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�.
1
COURS
D'ARCHITECTURE
CIVILE.
m
m
-ocr page 2-
f
cou
D'ARCHITECTURE,
ο υ.
TRAIT�
De la D�coration, Di�ribution & Conflruclion
DES B�TIMENTS;.
C ON Τ EN A Ν Τ
Les Le�ons donn�esfen 1750, & les ann�es
iiiivanr.es, par J. F. Blondel , Archke&e,
dans fon �cole des Arts.
Publi� de Haveu de ΐ Auteur, par M, �***.
TOME PREMIER.
Chez D�saint, Libraire, rue du Foin-S.-Jacques�
ϊα*β^^
M DGf L.XXL
Avec Approbation, & Privil�ge du Ro�
-ocr page 3-
t
AVIS DE L'�DITEUR.
A pr�s avoir obtenu de l'Auteur
la permii�ion de publier cet Ouvrage
int�reifant , pour m'acquitter de la
reconnoiifance que je lui dois, d'avoir
bien voulu f�conder, par fes foins &C
avec fon d�f�nt�reifemeiit ordinaire ,
mon go�t pour Γ Architecture, j'avois,
dans un Difcours pr�liminaire, faiii
l'occai�on, en faifant conno�tre l'utilit�
de fes Le�ons, de parler aui�i, �C des
talents reconnus de cet Architecte, &C
de fon z�le infatigable pour les progr�s
de ce bel Art ; mais apr�s lui avoir
communiqu� mon travail, fa modeftie
n'a voulu me permettre aucune efpece
d'�loge. « Je vous fuis tr�s-oblig�, m'a-
»t-il dit, de ce que vous penfez d'a-
» vantageux fur mon compte ; mais
«je fuis bien �loign� de croire avoir
" rempli la t�che que je me fuis im-
»pof�e. Quelques connoiifances que
»vous ayez acquife dans nos Con-
� � �
-ocr page 4-
■Λ
χ)                     A F Ι S
*> f�rences, les miennes m'y font apper-
» cevoir une infinit� de fautes qui me
» font �chapp�es 3 & que les hommes
» �clair�s y remarqueront fans doute.
» Ne perdez pas de vue , je vous
» prie , que mon confentement �
» vous laii�er publier mes Le�ons, n'a
«eu d'autre but que l'efpoir qu'elles
» pourraient �tre de quelque futilit�
» aux jeunes gens qui fe deftinent
» � l'Architecture : que malgr� qua-
» rante ann�es d'exp�rience , je n'ai
» garde de vouloir pr�tendre � l'ap-
» probation du plus grand nombre
» de ceux qui, de notre temps, tien-
» nent un rang diftingu� parmi nous :
» fongez , ajouta-t-il, que le Manufcrit
» que je vous ai confi� n'eft que le
» r�fultat de vingt ann�es de recher-
« ches ; mais qui faites dans des temps
» diff�rents 6i � diverfesreprifes, man-
»quent peut-�tre de cette liaifon n�-
*> ceifaire � obferver dans un Ouvrage
» qui, confi� � la preife, demandoit
-ocr page 5-
DE L'�DITEUR.        y
* une �rudition au-dei�us de mes forces.
»Donnez mon travail au Public, j'y
» confens ; mais oubliez tout ce qui me
» regarde &C qui pourrait d�plaire � mes
» Contemporains. Jeune encore lorfque
» je compofai la plus grande partie des
» Le�ons qu'il contient , une forte
» d'enthouf�afme fembloit m'�tre per-
» mife ; aujourd'hui corrig� par l'�ge ,
» je reconnois le danger de cet enthott-
» i�afme, fur- tout lorfqu'il eft pouif�
»trop loin. Je n'afpire plus qu'� h
» retraite, au iilence ; ma carri�re eft
» remplie: ne donnez mes Obfervations
» que pour ce qu'elles valent, & que
» votre amiti� ne s'aveugle pas fur quel-
» ques talents que je dois plus � mon
» z�le qu'� mes lumi�res ». Pour con-
defcendre aux intentions de l'Auteur,
& me renfermer dans fes vues patrioti-
ques > je lui facrifie volontiers le plaii�r
que j'aurois eu � m'�tendre fur la r�pu-
tation qu'il s'eft acquife, �c fur fes
qualit�s perfonnelles. Je vais donc
a iv
-ocr page 6-
v��j A VIS DE D�DITEUR.
donner fes Le�ons telles exadement
que je les ai trouv�es dans fon Ma-
nufcrit, fans excepter m�me, ni fon
�pitre d�dicatoire , ni la Pr�face qu'il
avoir d�j� faite , n'ayant d'autre part
� cet Ouvrage, que d'en avoir acc�l�r�
l'impreiTion 3 dont je me flatte que le
Public me faura quelque gr�.
-ocr page 7-
�PITRE D�DICATOIRE.
C/ Έ s τ aux Perfonnes en Place, � qui
nous devons notre �tat , aux Amateurs d&
la v�ritable Architecture qui ont anim� notre
%�le : c'e� aux Architectes c�l�bres qui ont
dirig� nos �tudes , aux Artifles habiles qui
nous ont �clair�s fur les diff�rentes parties de
notre Art : c'e� � nos Elev�s, qui plus d*ujie
fois nous ont fourni l'occafion de r�duire en
principes la plus grande partie des r�gles que
les Manfards ont mifes en pratique dans leurs
�difices : c'e� � ces divers Citoyens que nous
croyons devoir d�dier notre ouvrage. Cet hom-
mage public r s'il efi bien re�u, fera pour nous
la r�compenfe la plus fiatteufe que nous piaffions
efp�rer du fruit de nos veilles; trop heureux β nos
efforts r�pondent, en quelque forte
, � l''attente
de ceux que nous avons ici en vue : nous nous
flattons du moins qu'ils voudront bien accceuillir
ce qui fe trouvera de moins d�fectueux dans ce
�Jfe- 'J���L*.
-ocr page 8-
X        �piTRE D�DICATOIRE.
Cours. Ce qu'il contient de meilleur leur appar-
tient fans doute : mais nous ofons croire
, qu'en
faveur de l'ufage que nous avons fait de leurs
avis, ils voudront bien avoir quelqu indulgence
pour tout ce que nous avons tir� de notre propre
fond.
Quelle que piaffe �tre L� d�ci/�on du Public
fur le fort de cette entreprife affe^ importante t
nous ne l'en affurons pas moins de la pl�ni-
tude de notre reconnoiffance pour tout ce que.
nous lui devons jufqu'� pr�fent.
-ocr page 9-
PR�FACE. X>
O Ν peut dire que, jufqu'� pr�fent, nous
n'avons pas eu encore de Cours d'Architecture
qui embrai�e toutes les parties de cet Art.
Celui de d'Avilcr, eftimable � beaucoup
d'�gards , eft trop incomplet. Fran�ois
Blondel, c�l�bre Architecte , ne nous �
gu�re parl�, dans le fien, que des ordres
i�ivant les anciens & les modernes, des
Arcs de Triomphe, des Ponts5 � quoi 'il a
ajout� lesDefcriptions de quelques �difices
qu'il a fait ex�cuter. Il manque � cet Ouvra-
ge , d'ailleurs excellent, les principes de la
conilrucfcion, de la diitribution, & de la d�co-
ration int�rieure ; ces deux derni�res parties,
font devenues en France, depuis ce grand
Ma�tre , un objet tr�s-int�reiiant dans l'art
de b�tir. Un Cours complet d'Architecture
eft donc, pour ainfi dire , une nouvelle
entreprife qui ne peut manquer de devenir
utile aux diff�rentes perfonnes qui s'int�-
reffent � cet Art. Nous convenons que ce
travail n'a pas �t� pour nous fans difficult� :
il s'agiiToit de fondre en un feul corps de
Le�ons, tout ce qui s'eft dit d'excellent
fur cet objet, &; de lier enfemble, non-
feulement tout ce qui appartient � l'Ar-
chitecture, mais encore tout ce qui regarde
les autres Arts de go�t qu'elle dirige Se
fait valoir en fe les aifociant.
»
-ocr page 10-
xij               PR�FACE.
Nous efp�rons que le Public recevra cet
Ouvrage avec quelque plaifir , du moins
nous nous rappelons avec reconnoiiTance,
l'accceuil favorable qu'il a bien voulu faire �
nos premiers efforts, Cependant nous avons
balanc� long-temps � mettre au jour ce
nouveau fruit de nos occupations, les meil-
leurs livres en ce genre ne pouvant feuls
former d'excellents Artiiles : nous nous y
fbmmes d�termin�s n�anmoins, nous �tant
aper�us plus d'une fois, que l'ufage de dicter
des cahiers, fait perdre aux Elev�s un temps
consid�rable qu'ils pourroient mieux em-
ployer � fuivre les d�monftrations des
Frofeil�urs. D'ailleurs nous nous fommes
prefque toujours aper�us que les copies que
la plupart en fa�fbient, �toient peu lif�bles
pour ceux m�mes qui les avoient �crites -y
que d'autres y laiiToient des lacunes qui
�nterrompoient la liaifon que les Le�ons
doivent avoir les unes avec les autres t
qu'enfin les incorrections que nous remar-
quions dans la plupart des figures, ainfi
que dans le texte &: les notes, rendoienc
n�ceifairement leurs Manufcrits tr�s-im-
parfaits. Ces motifs nous ont fait pren-
dre le parti de faire imprimer cet Ou-
vrage , quelque crainte que nous ayons
eue de n'avoir rempli que m�diocrement
notre objet. Nous avouons m�me que
-ocr page 11-
PR�FACE.             xiij
nous avons �t� fouvent embarrai��s fur le
ftyle qu'il convenoit de donner � nos Le-
�ons. Enfin comme il nous a paru eiTenciel
d'�viter , &. les termes de l'Art, peu ui�t�s
dans le commerce du monde , & la f�che-
reiTe d'un Ouvrage purement �l�mentaire,
nous avons cru , qu'elles d�voient �tre
�crites de maniere que les plus foibles nous
compr�Tent, & que les hommes d�j� �clai-
r�s en puflent go�ter les pr�ceptes. Au
refte, au d�faut d'un plus grand degr� de
perfection que nous aurions dei�r� donner
� notre travail , nous nous fommes du
moins tourn�s du c�t� de l'utilit� : nous
avons t�ch� de le mettre � la port�e de
ceux qui d�firent s'inftruire dans l'Art de
l'Architecture, Se de fournir aux Profei-
feurs des mat�riaux qu'ils pourront adop-
ter dans leurs exercices publics.
Pour y parvenir , nous n'avons pas h�fit�
de faire part � nos Le&eurs de la plus
grande partie de ce que nos plus habiles
Archite&es ont �crit de plus int�refiant
fur cet Art. Ce n'eft donc point notre i�n-
timent feul que nous leur offrons , c'eft
une fuite d'obfervations faites d'apr�s les
exemples les plus approuv�s , de ceux
m�mes qui, fans avoir �crit fur l'Archi-
te&ure, ne nous en ont pas moins laii�� en
France, des mod�les dignes d'Ath�nes &�
-ocr page 12-
xiv              PR�FACE.
de Rome. Nous avons penf� que c'�to�t au
gout � nous �clairer fur ce que nous de-
vions adopter ou rejeter de leurs opinions,
chaque Architecte appel� � Ton Art par le
g�nie, ayant fa maniere de voir & d'appr�-
cier. D'ailleurs nous fommes perfuad�s qu'il
eft une imitation qui n'a rien de fervile, &
qui nous rend propres les richefl�s que
nous empruntons d'autrui , foit dans les
Arts, foit dans les Lettres : trop heureux i�
nous avons bien iaif� ce que nous avons
puif� dans les Ouvrages de diff�rents gen-
res, & l� nous ibmmes parvenus � le bien
rendre � nos Elev�s.
Peut-�tre nous faura-t-on aui�� quelque
gr� d'avoir joint nos propres r�flexions �
celles des anciens &: des modernes 5 du
moins notre intention a �t� par-l�, d'exciter
les jeunes Artiltes � examiner par eux-
m�mes , &c fans partialit�, le bon ou le
mauvais effet que peut produire fur leur
eiprit, la perfection ou l'imperfection r�-
pandue dans la plupart de nos b�timents ; �
appr�cier ce qu'ils doivent imiter ou rejeter,
& a fe mettre en �tat de diftinguer la belle
Architecture d'avec l'Architecture m�dio-
cre. Nous n'ofons n�anmoins trop efp�rer
de ces moyens ; il peut nous �tre �chapp�
bien dos obiervations utiles : mais pour
r�parer nos omiffions, nous invitons nos
-ocr page 13-
PR�FACE.              χψ
Lecteurs � nous les faire conno�tre. Bien loin
que leur cenfure nous d�foblige , nous
iouhaitons qu'on ne nous paife rien ; nous
n'avons pas la vanit� de nous croire fans
d�fauts. En publiant ce Cours , nous
n'avons eu en vue que l'utilit� de nos El�-
ves, &c nous profiterons avec reconnoif-
iance des obfervations qu'on voudra bien
nous faire.
Malgr� cet aveu, on ne doit pas s'atten-
dre ici � de /impies apologies 5 & quoiqu'il
s'agifl� fouvent d'obfervations faites iur
les productions des plus grands Ma�tres,
des �loges affect�s nous auroient fembl�
plut�t un outrage pour nos illuftres Pr�d�-
ceil�urs , qu'un hommage digne de leurs
talents Ces m�mes �loges auroient peut-
�tre aui�� paru injurieux � ceux de notre
temps qui ont ai��z d'acquis pour profiter
de nos obfervations. Le ton apolog�ti-
que nous a donc paru ne convenir que
pour l'encouragement qu'on doit aux
�lev�s d�j� avanc�s 5 autrement le Public
en applaudiil�nt au z�le de l'�crivain ,
bl�me tout bas, ou fon incapacit� , ou
fa complaifance pour les ouvrages de fes
Contemporains. D'ailleurs nous avons cru
qu'un Trait� tel que celui - ci , devoir
avoir un autre but, & qu'une critique trop
auftere eil auifi peu propre � inilruire,
-ocr page 14-
xvj             PR�FACE.
qu'une apologie outr�e eil peu fat�sfa�lartte
pour les Artiltes qui en /ont l'objet.
Nous pr�fentons donc, avec quelque
confiance , nos propres r�flexions , fans
nous attendre qu'elles foient toujours ado-
pt�es : notre ambition ne va pas juiqu'�
pr�tendre plaire � tous 5 il nous jfuffit d'ap-
prendre � la poit�rit� , il cet Ouvrage
peut y parvenir, ce qu'auront penf� ceux
qui, dans les chofes d'art &c de go�t, ne
font d'aucun fiecle ni d'aucun pays.
Nous avons fur-tout cherch� a analyfer
ce qu'on peut appeler le rationnement de
Γ Architecture ; nous nous flattons m�me
que cette partie de notre Ouvrage ne fera
pas la moins int�rei��nte , nous ayant paru
la plus capable de faire �cl�re le germe
du g�nie de l'�lev�, de d�velopper, d'�-
tendre i�s id�es, de fixer fon imagination,
de pr�parer ion eiprit , pour rec�uillir
avec fruit les pr�ceptes les plus approuv�s,
&: parvenir enfin � en faire une applica-
tion judicieufe dans fes diff�rentes produ-
ctions. On nous a reproch� plus d'une
fois , que cette facilit� de nous livrer
aux v�ux du plus grand nombre, avoit
ouvert trop indiiKncfement � la multitude
les moyens d'acqu�rir les connoii��nces de
l'Architedurej que pour quelques Citoyens
dignes d'�tre inities dans i�s myfteres ,
combien
-ocr page 15-
PR�FACE.         xvij
combien d'autres �toient incapables de Jes
comprendre, d'o� fe font multipli�s tant
d'hommes m�diocres ; mais nous avons
vu cela autrement, perfuad�s, par notre
propre exp�rience, qu'il falloit ei�ayer
de tous, pour �tre v�ritablement utile �
quelques-uns, fufceptibles d'approfondir ,
de conno�tre �c de fe diitinguer dans cet
Art.
Dei�rant donc que ce Cours devienne
utile, fut-tout aux Ecoles qui s'�tablii��nc
dans nos Provinces, nous n'avons pas n�-
glig� d'y inf�rer par forme dedigrei��on les
avis que nous avons �t� � port�e de donner
de temps � autre � nos �lev�s , foit pour
encourager les uns , /oit pour exciter l'�-
mulation des autres 5 -nous avons eu inten-
tion que ce corps de Le�ons puiiTe fervir
de guide � ceux qui, dans Ja fuite , vou-
dront courir la m�me carri�re j nous ne
ferions peut-�tre pas entr�s, dans tous ces
d�tails, i� nous avions �crit fur l'Archite-
cture , feulement pour les Artiiles d�j� �clai-
r�s , comme nous avons eu occai�on de Ja
faire pr�c�demment.
IJ nous reite � rendre compte de Ja di~
vii�on que nous avons donn�e � ce Cours.
Nous avons commenc� par traiter de Ja
d�coration, avant de parler des deux autres
parties de l'Architedure qui regardent Ja
Tome I.                                                     b              , '■�
-ocr page 16-
xviij         PR�FACE.
diitribution & la conitru&ion 5 parce qu'il
nous a paru n�ceiTaire de parler de la fcience
de l'Art avant de paffer � la pratique. En
effet, l'Architecte ne peut exceller dans
l'ordonnance de fa d�coration , que par
le fecours de la th�orie , qui fuppofe la
connoiifance des Belles-Lettres, des Math�-
matiques Se du Deffin : connoiifances fans
lefquelles il ne peut parvenir au raifonne-
ment, aux proportions & au go�t de l'Art.
P'ailleurs nous regardons la diitribution
comme une partie qui doit �tre interm�-
diairement plac�e entre la d�coration & la
conitruction.
Gomme ces diff�rentes parties ont rap-
port entr'elles, en traitant de l'une, nous
ferons quelquefois oblig�s de parler de l'au-
tre. Par exemple, en traitant de la d�cora-
tion des �difices, nous parlerons non-feule-
ment de la diitribution ext�rieure, mais auffi
de la diitribution des dedans 3 on ne peut
�viter la r�union de ces deux principaux
objets, fans tomber dans l'inconv�nient de
la plupart des Architectes du dernier i�ecle,
qui, pour avoir n�glig� les commodit�s
qui rendent aujourd'hui nos habitations
ii int�reifantes, n'ont gu�re produit que
de belles fa�ades, tandis qu'au contraire
le plus grand nombre de nos Contem-
porains , il y a trente ans , ne s'�tant
attach�s qu'� la diitribution proprement
.........-..................-.....
-ocr page 17-
PR�FACE,         xh
dite, & aux embell�Tements des dedans,
ont fi ibuvent d�figur� l'ordonnance des
dehors, qu'ils ont, pour ainfi dire, fait ou-
blier le r�gne des Perrault &: des Manfard.
Nous avertif�ons encore , qu'il ne nous fera
gu�re pol��ble, en traitant ces deux premi�-
res Parties, de ne pas faire entrer dans nos
obfervations, les notions pr�liminaires de
la conftru&ion , qui terminera cet Ou-
vrage , le fucc�s d'un b�timent d�pendant
�bfolument de la r�union de ces trois bran-
ches de l'Art : r�union qui certainement
rend l'�tude de l'Architecture aujourd'hui
plus difficile qu'elle ne i'�to�t, m�me du
temps des Grecs & des Romains. �xpofons
fommairement ici le plan des diff�rentes
Le�ons que renfermera ce Cours.
La Premiere Partie, qui aura pour
objet la d�coration des Edifices, contiendra
une Introduction dans laquelle fe devront
puifer les id�es g�n�rales de l'Architecture
& des Arts qui y font relatifs. Cette intro-
duction fera conno�tre l'origine, les progr�s
& les r�volutions arriv�es dans l'Archite-
cture, ainfi que dans les Arts du Jardi-
nage , de la Sculpture & de l� Peinture.
Apr�s cette Introduction feront trait�s les
objets fuivants, dans autant de Chapitres
particuliers.
bij
-ocr page 18-
xx             PR�FACE.
Sources de l'Art, ou origine des
Ordres Grecs & Romains dans lefquels
on doit puifer l'expreffion relative � la
d�coration des �difices.
Pr�ceptes de l'Art , tir�s de la pro-
portion de ces m�mes Ordres ? fuivant les
anciens & les modernes.
Raisonnement de l'Art , ou d�fi-
nitions des principaux membres d'Archite-
cture �c de Sculpture, utiles � la d�cora-
tion des fa�ades.
Analyse de l'Art , ou moyens de
parvenir � diilinguer la bonne Architecture
d'avec l'Architecture m�diocre.
Du GOUST de l'Art, ou maniere
d'�viter tout ce qui peut y �tre contraire.
Application de l'Art, ou maniere
d'�lever les Ordres les uns au-deiTus des
autres, avec leurs mefures exa&es dans les
diff�rents �tages de nos b�timents, &c mis
en parallele avec ceux des principaux �di-
fices anciens.
F�condit� de l'Art , ou moyens de
donner � chaque �difice le cara�tere parti-
culier qui lui convient.
Discussions de l'Art, o� l'on prouve
que les proportions obferv�es dans les �di-
fices les plus c�l�bres, ont �t� puif�es dans
la nature.
-ocr page 19-
PR�FACE.            xxj
Licences de l'Art, au moyens de
s'�loigner de la rigidit� des pr�ceptes, en
-�vitant n�anmoins les abus qu'elles occa-
i�onnent quelquefois dans les productions
des Architectes m�diocres.
Perfection de l'Art , qui i�ule peut
faire parvenir � la r�gularit� abfolue dans
l'ordonnance ext�rieure Se int�rieure de
nos b�timents.
Exp�rience de l'Art, qui amen� �
d�m�ler , par l'examen de quelques-uns de
nos �difices, leurs v�ritables beaut�s, ou
les m�diocrit�s dont plul�eurs ne font pas
toujours exempts.
La seconde Partie , qui aura pour
objet la diflribution, contiendra une Intro^
dudion fur l'origine de cette branche de
l'Architecture : � cette Introduction fuc-
c�dera ce qu'on a pu dire d'int�reilanc
fur les b�timents d'habitation , de magni-
ficence , d'utilit� & de furet�. On obi�r-
vera, dans cette f�conde Partie, l'ordre
fuivant.
De la distribution, o� l'on traitera
de la difpofition g�n�rale des Palais des
Rois , des Maifons royales, des Maifons
de Dlaifance, des Maifons de campagne, des
Ch�teaux, des H�tels des grands Seigneurs,
& des Maifons des riches Particuliers.
b iij
-ocr page 20-
*xi] Pr�fac�.
Des Appartements en g�n�ral,
des Appartements de parade, de foci�t�,
& de ceux nomm�s Appartements parti-
culiers deilin�s � la demeure perfonnelle
des propri�taires. De la proportion que
les hauteurs des pi�ces de ces diff�rents
Appartements doivent avoir par rapport
� leurs diam�tres, &c.
Des diff�rents genres de Pi�ces
qui compofent les Appartements, tels que
les Vei�ibules, les Anti - chambres , les
Salles, les Salions, les Chambres � coucher,
les Cabinets & les Garderobes,
De la disposition , de l'expof�tion
& de la fituation des Galleries, des Biblio-
th�ques , des Salions � double �tage , des
Chapelles particuli�res, & des appartements
de Bains de propret�.
Des diff�rentes formes des Esca*
LIER s , de leur difpoiition , d�coration ,
conftru�Hon5 de la maniere de les �clairer,
& des diverfes mati�res qui peuvent entrer
dans leur conftru&ion.
De la d�coration int�rieure des
diff�rentes pi�ces d'un Appartement, rela-
tive � leur ufage particulier, o� il fera trait�
de la Sculpture , de la Peinture , de la
Dorure, des Glaces, du Marbre, du Bronze,
& g�n�ralement de toutes les parties qui
contribuent � l'embelliiiement de l'int�rieur
des B�timents,
-ocr page 21-
PR�FACE.             xxiij
De la Distribution des Cuisines
&c Fournils, des Offices, des �curies,- des
Remifes, des Logements des Officiers, de
ceux des 'Domeftiques, des Colombiers,
des Glaci�res, des Chenils, des Man�ges
couverts tk. d�couverts, de leurs d�pendan-
ces, &c.
De la distribution des Oran-
geries , des Belveders, des Trianons ,
des M�nageries , des Faifanderies &: autres
B�timents r�pandus dans les Jardins de
propret� , 8c dans les Parcs des Maiibns
de Plaifance.
De la distribution des Jardins
de propret� en g�n�ral, &: de toutes les
parties qui concourent � leur embellii�e-
ment, tels que les Terrai�es, les Efcaliers,
les Pi�ces d'Eau, les Parterres, les Salles de
verdure, les Bofquets, les Berceaux arti-
ficiels , naturels, &c.
De la distribution et de l'or-
donnance des �difices sacr�s , tels
que les Eglifes Cath�drales, Paroii�iales,
Conventuelles, & de celles nomm�es Eglifes
en rotondes.
De la distribution des H�tels-
de-Ville , des Biblioth�ques publiques ,
des Bafiliques ou Palais de la Juftice, des
Coll�ges, des Aqueducs, des Fontaines,
des H�pitaux , des March�s, des Manu-
ιέ iv
-ocr page 22-
xxiv         PR�FACE.
factures, des Th��tres, des Foires & des
Halles de diff�rents genres.
De la distribution des Arsenaux,
des Cafernes, des Portes de Ville, des Places
d'Armes, des Priions Militaires, des Ports,
des Ponts, &c.
La troisi�me Partie , qui aura pour
objet la conftruclion, contiendra une In-
troduction , o� il fera parl� de ce que les
us & coutumes prefcrivent concernant les
B�timents : de l'art de faire des Devis ,
du poids & des diff�rentes qualit�s des
mati�res propres � l'art de b�tir.
De la Ma�onnerie en g�n�ral, & en
particulier de la Pierre & du Marbre, de
la Brique, du Pl�tre , de la Chaux, du
Sable & du Mortier.
DE LA MANIERE DE PLANTER UN
B�timent , de l'excavation des terres &
des pr�cautions qu'il faut prendre pour
parvenir � ces deux objets.
De la construction des Murs
de fondation, de face & de refend, mi-
toyens &L de cl�tures ; des diff�rentes ma-
ti�res qui y peuvent entrer, & des agents
que l'on emploie pour les unir enfnnble.
Des diff�rentes esp�ces de Vo�-
tes , de leurs pouif�es, des vouffures, des
Trompes, des Panaches, &c
-ocr page 23-
PR�FACE.            xxv
Des �pures Se des d�veloppements utiles
� l'art du trait, pour parvenir d'une maniere
pratique � la coupe des Pierres & des Bois»
De la Charpenterie en g�n�ral &
en particulier , des Planchers, des Pans
de bois, & des diff�rentes formes & aiTem-
blages des Combles.
De la Serrurerie en g�n�ral & en
particulier des gros fers de la Serrurerie &
de la Ferrure.
De la Menuiserie , o� il fera parl�
de la qualit� des bois propres � cet Art,
&en particulier de l'afTemblage des Portes �
Placard, des Lambris de hauteur & d'appui,
des Croif�es, des Parquets & de toutes les
parties qui contribuent � la falubrit� & �
l'embelliiiement des appartements.
De la Couverture en Cuivre, en
Plomb, en Ardoife, en Tuile & en Bar-
deaux : de la Plomberie concernant les
Cha�naux, les Defcentes, les TerraiTes, les
Noues, les Fa�tages, les Ar�tiers & autres
parties d'utilit� en ce genre, & de la D�co-
ration qu'il procur� � nos �difices.
De la Peinture d'imprei��on, de fes
diff�rentes efpeces: � l'huile, au chipolin, �
l'encauftique, � la grecque , en d�trempe ;
de la Dorure au blanc d'apr�t & � l'huile}
des RehaulT�s d'or , des Cama�eux , des
Grifailles &c autres embelliiTements de cette
efpece.
s
-ocr page 24-
xxvj         PR�FACE.
Cet Ouvrage contiendra fix volumes,
Se environ deux cents planche^ n�ceiTaires �
i'intelligence du Difcours : perfuad� qu'un
dei�in bien rendu, foit qu'il repr�fente un
plan, une �l�vation, une coupe ou quelques
.d�veloppements des diff�rentes parties d'un
B�timent, prouve mieux & plus prompte-
ment que la narration la plus fatisfaifante ;
les phrafes les plus claires fuppl�ant mal au
deifin. D'ailleurs, de m�me qu'il eil rare que
Ja premiere compoi�tion d'un projet que
l'imagination fait concevoir � la h�te , fe
trouve ex�cut�e telle que d'abord elle a �t�
con�ue : de m�me il y a toujours une tr�s-
grande diff�rence entre des Le�ons pure-
ment fp�culatives, &l celles aid�es de la
dcmonilration. Combien de fois n'avons-
nous pas �prouv�, qu'une ou deux figures
l�g�rement trac�es fur l'ardoife, �pargnoient
dans nos Conf�rences une circonlocution
que nous n'aurions pu �viter fans cefecours.
Il faut en convenir, l'efprit le plus m�tho-
dique enfante quelquefois des chim�res,
qu'un dei�in bien rendu d�truit. Certaine-
ment il faut �tre tr�s-verf� dans l'Archi-
tefture, pour imaginer avec quelque pr�ci-
fion , & pour rendre ies id�es aux autres
fans le fecours d'une figure qui parle aux
yeux. Nous pouvons le dire ici : Vitruve
n'a paru obfcur � fes Commentateurs, que
-ocr page 25-
PR�FACE.           xxvij
parce que les planches dont il avo�t accom-
pagn� fes explications, ont �t� perdues
pour la plupart. Cet Auteur, � qui on ne
peut refufer beaucoup d'�rudition & de
capacit� , nous paro�troit n�anmoins plus
clair, h* fes deffins originaux nous �toient
parvenus, & ils auroient concili� ce que
des volumes de Commentaires ne peuvent
accorder.
Peut-�tre e�t-il �t� � defirer que les
deffins des planches de notre Cours eui��nt
�t� fur une �chelle un peu plus grande ;
mais il auroit fallu avoir recours � l'in-folio $
ce qui n'a pu �tre , & � caufe de la chert�
qu'occai�onne un tel format, & � caufe que
nous avons dei�r� rendre notre ouvrage
portatif, pour qu'il dev�nt plus utile � nos
�lev�s, que nous avons eus principalement
en vue dans la compoi�tion de cet Ouvrage.
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V
-ocr page 26-
Jfxviij
jp»iiiiu!iiiiiniiu.mmu.i . m npm.i.im.mamn, uw�ιm
TABLE DES MATIERES.
INTRO DUCT ION.
■Abr�ge de l'Histoire de �Arch it ec-
turE. ^
                                              page ι
De tUti�t� de t Architecture.                                 11 g
Moyens d'acqu�rir les talents n�ceffaires � un Archi-
tecte.
                                                                   131
Origine de �Art du Jardinage. 144
Origine de la Sculpture.
                                         15 8
Origine de la Peinture.
                                           173
CHAPITRE PREMIER.
Sources de �Art%
Origine des Ordres.                                               189
Des ordres d'Architecture en g�n�ral ,. & de leur
origine.
                                                               I9I
CHAPITRE II.
Pr�ceptes de l'Art.
Planche I.
Des cinq ordres en g�n�ral.                                  216
Planche IL
Divi�on generale pour les cinq ordres d'Architecture,
219
Des diff�rentes efpeces de Moulures.                    222
De la maniere de tracer g�om�triquement les diff�rentes
Moulures.                                                          225
Planche III.
Des Tores & dus Quarts de Rond.                      226
Planche IV.
Des Cavets & des Scoties.                                     229
\
-ocr page 27-
DES MATIERES. xxbc
Planche V.
Des Douanes & des Talons.                               233
Planche VI.
Des Moulures compof�es.                                       236
Planche VII.
Maniere de tracer les Jets d'Eau propres aux diff�-
rentes cimaifes des corniches
, & les diff�rentes cour-
bures des frifes.
                                                  241
Planche VIII.
Des Cannelures.                                                    246
Planche IX.
Des ornements qui peuvent s'appliquer fur les Mou-'
Iure s.                                                                 χ jo
Des Ornements � fujage des Moulures droites. 251
Des Ornements � l'ufage des Moulures circulaires.
254
Planche X.
Entablement Tofcan de Palladio, compar� avec le profil
dune t�te humaine. ■
                                               2�0
Planche XI.
Entablement Tofcan de Scammo^i, compar� avec le profil
d'une t�te humaine.
                                                 201
Planche XII.
Entablement Tofcan de Vignole, compar� au profil <�une
t�te humaine.
                                                        ibid.
Planche XIII.
D�nombrement des divers membres attribu�s � tordre
Tofcan par Fignole^
                                          2 �3
-ocr page 28-
xxx                          TABLE
Me�ires g�n�rales & particuli�res de l'Ordre Tofcafi �
f�lon Vignole. ,                                            26?
Mefures du Piede�al.                                            266
Mefures de [Ordre ou de la Colonne.                 ibid.
Mefures de � Entablement.                                     267
Planche XV.
De tordre Tofcan de Fignole, avec quelques  ckan^
gements utiles.                                                   268
Du Piede�al & de la Bafe de la Colonne.         ibid.
De L� Bafe du Piede�al.                                     260
Du D� du Piede�al.                                             27Ο
De la Corniche du Piede�al.                                 271
De la Colonne.                                                      272.
De la bafe de la Colonne.                                     273
Du F�t de L� Colonne.                                          274
Maniere de tracer la Concho�de.                           27 j
Du Chapiteau.                                                      278
De [Entablement.                                                 ibid.
Planche XVI.
Des ordres Tofcans de Palladio & de Scammo^i. 281
De tordre Tofcan de Palladio.                            ibid.
De tordre Tofcan de Scammo^i.                          2.2%
CHAPITRE III.
Raisonnement de l'Art.
Planche XVII & XVIII.
Des divers Membres d'Architecture & de Sculpture. 287
Des Colonnes & des Pila�res.                              3,8g
Des Colonnes par rapport aux Ordres.                  291
Des Colonnes par rapport � leur Mati�re.           ibid.
Des Colonnes par rapport � leur Con�ruclion.     293
Des Colonnes par rapport � leur Forme.              294
Des Colonnes par rapport � leur Difpoftion.       296
-ocr page 29-
DES MATIERES.          xxxj
Des Arcades.                                                        301
Des Pieds-droits.                                                2
Des Alettes.                                                          3°4
Des Irnpojles.                                                        3°?
Des Archivoltes.                                                   3°**
Des Claveaux.                                                       3^7
Des Chambranles.                                                  3°^
Des Appuis.                                                          3°9
Des Niches.                                                           3l°
Des Statues.                                                          311
Des Balufirades.                                                   311
Des Avant-corps.                                                 314
Des Frontons.                                                       315
Des Acroteres,                                                       3*7
Z?w Amortiffements.                                              3 * °
Des Tables.                                                           3l9
Des Champs.                                                         3i0
/>« Pyramides & des Ob�lifques.                         $11
Des Soubajfements.                                                3^3
Z>e5 A niques.                                                        324
Z>ei Refends & des Bojfages.                                3% J
jD�� Entablements d�compof�s.                              3-i7
Z>ei Corniches architrav�es.                                    3i^
Z>ei Plinthes.                                                       ibid.
Z>�� Trumeaux.                                                     3^9
Des Encoignures & des �coincons.                      332
Des M�lanines & autres ejpeces d'ouvertures. 333
Des Cadres.                                                           33$
De la Sculpture                                                    33^
Z>« diff�rents genres ^ornements de�ines � embellir
� Architecture.                                                    ibid.
Ζ?« ^α/�i.                                                             340
�?« Troph�es.                                                        342
Z?ei Cariatides.                                                      345
-ocr page 30-
xxxij                      TABLE
Des Gaines.                                                          349
Des Clefs.                                                              352
Des Confoles.                                                       ibid.
Des Cartouches.                                                     3�7
Des M�dailles & des M�daillons.                        358
Des Culs -de- Lampes.                                         360
Des Cornes d'Abondance.                                      362
Des Fe�ons & des Guirlandes.                             363
Des Entrelas.                                                        364
Des Ca�ettes.                                                        36 j
Des Pofles.                                                            367
Des Guillochis.                                                      368
Des Vermiculures & autres Ornements ru�'iques.   369
CHAPITRE IV.
Analyse de lArt.                                   373
De la f �b limit� de Ρ Architecture.                           377
De [admiration que peut caufer ΐ Architecture.      381
Du caract�re d'originalit� dans Γ Architecture.        384
De [Architecture Pyramidale.                               386
Ce qu'on entend par une Architecture agr�able»    3 88
De la Convenance en Architecture.                         389
Duflyle vrai an Architecture.                             301
De la vraisemblance en Architecture.                   302
Ce qu'on entend par une belle Architecture,           304
De la noble�e des formes en Architecture.             30 e
De ΐ unit� en Architecture.                                     39�
De la vari�t� en Architecture.                                300
Du caract�re libre en Architecture.                          aq\
Ce qu'on appelh abondance dans la compo�tion d'un
ouvrage d'Architecture.                                       403
De la n�cefjit� de rendre conf�quentes les diff�rentes
productions de l Architecture.                            405
De la n�cejfit� de F exactitude dans l'Architecture,  406
De
-ocr page 31-
DES MATIERES. xxxiij
Dt la n�cejjit�de la f y m�trie dans l''Architecture. 408
Ce que ce� quune Architecture & une Sculpture
fymbolique.
                                                       410
De la diff�rence qu'il y a entre le caract�re m�le,
ferme ou viril dans l'Architecture,
                     4H
De la diff�rence quon doit concevoir entre Archiu*
Bure l�gere , �l�gante ou d�licate.
                       41"}
Ce quon doit entendre par une Architecture cham-
p�tre.
                                                                 417
Du caract�re na�f en Architecture,
                          41$
Du genre f�minin en Architecture,
                         j^ia
Ce quon doit entendre par une Architecture my�Uieufe,
AU
Ce quon peut appeler une grande Architecture. 421
Ce que ce� quune Architecture hardie.                   424
Ce quon doit entendre par une Architecture terrible. 426
Ce que ce� qiiune Architecture naine.                    427
Ce que ce� quune Architecture frivole.                   42g
Ce que ce� qu'une Architecture licencieufe.             43 1
Ce que ce� qu'une Architecture difjemblable.          43χ
Ce que ce�. qu'une Architecture amphibologique.    434
Ce qu'op. entend par une Architecture vague,         43 c
Ce qu'on entend par une Architecture barbare.         435
De l'abus en Architecture.                                    437
De la mode en Architecture.                                   43 y
Ce que ce� q�une Architecture qui c� afferyie,  qui e fi
froide ou fi�rile.                                                 λύ<\
Ce que�gnifie Calt�ration en Architecture.             44^
Ce quon entend par une Architecture m�plate.        443
Ce qu'on entend par une Architecture futile.           44«
Ce qu'on entend par une Architecture pauvre.        44^
C H A Ρ Ι Τ R Ε V.
jDu gout VE l'Art.
Tome. L                                            e.
-ocr page 32-
»xxiv TABLE DES MATIERES.
CHAPITRE VI.
APPLICATION DE L'ORDRE TOSCAN � let
d�coration d'une Porte de Ville libre.              4&J
Planche XIX.
Plan du Rei-de-ckauffee & de la Plate-forme fupi-
riiure d'une Porte deflin�e � fervir de limites �
ΐ extr�mit� du Faubourg d'une Ville libre.
           468
Planche XX.
�l�vation de la Fa�ade du c�t� du Faubourg. 47Q
Planche XXI.
�l�vation du c�t� de la Ville.                             aj^
Planche XXII.
Fa�ade lat�rale, & coupe prife fur la profondeur du
B�timent.
                                                     476
COURS
-ocr page 33-
COURS .�
D'ARCHITECTURE,
■■'I H ■,,.. » ι II., ι I^^J&IU'I
INTRODUCTION.
HI ST ο ι re des Art s , dans laquelle
on doit puifer les id�es g�n�rales de l'Arcki*
teclure & des autres Arts lib�raux qui lui font
relatifs, tels que le Jardinage, la Sculpture
& la Peinture.
xnm 0m ίΛαβκοΑ
ABR�G� DE L'HISTOIRE
DE L'ARCHITECTURE.
i^ous nous perfuadons qu'on poura tirer
■un grand avantage de la connoiifance de
l'niftoire de l'Architecture , fur-tout en com-
parant lts temps & les �v�nements qui ont
amen� Tes progr�s & fes r�volutions. En
Tome I.
                                      A
-ocr page 34-
*             � Ν Τ RO DU C Τ ϊ Ο Ν.
effet, lorfqu'on parcourt les diff�rentes r�^
gions o� l'on a �lev� des Edifices d'une cer-
taine importance, lorfque l'on examine les
diverfes qualit�s des mati�res que le fein de
la terre fournit aux hommes a/ec tant d'a-
bondance , que l'on confidere le fite des
lieux, les m�urs des habitants &: leur in-
duftrie, la profp�rit�' ou la d�cadence des
autres Arts qui y dorment tant d'�clat ;
iorfqu'enfin on fe rend compte des grands
Princes qui ont prot�g� cette fcience, aini�
que des Architectes c�l�bres qui nous ont
fray� la route des pr�ceptes,.& JaiiT� des
exemples immortels de leur favoir ; que n'a-
t-on pas droit d'efp�rer d'une telle �tude
Elleiatisfait & �claire l'Amateur, elle tient
lieu d'exp�rience au jeune Artiite; enfin,
elle offre aux Elev�s les moyens les plus ca-
pables de fixef leur attention, & doit les
amener n�ceifairement � puifer les principes
de l'Architecture dans leur v�ritable fource;
Parcourons donc fes diff�rents �ges, fes fuc-
ces dans l'Egypte, dans la Gr�ce, dans l'Ita-
lie ; enfuite nous verrons ce qui a occafion-
n� fa d�cadence, �c comment elle a repris
�faveur en France fous Fran�ois I, & de-
puis avec encore plus d'avantage fous le re-
gne des Bourbons.
L'origine de l'Architecture remonte juf-
qu'aux temps les plus recul�s. Mais comble»
#
-ocr page 35-
�ntRO&ucTioNl ,. 'y
rcet Art n'a- c�il pas acquis dans la fuite par les
d�couvertes de l'efprit humain! Quellediff�-
"rence en effet entre les Temples de la Gr�ce
"& les toits ruiliques des premiers H�breux!
Ά ne coni�d�rer l'Architecture que du c�t�
de la n�ceffit�, on ne fauroit douter qu'elle
ne fo�t �uffi ancienne qu� le monde, & que
perfectionn�e peu � peu, elle ne foit deve-
nue la jfburce des autres Artsdeftin�s � em-
bellir les b�timents, � acc�l�rer leur con�ru-
cHon, ou � leur procurer de la commodit�,
de la iblidit� & de la falubrit�.
Da bord les hommes fe firent fans dou-
te des abris contre les intemp�ries des fais-
ions , & les attaques des b�tes f�roces. Pour
cet effet, ils commenc�rent par �lever des
huttes &� des cabanes. Les rofeaux, les can-
nes, les branches des arbres, leurs feuilles,
'leur �corce (a), l'argile furent prefque les
feuls mat�riaux qu'ils employ�rent pour
conilruire leurs habitations.
A mefiire que les familles s'mpntntertm�i
leurs habitations informes s'agrandirent.Lts
(a) A la fin du quinzi�me fiecle & vers le commen-
cement du feizieme, la Ville de Moskou n'avoir pas une
inaifon conftruite en pierres, mais feulement des huttes
de bois faites de troncs d'arbres , enduites de moufle.
Les maifons du P�rou font aujourd'hui b�ries de la m�me
maniere. Celles des iflandois ne font conllruites qu'avec
deme�ues pierres ou du roc , unis avec de la moufle SC
Aij
-ocr page 36-
'4          Jntroductiok.
hommes eurent � peine fenti les befoins que
fait na�tre la foci�t� qu'ils furent fe pro-
curer des afiles plus commodes & plus du-
rables. Alors on vit leurs demeures jufque-
J� ifol�es &c �parfes dans de vaftes d�ferts,
ie changer en hameaux, ceux-ci devenir
ibient�t des Bourgades, & ces derni�res
des Villes.
Ici l'on ne fut pas plut�t rai�embl�, qu'il
fallut Ce pr�munir contre les attaques de fts
voii�ns. On leur oppofa de fortes barri�res,
on conftru�iit des murs, on creuia des fof-
f�s, on �leva des tours. Peu iatisfaits des
productions qu'ils trouvo�ent dans leur cli-
mat , les hommes voulurent s'enrichir de ce
que la nature faifoit na�tre dans les contr�es-
les plus recul�es. Malgr� Jes vents & les
eaux, ils tent�rent de franchir ces immen-
ies eipaces qui f�parentles diverfes r�gions
du monde ; &c par le fecours du bois, ils fe
fabriqu�rent des maifons flottantes , au
moyen defquelles ils p�n�tr�rent jufqu'aux
extr�mit�s de la terre.
Telle eft l'origine des trois fortes d'Arch�-
-___-------------------,�.-------.--------------___________
de la terre d�tremp�e dans l'eau. Les Abyfl�ns pe font
leurs cabanes qu'avec du torchis, compof� de terre & de
chaume. Au Monomotapa , les habitations font toutes de
bois. Enfin il eit des Peuples, qui, l'oit pour n'avoir d'au-
tres mat�riaux , foit parce qu'ils font priv�s d'une certai-
ne intelligence , ne font leurs cabanes qu'avec des os §C
des peaux de quadrup�des & de monltres marins.
-ocr page 37-
Introduction.            f'
tecrures, la civile, la militaire & la navale.
Arr�tons-nous � la premiere, dont nous al-
lons parcourir les diff�rents �ges.
Les premi�res habitations des Egyptiens
lie furent donc conftruites que de ro*
f�aux Se de cannes entrelac�es, & celles
des anciens Grecs ne furent b�ties qu'avec
l'argile qu'ils ne favoient pas m�me durcir
par le i�cours du feu. Le fameux Temple de
Delphes ne fut d'abord qu'une iimple chau-
mi�re couverte de branches de laurierv rfM
L'Ar�opage dans fan origine �to�t une ef-:
p�ce de cabane enduire de terre grai��.
La premiere Ville fut, f�lon la Ge-
n�fe, b�tie par Ca�n qui la nomma Henoc
du nom de ion fils -, elle �roit en Aile
o� vivoient les premiers hommes. La Cal-
-d�e & la Ph�nicie eurent auffi bient�t de
grandes Villes qui� reconnoiiibient Nemrod
&AiFur pour leurs Fondateurs. Le premier,
que l'on croit �tre le m�me que Belus, �leva Hl
la Tour de Babel, & fon fils Ninus b�tie -
Ninive. Cette Ville & c�h de Rezeri, qui
ei�: � peu pr�s du m�me temps,, devinrent:
c�l�bres par leur �mmehi� �tendue.
                 .,J&.
Le bois & le torchis furent les mat�^JP'
r�aux qu'on employa pour b�tir; c'eft aini�
qu'on voit encore aujourd'hui des VI�^''
ki dans la Perfe , dans la Turquie i�.
-ocr page 38-
6            Introduction.
m�me dans la plupart de nos Provinces».
Comme les Egyptiens manquoient de
bois , ils furent oblig�s d'avoir recours �
la brique, puis � la pierre & au marbre}
ils nelaiflerent pas d'employer ces diff�ren-
tes mati�res avec foiidit�, quoiqu'ils igno-
raient l'art de conitruire des vo�tes, &
qu'ils m�connul��nt l'ufage du fer.
Apr�s les b�timents d'habitation, il fal-
lut des �difices publics pour les divers be-
soins d'un Peuple raffembl� ; il fallut �lever
jles monuments qui ferviiTent d'annales
'"ion hiitoirej il en fallut d'autres qui fuflent
confacr�s au culte ext�rieur de la Religion :
on vit donc s'�lever des Temples, des Pa-
lais, des Bai�liques, des Places publiques,
'.des Tombeaux, qui excit�rent la pi�t� des.
Peuples, qui annonc�rent la magnificence
des grands, embellirent les Capitales &c
immortaliferent les H�ros.
Peu de*cemps apr�s la fondation des Vil-
les d� Nift�ve $c de Rezen, S�miramis (�)fk
�lever les fuperbes murailles de Babilone ,
(b) S�miramis, Reine des Affyriens & veuve de Ninus,
mourut l'an du Monde 2038. Elle �tendit fes conqu�tes
d'un c�t� jufque dans l'Inde , de l'autre jufqu'en Ethiopie ;
&, apr�s avoir fournis la M�die, la Lybie & l'Egypte, elle
s'oecupa � faire �riger des monuments capables de rendre
fon nom c�l�bre dans tous les iiecles , tels que le tom-
beau qu'elle fit �lever � Ninus fon �poux, les murailles
dont nous venons de parler, &c. &c.                   - . φ
-ocr page 39-
Introduction,            ψ
«]iii furent regard�es comme la premiere
merveille du monde (c) : f�s murs �toient
tout b�tis de brique & de bitume 5 ilsavoient
deux cents pieds de hauteur fur trente pieds
d'�pa�iT�ur, enforte qu'on pouvoit, au rap-
port de Quint-Curfe (d), faire pafl�r dei�lis
deux chariots de front. H�rodote dit qu'ils
�toient perc�s de cent portes, dont les ven-
taux �toient de brpnze Se d'une grandeur
extraordinaire. La hauteur des tours:furpaf-
ibic de quarante pieds celle des murs. Le
pourtour int�rieur de la V�lle , f�lon St�g-^
bon (e), �toit de trois cent quatre-vhi
ftades ( jf) ; l'Euphrate la traverfo�t d
toute fon �tendue. Onavoit b�ti les maifons
�loign�es les unes des autres pour laiiFer
des terres labourables qui puiient nouxrii�f
"les habitants en cas de i��ge.
                  r'^H
Les deferiptions que nous en ontlavfUes*
encore Pline, Diodore de Sicile & Paui�-*
nias, nous donnent la plus grande id�e du
(c) On compte fept principales merveilles du monde i
�" Les murs de Babylone , 20 les pyramides d'Egypte^
�° la ftatue co�offale de Jupiter Olympien, 4° le tom-
beau de Maufole , Roi de Carie , y° le Temple de Diana:
� Eph�fe, 6° le Coloffe de Rhode ,7° le phare d'Alexan*
drie.
(d) Quint-Curfe ,-l�b. � , chap. 1»            .....
, (e) Strabon, lib. 16.
». - -                                                                      ,.-..
(�) La ftade des anciens �toit de 6%j pieds, ce qui
fwoit pour les 380 ftades, environ 43^400 toifes.
Ai*
-ocr page 40-
8            In- τ r o du ct ι' ο κ'.
Palais de Babylone (g), que fit conftru�re
S�nuramis, ainii que des Jardins de cette
Reine, qui �toient ioutenus par des murs de
vingt-deux pieds d'�paiii�ur. Ce Palais �toic
flanqu� de tours hautes de quatre-vingts:
pieds. Au milieu de Ton enceinte s'�levoit
une autre tour quarr�e, b�tie de briques,
& � huit �tages, qui, apr�s avoir long-temps
fervi d'Obi�rvatoire au^Caldeens,fut ruin�e
par Xerc�s. Pline ( h ) parle avec �loge de
deux Temples, b�tis dans la m�me encein-
te , l'un d�di� � Jupiter U. l'autre � B�lus.
Ce dernier Temple , dit - il, ainfi que le
Maufol�e de ce Roi, �toit de la plus gran-
de magnificence.'
Nous pourions parler ici des grands ou-
vrages ex�cut�s par les ordres de Nitocris,
auili Reine de Babylone 5 elle f�t rendre le
cours de l'Euphrate tortueux, de droit qu'il
�toit, afin de rompre J'imp�tuoi�t� de ce
fleuve, & de rendre l� navigation plus com-
mode. Ce fut auffi Nitocris qui b�tit dans
Babylone, ce pont iliperbe qui facilitoit la
communication d'une partie de la Ville �
l'autre, entreprife qui nous paro�troit in-
croyable � cauie de la rapidit� de l'Euphrate
(g) Cette Ville a donn� � toute la contr�e voil�ne le
Jjorn de Babylonie.
(h) Pline, liv. 6, chap. 26.
-ocr page 41-
Τη τ r6 r>u c τ ι ο κ'.             $
<fc de fa profondeur, il H�rodote ne nous
ai�uroit que ce pont a exift�. Il ajoute de
plus qu'il n'a �t� qu'une ann�e � b�tir.
L'Egypte � ion tour devint c�l�bre (ij
par la grandeur & l'immenfit� de fes Edifices >
mais dans cette contr�e, nul Prince ne fe
distingua autant que S�foitris par le foin qu'il
fmt de coniiruire des ouvrages utiles. Dans
e loii�r de la paix que venoient de lui pro-
curer Ces conqu�tes, il f�t �lever cette belle
(t) L'ancienne Egypte qui a �t� le berceau des Arts,
il'eft connue que tr�s-imparfaitement dans les hiftoires uni-
rerfelles, telles que celles d'H�rodote,de Diodore & de
plufieurs autres ; ces Auteurs n�anmoins d�terminent la
totalit� du terrein de ce Royaume autrefois fi floriffant, �
uatre mille cent quarante-fix lieues quarr�es ; le nombre
es habitants � fept millions , & celui de fes troupes �
quatre cent quarante mille hommes. Pendant le regne
a Amafis , dit H�rodote . il y avoit en Egypte vingt-mille,
Villes : Diodore cependant, n'en compte que dix-huit
mille , tant Villes que Bourgs, dignes d'�tre remarqu�es ;
& -elles d�voient m�me, en n'en comptant que dix-huit
mille, �tre tr�s-pr�s les unes des autres*. Par les diff�rents
d�tails que nous ont donn�s ces m�mes Ecrivains, nous
apprenons que les terres de ce pays bien cultiv�es pro- .
duifoient jufqu'� cent pour un, & que l'Egypte etoit
tellement fertilif�e par les inondations du Nil , & par I'irt- .
duftrie de fes habitants, qu'elle leur, fourniffoit des recoin :
tes trois fois plus abondanres que leurs befoins, filais■';
que le barbare Cambyfe,en d�truifant ces Peuples pendant �
cinq ann�es d'une guerre cruelle, d�truifit auifi la plus
grande partie de leurs monuments qui avoient �t� l'ou-
vrage de dix-fept fieoles, & que ce ne fut que fous Pto- �
l�m�e Philadelphe, deux cent quatre-vingts ans avant
*»trc Ere, que. l'Egypte reprit fon ancienne fplendeU�. "
-ocr page 42-
u>           Introoucti�m:
muraille de quinze cents ilades de longueur^
qui commeneoit � P�lufe, & finii�bic � H�-;
liopol�s. Il fit creufer des canaux pour �ta-»
blir une communication aif�e entre les Vil-
les les plus �loign�es, &c faciliter le tranf* ,�
port des marchandifes.
Une des entreprifes qui contribu�rent le
plus � immortalii�r la gloire de ce Prince,
fut la conftruction des hautes lev�es qu'il or-
donna dans toute l'�tendue de Ton Royau-
me , afin que dans les nouvelles Villes qu'on
y b�tiroit, on f�t � l'abri des d�bordements
du Nil. Une infinit� de Temples furent �le-
v�s ious fon regne en l'honneur des Dieux:
tut�laires de l'Egypte {h)��, il enrichit fur-
tout celui de Vulcain � P�lufe y en recon-
noiiTance, dit-on , de la protection dont il
croyoit que ce Dieu lui avoit fait reifende
les effets.
Les defcriptions des Temples des Egyp-
tiensparo�troient fabuleufes, fi elles ne nous
�toient atteft�es par les Hiftoriens les plus
�----------------------------------------.---------------------.�.
{k) Long-temps m�me avant S�foftris les Egyptiens,
au rapport de Lucien, avoient b�ti des Temples. Ce
Peuple �toit tr�s-religieux; les AiTyriens l'imit�rent, &
furent eux-m�mes imit�s dans la fuite par les Grecs, chex
lefquels Deucalion fut le premier qui en �leva ; le m�me
ufage paifa des Grecs aux Romains. Janus fut, dit-on, le
�remier qui f�t conftruire de ces monuments dans le pays
.jjtinj mais d'autres pr�tendent que ce fut Fanus, & que
de fon nom on a fait celui de Fmum qui fignii�c Tcmgkv
-ocr page 43-
Ι Ν Τ RO DU CT I O JW            t%
accr�dit�s. M. Dorigny (/), qui arec�uili�
avec foin ces defcriptions, rapporte qu'on
arrivoit dans ces Temples par un parvis qui
formoit une longue &l vafte avenue , orn�e
de colonnes &: deftatues coloi��les,termin�e
par un veilibule d'une grandeur prodigieu-*
le & d'une �l�vation qui y �toit propor-
tionn�e 5 que de-l� on entroit dans une pla-\
ce immenle, environn�e d'un grand nom-,
bre d'�difices ifol�s, & dont l'ordonnance
�toit vari�e � l'infini. Il ajoute que de cette
�lace on pai�bit,en traverfant d'autres veftl��,
ules, dans une f�conde, 8c fouvent dans,
une troifieme ; qu'enfin on p�n�troit par-
un veilibule plus vafte &: plus �lev� qu&
les pr�c�dents, jufqu'au parvis int�rieur du»;
Sanduaire , & que dans celui-ci tout �toit-
d'une extr�me {Implicite. Les Architectes de
ces temps pr�tendoient fans doute , avec-
beaucoup de raifon, que la pr�fence de la
divinit� �c la v�n�ration due aux myfteres
qu'on y c�l�broit, fuffifoient pour rendra
cette partie du Temple la plus refpedable.
On met ordinairement les pyramides an
nombre des plus anciens monuments des
Egyptiens ; cependant, Homere qui parle
�-------�---------------                                                ,._,n
(/) M. Dorigny, Chevalier de l'Ordre Militaire de
S. Louis , nous a donn� plufieurs Volumes fur l'Egypte j
on trouve cet excellent Ouvrage � Paris chez Vincent, ruc�
§2int-5�veri�u
                                                      , o,
!
-ocr page 44-
Ψί          Introduction:
i�uv�nt de l'Egypte, & qui en rapporte
plui�eurs particularit�s int�reilantes, ne dit
rien de ces vaftes entreprii�s. Quoi qu'il en
ibit, perfonne n'ignore que ces pyramides
�toient deflin�es a imniortalifer les Souve-
rains � qui elles i�rvoient de f�pulture. Rien
ne prouve mieux que ces monuments", le
dei�r ardent qu'avoient les Egyptiens de
faire paiTer leur nom � la poit�rit�. L'hiiloi-
re nous apprend d'ailieurs un autre motif
qui les avok d�termin�s � leur donner cet-
te ltruchire �tonnante ; ils les regardoienc
comme une demeure ftable, au-lieu qu'ils
ne coni�d�roient leur habitation ordinaire
que comme un lieu de paflage de cette vie
«une autre, qui devo�t, f�lon leur opinion ?
recommencer au bout de mille ans.
Les trois pyramides que l'on voit enco-
re � trois lieues du Caire, font b�ties fur
le roc (m), & durantes l'une de l'autre
d'environ trois cents pas. M. de Chazelles
de l'Acad�mie des Sciences ayant mefur�
h plus haute en 165; 3 la trouva enti�re, &
dit qu'elle avoir la forme d'un triangle �qiii-
lat�ral, dont la perpendiculaire �toit de.
foixante-dix toifes trois quarts. Sur les faces
(m) Les anciens choififfoient volontiers un femblable
fends pour leurs �difices, parce qu'il eft tr�s-folide, &■
�qu'ils ambitionnoient de travailler pour les races futures*
-ocr page 45-
7'ν τ ro du ct ι ο Η.           ij
*xt�rieures font des gradins qui conduifent
jufqu'au fommet termin� en platte-forme.
Cette pyramide eil conitruite en pierres du-
res , dont les moindres ont trois pieds de
haut Se environ i�x de longueur. Au milieu
de ion int�rieur eft un f�pulcre de trente-
deux pieds de longueur fur feize de largeur
& dix-neuf de hauteur : dans une des extr�mi-
t�s de ce f�pulcre �toit, dit-il, un c�notaphe
ou tombeau vide, qui avoit�t� deftin� � con-
tenir le corps du Roi Pharaon qui fut en-
glouti &c perdu dans la mer Rouge. Pline
aiTure que durant l'efpace de vingt ann�es,
trois cent fo�xante mille hommes ne cefl�-
rent de travailler � la conftru�tion de cette
pyramide. Les defcriptions faites par M. de
Chazelles, fervent � la fois � nous donner
une grande id�e des moyens dont les An-
ciens fe fervoient pour �lever � cette hau-
teur des fardeaux i� pefants, & � r�futer l'opi-
nion de Diodore de Sicile, qui pr�tend que
les Egyptiens ignoroient la m�canique. .
La f�conde de ces pyramides eft moins
conferv�e que la pr�c�dente, & a moins
de diam�tre. Strabon pr�tend que celle-ci
dans fon origine avoit �t� plus coni�d�rable
qu'elle ne l'�toit de fon temps.
La troifieme qui a encore moins de dia-
m�tre que les deux autres, paife cepen-
dant pouj� la plus bellei on remarque, eu
-ocr page 46-
«ψ.-?ρνν..~� ■-'.*■■ i%
�4            Ι Ν Τ RO DV Cf Ι Ο Ν.
effet , qu'elle eit conftruite avec plus de
foin , & qu'elle eft d'ailleurs incruft�e d'une
aifez belle pierre d'Arabie, nomm�e marbre
bai^ate.
Il eil � pr�fumer que ces pyramides do�-
vent,en partie,Ieur longue dur�e � la nature
du climat, o� les pluies font peu fr�quen-
tes; car, par l'examen qu'en ont fait plu-
i�eurs Artiites �clair�s, ils ont reconnu que
/a pierre n'eft pas � beaucoup pr�s aui��
dure que l'ont d�crit nos Voyageurs; mais
que l'air fec qui les frappe depuis tant de
i�ecles a pu contribuer beaucoup � leur
confervation ; & quoique dans les joints des
parements ext�rieurs ils n'ayent remarqu�
Jni chaux , ni plomb, ni fer, le volume
immenfe de ces �difices a pufuffirefeul pour
hs pr�i�rver de l'intemp�rie des faifons.
Les ob�lifques n'ont pas moins contri-
bu� que les pyramides, � tranfmettre � la
poit�rit� le fouvenir des Egyptiens. Le pre-
mier fut �lev� l'an 2604 de la cr�ation du
monde, par les ordres du Roi Manusbar
ou Seigneur de Memphis. Dans la fuite ils
orn�rent d'ob�lifques prefque tout le pays
qu'ils habitoient : non-feulement les Sou-
verains &: les Princes, mais les riches par-
ticuliers en faifoient �lever, les uns de tren-
te , les autres de foixante-dix pieds de haut
-ocr page 47-
■s
Introduction.            tf
� m�me de cent quarante pieds. La Reli-
gion de ces Peuples leur avoir fans doute
donn� le gout dominant de ces fortes d'�-
difices qu'ils confacroient pour la plupart
au Soleil (n).
On voit encore dans les carri�res de la
haute Egypte de ces ob�liques � demi tail-
l�s. Pendant les crues du Nil, des canaux
conduifoient les eaux jufque dans ces car-
ri�res o� l'on enlevoit, fur des radeaux, les
ob�lifques, les ftatues & les autres ouvrag-
es coloiTaux que l'on traniportoit dans la
aiTe Egypte par des faign�es qui facile
toient la circulation de ce fleuve.
Selon Diodore de Sicile, S�ibftris fie
eonilruire deux ob�lifques d'une pierre tr�s-
dure j ils �toient de la hauteur de cent qua-
tre-vingts pieds, & furent �lev�s dans la
ville d'H�liopolis.
L'Empereur Augufte,ayant r�duit l'Egyp-
te en province Romaine, voulut faire tranf
porter � Rome ces deux ob�lifques. L'un fut
briie fur la route} Augufte aima mieux ie
priver de l'autre que de l'expofer au m�me
accident. Caligula fut � cet �gard plus en-
treprenant & plus heureux : la troii�eme
ann�e de fon empire, l'ob�lifque parvint �
*      '                    " *�^�     Ι'       »                  I. � �I        ,               Il .111             ,.ι�.......                    y�_■-,-..1-- !..            ^'      ■■ ■ A
(n) Aufl� les appelloit-on doigts du folcil, parce qu'ils fer-
Voientle plus fouvenr � marquer les heures fur une grande
«Pceiatcde pierres prolies dont ils formojentle centre.
-ocr page 48-
��*            Introduction-.
Rome fans �tre endommag� , & f�t dans la
fuite �lev� au milieu du cirque de N�ron,
o� fe faiibient les jeux publics.
Quelques-uns de ces ob�lifques dont
l'Egypte �toit remplie, font encore, autant
par leur grandeur que par leur antiquit� ,
un des embeliuTements de la capitale du
cliriitiaiiifme. Conftantin lit d�molir le cir-
que de N�ron , & b�tit en fa place une
�glife dansles ruines de laquelle s'eiltrou-
v� l'ob�lifque tranfport� � Rome par ordre
de Caligula. Sixte-Quint le f�t �lever en
J586, fous la conduite du Chevalier Fon-
tana, fur la place publique , o� on le voit
encore aujourd'hui ; fa hauteur eil de douze
toifes deux pieds huit pouces, fur une baie
de huit pieds de largeur ; il eft d'une feule
pierre de granit, & f�lon Tarade du poids
de huit millions cent vingt - quatre mil-
liers.
On voit auffi � Arles un de ces ob�-
lifques , qui vraifemblablement y a �t� tranf�
port� du temps des Romains. Charles IX
a commenc� � le*faire tirer de deffous les
ruines qui le couvroient depuis plui�eurs
i�ecles, & il f� voit aujourd'hui vis-�-vis
l'H�tel-de-Ville : fa hauteur eft de cinquan-
te-deux pieds, &c fa bafe de fept pieds.
Pr�s des pyramides & des ob�lifques de
l'Egypte , dont nous venons de parler, on
remarque
-ocr page 49-
Introduction1.           17
remarque des reftes d'�difices q�adrangu-
laires que Thevenot croit avoir �t� des
Temples. Ce Voyageur fait encore mention
de plui�eurs autres monuments dont il pr�-
tend que les colonnes & les ftatues fonc
innombrables. On d�couvre, dit-il, ces for-.'
tes de vertiges en diverfes parties de l'Egyp-
te , & fur-tout dans la Th�ba�de : l�, conti-
nue-t-il , on admire un Palais dont les ref-1
tes femblent n'avoir �t� conferv�s que pour'
effacer les plus grands ouvrages. On y voyoi�
entr'autres quatre galeries � perte de vue,
termin�es par des iphinx, dont la mati�re
�toit auffi rare que leur grandeur �ton-
nante.
Le fameux labyrinthe d'Egypte �toit, f�-
lon H�rodote, plus admirable encore que les
pyramides: c'�toit moins, dit-il, un i�ul
�difice que douze Palais r�guliers qui fe
commun�quoient enfemble. On n'ei� gu�re
�nftruit ni fur Je temps, ηΐ fur le motif de
la conftriuiKon de ce labyrinthe (o): quel-
ques-uns pr�tendent que le Roi Peteiucus
i
*                            � . .                       - - ,i-                           __.�■ 1 ι.� - . 1 .... ri m i�a
(o)jDidore de Sicile, Strabon & Pline font mention
oe trois autres labyrintes ; le premier fut celui que D�dale,
conftruif�t dans l'�le de Cr�te : celui-ci eft cit� par Plutar-
gue} & l'on e.n voit le deflin grav� d'apr�s une ancienne-
M�daille dans XArchiu�urc hiftorique 4e Ftfcker. Le c�.
Jebre Architecte Th�odore b�tit le' f�cond » Lemnos ; k
�pifieme �toit en Etrurigt ; '.
            .�....�...'.- }
Tgrm I,                      - Β
-ocr page 50-
'I�           INTRODUCTION'.
ou Thio�s le f�t b�tir plus de deux mille ans
avant l'Ere chr�tienne. D'autres l'attribuent
au Roi N�th�ras, qui voulut, difent - ils ,
en faire fon Palais. Enfin , f�lon d'autrest
le Roi M�ris ou Miris ( H�rodote lui don-
ne ces deux noms) ordonna d'�lever cet
�difice pour lui fervir un jour de f�pulture ;
mais H�rodote (p) croit que plu'i�eurs Prin-
ces d'Egypte eurent part � fa conftruction,
& qu'il ne fut achev� que, depuis le r�gne
de Pfamm�ticus : ce qui nous paro�t d'autant
plus vraifemblable, que i�lon Pline {q), le
monument dont-il s'agit, fut d�di� au So-
leil. Quoi qu'il en foit, cet �difice peut �tre
regard� comme un des plus vailes que les
Rois d'Egypte ayent jamais fait conftruire.
Il �toit divif� en feize quartiers. On y voyoit
autant de Temples particuliers que les Egyp-
tiens adoroient de divinit�», Se une grande
quantit� d'�difices dont la r�union formoit
*in enfemble merveilleux. On y remarquoit
enfin des pyramides & des colonnes d'une
hauteur prodigieufe. Apr�s avoir traverf�
des lieux i� varies, on arrivoit au labyrin-
the proprement dit. On y entroit par des
veftibules entour�s de portiques �lev�s de
quatre-vingt-dix degr�s au-dei�us du rez-
(p) H�rodote, liv. 2.
<ΐ)Ρ1ΪΒβ, �b. 38, wp. ly
-ocr page 51-
Introduction:           τ 9
de-chauflee : le labyrinthe �toic divife" par
une multitude de pi�ces, dont les portes en
nombre infini emp�choient d'en reconno�-
tre l'iifue. Le Roi Nectabis y fit faire des
r�parations conf�derables, dont le foin fut
confi� � Circammon, qui avoit, dit-on,
de grandes connoiii�nces dans l'Architec-
ture.
Mais l'ouvrage des Rois d'Egypte, le plus
digne d'admiration , fut le Lac de M�ris}
on fait que la fertilit� des terres d'Egyp-
te d�pendoit de leur inondation par le Nil,
& que le d�bordement trop ou trop peu con-
i�dcrable de ce fleuve leur �toit �galement
nuif�ble. Le Roi M�ris con�ut le def�ein de
rem�dier � ce double inconv�nient. Pour
faciliter le moyen de reconno�tre les di-
verfes terres que l'inondation avoit confon-
dues , ce Prince avoit compof� un ouvra-
ge (r) dont on a tir� les premiers �l�ments
de la G�om�trie. Le Lac auquel il donna
ion nom l'a immortalif�. Quand le Nil ne
d�bordoit point aiTez pour fertilifer les terres,
les eaux qu'on fefoit �couler du Lac fup-
pl�oient � l'inondation. Lorfqu'on pr�-
voyoit au contraire que par l'effet d'un
d�bordement exceffif, les terres demeu-
reraient trop long-temps inond�es, on fe-
r               - ι                ι,                   ________
� Il"     III .111 |......, .�..���ι -||.....L �h, pi......MU»      ||     I I 1^1��>
{r) V^yti Newcon dans fa Chronologie.
�ij
-ocr page 52-
ΙΟ             ΙNT RO DU CT I Ο Ν~ϊ
foit �couler dans le Lac une partie des eaux
du fleuve.
Ce Lac fut creuf� � dix ftades de Mem-
phis. Il avoit trois cents pieds de profon-
deur, &: f�lon Pline (�) vingt-cinq mille
pas de pourtour. D'autres n�anmoins, tel
cjuePomponius-M�la,ne lui en donnent que
vingt mille, ce qui fait environ dix de nos
lieues. Au milieu du Lac �toit une �le fur
laquelle s'�levoient deux pyramides, dont
chacune portoit une ftatue coloifale de mar-
bre , &: ai��fe fur un tr�ne. Au rapport d'H�-
rodote (/) Se de Diodore («), on voyoic
entre les deux pyramides un fuperbe Mau-
fol�e qui marquoit le milieu de l'�le, Se
dont on trouve les dei��ns dans l'Archi-
tecture hi�orique de Fifcher.
II paife encore pour confiant que les
Egyptiens excelloient dans les Math�mati-
ques , dans l'Aitronomie, &: qu'ils perfec-
tionn�rent ces feiences l� n�ceifaires pour
acc�l�rer les voyages de long cours. Ce qu'il
y a de certain , c'eil que Ptol�m�e Phila-
delphe fut le Prince qui s'appliqua le
plus � faire fleurir les Sciences &L les Arts,
& qu'il fit b�tir l'an de Rome 470, dans
t               ----------------------------------------------------------------                                ■ 1»
(�) Pline , liv; ? , chap. 11} & Ιίγ. �, chap. 5»,
(f) H�rodote, liv. 1.
I*) Diodore, liv. 1, chap. ie
-ocr page 53-
Introduction.         %lt
l'�le de Pharos � un quart de lieue d'Alexan-
drie , la fameufe tour o� �toit le Fanal des-
tin� � �clairer les Vaii��airx qui y abor-
doient en foule. Cette tour, au rapport de
Pline {x), �toit quarr�e, chaque c�t� �toic
de cent toifes, fa hauteur de foixante-quinze,
diviiee en huit �tages, termin�e par une
platte-forme d'o� la vue s'�tendoit � pr�s
de quarante lieues. Ce monument prit en-
fuite le nom de l'�le, de fut "nomm� Ρ hare ^
.nom qui devint commun � tous les �difices
du m�me genre. Softrate, c�l�bre Architec-
te Gnidien , en donna les deffins, &: pr�-
iida � l'ex�cution, qui, f�lon l'Auteur que
nous venons de citer, co�ta un million huit
cent mille livres. Soitrate, dit-il, touch�
del 'amour de la gloire, δι ne voulant pas
d�plaire � Ptol�m�e, imagina une inferip-
tion toute � l'avantage de ce Prince ; mais
il la fit graver fur un enduit artiftement
appliqu� iur une autre infeription con�ue
en ces termes : So�rate Gnidien ^fils de Dexi-
phane
, a confacr� ce monument aux Dieux nos
confervateurs,& aufalutdes navigateurs.
Cet-
te rui� lui r�ui�it ; car la premiere inferip-
tion ne dura gu�re qu'autant que Ptol�m�e
v�cut : enforte que l'enduit venant � fe d�-
truire , l'autre infeription parut 5 & c'eil par
"            ■�.....'�■" -"'              .....��»IM�.BP-11� 1       !■■ IUI fc���m
(*) Pline, lib. 6. ch*p. i8.
-ocr page 54-
'fi         In τ άο dvcti ο jv.
cet artifice que le nom de cet Architecte
eft venu jufqu'� nous.
On attribue auffi � Ptol�m�e Philadel-
phe une id�e fort ing�nieufe que rapporte
Pline (y) : il chargea, dit-il, Dinocrates
le plus c�l�bre Architecte de ce temps l� ,
de b�tir un Temple en l'honneur dArfino�
fa f�ur. La vo�te de cet �difice devoit �tre
de pierre d'aimant, � deflein de foutenir
en l'air la itatue de la PrinceiTe, laquelle �
cet effet, auroit �t� toute de fer 5 mais la
mort du Roi & celle de l'Architecte emp�-
ch�rent l'ex�cution de ce projet.
Si les Egyptiens �tonnoient l'univers par
l'�tendue immenfe de leurs �difices qui fer-
virent de medele aux Grecs, comme nous
le dirons bient�t ; il s'�leva aul�� en Jud�e
un Temple non moins admirable par la
beaut� de fa diftribution & celle des ma-
ti�res dont il �toit enrichi. Environ neuf
cent quatre-vingts ans avant notre Ere,
Salomon f�t conltruire � J�rufalem le Tem-
ple c�l�bre qui porta fon nom. Pour l'ex�-
cution d'un fi grand projet, il pria Hiram,
Roi de Tyr, de lui envoyer fon Architecte
Adoniram , fous la conduite duquel ce mo-
nument fut �lev�. Trente mille de its fujets
furent employ�s � la conftruction de l'�di-
»----------;--------,-----------------------------------------                                                ......      . I ,      'II-
(y ) Vlite, liv. 34, chap. 14..
-ocr page 55-
Introduction'. iy
Act \ parmi lefquels il y en avoit toujours
dix mille occup�s. Ind�pendamment de ceux-
ci , le Roi de Tyr avoit fourni � Salomon t
des Sydoniens, charg�s de couper fur le
Mont Liban les bois n�ceflaires, & de pr�-
parer d'autres mat�riaux. Les fondations
du Temple furent jet�es tr�s-profond�ment.
Des pierres d'une grandeur �mmenfe &: d'une
parfaite blancheur furent employ�es � la
conitruction des murs. La largeur de ce
Temple �toit de vingt coud�es ({), fa lon-
gueur de foixante y &: fa hauteur le double
de fa largeur : les bas c�t�s avoient vingt
coud�es d'�l�vation, & fervoient d'arcs-
boutants; ils �toient entour�s d'un corps
de b�timent compof� de trois �tages, cha-
cun de trente pi�ces. Tout cet �difice �toic
de forme q�adrangulaire, conftruit en gran-
(�) Au rapport de Philibert Delorme, liv. j, chap.2;
la coud�e g�om�trique eft prife pour une toiie & demie
valant fix coud�es communes. Perrault fur Vitrure, liv. 3 ,
chap. 1«, remarque d'apr�s Philander qu'il y avoit trois
fortes de coud�es : i° la grande qui �toit de 9 pieds ,
faifant environ 8 pieds 2 pouces de Roi : z° La moyenne
de 2. pieds, revenant � peu pr�s � 1 pied 10 pouces de
Roi : 30 La petite d'un pied & demi de RoL,moins 1 pouce
&demi.
                                                               - ,
Il y a^ lieu de pr�fumer que la coud�e dont il eft ici
queftion �toit la grande coud�e, � en juger du moins par
le diam�tre des colonnes qui d�coroient l'enceinte du?
Temple, & dont il eft parl� d'apr�s Villapande dans cette
defcription.
Biv
-ocr page 56-
/&4           �XTROIJ�CTtOftl
de partie de bois de Cedre, �C rev�tu d'or*
Jnements d'une richelTe extreme 5 il fut ache�
v� dans l'efpace de fept ann�es : d�s-lors
Salomon le fit divifer en deux parties, donc
J'une fut deftin�e � �tre le iancluaire, δζ
l'autre r�ferv�� aux facrificateurs. Celle-ci
qu'on nomma le Temple fut f�par�e du
ianctuaire par de grandes portes de bois
de C�dre, couvert de lames d'or.
Villapande (a) dans la defcription qu'il
nous a donn�e de ee Temple, fait monter
le nombre des colonnes � quatorze cent
cinquante-trois 5 il ajoute que plufieurs de
ces colonnes �toient de marbre blanc &
»voient fix pieds de diam�sre, & que les
plus petites �toient la moiti� des pr�c�-
dentes. Cet Auteur pr�tend aui�i que les
colonnes �toient corinthiennes, en quoi il
eft contredit par Vitruve qui attribue �
Callinuque, poft�rieur � Salomon, l'inven-
tion de l'ordre corinthien (b).
Le Temple demeura dans i� iplendeur
pendant toute la dur�e du regne de Salo-
(a)  Villapande, liv. 8.
(b)  Il pouroit n�anmoins �tre vrai, comme le dit Villapan-
de , que le chapiteau des colonnes du Temple de Salomon,
reffembl�t aux feuilles du chapiteau corinthien de Calli-*'
Uiaque } mais que l'on dut � ce Sculpteur Grec fi c�l�bre
la perfection que nous lui connoiffons.
-ocr page 57-
�tf Τ Ά O D � C Τ � 6 m          �f
Mon , qui fut de quarante ann�es, &: juf»
qu'� la cinqui�me de celui de Roboam.
ion fils. Alors S�z�c, Roi d'Egypte, �tant
venu affi�g�r J�ruf�lem, pilla le Temple &.
en emporta toutes l�s richeiTes. Depuis il
s'�coula pluf�eurs r�gnes durant lefqu�ls le
Temple fut abandonn�. Enfin Joas, Roi
de Juda, le fit r�parer, au moyen d'une con-
tribution offerte par le Peuple; mais quatre
cent ioixaate-dix ans apr�s fa conitrucHon,
Nabuchodonofor ayant Conquis J�ruf�lem,
ce monument fut br�l� δι tonte la Ville r�-1
duite en cendre.
Soixante-dix ans apr�s cet embrafement,'
Cyrus, Roi de Perle, permit aux Juifs,
non feulement de retourner dans la Palef-
tine, ma�s encore de reb�tir J�ruf�lem & d'y
c�nitruire un nouveau Temple. Ceux-ci fi-
rent tous leurs efforts pour qu'il �gal�t le
premier ; mais, f�lon l'hiftoire, il n'avoit
que la moiti� de fes dimertfions. Apr�s la
mort de Cyrus, Cambyfe fon fils, excit� par
les Samaritains & par les autres Nations
voifines, d�fendit aux Juifs de continuer la
r��dification de leur f�cond Temple. Darius
plus indulgent que Cambyfe fon pr�d�cef-
ieur, fe laii�� fl�chir aux pri�res de Zoro-
oabel, & lui permit la continuation de ce'
monument, qui fut achev� la i�xieme ann�e
de fon regne.
-ocr page 58-
StS        Intro dvct ι ο κ,
Antiochus, Roi de Syrie, apr�s avoir �t�
re�u dans J�rufalem, ruina cette Ville, mit
le Temple au pillage, & abolit le culte du
Dieu d'Ifra�l. Ce Roi fut vaincu par Judas
Machab�e, fon arm�e d�faite, le Temple
purifi� & de nouveau r�tabli. Les Romains
ayant voulu �tendre leur domination dans
la Jud�e, Pomp�e fe rendit ma�tre du
Temple. H�rode l'ayant repris, le fit d�mo-
lir;&� ia place,il en fit�lever un t�pil�eme de
la m�me grandeur que celui deSalomon,
& d'une magnificence prodigieufe.
La guerre des habitants de J�rufalem
avec les Idum�ens leurs voiiins>occaf�onna
la deftrucHon enti�re de la Jud�e ; Vefpa-
lien profita de ces troubles & bloqua la
Ville. Titus charg� d'en continuer le f��ge,
la prit & la ruina jufque dans fes fonde-
ments : le feu mis aux portes du Temple
�arvint "jufqu'� la galerie, les ordres de
'itus-ne purent arr�ter les effets de Γίη-
cendie.Ainf� fut r�duit en cendres cetro�-
l�eme Temple y dont la deftrudion avoit �t�
pr�dite par le Sauveur : au reite fa ruine en-
ti�re & la contradidion qui regne parmi les
Auteurs qui en ont parl�, nous laiil�nt fort
incertains fur la v�ritable ordonnance de
ce monument.
Nous avons vu pr�c�demment que le*
-ocr page 59-
�NTRODUCTIOI�.             �?
Egyptiens parvinrent � �lever de varies �di-
fices, mais dans lefquels la grandeur & la
iolidit� tenoient lieu des beaut�s de l'art.
Ils m�connurent en effet cette belle ordon-
nance dont l'afpect annonce l'ufage des �di-
fices qu'elle d�core : l'art de conftruire des
vo�tes �tant ignor� chez eux, ils ne iurent
faire fervir les colonnes qu'� ibutenir
d'�normes fardeaux. Satisfaits d'avoir pro-
portionn� � leurs befoins la hauteur �c la.
groi��ur de ces points d'appui, ils ne fe dou-
t�rent pas que l'expreffion d'un ordre, aini�
que la beaut� d'une colonne, coni�fte dans
le rapport de ion diam�tre � la hauteur de
fa tige , enforte qu'ils ignor�rent les trois
expreifions folide , moyenne �c d�licate,
qui caract�rifen� les ordres Grecs.
Cependant il faut convenir que les mo-
numents de l'Egypte ne contribu�rent pas
peu � la mp�riorit� que les Grecs acquirent
enfuite dans l'Architecture. Eclair�s par le
fentiment fur les vraies beaut�s de l'art, les
Grecs s'attach�rent � perfectionner les ou-
vrages des Egyptiens ; ils furent, en s'�-
cartantdu go�t dominant de ce Peuple pour
le g'tganteique, affigner � leurs �difices des
proportions d�termin�es , �c fixer la r�gula-
rit� de leur ordonnance. Les Egyptiens
n'ayant en vue que le grand & le merveil-
leux, �toient venus � bout de conftruire
-ocr page 60-
iS            �NTRQDUCT��lf'.
avec iolidic� 5 l�s Grecs parvinrent � d�-
couvrir le vrai go�t de l'Architecture :
ceux-l� br�lant du dei�f de s'immortalifer,
occup�s d'ailleurs des difficult�s de la main
d'�uvre , avoient n�glig� les f�neiTes de
l'ex�cution & m�connu les gr�ces de l'art ;
les autres donn�rent � leurs productions
cette r�gularit� , cette correction , cette
juftei�e qui fatisfait l'�me , Se pr�fente un
concert admirable aux yeux du fpe&ateur
�clair�. En un mot, on peut regarder les
Grecs comme les cr�ateurs de l'Architec-
ture proprement dite, & les confid�rer
comme les premiers qui ayent �t� dignes
d'avoir des imitateurs 5 auffi n'atteignirent-
ils pas fans de grands efforts � ce de-
gr� de perfection, �c ce ne fut qu'apr�s qu'ils
eurent appris � fubftituer � leurs mod�les
une ordonnance plus l�gere, &; qu'ils fe fu-
rent apper�us que la plupart des �difices
Egyptiens ne pr�fentoient que de tr�s-
grandes maiTes charg�es d'ornements, qui,
f�lon nous,�toient plus gigantefques & plus
bizarres que fatisfaifantes. Cependant, au
rapport de Pline (c), les Egyptiens fe.van-
toient d'avoir poif�d� la Peinture 6000 ans
avant «qu'elle fut connue en Gr�ce : ce qui
prouveroit du moins que l'Egypte, ainf� que
.1 -                                                                                     ■ �»��            .       M.
(c) Pline, lib. 35 , cap. 3.
-ocr page 61-
Introduction.           29
nous l'avons obferv�, doit �tre regard�e
comme le berceau des .Arts.
Ce ne fut qu'apr�s un allez long efpace
de temps que les Grecs imagin�rent de p�-
trir , de fa�onner la brique & de la faire
cuire au feu, invention qu'ils durent,f�lon
Pline, � Lurichus & � Hyperbius, fr�res,
habitants de l'Attique.
Homere en parlant du Palais de Priam
�c d'Alcinoiis, femble n'en faire coni�iter la
magnificence que dans la difpoi�tion, dans
la richefTe des mati�res, &" lts ornements
employ�s dans l'int�rieur, &l ne dit rien
-des proportions obferv�es dans ces �difi-
ces.
Ce fut Cadmus qui apporta en Gr�ce
l'art de travailler les m�taux. En fe ren-
dant attentif � tout ce qui les avoit pr�c�-
d�s, en cultivant les Arts du del��n, del�
Peinture & de la Sculpture, ainfi que les
Math�matiques, les Grecs ne tard�rent pas
� acqu�rir de grandes connoiflances dans
l'Architecture.
Alors on vit s'�lever en diverfes contr�es
de la Gr�ce des monuments qui par la beau-
t� de leur ordonnance, effac�rent les monu-
ments Egyptiens. Les Ioniens en �rig�rent
un � Th�os en l'honneur de Bacchus. Ce
Temple entour� d'un rang de colonnes fut
�onftruitfur les def��ns d'Hermog�nes, un
-ocr page 62-
3<5        Introduction.
des plus grands Architectes de l'antiquit�,'
& dont Vitruve regardoit les ouvrages com-
me la fource o� l'on puifa les meilleurs pr�-
ceptes de l'Art. Le m�me Hermog�nes fit
b�tir uti Temple � Magn�fie, Ville de Ca-
rie, en l'honneur de Diane.
Parmi tant de Temples d�di�s � cette Di-
vinit� , perfonne n'ignore que celui d'E-
phefe tient le premier rang (d), nul autre
ne l'�gala ni en grandeur ni en magnificence;
il avoit quatre-cent-vingt cinq pied s de lon-
gueur, & deux cent vingt de largeur; fon
pourtour ext�rieur �toit environn� de deux
rangs de colonnes de la hauteur de ibixante
pieos(e); elles �toient au nombre de cent
vingt-fept, dont trente-i�x furent enrichies
d'ornements admirables par hs plus habiles
(d) Au rapport de Vitruve , la ftatue del� Dt'eiTe �toit
de c�dre. Selon Pline, cit� par le p�re Monfaucon, eile
�toit d'�bene ; X�nophon pr�tend qu'elle �toit. d'y voire ;
d'autres affurent qu'elle �toit faite d'un cep de vigne.
Ceux-ci repr�fentent cette Divinit� en chafleref�e, ceux-l�
entour�e de bandelettes, de maniere qu'elle paroifloit em-
maillot�e : fur ces bandelettes �toient des attributs & des
fymboles qui repr�fentoient la nature:la pluf art lui donnent
plufieurs mamelles pour d�iigner qu'elle �toit la nourri-
ce des animaux & des plantes.
(f) Vitruve pr�tend que ce fut Ct�fiphon qui inventa
plufieurs machines pour �lever des fardeaux consid�rables,
tels que les colonnes de ce Temple qui �toient de marbre
& d'un feill bloc ; il raconte auii� comment on a trouv�
la carri�re d'o� l'on a tir� les mat�riaux qui ont fervi
■4 b�tir ce Temple,
-ocr page 63-
Introduction;       $t
Sculpteurs de la Gr�ce 5 une entr'autres par
Scopas. Au rapport de Vitruve ( f), dePau-
fanias (g) & de Pomponius-Mela (A), ce
Temple fut le premier monument ou l'on
jdonna des bafes aux colonnes.
Nous obferverons que Spon, dans i�s
voyages, dit avoir trouv� � l'endroit o�
Ephefe �toit fitu�e , il:: colonnes, reftes
vraifemblablement des d�bris du Temple
de Diane. Cependant la hauteur de ces co-
lonnes , f�lon cet Ecrivain, avoit un peu
moins de quarante pieds, fur fept pieds de
diam�tre, erreur qui peut provenir de la
diff�rence de la meiiire dont il s'eft iervi,
a celle qui �toit alors en ufage,ou, de ce
que les Ioniens ayant reb�ti plufieurs fois
ce Temple , la proportion des colonnes
avoit vari� dans ces diverfes conftnicHons;
en effet Spon d�crit ces fix colonnes com-
me �tant d'ordre dorique, tandis que, i��on
Vitruve, l'ordre �toit Ionique.
Toute l'Af�e voulut contribuer � l'�rec-
tion de ce Temple. On employa, f�lon Pline
(*"), deux cent vingt ann�es aie b�tir. Stra-
(f) Vitruve, liv. 4.
ig) Paufanias , liv. 4.
(A) Pomponius-Mela, liv. U
COPlwejliv. J�,
«
-ocr page 64-
31       Introduction.
bon ( k ) & Vitruve ( / ) nomment pour*
premier Architecte de ce monument Cher-
iiphon ou Ct�fiphon, auquel iucc�da fon
fils M�tagenes, �c � celui-ci plufieurs au-
tres , parmi lefquels on compte D�m�trius
�c P�onius.
Eroftrate voulant faire pafler ibn nom
� la poft�rit�, imagina de br�ler le Tem-
ple d'Ephefe, & y mit le feu la m�me nuit
que naquit Alexandre > mais il fut relev�
avec une fomptuol�t� fans �gale fous le r�-
gne de ce Prince, & fur les deil�ns de l'Ar-
chitecte Ch�r�nocrates. N�ron pilla dans la
fuite tous les tr�fors de ce monument que
les Gots achev�rent de ruiner fous le regne
de Gallien.
Le Temple de Junon � Samos, �toit de
la plus haute antiquit�, il avoit �t� b�ti
pour la premiere fois du temps des Argo-
nautes. Il fut r�tabli par Ricus de Samos,
Cet Architecte fut aid� dans cet ouvrage
par fonf�lsTh�odore qui l'acheva feul. Celui-
ci puplia une defcription du Temple, con-
tenant exactement tous les d�tails de i�,
�onitru&ion ( m ). La c�l�brit� de ce Tem-
(k) Strabon, liv. 14.
(/) Vitruve, liv. 7.
( m ) Au rapport de Vitruve, cette defcription fe lifoir,
ipcore du temps d'Auguftc.
            "� , .
pie
-ocr page 65-
Introduction.           33
pie d'ordre dorique ne permet gu�re de
douter qu'il he fut un des plus beaux mo-
numents de la Gr�ce 5 c'eft aini� du moins
qu'H�rodote & Paufanias nous en parlent.
Le nom de Th�odore (n) qui en fut l'Ar-
chitecte ne peut d'ailleurs qu'en donner une
grande id�e,
Trophonius & Agam�des, les deux plus
anciens Architectes Grecs, dont le nom foit
parvenu jufqu'� nous, s'�toient acquis iule
grande r�putation par le fameux Temple
d'Apollon � Delphes j n�anmoins ks m�-
dailles qui nous reftent & qui repr�fenterit
la forme quarr�e , entour�e de portiques,
nous en font concevoir une id�e af�ez peu
avantageufe *, & Ton feroit reht� de croire
que ce Temple, comme nous l'apprend le
p�re Montfaucon \o), �toitp�us recomman-
datie par l'Oracle que toute la Gr�ce y al-
ioit confulter, & par les tr�fors �mmenfes
dont les Princes & l�s particuliers l'avoient
enrichi, que par la beaut� de fon Architec-
ture. Il f!it br�l� la premiere ann�e de la
cinquante-huiti�me olympiade, St relev�
par Spintarius, Architecte de Corinthe.
P�on�us, un des Architectes qui avaient
ie laDyrmthe de Lemnos, tir� pag. 17 j Μ&. (0).
(o) Premiere Partie, rit. 2
Tome I.
-ocr page 66-
34           Introouction.
�t� charg�s de la conduite du Temple de
Diane � Ephefe&: Daphnis Mil�llen, firent
b�tir celui d'Apollon � Milet. Celui-ci, le
plus magnifique de tous ceux qui furent
�lev�s en l'honneur de ce Dieu, �toit conf
truit en marbre &l d'ordre ionique ainl� que
Je Temple de Diane, & ne lui �toit inf�-
rieur , f�lon Vitruve (p ), ni en grandeur ni
en beaut� ; on peut voir d'ailleurs l'�loge
que Pline nous a la�i�e de ce monument.
Un autre Temple fut �lev� en Arcadie,
pr�s du Mont Cotytius, fous la conduite
d'��tinus, en l'honneur d'Apollon le fe-
courable. Ce Temple �toit vo�t� en pierres,
f�lon Paufanias (g), & paiToit pour un des
plus beaux monuments de l'antiquit�.
Les talents d'Ictinus & de Callicrates
ne contribu�rent pas peu � faire valoir, par-«
mi les Ath�niens ,1a magnificence de P�r�-
cl�s dans les �difices qu'il f�t �lever. Ces
deux Architectes conftruifirent dans la Ci-
tadelle d'Ath�nes le Temple de Minerve ,
appelle Parthenon , c'eftVa-dire le Temple
. de la Vierge. Ce monument d'ordre dori-
que , & qui fubi�ite encore en partie, eil
rectangulaire par fon plan, comme �toienc
prefque tous les Temples des anciens, fa
(p) Vitruve, Prcf. liv. 7. ,'
(q) Paufanias ,'liy. 8,
/
-ocr page 67-
Introduction.           ?�
longueur eil de deux cent vingt-un pieds
Bors oeuvre, & fa largeur de quatre-vingt
quatorze pieds dix pouces. Les colonnes
ext�rieures font fans bafe, & ont trente-
deux pieds de hauteur fin* cinq pieds huit
pouces de. diam�tre. Elles font couronn�es
d'un entablement qui a pue/que le tiers de-
la hauteur des colonnes. Au reite, ce ne
fut point Ictinus, mais l'Architecte Carpion,
qui, f�lon Vitruve, f�conda Callicrates dans
la conitruclion du Temple de Minerve. Cet
Auteur ajoure que .Pedii�ce �toit d'ordre
ionique : ce qui n�anmoins eit contraire �
ia defcrip�ion qu'en a faite M. le Roi dans
«fes ruines de la Gr�ce (r). Mais Vitruve (�)
ainl� queStrabon (/:)reeonnoiiT�nt que Mi-
nus �leva le Temple c�l�bre de C�r�s &
Proferpine � Eleufis (y.) ; cependantPlutar-
g.-------------1-----------------------1�.-------:--------1------------------------------------�------------------------------------!_,
(r) On peut voir auifi dans cet ouvrage une defcriptioi�
du Temple de Minerye Suniade, finie pr�s du Promon-
toire de 1'Attique, appelle autrefois Sunium, & auquel
dix-fept colonnes doriques, refres de ce monument, qui
font encore fur pied, ont fait donner le nom de C�p-tg�
Jonne.
(�) Vitruve , liv. 9.
:(t) Strabon, liv. o.
( u ) Le p�re Montfaucon,dans fa def�Ho«=Ua des Tem-
ples de l'antiquit�, ne fait point mention cte celui-ci. Il r�tr
{orte feulement une m�daille de la maifon de Brande-
ourg, qui,f�lon Bergier,repr�fente une efpece de Taber-
nacle , dr�if� en l'honneur de Proferpine, caufe, dit-il,
.qu'on voit � cot� un �pi & un pavoi, ce qui d�/�gneroit
flUt�f un Temple d�di� � C�r�s qu'� Proferpine.'
Cl)
-ocr page 68-
5<�       Introduction.
que en attribue le premier ordre � Corce-
bus, le f�cond � M�tagenes de Xipere ,
Bourg de l'Attique ; &; il ajoute que Xeno-
cl�s conilruifit la lanterne ou coupole qui
en couvroit le fandtuaire. Cet �difice d'or-
dre dorique pouvoit contenir, ielon Stra-
bon, plus de trente mille perfonnes, tel
�tant � peu pr�s le nombre de ceux qui s'y
trouvoient rafl�mbl�s � l'occaiion des c�r�-
monies pompeufes (v)qui fe pratiquoient
le jour de la f�te d'Eleufis. D'abord on laiila
l'int�rieur du Temple fans colonnes 5 mais
fous le r�gne de D�m�trius de Phalere on
voulut rendre ce monument plus majef-
tueux, & l'Architecte Philon (x) qui par
la defcription de tous ces ouvrages m�rita
de tenir un rang diftingu� parmi les Au-
teurs Grecs, fit ajouter des colonnes au
frontifpice de ce monument c�l�bre.
Plufieurs Temples furent �lev�s � T�g�e,
Ville d'Arcadie, fur les deifins de Chyro-
iophus de l'Ile de Cr�te. Un de ces monu-
■ ■                                                                                                                        ''"-Ι---------■
(v) Platon , Plutarque, Cic�ron ont fait une ample
defcription des c�r�monies qu'on obfervoit dans le Tem-
ple d'Eleufis. Voyez auifi l'Abb� Fenel, qui a �crit fur l�
doctrine que l'on enfeignoit autrefois dans les myfteres
de ces Divinit�s.
( χ ) Quelques-uns pr�tendent qu'il �toit le m�me que
Philon de Byfance, dent nous avons un trait� des ma-
chines de guerre.
-ocr page 69-
Introduction.           37
ments fut confacr� � V�nus P�phienne ,
un autre � C�r�s & � Proferpine* on en
d�dia deux � Bacchus, & un cinqui�me �
Apollon 5 on voyoit dans ce dernier, au
rapport de Paufanias {y), une ftatu� qui
repr�fentoit l'Architecte.
Quelques-uns font remonter aux f��cles les
plus recul�s l'origine du c�l�bre Temple
de Jupiter olympien � Ath�nes, & pr�-
tendent que Deuealion en fut l'Architec-
te. Ce Temple fubf�ita l'efpace de 950 ans,
& tomba en ruine � la cinquanti�me
olympiade. Pififtrate entreprit de le rele-
ver , & confia l'ex�cution de ce deiFein aux
Architectes Antiftates , Antimachides ,
Callefchros & Perinos. Apr�s la mort de
Pinitrate ce monument fut difcontinu�
jufqu'au regne d'Antiochus le Grand.
Ce Prince, �tant mont� furie tr�ne de
Syrie, voulut faire achever le Temple de
Jupiter olympien � Ath�nes ; le foin de le
perfectionner fut confi� �Cof�utius, citoyen
Romain , Architecte qui le premier avoic
b�ti a Rome f�lon la maniere des Grecs.
Ce fuperbe �difice conftruit en marbre
& d'ordre dorique, �toit fitu� dans la par-
tie baffe & au feptentrion de la Citadelle
d'Ath�nes. Sa vafte �tendue le rendit aufl�
(y) Paufanias, liy. 8.
Ciij
-ocr page 70-
�, �*Txo*irtTto»:
c�l�bre que les plus fameux Temples ��
l'antiquit�. Coifutius n'en ayant pas ache-
v� la conftrucUon * elle fut continu�e du
temps d'Augufte $ mais le Temple ne re�ut
fon dernier degr� de perfection (|) que fous
Adrien, un des Empereurs Romains qui
t�moign�rent avoir le plus de go�t poui
Mrchite&ure. ι
Dans l'intervalle de la mort de Pii�ftr�-
fee au regne d'Anthiochus le Grand, les
habitants de Pife, o� �toient c�l�br�s les
jeux olympiques,avoient �lev� en l'honneur
de Jupiter un autre Temple qui ne le" ce-�
doit gu�re pour la magnificence � celui
de Jupiter olympien � Ath�nes. Paufanias
a Jaiile du Temple de Pife coiihxuit fur les
deffins de Libon d'Elide , une defcrip-
tion tr�s-ample qui ne peut que donner*
la plus grande id�e de ce monument ; il
�toit d'ordre dorique & entour� de co->
lonnes : fa longueur �toit de 230 pieds, fa
largeur de 8 f , &: fa hauteur de 6S. Le
comble �toit couvert de tables de marbres
en forme de tuiles, invention due � Bl�
/as, Sculpteur de Naxos ; Paufanias femble
faire entendre que la Mythologie y �toic
prefque toute repr�fent�e , foit en Peintu*
te ibit en Sculpture.
(t) Yty*\l& ruines de la Gr�ce par M. le Roi ,pag< 19«
-ocr page 71-
Introduction)         '39
La plupart de cesTemples furent conftruits
des marbres les plus pr�cieux, & rev�tus
des ornements les plus analogues au genre
de ces fortes d'�difices 5 leur itruclure ad-
mirable devint une nouvelle fource de
gloire pour les Grecs, & des mod�les pour
la poft�rit�.
Les demeures des Rois le c�d�rent � pei-
ne aux Temples des Dieux : rien n'�galoit
la fomptuof�t� du Palais de Maufole, Roi
de Carie, & la magnificence du c�l�bre
tombeau de ce Prince ; on lit dans Vitru-
ve (a) que de fon temps les murs du Palais
de Maufole �toient encore en entier : Us
�toient, dit-il, de briques, & couverts d'un
enduit fi poli qu'ils reiTembloient � dit
verre. Le m�me Auteur parle aui�� de ρ'ίίι-
iieurs Temples que ce. Roi avoit fait �le-
ver : un de ces �difices, d�di� au Dieu Ma�s ,
fut conftruit dans la partie la plus haute
de fon Palais, f�tu� au milieu de la Ville
d'Halicarnafle.
Apr�s la mort de Maufole , fa Veuve
Art�mife fe rendit c�l�bre par le tombeau
qu'elle fit �riger dans cette Ville � la m�-
moire de ion mari 5 ce monument le plus
ibmptueux qu'on ait encore vu en ce gen-
~                                          _,        .1.- II..I. I,11�, .M., .111            ,     |                           .....������IM »1 | 11, | ,».
(«) Vitruvc, liv. z, ebap. 8.
C iv
-ocr page 72-
4<5           In τ ro du c't ι ο ν.
re devint la quatri�me merveille du mon-
de j de-l� tous les �difices de ce genre ont
pris le nom de Maufol�c. Ce tombeau, au
rapport de Pline,fut le premier o� l'on
employa le marbre en incruitation,, & il
ajoute que cette belle invention eft due
aux Cariens. Chaque fa�ade de ce monu-
ment �toit d�cor�e de 36 colonnes du mar-
bre le plus pr�cieux, & orn�e de itatues
& de bas reliefs d'une ex�cution admira-
ble. Satyrus & Phyteus furent les Architec-
tes de ce monument j mais Pli�this le con-
dm�i au dernier degr� de perfection en
�levant au-deiTus une pyramide qui avait
comme le Maufol�e , 140 pieds de hau-
teur. A l'extr�mit� fup�rieure de la py-
ramide , on voyoit un Char d�di� au
Soleil. Les Sculpteurs qui enrichirent ce mo-
nument de tant d'excellents ouvrages, fu-
rent L�ochar�s, Briax�s, Scopas & Praxi-
t�le , ou, f�lon quelques-uns, Thimoth�e,
chacun d'eux orna une des fa�ades , & il
n'eit pas furprenant que leurs chefs-d'�uvre
ayent contribu�, autant que la grandeur
de l'�difice , � rendre ce monument im-
mortel.
Enfin, il n'y eut dans la Gr�ce aucune
Ville un peu coni�d�rable o� Ton n'�rigeas
quelque monument, foit temple, foit pa-
lais , combeau ou fontaine, tous ouvrages
-ocr page 73-
Introduction.          4t
capables de tranfmettre � la poit�rit� la m�-
moire de ce Peuple, qui a pu �tre regard�
comme poi�efTeur des beaux Arts perfection-
n�s. En effet, tous les Citoyens les culti-
voient, les Acad�mies �tablies dans tou-
tes les Villes y formoient la jeuneiTe, tou-
tes les fciences y �toient enfeign�es par d'ex-
cellents ma�tres. D'ailleurs les Grecs �toient
naturellement fpirituels,curieux, aimant les
belles connoiflances, & s'y appliquant par
go�t.Enf�n l'on peut dire que laPbyfiqu� & la
morale ont concouru auffi � diilinguer cette
Nation de toutes les Nations de l'Univers.
* A l'exemple des Grecs, les Romains vou-
lurent fe iignaier par la eonftruction de
leurs b�timents. Mais, d'abord femblables
;>,ux Egyptiens, ils ignor�rent l'heureux effer
des proportions en Archite&iire, & fe con-
tent�rent de donner � leurs �dii�cesde la gran-
deur & de la folidit�. Nous apprenons des
tfiftoriens que les Sciences &: les Arts firent
d'abord peu de progr�s chez ce Peuple ; ils ne
furent cultiv�s que par le petit nombre, le
gros de la Nation n*y prenant aucun �nt�-
cet : enforte qu'on ne peut gu�re faire re-
monter l'�poque de l'introdu�tion des Arts
chez les Romains plus haut que la f�conde
guerre Punique v environ % 18 ans avant no-
tre Ere. D'apr�s ce r�cit, il y a toute ap-
-ocr page 74-
"4*       Introduction?.
parence que leur profp�rit� ne dura qu'en-
viron deux i��clesj encore faut-il convenir
que pendant cet efpace de temps les Let-
tres l'emport�rent de beaucoup fur les pro-
ductions de l'Architecture qui font ici no-
tre objet.
N�anmoins d�s le regne de Tarquin l'an-
cien , on ex�cuta des ouvrages importants $
il fut le premier Roi de Rome qui enferma
par des murs l'enceinte de la Ville 5 mais
ce qui a le plus immortalif� ce Prince, c'eir,
le conduit fouterrein dont on voit encore
les ruines. Ce conduit, en recevant toutes
les immondices de Rome, contribuoit � la
fois, � la propret� des maifons, � celle �
des rues & � la falubrit� de l'air, objets in-
t�reiTants dans les ouvrages publics. Tite-
Live (b) & Denis d'HalicarnaiTe (c) nous*
font concevoir une grande id�e de cette?
entreprife, ils exaltent fut-tout les avanta-
f;es qu'en retiraient les Citoyens. Quant �,
a folidit� , il efl; �tonnant que ces vo�tes,
conduites depuis une extr�mit� de la Ville
jufqu'au Tibre, ayent r�i�ft� depuis tant des
f�ecles � la charge immenfe des voitures?
quelles n'ont cei�� de porter : l'hiftoire que
Pline ( d) raconte � ce fujet peut fervir aul�l
(b)  Tke-Livre, liv. premier.
(c)  Denis d'HalicarnafTe, liv. 3.
(d)  Pline, Jiv. $6,chap. z,
-ocr page 75-
�ntrod�ctioK'.          43'
� nous donner une id�e de la folidit� des �di-
fices des Romains.
Scaurus, dit-il, avoit fait conftruire urt'
th��tre qui ne devoit habiliter que l�x ie-
maines (e).Les fpedacles finis, Scaurus vou-
lut faire transporter chez lui les mat�riaux
qui avoient ierv� � la conftruction de cet
�difice : l'Entrepreneur des ouvrages publics
exigea de ce riche Citoyen qu'il s'oblige�t de
payer le dommage que pouroit c�ui�r aux
vo�t�s le tranfport de pareils fardeaux ; mais
les vo�tes qui depuis 800 ans �toient de-
meur�es enti�res foutinrent fans s'�branler
toutes les fecouiTes qu'occafionna le tranf
port.
Ce fut encore T�rquin l'ancien qui jeta
les fondements du Capitole (�), & qui y
b�tit un Temple � Jupiter qu'il f�t noinmer
Temple de Jupiter Capitolin > ce monument
futeniuite achev� avec beaucoup de magni-
ficence fous le regne de Tarquin le Super-
be, qui fit venir pour cela des ouvriers d'�-
truries ce fut auffi ce dernier qui acheva le
(e) Ce th��tre �toit orn� de trois ordres, dont les
Colonnes au nombre de 360 , avoient �t� pr�par�es
en moins d'un an. Celles du premier ordre �toient
de marbre & avoient de hauteur 38 pieds; ce th��tre fe
trouvoit encore embelli par un nombre prodigieux de
itatues de marbre, de bronze , &c.
( f) Environ 600 ans avant notre Ere
-ocr page 76-
44           Introduction.
Capitole, & qui y fit �riger un Temple com-
mun � tous les Latins.
Depuis les premiers temps de la Monar-
chie Romaine , l'Etrurie, aujourd'hui la
Tofcane, s'�toit diftingu�e plus qu'aucune
autre partie de l'Italie, par fon go�t pour
l'Architecture. Porfenna, un de fes Rois (g),
fit �lever pr�s de Clufium un tombeau dont
la ftru&ure obtint les fufFrages des Artiftes
contemporains j il �toit conftruit en pierre,
$� s'il en faut croire un paf�age de Varron (h)
que Pline nous a conferv�, fa forme avoit
quelque reiFemblance avec celle du labyrin-
the de Cr�te 5 mais ce qui fit le plus d'non-
neur aux Etrufques, fut l'invention de
l'Ordre Tofcan, qui depuis caract�rifa l'Ar-
chitecture Romaine.
En effet les Romains ne firent long-
temps ufage que de cet Ordre, ayant une
connoiflance tr�s-imparfaite de la Sculptu-
re, ne f�chant ni polir le marbre, ni l'em-
f�er en colonnes j en un mot, ignorant
de faire des ouvrages capables d'exci-
ter une jufte admiration. Mais enfin le com-
merce qu'ils eurent avec les Grecs leur don-
na lieu d'envier � ce Peuple les merveilles
qu'il avoit enfant�es. Les Romains apprirent
(e) Tlvivoit environ �00 ans avant l'Ere Chr�tienne.
(�) Varron, liy. 36, chap. 15.
-ocr page 77-
wi-ii^WW^;
Introduction.           45
des Grecs � rendre leurs �difices r�guliers,
� y joindre la difpofition & l'ordonnance :
ils mirent tout en �uvre pour mrpailer leurs
ma�tres, mais ils ne parvinrent qu'� deve-
nir leurs rivaux 5 &: malgr� tous leurs efforts
pour produire de nouveaux ordres, on ne
vit paro�tre dans l'Italie que le Tofcan per-
fectionn� & le Compoi�te, foibles imita-
tions des ordres Grecs ; ce ne fut m�me qu'a-
pr�s la deftrudtion de la R�publique que
Rome fe vit embellie par des monuments
dignes d'�tre tranfmis � la poft�rit�.
Alors on vit s'�lever le Panth�on qus
fit conftruire Agrippa ( i), gendre d'Au-
gufte. Ce Temple fe nommoit ainfi, parce
qu'il �toit d�di� � tous les Dieux; Agrippa
n�anmoins le confacra particuli�rement �
Jupiter le Vengeur 6c � Cybele. Palladio
croit que le Panth�on avoit �t� conftruit
du temps de la R�publique, & qu'Augufte
�tant mont� furie tr�ne, Agrippa fit �lever
feulement le portique qui manquoit � l'�difi-
ce 5 cette partie du Temple paro�t efFe&ive-
ment avoir �t� ajout�e apr�s coup.
La forme du Panth�on , connue aujour-
d'hui fous le nom de Ta Rotonde, eft cir-
culaire par fon plan, & fa. hauteur eil �gale
� fon diam�tre : enforte que f�lon Pexpre�
----------------�.------------------------------------------------------i-------_--------iu-----p
(i) Ce Cooiul vivoiit uft peu avant notre Et�.
-ocr page 78-
4^       Introduction.
ίιοη de Palladio, il femble repr�ienter le
globe de la terre. Au rapport de Defgo-
dets qui l'avoit exactement mefur�, fon dia-
m�tre eft de vingt-deux toifes, Le porti-
que ayant �t� ruin� par le tonnere, il fut
r��difi� fous les Empereurs S�v�re & Marc
Aur�le. Du temps de l'Empereur Phocas,
le PapeBoniface IV (k) d�dia ce Temple
� la Vierge &: aux Martyrs \ Urbain VIII a
fait depuis reltaurer fon portique &l appla-
nir la place qui lui fert d'ilfue. C'eft cet �di-
fice que l'Empereur Adrien fe propofa d'i-
miter dans Ath�nes, lorfqu'il f�t �riger �
tous les Dieux le Temple qui fut appelle
le Panth�on et Adrien,
Nous ne devons pas oublier de parler ici
du c�l�bre Temple de la Fortune, �lev� fur
une montagne � vingt & un milles de Rome,
dans la Ville de Paleibine, construite des
ruines de l'ancienne Pr�nei�e. Ce Temple,
au rapport de M. l'Abb� Barth�l�my, �toit
compof� d'un aifcmblage de plufieurs �di-
fices, qui pof�s avec r�gularit� fur diff�-
rents plans, s'�levoient les uns au-deifus
des autres, & en impofoient par la majeft�
de leur ordonnance. Le fancluaire de ce
Temple �toit, dit-il, pav� d'une mofa�que
0*Ε*Μ*ΛΛΛ -..���..... i-i . rtfyU       ι,. ι. ι i..,- iii�.......... !        i, ".-------Γ"»
(k) Ce Pontife mourut en 614, apr�s un regne de
fept ans,
-ocr page 79-
Introduction.           47
d'environ dix-huit pieds de long fur qua-
torze de large (/), travail pr�cieux qui
donne une grande id�e des Artiftes de ce
genre en Italie.
Augufte, f�lon Su�tone (/«), f�gnalaia
magnificence par une infinit� d'�difices ,
fruits de la paix, dont toute la terre jouif-
foit fous fon Empire 5 les b�timents fornp-
tueux �lev�s dans Rome firent parvenir cet-
te Capitale au plus haut degr� de fplen-
deur 5 elle changea enti�rement de face :
ce qui f�t dire (^u'Augu�e ne l'avoit trouvez
que de brique, & qifd la laijjbit toute de mar-
bre.
Cet Empereur (λ) fit aui�i b�tir en Epire
pr�s d'Adium la Ville de Nicopolis, � def-
fein de perp�tuer le fouvenir de la
victoire qu'il avoit remport�e fur Marc-
Antoine ; enfin l'on peut dire que fous ion
regne les Sciences & les Arts chez les Ro-
(/) M. l'Abb� Barth�l�my nous a donn� en ij6o /a
xlefcription de -cette mofa�que d'apr�s une planche que
M. le Comte de Cailus a fait graver avec beaucoup plus
de foin Se de correction que celle du P. Kirker, grav�e en
1671 , & celle de M. Ciampini, grav�e en i�cjq, & en-
fin que celle grav�e en grand en 1711 par les foins du
Cardinal Barberin. Les fragments de marbre qui compa-
rent cette mofa�que ne font commun�ment,dit-il , que de
trois � quatre lignes en quarr� ; ceux qui forment les fi-
gures font encore beaucoup plus petits.
(m) Su�tone dans la vie d'Augufte.'                    ___
(72) H r�gna long-temps en paix, &: mourut �g� de γ f
anSj la douzi�me ann�edeaotre Ere,
-ocr page 80-
          Introduction.
mains, �toient un infiniment utile dans l�s
mains de ce Peuple ambitieux, & que la
Philofopliie, l'Hiftoire,l'�loquence, la Poe-
i�e , l'Architecture, la Sculpture & la Pein-
ture furent port�es alors au plus haut point
de perfection.
Parmi les divers monuments de l'antiqui-
t� , l'hiftoire vante beaucoup Γ Aqueduc de
Carthage ( ο ), conftruit fous le regne du m�-
me Prince. Outre un nombre infini de Tem-
ples, de Cirques, de Th��tres, de Ponts S:
d'A qu�ducs dont il ordonna la conftru�tion,
il voulut prendre lui- m�me le foin du che-
min de Flaminius qui conduit depuis Rome
jufqu'� Rimini; fur ce chemin �toit un pont
remarquable o� l'on �rigea un Arc de Triom-
phe � fa gloire.
L'hiftoire nous parle encore de quatorze
Aqueducs immenies �lev�s du temps des
C�fars ; ils �toient foutenus fur des arcades
qui conduifoient l'eau tr�s-abondamment
dans Rome, & y entretenoient continuelle-
ment cent cinquante fontaines jailliiTantes,
cent dix-huit bains publics, fans compter
hs mers artificielles deftin�es � repr�-
fenter les combats, connus fous le nom
de Naumachics. Cette m�me hiftoire nous
allure que cent mille ftatues, ornoient Iqs
(0) Foyei rArchitefturehiftoriqaede Fifcher j Jiv. S.
places
-ocr page 81-
Ι'η Τ R�DU�T Ι Ο Ν.            4&
P'�aces publiques, les Carrefours, les Tem-
ples, les Palais, δ: que fous ces regees m�-
morables , on voyoit quatre-vingt dix co-
lories �lev�s fur des portiques, quarante-
huit ob�lifques de marbre' granique, tail^
l�s dans la haute Egypte, ouvrages'�ton-
nants, qui nous lahTent � peine concevoir
comment on a pu, du Tropique aux bords
du Tybre , tranfporter des mai��s aul��
prodigieui�s. Qu'on ie rappelle d'ailleurs
ici ce que nous avons dit en parlant de
PEgypte, touchant l'ob�lifque relev� par
Sixte-Quint, & par l'induitrie du c�l�bre
Fontana, encore r�v�r� a Rome par la
hardiefle de cette entreprii� {p),
Le pont d'Auguile �toit bien moins �ten'
du, mais plus utile que celui qui fut cons-
truit fous les ordres de Caligula : celui-ci
avoit de longueur une lieue & demie,
traverfoit une efp�ce de Golphe, i�.tu� en-
tre Pouzzole & B�les. Au reite le pont de
Caligula ne ferv'it gu�re qu'� flatter 1'oj>
gueuil de cet Empereur qui voulo�t traver-»
fer la mer � cheval & triompher de cet �l�**
ment mieux que ne l'avoient fait, difoit>
il, Darius & Xerc�s {q).
\P) y°ye\ ce que nous avons dit de ces ob�lifques.
f «S- M�
(q) Aurel. Viftor & Xiphilin dans la vie de Calcul*,
?Qmt l                                D
-ocr page 82-
■ρ          Introduction.
Laconitraclion du pontd'Oftie que Jules-
C�far avoir entreprife inutilement, i� f�t
avec le plus heureux fucc�s fous l'Empire de
Claude; cet ouvrage fut d'un grand lecours
aux Romains, n'y ayant auparavant vers
l'embouchure du Tybre aucun lieu de fure-
t� pour les vauTeaux venant d'Afie &c d'Afri-
que , ce qui occafionnok fouvent la famine
dans toute l'Italie.
Mais jamais on ne vit plus de fomptuo-
fit� & de magnificence que dans le Palais
que N�ron fit joindre � celui des Empereurs.
La Cour de ce nouveau Palais o� l'on
voyoit la ftatue coloifals de ce Prince, �toit
orn�e de portiques � trois rangs, dont cha-
cun �toit de la longueur d'un mille: l'�ten-
due des jardins �toit immenfe , ils renfer-
moient un �tang entour� d'une quantit�
prodigieufe d'�difices ; on auro�t pris, f�lon
Su�tone , l'�tang pour une mer, & l'alfem-
blage de ces �difices pour une Ville 5 on
voyoit aul�i dans ces jardins des terres la-
bourables, des vignobles, des prairies &
plui�eurs bois peupl�s de diff�rentes fortes
de b�tes fauvages & d'animaux domeftiques.
La grandeur du Palais r�pondoit � l'�ten-
due des jardins : l'or, l'azur, les perles, les
pierreries 6c autres mati�res pr�cieufes fu-
rent employ�es dans l'int�rieur avec tant
de profuf�on que cet �difice fut appel� la
-ocr page 83-
TNTROUUCTTON'l�             ft
i�ia�fon dor�e (r); il fut d�truit en partie
durant les guerres qui fuivirent la mort de
N�ron (�).
Au lieu o� �toit l'�tang, Vefpafien (t)
8c
fon fils Titus firent �lever l'amphith��tre
connu aujourd'hui fous le nom de Colij�e.
jjooo ouvriers avoient d�j� travaill� 10
ans � l� conftrudion de cet �difice avant
qu'on en e�t commenc� la Sculpture ; fa for^�
me ext�rieure & int�rieure eil elliptique > il a
de longueur hors �uvre quatre-vingt-cinq
toifes fur foixante-dix de largeur.
Vefpafien fit auf�� �lever dans Rome le
fiiperbe Temple de la paix. On en voit en-
core aujourd'hui des veitiges,dont les mefu-
res nous ont �t� donn�es par Defgodets (u%
Parmi les ouvrages publics qui ont i�gna-
i� la gloire des Romains, les grands chemins
tiennent fans doute un rang diftingu�. Nul
(r) Su�tone , dans la vie de N�ron , Tacite , Pline ,
Martial de Spetlac. Epig. t.
(f) Cet Empereur fe donna la mort � l'�ge de 3 ζ ans,
&: la foixante-huitieme ann�e de notre Ere apr�s avois
r�gn� treize ans.
(t) Vefpafien mourut l'an 79 de J. C. apr�s avoir r�-
gn� 10 ans. Galba, Othon & Vitellius qui avoient r�gn�
.entre N�ron & lui n'avoient joui de l'Empire qu'un an
.entre eux trois. Titus fon fils lui fucc�da & ne r�gna
que deux ans.
(«) Defgodets, chap. 21,
-ocr page 84-
ji       Introduction*.
Peuple d'ailleurs n'eft jamais "devenu auf�t
recommandable par des travaux de ce gen-
re. Le chemin deFlaminius, dont Augufte
avoitpris un foin particulier, le c�doit � pei-
ne � celui que fit conitruire Domitien (ν),
& qui fut appel� du nom de cet Empe-
reur Via Domitiana. Celui-ci conduifoit de-
puis Pouzzolles jufqu'� Sinu�ze o� il fe joi-
gnoit au chemin d'Appius j fa longueur �toit
de 13 lieues : le terrein o� il �toit conflruit
�tant peu folide, il fallut des d�penfes im-
menfes pour l'affermir ; pluf�eurs affifes de
pierres y faifoient un maffif d'une largeur
& d'une profondeur f� extraordinaire qu'on
n'avoit encore rien vu de fembl�bles de
grands carreaux de pierres taill�s r�guli�re-
ment furent plac�s avec beaucoup de foin Se
de propret� fur ce maifif dans toute l'�tendue
du chemin 5 en le parcourant on rencontroit
le pont que ce m�me Empereur avoit fait b�-
tir fur le fleuve Vulturne , &c un arc de
triomphe qu'il s'�toit fait �riger. Le pont
& l'arc de triomphe f�mes o� le chemin d'Ap-
puis fe r�unifToit � celui de Bomitien �toient
de marbre blanc & richement orn�s, f�lon
( ν ) Ce Prince, fr�re & fucceiTeur de Titus fut le
dernier des douze Empereurs nomm�s C�fars, il mourut
l'an 96 de notre Ere, �g� de 44 ans, Se apr�s en avoij;
r�gn� ij.
-ocr page 85-
Introduction.       '^
les defcriptions que Stace & d'autres Auteurs
nous en ont donn�es.
Quant au chemin d'Appius ( χ ) dont nous
venons de parler, il ne lahToit pas au rapport
tle Palladio d'�tre d'une grande beaut� ; il
commen�ok au Colif�e �c fe ter min oit �
Capoue. Plutarque nous apprend que Jules-
C�far (y ) le prolongea de beaucoup.
Trajan ( ^} le fit r�parer & le rendit plus
court & plus commode en faifant applanir
des montagnes, combler des vall�es �ccon-
ftruire des ponts.
De i�mples Citoyens Romains i�gnal�-
rent auffi leur amour pour la Patrie par les
chemins qu'ils firent conftruire ; un des plus
remarquables �toit celui que fit faire Au-
r�lius :il commen�oit � la porte Aur�lia ,
aujourd'hui porte S. Pancrace, traverfoit
toute la c�te maritime de la Tofcane �c
fe term�noit � Pife.
Les chemins Numentan, de Pr�nefte &
Libican, �toient auffi en grande r�putation s
ce premier s'�tendoit depuis la porte Vi-
cinale, aujourd'hui la porte Sainte Agn�s,
jufqu'�Numence. Quant aux deux derniers,
(ar) Claudius Appius vivoit environ 400 ans avant
jpotre fc,re.
(y) Mort 43 ans avant notre Ere.
tfaan Cc Prince raonta fur Ie u�nc ran 97 & m°nrul
-ocr page 86-
34         Ϊν τ ito n� er ι o if;
l'un commen�ait � la porte Efquiline, ou"
de S. Laurent, �i l'autre � la porte Nevia
ou porte Majeure ; tous deux conduifoient
� Paleftrine.
L�on-Baptifte Alberty parle d'un tr�s-
beau chemin appel� le portuofe qui con-
duifoit au port d'Oftie. Il �toit divif� dans
i� largeur en trois parties, dont celle du
milieu �toitr�ferv�e pour les charrois, &
les deux autres fervoient, l'une pour aller
de la ville au port, & l'autre pour retour-
ner du port � la ville : ce qui fauvoit l'em-
barras qu'e�t occaiionn� une foule innom-
brable, dont une partie veno�t de-Rome Se
l'autre y retournoit. On voit encore eri
divers endroits de l'Italie, fur-tout aux en-
virons de Rome,, des vertiges de ces anciens
chemins.
Domit�en ne fe fit pas moins admirer
}>�r un grand nombre de Temples, de Pa-
ais �c d'autres Edifices qu'il f�t �lever. On"
fut �tonn� qu'un Prince dont les m�urs
�toient corrompues, e�t �t� capable de con-
cevoir des entreprifes �galement recom-
mand�mes par leur utilit� & leur magni-
ficence. Stace (a) a donn� les plus grands
�loges aux travaux que fit faire cet Em-
pereur pour contenir Je Vulturne dans fort
� (a) Stace, Sylv. liv. 3, Eleg. 4»
k
-ocr page 87-
Introduction.            jy
lit , & emp�cher les d�bordements de ce
fleuve qui ruinoit tous les lieux voii�ns.
Sous l'Empire de Trajan fut conftruit le
pont du Tage, monument de ce genre le
plus beau qui ioit en Efpagne {b). Ce
pont, tout conftruit en pierres, eil�, �lev� de
deux cents pieds au defi�is de l'eau ; fa
longueur eil de fix cent foixante-dix pieds >
il n'eil� compof� que de fix arches, chacune
de quatre-vingt-quatre pieds d'ouverture.
Quant aux piles elles ont chacune environ
vingt-huit pieds en quarr�. Une inicription
qu'on lit fur la porte de l'Eglife de Saine
Julien � Alcantara, nous apprend que ce
F
�jnt fut conltruit par C.Julius Lacer, Se que
EgJife �toit un Temple que cet Architecte
avoit confacr� � la gloire de Trajan. On
voit encore fur le pont du Tage un arc
de triomphe , �lev� imm�diatement apr�s
laconitrudiondu pont( c) ; les inferiptions
anciennes difent expreif�ment que la Pro-
vince qui avoit fait �lever ces monuments,
les d�dia tous deux �. cet Empereur.
Quelque remarquable que f�t le pont du
Tage, il s'en falloit beaucoup qu'il appro-
ch�t del� magnificence de celui que Trajan
( b ) Bergier, hiftoire des grands Chemins de TEmpi*
η, liv. 4, chap. 38.
(0 Gruter, pag. ι6ζ, inicription 2 & 3.
-ocr page 88-
$6          �NTR�DUCTIOtfl
fit conftruire fur le Danube. Les p�l�s d^
celui-ci, au rapport de Dion Cai��iis, avoient'
deux fois autant d'�paiffeur que celles du
pont du Tage, & les arches deux fois au-
tant d'ouverture 3 il �toit compof� de vingt
piles �c de vingt & une arches ; chaque
pile avoit d'�pailTeur foixante pieds &c de
hauteur cent cinquante ; la' diftance de
l'une � l'autre �toit de cent foixante-dix
pieds ; la hauteur de ce pont �toit d'en-
viron trois cents pieds , & fa longueur
de huit cents toifes , fans y compren-
dre les cul�es. Cependant il fut conftruk
� l'endroit le plus rapide & le plus profond
du Danube : il �toit �mpofl�bie d'y faire
des batardeaux pour fonder les piles 5 on fut
oblig� de jeter dans le lit du fleuve une
quantit� prodigieufe de divers mat�riaux
qui s'�levarit jufqu'� fa furface * form�-
rent des efp�c�s d'emp�tements fur les-
quelles on affit les piles. Apollodpre de
Damas, c�l�bre Architecte du iecond iiecle
de notre Ere, conftruii�t ce grand ouvrage
qui iuffiroit feul pour immortaliser Trajan.
Adrien fon fucceifeur craignant que l�$
Barbares ne i� fervilTent du pont contre
les Romains en lit abattre les arches : n�an-
moins un motif contraire �voit d�termin�
, .Trajan � le faire b�tir.
La bienfaifance de ce Prince & les vicloi;
-ocr page 89-
� KT&� n�CT ι ο Ν.            57
f �s qu'il avoit remport�es d�termin�rent l�
S�nat &. le Peuple � lui �riger un des plus
beaux monuments qui ayent �t� confacr�s
� la gloire d�s Empereurs ; nous parlons
de la colonne Trajane qui fubiiite encore
aujourd'hui � Rome*
Autour d'une grande place ou march�
-appel� du nom d� l'Empereur Forum
Trajanum
, l'Architecte Apollodore avoit
fait conftruire pliii�eurs �difices, parmi les-
quels �toit une bafilique o� fe r�ndoit la
fuftice &: o� s'aiTembloient les N�gociants j
on y voyoit encore cette fafneuf� biblicn
thequedeTrajan , dont parlent les Hiflxv
riens. La place �toit de forme quarr�e �
l'imitation des places grecques, & d�cor�e
d'un nombre coni�d�r�bl� de ftatues. Un arc
de triomphe &: la colonne �toient les monu-
ments confacr�s � la gloire de ce Prince.
Cette colonne fut �lev�e au milieu de
�a place. Comme elle �toit deftin�e � pr�-
conifer un Romain, on ne voulut pas fe
fervir des ordres Grecs, quoiqu'ils fui��nt
employ�s d�s-lors en Italie. L'ordre Tofcan
fut pr�f�r� , & ce monument prouve bien
qu'il n'eft rien de fi fimple que l'Art ne
fache embellir, & qu'un ordre ruftique en-
richi par le miniftere de la Sculpture, peut
offrir le plus beau chef-d'�uvre/ La hauteur
de cette colonne eft de cen; treize piedsj
-ocr page 90-
j�              INTRODUCTION.
elle fut termin�e par une ftatue p�deftre de
bronze dore & de dix-neuf pieds de pro-
portion, qui repr�fentoit l'Empereur Tra-
jan. Sixte V y fubflitua une itatue de S,
Pierre de treize pieds feulement (d).
Nul Empereur ne montra tant de z�le
qu'Adrien pour la conftruction des �difi-
ces (e), on eil �tonn� du nombre de ceux
qu'il fit �lever ou r�tablir. D'abord il f�t b�-
tir un Temple magnifique qui fut confacr�
� la m�moire de Trajan s il f�t r�tablir le
Panth�on d'Agrippa , la bafilique de Nep-
tune, la place appel�e Forum Augu�i, les
bains d'Agripp�ne &plui�eurs autres �difices
ruines ou br�l�s ; il ordonna la conftru�lion
d'un mur de quatre-vingt milles de longueur"
entre l'Angleterre&: PEcoiTe., pour arr�ter
les courfes des barbares. Ayant pris J�rufa-
lem il la nomma ./Elia, il b�tit un Temple'
� Jupiter fur le Calvaire, & pla�a une ffca-
tae d'Adonis fur la Cr�che de Bethl�em y
apr�s fa mort on conftruif�t fur le Tybre pr�s
de l'on tombeau le pont ^Elius : les d�bris de
ce Maufol�e ont fervi depuis � b�tir le
(</) Foysi dans le parallele de Chambray., les deifins de
la colonne if raiane, & dans Fifcher ceux de la colonne
& de la placi" o� elle fut �lev�e, qui a �t� grav�e d'a-
pr�s une m�aVUe antique.
( e ) Cet Emp\ereur nomm� ^�lius Adrien, mouruc l'art
ί
3 8,, apr�s un re^ne de zi ans,
-
-ocr page 91-
� NT rodU ότ ι oN.        <;$
C�i�teau Saint-Ange. Tous ces �difices fu-
rent �lev�s fur les dei��ns de l'Archite&e
D�triarius.
Il y avoit peu de Villes coni�d�rables de
fon Empire que ce Prince n'honor�t de i�
pr�fence, &: prefque toutes fe reiTentirent:
de fon amour pour les beaux Arts ; on voie
encore en plufieurs endroits de l'Italie des
relies des �difices qu'il fit �lever: il lauTa
jufques dans les Gaules des t�moignages
de fon go�t pour l'Architecture , comme
on en peut juger par le Temple de Plotine,
Ce Temple, connu aujourd'hui fous le
nom de la Maifort quarr�e,ei� fitu� en Lan-
guedoc, pr�s des murailles de N�mes ;
Adrien en ordonna la conilruclion lorfqu'iI
paifa par cette Ville pour appaifer la r�vol-
te de la Grande-Bretagne. Six colonnes de
front & onze lat�rales forment la d�cora-
tion ext�rieure du Temple; les colonnes font
corinthiennes & �lev�es fur autant de focles,
.chacun de la hauteur de fix pieds. Leurs f�ts
font charg�s de cannelures. Le diam�tre des
colonnes eil de deux pieds neuf pouces, �C
les entre-colonnements de deux diam�tres*
Sur la frife de l'entablement font das rin-
ceaux , fur les moulures de la corniche des
ornements, & fur les cimaifes fup�rieures
des mufles de Lyon. Ce qui paro�t fingulier.
-ocr page 92-
�o          lit τ Ro�trcT ι � tfl
c'eft que les modulons font tourn�s � con-
tre Cens, Au reite, l'ex�cution de ce monu-
ment efl de la plus grande beaut�. Au mi-
lieu de l'�difice eil �lev�e aujourd'hui une
Eglife moderne.
Non loin du Temple de Plotine, on voit
encore des refles confid�rables de celui d'I-
fis, nomm� auffi le Temple de Diane ; cet
�difice de conflruction grecque paffe pour
�tre de la plus haute antiquit� , ion plan eft
un parall�logramme dont la longueur dans
�uvre eft d'environ dix toifes & demie, &
la largeur de fix toifes. Trois Chapelles font
au fonds du Temple, &: cinq fur les ailes 5 il
eft couvert d'une feule vo�te plein cintre,
conltruite de grands quartiers de pierres po-
fes fur leur plat. Plufieurs offements trou-
v�s fous terre font pr�fumer qu'on yfacri«
fioit des victimes humaines, & les puits qu'on
remarque encore, creuf�s fous les pi�de�
taux des idoles, fervoient fans doute aux
Pr�tres du Paganifme � rendre leurs ora-
cles.
Pr�s du Temple d'Ifis fut confiante une
fontaine en m�me temps Se au m�me ufage
que cet �difice. Apr�s la conqu�te des Gau-
les , les Romains voulant la faire fervir de
bains publics, conflruifirent pour les per-
fonnes du premier rang une Nymph�e, &,
-ocr page 93-
INTRODUCTION.            �t
|sour le Peuple un grand bain d�couvert.
Les eaux de cette fontaine �toient conduites
dans tous les quartiers de la ville baiTe ,
3c fortant de N�mes elles formulent une
petite rivi�re, dont le bafl�n creuf� natu-
rellement fur un rocher de trente ou qua-
rante toifes de diam�tre , eil d'une pro-
fondeur immenfe & inconnue.
La fontaine eft i�tu�e au pied d'une
montagne, fur le fommet de laquelle eft
le phare de N�mes, connu fous le nom de
la Tourmagne, Ce phare eft aui�� de con-
ftruction grecque & de bas appareil. Selon
les vertiges qui en relient, il �toit compof�
de plul�eurs �tages en retraite, formant des
rampes allez douces δι aiTez larges pour
que les voitures y puiTent monter. L'opi-
nion la plus commune eft qu'il fut con-
firait pour fervir aux Romains de tr�for
public, lorfquela mer �toit moins �loign�e
de la plaine de N�mes.
Adrien fit encore �riger en Gr�ce plu-
sieurs �difices : ceux qu'il f�t conftruire �
Ath�nes^ou aux environs, paiferent pour
les plus r�guliers de ceux qui furent �le-
v�s
par fo-s ordres dans toute l'�tendue de
fon empire ; c'eft � Ath�nes qu'il f�t ache-
ver le Temple c�l�bre de Jupiter Olym-
pien ? dont nous avons parl�,
-ocr page 94-
'6i          In troductiojst'.
Sous Antonin (f) fut conilruit Ie ponfi
du Gard, deilin� � conduire les eaux du
Rh�ne au r�fervoir de la fontaine & dans
l'amphith��tre de N�mes : ce pont qui r�u-
nit deux montagnes, entre lefquelles il eil
contenu, eil compof� de trois rangs de
vo�tes l'un fur l'autre ; fous les vo�tes du
rang inf�rieur, paffe la rivi�re du Gardon.
Le premier rang eil compof� de iix arches
dont le diam�tre eil de cinquante-huit pieds.
Chacune de leurs piles a 18 pieds d'�pai�
feur fur quatre-vingt trois de hauteur. La
longueur de ce premier rang eil de quatre
cent trente-huit pieds ; les piles font pour-
vues d'avant-becs du c�t� d'Amon. Onze
arches de la m�me largeur que les premi�-
res , forment le f�cond rang > elles font
conilruites en retraite, & laiifent de chaque
cot�, fur la largeur du premier pont, le
pailage d'un homme � cheval 5 leurs piles
font d'ailleurs arrondies par les angles juf�
ques vers l'impoile , ce qui rend ce pailage
encore plus libre. Le troiiieme rang eil de
trente-cinq arches, dont le diam�tre eil
d'environ dix-fept pieds, & celui de cha-
que pile de cinq pieds & demi. Ces troii��-.
(�) Ce Prince, fucceffeur d'Adrien , mourut en 138^
il r�gna 3 � ans 3 & en avpit7jlQrfqu'ilmourut,
-ocr page 95-
In troduction.         (■>$
mes vo�tes foutiennent un aqueduc ; � cha-
cun des trois rangs la retomb�e des vo�tes
eil ibutenue par des importes ; les voufloirs
des arches font extradoi��s (g).
{g) On voit en Af�e pluf�eurs ponts qui ne font pas
moins �tonnants que ceux des Romains : on peut citer
entr'autres le pont d'Hifpahan , nomm� en Ferfe, Aliver~
dichan ,
du nom de celui qui le fit conftruire. La Ion»
gueur de ce pont, b�ti fur la rivi�re de Sandrud cil de
jco pas , & fa largeur de 20 pas G�om�triques , fans
y comprendre une galerie qui regne de chique c�t�.
Les ponts les plus confid�rables qu'on voit en Europe,
ne f�auroient �tre compar�s � ceux qui fe voient � la
Chine. Le grand pont Chinois , litu� entre la Capi-
tale Fochcu & le Fauxbourg Naatai , eft d'une hauteur
capable de lai/Ter paffer les navires � pleines voiles. Il
eil compof� de cent arches, conrtruit de Pierres de taille,
& termin� par une balurtrade dont les pi�deiLmx font
orn�s de figures de lions en marbre. Fifchcr, liv. m�,
plane, xin, xiv & xv.
Le pont de Loyang, dans la Province So-Kien , eft
le plus furprenant dont les Voyageurs faffent mention ;
il eft compof� de jod piles, jointes fans arcs. Ces piles
font construites de blocs de marbre noir, chacune de 18
pas de longueur , de ζ de hauteur , &: de deux de lar-
geur. Sept de ces blocs , joints enfemble fur leur largeur,
forment celle du pont, termin� comme le pr�c�dent par
une baluftrade orn�e fur fes pi�deftaux de figures de lion.
On ne f�auroit trop admirer encore la hardieffe &
l'induftrie des Chinois , qui ont fu fe frayer , pour
ainfi dire , une route au milieu des airs , pour aller
du fommet d'une montagne � celui d'une autre ; ce
qu'ils font par le moyen des ponts. Pour �viter les longs
circuits des routes qui conduifent � la Capitale de la
Province Xgufi , l'on a joint les fommets des deux
montagnes, par un pont de trente ftades de longueur;
ce pont eft foutenu, en partie par des poutres, & dans
les endroits o� les vall�es font profondes, par des piliers
-ocr page 96-
%4        Intro Ducti on;
Marc-Aurele (/z) fit �lever en l'honneur
d'Antonin, fon pr�d�ceiTeur, la colonne,
appel�e Colonne Antonine, dont la plus
grande partie fubi�ite encore aujourd'hui �
Rome,
L'�difice connu fous le nom de Thermes
de Dioct�tien (i), fut commenc� fous cet
Empereur, continu� fous Maximien & ache-
v� fous Conitanthi ( k 5 ces thermes ou bains
�toient compof�s de plulleurs b�timents
fpacieux qui font prefque tous ruin�s. La
forme ext�rieure de l'�difice eil un paral-
l�logramme d'environ foixante-treize toifes
de longueur fur vingt-fept de profondeur :
au milieu �toit un falon termin� en vo�te
d'arr�t�, & foutenu par huit colonnes de
granit d'une feule pi�ce, L'entablement,
d'une hauteur fi prodigieufe, qu'on ne paffe deffus qu'en
tremblant ; les c�t�s en font garantis par des appuis de
fer ; quatre chevaux peuvent y marcher de front. Ces
fortes de ponts font affez communs � la Chine j on leur
donne pour bafe des cha�nes de fer , attach�es aux deux
fommets : ils fervent pour les gens de pied, & pour les
voitures l�g�res.
( h ) Ce Prince , apr�s avoir r�gn� 19 ans, mouru�
l'an 180, �g� de 59 ans.
(i) Ce Prince, auquel fucc�derent Maximien
Conftantin, r�gna 39 ans, & mourut l'an 313} �g� de
68 ans.
(A) Ce Prince qui avoit r�gn� un an avec Li�inius,
demeura en 324 , feul ma�tre de l'Empire , dont ij
transf�ra le Siege � Byfanc� en 330, ©� il mourut en 3 37,
ainii
-ocr page 97-
Introduction.           6$
a�ni� que les bafes & les chapiteaux des
colonnes �toient de marbre blanc ; quatre
de ces colonnes font d'ordre corinthien,
& les quatre autres d'ordre compofitej
l'entablement eil commun aux huit colon-
nes. D'apr�s les anciennes fondations Ser-
liu a de/��n� un plan de cet �difice ; ce
plan, qui eil au cabinet du Roi, & le dei��n
des thermes de Diocletien , font grav�s
dans l'Architecture hiilorique de Fifcher.
Ces thermes ou bains n'etoient pas les ieuls
monuments consid�rables en ce genre 5 plu-
i�eurs Auteurs pr�tendent que dans Rome
i�ule il y avoit environ 800 bains publics,
compofes de plui�eurs cours & de valres ap-
partements. Lesplusiuperbes, dontquelques
d�bris fe font encore admirer, iont ceux
de Diocletien dont nous venons de parler,
ceux de Paul - Emile & ceux de Titus.
On voitauf�� en France quelques antiquit�s
pareilles» comme � Arles, � Nim^s, &c.
Les ruines des bains de Julien l'Apoitat
('), nomm�s aui�� le Palais des Thermes ,
fubi�ftent encore � Paris, rue de la Harpe,
pr�s celle des Mathurins -, on ne peut
douter que ce Palais n'ait ete deilin� dans
/on origine � des bains, &; conilruit long-
ea ) Ce Prince mourut l'an 363, �g� de 37 ans , apr�s
«n avoir r�gn� 8.
Tome Ι.                            Ε
-ocr page 98-
6$            Int ro du ct ι on.
temps avant Ie f�jour de Julien en cett�
Ville ; il y a m�me lieu de croire que cet
�difice fut b�ti en m�me temps que l'an-
cien Aqueduc d'Arcueil, deitin� � y con-
duire fes eaux > ces deux monuments pa-
roiifant de m�me ftyle & conftruits avec
les m�mes mat�riaux (m).
Nous avons dit, en parlant des Thermes
deDiocl�tien, que ce fut Conitantin qui les
avoit achev�s : on verra bient�t qu'il
avoit auffi fond� la premiere baillique de
Saint Pierre � Rome. Rapportons � pr�-
fent, � propos de cet Empereur, que peu
de temps apr�s qu'il eut transf�r� le fiege
de l'Empire � Bii�nce, nomm�e depuis
Confiantinoplc , du nom de ce Prince, il y
avoit conlacr� � la fageiTe de Dieu, fous
le nom de Sainte Sophie, un Temple qui
pr�c�demment avoit �t� deftin� aux Dieux
du Paganifme., &; qu'un tremblement de
terre ayant renverf� cet �difice, il l'avoit fait
relever avec la plus grande magnificence.
Sous l'Empire d'Arcadius, vers l'an 400,
ce nouveau Temple fut prefqu'enti�rement
r�duit en cendres dans la f�dition qu'oc-
        �.....                       ---------'-----------1--------------------                                 '             -------------��
(m) En 17} 1 on trouva une des rigoles , refte des
d�bris de cet aqueduc. M. Geofroi, de l'Acad�mie des
Sciences, apr�s avoir examin� le f�diment qu'on voyoit
fur les parties lat�rales de cette rigole, calcula qu'elle
pouvo�t avoir conduit 130 pouces d'eau au Palais d�*
Thermes.
-ocr page 99-
V
Introduct ι on.           67
cai�onna le z�le de Saint Jean Chrifoit�-
me. Ce monument �prouva encore le mcnie
accident pendant la minorit� de Theodofe
Je jeune, qui, dans la fuite., le f�t r�parer $
&c il fubfifta juiqu'� la cinqui�me ann�e
de l'Empire de Juftinien, qu'il fut enti�-
rement con/um� par les Hammes dans une
autre fedition, troubles alors tr�s-fr�quents
dans cet Empire.
Juftinien qui aimoit les Lettres & Je$
Arts, & qui s'occupoit fans ceife � multi-
plier dans Conftantinople les �difices d'u-
tilit�, forma auffi le projet d'un Temple
qui p�t furpaifer les plus ibmptueux mo-
numents de ce genre , qu'eut fait �lever
l'antiquit� pa�enne. Au rapport de Pro-
cope, il en confia l'ex�cution � Arth�mius
de Traies, & lui donna pour f�cond, I/�-
dore de Milet. Les fondations de ce Tem-
ple furent jet�es l'an 732 de notre Ere, &
la cinqui�me ann�e de l'Empire de ce
Prince. Vingt & un ans apr�s , Juftinien
r�gnant encore, un tremblement de terre
fit �crouler une partie de la coupole ; il
en confia la r�paration � un f�cond Ifidore,
neveu du premier, qui augmenta i� hau-
teur de vingt pieds, & rendit i� forme un
peu elliptique, de fph�rique qu'elle �toit.
Cette Eglife, la merveille du fixieme fiecle,
&. fur l'Ordonnance de laquelle les Arriftes
Eij
-ocr page 100-
r6%          1"ν τ ro ό υ ct ι on.
font partag�s, fut conferv�e telle , jufqu'eri
1453 , o� Mahomet f�cond la convertit en
mofqu�e, apr�s en avoir fait d�truire feu-
lement tous les attributs du Chriiiianifme.
D'apr�s le rapport de Procope , de Paul
Je Silentiaire & m�me de l'Empereur Jufti-
nien, cet �difice avoir �t� conitruit avec
beaucoup de folidit� : on n'y employa ,
difent les deux premiers, ni chaux, ni
mortier pour joindre les pierres & les
briques enfemble ■■> on f�t ufage de plomb
fondu verf� dans les interfbices, pour pro-
curer � la ma�onnerie une confiftance tr�s-
foJide cjui p�t la pr�ierver des fecouiTes
auxquelles ces contr�es font fr�quemment
expof�es, & qu'elle h'auroit pu acqu�rir par
les mortiers ordinaires. Afin de pr�venir les
incendies, il n'entra point de bois dans la
conitruction des combles de ce Temple }
il fut couvert par des tranches de marbre
� recouvrement. La coupole fut conilruite
de briques blanches, fpongieufes 5l �� l�g�res
que cinq de ces briques �galoient � peine
le poids de celles dont nous faifons ufage ;
elles furent, dit-on, travaill�es par ordre de
Juftinien dans l'�le de Rhodes.
. L'int�rieur de cet �difice �toit orn� d'une
infinit� de colonnes de marbres pr�cieux (/z),
; ( » ) Ces colonnes , au dire des connoilTe urs 4 fam
-ocr page 101-
Int R�DucT ι �isr.           �$'
tels que ie porphire, Ie verd de Lac�d�-
mone & de TheiTalie, le granit orientai
d'Egypte, &c. Toutes les murailles �toient
auffi rev�tues de marbre �ncruil� d'agathe
& de nacre de perle ; enfin , les vo�tes
�toient peintes en mofa�ques fur des fonds
d'or, magnificence �tonnante, mais ai�ez
mal conferv�e par les fr�quents tremble-
ments de terre qui ont forc� plus d'une
fois d'y inf�rer des armatures de fer 5 on fut
oblig� de faire la m�me chofe aux colonnes
pr�cieufes dont nous venons de parler.
N�anmoins malgr� la prodigalit� des
ornements r�pandus dans ce Temple , il
n'en r�fulte gu�re qu'une merveille gothi-
que (0); encore la plupart de nos ancien-
nes Cath�drales font-elles plus varies que
Sainte-Sophie : quelques-unes m�me ont:
des tours & des clochers plus hardis que
la coupole d'Ii�dore 5 en forte que ce mo-
nument ne doit gu�re i� c�l�brit� qu'�
d'une proportion bien �loign�e des ordres cr��s par les.
Grecs & par les Romains ; les chapiteaux, pour la plu-
part , font d'un go�t bizarre, qu'on ne fait � quel
ordre ces colonnes appartiennent.
(0) Voyez les planches de ce monument, grav�es par
Grelot, &: celles inf�r�es dans le f�cond volume des
Commentaires de Dom Banduri, qui donne de longueur
� ce monument 260 pieds de l'occident � l'orient, &
il3 de largeur du midi au nord.
Eiij
-ocr page 102-
70           Introduction.
la hardieiT� de ion entreprife chez une na-
tion i� fujette aux r�volutions de la nature
& � l'inconftance du gouvernement poli-
tique.
Il ferait difficile de fixer l'�poque de plu-
iieurs anciens monuments dont on voit au-
jourd'hui des vertiges; tels font entr'autres
l'amphith��tre, le th��tre & les ar�nes d'Ar-
les. N�anmoins on pr�fume que l'amphi-
th��tre fut conftruit par Tib�re > Q�elteur
de Jules C�far, lorfqu'il �toit charg� de con-
duire des Colonies dans les principales
villes des Gaules ; il �toit rare en effet
que les Romains en envoyaiTent dans des
villes un peu renomm�es, fans y faire
b�tir un amphith��tre : ce qu'ils faifoient
dans l'intention de gagner le c�ur de leurs
nouveaux fujets. L'amphith��tre d'Arles a
p�lie pour un monument des plus remar-
quables ; il �toit entour� de portiques �
trois �tages, le premier Toican, le f�-
cond Corinthien , & le troiiieme Attique.
Sa circonf�rence, dans fa partie fup�rieure,
�toit de cent quatre-vingt-quatorze toifes
trois pieds. Le frontifpice avoit d�x-fept
toifes de hauteur ; la place du milieu >
appel�e Ar�ne, avoit du levant au cou-
chant foixante-onze toifes trois pieds. PIu-
fieurs Empereurs y firent c�l�brer des jeux
magnifiques.
-ocr page 103-
In t ro du ct ι ο it.          fi
On n'eft gu�re mieux inftruit au fujet
de l'Auteur du th��tre d'Arles, que fur
le temps de la conftrucKon de cet �difice >
on fait feulement que Conftantin (ρ), fils
de Conftantin le Grand, fejourna un hiver"
entier dans cette ville, & qu'il y fit c�l�brer
avec la plus grande magnificence les jeux
du th��tre & ceux du cirque. L'empereur
Gallus (q) avoit long-temps auparavant-
fait aufl� repr�fenter � Arles les m�mes
jeux ; Saint Hilaire ayant depuis rempli
le Siege de cette ville, en 419 , le th��tre
fut d�pouill� de fes plus beaux ornements >
on acheva de le d�truire durant les guerres
fanglantes que les habitants eurent � fou-
tenir contre les Goths &c les Francs.
Ceux d'Arles, qui trouvoient dans ce mo-
nument des pierres toutes taill�es, & pro-
pres � fermer les br�ches faites � leurs
murailles, les employ�rent � cet ufage. Le
diam�tre de ce Th��tre �toit de 50 toifes.
La conitruction des Ar�nes d'Arles eil
poft�rieure � la conqu�te des Gaules par
Jules-C�far ; elles font fitu�es pr�s des murs
de la ville du c�t� du midi : les �difices,
qui les entouraient �toient b�tis de gros
quartiers de pierre grife de fix, dix& douze
(p) Ce Prince mourut en 340^ �g� de 2j ans.
{}) Mon en 153.
Eiv
-ocr page 104-
7*          Introduction.
pieds de largeur. Cette pierre tient de la
nature du marbre bejard. Le plan des Ar�nes
eft une ellipfe dont les diam�tres font de
50 &. 65 toifes. Le peuple pouvoits'y ra�
�embler au nombre deieize�dix iept mille
perfonnes ; la fa�ade int�rieure a de hauteur
1 1 toifes ; elle eft d�cor�e de deux ordres
�lev�s les uns fur les autres, &. dont les
colonnes font engag�es d'un tiers: chacun
de ces ordres forme un rang de portiques»
compof� de foixante arcades ; l'ordre fup�-
rieur eft furmont� d'un focle portant des
encorbellements qui re�oivent des poteaux
� mouffles. On attachoit � ces poteaux la
tente qui couvroit l'Ar�ne. Autour de
I'attique regne un trottoir large de cinq
pieds. De ce trottoir, qui iervoit de chemin
aux ouvriers , on defcendoit au pallium
par trente-trois rangs de gradins, iervant
de fieges pour le peuple. La ftructure de
ce monument en g�n�ral �toit grof���re-
menttrait�e, fans moulures, δ: feulement
chanfrain�e ; l'int�ri jur de l'Ar�ne �toit
ferm� d'un mur de 9 pieds de hauteur , au-
tour duquel r�gnoit un grand pallier. C'eft
fur ce pallier qu'ctoient les i��ges r�f�rv�s
pour les S�nateurs ; entre le mur d'enceinte
de r*Ar�ne, & le portique int�rieur , on
voit encore des vo�tes qui �toient defti-
nees � renfermer les b�tes f�roces. Au centre
-ocr page 105-
Introduction.           75
<�e l'Ar�ne �toit un Autel o� fe faifoient
les facrif�ces avant & apr�s les jeux publics.
La plus grande partie des gradins de cet
�difice eft d�molie, & fa fa�ade enterr�e
de 8 � 9 pieds fous le pav� de la Ville.
Aujourd'hui l'Ar�ne eil couverte de mai-
fons d'Artifans, qui forment deux rues, �
la rencontre defquelles eil une place. On
pr�tend que Charles Martel (r) contribua
beaucoup � la deilruclion de ce monu-
ment , lorfqu'il f�t mettre le feu � la ville
de N�mes, o� s'�toient fortifi�s les Sarra-
zins qu'il pourfuivoit. Malgr� le ravage
caul� par cet incendie , on voit encore
plui�eurs bas� reliefs antiques , o� font re-
�>r�i�nt�s un combat de Gladiateurs, une
ouve allaitant R�mus &RomuIus, & quel-
ques Divinit�s du Paganiime.
Aux combats de Gladiateurs qui fe II-
vroient fur les Ar�nes, les Romains vou-
lurent joindre la repr�fentation des combats
de mer : les ouvrages qu'ils firent �lever
dans ce genre, ne contribu�rent pas moins
� manifeiler la grandeur de ce Peuple ; ils
creuferent des lacs, les remplirent d'eau ,
( r ) Charles Martel, fils de P�pin H�nfial, comman-
doit les arm�es Fran�oifes, fous le r�gne de Chilp�ric II,
$c mourut en 741.
-ocr page 106-
■ :*
74          In t ro du ct ι on.
&L les entour�rent de portiques & d'amphi-
th��tres auff� commodes pour les fpeclateurs,
que magnifiques par leur ftructures : l� on
faifoit combattre des vahTeaux les uns conj
tre les autres. Jules-G�far fut le premier
qui donna au peuple Romain le Spectacle
«l'uneNaumachie.. Les appr�ts d'une pareille
f�te excit�rent il fort la curioi�t� , qu'il
fallut loger fous des tentes les �trangers
qui arrivoient en foule de toute part. La
naumachie de l'Empereur Claude fe fit
vers l'an 50, fur le lac Fucien. On vit com-
battre deux flottes, l'une de Sicile, l'autre
de Rhodes, chacune de cinquante gal�res
� trois ou quatre rangs de rames ; elles
contenoient pluf�eurs milliers de combat-
tants , parmi lefquels �toient des hommes
condamn�s � mort. Un triton fortant du
fond de l'eau , & m� par une machine hy-
draulique, fonna du cornet pour donner
le iignal du combat. Pour augmenter l'hor-
reur de ces fortes de batailles , qui ne
lahToient pas d'�tre ianglantes, N�ron y
m�la des monflres marins, d'une grandeur
prodigieufe. La naumachie de Domitien,
f�lon Su�tone , a �t� regard�e comme une
des plus grandes entreprifes qu'on ait jamais
con�ues : on creui�, dit-il, un lac fi conf�-
d�rable, qu'on pouvoit y ranger aif�ment
des flottes enti�res. Ce lac �toit aui�i en~
-ocr page 107-
Introduction.            77
tour� de portiques. On,voit dans l'Archi-
tecture hiitorique de Fifcher , la nauma-
chie de Domitien, grav�e d'apr�s une an-
cienne m�daille.
Tant de vaites monuments , tant de
grands �difices, d'ouvrages c�l�bres, fruits
du luxe & de l'induilrie de cette Nation
�florillante , contribu�rent � former des
Artiftes du premier ordre. D'ailleurs les
c�r�monies pompeufes de la Religion des
Romains , la foule d'Etrangers qu'atti-
roient leurs F�tes folennelles, la n�cei��t�
de conftruire de vaftes �difices pour
contenir la multitude des fpectateurs qui
affiftoient aux combats des athl�tes , &
aux autres jeux du cirque , furent autant
de caufes qui concoururent aux progr�s
de l'Architecture ; de-l� ces monuments
admirables dont les veftiges nous �tonnent
encore.
Mais enfuite l'Architecture �prouva les
m�mes revers, qui diviierent & d�truifirent
l'Empire Romain -, elle devint la proie de
la licence δι du mauvais gout. Elle demeura
plong�edanscet �tatd'abaiiTement, durant
tout l'intervalle que la grandeur de Rome
fut �clipf�e , & ne fe releva que lorfque
cette fuperbe Ville fut devenue la Capitale
du monde Chr�tien 5 en forte que l'on peut
dire avec le P�re Montfaucon , que la belle
-ocr page 108-
η&          In τ ρ, ο nu ct ι ο ir'.
antiquit� a prefque difparu fous le r�gna
de Th�odofe le jeune, qui monta fur le
tr�ne vers l'an 450. Ce fut lui qui f�t
�lever � Conflaminople la colonne appel�e
Th�odoi�enne, charg�e des troph�es de fon
a�eul, & o� l'on a long-temps remarqu�
Iqs traces de l'ancienne fculpture, qui d�s-
lors �toit d�j� d�g�n�r�e de fa perfection.
Ce fut vers ce temps , que les peuples du
Nord, qui vinrent inonder l'Empire, y
d�truii�rent les monuments du g�nie : tous
les Arts, & particuli�rement l'Architecture,
la Sculpture & la Peinture , tomb�rent
dans l'oubli , & reli�rent envelopp�s de
t�n�bres, fans que les Artiites fongeai��nt
� fe rappeler la fplendeur de ceux qui hs
avoient pr�c�d�s 5 en forte que les chefs
d'�uvre qu'on a vu �clore depuis , ne
doivent leur perfection qu'� ce qui a pu
�chapper , �c aux injures du temps, & aux
infultes de ces Peuples f�roces, qui n'avoient
pour la plupart, nul go�t pour tout ce que
les Arts avoient invent� de plus excel-
lent (s). Les grotefques prirent alors fa.-
m . , ^.                                ---------���---------.-------------------------------------------.------------------------------------------------------.
(s) Malgr� cette obfervat�on s il faut avouer qu'on
doit � ces peuples beaucoup d'inventions inconnues juf-
ψιά lors ; de ce nombre font les moulins � vent & �
eau , les lunettes, les vitres , la bouflole , l'imprimerie,.
Sec. d�couvertes qu'on n'a pu perfectionner que depuis
que les Arts ont repris tout leur luftre,
-ocr page 109-
iNTRonucTioN.           77
veur en Italie 5 hs Arriite's de cette Nation
emprunt�rent de l'Egypte des fecours pour
enrichir leurs compoi�tions , qui par - l�
devinrent beaucoup moins eilimables, que
lorfqu'ils hs avoient puif�s originairement
chez les Grecs. A juger de ces ornements
par le rec�uil des Peintures d'Hercula-
num , rien n'eft biiarre que la plupart
de �s productions 3 dks reiTemblent aux
arabefques dont on a fait tant d'ufage en
France avec auifi peu de raifon. On remar-
que dans les unes comme dans les autres ,
<^Qs baldaquins �lanc�s dans hs airs , &
foutenus par de frcles colonnes j on y voit
des monftres ferpentants autour de foibles
rofeaux , des plans fans r�gularit� , des
conftrudions fans apparence de folidit�,
des ornements fans choix & fans dimeniion \
imitations, pour la plupart, des ouvrages
des Chinois : 'Peuples qui, f�lon M. l'Abb�
Barth�lemi, a re�u plufieurs ufages des
�gyptiens, chez leiquels l'art n'�coit ni fixe
m ioumis � la f�v�rit� des regies 3 aui��
voyons-nous qu'ils s'�toient abandonn�s �
tous les genres de licences, depuis fur~tout
que la fervitude eut avili ces, hommes, au-
trefois i� recommandables ( t ).
lciv} ilnfr bon d.e remarSuer ^ue ΜrAbb� Barth�-
«my, aans ion explicatif de la raofaiejue de Paleftrine
#
-ocr page 110-
η% �NTRonucTionl
Les Gotlis , les Francs , les Huns, le$
/Vandales &c les autres Peuples qui fortirenc
des extr�mit�s du Nord , ayant fubjugu�
δί partag� entr'eux ce ν aile empire, fe firent
un barbare plaifir de d�truire ou de mutiler
tous les monuments de fa fplendeur 5 aini� fu-
rent ruin�s la plupart des �difices dont nous
venons de parler : il n'en feroit pas m�me
refl� les moindres,veiHges, fi quelques-uns
de leurs Rois, �pris de l'amour des Beaux-
Arts, n'euiTent ordonn� qu'on r�tabl�t dans
Rome de dans les Provinces voif�nes, les
monuments endommag�s, & qu'on raiTem-
bl�t les d�bris de ceux qui ne pouvoient
fe r�parer, Tel fut entr'autres Th�odoric,
Roi des Oftrogoths. Ce Prince non-feule^
ment d�fendit qu'on ruin�t les anciens
monuments , plus qu'ils ne l'�toient d�j�,
mais encore il fit mettre en �uvre hs d�-
bris de ceux qu'on ne pouyoit reifcaurer.
La plupart de ces d�bris furent employ�s
Ravenne, ou fut �lev� un Temple fom-
ptueux, appel� la Bafilique d'Hercule. Ce
Temple fut orn� d'antiques fragments de
marbre qu'on y apporta de toutes parts ,
ne propofe cette reffemblance entre les grotefques d'Italie
& les produ&ions �quivoques des Chinois, que comme
un foup�on, fans l'adopter, dit-il, ni le combattre ni
l'approfondir,
-ocr page 111-
Introduction. f, 79
& confirait fur les deifins de l'Architecte
Daniel, dont Caffiodore loue l'induftrie
dans l'aiTemblage de ces diff�rents com^�
partiments. Th�odoric fit auffi �lever de
r�tablir � Rome plui�eurs �difices donc
il confia le foin � l'Architecte Alo�f�us.
Athalaric («■}.-, fucceiTeur de Th�odoric,
ne fe diftingua pas moins que fon a�eul,
par la protection qu'il accorda aux Beaux-
Arts.
Le go�t de l'Architecture, loin d'�tre
renferm� dans les bornes de l'Italie y fe
manifeita dans plui�eurs autres contr�es
de l'Europe ; Arthur (x) , qui r�gnoit dans
les Iles Britanniques , y fit conitruire des
Temples &: d'autres Edifices confid�rables.
* Alors on vit s'�lever en France quantit�
d'Egiifes que Clovis, Childebert, Clota�re
&c Dagobert (y), firent contraire en diver-
�qs Villes du Royaume.
( u ) Ce Prince monta fur le tr�ne en f 16 i & mourus
en 534.
( χ ) On n'eft pas bien certain qu'un Prince de ce
nom ait r�gn� dans la grande Bretagne j mais les monu-
ments dont nous parlons y exiftent ; & cela fuffiro�t �
THiftoire de l'Architecture 3 fi Ton ne devoit, autant qu3
eft poifible, y exprimer les dates.
(y) L'Hiftoire de France eft trop connue de la plus
part de nos Leiteurs, pour que nous croyons devqif
fixer' les ann�es de l'inauguration & 4e h mop de
«hacun m nos Rois.
«
-ocr page 112-
So          Introduction.
Les autres Puiifances de l'Europe , �C
fur-tout les Princes & hs R�publiques d'Ita-
lie , i�ivirent l'exemple de ces Monarques,
favoriferent l'Arcliiteclure , & i�gnalerenc
leur gouvernement par des �difices publics
�c particuliers.
Mais nul Prince ne contribua, autant que
le reilaurateur de l'Empire d'Occident ?
relever la gloire des Arts & particuli�-
rement de l'Architecture. La France, l'Alle-
magne δι l'Italie , confervent encore de
pr�cieux relies des �difices.que CKariema-
gne fit �lever. Un des monuments qui ont
Je plus fignal� le go�t-de cet Empereur ,
c'eil l'Eglife qu'il fit conitruire � Aix, apr�s
avoir clioii� cette Ville pour la Capitale
de ion Empire. Ce Prince y fit �lever cette
magnifique Egl�ie , qui a donn� � la Ville
le,'iurnom de la Chapelle.
Louis le D�bonnaire , fon fils, ne la��a
pas d'avoir auffi du go�t pour l'Architec-
ture. Sous fon regne fut commenc�e l'Eglife
Cath�drale de Reims , qui n�anmoins ne
fut achev�e que durant TEpifcopat d'Hinc-
mar j cette Eglife peut �tre regard�e comme
un des plus beaux monuments gothiques,:
"mais les guerres civiles qui defolerent la
"France fur la fin de fon regne, & fous celui
de quelques-uns de fes Succeifeurs, retard�-
rent confid�rablement les .progr�s de l'Are,
Dans
-ocr page 113-
Τ Λ O J> V C Τ Ι Ο Ν.              Si
Dans cet intervalle les Normands ? les
Danois &; les Sarrazins d�truifirent la plu-
part des Eglifes &c des Palais dont la France
«toit orn�e. Ce ne fut .gu�re que ions �e
-regne de Charles le Chauve & de Robert
qu'on vit r�tablir quelques-uns de ces �di-
fices; alors ces Princes ranim�rent mi Art
dont le go�t �toit change depuis la d�ca-
dence de l'Empire Romain. Ce fut fous
le regne de Robert-,' _&. pendant PEpi-ico-
pat de .Fulbert, que rut b�tie -l'Egli�e de
Chartres, telle-qu'on .la voit .aujourd'hui.
Les Gots en s'adonnant� l'Architecture,
/ent�rent peu les beaut�s de celle des Grecs
&c des Romains. Sortis des r�gions du Nord,
o� la n�ceffit� les avoir accoutum�s .� fe
pr�cautionner contre le ravage �ts torrents,
les rigueurs du froid , & �'irap�tuof�t� des
vents j ils apport�rent dans des climats plus
temp�r�s, les m�me id�es que leurs beioins
leur «avoient fait concevoir : ils les re�li��-
rent � la v�rit� fur les mod�les des �difice-/
Romains ; mais ces mod�les �toieat d�ja:
�loign�s del� perfection de ceux �lev�s fous
les r�gnes des C�fars. Depuis S�v�re, l'Ar-
chitecture avoit fort d�g�n�r� : auffi vit-on
chez les Gots , la prodigalit� des orne-
ments ^ ilicc�der � la implicite noble �c
majeilueufe des anciens monuments | ils
s'�loign�rent m�me des proportions. h%
Tome
�,
                                      E
/
-ocr page 114-
§2              INTRODUCTION.
hauteur exceffive de leurs colonnes n'avo�t
nul rapport avec leurs diam�tres. Au-lieu
d'imiter le tronc des arbres , ils n'en imi-
t�rent que les branches $ en un mot, les
Archite&es Gots firent confifter leur induf
trie � �lever des �difices folides � la v�rit�,
mais plus �tonnants que r�guliers : ainil
furent b�ties la plupart de leurs Egliies,
�que nous voyons encore. N�anmoins quel-
ques-unes font conftruites avec tant de har-
diefle, qu'on ne peut leur refufer une forte
d'admiration.
UArchite�hire �toit livr�e aux incerti-
tudes & en proie � la licence des Archi-
tectes Gots, lorfque le onzi�me fiecle vit
na�tre un nouveau genre d'Architedure
gothique. Les fciences floriifoient depuis
long-temps chez les Maures , ou Arabes > ils
avoient fait des progr�s dans la Philofo-
phie , dans les Math�matiques, dans la
Chimie & dans la M�decine. Devenus
ma�tres de TEipagne , ils y apport�rent
ces diverfes fciences qui fe r�pandirent
bient�t dans tout le refte de l'Europe. On
lut leurs Auteurs , on imita les �difices
conftruits dans le pays o� ils venoient de
s'�tablir*, & Ρ Architecture fe rei�entit du
g�nie qui dominoit dans leurs productions*
L'Ar�hite&ure gothique ? proprement dite,
-ocr page 115-
Introduction.          ffy
�tok maff�ve &: pefante j la moderne , donc
nous parlons , fut peut-�tre trop l�gere ,
trop d�licate & trop charg�e d'ornements
inutiles & de mauvais gout 3 elle cr�a, � la
v�rit� , des chers-d'oeuvre d'un nouveau
genre 5 mais la Sculpture � laquelle elle pr�-
i�doit aurl�, ne montroit que fa foiblei�e
& l'ignorance de fes Artiites. Un nombre
coni�d�rable de Temples , de Palais S�
de Ch�teaux furent confirmes dans le
go�t morefque. Alors Philippe-Auguile fie
agrandir Paris �c y f�t ajouter des embeJiiiI�-
ments. Sous fon regne Thomas de Cormont
& Robert de Luzarche firent b�tir i'�gliie
cath�drale d'Amiens, dont la longueur eft
de 60 toifes ihr 22 toifes de hauteur5 puis
on vit s'�lever � Reims l'Eglife de S. Ni-
caife, conftru�te fur les dei��ns de Hugues
Libergier. �111351 Jean de Chelles acheva
la conftrucHon de l'Eglife Cath�drale de
Paris, commenc�e du temps de Charle-
magne. Apr�s fon retour de la terre Sainte,
S. Louis r�t �lever fur les dei��ns de Pierre
de Montreau, la Sainte-Chapelle de Paris i
celiede Vincennes., ainf� que le R�fectoire,
le Dortoir ? le Chapitre & la Chapelle
Notre-Dame , qui font dans le Monaf�ere
de Saint-Germain-des-Pr�s. Ce Prince char-
gea Eudes de Montreuil de conftruir� plu-
fieurs autres �difices, tels que le Val des
Fij *
-ocr page 116-
$4         Introduction.
Ecoliers , aujourd'hui la Culture Sainte^
Catherine, PH�tel-Dieu, Sainte-Croix de
la Bretonnerie, les Blancs-Manteaux, les
Quinze-Vingts, &. les Eglifes des Mathurins,
dts Chartreux & dts Cordel�ers de Paris
({). Cet Architecte avoit accompagn� faint
Louis � la Terre-Sainte, o� il avoit fortifi�
le Port &. la ville de Jopp�. JoiTe�in de
Courvault, ing�nieur de iaint Louis, qui
avoit auff� fait le voyage d'Outremer, eut
la conduite de plufieurs autres Monafteres.
Il femble n�anmoins qu'en b�tii�ant dans
le genre de l'Archke&ure Morefque , on
n'e�t pas d� imiter ce qui convient plus
a dts climats chauds , qu'� dits climats
temp�r�s s cette Architecture , qu'on a de-
puis appel�e gothique moderne , r�gna
en France �c en Italie, jufqu'au Pontificat,
de L�on X.
La fondation de la Baiilique de S, Pierre
de Rome fut l'�poque de la renaiiTancc
de la belle Architecture ? monument c�l�-
bre y & qui en furpai�ant ceux de la Gr�ce
6c de l'ancienne Rome , devoir confirmer
les merveilles publi�es au fujet du Temple
de Diane � Eph�fe , �c de Jupiter Olym-
pien � Ath�nes. Excit�s � donner les de�
(t) Voyz% Thev�ta vie des Hom. Illuftres liv. a.
-ocr page 117-
Introduction.             fi
fins d'un Temple plus vaite & plus beau;
que celui qu'avo�t fond� le premier Empe-
reur Chr�tien, les Architectes d'Italie, Ce
virent oblig�s de puifer dans la fource
du vrai beau 5'ils la trouv�rent dans les
mod�les Grecs, & dans ceux que leur avok
anciennement offerts leur Patrie. Les hom#
mes de g�nie parurent enflamm�s du d�i�i?
de tranimettre leur nom � la poit�rit� , avec
celui de ce fuperbe �difice. Du fein des
t�n�bres de l'ignorance on v�t donc fort�r
des Artiites fubl�mes, qui rendirent � l'Ar-
chitecture, � la Sculpture & � la Peinture,
la perfection que ces Arts avoient perdue,
depuis tant de liecles,
Ainii le feizieme iiec�e fut celui du re-*
nouvellement des Arts en Italie. Pendant
que le Nord , l'Allemagne, l'Angleterre�c:
la France en proie � des guerres de Reli-
gion , n�gligeoient l'Architecture, elle �le-«
voit des prodiges � Rome & dans la plus!
grande partie des Provinces de cet Empire.,
Dix Papes de fuite contribu�rent fans Inter-
ruption � l'ach�vement de la Baiil�que de
S. Pierre > le g�nie fembloit alors apparte-
nir � ce Peuple, a�nii qu'il avoir �t� le par*
tage de celui de la Gr�ce.
Conftant�n avok y comme nous avons die.
ordonn� la conitrudion de l'ancienne Bali-,
lique de Saint Pierre, Ce Temple, fe�on
Fii]
-ocr page 118-
U           Introbvction.
les plans qui nous en reffcent, �tok C�m-
pof� de cinq nefs , dont les vo�tes �toienc
�butenucs par cent colonnes d'ordre Co-
rinthien. On y arrivo�t par une grande
place quarr�e qu'entouroient de vaftes p�-
ryitiles. Le PapeNkoias V (a),voyant que
ce monument touchoit � fa ruine, con�ut
le deifein de faire �lever une nouvelle Egli-
i�, dont la magnificence furpai�at celle de
l'ancienne Baiilique. Il confia le foin de
travailler aux deffins du nouveau monu-
ment � Bernard RoiTelin&: � L�on-Baptifte
Alberti. Ce dernier voulant fe pr�parer �
l'ex�cution de ce grand projet, entreprit
d'abord la conitru&ion d'une vaux tribune
au chevet de l'ancienne Bai�lique , �c fit
d�molir pour cet effet le temple de Probus,
i�tu� pr�s du m�me chevet $ mais la tri-
bune n'avoit encore de hauteur que trois
coud�es , lorfqu'Alberti mourut �> le Pape
JJNlcolas V le fuivit de pr�s au tombeau.
Ce pape n'ayant pu voir ex�cuter les d�f-
inis d'Alberti, Jules II, un de fes fuccef-
jfeurs j pofa la premiere pierre de l'�difice.
Apr�s avoir charg� les plus habiles Archi-
tectes de l'Italie d'un projet du nouveau
Temple, il pr�f�ra ceux du Bramante. Ce-»
<&■-■■■■;--------------------------------------■'■- ■" "' ' ' " ..... ■ ■ ""                                        ■»■
(a) Mort en 145/.
-ocr page 119-
Introduction'.          %�?
rendant Michel-Ange Buonaroti, nouvel-
ement arriv� � Rome , ofa bl�mer haute-
ment ces dei�ins. Pour acc�l�rer la con-
itruction de la nouvelle Eglife
3 le Bramante
avoit fait brifer les colonnes de Con�
tantin * Michel-Ange pr�tendit qu'on au-
roit pu coni�rver &c employer ces colonnes.
N�anmoins le Bramante fit �lever en peu
de temps l'�difice jufqu'� l'entablement des
principaux piliers (b).
                                ■'
L�on X, fucceileur de Jules II, donna tous
fes foins au nouveau monument, il en char-
gea Julien de S. Gai, le fr�re Joyeux V�roneie
Dominicain, & Je c�l�bre Rapha�l d'Ur-
bain , qui avoit appris l'Architecture du
Bramante ( c ). D�j� ce Pontife d�iefp�roit
de voir l'ex�cution enti�re des deffins da
Bramante, lorfque Balcliazar P�rui�us lui
confeilla de faire plui�eurs changements
{es
projets j cet Architecte pr�tendant que
le plan du Bramante �toit d�fectueux quant
� la folidit�. Il confervoit n�anmoins le
(b) II �toit occup� � compofer fes cintres de char-
pente pour foutenir les vo�tes 3 lorfqu'il mourut ert
1JI4, & fa mort ven'oit d'�tre pr�c�d�e de celle de
Jules II.
                        V
( c) Peu de temps apr�s, Julien & le Fr�re V�ronef�
abandonn�rent le f�jour de Rome ; le premier mourut
� Florence en 15175 fa mort fut fui vie de celle de Ra^
|>hael en 1520»
Fiv
-ocr page 120-
S�          Introduction.
grand d�me : ma�s il donnoit � l'�difice
une forme quarr�e au lieu de la forme rec-^
tangulaire que Je Bramante lui avoit ai�i-
gn�e : dans ces circonilances L�on X mourut
en 15 h.
Adrien VI ne lui furv�cut que d'un an:
|es troubles dont fut agit� le Pontificat de
Clement VII (d) ne lui permirent pas de
s'occuper de cette entreprii�. Paul III fit
�clater fa magnificence par les embeliii�e-'
ments que re�ut la Capitale de fes Etats �
&c t�moigna beaucoup de z�le pour la
eonftruclion de la nouvelle Bai��ique 3 alors
Antoine de Saint-Gai, fils de Julien, ima-
gina un plan encore plus vaite que celui de
P�rui�us (e).
                                        ;
A ces deux Artiftes fucc�da M�chel-Ange,
qui ne fe chargea n�anmoins de cette en-
treprife qu'avec beaucoup de peines car ��
trouvoit leurs deii�ns d'un go�t gothique
& pr�voyoit que l'ex�cution en feroit trop
longue & la d�penfe immenfe : il pr�tendoic
*■■■■'                                     "                                           '- ' ■ ■■ .- ----------------- -.��---... ι.. ..----------------------------------------------- �� ---------------------------,. �Γ T (                                                  _                                                                  |                                     _ im
..(T.�..-.               ■ ■ .                      ■ \.                                                                                                                                                                               _                                                                .               r,,-. ■
(i) Ce Pontife r�gna dix ans ; il mourut en 1/34»
Le regne de Paul III, fon fuccef�eur , fut encore plus
long > il dura jufqu'en 1549.
(e) Selon le ■ fils de Julien de Sa�nt-Gal? TEglife
auroit eu de longueur 3 mille quarante palmes , & trois,
cent foixante palmes de largeur. Antoine de Saint-Gai
expofa en public un modele en bois ; il avo�t pour
Ai�bci� dans cette entreprife 3 Laurent Florentin 3 connut
fous Je nom de Lauren^et > celui-ci mourut en j 541 3 8c
Antoine de Saint-Gai en 1546. -
-ocr page 121-
Ι ν τ R o nu er 'j^E�M §�
�u contraire que fans trop s'�loigner des
dei��ns du Bramante, on pouvoit �lever
un' Temple beaucoup plus r�gulier : ce
qu'il prouva par un modele moins �tendu |
mais d'une forme plus agr�able & qui of-
froit un meilleur choix dans les ornements*-
Le nouveau modele plut i� fort � Paul III
que ce Pontife accorda � Michel'-Ange la
direction enti�re du monument, avec pou-
voir d'�lever ou d'abattre � fa volont�, 6c
d'employer tel nombre d'ouvriers qu'il ju-
geroit convenable^ mais � peine cet excel-
lent Artifte eut-il fait travailler l'efpace de
trois ann�es, � la conftrudion de cet �di-
fice, que la mort enleva Paul III. Jules III
lui ayant fucc�d�, Michel-Ange demeura
expof� aux traits de l'envie. N�anmoins le
nouveau Pontife lui conferva la place que
fon pr�d�ceifeur lui avoir confi�e. Peu de
temps apr�s Jules III mourut ( �) j le Pon-
tificat de Marcel II, qui lui fucc�da, eut
encore moins de dur�es Paul IVfut �lu pour
lui fucc�der 3 alors Michel-Ange eut �
eifuyer de nouveaux chagrins 5 d'autres obf-
tacles lui furent oppof�s, mais il fut hab�-
(�) Jules III, n'avoit occup� le faim. Siege que �
ans; Marcel II, fon fucceifeur, ne l'occupa qu'un an,
faul IV-, ^qui vint enfuite, r�gna 3 ans, & mourut ea
.>
-ocr page 122-
'$�          / jv τ RO i> ύ c:.t ι ο jv\
�ement les furmonter > depuis long-temps
il m�ditoit la conftruct�ondud�me^tel qu'on
le voit aujourd'hui s le modele achev� , ce
Frojet fut univerfellement approuv�, mais
ex�cution en fut retard�e par la mort de
Paul IV. A ce Pontife fucc�da Pie IV, qui
t�moigna beaucoup d'afFedion � Michel-
Ange y & renouvela les brefs que lui avoientr
accord�s fes pr�d�ceiTeurs.
; D�j� s'etoient �coul�s d�x-feρt ans, du-
rant lefquels Michel-Ange n'avoit ceiT� de
s'occuper de ce monument , lorfque la:
calomnie chercha de nouveau � le traverfer»
Le Pontife lui rendit juftice & punit f�-*
verement fes ennemis ; mais Ces travaux
p�nibles, joints aux ennuis �caux chagrins
qu'il avoit �prouv�s, femblerent h�ter la
fnde les jours (g ).
A la place de l'Art�fte qu'on venoit de
perdre, Pie IV, nomma Piro Ligofio �c
Jacques Βaro^io^
plus connu fous le nom
de Vig�iole \9 �c leur recommanda tr�s - ex-
preilement de ne point s'�carter des def-
��ns de Michel-Ange. Pie V (g), fon
fuccei�eur , renouvela la m�me d�fenfe.
Cependant Ligorio ayant voulu innover, le
(g) Cet Artifte mourut le 17 F�vrier 1564.
i t> Pif iy S Pie V r�gn�rent 13 ans, Tun 6 8�
ι autre 75 le dernier mourut en 1/71,
-ocr page 123-
In τ Ro du er τ ο ν.         $i
Pontife ordonna qu'on abat�t les ouvrages
que cet Archke&e avoit fait conftruire $
&: chargea Vignole feul de la direction
enti�re de l'�difice. Ce dernier y travailla
l'efpace de neuf ann�es, s'attachant plus
aux dehors du Temple qu'� la conilruciion
du grand d�me. Pie V> peu tranquille �
caule des armements de S��im,Empereur des
Turcs, s'occupa uniquement du foin de faire
�chouer hs projets de fon ennemi. Durant
fon Pontificat la coriftru��on de ce Temple^
connu aui�i fous le nom d'Eglife du Vatican,
fut fort n�glig�e. Gr�goireXII� (i) ayant
fucc�d� � Pie V, Jacques de la Porte fut
nomm� � la place de Vignole, dont il avoit
�t� Difcipie : l'Egliie fut enfin couverte*
on y ajouta des Chapelles, elle fut orn�e de
peinture & de fculpture > mais le grand d�me
�to�t reft� imparfait. Il �toit r�ferv� �
Sixte-Quint (k) de furpaifer , dans l'efpace
de cinq ans, la magnificence des C�fars >
ce Pontiiice fit travailler fix cents Ouvriers
nuit & jours pendant vingt-deux mois. En
1590 le. d�me fut enti�rement conitruit ?
on le rev�tit enfuite de plomb, il fut orn�
(i) Gr�goire XIII fucc�da � Pie Ven 157z, &
fnourut en ijgj. "
(A) Ce Pape c�l�bre par le bien & le mal qu'il ft'
tajit, mourut en ijoo.
-ocr page 124-
ψΕ           In tr� ou cf ι ο νΊ
fous Urbain VII (/) de c�tes de m�tai
dor�. Sous Cl�ment VIII la lanterne com4
pof�e par Michel - Ange , fut ex�cut�e &L
perfectionn�e par Jacques de la Porte 5 eiir
fuite Paul V fit prolonger l'Eglife fur les
dei��ns de Charles Mad�rus, $c conitruire
le portail fur ceux de Michel-Ange.
Tous ces ouvrages furent achev�s en 1614.
Urbain VIII, Innocent X, Alexandre VII
�c plui�eurs autres Papes enrichirent ce
Temple de nouvelles chapelles y de f�puk
tures, de tombeaux &: d'autres embelJii��-
ments , qui furent faits fur les dei�ins des
plus fameux Artiiles d'Italie .� ce qui a rendu
ce monument le plus c�l�bre de toute la
chr�tient�. Enfin , ce fut encore Alexani4
dre VII qui fit conilruire , fur les deifins
du Cavalier Bernin , cette belle place ,-
entour�e d'une fuperbe colonnade qui
donne entr�e � ce Temple &: au Palais du:
Vatican (m).
-------------------------------------------------,-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------. ■ .. ,                                                                              ,                                                                                                                                                                                                  ».
(/) Urbain VII r�gna tr�s - peu j il mourut'l'ann�e i[
m�me de fon exaltation. Les Papes dont il nous refte
�parlerr'ne fe fucc�derent pas imm�diatement j nous n'in-
diquerons pas ici les dates de leurs r�gnes , ces dates
D'�tant pas n�ceifaires commeT�toient les pr�c�dentes
pour marquer les progr�s de la conftruc�on de l'Eglife
4e Saint-Pierre.
(m) Ce Temple a de longueur dans �uvre, felon-
ie Chevalier Foritana', 102 toifes & demie j fa hauteur
ious clef, eit de 51 toifes 2. pieds ; la largeur de.1%-
-ocr page 125-
ϊ Ν Τ R Ο Ώ U C Τ ϊ Ο Ν.          $$
ήΐ Telle eil � peu-pr�s 1'hiitoire abr�g�e de
ce monument, qui m�rite une attention
particuliere , pouvant �tre regard� non-
feulement comme un enfemble de perfec-
tions, mais encore comme les chefs-d'�uvre
des talents immortels d'un grand nombre
d'Architectes c�l�bres, &; de tant d'autres
excellents Artiiles que Rome a vu na�tre
dans fon fein.
L'Angleterre , ayant embraif� le chriilia-
nifme , ne voulut pas que le compagnon
des travaux �vang�liques de S. Pierre fut
moins honor� que ce Prince �^s Ap�tres.
Londres fit �lever fur les ruines d'un an-
cien Temple de Diane une cath�drale en
nef eft de 13 toifes & demie, & fa hauteur fous clef
de 2ζ toifes & demie. Le frontifpice a de largeur fa
toifes 2 pieds hors �uvre 3 & a de hauteur 67 toifes 2
pieds, en y comprenant la Croix plac�e fur le d�me 5 ee
qui revient au double des tours de Notre-Dame de Paris :
le diam�tre des colonnes du frontifpice eft de 8 pieds
2 pouces , & celui de celles de la colonnade qui entoure
la place, eft de 4 pieds 2 pouces.
Le Chevalier Fontana nous donne aui�i une notice des
fommes auxquelles fe font mont�es les d�penfes de la
conftru�lion de ce Temple: elle montoit, dit-il 3 en 1614
a la fomme de quarante-fix millions huit cent mille quatre
cent quatre*- vingt - dix - huit �cus Romains , valants ,
monnoie de France , deux cent quatre millions cinq cent
foixante quatorze mille deux cents livres ; encore dans
cette fomme .ne font compris ni les frais des mod�les
ni le prix de la d�molition des murs abattus pour donner
s, la Bafilique fa forme a&uelle , ni m�me le prix dij.
-ocr page 126-
f4           ΙΝ TR O DU CT I O Ν,
l'honneur de Saint Paul , qui, par fa grari-^
deur , ne le c�de qu'� la Bai�lique de Rome.
Erkinvald, quatri�me Ev�que de Londres,
en 67^, employa des fonds imrnenfes �
rembeililfement de cette premiere Eg�fe
qui fut r�duite en cendre en r 221, fous
Guillaume le conqu�rant. Maurice dixi�me
Ev�que de la m�me ville , entrepr�t d'en
faire confiai ire une f�conde digne, par ia
magnificence , du culte auquel elle d�voie
�tre confacr�e , & il la f�t �lever fur les
m�mes fondations. La. charpente & le clo-
cher de celle-ci , furent confum�es au
milieu du feizieme fiecle s apr�s cet acci-
dent δι pendant qu'on travailloit � le r�-
parer, tout ce monument fut encore br�l�
,,�»-�-------------�-----------------------------------------------�y�------------------------------------------------------------------------------------------------__------------,---------------------------------------------.1 ' " ,■ ;
■?.»'■
clocher �lev� fous Urbain VIII, qu'il �value � plus
de cent mille �ctts Romains.
Peut �tre trouvera-t on que nous nous fommes trop
�tendus dans la defeription de ce Monument j mais
nous avons cru que fa corjftru�tion �tant plus pr�s de
notre fiecle 3 int�refleroit davantage les Architectes, 8�
particuli�rement les Elev�s de France, qui vont en Italie
pour y puifer les^ pr�ceptes de la bonne Architecture.
Nous aurions d�lir� m�me pouvoir nous �tendre fur
toutes les autres productions 3 dont nous parlons dans
cet Ouvrage s ce que nous aurions fait, fi nous avions
pu trouver des M�moires fatisfaifams � cet �gard, per-
fuad�s que nous fommes 3 que rien n'eft plus capable
d'�chauffer le g�nie de nos jeunes Architectes 3 que de
les mettre � port�e d'�tudier 3 dans les fources, les chefs-
d'�uvre qui fe font �lev�s depuis le temps des anciens
Egyptiens jufqu*� nous.
#
V
-ocr page 127-
In tr�ducti� m          $f
par l'incendie, connue fous le nom de feu?
de Londres.
Ce f�cond Temple contenoit, dit-on,
les ornements les plus pr�cieux, on y ce-
l�broit, avec la plus grande magnificence,
les obfeques des Empereurs, des Rois &� '
des Princes. Les grandes F�tes y �toient
auffi folennif�es avec ' beaucoup d'�clat.
Apr�s la ruine enti�re de ce monument c�-
l�bre , pour fon temps, en chargea Chrif-
tophe Wrein , Architecte Anglois d'une
grande r�putation , de donner les deffins
d'une tro�f�eme Eglife, en les ai�ujettiifant
aux anciennes fondations ; c'en1 apr�s une
tentative inutile de deux ann�es qu'il d�-
termina les perfonnes int�reif�es � l'�rec^
tion de ce nouvel �difice � les rafer enti�-
rement, &■ qu'il imagina d'autres projets
dignes, tout � la fois*, &: de fes talenrs
i�biirnes, Se de la nation qui l'avoit choii�.
Alors il propofa un feul ordre d'Arch�tec-/
ture pour le frontifpice de ce Temple ;
mais ce del��n ne fut pas approuv� par
les Ev�ques, qui repr�fenterent � l'Archi-
tede que cette ordonnance coloifale �toit
peu convenable � une cath�drale (/2)5 il fe
( η ) Ce qui nous paro�t �tonnant, f� l'on peut s'en rap->
porter � ce r�cit, c'eii que tous les connoiifeurs regret-
tent aujourd'hui que le grand ordre que Wrein avoit
\
-ocr page 128-
0 �           ΙΝ TR Ο �>V'CT � Ο Ni
d�termina donc � y mettre deux ordres ait
lieu d'un, &: profita habilement de cette
n�ceflit� , pour y employer la pierre de
Portland, reconnue la plus belle de l'Angle-
terre , & qu'il n'auroit pu mettre en �uvre
dans fon premier projet, parce que cette
pierre ne peut fournir des blocs convenables
a la b�thTe d'une grande Architecture > d'ail-
leurs il pr�tendit par-l� �viter les fautes que
le Bramante avoit faites, difo�t-il, au portail
de S. Pierre de Rome , en alt�rant les rap-
�>orts que doit avoir l'entablement avec
'ordre , pour n'avoir pas fu faire ufage
de pierres d'un volume aiTez confid�ra-
ble^ quoiqu'il e�t la carri�re de Tivoli � fa
diipoiition.
., Ce monument > tel qu'on le voit aujour-
d'hui , pr�fente de la grandeur , de belles
maifes (o) M beaucoup de dignit� 5 n�an-
moins les connouTeurs reprochent � Wrein
plui�eurs fautes eiTenc�elles, celles entr'au-
tres d'avoir incorpor� de petits pilairres
dans les grands , de n'avoir pas �lev� aiTez
propof� } n'ait pas eu Heu. Le module des ordres du
frontifpice a�tuel ne r�pondant pas , difent - ils a � la
grandeur de la fabrique de ce monument.
{ 0 ) Voyez les plans & �l�vations de ce monument,
grav�s en 1747, & la defeription hiftorique de Guil-
laume Dugdalle 3 & de Chriftophc Wrein, imprim�e �
Londres,                -H
-ocr page 129-
; Mr τ &o du er �<� ik         
fts vo�tes δ� d'avoir donn� un diam�tre
trop confid�rable � ion d�me, relative-'
ment � la grandeur de l'�difice; mais en?
m�me temps, ils approuvent beaucoup les
peintures de ce d�me , ouvrage c�l�bre d�
Jacques Tornhill, Peintre Anglois,� qui y;
a repr�feiit� , en huit compartiments , les
principaux �v�nements de la vie de Saint
Paul. L'Architecte avoit propof� de faire
ex�cuter en mof��que ces compartiments!
il avok m�me d�j� fait venir d'Italie,
pour cela, quatre des plus habiles ArtifteS*
en ce genre ; mais les difficult�s qii'occa*
fionna cette main d'oeuvre la fit rejeter ώ
l'on pr�f�ra les ouvrages de Tornhill , qui
fe font acquis tant de r�putation.
Ce Temple fut commenc� en �6yy Si
fini en 1710 (p), aifez court efpace en
comparaifon des cent quarante-cinq ann�es
�jue l'on, a �t� � b�tir la Bafilique de Saint-
Pierre jauffi la Nation Angloife fe pr�vautr
�^Uq de cet avantage, d'avoir b�ti l'Eglif�
'?■■'■ (p) Avant de parler des dimenf�ons de rEglife de
Wrein, nous allons donner celles de la pr�c�dente �lev�e
�par Maurice, dixi�me Ev�que de Londres, & qu'ilavolt
fait conitruire fur les ruines de l'Eglif� b�tie originaire-
, ment par Erkinwal, quatri�me Ev�que de cette Ville. <
: ^ La longueur dans �uvre de l'ancienne Cath�drale,
tetoit.de �po pieds.; .fa largeur dans la croif�e 3 de 130
pieds ; la hauteur int�rieure de rEglife j.ufqu'au d�me,
Terne /.                               Q
-ocr page 130-
jpt          Jisr τάο bu er � o Ni
ile S. Paul en trente-cinq ann�es, ious Uia'
feul Architecte & fon fils , par un feul chef�
entrepreneur > &: fous un ��ul Ev�que de
Londres, �c fur-tout par le fecours d'une
aiTez foible impof�tion fur le charbon ,
tandis que la d�penfe faite � Rome pour
l'Eglife de S. Pierre fe montok > f�lon Fon-
tana, � plus de deux cents millions,. comme
nous l'avons dit pr�c�demment, dans la
note rrij page 92.
Ce fut fous le regne de Fran�ois premier
* jque la belle Architecture commen�a d'�tre
connue en France. A la voix du p�re des
Lettres &: des Arts, les Fran�ois fortirent
de leur l�thargie 3 leur imagination pr�t Pef
for, &: bient�t ils �gal�rent les plus grands
Ma�tres d'Italie. Fran�ois premier avok
appel� SebaiHen Serlio pour la conitruc*
tion de Fontainebleau. L'ouvrage de Serlio
excita l'�mulation de nos Architectes 3 ils
lui difputerent la gloire d'�lever le Palais
du Louvre 3 .& les deflins de Pierre Lef�
» ■■ 11 � ' ■           � "' ■ """W" "        � . ".           in",                            ■" liai�1          I               ■ 1' .
de ijo, la hauteur ext�rieure de tout le monument de
520 pieds.
                                                             : .->
La longueur dans �uvre de la nouvelle Cath�drale,
b�tie par Wrein , eft de 500 pieds j la largeur dans
oeuvre de la croif�e 3 112, pieds j le diam�tre du d�me ,
de 108 pieds 5 la hauteur int�rieure de TEglife jufqu'au
d�me, de 110 pieds j la hauteur ext�rieure de tout \%
«aonument, 440 pieds. . .
j" *' '                                                                                           '
-ocr page 131-
� f� f RO D�� � Τ ϊ Ο Ν.         $0
cot; ( q ) obtinrent la pr�f�rence fur les fiens ;
honneur dont les Architectes Fran�ois ont
joui plus d'une fois depuis. En effet Claude
Perrault (r) fut ehoif� pour �lever le
frontiipice du Louvre, Philibert Deior-
me :(s) pour le Palais d�s Tuileries , �c
ΐιι~ " i.~ ,« "' ■W-i'i'i'r ' ιίΓιϊι,Ί'Ί/ίιί;. '".'ι i' ίίιΐι-i'ii im' ni' ma , Γ" ' I Mm' " >Γ'"ί ' τ ι Γ ι.ι 11 ! i Um Ί im\
(q) Pierre Lefcoty Abbe de Qagny 3 naquit � Paris
fen ijiS , d'une famil�e qui s'�to�t diftingu�e dans la
Robe. Sur fes deifins furent conftruites, une partie de?
la fa�ade de l'int�rieur de la cour du Louvre, la Salle
des Antiques, & la Fontaine des Saints - Innocents. II
mourut en 157&.
(r) Claude Perrault, de Γ Acad�mie R oyak des .Scien-
ces, naquit � Paris en 1618. Perfonne n'ignore que fes
deifins, pour l'ext�rieur de la fa�ade du Louvre , furenc
pr�f�r�s" � ceux du Cavalier Bernin , qui �voit �t� appel�
d'Italie, � grands frais , pour cet ouvrage important. Cet
Architecte fit auifi �lever �'Obfervatoire, Tare de triomphe
du Tr�ne, la Chapelle de Sceaux & celle de Notre-
Dame de Navone dans l'Eglife des Petits-Peres , pr�s
la Place des Victoires: outre ces monuments, nous avons
de lui une Traduction d� Vitruve avec des notes , Se
un Trait� des cinq efpeces d'ordonnances de Colonnes $
f�lon la m�thode des anciens. Il mourut en 1688»
(s) Philibert Delorme naquit � Lyon au commence*
ment du XVIe f��cle. Il fut Aum�nier & Confeiller du
Roi. En r�compenfe de fes talents, on lui donna plui�eurs
Abbayes, quoiqu'une f�t que tonfur�. Le Ch�teau d'Anet
fut b�ti fur fes deifins j il fit conftruire quelques �difices �
Fontainebleau; mais le Palais desTuileries, dont il fut l'Ar-
chitecte, mit le fceau � fa r�putation. Catherine de M�dicis,
fit �lever ce Palais, dont Philibert Delorme fut nomm� le
Gouverneur. Cet Architecte eft un des dix Commenta-
teurs de Vitruve ; il a laiiT� deux ouvrages fort utiles,
l'un fur l'Architecture. l'autre fur la coupe des pierres,;
Gij
-ocr page 132-
S$o In ta ός>uct� ο.ν.
Jacques Debroile ( t ) pour celui du Luxerri^
bourg.
\ La r�putation d�s Archite&es Fran�ois
ne fut pas renferm�e dans l'enceinte du
"Royaume. L'Efp�gne appela Louis de
Foix ( u ) pour conftruire � Madrid le Pa-
lais de r�fcurial. L'Italie m�me s'embellif;
de leurs productions, & les crut dignes
�d'�tre propof�es pour mod�les � fcs Archi-
tectes.
4 Les guerres qui iuivirent le regne de
^Fran�ois premier, furent de nouveaux obi*
tacles au progr�s des Arts qu'il avoit tir�s
de l'obfcurit�. Enfin fous Louis XIV ils fuf
.rent port�s au degr� de perfection, qui
contribua i� fort � la gloire de ce monarque.
Alors Γ Architecture fut digne d'annoncer
tous les �ges la iplendeur d'un ii beau
;regne.
3|' Ce feroit une entreprife trop vafte que
*de retracer tout ce que Louis le Grand fit
pour les beaux Arts en g�n�ral, Se en
■■; ( t ) Le Palais du Luxembourg fut conftruit au commen-
cement du XVIIe fi�cle , par ordre de Marie de M�dicis s
-fur les dei�ins de Jacques DebroiTe. Cet Architecte
� fit encore �lever le Portail Saint-Gervais ;3 & conftruire
l'aqu�duc d'Arcueil.
�?) («) Louis de Foix, n� � Paris. Ce fut fur fes deffins
que Ton conftruifit � Bordeaux en ι � 8 �, le Phare 3 appel�
Jia Tour de Cordouan 3 du nom de l'Entrepreneur de cet
'�difice.-; ν ' : :,■■■;■..:. �.: :                                        '� l
-ocr page 133-
Intro nu στ ι om i o-s
particulier pour l'Architecture , a�hi� que
tous les chefs-d'�uvre que fon regne vit
�lever ; il fuf��ra de citer ici les b�ti-
ments les plus importants & les noms de
leurs Auteurs, tels que le Vakie-Grace ��
le Ch�teau de Maiibns par Fran�ois Man?
fard (x) 5 l'H�tel & la nouvelle Eglife de$
Invalides, le premier par Lib�ral Bruant^ '
la f�conde par Hardouin Manfard (y )h
les �curies , Porangerie du Ch�teau dq
Y
erfailles &; fa fa�ade du c�t� du jar-
din par le m�me Architecte} le periilylq
du Louvre & l'arc de triomphe du Tr�ne,
par Claude Perrault ( ^ ) 5 la porte S. Denis
: */ ■                                                        ■ ^''� ■ . - . ■■                                    :. ik                   \'.                                           -                 ■■.■--
' '1 '                                                          ■-'!» -                                  L .. - 4 .1. �r                    1                       1,-----------------------<----------, ι.'                                               .                                                   11.
(* ) Fran�ois Manf�rd, un des plus grands Archite&es
que nous ayons eus 3 �toit originaire d'une famille d'Italie % ,
mais �tablie en France depuis pr�s de 800 ans : il naquit a
Paris en 1589, U mourut en 1607. Il fir �onftruire le Portail
de l'Eglife des Feuillans 3 fon coup d'eifai 3 le Ch�teau de
Maifons, le Val-de-Grace 3 l'Egliie des Dames Sainte-
Marie3 rue Sainte-Antoine.3 le Portail des Minimes ,&r
pluf�eurs autres �difices.
(y) Jules Hardouin Manfard,. neveu du pr�c�dent,
etoit Ordonnateur g�n�ral des B�timents , Jardins , Artf
■■M Manufactures de Louis le Grands il naquit � Paris
"en 1645-. Nous avons de ce c�l�bre Architecte, le Ch�-
teau de Clagny 3 fon premier ouvrage j celui de Trianon j
;les Jardins & le Ch�teau de Marly 3 vla Place de Ven-
d�me ; celle des Victoires 5 la Fa�ade, de Verfailles du
c�t� defs Jardins 3 la nouvelle Eglife des Invalides 3 &
(fautres �difices qui font honneur � ion g�nie. Il mourut
*en 1708.�
l{ ζ ) Voy�z, la note r- pag. 99.,                                  I
f : - ' - ' -           G iij ■ '
-ocr page 134-
i�s      Introduction.
par Fran�ois Blondel (a) > hs addition?
coni�d�rables faites auxTuiler�es par Louis le
Veau ( b ) 5 les Jardins de ce Palais par Andr�
le Nautre. ( c ) j &: la Sorbonne par Jacques
le Mercier (d) : ce font autant de monu-
ments c�l�br�s qui tranfmettront � la po�
terit� la plus recul�e la m�moire du regne;
4e Louis XIV.
Le i�ecle de Louis XV n*eit pas moins
recommandableparles �difices �lev�s de nos
jours. En 1717, fut conilruit i�r les def-
fins du Chevalier Servandoni ( e ) le fron-*
��.                             " "' <WW> '                                                          -■.....� ■�� 11................ -1 r n i__ .
(a) Fran�ais Blondel, de l'Acad�mie Royale des
Sciences, Mar�chal des Camps & Arm�es du Roi, &
Ma�tre des Math�matiques, de Monfeigneur le Dauphin, -
Xa Porte Saint - Denis fut �lev�e fur fes dei�ins � il fie
reftaurer J4 Porte Saint - Antoine > &c celle de Saint;»
Bernard. Nous avons de lui un Cours d'Architecture 3 qu*il
4i<5toit aux Elev�s de l'Acad�mie dont il �toit Profei�eur.
( b ) Louis le Veau, Architecte de Louis XIV , eut la
dire�tion du b�timent du Louvre , depuis 1653 j�fqu'en,
1670. Il donna les defl�ns d'une partie du Palais des
Tuileries, & fit �lever le Ch�teau neuf de Vincennes ;
le Ch�teau de Vau-le-Vicomte \ l'H�tel de Lambert,
4ans l'Ile SaintTLQuis 5 celui 4e Colbert, & plufieurs
autres«
(c)  Andre le Nautr� , c�l�bre par fon g�nie pour l'art
du Jardinage, n� en 1625, & mort �n 1700.
(d)  Jacques 1« Mercier fit b�tir TEglife de la Sorbonne j
celle de l'Oratoire 3 le gros Pavillon de la cour du Louvre,
& l'avant corps de l'ancienne fa�ade du m�me Palais du
c�t� de la rivi�re, le Palais Royal, l'Eglife des Dames
4e l'Annon�iade i Tours ; la Ville, le Ch�teau 8d'Eglif<$
paroiiTia�e de Richelieu, &�,
(e)  Jean Servandoni 4 Chevalier de l'Ordre de Chrift*
-ocr page 135-
1 irr Ro du err ο m. r'�f
1 tlfptee (ie la principale entr�e deM�glife
de S. Sulpice, un des plus grands portails
d'Egl�fe qu'il y ait en France, mais qui
�tant compof� d'ordres d'un grand diam�tre,
exige d'�tre obferv� d'un point de diilance
plus �loign� j il ne poura par cette raiibn
exciter une admiration g�n�rale, qu'apr�s
la d�molition du S�minaire qui fe trouve
en face fc. beaucoup trop pr�s de ce froil�-
tiipice^
Peu de temps apr�s, la ville de Paris f�t'
conitruire fur les dei��ns d'Edme Bouchar-
don, Sculpteur c�l�bre, la fontaine de L�
rue de Grenelle, remarquable par la beaut�
de fon Architecture^ &; celle de fa Scul-
pture, coni�d�r�es f�par�ment.
Aux monuments de magnificence fucc�-*
*"                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     ' ■                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             -.....■■■-
ti� �. Florence le ι Mai 1695". Il fut El�ve de Tean-Pauf.
Pafimi
pour la Peinture, & de Jean-J&fepft- de Roff� pour
l'Architecture. Entre les b�timents que nous avons de cet
Artifte en France, nous citerons l'�glife Paroiflkle de
Coulanges en Bourgogne, le- grand Autel de l� M�tro-
politaine de Sens , celui d�s C�artreux de Lyon 3 &"c.
C'eft auifi cet Architecte qui a b�ti � Paris le Portatif
de Saint-Sulpice, & l'Efcalier ing�nieux de l'H�tel d'Au-
vergne. Ses talents , fup�rieurs pour la d�coration des;
Th��tres l'ont fait appeler dans diff�rentes parties de:
l'Europe , pour y exercer cet Art. On fe rappele toujours?,
avec plaif�r, les Spectacles admirables qu'il a donn�s �,
Paris dans Ja Salle des Machines aux Tuileries. Ce:
grand Artifte eit mort �. Paris en. 1767 > u&iverfelkmeofc
yegretc*
G'nr
\
-ocr page 136-
ί ©4          N Τ R^O DU CT Ι Ο Ν.
dereiit bient�t les b�timents �lev�s- pour
■-l'utilit� publique : de ce nombre furent
l'H�pital des Enfants-Trouv�s par M. Bof�
/rand ( f ), & celui des Quinze-Vingts par
M. de Saint - Martin , _ �difices qui , par
la commodit� de leur diilribut�on, "leur diP
;pofition &; l'ordonnance de leurs fa�ades^
ont m�rit� lefuffrage des connoii�eurs. χ
^ Un des b�timents qui font le plus d'hon-
neur � ce i�ecle, eil l'Ecole Royale Mili-
taire 6c le champ de Mars, conflruits fur
.les deii�ns de M. Gabriel, premier Archjr <
; te&e du Roi, pour l'�ducation de la jeune
NobleiTe^ qu'on y �lev� dans l'�tude des
iciences relatives � l'art de la guerre : �ta-
blii�ement propre � �mmortalifer la bienfai-
sance de notre augufte Monarque.
Avec quels tranfports les Fran�ois ne
s-■■                                  .......'■- ■ i                                          ■■-                                                                                                                                                                                                                   ■ �-s»
'("�) Germain Boffrand, n� � Nantes en Bretagne le
7 Mai 1667, mbrt � Paris le 18. Mars 1755. Il fut Eleve
^de Hardouin Manfard,� Nous avons de cet Architecte c�-
l�bre , & de cet homme de g�nie , pluiieurs �difices
confid�rables, particuli�rement en Allemagne & en Lor-
raine. Cell lui qui a b�ti � Paris , les H�tels de Mont-
morency, d'Argenfon, les D�corations de l'H�tel de
Soubife , les Portes 4u Petit-Luxembourg, de l'H�tel de
.; Villars,' le Portail � Mercy 3 le Puits de Bic�tre, les
Ponts de Sens & de Montereau , &rle grand b�timent des
Enfants-Trouv�s, Sur la fin de fes jours il fit graver le
f ecueil de fes Ouvrages, avec un Difcours latin & fran-
�ois, dans lequel il y a des observations excellentes fur
-ocr page 137-
ΙΝ Τ R OD U C ΤΙ Ο �jt         tof
firent-ils pas d�molir ces vieux b�timents
qui d�roboient la vue de la belle fa�ade
du Louvre �lev�e fur les dei��ns de Per-
rault _4 & la continuation de la d�coration
de la Cour du m�me Palais > continuation
que l'on doit au z�le patriotique que M.
le Marquis de Mar�gny t�moigne pour
Ja perfection des beaux Arts !
                ?|
Parmi les monuments qui embelliraient
d�j� la capitale du Royaume , il conve-
noit qu'elle en �rige�t � la gloire de fon
Prince. La Ville de Paris t�moigna le deflr
ardent qu'elle avoit de faire conilruire une
place publique au milieu de laquelle fero�t
�lev�e la itatue de Louis le Bien-Aim�;
Pluf�eurs Architectes, & particuli�rement
ceux de l'Acad�mie Royale d'Archite&ure,
^yant re�u � cet effet des ordres du Prince,
s'empreiierent � donner des projets di-
gnes (g) d'une telle entreprife, & relatifs �
diff�rents quartiers de Paris.
                   >:
L'emplacement qui eft � l'extr�mit� dii
( S ) Voyez dans un ouvrage de M. Patt, intitul� :
Monuments �rig�s en France, � la gloire de Louis XV,
la plus grande partie des projets faits par les Archi-
tectes de l'Acad�mie Royale d'Architecture 3 entr'autre?
ceux de M. Boffrand, qui en a fait trois / un pour la
Place Dauphine, un f�cond entre le Louvre & les Tui1-
leries , & un troifieme aux Halles : celui de M. Contanr,
Quai des Th�atins; de M. Chevotet, rue de la F�ron-
'neriej.'de M, Souflot, entre THe Saint-Louis &: Ml
-ocr page 138-
to�       INTRODUCTION.
Jardin des Tuileries ayant paru le pfus �ofti
venable , on conftruii�t, fur les dei�ins de
M. Gabriel, la Place que l'on y voit aujour-
d'hui. De la principale entr�e du Palais des
Tuileries, du cot� du Jardin δί dans toute
la longueur de la grande all�e, on apper-*
��oit au milieu de cette Place, la ftatue
�q�eilre de Louis XV (h)\ qui procure
<*' "                          '            " '"" " " * ""'" "                 I" * ' ' '            '                    *****                                          ' .
du Palais > de M. Aubry , en face du Pont Royal j de
M. Azon, me Saint-Jacques ; de M. Rouifet, Carre-
four de Buif� > & de M. de TEftrade , Quai de Conty.
Pluf�eurs autres Architectes du Roi, anim�s du m�me
�t�le, tels que MM. TAiTurance , Blondel 3 Godeau %
Manfard, &c, ont auifi donn� des projets pour cette
Place, qui fans doute ne font point parvenus � l'Auteur
des monuments du regne de Louis XV 3 & qui un-jour
devront avoir place dans cette collection int�reflante.
Ind�pendamment d�s projets des Architeot.es du Roi,
qui fe trouvent dans ce recueil , il contient encore
«ceux de quelques autres Artiftes du premier m�rite 3 tels,
que celui que M. Servandoni , Peintre & Architecte,
avoit fait pour le Pont Tournant ; jf�tuation qui avoit
auif� �t� choifie par M. TA�Turance y ce qui pourofe
bien avoir donn� lieu au choix de S. M. fur cet empla�-
cement 3 o� ett ex�cut� aujourd'hui le projet donn� par
M. Gabriel. Celui de M, Pitrou, Ingenieur des Ponts
& Chauff�es dans l'Ile du Palais j celui de M. Deftou-
che, ancien Architecte de la Ville, en face du p�riftyle
du Louvre j celui de M. Gouppi, Jur� Expert, rue de
Belle-ChaiTe 3 fauxbourg Saint-Germain j celui de M.
Slodtz, Sculpteur & DeiTinateur du Cabinet du Ro�.,
Quai des Th�atins\\ celui de M. Polard , Infpe&eur
g�n�ral des Ponts & Chauff�es , rue de Tournon, &e.
(h) Cette ftatue a �t� model�e & jet�e en bronze
par feu M. Bouchardon j &, des auatre figures plac�es
aux angles d� pi�deftal, deux font de cet Artifte, & les
deux autres de M* Pigal, bien digne de lui avoir fucc�d�.
-ocr page 139-
Intro du er i oh.       tof
im heureux point de vue cette prome-
nade publique. Du c�t�oppof� � la rivi�re,
cette Place a �t� d�cor�e de deux �difices
de chacun 46 toifes de face, d'ordonnance
corinthienne, � colonnes folitaires, &: �le-
v�s fur un foubai�ement, Cette Place , de
3 30toifes de longueur, fur 90 de largeur,
entour�e de foi�es & de doubles baluitrades,
donne entr�e aux Champs-Elif�es, o� une
nouvelle plantation , tr�s-bien entendue,
procurera inceiTamment aux habitants une
promenade champ�tre, digne du faite &; de
Populence de la Capitale.
Ne quitons pas ce f�jour enchant�, fans
parler d'une des plus belles entreprifes qui
le foient fa�tes en France dans ce i�ecle, Se
m�me dans les fiecles pr�c�dents, c'eft le
Pont de Neuilli, dont la ligne capitale
enfile l'axe de la grande all�e des Champs-
Eliiees, &; celle du Jardin des Tuileries :
ce Pont, qui s'�l�ve actuellement fur les
deffins & fous la conduite de M. Perronet,
Premier Ing�nieur des Ponts & ChauiT�es,
peut �tre pr�fent� ici comme un ouvrag�
c�l�bre., dont l'�tendue, la magnificence &;
l'�conomie r�unies, apprendront aux races
futures, ce que peut le g�nie, le go�t & l'ex-
p�rience de ce Savant, aui�� bon Architecte
qu'excellent Citoyen,
Quelques progr�s qu'ait fait l'Architecture
-ocr page 140-
... - -                                      ψ
t θδ           ϊ WT RO DU CT I Ο M,
fous le regne pr�c�dent, elle �toit, ce ferrB
ble, demeur�e imparfaite quant � la conf;
traction des Temples $■ il �toit r�ferv� au
fi�cle de Louis le Bien-Aim�, de trank
■mettre � la poft�rk� de grands �difices en
ce genre. Les nouvelles Eglifes de Sainte�*
Genevi�ve par M. Souf��ot, & de la Mag-
deleinepar M. Contant, fufr�ront pour im?
imortalifer notre Architecture.
                  §
il manquoit � Paris une Halle au Bl� 5 la
Ville vient d'en faire �riger une fur les deffins |J
de M. Le Camus de JV��zieres. Cet �difice
interefl�iit, eft remarquable par fa forme
tcircii�aire, & par la r�gularit� de ion apareil.
Le feu ayant confum� en 1763 la Salle
de l'Op�ra, fk. fort endommag� le Palais
Royal^ auquel cet �difice �toit adoif�. On
mem de conftruire pour le m�me Spectacle,
.une Salle nouvelle fur les deffins de M>
Moreau., Arch�te�te du Roi, & Ordonna-
teur des B�timents de la Ville (z)-*, &;
dans fa reconftruction , ce Palais a re�u de
nouveaux embelliiTements, qui l'ont rendu
iup�rieur � ia premiere d�fpoiition.
(i) M. Moreau a aufll donn� les deffins des nou-
veaux b�timents du Palais Royal du c�t� de la place> ceux
du c�t� de la cour} legrand efcalier, la reftau ration & Ja
d�coration de l'int�rieur des apartements font ex�cut�s fur
les deffins de M. Contant s Architecte du Roi, & Contr�-
leur des Invalide*.
-ocr page 141-
Introduction. g$|
Verfailles, d�j� ii magnifique par fes
jardins $r par ies �difices ? vient aui�� d'�tre
orn� d'une Salle de Th��tre fuperbe, d�ftin�e
aux f�tes de la Cours fpe&acle qui manquoit
depuis long-temps � ce b�timent immenf�,
**la demeure ch�rie d'un Monarque ador�.
Aux b�timents d'habitation , aux monu-
ments de magnificence &c d'utilit� qui s'�l�-
vent � Paris fous fon regne, joignons celui
de l'H�tel des Monnoies, qui va devenir
'l'ornement d'un de nos plus beaux Quais :
cet H�tel, qui fe conftruit i�r les deffins
de M. Antoine, Archite&e, ofFrira dans
fon int�rieur, toutes les commodit�s rela-
tives � un pareil �difice.
Nos plus grands Princes lignaient auil�
leur amour pour l'Architecture-,� par l�s
embelluTements de "leurs Palais , & par les
nouvelles acquiiitions, qui en rendant leurs
demeures plus dignes de leur naiiFance que
dans les i��cles pr�c�dents, d�corent la Ca-
pitale �c la rendent plus �nt�rei�ante aux
Citoyens &: aux Etrangers.
Avec quel go�t & quelle magnificence
nos premiers Minifbes n'embelliifent-ils
pas leurs demeures ! L'H�tel deJVI. le Duc
de Choifeul (k) , celui de. M. le Comte de
(*) On voit dans cet H�tel une galerie peinte par
Lafoiie, & nouvellement d�cor�e d'un excellent gerre
ex�cute furies deffins de J'Autcur de cet OW�ge. ^
-ocr page 142-
ΪΪΟ         li�'T %*b D� � t �O tfl
Saint - Florentin (/), peuvent �tre cit�^
comme des b�timents qui annoncent les
talents des Architectes Fran�ois, $l qui
contiennent l�s chefs d'oeuvre des plus ce-*
lebres Artiftes de nos jours»
Les H�tels de Nivernois �c d'Uz�s s'atti-*
reront �galement les fuhrages des connoif-*
feurs , par le g�nie & l'intelligence de leurs
Architectes,
Quelles eip�rtnc�s ne devons-nous pas con*
cevoir fur l�s projets qu'on ex�cute actuelle*
ment ou qu'on fe propofe d'ex�cuter, %�ls que
l'ach�vement total de l'int�rieur du Louvre,
& le tranfport de la Biblioth�que Royale
actuelle dans la partie de ce Palais qui regar-
de la rivi�re j celui d'un H�tel-de-Ville fur les
del��ns de M. Mor�au j celui d'un Arcenal
furies dei��ns de l'Auteur de cQt Ouvrages
celui d'une nouvelle Salle pour la Com�-
die Fran�oife fur les dei��ns de MM, Peyre
& de Wailly , Architectes du R�ij celui
d'un March� qui doit occuper le terrein de
J'Eglife de la Culture Sainte - Catherine ,
transport�e aujourd'hui � l'Eglife o� �toit
anciennement la Maifon Profei�e des
J�fuites j ( l'utilit� de ce march� eil prouv�e
( / ) B�ti nouvellement fur les deflins de M. Challegrin *
Architecte du Roi*
-ocr page 143-
IntroD�cf � o ν', irt
|>�f celui qu'on vient de faire, quoique
moins coni�d�rable, au Prieur� de Sainte-
Martin des Champs ) j celui de r�unir le
Quai neuf avec le Port au Bl� ) ( foui
cette prolongation on i� propofe de pra-
tiquer des Magai�ns pour les grains) > celui
de la continuation du Quai de l'Horloge
l'H�tel des Uri�ns ? celui de la d�molition des
maifons �lev�es a&uellement fur les Ponts >
d�molition qui, en donnant de la falubrit�
aux demeures des environs, d�term�neroit
aui�� � r��difier la plupart des maifons de l'Ile
Notre-Dame dont la gothicit� .& le d�la-
brement rendent ce f�jour trifte & peu fut}
celui de tranfporter les Cimeti�res hors
de l'enceinte de Paris, projet digne de la
fageiTe du gouvernement, Se d�j� approuv�
par la premiere Juridi&ion du Royaume j
celui d�placer les Tueries &; les Boucheries
aux extr�mit�s de la Ville 5 enfin celui du
redreiTement des rues , de la multiplicit�
des Carrefours , de P�re&ion de nouvelles
Fontaines, ai de la r�it�ration des canaux
fouterreins pour l'�coulement des eaux^de
la Ville dans la Seine.
Terminons l'�num�rat�on de ces projets i�
utiles � la Nation, par un dernier non moins
int�reiTant ni moins digne de l'attentiofi
du Miniftere : nous voulons parier de celui
propof� par feu M. Defparcieux, qui pen-
-ocr page 144-
1 � l. In τ r ο d uct � �* n.
clant fes derni�res ann�es avoit propoil
d'amener � Paris , pour le bien public,
les eaux de la rivi�re d'Yvette, reconnues ,
par l'analyfe chymique , pour �tre tr�s-
�alutaires, & dont l'id�e vient d'�tre ac-
cept�e par le Gotivernement, qui en �
charge fp�cialement M. Perronet , bieri
digne par fes talents d'�tre choiii pour la
continuation de ce projet p '& pour fon
ex�cution.
De la Capitale de la France , le go�t
des Beaux - Arts s'eft r�pandu dans les prin-
cipales Villes de nos Provinces , 'A point
que l'int�rieur de ces Villes fembl� avoir
chang� de face. Sous le regne de Louis XIV,
�c quelque ann�es apr�s fa mort, o�l avoit
kl�ja conftruit plui�eurs Places publiques o�
l'on avoit �lev� fa ilatue j une � Lyon en
-i 7 � 3 3 une � Montpellier en 17185 une a
Dijon en 1725, & une � Rennes�en iji6 (m)-.
Sous
le regne de Louis XV , d'autres places
^publiques, non moins magnifiques , furent
cojaiacr�es � la gloire de ce Monarques
une � Valencienne en 1742 > une � Bor-
*■'■ (m) Les ftatues �lev�es darts ces quatre Villes ^ font
j�qiieftres, model�es & jet�es en bronze, � Lyon par
'Desjardins & les fr�res Gouflfcu , � Montpellier par
'Mazeline & Utrels , � Dijon par l� 'Hongre, & � Rennes
*par CoyfeYQX�               Μψ.....- �-■■■: - *V -�■- a � '-ιΛ- ]%
deaux
-ocr page 145-
� NT RObUCT � O Ni         jtij
d��ux en 1743 5 une � Rennes en 1744$
une � Nancy eil 17555 une � Reims eri
1761 (n) : autant de Villes ou ces monu-
ments ont oceai�onn� la conftrudion o�
la r�ftauration d� plui�eurs �difices > des
Alignements, d�s Quais 9 des Port�s de
Ville, des Intendances , des Bourfes j des
Juridictions, des Promenades, qui, r�unies
avec la beaut� des grands chemins qui com-
muniquent d*une Province � l'autre , ren-
dent agr�ables toutes les routes qui am�nent
� la Capitale.
Apr�s tant de monuments c�l�bres j qui
annoncent l'amour des iujets pour leur
Prince , ne n�gligeons pas de parler ici de
quelques Provinces qui s'occupent f�rieu-
i�ment de fuivre les trac�s de celles d�j�
cit�es. La Ville de Metz i anciennement em-
bellie ibus le gouvernement de M. le Ma-
( n ) Les noms des Arch�te&es & des Sculpteurs qui
ont ex�cut� ces monuments, font: � Bordeaux, feu M.
Gabriel, premier "A rchite&e du Roi, & M. Le Moine $
la ftatue eft de bronie & �qiieftre : � Valenci�nne ^ M*
Sally de l'Acad�mie de Peinture & de Sculpture j la ftatue
eft de marbre , & p�deftre : � Rennes, feu M. Gabriel 8�
M. Le Moine? la ftatue eft de bronze, & pedeftte : �
Nancy, M. H�r� deCorny , Architecte du Roi d� Po-
logne, & M. Guibal j la ftatue eft de bronze, & p�-
d�lire : � Reims, M. Le Gendre, Infpe�teur des Ponts
& Chauff�es, & M. Pigalki la ftatue eft de bronzeΛ
& p�deftre;
Tome li                                H
-ocr page 146-
��4 I NT Ro nu er ι ο ν.
r�chald� Belle-Iile, vient de faire �riger de
nouveaux b�timents d'utilit� &c de magnifi-
cence, fous celui de M. le Mar�chal, Duc
d'Eiir�es, qui, par fe$ lumi�res, fa fageile
&c fon �conomie , vient d'ordonner , fous
l'adminiitration de M. le Duc de Choifeul,
de nouvelles communications, une Maifon
de Force, des Places, un Magai�n Mili-
taire , un H�tel-de-Ville , un nouveau Por-
tail &; des EmbellhTements pour la Cath�-
drale : il vient encore de d�i�gner Rem-
placement du Parlement de cette Ville,
celui d'un Palais Epifcopal, dont on conf-
truit actuellement la fa�ade , celui d'une
Abbaye Royale pour les Dames de Saint-
Louis ( o ) �, �difices qui t�moigneront a fes
fucceifeurs ce que peut en moins de; douze
ann�es, une i�ge atlminiftrations guid�e
par le patriotifme, le bien de i'humaihit� �c
la gloire du Prince.
La ville de Rouen , qui en 1759 fit jeter
les fondements d'un H�tel-de-Ville , pr�-
c�d� d'une place, au milieu de laquelle
doit �tre la ilatue p�deftre de Louis XV,
nous laiiTe le regret que cet �difice, du
deffin de M. le Carpentier , Archite&e
(0) Tousses b�timents, la plupart ex�cut�s aujour-
d'hui, ont �t� faits fur les deifins de VAuteur de cet
Ouvrage. Pluf�eurs de ces projets font partie du f�cond
Volume de ce Cours d'Architecture,
-ocr page 147-
du Roi, ne fok annonc� ici que comme
un projet, la ville ayant �t� oblig�e de
fufpendre , pour quelques ann�es, cet ou-
vrag� important, d�j� �lev� � fix pieds de
terre (p).
La Ville de Strasbourg peut �tre cit�e �c!
comme une de celles qui ont le plus ilgiial�
leur z�le par la quantit� d'�difices qu'elle
fe propofe de faire �riger dans fon fein -, elle
�ft r�fo�ue de faire b�tir plufieurs corps de
Caz�rnes pour contenir nuit bataillons &
Kuit efcadf ons, une plac� d'armes, un S�nat
pour les Magiitr�ts, ait devant duquel &
en face de la Cath�drale, doit �tre �lev�e
une ftatue p�deftre de Louis le Bien-aim�
avec des attributs iymboliqu�s, qui d�i�-
gneront les vertus pacifiques de ce Prince»
une Salle de Spectacles, d�s communica-
tions ^ des places, des carrefours, ats> mar-
ch�s , des quais, d�s ponts &: autres em~
belIiiTements qui ont paru alTez importants
au M�girtrat de l� ville de Strasbourg, pour
qu'il s'adrei��t en 1764 � M. le Duc de
Choifeul, &; le pri�t de lui nommer un Air~
chiteclie habile qui le dirige�t dans les en-
treprifes qu'il fe propofoit de faire ex�cuter
tJWpjJ------mi -----------ι ' - .*...� �f... } -� ■         � τ~~τ~~ l�-_-."..ΐ[τ ��..■-J.[i-i]liM_:_-^__^-l_ui--i-----*-----1-----------------1_
(p) Voyez, le Plan de cet H�tel -de- Ville & de la
Place qui le pr�c�de dans les monuments du fi�cle de,
louis XV, d�j� cit�s.
Hij
-ocr page 148-
�l�l�       I��T �.0 &lf CT � O tf.
par fuccel�ion de temps: l'Auteur de cet
ouvrage, fut celui que ce Mini�tre choil�t
pour ie traniporter dans cette ville. Apr�s
en avoir lev� les plans , il fit en conie-
quence plui�eurs projets , qui, approuv�s
par Sa Majefb�, s'ex�cutent aujourd'hui fur
tes dei��ns, & annoncent par la place d'ar-
mes dt les b�timents qui l'entourent, d�j�
�lev�s, ce que cette Cit� deviendra un
jour, f�cond�e comme elle Teil par le z�le
du Magiilrat, l'amour des Citoyens , les
lumi�res du Pr�teur royal, �c l'attention
particuliere qu'y porte M. le Mar�chal de
Contades , Commandant de la haute �c
BaiTe-Alface.
A l'inilar de la ville de Strasbourg, celle
de Cambrai fe propofe aui�� de faire des
embellii�ements dans fon int�rieur, tels que
des places nouvelles, le redreiTement de la
plupart de les rues, des portes, des mar-
ch�s &: des promenades. M. de Choifeul,
Archev�que de Cambrai, ayant auffi cho�i�
l'Auteur de cet ouvrage pour b�tir fon Pa-
lais Archi�p�fcopal (</)$& fatisfait des plans
qu'il avok faits pour Strasbourg , l'a aui��
. ~(q) Le f�cond volume de ce Cours contiendra les
Plans de cet Archev�ch�. L'irr�gularit� du terrein nous
a fait na�tre l'id�e d'un projet d'une forme nouvelle, qu'on
poura comparer avec le Palais Epifcopal de Metz : Palais
s-
-ocr page 149-
Introduction. ι .17
charg� d'en donner pour les travaux que
l'on defire faire dans,cette ville.
Tel eil enfin ce que nous avons cru de-*
voir dire fur ce que l'Archite&ure an-
cienne & moderne peut offrir de plus in-
t�rei�ant aux amateurs & aux Aruftes qui
ont dei�ein de puifer les connohTances
pr�liminaires de cet Art recommandatie
par lui-m�me, &i� utile � toutes les Nations
civilif�es.
PaiTons � pr�fent � l'utilit� de [qs diff�-
rentes productions > enfuite nous exami-
nerons le degr� de fup�rior�t� qu'il a ac-
quis fur les Autres Arts lib�raux qu'il a
fait na�tre , & qu'il fait ai�ocier � fes pro-
ductions : nous donnerons apr�s cela quel-
ques obfervations fur la maniere d'�tudier
cet Art.
dont nous avons donn� les defl�ns, & qui, projet� dans-
un terrein plus r�gulier, offrira le contraire int�reffant
des productions de Γ Architecture, dirig�es Λ ou par les
pr�ceptes, ou par les reffources de l'Art..
*Φ*
M
-ocr page 150-
ji$ Introduction.
DE L'UTILIT�
DE L'ARCHITECTURE,
JN ο υ S venons de voir , en parlant de
l'Origine de l'Architecture, qu'auffi-t�t que
les hommes eurent commenc� � fe ra/Tem-
bier ? a jouir des douceurs de la foci�t�,
Ils eurent befoin de cet Art pour fe procurer
des demeures cpmmodes & durables. En
effet, c'efl par fon fecours, que dans la fuite
on �leva des monuments qui procur�rent des
places convenables aux chefs d'oeuvre des
plus habiles Sculpteurs, Se des plus grands
Peintres, &: par ce moyen leur aiTurerent une
dur�e confiante 5 c'eil encore par lui que
l'Architecte �clair� fait employer l� utile-
ment la pierre , le marbre a le bronze , avec
�e choix ξζ avec |a prudence d'une i�ge
�conomie.
Oeil l Architecture qui fait �clore tous
les genres de talents relatifs aux befoins
des hommes, qui fait na�tre l'�mulation des
Citoyens vou�s aux Beaux-Arts, d�termine
les grands Princes � encourager les talents
$ajl��nts § �c � r��ompenfer }§s tal�n�s acquis,
-ocr page 151-
In τr ob υctι ο Wi          11%
C'eil elle qui d�termine le plus grand nom-
bre des propri�taires � �lever des �difices
o� la folidit�, la commodit� & l'agr�ment
fe trouvant r�unis, fournuTent aux �tran-
gers tant de diff�rents objets propres � une
imitation utile &; r�fl�chie.
Si nous conf�d�rons ce que nous devons
a Γ Architecture , &: tous les avantages, que
nous en recevons, nous trouverons que les
tr�ibrs de la nature ne font v�ritablement
� nous, que parce qu'elle nous en ai�ure
une tranquille poiFeffion $ n'eil-ce pas elle qui
procure � nos demeures la falubrit�, par le
choix de leur iituation? qui nous enleigne
en empruntant les fecours de la m�canique
de de l'hydraulique, non-feulement � �lever
& amener les eaux dans nos jardins de pro-
pret� , mais auffi dans les d�pendances hs
plus �loign�es de nos habitations ?
C'eil elle qui, dans nos Cit�s, confin�t
des Ponts, des Ports, dus Quais, des Halles,
des March�s, des Magafins pour les grains
des Arcenaux, des Cazernes y des H�pitaux,
des Aqueducs > des Fontaines, des Manu-
factures , des Prifons, & enfin des S�pul-
tures publiques. Tous ces monuments utiles
aux Villes libres , a�ni� qu'aux Villes fron-
ti�res, quand ils font dirig�s par des Artiiles
du premier m�rite, acqui�rent chacun en
particulier un caract�re diftin&if ; δ: en an*
H iv
-ocr page 152-
τ%ο In τ ro du ct ι ο ν.
non�ant la capacit� de Archite&es qui em
ont donn� les de�Rns, ils t�moignent en
m�me temps l'opulence des Citoyens.
C'eil notre Art qui �rigeant des Temples,
� la Divinit�, met les fid�les � port�e de
pratiquer le culte ext�rieur de la Religion;
il joint la grandeur �c la dignit� � une foli-
dit� immuable , dans la difpoi�tion des
M�tropoles, des Eglifes Paroiffiales & Con-
ventuelles , enfin dans tous les monuments
facr�s, �lev�s par la pi�t� �c la magnificence
des T�tes Couronn�es : dans ceux-ci fur-
tout il pr�f�de au choix des mati�res , a
celui de rordonnance , & au bon go�t
des ornements, qui, dans tous ces diff�-
rents genres d'�difices, doivent s'annoncer
avec cette fup�riork� que les Beaux- Arts
r�unis favent mettre en �uvre.
C'eft l'Architecture qui commande au
courant des rivi�res $ c'eil par elle qu'on
parvient � deiT�cher les marais > que l'on
convertit en campagnes fertiles , les terreins.
les plus incultes, en les d�livrant des vapeurs
malignes qui nous cauferoient des maladies
�iangereufes & peftilentielies.
Elle change a ion gr� 5 elle adoucit le
cours imp�tueux des grands fleuves , elle
r�prime leurs efF�rts par des digues, des,
lev�es §C autres mafTes foJides qu'elle leur-
M
-ocr page 153-
Introduction.         ni
pppofe j 5c en les retenant dans leur lit, elle
les force de fervir utilement � la navigation.,
Si l'ardeur du foleil a tellement �puif�
l'humidit� de la terre, qu'elle n'en ait plus
ail�z pour fournir � la nutrition des l�gu^
mes & des fruits, l'Archite&ure nous ap-
prend � faigner les rivi�res, &: �. pratiquer
des canaux � travers les campagnes, pour
les arrofer & leur rendre cette f�condit�
naturelle, qu'une trop grande aridit� leur
avO�t enlev�e.
L'Architecture Navale b�tit aui�� des
Ports y elle remplit la profondeur de la mer
par des monceaux �normes de diverfes ma-
ti�res ; elle avance des m�les fur les plages
d�couvertes, & arr�te par fts travaux la
violence des vagues j on fait combien ces
diff�rents ouvrages font n�ceifaires pour la
conilrudion si la confervation, �es navires
Se autres b�timents maritimes,
Ce genre d*Archite&ure nous a appris �
conftruire des vaiiTeaux qui nous ont enrichis
des tr�ibrs du nouveau monde, & qui nous
ont ouvert le commerce des pays les plus
�loign�s. C'eft aux travaux de l'Architede
qu'on doit le tranfport des Colonies �c la-
fondation de plufieurs Villes floriffantes
fur des c�tes o� l'on n'ofoit aborder avant
('�tude de ΓArchitecture nayaie..
-ocr page 154-
�ii      Introduction.
Mais tous ces biens, tous ces avantages
nous feroient devenus �nfru&ueux, i� l'Ar-
ch�te&ure Militaire ne nous e�t appris �
lts conferver. Pour cela elle nous a enfei-
gn� � d�fendre nos Villes, par des baillons,
des foif�s 9 des chemins couverts, des con-
trefcarpes & autres ouvrages de ce genre >
en forte que i� nos ennemis deviennent aifez
prodigues de leur fang, pour venir nous
attaquer dans nos foyers, elle nous enfe�gne
couper leurs attaques par de continuelles
traverfes, &c � loger plus d'hommes & de
canons dans nos flancs, qu'ils ne iauroient
nous en oppofer du c�t� par o� ils vou-
droient nous forcer.
Si au contraire nous croyons devoir les
attaquer dans leurs fortereiTes, elle nous
apprend comment il faut conduire nos
tranch�es pour qu'elles ne foient point en-
fil�es 3 & comme il convient de diipofer nos
redoutes & nos places d'Armes, pour n'�tre
point iurpris par les forties des affi�g�s.
Si Γ Architecture � tant de part � la vic-
toire , elle n'en a pas moins � la magnifi-
cence du triomphe. Elle �lev� des troph�es
iur le champ de bataille, elle raifemble les
re&es des braves Citoyens qui ont r�pandu
leur fang pour le fervice de la patrie, �
deiTein de les conferver dans des monu-
ments dei�in�s � faire revivre leurs noms &;
>":
-ocr page 155-
Introduction.          113
leurs a&ions fur le marbre bc fur l'airain $
& pour rendre encore ces monuments plus
glorieux , elle y repr�fente les Chefs des
Nations vaincues, encha�n�s & humili�s, &.
leur fait porter le poids des entablements �
en un mot, elle fe fert de tous les moyens
que l'Art autorife, pour �terniier la r�com-
penfe que m�rite la vertu des conqu�rants ,
ou les ch�timents d�s � l'infolence ou � la
t�m�rit�,
L'Architedure Civile Me s'emprefle pas
moins � c�l�brer-le retour du vainqueur,
en le faifant paiTer ious des Arcs de Triom-
phe qu'elle fait �riger � fa gloire , Se
qu'elle enrichit de fymboles 6c d'orne-
ments exquis, par lefquels elle annonce �
la poft�rk� le pouvoir des Princes de la
terre, & les efforts du g�nie des Artiites.
Par-tout le Monarque y conf�dere., les
ouvrages de g�nie que Ρ Architecture a
enfant�s pour lui offrir des f�tes, �c par-
l� manifeiter l'al�greife des peuples qu'il
a fous fa domination. Il eil �tonn� des
ftatues qu'elle a fait fondre du bronze
enlev� fur l'ennemi 5 il contemple avec une
fecrette admiration des colonnes triompha-
les , des pyramides all�goriques , &: mille
autres productions, qui toutes annoncent
P�clat d� fa vicloire, de fa cl�mence &;
de fa bienfaifance.
-ocr page 156-
|24           ΙΝ Τ R Ο Ι>Ί7 G Τ Ι Ο 2ν\
Enfin au retour de Ja paix, l'Architec-
ture d�ploie de nouveaux prodiges ; c'eft
alors qu'elle s'occupe pour le d�lafTenient
des Citoyens & l'ornement des Villes,
�lever des th��tres, des cirques , des porti-
ques , des bains, des biblioth�ques , des
places publiques, des promenades qui ma-
nifeftent la gloire du Prince, & la douceur
d'un regne �clair� &: devenu paii�ble par (es
triomphes & fes iiicc�s.
Tant davantages qui, en nous annon�ant
l'utilit� de l'Archite�ure, nous annoncent
auff� fa magnificence , lui donnent fans
contredit la pr��minence (r) fur tous les
autres Arts quelle feule r�g�t, en les ai�o-
ciant � fes travaux : convaincus de cette
(r) Nous avions craint long-temps que f amourque
nous portons � notre Art, ne nous eut fait, au pr�judice
de la Peinture &: de la Sculpture , donner la pr��minence
� l'Architefture j cependant nous avons con�u que cette-
expreflion ne pouvoir paro�tre ni trop forte ni trop ha�*
fard�e } puifqu'elle fe trouve dans les Lettres - Patentes
de Sa Majeft� ( p. 4. ) donn�es � Paris au mois de F�vrier
1717, enregiftr�es au Parlement le 18 du m�me mois , &�
dont nous avons cru pouvoir rapporter ici l'extrait../!. » �'4|
» tabliflement de l'Acad�mie de Peinture & de Sculpture »,
»�tablie d�s Tann�e 1648, & confirm�e en 165� y , %
9> produit le bon go�t Se une grande facilit� pour rintelli�*.
»gence & Tufage du deifin , dont beaucoup de Palais ±,
», Maifons Royales & autres �difices font orn�s & d�co-
M r�s magnifiquement i & commeTArchitefture doit avoir
m la pr��minence fur les autres Arts, qui ne fervent, pour-
» ainf� dire que d'ornement dans les 4iff�r^{es.pA�tte&d�&
« �difice* j; nous ayons jr�folu Mj. &&�;».
-ocr page 157-
Ι ν τ Ro zur et ι ο ist. tij,
v�rit�, fans vouloir aiFoiblir l'excellence de
ia Sculpture, de la Peinture & du Jardi-
nage, rendons compte � nos Elev�s de la
fup�rior�t� de l'Architecture, dans le deiTem
de les exciter � fe rendre v�ritablement di-
gnes un jour de s'illuftrer dans ce bel Art5~
qui lui feul fuppofe la plus grande partie
des connohTances des fc�ences > des arts
utiles, des arts de go�t &: des arts agr�ables.
Si l'Architecture eit, comme nous venons
de le voir, le plus utile des arts, nous pou-
vons dire ici qu'elle eil auffi le plus ancien,
puifqu'eile � ferv� � pr�ferver d'abord les
hommes des intemp�ries des faifons.
Tous les Arts lib�raux, & m�me la plus
grande partie des Sciences, n'euiTent peut-
�tre jamais exift� fans l'Architecture. Ne
paro�t-il pas de la plus grande probabilit�,
qu'on ne peut rapporter leurs d�couvertes
qu'� la communication r�ciproque des id�es
de l'homme. Or cet effet n'a pu fe produire
que dans la foci�t� r�unie &; par les op�-
rations r�it�r�es des facult�s Pefprit humain.
Sans l'Architecture, que feroit devenue la
foci�t� ? A quoi nous ferviroit notre ma-
niere de fentir ? Que feroit devenue notre
induftrie, notre intelligence ? Parcourons
rhiitoire, nous y verrons que lorfque l'Ar-
chitecture eit parvenue � atteindre une cer-
-ocr page 158-
\
i%� Intro nu er � o Ν*
taine conild�ration chez une nation, fori
go�t, fa fplendeur &; fa puhTance ont
acquis le plus grand �clat.
Nous pouvons le dire ici : la fup�rlorit�
d� PArchite&ure d�pend bien moins de la
perfection de chacun des Arts qu'elle fait
concourir � fes op�rations, que du choix
plus pu moins judicieux qu'elle en fait
faire, & de l'habilet� avec laquelle elle lel
fait fervir � {qs vues. Qu'on ne s'y trompe
pas 5 le g�nie cr�ateur & f�cond de Γ Ar-
chitecte eft l'�me des Artiites qui travail-
lent ibus ies ordres : quelque pr�cieux qu'ils
fo�ent, ils ne font entre ihs mains que des
inilruments au moyen defquels il doit ex�-
cuter le projet qu'il m�dite ; ce font autant
de puiifances qu'il fait calculer , '& qu'il
multiplie ou modere � fon gr� pour, pro-
duire les plus grands effets. En un mot,
les Sciences ■& Iqs Arts font des reiforts
par lefquels l'Architecture fe meut &; op�re :
ils peuvent � la v�rit� agir fans elle , &c
�jroduire des chefs d'�uvre 5 mais alors
eurs productions font born�es. Ce n'eft que
de leur union avec l'Architecture, que r�-
fuite l'effet auquel nous devons une maniere
d'�tre & une jouiifance plus heureufe & plus
parfaite.
Que ne doivent point a PArchke&ure
la plupart des Nations qui pr�tendent Pern-
-ocr page 159-
Ijsrr rojo�ct ι ο ν. tij
porter fur celles que la providence a plac�es
pr�s des Poles ou dans des climats d�ferts
& br�lants. Les Arts dont la vanit� hu-
maine s'honore le plus chez ces peuples, 6c
ceux dont les preiliges flattent le plus leurs
fens, fe bornent � occuper leurs loii�rs j
mais la perfection de l'Architecture feule,
efl le fruit de la fage & prudente �cono-
mie , & de la politique des plus puiiTants
Gouvernements > elle eft l'objet important
de rinduftrie de leurs Citoyens > elle iadsfait
� leur luxe > elle pourvoit � leurs befoins s
elle donne aux plus grandes entreprifes la
folidit� n�ceifaire pour braver les temps, Se
fert � faire palier a la poit�rit� la m�moire
des Conqu�rants.
Tous les Arts lib�raux 9 fans doute, font
�galement e�limables lorsqu'ils concourent;
au bien public, � l'utilit� des Citoyens &:
� la gloire de la Nation j ils n'augmentent
d'eilime ou de valeur qu'� raifon des con-
ventions �tablies dans la foci�t�. Le La-
boureur qui cultive la terre , l'Artifan qui
vit d'un travail p�nible eft, nous ofons le
dire ici, aui�� eilenciel a l'Etat que le Guer-
rier qui combat l'Ennemi , & que le
Magiftrat qui fait parler les Lois, S'il eil
donc quelque pr�f�rence , quelque pr�-
dilection attach�e � une de nos conno�flan^
ces, elle ne peut convenir qu'� celles qui -,
-ocr page 160-
1*8          ϊ Ν Τ RO DU Cf � O ft.
en devenant les plus utiles, fuppoferit l�
plus de g�nie ? d� dignit�, &c annoncent le
plus de magnificence. Si ce que nous avan-
�ons ri5eil pas fans fondement ? on doit con-
venir de la fup�riorit� que l'Archite&ur�
doit avoir fur tous les Arts. Nous ne r�p�~
terons point ce qui regarde fort utilit�, elle
�il inconteftable. Mats nous fommes forc�s
de convenir que c'en: un Art difficile i &
qu'un boii Archite&�,, tel que nous l'enten-
dons, ne peut �tre coniid�r� comme uri
homme ordinaire. Nous l'avons vu ailleurs,
l'Archite&ure fit des progr�s lents j certaine-
ment les autres Arts en ont fait de plus
rapides. LaPe�nture & la Sculpture que nous
cpftinguons ici entre hs Arts lib�raux i font
des Arts d'imitation 3 Γ Architecture au con-
traire cr�e plut�t les objets qu'elle ne les
imite y elle ouvre un champ ν aile � l'ima-
gination & au g�nie de l'Architecte. D'ail-
leurs la Peinture particuli�rement f� par-
tage en plui�eurs clafTes. L�s hommes c�l�-
bres* excellent chacun f�par�merit dans
I'Hiftoire, la marine r la d�coration d�s
th��tres, &c, L'archite&ure eft une, il ne
iuffit pas d'�tre d�corateur, diitributeur ou
conftructeur pour m�riter le titre de grand
lArchite&e > il faut r�unir fup�ri�urement
ces trois branches, &; leur aiTocier les con-
ftoiflances de tous les autres Arts qui lui
ibnt
-ocr page 161-
In TR §b? υ er ι ο ν.          129
font fubordonn�s. C'eft de ces diff�rentes
�tudes combin�es, que na�t la fup�riorit�
de l'Architecture.
De tous les A rtiftes* Γ Architecte eil celui
qui, apr�s l'op�ration, peut le moins re-
venir iur fes pas. Avant de jeter une ftatu�
en bronze, le Sculpteur conilike la nature
&: fait pluiieurs mod�les 3 un Peintre ha^
bile peut faire des changements utiles � fon
tableau j un homme de Lettres peut corriger
fon ouvrage � une f�conde �dition j un.Muf�-
cien du premier ordre arrive � un plus haut
degr� de perfection par les eifais qu'il peut
faire de �qs comportions y l'Architecte eft
le feul qui doit juger de l'effet de fon �uvre
avant de p�ifer � l'ex�cution. Ses ouvrages
font plus �tendus, la main d'oeuvre, l'�cono-
mie des mati�res apporte fouvent des chan-
gements indifpenfables dans fbn projet, &c
en changeant l'accord des parties au tout &
du tout aux parties, lui fait employer des
licences dont il ne s'apper�oit,la plupart
du temps, que lorfque fon �difice eft � ia
fin. Il lui faut d'autres occaiions pour ie
corriger de fes premi�res fautes: non-feule^
ment elles font rares j mais combien d'Ar-
chitectes de m�rite ont fini leur carri�re
fans avoir eu Pavantage de fe trouver �
la t�te d'une de ces grandes entreprifes, qui
feules font les grands hommes dans ce genre
Tome L
                                       I
-ocr page 162-
<Χ^Ο           ΙΝ Τ RO DUtT I Ο Ν.
de talent? Les atteliers des meilleurs Artiftes
peuvent produire des chefs d'oeuvre pour
des ibmmes peu coniid�rables j les �difices de
marque exigent des d�f>enfes illimit�es j ce
ne font que les plus puhTants Princes v les
Cit�s les plus opulentes, � qui il appar-
tient de former des Architectes c�l�bres.
Les Michel-Anges, les Bernins, en Italie j
les Manfards , les Perraults, en France , ont
prouv�, par leurs ouvrages, la fup�riorit�
de leurs talents, & la pr��minence de leur
Art, compar� avec toutes les autres pro-
ductions qui fe font faites de leur temps.
Que ne pourions-n�us pas efp�rer d'un tel
Art, il les feu�s v�ritables Architectes �toient
appel�s � manifefler la grandeur de nos
Rois, & � �lever les monuments fameux ,
confacr�s � l'immortalit� !
Aucun de nos Elev�s ne doit ignorer que
la Porte Saint-Denis, leP�riilyledu Louvre,
le Vat-de-Grace, le Ch�teau de Ma�fons >.
l'Orangerie & les Ecuries de Verfailles,
font autant de chefs d'oeuvre capables de
prouver � tout homme impartial, que ces
■ monuments �c leurs auteurs, ont aiTur� �
�l'Architecture le droit de pr��minence fur
tous les autres Arts qu'elle aiTujettit � fes
lois.
Apr�s avoir parl� de la fup�riorit� de
-ocr page 163-
Intro nu er ι on.           13t
l^Archite&ure , nous croyons devoir finir
cette Introduction eiTencielle pour infpifer
� nos Elev�s l'amour dts Beaux-Arts, par
leur indiquer les moyens de devenir un
jour eux-m�mes de grands Archite&es,
aini� que les connoiilances qu'ils doivent
joindre a l'�tude de cet Art,
Moyens d*acqu�rir tes talents n�cejfaires � un
Architecte.
? Dans tous les temps les Archite&es ont
�t� n�ceifaires � la ioci�t� ; ils fe font attir�
les hommages publics de toutes Iqs Nations
civilif�es. Que de cottnouTances en effet,
ne faut-il pas � un Archite&e ? Vitruve l'a
dit avant nous 3 il doit conno�tre les math�-
matiques, fe rendre le dei��n familier, �tre
initruit de l'hiftoire des Belles - Lettres ,
s'accoutumer � obferver les hommes., � p�-
n�trer leurs go�ts, leursbe�oirts, leurs rangs,
leurs diftin&ions ; il doit favoir fe replier
fur lui-m�me, &: d'apr�s fes fenfations par-
ticuli�res, fes obfervations �c beaucoup de
tentatives , faire paifer les chefs d'�uvre
del� nature �c les beaut�s de l'Art, dans
les ouvrages importants, confi�s � fes foins.
;-Il doit pr�liminairement fe rendre raifon
des licences qu'occaf�onne prefque toujours
raifociatioii des trois branches de l'Art.
-ocr page 164-
ij 2        Introduction,
Ceft � lui � pr�voir les ph�nom�nes de
la vue, & les lois de l'optique, a fuivre les
pr�ceptes, &; � fa voir cependant s'en �carter
quelquefois, quand il s'y trouve forc�, 8c
ielon le plus ou moins d'importance de
^s eiitreprifes.
          '             /;*�-i ii?p
L'habile Architecte fait p�n�trer dans les
myfteres-de l'Art ; pour cela il doit �viter
dans fes comportions tout ce qui ne pr�^-
fente qu'une abondance it�rile j il doit ap-
prendre � m�nager fes moyens pour ne
pas confondre le caract�re particulier qui
convient � chaque �difice : il doit favoir
paiTer par des traniit�ons heureufes du grave
a l'�l�gant, du i�mple au compof�j varier fes
productions, en n'employant tant�t que des
mail�s fortes ou l�g�res^ .des formes racour- (
cies ou pyramidales , rectilignes ou i�nueu-
Ces-�, tant�t en donnant plus ou moins de
mouvement � fes plans , foit en affectant
des corps continus, rfoit en pr�f�rant des
corps avanc�s ;& des corps interm�diaires.
Sans d�roger � I'efprit de convenance, il
doitfouvent pr�f�rer des beaut�s f�eres &:
m�les,'� un caract�re; doux & na�f 5 quelque-
fois au contraire, Urem ploie les gr�ces l�g�-
res, 'itk.d�licates de l'Art.
; II; faut favoir que l'Architecture , ies
pr�ceptes � part, eil un Art de go�t, de
g�nie 6c d'invention j que quelquefois m�me
-ocr page 165-
Introduction.           133
©η peut & l'on doit s'affranchir de certaines
r�gles. Ne vouloir jamais s'en �carter, c'eft
rifquer de tomber dans la f�cherei�� & la �le-
ril�t�. Il eil vrai qu'il n'eft pas toujours poi��-
ble � l'Architecte de rendre raifon de tous
les ornements qu'il emploie 5 il fuffit commu-
n�ment de les rendre vraif�mblables, & de
faire en forte qu'ils pu�ifent fixer agr�able-
ment les regards : mais ce que nous difons
Ici ne comprend que la Sculpture. L'Archi-
tecture , proprement dite , voit autrement.
Dans les �difices d'importance, elle a pour
objet la diipoi�tion g�n�rale des b�timents
principaux & d� leurs d�pendances. Elle
voit tout en grand j elle pr�f�re dans nos
Villes, � la d�coration des fa�ades , des
acc�s & des communications faciles.,, elle
s'occupe de l'alignement des rues;, des
places, des carrefours, d� la diffribution des
march�s, des promenades publiques. Au
reite, il eil des ornements accept�s par
l'ufage que l'habitude a rendus n�ceffaires,
quoiqu'ils n'aient d'autre autorit� que le
fuf�r�ge �niverfel ; ils contribuent quel-
quefois � donner encore plus d'�clat a.
l'Architecture : de ce genre font les ilatues,
les troph�es, les vaies, les cand�labres,
qu'on place ordinairement fur les baluflra-
des ou devant les attiques, fans autre motif
que la magnificence > les ornements taill�s
lu]
-ocr page 166-
134          Introduction.
fur les moulures des fa�ades ext�rieures,
richeiie n�anmoins qui devroit �tre r�fer-
v�e pour le dedans des appartements; les
m�daillons qui peut - �tre devroient �tre
confacr�s pour les f�tes publiques 3 les t�tes
humaines 3 lesmafcarons qu'on place fur les
claveaux d�s portes, des croif�es, & aux-
quels on devroit pr�f�rer les clefs, les agra-
fes
que plui�eurs de nos b�timents c�l�bres
nous offrent pour exemple 3 les bas-reliefs,
ordinairement enferm�s dans des tables, &;
dont la pet�teiTe du module devroit porter
� ne les admettre que dans l'int�rieur de
nos Temples, ou dans les tr�s-grandes pi�ce«
de nos habitations 3 enfin les bl�ions, les
fupports que l'oftentation fait placer dans
les tympans i fur les frontons de nos b�ti-
ments , &c quelquefois m�me � ceux des
�difices facr�s, contre toute id�e de vraif-
femb�ance , pendant qu'ils ne devroient
trouver leur place que pour fervir d'amor-
tilTement fur les portes de nos H�tels , 6c
fur celles de la demeure de nos riches par-
ticuliers : car cette efpece de fculpture ,
ainf� que les pr�c�dentes, paro�tplus tenir �
l'arbitraire qu'au raifonnement. On ne l'em-
ploie donc que parce que la plupart des
Archite&es p�fent plus commun�ment les
fufTrages de la multitude, qu'ils ne comptent
ceux des grands Ma�tres, qui, quoiqu'on
-ocr page 167-
Introduction. , 13 j
petit nombre, doivent avoir la pr�pon-
d�rance fur le vulgaire.
Pour parvenir � clioiiir avec go�t ce que
nous devons imiter ou rejeter des produc-
tions de nos pr�d�ceileurs , nous l'avons
d�}a dit, nous le r�p�tons j il faut que les
Elev�s en Archite&ure regardent le dei��n
comme la baie de toutes leurs op�rations,
non pour devenir Peintres, Sculpteurs ou
D�corateurs , chacun de ces Arts exigeant
en particulier qu'on s:y livre fans r�ferve y
mais parce que pour �tre bon Architecte ,
il leur convient de favoir ai��z bien dei��-
ner la figure , l'ornement, le payfage, les,
r�gles de la peripe&ive, &: l'art de modeler,
afin de pouvoir devenir au moins de juiles
appr�ciateurs des talents des Artiiles qu'ils
doivent affocier un jour � leurs travaux.
Que n�anmoins ils foient bien perfuad�s
qu'il leur eil �galement dangereux d'igao-
rer abfolument toutes ces fciences, comme
de s*y livrer avec cette fougue &i cet en-
thoufiafme qui les �gare prefque toujours,
au-del� du but qu'ils doivent fe propoi�r j
car, dans le premier cas, leurs compofitions
froides �tant d�pouill�es des ornements
deftin�s a les embellir, ils. font oblig�s de
les faire paifer dans, de nouvelles mains,,
qui fouvent en abufent j en forte que ces
beaut�s 7 qui ne devroient �tre cafaccefi-
I h
-ocr page 168-
x$& In tro&uction:
foires dans l'Architecture , deviennent au-
tant d'obitacles aux beaut�s primordiales
qui en con-ftituent l'efTence.
Que nos jeunes Arcliite&es �vitent auffi
avec foin de fuivre aveugl�ment les orne-
ments qu'une mode pafTagere femble auto-
rii�r j'que fur-tout ils fuient l'imitation des
ouvrages qui n'ont aucun genre ni aucun
caract�re particulier , & qui fe trouvent
tels, parce que leurs Auteurs �gnoroient
ce qui conftitue le vrai beau Se le beau
id�al. N'avons-nous pas vu les ornements
frivoles des dedans paifer dans les dehors?
abus qui a mbf�it� long-temps. Aujourd'hui
par une inconi�quenee tout aui�� condam-
nable , on applique le ilyle grave des dehors ?
dans l'int�rieur des appartements: on donne
� nos meubles , ce que 'l'exp�rience nous
avoit appris � �viter, je veux dire , les
formes quarr�es dont les angles bleifent
l'�uil , nuifent �■ � la circulation des per«,
fonnes afTembl�es dans nos demeures, ..&
fouvent on s'appuie du pr�texte que ces
formes font imit�es des Grecs, fans r�fl�-
chir que ces peuples ne les employaient
que dans leurs Temples ^u dans la d�cora-
tion ext�rieure de leurs �difices publics y &
qu'elles ne conviennent jamais% ou que tres
rarement, dans les choies d'agr�ment ou
d'un ufage journalier. Quoi de plus abfurde
-ocr page 169-
Int rob u er ι ο ν.          137
par exemple, que de charger les lambris d'un
boudoir, des m�mes feftons compof�s de
feuilles de ch�ne & de laurier , dont on
d�coroit � Rome les Arcs de Triomphe
deftin�s � faire paiTer � la poft�rit� les
victoires du H�ros ? inadvertance peut-�tre
plus r�voltante encore , que les rocailles Sc
les ornements Chinois ? qu'on a prodigu�s
pendant vingt ann�es dans tous nos b�ti-
ments , & m�me jufques dans l'int�rieur de
nos Temples. Que nos Elev�s y prennent
garde j il faut du choix dans l'imitation :
qu'ils apprennent m�me � douter de tout ce
qui vient de leur propre fond, qu'ils confiil-
tent leurs Ma�tres j qu'ils s'inftruifent avec
les Artiftes c�l�bres & avec les Citoyens qui
s'int�reifent � leurs fucc�s �■> qu'ils leur faf-
fent fouvent part de leurs projets.} qu'une
noble �mulation anime leurs travaux : utile �
tous les �ges, elle doit �tre l'apanage du jeune
Artifte : qu'ils �tendent beaucoup plus loin
les bornes de leurs connoii�ancesj que fur-
tout ils foient modeftes fans timidit�, hardis
fans pr�fomption ; qu'ils vii�tent fouvent les
chefs d'�uvre du iiecle paiT� , pour les
comparer avec la plupart de ceux qui s'�l�r*
vent de nos jours ; qu'ils �vitent principale-
ment l'incertitude dans laquelle marchent
quelques-uns de leurs �mules , qui , au
m�pris des v�ritables r�gles de l'Art, fem-
-ocr page 170-
13 S          Introduction,
blent, a l'cnvi les uns des autres, �lever
dans cette Capitale, des b�timents � peine
dignes de la barbarie des onze & douzi�-
me i�ecles : barbarie , nous oibns le dire
ici , qui fubi�ftera , tant que la plupart
de ceux qui fe vouent � l'Architecture,
embraiTeront l'�tude de cet Art, ceux-ci
par occafion, ceux-l� par dus vues d'int�r�t >
les uns par d�i�uvrernent, hs autres parce
qu'il faut �tre quelque chofe; tr�s-peu par
go�t, par inclination , &: avec la noble
ardeur de devenir c�l�bres : d'o� il refaite
tant de talents manques , tant de produ-
ctions informes , tant de d�corations extra-
vagantes , gigantefques ou pu�riles;, qui
annoncent la d�cadence du go�t. Ces
d�fauts fe perp�tueront, tant que la plupart
dts Elev�s relieront fuperf�ciels , qu'ils
auront recours � l'importunit� , qu'ils bri-
gueront par faveur , par protection , des
entreprifes qui ne devroient �tre confi�es
qu'au vrai m�rite, � l'exp�rience & � l'�n*-
ti�grit�.
Deux inconv�nients �galement pr�judi-
ciables aux progr�s de l'Art, contribuent
aux reproches fond�s que nous ofon$ faire
ici � pluiieurs de nos jeunes Architectes ,
M m�me � notre i�ecie -, le premier, de ne
pas faire affez commun�ment entrer pour
quelque chofe dans l'�ducation des hommes
-ocr page 171-
In r o du c τ τ ι ο ν.         ij 9
bien n�s, les connoiiTances �l�mentaires d'un
Art i� recommandable5 le f�cond;, la pr�-
cipitation du d�but de nos Elev�s. Ceux-ci
contents des premi�res notions de l'Art, ne
pr�voient pas qu'il faut pour parvenir � fes
/iicc�s, non-feulement une profonde th�o-
rie , une tr�s-grande pratique, une longue
fuite d'exp�riences 9 mais encore l'�tude des
grands Ma�tres , qui nous ont pr�c�d�s >
�tude ians laquelle ils ne peuvent jamais par-
venir au i�mple, ni atteindre au fublime. Ce
beau, cette noble /implicite, doit fur-tout
caract�rii�r les diff�rents �difices qu'on �rige
dans cette Capitale, dans fes environs, dans
nos Provinces j & il eft int�relTant que les
perfonnes en place, charg�es de la gloire
&: des int�r�ts des Peuples , la connoiiTent,
pour favoir au moins d�iHnguer les produ-
ctions des Architectes d'un vrai m�rite d'avec
les comportions des Architectes fubalternes,
pour fe rappeler avec �tonnement la folidit�
immuable des monuments de l'Egypte fous
S�foftris j la beaut� des proportions des
�difices des Grecs fous P�ricl�s j la perfe-
ction des ouvrages de l'ancienne Rome fous
les C�fars, de Rome moderne fous L�on X>
enfin le go�t de cet Art i� naturel � la nation
Fran�oife, & qui s'eft manifeft� il fup�rieu-
rement fous Louis le Grand.
Si nous d�i�rons que l'homme d'Etat ac-
-ocr page 172-
140 Introduction.,
qftiere des connoiifances i� utiles � tout Ci-
toyen , <jne nos Elev�s fentent combien il
leur eil autrement important d'entrer dans
tous les d�tails de cet Art} d�tails qui font
feuls capables d'�lever l'Art�ile au-deiTus >
de lui-m�me , lorfqu'il a fu parvenir � un
certain degr� de perfection : qu'ils voient
combien au contraire il leur feroit humi-
liant de ramper baifement dans la m�dio-
crit� , fans pouvoir jamais m�riter l'eilime
de leurs Contemporains , ni celle de la
poni�rit�. Que fur - tout ils fe fouvien^
nent que dans la jeunei��, l'imagination
prend fou vent la place des pr�ceptes, & que
dans ion premier eflor elle choiiit plut�t les
beaut�s hafard�es, que les beaut�s r�elles 5
qu'ils f�chent que cela ne leur arrive pr�ci-
iement que parce qu'ils ne mettent pas aiTez
d'ordre dans leurs id�es, dans leurs �tudes,
&. que leurs diitra&ions leur font fouvent:
perdre le fruit des pr�ceptes qu'on leur enfef-
gne. La plupart des jeunes gens font domi-
n�s par l'amour-propre; &; ce d�faut leur
fait oublier , qu'apr�s la chaleur de la com-
poi�tion ils doivent revenir fur leurs pas,
δζ fe corriger �" lo�iir 5 qu'il doit toujours
y avoir une diff�rence tr�s - coiii�d�rable
entre le premier projet & les plans i�r
lefquels on doit b�tir 5 que cette der-
ni�re id�e doit les fuivre par-tout, en tout
-ocr page 173-
�NTRODU CT I O Ν.          14t
temps, & dans toutes les occafions; que dans
la conception d'un projet il fuffit d'avoir
en vue la difpoiition g�n�rale? mais que
quand on met la main � l'�uvre, c'eit alors
�particuli�rement qu'il s'agit d'approfondir
es r�gles de l'Art, l'efprit de convenance
�c les lois de l'�conomie : qu'il faut i�voir
faire des facrifices, au d�faut des principes
avoir recours aux reiTources de l'art 3 qu'en
un mot, dans le d�but de fa compofition
il faut de la fagacit�, 8c f�lon l'occafion, de
l'enthouiiafme * dans la fuite au contraire,
du flegme, de la retenue , & des combi-
naifons.
                                                lh?%
Pour arriver � ces diff�rents degr�s d�
perfection , nous confeillons � nos Elev�s,
avant d'ofer entreprendre un vol trop ra-
pide, de commencer par des comportions
l�mples & faciles, de foumettre leurs pre-
miers erForts � des hommes �clair�s, qui
puuTent leur en faire fentir les plus l�gers d�-
fauts. Nous les exhortons � ne jamais palier
i un f�cond projet, que le premier ne foit
enti�rement retouch�, 6t qu'il�n'ait �t� de
nouveau fournis �u; jugement des Ma�tres
-de l'Art. Nous les engageons � ne fe paiTer
rien , � ne n�gliger rien, � ne rien omettre}
cette f�v�rit� eil le feul moyen qui punie
les conduire au fa�te de l'Art. Sans toutes
: ees pr�cautions, ceux qui i auroient d�j�
-ocr page 174-
142 Introduction.
donn� des efp�rances, & laiiT� entre-vo�r des
�tincelles de leur g�nie , ne produ�roient
dans la fuite que des comportions foibles \
L�.
quelquefois m�me au-deifous du m�diocre.
Qu'ils fe rei�buviennent tous, qu'ils ont be-
foin d'�tudier encore pour devenir des hom-
mes, qu'il n'y a qu'une �tude fuiv�e & appro-
fondie qui puiife en faire des Archite&es du
�)remier ordre 5 qu'il eil n�ceifa�re de puiier
es pr�ceptes � leur fource : qu'ils s'accoutu-
ment � lire les bons Auteurs,� les commen-
ter, � les extraire: qu'ils vif�tent�plui�eurs
reprifes les mod�les c�l�bres que nos plus
grands Ma�tres nous ont laiiT�s pour exemr
:plesi qu'ils s'�prouvent plui�eurs fois dans
les comportions de m�me genre �c de genres
diff�rents j que leurs projets foient toujours
ai��jettis � des mefures donn�es, � des ouver-
tures d'angles prefcrites, aux in�galit�s d'un
fol qui exiite, afin de s'accoutumer de bonne
heure � vaincre les entraves inf�parables de
certaines efpeces de conitru�tions. Qu'en fui-
:V�nt ces cours, enfin, nos jeunes Citoyens
Tentent tout l'avantage de leur aiTociation
avec les Amateurs qui fuivent nos conf�-
rences, de qui , par leur exemple , doi-
vent leur apprendre ce que petit fur des
hommes d�j� initruits r le d�i�r d'aug-
menter la fomme de leurs connoii�ances j
avec ceux qui de nos Provinces viennent
-ocr page 175-
NTMO Dl/CT ΙΟ Ν.            143
puifer dans nos le�ons , le go�t de l'Archi-
tecture } pour le r�pandre un jour chez
euxj avec d'autres Artiiles, qui Tentant la
n�ceffit� indifpenfable de joindre au talent de
la Peinture & de la Sculpture qu'ils exercent
d�j� avec fucc�s, l'�tude de l'Architecture,
accourent fe perfectionner dans cette Ecole
des Arts y avec des Artifans qui tous les
hivers viennent ajouter � la pratique qu'ils
ont d�j�, les inftructions �l�mentaires que
nous donnons. Pluiieurs de nos Elev�s n�-
gligent ces �l�ments, parce qu'ils n'en Ten-
tent pas l'utilit�. Mais on a beau travail-
ler , fans lts �l�ments de l'Art, on ne peut
parvenir ni � la th�orie., ni � la pratique de
l'Architecture. Qu'une noble �mulation ani-
me donc nos Elev�s j qu'ils travaillent pour
leur propre gloire & pour celle de leur pa-
trie. Deilin�s pour la plupart � porter un
jour dansles pays les plus �loign�s, les mo-
d�les de nos productions, que leurs progr�s
atteftent � ces Peuples , que la nation Fran-
�oife ne le c�de � aucune de celles qui fe
font le plus iignal�es dans ce bel Art.
Finii�ons cette Introduction par l'origine
du Jardinage , de la Sculpture & de la
Peinture , autant d'Arts lib�raux , inf�pa-
rables de l'Architecture &c des connoiiTances
qui y font relatives.
-ocr page 176-
144 Introduction.
O RI G I NE
DE L'ART DU JARDINAGE.
JL' O e CUP ATION la plus v�ritablement
louable, effc fans doute l'Agriculture : aui��
cettefcience a-t-elle �t� long-temps la feule
qui ait fait le bonheur, & fix� les travaux
des hommes. Enfuite elle s'eil partag�e en
plui�eurs branches, qui toutes f�par�ment
ont contribu� � leur rendre la vie plus
agr�able &: plus commode. On eil parvenu
enfin � aiTocier la culture des terres avec
1'A.rt du Jardinage, d'o� font r�fult�es di-
� verfes productions, rang�es avec iim�trie,
ou difpofees avec ce beau d�fordre que
nous pr�fente le fpe&acle de l'Univers.
Perfonne n'ignore que dans tous Jes temps
les Chefs de famille, les Patriarches, les
plus grands Princes , ont encourag� l'indu-
�lri� des habitants de la campagne , & qu'ils
"n'ont pas m�me d�daign� d'y donner leurs
foins. Nous devons � ceux-ci une partie de
ce que X�nophon, Caton , Varron, Colu-
nielle ont �crit fur cette fcience, �r� d'au-
tres Ecrivains, diff�rents Trait�s qui nous
ont
-' ' '                                                              ■ "                             " \
.
-ocr page 177-
Ιμτ R o�>Vc τ ίο Ν.          145
ont appris � cultiver nos h�ritages, � rendre
nos moii�ons plus abondantes, � �monder les
arbres y � les grerFer, comme on a d� depuis
le Nautre , � Baptiile &c � Le Blond ; l'art
de rendre r�gulier un terrein montueux dans
ibnibl, & in�gal dans ion pourtour, � tracer
des parterres, � creufer des boulingrins,
� placer avec un certain ordre les rieurs, les
arbultes de les �rbruTeaux de toute eipece,
les grottes , les fontaines 9 les portiques na-
turels & artii�ciels.
Mais comme toutes ces derni�res par^
ties tiennent directement � l'Art, avant d'y
paiTer,difonsun mot de ce que l'on entend
par Agriculture , proprement dite , d'o�,
eil �man� le Jardinage qui fait ici notre
objet.
Les premiers hommes, oblig�s de pour-*
voira leur fubiiilance, apprirent � ouvrir,
� fa�onner, � am�liorer la terre , &; � en
tirer ce qui leur �toit n�ceiTaire s enfuite
conno�tre les grains, les ferner, en augmen-
ter l'efpece* fut l'objet de leurs recherches:
connoiflanc�s que le d�luge m�me ne d�-
truii�t point enti�rement5 que No�po�f�doit,
dont il s'occupa au fortir de l'arche > Se
qu'il communiqua � fes defcendants : ceux-
ci , a. leur tour, perfectionn�rent les outils,
s'attach�rent � la ma�n d'�uvre , & ie don-
n�rent" pour l�s inventeurs <J� cette feienec x
]Toni& Ι.
                                  Κ
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�tf         ΙΝ f RO DUC f I O �.
quo iqu'en cor e imparfaite, tes Egyptiens
en font honneur a If�s & � �mris fon
�poux (s ) ; les Grecs a C�r�s, �c les Romains
� Saturne g� � Janus. Ge qui eii certain, c'eft
que les Grecs ont eu une grande v�n�ration
pour agriculture. Hi�r�n Ue Siracufe,
Attalus Philopator de Pergame , Arch�la�s
de Mac�doine,&: une infinit� d'autres grands
hommes font lou�s par X�n�phon de par
Pline, de l'attachement qu'ils ont t�moign�
pour les travaux champ�tres. L'Hiftoire
fait auffi mention que Γ Agriculture fut le
premier objet des L�giflateurs Romains,
'& qu'on a vu pendant filuiieurs iiecles les
H�ros de l'ancienne Rome, paifer de la
culture des champs, aux premiers emplois
de la R�publique , retourner du triomphe
� la charrue, & aller ainf�fe fortifier par
]es douceurs d'une vie retir�e, dans l'�tude
de la philofophie δ� la pratique de la vertu.
Les Chinois qui difputent � tous les au-
tres Peuples l'anciennet� du labourage,
pr�tendent l'avoir appris de Chin-Ong ,
fucceiTeur de Fohi. Quoi qu'il en foit, c'eft
de ces diverfes contr�es que cette feience
fut tranfport�e dans les diff�rents climats ;
le Grecs conviennent la tenir de l'Egypte»
de lts Romains de la Gr�ce.
< (s) Diodorcde Scicile, liv, f y o� F�utarqiie ,Air. lr.
-ocr page 179-
Introduction,          147
L'Agriculture fut donc honor�e chez ces
Peuples, dont le plus grand nombre confacra
des Temples aux Divinit�s qui, f�lon leur
opinion, pr�i�doient aux productions de la
nature.
A meiure que le go�t s'�puroit, que les
connoii�ances s'augmentoient, on fongea �
tirer de cette fcience des rei�burces pour
les agr�ments de la ioci�t�: if�fenf�blement
on voulut traniporter dans les Villes les
charmes de la Campagne, & dans celle-ci
la magnificence des Villes. L'Agriculture
devint donc un Art particulier, ou plut�t
elle vit i�rtir de ion fein pluf�eurs Arts
divers 5 celui de la culture des terres fut
abandonn� aux Laboureurs pour les beibins
�i��nciels de la vie j le loin de faire cro�tre
des l�gumes &c des fruits devint le partage
d'une cla/Ted'hommes plus inftruits > le Bo~
taniileraiTemblaavec ordre Jesfimpl�s utiles
la confervation du genre-humain 5 l'id�e de
tranfplanter l�s arbres, de les ranger avec
i�m�trie fut confi�e � des Artiiles intelli-
gents. Tous ces uiages remontent jus-
qu'aux Syriens §c aux Phrygiens (r). Les
Jardins de Midas �to�ent renomm�s pour
la culture des fleurs (u) 5 Homere vante
( t ) Pline, lir. xx,
( u ) H�f&dote, liv. y ni.
Kij
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i4§        Introduction.
ceux d'Alcinoiis pour la r�gularit� & la
diitribution des eaux : mais i�ns doute ces
productions �to�ent encore dans l'enfance,
on m�connoiiToit les moyens de foum�ttre
la nature par les fecours de l'Art. On
tranfplantoit � la v�rit� des arbres 5 mais
on ignoroit la m�thode de les �laguer, de
les greffer, fcience qui n'a �t� connue que
depuis le temps des Auteurs d�j� cit�s > du
moins Mo�fe n'en parle point dans les pr�-
ceptes utiles qu'il donne aux lira�lites fur
cet Art important.
H�i�ode pai�e aui�� cette pratique fous
i�lence $ en un mot, l'arrangement deftin�
a l'embelliiTement des promenades, &c �
relever la magnificence de la demeure des
grands Princes,' eft.. due aux Artiftes de
l'Europe y mais nos Architectes en ont par-
ticuli�rement fait une branch� de leur Art,
& l'objet de leurs m�ditations j car quoi-
\ que l'Hiiloire nous apprenne que Salomon,
Cyrus le jeune, Diocl�tien, Probus Si Char-
les-Quint , firent leurs d�laiTements des foins
du Jardinage, il faut convenir qu'il ne s'eil
v�ritablement perfectionn� que fous Louis
XIII & Louis XIV, qui tous deux ont
trouv� dans cet exercice les attraits les
plus f�duifants.
Il eil vrai qu'en confultant l'antiquit�,
elle nous parle des Jardins de S�miramis j
-ocr page 181-
■««^■■■■■■■i
Introduction. 149
mais n'en �toit-il pas de ceux-ci comme des
b�timents c�l�bres de ces premiers ilecles.
Peut-�tre ces Jardins, fi vant�s, n'�toi�nt-
ils merveilleux (y)'que parce qu'ils annon*
�oient dts efp�ces d'amphith��tres,difpof�s
fur des terraiTes fort �lev�es * il y a du-
moins lieu de croire qu'ils manquaient
ei�enciellement par la vari�t� de l'Ordon-
nancera forme &: l'�l�gance que nousi�-
vons r�pandre aujourd'hui dans ce genre
de productions.
�En voulant m�me remonter aux Peu-
ples ing�nieux de la Chinev qui ne s'en
font pas toujours tenus � la culture ��s
terres > que ne rapporterions-nous pas de
l'irr�gularit� qu'ils affectent dans leurs Jar-
dins de propret� ? Cette nation aimant peu ;
la promenade, on trouve rarement chez
elle hs avenues & les all�es fpacieufes des
Jardins de, la France. Ordinairement ils
font uf�ge des. chemins i�nueux, & diitri-
buent par fcenes la plus grande partie du
terrein qu'ils deftinent i orner les environs
de leurs demeures. Leurs Jardiniers imitent
tour � tour les objets. �es plus, riants ou
(>) Paufanias , Pline-,, 8c plufieurs-autres Auteurs 4
nous ont donn� la defcription de ces Jardins, & rap-
portent que les eaux y �taient abondantes , & q�telkfc
p^roifToient autant de mervdlles Tufpendues; en l'alto
■tr � � �
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15© Ι ν τ no D tr e τ ι e ν.
les plus terribles, ils affectent mem« de les
diipofer de maniere que par des traniitions
brufques, ils pr�fentent un contrarie frap-
pant. Comme les chaleurs de ces climats
lont exceffives, ils pratiquent dans leurs
Jardins des canaux & des cafcades aux-
quelles ils refufent m�me toute eip�ce de
r�gularit�, pr�f�rant le d�fordre pittorefque
de la nature, � la i�m�trie la plus �tudi�e 5
ils grouppent, � la v�rit�, leurs arbres
comme les Peintres grouppent leurs figu-
res , & parviennent aini� quelquefois � une
vari�t� int�rei�ante, vari�t� que la Nation
Angloife &la plupart de celles d'Allemagne
imitent d'apr�s eux, dans l'intention de
repr�f�nter dans leurs Jardins cette �rr�gu- '
larit� &: ces heureux caprices que leur offre
le ipe�tacle des vall�es, des coteaux &: des
montagnes, qu'ils pr�f�rent � la i�m�trie
que nous apportons le plus ibuvent dans
la diftribution de nos Jardins. Ces Na-
tions , d'ailleurs fort �clair�es, regardent la
fim�trie comme une entrave au g�nie, &
comme un ai��jettii��ment trop iervile aux
r�gles de l'Art.
Les Anglois fur-tout, Peuple f�rieuxy
afFedent jufques dans leurs Jardins par�s
une /implicite, louable ians doute, mais fou-
vent trifte & monotone 5 & lorfqu'ils d�-
ploient leurs rei�burces dans cette partie
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In � RQ du er ι ο ν. iji,
de '1*Art, ils tournent leur g�nie � compo-
ier des, promenades dont Paiped, feul eft
errrayant.� Denbigk, pr�s Dorking^ clans
le Comt� de Surreyy on remarque un Jardin
appartenant � M, Tires &; plant� par us
foins, le m�me qui en d'autres occafions
%�anmoins a iu donner tant d'agr�ments aux
Vaux-Halls de Londres,; oh remarque.,; dis-
"je,un Jardin fitu� fut le penchant d'une mon-
tagne,, couverte de taillis , perc�e de p�u-
J�eurs all�es qui fecroifent. Quelques-unes,
jde ces all�es montent iur des �niinencesy
d'autres descendent dans des pr�cipices: les
premi�res font riantes &,bien dreflees ries
f�condes font rudes, embarrafF�es j les ^unes
;& Jes, au�resifaites � dei�ein derepr�ienter
4es vicsi^udesde lavie hpmatne. Aux car-
refours de ;�es diff�rentes all�es* on a plac�
�des; infoiptions morales : pr�s de l'entr�e
>de cette promenade lugubre, on trouve une
:efp�civ4e. Temple d�di� � h mort, dans
Jequel eft un monument �lev� � la m�moiif
du Lord Pure, & dont les rev�tiiTements
int�rieurs font charg�s de Sentences, conv
>pof�es par les meilleurs, Po�tes Anglois,
entr*autres pair le IDo&eur Voung..A l'exr
ir�mit� de cette feinde fun�raire eft fune
vall�e, plant�e, de pi�s M de cypr�s , �
l'entr�e dejaquelie on remarque deux fque-
letteshumains& de kxQsdiff�rents, qui par
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� f% I isr τ R� d�t er � o ti.
leur attitude, femblent avertir ceux qui par-
courent ces trilles lieux, de la fin de l'hom-
me & de Ton an�antii�ement. Mais le ipe�fca-
cle le plus er�rayant qu'on obferve dans
cette fombre vall�e , c'eft une elp�ce de
grotte div�f�e en deux parties s dans l'une
le remarque lln�r�dul�t� mourante dans
le plus affreux d�fefpo�r, & environn�e
de tous les attributs iiniltres des objets qui
n'ont fervi qu'� ^�garer pendant fa v�ej
dans l'autre, au contraire, on voit l'homme
croyant � la vie �ternelle ,. calme & ��rein
au moment m�me de la mort, Se ayant
pour fy/mboles au tour de lui, tout ce qui
a pu contribuer le faire marcher dans le
ientier de i'efp�r�nce & de la vertu. 'Ces
deux actions\9oppoT�es, font peintes par
le c�l�bre Hgyman avec une force & une
exprel��an capables d'inipirer vivement au
Spectateur l'amour du bien &: l'horreur du
vice. Au reifte nous ne rapportons ici cette
jd�e fun�bre que pour prouver � nos El�-
ves qu'il n'y a rien que l'Art ne puii��
fendre, aid� du i�cours de la nature , &;
que �'eft la r�union de ces deux parties
qui form� feule le m�rite elfenciel de l'Ar-
�h�te$:e, m�rite qui n�coniifte pas, comme
plufieursfe l'imaginent, �s'arr�ter toujours a
des id�es agr�ables, mais, au contraire, �
exercer de bonne heure fon g�nie � rendre
I ■■■ Φ M. .           ... "'
-ocr page 185-
NT RO DU CT I Ο Ν.          Ι J3
feni�ble & palpable l'objet qu'on a � traiter.
Il iero�t peut-�tre bien, par exemple,
d'Imiter dans les promenades champ�tres,
qui font partie des habitations deftin�es aux
hommes du monde, la vari�t� dts Jardins
Chinois, �c dans celles deftin�es � la m�-
ditation des hommes d�vou�s � la religion,
des objets fombres, dans le genre de ceux
uqs Jardins de Denbigh, que nous venons de
d�crire. Enfin, il faut faire ufage de la maj�
gnif�cence que procurent ordinairement les
beaux Arts r�unis, pour les promenades
des b�timents confacr�s aux t�tes cou-
ronn�es , a�nfi que pour les Jardins des
maiforis de pla�fance deftin�es � la r�fidence
dus Grands.
Mais quittons cette digrei��bn '& conti-
nuons de parcourir ce qui peut nous int�^
relTer touchant l'Art du Jardinage} � de����t�
d'infpirer aux jeunes Artiftes le go�t g�n�ral
de cette fcience. :
Il paro�tra �tonnant que les Grecs 9 qui
ont pouiT� i� loin la perfe&ion dans tous
hs autres Arts, fembl�nt cependant n'avoir
gu�re excell� dans celui du Jardinage j du
moins i'Hiftoire ne dit-elle rien d'int�rei-
fant � ce fujet. Elle parle plus avantageu-
fement des Jardins de Luculk & de N�ron \
Cic�ron parole enchant� de ceux de Tuf-
culumy
Pline le Conful fait de grands �loges
-ocr page 186-
154 Introduction.
du Laurentin (χ) &; de fa maifon de Tof-
cane. Mais n� les faftueufes deferiptions
qui font parvenues jufqu'� nous , ni les
deffins que nous connohTons, ne pr�fentent
aucune id�e fatisfaifante fur la diitxibution
&: la d�coration <hs anciens ou des nou-
veaux Jardins d'Italie. Ce que nous en a
rapport� le Nautre ne fert qu'� nous con-
firmer dans cette opinion j il avoue m�me
que hs productions de ce genre qu'il a
examin�es dans fon voyage � Rome n'ont
pu enrichir fon imagination , que les Jar-
dins de Tivoli, de Fr�fcati & des maifons de
phifa.net des grands Ducs de Tofcane qu'ori
vante beaucoup, ne peuvent entrer en com-
�>araifon avec ceux de nos Maifons Roya-
es � qu'� la v�rit� < les eaux font tr�s-
abondantes dans la plupart des Vignes d'l�-
talie , mais que les Artiftes de ce pays^,
n'ont jamais fu fake valoir un i�, grand
avantage > que prefque toutes leurs fon-
taines font d'un.genr-e, me�quin j qu'on
n'y remarque d'ailleurs que des grottes en
rocailles, de petits baflins, des jeux 'd'or-
fue, des chants d'oiftaux: |$4 'Mm� autres
agatelles (y) 5 qu'oa�n'y voitden de noble,
(x) Voyez la Defcription <jue nous ^ donn�ef^Iibienj,
du Laurentin, & de la Maifon Tofcane de Pline le Confiil.
(y) Nous avons tir� ce que nolus'difonsici, d'un ma-
nuferit de le Nautre 3 dont M. * $ ί iReceveur g�n�ral
des Finances eft poffeiTeur.
                                   .
-ocr page 187-
Introduction. 155
de grand'/ni qui porte l'empreinte &: le
cara�tere du bon go�t. Il nous apprend en-
core que la Vigne Pamphile &; les Jardins
du Palais Ludovifi les plus eiHm�s, dit-il,
aujourd'hui dans Rome, ont �t� plant�s fur
les dei�ins qu'il en a donn�s (|| D'apr�s
ce r�cit on pouroit donc avancer qu'�
l'exception de la iituat�on heureufe des
anciens Jardins d&s Romains, c'eit. chez
nous que le Jardinage a proprement �t�
r�duit en Art, comme nous avons remar-
qu�, que l'Architecture le fut chez les Gr�es.
Nous pouvons le dire ici,c'eft fous Louis
le Grand qu'on a trouv� en France le moyen
de rendre l'Art naturel dans les Jardins de
Verfailles, de Trianon, de Marly:\ de parer
la nature par le fecours de l'Art, dans
ceux de Meudon, de Sceaux, de Chantilly,
de Li�ncourtj l'un &; l'autre fe pr�ter des fe-
cours mutuels pour former ceux de Choify ,
CM Cet Artifte, le plus grand g�nie de ion fiecle ea
ce genre/ mais dont les talents furpaffoient peut-�tre lit
modeuie -■ � en juger par le dernier trait que nous venons
de rapporter, obtint de Louis XIV, en 1678 , d'aller
«n Italie j & c'eft pendant ce voyage que Jules Hardouin,
Manfard prit occafion de pr�fenter a ce grand Prince.,
les projets des B�timents & du Jardin de Marly, qu'il
m�ditoit depuis long-temps, & que Le Nautre trouva
ex�cut�s avec le plus grand iucc�s , ce qu'il ne put
pardonner � Hardouin j �bn humeur altiere m poura�ic
fupporter de rivaux.
-ocr page 188-
�$6 Introduction.
de Fontainebleaus de Saint-Cloud (a), de
Saint-Germain-en-Laye Se de tant d'autres
lieux admirables.
Tant de chefs-d'�uvre qui ne fe ren-
contrent point ailleurs, attirent en France
l'�tranger , pour acqu�rir, par de tels exem-
ples,, l'art de percer des routes, de planter
des bois, des parcs, &: la maniere d'ailo-
cier la diilribution des Jardins de pro-
pret� y la r�gularit�, la commodit�, l'agr�-
ment & la magnificence. En effet, rien de
G ing�nieufement perc� que les For�ts de
Compiegne, de Fontainebleau , de Chan-
tilly: rien de i� int�reifant que les routes
des For�ts de Saint-Germain, de S�n�r, de
Verri�re. Que de beaut�s ne remarque-ton
pas dans les grandes all�es champ�tres �c
par�es des parcs de Rambouillet, de Sceaux,
de Bagnolet, o�. la culture des arbres & la
hauteur des paliiTades qui les accompagnent,
forment un ipeetacle &; un ombrage enchan-
teurs. Ce bel ordre fournit les moyens de fe
tranfporter d'un bofquet � l'autre, pour
aller contempler les chefs-d'�uvre vari�s
des charmilles , des tapis verds, du marbre,
(<z) Voyez les volumes IV 3 V & VI de f Archi-
tecture Fran�oife, o� Ton trouve les plans de ces diff�-
ientes Maifons. Royales x leurs Jardins, leurs Parcs &
leurs envirjons,
-ocr page 189-
Introduction, 157
du bronze & des eaux jailliiTantes, rafl�rn-
bl�es fous tant d'afpeds diff�rents, mais
quelquefois, peut-�tre, avec trop de pro-
iufion, quoique toujours avec go�t, �c avec
cette r�gularit� que nous reprochent fou-
vent les amateurs des feules productions de
la nature. Sentons le prix de tant de mer-
veilles, �c fixons � pr�fent notre attention
furies chefs-d'�uvre de Sculpture, qui em-
belli-iient ces promenades d�licieufes.
�S
M. #4 HL
-ocr page 190-
158 Int ko υ υ er τ ο ν.
Ο Κ
Ι G IN E
DE LA SCULPTURE.
jLJe tous hs Arts utiles,la Sculpture eft
celui fur lequel on a peut-�tre le moins
�crit : nos Sculpteurs c�l�bres, comme la
plupart de nos grands Architectes , fe font
content�s de produire des ouvrages admi-
rables, &; ils ont JaiiT� le foin de vanter leurs
chefs-d'�uvre aux Ecrivains de leur temps.
Notre intention n'eft point ici d'interpr�ter
le illence qu'ils ont gard� iiir leurs pro-
ductions : cette t�che eft au-dei�iis de nos
forces. Rapportons plut�t, avant que d'en-
trer en mati�re, quelques notions principales
tir�es des M�moires publi�s par l'un acn-
tr'eux , appel� aujourd'hui dans un florif
fant Empire du Nord , pour y jeter en
fonte la ftatue de Pierre le Grand.
La Sculpture aini� que l'Hiftoire, dit M.
Falconet, eft le d�p�t le plus durable de
la vertu des hommes ou de leurs foibleifes.
Son but principal n�anmoins eft de perp�-
tuer la m�moire dts grands Princes , des
H�ros Se des bons Citoyens 5 elle a pour
-ocr page 191-
Introduction* 159
objet de prendre la nature pour modele,
dans laquelle exifte un beau eifenciel, quo�-
qu'�pars dans les diff�rentes parties de l'U-
nivers 5 beaut� qui, f�lon cet excellent Ar-
tifte, exclut toute attitude forc�e que la
nature d�favoue, aufli bien qu'un contrarie
outr�. L'un & l'autre nuifent � la belle impli-
cite qui a produit les chefs-d'�uvre delaGre*
ce,&: qui devra �ternellement fervir de mode-
le � la poft�rit� : modele, dit-il, de regle�c
de pr�cii�on qu'on remarque elfenciellement
dans le Gladiateur, l'Apollon, le Laocoon,
l'Hercule Farnefe,le Torfe, l'Antinous, le
Groupe de Caftor &: Pollux, l'Hermaphro-
dite, la V�nus de M�dicis, &c. Mod�les
excellents^qui tous ont fervi de guides dans
le dernier i��cle aux Pujet, aux Sarrazin,
aux Girardon, aux Auguer, aux Coyi�vox.
Nous en pouvons dire autant ici des Bou^�
chardon, des Pigal, des Falconet, des Salis,
& des le Moine de nos Jours r.Artiftes du
premier ordre qui fe font particuli�rement
affranchis des limites que les anciens s'�^
toient trac�es dans le genre du bas relief,
aufli bien que de la f�verit� de l'antique,
pour joindre � la pr�cii�on des chefs-d'�u-
vre d'Ath�nes, les gr�ces que les Sculpteurs
de notre Nation favent donner � leurs com-
pqi�tions.
Mais fans vouloir entrer dans les d�tails
-ocr page 192-
ι So In t ro �>u ct � ο ν*
qui conit�tuent le f�voir des Statuaires Grecs
- & de ceux de notre Ecole Fran�oife, contenu
tons-nous de parler de l'origine de cet Arc
�c de i'embelliiTement qu'il procure � l'Ar-
�hite&ure quand il y eit appel� par la n�-
�eff�t�, le go�t Se l'efprit de convenance/
L'homme, naturellement imitateur , a
cherch� de bonne heure l'art de rendre lts
objets que lui offroit la nature >..les premiers
Artiftes par le fecours des notions du de�
iin , s'accoutum�rent � conduire les op�-
rations de la main, par le fecours de l'�uil.
P'abordle charbon, enfuite la pierre tendre
leur fournirent le moyen de deffiner ihr des
iurfaces planes j apr�s quelques fucc�s, 6c
apr�s avoir coni�d�r� la forme qu'acqu�-
roient certains corps mous, en s'iniinuant
dans les cavit�s des mati�res fol�des,, ils
parvinrent � l'id�e des moules. On modela
donc l'argile > mais le deiir de donner plus
de folidit� � leurs produ&ions leur f�t pr�-
f�rer le bois , employer les min�raux &
fondre les m�taux $ a�ni� l'art de modeler
la terre, pour les befoins de la vie, devint
la fource qui fit �cl�re celui de faire en relief
des figures en bois, en marbre , en bronze ;
&; quoiqu'il parohTe que les progr�s des
mod�les en terre, ayent eu une perfection
lente, il eil prefque certain que les premiers
peuples n'ont pas tard� � y parvenir. Le,
culte
.--■'■■                                                               '0: ■                                                                                                                                                                    ' **..■_.* ■                                                                                                                                         .
.'..'■                                                               ί                                                                                                         :
-ocr page 193-
1'ν f ko t)�7 etι ο φ,       i�i
culte des Idoles profita le premier de ce
progr�s , &i ce culte remonte � la plus haute
antiquit� chez les Peuples de l'Aii� & de
l'Egypte. On n'ignore pas m�me que les
ilatues �toient colorTal�s 3 celles de Sefoftris
& de la Reine, plac�es devant Je Temple
de Vulcam, f�lon D�odore, �toient d'une
feule pierre , �c �vpient trente-deux cou-
d�es de hauteur. Les lira�lites fondirent le
veau d'or, Mo�fe pla�a aux deux extr�mi-
t�s de l'Arche d'Alliance deux Ch�rubins
de m�me mati�re. Selon Homer�, le Palais
d'Alcino�s contenoit phii�eiirs it�tues de ce
m�tal, qui'pbftoient des torches pour �clai-
rer pendant la nuit l'int�rieur de ce Pa-
lais. Paufanias nous apprend qu'on voyoit
de fon temps, dans la Ville d'Argos4 un
Jupiter en bois qui pai�bk pour avoir �t�
trouv� dans le Palais de Priam ; que l'on
montroic � Ath�nes une ltatue de Minerve
en bois, donn�e � ce Peupl� par C�crops,
& que ce Souverain introduifit dans les
Temples de la Gr�ce l'uiage des i�mulacr�s.j
mais malgr� tant de citations,il y a toute
apparence que les ouvrages de Sculpture
que les Grecs firent jufqu'au temps de D�-
dale , �erefTentiret de la maniere Egyptien-
ne. Concernes de fuivreles model�s de leurs
pr�d�ceiTete, ils' ne faifoient pour la plu-
part que des figures gigantefqueSj dont lel
Tome I.
                              L�
-ocr page 194-
1        IntrojOUCt�on,
bras attach�s au corps, les jambes faits pieds
joints enfemble, �toient fans vari�t� , i�ns
mouvement, fans action 5leurs i�mulacres, au
rapport de Lucain, de Juitin, de Plutarque Se
de Paufanias, n'�toient compof�s que de
pierres feulement d�grof�ies &; taill�es fans
go�t. L'idole m�me de Junon, fi r�v�r�e chez
les Argiens, n'�toit dans ion origine qu'un
morceau de bois travaill� fans art, feinblable
� celles que les Lapons, les Samoyedes &;
les autres Peuples utu�s vers les extr�mit�s
du Nord font encore aujourd'hui. En effet,
leurs premi�res figures repr�fentoient, pour
aini� dire, l'homme en bloc : on rendoit bien
fon volume, ma�s on n�gligeoit fes mem-
bres & fes traits. Ce ne f�t que dans l�
fuite qu'on parvint � l'�bauche des propor-
tions 3 mais cet Art ne fe perfectionna v�ri-
tablement que chez les Grecs, �c � y parv�nt
'au fublime. Apr�s cela on voulut aller au-
del� 5 mais on tomba dans la fuperfluit� j
alors le beau difparut, & cette perte h�ta
l'oubli des premiers chefs-d'eeuvre qu'on
eil oblig� d'aller chercher aujourd'hui dans
les entrailles de Rome, par le tranfport de
tant de merveilles que les Romains en firent
chez eux, apr�s avoir fubjugii� la, Gr�ce &
s'etre enrichi de ihs d�pouilles.
Ce ne fut que 300 ans apr�s C�crops
que les Ardues Grecs commenc�rent � re-
?
-ocr page 195-
Ι Ν Τ R O D � <: Τ Ι Ο it.           ϊ,ϊ>3
conno�tre la difformit� des anciennes ila-
fues, � quitter la routine des Egyptiens i
� Imiter dans leurs ouvrages les beaut�s d�
lajiatur�, � donner � leurs t�tes cette belle
exprei��on, &c enfin � toutes leurs figures,cett�
fup�riorit� r cette touche, cette �l�gance &
cette fineffe inconnues jufqu'alors : ce font
ces Peuples perfectionn�s qui, apr�s avoir
d�couvert les proportions de l'Architecture^
furent aufli faire reipirer le bronze, ordon-
ner la vie au marbre. Ce fut chez eux que
trom�th�� \b) excella . darljlcet Art divin j
ce qui fit dire de lui qu'il avoit vol� le
feii.au Ciel i parce qu'il avoit fu faire., pour
aini� dire , un homme vivant, avec de
l'argile. Ce fut encore chez eux que D�-
dale fut donner ife.s ftatiies l'attitude d'un
homme qui eil�, en mouvement, �c que Sce�-
mis ou Sulmis (c) brilla dans Sanios o� il-
fit cette belle ftatue de Junon , l'un des
'chefs-d'�uvre de la belle antiquit�. Ce
lut gui�i dans cette m�me ville que l'on vit
( b ) Pomponius Ga.uricu$ de Sculptur� , cup. Xv�i , �pud
■Gronovium. Thefaur. Antiquit. Gracia
, Γ. IX , col. 771.
( c ) Sculpteur aui�� favarit que D�dale, fans cependant
avoir la m�me r�putation 3 ce qui le fit moins acccfeuillir
des blois & des Grands. D�dale au contraire, fut plus
intriguant, mais auiTiil fut expof� � plus de revers. Pomj?.
Gauncus j Tom. Jkpr� dt. cot. 771.
            -■
. L ij
*
-ocr page 196-
�&4 iNTRozftrcrrojst.
na�tre l'Apollon Pythien (d)y figure inimi-
table } & qu'enfin Ath�nes vit former cette
admirable figure du Gladiateur (e) , en
'action de combattre ; ouvrages du premier
ordre, & dont ta.nt de belles copies ornent
aujourd'hui nos Maifons Royales. N�an-
moins tant de beaut�s & de perfections n'�-
toient encore que l'aurore d'un beau jour ,
qui'devoit briller fous le Gouvernement de
P�ricl�s (f) , g�nie heureux, Citoyen eili-
mable, capable de difcerner ce qui devoit
tranfmettre � m poft�rit� la gloire de fa
Patrie, �c de pr�voir tous les moyens n�-
ceiTaires pour lui procurer cet honneur.
Les circonitances favoriferent les vues
utiles de P�ricl�s ; les victoires remport�es
fur les Perfes �chauff�rent l'imagination
des vainqueurs j l'abondance �� la paix, di-
(d) Plac�e aujourd'hui � Rome dans le Belv�der du
Vatican»
: (e ) Ce chef d'�uvre de la Gr�ce, fut trouvera un
quart de lieue de Rome, fous le Pontificat de Paul V ,
en faifant faire les fondations d'une Maifon de Plaifance
pour ia famille^ fur le terrein o� avoient �t� anciennement
les Jardins de N�ron.
(f) Ce fut ce grand homme qui inftitua le premier
dans la Gr�ce des Ma�tres pour enfeigner � la jeuneffe
J'art du Deifin & celui de la Sculpture 3 pr�tendant fans
doute que, par cette �tude, on deviendroit capable de dif-
cerner plus precif�ment la beaut� des proportions 3 &
qu'oji acquerrait les connoiifances des diff�rentes partie«
�les Beaux-Arts.
I
-ocr page 197-
iNTR�nifCTIUNX      l�f
gnes fruits de Ces conqu�tes, amen�rent 1'ai-
iance, le loii�r qui la fuie,, & a(fi\m%mt &
jamais la gloire de la Sculpture. Dans la
fuite les fucceileurs de eet illultre chef des
Grecs, les Alcibiades, Sc les Paufaniasa
Ath�nes, les Lifandre Scies Ag�filas � La-r
c�demone, les Epamiiiondas � Thebes, les
Denis � Siracufe, l'oppref��ur m�me de la
libert� de ces Peuples, Alexandre le Grand,
imit�rent un fi bel exemple, encourag�rent
les Arriffces & leur facilit�rent, des iucces
confiants �c multipli�s.
                         :
Les gymnafes , o� la jeunei�i nue y s'e-
xer�oit au pugilat δι autres jeux, foarniifanc
aux Grecsl'occaf�on de contempler les plus
beaux objets fans obflacles & fans voile, fu-
rent les �coles des Artiiles: ils y veno�ent �tu-
dier la nature, apprendre a la copier, � l'in-
terpr�ter 5 leur imagination s'�chaufFok � l'aP
pect des plus belles nudit�s./ De-l� ils par-
vinrent � la vari�t� des formes ; les belles
oppoiitions leur devinrent famili�res 5 en-
fuite ils cherch�rent a* enter, pour aini�
dire, les parties d'un individu fur celles d'un
autre, & furpaiferent par-l� la perfection
du corps humain 5 ce qui rend aujourd'hui
leurs chefs-d'�uvre fi m�ceffakes aux. Ar-*
tlftes,&c i� int�rei�ants aux amateurs.
Ces exercices alors i� fort en ufage, les
courfes de chars, d'hommes & de chevaux..,
Liij
-ocr page 198-
Ι 66          ί"'Ν TR 0 Β WC Τ ΙΟ Ν.
h lutte Sc tant d'autres jeux, c�l�br�s avec
�clat�zns plufieurs villes de l'Attique & du
P�i�p�neie,o.bjets de la v�n�ration publique,
fourbirent donc aux Sculpteurs de nouveaux
moyens de fe perfectionner. Cypfelus, Roi
d'Arcadi�,�voit iniKtu� des jeux pu l'on
difpu�oit aui�i le prix de la beaut�. Depuis;
on c�l�bra ces m�mes jeux � Sparte , �
Lesbos, � Paros dans le Temple de Junon,
iisiritutions qui furent tr�s-fav�rables a l'Art}
il s'�leva 6c f� perfectionna � l'ombre de
la libert� qui r�gnolt chez ces Peuples.1
'La Sculpture chez eux fut toujours �m-.
ploy�� �' des ufages nobles M �lev�s > elle
n'�toit deiKn�e qu'aux Divinit�s ., adx ob-
jets facr�s, ou � ce qu'il y 'avoir de plus
utile pour la Patrie 5 elle ne fut point cif"
fervie aux caprices d^s riches particuliers.
Tout ce qui s'ex�cutoit en ce genre, �toit
digne des grandes entreprifes de la Nation :
chaque Ville de la Gr�ce s'empreiToit �
l'envi de poiT�der les plus belles itatues
des Dieux, des H�ros M des Artifles c�-
l�bres de leur temps.
Phidias par fon Jupiter Olympien & la
ibtue de Minerve, qu'on nomma la Sant�,
remporta le prix fur tous �qs pr�d�ceiTeurs
&� i�s rivaux, &; ouvrit � {qs fucceil�urs l�
chemin de l'immortalit�. Liiippe m�rita
4f�tre pr�f�r� � fes contemporains?pour avoj�-
-ocr page 199-
Introduction.       i6j
model� & jet� en fonte la ftatue du Vain-
queur de ; P�f�e. Cette belle V�nus, qui
fait une des principales curiof�t�s de la Gai-
lerie de Florence , fortit dts mains d'Apol-
lodore. La V�nus de Gnide par Praxiteles y
m
celle de Scopas {g) font autant de t�-
moignages de l'�mulation des Artiiles Grecs.
Thimomachus s'eft immor�alif� par fa M�-
d�e, immol�e avec ies enfants , � dont une
Epigramme Grecque nous a tranfmis la m�-
moire ( h ) s le Laocoon, cette merveille de
l'art conferv�e au Vatican, qui imprime
de l'horreur au fpedateur, le laii�e incer-
tain s'il doit donner la pr�f�rence � la Sculp-
ture, � la Po�fie ou � la nature ; en un
mot, la defcript�on de nos H�flor�ens, fur
le tombeau de Maufole, dont les Sculptures
avo�ent �t� faites par Briaxis, Tliimoth�e
&; L�o�hares 5 les figures coloiTales de l'A-
(g) La derni�re qu'on pla�a � Rome dans.le Temple-
de Br�tus-Calla�eus, fut, dit-on , pr�f�r�e � celle de
Praxiteles. Lud, Demontiofius de Sculpturavctemm t caput. i,,
apud.GtonQvium. fhefaur. Antiquit� �r�c. Tom>ix jCof.788^
(k) Cette Epigramme a �t�' traduite en latin :
Quod rt�tos ferit�r� ferox Afadea moratur y
Pr&flitk hoc magni dextera Timomachi,
"lard�t amor facifius , �daiiim dolor incit�t �nfeikl.
Vuh, rt�ii vult natas perdtr� dura fuos.
Vom. Garnie, T.fitpri-, col.yy^.
L iv
-ocr page 200-
j68         In τ rod u ct ι on.
polion & du Jupiter d�j� cit�es , du Co?
I��Tq de Rhodes,f'& tant d'autres ouvrages
�tonnants, ex�cut�s chez ces Peuples, nous
font de surs garants que la perfection, la
beaut� "& rinvention ont �t� pouiT�es chez
eux � un tr�s-grand degr� de fup�riorit�.
Ce qui eil certain , c'eil que rien ne prouve
mieux la magnificence des Grecs , � cet
�gard y que ce qu'en rapporte Paufanias, qui
dit avoir vu dans les diverfes Provinces
de la Gr�ce qu'il parcourut , environ
deux mille huit cent vinet-i�pt helles ita-
tues de am�rentes mati�res, quoique de-
puis pr�s de trois i�ecjes les Romains r�va-
geaiTent d�j� cet Empire, �� que de fon
temps N�ron e�t d�j� fait enlever de la
feule ville de Delphes pr�s de cinq cents
ilatues (i). Mais fans vouloir citer ici tour-
tes, les merveilles des ftatuaires Grecs, ra-
prochons-noiis de notre objet, � difons que
Callimaque s'eft aii�r� une gloire immor--
tejle, par la d�couverte du chapiteau Co~
(i ) Paufanias , Auteur Hont le m�rite principal eft de
peindre d'une maniere vive & concife les lieux & les,
monuments qu'il d�crit, nous rapporte auifi qu'en par-
courant les diff�rentes Provinces de la Gr�ce > il a compt�
fept cent treize Temples, & un nombre aflez conl�d�-
lable d'Autels , de Tr�fors publics, de Portiques 3 de-
Tombeaux, & que la Sculpture �toit en grand honneur
chez ces,Peupl«s, puifqu'en parlant des Artiftes, il compte:
1$,^. Sculpteurs, contre 15 Peintres«,
-ocr page 201-
INT RO DU CT I ΟΝ.           16}
riiithien, ouvrage admirable dans fori genre,
qui, dans la fuite , a produit d'autres chefs-
d'�uvre, qui tous ont contribu� � rendre.
l'Architedure plus recommandable, & �
nous faire fentir combien notre art doit
ei�enciellement � ces Peuples ing�nieux. 5 I
Tant de fucc�s, n�anmoins ^ eurent un
regne ai�ez-co.urc; les revers les plus ίφ
neites �clipferent bient�t la fplendeur des
Grecs : fubjugu�s � leur tour, comme ils
avoient fubjugu� les autres Nations, ils
virent leur Pays confondu dans le nombre
des Provinces Romaines. Rome s'enrichit
de leurs, tr�fors &c s'embellit de leurs travaux j
efclaves alors des Romains , ils furent peu
jaloux de ne travailler que pour la gloire
de leurs vainqueurs : leur g�nie affaii�� s'a-^
vil�t avec leur �mulation, &: les Arts enne�
mis de la contrainte, p�rirent chez eux
avec la libert�,
                                      m,
Les Romains pofTelTeurs de tant d'excel^
lents mod�les, ne firent cependant pas de
grands progr�s dans la Sculpture. Leur ar-
deur qui s'�toit anim�e tant qu'ils avoient
combattu les Grecs, fe ralentit bient�t, d�s
qu'ils s'en furent rendus ma�tres. Fiers de
poiT�der les d�couvertes d'un Peuple qu'ils
avoient vaincus, contents d'en avoir d�cor�
Jeur patrie, ils ie born�rent � une admira-
Cioii �t�rile, & l�urs Artiftes ne produi��ent.
-ocr page 202-
1J<3            I NT RO nUCT I O Ν.
plus que de foibles copies des exemples c�-
l�bres qu'ils avoient lous les yeux. Cette
inaction dura chez les Romains, jufqu'� ce
que cette Capitale devenue la proie des
Gochs , v�t d�truire par la fureur de ces
Peuples, ce quelle avo�t enlev� aux Na-
tions aiTervies. On fit � la v�rit� des Statues
de marbre �c de bronze, mais.fans art,fans
vie &: fans corre&ionj la Sculpture fut r�-
duite pour ai'nfi dire, � la d�coration des
b�timents, d�coration o� l'on afFe&oit de '
la l�g�ret� ou de la d�licateiTe, mais o�
Ton n�gligeoit la convenance dans la corn-
pofition > Tordre dans la diitribution, l'�-
l�gance dans les formes, on s'�loigna in-
fenfiblement de l'imitation de la nature, %�
on lui fubiHtua la difparit�,la bifarerie �c
la fingularit�.
Cette r�volution fit long-temps oublier
ou m�conno�tre les chefs cT�uvre de l'Arc
qui avoient �chapp� � la fureur des Peuples
du Nord 5 mais lorfque les diiF�rents Sou-
verains qui s'empar�rent de l'Europe eurent
affermi leur domination, 8c �tabli les limi-
tes de leur Empire, le go�t commen�a �
percer les t�n�bres, o� tant d� barbarie Ta-
voit enfeveli. On fouilla les entrailles de L�
terre, & on vit les ouvrages de la Gr�ce
fortir des ruines de Rome. Les chefs-d'eeu-
vrc de fculpture qu'on en tira, devinrent:
1                                                                                    '                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               :■'.,-"
-ocr page 203-
Ν Τ R Ο DU C:J Ι Ο Ν.              17't
l*objet de l'ambition des divers Souverains
de l'Italie, qui voulurent en embellir leurs
Palais &: leurs Maifons d� platfance.
La France �clair�e par Fran�ois I, eut
les m�mes def�rs de put les fatisfaire : ce fut
alors qu'on admira a Fontainebleau cet�e bel-
l� Diane chaiTereile. On acquit fous Louis
XIV, la V�nus d'Arles, la Junon de Sm�rne ,
& une infinit� d'autres antiques, Ornements
de Verfailles, qui font revivre d� nos jours
la r�putation des Anciens;.
Les Fran�ois % l�s Italiens, pM��T�urs
alors �Qs richeiTes des Grecs, en firent Ά
meilleur ufage que les Romains > �c tandis
que Michel-Ange fe faifoit admirer dans
la nouvelle Rome, Jean Gougeon &. Ger-
main Piilon farprenoi�nt Paris, par des
ouvrages qui avoient �t� jufqu^alofs �tran-
gers pour la France : bient�t les c�l�br�s
A.rtiftes Fran�ois en ce genre attir�rent au-
tant d'Amateurs & de ConnoiiFeurs d�ris
cette Capitale, que l�s Grecs & les Romains
en avoient attir� dans Rome. Rien n'ei� plus
furprenant en effet, que la rapidit� des pro-
gr�s de nos Sculpteurs depuis cette �poque,&:
l'on peut dire qu'ils atteignirent le but pref�
qu'en entrant dans la carri�re : aujourd'hui
notre �cole Fran�oife, attentive � marcher
fur les traces de fts pr�d�ceifeurs &: de la
|>.elle_ antiquit�, d�core non-feulement H
-ocr page 204-
ψΜ         Introduction.
Capitale & les pays �trangers de (es chefs-*
d'�uvre, mais Ton miniftere relev� L'�clat
de l'Archite&ure.
Sans la Sculpture, l'Architecture fetrou-
veroit fouvent r�duite � la furet�, � l'utilit�
&; � la folidit�. C'eft par ion fecours que
nos Edifices i�cr�s , nos Places publiques >
nos Maiions Royales, deviennent des mo-
numents dignes de la Nation. C'eft par elle
qu'ils jfe trouvent embellis ext�rieurement
par des ftatues, des groupes, des bas-reliefs,
des vai�s, des grottes, des cafcades δι des fon-
taines. Ces ouvrages ex�cut�s par la plupart
de nos Statuaires c�l�bres font autan ta objets
int�reil�nts qui attirent les regards, fixent
l'attention, &; fymbolifent l'Architecture qui
leur a donn� lieu C'eft par elle enfin, Se par
le miniftere des Ornernentiftes, Sculpteurs
d'une clai�� particuliere &non moins eftlma-
ble, quoique dans un autre genre ; quon eft
parvenu � donnera l'int�rieur de nos appar-
tements, cette �l�gance enchantereife, qui
pla�t � tous les yeux, principalement lor�
qu'on fait la marier avec la Peinture donc
nous allons parler.
-ocr page 205-
In t ro d u c τ ι om          xyy
-*§�m*Aa*-
J O RI G I Ν Ε
DE LA PEINTURE.
IVALES l'une de l'autre, la Peinture &
la Sculpture,- qui empruntent tant de fe-
cours du deffin ont eu la m�me origine, &.
fe font beaucoup reiTembl� dans leurs r�vo-
lutions & leurs progr�s. Point de doute que
la Peinture fut en ufage chez les plus an-
ciens Peuples du monde. Mais il en eil de
cet Art, comme de ceux dont nous venons
de parler, il aura pris naiiTance chez les
Egyptiens, & ks Grecs l'auront perfec-
tionn�.
L'Hiiloire nous apprend v que l'amour
qui a tant de fois �clair� de fon flambeau
le pinceau des Peintres les plus c�l�bres,
infpirarle premier cet Art divin, en appre-
nant � une amante pai��onn�e le fecret de
deffiner l'image de l'objet de fa teridreiTej
de maniere que toujours pleine de cet objet,
croyant le voir dans l'ombre qu'une lumi�re
projetoitfur un mur, elle fuivit & tra�a
avec du charbon tous les contours lin�aires
qu'elle remarquai la reiTemblance d'une t�te
/"
-ocr page 206-
V Ϊ74        Int non trc f jo m
ch�re, �tant aihfi �bauch�e par Dibutade >
(k) il fut. aif� � .ion p�re de fuppl��r enfuite
la rondeur & le relief, dont le trait qu'elle
avoit form� > n*exprimoit encore que foible-
ment la reiTemblance. Apr�s cet eiTai, oii
parvint fans doute en multipliant ces m�mes
lignes, une imitation plus parfaite > &;
enfin , en ajoutant de la couleur, on for-
ma les premiers �l�ments de la Peinture ^
dont Pline (/) attribue l'invention aux Egyp-
tiens fix cents ans avant les Juifs. Diodore (m)
parle avec �loge du plat-fond d'Ofimand�s
parfem� d'�toiles fur un fond bleu > nos
Voyageurs en d�crivant les ruines & les
Palais de la haute Egypte, vantent le colo-
ris δι Tint�lligence des Peintures qu'ils y ont
remarqu�es 5 mais n'y a-t-il pas lieu de croire
que CQs productions fi exalt�es, �toient d�j�
l'ouvrage des Grecs appel�s en Egypte:
elles avoient fans doute �chapp� � la fureur
de Cambyf�, qui d�truifit autant qu'il lui
fut poi��ble, les monuments de l'Egypte i
qui portoient l'empreinte du go�t & de la
magnificence. D'ailleurs � en juger par les
v�ftiges qui nous relient des Egyptiens, cet
( k) Fille d'un Potier d� terr� d� Sieione ^ ville du
P�loponefe�
(*) Liy. vu, Se&. iyil
{m) Liv.i, pag. 56/
-ocr page 207-
Introduction.           f75
Art fut tr�s-imparfait chez ces Peuples, �c
ne doit �tre regard� que comme un pr�-
liminaire qui a pu donner dans la fuite �
des hommes de g�nie, les moyens d'atteindre
� une plus grande perfection : aufl� Ariilote
&; Th�ophraile (n), d'apr�s Pline {0), don-
nent l'invention de cet Art aux Grecs, l'un
avant , l'autre apr�s la guerre de Troie 5
quoiqu'Homere qui nous a donn� la des-
cription des �difices de fon temps, garde le
iilence i�r la Peinture des Grecs, &: qu'il
parle feulement de l'Art de la Sculpture, de
la Cifelure, de l'aiguille 6c de la teinture �
l'ui�ge de la broderie : 11 eil vrai qu'il con-
vient, qu'on favoit imprimer de quelques
couches, le bois &; les autres mati�res, &;
peindre les vahTeauxen rouge, ce qui nous
donneroit � ρ enfer que lors de cet Ecrivain,
on ignoroit encore' PArt du m�lange, l'u-
nion & Toppoiition des couleurs �, 6c qu'on
m�connohToit les reflets, les ombres L� les
clairs, qui confluaient la Peinture propre-
ment dite : du moins eil-il certain , qu'ori
ne s'eil fervi long-temps que de deux tein-
tes dans un m�me tableau (p ), & que ce ne
( η ) Thevenot,, Paul Lu�^s x Gr�tiger, &�.
( ο ) Pline, liv. vi ι s P*g� 4*7�
(p) Le$ ancien? appeloient ce genre de peinture , mono*
cromate
? cpnnu aujpnrd'twi fous le nom 4e gn[aiUe,s οι*
cama�eux.
.�'
-ocr page 208-
17*>          ΙΝ τ ko η υ c τι ο Ν.
fut que dans la fuite, que les Grecs �ni^
ploy�rent quatre diff�rentes couleurs {q)%
qu'ils fondirent enfemble,.& dont ils ont
compof� pendant plui�eurs i�ecles, & m�mo
�lu temps d'Apelles (r) , ces ouvrages c�-
l�bres dont nous parle l'Hiitoire de cet
Lts Romains dans la fuite, par le com-
merce qu'ils eurent avec hs Grecs, ren-
ch�rirent encore fur leurs pr�d�ceifeurs j
mais � fon tour, Rome fe vit elle-m�me
d�pouill�e de tant de tr�fors par les Goths
& les Lombards, qui d�truiiirent prefqu'en-
ti�rement ce qui fe trouva de Peinture en
Italie $ de maniere qu'il n'en �chappa que ce
que la prudence ou la crainte avoient enfeveli
»dans des lieux fouterreins, pour le d�rober
� l'ignorance de ces Peuples f�roces. On
(q) Le blanc de M�los 3 le jaune d'Ath�nes 3 le rouge
de Synope & le noir.
( r)'< Apelles , Tun des plus c�l�bres Peintres de l'anti-
quit� �toit de l'Ile de C� , & floriffoit environ l'an du
-monde $650, *
                                                -
t (s) Les Peintres qui, f�lon le fentiment de Pline,
d'�lien^ de Valere Maxime, &c. fe font le plus i�gnal�s darts
la Gr�ce apr�s Appelles 3 font Ardias 3 Parneus 3 EuJ»MrV
ftor de Gorinthe , Damon-Higion , Nicias d'Atheries,
Lifnon Cl�onien, Pamphile de Mac�doine, Pauf�asSi-
'cionien , Protogene de Caune , Th�on de Samos y
;Simomachus Bizantin , Gtefides, Polignotus , Tintante,
penferoic
-ocr page 209-
ItfTRO�tfCT ION.        I77
penfero�t m�me que Ie V�fuve (0 en en*
g�outiiTant la ville d'Herculanum ( u), moins
cruel que ces hommes barbares, mit �
couvert quelques parties de ces productions
des Arts, dans le deiTein de pr�venir leur
perte enti�re, &: d'en conferver ai��z pour
nous faire juger des talents des Arriiles d�
ces temps recul�s. En effet, cette ville fou-
terreine nous d�couvre tous les jours d�s
ouvrages admirables qui nous font Voir en
quel �tat �to�t la Peinture fous le r�gn�
des C�i�rs, quoiqu'on ioit forc� de Con-
venir que les tr�fors de Sculpture qu'on
retire de fes raines , fo�ent de beaucoup
fup�rieurs � la Peinture dont nous parlons»
Les farouches vainqueurs des Romains 5
apr�s avoir mutil� ou d�truit ce que Rome
■'( t ) Le V�fuv� , � pr�fent nornrfi� Monte Somma, Volcail
d'Italie dans la Terre de Labour, anciennement la Cam*
panie, eft � deux lieues de Naples. C'�toit autrefois un
excellent vignoble , & les environs formoient un des plus
agr�ables pays de toute l'Italie ; mais aujourd'hui les
�ruptions de ce Volcan en font un lieu ft�rile : les laves
ou torrents, le foufre & les autres mati�res inflamma-
bles qu'il jet� continuellement , & quelquefois avec
beaucoup d'imp�tuofit� , inondant les campagnes voul-
ues, & rendant fouvent les chemins impraticables.
(u) Denis d'Halicafnaffe �te l'�poque de la fonda-
tion tfHerculea , appel�e auffi HcracLa ou HercuLanum au
d�barquement d°Hercule de Gr�ce en Italie, 60 ans avant
la guerre de Troie, ou 1342. ans avant l'Ere Chr�tienne.
Cette Ville, dit - il , fut fuccei�ivement habit�e par les
Tome I.                                M
-ocr page 210-
178          Introduction.
& hs Provinces d'Italie renferm�ient de
plus admirable en ce genre, ne laii�erent ce-
pendant pas de s'exercer dans cet Art dont
ils avoient an�anti les mod�les j mais ils
ne firent que le replonger dans l'enfance,
dont les Grecs l'avoient tir�. Leurs pro-
duirions furent prefqu'aui�� irr�gulieres que
celles qui fe firent premi�rement en Afie :
leurs tableaux reifem bloient � ceux qui ie
font encore aujourd'hui � la Chine 5 ils
�toient deftitu�s d'ordonnance, de perfpec-
tive, de clair o'bfcur 5 ils avoient n�anmoins
l'avantage, comme ceux-ci , d'exprimer,
quoique d'une maniere aiTez imparfaite, une
v�rit� fage, fimple, na�ve, qui plait, par la
raifon que l'�fpr�t ne fe trouve jamais plus
fatisfait que lorfqu'ii con�oit avec nettet�
Afques , les Etrufques 3 les Pelages , les Samnites & les
Romains ; mais elle fut conl�d�rablement endommag�e
fous l'Empire de Tibere-N�ron, par le m�me tremb'e-
ment de terre, qui d�tru�i�t peu loin d'elle3 la ville de
Pomp�ia , le 5 F�vrier, l'an 65 de J. C., & dont la ruine
fut enti�re par F�ruption du Mont-V�fuve 3 qui arriva
la premiere ann�e du regne de Titus 3 conform�ment au
fentiment de George Agricola , qui rapporte tous ces d�-
faites arriv�s dans la Campanie, fous le feptiemeConfu-
lat de ce Prince j ainfi il eft hors de doute que Tembra-
fement du Mont-V�fuve eft arriv� Tan 99 de J. G., le
24 Ao�t j & en admettant que le fiege de Troie fut
poft�rieur de 60 ans � la fondation d'Herculanum, il
s'en fuivroit que cette Ville a fubf�ft� pendant 1410 aa-
n�es.
                     ~                                                                                      . ; ':>■
-ocr page 211-
η τ no ό π CT ι on.          τη$
l'intention que le Peintre a voulu expri-
mer dans fon tableau.
Nous pouvons donc dire que de m�me
que les Grecs pr�t�rent 'une nouvelle vi@
� la Peinture , il fallut en Italie des g�nies
auffi heureufement infpir�s qu'eux, pour
faire fortir des t�n�bres de nouveaux chefs-
d'�uvre j & c'en: le fpe&acle qu'elle nous
offre dans le# feizieme iiecle. Les L�onard
de Vinci, les Michel-Ange , les Rapha�l ^
les Primatices, les Jules Romain, les Car-
rache, les Carravaghe, les BaiTan, les Ti-
tien remirent la Peinture en honneur, con-
firm�rent les miracles attribu�s aux Zeuxis,
aux Appelles , aux Parrhaiius (λ�), & �le-
v�rent cet Art divin � une perfection peut-
�tre inconnue jusqu'alors.
, Bient�t l'Ecole Flamande fuivit des tra-
ces
i� brillantes : les Rubens, les Vandlk
firent la gloire des Pays-Bas j & l'Ecole
Fran�oife,� fon tour, form�e fur les mo-
d�les de tant d'hommes c�l�bres, ne leur
c�da en rien pour la r�gularit� du def��n,
pour la force de Texpre�ion, pour le bril-
(*) Zeuxis d'H�racl�e vivoit dans la �>�' olympiadct
Plaute, dans fes Po�f�es, le compare � Appelles.
Parrahaf�us d'Ephefe } qui vivoit Tan 3650. Voyez.
ce que Quintilien rapporte de ce Peintre c�l�bre, liv. iz,
enap. 10,
Mij
-ocr page 212-
18�          Introduction,
lanc du coloris > pour l'invention, ni pour
l'imagination > les V.ouet, 1q$ le Sueur} lts
Pouffin-} les Lebrun , les Mignard , ont
fait douter plus d'une fois qui l'emporte de
Kome, d'Anvers ou de Paris: enfin, les Ar-
tiftes de nos jours > appuient l'ind�cifion j de
par leurs progr�s multipli�s dans cet Art, 'ils
font pencher aujourd'hui la balance en leur
faveur.
En effet, c'eft depuis le feizieme i�ecle
que cet Art a acquis une nouvelle maniere
que nos Anciens (y) avoient ignor�e j nous
avons vu qu'ils peignirent � frefque (f.)�,
en d�trempe (a), en mofa�que (b), � l'en-
cauilique (c) j mais, comme le prouve M.
MIHI             II                                                                               ______________                                                 ------------------------------------------------------ ||n ,               , ■ | ,.■--------------------------             ...            .......�- ■           . ,.� ^..�
f y ) La maniere de peindre � Thuile eft due � Jean de
Bruge, Peintre Flamand , qui le premier fe fervit d'huile
de noix & de lin pour broyer les couleurs.
(�) Peinture qui fe fait fur un enduit de mortier ou
de Pl�tre , encore frais , avec des couleurs d�tremp�es
avec de Peau.
( a ) Qui fe fait avec des couleurs d�tremp�es avec de
l'eau, de la colle ou de la gomme.
( b) Ouvrage compof� de plufieurs pi�ces de rapport
de diveries couleurs, maitiqu�es fur un fond de ft�c,
& qui imite parfaitement les tableaux des plus grands
Ma�tres-,- ~ � �-........-'-
                  r - - -.....# ■ '■ - .. -
( c ) Pline attribue � Ariftide le fecret de peindre avec
Ja cire; il eh rapporte la maniere', liv. 73 chap. 11. Cette
feue de peinture dont on peignoit les navires, �toit,
dit-il, fol i de , & fi fortement imprim�e, qu'elle r�fiftoit
� l'ardeur du foleil, & � Phumidit� : Qucz fi�tum in navi-
bus ace fok, nu fale ventifaue cortumpitur.
Ce fecret a �tf
-ocr page 213-
Τ Ν Τ R0 OU CT 1 Q Ν.          l8l
le Comte de Caylus, la Peinture en �mail
(i),fur verre (e) , en miniature (�), en
paftel (#), toutes ces fa�ons diff�rentes de
manier le pinceau & de marier les couleurs,
toutes ces m�thodes diverfes d'imiter la na-
ture font le fruit des recherches & des ta-
lents des modernes,,& les monuments im-
mortels des d�couvertes qu'ils ont faites
dans la Peinture.
Mais fans entrer dans le d�tail de tous
ces avantages, ni de celui qu'elle procure
� Ρ Architecture en particulier, qu'il nous
fuffife de nous rappeler que, par fes gri-
failles, elle rend fup�rieurement les bas-
reliefs & les rondes-boiTes de la Sculpture
& de l'Architecture5 que, tant�t elle nous
long-temps ienor� des modernes > mais depuis quelques
ann�es M. le Comte de Caylus a fait revivre cette ma-
niere de peindre, dont M. Bachelier & M. Vieft ont fait
1 application avec beaucoup de fucc�s dans. queiques-unes
de leurs productions.
                                             c y
( d ) Efpece de verre color�, dont la mati�re fonda-
mentale eft r�tain & le plomb, en parties egales, que
l'on fait calciner au feu , � quoi on ajoute feparement des
couleurs m�talliques.
                          ,,_,',
(e) Qui confifte dans le moyen de faire incorporer
�a couleur dans le verre, fans en emp�cher la tranfparence.
( � ) Qui fe fait avec des couleurs tr�s-fines bien broy�es,
&que l'on emploie avec de l'eau & de la gomme fur
du velin.
                                               ,           ,         ,,
■ ( g ) Le paftel n'eft autre chofe que des couleurs d�-
lay�es avec de l'eau, & r�duites en p�te en forme de
crayon pour peindre fur le papier*
M K)
-ocr page 214-
ί$ι      Introduction*
offre un point de vue heureuiement termi-
n� par une perfpe�Hve agr�able, en nous
indiquant en apparence un lieu plus vafte ,
qu'il n'eil r�ellement 5 qu'ici, des Peintu-
res fuperbes ornent les nefs & les d�mes
de nos Eglifes j que l�, des fymboles all�-
goriques aiilinguent l'ufage des diveri�s
pi�ces des appartements des Souverains >
qu'elle nous fait retrouver les campagnes
�c les mers au fein des Villes j qu'elle pr�te
mille agr�ments �. nos retraites, qui ne nous
fourniroient que des beaut�s peu f�du�fan-
tes^ J�5 elle ne venoit, pour aini� dire, peu-
pler leur folitude j qu'elle fait le charme
de nos ipeclacles, qui lui doivent tous leurs
enchantements ? que c'e/l par elle, que les
Palais les plus brillants fucc�dent tour � tour
aux d�ierts les plus affreux 5 que du f�jour
d�s morts, on fe trouve traniport� dans
l'Olympe: en un mot, que cette po�'f�e muette
varie tout, anime tout, & qu'elle eil, s'il
eil permis de parler ainf�, le vernis 6c le co-
loris de tous les Arts.
Pour nous convaincre du prix ineftimable
de la Peinture, & du cas particulier qu'en
ont fait toutes les Nations favantes, con-
itiltons lTIilloire : elle nous apprendra que
D�m�trius refufa de fe rendre ma�tre de
Rhodes, dans la crainte d'occai�onner la.
defcru&lon des ouvrages c�l�bres de ProtQ-
-ocr page 215-
I-N-T RO OU CT Ι Ο Ν.          t$|
genes ( h ) �■> que Parrhafius re�oit de ies Conc�-'
toyens une couronne d'or , pour prix de-
Γιιη de fes Tableaux ; que les Rhod�ens b�-
tirent un Temple � l'un de leurs Peintres >
que la Gr�ce & l'Italie ont �lev� des itatues
� ceux qui Te font i�gnal�s par des ouvrages
importants^ que Fran�ois I, Louis XIII,
Philippe III, Philippe IV, le Duc d'Orl�ans
R�gent, de quantit� d'autres grands Princes,
fe font appliqu�s � la Peinture j que tous
fe font fait un pla�ilr de d�corer par quel-
ques marques de dignit�, les Artiftes les
plus c�l�bres : que Charles-Quint f�t le Ti-
tien Comte Palatin $ & que Fran�ois � re�ut
les derniers foupirs de L�onard de Vinci:
qu'enfin, les Peintres & les Sculpteurs ( de
tout temps rivaux les uns des autres) jouif-
fent. encore aujourd'hui � Rome, des Prl�-
vil�ges des nobles Romains 5 qu'� Venife
les Arts lib�raux ont un Tribunal 5.'qu'� Flo-
(A) D�m�trius, Roi de Mac�doine, ayant affi�g� Rho-
des, fit venir dans fon camp Protogenes, qui �toit dans
la Ville , & lui demanda s'il fe croyoit en furet�. Ce
Peintre lui r�pondit avec confiance : « Je fuis perfuad�
33 qu'un grand Prince comme D�m�trius , en faifant la
*> guerre aux Rhodiens, ne la fait point aux Beaux-Arts. »
Ce Conqu�rant 3 fenf�ble cet �loge, ne voulut pas c|ue
Ton attaqu�t la Ville du c�t� o� �toit Tattelier de Pro-
togenes , & aima mieux lever le fiege-, quede prendre
Rhodes, qui auroit pu �tre forc�e du c�t� o� demeuroit
cet Artirte.
Miv
-ocr page 216-
184          Introduction.
rence, Corne de M�dicis leur accorda des
franchifes m�me au-deifus de celles des gen-
tilshommes 5 que dans les Provinces-Unies,
ils ont droit de participer � toutes les di-
gnit�s de l'Etat : qu'en un mot Louis XIV
eut une �onf�d�ration particuliere pour les
Peintres Fran�ois j & que de nos jours notre
augufte Monarque entretient � grands frais
f Acad�mie de Rome, &: permet � fes Pein*
tres de rendre publique leurs productions
dans l'un de fes Palais, faveur qui contribue
� entretenir leur �mulation & � rendre l'Eu-
rope t�moin des chefs-d'�uvre de Pein-
ture & de Sculpture de notre Ecole Fran-
�oife.
Apr�s avoir parl� de l'origine de la Pein-
ture &: de l'ellime due aux talents fup�rieurs
des Artiftes qui depuis tant de i�ecles fe
font i�gnal�s dans cet Art ; dlfons combien
il eft utile pour nos Elev�s defe rendre ca-
pables d'appr�cier les diff�rents chefs - d'�u-
vre que la Peinture r�pand avec tant d'�-
clat dans les �difices lacr�s, dans les de-
meures des grands, & m�me dans celles des
particuliers. C'eft par cette appr�ciation
lavante de la Peinture & de la Sculpture %
aid�e de l'�tude
du dei��n & de$ coni�iis des,
plus grands Artiftes, que le jeune Archi-
■C�&e peut parvenir � appeler � propos ces
-ocr page 217-
In τ r on νc τ ι όν.         185
deux Arts � Ton fecours pour embellir its
productions �c les faire atteindre � ce degr�
de fup�riorit�, qu'on remarque dans quel-
ques-uns de nos chefs-d'�uvre Fran�ois.
Aucun d'eux ne doit ignorer que Perrault
n'a produit le P�riftyle du Louvre �c l'Arc
de Triomphe du Tr�ne, monuments admi-
rables , que parce qu'il vivolt famili�rement
avec
Leb run, Peintre c�l�bre > Artifte de
g�nie, homme de go�t, & dont les produc-
tions font tant d'honneur au iiecle de Louis
le Grand j que Fran�ois Blondel n'eut peut-
�tre pas produit le chef-d'�uvre del� porte
S. Denis, fans les fr�quentes conf�rences
qu'il eut avec Desjardins quia fait les Sculp-
tures de cette belle porte triomphale,
eftim�e des vrais connoiiTeurs> queHardouin
Manfard doit la plus grande partie de Ces
productions aux entretiens qu'il eut fouvent
avec les Coifevox , les Girardon, les le
Nautre & autres excellents Artiftes de fou
temps. L'Hiftoire nous apprend que les plus
grands Peintres eux-m�mes , ont confult�
les gens de Lettres 5 le Poui��n s'entrete-
noit fouvent avec le Cavalier Marin 5 Ra-
pha�l avec le Comte de Caftiglione? Giotto
avec le Dante 3 & qu'enfin les plus grands
Artiites en ce genre depuis L�onard de
Vinci, n'ont foutenu l'honneur de l'Ecole
-ocr page 218-
i$6 Introduction.
Flamande, que parce qu'ils vivoient $c con-
f�roienc avec Galil�e, &c. Que de tels exem-
ples nous apprenoenc donc a coniuker tous
les Artiftes des diff�rents genres relatifs �
l'Architecture, � examiner le fpeclacle que
nous offre l'Univers .> pour imiter, non pour
copier fervilement la nature. Nos Elev�s veu-
lent-ils puifer dans les tableaux de Rapha�l-Ie
goiit relatif � l'Architecture ? Qu'ils le confi-
derentdans lanobleiFe &la convenance de ia
compoi�tion , la puret� de fon deffin & ia R-
neife de fon expreffion 5 en un mot dans cette
gr�ce inexprimable qu'il donne � la beaut�,
& qui lui a m�rit� le fur-nom de Divin.
Qu'ils examinent le Correge&; leParmefan,
dignes rivaux de Rapha�l dans l'Empire
des gr�ces 5 ils s'appercevront que le pre-
mier a foLivent viol� les r�gles de la i�m�trie,
& que le f�cond a fouvent manqu� de cor-
rection , quoique fes figures parlent �i ref-
pirent. Qu'ils confultent Michel-Ange, pour
la profondeur du dei��n & la maniere forte
de �qs comportions : Le Titien pour la
belle nature δί pour l'intelligence du co-
loris y le Carravaghe pour la magie des
ombres 5 Paui V�ronefe pour la richeiTe de
l'invention. Qu'ils fereiTouviennent fur-tout
que la Peinture comme la Po�i�e, n'eit autre
chofe que l'imitation de la belle nature ,
-ocr page 219-
Introduction, ^ 187
mais r�duite en Art, d'o� doit na�tre un
beau id�al. Qu'on ne s'y trompe pas, le
Naturalifte & l'Hiftorien repr�fentent les
choies comme elles font ,. le Po�te & le
Peintre, comme elles doivent �tre. Les
chefs-d'�uvre de Policlete & de Zeuxis font
dans la vraifemblance & non dans la v�rit�.
Il s'agit donc de fe former dans l'imagination
des mod�les de toutes les beaut�s diverfes
& de s'en fervir comme d'�chelle pour
monter � cette perfection, dont on s'eft
fait un prototype id�al.
                             ί
Enfin, nous confeillons � nos Elev�s de
ne pas n�gliger, comme la plupart le font,
de s'inftruire de toutes les parties des Arts
lib�raux que l'Archite&ure gouverne &
r�git fous ion Empire, & 'fur-tout de fe
nourrir de la lecture des meilleurs Auteurs
qui ont �crit fur la Peinture , tel que
ce que -nous a laiiT� M. de Piles , F�-
libien, & particuli�rement" Dufrenoi (i),
l'Abb� Marfy {h), M. Ba�llet de Saint-
( � ) Peintre habile , n� � Paris, o� il eft mort en i66j,
�g� de 54 ans, a fait un excellent Po�me latin , fur la
Peinture.
( k ) L'Abb� Marfy, n� � Paris, & mort il y a quel-
ques ann�es , compofa, lorfqu'il �toit J�fuite, un Poeme
en latin, fort eftim� des connoiifeurs. On peut dire de
ces deux Ecrivains, que le premier s'eft attach� � inftruire
& � r�pandre dans-fon ouvrage, plus de pr�ceptes que
s
-ocr page 220-
�SS         Introduction. ]'
Julien (/), Μ, Wateiet (m) \ & derni�re-
ment M. le Mierre , ouvrages excellents
qui ne peuvent que faire �clore le go�t des
jeunes Citoyens qui travaillent � pouvoir
devenir un jour de grands Arcnkedes.
de fleurs j & que le f�cond a mis dans le f�en moins
de le�ons que d'images. M. de Querlon nous 1 donn�
une traduction de ces deux Po�mes, qu'on trouw l
Paris chez Piffot, Quai de Conty. ° * r°UVe »
v}JJ �' BD�llet de,Saint:J?lief %(φ Paro�tre en i7«
1 eiiai d un Poeme fran�ois fur la Peinture.
                   ;
(m) M. Wateiet, qui, comme Dufrenoi, a r�uni k&
talents de la Poefie & de la Peinture, nous a donn� en
J ? u" loeme Fran�ois fur la Peinture , qui a recules
applaudiffements d�s � cet Amateur �clair�.
Fin de l'Introduction*
-ocr page 221-
CO U RS
D ' A R C H � Τ E C TU R E.
-a�ti^ZigiS&Z:-.
LIVRE PREMIER.
PREMIERE PARTI E.
iea=saaaa=s=s-------saaB* as » yajffitoig�ii=s;s�t=s=;� im�.,��, aai
Τ RA Ι Τ �
DE LA D�CORATION EXT�RIEURE
'DES BATIMENTS-
«mmmwhimimw
CHAPITRE PREMIER.
O ri g IΝ ε des Ordres. Source dans laquelle
on doitpuifer les pr�ceptes de la d�coration
ext�rieure des B�timents.
�L Ν parlant de l'origine de l'Archite�ure, nous
en avons reconnu de trois genres ; la Civile ; la
Militaire & la Navale, L'Archite&ure Civile , qui
fait ici notre objet , eft connue fous diff�rentes
d�nominations : Γ Antique, l'Ancienne, la Gothi-
que & la Moderne.
-ocr page 222-
190                      Cours
L'Archite&uf e antique, la plus eftim�e de tontes,
fut invent�e par les Egyptiens, & perfectionn�e
par les Grecs ; enfuite elle pafla chez les Romains,
&yfubiifta jufqu'� la d�cadence de leur Empire;
enfin elle a fucc�d� chez nous � la Gothique,
L'Ancienne prit naiiTance dans l'Empire d'O-
rient , & fut fort en ufage � Conitantinople.
La Gothique fe divifeen deux claiT�s. La pre-
miere tire fon origine du Nord. Les Goths l'intro-
duiiirent dans prefque toutes les parties de l'Eu-
rope ; l'autre appel�e Morefque ou Arabe , nous
eft venue de l'Afrique, L'Eipagne & quelques
Provinces M�ridionales de la France, ont long-
temps fait ufage de cette derni�re Architeclure.
La Moderne , proprement dite , eil n�e en France%
on peut en fixer l'�poque au regne de Fran�ois L
En effet, c'eft fous ce grand Prince & tes fuccef-
ieurs que les Lefcot, les Deiormes, les Manfard,
ont �lev� chez nous les premiers chefs-d'�uvre
d'Architecture d'apr�s l'antique,
ν L'Architecture, comme nous l'avons d�j� re-
marqu� , fe divife en trois branches: la conitruclion,
�a d�coration & la diftribution. Les Egyptiens font
les Peuples qui fe font le plus fignal�s par la io-
lidit� .de leurs monuments, les Grecs & les Ro-
mains, par l'ordonnance de leurs Edifices, & enfin
les Fran�oisjdans l'Art de diitribuer leurs B�timents.
Pour acqu�rir ces diff�rentes connoiifances avec
un certain fucc�s, commen�ons par traiter de la
D�coration, dont l�s principes doivent leur origine
aux ordres d'Architeclure dont nous allons parler.
*
-ocr page 223-
d'Architecture. 191
Des ordres d'Architecture en g�n�ral,
& de leur origine.
De toutes les parties de l'Archite&ure, il n'en
eft point qui annonce plus la magnificence de l'Art,
que les ordres qui d�corent les Edifices ; aui�i Γ Ar-
chitecture ne parvint-elle � fon dernier degr� de
perfection, que lorfque les proportions de ces
ordres furent fix�es, leurs diff�rents caraeleres
�tablis , & leurs divers ufages d�termin�s par les
Grecs.
Le premier pas que les hommes firent dans l'Art
de b�tir, fut, comme nous l'avons remarqu� pr�-
c�demment , de fe creufer des afiles dans le fein
des montagnes ; enfuite ils �lev�rent fur la terre
des huttes de forme conique, avec des branches
d'arbres & de la terre grafie ; puis ils fe form�rent
des cabanes qiiadrangulaires, en enfon�ant per-
pendiculairement des troncs d'arbres, au-def�us
defquels ils en poferent d'horifontaux, & fur ceux-
ci d'autres qu'ils difpoferent dans une forme trian-
gulaire. Enfin on �leva des �difices plus fon-
des & plus vailes, que Ton conflruhit avec �es
piliers circulaires , faits � l'imitation de la tige des
arbres, & avec d'autres qiiadrangulaires, imit�s d'a-
pr�s ceux que l'Art a voit �quarris. De-l� les co-
lonnes & les pilaflres. On s'en fervit durant plu-
fieurs iiecles , fans en conno�tre les avantages^
& fans fe douter que du rapport de leur groffeur
� leur hauteur , il pouvoit r�fulter des effets ii
admirables, relativement aux divers degr�s de
beaut� & d'�l�gance, r�unis � une folidit� r�elle
& apparente.
Pluiieurs Auteurs pr�tendent, qu� l'on vit po.ur
-ocr page 224-
15>2                        Cours
Ia premiere fois des colonnes au Temple de J�rufa«
lern ; mais il paro�t par le t�moignage de l'anti-
quit� , que les AiTyriens s'en �toient fervis, dans
celui qu'ils avoient �rig� � B�lus. Les Egyptiens
en avoient aulE employ� dans leurs �difices, fur-
tout dans ceux, o� ils fe propofoient de joindre
une folidit� durable � une grande magnificence.
Ind�pendamment de ces Edifices , les Egyptiens
�lev�rent fur les f�pultures des grands hommes,
des Pyramides, des Ob�lifques & dautres �difices
de ce genre, d'une hauteur prodigieufe, dans Γίη-
tention de rappeler le fou venir des a�tions & des
vertus des H�ros , ce qui en ai�urant � ceux-ci
l'immortalit�, ne contribuoit pas peu � exciter
l'�mulation de leurs concitoyens. L'objet de ces
grandes entreprifes, f�t appeler en g�n�ral Mo*
numerus ^
tous les Edifices d�finies � conferver la
m�moire des morts illuftres. Mais ces monuments
re�urent enfuite, chacun f�lon leur forme particu-
liere, diverfes d�nominations que les Grecs leur
conferverent.
On nomma Stelles les Monuments , qui, depuis
leur bafe jufqu'� leurfommet, avoient quatre c�t�s
�gaux & paralleles.
Ceux qui d'une forme circulaire dans leur bafe
alloient toujours en diminuant jufqu'� leur fommet,
furent appel�s flyks*
On nomma Pyramides�, ceux qui �tant qijarr�s
par leur plan, fe r�tr�cifToientinfenliblement juf-
qu'� leur extr�mit� fup�rieure.
Enfin, on donna le nom aO��lifques, du mot Grec
Obelos, une broche , � ceux qui ayant feulement
leurs c�t�s oppof�s �gaux, s'�levoient aufl tou-
jours en diminuant jufqu'� une tr�s-grande hauteur.
Parmi ces fortes de monuments * ceux qui �toient
nomm�s
-ocr page 225-
D'� HG H I TEC Τ URE.            I93
nomm�s �yles, approchoient le plus, � caiife de
leur forme circulaire , des colonnes qui fervoient
de foutien aux �difices des Egyptiens. Les Grecs
apper�urent k relation de ces deux productions
de l'Art» L'une & l'autre devinrent l'objet de leur
imitation ; mais rien ne pouvok encore leur fervir
de modele pour le rapport de la hauteur de la
tige de, la: colonne, � ion diam�tre. Le tronc des
arbres leur ayant indiqu� feulement la forme des
colonnes , & les fiyles des Egyptiens ne leur ayant
oifert que des hauteurs ind�termin�es.
Les monuments des Egyptiens �toient couronn�s
d'une urne, qui renfermoit les cendres de ceux
� la m�moire defquels on les avoit �rig�s. L'urne
�toit couverte d'une brique «, qui la mettoit �
l'abri des injures du temps* il y a tout lieu de
pr�iumer, que ces fortes d'amortiiTements ont fait
na�tre 'le chapiteau des colonnes , & que cette
brique a donn� lieu au tailloir qui le couronne.
On fait d'ailleurs que ces urnes repr�fentoient un
vafe m�plat, & que c'eil d'apr�s fon imitation qu'on
a form� les trois chapiteaux ,Tofcan, Dorique, &
Ionique, qu'on a beaucoup plus �lev�s dans la fuite,
pour les ordres Corinthien &: Compoiite, en y ap-
pliquant, comme dans les pr�c�dents, les feuilles,
lesgodrons, les oves> les ferons,les volutes, enri-
chiffements qu'on donnqit volontiers aux urnes,
plac�es � l'extr�mit� fup�rieure des f�pultures Egy-
ptiennes, r .
                                  ;
C'eil encore des monuments de ce Peuple nom**
mes fielles;, que font n�s vraifemblablement les
pilaftres appel�s par. Vitruve colonnes Atticurges ,
& depuis colonnes Attiques. Enfin l'heureux g�-
nie des Grecs les conduifit au point de d�cou-
vrir certaines proportions, jufqualors Inconnues
Tome l,
                                        N''
-ocr page 226-
194                      Cours.
dans Τ Architecture : ce que nous allons reconno�tre
par la recherche de l'origine des ordres Grecs,
apr�s lefquels nous parlerons de ceux des Ro-
mains.
                                             "
Dorus , Roi d'Ach�ie, ayant fait �lever fous des
proportions moins arbitraires , un Temple en
l'honneur de Junon, on appela Dorique, du nom
de ce Prince, Tordre dont on.d�cora ce Temple.
Mais en consid�rant cette premiere d�couverte des
Grecs, on ne fera pas �tonn� des changements
qu'il a re�us dans la fuite , n'ayant d'abord �t�
port� qu'environ � quatre diam�tres de hauteur,
ain� qu'on le remarque dans les ruines d'un Temple
a Ath�nes , o� les colonnes de cet ordre avoient
6 pieds de diam�tre , & feulement 22 pjeds & demi
de hauteur (�). Dans -un-autre Temple, trouv�
dans un endroit de l'Attique, appel� anciennement
par les Grecs T/wricion, les colonnes approchoient,
de cinq diam�tres. Gelles du Temple de Th�f�e,
b�ti environ dix ans apr�s la bataille de Mara-
thon,& celles du Temple de Minerve, �lev� dans la
Citadelle d'Ath�nes , avoient fix diam�tres. Dans
la m�me Ville on trouve , dans les ruines d'un
Temple �lev� � Augufte , des colonnes d'ordre
Dorique, qui ont � peu pr�sfept diam�tres* Cette
derni�re proportion, � la v�rit� moins racourcie
que les pr�c�dentes , eil cependant encore moins
�lev�e , que Tordre Dorique des Temples �rig�s
depuis chez les Romains par les Grecs m�mes ; &
par-l� ces derni�res colonnes nous fembknt ap*
proeher davantage des proportions re�ues chez
( a) Ruines des plus beaux monuments de la Gr�ce, par
M. Le Roi, f�conde Parcie, pag, 6 & /uiv. ."
-ocr page 227-
D'ARCHIT�CfU�l�i           f pf
ri��s : ce qui nous fait croire , que lorfqu� dans
la fuite on e�t ajout� � cet ordre une bafe , qui ne
fe rencontre dans aucune des produclions de l�
Gr�ce du temps de P�ricl�s ; cette bafe d'un mo-
dule , & la d�couverte d'un nouvel ordre Ionique
� Ephefe, port� d'abord � huit diam�tres , firent
fans doute avec le temps donner � ce dernier dix-;
huit modules j & fixer le Dorique � feize, tel quo
nos modernes l'ex�cutent aujourd'hui dans la plu-
part de leurs b�timents* Cette conjecture prouv�-
rent en quelque forte ia lenteur des progr�s M
l'Art ; qu'il a fallu des iiecles pour parvenir � ia
beaut� j � la r�gularit� & � l� perfection des or-
dres que nous connoiiTons * & que les Grecs �toieiif
d'abord bien �loign�s $ pour ce qui regarde ies
ordres d'ArcMtecjture i de l'�l�gance qu'ils ont fit
leur donner depuis * apr�s m�me avoir �t� r�duits
�en fervitude par les Romains *
Les Grecs ayant paffe dans l'Aiie mineure fous
la conduite dl�n -, un de leurs chefs, r�foiurent de
confacrer j dans leur nouvelle Patrie j des Temples
aux Divinit�s qui les prot�geoient. Ils cherch�-
rent donc � imiter celui que Dorus avoit �rig� �
Junon; mais incertains encore fur la proportion
qu'il falloit garder dans les colonnes dont ils pr�ten-
doient orner leurs �difices, ils imagin�rent de la
r�gler lui* celle du corps humain. Ayant remarqu�
que la longueur du pied de l'homme eii ordioai-
rement la iixieme partie de toute fa hauteur *�!!$
donn�rent � celle de leurs colonnes fix fois leur"
«i�ametre, proportion qui fut long-temps .fix�e pour*
cet ordre $ δε qui n'acquit huit diam�tres, comme
nous venons de le remarquer, que long-temps
apr�s la d�couverte de l'ordre Ionique ; mais vou*
Ν ij
-ocr page 228-
ι$}6                     � o υ *t s
lant enfuite fe rapprocher encore davantage de
la nature , & s'�tant apper�u que la t�te eil la.
huiti�me partie du corps humain , ils donn�rent
.huit diam�tres � leurs colonnes : ainii l'ordre Do-
rique re�ut fa proportion , & devint une forte
d'image de la force .& de la beaut� du corps de
l'homme. D�s-lors il acquit un cara�ere de viri-
lit� qui le rendit propre � orner les Temples des
Dieux & des H�ros.
Une heureufe d�couverte conduit ordinairement
� de nouveaux fucc�s ; ce premier pas en �t faire
un autre. Les ioniens voulant �l�vera Ephefe un
Temple magnifique en l'honneur de Diane, cher-
ch�rent une nouvelle proportion , qui, fans �tre
moins r�guli�re que la Dorique , offr�t n�anmoins
,ιιη genre de beaut� plus d�licat. Comme ils �voient
d�termin� le 1er ordre fur le corps de l'homme, ils
imagin�rent de r�gler la proportion du nouvel ordre
fur la taille plus d�gag�e des femmes Grecques,
& donn�rent au diam�tre de la colonne, qui fut
nomm�e ionique , la neuvi�me partie de fa hauteur.
Avec cette proportion ils voulurent offrir l'image
des coiffures des Dames de la Gr�ce ; ils taill�-
rent pour cet effet le chapiteau en forme de volu-
tes; ils ajout�rent aux colonnes des bafes pour
repr�fenter leurs chaui�iires ( b ) ; enfin voulant
imiter jufqu'aux plis de leurs v�tements, ils creu-
ferent des cannelures fur la longueur du fut de la
colonne : en forte que les Grecs en prenant pour
{b) Quelques Auteurs pr�tendent que long-temps avant le
Temple d'Ephefe, on avoir ajour� aux colonnes, des baies
qui-repr�fencoient des hars ou liens en�ploy�s dans la primi-
tive Architettijre, pour ferrer le pied des arbres, qui foa-
lenoieat l�s demeures ruiUques des premiers hommes,
-ocr page 229-
d'Architecture.           197
modele ce que la nature leur offrit de plus parfait;
introduifirent clans Γ Architecture la progreflion
Arithm�tique: l'un & l'autre font devenus des
objets d'imitation , & une regle prefquinvariable
pour les Artiftes* ?
Un �v�nement iingulier produint � Corinthe
une nouvelle forme de chapiteau , plus riche &
plus �l�gant encore, qu'aucun de ceux qui l'avoienf.
pr�c�d� , & fit na�tre la proportion du troifieme
ordre Grec. Une jeune fille �tant morte la veille de
(es noces, fa Nourrice pofa fur fa f�pukure une cor-
beille en forme de vafe , contenant plufieurs bi-
joux qu'elle avoit ch�ris pendant fa vie ; elle couvrit
la corbeille d'une tuile , pour la garantir des injures
de l'air. Le hafard fit placer cette corbeille fur la
racine d'une Acanthe fauvage. Cette plante venant
� pouffer au printemps, l�s rameaux s'�tendirent
au tour de la corbeille : mais fe trouvant arr�t�s
par les angles de la tuile , ils furent oblig�s de fe
recourber en forme de volutes. Callimaque , Scul-
pteur Grec, frapp� de l'heureux effet que produi-
foit cet enfemble , con�ut l'id�e du chapiteau
Corinthien, nomm� ainfi, parce qu'il fut invent�
pr�s de la ville de Corinthe. On pofa d'abord ce
chapiteau fur la tige de la colonne Ionique ; mais
comme il acquit plus de hauteur que celui de cette
colonne , & que par-l� il raccourciffoit la tige de
cet ordre , on imagina une nouvelle proportion ,
dont la l�g�ret� r�pond�t � la d�licateffe du cha-
piteau de Callimaque : pour cela ce nouvel ordre
fut port� � dix diam�tres , dans l'intention d'imiter
la taille fvelte d'une jeune fille, pourvue de toutes
les gr�ces de l'�l�gance & de la beaut�. D�s-lors
-ocr page 230-
�9§                        Cours
pet ordre, appel� par Scamozzi, l'ordre Virginal\
fut deilin� � l'emb�lliiTement des Temples d�di�s
4 Veita, � Flore, � H�b�. L'ordre ionique qu'il
appelle l'ordre F�minin , fut employ� � l'ordon-
nance des Temples d�di�s � Junon , � Cer�s , �
Proferpine ; & l'ordre Dorique , nomm� aui�� par
cet Auteur, ordre Mafculin ou Viril, confacr� � la
d�coration ext�rieure des Temples �lev�s en l'hon^
jieur de Jupiter, de Mars, d'Hercule, &c.
Les Grecs non contents de leurs ordres Dori-
que,Tonique & Corinthien, dont ilsavoient �tabli
          j
|es proportions d'apr�s le corps humain , voulurent
fubititner � l'Art la repr�fent�t�on de la nature elle-
m�me« 1,'efpoir de rendre immortel le fouvenir
de leurs victoires, & 1§ deiir d'��ernif�r la honte
de ceux qu'ils avoient fubjugti�s , leur fit allier
Jes troph�es de leur gloire aux monuments qu'ils
          |
Revoient dans leurs cit�s. Les �ariens s'�tant          I
r�volt�s contre euxfflirent punis de leur r�bellion          j
par une d�faite �omplette , δζ leurs femmes r�-
duites en fervitude, D'un autre c�t� les Perfes
qui �toient venus les attaquer jufques dans leurs
foyers, furent vaincus � Plat�e, | Salamine &
au pas des Terrnppyl.es.- Orgueilleux de tant d'a-
vantages j les Grecs voulurent faire paffer � la
poil�rit� les marques de leurs victoires ; pour cet
e'fiet ils convertirent les colonnes qui ornoient
Jeurs b�timents en figures humaines, humili�es &
aifaiiT�es fous le poids immenfe qu'elles fembloient
{apporter,. Celles qui repr�i�ntoient d�s femmes >
�toient l'image des» Carienries efclaves. Les Perfes
captifs �toient d�iign�s par des figures d'h�n)mes ί
4'o� ces fortes de foutiens furent nomm�s pr.drQ
�^riate & pjcU;e Perfique,
-ocr page 231-
d'Arch ixe c T�re.          199
Mais Comme d�telles images, quelque efama-
bies qu'elles ptiiffent �tre d'ailleurs-, par rapport
� la Sculpture, iemblent contraires a la douceur de
nos m�urs, qui ne permet pas d'afi�rvir awfi la
repr�fentation de nos fembkbles ; oft ne peut re-
garder dans TArchiteaure une application de cette
�fp�ce que comme un aeceffoire qui exige d �tre
employ� avec beaucoup de prudence ; autrement
ces figur�s qu'on diroit avoir �ii rriouvet�ent r &
de �t&mi s^accorderoient mal �vecla i�udite qu on
doit affea�r de faire paro�tre dans tous les genres
d'�difices, Les exemples c�l�bres des Canatiaes
que l'on remarque � la fa�ade de la cour & dan^
l'int�rieur du Louvre (c), ainfi q� au Bureau aes
Marchands Drapiers � Paris , ne fervent qu a
prouver que la f�du&on de l'art a iouvent pr�-
valu fur la vr�ifemblance , qui doit toujours �tre
obferv�e dans les d�corations ext�rieure* & int�-
rieures des �difices.
! L'ordre Perfique lieft pas plus tol�rable. Quel-
que viril que foit fon cara�ere, il η offre que les
marques d'un efclavage honteux, qui fait rougir
l'humanit�. On peut n�anmois le placer aficz con-
venablement dans la d�coration exterieure des
Portes de Villes de guerre j dans l'intention �an-
noncer � l'Ennemi le fort qui l'attend, � une lois
il eil vaincu ; aux Prifons Civiles & Militaires ( d ) i
> ( c ) Voyez ce que nous avons dit d�s Cariatides d� Louvre ,
At�hit. �rane. quarrierae vol. pag. 19�
(d)On donnera dans la fuite de ce Cours, le d�ifin fait
pour 1'Arfehal de Paris du c�t� de laBaftilie » lors du w«t
g�n�ral de l'Arfenai, dont le Minifterc m avoit charge ψ 1763,.
Ν- iv
..^u�^^H
-ocr page 232-
200                          COU R S
aux Maifons de Force & aux autres �difices de ce
genre , o� il paro�t convenable d'annoncer aux
coupables ce qu'ils ont � craindre loriqiuls feront
d�tenus dans ces lieux de punition & d'horreur.'
Si les Cariatides peuvent auiH trouver place
dans notre Architecture, ce n'eu: que dans les d�-
corations th��trales, dont la fc�ne repr�fenteroit
quelques actions arriv�es chez les Grecs , & o�
l'Artifte" feroit oblig� de retracer l'image de certains
faits hiiloriques. Elles pouroient encore tout au
plus �tre iiipport�es dans des f�tes publiques, o�
l'al�greiFe commune n'exige pas cette f� v�rit� �
laquelle on eil aiTujetti dans la d�coration des
�difices durables, & o� les attributs & les all�-
gories doivent �tre afibrtis au genre & au cara-
ct�re du monument.
Il eil encore un autre genre de �cu�pture, �ga-
lement � �viter , ce font Tes Termes , enfants du
caprice & d'une imagination fervile, autre efpece
de figures humaines, qui femb�ent fortir d'une gaine,
& � qui fouvent on fait porter des fardeaux : tels
font ceux que l'on remarque fur le Quai des Th�a-
tins de Paris. On en voit m�me plu�eurs dans les
retables d'Autels de nos Temples , plus impropre-
ment plac�s encore que par-tout ailleurs : ils ne doi-
vent �tre jamais employ�s, & par tol�rance feu-
lement, que comme ornements dans nos Jardins
de propret�, comme il s en remarque aux Tuile-
ries , � Verfailles & ailleurs.
Les Grecs ayant employ� ces divers ornements
pour tranfmettre � tous les �ges le fouvenir des
victoires remport�es fur les Cariens & les Perfes,
leur vanit� leur en f�t abufer ; car ils fubilitu�-
rent long-temps leurs ordres Gariate & Perfique
aux trois ordres pr�c�demment d�couverts. Urf�
-ocr page 233-
d'Architecture.           20 e
telle innovation les conduiiit infenfiblement � fur-
charger m�me le f�t de leurs colonnes , d'orne-
ments de diff�rentes efpeces , dont la prodigalit�
fut enfuite imit�e par les Romains. Au refte , ce
reproche ne doit tomber que fur les Grecs des
derniers temps. Voyons maintenant l'ufage que
firent les Romains, des d�couvertes qu'avoient
faites ces Peuples,
i:V'                   '-''�''"■'■ ■■';"■"'                                  Φ '- -
On attribue aux Romains l'origine de l'ordre
Tofcan. Bien des Auteurs ont cru qu'ils l'employ�-
rent pour la premiere fois au Temple de Janus ,
Roi d'Italie, puis � Florence, au Temple de Mars,
aujourd'huiT�glife du Baptifterede Saint-Jean, &
qu'ils ne voulurent rien devoir aux ennemis qu'ils
avoient vaincus, quoique les effets admirables des
trois ordres Grecs ne leur fuifent pas inconnus.
D'autres aifurent que cet ordre fut invent� en
Etrurie, appel�e aujourd'hui la Tofcane , lorfque
les Grecs mettoient en �uvre les ordres qu'ils
nous ont laifT�s pour mod�les. Quoi qu'il en
foit, cette production des Etrufques ( e ) eft bien
inf�rieure aux ordres Grecs, puifqu'elle ne pr�-
fente que l'ordre Dorique, rendu plus mat�riel,
& tel que les Grecs l'avoient d'abord imagin�.
Elle merite n�anmoins quelque confid�ration,
parce que cet ordre d�termin� � fept diam�tres ,
acquit un caract�re qui lui fait tenir encore au-
jourd'hui un rang aifez diilingu� dans l'Archi-
( e ) L'origine des Etrufques cil fort incertaine. Diodor� de
Sicile , liv. f , psg. 316., nous apprend que ce Peuple aimoit
beaucoup les Arts, & que ce go�t lui vint du commerce qu'il
eut avec les Egyptiens. Voyez au�l Les Ant. Etrufq, par M«
h C, de Caylus,
_��d
-ocr page 234-
202                            G OURS
teclure, Enfin, d'autres Auteurs pr�tendent, que
dans toute l'Italie il ne reite aucun veitige de
Tordre Tofcan ; que la colonne Trajane n'eit point
Tofcane , puifqu'elle a huit diam�tres ( � ), & que
les ordres employ�s aux Amphith��tres de V�rone
& d� N�mes, font d'une Architecture trop ruiti-
qu� pour oifirir des mod�les de Tordre dont il
s'agit.
L'invention de Tordre Compofite eil encore due
aux Romains. Quoiqu'il e�t �t� mis en �uvre
long-temps avant Vitruve, cet Auteur n'a pas jug�
� propos de lui afligner uri rang parmi les ordres,
non plus qu'� plnfieurs comportions de ce genre,
dont la div�riit� �toit infinie de ion temps} pro-
ductions , dit-il, qui ne coriiiitent que dans 1 af-
femblage des diff�rentes parties des ouvrages des
Grecs : autrement pour qu'il port�t le caraclere
> d'un ordre, il auroit fallu lui donner onze dia-
m�tres , comme cela �toit arriv� aux premiers Ar-
chitectes dltalie , & tel qu'il s'en voit encore un
exemple � Rome, dans Saint-Etienne le Rond. Mais
cette proportion n'a �t� imit�e depuis par aucun
Architecte; car , comme le rapporte Seamozzi,
il femhle qu'on ne puiffe naturellement fouffrir
cet exc�dent dans une colonne j» de m�me qu'il
paro�troit difforme � un homme d'avoir plus de
mefure de t�te qu'il n'en faut pour �tre bien pro-
portionn�. Cet Auteur rapporte encore * en par-
lant de Tordre Tofcan , que le nombre de fept
(�) Il eft vrai que la colonne Trajane a huit diam�tres j
mais il faut confid�rer que la faillie du bas-relief qui circule
'� l'entour , a faris doute oblig� d'�lever fori f�t 3 pour mettre
�lus de rapport entre f�n diam�tre apparent, & f� v�ritable
hauteur.
-ocr page 235-
d'Architecture. 203
diam�tres eil ia plus courte proportion qu1 on puiife
donner � un ordre , quoiqu'il s'en trouve qui n'en
bnt que iix ; mais qu'il �ft aui�� erfenci�l de reje-
ter cette proportion trop courte , que celle de
onze pour les colonnes les plus �lev�es.
Ce ne fut donc que depuis l'Empire d'Augt�fte 9
que l'ordre Compofite Romain que nous conhoiC-
jfonsj fiit employ� avec quelque fucc�s $ &: fa
Jiauteur fix�e � dix diam�tres ^ � l'exemple du
Corinthien. Les Romains, �clair�s par les Grecs *
s'apper�urent � lors , comme nous venons de le
dire d'apr�s Scamozzys qu'un ordre dont la hau-
teur ftirpaffer�it dix diam�tres1$ p�ro�troit ine�*
pable d'annoncer une folidit� apparente; & que
celui qui dans fa hauteur auroit moins de fept
diam�tres , h'oifriroit qu'une maffe lourde &
peu digne d'entrer dans les �difices de quelque
importance.
Il faut donc reeoriiio�tre que c'eit aux Arcnl-
te&es de l'ancienne Rome que l'on doit la d�cou-
verte: du premier terme en Archite�ture 9 fav�ir le
rapport de 7 � 1, qui fut d�termin� pour Tordre
Toican j & ce font les Architectes de l� nouvelle.
Rome, qui ont fix� leut ordre C�rrip�fite au terme
de ίο � ί, dont les Grecs av�i�nt d�j� fait ufag�
dans l'ordre Corinthien.
n�anmoins on h� faiiroit regarder Tordre Com-
pofite comme une nouvelle d�couverte, puifqu'i�
h� difiere du 'Corinthien %ie P^r l'aifemmage de�
ornements de ce dernier & de l'Ionique ; ce qui
tious oblige � tir�ire qu'il n'y a que quatre ordres
proprement dits , δε cela malgr� Tuf�ge que nous
faifons aujourd'hui de Tordre Comp�fit� * pour
Varier \i d���i�tibn �e nos �difices,
-ocr page 236-
204                      'G Ρ u R s
D'apr�s cette obfervation , on ne doit donc
compter que quatre ordres au lieu de cinq. Car ?
fuivant le fentiment du plus grand nombre des Ar-
chitectes, ce qui conititue. l'ordre proprement dit,
eil le rapport de fa hauteur � fon diam�tre. Or,
le Compofite ayant la m�me proportion que le,
Corinthien, il ne diff�r� r�ellement de celui-ci,
que par rapport � fes ornements. Il en eit arriv�
de m�me � pluiieurs de nos Architectes , qui >
ayant imagin� de nouveaux chapiteaux, ont cru,
� l'exemple de Callimaque , que ces nouvelles
comportions pffriroient de nouveaux ordres ; ils
n'ont pas r�fl�chi, que l'Architecture Grecque
avant Callimaque, comme nous Venons de le re-
marquer , n'�toit pas arriv�e � fon dernier degr�
de perfection , puifque ces Peuples n'avoient
encore trouv� que les ordres folide & moyen , &
qu'il leur manquoit l'�l�gance dont Tordre Corin-
thien femble �tre le triomphe. Mais avant de
parler de i'inconf�quence de nos Architectes, �
l'�gard de l'ordre Compoiite & de plufieurs au-
tres productions en ce genre, difons un mot
des �carts des Romains � ce fujet, afin de faire
conno�tre de plus en plus la n�cef�it� de nous
raprocher des premi�res belles productions de
l'Architecture.
A l'exemple des Grecs , qui apr�s les chefs-
d'�uvre Doriques, Ioniques & Corinthiens, vou-
lurent furpaiTer la perfection de ces m�mes chefs-
d'�uvre , les Romains ne s en tinrent pas � la
d�couverte de leurs ordres Toican & Compofite.
Apr�s l'imitation des trois ordres Grecs qu'ils
employ�rent dans leurs b�timents, ils tent�rent
d'autres moyens d'enrichir l'ordonnance de leurs
fa�ades. En vain les principes de l'art avoient �t�
-ocr page 237-
d'Architecture.           205
fix�s par les grands ma�tres, le titre de cr�ateur
parut � quelques-uns de leurs �mules, pr�f�rable �
celui d'imitateur ; enforte que fous pr�texte de faire
de nouvelles colonnes, ils imagin�rent d'en fur-
charger le f�t par des boffages , charg�s eux-m�mes
d'ornements fouvent peu convenables ; ils les racour-
cirent pour convertir l'ordre en Attique ; ils en tor-
ferent les f�ts, compoferent de nouvelles bafes,
fymboliferent leurs chapiteaux, croyant fymbo-
�ifer leurs ordres; ils abuferent des pi�deftaux ,
& ne craignirent m�me pas de tronquer leurs enta-
blements : licences qui fe font, pour la plupart,
introduites fous le Boromini, Architecte de g�nie
fans doute, mais aui�i incorrect que peu f�vere.
Si quelques Archite&es Fran�ais ontabuf� � leur
tour de ces licences � l'imitation de ceux d'Italie, on
rieft pas moins en droit de leur reprocher d'avoir
fouvent n�glig� d'obferver dans les attributs dont ils
ont furcharg� les chapiteaux , le f�t de leurs
colonnes , & les moulures de leurs entablements,
une certaine analogie qui doit fe trouver entre le
ftyle de la Sculpture & le caract�re de l'ordre ;
d�fauts qu'on remarque dans les ornements trop
d�licats de l'ordre Tofcan des guichets du Lou-
vre du c�t� de la rivi�re, dans l'application des
rudentures introduites dans les cannelures Dori-
ques du veflibule du Ch�teau de Maifons, dans
les boffages alternatifs, appliqu�s peut-�tre incon-
fid�r�ment aux colonnes Ioniques des avant-corps
du Palais des Tuileries, &c. Ces productions efti-
mables fans doute, mais non fans d�fauts , & qui�,
ayant trouv� des imitateurs peu verf�s dans les
principes de l'Art , contribuent plus qu'on ne:
s'imagine, � leur faire croire les pr�ceptes incer-
tains , & � leur faire imaginer des compositions
V
-ocr page 238-
zo6                       G Q � R s                           ,
peu r�fl�chies, parce qu'ils m�conrioiiTent les vraies
beaut�s des ordres Grecs , & les vains efforts des
Romains dans cette partie de rArchite&ure. C'efl
�inii qu'ignorant leur foibleiTe, ils tentent d'ima-
giner de nouveaux ordres, tandis que l'imperfec-
tion du compoiite auroit d� leur 'apprendre l'i-
nutilit� dune nouvelle tentative, fur-tout apr�s le
peu de iucc�s des plus grands Artiiles du iiecle
dernier, tels que le Brun, Perrault, Errard.( g-),
le Clerc & Dolivet. Difons ici un mot de leurs
efforts � cet �gard.
Dolivet t, Peintre qui vivoit fous le regne de
Louis XIV j conipoia un nouvel ordre dans un
genre femi-gothique, & tel � peu-pr�s que celui
que M. l'abb� Laugier nous ;a d�crit derni�rement
dans un de (es ouvrages.
Le Clerc, Grayeur c�l�bre j <&Γιιη des meilleurs
pei�inateurs du fie�ledernier',.nous a dona�fori
ordre Fran�ois dans fon petit Trait� fiit'�Archite-
cture; mms
quoique d'un aiiezbon genre, iln�dif�ere
du Corinthien que par les\�ri^ni'ents du chapi-
teau, jpans ce m�me Trait� il a voulu aui�i nous
donner un ordre qu'il appelle Eipagnol ; mais ces
deux productions, .quoiqu'affez eftimables , aini�
que celles de Perrault (A), de Je .Brun [i)X d'Er^
(g) CharlesErrard, Peintre & Architecte, eft mort � Rome,
iDir�&eur de Γ Acad�mie de France , le x$ Mai I689 , �g� de
$S ans.
""'." �a) Perrault ayoitpropof� ce pr�tendu or4re Fran�oisF-gfotir
le deuxi�me �tage de �'int�rieur de la coVr du vieux Louvre *
i�u lieu de .l'Attique jd.e PierreJLeC�Q.t/
.,(*".) Voyez le deflS» de cet ordre dans l'Architc�rure Fr$n-
�oife. Le Brun l'avoit coinpof� pour l� projet d'un Aie de
"Triomphe au Tr�ne , o� celui<�� Perrault -fut pir�ier�. Le
-Btun depuissa^exicut� cet ordre , jgpur la^lus .grande ga«i�>
dans la Gallerie de Yerfailles.
-ocr page 239-
d'Architecture. 207
tard (/ ) & de quelques Architectes de nos jours,
ne persuaderont jamais aux vrais Architecles que
le chapiteau fait l'ordre , � moins de vouloir pren-
dre la partie pour le tout. Car ii cela pouvoit �tre,
il ny auroit certainement point d'Artifte qui e�t
plus m�rit� de consid�ration dans cette partie que
Bibiane , Peintre-D�corateur Italien, qui, dans
fon Trait� de la Perfpective des Th��tres , nous a
donn� un tr�s-grand nombre de profils d'entable-
ments & de chapiteaux fort int�reffants , mais qui
n�anmoins ne peuvent �tre r�gard�s que comme
des productions ing�nieufes pour les D�corations
des F�tes publiques, de l'int�rieur de nos apparte-
ments , des pompes fun�bres, &c. N�anmoins nous
recommandons � nos Elev�s l'�tude de cet Auteur,
parce qu'il leur fera fort utile, apr�s la connouTance
des pr�ceptes de l'Art, d'acqu�rir le go�t du dei�in
que cet ouvrage doit leur infpirer.
Rapportons auffi ce que Chambrai dit dans fort
parallele des ordres antiques & modernes au fujet
des chapiteaux fymboliques des Anciens, & dont
il le garde bien de conieiller l'imitation. « Cela
» me fait repenfer , dit-il page io8, � la promeiTe
» o� je m'�tois engag� de donner ici quelques
»deiTms de chapiteaux extraordinaires tir�s des
» antiques ; & coniid�rant qu'ils ne fauroient plus
» avoir de place aujourd'hui en aucune forte d'�*
�difices, vu qu'ils n'�toient convenables qu'aiu?
»D�it�s du paganiime, & qu'il n'efl: plus mainte*
» naht de Jupker de 'Neptune, ni d'autres fetnbla-
(/ ) Ces ordres Fran�ois font partie d'un recceuil particulier:
qui contient le$ .profils, des ordres , 'apr�s Jes monuments de
France & d'Ipaiie , recceuil ^>pn �: parcourir ;.mais aux mesures
duquel il ne faut pas s'en rapporter, n'ayant pas �t� �oB�
fans doute d'apr�s les -deJ�ns faits par Er�ard.
-ocr page 240-
i�8                      Cours
» bles dieux de ces temps-l�, aux temples deiqile�s
» tous ces chapiteaux �toient iinguli�rement appro*
» pri�s par des repr�fentations fp�cif�ques � cha-
»que fujet, j'ai cru qu'il �toit plus � propos
» d'�ter ces amorces , qui ne feroient aul�ibien
que reveiller le mauvais g�nie des ouvriers �
» les imiter » , &c. Que tous nos Architectes &
le plus grand nombre de nos Artiites, n'ont - ils
penf� de m�me ; mais revenons aux colonnes
torfes, prodii�ions qui annoncent plut�t les d�r�-
glements du g�nie, que la iev�rit� que Γ Architecture
iemble exiger*
                    V
Quoiqu'il nous paroiiie auffi qu'il faille employer
les colonnes tories avec beaucoup de difcr�tion,
ainn* que les colonnes fymboliques & l'ordre ap-
pel� Attique ; n�anmoins comme il peut arriver
que dans la diverfit� ldes b�timents, ces produ-
irions trouvent bien leur place : avant de termi-
ner cette origine des ordres, nous dirons un mot
de ces trois objets coni�d�r�s en particulier.
� Nous n'h�fitons pas � croire que les colonnes
t�ffes , dont l'arrangement peu r�gulier paro�t
incapable de r�iii�ance, devroient �tre rejet�es de
l'ordonnance de tout �difice : mais celles du Ma�tre-
Autel de Saint-Pierre � Rome , celles du Val-de-
Grace & des Invalides � Paris ont donn� tant de
c�l�brit� � ce , nouveau genre de colonnes »qu'il
femble n�cei�aire d'en conno�tre au moins l'origine.
. Les colonnes torfes font une imitation des arbres
entour�s d'autres plantes ou arbuites paraiites ,
tels que la vigne fauvage, le chevre-feuille & le
lierre, dont les rameaux & les feuillages s'�toient
incorpor�s avec les troncs qui leur fervoient d'ap-
pui. Ces arbres & ces arbuftes, ain� enlac�s , pr�-
sentaient iine tige torfe dont les Architectes d'Italie
donn�rent
-ocr page 241-
d'Architecture.           209
''donn�rent la forme aux nouveaux f�ts de leurs
colonnes : en quoi il fe crurent autorif�s par les
exemples de plufieurs petites colonnes de cette
efp�ce qu'on voit � Rome, ex�cut�es en marbre
antique ; d'o� nous ferions tent�s de conclure que
chez les Grecs, & m�me chez les Egyptiens , les
colonnes torfes n'�toient pas inconnues. Il eil
�galement vraifemhlable que c'eii d'apr�s ces di�-
f�rentes imitations de la nature & de l'art, que
le Cavalier Bernin ofa faire ufage des colonnes
torfes ; il devoit r�fl�chir qu'il faut du choix dans
l'imitation de la nature & de la circonfpection
lorfqu'on veut la r�unir � Fart. Cependant com-
me celles qu'il f�t ex�cuter au Vatican font de-
venues , pour ainii dire, des autorit�s en ce genre»
le fuce�s de Bernin en cette partie, r�veilla l'�-
mulation des Manfards. C'eft d'apr�s ces grands ,
ma�tres que d'autres Architectes ont introduit;
des colonnes tprfes dans la d�coration des Edi-
fices facr�s; mais au moins faut-il obferver qu'elles
nefoient jamais que Corinthiennes ou Compofites,
& que leur diam�tre, lorfqu'on veut charger leur
f�t de quelqu'orpement, foit un peu diminu�, crainte
qu'elles ne deviennent trop pefantes. Enfin on ne
doit jamais affecter des cannelures creui�s ou ren-
fonc�es dans leur f�t inf�rieur ; il vaut mieux em-
ployer des ornements en relief, & referver ces cavi-
t�s pour la partie fup�rieure de leur tige.
Les Egyptiens apr�s avoir mis en �uvre des
colonnes pour le foutien & la d�coration de leurs
�difices, donn�rent � quelques-unes de leurs pyra-
mides ou monuments, la forme de leurs colonnes.
Les Grecs imit�rent d'abord les colonnes & les
Monuments des Egyptiens : mais b�^niot ils conver-
Tom� L
                                       O
-ocr page 242-
il�          ,;::? ;; C O tf R S
tirent celles-l� en ordres r�guliers : d�s-lors ils
Commenc�rent � les regarder, moins comme une
partie �ffencielle � la conflmclion, que comme
an objet de d�coration ; les Artiftes de la Gr�ce
s'attach�rent � leur donner plus d'�l�gance & de
vari�t� ; les mati�res les plus pr�cieufes furent
m�me pr�f�r�es � celles qui euffeht procur� une
folidit� plus durable ; enfin les Romains, imita-
teurs des ouvrages des Grecs, port�rent la magni-
ficence au point qu'on �leva des colonnes colof-
fales qui furent cohfacr�es � la gloire des Hommes
flluitres, & ils en vinrent � imaginer des fym-
boles dont ils furchargerent le f�t de leurs co-
lonnes. Cette application de la Sculpture � l'Ar-
chitecture devint la fource de cette multitude
d'ordres pr�tendus, auxquels on a donn� diverfes
d�nominations , f�lon les ornements particuliers
qu'ils ont re�us ; telles font les colonnes hiftoriques,
triomphales , fun�raires δε autres , dont nous pat-�
leron.5 dans nos d�finitions.
L'origine des Attiques (k) appel�s par Vitruv�
ordres Atticurge , eft fort ancienne. Mo�fe avoit
ordonn� qu'on �lev�t une efpece d'Attique fur
les habitations des H�breux; le motif de cette
loi, puif�es dans un fentiment d'humanit�, eil bien
digne de ce L�giflateur �clair�. Il vouloit emp�-
cher que les briques , les tuiles & les autres ma-
(k ) VitruV. liv. 4 , chap. 6 , appelle Atticurge Tordre Co-
rinthien > mais comme l'a remarqu� Perrault, n° ι , pag. nf,
il y a toute apparence que cet ordre �toit un ordre particu-
lier , dont les colonnes, au rapport de Pline } �'toient qu�r-
ir�es-i & avoient une bafe , un chapiteau & des membres
d'Archite&ure dans leur f�t, qui diff�re abfolument des autre*
ordres. Le mot -Atticurge d�rive de deux mots Grecs, qui iisni�
fient ouvrage Ath�nien.
                           . .
-ocr page 243-
' d'Architecture.          iii
ti�res qui couvroient les maifons des �ffaelites ,
he blei�aiT�nt les paffants , ii elles venoient � fe «
d�tacher par les injures du temps '■■(/). .
Pline fait mention des ordres Tofcan, X)�riqiie?
Ionique & Corinthien, &ne parle point du C�mpo-
ike non plus que Vitruve ; mais il cite, comme nous
venons de l� remarquer, un cinqui�me ordre qu'il
nomme �:tiiq�e,& dit que l�s tiges en �toierit quai-
r�es. Quoi qu'il en foit, cette efpece d'ordre efl
d'une proportion trop rac�urcie, pour pouvoir,
entrer en parallele avec ceux que nous connom�ns ;
�il �il � �roire qu'il ne fut d'abord employ� que
comme un couronnement continu, que les Ath�-
niens imagin�rent pour faire pyramider les �Vant-
corps d� leurs �difices. Les lloaiains «dans la fuite
ie firent fervir d'amortiiTement � leurs m�rrfrm%nts>
'a�hti qii'ii s'en voit encore d�s veiblges � Hoirie,
� la place de Nerv�, 'aux arcs de triomph� de Sep-
tim�-S�v�re , de Cohftah'tih ; &c.
� Ces Moqu�s �toi�nt r�ve�is de grandes 'tables
r�hfbfic��sv propres � recevoir des bas-reliefs,
'M �es ihf�ripti�ns relatives � l'objet de Fediiicel;
enfin on ajouta des tables raval�es dans leur pa-
rement.
Infenf�blement on perdit de vue l'origine & la
defKnation particuliere de ces petits �tages. Les
Archite&es modernes ont voulu les faire entrer
dans l'ordonnance de leurs �difices, & ont ei�ay�
de d�terminer la hauteur de l'Amque, & de don-
ner � (es pilailres, une proportion qui les diftin-
1 (/) LorCque tu auras �lev� les murs de ta msifon � leur
jufte hauteur, tu la couronneras pat un petit mur , afin qae
le fang de ton procliain ne foie pas verf� devant ta maifon.
Deut. cap. vi, v. 7.
O ij
ν
-ocr page 244-
212                        Cours
gu�t des ordres d'Archite&ure. Enfin, ils lui ont
affign� d'apr�s ce qu'enfeigne Vitruve , planche
31 , page 127, un genre & des ornements dont
nous traiterons ailleurs.
Nous venons de rendre compte de ce qu'il nous
a paru indifpenfable de dire au fujet de l'origine
des ordres proprement dits , ainfi que fur les au-
tres objets de la d�coration qui ont pris leur fource
dans ces m�mes ordres : nous avons cru, en rap-
prochant les temps, devoir paifer fous iilence la
plus grande partie des opinions de pluiieurs des
Architectes anciens & modernes ; car d'un c�t� ?
nous n'avons pr�tendu que faire conno�tre ce qui
ne peut �tre raifonnablement ignor� fur cette ma-
ti�re , & nous en tenir de l'autre, � ce qu'elle
nous offre de plus vraifemblable. D'ailleurs une
plus longue difcui��on n'auroit peut-�tre pr�fent�
aux amateurs, que des conjectures vagues & in-
certaines , & n'auroit fans doute fervi qu'� r�pan-
dre plus de confuiion dans l'efprit de nos �lev�s.
PaiTons maintenant au d�veloppement de la pro-
portion des ordres d'Archite&ure Grecs & Romain«.
-ocr page 245-
d'Architecture,            213,
! ^^^^^�j�j^==y�^==»
C H AFIT.R. E I L
Pr�ceptes de liArt> tir�s de la proportion des
ordres d'Architecture Grecs & Romains.
XOUR parvenir � donner g�n�ralement aux
membres d'Archite&ure qui embelliffent les fa�a-
des de nos �difices ,1a r�gularit� & la beaut� dont
ils font fufceptibles , rappelons-nous ce que nous
venons de dire touchant l'origine des ordres que
les Grecs nous ont lahT�s pour exemple, ainii que
les efforts que les Romains ont faits pour les �ga-
ler dans cette partie de Γ Architecture. Les fiicc�st
& la connoiflance des produ&ions de ces deux-
Peuples c�l�bres , nous feront d'un grand feeburs
pour fixer auffi les rapports, que les maiTes de
l'�difice doivent avoir avec les parties principales »
& celles-ci avec les. d�tails : nous y verrons auf�i la
relation qu'il faut mettre entre les avant-corps & les
arrieres-corps. Cette connohTance doit nous amener
encore � d�terminer toutes les parties d'un b�ti-
ment l'une par l'autre ; car il eil aif� de s'apper-
cevoir, que fi l'on n�glige dans le d�but de fa
compofition , les rapports qu'il doit y avoir entre
la largeur & la hauteur des fa�ades, & fi l'on
ne pr�voit d'abord la quantit� d'ouverture qu'elles
doivent contenir , par rapport au - dedans, il
n'en r�fultera tout au plus qu'une belle ordon-
nance ; mais l'int�rieur fe repentant de cette n�gli-�
gence, l'�difice fera imparfait.
Ο iij
-ocr page 246-
ii4            ,; ' . C o v r s �
Combien effectivement de productions en ce
genre nous pr�fentent cette iniperfe&ion, parce
que m plupart de leurs Arehite&es ont born� leurs
�tudes � la feule d�coration : combien de licences
condamnables, introduites dans la diftribution ,
pour n'avoir penf� qu'apr�s coup, aux moyens de
concilier les dehors avec les dedans, c'eft-�-dire,
- ��" beaut� de l'ordonnance des fa�ades, avec la
commodit� & l'agr�ment de l'int�rieur. Le Ch�teau
de Maifons, le Luxembourg , le Palais des Tuile-
ries, font affez conno�tre qu'il ne fuffit pas d'�lever
de, belles fa�ades ; que l'Architecture ne fouffre
point de divifions dans fes parties , & que pour
devenir im Architecte du premier Ordre, il faut
�tre � la fois , bon D�corateur , Diitributeur in-
telligent δε Conftrucleur confomm� ; qu'en un mot,
fans une profonde connoiiTance de ces trois parties,
on ne peut fe flatter d'�lever des chefs-d'�uvre.
Commen�ons donc, pour acqu�rir Fart de d�co-
corer nos �difices avec pr�ciiion δζ: avec go�t,
par l'�tude des proportions des cinq Ordres, com-
me �tant la; bafe des principes qui concernent la
d�coration de nos b�timents, partie de l'Architec-
ture 'l qui doit �tre regard�e, f�non comme la plus
ei�enciell�, du moins comme celle qui fait le plus
d'honneur � l'Architecte, tk qui contribue le plus
� annoncer l'opulence des Cit�s.
En parlant de l'origine des ordres, nous avons
regard� les Grecs , comme les Inventeurs des or-
dres (m )JDorique , Ionique δι Corinthien; δζ: les
Romains, comme les Auteurs des ordres Tofcan
':.("?) Ordre, cz mot i�gnif�e l'arrangement r�gulier de p�u-
i�eurs belles "parties , au moyen defquelles en parvient � com-
pof�r un enfemble int�reflant. Un ordre d'Architecture pro-
-ocr page 247-
d'Architecture.           21 f
& Compofite ; les Fran�ois, & les autres Nations
�ivilif�es , ont accept� ces deux fortes de produc-
tions , pour la d�coration de leurs �difices, 8f
ont reconnu que Tordre Tofcan �toit propre � ex-
primer la. ruiticit� ; le Dorique, la folidit�y Ποηί-
que , le genre moyen; le Corinthieri & le Compo.
fite, la d�licatei�e. Nous dirons ici, que comme
ce dernier a la m�me proportion que le Corinthien*
on ne doit gu�re reconno�tre que quatre Ordres
proprement dits ; que du moins �'eft l'opinion de
Vitruve {n), qui n'a pas cru devoir comprendre
l'ordre Compoiite dans la cla�Vdes pr�c�dents.
Rendons-nous compte n�anmoins des proportions,
& des diff�rentes expreiFions de ces cinq Ordres; en
quoi nous nous conformerons au fentiment de YU
gnole ( a) : commen�ons par le Tofcan, pour finir
par te Compofite, & cela fans avoir �gard au temps
de leurs d�couvertes; autrement il faudroitdivifet
les cinq ordres Grecs & Romains en deux claiTes^
prement�ir > doit �tre confider� comme 1'oppof� dudefordrc;
il peut Remployer ele deux mani�res , en colonnes ou eu pi-
laftres- Les ordres font appel�s par ffittttvfe,. ofdtn�s & genera.'
co/umnarum.
(η) Vitruve , ingenieur d'Augufte , avpit une grande
�onuoiiTan�e de la th�orie, de l'Archite^ure *, & a eu pour
interpr�tes, Vignole , Palladio , Scammo^xi* Delorme , fbl*
land^Serlio, Albcru , Caijtaneo�, Barbarofic Viola. Perrault^
l'un de nos plus c�l�bres, Arcbite�tes, l'a auflj comment� ; les;
notes importantes ont renilu l?�tude de Vitruve indifpenfablc
aux Architectes,
                          ;? �.                     h ;
(o ) Vignole , Archite&e Italien , a fait b�tirl'Egl�fe du J�fus
� Rome, & le Ch�teau de 'Caprarol.le, pr�s de cette Vil'ki Cet
Architecte apr& s'�tre rendu r�eomma-ndabie par Sis pr�ceptes
fur les cinq ordres d'Archite<&ure i cemmcHt�s par/-«TA-viller &
eil: d�venu , en cette partie 3 un objet d'imitation pour nos.
Arehite&es Ff�i�|ois j illmourut en i^fj , �g� de 66. ans». ;
O xv
-ocr page 248-
��6 .                  Cours                          y
ain� que l'a fait Chambrai (p); mais Comme not
Architectes Fran�ois ont �galement adopt� en ce
genre les d�couvertes des Grecs & des Romains,
au point, que plufieurs les ont r�unies dans une
m�me ordonnance ; fuivons �e plan que nous a trac�
Vignole ,'& comparons-le �ouvent avec Palla-
dio ( q ) & Scariimo�zi, les trois Commentateurs
de Vitruve les plus g�n�ralement eitim�s.
Des cinq ordres en g�n�ral�
.Planche Premiere.
Cette Planche peut donner une id�e g�n�rale des
cinq Ordres
, r�duits fous une hauteur commune ; ce
qui fait conno�tre plus pofitivement la diff�rence du
diam�tre de chacun d?eux
, comme on le remarque
par les plans qui font au-de�ous de ces ordres qui
indiquent �un feul coup d'�uil leurs diverfes ex->
prefions*
                             .... 0 ; ...                 ί
L'ordre Tofcan �e reconno�t par la iimplicit�
de.fes membres, & par fa proportion racourcie,
n'ayant que fept diam�tres "ou 14 modules (r)i
(p ) Chambrai, Auteur forteftim� , quoiqu'un peu partial,
jtious a donn� le parallele de Γ Architecture antique avec la
�ttode�nej [ voyez l'�dition de 1701.] M. Errard, Directeur
� Rome des Acad�mies Royales de Peinture , Sculpture1 &
Archite&ure de France , eft regard� comme l'�diteur de cet
ouvrage excellent. Voye^ la-note g, pag. xo6,
( q ) Palladio, n� � Vicei�ce, mort en i.jSo , l'un des Com-
mentateurs de Vitruve, le plus eftim�, s'eft acquis beaucoup
de c�l�brit� eu Italie; par les b�timents qu'il y a �lev�s. On
a de lui d,eux volumes grand in-folio, imprei��on de Hollande s
dans lefquels on trouve d'excellents pr�ceptes fur l'Archite-χ
�ture & la plupart des chefs-d'�uvre ex�cut�s par ce grand
Ma�tre.
'I ( r ) Module du latin modulus , petite mefure $ c'eft une
-ocr page 249-
�>* A G �l| C UT T�RE,                l�f
nombre reconnu pour le premier terme en Archi-
tecture. Effe&ivement au-dei�bus deiept diam�tres,
il jfemble qu'on ne puiffe faire un ordre r�gulier ,
qui puiffe entrer pour quelque chofe dans l'or-
donnance d'un �difice de marque. L'ordre Tofcan
s'emploie ordinairement dans l'Architecture mili-
taire, pour la d�coration des portes de Ville,
des Arienaux , des Cazernes, &c. : dans l'Architec-
ture navale, pour la d�coration des Ports , des
Phares, des Corderies, &e. : dans Γ Architecture
civile , pour la' d�coration des Grottes, des Fon-
taines , des Orangeries, des Baffes-Cours, &c.
L'ordre Dorique de huit diam�tres ou 16 mo-
dules de hauteur, fe reconno�t par les Triglyphes,
(f) diftribu�s dans la frife de -ion entablement,
�chelle quifert � prendre les grandeurs , les largeurs, l�$
hauteurs & les faillies des diff�rentes parties de l'ordre. Palla-
dio, Scammozzy & les autres .Commentateurs de VitruveJ
divifent leur module en 30 minutes. Nous pr�f�rons la
divifion du module de -Vignole parce que divif� feulement
en n pour le Tofcan & le Dorique, peu charg�s de mou-
lures i il femble devoir offrir une �chelle divif�e en moins de
minutes ; Se que par la raif�n contraire," les ordres Ionique ,
Corinthien & Corhpoiite, plus charg�s de d�tails . ont beibinf
d'une �chelle compof�e d'une plus grande quantit� de minutes :
moyens qui rendent la pratique du dei�in plus fine'3 Se l'art
de lever nos �difices plus facile.
(s) Triglyphes , du Grec Triglyphos} qui a trois gravuresΛ
eft une eipece de boifag�s ,■ diltribu�s dans la frife de l'enta-
blement de l'ordre Dorique , par des ihtervales �gaux. On
taille fur ces boliages des glypkes ou cannaux, f�par�s par
trois lifteaux ; ces triglyphes fe difpofent He maniere que
leurs axes tombent � plomb de ceux des colonnes ou Pilaftres,
de ceux des entre-colonnements des portes 3c des croif�es ;
ces triglyphes ont de largeur , la moiti� du .diam�tre de la
colonne, & de hauteur, celle die la frife, qui efl: d'un module
& demi. Voyez la forme de ces triglyphes^ dei��n�s dans la
frife de l'entablement de l'ordre Dorique 'Λ planche premiere.
-ocr page 250-
ZlB                        C O U R 5
& par ion exprei��on moins ruftique que le pr�-
c�dent. Son cara&ere virile, & la fym�trie de fes
membres ,. peuvent le faire employer quelquefois
dans les ouvrages militaires, mais plus particuli�-
rement dans l'Archite&ure civile, pour tous les
genres d'�difices facr�s, publics ou particuliers.
Cet ordre doit �tre confid�r� comme la premiere
d�couverte des Grecs: aui�i ces Peuples ing�nieux»
femblent-ils avoir �puif� dans fa composition toutes
Us reflburces de l'Art.
L'ordre Ionique de 9 diam�tres ou 18 modules
de hauteur, fe reconno�t par les volutes de fort
chapiteau, & par fa proportion plus l�gere que
l'ordre Dorique. Il peut �tre employ� convenais
blement dans la d�coration ext�rieure des maifpns
de plaifance, & dans l'int�rieur des appartements.
On peut aui�i l'�lever quelquefois, comme f�cond
ordre, dans les fa�ades ext�rieures des b�timents.
L'ordre Corinthien eil encore plus fvelte que
l'Ionique, ayant 10 diam�tres ou 2,0 modules de
hauteur ; il T�. fait reconnoitre par la d�licateiFe
des ornements de fon chapiteau, & par la divi-
sion des membres de la corniche de fon entable-
Jftent. Il eil confid�r� comme le dernier terme en
Architecture, car aiFezg�n�ralement il a. �t� re-
connu qu'un ordre qui avbit en hauteur plus de
dix fois fon diam�tre , paroii�bit incapable de
porter aucun fardeau : & par la m�me raifoh»
qu'on n'a pas voulu faire un ordre Tofcan au-
derTous de fept diam�tres, afin de lui �onferv^r»
malgr� fon exprei�ion ruftique, une certaine beaut�*
on na: pas cru devoir donner, � Tordre d�licat,
une �l�gance qui partit contraire � �a fplidit�
qu'on doit obferver dans tous les genres d'�difi�es.
L'ordre Corinthien, peut �tre employ� dans la d�*
-ocr page 251-
d'Architecture           219
cotation des Palais des Rois, dans les dedans de
nos Temples , -& g�n�ralement par-tout o� T�l�-*
gance & la magnificence doivent �tre pr�f�r�es �
la force & � la iimplicit�
Enfin l'ordre Compofite, de m�me proportion
que le Corinthien , fe diitingue parles ornements
des ordres moyens & d�licats, dont fon chapiteau
�ft compof�. On le met en oeuvre dans les arcs
de triomphe, dans la d�coration de nos th��tres,
dans les f�tes publiques, & par-tout o� les or-
nement fymboliques doivent avoir la pr�f�rence
fur les ornements ei�enciellement confacr�s aux;
ordres Grecs.
Division g�n�rale, pour les cinq
ordres d'Architecture.
Planche IT, Figure I,
Un ordre d'Architecture ? f�lon Vignole,ei};
affez ordinairement (t, compof� de trois par-
ties principales ; favoir, de la colonne {u) A>
; », .                 ι. Λ..;---------------;... _          ■ I ...y . .. .1 Ί, ; ι...' .... ι. ,,.ιι. :' � 1 i,3mM;<
( t ) Ajfe^ ordinairement ; ce qui donne � entendre que \$
pi�deftal & l'entablement ne font pas n�ceffaires � l'ordre ;
que la colonne ou le pilaftre fuffifent pour d�iigner un ordre
d'Architecture ; car Jorfqu'une colonne eft �lev�e fur un pi�-
deftal , & couronn� d'un entablement, il nous femb�� qu'on
doit appeler tout cet enlemfif� , ordonnance') & que le'mot
�'ordre ne devroit indiquer que la co�grine ou le pilaftre. Par
exemple, on d�t que la colonne coloiTale de l'ancien H�tel de
SoifTons , aujourd'hui la nouvelle Halle au Bl� , eft d'ordre
Dorique , quoiqu'elle n'ait pas d'entablement; n'e�t-elle pas
o� pi�deftal 3 elle feroit app'el�c de m�me. Les colonnes Tra-
janne & Antonine � Rome, font dans le m�me cas � on ne
res appelle pas moins colonnes Tofcanes, lorfqu'on les cite^
dans l'hiftoire. En effet, c'elt la colonne ou le pilaftre qui
doit d�terminer la hauteur du pi�deftal, & de l'entablement.
~{u) Colonnes j o» appelle ainfi un corps f�lide, de forme
-ocr page 252-
210                            C O URS
( figure premi�re ) qui ai�igne � tout le reilende
l'Ordonnance des meiiires confiantes & d�termi-
n�es, dupi�deftal Β ( χ ), & de' l'entablement C (y).
Ces trois parties A Β C en comprennent cha-�
cime trois autres.
Le pi�deital comprend le ibcle (ι) ou feaJfe ,β-ψ
le d� h, [a) & la corniche c, (b).
Les parties de Tordre , font la bafe d, (c) le
fut e, (d) & le chapiteau �, («.).
circulaire par fon pian, & compof� d'une bafe , d'un f�t &
d un chapiteau. La colonne diff�re du piiafrre , en ce que le
plan de celui-ci eifc de forme q�adrangulaire. Le mot colonne
vient du latin, columna , lequel d�rive 3 f�lon Vitruve de
eolumen, foutien.
                                                             * V
(x)rPi�defia�i on entend par p��defial, tout corps folide
compof� dune bafe, dun d� & d'une corniche : on le
nomme auffi ftylobate, du Grec ftyloba�s , foutien; >ce font
les modernes 3 qui ont ajout� aux ordres' les pi�deftaux.
(y) Entablement > c'eil le couronnement de l'ordre, com-
pof� d'un architrave, d'une frife ■& d'une corniche. Ce mot
vient du latin, taiulatum, aifemblage d'un plancher.
(l ) Socle ;. on entend par ce mot , tout corps qui cnlporte
un,MUt�? ryCf 5Patemenc : ici il tient lieu de bafe J parce
qu il elt fitu� a la partie inf�rieure du pi�deikl ; il d�rive
du latin foccus , qui lignifie fandale s ou de l'Italien foccolo ,
patin.
                                                           '             J ;;. �
(a ) D� ou tronc j quarr� ou parall�logramme , ordinaire-
ment f�utenu par un foele ou une bafe, \& couronn� par une
corniche,
                                                                    ν \\
j ίίΏΐ �?""c% Par « mot on entend la partie fup�rjeure
de 1 entablement ; les moulures de cette partie different f�lon
les cinq ordres. Au refte , le nom de corniche s'applique �
toute partie taillante qui couronne un corps d Architecture ;
ce mot d�rive du latin corona , couronnement.
(c) Bafe, du mot latin bafis , corps qui'en porte un autre
avec emp�tement ; on l'appelle auffi fpiYe y du htm fvira.
{d) tut du latin fuftis, baron; c'eft proprement le tronc
ou la tige de la colonne 3 non compris la bafe & le cha-
piteau.
.,.(.<?.) Chapiteau, du latin capitulantt Commet'? c'eft la partie
-ocr page 253-
d'Architecture.           221
Celles de l'entablement , font Tarch�trave g,
ǃ) la frife h, (g) & la corniche i.
Ces diverfes parties font compof�es de plufieurs
autres , auxquelles on donne en g�n�ral le nom
de Moulures ( h ) ; on entend par ce mot , tous
les membres (i) d'Archite&ure , qui confirment
l'art de profiler (k.) , foit dans l'application des
ordres , foit dans l'ordonnance de la d�cora-
tion des b�timents. Les moulures en g�n�ral em-
pruntent leur fome de l'expref�ion folide ou �l�-
fup�rieure de l'ordre : il en eft qui ne font compof�s que
de membres d'Architecture, tels que ceux des ordres Tofcan
& Dorique; d'autres font compof�s d'Architedure & de Scul-
pture , tels que les chapiteaux des ordres Ionique , Corin-?
thien & Compofir.es. Voyez la difr�rence qui diftingue ces
chapiteaux dans la planche premiere.
                     /
( � ) Architrave , partie inf�rieure de l'entablement , por-
tant fur l'extr�mit� fup�rieure des colonnes , & leur fervant
de fommier.
(g) Frife, du latin pkrigio , un brodeur , ou du Grec iroo-
pkoros
, porte animal. C'elt la partie interm�diaire de l'enta-
blement , & fur la furface de laquelle on taille des orne-
ments courants en forme de broderie , Se entre--m�l�s d'ani-
maux de plufieurs efpeces, ou de figures en bas-relief, tels,
que fe remarquent ceux deifin�s dans la frife des ordres
Ionique,, Corinthien & Compoi�te d� Vignol'e, ou dans celle
des ordres Corinthiens du frontifpice de N�ron 3 Se des termes
de Diocl�tien. Voyez pour ces derniers le parallele de Cham»
bray.
( h ) Moulures ; on entend par ce mot 3 tous membres
d'Architecture faillants., droits, courbes, mixtes ou i�nueuxj
c'eft par i'aiTemblage des moulures , Se la diverfit� de leurs
cfp�ces, qu'on parvient � �ompofer, les cimaifes des corni-
ches , celles des architraves, des impolies, des archivoltes }
Sec.
( i ) Membres ; on entend commun�ment par ce mot , la
partie d'un tout : en Architecture , les cimaifes 3 les larmiers,
font les membres d'une corniche. Les plates-bandes, les li-
fteaux. font les membres des architraves , des importes , des
archivoltes , des chambranles 3
Sec.
(fc) Profiler; c'eft la partie de l'Art la plus difficile; elle
neconfifte pas feulemetit�/irn�er la maniere d�s Anciens 5
-ocr page 254-
%%i                      Cours
gante des ordres, & fe r�duifent � fept e�* j
p�ces.
                                                          \" -,) \
D ES D I FF�RENt ES ES FECES           \
DE Mo U LU RES.                            \
Planch� II, Figure II.
La premiere eijp�ce comprend les moulures ;
quarr�es qui s'emploient de plusieurs mani�res : \
celles qui font marqu�es AB, font nomm�es cou- i
ronnes ; elles font les plus grandes & les plus
fail�arit�s �es moulures quarr�es des corniches ; \
pnles nomme larmiers (/) ou goutti�res,loriqu'oh :
pratique deflbus un canal comme a, pour aider
3 faire tomber goutte-�-goutte les eaux de deiTus
la faillie de la corniche, fans quoi elles coul�roient .
Ssjtis le plafond ou foff�t� [m ) du larmier. Quel-
quefois ce plafond eil contourn� en douane i com-
me b.
On nomm� la moulure G, gros quarre ; la fail-
lie en elf moindre que celles des pr�c�dentes ;
elle feft aux tablettes des baluitrades, aux ch�*
ferons des murs de cl�ture , &c.
La moulure D, appel�e plate-band�, fert pour
les architraves, les archivoltes Ou les chambranles.
C�� moulur�s n'ont ordinairement de relief que ce
mais encore � aflortir les exprefl�ons de chaque moulure , &
le carac��re du profil, � l'ufage , � la grandeur Se � la de-
ftination du b�timent.
                                                , . . �
..: (.1) Larmier; membre quarr� , ordinairement plac� entre
4eui cimaifes; on l�s appel� larmiers, minutaires ^ 'denriaa-
l�ires ou rriodillonaires , lorfque dans les diff�rentes corniches
d�s ordres on place des mutules, comme dans le Dorique:
des denricules, comme dans l'Ionique j des modulons, mmitiXj
ji�ns l� Corinthien,
f im) S��te* de l'Italien fo�to ^plafond � i'�ntiq�e" i fof-
-ocr page 255-
■;■■*■ '. '
�                                                                                                                                                           j
d'Architecture.             ii)
<|uii eh faut pour fe d�tacher les unes de deffus
les autres, ou du nud du mur fur lequel elles font
adapt�es*
Les petites moulures quarr�es font les filets ou
liiteaux, comme E F : celui Ε, plac� entre pluiieurs
autres moulures,fe nomme filet, & lorfqu'il les
couronne comme F, on lui donne le nom de
�iiieau.
La deuxi�me efp�ce comprend les moulures
demi-rond�s ; celles G, font appel�es tores ( η ) &
celles H , fe nomment baguettes; les unes δε les
autres font employ�es commun�ment aux bafes
des colonnes & pilaftres, ainii que les filets &
les liiteaux Ε F.
La troifieme efp�ce , font les quarts de ronds
convexes, comme ΙΚ , qui n'ont que la moiti�
d'un tore : on les appelle quarts de ronds , ou
quarts de cercles droits , lorique leur faillie �il
par le haut comme I, & quarts de ronds ren-
verf�s, lorfqu'elle eft par le bas comme K, C�S
moulures droites ou renverf�es, s'appellent aufl�
oves ( ο ) � caufe des ornements qu'on taille;
deiTus y lorfque ces membres font appliqu�s � des
cimaifes (p) ou � des ordonnanc�s d'Archite&�re
fufceptibl�s de quelque riche�Te,
m� de poutres apparentes, diftribu�es en compartiments, qui
imitent allez bien les plates-bandes Sa les caflettes qu'on
obferve fous les larmiers des corniches Dorique , Corinthienne
& Compofite.
( η ) Tore ? du Grec toros , un c�ble j on nomme aufl�
cette moulure j t�ndin | boudin, b�ton & bbzel,
(o ) Voyez, l�s ornements appel�s oves , trac�s fur la plan*
che 9 j & ce que nou� en diforis eri d�crivant l�s diff�rente
ornements qnon applique aux moulures.
( ρ ) Cim�ife , du Grec, kfymt��oit, Uti� �iide , parce qt��
les principales moulures qui les-�dmp�f��rt, font i^�ettfesti»
-ocr page 256-
224                     Cours
La quatri�me efp�ce renferme les moulures
creufes , nomm�es fcoties ( q ) comme L, ou can-
nelures comme M. Les premi�res fervent aux baies ;
les f�condes � enrichir les f�ts des colonnes & des
pilaftres. Voyez la d�finition du mot cannelure ,
table des mati�res, dernier volume.
La cinqui�me efp�ce, font les quarts de rond
concaves comme Ν Ο ; ils fe nomment cavets
droits , lorfque leur faillie eil par le haut,
comme Ν ; & cavets renverf�s, lorfque leur fail-
lie efl par le bas comme O. On appelle encore
cette efp�ce de moulure cong�, lorfqu'e�le unit un
corps vertical � un corps horifontal, comme Ρ ;
ou gorge, lorfqu'e�le tient du cong� & du cavet,
comme Q.
La iixieme efp�ce, comprend les moulures i�-
nueufes , nomm�es douanes, form�es de deux
portions de cercle ; on nomme douanes droites,
celles dont la faillie eil par le haut, comme R;
& douanes renverf�es, celles dont la faillie eil
par le bas, comme S.
La feptieme efp�ce , font enfin les moulures
finueufes , nomm�es talons, & form�es aufli de
UQUX portions de cercle, comme les pr�c�dentes,
mais profil�es en fens contraire : oh les nomme
talons droits , quand leur faillie eil par le haut,
comme Τ ; & talons renverf�s, lorfqu'e�le eil par
le bas comme V.
Les d�gagements e, plac�s entre deux moulures,
ondul�es. Cimaife en Fran�ois , donne � entendre les premiers
membres d'une corniche, qui indique la cime de toute l'or-
donnance d'une d�coration d'Architecture.
(q) Scotie, du mot skotos , obicurit� ; on la nomme encore
jia�dh, membre creux , ou trockile, du Grec Trockilos 3 pou-
lie Λ � quoi cette moulure reifemble aiTez par fa cavit�, \
. � -. ...... ......,-,..' f§
-ocr page 257-
b'�RGHITEGTURt           �$)
le nomment grains d'orge ; leur propri�t� 'eft d'em-
p�cher par leurs interi�ices tr�s-peu confid�rables,
les moulures droites de former en apparence des
f�cantes avec les moulures circulaires, principale-
ment lorfqu'elles font plac�es les unes fur les au-
tres dans une corniche ou dans tout autre mem-
bre d'Archltecfure.
Toutes ces diff�rentes efpeces d� 'moulures, fe
tracent ordinairement au compas ; mais apr�s avoir
acquis cette habitude, il faut s'accoutumer � les tra-
cer � la main : elles acqui�rent par ce moyen plus de
gr�ce & de vari�t� ; d'ailleurs on parvient par cet
exercice � leur donner un cara&ere relatif � l'ex-
prei�ion de chaque efpece d'ordre , o� les m�mes
moulures doivent s'annoncer diff�remment.
Pour faciliter les moyens d'acqu�rir prompte»
ment fart de profiler , ii n�ceffaire � l'Architecle,
nous allons donner la maniere de tracer g�om�^
triquement, non-feulement {es moulures convexes f
concaves & iinueufes appliqu�es aux ordres d"Ar-
chitecture , mais encore les moulures appel�es
moulures compof�es, � l'ufage de la menuiferie 9
de i'�b�niilerie, du bois , du marbre , du pl�-
tre, &c.
De LA MANI�RE DE TRAUER G�oM�^
triquement les diff�rentes
. Moulures.
Planche il�,
Nous rie parlerons point ici de la mani�r�
de tracer les moulures qtiarr��s , comprifes
dans la premiere eipece dont nous venons de
parier pr�c�demment ; elles ne font autre chofe
que des lignes paralleles, &: leur faillie eit pref-
Tomc i.
                                          Ρ
-ocr page 258-
\
3ιβ6                          C OURS
que toujours d�termin�e spar -des angles droits |-
� moins qu'on ne croye devoir les incliner un peu
eu arri�re , � deffein de donner en apparence plus
de ibflite & moins de faillie r�elle � la maffe des
corniches, des architraves, des importes, des ar-
chivoltes , &c. ainfi qu'on le remarque aux lar-
miers & plates-bandes de l'entablement du petit
ordre Corinthien, dans l'int�rieur de TEglife de
l'Oratoire � Paris, Au reite, nous croyons que
malgr� c�ne exemple allez c�l�bre , on ne doit ui�r
de ce moyen qu'avec beaucoup de circonfpe�tion,
les' angles aigus que pr�fentent ces corps inclin�s
�tant preique toujours un abus contraire aux pr�-
ceptes de la bonne Architecture.
Des Tores.
Les moulures ABC pr�fentent les diff�rentes
courbures qu'on peut donner aux tores , fejon
qu'ils font plac�s � diff�rentes hauteurs dans les
b�timents � pluiieurs �tages. Effectivement c'eit
leur iituation dans Γ Architecture qui doit d�ter-
miner l'Architecte � applatir plus ou moins les
tores dans leur partie fup�rieure , relativement �
l'�l�vation de l'�difice & au point de diitance d'o�
ils doivent �tre apper�us, fi l'on veut que leur
faillie malqtie, le moins qu'il eil poi�ible, les mou-
lures quarr�es qui, ordinairement, les couron-
nent.
'Maniere, de tracer le tore A , far un demi-cercle.
Le quarr� A Β CD �tant d�termin� par la
hauteur de la moulure, divifez-le en deux parties
�gales par la ligne EF; partagez cette ligne en
deux,'aifpoint G , duquel, comme centre, yous tra-
cerez le demi cercle Ε Η F,
-ocr page 259-
d'�RCH LT E tLT U R �«            227
Maniere Ae tracer Le tore Β-, par deux portions
I : - ^ \          de cercle.                       . -U
Le quarr� AB CI) �tant donn� comme le pr�-
c�dent, partagez BC en cinq parties �gales : de
�iois de ces parties, prifes pour faillie, tirez la
verticale Ε F ; portez ces m�mes trois parties de1
Ε en G , & tracez du point G , comme centre ,:
le quart de cercle IE; tirez enfuitele rayon Ver-'*
tical HK, en prenant fur la ligne horifontal�:
IG la ligne IH, �gale aux deux cinqui�mes de
RGf & du point H, comme centre y vous d�-
crirez la portion de cercle IK.
Maniere de tracer le tore C, par trois portions
de cercle.
1^-hauteur Β � �tant partag�e en fept parties
�gales, on en donnera cinq � la faillie Β Ε, puis
on abaijffera la verticale E E que Ton partagera
aui�i en fept : on divifera en deux la derni�re de
ces fept parties au point F, d'o�, comme centre, on
d�crira l'arc de cercle EH, auquel on donnera une
corde de trois parties del� hauteur Β G ,qui d�termi-
nera fui cet arc le point H; on prendra auffi fur
la bafe F� trois parties au pointI; on �l�vera
la perpendiculaire ΙΚ �galement de trois parties ?
&. dyi point Κ, comme; centre , on tracera l'arc
ind�fini, J L :; portez, enfuite. ce. m�me* rayon de
H en M; divifez cette ligne oblique en deux au
pointN; puis �levez la petite perpendiculaire
Ν (X, qui rencontrant le rayon H F au point Ο,
donnera la direction de la ligne Ο KL , pour
du point,O., comme centre , tracer l'arc LH, qui
conipl�ttera la courbe de ce dernier tore. '
P ij
-ocr page 260-
12&               J COiii R:s:';i
Des Quarts de Rond. /
Maniere de tracer le quart de rond A , par un.
" *
                   quart de cercle. -"--■'"■'Ρ,.r
La hauteur AD & la ..faillie AB �tant �gales
en'tr'elles , du point A , comme centre , & de l'in-
tervalle AB ou AD, tracez le quai r de cercle Β F Ρ :
ce premier quart de rond d�terminera les deux
fuivants; mais leurs convexit�s ieront moins con-
iid�rables , � deffein d'offrir dans une m�me mou-
lure trois quarts de rond , d'exprei�ion folide y
moyenne & d�licate."'j .: * �
             : r
Maniere de tracer le quart de rond Β ^ par trois
ν points donn�s.
Le quart de cercle BFD �tant trac� comme le
pr�c�dent, tirez la corde Β D ; divifez-la en deux
parties �gales en Ε , �levez fur cette corde la
perpendiculaire Ε F, partagez-la en fept parties
�gaies, dont la fixiem�fe terminera au point � ;
tracez enfuite du point H, comme centre , un
cercle qui paffe par les trois points donn�s DGB:
pour cela tirez la corde D G , & fur fon mi-
lieu I, �levez la perpendiculaire I H ; tracez de
m�me la corde G �, & de fon milieu K, �le-
vez la perpendiculaire Κ H ; ces deux perpendi-
culaires s entrecouperont au point H,qui, comme
centre.,, fervira � d�crire l'arc Β G D.
Maniere de tracer le quart de rond C >
par trois foyers.
-■ Le quart de cercle BFD, la diagonale Β D \ &
-ocr page 261-
t>'A R.C H I TEC TUR�.'             1Z$
Ja perpendiculaire Ε F, �tant trac�s comme dans
la moulur� pr�c�dente , il faut feulement placer le
point G � la cinqui�me diviiion de Ε F\. au lieu
de la fixieme ,� puis trouver , comme on vient de
le dire au point Ο , le centre d'un quart de cer-
4�le-j qui paffe par les trois points donn�s DGB,
enfuite tirer les perpendiculaires HO & 1 Or qui
�tant �lev�es pour trouver le centre Ο , coupe-
ront la ligne AB au point K., &la ligne AD
au point L ; enforte que ces deux points KL
ferviront � d�crire les nouvelles partions de
cercle pfopof�es "M K�, i.N ; de maniere que celle
M^, d�truira l'angle aigu qui fe rencontreroit
vers Β , & que celle i S fera �viter la f�cante
que l'arc formeroit versD, & procurera �
cette moulure un grain d'orge q, n�ceifoire pour
Ja f�parer d'avec la baguette Ρ , qui �ccornpa-
gne affez ordinairement les quarts de ronds.
■''' D ε s Ca ν':� τ s, '-■'"' �,-' '""
Ρ l a-'n;:c h ε I;V.;"�'" ';;
Maniere de tracer te cavetA', par un quart
de cerne.
Cette moulure ,rinver��/!jdiL quart de rond ,
fe trace de m�me. Le quarr�; AB C D,.�tant donn�»
tracez du centre D, le quart de cercle, AEC»
ou cavet demand�. ,;;
                   
Maniere de tracer le cavet Β} par trois points
""donn�s* : � -;�
Ce quart de cercle concave �tant trac� comme
Pu/
' L
' / SE'
-ocr page 262-
\
Π^Ο           '^ ;� 'J G O � R S V' «3
le pr�c�dent, tirez la diagonale AD ; �levez fur
fon milieu la perpendiculaire E F , divifez-la en
«fept parties ; portez-en une de F en G ^ faites ^paf-
! fer comme dans le f�cond quart de rond Β, Un arc
de cercle, par trois points donn�s A G D, qui
d�termineront le foy er Hy duquel, comme centre,
vous'd�crivez le cavet AGD.
          ; ;            -?
%Mamdm d� tra�er U c�yet C, par deux foyers.
Ce troifieme cav�t n'a de faillie que les quatre
■cinqui�mes de fa hauteur. Pour'le d�crire,'fai-
tes le parall�logramme rectangle ABC D, &. d�-
crivez un quart d'ovale , A Ε C yf de, la maniere
fuivahte.
                ."■          ,           y'y
Sur la, ligne AD, formez un triafegle �qullat�ra�
A F D ; du point D, comme centre, tracez le petit
arc CG, qui coupera FD au point G , enfuife
tirez la ligne ind�finie �G Ε qui coupera F A au
point E. Portez A Ε de A en H fur la ligne AD,
& du foyervH> comme centre,, tracez l'arc AE;
tirez en$�ite la ligne �fit, qui �tant prolong�e,
-couperaCD prolong� au point I..( r.), duquel, com-
me centre, vous tracerez l'arc Ε G.
Ces moulures concaves s'appliquent auffi aux
.parties :fup�rienres :& inf�rieures du fut des lo��res
,colonnes ou. J>ila�tres ; alors ces moulures s'appel-
lent cong�si� elles diff�rent feulement des cavets
ABC, en ce qu'elles n'ont point de fontes ou pla-
fonds vers leurs extr�mit�s inf�rieures, �tant faites
(r) Ce point I, fe trouve confondu dans la figure S» pro-
che d� la lettre 0;; comi�e appartenant � la fig;� C. 9
�<
-ocr page 263-
d'Architecture.           23*
pour unir la partie verticale du f�t, avec les mou-
lures horifontales du chapiteau, ou de la baie de
l'ordre. Voyez dans le cavet C, la ligne ponc-
tu�e CK,..repr�fentant l'a plomb du fut, d'une cc^�
lonne, d'un pilaftre, ou de tout autre corps ver-
tical.
D es Se ο τι es.
Commun�ment les Scories fe tracent � la main,
feul moyen de leur procurer une cavit� ou un con-
tour relatif � la diverfit� des baies , & � Fexpreincn
de l'ordre, auquel ces bafes fervent de iouti�n \
mais comme il faut un grand ufage du deffin, pour
les tracer fans le fecours du compas ,.nous allons
indiquer la mani�re de trouver les foyers par les-
quels on les d�crit,'afin de faciliter, la pratique
par la th�orie f�cond�e du go�t de Tart. ■
Maniere de tracer la feotie A , appel�e feorie
; moderne.
Le quarr� ABCD, �tant divif� en quatorze
parties �gales, du point E, plac� � la neuvi�me clivi-
iion, partant de Β, abaii�ez la ligne verticale EF, des
quatre cinqui�mes de EA ; formez le triangle �qui-
lat�ral EF G ; & du centre F, d�crivez l'arc Ε G :
prolongez enfuite le rayon G F, d'une quatorzi�me
partie d'un des c�t�s du quarr� ABCD, pour
avoir le point H; & d� ce point, comme centre,
tracez un arc dont la corde GI foit de deux par-
ties; puis tirez le rayon t H prolong� de deux par-
ties eriK; tracez l'arc � L , auquel vous donnerez
nne corde de trois parties. Prolongez encore le
"rayon LK de deux parties en M, la ligne oblique
Piy
-ocr page 264-
%�%                         Cours
MN, que vous prolongerez jufqu'� la cinqui�me
drvi�ion de la ligne Β G: partagez cette ligne obli-
que en deux �galement au point O ; �levez la per-
pendiculaire O Ρ , qui coupera C Β prolong� en Ρ ;
tirez la ligne oblique Ρ M Q; enfin du point M,
d�crivez l'arc LQ, & 'du point Ρ , l'arc QC , qui
finira Ja courbure de cette icotie,
Mankre. de tracer la f c�ne Β, appel�e feotie
antique.
Le quarr� A BCD , & la faillie A Ε feront les
m�mes que dans la figure pr�c�dente. Du point
E, abaiffez la ligne verticale Ε F de trois parties;
du centre F, d�crivez Tare EG, dont la corde
fera de deux parties; tirez le rayon GF, puis
prolongez-le de trois parties au point H, duquel,
comme centre, vous d�crirez Tare G I , en lui
donnant pour corde cinq parties : tirez enfuite le
rayon 1H, que vous prolongerez de trois parties
& trois quarts jufqu'au point Κ ; d'o�, comme
centre, vous d�crirez l'arc IL, auquel vous don-
nerez pour corde, fept parties, : tirez apr�s cela
le rayon LK, puis l'oblique LC ; divii�z cette der-
ni�re: en deux , au point M; �levez la perpendieu-
Jaire MN; elle rencontrera LK , au point m ,
qui, comme centre, fervira � d�crire la quatri�me
portion de cercle L C
Maniere de d�crirela/code C\ par'cinq foyers.
Diviiez les cot�s du quarr� AB CD en douze
parties �gales : du point E abaii��z la ligne per"
pendicuiaire E F, de la longueur de deux parties
& trois quarts � du centr� F d�crivez Far� �GA er>.
■i:
-ocr page 265-
D Architecture. 235
lui donnant pour corde deux parties ; tirez le
ravon G F, prolongez-le de trois quarts de par-
ties de F en H; & du centre H, d�crivez lare
GI, dont la corde fera auili de deux parties ; puis
tirez le rayon IH, prolongez-le de deux parties
& demie en K, do� vous d�crirez lare IL, en
lui donnant pour corde cinq parties : tirez le
rayon LK , prolongez-le de trois parties juiqu a
M ; de la neuvi�me diviiion Β C, tirez M Ν, que
vous diviierez en deux parties �gales, au point
Ο ; �levez la perpendiculaire Ο Ρ , qui rencon-
trera la ligne CB , prolong�e en Ρ ; enfin tirez la
ligne Ρ MQ, qui limitera Tare L Q; & du point
F, comme centre, vous d�crirezTare Q C-,
Des D ou cin es.
Plan che V.
Manier� de tracer la doucine A , par deux
quarts de cercle,
ta hauteur de la moulure �tant d�termin�e pat
le quart� AB CD , diviiez chaque c�t� en deux
parties �gales ; tirez les lignes EF, GH, qui s'en-
trecoupent au' point I; puis du point H, d�cri-
vez le quart de cercle ΒΓ, & de G, comme cen-
tre, μη autre quart de cercle PL
'Mani�re de tracer la douane Β ~, par deux
' triangles ifoc�les.
Tracez le quatre A Β C D ; tirez la diagonale
.BD,divifez-la en deux �galement au point I,
-ocr page 266-
2,34                   C o υ k s
& tracez deux quarts de cercle comme les pr�c�-
dents ; enfuite divifez DI & I� en deux, aux
points L & G ; partagez les fl�ches KL & G H
en fept parties ; & de DOI, & de ΓΡΒ, au-
tant de points donn�s , trouvez comme dans les
"figures pr�c�dentes les foyers Q R, � deiTein de
parvenir 4 tracer cette moulure moins concave
cnie la pr�c�dente.
Maniere, de tracer la doucine C ? par trois
ftf ": ifi mi foyers, Jk
Tracez le quarr� A Β CD , puis le quarre
EFGD, quart du pr�c�dent: du point Ε, comme *
centre, d�crivez le quart de cercle FHD; tirez
enfuite la corde FD; & au milieu del� fl�che IH
divif�e en fept parties, de la cinqui�me Κ, ainfi
que par les points FD, faites paiTer un arc de
cercle , dont le centre fera L ; divifez enfuite
Tire D Κ en deux au point M ; tirez la ligne
M L, perpendiculaire � DK, qui coupera A D
au point Ν, duquel, comme centre , & de fin-
'terval�e NM, on d�crira l'arc MO, arc qui oc-
caiionnera un grain d'orge, ainii qu'on l'a cbferv�
dans le quart de rond C\ planch� troiiieme ; pour
"tracer la partie fup�rieure de cette moulure, pro-
longez l'arc MKF ind�finiment vers P, portez le
rayon L F d� Β en Q, tirez la ligne Q L, &
fur {on milieu , tracez la perpendiculaire V Τ,
*qui coupera BC au point Τ ; puis tirez la ligne
LT, qui coupera l'arc F Ρ au point S; & d�
centre T, d�crivez Tare BS, d'o� il r�fultera que
Ja partie fup�rieure de cette doucine fera plus
concave & moins �lev�e que fa partie inf�rieure*
#
-ocr page 267-
d'Architecture.           23 5
Des Talons.
Manwe % tracer le talon A, par quatre foyers.
La faillie AB �tant fuppof�e �gale � la hauteur
Β G on portera de � en E, & de G en G , une
faillie de la huiti�me partie de AB �u environ;
enfuite on tracera un ^parall�logramme redangle
EFG H, qu'on divifera en deux �galement par les
"lignes IK & MN; & &r les deux lignes ΕΙ, \\
& LK, KG, on tracera deux quarts d'ovale par
les foyers al�cd, qui d�termineront la courbure
de ce talon d'une mani�re tr�s-reffentie, quoique
'm�plate.
                     f*pr*: i�3-^�ji^pm\&
Maniere de tracer le talon Β ), par deux foyers.
ώ Apr�s avoir trac� tin parall�logramme AB G D,
�tirez les diagonales A G � Β D, qui s'entrecouperont
*u point E ; divifez AE en deux parties egales au
point F; �levez k perpendiculaire F G , qui cou-
-pera A�, au poiht-G, duquel, comme centre',
�on tracera Tare AHE; tirez enfuite gE�V «
;du point I , comme centre, r�p�tez la m�me
-op�ration en fens contraire : ce qui rendra cette
moulure moins finu�ufe que la pr�c�dente.
Maniere de tracer k talon C , dont chaque
' courbure ψαβ ψαφ trois points donn�s.
Tracez d'abord cette moulure comme la pr�c�-
dente ; divifez enfuite fa fl�che F H en fept par-
ties �gales; faites paner un arc de cercle parla
,iixi�me;divinoil"& par les points donnes ; ces
'M>�s points preictiront W %er G : faites la
/
-ocr page 268-
236                      Cours
m�me op�ration en iens contraire, par la partie
inferieure de ce talon * qui donnera le foyer 1, 1
& d�terminera la courbure de ce talon d'une ma- J
niere moins reffentie encore que le talon B.
Des Moulu resγυ'ο ν nomme
CO M Ρ Ο SEES,
Ρ L Α NC HE VI. ί
Sous le nom de moulures compof�es, on �flr�
tend celles'qui tenant des pr�c�dentes, en diff�rent
cependant, par la maniere de les appliquer � ΓΑκ-
chiteciure, foit dans les dehors, foit dans les de-
dans d'un b�timent, & f�lon qu'elles font ex�cu-
t�es en marbre, en pierre, en pl�tre, en bois, ou
en bronze : autant de coniid�rations qui obligent
TArchitec"te de donner � chacune d'elles un con-
tour plus ou moins coulant, plus ferme, moins
na�f, plus riche ou moins compof� ; nuances im-
perceptibles pour le vulgaire, mais connues du
v�ritable Artifte, qui feul peut 'donner le dernier
degr� de perfection � cette partie de l'Architec-
ture. Au re�le une telle connoiffance ne petit
s'acqu�rir que par l'examen des chefs-d'�uvre des
Manfards en ce genre, par le fentiment, le rat-
ionnement & le go�t de l'art ; autant de moyens
qui conduifent infeniiblement le jeune Artiite �
profiler les moulures � la main, � les d�velopper
a fon gr� , & � les varier � l'infini f�lon le be~
foin.
■ Manierede tracer par quatre foyers ta gorge A*
La hauteur A Β �tant divif�e en douze parties,
donnez-en neuf � la faillie de la moulure ; -.φι
-ocr page 269-
d'Ar c h ι TECTua e.            2J7
point C , abaiffez la perpendiculaire ind�finie CEF;
portez trois parties de C en E, d'o�, comme
centre, vous d�crirez le quart de cercle C G :
prenez enfuite le rayon C F de quatre parties,
& du centre F, d�crivez l'arc C H, dont la corde
fera de trois parties; portez enfuite la longueur;
de la ligne Hl'de neuf parties , de Β en Κ , &
tirez I'K : divifez cette nouvelle ligne en deux
parties �gales au point L, & tracez la perpendi-
culaire L M, qui rencontrera BK prolong� au
point M; tirez enfuite la ligne ind�finie-MIN;
du point I, d�crivez l'arc Ν H, & du point M»
l'arc NB. Cette moulure eil d'ufage dans les cor^
niches en pl�tre, dans la menuiferie , dans la mar-
brerie ; & fa courbure peut fe varier � l'infini,
f�lon le genre qui pr�iide dans l'ordonnance de
la d�coration o� elle eil employ�e.
Manien de tracer par trou foyers la douane Β\
La faillie AB �tant double de la hauteur BC>
conilruifez le quarr� A Ε FD; partagez le fom-
met A Ε en douze parties , & le c�t� A D m"
deux �galement au point I: du point G, abaiffez
ind�finiment la perpendiculaire G H, puis du point
I, tirez la ligne parallele IK; prolongez la ligne
G H, & conilruifez le quart d'ovale IG : continuez
le grand arc de l'ovale , trac� du foyer H jufqu'�
ce qu'il coupe la ligne IK au point Ρ , puis
tirez ind�finiment la ligne HP; portez le rayon
HP de Ρ en R, & du point R, comme centre,
d�crivez l'arc PC. Cette doueine s'emploie affez
g�n�ralement dans les cimaifes interm�diaires des
corniches , & elle eil fufceptible de plus ou moins
de hauteur & de,faillie, f�lonTapp�cacion quoi»
en fait dans la d�coration.
-ocr page 270-
%38                 :�■ ^C'o.Ti^s" f
Manierede tracer par trois foyers la moulure (?,
appel�e bec de corbin.
Le re&angle A Β C D ayant en largeur le dou-
ble de fa hauteur, divifez D C en quatre parties ;
tirez la diagonale du point A au point �, divi-
fez-la en neuf parties , prenez-en fept pour faire
les c�t�s d'un triangle ifoc�le A F E; du fom-
met F, comme centre , d�crivez l'arc A Ε , puis
abahTez fur la ligne FE, la perpendiculaire Ε G ,
qui coupera BC , au point G; portez la lon-
gueur G Ε de G en H, partagez en deux �ga-
lement l'angle Ε G H, par la ligne G I, qui cou-
pera Ε F au point I, duquel, comme centre , on
tracera l'arc EHK; donnez pour corde a l'arc
H Κ , une d�s neuf parties de AE, tirez le rayon
ΓΚ, portez de Κ en L une partie & demie de
AE, & du centre L, d�crivez l'arc KM , qui
fera termin� en M par le rayon L M, perpendi-
culaire � AB. Cette moulure s'emploie commu-
n�ment en pl�tre, en bois ou en marbr�, dans
l'int�rieur des appartements ; mais on doit �viter
d'en faire ufage dans les dehors des �difices :
cette efp�ce de tore corrompu faifant rarement un*
l>on. effet. .
                                                 h
Mani�re de tracer par cinq foyers la moulure D,
appel�e boudin.
; Cette moulure, afTez fembiable � la pr�c�dente,
fie doit non plus gu�re �tre employ�e que dans
l'int�rieur des b�timents, les Menuiiiers F�ppelent
boudinfimpUoi\x_ boudin k baguette: on le nomme bou-
ua
-ocr page 271-
d'Architecture.            239
ein � baguette, lorfqu'on y ajoute la moulure ronde
S; & boudin fimple lorfqu'on en iupprime cette
moulure. On fait quelquefois de ce boudin iimple,
ou � baguette, la moulure principale des chambran-
les conilruits en pierre ou en marbre ; mais il eil
mieux d'y employer celle des architraves des ordres,
chaque membre devant avoir un caract�re diiUnclif,
d'o� d�pend l'effet de l'ordonnance. Voici la maniere
de tracer g�om�triquement cette moulure qui peut
varier n�anmoins, f�lon le relief ou le m�plat
qu'il convient de lui donner, relativement au genre
de la d�coration.
Le fommet du re&angle A Β C D �tant divif�
en quinze parties , du point Ε, abaiffez la per-
pendiculaire Ε F de trois parties & demie ; tirez
�'horifontale F G, parallele � AB; de l'intervalle
F G de trois parties , d�crivez Tare ind�fini H GI ;
donnez pour corde � l'arc G H une partie δε
demie, & tirez le rayon F H, fur lequel vous
prendrez un nouveau rayon H Κ, de deux parties ;
du centre.Κ, d�crivez l'arc HL, qui fera termin�
par une perpendiculaire abaiff�e du point M ;
donnez enfuite pour corde � Tare H GI, quatre
parties, tirez le rayon FI, prolongez-le de deux
parties & demie en Ν, de maniere que le rayon
N,I fe trouve avoir cinq parties & demie; puis
du centre Ν, d�crivez l'arc ΙΟ dont la corde
fera de trois parties: �levez enfuite la perpen-
diculaire ON, prolongez-la de fix parties & demie
vers Ρ ; enforte que la ligne Ο Ρ foit de douze
parties : du centre Ρ, d�crivez l'arc O Q, qui ait
pour corde fept parties ; enfin prenez le rayon
QR, de neuf parties , & du point R,, comme
centre, d�crivez l'arc Q A.
                            '*
Pour tracer la baguette lor�qn!�n veut l'adap-
-ocr page 272-
140                      Cours
ter � cette moulure , divifez en neuf parties
les c�t�s du quarr� qui la contiennent, & obferVez:
les grains d'orge qui la f�parent, d'une de fes
parties, f�lon que le pr�fente cette figure.
Maniere de tracer par deux triangles ifoc�les,
la moulure E , appel�e doucine renverf�e.
Cette moulure, appel�e doucine renverf�e,
propre aux bafes des pi�deibmx, ou � tout autre
membre d'Architecture, plac� au-defTous de l'�uil
du fpettateur , fe trace de cette maniere : fup-
pofons que fa faillie foit � fa hauteur, comme 5
eil � 4 ; tirez la diagonale Β D, & la partagez en
neuf parties; prenez-en quatre au point Ε , pour
la partie convexe : fur le milieu F ύ de la ligne
DE, �levez la perpendiculaire F G J| qui coupera
AD au point G, & fur le milieu H de la ligne
Β Ε, �levez de m�me la perpendiculaire HI, qui
coupera Β C au point I, d'o�, comme centre,
vous tracerez l'arc Β Ε ; la Baguette Κ fera trac�e
comme la pr�c�dente.
Manierede tracer par trois foyers la'moulure F y
appel�e
bouem�nt.
. Cette moiilure eft une doucine compof�e que
les Menniiiers appellent bouemcnt fimpU ou �
baguette : � baguette lorfqu'on y ajoute la mou-
lure ronde L ; fimple lorfqu'on en iiipprime cette
baguette. Pour tracer la moulure dont il s'agit?
le re&angle ABCD ayant trois parties de lar-
geur , & cinq de hauteur, tirez la diagonale A C ;
divifez-l� en trois parties �gales, tracez fur A E
-ocr page 273-
r>*ARC Hl T� C Τ URE.           Η*
le triangle �quilat�ral A Ε F ; & du point F, com-
me centre, d�crivez l'arc A Ε : tracez aui�i fur
EC , un triangle �quilat�ral ECG, & du point
G, comme centre , d�crivez l'arc E C ; puis divifez
le c�t� G C en deux parties �gales au point
H, duquel, comme centre, on d�crira Tare ind�-
fini CI ; enfin tirez ΚI, parallele � D C, & �
la diftance de la moiti� d'une des cinq parties de
Β C ; cette parallele fixera le point I, qui terminera
la circonvolution de cette moulure ; la baguette L >
comme les pr�c�dentes.
De LA MANIERE DE TRACER LES f ETS
d'Eau , propres aux diff�rentes
cimaises des corniches.
Planche VIL
Nous avons d�j� dit, en parlant de la planche II; >
qu'on pratiquoit un canal ou une mouchette pen-
dante fous le fofite des larmiers fup�rieurs des
corniches , principalement lorfque ces derni�res
�toient plac�es aux fa�ades des �difices , & cela,
avons nous dit, pour emp�cher les eaux plu-
viales qui tombent fur leur faillie , de fe r�-
pandre, fur ces cimaifes interm�diaires, & iur
les parties inf�rieures de l'entablement : notre
attention ici s'�tend plus loin, nous propofons d'ar-
r�ter l'�coulement des eaux qui tombent fur la
faillie� des corniches, ou par un canal renfonc�
comme les figures AB, ou par un fofite inclin�,
pratiqu� imm�diatement fous le lilteau, qui cou-
ronne la cimaife, comme dans la figure C , foit
que la principale moulure de cette cimaife foit
ton quart de rond ou une douane, ou enfin un
Tome I,
                                           Q
-ocr page 274-
242-                      C o υ R s
talon comme dans ces trois figures AB C \ en-
forte que par ces divers moyens , non-feulement
les membres inf�rieurs, mais encore le larmier fu-
p�rieur feroit enti�rement pr�ferv� de l'�coule-
ment des eaux du Ciel. Ce n'eft pas qu'on ne
p�t pratiquer � la face du larmier une pente en
arri�re , ou bien fur la faillie de la corniche un
canal qui rejetteroit les eaux par le moyen des
mufles de lion qu'on prend foin d'orner de ca-
nons de m�tal, tels qu'on en remarque dans les
exemples antiques, & qu'il s'en voit dans la cour
du vieux Louvre Se ailleurs; mais ce que nous
propofons, d'apr�s quelques exemples r�cents,
nous paro�t plus fimple , moins difpendieux , &
procure le m�me avantage que les mouchettes
pendantes, fans en avoir les inconv�nients. D'ail-
leurs il eft bon d'obferver , que les cimaifes fup�-
rieures fe font prei'que toujours en pierre dure,
& qu'il eil utile pour la confervation du larmier,
ordinairement de pierre tendre � caufe d'une
moindre pefanteur, de placer ce canal o� nous
le propofons , plut�t que fous la partie inf�rieure
du larmier ; parce que le f�jour de l'eau qui s'y
conferve , d�truit n�ceiTairement les fels de la
pierre, & en d�grade en peu de temps, la vive-
arr�te; de maniere qu'au bout de quelques ann�es,
ce larmier n'offre plus qu'une rupture d�fagr�able
� l'�iiil, ainli qu'on le peut remarquer prefque
par-tout o� l'on a n�glig� de prendre les pr�-
cautions que nous recommandons. Acqu�rons
maintenant la maniere de tracer g�om�triquement
ces trois efp�ces de moulures avec leurs mou-
chettes ( s ).
( s ) Terme d'ouvriers, pour exprimer, comme nous venons
-ocr page 275-
d'Architecture.             243
Maniere de tracer Le Jet d'Eau appliqu� au quart
de rond A.
La ligne AB, fommet du quarr� AB CD ,
repr�sentant la faillie de la moulure, portez la
iixieme partie de cette faillie de Β en Ε, & formez
le re&angle DF, EC , dans lequel vous tracerez
le .quart d'ovale Ε G D , comme dans les figures
pr�c�dentes; puis du centre B, tracez le quart
de cercle Ε H , qui formera le canal de cette
moulure. On pourra donner plus de largeur au
canal B, & plus de faillie � la mouchette HI,
f�lon le cara�tere que comportera l'ordonnance ,
& l'�l�vation o� ce membre fe trouvera plac�
dans la fa�ade de l'�difice.
Maniere de tracer le Jet d'Eau applique � la
douane Β }
Suppofons que cette doucine ait un quart de
faillie plus que fa hauteur , tirez la diagonale BD,
partagez-la en cinq parties ; les trois premi�res
feront la corde de l'arc Β Ε ; fur le milieu F, �levez
la perpendiculaire F G, qui d�terminera fur la
verticale B C, le centre G ; faites la m�me op�-
ration fur DE , pour avoir le centre H , & tracez
la moulure BED. Pour avoir la mouchette,
de le dire, le canal qu'on afrec�e fous le larmier des corniches,
pour faciliter r�coulemenc des eaux du ciel, & qu'ils appellent
mouchettes pendantes , lorfqu'on y ajoute une moulure en
contre-bas a comme dans la corniche Tofcane de Vigriole, Se
qu'on le remarque au larmier du Luxembourg, par DebroiT�.
-ocr page 276-
244                      Cours
prenez BI, quart de AB; �levez la perpendicu-
laire I K, d'un feptieme de Β C , prolongez-la
en contre-bas jufqu'� ce qu'elle coupe l'arc BE,
en L ; diviiez L Β en deux parties , au point M ;
& tracez du point I, la portion de cercle KM.
Ce jet d'eau ou canal, comme le pr�c�dent, peut
varier dans fa profondeur, comme fa mouchette,
pendante dans fa largeur.
-.. ■                                                                          ι                                                                             ■.                                                                                                             ■ ■' ,                                                                                             ι ■�-..■ '.-■■;                                                                    ■ ■ ■■'.                                                                                                                           ■■.,,��"-''i'                                                                                                              λ
'■■yj                                     .'.>■'■ � ■' ■ ''.                                                        ■ .\-.i '<. ...,,;r:�-'" ■ '{                                   . ' ■
Maniere de tracer le Jet d'Eau y applique au
talon C,
Le talon .�tant trac� f�lon la m�thode pr�c�-
dente , divifez en trois A Β, plafond ou �ontQ
du lifteau qui le couronne ; du point A au point
C, tirez une ligne qui fera perpendiculaire ,
� une de ces trois parties ; puis tirez la ligne
δε �gale D C , parallele � A Β ; portez une partie
& demie de AB en Ε ; tirez l'oblique DE; & de
E, comme centre , d�crivez le petit arc DA;
enfuite tracez le fofke inclin� D Β.
            π
Maniere de tracer les
differentes courbures
des Frises Bomb�es,
Les frifes Verticales nous paroiflent pr�f�rables
a celles qu'on nomme bomb�es ; cependant comme
la plupart d'entre nos modernes , tels que Palladio,
Philibert D�lorme , Fran�ois Manfard 5 &c. ont
bomb� leurs frifes , nous donnons ici diff�rentes
mani�res d'en tracer la courbure � l'exemple de
, �a frife de l'ordre Ionique des Tuileries , des
If�uilkns, de Trianon, &c.
-ocr page 277-
d'Architecture.           14 J
Maniere de tracer la courbure de la fiife A.
χ Divifez la hauteur A Β , en quatre parties �ga-
les ; enfuite fur C D , comme bafe, tracez un
triangle �quilat�ral , du fommet duquel E, &
& de l'intervalle E,A » ou Ε Β , vous d�crirez l�
courbure AB.
r Maniere de tracer la courbure B.
te�e f�conde frif� , moins convexe que la
pr�c�dente, fe tracera par un triangle �quilat�ral,
dont la hauteur AB lui fervira de baf�, pouf du
fommet C, comme centre, d�crire la courbure
A BI
Maniere de tracer la courbure de lafrije C.
four tracer cette troifieme courbure, plus
compof�e que celle des frifes AB , divifez k hau-
teur A Β en douze parties. Du point G tirez une
.horlfontale de la longueur d� deux parties & trois
quarts, qui fe terminera au point D ; tracez en-
fuite^ le petit quarr� AF , de la grandeur de rune
des^ouze parties de A Β ; tirez enfuite D F, comme
bafetdun triangle �quilat�ral, dont le fommet Ο
fera le centre de lare FP; puis tirez la hgne
oblique BD, faites-en la bafe d'un triangle �quilat�-
ral DBE, du fommet duquel Ε, comme centre,
vous d�crirez l'arc D B.
Q�.�
-ocr page 278-
246                     C ou 11 s
Des Moulures Concaves , nomm�es
Cannelures.
Ρ L A Ν C H � V I I �.
En parlant de la quatri�me efpece de moulures»
d�crites planche II, figure II , nous y avons
compris les cannelures. Entrons � pr�fent dans le
d�tail de leurs diff�rentes conitru�tions, & diibns
la maniere de les appliquer convenablement aux
diff�rents ordres d'Archite�ture , d'apr�s les exem-
ples de celles qu'on remarque aux ordres Dorique»
Ionique & Corinthien de plufieurs de nos �difices
renomm�s.
Des Cannelures de l'ordre Dorique de \ Saint-
Sulpice.
F I G U R E I.
La* colonne ayant 20 cannelures, tracez farc
GAB, de 36 degr�s; divifez-le en deux �gale-
ment au point A » puis AB , encore en deux par-
ties �gales au point C, qui fera le milieu du liiteau;
partagez l'arc AC, en dix »neuf parties �gales;
portez-en une de C en D, & une autre de C en E>
pour avoir la largeur du lifteau qui ne fera ici
que la dix-huitieme partie de la cannelure ; tirez
la corde D F ,& prenez-en la cinqui�me partie,
qui d�terminera la profondeur de la cannelure.
Des Cannelures de l'ordre Dorique des dehors
du Ch�teau de Maijons*
F � G U R Eli.
Cette colonne ayant 20 cannelures, comme la
-ocr page 279-
ι .,            d'Architecture.            247
pr�c�dente, divifez l'arc AB, qui fera de 18
degr�s en deux parties �gales , au point C » &
partagez l'arc CB , en huit parties �gales; don-
nez-en cinq � la moiti� de la cannelure BD dont
la cavit� fera d�termin�e par un demi-cercle : pour
tracer la baguette ou le rofeau,qui remplit le bas
de la cannelure, portez les deux tiers de BD,
de Β , en F ; partagez le m�me arc Β D en dix
parties ; portez-en neuf de F en G, & du centre G,
tracez F H , qui donnera de profondeur � l'inter-
ftice DH qui fe trouve entre la cannelure & le
rofeau � peu pr�s la moiti� de C D.
Des Cannelures de l'ordre Dorique du Veflibuk
du Ch�teau de Maifons.
�>
Figure III.
L'arc AB, �tant de la vingti�me partie de la
circonf�rence , divifez-le en deux au point C \
partagez CB & CA, chacun en dix parties;
portez-en trois de C en D, & de G en Ε ; divifez
le Meati ED en trois parties; donnez-en une
au cr�neau ou renfoncement X ; faites la ligne
Ε F , �gale � l'une de ces trois parties , & du
centre de la colonne, tracez une nouvelle circon-
f�rence, qui? paffant par le point F, d�termi-
nera la faillie du liileau fur le nud de la colonne ;
faites enfuite F G, �gale � la moiti� de Ε D,
& du centre de la colonne, tracez encore une
nouvelle circonf�rence HIG, d'o� commencera
le renfoncement d'une cannelure en niche. Pour
tracer la cannelure Κ L Q, partagez HI en fix
parties; & du centre I, tracez l'arc KLQ, �gal
� cinq de ces parties.
Qiv
-ocr page 280-
14"                         CO URS
Pour avoir la faillie de la baguette, ou rofeau
A, divifez IL en trois parties, & du point Ο,
tracez Tare MPN, puis faites le renfoncement
de l'interiHce KM , �gal � Κ H.
Des Cannelures de l'ordre Ionique des dehors
du Ch�teau de Maifons.
Figure IV,
L'arc A Β �tant de dix-huit degr�s, partagez-
le en deux au point C ; divifez A C en fept
parties �gales , & faites AD & AE �gales � deux
de ces parties : donnez au cr�neau X la cinqui�-
me partie de ED; faites Ε F �gal � cette cin-
qui�me partie, & tracez une circonf�rence pour
borner la faillie des liiteaux, & celle des joncs ou
baguettes qui rempliront le bas des cannelures ;
faites encore D G �gal � Ε F, & du centre C
tracez la cannelure ; coniid�rez la ligne H I,
comme le petit diam�tre d'un ovale ; partagez-
la en deux parties �gales % & donnez-en trois au
grand diam�tre KL; tracez l'ovale, & bornez-en le
contour par un grain d'orge , plac� vers le milieu
du grand diam�tre KL.
                                   ' *
Des Cannelures de l'ordre Ionique du Palais des
Tuileries y du c�te du Jardin,
Figure V.
Il y a feize cannelures � cette colonne; les
arcs AB & Β C, repr�fentent chacun une feizie-
me partie de fa circonf�rence, & ont par conf�^
quent chacun vingt-deux degr�s & demi; partagez*
-ocr page 281-
d'Architecture.            249
les en deux parties �gales , aux points E & D, pour
avoir le milieu des lifteaux ; divifez Tare AB en
neuf parties, & portez-en une de D en G, puis une
autre de E en H; des points G& H* tirez des lignes
ind�finies, tendantes au centre de la colonne ; divi-
fez l'arc G H en cinq parties , dont une partira du
point H, & fe terminera au point K, & une autre
commencera du point G , pour aboutir � L ; par
tagez la niche K, L en quatre parties , dont une
fera port�e fur les rayons KM, LN, par les
points M &N; du centre M, d�crivez une cir-
conf�rence , puis tracez le quart de rond KP:
divifez M Κ en deux , au point Ο ; faites Ο S ,
�gal � Ο K, & du centre V, tracez la cannelure
SXT; portez de Β � Y, cinq quarts de KM,
& du centre Y , faites paffef par le point B,
un arc de cercle , qui d�terminera la forme de
la baguette ou du rofeau ; enfin on arr�tera la
baguette par un grain d'orge, & l'un & l'autre
rempliront le bas de la cannelure jufqu au tiers du
fut inf�rieur de la colonne.
Des Cannelures de ΐ ordre Corinthien des dehors
du Ch�teau de Maifons.
F I G U R Ε V I.
La colonne eil orn�e de dix-huit cannelures ;
ainfi Tare � Β, qui eil la diftance du milieu de
la cannelure au milieu de la c�te , fera de dix
degr�s: partagez-le en dix parties �gales ; du
point Β vous en porterez une au point C, & une
autre � D ; puis du centre de la colonne , tracez
Tare C Ε , divifez-l� en neuf parties ; prenez-en
cinq pour tracer du centre Ε, la cannelure F X;
-ocr page 282-
2J0                       C O R S
faites F G , d'une partie : par les points G & D,
faites paiTer un arc de cercle, pour former les
quarts de rond , qui, en accompagnant les can-
nelures , feront f�par�s par un cr�neau quarre
de la grandeur Β D. - -
�)es Ornements quipeu vent
s'appliquer sur les Moulures,
ρ l anche ix.
Les ornements dont il s'agit, tirent leur origine
des feuilles -, des fleurs & des fruits que produit
la nature. L'art de'les appliquer convenablement,
eil un des premiers m�rites de l'Archite�e ; δε
celui de les imiter une partie efiencielle � la capa-
cit� du Sculpteur. Pour remplir. ces deux objets,
il faut un go�t exquis, & une habitude � bien
voir ce que les Anciens ont produit d'excellent
en ce genre. Il faut obferver mi contrarie heu-
reux dans les d�tails, fans nuire en rien � la fym�-
trie g�n�rale des formes ; il faut leur doriner un
motif afforti au caract�re d� l'ordonnance : enfin
il faut les difpofer de maniere que dans une cor-
niche, une architrave, une baie , une importe,
un chambranle , il n'y ait point de moulures qui
en foient accabl�es , & d'autres qui en foient
enti�rement d�pourvues. Pour cet effet il ne les
faut placer que fur les moulures des cimaifes:, .&
rarement fur les larmiers qui les f�parent f ni
fui les plates - bandes & les liiteaux , dont nous
avons-d�ja ; recommand� la fimplicit�. Il faut
na�me que ces ornements , lorfqu'on les applique
fur les moulures d�s cimaifes, ibient ai�brtis au
galbe δε a� contour de chaque membre, confid�r�
f�par�ment, afin que l'on puiiTe juger del� form�
-ocr page 283-
ρ
d'Architecture.            251
d� ces moulures avec la m�me facilit�, que fi elles
euffent. �t� Mes : pour cela on doit varier le
genre des ornements fur les moulures de diite-
rentes efpeces, foit en pr�f�rant les feuilles deau
� celles d'acanthe; celles de perfil a celles de lau-
rier; celles-ci � celles d'olivier, &c. & en faifant
enforte que chacun de ces feuillages., les fleurs,
les fruits, en un mot toutes ces diff�rentes Scul-
ptures , foient trait�es d'une touche plus ferme,
ou plus l�gere, f�lon quelles feront partie dune
ordonnance virile ou d�licate, & qu'elles devront^
�tre ex�cut�es en pierre, en pl�tre ou en marbre»
en fhic, en bois ou en bronze. Il faut encore avoir
l'attention, non-feulement de placer toujours les
axes de ces ornements , les uns au-delius des
autres, mais encore de les faire correfpondre a
ceux des colonnes ou piiaftres, & au milieu des
des entrecolonnements & des principales ouver-
tures ; en un mot, la difpofition & le choix, de
� ces ornements, doivent concourir �galement �
procurer un caraaere relatif � Texpreffion de
l'ordre qui pr�fide , foit dans, l'ordonnance ext�-
rieure de l'�difice, foit dans l'int�rieur des appar-
tements,
Des ornements � �ufage des moulures droites.
Les figures A, B, C, D,E, F, offrent autant d'or-
nements propres � renricmiTement des moulures
quarr�es ou applaties , telles que les plinthes,
les gorgerins, les fofites,les tables, les caifet-
tes, &c.                                          n ■- . r x �
La figure A, repr�fente des gudlochts9 eipeces
d'ornements antiques compof�s de lifteaux , & ie-
par�s par des champs de m�me largeur, qui mar-
-ocr page 284-
2?2                     Cours
chent continuement � des diftances paralleles ; ces
guillochis , dont les angles doivent toujours �tre
droits, font deirin�s pour les ibriies des architra-
ves, pour les plates-bandes des larmiers, les cham-
branles , &c. Voyez plu�eurs de ces guillochis ,
d'un dei��n antique & de fort bon go�t, rap-
port�s par Chambrai, dans ion parallele des ordres
antiques & modernes.
La figure B, repr�fente des ornements, appel�s
rofaces, qu'on emploie dans les caffettes diftribu�es
dans les fofites d�s larmiers, des entablements Dori-
ques, Ioniques, Corinthiens & Compoiites ; dans les
arcs doubleaux des vo�tes de nos Eglifes, de nos
portes triomphales , & g�n�ralement par-tout o�
la richefTe doit avoir le pas fur la iimplicit�. Ces
ornements antiques ne doivent jamais fe rencon-
trer dans une m�me ordonnance avec les orne-
ments modernes : ils vont bien avec les guillo-
chis, avec les canaux , les ferlons , les paten�-
tres, les oves & non avec les portes, les guir- '
landes, les palmettes. Tout importe dans le choix,
dans rafTortiment des ornements : ils d�pendent
du oy�e de l'Architecture ; mais ce ityle foutenu
eit peut-�tre une des parties les plus n�glig�es
de nos comportions fran�oifes.
La figure C, nous fait voir les ornements ajppel�s
rudentures, qu'on place aiTez commun�ment dans
l�s cannelures du fut des colonnes Ioniques, Co-
rinthiennes & Compoiites, quelquefois m�me dans
l'ordre Dorique, plac� dans l'int�rieur d'un'b�ti-
ment , comme on* le remarque dans celles du vefti-
bule du Ch�teau de Maifons? dont nous avons donn�
les d�veloppements, planche VIII, en donnant
auffi celle des ordres ext�rieurs du m�me Ch�teau,
& ceux de l'ordre Ionique du Palais d�s Tuile-
-ocr page 285-
d'Architecture.            25J
ries, &c. Ces ornements, qui doivent toujours
�tre af�brtis � la dignit� , � la richeiTe ou � la
fimplicit� de l'ordre & de la d�coration des b�-
timents , confiaient dans la repr�fentation de joncs
ou de roieaux de forme convexe, plac�s dans le
tiers inf�rieur du fut des colonnes ; & c'eit de l'ex-
tr�mit� fup�rieure' de ces rofeaux qu'on fait fortir
des feuilles, des graines, des culots & autres or-
nements trait�s avec plus ou moins de l�g�ret�,
f�lon l'application de ces rudentures aux diff�-
rents ordres d'Architecture.
� La figure D, repr�fente des portes , ornements
d'un genre moderne, & compof�s de larges filets 011
lifteaux, de feuilles d'eau, de feuilles de refend &
de culots � l'ufage des plates-bandes, des plinthes
& des attiques de couronnements , des amortiiTe-
ments, &c. fur-tout lorfque fur ces derniers on
n'introduit point les baluitres ni les baluitrades.
On voit dans la figure E, des canaux, ornements
antiques, concaves, f�par�s les uns des autres par
deslifteaux, des filets, & remplis de joncs , de grai-
nes , de dards & de feuilles d'eau, � l'ufage des gor-
gerins, des frifes, des larmiers ou de tout autre
membre vertical. Ces ornements doivent �tre plus
fufceptibles d'enrichiitement, � raifon de l'exprefiion
qui pr�iide dans la d�coration ; mais dans tous les
cas il faut en ufer avec mod�ration, les moulures
droites, deftin�es � faire oppofition avec les cir-
culaires , devant �tre prefque toujours liiTes, maP
gr� l'exemple antique de l'ordre Corinthien, tir�
des thermes de Diocl�tieii � Rome , rapport� par
Chambrai dans fon parallele d'Archite�ure , chap.
29, page 68.
La figure F repr�fente'des ornements en bas-;
reliefs, compof�s de troph�es, d'armes, ou de
-ocr page 286-
254                       C o ν R $
tous autres attributs terreftres ou maritimes, �
lufage des tables rentrantes, & quelquefois des
tables faillantes, appliqu�es aux pi�deftaux des
ordres & des baluflrades. Ces m�mes ornements
s'emploient auffi quelquefois fur les frifes des
ordres Ionique & Corinthien , fur les m�topes
de Tordre Dorique , & g�n�ralement dans les or-
donnances d'Architeaure, o� trop de fimplicit�
fe contrediroit avec le motif qui auroit fait �riger
l'�difice.
Des ornements � l'ufage des moulures circulaires.
^ Les figures G,H,I,L,M,N,C), repr�fentent autant
d'ornements propres aux moulures circulaires, tels
que les faifceaux dont on enrichit les tores; les
paten�tres dont on orne les baguettes ; les oves
dont on enrichit les quarts de rond droits ; les
godrons dont on orne les quarts de rond ren-
verf�s , ou les becs de corbin; les miroirs qu'on
applique fur les cavets ; les feuilles de refend qu'on
taille fur les douanes; enfin les rais de c�ur qu'on
place fur les talons.
La figure G, pr�fente une forte d'ornement
compof� de faifceaux de plufieurs baguettes, li�es
& unies enfemble par des feuilles de refend ou
des bandelettes, � l'ufage des tores Corinthiens ou
Comportes; cette richeife ne pouvant gu�re s'ap-
pliquer aux bafes des autres ordres. Quelquefois
au lieu de ces faifceaux on applique fur les tores
des feuilles de refend, f�par�es par des canaux &
entrem�l�es de miroir ; mais ces fortes d'orne-
ments femblent y r�uifir beaucoup moins : encore
faut-il que f Artiile obferve de donner aux pre-
miers , diff�rentes exprei�ions, en di�ribuant plus
-ocr page 287-
d'Architecture.,           255
ou moins de baguettes autour du tore, & en
rendant les feuilles de refend ou les bandelettes,
plus ou moins rares, f�lon la grandeur du mo-
dule de l'ordre. Nous croyons donc qu'on doit
s'en tenir � ces fortes d'ornements pour les tores ;
& penfons ici � l'�gard de la Sculpture comme pour
ce qui regarde les moulures, que pour �tre approu-
v�e des ConnohTeurs, elle demande d'�rre mife �
fa place, & f�lon l'application judicieufe qu'en ont
faite les plus grands Ma�tres, & non les exemples
que nous ont laifT�s quelques Auteurs modernes,
qui fouvent l'ont employ�e dans leurs comportions,
plut�t par habitude ou par imitation que par
raifonnement. Au reite, voyez Bibiam , homme
de g�nie, qui, dans fa d�coration des th��tres ,
nous a donn� une infinit� d� defl�ns , de profils
& d'ornements de genres diff�rents , d'un go�t
admirable, mais plus propres � la Peinture qu'�
Γ Architecture proprement dite.
Dans la figure H, on remarque deux efp�ces
d'ornements � l'ufage des baguettes, l'une nom-
m�e paten�tre , efp�ce de grains de perles de for-
mes vari�es , & plac�s alternativement les uns
pr�s des autres ; l'autre nomm�e auffi faifceau, mais
compof�e de feuilles de ch�ne, de laurier ou d'o-
livier , entortill�es de rubans. Ce dernier genre
d'ornement pourroit auffi �tre appliqu� au tore
G , les deux moulures dont il s'agit �tant �ga-
lement demi-rondes, c'eft-�-dire, compof�es cha-
cune d'un demi-cercle.
La figure I, nous retrace des ornements de
forme elliptique , appel�s oves, qui peuvent re-
cevoir divers enrichiffements, f�lon qu'ils font
appliqu�s aux diff�rentes corniches en ufage dans
la d�coration des fa�ades , & dans l'int�rieur des
-ocr page 288-
256                      Cours
b�timents. Ces fortes d'ornements , qui ont la for-
me d'un �uf, font ordinairement enferm�s dans
une coque imit�e de celle d'une ch�taigne; quel-
quefois on leur donne la forme d'un c�ur, &
alors on les f�pare par des dards pour fimbolifer
l'amour. Ces oves font ordinairement r�ferv�s
pour orner les quarts de cercle convexes qu'on
nomme atiffi oves ou �chine du mot grec �chinos,
la coque d'une ch�taigne.
La figure L, fait voir des ornements, appel�s
godrons, imitant la forme d'une amande qu'on
emploie aiTez ordinairement fur les quarts de
ronds renverf�s. Ces godrons font quelquefois
f�par�s par des canaux renfonc�s qui font oppo-
iition avec la faillie des godrons ; & ces canaux
font orn�s de fleurons, de bouquets de laurier,
de graines , &c. f�lon la richene que l'on croit
devoir procurer aux ornements de ces moulures ;
mais il faut favoir que ces d�tails appartiennent
plus au bronze qu'au marbre & � la pierre.
La figure M, pr�fente des ornements, appel�s
miroirs, � Fufage des quarts de rond concaves,
nomm�s cavets. Ils peuvent �tre de forme fph�ri-
que ou elliptique, entour�s & f�par�s par �es en-
trelas, des lifteaux, & �tre orn�s de feuilles de
refend, ou de feuilles d'eau, f�lon les diverfes
expreffions des moulures qui re�oivent ces efp�-
ces d'ornements.
La figure Ν, oiFre des ornements compof�s de
feuilles de refend, � l'ufage des doucines droites
& renverf�es. Ces feuilles peuvent �tre d'olivier,
de laurier, de perfil ou d'acanthe , f�lon que
les chapiteaux des ordres feront compof�s de ces
divers genres de feuilles ; car un point eifen�iel
� obferver, c'eft de tenir tous les ornements r�-
pandus
-ocr page 289-
. D * � R H I f � C t � �. �.           'i:jf
f}�ndus dans Une m�me d�coration , d'un ityle1
�gal '&' d'une expreffion femblable : l'ordre d'Arj
chite�ture tenu iimple , riche ou moyen , doit
d�cider ie caract�re des ornements ; ce cara&ere
une fois choi�, o�l ne doit plus fe permettre de
changement j voil� pourquoi il eil � propos que
f Architecte pr�fide � toutes les �fp�ces de pro-
ductions qui concourent � aiTurer le fucc�s de fes»
�uvres.
La 'figure O, nous offre des ornements � i'iifage
des talons droifs & renverf�s , appel�s rais d� mur
ou campants. Ces ornements, font fufceptibles,
ainfi que l�s pr�c�dents de plus oii moins d'enri-*
chifTement, f�lon l'ordonnance � laquelle ils ap-
partiennent : mais en g�n�ral, pour produire mi
bel effet, il faut qu'ils foient tons dii'pof�s r�guli�-
rement & diitribu�s de maniere � former entr'eux
une parfaite fym�trie. Pour cela, il convient de
recourir � des divifions exactes-, & de faire ufage
des lignes paralleles, exprim�es dans ces diff�1-
rentes figures par des lignes ponctu�es ; autrement
tous ces arrondiiTements n� pr�feiiteroient plus
qu'un d�fordre r�voltant , qui bien loin d'em1-
bellir les membres d'Architecture qui les re�oivent,
ne les rendroient fupportables ni dans les dehors»,
tii dans l'int�rieur des �difices.
Nous avons cit� Bibiam & S�bairien le Clerc $
comme d'excellents Auteurs en ce genre ; mais de
tous les moyens, le plus fur de parvenir � la
connoiflance des ornements dont nous venons de
parler, c'eit d'aller examiner ceux ex�cut�s dans
nos b�timents; c'eit d'aller deifmer tous les chefs-
d'�uvre r�pandus au Louvre , aux Tuileries , �
Verfailles , & dont la plupart font ex�cut�s fur
les d�iTms de Le Brun* de Le Pautre, des Girar-
Tome X,                                               R,
-ocr page 290-
1$8                      Cours
dons, des Coifevox, & des autres grands h�m»
mes qui fe font iignal�s dans toutes les parties
relatives � PArchite�ure , � la Sculpture , & � l�
Peinture, qui embeliiifentnos Eglii�s,feos Palais1
& nos belles Maifons Royales.
Apr�s avoir parl� en g�n�ral des moulures 8c
des
ornements dont on les enrichit quelquefois *
rappelons � nos Elev�s, d'apr�s Scammozzi, que
la v�ritable proportion des ordres fut trouv�e fut
les diff�rentes proportions du corps humain. C'eit
pourquoi cet Auteur a cru devoir donner � l'ordre
Dorique , le nom d'ordre H�ro�que; � l'ionique,
celui d'ordre F�minin; & au Corinthien, le nom
d'ordre Virginal. Si ces d�nominations ne font pas
approuv�es du plus grand nombre , nous les
rapportons ici n�anmoins, parce qu'elles nous
paroiiTent peindre � i'efprit des id�es nettes, &
conformes � la nature & aux beaut�s de l'Art.
D'apr�s ces d�nominations qui n'ont rien que
de fatisfaifant ; nous avons cru que pour h�ter
les connoiffances de l'amateur & des jeunes Ar-
�iit�s/, nous pouvions auif� comparer avec San-
grado, Auteur efpagnol ? & avec Le Blond »
mort Architecte du Czar Pierre, la relation aifez
intime que peuvent avoir les dimenflons de la
t�te humaine, vue de profil, avec la projection
dune corniche Tofeane , compof�e ordinaire-
ment de trois parties principales, favoir: de deux
cimaifes & d'un larmier. En effet, n'entrevoit-
on pas quelque re�Temblance dans cette corniche,
avec le front, le nez & le menton d'un homme
robuite� & ne pourroit-on pas , par cette com-
paraifon , acqu�rir plus promptement , la con-
nohTance de ce qui pla�t ou d�pla�t dans un�
corniche..
-ocr page 291-
� ' � ft e H � t E C Τ U R Ei             |||
��le d�pla�t � coup fur aux yeux des connoifc
feurs, lorfqu'ils la trouvent trop camufe ou trop
�aillante , trop �lev�e ou trop �eraf�e ; elle piait
iau contraire � tous les fpe&ateurs i lorfqu'iis re-
marquent dans l� proportion d� fes membres
& dans la fimilitude de {es parties * une juit�ff�
�jui offre � leurs yeux quelque chofe d'int�reffant j
& ils font contents , quoiqu'ils ne puiilent pas
toujours d�m�ler la vraie fource de leur fatisfao
tion : de m�me le fpe&ateur fe porte � l'admira-
tion lorfqu'il examine une belle t�te dans laquelle
il remarque des parties henreufement combin�es s
mais il n'auroit que du d�go�t , s'il en Voyoit
une autre qui auroit le front trop bas, le nez de
beaucoup trop (aillant» & la bouch� extravag�m,-
ment renfonc�e*
            - .
Il eit vrai qui! ne faut pouffer cette �ppik�tio�
trop loin, & qu'une t�te peut n'�tre point ahfolu-
mertt difforme, quoiqu'elle ne pr�fente pas toute
la r�gularit� quexige la f�v�rit� des rapports ; que
de m�me auffi il fe peut rencontrer des occaiions
o� j fans nuire effenciellement au cara&er� de
Tordre, on peut modifier, fouftraire ou augment�e
quelques membres dans une corniche ■> rendre �h
faillie plus ou moins coniid�rabl�, f�lon Fefpec�*
le genre ou l'importance du b�timent. Il y a plus^
cette libert� permife en certaines occaiions, peut
f�rvir � exprimer les divers caract�res des diff�*
rentes productions de l'Architedure , en retra�ant
aux yeux du fpe�ateurj quoique dans les plus
petits d�tails , le motif qui a donn� lieu, � l'�re-
ction de l'�difice ; de m�me que dans un tableau ν
d'hiitoire ou dans un bas-relief * l� Peintre & lef tft-
S�ulpteutjj dansles airs d� t�te d� leurs figur�s *
Κ ij
-ocr page 292-
i6q                       o urs
indiquent, par l'expreifion de chacune d'elles 0iin�v
ge des pafiions qui caraci�rifent les perfonnages
repr�fent�s fur la toile, ou par le marbre. Ainii
daris l'Architecture les corniches limples ou com-
pof�es/peuvent contribuera exprimer, dans la
d�coration, la d�termination de l'ordre, fa pr�-
fence ou fon abfence : comme dans la Sculpture
Ou la Peinture, les caract�res de t�te peuvent
exprimer fans peine , les diff�rents traits qu'on a
d� donner aux foldats , d'une maniere diiiiiictive,
lorfqu'on vient � comparer ces t�tes avec celles
des H�ros ou des Divinit�s qui compofent l'or-
donnance enti�re, ou du chef-d'�uvre du Peintre
ou de celui du Sculpteur.
; Pour nous convaincre de la n�cef��t� de cette
vari�t�, fouvent indifpenfable en Architecture ,
nous avons auf�i trac� fur les profils exa�ts des
corniches des ordres Tofcans de Palladio , de
S�ammozzi & de Vignole , un profil de t�te humai-
ne , d'apr�s lequel nous allons examiner, fans
partialit� ,la diff�rente expreiHon qu'a puproduire
Je caract�re de chacun de ces profils humains ,
engendr�s pour ain� dire,, du caract�re & de
l'exprei�ion des profils �TArchitecture, donn�s � la
corniche de l'entablement de l'ordre Tofcan , par
'ces trois Commentateurs de Vitruve.
Ρ L A Ν C H � X.             .
Le profil' d'Architecture, trac� fur cette planche»
�ft celui de l'entablement Tofcan de Palladio. Sur
ce profil nous avons deifin� celui d'une t�te hu-
maine , dont les parues ne nous paroiuent pas
faites pour aller enfemble. En 'effet , que Ton
�orripare le larmier, trop peu �lev�, avec l'encor-
-ocr page 293-
d'Architecture            261
bellement inf�rieur & la cimaife fup�rieure , on
iemb�e s'appercevoir que le peu de hauteur dit
larmier, a d�termin� le nez d'un enfant de douze
ans , foutenu par le menton d'un vieillard de
quatre-vingt , & couronn� par le front d'un
homme de cinquante ans.
Plan che X !..
Sur cette planche, nous avons trac� le profil
del' entablement Tofcan de Scammozzi, puis nous
avons dei��n�, comme dans la planche pr�c�dente,
le profil d'une t�te humaine qui fe trouveroit dans
le m�me cas que celle de Palladio,, nous n'avions
pas ajout� � la hauteur de fon larmier le reglet
inf�rieur qui fe trouve plac� defTous , afin
de procurer un peu plus de hauteur au nez*
D'ailleurs il �it a�l'� de remarquer que la partie
inf�rieure de cette t�te parok lourde & pefante,
compar�e avec les deux parties fup�rieures qui
font trop petites.
Ρ L A Ν C H Ε Χ Ι I.
Enfin fur cette planche., nous avons trac� le
profil de l'entablement de Tordre Tofcan de Vi-
gnole, ■& nous avons �galement dei��n� fur ce
profil , celui d'une t�te humaine, ici les trois
membres de la-corniche nous paroiifent ai��gnetr
des rapports plus convenables entre le front , le
nez & le menton ; d'o� r�fulte un cara�ere d'unit�,
qui certainement ne fe rencontre point dans lesr
deux exemples pr�c�dents.
Si,ces obfervations ne font pas fans fondement»,
elles pourront fervir � juftifier , en quelque forte*
nos Architectes Fran�ois r d'avoir pr�f�r� en. g�*�
R iij
-ocr page 294-
%fa.                       Cours
��ral dans leurs compositions , la do&rine de VI*
gnple * � celle de Palladio & de Scammozzi. La
r�partition, le rapport & le choix des membres,
d'�r�hiteaure de Vignole , principalement dans
fes, ordres Tofcan, Dorique & Corinthien, nous
paroiflant autant de chefs-d'�uvre. Cet Auteur
n'a gu�re contre lui que l'�l�vation un peu outr�e
«le fes pi�deitaux. On peut » fur cet objet, avoir
Recours aux fentiments de Palladio & de Scania
tnozzi ; le premier ne donne � fes pi�deitaux r
que le quart au lieu du tiers , & le d�rnier a
d�termin� les fiens entre le tiers & le quart.
Au reite , ces profils humains que nous venons:
$e tracer fur les profils d'Archite&ure de Vignole,,
de Palladio ,' de Scammozzi, ne doivent �tre regar-r
4�s ici que comme des objets de comparaifou
entre les rapports de la nature & ceux de l'Art ; ils,
$ious porteront � r�fl�chir , que c'eft par le fecours.
de. ces deux objets r�unis, qu'on peut parvenir
4 h perfection ; que cependant, f�lon le genre de
l'�difice > on peut ordinairement augmenter cer-
tains membres : par exemple, fans bleffer les r�gles,
de la bonne Architecture, on pourroit outrer la
faillie du larmier d'une corniche que repr�fente
f� nez d'une t�te, abaiiTer la cimaife fup�rieure
ψι'indique le front, & fortifier l'encorbellement,.
repr�f�ntation du menton , fi Ton a intention de
donner au profil d'une corniche une expreifion
fout � fait ruftique, puif�� d'apr�s l'ordre Tofcan ξ
ψι contraire, dans une Archite&ure noble , on.
|K>urroit- affe�ter de donner plus de hauteur �
|ai cimaife iup�rieure,. dans l'intention que», JAP*
penant plus �lev�e, elle prenne le cara&ere dik
iront de la t�te d'un H�ros :. on pourroit �gale--
�fifi g^ndir le larmier ^ pour dojaner Hdee 4.uft
-ocr page 295-
d'Architecture.            i6%
mz plus aquilin , &c. qui alors d�termineroit
Fexpreilion d'un profil d'ordre Dorique. Il en fe-
roit de m�me des autres membres des corniches
deitin�es aux ordres Ionique , Corinthien & Corn-
poiite. Enfin � ces trois profils de corniche , fur
lefquels font dei�in�s ces profils de t�tey nous
avons ajout� le cou & les mammelles , pour faire
conno�tre, en quelque forte, le rapport que ces
trois parties doivent avoir avec l'architrave , ' l�
frife & la corniche de ces entablements Tofcans».
Des diff�rentes Pr ο ρ ο r τ ι ο ν s*
' ,<ΕΤ DES DIT^ER.S M.EMBRES d'ArCHI-t
tecture des ordres toscans dk
Vignole, Palladio etScammozzf*
Ρ L� Α Ν C Η Ε Χ ί Ι Ι.
D�nombrement des divers membres attribu�s �
l'ordre Tofcan yyar Fignol�,
Nous avons d�j� remarqu� 9 que l'ordonnance'
g�n�rale de l'ordre Tofcan , f�lon Vignole , �tok
compof�e de trois parties principales* Nous r�-
p�terons ici,, que la partie, A, fe nomme pi�de-
stal ; Β, la colonne ; & C * l'entablement.
Que D , s'appelle le focle ou labafe ; Ε le d�;,
& F, la corniche ou�e couronnement du pi�defta�».
Que G , repr�fente la bafe.-*. Ε , le fut ;, & I *
le chapiteau de la colonne..
Que Κ , s'appelle l'architrave ; L , la frif� ι &r
M?i la. corniche de, l'entablement* Enfin que&^
-ocr page 296-
2.64                       Cou RS
fe nomme la cimaife fup�rieure ; B, le larmier;
|kc, l'encorbellement ou la cimaife inf�rieure de la
corniche.
Nous ohferverons � pr�f�nt, que la cimaife #,
eil compof�e d'un quart de rond h, d'une baguette
?, & d'un filet k\ que l'encorbellement ou la cimaife
, eil cqmpqf�e d'un lifteau / , & d'un talon m l
que l'architrave Κ » eil compof�e d'un liileau η,
& d'une plate-bande <?.
Que le chapiteau de. la colonne eil compoi�
d�crois parties principales ; favoir, du tailloir d^
de la cimaife e? & du gorgerin �; qu'enfin l'arlra*
gale g, eil un membre qui couronne le f�t des
colonnes & des pilailres ; que les autres membres
qui divifent chacune de (es diff�rentes parties ^font,
pour lq tailloir ρ la plate-bande , & -le liileau q'r
pour la cimaife e, le quart de rond r, & le filet s χ
que celles de Failraga�e |, font la baguette t, &
Je filet u.
Que la bafe G, a pour moulure le liileau ou
h ceinture χ , le tore y, & le plinthe �.
Qi\t la corniche du pi�deilal F , eil compof�e.
du liileau aa ^ & du talon bb.
,Qu� la bafe. ou le focle du pi�deilal D , eft co,m-
pqf� d'un Uileau c%c, & d'une plate-bande d^ d; de
maniere qu*on peut qbfejver que? D, F, G, Ι, Κ, Μ9
font autant de membres auxquels les interm�-*
diaires Ε , H, L , fervent de repos '% car il eil tr�s-
rare, fur-tout dans Tordre Tofcan , que ces par-*
�ies interm�diaires re�oivent des moulures & des
ornements,
Examinons � pr�fent les rapports & les me�*
fures que Vignole a donn�es � la mafle g�n�rale
& ayx. principales parties de cet Qrdr�,
-ocr page 297-
d'Architecture.          265
Mesures g�n�rales et particu-
li�res de l'ordre Toscan,
selon Tig ν ο le.
Planche XIV.
Le pi�deftal A , [figure I] doit, f�lon Vigno-
�e , avoir le tiers ; & rentablement C , le quart
de' la hauteur de la colonne. Pour trouver ce
rapport, il faut, comme nous l'avons d�j� expli-
qu� planche II , divifer la hauteur totale de
l'ordonnance DE, en dix-neuf parties �gales,
en donner quatre � la hauteur du pi�deftal A,
douze � celle de la colonne Β , & r�ferver les
trois parties reftantes pour celle de l'entablement
C , de maniere que trois �tant le quart de douze,
& 'quatre *e tiers ^e ce nombre ' ces ytrois °luan"
tit�s , quatre, douze, trois , �gales � dix-neuf,
deviennent une regle g�n�rale, non - feulement
pour trouver la hauteur du pi�deftal & de l'enta-
blement Tofcan, mais aufli le rapport des pi�-
deftaux & des entablements de tous les autres or-«
dres. Enfuite pour d�terminer l'expreiTion de la
colonne Tofcane , Dorique , Ionique , Corin-
thienne & Compofite , il faut divifer la hauteur,
par exemple de l'ordre Tofcan , en fept parties;
[ Foyei la figure I de la planche. II] du Do-
rique en huit parties ; de l'Ionique , en neuf; du
Corinthien & du Compofite en dix : divifions qui,
r�parties fous une hauteur commune, comme dans
la planche I,, donneront aux ordres autant de
diam�tres diff�rents que chacun d'eux devra pr�-
fenterd'expreffions particuli�res, ainfi que Γεχρπ-τ
ment ici [fig.-H] les divers diam�tres a9k9c9d.
-ocr page 298-
%66                      Cou n s
Cela fuppof�, chacun de ces diam�tres , fera
divif� en deux, parties �gales, & Tune de ces
deux derni�res parties formera un module, defti-
�i� � mefurer la maffe, les parties principales, &
les d�tails de Tordre. Ce module fe partage en
douze minutes pour les ordres Tofcan & Do-
rique » & en dix-huit pour les ordres Ionique,
Corinthien & Compoiite.
Nous avons d�j� dit, en parlant de la planche �I>
que les trois parties A, B, G , font compof�es
dans tous les ordres de trois autres parties, principa-
les : nous les avons exprim�es dans la planche que,
nous d�crivons, parles lettres a, b> c, dye,f, g *
h, /'. Enfin on doit fe rappeler encore, que la
plupart de ces membres, indiqu�s feulement ^c�
par mafles , fe fuhdivifent en une infinit� d'au-
tres parties qu'on appelle en g�n�ral moulures*.
Mefures du Pi�deflal.
he focl� a, a fix minutes de hauteur, & quatre
de faillie ; le d� b , a trois modules huit minutes?
, de hauteur , & deux modules neuf minutes de
largeur ; la corniche e , a fix minutes de hauteur %
fur quatre de faillie : donc toute la hauteur du
pi�deftal eft de quatre modules huit minutes %
tiers de quatorze modules, hauteur de la colonne*
Mefures de tordre ou de la colon&e, ,
La bafe d, a un module de hauteur, & quatre
minutes & demie de faillie (t) ;ie fiit e a douze
modules de hauteur, & deux de largeur.,
(e) Toutes les faillies dont nous parlons, doivent �tis
tpmpt�es du fut « & ftoa de i'a&� de &, colonne,.
-ocr page 299-
p'Ar�hit�cture.           5.67
Il faut obferver n�anmoins , que ces deux mo-
dules ne fe continuent paralleles , que jufque vers
la ligne KL, tiers de la hauteur du »y car vers
fon extr�mit� fup�rieure, le fut fe reauit a vingt
minutes : de maniere que la hauteur du bas de
h colonne ι»,»,� doit �tre confid�r�e comme un
cilindre ; & le refte de fa hauteur, comme un
cono�de tronqu�,
                  : ;; '� '
Le chapiteau/, a un module de hauteur , &
cinq minutes de faillie : donc toute la hauteur de
Tordre, c'efU-dire, la bafe , le f�t & le chapiteau,
�ft de. quatprze modules ou fept diam�tres,
Mtfures d$ �Entahhmmu
L^ar�lirtrave g, a douze minutes de hauteur »
& deux de faillie ; la frife h , a quatorze minutes;
de hauteur ; fes c�t�s doivent �tre a plomb du
fut iiip�rieur de la colonne , & par cons�quent
avoir vingt minutes; la corniche ι , a= feize m*�
m�tes de hauteur, U dix-huit de faillie : donc
tout rentablement eft de trois modules & demi ;
conf�quemment l'ordonnance enti�re eft de vingt-
deux modules deux minutes.
La proereffion arithm�tique qua obfervee Vi-
gnole f entre l'architrave , la frife & la corniche
le fon entablement, nous prouve la pr�f�rence
que cet Auteur m�rite � cet �gard fur les; autres
Commentateurs de Vitruve («> AuffiDesbrofles,
le Mercier & Manfard, ont-ils fuivi Vignole de
pr�f�rence � Palladio & � Scammozzi, au Luxem«
U) Voyez dans les planches>ΜίΜ® fe�P$je {^»J
ment Totcan de Palladio & d� ScammoMi, que loa peut
comparer ayee celui-ci.
-ocr page 300-
%6%                     Co υ κ s
bourg, dans l'ancien Palais Royal, � l'Orangerie ��
Verfailles & ailleurs ; exemples affez c�l�bres , qui
doivent fervir d'autorit� � nos jeunes Artiites.
Mais pour les convaincre de la n�cei��t� de cette
pr�f�rence, examinons fcrupuleuferaent, i� tous
les membres dans Tordre Tofcan de Vignole, font
v�ritablement relatifs � (on exprei��on , & rendons
compte des changements heureux qu'ont cru y
devoir faire nos Archite&es fran�ois les plus
efiim�s.
De l'ordre Toscan de Vi g νο le ,
avec quelques changements
utiles pour lut procurer un
plus grand degr� de perfec-
TION.
Planche X V.
Du Pi�deflal & de la Bafe de ta Colonne.
Vignole , avons -nous dit, a donn� � (es pi�-
deftaux, le tiers de la hauteur de la colonne.1 Cette
hauteur n'eil-elle pas trop confid�rable , quoique
Desbrof�es, au Luxembourg , ait donn� encore
plus d'�l�vation aux fiens? N'a-t-on pas lieu de
craindre m�me, en imitant Vignole , que plus
on donnera d'�l�vation au pi�deftal, moins la
colonne acquerra de hauteur ? Palladio a reduit
les* iiens au quart de l'ordre ; Scammozzi les a
d�termin�s entre le tiers & le quart. Ce dernier
^apport nous paro�t plus convenable � beaucoup
d'�gards; encore ferions-nous d'avis, qu'on fup-
prim�t prefque toujours les pi�deitaux (#)>
"ffcfcw.i .ι' "■■         '■' 1 ^-" »ι*��****«* .uw ■»> ijiuyi� m> Mimmm* lui p-*rin m *■«■*■m.....mwinwpiP^>** .
(x) On peut fubftitucr aux pi�deftaux, fur-tout �ans lm
-ocr page 301-
d'Architecture.            269
� l'exception n�anmoins des Temples, des Arcs
de Triomphe, & des autres Monuments de cette
efpece ; car nous penfons qu'en toute autre occa->
fion les pi�deftaux, invention des modernes;, font
plut�t un abus, qu'une perfection de l'Art; parce
que, d'une part, les faillies de leurs bafes & de
leurs corniches , retr�ciffent n�ceiTairement l'in-
t�rieur des lieux auxquels on n'a pu donner une
certaine largeur ; & de l'autre , elles produifent,
dans les �tages fup�rieurs , cl�s portes-�-faux, du
moins contraires � la folidit� apparente. Mais fans
entrer ici dans cette difcuffion, qui trouvera fa
place ailleurs, examinons ii v�ritablement toutes
les moulures dont Vignole a orn� fon pi�deftal,
pr�fentent un caract�re relatif � cet ordre.
�     ;            De la Bafe. du Piede�aL
Vignole n'a donn� � la bafe de fon p��deftalj
marqu� A , (figureI ) que lix minutes de hauteur,
& Fa compof�e feulement d'une plate-bande &
d'un liileau ; il n'a de m�me donn� que fix mi-
nutes � la hauteur de fa corniche C ; aui�i le
d� Β , nous femble-fcil avoir trop d'�l�vation,
(voyez la planche II (jk) ; ce qui donne,
ce femble , � ce pi�d�iial une expreffion contraire
IPMI, ,�>,.. ,LL �,,        , , ,,,�......11,111,. Ml' �IW .......■H.H..1HIHIM ! ||, f. fu. !■.. «I "■■          , .1- � ι *-i ■! I MM..i        j .>!
�difices dcftin�s � l'habitation , un focle , membre d'Architc-
�ture, qui repr�fente le d� du pi�deftal," mais "qui en" diff�re
n�anmoins , en ce qu'il a plus d'erqpatement que le corps
fup�rieur , au lieu que ie d� du pi�deftal a pr�cifement l�
m�me largeur , que le corps qu'il foutierit. La hauteur du focle
dont nous parlons'� peut �tre reduit � un diam�tre } ou avoir,
au plus quatre modules.
                                    ---
*    i.y) Nous renvoyons � la planche II, pour donner � con�
ao�tte les v�ritables rapports 4c la largeur � la hauteur de
-ocr page 302-
IJ�                      C O tr ft s
au �ara&ere que doit avoir le foubaitem�nt d*ui$
ordre Tofcan : il nous femble encore que la di~
(otte d�-s moulures de cette bafe lui �te fana-
logie qu'elle devrait avoir avec la diviiion des
membres r�pandus dans l'ordre & dans ion enta-
blement; d'ailleurs cette bafe n'�-t-elle pas trop d�
iaillie, ne pouvant �tre mife � couvert par celle
de la corniche ? Pour rem�dier � ces inconv�-
nients nous propofons le profil de la bafe D *
( figure 11 ) qui ayant neuf minutes de hau*
teur & trois parties feulement de faillie , don*
lierait moins d'�l�vation au d�, & �aract�riferoi�
cette bafe d'une maniere plus relative � l'ordre
$ont nous parlons* Cette nouvelle bafe eft com-
pof�e d'une plate-bande 4, dTun quart de rond
�, & d'un lif�eaui:, nouvelles moulures qui nous
paroiiTent plus relatives � l'ordre Tofcan ; il
ferait alors moins pauvre , & plac� moins pr�s du
fol, il deviendrait n�celfairemejat moins.{fujet � fe
d�grader*
::               JP§l D�4u Pi�dzfl�L Λ &!.&&
c Le d� Β , e$ lhTe dans Vignole; cette -ilmplicit�
�ft fans doute du reifort de cet,ordre ; maiscom��e
jlpourro�tarriver; qu'on fut oblig� doriier ce d�, le
#t de l'ordre �tant charg� d� bocages,; pour �viter
le d�faut qu'on remarque dans celui de la cour
du Palais dii Luxembourg, "nous avons exprim�
chaquej partie principale , ayant �t� oblig�, dans cette planV
jqhe XVI, de tronquer les v�ritables hauteurs pour poil*
Voir tracer les objets plus en grand j de nj�me, pour,,�yit0f
la multiplicit� des planches i nous n'avons trac� d'un; fφφ
figure J ,, que, la moiti� du deijin de Vignole , �c de Η$*#
figure ,ίί,, ;|fis:ic%9|eijaen|S;4erjft; �^mk�m 0Rxm^f
-ocr page 303-
JD'�RC HI TECt Uit�.              Ιψί
(figure III) une table Taillante G, au lieu que
DesbroiTes a fait la fienne rentrante , quoi-
qu'il ait furcharg� fa colonne de boffages conti*
nus, en forte que dans l'ordonnance Tofcane de
ce Palais , il femble que ce foit le foible qui porte
le fort contre toute id�e de vraifemblance.
De la Corniche, du Pi�deftaL
La corniche C, de Vigriole nous paro�t im�*'
parfaite, n'�tant compof�e que d'une cimaife, pro-
prement dite. Un couronnement de cette efp�ce
ne peut. �tre.-.appel� corniche, que lorfqu'il eft corn-
pof� au moins de trois parties principales; iavoir$ de
deux cimaifes & d'un larmier j ce qui ne fe rencon-
tre point ici : d'ailleurs cce couronnement du pi�-
M�fiai, comme nous l'avons d�j� remarqu� , doit
mettre � couvert la faillie de la bafe A ; au con-
traire ici ces deux membres ont une faillie �gale.
Pour obvier � cet inconv�nient nous proposons
de donner � cette corniche cinq minutes de faillie
au lieu de quatre , & de la comppfer d'un lifteau
d> qui tiendroit lieu de cimaife fup�rieure, d'un
talon/, qui lui ferviroit d'encorbellement (sQ9 &
(r) On appelle encorbellement 3 toute faillie qui porte � faux
au-del� du nud d'un mur, introduit dans Γ Architecture pour
foutenir un autre corps plus faillant > Se comme la dm�ifc
inf�rieure d'une corniche produit cet effet , on l'appelle en-
corbellement ; n�anmoins comme elle reilemble par fa forme
& par la diftribution de la plupart de fes membres , �-l�
cime de la corniche, on lui donne suffi le nom de e�maii�
inf�rieure. Ainfi en parlant des deux membres, fup�rieur Se
inf�rieur d'une corniche, on dit cimaife fup�rieure , pour
de'figner celle d'en-haut , & cimaife inf�rieure, pour exprimer
celle d'en-bas. Ces deux membres doivent toujours �tre f�pa-
f�V par un larmier, V�y�^ darjsfes notes »fatmkr ^'inma^e^
-ocr page 304-
«f�n larmier interm�diaire e, autant de membres
qui doivent au moins caract�rifer une corniche^
& dont on trouve un exemple � peu-pr�s fem-
blab�e � Tordre Tofcan de la grotte du jardin dit
Luxembourg, � l'exception du canal pratique dans"
le fofite du larmier qui, dans les dehors , eil
toujours n�ceiTaire pour l'�coulement des eaux,
& quelquefois dans les dedans , pour procuref
plus d'�l�gance � ce membre.
De la Colonne.
Nous avons d�t plus d'une fois que la colonne
affignoit(iz), d'une maniere tr�s^pr�cife, les rnefures
"g�n�rales & particuli�res de toute l'ordonnance
(�),& que l'ordre dont nous parlons comme
Tofcan, devoir avoir fept diam�tres ; nous obfer�4
yerons ici qu'on doit donner au f�t fup�ri�ur L M >
do minutes au lieu de ie> qu'on trouve marqu�es pat
erreur dans Vignole. Auffi avons - nous c�t� dix
minutes exprim�es vers M* pour d�figner le demi
(d) On doit c�niid�rer ici ia colonne cdirim� cOnftitu�rit
l'ordrej car l'ordre Tofcan donc nous pailonSj.pourroic �tre
�galement un pilaftre , comme une colonne , deux ouvrages
d'Archire�lure auxquels le mot, d'ordre eft commun/ il'-■;)
, (o) Ordonnance', on entend par ce mot , fih''&rdmJ�*M-
chite�ture �lev� fur fou pi�deftal ,"ou fur un foc'� , & cou-
ronn� de fon entablement. Οά comprend 'auffi fous i�mot
d'ordonnance, la baluftrade, qui quelquefois fert de co�ron*
»ement � l'entablement, de m�me que le vafe , l� troph�e
ou la ftatue qui furmonte la baluilrade i ainti il faut ie
reiTouvenir que l'ordonnance eft l'ouvrage entier ,& que
l'ordre, proprement dit , en eft la principale partiej '8f que
.ce dernier «'eft jamais compof� que de fa b�fe , de fou f�t
& de fou chapiteau, foit que cet ordre foit colonne ou pi-
iaftrc,                                 ' - � '                        Λ
diam�tre;
-ocr page 305-
�*Archit�ct�k�s ■ 27J
diam�tre Sup�rieur de cette colonne* n� jugeant
pas convenable de diminuer le f�t fup�rieur d'un
ordre Tofcan, plus que le rut d�s autres ordres*
Vign�le m�me paro�t de ce dernier fentiment ?
jmifque dans fon texte , il �tablit pour regle g�-
n�rale que tous Iqs f�ts fup�rieurs des ordres
doivent �tre � leurs f�ts inf�rieurs, comme cinq
eil � fix; c'eit-�-dire 9 que le diam�tre d'en haut
L M, foit les cinq iixiemes du diam�tre d'en bas
IK.
Nous croy©ns aui�� qu'il ferok bon de donner
de hauteur � l'ailragale Ρ, un quart de minut�
de plus; ce membre �tant deftin� ici � fervir d�
ceinture � l'extr�mit� Sup�rieure d'une colonne:
ruftiquei � l'�gard de la maniere de fufeler {cj les
colonnes, nous en allons traiter en parlant des
f�ts en particulier»
De la Bafe de l� Colonne,
Mous ne proposons aucun changement � la baf�
G H, la r�partition de fes membres, nous paronTan�
analogue a fexprei�ion de l'ordre % puifquelle n'a
que trois moulures, fa voir ; un-plinthe, un tore
& un liileau ; d'ailleurs elle a prefque toujours �t�
imit�e par nos Archite�res Fran�ois, ainii qu'on
le remarque au Luxembourg, au Palais-Royal *
� l'Orangerie de Verfailles > � i'avam>cour du Gh�-
( c ) On dit fufi.hr une colonne., pour exprimer la diminu-
tion de fon f�c , & faire entendre que fa forme n'eil poin�
celle d'un eilindre dans fes deux tiers fup�rieurs $ on dit auifi
cetce colonne eft bien ou malfufei�e , lorsqu'elle pr�fente une
diminution trop fenfiblc ou trop peuiofeniible. Koye^ dans nos
d�finitions ce que nousdifons des colonnes fu f�l�es, chap.II|<
Toms L                                          S
-ocr page 306-
274                       Cours
teau de Vincennes, au Ch�teau neuf de Saint-
Germain-en-Laie, aux guichets du Louvre, &c.
'Ou f�t de la colonne.
Le m�rite le plus effende! du fut d'une co-
lonne , confiite dans la maniere de la diminuer.
Traitons ici de fa diminution ; ce proc�d� fera le
m�me pour les f�ts de tous les ordres co-
lonnes.
�l y a toute apparence que les anciens , em
imitant le tronc des arbres, diminu�rent leurs co-
lonnes depuis la baie jufqu'au fommet, ainft que
� exprime la ligne ponctu�e 12, 13 (figure IV);
qu'enfuite on fit leurs deux c�t�s paralleles de-
puis 12 jufqu'� c , & qu'on en diminua feulement
les deux tiers fup�rieurs c, 13 ; de maniere que
tout le fut de la colonne , depuis la baiejjuiqu'au
chapiteau , c'eil-�-dire, depuis 12 jufqu'� 13 , de-
vint un corps compof� d'un cilindre ( d }| A , &
& d'un c�ne (e) tronqu� B. 11 eft encore vrai-
femblable qu'ayant enfuite remarqu� que le c�ne
Β , qui diminue toujours ens'�levant vers fa c�me,
formoit un jarret vers la rencontre du fommet du
cilindre 12. c, ils imagin�rent, pour �viter ce
jarret, une courbe , nomm�e conchb�de ( f ), la-
quelle s'uniifant beaucoup mieux avec la tige
inf�rieure de l'ordre, convertit ce c�ne en co-
(d) Corps termin� par deux cercles �gaux & paralleles.
( e ) Corps qui a un cercle pour bafe , & qui fe termine en
pointe , en forme de pyramide circulaire. On appelle c�ne
tronqu� , celui dont le fommet eft coup� parall�lement � fa
bafe
(� ) Courbe, du troiiieme genre , invent�e par N�com�de. On
en trace de diff�i entes efpeces , f�lon le mouvement du f�t
des colonnes. Fran�ois Β'iondel a reititu� � Γ Architecture ^
-ocr page 307-
ί> ' A R C H � Τ ECTt� RE.             TJ f
no�de (g), & d�termina pour toujours la .maniere
de fufeler les colonnes. Voici comme fe trace
cette courbure.
Maniere, de tracer la concho�de..
De la ligne c d, toujours ( figure IV ) , tiers
inf�rieur du fut de �a colonne & du point g,
comme centre , tracez la demi-circonf�rence chd±
puis du point i, demi-diam�tre de la partie fup�-
rieure de la colonne, abaiiTez une ligne du point
13 au point Κ ; enforte que la premiere corde
Kl, ibit �gale au demi-diam�tre iB ; divifez l'arc
de cercle Κ Β , puis la hauteur g i en huit par-
ties �gales ; prenez enfuite la longueur de la
deuxi�me corde m, portez-la de η en o j prenez
la troifieme corde p, portez-la de q en r; puis la
quatri�me corde s, de /en #,& ainii'de toutes
les cinq , fix , fept & huiti�mes cordes reftan-
tes , fur les quatre derni�res diviiions ab χ h ,
pour trouver les points {^e, diapr�s lefquelles
& les pr�c�dentes vous tracerez la concho�de de-
mand�e. Pour avoir le c�t� oppof�, prenez la di�*
tance no, portez-la de η en & ; r�p�tez les m�-
mes proc�d�s jufqu'en�, & l'op�ration fera ter-
min�e.
Il n'eil pas effenciel de divifer l'arc de cercle
Κ Β en huit. Cette quantit� eil arbitraire, on
peut le parrager en plus ou moins de parties ,
f�lon que le diam�tre de la colonne aura plus ou
aux Math�matiques , non-feulement la connoiilance de la,
concho�de ; mais encore l'inftrument que Nicom�de avoic in-
vent� pouj d�crite cette courbe d'un feul trait.
( g ) Corps folide pyramidal, form� par la r�volution d'une
courbe au tour de fon axe.
Sij
-ocr page 308-
Zj6                       C V R S
moins de grof�eur ; pourvu toutefois qu'on ob»
�erve le m�me nombre de diviiions, dans la hau-
teur g i, que dans Tare Κ Β.
Plufieurs modernes ont diminu� leurs colonnes
vers la bafe, & n'ont fait leur diam�tre de vingt-
quatre minutes, que vers cd, n'ayant donn� que
vingt-deux minutes au diam�tre inf�rieur; mais on
doit remarquer que le bas de la colonne �tant r�-
duit � vingt-deux minutes tandis que le tiers cd en a.
vingt-quatre 3 cette diff�rence femb�e produire un
porte-�-faux contraire � la iblidit�, ainii qu'on
le peut remarquer par la ligne ponctu�e , ι � -, 14»
D'autres Architectes, encore moins ckconfpe�rs,
ont laiiT� vingt-quatre minutes au f�t inf�rieur,
& en ont port� viQgt-iix vers c d, d'o� font n�es
les colonnes renfl�es ; de maniere que loin de
conferver la diminution qu'elles avoient d�j�, elles
Ont acquis plus de diam�tre , δε perdu par ce
moyen leur v�ritable beaut�. Quelques-uns ont
fait plus; au-lieu de porter cette augmentation
au tiers, ils l'ont port�e tant�t � la moiti� d� la
hauteur du f�t, tant�t aux deux cinqui�mes : ce
qu'il y a de pire, c'eit que ces Architectes ont
eu des imitateurs ; de forte qu'infenfiblement l'abus,
a pr�valu, & que les vrais pr�ceptes fe font ou-
bli�s peu-�-peu , fans r�fl�chir que les grands
Ma�tres avoient originairement.�tudi� la nature
dans fa fource , l'avoient fu�vie , & fouvenc
furpaiT�e par le fecours de /l'art. Tout ce que
l'on peut dire fur cet objet , c'eit que toutes
ces tentatives doivent �tre regard�es comme
autant d'�carts qui ne fervent qu'� corrompre les
formes primitives , � �garer les jeunes Artiiles ? &
� rendre incertaines les r�gles de la bonne Archi-
teiture.
-ocr page 309-
D 'Arc η ι τ ε e ■ TUR &           vjy
Bien loin d'applaudir � de telles innovations,,
nous croyons donc qii�l eil mieux de s'q�i tenir
aux colonnes diminu�es feulement dans les deux
tiers de leur fut i�ip�rieur ; qu'il faut tenter ra-
rement de les diminuer par te bas , que fur-tout
il ne &udroit Jamais les renfler ; ces fortes de
colonnes offrant prefque toujours au fpe�ateur
l'id�e d'un point d'appui qui femble �tre aiFaiiT�'
par le poids de l'entablement.
Nous obferverons encore que-le fut des colon-
nes , en g�n�ral, peut �tre Me ; qu'il peut auf��
�tre charg� de moulures rentrantes, de membres
fai�lants & d'ornements: que les premi�res s'ap**
pellent cannelures, les f�conds bo�ages ,, & les,
troiiieme.s rudentures : que les boffages confacr�s^
� l'ordre' Tofcan , font continus ou alternatifs%
comme le font ceux des ordres Tofcan & Borique
du Luxembourg : que on lesfaitakernatifs^&i�ut-
les diilribtier eh nombre impair ; que | daHsr�ii�i:
& l'autre cas, ils ne doivent avoir qt�ihmodele-
de hauteur, & que leur faillie ne doit ^aere - ex*-
c�der le quart ou la iixieme partie de leuf hauteur;
qu'au rei�e Inapplication de cette forte" d'�ffiement
exige de la cireonfpection, .& ne convient "qu'aux:
I ordonnances tout-�-fait miliques ; tels que les ou�
vrages- Militaires & Maritimes ; qu'il eft rarement?
bien plac� dans Γ Architecture civile ; qu'encore?,
� faudrait toujours pr�f�rer les boi�ages alterna*
tifs aux continus, afin de laiiTer juger plus libres
ment du rapport du- diam�tre de la colonne avec:
fa hauteur , ce que les. boifages. continus ne per*-
mettent que -difficilement! c.et a�croiiTement � ht
colonne; changeant n�ceiiairement la proportion
de l'ordre;..'d'o� il' faut conclure qu'if ne d�vroiensi
! �tre tol�r�s qu 9' dan $ la/ d�coration, des a qu�djies &
:;                                                                        S;x%
-ocr page 310-
278            ! Cours
des prifons, des march�s publics, & des autres
ouvrages de ce genre ; que dans ce cas il faut fup-
primer le lifteau du tailloir du chapiteau Tofean,
pour ne former ce membre que d'une feule plate-
bande ( h ), ainii que l'exprime la figure V ; afin
d'�viter par cette fuppreffion une certaine quan-
tit� de moulures dans le couronnement du fut
d'une colonne furcharg�e par des corps faillants,
qui, quoique confid�r�s comme une forte d'enri-
chiffement, ne laifTent pas de lui procurer un air
de pefanteur , qui ne fouffre point de petites par-
ties dans tous les membres qui la foutiennent,
la couronnent ou l'accompagnent.
Du Chapiteau.
Nous n'eitimons aucun changement n�ce�Taire
� faire au �chapiteau de Vignole Ν, ( figure I ), ni
�.kjbafe de cet ordre : ce chapiteau �t� imit� dans
nos �difices Fran�ois, par nos plus habiles Archite-
ctes. Nous defirerions feulement que l'aftragale qui
le foutient, & qui appartient au f�t fiip�rieur de la
colonneV fut un peu plus fort, c'euV�-dire, qu'on
lui donn�t une partie trois quarts, au-lieu d'une
partie & demie , ainfi que l'exprime le membre
P. Nous penfons auffi qu'un cong� qui uniroit
le gorgerin avec le filet du quart de rond Ο, fe-
roit un bon effet; autrement cet angle droite, fem-
hle donner un air de f�cherefTe aux moulures de
ce chapiteau, & l'on ne doit en faire ufage, ce fem-
ble, que lorfqu'on fupprime le liiieau du tailloir,
comme dans la figure V.
De l'Entablement.
Nous n'avons rien chang� ni � l'architrave R,
"' ( h ) Vitruve & Palladio font aufli de czt avis.
-ocr page 311-
d'Architecture. 279
ni �lafrife S : nous conservons auffi la proportion
qu'a donn�e Vignole � la corniche Τ ; mais nous
prapofons de changer quelques-unes des moulures
qui la compofent,� dei�ein de la rendre plus analo-
gue � lamfticit� de l'ordre Tofcan. Par exemple,
le talon a 9 qui a quatre minutes de hauteur , nous
para�t couronn� peu convenablement par le filet �,
oui n'a qu'une demi-minute. Que para�t figmner
d'ailleurs le petit reglet c, qui fert de mouchette
pendante (i)au larmier d ; puifque pour facili-
ter l'�coulement des eaux pluviales, Vignole avoit
d�j� pris foin de placer un cavet c, a�ez �loigne
de la furface de la frife S , & de l'architrave R?
Ne peut-on pas remarquer que cqs deux mou-
lures , fi voiiines l'une de lautre , non-leuie-
ment font monotones , mais encore quelles pro-
duifent trop de petites parties dans une cor-
niche de l'efpece de celle dont nous parlons.
Nous croyons donc que pour les �viter, il con-
viendrait de convertir le cavet e, en canal con-
tinu comme � ( figure 11 ) ; en forte que, par la
fupprei�ion du reglet e, & par la continuation
du canal �, on donnerait non-feulement une plus
grande �l�vation au filet b ; mais que par la con-
tinuation du canal �, on procurerait plus de imi-
p�icit� � cette corniche , & que ce moyen plus
iimple n'en faciliterait pas moins l'�coulement des
eaux, & procurerait � cette corniche une fohdite
r�elle , quelle n'acquiert pas ordinairement en
(ζ) Manchettes: les Ouvriers appellent airif� le membre
qui fe place ordinairement fous le fofrke ou plafond < es
larmiers , & qui defcend en concre-bas tant pour enrichir
cercaines cot-aicb.es , que pour faciliter l'�coulement des eaux
du ciel dans les d�coxanoas ext�rieures.
S iv
-ocr page 312-
�8α                      � ο υ RS
fuivant la doctrine de Vignole ; car il arrive tu�s«
fouvent, que la pouiliere, l'humidit� & les iels
de la pierre qui viennent � fe diiToudre, rempliffent
3e canal trop peu fpacienx, & en rendent fuiags
inutile au bout de quelques ann�es ; d*oii il r�fulte
que l'humidit� qui f�journe fur l'angle faiUant du
larmier 5 en d�truit la vive ar�te: inconv�nient qui
feul peut difparo�tre par la fubititution du canal �,
que nous propofons , � l'exemple de -prefque tous
nos b�timents modernes ,, �lsv�s par les v�ritables
Architectes,
La cimaife fup�rieure de cette corniche eil
�onipof�e d'un quart de rondg, d'une baguette
■b'9■■'& d'un filet i : ce quarr de rond ayant quatre
minutes de hauteur, �e le larmier fix, la baguette
& ce filet ne paroif�ent-ils pas trop foibles, n'ayant
enfemble qu'une minute & demie de hauteur?; Pour
�viter ces trop petites moulures dans une corniche
Tofcane, diminuons la hauteur du larmier d, d'un
quart de. minute ; donnons ce. quart de minute de
plus � la baguette & au filet : d�s-lors cet aitrar
gale ayant une minute δ? trois quarts, deviendra
plus �lev�e , acquerra plus de faillie , & par
ce moyen tous les membres de la corniche de*�,
viendront mieux affortis au caract�re de l'ordre.
Quoiqu'il nous ait paru n�ceffaire de faire
quelques changements � la corniche de l'entabjle*.
ment & au pi�deftalde l'ordre Tofcan de Vignole�,
il e� facile de concevoir que % par le fecours de
ces changements , cet ordre m�rite la pr�f�rence
fur ceux de Palladio & de Scammozzi. Pour s'en
convaincre, ilf�iffit de coni�d�rer dans la planche
fuivante, hs ordres Tofcans de c�s deux derniers
Auteurs. Cette forte de comparaif�n notis accou-;
iumera � r�fl�chir & � nous, faire, faifir la v��*
-ocr page 313-
ι               d'Architecture.           zH
table expreffion d'un ordre, & celle de fon ordo-
nance, en nous apprenant � eilimer v�ritablement
les ouvrages r�guliers, & les diftinguer d'avec ceux
qui n'ont pas � beaucoup pr�s la m�me perfection ;
enfin elle nous mettra � port�e d'appr�cier les
ouvrages d'autrui, de faire un choix judicieux des
Auteurs qui ont �crit plus ou moins pertinem-
ment fur cette partie de l'Architecture * ou qui
nous ont laifle dans leurs productions diff�rents
objets que nous devons imiter ou rejeter.
Des ordres Toscans de Palladio
et de scammozzi.
Ρ L A M C H Ε X■ V I.
De l'ordre Tofcan de. Palladio*
Figure I.
Palladio, quoi qu'en dife Chambrai page 92»
qui, dans fon parallele d'Architecture, le met ait
nombre des plus excellents Auteurs, peut n�an-
moins �tre regard� dans fon ordre Tofcan, comme
inf�rieur � Vignole. Nous ne parlerons point
ici du premier deflin que Palladio a donn� de
cet ordre ; ce dei�in eft d'un genre ii ruftique 9
qu'il ne pourroit trouver place que dans la d�co-
ration des Prifons , des Cachots, ou de tout autre-
�difice de cette efpece. Au contraire, le f�cond
deflin que nous donnons ici, nous paro�t compof�
de trop de membres d'�rchite&ure, & offre plut�t
l'image de l'ordre Dorique que du Tofcan : auiB
Palladio dit-il l'avoir compof� d'apr�s les ordres
Tome I.
               �.                    Sv-*
-ocr page 314-
�&i                       Cours
des Ar�nes d� Ferora , de celles de Po/e 9 & de
plulieurs autres fragments antiques ; en forte que
cet ordre ne pourroit �tre mis en ufage que dans
le cas o� il pr�fideroit feul dans la d�coration d'un
b�timent. Cet Auteur ne donne point de pi�de-
ilal � fon ordre ; mais feulement un focle , tant�t
d'un module , tant�t de deux. Il donne fept
diam�tres � la hauteur de fa colonne , & le
quart � l'entablement, compof� de trois membres
principaux ; f�avoir , d'un architrave , d'une
frife & d'une corniche ; mais il s'en faut bien que
le rapport de ces trois' membres fok aui�i heu-
reufement diirxibu� que dans Vignole : certaine-
ment l'architrave femble avoir trop de hauteur ,
& la frife n'en avoir point aiTez : aui�i Palladio
l'a-t-il bomb�e, pour lui donneren apparence
plus d'�l�vation. Sa..corniche eil aui�i comppf�e de
trop de membres, & (es moulures font trop iinueu-
�es pour un ordre ruilique ; d'ailleurs fon chapi-
teau & fa bafe font orn�s de moulures trop peu
ai�brties � cet ordre, les tores & les baguettes
devant �tre pr�f�r�s aux doucines droites & ren-
verf�es; moulures d'autant plus d�plac�es ici,
qu'elles fe trouvent �tre les m�mes que celles des
deux cimaifes de la corniche.
Pour nous convaincre de la v�rit� de ces obfer-
vations, concernant ce profil Tofcan $ voyez le
profil de t�t� humaine,, trac� fur le profil de
l'entablement de Palladio, planche X , & remar-
quez la diff�rence du earaclere qu'elle produit,
comparaifon faite avec celle trac�e fur le profil
de l'entablement de Vignole.
yj^�*3>�*v
-ocr page 315-
d'Architecture. 283
De l'ordre Toftan de Scammo^i.
Figure IL
Scammozzi nous paro�t encore inf�rieur �Vignole,
dans la diviiion des membres de fon ordre Tofc�n.
Au - lieu de quatorze modules , il en a donn� qua-
torze & demi � la hauteur de fa colonne, & le
quart au pi�deftal & � l'entablement : d'ailleurs
on peut remarquer que cet entablement eft ii
charg� de moulures, qu'il femble plus propre �
couronner un ordre Dorique denticulaire, qu'un
ordre ruftiqtie : aui�i a-t-il affect� de mettre dans
fa frife , des efpeces de triglyphes ; richeffe indif-
crette, qui �te � cette ordonnance l'expreffion
propre � caract�rifer l'ordre Tofcan, La cimaife
de fon chapiteau eft encore toute Dorique ; en
forte que Ton ne connoit ici fordre Tofcan, qu'au
tailloir du chapiteau, & aux moulures de la bafe
de la colonne , feuls membres conformes � la
doctrine de Vitruve.
La corniche de fon pi�deftal, n'eft pas plus
Tofcane, �tant non-feulement compof�e d� mem-
bres plus d�licats que folides % mais encore d�fa-
gr�able par fon peu de faillie ; au contraire
le focle de fon pi�deftal paro�t trop fimple ,
compar� � fa corniche : d'o� il r�fulte que cette
ordonnance ne peut �tre imit�e que dans des
Comportions qui , confid�r�es fous un certain
afpe�, femblent ne pas exiger toute la f�v�rit�
qu'on doit chercher � mettre dans la compoiition
des diff�rents membres qui compofent un ordre
Tofcan proprement dit. Voyez auffi , planche
XI, le profil de t�te humaine, trac� d'apr�s cet
-ocr page 316-
%%4                           Cours
entablement de Scammozzi; comparez-le avec les
profils des entablements de Vignole & de* Palla-
dio, & vous vous appercevrez que tout l'avan-
tage eft � Vignole.
Pour confrater � cet �gard la fup�riorit� que
nous croyons devoir donner � Vignole, nous
aurions aui�i pu rapporter Tordre Tofcan de,
Serlio; mais nous nous contenterons de rappeler ici
qu'il nous paro�t encore plus irregulier que ceux
de Palladio & de Scammozzi, puisqu'il ne donne,
que douze modules � cet ordre , & un module �
tous i�s principaux membres ; ceft-�-dire � fa bafe*.
� ion chapiteau, � fon architrave , � fa frife &
a fa corniche : d�vifion monotone & contraire,
aux regies de l'optique, qu'il importe toujours de
concilier avec les grandeurs g�om�trales de fon,
�difice,
Ofons le dire ici ., tant de vari�t� dans la ma-:
niere de penfer des Auteurs, qui tous ont du puifer
les r�gles de l'art dans la m�mefource, n'ont que-
trop fouvent fervi � �garer la plupart de nos jeu-
nes Architectes, d'o� eft n�e le plus fouvent cette,
inconf�quence qu'on remarque dans la plupart;de
leurs productions : exemple funefte pour ceux qui
viennent apr�s eux, & dont on ne peut arr�ter
le cours qu'en r�p�tant fouvent ici les vrais pr�-
ceptes, de l'art, & en leur apprennant � diirin^
^uer de bonne heure les chefs-d'�uvre des grands,
Ma�tres d'avec les ouvrages m�diocres.
Ces obfervatj^ons fur nos Auteurs ne feront peut-
�tre pas go�t�es de tous ceux qui liront ce Trait�
d'Architecture ; mais notre intention eil fp�ciale-
ment de parler � nos Elev�s , dans la vue de
les accoutumer � ne rien n�gliger dans leurs �tu-
des , dans'leurs obfervations, enfin dans leurs com«:
pofitions.
-ocr page 317-
ί> * Α �t c U i f e t f V R �. 2§5
�l ne fuffit pas, par exemple, qu'un Sculpteur
�our faire une belle ftatue, ait obferv� les pro-
portions du corps humain, il faut encore que
toutes les parties foient en relation les unes avec
les autres ; fans doute un �uil trop petit, un doigt
trop gros feroit un l�ger d�faut, comparaifonfaite
avec la beaut� de l'enfemble ; mais ce feroient tou-
jours des d�fauts, & il nen feut fouffrir aucun
dans les ouvrages de l'art, Ce que nous difons
par rapport � la Sculpture, doit s'appliquer ici �
rArchite&ure, Tout Architecte doit donc pr�voir
' l'effet que produiront � l'�uil les diff�rentes par-
ties de fon �difice, avant de mettre la main �
l'�uvre, & d'expofer fes ouvrages au grand
jour.                                                 λ
Au refte,nous n'avons parl� jufqu'� pr�fent des
ordres d'Architecture, que d'une maniere g�n�rale;
nous ne fommes m�me entr�s dans quelque d�tail
que relativement � l'ordre Tofcan, dans l'inten-
tion que nous avons eue de commencer par l�
iimple avant d'arriver au compof�* Tout ce que
nous avons dit de cet ordre & de ceux des Grecs»
ne doit donc �tre confid�r� que comme une in-
troduction qui nous apprend, en quelque forte,
que tous les membres qui concourent � la d�co-
ration de nos b�timents, doivent puifer n�ceffai-
rement leur fource dans la beaut�, la proportion
& l'expref�ion de ces m�mes ordres. Nous revien-
drons dans la fuite aux d�tails particuliers � chacun,
en faifant voir ce quiconftitue leur eflence, leur v�r
ritable caract�re, l'emploi judicieux qu'on en doit
faire dans l'ordonnance des fa�ades & dans la d�co-
ration int�rieure des appartements ; la maniere de
les �lever les uns fur les autres * leurs diff�rents
entrec�lonnements j enfin ce qu'on doit entend^
-ocr page 318-
3.86                       Cours
par leurs accouplements. Ce fera alors que nous
nous rendrons compte de l'avantage ou du d�fa-
vantage, qui refaite de leur application dans l'Ar-
chitecture. Nous fufpendons donc cette th�orie
pour expliquer les �l�ments de l'art ; c'eft-�-dire,
ce que nous entendons par les ordres d'Architec-
ture , colonnes ou pilaftres , confid�r�s, foit par
rapport � leur mati�re, par rapport � leur forme,
par rapport � leur difpofition dans la d�coration,
par rapport � leur ufage ; enfin la proportion &
l'application qu'on doit faire de tous les mem-
bres d'Architecture & des principaux ornements
de Sculpture, deilin�s � embellir les fa�ades des
�difices, ou l'int�rieur de nos b�timents. Nous
nous perfuadoris m�me que cette vari�t� r�pan-
dra plus d'int�r�t dans nos le�ons , & juilifiera
l'opinion o� nous fommes, que tous les objets de
la d�coration amen�s dans l'Ar�hiteclure, ou par
la n�cefiit� ou pour l'agr�ment , doivent �tre
d�termin�s par le caract�re particulier de chacun �
des cinq ordres que nous connoifibns.
Le Chapitre pr�c�dent n'a d� nous apprendre
que les diverfes expreflions des ordres en g�n�-
ral, & les proportions particuli�res du Tof�anj
cette connoiiTance pr�liminaire que nous avons
cru indifpenfable & � l'Amateur & � l'Artiile ,
va nous fournir , dans le Chapitre fuivant, le
moyen d'apprendre � connoitre, comment nous
devons placer dans nos fa�ades �es ouvertures
de portes ou de croif�es, des baluilrades, des
foubaf�ements, des attiques,des niches, des fron-
tons , &c. membres qui tous doivent fe reflentir
des beaut�s r�elles que comportent les ordres
Dorique , Ionique & Corinthien des Grecs, & les
ordres Tofcan & Compofite des Romains , confi-
d�r�s chacun f�par�ment*
-ocr page 319-
d'architecture.          287
r~^~~a-*�-----'�Z^Jt^KZ' .....■■■■■ ______m .h. .11. ■*»--------OT
CHAPITRE III.
Raisonnement όε l'Art, ou D�fi-
nition pms, principaux Membres
D'ARCHITECTURE ET DeScULPTURE
propres a l'Embellissement η es
* .
Fa�ades* >                                                            ■;>'.
I? � s divers Membres
d'ArCHITE C.TU RE.
Planches XVII & XVIIL
OTRE deiTein n'a pas �t� de pr�fenter dans
cette planche une ordonnance d'Architecture r�-
guli�re , mais feulement de faire appercevoir d'un
coup d'�iiil, la plupart des membres d'�rchke&ure
& des ornements de Sculpture dont nous allons
parler. La multiplicit� des parties dont elle eil
remplie , ne nous ayant pas permis d'offrir une
cpmpoiition, telle que nous l'aurions deiir�e; ce
fera, n* Ton veut, l'�l�vation d'un portique {k)7
efpece de frontifpice (/) , perc� d'une ou de
(k) Un portique, chez les anciens, ctoit quelquefois un
porche, ou porte d'entr�e , foutenu pat des colonnes; d'autre-
fois c'�toit un avant-corps qui donnoit entr�e au Veftibule ;
fouvent c'�toit une galerie perc�e � jour. Homere appelle
Portique, des chambres deftin�es au logement des Etrangers»
adoif�es contre la porte d'entr�e, Se allez �loign�es du prin-
cipal corps de logis.
On appeloit encore ainf� l'endroit o� les Ph�lofophes d'A-
th�nes fe raflembloient ; ce qui donna occai�on aux Difciples
4c Zenon,de s'appeler fto�ques, du Grec floa 5 un portique.
{/) On dit le Frontifpice d'un Temple, l'orfqu'on ycut pan|
foms L                             S yi�j * \ '
-ocr page 320-
MS                   Cours
piufieiirs ouvertures , fans fermeture ou aves
fermeture de menuiferie, tels que la plupart des
veitibules , les p�riftiles, les porches, &c. Comme
dans la compofition de ce portique, on a fait
ufage des colonnes & des pi�aitres , nous avons
cru , avant d'examiner les divers membres d'Ar-
chiteittire & les ornements qu'il contient, devoir
traiter des diverfes efpeces de colonnes & de pi~
�aiires, relativement � leurs diff�rentes applica-
tions dans la d�coration des �difices ; objet d'au-
tant plus int�reffant , que ce fera toujours d'a-
pr�s la propordon & les diff�rentes expreflions
des ordi-es , que nous d�terminerons la forme & la
richeiie de tous les membres d'Archite&ure , ainii
que les ornements dont il fera queition dans ce?
Chapitre.
                                  ί
Planche. XVII.
Des Colonnes & des Pila/ires.
Nous avons d�j� dit que les ordres d'Archi-
tectures s'employoient de deux mani�res , en-
colonnes comme QS, ou en pilaftres comme R. Il
s'agit maintenant de conno�tre les trois principales
diff�rences qu'il y a entre la colonne & le pila-
ftre, quoique tous deux de m�mes proportions,
1er du portail d'une Eglife : on fe ferc auf�l du mot Frort"
tifpice
, pour d�iigner la d�coration ext�rieure de la porte
d'un Palais, d'un Edifice public , &c. Par exemple on dit ,
le Frontijpice du Palais du Luxembourg , du c�t� de la rue
de Tournon : au lieu qu'on dir, la fa�ade du Louvre du c�t�
de Saint-Germain l'Auxerrois > car on entend commun�ment
par le mot Frontijpice, un corps particulier d'Archite&ure Λ
ifol� du principal corps de logis qui "en annonce rentr�e 4
�a deftination & le plus ou le moins d'importance.
'                                                compof��
-ocr page 321-
d'Architecture. ±%f
i&orripof�s des m�mes membres, & fufceptibles
des m�mes ornements.
                                        S
La premiere diff�rence eil, que la colonne
eft circulaire , & le pilaftr� quarr� ; la f�cond� j
que les colonnes diminuent vers leur forrimetf
& que les divers c�t�s des pilaftres font paralleles
�ntr'eux dans la hauteur de leur f�t , comme f�
remarque dans cette planche l� diff�rence des
colonnes Q S au pilaitre R ; enfin la troifiem�
diff�rence eft que les colonnes doivent �tre ifol�es
& non engag�es �, ii l'on excepte n�anmoins les
ordonnances Tofcanes, o� la rufticit� de Tordre
& la folidit� r�elle, femblent autorifer ces fortes
de colonnes^ A l'�gard des pilaftres, il convient
au contraire de les engager (/ra) des cinq �ixi�me^
de leur diam�tre dans les m�rs de face, � moins
qu'on ne l�s place angulair�ment � l'extr�mit� des
avant-corps. Cette diff�rence des colonnes aux
pilaftres■�,eil d�iign�e dans la figure -1 $ de'l�'
planche j|CXpaont nous parlerons enfuite.
Plufleurs regardent l�s pilaftres comme une
m�diocrit� en Archite&ure ; ce genre d'ordonnanc�
repr�fentant, difem-i�s > bien plus la contrainte
de l'art \ qu'il n'imite les beaut�s de la nature, &
ne produifant jamais , ou que rarement, une d�-
coration int�r�fTant�. Cela peut �tre vrai � certains
�gards ; mais ne peut-on pas aui�� cohiid�rer les
pilaftres comme un genre qui tient le milieu entr�
Tart de b�tir, & TArchiteeTiire proprement dite ?
Car les pilaftres quarr�s par leur plan, engag�s"
& ayant les c�t�s paralleles � leur axe j outr�
(m) Vitruve appelle antes, les pilaftres engag�s , 8C nomm�
ants, les pilaftres ifol�s ou angulaires. Voyez la note 2.2, de
Perrault fur Vitruve t
pag. 6u
Τ orna U           "                           �!
-ocr page 322-
%Cp>                 -            C OURS                                   V
qu'ils femblent procurer aux murs de face, une
�blidit� r�elle , puiiqu'ils font ordinairement par-
pain avec eux » ne contribuent-ils pas � la d�cora-
tion des �difices ? Il eft vrai que la colonne nar
tiirellemenrplus l�gere, paro�t plus propre que
l� pilailre � donner du mouvement � la d�cora-
tion des -fa�ades: mais c'eil pr�cis�ment par ces
diff�rentes mani�res de varier les productions de
l'art, que Ton peut parvenir � fixer dans Γ Archi-
tecture un caract�re diftin&if que les colonnes
communiqueront aux �difices importants , les
pi�ailres aux b�timents particuliers , & les colon-
nes r�unies avec les pi�ailres aux Palais des
Rois, &c. D'o� il s'enfuivroit que les pi�ailres & les
colonnes pourroient� s'employer eniemble ou f<jh
par�ment, fans blei�er les lois de la belle Archi-
tedure. L'orangerie de V�nales , Tun des por-
tiques de la Cour Royale du Ch�teau-de Vin-
cennes, n'offrent que des colonnes ; la fa�ade du
Louvre 1 du c�t� de la Rivi�re, n'a que des pi-
laires ; le p.�riilyle du m�me Palais offre des co-
lonnes r�unies avec des pi�ailres : cependant cha-
cune de ces diveries d�corations , produit un bel
eilet ; & l'on peut dire que fi le m�lange des co-
lonnes & des pi�ailres rencontre quelques diffi-
cult�s dans l'ex�cution, les licences qu'il occafipmie
xlans quelques parties de d�tail % nt kieri e^a"
��es par. les beaut�s qu'elles r�pandent fur les
piaffes g�n�rales, & ne laiifent pas d'�tre pr�f�-
rables a cette multitude. d'innovations, qui ont
amen� les colonnes jumelles ( η ), les, colonnes
�.-(«) Comme dans la cour du Vieux 'Louvre Se � la Place
de Louis le Grand.
-ocr page 323-
Ν
d'Arch �tec T�re.          491
ovales (<?), les pilailres doubl�s (/> ) les "pilailres
diminu�s (q)9 &c.
Au refle, nous ne pr�tendons pas que cette
lOpinion � l'�gard des pilailres ibit regard�e com-
me une, loi. Nous ne la propofons ici qug comme
une de ces obfervations , qui excitent ordinaire-
ment les jeunes Artiiies � r�fl�chir fur les ob-
jets fufceptibles ou non d'imitation, � fe rendre
compte du pourquoi & du comment ; enfin � m�-
diter fur le bon ou mauvais effet qui peut r�fulter
des doctrines particuli�res des Architectes qui nous
ont pr�c�d�s. �onfid�rons maintenant les ordres
d'Archite(�ure , par rapport � leur mati�re , par
rapport � leur conftmction, � leur forme , � lew
di�pofmon, & � leurs diff�rents ufages.
%)'i$ Colonnes par rapport aux Ordres.
Les colonnes re�oivent diverfes d�nominations,
f�lon les diff�rentes expreifions des ordres. Nous
avons d�j� obferv� qu'on appelle colonne Tafcane,
celle dont la hauteur eil de i'ept diam�tres; colonne
Dorique.
, celle qui a huit diam�tres en hauteur ;
Ionique, celle qui en a neuf; Corinthienne &l Com*
po�te,
celles qui en ont dix.
Des Colonnes par rapport � leur Mati�re,
On nomme colonnes Diaphanes, celles qui font
Il                                              ---------                                                                                                                               ,.                                                                      . '
(ο) Comme aux Portails de la culture Sainte -Catherine»
& de La Merci,.
(p ) Comme � Trianon , en face d'un des bras du cmal de.
Y ei failles.
(q) Comme aux angles du Portail de l'Eglife des Quatre
Nanons.
Tij
-ocr page 324-
&91                       C � ΐτ ft $
compos�es d'une mati�re traniparente, �orrim� Oh*
vit autrefois celles du Th��tre de Scaurus, dont
parle Pline, & telles qu'on en voit, f�lon Boif*
�ard, dans fa Topographie de Rome * d'alb�tre
tranfparent, en TEglife de ^Saint-Marc � Vernie*
Les Colonnes aEau font celles qui, par le
fecours de l'hydraulique, offrent la repr�lentation
d'un corps de criital, comme celles qu'on voit au
Ch�teau de Commerce Les pyramides & les pila-
ilres du boiquet de l'Arc de Triomphe � Ver-
failles , font � peu pr�s dans le m�me genre.
On appelle encore colonne hydraulique, une co-
lonne du haut de laquelle fort un jet ou bouillon
d'eau , � qui le tailloir du chapiteau fert de
coupe ou baflin , d'o� l'eau retombe par une
rigole qui tourne en fpirale autour du f�t. Telles
font les colonnes qu'on remarque � la c�fcaide de
Belved�re { r) � Frefcati, & � celle de la Vigne
Matth�i � Rome.
On nomme colonnes m�talliques , celles qui font
fondues en fer ou en bronze, comme les quatre
colonnes de cuivre de Corinthe, qu'on voit �
. l'Eglife de Saint Jean-de-Latran � Rome.
On donne le nom de colonnes pricieufes , � celles
qui font conitruites de jafpe oriental, comme les
quatre colonnes qui fe remarquent au grand autel
de la Chapelle Pauline , � Sainte-Marie-Majenre
� Rome , ou g�n�ralement � celles qui, toutes
faites de lapis, d'avanturine , ou autre mati�re
"rare , comme f�gathe, &c. fervent � orner les
tabernacles de nos Temples, & les cabinets de
marqueterie qui fe placent dans les appartements-
de nos Maifons Royales.
(r) Voyez d'AYiler, planche 93,
-ocr page 325-
D*A R e HITECTURE.           Zf�
! tes Colonnes de rocaille font celles , dont le
noyau en pierre ou en moilon , eil rev�tu de p�-
trifications , de cong�lations , de coquillages, &c
� l'ufage des grottes & des fontaines.
Enfin on nomme colonnes de. treillage, celles qui»
construites d'�chalas ,,, & dont les bafes & les.
chapiteaux �tant form�s de bois de bouTeau , δε.
entretenus par des armatures de fer, fervent �
la d�coration des portiques, fallons ou cabinets,,
diftribu�s dans certaines parties de nos Jardins de;
propret�, comme on en remarque � Chantilly, am
labyrinthe de Verfailles,. � Cligny & ailleurs.
Des Colonnes, par rapport � hur Confiruciion*,
J^es colonnes incm�iesfont celles qui,conftrm-
tes de pluiieurs tranches de marbre, font fcell�es 8ε
maitiqu�es fur un noyau de pierre ou de brique %.
Se que l'on difpofe ainfi lorfqu'on ne peut les*
faire d'un feu! bloc , � caufe du prix de. leur ma-
ti�re.. .
On appelle cotonnes jumel�es, celles dont le f�t
eft conftruit de trois morceaux de pierre, pof�s,
en d�lit, � l'imitation des trois jumelles de bois*
qui fortifient le grand m�t d'un vaiffeau. Il eft boa
de canneler ces colonnes,, pour en effacer les*
joints. On, voit des colonnes jumel�es, d'ordres
Corinthien, dans la cour du ch�teau. d'Ecouen^
b�ti fur les deflins de Jean B.ullanu
Les colonnes de ma�onnerie font celles qui font:
faites ,de moilon ou de brique apparente. On voit
,des colonnes de cette derni�re efpece au, Ch�-
teau de Madrid , dans le bois de. Boulogne quel^
quefois on recouvre de #uc, les colonnes de M&?*
cQnnerie^                                 ,
-ocr page 326-
2$4                       Cours
On nomme colonnes par Tambours , celtes dont
le fut eft fait de plu�eurs afliies de pierre, comme
celles-du portail de Saint-Sulpice : on les appelle
colonnes vari�es, lorsqu'on remarque alternative-
ment un tambour de pierre, & un tambour de
marbre, comme aux culonnes Ioniques du Palais
des Tuileries.
                                       * .
On donne encore �e nom de colonnes Fari��s, �
celles dont le f�t, le chapiteau & la bafe font de
diil�rents marbres» comme les colonnes du p�ri-
ity�e de Trianon , ou de diff�rentes mati�res,
comme on en voit au retable d'autel de TEglife du
Val-de-Gr�ce , & ailleurs.
On nomme colonnes par Tron�ons, celles qui font
faites feulement de deux ou trois morceaux de
pierre, comme celles des Ecuries du Ch�teau de
Maifons.
Des Colonnes par rapport � leur Forrhs.
On appelle colonnes Band�es , celles qui font
orn�es de boifages * continus & liffes, comme
les colonnes Toicanes du Luxembourg, ou alter-
natifs & orn�s de fculptures , comme celles d�s
guichets du Louvre.
Les colonnes Cannel�es font celles qiii * d�fts ��
haureur de leur f�t, font orn�es de canaux, f�pa-
r�s par'des liiteaux, & dont les cannelures font
fouvent enrichies d'ornenients qu'on nomme ruden*
tares ;
telles font les colonnes Ioniques des pavil-
lons de l'ancien- Palais des Tuileries , du c�t� du
Jardin. Quelquefois on fait ces cannelures torfes,
c'eit �-dire , contourn�es en fpirale autour du f�t,
tomme on voit celles d�s colonnes des retables
d'autel des Eglifes des Invalides , & du Val-de-
Gr�ce, imit�es fans doute d'apr�s celles qui, f�lon
-ocr page 327-
d'architecture.            295
Tallad�o * font ex�cut�s au Temple d� Tr�vi ,
pr�s de Spolette en Italie. Voyez le plan des
diff�rentes cannelures employ�es dans n©s plus
beaux �difices , planche VIII.
On donne le nom de colonnes Cylindriques , �
ceHes qui n'ont ni renflement , ni diminution,
comme font les piliers Gothiques.
On appelle colonnes en Faifc&au, celles iftii font
compof��s de plufieurs petites colonnes \ r�unies
enfenib�e pour former un pilier ; telles qu'on en
voit dans les bas c�t�s d� TEglife de Notre-Dame
� Paris.
Les colonnes Fujil�es, font celles dont le renfle-
ment �ft trop rei�enti, ainfi que le remarquent
celles du portail de rEglife des Dames de Sainte-
Marie , pr�s la porte Saint-Antoine*
On nomme colonnes Li�es , celles dont le fut
n'a ni cannelures, ni bofTages , ni ornements»
comme celles de Saint-Roch, de l'Oratoire , &c.
Les colonnes Marines lotit' celles dont le f�t eft
rev�tu de gla�ons , en forme de fouread continu ,
ou par intervalles, comme les colonnes de la grotte
du Jardin du Luxembourg.
Les colonnes font appel�es Majjives^ lors qu'elles
font trop courtes, & qu'elles ont moins de hauteur
que n'en exige l'ordre , comme les colonnes Όσ-
riques de l'H�tel de Rohan. On les nomme Gr�les ,
quand elles font trop fv�ltes , & que l�iir hauteur
exc�de celle qui ei� preicrite par l'ordre comme
celles du Portique, d'ordre Dorique, de la Cour
Royale du Ch�teau de Vincennes.
Les colonnes Pa�orales font celles dont le f�t �ft
taill� � l'imitation de l'�corce des arbres, & qui
repr�fenteiit les troues dont les premi�res cabanes
�toient conitruites » elles clevroient, ce fembie ?
Tiv
-ocr page 328-
4&9<S                             Cours
toujours �tre Tofcanes, �tant deftin�es pour �es,
portes des Jardins ομ autres d�corations charnu
p�tres.
On nomme colonnes m�iqu$s-9 celles qui font
orn�es de bpffages alternatifs pu continus , aini�
qu'on a vu lpng-temps celles de la Grotte de
�leudon, eonitruites fur les deffins de Philibert
de Lorme. ν
             :*:                       /■.
Enfin les colonnes torfes font celles qui ont leur/
f�t contourn� en vis par pluiieurs circonvolutions ;.
on les appelle colonnes �vid�es lorsqu'elles font
faites de pluiieurs tiges, entortill�es les unes dans
les autres. "Voyez ce que nous avons dit des coi
lonnes torfes, chapitre I, page 2,08.Voyez aui&
la maniere de les torfer, que nous donnerons
ψ la fuite des ordres, dans le deuxi�me volume«».
Des Colonnes par rapporta leurs Difpofuions..
Lorfqu'on examine les colonnes , par rapport �
leur difpofition refpeclive dans l'ordonnance des
�dirlces , on appelle colonnes folitaires, celles qui
difpof�es par entre-cplonements , ne pr�f�ntenj�
ni approximation, ni accouplement. Telles font
les colonnes des nonveaux b�timents de la plac^
de Louis 2�V.
On appelle encore colonnes folitaires ^ les colon*�
nes cploifales, qui, dans une place publique, fon�
�rig�es � la m�moire d'un h�ros", comme les co-.
|onnes Trajane & Antonine � Rome ; ou qui font/
�lev�es pour fervir d'obfervatoire, comme �toit la
colonne de. l'H�tel de SpiiTons � Paris , appel�
aujourd'hui la If aile au hl�.
Les colonnes nich�es font celles dont une partij
$ffez �onfid�rable entre dansv le parement ά'ψκ
-ocr page 329-
d'Architecture.           %y?
mur de face , creuf� pour cet effet circulairement,
comme fe remarquent celles de la Culture-
Sainte-Catherine du cot� de la rue, & celles
qu'on a vues � la porte du Palais-Royal � Paris.
On nomme colonnes engag�es, celles qui p�n�-*
trent un pilaitre de la moiti� ou du tiers de leui?
diam�tre, comme les colonnes des quatre chapel�*
les du d�me des Invalides ; ou qui p�n�trent Γέ-*
paiifeur d'un mur, comme les colonnes int�rieur
res du porche de l'Egliie de Sa�nt-Sulpi�e.
On appelle colonnes adoj�es, celles qui avoifi-
nent d'aifez pr�s la furface d'un pilaitre ou d'un
mur 5 pour que cette furface faife tangente, avec
la circonf�rence de la partie inf�rieure de leur f�t.
Telles font les colonnes Doriques du portail de
Saint-Gervais.
Elles font nomm�es accoupl�es, lorfque leurs bafes
& leurs chapiteaux fe joignent, fans fe p�n�trer »
comme celles du p�riiiyle du Louvre,
Les colonnes groupp�es forit celles , qui moins
pr�s ks unes des autres , que les colonnes accou�*
pl�es, ne peuvent n�anmoins indiquer un entre*
colonnement, qui, pour �tre nomm� tel, doit
�tre au moins de trois modules. , d'un f�t � l'au-*
tre. On appelle auffi colonnes groupp�es , celles
qui faifant avant-corps » forment un grouppe fur
des plans diff�rents , comme on en remarque
aux angles de l'avant-corps du p�riftyle du Lou-?
� yre.
                                                     f$ , N
On nomme colonnes majeures, celles qui oecu-»
pent toute la hauteur d'un �tage; & colonnes mU
mures
, celles qui, d'un plus petit diam�tre que
les pr�c�dentes, d�corent feulement une porte ou
une croif�e, comme on le remarque au feconi
m�xe du portail du Val-d�-�r���,
-ocr page 330-
/
acjS                        Cours
Les colonnes colojfales, font celles qui embraffent
pluiieurs rangs de croif��s, comme celles de la
fa�ade de l'H�pital des Enfants-Trouv�s, du c�t�
du parvis de Notre-Dame.
On appelle enfin colonnes r�guli�res, celle qui,
d�termin�es par la hauteur d'un �tage , ne font
ni coloiTales, ni naines, & dont la proportion,
jointe � l'expreifion folide, moyenne, ou d�licate *
a indiqu� le cara&ere, & les dimeniions de tous les
membres r�pandus dans l'�tage qu'elles d�corent*
Teiles font les colonnes qu'on remarque aux Ch�-
teaux de Maifons , de Clagni & ailleurs.
Nous avons rapport� dans le chapitre Ier, en
parlant de l'origne des ordres, que les Grecs, apr�s
avoir vaincu les Cariens & les Perfes , avoient
fubititu� aux colonnes, la repr�ientation de ces
Peuples devenus Efclaves. Nous ajouterons ici
qu'ils s'accoutum�rent inieniiblement � enrichir
leurs productions par des fymboles, dont le fut
de leurs colonnes fe trouva furcharg�. D�s-lors
elles perdirent une partie de cette belle diipofi-
ti�n , qui, de leurs trois ordres , avoir fait au-
tant de chefs-d'�uvre. Leurs fuccefleurs , �pris
de la beaut� de ces .nouvelles Sculptures, les em-
ploy�rent aufli, mais peut-�tre avec moins de
g�nie , & fans donner � ces divers fymboles ni la
m�me perfection, ni la m�me convenance; en-
forte que ces attributs ne parurent plus que d�
iimples ornements entre les mains de leurs imi-
tateurs. Ceux-ci furent m�me ai��z inconiid�r�s ,
pour, introduire fur des tiges de colonnes d'une
proportion l�gere, des corps ruftiques, connus
fous le nom de bo�ages ; ils all�rent enfuite jufqu'a
y pratiquer des cannelures torfes, & enfyi des
membres d'un ftyie pefai�t, qu'ils alli�rent avec
-ocr page 331-
d'Architec�ure.           299
des ornements d�licats : ce qui acheva d'enlever �
FArchite&Lire ce caract�re na�f & cette belle iim-
plicit� fi propres � fatisfaire les yeux intelli-
gents.
T�chons donc de faire de ces fortes de fym-
bolesun ufage prudent. Pour cet effet, examinons-
en jufqu'aux moindres d�tails,& reiTouvenons-nous
de ne les appeler dans la d�coration des �difices
que par n�cei�it�. En un mot, n'oublions pas qu'il
i�roit peut-�tre mieux d'employer fur le f�t des
colonnes les feuls ornements qui leur font pro-
pres , & de ne rev�tir des attributs, ou des fyi�-»
boles dont nous parlons , que les focles, les f�u-
bkifements, ou emp�tements.
On appel� colonne a�rononuque, celle qui a �t�
conftruite pour fervir d'obfervatoire, comme le fut
celle de TH�tel de Soiflbns, d�j� cit�e.
On nomme colonne gnomonique^ celle dont l�
f�t cylindrique marque les heures par l'ombre d'un
fiyle, comme la colonne qu'on voit au Jardin du
Roi, � Paris.
La colonne chronologique , eft celle qui �lev�e
dans une place publique, dans une for�t, dans le
carrefour d'un grand chemin -> &c. porte quelque
infcription hiftorique.
La colonne hi�orique -, eft celle dont le f�t eft
orn� de bas reliefs , divif�s par bandes horifoii-
tales ou fpirales, comme la colonne Trajane, �
Rome.
La colonne h�ro�que, eil celle �lev�e au milieu
d'une place publique , & fur le chapiteau de laquelle
on voit, fur un focle, la figure p�deftre du Prince,
en l'honneur duquel ce monument eft eonftfuit
Ordinairement ces colonnes font dreiT�es fur ttti
baifement avec un fock& des pi�deftaux ftir l#fqii�i�
7
-ocr page 332-
|0Q                         C O F R S
quels on place des figures analogues aux vertus au
H�ros.
La colonne m�mor�ahy eft celle qui eft �lev�e
� l'occaiion de quelque �v�nement particulier �
comme ceiie qui fut dreiT�e � Londres dans le
march� aux ponTons, � 1'occa�on de l'incendie de
1666.,. ou celle qui fut �lev�e fur le bord du,
Rhin dans le Palatinat , en m�moire du paffage de
ce fleuve a par Guitave.
On appel� colonne fun�raire, celle dont le cha-
piteau foutient une urne, & dont le f�t eft charg�
de flammes ou de larmes, comme on en voit
plufieurs dans la chapelle dOrl�ans aux C�leftinsj,
� Paris.
On nomme colonne bell�que, celle dont le -fut
Tofcan, ou Dorique, imite la forme d'un canon 9
telles que les colonnes de pierre qu'on voit � la
porte de l'Arf�nal, du c�t� du quai des C�leftins r
� Paris..
i,a colonne phofphorique s'�l�ve fur un �c�uil >
ou � l'extr�mit� d'un m�le , pour fervir de fana!
� un port.
            "
; La colonne r&�rale^eii celle qui,, orn�e de proues
de vaiffeau, eil �lev�e � l'occaiion d'une victoire
navale, ou pour marquer la dignit� d'un Amiral,
comme les deux colonnes Doriques,, qui font partie
de la d�coration de la principale entr�e du Ch�teau
de Richelieu..
Enfin, on appelle colonne fymbalique , celle qui ?
par des, all�gories particuli�res, d�i�gne le motif
de fon �rection, ou les principaux attributs de la
Nation qui l'a fait �lever. Telles, feroi�nt, pas
exemple, des colonnes , dont on aur�it parfem�
le f�t de fleurs de lys, & orn� le chapiteau d'u&
�Qq, fymbole de la France.
-ocr page 333-
b^�RCH � Τ ICT�fe �.           3O�
Kous n'avons pas pr�tendu parler de tous les
�ymboles appliqu�s jufqu aujourd'hui aux colon�*� *
«es , craignant que la multiplicit� de ces orne�**
ments ne donn�t lieu d'en abuf�r. Nous renvoyons
fur cet objet aux exemples qu'on trouve dans
d'Aviler <, & dont nous donnerons feulement
quelques-unes des compositions les plus int�r�t
fautes dans les volumes fuivants-. Revenons aux
diff�rents membres d'Architedture. =
Des Arcades^
On donne particuli�rement le nom d'arcade, �
toute ouverture termin�e dans fa partie fup�rieure $
par un demi-cercl�, appel� plein cintre , comme
l'ouverture A* Ce genre d'ouverture M place dans
les grands entre-colonements des �difices de quelque '
importance : il doit y �tre pr�f�r� aux ouvert
tures � plate-bande, marqu�es Β ; ces derni�res
nous paroiffant mieux convenir aux croif��s, mal-
gr� la quantit� d'exemples contraires, que nous
offrent la plupart de nos b�timents anciens δέ
modernes.
En g�n�ral les portes & les croif�es Tofcanes »
doivent avoir moins de hauteur que les Corin-
thiennes, contre l'opinion de Virruve & celle de
Vignole, fon Commentateur. Pour cet effet, nous
penfons que les premi�res ne doivent avoir en
hauteur que deux fois leur largeur, & que les der-
ni�res doivent avoir en hauteur, au plus, deux fois
& demie leur largeur; enforte que la hauteur des
autres pourr�it �tre d�termin�e par mie moyenne
arithm�tique, entre ces deux extr�mes.
Quelquefois le iommet des ouvertures d�porte,
le d�termine par uii cintre furbaiiT�, & celui des
-ocr page 334-
loi            ,          Cour s
ouvertures des croif�es, par un arc de cercle,a
caufe duquel on les nomme bomhks : mais il faut
�viter d'abufer de ces deux derni�res formes d'ou-
vertures ; encore moins doit-on faire ufage des
arcades entiers points, introduites par les Goths,
& des ouvertures � pans coup�s, telles que fe
remarquent celles de l'avant-cour du Ch�teau de
Richelieu , & qu'on en voit une du del�in de
Michel-Ange dans d'Aviler » planche 7 5, page 307»
dont la forme a �t� imit�e aifez inclhcretement �
l'H�tel de Cond�, � la porte du College de Louis
le Grand, & ailleurs.
Des Pieds - droits.
Les pieds^droits C,, font les jambages d'une
porte, ou d'une croif�e, qui s'�l�vent � plomb
(j). & terminent la largeur de la baie. N�an-
moins Vitruve , chapitre V1, page 116, parle en-
core d'une efpece de porte atticurge, dont les
pieds-droits font inclin�s en dedans ; & il indique
des proportions diff�rentes, pour �tablir leur in�li-
naifon, f�lon la hauteur des ouvertures (t). Malgr�
une telle autorit�,il faut �viter de fuivre ces fortes
d'exemples. A peine ce genre d'ouverture feroit-
il tol�rable dans la d�coration des priions publi-
( s) Pied-droit, f�lon Vitruve, pamftat� pilier quarr�, qui
diff�re du pilaftre , appel� ant�s , qui n'a qu'une face ; au
lieu que te pied-droit en a toujours deux , & Couvent m�me eft
tout a-fait ifpl�. Voyez la note 3 de Perrault fur Vitruve., pag.
104.                                                                                        '. '
(t) Selon d'Aviler, on voit de pareilles ouvertures � la
porte du Temple de Vefta , ou de la Sibylle � Tivoli, pr�s
de Rome.
                                          :
-ocr page 335-
d'Architecture           303
cues , dans les magaiins � poudre , & dans les
d�p�ts Militaires , Terreftres ou Maritimes ; les
vo�tes d'un cintre , dapr�s lefquelles les arcades
ont �t� imit�es, devant faire oublier ces fortes d ou-
vertures , dans tout �difice �lev� pour la magni-
ficence.
                                 ,                          ,
Les Egyptiens ont pu pratiquer ians cloute des
ouvertures femblables � celles dont parle Vitruve,
fond�s fur la n�ceffit� de faire leurs plates-bandes
d'une feule pi�ce : n'ayant pas connu iart des
vo�tes, ils ont pu ignorer celui de conitriure des
plates-bandes de pluiieurs claveaux ; mais elles ne
feroient pas tol�rables chez nous, qui avons fait
des progr�s fi confid�rables, dans l'art de la coupe
des pierres.                                                   .
Philibert de Lorme («) parle d'une autre eipece
d'ouvertures , qui eft l'inverie de celles dontVitruye
fait mention ; c'eft-�-dire , dont les pieds-droits
font inclin�s en dehors ; il nous les propoie, da-
pr�s celles qu'on voit � l'EgUfe de Sainte Sabine,
Rome, qui n'ont que treize palmes \x) quatre
minutes vers leur bafe, & quatorze palmes deux
minutes trois quarts vers leur iommet. D apr�s
cet exemple, Philibert de Lorme conieille d �le-
ver ahiii les pieds-droits, lorfque les ouvertures
auront beaucoup d'�l�vation; � caufe, dit-il, de
(«) Livre 8, pag. 137.
(x ) Palme , du latin palma, la paume de la rnain.^ Les
Romains avoient deux fortes de palmes : l'une grande , de }a
largeur de la main, & qui fe divifoit en douze doigts, valant
9 pouces de pied de Roi ; l'autre petitet du.travers de la main,
Se de 4 doigts! ou de 3 pouces de pied de Roi. Voyez la note 3
de Perraulc fur Vitruve , pag. π > & ie Dictionnaire de d A-.
viler, page 163, o� il eft parl� des diff�rentes meiures da
palme.
-ocr page 336-
|�4                    G ours
l'optique qui r�tr�cit les objets les plu� �loign�s
de fc�uil. Mais del� n� s'eniuivroit-il pas qu'ori
ne pourroit �lever aucun corps d'Archite&ure �
plomb > loriqu'il feroit fu�ceptibl� d'une tr�s-grande
hauteur ? Auffi Fran�ois Blondel � la porte S;
Denis , Perrault � l'arc d� triomphe du Tr�n�, d�
BroiTe aux arcades de f aqu�d�c d'Arcueil * fe font�^
ils bien gard�s de fuivre l� fentiment de Philibert4
de Lorme, qui d'ailleurs convient qu'en g�n�ral
les pieds-droits des ouvertures font un meilleur
effet � plomb qu'inclin�s, foit hors d� la baie $
foit en dedans»
'- Des Aletiesi '
L�s �l�ttes D {y), coniid�r�es du c�t� de leur
Surface ext�rieure, pr�f�nt�nt un double pied-droit;
JLeur profondeur eil ordinairement peu eojiiid�-
rable j �tant d�termin�e par la faillie des importes
qu'elles contiennent ordinairement. Ce font les alet-
tes qui forment les deux montants des niches quar-"
jr�es, dans �efquelles font contenus les pieds-droits;
On les place aui�i horifontalement, lorfqu'on les fait
fervir de linteau ou fommier aux niches quarr�es*
Cependant il faut remarquer que les alettes, qui -,
ir�unies avec les pieds-droits, font toujours tr�s-
bien en Architeiture, ne peuvent trouver place*
qu'autant que les entre-colonnements ont une cer-
taine largeur.
D'un autre c�t� , la grande ouverture de la
porte emp�ch� fouvent d'introduire les alettes
dans la d�coration des entre-colonnements, quoi"
{y ) Mettes, de l'Italien Aletta t petite aile, ou c�t�.� \
Cite
-ocr page 337-
d'Architecture*           305
que ce membre ioit n�ceiTaire pour appliquer un
claveau fur la porte, & une infcription au-dei�us
du linteau del� niche quarr�e. N�anmoins Fran-
�ois Manfard» dans la nef du Val-de-Gr�ce, Fran-
�ois Blondel � la porte S. Denis , Claude Perrault
� Tare de triomphe du Tr�ne, les ont employ�s
avec le plus grand fucc�s , parce que le linteau
de cette niche quarr�e devenant parallele � l'ar-
chitrave , amen� n�c�iTairement dans l'ordonnance
un corps interm�diaire entre le plein cintre de
l'arcade & la direction horifontale de l'architrave;
ce qui ne fe rencontre pas, lorfque dans la d�-
coration d'un portique ou de toute autre compo-
fition, on eil oblig� de fupprimer cette niche
quarr�e, & par conf�quent fes alettes & fon fom-
mier. >
On donne auffi le nom d'alettes aux pieds-
droits Κ, qui foutiennent les extr�mit�s des ta-
blettes des baluitrades*
Des Impofies. ...
L'importe Ε (ι) eft le couronnement du pied-
droit C , & le foutien de l'archivolte F ; en g�-
n�ral , 1'impoite peut �tre regard� comme un mem-
bre qui, ainii que l'architrave, a tr�s-peu de re-
lief. On le place � peu-pr�s au tiers fup�rieur de
la hauteur de la colonne ; de maniere qu'il ne di-
vife jamais l'ordre en deux �galement. On doit
obferver d'ailleurs que la partie fup�rieure de l'im*
pofte, faffe une m�me ligne, avec le diam�tre de
(^) Impofle j, ce mot vient de l'italien, tmpofio, iurcharg�,
ou du latin impofitus, mis deiTus. En effet le pied-dtoic eft
furcharg� de l'importe.
Tome I.                                     V
-ocr page 338-
jo6                       Cours
l'arc plein cintre de l'arcade, � moins que le pied-
droit qui foutient l'impoile ne foit fort �lev� : car
il faut alors faire defcendre la partie fup�rieure
de l'impoile, un peu au-dei�bus du diam�tre de
l'arc plein cintre ; fans quoi le rayon yifue! maf-
queroit une trop grande, partie de la retomb�e
de l'archivolte ; d�faut qui rendroit n�ceffairemenc
ce dernier membre d�fagr�able , & le feroit pa-
ro�tre plut�t arc de cercle que plein cintre. Quoi-
que hs impolies aient �t� principalement imagi-
n�s pour cacher Fimperfeclion qui fe rencontr�-
rent entre l� naiiTance de l'arc, & le fommet du
pied-droit ; il faut les coniid�rer aui�� comme le
foutien del� retomb�e de l'archivolte.■Conf�quem-
ment, l'impoile doit �tre fupprim� dans toutes les
ordonnances, o� il n'y a pas d'archivoltes; ces
deux membres �tant, pour ainfi dire , ■ ins�para-
bles.
                            "                        " / '
Des Archivoltes,
L'archivolte F (a) eil un membre compofe de
moulures m�plattes, qui circulent au tour de la
f>artie fup�rieure de l'arcade plein cintre. Ses mou-
ures font allez ordinairement les m�mes que celles
de l'impoile. N�anmoins on applique quelquefois
les unes & les autres aux arcades furbaifi�es
( b ). Mais l'archivolte, aini� que l'impoile f iemble
devoir �tre confacr� aux ouvertures plein cintre,
les refends & les boiTag�s cet enrichiiTement
ruilique, �tant plus du rei�ort des portes furbaif-
f�es. Cette forme app�atie a eifedlivement quelque
( a ) Archivolte, du latin , arcus volutus, arc contourn�e
i&.) Comme on le remarque � l'H�tel de Soubife.
-ocr page 339-
;■} .                                                                                                                                                                                                                                                ?.. ■ >
d'Arch itecture.          397
ehofe de plus ruilique que la demi-circonf�rence
du cercle , & femble pour cela devoir �tre def-
tin�e aux ouvrages Militaires, ou dans l'Architec-
ture civile, aux d�pendances des �difices impor-
tants.
Il faut obferver que f archivolte ait un peu moins
de faillie que l'impose ; enforte que le pied-droit G,
en arriere-corps par raport � l'alette D, foit affez
renfonc� pour que la faillie de Timpoile E ne
d�fafleurant jamais l'alette, & l'archivolte ayant
moins de faillie que l'impoite, il en r�fulte autant
de membres d'architecl;ure, d�tach�s les uns des
autres, comme on l'a pratiqu� avec fucc�s aux ar->
cades de la nef du Val-de-Gr�ce, & non dans la
cour de l'H�tel de Touloufe ni au Palais des Tui-
leries du c�t� du Jardin , non plus qu'au portail
de S. Gervais, o� de m�me qu'� la fa�ade des
Tuileries , les impolies d�fafleiirent beaucoup la
furface des pilailres, tandis qu'� l'H�tel de Tou-
loufe tous ces membres .s'afleurent du moins les,
uns les autres.
Des Claveaux.
L� claveau G, eil une pierre en forme de coin,
qui fert de clef & tient en �quilibre les voui�birs
d'une arcade, ou ceux d'une vo�te. Il peut �tre
luTe ou orn� fur fon parement, de membres
d'Archite&ure ou de Sculpture, f�lon qu'il fait
partie d'une ordonnance plus ou moins impor-
tante. La largeur de l'intrados, ou bate du claveau,
doit �tre la iixieme partie de celle de l'arcade. Sa
largeur au fommet doit �tre d�termin�e par le.
centre qui a fervi � d�crire l'archivolte. Les mem-
bres d'Archite&ure"& les ornements qu'orj' intro-
V ii /
-ocr page 340-
3o§         * li � ο ν R s
duit fur les claveaux , doivent n�ceffairement ert
retenir la forme. Pour cela nous croyons qu'on
ne devroit jamais appliquer aux claveaux, ni mai-
ques, ni t�tes humaines ; celles-ci �tant prefque
toujours contraires � la convenance, & les autres
a la vrairTemblance. Nous n'avons plac� une t�te
iur le claveau G , que pour en faire connoirre
l'abus. Les maiques ou mafcarons, qu'on remarque
fur les claveaux des arcades de la cour de l'H�tel
de Carnavalet, font � la v�rit� des chefs-d'�uvre ;
les t�tes de femmes plac�es fur les claveaux des
arcades du Ch�teau de Sceaux, font admirables fans
doute : mais nous n'entendons louer que l'habilet�
du Sculpteur, $� nous penfons qu'une confole, une
agraife, ou un cartel r�gulier, font les feuls or-
nements qu'on doive appliquer aux claveaux. Les
fa�ades des Ch�teaux de Maifons & de Clagni,
li fort approuv�es des Connoiileurs, ne pr�fehtent
pas d'autres ornements fur les claveaux des cro�f�es;
encore y font-ils employ�s avec beaucoup de dif-
cr�tion.
Des Chambranles.
'-■■■■"■ i
Les chambranles H (c) font des membres com-
pof�s de deux montants & d'une traverie iiip�-
rieure. Lorfqirils ont quatre c�t�s , on les appelle
cadres {d) ; la largeur des chambranles doit �tre la
fixieme partie de celle des croif�es, & leur faillie
fur le na� du mur, la fixieme partie de la lar-
lc)'Ce membre eft appel� par Vitruve, ante-pagmentam ,
aflernblag�de menuiferie qui s'attache fur la pierre,&c. Voyez
la noce premiere de Perrault fur Vitruve, pag, 117,
(d). Cadres. Voyez ce que nous difojis des cadres dans ce
Chapitre.
                                    ;         ' ,
-ocr page 341-
d'Architecture.             309
geur des chambranles. Il en eil des moulures,
qui ornent les 'chambranles , comme de celles qui
ornent les impoiles & les archivoltes ; elles font
ordinairement les m�mes que celles des architra-
ves. Lorfque dans les �ordonnances iimpies5 on re-
tranch� les moulures du chambranle, il eit nom-
m� bandeau , ou plate-bande , comme O ; mais �* au
contraire on croit devoir Tenrichir, pour lui pro-
curer plus de mouvement, alors on l'orne d'une
croffette q , dont la hauteur efl le quart de celle
du chambranle hors-�uvre, & Ton donne de faillie
� cette croffette la fixieme partie de la largeur du
chambranle, Au reile , il faut �viter de trop r�i-
t�rer ces croffettes ; leurs reffauts multipli�s/ ne
pouvant que nuire � la fimplicit� de Γ Architecture.
Des Appuis.
On appelle appui (e)le mur peu �lev� au bas
d'une croif�e , & qui fert d'accoudoir ; fa hauteur
eil au moins de deux pieds & demi, & au plus de
trois pieds & un quart, f�lon que le mur a plus
ou moins d'�paiffeur , ou que Fappni fe trouve
plac� dans un b�timent public ou particulier. On
fait les appuis pleins, �vid�s , ou � jour. On ap-
pelle appui plein , celui qui eil tout de pierre de
taille ou feulement de ma�onnerie, & couronn�
d'une tablette. Vappui �vid� eft celui o� l'on a
introduit dans une partie-de fa hauteur, des en-
trelas ou des baluilres comme M, efpac�s de ma-
niere qu'ils pr�sentent autant de pleins que de
vides. On entend par appui � jour, celui qui n'eft
rempli que par un balcon ,& qui par le peu de
( e ) Appui ; ce mot d�rive du latin, peaium.
                    V                                                                                                                                        "* Τ * � *�
-ocr page 342-
310                        COU RS
largeur des barreaux de fer qui compofent (es
compartiments, laiffe juger de la hauteur de la
crois�e , depuis le bas de ίυη ouverture jufques
fous ion f.immet. On fait ufage de l'appui plein q
lorsqu'on eit oblig� de donner peu d'�l�vation aux
croif�es, de l'appui �vid� lorfqu'on en doit don-
ner davantage ; enfin de l'appui � jour, lorfqu'on
veut rendre les ouvertures plus �l�gantes : autant
de rei�ources qui peuvent procurer aux ouvertures
un rapport effenciel avec le caraclere de l'�difice.
Des Niches.
Les niches ( � ) devroient �tre r�ferv�es pour
la d�coration des �difices facr�s, pour celle des
fontaines, des bains publics , &c & n'�tre que ra-
rement employ�es dans les b�timents deilin�s �
l'habitation. Ici leur cavit� altere fouvent la fo-
lidit� des murs de face ; & leur application fait ra-
rement un bon effet dans l'ordonnance ext�rieure.
D'ailleurs, il faut convenir que les itatues renfer-
m�es dans les niches, perdent beaucoup de leur
beaut�, en d�robant aux yeux dufpectateur la plus
grande partie du m�rite de �e genre de Sculpture.
On fait les niches grandes, petites ou moyen-
nes ; on les fait circulaires, par leur plan & par leur
fommet comme I, ou quarr�es comme S, f�gure I>
planche XX; ( on fait encore � plate - bande}
le fommet de ces derni�res.) Celles-ci font r�-
ferv�es pour les ouvrages/Tofcans ou Doriques;
& les autres, pour les ordonnances o� pr�fident
'" '( � ) Niche ; ce mot d�rive de l'italien nicekio , conque
marine, parce que le cul de four de la niche elt ordinaire*
ment enrichi d'une coquille en bas-relief.
-ocr page 343-
d'Architecture.           311
les ordres Ionique, Corinthien & Compofite. On
doit obferver en g�n�ral de n'en faire ni de fi petites,
quelles ne puiffent contenir une fta�ue dont la
hauteur ibit � peu pr�s le tiers de celle de l'ordre,
ni de grandes, que le milieu de la t�te de la
itatue ne' ptihTe atteindre le deifus de l'impoite ,
©u diam�tre du cul-de-four de la niche; c'eft
pour quoi ai�ez fouvent on �lev� ces ilatues fur
un pi�douche r. Voyez dans les volumes fuivants
les diff�rents dei�ins de niches que^ious donnons.
Des Statues.
Ce que nous venons de dire des itatues, rela-
tivement aux niches , nous donne lieu de parler
du rapport des ilatues avec les ordres d'Archi-
tecture. D'abord il eft eifenciel de d�terminer ce
que nous entendons par fi�mes proprement dites,
& ' en quoi elles different des figures �galement
deitin�es.� orner les �difices.
On appelle fi atue (g), tout ouvrage defcu�pture
repr�fentant \e corps humain, tenu debout ou �
cheval. Celles de la premiere efpec'e font nom-
m�es p�defires , comme U , ou comme la ilatue
de Louis le Grand � la Place des Victoires : les
autres font nomm�es �q�efires ; telles font les
ftatues de Henri IV , de Louis XIII, &c.
On appelle figures > celles qui font plac�es fur
les deux corniches rampantes d'un fronton comme
L , & comme celles du portail de Saint-Roch ; ou
aiTifes , comme celles qu'on voit aux portes des
( g) Statue , du latin, fiatura, la taille du corps, ou de
lare, �tre debout.
Viv
-ocr page 344-
312                      Cours
H�tels de Touloufe & de Soubife ; ou � genoux ί
comme celle du Cardinal Mazarin aux Quatre-
Nations ; ou enfin couch�es, comme celle du Car-
dinal de Richelieu � la Sorbonne.
Les figures fe font en ronde bofTe , en demi*
bofTe ou en bas-relief. Ces diff�rentes figures f
Ton excepte celles qui font en bas-relief, lef-
quelles peuvent �tre d'un plus petit module, doi-
vent avoir de hauteur, environ le tiers de l'ordre;
autrement elles feroient nomm�es colofTales ; parce
� que, difputant de hauteur avec l'ordre, elles pa-
ro�troient gigantefques ( h ).
On fait les figures nues ou drap�es, folitaires
ou groupp�es , & fouvent accompagn�es d'attri-
buts , de fymboles ou d'all�gories, qui contribuent
avec le ityle de l'ordonnance qui pr�fide dans la
d�coration, � �clairer le fpe&ateur fur Tufage &
la d�ftination de l'�difice.
Des Balu�rades,
Comme les baluftrades font afTez ordinairement
couronn�es de ilatues , & qu'il doit y avoir un
rapport imm�diar entre celles-ci &les baluflrades,
il doit auffi y avoir un rapport d�termin� entre ces
deux objets, & l'ordre qui pr�fide dans la d�coration.
N�anmoins on doit reconno�tre deux diff�rentes
hauteurs pour les baluitrad�s. L'une de ces hauteurs
eil pour les baluflrades deitin�es � fervir d'appui aux
croif�es, comme M aux terrafTes , ainfi qu'aux
(h\ Cxil ce qu'on peut remarquer aux Portails de Sain�-
Gervais & des Feuillans, au Palais du Luxembourg & ailleurs.
\
-ocr page 345-
d'Architecture.            31?
rampes & aux paliers des efcaliers : celle-ci doi-
vent �tre affujetties � la hauteur du corps humain :
l'autre hauteur regarde les baluftrades qui fervent
�e couronnement'aux -�difices-; ces derni�res
peuvent �tre plus hautes que les pr�c�dentes ;
mais elles ne doivent jamais exc�der la hauteur
du coude des ftatues dont elles font couronn�es.
Ces deux fortes de baluftrades font ordinairement
compof�es , ainfi que les pi�deftaux des ordres ,
d'une bafe ou d'un focle, d'un d� & d'une corniche
ou tablette; c'eft dans la hauteur du de, que
font contenus les baluftres ( i ), efpece de petites
colonnes , qui ont donn� � ces fortes d'appui ou
couronnement, le nom de baluftrade. Les balu-
ftres doivent le placer � plomb des entre-colon-
nements ou des vides des portes & des croifees ;
& les d�s ou pi�deftaux, � plomb des colonnes ou
des trumeaux des fa�ades. Dans tous les cas, la
hauteur du d� , & par conf�quent du baluftre , doit
�tre �gale aux diam�tre fup�rieur ou inf�rieur de-
la colonne ; la tablette doit avoir le quart du ba-
luftre ; & le focle , une hauteur ind�termin�e ,
f�lon que les baluftrades feront aifujetties, ou a
la hauteur du corps humain, ou � celle des ftatues.
Par la m�me raifon , les membres du baluftre,
ainfi que les moulures qui ornent le focle , le de
& la tablette, doivent �tre employ�s en plus ou
moins grande quantit�, avoir plus ou moins de
relief, & recevoir plus ou moins d'ornements,
f�lon le caraftere ou l'expreffion de l'ordre. Voyez
(?) Baluftres, du latin Balaufimm, d�riv� du grec Ba-
lauftion
, nom de la fleur de grenadier fauvage , � laquelle
�eflemble le baluftre.
-ocr page 346-
314                     ν ours
les diff�rents genres de baluftres , que nous don-
nerons dans la fuite.
Des Avant-corps.
On appelle en g�n�ral, avant-corps, un corps
d7 Architecture faillant, ou fur le nud du mur de
la fa�ade , on fur le mur int�rieur d'un b�timent.
On dit auffi d'un pavillon , qu'il forme avant-
corps , lorfqifil faille fur le mur de face propre-
ment dit, celui-ci devenant alors arri�re corps,
Compar� avec le pavillon.
Les avant-corps font introduits dans l'Archite*
&ure, pour donner du mouvement & pour pro-
curer de la richeife � tous les genres de d�cora-
tion. Quelquefois on multiplie pluiieurs de ces
corps, les uns devant les autres ; alors les colon-
nes T, ( planche XX ) forment le premier avant-
corps; le pilaitre V, forme le f�cond ; & le nud
du mur U , devient Tarriere-corps.
La r�it�ration plus ou moins coniid�rable de ces
corps , dans la d�coration d'un b�timent, d�pend de
fon importance & de fon �tendue, ainfi que du cara-
ct�re de Tordre. Dans les ordonnances Tofcane &
Dorique, les corps faillants ou rentrants, doivent
pr�fenter des angles droits , pour annoncer une
fermet� analogue � la folidit� r�elle & apparente de
ces ordres : au contraire, dans les ordonnances
Ionique, Corinthienne & Compoiite, on peut
introduire dans les avant - corps, des pans cou-
p�s, des tours rondes ou des tours creufes. Mais
en g�n�ral il faut ufer mod�r�ment de ces der-
ni�res formes , qui femblent ne convenir que
dans l'int�rieur des b�timents : les dehors deman-
dent un ftyle plus grave ; les petites parties, les
-ocr page 347-
d'Architecture.            315
fimiofit�s , les angles obtus, & fur-tout les angles
aigus , ne devant jamais faire partie de la d�cora-
tion ext�rieure. Il faut encore que la faillie de ces
diff�rents corps , les uns � l'�gard des autres , foit
relative au caract�re de l'ordre. Dans l'Achite�ure
folide ils peuvent avoir beaucoup de faillies, afin de
produire de larges ombres : on doit au contraire,
dans Γ Architecture moyenne ou d�licate , leur
donner moins de relief, &. ne pas craindre de les
multiplier. Mais dans tous les cas , on ne doit
placer aucun de ces corps, qu'il ne contribue � indi-
quer pr�cif�ment le carac�ere particulier d'un Edi-
fice facr�, d'un Palais ou d'une Maifon deftin�e
� l'habitation des Citoyens.
Des Frontons.
Les frontons ( k ) fe font triangulaires, ou cir-
culaires ; ces derniers different du fronton trian-
gulaire Ν, en ce que les deux corniches obliques
de celui-ci, fe r�unifient en une feule courbe
dans le fronton circulaire , comme on lq voit aux
frontons des ordres fup�rieurs des Portails des
Minimes , de Saint-Gervais & du Valide-Gr�ce.
Les frontons circulaires �tant d'une forme plus
pefante que les triangulaires, ne devroient jamais
�tre plac�s que dans les ordonnances ruftiques ou
folides ; & les frontons triangulaires dans les b�ti-
ments o� pr�iident les ordres moyens & d�licats ;
encore faudroit-il ufer mod�r�ment de ce genre
de d�coration. Le trop fr�quent ufage qu'en ont
ΙΊ                                                                       Uli'                                                     ι                                         !        ,                               Ι                                     '                         Ι                                 ,                  Μ! .1
( k ) Frontons , du latin frons , le front, parce que les fron-
tons font la partie fup�rieure de l'�difice , comme le frone
cft la partie fup�rieure du corps humain.
-ocr page 348-
\
3i6                      C o ύ R $ , .
fait les Architectes du dernier iiecle , devroit nous
d�terminer � n'employer les frontons, que lorf-
qu'il s'agit de couronner un avant - corps dans le
frontifpice d'un Temple, dans celui d'un Portique
ifol�, ou de tout autre corps d'Architefture
d�t�ch� du reite de l'Edifice : conf�quemment ils
ne devroient �tre admis que lorfque la n�ceffit�
femble autorifer ce genre de couronnement, donc
la forme pyramidale peut contribuer � fixer le
i�yle de l'ordonnance.
Les frontons de l'une & de l'autre ibrme r doivent
avoir de hauteur la cinqui�me partie de leur baie.
.Nous ne parlerons point ici des frontons � pans,
aini� nomm�s , parce que les deux corniches in-
clin�es font coup�es horifontalement dans leur partie
fup�rieure ; ni de ceux qu'on appelle brif�s, la cor-
niche horifontale & le fommet �tant intercept�s ;
ni de ceux dont on intercepte feulement la bafe ,
pour laiiTer monter une croif�e ou un bas-relief,
jufques dans le tympan (/) ; ni des frontons enroul�s,
qu'on nomme ain�, parce que leurs extr�mit�s
fup�rieures font termin�es en volute; ni de ceux
qu'on inf�re, tant�t circulaires, tant�t triangulaires,
les uns dans les autres, non plus que de ceux qu'on
appelle � reiTaut, � croiTette, perc�s � jour, &:c.
autant d'efpeces de comportions (/») qui annon-
(l) Efpace, marqu� & , contenu entre les corniches du
Fronton N, & dans lequel On a plac� un bas�relief. Ce
mot» tympan y d�rive du grec tympanon , tambour.
(m) Voyez plufieurs exemples de ces formes licencieui�s
dans le rec�uil des deifins du Coll�ge de la Sapience que
Boromini a fait b�tir � Rome. Voyez aui�� les deilins que
nous donnons des frontons dans les volumes fuivants de ce
Cours.
-ocr page 349-
d'Architecture.          317
cent plut�t la ft�rilit� du g�nie de l'Archite&e,
que le talent de l'Attifie.
Des Acrotercs.
Un acrotere (n) eft un d� de pierre qui fe
place fur les extr�mit�s fup�rieures comme V, & in-
f�rieures des frontons. Les anciens en faifoient un
fr�quent ufage , pour foutenir l�s itatues dont ils
ornoient leurs �difices ; � leur exemple, les moder-
nes en ont aui�i d�cor� leurs b�timents, comme
on le remarque � Marli ? � Sceaux & ailleurs.
Quelques-uns donnent auiTi le nom d'acrotere
aux petits pieds-droits , plac�s � l'extr�mit� des
trav�es des baluftrades, comme le pied-droit KL
de la balui�rade M. Nous obferverons ici qu'il
eft peut-�tre plus effenciel qu'on ne penfe de ne
pas employer indiff�remment le m�me terme ,
pour d�figner des membres d'Architecture d'un
genre & d'un ufage diff�rents, parce que chacun
de ces membres ayant des propri�t�s particuli�res,
dans l'ordonnance des �difices , il eil n�ceiTaire
de s'exprimer diff�remment lorfqu'il s'agit de les
�noncer , & de faire concevoir aux autres la juile
application qu'on en doit faire. Cen'eil qu'en con-
fultant l'�tymologie des termes de l'art, en re-
montant � la fource, & en fe rendant compte de
la maniere judicieufe dont les anciens en ont uf�,
qu'on peut employer avec choix ces diff�rents
membres, & qu'on �vite de placer , au hazard ,
la multitude des d�tails, dont on furcharge fou-
( n) Acrotere , du grec achroterion, extr�mit� de toutes forte«
de -corps.
-ocr page 350-
3iS                      Cours
vent fes productions. Par exemple, � propos dtt
fronton \ confultons l'�tymologie de ce mot. Ne
femble-t-il pas qu'on ait, jufqu'aujourd'hui, n�glig�
d'obferver la relation que doit avoir un couron-
nement de cette efpece, avec un avant-corps ou
toute autre grande partie d'un �difice ? & n'eit-il
pas �trange d'en voir � chaque �tage d'un b�ti-
ment , ainfi qu'on le remarque au portail de S.
Gervais , d�j� cit� , & ailleurs, tandis que la partie
fup�rieure de l'avant-corps devroit feule �tre ter-
min�e par un tel amortii�ement, ainfi qu'on vient
de le pratiquer plus convenablement dans la cour
du vieux Louvre?
Des Amorti/Tements.
On appelle amortiffement celui marqu� da ou
tout autre corps d'Architecture, qui couronne l'a-
vant-corps d'un b�timent. Les amoruffements tien-
nent quelquefois la place des frontons dans l'or-
donnance des fa�ades ; mais leurs contours vari�s
& finueux , s'accordent rarement bien avec le
caract�re grave de l'Architecture qui les foutient.
Lorfqu'onfe trouve, forc� de faire ufage de ces
fortes de couronnements, il faut du moins que
les membres d'Architecture qui les compofent
l'emportent de beaucoup fur les ornements. Pour
cet effet , il faut que TArchitede en dirige les
maffes & en donne les d�finis, & non le Sculp-
teur,, qui tr�s-fouvent peu f�vere, fait quelque-
fois, � la v�rit�, un ouvrage de Sculpture int�-
refiant, confid�r� � part, mais qui produit rare-
ment un bon effet avec l'Architecture.
Au refte, rien de fi difficile � compofer qu'un
bel amortuTement m9 c'eft le fruit du raifonneraent
-ocr page 351-
d'Architecture.           319
te du go�t de Fart. AuiTi avons-nous peu d'e-
xemples � citer en cette partie. Le Ch�teau de
Verfailles, du c�t� de la cour de marbre , le
Manege � Chantilly, le Ch�teau de Marly , le
Palais Bourbon, du c�t� de l'entr�e , font peut-,
�tre les meilleures compofitions en ce genre ;
encore s'en faut-il beaucoup qu'ils ne laiifent rien
� deiirer aux ConnoifTeurs.
Quelques architectes, non contents de faire py-
ramider leurs avant-corps ,. par un fronton, ont
encore furmont� telui-ci d'un amortifTemenr. Ce
double emploi produit rarement un bon effet ;
c'eil pr�fenter trop d'objets dans une feule d�co-
ration , c'eil peut-�tre offrir � la fois trop de
membres d'Archite&ure & d'ornements de Sculp-
ture, qui fouvent ne fervent qu'� rendre nos fa-
�ades plus confufes que belles, plus riches que
d�centes, & plus frivoles que r�guli�res.
Des Tables.
Une table (r) eil ordinairement un corps Tail-
lant ou rentrant, iimple ou orn� de moulures %
lifTe ou enrichie de Sculpture , qui s'�tend fur la
furface d'un mur. On appelle table /aillante celle
qui exc�de le nud du mur, ou le d� d'un pi�de�lal
comme. Ρ ; table rentrante, celle qui eil renfonc�e ;
table arraf�e , celle qui afleure la furface du
mur, & qui n'en eft diftingu�e que par une ca-
vi�� pratiqu�e � l'entour, pour le d�tacher du
corps qu'on a voulu enrichir ; table fimph , celle
qui n'a aucune efpece de moulure qui lui ferve
( 0 } Du latin Tabula t planche. ,
-ocr page 352-
3*o                      Cour s
de cadre ; table orn�e, au contraire, celle au pour-
tour de laquelle on a plac� des moulures, pour
laiTortir � l'ordonnance de la d�coration ; table
lijje , celle qui n'a fur fa furface aucun ornement
de Sculpture ; enfin, table enrichie, celle o� l'on
a taill� un bas-relief, un troph�e, &c. Il ne faut
jamais dans les dehors chantourner les angles
des tables en pierre, en marbre; ou du moins
on ne doit en ufer ainii que tr�s-rarement. A
peine ces chantournements fe tol�rent-ils dans la
Menuiferie ou dans l'Eb�niiterie , mife en �uvre
dans l'int�rieur d'un b�timent. On ne fauroit trop-
t�t s'accoutumer � �viter tout ce 'qui s'�loigne de
la iimpiicit� dans la d�coration ext�rieure.
Des Champs:
On appelle ainii la diftance ou le nud liiTe te
uni, qu'on lahTe entre une moulure & une autre
moulure , entre un cadre & un autre cadre »
enfin entre un corps & un autre corps, foit fail-
lant, foit rentrant. Les champs font des repos
& des intervalles n�ceifaires pour f�parer les
divers membres d'Architeclure , & les faire va-
loir les mis par les autres , fans �tre oblig�
de recourir � la prodigalit� des moulures & des
ornements. On peut dire que les champs font en
Architecture , ce que font daiis la lecture les di-
vers repos qu'on eft oblig� de garder, relative-
ment aux points & aux autres fignes de la ponc-
tuation.
Au tour des tables P, r�gnent des champs /;
ces derniers ne doivent jamais �tre ni trop larges,
ni trop �troits. Cependant rien de fi n�glige , rix
qui paroiiTe fi arbitraire � la plupart des jeunes
Architectes
-ocr page 353-
Β* ARCHITECTURE,             $Z%
architectes que les champs. Ils ont de la peine � f�
perfuader que tou t importe dans la d�coration, qii'iu}
champ trop �troit y donne un air de menuiferie, & la
rend maigrer�§� mefqi�ne ; qu'au contraire un champ
trop large la rend lourde &mai�ive; ils oublient que
tout eit relatif, qu'il n'y a ni petiteffe ni grandeur ab-
folue dans l'Architecture, qwe ce font les rapports
des membres compar�s les uns avec les autres qui
conftituent les vraies beaut�s de Tart, & que ces/
rapports doivent fe puiler dans les caract�res folid�j
moyen ou d�licat des ordres Grecs : que cette
connexit� eft indifpenfable, & que le plus grand
nombre n'eft point allez perfuad� qu'on ne fauroit
parvenir � une v�ritable perfe&ion, fans les c�nib�-
naif�ns , la r�flexion & l'exp�rience. Il faut favoir *
par exemple, que les champs qui r�gnent ai<tour des
tables plac�es dans les pi�deftaux des baluftradesV
doivent avoir la fixieme partie de Ja haut�ur-du d�
de ce m�me pi�deftal, & partir de ce principe pour
�tablir une largeur convenable aux autres" champ!
r�pandus dans l'ordonnance de l� d�coration.
D�s Pyramides' & des 0,b�lifqu�s.: -
Kous avons d�j� dit, en parlant de l'origine'des
ordres1, que les pyramides (/»/ �toient de form�
q�a�rangulaire par leur plaii, & qu'elles dimi-
mioient inf�nfiblement en s'�levant vers leur fom-
imetl Nous avons rapport�- aiifli qu'ellesfaifoient
�q prinzipal objet des monuments des Egyptiens,
& ^ue4es Rois d'Egypte les Jaifoient �lever pour
leur f�pujtures.
{p^ Gemot -vient; de Pyr> te �eu , parce que la pyramide
& termine en pointe comme la flamme.
             , ,              |
Tomt I,                        ,.,..... i� »...X,..-1. ;.....:.
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fit β λ α u{jhto3i2 iirir ■ A?' "-
�% rtous avons non-feulement cor�f�rv'�
�^tef�rm�poU� la d�coration des tombeaux, des
ma�l�l�es* des catafalque^ &e. mais nous en avons
ijuelqi4e#�S orn� les fr�ntifpices de nos Eglifes �
Paris j comme � S. Nicolas du Chardonnet;, aux
Fetiillans j aux Petits-Peres j pr�s la place des Vicn
toires, St ailleurs. Fran�ois Blondel les a employ�es
�iim^ttt�is en b�s-relief y � la porteS. Denis; & fur
cell�s*ei f� remarquent des troph�es de Sculpture
d'une compofition δέ d'une ex�cution admirable^
Nous ayons auffi parl� d�s ob�lifques (q ) ; nous
f�peteiQn� Ici qu'ils �toient �lev�s chez les Egy-
ptiens pour honorer la m�moire & les hauts faits des
grands hommes : que Rome eft encore : aujour-
dliui embellie de quelques-uns de ces anciens
mpnutoents tonftruits en Egypte y daine mati�re
10s'*pr�cieuieu oV-d'itri� grahdeut �tonnante; car
Jolis les ob��ifqnes antiques fbut de granit ou de
Herre THeoa�que , & remplis pour �a plupart de
c�ra�^jr^s hy�rogliphiqlies.1 La proportion'de la
hauteur ll�l�tgeur des ob�li�ques1, f�lon �esi�cher-
ches de M�Sa^erien>eft d'avoir d'�l�vation 9 fois
pu m�me jxifqu'� 9 Fois ck demi la largeur de leur
i�fe» '^feirs fommefs ic#� ;de la moiti� Ά^eutf
i�afe. afou�itsfc, no|re^Natipn fa.fi peu �lev� 4e
-ces'/'fortes-de rnonuments-que leurs v�ritables pro-1
»ipo�tions iont �t� chez :^ous &&z:ip:�g\ig�QS t,^^
nqiiOn inklguere �on�d�r� pour en d�terminer|e
ς «apport ; que ie? m®*ki de leur �rje^ton., le point de
( q ) Le mot ob�lifqtie , vient du grec oMd^i'aiJfc'fcriJciit »
� -caui� Λα xap.poxr qu'a l�b�lUaue. avec �cet inflrunient _,■ dont
.les Pa�ens fe fervoient dans les facrifiecs. les Pr�tes Egyp-
ψ$Εβ dtris1 t� fmt-e > cofhrfie boa« l'avons d�ja^dit; ,'les nomm�-
rent doigts j��« foleil y -pafced<ju ils ierVJOtE�Si i�� ityk j^uj, *flj~
■�juer hs hettccs fur la t�ixc.
                           9\ ; ,to'�
-ocr page 355-
©■' A R C H Ι Τ Ε C Τ V R I.             $1$
idiftance d'o� ils doivent �tre apper�us ; enfin la
qualit� des mati�res qu'on emploie pour leur
conitru�ion. Voyez l'ob�lifque marqu� b, intro-
duit dans cette planche , moins parce qu'il nous
y a paru convenable , que pour donner une id�e
de leur forme, & des ornements modernes donc
on peut les rev�tir.
Planche XVIII.
Des Soubajfements.
On a plac� dans cette planche , figure I, le plan
du portique pr�c�dent ; d'un c�t� , les colon-
nes font ifol�es , & le pilailre d'angle, faillant feu-
lement d'une fixieme partie de fa largeur ; de
l'autre, les colonnes font engag�es de la fixi�-
me partie de leur diam�tre dans des pilailres ;
& le pilailre d'angle V a deux faces, chacune de
deux modules ; ce qui lui fait faire un grand
avant-corps fur celui U. On a aui�i marqu� dans
ce plan une portion de niche circulaire I, &
une portion de niche quarr� S, pour faire voir
leur diff�rence. Au reile, il faut fe refTouvenir
que la configuration de ce plan, ainfl que fori
�l�vation dans la planche pr�c�dente, n'eit qu'une
complication de membres rafiembl�s fous un m�me
point de vue, fans autre objet d�termin�.
On appelle foubaifement, un �tage � rez de
chauff�e , comme g, figure 11, fervant de pi�-
deilal continu � un bel �tage , d�fign� h, & dans
lequel font diflribu�s les grands appartements.
Les foubafTements ne doivent jamais contenir
d'ordre d'Architecture ( r) ; certainement leur peu
m        y                                              ___________________________________________________________________________                                                                                                                                               .....                                      ..                                                                                                                                                                                                   'il
(r) Malgr� l'exemple de celui qu'on remarque dans la cou«
4e l'H�tel de Touloufe,
                                  . -r ".
Tom'I.                               *XiJ
-ocr page 356-
3H                      Co tr'R s
del�vation doit apporter de f alt�ration dans �ef
membres d'Architeciiire qui les compofent : par
exemple, les ouvertures doivent avoir une pro-
portion plus racourcie que celles des �tages r�gu-
liers , les corniches �tre plus iimples & moins
faillantes. Le p�riffile du Louvre , la fa�ade de
Verfailles du c�t� des Jardins , les Piaces de
Vend�me & des Victoires, ont pourfrez de chauff�e
un ibubaffement dans leurs fa�ades ext�rieures.
La hauteur des foubaffements eil d'avoir �-peu-
pr�s les deux tiers de l'�tage fup�rieur. Nous,
traiterons ailleurs de leurs avantages & de leurs
d�savantages dans l'Archkeclure, & nous donne-
rons les diff�rentes mefures de ceux que nous
g�nons de citer.
                 ; .                    Il
-, Des Attiques.
Nous avons d�j� dit qu'un attique �toit un
�tage racourci que les Ath�niens avoient imagin�,
pour recevoir des infcriptions & mai quer les cou-
vertures de leurs �difices. C'eil aufii chez nous
un �tage comme Ί /ayant peu de hauteur , m qui
fert � couronner la partie Sup�rieure d'un b�timent ? '
d'un avant-corps ou d'un pavillon ; les anciens ne
donnoient � cet �tage que le quart de la hauteur
de l'ordre ou du bel �tage , qui lui fervoit de
foutien. Nos Architectes modernes ont fix� fa
hauteur �-peu-pr�s � la moiti� 9 & y ont intro-
duit des pilaffres auxquels ils n'on donn� que fix
diam�tres. Cette proportion racourcie, attribu�e
feulement � ce genre d'�tage, a aui�i d�termin�
des ouvertures & des membres d'Archite�ure ,
qui femblent lui �tre confacr�s , & dont nous
traiterons en particulier,. en donnant les mefures
�Ka�es.des t�mss du Vieux-Louvre ? des Ch�-
.
                                   :' teaux
-ocr page 357-
γ             d'Architecture;           jz^
t�aux de Maifons , de Blois, de Clagny, &c. Nous
dirons feulement ici qu'on appelle attiques conti-
nus , ceux qui environnent le pourtour d'un �di-i
fice, comme celui qui termine la fa�ade de Ver--
failles, du c�t� des jardins ; attiques interpof�s,-;
ceux qui font iitu�s entre deux grands �tages, comme %
celui du gros pavillon de- l'int�rieur de la cour:
du Louvre ; attiques d'accotement, ceux qui flan-
quant �n avant-corps, contribuent � faire pyra-/
mider ce dernier, comme aux �curies du Ch�teau
de Maifons ; attiques d'�mortiflement, ceux qui,
r�duits � une moindre hauteur que le quart, ter-
minent une porte triomphale, comme � la porte-
S. Bernard; enfin, on appelleattique d'habitation*;
celui qui ayant des ouvertures de croif�es, fert
dans la demeure des grands, pour les logements
des Officiers, & d'�tage fubalterne dans les b�ti-;
ments particuliers.
Nous obferverons encore que malgr� la mul-,
titude d'exemples que nous avons de ces fortes
d'�tages employ�s par les modernes, les attiques
des anciens nous paroiffent pr�f�rables. Cet �tage»
tel qu'ils l'employoient, annon�oit un caraclere;
particulier qui contribuoit � relever ��elat de %
belle Architecture ; au-lieu que les attiques modernen
n'offrent, le plus fouvent, que des �tages impar-
faits , & peu capables de figurer dans la d�cora-
tion des �difices publics & des Palais des Rois,.
& qui pour cela ne devroient �tre mis en �uvre
que dans les b�timents priv�s ,., o� l'�conomie�
doit l'emporter fur, la magnificence*
.             Des Refends & des B&Jfages.^
Les refends dans l'Architecture, font une iouV
l�
-ocr page 358-
3&6                       C o f R &
tatiori dei joints qui, dans 1'art de t�ti�, ie fr#it~
Vont n�ceffairement entre deux pierres. On fait
tifage des refends dans certaines parties d'un mur
ct� �ace, pour lui procurer une efpece d'enrichifie*�
ment, il y a plufieurs fortes de refends; ici com-
$tie ailleurs , on doit obierver une vari�t�, non�*
feulement aux diif�ren>i ordres d'Arehite&ure ,
�nais encore � la richef�e ou � la {implicite qu'on
peut aiFeder � chaque ordre confid�r� f�par�ment.
%ti g�n�ral on appelle donc refends , les interiHces
:ci�e\ figure tll, & conf�d�r�s comme autant d'in-
�ifionS faites dans l'�paiiTeur d'un mur ; car fi ces
Refends n'�toient pas renfonc�s, ils deviendroient
communs � fa furface, les ai��fes feroient faillantes y
& elles formeroient alors'des boffages , Comme
l�. Ces boffages , ainii que les r�fends, peuvent
recevoir diii�rebtes moulures , comme on le re-
marque en c , en d, en e , en �, &c. La hau**
teur d�s refends q� commun�ment la douzi�me
partie de celle des aflifes ou boffages , & letif
|fto�ondeur eft �gale � 4� moiti� de la hauteur
<��s interftiees, felort la vari�t� o� f�i�ganc� de
l^rdre. ."■�*_■
il faut favoir que les refends & les boi�ages
ioritun� ti�heffe Toi cane 8j Dorique vconf�qite�i*
m�rit qu'ils ne dpi ven ε gu�re �tre employ�s �M�
fes* ordonnances Ionique , Corinthienne & Com^
Boitte. �tblf il s'enfuit encore qu'il n� feroit nul*
�fement convenable d'appliquer aux boffages une.
Sculpture trop d�licate s comme celle qu'on r�*
parque aux colonnes Tofca�eS des guichets dti
Couvre. Les vermiculures, les cong�lations , les
p�tiif�cationsi les piquures, font les feu�s enn-
�h$ements que comjporrent les ouvrages rgfti-
qucs, encore faut-il les employer avec choix, Sire-
-ocr page 359-
»
'D'A R e ΗΊ Τ Ε. CT �BE.            f|*�
l�tivement au genrede l'�difice» & affe�.er d&nseej
fortes d'ornements, un travail large, vague, mcer-r
tain, puif� dans les exemples que nous offreiM en c$
genre les prodn�ions^e ,1a nature, Yoyei ce quf
nous dirons dans. la. fuite en parlant des orner
ments,appel�svermiculures..N'oublionspas-.de. dira
ici que la hauteur des boffages , image "des ai�ifes
dans la conitru&ion, ne doit gu�re_exc�der la
hauteur d'un module, devant rapporter la, dimeniion
de chaque membre � celle de. l'ordre, pr�fenr ou.
ahfent, ' . . .
                 .               ;            �. �::
w|           jEtes Entablements dicompQfi's. -.... ..τ
: On appelle entablement d�compof� celui oit
Ton a �Libititu� un gorgerin &un ailragale � 1%
place de la frjfe, & deTarchitrave d\in entablement
a:�gu�ie^. On fait ufage de ces fortes d'entablements,
dans l'Arehite&ure, pour �vites^ie donnej: trop �p
Jjauteur au couronnement de l'�tage fup�tieur d'une
�maifon particuliere , mais jamais dans la d�coration
d'une fa�ade o� un ordre d'Ar�hite&iire pr��de.-^
parce que cet entablemerit ne pouvant �tre confia
d�r� que comme un d�compof� des, priincipales
parties d*un entablement, il feroit mal de �ouronnet
un corps v�ritablement r�gulier par un membre
d'Architecture mutil�. Qn doit concevoir aufli | d'a-
pr�s cette obfervation, qu'il faut retrancher certains
^membres de/S moulures de la corniche,;; proprement;
vdite , pour lui donner une iimplicit� relative �. la.
nouvelle frife Se au nouvel architrave ..% appel�
Ici gorgerin & afegale.
* La hauteur de ces fortes de, corniche^ f�c de-
-Tife en f�pt parties^ dont une. eft donn�e,� jy^
-ocr page 360-
JaS                       Cours                                  i
tragale, deux au gorgerin, & quatre � la corniche:
(cette derni�re fe fubdtvife enfuite en trois parties,
dont la premiere d�termine la hauteur de Tencor*
bellement ou de la cimaife inf�rieure ; la f�conde, la
hauteur du larmier ; & la troisi�me, celle de la
cimaife fup�rieure, &c.
Des Corniches architmv�es.
On appelle corniche architrav�e, un entable-
ment dont la frife eil fupprim�e , & dans l'ar-
chitrave duquel on a retranch� la cimaife fup�-
rieure ; de maniere que ce dernier touche imm�-
diatement � la corniche, dont la cimaife inf�rieure
tient lieu de couronnement � l'architrave. Nous
bbferverons que cet entablement ainfi d�compof�,
ne devroit jamais s'appliquer dans les dehors des
'�difices, principalement quand les ordres d'Archi-
te&ure y pr�fident, & qu'on ne devroit gu�re
faire ufagede cette efpece d'entablement, que dans
les �tages attiques ou dans la d�coration des ap-
partements; cette mutilation dans l'Archir�clure
des dehors lui �tant fon �araftere exprel�if, mal-
gr� l'exemple du Ch�teau de Montmorenci, de
celui de Saint-Cloud & ailleurs
JD�s Plinthes.             t
Ψ                               -, ν- . ■■.-                                    ...                                                      ,                                                              _                                               * *                                                                             1                                                     «β -
Les plinthes (s), comme nous l'entendons, font
d�s efpeces de corniches m�plates, & o� les faillies
," (s) Plinthes, du. grec Plinthos, briques, table ou mafl�f�
qiiadrangulaire ; ce mot, au maf�ulin , ne regarde que le
Plinthe plac� fous les bafes des ordres ,ou qui fouticnt le d� des
-ocr page 361-
»^Architecture.           329*
des c�maifes fup�rieures & des larmiers, font'fiip-
prim�es , comme le fait voir le membre Z, plan-
che XIX ; ce membre ainfi r�duit � la faillie de
la cimaife inf�rieure, s'emploie ^ordinairement dans
la d�coration �es fa�ades , pour d�ligner, dans les
dehors, la divifion Ult�rieure ^des planchers, ou
pour couronner les pieds-droU des portes des
cours, des avant-cours, & les pieds-droits des grilles
de nos jardins de plaifance. Quelquefois on donne
� la faillie de ces membres d'Architecture, le dou-
ble de celle de la cimaife inf�rieure, � deffein de
pratiquer dans le fofite de la plate-bande de la v
plinthe, un canal par o� les eaux du ciel puiC-
fent s'�couler loin de la furface du mur couronn�
par ce membre.
Des Trumeaux.
On appelle trumeaux, la partie qui, dans un
mur de face , fe trouve plac�e entre les ouver-
tures des portes & des croif�es d'un b�timent.
Les anciens fefoient les trumeaux de leurs fa-
�ades fort confid�rables ; ce qui leur dorinoit lieu
d'enrichir l'ext�rieur de leurs �difices avec beau-
coup de magnificence ; d'ailleurs le befoin qu'ils
avoient de mettre l'int�rieur des appartements �
l'abri de la chaleur des dehors, f�lon le climat o�
ils b�tif�oient, ne contribuoit pas peu � les obliger
de faire leurs ouvertures peu confid�rables, &
vafes, des figures , &c. Nous croyons qu'on doit dire au
f�minin une plinthe, pour d�figner les membres d'Architecture
"qui tiennent Heu de corniche aux diff�rents �tages des fa�ades,
parce que les plinthes , comme nous les concevons, ne font
.autre chofe que des corniches Amplifi�s, Se dont principale-
ment on a retranch� la plus grande partie de leur projedioa» j
-ocr page 362-
33© ^              Cours
leurs imerva�es �pacieux. Chez nous �> quoiqu«
dans un climat affez temp�r� , nous avons beau-
coup imit� les ufages des Anciens � cet �gard,,
ainfi qu'on peut le remarquer au Ch�teau de
Maifons , par Fran�ois Manfard \ au Ch�teau de
Vincennes, par Le Veau ; au Palais du Luxem-
bourg par Debroffss, &c. Plufi�urs ont imit� ces
Archite�es dans la pefanteur de leurs, trumeaux,,
fans-trop favoir pourquoi : quelques autres depuis*
plus jaloux de la beaut� int�rieure que de l'or-
donnance des fa�ades, ont aiFe��.de faire la lar-
geur de leurs croif�es , beaucoup plus confid�-
rable que les trumeaux qui les f�parent ; deux
exc�s fans contredit �galement � �viter ; Iq pre-
mier , occaiionnant beaucoup d'obfcurit� daim
les dedans, & donnant un cara�ere de pefan-
teur � la d�coration des dehors; le f�cond, nuifant
fouvent � la folidit�, & ne permettant que diffi-
cilement une d�coration ext�rieure, v�ritable-,
ment int�reffante. Il y auroit fans doute un moyen
4'�viter Γύη & l'autre inconv�nient \ ce ferait
dpbf�rver entre les pleins & les vides, un rap-
port progreifif qui feroit d�termin� par rexprek
fion des cinq ordres ; en forte que , par cette
relation de la largeur des trumeaux aux croif�es ,
& de celles-ci aux ordres , chaque b�timent
(nous entendons parler ici des b�timents d'habi-.
tation), porteroit un caract�re diftinctif de force\
d'�l�gance, de richeffe bu de fimphcit� * puifee
dans lexpreffion des ordres, & par conf�quent
autorif� par les pr�ceptes fondamentaux de l'Art,.
Cette r�union du tout aux parties , & des parr
ties au tout, η auroit-elle pas �t� trop, n�glig�e,
jufqu'aujourd'hui? �& cette m�me n�gligence ^ne.
feroit-elle pas la f�urce de l'imperfeaion quo«.
-ocr page 363-
*■'.'■-.■                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    -■ '. ■
B.'ARClIl'tECTXJRE.              3?t
remarique dans la plupart de nos b�timents, oit tr�s-
fpuvent, fans avoir �gard an flyle qu'exige chai*
i�ii� �difice conixd�r� f�par�rne;nt, on remarque
dans ces diverfes produ�Hons, la m�me empreinte;
d'o� eil n�e vraiifemblablement cette monotonie,
cette a�e�ation infuportable , au lieu de cette
diverht� louable, de ce caraQere diilin&if & de cette
Convenance fi n�ceffaire , pour rendre notre Ar-
chitecture fran�oife v�ritablement recommandable,
Nous avons d�j� vu , en parlant des portes %
des croif�es , que Vigno�e ailignoit la m�me pro-
portion � toutes les ouvertures Tofcane , Dori-
que, Ionique , Corinthienne & Compoiite, fans
avoir �gard aux diff�rentes expreflions des ordres,
fious avons combattu cette opinion d'apr�s l'auto-
rit� des plus habiles�rchiteaes de nos jours.
Kous ajouterons ici» comme une fuite du m�me
principe , que les trumeaux doivent �galement
avoir plus ou moins d� largeur f�lon le caract�re
�o�ide, moyen ou d�licat qui pr�fide dans l'or-
donnance de la d�coration des b�timents : pour
cet effet nous croyons qu'il feroit bon de donner
Siux trumeaux Tofcans , une largeur �gale � celle
du vide �es ouvertures ; & aux trumeaux Co-
rinthiens , feulement les deux tiers de cette m�me
largeur : qu*� regard des trumeaux des autres
ordonnances Dorique & Ionique, la largeur en
'jjotirroit �tre fix�e par une moyenne arithm�ti-
que. Au feile, nous ne pr�tendons pas que ces
rapports ne puiffent recevoir quelques change-
ments ; mais du moins ils pourroient produire cet
effet, qu'ils ob�igeroient le jeune Artifte � fe
tendre raifon du motif qui l'auroit d�termin� �
~s*�eaftef de la regle g�n�rale, & lui impoferoient
la n�ceiTit� de ne perdre jamais de vue les Lois,
-ocr page 364-
331                       Cours
�tablies , ou du moins approuv�es par le plus
grand nombre des Architectes modernes.
Ό es Encoignures & des Ecoin�ons.
On appelle �coin�ons dans l'int�rieur d'un b�ti-
ment , la partie du mur de face , depuis l'embra-
fure d'une croif�e jufqu'au retour de l'angle d'un
mur de refend ; on donne encore ce nom � l'angle
rentrant d'un arriere-corps ext�rieur, qui,. tou-
jours plus �troit que le trumeau, occupe Fefpace
compris entre le retour d'un avant-corps, & le
tableau de la premiere croif�e, perc�e dans Far-
riere-�orps.
Dans ce dernier cas il faut que la largeur de
l'�coin�on puiffe contenir celle dTun chambranle,
plus un intervalle, qui , en d�tachant ce cham-
branle du retour de l'avant - corps , laiffe la libert�
d'ajouter � ce m�me chambranle, une croflette,
un contre-chambranle, & quelquefois � fon attir-
que, la faillie d'une plinthe , d'une corniche, &c.
Une encoignure , au contraire , doit toujours
�tre plus grande que la largeur d'un trumeau,
comme annon�ant une plus grande r�iiftance, &
paroiiTant fortifier les extr�mit�s de l'avant-corps,
qui femblent toujours poufler au vide. D'ailleurs
il faut fe rappeler, que lorfque les ordres pr���-
dent � la d�coration d'un �difice , ces angles
faillants font commun�ment rev�tus de deux co-
lonnes ou de deux pilaftres accoupl�s , tandis
que les trumeaux n'en ont qu'un , & que l'id�e
des ordres & la folidit� n�ceiTaire dans tous les
genres d'Architecture, doivent s'annoncer abfolu-
ment, foit dans les ordonnances fimples, foit
dans les ordonnances compof�es.
-ocr page 365-
^Architecture.        333
Des M�lanines & autres efpeces d'ouvertures
conj�d�r�es comme accejfoires dans
la d�coration des Edifices.
Nous avons parl� pr�c�demment des portes &
des croif�es, & de leur proportion; mais comme
tout ce qui contribue � la commodit� des dedans
d'un �difice doit aufli contribuer � rendre plus
parfaite fa d�coration ext�rieure , & que les portes
& les croif�es ne font pas les feules ouvertures
qui entrent dans l'ordonnance de la d�coration
des fa�ades, il nous paro�t n�ceifaire d'examiner
ici les ouvertures appel�es m�zanines , celles
qu'on nomme attiques , enfin les lucarne^, les
ceuils de b�uf, les barbacanes, les foupiraux*
Sic»
�n appelle m�zanine (t ) une ouverture m, plam
che XX, qui n'a de hauteur que les deux tiers de
fe largeur; elle fe place ordinairement au-dei�iis
d'une croif�e, contenue dans lentrecolonnement
d'un ordre qui, par fa hauteur, embrafle un �tag�
& demi/ comme au Ch�teau de Saint-Cloud.
Une croif�e, att�que η , eil: celle qui, n'ayant
pas les proportions r�guli�res dont nous avons
parl� au fujet des portes & des,. croif�es > pe«c
�tre r�duite�: � la, hauteur d'une fois p� demie fe
largeur, foit qu'on la place dans une �tage appeM
attique, qui lui donne fon nom, comme au Ch�5
teau de Verfailles ? du cot�-des Jardjbns ; iio�
<melle fe trouve dans les entrepilaitres d'un ordre
coloual ? comme a la fa�ade du Louvre , du cjk�;
{t) M�lanine, del'icalien Me^nhkU - �" -.
-ocr page 366-
Hl              ,.   ;, "C.O Vife- S    i '
de la rivi�re. Nous croyons qu'en g�n�ral la partie
fujjerieure des in�zanines & des croiiees attaques,
doit �tre � plate-bande , & non bomb�e , comme
� la fa�ade du Louvre , que nous venons de
citer.
Les lucarnes ο , font des ouvertures pratiqu�es
pour �clairer les logements plac�s dans les com-
bles; leurs proportions doivent �tre les m�mes ;
que celles des croif�es attiques ; mais leurs parties
fiip�rieures peuvent �tre � plein cintre, bomb�es"
eu. furbaiff�es ; ce genre d'ouverture ne sem*
ployant gu�re que dans les b�timents particuliers,'
ou dans les �tages fup�rieurs des plac�s publiques^
comme on eii voit aux Plac�s de Vend�me M
des Victoires ? � Paris. -.v.' ^--^
Se S Les ceuils d� beeuf/? , font des ouvertures"
citcuki�res � �'ufage des �tages en galetas : on
ne doit jamais les placer dans les entrecolonne-
m�nes d'un �difice/ tels qu'on remarque ceux du
CMteasu neuf de Meudon ^ du c�t� des clo�tres»
; On ofefel'Vera que le diam�tre de toutes ces
diff�rentes ouvertures s doit �tre ^moindre cfuii
fixieme, que -la largeur, «fer cr�if��s ��riBuee^i
dans le bel �-�tage du b�timent," 4
<;'\v " '!,;■■;■'
Les barbacarin�s { u ) font d�s oiiv�rtur�s. fori
hautes & fort �troites : Un tei genre d'ouv�itur�
�&>4evroit jamais- -entrer pour ;ri�n dans la d�co*
i�ti�ri des b��im�nts de quelque * importante ,
malgr� lexem'j��i d�sentrec�l�rin�trients D�ricpeS
dU'Portail des Minimes, & celui de' Ka^nt-cbVpS
��s Ecuries du Gti�teau de Maifons f eliesin�, j^�*
vent gu�re �tr� �litorif�es que t�aris l�s ouvrages5
Militaires, jbour donner de r�i�r � l'int�rieur a�s*
u'                        1                      ■ ---■■ '                        -.....'■■ ■--......■■ .■■ � »-■-�.--»■-............ S$� m 1                        F
(κ) Bar�acannes,4c i'italic» barb'acahnti*. v':
-ocr page 367-
D'A R C Ή � f | CT URE.           11 j
fortifications , ou dans ΓArchitecture. Civile, pour
�aire �couler les eaux des murs des terraffes » c'eft
pour cela que dans l'un o� l'autre cas on les
nomme canotiiercs ou vcntou�s.
Les foupitaux ( 'x ) font d�s ouvertures deitin�es
� �clairer les fout�rrains d'un b�timent. La n�c�P-
iit� de�ces ouvertures j compriies ordinairement
dans la hauteur de la retraite du b�timent , a
d�termin� les Architectes � leur donner plus de
largeur que de hauteur ; mais comme cette efpece
'd'ouvertures , toujoursvoifines du fol de l'�difice,
fe fait alfa peu remarquer, il fuhi� d'obferver ,
dans leurs proportions & dans leurs formes�,
traelque rapport avec l'ordonnance des fa�ades;
autrement elles onriroient autant de difformit�s
dans la d�coration;
" �- D�s Cadres.
4�t'L�s cadres different des chambranles , en ce
"que ceux-ci n'ont que trois c�t�s, & que les
cadres proprement dits en ont" quatre. La haie
d'une croif�e^eut �tre entour�e �d'un cadre j celle
d'une porte fe peut recevoir qu'un chambranle.
Un cadre eft^une «efpece de bordure orn�e, d�
moulures , dont les membres�* �inii que c�nk au
chambranle ; "doivent �tr� relatifs � l'expreffion
de l'ordonnance qui pr�iide dans la d�coration.
�LFn fes - r�li�P;1^'�ne' in�cnptr�ml, 'un m�daillon ,
font brdiriair�m�ritl entoures J�'mne bot�me y d'un
'cadr� , ou ail rhoins d%ne pfete-bar�de, & fervent
� enrichir 'i�s entr�*coIohnements ou les trumeaux
(#) Soupiraux t du latin- fpiramentuni;                       ;'
-ocr page 368-
33*>                         G o � RS
-dt�tne fa�ade, les deffus des portes, des eroif�es,"
des niches, &c. On renferme auf�i quelquefois les
cadres dans des niches quarr�es » afin de donner
plus de fermet� � l'Arcbite&ure , ce qui divife
les champs & les efpaces o� font plac�s ces ca- j
-dres, & emp�che ceux-ci de devenir, ou trop
-confid�rables, ou trop maififs; r�partition qui,
�en amenant les confonnances dans les productions
de l'Artifte , contribue plus qu'on ne penie �
la perf�aipn de ies �uvres.           u ..,.
Nous nous contentons des d�finitions pr�c�-
dentes, non: que nous croyions avoir �puif�
�tput ce qui regarde les membres qui compofent
�Architeoure : mais nous aurons occafion tant
de fois de parler de leur multiplicit� dans la
fuite de ce Cours , que nous avons cru devoir
nous contenter des principaux objets que nous
venons de traiter , pour paffer aux ornements de
Sculpture dont on couronne, on accompagne ou
,Γοη enrichit affez ordinairement, la plus grande
] partie des membres d'Architecture dont nous
/venons d�parier. , , ;' L�^._!'"'
M DE S LA "SCUL�IJ] f ί^
fies diff�rents genres �orhemetits defiin�s
� emb�lir l^Archltec�ure.,''..�, . '■'■ ".'"{.'
Nous,avons parl� pr�c�cfemment, de .�origine
de; la Sculpture,�il s'agit,ici de, ion application
: dans TAr�hiteaure , & de traiter rde l'es princj-
-paies parties, relativement � la d�coration des
�difices. Commen�ons par parler de s ftatues ; eh-
fuite noirs panerons aux ornements proprement
ditS. ' . .-...;■ ,r.r.r«x:.-.� ?■ RiM ;1 piAvi�d I' v..)
En
-ocr page 369-
�> * A R C Η Ι Τ 1 C 'Τ V ft U
�n g�n�ral la Sculpture ne doit �tre appel�e
tkns TArchiteclure, que pour embellir les ia�ades
ext�rieures des b�timents de quelque importance »
& procurer de la magnificence � l'int�rieur de
de leurs appartements* On entend par Sculpture ?
ou l'art de mettre en �uvre des itatues qui ont-
pour objet la repr�fentation humaine , ou celui
de faire des ornements � l'imitation des diff�rentes
productions de la nature ; l'un & l'autre peuvent
�galement s'ex�cuter , en marbre, en bronz�, en.
en bois , en pierre, en pl�tre, &c» L'Artifte qui
s'adonne au premier genre , s'appelle Statuaire ;
celui qui fe charge du f�cond , s'appelle commu-
�i�ment Omememijh*
La Sculpture le fait ordinairement en ronde*
hoffe ou en bas-relief: on donne plus ou moins
de faillie � ces derniers *, f�lon leur deitination I
quelquefois m�me on d�tache quelques - unes de
leurs parties, f�lon qu'il doit en �tre appliqu� �
la d�coration d'une Architecture , dont le relief
�mane du mouvement donn� � la diftribution ex*
t�rieure des fa�ades*
L'application de la Sculpture dans l� d�coration
d'un �difice , demande beaucoup de go lit & de
jugement de la part de l'Ar�hiteoe : d'abord il
doit f�avoir �viter la prodigalit� des ornements;
il faut qiie leur place loit ailign�e par l'Architer
�hire, que leur exprei�ion foit puii�e dans celle
des ordres, & que les attributs quiiacara&�rifenr*
foient conformes � l'efprit de contenance qui S
donn� lieu � l'�difice. On doit prendie garde en-
core d'employer des ornements arbitraires ou in-
diff�rents ; fe rei�buvenir qu'il ei�: des formes re�ues
dont il ne faut gu�re s'�carter; que tout ornement
doit �tre fymbolique ; qu'autrement la richefie
Tome l�
                                       Y
-ocr page 370-
33$                 ; Co �j ms           :r"
qu'il procure � la d�coration, eft-indiscrete'; &
que �Giivent cette indifcr�tion ne tend qu'� acca-
bler l'Archite&ure, � la rendre confufe , � lui �ter
ies ,nuds , & � la d�pouiller de l'avantage qu'elle
a prefque� toujours de fe fufEre � elle-m�me»
lorsqu'elle eil belle & r�guli�re. A ces coniid�ra-
rions il en eil encore une non moins effencielle»
qui confiile � lui aiEgner une proportion relative
� la grandeur du b�timent, � la diitance d'o� il
doit �tre apper�u, & � la qualit� �es mati�res
qu'on eil foiivent forc� d'y employer. Combien
d'Artiiles fe font tromp�s au fujet de la relation
<lont nous panons? Combien de chefs-d'�uvre
dans nos b�timents , qui ceffent d'�tre tels aux
yeux -des GoniioirTeurs, parce que leurs produ-
irions ne pr�fentent que des beaut�s ifol�es. La
vo�te de la nef du Val - de - Gr�ce ; l'attique de
l'int�rieur du Louvre ; la fontaine de Grenelle ;
peur- �tre m�me celle des Saints - Innocents, font
des preuves de ce que nous avan�ons ; fans parler
ici du portail de Saint-Gervais, de celui des Feuil-
lants , du Palais du Luxembourg , dont da pro-
portion gigantefque, & la m�diocrit� de la Scul-
pture,, fait plus de tort �f Architecture, qu'elle
ne l'embellit : fenfation qu'on doit �prouver lors
qu'on compare la Sculpture qui les d�core , avec
celles des portes S. Denis, du p�ryilile du Louvre,
parce que le Sculpteur & TArchite&e femblent n'a-
voir �t� qu'un feul & m�me Arriile dans chacun
de ces �difices. Nous l'avons d�j� dit, nous le
r�p�tons; la Sculpture en g�n�ral, les Ordres en
particulier.,, ne font autorif�s dans l'Architecfure ,
que pour FembelliiTement des �difices iacr�s, que
pour dillinguer les Palais des Rois , d'avec les
Maifons particuli�res. N'employons donc les or^
-ocr page 371-
ρ '* � R c Hi� ί e: τ υ R '�.         3|.|
tir�s &' la Sculpture, que pour annoncer l'opu-
lence des Cit�s , la magnificence des Grands ; δε
�tudions-nous � ne les amener fur la lcene, qu'avec
choix, qu'avec difcernement, qu'avec go�t : fur*
tout que la Sculpture plaife par un faire exquis j
par une entente admirable , & par une difpoiition
que la convenance & la bienieanee ne puiiTent
jamais d�favouer.
Nous avons parl� -, dans les articles pr�c�dents �
de la proportion que la itatue devoit aVoir avec
l'Architecture. Nous ajouterons ici, qu'il eft peu
d'�difices o� les ilatues puirTent �tre plac�es conve-
biement dans la d�coration ext�rieure ; que celles
mifes fur les baruitrades fup�rieures des b�ti*
Inents, � l'exemple de la plus grande partie des
productions de la Gr�ce > offrent fans doute une
grande rieheffe > mais qu'elles femblent contraires
a la vraiffemblance ; que celles plac�es f�r un.
Ordre d'Archite&ure, & au-devant d'un �ttique »
ne r�ui�ifTent gu�re mieux : l'�l�vation de l'Ordre
& le peu de largeur des corniches de leut enta-
blement paroiffant peu faits pour recevoir des fta-
tues qui offrent toujours � l'�iiil quelques rap-
ports avec le mouvement des .figures humaines s
que celles qu'on place dans les niches perdent
la plus grande partie de leurs beaut�s» & dit
travail de l'Artifte : que les figures couch�es >
plac�es fur les corniches inclin�es d�s frontons »
annoncent encore un d�faut de vraiffemblance ,
qui devroit les faire rejeter de toute prdonnance
grave & r�guli�re ; enfin que celles affifes ( peut
�tre les plus tol�rables de toutes) ont aui�i le
d�faut d'interrompre la direction horizontale de
l'ordonnance de 'ΓArchitecture \ � moins que le
dei��s du ibcle ou-de la tablette des b�kiftradesa
Yij
-ocr page 372-
340                       Cour s
ne leur ferve de fol, comme � l'H�tel de Soubife
, du c�t� de la rue, & non le deifus de la cor-
niche , comme an m�me H�tel du c�t� de la Cour ?
& � l'H�tel de Touloufe en face de la Place des
yidoires.
Ces diff�rentes obfervat�ons qui nous parohTent
fond�es, nous perfuadent, en quelque forte, que
les fhtnes & les figures ne peuvent devenir v�ri-
tablement int�reffantes dans la d�coration'de nos
�difices, que lorfqu'on peut les placer fur des
pr�deftaux , fur le fol des perrons , comme �
Verfalles au pied de l'avant - corps, en face des
parterres d'eau ; ou fur des terraifes , dans les
Jardins de propret�, les Parcs, &c. Et nous penfons
qu'en toute autre occafion il feroit bon de leur
pr�f�rer des vafes , des cand�labres, des caf�blettes
ou des troph�es , diff�rents genres d'ornements
fufceptibles, comme les figures, d'exprimer par
diff�rents attributs, la deiHnation d'un �difice,
fans avoir � beaucoup pr�s les inconv�nients des
itatues dont nous venons de parler.
Des Vafes.
Le mot Vafe , s'entend de tout ouvrage de Scul-
pture alli� avec des membres d'Architecture, &
dont la beaut� coniiitedans le choix du Galbe {y)'9
dans celui des ornements , & dans l'art d'oppofer
les formes vari�es qui conftituent leurs genres
& leurs efpeces. Il f� fait de plufieurs fortes de
vafes ; les uns qu'on nomme cand�labres, comme s,
planche XIX, d�f�mes aux �difices facr�s ; ce
font les plus �lev�s, on leur donne ordinairement
(y) Galbe» d�riva de l'italien Garbo , contour,           : ;
-ocr page 373-
d'Architecture.           34�
les fm�� de la hauteur des �atues. A ��gard des
Vafes proprement dits, comme/, on ne leur
donne de hauteur, que les deux-tiers des figures;
ceux-ci fervent pour la d�coration des b�timents
civils. Fran�ois Manfard en a fait un tr�s-fr�quent
ufage dans fes b�timents : peut-�tre les formes
qu'il leur a donn�es fe reffemblent - elles un peu
trop. Il eft effenciel de leur donner , non-feule-
ment une richeffe ou une iimplieit� relative aux
diff�rentes expref�ions des Ordres , mais encore des
contours vari�s , qui s'affortiuent aux divers orne-
ments qui pr�fident dans les b�timents. Les cand�-
labres & les vafes dont nous parlons, le terminent
par des flammes , des fleurs & des fruits , f�lon le
genre de l'�difice. Les ornements qui ennehiffent
leurs tiges, font ordinairement des godrons, des
feuilles de refend, des feuilles d'eau, des guir*«
landes, des fleurons, des canaux , des rofeaux,
des rinceaux , des maicaroiis , &c. Lorsqu'aux
vafes on ajoute des anfes, qu'on en furmonte la
pance par un pi�douche un peu �lev�, & qu'on
en refferre le col, alors on les appelle buires on
bur&ms ; niais il faut obferver que ce dernier
genre n'�ft gu�re propre que pour l'int�rieur des^
appartements. Dans les dehors, il faut �viter tout
ce qui porte l'empreinte de la fragilit� , tout g©
qui ne pr�fente que de petites parties ; enfin tous
les petits d�tails qui ne peuvent �tre apper�us
que de pr�s, & qu'une mati�re,commune ne
pourroit rendre que tr�s-imparfaitement.
Lorfque l� proportion & la forme des vafes. δε-
des cand�labres ne peuvent f e concilier avec le
genre de l'ordonnance , on r�duit la hauteur de
leur tige , � la moiti� de celle des fi�mes; & alors;
ces mouveaux ornements s'appellent caffolettes %
-ocr page 374-
y#fc                   Co ν κ s
�fpece de vafes qui pr�fentent plus de largeur
que de hauteur <> h auxquels on introduit aufli
des anfes, des flammes^ des fleurs ou des vapeurs,
f�lon que l'exige le; �ara&ere de la d�coration.
Toutes ces difi�rentes fortes de Sculptures, s'ap*
pliquent �galement aux ordres Tofcan, Dorique,,
Ionique , Corinthien & �ompofite, en obfervant
feulement d'y fouftraire ou. d'y ajouter une plus
ou moins grande quantit� de membres & d'orne-^
ments 9 f�lon que fexige chacun des Ordres, ou
feulement leur ordonnance.
Il eu encore des vai�s ^d'un volume beaucoup�
plus grand , & dont la proportion peut �galer
celle des. ilatues % comme u :. ces vafes font deifo�
n�s � �tre plac�s au pied des fa�ades des b�ti-,
ments » fur les perrons, les terrafies 3 &c. Ils fe
font de marbre blanc , de bronze ou de m�tal
dor�. La v�ritable beaut� de ces derniers vafes ,.
comme des pr�c�dents,. confifte dans leur galbe >,
dans le choix de leur contour, dans la diftribu--
tjion de leurs ornements , & dans 1 art de les pro--
61er avec gout : Verfailles , Marli v Trianon,
offrent une tr�s-grande quantit� de chefs-d'oeuvre
- en ce genre % nous en donnerons quelques exem-
ples dans la fuite, des volumes" de �� Cours 9m
Irritant des jardins de propret�s
              jj
jPzs Trop Hes, :           ψ
kes troph�es fervent beaucoup, � rembellnT�^-
ψβηι de la d�coration des b�timents ; il s'en fait
4'ifol�s , comme y >. ck en bas-relief, comme\\
cette,
partie del� Sculptaire exige, une tr�s-grande
�Qnnoiffance de rhiftoire ancienne & moderne 5;
||c���.& proghane,; &. une; grande habitude du.
-ocr page 375-
d'Arc mite cru r e.           343
tleimi; elle exige le go�t de Fart & cet efptitd�
convenance , Tarne de toutes les productions d'un
Artiile; elle exige le raifonnement & l'applica-
tion des pr�ceptes qui enfeignent � donner � ces
fortes d'ornements un cara�tere folide ou d�licat,
f�lon l'application de la Sculpture � l'Archite-
cture; elle exige cette id�� de vraiiFemblance qui
apprend � ne pas confondre les all�gories & les
fymboles d'un genre contraire, dans une ordon-
nance d'Archite&ure , d�termin�e par Tefprit de
convenance; elle veut que le peu de relief ou la
faillie, la forme & la grandeur, foient aiforties �
l'exprei�ion de i'Architeclure , & que chaque attri-
but qui le compofe, foit en relation avec la pro-
portion des ftatues r�pandues dans les. fa�ades *
fur-tout lorfqu'il s'agit des troph�es ifol�es, comme
y ; ceux en bas-relief ι, peuvent avoir un moins
grand module, �tant prefque toujours enferm�s
dans des tables qui autorifent l� diminution de:
leur volume.
En g�n�ral les troph�es peuvent �tre d'un ca-*
ra&ere ruftique, folide % moyen , d�licat ou com-
pofe , cet ornement �tant du refTort de toutes les.
efpeces d'ordonnances. Il s'agit feulement de leur
ai�igrter un relief, une touche , un faire analogue;
� la d�coration , que ces troph�es doivent orner;
fans cela on ne peut attendre de correfpondance
entre la Sculpture & l'�rchiteclure : combien ne
voit-on pas de tr�s-belle Sculpture, qui ceiTe
de l'�tre y parce qu'elle p�che par ίr�iTortiment
qu'elle doit avoir avec le ftyl�' de rArchiteilure*
Cependant % qu'on y r�fl�chiffe 3 il ne faut que le
raifonnement de l'Art, pour y parvenir; il ne faut
�tre ni Dei�inateur, ni Sculpteur�* ni Arehite�e %
il fuffit. d'�tre connoiff�ur, homme de go�t {oMes^
-ocr page 376-
$44                      Cour s :
vateur �clair�. Par exemple, les troph�es en bas^
reliefde l'int�rieur du fal�on du Ch�teau d'Iify*
ceux de la ga�lerie de Versailles & des fallons qui
Ja pr�c�dent, ceux du bofquet des D�mes font
regard�s comme des chefs-d'�uvre par les hom-
mes de m�rite, parce qu'ils font exactement bien
affortis au cara&ere de la d�coration qui les re-
�oit ; au contraire , ceux du foubaifement de l'in-
t�rieur de la Chapelle de Verfailles, eeux de la
croif�e de l'Eghie de Saint-Roch, ceux de Fefcalier
de l'h�tel de Touloufe, font moins eflim�s , parce
qu'ils font charg�s de d�tails contraires � Tex-
pre�lon de l'ordonnance de ces trois diff�rentes
eipeces de d�corations. A l'�gard des troph�es
ifql�s, ceux �lev�s fur l'attique de la grande fa�ade
de Verfailles du c�t� des Jardins, ceux qu'on
vient d'appliquer nouvellement � la porte de l'h�tel
de Bellifie, & � celle de l'h�tel de Richelieu ft
paroiiTent trop forts , trop mafhfs & trop charg�s
d'inflruments & d'armoiries.; au contraire, ceux
qui fe remarquent aux portes des h�tels d^e Sou-
bife » de Clermont, dEitr�es, font d'une jufte
proportion,. d'une touche int�reiTante , & d'une
correfpqndance dite&e avec les membres d'Ar-
chite&ure- qui les re�oivent, qui les foutiennent
& qui les accompagnent : comparaifons impartia-
les de notre part, qui peuvent r�gler le g�nie de
nos Elev�s, a��urer le go�t de l'Amite, & lui faire�
juger f�s produd�Qns avec int�grit�.
Quelquefois cette partie de la Sculpture, s*all�e
avec des figures aulfes, � genoux, affaiiT�es &
humili�es : Perrault en avoit employ� � Tare de-
triomphe du Tr�ne ; il s'en voit � la place des
Victoires; il s'en remarque aiif�i au Ch�teau de
Jrjanon■> group�es, avec des g�nies : on eilpeui
-ocr page 377-
d'Architecture. 345
taire encore entre-m�l�es de vaies , d� guirlandes
& de fleurs : tout cela fe peut fans doute ; cepen-
dant il faut craindre que trop de parties r�unies
enfemble , n'apportent de la confufion : trop d'or-
nements , produisent rarement un chef d'oeuvre ;
trop d'ornements enfin , loin d'embellir l'Archi-
te&ure, l'accablent, la d�compofent & la d�fi-
gurent au point d'en d�truire les rnafies, qui feu-
les peuvent corilituer fa v�ritable beaut�.
Des Cariatides,
Nous avons d�j� parl� des cariatides dans l'origine
des Ordres, Sr nous avons d�fapprouv� l'ufage
qu en ont fait la plupart de nos Architectes fran-
�ois : en effet cette efpece de production, fembla-
ble � la plupart de celles que la Sculpture a intro-
duites dans nos b�timents fans n�cei�it�f, n'a de
m�rite que l'imitation des ouvrages des Grecs ,
qui, mieux fond�s que nous, avoient droit d'em-
ployer les cariatides dans la d�coration de leurs
�difices, en faveur Aqs victoires qu'ils avoient
remport�es fur les Cariens ■■& les Perfes; encore
faut-il convenir que cette nouvelle introduction,
dans leur Archite&ure , eft peut - �tre ce qui leur
a fait le moins d'honneur chez les Nations civi-
lif�es ; CQtte marque honteufe , attribu�e � l'hu-
manit� , �tant fort au-deffous de la gloire immor-
telle que ces Peuples avoient d'ailleurs acquife. Si
ce que nous avan�ons n'en: pas fans fondement,
de quel �uil devons nous regarder aujourd'hui,
l'application des cariatides dans nos �difices ,
suffi-bien que ces compofitions id�ales que nous
repr�fentent les termes, les figures en gaines}&
<
-ocr page 378-
346                      Cours
tant d'autres productions fabuleufes, � peine to��-
rables dans la d�coration de nos Spe&acles ; mais
qui ne devraient jamais faire partie de la d�coration
des monuments deilin�s � l'embellifTement de nos
Capitales, � la r�iidence des grands, � la demeure
des particuliers. Ne devrait-on pas , dans nos
d�corations, pr�f�rer de peindre le caract�re na-
tional , au-Heu d'imiter fervilement les productions
des Peuples qui nous ont pr�c�d�s, & tout ce que
la Mitho�ogie a imagin� de plus ing�nieux � cet
�gard. Qu'eit-ceen effet que des figures de femmes
fans bras , telles qu'il s'en remarque � la falle des.
Antiques au. Louvre? Ces figures font n�anmoins
conf�d�r�es comme des chefs - <T�uvre , parce
queffeclivement elles font d'une grande. - beaut� *
& du cifeau de Jean Gougeon. Mais dans la r�a-
lit�, ce n'eil autre chofe que de la belle Scul-
pture mal appliqu�e ; ce ne font que $e belles
itatues mutil�es ; ce n'eft enfin que la repr�-
fentation de la figure humaine , deftm�e, fans
trop de vrairlemblance, � porter le poids d'une
Tribune , qui e�t fans doute �t� mieux fou-
tenue par les tiges �es colonnes, dont on apper*
�oit le chapiteau & la bafe. Ce double emploi
n'�chappe pas au difcernement des ConnohTeurs ;
& ils jugent que Tufage de ces figures efl con-
traire � la vraiffemblance. Nous croyons, donc
ψις, l'habile Sculpteur n'aurait pas d� fe permettre
cette licence ; parce qu'autant qu'il efl: poi�ib�eV
il faut rendre intelligibles fes productions , leur
qrer toute efpece d'�quivoque, & fe priver plut�t
dune certaine vari�t� dans fes compositions y
que de s'expof�r � faire paffer � la poft�rit� des
exemples, qui, quoiqu'admirables par leur -est�*
-ocr page 379-
d'Architecture.           347
C��on , ne peuvent d'ailleurs �tre imit�s par nos
fucceiTeurs, fans'bleiier la convenance & le rai-
fonnement de l'Art.
                                                      :.
Qu'eft-ce encore que ces grandes figures colo�a-
les, qui fe voient au gros pavillon de l'int�rieur-
de la cour du m�me Palais ? elles font les chefs-
d'oeuvre de Desjardin » fans doute : mais l'ordon-
nonce de Γ Architecture, n'a-t-elle rien perdu � cette
application? La^grandeur de Tune , n'e�Velle pas,
d�truite par celle de l'autre? Leurs p�n�trations,
provenant de celle des colonnes de deffous , ne
            t
pr�fentent-elles pas des exemples dangereux � imi-
ter , & plut�t le d�fordre de l'imagination de l'Ar-
tifte, qu'une production fage, mefur�e, r�fl�chie,
capable d'annoncer � la poft�rit� ce que peut pro-
duire cet Art divin, quand f Archite&e fait n'ap-
peler � lui le miniftere de la Sculpture , que pour *
l'a plus grande perfection de fon Art.
Qu'eft - ce enfin que veulent dire les cariatides
du frontifpice du Bureau des Marchands Drapiers
� Paris, plus fortes de beaucoup que l'ordre Ioni-
que » qui cependant leur a aifign� leur hauteur;
mais qui, � l'exemple de celles de la Salle des
Antiques du Louvre, font mont�es fur les b�fes
de Tordre, & dont les t�tes foutiennent le cha-
piteau du m�me ordre? Elles ne pr�fententtout
au plus qu'un ordonnance pittorefque , qui ne
convient ni � la d�coration des dehors, ni � ΓΑγ>-
chite&ure proprement dite , & qui ne devroit.
m�me �tre autorif�e dans la Peinture , que lork
qu'il .s'agit d'y repr�senter quelques traits hifto-
riques concernant les Peuples qui ont donn� occ�-
iibn � ces fortes d'ornements. Je crois l'avoir dit
ailleurs % fouvent la f�ducHon de l'art pr�vaut
-ocr page 380-
34$                      Cours
fur la vraisemblance : on a vu des chefs-d'�uvre
d'un certain genre , on veut les imiter, & l'on ne
ibnge pas que non-feulement ces objets d'imita-
tion ne conviennent point au genre de l'�difice,
mais que fouvent les Artiites charg�s de ces com-
pofitions d�plac�es, font des Artiites fubalternes ,
&: que le preitige de l'art n'ayant plus lieu, toute
l'ordonnance ne pr�fente plus qu'une compoiition ,
m�me au-deffous de la m�diocrit�. Nous croyons
donc, que ii l'on vouloit faire ufage des cariati-
des dans l'Archite&ure, ce ne devroit �tre , dans
les ouvrages Militaires , que pour les portes des
Priions Royales, ou dans l'Archite�ure Civile,/
pour les Maiibns de Force, o� il convient peut-
�tre, comme nous l'avons d�j� remarqu� , d'ex-
pofer d�s les dehors , & aux yeux du Peuple , la
punition des coupables, d�tenus dans ces ailles *
le f�jour du crime & de l'inhumanit�; mais par-
tout ailleurs , il nous femb�e que c'eft p�cher
contre la vraisemblance, & que dans tous l�s
cas o� celle-ci fe trouve viol�e, la d�coration
quelqu'ing�nieufe qu'elle puifTe �tre d'ailleurs y
oifrant une id�e contraire au motif qui lui donne
lieu, ne peut auf�i que donner une id�e faui�e
des vrais talents de l'Ordonnateur. Vitruve *
appelle Th�lamon&s les figures d'hommes qui fou-
tiennent quelques fardeaux , & femble vouloir,
qu'� l'imitation des Grecs , on les appelle Atlas.
Perrault rapporte � propos de ce pafTage de
Vitruve , que Ealdus croit que le mot Thclamon ,
vient du grec , Tiamon, qui iignifie un Mif�rable
qui fupporte le mal avec patience: ce qui convient,
dit-il, aiTez bien � ces figures, qui portent des far-
deaux. Cette opinion de Baldus juftif�e notre fen-
-ocr page 381-
d'Architecture.           349
riment fur l'abus des ordres Cari�tes dans la d�co-
ration des �difices, & principalement dans ceux
d�f�mes aux habitations des grands (ξ).
JDes Gaines.
Cet enrichiffement appartient autant � TArchi-
teaure qu'� la Sculpture : � Γ Architeaure, parce
que ce font des corps �lev�s relativement � un
certain diam�tre, mais dont la forme femblable �
une pyramide renverf�e, eil plus �troite vers fa
bafe que vers fon fommet : � la Sculpture, parce
que ces corps font commun�ment enrichis d'or-
nements , f�lon l'application qu'on en veut faire
dans la d�coration des b�timents. En g�n�ral les
gaines ne devroient �tre introduites dans la d�co-
ration , que pour porter des buftes dans l'int�-
rieur des appartements ; encore la vraisemblance
femble-t-elle �tre bleff�c? , en confid�rant un corps
plus �troit vers fon focle que vers fa cime, & qui
pour l'ordinaire eft deftin� � fervir de point d'appui
� un ouvrage pr�cieux & fou vent fragile. Nos
belles Maifons Royales, l'int�rieur de la demeure
de nos riches Particuliers � Paris , font cependant
orn�s, pour la plupart, de ces fortes de foutiens,
fauffement pyramidaux : mais, dun c�t�, on eft
accoutum� � coniid�rer les gaines, comme un meu-
ble; de l'autre, l'habitude que nous avons � imiter
ce qui s'eft fait avant nous, a fait paffer en ufage
cette efpece d'ornement. Nous l'avons d�j� re-
marqu� ; l'habitude a plus de part que le raifon-
(?) Voyez ce que nous avons dit ci - devant � cet �gard *
dans l'origine des Ordres, pag. i?S & Uir. � ;
-ocr page 382-
3jo                   C o ν Ά $
nem�nt � nos comportions ; nous oublions que
tout ce qui a droit � la magnificence de la de-
meure des grands doit �tre r�fl�chi & dirig� par
le go�t de l'art. Pouffons cette j�flexion plus loin *
& difons que de cette imitation on eft parvenu �
faire des pilaitres attiques en gaine .( a ), & qu'on
a imagin� d'appliquer ces esp�ces de pyramides
renverf�es fur le fut des pilailres ou des colonnes
de quelques-uns de nos �difices : m�lange indis-
cret , imitation dangereufe, qui rendent nos com-
portions barbares , ou au moins qui montrent
plut�t la bifarrerie du g�nie des Artiites, que le
choix judicieux des r�gles de l'Art ; que cette unit�
de-ftyle, cette iimplicit� louable , ce vrai qui cara-
cl�riient les productions des v�ritables Archke&es.
Evitons donc toutes ces efpeces de licences, &
n'employons m�me les gaines dont nous parlons,
que comme des meubles proprement dits, que
comme des parties accei�bires dans nos apparte-
ments, ou dans nos Jardins de propret� , tel
qu'il s'en remarque dans* le fallon des Maures �
Meudon & dans le hoiquet de l'arc de triomphe
� V�rfailles : faifons-les de mati�re pr�cieufe;
ajoutons-y des ornements affortis aux objets qui
les doivent couronner ; autoriibns - les encore en
:'M '41.li 'Ttii"-."*»�'�,' "" - i s1.1 ? ι '"" - ■■ » ι ----------<!                        :
(a) On en voit de cette efpecc dans la nouvelle Chapelle
de Saint-Jean - en-Gr�ve , fur les f�ts des piiaitrcs Tot'cans
de laterraiFe de l'a vaut-cour de Meudon , o� l'on a aiFetr� une
�gaine verticale en forme de boflage continu, qui pr�fe^te
dans la d�coration de cette ordonnance ruftiqu�, une id�e
pppof�e � la folidit� r�elle que doit avoir un contre- fort *
fans parler d'une infinit� d'autres exemples licencieux que
nous condamnons nous-m�mes dans hs ouvrages Gothiques t
& que aous appliquons feuvent, fans y penf�r , � nos produ-1
�tions.
Λ                                                                        '"*
-ocr page 383-
d'Architecture.            35t
pareille occafion , & toujours par tol�rance,
pour foutenir les figures �-demi-corps, connues
fous le nom de termes ; mais gardons - nous bien
d'en faire ufage dans l'ordonnance cje nos Tem-
ples , o� Ton ne craint pas d'introduire des gaines
portant des Vertus 9 des Anges ou autres all�-
gories facr�es : ref�buvenons- nous enfin , que
ces caprices, ces chim�res , enfants d'une imagi-
nation d�r�gl�e, ne font gu�re admiflibles que
dans nos d�corations th��trales.
On appelle encore gaine oufcabellon, une efpece
de pi�deftal ifol�, qui a moins de bafe que le fom-
met, & dont le plan quadrangulaire» circulaire ou �
pans , fert aui�i dans un cabinet, dans une gallerie
a foutenir une petite figure de bronze * un buiie
ou une pendule : quelquefois aui�i on leur donne
la forme d'un baluftre ; mais � l'exemple des gai-
nes proprements dites , il n'en faut faire ufage
que pour la d�coration int�rieure � malgr� l'au-
torit� de ceux qu'on remarque, & qui font adoff�s
au mur de face du premier �tage , fur les deux ter�*
rafles du Ch�teau des Tuileries du c�t� des Jardins;
ces fcabellons font � la v�rit� d'un deffin & d'une
ex�cution admirable ; mais l'oppofition de leurs
lignes obliques, avec la verticale des pieds-droits
des portes , des croif�es & des pilaflres 9 femble effa-
cer � l'�uil ce -parall�lifme, cette unit�, cette rela-
tion intime qui fait tout le fucc�s de la bonne Ardu-
tecfure- Au refte, il faut convenir qu'� tous �gards
ces fortes de fupports font moins chim�riques ,
moins hafard�s , quand on ne peut s'en difpenfer
que l'application des confoles, des culs-de-lampes
& des encorbellements, parce que du moins ce�
corps montent de fonds, & qu'on ne peut leut re-
procher que le retr�cif�ement de leurs bafes ^ d�faut
-ocr page 384-
jfi                       C ο ν ft s
auquel on peut rem�dier en faifant leurs 'c�f�4
parall�les , ne rendant oblique que leur paremenfi
de devant, & pla�ant un avant-corps ou un reiTaut
d�pendant du go�t & du g�nie de Γ Architecte*
Des Clefi�
Nous avons parl� pr�c�demment des clefs &
des claveaux, pag. 307, relativement � la folidit�;
nous avons aui�i dit quelque choie touchant les
ornements dont on les rev�t. Sans craindre de
nous r�p�ter , difons ici que par rapport aux or-
nements , on appelle aufii ces claveaux , agraiFes
ou conibles , genre de Sculpture qu'il convient
de pr�f�rer dans tous les cas , aux t�tes humaines
G, ou aux maicarons que nous avons d�j� con*
damn�s en parlant des claveaux. Ces ornements
appel�s clefs , confoles ou agraires , f�lon le
galbe ou contour qu'on leur donne, doivent aui��
avoir une exprei�ion de folidit� ou de l�g�ret�
qui �mane de l'ordonnance de l'Architecture 5
aufli bien que de la proportion * de la forme &
de la richefTe des ouvertures qui les am�nent fur
la fcene dans la d�coration des fa�ades.
Des Confoles.
Les confoles, aiTez femb�ables aux culs-de-
lampes dont nous parlerons bient�t, font auil�
f un ornement chantourn� fur la face de devant,
& dont la partie fup�rieure , plus faillante que
l'inf�rieure , eil deftin�e � porter quelques mem-
bres d'Archite&ur�, tels que le larmier d'une cor-
niche ? comme celle λ λ, plac�e au-deilus de
� - � - �
                          ........ *           l�
-ocr page 385-
- ~\
©'ARCHITECT�R BA V//.J j^
la ports � plate-bande Β , planche 3�I�E, Prefq�e
tous les Architectes ont introduit des confoles dans
leurs d�corations ; fans doute elles font pr�f�ra-
bles dans l'Architecture , aux culs-de - lampes ;
mais il faut les y placer convenablement ; il faut
remonter � la fource , qui les a d'abord fait mettre
en �uvre ; enfuite m�diter fur l'application qu'on
en doit faire dans la d�coration des fa�ades. N'en"
doutons point , il en eil des ornements comme des
membres d'Architecture; il s'en faut bien qu'ils
doivent fe rencontrer tous enfemb�e dans une m�me
ordonnance ; mais affez ordinairement on n'a
d'autre but que la routine , fans fonger qu'elle
conduit fouvent � une inconf�quence condam-
nable , & qu'en croyant fui vre les pr�ceptes de
l'Art, on ne fuit que la mode : de maniere que
les ornements r�pandus d'ans les Temples , les
Maifons Royales, les. b�timents particuliers fe
reifemblent; d'o� na�t le peu d'aiTortiment, le peu
de convenance qu'on remarque dans les diff�rents
genres d'�difices que nous citons. On parvient �
faire riche , mais rarement parvient-on � mettre
les vraies beaut�s dans tout leur jour : ce qu'il
y a de pis, c'eil que ces productions trouvent
des imitateurs ; & ceux-ci s'�loignant prefque tou-
jours de l'objet qu'ils imitent, reduifent pour aini�
dire leurs imitations � la plus grande m�diocrit�.
On ignore qu'il faut �tre un homme de g�nie ,
pour bien imiter, pour fentir & pour appliquer
convenablement � {es productions les d�couvertes
de fes Pr�d�ceiieurs. Ppur �viter de tels abus, \
d�f�ninbns les diff�rentes efpeces de confoles dont
on fait le plus commun�ment ufage dans la d�co-
ration, des b�timents, & difcutons-en l'applica-
tion pour nous accoutumer � accepter ou rejeter
Tomz Ι.
                                           Ζ
-ocr page 386-
354                      CO U RS
tout ornement qui a droit d'embellir ou de d�fi-
gurer l'Architecture.
On a d'abord fenti la n�ceifit� de donner un
certain relief � la d�coration ext�rieure des �di-
fices ; on a auffi pr�vu l'agr�ment que procureroit
� la d�coration des appartements, ce m�me relief
combin� avec le diam�tre & l'�l�vation des pi�ces ;
de-l�, lld�e de foutenir de diitance � autre, des
corps avanc�s par des mutules & des modulons,
pour porter les fofites des larmiers des corni-
ches ; enfuite on les a chantourn�s, on les a orn�s
de fculpture : originairement on les avoit intro-
duits par n�c�i�it� ; d'horifoniaux qu'�toient ces
fupports, on les a plac�s verticalement pour varier
les fa�ades; quelques-uns ont r�uiTi , & l'on ι
cru que par-tout ils produiroient �galement un
bon effet, fans prendre garde que fouvent le chan-
gement de i�tuation, change auffi l'effet qu'on fe
propofe ; que d'ailleurs ce qui r�uii�t en grand ,
eil rarement fait pour r�unir en petit ; que les
intervalles ne pouvant toujours �tre les m�mes,
les formes de ces diff�rents corps doivent changer
l��ceifairement, les grandes parties n'�tant faites
que pour les grands touts, & les petites par-
ties paroiffant plus petites encore, lorfqu'on leur
©ppofe de grandes diilances ; qu'en un mot, tous
les objets qui ont pour but de fe faire remarquer,
doivent porter un caract�re, une expreifion re-
lative � la d�coration qui leur a donn� lieu ;
que par exemple une confole arraf�e doit diff�rer
par fa forme, d'une confole en relief; qu'une
confole liffe demande une autre application qu'une
confole cannel�e & enrichie de fculpture ; qu'une
Confole en encorbellement doit paro�tre porter un
corps hc-rif�ntal, fans effort, & ne jamais reifem-
-ocr page 387-
D Ά Β. CU Ι ΤErp Ψ V E,          pjgjf
bier � une confole mnvexi�e , faite pour ac�ter
un pied-droit; mak qu'il n?en faut, jamais placer
par-tout o� elles ne paroiiTent. ni n�ceifaires ni
int�reiTantes ; que la feule 'id�e, de la d�cc ration eft
infunifante, qu'il faut djes raifons, des autorit�s >
qu'il faut n�ceiTairement que les confoles -portent y
foutiennent quelque corps ; qu'autrement elles pa-
roiiTent po�iches & ne font qu'ornement. Or qu'elt»
ce en Architecture que l'ornement qui n'a pour objet
que de remplir des furfaces vagues, que d'enrichir
des nuds originairement trop pauvres ? Qu'eft- ce
qit'une confole qui ne porte pas le larmier d'une
corniche, & qui fe r�it�re dans toutes les croif�es, les
portes, les niches de nos b�timents., telles qu'il s'en
voit aux Places de Vend�me & des Victoires/?
Qu'eil-ce encore que les confoles plac�es dans le
courant d'une fa�ade,, pour porter un buile, comme
il s'en-voit au Ch�teau d'iily, � celui de V criailles
du c�t� de l'entr�e, � celui de Sceau , & ailleurs}
Qu'eil-ce enfin qu'une: confole en encorbellement»
qui porte un balcon, comme au Ch�teau neuf de
Meudon, au b�timent des Enfants-Trouv�s, �
l'h�tel de G�lifie ? Ce genre de d�coration annonce
plut�t une Tribune propre � nos d�corations th��-
trales , qu'un ornement convenable � nos �difices
d'habitation. Nous paffons fous iilence l'abus des
confoles compof�es de formes contraft�es, d��ou*
p�es & le plus fouvent accabl�es de petits orne-
ments , dont Paris s'eit vu remplir pendant trente
ann�es, fans en excepter les d�corations de nos
Temples? Mais, dira-t-on, les confoles doivent donc
�tre rejet�es de toute d�coration r�guli�re ? A cela
nous r�pondrons, qu'il en faut ufer avec beancop
de m�nagement dans les. dehors ; qu'il faut qu'elles
y p�rohTent amen�es par la n�c�flit� ; qu'� cet
Ζ ij
V'.                                   '
-ocr page 388-
igard celles des entablements de la porte Saint-
Martin , & du b�timent des Enfants-Trouv�s font
bien; que par -tout ailleurs, lorfqu'elles fuppor-
tent des corniches, il faut qu'elles en paroiffent
foutenir le larmier; mais que n�anmoins leur v�ri-
table place eil pour l�s corniches de l'int�rieur
des grands appartements; qu'elles y font pr�f�-
rables � ces ornements courants & frivoles, qui
ne pr�fentent, dans leur frife , que des arabefques,
capables au plus de figurer dans de petites pi�ces,
dans les.entre-fols , &c. Que les confoles dont
nous parlons, marquent donc plus pr�cif�ment
� l'avenir des intervales r�guliers, & des m�-
topes afTortis � la diilribution des comparti-
ments, des lambris ; que leur relief foutienne
avec fucc�s , la faillie des gorges & des corni-
ches, qui �tant l�g�res, ont aurli befoin de corps
l�gers qui leur fervent de fupports & de points
d'appui; alors ces confoles pourront s'employer
folitaires ou accoupl�es, f�lon le befoin qu'on aura
de maifes plus ou moins confid�rables dans fa
d�coration: par exemple celles diitribii�ess dans
la corniche de la Salle des Cent-SuifTes aux Tuile-
ries, celles de la gallerie. de Verfailles , celles de
l'h�tel de Touloufe font un effet admirable, & font
de beaucoup fup�rieures aux corniches fans confo-
les des appartements des h�tels de Soubife, d� Vil-
lars , &. � prefque toutes les d�corations int�rieures
de nos b�timents; Ces paralleles nous apprendront
peut-�tre � ne jamais d�placer cette forte d'orne-
ment , & � difcerner de bonne heure le choix que
nous devons faire de toutes les parties qui con-
courent �Tembelliffementdes fa�ades ext�rieures,
& � la d�coration de nos appartements»
A l'�gard des confoles qu'on ne place que trop
-ocr page 389-
d'Architecture.          357
ordinairement dans les dehors; quand on croit
devoir les admettre, du moins faut-il �viter de
les faire trop confid�rabiement grandes , comme
fe remarquent celles des croif�es Ioniques du Lii^
xembourg; ou infiniment trop petites, comme celles
plac�es dans les croif�es fup�rieures de la Place
de Vend�me & des Victoires ; enfin trop confid�-
rabiement faillantes & trop chantourn�es, comme
eelles des croif�es du f�cond ordre des fa�ades de
l'int�rieur de la cour du Louvre, & dont la partie
fup�rieure , ainii que la faillie de leur tailloir ,
d�fafleure de beaucoup la faillie du larmier. Nous
ne faifons ces obfetvations que pour apprendre
de bonne heure � nos Elev�s, que rien n'eit indif-
f�rent , & qu'ils doivent tout obferver, mefurer, \
examiner, s'ils veulent parvenir un jour � faire
des chefs-d'�uvre. -■/.�:'�■ r
Des Cartouches*
1 Les cartouches ( b ) font des ornements de fculptu-
re comme χ, quipr�fentent une furface plane , con-
cave ou ondul�e,"propre � recevoir un chiffre, un
bl�fon ou une infeription. Ces cartouches peuvent
repr�fenter de grandes coquilles, des �eprees d'ar-
bres , des peaux d'animaux, des enroulements, for-
mer des volutes, �tre chantourn�s, contrarias ; mais
il nous paro�t eifenciel, qu'aumoins leurs c�t�s
oppof�s ibient femblables , ou s'ils different en
quelque chofe , que ce ne ibit que dans les parties
de d�tails : l'abus le plus condamnable eil de les
incliner ; cette b'yfarrerie eft � peine tol�rable daas
De l'Italien, Cartoccio*                       M �.
Ζ uj
-ocr page 390-
3?S �                    Cours-
i'�rf�vreri� ; mais on ne doit jamais fe la permettre
dans la d�coration des b�timents. D'ailleurs les
cartouches ne conviennent pas par-tout ; il faut
un motif qui les autorife ; il faut �viter fur-tout,
leur r�p�tition dans une m�me d�coration ; il faut
qu'ils marquent, � raifon de l'efpace dans lequel
ils font plac�s; i qu'ils faifent milieu; que 1-orfqu'on
e� oblige d'en diftribuer alternativement planeurs
fur la m�me ligne, on obferve de les varier fans
trop d'affectation : il faut prendre garde que leurs
accompagnements nan�antif�ent ni leur forme, ni
ΙεμΓ capacit� , ou au contraire que le cartouche ne
foit trop fort, & les acceifoires trop foibles ; en un
�iot, ondoitpr�voir leur trop ou trop peu de faillie*
pour que �t ornement puiffe fe faire applaudir.
Un cartouche plac� par n�cei�it� , plus petit
que le pr�c�dent, s'appelle cartel, & ne doit �tre
employ� que dans les panneaux de menuiferie ,
fur les glaces , fur. les chambranles des portes ,
ou toute autre partie de la d�coration int�rieure
des appartements ; encore faut-il fe reffouvenir
qu'il ne faut ufer de ces fortes d'ornements qu'avec
beaucoup de retenue & de circonfpeelion.
Des M�dailles & des M�dailbfis.
L�s" m�dailles ( c) diff�rent ides m�daillons, en
�e que les premi�res fe font circulaires ,&ί les
f�conds de forme elliptique ; tels que fe remar-
quent ceux qui ornent la pyramide b, planche
XIX : les uns & les autres fervent � la d�co-
( c ) M�daille, du grec mttallon , m�tal i ou de l'arabe Λ
m�tal. .                                    y' -'■' i ' :'i� :ti ii
-ocr page 391-
d'Architecture,           359
ration ext�rieure & int�rieure des b�timents. Les
m�dailles contiennent ordinairement, des t�tes
en bas-relief; les m�daillons des fujets hiitoriqiies,
des devifes, des embl�mes &c. On voit des
m�dailles circulaires dans la cour de l'Hotel-de-
Ville, & des m�daillons dans les d�corations des
fa�ades du Louvre � Paris. Perrault en avoit aufl*
.plac� dans fon arc de triomphe du Tr�ne.
, En g�n�ral ce genre d'ornement nous paro�t plus
propre dans la d�coration des F�tes Publiques ,
des Th��tres , des Feux d'Artifices, des. Pompes
fun�bres, que par-tout ailleurs ; parce que ces
ornements peuvent contenir , dans nos diff�rents
genres de d�coration, des fujets entiers d'un tr�s-
petit volume , lans pr�fenter de.difparit�s , ni
nuire � la correfpondan.ee des ornements r�pan-
dus dans l'ordonnance enti�re ? au-lieu que dans
l'Architecture proprement dite, ces m�dailles &
m�daillons, ainfi que les fujets qu'ils contiennent,
n'offrent que de petites parties, qui s'accordent
difficilement avec la grandeur de l'enfemble. Les
m�dailles & m�daillons doivent paro�tre fufpen-
dus & attach�s fur le nud du mur qui les re�oit,
par des feitons, des guirlandes, des anneaux 9
des
rubans , &c. Quelquefois , � l'exemple de
ceux du p�riftile du Louvre, on place un mufle
de lion, fur l'extr�mit� fup�rieure de leur bor-
.dur�; mais ces mufles ne conviennent pas par-
tout , & ne font gu�re tol�rables , que lorfque
le fujet du bas-relief repr�fente la force , la valeur
pu l'intr�pidit� ; autrement une agraffe fans pr�-
tention, un n�ud de ruban entrelac� de feuilles
de ch�ne, de laurier, de myrthe, de fleurs, f�lon
/application de ces ornements � l'Archite&ure ,
r�uiTiiTentplus ordinairement, font plus analogues �
Ζΐγ
-ocr page 392-
%6o                      Cours
la vari�t� des fujets appel�s tour-�-toiir dans la
d�coration, pour d�figner les Arts , les Saifons ou
les El�ments. Au reite, il ne faut jamais abufer
de ces fortes d'ornements, ni dans la d�coration
des F�tes Publiques, ni dans celle de nos b�ti-
ments : la richei�e qu'ils procurent n�ceiTairement
� l'ordonnance , demande qu'on neMes introduife
que lorfque les ordres d�licats pr�iident, & que
lorfque les mati�res r�elles ou feintes y font ou
paroifTent pr�cieufes ; en un mot, lorfque le
monument par fa dignit� femble avoir d� rece-
voir , par n�cel�it� , tout l'�clat qui peut embellir
fArchitefture,
J}es Culs~de-Lampes.
On appelle cul - de - lampe, une efpece d'encor-
bellement en pierre, en marbre, en bronze ou
en bois , port�e en faillie au-del� du nud du mur,
& deilin� � foutenir une figure, un vafe, une
urne, une girandole, &c. On appelle encore culs-
{ de-lampe , les pendentifs o� fe r�uniiTenr les diff�-
rentes nervures des vo�tes gothiques, ainf� qu'il
s'en remarque � la Sainte-Chapelle, � la Grand'-
Chambre du Palais � Paris & ailleurs. Ancienne-
ment on en faifait aui�i un aifez fr�quent ufage,
pour foutenir la retomb�e des vo�tes qui foute-
noient en l'air les rampes des efcaliers ; & alors ces
culs-de-lampes �toient enrichis de membres d'Ar-
chite�ure, & d?ornements de Sculpture ; mais l'on a
r�form�, depuis quelques ann�es, cette forte d'en-
richifTement, aui�� peu agr�able � l'�uil, qu'inutile
� la fo�idit�, On auroit d� �tendre la r�forme jus-
qu'aux culs-de-lampes proprement dits ; ce genre
«TQrnem�nts paro�t po�iche dans la d�coration
-ocr page 393-
d'Arc h itecture.            36t
de nos �difices graves & r�guliers J cependant les
ftatues plac�es dans la nef de l'Eglife deSaint-Sul-
pice , .celles qu'on voit dans le fan&uaire de l*Eglife
de Notre-Dame, celles des niches de la gallerie
du Ch�teau de Meudon, & de l'h�tel de Touloufe
� Paris, font toutes foutenues ainfi, contre toute
id�e de vaiffemblanee. Une ftatue femble exiger
un pi�deftal qui monte de fonds pour la foutenir ;
il feroit encore plus abfurde, � la v�rit� , de faire
porter une colonne fur un cul-de-lampe, tel qu'on
en remarque dans la d�coration feinte de l'efcalier
de l'h�tel de Soubife , & dans la plupart de nos-
d�corations th��trales. Mais pour ne parler ici
que des itatues, neft-ce pas vouloir bleffer la
vraiiTemblarice, que de placer en porte-�-faux une
figure en a&ion , fur un cul-de-lampe , fur une
efpece d'encorbellement ou confole, qui, quoi-
que d'un bon gont pour le def�in confid�r� f�par�-
ment, n'annonce toujours qu'un fupport impar-
fait , propre tout au plus � recevoir une petite
figure en bronze ,* une porcelaine , un bijou de
prix dans les moyennes pi�ces d'un appartement;
car alors ces fortes d'ornements font regard�s fans
conf�quence. Les culs-de-lamp�s peuvent encore
fervir de cr�denc�s dans les facrifties , pr�s des
retables d'autels , dans les falies � manger, & dans
les appartements de bains ; enfin ils peuvent fer-
�vir de pieds pour les tables de marbre ; ces der-
niers occupant peu d'efpace, & ��ant pof�es fur
le parquet, femblent porter de fonds , ou du
moins leur port-�-faux rachet� avec art, n'a rien
qui puifTe bleifer T�'uil. Mais en toute autre oce�»
lion, lorfq�il �ft queftion d'une figure , fouvent.
plus grande que nature , c'eil avoir recours �
l'erreur 3 c'eft multiplier l'abus de l'art ; de tels
/
-ocr page 394-
■λ":'',"                     ''
$6ζ                      C ο υ η s
exemples enfin , ne doivent jamais ni n� peuvent
ferrir d'autorit�.
Des Cornes d'Abondance, , ., ,?
Les cornes d'abondance font des ornements de
faiipture, imagin�s d'apr�s la corne de la ch�vre
Amakh�e , & qui peuvent contenir des fleurs,
des fruits i des feuilles , des coquillages , des m�-
dailles , &c. Ce genre d'ornement, femblable �
beaucoup 'd'autres , demande � �tre employ� con-
venablement dans lArchite�nre. Ordinairement
Β r�uifit mieux ifol�, qu'en bas-relief; & en grand,
qa*en petit : le mouvement dont il eft fufceptible,
& �es objets qu'il contient exigeant un certain
d�tail : il s'en remarque dans plufieurs frontons
de la fa�ade ext�rieure de la grande; gallerie du
Louvre du c�t� de la rivi�re, fur l�s claveaux
des arcades des avant - corps de l'int�rieur de la
cour du Louvre > dans la.d�coration de la gallerie
de Verfailles , & de celle de l'h�tel de Toulpufe ;
mais cette efpece d'ornements femble n'�tre plac�
citnous le citons, que comme ornements ; il nous
femble qu'il faudroit, pour qu'ils y fuffent autor
�if�s , qu'ils parui�ent fymboliques : en g�n�ral il�
devroient �tre r�ferv�s pour caraft�rifet le temple
de la paix, annoncer la; fertilit� des campagnes ,j
l'abondance des provinces terreilres ou maritimes,
& alors faire partie des amortifiements , qui cou-
ronnent les portes des Villes, les arcs de triomphe,
les b�timents hydrauliques, ,&c. de-l� na�troient
moins d'ornements indiff�rents, moins de fciilpture
prodigu�e au hazard dans la d�coration de nos
�difices ; par-l� la Sculpture deviendroit le fyifl-
bole de �'Archite&ure % & contritmeroit � peindre 9
-ocr page 395-
D* A R G Η Ι Τ E CT U R E.              363
aux� yeux du fpeclateur > le v�ritablecaradere de
Ped�fice , � raifon de fon application particuliere
dans l'Architeclture Givile , Militaire & Navale.
v"          D�s Fef�ons & des Guirlandes.
Les ferions (i) doivent diff�rer des guirlandes; x
celles-ci par les fleurs , ceux-l� par les fruits : n�an-
moins il fe fait des ferlons, tous de feuilles de laurier
ou de ch�ne, (tels que f� remarquent ceux plac�s
fur l'archivolte f , prenant naiifarice du claveau
G , planche XIX,) d'olivier, tle myrthe ou de
cyp��s ν f�lon les applications que l'on veut faire
de ces ferions, dans la d�coration d'un monument
�lev� � la gloire, � la guerre, � la paix', ��amour
ou aux, fun�railles des grands. Ces ferions font
ordinairement attach�s avec des anneaux ," " &
orn�s de rubans qui fervent � lier les bouquets &
les chutes ,�es feuilles dont ils font compof�s , tels
que f� remarquent ceux bb, plac�s dans Fam�r*/
tiiTem�njt aa ;Jatt-deiius du fronton; ce genre d'or-I-v, &
hements �toit fort en ufage dans la d�coration d�s;
�difices des Grecs δε des Romains : les Manfard,
les Debr�iTes, les Mercier, les Le Veau , les
Fran�ois Blondel, les Bullet Sc. les Perrault, l�s
ont auffi employ�s avec fucc�s dans leurs d�co-
rations. D'apr�s ces grands Archite�tes, plufieurs
femblent, de nos jours , vouloir les pr�f�rer dans
leurs d�corations-a. tout autre genre d'ornement f;
(d) Fefion j, du grec encarpos 3 fructueux, f�lon Vitruve:
f�lon d'Avil�r, ori croit que ce mot vient de F�te, parce que
ces ornements: l'emploient ordinairement dans les d�coration^
dreiT�es par Tal�gtefle publique.
-ocr page 396-
$64                       C ours
mais peut-�tre ferions-nous bien fond�s � repro^
cher � quelques-uns de ces derniers , d'en faire
un -trop fr�quent ufage, de ne les pas affez varier,
de leur donner un air de pefanteur, une forme
trop cilindrique , qui bleiTe l'�iiil. Qu'on y
prenne garde; il eil � craindre que ces r�p�ti-
tions indifcrettes , ces imitations , fouvent mal
entendues, n'enfantent des modes paifageres, qui
� leur tour feront abandonn�es pour paf�er �
d'autres nouveaut�s : en forte que loin de four-
nir d'excellents mod�les , on ne pr�fente que
des ornements peu r�fl�chis, qui portent infen-
fiblement le1 plus grand nombre � s'�carter du
v�ritable go�t de l'Art, & de cet efprit de con-
venance , que nous recommandons ici avec tant
de n�cei�it�.
* ; Les guirlandes different des ferions, ainfi que
nous venons de le remarquer, en ce que les guirlan-
des font feulement compof�es de fleurs & de feuil-
les; qu'en g�n�ral elles pr�fentent plus de l�g�ret�
�iins leurs maifes, & plus de d�tails dans leurs
parties; que pour cela elles paroiffent plus pro-
pres pour la d�coration int�rieure : au-lieu que
hs feilons paroiffent devoir �tre deftin�s pour le«
dehors.
.. Des Entrdas.
Les entrelas font des ornements compof�s de
membres d'�rchiteclure '& de Sculpture, que l'on
fubftitiie quelquefois � la place des baluftres,
dans les appuis des rampes des efcaliers. Les en-
trelas font moins graves que les baluftres; mais
ils apportent de la vari�t� dans l'ordonnance ; &
leur contour moins f�vere , les fait admettre vo-
lontiers o� l'ordre d�licat pr�fide. Perrault en
-ocr page 397-
d'Architecture.            365
avoit fait faire des mod�les en pl�tre , au-dei�us
du foubaffement du p�riftile du Louvre. Fran-
�ois Manfard en a introduit dans l'efcalier du
Ch�teau de Maifons. Debroffes en a fait ufage au
couronnement du d�me du Luxembourg , du
c�t� de la rue de Tournon.
11 faut favoir que les vides des entrelas doivent
�tre � - peu - pr�s �gaux entr'eux ; que les corps
folides qui les d�terminent le doivent �tre exacte-
ment. Il faut que leurs contours foient coulants ;
qu'on fache y �viter les trop petits d�tails ; que
les ornements qui les enrichiffent foient non-feu-
lement employ�s avec m�nagement , mais paroif-
fent na�tre de la forme des membres d'Archite&ure
qui les compofent, membres qui eux - m�mes doi-
vent prendre leur fource dans le caract�re de l'or-
donnance.
                                           Ψ
On appelle encore entrelas, des ornements en
bas-relief, compof�s de liiteaux, de plates-bandes
droites 3 circulaires ou mixtes , dont les milieux
font orn�s de rofaces & de fleurons , lefquels font
deftin�s � la d�coration des arcs doubleaux des
arcades , ainfi qu'il s'en remarque fous l'intrados
ou archivolte de la plus grande partie de l'int�-
rieur des arcades de la cour du Louvre, & ailleurs.
Des CaJJettes.
On appelle caifettes , des tables renfonc�es &
orn�es de moulures en forme de cadres , qui fer-
vent � contenir des rofaces , dont on enrichit le
-fof�te des larmiers des corniches Doriques , Co-
rinthiennes & Compoutes ; & m�me quelquefois
celui de Tordre Ionique, lorfqu'au lieu de denti-
cutes on, inuoii&t 4es modulons. Les caifettes fer-
-ocr page 398-
366                    Cours
vent aufl� � orner les arcs doubleaux des Vo�tes
des �difices facr�s & des monuments publics : ces
caffettes fe font le plus fouvent qiiadrangulaires
dans les entablements des ordres , principalement
lorfqu'on les remplit de rofes ou rofaces, ordi-
nairement circulaires ; mais lorfqu'on les applique
aux arcs doubleaux, on les entre-m�le quelque-
fois de caffetes oblongues, barlongues ou lofan-
ges, remplies d'ornements ai�brtis, � la forme de
' ces nouveaux compartiments ; celles qu'on remar-
que fous Tare plein cintre de la porte Saint-
Denis, font de ce dernier genre; celles d� la
vo�te de �Eglife de la Sorbonne , font du pre-
mier. En g�n�ral la richefle de l'ordre d�termine
la quantit� des moulures des caffettes, & le genre
de la fculpture qu'elles doivent contenir. On n�
devroit m�me placer les caffettes dans les fofites
des corniches & dans les arcs doubleaux des vo�-
tes , que lorfque le f�t de l'ordre eit caiinel� , &il
ne faudroit faire ufage de rofaces, que lorfqu'on
a cru devoir orner de rudentures les cannelures
des ordres. Aux Petits - Peres , � Saint - Sulpice
� Saint-Roch, la richeife des arcs doubleaux
eu mal affortie avec celle des ordres qui d�co-
rent l'int�rieur de ces trois Eglifes. Nous le r�p�-
tons , la\ relation dans l'Architedure & la Scul-
ture, eil un des premiers m�rites de l'Art ; il faut
n�ceifairement, pour arriver � la perfection que
l�s membres, les ornements puifent leur expref-
fion, leur richeife ou leur fimplicit�, dans le
caract�re de l'ordre, & dans la convenance du
b�timent ; certainement c'eit. le feul - moyen de
plaire, de perfuader aux autres, que l'Architeaure
eft �tablie fur des principes confiants, & que fes
beaut�s font des beaut�s poiitive�? qu'on ne peut
raifonnablement contefter.
-ocr page 399-
d'�rchitectura.        $�/
Des Po�es.
L�s poftes font des ornements compof�s d'en-
roulements , & appel�s ainii, parce qu'ils fe
fuccedent les uns aux autres fans interruption ,
& qu'ils fe replient fuir eux-m�mes fans aucune
efpece de repos. Ces ornements modernes font
d'un ftyle moins grave que les guillochis dont
nous allons parler ; & pour cela ils ne devroient
jamais fe rencontrer enfemble dans une m�me
d�coration. Au reite, les poires, comme tous
les autres ornements , doivent recevoir diverfes
expref�ons pour fatifaire aux diff�rents caracleres
des ordres Ionique , Corinthien & Compofite;
car il faut obferver , quelque fimplicit� qu'on
puiife leur donner , qu'ils ne doivent jamais faire
partie de la%ichef�e des ordres ruitiques & fon-
des. Nous: l'avons d�j� dit, nous le r�p�tons ,
tout importe dans la diitribution des ornements
de nos b�timents ; il ne fuffit pas d'y placer de
la Sculpture ; c'eit leur application refl�chie, qui
fait beaut� , qui engendre l'unit� , qui d�termine
la convenance , qui confirme & diilingue les ou-
vrages des hommes c�l�bres , d'avec ceux des
hommes fubakernes. D'ailleurs il faut fe rei�bu-
venir que les ornements ne font appel�s dans
Γ Architecture que pour l'embellir, la rendre agr�a-
ble, inf�reifante. Or tout Artiite doit s'attendre
� manquer ce but, quand les ornements qu'il in-
troduira dans fa d�coration para�tront arbitraires ,
indiff�rents, pris au hazard , quand ils feront mal
aifortis , diitribu�s fans go�t, fans choix, fans
convenance. Pour �viter un tel abus, il faut donc
apr�s avoir d�termin� leur place, & leur avoir
-ocr page 400-
368                       C o Urs
align� leur relief, leur genre , & une expref-
ίίοπ relative � toutes les parties de l'Ar©hite�ture ;
il faut, dis-je , faire choix d'un Artiile habile,
qui, par une belle ex�cution, ajoute encore au
m�rite r�el & au ityle de l'ordonnance ; il faut
enfin imiter les chefs-d'�uvre des grands ma�tres
en tout genre, les fuivre dans leurs proc�d�s,
dans leurs op�rations ; en un mot, il faut fe ren-
dre compte du degr� d'ex�cution, de perfe&ion &
de beaut� qu'on remarque dans leurs diff�rentes
efpeces de productions, fi l'on veut atteindre �
l'excellence de toutes les connoiiTances que nous
exigeons.
Des Guillachis,
Les guillochis font des ornements qui tiennent
tout � l'architecture , n'�tant comp�f�s que de
liileaux qui fe diitribuent en compartiments par
oppoiition , & cependant avec fim�trie. Ce genre
d'enrichiflement eil fort ancien; il s'en remarque
dans plufieurs monuments de la Gr�ce, & de
l'Italie. Pluiieurs Architectes de nos jours ont fait
revivre dans leurs productions cette efpece d'or-
nements; n�anmoins elle n'a, gu�re d'autre m�rite
que d'�tre recliligne, d'une facile ex�cution , &
de procurer une richeffe �. l'Architeclure, qui, fans
trop de d�penfe, fert � faire valoir certaines parties
de la d�coration. Ces ornements font toujours
employ�s en bas-relief; les chemins, les fentiers
ou champs qui f�parent ces guillochis, doivent
�tre d'une largeur �gale aux liileaux ou plates-
bandes qui les compofent; mais il faut avoir atten-
tion que ces plates-bandes ne foient ni trop larges
ni trop �troites relativement au caract�re ferme
ou d�licat de l'ordonnance de l'Archke&ure ; que
leur
-ocr page 401-
d'Architecture.           369
leur relief ne foitni trop ni trop peu consid�rable ;
que ces fortes d'ornements nefoient pas trop petits»
ou qu'ils n'occupent pas trop d'efpace dans la d�co-
ration des fa�ades. Au refte , il faut favoir que
les guillochis ne conviennent pas par - tout ; que
pour les appliquer avec convenance, il faut que
le ityle de l'Architeclure foit puif�e dans Fan-
tique , rien n'annon�ant tant Finconf�quence du
g�nie de i'Artiite, que de vouloir allier ? dans
une m�me d�coration, des ornements anciens 9
avec une Arehite&ure moderne. Peut-�tre qu'�
l'exemple des boffages & des. refends, qui, pour
ainii dire , doivent �tre defrin�s feulement aux
Ordonnances Tofcane & Dorique, de m�me les
guillochis ne devroient �tre employ�s qu'aux ordres
ruitiques & folides ; au contraire , les entrelas, les
caffettes, les rofaces, les poftes, aux ordonnances
moyennes & d�licates. Voyez la plupart des orne-
ments que nous venons de d�finir dans la plan-
che IX de ce volume, avec quelques autres or-
nements dont les exemples r�unis avec ce que
contiennent ces d�finitions1, peuvent �clairer nos
Elev�s fur Fapplication des ornements � FArchi-
■�e�iire«, . . . �.
                                          -v;J'~-i.
Des J^ermiciihires & autres Ornements
■ru�l-cjues. > '■�;■' 1a:|�'�'4 *%;'
Nous avons d�j� dit, en parlant des refends &
des bof�ages, page 326, quelque chofe des: ver-
miculures, des cong�lations & des p�trifications
dont on enrichit aifez ordinairement ces membres
d'Architecture ruitiques ,"& qui, comme tels, rie
peuvent recevoir que des ornements de m�me
genre. Ces membres & ces ornements ne peuvent
■Tome L .
                                   A a
-ocr page 402-
Cours
&'ne doivent pas s'employer indiitin&ement dans
l'ordonnance de tous les b�timents ; le cara�ere de
l'�difice a feul le droit de les amener fur la fcene,
autrement il font d�plac�s : il faut encore, comme
nous l'avons recommand� , que leur touche foit
large , vague , incertaine, & �viter avec foin
d'affecter , au-lieu de l'imitation libre des produ-
irions de la nature en ce genre, des L couronn�es
fe)V des fleurs-de-lys , des hermines & autres
ornements > qui tenant trop de la contrainte de
l'Art, ne peuvent figurer avec une �ompofition
ruilique puif�e dans les mod�les de la plus grande
antiquit�, & bien avant que rArchitedure fut
r�duite en Art. Les I vermiculures du Ch�teau-
neuf de Saint-Germain-en-Laye, ont la touche
que nous exigeons , & rempliffent parfaitement
l'id�e quon fe propofe , lorfqu'onveut imiter ou la
vermiculure des bois , ou plut�t les parties tendres
de certaines pierres , qui, d�truites par Thumidite
de l'air, & d�tach�es par l'ardeur du foleil qui
f�pare ces parties tendres des parties dures qui
lai compofent , biffent entrevoir des intervales
^'une in�galit� int�reffante qu'on doit chercher a
imiter dans ces genres d'ornements. Nous en cite-
rons de naturelles "qui fe remarquent au portail
des Carmes, rue de Vaugirard , &■ aux murailles
du Louvre', du c�t� de l'eau, d'une fmgularite
qui furpaffe tout ce que l'art pourroit produire
de plus admirable. Nous Tentons bien que les
deux exemples que nous citons , ne peuvent
�tre d'une grande autorit� pour l'avenir ; mais
, (c) Telles qu'il s'en remarque dans une des fa�ades du
b�timent du Louvre , du c�t� de la rue Frorneuceau, dans
la cour qui donne entr�e au jardin de l'Infante.
-ocr page 403-
t>*A REH ���C T�ft ��.          Jf�
�u moins ils doivent faire fentir � nos Elev�s |
que rien ne leur doit �chapper, qu'ils doivent tout
examiner avec foin , rapporter tout ce qu'ils
voient � leur Art, & chercher fur - tout � appli-
quer, dans leurs productions, tout ce que leur offre
la nature, avec ce difc�rnem�ht, & cette judiciaire
qui carac��rife le v�ritable Artiite.
Au reite \ les vermiculur�s ne f�nt pas l��
f�uls ornements qu'on puiffe appliquer � Γ Archi-
tecture Tofcane : comme cet ordre peut fatis-
fair� � diff�rents genres d'�difice * il convient aui�i
que les ornements qu'on veut appliquer fur les
boifages, foient d� diff�rents genres \ par exem-
ple les cong�lations de la grote du Luxembourg
y font bien appliqu�es, parce que cette grotte
devoit �tre une fontaine : les piquures larges &
trac�es avec art qu'on remarque fur les boifages
de la terraffe del� grande avant-cour du Ch�teau
deMeudon , expriment tr�s-bien une richeife rufti-
que, convenablement plac�e dans ce lieu. Enf�rt
les joints des pierres refendues dans leurs joints
horifontaux & dans leurs joints montants d'une
certaine partie du Vieux-Louvre, & dont les
furfaces font grav�es avec la pointe du marteau $
font encore une richeife analogue au genre ruf-
tique ; il ne s'agit que de les bien appliquer
& de ne jamais fouifjrir qite;ce foit le hafard, l�
caprice ou la fingular�t� <|�i les amen� dans la
d�coration.
Nous n'avons pas pr�tendu rendre compt� ici
de tous les ornements qui fervent � embellir
i'Architecture ; notre but a �t� feulement de parler
des principaux objets de la Sculpture, qui appar-
tiennent � f Architecture, & qui, r�unis avec-
ee que nous avons d�j� dit concernant les orne*
Aa ή
s
-ocr page 404-
37i                      Cours
ments applicables aux diff�rentes moulures des
ordres , nous femblent iiiffifants pour mettre nos
Elev�s � port�e d'aller examiner dans nos �difices ,
la multitude des chefs-d'�uvre que nos plus habiles
Architectes & nos Sculpteurs c�l�bres y ont r�-
pandus avec tant de fucc�s. Cette �tude � laquelle
nous renvoyons & l'Amateur & l'Elev�, eit, felori
nous, le feu! moyen de puifer le vrai go�t de l'Art,
le choix qu'on doit faire de ces divers ornements ,
l'expreflion qu'on doit leur donner ; en un mot,
la touche, la beaut� , l'�l�gance. & l'agr�ment
qu'ils peuvent procurer � l'Architecture quand ils
y font dif�ribu�s avec cette convenance , ce juge-
ment & cette vraiffemblance que nous avons re-
command�s & que nous recommandons encore, �
nos Elev�s«
                                      tf'L�
-ocr page 405-
d'Architecture; , 373
CHAPITRE I V.           ;
Analyse de l'Art, ou moyen de
parvenir a distinguer la bonne
Architecture , d'avec l'Archi-
tecture M�DIOCRE.
k
j�"1l PR� s avoir parl� dit plus grand nombre des
membres d'Architedure & des ornements de Scul-
pture relatifs" � Γ Architecture , nous allons offrir
de nouvelles obfervations non moins int�reffantes ,
qui ont pour objet de traiter del� maniere de re-
conno�tre, � l'afpect de nos Edifices Fran�ois, les
vraies beaut�s r�pandues dans les plus c�l�bres
d'entf eux , & les m�diocrit�s dont quelques - au-
tres ne font pas toujours exempts. Nous allons
donner l'id�e pr�cife que doivent produire �
l'imagination des Spectateurs tous les divers mem-
bres d'Archite�ture que nous, venons de d�finir.
Enfin , nous allons difcuter les diff�rents moyens
de les raiTembler avec choix dans nos produc-
tions : m�thode qui peut amener � ces nuances
imperceptibles qui �chappent au vulgaire ..� mais?
queTArti�te initruit fait f�ifir, & q�e fAmateur
�clair� fait applaudir. N'en doutons point* c*eit
par le iecours de ces nuances imperceptibles qu'on
parvient � mettre une diitihcHon r�elle"1 dans, les
projets de; deux b�timents de. m�me genre, mais
qui n�anmoins doivent s?annoncer diff�remment Jt.
en pr�f�rant dans l'un un ftyle fublime, noble^
�lev� ; dans l'autre un cara�ere na'if, iimple, vrai i,
expreffions diitin&es , particuli�res, qu'il ne fau�
point confondre, qui ne font point fynonim�s *j$j&
Aai^
-ocr page 406-
Κ)?.''         ^'WW'^*?*            '':"■'■■'. ■' ""'W-'-':' ':': '-Λ3 ;''''■--■:λ;'' '' 'V'-.'l' "'^^'
374                           C o ν E s
ont befoin d'�tre fenties , enfuite difcut�es , & qui
contribuent plus qu'on ne s'imagine ordinaire-
ment � ai�igner � chaque b�timent le cara�ere
qui lui eu. propre.
Nous avons cru devoir pf�f�rer ici le ftyle de
la d�finition � tout autre genre de narration,
parce qu'il nous a paru plus propre que tout
% autre � peindre nettement � l'id�e , ce que
.pous deiirons faire entendre nous-m�mes � nos
jeunes ArcJ�teOes ; d'ailleurs il femble d�gager la
m�moire de tous les a�cei�bires �trangers ; il f�pare
dans chaque objet toutes les obfervations qui ne
iont point de fon renort , & afligne plus pr�ci-
s�ment � TEleve , le degr� d'attention qui lui
eft n�ceiTaire pour parvenir �. rendre fes compo-
sitions plus r�guli�res. On trouvera peut-�tre dans
chacune de cesll�finitions, des trait$i de reflem-
blance, qui au premier coup d'�uil feront douter
de futilit�' du plus grand nombre ; mais en les
examinant plus attentivement, nous nous flattons
qu'on y d�m�lera des nuances diitin�es & des
id�es vari�es , qui �tant pour la plupart acconl��
jpagn�e* d'expreflions diff�rentes , &dumotpro^
pre � l'objet qu'on y traite, feront fentir combien
il �toit eifenciel d'uler de r�p�tition pour faciliter
l'intelligence n�eenaire � obf�rver dans la d�co-
ration des b�timents, qui tous devant porter un
caract�re d�cid� , doivent n�anmoins pr�fenter �
leur afpe& un coloris qui �chappe au vulgaire,
mais qui n'en �onititue pas moins une beaut�
de fentiment pour l'homme v�ritablement �clair�,
;
            Pour rendre ces op�rations plus f�condes, nous
-:v kf�t�i t�ch� de fai�ir tous les diff�rents genres des
� produ^iQu? du reifort de f Architecture, auffi�*
bien que la maniere dont ori doit les �oniid�rer*
lr jugemerit ψ9η en doit porter , & Γ effet qu m
-ocr page 407-
d'Architecture.           375
doivent pr�fenter � l'efprit lorfqu'ils font conf�d�-
r�s en particulier, ou raffembl�s dans un ou plu*
iieurs �difices. Nous nous fommes auffi quelque-
fois un peu �tendus, & nous n'avons pas craint
d'entrer dans quelques difcuilions , qui ont d� nous
amener n�ceifairement au raisonnement de l'Art.
Nous avons fait plus ; autant que les �gards que
nous devons � nos contemporains ont pu nous
le permettre, nous avons fait des citations utiles
fur les beaut�s & fur les m�diocrit�s de leurs
�uvres ; citations qui pourront nous fervir d'exem-
ples pour ou contre, dans l'intention que dans
ces le�ons , la th�orie marche d'un pas �gal avec
la pratique: deux connoiiTances fans lesquelles on
ne peut juger �quitablement des ouvrages de l'Art.
Faute d'avoir uf� plut�t de cette m�thode, nous
avons peut-�tre pr�c�demment rendu l'�tude de
cette fcien�e plus laborieufe ; mais cette route
qui n'avoit �t� fray�e par aucun de nos pr�-
d�ceffeurs , ne s'eil pr�fent�e � nous que tard;
il nous falloit fans doute , pour y parvenir , une
longue fuite d'exp�riences, & les conf�rences r�i-
t�r�es que nous avons eu occaiion d'avoir avec
nos plus habiles Architectes, & les Artiites c�l�-
bres dans tous les genres de talents.
Pleins de v�n�ration pour les productions de
la Gr�ce & de l'Italie, �pris des chefs - d'�uvre
des l'Efcot, des Delorme, des DebroiTes, des
Lemercier, des M�nfard, des Perrault ; iiiffi-
famment inftruits des d�couvertes ing�nieufes
faites de nos jours par nos contemporains, d�-
veloppons ici, s'il eft poifible, le raifonnement
de notre Art; mais pour y parvenir, remon-
tons fans ceffe � la fource , & n'oublions jamais
l'imitation des chefs-d'�uvre des grands hommes
qui nous ont pr�c�d�s.
                  A a iv
-ocr page 408-
376                    Cours
Nous ne nous dii�imulons pas la n�ceffit� dans
laquelle nous noxis fommes trouv�s, de nous r�p�-
ter quelquefois ; mais ces r�p�titions nous ont
paru �tre une fuite n�ceffaire de ce genre d'�tude ;
Hpus les avons crues indifpenfables pour y r�-
pandre plus de clart� , & accoutumer nos Elev�s,
m�me ceux qui font d�j� inilruirs jufqu'� un
certain degr�, � fentir qu'il eft eflenciel d'ofofervesr
� p�ulieurs reprifes & fous diirerentes faces, dans
toutes les productions de notre Art, cette po�fie
muette , ce colons fuave, int�reffant, ferme ou
vigoureux; en un mot, cette m�lodie tendre,
touchante , forte ou terrible qu'on peut emprun-
ter de ia Po�iie , de la Peinture ou de la Mufi-
que, & qu'on peut rapporter aux diverfes cotfi»
pofitions qui �manent de l'Archite�lure^ Au rel�e ,
notre maniere de raifonner, de voir * de fentir ^
ne fera peut - �tre pas celle de la plupart de nos
Contemporains, ni de celle de nos SucceiTeurs;
mais nous aurons toujours beaucoup fait,
�iotre exemple, nos jeunes Artiftes s'accoutument
� raifonner par leur propre exp�rience, & s'ils fe
irei�buviennent que la plupart des d�fauts que nous
avons relev�s ne nous ont paru tels, que parce que
la plupart des productions que nous avons exami�-
n�es, p�choient en quelque forte contre le raifonne*
ment qui fait ici notre objet; nous defiroris donc,
que les d�finitions que nous entreprenons, neuves
dans leur genre, donnent occaiion � d'autres plus
verf�s que nous dans l'art d'�crire, d'approfon-
dir les pr�ceptes qu'elles contiennent : ce qu'ils
feront � cet �gard nous apprendra ce que nous
aurions d� faire, leurs fucc�s nous feront utiles ;
. ils deviendront pour nous des le�ons , & contri-
bueront � l'enti�re perfection de l'Art, motif qui
-ocr page 409-
d'Architecture.             377
nous eft plu« cher que celui de nous faire un
nom.
De la fublimit� de �'Architecture.
Pour fe conno�tre en Architecture, il faut com-
mencer par en bien apprendre les r�gles; enfuite
acqu�rir Tart d'appr�cier les diff�rents genres de
beaut� dont elle eil iufceptible ; on rifque autre-
ment de prendre pour de vraies beaut�s la gran-
deur , l'�tendue, le prix des mati�res ou la pro-
digalit� des ornements. Qu'on ne s'y trompe pas >
FArchite�:ure Egyptienne �toit plus �tonnante que
belle ; l'Architecture Greque, plus r�guli�re quin-
g�nieufe; l'Architecture Romaine, plus favant�
qu'admirable ; la Gothique, plus iblide que fatis-
faifante ; notre Architecture Fran�oife enfin, eil
peut - �tre plus commode que v�ritablement int�-
reifante.
Pour d�finir le fublime dont nous voulons par-
ler , il faudroit foi - m�me �tre fublime , & nous
fommes bien �loign�s de cette perfection. Au reite-,
nous convenons qu'il a fes limites qu'il ne faut
jamais franchir abfolument, ii l'on ne veut tomber
dans le gigantefque ; celui-ci n'en impofe qu'au
vulgaire. Un colori� fans proportion & compof�,
pour ainfi- dire, de pi�ces rapport�es, ne peut obte-
nir les fuffrages des hommes de go�t, ni des hom-
mes raifonnables, quelque grande qu'en ait pu �tre�
Fid�e. Pour arriver � la fublimit� de l'Art, il faudroit
r�unir, dans.{esproductions, lefavoir, le g�nie, la"
beaut�, la r�gularit�, la convenance, la folidit� &
la commodit� ; mais cependant il faut fonger que
l'efprit m�thodique , la m�ditation", le flegme, peu-
vent produire un bon Architecte, & que le g�nie ,
l'ame, l'enthoufiaime, �l�vent feuls l'ArtSe aia
-ocr page 410-
�)%                       Cours
fublime : que Tefprit d�finit, que le fentiment
peint, & que celui - ci donne la vie � toutes les
productions. En un mot, il ferok � deiirer qiuin
�difice puifie, � fon afpe&, entra�ner, �mouvoir,
& pour ainii dire, �lever Tarne du fpeftateur , en
le portant � une admiration contemplative, dont
ii ne pQurroit lui-m�me fe rendre compte au pre-
mier coup d'�uil, quoique iiifRfamment initruit
des connoiflances profondes de l'Art. Le genre
fublime dont nous voulons parler, devroit �tre
par exemple, le propre de l'Architecture de nos
Temples ; en effet, tout y doit paro�tre trac� par
une main divine; leur ordonnance doit avoir un
caract�re facr� qui rappelle l'homme � Dieu, �
la Religion , � lui-m�me. Qu'on y prenne garde,
certaines Eglifes gothiques modernes , portent
cette empreinte : une grande hauteur de vo�te
qui n'a rien de vulgaire , des nefs & des bas-c�t�s
ipacieux, une lumi�re mod�r�e & analogue aux
my�eres, des fa�ades �lev�es & pyramidales, une
fim�trie int�rieure dans les c�t�s refpe�ifs ( �) ;
enfin des dimenfions qui annoncent des pr�ceptes
fuivis , quoiqu'ils nous foient pour la plupart
inconnus, font autant de beaut�s qu'on remarque
dans quelques ouvrages de ce genre ; & qui de-
vroient au moins nous fervir de mod�les pour la
itru�ure des monuments dont nous parlons. Cer-
tainement c'eft dans nos Temples qu'il faut de
la grandeur, de la majeit� , de la dignit�; par-
tout ailleurs , la beaut�, l'agr�ment peut fuffire \
dans nos Eglifes il faufun tout autre ftyle »
une Architecture trait�e avec limplicit� , peu
(� ) Telle eft TEglife de Sainte-Croix d'Orl�ans, peut-�tre
Un des plus merveilleux �difices dans le genre gothique.
-ocr page 411-
■'■                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 ■ ■ ' f- '...■■'■■ ;.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     ■-.'.■.-.
d'Architecture.           379
�e Sculpture , mais admirable : une diitriburioa
fage ; en un mot, une exprei�lon, un enfern?�
ble, un afped divin font les beaut�s qu'on doit
chercher � mettre en �uvre dans nos �difices
facr�s. Un Artii�e inflmit de la convenance fi bien
obferv�e, m�me du temps du Paganifme, s'effor-
ceroit de produire de nos jours une ordonnance
d'Archite&ure grave, d�cente, qu'on remarque
rarement dans nos Eglifes modernes, parce que
commun�ment F Architecture en eil peu r�fl�chie,
& les ornements y font arbitraires. Qu'eft-ce
en effet que la plus grande partie des reilaura-
tions qu'on remarque dans l'int�rieur de pluiieurs
de nos ParoiiTes , le plus fouvent du ftuc, de l'or
en feuilles, du cartonnage (#) ; nos Th��tres ,
nos Palais , nos H�tels offrent �-peu-pr�s les
m�mes genres d'ornement ; & � l'exception de
quelques chefs-d'�uvre de Peinture & de Scul-
pture qui les embellhTent, & qui peut - �tre fe-
roient plac�es plus convenablement par-tout ail-
leurs , on n'apper�oit prefque point dans leurs
d�corations , ni le Parleur �clair� , ni l'Architec�e
v�ritablement initruit, ni l'Artiile vraiment habile.
C'eit envain que Jacques le Mercier & Fran�ois
Manfard nous ont laif�� pour exemple la Sorbonne,
le Val-de-Gr�ce; on veut imiter l'int�rieur da
d�me des Invalides, celui de la Chapelle de Verfail-
les , dans ce qu'ils ont de moins propre au genre
dont nous parlons, parce que leurs perc�s ing�-
nieux , leurs formes vari�es , leurs d�tails int�-
reffants font plus faciles � faifir par le plus grand
(g) La d�coration du ch�ur de FEglife de Samt-M�ri ,
celle de l'Eglife de Saint-Barth�lemi, celle de la Chapelle do
Ja Vierge de l'Eglife ds Saint-Sauveur font daas ce cas.
-ocr page 412-
$m                   C o υ r,s              ,. .. .
nombre des Artiftes, qui n'ayant ordinairement
d'autre but que de plaire � ceux qui les mettent
en �uvre, n�gligent les beaut�s de l'Art ; au-
lieu que le v�ritable Architecte s'occupe effen-
eiellement � t�cher de faire paffer ies chefs - d'�u-
vre � la poit�rit�.
L'Architecture iublime efl encore du rei�brt des
Bafiliques, des Edifices publics, de la f�pulture
des grands hommes, & g�n�ralement de tous
les monuments �lev�s pour rappeler � la m�-
moire des Citoyens, les hauts faits , les actions
�clatantes, la valeur des Princes , des H�ros &.
des grands Gapifaines. Par les grands traits qui
la cara�t�rifenr. elle �lev� Tefprit de l'examina-
teur, lefaifit, l'�tonn�: les vrais ConnohTeurs l�
reconnoiiTent par une r�gularit� qui n'a rien de
monotone , par des accompagnements ai�brtis ; en
un mot, par un accord g�n�ral, qui fe fait admirer
& approuver dans tous les temps. Telle eil celle de
l'int�rieur du Val-de-Gr�ce, dup�riitile du Lou-
vre , de la porte de Saint - Denis, de l'orangerie de
Verfailles, qui, par la beaut� de leurs maiTes &
l'encha�nement de leurs d�tails , affurent au regne
de Louis XIV, � ces �difices & � leurs Au-
teurs , une gloire v�ritablement immortelle.
Nous venons de dire , qu'une Archite&�re fu-
blime excitoit dans le Spectateur une admiration
muette & contemplative. Entrons � pr�fent dans
quelques d�tails concernant le genre de l'admiration
que doit faire na�tre en nous une ordonnance d'Ar-
ehitedure, vraiment digne de fe faire admirer, ou
dans fa totalit� ou dans quelques-unes d� fes par-
ties principales.
-ocr page 413-
©'Architecture.'           381
De l'admiration, que peut caufer l'Architecture.
On pourroit appeler une Archite&ure eifen-
ciellement admirable, celle qui raifembleroit tous
les diff�rents degr�s de perfections de l'Art. Peu
d'�difices offrent autant de merveilles, parce que
la plupart des beaut�s de l'Architecf ure, fes pr�ce-
ptes except�s ? font coniid�r�es parle grand nom-
bre des jeunes Architectes, comme des beaut�s de
convention, qui d�pendent du go�t particulier de
l'Artiite; enforte que par cette ind�pendance il leur
devient difficile de parvenir � faire trouver aux
autres , leurs productions v�ritablement admira-
bles : en effet, pour qu'un �difice p�t �tre eilim�
tel, il faudroit qu'il entra�n�t unanimement tous
les fuffrages* Or ce degr� de fup�riorit� appar-
tient rarement � l'Architecture prife en g�n�ral ;
on ne le trouve gu�re que dans quelques-unes de
fes parties coniid�r�es f�par�ment. ^ar exemple >
la d�coration d'un fallon , l'appareil d'un b�timent,
la diilribution ext�rieure d'un ou de pluiieufs ap-
partements peuvent caufer fde l'admiration, parce
que la caufe de cette admiration eil, pour ainfi
dire , ind�pendante des beaut�s de l'enfemble de
l'�difice.
                                                             I
On dira bien, La fa�ade du cot� des Jardins du
Ch�teau de Maifons eii admirable, pour exprimer
la r�gularit� de fon Architecture, & l'application d�
fes ornements ; on aura raifon,: mais cette admira?
tion ceffera peut-�tre, quand on comparera cette
belle ordonnance ext�rieure avec la diftribution in-
t�rieure du b�timent, parce qu'on apercevra un
d�faut de relation dans l'enfemble. On pourra dire
-ocr page 414-
j8i                     � � ij ft $
aui�i : L'avant-corps du Ch�teau de Clagny ('kjj
du c�t� de l'entr�e', eil admirable , cela fera vrai;
maison fera forc� de convenir, que c'eil de cefeul
avant-corps qu'on voudra parler, les autres parties
des fa�ades de ce b�timent lui �tant de beaucoup
inf�rieures. On dira encore : Ce fallon eil admirable,
en parlant de celui du Ch�teau d'iiTy, parce que
l'ordonnance de fon Architecture elt belle, & que
la Sculpture qui la d�core , eil de la plus grande
perfection ; mais on ne pourra fe refufer de <�e-
iirer plus de hauteur � cette pi�ce; d�faut qui
d�truit, en quelque forte l'admiration du Specta-
teur �clair� , qui lui fait fouhaiter que l'Archi-
te&e e�t pu r�unir dans cette pi�ce, l� rapp�jk
des dimeniions. � ces deux beaut�s du premier
genre. Enfin on dira i la diilribution d� l'h�tel de
Bir�n, comme maifon particuliere , eil admirable
(i) ; mais l'on fera forc� de convenir de la m�-
diocrit� de l'ordonnance des dehors , & de la
n�gligence de l'appareil de fa conilrucl�on/
Pour qu'un �difice, ou plut�t pour que �Ar^
chiteclure piiiiTe �tre trouv�e v�ritablement admi-
ι "                         .......... ι                                        _______ - ■; � -■.......... � � '-'. ι ■■........'" : m
*{h) Voyez les b�timents cit�s dans cette d�finition, dans
les premier, quatri�me & cinqui�me volumes de VArchite-
cture Fran�oife.
                           i
; (i) On donne � mie dlftributibn l'�pithete d'admirable,
lorfqu'elle .raiTemble tous les b� foin s du propri�taire 5 quelle
offre uji plan d'une belle forme par fa difpoi�tion g�n�rale y
ides pi�ces principales bien proportionn�es , celles d'habita-
tion bien expof�es, celles de commodit� bien d�gag�es/On
dit encore, cette diftribution a droit.de fe faire admirer, lorf-
qii'on apper�ok qu�TArchite�te a pris foin de r�unir la iym�-
trie des dehors, avec celle des dedans, & qu'il a obferve
une vari�t� n�ceiTarre dans la forme de chaque pi�ce, con-
sid�r�e en particulier , en leur confervant n�anmoins un?
rapport exact dans leus« dimeniions. Par exemple, on dira
-ocr page 415-
d^Archit�Ctxj�ii.           3$3
table, il faut donc que la beaut� de l'ordon-
nance des dehors d'un b�timent, la commodit�
des dedans & la folidit� de fa conilruftion , ne
fe d�mentent jamais, & que ces trois objets y
femblent r�unis de maniere � ne lahTer rien �
d�lirer abfolument. Sans doute ce que nous fem-
blons exiger n'eft pas fans difficult� ? parce qu'affez
commun�ment les connohTances particuli�res de
ces trois objets ont fait dans tous les temps l'�tude
f�par�e de quelques-uns de nos Archite&es; &
que pour que l'ordonnance, la diitribution , la
conitruction d'un Edifice public, d'un Palais, d'un
H�tel fuffent telles que nous le deiirons, il fau-
droit qu'on e�t fait d'abord, lors de (es �tudes,
des recherches profondes fur chacune de ces
parties, enfuite des tentatives pour parvenir �
leur parfaite conciliation ; il faudroit que leur
d�coration imit�t d'aifez pr�s, la beaut� &l la per-
fection de celle des Grecs 8� des Romains, la �bli-
dit� & la l�g�ret� de celle des Arabes; enfin la
commodit� & l'agr�ment de notre diitribution
Fran�oife.- -
                    - ■
. Au reite , la d�coration , la dii�ribution * Pap-
pareil d'un b�timent, pour �tre v�ritablement admi-
avec raifon: La diitribution des grands appartements du pre-
mier �tage , & les petits appartements du rez-de-chauff�e de
TH�t�l de T.ouloufe , font admirables ; o� en dira autant de
ceux du rez-de-chauff�e du Ch�teau de P�rigny en Bourgo-
gne, & de ceux de l'f^�tel de Ghoifeul � Paris, parce que
ces appartements raiTemblcnt dans leur diitribution , / la
beaut� , la dignit� & la convenance qu'on y doit defirer. L'on
n'en pourra peut-�tre pas dire autant de la diftribution du
Palais des Tuileries � de celui du Luxembourg, du Ch�teau
de Maifons ; parce que les commodit�s, la r�gularit�, fem-
blent en �tre exclus , & que ce dernier genre de perfection
cft d� aux d�couvertes des Architectes de notre fiecl�«: .,, :;-
-ocr page 416-
3^4                      Cours
r�bles, chacun dans leur genre, ne doivent ries!
tenir d'une imitation trop fervile ; pour que les
diff�rentes parties de Γ Art puiffent acqu�rir ce
titre, il faut que ces trois branches de l'Archi-
tecture portent un certain caract�re d'originalit� qui
les diftinguent de la claffe ordinaire. Afin d'y par-
venir, expliquons f�par�ment ce que nous croyons
devoir entendre par une Architecture qui, dans
ion ityle, porte ce cara&ere d'originalit� dont
nous voulons parler.
Du caract�re d'originalit� dans � Architecture*
On dit : Cette compontion e'ft. neuve, le ilyle
de f�n ordonnance elf original, n'a rien de com-
mun , de vulgaire, lorfque dans fa d�coration
-on remarque que le g�nie cr�ateur de l'Annie
a fu franchir les limites de l'Art, fans cependant
s'�tre trop �cart� des pr�ceptes re�us, � deffein de
-r�pandre, dans fa;production, des formes d'Archi-
tecture int�reffantes, & certaines all�gories dans
les ornements ; mais les unes & les autres doivent
�trepuii�es dans le motif qui a donn� HeviA l'�difice.
Celle dont le mouvement ohferv� dans l� diitribution
des corps ext�rieurs, s'accorde avec les parties
dyr�midales des fa�ades : celle qui n'ayant rien de
trivial, montre par le caract�re de fon Archite-
cture, une ordonnance grave, mais noble ; agr�a-
ble , mais iimple ; grande , mais jamais gigant�f-
q�e ; ces fortes de formes ont ^�galement droit
;de fe faire admirer, quand on les applique d'une
maniere analogue au genre de l'�difice : perfec-
tion ,- il eft vrai -y qu'on rencontre rarement dans
.nos b�timents , quoique la plupart compof�s de
membres d'architecture ufit�s dans les d�corations
leg
-ocr page 417-
β 'Ά R CH IT��TUR E.          $t$
les plus approuv�es , mais qui foiiventdiiiribu�es
fans choix, fans go�t, en un mot, d'une maniere '
oppof�e � Tob jet qu'on fe pfopofe* ne pr�fentent
qu'une ordonnance tr�s-imparfaite; tels ont �t�
�-p�u-pr�s les ouvrages des MefTonnier, des Op-
penor , des Cuvillier , &'c. dont les exemples font
plus capables de faire na�tre le d�r�glement de
l'imagination , que d'�clairer nos jeunes �rtiiles
fur la maniere de fe conduire dans les diff�ren-
tes productions de l'Ait. Au-lieu de fuivre cette
xoute incertaine, & remplie dec�uils, nous leur
confeillons de former le plan de leurs �tudes d'apr�s
les chefs-d'�uvre fans nombre que nous a laiff�s
en ce genre, Hardouin Manfard , un de nos Archi-
tectes Fran�ois, qui a pouff� peut-�tre le plus loin,
ce cara�ere d'originalit� dont nous parions ici. On
l'admire dans le Ch�teau de Clagny, � Trianon»
dans le Ch�teau & les Jardins de Marly, dans les
dehors de Veuilles du c�t� de Paris. Toutes ces
comportions neuves, d'une difpoiition Si d'un genre
inconnu avant lui, font autant d'exemples admira-
bles qui peuvent dans la fuite doniierje ton � nos
El�ves, s'ils apprennent une fois � fentir qu'il n'eft
point de vraies beaut�s dansTArchite&ure en g�-
n�ral ni dans un projet particulier, ii l'on n'y
remarque de certains traits , que le genre feula
droit de faire �clore, & qui pour �tre approuv�s »
doivent convenir au local, aux diff�rents afoe&s
du b�timent, �ia ikuation & � fon expofition. Ces
diff�rents moyens , bien envifag�s de la part de
l'Archite�e, le conduifent � ces �carts heureux,
� cette tournure d'imagination , � ces reiTburces
de l'Art, que l'homme tranfcendant fait fe per-
mettre. C'eil ce cara�ere d'originalit� qui l'autoriTe
quelquefois � donner des formes moins refti�ir
Tome �,-.-
                                    Bb
-ocr page 418-
386                    Cours
gnes � fes fa�ades, � faire c�der les ailes au prin-
cipal corps de logis ; enfin � faire pyramider cer-
taines parties pour leur donner la pr��minence fur
certaine autre ; route f�re , & peut - �tre la plus
propre pour nous faire donner de la vari�t� aux
�difices de m�me genre. Voil� o� peut nous con-
duire l'examen r�fl�chi des b�timents que nous ve-
nons de citer ; on peut y ajouter ceux de Meudon 9
de Chantilly, de Sceaux , de Saint - Germain - en-
Laye , & quantit� d'autres > vus du c�t� o�
nous les envifageons ici. Traitons � pr�fent de
ce que nous concevons nous-m�mes par une Ar-
chitecture appel�e Architecture Pyramidale pro-
prement dite.
De l'Arckiteciurc Pyramidale.
On dit commun�ment, Cette Architecture eit
pyramidale , lorfquon veut exprimer que l'Ar-
chite�e a �lev� pour cette raifon , un dernier
�tage au - deifus de ceux qui terminent la par-
tie Sup�rieure de fon principal corps de logis;
pu lorfquefans ce fecours il a pr�vu qu'en don-
nant une affez grande faillie � fon avant-corps,
fi pr��mineroit fuiEfamment par l'effet de Γορ-
fique , quoiqu'il ait tenu les �tages de fes fa�ades
� une m�me hauteur. Hardouin Manfard s'�ftfervi
avec beaucoup de fucc�s, du premier moyen au
Ch�teau de Clagny, & du f�cond au Ch�teau de
Verfailles du c�t� des Jardins. Nous croyons que
celui-ci doit avoir la pr�f�rence dans les grands
�difices , celui-l� dans les b�timents de. peu d'�ten-
due , parce qu'autrement il feroit � craindre
qu'une trop grande faillie donn�e � lavant-corps,
ne divif�t trop l'ordonnance de la fa�ade, & noc-
�afionn�t trop de duret� dans la d�coration�
-ocr page 419-
d'architecture.            387
Les Architectes Arabes ont excell� dans les
formes pyramidales ; peut-�tre aui�i ont-ils pouff�
�ufqu'� l'exc�s , cette maniere de d�corer leurs
�difices, la plupart ayant afie&� jufques dans les
plus petits d�tails des pyramides perc�es � jour »
evid�es, & d'une ftxudture peut-�tre plus �ton-
nante qu'admirable, Le clocher de Strasbourg,
celui de la Mainte-Chapelle � Vincenr��s, celui du
Palais � Paris, le portail de Reims, Saint - Ouen
� Rouen , prouvent aflez ce que nous avan�ons;
mais n�anmoins ces formes pyramidales, peut-
�tre trop r�it�r�es , & prefque toujours mono-
tones , ne fatisfont pas en ce genre, autant que
� quelques-uns de nos �difices modernes, o� Tort
remarque que les maffes, quoique moins eonfi-
d�rables , & les parties plus d'accord entr'elles ,
femblent int�reffer beaucoup plus que ces ou-
vrages gothiques aflez c�l�bres , mais enfants de
la fingularit� , & du go�t dominant de leurs ordon-
nateurs. ■�.�
                                        ..-./'�� .'."j:../�:v:
De tous nos Auteurs modernes, Palladio eil
celui qui certainement a entendu le mieux les
formes pyramidales dont nous voulons parler.
Entre nos Archite�tes Fran�ois, Jules Hardouin
Manfard & M. BofFrand, font ceux qui s'en font
acquitt�s avec le plus de fucc�s. DebroiTe & Le
Mercier ont auiTi donn� des preuves de l'excel-
lence de l'Art dans cette partie de l'Architecture;
le premier au Luxembourg, � Saint-Gervais ; le
f�cond � la Sorbonne, au Ch�teau de Richelieu :
aul�i rien de plus agr�able que ces productions ;
rien de fi charmant que celles de Palladio dans
les b�timents qu'il a fait �lever � Bologne', k
Vicence; en un mot, rien de fi int�refTant que les
Invalides , le Ch�teau �de Clagny par Hardouin*
Bb ij
-ocr page 420-
$S8                       Cours
& ceux �rig�s par M. Boffrand , en Lorraine »
«n Allemagne & ailleurs ; mais voyons plus par>
ticuli�rement ce que Ton peut concevoir par une
Architecture v�ritablement agr�able.
�e qu'on entend par une Architecture agr�able.
Pour que la d�coration d'un b�timent ibit v�ri-
tablement agr�able , il faut qu'elle foit fufceptible
des formes pyramidales dont nous venons de
parler, & qu'elle pr�fente dans fon ordonnance
tous les agr�ments que peuvent permettre les
r�gles de l'Art, & l'affociation de la Sculpture
avec Γ Architecture ; que les formes �l�gantes
puifTent entrer pour quelque ehofe dans la coril�- *
poiition de {qs parties & de fes d�tails , & que
la convenance de l'�difice puiffeles autorifer. Une
maifon d'une Architecture agr�able , eil encore
celle o� l'on apper�oit dans la diitribution ext�-
rieure & dans la diverfit� de la hauteur des pa-
villons , des avant-corps & des ailes, une vari�t�
qui offre � l'�uil du Spectateur quelque chofe
d'int�reffant, & o� il remarque des proportions
exaftes fans fervimde , agr�ables fans frivolit� *
& enfin riches fans confiiiion. Le genre agr�able
eit le propre d'une Maifon de Plaifance, d'une
jolie Maifon de Campagne : le petit Ch�teau
de M. de la Boif�iere,, rue de Cli�hy , par
M,: Le Carpentier , offre tr�s-bien , dans les
dedans & dans les dehors, limage de ce que nous
voulons peindre ici ; mais il faut favoir qu'en g�-
n�ral l'agr�ment dont nous parlons eil beaucoup
plus du reffort de l'int�rieur que. de l'ext�rieur des
b�timents, parce que la vari�t� des mati�res dont
on rev�t les diff�rentes pi�ces des appartements ,
h l�g�ret� qui eft de leur reffort a & Taffemblage
-ocr page 421-
d'Architecture. 3S9
des divers Arts qui s'y trouvent raffembl�s, offrent
naturellement & fans avoir recours � la prodiga-
lit� de la Sculpture, quelque chofe d'agr�able qui
fatisfait l'�uil, m�me des moins connoiffeurs en
Architecture. On doit encore favok, que dansles
pi�ces de parades il faut que la dignit� l'emporte
fur l'agr�ment, & que la fym�trie fnffit prefque
toujours dans les appartements priv�s; mais que
fur-tout dans les dehors il faut �viter la r�p�ti-
tion d�plac�e ou la futilit� des contours, la fri-
volit� ou la pefanteur des ornements, qui bien-
loin de produire le genre agr�able dans la d�co-
ration ext�rieure, comme quelques-uns fe le per-
fuadent , ne produifent que des comportions
hazard�es que tout Artiile habile fait profcrire ,
& qu'il regarde avec la plus grande indiff�rence ,
fans vouloir s'y pr�ter, ni en perp�tuer l'efpece ;
parce que tout ce qui lui parok contraire a la
convenance des lieux, des temps & des perfon-
nes pour lefqueiles il b�tit, lui femble toujours
produire plut�t la m�diocrit� de l'Art, que fes
�iicc�s. PaiTons maintenant � ce que nou5 appe-
lons convenance en Architecture.
De la Convenance, en Architecture.
On dit qu'un b�timent a de la convenance y
lorfquon a remarqu� que fa difpofition ext�rieure
&les principales parties de fa d�coration font abfo-
lument relatives � l'objet quia donn� lieu � �riger
l'�difice , lorfque l'efprit de convenance y pr�fide,
que la bienf�ance [k) γ eilexaftement obferv�e,
(k) En Archite&ure on fe fert du terme de bienf�ance,
tour d�figner l'aflortiment da ftyle de l'ordonnance avec lts
Bbiij
-ocr page 422-
3�o                    Cours
que �Ordonnateuf a pr�vu dans toute fon ordon-
nance , le ftyle & le caract�re dont il devoit faire
choix, pour exprimer en particulier dans Fembel-
liffement de nos Temples ., de la d�cence ; dans les
Palais des Rois, de la magnificence; dans les �di-
fices publics, de la grandeur ; dans les monuments
�lev�s � la gloire des grands, de la fbmptuoiit� ;
dans les promenades, de l'�l�gance ; dans les b�-
timents �rig�s pour la furet�, de la folidit� ; dans
ceux �lev�s pour l'agr�ment, de la l�g�ret� ; dans
la demeure des riches particuliers, de la beaut� ;
dans les maifons � loyer, de la commodit� ; dans
les dedans des appartements , de la vari�t�. Cer-
tainement un Architecture convenable, telle que
nous l'entendons, doit avoir pour objet de pein-
dre aux y�ux des �trangers , ou la dignit�, ou
la valeur , ou l'opulence , ou l'�conomie. Qu'on
y prenne garde, c*eit vouloir s'en tenir � la rou-
tine ; c'eft vouloir m�connoitre la po�fie de l'Art,
que de n�gliger ce coloris de l'Architecture : un
�difice doit, au premier regard, s'annoncer pour ce
qu'il eft. La Porte Saint - Denis, par exemple *
■��■■ -"■ - a                                          �| , ι                        �;� , , ...� ;,.-,
choix des ornements. Par exemple , c'eft manquer � la
bienf�anc� , que de faire ufage d'attributs prophanes dans
les monuments faci�s t d'ornements arbitraires ; dans les
�difices publics ; de faire parade d'un ordre ruftique dans
l�s Palais des Rois Λ o� l� comporte feroic plus convena-
ble j d'employer une multitude de membres d'Architu&ure ,
o� la {implicite doit avoir le pas ; de faire ufage des mati�res
factices, o� les mati�res premi�res doivent �tre pr�f�r�es*
ou parce qu'elles occai�onnent plus d'acc�l�ration, ou parce
qu'elles apportent plus d'�conomie dans l'entreprife, On ne peut
l'ignorer, la bienf�anc� men� au vrai, parce qu'elle pr�-
fer ve n�ceiTairement TArtifte de tout �cart $ qu'elle lui indi-
que la v�rirable place du fublime, du grand, du ��mple ^
4c l'�l�gant j perfection qui f�uje, peut I� �Qnduir� � l'exccl-
kn�c d� ΓΑ«,
-ocr page 423-
;              d'Architecture. 391
Tare de triomphe du Tr�ne , l'int�rieur de la
Sorbonne & du Val-de-Gr�ce, l'ancien Ch�teau de
Saint-Germajn-en-Lay e,, celui de Clagny, celui de
Maifons , l'Orangerie de Verfailles » les Ecuries
du m�me Palais, s'annoncent pour ce qu'ils font ;
ils pf�fentent chacun f�par�ment cet efprit de con-
venance que nous recommandons , & affurent �
nos Architectes Fran�ois > cette r�putation accor-
d�e � ii jufte titre , � ceux de la GLrece & de
l'ancienne Rome, qui font parvenus � fe faire
admirer & imiter , parce que leurs productions
�toient vraies ; diitin&ion particuliere qu'il ne faut,
pas confondre, & dont nous allons parler pour
enfeigner Fart de d�m�ler les exprei�ions & les
caract�res r�pandus dans les divers �difices^antit�
ques & modernes. *
Du flyU vrai en Archite�um.
On dit m�taphoriquement, Cette Architecture
eil vraie , lorfqu'on veut d�iigner celle qui c�ne
ferve dans toutes fes parties le ftyle qui lui eft
propre »fans aucune efpece de m�lange; celle qui
pr�fente un caract�re d�cid� , qui met chaque
membre � fa place , qui n'appelle que les orne-
ments qui lui font n�cefTa�res pour l'embellir $,
celle o� Ton �vite une vari�t� d�plac�e qui
tient du contraire, & o� la iim�trie & la r�gu-
larit� font pr�f�r�es ; enfin une Architediire vraie
eft celle qui pla�t aux yeux, par l'id�e qu'on s'eil
form�e dit genre de l'�difice , & qui ne tenant
ni du pr�jug� national ni de 1'bpinion parti-
culiere de l'Artifte , paro�t puif�e dans le fond
propre de l'Art, & qui par cette raifon ne per*
inet � l'Archite&e, ni la prodigalit� dans les ογβφ~
Bb iy
-ocr page 424-
3pi                       Cours
ments, ni l'habitude dans fes go�ts, ni la futilit�
dans les d�tails ; en un mot, celle qui d�pouill�e
de toute �quivoque, fe montre belle dans fon
ordonnance, commode dans fa diitribution ? Se
folide dans fa conitruction.
Lorique par des consid�rations particuli�res on
eft retenu, ou par l'�conomie , ou par la difette des
mati�res, ou par la n�ceiiit� de quelques affuj�-
riiTements relatifs � une reitaurarion, & qu'enfin
on ne peut arriver au caract�re vrai dont nous
voulons parler : au moins faut -il, au d�faut de
cette vari�t� fi fatisfaifante dans la d�coration
ues fa�ades de nos b�timents , y fubiHtuer cette
vraisemblance qui en approche , & qui feu�e peur,
d�dommager d'un ityle vrai, la fource des chef--
d'�uvre �lev�s par les grands Ma�tres qui nous
ont pr�c�d�s. Expliquons ce que nous entendons
par le vraisemblable qui peut fe fubitituer � ce
caract�re vrai, qui feul peut produire l'unit�,
& qui doit �tre regard� comme le premier m�rite
de l'Art.
De la vraisemblance en Architecture*
Une Architecture vraie pla�t � tous les yeux i
une Architecture vraisemblable ne pla�t qu'� la
raifon �clair�e ; c'eft celle, qui dans fon ordon-
nance ne montre rien qui ait droit de choquer le
Spectateur initruit, quoique l'Architecte ait quel-
quefois franchi les vrais principes de l'Art; celle
o� l'on s'apper�oit que f� richeife ou fa fimplicit�,
fa force ou (on �l�gance , prend fa fource de la
iituation du lieu ou l'on b�tit, & de h n�cei�it�
des mati�res r�elles ou factices que fouvent on
ci! oblig� de mettre en oeuvre \ celle o� l'on.
χ
-ocr page 425-
d'Architecture.            393
remarque que la r�alit� des proportions combin�e
avec l'aparence de ces m�mes proportions, con-
court � faire admirer le frontifpice d'un Temple,
la d�coration d'une place publique , ou la fa�ade
d'un b�timent : la r�alit� par les grandeurs g�om�tra-
les, l'apparence par des hauteurs vari�es & relatives
� l'effet de l'optique ; en forte qu'avec le fecours
de ces moyens, mis en �uvre par la th�orie de
l'Art, l'�difice vu d'un point de diilance d�ter-
min� , puiffe plaire �galement, & aux connoif-
feurs &■ au vulgaire. Enfin une Architecture vraif-
femblable , telle que nous l'entendons , eil plut�t
le fruit du raifonnement & de la m�ditation de
l'Archite&e , que l'application firi&e des pr�ce-
ptes , la vraiffemblance �tant quelquefois pr�f�-
rable � une v�rit� qui rebute fouvent plus qu'elle
ne fatisfait : par exemple , l'angle faillant d'un
avant-corps, l'encoignure d'un b�timent, un tru-
meau , un pied-droit, trop peu coniid�rables en
apparence, n'en offrent pas moins � la r�flexion la
folidit� r�elle de l'�difice ; mais ces diff�rentes
parties p�chant contre l'a vraiffemblance, leurs
apparences bleffent l'�uil de l'examinateur, & par
cette raifon doivent �tre rejet�es. Un �difice ,
quoique b�ti avec furet� , n'en paro�t pas moins
choquant ; parce qu'on a cru pouvoir y n�gliger
la vraiffemblance dont nous parlons. Cette qualit�
eft pr�f�rable en bien des occafions � la r�alit� , &
� ce caraclere vrai que nous venons cependant
de regarder comme le premier m�rite de l'Ardu-'
teclure, mais dont on peut s'�carter quelquefois
pour donner encore plus de beaut� � fa produ-
ction. Ce mot, beaut�, nous avertit de paffer �
ce que nous entendons par un� belle Archite«
&ure.
-ocr page 426-
394                       Cours
Ce qu'on entend par une belle �rchiuclure.
On dit commun�ment qu'une Architecture ei�
belle, lorfqu'on veut exprimer aux autres le plai-
i�r qu'on a reiTenti au premier afpecl: d'un �difice»
o� l'on a �t� frapp� d'une heureufe difpoiitioii
dans le rapport des maffes , la r�partition des
parties, la divifion des d�tails, & o� l'on s'eil
apper�u que l'Archite&e avoir fu marier eni�mble
la Vari�t� d'un ityle puif� dans les pr�ceptes de
l'Art, avec la vraisemblance , le fruit de fon bon
go�t& de fon exp�rience. Une belle Architecture
eil encore celle dans la compoiition de laquelle on
reconno�t un ftyle fage (7), & o� cependant on
a pris foin d'ai�bcier une excellente Sculpture ,
des ornements d'un beau choix, une grande per-
fection dans la main d'�uvre, de la pr�cifion dans.
1'appareiJ, & de l'attention dans la qualit� de la
mati�re ; en forte que l'Architede , les Artiites
& les Artifans femblent avoir concouru les uns
& les autres � �lever un chef-d'�uvre. ! Les Ch�-
teaux de Maifons & de Blois par Fran�ois Man-
fard ; le p�riitile du Louvre , par Perrault ; la
porte Saint-Denis, par Fran�ois Blondel, pr�-
sentent ce bel effet, cette nobiei�e & cette unit�
dont nous allons parler.
, (./) On fe fert de V�pithetc fage en Architecture, pour pein-
dre � l'efprit de ceux � quiTon en veut faire la defcriprion ,
la retenue dont l'Architede a fait ufage Λ pour donner un
caract�re modefte � la d�coration des lieux Saints, � l'habi-
tation des personnes, qui par �tat font charg�s de difpenier
les faveurs du Prince , d'employer les. deniers publics , d'ac-
corder les diff�rents qui naiifent entre, les Citoyens, & g�-
n�ralement dans toutes les efpeces d'�difices �lev�s plut�t
pour l'utilit� que pour l'agr�ment & la magnificence.
-ocr page 427-
»'Architecture. 395
De la noblejj� des formes en Architecture.
On peut dire , cette Architecture �ft d'un ftyle
noble , lorfque le choix de fon ordonnance lahTe
voir dans tout fon jour une Archite&ure trait�e en
grand , & d'un go�t impofant, vraiment digne de
nos Temples , de nos �difices publics , de la r�ii-
dence des T�tes couronn�es , & de l'habitation des
hommes du premier ordre ; celle qui tenant aux
r�gles de l'Art, pr�fente une grande compoiition
fans �tre coloffale , une ordonnance aflbrtie au
motif qui a donn� lieu � Tentreprife ; celle qui par le
choix de l'ordre, tel que le Corinthien ou le Com-
pofite, amen� fur la fcene l'application d'une certaine
quantit� d'ornements , qui n�anmoins n'y paroif-
fent appel�s que par la n�ceflit� ; celle qui exem-
pte de petites parties , grandit, pour ainfi di|e ,
l'imagination de l'admirateur, par le fpeclacle in-
t�reffant que lui offrent l'�tendue des b�timents ,
leur forme pyramidale , la grandeur des cours ,
la relation des iffues ; ai�bciation qui contribue
plus qu'on ne s'imagine � embellir l'�difice , &
� donner une id�e avantageufe des talents de l'or*
donnateur & du go�t du propri�taire. La dif-
pofition ext�rieure de Verfailles du c�t� Paris ,
�avant - cour du Ch�teau de Meudon, la r�gula-
rit� des b�timents , & des d�pendances qui pr�-
c�dent le Ch�teau de Maifons , font certainement
des beaut�s du premier genre, qui contribuent
beaucoup � donner ce cara&ere de nobleffe &
de dignit� dont nous parlons, aux b�timents de
Verfailles, � celui de Meudon, & � relever l'�clat
de la belle ordonnance d'Archite&ure du Ch�-
teau de Matfons » qui * plus qu aucune, autre,
-ocr page 428-
396f                    Cours
repr�fent� ce caract�re d'unit� dont nous allons
faire ici un article particulier.
De l'unit� enArckiteclure.
L'unit� dans l'ordonnance d'un b�timent eil une
des principales beaut�s de l'Architecture ; les Grecs
ont excell� dans cette partie : ils d�voient � la v�rit�
beaucoup aux Egyptiens ; mais ces derniers n'a-
Voientpour ainii dire, qu'�bauch� l'Art ; il falloir
des peuples de favants, des hommes de g�nie,
des Princes g�n�reux pour multiplier l'efpece des
monuments, pour donner o�caiion aux d�velop-
pements des r�gles de l'Art , pour perfectionner
le bon go�t de Γ Architecture. Ces beaut�s conf-
iantes, ces d�couvertes heureufes, cette vari�t�
d'�difices �toient reierv�es aux Citoyens d'Ath�nes.
L'ancienne Rome a vu na�tre fans doute plus
d'un chef-d'�uvre ; mais ces productions , pour
la plupart plus grandes que f�veres, plus com-
pliqu�es , plus charg�es d'ornements , �toient au-
tant d'obrl�cles pour leurs Architectes , & autant
de moyens qui les �cartoient des lois fondamen-
tales de l'unit� dont nous parlons. Les Artiiles
de la nouvelle Italie ont encore d�g�n�r� en per-
dant de vue les originaux ;ils ont pr�f�r� � l'unit�,
� la belle fimplicit� ( * ), la p�n�tration des corps,
la mutilation des membres d'Architecture , le con-
(*) Une Archite�ture i�mple devroit �tre la plas eftira�e
de toutes; la fimplicit� eft le propre des ouvrages des grands
Ma�tres j elle porte un caract�re que l'ait ne peut d�finir, Se
que le plus habile Profefleur ne peut enfeigner 5 elle feule
> peut enchanter l'ame & les yeux ; elle men� au fublirne ,. 8c
eft toujours pr�f�rable t quoi qu'on en difeγ � ces con�po-;
-ocr page 429-
ι
d'architecture.          397
tfafte des formes. Au Ai, � l'exception de quelques
�difices facr�s �lev�s depuis que la chr�tient� y
a �tabli fon empire, il faut chercher l'Archite-
cture Romaine dans les entrailles de Rome. Peut-
�tre la France en imitant les proc�d�s des Grecs
& des anciens Romains , � furpaiT� les produ-
ctions qui f e font �lev�es depuis dans cette Ville
autrefois fi fuperbe ; du moins pouvons-nous dire
qu'elle s'eft fray�e une nouvelle route, en cher-
chant � fuivre l'antique dans l'ordonnance des
dehors de fes �difices ; & que non-feulement elle
a perfectionn� l'art de b�tit proprement dit ,
mais qu'elle a cr�� pour ainfi dire un art de la di-
itribution: en forte que par cette triple unit� elle
s'eft acquife le droit de pr��minence fur toutes les
productions de ce genre , mifes en �uvre par les
nations les plus floriffantes de l'Europe.
En bon Citoyen , nous convenons, de cet
avantage ; mais en Artiile impartial, nous fom-
mes forc�s d'avouer que nous n�gligeons encore
trop fouvent l'unit� qui fait ici notre objet, malgr�
la quantit� de chefs-d'�uvre que nous ont laifl�s
pour exemples les Lefcot, les Delorme, les Man*
fard , les Debroffe , l�s Lemercier, les Fran�ois
Blondd,
les Perrault , les Bullet, &c. & qu'il
nous refte peut-�tre au moins ces trois points de
r�union � perfectionner , pour donner � notre
Architecture ce dernier degr� de fup�riorit� , qui
t      .'
fitions forc�es qui d�c�lent l'Art, & � cette multitude d'orne-
ments dont les hommes fans doctrine furchargent leurs produ-
irions ,-parce qu'il eft plus aif� de plaire au vulgaire par la
confuf�on des membres & la prodigalit� de la Sculpture, que
par la fimplicit� dont nous parlons : il n'y a qu'un tr�s-petit
»pmbt� de Conjioifleurs qui f�chent la tentir & rapr�ciej;.
-ocr page 430-
3<$                       Cours
�eul peut la rendre v�ritablement recommandab�e,
Offrons ici, s'il nous eft poi�ible, les princi-
paux traits qui, f�lon nous, cara&�rifent l'unit�
dans Γ Architecture. L'unit� confifte dan* l'art de
concilier dans fon projet la folidit� , la commo-
dit� , l'ordonnance , fans qu'aucunes de ces trois
parties fe «l�truifent ; � n'admettre jamais plufieurs
genres , ni diff�rentes expref�ions dans fa d�cora-
tion , � n'y placer aucun membre d'Architecture
ni de Sculpture qui ne foit puif� dans la m�me
four��, � �viter de faire parade dans un m�me
�tage, de plufieurs ordres de diam�tres & de cara-
ct�res diff�rents, � faire en forte que les entable-
ments , commenc�s modillonaires, ne deviennent
jamais denticulaires dans une m�me d�coration
(/ra); � n'affecter jamais d'interrompre, fans une
n�ceffit� abfolue , le niveau des architraves & des
corniches des frontons, ni les diff�rents �tages
apparents d'un b�timent, � moins qu'on ait re-
connu cette licence indifpenfable dans la d�co-
ration ext�rieure defon ordonnance, en faveur de
quelque fuj�tion int�rieure, tenant � la folidit�
ou � la commodit�; � ne point abiifer de trop
de richeiTe dans les avant-corps, & de trop de
iimplicit� dans les arrieres-corps d'un �difice; �
ne point faire ufage de trop de mouvement dans
les plans , lorfqu� la (implicite des fa�ades f�mble
d�fapprouverl'abus des reffauts des avant-corps,
& des arrieres-corps dans fa difpoiition g�n�rale;
� �viter trop d'in�galit� dans la hauteur des com-
bles de la fa�ade d'un principal corps de logis ; �
^''                  j . .                         ι . . . - ■:.� ......                                  j                                                                          "**
( m ) Comme � Saint-Louis du Louvre, Se aux Dames de
Saxate-Eliiabeth, tue du T�mpl�,
                            . ;. -
-ocr page 431-
d'Architecture. 399
ne pas croire que pour �viter k monotonie, il faille
changer la forme ni la proportion des ouvertures
dans le m�me �tage d'un b�timent ; � prendre
garde de mettre trop d'in�galit� dans les trumeaux
des fa�ades, quoique cette in�galit� paroiffe au-
torif�e en apparence par la r�it�ration des corps
qui la fubdivifent ; � prendre foin dans les a�les
d'un b�timent, quoique plus baffes que le prin-
cipal corps de logis , de rappeler le m�me genre
d'Archite&ure, qui regne dans l'�tage auquel celles-
ci fervent de continuit� ; en un mot, � faire en
forte que depuis la principale*iffue jufqu� la porte
du veitibule on reconnoiffe le m�me efprit ,
la m�me expreffion , le m�me ityle, malgr� les
gradations , les nuances qu'on doit obferver n�-
ceffairement entre les d�pendances, les parties
acceffoires , & l'objet principal de l'�difice. Ces
diff�rentes parties doivent �tre vari�es ; mais l'uni-
t� g�n�rale que nous venons de recommander ,
ne doit pas fouffrir de cette vari�t� dont nous
allons parler.
De la vari�t� en Architecture.
Une Architecture vari�e eft appel�e ainfi, lors-
que dans la fa�ade d'un b�timent d'habitation on
apper�oit, fans d�roger aux lois de l'unit�, une
diff�rence louable dans les formes des ouvertures »
& dans l'in�galit� des encoignures , compar�es
avec les trumeaux, les �coin�ons. Il faut que la
r�it�ration des ayant-corps & des pavillons auto-
rife cette vari�t�. Pourvu qu'elle foit toujouts
foutenue par le fond du ftyle de l'ordonnance,
elle eft pr�f�rable � une r�p�tition monotone,
cni� r�clame fouv�nt l'�galit� des vid�s & de«
-ocr page 432-
400                      Co V R 5
pleins dans l'ordonnanc� d'un b�timent public*
dont l'�conomie, la fo�idit� & la limplicit� doivent
d�cider le cara&ere; mais dans un grand H�tel,
dans la maifon d'un riche particulier, cette exacti-
tude devient plut�t une il�rilit� qu'une beaut� de
i�m�trie. Il faut, pour plaire , obferver dans les
comportions des fa�ades de ces b�timents, un jeu,
un mouvement, une vari�t� int�reiTante, fans
pour cela affe&er de placer des ordres dans
les avant-corps , de les fupprimer dans les arrie-
res-corps; ce feroit alors faire parade d'une
vari�t� mal entendue (/2). Il faut n�ceffairement
dans ceux-ci des pilaitres ; dans ceux-l� des colon-
nes (o), par la raifon que l'entablement deve-
nant commun � ces diff�rents corps , il eit n�~
ceffaire de conferver une certaine unit� dans la
hauteur de chaque �tage ; car autrement il
ieroit � craindre d'introduire plut�t une \difpa-
rit� frappante, que la vari�t� que nous re-
commandons ici. Au reffe , il faut fa voir que
cette vari�t� eft inconteftablement plus du rei�brt
des dedans que des dehors; parce que les d�-
corations des pi�ces d'un appartement doivent
n�ceifairement �tre diff�rentes entr'elles, & l'or-
donnance des fa�ajdes �tre une. Il eil m�me n�cef-
faire que les appartements de parade , de foci�t�,
priv�s, different entr'eux, & que la d�coration
( n) Les fa�ades des H�tels d'Eftr�es, de Rotelin , de la
Vriliere, d'Auvergne, Faubourg Saint-Germain, ont tous ces
d�fauts. Voyez- les deifins de ces fa�ades dans le premier
volume de l'Architecture Fran�oife. > .
( o) Comme aux Ch�teaux de Maifons , de Montmorency,
de VerfailleSj que l'on peut comparer, pour l'ordonnance,
avec ceux A'�fy ; de Berry > du Palais Archi�pifcopal de
Bourges du c�t� du Jardin.
ext�rieure
.... ta                   ■ '� -�■■" 7
.� '..: ',-, ;-":�'..';�
-ocr page 433-
d'Architecture.            401
ant�rieure de la demeure des Grands , celle des
Particuliers , celle du Pr�lat , du Magii�rat, de
l'Homme de guerre, fuient trait�s d'un ifyie ( ρ )
& d'une maniere ailbrtie � ces diff�rents ordres de
Citoyens, vari�t� que la convenance impofe n�-
ceifairement , que le go�t autorite , & qui ei�:
pr�f�rable � beaucoup d'�gards, � cette routine
de l'Art, qui fait placer indiftint�ement les m�mes
ornements, les m�mes fymboles & les m�mes all�-
gories dans les edifkeSk.de genres diff�rents. Cette
uniformit� n'annonce rien de libre dans la compofi-
tion , aucune forte d'abondance dans les formes, ni
cet efprit qui met chaque partie � fa place. Trai-
tons en particulier de ces trois diff�rents objets ,
& commen�ons par expliquer ce que nous enten-
dons par une Architecture libre.
Ou caract�re libre en Architecture.
On dit : Cette compofition eil d'un ftyle libre }
aif�, facile, pour exprimer une ordonnance qui
ne tient rien de la fervitude de l'art , mais o�
n�anmoins l'on a fu �viter, dans la t�coration ,
(p ) Par flyle en Architecture * on entend le v�ritable genre
<Iont on doit faire choix., relativement au motif qui fait �le-
ver l'�difice Le ityle dans l'ordonnance des fa�ades., & dans
la d�coration des appartements, elt proprement la po�'ie de
l'Architecture 3 qui ieul contiibue � rendre toutes les compo-
rtions d'un Aixhnecte v�ruauienient �nt�ieilantes : Veit le
ftyle propre a chaque efpcce de b�timent qui amen� cette
Vari�t� infinie dans. les �difices de m�me genre, 6i de genres
diff�rence ; le ttyle peut peindre �galement le genre iacr�,
h�ro�que &c pailoial , exprimer en particulier le caract�re r�-
gulier ou irregulier, iimpie ou corapof� , i�m�tnque ou vari�;
enfin par le il y le on atteint au fublime , on parvient � la
convenance , a l'expreflion ; en un mot a ce degr� de perf�-*
ihon -m rel�ort de toutes les productions d'un Architecte»
Tome 1.                                      Ce
-ocr page 434-
4P*                      C ou R s
tout �cart qui t�moigne plut�t l'effort de Timag�*
nation de l'Artiite que la produ&ion d'un g�nie
�clair� : celui-ci accoutum� � bien voir, applique
fans contrainte aies beibins , les v�ritables beaut�s
de TArchitedure �lev�es parles Architectes qui Tont
pr�c�d�; il fait y ajouter ou en retrancher toutes
les parties qui ne font point du reifort de fon
projet. Une compofition libre �ft celle qu'on exa-
mine fans embarras, que l'on con�oit telle fans
aucune difficult�, o� Ton remarque que les mafTes
ont non-feulement engendr� de belles parties»
mais en g�n�ral une ordonnance fimple r vraie »
vraiffemblable; enfin que l'on croit facile, parce
que tout y eil diftindt, qu'aucun- d�tail n'eft fu-
perflu, que les ornements y font amen�s, natu-
rellement, fans faite, fans efforts; en un mot»,
une compofition qui, par la beaut� de fon en-
femble, annonce la produ&ion d'un grand Ma�tre;
car rien n'eft fi difficile que de parvenir � ce degr�
de « perfec�on, La d�coration de la porte de la
'cfcur des Feuillants offre ce cara&ere ; rien de il
aifi en apparence, rien de fi difficile � imiter
que: ce che�d'eeuvre de Fran�ois Maiifard. Cette
porte, eit bien diff�rente du portail de l'Eglife qui lui
eft oppof�e : celui-cioffre plus d'abondance dans
f� compofition, plus de richefle ; mais une Archi-
tecture moins vraie, moins libre & beaucoup moins
bien entendue. PaiFons � pr�fent � ce que nous
entendons par une Architecture abondante.
-ocr page 435-
�' ■,..'.                                                           '.■'■."■■                                                       ' ' "'                                                                                                                                                 ■'■'.■■■ ':' ■■■■■'■
d'Ar�H�tectvei. 40$
Ce �o*0/z appelle abondance dans ία compofitw/i
d'un ouvrage d'Architecture.
Trop d*abondanc� , c'eft-�-dire, trop de corps,
trop de reffauts » de membres & d'ornements dans
la d�coration, eft peut-�tre toute auffi pr�judi-
diciable au fucc�s de la beile Architecture , que
l'affedation d'une trop grande fimplicit�. 11 faut
�avoir n'abufer de rien ; dans une maifon parti-
culiere , par exemple , malgr� l'�conomie dont on
doit nier , on peut r�pandre une forte d'int�r�t
dans fa d�coration ext�rieure & int�rieure : qu'on
y prenne garde, une corniche, une plinthe pla-
c�es � propos, un chambranle fubftitu� � un ban-
deau , un reifaut, une table �tent les nus,. rem-
plirent les efpaces, emp�chent la d�coration de
paro�tre pauvre, il en doit �tre de m�me pour ce qui
concerne la trop grande abondance dont nous
voulons parler ici. Pour rendre (es compofitions
riches, il ne faut pas les charger jufqu'� l'exc�s
de membres d'Architecture & d'ornements r�els
ou feints ; il fuffit d'appeler � loi, tout ce qu'il
eft n�ceiTaire de placer convenablement dans la
fa�ade d'un b�timent d'importance, aui�i-bien
que dans l'int�rieur de fes appartements. Une d�-
coration qui montrera tout ce que la convenance
exige , fera toujours belle, toujours aifez riche;
trop de diviiions , une trop grande multiplicit�
d'angles, de retours * de contours , de caifettes 9
de rofaces , de bas-reliefs, accablent la compofi-
tion,& d�tournent l'attention du fpectateur ; le regne
des le Brun, des le Pautre eft pafte. Malgr� les
chefs-d'�uvre que nous ont laift�s pour exemples
ces deux Artiftes , il faut convenir que leurs
deilins �toient un peu trop charg�s, trop confus,
Cc ij
-ocr page 436-
404                       Cou R s
trop compos�s, trop compliqu�s; le propre de Ιέ
bonne Archite&ure, eil d'�tre de tous les temps*
V % Il n'eft qu'un bon genre, dont il ne faut jamais
s'�carter : on peut faireiimple, & plaire; lorfqu'on
[i
            veut faire riche, il faut attendre les grandes entre-
prifes : autrement, dans les b�timents particuliers,
c'eil manquer fon but, que de faire coniifter la,
richeffe dans la multiplicit� des d�tails, dans la
vari�t� des contours, & dans la quantit� des or-
nements. La d�coration ext�rieure du d�me des
Invalides, la d�coration int�rieure de l'Eglife de
Saint Louis du Louvre , la d�coration du Ch�ur
de Notre-Dame, l'int�rieur de la Chapelle de
Verfailles , la plupart des plafonds des grands
appartements de ce m�me Palais , ceux du Cha-;
teau de Vincennes, l'efcalier de l'H�tel de; Luynes,
� Paris , la gallerie du Ch�teau de Richelieu , ont
un caract�re d'abondance & de richeffe, peut �tre
port� trop loin ; au contraire les fa�ades des
H�tels de Duras, de Torcy, de Seignelai, l'efca-
lier des Tuileries , l'int�rieur de l'Eglife de Saint
Louis dans l'Ile font plus pauvres qpe fimples.,
Pour �viter ces deux exc�s , il faudroit fans
doute imiter les d�corations ext�rieures & in-
t�rieures des Eglifes des Dames de Sainte Marie �
�haillot, & de l'Annonciade � Saint-Denis, les
dehors de l'H�tel de Thiers � Paris, le frontif- ♦
pice dii Noviciat des J�fuites, l'int�rieur de l'E-
glife de l'Oratoire , la nef du Val-de-Gr�ce, fans
y comprendre les compartiments de fa vo�te ;
l'ordonnance du p�riftile du Louvre , celle de la
porte de S. Denis, les grands & petits apparte-
ments de l'H�tel de Touloufe. Toutes ces pro-
ductions , ne pr�fentent de f�condit�, d'abondan-
ce, de richeifes?*que ce qu'il en faut, relative« ,
-ocr page 437-
D 'A R C H � Τ Ε C T U R E.             40 f
ment � leur deitination particuliere. D'ailleurs on
n'y remarque aucune inconf�quence. Comme ce
d�faut eft de tous les abus le plus condamnable ;
nous allons traiter en particulier de ce que nous
entendons par une Architecture conf�quente.
Z)e la n�ceff�t� de rendre conf�quente Les diff�-
rentes productions de t'Architeclure.
On dit qu'une Architecture eft conf�quente,.
quand toutes les parties qui la co'mpofent rendent
raifondes pr�ceptes del'art,des vues du propri�taire,
& des intentions de l'Architecte ; lorfque tout y
paro�t r�fl�chi, relatif, raifonnable; que les licen-
ces y font mafqu�es avec art ; qu'on a fu �viter
d'allier dans l'ordonnance d'une m�me fa�ade, le
genre antique & le moderne ; que les membres d'Ar-
chitecture , adopt�s par les plus grands Ma�tres,
occupent les premi�res places , & fe font apper-
cevoir dans tout leur jour.
Une Architecture inconf�quente, au contraire *
eil celle o� l'on abufe de la l�g�ret�, quand le
caract�re principal eil viril ; ou de l'expreflion
ruilique, quand �'efprit de convenance a fait choifir
l'ordre Corinthien: lorfque dans une fa�ade qui
n'a que deux �tages , on fait l'un foubaifement,
l'autre attique ( q j ; qu'on met en �uvre un ordre
Dorique, fans autres trigliphes que ceux plac�s �
plomb des colonnes, & non au-deiTus des entre-
colonnements ; qu'on donne une proportion
(q) Tel qu'on le remarque au Ch�teau d'Eau, en face du
Palais Royal a Paris , quoique dans le milieu de cet �difice on
aie plac� un avant corps d'ordre Dorique.
"*(� ) Tel qu'on le remarque dans les ailes du Ch�teau. d§
Saiat-Cloud, du c�t� de la cour,
C c iij
-ocr page 438-
4o6                    C o υ ft $
Tofcan� � Vordre Ionique ( * j. Enfin, lorfquoft
abuie de l'application des frontons , comme �
la gallerie du Louvre du c�t� de l'eau; des ni-
ches , comme dans l'int�rieur de la Sorbonne §<
des cariatides , comme au frontifpice du Bureau
des Marchands Drapiers &' ailleurs ; des combles
comme au Ch�teau de Meudon; des pleins � la
place des vides, comme � lH�tel d'Elb�uf ; des
ornements d�licats appliqu�s � l'ordre ruiliqu�
comme aux guichets du Louvre, &c. en un mot,
quand on n�glige toute efpece d'exa&itude, fans
laquelle n�anmoins on ne fauroit compter fur le
{uce�s de fes �uvres. Mais voyons ce que nous
croyons devoir entendre par une Archi�e�ure
exa�e proprement dite,
                                     ji
J}e la n�ceffit� de �txaS�tuL� dans
ί'Architecture-.
L'Architecture exafte eft celle qui, dans fa
'd�coration , nadmet rien qui ait befoin d'excufe ;
celle qui, non-feulement approche le plus de la
f�v�rit� des pr�ceptes de l'art, mais encore o� la
qualit� de la mati�re & la pr�cifion de la mai«
d'�uvre, contribuent � rendre toutes fes parties
plus exactes encore. Cette confid�ration doit en�*
gager TArchiteae, avant de d�terminer fon projet,
I prendre connoiffance des diff�rents mat�riaux
«juil doit employer, & � bien conno�tre la capa�*
eit� des Artiiles qui doivent travailler fous tes.
s -■■                                        v.j
9'....._________'' ��1..J .�,.......'.....;.MJ.'■-■'■.■"-"�■'■-'■"'■■■"*pl|-t-J� - .......;-----------------�-■�' ■�"
f s�Aix� qu'il s'en voit � l'H�tel de Charat, faubourg
�aint-Honot� Λ & daas \z �oar du fafeis y^Yis Ja S*«u�-
C^apcllet
■ »■*; � ?                                       ί                                            «
-ocr page 439-
d'Architecture.            407
©rdres , pour que de-l� il puiiTe parvenir � deer-
der le ftyle & l'exprei�ion qu'il doit donner � fa
d�coration ; car fouvent la difette des mati�res fait
la loi pour le choix du caraftere qu'on doit
donner � fa compoiition. Ind�pendamment de
la beaut� des proportions & de la l�g�ret� du ci-
feau des Artiftes , combien de chefs-d'�uvre dans
la Gr�ce 8ζ dans l'Italie ne font parvenus � notre
eonnoiiTance, que par la folidit� des marbres qu'on
y a employ�s. Qu'on y r�fl�chiffe, ii apr�s avoir
liiivi les excellents pr�ceptes on prend foin de n'em-
ployer que des mati�res d'�lite, fi l'on affocie � ces.
mati�res l'art de Fapareil que nous poif�dons au-
jourd'hui, on �l�vera bient�t chez, nous des monu-
ments dignes d'entrer en parallele avec ceux d'Ath�-
nes. L'int�rieur du d�me des Invalides, la Chapelle
de Verfailles, la Fontaine de Grenelle en font des
preuves certaines (r). Qu'eufTe �t� de la porte S»
Penis, du Ch�teau de Maifons, du p�riftile du
Louvre, fi leur itru&ure e�t �t� de pareilles ma-
ti�res, ou plut�t tome de marbre; puifque malgr�
la pierre ai�ez commune avec laquelle ont �t�
conftruits ces �difices , ils n'en font pas "moins des
chefs-d'�uvre que la poil�rit� regr�tera de n'avoir
plus fous les yeux, & qui cependant ne fervent
pas toujours de mod�les � nos jeunes ArchicecTes ;
mod�les qui n�anmoins devroient leur apprendre
combien l'exactitude a d'attraits quand on lait allier
enfemble la th�orie de l'art avec la. pratique de
la main .d'oeuvre, & qu'� ces deux objets fi wk
'(() Les deux premiers K�tis en pierre de Liais -, le dernier
en pierre de Conflans , l'une tr�s-dure ,, l'autre tendre , mais
Lautes deux formant de beaux parements,
Cciv
-ocr page 440-
'4ot                    Cours
terei�ants, on fait joindre une fym�tr�e raifort
nable , objet de l'article fuivant.
De la n�cejjit� de la fym�trie dans
C Architecture.
La fym�tr�e doit �tre regard�e comme iine
des principales beaut�s de i'Archite�ure ; elle doit
�tre coniid�r�e comme l'ennemie du contraire; ou
du moins elle force, pour ainii dire, les formes
contrait�es, quand on eil oblig� d'en admettre
dans les dehors, d'�tre r�guli�res dans leurs c�t�s
ορροί es. La fym�trie d�dommage non-feulement
d'une fimplicit� n�ceifaire dans la ilru�ure des
b�timents particuliers, mais elle aide � faire va-
loir la richei�e r�pandue dans les fa�ades d'un
b�timent d'importance. La fym�trie fans affecta-
tion eil amie de F�uil : tant�t elle rappelle les
diilances les plus �loign�es ; tant�t elle autorife
le rapprochement d'un corps avec un autre. La
fym�trie, telle que nous l'entendons , n'eil point
monotone, comme quelques-uns fe le perfuadent ;
elle*men� prefque toujours � la fimplicit� , &
nous pr�ferve n�ceifairement des �carts de n�tre
imagination. Combien d� b�timents, parce qu'on y
a n�glig� la fym�trie dont nous parlons , ne nous
offrent que des productions contraires � la r�gu-
larit� qu'exige la bonne Architecture. Citons quel-
ques exemples : la largeur des pavillons du Ch�-
teau de PaiTy, du c�t� des Jardins, eil difTem-
blable : la hauteur des pavillons des fa�ades lat�-
rales du Luxembourg eil in�gale : on n'a plac�
qu'une a�le � l'H�tel de Belle-iile, vue du c�t�
de la rivi�re ; l'ordpnnance de la fa�ade du Pa*
-ocr page 441-
d'Architecture.           40^
lais des Tuileries, du c�t� des jardins, eft dans
fa longueur compof�e de deux genres d'Architec-
ture : la plus grande partie de celle des galleries
du Louvre, du c�t� de l'eau, eil de genres diff�-
rents. Tous ces �difices ont d'autres beaut�s fans
doute ; mais il ne p�chent pas moins contre les
r�gles de la fym�trie. On conno�t � la v�rit� les
fourcesx qui autorifent ces divers mouvements ?
peut-�tre portent-elles chacune leur excufe l�gi-
time ; mais ces excufes ne peuvent que fatisfaire nos
contemporains ; la poft�rit� n'aura-t-elle pas droit
d'en penfer tout autrement ? D'ailleurs il ne faut pas
fe le diiTimuler, de tels exemples, fans �tre des au-
torit�s , trouvent des imitateurs qui, ignorant pour
la plupart les motifs des Architectes qui les ont mis
en �uvre, font entrer dans leurs compositions ces
erreurs de n�cei�it�, mais qui n'�tant pas les m�-
mes dans leurs nouvelles produ&ions, convertiffent
en abus les excufes �es grands Ma�tres. Nous di-
fons plus ici, il ne fuff�t pas qu'une fa�ade foie r�-
guli�re ; il faut que lorfque l'�difice fe trouve ifol�,
tous (es afpe&s foient fym�triques pour avoir
droit de fe faire admirer; autrement, n'�tant fatis-
fait que de certains d�tails, on eft m�content de
trouver plufieurs belles parties qui, r�unies enfem-
bles, n'en pr�fentent pas moins un tout mal aiTorti,
& dont fouvent le ftyle de 1'Architeclure , & les
fymboles de la Sculpture, pr�fentent autant de
difparit�s. Mais voyons ce que nous entendons
ici par une Archke&ure & une Sculpture fymbo-
Jique.
if
\
-ocr page 442-
:'.
4ίΡ                     Cours
Ce que c'efi qu'une Architecture & une Sculpture
fymbolique.
On dit, en parlant d'un b�timent, que fon Archi-
te&ure eil fymbolique , quand le ftyle qui cara-
<ft�rife fa d�coration paro�t puif� dans le motif qui
a fait �riger l'�difice ; lorfque les ordres ruftiques,
folides, moyens ou d�licats, ou feulement f ex-
prei�ion de chacun d'eux s'y trouve plac�e con-
venablement ; lorfque la Sculpture paro�t appel�e
dans l'ordonnance des fa�ades ou dans l'int�rieur
des appartements, pour fervir d'interpr�te � l'Ar-
chitec�ure, pour embellir fon ordonnance, & non
dans le feul deifein de l'enrichir. Nous l'avons dit
plus d'une fois, une belle Arehit�&ure fe fuffit
� elle-m�me. L'Architecte doit commencer par les
nus de fa d�coration & en �tre content, avant
de chercher � placer des ornements ; ceux-ci doi-
vent na�tre du fein propre de l'Architecture; ou
autrement ils ne feront regard�s que comme un ac-
ceffoire importun. Un ordre Tofcan dans les ou-
vrages Militaires , un Dorique dans les �difices
facr�s , un Ionique dans les maifons de plaifance,
un Corinthien dans les Palais des Rois , enfin
un Compoiite dans les F�tes publiques, font au-
tant de fymboles capables de caratt�rifer l'or-
donnance des diff�rents b�timents �lev�s pour la
furet�, l'utilit�, l'agr�ment,l'habitation & la ma-
gnificence. Qu'� chacun de ces divers eara&eres
appliqu�s aux fins diff�rentes de l'art de b�tir, on
ajoute par le miniftere de la Sculpture, quelques
ornements puif�s dans l'hiftoire facr�e ou profane,
on parviendra �rendrefans doute rArchite�ure plvift
-ocr page 443-
ρ'Architecture. 41*
�nergique. Au reite,. il faut fa voir n'en pas abiifer,
dans la crainte de n'introduire dans (qs productions
que des ornements qui ne foient qu'ornements pro-
prement dits; pour donnera ces derniers le droit
de plaire, il faut que l'Architecte ait une connoif*
fance fuf�ifante d� l'Hiftoire , qu'il foit bon dei�i-
nateur, homme de go�t. Cette derni�re qualit�
lui eft n�ceffaire pour difcerner avec choix l'u-
fage qu'il doit faire des diff�rents genres d'Ar-
�hite&ure & de Sculpture qu'il eft dans le cas de
mettre en �uvre, & pour les amener fur la fcene
� raifon du befoin , de la dignit� & de l'opu-
lence des diverfes perfonnes qui confient leurs
int�r�ts � (es foins ; confiance qui tant�t doit
lui faire choifir le ftyle m�le ou l�ger, le caract�re
na�f ou terrible ; autant de diftin&ions particuli�res
dont nous allons parler.
Qe la diff�rence qu'il y a entre le caract�re
m�le, ferme ou viril dans l'Architecture,
On peut concevoir par une Architecture m�le,
celle qui, fans �tre pefante, conferve dans ion
Ordonnance un cara&ere de fermet� afTorti � la
grandeur des lieux & an genre de l'�difice ; celle
qui eft fimple dans fa composition g�n�rale, fage
dans �qs formes, & peu charg�e de d�tails dans fes
ornements ; celle qui s'annonce par �&s plans
�ecTilignes, par des angles droits, par des corps
avanc�s qui portent de grandes ombres ; celle qu�^
fleftin�e aux march�s publics , aux Foires , aux
H�pitaux & fur-tout aux Edifices Militaires v
doit �tre compof�e de belles maffes, dans lef-
gue$es ojn prend fokt C�vitet les petites parties f
-ocr page 444-
4ii                       Cours
le ch�tif & le grand ne pouvant aller enfemble.
Souvent on croit faire une Archite�ure m�le, on
�a fait lourde, maffive, mat�rielle ; on prend le
mot pour la choie. On croit faire du neuf, & l'on
ne ramene fur la fc�ne que la charge des belles
produaions des Michel-Ange , des le Brun, des
le Palitre, fans fe douter que les Debroffes,
les Hardouin Manfard, les Fran�ois Blondel ,
nous ont laiff� des exemples immortels en ce
genre, dans la compofition , la grandeur & la
folidit� du Palais du Luxembourg, des Ecuries &
de l'Orangerie de Verlailles, dans la porte triom-
phale de S. Denis ; productions admirables qui,
�nconteitablement, doivent fervir d'autorit�s pour
l'ordonnance des divers �difices qui exigent le
caract�re m�le dont nous voulons parler;
Une Architecture ferme diff�re d'une Archite�ture
m�le par fes maffes : l'Architecture ferme annonce
moins de pefanteur, mais n�anmoins dans fes par-
ties, dans fa divifion, elle pr�fente des formes d�ci-
d�es dont les furfaces & les angles font droits ^par-
tout elle montre une certitude, une articulation ,
qui impofe, qui frappe, & qui fatisfait les yeux
intelligents. Les ouvrages de Fran�ois Manfard,
de le Veau, de le Mercier, portent affez g�n�ra-
lement ce cara&ere de fermet�, dans les Ch�teaux
de Maifons, de Vincennes & de Richelieu : pro-
ductions qui moins m�les que les pr�c�dentes, ont
airi�� quelque chofe de plus int�reffant, & font plus
du reiTort des b�timents d'habitation.
1 Quoiqu'il paroifle qu'une Architecture virile
diff�re peu des deux pr�c�dentes, il eil cependant
vrai qu'on peut donner ce nom � celle dans l'or-
donnance de laquelle pr�fide l'ordre Dorique.
Une Architefture m�l� �onftd�r�eS�par�ment ?une
-ocr page 445-
»'Architecture; 413
Archite&ure ferme , proprement dite, n'exigent
fouvent que l'expreffion ruflique ou folide, & non
la pr�fence de Tordre dont nous parlons ; mais
lorfqu'une fois cet ordre eil pr�lent dans la d�-
coration des fa�ades, il faut s'attendre qu'il ne to-
l�re aucun d�tail, aucun! acceffoire qui ne foit
puif� dans fa virilit� : lorfqu'il pr�fide dans l'or-
donnance de l'�difice , il ne ^veut fouffrir aucune
efpece de m�lange, il eil m�me jaloux de communi-
quer fon caract�re aux autres ordres qu'on lui affo-
cie fouvent dans les diff�rents �tages du b�timent ;
c'eil ce qu'on remarque au Palais du Luxembourg,,
au Ch�teau de Maifons, au Rortail de S. Gervais
ailleurs.
Si donc nous croyons qu'il foit n�ceffaire d'ob-
ferver ces diff�rentes nuances dans la claife des
b�timents qui doivent annoncer dans leur ilruc-
ture & dans leur ordonnance, un caract�re qui
tienne � l'expreffion Tofcane & Dorique, voyons,
fi les m�mes coniid�rations ne doivent pas porter.
l'Architecte � les obferver lorfqu'il s'agira d'une
Architecture �l�gante, d�licate ou l�gere, qui nous
indique aifez pr�cif�ment les expreffions Ionique V
Corinthienne & Compoiite.
De la diff�rence qu'on doit concevoir entre
l'Architecture l�gere P �l�gante ou d�licate.
Une Architecture l�gere, quoique de m�me genre
«rue l'�l�gante ou la d�licate , pr�fente n�anmoins �
l'id�e des nuances diff�rentes qu'il eil bon de ne
pas confondre. Par- une Architecture l�gere, on
entend particuli�rement celle dont les ordres d�-
licats ont d�termin� l'Architecte � donner � fon
�difice un ilyle relatif � ces m�mes ordres; celle
-ocr page 446-
4*4                    Cour s
dont les profils, le faire des ornements & fex*
prei�ion d�licate des moulures font relatifs �
�'exprei��on Corinthienne ; celle o� l'on remarque
que la proportion des ouvertures des portes &
des croif�es s'accorde avec la plus petite lar-
geur des trumeaux qui en d�terminent les pleins :
aiTortiment ef�enciel, fans lequel une d�coration
de ce genre ne fauroit plaire, & paro�tra toujours
con�ue par un g�nie incons�quent* Il faut fa-
voir cependant ne pas abufer de la l�g�ret� dont
nous parlons. De m�me qu'on prend quelquefois
le lourd pour le m�le, on produit fouvent une Ar-
chitecture maigre pour une Architecture l�gere,
& Ton sJ�loigne prefque toujours du but qu'on fe
doit propofer. Nous pourrions citer beaucoup de
b�timents o� l'on eu. tomb� dans ces d�fauts de
relation. En vain ces imperfections font-elles ba-
lanc�es par de grandes beaut�s ; le ConrtoiiTeur
eft toujours f�ch� de voir ces beaut�s d�faiTorties ;
au lieu qu'on �prouve une v�ritable fatisfaction
quand on examine le p�riftile du Louvre o� l'on
remarque une l�g�ret� int�refTante, non-feulement
dans l'application de l'ordre Corinthien, mais enco-
re dans la difpofition de fes entrecolonements, dans
la diitribution de fes ornements, & dans la har-
c�eiTe de fon ex�cution : exemple c�l�bre qui nous
prouve bien qu'il ne faut introduire dans les corn-
pofitions qu'une d�licatefle r�fl�chie , qui' ne nuife
en rien au caract�re propre de l'�difice; autrement
on rifqiie de ne pr�fenter aux yeux des fpec-
tateurs qu'une Arehite&ure de fantaifie, qu'une
d�coration arbitraire, plus propre � la d�coration
de nos th��tres qu'� �tre appliqu�e dans Tordons
�iance de nos �difices.
Une Architecture �l�gante a une autre fignifi-
/
-ocr page 447-
d'Architecture.            41^
eation; on devroit entendre par ce mot une Ar-
chitecture qui, comme ia pr�c�dente, eft a la v�rit�
relative afexpreffion de l'ordre Corinthien,mais qui
offre dans fa compoikion une plus grande quantit�
de perc�s, un certain jeu, un certain mouvement
dans fon ordonnance, chofes qui ne fe rencontrent
point dans la pr�c�dente ; parce que l'�l�gance dont
nous voulons parler, eft plus du reifort de la d�cora-
tion int�rieure que de celle des dehors ; que le ftyle
proprement dit de l'une, n'eft pas celui de l'autre,
quoique tous les deux foient puif�s dans la m�-
me fource. Or c'eft de cette diff�rence d'appli-
cation de l'Architecfure des dehors � celle des.
dedans que doivent n'a�tre les diff�rentes nuan-
ces , cette fineife de go�t, ce ta�t de Fart qui con-
tribuent au fucc�s des divers �uvres de l'Ar-
tifte. N�anmoins il faut convenir que lorfque dans
la d�coration int�rieure on ufe avec mod�ration
d'une forte d'�l�gance, elle peut contribuer �
procurer de la vari�t� aux diff�rentes compofitions
de TArchite&e : la d�coration ext�rieure du Ch�-
teau de Trianon, par exemple, peut �tre conf�-
d�r�e comme une Architecture �l�gante, quoi-
que l'ordre Ionique feul y pr�fide; parce que la
difpofition g�n�rale de fes b�timents, la colon-
nade qui les unit, la richeife des mati�res dont
on s'eft fervi, & la diftribution des ornements
qu'on y a employ�s , la cara&�rifent telle, & qu'il
n?y manque peut-�tre que la fubftitution de l'ordre
Compofite, pour en faire un modele parfait en
ce genre. Mais il faut prendre garde que le b�ti-
ment que nous citons n'eft qu'une habitation ac-
ceifoire � un plus grand �difice, & que ce que
nous approuvons � Trianon pourvoit devenir ail-
leurs un d�faut de convenance ? peut -�tre le plue
-ocr page 448-
«
ifi�                      Co υ R s
grand de tous les d�fauts qu'on puhTe introduire
dans l'Archite&ure.
Une Architecture d�licate tient fans doute de
tr�s-pr�s aux deux pr�c�dentes ; cependant elle
a cela de particulier, qu'elle ne regarde gu�re
que les parties de d�tails. On dit, ces membres ,
cette moulure, cette Sculpture font d�licates, lors-
qu'on les voit ex�cut�es avec foin ; quand les pre-
miers font exacts �& pr�cis ; la derni�re trait�e
avec efprit, & qu'on la remarque d�licate, fans
f�cherei�e, & d'une touche mo�leufe fans pefan-
teur. Une Architecture d�licate , coniid�r�e du
c�t� de la conftru&ion, eil celle qui, femblable
aux plus belles produirions gothiques, offre peu
de mati�re dans fa ftructure ; mais une fabrique
induilrieufe , propre � la conftruction des vo�tes ,
des pannaches , des trompes, des voui��ires def-
iin�es � la conftruction de nos temples , de nos
�difices publics & � la refidence des grands. Une
Architecture d�licate , enfin, eft encore celle qui
devant �tre vue de pr�s dans les dedans, ou a
un point de diftance peu �loign� dans; les de-
hors , doit avoir peu de relief, �tre prononc�e
avec go�t.,. & propre � recevoir des ornements/
m�plats, coulants, doux, fuaves , �l'ufage des bas
reliefs en marbre ou en bronze, aux frifes, aux
chapiteaux , ou toute autre production qui appar-
tient de droit � la Sculpture proprement dite,
mais dont la propri�t� eft d'embellir l'ordonnance
de nos b�timents; ce qui contribue fouvent �
f�conder l'Architecte , lorfqu'il veut peindre aux
yeux, f�lon les occafions quifepr�fentent � lui,
une d�coration ou champ�tre, ou na�ve > dont nous
allons traiter en particulier.
-ocr page 449-
d'Architecture;           417
Ce qu'on doit entendre par une Architeciur�
y
                .         Champ�tre.
Nous entendons par une Architecture cham-
p�tre , proprement dite, celle.qui paro�t relative
� Tutilit� de Γ Agriculture , par les diff�rentes
mati�res de fa conftru&ion , par la iimplicit� de
fon ordonnance, par fes ornements de Sculpture
fymboiif�s avec les attributs de Flore, de Po-
mone , ou des autres Divinit�s des for�ts & des
bois ; celle qui, riante dans fa d�coration, commo-
de dans 'fa diitribution, folide dans fa ilru�rure?
tient du genre pailoral, & qui mari�e fans affec-
tation avec les diff�rentes parties qui emheliii��nt
les jardins de propret� , pr�fente un afpe�t agr�a*
ble ou ruflique, f�lon l'objet particulier qui donne
lieu � ces diff�rents genres d'Archite�ure. Telles
font les retraites que les grands font �lever �
l'�cart dans leur maifon de plaifance, les Belve-
d�rs, les Kioiques & autres pareilles productions 9
qui pour la plupart confin�tes avec le blocage ?
la brique ou le cailloutage, s'allient par un cou-
traite heureux, avec la culture des arbres ,Teffe�
f�duifant des eaux, les all�gories du Dieu des
�ardins : celle qui ayant peu d'ouvertures , de
portes & d�. croif�es , annonce d�s les dehors
un azile int�rieur, recceuilii frais & tranquile*
entrem�l� de portiques naturels & artificiels,
ainii que fe remarquent les douze pavillons de
Marly , le petit Ch�teau de la M�nagerie � Ver^-
failles, le pavillon de l'Aurore � Sceaux, le petit
b�timent & les Jardins de Silvie [a) � Chantilly ;
(v) Nomp�� ainii � �aufe 4e i'Qifc <�«e Th�ophile γ βρ
-ocr page 450-
4�S                      C g � r s
celle enfin qui, toute compof�e de treillage &
de verdure, conferve n�anmoins dans fa forme
g�n�rale les proportions de l'Art, & pr�fente �
l'�uil des fpe&ateurs , cette vari�t� enchantereffe
qu'on voit r�pandue avec tant de choix & de go�t
dans les diff�rentes maifons de campagne des an-
virons de cette capitale, o� fouvent un genre
na�f, mais riant, annonce dans leur . composition
lin caradere auquel il ne manque peut-�tre qu'une
exprei�ion plus d�cid�e pour en faire autant de
chefs-d'�uvre ; mais peignons ici ce que nous en-
tendons par une Architecture na�ve.
Du caract�re na�f en Architecture.
Par une Archite&ure na�ve, on entend celle qui
par fon ordonnance, laiiTe voir une exprefl�on
vraie, naturelle, & fans autre pr�tention que celle
du genre qui lui eft propre ; celle qui ne tenant,
ru' de l'�cart de l'imagination de l'Artiile, ni de la
prodigalit� des ornements, pr�fente une iimplicit�
louable, qui pla�t � tous les yeux ; celle qui, belle
par la diilribution de fes membres, paro�t plus
belle encore , parce quelle fe fuffit � elle-m�me ,
& femble n'avoir befoin du fecours de la Sculpture
que pour en relever l'�clat ; celle qui, dans (es
all�gories , n'offre rien que de voil�, de d�cent,
m�me dans l'int�rieur des appartements ; car qu'on
y prenne garde, nous n'entendons pas parler ici
intitul�e la Mai/on de Sylvie , & dans laquelle il c�l�bra fous
ce nom , Madame la Dacheife de Montmorency , Marie F�lix
des Url�ns , en reconnoifianc-e de la retraite que cet �crivain
avoir, trouv�e � Chantilly aupr�s de M. le Duca de Montmo��
rciicy, apr�s l'Arr�t rendu contre lai, le '\$ Ao�t 1613.
»
-ocr page 451-
D'� 11 C H ΪΨ'% C't tJ ft E n 4tp
�lu��nlent de l'Architecture, qui n'a pour objet
que l'ordonnance des fa�ades, mais de toutes les
efpeces de d�corations confi�es aux foins de TAr-
chite&e , qui, comme tel , doit pr�fider � 1&
Sculpture > � la peinture, � la* cifelute * � la do*
rure, aux ameublements, & g�n�ralement � tout
ce que les Arts de go�t peuvent procurer d'em«
^ belliffements � nos demeures. Une Architecture
na�ve enfin , eft celle qui, fans confufion, plait
naturellement, parce que la raifon n'exige, ni plus
d'int�r�t, ni plus de richeffe dans fon ordonnance*
La d�coration d'une jolie maifon de campagne »
d*un petit Tri�non, d'une m�nagerie, d'une l�iteriet
d'une f�ifanderie, font autant de petits b�timents
particuliers o� l'exprefilon na�ve doit pr�fider
daris l'ext�rieur, dans l'int�rieur, dans la difpoi�-
tion ,' dans la i�t�ation, & dont les dehors fur-
tout doivent �tre puif�s dans le genre moyen ou
f�minin, & trait� d'unityle analogue � leurs ufages*
fans autre fecours que les r�gles de l'Art qu'il
Faut r�duire dans la plus grande fimplicit�.
Du genre, f�minin en ArchiteBure*.
On appelle une Architecture f�minine > celle dont
i'expreiiion eft puiiee dans les proportions de l'or-
dre Ionique ; exprefiion plus na�ve, plus douce,
moins robufte que celle de Tordre Dorique , & qui
pour cela doit �tre plac�e convenablement &
avec choix, dans la d�coration des �difices* Une
Architecture f�minine, prii� en mauvaife part, fe�*
roit celle qui au - lieu d'�tre virile , f�lon que le
genre de l'�difice femblerd�t l'exiger > prefenteroit
au contraire une ordre ionique , � la v�rit� , mais
bien moins convenable que le pr�c�dent, � caufe
�>dij
-ocr page 452-
410                        C O URS
de 1'ufage & de la deitination particuliere du b�-
timent. On appelleroit encore une Architecture
f�minine, priie en mauvaii� part, celle qui au-
lieu d'indiquer des corps re�i�ignes, parce que
le i�yle de i Architecture ieroit fohde , orfriroit des
avant-corps compof�s de parties rlnueufes ; celle
qui r�pandroit une incertitude dans les maiies ,
& dans les d�tails qu'on fe feroit propoi� d'admirer
dans l'�difice, & qui pour cet;e raifon doit �tre
rejet�e de tout monument Militaire, de tous les
�difices �lev�s � la gloire des H�ros, � la demeure
des Princes, &c. Mais elle peut �tre appliqu�e
convenablement � la d�coration ext�rieure d'une
jolie maifon de campagne, d'un petit Trianon;
dans l'int�rieur des appartements d'une Reine, d'une
Imp�ratrice, dans les bains , les fontaines & autres
�difices confacr�s aux Divinit�s Maritimes ou Ter-
jreftres, dont on auroit puiie la d�dicace dans l'Hit*
toire facr�e ou profane.
�'eft de cette application judicieufe des ordres,
que na�t le v�ritable caract�re de la bonne Archi-
tecluf e & des all�gories qui en font la fuite ; les
Pa�ens n'ont pas, ou ont tr�s-peu n�glig� dans leurs
monuments, cette convenance int�reiTante , d'o�
d�pend, quoi qu'on en dife, le fucc�s des produc-
tions d'un Architecte- Qu'on parcoure l'Hiftoire
des Grecs , comme nous l'avons d�j� rapport� ,
on verra qu'ils n� confacroient gu�re leur ordre
Dorique» qu'� Jupiter, � Mars, � Hercule; leur
ordre ionique, qu'� �ibele, � Junon, � Proferpine ;
l'ordre Corinthien, qu'� Vefta, �Flpre» � H�b�'-;
& que ii dans la fuite on a appliqu� ces trois �r->
dres, ainii que le T�fcan & le Compoiite, indi�
tir clement � toutes les efpe�es de b�timents, cette
inconf�quen�e a plus contribu� qu'on ne s'imagine,
-ocr page 453-
D'A k e Hit Eet υ r�.          4�i
� donnera l'Archite&ure de la monotonie dans l'or*
donnance j & tout eniemble de Vind�cifion dans lel
d�tails ; d�fauts qui nuif�nt au caract�re de chaque
b�timent » parce qu'alors on n'a imit� Qu'imparfai-
tement les chefs-d'�uvre des Grecs & des Romains,
fans fe rappeler que ces Peuples de Savants avoient
expreflement fait confvfter la beaut� de l'ordon-
nance de leurs �difices dans le ilyl�, l'expreffioi�
& la convenance que leur impofoient les dirT�-*
rents motifs qui leur faifoient mettre la main �
l'�uvre,
                   r
Pour arriver � de tels fucc�s, fious recomman-3
dons � nos Elev�s de remonter � la fource de l'Art,
& de ne jamais oublier que lorfque T�iprit de*
convenance leur aura fait faire choix d'un ordre
plut�t que d'un autre, toute l'ordonnance de1
leur d�coration doit y �tre conforme, fans en ex*
cept�r m�me les ornements ; qu'autrement leurs!
productions d�viendroient inf�rieures aux chefs-
d'�uvre de ces grands Ma�tres , & peut �trg
m�me fort au-deffous de celles des modernes, dont
les ouvrages d�j� moins parfaits que ceux d'A-
th�nes & de Rome, les conduiroient infenftblemeni:
� la m�diocrit�.
L'Architecture a fes myi�er�s comme l�s auf fei
Arts ; il faut y �tre initi� pour les connoitre, les
fuivre & les bien appliquer': tant�t il convient de
les voiler, tant�t il eft bon de les expofer au grand
jour ; mais pour ne pas confondre ce qu'on peut
fe permettre ou ce qu'on doit f� d�fendre abfo-
lument � cet �gard , tra�ons dans un article par^
ticulier ce.que nous entendons par les myftere�
de l'Art, ou plut�t par une Archite&ur� myft&^
�ieufe«
�> d 4
-ocr page 454-
> '41* ν. ' .- "; t* Co ν ft %
�% qttan dok wtendre par urn ArchittBum
myj��rieufi» ^
On pourrait appeler ainfi une Archite&ure om
Ton s'appercevroit que l'Architecte, loin de faire
parade & d'�taler aux yeux tout ce qu'il fait, de fon
Art, a p�n�tr� dans fes myfteres, pour ne mettre
en oeuvre que les r�gles, les plus approuv�es, ou
mafquer au contraire, lors de la conuruc�on de
fon �difice, une partie du fecret de la coupe des
pierres ;. celle o� l'on s'appercevroit que lorfqu'il
s'agifToit d'un �difice facr�, ou feulement d'une
Chapelle particuliere v il a fu m�nager � propos
les jours, & introduire fous le voile de la d�-
cence h de la retenue, les principaux myfteres
de la, religion ; celle o� dans l'Architecture Mili-
taire, il a uf� d'adreife pour mafquer aux enne-
mis la fituation des magafins � poudre, les pris-
C�pales iffues, les d�gagements, les ouvertures qui
auroient pu leur annoncer les endroits les plus
favorables pour attaquer un pofte , une redoute *
lin fort, &c. celle o� dans. Γ Architecture civile %
il a pris foin de placer � l'�cart & loin de la
fr�quentation des grands appartements, les bains,
& autres petites pi�ces deftin�es au fommeil, au
rec�uillement ; celle o� > dans la diftribution des
jardins de propret�, du parc % il a fu m�nager des
all�es couvertes qui conduifent � une petite habita-*
tion folitaire ^iffues�cart�es qui annoncent le �-
|ence& la difcr�tion. Enfin l'Architecture, eft myft�-
fieufe, quand l'Archite�e fait jeter un voile ing�-
nieux fur toutes les productions des Arts agr�ables &
4es Arts de go�t, qu'il appelle � lui pour la d�co-
Ιax�Qft de fes appartements, & deflein de ne pr�fet
-ocr page 455-
d'Architecture              42,3
ter aux yeux aucun objet qui tienne de la licence &
du d�r�glement des m�urs ; qu'en un mot, il pr�f�re
par-tout la iimplicit� � la prodigalit�, la grandeur �
la multiplicit� des d�tails,, rien n'�tant � v�ritable-
ment int�r-efTant que de montrer de la fermet�, de
la hardieffe, quelquefois m�me du terrible , f�lon
le genre de la d�coration & le motif qui d�termine
� tel ou tel genre de b�timent. Mais, pour pein-
dre � l'id�e ce que nous entendons par ces trois
diff�rentes exprei�ions * traitons dans trois arti^�
cl�s f�par�s ce que nous concevons par une
grande Architecture, par une Architecture hardie»
enfin, par ce que l'on doit concevoir par une Ar-
chitecture terrible*
Ce qu'on peut appeler une grande Arekite&ure*
Par une grande Architecture% on entend ordi-
nairement ceile qui comprend toute la hauteur
qu'on pouvoir, lui donner, relativement � celle de
l'�difice, il n'importe*de quel genre ; par exemple
dans le frontifpice d'un temple , en ne faifant
ufage que d'un feul ordre, comme � la nouvelle
Eglife de Sainte Genevi�ve \ dans un b�timent
d'habitation, en ne pla�ant auffi qu'un feul ordre
dans l� bel �tage, & convertiffant l'�tage � rez-de-
chauif�e en foubaffement, comme au p�riitile cH�
Louvre. On dit en g�n�ral qu'une Architecture^
eil grande , lorfqu on la compare avec une autre
de m�me genre,, mais dans laquelle on a pr�f�r�
la r�it�ration des ordres �lev�s les uns au-d�flus
UQS autres ( x), au lieu d'un feul qui auroit grasdi.
(*). On pourra dire: L'Architecture dap&ifti�e� an Lom&& χ
Dam
-ocr page 456-
4H                      C��H
fon ordonnance, par la fuppreffion' de plusieurs
entablements & de leurs acceflbires. On �� trompe
fouvent loriqu'on croit avoir fait une grande Ar*
chitecture, parce qu'on y a obferv� de grandes
tnaues, mais qui fe trouvent divif�es dans leurs
hauteurs par plufieurs petits ordres , & qu'on a
■�ui�i divii� mconiid�rement leur largeur par une
; trop grande quantit� de rei�auts. Le portail de S.
Gervais, annonce fans doute un grand �difice, mais
il ne pr�fente qu'une moyenne Archite&ure* L'Ar-
chite&ure & les mafTes du portail des Minimes
offrent plus d'unit� ; au contraire, la maife g�n�-
rale du b�timent de l'H�tel de Tingry, du c�t�
de la cour , paro�t naine ; parce que (es ordres
d'Archite�ure font peut-�tre trop coloiTaux. Sa-
voir montrer de la grandeur dans fes compo-
ikion, fans les rendre gigantefques , �fl le com-
ble de la perfection. Le monument de la porte
triomphale de S* Denis, � Paris, eil peut-�tre le
t�moignage le plus frappant de la beaut� r�elle
que peut produire ce que nous appelons ici une
grande Architecture.
Ce que c'efl qu'une ArchiteUufe hardie.
-, ' ■]. : : -' J , ' - "■ ''                             ' ■ ■' �.. ■ 1'Λ '" ■ *
On fe iert.du terme de hardie en Architecture,
lorfqu'il s'agit de parler de la d�coration des fa-
�ades d'un b�timent �lev� fur les def��ns d'un
grand Ma�tre, o� l'on ne remarqu� rien de com-
mun, ni petitemaniere, ni imitation fervile ; o�
tout paro�t trac� par un g�nie heureux ; o�
tft glande j celle de l'int�rieur de la Cour du m�me Palais eft
petite : ces deux Architectures ne fe d�truifent-«lief pas l'une
l'autre en les comparant enfembie i
-ocr page 457-
t>* Architecture.           42.5
■tout annonce de grands traits , un caract�re de
fublimit� qui frappe Fam� & la porte � la plus
grande admiration. On dit : La fa�ade du p�riftiie
du Louvre eft conitmite d'une grande maniere,
d'une maniere hardie, en confid�rant la maniere
ing�nieufe de fa ilrutlure. On dit encore de l'O-
rangerie de Verfailles, que ce monument eft d'une ,
ex�cution hardie, principalement lorfqu'on veut
parler de Fimmenfit� de fon entreprife, fans avoir
�gard � la beaut� de fon ordonnance, � fa fitua-
tion & � fa difpofition.
Hardie fe dit auffi d'une Architecture qui, par
rapport � fa ilrutlure, loin de cacher le myftere
de l'Art, annonce au contraire toutes les reffour-
ces que peut procurer dans la conftruttion la
connoiflance de la coupe des pierres ,� & Π11-
duftrie d'un appareil r�fl�chi. Une conitrutYion
hardie eil encore celle qui, par rapport � l'�co-
nomie de la mati�re, paroit �l�gante dans {qs
points d'appuis, fvelte dans la courbure de fes
vo�tes , & l�gere dans la proportion de fon or-
donnance. N�anmoins il faut favoir ne pas abu«
fer de la hardieife d� l'Art jufqu'� la t�m�rit�;
fouvent elle �tonne plus qu'elle ne fatisfait : parti-
culi�rement les vo�tes des rampes de nos efcaliers,
celles de nos Eglifes, de nos �difices publics,
les plates-bandes de nos entrecolonnements ne
doivent offrir qu'une hardieife raifonnable. Pour
y parvenir , il faut n�ceifairement, aux r�gles
du calcul, aux loix de la pefanteur , annoncer
vifiblement le foin qu'on a pris d'aflbrtir la r�fif-
tance des pieds-droits � la pouff�e des vo�tes j
en forte qu'� la folidit� r�elle on reconnoiife une
, folidit� apparente qui tranquilife le vulgaire, &
rende n�anmoins raifon aux GonnoifTeurs de la
capacit� & de l'exp�rience de l'Archite&e.
-ocr page 458-
4*6                      Cours
■�� ψ�οη doit entendra par une Architecture
terrible.
On peut entendre par une Archite&ure terrible*
celle dont l'expreilion forte , femble annoncer par
ibn ordonnance ext�rieure, la furet� des dedans
�e l'�difice.» parce qu'elle offre, � fon premier
�fpect, une folidit� r�elle & apparente, non-feu-
�ement par la fermet� de fes membres, mais encore
par le choix des mati�res qu'on y a employ�es;
celle qui par de grandes faillies & de profonds
enfoncements donne � conno�tre dans les b�ti-
ments militaires , les pr�cautions que l'ing�nieur
a prifes pour faire �chouer la t�m�rit� de l'Enne-
mi; celle qui, entour�e de barrions, de tours
& de foiT�s efcarp�s, laifTe voir � peine dans fes
i��ades de petites ouvertures, mais de hautes &
�paiifes murailles, rev�tues de membres d'Archi-
tecture, portant de grandes ombres & trait�es
avec fiert� ; celle qui, plus pefante, plus ra-
courcie encore que la proportion Tofcane, parok
plus propre dans nos d�corations th��trales , �
peindre � l'id�e le f�/our du Tartare , qu'� �tre
mife en ex�cution ■', ii ce nTeir pour l'ufage des
frontifpices des Maifons de Force, des Prifons,
des Cachots, o� une Architecture terrible contri-
bue, en quelque forte, � annoncer d�s les dehors,
le d�fordre de la vie des hommes d�tenus dans
l'int�rieur, & tout enfemble la f�rocit� n�ceffaire
� ceux pr�pof�s pour les tenir aux fers. Ai*
refte, il ne faut pas abufer du caracfere terrible
dont nous parlons : pris en bonne part , ce
caract�re produit aiTez fouvent une exprei�ior*
convenable ; mais lorfqu'il paro�t contraire am
-ocr page 459-
d'Architecture.           417
genre de l'�difice , il ne pr�fente plus qu'une Ar-
chitecture rebutante , que des corps ridiculement
lourds, pefants, qui ne laiflent voir que des parties
mal afforties , un genre foldatefque, une pefan-
teur gigantefque ; enfin un ftyle o� les principes
de l'art femblent �tre an�antis fous le poids de
l'ignorance de l'Artifte , pendant qu'on s'attendoit
� remarquer un caract�re grave, r�gulier, iimple ,
h�ro�que, plus capable d'annoncer l'importance du
monument, que fa vafte �tendue ou fon inutilit�.
Apr�s avoir parl� de la maniere de reconno�tre
les vraies beaut�s de l'Art, pai�bns � pr�fent aux
moyens de d�m�ler les licences employ�es dans
quelques-uns de nos b�timents par les Artiftes
fubalternes.
Ce que cyefl qu'une Architecture naine.
�n entend ordinairement par une Archite-
cture naine, celle qui , beaucoup trop petite ,
relativement � la grandeur de l'�difice, pr�fente,
plut�t le modele d'un b�timent, que fon ex�cu-
tion r�elle ; celle dont l'Architecture ne pouvant
�tre d'un plus grand module, � caufe de la d�fti-
nation du b�timent , auroit d� �tre fans ordres
dans fes fa�ades ».ceux-ci offrant toujours en petit
ce qui ne devroit jamais �tre employ� qu'en
grand, dans les temples, les �difices publics, les
palais, les grands h�tels, &c. Croira-t-�n toujours
produire de pr�tendus chefs - d'�uvre , parce
qu'on fauta employer plufieurs colonnes & placer
quelques pilaftres dans fes compofitions ? Le p�rit
ordre de la porte de la Chambre des Comptes,
celui de l'H�tel de Bouillon , *pr�fentent autant
d'Architectures naines h eu �gard aux motifs qui
-ocr page 460-
4^                       Cours
ont fait �lever ces �difices. Ne concevra * t - on
jamais que l'�tude que nous .recommandons des
ordres d'Archite&ure , a moins pour objet d'en
xonfeiller l'application dans nos b�timents d'habi-
tation , que d'apprendre � puifer les proportions
de l'Art dans leurs fources ? Croira-t-on toujours
qu'ils peuvent feuls produire de vraies beaut�s
dans nos fa�ades ? Ceux qu'on y fait entrer font
d'ailleurs pour la plupart ii .n�glig�s dans l'ex�-
cution , qu'ils rebutent plut�t qu'ils ne fe font
admirer.
                                        , *
: Nous pouvons le remarquer ici, les ordres du
portail de Saint-Gervais , ceux du portail du Val-
de-Gr�ce font dans ce cas. L'ordre Corinthien de
la Chapelle de Verfailles, & celui du p�riitile du
Louvre, font � la v�rit� d'une aiTez belle ex�cu-
tion; mais nous fommes oblig�s de convenir que
les feuls chefs d'ceuvre, en ce genre , font ies
colonnes Ioniques d'un des pavillons des Tuile-
Hes du c�t� du jardin; celles des trois ordres du
Ch�teau de Maifons , & l'ordre pilaitre Corin-
.thien de l'int�rieur du Val-de-Gr�ce. C'eft donc
aux pieds de ces feuls chefs-d'�uvre , qu'on peut
apprendre chez nous � conn��tre tout ce que
nous devons aux. d�couvertes des Gxecs , per-
fectionn�es chez les Romains', concernant les
ordres d'Architecture. Ceft en�n d'apr�s ces beau-
t�s du premier m�rite, qu'on peut perfection-
ner la partie de la d�coration de nos b�timents ,
quoiqu'on η ait pas toujours occafion d'y employer
ces m�mes ordres , leurs diff�rentes exprei��ons
fuffifant fouvent feules , fans avoir recours � la
prodigalit� des ornements ni � la frivolit� des d�-
tails dont nous allons faire fentir l'abus dans Tar>
jticle iuivant.
-ocr page 461-
�' Architect ure.            429
Ce que c'efl qu'une Architezlure frivoL�
Sous le nom d'Architecture frivole, on entend
celle qui eil tant�t chim�rique , fans autre r�ifon
que l'incapacit� de i'�rtifte y tant�t plus chim�ri-
que encore ? parce qu'elle ne laiif� voir dans �es
parties, ni liailon , ni commencement, ni fin ; telle
�-peu-pr�s qu'on a vu plu�eurs ann�es celle de
nos d�corations int�rieures , o� la frivolit� de la
fculpture & le chantournement de l'Architecliire
ne pr�fentoient que des compofitions fingulieres 9
hafard�es , & jamais des beaut�s d'enfemble qui
puiffent fatisfaire i'ceuil des hommes de go�t ; &
telle qu'on voit encore aujourd'hui, quoique dans
un autre genre � la v�rit� , celle compof�e par
quelques jeunes Artiiies, qui, faute d'une certaine
exp�rience % & pour n'avoir puif� dans leurs voya*,
ges d'Italie que les �carts du Boromini, viennent
� leur retour en France 9 �lever � Paris des b�-
timents qui, pour n'�tre pas d'une ordonnance;
auffi frivole que les pr�c�dents, ne font pas moins
des exemples, qui infen�blement portent atteinte
aux r�gles de la v�ritable Architecture : inconf�-
quence > incertitude , irr�fplution � laquelle FAr-
�hiteclure ne devrpit jamais �tre fujette, & que
les grands Ma�tres ont iu �viter avec foin dans
leurs productions. Le pr�jug� , renthoufiafme, une
mode paffagere ne devroient jamais d�terminer le
$yle de l'ordonnance ext�rieure des �difices d'im-
portance. Ces �difices devant �tre d�ftin�s un jour �
annoncer � lapoflirit� les chefs-d'�uvre d'un iiecle
^claire , la gloire de la Nation �. le favoir pro-
fond des Archit�cles qui fleurirent dans cette Ca*
pitale, exigent un tout autre faire (jue la d��oratipa
-ocr page 462-
43$ : m.� .Co � a s
int�rieure d�s appartements ; celle-ci peut �tre tr�l*
t�e avec moins de f�v�rit� que celle des dehors ,
mais pour cela elle ne doit jamais �tre, ni m�diocre,
ni frivole ; l'art doit confifter � placer ing�nieu-
fement certains contraires, fans interrompre les
Haifons, qui feules peuvent mettre d'accord les
parties avec le tout ; trop de retenue, trop de
pefanteur dans les corps re&ilignes , d�truifent
�buvent l'agr�ment qu'on y doit rencontrer ; il faut
y apporter une vari�t� raifonnable : certaine*
ment la d�coration d'un appartement de parade »
d'un appartement de foci�t� , d'un appartement
priv� , doivent s'annoncer diff�remment ; les uns
doivent �tre graves» ceux-ci avoir de l'�l�gance,
ceux-l� de la fimplicit�. Un �cart heureux dans
cette partie de la d�coration , peut quelquefois fe
Cafarder � mais il n'en faut jamais �bufer dans les
premiers : autant qu'il eft poi�ible , il faut y
montrer de la magnificence fans faite , dans les
autres du g�nie fans enthouiiafme, de la retenue
fans froideur..;= mais par-tout annoncer le fruit
d'une �tude r�fl�chie, & non celui d'un travail
pr�cipit� ; en un mot, il faut ne s*y I permettre
quelques libert�s, que pour parvenir � une diver-
iit� imt�reffante dans les formes; encore eil - il
bon d'avoir �gard au fexe, aux m�urs , � la di-
gnit� des propri�taires, fans quoi on s'�loigne
prefque toujours de Tefprit de convenance, on
ne produit que des licences, ou, ce qui eft pire
encore, ce genre frivole que nous condamnons
& que nous ne devons regarder que comme
une iingularit� , une bizarrerie, permife tout au
plus dans les ameublements, les porcelaines', les
bronzes, &g.
-ocr page 463-
D * A R C fi Ι Τ � C ? U R E.            43*
Ce que c'efl qu'une Architecture Ucen�eu�.
Nous venons de condamner la frivolit� dans
Γ Architeaure ; l'Architedure licencieuie m�rite
le m�me fort. On appelle ainfi une production,
lorfqu'on s'apper�oit qu'au m�pris de l'Art un
jeune Artifte n'imite dans fes comportions que
les �carts des Architedes fubalternes f parce que
les abus lui paroii�ent plus faciles � faifir « que
les vraies beaut�s de l'Architedure ; qu'il faut
une �tude laborieufe, une excellente judiciaire,
pour fuivre, pour conno�tre l'excellent, le fubli-
me , & qu'il eft plus aif�, dans {es premiers e�ais ,
d'appliquer indiftindement tout ce qu'on a vu ,
tout ce qu'on a remarqu� : d'oii il refaite prefque
toujours des projets mal con�us, fans afforri-
ments , & qui s'�loignent de la v�ritable per-
fedion, les licences �tant toujours des licences.
Il eft vrai que celles qu'un Artifte �clair� emploie
par n�ceflit� font toute autre choie : qu'on les
examine de pr�s , on s'apper�oit prefque tou-
jours quelles �manent du fond propre de l'Art;
qu'il ne les a employ�es que comme acceftoires ,
pour procurer plus de beaut� aux mafles de fon
�difice , de commodit� aux dedans de fon b�ti-
ment; ou-pour des raifons effencielles defolidit�
qui �chappent prefque toujours dans un examen
pr�cipit� ; qu'enfin par-tout il prouve qu'il a fu
racheter les licences qu'il a mifes en oeuvre, t>ar
des beaut�s fans nombre , qui annoncent fon in-
telligence , fa fagacit�& fon exp�rience. Hardouin
Manfard, quenous avons d�j� cit� avec �loge, mais
qu'il ne faut pas toujours fuivre , eft peut-�tre celui
de nos Architedes Fran�ois, qui a mis le plus de
-ocr page 464-
432.                      Cours
licences en �uvre ; mais auffi eil-il celui qui a
montr� le plus de g�nie dans les productions
de notre Art, pendant que la plupart de fes
imitateurs, au - lieu de ces licences permifes en
Certaines occaiions , ne nous ont" montr� que
des comppiitions difTernblabies dont nous allons
parler.
'Ce que c'efl qu'une Architecture diffemhlabh.
1 On appelle une Archire&ure diiTemblable, celle
qui manquant d'une fym�trie n�ceffaire dans
parties oppof�es, ne montre qu'une irr�gularit�
mal entendue, au lieu d'une correfpondance que
le genre de l'�difice fembloit exiger ; celle o� Tort
remarque un cara�ere particulier dans le princi-
pal corps de logis, un autre dans les a�les du
m�me b�timent; ou , ce qui eil pire encore,
entre Tavant-corps , les arrieres-corps^ & les pa-
villons d'une fa�ade, quoique tous �galement cou-
ronn�s par un m�me entablement, par une m�*
me b�luitrade , & par une m�me continuit� de
combles. Une Architecture diiTemblable eft encore
celle o�, fans aucune ex�ufe l�gitime, on n*a pas
cherch� � �viter d'allier enfemble le gothique,
l'ancien & le moderne. Nous diions, fans excufe
l�gitime; car il peut arriver, lorfqu'il:s'agit d'une
reftauration o� l'on Te trouv� forc� d'allier un
nouveau genre avec Tancien, que cette difparit�
devienne tol�rable. Nos plus grands Ma�tres peu-
vent nous fervir d'autorit� � cet �gard: Fran�ois
Manfard & Fran�ois Blondel, par exemple, en ont
uf�ainii,Tun � l'H�tel de Carnavalet, l'autre � la
porte S. Antoine ; mais au moins faut-il favoir
qu'une pareille diffemblance ne peut jamais �tre
regard�e
-ocr page 465-
��gard�e comme un objet d'imitation , quoique ie
motif qui a d�termin� cette difparit� dans les reitau-
rations de ces deux �difi�es, raffe beaucoup d'hon-
neur aux Architectes qui les ont reftaur�s. Une '■
Architecture diiTemblable eft encore celle o�.
regne dans les membres & dans les ornements une
diipant� frappante entre la Sculpture & l'Archi-
tecture {y ) , ou entre le ityle grave de l'une & le
genre frivole de l'autre ; diffonance qui n'eil jamais
permife dans aucune efpece dOrdpnnance ext�«?
rieure, mais feulement dans les d�corations arabef-
ques , deitm�es � embellir les lambris de certaines
pi�ces particuli�res. On voit de ces arabefques au
Ch�teau de la M�nagerie � Veriaiiies ; elles y font
plus convenablement plac�es, fans doute, que dans
les plafonds des grands appartements de Meudon
& dans la plupart de nos nouveaux H�tels �lev�s
� Paris depuis quelques ann�es, o� l'on a n�glig� le
choix des moulures & des ornements, qui alors ne
produifent plus que des comportions de fantaiiie.
Ce n'eil pas aifez de fe tranfporter fur les
lieux, ce n'eit pas aiTez de vifiter la demeure uqs
grands: il faut r�fl�chir fur l'ordonnance des fa-
�ades, il en faut parcourir les dedans , reparler
'dans les dehors, fe rappeler le motif qui les a
fait �lever, envifager de quelle efpece elt l'�dn
fice,le genre d'appartement, par qui il doit �tre
habit�. On croit tout fa voir parce qu'on a par-
couru & qu'on a apper�u � la h�te l'ext�rieur
& l'int�rieur de la plupart de nos b�timents ;
cependant � peine les conno�t-on par leur nom ^
(y) La Fontaine de Grenelle, le Palais du Luxembourg ,
le Portail des Eglifes de Saint-Gervais & des Feuillan� font
peut-�tre dans ce cas.
Tome /.                                   E e
/ ■
-ocr page 466-
434                      Cours
on ie diflimule le vrai motif qui les a fait �lever �
& faute d'un examen r�it�r�, on ignore le bon
effet que doit produire leur imitation ; on ignore
enfin ce que peut faire na�tre l'efprit de conve-
nance , la belle fimplicit�, la r�gularit� & la fy-
m�trie. La plupart de nos jeunes Artiftes hazar-
dent fo.uvent dans leurs eftais un m�lange mal
ai�brti, qui bleffe plut�t les yeux qu'il ne les fa-
tisfait ; ils oublient de fe dire ce que Socrate
r�p�toit fouvent ; Ce que je fais , cefi que je ne fais
rien ; cependant � entendre le plus grand nombre,
ils favent tout, except� ce que Socrate favoit ;
ils fe croient la fcience infufe, & confondent l'en-
thoufiafme avec ce qu'on appelle le v�ritable ef-
prit de Fart, fans r�fl�chir que la plupart de leurs
compofitions ne f�nt que le r�fultat des penf�es
d'autrui, & que le vrai favoir confl�e dans un
encha�nement infini d'id�es neuves ; qu'en un mot,
c'e� la fcience qui conduit � l'imitation & que
l'efprit fe�l cr�e & invente. Fran�ois Manfard �toit
fans doute plus favant que Hardouin ; mais
celui-ci a peut-�tre mis infiniment plus de g�nie
dans (es produirions : d'o� il faut conclure qu'�
l'�tude de l'art, il faut joindre le g�nie, le go�t
de la choie; autrement on n'orTriroit que des com-
pofitions f�veres, � la v�rit�, mais froides , ou
des d�corations amphibologiques, vagues ou bar-
bares : nous allons parler en particulier de chacune
de ces derni�res.
Ce que c'efl, qu'une Architecture amphihologiquCi
On appelle amphibologique, une ordonnance
dans laquelle on remarque f�parement la compo-
fition de l'Architecle d'avec l'ouvrage du Sculpteur,
-ocr page 467-
%
�T'�ItCH� TECTUftE.            4|f
du M�miiiier, du Marbrier, du Fondeur, faute d'a-
voir �t� conduite par le m�me efprit ; celle qui laiiTe,
par fon caraclere �quivoque, douter fi F�difice eu:
facr�, public ou particulier; ii c'eft un Ch�teau,
une maifon de plaifance , un H�tel ou quelques-
unes de leurs d�pendances (?), parce que tous les
genres y font confondus fans choix, fans difcr�tion,
fans convenance : celle que d�faprouve l'Amateur
�clair� & qui induit en erreur l'�lev� ; en vain celui-
ci cherche-t-il � fe rendre compte des intentions de
l'Architecte ; il ne trouve rien dans fes �uvres qui
puiife le guider ni lui offrir aucune autorit� capable
de FarTermir dans les pr�ceptes de l'Art. Une
Architecture amphibologique eil eneore celle dont
le ftyle eft douteux, les fymboles obfcurs , ou celle
dont l'Auteur, par une trop grande abondance d'i-
d�es , & ne f�chant s'arr�ter � aucune, fe con-
tente de tracer avec trop de c�l�rit� les pen-
��es dans le cabinet, pour parler rapidement �
l'ex�cution, fans avoir muri fes id�es, m�dit� fon
projet, & l'avoir communiqu� � des yeux intel-
ligents ; enfin fans l'avoir laiff� repofer dans (on
porte - feuille & l'en avoir retir� � plus d'une
reprife pour en retrancher les fuperfluit�s, les
parties vagues , &c.
Ce qu'on entend par une ArchiteBure vague.
On donne le nom de vague, � l'ordonnance
d'une d�coration, lorfque dans fes maries l'Auteur
( %)■ La d�coration ext�rieure des Ecuries du Ch�teau de
Mai ions a �-peu-pr�s cet inconv�nient, parce qu'ayant �t�
faite pour� figurer un jour avec celle de la Chapelle qui
d�voie �tre situ�e en face de ce b�timent, Fran�ois Ma.nfard
a cru qu'il falloit donner une parfaite fym�trie � ces deux
diff�rents genres d'�difice.
                        _ f<
-ocr page 468-
4$6 '              Co ν R s
a laiff� � denrer une certaine quantit� de mem-
bres que le choix de cette ordonnance fembloit
exiger, ou celle qui, fans n�cei�it� , offre des
nus, des rep©s trop confid�rables, d�mentis par
le caract�re de l'�difice ; celle qui dans fes d�tails
paroiiTant ind�cife, n'offre rien qui puiife d�dom-
mager de cette md�ciiion, parce qu'on ne remar-
que ni dans la compofition des fa�ades du b�timent,
ni dans la d�coration int�rieure des appartements,
rien qui annonce dans l'Architecte les premiers
�l�ments de l'Art, quoiqu'il ait cru produire un
chef-d'�uvre , pour avoir fuivi Vignole : il ne s'eft
point dout� qu'il ne fuffit pas de ces connoif-
fances pr�liminaires, & que faute d'en avoir faifi
hs pr�ceptes, il n'en eft encore qu'� la routine de
l'Art ; routine qui, fans s'en appercevoir, lui fait
employer indiftin&ement, & dans tous fes projets,
de petits ordres couronn�s par des corniches ar6-
chhrav�es, & �lev�s fur des p��deitaux trop con-
fid�rables ; enfin des ouvertures d'une proportion
vicieufe, trop iimple ou trop compof�e, d'une mau-
vaife forme ; des trumeaux fans relation avec
les vides ; de petites niches , de grandes baluf-
trades; en un mot, une production qui n'offre
qu'un affemblage inconf�quent & barbare.
Ce qu'on entend par-une Architecture Barhare»
On dit ; Cette Archite&ure eil d'un ftyle
barbare , lorfque dans fes divifions on remarque
des parties mal afforties, qui paroiifent �trang�res
au cara&�re de l'�difice ; on donne encore ce nom
� celle o� au lieu d'une ordonnance puif�e dans
les belles productions de l'antiquit�, on apper-
�oit que J'Autour a pr�f�r� les ordonnances mifes
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'■Φ :                                                                                                                                                                       "
d'Archite ct ν R ε. 437
en �uvre par les Gots ; ou au - lieu des orne*
ments employ�s fi judicieufement par les Grecs,
il a fait choix de ceux de l'Italie, du.temps de la
d�cadence de cet Empire, ou des n�tres, avant/
le regne de Fran�ois premier : celle qui n'oiFrant
que des profils licencieux, ne pr�fertte que des '
entablements , d�s architraves, des archivoltes ,
& des chambranles mutil�s, tronqu�s, fans rap-
port dans les maf�es, fans proportion dans leurs
partie, & fans choix dans leurs ornements', en un
mot, abfolument contraires au go�t de l'Art: celle
enfin o� Le jeune Artifte, par un fol orguei�l,
pr�f�re, au vrai beau une fmgularit� pr�fomptueufe,
            j
iingularit� dont on ne peut deviner ni la raifon, ni
le motif, parce qu'elle n'annonce dans ces produc-
tions ni cette judiciaire, ni ce fentiment naturel
que l'�tude peut perfectionner, & qui feul peut
faire �viter tous les diff�rents genres d'abus.
De �abus en Architecture.
En Archite&ure les licences peuvent quelque-
fois �tre regard�es comme des reffources ; les abus
dont nous voulons parler ne peuvent jamais �tre
envifag�s que comme les m�diocrit�s de l'Art. Par
exemple l'ordonnance d'une d�coration r�elle ou
fa&ice eil appel�e telle, quand on veut exprimer'
l'abus qu'en a fait l'Architecte, parce qu'il en igno~
roit les r�gles, ou parce qu'il le croyoit au-def�us
des pr�ceptes. Tous les jours on dit, Cette com-
pofition eft abufive, lorfquon remarque que l'Au-
teur a fait un ufage immod�r� de l'application de
certains membres d'�rchke&ure & de pluiieurs
genres d'ornements, dans un b�timent qui par
�conomie & par l'abfence de$ ordres, devoit �tre
�euj
-ocr page 470-
43$                       Cours
fimp�e; ou qu'au contraire il a afTe&� trop da
Simplicit� dans Un �difice d� quelque importance ,
dans la d�coration duquel les ordres auroient pu
ta�fonnablement entrer pour en embellir l'ordon-
nance , & lui donner un air de dignit� ; lorfquon
s'apper�oit que dans fes plans , il a mal-�-propos
aifoci� les formes circulaires avec les rectangu-
laires } o� un ityle tout-�-fait grave auroit d� �tre
pr�f�r�, � caufe de l'efpece du monument ; quand
on remarque que fans aucun motif effenciel il a fait
p�n�trer les corps les uns dans les autres , qu'il a
mutil� ceux-ci, engag� ceux-l�, & n�glig� les cor-
rcipondances n�ceffaires � obferver entre la partie
du milieu de l'�difice, fes extr�mit�s & fes parties
interm�diaires ; quand enfin, faute de go�t, de
jugement & d'exp�rience, il ne laifTe apercevoir
dans fes productions qu'un affemblage bizarre qui
ne pr�fente � fes contemporains que l'imitation
d'une mode pafTagere, & � la polt�rit� que des
exemples � �viter.
                                            -
De la mode en Architecture.
La mode en Architecture eft ordinairement con-
{�d�r�e par les grands Ma�tres comme la fource
de toutes les viciiTitudes de Γ Art ; c'eft elle qui
tour-�-tour pefante, frivole ou d�licate, fe plie �
l'opinion de l'Aniite ■& au go�t fouvent niai af-
fur� du propri�taire ; C$}ft elle qui ne montre rien
de confiant dans fes regies ^ de certain dans fes
formes, ni de v�ritablement int�reflant dans fes
d�tails ; T�rchiteihire. qui lui eft foumif� n'efl que
trop ordinairement d�pourvue de la vraiiTembtance
qui lui eft n�cefTaire, & ne laifTe � l'efprit de l'exa-
minateur qu'une id�e vague des beaut�s de l'arc
-ocr page 471-
�'AitCH� �ECTUii�.           439
qu'il voudroit admirer, pendant quil ne peut tout
au plus que fourire de la singularit� du g�nie de
■TArtiiie, parce qu'il ne remarque dans fes produc-
tions que des objets futiles, dignes � peine du
Th��tre. Une Architecture � la mode, eft encore
celle qui d'apr�s l'exemple de la multitude, eil au-
jourd'hui mai�ive fans motif, demain l�gere fans
objet, grave fans n�ceffit�, fimple fans conve-
nance , mais feulement parce que e'eft. le ton tlit
jour, & fans autre raifon d�termin�e de la part
de l'ordonnateur que fes caprices ou fes doutes
fur les r�gles de l'Art. Nous le prouverons ail-
leurs, la mode eil le tyran du go�t, & ne peut �tre
que le partage des Artiftes fubaltemes ; mais mal-
lieureufement ce font ceux -ci qui fe trouvant en
plus grand nombre, contribuent par leur exemple
� d�truire, ou au moins � �loigner nos jeunes
Elev�s d� l'imitation des chefs-d'�uvre des anciens ,
de ce qu'ont produit de plus excellent nos mo-
dernes, & de ce que produifent encore de nos
joitrs nos plus habiles Architedes. Ces Artiftes
peu inftruits, manquant du g�nie propre de l'Art,
aiTerviftent leurs productions aux productions d'au-
trui, & ne nous pr�fentent que des compositions
froides & ft�riles : autant d'imperfe&ions dont nous,
allons parler.
� *                                                                                                                                        *
, Ce que c'e� qu'une Architecture qui e�a�lrvic^
qui eft froide ou flifile.
Une Architecture afTervie , eft celle o� l'on
remarque que l'Artifte qui Fa produite ,. pf�cif�-
ment af�ujetti aux proc�d�s des anciens,' femble
ignorer les d�couvertes ing�nieufes des mpder-
nes ; celle o� l'on reconna�t que pour r�unir la
E e iv
e
-ocr page 472-
440 o.                C� υ R s * { -
d�coration ext�rieure de fes fa�ades � la r�gu-
lante^ des dedans, il n'a fu faire aucun facnnce;
que fuite de conno�tre les reilburces de fon Art,
tout le g�ne, tout lembarraffe ; que dans fa d�-
coration il n'a fu parvenir � ajuiter une ouver-
ture de proportion Dorique ou Corinthienne,
en alt�rant un peu les principales dimenfions,
pour les ajuder avec les entrecolonnements fix�s
par le v�ritable ftyle de l'ordonnance : celle oit
Aon sapper�oit qu'initruit des pr�ceptes de fon
A« , il n'en favoit pas affez n�anmoins pour les
concilier avec le go�t & la diverfit� des moyens
quon peut employer l�gitimement dans les diff�-
rentes
produ�ions du reiTort de rArchite�ure.
,Li* fervitude dont nous venons de parler jet�
neceffairetnent une certaine froideur dans les pro-
ductions de fArdite : (es comportions font quel-
quefois r�guli�res , mais prefque toujours mono-
tones; on ne peut les d�faprouver abfoiument;
mais elles manquent eiienciellement de l'art de
plaire. N�anmoins une Architecture aiiervie peut
iatisiaire le ConnoiiTeur par les r�gles qui s'y
trouvent obferv�es ; mais une compofition froide
proprement dite, d�pla�t � tous les yeux; c'eft
ceiemble celle qui g�n�ralement a trop peu de
relief, relativement � retendue du b�timent & �
lexpreffion de l'ordre qui pr�fide dans fa d�co-
.. ration ; celle o� l'on a introduit des pilaitres,
lorique la, grandeur de l'�difice & le point de
dntance d'o� il devoit �tre apper�u, fembloit
exiger 1 application des colonnes (a); celle dans
-�) La nouvelle fa�ade du Louvre, du c�t� de la rivi�re
elr peut ecre clans ce cas, fur tout lorfqu'on la compare,
vue iur 1 angle , avec le p<lriilile de «e m�me Palais.
         :
\
-ocr page 473-
\] d'Architecture.            441
laquelle on a affe&� des repos δε des nus d�-
plac�s ; celle qui, par fon afpeft, ne pr�fente
rien de fatisfaifant, lorfqu'on avoit lieu de s'at *
tendre � rencontrer une d�coration int�reffante,
un certain mouvement dans la diftribution ext�-
rieure, une mati�re traitable dans la conftru&ion ,
& dans la main d'�uvre un faire , une touche
incertaine, analogue au genre de l'�difice.
Une Architecture froide ( b ) peut cependant
�tre r�guli�re; une Architecture ft�rile, au con-
traire , nous paro�t tout-�-fait � rejeter : ce feroit
par exemple celle qui, pauvre dans fa compo-
lition, n'orFriroit qu'une r�partition ind�termin�e
& mal entendue dans fes d�tails & dans fes orne-
ments , noy�s pour ainii dire & �pars dans des
mai�es trop coniid�rables ; cel�e qui d�nu�e de
vraii�emblance ne montreroit pas aiTez de mou-
vement dans l'�tendue de fes fa�ades, pour an-
noncer, au premier afpeit, un Palais, une Mai-
fon Royale, une belle Maifon de Plaifance, &c.
celle enfin qui ind�cife dans fes retours, dans (es
angles, dans fes profils , prouverait l'inexp�rien-
ce de �Architeae, & qu'il manque de ce fenti-
tnent d�licat qui d�termine le fucc�s des grands
Ma�tres, pendant que les autres , incertains fur
la route qu'ils doivent tenir , prennent les parties
IhTes pour des repos, les difparit�s pour des op-
poiitions , &les alt�rations pour de la fimplicit�.
�ppw.hm 1M1J ■ ■tu, 1 ii m »JM^�1�mmmmw�mmm ι m m ■ ι■■!■■■■■......tun ■« 11�1 ��■»w�■■��m
(/�) Le portail de TEglife des Petits-Peres, celui des Bar-
nabites, la maifon de .M. Croifat, rue de Richelieu , le Ch�-
teau de Montmorency , font dans ce cas , quoiqu'on y re-
marqua une certaine f�v�rit�* qui int�refTe,
*
-ocr page 474-
441                      Co Urs
Ce que �gnifie l'alt�ration en Architecture.
On dit : Cette Architecture paro�t alt�r�e s lorf
qu'on s'apper�oit de quelques mutilations eifen-
cielles dans fes parties, qui ne fembie �tre auto-
rif�e par aucune excufe l�gitime. Ce n'eil pas
qu'on ne puiife fupprimer quelques membres
dans une corniche � deiTein de la rendre plus
iimple , ou pour donner moins de hauteur � un
entablement ; mais fans n�ceffit� engager une
colonne , faire p�n�trer fes chapiteaux , arafer un
impofte, convertir un chambranle en bandeau ,
'enfin retondre une bafe , ou parce que Ton craint
de nuire � la voie publique dans les dehors, ou
� Fefpace des lieux dans l'int�rieur d^un b�timent;
c'ei� faire parade d'une incertitude dont on doit
fe garantir abfolument, d�t-on �tre oblig� de chan-
ger fon plan ou le ityle de fon ordonnance. On
"appelle encore une Architecture alt�r�e, celle
qui par n�gligence ou faute de favoir les princi-
pes de l'Art, manque de quelques parties effen-
cielles � l'expreifion de l'ordre qui pr�fide dans
les fa�ades, tels que les trigliphes dans les frifes
Doriques, les modulons dans la corniche Corin-
thienne , les cannelures fouvent n�ceitaires dans
les f�ts des colonnes ; inadvertances rpi ne peu-
vent �tre tol�r�es , & qui' , quoiqu'employ�es
'fouvent par nos pr�d�ceffeurs , ne peuvent fervir
d'exemples � nos Elev�s, le m�rite de l'Art;, ne
confiilant pas dans l'imitation des chofes m�dio-
cres, mais de celles avou�es par l'autorit� des
temps & le fuiFrage des Connoifieurs. Autrement
on s'abandonne � la licence ; on fait des membres
m�plats o� il faudroit du relief; on pr�f�re la
t
-ocr page 475-
d'Architecture. 441
futilit� au raifonnement, ou au contraire on pr�-
fente une ordonnance pauvre & d�nu�e de vraif-
feinblance, lorfqu'ori auroit d� produire quelque
chofe de divin.
Ce qu'on cnund par une ArchiteBurt m�plate,
■■■�■ ■■ ■■" ■ .;! '                                                     > '.«-�< ■ '.1:9. ■-*■■■'�-                                  '**                          .                                  , ' . �. ■
On dit : Cette Archite&ure eft m�plate, a trop
peu de relief, pour exprimer fon manque de faillie
& le d�faut qu'elle occafionne � la d�coration d'un
b�timent qui doit �tre vu dans un certain point
d'�loignement. Peut-�tre les deux ailes du Ch�-
teau de Vincennes, la d�coration des galleries
baffes du Ch�teau des Tuileries du c�t� des jar-
dins , celle de la Fontaine des Saints-Innocents,
font-elles dans ce cas. Il y faut prendre garde, trop
peu de relief nuit au caract�re de l'Architecture ,
lui �te cette pl�nitude qui fait tout le m�rite de la
d�coration ext�rieure , en lui communiquant cette
certitude (jf, cette articulation (</) qui lui pro-
cure tout fon effet. Dans les dedans , c'eft autre
chofe ; il y faut �viter trop de duret� : une Ar-
( c ) On dit : Certe ArchiteAure eil prononc�e avec certitude,
pour exprimer qu'elle cil pr�cife fans f�chefefle , & qu'elle
pr�fente dans la diftriburion de fes membres & la beaut� de
fon ex�cution, une exactitude ai�onic au caract�re de l'�di-
fice:
                                                                     ' ,.
(d) On dit commun�ment : Cette Architecture eit bien ou
trop articul�e; bien, quand on s'apper�oit q^ue fes membres
principaux, fes profils & fes ornements font d�cides> precis»
exac�s , & qu'ils fe d�tachent fans affectation fur le fondau-
quel ils font adapt�s; clleeft trop articul�e, quand le caract�re
de l'�difice fembloit demander moins de. pr�cifian , plus d in-
certitude , un faire plus large , plus ind�termin� a raifon de
l'application des diff�rents Cidres d'�rchite�ure aux d�fterents-j
genres d'�difices.
-ocr page 476-
444                      Cours
ehite&ute tendre, d�gag�e ( c ), une Sculpture
mo�leufe doivent avoir la pr�f�rence : un moin-
dre efpace, une lumi�re temp�r�e, ordinairement
des mati�res plus pr�cieufes , doivent guider le
g�nie & le crayon de FArtifte. Les fa�ades du
Ch�teau d'Iffy ( f), les d�corations de fon vefti-
bule , de fon fallon , ont le relief convenable. Rien
de ii bien entendu que celui qui regne dans
les dehors & les dedans des Eglifes de FAn-
nonciade � Saint-Denis, & de Sainte-Marie �
Chaillot. Pour avoir voulu faire la plus grande
partie de FArchiteaure & de la Sculpture de la
Chapelle de Verfailles , tendres, douces , de peu
de relief, on Fa peut-�tre faite maigre, f�che,
aride. Le grand fecret de FArchiteaure eft de fe
montrer belle dans tous fes afpe�s : celui de
FArchite�e, de d�m�ler le caraftere & Fexpref-
iion qu'il convient de donner � chaque �difice ;
ces connoiffances ne font pas faites pour le com-
mun des Artiftes ; il η appartient qu'� FArchite&e
�clak� , � l'Amateur inltruit de favoir appr�cier
(e) D�gag�e, en Architecture , s'cnteud dune ordonnance
qui, au premier coup d'�uil, fe pr�fente fans contulion j
o� l'on apper�oit des repos qui , loin de rendre la compoli-
tion languiflante , mettent chaque membre a la place, �C
iaiffent dans tout leur jour la beaut� des formes, la propor-
tion & la richeife des ouvertures , celle des avant-corps , Se
g�n�ralement tous les membres r�pandus dans les fa�ades dur»
b�timent.
( f) Ce Ch�teau a �t� b�ti fur les deiTins de Bullet, dont
le nom & les chefs-d'�uvre font g�n�ralement trop ignores-
de nos Elev�s. C'eft � cet Architecte c�l�bre , que nous devons
la porte Sainte-Martin, les H�tels de Thiers &; de.Tunis ,
place de Vend�me , l� Palais Archi�pifcopal de Bourges: au-
tant d'ouvrages dont nous ne (aurions trop leur conleiiiei:
l'examen Se l'imitation.
                                                          ,
-ocr page 477-
d'Architecture,            445
de tels chefs-d'�uvre. Combien ignorent les four-
ces du beau ? combien ne faut-il pas d'�tude pour
arriver � l'excellent ? combien de propri�taires
n'eftiment dans leurs Architeaes que l'adivit� ?
combien enfin de nos jeunes Emules ne s'attachent
qu'� la multiplicit� des entreprifes , & en n�gligent
les d�tails , fans fe douter que de ces nuances
fines & d�licates, d�pend le fucc�s de leurs pro-
duftions. Perfonne ne l'ignore ; c'en: la belle Ar-
chitecture qui � illuilr� la Gr�ce, l'Italie & la
France, Ce font les monuments quelle �rige en-
core , qui attirent en foule l'Etranger chez les
Nations o� les Beaux-Arts font en vigueur. C'eii
la belle Architedure enfin, qui forme les grands
Artiftes , & qui �claire la poil�rit� fur les moyens
d'�galer de furpaffer m�me les grands Ma�tres qui
les ont pr�c�d�s.
Ce qu'on entend par une Architecture futile.
Une Architecture futile, femblable � l'Archite^
c�ure frivole, eft celle qui, furcharg�e de mem-
bres d'Architecture d�plac�s, & d'une multitude
d'ornements mefquins , ne pr�fente dans l'Ar-
tiile qu'un g�nie reiferr�, & non cette fagacit�
qui enfante les chefs-d'�uvre ; celle qui ai�am�e,
att�nu�e, coud�e, n'offre que les imperfe&ions
de l'Art : affam�e , parce qu'elle n'eft ni aiTez
faillante, ni a�Tez nombreufe, que fes profils font
mutil�s , fes membres en g�n�ral �pars , & en par-
ticulier ibibles & d�faffortis : att�nu�e, parce que fes
d�tails tiennent trop du travail de l'Artifan, & que
de ferme qu'ils auroient d� paro�tre, ils font deve-
nus maigres , d�charn�s, d�coup�s, cern�s : cou-
d�e enfin, lorfcrue/ devant �tre re&i%ne?elle n�
-ocr page 478-
44^                       Cours
pr�fente rien que d'obtus ; elle n'offre que des jar-
rets , des obliquit�s qui choquent la vraiffemblance ;
autant d'imperfe&ions qui rendent l'ordonnance
de 'pluiieurs de nos b�timents , iniipide , languif-
fante, d�fagr�able, & marquent au coin de la futi-
lit� , non-feulement la plus grande partie de leur
d�coration int�rieure, mais encore leur fa�ade,
o� Ton apper�oit .des ornements de Sculpture
pench�s , inclin�s, renverf�s, ondul�s. Ce contra-
�le ne laiffe voir que les �carts d'un Artiile en
f�cond , & non la compoiition d'un chef �clair�,
qui loin de faire parade des licences de fon Art,
s'applique � ne les mettre en �uvre , que lorf-
que la n�cei��t� le requiert, & pour relever l'�clat
des beaut�s de fes productions.
;.                         '                            .                              . /j ■ ' .-
Ce qu'on entend par une Architecture pauvre.
On dit enfin : Cette compofition d^Archite�ure
eil pauvre, pour d�figner une ordonnance qui ne
remplit , ni l'intention du propri�taire, ni l'objet
que l'Archite&e auroit d� fe propoier; celle o�
l'on s'apper�oit � la v�rit� qu'il avoit int�r�t de
faire iimple, mais dont il a abuf� faute de bien
conno�tre les reffources de l'Art, & parce qu'il
ignoroir qu'une d�coration fimpie peut �tre belle.
Une d�coration pauvre eil toujours choquante,
parce qu'elle fuppofe la fuppref�ion de quelques
parties effencielles au cara&ere de l'�difice. Com-
bien neil-on pas forc� de convenir, � Fafpe�t de
pl�iieurs de nos b�timents, que leurs arri�res-
corps paroiiTent pauvres en les comparant avec
les pavillons ou les avant-corps de leurs fa�ades, &
que les uns & les autres le font encore, relati-
vement � la convenance de l'�difice ; que leurs
-ocr page 479-
d'Architecture.           447
entablements , leurs corniches m�me , font appau-
vries , parce qu'il leur manque quelques membres
utiles � leur expreffion ; qu'on eil forc� d'en dire
autant de leurs croif�es, de leurs niches , de leurs:
baluilrades , de leurs attiques , de leurs foubaffe-
ments, pour faire entendre que chacune de ctg
diff�rentes parties eit d�nu�e des membres princi-
paux que le cara&ere de l'ordre auroit d� infpirer
� l'Artille. On dit encore : Cette ordonnance eil
d'une composition pauvre, quoiqu'on y ait employ�
des ornements ; mais comme ils y font d�plac�s,
d'un genre trivial, d'une ex�cution m�diocre, ils
d�plaifent, rebutent, & ne peuvent s'attirer au-
cune efpece de coniid�ration de la part des hom-
mes inflruits.
Sans doute il eil difficile d'arriver au premier
degr� de la perfection ; mais du moins ne doit*
on pas n�gliger la relation qu'il doit y avoir entre
l'Architecture & la Sculpture, & �e reifouvenir
qu'il ne faut jamais confondre les genres, c'eil-
� dire, le pauvre pour le fimple, le lourd pour
le m�le, le d�charn� pour le fvelte, le difparat
pour le vari�, ή,l'on veut m�riter un jour un
rang diftingu� parmi les Architecles du premier
ordre.
-ocr page 480-
Cours
44$
CHAPITRE V.
DU GOUT DE VART»,
Ou maniere d'�viter tout ce qui peut y �tre
contraire*
i
C^Hagun fait que le go�t eil quelque chofe
de r�el : la difficult� eil de le d�finir. Quel eil-
il en effet? En quoi confiil�~t-il ? De quoi d�pend-
il ? Jiil-il fufceptible, ou non, de principes ? Enfin ,
eil-ce une qualit� de l'efprit, ou une affection de
l'ame? Quoi qu'il en foit, difons qu'on fe fert du
terme de go�t, pour exprimer en g�n�ral, le
dernier degr� de perfection ; que le go�t, comme
nous l'entendons, eil le Juge-n� des beaux Arts,
qui n'ont �t� r�duits � des principes confiants &
poiitifs, que pour lui plaire ; qu'en un mot, le
ι go�t de ces m�mes Arts n'eil point fa�ice , mais
naturel; qu'il eil en nous, mais qu'il fe peut per-
fectionner, & qu'alors il devient le flambeau qui
fert de guide aux Artifles dans toutes leurs pro-
ductions.
On peut divifer le gout en go�t naturel & en
go�t acquis. Le premier n'eil point une connoif-
fance th�orique, mais un fentiment des r�gles
m�mes que l'on ne . conno�t pas, ; c'eil lui qui
nous caufe le plaiiir que nous �prouvons � l'af-
pe& d'un bon ouvrage de l'art, fans autre fecours
que le fentiment : le f�cond eil celui qui procure
�l'ame des fenfations dont l'efprit peut fe rendre
compte. Cette derni�re efpece de go�t peut
I
-ocr page 481-
Β * A R C H � Τ Ε C f � R E*            44p
�tre chang�e, modifi�e ou augment�e par le go�t
naturel : en forte qu'on peut dire qe le go�t
acquis , pour fe perfectionner, a befoin du go�t
naturel.
               -,
Le go�t peut aui�� fe divifer en go�t a�if Se
en go�t paifif ; Tun eil le partage de l'Artifte ,
l'autre celui de l'Amateur-: l'Artiite doit n�ceiTai-
rement chercher, par le fecours des pr�ceptes, �
mettre dans {qs productions l'arrangement des par-
ties le plus convenable ; l'Amateur n'a beibin
que de favoir d�m�ler la beaut� du travail & de
l'ordonnance ', connoii�ances qui lui fuffifent pour
fentir le bon & le m�diocre, & pour diilinguer
l'un & l'autre. De-l�, � eil aif� de conclure que
le go�t de l'Artifle devient plus difficile � ac-
qu�rir, puifque les connoiiTances fuffifent � l'A-
mateur, & que l'Artifte doit op�rer. Mais l'on peut
dire auffi que le go�t f�par� des pr�ceptes eil in^�
fuffifant, & que ces deux fources diff�rentes doi-
vent fe r�unir dans leurs �manations. De-I� vient
qu'on les confond ordinairement, fans confid�rer
que c'eil cette union qui conduit � la %p�riorit�,
& que celle-ci feule a droit de fe faire fentir &
approuver par les perfonnes, m�me les moins ver-
f�es dans la corinoiflance des beaux Arts.
Au reile, le go�t acquis s'�il �tabli une forte
de pr��minence dans les beaux Arts, parce qu'en
les perfectionnant, il s'eil perfectionn� lui-m�me ;
�nforte que, fans ceffer d'�tre naturel, il eil de-
venu plus parfait que le go�t naturel ; d'o� il s'en-
fuit que fi tous les Artiiles s'appliquoient � d�-
velopper & � �tendre le go�t qu'ils ont re�u de
la nature, ils auroient des r�gles f�tes pour par-
venir � l'excellence de leur Art.
Il en eil peut-�tre du go�t �ooime des autres
Tome L
                   l                   F f
-ocr page 482-
450                     Cour s'             >
parties de Γ Art ; d'abord, la plupart des Peuples
ont aim� des productions imparfaites , parce que
leur go�t acquis n'�roit pas aifez perfectionn� pour
leur faire fentir les d�fauts de femblables produc-
tions. Dans des iiecles plus �clair�s, le go�t s'eir.
g�t� dans plus d'un Empire, o� n�anmoins les
Arts avoient joui d'une forte de c�l�brit�, parce
que la multitude de leurs Citoyens s'�tant ennuy�e
d'une beaut� trop uniforme, les Artiftes, pour leur
plaire , ont cru devoir prendre des routes �car-
t�es. Enfin, l'on voit encore chez des Nations
voifmes,o� la Peinture & la Sculpture font n�- ;
glig�es , les autres Arts languir ou refter dans la
m�diocrit� ; le d�faut de culture des uns nuifant
n�cefiairement au progr�s des autres. Mais fans
nous arr�ter ici � citer une foule d'exemples, o�
nous pourrions trouver de pareilles caufes, con-
traires au bon go�t en g�n�ral, pai�bns � ce qui
regarde le go�t de l'Archite&ure proprement '
dite.
Le go�t de l'Archite�utre ne peut s'acqu�rir
que par *ta comparaifon des chefs-d'�uvre des
grands Ma�tres. Ce n'eft point � la feule th�orie
qu'il faut avoir recours pour faire �clorre le
g�nie. Il efl vrai qu'elle lui pr�pare la voie, mais
c'eft l'enthouiiaime, qui en lui faifant franchir les
obftacles, l'�lev� jufqu'au comble de la perfection.
Les feuls pr�ceptes n'ont jamais fait un homme
de g�nie. Les efprirs froids ont quelquefois
produit des ouvrages r�guliers: mais l'eiirhou-
liafme a fait �clore des chefs-d'�uvre qui, quoi- .%
que moins f�veres, n'en ont pas moins m�rit� les
�loges de la poit�rit�. Les feuls pr�ceptes obfer-
v�s par un homme fans g�nie, ne produifent que
de mauvaises copies j au-lieu que les ouvrages de
-ocr page 483-
r ,
�'Arcm�t�ct�h�.            451
go�t perdent moins � l'imitation, parce qu'ils
forcent, pour ainii dire , l'imagination de celui qui
ei�trevok le but de FArtifte, & l'entra�nent � une
forte d'admiration qui lui �chauffe le g�nie. Eu un
mot, s'il faut du.go�t & de fenthouiiafme pour
d�velopper aux autres les principes des beaux
Arts , il en faut fans doute aufli pour fentir la
juft�ffe& l'�tendue de ces m�mes principes.
Ceft particuli�rement en Archite&ure que le
go�t doit donner �'ame � toutes les produirions d�-
pendantes cle cet Art ; c'eft par le fecours du go�t
* qu'on faifit ces rapports, ces convenances, qui
fatisfont la raifond'un fpeBateur �clair�. Lui feul,
en donnant Fe�or au geniesde F�rchite&e, l'�lev�
au-defius m�me des pr�ceptes, & le conduit � ce
jugement, qui eft pour les talents, le plus haut
degr� de perfe��on. Il a fait na�tre dans l'Arclii-
tecTnre ces difcuffions d�licates, qui ont pour
�; objet l'imitation de la nature, & d'autant plus
difficiles � faifir pour �'Architetle, que la nature,
en lui offrant dans fon fein les mati�res n�ceffaires
a l'Art de b�tir, ne lui pr�fente le plus fouvemt
dans fes afpe�s que des objets ind�termin�s
Le go�t fert encore � �claircir des doutes qui,
fans lui, lah��roient FArtifte en fufpens. S'agit-il;
de faire un choix pour la d�coration ? il fixe le
genre, regle la forme, af�igne les grandeurs &
d�termine i'exprer�ion. Dans la diftribution , il
fournit des moyens pour concilier l'ordonnance
ext�rieure avec les dedans; il d�crit les contours
d'un parterre, d'un bofquet : enfin dans la con-
itru�tion , il offre � l'�rchite&e des reflburees
pour r�unir � la folidit� la mieux concert�e, la
Beaut� & la vari�t� des formes. \
Pour acqu�rir ce go�t, il faut iuppofer dans
Ffi)
-ocr page 484-
45*                    c ° u R>
l'Architecte^la r�union du ientiment & de Tefprit,
Le premier eft excit� par les objets fenfibles, &
fait fon rapport au f�cond. Tous deux r�unis
forment dans l'Artifte le jugement qui le conduit
au go�t de l'Art. Or,il eft facile de concevoir
que ii l'Architecle s'attache � �tudier les pr�ceptes
de fon Art, le go�t & les pr�ceptes ram�neront
infenfiblement � difcemer les lois de la cbnve-'
venance, le choix des proportions & la beaut�
de l'ordonnance. Les pr�ceptes alors allumeront
le g�nie, qui fera nourri & entretenu par le
go�t.
Le go�t de i'Archite&ure doit donc avoir pour
bafe la connoiffance des pr�ceptes de l'Art ; con-
noifl�nce qui embra�V � la fois la th�orie & la *-j
pratique du b�timetit. Mais il peut arriver que
l'Architecture, la mieux combin�e dans fes parties,
foit encore imparfaite, fi elle ne pr�fente aucun
autre objet, diftin&if ; c'eft-�-dire, un caract�re par-
ticulier. En effet, que penferoit-on d'un �difice
fomptueux qui n'annonceroit nullement Tufage au-
quel il eft deftin� ? Les frais immenfes, compar�s
avec l'inutilit� apparente, ne feroient concevoir
qu'une composition peu r�fl�chie , & donneroient
de l'ordonnateur une id�e qui lui feroit peu favo-
rable.
Le go�t feul,le go�t peut faire valoir les pr�-
ceptes les plus approuv�s, & d�terminer leur choix
& leur application ;. autrement on pourroit pro-
duire des comportions r�guli�res, mais monoto-
nes. L'�uil veut � l'afpeft d'un b�timent, voir
les rapports g�n�raux r�unis avec une fym�trie
refpe�ive. En un mot, le fentiment int�rieur &
le jugement veulent �tre fatisfaits de la conve-
nance, du ftyle & d�s ornements: l'�uil & le
-ocr page 485-
d'Architecture.         4f�
fentiment acqui�rent par l'habitude la m�me pr�ci-
iion & la m�me delicateffe, & deviennent fufcepti-
bles des m�mes imprei��ons que l'ou�e.
Le go�t veut �tre fertilit�. Pour cet effet, on
doit confulter la nature. Un Archit�&e peut dif-
pofer de toutes les richeffes que lui offre le fpec-
tacle de l'univers, tout lui appartient; mais il
en doit faire un ufage prudent, & fe reifouvenir
que, g�n�ralement parlant, toutes fes produc-
tions doivent retracer la dignit�, ou l'opulence
des perfonnes qui le mettent en �uvre ; qu'elles
doivent �tre iimples & r�fl�chies ; qu'il faut qu'elles
portent l'empreinte de la retenue ; que dans l'Ar-
chitecture principalement, il doit y avoir un point
d'union, o� fe rapportent les parties les plus �loi-
gn�es ; enforte qu'une feule, une fois connue,
indique toutes les autres. Tout ce qui fent l'ef-
fort , fatigue l'efprit : un Architecte ne caufe
gu�re impun�ment de l'embarras au fpectateur.
Si la nature eil mal faine, l'Artiile, loin de fa-
tisfaire notre go�t, n'excite que des regrets ,
en nous d�robant l'excellence de l'Art qu'il lui
felloit concilier avec la nature. Mais pour les r�u-
nir, il faut favoir d�m�ler l'analogie qu'ils ont en-
tr'eux , & fe rappeler qu'elle a �t� le premier mo-
dele des anciens , tandis que les modernes femblent
avoir d�g�n�r� ; ce qui donne � leurs productions
un air de contrainte qui trahit l'art & met tout
l'avantage du c�t� des productions qui tiennent
de plus pr�s � la nature.
Il faut l'avouer, les Grecs, dou�s d'un heureux
g�nie, avoient faifi, avec jufteiTe,les traits �i�en-
ciels qui la caract�rifent ; ils ne tard�rent pas �
comprendre qu'il ne fuffifoit pas d'imiter, mais
qu'il falloit encore choifir. Jufqur� eux, les ouvra*
F f iij
-ocr page 486-
454                       Cours
ges de l'Art n'a voient gu�re �t� recommandablef
que par l'�normit� des maffes & par7 l'immeniit�
des entreprifes : mais ces Peuples plus �clair�s ,
crurent qu'il valoit mieux plaire � l'efprit que
d'�tonner les yeux, & jug�rent que l'unit� & les
proportions d�voient �tse I3. bafe de tous les ou-
vrages de l'Art.
Aul�i, lorfque les Arts exil�s de chez eux. fe
r�fugi�rent en Italie » on alla dans la Gr�ce fouiller
jufques dans fes tombeaux, & l'on vit bient�t �
Rome , repara�tre l'antiquit� dans toute fa fplen-
deur. On fit plus, on �tudia leurs Auteurs, on
y trouva des r�gles �tablies, des principes ex^
pof�s , des exemples retrac�s ; en un mot, Timi-
tation de l'antiquit� fut pour les Romains ce que
la nature avoit �t� pour les Grecs. Ceux-l� com^
prirent bient�t quel �toit le but de cette imitation x
par laquelle on fe propofoit de plaire, de remuer,
de toucher ; ce qui fervif de regle � leurs tra-*
vaux , & de guide � leur g�nie.
N'en doutons point, c'eft dans les anciens chefs^
d'�uvre qui nous reitent de ces deux Rations,
particuli�rement dans ceux de la Gr�ce, qu'on re--
rnarque ce vrai go�t, ce je ne fais quoi de libre
& d'original qui fe rencontre rarement dans les
ouvrages modernes. La nature & l'antiquit� ont
donc feules le droit de faire, �cl�re un heureux:
g�nie, & de le conduire au terme de fon Art.
Or, nous avons les m�mes moyens qu'avoient
les Romains, nous pouvons �oniulter la nature
& l'antiquit�. Coni�d�rons la premiere, & nous y
reconno�trons cet ordre admirable, joint � une
vari�t� infinie ; nous y remarquerons des rapports
juftes entre les parties & le tout ? entre les caufes
&; les effets ; nous, la, verrons finiple. dans ie$
/
-ocr page 487-
d'Architecture.              455
moyens , mais fans monotonie; riche dans fa pa-
rure , mais fans affe&ation ; f�conde en reiTources,
mais fans s'embarrafTer elle-m�me. Voil� comme
il faut l'appliquer aux beaux Arts, particuli�rement
� Γ Architecture, & ne jamais l'outrer par des com-
poiitions bifarres , qu'elle d�favoue. Pour avoir
mal connu cette v�rit�, combien d'Artiftes fe font
abuf�s en faifant choix du d�fordre de la nature,
au lieu de les beaut�s ? Combien n'avons-nous
pas vu d'arriftes qui, pour n'avoir confuk�, ni la
nature, ni le climat, ont voulu b�tir au milieu
de Paris, comme �n faifoit dans l'ancienne Rome ?
Il faut du go�t pour bien imiter; autrement
les plus beaux mod�les d�g�n�rent entre les mains
des Copifles. D'ailleurs les meilleures productions
demandent � �tre appr�ci�es : car fans vouloir
parler des Egyptiens, dont le go�t pour l'Architec-
ture , dans les commencements, �toit affez incer �
tain ; les Grecs & les Romains , auxquels nous
applaudii�bns, ont aui�i eu, dans leur d�but, leurs
incertitudes , quoiqu'ils aient enfuite port� l'Art �
un degr� de perfection, ignor� de leurs pr�d�-
ceiTeurs.
11 jaut donc du choix dans l'imitation ! des ou-
vrages m�mes de ces Nations, autrefois ii c�l�-
bres. Perfonne n'ignore que les premi�res produc-
tions des Grecs , fe reffentent allez de l'enthou-
iiafme de leurs Ecrivains qui, avant la conqu�te
de l'Afie par Cyrus, n'avoient encore rien �crit
en profe, qui p�t donner une id�e jufte de l'�r-
chite&ure: enforte que leurs Architectes, guid�s
par ce m�me enthouliafme, commenc�rent par
s'�loigner de cette »belle fimplicit� qui, apr�s plu-
sieurs iiecles, a produit les chefs-d'�uvre α A��
iH�nes.
Ffiv
-ocr page 488-
χ
45<3                         Cours
Les Architectes d'Italie, d'abord plus imitateurs
que cr�ateurs, parurenr contraints dans leurs pro-
ductions, foit qu'ils n'euffent pas le g�nie des
grecs., Kbit que ceux-ci, tranfplant�s chez une Na-
tion vtctorieufe , euifent perdu de vue leurs pr�-
ceptes avec leur libert� ; & fi l'on a vu quelque-
fois chez les Romains leurs Architectes s'�carter
de cette imitation, ce ne fut que pour rendre
leurs monuments plus vailes, plus �tendus , & non
pour fuivre cette belle fimplicit� s l'effence propre
de la belle Architecture.
Il en eit, je crois, d�s ouvrages des anciens
comme de ceux des modernes : de tout temps , i�
s'eil introduit des licences dans les Arts ; c'eit le
propre de l'humanit�, de fe croire tout permis »
& il ne feroit pas furprenant que la renomm�e
nous eut tranfmis la gloire d'anciens �difices, qui
nauroient eu d'autre m�rite que l'antiquit�. D'ail�- ,
leurs,ne fait-on pas que chez prefque toutes les
'Nations, peu d'�rtiites ont cultiv� les lettres ; que
�a uefcription des �difices des anciens a �t� le
partage des Hift�riens, & que la plupart de ceux-
ci, ignorant � la fois & les pr�ceptes & le go�t
de l'Art, ont n�glig�, "dans leurs �crits, de nous
faire connoitre ce que les Architectes avoient pro-
duit, fok de g�nie, foit d'imitation. Aujourd'hui
encore, la plupart de nos jeunes Artifres ne n�-
gligent-ils pas tous les jours de fe rendre compte
de la fource o� nos pr�d�ceffeurs ont puif� leurs,
d�couvertes ? De-l� toutes ces licences qui'pren«
nent faveur chez le plus grand nombre, parce
quelles iemblent donner plus de libert� aux hom-
mes fans doctrine, & g�ner m*oin§ ceux qui font
pins �clair�s : de-l� le peu d'ufage qu'on fait de
iefpric de comparaifon ; on applique indiftinet�«
*\
-ocr page 489-
d'Architecture.            457
ment les m�mes ordonnances & les m�mes orne-
ments aux b�timents de genres diff�rents ; on a
recours � de nouvelles inventions qui, � leur
tour , fe trouvent d�truites par d'autres nouveau-
t�s : infenfiblement nos �lev�s devenant incertains
fur les r�gles, & irr�folus dans le choix des pr�-
ceptes , ne craignent plus de facrif�er � la va-
ri�t� des formes & � la multiplicit� des d�tails, la
"dignit� �i recommandable dans les monuments
facr�s, la bienf�ance qui doit �tre obferv�e dans
les �difices publics, & la fimplicit� qui eft le par-
tage des b�timents d'habitation. Trop pen inftruits
des r�gles fondamentales de leur Art, ils fe r�-
voltent contre une imitation fage & mefur�e. Par-
venant enfin � oublier leur foibleffe, ils ofent
tout, au-lieu de f�ivre de pr�s les productions
de ceux qu'ils ne peuvent atteindre. En un mot,
rimprei�lon que les ouvrages des grands Ma�tres
d�vroit faire fur leurs efprits, s'efface ; &lors m�me
que FArchite&ure, par la lib�ralit� des Grands
& l'opulence des Particuliers , pourroit rentrer
dans tous fes droits, elle voit fes pr�ceptes n�gli-
g�s, la t�m�rit� prendre la place du favoir, &
la plupart offrir a leurs Ma�tres, au lieu des pro-
ductions que le vrai go�t leur infpireroit, pr�cif�-
ment ce qui lui eft le plus contraire.
Pour �viter de tels inconv�nients, cherchons
ces beaut�s qui �manent du go�t, & parcourons
ce qui nous eft enfeign� par la th�orie & la pra-
tique de l'Art; joignons-y l'�tude des beaut�s d�
la nature. N'oublions pas non plus que la meil-
leure maniere de perfectionner notre go�t, c'eft
de comparer enfemble les �difices de m�me genre,
enfuite ceux de genre diff�rent. Peut-�tre ces divers
moyens nous conduiront-ils � d�couvrir les vrais
-ocr page 490-
458                       Cours
principes du go�t ; du moins fera-t-il facile de
convaincre nos jeunes Architectes qu'un �difice
qui, dans fa ilru&ure , raiTembleroit toutes ces
diff�rentes parties , auroit �galement le droit de
plaire aux connoifTeurs & au vulgaire , puifqu'au
moyen"de cette r�union, on y trouv�rent d'ac-
cord les maffes, les parties & les d�tails : le fpe&a-
teur y remarqueroit auffi le foin qu'on auroit pris
d'�viter la liaifon du pefant avec le d�licat, ainfi
que la profufion de la Sculpture dans une Archi-
tecture fimple & grave, l'attention que l'on auroit
eue de r�unir la folidit�, la commodit� & la beaut�:
u verrok qu'� ces parties eifeneielles & primitives on
a fu en allier d'autres non moins eftimables, telles
que la r�gularit� & lafym�trie, dans ladj�ribution;
l'�conomie & la perfection des mati�resu dans la
conitru&ion ; la f�v�rit�de l'exprefiion & l'encha�-
nement des rapports, dans la d�coration: tous objets
int�reffants fans lefquels on ne fauroit arriver �
un v�ritable fucc�s.
Pour t�cher de faire mieux fen'tir en tjuoi con-
firme la nature du go�t, il ne fera pas inutile de
donner quelques maximes , que lui feul nous paro�t
avoir �tablies. Du moins fi nous n'avons pu le
d�finir exactement, efTayons de d�velopper ce qui
lui eft le plus contraire.
Le go�t guid� par le raifonnement, exige
l'imitation de i'Archite�ure antique, pr�f�rable-
ment � la gothique �la plus ing�nieufe. La pre^
miere plus r�guli�re & plus conf�quente, occupe
l'ame fans partager l'attention , '& ne laiffe pas
d'�tre affez fufceptible de vari�t�, pour obtenir le
(uffrage des hommes intelligents. Ce n'eft pas que
-ocr page 491-
d'Architecture.           4f9
�es Goths, s'ils euffent montr� plus de choix dans
leurs ordonnances, & fur-tout plus de go�t dans
leurs ornements, if enflent m�rit� d'�tre imit�s par
leurs fucceffeurs : mais leurs productions font pref-
que toujours une forte d'�nigme pour F�ui� qui
les examine ; enforte que le fpeclateur fe trouve
embarraif� pour en d�m�ler les beaut�s ; d�faut
qui certainement ne fe rencontre pas dans l'Archi-
tecture des Grecs & des Romains.
Le go�t dont il s'agit exige que les fa�ades
d'une certaine �tendue, ainii que les lieux vaiies,
foient compof�s de grandes parties ; le petit & le
colof�al ne pouvant aller enfemble. Ce m�me
go�t veut encore que toutes les parties d'une
d�coration aient du rapport entrelles & foient
de m�me genre : il d�fend de placer au m�me
�tage ou dans la m�me pi�ce, des membres d'Ar-
chitecture ou des ornements de Sculpture rufti-
que, entrem�l�s d'autres ornements d'une expref-
iion d�licate ; quoique les u|s & les autres exa>
min�s f�par�ment foient approuv�s par les pr�-*
ceptes de l'Art. En g�n�ral, il faut que les or-*
donnances Tofcanes aient peu d'ornements, & que
�es Corinthiennes au contraire n'en foient jamais
d�pourvues ; la beaut� d'un �difice confiftant dans
raccord des maiFes, qui forment fa d�coration, &
dans celui des parties qui en d�pendent. En un mot,
on defire dans un �difice de voir r�gner, avec l'ordre,
une diveriit� louable, fans laquelle on n'apper�oit
sue monotonie, o� l'on voudroit remarquer des
formes aiTez iimples pour �tre apper�u�s d'un
fe�l coup d'�ujl , & aff^z vari�es pour �tre exa-
min�es avec plaifir.
Le go�t de f Architecture fe manifefte parti-
�pli�rement dans la mani�re:.'4� proul�r^ elle.
-ocr page 492-
'460                      COU RS
eil de tous les befoins d'un Archire�te, le plus
effenciel ; il neft. jamais difpenf� de montrer
ion habilet� en cette partie. Pour acqu�rir ce
degr� de perfection , la fcience des Math�mati-
ques , une th�orie profonde des pr�ceptes, l'�tu-
de des meilleurs auteurs, toutes ces connoiffan-
ces font ini�fnfantes fans le go�t & l'exp�rience.
L'art de profiler ne d�pend pas du g�nie. Celui-ci
peut bien concevoir les r�gles fondamentales de
l'Art, & les fui vre jufqu'� un certain point ; mais
le go�t feul a droit de les choiiir : en un mot,
G*er� ce go�t qui doit �tre le mod�rateur d�, g�nie
de PArchitecle. Il ne s'agit pas non plus d'inno-
ver ? il faut le go�t propre � la chofe; il faut un
efprit de m�ditation , fans contrainte ; une Imagi-
nation r�gl�e , fans fervitude : il faut que l'Artifte
fache avoir �gard a la qualit� de la mati�re, pour
donner � fes profils une expref�ion qui lui foit
analogue. Il faut qu'il pr�voie le point de diftance
d'o� les moulures doivent �tre apper�ues; qu'il
confidere le volume d'air qui doit les environner»
& qu'il s'attache au genre de PArchite&ure qui
les amen� fur la fc�ne , afin de pouvoir leur
procurer ce caract�re de fermet� ou de l�g�ret�»
cette richeife ou cette fimplicit�, fi propres � ren-
dre les parties d�pendantes de l'enfemble ; enfin
qu'il ofe fe permettre quelquefois un ftylp parti-
culier que le go�t feul autorife dans cette partie
de l'Architeciure.
Le go�t femble s'oppofer � Inapplication des
Ordres d'une exprei�ion diff�rente dans une m�me
fa�ade; un feul ordre paro�t y funire. Il y a
plus ; c'eft peut-�tre une erreur d'en admettre
o� ils ne peuvent avoir un certain diam�tre ; d'ail-
leurs les ordres ne doivent jamais �tre amen�s»
-ocr page 493-
d'Aiichitegture.           461
ce femble , que pour la d�coration �es �difices
jpublics & des Palais des Rois : les b�timents par-
ticuliers n'en doivent retenir que TexpreiTion ;
autrement ceil vouloir aifocier des parties qui
doivent annoncer de la grandeur, avec des �tages
auxquels la convenance & l'�conomie obligent de
donner peu d'�l�vation. Qu'on examine les ouvra-
ges des grands Ma�tres, on verra que tous ont
�t� iimples, m�me dans leurs productions les plus
importantes , & qu'il n'appartient qu'aux Artiftes
m�diocres, d'avoir recours � la profuiion. Orc'eft
montrer la m�diocrit� dans tout fon jour, que
d'affe&er dans des maifons de vingt toifes de face,
d'�lever les uns fur les autres, pluiieurs petits
ordres , qui contribuent � rendre encore plus
petite la d�coration ext�rieure , fans parler de
l'attention qu'un Architecte doit avoir pour l'efprit
de convenance, le premier m�rite 6c de Γ Archi-
tecte & de rArchitecfure.
Le go�t femble s'oppofer encore � l'emploi
des ordres coloiTaux, dans l'ordonnance des b�ti-
ments deilin�s � l'habitation .des particuliers, & il
ne les tol�re que dans la d�coration des �difices
facr�s. Il eft d'autres moyens de parvenir � pra-
tiquer pluiieurs �tages les uns fur les autres ,
dans les maifons ordinaires^ fans fe fervir d'un
ordre, qui embraife pluiieurs rangs de croif�es.
Les exemples connus que nous avons en ce genre,
ne doivent ni ne peuvent faire loi. Le go�t ion�� «
fur la raifon , n'accepte ni fyil�me, ni opinion
particuliere ; il doit �tre un: & il nous femble
que c'eil s'�carter de cette unit� , que de faire
parade , dans les dehors, d'une grande ordon-
nance , que l'on fent ne pouvoir fe concilier avec ,
les dedans. Nous l'avons d�j� obierv� ; il ne lufrir
pas de faire ce que les autres ont fait i il faut
-ocr page 494-
461                       Cours
r�fl�chir fur ce qu'on doit imiter. On a tout tent�;
il ne s'agit plus que de chercher � approprier �
nos befoins, tout ce que nos pr�d�ceffeurs ont
produit d'eitimab�e. Il ne nous reite enfin qu'�
faire marcher � c�t� des pr�ceptes, les lois que
le go�t impofe , & � faifir la nature dans (es diff�-
rents afpec�s, pour Tapproprier � l'Architeclure,
& par ce moyen parvenir � l'excellence de f Art*
Le go�t dont nous parlons , exige que dans
toute efpece de d�coration, relative � Γ Archi-
tecture, celle -ci tienne le premier rang , &
donne le ton � toutes les productions des Arts
qu'elle s'aiTocie. Certainement ce n'eil pas la quan-
tit� des ornements qui augmente la beaut� des
�difices � ce font feulement ceux qui, puif�s dans la
nature, offrent des beaut�s r�elles. Tout ce qui
n'eil fait que pour l'agr�ment , a droit de pa-
ro�tre m�diocre, d�s qu'il eil d�plac�: le go�t
eft m�content lorfqu'on lui laiffe � d�lirer. Ufons
dpnc des ornements avec fobri�t�, & fouve-
nons-nous que c'eit l'art de les appliquer, qui
fait tout leur m�rite ; qu'il en eil de �'Archite-
cture comme de la Po�fie ; que tout ornement
qui n'eil qu'ornement, eil de trop ; qu'ils ne doi-
vent jamais paro�tre poftiches, ni d�plac�s dans un
�difice, mais amen�s dans la compofition de l'en-
femb�e pour embellir Γ Architecture , & non pour
l'accabler, l'enfevelir ou la d�figurer ; qu'il faut
que les ornements , pour �tre approuv�s portent
l'empreinte de la n�ceflit� ; qu'il en eft des orne-
ments des Meiffonniers, comme des ornements
Gothiques ; qu'ils fatiguent les yeux par leur con-
fufion, & que l'�iiil ne pouvant fe fixer fur aucun ,
ils d�piaifent par l'endroit m�me qu'on avoit chpifi
pour les rendre agr�able j qu'enfin ΓArchite&ure »
-ocr page 495-
D'A RCHITECTURE.            46}
par la beaut� de fes proportions & le choix de
fon ordonnance, fe luffit � elle-m�me; que le
go�t, fruit du raifonnement de l'Archite&e , doit
guider fon crayon, ainfi que fon g�nie , pour
� lui faire diftribuer fes ornements avec fobri�t� ;
qu'il doit lui faire choiiir avec leur expreffion la
plus convenable, leur relief & leurs fymboles , &
lui faire �tablir dans fa d�coration, des repos &
des internales qui contribuent � faire valoir les
ornements , fans nuire � la dignit� de Γ Archite-
cture.
Le go�t acquis exclut toute efpece de mode,
dans Γ Architecture , comme autant d'obftacles
� fa perfection &i � fes progr�s. La nouveaut�
femble ne devoir �tre permife , que pour les
chofes de pur agr�ment. L'homme de go�t,
lorsqu'il s'agit des Arts utiles, fait r�fifter au
torrent, & abandonne au vulgaire cet efprit de
vertige que l'Artiiie fuperflciel d�core du nom
de g�nie, de feu & d'invention. C'eft la mode,
( ce tyran du go�t, qui a vari� � l'infini l'efpece,
le genre & la forme des ornements, & qui nous
les a fait placer allez long-temps , indifcr�tement
& fans diitin&ion , dans les Edifices facr�s, dans
les Palais des Rois, dans les demeures du Pr�lat ».,
du Magiftrat, du Savant & de l'homme priv�*
C'eft la mode, la reffource des Artifans merce-
naires & fans principes , qui leur a fait employer
jufqu'� l'exc�s ce m�lange confus de lignes iinueu-
fes & de lignes droites, dans les plans & dans
les �l�vations. N'en doutons point, c'eft l'excel-
lence de l'Art, ou la m�diocrit� des produ&ions
qu'entra�ne la mode, qui fatisfait l'�me, ou qui
lui fait �prouver ce d�go�t, qu'on r�ffent � leur
afpeft > lorfqu'on n'y remarque qu'une confufioa
-ocr page 496-
4&4                      C o υ R s
rebutante: �carts d'autant plus dangereux, qu'ils ont
eu des imitateurs pires encore que leurs mod�les ;
ce qui vraisemblablement fe fut perp�tu� � l'infini,
ii de nos jours pluiieurs Archite&es c�l�br�s n'a-
voient fait tous leurs efforts, pour reftituer' � leur
Art les vraies beaut�s que la mode & le caprice
lui avoient fait perdre depuis le commencement
de ce iiecle.
Le bon go�t d�fend l'application des fron-
tons , o� ils ne paroiffent pas n�ceffaires ; il
condamne leur multiplicit� , & rejet� ceux qui
font enroul�s, coup�s, interrompus, trop �lev�s
ou trop furbaiff�s. Il prononce de m�me fur
l'emploi des niches, & femble -n'autorifer les uns
& les autres, que dans la d�coration <ks &οΐ1-
tifpices de nos Temples. Le go�t �tay� des pr�-
ceptes de l'Art, n'admet jamais les baluftrades fur
la partie fup�rieure d'un b�timent, lorfque celui-ci
fe trouve couvert par des combles. Il exige une
application r�fl�chie des �tages en fonbaffement,
& de ceux qu'on appelle attiques ; il fupprime les
tables faillantes ou rentrantes , par-tout o� la im-
plicite doit �tre pr�f�r�e : il exclut les tours ron-
des ou creufes , & m�me la r�it�ration des avsnt-
corps 'Jk. des arri�re-corps , dans les ordonnances
Tofcanes ou Doriques : il veut que le mouve-
ment du plan foit relatif � Texpreffion, qui� pr�-
iide dans la d�coration des fa�ades : il condamne
axtffi toute efpece d'ornement arbitraire , indif�-
rent ou profane, dans la d�coration des monii"
ments �lev�s � la pi�t� ; il rejet� toute Sculpture
qui a trait � l'aviliffement pu � la fervitude de
l'humanit� ; il bl�me les ornements taill�s fouvent
fans r�ferve dans les moulures des entablements des
fa�ades 9 & pr�f�re dans un �difice r�gulier, les
balurlrades
-ocr page 497-
»'�RCfi LT Έ CTU� Ε*           4&f
baltiitrades aux balcons de fer ■; il s'.opp�ie �! toits
. les encorbellements i qui: ibutiennentiiles fardeaux ^
:■&'. leur fubftitu�i des colonnes oir: aiit�es co�g^
d'Architet'Hire 4 .qmimonteEt de fond; Arni de la
coiumodit�, il veut qu'on, entre � couvert xians les
yeitibules , qu'on pratique des cours fpacieufes
& a�r�es, qui feules peuvent proaurer.de $� $�k+
brit� aux b�timents d'habitation : il s'oppofe en-
core � l'�l�vation , fouvent inutile , des portes
qui donnent entr�e � nos h�tels & aux mai-
ions de nos riches Particuliers : il regarde
comme autant de licences condamnables, l'appli-
cation des colonnes jumelles , ainii que celle des
colonnes ovales ; enfin il d�fapprouve les porter
�-faux apparents , amen�s dans rArchite�ute par
inadvertance ou par une n�gligence qu'aucune
beaut� effencielle ne rachet�.
Le go�t veut aui� , que l'int�rieur du b�ti-
ment foit aiTorti � l'importance des dehors ; que
chaque appartement porte un caract�re analogue
� fon ufage ; que les, ornements foient graves
dans les pi�ces deitin�es � traiter des affaires pu-*
bliques; qu'ils aient moins de f�v�rit� dans celles
qui font confacr�es � la foci�t�, & qu'ils foient
encore plus riants dans celles qui font deitin�es
au repos ou � la retraite des Ma�tres. Le domaine
du go�t s'�tend jufqu'au choix des �toffes, � la
forme des meubles, � l'efpece des mati�res r�elles
ou feintes , � l'application de la dorure, � l'unit�
des tons , � 1 af�brtiment du bois , du marbre,
du fhic ou du pl�tre , du fer & du bronze. H
s'oppofe fouvent � l'ufage des trumeaux de glace,
plac�s entre deux croif�es, & tol�re � peine l'ufage
de la peinture colori�e, dans les vo�tes ou les
plafonds d�s fallons, des gallerieSj &c. Il ςοη,-
Tomc IA
                                     G g
-ocr page 498-
4^6         >          G o ur us
damhe enfin expreff�mentyla r�p�tition des m�mes
all�gories dans la d�coration des b�timents de
genres diff�rents ; en un mot s l'effet que produit
n�ceffairemeiit le go�t, c'eft de nous ramener,par
Il voie du fentiment, aux premiers pr�ceptes de
l'Art, & de r�clamer contre tout ce que la vraif-
iemblance & Fefprit de convenance d�favouent.
-ocr page 499-
d'Architecture.           46*7
CHAPITRE VI.
Application de l'ordre Τ os can t
A LA D�CORATION D'UNE PoRTE
de Ville libre.
OU S avons cru devoir attendre , pour faire
appliquer � nos Elev�s l'ordre Toican � TArchi-
ie&ure , qu'ils euf�ent acquis, non - feulemeos:
les connoiftances_de cet ordre dont il eft trait�
au commencement de ce volume, mais auffi qu'ils
enflent lu avec attention les d�finitions ou le
raifonnement de l'Art qui viennent apr�s , & qui
doivent en �tre regard�es comme la fuite. A
pr�fent expliquons-leur les proc�d�s dont nous
nous ibmmes iervis pour rendre l'ordonnance de
cette porte, conforme � fexprefnon ruftlque de
cet ordre , & difons : Que lorfqu'une fois on a.
cru devoir le faire entrer dans la d�coration des
b�timents Civils, Militaires ou Navals, il faut
n��effairement que la difpontion & la propor-
tion g�n�rale des maifes du b�timent foient rufti-
ques, c'eft-�-dire , que la largeur, la hauteur &
la faillie des avant-corps & des arriere-corps, fe
reiTent�nt de l'expreirlon racourcie de cet ordre ;
autrement on rifqueroit d'allier enfemble les con-
traires , ce qui arriv�rent indifpenfablement, fi l'on
pla�oit cet ordre fur des nus, qui , par leurs
divifions , fembleroient appartenir plut�t aux
ordres moyens & d�licats, qu'au Tofcan propre-
ment dit. Ce η eft donc point aifez , loriquon
G gij '
-ocr page 500-
46$                     Cours
veutr�ni�ir dans un projet cle cette efpece, d'avo�f
�ait choix "de cet ordre ; il faut encore que fori
cara&ere ruftique fe retrouve dans toutes les par- '
ties de la d�coration , non-feulement pour ce qui
concerne i'Archite&ure, mais encore pour ce qui
regarde les ornements de Sculpture qui y peu-
vent entrer. Pour indiquer la route qu'il convient
d'obferver en pareilles circonftances, nous allons
donner le plan, les �l�vations & la coupe du pro-
jet -d'une porte , deftin�e � fervir d�limites � une
ville libre ou de commerce, & rendre compte des
pr�cautions qu'il faut apporter pour conferyer dans
fon tout ou dans fes parties, cette unit� & cette
analogie que nous recommandons.
Plan du rez-de-chauss�e et de la
plate- forme superieure d'une
Porte destin�e a servir de
limites a l'extr�mit� du f au-
|
bourg d'une Ville libre.
ρ x a nc h ε xi x.
Le plan du rez-de-chauff�e, figure I, en faifant
voit l'�paiiTeur du mur F, M, qui d�termine celle
de ce b�timent, indique aui�i la vari�t� qui regne
dans l'ordonnance de ces deux faces oppof�es :
diff�rence qui provient de la richeffe qu'on a cru
devoir donner � celle du c�t� du faubourg , fur
celle du c�t� de la ville 9 parce qu'elle doit en
�tre eonfid�r�e comme le frontifpice, & comme
telle offrir une d�coration int�reffante, Expliquons
les rapports qu'ont entr'eux toutes les diff�rentes
parties de cette porte, pour que d'apr�s ce pro-
β'
-ocr page 501-
d'Architecture.            469
<:�d� g�n�ral, on puiffe parvenir � compqfer telle
ou telle autre ordonnance d'Archite�ure en ce
genre.                                   '
Toute ��tendue A, Β, longueur prefcrite par
la difpofition du lieu >, eil divif�e en douze parties,
-d'un toif� chacune; fix de ces parties font pour
l'avant - corps CD, qui elles-m�mes font par-
tag�es en trois; f�avoir : une pour la largeur
d� la porte Ε , & une pour chaque pile'Y', F.
Les arri�res - corps A, G, D , Β, font �uff�-dmf�'s
chacun en trois parties : une pour les corps angu-
laires G, G ; une pour la largeur des niches H', H';
& une pour chaque pied droit 1,1. Ces derniers
font encore divii�s en deux, dont chaq��moiti�
d�termine la largeur des renfoncements a, a qui
'contiennent la niche avec fori chambranle; ces
niches H, ont de profondeur la moiti�de leur lar-
geur. Dans l'avant-corps , toute l'�paifleur 'Ml
■mur
F , Μ , eil �gale � la largeur de la porte �,
ou, ce qui eft la m�me chofe, �gale � la fixieme
partie de la longueur totale A, Β.
L'�paiiTeur des murs des arri�re τ corps, vers
\qs niches, n'en a que la moiti�. Les colonnes
Κ de l'avant-corps , pratiqu�es du c�t� du fau-
bourg , font adoff�es au corps interm�diaire G, ί},
.'.-■& leurs faillies d�termin�es par celles des retraites
- qui r�gnent tout au pourtour & au pied du-b�ti-
�ment.
                                                               ;
Nous n'avons point plac� de colonnes du c�t�
de la ville, mais feulement des corps d'Archife-
clure M, dont la largeur �gale la moiti� de celle
- de la pile P, P. A la place des niches, nous
�avons pratiqu� dans les afriere-corps, des tables
� ^enfonc�es marques "t� ,"& dans lefquel�es nous
en avons inf�r� de faillantes , afin de procurai
G g ii|
-ocr page 502-
470 ;>?, ".', C ο ν R s
� cette fa�ade un plus grand cara&ere de fermet� *,.
autorif� ici par l'abfence de Tordre.
�il Dans le mafllf de l'avant-corps de cette porte»
nous avons, pour plus d'�conomie , pratiqu� , d'un
c�t�, un efpace vide marqu� L, & qui peut fervir
utilement pour un d�p�t; de l'autre c�t� , nous
avons plac� un efcalier � noyau qui monte fur
la plate-forme, fervant de couverture � la partie
fup�rieure de ce b�timent, La figure II, offre le
plan de cette plate-forme conirruite en dalles de
pierre , & o� l'on a marqu� le caniveau a , qui
conduit les eaux dans la defcente Ο , pratiqu�e
dans les deux piles plac�es aux extr�mit�s de cet
�difice, pour de-l� venir fe r�pandre dans une
gargouille pof�� furie fol du pav� du, c�t� du
faubourg»
                              [            ; ή
�i�vATi�N de la Fa�ade d� c�te
v. '                                                                                      >                       J
t                       du Faubourg.
8 .           Ρ �$M Ν-;:C H � XX.
Ce que nous venons de dire en d�crivant la
, planche pr�c�dente, regarde �galement toutes les
largeurs exprim�es dans cette fa�ade, c'eitTi�-dire,
- celles de l'avant - corps , du corps interm�diaire ;
celles des arriere-corps, de la porte & des niches ;
tt�utgs parties d�termin�es d'apr�s le plan dont
nous venons d'expliquer les principales dimen-
fions* Voyons � pr�fent lqs rapports que la hau-
vteur" 4oit avoir avec la largeur de cet �difice.
Toute la hauteur de ce b�timent, depuis F jufqu'�
s Q i efl � A Β, �-peu*-pr�s comme un en: � deux ;
Ja largeur du corps interm�diaire C D, eft �gaje
� FQ? plus, l'attique R qui s'�l�ve au-deffus»
?
-ocr page 503-
d'Architecture;        '4fi
Pour parvenir enfuite au d�tail, & apr�s avoir
�lev� fur le plan toute la fa�ade AB, 1'avant-
corps CD,1 porte E, les niches H , les corps
de r�fend G, les colonnes K, &c. il faudra fixer
la hauteur de la retraite F , au quart de celle
de Tordre, qui ayant 3 pieds de diam�tre, aura,
comme Tofcan, 21 pieds de hauteur. L'entable-
ment I, aura auf�i le quart de la hauteur de Tordre,
& tous deux feront aiiiijettis aux mefures parti-
culi�res de Vignole que nous avons expliqu�es au
commencement de ce volume.
                        <
Iles niches H auront de hauteur deux fois &
un quart leur largeur ; leurs chambranles a, la
frxieme partie de celle des niches ; les al�tes ,
des niches quarr�es qui les renferment �, la moi-
ti� du pied droit depuis Tangle de la nich� H,
jufqu'au corps de refend G. La porte E a de
hauteur deux fois fa largeur , &c. Cette port� ^
dans fa partie fnp�rie�re, eit de forme furbaiff�e,
au-lieu d'�tre plein-cintre; & � la place d\m
impofle & d'un archivolte , nous n'avons fait
ufage que d'une feuillure ; cette forme & ce genre
d'ordonnance, ayant quelque chofe de plus ferme
& de plus analogue � Tordre Tofcan qui pr�fide
ici ; d'ailleurs il faut remarquer que le ftit des
colonnes �tant charg� de boifages alternatifs, ce
genre fembloit exiger ce caract�re fimple, qui ne
pourroit gu�re fe fupporter dans les port�s aes
autres ordres. Les boffages alternatifs 'J appliqu�s
aux colonnes, ont chacun un module de hauteur,
ainfi que leurs intervales; leur faillie fur le &t9
eft-de trois minutes. La largeur de Tentreco-
lonnement eft, � fa hauteur , comme neuf �ft
� quatorze ; cette proportion racourcie conve-
nant � un ordre dont toutes les parties de Toe*
G giv
' y
-ocr page 504-
%y*&. . � «-f si ι; &:'Ρ: V :& & « * * <1
dohnanee, doivent janxioncer iiiie exfjtei��on πιίΐί-
que. ..I^a hautaur du clpveaii L ^ eil �gal� � la
largeur-des gieds droits- M y;& Tunel�k: lautre ont
neuf douzi�mes du diaiii�tre de l'ordre. La largeur
φ la feuillure Ν jdoit'avoir Ja;fixieme partie de
celle .au. pied droit M, & de profondeur la moiti�
de fa largeur. Sur les arri�re-corps de cette fa-
�ade nous-avons converti la, corniche de l'enta-
Element, i ? en plinthe, marqu�e Ο ■> parce que
ces arri�re - corps ne fervant que d'accotement �
l'a vant-corps principal - de ce b�timent ,.: il nous
a; fembl�^n�ce-ffaire d'en iimp�ifier le couronne-
ment,. ^U�d^ffus de cette" plinthe Ο, nous n'avons
fait r�gner q-uunfode ��, J? , ^iuijetti-� 1$ hauteur
de la retraite Q:i qui fontient l'attique marqu�
QRS;: ■cetattique fert � faire p^ramider la partie
majeure, du b�timent '%- qui, dans tous ι les. cas ti
d§f�<J& faire r�marquer,j fpit par un ai��z grande
faillie rfoit par une plus grande �l�vation que le
jefte de la fa�ade.;. A l'imitation des anciens y
nous n'avopsc donn� � la hauteur de cet attique,
gueJe qujtrtr de. la>cplonne;& de l'entablement
.pris enfembJe. Nous avons idivif� la ^ hauteur de
cet, attiqi je eo, fanit y hous en avons donn� trois
� la retraite Q, quatre ΦϊιΜ R > & une � �a
tablette j S* ; ; Au milieu; de Cet attique ι eil q dapt�e
une table faiilante deitin�e � recevoir lune infcri-
ptioii : .cette table ^r��mine: fur l'attique -> & fon
^�tendue reftc;:d�termin�e par la largeur de Fentre-
colpniieinent, Au-dei�iis ; de cette table r�gne un.
jfocfe couronn� des armes du.Rqi, ce qui s'obferve
.aii�z, .g���rslement dans ces occaiions , comme
une .d�dicace offerte au Prince par fes fujets.
Dans, ton s les cas, il faut avoir attention: que
cette Sc.ul|}ture foit pompoi�e d'un caract�re m�le
-ocr page 505-
d'architecture.'          473
analogue � l'exprei�lon de Tordre, il en doit �tre
de m�me des itatues plac�es dans les niches., ac-
ties ornements qu'on remarque fur le claveau de
la porte, qui tous doivent offrir peu de^ details,
un faire, une touche vague & ind�termin�e. INous
n'avons m�me indiqu� pour amorti�ement, que
l'abr�g� des fupports des Armes de France ioute-
nant un �cuffon de forme circulaire ; autrement
les Anges , fupports des Armes de Sa Majelte,
auroient offert ici un mouvement & une �l�gance
toujours d�plac�s dans' une ordonnance ruiti-
que. Les itatues de femmes qu'on voit trac�es
dansles niches, repr�fentent,quoiqu'ailez impar-
faitement , l'Agriculture & l'Abondance ; elles doi-
vent �tre drap�es d'une maniere large, & �tre ele*
v�es chacune fur un pi�douche, d'une forme quar-
te,-tel qu'il fe remarque dans cette planche. Pour
claveau nous avons d�fign� une peau de lion,
attribut de la..Force,&; de la Valeur , allegorie
n�anmoins qui conviendroit plut�t � une porte
�de ville de Guerre, qu'� une porte de ville de
"Commerce : il ne.felloit ici qu'un hoflage avec
4eux" contre - clefs , orn� tout au plus _dune
«grafie , d'un galbe peu reiTenti ; d ailleurs
-nous devons obferver. qu'en g�n�ral la Sculpture
-plac�e ftir des corps liiTes , ne reuffit jamais
3?ien; que pour fautorifer , il faut un corps
faillant , tel quim archivolte^ un chambranle,
&c; Or comme on a fupprim� t ces : membres
I30ur procurer plus de fimpiicit� � l'�difice, on
devoir par la m�me raifon fupprimer auiii la
Sculpture de ce claveau; autrement elle ne
pr�fente qu'une' richeife indifcrete, qui, loin
ie fymbolifer l'Architeclure, la rend �quivoque,
.Cette remarque que nous faifons fur nous-m�mes,,
-ocr page 506-
474.           '*a ; C"o υ RS'; !
apprendra � nos jeunes A rtifles, qu'ils doivent, .
lorfqu'ils fe font tromp�s, revenir fur leurs pas avec
cette franchife , qui honore les hommes � talents ;
Au reile, les ornements que nous d�fignons n� font
pas les feuls qu'on puiffe employer ici. Mais nous
periiftons � croire , que quelque choix qu'on en
puiife faire , il faut que leurs formes & leurs
expreffions foient non-feulement relatives � l'ordre
Tofcan , mais encore aux diff�rents motifs qui
font �lever les b�timents , & que ce raisonnement
appartient directement � fArchite&e : lui feul
doit cr�er fes �uvres, & les Sculpteurs ne doi-
vent qu'op�rer fous fes yeux. Qu'on juge par-l�,
combien il faut d'�tude , de connouTances. & de
talents � un tel ordonnateur* ;,
         jm i
El�vation du cot� η ε la Ville.
Ρ L � Ν C H � XX h
Les principales dimeniions de cette fa�ade font
les m�mes que dans la pr�c�dente, & n'en d�-
f�rent que; parce que l'ordre eil abfent , raifon
pour laquelle on y remarque beaucoup plus de
Simplicit�, l'avant-corps �tant feulement comp�f�
de deux corps d'Archite&ure C , bofTag�s ck ver-
inicul�s. Au4ieu d'un attique \ cet avant-corps eii:
termin� par un fronton cintr� & marqu� A ,
beaucoup plus propre � couronner une or don*
nance ruitique , qu'un fronton triangulaire :
kuift obfervons - nous que c'eit/ dans ces cas
feulement , qu'il en faut faire ufage , ainfi
que des arcades furbaifiees , qui fe remarquent
dans les deux fa�ades de cette porte, Cette obfer-
vation nous paro�t vraie, malgr� la multiplicit� des
-ocr page 507-
d'Architecture.           47c
�difices o� Ton les a plac�s indiitin&ement dans les
ordonnances Ioniques Corinthiennes & Comportes.
Derriere ce fronton regne le m�me attique dont
nous avons parl� pr�c�demment, & qui fe voit ici
en B.
Pour d�dommager cet avant-corps de fabfence de
Tordre > nous avons fait r�gner des boifages alterna*
tifs, δ: nous les avons charg�s de vermiculures. On
auroit pu ne placer ces boifages que fur les corps
G, qui foutiennent les extr�mit�s du fronton, &
laiiTer liffes ceux des pieds - droits, de l'arcade &
des claveaux: mais, d'un autre c�t� , ce genre
d'ornement ruftique , continu� ainfi, contribue �
d�tacher cette partie capitale de deifus les corps
interm�diaires D, o� il ne regne que des refends,
& qui fym�triient avec ceux des angles Ε ",
plac�s aux extr�mit�s de cette fa�ade. Au-lieudes
niches quarr�es qui fe remarquent dans la planche
XX, nous n'avons mis dans les arriere-corps de
celle-ci, que de grandes tables faillantes mar-
qu�es F, les accotements des avant-corps o� l�s
ordres font f�pprim�s devant �tre tenus plus am-
ples que lorsqu'on y fait pr�fider les ordres. Dans
ces tables nous avons fufpendu des troph�es rela-
tifs au commerce ; mais il faut les favoir com-
pofer de grandes parties, les charger de pende
d�tails, ainii que le bl�fon repr�fentant les Armes
de la Ville d� Paris, plac� dans le tympan du
fronton, & dont la Sculpture ind�termin�e doit .
�tre trait�e avec encore plus de fermet�, &, nous
] ofons le dire, plus de rudeffe que celle plac�e du
c�t� du faubourg ; on ne doit jamais oublier que
la pr�fence ou l'abfence de l'ordre doit d�cider
les changements n�ceiTaires � r�pandre , & dans
les membres de i'Ar�hitefture;, & dans les orne-
-ocr page 508-
��j6                         C OURS
ments de la Sculpture d�f�mes � TembelMement
des fa�ades.
Fa�ade lat�rale et coupe prise sur
■��■?.'■                                                                                                                          '
la profondeur du B�timent.
Planche XXI L
La figure I , offre la fa�ade lat�rale de cette
porte, & fait voir le retour du mur de f arri�re-
corpsA, la coupe de celui de cl�ture Β , la
faillie de Tavant-corps Ε , du cot� de la ville, &
celui F, plac� du c�t� du faubourg. La pr�f�-
rence que nous avons donn�e aux boffages alter-
natifs fur les boffages continus -, diftribu�s dans
'la hauteur du fut des colonnes, & le rapports
que ces boffages doivent avoir avec le module
de Tordre, ont d�termin� ici la hauteur des affifes
que forment les refends qui r�gnent au tour de
ce/b�timent ; autrement il auroit fallu, & dans
, cette fa�ade lat�rale & dans celle f du c�t� de la
ville o� l'ordre ne pr�iide pas , ne placer que
quatorze refends au-lieu de quinze; parce que
nous penfons que Tabfence de Tordre exige n�-
cessairement de donner � tous les membres de la
d�coration un peu plus de pefanteur; mais comme
ce b�timent fe trouve pour ainfi dire iibl� de
toute part, & que par cette raifon il a fallu que
les boffages & l�s refends fuiTent r�duits � une
hauteur commune, nous avons pr�f�r� alors de
faire les affifes im peu trop baffes, plut�t que
de les �lever aux d�pens de la relation qu'elles
doivent avoir avec la hauteur des boffages des
colonnes, parce que le mur de cl�ture Β �tant
beaucoup moins �lev� que tout le .reffe du b�ti-
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D'A R C 1 Τ Ε C Τ U R E.              477
ment, on fe feroit aper�u de cette difparjt� ,
qu'il faut �viter avec foin. Si cependant ces
refends ? r�duits au-deffous d'un module , fe eon-
tredifoient trop avec le caraclere de fermet�
r�pandu dans la fa�ade , il ne faudrait pas h�i�ter
de faire les boffages des colonnes continus , parce
qu'alors pouvant devenir pairs. au-lieu d'impairs ,
on pourroit leur donner une hauteur aiTortie au
itile de l'ordonnance. Nous recommandons � nos
Elev�s de prendre garde � cette remarque , pour
qu'ils apprennent � fentir combien il leur eft im-
portant de ne n�gliger aucunes parties des d�tails,
�orfqu'ils commencent � compofer ; puifque c'ei�
du rapport des membres d'Architecture compar�s
les uns avec les autres , non-feulement que les
b�timents les plus fomptueux tiennent tout leur
�clat, mais encore que les b�timents les plus
fimples tirent leur principal relief & leurs plus
grandes beaut�s.
La figure 11, nous. donne. la coup� de cette
porte, prife dans'le milieu de Tavant-corps des
deux fa�ades : on remarque dans fa partie fup�-
rieure le profil des dalles en recouvrement mar-
qu�es Β, qui fervent de couverture � l'�paifleur
de ce b�timent. Au-deiTus de ces dalles nous au-
rions d� exprimer l'�l�vation de la lanterne qui
�claire i'efcalier pratiqu� de fond en comble pour
arriver fur cette terraife, & auquel la porte marqu�e
A, donne entr�e aui�i bien qu'� une pi�ce C, deili-
n�e � fervir de magal�n pour des �fteniiles �
l'ufage des incendies. Non-feulement cette lan-
terne auroit fait un aiTez mauvais effet dans ce
jdef�in ; mais il �tiroit fallu l'exprimer auiTi dans les
�l�vations ; �� comme elle ne peut fe remarquer
-ocr page 510-
�$ Cours d'Architecture.
d'�n-bas, nous n'avons pas cru devoir la placer
ici; nous nous fommes feulement content�s de
l'indiquer dans le plan , planche XIX, figure 11 ;
cet objet d'utilit� n'�tant d'ailleurs fufceptible
d'aucune d�coration. Le magafin C , qui s'�tend
au-deifus de la porte dans toute la longueur
du b�timent , re�oit le jour par des barbacan-
nes horifontaies , pratiqu�es au- def�lis de la cor-
niche de l'entablement, qui ne pourroient s'ap-
percevoir d'en-bas, le point de diitance � , �tant
�tabli � cinquante-un pieds de la fa�ade du b�ti-
ment , moiti� du produit de la fomme de la lon-
gueur de F�diiice» qui eil de foixante-douze pieds,
avec celui de la hauteur de l'entablement �lev� de
trente pieds du fol : op�ration qui donne le rayon
vifuelD,E, qui, prolong� jufqu'en F, mafque
enti�rement la hauteur de cette barbacarine.
Nous finiiTons ici ce premier volume pour com-
prendre dans le fuivant les trois ordres Gijecs , &
le Compofite Romain. Tout ce qui vient d'�tre dit
ne doit encore �tre regard� par nos Elev�s que
comme les premiers �l�ments de l'Art, �l�ments
qu'il �toit n�ceffaire. d'acqu�rir , &dont nous leur
recommandons l'�tude avant dev parler � la th�orie
dont nous allons parler.
Fm du premier Volume. ->
De l'Imprimerie de Lot tin l'a�n�; 1771.
-ocr page 511-
E R R ATA.
^4h /iew <ie ,
n'avok �t�,
enrt'autres ,
roifieme \
fon fils ,
puplia,
quelles ,
Sq-Kien,
mortiers,
a re�u ,
confu ni�es,
Sainte-Antoine ,
�ean-Paul Paiimi,
M. Patt,
l'humaimt�,
Autres Arts,
facult�s l'efprit humain,
les Michel-Anges , les Ber-
nins,
de l'Hiitoiie des Belles-
. Lettres,
maifon de Tofcane ,
'Primatices,
            > »
les D�l�tmes ,
les colonnes Trajannes,
le d� h ,
qu'il ne faut toujours ,
le tailloir ρ , la platte-
bande d , 6c le lifteau q ,
reduit � un diam�tre,
Planche XVI,
du cilindre iz , c ,
ce chapiteau �t� imit� ,
Planche XX ,
Planche XX,
          . . *
beaucoup de faillies ,
Planche XIX ,
corniches i�mplifi�s,
Planche XX,
laftatuene devoir,
pleins ,
                         ' .
les DebrofTes ,
Planche XIX ,
dyramidales,
un Architecture,
de Berty',
les DebrofTes,
Pages,
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entr'autres,
rroifi�me.
fon fils 7                   ^
publia.
quels.
Fo-Kien,
agens.
ont re�u.
confum�s.
Saint-Antoine. .
Jean-Paul Panini.
M, Patte.
l'humanit�.
autres Arts.
facult�s de l'efprit humain.
les Michel-Ange, les Ber-
nin.
de l'fiiftoire , des Bclles-
Lettres.
maifon Tofeane.
Primatice.
les Delorme.
les colonnes Trajane.
le d� b.
qu'il ne faut pas toujours,
le tailloir d , la piatte-
bande 5 , & le lifteau p.
r�duite � un m�me.
Planche XV.
du cilindre d , c,
ce chapiteau ayant etc.
Planche XVIII.
Planche XVIII-
beaucoup de faillie.
Planche XVII.
corniches Amplifi�es.
Planche XVIII.
les ftatues ne d�voient,
plein.
les Debroffe.
Planche XVir.
pyramidales,
une Architecture.
de Berci.
les Debroffe.
�'54
I
179
II
1^0
18
2.19
note r.
110
7
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3.64
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note r.
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note y.
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note �.
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5-4-
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400
note 0
411
" 7- .
Jb'Approbation & le Privil�ge du Roi f e trouveront
M la fin du dernier volume.