tecture des ordres toscans dk
Vignole, Palladio etScammozzf*
Ρ L· Α Ν C Η Ε Χ ί Ι Ι.
Dénombrement des divers membres attribués à
l'ordre Tofcan yyar Fignolé,
Nous avons déjà remarqué 9 que l'ordonnance'
générale de l'ordre Tofcan , félon Vignole , étok
compofée de trois parties principales* Nous ré-
péterons ici,, que la partie, A, fe nomme piéde-
stal ; Β, la colonne ; & C * l'entablement.
Que D , s'appelle le focle ou labafe ; Ε le dé;,
& F, la corniche ouïe couronnement du piédeftaî».
Que G , repréfente la bafe.-*. Ε , le fut ;, & I *
le chapiteau de la colonne..
Que Κ , s'appelle l'architrave ; L , la frifè ι &r
M?i la. corniche de, l'entablement* Enfin que&^
-ocr page 296-
2.64                       Cou RS
fe nomme la cimaife fupérieure ; B, le larmier;
|kc, l'encorbellement ou la cimaife inférieure de la
corniche.
Nous ohferverons à préfçnt, que la cimaife #,
eil compofée d'un quart de rond h, d'une baguette
?, & d'un filet k\ que l'encorbellement ou la cimaife
ç , eil cqmpqfée d'un lifteau / , & d'un talon m l
que l'architrave Κ » eil compofée d'un liileau η,
& d'une plate-bande <?.
Que le chapiteau de. la colonne eil compoié
décrois parties principales ; favoir, du tailloir d^
de la cimaife e? & du gorgerin ƒ; qu'enfin l'arlra*
gale g, eil un membre qui couronne le fût des
colonnes & des pilailres ; que les autres membres
qui divifent chacune de (es différentes parties ^font,
pour lq tailloir ρ la plate-bande ä, & -le liileau q'r
pour la cimaife e, le quart de rond r, & le filet s χ
que celles de Failragaîe |, font la baguette t, &
Je filet u.
Que la bafe G, a pour moulure le liileau ou
h ceinture χ , le tore y, & le plinthe £.
Qi\t la corniche du piédeilal F , eil compofée.
du liileau aa ^ & du talon bb.
,Quç la bafe. ou le focle du piédeilal D , eft co,m-
pqfé d'un Uileau c%c, & d'une plate-bande d^ d; de
maniere qu*on peut qbfejver que? D, F, G, Ι, Κ, Μ9
font autant de membres auxquels les intermé-*
diaires Ε , H, L , fervent de repos '% car il eil très-
rare, fur-tout dans Tordre Tofcan , que ces par-*
îies intermédiaires reçoivent des moulures & des
ornements,
Examinons à préfent les rapports & les me·*
fures que Vignole a données à la mafle générale
& ayx. principales parties de cet Qrdrç,
-ocr page 297-
d'Architecture.          265
Mesures générales et particu-
lières de l'ordre Toscan,
selon Tig ν ο le.
Planche XIV.
Le piédeftal A , [figure I] doit, félon Vigno-
îe , avoir le tiers ; & rentablement C , le quart
de' la hauteur de la colonne. Pour trouver ce
rapport, il faut, comme nous l'avons déjà expli-
qué planche II , divifer la hauteur totale de
l'ordonnance DE, en dix-neuf parties égales,
en donner quatre à la hauteur du piédeftal A,
douze à celle de la colonne Β , & réferver les
trois parties reftantes pour celle de l'entablement
C , de maniere que trois étant le quart de douze,
& 'quatre *e tiers ^e ce nombre ' ces ytrois °luan"
tités , quatre, douze, trois , égales à dix-neuf,
deviennent une regle générale, non - feulement
pour trouver la hauteur du piédeftal & de l'enta-
blement Tofcan, mais aufli le rapport des pié-
deftaux & des entablements de tous les autres or-«
dres. Enfuite pour déterminer l'expreiTion de la
colonne Tofcane , Dorique , Ionique , Corin-
thienne & Compofite , il faut divifer la hauteur,
par exemple de l'ordre Tofcan , en fept parties;
[ Foyei la figure I de la planche. II] du Do-
rique en huit parties ; de l'Ionique , en neuf; du
Corinthien & du Compofite en dix : divifions qui,
réparties fous une hauteur commune, comme dans
la planche I,, donneront aux ordres autant de
diamètres différents que chacun d'eux devra pré-
fenterd'expreffions particulières, ainfi que Γεχρπ-τ
ment ici [fig.-H] les divers diamètres a9k9c9d.
-ocr page 298-
%66                      Cou n s
Cela fuppofé, chacun de ces diamètres , fera
divifé en deux, parties égales, & Tune de ces
deux dernières parties formera un module, defti-
ïié à mefurer la maffe, les parties principales, &
les détails de Tordre. Ce module fe partage en
douze minutes pour les ordres Tofcan & Do-
rique » & en dix-huit pour les ordres Ionique,
Corinthien & Compoiite.
Nous avons déjà dit, en parlant de la planche ÎI>
que les trois parties A, B, G , font compofées
dans tous les ordres de trois autres parties, principa-
les : nous les avons exprimées dans la planche que,
nous décrivons, parles lettres a, b> c, dye,f, g *
h, /'. Enfin on doit fe rappeler encore, que la
plupart de ces membres, indiqués feulement ^cï
par mafles , fe fuhdivifent en une infinité d'au-
tres parties qu'on appelle en général moulures*.
Mefures du Piédeflal.
he foclç a, a fix minutes de hauteur, & quatre
de faillie ; le dé b , a trois modules huit minutes?
, de hauteur , & deux modules neuf minutes de
largeur ; la corniche e , a fix minutes de hauteur %
fur quatre de faillie : donc toute la hauteur du
piédeftal eft de quatre modules huit minutes %
tiers de quatorze modules, hauteur de la colonne*
Mefures de tordre ou de la colon&e, ,
La bafe d, a un module de hauteur, & quatre
minutes & demie de faillie (t) ;ie fiit e a douze
modules de hauteur, & deux de largeur.,
(e) Toutes les faillies dont nous parlons, doivent çtis
tpmptées du fut « & ftoa de i'a&é de &, colonne,.
-ocr page 299-
p'Arêhitècture.           5.67
Il faut obferver néanmoins , que ces deux mo-
dules ne fe continuent paralleles , que jufque vers
la ligne KL, tiers de la hauteur du »y car vers
fon extrémité fupérieure, le fut fe reauit a vingt
minutes : de maniere que la hauteur du bas de
h colonne ι»,»,· doit être confidérée comme un
cilindre ; & le refte de fa hauteur, comme un
conoïde tronqué,
                  : ;; '· '
Le chapiteau/, a un module de hauteur , &
cinq minutes de faillie : donc toute la hauteur de
Tordre, c'efU-dire, la bafe , le fût & le chapiteau,
çft de. quatprze modules ou fept diamètres,
Mtfures d$ ÎEntahhmmu
L^arçlirtrave g, a douze minutes de hauteur »
& deux de faillie ; la frife h , a quatorze minutes;
de hauteur ; fes côtés doivent être a plomb du
fut iiipérieur de la colonne , & par conséquent
avoir vingt minutes; la corniche ι , a= feize m*·
mîtes de hauteur, U dix-huit de faillie : donc
tout rentablement eft de trois modules & demi ;
conféquemment l'ordonnance entière eft de vingt-
deux modules deux minutes.
La proereffion arithmétique qua obfervee Vi-
gnole f entre l'architrave , la frife & la corniche
le fon entablement, nous prouve la préférence
que cet Auteur mérite à cet égard fur les; autres
Commentateurs de Vitruve («> AuffiDesbrofles,
le Mercier & Manfard, ont-ils fuivi Vignole de
préférence à Palladio & à Scammozzi, au Luxem«
U) Voyez dans les planches>ΜίΜ® fe£P$je {^»J
ment Totcan de Palladio & dç ScammoMi, que loa peut
comparer ayee celui-ci.
-ocr page 300-
%6%                     Co υ κ s
bourg, dans l'ancien Palais Royal, à l'Orangerie âé
Verfailles & ailleurs ; exemples affez célèbres , qui
doivent fervir d'autorité à nos jeunes Artiites.
Mais pour les convaincre de la néceiîîté de cette
préférence, examinons fcrupuleuferaent, iî tous
les membres dans Tordre Tofcan de Vignole, font
véritablement relatifs à (on expreiïïon , & rendons
compte des changements heureux qu'ont cru y
devoir faire nos Archite&es françois les plus
efiimés.
De l'ordre Toscan de Vi g νο le ,
avec quelques changements
utiles pour lut procurer un
plus grand degré de perfec-
TION.
Planche X V.
Du Pièdeflal & de la Bafe de ta Colonne.
Vignole , avons -nous dit, a donné à (es pié-
deftaux, le tiers de la hauteur de la colonne.1 Cette
hauteur n'eil-elle pas trop confidérable , quoique
Desbrofîes, au Luxembourg , ait donné encore
plus d'élévation aux fiens? N'a-t-on pas lieu de
craindre même, en imitant Vignole , que plus
on donnera d'élévation au piédeftal, moins la
colonne acquerra de hauteur ? Palladio a reduit
les* iiens au quart de l'ordre ; Scammozzi les a
déterminés entre le tiers & le quart. Ce dernier
^apport nous paroît plus convenable à beaucoup
d'égards; encore ferions-nous d'avis, qu'on fup-
primât prefque toujours les piédeitaux (#)>
"ffcfcw.i .ι' "■■         '■' 1 ^-" »ι*—·****«* .uw ■»> ijiuyi— m> Mimmm* lui p-*rin m *■«■*■m.....mwinwpiP^>** .
(x) On peut fubftitucr aux piédeftaux, fur-tout âans lm
-ocr page 301-
d'Architecture.            269
à l'exception néanmoins des Temples, des Arcs
de Triomphe, & des autres Monuments de cette
efpece ; car nous penfons qu'en toute autre occa->
fion les piédeftaux, invention des modernes;, font
plutôt un abus, qu'une perfection de l'Art; parce
que, d'une part, les faillies de leurs bafes & de
leurs corniches , retréciffent néceiTairement l'in-
térieur des lieux auxquels on n'a pu donner une
certaine largeur ; & de l'autre , elles produifent,
dans les étages fupérieurs , clés portes-à-faux, du
moins contraires à la folidité apparente. Mais fans
entrer ici dans cette difcuffion, qui trouvera fa
place ailleurs, examinons ii véritablement toutes
les moulures dont Vignole a orné fon piédeftal,
préfentent un caractère relatif à cet ordre.
•     ;            De la Bafe. du PiedeßaL
Vignole n'a donné à la bafe de fon pîédeftalj
marqué A , (figureI ) que lix minutes de hauteur,
& Fa compofée feulement d'une plate-bande &
d'un liileau ; il n'a de même donné que fix mi-
nutes à la hauteur de fa corniche C ; auiîi le
dé Β , nous femble-fcil avoir trop d'élévation,
(voyez la planche II (jk) ; ce qui donne,
ce femble , à ce piédêiial une expreffion contraire
IPMI, ,„>,.. ,LL „,,        , , ,,,„......11,111,. Ml' ÉIW .......■H.H..1HIHIM ! ||, f. fu. !■.. «I "■■          , .1- — ι *-i ■! I MM..i        j .>!
édifices dcftinés à l'habitation , un focle , membre d'Architc-
Éture, qui repréfente le dé du piédeftal," mais "qui en" diffère
néanmoins , en ce qu'il a plus d'erqpatement que le corps
fupérieur , au lieu que ie dé du piédeftal a précifement là
même largeur , que le corps qu'il foutierit. La hauteur du focle
dont nous parlons'î peut être reduit à un diamètre } ou avoir,
au plus quatre modules.
                                    ---
*    i.y) Nous renvoyons à la planche II, pour donner à con·
aoîtte les véritables rapports 4c la largeur à la hauteur de
-ocr page 302-
IJù                      C O tr ft s
au çara&ere que doit avoir le foubaitemént d*ui$
ordre Tofcan : il nous femble encore que la di~
(otte dß-s moulures de cette bafe lui ôte fana-
logie qu'elle devrait avoir avec la diviiion des
membres répandus dans l'ordre & dans ion enta-
blement; d'ailleurs cette bafe n'à-t-elle pas trop dé
iaillie, ne pouvant être mife à couvert par celle
de la corniche ? Pour remédier à ces inconvé-
nients nous propofons le profil de la bafe D *
( figure 11 ) qui ayant neuf minutes de hau*
teur & trois parties feulement de faillie , don*
lierait moins d'élévation au dé, & çaractériferoiÉ
cette bafe d'une maniere plus relative à l'ordre
$ont nous parlons* Cette nouvelle bafe eft com-
pofée d'une plate-bande 4, dTun quart de rond
£, & d'un lifîeaui:, nouvelles moulures qui nous
paroiiTent plus relatives à l'ordre Tofcan ; il
ferait alors moins pauvre , & placé moins près du
fol, il deviendrait nécelfairemejat moins.{fujet à fe
dégrader*
::               JP§l Dê4u PiédzflàL Λ &!.&&
c Le dé Β , e$ lhTe dans Vignole; cette -ilmplicité
éft fans doute du reifort de cet,ordre ; maiscomîàe
jlpourroâtarriver; qu'on fut obligé doriier ce dé, le
#t de l'ordre étant chargé dô bocages,; pour éviter
le défaut qu'on remarque dans celui de la cour
du Palais dii Luxembourg, "nous avons exprimé
chaquej partie principale , ayant été obligé, dans cette planV
jqhe XVI, de tronquer les véritables hauteurs pour poil*
Voir tracer les objets plus en grand j de njême, pour,,éyit0f
la multiplicité des planches i nous n'avons tracé d'un; fφφ
figure J ,, que, la moitié du deijin de Vignole , ßc de Η$*#
figure ,ίί,, ;|fis:ic%9|eijaen|S;4erjft; û^mkèm 0Rxm^f
-ocr page 303-
JD'ÂRC HI TECt UitË.              Ιψί
(figure III) une table Taillante G, au lieu que
DesbroiTes a fait la fienne rentrante , quoi-
qu'il ait furchargé fa colonne de boffages conti*
nus, en forte que dans l'ordonnance Tofcane de
ce Palais , il femble que ce foit le foible qui porte
le fort contre toute idée de vraifemblance.
De la Corniche, du PiédeftaL
La corniche C, de Vigriole nous paroît im·*'
parfaite, n'étant compofée que d'une cimaife, pro-
prement dite. Un couronnement de cette efpèce
ne peut. être.-.appelé corniche, que lorfqu'il eft corn-
pofé au moins de trois parties principales; iavoir$ de
deux cimaifes & d'un larmier j ce qui ne fe rencon-
tre point ici : d'ailleurs cce couronnement du pié-
Méfiai, comme nous l'avons déjà remarqué , doit
mettre à couvert la faillie de la bafe A ; au con-
traire ici ces deux membres ont une faillie égale.
Pour obvier à cet inconvénient nous proposons
de donner à cette corniche cinq minutes de faillie
au lieu de quatre , & de la comppfer d'un lifteau
d> qui tiendroit lieu de cimaife fupérieure, d'un
talon/, qui lui ferviroit d'encorbellement (sQ9 &
(r) On appelle encorbellement 3 toute faillie qui porte à faux
au-delà du nud d'un mur, introduit dans Γ Architecture pour
foutenir un autre corps plus faillant > Se comme la dmàifc
inférieure d'une corniche produit cet effet , on l'appelle en-
corbellement ; néanmoins comme elle reilemble par fa forme
& par la diftribution de la plupart de fes membres , à-lä
cime de la corniche, on lui donne suffi le nom de eïmaiiê
inférieure. Ainfi en parlant des deux membres, fupérieur Se
inférieur d'une corniche, on dit cimaife fupérieure , pour
de'figner celle d'en-haut , & cimaife inférieure, pour exprimer
celle d'en-bas. Ces deux membres doivent toujours être fépa-
féV par un larmier, Vûyï^ darjsfes notes »fatmkr ^'inma^e^
-ocr page 304-
«fön larmier intermédiaire e, autant de membres
qui doivent au moins caractérifer une corniche^
& dont on trouve un exemple à peu-près fem-
blabîe à Tordre Tofcan de la grotte du jardin dit
Luxembourg, à l'exception du canal pratique dans"
le fofite du larmier qui, dans les dehors , eil
toujours néceiTaire pour l'écoulement des eaux,
& quelquefois dans les dedans , pour procuref
plus d'élégance à ce membre.
De la Colonne.
Nous avons dît plus d'une fois que la colonne
affignoit(iz), d'une maniere très^précife, les rnefures
"générales & particulières de toute l'ordonnance
(£),& que l'ordre dont nous parlons comme
Tofcan, devoir avoir fept diamètres ; nous obfer·4·
yerons ici qu'on doit donner au fût fupériëur L M >
do minutes au lieu de ie> qu'on trouve marquées pat
erreur dans Vignole. Auffi avons - nous côté dix
minutes exprimées vers M* pour défigner le demi
(d) On doit cöniidérer ici ia colonne cdirimé cOnftituàrit
l'ordrej car l'ordre Tofcan donc nous pailonSj.pourroic être
également un pilaftre , comme une colonne , deux ouvrages
d'Archireélure auxquels le mot, d'ordre eft commun/ il'-■;)
, (o) Ordonnance', on entend par ce mot , fih''&rdmJÛ*M-
chiteéture élevé fur fou piédeftal ,"ou fur un foc'é , & cou-
ronné de fon entablement. Οά comprend 'auffi fous iémot
d'ordonnance, la baluftrade, qui quelquefois fert de coûron*
»ement à l'entablement, de même que le vafe , lé trophée
ou la ftatue qui furmonte la baluilrade i ainti il faut ie
reiTouvenir que l'ordonnance eft l'ouvrage entier ,& que
l'ordre, proprement dit , en eft la principale partiej '8f que
.ce dernier «'eft jamais compofé que de fa bäfe , de fou fût
& de fou chapiteau, foit que cet ordre foit colonne ou pi-
iaftrc,                                 ' - · '                        Λ
diamètre;
-ocr page 305-
ö*ArchitéctükÊs ■ 27J
diamètre Supérieur de cette colonne* né jugeant
pas convenable de diminuer le fût fupérieur d'un
ordre Tofcan, plus que le rut dés autres ordres*
Vignóle même paroît de ce dernier fentiment ?
jmifque dans fon texte , il établit pour regle gé-
nérale que tous Iqs fûts fupérieurs des ordres
doivent être à leurs fûts inférieurs, comme cinq
eil à fix; c'eit-à-dire 9 que le diamètre d'en haut
L M, foit les cinq iixiemes du diamètre d'en bas
IK.
Nous croy©ns auiîî qu'il ferok bon de donner
de hauteur à l'ailragale Ρ, un quart de minuté
de plus; ce membre étant deftiné ici à fervir dé
ceinture à l'extrémité Supérieure d'une colonne:
ruftiquei À l'égard de la maniere de fufeler {cj les
colonnes, nous en allons traiter en parlant des
fûts en particulier»
De la Bafe de là Colonne,
Mous ne proposons aucun changement à la bafë
G H, la répartition de fes membres, nous paronTanÉ
analogue a fexpreiïion de l'ordre % puifquelle n'a
que trois moulures, fa voir ; un-plinthe, âun tore
& un liileau ; d'ailleurs elle a prefque toujours été
imitée par nos Architeéres François, ainii qu'on
le remarque au Luxembourg, au Palais-Royal *
à l'Orangerie de Verfailles > à i'avam>cour du Ghâ-
( c ) On dit fufi.hr une colonne., pour exprimer la diminu-
tion de fon fûc , & faire entendre que fa forme n'eil poinç
celle d'un eilindre dans fes deux tiers fupérieurs $ on dit auifi
cetce colonne eft bien ou malfufeiée , lorsqu'elle préfente une
diminution trop fenfiblc ou trop peuiofeniible. Koye^ dans nos
définitions ce que nousdifons des colonnes fu fêlées, chap.II|<
Toms L                                          S
-ocr page 306-
274                       Cours
teau de Vincennes, au Château neuf de Saint-
Germain-en-Laie, aux guichets du Louvre, &c.
'Ou fût de la colonne.
Le mérite le plus effende! du fut d'une co-
lonne , confiite dans la maniere de la diminuer.
Traitons ici de fa diminution ; ce procédé fera le
même pour les fûts de tous les ordres co-
lonnes.
ïl y a toute apparence que les anciens , em
imitant le tronc des arbres, diminuèrent leurs co-
lonnes depuis la baie jufqu'au fommet, ainft que
ï exprime la ligne ponctuée 12, 13 (figure IV);
qu'enfuite on fit leurs deux côtés paralleles de-
puis 12 jufqu'à c , & qu'on en diminua feulement
les deux tiers fupérieurs c, 13 ; de maniere que
tout le fut de la colonne , depuis la baiejjuiqu'au
chapiteau , c'eil-à-dire, depuis 12 jufqu'à 13 , de-
vint un corps compofé d'un cilindre ( d }| A , &
& d'un cône (e) tronqué B. 11 eft encore vrai-
femblable qu'ayant enfuite remarqué que le cône
Β , qui diminue toujours ens'élevant vers fa cîme,
formoit un jarret vers la rencontre du fommet du
cilindre 12. c, ils imaginèrent, pour éviter ce
jarret, une courbe , nommée conchbïde ( f ), la-
quelle s'uniifant beaucoup mieux avec la tige
inférieure de l'ordre, convertit ce cône en co-
(d) Corps terminé par deux cercles égaux & paralleles.
( e ) Corps qui a un cercle pour bafe , & qui fe termine en
pointe , en forme de pyramide circulaire. On appelle cône
tronqué , celui dont le fommet eft coupé parallèlement à fa
bafe
(ƒ ) Courbe, du troiiieme genre , inventée par Nïcomêde. On
en trace de difféi entes efpeces , félon le mouvement du fût
des colonnes. François Β'iondel a reititué à Γ Architecture ^
-ocr page 307-
ί> ' A R C H ï Τ ECTtî RE.             TJ f
noïde (g), & détermina pour toujours la .maniere
de fufeler les colonnes. Voici comme fe trace
cette courbure.
Maniere, de tracer la conchoïde..
De la ligne c d, toujours ( figure IV ) , tiers
inférieur du fut de îa colonne & du point g,
comme centre , tracez la demi-circonférence chd±
puis du point i, demi-diamêtre de la partie fupé-
rieure de la colonne, abaiiTez une ligne du point
13 au point Κ ; enforte que la premiere corde
Kl, ibit égale au demi-diamêtre iB ; divifez l'arc
de cercle Κ Β , puis la hauteur g i en huit par-
ties égales ; prenez enfuite la longueur de la
deuxième corde m, portez-la de η en o j prenez
la troifieme corde p, portez-la de q en r; puis la
quatrième corde s, de /en #,& ainii'de toutes
les cinq , fix , fept & huitièmes cordes reftan-
tes , fur les quatre dernières diviiions ab χ h ,
pour trouver les points {^e, diaprés lefquelles
& les précédentes vous tracerez la conchoïde de-
mandée. Pour avoir le côté oppofé, prenez la di£*
tance no, portez-la de η en & ; répétez les mê-
mes procédés jufqu'enÂ, & l'opération fera ter-
minée.
Il n'eil pas effenciel de divifer l'arc de cercle
Κ Β en huit. Cette quantité eil arbitraire, on
peut le parrager en plus ou moins de parties ,
félon que le diamètre de la colonne aura plus ou
aux Mathématiques , non-feulement la connoiilance de la,
conchoïde ; mais encore l'inftrument que Nicoméde avoic in-
venté pouj décrite cette courbe d'un feul trait.
( g ) Corps folide pyramidal, formé par la révolution d'une
courbe au tour de fon axe.
Sij
-ocr page 308-
Zj6                       C Ö V R S
moins de grofîeur ; pourvu toutefois qu'on ob»
Îerve le même nombre de diviiions, dans la hau-
teur g i, que dans Tare Κ Β.
Plufieurs modernes ont diminué leurs colonnes
vers la bafe, & n'ont fait leur diamètre de vingt-
quatre minutes, que vers cd, n'ayant donné que
vingt-deux minutes au diamètre inférieur; mais on
doit remarquer que le bas de la colonne étant ré-
duit à vingt-deux minutes tandis que le tiers cd en a.
vingt-quatre 3 cette différence fembîe produire un
porte-à-faux contraire à la iblidité, ainii qu'on
le peut remarquer par la ligne ponctuée , ι ƒ -, 14»
D'autres Architectes, encore moins ckconfpeérs,
ont laiiTé vingt-quatre minutes au fût inférieur,
& en ont porté viQgt-iix vers c d, d'où font nées
les colonnes renflées ; de maniere que loin de
conferver la diminution qu'elles avoient déjà, elles
Ont acquis plus de diamètre , δε perdu par ce
moyen leur véritable beauté. Quelques-uns ont
fait plus; au-lieu de porter cette augmentation
au tiers, ils l'ont portée tantôt à la moitié dé la
hauteur du fût, tantôt aux deux cinquièmes : ce
qu'il y a de pire, c'eit que ces Architectes ont
eu des imitateurs ; de forte qu'infenfiblement l'abus,
a prévalu, & que les vrais préceptes fe font ou-
bliés peu-à-peu , fans réfléchir que les grands
Maîtres avoient originairement.étudié la nature
dans fa fource , l'avoient fuîvie , & fouvenc
furpaiTée par le fecours de /l'art. Tout ce que
l'on peut dire fur cet objet , c'eit que toutes
ces tentatives doivent être regardées comme
autant d'écarts qui ne fervent qu'à corrompre les
formes primitives , à égarer les jeunes Artiiles ? &
à rendre incertaines les règles de la bonne Archi-
teiture.
-ocr page 309-
D 'Arc η ι τ ε e ■ TUR &           vjy
Bien loin d'applaudir à de telles innovations,,
nous croyons donc qiiïl eil mieux de s'qïi tenir
aux colonnes diminuées feulement dans les deux
tiers de leur fut iïipérieur ; qu'il faut tenter ra-
rement de les diminuer par te bas , que fur-tout
il ne &udroit Jamais les renfler ; ces fortes de
colonnes offrant prefque toujours au fpeâateur
l'idée d'un point d'appui qui femble être aiFaiiTé'
par le poids de l'entablement.
Nous obferverons encore que-le fut des colon-
nes , en général, peut être Me ; qu'il peut aufïî
être chargé de moulures rentrantes, de membres
faiîlants & d'ornements: que les premières s'ap**
pellent cannelures, les féconds boüages ,, & les,
troiiieme.s rudentures : que les boffages confacrés^
à l'ordre' Tofcan , font continus ou alternatifs%
comme le font ceux des ordres Tofcan & Borique
du Luxembourg : que û on lesfaitakernatifs^&iàut-
les diilribtier eh nombre impair ; que | daHsrîiiïi:
& l'autre cas, ils ne doivent avoir qtùihmodele-
de hauteur, & que leur faillie ne doit ^aere - ex*-
céder le quart ou la iixieme partie de leuf hauteur;
qu'au reiîe Inapplication de cette forte" d'éffiement
exige de la cireonfpection, .& ne convient "qu'aux:
I ordonnances tout-à-fait miliques ; tels que les ou—
vrages- Militaires & Maritimes ; qu'il eft rarement?
bien placé dans Γ Architecture civile ; qu'encore?,
ä faudrait toujours préférer les boiïages alterna*
tifs aux continus, afin de laiiTer juger plus libres
ment du rapport du- diamètre de la colonne avec:
fa hauteur , ce que les. boifages. continus ne per*-
mettent que -difficilement! c.et açcroiiTement à ht
colonne; changeant néceiiairement la proportion
de l'ordre;..'d'où il' faut conclure qu'if ne dèvroiensi
! être tolérés qu 9' dan $ la/ décoration, des a quêdjies &
:;                                                                        S;x%
-ocr page 310-
278            ! Cours
des prifons, des marchés publics, & des autres
ouvrages de ce genre ; que dans ce cas il faut fup-
primer le lifteau du tailloir du chapiteau Tofean,
pour ne former ce membre que d'une feule plate-
bande ( h ), ainii que l'exprime la figure V ; afin
d'éviter par cette fuppreffion une certaine quan-
tité de moulures dans le couronnement du fut
d'une colonne furchargée par des corps faillants,
qui, quoique confidérés comme une forte d'enri-
chiffement, ne laifTent pas de lui procurer un air
de pefanteur , qui ne fouffre point de petites par-
ties dans tous les membres qui la foutiennent,
la couronnent ou l'accompagnent.
Du Chapiteau.
Nous n'eitimons aucun changement néceÎTaire
à faire au „chapiteau de Vignole Ν, ( figure I ), ni
à.kjbafe de cet ordre : ce chapiteau été imité dans
nos édifices François, par nos plus habiles Archite-
ctes. Nous defirerions feulement que l'aftragale qui
le foutient, & qui appartient au fût fiipérieur de la
colonneV fut un peu plus fort, c'euVà-dire, qu'on
lui donnât une partie trois quarts, au-lieu d'une
partie & demie , ainfi que l'exprime le membre
P. Nous penfons auffi qu'un congé qui uniroit
le gorgerin avec le filet du quart de rond Ο, fe-
roit un bon effet; autrement cet angle droite, fem-
hle donner un air de fécherefTe aux moulures de
ce chapiteau, & l'on ne doit en faire ufage, ce fem-
ble, que lorfqu'on fupprime le liiieau du tailloir,
comme dans la figure V.
De l'Entablement.
Nous n'avons rien changé ni à l'architrave R,
"' ( h ) Vitruve & Palladio font aufli de czt avis.
-ocr page 311-
d'Architecture. 279
ni àlafrife S : nous conservons auffi la proportion
qu'a donnée Vignole à la corniche Τ ; mais nous
prapofons de changer quelques-unes des moulures
qui la compofent,à deiîein de la rendre plus analo-
gue à lamfticité de l'ordre Tofcan. Par exemple,
le talon a 9 qui a quatre minutes de hauteur , nous
paraît couronné peu convenablement par le filet £,
oui n'a qu'une demi-minute. Que paraît figmner
d'ailleurs le petit reglet c, qui fert de mouchette
pendante (i)au larmier d ; puifque pour facili-
ter l'écoulement des eaux pluviales, Vignole avoit
déjà pris foin de placer un cavet c, aÛez éloigne
de la furface de la frife S , & de l'architrave R?
Ne peut-on pas remarquer que cqs deux mou-
lures , fi voiiines l'une de lautre , non-leuie-
ment font monotones , mais encore quelles pro-
duifent trop de petites parties dans une cor-
niche de l'efpece de celle dont nous parlons.
Nous croyons donc que pour les éviter, il con-
viendrait de convertir le cavet e, en canal con-
tinu comme ƒ ( figure 11 ) ; en forte que, par la
fuppreiïion du reglet e, & par la continuation
du canal ƒ, on donnerait non-feulement une plus
grande élévation au filet b ; mais que par la con-
tinuation du canal ƒ, on procurerait plus de imi-
pîicité à cette corniche , & que ce moyen plus
iimple n'en faciliterait pas moins l'écoulement des
eaux, & procurerait à cette corniche une fohdite
réelle , quelle n'acquiert pas ordinairement en
(ζ) Manchettes: les Ouvriers appellent airifî le membre
qui fe place ordinairement fous le fofrke ou plafond < es
larmiers , & qui defcend en concre-bas tant pour enrichir
cercaines cot-aicb.es , que pour faciliter l'écoulement des eaux
du ciel dans les décoxanoas extérieures.
S iv
-ocr page 312-
£8α                      € ο υ RS
fuivant la doctrine de Vignole ; car il arrive tués«
fouvent, que la pouiliere, l'humidité & les iels
de la pierre qui viennent à fe diiToudre, rempliffent
3e canal trop peu fpacienx, & en rendent fuiags
inutile au bout de quelques années ; d*oii il réfulte
que l'humidité qui féjourne fur l'angle faiUant du
larmier 5 en détruit la vive arête: inconvénient qui
feul peut difparoître par la fubititution du canal ƒ,
que nous propofons , à l'exemple de -prefque tous
nos bâtiments modernes ,, élsvés par les véritables
Architectes,
La cimaife fupérieure de cette corniche eil
çonipofée d'un quart de rondg, d'une baguette
■b'9■■'& d'un filet i : ce quarr de rond ayant quatre
minutes de hauteur, ôe le larmier fix, la baguette
& ce filet ne paroifîent-ils pas trop foibles, n'ayant
enfemble qu'une minute & demie de hauteur?; Pour
éviter ces trop petites moulures dans une corniche
Tofcane, diminuons la hauteur du larmier d, d'un
quart de. minute ; donnons ce. quart de minute de
plus à la baguette & au filet : dès-lors cet aitrar
gale ayant une minute δ? trois quarts, deviendra
plus élevée , acquerra plus de faillie , & par
ce moyen tous les membres de la corniche de*·,
viendront mieux affortis au caractère de l'ordre.
Quoiqu'il nous ait paru néceffaire de faire
quelques changements à la corniche de l'entabjle*.
ment & au piédeftalde l'ordre Tofcan de Vignole·,
il eü facile de concevoir que % par le fecours de
ces changements , cet ordre mérite la préférence
fur ceux de Palladio & de Scammozzi. Pour s'en
convaincre, ilfîiffit de coniîdérer dans la planche
fuivante, hs ordres Tofcans de cçs deux derniers
Auteurs. Cette forte de comparaifôn notis accou-;
iumera à réfléchir & à nous, faire, faifir la véâ*
-ocr page 313-
ι               d'Architecture.           zH
table expreffion d'un ordre, & celle de fon ordo-
nance, en nous apprenant à eilimer véritablement
les ouvrages réguliers, & les diftinguer d'avec ceux
qui n'ont pas à beaucoup près la même perfection ;
enfin elle nous mettra à portée d'apprécier les
ouvrages d'autrui, de faire un choix judicieux des
Auteurs qui ont écrit plus ou moins pertinem-
ment fur cette partie de l'Architecture * ou qui
nous ont laifle dans leurs productions différents
objets que nous devons imiter ou rejeter.
Des ordres Toscans de Palladio
et de scammozzi.
Ρ L A M C H Ε X■ V I.
De l'ordre Tofcan de. Palladio*
Figure I.
Palladio, quoi qu'en dife Chambrai page 92»
qui, dans fon parallele d'Architecture, le met ait
nombre des plus excellents Auteurs, peut néan-
moins être regardé dans fon ordre Tofcan, comme
inférieur à Vignole. Nous ne parlerons point
ici du premier deflin que Palladio a donné de
cet ordre ; ce deiïin eft d'un genre ii ruftique 9
qu'il ne pourroit trouver place que dans la déco-
ration des Prifons , des Cachots, ou de tout autre-
édifice de cette efpece. Au contraire, le fécond
deflin que nous donnons ici, nous paroît compofé
de trop de membres d'Ârchite&ure, & offre plutôt
l'image de l'ordre Dorique que du Tofcan : auiB
Palladio dit-il l'avoir compofé d'après les ordres
Tome I.
               ß.                    Sv-*
-ocr page 314-
ï&i                       Cours
des Arènes dé Ferora , de celles de Po/e 9 & de
plulieurs autres fragments antiques ; en forte que
cet ordre ne pourroit être mis en ufage que dans
le cas où il préfideroit feul dans la décoration d'un
bâtiment. Cet Auteur ne donne point de piéde-
ilal à fon ordre ; mais feulement un focle , tantôt
d'un module , tantôt de deux. Il donne fept
diamètres à la hauteur de fa colonne , & le
quart à l'entablement, compofé de trois membres
principaux ; fçavoir , d'un architrave , d'une
frife & d'une corniche ; mais il s'en faut bien que
le rapport de ces trois' membres fok auiïi heu-
reufement diirxibué que dans Vignole : certaine-
ment l'architrave femble avoir trop de hauteur ,
& la frife n'en avoir point aiTez : auiïi Palladio
l'a-t-il bombée, pour lui donneren apparence
plus d'élévation. Sa..corniche eil auiïi comppfée de
trop de membres, & (es moulures font trop iinueu-
£es pour un ordre ruilique ; d'ailleurs fon chapi-
teau & fa bafe font ornés de moulures trop peu
aiïbrties à cet ordre, les tores & les baguettes
devant être préférés aux doucines droites & ren-
verfées; moulures d'autant plus déplacées ici,
qu'elles fe trouvent être les mêmes que celles des
deux cimaifes de la corniche.
Pour nous convaincre de la vérité de ces obfer-
vations, concernant ce profil Tofcan $ voyez le
profil de tëtç humaine,, tracé fur le profil de
l'entablement de Palladio, planche X , & remar-
quez la différence du earaclere qu'elle produit,
comparaifon faite avec celle tracée fur le profil
de l'entablement de Vignole.
yj^à*3>é*v
-ocr page 315-
d'Architecture. 283
De l'ordre Toftan de Scammo^i.
Figure IL
Scammozzi nous paroît encore inférieur àVignole,
dans la diviiion des membres de fon ordre Tofcän.
Au - lieu de quatorze modules , il en a donné qua-
torze & demi à la hauteur de fa colonne, & le
quart au piédeftal & à l'entablement : d'ailleurs
on peut remarquer que cet entablement eft ii
chargé de moulures, qu'il femble plus propre à
couronner un ordre Dorique denticulaire, qu'un
ordre ruftiqtie : auiïi a-t-il affecté de mettre dans
fa frife , des efpeces de triglyphes ; richeffe indif-
crette, qui ôte à cette ordonnance l'expreffion
propre à caractérifer l'ordre Tofcan, La cimaife
de fon chapiteau eft encore toute Dorique ; en
forte que Ton ne connoit ici fordre Tofcan, qu'au
tailloir du chapiteau, & aux moulures de la bafe
de la colonne , feuls membres conformes à la
doctrine de Vitruve.
La corniche de fon piédeftal, n'eft pas plus
Tofcane, étant non-feulement compofée dé mem-
bres plus délicats que folides % mais encore défa-
gréable par fon peu de faillie ; au contraire
le focle de fon piédeftal paroît trop fimple ,
comparé à fa corniche : d'où il réfulte que cette
ordonnance ne peut être imitée que dans des
Comportions qui , confidérées fous un certain
afpeâ, femblent ne pas exiger toute la févérité
qu'on doit chercher à mettre dans la compoiition
des différents membres qui compofent un ordre
Tofcan proprement dit. Voyez auffi , planche
XI, le profil de tête humaine, tracé d'après cet
-ocr page 316-
%%4                           Cours
entablement de Scammozzi; comparez-le avec les
profils des entablements de Vignole & de* Palla-
dio, & vous vous appercevrez que tout l'avan-
tage eft à Vignole.
Pour confrater à cet égard la fupériorité que
nous croyons devoir donner à Vignole, nous
aurions auiïi pu rapporter Tordre Tofcan de,
Serlio; mais nous nous contenterons de rappeler ici
qu'il nous paroît encore plus irregulier que ceux
de Palladio & de Scammozzi, puisqu'il ne donne,
que douze modules à cet ordre , & un module à
tous içs principaux membres ; ceft-à-dire à fa bafe*.
à ion chapiteau, à fon architrave , à fa frife &
a fa corniche : dîvifion monotone & contraire,
aux regies de l'optique, qu'il importe toujours de
concilier avec les grandeurs géométrales de fon,
édifice,
Ofons le dire ici ., tant de variété dans la ma-:
niere de penfer des Auteurs, qui tous ont du puifer
les règles de l'art dans la mêmefource, n'ont que-
trop fouvent fervi à égarer la plupart de nos jeu-
nes Architectes, d'où eft née le plus fouvent cette,
inconféquence qu'on remarque dans la plupart;de
leurs productions : exemple funefte pour ceux qui
viennent après eux, & dont on ne peut arrêter
le cours qu'en répétant fouvent ici les vrais pré-
ceptes, de l'art, & en leur apprennant à diirin^
^uer de bonne heure les chefs-d'œuvre des grands,
Maîtres d'avec les ouvrages médiocres.
Ces obfervatj^ons fur nos Auteurs ne feront peut-
être pas goûtées de tous ceux qui liront ce Traité
d'Architecture ; mais notre intention eil fpéciale-
ment de parler à nos Elevés , dans la vue de
les accoutumer à ne rien négliger dans leurs étu-
des , dans'leurs obfervations, enfin dans leurs com«:
pofitions.
-ocr page 317-
ί> * Α ît c U i f e t f V R Ë. 2§5
ïl ne fuffit pas, par exemple, qu'un Sculpteur
£our faire une belle ftatue, ait obfervé les pro-
portions du corps humain, il faut encore que
toutes les parties foient en relation les unes avec
les autres ; fans doute un œuil trop petit, un doigt
trop gros feroit un léger défaut, comparaifonfaite
avec la beauté de l'enfemble ; mais ce feroient tou-
jours des défauts, & il nen feut fouffrir aucun
dans les ouvrages de l'art, Ce que nous difons
par rapport à la Sculpture, doit s'appliquer ici à
rArchite&ure, Tout Architecte doit donc prévoir
' l'effet que produiront à l'œuil les différentes par-
ties de fon édifice, avant de mettre la main à
l'œuvre, & d'expofer fes ouvrages au grand
jour.                                                 λ
Au refte,nous n'avons parlé jufqu'ä préfent des
ordres d'Architecture, que d'une maniere générale;
nous ne fommes même entrés dans quelque détail
que relativement à l'ordre Tofcan, dans l'inten-
tion que nous avons eue de commencer par lé
iimple avant d'arriver au compofé* Tout ce que
nous avons dit de cet ordre & de ceux des Grecs»
ne doit donc être confidéré que comme une in-
troduction qui nous apprend, en quelque forte,
que tous les membres qui concourent à la déco-
ration de nos bâtiments, doivent puifer néceffai-
rement leur fource dans la beauté, la proportion
& l'exprefîion de ces mêmes ordres. Nous revien-
drons dans la fuite aux détails particuliers à chacun,
en faifant voir ce quiconftitue leur eflence, leur vér
ritable caractère, l'emploi judicieux qu'on en doit
faire dans l'ordonnance des façades & dans la déco-
ration intérieure des appartements ; la maniere de
les élever les uns fur les autres * leurs différents
entrecölonnements j enfin ce qu'on doit entend^
-ocr page 318-
3.86                       Cours
par leurs accouplements. Ce fera alors que nous
nous rendrons compte de l'avantage ou du défa-
vantage, qui refaite de leur application dans l'Ar-
chitecture. Nous fufpendons donc cette théorie
pour expliquer les éléments de l'art ; c'eft-à-dire,
ce que nous entendons par les ordres d'Architec-
ture , colonnes ou pilaftres , confidérés, foit par
rapport à leur matière, par rapport à leur forme,
par rapport à leur difpofition dans la décoration,
par rapport à leur ufage ; enfin la proportion &
l'application qu'on doit faire de tous les mem-
bres d'Architecture & des principaux ornements
de Sculpture, deilinés à embellir les façades des
édifices, ou l'intérieur de nos bâtiments. Nous
nous perfuadoris même que cette variété répan-
dra plus d'intérêt dans nos leçons , & juilifiera
l'opinion où nous fommes, que tous les objets de
la décoration amenés dans l'Arçhiteclure, ou par
la nécefiité ou pour l'agrément , doivent être
déterminés par le caractère particulier de chacun ·
des cinq ordres que nous connoifibns.
Le Chapitre précédent n'a dû nous apprendre
que les diverfes expreflions des ordres en géné-
ral, & les proportions particulières du Tofçanj
cette connoiiTance préliminaire que nous avons
cru indifpenfable & à l'Amateur & à l'Artiile ,
va nous fournir , dans le Chapitre fuivant, le
moyen d'apprendre à connoitre, comment nous
devons placer dans nos façades âes ouvertures
de portes ou de croifées, des baluilrades, des
foubafîements, des attiques,des niches, des fron-
tons , &c. membres qui tous doivent fe reflentir
des beautés réelles que comportent les ordres
Dorique , Ionique & Corinthien des Grecs, & les
ordres Tofcan & Compofite des Romains , confi-
dérés chacun féparément*
-ocr page 319-
d'architecture.          287
r~^~~a-*—-----'—Z^Jt^KZ' .....■■■■■ ______m .h. .11. ■*»--------OT
CHAPITRE III.
Raisonnement όε l'Art, ou Défi-
nition pms, principaux Membres
D'ARCHITECTURE ET DeScULPTURE
propres a l'Embellissement η es
* .
Façades* >                                                            ■;>'.
I? ä s divers Membres
d'ArCHITE C.TU RE.
Planches XVII & XVIIL
OTRE deiTein n'a pas été de préfenter dans
cette planche une ordonnance d'Architecture ré-
gulière , mais feulement de faire appercevoir d'un
coup d'œiiil, la plupart des membres d'Ârchke&ure
& des ornements de Sculpture dont nous allons
parler. La multiplicité des parties dont elle eil
remplie , ne nous ayant pas permis d'offrir une
cpmpoiition, telle que nous l'aurions deiirée; ce
fera, n* Ton veut, l'élévation d'un portique {k)7
efpece de frontifpice (/) , percé d'une ou de
(k) Un portique, chez les anciens, ctoit quelquefois un
porche, ou porte d'entrée , foutenu pat des colonnes; d'autre-
fois c'étoit un avant-corps qui donnoit entrée au Veftibule ;
fouvent c'étoit une galerie percée à jour. Homere appelle
Portique, des chambres deftinées au logement des Etrangers»
adoifées contre la porte d'entrée, Se allez éloignées du prin-
cipal corps de logis.
On appeloit encore ainfî l'endroit où les Phïlofophes d'A-
thènes fe raflembloient ; ce qui donna occaiîon aux Difciples
4c Zenon,de s'appeler ftoïques, du Grec floa 5 un portique.
{/) On dit le Frontifpice d'un Temple, l'orfqu'on ycut pan|
foms L                             S yiïj * \ '
-ocr page 320-
MS                   Cours
piufieiirs ouvertures , fans fermeture ou aves
fermeture de menuiferie, tels que la plupart des
veitibules , les périftiles, les porches, &c. Comme
dans la compofition de ce portique, on a fait
ufage des colonnes & des piîaitres , nous avons
cru , avant d'examiner les divers membres d'Ar-
chiteittire & les ornements qu'il contient, devoir
traiter des diverfes efpeces de colonnes & de pi~
ïaiires, relativement à leurs différentes applica-
tions dans la décoration des édifices ; objet d'au-
tant plus intéreffant , que ce fera toujours d'a-
près la propordon & les différentes expreflions
des ordi-es , que nous déterminerons la forme & la
richeiie de tous les membres d'Archite&ure , ainii
que les ornements dont il fera queition dans ce?
Chapitre.
                                  ί
Planche. XVII.
Des Colonnes & des Pila/ires.
Nous avons déjà dit que les ordres d'Archi-
tectures s'employoient de deux manières , en-
colonnes comme QS, ou en pilaftres comme R. Il
s'agit maintenant de connoître les trois principales
différences qu'il y a entre la colonne & le pila-
ftre, quoique tous deux de mêmes proportions,
1er du portail d'une Eglife : on fe ferc aufïl du mot Frort"
tifpice
, pour déiigner la décoration extérieure de la porte
d'un Palais, d'un Edifice public , &c. Par exemple on dit ,
le Frontijpice du Palais du Luxembourg , du côté de la rue
de Tournon : au lieu qu'on dir, la façade du Louvre du côté
de Saint-Germain l'Auxerrois > car on entend communément
par le mot Frontijpice, un corps particulier d'Archite&ure Λ
ifolé du principal corps de logis qui "en annonce rentrée 4
îa deftination & le plus ou le moins d'importance.
'                                                compoféç
-ocr page 321-
d'Architecture. ±%f
i&orripofés des mêmes membres, & fufceptibles
des mêmes ornements.
                                        S
La premiere différence eil, que la colonne
eft circulaire , & le pilaftré quarré ; la fécondé j
que les colonnes diminuent vers leur forrimetf
& que les divers côtés des pilaftres font paralleles
éntr'eux dans la hauteur de leur fût , comme fé
remarque dans cette planche là différence des
colonnes Q S au pilaitre R ; enfin la troifiemë
différence eft que les colonnes doivent être ifolées
& non engagées ·, ii l'on excepte néanmoins les
ordonnances Tofcanes, où la rufticité de Tordre
& la folidité réelle, femblent autorifer ces fortes
de colonnes^ A l'égard des pilaftres, il convient
au contraire de les engager (/ra) des cinq Îixiéme^
de leur diamètre dans les mûrs de face, à moins
qu'on ne lés place angulairément à l'extrémité des
avant-corps. Cette différence des colonnes aux
pilaftres■·,eil déiignée dans la figure -1 $ de'là'
planche j|CXpaont nous parlerons enfuite.
Plufleurs regardent lés pilaftres comme une
médiocrité en Archite&ure ; ce genre d'ordonnancé
repréfentant, difem-iîs > bien plus la contrainte
de l'art \ qu'il n'imite les beautés de la nature, &
ne produifant jamais , ou que rarement, une dé-
coration intéréfTantë. Cela peut être vrai à certains
égards ; mais ne peut-on pas auiïï cohiidérer les
pilaftres comme un genre qui tient le milieu entré
Tart de bâtir, & TArchiteeTiire proprement dite ?
Car les pilaftres quarrés par leur plan, engagés"
& ayant les côtés paralleles à leur axe j outré
(m) Vitruve appelle antes, les pilaftres engagés , 8C nommé
ants, les pilaftres ifolés ou angulaires. Voyez la note 2.2, de
Perrault fur Vitruve t
pag. 6u
Τ orna U           "                           î!
-ocr page 322-
%Cp>                 -            C OURS                                   V
qu'ils femblent procurer aux murs de face, une
Îblidité réelle , puiiqu'ils font ordinairement par-
pain avec eux » ne contribuent-ils pas à la décora-
tion des édifices ? Il eft vrai que la colonne nar
tiirellemenrplus légere, paroît plus propre que
lé pilailre à donner du mouvement à la décora-
tion des -façades: mais c'eil précisément par ces
différentes manières de varier les productions de
l'art, que Ton peut parvenir à fixer dans Γ Archi-
tecture un caractère diftin&if que les colonnes
communiqueront aux édifices importants , les
piîailres aux bâtiments particuliers , & les colon-
nes réunies avec les piîailres aux Palais des
Rois, &c. D'où il s'enfuivroit que les piîailres & les
colonnes pourroient„ s'employer eniemble ou f<jh
parément, fans bleiïer les lois de la belle Archi-
tedure. L'orangerie de Vénales , Tun des por-
tiques de la Cour Royale du Château-de Vin-
cennes, n'offrent que des colonnes ; la façade du
Louvre 1 du côté de la Rivière, n'a que des pi-
laires ; le p.ériilyle du même Palais offre des co-
lonnes réunies avec des piîailres : cependant cha-
cune de ces diveries décorations , produit un bel
eilet ; & l'on peut dire que fi le mélange des co-
lonnes & des piîailres rencontre quelques diffi-
cultés dans l'exécution, les licences qu'il occafipmie
xlans quelques parties de détail % nt kieri e^a"
çées par. les beautés qu'elles répandent fur les
piaffes générales, & ne laiifent pas d'être préfé-
rables a cette multitude. d'innovations, qui ont
amené les colonnes jumelles ( η ), les, colonnes
·.-(«) Comme dans la cour du Vieux 'Louvre Se à la Place
de Louis le Grand.
-ocr page 323-
Ν
d'Arch îtec Türe.          491
ovales (<?), les pilailres doublés (/> ) les "pilailres
diminués (q)9 &c.
Au refle, nous ne prétendons pas que cette
lOpinion à l'égard des pilailres ibit regardée com-
me une, loi. Nous ne la propofons ici qug comme
une de ces obfervations , qui excitent ordinaire-
ment les jeunes Artiiies à réfléchir fur les ob-
jets fufceptibles ou non d'imitation, à fe rendre
compte du pourquoi & du comment ; enfin à mé-
diter fur le bon ou mauvais effet qui peut réfulter
des doctrines particulières des Architectes qui nous
ont précédés. Çonfidérons maintenant les ordres
d'Archite(äure , par rapport à leur matière , par
rapport à leur conftmction, à leur forme , à lew
diîpofmon, & à leurs différents ufages.
%)'i$ Colonnes par rapport aux Ordres.
Les colonnes reçoivent diverfes dénominations,
félon les différentes expreifions des ordres. Nous
avons déjà obfervé qu'on appelle colonne Tafcane,
celle dont la hauteur eil de i'ept diamètres; colonne
Dorique.
, celle qui a huit diamètres en hauteur ;
Ionique, celle qui en a neuf; Corinthienne &l Com*
poßte,
celles qui en ont dix.
Des Colonnes par rapport à leur Matière,
On nomme colonnes Diaphanes, celles qui font
Il                                              ---------                                                                                                                               ,.                                                                      . '
(ο) Comme aux Portails de la culture Sainte -Catherine»
& de La Merci,.
(p ) Comme à Trianon , en face d'un des bras du cmal de.
Y ei failles.
(q) Comme aux angles du Portail de l'Eglife des Quatre
Nanons.
Tij
-ocr page 324-
&91                       C ö ΐτ ft $
composées d'une matière traniparente, ôorrimé Oh*
vit autrefois celles du Théâtre de Scaurus, dont
parle Pline, & telles qu'on en voit, félon Boif*
îard, dans fa Topographie de Rome * d'albâtre
tranfparent, en TEglife de ^Saint-Marc à Vernie*
Les Colonnes aEau font celles qui, par le
fecours de l'hydraulique, offrent la reprélentation
d'un corps de criital, comme celles qu'on voit au
Château de Commerce Les pyramides & les pila-
ilres du boiquet de l'Arc de Triomphe à Ver-
failles , font à peu près dans le même genre.
On appelle encore colonne hydraulique, une co-
lonne du haut de laquelle fort un jet ou bouillon
d'eau , à qui le tailloir du chapiteau fert de
coupe ou baflin , d'où l'eau retombe par une
rigole qui tourne en fpirale autour du fût. Telles
font les colonnes qu'on remarque à la cäfcaide de
Belvedère { r) à Frefcati, & à celle de la Vigne
Matthéi à Rome.
On nomme colonnes métalliques , celles qui font
fondues en fer ou en bronze, comme les quatre
colonnes de cuivre de Corinthe, qu'on voit à
. l'Eglife de Saint Jean-de-Latran à Rome.
On donne le nom de colonnes pricieufes , à celles
qui font conitruites de jafpe oriental, comme les
quatre colonnes qui fe remarquent au grand autel
de la Chapelle Pauline , à Sainte-Marie-Majenre
à Rome , ou généralement à celles qui, toutes
faites de lapis, d'avanturine , ou autre matière
"rare , comme fägathe, &c. fervent à orner les
tabernacles de nos Temples, & les cabinets de
marqueterie qui fe placent dans les appartements-
de nos Maifons Royales.
(r) Voyez d'AYiler, planche 93,
-ocr page 325-
D*A R e HITECTURE.           Zfö
! tes Colonnes de rocaille font celles , dont le
noyau en pierre ou en moilon , eil revêtu de pé-
trifications , de congélations , de coquillages, &c
à l'ufage des grottes & des fontaines.
Enfin on nomme colonnes de. treillage, celles qui»
construites d'échalas ,,, & dont les bafes & les.
chapiteaux étant formés de bois de bouTeau , δε.
entretenus par des armatures de fer, fervent à
la décoration des portiques, fallons ou cabinets,,
diftribués dans certaines parties de nos Jardins de;
propreté, comme on en remarque à Chantilly, am
labyrinthe de Verfailles,. à Cligny & ailleurs.
Des Colonnes, par rapport à hur Confiruciion*,
J^es colonnes incmßiesfont celles qui,conftrm-
tes de pluiieurs tranches de marbre, font fcellées 8ε
maitiquées fur un noyau de pierre ou de brique %.
Se que l'on difpofe ainfi lorfqu'on ne peut les*
faire d'un feu! bloc , à caufe du prix de. leur ma-
tière.. .
On appelle cotonnes jumelées, celles dont le fût
eft conftruit de trois morceaux de pierre, pofés,
en délit, à l'imitation des trois jumelles de bois*
qui fortifient le grand mât d'un vaiffeau. Il eft boa
de canneler ces colonnes,, pour en effacer les*
joints. On, voit des colonnes jumelées, d'ordres
Corinthien, dans la cour du château. d'Ecouen^
bâti fur les deflins de Jean B.ullanu
Les colonnes de maçonnerie font celles qui font:
faites ,de moilon ou de brique apparente. On voit
,des colonnes de cette dernière efpece au, Châ-
teau de Madrid , dans le bois de. Boulogne quel^
quefois on recouvre de #uc, les colonnes de M&?*
cQnnerie^                                 ,
-ocr page 326-
2$4                       Cours
On nomme colonnes par Tambours , celtes dont
le fut eft fait de pluûeurs afliies de pierre, comme
celles-du portail de Saint-Sulpice : on les appelle
colonnes variées, lorsqu'on remarque alternative-
ment un tambour de pierre, & un tambour de
marbre, comme aux culonnes Ioniques du Palais
des Tuileries.
                                       * .
On donne encore îe nom de colonnes Fariéès, à
celles dont le fût, le chapiteau & la bafe font de
diilërents marbres» comme les colonnes du péri-
ityîe de Trianon , ou de différentes matières,
comme on en voit au retable d'autel de TEglife du
Val-de-Grâce , & ailleurs.
On nomme colonnes par Tronçons, celles qui font
faites feulement de deux ou trois morceaux de
pierre, comme celles des Ecuries du Château de
Maifons.
Des Colonnes par rapport à leur Forrhs.
On appelle colonnes Bandées , celles qui font
ornées de boifages * continus & liffes, comme
les colonnes Toicanes du Luxembourg, ou alter-
natifs & ornés de fculptures , comme celles dès
guichets du Louvre.
Les colonnes Cannelées font celles qiii * däfts Îâ
haureur de leur fût, font ornées de canaux, fépa-
rés par'des liiteaux, & dont les cannelures font
fouvent enrichies d'ornenients qu'on nomme ruden*
tares ;
telles font les colonnes Ioniques des pavil-
lons de l'ancien- Palais des Tuileries , du côté du
Jardin. Quelquefois on fait ces cannelures torfes,
c'eit à-dire , contournées en fpirale autour du fût,
tomme on voit celles dés colonnes des retables
d'autel des Eglifes des Invalides , & du Val-de-
Grâce, imitées fans doute d'après celles qui, félon
-ocr page 327-
d'architecture.            295
Talladîo * font exécutés au Temple dé Trévi ,
près de Spolette en Italie. Voyez le plan des
différentes cannelures employées dans n©s plus
beaux édifices , planche VIII.
On donne le nom de colonnes Cylindriques , à
ceHes qui n'ont ni renflement , ni diminution,
comme font les piliers Gothiques.
On appelle colonnes en Faifc&au, celles iftii font
compoféès de plufieurs petites colonnes \ réunies
enfenibîe pour former un pilier ; telles qu'on en
voit dans les bas côtés dé TEglife de Notre-Dame
à Paris.
Les colonnes Fujilées, font celles dont le renfle-
ment éft trop reiÎenti, ainfi que le remarquent
celles du portail de rEglife des Dames de Sainte-
Marie , près la porte Saint-Antoine*
On nomme colonnes Lißes , celles dont le fut
n'a ni cannelures, ni bofTages , ni ornements»
comme celles de Saint-Roch, de l'Oratoire , &c.
Les colonnes Marines lotit' celles dont le fût eft
revêtu de glaçons , en forme de fouread continu ,
ou par intervalles, comme les colonnes de la grotte
du Jardin du Luxembourg.
Les colonnes font appelées Majjives^ lors qu'elles
font trop courtes, & qu'elles ont moins de hauteur
que n'en exige l'ordre , comme les colonnes Όσ-
riques de l'Hôtel de Rohan. On les nomme Grêles ,
quand elles font trop fvéltes , & que lèiir hauteur
excède celle qui eiî preicrite par l'ordre comme
celles du Portique, d'ordre Dorique, de la Cour
Royale du Château de Vincennes.
Les colonnes Paßorales font celles dont le fût éft
taillé à l'imitation de l'écorce des arbres, & qui
repréfenteiit les troues dont les premiéres cabanes
étoient conitruites » elles clevroient, ce fembie ?
Tiv
-ocr page 328-
4&9<S                             Cours
toujours être Tofcanes, étant deftinées pour îes,
portes des Jardins ομ autres décorations charnu
pêtres.
On nomme colonnes mßiqu$s-9 celles qui font
ornées de bpffages alternatifs pu continus , ainià
qu'on a vu lpng-temps celles de la Grotte de
Âleudon, eonitruites fur les deffins de Philibert
de Lorme. ν
             :*:                       /■.
Enfin les colonnes torfes font celles qui ont leur/
fût contourné en vis par pluiieurs circonvolutions ;.
on les appelle colonnes évidées lorsqu'elles font
faites de pluiieurs tiges, entortillées les unes dans
les autres. "Voyez ce que nous avons dit des coi
lonnes torfes, chapitre I, page 2,08.Voyez aui&
la maniere de les torfer, que nous donnerons
ψ la fuite des ordres, dans le deuxième volume«».
Des Colonnes par rapporta leurs Difpofuions..
Lorfqu'on examine les colonnes , par rapport à
leur difpofition refpeclive dans l'ordonnance des
çdirlces , on appelle colonnes folitaires, celles qui
difpofées par entre-cplonements , ne préfëntenjç
ni approximation, ni accouplement. Telles font
les colonnes des nonveaux bâtiments de la plac^
de Louis 2ÇV.
On appelle encore colonnes folitaires ^ les colon*·
nes cploifales, qui, dans une place publique, fon£
érigées à la mémoire d'un héros", comme les co-.
|onnes Trajane & Antonine à Rome ; ou qui font/
élevées pour fervir d'obfervatoire, comme étoit la
colonne de. l'Hôtel de SpiiTons à Paris , appelé
aujourd'hui la If aile au hlé.
Les colonnes nichées font celles dont une partij
$ffez çonfidérable entre dansv le parement ά'ψκ
-ocr page 329-
d'Architecture.           %y?
mur de face , creufé pour cet effet circulairement,
comme fe remarquent celles de la Culture-
Sainte-Catherine du coté de la rue, & celles
qu'on a vues à la porte du Palais-Royal à Paris.
On nomme colonnes engagées, celles qui péné-*
trent un pilaitre de la moitié ou du tiers de leui?
diamètre, comme les colonnes des quatre chapel·*
les du dôme des Invalides ; ou qui pénétrent Γέ-*
paiifeur d'un mur, comme les colonnes intérieur
res du porche de l'Egliie de Saînt-Sulpiçe.
On appelle colonnes adojßes, celles qui avoifi-
nent d'aifez près la furface d'un pilaitre ou d'un
mur 5 pour que cette furface faife tangente, avec
la circonférence de la partie inférieure de leur fût.
Telles font les colonnes Doriques du portail de
Saint-Gervais.
Elles font nommées accouplées, lorfque leurs bafes
& leurs chapiteaux fe joignent, fans fe pénétrer »
comme celles du périiiyle du Louvre,
Les colonnes grouppèes forit celles , qui moins
près ks unes des autres , que les colonnes accou·*
plées, ne peuvent néanmoins indiquer un entre*
colonnement, qui, pour être nommé tel, doit
être au moins de trois modules. , d'un fût à l'au-*
tre. On appelle auffi colonnes grouppèes , celles
qui faifant avant-corps » forment un grouppe fur
des plans différents , comme on en remarque
aux angles de l'avant-corps du périftyle du Lou-?
• yre.
                                                     f$ , N
On nomme colonnes majeures, celles qui oecu-»
pent toute la hauteur d'un étage; & colonnes mU
mures
, celles qui, d'un plus petit diamètre que
les précédentes, décorent feulement une porte ou
une croifée, comme on le remarque au feconi
màxe du portail du Val-dç-Çrâçç,
-ocr page 330-
/
acjS                        Cours
Les colonnes colojfales, font celles qui embraffent
pluiieurs rangs de croiféés, comme celles de la
façade de l'Hôpital des Enfants-Trouvés, du côté
du parvis de Notre-Dame.
On appelle enfin colonnes régulières, celle qui,
déterminées par la hauteur d'un étage , ne font
ni coloiTales, ni naines, & dont la proportion,
jointe à l'expreifion folide, moyenne, ou délicate *
a indiqué le cara&ere, & les dimeniions de tous les
membres répandus dans l'étage qu'elles décorent*
Teiles font les colonnes qu'on remarque aux Châ-
teaux de Maifons , de Clagni & ailleurs.
Nous avons rapporté dans le chapitre Ier, en
parlant de l'origne des ordres, que les Grecs, après
avoir vaincu les Cariens & les Perfes , avoient
fubititué aux colonnes, la repréientation de ces
Peuples devenus Efclaves. Nous ajouterons ici
qu'ils s'accoutumèrent inieniiblement à enrichir
leurs productions par des fymboles, dont le fut
de leurs colonnes fe trouva furchargé. Dès-lors
elles perdirent une partie de cette belle diipofi-
tiôn , qui, de leurs trois ordres , avoir fait au-
tant de chefs-d'œuvre. Leurs fuccefleurs , épris
de la beauté de ces .nouvelles Sculptures, les em-
ployèrent aufli, mais peut-être avec moins de
génie , & fans donner à ces divers fymboles ni la
même perfection, ni la même convenance; en-
forte que ces attributs ne parurent plus que dé
iimples ornements entre les mains de leurs imi-
tateurs. Ceux-ci furent même aiîëz inconiidérés ,
pour, introduire fur des tiges de colonnes d'une
proportion légere, des corps ruftiques, connus
fous le nom de boßages ; ils allèrent enfuite jufqu'a
y pratiquer des cannelures torfes, & enfyi des
membres d'un ftyie pefaiït, qu'ils allièrent avec
-ocr page 331-
d'Architecîure.           299
des ornements délicats : ce qui acheva d'enlever à
FArchite&Lire ce caractère naïf & cette belle iim-
plicité fi propres à fatisfaire les yeux intelli-
gents.
Tâchons donc de faire de ces fortes de fym-
bolesun ufage prudent. Pour cet effet, examinons-
en jufqu'aux moindres détails,& reiTouvenons-nous
de ne les appeler dans la décoration des édifices
que par néceiîité. En un mot, n'oublions pas qu'il
iëroit peut-être mieux d'employer fur le fût des
colonnes les feuls ornements qui leur font pro-
pres , & de ne revêtir des attributs, ou des fyiö-»
boles dont nous parlons , que les focles, les föu-
bkifements, ou empâtements.
On appelé colonne aßrononuque, celle qui a été
conftruite pour fervir d'obfervatoire, comme le fut
celle de THôtel de Soiflbns, déjà citée.
On nomme colonne gnomonique^ celle dont lé
fût cylindrique marque les heures par l'ombre d'un
fiyle, comme la colonne qu'on voit au Jardin du
Roi, à Paris.
La colonne chronologique , eft celle qui élevée
dans une place publique, dans une forêt, dans le
carrefour d'un grand chemin -> &c. porte quelque
infcription hiftorique.
La colonne hißorique -, eft celle dont le fût eft
orné de bas reliefs , divifés par bandes horifoii-
tales ou fpirales, comme la colonne Trajane, à
Rome.
La colonne héroïque, eil celle élevée au milieu
d'une place publique , & fur le chapiteau de laquelle
on voit, fur un focle, la figure pédeftre du Prince,
en l'honneur duquel ce monument eft eonftfuit
Ordinairement ces colonnes font dreiTées fur ttti
baifement avec un fock& des piédeftaux ftir l#fqiiêi£
7
-ocr page 332-
|0Q                         C O F R S
quels on place des figures analogues aux vertus au
Héros.
La colonne mèmorïahy eft celle qui eft élevée
à l'occaiion de quelque événement particulier „
comme ceiie qui fut dreiTée à Londres dans le
marché aux ponTons, à 1'occaüon de l'incendie de
1666.,. ou celle qui fut élevée fur le bord du,
Rhin dans le Palatinat , en mémoire du paffage de
ce fleuve a par Guitave.
On appelé colonne funéraire, celle dont le cha-
piteau foutient une urne, & dont le fût eft chargé
de flammes ou de larmes, comme on en voit
plufieurs dans la chapelle dOrléans aux Céleftinsj,
à Paris.
On nomme colonne bellïque, celle dont le -fut
Tofcan, ou Dorique, imite la forme d'un canon 9
telles que les colonnes de pierre qu'on voit à la
porte de l'Arfénal, du côté du quai des Céleftins r
à Paris..
i,a colonne phofphorique s'élève fur un écœuil >
ou à l'extrémité d'un môle , pour fervir de fana!
à un port.
            "
; La colonne r&ßrale^eii celle qui,, ornée de proues
de vaiffeau, eil élevée à l'occaiion d'une victoire
navale, ou pour marquer la dignité d'un Amiral,
comme les deux colonnes Doriques,, qui font partie
de la décoration de la principale entrée du Château
de Richelieu..
Enfin, on appelle colonne fymbalique , celle qui ?
par des, allégories particulières, déiîgne le motif
de fon érection, ou les principaux attributs de la
Nation qui l'a fait élever. Telles, feroiçnt, pas
exemple, des colonnes , dont on auröit parfemé
le fût de fleurs de lys, & orné le chapiteau d'u&
£Qq, fymbole de la France.
-ocr page 333-
b^ÀRCH î Τ ICTÜfe È.           3OÎ
Kous n'avons pas prétendu parler de tous les
îymboles appliqués jufqu aujourd'hui aux colon·*· *
«es , craignant que la multiplicité de ces orne·**
ments ne donnât lieu d'en abufêr. Nous renvoyons
fur cet objet aux exemples qu'on trouve dans
d'Aviler <, & dont nous donnerons feulement
quelques-unes des compositions les plus intérêt
fautes dans les volumes fuivants-. Revenons aux
différents membres d'Architedture. =
Des Arcades^
On donne particulièrement le nom d'arcade, à
toute ouverture terminée dans fa partie fupérieure $
par un demi-cerclé, appelé plein cintre , comme
l'ouverture A* Ce genre d'ouverture M place dans
les grands entre-colonements des édifices de quelque '
importance : il doit y être préféré aux ouvert
tures à plate-bande, marquées Β ; ces dernières
nous paroiffant mieux convenir aux croiféés, mal-
gré la quantité d'exemples contraires, que nous
offrent la plupart de nos bâtiments anciens δέ
modernes.
En général les portes & les croifées Tofcanes »
doivent avoir moins de hauteur que les Corin-
thiennes, contre l'opinion de Virruve & celle de
Vignole, fon Commentateur. Pour cet effet, nous
penfons que les premières ne doivent avoir en
hauteur que deux fois leur largeur, & que les der-
nières doivent avoir en hauteur, au plus, deux fois
& demie leur largeur; enforte que la hauteur des
autres pourröit être déterminée par mie moyenne
arithmétique, entre ces deux extrêmes.
Quelquefois le iommet des ouvertures déporte,
le détermine par uii cintre furbaiiTé, & celui des
-ocr page 334-
loi            ,          Cour s
ouvertures des croifées, par un arc de cercle,a
caufe duquel on les nomme bomhks : mais il faut
éviter d'abufer de ces deux dernières formes d'ou-
vertures ; encore moins doit-on faire ufage des
arcades entiers points, introduites par les Goths,
& des ouvertures à pans coupés, telles que fe
remarquent celles de l'avant-cour du Château de
Richelieu , & qu'on en voit une du delîin de
Michel-Ange dans d'Aviler » planche 7 5, page 307»
dont la forme a été imitée aifez inclhcretement à
l'Hôtel de Condé, à la porte du College de Louis
le Grand, & ailleurs.
Des Pieds - droits.
Les pieds^droits C,, font les jambages d'une
porte, ou d'une croifée, qui s'élèvent à plomb
(j). & terminent la largeur de la baie. Néan-
moins Vitruve , chapitre V1, page 116, parle en-
core d'une efpece de porte atticurge, dont les
pieds-droits font inclinés en dedans ; & il indique
des proportions différentes, pour établir leur inçli-
naifon, félon la hauteur des ouvertures (t). Malgré
une telle autorité,il faut éviter de fuivre ces fortes
d'exemples. A peine ce genre d'ouverture feroit-
il tolérable dans la décoration des priions publi-
( s) Pied-droit, félon Vitruve, pamftaté pilier quarré, qui
diffère du pilaftre , appelé antés , qui n'a qu'une face ; au
lieu que te pied-droit en a toujours deux , & Couvent même eft
tout a-fait ifplé. Voyez la note 3 de Perrault fur Vitruve., pag.
104.                                                                                        '. '
(t) Selon d'Aviler, on voit de pareilles ouvertures à la
porte du Temple de Vefta , ou de la Sibylle à Tivoli, près
de Rome.
                                          :
-ocr page 335-
d'Architecture           303
cues , dans les magaiins à poudre , & dans les
dépôts Militaires , Terreftres ou Maritimes ; les
voûtes d'un cintre , daprès lefquelles les arcades
ont été imitées, devant faire oublier ces fortes d ou-
vertures , dans tout édifice élevé pour la magni-
ficence.
                                 ,                          ,
Les Egyptiens ont pu pratiquer ians cloute des
ouvertures femblables à celles dont parle Vitruve,
fondés fur la néceffité de faire leurs plates-bandes
d'une feule pièce : n'ayant pas connu iart des
voûtes, ils ont pu ignorer celui de conitriure des
plates-bandes de pluiieurs claveaux ; mais elles ne
feroient pas tolérables chez nous, qui avons fait
des progrès fi confidérables, dans l'art de la coupe
des pierres.                                                   .
Philibert de Lorme («) parle d'une autre eipece
d'ouvertures , qui eft l'inverie de celles dontVitruye
fait mention ; c'eft-à-dire , dont les pieds-droits
font inclinés en dehors ; il nous les propoie, da-
près celles qu'on voit à l'EgUfe de Sainte Sabine,
à Rome, qui n'ont que treize palmes \x) quatre
minutes vers leur bafe, & quatorze palmes deux
minutes trois quarts vers leur iommet. D après
cet exemple, Philibert de Lorme conieille d éle-
ver ahiii les pieds-droits, lorfque les ouvertures
auront beaucoup d'élévation; à caufe, dit-il, de
(«) Livre 8, pag. 137.
(x ) Palme , du latin palma, la paume de la rnain.^ Les
Romains avoient deux fortes de palmes : l'une grande , de }a
largeur de la main, & qui fe divifoit en douze doigts, valant
9 pouces de pied de Roi ; l'autre petitet du.travers de la main,
Se de 4 doigts! ou de 3 pouces de pied de Roi. Voyez la note 3
de Perraulc fur Vitruve , pag. π > & ie Dictionnaire de d A-.
viler, page 163, où il eft parlé des différentes meiures da
palme.
-ocr page 336-
|ô4                    G ours
l'optique qui rétrécit les objets les pluâ éloignés
de fcëuil. Mais delà né s'eniuivroit-il pas qu'ori
ne pourroit élever aucun corps d'Archite&ure à
plomb > loriqu'il feroit fuÎceptiblé d'une très-grande
hauteur ? Auffi François Blondel à la porte S;
Denis , Perrault à l'arc dé triomphe du Trôné, dé
BroiTe aux arcades de f aquédùc d'Arcueil * fe font·^
ils bien gardés de fuivre lé fentiment de Philibert4
de Lorme, qui d'ailleurs convient qu'en général
les pieds-droits des ouvertures font un meilleur
effet à plomb qu'inclinés, foit hors dé la baie $
foit en dedans»
'- Des Aletiesi '
Lés àléttes D {y), coniidérées du côté de leur
Surface extérieure, préféntént un double pied-droit;
JLeur profondeur eil ordinairement peu eojiiidé-
rable j étant déterminée par la faillie des importes
qu'elles contiennent ordinairement. Ce font les alet-
tes qui forment les deux montants des niches quar-"
jrées, dans îefquelles font contenus les pieds-droits;
On les place auiîi horifontalement, lorfqu'on les fait
fervir de linteau ou fommier aux niches quarrées*
Cependant il faut remarquer que les alettes, qui -,
iréunies avec les pieds-droits, font toujours très-
bien en Architeiture, ne peuvent trouver place*
qu'autant que les entre-colonnements ont une cer-
taine largeur.
D'un autre côté , la grande ouverture de la
porte empêché fouvent d'introduire les alettes
dans la décoration des entre-colonnements, quoi"
{y ) Mettes, de l'Italien Aletta t petite aile, ou côté.· \
Cite
-ocr page 337-
d'Architecture*           305
que ce membre ioit néceiTaire pour appliquer un
claveau fur la porte, & une infcription au-deiïus
du linteau delà niche quarrée. Néanmoins Fran-
çois Manfard» dans la nef du Val-de-Grâce, Fran-
çois Blondel à la porte S. Denis , Claude Perrault
à Tare de triomphe du Trône, les ont employés
avec le plus grand fuccès , parce que le linteau
de cette niche quarrée devenant parallele à l'ar-
chitrave , amené nécèiTairement dans l'ordonnance
un corps intermédiaire entre le plein cintre de
l'arcade & la direction horifontale de l'architrave;
ce qui ne fe rencontre pas, lorfque dans la dé-
coration d'un portique ou de toute autre compo-
fition, on eil obligé de fupprimer cette niche
quarrée, & par conféquent fes alettes & fon fom-
mier. >
On donne auffi le nom d'alettes aux pieds-
droits Κ, qui foutiennent les extrémités des ta-
blettes des baluitrades*
Des Impofies. ...
L'importe Ε (ι) eft le couronnement du pied-
droit C , & le foutien de l'archivolte F ; en gé-
néral , 1'impoite peut être regardé comme un mem-
bre qui, ainii que l'architrave, a très-peu de re-
lief. On le place à peu-près au tiers fupérieur de
la hauteur de la colonne ; de maniere qu'il ne di-
vife jamais l'ordre en deux également. On doit
obferver d'ailleurs que la partie fupérieure de l'im*
pofte, faffe une même ligne, avec le diamètre de
(^) Impofle j, ce mot vient de l'italien, tmpofio, iurchargé,
ou du latin impofitus, mis deiTus. En effet le pied-dtoic eft
furchargé de l'importe.
Tome I.                                     V
-ocr page 338-
jo6                       Cours
l'arc plein cintre de l'arcade, à moins que le pied-
droit qui foutient l'impoile ne foit fort élevé : car
il faut alors faire defcendre la partie fupérieure
de l'impoile, un peu au-deiîbus du diamètre de
l'arc plein cintre ; fans quoi le rayon yifue! maf-
queroit une trop grande, partie de la retombée
de l'archivolte ; défaut qui rendroit néceffairemenc
ce dernier membre défagréable , & le feroit pa-
roître plutôt arc de cercle que plein cintre. Quoi-
que hs impolies aient été principalement imagi-
nés pour cacher Fimperfeclion qui fe rencontrè-
rent entre là naiiTance de l'arc, & le fommet du
pied-droit ; il faut les coniidérer auiîî comme le
foutien delà retombée de l'archivolte.■Conféquem-
ment, l'impoile doit être fupprimé dans toutes les
ordonnances, où il n'y a pas d'archivoltes; ces
deux membres étant, pour ainfi dire , ■ insépara-
bles.
                            "                        " / '
Des Archivoltes,
L'archivolte F (a) eil un membre compofe de
moulures méplattes, qui circulent au tour de la
f>artie fupérieure de l'arcade plein cintre. Ses mou-
ures font allez ordinairement les mêmes que celles
de l'impoile. Néanmoins on applique quelquefois
les unes & les autres aux arcades furbaifiées
( b ). Mais l'archivolte, ainiî que l'impoile f iemble
devoir être confacré aux ouvertures plein cintre,
les refends & les boiTagçs cet enrichiiTement
ruilique, étant plus du reiîort des portes furbaif-
fées. Cette forme appîatie a eifedlivement quelque
( a ) Archivolte, du latin , arcus volutus, arc contournée
i&.) Comme on le remarque à l'Hôtel de Soubife.
-ocr page 339-
;■} .                                                                                                                                                                                                                                                ?.. ■ >
d'Arch itecture.          397
ehofe de plus ruilique que la demi-circonférence
du cercle , & femble pour cela devoir être def-
tinée aux ouvrages Militaires, ou dans l'Architec-
ture civile, aux dépendances des édifices impor-
tants.
Il faut obferver que f archivolte ait un peu moins
de faillie que l'impose ; enforte que le pied-droit G,
en arriere-corps par raport à l'alette D, foit affez
renfoncé pour que la faillie de Timpoile E ne
défafleurant jamais l'alette, & l'archivolte ayant
moins de faillie que l'impoite, il en réfulte autant
de membres d'architecl;ure, détachés les uns des
autres, comme on l'a pratiqué avec fuccès aux ar->
cades de la nef du Val-de-Grâce, & non dans la
cour de l'Hôtel de Touloufe ni au Palais des Tui-
leries du côté du Jardin , non plus qu'au portail
de S. Gervais, où de même qu'à la façade des
Tuileries , les impolies défafleiirent beaucoup la
furface des pilailres, tandis qu'à l'Hôtel de Tou-
loufe tous ces membres .s'afleurent du moins les,
uns les autres.
Des Claveaux.
Lé claveau G, eil une pierre en forme de coin,
qui fert de clef & tient en équilibre les vouiîbirs
d'une arcade, ou ceux d'une voûte. Il peut être
luTe ou orné fur fon parement, de membres
d'Archite&ure ou de Sculpture, félon qu'il fait
partie d'une ordonnance plus ou moins impor-
tante. La largeur de l'intrados, ou bate du claveau,
doit être la iixieme partie de celle de l'arcade. Sa
largeur au fommet doit être déterminée par le.
centre qui a fervi à décrire l'archivolte. Les mem-
bres d'Archite&ure"& les ornements qu'orj' intro-
V ii /
-ocr page 340-
3o§         * li £ ο ν R s
duit fur les claveaux , doivent néceffairement ert
retenir la forme. Pour cela nous croyons qu'on
ne devroit jamais appliquer aux claveaux, ni mai-
ques, ni têtes humaines ; celles-ci étant prefque
toujours contraires à la convenance, & les autres
a la vrairTemblance. Nous n'avons placé une tête
iur le claveau G , que pour en faire connoirre
l'abus. Les maiques ou mafcarons, qu'on remarque
fur les claveaux des arcades de la cour de l'Hôtel
de Carnavalet, font à la vérité des chefs-d'œuvre ;
les têtes de femmes placées fur les claveaux des
arcades du Château de Sceaux, font admirables fans
doute : mais nous n'entendons louer que l'habileté
du Sculpteur, $· nous penfons qu'une confole, une
agraife, ou un cartel régulier, font les feuls or-
nements qu'on doive appliquer aux claveaux. Les
façades des Châteaux de Maifons & de Clagni,
li fort approuvées des Connoiileurs, ne préfehtent
pas d'autres ornements fur les claveaux des croîfées;
encore y font-ils employés avec beaucoup de dif-
crétion.
Des Chambranles.
'-■■■■"■ i
Les chambranles H (c) font des membres com-
pofés de deux montants & d'une traverie iiipé-
rieure. Lorfqirils ont quatre côtés , on les appelle
cadres {d) ; la largeur des chambranles doit être la
fixieme partie de celle des croifées, & leur faillie
fur le naà du mur, la fixieme partie de la lar-
lc)'Ce membre eft appelé par Vitruve, ante-pagmentam ,
aflernblagçde menuiferie qui s'attache fur la pierre,&c. Voyez
la noce premiere de Perrault fur Vitruve, pag, 117,
(d). Cadres. Voyez ce que nous difojis des cadres dans ce
Chapitre.
                                    ;         ' ,
-ocr page 341-
d'Architecture.             309
geur des chambranles. Il en eil des moulures,
qui ornent les 'chambranles , comme de celles qui
ornent les impoiles & les archivoltes ; elles font
ordinairement les mêmes que celles des architra-
ves. Lorfque dans les „ordonnances iimpies5 on re-
tranché les moulures du chambranle, il eit nom-
bandeau , ou plate-bande , comme O ; mais û* au
contraire on croit devoir Tenrichir, pour lui pro-
curer plus de mouvement, alors on l'orne d'une
croffette q , dont la hauteur efl le quart de celle
du chambranle hors-œuvre, & Ton donne de faillie
à cette croffette la fixieme partie de la largeur du
chambranle, Au reile , il faut éviter de trop réi-
térer ces croffettes ; leurs reffauts multipliés/ ne
pouvant que nuire à la fimplicité de Γ Architecture.
Des Appuis.
On appelle appui (e)le mur peu élevé au bas
d'une croifée , & qui fert d'accoudoir ; fa hauteur
eil au moins de deux pieds & demi, & au plus de
trois pieds & un quart, félon que le mur a plus
ou moins d'épaiffeur , ou que Fappni fe trouve
placé dans un bâtiment public ou particulier. On
fait les appuis pleins, évidés , ou à jour. On ap-
pelle appui plein , celui qui eil tout de pierre de
taille ou feulement de maçonnerie, & couronné
d'une tablette. Vappui èvidè eft celui où l'on a
introduit dans une partie-de fa hauteur, des en-
trelas ou des baluilres comme M, efpacés de ma-
niere qu'ils présentent autant de pleins que de
vides. On entend par appui à jour, celui qui n'eft
rempli que par un balcon ,& qui par le peu de
( e ) Appui ; ce mot dérive du latin, peaium.
                    V                                                                                                                                        "* Τ * · *·
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310                        COU RS
largeur des barreaux de fer qui compofent (es
compartiments, laiffe juger de la hauteur de la
croisée , depuis le bas de ίυη ouverture jufques
fous ion f.immet. On fait ufage de l'appui plein q
lorsqu'on eit obligé de donner peu d'élévation aux
croifées, de l'appui évidé lorfqu'on en doit don-
ner davantage ; enfin de l'appui à jour, lorfqu'on
veut rendre les ouvertures plus élégantes : autant
de reiïources qui peuvent procurer aux ouvertures
un rapport effenciel avec le caraclere de l'édifice.
Des Niches.
Les niches ( ƒ ) devroient être réfervées pour
la décoration des édifices facrés, pour celle des
fontaines, des bains publics , &c & n'être que ra-
rement employées dans les bâtiments deilinés à
l'habitation. Ici leur cavité altere fouvent la fo-
lidité des murs de face ; & leur application fait ra-
rement un bon effet dans l'ordonnance extérieure.
D'ailleurs, il faut convenir que les itatues renfer-
mées dans les niches, perdent beaucoup de leur
beauté, en dérobant aux yeux dufpectateur la plus
grande partie du mérite de èe genre de Sculpture.
On fait les niches grandes, petites ou moyen-
nes ; on les fait circulaires, par leur plan & par leur
fommet comme I, ou quarrées comme S, fïgure I>
planche XX; ( on fait encore à plate - bande}
le fommet de ces dernières.) Celles-ci font ré-
fervées pour les ouvrages/Tofcans ou Doriques;
& les autres, pour les ordonnances où préfident
'" '( ƒ ) Niche ; ce mot dérive de l'italien nicekio , conque
marine, parce que le cul de four de la niche elt ordinaire*
ment enrichi d'une coquille en bas-relief.
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d'Architecture.           311
les ordres Ionique, Corinthien & Compofite. On
doit obferver en général de n'en faire ni de fi petites,
quelles ne puiffent contenir une ftaîue dont la
hauteur ibit à peu près le tiers de celle de l'ordre,
ni de û grandes, que le milieu de la tête de la
itatue ne' ptihTe atteindre le deifus de l'impoite ,
©u diamètre du cul-de-four de la niche; c'eft
pour quoi aiïez fouvent on élevé ces ilatues fur
un piédouche r. Voyez dans les volumes fuivants
les différents deiîins de niches que^ious donnons.
Des Statues.
Ce que nous venons de dire des itatues, rela-
tivement aux niches , nous donne lieu de parler
du rapport des ilatues avec les ordres d'Archi-
tecture. D'abord il eft eifenciel de déterminer ce
que nous entendons par fiâmes proprement dites,
& ' en quoi elles different des figures également
deitinées.à orner les édifices.
On appelle fi atue (g), tout ouvrage defcuîpture
repréfentant \e corps humain, tenu debout ou à
cheval. Celles de la premiere efpec'e font nom-
mées pédefires , comme U , ou comme la ilatue
de Louis le Grand à la Place des Victoires : les
autres font nommées éqüefires ; telles font les
ftatues de Henri IV , de Louis XIII, &c.
On appelle figures > celles qui font placées fur
les deux corniches rampantes d'un fronton comme
L , & comme celles du portail de Saint-Roch ; ou
aiTifes , comme celles qu'on voit aux portes des
( g) Statue , du latin, fiatura, la taille du corps, ou de
lare, être debout.
Viv
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312                      Cours
Hôtels de Touloufe & de Soubife ; ou à genoux ί
comme celle du Cardinal Mazarin aux Quatre-
Nations ; ou enfin couchées, comme celle du Car-
dinal de Richelieu à la Sorbonne.
Les figures fe font en ronde bofTe , en demi*
bofTe ou en bas-relief. Ces différentes figures f
û
Ton excepte celles qui font en bas-relief, lef-
quelles peuvent être d'un plus petit module, doi-
vent avoir de hauteur, environ le tiers de l'ordre;
autrement elles feroient nommées colofTales ; parce
• que, difputant de hauteur avec l'ordre, elles pa-
roîtroient gigantefques ( h ).
On fait les figures nues ou drapées, folitaires
ou grouppées , & fouvent accompagnées d'attri-
buts , de fymboles ou d'allégories, qui contribuent
avec le ityle de l'ordonnance qui préfide dans la
décoration, à éclairer le fpe&ateur fur Tufage &
la déftination de l'édifice.
Des Balußrades,
Comme les baluftrades font afTez ordinairement
couronnées de ilatues , & qu'il doit y avoir un
rapport immédiar entre celles-ci &les baluflrades,
il doit auffi y avoir un rapport déterminé entre ces
deux objets, & l'ordre qui préfide dans la décoration.
Néanmoins on doit reconnoître deux différentes
hauteurs pour les baluitradés. L'une de ces hauteurs
eil pour les baluflrades deitinées à fervir d'appui aux
croifées, comme M aux terrafTes , ainfi qu'aux
(h\ Cxil ce qu'on peut remarquer aux Portails de Sainç-
Gervais & des Feuillans, au Palais du Luxembourg & ailleurs.
\
-ocr page 345-
d'Architecture.            31?
rampes & aux paliers des efcaliers : celle-ci doi-
vent être affujetties à la hauteur du corps humain :
l'autre hauteur regarde les baluftrades qui fervent
àe couronnement'aux -édifices-; ces dernières
peuvent être plus hautes que les précédentes ;
mais elles ne doivent jamais excéder la hauteur
du coude des ftatues dont elles font couronnées.
Ces deux fortes de baluftrades font ordinairement
compofées , ainfi que les piédeftaux des ordres ,
d'une bafe ou d'un focle, d'un dé & d'une corniche
ou tablette; c'eft dans la hauteur du de, que
font contenus les baluftres ( i ), efpece de petites
colonnes , qui ont donné à ces fortes d'appui ou
couronnement, le nom de baluftrade. Les balu-
ftres doivent le placer à plomb des entre-colon-
nements ou des vides des portes & des croifees ;
& les dés ou piédeftaux, à plomb des colonnes ou
des trumeaux des façades. Dans tous les cas, la
hauteur du dé , & par conféquent du baluftre , doit
être égale aux diamètre fupérieur ou inférieur de-
la colonne ; la tablette doit avoir le quart du ba-
luftre ; & le focle , une hauteur indéterminée ,
félon que les baluftrades feront aifujetties, ou a
la hauteur du corps humain, ou à celle des ftatues.
Par la même raifon , les membres du baluftre,
ainfi que les moulures qui ornent le focle , le de
& la tablette, doivent être employés en plus ou
moins grande quantité, avoir plus ou moins de
relief, & recevoir plus ou moins d'ornements,
félon le caraftere ou l'expreffion de l'ordre. Voyez
(?) Baluftres, du latin Balaufimm, dérivé du grec Ba-
lauftion
, nom de la fleur de grenadier fauvage , à laquelle
ïeflemble le baluftre.
-ocr page 346-
314                     ν ours
les différents genres de baluftres , que nous don-
nerons dans la fuite.
Des Avant-corps.
On appelle en général, avant-corps, un corps
d7 Architecture faillant, ou fur le nud du mur de
la façade , on fur le mur intérieur d'un bâtiment.
On dit auffi d'un pavillon , qu'il forme avant-
corps , lorfqifil faille fur le mur de face propre-
ment dit, celui-ci devenant alors arrière corps,
Comparé avec le pavillon.
Les avant-corps font introduits dans l'Archite*
&ure, pour donner du mouvement & pour pro-
curer de la richeife à tous les genres de décora-
tion. Quelquefois on multiplie pluiieurs de ces
corps, les uns devant les autres ; alors les colon-
nes T, ( planche XX ) forment le premier avant-
corps; le pilaitre V, forme le fécond ; & le nud
du mur U , devient Tarriere-corps.
La réitération plus ou moins coniidérable de ces
corps , dans la décoration d'un bâtiment, dépend de
fon importance & de fon étendue, ainfi que du cara-
ctère de Tordre. Dans les ordonnances Tofcane &
Dorique, les corps faillants ou rentrants, doivent
préfenter des angles droits , pour annoncer une
fermeté analogue à la folidité réelle & apparente de
ces ordres : au contraire, dans les ordonnances
Ionique, Corinthienne & Compoiite, on peut
introduire dans les avant - corps, des pans cou-
pés, des tours rondes ou des tours creufes. Mais
en général il faut ufer modérément de ces der-
nières formes , qui femblent ne convenir que
dans l'intérieur des bâtiments : les dehors deman-
dent un ftyle plus grave ; les petites parties, les
-ocr page 347-
d'Architecture.            315
fimiofités , les angles obtus, & fur-tout les angles
aigus , ne devant jamais faire partie de la décora-
tion extérieure. Il faut encore que la faillie de ces
différents corps , les uns à l'égard des autres , foit
relative au caractère de l'ordre. Dans l'Achiteâure
folide ils peuvent avoir beaucoup de faillies, afin de
produire de larges ombres : on doit au contraire,
dans Γ Architecture moyenne ou délicate , leur
donner moins de relief, &. ne pas craindre de les
multiplier. Mais dans tous les cas , on ne doit
placer aucun de ces corps, qu'il ne contribue à indi-
quer précifément le caracîere particulier d'un Edi-
fice facré, d'un Palais ou d'une Maifon deftinée
à l'habitation des Citoyens.
Des Frontons.
Les frontons ( k ) fe font triangulaires, ou cir-
culaires ; ces derniers different du fronton trian-
gulaire Ν, en ce que les deux corniches obliques
de celui-ci, fe réunifient en une feule courbe
dans le fronton circulaire , comme on lq voit aux
frontons des ordres fupérieurs des Portails des
Minimes , de Saint-Gervais & du Valide-Grâce.
Les frontons circulaires étant d'une forme plus
pefante que les triangulaires, ne devroient jamais
être placés que dans les ordonnances ruftiques ou
folides ; & les frontons triangulaires dans les bâti-
ments où préiident les ordres moyens & délicats ;
encore faudroit-il ufer modérément de ce genre
de décoration. Le trop fréquent ufage qu'en ont
ΙΊ                                                                       Uli'                                                     ι                                         !        ,                               Ι                                     '                         Ι                                 ,                  Μ! .1
( k ) Frontons , du latin frons , le front, parce que les fron-
tons font la partie fupérieure de l'édifice , comme le frone
cft la partie fupérieure du corps humain.
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\
3i6                      C o ύ R $ , .
fait les Architectes du dernier iiecle , devroit nous
déterminer à n'employer les frontons, que lorf-
qu'il s'agit de couronner un avant - corps dans le
frontifpice d'un Temple, dans celui d'un Portique
ifolé, ou de tout autre corps d'Architefture
détâché du reite de l'Edifice : conféquemment ils
ne devroient être admis que lorfque la néceffité
femble autorifer ce genre de couronnement, donc
la forme pyramidale peut contribuer à fixer le
iîyle de l'ordonnance.
Les frontons de l'une & de l'autre ibrme r doivent
avoir de hauteur la cinquième partie de leur baie.
.Nous ne parlerons point ici des frontons à pans,
ainiî nommés , parce que les deux corniches in-
clinées font coupées horifontalement dans leur partie
fupérieure ; ni de ceux qu'on appelle brifés, la cor-
niche horifontale & le fommet étant interceptés ;
ni de ceux dont on intercepte feulement la bafe ,
pour laiiTer monter une croifée ou un bas-relief,
jufques dans le tympan (/) ; ni des frontons enroulés,
qu'on nomme ainü, parce que leurs extrémités
fupérieures font terminées en volute; ni de ceux
qu'on infère, tantôt circulaires, tantôt triangulaires,
les uns dans les autres, non plus que de ceux qu'on
appelle à reiTaut, à croiTette, percés à jour, &:c.
autant d'efpeces de comportions (/») qui annon-
(l) Efpace, marqué & , contenu entre les corniches du
Fronton N, & dans lequel On a placé un bas·relief. Ce
mot» tympan y dérive du grec tympanon , tambour.
(m) Voyez plufieurs exemples de ces formes licencieuiès
dans le recœuil des deifins du Collège de la Sapience que
Boromini a fait bâtir à Rome. Voyez auiîî les deilins que
nous donnons des frontons dans les volumes fuivants de ce
Cours.
-ocr page 349-
d'Architecture.          317
cent plutôt la ftérilité du génie de l'Archite&e,
que le talent de l'Attifie.
Des Acrotercs.
Un acrotere (n) eft un dé de pierre qui fe
place fur les extrémités fupérieures comme V, & in-
férieures des frontons. Les anciens en faifoient un
fréquent ufage , pour foutenir lés itatues dont ils
ornoient leurs édifices ; à leur exemple, les moder-
nes en ont auiîi décoré leurs bâtiments, comme
on le remarque à Marli ? à Sceaux & ailleurs.
Quelques-uns donnent auiTi le nom d'acrotere
aux petits pieds-droits , placés à l'extrémité des
travées des baluftrades, comme le pied-droit KL
de la baluiïrade M. Nous obferverons ici qu'il
eft peut-être plus effenciel qu'on ne penfe de ne
pas employer indifféremment le même terme ,
pour défigner des membres d'Architecture d'un
genre & d'un ufage différents, parce que chacun
de ces membres ayant des propriétés particulières,
dans l'ordonnance des édifices , il eil néceiTaire
de s'exprimer différemment lorfqu'il s'agit de les
énoncer , & de faire concevoir aux autres la juile
application qu'on en doit faire. Cen'eil qu'en con-
fultant l'étymologie des termes de l'art, en re-
montant à la fource, & en fe rendant compte de
la maniere judicieufe dont les anciens en ont ufé,
qu'on peut employer avec choix ces différents
membres, & qu'on évite de placer , au hazard ,
la multitude des détails, dont on furcharge fou-
( n) Acrotere , du grec achroterion, extrémité de toutes forte«
de -corps.
-ocr page 350-
3iS                      Cours
vent fes productions. Par exemple, à propos dtt
fronton \ confultons l'étymologie de ce mot. Ne
femble-t-il pas qu'on ait, jufqu'aujourd'hui, négligé
d'obferver la relation que doit avoir un couron-
nement de cette efpece, avec un avant-corps ou
toute autre grande partie d'un édifice ? & n'eit-il
pas étrange d'en voir à chaque étage d'un bâti-
ment , ainfi qu'on le remarque au portail de S.
Gervais , déjà cité , & ailleurs, tandis que la partie
fupérieure de l'avant-corps devroit feule être ter-
minée par un tel amortiiîement, ainfi qu'on vient
de le pratiquer plus convenablement dans la cour
du vieux Louvre?
Des Amorti/Tements.
On appelle amortiffement celui marqué da ou
tout autre corps d'Architecture, qui couronne l'a-
vant-corps d'un bâtiment. Les amoruffements tien-
nent quelquefois la place des frontons dans l'or-
donnance des façades ; mais leurs contours variés
& finueux , s'accordent rarement bien avec le
caractère grave de l'Architecture qui les foutient.
Lorfqu'onfe trouve, forcé de faire ufage de ces
fortes de couronnements, il faut du moins que
les membres d'Architecture qui les compofent
l'emportent de beaucoup fur les ornements. Pour
cet effet , il faut que TArchitede en dirige les
maffes & en donne les définis, & non le Sculp-
teur,, qui très-fouvent peu févere, fait quelque-
fois, à la vérité, un ouvrage de Sculpture inté-
refiant, confidéré à part, mais qui produit rare-
ment un bon effet avec l'Architecture.
Au refte, rien de fi difficile à compofer qu'un
bel amortuTement m9 c'eft le fruit du raifonneraent
-ocr page 351-
d'Architecture.           319
te du goût de Fart. AuiTi avons-nous peu d'e-
xemples à citer en cette partie. Le Château de
Verfailles, du côté de la cour de marbre , le
Manege à Chantilly, le Château de Marly , le
Palais Bourbon, du côté de l'entrée , font peut-,
être les meilleures compofitions en ce genre ;
encore s'en faut-il beaucoup qu'ils ne laiifent rien
à deiirer aux ConnoifTeurs.
Quelques architectes, non contents de faire py-
ramider leurs avant-corps ,. par un fronton, ont
encore furmonté telui-ci d'un amortifTemenr. Ce
double emploi produit rarement un bon effet ;
c'eil préfenter trop d'objets dans une feule déco-
ration , c'eil peut-être offrir à la fois trop de
membres d'Archite&ure & d'ornements de Sculp-
ture, qui fouvent ne fervent qu'à rendre nos fa-
çades plus confufes que belles, plus riches que
décentes, & plus frivoles que régulières.
Des Tables.
Une table (r) eil ordinairement un corps Tail-
lant ou rentrant, iimple ou orné de moulures %
lifTe ou enrichie de Sculpture , qui s'étend fur la
furface d'un mur. On appelle table /aillante celle
qui excède le nud du mur, ou le dé d'un piédeÎlal
comme. Ρ ; table rentrante, celle qui eil renfoncée ;
table arrafée , celle qui afleure la furface du
mur, & qui n'en eft diftinguée que par une ca-
vièé pratiquée à l'entour, pour le détacher du
corps qu'on a voulu enrichir ; table fimph , celle
qui n'a aucune efpece de moulure qui lui ferve
( 0 } Du latin Tabula t planche. ,
-ocr page 352-
3*o                      Cour s
de cadre ; table ornée, au contraire, celle au pour-
tour de laquelle on a placé des moulures, pour
laiTortir à l'ordonnance de la décoration ; table
lijje , celle qui n'a fur fa furface aucun ornement
de Sculpture ; enfin, table enrichie, celle où l'on
a taillé un bas-relief, un trophée, &c. Il ne faut
jamais dans les dehors chantourner les angles
des tables en pierre, en marbre; ou du moins
on ne doit en ufer ainii que très-rarement. A
peine ces chantournements fe tolèrent-ils dans la
Menuiferie ou dans l'Ebéniiterie , mife en œuvre
dans l'intérieur d'un bâtiment. On ne fauroit trop-
tôt s'accoutumer à éviter tout ce 'qui s'éloigne de
la iimpiicité dans la décoration extérieure.
Des Champs:
On appelle ainii la diftance ou le nud liiTe te
uni, qu'on lahTe entre une moulure & une autre
moulure , entre un cadre & un autre cadre »
enfin entre un corps & un autre corps, foit fail-
lant, foit rentrant. Les champs font des repos
& des intervalles néceifaires pour féparer les
divers membres d'Architeclure , & les faire va-
loir les mis par les autres , fans être obligé
de recourir à la prodigalité des moulures & des
ornements. On peut dire que les champs font en
Architecture , ce que font daiis la lecture les di-
vers repos qu'on eft obligé de garder, relative-
ment aux points & aux autres fignes de la ponc-
tuation.
Au tour des tables P, régnent des champs /;
ces derniers ne doivent jamais être ni trop larges,
ni trop étroits. Cependant rien de fi néglige , rix
qui paroiiTe fi arbitraire à la plupart des jeunes
Architectes
-ocr page 353-
Β* ARCHITECTURE,             $Z%
architectes que les champs. Ils ont de la peine à fö
perfuader que tou t importe dans la décoration, qii'iu}
champ trop étroit y donne un air de menuiferie, & la
rend maigrerî§é mefqiûne ; qu'au contraire un champ
trop large la rend lourde &maiïive; ils oublient que
tout eit relatif, qu'il n'y a ni petiteffe ni grandeur ab-
folue dans l'Architecture, qwe ce font les rapports
des membres comparés les uns avec les autres qui
conftituent les vraies beautés de Tart, & que ces/
rapports doivent fe puiler dans les caractères folidéj
moyen ou délicat des ordres Grecs : que cette
connexité eft indifpenfable, & que le plus grand
nombre n'eft point allez perfuadé qu'on ne fauroit
parvenir à une véritable perfe&ion, fans les cônibï-
naifçns , la réflexion & l'expérience. Il faut favoir *
par exemple, que les champs qui régnent ai<tour des
tables placées dans les piédeftaux des baluftradesV
doivent avoir la fixieme partie de Ja hautéur-du dé
de ce même piédeftal, & partir de ce principe pour
établir une largeur convenable aux autres" champ!
répandus dans l'ordonnance de là décoration.
Dès Pyramides' & des 0,bélifqués.: -
Kous avons déjà dit, en parlant de l'origine'des
ordres1, que les pyramides (/»/ étoient de formé
qüaürangulaire par leur plaii, & qu'elles dimi-
mioient infénfiblement en s'élevant vers leur fom-
imetl Nous avons rapporté- aiifli qu'ellesfaifoient
Îq prinzipal objet des monuments des Egyptiens,
& ^ue4es Rois d'Egypte les Jaifoient élever pour
leur fépujtures.
{p^ Gemot -vient; de Pyr> te £eu , parce que la pyramide
& termine en pointe comme la flamme.
             , ,              |
Tomt I,                        ,.,..... »...X,..-1. ;.....:.
-ocr page 354-
fit β λ α u{jhto3i2 iirir ■ A?' "-
ê% rtous avons non-feulement corïfèrv'é
è^teförmèpoUï la décoration des tombeaux, des
maülólées* des catafalque^ &e. mais nous en avons
ijuelqi4e#îS orné les fröntifpices de nos Eglifes à
Paris j comme à S. Nicolas du Chardonnet;, aux
Fetiillans j aux Petits-Peres j près la place des Vicn
toires, St ailleurs. François Blondel les a employées
âiim^tttâis en bàs-relief y à la porteS. Denis; & fur
cellés*ei fè remarquent des trophées de Sculpture
d'une compofition δέ d'une exécution admirable^
Nous ayons auffi parlé dès obélifques (q ) ; nous
fépeteiQnÎ Ici qu'ils étoient élevés chez les Egy-
ptiens pour honorer la mémoire & les hauts faits des
grands hommes : que Rome eft encore : aujour-
dliui embellie de quelques-uns de ces anciens
mpnutoents tonftruits en Egypte y daine matière
10s'*précieuieu oV-d'itrië grahdeut étonnante; car
Jolis les obéîifqnes antiques fbut de granit ou de
Herre THeoaïque , & remplis pour îa plupart de
càraà^jr^s hyérogliphiqlies.1 La proportion'de la
hauteur llälätgeur des obéliÎques1, félon îesiécher-
ches de MèSa^erien>eft d'avoir d'élévation 9 fois
pu même jxifqu'à 9 Fois ck demi la largeur de leur
iéfe» '^feirs fommefs ic#î ;de la moitié Ά^eutf
iîafe. afouîitsfc, no|re^Natipn fa.fi peu élevé 4e
-ces'/'fortes-de rnonuments-que leurs véritables pro-1
»ipoètions iont été chez :^ous &&z:ip:ég\igéQS t,^^
nqiiOn inklguere çonâdéré pour en déterminer|e
ς «apport ; que ie? m®*ki de leur érje^ton., le point de
( q ) Le mot obêlifqtie , vient du grec oMd^i'aiJfc'fcriJciit »
à -cauiè Λα xap.poxr qu'a lûbélUaue. avec „cet inflrunient _,■ dont
.les Païens fe fervoient dans les facrifiecs. les Prêtes Egyp-
ψ$Εβ dtris1 tó fmt-e > cofhrfie boa« l'avons déja^dit; ,'les nommè-
rent doigts jÉï« foleil y -pafced<ju ils ierVJOtEüSi iàç ityk j^uj, *flj£~
■çjuer hs hettccs fur la tçixc.
                           9\ ; ,to'£
-ocr page 355-
©■' A R C H Ι Τ Ε C Τ V R I.             $1$
idiftance d'où ils doivent être apperçus ; enfin la
qualité des matières qu'on emploie pour leur
conitruûion. Voyez l'obélifque marqué b, intro-
duit dans cette planche , moins parce qu'il nous
y a paru convenable , que pour donner une idée
de leur forme, & des ornements modernes donc
on peut les revêtir.
Planche XVIII.
Des Soubajfements.
On a placé dans cette planche , figure I, le plan
du portique précédent ; d'un côté , les colon-
nes font ifolées , & le pilailre d'angle, faillant feu-
lement d'une fixieme partie de fa largeur ; de
l'autre, les colonnes font engagées de la fixiè-
me partie de leur diamètre dans des pilailres ;
& le pilailre d'angle V a deux faces, chacune de
deux modules ; ce qui lui fait faire un grand
avant-corps fur celui U. On a auiîi marqué dans
ce plan une portion de niche circulaire I, &
une portion de niche quarré S, pour faire voir
leur différence. Au reile, il faut fe refTouvenir
que la configuration de ce plan, ainfl que fori
élévation dans la planche précédente, n'eit qu'une
complication de membres rafiemblés fous un même
point de vue, fans autre objet déterminé.
On appelle foubaifement, un étage à rez de
chauffée , comme g, figure 11, fervant de pié-
deilal continu à un bel étage , défigné h, & dans
lequel font diflribués les grands appartements.
Les foubafTements ne doivent jamais contenir
d'ordre d'Architecture ( r) ; certainement leur peu
m        y                                              ___________________________________________________________________________                                                                                                                                               .....                                      ..                                                                                                                                                                                                   'il
(r) Malgré l'exemple de celui qu'on remarque dans la cou«
4e l'Hôtel de Touloufe,
                                  . -r ".
Tom'I.                               *XiJ
-ocr page 356-
3H                      Co tr'R s
delévation doit apporter de f altération dans Îef
membres d'Architeciiire qui les compofent : par
exemple, les ouvertures doivent avoir une pro-
portion plus racourcie que celles des étages régu-
liers , les corniches être plus iimples & moins
faillantes. Le périffile du Louvre , la façade de
Verfailles du côté des Jardins , les Piaces de
Vendôme & des Victoires, ont pourfrez de chauffée
un ibubaffement dans leurs façades extérieures.
La hauteur des foubaffements eil d'avoir à-peu-
près les deux tiers de l'étage fupérieur. Nous,
traiterons ailleurs de leurs avantages & de leurs
désavantages dans l'Archkeclure, & nous donne-
rons les différentes mefures de ceux que nous
gênons de citer.
                 ; .                    Il
-, Des Attiques.
Nous avons déjà dit qu'un attique étoit un
étage racourci que les Athéniens avoient imaginé,
pour recevoir des infcriptions & mai quer les cou-
vertures de leurs édifices. C'eil aufii chez nous
un étage comme Ί /ayant peu de hauteur , m qui
fert à couronner la partie Supérieure d'un bâtiment ? '
d'un avant-corps ou d'un pavillon ; les anciens ne
donnoient à cet étage que le quart de la hauteur
de l'ordre ou du bel étage , qui lui fervoit de
foutien. Nos Architectes modernes ont fixé fa
hauteur à-peu-près à la moitié 9 & y ont intro-
duit des pilaffres auxquels ils n'on donné que fix
diamètres. Cette proportion racourcie, attribuée
feulement à ce genre d'étage, a auiîi déterminé
des ouvertures & des membres d'Architeâure ,
qui femblent lui être confacrés , & dont nous
traiterons en particulier,. en donnant les mefures
£Kaâes.des tàmss du Vieux-Louvre ? des Châ-
.
                                   :' teaux
-ocr page 357-
γ             d'Architecture;           jz^
téaux de Maifons , de Blois, de Clagny, &c. Nous
dirons feulement ici qu'on appelle attiques conti-
nus , ceux qui environnent le pourtour d'un édi-i
fice, comme celui qui termine la façade de Ver--
failles, du côté des jardins ; attiques interpofés,-;
ceux qui font iitués entre deux grands étages, comme %
celui du gros pavillon de- l'intérieur de la cour:
du Louvre ; attiques d'accotement, ceux qui flan-
quant ün avant-corps, contribuent à faire pyra-/
mider ce dernier, comme aux écuries du Château
de Maifons ; attiques d'âmortiflement, ceux qui,
réduits à une moindre hauteur que le quart, ter-
minent une porte triomphale, comme à la porte-
S. Bernard; enfin, on appelleattique d'habitation*;
celui qui ayant des ouvertures de croifées, fert
dans la demeure des grands, pour les logements
des Officiers, & d'étage fubalterne dans les bâti-;
ments particuliers.
Nous obferverons encore que malgré la mul-,
titude d'exemples que nous avons de ces fortes
d'étages employés par les modernes, les attiques
des anciens nous paroiffent préférables. Cet étage»
tel qu'ils l'employoient, annonçoit un caraclere;
particulier qui contribuoit à relever ïéelat de %
belle Architecture ; au-lieu que les attiques modernen
n'offrent, le plus fouvent, que des étages impar-
faits , & peu capables de figurer dans la décora-
tion des édifices publics & des Palais des Rois,.
& qui pour cela ne devroient être mis en œuvre
que dans les bâtiments privés ,., où l'économie·
doit l'emporter fur, la magnificence*
.             Des Refends & des B&Jfages.^
Les refends dans l'Architecture, font une iouV
-ocr page 358-
3&6                       C o f R &
tatiori dei joints qui, dans 1'art de tótiï, ie fr#it~
Vont néceffairement entre deux pierres. On fait
tifage des refends dans certaines parties d'un mur
ctë ïace, pour lui procurer une efpece d'enrichifie*·
ment, il y a plufieurs fortes de refends; ici com-
$tie ailleurs , on doit obierver une variété, non·*
feulement aux diiféren>i ordres d'Arehite&ure ,
ïnais encore à la richefîe ou à la {implicite qu'on
peut aiFeder à chaque ordre confidéré féparément.
%ti général on appelle donc refends , les interiHces
:ciâe\ figure tll, & confédérés comme autant d'in-
çifionS faites dans l'épaiiTeur d'un mur ; car fi ces
Refends n'étoient pas renfoncés, ils deviendroient
communs à fa furface, les aiîîfes feroient faillantes y
& elles formeroient alors'des boffages , Comme
l£. Ces boffages , ainii que les réfends, peuvent
recevoir diiiérebtes moulures , comme on le re-
marque en c , en d, en e , en ƒ, &c. La hau**
teur dés refends communément la douzième
partie de celle des aflifes ou boffages , & letif
|fto£ondeur eft égale à 4ä moitié de la hauteur
<ïés interftiees, felort la variété où féiégancë de
l^rdre. ."■·*_■
il faut favoir que les refends & les boiîages
ioritunë tiçheffe Toi cane 8j Dorique vconféqiteöi*
mérit qu'ils ne dpi ven ε guère être employés àMÈ
fes* ordonnances Ionique , Corinthienne & Com^
Boitte. Étblf il s'enfuit encore qu'il né feroit nul*
îfement convenable d'appliquer aux boffages une.
Sculpture trop délicate s comme celle qu'on ré*
parque aux colonnes TofcaâeS des guichets dti
Couvre. Les vermiculures, les congélations , les
pétiifîcationsi les piquures, font les feuïs enn-
€h$ements que comjporrent les ouvrages rgfti-
qucs, encore faut-il les employer avec choix, Sire-
-ocr page 359-
»
'D'A R e ΗΊ Τ Ε. CT ÜBE.            f|*É
lätivement au genrede l'édifice» & affeö.er d&nseej
fortes d'ornements, un travail large, vague, mcer-r
tain, puifé dans les exemples que nous offreiM en c$
genre les prodnâions^e ,1a nature, Yoyei ce quf
nous dirons dans. la. fuite en parlant des orner
ments,appelésvermiculures..N'oublionspas-.de. dira
ici que la hauteur des boffages , image "des aiïifes
dans la conitru&ion, ne doit guçre_excéder la
hauteur d'un module, devant rapporter la, dimeniion
de chaque membre à celle de. l'ordre, préfenr ou.
ahfent, ' . . .
                 .               ;            —. ·::
w|           jEtes Entablements dicompQfi's. -.... ..τ
: On appelle entablement décompofé celui oit
Ton a ÎLibititué un gorgerin &un ailragale à 1%
place de la frjfe, & deTarchitrave d\in entablement
a:éguîie^. On fait ufage de ces fortes d'entablements,
dans l'Arehite&ure, pour évites^ie donnej: trop àp
Jjauteur au couronnement de l'étage fupétieur d'une
•maifon particuliere , mais jamais dans la décoration
d'une façade où un ordre d'Arçhite&iire préûde.-^
parce que cet entablemerit ne pouvant être confia
déré que comme un décompofé des, priincipales
parties d*un entablement, il feroit mal de çouronnet
un corps véritablement régulier par un membre
d'Architecture mutilé. Qn doit concevoir aufli | d'a-
près cette obfervation, qu'il faut retrancher certains
^membres de/S moulures de la corniche,;; proprement;
vdite , pour lui donner une iimplicité relative à. la.
nouvelle frife Se au nouvel architrave ..% appelé
Ici gorgerin & afegale.
* La hauteur de ces fortes de, corniche^ fèc de-
-Tife en fèpt parties^ dont une. eft donnée,à jy^
-ocr page 360-
JaS                       Cours                                  i
tragale, deux au gorgerin, & quatre à la corniche:
(cette dernière fe fubdtvife enfuite en trois parties,
dont la premiere détermine la hauteur de Tencor*
bellement ou de la cimaife inférieure ; la féconde, la
hauteur du larmier ; & la troisième, celle de la
cimaife fupérieure, &c.
Des Corniches architmvèes.
On appelle corniche architravée, un entable-
ment dont la frife eil fupprimée , & dans l'ar-
chitrave duquel on a retranché la cimaife fupé-
rieure ; de maniere que ce dernier touche immé-
diatement à la corniche, dont la cimaife inférieure
tient lieu de couronnement à l'architrave. Nous
bbferverons que cet entablement ainfi décompofé,
ne devroit jamais s'appliquer dans les dehors des
'édifices, principalement quand les ordres d'Archi-
te&ure y préfident, & qu'on ne devroit guère
faire ufagede cette efpece d'entablement, que dans
les étages attiques ou dans la décoration des ap-
partements; cette mutilation dans l'Archiréclure
des dehors lui ôtant fon çaraftere exprelïif, mal-
gré l'exemple du Château de Montmorenci, de
celui de Saint-Cloud & ailleurs
JDês Plinthes.             t
Ψ                               -, ν- . ■■.-                                    ...                                                      ,                                                              _                                               * *                                                                             1                                                     «β -
Les plinthes (s), comme nous l'entendons, font
dés efpeces de corniches méplates, & où les faillies
," (s) Plinthes, du. grec Plinthos, briques, table ou maflîf·
qiiadrangulaire ; ce mot, au mafçulin , ne regarde que le
Plinthe placé fous les bafes des ordres ,ou qui fouticnt le dé des
-ocr page 361-
»^Architecture.           329*
des cîmaifes fupérieures & des larmiers, font'fiip-
primées , comme le fait voir le membre Z, plan-
che XIX ; ce membre ainfi réduit à la faillie de
la cimaife inférieure, s'emploie ^ordinairement dans
la décoration ôes façades , pour déligner, dans les
dehors, la divifion Ultérieure ^des planchers, ou
pour couronner les pieds-droU des portes des
cours, des avant-cours, & les pieds-droits des grilles
de nos jardins de plaifance. Quelquefois on donne
à la faillie de ces membres d'Architecture, le dou-
ble de celle de la cimaife inférieure, à deffein de
pratiquer dans le fofite de la plate-bande de la v
plinthe, un canal par où les eaux du ciel puiC-
fent s'écouler loin de la furface du mur couronné
par ce membre.
Des Trumeaux.
On appelle trumeaux, la partie qui, dans un
mur de face , fe trouve placée entre les ouver-
tures des portes & des croifées d'un bâtiment.
Les anciens fefoient les trumeaux de leurs fa-
çades fort confidérables ; ce qui leur dorinoit lieu
d'enrichir l'extérieur de leurs édifices avec beau-
coup de magnificence ; d'ailleurs le befoin qu'ils
avoient de mettre l'intérieur des appartements à
l'abri de la chaleur des dehors, félon le climat où
ils bâtifîoient, ne contribuoit pas peu à les obliger
de faire leurs ouvertures peu confidérables, &
vafes, des figures , &c. Nous croyons qu'on doit dire au
féminin une plinthe, pour défigner les membres d'Architecture
"qui tiennent Heu de corniche aux différents étages des façades,
parce que les plinthes , comme nous les concevons, ne font
.autre chofe que des corniches Amplifiés, Se dont principale-
ment on a retranché la plus grande partie de leur projedioa» j
-ocr page 362-
33© ^              Cours
leurs imervaîes ïpacieux. Chez nous ·> quoiqu«
dans un climat affez tempéré , nous avons beau-
coup imité les ufages des Anciens à cet égard,,
ainfi qu'on peut le remarquer au Château de
Maifons , par François Manfard \ au Château de
Vincennes, par Le Veau ; au Palais du Luxem-
bourg par Debroffss, &c. Plufiçurs ont imité ces
Architeäes dans la pefanteur de leurs, trumeaux,,
fans-trop favoir pourquoi : quelques autres depuis*
plus jaloux de la beauté intérieure que de l'or-
donnance des façades, ont aiFeâé.de faire la lar-
geur de leurs croifées , beaucoup plus confidé-
rable que les trumeaux qui les féparent ; deux
excès fans contredit également à éviter ; Iq pre-
mier , occaiionnant beaucoup d'obfcurité daim
les dedans, & donnant un caraöere de pefan-
teur à la décoration des dehors; le fécond, nuifant
fouvent à la folidité, & ne permettant que diffi-
cilement une décoration extérieure, véritable-,
ment intéreffante. Il y auroit fans doute un moyen
4'éviter Γύη & l'autre inconvénient \ ce ferait
dpbfèrver entre les pleins & les vides, un rap-
port progreifif qui feroit déterminé par rexprek
fion des cinq ordres ; en forte que , par cette
relation de la largeur des trumeaux aux croifées ,
& de celles-ci aux ordres , chaque bâtiment
(nous entendons parler ici des bâtiments d'habi-.
tation), porteroit un caractère diftinctif de force\
d'élégance, de richeffe bu de fimphcité * puifee
dans lexpreffion des ordres, & par conféquent
autorifé par les préceptes fondamentaux de l'Art,.
Cette réunion du tout aux parties , & des parr
ties au tout, η auroit-elle pas été trop, négligée,
jufqu'aujourd'hui? ·& cette même négligence ^ne.
feroit-elle pas la föurce de l'imperfeaion quo«.
-ocr page 363-
*■'.'■-.■                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    -■ '. ■
B.'ARClIl'tECTXJRE.              3?t
remarique dans la plupart de nos bâtiments, oit très-
fpuvent, fans avoir égard an flyle qu'exige chai*
iÉiiê édifice conixdéré féparérne;nt, on remarque
dans ces diverfes produéHons, la même empreinte;
d'où eil née vraiifemblablement cette monotonie,
cette aßeÖation infuportable , au lieu de cette
diverhté louable, de ce caraQere diilin&if & de cette
Convenance fi néceffaire , pour rendre notre Ar-
chitecture françoife véritablement recommandable,
Nous avons déjà vu , en parlant des portes %
des croifées , que Vignoîe ailignoit la même pro-
portion à toutes les ouvertures Tofcane , Dori-
que, Ionique , Corinthienne & Compoiite, fans
avoir égard aux différentes expreflions des ordres,
fious avons combattu cette opinion d'après l'auto-
rité des plus habilesÀrchiteaes de nos jours.
Kous ajouterons ici» comme une fuite du même
principe , que les trumeaux doivent également
avoir plus ou moins dé largeur félon le caractère
ïoÎide, moyen ou délicat qui préfide dans l'or-
donnance de la décoration des bâtiments : pour
cet effet nous croyons qu'il feroit bon de donner
Siux trumeaux Tofcans , une largeur égale à celle
du vide àes ouvertures ; & aux trumeaux Co-
rinthiens , feulement les deux tiers de cette même
largeur : qu*à regard des trumeaux des autres
ordonnances Dorique & Ionique, la largeur en
'jjotirroit être fixée par une moyenne arithméti-
que. Au feile, nous ne prétendons pas que ces
rapports ne puiffent recevoir quelques change-
ments ; mais du moins ils pourroient produire cet
effet, qu'ils obîigeroient le jeune Artifte à fe
tendre raifon du motif qui l'auroit déterminé à
~s*éeaftef de la regle générale, & lui impoferoient
la néceiTité de ne perdre jamais de vue les Lois,
-ocr page 364-
331                       Cours
établies , ou du moins approuvées par le plus
grand nombre des Architectes modernes.
Ό es Encoignures & des Ecoinçons.
On appelle écoinçons dans l'intérieur d'un bâti-
ment , la partie du mur de face , depuis l'embra-
fure d'une croifée jufqu'au retour de l'angle d'un
mur de refend ; on donne encore ce nom à l'angle
rentrant d'un arriere-corps extérieur, qui,. tou-
jours plus étroit que le trumeau, occupe Fefpace
compris entre le retour d'un avant-corps, & le
tableau de la premiere croifée, percée dans Far-
riere-çorps.
Dans ce dernier cas il faut que la largeur de
l'écoinçon puiffe contenir celle dTun chambranle,
plus un intervalle, qui , en détachant ce cham-
branle du retour de l'avant - corps , laiffe la liberté
d'ajouter à ce même chambranle, une croflette,
un contre-chambranle, & quelquefois à fon attir-
que, la faillie d'une plinthe , d'une corniche, &c.
Une encoignure , au contraire , doit toujours
être plus grande que la largeur d'un trumeau,
comme annonçant une plus grande réiiftance, &
paroiiTant fortifier les extrémités de l'avant-corps,
qui femblent toujours poufler au vide. D'ailleurs
il faut fe rappeler, que lorfque les ordres préïî-
dent à la décoration d'un édifice , ces angles
faillants font communément revêtus de deux co-
lonnes ou de deux pilaftres accouplés , tandis
que les trumeaux n'en ont qu'un , & que l'idée
des ordres & la folidité néceiTaire dans tous les
genres d'Architecture, doivent s'annoncer abfolu-
ment, foit dans les ordonnances fimples, foit
dans les ordonnances compofées.
-ocr page 365-
^Architecture.        333
Des Mélanines & autres efpeces d'ouvertures
conjîdèrées comme accejfoires dans
la décoration des Edifices.
Nous avons parlé précédemment des portes &
des croifées, & de leur proportion; mais comme
tout ce qui contribue à la commodité des dedans
d'un édifice doit aufli contribuer à rendre plus
parfaite fa décoration extérieure , & que les portes
& les croifées ne font pas les feules ouvertures
qui entrent dans l'ordonnance de la décoration
des façades, il nous paroît néceifaire d'examiner
ici les ouvertures appelées mézanines , celles
qu'on nomme attiques , enfin les lucarne^, les
ceuils de bœuf, les barbacanes, les foupiraux*
Sic»
Ön appelle mézanine (t ) une ouverture m, plam
che XX, qui n'a de hauteur que les deux tiers de
fe largeur; elle fe place ordinairement au-deiïiis
d'une croifée, contenue dans lentrecolonnement
d'un ordre qui, par fa hauteur, embrafle un étagà
& demi/ comme au Château de Saint-Cloud.
Une croifée, attîque η , eil: celle qui, n'ayant
pas les proportions régulières dont nous avons
parlé au fujet des portes & des,. croifées > pe«c
être réduite·: à la, hauteur d'une fois pç demie fe
largeur, foit qu'on la place dans une étage appeM
attique, qui lui donne fon nom, comme au Châ5
teau de Verfailles ? du coté-des Jardjbns ; iioè
<melle fe trouve dans les entrepilaitres d'un ordre
coloual ? comme a la façade du Louvre , du cjké;
{t) Mélanine, del'icalien Me^nhkU - ·" -.
-ocr page 366-
Hl              ,.   ;, "C.O Vife- S    i '
de la rivière. Nous croyons qu'en général la partie
fujjerieure des inézanines & des croiiees attaques,
doit être à plate-bande , & non bombée , comme
à la façade du Louvre , que nous venons de
citer.
Les lucarnes ο , font des ouvertures pratiquées
pour éclairer les logements placés dans les com-
bles; leurs proportions doivent être les mêmes ;
que celles des croifées attiques ; mais leurs parties
fiipérieures peuvent être à plein cintre, bombées"
eu. furbaiffées ; ce genre d'ouverture ne sem*
ployant guère que dans les bâtiments particuliers,'
ou dans les étages fupérieurs des placés publiques^
comme on eii voit aux Placés de Vendême M
des Victoires ? à Paris. -.v.' ^--^
Se S Les ceuils dé beeuf/? , font des ouvertures"
citcukiîres à î'ufage des étages en galetas : on
ne doit jamais les placer dans les entrecolonne-
mènes d'un édifice/ tels qu'on remarque ceux du
CMteasu neuf de Meudon ^ du côté des cloîtres»
; On ofefel'Vera que le diamètre de toutes ces
différentes ouvertures s doit être ^moindre cfuii
fixieme, que -la largeur, «fer crëiféës ÄÄriBuee^i
dans le bel ·-étage du bâtiment," 4
<;'\v " '!,;■■;■'
Les barbacarinës { u ) font dés oiivêrturès. fori
hautes & fort étroites : Un tei genre d'ouvëiturö
É&>4evroit jamais- -entrer pour ;riën dans la déco*
iâtiôri des bâïiménts de quelque * importante ,
malgré lexem'jïêi dësentrecólërinètrients DóricpeS
dU'Portail des Minimes, & celui de' Ka^nt-cbVpS
àès Ecuries du Gtiâteau de Maifons f eliesinë, j^ü*
vent guère €trë àlitorifées que tîaris lés ouvrages5
Militaires, jbour donner de ràiïr à l'intérieur aès*
u'                        1                      ■ ---■■ '                        -.....'■■ ■--......■■ .■■ — »-■-·.--»■-............ S$î m 1                        F
(κ) Barèacannes,4c i'italic» barb'acahnti*. v':
-ocr page 367-
D'A R C Ή î f | CT URE.           11 j
fortifications , ou dans ΓArchitecture. Civile, pour
ïaire écouler les eaux des murs des terraffes » c'eft
pour cela que dans l'un oü l'autre cas on les
nomme canotiiercs ou vcntoußs.
Les foupitaux ( 'x ) font dès ouvertures deitinées
à éclairer les foutèrrains d'un bâtiment. La nécëP-
iité de·ces ouvertures j compriies ordinairement
dans la hauteur de la retraite du bâtiment , a
déterminé les Architectes à leur donner plus de
largeur que de hauteur ; mais comme cette efpece
'd'ouvertures , toujoursvoifines du fol de l'édifice,
fe fait alfa peu remarquer, il fuhiî d'obferver ,
dans leurs proportions & dans leurs formes·,
traelque rapport avec l'ordonnance des façades;
autrement elles onriroient autant de difformités
dans la décoration;
" ·- Dès Cadres.
4ît'Lés cadres different des chambranles , en ce
"que ceux-ci n'ont que trois côtés, & que les
cadres proprement dits en ont" quatre. La haie
d'une croifée^eut être entourée „d'un cadre j celle
d'une porte fe peut recevoir qu'un chambranle.
Un cadre eft^une «efpece de bordure ornée, dé
moulures , dont les membres·* äinii que cënk au
chambranle ; "doivent £trë relatifs à l'expreffion
de l'ordonnance qui préiide dans la décoration.
ÎLFn fes - réliëP;1^'öne' inÎcnptrèml, 'un médaillon ,
font brdiriairèmëritl entoures Jè'mne botéme y d'un
'cadré , ou ail rhoins d%ne pfete-barîde, & fervent
à enrichir 'iës entrè*coIohnements ou les trumeaux
(#) Soupiraux t du latin- fpiramentuni;                       ;'
-ocr page 368-
33*>                         G o ü RS
-dtïtne façade, les deffus des portes, des eroifées,"
des niches, &c. On renferme aufîi quelquefois les
cadres dans des niches quarrées » afin de donner
plus de fermeté à l'Arcbite&ure , ce qui divife
les champs & les efpaces où font placés ces ca- j
-dres, & empêche ceux-ci de devenir, ou trop
-confidérables, ou trop maififs; répartition qui,
„en amenant les confonnances dans les productions
de l'Artifte , contribue plus qu'on ne penie à
la perfèaipn de ies œuvres.           u ..,.
Nous nous contentons des définitions précé-
dentes, non: que nous croyions avoir épuifé
„tput ce qui regarde les membres qui compofent
ÎArchiteoure : mais nous aurons occafion tant
£de fois de parler de leur multiplicité dans la
fuite de ce Cours , que nous avons cru devoir
nous contenter des principaux objets que nous
venons de traiter , pour paffer aux ornements de
Sculpture dont on couronne, on accompagne ou
,Γοη enrichit affez ordinairement, la plus grande
] partie des membres d'Architecture dont nous
/venons déparier. , , ;' L·^._!'"'
M DE S LA "SCULÎIJ] f ί^
fies différents genres êorhemetits defiinés
à embélir l^Archltecïure.,''..·, . '■'■ ".'"{.'
Nous,avons parlé précécfemment, de .îorigine
de; la Sculpture,·il s'agit,ici de, ion application
: dans TArçhiteaure , & de traiter rde l'es princj-
-paies parties, relativement à la décoration des
édifices. Commençons par parler de s ftatues ; eh-
fuite noirs panerons aux ornements proprement
ditS. ' . .-...;■ ,r.r.r«x:.-.· ?■ RiM ;1 piAvièd I' v..)
En
-ocr page 369-
ï> * A R C Η Ι Τ 1 C 'Τ V ft U
Én général la Sculpture ne doit être appelée
tkns TArchiteclure, que pour embellir les iaçades
extérieures des bâtiments de quelque importance »
& procurer de la magnificence à l'intérieur de
de leurs appartements* On entend par Sculpture ?
ou l'art de mettre en œuvre des itatues qui ont-
pour objet la repréfentation humaine , ou celui
de faire des ornements à l'imitation des différentes
productions de la nature ; l'un & l'autre peuvent
également s'exécuter , en marbre, en bronzé, en.
en bois , en pierre, en plâtre, &c» L'Artifte qui
s'adonne au premier genre , s'appelle Statuaire ;
celui qui fe charge du fécond , s'appelle commu-
ïiément Omememijh*
La Sculpture le fait ordinairement en ronde*
hoffe ou en bas-relief: on donne plus ou moins
de faillie à ces derniers *, félon leur deitination I
quelquefois même on détache quelques - unes de
leurs parties, félon qu'il doit en être appliqué à
la décoration d'une Architecture , dont le relief
émane du mouvement donné à la diftribution ex*
térieure des façades*
L'application de la Sculpture dans là décoration
d'un édifice , demande beaucoup de go lit & de
jugement de la part de l'Arçhiteoe : d'abord il
doit fçavoir éviter la prodigalité des ornements;
il faut qiie leur place loit ailignée par l'Architer
£hire, que leur expreiîion foit puiiée dans celle
des ordres, & que les attributs quiiacara&érifenr*
foient conformes à l'efprit de contenance qui S
donné lieu à l'édifice. On doit prendie garde en-
core d'employer des ornements arbitraires ou in-
différents ; fe reiïbuvenir qu'il eiî: des formes reçues
dont il ne faut guère s'écarter; que tout ornement
doit être fymbolique ; qu'autrement la richefie
Tome lé
                                       Y
-ocr page 370-
33$                 ; Co ïj ms           :r"
qu'il procure à la décoration, eft-indiscrete'; &
que ÎGiivent cette indifcrétion ne tend qu'à acca-
bler l'Archite&ure, à la rendre confufe , à lui ôter
ies ,nuds , & à la dépouiller de l'avantage qu'elle
a prefque· toujours de fe fufEre à elle-même»
lorsqu'elle eil belle & régulière. A ces coniidéra-
rions il en eil encore une non moins effencielle»
qui confiile à lui aiEgner une proportion relative
à la grandeur du bâtiment, à la diitance d'où il
doit être apperçu, & à la qualité âes matières
qu'on eil foiivent forcé d'y employer. Combien
d'Artiiles fe font trompés au fujet de la relation
<lont nous panons? Combien de chefs-d'œuvre
dans nos bâtiments , qui ceffent d'être tels aux
yeux -des GoniioirTeurs, parce que leurs produ-
irions ne préfentent que des beautés ifolées. La
voûte de la nef du Val - de - Grâce ; l'attique de
l'intérieur du Louvre ; la fontaine de Grenelle ;
peur- être même celle des Saints - Innocents, font
des preuves de ce que nous avançons ; fans parler
ici du portail de Saint-Gervais, de celui des Feuil-
lants , du Palais du Luxembourg , dont da pro-
portion gigantefque, & la médiocrité de la Scul-
pture,, fait plus de tort àf Architecture, qu'elle
ne l'embellit : fenfation qu'on doit éprouver lors
qu'on compare la Sculpture qui les décore , avec
celles des portes S. Denis, du péryilile du Louvre,
parce que le Sculpteur & TArchite&e femblent n'a-
voir été qu'un feul & même Arriile dans chacun
de ces édifices. Nous l'avons déjà dit, nous le
répétons; la Sculpture en général, les Ordres en
particulier.,, ne font autorifés dans l'Architecfure ,
que pour FembelliiTement des édifices iacrés, que
pour dillinguer les Palais des Rois , d'avec les
Maifons particulières. N'employons donc les or^
-ocr page 371-
ρ '* à R c Hiî ί e: τ υ R 'È.         3|.|
tirés &' la Sculpture, que pour annoncer l'opu-
lence des Cités , la magnificence des Grands ; δε
étudions-nous à ne les amener fur la lcene, qu'avec
choix, qu'avec difcernement, qu'avec goût : fur*
tout que la Sculpture plaife par un faire exquis j
par une entente admirable , & par une difpoiition
que la convenance & la bienieanee ne puiiTent
jamais défavouer.
Nous avons parlé -, dans les articles précédents £
de la proportion que la itatue devoit aVoir avec
l'Architecture. Nous ajouterons ici, qu'il eft peu
d'édifices où les ilatues puirTent être placées conve-
biement dans la décoration extérieure ; que celles
mifes fur les baruitrades fupérieures des bâti*
Inents, à l'exemple de la plus grande partie des
productions de la Grèce > offrent fans doute une
grande rieheffe > mais qu'elles femblent contraires
a la vraiffemblance ; que celles placées für un.
Ordre d'Archite&ure, & au-devant d'un àttique »
ne réuiîifTent guère mieux : l'élévation de l'Ordre
& le peu de largeur des corniches de leut enta-
blement paroiffant peu faits pour recevoir des fta-
tues qui offrent toujours à l'œiiil quelques rap-
ports avec le mouvement des .figures humaines s
que celles qu'on place dans les niches perdent
la plus grande partie de leurs beautés» & dit
travail de l'Artifte : que les figures couchées >
placées fur les corniches inclinées dès frontons »
annoncent encore un défaut de vraiffemblance ,
qui devroit les faire rejeter de toute prdonnance
grave & régulière ; enfin que celles affifes ( peut
être les plus tolérables de toutes) ont auiîi le
défaut d'interrompre la direction horizontale de
l'ordonnance de 'ΓArchitecture \ à moins que le
deiïüs du ibcle ou-de la tablette des bäkiftradesa
Yij
-ocr page 372-
340                       Cour s
ne leur ferve de fol, comme à l'Hôtel de Soubife
, du côté de la rue, & non le deifus de la cor-
niche , comme an même Hôtel du côté de la Cour ?
& à l'Hôtel de Touloufe en face de la Place des
yidoires.
Ces différentes obfervatîons qui nous parohTent
fondées, nous perfuadent, en quelque forte, que
les fhtnes & les figures ne peuvent devenir véri-
tablement intéreffantes dans la décoration'de nos
édifices, que lorfqu'on peut les placer fur des
prédeftaux , fur le fol des perrons , comme à
Verfalles au pied de l'avant - corps, en face des
parterres d'eau ; ou fur des terraifes , dans les
Jardins de propreté, les Parcs, &c. Et nous penfons
qu'en toute autre occafion il feroit bon de leur
préférer des vafes , des candélabres, des cafîblettes
ou des trophées , différents genres d'ornements
fufceptibles, comme les figures, d'exprimer par
différents attributs, la deiHnation d'un édifice,
fans avoir à beaucoup près les inconvénients des
itatues dont nous venons de parler.
Des Vafes.
Le mot Vafe , s'entend de tout ouvrage de Scul-
pture allié avec des membres d'Architecture, &
dont la beauté coniiitedans le choix du Galbe {y)'9
dans celui des ornements , & dans l'art d'oppofer
les formes variées qui conftituent leurs genres
& leurs efpeces. Il fé fait de plufieurs fortes de
vafes ; les uns qu'on nomme candélabres, comme s,
planche XIX, défîmes aux édifices facrés ; ce
font les plus élevés, on leur donne ordinairement
(y) Galbe» dériva de l'italien Garbo , contour,           : ;
-ocr page 373-
d'Architecture.           34Î
les fm£ï de la hauteur des Ûatues. A îégard des
Vafes proprement dits, comme/, on ne leur
donne de hauteur, que les deux-tiers des figures;
ceux-ci fervent pour la décoration des bâtiments
civils. François Manfard en a fait un très-fréquent
ufage dans fes bâtiments : peut-être les formes
qu'il leur a données fe reffemblent - elles un peu
trop. Il eft effenciel de leur donner , non-feule-
ment une richeffe ou une iimplieité relative aux
différentes exprefîions des Ordres , mais encore des
contours variés , qui s'affortiuent aux divers orne-
ments qui préfident dans les bâtiments. Les candé-
labres & les vafes dont nous parlons, le terminent
par des flammes , des fleurs & des fruits , félon le
genre de l'édifice. Les ornements qui ennehiffent
leurs tiges, font ordinairement des godrons, des
feuilles de refend, des feuilles d'eau, des guir*«
landes, des fleurons, des canaux , des rofeaux,
des rinceaux , des maicaroiis , &c. Lorsqu'aux
vafes on ajoute des anfes, qu'on en furmonte la
pance par un piédouche un peu élevé, & qu'on
en refferre le col, alors on les appelle buires on
bur&ms ; niais il faut obferver que ce dernier
genre n'èft guère propre que pour l'intérieur des^
appartements. Dans les dehors, il faut éviter tout
ce qui porte l'empreinte de la fragilité , tout g©
qui ne préfente que de petites parties ; enfin tous
les petits détails qui ne peuvent être apperçus
que de près, & qu'une matière,commune ne
pourroit rendre que très-imparfaitement.
Lorfque là proportion & la forme des vafes. δε-
des candélabres ne peuvent f e concilier avec le
genre de l'ordonnance , on réduit la hauteur de
leur tige , à la moitié de celle des fiâmes; & alors;
ces mouveaux ornements s'appellent caffolettes %
-ocr page 374-
y#fc                   Co ν κ s
èfpece de vafes qui préfentent plus de largeur
que de hauteur <> h auxquels on introduit aufli
des anfes, des flammes^ des fleurs ou des vapeurs,
félon que l'exige le; çara&ere de la décoration.
Toutes ces difiérentes fortes de Sculptures, s'ap*
pliquent également aux ordres Tofcan, Dorique,,
Ionique , Corinthien & Çompofite, en obfervant
feulement d'y fouftraire ou. d'y ajouter une plus
ou moins grande quantité de membres & d'orne-^
ments 9 félon que fexige chacun des Ordres, ou
feulement leur ordonnance.
Il eu encore des vaiés ^d'un volume beaucoup·
plus grand , & dont la proportion peut égaler
celle des. ilatues % comme u :. ces vafes font deifo·
nés à être placés au pied des façades des bâti-,
ments » fur les perrons, les terrafies 3 &c. Ils fe
font de marbre blanc , de bronze ou de métal
doré. La véritable beauté de ces derniers vafes ,.
comme des précédents,. confifte dans leur galbe >,
dans le choix de leur contour, dans la diftribu--
tjion de leurs ornements , & dans 1 art de les pro--
61er avec gout : Verfailles , Marli v Trianon,
offrent une très-grande quantité de chefs-d'oeuvre
- en ce genre % nous en donnerons quelques exem-
ples dans la fuite, des volumes" de çç Cours 9m
Irritant des jardins de propretés
              jj
jPzs Trop Hes, :           ψ
kes trophées fervent beaucoup, â rembellnTè^-
ψβηι de la décoration des bâtiments ; il s'en fait
4'ifolés , comme y >. ck en bas-relief, comme\\
cette,
partie delà Sculptaire exige, une très-grande
ÇQnnoiffance de rhiftoire ancienne & moderne 5;
||cçéç.& proghane,; &. une; grande habitude du.
-ocr page 375-
d'Arc mite cru r e.           343
tleimi; elle exige le goût de Fart & cet efptitdè
convenance , Tarne de toutes les productions d'un
Artiile; elle exige le raifonnement & l'applica-
tion des préceptes qui enfeignent à donner à ces
fortes d'ornements un cara£tere folide ou délicat,
félon l'application de la Sculpture à l'Archite-
cture; elle exige cette idéé de vraiiFemblance qui
apprend à ne pas confondre les allégories & les
fymboles d'un genre contraire, dans une ordon-
nance d'Archite&ure , déterminée par Tefprit de
convenance; elle veut que le peu de relief ou la
faillie, la forme & la grandeur, foient aiforties à
l'expreiïion de i'Architeclure , & que chaque attri-
but qui le compofe, foit en relation avec la pro-
portion des ftatues répandues dans les. façades *
fur-tout lorfqu'il s'agit des trophées ifolées, comme
y ; ceux en bas-relief ι, peuvent avoir un moins
grand module, étant prefque toujours enfermés
dans des tables qui autorifent là diminution de:
leur volume.
En général les trophées peuvent être d'un ca-*
ra&ere ruftique, folide % moyen , délicat ou com-
pofe , cet ornement étant du refTort de toutes les.
efpeces d'ordonnances. Il s'agit feulement de leur
aiîigrter un relief, une touche , un faire analogue;
à la décoration , que ces trophées doivent orner;
fans cela on ne peut attendre de correfpondance
entre la Sculpture & l'Ârchiteclure : combien ne
voit-on pas de très-belle Sculpture, qui ceiTe
de l'être y parce qu'elle pèche par ίràiTortiment
qu'elle doit avoir avec le ftylç' de rArchiteilure*
Cependant % qu'on y réfléchiffe 3 il ne faut que le
raifonnement de l'Art, pour y parvenir; il ne faut
être ni Deiïinateur, ni Sculpteur·* ni Arehiteâe %
il fuffit. d'être connoiffëur, homme de goût {oMes^
-ocr page 376-
$44                      Cour s :
vateur éclairé. Par exemple, les trophées en bas^
reliefde l'intérieur du falîon du Château d'Iify*
ceux de la gaîlerie de Versailles & des fallons qui
Ja précédent, ceux du bofquet des Dômes font
regardés comme des chefs-d'œuvre par les hom-
mes de mérite, parce qu'ils font exactement bien
affortis au cara&ere de la décoration qui les re-
çoit ; au contraire , ceux du foubaifement de l'in-
térieur de la Chapelle de Verfailles, eeux de la
croifée de l'Eghie de Saint-Roch, ceux de Fefcalier
de l'hôtel de Touloufe, font moins eflimés , parce
qu'ils font chargés de détails contraires à Tex-
preülon de l'ordonnance de ces trois différentes
eipeces de décorations. A l'égard des trophées
ifqlés, ceux élevés fur l'attique de la grande façade
de Verfailles du côté des Jardins, ceux qu'on
vient d'appliquer nouvellement à la porte de l'hôtel
de Bellifie, & à celle de l'hôtel de Richelieu ft
paroiiTent trop forts , trop mafhfs & trop chargés
d'inflruments & d'armoiries.; au contraire, ceux
qui fe remarquent aux portes des hôtels d^e Sou-
bife » de Clermont, dEitrées, font d'une jufte
proportion,. d'une touche intéreiTante , & d'une
correfpqndance dite&e avec les membres d'Ar-
chite&ure- qui les reçoivent, qui les foutiennent
& qui les accompagnent : comparaifons impartia-
les de notre part, qui peuvent régler le génie de
nos Elevés, aïïurer le goût de l'Amite, & lui faire·
juger fçs produdÎQns avec intégrité.
Quelquefois cette partie de la Sculpture, s*allîe
avec des figures aulfes, à genoux, affaiiTées &
humiliées : Perrault en avoit employé à Tare de-
triomphe du Trône ; il s'en voit à la place des
Victoires; il s'en remarque aiifïi au Château de
Jrjanon■> groupées, avec des génies : on eilpeui
-ocr page 377-
d'Architecture. 345
taire encore entre-mêlées de vaies , dé guirlandes
& de fleurs : tout cela fe peut fans doute ; cepen-
dant il faut craindre que trop de parties réunies
enfemble , n'apportent de la confufion : trop d'or-
nements , produisent rarement un chef d'oeuvre ;
trop d'ornements enfin , loin d'embellir l'Archi-
te&ure, l'accablent, la décompofent & la défi-
gurent au point d'en détruire les rnafies, qui feu-
les peuvent corilituer fa véritable beauté.
Des Cariatides,
Nous avons déjà parlé des cariatides dans l'origine
des Ordres, Sr nous avons défapprouvé l'ufage
qu en ont fait la plupart de nos Architectes fran-
çois : en effet cette efpece de production, fembla-
ble à la plupart de celles que la Sculpture a intro-
duites dans nos bâtiments fans néceiîitéf, n'a de
mérite que l'imitation des ouvrages des Grecs ,
qui, mieux fondés que nous, avoient droit d'em-
ployer les cariatides dans la décoration de leurs
édifices, en faveur Aqs victoires qu'ils avoient
remportées fur les Cariens ■■& les Perfes; encore
faut-il convenir que cette nouvelle introduction,
dans leur Archite&ure , eft peut - être ce qui leur
a fait le moins d'honneur chez les Nations civi-
lifées ; CQtte marque honteufe , attribuée à l'hu-
manité , étant fort au-deffous de la gloire immor-
telle que ces Peuples avoient d'ailleurs acquife. Si
ce que nous avançons n'en: pas fans fondement,
de quel œuil devons nous regarder aujourd'hui,
l'application des cariatides dans nos édifices ,
suffi-bien que ces compofitions idéales que nous
repréfentent les termes, les figures en gaines}&
<
-ocr page 378-
346                      Cours
tant d'autres productions fabuleufes, à peine toîé-
rables dans la décoration de nos Spe&acles ; mais
qui ne devraient jamais faire partie de la décoration
des monuments deilinés à l'embellifTement de nos
Capitales, à la réiidence des grands, à la demeure
des particuliers. Ne devrait-on pas , dans nos
décorations, préférer de peindre le caractère na-
tional , au-Heu d'imiter fervilement les productions
des Peuples qui nous ont précédés, & tout ce que
la Mithoîogie a imaginé de plus ingénieux à cet
égard. Qu'eit-ceen effet que des figures de femmes
fans bras , telles qu'il s'en remarque à la falle des.
Antiques au. Louvre? Ces figures font néanmoins
confédérées comme des chefs - <Tœuvre , parce
queffeclivement elles font d'une grande. - beauté *
& du cifeau de Jean Gougeon. Mais dans la réa-
lité, ce n'eil autre chofe que de la belle Scul-
pture mal appliquée ; ce ne font que $e belles
itatues mutilées ; ce n'eft enfin que la repré-
fentation de la figure humaine , deftmée, fans
trop de vrairlemblance, à porter le poids d'une
Tribune , qui eût fans doute été mieux fou-
tenue par les tiges âes colonnes, dont on apper*
çoit le chapiteau & la bafe. Ce double emploi
n'échappe pas au difcernement des ConnohTeurs ;
& ils jugent que Tufage de ces figures efl con-
traire à la vraiffemblance. Nous croyons, donc
ψις, l'habile Sculpteur n'aurait pas dû fe permettre
cette licence ; parce qu'autant qu'il efl: poiîibîeV
il faut rendre intelligibles fes productions , leur
qrer toute efpece d'équivoque, & fe priver plutôt
dune certaine variété dans fes compositions y
que de s'expofér à faire paffer à la poftérité des
exemples, qui, quoiqu'admirables par leur -esté*
-ocr page 379-
d'Architecture.           347
Cüüon , ne peuvent d'ailleurs être imités par nos
fucceiTeurs, fans'bleiier la convenance & le rai-
fonnement de l'Art.
                                                      :.
Qu'eft-ce encore que ces grandes figures coloûa-
les, qui fe voient au gros pavillon de l'intérieur-
de la cour du même Palais ? elles font les chefs-
d'oeuvre de Desjardin » fans doute : mais l'ordon-
nonce de Γ Architecture, n'a-t-elle rien perdu à cette
application? La^grandeur de Tune , n'eûVelle pas,
détruite par celle de l'autre? Leurs pénétrations,
provenant de celle des colonnes de deffous , ne
            t
préfentent-elles pas des exemples dangereux à imi-
ter , & plutôt le défordre de l'imagination de l'Ar-
tifte, qu'une production fage, mefurée, réfléchie,
capable d'annoncer à la poftérité ce que peut pro-
duire cet Art divin, quand f Archite&e fait n'ap-
peler à lui le miniftere de la Sculpture , que pour *
l'a plus grande perfection de fon Art.
Qu'eft - ce enfin que veulent dire les cariatides
du frontifpice du Bureau des Marchands Drapiers
à Paris, plus fortes de beaucoup que l'ordre Ioni-
que » qui cependant leur a aifigné leur hauteur;
mais qui, à l'exemple de celles de la Salle des
Antiques du Louvre, font montées fur les bâfes
de Tordre, & dont les têtes foutiennent le cha-
piteau du même ordre? Elles ne préfententtout
au plus qu'un ordonnance pittorefque , qui ne
convient ni à la décoration des dehors, ni à ΓΑγ>-
chite&ure proprement dite , & qui ne devroit.
même être autorifée dans la Peinture , que lork
qu'il .s'agit d'y représenter quelques traits hifto-
riques concernant les Peuples qui ont donné occà-
iibn à ces fortes d'ornements. Je crois l'avoir dit
ailleurs % fouvent la féducHon de l'art prévaut
-ocr page 380-
34$                      Cours
fur la vraisemblance : on a vu des chefs-d'œuvre
d'un certain genre , on veut les imiter, & l'on ne
ibnge pas que non-feulement ces objets d'imita-
tion ne conviennent point au genre de l'édifice,
mais que fouvent les Artiites chargés de ces com-
pofitions déplacées, font des Artiites fubalternes ,
&: que le preitige de l'art n'ayant plus lieu, toute
l'ordonnance ne préfente plus qu'une compoiition ,
même au-deffous de la médiocrité. Nous croyons
donc, que ii l'on vouloit faire ufage des cariati-
des dans l'Archite&ure, ce ne devroit être , dans
les ouvrages Militaires , que pour les portes des
Priions Royales, ou dans l'Architeûure Civile,/
pour les Maiibns de Force, où il convient peut-
être, comme nous l'avons déjà remarqué , d'ex-
pofer dès les dehors , & aux yeux du Peuple , la
punition des coupables, détenus dans ces ailles *
le féjour du crime & de l'inhumanité; mais par-
tout ailleurs , il nous fembîe que c'eft pécher
contre la vraisemblance, & que dans tous lés
cas où celle-ci fe trouve violée, la décoration
quelqu'ingénieufe qu'elle puifTe être d'ailleurs y
oifrant une idée contraire au motif qui lui donne
lieu, ne peut aufîi que donner une idée fauiïe
des vrais talents de l'Ordonnateur. Vitruve *
appelle Thélamon&s les figures d'hommes qui fou-
tiennent quelques fardeaux , & femble vouloir,
qu'à l'imitation des Grecs , on les appelle Atlas.
Perrault rapporte à propos de ce pafTage de
Vitruve , que Ealdus croit que le mot Thclamon ,
vient du grec , Tiamon, qui iignifie un Miférable
qui fupporte le mal avec patience: ce qui convient,
dit-il, aiTez bien à ces figures, qui portent des far-
deaux. Cette opinion de Baldus juftifîe notre fen-
-ocr page 381-
d'Architecture.           349
riment fur l'abus des ordres Cariâtes dans la déco-
ration des édifices, & principalement dans ceux
défîmes aux habitations des grands (ξ).
JDes Gaines.
Cet enrichiffement appartient autant à TArchi-
teaure qu'à la Sculpture : à Γ Architeaure, parce
que ce font des corps élevés relativement à un
certain diamètre, mais dont la forme femblable à
une pyramide renverfée, eil plus étroite vers fa
bafe que vers fon fommet : à la Sculpture, parce
que ces corps font communément enrichis d'or-
nements , félon l'application qu'on en veut faire
dans la décoration des bâtiments. En général les
gaines ne devroient être introduites dans la déco-
ration , que pour porter des buftes dans l'inté-
rieur des appartements ; encore la vraisemblance
femble-t-elle être blefféc? , en confidérant un corps
plus étroit vers fon focle que vers fa cime, & qui
pour l'ordinaire eft deftiné à fervir de point d'appui
à un ouvrage précieux & fou vent fragile. Nos
belles Maifons Royales, l'intérieur de la demeure
de nos riches Particuliers à Paris , font cependant
ornés, pour la plupart, de ces fortes de foutiens,
fauffement pyramidaux : mais, dun côté, on eft
accoutumé à coniidérer les gaines, comme un meu-
ble; de l'autre, l'habitude que nous avons à imiter
ce qui s'eft fait avant nous, a fait paffer en ufage
cette efpece d'ornement. Nous l'avons déjà re-
marqué ; l'habitude a plus de part que le raifon-
(?) Voyez ce que nous avons dit ci - devant à cet égard *
dans l'origine des Ordres, pag. i?S & Uir. · ;
-ocr page 382-
3jo                   C o ν Ά $
nemènt à nos comportions ; nous oublions que
tout ce qui a droit à la magnificence de la de-
meure des grands doit être réfléchi & dirigé par
le goût de l'art. Pouffons cette jéflexion plus loin *
& difons que de cette imitation on eft parvenu à
faire des pilaitres attiques en gaine .( a ), & qu'on
a imaginé d'appliquer ces espèces de pyramides
renverfées fur le fut des pilailres ou des colonnes
de quelques-uns de nos édifices : mélange indis-
cret , imitation dangereufe, qui rendent nos com-
portions barbares , ou au moins qui montrent
plutôt la bifarrerie du génie des Artiites, que le
choix judicieux des règles de l'Art ; que cette unité
de-ftyle, cette iimplicité louable , ce vrai qui cara-
clériient les productions des véritables Archke&es.
Evitons donc toutes ces efpeces de licences, &
n'employons même les gaines dont nous parlons,
que comme des meubles proprement dits, que
comme des parties acceiîbires dans nos apparte-
ments, ou dans nos Jardins de propreté , tel
qu'il s'en remarque dans* le fallon des Maures à
Meudon & dans le hoiquet de l'arc de triomphe
à Vèrfailles : faifons-les de matière précieufe;
ajoutons-y des ornements affortis aux objets qui
les doivent couronner ; autoriibns - les encore en
:'M '41.li 'Ttii"-."*»ï—'î—,' "" - i s1.1 ? ι '"" - ■■ » ι ----------<!                        :
(a) On en voit de cette efpecc dans la nouvelle Chapelle
de Saint-Jean - en-Grève , fur les fûts des piiaitrcs Tot'cans
de laterraiFe de l'a vaut-cour de Meudon , où l'on a aiFetré une
„gaine verticale en forme de boflage continu, qui préfe^te
dans la décoration de cette ordonnance ruftiqué, une idée
pppofée à la folidité réelle que doit avoir un contre- fort *
fans parler d'une infinité d'autres exemples licencieux que
nous condamnons nous-mêmes dans hs ouvrages Gothiques t
& que aous appliquons feuvent, fans y penfér , à nos produ-1
étions.
Λ                                                                        '"*
-ocr page 383-
d'Architecture.            35t
pareille occafion , & toujours par tolérance,
pour foutenir les figures à-demi-corps, connues
fous le nom de termes ; mais gardons - nous bien
d'en faire ufage dans l'ordonnance cje nos Tem-
ples , où Ton ne craint pas d'introduire des gaines
portant des Vertus 9 des Anges ou autres allé-
gories facrées : refîbuvenons- nous enfin , que
ces caprices, ces chimères , enfants d'une imagi-
nation déréglée, ne font guère admiflibles que
dans nos décorations théâtrales.
On appelle encore gaine oufcabellon, une efpece
de piédeftal ifolé, qui a moins de bafe que le fom-
met, & dont le plan quadrangulaire» circulaire ou à
pans , fert auiïi dans un cabinet, dans une gallerie
a foutenir une petite figure de bronze * un buiie
ou une pendule : quelquefois auiîi on leur donne
la forme d'un baluftre ; mais à l'exemple des gai-
nes proprements dites , il n'en faut faire ufage
que pour la décoration intérieure „ malgré l'au-
torité de ceux qu'on remarque, & qui font adoffés
au mur de face du premier étage , fur les deux ter·*
rafles du Château des Tuileries du côté des Jardins;
ces fcabellons font à la vérité d'un deffin & d'une
exécution admirable ; mais l'oppofition de leurs
lignes obliques, avec la verticale des pieds-droits
des portes , des croifées & des pilaflres 9 femble effa-
cer à l'œuil ce -parallélifme, cette unité, cette rela-
tion intime qui fait tout le fuccès de la bonne Ardu-
tecfure- Au refte, il faut convenir qu'à tous égards
ces fortes de fupports font moins chimériques ,
moins hafardés , quand on ne peut s'en difpenfer
que l'application des confoles, des culs-de-lampes
& des encorbellements, parce que du moins ce£
corps montent de fonds, & qu'on ne peut leut re-
procher que le retrécifîement de leurs bafes ^ défaut
-ocr page 384-
jfi                       C ο ν ft s
auquel on peut remédier en faifant leurs 'côfé4
parallèles , ne rendant oblique que leur paremenfi
de devant, & plaçant un avant-corps ou un reiTaut
dépendant du goût & du génie de Γ Architecte*
Des Clefié
Nous avons parlé précédemment des clefs &
des claveaux, pag. 307, relativement à la folidité;
nous avons auiîi dit quelque choie touchant les
ornements dont on les revêt. Sans craindre de
nous répéter , difons ici que par rapport aux or-
nements , on appelle aufii ces claveaux , agraiFes
ou conibles , genre de Sculpture qu'il convient
de préférer dans tous les cas , aux têtes humaines
G, ou aux maicarons que nous avons déjà con*
damnés en parlant des claveaux. Ces ornements
appelés clefs , confoles ou agraires , félon le
galbe ou contour qu'on leur donne, doivent auiîï
avoir une expreiîion de folidité ou de légèreté
qui émane de l'ordonnance de l'Architecture 5
aufli bien que de la proportion * de la forme &
de la richefTe des ouvertures qui les amènent fur
la fcene dans la décoration des façades.
Des Confoles.
Les confoles, aiTez fembîables aux culs-de-
lampes dont nous parlerons bientôt, font auilî
f un ornement chantourné fur la face de devant,
& dont la partie fupérieure , plus faillante que
l'inférieure , eil deftinée à porter quelques mem-
bres d'Archite&urë, tels que le larmier d'une cor-
niche ? comme celle λ λ, placée au-deilus de
• - · - ·
                          ........ *           
-ocr page 385-
- ~\
©'ARCHITECTÜR BA V//.J j^
la ports à plate-bande Β , planche 3ŒIÈE, Prefqùe
tous les Architectes ont introduit des confoles dans
leurs décorations ; fans doute elles font préféra-
bles dans l'Architecture , aux culs-de - lampes ;
mais il faut les y placer convenablement ; il faut
remonter à la fource , qui les a d'abord fait mettre
en œuvre ; enfuite méditer fur l'application qu'on
en doit faire dans la décoration des façades. N'en"
doutons point , il en eil des ornements comme des
membres d'Architecture; il s'en faut bien qu'ils
doivent fe rencontrer tous enfembîe dans une même
ordonnance ; mais affez ordinairement on n'a
d'autre but que la routine , fans fonger qu'elle
conduit fouvent à une inconféquence condam-
nable , & qu'en croyant fui vre les préceptes de
l'Art, on ne fuit que la mode : de maniere que
les ornements répandus d'ans les Temples , les
Maifons Royales, les. bâtiments particuliers fe
reifemblent; d'où naît le peu d'aiTortiment, le peu
de convenance qu'on remarque dans les différents
genres d'édifices que nous citons. On parvient à
faire riche , mais rarement parvient-on à mettre
les vraies beautés dans tout leur jour : ce qu'il
y a de pis, c'eil que ces productions trouvent
des imitateurs ; & ceux-ci s'éloignant prefque tou-
jours de l'objet qu'ils imitent, reduifent pour ainiî
dire leurs imitations à la plus grande médiocrité.
On ignore qu'il faut être un homme de génie ,
pour bien imiter, pour fentir & pour appliquer
convenablement à {es productions les découvertes
de fes Prédéceiieurs. Ppur éviter de tels abus, \
défîninbns les différentes efpeces de confoles dont
on fait le plus communément ufage dans la déco-
ration, des bâtiments, & difcutons-en l'applica-
tion pour nous accoutumer à accepter ou rejeter
Tomz Ι.
                                           Ζ
-ocr page 386-
354                      CO U RS
tout ornement qui a droit d'embellir ou de défi-
gurer l'Architecture.
On a d'abord fenti la néceifité de donner un
certain relief à la décoration extérieure des édi-
fices ; on a auffi prévu l'agrément que procureroit
à la décoration des appartements, ce même relief
combiné avec le diamètre & l'élévation des pièces ;
de-là, lldée de foutenir de diitance à autre, des
corps avancés par des mutules & des modulons,
pour porter les fofites des larmiers des corni-
ches ; enfuite on les a chantournés, on les a ornés
de fculpture : originairement on les avoit intro-
duits par nécéiîité ; d'horifoniaux qu'étoient ces
fupports, on les a placés verticalement pour varier
les façades; quelques-uns ont réuiTi , & l'on ι
cru que par-tout ils produiroient également un
bon effet, fans prendre garde que fouvent le chan-
gement de iîtuation, change auffi l'effet qu'on fe
propofe ; que d'ailleurs ce qui réuiiît en grand ,
eil rarement fait pour réunir en petit ; que les
intervalles ne pouvant toujours être les mêmes,
les formes de ces différents corps doivent changer
làéceifairement, les grandes parties n'étant faites
que pour les grands touts, & les petites par-
ties paroiffant plus petites encore, lorfqu'on leur
©ppofe de grandes diilances ; qu'en un mot, tous
les objets qui ont pour but de fe faire remarquer,
doivent porter un caractère, une expreifion re-
lative à la décoration qui leur a donné lieu ;
que par exemple une confole arrafée doit différer
par fa forme, d'une confole en relief; qu'une
confole liffe demande une autre application qu'une
confole cannelée & enrichie de fculpture ; qu'une
Confole en encorbellement doit paroître porter un
corps hc-rifôntal, fans effort, & ne jamais reifem-
-ocr page 387-
D Ά Β. CU Ι ΤErp Ψ V £ E,          pjgjf
bier à une confole mnvexiée , faite pour acôter
un pied-droit; mak qu'il n?en faut, jamais placer
par-tout où elles ne paroiiTent. ni néceifaires ni
intéreiTantes ; que la feule 'idée, de la décc ration eft
infunifante, qu'il faut djes raifons, des autorités >
qu'il faut néceiTairement que les confoles -portent y
foutiennent quelque corps ; qu'autrement elles pa-
roiiTent poûiches & ne font qu'ornement. Or qu'elt»
ce en Architecture que l'ornement qui n'a pour objet
que de remplir des furfaces vagues, que d'enrichir
des nuds originairement trop pauvres ? Qu'eft- ce
qit'une confole qui ne porte pas le larmier d'une
corniche, & qui fe réitère dans toutes les croifées, les
portes, les niches de nos bâtiments., telles qu'il s'en
voit aux Places de Vendôme & des Victoires/?
Qu'eil-ce encore que les confoles placées dans le
courant d'une façade,, pour porter un buile, comme
il s'en-voit au Château d'iily, à celui de V criailles
du côté de l'entrée, à celui de Sceau , & ailleurs}
Qu'eil-ce enfin qu'une: confole en encorbellement»
qui porte un balcon, comme au Château neuf de
Meudon, au bâtiment des Enfants-Trouvés, à
l'hôtel de Gélifie ? Ce genre de décoration annonce
plutôt une Tribune propre à nos décorations théâ-
trales , qu'un ornement convenable à nos édifices
d'habitation. Nous paffons fous iilence l'abus des
confoles compofées de formes contraftées, déçou*
pées & le plus fouvent accablées de petits orne-
ments , dont Paris s'eit vu remplir pendant trente
années, fans en excepter les décorations de nos
Temples? Mais, dira-t-on, les confoles doivent donc
être rejetées de toute décoration régulière ? A cela
nous répondrons, qu'il en faut ufer avec beancop
de ménagement dans les. dehors ; qu'il faut qu'elles
y pârohTent amenées par la nécçflité ; qu'à cet
Ζ ij
V'.                                   '
-ocr page 388-
igard celles des entablements de la porte Saint-
Martin , & du bâtiment des Enfants-Trouvés font
bien; que par -tout ailleurs, lorfqu'elles fuppor-
tent des corniches, il faut qu'elles en paroiffent
foutenir le larmier; mais que néanmoins leur véri-
table place eil pour lés corniches de l'intérieur
des grands appartements; qu'elles y font préfé-
rables à ces ornements courants & frivoles, qui
ne préfentent, dans leur frife , que des arabefques,
capables au plus de figurer dans de petites pièces,
dans les.entre-fols , &c. Que les confoles dont
nous parlons, marquent donc plus précifément
à l'avenir des intervales réguliers, & des mé-
topes afTortis à la diilribution des comparti-
ments, des lambris ; que leur relief foutienne
avec fuccès , la faillie des gorges & des corni-
ches, qui étant légères, ont aurli befoin de corps
légers qui leur fervent de fupports & de points
d'appui; alors ces confoles pourront s'employer
folitaires ou accouplées, félon le befoin qu'on aura
de maifes plus ou moins confidérables dans fa
décoration: par exemple celles diitribiiéess dans
la corniche de la Salle des Cent-SuifTes aux Tuile-
ries, celles de la gallerie. de Verfailles , celles de
l'hôtel de Touloufe font un effet admirable, & font
de beaucoup fupérieures aux corniches fans confo-
les des appartements des hôtels de Soubife, dé Vil-
lars , &. à prefque toutes les décorations intérieures
de nos bâtiments; Ces paralleles nous apprendront
peut-être à ne jamais déplacer cette forte d'orne-
ment , & à difcerner de bonne heure le choix que
nous devons faire de toutes les parties qui con-
courent àTembelliffementdes façades extérieures,
& à la décoration de nos appartements»
A l'égard des confoles qu'on ne place que trop
-ocr page 389-
d'Architecture.          357
ordinairement dans les dehors; quand on croit
devoir les admettre, du moins faut-il éviter de
les faire trop confidérabiement grandes , comme
fe remarquent celles des croifées Ioniques du Lii^
xembourg; ou infiniment trop petites, comme celles
placées dans les croifées fupérieures de la Place
de Vendôme & des Victoires ; enfin trop confidé-
rabiement faillantes & trop chantournées, comme
eelles des croifées du fécond ordre des façades de
l'intérieur de la cour du Louvre, & dont la partie
fupérieure , ainii que la faillie de leur tailloir ,
défafleure de beaucoup la faillie du larmier. Nous
ne faifons ces obfetvations que pour apprendre
de bonne heure à nos Elevés, que rien n'eit indif-
férent , & qu'ils doivent tout obferver, mefurer, \
examiner, s'ils veulent parvenir un jour à faire
des chefs-d'œuvre. -■/.·:'·■ r
Des Cartouches*
1 Les cartouches ( b ) font des ornements de fculptu-
re comme χ, quipréfentent une furface plane , con-
cave ou ondulée,"propre à recevoir un chiffre, un
blâfon ou une infeription. Ces cartouches peuvent
repréfenter de grandes coquilles, des éeprees d'ar-
bres , des peaux d'animaux, des enroulements, for-
mer des volutes, être chantournés, contrarias ; mais
il nous paroît eifenciel, qu'aumoins leurs côtés
oppofés ibient femblables , ou s'ils different en
quelque chofe , que ce ne ibit que dans les parties
de détails : l'abus le plus condamnable eil de les
incliner ; cette b'yfarrerie eft à peine tolérable daas
De l'Italien, Cartoccio*                       M „.
Ζ uj
-ocr page 390-
3?S ·                    Cours-
i'Örfévrerié ; mais on ne doit jamais fe la permettre
dans la décoration des bâtiments. D'ailleurs les
cartouches ne conviennent pas par-tout ; il faut
un motif qui les autorife ; il faut éviter fur-tout,
leur répétition dans une même décoration ; il faut
qu'ils marquent, à raifon de l'efpace dans lequel
ils font placés; i qu'ils faifent milieu; que 1-orfqu'on
oblige d'en diftribuer alternativement planeurs
fur la même ligne, on obferve de les varier fans
trop d'affectation : il faut prendre garde que leurs
accompagnements nanéantifîent ni leur forme, ni
ΙεμΓ capacité , ou au contraire que le cartouche ne
foit trop fort, & les acceifoires trop foibles ; en un
£iot, ondoitprévoir leur trop ou trop peu de faillie*
pour que œt ornement puiffe fe faire applaudir.
Un cartouche placé par néceiîité , plus petit
que le précédent, s'appelle cartel, & ne doit être
employé que dans les panneaux de menuiferie ,
fur les glaces , fur. les chambranles des portes ,
ou toute autre partie de la décoration intérieure
des appartements ; encore faut-il fe reffouvenir
qu'il ne faut ufer de ces fortes d'ornements qu'avec
beaucoup de retenue & de circonfpeelion.
Des Médailles & des Médailbfis.
Lès" médailles ( c) différent ides médaillons, en
ée que les premières fe font circulaires ,&ί les
féconds de forme elliptique ; tels que fe remar-
quent ceux qui ornent la pyramide b, planche
XIX : les uns & les autres fervent à la déco-
( c ) Médaille, du grec mttallon , métal i ou de l'arabe Λ
métal. .                                    y' -'■' i ' :'iï :ti ii
-ocr page 391-
d'Architecture,           359
ration extérieure & intérieure des bâtiments. Les
médailles contiennent ordinairement, des têtes
en bas-relief; les médaillons des fujets hiitoriqiies,
des devifes, des emblèmes â &c. On voit des
médailles circulaires dans la cour de l'Hotel-de-
Ville, & des médaillons dans les décorations des
façades du Louvre à Paris. Perrault en avoit aufl*
.placé dans fon arc de triomphe du Trône.
, En général ce genre d'ornement nous paroît plus
propre dans la décoration des Fêtes Publiques ,
des Théâtres , des Feux d'Artifices, des. Pompes
funèbres, que par-tout ailleurs ; parce que ces
ornements peuvent contenir , dans nos différents
genres de décoration, des fujets entiers d'un très-
petit volume , lans préfenter de.difparités , ni
nuire à la correfpondan.ee des ornements répan-
dus dans l'ordonnance entière ? au-lieu que dans
l'Architecture proprement dite, ces médailles &
médaillons, ainfi que les fujets qu'ils contiennent,
n'offrent que de petites parties, qui s'accordent
difficilement avec la grandeur de l'enfemble. Les
médailles & médaillons doivent paroître fufpen-
dus & attachés fur le nud du mur qui les reçoit,
par des feitons, des guirlandes, des anneaux 9
des
rubans , &c. Quelquefois , à l'exemple de
ceux du périftile du Louvre, on place un mufle
de lion, fur l'extrémité fupérieure de leur bor-
.durë; mais ces mufles ne conviennent pas par-
tout , & ne font guère tolérables , que lorfque
le fujet du bas-relief repréfente la force , la valeur
pu l'intrépidité ; autrement une agraffe fans pré-
tention, un nœud de ruban entrelacé de feuilles
de chêne, de laurier, de myrthe, de fleurs, félon
/application de ces ornements à l'Archite&ure ,
réuiTiiTentplus ordinairement, font plus analogues à
Ζΐγ
-ocr page 392-
%6o                      Cours
la variété des fujets appelés tour-à-toiir dans la
décoration, pour défigner les Arts , les Saifons ou
les Eléments. Au reite, il ne faut jamais abufer
de ces fortes d'ornements, ni dans la décoration
des Fêtes Publiques, ni dans celle de nos bâti-
ments : la richeiîe qu'ils procurent néceiTairement
à l'ordonnance , demande qu'on neMes introduife
que lorfque les ordres délicats préiident, & que
lorfque les matières réelles ou feintes y font ou
paroifTent précieufes ; en un mot, lorfque le
monument par fa dignité femble avoir dû rece-
voir , par nécelîité , tout l'éclat qui peut embellir
fArchitefture,
J}es Culs~de-Lampes.
On appelle cul - de - lampe, une efpece d'encor-
bellement en pierre, en marbre, en bronze ou
en bois , portée en faillie au-delà du nud du mur,
& deiliné à foutenir une figure, un vafe, une
urne, une girandole, &c. On appelle encore culs-
{ de-lampe , les pendentifs où fe réuniiTenr les diffé-
rentes nervures des voûtes gothiques, ainfî qu'il
s'en remarque à la Sainte-Chapelle, à la Grand'-
Chambre du Palais à Paris & ailleurs. Ancienne-
ment on en faifait auiîi un aifez fréquent ufage,
pour foutenir la retombée des voûtes qui foute-
noient en l'air les rampes des efcaliers ; & alors ces
culs-de-lampes étoient enrichis de membres d'Ar-
chiteöure, & d?ornements de Sculpture ; mais l'on a
réformé, depuis quelques années, cette forte d'en-
richifTement, auiîî peu agréable à l'œuil, qu'inutile
à la foîidité, On auroit dû étendre la réforme jus-
qu'aux culs-de-lampes proprement dits ; ce genre
«TQrnemçnts paroît poàiche à dans la décoration
-ocr page 393-
d'Arc h itecture.            36t
de nos édifices graves & réguliers J cependant les
ftatues placées dans la nef de l'Eglife deSaint-Sul-
pice , .celles qu'on voit dans le fan&uaire de l*Eglife
de Notre-Dame, celles des niches de la gallerie
du Château de Meudon, & de l'hôtel de Touloufe
à Paris, font toutes foutenues ainfi, contre toute
idée de vaiffemblanee. Une ftatue femble exiger
un piédeftal qui monte de fonds pour la foutenir ;
il feroit encore plus abfurde, à la vérité , de faire
porter une colonne fur un cul-de-lampe, tel qu'on
en remarque dans la décoration feinte de l'efcalier
de l'hôtel de Soubife , & dans la plupart de nos-
décorations théâtrales. Mais pour ne parler ici
que des itatues, neft-ce pas vouloir bleffer la
vraiiTemblarice, que de placer en porte-à-faux une
figure en a&ion , fur un cul-de-lampe , fur une
efpece d'encorbellement ou confole, qui, quoi-
que d'un bon gont pour le defîin confidéré féparé-
ment, n'annonce toujours qu'un fupport impar-
fait , propre tout au plus à recevoir une petite
figure en bronze ,* une porcelaine , un bijou de
prix dans les moyennes pièces d'un appartement;
car alors ces fortes d'ornements font regardés fans
conféquence. Les culs-de-lampés peuvent encore
fervir de crédencés dans les facrifties , près des
retables d'autels , dans les falies à manger, & dans
les appartements de bains ; enfin ils peuvent fer-
•vir de pieds pour les tables de marbre ; ces der-
niers occupant peu d'efpace, & éüant pofées fur
le parquet, femblent porter de fonds , ou du
moins leur port-à-faux racheté avec art, n'a rien
qui puifTe bleifer Tœ'uil. Mais en toute autre oceâ»
lion, lorfqùil èft queftion d'une figure , fouvent.
plus grande que nature , c'eil avoir recours à
l'erreur 3 c'eft multiplier l'abus de l'art ; de tels
/
-ocr page 394-
■λ":'',"                     ''
$6ζ                      C ο υ η s
exemples enfin , ne doivent jamais ni né peuvent
ferrir d'autorité.
Des Cornes d'Abondance, , ., ,?
Les cornes d'abondance font des ornements de
faiipture, imaginés d'après la corne de la chèvre
Amakhée , & qui peuvent contenir des fleurs,
des fruits i des feuilles , des coquillages , des mé-
dailles , &c. Ce genre d'ornement, femblable à
beaucoup 'd'autres , demande à être employé con-
venablement dans lArchiteûnre. Ordinairement
Β réuifit mieux ifolé, qu'en bas-relief; & en grand,
qa*en petit : le mouvement dont il eft fufceptible,
& îes objets qu'il contient exigeant un certain
détail : il s'en remarque dans plufieurs frontons
de la façade extérieure de la grande; gallerie du
Louvre du côté de la rivière, fur lés claveaux
des arcades des avant - corps de l'intérieur de la
cour du Louvre > dans la.décoration de la gallerie
de Verfailles , & de celle de l'hôtel de Toulpufe ;
mais cette efpece d'ornements femble n'être placé
citnous le citons, que comme ornements ; il nous
femble qu'il faudroit, pour qu'ils y fuffent autor
ïifés , qu'ils paruiïent fymboliques : en général ilç
devroient être réfervés pour caraftérifet le temple
de la paix, annoncer la; fertilité des campagnes ,j
l'abondance des provinces terreilres ou maritimes,
& alors faire partie des amortifiements , qui cou-
ronnent les portes des Villes, les arcs de triomphe,
les bâtiments hydrauliques, ,&c. de-là naîtroient
moins d'ornements indifférents, moins de fciilpture
prodiguée au hazard dans la décoration de nos
édifices ; par-là la Sculpture deviendroit le fyifl-
bole de Î'Archite&ure % & contritmeroit à peindre 9
-ocr page 395-
D* A R G Η Ι Τ E CT U R E.              363
aux· yeux du fpeclateur > le véritablecaradere de
Pedîfice , à raifon de fon application particuliere
dans l'Architeclture Givile , Militaire & Navale.
v"          Dés Fefêons & des Guirlandes.
Les ferions (i) doivent différer des guirlandes; x
celles-ci par les fleurs , ceux-là par les fruits : néan-
moins il fe fait des ferlons, tous de feuilles de laurier
ou de chêne, (tels que fç remarquent ceux placés
fur l'archivolte f , prenant naiifarice du claveau
G , planche XIX,) d'olivier, tle myrthe ou de
cypïès ν félon les applications que l'on veut faire
de ces ferions, dans la décoration d'un monument
élevé à la gloire, à la guerre, à la paix', âîamour
ou aux, funérailles des grands. Ces ferions font
ordinairement attachés avec des anneaux ," " &
ornés de rubans qui fervent à lier les bouquets &
les chutes ,âes feuilles dont ils font compofés , tels
que fê remarquent ceux bb, placés dans Famôr*/
tiiTeménjt aa ;Jatt-deiius du fronton; ce genre d'or-I-v, &
hements étoit fort en ufage dans la décoration dès;
édifices des Grecs δε des Romains : les Manfard,
les DebrôiTes, les Mercier, les Le Veau , les
François Blondel, les Bullet Sc. les Perrault, lès
ont auffi employés avec fuccès dans leurs déco-
rations. D'après ces grands Archite£tes, plufieurs
femblent, de nos jours , vouloir les préférer dans
leurs décorations-a. tout autre genre d'ornement f;
(d) Fefion j, du grec encarpos 3 fructueux, félon Vitruve:
félon d'Avilér, ori croit que ce mot vient de Fête, parce que
ces ornements: l'emploient ordinairement dans les décoration^
dreiTées par Talégtefle publique.
-ocr page 396-
$64                       C ours
mais peut-être ferions-nous bien fondés à repro^
cher à quelques-uns de ces derniers , d'en faire
un -trop fréquent ufage, de ne les pas affez varier,
de leur donner un air de pefanteur, une forme
trop cilindrique , qui bleiTe l'œiiil. Qu'on y
prenne garde; il eil à craindre que ces répéti-
tions indifcrettes , ces imitations , fouvent mal
entendues, n'enfantent des modes paifageres, qui
à leur tour feront abandonnées pour pafîer à
d'autres nouveautés : en forte que loin de four-
nir d'excellents modèles , on ne préfente que
des ornements peu réfléchis, qui portent infen-
fiblement le1 plus grand nombre à s'écarter du
véritable goût de l'Art, & de cet efprit de con-
venance , que nous recommandons ici avec tant
de néceiîité.
* ; Les guirlandes different des ferions, ainfi que
nous venons de le remarquer, en ce que les guirlan-
des font feulement compofées de fleurs & de feuil-
les; qu'en général elles préfentent plus de légèreté
èiins leurs maifes, & plus de détails dans leurs
parties; que pour cela elles paroiffent plus pro-
pres pour la décoration intérieure : au-lieu que
hs feilons paroiffent devoir être deftinés pour le«
dehors.
.. Des Entrdas.
Les entrelas font des ornements compofés de
membres d'Àrchiteclure '& de Sculpture, que l'on
fubftitiie quelquefois à la place des baluftres,
dans les appuis des rampes des efcaliers. Les en-
trelas font moins graves que les baluftres; mais
ils apportent de la variété dans l'ordonnance ; &
leur contour moins févere , les fait admettre vo-
lontiers où l'ordre délicat préfide. Perrault en
-ocr page 397-
d'Architecture.            365
avoit fait faire des modèles en plâtre , au-deiïus
du foubaffement du périftile du Louvre. Fran-
çois Manfard en a introduit dans l'efcalier du
Château de Maifons. Debroffes en a fait ufage au
couronnement du dôme du Luxembourg , du
côté de la rue de Tournon.
11 faut favoir que les vides des entrelas doivent
être à - peu - près égaux entr'eux ; que les corps
folides qui les déterminent le doivent être exacte-
ment. Il faut que leurs contours foient coulants ;
qu'on fache y éviter les trop petits détails ; que
les ornements qui les enrichiffent foient non-feu-
lement employés avec ménagement , mais paroif-
fent naître de la forme des membres d'Archite&ure
qui les compofent, membres qui eux - mêmes doi-
vent prendre leur fource dans le caractère de l'or-
donnance.
                                           Ψ
On appelle encore entrelas, des ornements en
bas-relief, compofés de liiteaux, de plates-bandes
droites 3 circulaires ou mixtes , dont les milieux
font ornés de rofaces & de fleurons , lefquels font
deftinés à la décoration des arcs doubleaux des
arcades , ainfi qu'il s'en remarque fous l'intrados
ou archivolte de la plus grande partie de l'inté-
rieur des arcades de la cour du Louvre, & ailleurs.
Des CaJJettes.
On appelle caifettes , des tables renfoncées &
ornées de moulures en forme de cadres , qui fer-
vent à contenir des rofaces , dont on enrichit le
-fofîte des larmiers des corniches Doriques , Co-
rinthiennes & Compoutes ; & même quelquefois
celui de Tordre Ionique, lorfqu'au lieu de denti-
cutes on, inuoii&t 4es modulons. Les caifettes fer-
-ocr page 398-
366                    Cours
vent auflî à orner les arcs doubleaux des Voûtes
des édifices facrés & des monuments publics : ces
caffettes fe font le plus fouvent qiiadrangulaires
dans les entablements des ordres , principalement
lorfqu'on les remplit de rofes ou rofaces, ordi-
nairement circulaires ; mais lorfqu'on les applique
aux arcs doubleaux, on les entre-mêle quelque-
fois de caffetes oblongues, barlongues ou lofan-
ges, remplies d'ornements aiïbrtis, à la forme de
' ces nouveaux compartiments ; celles qu'on remar-
que fous Tare plein cintre de la porte Saint-
Denis, font de ce dernier genre; celles dé la
voûte de ÎEglife de la Sorbonne , font du pre-
mier. En général la richefle de l'ordre détermine
la quantité des moulures des caffettes, & le genre
de la fculpture qu'elles doivent contenir. On né
devroit même placer les caffettes dans les fofites
des corniches & dans les arcs doubleaux des voû-
tes , que lorfque le fût de l'ordre eit caiinelé , &il
ne faudroit faire ufage de rofaces, que lorfqu'on
a cru devoir orner de rudentures les cannelures
des ordres. Aux Petits - Peres , à Saint - Sulpice
à Saint-Roch, la richeife des arcs doubleaux
eu mal affortie avec celle des ordres qui déco-
rent l'intérieur de ces trois Eglifes. Nous le répé-
tons , la\ relation dans l'Architedure & la Scul-
ture, eil un des premiers mérites de l'Art ; il faut
néceifairement, pour arriver à la perfection que
lés membres, les ornements puifent leur expref-
fion, leur richeife ou leur fimplicité, dans le
caractère de l'ordre, & dans la convenance du
bâtiment ; certainement c'eit. le feul - moyen de
plaire, de perfuader aux autres, que l'Architeaure
eft établie fur des principes confiants, & que fes
beautés font des beautés poiitive£? qu'on ne peut
raifonnablement contefter.
-ocr page 399-
d'ârchitectura.        $ö/
Des Poßes.
Lès poftes font des ornements compofés d'en-
roulements , & appelés ainii, parce qu'ils fe
fuccedent les uns aux autres fans interruption ,
& qu'ils fe replient fuir eux-mêmes fans aucune
efpece de repos. Ces ornements modernes font
d'un ftyle moins grave que les guillochis dont
nous allons parler ; & pour cela ils ne devroient
jamais fe rencontrer enfemble dans une même
décoration. Au reite, les poires, comme tous
les autres ornements , doivent recevoir diverfes
exprefßons pour fatifaire aux différents caracleres
des ordres Ionique , Corinthien & Compofite;
car il faut obferver , quelque fimplicité qu'on
puiife leur donner , qu'ils ne doivent jamais faire
partie de la%ichefïe des ordres ruitiques & fon-
des. Nous: l'avons déjà dit, nous le répétons ,
tout importe dans la diitribution des ornements
de nos bâtiments ; il ne fuffit pas d'y placer de
la Sculpture ; c'eit leur application refléchie, qui
fait beauté , qui engendre l'unité , qui détermine
la convenance , qui confirme & diilingue les ou-
vrages des hommes célèbres , d'avec ceux des
hommes fubakernes. D'ailleurs il faut fe reiîbu-
venir que les ornements ne font appelés dans
Γ Architecture que pour l'embellir, la rendre agréa-
ble, inféreifante. Or tout Artiite doit s'attendre
à manquer ce but, quand les ornements qu'il in-
troduira dans fa décoration paraîtront arbitraires ,
indifférents, pris au hazard , quand ils feront mal
aifortis , diitribués fans goût, fans choix, fans
convenance. Pour éviter un tel abus, il faut donc
après avoir déterminé leur place, & leur avoir
-ocr page 400-
368                       C o Urs
aligné leur relief, leur genre , & une expref-
ίίοπ relative à toutes les parties de l'Ar©hite£ture ;
il faut, dis-je , faire choix d'un Artiile habile,
qui, par une belle exécution, ajoute encore au
mérite réel & au ityle de l'ordonnance ; il faut
enfin imiter les chefs-d'œuvre des grands maîtres
en tout genre, les fuivre dans leurs procédés,
dans leurs opérations ; en un mot, il faut fe ren-
dre compte du degré d'exécution, de perfe&ion &
de beauté qu'on remarque dans leurs différentes
efpeces de productions, fi l'on veut atteindre à
l'excellence de toutes les connoiiTances que nous
exigeons.
Des Guillachis,
Les guillochis font des ornements qui tiennent
tout à l'architecture , n'étant compófés que de
liileaux qui fe diitribuent en compartiments par
oppoiition , & cependant avec fimétrie. Ce genre
d'enrichiflement eil fort ancien; il s'en remarque
dans plufieurs monuments de la Grèce, & de
l'Italie. Pluiieurs Architectes de nos jours ont fait
revivre dans leurs productions cette efpece d'or-
nements; néanmoins elle n'a, guère d'autre mérite
que d'être recliligne, d'une facile exécution , &
de procurer une richeffe à. l'Architeclure, qui, fans
trop de dépenfe, fert à faire valoir certaines parties
de la décoration. Ces ornements font toujours
employés en bas-relief; les chemins, les fentiers
ou champs qui féparent ces guillochis, doivent
être d'une largeur égale aux liileaux ou plates-
bandes qui les compofent; mais il faut avoir atten-
tion que ces plates-bandes ne foient ni trop larges
ni trop étroites relativement au caractère ferme
ou délicat de l'ordonnance de l'Archke&ure ; que
leur
-ocr page 401-
d'Architecture.           369
leur relief ne foitni trop ni trop peu considérable ;
que ces fortes d'ornements nefoient pas trop petits»
ou qu'ils n'occupent pas trop d'efpace dans la déco-
ration des façades. Au refte , il faut favoir que
les guillochis ne conviennent pas par - tout ; que
pour les appliquer avec convenance, il faut que
le ityle de l'Architeclure foit puifée dans Fan-
tique , rien n'annonçant tant Finconféquence du
génie de i'Artiite, que de vouloir allier ? dans
une même décoration, des ornements anciens 9
avec une Arehite&ure moderne. Peut-être qu'à
l'exemple des boffages & des. refends, qui, pour
ainii dire , doivent être defrinés feulement aux
Ordonnances Tofcane & Dorique, de même les
guillochis ne devroient être employés qu'aux ordres
ruitiques & folides ; au contraire , les entrelas, les
caffettes, les rofaces, les poftes, aux ordonnances
moyennes & délicates. Voyez la plupart des orne-
ments que nous venons de définir dans la plan-
che IX de ce volume, avec quelques autres or-
nements dont les exemples réunis avec ce que
contiennent ces définitions1, peuvent éclairer nos
Elevés fur Fapplication des ornements à FArchi-
■îeâiire«, . . . ·.
                                          -v;J'~-i.
Des J^ermiciihires & autres Ornements
■rußl-cjues. > '■·;■' 1a:|ï'ö'4 *%;'
Nous avons déjà dit, en parlant des refends &
des bofîages, page 326, quelque chofe des: ver-
miculures, des congélations & des pétrifications
dont on enrichit aifez ordinairement ces membres
d'Architecture ruitiques ,"& qui, comme tels, rie
peuvent recevoir que des ornements de même
genre. Ces membres & ces ornements ne peuvent
■Tome L .
                                   A a
-ocr page 402-
Cours
&'ne doivent pas s'employer indiitin&ement dans
l'ordonnance de tous les bâtiments ; le caraûere de
l'édifice a feul le droit de les amener fur la fcene,
autrement il font déplacés : il faut encore, comme
nous l'avons recommandé , que leur touche foit
large , vague , incertaine, & éviter avec foin
d'affecter , au-lieu de l'imitation libre des produ-
irions de la nature en ce genre, des L couronnées
fe)V des fleurs-de-lys , des hermines & autres
ornements > qui tenant trop de la contrainte de
l'Art, ne peuvent figurer avec une çompofition
ruilique puifée dans les modèles de la plus grande
antiquité, & bien avant que rArchitedure fut
réduite en Art. Les I vermiculures du Château-
neuf de Saint-Germain-en-Laye, ont la touche
que nous exigeons , & rempliffent parfaitement
l'idée quon fe propofe , lorfqu'onveut imiter ou la
vermiculure des bois , ou plutôt les parties tendres
de certaines pierres , qui, détruites par Thumidite
de l'air, & détachées par l'ardeur du foleil qui
fépare ces parties tendres des parties dures qui
lai compofent , biffent entrevoir des intervales
^'une inégalité intéreffante qu'on doit chercher a
imiter dans ces genres d'ornements. Nous en cite-
rons de naturelles "qui fe remarquent au portail
des Carmes, rue de Vaugirard , &■ aux murailles
du Louvre', du côté de l'eau, d'une fmgularite
qui furpaffe tout ce que l'art pourroit produire
de plus admirable. Nous Tentons bien que les
deux exemples que nous citons , ne peuvent
être d'une grande autorité pour l'avenir ; mais
, (c) Telles qu'il s'en remarque dans une des façades du
bâtiment du Louvre , du côté de la rue Frorneuceau, dans
la cour qui donne entrée au jardin de l'Infante.
-ocr page 403-
t>*A REH ÎÏÈC TÜft Ëî.          Jfî
äu moins ils doivent faire fentir à nos Elevés |
que rien ne leur doit échapper, qu'ils doivent tout
examiner avec foin , rapporter tout ce qu'ils
voient à leur Art, & chercher fur - tout à appli-
quer, dans leurs productions, tout ce que leur offre
la nature, avec ce difcérnemêht, & cette judiciaire
qui caracÎérife le véritable Artiite.
Au reite \ les vermiculurès ne fönt pas lèà
fëuls ornements qu'on puiffe appliquer à Γ Archi-
tecture Tofcane : comme cet ordre peut fatis-
fairè à différents genres d'édifice * il convient auiïi
que les ornements qu'on veut appliquer fur les
boifages, foient dé différents genres \ par exem-
ple les congélations de la grote du Luxembourg
y font bien appliquées, parce que cette grotte
devoit être une fontaine : les piquures larges &
tracées avec art qu'on remarque fur les boifages
de la terraffe delà grande avant-cour du Château
deMeudon , expriment très-bien une richeife rufti-
que, convenablement placée dans ce lieu. Enfîrt
les joints des pierres refendues dans leurs joints
horifontaux & dans leurs joints montants d'une
certaine partie du Vieux-Louvre, & dont les
furfaces font gravées avec la pointe du marteau $
font encore une richeife analogue au genre ruf-
tique ; il ne s'agit que de les bien appliquer
& de ne jamais fouifjrir qite;ce foit le hafard, lé
caprice ou la fingularîté <|üi les amené dans la
décoration.
Nous n'avons pas prétendu rendre compté ici
de tous les ornements qui fervent à embellir
i'Architecture ; notre but a été feulement de parler
des principaux objets de la Sculpture, qui appar-
tiennent à f Architecture, & qui, réunis avec-
ee que nous avons déjà dit concernant les orne*
Aa ή
s
-ocr page 404-
37i                      Cours
ments applicables aux différentes moulures des
ordres , nous femblent iiiffifants pour mettre nos
Elevés à portée d'aller examiner dans nos édifices ,
la multitude des chefs-d'œuvre que nos plus habiles
Architectes & nos Sculpteurs célèbres y ont ré-
pandus avec tant de fuccès. Cette étude à laquelle
nous renvoyons & l'Amateur & l'Elevé, eit, felori
nous, le feu! moyen de puifer le vrai goût de l'Art,
le choix qu'on doit faire de ces divers ornements ,
l'expreflion qu'on doit leur donner ; en un mot,
la touche, la beauté , l'élégance. & l'agrément
qu'ils peuvent procurer à l'Architecture quand ils
y font difïribués avec cette convenance , ce juge-
ment & cette vraiffemblance que nous avons re-
commandés & que nous recommandons encore, à
nos Elevés«
                                      tf'L·
-ocr page 405-
d'Architecture; , 373
CHAPITRE I V.           ;
Analyse de l'Art, ou moyen de
parvenir a distinguer la bonne
Architecture , d'avec l'Archi-
tecture MÉDIOCRE.
k
jî"1l PRÈ s avoir parlé dit plus grand nombre des
membres d'Architedure & des ornements de Scul-
pture relatifs" à Γ Architecture , nous allons offrir
de nouvelles obfervations non moins intéreffantes ,
qui ont pour objet de traiter delà maniere de re-
connoître, à l'afpect de nos Edifices François, les
vraies beautés répandues dans les plus célèbres
d'entf eux , & les médiocrités dont quelques - au-
tres ne font pas toujours exempts. Nous allons
donner l'idée précife que doivent produire à
l'imagination des Spectateurs tous les divers mem-
bres d'Architeéture que nous, venons de définir.
Enfin , nous allons difcuter les différents moyens
de les raiTembler avec choix dans nos produc-
tions : méthode qui peut amener à ces nuances
imperceptibles qui échappent au vulgaire ..„ mais?
queTArtiïte initruit fait fàifir, & qüe fAmateur
éclairé fait applaudir. N'en doutons point* c*eit
par le iecours de ces nuances imperceptibles qu'on
parvient à mettre une diitihcHon réelle"1 dans, les
projets de; deux bâtiments de. même genre, mais
qui néanmoins doivent s?annoncer différemment Jt.
en préférant dans l'un un ftyle fublime, noble^
élevé ; dans l'autre un caraâere na'if, iimple, vrai i,
expreffions diitin&es , particulières, qu'il ne fauÊ
point confondre, qui ne font point fynonimès *j$j&
Aai^
-ocr page 406-
Κ)?.''         ^'WW'^*?*            '':"■'■■'. ■' ""'W-'-':' ':': '-Λ3 ;''''■--■:λ;'' '' 'V'-.'l' "'^^'
374                           C o ν E s
ont befoin d'être fenties , enfuite difcutées , & qui
contribuent plus qu'on ne s'imagine ordinaire-
ment à aiîigner à chaque bâtiment le caraâere
qui lui eu. propre.
Nous avons cru devoir pféférer ici le ftyle de
la définition à tout autre genre de narration,
parce qu'il nous a paru plus propre que tout
% autre à peindre nettement à l'idée , ce que
.pous deiirons faire entendre nous-mêmes à nos
jeunes ArcJûteOes ; d'ailleurs il femble dégager la
mémoire de tous les açceiïbires étrangers ; il fépare
dans chaque objet toutes les obfervations qui ne
iont point de fon renort , & afligne plus préci-
sément à TEleve , le degré d'attention qui lui
eft néceiTaire pour parvenir à. rendre fes compo-
sitions plus régulières. On trouvera peut-être dans
chacune de ceslléfinitions, des trait$i de reflem-
blance, qui au premier coup d'œuil feront douter
de futilité' du plus grand nombre ; mais en les
examinant plus attentivement, nous nous flattons
qu'on y démêlera des nuances diitinôes & des
idées variées , qui étant pour la plupart acconl··
jpagnée* d'expreflions différentes , &dumotpro^
pre à l'objet qu'on y traite, feront fentir combien
il étoit eifenciel d'uler de répétition pour faciliter
l'intelligence néeenaire à obfçrver dans la déco-
ration des bâtiments, qui tous devant porter un
caractère décidé , doivent néanmoins préfenter à
leur afpe& un coloris qui échappe au vulgaire,
mais qui n'en çonititue pas moins une beauté
de fentiment pour l'homme véritablement éclairé,
;
            Pour rendre ces opérations plus fécondes, nous
-:v kfâtîi tâché de faiïir tous les différents genres des
• produ^iQu? du reifort de f Architecture, auffi·*
bien que la maniere dont ori doit les çoniidérer*
lr jugemerit ψ9η en doit porter , & Γ effet qu m
-ocr page 407-
d'Architecture.           375
doivent préfenter à l'efprit lorfqu'ils font confédé-
rés en particulier, ou raffemblés dans un ou plu*
iieurs édifices. Nous nous fommes auffi quelque-
fois un peu étendus, & nous n'avons pas craint
d'entrer dans quelques difcuilions , qui ont dû nous
amener néceifairement au raisonnement de l'Art.
Nous avons fait plus ; autant que les égards que
nous devons à nos contemporains ont pu nous
le permettre, nous avons fait des citations utiles
fur les beautés & fur les médiocrités de leurs
œuvres ; citations qui pourront nous fervir d'exem-
ples pour ou contre, dans l'intention que dans
ces leçons , la théorie marche d'un pas égal avec
la pratique: deux connoiiTances fans lesquelles on
ne peut juger équitablement des ouvrages de l'Art.
Faute d'avoir ufé plutôt de cette méthode, nous
avons peut-être précédemment rendu l'étude de
cette fciençe plus laborieufe ; mais cette route
qui n'avoit été frayée par aucun de nos pré-
déceffeurs , ne s'eil préfentée à nous que tard;
il nous falloit fans doute , pour y parvenir , une
longue fuite d'expériences, & les conférences réi-
térées que nous avons eu occaiion d'avoir avec
nos plus habiles Architectes, & les Artiites célè-
bres dans tous les genres de talents.
Pleins de vénération pour les productions de
la Grèce & de l'Italie, épris des chefs - d'œuvre
des l'Efcot, des Delorme, des DebroiTes, des
Lemercier, des Mànfard, des Perrault ; iiiffi-
famment inftruits des découvertes ingénieufes
faites de nos jours par nos contemporains, dé-
veloppons ici, s'il eft poifible, le raifonnement
de notre Art; mais pour y parvenir, remon-
tons fans ceffe à la fource , & n'oublions jamais
l'imitation des chefs-d'œuvre des grands hommes
qui nous ont précédés.
                  A a iv
-ocr page 408-
376                    Cours
Nous ne nous diiîimulons pas la néceffité dans
laquelle nous noxis fommes trouvés, de nous répé-
ter quelquefois ; mais ces répétitions nous ont
paru être une fuite néceffaire de ce genre d'étude ;
Hpus les avons crues indifpenfables pour y ré-
pandre plus de clarté , & accoutumer nos Elevés,
même ceux qui font déjà inilruirs jufqu'à un
certain degré, à fentir qu'il eft eflenciel d'ofofervesr
à pîulieurs reprifes & fous diirerentes faces, dans
toutes les productions de notre Art, cette poéfie
muette , ce colons fuave, intéreffant, ferme ou
vigoureux; en un mot, cette mélodie tendre,
touchante , forte ou terrible qu'on peut emprun-
ter de ia Poéiie , de la Peinture ou de la Mufi-
que, & qu'on peut rapporter aux diverfes cotfi»
pofitions qui émanent de l'Architeélure^ Au relîe ,
notre maniere de raifonner, de voir * de fentir ^
ne fera peut - être pas celle de la plupart de nos
Contemporains, ni de celle de nos SucceiTeurs;
mais nous aurons toujours beaucoup fait, û à
ïiotre exemple, nos jeunes Artiftes s'accoutument
à raifonner par leur propre expérience, & s'ils fe
ireiîbuviennent que la plupart des défauts que nous
avons relevés ne nous ont paru tels, que parce que
la plupart des productions que nous avons exami·-
nées, péchoient en quelque forte contre le raifonne*
ment qui fait ici notre objet; nous defiroris donc,
que les définitions que nous entreprenons, neuves
dans leur genre, donnent occaiion à d'autres plus
verfés que nous dans l'art d'écrire, d'approfon-
dir les préceptes qu'elles contiennent : ce qu'ils
feront à cet égard nous apprendra ce que nous
aurions dû faire, leurs fuccès nous feront utiles ;
. ils deviendront pour nous des leçons , & contri-
bueront à l'entière perfection de l'Art, motif qui
-ocr page 409-
d'Architecture.             377
nous eft plu« cher que celui de nous faire un
nom.
De la fublimitè de î'Architecture.
Pour fe connoître en Architecture, il faut com-
mencer par en bien apprendre les règles; enfuite
acquérir Tart d'apprécier les différents genres de
beauté dont elle eil iufceptible ; on rifque autre-
ment de prendre pour de vraies beautés la gran-
deur , l'étendue, le prix des matières ou la pro-
digalité des ornements. Qu'on ne s'y trompe pas >
FArchiteâ:ure Egyptienne étoit plus étonnante que
belle ; l'Architecture Greque, plus régulière quin-
génieufe; l'Architecture Romaine, plus favanté
qu'admirable ; la Gothique, plus iblide que fatis-
faifante ; notre Architecture Françoife enfin, eil
peut - être plus commode que véritablement inté-
reifante.
Pour définir le fublime dont nous voulons par-
ler , il faudroit foi - même être fublime , & nous
fommes bien éloignés de cette perfection. Au reite-,
nous convenons qu'il a fes limites qu'il ne faut
jamais franchir abfolument, ii l'on ne veut tomber
dans le gigantefque ; celui-ci n'en impofe qu'au
vulgaire. Un colorié fans proportion & compofé,
pour ainfi- dire, de pièces rapportées, ne peut obte-
nir les fuffrages des hommes de goût, ni des hom-
mes raifonnables, quelque grande qu'en ait pu être·
Fidée. Pour arriver à la fublimitè de l'Art, il faudroit
réunir, dans.{esproductions, lefavoir, le génie, la"
beauté, la régularité, la convenance, la folidité &
la commodité ; mais cependant il faut fonger que
l'efprit méthodique , la méditation", le flegme, peu-
vent produire un bon Architecte, & que le génie ,
l'ame, l'enthoufiaime, élèvent feuls l'ArtSe aia
-ocr page 410-
¥)%                       Cours
fublime : que Tefprit définit, que le fentiment
peint, & que celui - ci donne la vie à toutes les
productions. En un mot, il ferok à deiirer qiuin
édifice puifie, à fon afpe&, entraîner, émouvoir,
& pour ainii dire, élever Tarne du fpeftateur , en
le portant à une admiration contemplative, dont
ii ne pQurroit lui-même fe rendre compte au pre-
mier coup d'œuil, quoique iiifRfamment initruit
des connoiflances profondes de l'Art. Le genre
fublime dont nous voulons parler, devroit être
par exemple, le propre de l'Architecture de nos
Temples ; en effet, tout y doit paroître tracé par
une main divine; leur ordonnance doit avoir un
caractère facré qui rappelle l'homme à Dieu, à
la Religion , à lui-même. Qu'on y prenne garde,
certaines Eglifes gothiques modernes , portent
cette empreinte : une grande hauteur de voûte
qui n'a rien de vulgaire , des nefs & des bas-côtés
ipacieux, une lumière modérée & analogue aux
myÛeres, des façades élevées & pyramidales, une
fimétrie intérieure dans les côtés refpeöifs ( ƒ) ;
enfin des dimenfions qui annoncent des préceptes
fuivis , quoiqu'ils nous foient pour la plupart
inconnus, font autant de beautés qu'on remarque
dans quelques ouvrages de ce genre ; & qui de-
vroient au moins nous fervir de modèles pour la
itruâure des monuments dont nous parlons. Cer-
tainement c'eft dans nos Temples qu'il faut de
la grandeur, de la majeité , de la dignité; par-
tout ailleurs , la beauté, l'agrément peut fuffire \
dans nos Eglifes il faufun tout autre ftyle »
une Architecture traitée avec limplicité , peu
(ƒ ) Telle eft TEglife de Sainte-Croix d'Orléans, peut-être
Un des plus merveilleux édifices dans le genre gothique.
-ocr page 411-
■'■                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 ■ ■ ' f- '...■■'■■ ;.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     ■-.'.■.-.
d'Architecture.           379
âe Sculpture , mais admirable : une diitriburioa
fage ; en un mot, une expreiîlon, un enfern?·
ble, un afped divin font les beautés qu'on doit
chercher à mettre en œuvre dans nos édifices
facrés. Un Artiiïe inflmit de la convenance fi bien
obfervée, même du temps du Paganifme, s'effor-
ceroit de produire de nos jours une ordonnance
d'Archite&ure grave, décente, qu'on remarque
rarement dans nos Eglifes modernes, parce que
communément F Architecture en eil peu réfléchie,
& les ornements y font arbitraires. Qu'eft-ce
en effet que la plus grande partie des reilaura-
tions qu'on remarque dans l'intérieur de pluiieurs
de nos ParoiiTes , le plus fouvent du ftuc, de l'or
en feuilles, du cartonnage (#) ; nos Théâtres ,
nos Palais , nos Hôtels offrent à-peu-près les
mêmes genres d'ornement ; & à l'exception de
quelques chefs-d'œuvre de Peinture & de Scul-
pture qui les embellhTent, & qui peut - être fe-
roient placées plus convenablement par-tout ail-
leurs , on n'apperçoit prefque point dans leurs
décorations , ni le Parleur éclairé , ni l'Architecïe
véritablement initruit, ni l'Artiile vraiment habile.
C'eit envain que Jacques le Mercier & François
Manfard nous ont laifîé pour exemple la Sorbonne,
le Val-de-Grâce; on veut imiter l'intérieur da
dôme des Invalides, celui de la Chapelle de Verfail-
les , dans ce qu'ils ont de moins propre au genre
dont nous parlons, parce que leurs percés ingé-
nieux , leurs formes variées , leurs détails inté-
reffants font plus faciles à faifir par le plus grand
(g) La décoration du chœur de FEglife de Samt-Méri ,
celle de l'Eglife de Saint-Barthélemi, celle de la Chapelle do
Ja Vierge de l'Eglife ds Saint-Sauveur font daas ce cas.
-ocr page 412-
$m                   C o υ r,s              ,. .. .
nombre des Artiftes, qui n'ayant ordinairement
d'autre but que de plaire à ceux qui les mettent
en œuvre, négligent les beautés de l'Art ; au-
lieu que le véritable Architecte s'occupe effen-
eiellement à tâcher de faire paffer ies chefs - d'œu-
vre à la poitérité.
L'Architecture iublime efl encore du reiïbrt des
Bafiliques, des Edifices publics, de la fépulture
des grands hommes, & généralement de tous
les monuments élevés pour rappeler à la mé-
moire des Citoyens, les hauts faits , les actions
éclatantes, la valeur des Princes , des Héros &.
des grands Gapifaines. Par les grands traits qui
la caraétérifenr. elle élevé Tefprit de l'examina-
teur, lefaifit, l'étonné: les vrais ConnohTeurs lä
reconnoiiTent par une régularité qui n'a rien de
monotone , par des accompagnements aiïbrtis ; en
un mot, par un accord général, qui fe fait admirer
& approuver dans tous les temps. Telle eil celle de
l'intérieur du Val-de-Grâce, dupériitile du Lou-
vre , de la porte de Saint - Denis, de l'orangerie de
Verfailles, qui, par la beauté de leurs maiTes &
l'enchaînement de leurs détails , affurent au regne
de Louis XIV, à ces édifices & à leurs Au-
teurs , une gloire véritablement immortelle.
Nous venons de dire , qu'une Archite&üre fu-
blime excitoit dans le Spectateur une admiration
muette & contemplative. Entrons à préfent dans
quelques détails concernant le genre de l'admiration
que doit faire naître en nous une ordonnance d'Ar-
ehitedure, vraiment digne de fe faire admirer, ou
dans fa totalité ou dans quelques-unes dé fes par-
ties principales.
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©'Architecture.'           381
De l'admiration, que peut caufer l'Architecture.
On pourroit appeler une Archite&ure eifen-
ciellement admirable, celle qui raifembleroit tous
les différents degrés de perfections de l'Art. Peu
d'édifices offrent autant de merveilles, parce que
la plupart des beautés de l'Architecf ure, fes préce-
ptes exceptés ? font coniidérées parle grand nom-
bre des jeunes Architectes, comme des beautés de
convention, qui dépendent du goût particulier de
l'Artiite; enforte que par cette indépendance il leur
devient difficile de parvenir à faire trouver aux
autres , leurs productions véritablement admira-
bles : en effet, pour qu'un édifice pût être eilimé
tel, il faudroit qu'il entraînât unanimement tous
les fuffrages* Or ce degré de fupériorité appar-
tient rarement à l'Architecture prife en général ;
on ne le trouve guère que dans quelques-unes de
fes parties coniidérées féparément. ^ar exemple >
la décoration d'un fallon , l'appareil d'un bâtiment,
la diilribution extérieure d'un ou de pluiieufs ap-
partements peuvent caufer fde l'admiration, parce
que la caufe de cette admiration eil, pour ainfi
dire , indépendante des beautés de l'enfemble de
l'édifice.
                                                             I
On dira bien, La façade du coté des Jardins du
Château de Maifons eii admirable, pour exprimer
la régularité de fon Architecture, & l'application dé
fes ornements ; on aura raifon,: mais cette admira?
tion ceffera peut-être, quand on comparera cette
belle ordonnance extérieure avec la diftribution in-
térieure du bâtiment, parce qu'on apercevra un
défaut de relation dans l'enfemble. On pourra dire
-ocr page 414-
j8i                     € Ö ij ft $
auiïi : L'avant-corps du Château de Clagny ('kjj
du côté de l'entrée', eil admirable , cela fera vrai;
maison fera forcé de convenir, que c'eil de cefeul
avant-corps qu'on voudra parler, les autres parties
des façades de ce bâtiment lui étant de beaucoup
inférieures. On dira encore : Ce fallon eil admirable,
en parlant de celui du Château d'iiTy, parce que
l'ordonnance de fon Architecture elt belle, & que
la Sculpture qui la décore , eil de la plus grande
perfection ; mais on ne pourra fe refufer de <Ée-
iirer plus de hauteur à cette pièce; défaut qui
détruit, en quelque forte l'admiration du Specta-
teur éclairé , qui lui fait fouhaiter que l'Archi-
te&e eût pu réunir dans cette pièce, lé rappôjk
des dimeniions. à ces deux beautés du premier
genre. Enfin on dira i la diilribution dé l'hôtel de
Birön, comme maifon particuliere , eil admirable
(i) ; mais l'on fera forcé de convenir de la mé-
diocrité de l'ordonnance des dehors , & de la
négligence de l'appareil de fa conilruclîon/
Pour qu'un édifice, ou plutôt pour que ÎAr^
chiteclure piiiiTe être trouvée véritablement admi-
ι "                         .......... ι                                        _______ - ■; · -■.......... — · '-'. ι ■■........'" : m
*{h) Voyez les bâtiments cités dans cette définition, dans
les premier, quatrième & cinquième volumes de VArchite-
cture Françoife.
                           i
; (i) On donne à mie dlftributibn l'épithete d'admirable,
lorfqu'elle .raiTemble tous les bê foin s du propriétaire 5 quelle
offre uji plan d'une belle forme par fa difpoiîtion générale y
ides pièces principales bien proportionnées , celles d'habita-
tion bien expofées, celles de commodité bien dégagées/On
dit encore, cette diftribution a droit.de fe faire admirer, lorf-
qii'on apperçok quëTArchiteéte a pris foin de réunir la iymé-
trie des dehors, avec celle des dedans, & qu'il a obferve
une variété néceiTarre dans la forme de chaque pièce, con-
sidérée en particulier , en leur confervant néanmoins un?
rapport exact dans leus« dimeniions. Par exemple, on dira
-ocr page 415-
d^ArchitëCtxjïii.           3$3
table, il faut donc que la beauté de l'ordon-
nance des dehors d'un bâtiment, la commodité
des dedans & la folidité de fa conilruftion , ne
fe démentent jamais, & que ces trois objets y
femblent réunis de maniere à ne lahTer rien à
délirer abfolument. Sans doute ce que nous fem-
blons exiger n'eft pas fans difficulté ? parce qu'affez
communément les connohTances particulières de
ces trois objets ont fait dans tous les temps l'étude
féparée de quelques-uns de nos Archite&es; &
que pour que l'ordonnance, la diitribution , la
conitruction d'un Edifice public, d'un Palais, d'un
Hôtel fuffent telles que nous le deiirons, il fau-
droit qu'on eût fait d'abord, lors de (es études,
des recherches profondes fur chacune de ces
parties, enfuite des tentatives pour parvenir à
leur parfaite conciliation ; il faudroit que leur
décoration imitât d'aifez près, la beauté &l la per-
fection de celle des Grecs 8ç des Romains, la ïbli-
dité & la légèreté de celle des Arabes; enfin la
commodité & l'agrément de notre diitribution
Françoife.- -
                    - ■
. Au reite , la décoration , la diiïribution * Pap-
pareil d'un bâtiment, pour être véritablement admi-
avec raifon: La diitribution des grands appartements du pre-
mier étage , & les petits appartements du rez-de-chauffée de
THôtèl de T.ouloufe , font admirables ; où en dira autant de
ceux du rez-de-chauffée du Château de Périgny en Bourgo-
gne, & de ceux de l'f^ôtel de Ghoifeul à Paris, parce que
ces appartements raiTemblcnt dans leur diitribution , / la
beauté , la dignité & la convenance qu'on y doit defirer. L'on
n'en pourra peut-être pas dire autant de la diftribution du
Palais des Tuileries „ de celui du Luxembourg, du Château
de Maifons ; parce que les commodités, la régularité, fem-
blent en être exclus , & que ce dernier genre de perfection
cft dû aux découvertes des Architectes de notre fieclç«: .,, :;-
-ocr page 416-
3^4                      Cours
râbles, chacun dans leur genre, ne doivent ries!
tenir d'une imitation trop fervile ; pour que les
différentes parties de Γ Art puiffent acquérir ce
titre, il faut que ces trois branches de l'Archi-
tecture portent un certain caractère d'originalité qui
les diftinguent de la claffe ordinaire. Afin d'y par-
venir, expliquons féparément ce que nous croyons
devoir entendre par une Architecture qui, dans
ion ityle, porte ce cara&ere d'originalité dont
nous voulons parler.
Du caractère d'originalité dans £ Architecture*
On dit : Cette compontion e'ft. neuve, le ilyle
de fön ordonnance elf original, n'a rien de com-
mun , de vulgaire, lorfque dans fa décoration
-on remarque que le génie créateur de l'Annie
a fu franchir les limites de l'Art, fans cependant
s'être trop écarté des préceptes reçus, à deffein de
-répandre, dans fa;production, des formes d'Archi-
tecture intéreffantes, & certaines allégories dans
les ornements ; mais les unes & les autres doivent
étrepuiiées dans le motif qui a donné HeviA l'édifice.
Celle dont le mouvement ohfervé dans là diitribution
des corps extérieurs, s'accorde avec les parties
dyrämidales des façades : celle qui n'ayant rien de
trivial, montre par le caractère de fon Archite-
cture, une ordonnance grave, mais noble ; agréa-
ble , mais iimple ; grande , mais jamais gigantéf-
qùe ; ces fortes de formes ont ^également droit
;de fe faire admirer, quand on les applique d'une
maniere analogue au genre de l'édifice : perfec-
tion ,- il eft vrai -y qu'on rencontre rarement dans
.nos bâtiments , quoique la plupart compofés de
membres d'architecture ufités dans les décorations
leg
-ocr page 417-
β 'Ά R CH ITÉéTUR E.          $t$
les plus approuvées , mais qui foiiventdiiiribuées
fans choix, fans goût, en un mot, d'une maniere '
oppofée à Tob jet qu'on fe pfopofe* ne préfentent
qu'une ordonnance très-imparfaite; tels ont été
à-péu-près les ouvrages des MefTonnier, des Op-
penor , des Cuvillier , &'c. dont les exemples font
plus capables de faire naître le dérèglement de
l'imagination , que d'éclairer nos jeunes Àrtiiles
fur la maniere de fe conduire dans les différen-
tes productions de l'Ait. Au-lieu de fuivre cette
xoute incertaine, & remplie decœuils, nous leur
confeillons de former le plan de leurs études d'après
les chefs-d'œuvre fans nombre que nous a laiffés
en ce genre, Hardouin Manfard , un de nos Archi-
tectes François, qui a pouffé peut-être le plus loin,
ce caraâere d'originalité dont nous parions ici. On
l'admire dans le Château de Clagny, à Trianon»
dans le Château & les Jardins de Marly, dans les
dehors de Veuilles du côté de Paris. Toutes ces
comportions neuves, d'une difpoiition Si d'un genre
inconnu avant lui, font autant d'exemples admira-
bles qui peuvent dans la fuite doniierje ton à nos
Elèves, s'ils apprennent une fois à fentir qu'il n'eft
point de vraies beautés dansTArchite&ure en gé-
néral ni dans un projet particulier, ii l'on n'y
remarque de certains traits , que le genre feula
droit de faire éclore, & qui pour être approuvés »
doivent convenir au local, aux différents afoe&s
du bâtiment, àia ikuation & à fon expofition. Ces
différents moyens , bien envifagés de la part de
l'Architeâe, le conduifent à ces écarts heureux,
à cette tournure d'imagination , à ces reiTburces
de l'Art, que l'homme tranfcendant fait fe per-
mettre. C'eil ce caraâere d'originalité qui l'autoriTe
quelquefois à donner des formes moins reftiÎir
Tome ƒ,-.-
                                    Bb
-ocr page 418-
386                    Cours
gnes à fes façades, à faire céder les ailes au prin-
cipal corps de logis ; enfin à faire pyramider cer-
taines parties pour leur donner la prééminence fur
certaine autre ; route fûre , & peut - être la plus
propre pour nous faire donner de la variété aux
édifices de même genre. Voilà où peut nous con-
duire l'examen réfléchi des bâtiments que nous ve-
nons de citer ; on peut y ajouter ceux de Meudon 9
de Chantilly, de Sceaux , de Saint - Germain - en-
Laye , & quantité d'autres > vus du côté où
nous les envifageons ici. Traitons à préfent de
ce que nous concevons nous-mêmes par une Ar-
chitecture appelée Architecture Pyramidale pro-
prement dite.
De l'Arckiteciurc Pyramidale.
On dit communément, Cette Architecture eit
pyramidale , lorfquon veut exprimer que l'Ar-
chiteâe a élevé pour cette raifon , un dernier
étage au - deifus de ceux qui terminent la par-
tie Supérieure de fon principal corps de logis;
pu lorfquefans ce fecours il a prévu qu'en don-
nant une affez grande faillie à fon avant-corps,
fi préémineroit fuiEfamment par l'effet de Γορ-
fique , quoiqu'il ait tenu les étages de fes façades
à une même hauteur. Hardouin Manfard s'èftfervi
avec beaucoup de fuccès, du premier moyen au
Château de Clagny, & du fécond au Château de
Verfailles du côté des Jardins. Nous croyons que
celui-ci doit avoir la préférence dans les grands
édifices , celui-là dans les bâtiments de. peu d'éten-
due , parce qu'autrement il feroit à craindre
qu'une trop grande faillie donnée à lavant-corps,
ne divifât trop l'ordonnance de la façade, & noc-
çafionnât trop de dureté dans la décoration·
-ocr page 419-
d'architecture.            387
Les Architectes Arabes ont excellé dans les
formes pyramidales ; peut-être auiïi ont-ils pouffé
îufqu'à l'excès , cette maniere de décorer leurs
édifices, la plupart ayant afie&é jufques dans les
plus petits détails des pyramides percées à jour »
evidées, & d'une ftxudture peut-être plus éton-
nante qu'admirable, Le clocher de Strasbourg,
celui de la Mainte-Chapelle à Vincenrîës, celui du
Palais à Paris, le portail de Reims, Saint - Ouen
à Rouen , prouvent aflez ce que nous avançons;
mais néanmoins ces formes pyramidales, peut-
être trop réitérées , & prefque toujours mono-
tones , ne fatisfont pas en ce genre, autant que
• quelques-uns de nos édifices modernes, où Tort
remarque que les maffes, quoique moins eonfi-
dérables , & les parties plus d'accord entr'elles ,
femblent intéreffer beaucoup plus que ces ou-
vrages gothiques aflez célèbres , mais enfants de
la fingularité , & du goût dominant de leurs ordon-
nateurs. ■·.·
                                        ..-./'·· .'."j:../î:v:
De tous nos Auteurs modernes, Palladio eil
celui qui certainement a entendu le mieux les
formes pyramidales dont nous voulons parler.
Entre nos Archite£tes François, Jules Hardouin
Manfard & M. BofFrand, font ceux qui s'en font
acquittés avec le plus de fuccès. DebroiTe & Le
Mercier ont auiTi donné des preuves de l'excel-
lence de l'Art dans cette partie de l'Architecture;
le premier au Luxembourg, à Saint-Gervais ; le
fécond à la Sorbonne, au Château de Richelieu :
aulîi rien de plus agréable que ces productions ;
rien de fi charmant que celles de Palladio dans
les bâtiments qu'il a fait élever à Bologne', k
Vicence; en un mot, rien de fi intérefTant que les
Invalides , le Château „de Clagny par Hardouin*
Bb ij
-ocr page 420-
$S8                       Cours
& ceux érigés par M. Boffrand , en Lorraine »
«n Allemagne & ailleurs ; mais voyons plus par>
ticuliérement ce que Ton peut concevoir par une
Architecture véritablement agréable.
€e qu'on entend par une Architecture agréable.
Pour que la décoration d'un bâtiment ibit véri-
tablement agréable , il faut qu'elle foit fufceptible
des formes pyramidales dont nous venons de
parler, & qu'elle préfente dans fon ordonnance
tous les agréments que peuvent permettre les
règles de l'Art, & l'affociation de la Sculpture
avec Γ Architecture ; que les formes élégantes
puifTent entrer pour quelque ehofe dans la coril·- *
poiition de {qs parties & de fes détails , & que
la convenance de l'édifice puiffeles autorifer. Une
maifon d'une Architecture agréable , eil encore
celle où l'on apperçoit dans la diitribution exté-
rieure & dans la diverfité de la hauteur des pa-
villons , des avant-corps & des ailes, une variété
qui offre à l'œuil du Spectateur quelque chofe
d'intéreffant, & où il remarque des proportions
exaftes fans fervimde , agréables fans frivolité *
& enfin riches fans confiiiion. Le genre agréable
eit le propre d'une Maifon de Plaifance, d'une
jolie Maifon de Campagne : le petit Château
de M. de la Boifïiere,, rue de Cliçhy , par
M,: Le Carpentier , offre très-bien , dans les
dedans & dans les dehors, limage de ce que nous
voulons peindre ici ; mais il faut favoir qu'en gé-
néral l'agrément dont nous parlons eil beaucoup
plus du reffort de l'intérieur que. de l'extérieur des
bâtiments, parce que la variété des matières dont
on revêt les différentes pièces des appartements ,
h légèreté qui eft de leur reffort a & Taffemblage
-ocr page 421-
d'Architecture. 3S9
des divers Arts qui s'y trouvent raffemblés, offrent
naturellement & fans avoir recours à la prodiga-
lité de la Sculpture, quelque chofe d'agréable qui
fatisfait l'œuil, même des moins connoiffeurs en
Architecture. On doit encore favok, que dansles
pièces de parades il faut que la dignité l'emporte
fur l'agrément, & que la fymétrie fnffit prefque
toujours dans les appartements privés; mais que
fur-tout dans les dehors il faut éviter la répéti-
tion déplacée ou la futilité des contours, la fri-
volité ou la pefanteur des ornements, qui bien-
loin de produire le genre agréable dans la déco-
ration extérieure, comme quelques-uns fe le per-
fuadent , ne produifent que des comportions
hazardées que tout Artiile habile fait profcrire ,
& qu'il regarde avec la plus grande indifférence ,
fans vouloir s'y prêter, ni en perpétuer l'efpece ;
parce que tout ce qui lui parok contraire a la
convenance des lieux, des temps & des perfon-
nes pour lefqueiles il bâtit, lui femble toujours
produire plutôt la médiocrité de l'Art, que fes
îiiccès. PaiTons maintenant à ce que nou5 appe-
lons convenance en Architecture.
De la Convenance, en Architecture.
On dit qu'un bâtiment a de la convenance y
lorfquon a remarqué que fa difpofition extérieure
&les principales parties de fa décoration font abfo-
lument relatives à l'objet quia donné lieu à ériger
l'édifice , lorfque l'efprit de convenance y préfide,
que la bienféance [k) γ eilexaftement obfervée,
(k) En Archite&ure on fe fert du terme de bienféance,
tour défigner l'aflortiment da ftyle de l'ordonnance avec lts
Bbiij
-ocr page 422-
3ço                    Cours
que ÎOrdonnateuf a prévu dans toute fon ordon-
nance , le ftyle & le caractère dont il devoit faire
choix, pour exprimer en particulier dans Fembel-
liffement de nos Temples ., de la décence ; dans les
Palais des Rois, de la magnificence; dans les édi-
fices publics, de la grandeur ; dans les monuments
élevés à la gloire des grands, de la fbmptuoiité ;
dans les promenades, de l'élégance ; dans les bâ-
timents érigés pour la fureté, de la folidité ; dans
ceux élevés pour l'agrément, de la légèreté ; dans
la demeure des riches particuliers, de la beauté ;
dans les maifons à loyer, de la commodité ; dans
les dedans des appartements , de la variété. Cer-
tainement un Architecture convenable, telle que
nous l'entendons, doit avoir pour objet de pein-
dre aux yçux des étrangers , ou la dignité, ou
la valeur , ou l'opulence , ou l'économie. Qu'on
y prenne garde, c*eit vouloir s'en tenir à la rou-
tine ; c'eft vouloir méconnoitre la poéfie de l'Art,
que de négliger ce coloris de l'Architecture : un
édifice doit, au premier regard, s'annoncer pour ce
qu'il eft. La Porte Saint - Denis, par exemple *
■——■■ -"■ - a                                          —| , ι                        —;— , , ...— ;,.-,
choix des ornements. Par exemple , c'eft manquer à la
bienféancç , que de faire ufage d'attributs prophanes dans
les monuments faciès t d'ornements arbitraires ; dans les
édifices publics ; de faire parade d'un ordre ruftique dans
lés Palais des Rois Λ où lé comporte feroic plus convena-
ble j d'employer une multitude de membres d'Architu&ure ,
où la {implicite doit avoir le pas ; de faire ufage des matières
factices, où les matières premières doivent çtre préférées*
ou parce qu'elles occaiîonnent plus d'accélération, ou parce
qu'elles apportent plus d'économie dans l'entreprife, On ne peut
l'ignorer, la bienféancç mené au vrai, parce qu'elle pré-
fer ve néceiTairement TArtifte de tout écart $ qu'elle lui indi-
que la vérirable place du fublime, du grand, du ÎÎmple ^
4c l'élégant j perfection qui fçuje, peut Iç ÇQnduirç à l'exccl-
knçc dç ΓΑ«,
-ocr page 423-
;              d'Architecture. 391
Tare de triomphe du Trône , l'intérieur de la
Sorbonne & du Val-de-Grâce, l'ancien Château de
Saint-Germajn-en-Lay e,, celui de Clagny, celui de
Maifons , l'Orangerie de Verfailles » les Ecuries
du même Palais, s'annoncent pour ce qu'ils font ;
ils pféfentent chacun féparément cet efprit de con-
venance que nous recommandons , & affurent à
nos Architectes François > cette réputation accor-
dée à ii jufte titre , à ceux de la GLrece & de
l'ancienne Rome, qui font parvenus à fe faire
admirer & imiter , parce que leurs productions
étoient vraies ; diitin&ion particuliere qu'il ne faut,
pas confondre, & dont nous allons parler pour
enfeigner Fart de démêler les expreiîions & les
caractères répandus dans les divers édifices^antit·
ques & modernes. *
Du flyU vrai en Architeäum.
On dit métaphoriquement, Cette Architecture
eil vraie , lorfqu'on veut déiigner celle qui cône
ferve dans toutes fes parties le ftyle qui lui eft
propre »fans aucune efpece de mélange; celle qui
préfente un caractère décidé , qui met chaque
membre à fa place , qui n'appelle que les orne-
ments qui lui font nécefTaïres pour l'embellir $,
celle où Ton évite une variété déplacée qui
tient du contraire, & où la iimétrie & la régu-
larité font préférées ; enfin une Architediire vraie
eft celle qui plaît aux yeux, par l'idée qu'on s'eil
formée dit genre de l'édifice , & qui ne tenant
ni du préjugé national ni de 1'bpinion parti-
culiere de l'Artifte , paroît puifée dans le fond
propre de l'Art, & qui par cette raifon ne per*
inet à l'Archite&e, ni la prodigalité dans les ογβφ~
Bb iy
-ocr page 424-
3pi                       Cours
ments, ni l'habitude dans fes goûts, ni la futilité
dans les détails ; en un mot, celle qui dépouillée
de toute équivoque, fe montre belle dans fon
ordonnance, commode dans fa diitribution ? Se
folide dans fa conitruction.
Lorique par des considérations particulières on
eft retenu, ou par l'économie , ou par la difette des
matières, ou par la néceiiité de quelques affujé-
riiTements relatifs à une reitaurarion, & qu'enfin
on ne peut arriver au caractère vrai dont nous
voulons parler : au moins faut -il, au défaut de
cette variété fi fatisfaifante dans la décoration
ues façades de nos bâtiments , y fubiHtuer cette
vraisemblance qui en approche , & qui feuîe peur,
dédommager d'un ityle vrai, la fource des chef--
d'œuvre élevés par les grands Maîtres qui nous
ont précédés. Expliquons ce que nous entendons
par le vraisemblable qui peut fe fubitituer à ce
caractère vrai, qui feul peut produire l'unité,
& qui doit être regardé comme le premier mérite
de l'Art.
De la vraisemblance en Architecture*
Une Architecture vraie plaît à tous les yeux i
une Architecture vraisemblable ne plaît qu'à la
raifon éclairée ; c'eft celle, qui dans fon ordon-
nance ne montre rien qui ait droit de choquer le
Spectateur initruit, quoique l'Architecte ait quel-
quefois franchi les vrais principes de l'Art; celle
où l'on s'apperçoit que fà richeife ou fa fimplicité,
fa force ou (on élégance , prend fa fource de la
iituation du lieu ou l'on bâtit, & de h néceiïité
des matières réelles ou factices que fouvent on
ci! obligé de mettre en oeuvre \ celle où l'on.
χ
-ocr page 425-
d'Architecture.            393
remarque que la réalité des proportions combinée
avec l'aparence de ces mêmes proportions, con-
court à faire admirer le frontifpice d'un Temple,
la décoration d'une place publique , ou la façade
d'un bâtiment : la réalité par les grandeurs géométra-
les, l'apparence par des hauteurs variées & relatives
à l'effet de l'optique ; en forte qu'avec le fecours
de ces moyens, mis en œuvre par la théorie de
l'Art, l'édifice vu d'un point de diilance déter-
miné , puiffe plaire également, & aux connoif-
feurs &■ au vulgaire. Enfin une Architecture vraif-
femblable , telle que nous l'entendons , eil plutôt
le fruit du raifonnement & de la méditation de
l'Archite&e , que l'application firi&e des préce-
ptes , la vraiffemblance étant quelquefois préfé-
rable à une vérité qui rebute fouvent plus qu'elle
ne fatisfait : par exemple , l'angle faillant d'un
avant-corps, l'encoignure d'un bâtiment, un tru-
meau , un pied-droit, trop peu coniidérables en
apparence, n'en offrent pas moins à la réflexion la
folidité réelle de l'édifice ; mais ces différentes
parties péchant contre l'a vraiffemblance, leurs
apparences bleffent l'œuil de l'examinateur, & par
cette raifon doivent être rejetées. Un édifice ,
quoique bâti avec fureté , n'en paroît pas moins
choquant ; parce qu'on a cru pouvoir y négliger
la vraiffemblance dont nous parlons. Cette qualité
eft préférable en bien des occafions à la réalité , &
à ce caraclere vrai que nous venons cependant
de regarder comme le premier mérite de l'Ardu-'
teclure, mais dont on peut s'écarter quelquefois
pour donner encore plus de beauté à fa produ-
ction. Ce mot, beauté, nous avertit de paffer à
ce que nous entendons par unç belle Archite«
&ure.
-ocr page 426-
394                       Cours
Ce qu'on entend par une belle Ârchiuclure.
On dit communément qu'une Architecture eiî
belle, lorfqu'on veut exprimer aux autres le plai-
iïr qu'on a reiTenti au premier afpecl: d'un édifice»
où l'on a été frappé d'une heureufe difpoiitioii
dans le rapport des maffes , la répartition des
parties, la divifion des détails, & où l'on s'eil
apperçu que l'Archite&e avoir fu marier eniëmble
la Variété d'un ityle puifé dans les préceptes de
l'Art, avec la vraisemblance , le fruit de fon bon
goût& de fon expérience. Une belle Architecture
eil encore celle dans la compoiition de laquelle on
reconnoît un ftyle fage (7), & où cependant on
a pris foin d'aiîbcier une excellente Sculpture ,
des ornements d'un beau choix, une grande per-
fection dans la main d'œuvre, de la précifion dans.
1'appareiJ, & de l'attention dans la qualité de la
matière ; en forte que l'Architede , les Artiites
& les Artifans femblent avoir concouru les uns
& les autres à élever un chef-d'œuvre. ! Les Châ-
teaux de Maifons & de Blois par François Man-
fard ; le périitile du Louvre , par Perrault ; la
porte Saint-Denis, par François Blondel, pré-
sentent ce bel effet, cette nobieiïe & cette unité
dont nous allons parler.
, (./) On fe fert de Vépithetc fage en Architecture, pour pein-
dre à l'efprit de ceux à quiTon en veut faire la defcriprion ,
la retenue dont l'Architede a fait ufage Λ pour donner un
caractère modefte à la décoration des lieux Saints, à l'habi-
tation des personnes, qui par état font chargés de difpenier
les faveurs du Prince , d'employer les. deniers publics , d'ac-
corder les différents qui naiifent entre, les Citoyens, & gé-
néralement dans toutes les efpeces d'édifices élevés plutôt
pour l'utilité que pour l'agrément & la magnificence.
-ocr page 427-
»'Architecture. 395
De la noblejjé des formes en Architecture.
On peut dire , cette Architecture éft d'un ftyle
noble , lorfque le choix de fon ordonnance lahTe
voir dans tout fon jour une Archite&ure traitée en
grand , & d'un goût impofant, vraiment digne de
nos Temples , de nos édifices publics , de la réii-
dence des Têtes couronnées , & de l'habitation des
hommes du premier ordre ; celle qui tenant aux
règles de l'Art, préfente une grande compoiition
fans être coloffale , une ordonnance aflbrtie au
motif qui a donné lieu à Tentreprife ; celle qui par le
choix de l'ordre, tel que le Corinthien ou le Com-
pofite, amené fur la fcene l'application d'une certaine
quantité d'ornements , qui néanmoins n'y paroif-
fent appelés que par la néceflité ; celle qui exem-
pte de petites parties , grandit, pour ainfi di|e ,
l'imagination de l'admirateur, par le fpeclacle in-
téreffant que lui offrent l'étendue des bâtiments ,
leur forme pyramidale , la grandeur des cours ,
la relation des iffues ; aiïbciation qui contribue
plus qu'on ne s'imagine à embellir l'édifice , &
à donner une idée avantageufe des talents de l'or*
donnateur & du goût du propriétaire. La dif-
pofition extérieure de Verfailles du côté Paris ,
îavant - cour du Château de Meudon, la régula-
rité des bâtiments , & des dépendances qui pré-
cédent le Château de Maifons , font certainement
des beautés du premier genre, qui contribuent
beaucoup à donner ce cara&ere de nobleffe &
de dignité dont nous parlons, aux bâtiments de
Verfailles, à celui de Meudon, & à relever l'éclat
de la belle ordonnance d'Archite&ure du Châ-
teau de Matfons » qui * plus qu aucune, autre,
-ocr page 428-
396f                    Cours
repréfentë ce caractère d'unité dont nous allons
faire ici un article particulier.
De l'unité enArckiteclure.
L'unité dans l'ordonnance d'un bâtiment eil une
des principales beautés de l'Architecture ; les Grecs
ont excellé dans cette partie : ils dévoient à la vérité
beaucoup aux Egyptiens ; mais ces derniers n'a-
Voientpour ainii dire, qu'ébauché l'Art ; il falloir
des peuples de favants, des hommes de génie,
des Princes généreux pour multiplier l'efpece des
monuments, pour donner oçcaiion aux dévelop-
pements des règles de l'Art , pour perfectionner
le bon goût de Γ Architecture. Ces beautés conf-
iantes, ces découvertes heureufes, cette variété
d'édifices étoient reiervées aux Citoyens d'Athènes.
L'ancienne Rome a vu naître fans doute plus
d'un chef-d'œuvre ; mais ces productions , pour
la plupart plus grandes que féveres, plus com-
pliquées , plus chargées d'ornements , étoient au-
tant d'obrlâcles pour leurs Architectes , & autant
de moyens qui les écartoient des lois fondamen-
tales de l'unité dont nous parlons. Les Artiiles
de la nouvelle Italie ont encore dégénéré en per-
dant de vue les originaux ;ils ont préféré à l'unité,
à la belle fimplicité ( * ), la pénétration des corps,
la mutilation des membres d'Architecture , le con-
(*) Une Architeéture iîmple devroit être la plas eftiraée
de toutes; la fimplicité eft le propre des ouvrages des grands
Maîtres j elle porte un caractère que l'ait ne peut définir, Se
que le plus habile Profefleur ne peut enfeigner 5 elle feule
> peut enchanter l'ame & les yeux ; elle mené au fublirne ,. 8c
eft toujours préférable t quoi qu'on en difeγ à ces conâpo-;
-ocr page 429-
ι
d'architecture.          397
tfafte des formes. Au Ai, à l'exception de quelques
édifices facrés élevés depuis que la chrétienté y
a établi fon empire, il faut chercher l'Archite-
cture Romaine dans les entrailles de Rome. Peut-
être la France en imitant les procédés des Grecs
& des anciens Romains , à furpaiTé les produ-
ctions qui f e font élevées depuis dans cette Ville
autrefois fi fuperbe ; du moins pouvons-nous dire
qu'elle s'eft frayée une nouvelle route, en cher-
chant à fuivre l'antique dans l'ordonnance des
dehors de fes édifices ; & que non-feulement elle
a perfectionné l'art de bâtit proprement dit ,
mais qu'elle a créé pour ainfi dire un art de la di-
itribution: en forte que par cette triple unité elle
s'eft acquife le droit de prééminence fur toutes les
productions de ce genre , mifes en œuvre par les
nations les plus floriffantes de l'Europe.
En bon Citoyen , nous convenons, de cet
avantage ; mais en Artiile impartial, nous fom-
mes forcés d'avouer que nous négligeons encore
trop fouvent l'unité qui fait ici notre objet, malgré
la quantité de chefs-d'œuvre que nous ont laiflés
pour exemples les Lefcot, les Delorme, les Man*
fard , les Debroffe , lés Lemercier, les François
Blondd,
les Perrault , les Bullet, &c. & qu'il
nous refte peut-être au moins ces trois points de
réunion à perfectionner , pour donner à notre
Architecture ce dernier degré de fupériorité , qui
t      .'
fitions forcées qui décèlent l'Art, & à cette multitude d'orne-
ments dont les hommes fans doctrine furchargent leurs produ-
irions ,-parce qu'il eft plus aifé de plaire au vulgaire par la
confufîon des membres & la prodigalité de la Sculpture, que
par la fimplicité dont nous parlons : il n'y a qu'un très-petit
»pmbtç de Conjioifleurs qui fâchent la tentir & rapréciej;.
-ocr page 430-
3<$                       Cours
ïeul peut la rendre véritablement recommandabîe,
Offrons ici, s'il nous eft poiïible, les princi-
paux traits qui, félon nous, cara&érifent l'unité
dans Γ Architecture. L'unité confifte dan* l'art de
concilier dans fon projet la folidité , la commo-
dité , l'ordonnance , fans qu'aucunes de ces trois
parties fe «létruifent ; à n'admettre jamais plufieurs
genres , ni différentes exprefîions dans fa décora-
tion , à n'y placer aucun membre d'Architecture
ni de Sculpture qui ne foit puifé dans la même
fourçé, à éviter de faire parade dans un même
étage, de plufieurs ordres de diamètres & de cara-
ctères différents, à faire en forte que les entable-
ments , commencés modillonaires, ne deviennent
jamais denticulaires dans une même décoration
(/ra); à n'affecter jamais d'interrompre, fans une
néceffité abfolue , le niveau des architraves & des
corniches des frontons, ni les différents étages
apparents d'un bâtiment, à moins qu'on ait re-
connu cette licence indifpenfable dans la déco-
ration extérieure defon ordonnance, en faveur de
quelque fujétion intérieure, tenant à la folidité
ou à la commodité; à ne point abiifer de trop
de richeiTe dans les avant-corps, & de trop de
iimplicité dans les arrieres-corps d'un édifice; à
ne point faire ufage de trop de mouvement dans
les plans , lorfqué la (implicite des façades fèmble
défapprouverl'abus des reffauts des avant-corps,
& des arrieres-corps dans fa difpoiition générale;
à éviter trop d'inégalité dans la hauteur des com-
bles de la façade d'un principal corps de logis ; à
^''                  j . .                         ι . . . - ■:.· ......                                  j                                                                          "**
( m ) Comme à Saint-Louis du Louvre, Se aux Dames de
Saxate-Eliiabeth, tue du Tçmplç,
                            . ;. -
-ocr page 431-
d'Architecture. 399
ne pas croire que pour éviter k monotonie, il faille
changer la forme ni la proportion des ouvertures
dans le même étage d'un bâtiment ; à prendre
garde de mettre trop d'inégalité dans les trumeaux
des façades, quoique cette inégalité paroiffe au-
torifée en apparence par la réitération des corps
qui la fubdivifent ; à prendre foin dans les aîles
d'un bâtiment, quoique plus baffes que le prin-
cipal corps de logis , de rappeler le même genre
d'Archite&ure, qui regne dans l'étage auquel celles-
ci fervent de continuité ; en un mot, à faire en
forte que depuis la principale*iffue jufquà la porte
du veitibule on reconnoiffe le même efprit ,
la même expreffion , le même ityle, malgré les
gradations , les nuances qu'on doit obferver né-
ceffairement entre les dépendances, les parties
acceffoires , & l'objet principal de l'édifice. Ces
différentes parties doivent être variées ; mais l'uni-
té générale que nous venons de recommander ,
ne doit pas fouffrir de cette variété dont nous
allons parler.
De la variété en Architecture.
Une Architecture variée eft appelée ainfi, lors-
que dans la façade d'un bâtiment d'habitation on
apperçoit, fans déroger aux lois de l'unité, une
différence louable dans les formes des ouvertures »
& dans l'inégalité des encoignures , comparées
avec les trumeaux, les écoinçons. Il faut que la
réitération des ayant-corps & des pavillons auto-
rife cette variété. Pourvu qu'elle foit toujouts
foutenue par le fond du ftyle de l'ordonnance,
elle eft préférable à une répétition monotone,
cniç réclame fouvçnt l'égalité des vidôs & de«
-ocr page 432-
400                      Co V R 5
pleins dans l'ordonnancé d'un bâtiment public*
dont l'économie, la foîidité & la limplicité doivent
décider le cara&ere; mais dans un grand Hôtel,
dans la maifon d'un riche particulier, cette exacti-
tude devient plutôt une ilérilité qu'une beauté de
iîmétrie. Il faut, pour plaire , obferver dans les
comportions des façades de ces bâtiments, un jeu,
un mouvement, une variété intéreiTante, fans
pour cela affe&er de placer des ordres dans
les avant-corps , de les fupprimer dans les arrie-
res-corps; ce feroit alors faire parade d'une
variété mal entendue (/2). Il faut néceffairement
dans ceux-ci des pilaitres ; dans ceux-là des colon-
nes (o), par la raifon que l'entablement deve-
nant commun à ces différents corps , il eit né~
ceffaire de conferver une certaine unité dans la
hauteur de chaque étage ; car autrement il
ieroit à craindre d'introduire plutôt une \difpa-
rité frappante, que la variété que nous re-
commandons ici. Au reffe , il faut fa voir que
cette variété eft inconteftablement plus du reiïbrt
des dedans que des dehors; parce que les dé-
corations des pièces d'un appartement doivent
néceifairement être différentes entr'elles, & l'or-
donnance des façajdes être une. Il eil même nécef-
faire que les appartements de parade , de fociété,
privés, different entr'eux, & que la décoration
( n) Les façades des Hôtels d'Eftrées, de Rotelin , de la
Vriliere, d'Auvergne, Faubourg Saint-Germain, ont tous ces
défauts. Voyez- les deifins de ces façades dans le premier
volume de l'Architecture Françoife. > .
( o) Comme aux Châteaux de Maifons , de Montmorency,
de VerfailleSj que l'on peut comparer, pour l'ordonnance,
avec ceux A'ïfy ; de Berry > du Palais Archiépifcopal de
Bourges du côté du Jardin.
extérieure
.... ta                   ■ '· -·■■" 7
.„ '..: ',-, ;-":·'..';·
-ocr page 433-
d'Architecture.            401
antérieure de la demeure des Grands , celle des
Particuliers , celle du Prélat , du Magiiïrat, de
l'Homme de guerre, fuient traités d'un ifyie ( ρ )
& d'une maniere ailbrtie à ces différents ordres de
Citoyens, variété que la convenance impofe né-
ceifairement , que le goût autorite , & qui eiî:
préférable à beaucoup d'égards, à cette routine
de l'Art, qui fait placer indiftintÎement les mêmes
ornements, les mêmes fymboles & les mêmes allé-
gories dans les edifkeSk.de genres différents. Cette
uniformité n'annonce rien de libre dans la compofi-
tion , aucune forte d'abondance dans les formes, ni
cet efprit qui met chaque partie à fa place. Trai-
tons en particulier de ces trois différents objets ,
& commençons par expliquer ce que nous enten-
dons par une Architecture libre.
Ou caractère libre en Architecture.
On dit : Cette compofition eil d'un ftyle libre }
aifé, facile, pour exprimer une ordonnance qui
ne tient rien de la fervitude de l'art , mais où
néanmoins l'on a fu éviter, dans la técoration ,
(p ) Par flyle en Architecture * on entend le véritable genre
<Iont on doit faire choix., relativement au motif qui fait éle-
ver l'édifice Le ityle dans l'ordonnance des façades., & dans
la décoration des appartements, elt proprement la poé'ie de
l'Architecture 3 qui ieul contiibue à rendre toutes les compo-
rtions d'un Aixhnecte véruauienient întéieilantes : Veit le
ftyle propre a chaque efpcce de bâtiment qui amené cette
Variété infinie dans. les édifices de même genre, 6i de genres
différence ; le ttyle peut peindre également le genre iacré,
héroïque &c pailoial , exprimer en particulier le caractère ré-
gulier ou irregulier, iimpie ou corapofé , iîmétnque ou varié;
enfin par le il y le on atteint au fublime , on parvient à la
convenance , a l'expreflion ; en un mot a ce degré de perfç-*
ihon -m relïort de toutes les productions d'un Architecte»
Tome 1.                                      Ce
-ocr page 434-
4P*                      C ou R s
tout écart qui témoigne plutôt l'effort de Timagî*
nation de l'Artiite que la produ&ion d'un génie
éclairé : celui-ci accoutumé à bien voir, applique
fans contrainte aies beibins , les véritables beautés
de TArchitedure élevées parles Architectes qui Tont
précédé; il fait y ajouter ou en retrancher toutes
les parties qui ne font point du reifort de fon
projet. Une compofition libre éft celle qu'on exa-
mine fans embarras, que l'on conçoit telle fans
aucune difficulté, où Ton remarque que les mafTes
ont non-feulement engendré de belles parties»
mais en général une ordonnance fimple r vraie »
vraiffemblable; enfin que l'on croit facile, parce
que tout y eil diftindt, qu'aucun- détail n'eft fu-
perflu, que les ornements y font amenés, natu-
rellement, fans faite, fans efforts; en un mot»,
une compofition qui, par la beauté de fon en-
femble, annonce la produ&ion d'un grand Maître;
car rien n'eft fi difficile que de parvenir à ce degré
de « perfecüon, La décoration de la porte de la
'cfcur des Feuillants offre ce cara&ere ; rien de il
aifi en apparence, rien de fi difficile à imiter
que: ce che£d'eeuvre de François Maiifard. Cette
porte, eit bien différente du portail de l'Eglife qui lui
eft oppofée : celui-cioffre plus d'abondance dans
fâ compofition, plus de richefle ; mais une Archi-
tecture moins vraie, moins libre & beaucoup moins
bien entendue. PaiFons à préfent à ce que nous
entendons par une Architecture abondante.
-ocr page 435-
ƒ' ■,..'.                                                           '.■'■."■■                                                       ' ' "'                                                                                                                                                 ■'■'.■■■ ':' ■■■■■'■
d'ArêHîtectvei. 40$
Ce £o*0/z appelle abondance dans ία compofitw/i
d'un ouvrage d'Architecture.
Trop d*abondancé , c'eft-à-dire, trop de corps,
trop de reffauts » de membres & d'ornements dans
la décoration, eft peut-être toute auffi préjudi-
diciable au fuccès de la beile Architecture , que
l'affedation d'une trop grande fimplicité. 11 faut
Îavoir n'abufer de rien ; dans une maifon parti-
culiere , par exemple , malgré l'économie dont on
doit nier , on peut répandre une forte d'intérêt
dans fa décoration extérieure & intérieure : qu'on
y prenne garde, une corniche, une plinthe pla-
cées à propos, un chambranle fubftitué à un ban-
deau , un reifaut, une table ôtent les nus,. rem-
plirent les efpaces, empêchent la décoration de
paroître pauvre, il en doit être de même pour ce qui
concerne la trop grande abondance dont nous
voulons parler ici. Pour rendre (es compofitions
riches, il ne faut pas les charger jufqu'à l'excès
de membres d'Architecture & d'ornements réels
ou feints ; il fuffit d'appeler à loi, tout ce qu'il
eft néceiTaire de placer convenablement dans la
façade d'un bâtiment d'importance, auiïi-bien
que dans l'intérieur de fes appartements. Une dé-
coration qui montrera tout ce que la convenance
exige , fera toujours belle, toujours aifez riche;
trop de diviiions , une trop grande multiplicité
d'angles, de retours * de contours , de caifettes 9
de rofaces , de bas-reliefs, accablent la compofi-
tion,& détournent l'attention du fpectateur ; le regne
des le Brun, des le Pautre eft pafte. Malgré les
chefs-d'œuvre que nous ont laiftés pour exemples
ces deux Artiftes , il faut convenir que leurs
deilins étoient un peu trop chargés, trop confus,
Cc ij
-ocr page 436-
404                       Cou R s
trop composés, trop compliqués; le propre de Ιέ
bonne Archite&ure, eil d'être de tous les temps*
V % Il n'eft qu'un bon genre, dont il ne faut jamais
s'écarter : on peut faireiimple, & plaire; lorfqu'on
[i
            veut faire riche, il faut attendre les grandes entre-
prifes : autrement, dans les bâtiments particuliers,
c'eil manquer fon but, que de faire coniifter la,
richeffe dans la multiplicité des détails, dans la
variété des contours, & dans la quantité des or-
nements. La décoration extérieure du dôme des
Invalides, la décoration intérieure de l'Eglife de
Saint Louis du Louvre , la décoration du Chœur
de Notre-Dame, l'intérieur de la Chapelle de
Verfailles , la plupart des plafonds des grands
appartements de ce même Palais , ceux du Cha-;
teau de Vincennes, l'efcalier de l'Hôtel de; Luynes,
à Paris , la gallerie du Château de Richelieu , ont
un caractère d'abondance & de richeffe, peut être
porté trop loin ; au contraire les façades des
Hôtels de Duras, de Torcy, de Seignelai, l'efca-
lier des Tuileries , l'intérieur de l'Eglife de Saint
Louis dans l'Ile font plus pauvres qpe fimples.,
Pour éviter ces deux excès , il faudroit fans
doute imiter les décorations extérieures & in-
térieures des Eglifes des Dames de Sainte Marie à
Çhaillot, & de l'Annonciade à Saint-Denis, les
dehors de l'Hôtel de Thiers à Paris, le frontif- ♦
pice dii Noviciat des Jéfuites, l'intérieur de l'E-
glife de l'Oratoire , la nef du Val-de-Grâce, fans
y comprendre les compartiments de fa voûte ;
l'ordonnance du périftile du Louvre , celle de la
porte de S. Denis, les grands & petits apparte-
ments de l'Hôtel de Touloufe. Toutes ces pro-
ductions , ne préfentent de fécondité, d'abondan-
ce, de richeifes?*que ce qu'il en faut, relative« ,
-ocr page 437-
D 'A R C H ï Τ Ε C T U R E.             40 f
ment à leur deitination particuliere. D'ailleurs on
n'y remarque aucune inconféquence. Comme ce
défaut eft de tous les abus le plus condamnable ;
nous allons traiter en particulier de ce que nous
entendons par une Architecture conféquente.
Z)e la néceffîté de rendre conféquente Les diffé-
rentes productions de t'Architeclure.
On dit qu'une Architecture eft conféquente,.
quand toutes les parties qui la co'mpofent rendent
raifondes préceptes del'art,des vues du propriétaire,
& des intentions de l'Architecte ; lorfque tout y
paroît réfléchi, relatif, raifonnable; que les licen-
ces y font mafquées avec art ; qu'on a fu éviter
d'allier dans l'ordonnance d'une même façade, le
genre antique & le moderne ; que les membres d'Ar-
chitecture , adoptés par les plus grands Maîtres,
occupent les premières places , & fe font apper-
cevoir dans tout leur jour.
Une Architecture inconféquente, au contraire *
eil celle où l'on abufe de la légèreté, quand le
caractère principal eil viril ; ou de l'expreflion
ruilique, quand î'efprit de convenance a fait choifir
l'ordre Corinthien: lorfque dans une façade qui
n'a que deux étages , on fait l'un foubaifement,
l'autre attique ( q j ; qu'on met en œuvre un ordre
Dorique, fans autres trigliphes que ceux placés à
plomb des colonnes, & non au-deiTus des entre-
colonnements ; qu'on donne une proportion
(q) Tel qu'on le remarque au Château d'Eau, en face du
Palais Royal a Paris , quoique dans le milieu de cet édifice on
aie placé un avant corps d'ordre Dorique.
"*(ƒ ) Tel qu'on le remarque dans les ailes du Château. d§
Saiat-Cloud, du côté de la cour,
C c iij
-ocr page 438-
4o6                    C o υ ft $
Tofcanè à Vordre Ionique ( * j. Enfin, lorfquoft
abuie de l'application des frontons , comme à
la gallerie du Louvre du côté de l'eau; des ni-
ches , comme dans l'intérieur de la Sorbonne §<
des cariatides , comme au frontifpice du Bureau
des Marchands Drapiers &' ailleurs ; des combles
comme au Château de Meudon; des pleins à la
place des vides, comme à lHôtel d'Elbœuf ; des
ornements délicats appliqués à l'ordre ruiliquç
comme aux guichets du Louvre, &c. en un mot,
quand on néglige toute efpece d'exa&itude, fans
laquelle néanmoins on ne fauroit compter fur le
{uceès de fes œuvres. Mais voyons ce que nous
croyons devoir entendre par une Archiçeâure
exaâe proprement dite,
                                     ji
J}e la néceffitê de ÎtxaSïtuL· dans
ί'Architecture-.
L'Architecture exafte eft celle qui, dans fa
'décoration , nadmet rien qui ait befoin d'excufe ;
celle qui, non-feulement approche le plus de la
févérité des préceptes de l'art, mais encore où la
qualité de la matière & la précifion de la mai«
d'œuvre, contribuent à rendre toutes fes parties
plus exactes encore. Cette confidération doit en·*
gager TArchiteae, avant de déterminer fon projet,
I prendre connoiffance des différents matériaux
«juil doit employer, & à bien connoître la capa·*
eité des Artiiles qui doivent travailler fous tes.
s -■■                                        v.j
9'....._________'' ——1..J .·,.......'.....;.MJ.'■-■'■.■"-"·■'■-'■"'■■■"*pl|-t-J· - .......;-----------------·-■·' ■·"
f sïAixà qu'il s'en voit à l'Hôtel de Charat, faubourg
Çaint-Honoté Λ & daas \z çoar du fafeis ê y^Yis Ja S*«uç-
C^apcllet
■ »■*; · ?                                       ί                                            «
-ocr page 439-
d'Architecture.            407
©rdres , pour que de-là il puiiTe parvenir à deer-
der le ftyle & l'expreiïion qu'il doit donner à fa
décoration ; car fouvent la difette des matières fait
la loi pour le choix du caraftere qu'on doit
donner à fa compoiition. Indépendamment de
la beauté des proportions & de la légèreté du ci-
feau des Artiftes , combien de chefs-d'œuvre dans
la Grèce 8ζ dans l'Italie ne font parvenus à notre
eonnoiiTance, que par la folidité des marbres qu'on
y a employés. Qu'on y réfléchiffe, ii après avoir
liiivi les excellents préceptes on prend foin de n'em-
ployer que des matières d'élite, fi l'on affocie à ces.
matières l'art de Fapareil que nous poifédons au-
jourd'hui, on élèvera bientôt chez, nous des monu-
ments dignes d'entrer en parallele avec ceux d'Athè-
nes. L'intérieur du dôme des Invalides, la Chapelle
de Verfailles, la Fontaine de Grenelle en font des
preuves certaines (r). Qu'eufTe été de la porte S»
Penis, du Château de Maifons, du périftile du
Louvre, fi leur itru&ure eût été de pareilles ma-
tières, ou plutôt tome de marbre; puifque malgré
la pierre aiïez commune avec laquelle ont été
conftruits ces édifices , ils n'en font pas "moins des
chefs-d'œuvre que la poilérité regrétera de n'avoir
plus fous les yeux, & qui cependant ne fervent
pas toujours de modèles à nos jeunes ArchicecTes ;
modèles qui néanmoins devroient leur apprendre
combien l'exactitude a d'attraits quand on lait allier
enfemble la théorie de l'art avec la. pratique de
la main .d'oeuvre, & qu'à ces deux objets fi wk
'(() Les deux premiers Kâtis en pierre de Liais -, le dernier
en pierre de Conflans , l'une très-dure ,, l'autre tendre , mais
Lautes deux formant de beaux parements,
Cciv
-ocr page 440-
'4ot                    Cours
tereiîants, on fait joindre une fymétrîe raifort
nable , objet de l'article fuivant.
De la nècejjitè de la fymétrie dans
C Architecture.
La fymétrîe doit être regardée comme iine
des principales beautés de i'Architeâure ; elle doit
être coniidérée comme l'ennemie du contraire; ou
du moins elle force, pour ainii dire, les formes
contraitées, quand on eil obligé d'en admettre
dans les dehors, d'être régulières dans leurs côtés
ορροί es. La fymétrie dédommage non-feulement
d'une fimplicité néceifaire dans la ilruÛure des
bâtiments particuliers, mais elle aide à faire va-
loir la richeiîe répandue dans les façades d'un
bâtiment d'importance. La fymétrie fans affecta-
tion eil amie de Fœuil : tantôt elle rappelle les
diilances les plus éloignées ; tantôt elle autorife
le rapprochement d'un corps avec un autre. La
fymétrie, telle que nous l'entendons , n'eil point
monotone, comme quelques-uns fe le perfuadent ;
elle*mené prefque toujours à la fimplicité , &
nous préferve néceifairement des écarts de nôtre
imagination. Combien dé bâtiments, parce qu'on y
a négligé la fymétrie dont nous parlons , ne nous
offrent que des productions contraires à la régu-
larité qu'exige la bonne Architecture. Citons quel-
ques exemples : la largeur des pavillons du Châ-
teau de PaiTy, du côté des Jardins, eil difTem-
blable : la hauteur des pavillons des façades laté-
rales du Luxembourg eil inégale : on n'a placé
qu'une aîle à l'Hôtel de Belle-iile, vue du côté
de la rivière ; l'ordpnnance de la façade du Pa*
-ocr page 441-
d'Architecture.           40^
lais des Tuileries, du côté des jardins, eft dans
fa longueur compofée de deux genres d'Architec-
ture : la plus grande partie de celle des galleries
du Louvre, du côté de l'eau, eil de genres diffé-
rents. Tous ces édifices ont d'autres beautés fans
doute ; mais il ne pèchent pas moins contre les
règles de la fymétrie. On connoît à la vérité les
fourcesx qui autorifent ces divers mouvements ?
peut-être portent-elles chacune leur excufe légi-
time ; mais ces excufes ne peuvent que fatisfaire nos
contemporains ; la poftérité n'aura-t-elle pas droit
d'en penfer tout autrement ? D'ailleurs il ne faut pas
fe le diiTimuler, de tels exemples, fans être des au-
torités , trouvent des imitateurs qui, ignorant pour
la plupart les motifs des Architectes qui les ont mis
en œuvre, font entrer dans leurs compositions ces
erreurs de néceiîité, mais qui n'étant pas les mê-
mes dans leurs nouvelles produ&ions, convertiffent
en abus les excufes âes grands Maîtres. Nous di-
fons plus ici, il ne fuffît pas qu'une façade foie ré-
gulière ; il faut que lorfque l'édifice fe trouve ifolé,
tous (es afpe&s foient fymétriques pour avoir
droit de fe faire admirer; autrement, n'étant fatis-
fait que de certains détails, on eft mécontent de
trouver plufieurs belles parties qui, réunies enfem-
bles, n'en préfentent pas moins un tout mal aiTorti,
& dont fouvent le ftyle de 1'Architeclure , & les
fymboles de la Sculpture, préfentent autant de
difparités. Mais voyons ce que nous entendons
ici par une Archke&ure & une Sculpture fymbo-
Jique.
if
\
-ocr page 442-
:'.
4ίΡ                     Cours
Ce que c'efi qu'une Architecture & une Sculpture
fymbolique.
On dit, en parlant d'un bâtiment, que fon Archi-
te&ure eil fymbolique , quand le ftyle qui cara-
<ftérife fa décoration paroît puifé dans le motif qui
a fait ériger l'édifice ; lorfque les ordres ruftiques,
folides, moyens ou délicats, ou feulement f ex-
preiîion de chacun d'eux s'y trouve placée con-
venablement ; lorfque la Sculpture paroît appelée
dans l'ordonnance des façades ou dans l'intérieur
des appartements, pour fervir d'interprète à l'Ar-
chitecîure, pour embellir fon ordonnance, & non
dans le feul deifein de l'enrichir. Nous l'avons dit
plus d'une fois, une belle Arehité&ure fe fuffit
à elle-même. L'Architecte doit commencer par les
nus de fa décoration & en être content, avant
de chercher à placer des ornements ; ceux-ci doi-
vent naître du fein propre de l'Architecture; ou
autrement ils ne feront regardés que comme un ac-
ceffoire importun. Un ordre Tofcan dans les ou-
vrages Militaires , un Dorique dans les édifices
facrés , un Ionique dans les maifons de plaifance,
un Corinthien dans les Palais des Rois , enfin
un Compoiite dans les Fêtes publiques, font au-
tant de fymboles capables de carattérifer l'or-
donnance des différents bâtiments élevés pour la
fureté, l'utilité, l'agrément,l'habitation & la ma-
gnificence. Qu'à chacun de ces divers eara&eres
appliqués aux fins différentes de l'art de bâtir, on
ajoute par le miniftere de la Sculpture, quelques
ornements puifés dans l'hiftoire facrée ou profane,
on parviendra àrendrefans doute rArchiteÓure plvift
-ocr page 443-
ρ'Architecture. 41*
énergique. Au reite,. il faut fa voir n'en pas abiifer,
dans la crainte de n'introduire dans (qs productions
que des ornements qui ne foient qu'ornements pro-
prement dits; pour donnera ces derniers le droit
de plaire, il faut que l'Architecte ait une connoif*
fance fufîifante dç l'Hiftoire , qu'il foit bon deiîi-
nateur, homme de goût. Cette dernière qualité
lui eft néceffaire pour difcerner avec choix l'u-
fage qu'il doit faire des différents genres d'Ar-
çhite&ure & de Sculpture qu'il eft dans le cas de
mettre en œuvre, & pour les amener fur la fcene
à raifon du befoin , de la dignité & de l'opu-
lence des diverfes perfonnes qui confient leurs
intérêts à (es foins ; confiance qui tantôt doit
lui faire choifir le ftyle mâle ou léger, le caractère
naïf ou terrible ; autant de diftin&ions particulières
dont nous allons parler.
Qe la différence qu'il y a entre le caractère
mçle, ferme ou viril dans l'Architecture,
On peut concevoir par une Architecture mâle,
celle qui, fans être pefante, conferve dans ion
Ordonnance un cara&ere de fermeté afTorti à la
grandeur des lieux & an genre de l'édifice ; celle
qui eft fimple dans fa composition générale, fage
dans Îqs formes, & peu chargée de détails dans fes
ornements ; celle qui s'annonce par à&s plans
çecTilignes, par des angles droits, par des corps
avancés qui portent de grandes ombres ; celle quî^
fleftinée aux marchés publics , aux Foires , aux
Hôpitaux & fur-tout aux Edifices Militaires v
doit être compofée de belles maffes, dans lef-
gue$es ojn prend fokt Cévitet les petites parties f
-ocr page 444-
4ii                       Cours
le chétif & le grand ne pouvant aller enfemble.
Souvent on croit faire une Architeâure mâle, on
ïa fait lourde, maffive, matérielle ; on prend le
mot pour la choie. On croit faire du neuf, & l'on
ne ramene fur la fcêne que la charge des belles
produaions des Michel-Ange , des le Brun, des
le Palitre, fans fe douter que les Debroffes,
les Hardouin Manfard, les François Blondel ,
nous ont laiffé des exemples immortels en ce
genre, dans la compofition , la grandeur & la
folidité du Palais du Luxembourg, des Ecuries &
de l'Orangerie de Verlailles, dans la porte triom-
phale de S. Denis ; productions admirables qui,
ïnconteitablement, doivent fervir d'autorités pour
l'ordonnance des divers édifices qui exigent le
caractère mâle dont nous voulons parler;
Une Architecture ferme diffère d'une Archite£ture
mâle par fes maffes : l'Architecture ferme annonce
moins de pefanteur, mais néanmoins dans fes par-
ties, dans fa divifion, elle préfente des formes déci-
dées dont les furfaces & les angles font droits ^par-
tout elle montre une certitude, une articulation ,
qui impofe, qui frappe, & qui fatisfait les yeux
intelligents. Les ouvrages de François Manfard,
de le Veau, de le Mercier, portent affez généra-
lement ce cara&ere de fermeté, dans les Châteaux
de Maifons, de Vincennes & de Richelieu : pro-
ductions qui moins mâles que les précédentes, ont
airiîî quelque chofe de plus intéreffant, & font plus
du reiTort des bâtiments d'habitation.
1 Quoiqu'il paroifle qu'une Architecture virile
diffère peu des deux précédentes, il eil cependant
vrai qu'on peut donner ce nom à celle dans l'or-
donnance de laquelle préfide l'ordre Dorique.
Une Architefture mâlç çonftdéréeSéparément ?une
-ocr page 445-
»'Architecture; 413
Archite&ure ferme , proprement dite, n'exigent
fouvent que l'expreffion ruflique ou folide, & non
la préfence de Tordre dont nous parlons ; mais
lorfqu'une fois cet ordre eil prélent dans la dé-
coration des façades, il faut s'attendre qu'il ne to-
lère aucun détail, aucun! acceffoire qui ne foit
puifé dans fa virilité : lorfqu'il préfide dans l'or-
donnance de l'édifice , il ne ^veut fouffrir aucune
efpece de mélange, il eil même jaloux de communi-
quer fon caractère aux autres ordres qu'on lui affo-
cie fouvent dans les différents étages du bâtiment ;
c'eil ce qu'on remarque au Palais du Luxembourg,,
au Château de Maifons, au Rortail de S. Gervais
ailleurs.
Si donc nous croyons qu'il foit néceffaire d'ob-
ferver ces différentes nuances dans la claife des
bâtiments qui doivent annoncer dans leur ilruc-
ture & dans leur ordonnance, un caractère qui
tienne à l'expreffion Tofcane & Dorique, voyons,
fi les mêmes coniidérations ne doivent pas porter.
l'Architecte à les obferver lorfqu'il s'agira d'une
Architecture élégante, délicate ou légere, qui nous
indique aifez précifément les expreffions Ionique V
Corinthienne & Compoiite.
De la différence qu'on doit concevoir entre
l'Architecture légere P élégante ou délicate.
Une Architecture légere, quoique de même genre
«rue l'élégante ou la délicate , préfente néanmoins à
l'idée des nuances différentes qu'il eil bon de ne
pas confondre. Par- une Architecture légere, on
entend particulièrement celle dont les ordres dé-
licats ont déterminé l'Architecte à donner à fon
édifice un ilyle relatif à ces mêmes ordres; celle
-ocr page 446-
4*4                    Cour s
dont les profils, le faire des ornements & fex*
preiîion délicate des moulures font relatifs à
î'expreiîîon Corinthienne ; celle où l'on remarque
que la proportion des ouvertures des portes &
des croifées s'accorde avec la plus petite lar-
geur des trumeaux qui en déterminent les pleins :
aiTortiment efîenciel, fans lequel une décoration
de ce genre ne fauroit plaire, & paroîtra toujours
conçue par un génie inconséquent* Il faut fa-
voir cependant ne pas abufer de la légèreté dont
nous parlons. De même qu'on prend quelquefois
le lourd pour le mâle, on produit fouvent une Ar-
chitecture maigre pour une Architecture légere,
& Ton sJéloigne prefque toujours du but qu'on fe
doit propofer. Nous pourrions citer beaucoup de
bâtiments où l'on eu. tombé dans ces défauts de
relation. En vain ces imperfections font-elles ba-
lancées par de grandes beautés ; le ConrtoiiTeur
eft toujours fâché de voir ces beautés défaiTorties ;
au lieu qu'on éprouve une véritable fatisfaction
quand on examine le périftile du Louvre où l'on
remarque une légèreté intérefTante, non-feulement
dans l'application de l'ordre Corinthien, mais enco-
re dans la difpofition de fes entrecolonements, dans
la diitribution de fes ornements, & dans la har-
cüeiTe de fon exécution : exemple célèbre qui nous
prouve bien qu'il ne faut introduire dans les corn-
pofitions qu'une délicatefle réfléchie , qui' ne nuife
en rien au caractère propre de l'édifice; autrement
on rifqiie de ne préfenter aux yeux des fpec-
tateurs qu'une Arehite&ure de fantaifie, qu'une
décoration arbitraire, plus propre à la décoration
de nos théâtres qu'à être appliquée dans Tordons
îiance de nos édifices.
Une Architecture élégante a une autre fignifi-
/
-ocr page 447-
d'Architecture.            41^
eation; on devroit entendre par ce mot une Ar-
chitecture qui, comme ia précédente, eft a la vérité
relative afexpreffion de l'ordre Corinthien,mais qui
offre dans fa compoikion une plus grande quantité
de percés, un certain jeu, un certain mouvement
dans fon ordonnance, chofes qui ne fe rencontrent
point dans la précédente ; parce que l'élégance dont
nous voulons parler, eft plus du reifort de la décora-
tion intérieure que de celle des dehors ; que le ftyle
proprement dit de l'une, n'eft pas celui de l'autre,
quoique tous les deux foient puifés dans la mê-
me fource. Or c'eft de cette différence d'appli-
cation de l'Architecfure des dehors à celle des.
dedans que doivent n'aître les différentes nuan-
ces , cette fineife de goût, ce ta£t de Fart qui con-
tribuent au fuccès des divers œuvres de l'Ar-
tifte. Néanmoins il faut convenir que lorfque dans
la décoration intérieure on ufe avec modération
d'une forte d'élégance, elle peut contribuer à
procurer de la variété aux différentes compofitions
de TArchite&e : la décoration extérieure du Châ-
teau de Trianon, par exemple, peut être confé-
dérée comme une Architecture élégante, quoi-
que l'ordre Ionique feul y préfide; parce que la
difpofition générale de fes bâtiments, la colon-
nade qui les unit, la richeife des matières dont
on s'eft fervi, & la diftribution des ornements
qu'on y a employés , la cara&érifent telle, & qu'il
n?y manque peut-être que la fubftitution de l'ordre
Compofite, pour en faire un modele parfait en
ce genre. Mais il faut prendre garde que le bâti-
ment que nous citons n'eft qu'une habitation ac-
ceifoire à un plus grand édifice, & que ce que
nous approuvons à Trianon pourvoit devenir ail-
leurs un défaut de convenance ? peut -être le plue
-ocr page 448-
«
ifió                      Co υ R s
grand de tous les défauts qu'on puhTe introduire
dans l'Archite&ure.
Une Architecture délicate tient fans doute de
très-près aux deux précédentes ; cependant elle
a cela de particulier, qu'elle ne regarde guère
que les parties de détails. On dit, ces membres ,
cette moulure, cette Sculpture font délicates, lors-
qu'on les voit exécutées avec foin ; quand les pre-
miers font exacts ·& précis ; la dernière traitée
avec efprit, & qu'on la remarque délicate, fans
féchereiîe, & d'une touche moëleufe fans pefan-
teur. Une Architecture délicate , coniidérée du
côté de la conftru&ion, eil celle qui, femblable
aux plus belles produirions gothiques, offre peu
de matière dans fa ftructure ; mais une fabrique
induilrieufe , propre à la conftruction des voûtes ,
des pannaches , des trompes, des vouiïïires def-
iinées à la conftruction de nos temples , de nos
édifices publics & à la refidence des grands. Une
Architecture délicate , enfin, eft encore celle qui
devant être vue de près dans les dedans, ou a
un point de diftance peu éloigné dans; les de-
hors , doit avoir peu de relief, être prononcée
avec goût.,. & propre à recevoir des ornements/
méplats, coulants, doux, fuaves , àl'ufage des bas
reliefs en marbre ou en bronze, aux frifes, aux
chapiteaux , ou toute autre production qui appar-
tient de droit à la Sculpture proprement dite,
mais dont la propriété eft d'embellir l'ordonnance
de nos bâtiments; ce qui contribue fouvent à
féconder l'Architecte , lorfqu'il veut peindre aux
yeux, félon les occafions quifepréfentent à lui,
une décoration ou champêtre, ou naïve > dont nous
allons traiter en particulier.
-ocr page 449-
d'Architecture;           417
Ce qu'on doit entendre par une Architeciurê
y
                .         Champêtre.
Nous entendons par une Architecture cham-
pêtre , proprement dite, celle.qui paroît relative
à Tutilité de Γ Agriculture , par les différentes
matières de fa conftru&ion , par la iimplicité de
fon ordonnance, par fes ornements de Sculpture
fymboiifés avec les attributs de Flore, de Po-
mone , ou des autres Divinités des forêts & des
bois ; celle qui, riante dans fa décoration, commo-
de dans 'fa diitribution, folide dans fa ilru£rure?
tient du genre pailoral, & qui mariée fans affec-
tation avec les différentes parties qui emheliiiïént
les jardins de propreté , préfente un afpe£t agréa*
ble ou ruflique, félon l'objet particulier qui donne
lieu à ces différents genres d'Architeâure. Telles
font les retraites que les grands font élever à
l'écart dans leur maifon de plaifance, les Belve-
dërs, les Kioiques & autres pareilles productions 9
qui pour la plupart confinâtes avec le blocage ?
la brique ou le cailloutage, s'allient par un cou-
traite heureux, avec la culture des arbres ,Teffeç
féduifant des eaux, les allégories du Dieu des
îardins : celle qui ayant peu d'ouvertures , de
portes & dç. croifées , annonce dès les dehors
un azile intérieur, recceuilii frais & tranquile*
entremêlé de portiques naturels & artificiels,
ainii que fe remarquent les douze pavillons de
Marly , le petit Château de la Ménagerie à Ver^-
failles, le pavillon de l'Aurore à Sceaux, le petit
bâtiment & les Jardins de Silvie [a) à Chantilly ;
(v) Nompéç ainii à çaufe 4e i'Qifc <î«e Théophile γ βρ
-ocr page 450-
4îS                      C g ù r s
celle enfin qui, toute compofée de treillage &
de verdure, conferve néanmoins dans fa forme
générale les proportions de l'Art, & préfente à
l'œuil des fpe&ateurs , cette variété enchantereffe
qu'on voit répandue avec tant de choix & de goût
dans les différentes maifons de campagne des an-
virons de cette capitale, où fouvent un genre
naïf, mais riant, annonce dans leur . composition
lin caradere auquel il ne manque peut-être qu'une
expreiîion plus décidée pour en faire autant de
chefs-d'œuvre ; mais peignons ici ce que nous en-
tendons par une Architecture naïve.
Du caractère naïf en Architecture.
Par une Archite&ure naïve, on entend celle qui
par fon ordonnance, laiiTe voir une expreflïon
vraie, naturelle, & fans autre prétention que celle
du genre qui lui eft propre ; celle qui ne tenant,
ru' de l'écart de l'imagination de l'Artiile, ni de la
prodigalité des ornements, préfente une iimplicité
louable, qui plaît à tous les yeux ; celle qui, belle
par la diilribution de fes membres, paroît plus
belle encore , parce quelle fe fuffit à elle-même ,
& femble n'avoir befoin du fecours de la Sculpture
que pour en relever l'éclat ; celle qui, dans (es
allégories , n'offre rien que de voilé, de décent,
même dans l'intérieur des appartements ; car qu'on
y prenne garde, nous n'entendons pas parler ici
intitulée la Mai/on de Sylvie , & dans laquelle il célébra fous
ce nom , Madame la Dacheife de Montmorency , Marie Félix
des Urlîns , en reconnoifianc-e de la retraite que cet Écrivain
avoir, trouvée à Chantilly auprès de M. le Duca de Montmo··
rciicy, après l'Arrêt rendu contre lai, le '\$ Août 1613.
»
-ocr page 451-
D'À 11 C H ΪΨ'% C't tJ ft E n 4tp
ïluîénlent de l'Architecture, qui n'a pour objet
que l'ordonnance des façades, mais de toutes les
efpeces de décorations confiées aux foins de TAr-
chite&e , qui, comme tel , doit préfider à 1&
Sculpture > à la peinture, à la* cifelute * à la do*
rure, aux ameublements, & généralement à tout
ce que les Arts de goût peuvent procurer d'em«
^ belliffements à nos demeures. Une Architecture
naïve enfin , eft celle qui, fans confufion, plait
naturellement, parce que la raifon n'exige, ni plus
d'intérêt, ni plus de richeffe dans fon ordonnance*
La décoration d'une jolie maifon de campagne »
d*un petit Triänon, d'une ménagerie, d'une làiteriet
d'une fäifanderie, font autant de petits bâtiments
particuliers où l'exprefilon naïve doit préfider
daris l'extérieur, dans l'intérieur, dans la difpoiï-
tion ,' dans la iïtûation, & dont les dehors fur-
tout doivent être puifés dans le genre moyen ou
féminin, & traité d'unityle analogue à leurs ufages*
fans autre fecours que les règles de l'Art qu'il
Faut réduire dans la plus grande fimplicité.
Du genre, féminin en ArchiteBure*.
On appelle une Architecture féminine > celle dont
i'expreiiion eft puiiee dans les proportions de l'or-
dre Ionique ; exprefiion plus naïve, plus douce,
moins robufte que celle de Tordre Dorique , & qui
pour cela doit être placée convenablement &
avec choix, dans la décoration des édifices* Une
Architecture féminine, priié en mauvaife part, fe·*
roit celle qui au - lieu d'être virile , félon que le
genre de l'édifice femblerdït l'exiger > prefenteroit
au contraire une ordre ionique , à la vérité , mais
bien moins convenable que le précédent, à caufe
£>dij
-ocr page 452-
410                        C O URS
de 1'ufage & de la deitination particuliere du bâ-
timent. On appelleroit encore une Architecture
féminine, priie en mauvaiié part, celle qui au-
lieu d'indiquer des corps reâiïignes, parce que
le iïyle de i Architecture ieroit fohde , orfriroit des
avant-corps compofés de parties rlnueufes ; celle
qui répandroit une incertitude dans les maiies ,
& dans les détails qu'on fe feroit propoié d'admirer
dans l'édifice, & qui pour cet;e raifon doit être
rejetée de tout monument Militaire, de tous les
édifices élevés à la gloire des Héros, à la demeure
des Princes, &c. Mais elle peut être appliquée
convenablement à la décoration extérieure d'une
jolie maifon de campagne, d'un petit Trianon;
dans l'intérieur des appartements d'une Reine, d'une
Impératrice, dans les bains , les fontaines & autres
édifices confacrés aux Divinités Maritimes ou Ter-
jreftres, dont on auroit puiie la dédicace dans l'Hit*
toire facrée ou profane.
Ç'eft de cette application judicieufe des ordres,
que naît le véritable caractère de la bonne Archi-
tecluf e & des allégories qui en font la fuite ; les
Païens n'ont pas, ou ont très-peu négligé dans leurs
monuments, cette convenance intéreiTante , d'où
dépend, quoi qu'on en dife, le fuccès des produc-
tions d'un Architecte- Qu'on parcoure l'Hiftoire
des Grecs , comme nous l'avons déjà rapporté ,
on verra qu'ils nç confacroient guère leur ordre
Dorique» qu'à Jupiter, à Mars, à Hercule; leur
ordre ionique, qu'à Çibele, à Junon, à Proferpine ;
l'ordre Corinthien, qu'à Vefta, àFlpre» à Hébé'-;
& que ii dans la fuite on a appliqué ces trois çr->
dres, ainii que le Tçfcan & le Compoiite, indi£
tir clement à toutes les efpeçes de bâtiments, cette
inconféquençe a plus contribué qu'on ne s'imagine,
-ocr page 453-
D'A k e Hit Eet υ ré.          4ïi
à donnera l'Archite&ure de la monotonie dans l'or*
donnance j & tout eniemble de Vindécifion dans lel
détails ; défauts qui nuifént au caractère de chaque
bâtiment » parce qu'alors on n'a imité Qu'imparfai-
tement les chefs-d'œuvre des Grecs & des Romains,
fans fe rappeler que ces Peuples de Savants avoient
expreflement fait confvfter la beauté de l'ordon-
nance de leurs édifices dans le ilylë, l'expreffioiî
& la convenance que leur impofoient les dirTé-*
rents motifs qui leur faifoient mettre la main à
l'œuvre,
                   r
Pour arriver à de tels fuccès, fious recomman-3
dons à nos Elevés de remonter à la fource de l'Art,
& de ne jamais oublier que lorfque Téiprit de*
convenance leur aura fait faire choix d'un ordre
plutôt que d'un autre, toute l'ordonnance de1
leur décoration doit y être conforme, fans en ex*
ceptèr même les ornements ; qu'autrement leurs!
productions déviendroient inférieures aux chefs-
d'œuvre de ces grands Maîtres , & peut êtrg
même fort au-deffous de celles des modernes, dont
les ouvrages déjà moins parfaits que ceux d'A-
thènes & de Rome, les conduiroient infenftblemeni:
à la médiocrité.
L'Architecture a fes myiîerës comme lès auf fei
Arts ; il faut y être initié pour les connoitre, les
fuivre & les bien appliquer': tantôt il convient de
les voiler, tantôt il eft bon de les expofer au grand
jour ; mais pour ne pas confondre ce qu'on peut
fe permettre ou ce qu'on doit fë défendre abfo-
lument à cet égard , traçons dans un article par^
ticulier ce.que nous entendons par les myftereÄ
de l'Art, ou plutôt par une Archite&urë myft&^
ïieufe«
£> d 4
-ocr page 454-
> '41* ν. ' .- "; t* Co ν ft %
Ç% qttan dok wtendre par urn ArchittBum
myjïèrieufi» ^
On pourrait appeler ainfi une Archite&ure om
Ton s'appercevroit que l'Architecte, loin de faire
parade & d'étaler aux yeux tout ce qu'il fait, de fon
Art, a pénétré dans fes myfteres, pour ne mettre
en oeuvre que les règles, les plus approuvées, ou
mafquer au contraire, lors de la conurucüon de
fon édifice, une partie du fecret de la coupe des
pierres ;. celle où l'on s'appercevroit que lorfqu'il
s'agifToit d'un édifice facré, ou feulement d'une
Chapelle particuliere v il a fu ménager à propos
les jours, & introduire fous le voile de la dé-
cence h de la retenue, les principaux myfteres
de la, religion ; celle où dans l'Architecture Mili-
taire, il a ufé d'adreife pour mafquer aux enne-
mis la fituation des magafins à poudre, les pris-
CÎpales iffues, les dégagements, les ouvertures qui
auroient pu leur annoncer les endroits les plus
favorables pour attaquer un pofte , une redoute *
lin fort, &c. celle où dans. Γ Architecture civile %
il a pris foin de placer à l'écart & loin de la
fréquentation des grands appartements, les bains,
& autres petites pièces deftinées au fommeil, au
recœuillement ; celle où > dans la diftribution des
jardins de propreté, du parc % il a fu ménager des
allées couvertes qui conduifent à une petite habita-*
tion folitaire ^iffuesécartées qui annoncent le û-
|ence& la difcrétion. Enfin l'Architecture, eft myfté-
fieufe, quand l'Architeûe fait jeter un voile ingé-
nieux fur toutes les productions des Arts agréables &
4es Arts de goût, qu'il appelle à lui pour la déco-
ΙaxÎQft de fes appartements, & deflein de ne préfet
-ocr page 455-
d'Architecture              42,3
ter aux yeux aucun objet qui tienne de la licence &
du dérèglement des mœurs ; qu'en un mot, il préfère
par-tout la iimplicité à la prodigalité, la grandeur à
la multiplicité des détails,, rien n'étant £ véritable-
ment intér-efTant que de montrer de la fermeté, de
la hardieffe, quelquefois même du terrible , félon
le genre de la décoration & le motif qui détermine
à tel ou tel genre de bâtiment. Mais, pour pein-
dre à l'idée ce que nous entendons par ces trois
différentes expreiîions * traitons dans trois arti^·
clés féparés ce que nous concevons par une
grande Architecture, par une Architecture hardie»
enfin, par ce que l'on doit concevoir par une Ar-
chitecture terrible*
Ce qu'on peut appeler une grande Arekite&ure*
Par une grande Architecture% on entend ordi-
nairement ceile qui comprend toute la hauteur
qu'on pouvoir, lui donner, relativement à celle de
l'édifice, il n'importe*de quel genre ; par exemple
dans le frontifpice d'un temple , en ne faifant
ufage que d'un feul ordre, comme à la nouvelle
Eglife de Sainte Geneviève \ dans un bâtiment
d'habitation, en ne plaçant auffi qu'un feul ordre
dans lé bel étage, & convertiffant l'étage à rez-de-
chauifée en foubaffement, comme au périitile cHé
Louvre. On dit en général qu'une Architecture^
eil grande , lorfqu on la compare avec une autre
de même genre,, mais dans laquelle on a préféré
la réitération des ordres élevés les uns au-dèflus
UQS autres ( x), au lieu d'un feul qui auroit grasdi.
(*). On pourra dire: L'Architecture dap&iftiïe· an Lom&& χ
Dam
-ocr page 456-
4H                      CöüH
fon ordonnance, par la fuppreffion' de plusieurs
entablements & de leurs acceflbires. On Îè trompe
fouvent loriqu'on croit avoir fait une grande Ar*
chitecture, parce qu'on y a obfervé de grandes
tnaues, mais qui fe trouvent divifées dans leurs
hauteurs par plufieurs petits ordres , & qu'on a
■àuiïi diviié mconiidérement leur largeur par une
; trop grande quantité de reiîauts. Le portail de S.
Gervais, annonce fans doute un grand édifice, mais
il ne préfente qu'une moyenne Archite&ure* L'Ar-
chite&ure & les mafTes du portail des Minimes
offrent plus d'unité ; au contraire, la maife géné-
rale du bâtiment de l'Hôtel de Tingry, du côté
de la cour , paroît naine ; parce que (es ordres
d'Architeâure font peut-être trop coloiTaux. Sa-
voir montrer de la grandeur dans fes compo-
ikion, fans les rendre gigantefques , éfl le com-
ble de la perfection. Le monument de la porte
triomphale de S* Denis, à Paris, eil peut-être le
témoignage le plus frappant de la beauté réelle
que peut produire ce que nous appelons ici une
grande Architecture.
Ce que c'efl qu'une ArchiteUufe hardie.
-, ' ■]. : : -' J , ' - "■ ''                             ' ■ ■' ·.. ■ 1'Λ '" ■ *
On fe iert.du terme de hardie en Architecture,
lorfqu'il s'agit de parler de la décoration des fa-
çades d'un bâtiment élevé fur les defïïns d'un
grand Maître, où l'on ne remarqué rien de com-
mun, ni petitemaniere, ni imitation fervile ; où
tout paroît tracé par un génie heureux ; où
tft glande j celle de l'intérieur de la Cour du même Palais eft
petite : ces deux Architectures ne fe détruifent-«lief pas l'une
l'autre en les comparant enfembie i
-ocr page 457-
t>* Architecture.           42.5
■tout annonce de grands traits , un caractère de
fublimité qui frappe Famé & la porte à la plus
grande admiration. On dit : La façade du périftiie
du Louvre eft conitmite d'une grande maniere,
d'une maniere hardie, en confidérant la maniere
ingénieufe de fa ilrutlure. On dit encore de l'O-
rangerie de Verfailles, que ce monument eft d'une ,
exécution hardie, principalement lorfqu'on veut
parler de Fimmenfité de fon entreprife, fans avoir
égard à la beauté de fon ordonnance, à fa fitua-
tion & à fa difpofition.
Hardie fe dit auffi d'une Architecture qui, par
rapport à fa ilrutlure, loin de cacher le myftere
de l'Art, annonce au contraire toutes les reffour-
ces que peut procurer dans la conftruttion la
connoiflance de la coupe des pierres ,· & Π11-
duftrie d'un appareil réfléchi. Une conitrutYion
hardie eil encore celle qui, par rapport à l'éco-
nomie de la matière, paroit élégante dans {qs
points d'appuis, fvelte dans la courbure de fes
voûtes , & légere dans la proportion de fon or-
donnance. Néanmoins il faut favoir ne pas abu«
fer de la hardieife dé l'Art jufqu'à la témérité;
fouvent elle étonne plus qu'elle ne fatisfait : parti-
culièrement les voûtes des rampes de nos efcaliers,
celles de nos Eglifes, de nos édifices publics,
les plates-bandes de nos entrecolonnements ne
doivent offrir qu'une hardieife raifonnable. Pour
y parvenir , il faut néceifairement, aux règles
du calcul, aux loix de la pefanteur , annoncer
vifiblement le foin qu'on a pris d'aflbrtir la réfif-
tance des pieds-droits à la pouffée des voûtes j
en forte qu'à la folidité réelle on reconnoiife une
, folidité apparente qui tranquilife le vulgaire, &
rende néanmoins raifon aux GonnoifTeurs de la
capacité & de l'expérience de l'Archite&e.
-ocr page 458-
4*6                      Cours
■Çé ψ£οη doit entendra par une Architecture
terrible.
On peut entendre par une Archite&ure terrible*
celle dont l'expreilion forte , femble annoncer par
ibn ordonnance extérieure, la fureté des dedans
àe l'édifice.» parce qu'elle offre, à fon premier
àfpect, une folidité réelle & apparente, non-feu-
îement par la fermeté de fes membres, mais encore
par le choix des matières qu'on y a employées;
celle qui par de grandes faillies & de profonds
enfoncements donne à connoître dans les bâti-
ments militaires , les précautions que l'ingénieur
a prifes pour faire échouer la témérité de l'Enne-
mi; celle qui, entourée de barrions, de tours
& de foiTés efcarpés, laifTe voir à peine dans fes
iâçades de petites ouvertures, mais de hautes &
épaiifes murailles, revêtues de membres d'Archi-
tecture, portant de grandes ombres & traitées
avec fierté ; celle qui, plus pefante, plus ra-
courcie encore que la proportion Tofcane, parok
plus propre dans nos décorations théâtrales , à
peindre à l'idée le fé/our du Tartare , qu'à être
mife en exécution ■', ii ce nTeir pour l'ufage des
frontifpices des Maifons de Force, des Prifons,
des Cachots, où une Architecture terrible contri-
bue, en quelque forte, à annoncer dès les dehors,
le défordre de la vie des hommes détenus dans
l'intérieur, & tout enfemble la férocité néceffaire
à ceux prépofés pour les tenir aux fers. Ai*
refte, il ne faut pas abufer du caracfere terrible
dont nous parlons : pris en bonne part , ce
caractère produit aiTez fouvent une expreiîior*
convenable ; mais lorfqu'il paroît contraire am
-ocr page 459-
d'Architecture.           417
genre de l'édifice , il ne préfente plus qu'une Ar-
chitecture rebutante , que des corps ridiculement
lourds, pefants, qui ne laiflent voir que des parties
mal afforties , un genre foldatefque, une pefan-
teur gigantefque ; enfin un ftyle où les principes
de l'art femblent être anéantis fous le poids de
l'ignorance de l'Artifte , pendant qu'on s'attendoit
à remarquer un caractère grave, régulier, iimple ,
héroïque, plus capable d'annoncer l'importance du
monument, que fa vafte étendue ou fon inutilité.
Après avoir parlé de la maniere de reconnoître
les vraies beautés de l'Art, paiïbns à préfent aux
moyens de démêler les licences employées dans
quelques-uns de nos bâtiments par les Artiftes
fubalternes.
Ce que cyefl qu'une Architecture naine.
Ön entend ordinairement par une Archite-
cture naine, celle qui , beaucoup trop petite ,
relativement à la grandeur de l'édifice, préfente,
plutôt le modele d'un bâtiment, que fon exécu-
tion réelle ; celle dont l'Architecture ne pouvant
être d'un plus grand module, à caufe de la défti-
nation du bâtiment , auroit dû être fans ordres
dans fes façades ».ceux-ci offrant toujours en petit
ce qui ne devroit jamais être employé qu'en
grand, dans les temples, les édifices publics, les
palais, les grands hôtels, &c. Croira-t-ôn toujours
produire de prétendus chefs - d'œuvre , parce
qu'on fauta employer plufieurs colonnes & placer
quelques pilaftres dans fes compofitions ? Le périt
ordre de la porte de la Chambre des Comptes,
celui de l'Hôtel de Bouillon , *préfentent autant
d'Architectures naines h eu égard aux motifs qui
-ocr page 460-
4^                       Cours
ont fait élever ces édifices. Ne concevra * t - on
jamais que l'étude que nous .recommandons des
ordres d'Archite&ure , a moins pour objet d'en
xonfeiller l'application dans nos bâtiments d'habi-
tation , que d'apprendre à puifer les proportions
de l'Art dans leurs fources ? Croira-t-on toujours
qu'ils peuvent feuls produire de vraies beautés
dans nos façades ? Ceux qu'on y fait entrer font
d'ailleurs pour la plupart ii .négligés dans l'exé-
cution , qu'ils rebutent plutôt qu'ils ne fe font
admirer.
                                        , *
: Nous pouvons le remarquer ici, les ordres du
portail de Saint-Gervais , ceux du portail du Val-
de-Grâce font dans ce cas. L'ordre Corinthien de
la Chapelle de Verfailles, & celui du périitile du
Louvre, font à la vérité d'une aiTez belle exécu-
tion; mais nous fommes obligés de convenir que
les feuls chefs d'ceuvre, en ce genre , font ies
colonnes Ioniques d'un des pavillons des Tuile-
Hes du côté du jardin; celles des trois ordres du
Château de Maifons , & l'ordre pilaitre Corin-
.thien de l'intérieur du Val-de-Grâce. C'eft donc
aux pieds de ces feuls chefs-d'œuvre , qu'on peut
apprendre chez nous à connôître tout ce que
nous devons aux. découvertes des Gxecs , per-
fectionnées chez les Romains', concernant les
ordres d'Architecture. Ceft enûn d'après ces beau-
tés du premier mérite, qu'on peut perfection-
ner la partie de la décoration de nos bâtiments ,
quoiqu'on η ait pas toujours occafion d'y employer
ces mêmes ordres , leurs différentes expreiîîons
fuffifant fouvent feules , fans avoir recours à la
prodigalité des ornements ni à la frivolité des dé-
tails dont nous allons faire fentir l'abus dans Tar>
jticle iuivant.
-ocr page 461-
ü' Architect ure.            429
Ce que c'efl qu'une Architezlure frivoL·
Sous le nom d'Architecture frivole, on entend
celle qui eil tantôt chimérique , fans autre râifon
que l'incapacité de i'Àrtifte y tantôt plus chiméri-
que encore ? parce qu'elle ne laiifè voir dans £es
parties, ni liailon , ni commencement, ni fin ; telle
à-peu-près qu'on a vu pluùeurs années celle de
nos décorations intérieures , où la frivolité de la
fculpture & le chantournement de l'Architecliire
ne préfentoient que des compofitions fingulieres 9
hafardées , & jamais des beautés d'enfemble qui
puiffent fatisfaire i'ceuil des hommes de goût ; &
telle qu'on voit encore aujourd'hui, quoique dans
un autre genre à la vérité , celle compofée par
quelques jeunes Artiiies, qui, faute d'une certaine
expérience % & pour n'avoir puifé dans leurs voya*,
ges d'Italie que les écarts du Boromini, viennent
à leur retour en France 9 élever à Paris des bâ-
timents qui, pour n'être pas d'une ordonnance;
auffi frivole que les précédents, ne font pas moins
des exemples, qui infenûblement portent atteinte
aux règles de la véritable Architecture : inconfé-
quence > incertitude , irrçfplution à laquelle FAr-
çhiteclure ne devrpit jamais être fujette, & que
les grands Maîtres ont iu éviter avec foin dans
leurs productions. Le préjugé , renthoufiafme, une
mode paffagere ne devroient jamais déterminer le
$yle de l'ordonnance extérieure des édifices d'im-
portance. Ces édifices devant être dçftinés un jour à
annoncer à lapoflirité les chefs-d'œuvre d'un iiecle
^claire , la gloire de la Nation à. le favoir pro-
fond des Architécles qui fleurirent dans cette Ca*
pitale, exigent un tout autre faire (jue la déçoratipa
-ocr page 462-
43$ : m.ß .Co ü a s
intérieure dés appartements ; celle-ci peut être träl*
tée avec moins de févérité que celle des dehors ,
mais pour cela elle ne doit jamais être, ni médiocre,
ni frivole ; l'art doit confifter à placer ingénieu-
fement certains contraires, fans interrompre les
Haifons, qui feules peuvent mettre d'accord les
parties avec le tout ; trop de retenue, trop de
pefanteur dans les corps re&ilignes , détruifent
îbuvent l'agrément qu'on y doit rencontrer ; il faut
y apporter une variété raifonnable : certaine*
ment la décoration d'un appartement de parade »
d'un appartement de fociété , d'un appartement
privé , doivent s'annoncer différemment ; les uns
doivent être graves» ceux-ci avoir de l'élégance,
ceux-là de la fimplicité. Un écart heureux dans
cette partie de la décoration , peut quelquefois fe
Cafarder · mais il n'en faut jamais âbufer dans les
premiers : autant qu'il eft poiîible , il faut y
montrer de la magnificence fans faite , dans les
autres du génie fans enthouiiafme, de la retenue
fans froideur..;= mais par-tout annoncer le fruit
d'une étude réfléchie, & non celui d'un travail
précipité ; en un mot, il faut ne s*y I permettre
quelques libertés, que pour parvenir à une diver-
iité imtéreffante dans les formes; encore eil - il
bon d'avoir égard au fexe, aux mœurs , à la di-
gnité des propriétaires, fans quoi on s'éloigne
prefque toujours de Tefprit de convenance, on
ne produit que des licences, ou, ce qui eft pire
encore, ce genre frivole que nous condamnons
& que nous ne devons regarder que comme
une iingularité , une bizarrerie, permife tout au
plus dans les ameublements, les porcelaines', les
bronzes, &g.
-ocr page 463-
D * A R C fi Ι Τ Ê C ? U R E.            43*
Ce que c'efl qu'une Architecture Ucenäeuß.
Nous venons de condamner la frivolité dans
Γ Architeaure ; l'Architedure licencieuie mérite
le même fort. On appelle ainfi une production,
lorfqu'on s'apperçoit qu'au mépris de l'Art un
jeune Artifte n'imite dans fes comportions que
les écarts des Architedes fubalternes f parce que
les abus lui paroiiïent plus faciles à faifir « que
les vraies beautés de l'Architedure ; qu'il faut
une étude laborieufe, une excellente judiciaire,
pour fuivre, pour connoître l'excellent, le fubli-
me , & qu'il eft plus aifé, dans {es premiers eûais ,
d'appliquer indiftindement tout ce qu'on a vu ,
tout ce qu'on a remarqué : d'oii il refaite prefque
toujours des projets mal conçus, fans afforri-
ments , & qui s'éloignent de la véritable per-
fedion, les licences étant toujours des licences.
Il eft vrai que celles qu'un Artifte éclairé emploie
par néceflité font toute autre choie : qu'on les
examine de près , on s'apperçoit prefque tou-
jours quelles émanent du fond propre de l'Art;
qu'il ne les a employées que comme acceftoires ,
pour procurer plus de beauté aux mafles de fon
édifice , de commodité aux dedans de fon bâti-
ment; ou-pour des raifons effencielles defolidité
qui échappent prefque toujours dans un examen
précipité ; qu'enfin par-tout il prouve qu'il a fu
racheter les licences qu'il a mifes en oeuvre, t>ar
des beautés fans nombre , qui annoncent fon in-
telligence , fa fagacité& fon expérience. Hardouin
Manfard, quenous avons déjà cité avec éloge, mais
qu'il ne faut pas toujours fuivre , eft peut-être celui
de nos Architedes François, qui a mis le plus de
-ocr page 464-
432.                      Cours
licences en œuvre ; mais auffi eil-il celui qui a
montré le plus de génie dans les productions
de notre Art, pendant que la plupart de fes
imitateurs, au - lieu de ces licences permifes en
Certaines occaiions , ne nous ont" montré que
des comppiitions difTernblabies dont nous allons
parler.
'Ce que c'efl qu'une Architecture diffemhlabh.
1 On appelle une Archire&ure diiTemblable, celle
qui manquant d'une fymétrie néceffaire dans
parties oppofées, ne montre qu'une irrégularité
mal entendue, au lieu d'une correfpondance que
le genre de l'édifice fembloit exiger ; celle où Tort
remarque un caraûere particulier dans le princi-
pal corps de logis, un autre dans les aîles du
même bâtiment; ou , ce qui eil pire encore,
entre Tavant-corps , les arrieres-corps^ & les pa-
villons d'une façade, quoique tous également cou-
ronnés par un même entablement, par une mê·*
me bàluitrade , & par une même continuité de
combles. Une Architecture diiTemblable eft encore
celle où, fans aucune exçufe légitime, on n*a pas
cherché à éviter d'allier enfemble le gothique,
l'ancien & le moderne. Nous diions, fans excufe
légitime; car il peut arriver, lorfqu'il:s'agit d'une
reftauration où l'on Te trouvé forcé d'allier un
nouveau genre avec Tancien, que cette difparité
devienne tolérable. Nos plus grands Maîtres peu-
vent nous fervir d'autorité à cet égard: François
Manfard & François Blondel, par exemple, en ont
uféainii,Tun à l'Hôtel de Carnavalet, l'autre à la
porte S. Antoine ; mais au moins faut-il favoir
qu'une pareille diffemblance ne peut jamais être
regardée
-ocr page 465-
ïögardée comme un objet d'imitation , quoique ie
motif qui a déterminé cette difparité dans les reitau-
rations de ces deux édifiées, raffe beaucoup d'hon-
neur aux Architectes qui les ont reftaurés. Une '■
Architecture diiTemblable eft encore celle où.
regne dans les membres & dans les ornements une
diipanté frappante entre la Sculpture & l'Archi-
tecture {y ) , ou entre le ityle grave de l'une & le
genre frivole de l'autre ; diffonance qui n'eil jamais
permife dans aucune efpece dOrdpnnance exté«?
rieure, mais feulement dans les décorations arabef-
ques , deitmées à embellir les lambris de certaines
pièces particulières. On voit de ces arabefques au
Château de la Ménagerie à Veriaiiies ; elles y font
plus convenablement placées, fans doute, que dans
les plafonds des grands appartements de Meudon
& dans la plupart de nos nouveaux Hôtels élevés
à Paris depuis quelques années, où l'on a négligé le
choix des moulures & des ornements, qui alors ne
produifent plus que des comportions de fantaiiie.
Ce n'eil pas aifez de fe tranfporter fur les
lieux, ce n'eit pas aiTez de vifiter la demeure uqs
grands: il faut réfléchir fur l'ordonnance des fa-
çades, il en faut parcourir les dedans , reparler
'dans les dehors, fe rappeler le motif qui les a
fait élever, envifager de quelle efpece elt l'édn
fice,le genre d'appartement, par qui il doit être
habité. On croit tout fa voir parce qu'on a par-
couru & qu'on a apperçu à la hâte l'extérieur
& l'intérieur de la plupart de nos bâtiments ;
cependant à peine les connoît-on par leur nom ^
(y) La Fontaine de Grenelle, le Palais du Luxembourg ,
le Portail des Eglifes de Saint-Gervais & des Feuillanç font
peut-être dans ce cas.
Tome /.                                   E e
/ ■
-ocr page 466-
434                      Cours
on ie diflimule le vrai motif qui les a fait élever â
& faute d'un examen réitéré, on ignore le bon
effet que doit produire leur imitation ; on ignore
enfin ce que peut faire naître l'efprit de conve-
nance , la belle fimplicité, la régularité & la fy-
métrie. La plupart de nos jeunes Artiftes hazar-
dent fo.uvent dans leurs eftais un mélange mal
aiïbrti, qui bleffe plutôt les yeux qu'il ne les fa-
tisfait ; ils oublient de fe dire ce que Socrate
répétoit fouvent ; Ce que je fais , cefi que je ne fais
rien ; cependant à entendre le plus grand nombre,
ils favent tout, excepté ce que Socrate favoit ;
ils fe croient la fcience infufe, & confondent l'en-
thoufiafme avec ce qu'on appelle le véritable ef-
prit de Fart, fans réfléchir que la plupart de leurs
compofitions ne fönt que le réfultat des penfées
d'autrui, & que le vrai favoir conflâe dans un
enchaînement infini d'idées neuves ; qu'en un mot,
c'eê la fcience qui conduit à l'imitation & que
l'efprit feùl crée & invente. François Manfard étoit
fans doute plus favant que Hardouin ; mais
celui-ci a peut-être mis infiniment plus de génie
dans (es produirions : d'où il faut conclure qu'à
l'étude de l'art, il faut joindre le génie, le goût
de la choie; autrement on n'orTriroit que des com-
pofitions féveres, à la vérité, mais froides , ou
des décorations amphibologiques, vagues ou bar-
bares : nous allons parler en particulier de chacune
de ces dernières.
Ce que c'efl, qu'une Architecture amphihologiquCi
On appelle amphibologique, une ordonnance
dans laquelle on remarque féparement la compo-
fition de l'Architecle d'avec l'ouvrage du Sculpteur,
-ocr page 467-
%
îT'ÀItCHî TECTUftE.            4|f
du Mêmiiiier, du Marbrier, du Fondeur, faute d'a-
voir été conduite par le même efprit ; celle qui laiiTe,
par fon caraclere équivoque, douter fi Fédifice eu:
facré, public ou particulier; ii c'eft un Château,
une maifon de plaifance , un Hôtel ou quelques-
unes de leurs dépendances (?), parce que tous les
genres y font confondus fans choix, fans difcrétion,
fans convenance : celle que défaprouve l'Amateur
éclairé & qui induit en erreur l'élevé ; en vain celui-
ci cherche-t-il à fe rendre compte des intentions de
l'Architecte ; il ne trouve rien dans fes œuvres qui
puiife le guider ni lui offrir aucune autorité capable
de FarTermir dans les préceptes de l'Art. Une
Architecture amphibologique eil eneore celle dont
le ftyle eft douteux, les fymboles obfcurs , ou celle
dont l'Auteur, par une trop grande abondance d'i-
dées , & ne fâchant s'arrêter à aucune, fe con-
tente de tracer avec trop de célérité les pen-
Îées dans le cabinet, pour parler rapidement à
l'exécution, fans avoir muri fes idées, médité fon
projet, & l'avoir communiqué à des yeux intel-
ligents ; enfin fans l'avoir laiffé repofer dans (on
porte - feuille & l'en avoir retiré à plus d'une
reprife pour en retrancher les fuperfluités, les
parties vagues , &c.
Ce qu'on entend par une ArchiteBure vague.
On donne le nom de vague, à l'ordonnance
d'une décoration, lorfque dans fes maries l'Auteur
( %)■ La décoration extérieure des Ecuries du Château de
Mai ions a à-peu-près cet inconvénient, parce qu'ayant été
faite pour· figurer un jour avec celle de la Chapelle qui
dévoie être située en face de ce bâtiment, François Ma.nfard
a cru qu'il falloit donner une parfaite fymétrie à ces deux
différents genres d'édifice.
                        _ f<
-ocr page 468-
4$6 '              Co ν R s
a laiffé à denrer une certaine quantité de mem-
bres que le choix de cette ordonnance fembloit
exiger, ou celle qui, fans néceiïité , offre des
nus, des rep©s trop confidérables, démentis par
le caractère de l'édifice ; celle qui dans fes détails
paroiiTant indécife, n'offre rien qui puiife dédom-
mager de cette mdéciiion, parce qu'on ne remar-
que ni dans la compofition des façades du bâtiment,
ni dans la décoration intérieure des appartements,
rien qui annonce dans l'Architecte les premiers
éléments de l'Art, quoiqu'il ait cru produire un
chef-d'œuvre , pour avoir fuivi Vignole : il ne s'eft
point douté qu'il ne fuffit pas de ces connoif-
fances préliminaires, & que faute d'en avoir faifi
hs préceptes, il n'en eft encore qu'à la routine de
l'Art ; routine qui, fans s'en appercevoir, lui fait
employer indiftin&ement, & dans tous fes projets,
de petits ordres couronnés par des corniches ar6-
chhravées, & élevés fur des pîédeitaux trop con-
fidérables ; enfin des ouvertures d'une proportion
vicieufe, trop iimple ou trop compofée, d'une mau-
vaife forme ; des trumeaux fans relation avec
les vides ; de petites niches , de grandes baluf-
trades; en un mot, une production qui n'offre
qu'un affemblage inconféquent & barbare.
Ce qu'on entend par-une Architecture Barhare»
On dit ; Cette Archite&ure eil d'un ftyle
barbare , lorfque dans fes divifions on remarque
des parties mal afforties, qui paroiifent étrangères
au cara&ëre de l'édifice ; on donne encore ce nom
à celle où au lieu d'une ordonnance puifée dans
les belles productions de l'antiquité, on apper-
çoit que J'Autour a préféré les ordonnances mifes
-ocr page 469-
'■Φ :                                                                                                                                                                       "
d'Archite ct ν R ε. 437
en œuvre par les Gots ; ou au - lieu des orne*
ments employés fi judicieufement par les Grecs,
il a fait choix de ceux de l'Italie, du.temps de la
décadence de cet Empire, ou des nôtres, avant/
le regne de François premier : celle qui n'oiFrant
que des profils licencieux, ne préfertte que des '
entablements , dés architraves, des archivoltes ,
& des chambranles mutilés, tronqués, fans rap-
port dans les mafïes, fans proportion dans leurs
partie, & fans choix dans leurs ornements', en un
mot, abfolument contraires au goût de l'Art: celle
enfin où Le jeune Artifte, par un fol orgueiûl,
préfère, au vrai beau une fmgularité préfomptueufe,
            j
iingularité dont on ne peut deviner ni la raifon, ni
le motif, parce qu'elle n'annonce dans ces produc-
tions ni cette judiciaire, ni ce fentiment naturel
que l'étude peut perfectionner, & qui feul peut
faire éviter tous les différents genres d'abus.
De Îabus en Architecture.
En Archite&ure les licences peuvent quelque-
fois être regardées comme des reffources ; les abus
dont nous voulons parler ne peuvent jamais être
envifagés que comme les médiocrités de l'Art. Par
exemple l'ordonnance d'une décoration réelle ou
fa&ice eil appelée telle, quand on veut exprimer'
l'abus qu'en a fait l'Architecte, parce qu'il en igno~
roit les règles, ou parce qu'il le croyoit au-defîus
des préceptes. Tous les jours on dit, Cette com-
pofition eft abufive, lorfquon remarque que l'Au-
teur a fait un ufage immodéré de l'application de
certains membres d'Àrchke&ure & de pluiieurs
genres d'ornements, dans un bâtiment qui par
économie & par l'abfence de$ ordres, devoit être
Ëeuj
-ocr page 470-
43$                       Cours
fimpîe; ou qu'au contraire il a afTe&é trop da
Simplicité dans Un édifice dé quelque importance ,
dans la décoration duquel les ordres auroient pu
taÎfonnablement entrer pour en embellir l'ordon-
nance , & lui donner un air de dignité ; lorfquon
s'apperçoit que dans fes plans , il a mal-à-propos
aifocié les formes circulaires avec les rectangu-
laires } où un ityle tout-à-fait grave auroit dû être
préféré, à caufe de l'efpece du monument ; quand
on remarque que fans aucun motif effenciel il a fait
pénétrer les corps les uns dans les autres , qu'il a
mutilé ceux-ci, engagé ceux-là, & négligé les cor-
rcipondances néceffaires à obferver entre la partie
du milieu de l'édifice, fes extrémités & fes parties
intermédiaires ; quand enfin, faute de goût, de
jugement & d'expérience, il ne laifTe apercevoir
dans fes productions qu'un affemblage bizarre qui
ne préfente à fes contemporains que l'imitation
d'une mode pafTagere, & à la poltérité que des
exemples à éviter.
                                            -
De la mode en Architecture.
La mode en Architecture eft ordinairement con-
{îdérée par les grands Maîtres comme la fource
de toutes les viciiTitudes de Γ Art ; c'eft elle qui
tour-à-tour pefante, frivole ou délicate, fe plie à
l'opinion de l'Aniite ■& au goût fouvent niai af-
furé du propriétaire ; C$}ft elle qui ne montre rien
de confiant dans fes regies ^ de certain dans fes
formes, ni de véritablement intéreflant dans fes
détails ; TÀrchiteihire. qui lui eft foumifë n'efl que
trop ordinairement dépourvue de la vraiiTembtance
qui lui eft nécefTaire, & ne laifTe à l'efprit de l'exa-
minateur qu'une idée vague des beautés de l'arc
-ocr page 471-
ö'AitCHï ÏECTUiiË.           439
qu'il voudroit admirer, pendant quil ne peut tout
au plus que fourire de la singularité du génie de
■TArtiiie, parce qu'il ne remarque dans fes produc-
tions que des objets futiles, dignes à peine du
Théâtre. Une Architecture à la mode, eft encore
celle qui d'après l'exemple de la multitude, eil au-
jourd'hui maiîive fans motif, demain légere fans
objet, grave fans néceffité, fimple fans conve-
nance , mais feulement parce que e'eft. le ton tlit
jour, & fans autre raifon déterminée de la part
de l'ordonnateur que fes caprices ou fes doutes
fur les règles de l'Art. Nous le prouverons ail-
leurs, la mode eil le tyran du goût, & ne peut être
que le partage des Artiftes fubaltemes ; mais mal-
lieureufement ce font ceux -ci qui fe trouvant en
plus grand nombre, contribuent par leur exemple
à détruire, ou au moins à éloigner nos jeunes
Elevés dé l'imitation des chefs-d'œuvre des anciens ,
de ce qu'ont produit de plus excellent nos mo-
dernes, & de ce que produifent encore de nos
joitrs nos plus habiles Architedes. Ces Artiftes
peu inftruits, manquant du génie propre de l'Art,
aiTerviftent leurs productions aux productions d'au-
trui, & ne nous préfentent que des compositions
froides & ftériles : autant d'imperfe&ions dont nous,
allons parler.
• *                                                                                                                                        *
, Ce que c'eß qu'une Architecture qui eßaßlrvic^
qui eft froide ou flifile.
Une Architecture afTervie , eft celle où l'on
remarque que l'Artifte qui Fa produite ,. pfécifé-
ment afîujetti aux procédés des anciens,' femble
ignorer les découvertes ingénieufes des mpder-
nes ; celle où l'on reconnaît que pour réunir la
E e iv
e
-ocr page 472-
440 o.                Cö υ R s * { -
décoration extérieure de fes façades à la régu-
lante^ des dedans, il n'a fu faire aucun facnnce;
que fuite de connoître les reilburces de fon Art,
tout le gêne, tout lembarraffe ; que dans fa dé-
coration il n'a fu parvenir à ajuiter une ouver-
ture de proportion Dorique ou Corinthienne,
en altérant un peu les principales dimenfions,
pour les ajuder avec les entrecolonnements fixés
par le véritable ftyle de l'ordonnance : celle oit
Aon sapperçoit qu'initruit des préceptes de fon
A« , il n'en favoit pas affez néanmoins pour les
concilier avec le goût & la diverfité des moyens
quon peut employer légitimement dans les diffé-
rentes
produöions du reiTort de rArchite£ure.
,Li* fervitude dont nous venons de parler jeté
neceffairetnent une certaine froideur dans les pro-
ductions de fArdite : (es comportions font quel-
quefois régulières , mais prefque toujours mono-
tones; on ne peut les défaprouver abfoiument;
mais elles manquent eiienciellement de l'art de
plaire. Néanmoins une Architecture aiiervie peut
iatisiaire le ConnoiiTeur par les règles qui s'y
trouvent obfervées ; mais une compofition froide
proprement dite, déplaît à tous les yeux; c'eft
ceiemble celle qui généralement a trop peu de
relief, relativement à retendue du bâtiment & à
lexpreffion de l'ordre qui préfide dans fa déco-
.. ration ; celle où l'on a introduit des pilaitres,
lorique la, grandeur de l'édifice & le point de
dntance d'où il devoit être apperçu, fembloit
exiger 1 application des colonnes (a); celle dans
-î) La nouvelle façade du Louvre, du côté de la rivière
elr peut ecre clans ce cas, fur tout lorfqu'on la compare,
vue iur 1 angle , avec le p<lriilile de «e même Palais.
         :
\
-ocr page 473-
\] d'Architecture.            441
laquelle on a affe&é des repos δε des nus dé-
placés ; celle qui, par fon afpeft, ne préfente
rien de fatisfaifant, lorfqu'on avoit lieu de s'at *
tendre à rencontrer une décoration intéreffante,
un certain mouvement dans la diftribution exté-
rieure, une matière traitable dans la conftru&ion ,
& dans la main d'œuvre un faire , une touche
incertaine, analogue au genre de l'édifice.
Une Architecture froide ( b ) peut cependant
être régulière; une Architecture ftérile, au con-
traire , nous paroît tout-à-fait à rejeter : ce feroit
par exemple celle qui, pauvre dans fa compo-
lition, n'orFriroit qu'une répartition indéterminée
& mal entendue dans fes détails & dans fes orne-
ments , noyés pour ainii dire & épars dans des
maiïes trop coniidérables ; celîe qui dénuée de
vraiiïemblance ne montreroit pas aiTez de mou-
vement dans l'étendue de fes façades, pour an-
noncer, au premier afpeit, un Palais, une Mai-
fon Royale, une belle Maifon de Plaifance, &c.
celle enfin qui indécife dans fes retours, dans (es
angles, dans fes profils , prouverait l'inexpérien-
ce de ÇArchiteae, & qu'il manque de ce fenti-
tnent délicat qui détermine le fuccès des grands
Maîtres, pendant que les autres , incertains fur
la route qu'ils doivent tenir , prennent les parties
IhTes pour des repos, les difparités pour des op-
poiitions , &les altérations pour de la fimplicité.
îppw.hm 1M1J ■ ■tu, 1 ii m »JM^—1—mmmmwçmmm ι m m ■ ι■■!■■■■■......tun ■« 11—1 ——■»w—■■——m
(/£) Le portail de TEglife des Petits-Peres, celui des Bar-
nabites, la maifon de .M. Croifat, rue de Richelieu , le Châ-
teau de Montmorency , font dans ce cas , quoiqu'on y re-
marqua une certaine févérité* qui intérefTe,
*
-ocr page 474-
441                      Co Urs
Ce que ßgnifie l'altération en Architecture.
On dit : Cette Architecture paroît altérée s lorf
qu'on s'apperçoit de quelques mutilations eifen-
cielles dans fes parties, qui ne fembie être auto-
rifée par aucune excufe légitime. Ce n'eil pas
qu'on ne puiife fupprimer quelques membres
dans une corniche à deiTein de la rendre plus
iimple , ou pour donner moins de hauteur à un
entablement ; mais fans néceffité engager une
colonne , faire pénétrer fes chapiteaux , arafer un
impofte, convertir un chambranle en bandeau ,
'enfin retondre une bafe , ou parce que Ton craint
de nuire à la voie publique dans les dehors, ou
à Fefpace des lieux dans l'intérieur d^un bâtiment;
c'eiï faire parade d'une incertitude dont on doit
fe garantir abfolument, dût-on être obligé de chan-
ger fon plan ou le ityle de fon ordonnance. On
"appelle encore une Architecture altérée, celle
qui par négligence ou faute de favoir les princi-
pes de l'Art, manque de quelques parties effen-
cielles à l'expreifion de l'ordre qui préfide dans
les façades, tels que les trigliphes dans les frifes
Doriques, les modulons dans la corniche Corin-
thienne , les cannelures fouvent néceitaires dans
les fûts des colonnes ; inadvertances rpi ne peu-
vent être tolérées , & qui' , quoiqu'employées
'fouvent par nos prédéceffeurs , ne peuvent fervir
d'exemples à nos Elevés, le mérite de l'Art;, ne
confiilant pas dans l'imitation des chofes médio-
cres, mais de celles avouées par l'autorité des
temps & le fuiFrage des Connoifieurs. Autrement
on s'abandonne à la licence ; on fait des membres
méplats où il faudroit du relief; on préfère la
t
-ocr page 475-
d'Architecture. 441
futilité au raifonnement, ou au contraire on pré-
fente une ordonnance pauvre & dénuée de vraif-
feinblance, lorfqu'ori auroit dû produire quelque
chofe de divin.
Ce qu'on cnund par une ArchiteBurt méplate,
■■■„■ ■■ ■■" ■ .;! '                                                     > '.«-·< ■ '.1:9. ■-*■■■'·-                                  '**                          .                                  , ' . ·. ■
On dit : Cette Archite&ure eft méplate, a trop
peu de relief, pour exprimer fon manque de faillie
& le défaut qu'elle occafionne à la décoration d'un
bâtiment qui doit être vu dans un certain point
d'éloignement. Peut-être les deux ailes du Châ-
teau de Vincennes, la décoration des galleries
baffes du Château des Tuileries du côté des jar-
dins , celle de la Fontaine des Saints-Innocents,
font-elles dans ce cas. Il y faut prendre garde, trop
peu de relief nuit au caractère de l'Architecture ,
lui ôte cette plénitude qui fait tout le mérite de la
décoration extérieure , en lui communiquant cette
certitude (jf, cette articulation (</) qui lui pro-
cure tout fon effet. Dans les dedans , c'eft autre
chofe ; il y faut éviter trop de dureté : une Ar-
( c ) On dit : Certe ArchiteAure eil prononcée avec certitude,
pour exprimer qu'elle cil précife fans féchefefle , & qu'elle
préfente dans la diftriburion de fes membres & la beauté de
fon exécution, une exactitude aiïonic au caractère de l'édi-
fice:
                                                                     ' ,.
(d) On dit communément : Cette Architecture eit bien ou
trop articulée; bien, quand on s'apperçoit q^ue fes membres
principaux, fes profils & fes ornements font décides> precis»
exacïs , & qu'ils fe détachent fans affectation fur le fondau-
quel ils font adaptés; clleeft trop articulée, quand le caractère
de l'édifice fembloit demander moins de. précifian , plus d in-
certitude , un faire plus large , plus indéterminé a raifon de
l'application des différents Cidres d'Ärchiteäure aux dîfterents-j
genres d'édifices.
-ocr page 476-
444                      Cours
ehite&ute tendre, dégagée ( c ), une Sculpture
moëleufe doivent avoir la préférence : un moin-
dre efpace, une lumière tempérée, ordinairement
des matières plus précieufes , doivent guider le
génie & le crayon de FArtifte. Les façades du
Château d'Iffy ( f), les décorations de fon vefti-
bule , de fon fallon , ont le relief convenable. Rien
de ii bien entendu que celui qui regne dans
les dehors & les dedans des Eglifes de FAn-
nonciade à Saint-Denis, & de Sainte-Marie à
Chaillot. Pour avoir voulu faire la plus grande
partie de FArchiteaure & de la Sculpture de la
Chapelle de Verfailles , tendres, douces , de peu
de relief, on Fa peut-être faite maigre, féche,
aride. Le grand fecret de FArchiteaure eft de fe
montrer belle dans tous fes afpeäs : celui de
FArchiteûe, de démêler le caraftere & Fexpref-
iion qu'il convient de donner à chaque édifice ;
ces connoiffances ne font pas faites pour le com-
mun des Artiftes ; il η appartient qu'à FArchite&e
éclaké , à l'Amateur inltruit de favoir apprécier
(e) Dégagée, en Architecture , s'cnteud dune ordonnance
qui, au premier coup d'œuil, fe préfente fans contulion j
où l'on apperçoit des repos qui , loin de rendre la compoli-
tion languiflante , mettent chaque membre a la place, öC
iaiffent dans tout leur jour la beauté des formes, la propor-
tion & la richeife des ouvertures , celle des avant-corps , Se
généralement tous les membres répandus dans les façades dur»
bâtiment.
( f) Ce Château a été bâti fur les deiTins de Bullet, dont
le nom & les chefs-d'œuvre font généralement trop ignores-
de nos Elevés. C'eft à cet Architecte célèbre , que nous devons
la porte Sainte-Martin, les Hôtels de Thiers &; de.Tunis ,
place de Vendôme , lé Palais Archiépifcopal de Bourges: au-
tant d'ouvrages dont nous ne (aurions trop leur conleiiiei:
l'examen Se l'imitation.
                                                          ,
-ocr page 477-
d'Architecture,            445
de tels chefs-d'œuvre. Combien ignorent les four-
ces du beau ? combien ne faut-il pas d'étude pour
arriver à l'excellent ? combien de propriétaires
n'eftiment dans leurs Architeaes que l'adivité ?
combien enfin de nos jeunes Emules ne s'attachent
qu'à la multiplicité des entreprifes , & en négligent
les détails , fans fe douter que de ces nuances
fines & délicates, dépend le fuccès de leurs pro-
duftions. Perfonne ne l'ignore ; c'en: la belle Ar-
chitecture qui à illuilré la Grèce, l'Italie & la
France, Ce font les monuments quelle érige en-
core , qui attirent en foule l'Etranger chez les
Nations où les Beaux-Arts font en vigueur. C'eii
la belle Architedure enfin, qui forme les grands
Artiftes , & qui éclaire la poilérité fur les moyens
d'égaler de furpaffer même les grands Maîtres qui
les ont précédés.
Ce qu'on entend par une Architecture futile.
Une Architecture futile, femblable à l'Archite^
cïure frivole, eft celle qui, furchargée de mem-
bres d'Architecture déplacés, & d'une multitude
d'ornements mefquins , ne préfente dans l'Ar-
tiile qu'un génie reiferré, & non cette fagacité
qui enfante les chefs-d'œuvre ; celle qui aiïamée,
atténuée, coudée, n'offre que les imperfe&ions
de l'Art : affamée , parce qu'elle n'eft ni aiTez
faillante, ni aÎTez nombreufe, que fes profils font
mutilés , fes membres en général épars , & en par-
ticulier ibibles & défaffortis : atténuée, parce que fes
détails tiennent trop du travail de l'Artifan, & que
de ferme qu'ils auroient dû paroître, ils font deve-
nus maigres , décharnés, découpés, cernés : cou-
dée enfin, lorfcrue/ devant être re&i%ne?elle né
-ocr page 478-
44^                       Cours
préfente rien que d'obtus ; elle n'offre que des jar-
rets , des obliquités qui choquent la vraiffemblance ;
autant d'imperfe&ions qui rendent l'ordonnance
de 'pluiieurs de nos bâtiments , iniipide , languif-
fante, défagréable, & marquent au coin de la futi-
lité , non-feulement la plus grande partie de leur
décoration intérieure, mais encore leur façade,
où Ton apperçoit .des ornements de Sculpture
penchés , inclinés, renverfés, ondulés. Ce contra-
île ne laiffe voir que les écarts d'un Artiile en
fécond , & non la compoiition d'un chef éclairé,
qui loin de faire parade des licences de fon Art,
s'applique à ne les mettre en œuvre , que lorf-
que la néceiïîté le requiert, & pour relever l'éclat
des beautés de fes productions.
;.                         '                            .                              . /j ■ ' .-
Ce qu'on entend par une Architecture pauvre.
On dit enfin : Cette compofition d^Architeâure
eil pauvre, pour défigner une ordonnance qui ne
remplit , ni l'intention du propriétaire, ni l'objet
que l'Archite&e auroit dû fe propoier; celle où
l'on s'apperçoit à la vérité qu'il avoit intérêt de
faire iimple, mais dont il a abufé faute de bien
connoître les reffources de l'Art, & parce qu'il
ignoroir qu'une décoration fimpie peut être belle.
Une décoration pauvre eil toujours choquante,
parce qu'elle fuppofe la fupprefïion de quelques
parties effencielles au cara&ere de l'édifice. Com-
bien neil-on pas forcé de convenir, à Fafpe£t de
plùiieurs de nos bâtiments, que leurs arriéres-
corps paroiiTent pauvres en les comparant avec
les pavillons ou les avant-corps de leurs façades, &
que les uns & les autres le font encore, relati-
vement à la convenance de l'édifice ; que leurs
-ocr page 479-
d'Architecture.           447
entablements , leurs corniches même , font appau-
vries , parce qu'il leur manque quelques membres
utiles à leur expreffion ; qu'on eil forcé d'en dire
autant de leurs croifées, de leurs niches , de leurs:
baluilrades , de leurs attiques , de leurs foubaffe-
ments, pour faire entendre que chacune de ctg
différentes parties eit dénuée des membres princi-
paux que le cara&ere de l'ordre auroit dû infpirer
à l'Artille. On dit encore : Cette ordonnance eil
d'une composition pauvre, quoiqu'on y ait employé
des ornements ; mais comme ils y font déplacés,
d'un genre trivial, d'une exécution médiocre, ils
déplaifent, rebutent, & ne peuvent s'attirer au-
cune efpece de coniidération de la part des hom-
mes inflruits.
Sans doute il eil difficile d'arriver au premier
degré de la perfection ; mais du moins ne doit*
on pas négliger la relation qu'il doit y avoir entre
l'Architecture & la Sculpture, & £e reifouvenir
qu'il ne faut jamais confondre les genres, c'eil-
à dire, le pauvre pour le fimple, le lourd pour
le mâle, le décharné pour le fvelte, le difparat
pour le varié, ή,l'on veut mériter un jour un
rang diftingué parmi les Architecles du premier
ordre.
-ocr page 480-
Cours
44$
CHAPITRE V.
DU GOUT DE VART»,
Ou maniere d'éviter tout ce qui peut y être
contraire*
i
C^Hagun fait que le goût eil quelque chofe
de réel : la difficulté eil de le définir. Quel eil-
il en effet? En quoi confiilè~t-il ? De quoi dépend-
il ? Jiil-il fufceptible, ou non, de principes ? Enfin ,
eil-ce une qualité de l'efprit, ou une affection de
l'ame? Quoi qu'il en foit, difons qu'on fe fert du
terme de goût, pour exprimer en général, le
dernier degré de perfection ; que le goût, comme
nous l'entendons, eil le Juge-né des beaux Arts,
qui n'ont été réduits à des principes confiants &
poiitifs, que pour lui plaire ; qu'en un mot, le
ι goût de ces mêmes Arts n'eil point faÛice , mais
naturel; qu'il eil en nous, mais qu'il fe peut per-
fectionner, & qu'alors il devient le flambeau qui
fert de guide aux Artifles dans toutes leurs pro-
ductions.
On peut divifer le gout en goût naturel & en
goût acquis. Le premier n'eil point une connoif-
fance théorique, mais un fentiment des règles
mêmes que l'on ne . connoît pas, ; c'eil lui qui
nous caufe le plaiiir que nous éprouvons à l'af-
pe& d'un bon ouvrage de l'art, fans autre fecours
que le fentiment : le fécond eil celui qui procure
àl'ame des fenfations dont l'efprit peut fe rendre
compte. Cette dernière efpece de goût peut
I
-ocr page 481-
Β * A R C H î Τ Ε C f Ü R E*            44p
être changée, modifiée ou augmentée par le goût
naturel : en forte qu'on peut dire qe le goût
acquis , pour fe perfectionner, a befoin du goût
naturel.
               -,
Le goût peut auiîî fe divifer en goût aâif Se
en goût paifif ; Tun eil le partage de l'Artifte ,
l'autre celui de l'Amateur-: l'Artiite doit néceiTai-
rement chercher, par le fecours des préceptes, à
mettre dans {qs productions l'arrangement des par-
ties le plus convenable ; l'Amateur n'a beibin
que de favoir démêler la beauté du travail & de
l'ordonnance ', connoiiîances qui lui fuffifent pour
fentir le bon & le médiocre, & pour diilinguer
l'un & l'autre. De-là, Ä eil aifé de conclure que
le goût de l'Artifle devient plus difficile à ac-
quérir, puifque les connoiiTances fuffifent à l'A-
mateur, & que l'Artifte doit opérer. Mais l'on peut
dire auffi que le goût féparé des préceptes eil in^·
fuffifant, & que ces deux fources différentes doi-
vent fe réunir dans leurs émanations. De-Ià vient
qu'on les confond ordinairement, fans confidérer
que c'eil cette union qui conduit à la %périorité,
& que celle-ci feule a droit de fe faire fentir &
approuver par les perfonnes, même les moins ver-
fées dans la corinoiflance des beaux Arts.
Au reile, le goût acquis s'èil établi une forte
de prééminence dans les beaux Arts, parce qu'en
les perfectionnant, il s'eil perfectionné lui-même ;
énforte que, fans ceffer d'être naturel, il eil de-
venu plus parfait que le goût naturel ; d'où il s'en-
fuit que fi tous les Artiiles s'appliquoient à dé-
velopper & à étendre le goût qu'ils ont reçu de
la nature, ils auroient des règles fûtes pour par-
venir à l'excellence de leur Art.
Il en eil peut-être du goût çooime des autres
Tome L
                   l                   F f
-ocr page 482-
450                     Cour s'             >
parties de Γ Art ; d'abord, la plupart des Peuples
ont aimé des productions imparfaites , parce que
leur goût acquis n'éroit pas aifez perfectionné pour
leur faire fentir les défauts de femblables produc-
tions. Dans des iiecles plus éclairés, le goût s'eir.
gâté dans plus d'un Empire, où néanmoins les
Arts avoient joui d'une forte de célébrité, parce
que la multitude de leurs Citoyens s'étant ennuyée
d'une beauté trop uniforme, les Artiftes, pour leur
plaire , ont cru devoir prendre des routes écar-
tées. Enfin, l'on voit encore chez des Nations
voifmes,où la Peinture & la Sculpture font né- ;
gligées , les autres Arts languir ou refter dans la
médiocrité ; le défaut de culture des uns nuifant
nécefiairement au progrès des autres. Mais fans
nous arrêter ici à citer une foule d'exemples, où
nous pourrions trouver de pareilles caufes, con-
traires au bon goût en général, paiïbns à ce qui
regarde le goût de l'Archite&ure proprement '
dite.
Le goût de l'Architeâutre ne peut s'acquérir
que par *ta comparaifon des chefs-d'œuvre des
grands Maîtres. Ce n'eft point à la feule théorie
qu'il faut avoir recours pour faire éclorre le
génie. Il efl vrai qu'elle lui prépare la voie, mais
c'eft l'enthouiiaime, qui en lui faifant franchir les
obftacles, l'élevé jufqu'au comble de la perfection.
Les feuls préceptes n'ont jamais fait un homme
de génie. Les efprirs froids ont quelquefois
produit des ouvrages réguliers: mais l'eiirhou-
liafme a fait éclore des chefs-d'œuvre qui, quoi- .%
que moins féveres, n'en ont pas moins mérité les
éloges de la poitérité. Les feuls préceptes obfer-
vés par un homme fans génie, ne produifent que
de mauvaises copies j au-lieu que les ouvrages de
-ocr page 483-
r ,
ö'Arcmïtêctühë.            451
goût perdent moins à l'imitation, parce qu'ils
forcent, pour ainii dire , l'imagination de celui qui
eiîtrevok le but de FArtifte, & l'entraînent à une
forte d'admiration qui lui échauffe le génie. Eu un
mot, s'il faut du.goût & de fenthouiiafme pour
développer aux autres les principes des beaux
Arts , il en faut fans doute aufli pour fentir la
juftêffe& l'étendue de ces mêmes principes.
Ceft particulièrement en Archite&ure que le
goût doit donner î'ame à toutes les produirions dé-
pendantes cle cet Art ; c'eft par le fecours du goût
* qu'on faifit ces rapports, ces convenances, qui
fatisfont la raifond'un fpeBateur éclairé. Lui feul,
en donnant FeÛor au geniesde FÀrchite&e, l'élevé
au-defius même des préceptes, & le conduit à ce
jugement, qui eft pour les talents, le plus haut
degré de perfeâàon. Il a fait naître dans l'Arclii-
tecTnre ces difcuffions délicates, qui ont pour
î; objet l'imitation de la nature, & d'autant plus
difficiles à faifir pour î'Architetle, que la nature,
en lui offrant dans fon fein les matières néceffaires
a l'Art de bâtir, ne lui préfente le plus fouvemt
dans fes afpeâs que des objets indéterminés è
Le goût fert encore à éclaircir des doutes qui,
fans lui, lahîêroient FArtifte en fufpens. S'agit-il;
de faire un choix pour la décoration ? il fixe le
genre, regle la forme, afîigne les grandeurs &
détermine i'exprerîion. Dans la diftribution , il
fournit des moyens pour concilier l'ordonnance
extérieure avec les dedans; il décrit les contours
d'un parterre, d'un bofquet : enfin dans la con-
itru£tion , il offre à l'Ârchite&e des reflburees
pour réunir à la folidité la mieux concertée, la
Beauté & la variété des formes. \
Pour acquérir ce goût, il faut iuppofer dans
Ffi)
-ocr page 484-
45*                    c ° u R>
l'Architecte^la réunion du ientiment & de Tefprit,
Le premier eft excité par les objets fenfibles, &
fait fon rapport au fécond. Tous deux réunis
forment dans l'Artifte le jugement qui le conduit
au goût de l'Art. Or,il eft facile de concevoir
que ii l'Architecle s'attache à étudier les préceptes
de fon Art, le goût & les préceptes ramèneront
infenfiblement à difcemer les lois de la cbnve-'
venance, le choix des proportions & la beauté
de l'ordonnance. Les préceptes alors allumeront
le génie, qui fera nourri & entretenu par le
goût.
Le goût de i'Archite&ure doit donc avoir pour
bafe la connoiffance des préceptes de l'Art ; con-
noiflànce qui embraûV à la fois la théorie & la *-j
pratique du bâtimetit. Mais il peut arriver que
l'Architecture, la mieux combinée dans fes parties,
foit encore imparfaite, fi elle ne préfente aucun
autre objet, diftin&if ; c'eft-à-dire, un caractère par-
ticulier. En effet, que penferoit-on d'un édifice
fomptueux qui n'annonceroit nullement Tufage au-
quel il eft deftiné ? Les frais immenfes, comparés
avec l'inutilité apparente, ne feroient concevoir
qu'une composition peu réfléchie , & donneroient
de l'ordonnateur une idée qui lui feroit peu favo-
rable.
Le goût feul,le goût peut faire valoir les pré-
ceptes les plus approuvés, & déterminer leur choix
& leur application ;. autrement on pourroit pro-
duire des comportions régulières, mais monoto-
nes. L'œuil veut à l'afpeft d'un bâtiment, voir
les rapports généraux réunis avec une fymétrie
refpeâive. En un mot, le fentiment intérieur &
le jugement veulent être fatisfaits de la conve-
nance, du ftyle & dçs ornements: l'œuil & le
-ocr page 485-
d'Architecture.         4fö
fentiment acquièrent par l'habitude la même préci-
iion & la même delicateffe, & deviennent fufcepti-
bles des mêmes impreiïîons que l'ouïe.
Le goût veut être fertilité. Pour cet effet, on
doit confulter la nature. Un Archité&e peut dif-
pofer de toutes les richeffes que lui offre le fpec-
tacle de l'univers, tout lui appartient; mais il
en doit faire un ufage prudent, & fe reifouvenir
que, généralement parlant, toutes fes produc-
tions doivent retracer la dignité, ou l'opulence
des perfonnes qui le mettent en œuvre ; qu'elles
doivent être iimples & réfléchies ; qu'il faut qu'elles
portent l'empreinte de la retenue ; que dans l'Ar-
chitecture principalement, il doit y avoir un point
d'union, où fe rapportent les parties les plus éloi-
gnées ; enforte qu'une feule, une fois connue,
indique toutes les autres. Tout ce qui fent l'ef-
fort , fatigue l'efprit : un Architecte ne caufe
guère impunément de l'embarras au fpectateur.
Si la nature eil mal faine, l'Artiile, loin de fa-
tisfaire notre goût, n'excite que des regrets ,
en nous dérobant l'excellence de l'Art qu'il lui
felloit concilier avec la nature. Mais pour les réu-
nir, il faut favoir démêler l'analogie qu'ils ont en-
tr'eux , & fe rappeler qu'elle a été le premier mo-
dele des anciens , tandis que les modernes femblent
avoir dégénéré ; ce qui donne à leurs productions
un air de contrainte qui trahit l'art & met tout
l'avantage du côté des productions qui tiennent
de plus près à la nature.
Il faut l'avouer, les Grecs, doués d'un heureux
génie, avoient faifi, avec jufteiTe,les traits çiÏen-
ciels qui la caractérifent ; ils ne tardèrent pas à
comprendre qu'il ne fuffifoit pas d'imiter, mais
qu'il falloit encore choifir. Jufqurà eux, les ouvra*
F f iij
-ocr page 486-
454                       Cours
ges de l'Art n'a voient guère été recommandablef
que par l'énormité des maffes & par7 l'immeniité
des entreprifes : mais ces Peuples plus éclairés ,
crurent qu'il valoit mieux plaire à l'efprit que
d'étonner les yeux, & jugèrent que l'unité & les
proportions dévoient êtse I3. bafe de tous les ou-
vrages de l'Art.
Aulîi, lorfque les Arts exilés de chez eux. fe
réfugièrent en Italie » on alla dans la Grèce fouiller
jufques dans fes tombeaux, & l'on vit bientôt à
Rome , reparaître l'antiquité dans toute fa fplen-
deur. On fit plus, on étudia leurs Auteurs, on
y trouva des règles établies, des principes ex^
pofés , des exemples retracés ; en un mot, Timi-
tation de l'antiquité fut pour les Romains ce que
la nature avoit été pour les Grecs. Ceux-là com^
prirent bientôt quel étoit le but de cette imitation x
par laquelle on fe propofoit de plaire, de remuer,
de toucher ; ce qui fervif de regle à leurs tra-*
vaux , & de guide à leur génie.
N'en doutons point, c'eft dans les anciens chefs^
d'œuvre qui nous reitent de ces deux Rations,
particulièrement dans ceux de la Grèce, qu'on re--
rnarque ce vrai goût, ce je ne fais quoi de libre
& d'original qui fe rencontre rarement dans les
ouvrages modernes. La nature & l'antiquité ont
donc feules le droit de faire, éclôre un heureux:
génie, & de le conduire au terme de fon Art.
Or, nous avons les mêmes moyens qu'avoient
les Romains, nous pouvons çoniulter la nature
& l'antiquité. Coniîdérons la premiere, & nous y
reconnoîtrons cet ordre admirable, joint à une
variété infinie ; nous y remarquerons des rapports
juftes entre les parties & le tout ? entre les caufes
&; les effets ; nous, la, verrons finiple. dans ie$
/
-ocr page 487-
d'Architecture.              455
moyens , mais fans monotonie; riche dans fa pa-
rure , mais fans affe&ation ; féconde en reiTources,
mais fans s'embarrafTer elle-même. Voilà comme
il faut l'appliquer aux beaux Arts, particulièrement
à Γ Architecture, & ne jamais l'outrer par des com-
poiitions bifarres , qu'elle défavoue. Pour avoir
mal connu cette vérité, combien d'Artiftes fe font
abufés en faifant choix du défordre de la nature,
au lieu de les beautés ? Combien n'avons-nous
pas vu d'arriftes qui, pour n'avoir confuké, ni la
nature, ni le climat, ont voulu bâtir au milieu
de Paris, comme ón faifoit dans l'ancienne Rome ?
Il faut du goût pour bien imiter; autrement
les plus beaux modèles dégénèrent entre les mains
des Copifles. D'ailleurs les meilleures productions
demandent à être appréciées : car fans vouloir
parler des Egyptiens, dont le goût pour l'Architec-
ture , dans les commencements, étoit affez incer ·
tain ; les Grecs & les Romains , auxquels nous
applaudiiïbns, ont auiîi eu, dans leur début, leurs
incertitudes , quoiqu'ils aient enfuite porté l'Art à
un degré de perfection, ignoré de leurs prédé-
ceiTeurs.
11 jaut donc du choix dans l'imitation ! des ou-
vrages mêmes de ces Nations, autrefois ii célè-
bres. Perfonne n'ignore que les premières produc-
tions des Grecs , fe reffentent allez de l'enthou-
iiafme de leurs Ecrivains qui, avant la conquête
de l'Afie par Cyrus, n'avoient encore rien écrit
en profe, qui pût donner une idée jufte de l'Âr-
chite&ure: enforte que leurs Architectes, guidés
par ce même enthouliafme, commencèrent par
s'éloigner de cette »belle fimplicité qui, après plu-
sieurs iiecles, a produit les chefs-d'œuvre α A··
iHênes.
Ffiv
-ocr page 488-
χ
45<3                         Cours
Les Architectes d'Italie, d'abord plus imitateurs
que créateurs, parurenr contraints dans leurs pro-
ductions, foit qu'ils n'euffent pas le génie des
grecs., Kbit que ceux-ci, tranfplantés chez une Na-
tion vtctorieufe , euifent perdu de vue leurs pré-
ceptes avec leur liberté ; & fi l'on a vu quelque-
fois chez les Romains leurs Architectes s'écarter
de cette imitation, ce ne fut que pour rendre
leurs monuments plus vailes, plus étendus , & non
pour fuivre cette belle fimplicité s l'effence propre
de la belle Architecture.
Il en eit, je crois, dés ouvrages des anciens
comme de ceux des modernes : de tout temps , iî
s'eil introduit des licences dans les Arts ; c'eit le
propre de l'humanité, de fe croire tout permis »
& il ne feroit pas furprenant que la renommée
nous eut tranfmis la gloire d'anciens édifices, qui
nauroient eu d'autre mérite que l'antiquité. D'ail·- ,
leurs,ne fait-on pas que chez prefque toutes les
'Nations, peu d'Ârtiites ont cultivé les lettres ; que
îa uefcription des édifices des anciens a été le
partage des Hiftöriens, & que la plupart de ceux-
ci, ignorant à la fois & les préceptes & le goût
de l'Art, ont négligé, "dans leurs écrits, de nous
faire connoitre ce que les Architectes avoient pro-
duit, fok de génie, foit d'imitation. Aujourd'hui
encore, la plupart de nos jeunes Artifres ne né-
gligent-ils pas tous les jours de fe rendre compte
de la fource où nos prédéceffeurs ont puifé leurs,
découvertes ? De-là toutes ces licences qui'pren«
nent faveur chez le plus grand nombre, parce
quelles iemblent donner plus de liberté aux hom-
mes fans doctrine, & gêner m*oin§ ceux qui font
pins éclairés : de-là le peu d'ufage qu'on fait de
iefpric de comparaifon ; on applique indiftineté«
*\
-ocr page 489-
d'Architecture.            457
ment les mêmes ordonnances & les mêmes orne-
ments aux bâtiments de genres différents ; on a
recours à de nouvelles inventions qui, à leur
tour , fe trouvent détruites par d'autres nouveau-
tés : infenfiblement nos élevés devenant incertains
fur les règles, & irréfolus dans le choix des pré-
ceptes , ne craignent plus de facrifïer à la va-
riété des formes & à la multiplicité des détails, la
"dignité Îi recommandable dans les monuments
facrés, la bienféance qui doit être obfervée dans
les édifices publics, & la fimplicité qui eft le par-
tage des bâtiments d'habitation. Trop pen inftruits
des règles fondamentales de leur Art, ils fe ré-
voltent contre une imitation fage & mefurée. Par-
venant enfin à oublier leur foibleffe, ils ofent
tout, au-lieu de füivre de près les productions
de ceux qu'ils ne peuvent atteindre. En un mot,
rimpreiîlon que les ouvrages des grands Maîtres
dèvroit faire fur leurs efprits, s'efface ; &lors même
que FArchite&ure, par la libéralité des Grands
& l'opulence des Particuliers , pourroit rentrer
dans tous fes droits, elle voit fes préceptes négli-
gés, la témérité prendre la place du favoir, &
la plupart offrir a leurs Maîtres, au lieu des pro-
ductions que le vrai goût leur infpireroit, précifé-
ment ce qui lui eft le plus contraire.
Pour éviter de tels inconvénients, cherchons
ces beautés qui émanent du goût, & parcourons
ce qui nous eft enfeigné par la théorie & la pra-
tique de l'Art; joignons-y l'étude des beautés dé
la nature. N'oublions pas non plus que la meil-
leure maniere de perfectionner notre goût, c'eft
de comparer enfemble les édifices de même genre,
enfuite ceux de genre différent. Peut-être ces divers
moyens nous conduiront-ils à découvrir les vrais
-ocr page 490-
458                       Cours
principes du goût ; du moins fera-t-il facile de
convaincre nos jeunes Architectes qu'un édifice
qui, dans fa ilru&ure , raiTembleroit toutes ces
différentes parties , auroit également le droit de
plaire aux connoifTeurs & au vulgaire , puifqu'au
moyen"de cette réunion, on y trouvèrent d'ac-
cord les maffes, les parties & les détails : le fpe&a-
teur y remarqueroit auffi le foin qu'on auroit pris
d'éviter la liaifon du pefant avec le délicat, ainfi
que la profufion de la Sculpture dans une Archi-
tecture fimple & grave, l'attention que l'on auroit
eue de réunir la folidité, la commodité & la beauté:
u verrok qu'à ces parties eifeneielles & primitives on
a fu en allier d'autres non moins eftimables, telles
que la régularité & lafymétrie, dans ladjÄribution;
l'économie & la perfection des matièresu dans la
conitru&ion ; la févéritéde l'exprefiion & l'enchaî-
nement des rapports, dans la décoration: tous objets
intéreffants fans lefquels on ne fauroit arriver à
un véritable fuccès.
Pour tâcher de faire mieux fen'tir en tjuoi con-
firme la nature du goût, il ne fera pas inutile de
donner quelques maximes , que lui feul nous paroît
avoir établies. Du moins fi nous n'avons pu le
définir exactement, efTayons de développer ce qui
lui eft le plus contraire.
Le goût guidé par le raifonnement, exige
l'imitation de i'Architeäure antique, prèférable-
ment à la gothique „la plus ingénieufe. La pre^
miere plus régulière & plus conféquente, occupe
l'ame fans partager l'attention , '& ne laiffe pas
d'être affez fufceptible de variété, pour obtenir le
(uffrage des hommes intelligents. Ce n'eft pas que
-ocr page 491-
d'Architecture.           4f9
îes Goths, s'ils euffent montré plus de choix dans
leurs ordonnances, & fur-tout plus de goût dans
leurs ornements, if enflent mérité d'être imités par
leurs fucceffeurs : mais leurs productions font pref-
que toujours une forte d'énigme pour Fœuiî qui
les examine ; enforte que le fpeclateur fe trouve
embarraifé pour en démêler les beautés ; défaut
qui certainement ne fe rencontre pas dans l'Archi-
tecture des Grecs & des Romains.
Le goût dont il s'agit exige que les façades
d'une certaine étendue, ainii que les lieux vaiies,
foient compofés de grandes parties ; le petit & le
colofïal ne pouvant aller enfemble. Ce même
goût veut encore que toutes les parties d'une
décoration aient du rapport entrelles & foient
de même genre : il défend de placer au même
étage ou dans la même pièce, des membres d'Ar-
chitecture ou des ornements de Sculpture rufti-
que, entremêlés d'autres ornements d'une expref-
iion délicate ; quoique les u|s & les autres exa>
minés féparément foient approuvés par les pré-*
ceptes de l'Art. En général, il faut que les or-*
donnances Tofcanes aient peu d'ornements, & que
îes Corinthiennes au contraire n'en foient jamais
dépourvues ; la beauté d'un édifice confiftant dans
raccord des maiFes, qui forment fa décoration, &
dans celui des parties qui en dépendent. En un mot,
on defire dans un édifice de voir régner, avec l'ordre,
une diveriité louable, fans laquelle on n'apperçoit
sue monotonie, où l'on voudroit remarquer des
formes aiTez iimples pour être apperçués d'un
feül coup d'œujl , & aff^z variées pour être exa-
minées avec plaifir.
Le goût de f Architecture fe manifefte parti-
çpliérement dans la manière:.'4ç proulçr^ elle.
-ocr page 492-
'460                      COU RS
eil de tous les befoins d'un Archire£te, le plus
effenciel ; il neft. jamais difpenfé de montrer
ion habileté en cette partie. Pour acquérir ce
degré de perfection , la fcience des Mathémati-
ques , une théorie profonde des préceptes, l'étu-
de des meilleurs auteurs, toutes ces connoiffan-
ces font iniûfnfantes fans le goût & l'expérience.
L'art de profiler ne dépend pas du génie. Celui-ci
peut bien concevoir les règles fondamentales de
l'Art, & les fui vre jufqu'à un certain point ; mais
le goût feul a droit de les choiiir : en un mot,
G*erî ce goût qui doit être le modérateur dû, génie
de PArchitecle. Il ne s'agit pas non plus d'inno-
ver ? il faut le goût propre à la chofe; il faut un
efprit de méditation , fans contrainte ; une Imagi-
nation réglée , fans fervitude : il faut que l'Artifte
fache avoir égard a la qualité de la matière, pour
donner à fes profils une exprefîion qui lui foit
analogue. Il faut qu'il prévoie le point de diftance
d'où les moulures doivent être apperçues; qu'il
confidere le volume d'air qui doit les environner»
& qu'il s'attache au genre de PArchite&ure qui
les amené fur la fcêne , afin de pouvoir leur
procurer ce caractère de fermeté ou de légèreté»
cette richeife ou cette fimplicité, fi propres à ren-
dre les parties dépendantes de l'enfemble ; enfin
qu'il ofe fe permettre quelquefois un ftylp parti-
culier que le goût feul autorife dans cette partie
de l'Architeciure.
Le goût femble s'oppofer à Inapplication des
Ordres d'une expreiîion différente dans une même
façade; un feul ordre paroît y funire. Il y a
plus ; c'eft peut-être une erreur d'en admettre
où ils ne peuvent avoir un certain diamètre ; d'ail-
leurs les ordres ne doivent jamais être amenés»
-ocr page 493-
d'Aiichitegture.           461
ce femble , que pour la décoration âes édifices
jpublics & des Palais des Rois : les bâtiments par-
ticuliers n'en doivent retenir que TexpreiTion ;
autrement ceil vouloir aifocier des parties qui
doivent annoncer de la grandeur, avec des étages
auxquels la convenance & l'économie obligent de
donner peu d'élévation. Qu'on examine les ouvra-
ges des grands Maîtres, on verra que tous ont
été iimples, même dans leurs productions les plus
importantes , & qu'il n'appartient qu'aux Artiftes
médiocres, d'avoir recours à la profuiion. Orc'eft
montrer la médiocrité dans tout fon jour, que
d'affe&er dans des maifons de vingt toifes de face,
d'élever les uns fur les autres, pluiieurs petits
ordres , qui contribuent à rendre encore plus
petite la décoration extérieure , fans parler de
l'attention qu'un Architecte doit avoir pour l'efprit
de convenance, le premier mérite 6c de Γ Archi-
tecte & de rArchitecfure.
Le goût femble s'oppofer encore à l'emploi
des ordres coloiTaux, dans l'ordonnance des bâti-
ments deilinés à l'habitation .des particuliers, & il
ne les tolère que dans la décoration des édifices
facrés. Il eft d'autres moyens de parvenir à pra-
tiquer pluiieurs étages les uns fur les autres ,
dans les maifons ordinaires^ fans fe fervir d'un
ordre, qui embraife pluiieurs rangs de croifées.
Les exemples connus que nous avons en ce genre,
ne doivent ni ne peuvent faire loi. Le goût ionàè «
fur la raifon , n'accepte ni fyilême, ni opinion
particuliere ; il doit être un: & il nous femble
que c'eil s'écarter de cette unité , que de faire
parade , dans les dehors, d'une grande ordon-
nance , que l'on fent ne pouvoir fe concilier avec ,
les dedans. Nous l'avons déjà obiervé ; il ne lufrir
pas de faire ce que les autres ont fait i il faut
-ocr page 494-
461                       Cours
réfléchir fur ce qu'on doit imiter. On a tout tenté;
il ne s'agit plus que de chercher à approprier à
nos befoins, tout ce que nos prédéceffeurs ont
produit d'eitimabîe. Il ne nous reite enfin qu'à
faire marcher à côté des préceptes, les lois que
le goût impofe , & à faifir la nature dans (es diffé-
rents afpecÎs, pour Tapproprier à l'Architeclure,
& par ce moyen parvenir à l'excellence de f Art*
Le goût dont nous parlons , exige que dans
toute efpece de décoration, relative à Γ Archi-
tecture, celle -ci tienne le premier rang , &
donne le ton à toutes les productions des Arts
qu'elle s'aiTocie. Certainement ce n'eil pas la quan-
tité des ornements qui augmente la beauté des
édifices î ce font feulement ceux qui, puifés dans la
nature, offrent des beautés réelles. Tout ce qui
n'eil fait que pour l'agrément , a droit de pa-
roître médiocre, dès qu'il eil déplacé: le goût
eft mécontent lorfqu'on lui laiffe à délirer. Ufons
dpnc des ornements avec fobriété, & fouve-
nons-nous que c'eit l'art de les appliquer, qui
fait tout leur mérite ; qu'il en eil de £'Archite-
cture comme de la Poéfie ; que tout ornement
qui n'eil qu'ornement, eil de trop ; qu'ils ne doi-
vent jamais paroître poftiches, ni déplacés dans un
édifice, mais amenés dans la compofition de l'en-
fembîe pour embellir Γ Architecture , & non pour
l'accabler, l'enfevelir ou la défigurer ; qu'il faut
que les ornements , pour être approuvés portent
l'empreinte de la néceflité ; qu'il en eft des orne-
ments des Meiffonniers, comme des ornements
Gothiques ; qu'ils fatiguent les yeux par leur con-
fufion, & que l'œiiil ne pouvant fe fixer fur aucun ,
ils dépiaifent par l'endroit même qu'on avoit chpifi
pour les rendre agréable j qu'enfin ΓArchite&ure »
-ocr page 495-
D'A RCHITECTURE.            46}
par la beauté de fes proportions & le choix de
fon ordonnance, fe luffit à elle-même; que le
goût, fruit du raifonnement de l'Archite&e , doit
guider fon crayon, ainfi que fon génie , pour
• lui faire diftribuer fes ornements avec fobriété ;
qu'il doit lui faire choiiir avec leur expreffion la
plus convenable, leur relief & leurs fymboles , &
lui faire établir dans fa décoration, des repos &
des internales qui contribuent à faire valoir les
ornements , fans nuire à la dignité de Γ Archite-
cture.
Le goût acquis exclut toute efpece de mode,
dans Γ Architecture , comme autant d'obftacles
à fa perfection &i à fes progrès. La nouveauté
femble ne devoir être permife , que pour les
chofes de pur agrément. L'homme de goût,
lorsqu'il s'agit des Arts utiles, fait réfifter au
torrent, & abandonne au vulgaire cet efprit de
vertige que l'Artiiie fuperflciel décore du nom
de génie, de feu & d'invention. C'eft la mode,
( ce tyran du goût, qui a varié à l'infini l'efpece,
le genre & la forme des ornements, & qui nous
les a fait placer allez long-temps , indifcrétement
& fans diitin&ion , dans les Edifices facrés, dans
les Palais des Rois, dans les demeures du Prélat ».,
du Magiftrat, du Savant & de l'homme privé*
C'eft la mode, la reffource des Artifans merce-
naires & fans principes , qui leur a fait employer
jufqu'à l'excès ce mélange confus de lignes iinueu-
fes & de lignes droites, dans les plans & dans
les élévations. N'en doutons point, c'eft l'excel-
lence de l'Art, ou la médiocrité des produ&ions
qu'entraîne la mode, qui fatisfait l'âme, ou qui
lui fait éprouver ce dégoût, qu'on réffent à leur
afpeft > lorfqu'on n'y remarque qu'une confufioa
-ocr page 496-
4&4                      C o υ R s
rebutante: écarts d'autant plus dangereux, qu'ils ont
eu des imitateurs pires encore que leurs modèles ;
ce qui vraisemblablement fe fut perpétué à l'infini,
ii de nos jours pluiieurs Archite&es célébrés n'a-
voient fait tous leurs efforts, pour reftituer' à leur
Art les vraies beautés que la mode & le caprice
lui avoient fait perdre depuis le commencement
de ce iiecle.
Le bon goût défend l'application des fron-
tons , où ils ne paroiffent pas néceffaires ; il
condamne leur multiplicité , & rejeté ceux qui
font enroulés, coupés, interrompus, trop élevés
ou trop furbaiffés. Il prononce de même fur
l'emploi des niches, & femble -n'autorifer les uns
& les autres, que dans la décoration <ks &οΐ1-
tifpices de nos Temples. Le goût étayé des pré-
ceptes de l'Art, n'admet jamais les baluftrades fur
la partie fupérieure d'un bâtiment, lorfque celui-ci
fe trouve couvert par des combles. Il exige une
application réfléchie des étages en fonbaffement,
& de ceux qu'on appelle attiques ; il fupprime les
tables faillantes ou rentrantes , par-tout où la im-
plicite doit être préférée : il exclut les tours ron-
des ou creufes , & même la réitération des avsnt-
corps 'Jk. des arrière-corps , dans les ordonnances
Tofcanes ou Doriques : il veut que le mouve-
ment du plan foit relatif à Texpreffion, qui· pré-
iide dans la décoration des façades : il condamne
axtffi toute efpece d'ornement arbitraire , indifé-
rent ou profane, dans la décoration des monii"
ments élevés à la piété ; il rejeté toute Sculpture
qui a trait à l'aviliffement pu à la fervitude de
l'humanité ; il blâme les ornements taillés fouvent
fans réferve dans les moulures des entablements des
façades 9 & préfère dans un édifice régulier, les
balurlrades
-ocr page 497-
»'ÀRCfi LT Έ CTUÄ Ε*           4&f
baltiitrades aux balcons de fer ■; il s'.oppöie â! toits
. les encorbellements i qui: ibutiennentiiles fardeaux ^
:■&'. leur fubftituëi des colonnes oir: aiitóes coïg^
d'Architet'Hire 4 .qmimonteEt de fond; Arni de la
coiumodité, il veut qu'on, entre à couvert xians les
yeitibules , qu'on pratique des cours fpacieufes
& aérées, qui feules peuvent proaurer.de $ß $Èk+
brité aux bâtiments d'habitation : il s'oppofe en-
core à l'élévation , fouvent inutile , des portes
qui donnent entrée à nos hôtels & aux mai-
ions de nos riches Particuliers : il regarde
comme autant de licences condamnables, l'appli-
cation des colonnes jumelles , ainii que celle des
colonnes ovales ; enfin il défapprouve les porter
à-faux apparents , amenés dans rArchiteâute par
inadvertance ou par une négligence qu'aucune
beauté effencielle ne racheté.
Le goût veut auiÇ , que l'intérieur du bâti-
ment foit aiTorti à l'importance des dehors ; que
chaque appartement porte un caractère analogue
à fon ufage ; que les, ornements foient graves
dans les pièces deitinées à traiter des affaires pu-*
bliques; qu'ils aient moins de févérité dans celles
qui font confacrées à la fociété, & qu'ils foient
encore plus riants dans celles qui font deitinées
au repos ou à la retraite des Maîtres. Le domaine
du goût s'étend jufqu'au choix des étoffes, à la
forme des meubles, à l'efpece des matières réelles
ou feintes , à l'application de la dorure, à l'unité
des tons , à 1 afïbrtiment du bois , du marbre,
du fhic ou du plâtre , du fer & du bronze. H
s'oppofe fouvent à l'ufage des trumeaux de glace,
placés entre deux croifées, & tolère à peine l'ufage
de la peinture coloriée, dans les voûtes ou les
plafonds dés fallons, des gallerieSj &c. Il ςοη,-
Tomc IA
                                     G g
-ocr page 498-
4^6         >          G o ur us
damhe enfin expreffémentyla répétition des mêmes
allégories dans la décoration des bâtiments de
genres différents ; en un mot s l'effet que produit
néceffairemeiit le goût, c'eft de nous ramener,par
Il voie du fentiment, aux premiers préceptes de
l'Art, & de réclamer contre tout ce que la vraif-
iemblance & Fefprit de convenance défavouent.
-ocr page 499-
d'Architecture.           46*7
CHAPITRE VI.
Application de l'ordre Τ os can t
A LA DÉCORATION D'UNE PoRTE
de Ville libre.
OU S avons cru devoir attendre , pour faire
appliquer à nos Elevés l'ordre Toican à TArchi-
ie&ure , qu'ils eufîent acquis, non - feulemeos:
les connoiftances_de cet ordre dont il eft traité
au commencement de ce volume, mais auffi qu'ils
enflent lu avec attention les définitions ou le
raifonnement de l'Art qui viennent après , & qui
doivent en être regardées comme la fuite. A
préfent expliquons-leur les procédés dont nous
nous ibmmes iervis pour rendre l'ordonnance de
cette porte, conforme à fexprefnon ruftlque de
cet ordre , & difons : Que lorfqu'une fois on a.
cru devoir le faire entrer dans la décoration des
bâtiments Civils, Militaires ou Navals, il faut
néçeffairement que la difpontion & la propor-
tion générale des maifes du bâtiment foient rufti-
ques, c'eft-à-dire , que la largeur, la hauteur &
la faillie des avant-corps & des arriere-corps, fe
reiTentént de l'expreirlon racourcie de cet ordre ;
autrement on rifqueroit d'allier enfemble les con-
traires , ce qui arrivèrent indifpenfablement, fi l'on
plaçoit cet ordre fur des nus, qui , par leurs
divifions , fembleroient appartenir plutôt aux
ordres moyens & délicats, qu'au Tofcan propre-
ment dit. Ce η eft donc point aifez , loriquon
G gij '
-ocr page 500-
46$                     Cours
veutréniîir dans un projet cle cette efpece, d'avoîf
ïait choix "de cet ordre ; il faut encore que fori
cara&ere ruftique fe retrouve dans toutes les par- '
ties de la décoration , non-feulement pour ce qui
concerne i'Archite&ure, mais encore pour ce qui
regarde les ornements de Sculpture qui y peu-
vent entrer. Pour indiquer la route qu'il convient
d'obferver en pareilles circonftances, nous allons
donner le plan, les élévations & la coupe du pro-
jet -d'une porte , deftinée à fervir délimites à une
ville libre ou de commerce, & rendre compte des
précautions qu'il faut apporter pour conferyer dans
fon tout ou dans fes parties, cette unité & cette
analogie que nous recommandons.
Plan du rez-de-chaussée et de la
plate- forme superieure d'une
Porte destinée a servir de
limites a l'extrémité du f au-
|
bourg d'une Ville libre.
ρ x a nc h ε xi x.
Le plan du rez-de-chauffée, figure I, en faifant
voit l'épaiiTeur du mur F, M, qui détermine celle
de ce bâtiment, indique auiïi la variété qui regne
dans l'ordonnance de ces deux faces oppofées :
différence qui provient de la richeffe qu'on a cru
devoir donner à celle du côté du faubourg , fur
celle du côté de la ville 9 parce qu'elle doit en
être eonfidérée comme le frontifpice, & comme
telle offrir une décoration intéreffante, Expliquons
les rapports qu'ont entr'eux toutes les différentes
parties de cette porte, pour que d'après ce pro-
β'
-ocr page 501-
d'Architecture.            469
<:êdé général, on puiffe parvenir à compqfer telle
ou telle autre ordonnance d'Architeûure en ce
genre.                                   '
Toute îétendue A, Β, longueur prefcrite par
la difpofition du lieu >, eil divifée en douze parties,
-d'un toifè chacune; fix de ces parties font pour
l'avant - corps CD, qui elles-mêmes font par-
tagées en trois; fçavoir : une pour la largeur
dé la porte Ε , & une pour chaque pile'Y', F.
Les arriéres - corps A, G, D , Β, font àuffî-dmfé's
chacun en trois parties : une pour les corps angu-
laires G, G ; une pour la largeur des niches H', H';
& une pour chaque pied droit 1,1. Ces derniers
font encore diviiés en deux, dont chaqùèmoitië
détermine la largeur des renfoncements a, a qui
'contiennent la niche avec fori chambranle; ces
niches H, ont de profondeur la moitiéde leur lar-
geur. Dans l'avant-corps , toute l'épaifleur 'Ml
■mur
F , Μ , eil égale à la largeur de la porte È,
ou, ce qui eft la même chofe, égale à la fixieme
partie de la longueur totale A, Β.
L'épaiiTeur des murs des arrière τ corps, vers
\qs niches, n'en a que la moitié. Les colonnes
Κ de l'avant-corps , pratiquées du côté du fau-
bourg , font adoffées au corps intermédiaire G, ί},
.'.-■& leurs faillies déterminées par celles des retraites
- qui régnent tout au pourtour & au pied du-bâti-
•ment.
                                                               ;
Nous n'avons point placé de colonnes du côté
de la ville, mais feulement des corps d'Archife-
clure M, dont la largeur égale la moitié de celle
- de la pile P, P. A la place des niches, nous
•avons pratiqué dans les afriere-corps, des tables
• ^enfoncées marques "tî ,"& dans lefquelîes nous
en avons inféré de faillantes , afin de procurai
G g ii|
-ocr page 502-
470 ;>?, ".', C ο ν R s
à cette façade un plus grand cara&ere de fermeté *,.
autorifé ici par l'abfence de Tordre.
•il Dans le mafllf de l'avant-corps de cette porte»
nous avons, pour plus d'économie , pratiqué , d'un
côté, un efpace vide marqué L, & qui peut fervir
utilement pour un dépôt; de l'autre côté , nous
avons placé un efcalier à noyau qui monte fur
la plate-forme, fervant de couverture à la partie
fupérieure de ce bâtiment, La figure II, offre le
plan de cette plate-forme conirruite en dalles de
pierre , & où l'on a marqué le caniveau a , qui
conduit les eaux dans la defcente Ο , pratiquée
dans les deux piles placées aux extrémités de cet
édifice, pour de-là venir fe répandre dans une
gargouille poféç furie fol du pavé du, côté du
faubourg»
                              [            ; ή
ËiévATiöN de la Façade dû côte
v. '                                                                                      >                       J
t                       du Faubourg.
8 .           Ρ Ï$M Ν-;:C H £ XX.
Ce que nous venons de dire en décrivant la
, planche précédente, regarde également toutes les
largeurs exprimées dans cette façade, c'eitTià-dire,
- celles de l'avant - corps , du corps intermédiaire ;
celles des arriere-corps, de la porte & des niches ;
ttèutgs parties déterminées d'après le plan dont
nous venons d'expliquer les principales dimen-
fions* Voyons à préfent lqs rapports que la hau-
vteur" 4oit avoir avec la largeur de cet édifice.
Toute la hauteur de ce bâtiment, depuis F jufqu'à
s Q i efl à A Β, à-peu*-pr£s comme un en: à deux ;
Ja largeur du corps intermédiaire C D, eft égaje
à FQ? plus, l'attique R qui s'élève au-deffus»
?
-ocr page 503-
d'Architecture;        '4fi
Pour parvenir enfuite au détail, & après avoir
élevé fur le plan toute la façade AB, 1'avant-
corps CD,1 porte E, les niches H , les corps
de réfend G, les colonnes K, &c. il faudra fixer
la hauteur de la retraite F , au quart de celle
de Tordre, qui ayant 3 pieds de diamètre, aura,
comme Tofcan, 21 pieds de hauteur. L'entable-
ment I, aura aufîi le quart de la hauteur de Tordre,
& tous deux feront aiiiijettis aux mefures parti-
culières de Vignole que nous avons expliquées au
commencement de ce volume.
                        <
Iles niches H auront de hauteur deux fois &
un quart leur largeur ; leurs chambranles a, la
frxieme partie de celle des niches ; les alètes ,
des niches quarrées qui les renferment £, la moi-
tié du pied droit depuis Tangle de la niché H,
jufqu'au corps de refend G. La porte E a de
hauteur deux fois fa largeur , &c. Cette porté ^
dans fa partie fnpérieüre, eit de forme furbaiffée,
au-lieu d'être plein-cintre; & à la place d\m
impofle & d'un archivolte , nous n'avons fait
ufage que d'une feuillure ; cette forme & ce genre
d'ordonnance, ayant quelque chofe de plus ferme
& de plus analogue à Tordre Tofcan qui préfide
ici ; d'ailleurs il faut remarquer que le ftit des
colonnes étant chargé de boifages alternatifs, ce
genre fembloit exiger ce caractère fimple, qui ne
pourroit guère fe fupporter dans les portés aes
autres ordres. Les boffages alternatifs 'J appliqués
aux colonnes, ont chacun un module de hauteur,
ainfi que leurs intervales; leur faillie fur le &t9
eft-de trois minutes. La largeur de Tentreco-
lonnement eft, à fa hauteur , comme neuf éft
à quatorze ; cette proportion racourcie conve-
nant à un ordre dont toutes les parties de Toe*
G giv
' y
-ocr page 504-
%y*&. . · «-f si ι; &:'Ρ: V :& & « * * <1
dohnanee, doivent janxioncer iiiie exfjteiîîon πιίΐί-
que. ..I^a hautaur du clpveaii L ^ eil égalé à la
largeur-des gieds droits- M y;& TunelÉk: lautre ont
neuf douzièmes du diaiiiêtre de l'ordre. La largeur
φ la feuillure Ν jdoit'avoir Ja;fixieme partie de
celle .au. pied droit M, & de profondeur la moitié
de fa largeur. Sur les arrière-corps de cette fa-
çade nous-avons converti la, corniche de l'enta-
Element, i ? en plinthe, marquée Ο ■> parce que
ces arrière - corps ne fervant que d'accotement à
l'a vant-corps principal - de ce bâtiment ,.: il nous
a; femblé^néce-ffaire d'en iimpîifier le couronne-
ment,. ^Uîd^ffus de cette" plinthe Ο, nous n'avons
fait régner q-uunfode ··, J? , ^iuijetti-à 1$ hauteur
de la retraite Q:i qui fontient l'attique marqué
QRS;: ■cetattique fert à faire p^ramider la partie
majeure, du bâtiment '%- qui, dans tous ι les. cas ti
d§fï<J& faire rèmarquer,j fpit par un aiîèz grande
faillie rfoit par une plus grande élévation que le
jefte de la façade.;. A l'imitation des anciens y
nous n'avopsc donné à la hauteur de cet attique,
gueJe qujtrtr de. la>cplonne;& de l'entablement
.pris enfembJe. Nous avons idivifé la ^ hauteur de
cet, attiqi je eo, fanit y hous en avons donné trois
à la retraite Q, quatre ΦϊιΜ R > & une à îa
tablette j S* ; ; Au milieu; de Cet attique ι eil q daptée
une table faiilante deitinée à recevoir lune infcri-
ptioii : .cette table ^réémine: fur l'attique -> & fon
^étendue reftc;:déterminée par la largeur de Fentre-
colpniieinent, Au-deiîiis ; de cette table régne un.
jfocfe couronné des armes du.Rqi, ce qui s'obferve
.aiiéz, .géüérslement dans ces occaiions , comme
une .dédicace offerte au Prince par fes fujets.
Dans, ton s les cas, il faut avoir attention: que
cette Sc.ul|}ture foit pompoiëe d'un caractère mâle
-ocr page 505-
d'architecture.'          473
analogue à l'expreiïlon de Tordre, il en doit être
de même des itatues placées dans les niches., ac-
ties ornements qu'on remarque fur le claveau de
la porte, qui tous doivent offrir peu de^ details,
un faire, une touche vague & indéterminée. INous
n'avons même indiqué pour amortiûement, que
l'abrégé des fupports des Armes de France ioute-
nant un écuffon de forme circulaire ; autrement
les Anges , fupports des Armes de Sa Majelte,
auroient offert ici un mouvement & une élégance
toujours déplacés dans' une ordonnance ruiti-
que. Les itatues de femmes qu'on voit tracées
dansles niches, repréfentent,quoiqu'ailez impar-
faitement , l'Agriculture & l'Abondance ; elles doi-
vent être drapées d'une maniere large, & être ele*
vées chacune fur un piédouche, d'une forme quar-
te,-tel qu'il fe remarque dans cette planche. Pour
claveau nous avons défigné une peau de lion,
attribut de la..Force,&; de la Valeur , allegorie
néanmoins qui conviendroit plutôt à une porte
•de ville de Guerre, qu'à une porte de ville de
"Commerce : il ne.felloit ici qu'un hoflage avec
4eux" contre - clefs , orné tout au plus _dune
«grafie , d'un galbe peu reiTenti ; d ailleurs
-nous devons obferver. qu'en général la Sculpture
-placée ftir des corps liiTes , ne reuffit jamais
3?ien; que pour fautorifer , il faut un corps
faillant , tel quim archivolte^ un chambranle,
&c; Or comme on a fupprimé t ces : membres
I30ur procurer plus de fimpiicité à l'édifice, on
devoir par la même raifon fupprimer auiii la
Sculpture de ce claveau; autrement elle ne
préfente qu'une' richeife indifcrete, qui, loin
ie fymbolifer l'Architeclure, la rend équivoque,
.Cette remarque que nous faifons fur nous-mêmes,,
-ocr page 506-
474.           '*a ; C"o υ RS'; !
apprendra à nos jeunes A rtifles, qu'ils doivent, .
lorfqu'ils fe font trompés, revenir fur leurs pas avec
cette franchife , qui honore les hommes à talents ;
Au reile, les ornements que nous défignons né font
pas les feuls qu'on puiffe employer ici. Mais nous
periiftons à croire , que quelque choix qu'on en
puiife faire , il faut que leurs formes & leurs
expreffions foient non-feulement relatives à l'ordre
Tofcan , mais encore aux différents motifs qui
font élever les bâtiments , & que ce raisonnement
appartient directement à fArchite&e : lui feul
doit créer fes œuvres, & les Sculpteurs ne doi-
vent qu'opérer fous fes yeux. Qu'on juge par-là,
combien il faut d'étude , de connouTances. & de
talents à un tel ordonnateur* ;,
         jm i
Elévation du coté η ε la Ville.
Ρ L À Ν C H £ XX h
Les principales dimeniions de cette façade font
les mêmes que dans la précédente, & n'en dé-
fèrent que; parce que l'ordre eil abfent , raifon
pour laquelle on y remarque beaucoup plus de
Simplicité, l'avant-corps étant feulement compófé
de deux corps d'Archite&ure C , bofTagés ck ver-
iniculés. Au4ieu d'un attique \ cet avant-corps eii:
terminé par un fronton cintré & marqué A ,
beaucoup plus propre à couronner une or don*
nance ruitique , qu'un fronton triangulaire :
kuift obfervons - nous que c'eit/ dans ces cas
feulement , qu'il en faut faire ufage , ainfi
que des arcades furbaifiees , qui fe remarquent
dans les deux façades de cette porte, Cette obfer-
vation nous paroît vraie, malgré la multiplicité des
-ocr page 507-
d'Architecture.           47c
édifices où Ton les a placés indiitin&ement dans les
ordonnances Ioniques Corinthiennes & Comportes.
Derriere ce fronton regne le même attique dont
nous avons parlé précédemment, & qui fe voit ici
en B.
Pour dédommager cet avant-corps de fabfence de
Tordre > nous avons fait régner des boifages alterna*
tifs, δ: nous les avons chargés de vermiculures. On
auroit pu ne placer ces boifages que fur les corps
G, qui foutiennent les extrémités du fronton, &
laiiTer liffes ceux des pieds - droits, de l'arcade &
des claveaux: mais, d'un autre côté , ce genre
d'ornement ruftique , continué ainfi, contribue à
détacher cette partie capitale de deifus les corps
intermédiaires D, où il ne regne que des refends,
& qui fymétriient avec ceux des angles Ε ",
placés aux extrémités de cette façade. Au-lieudes
niches quarrées qui fe remarquent dans la planche
XX, nous n'avons mis dans les arriere-corps de
celle-ci, que de grandes tables faillantes mar-
quées F, les accotements des avant-corps où lés
ordres font füpprimés devant être tenus plus am-
ples que lorsqu'on y fait préfider les ordres. Dans
ces tables nous avons fufpendu des trophées rela-
tifs au commerce ; mais il faut les favoir com-
pofer de grandes parties, les charger de pende
détails, ainii que le blâfon repréfentant les Armes
de la Ville dé Paris, placé dans le tympan du
fronton, & dont la Sculpture indéterminée doit .
être traitée avec encore plus de fermeté, &, nous
] ofons le dire, plus de rudeffe que celle placée du
côté du faubourg ; on ne doit jamais oublier que
la préfence ou l'abfence de l'ordre doit décider
les changements néceiTaires à répandre , & dans
les membres de i'Arçhitefture;, & dans les orne-
-ocr page 508-
ÊÇj6                         C OURS
ments de la Sculpture défîmes à TembelMement
des façades.
Façade latérale et coupe prise sur
■··■?.'■                                                                                                                          '
la profondeur du Bâtiment.
Planche XXI L
La figure I , offre la façade latérale de cette
porte, & fait voir le retour du mur de f arrière-
corpsA, la coupe de celui de clôture Β , la
faillie de Tavant-corps Ε , du coté de la ville, &
celui F, placé du côté du faubourg. La préfé-
rence que nous avons donnée aux boffages alter-
natifs fur les boffages continus -, diftribués dans
'la hauteur du fut des colonnes, & le rapports
que ces boffages doivent avoir avec le module
de Tordre, ont déterminé ici la hauteur des affifes
que forment les refends qui régnent au tour de
ce/bâtiment ; autrement il auroit fallu, & dans
, cette façade latérale & dans celle f du côté de la
ville où l'ordre ne préiide pas , ne placer que
quatorze refends au-lieu de quinze; parce que
nous penfons que Tabfence de Tordre exige né-
cessairement de donner à tous les membres de la
décoration un peu plus de pefanteur; mais comme
ce bâtiment fe trouve pour ainfi dire iiblé de
toute part, & que par cette raifon il a fallu que
les boffages & lés refends fuiTent réduits à une
hauteur commune, nous avons préféré alors de
faire les affifes im peu trop baffes, plutôt que
de les élever aux dépens de la relation qu'elles
doivent avoir avec la hauteur des boffages des
colonnes, parce que le mur de clôture Β étant
beaucoup moins élevé que tout le .reffe du bâti-
-ocr page 509-
D'A R C 1 Τ Ε C Τ U R E.              477
ment, on fe feroit aperçu de cette difparjté ,
qu'il faut éviter avec foin. Si cependant ces
refends ? réduits au-deffous d'un module , fe eon-
tredifoient trop avec le caraclere de fermeté
répandu dans la façade , il ne faudrait pas héiïter
de faire les boffages des colonnes continus , parce
qu'alors pouvant devenir pairs. au-lieu d'impairs ,
on pourroit leur donner une hauteur aiTortie au
itile de l'ordonnance. Nous recommandons à nos
Elevés de prendre garde à cette remarque , pour
qu'ils apprennent à fentir combien il leur eft im-
portant de ne négliger aucunes parties des détails,
îorfqu'ils commencent à compofer ; puifque c'eiî
du rapport des membres d'Architecture comparés
les uns avec les autres , non-feulement que les
bâtiments les plus fomptueux tiennent tout leur
éclat, mais encore que les bâtiments les plus
fimples tirent leur principal relief & leurs plus
grandes beautés.
La figure 11, nous. donne. la coupé de cette
porte, prife dans'le milieu de Tavant-corps des
deux façades : on remarque dans fa partie fupé-
rieure le profil des dalles en recouvrement mar-
quées Β, qui fervent de couverture à l'épaifleur
de ce bâtiment. Au-deiTus de ces dalles nous au-
rions dû exprimer l'élévation de la lanterne qui
éclaire i'efcalier pratiqué de fond en comble pour
arriver fur cette terraife, & auquel la porte marquée
A, donne entrée auiîi bien qu'à une pièce C, deili-
née à fervir de magalïn pour des ùfteniiles à
l'ufage des incendies. Non-feulement cette lan-
terne auroit fait un aiTez mauvais effet dans ce
jdefîin ; mais il àtiroit fallu l'exprimer auiTi dans les
élévations ; ôç comme elle ne peut fe remarquer
-ocr page 510-
£$ Cours d'Architecture.
d'én-bas, nous n'avons pas cru devoir la placer
ici; nous nous fommes feulement contentés de
l'indiquer dans le plan , planche XIX, figure 11 ;
cet objet d'utilité n'étant d'ailleurs fufceptible
d'aucune décoration. Le magafin C , qui s'étend
au-deifus de la porte dans toute la longueur
du bâtiment , reçoit le jour par des barbacan-
nes horifontaies , pratiquées au- defîlis de la cor-
niche de l'entablement, qui ne pourroient s'ap-
percevoir d'en-bas, le point de diitance Ç , étant
établi à cinquante-un pieds de la façade du bâti-
ment , moitié du produit de la fomme de la lon-
gueur de Fédiiice» qui eil de foixante-douze pieds,
avec celui de la hauteur de l'entablement élevé de
trente pieds du fol : opération qui donne le rayon
vifuelD,E, qui, prolongé jufqu'en F, mafque
entièrement la hauteur de cette barbacarine.
Nous finiiTons ici ce premier volume pour com-
prendre dans le fuivant les trois ordres Gijecs , &
le Compofite Romain. Tout ce qui vient d'être dit
ne doit encore être regardé par nos Elevés que
comme les premiers éléments de l'Art, éléments
qu'il étoit néceffaire. d'acquérir , &dont nous leur
recommandons l'étude avant dev parler à la théorie
dont nous allons parler.
Fm du premier Volume. ->
De l'Imprimerie de Lot tin l'aîné; 1771.
-ocr page 511-
E R R ATA.
^4h /iew <ie ,
n'avok été,
enrt'autres ,
roifieme \
fon fils ,
puplia,
quelles ,
Sq-Kien,
mortiers,
a reçu ,
confu niées,
Sainte-Antoine ,
Ïean-Paul Paiimi,
M. Patt,
l'humaimtê,
Autres Arts,
facultés l'efprit humain,
les Michel-Anges , les Ber-
nins,
de l'Hiitoiie des Belles-
. Lettres,
maifon de Tofcane ,
'Primatices,
            > »
les Délótmes ,
les colonnes Trajannes,
le dé h ,
qu'il ne faut toujours ,
le tailloir ρ , la platte-
bande d , 6c le lifteau q ,
reduit à un diamètre,
Planche XVI,
du cilindre iz , c ,
ce chapiteau été imité ,
Planche XX ,
Planche XX,
          . . *
beaucoup de faillies ,
Planche XIX ,
corniches iîmplifiés,
Planche XX,
laftatuene devoir,
pleins ,
                         ' .
les DebrofTes ,
Planche XIX ,
dyramidales,
un Architecture,
de Berty',
les DebrofTes,
Pages,
i7
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entr'autres,
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fon fils 7                   ^
publia.
quels.
Fo-Kien,
agens.
ont reçu.
confumés.
Saint-Antoine. .
Jean-Paul Panini.
M, Patte.
l'humanité.
autres Arts.
facultés de l'efprit humain.
les Michel-Ange, les Ber-
nin.
de l'fiiftoire , des Bclles-
Lettres.
maifon Tofeane.
Primatice.
les Delorme.
les colonnes Trajane.
le dé b.
qu'il ne faut pas toujours,
le tailloir d , la piatte-
bande 5 , & le lifteau p.
réduite à un même.
Planche XV.
du cilindre d , c,
ce chapiteau ayant etc.
Planche XVIII.
Planche XVIII-
beaucoup de faillie.
Planche XVII.
corniches Amplifiées.
Planche XVIII.
les ftatues ne dévoient,
plein.
les Debroffe.
Planche XVir.
pyramidales,
une Architecture.
de Berci.
les Debroffe.
ï'54
I
179
II
1^0
18
2.19
note r.
110
7
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17
3.64
Itf
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note r.
iä.
note y.
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dern.
384
5-4-
îi»o
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400
note 0
411
" 7- .
Jb'Approbation & le Privilège du Roi f e trouveront
M la fin du dernier volume.