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1 C
COURS
D'ARCHITECTURE
CIVILE,
-ocr page 2-
D'ARCHITECTURE,
ο υ
TRAITÉ
JPe la Décoration, Dißrihution & Conßruclioß
BES BÂTIMENTS;
Contenant
Les Leçons données en 1750, de les années
fiiivantes, par J. F. BlonDEL , Architecte,
dans fon Ecole des Arts.
Puhliè de l'aveu de l'Auteur 9 par M. R * * *«
TOME TROISIEME.
„ /
Che?- la Veuve Desaint > Libraire, rue du Foin-S.-Jacques.
^„^■^----g--igs-ajte4ffi!u*g,,,.......ι·.», ι ,., t„>_
M DCC LXXIÏ.
Avec Approbation 3 & PtiviUp du Km»
-ocr page 3-
- '"                             ....                                                              —                                                                                       ' - ' *........"■ ' ——-................■■ .~—■*;
AFANT PROPOS,
Contenant l'Expofition des matières
répandues dans le deuxième Volume
de cet Ouvrage:
Suivi d'une Dissertation fur l'utilité
de joindre à t Etude de l'Architecture, celle
des Sciences & des Arts qui y Jont relatifs.
Nous suivrons dans ce Volume &:
dans les fuivants, la méthode dont nous
nous iommes déjà fcrvî^ c'eft-a-dire, que
nous donnerons à la tête de chacun, une
notice des Chapitres contenus dans le Vo-
lume qui aura précédé, à derTein d'en-
chaîner les Leçons les unes aux autres,
de maniere à pouvoir les étudier avec le
même efprit, & parvenir à mettre plus
de liaifon dans les idees : nous obièrve-
rons auffi à la fuite de ce précis de don-
ner une Dilîertation fur quelque objet
important de l'Architecture, afin d'accou-
tumer nos Elevés au rationnement de l'Art,
qui, étayé des préceptes contenus dans
ce Cours , ne pourra que contribuer à leur
infpirer l'amour de l'Etude,, &. à leur per-
fuader la néceiïité d'approfondir toutes
les branches qui conftituent l'Architecture
proprement dite.
Tome III,                                a
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Avant-Propos du deuxième Volume.
Cet Avant-Propos a eu pour objet de
rappeler à nos Lecteurs ce que contenoit
de plus intérelTant l'Introduction 6c les iîx
Chapitres qui forment la divifion du pre-
mier Volume de ce Cour. Il comprend
auflî une DhTertation aiTez étendue îur la
néceffité de l'étude des Ordres d'Archi-
tecture i étude fouvent trop négligée parmi
les Elevés, 6c regardée par plulieurs Ar-
chitectes comme la partie la moins inté-
reliante de la décoration > parce qu'ils fe
font fait un fyftême particulier qui leur
fait regarder les préceptes des Anciens à
cet égard, comme ne pouvant fe conci-
lier que difficilement avec les productions
modernes. Nous penfons différemment à
ce iujet: la proportion des trois Ordres
Grecs , confidérée féparément, non-feule-
ment nous paroît un chef-d'œuvre ; mais,
lorfqu'on vient à examiner l'heureux ac-
cord qu'ils produifent aifociés enfemble
par un homme de génie, comme François
Manfard l'a fait au Château de Maifons,
on eil tenté de croire que ce grand Maî-
tre fe les étoit appropriés de maniere a
produire de nouveaux chefs-d'œuvre : nous
ne rapporterons point ici ce que contient
cette DûTertation ; nous y renvoyons nos
-ocr page 5-
Avant-Propos,               lij
Lecteurs, & les invitons de nouveau à fe
pénétrer des vérités qui y font établies, & à
ne jamais croire ks Architectes qui regardent
cette étude comme fuperrlue. Ceux qui
penient ainfi ne ièntent pas l'importance
de cette étude. La pareife leur faifant en-
tendre qu'on peut iè paiïèr des règles les
mieux conltatées, ils préfèrent de produire
des comportions de fantaifîe, plutôt que
de fuivre la route des Anciens. Mais ce-
lui qui veut bien apprendre notre Art
doit fe reiTouvenir que cette route a été
fuivie par tous ceux qui fe font acquis en
France le plus de célébrité.
Chapitre premier.
Nous avons rapporté dans ce Chapitre
la proportion de l'ordre Dorique, iiiivant
Vignolejiious l'avons comparée avec celles
ailignées par Palladio & par Scammozi 5
nous avons pris occafion enfuite de faire
connoître ks différentes opinions des Ar-
chitectes François , iorfqu'ils ont voulu
chercher à concilier, dans leurs divcrfes
produdions, ks préceptes des Anciens
avec nos ufages, & avec ks découvertes
qu'ils ont faites dans cette partie de l'Ar-
chitedure. Du nombre de ces Archives
nous n'avons cité que Manfard, Leveau '
Debraiîe & Bruant: nous avons difcuté
ai/
-ocr page 6-
iv               Α γα ν τ~Ρ R0 ρ ο s,
chacune de ces différentes opinions ; &,
ians vouloir nous metcre en parallele avec
ces grands Maîtres, nous avons néanmoins
donne nos avis iur la maniere d'accorder
plus précilëment encore la régularité de
cet Ordre, félon l'Antique, avec les an-
gles faillants & avec les angles rentrants,
employés allez ordinairement par les Mo-
dernes dans l'ordonnance de nos façades.
Cette diicuifion nous a amenés à parler de
l'accouplement des colonnes, de l'eipace-
menc des encrecolonnements, & de la va-
riété que nos Architectes leur ont donnée,
comparée avec la maniere uniforme donc
les Anciens les employoient dans leurs
monuments : enfin, pour donner une idée
de l'application de ce1: Ordre à l'Archi-
tecture, nous avons offert les Plans, les
Coupes &: les Elévations d'une Fontaine
publique de notre compoikion, &i dans
l'ordonnance de laquelle nous avons fait
ufage des moyens que nous prop οίο η s dans
les planches de ce Chapitre qui traite du
développement de cqz Ordre.
Chapitre II.
Nous avons traité de l'ordre Ionique
dans le deuxième Chapitre : nous avons
propofé quelques changements dans les
principaux membres du piedeital, & pré-
féré dans la colonne ? la baie attique à celle
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A VA Ή T-P ROP Ο S.                  V
que Vignole rapporte, dans ion Traité des
cinq Ordres,
d'après Vicruve. Nous avons
auiîi rapporté les différents chapiteaux que
les Anciens & les Modernes ont attribués
à cet Ordre : nous avons parlé des occa-
sions où le chapiteau antique & la courbe
de fa volute doit avoir la préférence fur
celui de Scammozv, ou fur celui de Michel·
Ange, félon l'application qu'on veut faire
de cet Ordre à l'Architecture : ce choix
une fois fait, nous avons deiîré que l'en-
tablement fe reiîentît de l'une ou de l'autre
préférence ■·, que pour cela, on le fît tout
denticulaire ou modillonnaire ; & que,
d'après les principes enfeignés pour l'ordre
Dorique , on déterminât la largeur des
entrecolonnements, à raiion de l'efpace-
ment de ces derniers membres,.afin de
parvenir à rendre le foffite de l'entable-
ment parfaitement régulier, ioit en rappro-
chant plus ou moins fes modulons, Îoit
en altérant un peu la faillie de la corniche.
Pour rendre compte néanmoins de l'a-
vantage que le chapiteau moderne a fur
l'antique, nous avons donné, fur trois plan-
ches 3 deux pians deux élévations, repré-
fentant l'avant-corps d'une mai/on de
plaifance, l'une avec des piiaitres, l'autre
avec des colonnes, dans le deiTein de
faire connokrc la différence que produk
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vj              Α γα ν τ-Ρ R ο ρ ο s.
à 1'ceüii la diiïemblance du chapiteau
ancien , comparée avec la îiniétrîe du cha-
piteau moderne. On voit alors la préfé-
rence qu'on doit donner à celui-ci fur
celui-là, malgré l'autorité de quelques-uns
de nos édifices célèbres, où la plupart de
nos ArchiteAes Pont préféré, fans avoir
égard aux reiTauts qu'ils fe font crus obli-
gés d'introduire dans la décoration de
leurs façades.
Chapitre III.
Ce Chapitre , où nous avons traité de
l'ordre Corinthien, nous a fait connoître
combien cet ordre acquiert de beauté &
d'élégance, entre les mains d'un Artiite
habile, tel que Perrault. Nous avons donné
les développements de fou chapiteau, chef-
d'œuvre immortel du célèbre Callimaque.
Nous avons néanmoins délire dans cet ordre,
rapporté d'après Vignole, quelques chan-
gements dans les moulures de fa bafe,
toute la proportion de fort ordonnance
étant de la plus grande beauté : nous l'a-
vons auiîi comparé avec celui de Palladio
& celui de Scammozy, & Pavons appli-
qué à un portail d'Eglife de notre com-
position, deftiné pour le monument qui doit
faire partie de l'Abbaye Royale âzs Dames
Çhanoinefles de Saint-L©uis, à Metz,
-ocr page 9-
Avant-Propos.             vij
Chafitre IV.
Enfin ce Chapitre a été deilîné à déve-
lopper l'ordre Compoiîte Romain, félon
Vignole; ordre imité du Corinthien fans
en avoir la beauté. Nous l'avons auiîi com-
paré avec celui de Palladio & celui de
Scammozy, &: avons, ainil que dans Ïq$
ordres précédents, rapporté fur chacune
de ces planches, d'autres profils analo-
gues à leur expreffion particuliere ; profils
donnés d'après le fentiment des plus célè-
bres Architectes François, qui, en fuivant
aiTez littéralement les principes des An-
ciens, n'ont pas laiiTé d'y faire des chan-
gements utiles, à raifon de l'application
qu'ils en ont voulu faire dans leurs édi-
fices. Après les principaux détails de cet
ordre, nous l'avons fubftitué, âu-lieu du
Corinthien , à l'arc de triomphe du trône
par Perrault, pour les raifons que nous en
avons rapportées en donnant la defcription
de ce monument.
Avant de quitter les cinq Ordres d'Ar-
chitecture nous avons compris, dans le
même Chapitre, les colonnes tories &c la
maniere d'en tracer les courbures: eniuitc
nous avons donné différents defiins d'or-
dres Cariatique & Perfique, en rendant
compte du peu d'ufage qu'on en doit faire
a iv
-ocr page 10-
Vlij              A VA N T'P RO Ρ Ο S.
dans la décoration aes bâtiments, malgré
les fréquents exemples que nous en ont
laiiT.s les Grecs qui en font les Inventeurs,
&i l'autorité de quelques-uns de nos édi-
fices François,
Chapitre V.
Apres les Eléments précédents , pour
faire remonter nos Elèves à Ja Jouree, &
les amener à la theorie âes Ordres donc
nous venons de parler, nous avons rap-
porté dans ce Chapitre la plupart des
e η ta b 1 e m e η ts d es d I ire r e η ts G rd r es, d ο η t
les ruines ie voient encore dans les relies
précieux des plus beaux monuments
de la Grèce : entablements que nous
avons tirés du Livre que M. le Roy nous
a donné fur ce fujet, Se dans lequel nous
avons puifé divers entablements de l'ordre
Dorique, coniîdéré dans ion premier, dans
Ton iceond & dans ion troifieme état.
Nous en avons uie de même pour l'or-
dre Ionique, pour Tordre Corinthien &;
pour Tordre Cariatique, d'après les tem~
pies de Minerve δι d'Erectée à Athènes,
&: du temple de Théfée en iilrie.
Enfuite nous avons rapporté divers
exemples d'entablemements, tirés d'après
Jes Monuments antiques de l'Italie, teh
qm
les Thermes de Dioctétien, lç tem-
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A VA Ν Τ-Ρ R Ο Ρ Ο S.                  IX
pie de la Fortune virile, le Portique de
la Rotonde , le frontifpice de Néron,
l'Arc de Titus à Rome , la Sépulture
d'Alhane près de cette Ville; enfin ΓArc
des Lions à Vérone. Dans ce même Cha-
pitre, nous avons aufli donné différents
profils d'entablements deiîînés d'après les
Interprètes de Vitruve, tels que Léon-Ba-
ptifie Alberti, Philibert de Lorme, Jean
Bullant &c Serlïo. Nous avons auiîi rap-
porté pliifieurs profils, d'après nos édifices
modernes, élevés par nos Architectes Fran-
çois, tels que Manfard, Leveau & Bullet.
Ce Ciiapitie eil terminé par divers def-
iîns de profils de notre compoiition, foie
iîmples, foit comp oies , applicables aux
différentes ordonnances, Tofcanes, Dori-
ques, Ioniques, Corinthiennes &i Compo-
rtes., où l'on trouvera, non-feulement di-
vers entablements, mais des profils parti-
culiers pour les plinthes, les tablettes ôc les
focles des balufïrades 5 pour les attaques,
les foubaiTements, les impolies, les archi-;
voltes, les chambranles, &lc.
Chapitre VI.
Il a été queilion, dans ce Chapitre, de
traiter des inconvénients qu'occaflonnent
les Ordres d'Architecture, lorfque, dans
un même édifice, on hs cleve les uns fur
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Χ                Α VAN T~P RO PO S.
les autres ; nous avons rendu compte du
rapport qu'il convient de donner a ceux
de deiïus, comparés avec ceux de deffous,
auiîî-bien qu'à ceux intermédiaîrement
placés entre \qs uns & les autres. Après
avoir tracé des préceptes généraux à cet
égard, pour préfenter à nos Elevés d'au-
tres moyens d'y parvenir, nous rappor-
tons , dans treize planches particulières,
les meiures des différents Ordres , placés
dans le plus grand nombre des édifices y
/oit anciens, ioit modernes, &c qui fe trou*
vent appliqués à dzs bâtiments a un feu!
étage, à un étage Se un attique, à deux,
i trois étages, &c. tel qu'au portique d'A-
grippa, à i'Eglife de Saint-Pierre, au Pan-
théon, au Colifée, au Palais Farnèfe, au
Palais Barberin à Rome; à l'Amphithéâtre
de Vérone 5 dans Paris à Saint-Sulpîce,
aux invalides, à Saînt-Gervaîs, au Palais
des Tuileries, au Luxembourg, au vieux
Louvre, aux Places a(:s Victoires & de
Louis-le-Grand j aux Châteaux de Maifons
& de Meudorij enfin aux Hotels de Noail-
les, de Soubife, de Tingry, &c. Ces figures
font accompagnées de plusieurs obierva-
tions, qui porteront nos Elevés à réflé-
chir fur le bon ou le mauvais effet que peut
produire dans nos bâtiments l'application
de ces différents Ordres.
-ocr page 13-
A VA Ν T-P RO POS.               XJ
Chapitre VII.
Ce Chapitre traite du caractère qu'il
convient de donner aux différents genres
de bâtiments d'habitation, élevés dans nos
Villes, tels que les Palais des Rois, les
Hotels des grands Seigneurs, les maiibns
des riches particuliers, &c celles érigées
pour la demeure des Négociants & des
Commerçants.Nous avons auiTi traité, dans
ce même Chapitre, do.s maiibns Royales
élevées à la campagne, des châteaux, des
maiibns de plaiiance, & des maiibns de
campagne proprement dites.
Chapitre VIII.
Celui-ci parle des monuments durables
élevés pour la magnificence, ids que les
Arcs de triomphe, les Portes triomphales,
les Places Royales, les Obélifques, les Théâ-
tres j il traite auiîî des fêtes publiques qui
comprennent les falies de bal, celles de
feilins, les feux d'artifice, les illumina-
tions, les joutes, les carroufels; enfin les
pompes funèbres, comme les Maufolées,
les Catafalques,les Chapelles fépulcrales,&c.
Chapitre IX.
Dans ce Chapitre, il a été queilîon des
édifices érigés pour l'utilité des Citoyens,
& clans leiqueîs nous avons compris d'a-
bord les monuments facrés, tels que les
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xij             A van τ-Ρ R o ρ o s.
Métropoles, les Egliiës paroiffiales en ro-
tonde, &c conventuelles 5 lts Palais épifco-
paux, les Séminaires, les Maiibns curiales,
les Colleges, les Hôpitaux, les Cimetières,
& toutes les parties qui compofent £c em-
belliiTent cqs différents édifices.
Chapitre X.
Dans celui-ci, nous avons traité en
particulier des Hôtels des Mon noies ^ des
Bourfes ou Changes, des Baiiliques, des
Hôtels-de-Ville, des Obiervatoires, des Bi-
bliothèques, des Academies, des Manufa-
ctures, des Châteaux d'eau, des Ports, des
marchés, des boucheries.
Chapitre XI.
Enfin dans ce Chapitre XI, nous avons
parlé des édifices élevés pour la fureté,
tels que les Arienaux, les Priions, les
Portes de Ville & les Fanaux. Nous avons
eu foin de donner, iur ces différents édi-
fices , des notions préliminaires, qui ne
font offertes aux Elevés que comme au-
tant de programmes fur lefquels ils doi-
vent s'exercer, en attendant qu'ils aient
acquis une plus grande expérience, &c que
dans la fuite, nous puiilîons leur offrir, dans
ce Cours, pluiîeurs deiîins de la plupart
des Bâtiments contenus particulièrement
dans ces derniers Chapitres.
-ocr page 15-
xiij
DISSERTATION
SUR L'UTILITÉ DE JOINDRE A L'ÉTUDE
DE L'ARCHITECTURE.,
Celle des Sciences et des Arts
qui lui sont relatifs.
JL'utilité de l'Architecture eil aiTez
connue, pour que nous n'entreprenions
point de faire ici l'éloge de cet Art impor-
tant: perionne n'ignore que c'eit par ion
fecours qu'on parvient à élever des Tem-
ples à la Divinité 5 à ériger les Palais des
Rois, les Places publiques, les Monuments
durables à la gloire des Héros -, enfin à
conftruire des demeures particulières pour
les différentes claffes de Citoyens.
Nous avons reconnu précédemment les
avantages de Γ Architecture confédérée en
elle-même i nous avons parlé de ion ori-
gine , rapporté fes progrès, ies révolutions -,
nous
avons fait mention des différentes
branches qui la compofent (a). Rappelons-
nous tous ces objets, & les différentes pro-
ductions qui font de fon reffort, foit pour
l'utilité d'un Peuple raffemblé, ibit pour la
(a) Voyez rintrodudiori à la tête du premier Volume de
ce Cours.
-ocr page 16-
xiv          Dissertation
iureté des Etats policés, foit enfin pour
la magnificence des Cités. Faifons plus,
tâchons de perfuader à ceux qui fe deiti-
nent à l'Architecture, qu'il ne leur eit
pas moins intéreiïant de joindre à fon
étude particuliere la connoiiTance des autres
Arts libéraux qu'elle régit fous fon empire.
Avant d'y paffer néanmoins, offrons l'idée
diftincte de ce que nous entendons par
l'Architecture proprement dite, prou-
vons combien il eft effenciel d'appeler à
foi les plus habiles Architectes, lorfqu'il
s'agit d'élever des édifices importants. Fai-
fons fentir aux jeunes Citoyens qui s'atta-
chent à l'étude de cet Art, que fouvent
ils s'y déterminent fans en prévoir les dif-
ficultés : de maniere que dans la fuite, ne
pouvant pourfuivre cette carrière, ils fe
trouvent forcés de s'arrêter au milieu de
leur courfej d'où il arrive prefque tou-
jours que, parmi les chefs-d'œuvre que les
hommes célèbres élèvent dans cette Capi-
tale, ou dans nos Provinces, on remar-
que tant d'édifices médiocres, & quelque-
fois même, ofons le dire ici, au-deifous
de la médiocrité.
L'Architecture eft un Art créateur,
qui s'étend fur tous les édifices d'utilité,
"de fureté Se de magnificence : depuis les
-ocr page 17-
SUR L'ARCHITECTURE.            XV
cabanes couvertes par le chaume, jufques
aux monuments terminés par des couver-
tures où les métaux brillent de toute parti
l'Architecture y déploie toutes iës reifour-
ces. Des bâtiments particuliers , préiervcs
par elle des intempéries des faifons, elle
paiÎè aux édifices les plus fomptueux: elL·
embellit: les lieux les plus defertsj elle pré-
iide à l'ordonnance des dehors; elle con-
tribue à la falubrité des dedans, & prend
foin d'y répandre l'éclat que lui procu-
rent les Arts de gout, & les Arts d'agré-
ment qu'elle fçait s'aiîocîer,
Doué d'un heureux génie l'Architecte à
ion tour., ébauché par les éléments, guidé
par la theorie, éclairé par l'expérience qui
lui confirme hs préceptes de ion Art, ië
trouve appelé pour élever les merveilles
que l'Architecture enfante. S'agit-il de la
conftrucîion de nos Temples, on a recours
Ί fes lumières : lorfqu'îl importe de con-
itruire quelque monument d'éclat qui iîlii-
itre le Prince & la Patrie, il eil invité d'en
donner les deihns. Dans les Villes libres,
on le confulte pour déterminer des aligne-
ments, faciliter les communications, éri-
ger des places, des marchés : dans les Villes
de commerce , pour élever des Ports,
des Ponts, des Aqueducs, des Manufactu-
res , des Hôpitaux : dans Iqs Villes de
guerre, pour ouvrir des Places d'armes7
-ocr page 18-
xvj           Dissertation
conÎlruire des Arfenaux, des Magafïns, des
Cafernes, des Priions militaire«. Tantôt il
eil requis pour reitaurer nos anciens édi-
fices, & leur procurer les commodités igno-
rées par nosPrédéceiïèurs; tantôt pour don-
ner les plans de la diftribution, la déco-
ration de l'ordonnance des façades, & iur-
veiller à la conftrucrion de nos belles ha-
bitations à la campagne 5 pour y planter
un parc, y percer une forêt, & y difpo-
fer un jardin de propreté : il eft encore
appelé pour les objets de diicuiîion juique
dans nos métairies , pour en déterminer
l'enceinte, & fjparer le domaine du pro-
priétaire d'avec celui de ies voiilns. Des
Pays étrangers même, on s'adreilë à l'ha-
bile Architecte pour hs plus grandes en-
treprifes·, en un mot, dans tous les temps,
les Riches s'empreiïent de reeccuillir fes
avis pour l'embeîliiîement de leurs demeu-
res : par /es talents, ion intégrité, il fe
fait confîdérer des Grands , chérir des
Gens du monde, de l'Homme d'Etat, de
l'Homme privé; enfin les honneurs devien-
nent la récompenfe de fes travaux.
Mais que ceux qui fe vouent à l'Archi-
tecture ne s'y trompent pas ·■> il eft plus
difficile qu'on ne penfe, d'atteindre aux
qualités eiiencielles à un Architecte: qu'ils
conçoivent
-ocr page 19-
sur l'Architecture. xvij
conçoivent combien il leur faut acquérir
de talents pour y parvenir, puiique, fans
parler de l'étude particuliere des trois bran-
ches eiïencielles de cet Art, la décoration,
la diftribution & la conftru&ion, il leur
effc également indiipenfable d'étendre leurs
connoiflances dans les Mathématiques, dans
l'étude du Deiîîn de divers· genres, dans
l'Art de modeler, dans celui de faire des
Reliefs, dans la Perfpeclive, les Eléments
de l'Architecture militaire & navale, la coupe
des pierres 5 en un mot, il faut qu'ils acquiè-
rent l'expérience qui mené à l'Art de bâtir,
& à juger des ouvrages les plus célèbres.
Vitruve confeilloitmême aux Archite&es
de ion temps d'entendre la Médecine, pour
procurer plus de iâlubrité aux demeures
de fes Concitoyens 5 la Phyiîque, pour le
choix des matières qu'on y employoit; la
Mécanique, pour l'intelligence des forces
mouvantes j la Muiîque, pour l'entente des
Théâtres; enfin les Selles-Lettres, pour ië
rappeler les principaux traits de l'Hiiloire
ancienne & de l'Hiitoire moderne: autant
d'études ? dit-il, du reifort immédiat de
l'Architecture, ce qui prouve en faveur des
connoiifances que nous nous propofons
d'analyfer dans la fuite de cette DiiTcr-
ration, après en avoir donné une idée
générale.
Tome III.                              b
-ocr page 20-
xviij          Dissertation
Des différentes branches des Mathéma-
tiques, la Science des Nombres eil indif-
penfable au jeune Architecte, afin qu'il
puiiTe, lors de la compoiition de fes pro-
jets, fe rendre compte du prix des ma-
tières qu'il aura occafion d'employer : la
Géométrie, pour bien entendre le déve-
loppement des corpsj la Trigonométrie,
pour lever les plans \ les ferions coniques,
pour la coupe des pierres ·, les mécaniques
pour le tranfport & l'élévation des fardeaux:
enfin l'Hydraulique, pour les épuifements
&: la diilribution des eaux.
Le Deflîn en général lui eft néceiTaire
pour communiquer {qs penfées, pour défî-
gner au Sculpteur, au Peintre, au Cize-
leur, la forme &, le relief des différentes
parties de la décoration, décidée par le
Propriétaire fur fes projets, 6c qu'il fe trouve
enfuite obligé de confier à leurs foins.
Quoique la maniere de deifiner l'Archi-
tecture iok comprife dans l'étude des Elé-
ments de cet Art, dont nous ne parlons
point dans cette DhTertation, nous n'en
dirons pas moins que rien n'eft fi eiTen-
ciel à PArchitede que de fe rendre compte,
par des développements particuliers, des
plans, des élévations &: des coupes de fon
édifice, avant de les préfenter aux Per-
-ocr page 21-
cur l'A&çhîtzcturm. xIx
Tonnes qui font bâtir, & de hs commu-
niquer aux Entrepreneurs.
L'Art de modeler, également utile à
Γ Architecte, fe divïfe en deux clalfes: l'une
a. pour objet les ornements appelés dans
l'Architecture pour l'embellir ou la fym-
bolyferj l'autre préfente en relief la difpo-
iition générale de fon Bâtiment, &c les
principales parties qui le compofent.
L'étude de la Perfpective lui apprend à
juger PefFet que devra produire fon projet
après l'exécution, c'en: par elle qu'il ac-
quiert les moyens d'eftimer la différence
qu'il doit obferver entre les grandeurs
réelles & les grandeurs apparentes, & qu'il
conçoit les différents afpects, fous lefquels
il doit préfenter fon édifice au Specta-
teur éclairé.
Chargé fouvent d'ériger dts monuments
dans nos Villes frontières, il ne doit pas
ignorer hs éléments de l'Architecture mi-
litaire } elle comprend la partie des For-
tifications , qui tient de plus près aux Bâ-
timents civils qui font directement de ion
reffort.
Appelé dans nos Villes maritimes,. îî doit
de même acquérir la partie de l'Archi-
b ij
-ocr page 22-
xx            Dissertation
techire navale, qui le conduira à concevoir
les projets dont il fe trouvera chargé dans
un genre qui, ne tenant ni à l'élégance
de nos édifices civils, ni à la rufticité de
nos Bâtiments militaires, n'en doit pas
moins annoncer le caraétere martial qu'il
convient de répandre dans leur ordonnance.
Le fecret que nous enfeigne la coupe
des pierres, eft indifpenfable auffi à PAr-
chite&e pour fe rendre compte, &; de la
pratique de l'Art, &; de la maniere de con-
cevoir , lors de la compoiition de (on
f)lan, l'économie qu'il doit obferver dans
'emploi des matières, pour difpofer les
parties qu'il doit foutenir en l'air en faveur
de l'accord général des dehors & de la com-
modité des dedans.
Il doit également cormoître la coupe
des bois concernant l'Art de la Charpen-
cerie Se celui de la Menuiiierie : dans celle-
là, pour ce qui regarde la qualité des bois
βς/leur aiTemblagej dans celle-ci, pour dé-
terminer la hauteur & l'épahTeur qu'il doit
donner à l'élévation des portes St des croi-
fées de fon Bâtiment, afin de choifir,
parmi les divers, aiTemblages, ceux qui
conviennent pour les vouiTures & les lam-
bris qui décorent les pièces principales con~
-ocr page 23-
sur l'Architecture. xxj
tenues dans le corps de logis de Ton édifice.
Enfin l'expérience jointe à la pratique
du Bâtiment, lui apprend à apprécier fur
fes projets la dépenfe de l'édifice qu'il doit
élever j à défigner, par des devis bien dref
fés^ la qualité fpécifique des matières qui
doivent y entrer, à lavoir eilimer Je prix
de la main-d'œuvre ; à prévenir les contef-
tations qui peuvent furvenir entre deux
voifins; à garantir, par fa furveillance, le
Propriétaire de toute efpèce de fraude j à
favoir,en un mot, affocier la maçonnerie
avec la charpenterie ; celle-ci avec les gros
fers, pour aiïurer les uns par les autres,
& parvenir à un plus grand degré de fo-
lidité & de perfection.
A cette expérience, il en faut joindre
une autre non moins efïencielle, &: qui
regarde plus précifément l'Architecture $
c'eifc celle qui nous apprend à juger, par
l'examen des édifices anciens & modernes,
de la route que les grands Maîtres ont fui-
vie dans l'ordonnance de leurs édifices, &
de la relation qu'ils ont cherché à mettre
entre les dehors & les dedans, à raifon de
la diverilté de leurs entreprifes, "& de la
température des climats où ils ont élevé
leurs chefs-d'œuvre.
par toutes ces différentes eonnoii-
b iij
I
-ocr page 24-
Xxij            D I S S ERTAT Ι Ο Ν
fances , que l'Architecte arrive à imiter
avec fruit les ouvrages les plus célèbres ;
&c qu'il parvient à porter également {qs
obfervations fur la théorie, la pratique, &:
le vrai goût de l'Architecture. Qu'on y
prenne garde néanmoins, il ne fufïït pas
d'entreprendre à la hâte toutes ces diverfes
études: il ne faut pas croire non-plus qu'il
foit egal d'apprendre chacune d'elles, fépa-
rément les unes des autres, δ£ par inter-
valle) il eft un temps pour celles-ci, elles
demandent a être fuivies : il n'eft pas in-
different , comme pluileurs fe le periiia-
dent, de puiier une connoiiTance détachée
d'une autre connoiiTance^ il convient d'a-
bord de les embraiTer toutes fous un ha-
bile Maître^ de les reprendre enfuke cha-
cune à part, fous des ProfeiTeurs vérita-
blement ihitruits, mais réunis cependant
dans un même Licée par un Artifte éclairé
& reconnu aiïez bon Citoyen, pour confa-
crer fes veilles à l'inffcruction de fes fem-
blables: il faut, de la part du Difdple,
d'heureufes dîfpofitions, de la docilité, du
temps, de l'aptitude au travail* il faut en-
fin
des talents, une éloquence perfuaiîve,
de la confiance δι de l'aménité de la part
du Chef & des ProfeiTeurs.
Qu'on ne s'imagine pas qu'on deviendra un
Architecte habile, fi Ton apprend l'Archîtec-
-ocr page 25-
sur l'Architecture. xxiij
tare par déiœuvrement, & les Arts qui y ont
rapport, pour le feul pJaiiir de changer d'ob-
jet : fans doute il eft néceiTaire de varier le
genre de fes études ·■> la variété met en mou-
vement Pefprit & l'imagination de PArtifte,
le changemement de travail femble rendre
à fon génie épuifé une nouvelle vigueur : mais
il eft bon que cette diveriîté d'occupations
ramene au but qu'on fe propofe.
On peut bien paifer du Calcul au Defiin, de
celui-ci à la Perfpeclive, revenir à l'Orne-
ment, au Payfage; on peut vouloir rendre
une vue qui donne aux autres une idée du
projet dont on s'occupe. Après cette étude
iedentaire, on peut aller viiiter quelque
édifice analogue à fon travail ; de la Ville,
palier à la campagne, &: s'aifocier un ou
plufieurs Emules, pour fe procurer l'occa-
iïon d'y difcuter fur le lieu, les diiFerentes
beautés de l'Art, réunies au fpectacle de
la.nature: deretour il eft encore bien de
fréquenter les atteliers des Artîftes célè-
bres , pour y voir leurs chefs-d'œuvre &;
y conférer avec eux; enfuite fe tranfpor-
ter dans les divers Bâtiments qu'on élevé
en même-temps dans la Capitale : dans les
uns, pour defcendre dans les fouterreins,
en examiner les fondations, les empatte-
ments de les diiFerentes efpèces de voûtes:
.;.'·
-ocr page 26-
xxiv       Dissertation
dans lts autres, la forme des combles, les
écoulements de leurs eaux, les travées des
planchers, lts pans de bois : dans ceux-ci,
pour fe rendre compte des détails de la
menuiferie, desilucs, des ouvrages en plâ-
tre, des différentes efpècesde peinture d'im-
preiîion : dans ceux-là, de la perfection de
la Sculpture, de l'effet des glaces, de l'ar-
rangement des meubles: dans tous enfin,
pour y prendre des atracliemens, y faire
des notes, & y defîîner les parties les plus
inréreifantes éc les plus relatives à fes
beioins.
Après ce travail utile, il convient de fe
recœuillir dans le filence du cabinet, pour
méditer fur tous ces objets ; on doit ou-
vrir de nouveau les Rccœuils des Auteurs
qui ont traité de ces différentes parties,
pour s'y pénétrer du génie des plus grands
Maîtres. Lors de fes délaffements même,
il faut faire en forte que tout ce qu'on
remarque , tourne au profit de l'Art.
Dans les promenades , on peut médi-
ter fur les productions régulières &c ad-
mirables du célèbre le Naucre , &c fur
les comportions ingénieuies Ô: pittoref-
ques de Dufrefny : dans les cercles, on
peut acquérir ie goik des ornements qui
décorent les appartements où l'on fe tient
V
-ocr page 27-
sur l'Architecture. xxv
raffemblé: en vîiîtant les gens du monde,
admirer la réunion des Beaux-Arts qui fe
trouvent répandus dans leurs demeures:
avec Ces égaux, l'habitude de l'élocution:
aux fpe&acies, dans nos fêtes, dans nos
feiHns, au bal même, on apprend à fe fa-
miliarifer avec les productions du génie.
L'effet des lumières, la magie de la pein-
ture , l'éclat d'une décoration théâtrale,
tout intéreffe,, tout inftruit.
Dans les environs des Cités, l'infpectîon
des lieux champêtres fertilife l'imagination,
agrandit, développe les idées; on y examine
la iîtuation, l'expoikion, la difpofition des
lieux :. on s'inilruit avec le Propriétaire fur
lts convenances & les commodités relati-
ves à fon ufage, & fur celles des perfon-
nes qui font à fon fervice : on parcourt
d'un œuil avide les environs; on revient
s'inilruire encore avec le Receveur de fes
domaines : on entre, avec le Fontainier,
dans des bofquets charmants que les eaux
jailliiTantes embelluTent encore, ôc où l'on
fe rappelle la théorie du jardinage de Le-
blond : avec le Jardinier , on parcourt
l'orangerie, les ferres chaudes, les potagers,
les préceptes de la Quintinye font ob-
fervés avec loin. On paffe enfuîte dans h$
différentes baffes-cours, on en examine les
divers départements; enfin on revient au
I
-ocr page 28-
XXV j             D I S S E RTAT Ι Ο Ν
principal corps-de-logis, où ^ au milieu
d'une îbciété aimable éc choifîe,, on acquiert
toutes Iqs connoiflances préliminaires, qui
dans la fuite amènent l'Architecte à tirer
partie des occaiions qui fe préfentent à
lui pour élever des Bâtiments falubres,
commodes agréables.
C'eft par le deiîr de s'inftruire, c'eil par
un examen continuel &: réfléchi, c'eft avec
la paillon de devenir un Architecîe de mé-
rite, qu'on s'éclaire avec tous, &: en tout
temps : autrement que pouvoir efpérer
d'un jeune homme abandonné à lui-même,
qui fe contente d'effleurer les premiers élé-
ments de l'Art, qui le plus fouvent n'a
qu'une éducation négligée, qui quelque-
fois même eil; fans Lettres , fans princi-
pes? de ces jeunes gens, en un mot, qui,
cédant à l'occaiion, fe trouvent fans Mi-
nerve ; qui, ignorant la plupart dés con-
ησ-iiTances qui tiennent a. l'éducation, ne
s'en annoncent cependant pas moins pour
aQs êtres importants, parce qu'à l'ombre de
quelques dehors affectueux, èc d'un débit
aiïez intéreiÎànt, on les prend pour des
Oracles; erreur néanmoins dont on revient
bientôt, en apercevant l'artifice auquel il$
doivent leur prétendu mérite.
Mais laiifons derriere nous ces Artifles
fuperfkieis, nos confeils ne s'adreiTent ici
-ocr page 29-
sur l'Architecture. xxvîj
qu'à ceux qui défirent un jour honorer leur
Patrie par des ouvrages célèbres, &; par-là
atteindre les Architectes de la France, dont
les chefs-d'œuvre égalent les entreprifes des
plus grands Maîtres qu'ont produits la
Grèce & l'Italie. Nous ne parlons qu'à
ceux qui, non contents de s'inilruire, par
une lecture continuelle &c réfléchie, dans
les Livres qui traitent des Beaux-Arts en
général, & en particulier de l'Architedure,
ont encore recours aux Auteurs qui peu-
vent leur apprendre tout ce qu'il convient
qu'ils fçachent de PHiftoire des Nations
policées, & des Peuples où les Arts ont
été en vigueur3 qui, dans la Littérature,
faifïiient tout ce qui peut contribuer à leur
orner la mémoire, & à leur inipirer le defir
de s'inilruire de plus en plusjà ceux enfin qui
jufque dans leurs moments de loifir par-
courent les ouvrages d'efprit, & ne négli-
gent pas même tout ce qui n'a pour objet
que l'agrément : perfuadés qu'il leur eil
également eiTenciel, en devenant des hom-
mes utiles, de joindre à beaucoup de ta-
lents une éducation cultivée. Mais paiïbns
à l'analyfe des principaux objets que nous
venons de tracer.
Nous avons fait entendre, dans le com-?
niencement de cette DhTertation, que Ifs
-ocr page 30-
XXviij           D I S S E RTAT Ι Ό Ν
Mathématiques, le Deiïîn, PArt de mo-
deler, la PerQ>.eckive & la Coupe des pier-
res, dévoient indiipenfablement faire par-
tie des connoiiTances de l'Architecte. Re-
prenons chacun de ces objets en parti-
culier, pour en faire fentir l'importance,
èc donner à connoître l'art de les appli-
quer à l'étude de l'Architecture,
En étudiant les Mathématiques, com-
bien ne fe rencontre-t-il pas déjeunes gens
qui n'acquièrent jamais, ou que bien peu,
Ja maniere de s'en fervir utilement dans
l'art de bâtir j qui, les coniidérant comme
une Science à part, font rarement uiàge
du calcul qui en fait partie, pour fe ren-
dre compte des rapports que les corps,
comparés à d'autres corps, doivent avoir
enfemble dans l'ordonnance des façades j
qui ignorent l'art de l'employer, lorfqu'il
s'agit de faire des devis, ou qu'on par-
vient au règlement des mémoires après la
bâtiiTe > qui connoiifent la Trigonométrie,
mais qui, faute d'habitude, n'en lèvent
pas moins leurs Plans par routine , qui,
ne fçachant qu'imparfaitement la Géomé-
trie, plantent un Bâtiment par une prati-
que incertaine: d'où il refaite des erreurs
/ans nombre, d'autant plus difficiles à répa-
rer, qu'on ne s'en aperçoit que bien après
-ocr page 31-
sur ^Architecture, xxlx
que l'édifice eil élevé au-delà des fonda-
tions : qui, pour n'avoir approfondi que
légèrement les Sections coniques, mécon-
noiiient celles des corps & leur pénétration
dans la coupe des pierres5 défaut de con-
noîiîance qui les force d'avoir recours aux
démonitrations pratiques du Père Derand,
ou de M. de la Rue, ne pouvant attein-
dre à la théorie de Frézier, pour lever les
difficultés de l'apareil : qui, n'ayant qu'une
foible idée des Mécaniques, ralentiiïènt
dans leurs entreprifes l'accélération iî né-
ceifaire dans la main-d'œuvre : qui enfin,
faute des connoiiTances de l'Hydraulique,
fe trouvent embarraiTés , loriqu'il s'agit
de l'épuifement ou de l'élévation des eaux
dans les grandes entreprifes. Cependant
Ils ne s'en annoncent pas moins pour dçs
Mathématiciens, iàns fe douter que icavoir
les Mathématiques comme ils les ont ap-
prifes, & être Mathématicien proprement
dit, font deux chofes qui ne peuvent entrer
en comparaifon.
Il en arrive à peu-près de même lors-
qu'on apprend le Deflîn : s'adonne-1- on
a la Figure, on paiTe rapidement aux ίΐι-
jets compliqués, & cependant on ignore
encore les proportions du corps humains
ou ii l'on deifine quelques têtes de cara-
-ocr page 32-
XXX            D I SS ERTAT I O Ν
&ere, on ne s'arrête pas aiTez à celles qui
ont le plus d'expreiîîon : les autres parties
de détail rebutent également -, celles-ci
cependant conduifent à l'habitude de bien
voir , &; à diftinguer dans la fuite cette
préciiion que l'homme de goût faille
avec tranfport dans les productions des
grands Maîtres : on préfère un faire aiië
qui abrège le travail, à la vérité, mais qui
n'amené jamais aux connoilfances appro-·
fondies de l'Art : ordinairement on con-
sulte peu les dons de la nature. Tel, par
exemple, qui deiîine vague , incorrecT;,
ignore qu'il arriveroit à une certaine exa-
ctitude , s'il cherchoit à imiter la maniere
précieufe, mais fçavante, des Bouchar™
don &: des Natoire : tel autre au contrai-
re , naturellement porté à delîîner fervÜe-
ment, ne fe doute pas qu'il devroit avoir
recours à la touche large &c facile des Pierre
&: des Boucher: la plupart changent d'origi-
naux comme d'idées; très-peu deiîinent d'a-
près la boiTe, prefque jamais d'après nature :
enfin ils ne fçavent ni les éléments de l'Hi-
ftoire facrée, ni ceux de l'Hiftoire prophane :
ils ne veulent être ni Peintres, ni Scul-
pteur, difent-ils: cela peut être; mais en
font-ils moins deftinés un jour à devenir
les Appréciateurs des chefs-d'œuvr© de
Peinture Se de Çcuîpture? or comment ap-
-ocr page 33-
sur l'Architecture. xxxj
précîer les vrais talents avec des connoii-
îànces médiocres?
On ne s'acquite guère mieux de la par-
tie qui regarde les ornements : au-lien
d'avoir recours aux exemples de l'Anti-
quité en ce genre, on deffine quelques
morceaux d'après la gravure j mais qu'il y
a loin de ces modèles aux productions
de l'Art que les Anciens ont fçu réunir
aux beautés de la nature, &L auxquelles
ils ont fçu ajouter, par des traniitions heu-
reufes, d'autres beautés idéales, des formes
contraftées, mais réfléchies, qui leur ont
fait produire tant de chefs-d'œuvre! Faute
de fuivre cette marche, on cède au tor-
rent, on devient efclave de la mode, ou,
ce qui eft pis encore, on ne compofe que
des ornements fans vraifemblance, & qui
par-là n'ont aucune analogie avec le motif
qui les amène fur la iccne. Pour éviter
de tels abus, indiquons un moyen qui nous
a réuiïï plus d'une fois : qu'on deiïîne de
bons originaux, faits d'après d'excellents
bas-reliefs j que l'on copie d'abord le deiîîn
fait d'après; qu'enfuite on place l'un l'au-
tre en oppofition pour les comparer enfem-
ble, par-là on acquerra à la fois, & h ma-
niere de deffîner fidèlement, &c celle de
rendre dans fa copie Pexpreiîion, dont l'éV
-ocr page 34-
XXxij            D I S S E RTAT Ι Ο Ν
bauchoir aura lahTé la trace fur le modele,
Loriqu?on paiTera au Payfage, que ja-
mais on ne deffine non-plus d'après la
gravure ; celle-ci n'eft bonne à confulter
que pour l'effet général : loriqu'il s'agit de
la compoiition, il eil utile fans doute d'a-
voir recours aux Œuvres de Label , de
Calot, de le Clerc, de Silveitre : mais,
pour apprendre à deffiner avec goût, il
faut copier les Maîtres d'Italie & ceux de
notre Ecole Françoiiè qui iè ίο rit le plus
iîgnalés dans ce genre de talent. Pour fe
rompre dans le Payfage, il faut le deffiner
tantôt à la iànguine, aux trois crayons>
tantôt à l'encre, au biilre, à la gouafle: il
faut fe faire de cette occupation un délaf-
fement après une étude plus férieuie : il faut
fe rappeler que les hommes en place fe
font plu, dans tous les temps, à aiTocicr
à leurs connouTances acquifes., cette partie
intéreÎTante du Deiîîn; qu'enfin c'eft par
fon fecours qu'un Architecte explique avec-
netteté fes idées aux Grands, & ies inten-
tions aux Artiiles qui le fécondent dans
fes travaux.
Lorfque nous avons recommandé de fe
rendre compte des développements géo-
métraux de les projets, nous avons fuppofé
qu'à cette étude, on joindroit la maniere
de
-ocr page 35-
sur l'Architecture. xxxiij
de deffiner l'Architecture avec intelligence.
Pour cela, îl faut defcendre dans tous les
détails de la théorie des ombres j les deffins
d'Architecture étant pour l'Architecte une
efpecede modele, qui lui fait juger ii l'idée
qu'il en a conçue, lui offre celle qu'il avoit
droit d'en efpérer. En effet cette théorie
lui apprendra à concevoir ce qu'il eft né-
ceifaire d'ajouter ou de retrancher dans les
différentes parties de fon projet, pour par-
venir à un plus grand fuccès. Apres cette
étude intéreifante, nous confeillons de faire
ufage du lavis pour ombrer les coupes
d'une maniere tendre & moëlleufe > les
façades, d'une touche plus ferme, fans les
trop pouffer au noir : les plans au con-
traire peuvent tranchej davantage, chaque
objet devant s'annoncer différemment.
Nous recommandons néanmoins de ne ja-
mais imiter, ou rarement,, ces touches vagues
& accidentelles dont on ufe fréquemment ; il
ne faut fe les permettre tout au plus que dans
des efquiffes, &. non dans des deiïïns d'Archi-
teéture,qui doivent préfenter la fraîcheur &z
la précifion d'un édifice nouvellement élevé :
ces écarts ne montrent que l'inconféquence
du Defîînateur. Certainement dans tous Iqs
genres de Deihn, il faut faire choix âç
h
meilleure maniere de les rendre. Les Man-
Tome III
                                   c
-ocr page 36-
XXxrv             D 1 S S E RTAT I ON
lard, les le Mercier, les Perrault ont déj
daigné cet artifice j aujourd'hui, il femble
qu'on ne veuille plaire qu'aux Peintres de
Ruines, encore n'imite-t-on de ces Maîtres
que les licences pittorefques, autoriiëes par
la vétuilé des fabriques qu'Us ont inten-
tion de repréfenter dans leurs tableaux.
Qu'on y réftéchille, la bonne Architecture,
fes belles formes, les proportions qui la
conilituent, n'ont pas befoin de ce prefti-
ge, qui bleiTe plutôt l'œuil qu'il ne le
fatisfait. Un autre abus, plus condamnable
encore félon nous, c'en: de faire paroître
dans un même deffin des objets géométraux,
& d'autres en peripective ; inadvertence
qui prouve le défaut de raifonnement du
Deffinateur, £c qui force, pour ainfî dire,
l'Examinateur à méfeftimer la production
de l'Artifte, qu'il auroit peut-être applaudie
fans cet écart.
Nous avons reconnu l'Art de modeler l'or-
nement comme un Art eiTenciel j il apprend
en effet à difcerner les chefs-d'œuvre de Scul-
pture des du Goulon, d'avec les médiocrités
en ce genre qu'on étale de nos jours avec pro-
fufion, dans nos édifices, parce que plufieurs
de leurs Ordonnateurs femblent peu jaloux
de produire des chefs-d'œuvre, &. que,
-ocr page 37-
sur l'Architecture, xxxv
dans leurs décorations, ils s'attachent plu-
tôt à plaire à la multitude qu'aux vrais
ConnohTeurs. Il en faut cependant conve-
nir, l'ufage de l'ébauchoir indique tout à
la fois a l'Architecte, & la forme, & le
relief des objets qu'il veut réalifen il prête
à ion génie, & lui offre une infinité de
reffources que le Deiîin feul ne peut lui
fuggérer : coniidération trop effencielle
pour n'en pas acquérir l'ufage dès le com-
mencement de fes études»
L'Art de faire des modèles de relief en
carton, ou en bois, devient auiïï utile que
celui de modeler en argile, ou en cire: il
donne l'idée générale du projet ; il enfeî-
gne les moyens de fe rectifier, avant de
paffer à l'exécution j il concourt à régler
la proportion que doivent avoir les cours
principales avec celles qui appartiennent
feulement aux dépendances de l'édifice 5
il annonce les iffues > il difpofe les accef-
foires, les alentours > il marque la préémi-
nence qu'on doit donner aux principaux
corps de logis fur les ailes j le parti qu'on
peut tirer d'un terrein montueux 3 en un
mot, un modele en relief fait connoître
à Γ Architecte la perfection ou l'imperfe-
ction des premières penfées que lui a don-
nées le Propriétaire, & que, par fon acquis,
c ij
-ocr page 38-
XXXVJ             D I SS E RT AT I ON
il a cherché à concilier avec les préceptes
de ion Art.
En confeillant l'étude de la Perfpeétive,
nous n'avons pas laiiTé ignorer combien
elle étoit utile, pour rendre raifon de l'ac-
cord général qui doit régner dans l'enfem-
ble de l'édifice; nous ajouterons, qu'après
s'être rendu compte de la véritable pro-
portion des corps, de leur faillie & de
leur hauteur, il convient, par fon fecours,
de comparer enfemble leurs diverfes di-
meniions, ce qu'il paroît eiTenciel d'y
ajouter, ou d'y retrancher. On juge tou-
jours imparfaitement de leur effet, lors-
qu'on ne s'attache qu'à des développe-
ments particuliers, dépourvus des moyens
que la Perfpective fait reconnoître. C'eit.
par elle qu'on s'aperçoit iî l'on n'a abnfé
de rien, & iî les parties principales devien-
nent fuffifamment pyramidales, fans avoir
recours à l'ufage des attîques, trop commu-
nément employés parmi nous.
N'en doutons point, c'eit par de
telles comparaifons, qui jamais ne font
échappées aux grands Maîtres, qu'on re-
marque dans leurs productions cette beauté,
6c tout à la fois cette ilmplicité qui les
caractérife. Au contraire ceux qui mécon-
nohTent cette reiîource, & qui ignorent
la maniere d'employer les reflauts & le jeu
-ocr page 39-
SUR L'ARCHITECTURE. XXXvij
âes avant-corps, iïmples ou compofés,
ajoutent iàns néceiîîté, à d'aifez grandes
hauteurs, d'autres hauteurs encore , aulîî
inutiles que déplacées: tant il eil néceifaire
de faire précéder l'exécution d'un Bâti-
ment par toutes les différentes études dont
nous parlons. D'ailleurs la PerfpecHve a
encore l'avantage de procurer à l'Archi-
tecte la facilité de communiquer fes idées
aux Perfonnes en place, en leur offrant,
dans un feul deiïïn, tout l'enfemble du
chef-d'œuvre qu'il médite. Du fein même
de la Capitale, il le fait paffer dans les
Cours étrangères, où l'uiage d'un modele ne
parviendroit que difficilement. C'eil par îa
PerfpecHve enfin qu'il appelle à lui certaines
licences que le genre du Bâtiment peut lui
permettre, quoique les regies de l'Art les
défapprouvent en toute autre occafion.
Nous avons deiiré que le jeune Archi-
tecte acquît les connouTances qui font îa
baie de l'étude d'un Ingénieur. Pourquoi?
c'eil qu'il doit s'attendre à être appelé
un jour dans nos Villes de guerre , foit
pour y donner les deffins des Portes exté-
rieures ou intérieures de ces mêmes Villes,
des Plans pour des Arfenaux, des Cafernes
de Cavalerie & d'Infanterie, foit pour y
conilruire des Priions, des Hôpitaux mi-
c nj
-ocr page 40-
XXXviij          D I S S ER TAT I Ο Ν
litaires, des Places d'armes. Comme ces
différents Bâtiments d'utilité tiennent de
fort près aux Fortifications, il ne peut
ignorer le rapport que celles-ci doivent avoir
avec ces fortes d'édifices. Il convient donc
que, pour réunir ces deux genres d'Archi-
tecture, il confère fouvent avec l'Etat Ma-
jor ; qu'il s'inftruife fur le lieu des obftacles
qu'il faut furmonter} qu'il connoiffe même
l'endroit le plus foiblc de la place qui pourroic
erre attaquée par l'Ennemi, afin d'en difpo-
fer la majeure partie à l'abri des remparts,
ou fous le canon de la Citadelle.
A fon tour, l'Ingénieur pouvant être
chargé de la plupart des Bâtiments attri-
bués à Γ Architecture civile, tels qu'un
Gouvernement, des Hôpitaux, une Bail-
rlique, une Intendance, il doit fçavoir les
récries de l'Art, & donner à ces édifices la
diitribution la plus avantageuie; néanmoins
J'ordonnance doit fe reiTentir de l'expref-·
iîon virile, fans nuire au caractère particu-
lier qu'il convient d'affigner à chacun. Rien
ne peut donc difpenfer l'Architecte ni l'In-
génieur de concilier enfemble, ôc la partie
qui regarde le Service du Prince, & celle
qui contribue à élever des édifices d'éclat
capables d'illuftrer fon régne. Si ce que
nous confeillons n'eft pas fans fondement,
le jeune Architect.: doit concevoir la né-
-ocr page 41-
sur l'Architecture. xxxix
eeiïité de l'étude des Fortifications, & le
jeune Ingénieur celle de Γ Architecture
civile, peut-être trop négligée par la
plupart.
Depuis long-temps nous faifons nos efforts
pour perfuader ceux qui s'adreiïent à nous,
de faire entrer dans le cours de leurs étu- v
des ces deux connouTances utiles , afin
qu'ils acquièrent par-là ce que notre propre
expérience nous a appris à cet égard. Nous
iaiiiiîons même cette occafion de rappeler
à nos jeunes Citoyens, que précédemment
M. de Vauban, de nos jours M. Frezier,
pour n'en citer qu'un petit nombre, ont
prouvé & prouvent encore, par cette réu-
nion, la iupériorité de leurs talents; que
François Blondel, Architecte du premier
Ordre, δ£ Maître de Mathématiques du
grand Dauphin, joignoit à la célébrité de
les connoifiances dans l'Architecture, celle
dos Fortiflcationsj qu'enfin , de ion temps,
Vitruve, Architecte &: Ingénieur d'An-
gufte, nous a laiiïe des traces immortelles
de l'étendue de fes lumières: qu'en un mot
ces deux Arts, ou plutôt ces deux Scien-
ces , ont trop d'affinité &. trop de relation
l'une avec l'autre , pour ne pas mériter
l'attention de tout homme qui, voué à
cette partie, fe propofe de coniacrer fes
c iv
-ocr page 42-
*
xl              Di s s e rtat ι ο ν
jours, & à l'utilité, &c à la gloire de fa Patrie.
A l'étude de l'Architecture militaire,
nous avons auiîi propoië au jeune Archi-
tecte, d'alîocier les principes élémentaires
de l'Architecture navale, non pour fe char-
ger de la conitruétion des VaiiTeaux,mais
pour apprendre à réunir dans la compoii-
tion d'un Arfenal de Marine, toutes les
parties néceilaires à cet objet, afin de pou-
voir tirer le parti le plus avantageux & le
plus utile, lorfqu'il s'agit des digues, des
moles & des jetées■·, pour iîtuer le plus con-
venablement les fanaux, & préiider à l'or-
donnance de ces édifices deitînés à éclai-
rer l'entrée &c la fortie des Bâtiments ma-
ritimes dans nos Ports j afin de conilruire
des Hôpitaux pour des Matelots, des Ba-
gnes pour le logement des Forçats, des
Magaiîns d'armes, des Corderies, des At-
teliersj en un mot, tous les genres d'édi-
fices
relatifs à la Navigation &c au Com-
merce. Qu'on ne s'y trompe pas, toutes
ces productions l'ont fufceptibles des ré-
gies de la belle Architecture 3 on doit fans
doute les aiTujétir au befoîn qui les fait éri-
ger, mais on doit leur afîigner en même
temps un caractère convenable, puifé d'a-
près leur ufage particulier.
Nous avons obfervé, en parlant de 1a
-ocr page 43-
sur l'Architecture,          xlj
coupe des pierres, que cette étude étoit
indifpenfable, en effet quel fecours l'Art
du trait n'offre-t-il pas dans la bathTe î
combien fur-tout ne s'en font pas fervis
utilement les Goths dans la conitru&ion
de leurs édifices. Par l'étude des Mathé-
matiques, prefque univerfelle aujourd'hui,
combien cet Art n'a-t-îl pas fait de progrès
parmi nous, depuis les Delorme, par les
découvertes des Praticiens de nos jours.
Il en faut convenir, rien ne réfifle à cet
égard aux Architectes, qui ont le plus de
connoiiTance dans cette partie, ils négligent
même de faire ufage de tous Iqs fecrets
que cet Art nous enfeigne, &: dédaignent de
faire parade de la plupart de (es reifour-
ces. Us aiment mieux, difent-ils, fatisfairc
l'œuil que l'étonner, fur-tout lorfqu'il s'a-
git, ou de nos édifices publics, ou de quel-
ques-unes des parties les plus ufitées dans
nos Bâtiments d'habitation. Ils penfent avec
raifon que la vraîièmblance doit avoir le
pas fur une témérité préfomptueufe, 6c
abandonnent aux Appareiîleurs les minu-
ties , ces petits détails fymétrifés, qui ne
prouvent que la difficulté de la main-
d'œuvre. Us fe renferment dans les bornes
qui leur font preferites par le goût de
l'Art: vifant d'ailleurs à la beauté de leurs
oeuvres, ils ne perdent pas de vue une
-ocr page 44-
xlij            Dissertation
économie raifonnable, & s'appliquent par-
ticulièrement à ibutenir en l'air avec légè-
reté & leurs coupoles δ£ les panaches
qui les rachètent : ils s'attachent à leurs
voûtes, à leurs vouiTures, aux trompes
&c aux autres pièces de trait qui , en
aiîurant la folidité de l'édifice, n'en font
pas moins fufceptîbles de membres d'Archi-
tecture 6c d'ornements deitinés aies embellir.
Nous n'entendons pas néanmoins qu'il
fuîle négliger la beauté de l'appareil, lors
«le la conitruction d'un ouvrage important >
nous le regardons au contraire comme une
des parties de l'Art qui peut ajouter à celle
de l'ordonnance , parce que les moyens
dont on ufe pour entretenir les plates-ban-
des y pour conilruire avec une élégance
apparente les voûtes d'un Bâtiment, le
loin qu'on prend d'en bien dreiTer les pa-
rements, d'obferver une régularité dans la
liaiibn des joints, lui procure une nou-
velle perfection. Nous blâmons feulement
la prétention que la plupart des Artiilies
ÎLibalternes attachent à cette fervitude feru-
puleuie; fervitude qui nuit eifenciellement
à cette /implicite préférable, dans toutes
les productions de l'Architecture, à tout
ce que cet Art peut ajouter à la beauté
de l'ordonnance.
La connoiifance de la coupe des pierres
-ocr page 45-
sur l'Architecture. xlîij
amené à celle des bois, pour difpofer avec
art, dans la Charpenterie, l'aiTemblage des
combles de diverfes efpeces; pour médker
la conitrucHon dQs planchers, pour ellimer
la groiTeur des poutres & des folives, relative-
ment à leur longueur & à leur portée 5 pour
prévoir dans les pans de bois la difpofitioii
&c l'utilité des poitrails, des fablieres, des
poteaux corniers, & des travées qui fé-
parent les trumeaux d'avec les ouvertures.
La connoiiïance de la coupe des bois,
eil encore néceilaire dans l'emploi de la
Memiiferie. Elle indique à l'Architecte
l'art de furveiller l'Entrepreneur dans l'a£
femblage des revctiiîements des lambris de
hauteur, &c des lambris d'appui. Elle conftate
l'épaiiTeur des bois pour les portes, Iqs croî-
iécs^ ainiî que pour celle des vouiîures, des
tours rondes &: des tours creufes ; elle aflortit
leur calibre à celui des bois marchands,
ioit pour arriver à une plus grande éco-
nomie, fok pour parvenir à une accéléra-
tion ^toujours intéreiTante dans la bâtiile,
fans pour cela nuire en rien à la falubrité
&: à la beauté que la Memiiferie procure
a la décoration des appartements.
Outre ces diverfes connoiiïances, nous
avons voulu que le jeune Architecte· ac-
quît également, δι l'expérience qui lui eft
-ocr page 46-
xWv              D I SS E RTAT Ι Ο Ν
neceiîàire dans la pratique du Bâtiment,
& celle qui lui apprend à juger les ouvra-
ges célèbres, exécutés fur les Deiïïns des
plus habiles Maîtres, anciens ou modernes.
Sans l'expérience, qui a pour objet l'art
de bâtir proprement dit, il ne fait guère que
des deiîins., ou plutôt des images: n'ayant
aucune idée de l'appréciation des matières,
ni de l'achat du terrein, il étend fon projet
au-delà des bornes qui lui fon prefcrites, &c
«arrive, par le iecours de la théorie, à un cer-
tain degré de perfection, que parce qu'il l'a
fait illimité s en forte que iî Ton remarque
dans fa composition quelques traits de génie,
on n'en reconnoît pas moins que , s'il s'étoit
attaché à vaincre les obftacles néceiïàires à
furmonter, fon Plan n'auroit pas pu palier,
même pour un ouvrage médiocre.
Faute d'ailleurs de s'être exercé long-
temps à furmonter toutes les entraves,
à fe rendre compte des convenances,
des difficultés de la main-d'œuvre, de
Ja négligence des ouvriers, il liafarde des
moyens qui, confiés à des mains plus ha-
biles, auroient pu réuflir, mais qui, n'é-
tant ni bien conçus de leur part, ni fur-
veiilés par lui, échouent preique toujours;
au-lieu que prcmuni de l'expérience donc
il                                                           J.
nous parlons, il auroit pu en fçavoir aiTez,
ëc être en état d'ofer davantage.
-ocr page 47-
st/R l'Architecture.         xW
De ion inexpérience, il arrive encore?
que peu accoutumé à diriger les Artifles
qu'il appelle dans fes travaux, au-lien de
profiter de leurs lumières pour fe redreiîèr
fur Ces idéesj plein de lui-même, n'écoutanc
quefapréfomption, il paiTe par-deiTus toutes
les règles, précipite l'entreprife, èc ordonne
aux-divers Artiftes différentes parties d'em-
belliiTements, avant d'avoir déterminé ou
réfolu les principales maiTes de fort pro-
jet. De cette précipitation, il réfulte que
dans la plupart de ces différentes parties, les
unes ie trouvent trop foibles, les autres trop
fortes: autant d'inadvertances qui nuifent à
l'enfemble, & n'offrent plus que quelques
détails intéreffants, jamais un tout affortL
^ D'une autre part, deifinant avec fa-
cilité, il croit entendre également toutes
les branches de l'Art, fans fonger que tel
objet, comparé avec tel autre, exige des
formes différentes} que le deffin d'un amor-
tiifement dans les dehors, doit différer
de celui de l'attique d'un lambris dans les
dedans^ que c'eft enfin par cette différence
de ftyle , & par la grande habitude de
faire & de faire faire fous fes yeux, qu'on
parvient à affigner à chaque partie ce
caradere de fermeté ou d'élégance, cette
richeffe ou cette fimplicité, qu'il convient
de donner à la décoration de l'édifice.
-ocr page 48-
xlvj             D I S S ERTÂT I Ο Ν
Une autre forte d'expérience, non moins
eiTencieîle à acquérir, eifc celle qui apprend
à connoître les chefs-d'œuvre que les grands
Maîtres ont élevés, foit en France, foit en
Italie, ce font ces chefs-d'œuvre qui feuls
font impreffion fur nous : leur afpect rend
nos idées, èc plus vives , &c plus claires.
Ordinairement les connoiifances que nous
tirons des inftructions fpéculative^, ne peu-
vent être regardées que comme des no-
tions préliminaires j encore fi elles font mal
faiiîes, elles éloignent prefque toujours de
l'original, en un mot les Arts, & fur-tout
TArchitedure^ fe perfectionnent mieux par
les exemples que par lts préceptes. Cepen-
dant, avant de vouloir paiTêr à cette der-
nière forte d'expérience, il faut s'attacher
à. delTmer avec foin les différentes beautés
qui fe font remarquer dans les édifices les
plus eftimés. A la vérité nos Recœuils font
une refTource à cet égard j mais il font in-
fuffifants. L'afpect des lieux infpire tout
autrement ; en nous offrant l'enfemble gé-
néral, il nous porte à juger plus prompte-
ment du rapport des parties qui nous
affectent avec celles qui les unifient ■-, il
nous apprend, parla comparaifon , l'art
difficile d'afîortir la Sculpture à l'Archi-
tecture , &: d'afTocier les différentes matiè-
res les unes avec les autres 5 d'où naît fou-
-ocr page 49-
sur l'Architecture.        xivîj
vent cet accord qui fait parvenir l'Archi-
tecte à rendre l'ordonnance de ion édifice
fomptueufe, fans jamais avoir recours à la
profufion ; il nous amené enfin à juger perti-
nemment des efforts que les Architectes, qui
nous ont précédés, ont faits pour conci-
lier les préceptes de l'Art avec la conve-
nance du Bâtiment.
Dans les dehors, tous les membres d'Ar-
chitecture & les ornements répandus dans
une même façade, doivent paraître faits
par la même main, Ôc conçus avec le même
efprit; c'eit Pafpect réfléchi des lieux qui
nous en fait concevoir la néceffité : c'eit
lui qui nous fait comprendre que la faillis
des avant-corps fur les arriéres-corps, £-:
les rapports obfervés entr'eux, doivent être
exacts, & contribuer à caraétérifer l'ordon-
nance j que c'en: de ce rapport que naît la
fource du plaiiîr qu'on éprouve. C'eit au pied
de l'édifice qu'on puifel'art de démêler lesrci-
fources dont s'eit fervi l'Ordonnateur pour
arriver au degré de perfection qu'on admir:,
de maniere que bientôt on defire d'en imiter
la marche dans fes différentes productions.
S'agit-il des dedans, l'afpect des lieux
nous porte à examiner d'abord l'enfemb'e
de la compofition, enfuite l'union &: le
choix des matières que PArtiite a em-
ployées avec autant d'art que de goiî.r ,
-ocr page 50-
xiviij            D IS S E RTAT I O Ν
dans les différentes pièces qu'il a décorées: il
nous en fait concevoir toutes lts parties:
nous appercevons la fermeté &la iîmplicité
qu'il a affectées dans celle-ci -, la légèreté
qu'il a cru devoir obferver dans celle-là; les
repos qu'il a fçu placer entre l'une & l'autre,
pour éviter la profuiion & la confuiîon c{qs
ornements.La vue deslieuxnousrend compte,
pour ainii dire, des fymboles & des allé-
gories qu'offre à l'Architecture le miniftere
de la Peinture & de la Sculpture, les tons
des marbres, l'application des bronzes, la
forme des meubles, le choix des étoffesy
&; c'en: alors que l'on conçoit que l'Ar-
chitecte a préildé par-tout; que par-tout il
a fçu foumettre les Beaux-Arts à Ton gé-
nie, &c que tous fe font venus ranger fous
fes lois avec d'autant plus de prudence,
qu'ils ont tous acquis féparément un nou-
vel éclat dont ils auroient été privés, s'ils
euifent été ifolés & dépouillés des fecours
mutuels qu'ils fe prêtent les uns aux au-
tres, lorfqu'ils fe trouvent réunis par un
habile Maître; au-lieu que, dépourvus de
ce fecours, ils ne s'y trouvent ibuvent ré-
pandus qu'avec faite, & femblent au con-
traire ne s'être prêté la main que pour
accabler l'Architecture qui leur a donné
lieu ; en forte que l'or même fatigue les
yeux. A la vérité, tout y eil riche, recherché ;
mais
-ocr page 51-
sur l'Architecture*, xlîx
mais îa nobleiTe & la /implicite s'en trou-
vant bannies, on n'y voit plus cet accord
enchanteur qui fait le charme de l'intérieur
de nos habitations.
Enfin nous avons recommandé la leclure
à nos jeunes Architecte : la lecture, a dit
quelque part un de nos Auteurs moder-
nes , fait partie du devoir de l'honnête-
homme 5 iî faut lire pour s'initruire, fe
confoîer & fe corriger : l'oracle , dit-il, qui
ordonna de confulter ks morts, parla fans
doute des livres. Dans l'Architecture, on
doit donc regarder la lecture comme le
feul moyen de fe nourrir de l'efprit des
bons Auteurs ■·, puifque fans parler de PHi*
ftoîre, qui eft indifpenfable pour faire un
choix judicieux des attributs qu'il eitfouvenc
néceiTaire de répandre dans la décoration
des Bâtiments, ü l'on n'a pas foin de fe
nourrir Pefprît de la lecture des bons Au»
teurs, on ne produit guère que des com-
poiîtions froides, monotones &c dépour-
vues des grâces dont la décoration eil
fufceptible. Sans l'amour de l'étude, on
ne fauroit puifer, dans les fources, les
vrais préceptes de l'ArchiteAure, ni acqué-
rir ks éléments de la PhyÎïque, de l'Hi-
itoire naturelle, de 1'Anatomie, de la Géo-
graphie i ceux de la Sculpture, de la Pein-
Tome IIIt
                                 d
-ocr page 52-
Ι                  Ό Ι S SERT Α Τ Ι Ο Ν
ture ôc du Jardinage: autant de nouvelles
connoiiTances înféparables des talents de
l'Architecte, au-moins par induction. Sans
les Belles-Lettres, il ne peut faire aucun
Î>rogrès dans la partie de rélocution, qui
ui devient eiTencielle pour conférer avec
les Grands, les Savants, les hommes du
monde. Par l'étude des Belles-Lettres,
l'éloquence de la Chaire, le Barreau, le
Théâtre même, Péclaireront fur une infi-
nité d'objets relatifs à fon Art : par leur
fecours, il parviendra à une correfpon-
dance honorable avec le Potentat, le Pré-
lat, le Magiftrat.
D'un travail fuîvi & pénible, veut-il
paiTer à des études moins férieufes, la Lit-
térature lui ouvre fes tréfors; elle lui offre,
tantôt d'excellentes Diiîèrtations, tantôt
des Critiques faines: de la Politique, de
la connoiifance des Loix, il paiTe à la Vie
des grands Hommes : les ouvrages Drama-
tiques, les Romans même, lui dévelop-
pent les idées, lui fourniiTent matière à
réfléchir. Perfuadé qu'on arrive aux Scien-
ces, aux Lettres, aux Arts, par le même
chemin, en méditant la marche qu'ont
fliivie les hommes de génie dans tous les
genres de talents, il s'approprie tout ce
qui a rapport à fes befoins s il fait des
notes, des extraits, & fe J#miiiariie avec
-ocr page 53-
$v& l'Architecture.            Ij
PÂrt d'écrire : enfin ce travail devient pour
lui un véritable agrément, & il parvient à
préférer un jour Tétude à la futilité de«
plaifirs bruyants & tumultueux.
Telles font les coiinoiiTances îndîfpen-
fables à réunir à l'étude de l'Architecture ;
nous concevons que, dans le grand nom*
hre de ceux qui iè deftinenc à cet Arts
piufieurs feront effrayés d'un travail auiîî
laborieux, & qui demande autant de con-
fiance & d'afiïdüité. Mais ce n'eil pas à
ceux-ci que s'adreflè rénumération des
principaux objets rapportés dans cette
DiiTertation ; c'eil à ceux qui^ naturelle-
ment pénétrés de l'amour de la gloire, fen-
tent le beioin de s'inftruire, & qui réflé-
chiiTent, que plus ce befoîn eil îndifpen-
fable, plus le plaiiir d'y fatisfaire eil fei>
iîble: c'eft à ceux qui, nés avec d'heureufes
diipofîtions, des talents, & qui ont déjà
une réputation commencée, doivent con-
tinuer d'acquérir encore, & ne jamais rif
quer de liafarder en public des compoiî-
tions imparfaites, négligées, &; où tous les
genres fe trouvent confondus, fous le vain
prétexte qu'ils ne font pas deilinés à jouir
un jour du triomphe de l'exécution.
Au relie, nous n'entendons point que
toutes les connohTances que nous fem-
blons exiger, foient acquîfes dans les
dij
-ocr page 54-
lij         Di s sertation , &c.
premières années confacrées aux éléments,;
aux détails, aux développements, aux pro-
fils, enfin à l'Art de deffiner l'Architecture
avec goût, & dans le meilleur genre. Ces
diveries connoilTances s'acquièrent pendant
toute la vie. Les plus grands Hommes étu-
dioient encore, lorfqu'ils ont produit leurs
chefs-d'œuvre. Nos Sculpteurs, nos Pein-
tres célèbres, tous les jours confultent la
Nature, deiîinent d'après le modele. L'Ar-
chitecte, a la Nature & l'Art à confulter:
il a plus que tout cela, il a l'expérience
à acquérir; elle feule occupe tous fes mo-
ments 5 non-feulement il doit veiller a tout
ce qui fe paiTe fous fes yeux, mais encore
entretenir une correfpondance fui vie avec
les Architectes & les Artiites habiles des
Provinces les plus éloignées; l'étendre jus-
qu'aux Pays étrangers; comparer les divers
uiaees, les différentes matières, la maniere
de les employer dans ces différentes con-
trées, avec celles dont nous liions chez
nous ; enfin s'initruire du phyiîque , du
gout & des progrès des Arts, cultivés avec
plus ou moins de fuccès chez toutes les
Nations policées de l'Univers.
ï^cfe*i
-ocr page 55-
Jiij
OBSERVATIONS
Sur différentes Parties de L'Architecture.
F
OUR donner une idée du parti qu'on,
peut tirer de la lecture dont nous venons
de démontrer l'utilité, offrons quelques Ob-
servations que nous avons eu occafion de
faire, foit dans nos Conferences publiques,
foit en donnant nos Leçons particulières;
foit dans nos méditations fur notre Art,
en étudiant Vitruve, Philander, Albertî,
Scammozy, Palladio ; foit enfin en lifant pour
notre inftxuctjon, ou dans nos moments de
loiiir , Horace, Plutarque , Montefquieu,
BuiFon, nos meilleurs Dictionnaires, nos
Journaux d'élite, nos Brochures choifies,
autant de lectures qui, faites dans la vue de
s'éclairer, tournent au profit de l'Art. En
effet, nous y avons puifé des traits, des pen-
fées dont nous nous iommes plu à former
un Recœuil aiîez intéreifant. Nous allons
en préfenter quelques articles concernant
l'Architecture : ils ierviront à développer
les objets iur lefquels nous n'avons pu nous
étendre dans le corps de cette Dîfferta-
tion; & ils pouront donner à nos Elevés
l'idée de fe livrer à une femblable étude,
d iij
-ocr page 56-
UV                 ÜBSEB.VÄTIÖNS
peut-être aufiï utile pour eux que de puïier
dans nos Recœuils, ou de deifîner à ia
hâte, au pied de nos édifices, différentes
eiquiiîes de la plus grande partie des or-
nements qui s'y trouvent répandus.
§. I.
Les connoiffances qu'il a fallu aux An-
ciens, pour élever leurs monuments, ont
de quoi étonner > cependant, malgré les
grands exemples qu'ils nous ont laiffés, il
n'en eft pas moins vrai que les change-
ments arrivés dans nos ufages, la diffé-
rence du climat & la diveriïté de nos
matières, femblent nous avoir forcés à créers
pour ainiî dire, un nouvel Art pour éle-
ver des édifices relatifs à nos befoins: d'ail-
leurs, il en faut convenir, nous envifageons
le fpectacle de la Nature autrement qu'eux»
Tout eil changé, les Mœurs, les Dieux^
la Politique5 ces changements ont du né-
eeiTairement en produire dans les édifices
que nous élevons 5 c'eft pourquoi il feroit
peut-être déraifonnable de vouloir aujour-
d'hui élever chez nous des édifices préci-
fément dans le goût de l'antique 5 une
pareille imitation feroit prefque la cenfure
de nos productions. Sans doute, les ou-
vrages des Anciens feront toujours des,
-ocr page 57-
sur l'Architecture*           Ij
ehefs-d'oeuvre, mais ils ne peuvent nous
fervir de modèles: leurs Artiiles peuvent
bien nous apprendre à penfer* mais nous
ne devons pas penfer comme eux. Tous
les Peuples ont un caractère, une maniere
de fentir qui leur eil propre : la nôtre un
jour ne pourra faire loi, pour les édifices à
élever par la poitérité.
§. I I.
Il faut tout examiner, même les édifices
médiocres: l'Architecte impartial doit faire
fon profit de tout: il eil d'ailleurs certai-
nes médiocrités en Architecture qui ne font
véritablement telles que pour l'homme
fuperfkiel : à travers de pareilles produ-
ctions, l'homme de talent découvre quel-
quefois des penfées hardies, une exprefllon
forte, des licences permifes, des écarts
heureux j il n'y a guère que les Bâtiments
d'une compofition au-deiious de la médio-
crité , qui ne puiiTent être d'aucune utilité
à l'Architecte obfervateur.
§. m.
Depuis environ 30 années, on a fait en
France des changements ii considérables,
dans la décoration intérieure de nos ap-
d iv
-ocr page 58-
Ivj               OB S ERVAT10 NS
partements, qu'il femble, en les examinant
avec attention , qu'il y ait au-moins un
iîecle de dïftance, lorfqu'on vient à com-
parer les décorations exécutées au com-
mencement de ce iîecle , avec celles
dont on fait ufage de nos jours. Cette li-
berté d'opinion a ii fort prévalu & paifé
en habitude, qu'on méfeitimeroit peut-
être un Architecte, qui n'ajouteroit pas
quelques nouveautés fingulieres à toutes
celles qui ont précédé, contre Pufage &.
la raifon. Nous convenons qu'il n'eft pref*
que pas poiîible de fe roidir contre le tor-
rent, ni contre la mode que trente années
de prefcription femble avoir établie : ce-
pendant nous croyons qu'il eil permis de
dire en paiTant, que notre inconftance avoît
aiîez d'occaiîon de paroître: nous aurions
du la renfermer dans les objets de peu de
durée, tels que les meubles, les porcelaines,
&c. mais il ne faudroit pas aifujétir aux ca-
F
rices de cette inconftance les édifices dont
exiftence eft deftinée à paifer à la poftérité.
Ce qui doit paroître le plus éton-
nant, c'eft que, dans tous les temps, les
Ecrivains ont blâmé cet abus: Vitrove &
même quantité d'autres Architectes depuis
lui, ont écrit contre ce dérèglement de
l'imagination, fans pour cela que Pon fe
fok corrigé : tant il eft vrai que le goik
-ocr page 59-
sur l'Architecture. lvij
dominant des Nations, perce toujours, mal-
gré les préceptes les mieux établis, & les
raifonnements les plus convaincants. La
fource de cette viciiîitude provient fans
doute de ee que quelque génie rare, hafarde
ces nouveautés, & qu'en fa coniîdération
elles prennent faveur : d'où il s'eniuîc que
nombre d'Imitateurs mettent leur induftrîe
à les copier fervilement, &: à les perpétuer-,
fans fe rendre compte fi ces nouveautés,
tout eilïmables qu'elles paroiiTent d'abord ,
font iufceptibles d'imitation : de-là tant
d'ornements frivoles que le vulgaire ap-
prouve d'autant mieux^ que l'édifice le trouve
plus chargé de Sculpture 5 ce qui néan-
moins doit être regardé comme la plus
grande de toutes les erreurs.
On ne peutdifconvenir qu'il faut un choix
judicieux dans cette forte d'acceiïoires, &
que, fi l'on vqut que l'œuil en foit fatisfait, il
faut y éviter la prodigalité ; autrement
îl ne fait plus où fe fixer , l'Architecture
paroît cachée fous ce voile importun $ rien
ne frappe le Spe&ateur, parce qu'alors rien
ne l'émeut allez pour ientir une véritable
fatisfaction : au-lïeu que le vrai Comioif-
feur ne peut refufer fon eilime &; ion ad-
miration à un édifice où il voit régner la
nobleiTe & la {implicite; où les repos, qu'on
a affe&és dans la décoration ? fervent à
,
-ocr page 60-
Mij             O BS ERVATI ON S
relever l'éclat d'une certaine richeiTe ré-
pandue avec autant de choix que de pru-
dence.
§. I V.
II y a pluiïeurs années qu'il fembloît
que notre fiecle étoit celui des Rocail-
les 5 aujourd'hui fans trop favoîr pour-
quoi, il en eil autrement. Alors le goût
Grec & Romain nous paroiûoit froid, mo-
notone: à préfent, nous afFe&ons la charge
de la plupart des favantes productions de
ces Peuples > &, fans trop y réfléchir, nous
prétendons que les autres Nations s'aiTu-
jétiiTent à faire ufage de notre maniere de
décorer, (bit que nous imitions, dans nos
appartements, la bifarrerie des ornements
de Pékin, foit que nous ramenions, dans
l'ordonnance extérieure de nos édifices, le
gout pefant des premières inventions de
Memphis. Long-temps le genre des Cuvi-
liers Ôc des la Joue a été préféré aux pro-
ductions des Manfard &: des Perrault > les
tableaux des Vateau ont été fubiKtués aux
chefs-d'œuvre des le Brun. Il ne nous reile
plus qu'à introduire le gout gothique dans
notre Architecture, èc peut-être n'en fom-
mes-nous pas éloignés > tous les Propriétai-
res en effet prétendent être Architectes, au
point que celui qui a la paillon de bâtir, aime-
-ocr page 61-
sur l'Architecture,         llx
roit mieux y renoncer, que de s'afFujétir a
fuivre les confeils d'un homme éclairé qui
le contraindroit dans fes goûts, & Tempe-
cheroit de s'annoncer pour ce qu'il croie
être*
§. v.
Que, dans une maifon fubalterne, l'éco*»
nomie dans la conftrucHon, force l'Archi-
tecte à quelques négligences dans les de-
hors, il n'y a peut-être pas un grand incon-
vénient : que, dans un Bâtiment particulier,
la commodité foit préférée à la régularité
des façades, on y porte aiTez peu d'atten-
tion. Mais, lorfqu'il s'agit de quelque édifice
public, des Palais de nos Rois, des Mo-
numents facrés, de ceux élevés à la gloire
des Héros & des grands Capitaines, l'or-
donnance de leur décoration doit être-
exempte de toute efpèce d'irrégularité j
aucune exeufe ne peut paraître légitime:
alors l'expreiîion, les proportions, les for-
mes, tout doit porter le caractère fublime.
Le prix de la matière, l'application des
ornements font des beautés înfufrîfantes,
èc ne peuvent détruire, aux yeux des hom-*
mes intelligents , les inadvertences qu'ils
y remarquent. Nous l'avons dit plus d'une
fois, on fait rarement grâce à TArchite&e,
<m faveur de la Sculpture,
-ocr page 62-
lx              O SSÊRVATÎ ONS
Le jugement qu'on porte du grand avant-
corps de la Cour du vieux Louvre & de la plus
grande partie des façades du Palais des Tui-
leries, eil:, qu'ils ne préfentent guère que des
beautés détachées qui n'en font pas plus ad-
mirer l'enfemble. Au contraire, la Porte de
Saint-Denis, le Périilyle du Louvre font
des chefs-d'œuvre, & dans leurs maiTes, ôc
dans leurs parties > cependant la plupart âcs
Architectes de nos jours femblent prendre
une route oppofée aux procédés qu'ont
fuivis les grands Maîtres, qui ont élevé les
édifices que nous citons 3 mais ils ne s'aper-
çoivent pas qu'en s'éloignant des véritables
règles de l'Art, ils contribuent à égarer le
plus grand nombre de ceux qui marchent
fur leurs traces : en forte que' ceux-ci ,
n'ayant ni leur expérience, ni leur génie,
ie contentent de les imiter : ils fubitituent
alors des erreurs à d'autres erreurs, des licen-
ces cà d'autres licences ·■, ils préfèrent le faux
goût au véritable goût de l'Art : ils croient
enfin créer du neuf, parce que, dans leur
composition, ils ofent aiïortir eniëmble le
genre ancien avec le genre antique, le go-
thique avec le moderne, & le pelant avec
le délicat, înconféquences qui font éclore
tant de productions monftrueufes, eiîen-
ciellement nuiiîbles aux progrès des Elè-
ves, dont la plupart, ignorant encore l'Arc
-ocr page 63-
sur l'Architecture. Ixj
de'-démêler l'excellent d'avec le médio-
cre, nous donnent lieu de craindre que,
dans la fuite, le mauvais genre ne prévale
fur les chefs-d'œuvre, élevés par les plus
habiles Architectes. Que nos Elevés faiîènt
donc de nouveaux efforts pour hs atteindre,
ioit en fe pénétrant de leurs principes, foit en
cherchant à fuivre les lois qu'ils nous ont
enfeignées fur l'unité, l'efprit de conve-
nance &c les règles des belles proportions.
'$. V T.
s*
Les Beaux-Arts ont une deftinée à peu-
près commune, qui les fait marcher d'un
pas égal, fuivant le génie dts iiecles qui
les cultivent. Autrefois les monuments de-
ftinés à confacrer l'éclat d'un beau règne,
faifoient céder l'intérêt à la gloire de la
Nation : aujourd'hui l'économie, qui en-
gage de ménager avec art le terrein où.
doit s'éiever un Bâtiment particulier, eil
la même lorfqu'il s'agit d'ériger un édifice
public 3 &, quoique PArcliite&ure & la
Sculpture s'uniifent pour offrir à la poflé-
rité un édifice qui honore le Prince & la
Patrie, la crainte ou la difficulté d'acqué-
rir un local allez ipacieux, occaiïonne pref-
que toujours un vice dans fa difpoiîtîon δ£
dans fa iltuation ; vice qui eil fouvent caufe
-ocr page 64-
ixij          Observations
cjue l'Etranger quitte la Capitale fans fé
douter qu'elle contient un ouvrage digne
tout à la rois, & dé fes recherches, & de Ton
admiration. D'autres, d'une ilruéture trop
gigantefque, femblent laiifer à nos Neveux
Je ibin de leur procurer un point de vue
convenable. Dans les Bâtiments d'habita-
tion d'une certaine importance, la plupart:
des Propriétaires portent tous leurs ioîns
fc leurs libéralités pour la décoration d'un
entre-foi, d'un cabinet en niche, & com-
ptent pour rien la dignité qui doit pré/ï-
der dans l'intérieur des appartements où
ils font en repréfentation : ou bien ils les laif-
fent décorer dans le même genre que ces
petites pièces, qui feules devroient conte-
nir les arabeiques, les bambochades, ou
les iomptueux colifichets qu'un luxe ingé-
nieux , mais tout-à-fait déraifonnable, a
fubilitués au vrai genre & à une élégance
inccreiLmte.
Les commodités, les dégagements,les eica-
liersdérobés parotifent chez la plupart, les
feuls points véritablement im portants; cepen-
dant quelle différence ne doit-on pas appor-
ter, entre le genre delà décoration qui doit
préiioer dans les appartements de parade, &c
celle deuinée pour les appartements privés ?
dans celle -là., il faut de la grandeur &
de la dignité ; dans celle-ci ? on peut uier
!„;
-ocr page 65-
sur l'Architecture. Ixiîj
fans doute de moins de févérité: mais, 11
nous en exceptons les grands Seigneurs,
combien préfèrent un Kiosk, un Pavillon,
aiile de la volupté, ou feulement une falle
à manger, une glacière, des jardins pota-
gers , des ferres-chaudes, à un édifice régu-
lier, où l'Architecture étale £qs beautés,
& l'Architecte fes reiTources.
i vil
Le projet d'un Bâtiment devient fou-
vent difficile à réibudre : le Propriétaire &c
l'Architecte étant également gênés l'un par
l'autrej celui-ci, par la néceffité de fuivre
les préceptes de ion Art, celui-là, par les
raifons qu'il a de fixer fes dépenfes: néan^·
moins il faut convenir qu'une économie mal
entendue chez l'un, &. trop de févérité chez
l'autre, offrent fouvent des difficultés qui éloi-
gnent long-temps la conilruction d'un Bâti-
ment, même d'une médiocre importance,
§. VIII.
Après avoir conçu le projet général d'un
Bâtiment, il faut que l'Architecte étudie fé-
parément chacune de fes parties principales,
comme s'il ne s'aghfoit que de celles-ci à
exécuter 5 enfuite U doit penfer aux details
-ocr page 66-
. h
îxiy          Öbserfations
avec le même foin. Souvent ce font ces
derniers objets qui font valoir hs autres
beautés, & qui s'attirent le fuffrage qu'on
accorde à la perfection de l'édifice entier,
6c au talent de l'Architecte. ·
§. I X.
Les connoiiTances néceiTaires à un Archi-
tecte ont plus d'étendue qu'on ne s'ima-
gine ordinairement: il ne fuffit pas d'avoir
été Deffinateur, pendant quelques années,
pour en mériter le titre. Bien loin que cette
théorie l'éclairé fuffifamment &c lui tienne
lieu de la quantité des connoiiTances qui
lui font eiTencielles, elle le concentre au
cabinet, & le prive de l'expérience qui
ne peut s'acquérir que par des travaux pé-
nibles, feuls capables néanmoins de con-
duire à la pratique, iî indifpeiifible pour
former un homme d'une grande cajpacité.
Au refte cet acquis, auilî difficile qu'im-
portant, ne doit pas lui faire rifquer de
mettre la main à l'œuvre, avant d'avoir,,
pendant plusieurs années, fréquenté les
Atteliers. & viiîté les édifices, pour fe
rendre compte des motifs qui les ont faic
élever, de leur genre particulier, des temps
où ils ont été bâtis, éc du nom des Archi-:
gectes qui ks ont érigés. C'eft fans doute
en
-ocr page 67-
SUR t'ÀRCHÏTEtfXJRÈ,           ΙχΫ
en f éfîéchiifant fur les défauts qu'il aura remar-
qués dansles uns,&furles vraies beautés qu'il
aura aperçues dans ceux qui font les plus ^p*
prouvés, qu'il parviendra enfin a juger faine-
ment 6c des uns & des autres. Cette ob-
fervation, trop négligée parmi nous depuis
long-temps, doit nous faire craindre dans la
fuite pour ks progrès de l'Art, il l'on n'exige
pas plus de difpofitio ns & d'aptitude de la
part de ceux qui fe vouent à l'Arclute&ure
1                                                                                                                                           '
Horace l'a dit avant nous,le principe
Fondamental de tous les Arts èft l'unité t
tout ouvrage d'Eloquence, de Poéfie > de
Peinture, de Mufique^ d'Archite&ure, quoi-
que compofé, doit être fimple, être uni
par exemple, dans l'Architecture, toutes
les parties d'un édifice doivent concourir
à former une belle compofîtion dans fe$
maiïes, &une heureufe difpoiîtion dans fes
parties»
§. XL
Les hommes fans expérience fontufage de
tout ce qu'ils favent dans leurs compoiîtionsj
ne prévoyant pas qu'il eil des parties dans
TArchitedure qui, quoiqu'approuvées &
fufceptibles des règles de l'Art, ne doivent
être vues que de profil ? & fervir feulement:
Tom& IlL
                              Q
-ocr page 68-
îxvj         Observations
d'acceiToîre à l'ordonnance : auiH , lorf-
qu'on a la mal-adreiTe de les faire voir
dç. front, Si d'en former la partie capitale
de*fa décoration, elles perdent beaucoup
de leur prix.
Il en eft à peu-près de même de
prefque tous ceux qui juiqu'à préfent ie
font mêlés de nous donner la defcriptioa
de nos édifices: il nous préfentent en face
ce qu'ils ont cru remarquer de plus admi-
rable , êc de profil, les médiocrités qu'Us y
ont obfervées, fans fonger 'que ce font ces
dernières qui peuvent fervir d'autorité à
ceux qui, fans en être avertis, ne manque-
raient pas de les imiter de préférence aux
beautés de l'Art qu'ils ignorent encore. Nous
ne devons donc pas nous faire un fcrupule
de relever les défauts qu'on remarque dans
plus d'un de nos édifices > nous ne croyons
pas mêmevque les Architectes qui les ont
produits puiifent s'en ofFenfer, puifqu'on
ne cite guère ceux qui n'ont aucune célébrité.
§. XII.
Il faut connoître les préceptes de fori
Art, pour favoir éviter la confuiion dans
l'ordonnance de fa décoration. Il eft en-
core eflenciel que la réflexion modere l'ar-
deur d'une imagination trop enflammée y
-ocr page 69-
SÜk L'ARCHÏTUCTÜRÈ*        lxvîj
mais cependant il en faut conferver afTez
pour ôter au précepte toute apparence de
contrainte j car on peut dire qu'un trop grandi
attachement à (ts lois, empêche fouvent 1*Ar-
chitecte de rien montrer de libre dans fa com«
poiîtion*
§, XIII.
Qu'on y réfléchiife, il y à toujours des
différences à obfervef entre pluiîeurs Bâ-
timents élevés pour la même fin, Se qui
pour cela doivent porter le même cara-
dere : la dîveriîté du local, la qualité des
madères ^intelligence de TArchiteéte ^
fuffiiènt pour y porter les nuances donc
nous voulons parler : alors, il elles échapent
à l'Examinateur, c'eil qu'il manque de péné^
tration, pour y découvrir les beautés fouvene
cachées dans les détails, &; qui fe trouvenÊ
confondues avec art dans Penièmble.
§. X I V.
Oeil fouvent un trait d'ignorance d'i-
miter la négligence de ceux qui com-
ptent l'inexactitude & l'irrégularité pour
peu de choie, comme s'il pouvoit y avoir
de la comparaifoiij entre faire de bonne
Archite&ure, & pécher contre la propor-
tion dans l'ordonnance des façades, 6c quô
ê ij
4* 4
-ocr page 70-
Ixviij        Observations
celle-ci ne fût pas la même que de man*
quer à la folidité dans la partie de la con-
ftruction. Nous n'héfitons pas de dire que
ce fyftême ne peut venir que d'un génie-
pareiïeux ou impuiiTant : il n'en faut pas
douter, loriqu'ii s'agît d'un édifice facré,
des monuments de magnificence, toute
idée de dérèglement &; de licence doit être
profcrite : cette attention doit même s'é-
tendre jufques fur les Bâtiments les plus
iimples. En un mot, toutes les prodiiétlöns
d'un Architecte, qu'elles foient, ou qu'elles ne
foient pas conçues pour être exécutées, doi-
vent être foumifes aux mêmes règles : ce n'eft
point une excufe à alléguer, dans la pra-
tique des Arts} d'annoncer qu'on s'occupe
dans fon cabinet, dans fon atteiier, pour
fon plaiiïr: on doit produire pour celui des
autres. Or ce plaifîr eft imparfait, lorfque
le ConnohTeur s'aperçoit qu'il manque quel-
que chofe d'eifenciel dans l'ordonnance d'un
Tableau, dans la difpofition d'un Bas-relief, ·
dans la convenance du projet d'un Bâti-
ment, dans fa diftribution, dans fes iiïues,
dans fes dépendances ; en vain diroit-on que
les unes ni les autres productions n'ont au-
cun objet déterminé.
§. X V.
Nous l'avouons à regret, l'Architecture
femble dégénérer, me me par l'abus des rè-
-ocr page 71-
Sur l'Architecture. Ixîx
gles : la plupart des Architecte $*εη font
a leur gré. Lorfqu'on écoute fëparément
plufieurs d'entr'eux , on feroit tenté de
croire qu'ils ont appris leur Art, les uns
en Afie> les autres en Amérique > fouvent
ils ne font pas d'accord avec eux-mêmes;
îl n'y a pas jufqu'aux Elevés, qui ne fe
faifent un fyitême d'indépendanceyla plupart
étudient chez des Peintres, qui ne fa vent
l'Architecture que par acceiîoire, comme
l'Architecte doit favoir la Peinture pour
être meilleur Architecte*
LaSculpture 8c la Peinture ne font pas plus
exemptes, de l'indépendance dont nous par-
lons 3 car on peut obferver, à l'égard de la pre-
miere, que les modèles que les Coifevox, les
Vancîeve, les Couitou, nous ont laiiTës d'a-
près les chefs-d'œuvre de la Grèce & de
l'Italie, font négligés par la plupart de nos
Sculpteurs : s'éloignant infeniiblement au.
choix de la belle Nature, ils s'attachent
au contrafte des formes. Pour faire des
draperies légères, ils en outrent Pexpref-
fioiij leurs ftatues font fans grâce dans les
attitudes 5 les fujets facrés fe trouvent trai-
tés dans le genre prophane , δί fouvent 011
e(t obligé d'avoir recours aux Infcriptions
pour en deviner les allégories. ïl en eft à
peu-près de même de la Peinture : on di-
roit que le Portrait a la préférence fur l'ffi-
γ
-ocr page 72-
Jxx             Observations
ifcoirej les Tableaux de genre, le Paftel,
la Miniature, l'emportent fur ce que les
meilleurs Peintres du dernier iîecle nous
ontlaiffé pour exemple. Et, fi l'on compte
çncore quelques Peintres d'Hiftoire, la plu-
part de leurs Tableaux manquent de l'ef-
fet qu'exigent de telles entreprifes: n'ayant
prefque plus les occafions qui nanToient
fous les pas des le Brun, ils ne fe trou-
vent occupés que par quelques Tableaux
de Chevalet, qui n'ont pour objet que la
repréièntatîon de nos mœurs & la diveriité
de nos modes, Les jeunes Peintres même
font réduits à des deiïus de porte, & négli-
gent des études plus férieufes: mais ils s'y
trouvent, pour ainiidire, forcés par le goût
décidé qu'ont les gens riciies pour ces
efpèces de couronnements j on ne fauroiç
faire comprendre aux Propriétaires, qu'un
attique de Menuiferie, orné de Sculpture,
dans la décoration d'un appartement, feroît
beaucoup plus convenable, que ces Tableaux
coloriés qui fouvent n'ont aucun rapport,
ni avec l'ordonnance qui préiide dans, la
pièce, ni avec le ton des lambris, ou Iç
choix 4es étoffes qui les revêtent.
La théorie qui a pour bafe les préceptes
ie: l'Art, Ja praticjue <jui en eft Papplica**
-ocr page 73-
sur l'Architecture. lxxj
tîon, font deux parties néceffaires, mais
infuffifantes pour faire un bon Architede.
Pour arriver à la perfedion, il faut effen*
ciellement y joindre l'expérience, &: le
goût propre à chaque genre de produ-
ction : c'eft le gout, c'eft l'expérience qui
fournit aux Architectes le moyen de varier
leurs comportions, & qui leur apprend
a démêler le choix des exemples qu'ils
doivent imiter. Ceft l'application plus ou
moins judicieufe de ces deux objets qui
procure à l'Architecture cette prééminence
qu'elle a fur tous les autres Arts libéraux.
Ceft le goût qui établit, qui détermine le
ityle propre à chaque genre de Bâtiment,
& qui, guidé par le rationnement de 1*Ar-
chitecte , lui fait varier fts façades à Pin-
fini i au-lieu qu'exécutées par des Artiftes
fubalternes & fans goût, elles ferohnt
toutes monotones.
Ce goût dont nous voulons parler %
ne s'acquiert véritablement qu'en s'ap-
pliquant à connoître de bonne heure,
celui qui domine dans les différentes
Nations policées, où 1* Architecture tient
un rang diftingué : il faut non-feule-
ment comparer la grandeur des maffes de«
Egyptiens, les détails précieux des Grecs,
la belle difpofition des ouvrages des Ro-
mains, la ftrudure ingénieufe des Arabes»
-ocr page 74-
Ixxij         Observations,
mals encore le ftyle particulier qui les ca-*
ra&érife j enfin les ouvrages des Archite&es
François, particulièrement ceux du dernier
iîecle., où l'on remarque la fineffe du fen~
timent dans les choies de goût, l'expref-
iîon dans les détails, & l'élégance dans les
formes. En un mot, il faut examiner avec
attention ce qu'ils contiennent en parti-
culier d'excellent, de médiocre, ou de dé-
fectueux. Oeil cette maniere d'examiner
qui fait parvenir au gotk de l'Art, & qui
porte infenfiblement le jeune Artifte à imi-
ter ceux-là, à perfectionner ceux-ci, &; à
éviter les derniers pour arriver au terme
de la véritable perfection,
V §. XV I L
Il eft des licences qui décèlent le fàvok
des Architectes, on en trouve des exem-
ples chez les Grecs: Ü eil même des fautes
heureufes auxquelles on ne peut arriver
que par un certain degré de fupérioritéj
mais au-moins eft-il eifenciel qu'elles offrent
toutes des témoignages de hardieife dans
l'entreprife, & une certaine fierté dans l*ex-
preiîion, &. non des marques de la foibleiîe
ou de l'ignorance de 1* Artifte 5 autrement
? ces licences fe changent en difformité. Il
eft des occaiîons, par exemple, où, fans,
-ocr page 75-
sur l'Architecture. lxxiij
les licences qu'on remarque dans l'édifice,
la totalité eût été moins parfaite j celles
mifes en œuvre par Hardouin Manfard,
ont plus d'une fois fervi à faire valoir iès
compositions. Combien n'en auroit-on pas
remarqué d'avantage, s'il n'avoit pas pris
foin d'en éviter un plus grand nombre,
par l'idée qu'il avoit de la perfection &
du choix de celles qu'il pouvoir fe per-
mettre ou fe défendre abfolument ! Il s'en
faut reifouvenir néanmoins j il n'appartient
qu'aux grands Maîtres de faire entrer les
licences dans leurs ouvrages; les hommes
ordinaires doivent s'en tenir aux préceptes*
c'eil au feul génie à fe frayer des routes
nouvelles j encore faut-il iàvoîr ne pas
imiter les licences indiilinclement, & atten-
dre, pour en faire ufage, qu'elles devien-
nent néceiTaires , qu'elles ajoutent aux
beautés de l'édifice, èc qu'elles partent de
notre propre fond, rien n'étant plus dan-
gereux pour les progrès,de l'Art, que les
Copîftes en ce genre: fouvent ceux-ci choî-
iuTent mal, & appliquent plus mal encore.
Combien les Boromini en Italie , les
MeuTonniers en France n'ont-ils pas pro-
duit de mauvais Imitateurs ? Cependant on
ne peut refufer quelque approbation à ces
Hommes de génie j mais il auroit fallu qu'ils
reftaifent originaux: ce font leurs Copiftes
^
-ocr page 76-
Ixxiv        Observations
qui nous ont appris à avoir une moins
bonne opinion de leurs ouvrages.
{. XVIII.
L*Architecl:e, Juge-né de tous les Arts
libéraux, ne peut ignorer tout ce que peut
produire l'excellence de la Sculpture : ü
cil le premier appréciateur du mérite des
hommes à talents de ce genre* or com-
ment pourra-t-il eftimer leurs chefs-d'œu-
vre , s'il ne connoît qu'imparfaitement les
ouvrages fublimes d'avec les ouvrages mé-
diocres , foit dans la figure, foit dans les
ornements. Ce n'eft pas aiTez. que l'Ardu-
te&e leur indique les rapports qu'ils doi-
vent avoir avec l'ArchltecÎure , qu'il leur
déiîgne les fymboles & lts allégories con-
venables à l'édifice, enfin le choix des ma-
tières î il faut qu'il fâché décider les
places où la Sculpture doit être employée,
ion utilité ou fon inutilité dans l'ordon-
nance 3 il doit enfuite connoître la beauté
du faire, de la touche & du tad de l'Art,
afin de pouvoir, d'une part, prévoir la dé-
penfe, & de l'autre, apprécier la récom-
penfe due à l'Artifte. Ce que nous difons
ici de la Sculpture peut fe rapporter à la
Peinture \ c'eft pour cela que nous avons
«ieiïré plus d'une fois que l'Architecte vive
-ocr page 77-
sur l'Architecture. Ixxv
en familiarité avec les Artiiles célèbres de
ces deux clalTes, & que, par ies connoif
fances acquifes, il puiiTe les éclairer fur
les relations que ces deux Arts ont avec
l'Architeclure, & qu'à fon tour il s'éclaire
lui-même, par les lumières qu'ils peuvent
lui procurer.
§. XIX.
Pour juger du gout, il faut bien exami-
ner les hommes, les temps & les circon-
ftances. Qui croiroit, par exemple, que
Γ Architecture gothique a eu des Admira-
teurs , & que le Portail de Reims a peut-
être produit plus de gloire à fon Auteur,
que le Périftyle du Louvre n'en a procuré
à Perrault, à qui plufieurs conteftént en-
core l'invention de ce fuperbe édifice. Ce
n'eit pas que nous prétendions blâmer tous
les ouvrages gothiques j c'eft de leur déco-
ration feule que nous entendons parler :
nous rendons juftice à leur ingénieufe ftru-
dure, à certaines parties de leur difpoiï-
tion, & à leur forme prefque toujours py-
ramidale, que la plupart du temps nous
faififlons mal, 8c qui ne nous fait produire
que de mauvaifes imitations en ce genre.
D'ailleurs, il nous paroîtroit peut-être ridi-
cule de ramener le regne de Qovis fous
-ocr page 78-
Ixxvj        Observations
celui de Louis XV, principalement da«£
nos Bâtiments d'habitation 5 mais peut-être
feroic-il bien de fe rapprocher de leur genre,
loriqu'il s'agit de la conftrucHon de nos
Temples.
§. X X..                ,. ·
Dans I*Architecture, favoir démêler îe
flyle des hommes célèbres d'avec celui des
hommes fubalternesj c'eft la premiere con-
noiffance qu'il importe d'acquérir après
l'étude des éléments de l'Art: c'eft par elle
que l'Amateur juge, équitah lern ent, & ap-
prend à apprécier la perfection ou l'imper-
fe&ion des productions de l'Architecte.
L'Architecture, comme la Sculpture &- la
Peinture, ont leurs différentes manières de
fe concevoir 5 pour fe connoître en il y le 3
il faut donc fçavoir que, dès,qu'une fois
on.eil parvenu à diftînguer la route que
les Artiftes de la premiere claiTe ont iui-
yie, comparée avec la routine que tiennent
les Artiftes de la féconde, on fait bien-
tôt faire choix du ftyle convenable à fou
entreprife, & préférer tel genre à tel au-
tre genre 5 periuadé qu'on eft, que les Bâ-
timents de même efpèce, peuvent recevoir
des nuances qui varient les productions de
l'Architecte, & qu'à plus forte raifon ces
nuances doivent marquer d'avantage dans
-ocr page 79-
sur l'Architecture. Ixxvij
les édifices élevés pour des fins différentes.
§. X X I.
Pourquoi voyons-nous tant de jeunes
gens embraiTer l'Architecture ? c'eil que les
occafions des grands édifices, confies aux
hommes fupérîeurs, deviennent aiTez rares
aujourd'hui, & que , pour produire des
Bâtiments fubalternes, il ne faut que fuivre
une certaine routine , δί lauTer couler de
fon crayon tout ce qui s'offre à l'efprit.
La plupart oqs jeunes gens fe croient
difpenfés des études épineufes, des recher-
ches ingrates, des réflexions laborieufes ;
en un m'ot, ils fe perfuadent pouvoir fe
paffer de lire, même les Auteurs qui ont
écrit le plus pertinemment fur notre Art.
Ils fe contentent de retenir quelques prin-
cipes élémentaires, fans ordre &. fans liai-
fon : ils les appliquent à la hâte dans l'or-
donnance d'une façade j ils l'accablent en-
fuite d'ornements frivoles, qui s'attirent
fans doute, l'attention du.vulgaire, mais le
plus fouvent le jufte mépris des hommes
initruits. Les ornements ne pouvant jamais
conilituer les beautés de l'Architecture,.
qu'où s'en reifouvienne, ils font feulement
deilinés pour l'embellir &; la faire valoir.
§. XXI l
Avant de débuter, on doit s'être occu-
pé long-temps des préceptes de fon Art:
-ocr page 80-
Ixxviij Observations
avant de compofer, il faut avoir écouté
de bons confciîs, acquis des connoillances
iblides, préciiès, vraies, & avoir beaucoup
vu. Il faut avoir un fond d'excellentes
choies dans l'idée, qui puifÎè porter à faire
un choix judicieux des ouvrages qu'on a
lus, des Bâtiments qu'on a mefurés, de
ceux dont on a examiné les rapports, con-
iidéré les maiTes : on doit être perfuadé
.que hs petits détails qu'on a remarqués
dans quelques-uns, ne produifent jamais
de vraies beautés j il faut fe rappeler, que
les ornements trop multipliés font une im-
perfection, une intempérance qui éloigne
du grand gotit de la belle iîmplîcité, que
préfèrent toujours les hommes célèbres. Au
refle, il ne faut pas toujours iè refufer aux
beautés d'agrément, mais il les faut placer
avec convenance : appliquées judicieufe-
ment, elles produifent un bon effet, de
font ibuvent préférables dans Iqs dedans
à ces formes peiàntes & aufteres, qu'on
affecte aujourd'hui jufques dans les bou-
doirs de nos Laïs, pendant que, par une
fatalité qu'on ne peut concevoir, on étale
Ja futilité des ornements, juiques dans les
appartements de nos Prélats, de nos Mi-
ïiiilres δί de nos Magîitrats. "
§. XXIII.
L'ocçaiîon de décorer l'intérieur de nos
-ocr page 81-
sur l'Architecture. Ixxîx
Bâtiments, fournit fouvent à l'Archite&e
des reiTources qui lui font imaginer des
formes, propres à déiigner plus parfaite-
ment le caractère qu'il convient de don-
ner a chaque pièce d'un appartement, &
à chacun des principaux objets qui les com·
pofent : c'eil ici que l'Art feul eil infuiK-
lantj il faut être infpiré par le génie, &
guidé par le bon goût. On peut dire que
Hardouin étoit doué de ces deux qualités
eiTencielles *, on les remarque dans les ou-
vrages même qu'il a imités dts Anciens
& des Modernes fes PrédéceiTeurs 5 l'on peut
même dire qu'il eil fouvent fupérieur â Cq$
modèles. Il favoit leur donner une nou-
velle viej alors l'imitation dîfparoiiTok, 6ç
îl devenok original. Il eil vrai que, dans
les dehors, il a fouvent négligé la beauté
des détails 5 mais c'étok toujours pour s'at-
tacher aux maiies, à Fenfemble général :
il portoit toute fon attention au caractère
de l'édifice qu'il traitoit, &: laûfok le fois
aux parties de fe ranger elles-mêmes à leutf
place j fouvent cela lui réufliifoit, parce
qu'il étoit un grand Homme.
§. X X I V.
Nous finirons ces Obfervatîons par dire
qu'on a beaucoup écrit fur l'Archke&urej
Il femble même que depuis Vitruve, à l'eat-
-ocr page 82-
ίχχχ Observations, &c.
ception de la diitributÎon, on ait dît tout CQ
qui pouvoit être dit d'eiTenciel, concernanc
les principes de notre Art: de-là il faut s'at-
tendre qu'on trouvera, dans nos remarqués,
une infinité de réflexions répandues ailleurs;
mais, loin de craindre quelque reproche à cet
égard, nous nous flattons qu'on nous faura
gré d'avoir puifé dans les meilleures fources
tout ce qui peut contribuer à former nos Elè-
ves au rationnement de l'Architecture : raî-
fonnement auffi eflènciel à favoir pour eux,
que les règles de l'Art, mais qu'on a peut-
être trop négligé de leur faire féntir dans les
livres qui traitent de l'ordonnance des Bâti-
ments.
Peut-être auiîî trouvera-t-ort que nous
avons répandu un peu trop de critique dans
cesObfervationsj mais nous ne craignons ce
reproche que de la part de ceux qui, coiinoif·
fant leur foibleiTe ? auroient intérêt de pren-
dre ce que nous dîions, pour des critiques par-
ticulieres.Néanmoins nousatteftons que nous
n'avons eu deffein de bleiïèr l'amour-propre
d'aucun Artifte : & nous nous flattons qu'on
fera fatîsfait au contraire des occafions que
nous avons fouvent failles de faire l'éloge des
hommes èc des ouvrages célèbres.
[                                                          Ordre
-ocr page 83-
Ixxxj
O m. & R m D es Leçons
Qui continuent de je donner fur l'Architecture
& fur les Sciences qui y font relatives y
par Jacques-François BlqndEL, Archi-
tecte, & par les Profeffeurs qui le fécondent
dans fon Ecole des Arts 9 à Paris.
Si, dans nos Difcours précédents , il
nous a paru néceiTaire d'indiquer aux per-
Îonnes qui fe vouent à l'étude de l'Archi-
tecture, les connoiiTances des Sciences êc
des Arts (a) qu'il leur eft important d'ac-
quérir , pour devenir un jour des Archi-
tectes célèbres 5 peut-être eiMl également
intéreiïant que nous rappelions non-fèule-
ment à nos Concitoyens, mais à nos Pro-
vinces, & même aux Cours étrangères, qu*
défirent envoyer en France les jeunes hom-
mes qui fe deilinent à cet Art, que tou-
jours plein de la même ardeur qui nous;
(a) Voyez les Difcóurs prononcés publiquement
par l'Auteur, en Juin 1747, & en Avril 17Γ4,
imprimés chez Jombert, père, Libraire, rue Dau-
phine, à l'Image Notre-Dame! & à la ίιη defquels font
annoncés la plus grande partie des Leçons dont il eft ici
queftion, & le Nom des Profeffeurs qui, depuis ee
temps, fécondent l'Auteur dans fes travaux.
Tome III.                                  ƒ
ν
-ocr page 84-
îxxxij Ordre des Leçons.
a animé jufqifà préfent, nous continuons
de porter un œuil attentif à tout ce qui
peut contribuer à l'avancement de ceux
qui s'attachent à fuivre nos Leçons.
Moins jaloux que fatisfaits du nombre
des Ecoles qui fe font formées dans Paris,
fous nos yeux & à notre exemple, nous
applaudiiîons aux efforts des Artiftes qui,
comme nous, confacrent leurs veilles à
PinfbucUon de leurs femblables -·, mais nous
penfons qu'une longue fuite d'expériences
dans le ProfeiToriat, réunie à l'aifociation
de pluiîeurs Profeifeurs qui, dans chaque
genre, cherchent à porter le flambeau des
Arts dans Pefprit des Elevés, ne peut que
contribuer à faire applaudir notre perfé-
vérance à cet égard.
Nous délirons donc faire connoître que
non-feulement nous n'avons pas ceifé de
nous occuper de ce foin, mais que nous
rempliifons tous les jours cette tâche la-
borieufe, de maniere à efpérerque cet éta-
blûTement utile, accœuilîi depuis près de
trente années (£■), & auquel nous portons
( h) L'Auteur a commencé fes Cours publics en 1745,'
après en avoir obtenu, le 6 Mai de la même année, l'agré-
ment de Γ Académie Royale d'Architecture, dont il n'é-
toit pas encore Membre alors, n'ayant été nommé Archi-
tecte du Roi qu'en Novembre 175$ 3 & Profefleur Royal
au Louvre en Octobre 1762»
-ocr page 85-
■ ' '.'■ . .'■ ■' ■■■■ '
Ordre des Leçons, Ixxxii
un amour de Père par le bien qu'il a
déjà produit, &: qu'il peut produire encore3
continuera, même après nous, à porter de
nouvelles lumières dans l'Architecture,& les
différentes branches qui la compofent.
Dans cette vue, nous venons de faire choix
d'un Adjoint qui, nourri des mêmes princi-
pes, animé du même zèle ; & deftiné à nous
îiiccéder un jour, parviendra à faire fleurir
cet Art, en faifant palier fuccelîivement les
Elevés qui lui feront confiés, des éléments
à la théorie, & de celle-ci à la pratique:
il trouvera d'ailleurs des fecours dans nos ma·^
nufcrits &c dans une collection aiTez considé-
rable de Deiîîns & de Modèles que nous
avons raiTemblés depuis long-temps, fecours
qui, accompagnés de fes lumières, ne pour-
ront que faire marcher dans la fuite les jeunes
Artiites vers le chemin de la gloire.
Nos veilles multipliées,les talents décidés
de notre Adjoint, &. cette aiïbciatÎon d'Ar-
tiftes réunis, nous ont paru d'autant plus
néceiTaires à perpétuer dans une des Ecoles
de cette Capitale,,que nous nous fommes
aperçus nous-mêmes, que toutes les fois que
nous avons laiiTé à nos Elevés le foin de
fe choiiir en particulier des Maîtres habiles,
pour acquérir à part les connoiiîances des
Mathématiques, du Deiîîn, de la Perfpe-
clive ou de la coupe des pierres , nous
fit
-ocr page 86-
IxxXïV        ORDRE DES LecOÏÏS.
n'avons pas tardé à nous convaincre que,
malgré la môme attention de notre part,
Se la même aptitude de la leur, pour l'é-
tude de l'Architecture, ils y parvenoient
avec plus de lenteur £c de difficulté. Cette
expérience nous a donc confirmé que, quel·
qu'initruclives que puiiTent être des Leçons
priies féparément, dans des temps diffé-
rents , & dépouillées de la liaifon qui leur
eit néceifaire, les progrès font beaucoup
moins rapides 5 fans compter que les diitra-^
étions qu'occaiionnent aux Elevés le tranf-
port d'un lieu à un autre, leur ote^ pour
ainfï dire, la faculté de mettre un certain
enfemble dans les différentes çonnohTances
inféparables de l'étude de PArchkeéture.
Convaincus de cette vérité, nous periîf-
tons à croire qu'il convient que nous con-
tinuions de raiïembler dans un même lieu,
tous hs genres de talents utiles à cet Art.
En conféquence, nous redoublons nos ef-
forts, & nous defirons qu'Us puiiTent fatif·
faire à ce que le Public a droit d'attendre
de nous ; à cet effet, nous allons ren-*
dre compte des différentes Leçons qui fè
donnent dans notre Ecole, fbit pour ce
qui concerne Γ Architecture , foit pour
ce qui regarde les Mathématiques, le De£
Îîn, la Coupe des pierres, &c. &c.
-ocr page 87-
Ordre des Leçons. Ixxxv
Architecture.
Tous les jours, depuis huit heures du
matin jufqu'à deux heures après midi,
nous donnons nos Leçons fur l'Archite-
dure, qui comprennent la diftribution, la
décoration & la conftru&ion des Bâtiments,
ainiî que l'art du Jardinage relativement à
PembelliiTement des jardins de propreté, &c.
Tous les lundi &i mercredi, depuis onze
heures du matin juiqu'à mie heure après
midi, nous raffemblons nos Elevés, félon
le degré de leurs connoiiTances, pour réca-
pituler les Leçons précédentes, les démon-
trer de nouveau, d'après le Cours d'Archi-
tedure que nous venons de mettre au
jour (c), & attaquer les difFérents détails
relatifs à chaque genre d'édifice.
Deux fois la femaine, depuis trois heures
après midi jufqu'à neuf, pendant les mois d'A-
vril & de Mai, nous les conduifons dans les
édifices de cette Capitale, pour y examiner
fur les lieux, foit l'ordonnance extérieure 6c
intérieure de nos édifices facrés, foit la dis-
tribution 6c la décoration des dedans 6c des
dehors de nos Bâtiments d'habitation.
( c ) Ce Cours d'A rchitcdure contient fix volumes <îe Difcours,
& trois volumes de Planches. Il comprend les Leçons que nous
avons données publiquement dans notre Ecole des Arts depuis
1744. Les trois premiers volumes font au jour, à Paris 5 chez
ia Veuve Defaint, Libraire, rue du Foin-Saint-Jacques,
Nous nous occupons a&uelkmcnt à raffcmbler le plus grand
/M
-ocr page 88-
lxxxvj Ordre des Leçons.
Mathématiques & Coupe des pierres.
Tous les lundi, mercredi & vendredi,
depuis trois heures jufqu'à cinq, on don-
nera des Leçons de Calcul numérique &:
algébrique 5 &:, depuis cinq heures jufqu'à
neuf, des Leçons fur la Coupe des pierres
d'une maniere relative à la théorie &: à la
pratique de cet Art.
Tous les mardi, jeudi .& famedi, de-
puis trois heures jufqu'à iix, on donnera des
Leçons fur la Géométrie, les Sedions co-
niques, la Mécanique de l'Hydraulique, fui-
vant les Auteurs les plus approuvés. Les
mêmes jours, depuis fix heures jufqu'à neu£
on continuera Iqs Leçons fur la Coupe des
pierres.
Dans la belle faifon, on conduit le ma-
tin Iqs Elevés fur le terrein, pour y faire
différentes opérations de Trigonométrie}
leur apprendre à lever des plans, à faire
des nivellements, & leur enfeigner l'Art de
fe fervir des différents înftruments deftinés
à cqs divers objets ; enfin l'hiver, dans les
matinées, on donne des Leçons fur la For-
tification, la maniere de deiîinerla Carte, &c.
nombre des édifices , élevés dans nos Provinces les plus coniï-
«îérables : cette Collection compofera environ quatre volumes
particuliers de même format que notre Cours d'Architedure^
& qui paroîtront de fuit«,, aptes la publkàtio» des trois des-
nkrs volumes*
r-
-ocr page 89-
Ordre des Leçons. kxxvij
Dessin de différents genres.
Tous les mardi, jeudi & famedi, depuis
iîx heures du foir jufqu'a neuf, on donne
des Leçons fur leDeiîin, tel que la Figure
&; le Fayfage , ainfî que les premières
notions fur PHiftoire facrée & prophane,
relativement aux Arcs; & , pendanc l'hiver,
deux de ces Leçons font deitinées à deiïi-
ner d'après la BoiTe.
Perspective.
Tous les lundi, mercredi & vendredi,
pendant les mois de Novembre & Dé-
cembre , on donne des Leçons fur la
Perfpedive & fur les principales règles de
l'Optique.
Ornement^ et Art de modeler.
Tous les mardi, jeudi 6c famedi , les
après-midi, en hiver, on donne des Le-
çons furie Deffin concernant Pornement; on
enfeigne l'Art de le modeler dans le meil-
leur genre, ainiî que les Trophées, les Bas-
reliefs, &x.
E X Ρ à R Ι Ε Ν C 'Ε.
Tous les lundi , mardi èc vendredi >
les matinées , en été , on donne des
f iv
-ocr page 90-
îxxxviij Ordre des Leçons.
Leçons fur le Toile des Bâtiments, l'Art
de faire des Devis, &; la maniere de par-
venir à faire l'eftimation des différents
projets faits par les Elevés, ou de quel-
ques édifices exécutés à Paris, par nos plu«
habiles Architectes.
Physique.
Tous les mardi, jeudi & famedi, pen-
dant les mois de Novembre & Décembre,
depuis neuf heures du matin jufqu'à onze,
on donne des Leçons fur la Phyiique expé-
rimentale, relative à l'Art de bâtir, & à
l'Architecture.
hts après-midi, pendant que nous nous
occupons dans le cabinet à l'étude de
notre Art, & à l'impreiïion de nos Ou-
vrages, notre Adjoint qui, au vrai talent
de l'Architecture, joint la connoûTance
des différentes parties dçs Arts énoncés
ici, préfide &: furveille à l'ordre â^s diver-
ûs Leçons, & aux progrès des Elevés.
Ces différentes Leçons fe prennent dans·
pluiîeurs falies , ayant vue fur un grand
jardin j l'une, deftinée à ceux qui en font
encore aux Eléments s une autre, pour
les Elevés qui en font à la compofition.
Dans l'une & l'autre, font expoiës les Def
fins en grand, & les développements re-
latifs à chaque objet. Une autre falle eft
-ocr page 91-
Ordre des Leçons. Ixxxîx
deÎUnée pour le Deffin dans tous les gend-
res , où font expofës quantité d'originaux,
avec des boiTes èc des bas-reliefs néceiîaires
à cette étude ; dans une quatrième pièce,
fe donnent hs Leçons de Mathématiques,
de Perfpective, de Fortifications, du Toifé
6c de la théorie de la Coupe des pierres.
Dans un grand cabinet particulier, ou
font contenus les livres, les initruments, les
modèles en tout genre, & une belle col-
lection de Deflins fous glace, fe donnent
les Leçons de Phyfique expérimentale.
Dans un corps de logis féparé, fe trouve
un attelier pour la Coupe des pierres &:
des bois , dans lequel font expofés les
épures en grand, èc des modèles de dif-
férents genres, tant pour, la Maçonnerie,
que pour la Charpenterie, la Meniufe-
rie, &C.                                 "VH < .;.'.;.             ;:;: . "s
Dans le même corps de logis, eil une
falle deffcinée pour les exercices utiles, tels
que les Armes, la Mufique, la Danfe, exer-
cices qui fe prennent particulièrement, 5c
qui doivent entrer dans le Plan de l'Edu-
cation des Hommes bien-nés qui fe vouent à,
l'Architecture, & qui font deftinés à vivre
en Société dans un monde - cji.oiiî*
. Les Dimanches & les Fêtes, depuis une
heure jufqu'à huit,fe donnent gratuitement
à tous les Oitvriers du Bâtiment, différent
\
'■■■:,
-ocr page 92-
xc           Ordre des Leçons.
tes Leçons fur le Deiîiii^, les· éléments, la
théorie ou la pratique, relatifs à leurs be-
soins. Nous nous faifons un devoir de pré-
sider à ces diiFérentes inftrudions : notre
Adjoint, nos ProfeiTeurs &. ceux de nos
Elevés les plus avancés, fe font auffi un
plaiiir de pouvoir être de quelque utilité aux
Citoyens de cette claife, qui un jour leur
deviendront utiles dans leurs travaux.
Enfin,.pour parvenir à procurer un plus
grand degré d'utilité à cet EtablhTement,
dans une même maifon, bien aérée & iltuée
convenablement, à Paris, nous avons fait
choix d'une Perfonne d'une probité recon-
nue, qui, à notre follickation, a bien
voulu fe charger de prendre en penilon, Se
fous nos yeux, les Elevés, pour la table
& le logementi &; qui veille à l'aiïîdiiité
& aux bonnes mœurs de ceux qui, en-
voyés à Paris fans ce fecours, fe trouvent
fouvent abandonnés à eux-mêmes, èc par-là
perdent le fruit de leurs études j au-lieu que,
par ce moyen, ils trouveront dans le même
aille, & a un prix raifonnable, les be-
foins néceifaires à la vie, avec la facilité de
devenir des Hommes habiles dans les dif-
férentes parties âcs Beaux-Arts.
-ocr page 93-
*
MB8BHWBPMMÉMt
TABLE DES MATIERES,
des Chapitres et des Planches
Contenus dans le troifieme Volume*
A FA NT-PRO Ρ O S.
Expoiition des matières répandues dans le deu«^
xieme Volume de cet Ouvrage.
             Pa8e\
Dissertation sur l'utilité de joindre
a l'étude de l'Architecture
, celle
des Sciences et des Arts qui lui sont
relatifs,
                                                  xiij
Observations fur différentes parties de ΐ Archi-
tecture*
                                                          liij
ORDRE DES Leçons que doivent fuivre les Elevés f
pour parvenir aux connoiffances de f Architecture*
lxxxj
CHAPITRE PREMIER.
DISCUSSION DE V A RTy
DANS LAQUELLE ON PROUVE , D'A PRÈS
L'OPINION DES PLUS GRANDS MaITRES,QUE
LES PROPORTIONS DE L'ARCHITECTURE
,
ONT ÉTÉ PUISÉES DANS LA NATURE, I
CHAPITRE IL
Des Licences et des Abus de l'Art. 15
Planche Premiere.
De Îapplicaùon des   Pilaßrcs dans la décoration
des Bâtiments.                                              24
De tapplication des  Colonnes dans la décoration
des Édifices*                                                   %&
-ocr page 94-
*
Xcij                        TABLE
{                   CHAPITRE I î I.
APPLICATION DE L'ART?
* OU L'ON TRAITE DES DIFFERENT ES
MANIERES DE DECORER LES BATIMENTS
,
RELATIVEMENT A LEURS DIVERS USAGES*
.:                                                                  page 31
Planches II & III.
Des Bâtiments à un feul étage.                           33
Des Bâtiments compofès dun re^-de-chaußee, &
furmontès d'un Attique.
                                    37
Des Bâtiments qui comprennent deux étages règu~
lien.                                                     
Des Bâtiments compofès d'un foubaßement, & d'un
étage régulier au-dejfus.
                                     42
Des Bâtiments compofès d'un foubaßement, dun
bel étage & dun attique.
                                  43
Des Bâtiments compofès d'un foubaßement , au-
deßus duquel s'élève un ordre coloßal embraßant
à deux étages.                                                      4 e
£)es Bâtiments à deux étages, embraßes par un feul
ordre dArchitecture.
                                         47
Des Bâtiments compofès dun ordre qui embraße deux
i
- étages, au-deßus duquel s'élève un attique. 48
Des Bâtiments compofès de deux étages réguliers ,
avec un attique au-deßus.
                                49
^Des Bâtiments compofès de trois étages réguliers.
50
...... ,u. .... ..
-ocr page 95-
-
DES MATIERES. xc'4
CHAPITRE IV.
SUITE DE L'APPLICATION DE L'ART,
ou l'on traite de l'ordonnance qui pré-
side DANS LES AVANT-CORPS DES PALAIS, DES
Maisons de Plaisance , et des Hôtels ,
élevés par nos architectes celebres.
page 53
De la décoration des avant-corps du
Vieux-Louvre
, du Palais des Tuile-
ries
, et du Luxembourg.
                    $6
Planche IV.
Avant-corps de tune des Façades de l'intérieur de la
cour du Vieux-Louvre
, du côté de la rue Fromen-
teau9 élevé fur les De£ins de Jacques le Mercier.
ibid.
Planche V.
Avant-corps de ΐancienne Façade du Louvre 9 du
coté de la Rivière
, élevé fur les Defßns de Louis
Le Veau.
                                                           02.
Planche VI.
Avant-corps de la Façade du Perißyle du Louvre,
du côté de Saint-Germain-t'Auxerrois , élevé fur
les dejjins de Claude Perrault.
                          64
Planches VII δε VIII.
Avant-corps de la Façade du Perißyle du Louvre,
du côté de Saint-Germain-tAuxerrois ^ avec quel-
ques changements propofés par ΐ Auteur de ce Cours
£ ArchiteUure.
                                                   /ίο
-ocr page 96-
Xciv                        TABLE
Planche IX.
(Avant-corps de la façade du Palais des Tuileries '9
du côté du jardin , originairement élevé fur les
deffins de Fhilibert Delorme
, & de Jean Bullant,
& reßaure enfuite par Louis Le Veau & François
dOrbay.
                                                  page 73
Planche X.
Avant-corps du Palais du Luxembourg, du côté de
la rue de Tournon
, élevé fur les dejjins de Jacques
Debroffe.
                                                           79
Planche XI.
Avant-corps du Palais Atchiêpifcopal de Bourges ,
du côté de la Cour 7 élevé fur Us deffins de Pier rei
Bullet.
                                                              82
'De la Décoration des avant-corps du
Château de Maisons
, de celui de
Blois, du Château dIssi
, et du Châ-
teau DE MONTMORENCI.
                         8$
Planche XII.
Avant-corps du Château de Maifons , du côté du
jardin 9 élevé fur les deffins de François Manjard.
ibid.
.Planche XIII.
Avant-corps du Château de Β lois, du côté de la coury
élevé fur les deffins de François Manfard.
          91
Planche XIV.
Avant-corps du Château d'Ifjî, du côté a\ la cour,
élevé fur Us deffins de Pierre Bul Ut.
                97
-ocr page 97-
DES MATIERES. XeV
Planche XV.
Avant-corps du Château de Mommormci, élevé fur
les deffins de M. Cartaud.
                     page 102.
De la Décoration des Avant-corps des
hôtels de soubise, de carnavalet
,
de no ailles et de l'ancien hôtel
d'Evreux,
                                                   106
Planche XV I.
Avant-corps de l'Hôtel de Souhife, du côte de la
cour, élevé fur les deffins de M. de Lamaire,
ibid.
Planche XVII.
Décoration de Îun des Pavillons, placé aux ex tri'
mités de la façade de l''Hôtel de Carnavalet, du
côté de la rue, refiauré fur les defjins de François
Manfard.
                                                         IOp
Planche XVIII.
Avant-corps de la façade de l'Hôtel de Noailles, du
côté du jardin
, élevé fur les deffins de M, £Affu-
rance> Architecte du Roi,
                                II4
Planche XIX.
Avant-corps de l'ancien Hôtel d'Evreux , du côté
de la cour
, élevé fur les deffins de M, Mollet,
Architecte,
                                                       \ ij
C HA Ρ Ι Τ RE V.
PERFECTION DE L'ART,
appuyée de l'autorité des Édifices
renommés , élevés par les archi-
tectes les plus célèbres.
                  121
-ocr page 98-
xcvj                        TABLE
On y traite en particulier des Portes, des Croißes }
des Niches, des Statues
, des Frontons, des Ba-*
lußrades
, des Attiques , des Soubajfements , des
Combles & des TerraJJes.
                     Page I22
Des Portes en général.                                       124
Divers dessins de Portes anciennes
et modernes.
                                           125
Planches XX, XXI & XXII.
Portes de Michel-Ange.                                     ibid.
Porte de la Vigne du Patriarche Grimani Λ pres de
Rome.
                                                             Ijl
Planches XXIII, XXIV& XXV.
Portes élevées sur les dessins de plu-
sieurs de nos architectes françois.
m
Porte de t Hôtel de Touloufe.                           ibid.
Porte de £ Hôtel de Souhife.                              137
Porte du Séminaire de Bourges*                          143
Planche XXVI.
Projet d'une Porte , pour le Palais Archiépïfcopal
de Cambrai.
                                                     14 c
Planche XXVII.
Projet d'une Porte dans le genre moderne. 149
DES CROISÉES EN GÉNÉRAL. 156
Planches XXVIII, XXIX, χχχ & χχχι.
Diverses Croisées9 puisées d'après les
Édifices de Rome.
                                 160
Pjlanches
-ocr page 99-
DES MATIERES. xcvifs
Planches XXXII, ΧΧΧΠΙ &fuivantes.
Diverses Croisées y puisées d*après nos
Édifices François.
                       page 166
DES NICHES EN GÉNÉRAL.                    183
De la proportion des Niches,           186
Différents dessins de Niches, puisés
dans les façades de nos édifices
François*
                                                 190
Planche XL.
Niches du Château de Maifons & du Château
de Clagny.
                                                     ibid.
Planche XL Us.
Niches placées a re^-de-chauffée, au premier & au
fécond étage des Façades de la cour du vieux Lou-
vre.
                                                                  194
DES STATUES EN GÉNÉRAL. 200
De la proportion des Statues.                            2Ο4
DES BALUSTRADES EN GÉNÉRAL. 208
Planches XLI, XLII & XLIII.
Proportions des Balustrades et des
Balustres,
                                       zu
DES FRONTONS EN GÉNÉRAL. 219
Planche XLIV.
De la proportion des Frontons.                          223
Planches XLV&XLVI.
Des Ornements dont on décore les
Frontons.                                          %1~
Tome III,
S
-ocr page 100-
ι
xcviij                    TABLE
Planche X L VΙ Γ.
Des Amortissements.                 page 131
DES ATTIQUES EN GÉNÉRAL. 2-33
Planche X L V 111.
De la proportion des Atùques,                           2-37
DES SOUBASSEMENTS EN GÉNÉRAL. 242.
De la proportion des Soubaffemcnts.
                   246
Όε la Proportion, de la Forme et de la
Décoration des Combles en général.
250
DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE TERRASSES.
258
De la Décoration des Entrecolonne-
MENT S EN GÉNÉRAL.                                     ZÓ}
Planches XLÏX&L.
Divers Deßns £Entrecolonmments.                 267
De la ÏJécoration que les ordres Pi-
lastres Peuvent procurer a nos Bâ-
timents.
                                                     2-19
Des Péristyles et des Colonnades. 286
Planche Li,
Des changements souvent nécessaires ,
A apporter dans les mesures des corps
oui se trouvent élevés les uns AU-
DESSUS DES AUTRES.                                     2^1
-ocr page 101-
t> E S MATIERES. xcix
CHAPITRE VI.
EXPÉRIENCE DE L'ART, .
OU L'ON EXAMINE D'UNE MANIERE GÉNÉRALE,
LA DÉCORATION DES ÉDIFICES DE MEME
GENRE ET DE GENRE DIFFÉRENT. page 298
Planche LU.
Description abrégée de l'Eglise du
Val-de~Grace.
                                       305
Description abrégée de l'Eglise con*
NUE SOUS LE NOM DE l'ÉGLISE DU DÔME
des Invalides,                                     313
Description abrégée de l'Église de la
Sorbone.
                                                 318
Description de l'Église du College de
Mazarin
, connue sous le nom du Col.
LEGE DES QuATRE-NATIONS.                    32*
Description abrégés de l'Église de
Saint-Sulpice.
                                      330
Description abrégée de l'Église
Paroissiale de Saint-Roch.
             352
Descriptios abrégée de l'Église des
Dames de la Visitation
, rue et porte
Saint-Antoine.
                                    360
Description abrégée de l'Église des
Dames de l'Assomption
, rue et près
LA PORTE SaINT-HoNORÉ.                         364
s y
-ocr page 102-
c                         TABLE
CHAPITRE VII.
SUITE DE L'EXPÉRIENCE DE L'ART,
ou l'on rapporte divers exemples d'É-
difices sacres, DELA COMPOSITION DE
l'Auteur.                                                369
Planche LUI.
Projet du Pian d'une Église Cathé-
drale du dessin de l'Auteur.
375
Planche LIV.
Projet du Plan d'une Église Parois-
siale
, DU DESSIN DE L'AUTEUR. 382
PLANS,C0UPES ET ÉLÉVATIONS d'UNEÉgLISE
Abbatiale et Conventuelle de la com-
POSITION DE l'JuTEUR.                          $$$
Planche LV.
Defcr'iption du Plan de l'Eglife, avec la d'ifpoßtion
des Bâtiments qui l'entourent.
                      395
Planches LVI. &LVII.
Élévation du Frontifpice du Plan précédent. 398
Planche LVIII.
Coupe prife fur la largeur de la Croifée de tEglifc*
401
Planche LIX.
Coupe prife fur la longueur de fEglife,             407
Plan et Profil d'une Eglise en Rotonde
DE LA COMPOSITION DE l'AüTEUR. 409
-ocr page 103-
DES MATIERES.           ή
Planche LX.
Defcription du Plan de tEglife de t Abbaye Royale
de Saint-Louis* à Metç.
                               412»
Planche LXI.
Defcription de la Coupe de tEglife de. t Abbaye
Royale de Saint-Louis
, à Met^.
                    416
CHAPITRE VIII.
SUITE DE L'EXPERIENCE DE VART ,
ou l'on rapporte diverses façades de
Bâtiments exécutées a Rome par des
Architectes d'Italie,et plusieurs Fa-
çades élevées a Paris par nos Archi*
Tectes François.                                     421
Planche LXII.
Façade du Palais du Cardinal a"Eß9 élevée fur les
Dejfins de Jacques de la Porte.
                    424
Planche LXIII.
Façade du Palais a*Aßi, élevée fur les DeJJins de
Jean-Antoine de Roffi.
                                  426
Planche LXIV.
Façade du Palais du Duc Mattéi, élevée fur les Deffins
de Charles Mademe.
                                       428
Planche LXV.
Façade du Palais Chigi, élevée fur Us Deffns du
Cavalier Jean-Laurent Remin.
                        432
-ocr page 104-
cïj TABLE DES MATIERES,
Planche LXVI.
Façade du Vieux-Louvre , telle quelle devait être
exécutée du côté de Saint-Germain-t'Auxerrois 3
fur les Defjins du Chevalier Berriin, avant que
les projets de Claude Perrault fuffent acceptés,
Page 43 S
Planche L X V 11.
Elévation d'une des principales Façades du Vieux-
Louvre , projetée pour le côté de Saint-G er main-
ΐAuxerrois , par Jean Marot
, Architecte & Gra-
veur.
                                                               437
Planche LXVIIL
Façade du Château de VduX-le-Vicomte , du côté
de la Cour
, élevée fur les Defjins de Louis le
Veau.
                                                             440
Planche LXIX.
Elévation de £ Hôtel de Beauvais , du côté de la rue
Saint- Antoine
, élevé fur les Defjins d'Antoine
le F autre Architecte.
                                       444
Planche LXX.
Façade du côté de la Cour de l'ancien Hôtel de
Montba^on
, fauxbourg Saint-Hcnoré.
           44^
Planche s LXXI, LXXII & LXXIII.
Différentes Façades de Maifons particulières > exécutées
- dans cette Capitale.
                                         4J4
' Fin de la Table.
-ocr page 105-
AVERTISSEMENT.
iL Ν parlant du Portail des PP. de la Mercy,
Volume précédent, page 195 , nous nous fommes
trompés, en difanrque M. BofFrand, Archite&e du
Roi, en avoît donné le Deflin. Cet habile Maître,
n'a élevé à ce Portail, que le fécond Ordre; le
premier Ordre, où les colonnes font ovales, a
été érigé fur les Deiîins de Cottart, qui a auffi.
donné ceux de cette Eglife.
)
-ocr page 106-
C/tf
ERRATA
du troifieme Volume.
Fage. Ligne.            Au lieu,
î89 h                adoptées,                 adaptées.
IJ2, 15                tracée,                     tracés
192, mal coté, 19z                           192-
Dans le Volume des Planches dont les Pigures répondent au
jréfent Volume page 194, la Planche des niches du Vieux-
Louvre devroit être cotée Pi. XLL & elle n'eft cotée que PI. XL.
pour obvier à ce défaut, on l'a coté XL. bis, lifq XL. tu.
COURS.
-ocr page 107-
cours ;
D'ARCHITECTURE.'
SUITE DU LIVRE Ρ REMIE R.
TROISIEME PARTIE. [,,■{
TRA Ι Τ É
DE LA DÉCORATION EXTÉRIEURE
"■■'..                                                                                                                                                                                              ■ :.' »' ,lf
DES BATIMENTS·
_,_______________________                                                                   ______________________i ■ ,_________________________________________________________________________________________________________________________                                                        s
Uli II 'I        -        ''               ' " k"'n ' Ί           ------~-~--------*-----'---------------ri-----------l'u ι ».---- ■ ι ■ *-—— ■*-----.1 .1,. ■ι __it « l.ll. I — ^ ÉJ) '
CHAPITRE PREMIER.
DISCUSSION DE L'ART,
dans laquelle on prouve , d'après
l'opinion des plus grands Mai-
■ ■                                                           )
tres, que les proporti on s d ê
l'Architecture ont été puisées
dans la nature*
jtSvPRES avoir, dans les derniers Chapitres du
volume précédent, cherché à déiigner le caractère
propre aux différents genres d'édifices, deftinés
à l'habitation , ou élevés pour la magnificence,
l'utilité & la fureté : nous allons , dans celui-ci ?
Tome III,                                A
-ocr page 108-
,                           Cours
rapporter l'opinion des différents Architeûes fur
la fource des véritables beautés de i Art ; cette
difcuffion nous amènera fans doute à juger leurs
diverfes opinions, à diitinguer plus facilement les
exemples qui méritent d'être ûdvis, et avec ceux
dont il eft fouvent eiïenciel de s éloigner, a déter-
miner le ftyle & l'ordonnance générale cl un édifice ;
enfin à trouver l'art ii difficile de concilier enfemble
les maffes, les parties & les détails qui compoient
la décoration de nos bâtiments. ^
Si par la partie de la décoration on entendent
feulement l'art d'élever des colonnes ou des pila-
ftresfolitaires ou accouplés , pour parvenir a faire
de belles façades , on nauroit befoin d autre con-
noiflance que de celle des éléments dont nous avons
parlé iufqu'à préfent ; mais nous ne .craignons
pas d'avancer que ces mêmes ordonnances , quoi-
qu'elles prennent leur fource dans les proportions
des ordres, ne laiffent pas d'ouvrir un champ beau-,
coup plus vaite à l'Architecte, & qufl eft plus diffi-
cile qu'en ne penfe ordinairement, dobferver dans
un édifice , la févérité qu'exigent les préceptes de
l'Art lorfqu'il s'agit de concilier la décoration exte-
rieure & intérieure , avec la diftribiuion & la con-
ftruÔion. U n'en fout pas douter; c'eil de cette con-
ciliation que dépend l'accord général de toutes les
parties d'un bâtiment : fans elle les productions
les plus ingénieufes «'offrent le plus fouvent que
des comportions imparfaites; les ordres feuls ne
produifant pas le bel effet qu'on a droit α en atten-
dre , s'ils ne concourent à déterminer le caraaere
de tous les membres d'Architedure & des orne-
ments qui font partie de la décoration,
C'eft donc dans les ordres quil faut chercher
k caraaere de l'ordonnance ; & comme leurs pro-
-ocr page 109-
ί> * A R C H Ι Τ Ê € f Ü A Ëé             I
portions ont été puifées originairement dans la
nature , c'eft dans celle-ci & dans les productions
de l'art qui Tont imitée , qu'il faut chercher à fe
rendre compte du bel ou du médiocre effet que
peut produire l'ordonnance de nos bâtiments«
Examinons d'abord les rapports que les anciens
Architecte ont obfervés entre les maffes & les
parties de leur édifice : rapports dont Alberti s
Palladio , Serlio & François Blondel, ont parlé
d'une maniere auffi intéreffante que pofitive ; ceft
d'après ces grands Architectes -, que nous allons
préfenter ce qu'il y a de plus utile fur cet objet*
Nous avons vu précédemment que la différence
des ordres d'Architecture coniiftoit dans les divers
rapports de la hauteur de leur tige avec leur
diamètre ; que leur beauté principale confiftoit
dans la diiïribution des membres relatifs à leur
caraclere particulier, & dans l'heureux effet qui
réfultoit de leur ordonnance générale , telle que
le piédeilal, la colonne & l'entablement.
Maintenant nous établirons que les Architectes
les plus renommés ne font arrivés à ce degré de
perfection, qu'en imitant la nature dans fes diffé-
rents afpeâs, & en cherchant à concilier fes
beautés diverfes avec les proportions qu'ils ont
remarquées dans le corps humain *. ils ont donc
tâché d'employer les unes & les autres, dans les
ordres qui dévoient décorer leurs édifices ; dew
là eit né ce bel effet qu'on remarque dans For^
donnance & la décoration de leurs œuvres £ de-là
on eil parvenu à ce nombre, à cet arrangement
des parties, qu'Alberti appelle βniùon, & qui con*
ititue, dit-il, une fymétrie 9 une correfpondance
..'& un accord d'où réfulte l'harmonie. Ce font ces
-parties combinées, qui déterminent les principales
Ai|
-ocr page 110-
%                           Cours
dimenfions d'un monument , fa longueur, fa largeur
& fa hauteur; du moins eil-il cenain que les
nombres, dans le rapport defquels différentes voix
frappent nos oreilles dans un Concert, font les
mêmes , continue-1-il, qui font que les objets,
en flattant nos yeux, font goûter à l'âme un véri-
table plaifir, à l'afpect d'un bâtiment dont le tout
& les parties font dans un parfait rapport : per-
fev£tion que les anciens Architectes , fans exce-
pter les Goths & les Arabes , ont cherché à
mettre dans leurs productions : d'où il faut con-
clure que la nature , quoique variée à l'infini, nous
oifre peu d'objets qui ne foient relatifs aux lois
de la fymétrie. Or il eil aifé de s'appercevoir
qu'une telle perfe&ion devient impoilible fans
l'harmonie , puifque cette dernière venant à man-
quer dans un édifice , plus de concert dans les
parties ; d'où réfulte, dans l'enfemble , une imper-
îèclion viiible : au contraire , c'eil par elle qu'un
Architecte fe diilingue dans l'ordonnance des édi-
fices du premier ordre , en obfervant les propor-
tions qui mettent chaque membre à fa place ; de
maniere que la défunion de quelques-uns forme-
roit une difîonance, & romproit l'accord qui doit
régner dans l'enfemble. Comparons, ii l'on veut,
la Mufique avec l'Archite&ure : ii la premiere
nous retrace les divers mouvements de la nature,
en excitant en nous les paillons les plus douces
ou les plus vives ; la féconde ne peut-elle pas être
capable de différentes expreiïions , & préfentec
aux yeux des fpe&ateurs , par les divers cara-
ctères dont elle eil fufceptible , un afped terri-
ble ou féduifant ; en forte qu'on puiife aifément
reconnoître fi l'image, qu'elle nous offre peint à
notre imagination, le Temple de la Vengeance on
-ocr page 111-
d'Architecture.              5
fcelui de l'Amour, ou enfin un monument public,
un Palais , une maifon particuliere, &c.
Qu'on remonte à la fource , on ne pourra guère
douter que les anciens Architectes n'obfervaffent
foigneuiement dans leurs productions , les lois
de l'harmonie dont nous parlons : perfuadés que
leurs édifices ne feraient approuvés qu'autant que
leurs proportions feroient conformes à celles que
ïa nature a imprimées dans fes œuvres , quoi-
que d'une maniere générale ; ils s'appliquèrent à
en connoître la marche. On peut même ajou-
ter que cette recherche les avoir conduits à
difpofer leurs édifices de différentes manières,
félon leurs divers ufages : ils en imaginèrent donc
de folides, de moyens & de délicats; ce qui,
dans la fuite, leur fit concevoir les ordres Dori-
que , Ionique & Corinthien , pour enrichir leurs
façades à raifon de la deitination de ces mêmes
édifices. Ils pouffèrent plus loin leurs obfervations;
ils imaginèrent , ainfi que le rapporte encore
Alberti, de faire les angles & les trumeaux de
leurs bâtiments en nombre pair , & les ouvertures
en nombre impair ; ils évitèrent de mettre en
nombre impair les parties folides qu'ils appeloient 9
dit-il, les os du bâtiment, parce qu'apparemment
ils s'apperçurent qu'il n'eil point d'animaux qui
marchent ou qui fe foutiennent fur des pieds en
nombre impair ; que par une fuite de ce même
raifonnement ils crurent ne pas devoir faire les
ouvertures en nombre pair, & cela à l'imitation
de la nature , qui , dans la conformation de la
tête, a donné le nombre impair à l'ouverture de
la bouche, quoique celle des yeux fût paire. Au
reite, ceci ne peut guère s'entendre, que rela-
tivement aux portes & aux croifées, qui, fans
A iij
-ocr page 112-
6                          Cours
déroger aux principes de Léon-Baptifte Alberti,
confirmés pour ainfi dire par François Blondel,
peuvent s'employer indiftinCtement , paires ou
impaires, à proportion de l'étendue du bâtiment.
Ils confidérerent encore que les dix premiers
nombres ayant entr'eux un caractère de perfe-
ction, ils dévoient regarder celui de dix comme
le plus parfait entre les pairs ; que pour cela ils
s'en dévoient fervir à fixer , en quelque ma-
niere , la plus grande élévation de leurs colonnes ;
ils firent enfuite le même ufage du nombre fept
pour déterminer leur moindre hauteur ; d'où il
paroit réiulter que i'Architeâ:ure, dans fon origi-
ne , a en pour objet d'imiter la nature dans (es
productions, & de la confulter dans fes propor-
tions d*après le corps humain ; en forte que par
ces divers procédés on eft parvenu à fixer la
véritable beauté de Γ Architecture , particulière-
ment celle des ordres que nous connoiffons , &
qui doivent être regardés comme la fource de la
difpoiition des différents membres dm« l'ordon-
nance de nos bâtiments.
                   .               \
D'après ce que nous venons de rapporter 9
point de doute que les anciens n'aient regardé
les proportions , les rapports & les principales
climeniions de leurs édifices, comme les objets
les plus eiTenciels de leurs productions, & qu'ils
n'aient jugé comme également intéreffants à la
perfçclion de l'Art, l'ordre & l'arrangement des
divers membres qui doivent concourir à la fy*
mérrie. Çonfidérant le nombre , le rapport &
la forme de ces mêmes membres, comme autant
de parties efTencielies à la perfeCtion de leurs
ouvrages, ils ont conclu que ceux qui feroient
placés à droite dévoient répondre a ceux qui
-ocr page 113-
d'Architecture.                 7
sappercevroient à gauche ; les parties de deiïus à
celles de deiTous ; iis ont eu foin que celles qui font
près les unes des autres le trouvaftént dans une par-
faite régularité ; qu'enfin celles qui doivent êtr<&
égales , le FuiTent parfaitement entr'elles, fans en
excepter les ornements ; en un mot, que les plus
petits détails fuffent ii bien proportionnés , que
chaque membre , conûdéré à part,, femblât naître
de l'ouvrage entier.
Si ce que nous avançons, d'après les Auteurs
les plus accrédités, η eft pas fans fondement ; on
doit fe periiiader que les proportions & la fymé-
trie font les caufes qui nous font admirer les
comportions des anciens , & que l'une & l'autre
font des beautés reconnues pour fatisfaifantes ; c'eft
pourquoi les édifices les plus parfaits n'obtiennent
le ilifirage des Maîtres de l'Art, qu'autant qu'ils
y apperçoivent ces qualités effencielies , qui font
feules capables d'exciter dans l'efprit, même du
vulgaire, cette admiration qu'il éprouve le plus
fouvent à rafp.ed des productions élevées par nos
célèbres Architectes.
Pour nous convaincre de cette vérité , conii-
dérons, avec attention , les plus beaux édifices
élevés dans le dernier fiecle, & la plupart de ceux
qui s'élèvent de nos jours ; comparons- les avec
certains ouvrages moins eiîimables : nous recoiv
noîtrons aiiément que les Architectes de ceux-ci
pnt fans doute regardé les proportions de l'Art ?
comme inutiles, ou au moins comme arbitraires.
II faut, à les en croire , ofer fe frayer une
route nouvelle. Fondés fur un fyileme d'indépen-
dance , qui ne leur fait accepter ni lois fon-
damentales, ni principes reçus, ni convenance
particuliere} ils prétendent qu'il n'y a point de dév
À iv
I
-ocr page 114-
t                       Cours.
monftrations convaincantes en faveur des pro-
portions de l'Architecture ; que ne rien innover
eft une timidité ; que le génie eil fait pour prendre
TeiTor ; que c'eil l'aiîervir que de le ibumettre
axix fentiments de ceux qui nous ont précédés,
&c.
Voici ce que nous leur répondrons avec Vitruve,
& d'après le ientirnent de François Blondel : que
s'il n'exiile point de démoniiration fatisfaifante
qui prouve ilridlement la nécéiîîté des propor-
tions dans l'Architecture ; il n'en eil certainement
pas non plus qui prouve le contraire , & que
celles obfervées par les plus habiles Architectes,
& qui font regardées par les hommes fuperficiels
comme arbitraires , n'en font pas moins la caufe
principale du plaiiir qu'ils éprouvent en les exa-
minant, & de la perfection qu'ils remarquent
dans les édifices les plus approuvés , quoique
leurs Auteurs ne nous aient pas toujours rendis
compte des procédés qu'ils ont employés pour y
parvenir. Combien effectivement de découvertes
ne fe font-elles pas faites , & dans les Sciences
& dans les Arts , qui n'avaient pas eu d'abord
le poids d'une démoniiration évidente ? Cette réfle-
xion peut s'appliquera l'Architecture , non que ces
grands Architectes aient ignoré les proportions
dont nous voulons parler , mais feulement parce1
qu'ils ont négligé de nous rendre compte des
moyens qui les y ont fait parvenir par degrés.
En effet, remarquant dans les œuvres des grands
Maîtres, des ordonnances d'Architeclure tout-à-
fait fatisfaifantes , tandis que celles des Archite-
ctes moins habiles ne caufent pas , à beaucoup
près , la même fatisfacüon, il eu facile de conce-
voir, que les rapports & les exacles proportions.
-ocr page 115-
©'Architecture.                9
©bfervées par les premiers , ont répandu , dans
leurs productions, les confonnances qui procurent
cette fatisfa&ion intérieure, qu'on n'éprouve point
en examinant les ouvrages des féconds, parce
qu'ils s'éloignent de cet accord qui prend fa fource
dans les proportions.
Peribnne n'ignore qu'avant les Grecs la hauteur
des ordres , chez les Egyptiens, étoit indéterminée ;
que, la plupart de leurs monuments, fans rapport &
ians proportion, n'annonçoient encore que l'enfance
de l'Art, & non (es progrès ; que ce n'eft qu'après
avoir fuivi& imité les regies prefcrites paf les Athé-
niens , & adoptées par les Romains , que nous
fommes aufîi parvenus à donner à quelques-uns
de nos édifices cette perfection inconnue avant
les Lefrot, les Delorme & les Manfard. Or ii les
proportions des ordres , telles que nous les exé-
cutons aujourd'hui, forment véritablement un effet
capable de contenter notre raifon , n'eit. - il pas
évident que quand nous parviendrons à les obfer-
ver dans les maifes générales de nos édifices,
ainii que dans les détails , nous ferons éprouver
aux autres une fatisfaâion encore plus complète ?
C'eft ainfi qu'un Peintre habile, fait charmer le
fpeclateur à la vue d'un de fes ouvrages où les cou-
leurs font employées avec cette union & cette
entente que produit la fcience du coloris; c'eil
ainii que nous fommes flattés d'entendre un con-
cert où les proportions & les intervales, exacte-
ment gardés , font naître cet accord & cette har-
monie qui nous touchent &: nous enchantent.
Si donc entre plufieurs édifices , foit anciens
foit modernes , il en eit que nous regardions avec
plaifir, & d'autres dont l'afpecf nous blefle , cher-
chons à nous rendre compte de la caufe qui produit
-ocr page 116-
ίο                    Co υ R s
en nous l'agrément ou le défagrément que nous
éprouvons en les examinant.
Pour y parvenir , nous avons mefuré avec foin
& à pluiieurs reprifes 9 les dimenlions de nos plus
beaux édifices : par-là nous avons été forcés de -
reconnoître, dans ceux élevés par nos plus grands
Maîtres $ qu'ils y avoient établi des rapports entre
la grandeur de leurs martes & celle de leurs par-
ties , & que la plupart de ces mêmes rapports
étoient, non - feulement communs à ces deux
objets, mais encore obfervés jufques dans les
plus petits détails ; au contraire , nous avons
remarqué dans d'autres bâtiments des diiîbnnances
confidérables entre leurs détails , leurs parties &
leurs maiTes ; ce qui nous a confirmés , après les
avoir mefurés avec le plus grand foin , que la
fource de la véritable beauté de l'Architecture ,
connue eifenciellement dans les rapports & les
proportions , quoiqu'il ne foit pas toujours poiTible
de les démontrer avec cette exactitude fcrupuleuie
du reffort des hautes Mathématiques.
Malgré ce que nous rapportons, nous favons
que pluiieurs prétendent que les proportions font
de ces beautés que le plus grand nombre ne fau-
roit appercevoir ,„ & qu'il n'eit ai-fé de fentir ni
d'apprécier ; mais, comme le remarque François
Blondel , cette objection n'a rien de folide ; car
û l'on confidere, dit - il, que les raifons des con-
fonnances dans la Mufique , ne font pas plus
vifibles pour le vulgaire , que les rapports des
différentes parties de l'Architecture ; il faut avouer
qu'il n'eit pas plus poflible de faire un bel édifice
fans proportion, que de former un concert agréa-
ble avec des fons ciifcordants.
..Nous nous croyons en droit de faire la même
-ocr page 117-
d'Architecture.               τι
réponfe à ceux qui prétendent que l'habitude a
beaucoup de part au plaifir que nous reffentons
au pied d'un édifice , &. que les beautés que nous
regardons comme réelles, ne nous paroiffent telles
que parce qu'elles font accompagnées d'autres
beautés, qui confident dans le prix de la matière,
la perfection de la main-d'œuvre, ou dans une
fituation avantageufe. Cela eil fi peu vrai, que ii
l'habitude fufïïfoit pour faire trouver un édifice
agréable , les hommes ' de goût feroient moins
choqués à l'afpeft des ouvrages imparfaits que
la routine ou la mode leur offre tous les jours :
d'ailleurs ii le prix de la matière & la perfe-
ction du travail font effectivement des beautés,
du moins eil - il certain que , quoiqu'elles con-
courent à la perfection de l'édifice , elles peu-
vent être eilimées féparément , fans pour cela
que nous ceilîons d'éprouver le défagrément que
nous reffentons , en examinant l'enfemble & les
différentes parties de l'édifice. 11 peut arriver
même que ces beautés particulières faffent d'au-
tant moins de plaifir, qu'elles fe trouvent alors
confondues avec une ordonnance qu'on eil forcé
de reconnoître pour médiocre. Difons plus , il
n'appartient qu'aux hommes fuperficiels de faire
confifler le mérite de leurs productions dans le
prix de la matière & la recherche de la main-
dœuvre ; ces fortes de beautés ne font que des
acceffoires, faits pour accompagner les beautés de
l'Art : autrement elles deviennent étrangères à l'Ar-
chitecture proprement dite. Nous pouvons le dire
ici, nos plus beaux édifices, quoique conflruits
avec des matières affez communes , ne laiffent
cependant pas d'étonner le fpectateur, par la juffeffe
de leurs rapports & la combinaifon de leurs par-
-ocr page 118-
il                         Cours
ties. La Porte Saint-Denis, le Périityle du Louvre?;
1 Obfervatoire , font bâtis avec une pierre aflez
ordinaire, & cependant ils nous offrent autant
de chefs-d'œuvre : d'où il faut conclure que les
vraies beautés d'un bâtiment dépendent des pro-
portions que l'Architecte fait lui donner à raifon
de fon caratlere particulier; & qu'au contraire,
ceux qui n'ont de mérite que la qualité des ma-
tières , & où les rapports font négligés, paroiifent
d'autant plus défectueux , qu'ils montrent plus
d'aprêt dans la conftrutüon.
11 doit donc paroître certain que la véritable
caufe qui nous porte à admirer un édifice préfé-
rablement à tout antre élevé pour la même fin,
provient de ce que le premier eil conforme aux
règles de l'Art : au-lieu que dans l'autre où elles
ont été négligées, on remarque, avec une forte
d'inquiétude, la défunion des parties qui le cotn-
pofent ; parce que notre âme ne trouvant rien de
confiant où elle puiiîe s'arrêter , ne fauroit fe
former aucune idée d'unité qui la fatisfaffe. En
effet , rien de ii défagréable pour l'œuil, qu'un
bâtiment qui ne laiife voir , dans fon ordonnance,
que des règles incertaines , tandis qu'on éprouve
une fenfation délicieufe, lorfqu'on examine celui
où les préceptes font placés dans tout leur jour:
le plaiiîr que nous reflentons à le coniidérer,
prend fa fource dans l'attention que l'Architecte
a apportée pour difpofer la iittiation, l'ordre, la
forme, le nombre , les grandeurs, les diitances
& la fymétrie dans un parfait accord, qui nous
fait découvrir la relation qu'elles ont les unes avec
les autres , & nous montre que chaque partie
eil: à fa véritable place.
L'admiration naît donc dans l'Architeclure conv*
-ocr page 119-
d'Architecture.              15
ine dans la Muiique , de l'harmonie ; aufïi ne
doit-on point être étonné fi les hommes doués
d'uneheureufe intelligence, & qui ont des notions
des Sciences & des Beaux-Arts fans en avoir abfo-
lument approfondi les règles , .fe trouvent affedés
à l'afped de tel ou tel édifice élevé fuivant les
règles fondamentales ; parce que les connoiffances
générales qu'ils ont acquifes, les portent , fans
qu'ils puiiTent trop en rendre raifon , à eitimer un
édifice qui fe trouve bâti d'après les plus grands
modèles , & à méfeitimer celui qui n'eit élevé
que par l'oubli des préceptes.
Si Γ Amateur, par un examen réfléchi, parvient
à démêler les beautés que produifent les pro-
portions dans l'Ârchitedure , combien à plus forte
raifon l'Elevé, fuppofé inftruit de la théorie de
rArchitedure, ne doit-il pas s'attacher à décou-
vrir les routes différentes qu'ont tenues les grands
Maîtres dans leurs ouvrages les plus importants?
Combien ne doit-il pas s'appliquer à mefurer exa-
ctement les divers genres d'édifices , foit facrés,
foit publics, foit particuliers , & peut - être ceux-
mêmes qu'il ne peut approuver raifonnablement,
afin de perfedionner par-là fon goût & {es con-
noiffances , fans lefquels il ne peut jamais juger du
mérite de (es propres produdions , ni apprécier
à leur juiïe valeur, les chefs-d'œuvre des hommes
habiles, ni les ouvrages médiocres ?
Nous recommandons donc à nos Elevés d'exa-
miner avec foin nos édifices François , d'abord
dans le Recœuil de l'ArchitedureFrançoife, enfuite
au pied des bâtiments les plus importants , comme
l'étude la plus intéreifante pour apprendre à juger
des beautés ou des difformités qui fe remarquent
4ans la plupart des produdions de nos jours. Qu'ils
··,
-ocr page 120-
14                         Cours
fe rappellent que c'eit pour parvenir à ces Coli«
noiiTances indifpenfables , que plus d'une fois nous
nous fommes transportés avec eux dans ces édifi-
ces , afin de leur faire connoître les parties effen--
cielles qu'ils y dévoient remarquer ; & que ii nous
nous y fommes permis ? fouvent en leur préfence,
de relever les licences ou les abus, lorfque d'un lieu
à un autre nous examinions eniemble les bâtiments
fubalternes qui s'oiFroient à nos regards , c'étoit
dans l'intention de les prévenir, qu'ils auraient pu
y tomber eux-mêmes, û nous n'avions pris foin
de leur faire fentir l'inutilité des uns, & la défe&uo-
iité des autres.
-ocr page 121-
d'architecture.            15
.___._. .^.___—- " - '_____:_____ν ---------^.. _jivjt               1 m. 1                     *-■—.....                   ■■».■»■■-«/y
CHAPITRE IL
ZXes· Licences et des Abus de l'Art,
J.L s'eil introduit de tout temps des licences dans
VArchiteâure , & prefque toujours on a vu ces mê-
mes licences dégénérer en abus entre les mains des
hommes médiocres, parce qu'il n'appartient qu'aux
grands Maîtres d'en faire ufage , eux feuls fâchant
les employer de maniere qu'elles relèvent iouvent
ks beautés, linon de l'enfemble, du moins des prin-
cipales parties de l'édifice. Au contraire, les Artiiles
fubakernes, ignorant les vrais principes de l'Art,
en font parade fans néceffité , & croient montrer
du génie ; mais pour lors ils ne préfentent plus aux
yeux des fpedfateurs que leur inexpérience ou
une imitation indifcrète des licences qui fe trotir
vent quelquefois répandues dans les productions,
môme les plus approuvées.
Traitons donc ici des licences & des abus ,
puifque les premières font reconnues fouvent
indifpenfables , fur-tout depuis que nous cher-
chons à réunir plus particulièrement, que m
l'ont fait nos prédéceffeurs , la décoration , la
diftribution & la conftruâion : réunion qui fe
remarque rarement dans les ouvrages du dernier
fiecle , quoiqu'elle feule forme la fcience du véri-
table Architecte. A l'égard des abus, nous nous
garderons bien de les confondre avec les licences
dont nous voulons parler ; ces dernières font
quelquefois éclôre des beautés d'un certain genre ;
-ocr page 122-
i6                         Cours
les abus, au contraire , ne peuvent jamais en-
gendrer que des médiocrités.
Il ne faut*pourtant pas fe le diffimuler : queî-
qu habile quefoit un Architecte , il ne doit regarde?
les licences que comme devant être employées avec
beaucoup de ménagement ; & comme telles on ne
peut les autorifer que loriqu'elles le trouvent placées
dans les parties acceiToires de l'édifice, à deffein
d'en faire fortir les beautés avec plus d'éclat. Toutes
celles au contraire qui, dans une façade , ne pa-
roiflent être amenées , ni par l'efprit de conve-
nance , ni pour caradérifer l'édifice, doivent non-
feulement être rangées dans la claile des abus,
mais être regardées comme des fautes impardon-
nables ; il faut porter le même jugement de toutes
celles qui déterminent TArchitecle , fans aucune
néceiîité apparente, à fupprimer dans fa compoii-
tion certains membres d'Architecture & de Scul-
pture , ou à en introduire d'autres qui la défi-
gurent, parce qu'ils lui ôtent fa véritable expref-
fion.
On range encore au nombre des licences, tous
les contrailes outrés dans les formes , toutes les
difparités choquantes dans les ouvertures; en un
mot, tous les porte-à-faux occafionnés par une
inadvertence que les préceptes défavotient, & que
le goût condamne abfolurnent. Il eft vrai qu'a fiez
fouvent la plupart des licences, dont nous trai
tons ici, prennent leur fource dans l'entêtement
des propriétaires , qui, voulant conftruire des
édifices d'une certaine importance, exigent de
FArchitefte, par une économie mal entendue ,
une retenue qui nuit à la perfection de fes œu-
vres ; Qu , ce qui eil pire encore , par une pro-
digalité plus mal mtmdiiQ, l'obligent de furcharger
d'ornements
-ocr page 123-
Ö'A R C H I TÉ C f U R £.               17
d'ornements faftueux des bâtiments dont la defti-
nation exigeroit la plus grande Simplicité, A la
vérité Γ Architecte , en renonçant à l'entreprife,
pourroit ne pas fe rendre complice de ces incon-
séquences ; mais ce courage n'appartient guère
qu'aux hommes qui (entent le prix d'une certaine
célébrité ; le jeune Artifte, trop entreprenant *
veut produire : jaloux de faire connoître au public
fes talents, il en cherche l'occafion avec empreffe-
ment ; il fe perfuade que ce n'eil que par l'exer-
cice d'une pratique anticipée, qu'il peut fe répan-
dre dans le grand monde ; il ne s'apperçoit pas,
qu'en fuivant une marche trop rapide , il fera
forcé un jour, lorfqu'il aura atteint un certain
degré de Supériorité, de condamner lui-même
(es œuvres, pour n'avoir pas fenti d'aifez bonne
heure, la néceiîité de continuer une étude qui l'an*
roit amené à s'annoncer avec plus de fuccès.
Revenons aux licences, & convenons qu'il en
eil d'indifpenfables. Par exemple , pour Satisfaire
aux lois de la Solidité , il arrive prefque toujours
que la largeur des encoignures , dans les dedans
des bâtiments, fe trouve en contradiction avec
l'élégance qui doit régner dans fes dehors · que
la force qu'on doit raffembler dans les angles
faillants & rentrants d'un avant-corps, auffi-bieii
que dans fes parties intermédiaires, nuit aux rap-
ports que la largeur de cet avant-corps doit avoir
avec fa hauteur : que la largeur des écoiiiçons Se
la faillie des retours des pavillons, prefcrite par
la folidité, occafionne Souvent la pénétration de
plufieiirs membres d'Archkeclure, ou au moins une
approximation, fans doute moins vicieufe que la
pénétration, mais qui n'en déplaît pas moins aux
yeux intelligents, fur-tout lorfqu'il s'agit de t'oï-
Torne III,
                                     Β
-ocr page 124-
iS                         Cours
donnance extérieure d'un édifice important : que
la néceffité de mettre dans les dehors les vides
à plomb des vides, & de donner moins de largeur
à ceux d'en haut qu'à ceux d'en bas , occafionne
çles trumeaux d'une plus grande largeur, au pre-
mier étage qu'au rez-cle-chaufTée : que l'attention
qu'on doit avoir de donner une jufte étendue à
la portée de l'architrave, qui termine la partie
fupérieure de l'entrecolonnement , pour que la
iblidité n'en ibuifre point, nuit fouvent à la pro-
portion que ce même entrecolonnement doit avoir
& avec le caractère de Tordre , & avec les ouver-
tures & les autres membres d'Architechire qui en
doivent occuper l'efpace.
A fon tour la partie de la diflribution préfente
d'autres obilacles à l'Architecle. Par exemple, le
diamètre d'un fallon placé dans le milieu d'un bâti-
ment , celui d'une falle de Compagnie , d'une falle
d'Afîémblée , diftribuée clans les arrière - corps
d'une façade , celui d'une chambre à coucher,
d'une gallerie, qui fe trouve comprife dans les
pavillons, détermine ordinairement la largeur de
ces différents corps extérieurs, qui conftituent la
diitribution des façades ; en forte que ces données,
preferites par le plan , s'accordent rarement &
avec les proportions de ces avant-corps & arriè-
re-corps , & avec les membres d'Architecture qui
les décorent : d'où n'ait la difficulté de conferver
toutes ces correfpondances, fans avoir recours
à des moyens licencieux, prefque toujours con-
traires à la régularité qu'exige la belle Architecture.
Sagit-il d'un bâtiment ifolé 9 la néceffité de placer
des croifées dans l'extrémité des principales enfi-
lades , porte fouvent une altération contraire à
la folidké dans les angles des façades latérales.
-ocr page 125-
ψ
d'Architecture*              î^
Combien encore'de difficultés ne rencontre pas
1 Architecte dans un bâtiment double , îorfqu'il
s'agit d'obferver d'autres enfilades dans les pièces
principales , entre les croifées du côté de la
cour , & celles du côté des jardins ? régularité
intéreiîante fans doute , mais qui jète une mono-
tonie ibuvent nuiiible dans les façades extérieures
d'un principal corps de logis : de maniere que pour
éviter cet inconvénient, on eil fouvent obligé
d'altérer les angles faillants des avant-corps, ou
les doiTerets des arriere-corps ; enfin les trumeaux
intermédiaires , &c. N'en doutons point, c'eil à
ces difficultés fouvent infurmontables , qu'on doit
rapporter l'ufage qui s'eil introduit chez nous *
d'employer des pilailres doublés , des pilailres
plies, des pilailres qui fe pénétrent , ou dans
d'autres pilailres, ou dans des colonnes; enfin
les colonnes engagées , les colonnes jumelles ?
la difparité des pieds - droits , des alettes , des
chambranles, ou avec le diamètre de l'ordre , ou
avec celui des ouvertures : en un mot, une infi-
nité d'autres licences , toujours prifes aux dépens
de l'accord général, qui néceffairement doit régner
dans l'ordonnance extérieure d'un édifice.
Pour parler ici de la décoration qui coiiilitue
l'ordonnance extérieure des Palais des Pvois , qui 9
comme tels , doivent annoncer la plus grande
magnificence : fans doute elle doit avoir la pré-
férence fur la commodité des dedans; mais du
moins convient-il que ces beautés répandues dans
les dehors ne privent pas l'intérieur dés appar-
tements de la proportion & de la fymétriè ques
doivent avoir les différentes pièces , foit coniidé-
rées en particulier, foit confidérées dans la rela-
tion qu'elles doivent avoir les unes avec les autres
Bij
-ocr page 126-
2Q                           Ç Ο U R 3
Qu on y prenne garde ? dans i'ArçhÎte&ure comme
dans les, autres Arts, une beauté dépendante dun£
autre beauté $ perd la moitié de ion prix , lorfqu'on
s'apperçoit trop vifiblement qu'elles manquent
de l'analogie qu'elles devraient avoir entr'elles.
Par exemple , nous admirons la façade du Châ-
teau de Maifons , celle du Palais du Luxembourg,
du périityle du Louvre , du Palais des Tuileries,
&c. Mais notre admiration ceiTe , pour ainfi dire,
lorfquaprès avoir parcouru l'intérieur de ces édi-
fices, nous fommes forcés de convenir que les
dedans font facrifiés à la beauté des dehors, tandis
qu'en les considérant comme bâtiments d'habita-
tion, ils devraient réunir, dans toutes leurs parties,
cette relation qui feule aujourd'hui peut nous faire
produire des chefs-d'œuvre.
Il n'en eil pas de même pour la décoration de
nos Temples, de nos Arcs de Triomphe, de nos
Fontaines publiques, de nos Portes de Ville &
de tant d'autres monuments , dont l'éreclion ayant
pour objet, plutôt la magnificence que la com-
modité , laiffe un champ bien plus libre à l'ima-
gination de Γ Architecte, que lorfqu'il s'agit feu-
lement d'un Hôtel, d'une Maifon de Plaifance ,
&c. puifque dans ces demeures le rapport qu'il
effc indifpeniable de mettre entre l'ordonnance des
dehors , la commodité & la décoration des dedans,
oblige prefque toujours l'Architecle à recourir à
quelques - unes des licences qui font ici notre
objet.
Quoi qu'il en foit, lorfqu'on fe trouve dans
cette néceiîité , on ne doit jamais perdre de vue
qu'il ne faut mettre en œuvre, des licences dont
nous parlons , que celles qui font le moins con-
traires aux règles de l'Art; & que l'on doit ranger
-ocr page 127-
d'Architecture.             21
dans la claiïe des abus , toutes celles qui ne
paroiffent pas avouées par là nécëiïité.
Entrons dans quelques détails concernant les
licences que l'ufage autoriie , en quelque forte , &
diilinguons-les avec foin des abus , qui ordinaire-
ment font une fuite imparfaite de leur imitation.
Un fronton ou plus élevé ou plus furbanTé
que ne le comportent les préceptes de l'Art, n'eu
qiùine licence, autorifée quelquefois par le rap-
port qu'on cherche à donner entre la largeur &
la hauteur de favant-corps qui le reçoit ; au con-
traire , celui qui fe trouve coupé , enroulé ou
interrompu dans fa bafe, fans autre motif que de
procurer du contraire à l'ordonnance , eil un abus.
Un ordre d'Archite£ture qu'on élevé d'un mo-
dule , ou feulement d'un demi-module , au - delà
de ce que prefcrivent les principes établis par
les grands Maîtres, parce qu'il en réfulte, dans
les parties principales , un accord qui produit
de plus belles maffes dans lenfemble, η'eil qu'une
licence : au contraire , une colonne qui fe trouve
d'une proportion au-deflbus des règles, & que
l'on couronne par une corniche architravée, ou
par un entablement tronqué ou mutilé, eil un
véritable abus.
Dans une façade ce neil qu'une licence,-de
tenir un trumeau plus coniidérable que ne l'exige
le rapport qu'il doit avoir avec le vide des ouver-
tures , quand cette trop grande largeur fe trouve
rachetée par des membres d'Architecture qui divi-
fent & eflacent, pour ainfi dire, ce défaut : mais
lorfque par inadvertence on laiffe ce trumeau liffe,
que par là il devient pauvre , comparaison faite
avec l'Architecture répandue dans les portes &
les croifées P c'eit un abus réel.
Β iij
* ι
-ocr page 128-
tl                        Cours
Un avant-corps qui fe trouve avoir trop ou
trop peu de largeur , relativement à fa hauteur
& au caractère de l'édifice , eil une licence fou-
vent permife, lorfqu'on s'y trouve forcé par la
relation que les dehors doivent avoir avec les
dedans : mais c'eft un abus, lorfque le fpe&ateur
s'apperçoit que Γ Architecte auroit pu, ou le divi-
fer, ou le fupprimer , non - feulement pour dé-
truire ce défaut, mais pour procurer plus de repos
à la décoration,
Un attique qui ordinairement n'annonce qu'un
étage fubalterne, mais qui placé à propos & ea
retraite, couronne heureufement l'avant-corps
d'un édifice important, en le faifant pyramider,
eil une licence permife en bien des occaiions : au
contraire, lorfque fans néceffité on le fait conti-
nuer fur toute l'étendue d'un bâtiment & à plomb
du mur de face , ou que plus inconiidérement
encore , on le place entre deux ordres, c'efl un
abus infupportabîe*
Un entrecolonnement dont la largeur, pour
des raifons qui regardent la folidité , ne peut
conferver le rapport qu'il devroit avoir avec l'ex-
preiîion de l'ordre, eil un licence : mais on doit
regarder comme un véritable abus , celui qui,
contre toutes les règles de l'Art , conferve une
proportion Tofcane dans une ordonnance ou
préiide l'ordre foit Corinthien , foit Compoiite.
On. ordre d'ArchiteéHire, d'une proportion co-
îoffale, appliqué à la décoration d'une maifon par*
ticuliere, doit être regardé comme une licence, &
par la richeffe indifcrète qu'il procure au bâtiment,
& par rapport à fa proportion gigantefque qui
détruit l'idée de relation qu'on doit obferver entre
les dehors & les dedans de l'édifice ; mais lorfqu'à
-ocr page 129-
d'Architecture.            *3
cette înconféquence on l'affoçie dans une même
ordonnance , avec une autre ordre dun moindre
diamètre & d'un genre différent, c eil un abus.
Dans la reftauration d'un bâtiment, rifquer quel·'
quelques membres d'Archite&ure , ou hafarder
des formes qu'on fent bien ne tenir pas aux pré-
ceptes de l'Art, mais qui s'annoncent vifiblement
par des raifons d'économie , de folidité ou de com-
modité , ceft une licence : affeäer au contraire
une difproportion choquante entre les^ nouvelles
additions & l'ancienne ordonnance de l'édifice, y
introduire un beaucoup plus grand ordre, & trop
d'ornements de Sculpture , dans la feule intention
de donner à fa reftauration un degré de fupério-
rité fur l'ouvrage précédent, c'eft un abus.
Employer dans la façade d'un bâtiment parti-
culier des confoles en encorbellement pour porter
un balcon , à deffein de ménager la voie publique;
économifer la matière ou la main-d'œuvre, ceft une
licence : mais fous le vain prétexte de procurer
un certain degré de richeffe à fa décoration , imagi-
ner de faire ces fupports de formes contrariées,
& les accabler d'une trop grande quantité de
Sculpture, ceft fans contredit un abus.
Un foubaffement enfin , pratiqué dans un édi-
fice, ou un bel étage à rez-de-chauffée , auroit
dû être préféré; ceft fans doute une licence:
maislorfque dans ce foubaffement, par une mad-
vertence révoltante, on introduit un ordre , tandis
quau-deffus on élevé un bel étage fans aucun
ordre d'Archite&ure, ceft un abus impardonnable.
Après avoir parlé d'une maniere générale des
licences & des abus de l'Art, traitons à préfent
en particulier, des licences qu'entraîne fojiVent
après foi, l'application des pilaftres & des colon-^
Bit
-ocr page 130-
Z4                        Cours
nes dans la décoration extérieure de nos bâtiments \
& donnons, dans la planche fuivante , quelques
figures qui indiqueront les licences qui peuvent
fe tolérer, ou les abus qu'il faut rejeter abfoln-
ment.
Planche Premiere.
De l'application des Pilaßres dans la décoration
des Bâtiments,
La iîgure A préfente un piîailre angulaire,"
enclavé par une de fes faces dans un demi-pilailre«
AiTçz fouvent on fait ufage de cette licence dans
l'Architecture, ou pour procurer plus de folidité
à une encoignure , ou pour éviter de donner une.
trop grande largeur aux pieds-droits d'une arcade
dont l'axe fe trouve aifujéti à une enfilade, déter-
minée par la difpoikion générale du plan , ainfi
que cela fe remarque dans la nef de Saint-Sul··
pice & ailleurs. Nous ferons remarquer néan-
moins, que le demi - pilaitre a , qui pénétre la
plus grande partie du diamètre de celui A 3 non-
feulement donne à ce dernier une fauffe apparence
de folidité , mais apporte une çonfuiion vicieufe
dans les moulures & dans les ornements des bafes
fc. des chapiteaux : cet inconvénient doit nous
porter à n'employer ce demi- piîailre a ? qu'avec
beaucoup de cjrconfpecüon , tes principes de
l'Art défendant Fufage de toute efpèce démembres
d'Architecture , mutilés, tronqués ou enclavés les
lins dans les autres, ce que cette licence offre
cependant dans tout fon jour. Il auroit donc
mieux valu convertir ce dçmi-pilaitre a, en alette,
qui alors auroit renfermé le piéd-droit b dans une
niche quarrée, ce qui auroit produit Un beaucoup
meilleur effet*
!
-ocr page 131-
d'Architecture.             ι f
La figure B offre un pilaftre plié dans un angle
rentrant, ou plutôt deux pilaftres fe pénétrant
l'un l'autre, tel qu'on le remarque dans la croi-
fée de l'Eglife des Petits-Peres , près laPlace
des Viûoires. Cet exemple , affez ufité , lemble
moins licencieux que le précédent , parce que
les faillies des chapiteaux & celles des bafes, ne le
pénétrent que vers Β : & l'on peut remédier a ce
défaut en donnant quelques minutes de plus a
chaque demi-diamêtre ; car par là on préviendroit
la pénétration dont nous parlons ; elle n'eft occa-
fionnée que par le pli du pilaftre.
La figure C n'offre qu'un fixieme de pilaftre,
qui nous paroît ne devoir être toléré dans l'Ar-
chitecture , que pour recevoir , dans un angle
rentrant, le fofite d'un architrave , faifant retour
d'équerre dans un veftibule, une gallene , &c.
A la .place de ce fixieme de pilaftre , peut - être
vaudroit-il mieux fubftituer le demi-pilaftre B,
lorfque la diftribution des dedans le peut per-
mettre ; un feul fixieme de pilaftre , paroiffant
une reffource chétive dans une Architecture régu-
lière , malgré l'autorité du périftyle du Louvre
où cette licence fe trouve mife en œuvre.
La figure D fait voir deux pilaftres doublés,
Unis l'un à l'autre dans leur angle rentrant par
une de leurs extrémités. Il eft aifé d appercevoir,
au Château de Trianon, le mauvais effet que
produit l'union de ces deux pilaftres , qui pré-
sentent , dans leur largeur , quatre modules de
développement, au-lieu de deux: fans compter
la pénétration vicieufe des chapiteaux, ainfi qu'on
Je remarque dans la nef du Val-de-Grâce. Néan-
moins lorfqu'on fe trouve forcé d'employer de
tels pilaftres a il eft hors de doute qu'il vaut
-ocr page 132-
ιβ                        Cours
mieux les employer à angles droits , qu'à angles
obtus , comme la figure Ε le préfente , & tels
qu'il s'en remarque dans l'intérieur du dôme des
Invalides. Ces derniers , quoique maiqués par
une colonne placée devant, n'en offrent pas
moins un exemple à éviter, à caufe du mau-
vais effet que produifent les retours de la cor-
niche de l'entablement.
La figure F offre deux pilaflres en retour d'é- '
querre avec un troifieme à pans , nommé pilaftre
ébrafé; il eil aifé de s'appercevoir que ces pila-
flres ne peuvent être réunis , fans que leurs
chapiteaux fe pénétrent ^ & fans concevoir le
mauvais effet de cette pénétration : on pourroit
éviter la plus grande partie de ce défaut, fi au
pilaftre ébrafé on fubitituoit feulement un pan
coupé , comme il eil tracé figure G : ce pan ,
fans rien affoiblir de la folidité , offre plus de
repos & moins de confufion , dans ce que l'Ar-
chiteclure doit avoir de plus régulier.
De ly application des Colonnes dans la décoration
des Edifices.
La figure H préfente une colonne engagée
de la fixieme partie de fon diamètre dans un
pilaftre. Cette pénétration , malgré l'autorité de
plus d'un grand Maître , paroît contraire au bel
effet que doit produire une colonne ifolée : par
cette difpoiition, la colonne a une grande fupé-
riorité fur les pilaflres ; car on ne doit jamais
engager les colonnes, ainfi que nous l'avons déjà
dit plufieurs fois, que lorfqu'on emploie l'ordre
Tofcan dans les ouvrages militaires ; encore doit-
on fe reffouvenir qu'il faut toujours éviter d'engager
-ocr page 133-
d'Architecture.             27
des colonnes dans des pilailres ; cette double péné-
tration , offrant plutôt un abus qu'une des licences
de l'Art.
La figure I fait voir une colonne placée devant
un pilailre ; mais ces deux membres n'étant pas affez
éloignésl'1111 de l'autre, occahonnent la pénétration
des bafes de ces deux ordres. Cet exemple , moins
vicieux que le précédent, offre néanmoins une
'licence dont il faut éviter l'application. #
La figure Κ fait voir un pilailre angulaire , dans
l'angle duquel eil engagée une colonne, deili-
née à former, avec plufieurs autres, un avant-
corps circulaire, à l'ufage d'un porche ou dun
veftibule. On remarque dans cette figure , non-
feulement le défaut des deux précédentes , mais
encore le porte-à-faux inévitable qui fe trouve
dans les angles rentrants a , qui joignent les demi-
pilailres à la colonne : défaut toujours contraire
à la folidité & à la régularité ; de maniere que
cette licence peut.à peine fe tolérer dans les déco-
rations théâtrales, ou dans les fêtes publiques ;
mais on ne doit jamais fe la permettre dans les
autres occafions.
La figure L offre une colonne ifolee & détachée
de fon pilailre angulaire, telle que l'exigent les
préceptes de l'Art. Ce qui nous l'a fait ranger
ici dans la claffe des licences , c'efl la difficulté
de pouvoir arranger la portée de l'architrave, &
fur le fût du pilailre , & fur celui de la colonne,
le diamètre fupérieur de celle-ci étant moindre
que celui du pilailre , ainfi que nous l'avons déjà
fait remarquer , fécond volume , page 29, Pja"cli^
VIII : de maniere qu'en pareil cas· on eil force
de faire un choix qui conlifle , ou à faire porter
l'architrave fur le pilailre , ou au contraire iur la
*>
-ocr page 134-
28                         Cours
colonne. Dans le premier cas, l'architrave porte
de deux minutes en retraite fur le pilaflre ; &
dans le fécond, il porte-à-faux de deux minutes
fur la colonne , ce qui eft également contraire
& à la folidité & au goût de f Art : c'eft pour
cela que fou vent on prend le parti de faire porter
l'architrave à faux , feulement d'une minute fur la
colonne , & de mettre l'autre minute en retraite
fur le Pilaftre, ainii que l'exprime la ligne pon-
ctuée a , qui indique lès trois manières dont nous
parlons, La dernière nous ferrible la plus tolé-
rable, & nous paroit mériter la préférence fur la
figure M ; car quoique celle-ci fauve la plus grande
partie de ces inconvénients, elle offre néanmoins
un pilailre dont la largeur réduite au diamètre
du fût fupérieur de la colonne, met une difparité
dans le diamètre de Tordre , & un reffaut vers fa
bafe , qui nous paroît produire un mauvais effet,
à en juger par celle qui fe remarque au portail
de Saint-Roch.
La figure Ν préfente deux colonnes jumelles,
nommées ainfi, parce qu'elles fe pénétrent l'une
l'autre, chacune d'un quart de diamètre : genre
d'abus qu'il ne faut jamais fe permettre, malgré
l'autorité de celles de la cour du Vieux-Louvre,
& celles qu'on remarque dans les deux avant-
corps de la Place de Louis le Grand,
La figure Ο fait voir une colonne ovale, en-
gagée dans un pilailre : autre efpèce d'abus qu'il
ne faut jamais imiter, malgré celles du Portail de
l'Eglife de La Merci ; cette colonne, vue de face,
ou fur fa partie latérale préfentant deux diamètres
difparates entr'eux, dont le premier offre les pro-
portions antiques , & le fécond les procédés dont
les Goths ont ufé dans leurs édifices. Peut-être
...
;
-ocr page 135-
d'Architecture.           29
vaudroit-il mieux , au-lieu de cet abus, employer
le pilaftre plié Β , lorfqu'on a intérêt de diminuer
la faillie du diamètre des colonnes * ainfi qu'on
Ta pratiqué, fans néceffité , aux portails des Egli-
fes Conventuelles des Barnabites & des Petits*
Peres.
La figure Ρ offre encore une colonne ovale ,
différente de la précédente, en ce quelle eit en-
gagée de la moitié de fon petit diamètre dans
TépaiiTeur du mur , ainfi que fe remarque celle
de la porte fur la rue qui donne entrée k la
petite cour, qui précède le portail de l'Egiife de
la Culture Sainte-Carherine : efpèce de colonnes
qui., comme les deux précédentes, doivent être
rangées dans le nombre des abus de l'Art, plutôt
t^ue de fes licences.
En parlant de la figure H, nous n'avons pas
approuvé les colonnes engagées dans les pilaftres ;
néanmoins il peut arriver des occafions où Γ011
foit obligé d'introduire cette licence dans l'Archi-
tecture. Par exemple, quand il paroît néceffaire
de donner un certain mouvement à la façade
d'un bâtiment fur la rue, & que gêné par la voie
publique, on ne i'auroit donner à un avant-corps
une certaine faillie j on peut s'y prendre de deux
manières: i° Suppofons que l'arriére-corps a de
la figure Q, foit décoré de pilaftres ; pour que
l'avant-corps b acquière la moindre faillie poffi-
ble , on fera contraint d'engager les colonnes dans
les pilaftres, ou d'adoffer feulement les colonnes
contre le mur, comme c ; mais ce dernier moyen,
comme on le remarque ici, ne peut le pratiquer
qu'en iupprimant les pilaftres fur le nu du mûr d;
ce qui ne fe peut toujours à caufe de la relation
qu'on doit chercher à obferver entre l'avant-corps
-ocr page 136-
30                        Cours
& les arriere-corps du bâtiment ; 2° en n'employant
que dès pilailres dans Favant-corps, au-lieu de
colonnes, comme a , figure R , foit en continuant
les pilailres dans l'arriére-corps ƒ, & pliant un
de cespilaltres dans l'angle e : foit en fupprimant les
pilailres dans l'arriére- corps g , & ne faifant faillir
l'avant - corps vers h, que d'un quart de diamètre.
Au reite, il eil aifé de s'appercevoir que ce
fécond moyen, ne peut guère s'employer que dans
les bâtiments ordinaires & de peu d'étendue. Le
premier, au contraire , quoique plus licencieux,
femble mériter la préférence pour les grandes en-
treprifes , n'ayant d'ailleurs pas les inconvénients
des colonnes jumelles de la figure Ν ? que nous
avons précédemment défapprouvées.
De tout ce qui vient d'être dit dans ce Cha-
pitre > on peut conclure que les licences que nous
venons de rapporter , demandent beaucoup de
circonfpeclion de la part de Γ Architecte ; qu'il
ne doit jamais les employer que dans l'intention
de fauver de plus grands inconvénients. En un
mot, même dans les ouvrages les moins impor-
tans, il ne peut raifonnablement faire ufage des
abus que nous avons reconnus pour tels dans
nos obfervations, & que nous avons tracés dans
cette premiere planche , ainfi que les licences
dont nous venons de traiter.
-ocr page 137-
d'Architecture.             31
CHAPITRE III.
APPLICATION DE L'ART,
OU L'ON TRAITE DES DIFFÉRENTES
MANIERES DE DECORER LES Β AT I-
MENTSt RELATIVEMENT A LEURS
DIVERS USAGES.
XSl PRÈS avoir parlé dans les Chapitres précé-
dents de la maniere d'élever les ordres , les uns
fur les autres & de la diverfité des fentiments des
Architectes à cet égard ; citons ici les dix maniè-
res le plus en ufage de décorer les façades de
nos divers bâtiments.
De ce nombre font ceux compofés d'un feul
étage, tel que le Palais Bourbon par MM. Gabriel
& Aubert ; ceux compofés d'un rez-de-chauffée,
furmonté d'un attique, tel que l'ancien Hôtel de
Clermont, aujourd'hui l'Hôtel de Chaulires , du
deiîin de M. Le Blond ; ceux compofés de deux
étages réguliers, tel que THôtel de Soubife par
M. de La Maire ; ceux compofés d'un foubaffe-
ment à rez~de-chauffée , & d'un premier étage,
comme l'Hôtel de Touloufe, reftauré par François
Manfard ; ceux compofés d'un foubaffement à rez-
de-chauffée, & d'un étage régulier au-defîus, tel
que le Château de Veriailles du côté des Jardins,
par Hardouin Manfard ; ceux compofés d'un fou-
baffement & d'un ordre coloffal au - deffus , em-
brasant deux étages , comme la nouvelle façade
-ocr page 138-
32                      Cours
du Louvre, du côté de la rivière , par Claude
Perrault ; ceux compofés d'un feul ordre qui enl-
braiTe deux étages, tel que l'ancien Hôtel Amelot,
par M. Boffrand ; ceux compofés d'un ordre qui
embraffe deux étages , le dernier couronné d\m
attique , tel que l'Hôtel Lambert, dans l'île,
par Louis le Veau; ceux compofés de deux étages
réguliers , & d'un attique au - deiTus, telles que
les anciennes façades de la cour du Louvre, par
Pierre Lefcot; enfin ceux compofés de trois étages
réguliers , tels que le Château de Maifons , & celui
de Blois, par François Manfard.
Dans le Chapitre VI du volume précédent,
nous avons donné les mefures des ordres d'Archi-
tecture qui décorent la plupart des bâtiments que
nous venons de citer; nous y renvoyons nos
Elevés, pour qu'ils apprennent les rapports que
les Architectes qui les ont élevés ont cru devoir
leur prefcrire, & qu'ils s'aiiïïrent des proportions
qu'ils doivent choiiîr entre ces diverfes mefures,
afin qu'ils puiffent déterminer la proportion des
différents étages dont ils voudront compofer leurs
édifices. Un autre objet nous intéreiîè à préfent;
il s'agit d'appliquer , non - feulement les ordres
d'Architecture à la décoration de nos façades ,
mais de prouver que le choix d'un ordre, une
fois fait , tous les membres d'Architecture qui
l'accompagnent, doivent être analogues à fon
cara&ere & à fon exprerîion. Nous n'avons cité,
il' eil vrai, dans ce Chapitre , que quelques prin-
cipaux bâtiments de chaque genre , renvoyant
pour le furplus au Recœuil de rArchiteclure Fran-
çoîfe, qui les comprend prefque tous , & dont
nous avons fait un choix pour traiter en parti-
culier de ceux que nous allons décrire ici.
Mes
-ocr page 139-
é' A R e Η ι τ ε a τ ν Rsr:         ,j|
Ζ?ei Bâtiments à un fiul étage.
Planches 11 3ε III.
Les bâtiments d'habitation à un feul étage ? n&
font pas communs dans les grandes Capitales (a ) >
parce qu'affez ordinairement le terrein fur lequel
on bâtit dans les Cités, eft fort reflerré : cir-
conftance qui détermine fouvent les propriétaires
à multiplier les étages les uns fur les autres.
D'ailleurs il femble que les édifices de quelque
importance, exigent plufieurs étages ; ils annon-
cent plus de dignité, plus de falubrité, pourvu
•toutefois qu'on donne à ces divers étages , àes
proportions différentes qui indiquent viiiblement
celui deftiné pour la réiidence perfonnelle du
Maître. Les bâtiments qui n'ont qu'un feul étage ,
ne parohTént guère convenables que pour leß
pavillons , les belveders , comme à Seaux, à
Bagnolet ; pour une jolie maifon de plaifance 9
comme celle de M. de La Boiffiere, rue de Clichyj
pour un petit corps de logis , fervant de retraite
à l'extrémité d'un Parc, comme à Saint-Cloud ;
enfin pour les orangeries , les ferres ou les ailes
particulières , deftinées dans un Palais, dans ιιης
Maifon de Plaifance , à contenir les cuiiines, les
offices, les écuries, les remifes, les laiteries', &c.
Certainement il ne doit pas en être ainii de la
( a ) A Paris nous n'avons de bâtiments de ce genre, que
le Palais Bourbon , l'Hôtel de Laflai , celui de Béthune,
de Montbafon , &ς. Sc, dans , fes environs , le Château de
Trianon , la Maifon de M. le Maréchal de Soubife à Saint-
Ouen, Sec.
Tome JIL                                     C.
-ocr page 140-
ψΑ                 ■'■ 'Φ ® ν as ι h T"èg
demeure des Rois * ni de celle des grands Sei-"
gneurs ; il éft vrai qu'il n'y doit paroître qu'un
bel étage, & qu'un fenl ordre ; mais du moins
celui-ci doit-il être porté par un ibubaffement*,
ainli que nous le dirons ailleurs , & que nous
l'avons déjà remarqué plus d'une fois,·; -car nous
ne pouvons approuver les ordres coloffaux qui
montent de fond, & qui ne doivent être appliqués
tuf aux édifices publies, aux arcs de triomphe, &c.
malgré l'abus que nous en préfentent les jeunes
têtes de nos jours. Ces jeunes gens croyant laifTer
des "traces de l'élévation de leur génie, ne mon-
trent qu'un contrarie outré, dont les productions
de Γ Architecture devroient être fur-tout exemptes ;
ils:s'appuïent , difent-ils , fur les autorités de plu-
iieurs édifices ; mais devons-nous imiter les exem-
ples de quelques-uns de nos prédéceffeurs, quand
la réflexion nous fait connoître qu'ils étoient auiîi
incertains'fur la route quils dévoient fuivre, que
le font aujourd'hui nos Artifles fans expérierice?
·: Quoiqu'il en foit, nous dirons que de toutes |
-les décorations extérieures de nos édifices, les |
•façades à un feul étage font véritablement les |
plus fufceptibles de régularité dans leur ordon- |
nance , parce que ces fortes de façades n'exigeant
-jamais pluiieurs ordres les uns fur les autres.,
l'Architecte rencontre infiniment moins d'obitacles
dans la relation qu'il s'agit d'obferver entre toutes
les parties qui compofent fa décoration ; il fuffit
alors de faire un choix judicieux de l'un des cinq
ordres, ou feulement de l'expreiîion de celui qui
efe le plus analogue au caractère du bâtiment; de
maniere que cet ordre , une fois choifi, il ne
s'agit plus que de déterminer la relation que les
dehors doivent avoir avec les dedans; enfuite
-ocr page 141-
b*à rchitectüêe;           j^
ilobferver la largeur, la forme & la proportion
des portes ; des croifées , des doiferets, des im*
polies ; ce qui fe peut facilement, en fe rappe-
lant les rapports que tous ces divers membres
doivent avoir avec, Je module de l'ordre ; rapport 4
dont nous avons parlé en traitant du raifonnement
de 1 Art,, premier volume, Chapitre Ü1.
t Dans la planche II nous nous fommes conten-
tes de tracer,un pavillon avec fon plan ; nous
gavons ÎUipppie à l'extrémité d'une 'façade, vue
du coté des jardins, avec partie de famere-corps
qui /oint:ce pavillon. Nous avons choifi l'ordre
Ionique pour ordonnance , & obfervé, dans tous
Jes membres qui raccompagnent, le rapport que
ceux-ci doivent avoir déterminément avec le
module & fexpreiïion moyenne de cet ordre*
pour éviter ici une defcription inutile , nous avons
■cote; exactement, fur cette planche, les largeurs,
les hauteurs & les faillies de toutes les parties qui
compofent^ce pavillon : mefures qui prouveront
le moyen facile de parvenir à rendre les parties
                   :l
dépendantes du tout, & réciproquement à rendre
,les détails relatif aux parties. I
Suppofons à préient qu'on veuille économifer ou
que l'on craigne qu'un ordre colonne pu pilailre ne
paroiiîe d'un trop petit module, dans l'ordonnance
de ce bâtiment, eu égard à l'étendue de l'édifice
ou au point de diitance d'où il devroit être ap'
perçu; il feroit convenable alors de fupprimer
to<ire , fans pour cela que fon entablement,· k
^argeur de h porte, la forme 'des croifées , les
doiierets , leurs chambranles , reçurent aucune
elpece de changement ni d'altération, ainfi qu'on
peut leremarquer dans la planche III, qui ne
gifere abfolume.nt de la précédente , que par la
Gij
-ocr page 142-
}6                        C o υ R i
luppreffion de Tordre , à la place duquel nous
avons fubftitué un corps d'Architecture, qui,
comme feroit Tordre, foutient le fronton, con-
ferve la largeur des trumeaux, des encoignures
&des écoinçons. Cette fubititution en produifant
une ordonnance plus fimple , nen offre pas
moins une décoration parfaitement régulière; ce
<jui doit prouver l'utilité des ordres , puiique
leur module , une fois connu, fert de mefum
à tous les membres d'Archite&ure , comme ii les
ordres exiitoient dans les façades de nos édifices.
En même temps elle fait voir , en quelque forte ,
l'inutilité des ordres dans les bâtiments d'habitation,
principalement lorfque ceux-ci ne font pas de la
premiere importance.
Cet exemple, que nous rapportons en paffant ,
doit au moins convaincre nos Elevés , que li les
ordres d'Archite&ure, ne font pas toujours né-
ceifaires dans la décoration de certains édifices,
dn moins leur étude e£t indifpenfable ; puiique
c'eft par leurs fecours qu'on trouve , fans aucune
difficulté , la largeur, la faillie & le dénombre-
ment des moulures de chacun des membres qui
concourent à la décoration , fans pour cela que
l'ordre fok tenu d'être préfént dans l'ordonnance
de l'édifice.
Ce principe une fois reconnu pour certain,
il eil donc poiîible , dans tous les cas , de par-
venir à faire une décoration véritablement régu-
lière , en ufant du procédé fuivant. Déterminez
d'abord la hauteur des planchers à raifon du dia-
mètre des pièces intérieures de l'édifice : ajoutez
à cette hauteur celle de ces mêmes planchers ;
enfuite fouitrayez environ un pied pour la re-
traite ou le focle qui doit régner au-deffus d$
-ocr page 143-
d'Architecture;            yf
perron: faites que la partie fupérieure de l'entable-
ment annonce le niveau du deiîus du plancher ;
& divifez toute cette hauteur, depuis le derîus du
focle jufques fur la corniche , en cinq , ii vous
voulez donner le quart à fentablement ; ou en
fix, ii vous n'avez envie de lui donner que le
cinquième ; alors l'intervale , à compter depuis
le deiîbus de l'entablement jitfque fur la retraite ,
fera l'efpace deftiné à occuper les portes , les
croifées , leur couronnement, leur appui , &c.
A l'égard de la baluilrade de couronnement ,
on lui donnera de hauteur celle de l'entablement,
réduit au quart ou au cinquième ; relie à déter-
miner la hauteur de la retraite, qui, dans ces
deux planches, eft fixée à trois pieds un pouce,
y compris cinq marches de cinq pouces chacune,
qui, du fol du jardin , montent de vingt-cinq
pouces à celui des appartements.
Cette méthode tracée ici, & connue de tous
tes grands Maîtres qui nous ont offert plus d'un
chef-d'œuvre, peut donc être regardée comme
la plus fûre ; ejle'prouve qu'il eft inconteftable
que les bâtimeni;s à un feul étage font & doivent
être les plus réguliers & les plus véritablement
faciles à mettre en œuvre, foit que les ordres y
préiident ou non, puifque tous les membres qui
les compofent font établis d'après un module
connu, & choiii par l'Archite&e entre les ordres
d'Architecture : fource où il doit puifer l'ordon-
nance des bâtiments de tous les genres.
Des Bâtiments compofés d'un re^-de-chaujjeç f
& furmontès d'un Attique.
a \
Ces bâtiments font en ufage à la Ville ou à la
>                                                                                                                                                                                                                                                                      *■                                                                                                                                                                                                 /■->··.·...
*
-ocr page 144-
38                         Cours
Campagne, lörfque leur cage fe trouve peu coniî-
dérablc, & qu'elle ne fournit qu'à peine un efpace
fuffifant pour diitribuer à rez-de-chauffée les piè-
ces de i'ociété, "& un appartement d'habitation;
de maniere qu'on deiline l'attique pour les pièces
d'une moindre importance ( b ). Dans le Chapitre III
du premier volume, nous avons dit que la hauteur
de cet attique , félon l'opinion des modernes ,
étoit de la moitié de létage de defTous , & que
toutes fes parties dévoient être afforties à ce nou-
veau genre d'étage, c'eil-à-dîre, que fa décoration
doit avoir une expreiîion & une richeife relative à
l'ordre qui le foutient. Nous avons ajouté qui!
falloir éviter pour cela de placer , par exemple ,
un attique Tofcan fur un étage de proportion
Corinthienne , ou un attique Ionique , fur un
ordre Tofcan. Il eil effenciel de fe reffouvenir,
que puifque nous reconnoiiTons trois ordres Grecs
&deux Romains, tous d'une expreiïïon différente,
à l'exception du Compofite ; il efl facile de con-
cevoir , qu'il doit y avoir autant d'efpeces d'atti-
ques qu'il y a d'ordonnances ÎTofcane, Dorique 3
Ionique , StÛ II faut encore fe rappeler , qu'ori-
ginairement les attiques ne furent imaginés, par
les anciens, que pour fervir d'amortiiTement aux
grands édifices, ou pour y placer des infcrip-
tions , des bas-reliefs; & que s'ils ont pris faveur
en France, ce n'eit que parce qu'on "les a crus
néceflairès dans nos maifons particulières, pour
être fubflitués aux manfardes, beaucoup moins
commodes & prefqu'auffi difpendieufes.
(b) Voyez1 daitiS'i'Archiiea'are Fiinçoîfe , les Hôtels de
Clermont, de Noirmoutiet, de Roquelaure , de Rothelin , la
ïnaifon de M. "d'Argenfon, &c. autant de bâtiitiefttS çompofçs
4Jun rçî-de-çhaiiCrée §t"dJün acti^uci
*
-ocr page 145-
d'Architecture.              3 9>,
Malgré ce que nous rapportons ici des atttques ,
nous dirons qu'il faut éviter d'en faire un trop
fréquent'ufage : cet étage racourci, ainfique les
membres d'Architecture & les ornements de fon
reiîbrt,; paroiiient peu propres à figurer avec les
ordres d'Architecture* & à féconder la beauté de
l'ordonnance des édifices de quelqu'importance?x
quoiqu'on en remarque dans la plupart de nos,
monuments & de nos maifons royales , dont nous
rappellerons les meiiires dans le-Chapitre iiiivant,.
en traitant de cette partie de l'Art'. Les, attiques,
feion nous , ne devroient être en ufage que dans
nos maifons de campagne ; & , malgré l'exemple;
des Hôtels que nous venons de citer note b , on
ne doit les employer que par économie dans les,
maiibns à loyer.
                            ,,:.;;.,· ■ ?;■
Nous avions deffein de rapporter ici quelques-
uns de ces bâtiments ; mais la crainte que nous,
avons eue de nous répéter avec Γ Architeclure Fran-
çoife > nous fait renvoyer nos Elevés à ce Reeœuii
δε aux obfervations que nous avons faites , en,
donnant la defcription de la plupart des bâtiments
qu'il contient. D'ailleurs nous prendrons occafiort
de parler de ces mêmes attiqlies , ainfi que des
différents étages de nos édifices, en rapportant
dans ce volume la décoration des avant-corps des
bâtimentsles plus renommés de cette Capitale &
de fes environs. Les deiiins faits par, nos célèbres
Architectes , nous donneront occafion de faire
remarquer, d'une part , les chefs-d'œuvre quiîs
contiennent, &,de l'autre , les (icen.ces, que nps
grands Maîtres ont cru pouvoir s'y. permettre 9
dans la vue d'embellir l'enfemble des ordonnan-
ces ; qui Jçs'c^mpoierit. , ; , ;
              ... -1 ,
Çiv
%
-ocr page 146-
S|o                         Cours
Ό es Bâtiments qui comprennent deux étages
réguhers.
Par un étage régulier on entend ordinairement
celui qui peut comprendre un ordre d'Architecture
fans aucune efpèce d'altération : cet étage eil:
encore appelé ainii, lorfque par des confidérations
particulières on en retranche Tordre , pour n'en
retenir que l'expreiïion & la répandre dans toutes
les parties de l'ordonnance de fa façade.
Les bâtiments à deux étages , non - feulement
annoncent une toute autre deftination que ceux
à un feul étage; mais ils procurent dans les de-
dans la facilité de diitribuer des appartements
beaucoup plus complets par la double furface ,
que fourniflent deux étages contenus dans la
cage d'un bâtiment d'une étendue peu confidé-*
rable , ainfi qu'on l'a pratiqué à Paris, aux Hôtels
de Soubife, de Villeroi, de Matignon, d'Humieres,
de La Vrilliere , &c.
De ces Hôtels celui de Soubife annonce la déco-
ration extérieure la plus intéreiTante ; fon rez-de-
chauffée décoré d'un ordre Compofite, celui de
defllis d'un ordre Corinthien , & ce dernier cou-
ronné d'une baluftrade, préfentent aifez ' bien le
caractère qu'il convient de donner à ces fortes
d'édifices (c,. Rappelons ici ce que nous avons
Ν                                                                                                                                                                                                           _________
*·**             'l                                                                            II                      .' ■ ' ' " '■■ »■»■irMïïii                                                              I               I I                             ni                »'■
( c) Voyez, l'Archite&ure Franç>ife pour la plupart des bâti-
ments que nous citons dans ce Chapitre ; voyez auiïi la def-
cripnon que nous en avons donnée dans les quatre premiers
volumes ; ce qui, comme nous l'avons déjà obfeivé , nous
empêche de nous étendie tat \λ perfection ou l'iiûperieilio«
4guOtt icmaxçue daas leur ordonnance,
-ocr page 147-
d'Architecture.            41
déjà dit ailleurs : la hauteur du premier étage doit
être moindre que celle du rez-de-chauffée. Par
exemple, à l'Hôtel de Soubife, l'ordre Compoiite
a vingt modules , dix-neuf de ces vingt modules
ont déterminé la hauteur du Corinthien , qvù, à
fon tour , a été divifé en vingt autres parties
pour déterminer fon diamètre. H en doit être
de même pour la relation de ces étages , foit
que les ordres y préiident, ou que par efprit
de convenance on foit obligé de les fupprimer;
de maniere qu'il n'y aura plus qu'à ajouter à
chacun de ces étages , la hauteur que doivent
avoir les retraites , repréfentation du dez, des
piédeftaux , & celle des entablements qui feront
portés au quart ou au cinquième ? félon retendue
du bâtiment , & le mouvement que l'on a cru
devoir donner aux façades à raifon de l'applica-
tion des ordres dont on aura fait choix. Pour
que nos Elevés néanmoins puiffent fe convaincre
des routes différentes qu'on peut prendre pour
arrivera la relation que les étages doivent avoir les
uns avec les autres; qu'ils examinent de nouveau
îe Chapitre VI du fécond volume de ce Cours, où
nous avons pris foin de rapporter les mefures que
la plupart des Architectes, anciens & modernes,
ont imaginées dans la relation que les ordres
d'Architecture, furmontés les uns parles autres,
doivent avoir , pour produire un meilleur effet ;
c'eiî le feul moyen de bien connoître la néceiîité
d'une pareille étude, pour arriver aux plus grands
fuccès.
03?
-ocr page 148-
*y§                     Cours
J5w Bâtiments c'ompo/és d'un foübajfemenf 1
& dun étage régulier au-dejjus.
Ces bâtiments font afiez en ufage â Ia cam-
pagne, lorfquen faveur d'une vue "véritablement
intéreiTante, on croit devoir placer les apparte-
ments de fociétë & d'habitation au premier étage ,
ou, lorfque par la nature du fol , on a lieu de
craindre que ces mêmes appartements , diilribliës
à' réz-de-chatiiTée , ne manquent d'une certaine
'îalubriié pour une habitation journalière : alors oint
place feulement, dans ces ibubaiiements les "veili-
bules, les efcaîiers, les falies à mander , les*bains"%
îes offices, &ç.
Dans le Chapitre III du premier volume ^
nous avons parlé dés foubafTements çM nous avons
dit que la hauteur de cette efpèce d'ëtage devoit
avoir les deux tiers de celui qui fe trouvoit élevé
aii-defTus : nous répéterons ici, que l'ordonnance
des foubafTements doit offrir une Archite&ure
folide, fi l'étage fupérieur eil d'éxpreiïion Ionique ;
ou, au contraire , l'ordonnance des foubaifements
fera Ionique, ii le premier étage eil Corinthien:
les couronnements des foubafTements doivent em-
prunter , dès piédeflaux s les membres des cor-
niches qui les couronnent ; leurs ouvertures doi-
vent avoir de hauteur un fixieme de moins que
les proportions preicrites pour les étages régu-
liers. Pour ce qui regarde la hauteur du bel
étage, dont les deux tiers déterminent celle dû
foubafTement, elle doit dépendre du diamètre des
pièces qui s'y trouvent diilribuées; & la répar-
tition de fes membres doit être la même que celle
dont nous avons parlé précédemment ; c'eil-à-
-ocr page 149-
B'ÂRCH IJ EC'fUR S.                 45
dire, tenir à Tordre qu'on y emploiera, o\i en
cas d'abience , à fon expreilion, qui alors déter-
minera le cara&erè des profils des entablements *
la proportion, la forme & la richefie des ouver-
tures ; en un mot, tous les membres d'Archi-
te£tare & les ornements de Sculpture qu'on vou-
dra y admettre. Nous ne citerons d'exemple en.
ce genre, que l'Hôtel de Carnavalet, & le Château
de Bloisj mais tous deux du célèbre Manfard.
■Des Bâtiments compofés d'un ' foubaßement ,
d'un bel étage & dun attique.
Nous avons déjà obfervé qu'il falloir ufer mo-
dérément des attiques dans l'Architeclure ; qu'ils
ne convenoient guère qu'aux maifons particuliè-
res, ou pour fervir d'amortirTement, félon l'occa-
■li'oh, aux édifices publics , ou enfin de couronne-
\ ment aux avant-corps de nos Maifons Royales.
L'exemple de la façade de Verfailles-, du côté
des jardins , peut néanmoins fervir d'autorité ,
parce que ce petit étage de couronnement, paroît
annoncer que l'habitation du Souverain, eil mife
à couvert des intempéries de l'air , jfar cet étage
de fuppîément ; & que le foubaiTement qui fon-
tient le bel étage, donne à connoître, que cette
même habitation en devient plus faîubre : d'où il
réfulte, qu'à Verfailles la décoration extérieure
acquiert plus de dignité, que û l'on y eût fait
nfage de deux étages réguliers ; l'apparence de
cette double habitation nuifant à l'idée d'unité
qu'on doit chercher à obferver dans la décoration
extérieure des édifices dont nous parlons : double
étage qu'on tolère à peine aux Hôtels élevés dans
les Cités, par l'économie du terrein ou autrement.
ψ
-ocr page 150-
44                         Cours
Aü feite, il ne faut pas oublier que les attaques
procurent aux grandes pièces , indifpenfables dans
la diitribution des Maiions Royales, des hauteurs
néceflaires pour y pratiquer des voûtes & des
calottes pour les grands fallons , les galleries ?
les falies des Gardes & autres pièces de leur
reffort; qu'autrement la courbure de ces voûtes
fe trouveroit occuper une partie de la hauteur
de l'étage régulier, fi l'on avoit préféré celui-ci
à un attique. Il eit vrai que l'élévation de ces
grandes pièces , fe prenoit anciennement dans
celle des combles ; mais il faut convenir que ces
derniers apportoient fouvent des objets peu con-
venables à l'édifice, malgré la multitude d'exem-
ples que nous offrent la plupart de ceux élevés
en France.
Qu'on y prenne garde, nous venons de citer
la façade de Verfailles décorée d'un foubaffement,
d'un bel étage & d'un attique ; à la vérité ce genre
d'ordonnance nous paroît très-propre à déterminer
les façades des Maifons Royales; mais nous fommes?
bien éloignés d'en approuver les dimenfions & les
rapports : le foubaffement de ce Château nous paroît
trop élevé*:le bel étage avoir trpppeu de hauteur9
& fon attique continu offrir à l'œuil du fpe&ateur
une monotonie prefque révoltante. Sans doute
Hardouin Manfard étoit trop habile pour ne s'en
être pas apperçu ; mais perfonne n'ignore que
cette grande façade n'eft qu'une reitauration, &
que les entraves auxquels il a été affujéti, font
pour lui autant d'excufes légitimes : il a fu du
moins préférer Tefprit de convenance à l'exacti-
tude fcrupuleufe des détails , prefque toujours
négligés d'ailleurs par cet homme de génie»
1
-ocr page 151-
D'A AC HIT E C TÜRE.               45
Des Bâtiments compofés d'un Joubajfement 9
au-dejfus duquel s'élève un ordre coloßal
embrajfant deux étages.
Malgré la quantité d'exemples de ce genre,
qu'on remarque en Italie, & dans la plupart de
nos productions Françoifes, il nous femble qu'un
ordre qui embraffe deux rangs de croifées, de-
vrait être réfervé pour nos bâtiments publics, y
félon leur plus ou leur moins d'importance ; ou
plus convenablement encore pour la décoration
de nos Places Royales, parce qu'aiTez ordinaire-
inent la grandeur de ces dernières étant considé-
rable , & les bâtiments contenus dans leurs murs
n'étant guère occupés que par des particuliers ;
il ferait peut - être à craindre que deux ordres &,
leurs entablements, déterminés par le peu d'élé-
vation des appartements intérieurs, ne parufTenî
■■d'un trop petit module, pour être apperçus d'un
point de cliitance raifonnable.
Pour fe convaincre de cette opinion , on peut
comparer l'ordonnance de l'Archite&ure de la
cour du Vieux-Louvre, avec celle de la Place de
Louis le Grand , l'un & l'autre ayant à-peu-prés
le même diamètre : par là on pourra juger , û
effectivement le grand ordre élevé fur le foubaife-
ment de la Place de Louis le Grand ? doit être
préféré aux trois petits ordres qui fe remarquent
dans la plus grande partie de la cour du Vieux-
Louvre actuel. Nous penfons que le grand ordre
que nous citons , quoiqu'embraiTant deux rangs,
de croifées , répond du moins, par la grandeur
de ion ordonnance, à celle 4u diamètre de \%
-ocr page 152-
#4                  C ρ υ & s *"
Placé, & que du moins les doubles ouverture*
qui font comprifes dans fa hauteur -» fervent à
annoncer l'ufage intérieur des bâtiments particii*
îiers , auxquels cette grande ordonnance iert de
mur de iàce. Par-tout ailleurs, au contraire, ce
feroit, ce femble , vouloir donner à entendre ,
jque la décoration extérieure d'un édifice, auroit
été , dans fon origine, commencée pour déii-
gner un monument public, & que dans la fuite
ayant paffé à des Citoyens du fécond ordre , ils
fe leroient trouvés forcés , par économie, de fub«
idivifer intérieurement la ^hauteur des étages; >ï
j^fC D'ailleurs on ne peut fe le diffimuler , il faut
de fartes raifons pour employer les ordres colof-
faux dans la décoration des bâtiments d'habita-
tion. Perfonne n'ignore l'impoiixbilité de concilier
;les rapports que doit avoir l'ouverture des portes
& des croifées , avec celle du diamètre de .l'ordre
-coloffal, qui n'eil appelé tel que parce qu'il femble
3ïi'avoir aucune correfpondance avec toutes les
autres parties de l'ordonnance. En effet i°, Quel-
que grandeur qu'on veuille donner à un ordre,
on n'en eu pas moins obligé , par rapport à la
jfolidité, d'en rapprocher les colonnes allez près
les unes des autres, à caufe de la portée des
•architravesr.; 2° Ce rapprochement de colonnes,
laiife à peine un efpace fuffîfant pour y placer
convenablement des portes & des croifées ; de
iforte que dans de tels édifices on remarque quel-
quefois que la largeur des ouvertures s égale feu- *
lement le diamètre de l'ordre. Qu'on juge de là
de Fimperfe&ion d'une telle ordonnance. /Nous
,'ile répétons , prefque tous les bâtiments élevés
ignce genre, nous ont paru avoir cet inconvé-
AÏiient ; il feroit , peut-être plus intéreffant. qu'on
-
,::„·..;;.., ï
-ocr page 153-
d'Architecture.           47
g$ s'imagine, pour fupprimer cet abus, que nos
.grands Maîtres s'appliquafTent à affigner un cara-
ctère véritablement diftindif à leurs différents
genres de productions , afin que dans la fuite
nos Elevés piuTent s'accoutumer à régler leurs
idées , & à ne jamais perdre de vue , par de tels
exemples , cette convenance , cette liaiibn , cet
enchaînement qui rend ή recommandables certains
chefs - d'œuvre des Grecs , lefquels , à bien des
égards , l'ont emporté fur les Romains & fur nous,
du moins" pour ce qui regarde le véritable cara-
ctère & l'expreiîion dont nous voulons parler.
Quoi qu'il .en foit, le foubafTement qui foutient
•ce grand ordre, doit, comme dans tous les autres
bâtiments, avoir à-peu-près les deux tiers de
la hauteur de l'ordonnance de deffus ; néanmoins
nous avons cru devoir rapporter, fécond volu-
me, page 224 de ce Cours , les mefures de ces
.fpubafTements & de leurs ordres, ~en parlant de
ceux du Périilyle du Louvre, des Places de
/Louis XV> de Louis le Grand & des Victoires,,
.planche X C111, dans l'intention de mettre nos
.Elevés à portée de juger par eux-mêmes , d'après
!îe fentiment des différents Architectes qui ont
.élevé ces édifices. '
-Des Bâtiments à deux étages 9 embrajfés' mf
'φ , un jeul ordre d'Arc/titeclum.
Ce genre, d'ordonnance, nous paroît moins con-
venable encore que le , précédent pour nos mai-
fons particulières : du moins lorfqu'un ordre ço-
loffal le trouve élevé fur un ifoiibafTement s M
femble décorer , avec une forte de fiiceès, les
édifices publics j mais lorfqu'il paroît prendre
.*
-ocr page 154-
4$                     Cons
naiflance fur le fol du rez-de-chauffée , iî donrié
au bâtiment une fauife idée de grandeur, qui fe
trouve , pour ainii dire, anéantie par le défaut
de relation qu'on remarque dans tous les mem-
bres d'Architecture qui entrent dans fa décora-
tion : difparité qui lui ôte cette idée de vraiffem-
blance, fans laquelle un édifice ne fauroit plaire,
malgré l'autorité'de quelques exemples aûez célè-
bres en ce genre, tels que le Château de Marli,
par Hardouin Maniard ; celui de Montmorenci par
M. Cartaud ; l'Hôtel Amelot, par M. Boffrand,
&c.
Des Bâtiments compofés d'un ordre qui emhrajß
deux étages3 au-dejfus duquel s'élevé
un attique.
«.,.. ..i"-H.·'. v v::K^.-.;i;.. f ■/-■ ■> '■ ·■■■'. ..-,** - .■ '•.■'■υ- ''■;■ ι|κ* ■',:-
Ces efpèces de bâtiments ont les mêmes incon-
vénients que les deux précédents , avec cette
différence , que l'attique eft encore moins vraif-
femblable fur un ordre coloffal, que fur ceux:
placés dans cîiaque étage d'un bâtiment, parce
que fi l'on donne à l'attique la moitié du grand
ordre , comme le font les modernes ; cet attique
alors acquiert une élévation gigantefque , qui dif-
pute de hauteur avec le bel étage compris dans
le grand ordre : inconvénient qui a droit de dé-
plaire aux yeux intelligents, & qu'on peut remar-
quer dans l'attique élevé au-deffus du grand ordre
Compofite de la façade du Palais des Tuileries\
du côté des'jardins. Si » d'un autre côté, on ne
lui laiffe que le quart, d'après l'opinion des
anciens , il devient incapable d'entrer en compa-
raifon avec l'ordre de deffous. à moins qu'on ne
donne
-ocr page 155-
^Architect üre;            "41$
3onne à ce couronnement qu'un caraétere d'amor*
tifîement, fans prétendre vouloir y introduire
des pilaitres , des ouvertures , qui, contre tout®
idée de vrahTemblance, lui donnent un air d'ha-
bitation contraire au genre de l'édifice, où un
ordre qui embrafle deux étages peut être em-
ployé ; encore faut-il ôbferver alors que cet
attique ne couronne que quelques parties effen-
cielles de la façade, afin de les faire pyramider
fur le reile de l'ordonnance ; car en parlant de la
façade de Verfailles , du côté des jardins , nous
avons déjà défapprouvé les attiques continus fut
toute fétendue du bâtiment»
*                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      '                                                                                                                                                                                                               . '■.'·"%
Des Bâtiments compofés de deux étages règu~
liers, avec un attique au-dejfus.
Pluiieurs dé nos édifices d'une affez grande
importance, font élevés à Paris dans ce genre| le
Palais du Luxembourg, dans fa majeure partie, par
Debroffe; les anciennes façades de l'intérieur de la
cour du Louvre, par TEfcot ; l'Hôtel de Rohan, par
La Maire ; celui de Noailles , par M. l'AiTurance ;
celui de Beauvais, par Le Pautre ; la façade du Bu-
reau des Marchands Drapiers, par Bruant ? &c. Plu-
fieurs de nos bâtiments même, où les ordres ne
préfident pas, préfentent ce genre d'ordonnance ,
ainli qu'on peut le remarquer aux Hôtels du
Maine & de Torcy, au Château de Boufflers &
ailleurs : cette maniere de décorer nos bâtiments
d'habitation, & où la réitération des étages de-
vient fouvent néceffaire, nous paroit la plus con-
venable; Tactique , à beaucoup d'égards , devant
être préféré aux manfardes, qui ne conviennent
guère qu'aux maifons à loyer, & où peut - être
Tome III.
                                      X)
%
-ocr page 156-
jo                    C o ν R s
encore Vétage dont nous parlons j feroit & plus
commode & plus économique.
Nous ne répéterons point les rapports que ces
étages doivent avoir les uns avec les autres ; les
procédés doivent être les mêmes pour tous les
genres de bâtiments, du moins nous le penfons
ainfi. Au reite, ii la fituation des lieux, l'étendue
du bâtiment , fon plus ou moins d'élévation
apporte quelque changement dans ces mefures ,
on ne doit fe permettre ces changements, qu'après
avoir fuivi les préceptes fondamentaux de l'Art ;
ceft énfuite au génie de l'Archite&e , d'avoir re-
cours aux reffources qui lui font offertes, pour
iatisfaire à {qs beibins.
Des Bâtiments compofés de trois étages
réguliers.
■: '■ 4,...                             .                                  "                                                                              * .                                'il'
Nous finirons nos obfervations , par traiter des
bâtiments d'habitation , compofés de trois étages
réguliers , & dans chacun defquels fe remarque
un ordre d'Architecture , tel que dans les gros
pavillons du Palais du Luxembourg, où l'ordre
Tofcan porte le Dorique , & celui-ci l'Ionique^ ;
dans les avant-corps du Château de Maifons , où
le Dorique porte l'ionique > & celui-ci le Corin-
thien ; enfin dans les nouvelles façades dé l'inté-
rieur de la cour du Louvre, où l'ordre Compolite
fe trouve placé entre deux Corinthiens.
Nous penfons que quand la néceiîké 'requiert
un troiiieme ordre dans un bâtiment, on devrok
ne l'employer que pour faire pyramider la partie
du milieu de l'édifice, comme à M aifons, & non
les extrémités , comme au Luxembourg ; il faut
f àremérit faire ufage d'un troifièmè ordre dans tout
*
-ocr page 157-
©'ARCHITECTURE*                     
îé 'pourtour de Fédifice, comme on fe propofe
dele faire'dans la cour du Vieux-Louvre; cette
continuité ne nous fembiant propre que pouf
l'ordonnance des Places publiques , dont ordmai*
rement Fimmenfité autorife cette régularité de
hauteur , qui, dans les bâtiments d'habitation $
devient d'une monotonie qui nuit au caractère de
l'édifice»
Ces bâtiments à trois étages > peuvent encore
convenir à toutes les demeures particulières
les ordres ne préftdent ipas, ou bien lorfqu'il ne
s'agit que des façades de nos Communautés Rell·"
gieufes, de nos Hôpitaux , des Manufactures ,. des
Cafernes, des Arfenaux, & de plufieurs autres
édifices civils ou militaires.
Notre intention * dans ce Chapitré, n'a pas été
d'épuifer toutes les manières que nos Architectes
ernployent ordinairement pour la décoration des
façades de leurs bâtiments, mais feulement de rap*
porter celles le plus fréquemment mifes en ufage?
& de citer les exemples qui ont le plus de célé-
brité dans chaque genre. Nous avions deffein ?
comme nous l'avons dit précédemment, de ren-
voyer à f Architecture Françoife, qui traite de ces
diverfes productions ( d ) ; mais plufieurs de nos
(d) L'Architedure Prarftoife écoit anciennement un Recrcuii
en huit volumes , commencé par Marot, & qui concenoit k$
plans , coupes &. élévations de la plus. grande pairie des
bâtiments élevés en France par nos plus célèbres Archkeftes;
M. Jornbert, Libraire , ayant acquis ce fond de planches con-
iidérable de feu M. Mariette , imagina, il y a plufieurs années s
de faire un corps complet de cet ouvrage t & nous invita , er»
ayant levé 8c gravé la plus grande partie pour M, Mariette$
à faire des descriptions fur cbacaia des édifices cuie contenu
—.«^
-ocr page 158-
Cours                  ^
Élevés nous ayant ,fait entendre que YaçquiûÛQÛ
de ce Recœuil de planches , étoit très - difpen-
dieuie, ils nous fauroient gré , de mettre dans
ce Cours afîez de figures , pour leur abréger
une recherche pénible , en leur donnant les
deffins, iinon du plus grand nombre des bâti-
ments que nous citons , du moins de ceux qui nous
paroifTent les plus propres à leur fervir de mo-
dèles. Pleins du deiir de leur être utiles , le Cha-
pitre iiiivant va contenir, non les façades , mais
les avant-corps de nos bâtiments les plus conii-
dérables ; enfuite ceux de nos Hôtels, qui, quoi-
que moins importants , ne laiffent pas de mériter
d'être examinés avec foin , & de faire l'objet de
l'étude des jeunes Architectes qui veulent s'ouvrir
une route fûre pour parvenir à la perfection de
l'Art. .
                                    :
ce Recœuil : M. Jombert, à cet effet, propofa au Public,
par foufcription, cet ouvrage intércflant : nous fîmes de fuit?
les quatre premiers volumes , qui furent dédiés, par le Libraire,
à M. le Marquis de Marigny, & aiTez bien acca>uillis du
public. Des raifons particulières ayant déterminé M. Jom-
bert à fufpendre les quatre volumes reftants de l'Archite-
cture Françoife , nous occupâmes le loifir que nous laiffoit cet
intervale,a perfectionner le Cours d'Architecture que notre Edi-
teur donne aujourd'hui : Cours néanmoins à l'impreifion duquel
nous n'avons voulu confentir , qu'auparavant M. Jombert ne
fe foit décidé à reprendre ou à abandonner la fuite de 1 Ar-
chitecture FrançoiÎe. En conféqueuce nous lui écrivîmes en
1768} peu fatisfairs des raifons qu'il nous apporta , nous nous
déterminâmes à laifler mettre lous preiîe le Cours qui eft offert
ici au Public : nous profitons même de l'occafion de cette note 5
pour le prévenir , que quoiqu'on ait pu lui faire eutendre, nous
n'ayons aucune part à l'interruption de l'Architecture Françoife,
*V^
-ocr page 159-
d'Architecture.         53
CHAPITRE IV.
SUITE DE VAPPLICATION DE L'ART,
Ou l'on traite de l'ordonnance
QUI PRÉSIDE DANS LES AVANT-
CORPS des Palais, des Maisons
de Plaisance, et des Hôtel s >
ÉLEVÉS PAR NOS ARCHITECTES
CÉLÈBRES.
£n| OU's prévoyons là difficulté que nous aurons
à nous acquitter d'une maniere fatisfaifante pour
tous nos Lecteurs, de la description des avant-
corps dont nous allons préfenter ici les deiïins.
Les Maîtres de l'Art auroient peut-être deiiré que
nous nous fuiîions contenté de les leur offrir dans
ce Cours, en leur laiffant démêler à eux-mêmes
les véritables beautés qu'ils contiennent, d'avec les
défauts dont ils ne font pas toujours exempts.; peut-
être auroient-ils raifon, étant fuflifamment inftruits
du bon ou du mauvais effet qu'ils produifent; mais ii
en eil tout autrement des Elevés, à qui ces Leçons .
font offertes. Peu verfés dans la théorie de l'Art, ils
ne peuvent encore apprécier les rapports & les
proportions qui déterminent leur largeur avec
leur hauteur ? ni reconnoître ii l'expreiïïon de l'or-
donnance qu'ils préfentent ? eft eiïenciellemeni:
celle qui confient à 1'efpè.ce du bâtiment où ces
avant-corps eil placé. Pour remplir la tâche que
iious nous Sommes impofée, il nour a donc pan%
D iij
-ocr page 160-
54                         Cours
îiéceffaire de rappeler les préceptes de l'Art,'
de diflerter fur les différentes parties qui les com-
pofent, d'examiner fi les détails de ces avant-
corps font engendrés par les maffes , & fi à leur
Jour les ornements naifTent naturellement du cara-
ctère de l'édifice ; enfin fi ces divers objets font
en relation les uns avec les autres , s'ils n'ont
point un ftyle différent, étranger, difcordant.,Ces
défauts , quoique moins considérables que celui
qui regarde les rapports, n'en caufent pas moins,
dans la décoration, une difparité contraire à la
perfection de l'ouvrage entier ; & l'édifice alors
au-lieude préfenterun chef-d'œuvre, offre à peine
une compofition au-deiTus de la médiocrité.
Nous nous flattons donc que tout Architecte
non prévenu, queiqu'éclairé qu'il puiffe être, nous
pardonnera d'avoir ofé tenter, par nos remarques
impartiales , d'abréger l'étude des jeunes Citoyens
qui fe deftinent à l'Architecture , en les portant
par-là à réfléchir au pied de nos édifices , fur les
objets qu'ils doivent imiter fans exception , & fur
ceux qui femblent exiger quelques modifications
qui les remettent à leur véritable place , & les
rendent plus conformes à l'ordonnance qui regne
dans l'avant-corps, & enfuite à celles qui préu·*
dent dans toute l'étendue de l'édifice.
Tapt que nous nous fommes tranfportés fut
le lieu avec nos Elevés , nous avons cru pouvoir
nous difpenfer d'écrire le plus grand nombre des
obfervations que nous y faifions en leur préfence ;
aujourd'hui qu'il s'agit, par l'impreiîion de cet
ouvrage, de renoncer à ces Leçons fpéculatives ,
& même aux démonitrations qui lés ont toujours
précédées ou fuivies dans nos Ecoles , nous nous
voyons forcés, pour ainfi dire, d'entrer dans
-ocr page 161-
d'Architecture.             $f
les détails qu'exige l'application de l'Art dans les
différentes comportions d'Architecture , & par-
conféqnent d'aider la théorie du jeune Eleve ,
par l'expérience des grands Maîtres > qui, par
les, exemples qu'ils ont laiifés > & que nous tra-
duirons ici , leur indiqueront les routes diffé-
rentes qu'ils peuvent prendre pour arriver à un
certain degré de perfection. Nous croyons même
que les obfervations que nous nous trouvons
obligés de faire à 1 avantage des uns , & au défa-
vantage des autres, ne pourront que contribuer
à faire éclôre , avec plus de facilité , les con-
noiifances de nos jeunes Emules , pourvu toute-
fois , comme cela ne leur arrive que trop ordinai-
rement, qu'ils ne s'érigent pas en critiques, fous
prétexte de ne faire que des remarques.
Une autre confidération nousv a déterminés à
en ufer ainfi : combien d'Artiftes dans nos Pro-
vinces, combien même d'Architectes , dans les
pays étrangers , qui n'ayant point, ou »que très-peu
vu les parties intéreiTanîes des façades que nous
allons offrir, feront fatisfaits de trouver, dans leur
Bibliothèque, la plupart des productions de nos
Maîtres, avec des indications dans le difcours, qui
leur rappelleront l'ufage qu'ils en doivent faire
dans leurs comportions. Ainfi, quoique ces Leçons
foient plus particulièrement faites pour les Elevés
à qui ce Cours eil deftiné, nous croyons pouvoir
nous flatter que les premiers tireront quelques
ieeoùrs des obfervations que le zèle nous a dictées·
V
m*
-ocr page 162-
%
1
V, -s
j<5                           Cours
DE LA DECORATION DES AVANT-»
corps du Vieu χ-Louvre y du
Palais des Tu 1 leries, et du
Luxembourg.
Avant-corps de tune des façades de l'intérieur
de la cour dw Vieux-Louvre, du coté de, la
rue Froment eau
, élevé fur les dejfins de
Jacques Le Mercier.
Planche IV.
Cet avant - corps offre peut-être la plus riche
ordonnance qu'on puiffe remarquer dans nos édî«.
üces François. Nous avons donné les principales
mefures des ordres qui le décorent, Tome If;,
page 199, planche LXXXVilI, où nous avons
dit que fa hauteur étoit de dix-huit toifes trois
pieds , depuis le fol jufqu'au fommet du fronton :
nous rapporterons à préfent,que ce fuperbe avant-
corps , nommé vulgairement le gros pavillon du
Louvre, a été bâti dans l'état où on le voit au-
jourd'hui , fur les deiîins de Jacques Le Mercier,
Àrchite&e célèbre ( e ). Il y a néanmoins toute
apparence que ce grand Maître n'a élevé que la
partie fupérieure de cet avant-corps, &: qu'il a
fuivi les deux premiers ordres & l'attique que
Pierre Lefcot avoit employés , lorfqu'en 152.8 %
* M                    1         ■■-        .....,..»■■■■-■■■■■ Il                ,        ι .ι, ιι.ι,ι«^.-! I........         Iip-M.-IMU. j IIIMH IWH)               I jj       . .11.....ayî|
(e) Voyez dans le premier volume de ce Cours, page ioiuj
wote d3 la plupart des bâtiments que Jacques Le Merde* %
£m çQoihuiïç en France.
-ocr page 163-
d'Architecture.             57
fous Henri II, il donna les deffins du Louvre.
Quoi qu'il en ibit, la baluftrade qui couronne cet
attique , nous paroît beaucoup trop élevée ; nous
penfons de même fur la hauteur démefurée des
Caryatides ; mais le cifeau de Sarrailn dédommage,
en quelque forte, de ce défaut. Aii-deiïus de ces
figures gigantefques, on remarque trois frontons,
dont deux triangulaires, & un circulaire : hardieife
de génie , qu'on ne peut pardonner qu'à un grand
homme , mais qui ne doit jamais trouver d'imita-
teurs. Le dôme qüadrangulaire, par fon plan , qui
s'élève au-deiTus de toute cette ordonnance, nous
paroît trop pefant eu égard à la multiplicité des
membres d'Architecture qui divifent l'ordonnance
de cet avant-corps : mais entrons dans quelques
détails , qui nous amèneront à faire fentir à nos
Elevés la beauté de cet avant- corps f ainii que des
façades qui l'accompagnent, &à leur faire prendre
garde à certaines parties de détail qui aujourd'hui
ne font plus en ufage.
On ne peut difconvenir que les premières faça-
des de la cour du Vieux-Louvre, auxquelles on a
ajouté cet avant-corps, ne foient un chef-d'œuvre.
Elles font, comme nous l'avons déjà dit, de Pierre
Lefcot, qui les a compofées de deux ordres & d'un
attique : genre de bâtiment dont nous avons parlé,
Chapitre III de ce volume, page 49. Nous le
répétons, certainement c'eft un chef-d'œuvre pour
fon temps, & même pour le nôtre, en le conii-
dérant du côté de la pureté de l'Architeclure, de
la perfection des profils, & de la très-grande beauté
des ornements. Il eil vrai que cette ordonnance
eft peut-être divifée par de trop petites parties,
& qu'en général les ordres font d'un petit module;
qu'au contraire, les ouvertures font un peu gran-
-ocr page 164-
j8                         Cours
des; que hs tables qu'on y remarque, ainiî que
les frontons, les niches, les médaillons ; enfin les
ornements y font prodigués : mais il faut avouer
que chacun de ces différents objets, examinés
féparément, doit pafTer pour un chef-d'œuvre
d'autant plus admirable , que ce célèbre Architecte
peut être regardé, ainii que nous l'avons déjà dit
ailleurs, comme le premier qui ait ranimé en Fran-
ce le goût de la véritable Archite&ure antique :
à quoi Ton peut ajouter qu'il a eu le bonheur de
■ trouver dans ce fiecle, déjà aflez éloigné du nôtre,
des Sculpteurs du premier mérite, qui ont em-
belli cette production de ce que l'art peut offrir
de plus exquis; leur travail eil bien capable de
faire oublier les défauts qu'on remarque dans cer-
taines parties ou trop fortes, ou trop foibles , &
dans quelques attributs, qu'il eût peut-être été
mieux d'y fupprimer. Le Mercier n'a pas héfité
d'imiter ces ornements dans la partie inférieure de
Savant - corps dont nous parlons ici, en fe fer-
vant du cifeau des mêmes Artiiles, & en conti-
nuant précifément la même ordonnance, commen-
cée parLefcot; & même à en juger par la Sculpture
qui nous paroit être du même ityle, nous ferions
tentés de croire, que toute cette partie inférieure
avoit été. commencée par ce dernier Architecte.
Nous ne rappellerons pas ici ce que nous venons
de dire en parlant des licences que nous avons
remarquées dans la partie fupérieure de cet avant-
corps ; mais nous obferverons que ce n'eft pas un
petit mérite à Lç Mercier, d'avoir fu fubdivifer,
avec autant d'art qu'il l'a fait, l'ordonnance d'Ar-
chitecture de la très-grande élévation qu'il a ajou-
tée à cet avant-corps; de maniere que cette mafle
du Vieux-Louvre, impofe véritablement; & quoi
-ocr page 165-
d'Architectu r je.              59
qu'on en dife , elle offre une véritable beauté , &
par fa grandeur & par la perfection des membres
d'Architecture & de la Sculpture dont elle eil
ornée : beauté frapante , qui rend indécis le plus
grand nombre des Architectes, fi Ton devra, lors
de la reftauration de ce Palais, déjà ii heureufe-
ment commencée, rafer cette partie fupérieure,
pour 'faire fymétrifer cet avant-corps avec ceux
placés dans les trois autres façades, ou le laiffer
dans fon état actuel, comme un monument de la
fplendeur des règnes précédents , & des talents
des Architectes qui Font élevé.
Si nous étions requis de donner notre avis à
cet égard, nous ne difîimulons pas que nous ferions
de ce dernier fentiment. François Blondel & Fran-
çois Manfard, le premier à la Porte Saint-Antoine,
le fécond à l'Hôtel de Carnavalet, ont hi refpeCter,
malgré la fupériorité de leurs talents , les chefs-
d'œuvre de Sculpture , anciennement appliqués à
ces édifices. Ils en ont même confervé l'Archi-
tecture , & fe font par là attirés l'eilime de tous
les amateurs & de la plus faine partie des Archi-
tectes. Pourquoi, à leur exemple, ne conferve-
roit-on pas à la poitérîté cet ouvrage, iinon admi-
rable dans toutes,fes parties , du moins très-inté-
reiTant clans fes détails , & peut-être le plus capa-
ble d'infpirer le vrai goût de la Sculpture dans
plus d'un genre. On peut le dire ici, en prenant
cet avant-corps partie par partie , le plus grand
nombre dès détails de l'Architecture , offre autant
de modèles excellents à imiter , principalement
ceux qui fe remarquent dans la façade où le trouve
contenue aujourd'hui l'Académie des Sciences :
façade entièrement finie , & qui, félon nous, eil
de beaucoup fupérieure à 'tc-utes les autres a qui
■ ..■■"'v~' ".'■'■■''                                               ,                                                     r£j|
■m
-ocr page 166-
êè                      Cô.u.Ri
ne font qu'une imitation imparfaite du chef-d'œuvre
de Pierre Lefcot. Il faut' prendre garde que dans
cette apologie, nous n'entendons parler ni deFatti-
que , ni des frontons circulaires qui le couronnent
par intervale, non-feulement parce qu'on çiî: dé-
cidé à y fubitituer un troiiieme ordre, mais parce
que la Sculpture qui l'accompagne , quoiqu'une
merveille de l'Art , dans un autre genre, nous
paroît trop coloiîale, pour Γ Architecture qui la
reçoit. D'ailleurs les combles qui fe trouvent éle-
vés au- deiîus de cet attique, nous femblent peu
convenables dans tin tel édifice : défaut que le
troiiieme ordre qu'on élevé aujourd'hui détruira
entièrement.
Revenons à l'avant-corps de la planche IV, &
faifons quelques obfervations utiles à nos Elevés 9
pour les accoutumer à y démêler, ce qui s'y
rencontre de véritablement eftimable , d'avec ce
qui l'eu moins. Nous l'avons déjà dit, nous ne fail·»
rions approuver la grandeur des arcades du rez-
de-chauiîee, dont la largeur anéantit, pour ainft
dire, le diamètre de l'ordre. Celle du premier étage
eft dans le même cas ; d'ailleurs la largeur de
Tentrecolonnement qui la contient, nous paroît
trop coniidérable , eu égard à fon peu d'élévation :
au contraire, les croifées de ce même étage font
d'une grande beauté ; aufli en donnerons-nous le£
mefures en particulier dans le Chapitre fuivant.
Nous*aurions deiiré encore , que Le Mercier, à
la place des ouvertures plein-cintre du deuxième
étage, n'eût fait que des croifées à plattes-bandes :
les archivoltes , les importes & les pieds-droits
crénelés qu'on y remarque, réunifient moins heit-
reufement que des chambranles : nous n'approu-
vons pas non plus les tables propres à receveif
-ocr page 167-
d'Architecture;             6t
èes infcriptions ; ces tables coupent trop l'ar-
chitrave & la frife de l'entablement ; elles pré-
sentent autant de pièces de rapport qui nuifent à
l'unité.
Nous avons déjà obfervé, que la plus grande
partie des attributs de la Sculpture, nous y pa-
roiflent peu convenables. En effet, que iignifie
un bufte fur la corniche des croifées r II eût été
fans doute mieux placé dans la falle des anti-
ques, qu'ici où il fe trouve, tantôt entre deux
lions, tantôt entre deux levrettes. On fait que
cette tête étoit fuppofée celle de Diane : allégorie
à laquelle Diane de Poitiers avoit donné lieu; mais
elle fe trouve répétée trop fouvent dans cette fa-
çade , & auroit dû, félon nous, faire l'objet d'un
trophée en bas-relief, plutôt que le couronnement
d'une croifée, où ces allégories fe trouvent exé-
cutées prefqu'en ronde - boife ; d'ailleurs ces têtes
nous femblent fortes, comparées avec celles des
renommées placées fur l'archivolte de l'arcade du
milieu, & ne paroiffent guère avoir de rapport
qu'avec les têtes des Caryatides & des figures gigan-
îefques de l'attique , qui font d'une autre main.
Mais ce qu'on ne peut trop véritablement admirer,
€e font les génies diihïbués dans la frife de l'en-
tablement du fécond ordre ; ils égalent en beauté,
ce que l'antique a produit de plus excellent. Peut-
être que les feilons que ces génies femblent attacher
fur cette frife, font un peu forts ; les oifeaux qui s'y
repofent, femblent d'ailleurs aiFoiblir J'idée du chef-
d'œuvre qu'on vient d'admirer. Encore une fois 5
malgré ces remarques, nous fomrnes forcés de con-
venir que cet ouvrage mérite toutes fortes d'éloges,
& que û nous nous forâmes permis quelques obfer-
-ocr page 168-
6i                          Cours
vations, c'eft feulement en faveur des jeunes gefîs?
qui la plupart imitent indiftinclement les beautés &
les médiocrités des hommes célèbres; il eil eflenciel
de leur faire diftinguer les unes d'avec les autres,
pour les porter à imiter l'excellent, & à fe garan-
tir des fautes échapécs aux grands Maîtres* Néan-
moins nous n'avons rien voulu changer dans ce
deiîin ; nous y avons fupprimé feulement les
grandes cheminées qui accompagnent le dôme ,
ainfi que les croifillons en pierre qui partagent
le vide des croifées de cet avant-corps , & qui
fe remarquent dans toutes les ouvertures de la
façade anciennement bâtie.
Avant- corps de l'ancienne façade du Louvre f
du côte de la Rivière > élevée fur les dejfuis
de Louis Le Veau.
Planche V.
Cet avant-corps eft détruit aujourd'hui pour là
plus grande partie , ou du moins eft entièrement
mafqué par la nouvelle façade que Claude Per-
rault a élevée au-devant, du côté de la rivière,
afin de rendre cette partie du Louvre double, de
fimple qu'elle étoit anciennement : deux raifons
nous ont déterminés à offrir à nos Elevés le
deiîin de cet avant-corps : premièrement,,, parce
que cette production eft prefque oubliée aujour-
d'hui, & qu'elle mérite d'être connue; iëconde-
ment, parce que l'ordonnance de ion Architeclure
éft abfolument différente du précédent, & qu'elle
diffère auiïi beaucoup de celle que Perrault a
élevée dans l'avant-çorps de ce même Palais,
-ocr page 169-
d'Architecture,            63
du côté de Saint-Germain-l'Auxer-rois, que nous
allons rapporter dans la planche fuivante, après
avoir fait remarquer les beautés qui caractérifent
celui-ci.
L'ordre d'Archite&ure qui le décore, eft d'un
beaucoup plus grand module que celui de l'intérieur
du Louvre que nous venons de décrire. Le Veau
avoitfans doute penfé, que cet avant-corps devant
être apperçu de Vautre côté de la rivière , il étoit
néceiTaire que fon ordonnance s'annonçât par un
ûyle qui, d'un point de diftance confidérable, ne
montrât rien de chétif ni de mefquin > c'eil pourquoi
il a préféré un ordre qui embraftat deux étages,
au-deiîus duquel fe voit un attique d'une hauteur
égale à celui qui regne dans tout le pourtour du
Louvre; mais il s'elï bien gardé de le percer de
croifées ; il l'a enrichi feulement de bas - reliefs,
à la maniere des anciens. Ces bas-reliefs font fé-
parés par des corps d'Architecture en forme de
piédeftaux, qui portent chacun une ftatue à plomb
des colonnes de defTous. Cette forte d'attique a
été fouvent employée par Le Veau, à qui il a
toujours réufîî , parce qu'il eft un de ceux de
nos Archite&es modernes qui aient le mieux fu
a j ufter cette efpèce de couronnement, à la déco-
ration de fes façades. Nous penfons qu'on auroit
dû fupprimer l'étage élevé att-deffus de cet atti-
que , les croifées plein-cintre dont il eft percé,
particulièrement celle du milieu qui eft furbaiflée,
femblent y réunir encore moins bien que dans
celui de la cour dont nous venons de parler. D'ail-
leurs on ne peut guère applaudir au fronton de
cet étage : fa bafe étant plus étroite que la largeur
tle l'avant-corps, le coiuonne on ne peut pas plus
imparfaitement, ■& lui donne un air feulement
-ocr page 170-
64                      Cours
pyramidal. Nous fommes du même avis à l'égard
des tables qui divifent les trumeaux & le deffous
des croifées ; elles nous paroiffent plus propres
à être employées à TEbénirlerie, qu'à l'Archite-
üure proprement dite. Nous n'approuvons pas
non plus les boffages portés aux extrémités de ce
dernier étage; ils indiquent une richeffe ruftique 5
mal-à-propos élevée au-deffus d'un ordre Corin-
thien. Le dôme qiiadrangulaire qui furmonte cette
ordonnance, achevé d'accabler cette partie fupé-
rieure ; mais Le Veau a cru devoir l'imiter , en
quelque forte, de l'ancien Louvre, parce qu'ori-
ginairement ce bâtiment étant iimple , ce dôme
dievoit faire parement, & du côté de la rivière,
& du côté de la cour.
La porte plein-cintre du rez-de-chauffée , eff
d'une affez belle proportion : nous aimons moins
les niches placées de chaque côté ; peut-être eût-il
été auiîî à defirer , que les entrecolonnements
euffent été égaux ; cela auroit effacé la difparité
qu'on remarque dans la largeur des croifées du
premier étage & dans leurs doiîërets, qui, mal-
gré les chambranles & les croffettes 'de ces ouver-
tures ne répondent en aucune maniere à la dignité
de l'ordre.
Avant - corps de la façade du Perißylt du
Louvre ? du coté de S, Germain-t' Aux er rois,
élevé jur les dejjins de Claude Perrault.
Planche VI.
Cet avant-corps, très-différent des précédents f
eft fans contredit, ainfi que toute la façade à la-
;        quelle
-ocr page 171-
ι
d'architecture, 65
quelle il appartient, l'un des chefs-d'œuvre, &
de Claude Perrault & de Γ Architecture Françoife ;
nous en avons déjà donné les principales mefnres
au deuxième volume de ce Cours , page 224,
planche X CΙΠ, en le reconnoiffant pour la troi-
sième merveille de l'Art ( ƒ). Malgré cet éloge
juitement mérité, voyez ce que nous avons dit
des bâtiments compofés d'un foubaiTement, au·
deffus duquel s'élève un ordre coloriai, Chapitre
III de ce volume, page 45. A préfent donnons
notre fentiment fur cet ouvrage , ii digne d'admi-
ration, fans néanmoins chercher à diiîimuler les
défauts dont il n'en: pas entièrement exempt. Mais
avant d'entrer dans cette difcuifion, rapportons
que le Cavalier Bernin avoit été d'abord appelée
en France pour donner les deiîins du rachève-
ment du Louvre , & que ceux de Perrault furent
préférés aux projets de l'Architetle Italien. On
fera moins étonné de cette préférence, lorfqu'on
voudra examiner le quatrième volume de l'Archi-
tedure Françoife, où l'une & l'autre production
de ces deux Architectes font gravées avec affez
de foin. C'eft alors que l'on fera frappé d'éton-
nement, de la prodigieufe différence qu'on remar-
quera dans le parallele de ces deux compoiitions.
Nous rapporterons encore que l'on a difputé long-
temps à Perrault d'être l'auteur de ce magnifique
édifice, que plufjeurs Architectes l'ont attribué à
Le Veau & à d'Orbay fon Eleve & fon neveu. Nous
1                                                        '                                ι: — "                       '                          ■ -ι-" "■■■■'■ " ' " '"                                                                               1 m JiL- 1 -a
·■                                                                                                        ■-..''·'                      ,'-?
(ƒ) Selon nous la Porte Saint-Denis, par François Blondel·,
eft la premiere merveille de notre Architecture ; le Val-d&-
Grâce & le Château de Maifons , par François Manfard ,
la féconde } enfuite le Périftyle du Leuvre , dont nous par-
'loos, &c.
                                                                          ...
Tome III.                                     £
-ocr page 172-
66                           Cours
ne relèverons point ici cette erreur. Nous avons
fuffifamment prouvé ailleurs la faufTefé de cette
affertion. Les Architectes qui l'ont foutenue , ne
1'auróient pas avancée, s'ils euifent voulu comparer
cette production de Perrault, avec le magnifique
arc de triomphe du Trône, dont il a été auiîi
l'Architecte, & que nous avons rapporté, deuxiè-
me volume de ce Cours, page 106 , planche
XXXIX , absolument du même ftyle que l'ordon-
nance du périityle.
                                       -,
Quoi qu'il en ibit, difons que cet ouvrage doit
être regardé, non-feulement comme le triomphe
de l'Architecture & de la Sculpture ; mais encore
comme le chef-d'œuvre de l'Art, pour la hardieiTe
de la conitru&ion. En effet, rien de fi régulier
que l'ordre d'Architecture qui y préiide, rien de
fi intéreifant que les membres qui l'accompagnent ;
point d'ornements mieux entendus que ceux diftri-
bués dans toute cette ordonnance ; enfin rien de
û magnifique que fa conitru&ion : tout y eft noble,
irnpofant. Tels font les grands traits qui caraété-
rifent cet édifice ; tel eil le fentiment qu'en doi-
vent porter les Connoiifeurs , après l'avoir examiné
fous fon véritable point de vue ; mais confidérons«
le à préfent comme Architecte.
D'abord la grandeur de l'Architecture de ce
Frontifpice, frappe , étonne fans doute ; mais ce
preilige ceffe, quand des dehors on vient à paifer
dans la cour de ce Palais, où l'on ne remarque
plus que de petits ordres diitribués dans les trois
étages qui en compofent les façades. Quoique cette
obfervation ne foit pas fans fondement, il faut
convenir que Perrault s'eft déterminé à cette idée
fublime, excité par le zèle de Colbert, & la puif-
fance alors fans bornes de Louis le Grand; qu§
-ocr page 173-
d'Architecture;             67
pouf Cela il a cru devoir franchir la relation dest
dehors avec les dedans > à raifon du projet qu'il
avoit conçu en élevant le modele de l'arc de
triomphe du Trône ; ç'étoit de pratiquer une
grande rue qui alignât ces deux édifices célèbres î
idée vaite, & tout enfemble digne du beau iiecle
de Louis XIV> & de l'opulence de la Nation;
idée qui devant un jour fe réunir avec celle du
Bernin, qui avoit propofé une feule grande cour,
entre le Vieux - Louvre & les Tuileries , auroit
produit un enfemble qui eût furpaiTé les plus fom-
ptueux édifices de l'Europe* Mais aujourd'hui
qu'on femble avoir renoncé à ces projets , les
Amateurs & les Etrangers 5 qui ignorent les pre*
mieres idées de Perrault, blâment en quelque forte
cette difparité frappante qui fe remarque entre
les dehors & les dedans de cet édifice.
Les hommes initruits condamnent encore, dans
l'avant-corps de cette belle façade , l'ouverture
réelle de la porte à plate-bande > qui donne entrée
à ce Palais ; ils la trouvent trop petite , quoique
de douze pieds de largeur, fur vingt - quatre de
hauteur. En effet > elle paroît telle, quoique Per-
rault ait pris foin de la renfermer dans une arcade
feinte de vingt pieds de large fur trente-neuf
d'élévation; car cette reifource eit peu digne du
génie fupérieur de cet Artifte, & ne peut jamais
fervir d'autorité à nos Elevés , l'archivolte de cette
arcade feinte, interrompant le niveau du foubaiTe·*
ment, & ayant pour ainii dire forcé Perrault de
.fupprimer toute efpèce d'ouverture dans le grand
entrecolonnement fupérieur qui fe trouve au-deÎTus
de cette porte ; de maniere que le plein qui s'y
remarque , quelqu'ingénieufement orné qu'il puiife
:être par le miniftere de la. Sculpture , préfente
-ocr page 174-
0                        Cours V
toujours un corps foUde, où il eût été à defirer qu'on
eut remarqué un percé , préférable à tous égards
dans toute efpèce d'édifice , particulièrement dans
celui deitiné pour la repréfentation d'une tête cou-
ronnée. L'ouverture du petit nombre de croifées qui
s'apperçoivent dans cette façade , eil trouvée auffi
trop peu conftdérable, quand on vient à la comparer
avec le diamètre de l'ordre 3 & il paroit qu'on auroit
âeûré que ces ouvertures euffent été continuées à
la place des niches qu'on remarque dans les gal-
leries placées de chaque côté de cet avant-corps ;
ce qui auroit donné, dit-on, à la façade de ce
Palais „ un air d'habitation qu'elle n'offre point à
ion premier afpe£t. Ces niches, loin de lui pro-
curer le cara&ere qu'elle devroit avoir, font ref-
iembler cet avant-corps à un mur de face deitiné
à contenir, dans fon intérieur, des galleries éclai-
rées par en haut, & confacrées à renfermer une
collection de tableaux précieux, ou une Bibliothè-
que : il paroit qu'on penfe de même fur les mé-
daillons placés au-deffus des niches & des croi-
fées; ce genre d'ornement n'étant guère que du
reifort des arcs de triomphe , ainii que Perrault l'a
fait avec plus de convenance à celui dont il a
donné les defîins pour le Trône, déjà cité. Peut-
être a-t-il voulu rappeler, dans cette décoration,
les médaillons placés du temps de Lefcot dans
l'intérieur de la cour , comme il a imité dans fon
foubaiTement la forme & la proportion trop fvelte
des croifées bombées qui fe remarquent dans les
anciennes façades du Louvre. Mais arrêtons ces
obfervations 5 qui n'empêchent pas que plein de
vénération pour ce grand Maître , nous n'admi-
rions, avec la plus grande fatisfaftion , cet édi-
tée , dont il nous paroît impoifible d'apprécier les
*
-ocr page 175-
d'Architecture.             <%>
beautés ; elles furpaffent de beaucoup les légers
défauts que nous venons de relever d'après le juge*
ment qu'en ont porté les plus célèbres Artiftes,
avec qui nous avons eu Couvent occaiion de nous
entretenir fur ce chef-d'œuvre, & qui, comme
nous, font convaincus que cet ouvrage de l'Art
eil digne des plus grands éloges. Néanmoins, en
faveur de ceux de nos Elevés qui ne font pas
encore en état de démêler les vraies beautés répan-
dues dans cette compolirion d'avec les parties qui
méritent quelques modifications , nous allons don-
ner, dans la planche fuivante , ce même avant-
corps avec quelques changements que nous nous
fommes permis d'y faire , non que nous nous
croyons en état de furpaffer, ni même d'atteint
dre une telle merveille, mais dans l'intention feu-
lement de porter ces mêmes Elevés à réfléchir fur
tout ce,qui leur eft offert dans l'Architedure, pour
fe rapprocher, le plus qu'il leur fera poiïible , de
Tefprit de convenance, peut-être un peu trop
négligé parmi nous.
Avant-corps de la façade du Perißyle du Louvre,
du coté de Saint-Germain-l'Auxerrou
r-, avec
quelques changements propofès par l'Auteur
de ce Cours d'Architecture.
Planches VIJ & VIII.
Pour détruire en apparence la petiteffe de la
porte qui donne entrée à l'intérieur du Vieux-Lou-
vre, nous l'avançons de vingt-quatre pieds fur un
nouveau corps d'Architeeure qui ne s'élèverait
que de la hauteur du foubaiTement,, parce qu'a.-
£ ni
-ocr page 176-
70                         Co υ R s
lórs cette porte, ne tenant plus à la façade,
perdroit beaucoup de cette petiteffe, qui actuelle-
ment ne lui donne guère l'air que d'un guichet,
û on l'a compare avec la grandeur de l'ordonnance
de cet édifice. Aux-dêux côtés de cette porte , fe-
roient pratiquées deux rampes de trente & une
marches chacune, & de douze pieds de largeur : au
haut de ces rampes fe trouveroit un palier qui, (\\me
part, avec une pareille quantité de marches, mon-
teroit au-deffus du foubafTement, & de l'autre-,
redefcen droit, par une troiiieme rampe alignée à
la féconde, dans la place publique fituée au-de-
vant de ce frontifpice : fous le palier commun aux
rampes de ce grand perron extérieur , on prati-
queroit des corps de garde, tels qu'on peut en
remarquer, figure À de la planche VIII. Par ce
moyen, la direction du périityle ne feroit plus
interrompue, & l'on n'auroit plus recours à la cor-
niche circulaire qui s'apperçoit aujourd'hui au-
deiTus de la porte qui donne entrée au Vieux-
Louvre.
Au-deffus de ce perron & dans le grand entre-
colonnement de cet avant-corps , au-lieu de la
Sculpture qu'on y doit placer, nous aurions pré-
féré une grande arcade plein-cintre , qui auroit
figuré avec celle qui fe remarque dans chacun des
pavillons placés aux extrémités de cette façade ;
mais comme cet entrecolonnement fe trouve de
vingt-cinq pieds , pendant que ceux des pavillons
n'en ont que dix-fept, nous aurions tenu cette nou-
velle arcade , un peu plus large & un peu plus
élevée 9 & nous l'aurions renfermée dans une niche
quarrée, dont les piédroits & les alêtes fe feraient
trouvés égaux au module de l'ordre ; reffource que
Perrault lui-même a obfervée à fon arc de triomi
-ocr page 177-
ι
d'Architecture.             
phe du Trône, & que François Manfard a em-
ployée avec tant de fuccès dans la nef du Val-4
de-Grâce, ainfi que François Blondel à la porte
Saint-Denis. Cette arcade auroit rempli, félon
nous, bien plus convenablement cet entrecolon-
nement, que tout ce qu'on y remarque. D'ailleurs
elle auroit annoncé, dès les dehors, une grande
pièce montant de fond , & auroit rappelé , dans le
milieu de cette façade, celles placées dans les
pavillons de fes extrémités.
                                *
Au refte? il pourroit arriver que cette nouvelle
arcade, ainii que les deux dont nous venons da
parler 3 quoiqu'aifez bien en rapport avec l'ordre 9
anéantiifent, pourainfi dire , les autres ouvertures
répandues en petit nombre dans cette façade : cette
confidération nous a fait agrandir, le plus qu'il
nous a été poiïible, les croifées à plate-bande qui fe
remarquent ici ; on pourra les comparer avec celles
de la planche précédente , qui n'ont que fix pieds
quatre pouces , au-lieu de huit pieds que nous,
donnons à celles de cette planche , les trop petites
ouvertures dans les entrecolonnements d'un grand
ordre , offrant toujours une difparité choquante»
Pour procurer plus de vide à cette façade, nous,
propofons de convertir les médaillons en croifées
attiques , ainli que Perrault l'a pratiqué du côté
de la rivière ; avec cette différence du moins , que
nous les avons faites à plates-bandes, & non bom-
bées dans leur fommet : licence qui nous étonne de
la part de ce grand Maître , & qu'il a même répé-
tée dans toutes les croifées de fon foubaffement.
Pour éviter cette forme d'ouverture dans cedernier
étage, imaginée fans doute par nos jeunes têtes
Françoifes , nous avons, dans ce foubaffement'%
préféré des arcades plein-cintre > dans lesquelles»
E iv · '
1
-ocr page 178-
ji                         Cours
nous avons introduit des croifécs de même forme ;
& nous avons rifqué de tailler des refends dans
leurs piédroits ; il y a toute apparence que Perrault
a cru devoir faire ce foubafTement très-fimple , à
deffein de faire briller , avec plus d'éclat, fon
ordre Corinthien ; cette idée eft bien digne de ce
grand homme. Nous croyons néanmoins que cette
trop grande iimplicité tend à rendre trop pauvre
cet étage, qui, deftiné à foutenir ce que Γ Archi-
tecture a de plus élégant & de plus riche, devoit
peut-être fe reiTentir, par quelques membres d'Ar-
chiteclure de plus, du triomj3h« de l'Art quilavoit
à foutenir. Si l'on trouvoit que ces refends annon-
çaient un caractère de ruitieité, on pourroit fe
contenter d'y tracer feulement les joints des aiîifes
d'une maniere un peu articulée ; car nous fommes
bien éloignés d'applaudir aux bofTages qui inter-
ceptent mal-à-propos la continuité des chambranles
& des archivoltes , qu'on voit dans le foubafTement
de la Place de Louis XV : foubafTement qui auroit
dû annoncer d'autant moins de pefanteur, que
l'ordre Corinthien y étant folitaire , l'étage qu'il
foutient devoit préfenter plutôt l'expreiîion loni-
que, que la Tofcane.
Pour parvenir à faire ces changements dans cet
avant-corps , nous avons ajouté une colonne dans
chacun de fes angles. Deux raifons nous y ont
déterminés : la premiere pour reftituer à l'intérieur
de ce périftyle une communication directe, inter-
ceptée aujourd'hui, ainii qu'on peut l'obferver dans
le plan gravé, Architecture Françoife, Tome IV:
fecondement pour procurer à cet avant-corps
plus de mouvement, &; par conféquent une forme
plus pyramidale. Au pied de ces deux nouvelles
colonnes, nous, avons placé deux itatues qui > en
-ocr page 179-
s J
D'Ar CHI Τ E C Τ V R 1.               %f
donnant de la dignité à cet édifice , ont rendu la
forme de notre perron &yde fes rampes, beau-
coup plus régulière, ainfi qu'on peut le remarquer,
figure B, planche VIII de ce volume.
Nous ne nous étendrons pas davantage fur les
changements portés dans cette planche. Nous
prions même nos Ledeurs de fe refïbuvenir, que
fi nous avons tenté de porter notre jugement fur
cet ouvrage célèbre, ce n'a pas été dans l'inten-
tion d'afroiblir la célébrité fi juftement accordée
au mérite de Perrault, mais feulement, comme
nous l'avons déjà dit, dans la vue de mettre nos
Elevés , en admirant nos chefs-d'œuvre , à portée
d'y démêler la fource des vraies beautés de l'Art ^
d'avec l'opinion particuliere de TArchiteéle. Par
ce moyen, lorfqu'il s'agira de leurs propres pro-
ductions, ils fauront qu'ils ne doivent fe paffer
rien, puifque les œuvres des plus grands Maîtres
ne font pas toujours à l'abri de la cenfure de la
poftérité.
1 . :'      .
Avant-corps de la façade duPatais desTuileries^
du côté du jardin, originairement élevé fur les
deffins de Philibert Delorme & de Jean
Buttant^ & reflauré enfuite par Louis Le
Veau & François dOrbay.
V L A Ν C H Ε IX; >
Dans le volume précédent, Chapitre VI, page
.217, planche XCII, nous avons donné les
principales mefures des ordres qui compofent l'or-
donnance de cet avant-corps ; difons à préfent ce
que nous penfons de cet ouvrage intéreffant,
* çQmmencé par Philibert Delorme 9 & terminé tel
-ocr page 180-
74                        € o υ R s
qu'il fe voit aujourd'hui par Le Veau, qui y a
ajouté un troiiieme ordre & un attique , furmonté
d'un dôme qiiadrangulaire par fon plan. Nous
renvoyons au quatrième volume de l'Architecture
Françoife, pour y remarquer ce qu'étoit la déco-
ration de cet avant-corps & de toutes les façades
de ce Palais , du temps de Philibert Delorme,
qui Favoit bâti fous Catherine de Médias, & ce
que cette façade & cet avant-corps font devenus
fous Louis XIV, par les foins de Le Veau & de
d'Orbay fon Eleve : nous n'avons pas cru nécef-
faire ici, de rapporter le premier deffin de Phili-
bert Delorme ; il eit beaucoup inférieur à celui
que nous offrons dans cette planche , & cette
premiere production fe relient du caractère de
gothicité dont on n'étoit pas encore revenu fous
Catherine de Médicis, malgré le chef- d'œuvre
du Vieux-Louvre de Pierre Lefcot, que nous avons
cité au commencement de ce Chapitre. Cet avant-
corps a donc changé de flyle, en paffant par les
mains de Le Veau : ce qui le rend un ouvrage
d'Architecture digne du iiecle de Louis le Grand.
Néanmoins en rendant juftice à la maniere fa-
vante & ingénieufe que cet habile Architecte a
employée à la reftauration de ce Palais , on ne
fauroit guère approuver le caractère gigantefque
qu'il a choifi pour former les additions qu'il a été
chargé d'y faire; puifque le grand ordre Com-
posite qu'il a choiii ne fert qu'à faire pàroître cTura
trop petit module ceux de Tavant-corps dont
nous parlons, & ceux des alles qui l'accompagnent :
d'oùFon pourroit dire, qu'il a, en quelque forte,
anéanti fon propre ouvrage ; puifque forcé de
fuivre dans la majeure partie de cette façade 5
le petit diamètre des ordres originairement emt
-ocr page 181-
d'Architecture.             75
ployés par fon prédéceffeur, il a rendu par là fon
ordonnance difparate. Cette efpèce de bigarrure,
non-feulement nuit à l'unité fi néceflaire à obferver
dans un même édifice, mais elle donne à la déco-
ration de ce Palais , plutôt l'air des différents bâti-
ments particuliers élevés dans les grandes rues de
nos Capitales , que l'idée de la demeure dur*
Souverain. D'ailleurs qu'on nous permette de
l'obferver ici, quel faite extérieur, pour le peu
de logements & de commodité contenus dans les
dedans de cette Maiibn Royale ! Nous parlerons
fous filence l'irrégularité de fes abords du côté de
l'entrée, &la diviflon triviale des cours qiii l'ac-
compagnent. Certainement il n'y à point d'Etran-
ger que nos Beaux-Arts & nos Edifices amènent
en France , qui , appercevant la façade de ce
Palais, du côté du jardin (g), ne conçoive une
grande idée de fon intérieur. Mais quelle efV'fa.
furprife , de n'y trouver qu'un ou deux appar·
tements , dans lefquels on remarque la difformité
des afpe&s, du côté du levant. Il efl vrai que
l'appartement du Roi eil décoré d'une grande
maniere, & qu'il fe reflent de la magnificence de
tous les ouvrages qui fe font élevés fous Louis
le Grand. Mais quelle différence entre leur diftrî-
bution & la relation que nous commençons à
obferver entre les dehors & les dedans cje nos
bâtiments î Quoi qu'il en foit, abandonnons ces
remarques pour revenir à l'avant-corps qui fait
ici notre objet; confidérons - le dans fon état
a&uel, en nous rappelant les fujétions auxquelles
Le Veau a été forcé de fe foumettre, pour lui
donner la perfection ou on le voit aujourd'hui.
Tr1                    ' ""                  ' ι»                                        ■ __                                                          .—                                ... ...in-.-                                             ,----------Aap
.\ξ) Cette façade a cent foixante-dix toifes de longueur,-
-ocr page 182-
>?6                           Cours
Pour donner à ce pavillon une largeur conve-
nable à fa nouvelle hauteur , Le Veau a pris une
croifée de chaque côté, fur chaque ancienne galle-
*ie de ce Palais. Cette augmentation de largeur
lui a permis alors de lui donner toute l'élévation
qui fe remarque dans cette planche , & dont cer-
tainement la maffe générale produit un effet d'au-
tant plus admirable , que la largeur de l'ancien
pavillon, forme par fa faillie un double avant-
corps qui, en procurant au plan un mouvement
convenable à la légèreté des ordres qui préfident
dans fon ordonnance, fe trouve terminé très-heu-
reufement par le fronton triangulaire qui lui fert
d'amortiffement, & qu'à fon tour tout le pavillon
le devient par le dôme qui le couronne.
V Ce pavillon , confidéré du côté de l'enfemble,
peut donc paffer pour une production effimable
en Architecture, fa maffe figurant bien avec l'é-
tendue de ce Palais: peut-être n'en eft-il pas ainfi
en examinant avec févérité les parties principales
?qui le fubdivifent. Les étages fupérieurs paroiffent
trop eourts,comparés avec celui du rez-de-chauffée :
celui-ci d'ailleurs étant élevé fur des piédeftaux de
cinq pieds & demi de hauteur , pendant que les
ordres Corinthien & Compoike , n'ont pour fou-
tien qu'un focle de huit pouces & demi , il s'en
fuit que les entrecolonnements intermédiaires &
fupérieurs de cet avant-corps, font trop peu éle-
vés , à raifon de leur largeur ; car elle augmente
•toujours par la diminution du diamètre des ordres,
qui different de vingt-quatre pouces deux lignes
à vingt pouces & demi, & de vingt pouces &
demi à dix-huit pouces un quart : de maniere que
les ouvertures placées dans ces entrecolonnements,
& les membres. d'Àrchitefture qui y font diffràhués
-ocr page 183-
d'Architecture.          ; ff
ne paroiffent pas fupportables. Il n'y a donc que
celui du rez-de-chauffée qui, en faveur des pié-
deïlaux placés fous l'Ionique , conferve une pro-
portion analogue à l'expreiîion de cet ordre, en-
core cette relation ne fe rencontre-t-elle pas du
côté de la cour , à caufe de l'inégalité du fol, le
jardin étant plus bas de prefque toute la hauteur
du piédeital ionique. Nous ne dirons rien ici de
l'attique fervant de ftylobate au comble qui eil
élevé au - deftus ; nous aurions déliré feulement
qu'on n'y eût point exprimé d'ouverture. Qu'on
fe rappelle, à cet égard, ce que nous avons remar-
qué dans ce Chapitre, en parlant de l'avant-corps
du Louvre , du côté de la rivière , bâti fur les
deffins de Le Mercier, page 6}.
Nous ne pouvons non plus diiîimuler, que les
niches placées dans cet avant-corps, nous pa-
roiffent trop petites & difparates entr'elles : trop
petites , lorfqu'oii les compare avec la grandeur
des ouvertures : difparates, parce que celles du
rez - de - chauffée & du deuxième étage font cir-
culaires par leur plan & par leur élévation , &
celles du premier étage quarrées par leur plan, & à
plates-bandes dans leur fommet ; ces dernières fur-
tout ne conviennent guère qu'à un ordre Toican,
& ne fauroient figurer dans un entrecolonnement
Corinthien. Nous parlerons fous iilence les tables
placées au-deffus de ces niches, & particulièrement
celles qu'on remarque au fécond étage, lefquelles
féparées par un importe, coupent la hauteur de Tor-
dre en deux également; ce qui forme un remplif-
fage contraire à la bonne Architecture. Ne pouvoit-
on pas faire l'ouverture de l'arcade, &plus large &
plus élevée ? le claveau ieroit devenu moins fort
& les piédroits moins pefants. Nous aurions defiré
-ocr page 184-
78               ,, Cours
auffi, qu'on eût fupprimé les boflages de Tordre
Ionique, dont les tambours 9 alternativement ea
pierre & en marbre, ne préfentent rien de noble,
fur-tout lorfqu'on vient à comparer ces colonnes
avec celles placées dans les pavillons qui termi-
nent l'ancienne façade de ce Palais. Nous regar-
dons ces dernières comme autant de chefs-d'œuvre 9
ainû.que nous l'avons remarqué plus d'une fois.
Qu'on y prenne garde , les défauts que nous
venons de relever ne pouvoient fe parer ici; &
ils ne fauroient tomber fur Louis Le Veau, feu-
lement reftaurateur de cet édifice. Par le parti
qu'il en a fu tirer, il prouve, à beaucoup d'égards,
combien il étoit fupérieur dans fon Art ; les profils
fur-tout qu'on remarque dans cet avant - corps ,
font d'un goût exquis.
Nous aurions deiiré pouvoir les donner dans
ce Cour, les ayant mefurés & défîmes avec le
plus grand foin ; mais nous avons été obligés de
nous y refufer, notre ouvrage étant déjà chargé
de beaucoup de planches. Nous faifirons une
autre occafion pour donner ces profils avec ceux
des autres bâtiments les plus célèbres, que nous
avons recœuillis ; nous y joindrons la plupart
des ornements : nous les communiquons à nos
Elevés depuis long-temps , ainfi que nos cahiers ;
d'où il eft arrivé plus d'une fois, que l'on en a
fait imprimer des fragments : de maniere qu'il
pourroit bien arriver que dans les Leçons que nous
offrons aujourd'hui, nous paruifions, au premier
coup - d'cenil, en avoir emprunté la plus grande
partie d'autrui. Au reite, nous n'infiilerons pas
davantage fur cette circonilance, n'ayant jamais
prétendu faire un myftere du peu de lumières,
que près de quarante années ont pu nous donner
&ur notre Art»
-ocr page 185-
b'ARCHITECTURi:              J$
Avant- corps du Pafóis du Luxembourg, du
côté de la rue de Tournon, élevé fur les dejjîns
de Jacques DebroJJe.
Planche Χ.
De tous les avant-corps du Palais du Luxem-
bourg, nous avons préféré celui qui donne l'en-*
trée à cet édifice du côté de la rue de Tournon,
parce qu'il nous a paru un chef- d'ceuvre du côté
de fa forme pyramidale, Sr par le mouvement que
DebroiTe a fu donner à fon plan. Peut-être auroit-
on droit d'être moins content de fes détails ; mais
il faut convenir au moins qu'il annonce les grands
traits de Γ Architecture, & que cette compoiition
ingénieufe décelé le véritable Archite&e.
Nous avons dit, deuxième volume de ce Cours,1
page 202 , que Debroife avoit été forcé , par
Marie de Médicis, qui fit bâtir le Luxembourg,
d'imiter la décoration Tofcane du Palais Pitti à
Florence. Sans doute cette loi, qui lui fut impofée
par la Reine , pouvoit fervir d'excufe à rÂrchi-
te&e , qui , dans toute autre occafion , auroit
préféré le Dorique au Tofcan ; l'application de
celui-ci ne convenant guère qu'aux ouvrages mili-
taires , ainfi que nous l'avons remarqué plus d'une
fois. Cependant en examinant les chofes de plus
près , nous nous fommes, pour ainfi dire, trouvés
iléfabufés de cette idée, en nous rappelant que
le Château de Colommiers , en Brie (g), que
(h) Voyez les plans & les élévations de ce Château, très*«
feien grayés dans le pcti: Maroc,
-ocr page 186-
1fo                     C ö ν ft. s
DebroiTe avoit compofé , oifroit la "même ordon-
nance que celui du Luxembourg, la même difpo
fition& les «mêmes ordres; de maniere qu'ils fem-
blent n'avoir que très-peu de différence particuliè-
rement du côté de l'entrée ; encore faut-il convenir
que le Tofcan eil plus convenable ici, parce
que le caractère d'un Château , entouré de foifés,
femble exiger une expreffion ruilique, qui ne peut
convenir à un Palais élevé dans une Capitale*,
& qui fe trouve deiliné à la repréfentation d'une
tête couronnée.
, L'application de Tordre Tofcan, dans le Palais
'du Luxembourg, n'eil pas la feule inclifcrétion
qu'on y peut remarquer; non-feulement le pié-
deilal qui le foutient eil trop élevé , mais la porte
du rez-de-chauifée eil d'une proportion beaucoup
trop fvelte. Il'eil vrai que le fol montueux du
terrein a forcé l'Architecte d'en ufer ainfi ; mais
ce défaut n'en eil pas moins un ,x& l'excufe paroit
foible en comparaifon du défaut de relation que
préfentent les parties, comparées avec fenfemble.
D'ailleurs l'ordre de deifus paroit court ; l'arcade
placée au milieu de ce Dorique, eil trop baffe ; on
pourroit remarquer encore, que les boifages affe-
ctés à ces deux ordres, auroient dû porter l'Ar-
chitecte à donner moins de mouvement à cet
avant-corps , & à beaucoup moins faire reilauter
les entablements j l'attique chargé auiîi de boifages,
femble donner à toute cette ordonnance , un
air de pefanteur, contraire à ces reffauts réitér
,rés, à la forme circulaire de ce dernier étage,
couronné d'un dôme & d'un lanternon; en un
ν mot, à fa difpoiition pyramidale. Mais il faut
l'avouer, cet édifice, yu d'un point de diilance
■\ v. '\{ convenable^.
-ocr page 187-
î>*ARtHITECfURË.             
Convenable, n'en produit pas moins un fort heureux!
effet.
■ De ces différentes obfervations que nous abré-
geons , en coniidération des talents fupérieurs de
DebrofTe » il s'en fuit qu'on auroit pu tenir, du
côté de la rue, l'ordre Tofcan, un peu plus élevé
que dans le relie du bâtiment * cet ordre n'ayant-
que vingt - deux pouces & demi de diamètre , δί
feize pieds deux pouces trois quarts de hauteur ?
quoique celui de defïus n'ait que quinze pieds
d'élévation fur dix-neuf pouces & demi de diamètre *
ainfi que nous l'avons rapporté , deuxième volu-
me de ce Cours, planche LXXXVIiï , d'après les
mefures qui en ont été prifes très - exactement ï
que de même on auroit pu fixer la hauteur dé la
porte à deux fois un douzième , au-lieu de deux!
fois & demi : qu'il eût été peut-être bien de faire
continuer l'entablement d'une colonne à l'autre au-
deifus dé cette porte $ l'entrecolonnement n'ayant
que onze pieds trois quarts : que, félon nous, une
porte à plate-bande auroit du prendre la place -de
Farcade plein-peintre qui fe remarque au premier'
étage, & dont la hauteur a beaucoup moins du
double de fa largeur : qu'enfin on auroit fupprimé
ks boifages alternatifs de l'ordre Dorique \ pour
en revêtir Tordre Tofcan, au4ieu de les y faire con-
tinus ; qu'on ne les auroit pas employés dans l'at-
tique : qu'il auroit mieux valu placer les ftatues fut
les baluilrades de l'ordre Dorique, que de les avoir
adoiîés fur le mur de face de ce même atîique ;
parce que ces itatues, ainfi placées, lie peuvent
ïb voir d'en bas qu'imparfaitement.
- Nous avons fait faire ,.plus d'une fois* ces chan-
gements à nos Elevés pendant le cours de knr»
études dans nos Ecoles\ nous avons enfuife fournis
Tome IIIï
                                  F .
-ocr page 188-
8i                         Cours
ces corrections utiles à plufieurs de nos Archi-
tectes intelligents ; la plupart ont paru les approu-
ver; néanmoins nous n'avons pas cru devoir com-
muniquer ici ces changements , nous avons craint
qu'on ne regardât ce travail, fait pour nous inilruire
nous-mêmes, comme un attentat à la gloire de
Debroffe. Nous nous contenterons donc d'engager
les jeunes Deffinateurs, quittes des éléments de
l'Art, à reprendre dans leur cabinet & à tête repo-
fée, ces différentes productions de nos Maîtres,
pour les étudier de nouveau & fe mettre en état,
par ces tentatives, de juger avec plus de difcerne-
ment les monuments d'Italie , lorfqu'une fois leurs
talents éprouvés les y conduiront, l'oit par les bien-
faits du Prince, foit par le feul defir de marcher
fur les traces de leurs Emules.
Après avoir fait mention des Palais du premier
ordre & avant de parler des Châteaux les plus
célébrés, donnons l'avant-corps du Palais Archi-
épifcopal de Bourges, qui, quoique rangé au
nombre des Palais de la féconde claffe, mérite
d'être rapporté comme une des belles productions
de Pierre Bullet.
                    t
Avant - corps du Palais Archiépifcopal de
Bourges , du côté de. la Cour, élevé fur
les dejjîns de Pierre Bullet.
Planche XI.
Nousn'avôns rapporté, dans le deuxiemevolu-
me, Chapitre VI, planche XC1II, page 224,
que les trois édifices les plus renommés, com-
posés d'un foubaffement au-deffus duquel s'élève
\
-ocr page 189-
ß'Arc οι τ ε G Τ übt*              8j
im ordre coloffal; nous nous fommes réfervépour
ce Chapitre, l'occafion de parler dé deux bâtiments
moins confidérables à la vérité, mais compofés auffi
d un étage qui porte le caraftere d'un foubaffement,
& au-deffus duquel s'élève feulement un ordre régu-
lier. Le premier exemple fe remarque dans l'avant-
corps du Palais Archiépifcopal de Bourges , du
côté de la cour ; dans la fuite nous donnerons l'un
des pavillons de l'Hôtel de Carnavalet. vdu côté de
la rue, à-peu-près de même genre, & du defîin
de François Manfard. On fera fans doute étonné
de ce que nous mettons ici les productions de
Bullet en parallele avec celles de Manfard ; ce
rfeit pas notre deiTein ; mais peut-être ferions-nous
bien fondés à perfuader à nos Elevés , qu'après
Manfard, Blondel & Perrault, Bullet mérite un
des premiers rangs dansvfon Art, & que nous ne
iaunons trop leur recommander Fétude des ouvra-
ges de cet Architede, dont nous leur avons déjà
plus d'une fois fait l'éloge.
Nous venons de dire que le rez - de - chauffée
de l'avant-corps de Bullet, porte le caractère d'un
foubaffement; expliquons - nous : il m faut pas
confondre le caraftere d'un étage, avec la pro-
portion que peut avoir ce même étage, confidéré
avec la hauteur de celui de deffus. Ici , par
exemple, la proportion de cet étage à rez-de-
chauffée, eft cenfée régulière, parce qu'il n'a qu'un
module de plus en hauteur que l'Ionique-Pilaftr®
régulier; cependant fon expreffion eil celle d'un
foubaffement, parce que n'ayant point d'ordre
fa fimplicité lui donne le caradere d'un itylobate'
fervant de piédeffal à l'ordre de deffus. Quelqu'efti!
me que nous portions aux productions de ce célébré
Architede, nous ne faurions paffer fous iilence la
Fij
-ocr page 190-
ν
$4                       f ο υ R s
contradiction qui fe rencontre ici entre l'expreiïion
& le rapport de cet étage : contradiction qui
défigure , pour ainfi dire , cette ordonnance ,
parce qu'elle fait paroître Tordre chétif, & l'étage
cjui le foutient, trop élevé. La diitribution des
pilaftres & le fronton qu'on voit dans cet avant-
corps , font dans le même cas que celui de l'Hôtel
de Souhife , dont nous parlerons bientôt ; c'eil-
à-dire » que le fronton a trop de bafe , & qu'il eût
été mieux que cet ordre ne fût accouplé que dans
les extrémités. Les croifées du premier étage font
d'un bon genre; elles parohTent feulement un peu
petites , comparées avec la grandeur des arcades
du rez-de-chauifée , les ouvertures d'en haut ne
devant guère avoir moins que les cinq iixiemes
de celles de deifous. Nous trouvons auiîi le focle
qui foutient l'Ionique trop bas , femblable en cela
à ceux que nous avons remarqués fous les deux
ordres fupérieurs de l'avant-corps du Palais des
Tuileries , & que nous avons rapportés, planche
IX de ce Chapitre. Bullet, à l'imitation des an-
ciens , a placé des ftatues fur le fommet, & vers
les extrémités de fon fronton ; ces itatues, un
peu petites, quoiqu'en rapport avec l'ordre , nous
parouTent néanmoins préférables aux figures aiîifes,
& aux groupes d'enfants qui fe remarquent fur
l'avant-corps de l'Hôtel de Soubife. C'en: fans
doute la largeur de l'avant-corps, & fur-tout la
grandeur du tympan du fronton qui contribue à
re.ndre en aparence-ces ftatues trop légères: tant
il eil: vrai que le défaut de raport, dans une feule
partie de l'édifice ^ nuit eifenciellement à l'ouvrage
çntier : alors le charme ceife , & la décoration
n'offre plus qu'un amas de membres d'Architecture
& d'ornements qu'on ne regarde qu'avec indue-
/
-ocr page 191-
d'Architecture.            Sf
rencc, dès que ces divers objets , employés pour
faire beauté , s'écartent trop eonfidérabîement des
règles prefcrites par l'Art.
De la Décoration des avànt-corps
du Château de Maisons, de celui
de Β loi s, du Château dIs si ,et du
Château de Montmorenci.
Avant-corps du Château de Maifons\ du coté
du jardin, Hey e fur les dejjlns de François
,
Manfard.
        ,                , s .
Planche XII.
Nous l'avouons de bonne foi, la defcription que
nous entreprenons eil au-deifus de nos forces ;
peut-être en favons-nous affez , pour remarquer
quelques licences qui fe font gliffées dans ce chef-
d'œuvre; mais comment rendre les beautés fans
nombre qui l'ont produit i Nous avons plus d'une
fois recommandé à nos Elevés, déjà inftruits,
d'aller vifiter cette belle demeure; c'eit bien ici
le moment de le leur recommander encore. Nous
Venons auffi de leur offrir, dans le deuxième volu-
me de ce Cours, planche XCII, page 220» les
mefures particulières des trois ordres qui ornent
cet avant-corps, en leur annonçant ce Château
comme une merveille de notre Architecture Fran-
çoife ; nous perfiflons ici à la croire telle, fans
pour cela être moins, embarraffé de leur décrire ce
qu'il faut qu'ils admirent le plus dans ce deffin,
ou de fa forme pyramidale, ou du mouvement de
fon plan , ou de" la maniere fa vante avec laquelle
Manfard a fu concilier enfemble les trois ordres
-ocr page 192-
86                   Cours
Grecs ; en forte que par des tranfitions heureufes 9
ils femblent fortir d une feule & même tige , &
n'appartenir plus, ni au Dorique , ni à l'Ionique ,
ni au Corinthien : magie de l'Art, qui décelé l'Ar-
chitedte habile , l'homme de goût & le grand
Maître. Ceft dans cet avant-corps fur-tout , qu'on
remarque avec Ja plus grande admiration , l'aifor-
timent le plus ingénieux de l'Architecture avec la
Sculpture : dans l'une on reconnoît la plus grande
pureté dans les moulures , le favoir le plus exquis
dans les profils ; dans l'autre on aperçoit une
touchç ferme fans pefanteur, tantôt douce fans
être indécife, tantôt légers fans féchereffe, félon
qu'elle fe trouve faire partie des ordres folide,
moyen & délicat : rien enfin de û bien afforti que
ces deux Arts, & tout jufqu'à la main - d'oeuvre
même , iemble laiiTer voir au fpe&ateur que Man-
fard a conduit la main de l'Artiite & de l'Artifan ;
tant on eft furpris de l'accord qu'on voit régner
dans cette ordonnance, ainii que dans toute l'éten*
due de cette façade.
Avant d'examiner les différentes parties defavant^
corps exprimé fur cette planche, & dans le deifein
d'engager les jeunes Artiftes , déjà inftruits, d'aller
£ Maifons fe pénétrer des beautés que leur offre
cette production, difons ici un mot de l'enfemble
de ce Château, n'ayant pas eu encore occafioft
d'en parler dans l'Architeirure Françoife,
Il eft élevé fur une terraffe, près de la rivière de
Seine, à quatre lieues de Paris; il fut bâti vers 1657
pour le Préfident de Maifons, homme de goût, qui
Javoit aprécier les talents fupérieurs dç Manfardj
auffi le laiiTa-t-il le maître abfolu de la difpofitio«
& de la dépenfe qu'il convenoit de faire pour éle^
Yfç im édificç dignç du, ßecle/ dç Louis Xï.Y-^
-ocr page 193-
d'Architecture;             87
& de la réputation de ce grand Architecte. Rien
de ii majeftueux que les iflues de ce Château:
de grandes avenues , plantées d'arbres, aboutif-
fent à des pavillons , traités chacun dans un
goût propre à leur deftination particuliere ; on
remarque enfuite une avant-cour fpacieufe', à la
gauche de laquelle eil élevé un corps de bâtiment
magnifique: dans l'intérieur de ce corps, fe trouvent
diftribués les écuries, un manège couvert, un
abreuvoir, & généralement toutes les dépendances
du reiïbrt d'un pareil bâtiment. Sur la droite de
cette avant-cour, on a commencé une autre
corps de bâtiment femblable ; il étoit deftiné à con*
tenir, les cuiiines, & devoir, par fa dimeniion &
par fon ordonnance extérieure, fymétrifer avec
celui qui lui eft oppofé. Cette belle avant-cour
donne entrée à la cour du Château ; celle-ci eft;
entourée de fofles couronnés d'une baluftrade fer-
vant d'appui à une terrafle qui mené a des vefti-
bules placés dans les deux pavillons qui termi-
nent cette façade du côté de la cour. Ce Château,
eft Îimple dans fa profondeur ; un très-beau vefti-
bule donne entrée aux appartements diftribués de
droite St de gauche, auffi bien qu'à un grand efca-
lier fort orné qui monte au premier étage, où fe
voient de grands appartements , richement meu*
blés , & fur les cheminées defquels on remarque
d'excellents bas-reliefs, & quelques bons tableaux.
Au refte, il ne faut pas S'attendre à trouver cer-
taines commodités dans ces appartements, ni la
fymétrie dont nous femblons fi jaloux aujourd'hui,
& dont nos Archite&es n'ont fu tirer parti que
depuis Manfard : mais du moins y remarque-t-on
de la grandeur, & cette noblefte impofante , pré-
férable fans doute au faite que nous étalons dans
F iv ,
-ocr page 194-
8$                          Cours
l'intérieur de nos demeures acÎuelles.. Ce rie "font
donc pas les dedans de ce Château qui nous font
jnyiter nos Elevés d'aller ii {cuvent le viiiter ; c'eil
l'enfemble des dehors, c'erl l'ordonnance des faça-
des , c'eil cet accord dont nous venons de parler,
plus haut ; c'eil enfin ce charme fecret que les
hommes éclairés éprouvent à ion aipeft ; charme
qu'on ne fauro.it définir, mais qui n'échapa point
au goût éclairé de Sa Majeité. Avant d'ordon-r
nçr la conilru£lion de Bellevue, Elle alla , il y
a plufieurs années , vifiter ce Château , dans
le deiïein de l'acquérir; Elle fut fj frappée des
beautés extérieures de cet édifice , que pré·»
voyant qu'on ne pouvoit rendre les dedans plus
commodes , fans altérer la beauté des dehors, ce
grand Prince préféra de renoncer à cette acquit
fiticn, dans l'intention très-louable de conferver
cç chef-d'œuvre à ,1a poilérité, tel que Manfard
l'avoit fu produire. Puiffe cette marque d'eili-
me de ce Monarque , pour les, productions des
Peaux-Arts , & particulièrement pour celles de·
l'Architeclure, exciter l'émulation de nos Elevés,
afin démériter un jour de tels applaudifTements {
Revenons à l'examen de l'avant-corps que nous
donnons ici.
                ,;,,<, ,                          ;v'<
Certainement tout η eil pas à imiter dans fort
ordonnance , mais il eil compofé dç maniere à
n'y, pouvoir rien changer ; vouloir en retrancher,
les parties les moins heurçufes pour y en fubili-
tuer de plus régulières , ce feroit en altérer 1$
fublimité , & ce cara&ere d'originalité qu'il n'ap-
partenoit qu'à Manfard de donner à fes produ-.
£lions : pour preuve de ce que nous avançons,
riQiis rapporterons que,lorfque Sa Majeflé fe fut,
tranfportée au Château de Maifons, Μ. tylsmfavû
-ocr page 195-
d'Architecture.              $9
d'aujourd'hui (g ) propofa pluiieurs ckangements
dans les façades de cet édifice , à deiTein de ren-
dre les dedans plus habitables : cet Archite&e a
bien voulu nous communiquer fes projets ; nous
allons en-rendre compte à nos Le&eurs.
Au-lieu de la porte à plate-bande qui fe remar-
que au rez-de-chauffée , il propofoit une arcade
plein-cintre : il détruifoit les pilaihes qui 1'avoifi-
nent, & qui fembîent, fur-tout celui d'angle, n'a-
voir aucune direction avec celui de l'ordre de
deffus , & plaçoit des colonnes à plomb de toutes
celles qui préiident dans cet avant-corps , en forte
que le grand entrecolonnement avoit cinq méto*
pes, & ceux des côtés feulement chacun trois ; il
remontoit le fol du veitibule ? pour éviter, d'une
part, les fept marches qui s'y remarquent de
droite & de gauche, & de l'autre, pour détruire
la hauteur exceiïive du piédeftal de l'ordre Dori-
que , élevé fur une très-grande retraite. A la place
il ne mettent qu'un' premier focle, élevé fur un
fécond qui portoit fur le cordon du foifé : au-
deffus de l'entablement Dorique » il pratiquoit une
baluilrade peut-être plus intéreiïante que les deux
focles qu'on apperçôit ici. Pour détruire le mur
qui porte le comble attenant l'ordre Corinthien,
il çontinuoit ce dernier dans toute la largeur de
l'avanNcorps ; par là il prétendoit donner plus de
dignité à cet ordre qui femble pénétrer le comble.
„ Au premier coup-d'œuil cçs changements paroif
fent heurçux ; mais il n'en eit pas moins vrai que cet
(g) Nous avons encore deux*frères de ce noir» , fils de
Hardouin Manfard, neveux du grand Manfard , qui a bâti Mai-
fons; c'eft M. Manfard dont nous parlons ici, qui a bâti la Pa-
roifle de S. Louis dans le Parc-aux Cerfs à Verfailles; c'eft fon
frac qui bâtit actuellement le portail de l'Eglife Saint-Euftache.
-ocr page 196-
5>o                           Cours
avant-corps perd fon effet pyramidal, 5ε le mou-
vement très-intéreiFant que François Manfard a fu
mettre dans les plans de ces trois étages qui, quoi-
que moins réguliers en apparence , apportent bien
moins de monotonie dans l'ordonnance : incertains
préceptes de l'Art y manquent, ils décèlent dis
moins les reiïources dont l'Architede était capable,
pour offrir au fpe&ateur ce que le génie peut pro-
duire, guidé par le goût & l'expérience d'un grand
Maître : à quoi nous ajouterons que ce qui achève
de répandre le preftige fur cette production , c'eft
la maniere fûre qu'on remarque dans l'exécution 9
dans l'apareil, dans, le ragrément ; enfin dans le
choix des ornements, qui, tant que cet édifice reliera
fur pied, aura de quoi étonner l'Architecte le mieux
infIrait. Nous dirons plus, les combles qui réuffif-
fent rarement dans nos édifices, font ici un effet
admirable ; & quoique d'une fort grande hauteur,
ils femblent cependant, par leur rapport avec le
bâtiment, ne pouvoir être baiffés ni plus élevés,
M. Manfard avoit auflî propofé, dans les arrière-
corps qui fervent d'accotement à cette partie prin-
cipale du Château , de placer trois croifées au-lieu
de deux qui s'y remarquent : premièrement pour
effacer le trumeau qui fépare ces dernières ; fecon-
dement pour rendre les dedans moins obfcurs : il
avoit auffi tenté de détruire le trumeau placé au
milieu des deux pavillons qui terminent cette faça-
de ; & pour cela il nren avoit percé qu'un dans
fon axe ; d'où il eil arrivé que pout anéantir ce
défaut, il efl tombé dans un autre ; tel par exem-
ple , que de rendre l«s angles de fes pavillons,
trop coniidérables, pendant qu'au contraire, il
avoit rétréci de beaucoup les trumeaux des
arrière-corps, en y plaçant trois croifées au-
-ocr page 197-
d'Architecture.              91
Heu de deux. Il eit vrai que ces arrière - corps
& ces pavillons , confidérés Séparément, pré-
fentent un aflez bon effet ; mais on ne peut dif-
convenir que ces différents objets réunis, ne per-
dent beaucoup , & ne détruifent, pour ainfi dire,
la belle production de François Manfard, qui, li
elle ne peut être imitée entièrement à caufe de
quelques licences qui s'y remarquent, & faute de
la commodité des dedans , mérite du moins d'être
confervée avec tous fes défauts , parce que ce
font ceux d'un homme célèbre, & qu'à nos yeux
ces défauts font préférables, à beaucoup d'égards,
à ces prétendus chefs-d'œuvre de la plus grande
partie des Archite&es de nos jours.
Dans la planche fort exa&e que nous donnons
de cet avant - corps, nous n'avons fuprimé que
la lanterne placée au - deifus de l'extrémité fupé-
rieure du comble qui regne derriere le fronton.:
Si nous avions voulu tracer fur cette planche
cette lanterne, d'ailleurs peu intéreiTante , nous au-
rions été obligés de réduire trop coniidérablement
notre échelle , vu le format que nous avons choifi
pour, l'impreffion de ce Cours.
Avants corps du Château de Blois , du côté
de la Cour, élevé fur Us dcffins
de François Manfard.
Planche XIII.
Voici un autre chef-d'œuvre de François Man-
fard ; c'eit l'avant-corps du Château de Blois , du
coté de la cour, élevé environ vingt ans avant
celui de Maifons. Quoique cette ordonnance
foit, comme au Château de Maifons , Dorique *
ionique & Corinthienne, elle préfente, pour ainlî
-ocr page 198-
92                         Cours
dire, une toute autre compoikion : fon Archi-
tecture eil plus nombreufe ; elle a plus de mou-
vement , elle eit plus riche, plus compliquée, &
par là offre peut-être moins de fatisfaclion à Fœuil
du fpe&ateur éclairé. D'ailleurs c'eft la même
préciiion dans les ordres, la même perfection dans
les profils, le même choix dans les ornements ,
dans les matières , dans la main-d'œuvre ; en un-
mot, on y reconnoît la iliblimité que Manfard
favoit tranfmettre à toutes fes productions.
Nous penfons néanmoins , qu'il eût été intéreffant
que les ouvertures , en général, eufîént eu un peu
moins de grandeur : à la Vérité elles donnent à
ce Ghâteau un air d'habitation qui ne fe remarque
pas à celui de Maifons ; mais la capacité de les
ouvertures femble détruire la petiteiTe du diamètre
des ordres qui préiident dans cette ordonnance :
nous oibns le remarquer ici, ceit le défaut qu'on
peut reprocher, non-feulement à Manfard, mais
aux Architectes de fon temps; ils ont auffi. tous
furmonté les ordres les uns fur les autres, ce
qui donne à leurs comportions un cara&ere de
petiteiTe qui s'accorde difîcilement avec la gran-
deur des édifices, où ils fe trouvent employés ,
& avec le point de diftance d'où ils doivent être
apperçus. Qu'on fe rappelle les ordres du Vieux-
Louvre, parLefcot; du Palais des Tuileries, par
Delorme; du Luxembourg, par Debroffe s & l'on
fe convaincra de la vérité de cette remarque ; d'où
il arrive que nos jeunes Architectes, paiTant de
France en Italie , & remarquant le module de
Saint-Pierre à Rome, reviennent, étonnés de cette
production , apporter dans nos demeures les idées
çoloiTales qu'ils ont puifées dans ce monument
ikeré » fans fonger que chaque édifice doit avoie
-ocr page 199-
d'Architecture.            93
un genre particulier; & qu'il eft fur-tout,eiTencie|
dans les bâtiments d'habitation , de (Combiner la
grandeur que l'ordre doit avoir avec les parties qui
fe trouvent aiïujéties à la grandeur humaine , telles
que les portes, les croifées, leurs appuis , les efca*
liers, &c. puifqu'autrement on rifque d'allier enfem-
ble, une grandeur d'Architecture idéale , avec celle
qui doit avoir une proportion déterminée dans cer-
taines parties , eu égard au motif qui les fait élever.
Pour éviter de pareils inconvénients , nous l'a-
vons déjà dit, nous le répétons ? malgré l'autorité
des célèbres Architectes François que nous venons
de citer, qu'on ail: foin d'éviter la multiplicité
des ordres dans les différents étages d'un bâti-
ment , qu'on n'en place qu'un au premier étage,
& un foubaffement au rez-de-chauffée ; que dans
la néceiîité de trois étages , on élevé feulement
deux ordres l'un fur l'autre , au-deiTus du même
ioubaiTement ; ou , ce qui feroit encore plus con-
venable , qu'au lieu du deuxième ordre, on pré-
fère unattique, félon la deftination de l'édifice:
on fe rendra du moins là maître alors, fans faire
ufage d'un ordre coloffal, de le faire moins petit
que ne l'ont fait nos prédécefleurs ; & par là de
l'affortir à l'ouverture des portes & des croifées,
à la largeur des entrecolonnements , à celle des
trumeaux , aux baluilrades, aux niches, &c. Au
reite, dans tous les cas , nous préférerions tou-
jours l'imitation des petits ordres employés par nos
grands Maîtres, aux prétendus grands ordres que la
plupart de nos jeunes Architectes fe plaifent aujour-
d'hui à employer dans des bâtiments d'une médiocre
étendue : productions quifouvent ne montrent que
dé vains efforts, qui anéantiflent le refte de la
décoration dans ce qu'elle doit montrer de plus
\
-ocr page 200-
94                         Cours
jrelatif aux intentions des propriétaires : de nia*
niere que ce qui devroit déterminer le ilyle de
l'ordonnance , établir les grandeurs , fixer les rap-
ports ? ne femble devenir au contraire, que Tac-
ceffoire ; car la grandeur de Tordre anéantit la
relation qui devroit fe rencontrer entre les entre-
colonnements & les principaux membres qui en
doivent occuper l'efpace : difparité qui n'arrive-
roit pas, fi , à Vexemple de nos véritables Archi-
tectes , Tordre & Tes principaux membres paroif-
foient appartenir au même module ; par ce moyen
Ton remédieroit également, dans les bâtiments dont
il s'agit, & à Tinconféquence des ordres coloflaux 9
& à celle d'employer des ordres d'un trop petit
module. Mais abandonnons ces remarques utiles,
pour examiner avec attention les différentes par-
ties dont eft compofé cet avant-corps.
En général on doit trouver les entrecolonne-
ments un peu larges ; défaut occafionné par le peu
de hauteur des ordres, & par la largeur des ouver-
tures. Dans ce grand avant-corps qui embrafle
trois étages, il s'en trouve compris un autre qui
n'eft compofé que de Tordre Dorique & de Tordre
Ionique. Ce dernier eft couronné d'un fronton
triangulaire, & celui-ci furmonté de deux figures
aflifes : fans doute Manfard n'a pas voulu porter
ce couronnement fur le troifieme ordre, dans la
crainte de rendre le premier avant-corps trop
étroit pour fa hauteur ; mais il n'en eft pas moins
vrai que ce fronton, fixé aux deux tiers de cette
façade, interrompt l'unité qui devroit régner dans
toute l'ordonnance, & que la mafTe fe trouve dé-
mentie par la divifion des principales parties qui
la compofent ; d'ailleurs on ne fauroit applaudir
À la corniche circulaire qui regne fur ce troifieme
-ocr page 201-
d'Architecture.             95
©rdre, cette corniche étant fort au - deiTous des
idées fublimes de Manfard : tant il eil vrai qu'il
échappe aux plus grands hommes des imperfections
qui ne font pardonnables, que parce qu'ils favent
les racheter par des beautés qui les effacent pour
ainii dire : c'eil ce qui n'arrive point, ou que rare-
ment aux Architectes fubalternes ; preique tou-
jours , faute des connoiffances des vraies beautés
de l'Art, ils imitent de leurs prédéceffeurs ce qu'il
y a de moins eilimable dans leurs ouvrages. D'ail-
leurs cette corniche circulaire eil d'autant moins
heureufe ici, que l'édition qu'elle contient eft
d'un deffin lourd & pefant, & que par la fiïppref-
iionde l'une & de l'autre, il feroit réfulté un enta-
blement continu qui auroit pu être beaucoup mieux
îerminé par une baluilrade.
On devra auiîî trouver la hauteur des combles
îrop coniidérable : nous avons remarqué, deuxième
volume, page 246, que les toitures nous paroif-
foient devoir caraftérifer les châteaux; nous per-
siflons à être de cet avis : mais il s'en faut bien que
nous approuvions que leur hauteur furpaffe jamais
le tiers du bâtiment, comme cela fe voit ici ; ou
ce qui eil pire encore, la hauteur de l'édifice,
comme on le remarque à l'ancien Château de
Meudon. Celles du Château de Maifons du moins,
quoique fort élevées , nous paroiffent dans un
rapport bien plus fatisfaifant avec la hauteur des
façades , ainii qu'on le peut obferver dans la
planche précédente.
Malgré ces remarques impartiales, nous répé-
terons que tout l'enfemble de ce deiîin annonce la
compofition d'un grand Maître , que la Sculpture
en eil fupérieure, & les profils excellents , ain#
que tous ceux que cet Archite&e célèbre a em-
-ocr page 202-
y
$6                      Cours
ployés dans fes bâtiments , comme noua faveiîif
déjà remarqué , deuxième volume 9 pages 138 &
139 , planches LXVI & LXVII, en rapportant
les corniches du veftibule du Château de Maifons*
& du grand efcalier de celui dont nous parlons*
Nous obferverons encore , qu'ici comme à Mai--
fons, on trouve la même préciiion dans l'appareil,
la même correction dans la main-d'œuvre, le même
goût dans la Sculpture ; que l'ordre Dorique eil
auiîi accouplé de même, c'eil-à-dire , que pour
éviter la pénétration des bafes & des chapiteaux que
Manfard avoit employés au portail des Minimes &
aux bâtiments des écuries du Château de Maifons *
il a préféré de faire ici barlongs fur les extrémités,
les métopes de fa frife, & les angles de fes avant-
corps , ainfi que DebroiTe en a ufé au Palais du
Luxembourg & au portail de Saint-Gervais. Pour
fe décider fur l'un des deux partis employés par
ces deux Maîtres, voyez ce que nous avons
enfeigné à cet égard, en traitant, dans le deuxième
volume de ce Cours , de l'ordre Dorique ; nous
y avons auffi rapporté les différentes opinions-de
Libéral Bruant, & de Louis Le Veau, touchant
l'accouplement des colonnes.
■ Après avoir parlé des avant-corps des deux
Châteaux les plus célèbres, relativement à l'Arche
te&ure , n'ayant pu comprendre dans ce volume*
ni le Château de Verfailles, ni ceux de Marly , de
Clagny , du Rincy , & tant d'autres ouvrages
importants, nous allons rapporter feulement les
avant-corps du Château d'Iiïi & du Château de
Montmorenci, qui, quoique tous deux d'une claiïe
inférieure , n'en méritent pas moins d'être exami-
nés avec foin , afin que par la comparaison|qu'on
en pourra faire avec les précédents, on s'accoutume
à faifir
-ocr page 203-
b'Arghitec tuftE,              φ?
à faifir l'opinion des divers Architectes» afin de
pouvoir, dans la fuite , donner à chaque édifice
4e caractère le plus convenable, d'après les obfer-*·
varions que pourront fournir à nos Elevés les dif-
enflions dans lefquelles nous entrons a cet égard*
rant-c'orps du Château d'IJfi , du coté de la
Cour*élevé fur tes deffins de Pierre Bulleu
'
U?' $ΗΜίίί' λ^ '■ ":;^-'*fïîiVn 1'"·". ' ■              ià't'j: i-vf«,-. .·:. ; ·.
Planche XI V*
tiw, à ,;- a. ^ a*. | ■■ j^> .. / ί. (■ g | λ/* t. ■_ ï ; j --.                             ■ *7 î ; ' · ; ; ■ , ν ο .;■ $ .. ;;γ y
Cet avant-corps nous offre une féconde prodn-
,Öion74je Bullet,dont on trouve les principales
MefureV, deuxième volume de ce Cours ] page
182 » planche LX30CÎV. Avant d'entrer en riia-
jtiere* il eil bori'aufïi de fe rappeler » à propos
)3è ce Château, ce que nous avons dit dans ce Volu-
me , Chapitre II JLv Page 37 > des bâtiments corn»
pofés feulement d'un rez,-de-chauffée", &furniontés
d'un attique*. , V'" [, ry,",«* . . ..·._' -Γ
..." Peut-être cet avant ~ corps eft - il l'exemple où
l;ftaje attiqtie fe trouve employé avec le plus de
fuççè&s aufli réuiiira-t-iLprefque toujours, lorf-
0$i%ne s'agira que d'un petit bâtiment, dont le
rez - de - .chauffée fe trouvera deviné à l'appar-
tejnent du Maître..&.-,de fa fociétéj. le premier:
étage feulement à contenir quelques logements
pour, les» peribnnès de dehors. Au relie , nous
&rvsns déjà obfervé ailleurs, Bullet a augmenté
de beaucoup la hauteur ordinairement prefcrite à
cet attique ;'mais il l'a préféré tel, parce qu'il
Indique l'infériorité que cet étage doit avoir par
rapport à fa deftination, & relativement à l'ordre
jDprique fur lequel il fe trouve élevé. D'ailleurs
Tom&UL
                                    G
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98                 Cours
il eft bon de remarquer que cet habile Architecte
s'eft bien gardé de placer une croifée dans Ventre*
pilaftre de cet étage fubalterne ; il a fans doute
prévu que les pieds-droits de cette croifée por-
teroient à faux fur Ventrecolonnement de deifous ι
ainfi qu'on le remarque au Château de Champ ,
par M. Chamblin; à Châtillon, par M. Le Blond ^
à l'Hôtel de Noailles dans Saint-Germain-en-Laye,
par Hardouin Manfard, & ailleurs. Il eft vrai que
cette ouverture, dans cet ayant-corps, femble un
peu large pour fa hauteur ; mais il a dû préférer,
du moins nous le penfons ainfi., cette légere licence
au porte-à-faux qu'on remarque dans les autres
exemples que nous venons de citer. Pour fe rendre
compte du procédé de Bullet, à l'égard de l'attique
dont nous parlons, nous ferons obfervèr qu'il
lui a donné de hauteur les trois quarts de l'ordre
de deffous, δε que le même attaque, du coté des
jardins de ce Château, fe trouve avoir la pTdpor-
tion d'un ordre régulier, comparé avec le Dorique
fur lequel il eft élevé , Bullet ayant furmontè ce
Dorique fur utt piédeftal, & l'ayant feulement cou-
ronné d'une corniche architravée. C*eft un exem-
ple qu'il ne faut pas imiter : un grand Maître peut
tout ofer, lorfqu'il veut varier fes productions, eu
égard au plus ou moins d'importance qu'elles doi-
vent avoir; mais il eft toujours dangereux d'ex^-
pofer ces licences aux regards des hommes fans '
doctrine ; cette raifon nous a fait préférer l'avant-
corps tracé fur eetteplanche , à celui du côté du
jardin de ce Château, en faveur des moyens ingé-
nieux dont s'eft fervi cet Architecte, pour donner
à cet attique un air de dignité qu'il n'a pas com-
munément.
              h-';                                     }
A propos dé cet avânt-corps, nous inviton* nè$
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d'Architecture, .9$
Elevés à fe tranfporter à ce Château, fitué fur la
croupe d'un coteau très-agréable, & à une lieue
de Paris. Il fut bâti pour Madame la PrinçeiTe »
deuxième Douairière de Conti, qui, voulant fe
retirer du tumulte de la Cour, choiiit ce lieu, &
Bullet pour en donner les deifins. Le Nautre en
a fait les jardins, ils font charmants ; & quoiqu'ils
foient diAribués dans un terrein irrégulier & trèsr
montueux, cet habile homme en a fu faire un,
chef-d'œuvre.
                                                  rv
Ce bâtiment n'a guère que quatorze toifes dô
face fur environ dix de profondeur ; mais il ne lahTe
pas de contenir à rez-de-chauffee, un joli veiti-
bule, une falle à manger, un fort beau fallon,
deux appartements d'habitation, enfin un efcalier
pour monter à Tattique, qui contient deux loge*
ments affez complets : le fallon du rez-de-chauiTée
eil un chef-d'œuvre d'Architecture & de Sculpture ;
fon ordonnance eft du meilleur ftyle, & il ne
pêche que par trop peu d'élévation, ce qui n'efl:
pas un petit défaut. On trouvera cette décoration
intéreffante & fes développements, ainii que les
plans, les coupes & les élévations de ce Château,
dans le iixieme volume du Recœuil de l'Archite-
cture Françoife (g). 11 s'en faut bien que les dépen-
■■"■'          ψ « ■ < """ ■.." . . ■—' "- » !■ m· nun. m ι         ι im. ι . , ■ ii ι ι ι                        .           
( g ) Nous diftinguons ici le Recœuil de l'Architecture Fran*
çoife , d'avec l'Architecture Françoife proprement dite. Ltfpre-
mier dont bous parlens , contient feulement les planches de nos
bâtiments François en huit volumes, que feu M. Mariette a voit
fait graver, & qui fe vendent féparément cahier par cahier, con-
tenant chacun une Maifon Royale, un Château , un Hôtel, &c.
chez M. Jombert, Libraire, qui en a fait 1 acquifition. Au-lieu
que l'ArchiteclureFrançoife, comme nous l'entendons, feraauffi
de huit volumes, dont quatre feulement font au jour depuis long-
temps, & contiennent chacun non-feulement un beaucoup plue
Gij
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"ïÖO                            COU RS
dahces de ce Château répondent à'fa magnificence:
nous difons magnificence, car on peut appeler
telle ,fnoh-feiilement la riçheiTe des dedans, mais
les ordres quilèmbélliiTerit l'ordonnance extérieure
de ce bâtiment ■'+ & qui conviennent àifez bien
ici % quöiqivappliqués à des façades de peu d'é-
tendue.: Bullet fentit en grand homme , que cet
édifice étant dëitinéàla réiidence d'une 'Princeffe
du Sang-,- devoit, quoiqu'il fût en lui-même
peu confidérable, s'annoncer, dès-les dehors-,
tout autrement que la imaifon d'un riche par-
ticulier ; que pour cela les ordres dévoient
^ntrerpour quelque choie dans fâ compofition.
Mais il s'eil bien gardé d'y ' employer un
ordre coloriai, ou deux ordres "réguliers l'un fur
l'autre; il s'èil contenté d'un Dorique■'*& d'un
attique, dans le defiein d'éviter également, &
l'application d'un grand ordre, & l'ufage trop com-
mun, de deux petits, qui fouverit font monoto-
nie:, plutôt que beauté.'Nous öbferverons encore,
qu'il nV placé ibni ordre &ibnattique, que dans
les avant-coVps de lés deux faces principales jqiril
a eu foin de ne les point faire paroître dans lès
arrière - corps & dans les. façades latérales où il ".'
s'eil contenté de continuer.l'entablement fupérieur^
le plancher du premier étage n'étant annoncé en
tlëho rs, que ρ af lin plinthe qui Tegfië:" kiïm dans
les retours. 11 n'y a que l'avant-corps; du côté de
la cour qui ait un entablement régulier fur le Do-
rique , tandis , comme nous l'avons déjà obfervé,
grand nombre d'édifices que les précédents , mais font accom- >
pagnes de Defcripcions !Hiftoriques & d'ObfeVvations que nous
pous fommes chargés d'y faire ?j qui en expliquent lesbeautés,
& font fencir les licences qui fç font gliiïees dans quelques-uns,*
-ocr page 207-
d'Arc.hite g τ ν R ε· f iof
qu'il n'a placé qu'une.corniche architravée fur celui
du côté du jardin ; on pourroit faire quelque, re-
proche à Bullet d'avoir .couronné ainfi μη ordre
grave, pendant qu'on aperçoit un entablement
complet fur les pilaftres „attiques, ce qui doit
s éviter avec loin.
Nous remarquerons encore , que Bullet a cou-
ronné cet édifice d'une baluftrade , derriere la^
quelle s'élève un comble à la manfarde. Ce com-,
ble donne un caraclene de Château à ce bâtiment -
tandis que la baluftrade lui donne cejui d'une mai-
fon de plaifance : de maniere que- ce cîoubî'e emploi
préfente ce couronnement fous un caractère mixte »
qu'il feroit plus intéreffant qu'on ne s'imagine,
d'éviter dansl'ordonnancede nos bâtiments éïevés
pour dès fins différentes. D'ailleurs on doit oi?£er-
ver que les baluftrades éleyées ici au pied des
combles fe détruifent en peu cfannées, ainii qu'on,
n'a que trop d'occàfion de le remarquer âu^Lu*
xembourg & ailleurs. Peut-être aunt feroit-il bieix
de ne jamais imiter les tables placées ici entre-lest
archivoltes des arcades qui régnent au pourtour
de ce, bâtiment ; enfin les pieds-droits fur, tefqueîs
reiïautent les jä^^^'^^^^^^^a^^| des
appuis dès croifées du rez-de-chaufrée, la forme
bombée de celles du premier étage, &:lesbiiûes
placés dans ï'avant-cotps/, font autant; de mem-
bres puérils qui ne peuvent figurer raifoiinablement
ayee la préfence dés ordres , dans quelque déco,*
ration que ce punie être. .             fa5*S ? -y Si
-ocr page 208-
10*                        COtlRJ
Avant-corps du Chqteau de Montmorenci:>
élevé fur Us dejjîns de M. Cartaud,
Planche XV,
Uavant-corps que nous donnons ici feit partie
cTun bâtiment de près de vingt-cinq toifes de face:
il eft double dans fa profondeur , & Tune des
produ&ions de feu M. Cartaud, Archite&e du
Roi, qui entr'autres édifices de réputation a.bâti
à Paris le portail des Barnabites, celui des Petits-
Peres , & la majeure partie de l'Eglife de ce Mo-
nailere , la maifon de M. Janvty, rue de Varenne »
&c. Cet habile Archite&e de notre temps , étoit
fort févere dans f enfemble de fes compofitions ;
aufli tous fes ouvrages font-ils marqués au coin
de la grandeur, de la nobléffe & de la fimplicité.
Avant de parler de l'ordonnance de l'avant· corps
tracé fur cette planche, difons un mot de la dif-
pofition générale de ce Château & de fes dépen-
dances.
Ce Château bâti en 1708 (h) , n'eft éloigné
et Paris que de quatre lieues; & il eft fitué de
( h ) La plus grande partie du terrein od il eft bâti â fut ac-
quife, en 1701 par M. Pierre Croizat, Ecuyer, des héritiers de
Charles Le Brun , Peintre célèbre, qui, de ion vivant, y fit
faire le bâtiment qu'on nomme aujourd'hui le petit Château,
ainfi que les jardins qui Tout en Face, & qui comprennent la caf-
cade , la grotte & la plus grande partie du jardinage qui l'envi-
ronne. M. Croizat, après avoir acheté pluueuis terreins voifins
& les avoir réunis à celui de Le Brun, y fit planter le parc
qu'on voit aujourd'hui, contenant près de quarante arpents ,
8ε élever le Château dont nous parlons. Cette belle maifon
appartient aujourd'hui à M. le Duc de Ghoifeul 9 qui l'a eédét
à vie à M, & Madame de Lusembourg.
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d'Architecture.           103
maniere, que de fesappartementsàrez-dechauffée,
on jouît d'une vue qui η a guère de rivale aux en,
virons de cette Capitale , que celle du Château
de Meudon: en effet, quels beaux dehors ! quelle
fertilité frappe les yeux de toute parts dans les
campagnes voifmes de Montmorenci ! tout, jus-
qu'aux terraffes baffes des jardins de ce Château»
femble fe réunir avec les environs. Ici l'art paroit
fous le voile de la retenue ; là l'agriculture eft riante
& parée ; des vallées affez profondes font rache-
tées par des pentes infenfibles : plus loin on ^remar-
que des montagnes peu eicarpées, des marions de
campagne qui montrent à découvert leurs jardins
de propreté ; on apperçoit un lac d'eau vive, des
arbres fruitiers difperfés par le cultivateur avec
un beau défordre. La rivière de Seine, qui fer-
pente non loin des murs du Château; des Villa-
ges, des Hameaux & des Villes , forment autant
d'objets qui femblent fe difputer l'avantage de
s'offrir aux regards des Etrangers, attirés par le
goût & l'urbanité des propriétaires.
Que de génie ne remarque-t-on pas dans la
diilribution des terraffes hautes & des eaux jaillit
fontes qui les embelliffent. Avec quel art Le Brun
n'a*· t.-il pas fu vaincre le fol montueux du ter-
tein ! quel beau couvert î quelle agréable fraîcheut
effre cette promenade, qui, par le fpeaacle fédiu-
fant quelle préfente, femble dédommager l'ama4
teur dé la peine qu'il a prife de la parcourir! On
eft pareillement flatté de Theureufe difpofition du
intiment de l'Orangerie, exécutée fur les deflins
dOpenort, ainfi que du petit Château que Le Brun
avoir fait bâtir près de cette Orangerie , en face
d?une grotte , anciennement le plus beau lieu du
monde. Au-deffus de cette grotte & un peu plut
-ocr page 210-
104           *' 'i .1 C ou r s -
loin , on remarque un belveder amphithéâtraîemenf
iitué , & qui, appeççu du bas de ces jardins,
attire à lui TÂrriateur de-la nature & de l'art.
Telle eft fans doute l'idée. qu'on devra prendre de
cette promenade : idée d'autant plus facile à faiiir,
que le faite ne s'y rencontre nulle part; toutes
les beautés qu'on y remarque font traitées d'une
maniere firnple & naïve, qui la met peut-être
aüïdeiTus des vignes fi vantées des environs de
Rome ; le tilleul, la charmille & formille chez
nous, étant plus dociles a l'induitrie du Jardinier ,
que le laurier, le chêne - vert & le pin qui parent
les jardins d'Italie.
                            ; t π 7
L'entrée principale de ce Château , fémblable
à celle du Château de Saint-Cloud, fe trouve fur
le coté; on y voit une avant-cour qui conduit $
une cour d'honneur, ornée dé tapis verts? & en-*
tourle de palMades , genre,' 4e décoration qui
caraâtérife très-bien une habitation à la campagne,
jy§ cette principale cour on entre dans un veâi-r
faule,'auquelfuccède-unTalion à l'Italienne, revêtu
d\m ordre d'Arehiteéture : au-defiuç de rentable«
ment de cet ordre fe remarquent des öaryatidesen
guaîne qui foutiennent une calotte où Lafoue a
peint la chiite de Phaéton. A gauche de ce ialloh:
fe remarque un appartement à rez-de-chauuee:^
& une Chapelle au premier étage, laquelle mérite*
l'attention des. Connojffeurs, - %,.'·„ !îs*:sd zaû
La décoration extérieure de ce Château;· eft
eompofée en général dïm grand ordre Corinthien*
Pilailre, qui embraffe dçux étages ; cet ordre eil
élevé fur un piédeital, qui aa^ de hauteur pour
comprendre des ouvertures qui éclairent les fou-,
ferreins dans lefquels font placés les cuiiinesSe les
$pçes,«'M, CattajAd jjj| çQuronnéjia^un^.ç^rin^^
-ocr page 211-
D ' A RC Ιϊ Ι Τ E C Τ U RE.             IOJ
architravée : licence qu'il s'eft cru permife dans
l'ordonnance d'un Château de l'efpècede celui dont
nous parlons ; mais qui par-tout ailleurs ne doit
pas être imitée,
         ; :                    c ,;
L?avant-corps, du côté du jardin ? efl de forme
elliptique, tandis qu'un autre avant-corps à pans
coupés orne la façade du côté de l'entrée. On
trouvera peut-être cçlui-ci trop peu confidérable
pour rétendue du bâtiment, tandis que Fauttè
paroîtra avoir le défaut contraire ; difparité que
î'Archite&e a cru devoir mettre en oeuvre, fans
doute pour prociirer plus de variété à la décora-
tion extérieure de ce Château : exemple néanmoins
dont il ne faut jamais méfufer, les rapports des
parties au tout & du tout aux parties, devant
être le premier objet des méditations d'un Archi-
tecte. Une baluitrade, peut-être trop baife * cou-
ronne ce bâtiment & en mafque les combles, a
l'exception de celui qui eil placé fur cet ayanfrcorps,
mais qui paroît trop peu élevé pour faire beauté
d'enfemble, ou trop exhauiTé * fi l'intention de
TArchitecie étoit qu'il ne fût pas apperçu.
Nous invitons nos Elevés a faire le parallele de
l'avant-corps de ce Château, avec celui du précé-
dent ; par là ils apprendront à concevoir comment
deux hommes de mérite font parvenus à fe reifém-
bler ii peu dans l'ordonnance de deux bâtimens à-
peu-près de même genre. Notre intention n'eil pas
de prononcer fur la préférence qu'on peut donner
à l'une de ces productions fur l'autre λ nous remar-
querons feulement que Bullet s en bâtiflant urt
Château très-peu çonfidérabje., quoiquelevé pour
unelgrande Princefle, a cru néanmoins ne devoit*
employer qu'un ordre & un attique dans l'ordon-
nance 4e ks façades ,· tandis que. M. Çartaud?
-ocr page 212-
ïo6                   C o ν R s
en élevant feulement la demeure d'un particulier»
à employé un ordre dont le diamètre pourroit
figurer dans les frontifpices de nos Temples, ou
faire partie de l'ordonnance de nos édifices publics:
d'oii il refaite qu'on remarque, dans cet avant-corps
des pieds-droits, dés importes, des archivoltes, δε
nous allions prefque dire des ouvertures, qui n*ont
aucune connexité avec la grandeur de Tordre. C'eir,
n'en doutons point, par ces diverfes comparaifons
des édifices de même genre, & cependant d'un ftyle
bien différent, qu'on peut parvenir à réfléchir fur
le meilleur choix qu'on doit faire d'une ordonnan-
ce qui puiffe afïigner un cara&ere convenable à
chaque efpèce de production. PaiTons à préfent à
l'examen de plufieurs avant-corps, faifant partie
de quelques uns de nos beaux Hotels à PariSè
Dm la décorât ion des Avant-
; corps des Hôtels de Soubise, de
Carnavalet > de No ailles et de
l'ancien Hôtel d'Evreux.
Avant - corps de l'Hôtel de Soubife, du côté
de la Cour, élevé fur les dejjîns
de M. de Lamaire.
Planche X V ï.
Cet Hôtel, un de ceux à Paris qui s'annoncent
le plus convenablement > a été embelli dans l'état
où on le voit aujourd'hui par M. de Lamaire 9
Architecle, qui a auiTi bâti l'Hôtel de Rohan, fitué
au fond du jardin de cette magnifique maifon d'ha-
bitation. Nous ne donnons ici de ce,t Hôtel que
-ocr page 213-
ρ'Architecture.            107
Γ avant-corps de la façade du côté de la cour,
façade confidérée ici comme latérale, eu égard à
l'étendue de ce bâtiment & à fes appartements
qui ont vue furie jardin. La cour qui donne entrée
à cet Hôtel, eft entourée d'une colonade, & la
décoration des dedans portée au plus haut degré
derichefle : enfemble général tjui mérite l'attention
des Amateurs, & l'examen de ceux de nos Elevés
qui font déjà éclairés : ces derniers , en y apperce-
vant plus d'un défaut, n'y apprendront pas moins
la difficulté de concilier enfemble les dedans avec
les dehors, & fur-tout à tirer parti des entraves
que donnent à l'Architecte, dans une reftauration
importante, les parties eflencielles d'un ancien
édifice, avec les additions fouvent confidérables
qu'il eft chargé d'y faire, foit pour le rendre plus
commode, foit pour le rendre plus agréable.
Qu'on y prenne garde, nous croyons devoir
fobferver en faveur des talents reconnus de M.
de Lamaire; c'eft aiïiirément de ces entraves que>
font nés les défauts que Ton remarque entre la
trop grande largeur de l'avant-corps que nous rap-
portons ici & fa hauteur ; ce qui fans doute l'a
auiîi déterminé à accoupler fes colonnes dans les
parties intermédiaires,, ainft que dans les angles :
accouplement forcé , qui, en procurant plus de
largeur à la mafte de cet avant-corps, donne un
air de monotonie à cette ordonnance, & lui ôte
tout ce qu'on avoit droit d'attendre d'une pareille
compofition. Nous l'avons déjà remarqué, la dif-
pofition des murs de refend dans la diftribution
intérieure du bâtiment, influe beaucoup fur la pro«
portion & la forme des principales parties des
façades ; quelquefois même des raifons de folidité
apportent des changements indifpenfables dans ces
-ocr page 214-
deux objets fi intéreiTants ; de maniere qu'il faut
beaucoup d'expérience , de jugement & de goût,
pour ofer déterminer laquelle des deux parties »
extérieure ou intérieure, on doit facrifier, afin de
fatisfaire à la folidité. Quoi qu'il ert foit, à l'exce-
ption d'une reftauration qui jamais ne doit être
jugée à la rigueur , e'efl toujours un très - grand
mal, fur-tout lorsqu'il s'agit de la décoration d'un
Palais, d'une maifon Royale ou d'un grand Hôtel >
d'expofer aux yeux des Spectateurs les vices de
l'Art , fous prétexte de n'avoir pu vaincre la
difficulté de la fymétrie dans les dedans, ou la
néceiîité de l'économie dans la bâtiffe.
Nous remarquerons encore , que la largeur de
cet avant-corps a procuré trop de baie au fronton;
peut-être que pour remédier à cet inconvénient»
il auroit fallu fixer ce fronton fur la féconde co-
lonne d'angle ", ce que M- de Lamaire n'a fans doute
pas voulu faire , parce que fes colonnes intermé-
diaires reitant accouplées , celles des extrémités,
iferoient devenues folitaires, comme Le Veau Fa
ofé faire à fon portique de Vincennes , qui ne
peut être une autorité.
Nous relèverons ici l'abus , félon nous, de con-
tinuer les importes entre les colonnes accouplées;
il femble devoir fufKre de les exprimer dans les
pieds-droits, par la néceffité-Ou ils font deporter les
archivoltes : par-tout ailleurs elles ne fervent qu'à
divifer mal-à-propps, & la hauteur de l'étage, &
la tige verticale des colonnes. Nous remarquerons
encore comme un abus, d'avoir préféré ici les
balcons de fer aux baluftrades qui autoient duêtïè
placées dans la hauteur des retraites-, qui portent
au premier étage lé deuxième ordre ; les balcons
.ne pQuyaftt trouver place raifpnnablemént; Φ^
-ocr page 215-
d'Archi te eure,           ' ic^
ttne façade où les ordres préiident. D^ilîeurs
î?emploi d'une baluitrade auroit corrigé la trop
grande hauteur des arcades Corinthiennes jqufe
Tufage du balcon rend intolérables, fur-tout lors-
qu'on vient à les comparer avec le raccöüreifle-
ment de celles placées à rez-de-chauiTée. ■■■' ;:
&«.£*>
Malgré ces remarques, peut-être1 trop légitime^, %
on doit applaudir au choix que M. dé La Maire a
fait de ces deux ordres^ lorfqtfayant voulu exprimer -
une Architecture légere, ila fil placer le Comporte *
fous le Corinthien, pendarit qu'à l'Eglife de La Méïr- ι
cy, ainh qu'au Vieux-Louvre , on remarque le Co-
rinthien qui fupporte le Gorhpoiîfe. Peut-être atï- -
rions nousdèfiré encore, que r'Architecle eût fup- Λ
primé les refends qui fe voient: fur les retours.de
cet avant-corps j ce genre '\ prefque ruftique , iie -
devant jamais-fe rencontrer oti les ordres Görih- ■»
thien & Compofite préfideri;&:;"~ '$$ înibcj κ fy '<
• Nous ne parlerons point des arrière-corps de ,-·■
cette façade , ni de la cölörinäderde la coüriije *
cet Hôtel y! nous ne pourrions que répéter ce que
nous en ^vcfris ait dans TÀrchitefture Françoife»,
& notre intention n'eft pas de nous copier iûi}il
Décoration de Γ un des .Payillgns y plaç% " αμχ *
v extrémités de la façade-dû t'Motel de Cornac
■'.valet
y ;dfcf côté de la :ru&·^ reflaüré fur, ks
dejji?is:d'e François Mahfàrd. '
; '«äraftei tfëi
Pi AN C HE XVII. ΤΓ-
Il ne faut pas s'attendre que la gravure^ de cei
avant-corps, ainii que du plus grand nombre de ceux
que nous Offrons dans ce volume, puiife rendre lé
mérite qui fe remarque dans les comportions de
ces ouvrages, la plupart, très-célebres; le defiit* .,,
-ocr page 216-
no                   Cours
Je mieux rendu ne peut guère exprimer ni le
choix des matières ni la beauté de l'appareil, ni
la perfection de la main-d'œuvre , ni l'art de profi-
ler, ni enfin l'excellence de la Sculpture, &c* autant
d'objets qui contribuent à faire valoir & à mettre
dans tout leur jour les rapports & les proportions
de la belle Architecture. Il eft vrai que malgré
la perfection de/chacune de ces parties coniidérées
â part, l'ordonnance n'en reliera pas moins mé-
diocre, il elle pêche par les principes fondamen»
-taux de l'Art; mais aufli on ne peut difcon venir
qu'elle en recevra plus d'éclat, ii tous ces accef-
fpires concourent à la mettre dans tout fon jour.
On peut le dire ici; ceft fans contredit ce con-
cours employé fi fupérieurement dans les ouvra-
ges de François Manfard, qui a fait de fes pro-
ductions autant de chefs-d'œuvre ; par exemple,
il n'y a point de comparaifon à faire entre le deffin
de Pavant-corps que rlous préfentons ici, quoi*
■jjfßaffez fidèlement gravé, & la fatisfa&ion qu'Ü
procure dans l'exécution à Tœuil.--.d'un Specta-
teur éclairé ; tout y paroît diftribué par une main
favante , on le contemple avec plaifir , & l'on
conçoit aifément, par cette reftauration, la capa-
cité de Γ Architecte, fon génie & fon expérience;
Cette vérité n'empêche pas néanmoins qu'on n'y
recdnnoiffe quelques légers défauts qu'il nous pa-
roît effenciel de dévoiler à nos.jEleyes; il faut fe
reffouvenir que cet ouvrage n'eft qu'une reftau-
ration ; mais comme elle eft d'un grand Maître,
les licences qui s'y remarquent, deviennent des
fautes heureufes, qu'il n'appartient qu'aux hommes
célèbres <ie rifquer ; au heu qu'on ne doit pas les tolé-
rer dans les productions de ceux qui ne peuvent
iû né favent racheter, comme ce grand Architecte,
t
-ocr page 217-
d'Architecture.           iii
îes licences qu'ils imitent fouvent, celles-ci étani
rarement détruites par des beautés d'enfemblë,
un cara&ere foutenu, δε cet efprit de convenance
qui fait le charme des composions des vrais Sa-
vants. Mais paffons à l'examen des parties qui
ornent ce pavillon.
Nous remarquerons que l'étage àrez-de-chauffée,
qui, par fa fimplické, porte le cara&ere d'un fou^
baffement, a encore beaucoup plus de hauteur que
celui de la planche précédente, du deffin de Bullet ,
qui n'avoit qu'un module de plus que l'étage fupé-
rieur; au-lieu qu® celui-ci en a quatre , ce qui
contribue à rendre l'Ionique beaucoup plus court
qu'à l'avant-corps du Palais Archiépifcopal de
Bourges : défaut qui provient de la hauteur des
anciens planchers auxquels Manfard a été obligé
de s'affujétir , pour conferver la façade origi-
nairement bâtie par Jacques Androuet du Cer-
ceau (i), où Jean Goujon (k) a fait les chefs-
d'œuvre qui s'y font admirer encore aujourd'hui,
(i) Jacques Androuet du Cerceau, né en France au com-
mencement du feizierne fiecle, a bâti en 1578 le Pont-Neuf à
Paris, fous le regne de Henri III j c'eft aufli fur les deflîns
de cet Architecte, aiTez célèbre pour fon temps, que furent
bâtis les Hôtels de Sully, de Mayenne & des Fermes géné-
rales. Il donna les deifins de la grande Gallerie que Henri IV
fit ajouter au Louvre, du côté de la rivière. Du Cerceau a aufli
imprimé plufîeurs ouvrages, tels que la Defcription des édifices
des anciens Romains j un Traité de Peripeétivej différents Mé-
moires fur l'Architeixure0
&c                          'h i.'
(fe) Jean Goujon, Parifien, célèbre Sculpteur, vivoit fous
le regne de François I,'& de Henri II. Il contribua beaucoup
à la gloire de Pierre Lefcotj c'eft de cet habile homme que
font les Sculptures de la^Fontaine des Saints-Innocents , les
Caryatides qui portent la tâfeune des Cent Suifles j falle connue
aujourd'hui au Vieux - Louvre fous le nom de Salle des Anti-
ques j les Sculptures de l'Hôtel de Carnavalet doue nous par·
Ions, &c*
                                                                          , .;
*
-ocr page 218-
iii                    C β ν RS
& dont on doit la confervltiön aux connouTancëSi
profondes de Manfard , qui a préféré de foumettrô
fon génie aux Ouvrages faits par fes prédécéiTeuts,
plutôt que d'en priver la poitérité ; ce qui, félon
frous, lui fait Un honneur infini (l).
L'avant-corps qui fe remarque ftir cet étage in-
férieur produit un aifez bel effet, niais les confoîes
placées fous fa corniche ne portent rien. Cette
corniche, d'ailleurs, fembléroit devoir être cou-
ronnée par un föele, de la même faillie que celui
#e l'avant^cotris; autrement ces deux étages ne
paroiffent-avoir aucune relation l'un avec îautre ί
on doit äüffi remarquer qu'à la vérité les confoîes
s'alignent avec Taxé des pilailrés fupériéurs , mais
queues lié fe trouvent pa's; placées att milieu des
parties "angulaires de cet avant-corps. C'eit pour»
quoi il mïroït peut-être été convenable de rétrécir
le cOntWchambranle , ce ^ui'äuröitmis la confole
'au milieu.: d?dù il feroit refaite"ιίή autre avantage ;
favoir que lés confoles aplaties qui foufiennent
l'af>pui de la croifée, feroient devenues parle retré-
cifférnent:dç ce contre-chambranle, moins larges
.& moins %pefantes : la croifée bombée de ce fou?
baffemént ; auroit peut - être mieux été à plates!
bandes. Maniard a peu fait uiage de cettefbrte
jd'oiivérture dans fes productions, δε nous ne foiji*
mes pas peu étpnnés de; la trouver ici ; celle du
premier étage nous paroît'préférable à tous égards ;
elle eft d'ailleurs d'une belle proportion, & fê
trouve renfermée dans ith' corps enfoncé qui la
coiîtienté: iNous .aurions fë^lernènt deiiré ;que Ce
(X) Voyez* dans le petit rvtarot, planche XXXV, ce qu'é-
toit aucieunemcnc cette ia.çade, élevée par du Cerceau.
célèbre
-ocr page 219-
»'Architecture.            îî£
célèbre Architecte n'eut pas affe&é , dans la partie
fupérieure de ce renfoncement, les deux cavités,
qui fe remarquent dans cette planche '. cavités,
nous oibns le dire $ qui font tout-à*fait de mau-
vais goût.
                          ;
Nous penfons encore, que vu la fimplickë qui
regne dans l'ordonnance de ce pavillon , où les
pilaftres font fans cannelures, & les chambran-
les fans moulures , il auroit peut - être été bien
d'éviter les refTauts pratiqués dans le fronton, &
d'y fupprimer la confole placée dans fon tympan *
parce qu'elle nous paroît donner un faux air de
prétention à ce couronnement. Nous ferions encore
d'avis de fupprimer le petit médaillon & les cornes
d'abondance , plus petites encore, qui fervent de
claveau à la crôifée de ce premier étage : fur le
fommier de celle d'en bas, on remarque un maf-
caron , genre d'ornement qui , quoiqu'un peu
Gothique > n'en manifêite pas moins fur le Heu la
fupériorité de Jean Goujeon, ainii que tous ceux
répandus dans les façades extérieures & intérieures
de cet Hôtel. Tous ces morceaux devroient être
jetés en moule, pour orner les atteliers de nos
Sculpteurs, & apprendre aux Elevés ce que peut
le cifeau d'un habile Maître, quand il veut rendre
l'expreiîion & la plus vraie & la plus idéale;
ils prouveraient du moins que la Sculpture peut
donner l'ame, & pour ainfi dire la vie à la pierre
& au marbre.
Tome IÎL                                    H
:\
-ocr page 220-
IÏ4                       Cours
,                                                                            ,· *V-.                    ■■■· ■ ' '.'-.'■                                    ■. #i ' J '■ ' -                          >' r - >
Avant-corps de la façade de l'Hôtel de NOaiUes,
- du côté du jardin, élevé fur les deffim
de M. l'Ajfurance
5 Architecte du Roù
Planche XVIII.
L'Hôtel auquel appartient cet avant-corps eil
peut-être un de ceux qui contiennent le plus de
logement; mais nous remarquerons que fa prin-
cipale cour paroît un peu petite , relativement a
la quantité & à la hauteur des bâtiments qui 1 en-
tourent ; ces bâtiments font compofés de deux
étages & d'un attique. Au reite , la diilnbution
des appartements de cet Hôtel eil ingémeufe, &
leur décoration d'un ftyle·, intéreflant. La. porte
d'entrée qui donne fur la rue Saint-Honore , eit
au'ffi d'un affez bon genre; elle eil du deiïin du
fieur Marot, qui avoit été FArchiteûe ■ de cet
Hôtel, anciennement appelé l'Hôtel de PuiTort :
dans la fuite cet édifice a été prefqu entièrement
rebâti par M. l'Afïurance, Architede du Roi. Nous
ne rapporterons des façades de cette belle demeure,
que l'avant-corps du côté du jardin; cet avant-
corps donnera fuffifamment à connoître le goût
de cet Architecte, qui, à l'imitation de fes con-
temporains , a employé autant d'ordres que d'éta-
ges ce qui a produit des colonnes & des pilaitres
feulement de quatorze pieds de hauteur, entre
lefquels on remarque des ouvertures d'une pro-
portion beaucoup trop fvelte 9 comparée avec
ïexpreffion Dorique & ionique , dont cette façade
eil décorée.          _^
On pourröit falWa même remarque concernant
-ocr page 221-
&'A.ft.c#i.Tfcc tURfr ii$
les cföifées placées dans l'attique, dont la hauteur
des pilaftres fe trouve d'ailleurs avoir à-peu-près
les deux tiers de f Ionique de detfous, contre le
fentiment même des modernes , qui l'ont fixée à
la moitié , aù-lieu du quart que lui donnoient les
anciens : rapport que nous rappelons ici, parce
que toutes les fois qu'on voudra produire dans
notre Art ^ & négliger les préceptes les plus ap-*
prouvés, on pourra réunir fans doute pluiieurs
membres d'Architecture les Uns avec les autres, on
pourra faire une façade d'une certaine rieheffe;
mais oil ne fera jamais ee qu'on entend par un©
belle Archite&ure.
Pour donner plus de mouvement à cet avants-
corps j rArchitecire a porté à chacune de fes extré-
mités un arriere^corps en retraite : reffource qui a
donné à fa partie du milieu une proportion agréa*
ble & affez bien terminée par le fronton. Mais on
potirroit föuhaiter que l'accouplement eût été
pprté aux extrémités de toute la largeur, & non
dans les angles du premier avant-corps ; parce que
l'accouplement fur cette maffe , en äuroit nourri
les angles, qu'il étoit plus néceffaire de fortifier
que ceux qui portent les extrémités du fronton*
Il eft vrai que par là ëelui-ei auroit perdu dans
le rapport de fa largeur à fa hauteur , à moins
que pour obvier à cet inconvénient, on eût placé
des colonnes au premier étage, qu'on auroit cou-
ronné par des ftatues; de maniere que l'attique
qui auroit été en retraite, n'auroit fait juger de la
hauteur de cet avant-corps que depuis le rez-de-»
chauffée jufqu'au focle pofé fur l'entablement Ioni-
que. Alors on auroit fupprimé le fronton de deffus
l'attique ; il réufîit rarement bien fur un pareil étage·
Par le moyen que nous prdpofons, il auroit eu
Hij
-ocr page 222-
ÏIÓ                          C O U R È
moins de bafe ^ & feroit peut-être devettit plu^
fupportable. Nous ne faurions approuver non plus
les croifées bombées de 1'attique, ni celles du
premier étage placées dans les arriere-corps , ni
enfin celles qui fe remarquent au rez-de- chauf-
fée , dans les entrecolonnements Doriques. Non
feulement cette forme triviale ne peut fe fuppor-
ter dans une décoration où les ordres préfident;
mais elle ne doit jamais , ou prefque jamais fe
rencontrer dans une ordonnance où les arcades
plein-cintre font admifes. On doit encore éviter
l'inégalité de hauteur des claveaux qui fe remar-
quent au-deffus des croifées bombées, quand on
les compare avec ceux placés au-defliis des archi-
voltes. Qu'on y prenne garde, ces négligences
font impardonnables , elles font contraires à la
régularité ; elles pèchent contre la fymétrie ; elles
donnent une faulte idée de la folidité ; en un mot,
elles engendrent la médiocrité & réduifent les com-
poiitions de l'Archite&ure ' à la fimple routine ,
au-lieu de présenter les belles productions de l'Art.
Ici, comme à l'Hôtel de Soubife, on a préféré au
premier étage les balcons de fer aux baluftrades.
Néanmoins les balcons de fer, comme nous l'avons
dit , ne conviennent qu'aux maifons à loyer, &
jamais dans les édifices d'une certaine importance,
principalement dans ceux où l'on a jugé à propos
d'employer le faite des ordres.
, Nous finirons ces obfexvations, par remarquer
que la hauteur du comble qui termine tout cet
avant - corps eft trop confidérable : non - feule-
ment elle femble écrafer Tattique qui le fou-
tient, mais elle couronne pefarriment toute cette
ordonnance, compQÎée de trop petits ordres &
-ocr page 223-
d'Architecture.              117
Couvertures trop fveltes, pour pouvoir figurer
avec l'élévation formidable de cette toiture, qui
furpaffe en hauteur la moitié de celle de la façade.
Avant-corps de l'ancien Hôtel d'Evreux, du côté
de la cour
, élevé fur les dejfins de M. Mollet^
Architecte.
Planche XIX.
Nous aurions pu fans doute choiiir un exemple
tout autrement recommandable que celui que nous
offrons ici, pour terminer les obfervations que nous
nous fommes propofé de faire dans ce Chapitre ;
mais, nous l'avons dit plus d'unes fois, nous croyons
tout aufli intéreffant pour nos Elevés , de leur
faire jeter les yeux fur les ouvrages médiocres,
que fur ceux qui font le plus généralement approu-
vés ; nous fommes perfuadés que c'eft en réfléchif-
fant fur les écarts de plusieurs de ceux qui nous
ont précédés , qu'on parvient à éviter les défauts
qu'on remarque dans leurs productions , qiu>n
s'accoutume à devenir plus févère fur fes propres
ouvrages , & qu'on fe rappelle avec plaiiir &
avec fruit, les vrais préceptes qu'ont employés
les grands Maîtres.
Au reite, l'Hôtel auquel appartient cet avant-
corps , ne laifle pas d'avoir un certain mérite ; il
eft peut-être un des plus avantageufement lîtués
qu'il y ait à Paris ; fon principal corps de logis a
vingt-deux toifes de face ; il eft double dans fa
profondeur, & placé entre la cour & le jardin. Sa
cour a vingt-fept toifes de longueur , fur dix-huit
de largeur. Elle eil parla préférable de beaucoup
à celle de l'Hôtel précédent, qui n'en a que treize
fur dix & demi, quoique les bâtiments qui l'en-
H îij
-ocr page 224-
ϊ 18                      Cours
tourent aient cinquante-un pieds d'élévation , pen«
dant que le principal corps de logis de l'Hôtel dont
nous parlons, en a quelques-uns de moins, & qu'au*
|ieu de mur de face dans les parties latérales de fa
cour, on ne remarque que des murs de clôture
qui la féparent des baffes-cours : moyen qui donne
a cette cour principale une grandeur toujours né*
çeflaire pour annoncer un bel Hôtel. Au contraire,
celle de l'Hôtel de Noailles n'annonce qu'une mai-
fon particulière, malgré la richeiïe prodiguée dans
fçs façades : tant il eiï vrai que c'eft la diipofition,
l'arrangement, les rapports & les proportions, qui
forment les premières beautés d'un édifice ; eil··
fuite vient l'ordonnance des façades, le ftyle de
î'Archite&ure, l'abondance ou la fimplicité qu'on
doit répandre dans les dehors , enfin un cara&ere
analogue à fa deftination particuliere.
Il eft aifé de remarquer que phuieurs de ces
©bjets effenciels manquent dans l'avant-corps que:
îious donnons dans cette planche. Premièrement
il pèche par le caractère qui lui eft propre ; fon
veÎtibule ouvert par trois entrecolonnements, an*
nonce plutôt un bâtiment élevé pour la campagne »
qu'un édifice éri,gé dans le, fein d'une Ville. L'air
extérieur qui pénétre dans ces fortes de veftibules 9
f'oppofe l'hiver à la falubrité des appartements j
gu4ieu que les maiibns de plaifance n'étant habitées
que dans la belle faifon, leurs veftibules ouverts
comme celui qu'on voit ici, non - feulement leur
procurent une fraîcheur convenable, mais leur
§iîignent une toute autre maniere de fe préfenter a
que ceux contenus dans les Cités, Secondement,
Jj faut fe reffpuvenir que le mur du premier étage ,
élevé fur les entrecolonnements du rez-de-chauf-
lïi* Qfo à Toêvûl 4ü fpe&ateur un porte4-faiqa
-ocr page 225-
d'Architecture.            119
toujours condamnable en Archite&ure,"_& qui ne
peut fe tolérer dans aucune efpèce d'édifice.
Que fignifie d'ailleurs l'ordre - colonne , qui,
f éuniffant à la proportion Dorique la fimplicité
Tofcane 5 eil îurmonté par un ordre Gorinthien-
pilaftre, & où l'on apperçoit une ouverture plein-
cintre , entourée d'un bandeau dont la largeur vers
les pieds-droits fe pénètre dans les pilailres? A quoi
reffemblent les tables , l'aitragale continu & les
buftes diftribués dans la partie fupérieure de cet
avant-corps , ainfi que la banquette ou le balcon
de fer, foutenu fur un focle qui l'égale en hauteur ?
Que veut dire l'entablement & le fronton qui cou-
ronnent l'ordre Corinthien, dansles corniches def-
quels on n'a pratiqué ni modillon ni denticules ?
Enfin quelle élévation extravagante n'a-ton pas
donnée aux croifées pratiquées aux deux côtés de
cet avant-corps, principalement à celles du rez-
de-chauffée ? Non-feulement elles font d'une for-
me bombée ; mais elles ont de hauteur un peu
plus de trois fois leur largeur ; néanmoins elles ne
fe trouvent entourées que d'un fimple bandeau,
qui a de largeur plus du quart, au-lieu du iixieme
de leur ouverture : ajoutez à cela que cette ouver-
ture a pour appui une petite tablette chargée de
moulures , & couronnée par un balcon, plus petit
encore que la tablette.
Enfin ce qui nons paroît beaucoup plus inconfé-
quent, que ce que nous venons d'obferver dans cet
Hôtel, c'eitï'appiication de la manfarde, la grandeur
& la forme des lucarnes placées dans cet étage très-
fubalterne : par leur richeffe indifcrète, elles con-
tribuent à apauvrir l'Architeaure qui décore les
étages deitinés à l'habitation perfonnelle des Maî-
tres. Nous fommes perfuadés que les manfardes
H iv
«           '                                 ·                                             s."         .
r
, I                                                                                                                                                                                                              ·
-ocr page 226-
> ·»                                                                                                                             .                                 ■ -
no                      Cours
& les lucarnes conviennent peu à la décoration
des Hôtels , particulièrement lorfqu'on fait entrer
les ordres d'Architeclure dans leur ordonnance ;
& qu'il ne convient de les mettre en œuvre que
lorfqu'elles peuvent contribuer à décider le cara-
ctère du bâtiment, comme aux écuries desmaifons
Royales, dans les étages fupérieurs des Places pu-
bliques , dans les maifons de campagne propre-
ment dites, enfin dans les maifons à loyer. Autre-
ment , nous ofons le dire ici, lorfqu'on* ofera tout
fe permettre, qu'on n'aura pour objet que de faire
des ouvertures, fans égard à leur convenance ; des
colonnes & non des ordres ; des ouvertures &
non des portes & des croifées ; que l'on fera des
ornements » & non de la fculpture ; qu'on préférera
la richeffe aux fymboles ; qu'on n'obfervera ni
caractère ni ityle; qu'on défigurera les formes ;
qu'on altérera les proportions ; qu'enfin on alliera
enfemble l'antique, l'ancien & le moderne , point
de doute que l'on ne fera plus que de la Maçon-
nerie, mais jamais de véritable Archite&ure.
L'avant-corps du côté du jardin de cet Hôtel,
n'eft pas d'une Architecture plus intéreffante ; il ne
diffère du premier , qu'en ce que les eolonnes font
au premier étage, & les pilaitres à rez;-de-chauffée ;
qu'à.la place du fronton on a pofé des trophées à
plomb de chaque colonne, lefquels font élevés fur
un petit focle, qui à peine eft apperçu d'en bas,
la faillie de la corniche en mafquant la majeure
partie.
                        ^
Malgré les défauts que nous venons de relever
dans les dehors de cet Hôtel, nous invitons nos
Elevés à ne pas négliger de l'aller vifiter ; peut-
être y apprendront-ils à mieux faire. D'ailleurs il
feront bien dédommagés de cette courfe par l'ex*·
\
-ocr page 227-
d'Architecture.
men dex quelques belles parties que contiennent
les dedans, & qu'une Dame de la Cour, protec-
trice des Beaux-Arts y a fait faire, pendant que
cet Hôtel lui a appartenu. Ces parties de détails,
nous pouvons le dire ici, font bien capables de
leur faire naître le vrai goût de la décoration inté-
rieure des appartements*,
sjfc
τρ
-ocr page 228-
izz                      Cours
4Ç~"---g=aeaqg
CHAPITRE V.
PERFECTION DE L'ART,
Appuyée de Vau τ orît έ des
Édifices renommés , élevés
par les Architectes les flus
CELEBRES.
On y traite en -particulier des Portes , des
Croifèes
, des Niches , des Statues, des
Frontons, des ΒαΙμ^-rades > des Attiques „
des S$uba[[ements
, des Combles & des Ter-
rajfes.
               * "·
XN ou s l'avons déjà remarqué dans les volumes
précédents, le feul moyen de donner un certain
degré de perfeftion à la décoration de nos édifices,
eft de faire dépendre ces parties principales de
Fexpreiîion des ordres qui y préfident. Après avoir
d'abord çonfidéré ces parties féparément, il faut
enfuite examiner l'effet qu'elles produiront , réu-
nies les unes avec les autres ; autrement on doit
craindre de mettre des diflbnnances dans l'enfem-
ble, qui, en préfentant plufieurs belles parties „
considérées à part, n'en offriroient pas moins un
tout défaiibrti. Nous entendons par les parties
principales de la décoration de nos façades, leursi
différents étages, le rapport qu'ils doivent avoir
enfemble ; les portes, les croifèes 3 les niches % les
-ocr page 229-
d'Architecture*            123
frontons & les baluftrades qui s'y trouvent placées ;
ce font autant d'objets qui, après les ordres-co-
lonnes & pilaftres , doivent tenir le premier rang
entre tous les membres deitinés à rembelliflement
des monuments facrés, des édifices publics, des
maiibns royales, des hôtels & des belles maifons
particulières.
Combien d'Architectes, pour avoir négligé les
rapports, les proportions, la forme, la richeffe
ou la iimplicité de chacune de ces parties, ne nous
ont laiffé que des exemples médiocres, quoiqu'ils
aient fuivi, en quelque forte , les règles reçues
pour les mafles générales.
Pour faire éviter à nos Elevés de pareils écarts,
nous allons leur offrir, dans ce Chapitre , plu-
iieurs parties'principales tirées des exemples an-
ciens & modernes. Après leur avoir préfenté des
modèles du plus excellent genre, nous leur en
propoferons de moins éftimés , comme autant
d'exemples à éviter, quoique mis en œuvre dans
des édifices de quelque réputation. Ils verront que
ces parties n'y font devenues médiocres, que parce
qu'elles s'y trouvent déplacées , & qu'elles n'y,
paroiffent pas être nées de l'ouvrage entier.
Dans nos définitions du troiheme Chapitre du
premier volume de ce Cours, nous avons parlé
des arcades, page 301,'ainiî que des portes &
des différentes parties qui les compofent. Nos
vues s'étendent ici plus loin ; il s'agit de faire re-
marquer les beautés des unes, & l'imperfecTion qui
fe trouve dans les autres ; d'en offrir de plufieurs
efpèces, de difcuter leurs formes, de conftater
leurs proportions, de parler des membres d'Archl-
te&ure qui les revêtent, des ornements qui les
4éçorent 3 & de rembelliiTement qu'ils procurent
li
-ocr page 230-
4
124                      COUM
aux frontifpices de nos grands édifices & à la déco-
ration de leurs façades. Donnons ici quelques
idées fur les portes en général ; enfuite nous ferons
la defcription des modèles que nous préfenterons
à nos Elevés.
Des Portes en général.
L'ouverture des Portes & le genre de leur dé-
coration dépend abfolument du motif qui les fait
élever : nous avons parlé précédemment des Por-
tes triomphales , en citant celle de Saint-Denis
& celle de Saint-Martin à Paris , Tome II, page
25 J. Nous avons auiîi parlé, dans le même volu-
me , page 458 , des Portes des Villes de guerre.
On conçoit aifément que le différent ufagé de ces
deux efpèces de Portes doit déterminer TArdû-
te&e à leur afîigner des grandeurs , & une ordon-
nance relatives à leur érection , auffi-bien qu'à
l'importance des Capitales où elles fe trouvent
élevées.
Nous ne donnerons point, dans ce Cours , de
deffins de ces deux efpèces de Portes ; l'Archite-
cture Françoife , offre à nos Elevés les Portes
triomphales que nous venons de citer , & la
fcience des Ingénieurs de M. Bélidor leur donne
différentes portes de Ville de Guerre , auxquelles
ils peuvent avoir recours , juiqu'à ce que nous
puiiTions , après l'impreflion de cet ouvrage ,
leur communiquer diverfes compofitions de ce
genre, choiiies parmi celles de nos Villes fron-
tières qui ont le plus de célébrité;
A l'égard des Portes deftinées pour nos Villes
libres & commerçantes, pour nos Palais , nos
Hotels & nos Edifices publics, du reifort de Γ Ar-
-ocr page 231-
d'Architecture. 12?
ehite&ure Civile proprement dite , nous allons
en inférer ici phuîeurs , après avoir dit que leur
importance , leur grandeur & leur ordonnance 9
doit fe régler fur l'étendue, le genre & la magni-
ficence des Villes ou des édifices auxquels ils
donnent entrée ; que pour cela fufage de ces
mêmes entreprifes , doit déterminer la largeur
des Portes ? i'expreiîion de l'ordre, le rapport de
leur hauteur avec leur diamètre. Enfin c'eit de l'opu-
lence des Cités ou de la richeife des bâtiments, que
dépend la décoration de ces fortes de frontifpices.
Perfiftant toujours de confeiller à nos Elevés
de recourir aux exemples des grands Maîtres,
lorfqu'il s'agit des diverfes productions de Γ Ar-
chitecture ; nous allons leur préfenter d'abord
plufieurs Portes de Michel-Ange , qui, quoique
d'une compofition irreguliere à certains égards,
ferviront du moins à prouver les progrès que
Fart a faits depuis cet Architecte célèbre pour
fon temps : idée dont on devra fe convaincra
par la comparaifon qu'on pourra faire de l'ordon-
nance de ces mêmes portes, avec celles qui les
fuivront.
Divers dessins de Portes
anciennes et modernes.
Portes de Michel-Ange.
Planches XX, XXI & XXII.
La Planche XX offre la porte du Faubourg du
Peuple à Rome, que le Pape Pie IV fît décorer
par Michel - Ange , comme l'entrée la plus fré-
-ocr page 232-
ii6                      Cours
quentée de cette Ville, autrefois fi célèbre %
l'autre côté de cette Porte a été reftauré en 1655
par les ordres du Pape Alexandre VI, fur lesi
deiîins du Cavalier Bernin*
                                    ί
Cette Porte que nous donnons du deffifi de
Michel-Ange , eit d'ordre Doiique , d'un aiTez
petit module , l'Archite&e ayant été follicité
d'employer des colonnes de granite^antique, feu«
lement d'environ deux pieds de diamètre, ce qui n'a
pas peu contribué à refferrer le génie de Michel-
Ange , qui, dans une infinité d'autres occaiions,
a fait preuve de la fupériorité de fes talents* Il
eil vrai que dans les trois deiîins que nous offrons
ici de cet Architecte , rien n'annonce ce que nous
avançons de cet habile Maître , ainfi que nous
l'avons rapporté , fécond volume , page 68 * en
parlant du chapiteau Ionique attribué à cet Archi-
tecte* Parce que nous avons regardé, ■& que nous,
regarderons toujours, comme un devoir eiTenciel
à tout Ecrivain, de n'ufer d'aucune efpèee de pré·*
vention ni de partialité, & que nous nous croyons
moins obligés que tout autre , de mafquer la
vérité dans un ouvrage particulièrement deiliné
à l'étude des jeunes Artiftes , pour lefquels ce
Cours eft compofé ; nous nous attendons bien
que les amateurs de la plupart des chefs-d'œuvre
de ce grand homme , condamneront notre fran-
chife. Mais, encore une fois, ce n'eft pas pour
eux que nous écrivons; nous avons fait vœu de
fincérité : regleque nous croyons qu'il faut fuivre
lprfqifil s'agit d'inilruire, & que nous obferverons
jufqu'à la fin de cet ouvrage , au rifque de dé-
plaire à quelques enthoufiaftes, qui croyant ériger
des miracles, en élevant littéralement, au milieu
4e Paris & dans fes Faubourgs, non-feulement
-ocr page 233-
Y ; ·
d'Aechitectvre*           117
les copies des productions dé Michel-Ange , mais
celles des Bramantes & des Boromini, fous prétext®
que ces Maîtres ayant eu quelque célébrité en.
Italie, leurs ouvrages doivent produire chez nous le
même effet, & fer vir une féconde fois de modele
à nos Elevés* Sans doute les prétendus imitateurs
de ces anciens ouvrages, nous diront : Mais., fi
vous croyez ces comportions foibles , pourquoi 9
après avoir condamné d'Aviler de les avoir infé·*
rées dans fon ouvrage , les reproduire dans ce
corps de Leçons ? Voici notre réponfe : premiè-
rement ces produ&ions ne font que foibles, &
elles font celles d'un grand Maître : fecondement *
comme nous venons de le dire, il faut accoutumer
les jeunes gens à remonter à la fource de l'Art*
Il eil peut-être plus intéreffant qu'on ne
slmagine, de faire éclôre ï'efprit de comparai-
fon aux Elevés, & de les engager à méditer
fur les différents âges de Γ Architecture , & fur
£es progrès. Or , fi ce que nous venons d'a-
vancer n'eil pas fans .fondement, nous prions
la plus faine partie de nos Lecteurs, épris des
bons ouvrages de Michel - Ange, comme tout
homme éclairé doit l'être , de nous paffer les re-
marques que nous croyons devoir faire ici, non
comme autant de critiques, mais comme des ob?
fervations qui puiffent rendre nos Elevés plus,
féveres dans leurs compqiitions. Paffons donc à
ces remarques, que d'ailleurs nous foumettons
bien volontiers aux véritables Maîtres de TArt^
n'ayant pas prétendu, connoiffant nos forces,,
faire un livre parfait, mais tenter feulement de le
rendre utile pour ceux auxquels il eil deitiné.
L'ouverture de la porte plein-cintre de la plan*
çhe XX, dont nous donnons la defcription·,
f
-ocr page 234-
ii&                    ν η s
heft que de treize pieds, & fa hauten? un pm
âu-deffus de deux fois fa largeur : nous ne répé-
terons point le motif qui a fait employer un fi
petit ordre à la décoration de cette porte ; il eil
trop légitime pour le reprocher à cet Architecte;
C eft fans doute le même, qui l'a porté à donner
de hauteur à fes piédeftaux , les deux cinquièmes
de celle des colonnes, au-lieu du quart, & à
faire retourner fon entablement dans le grand
entrecolonnement, puifqu autrement fa plate-bande
auroit acquis dix-fept pieds de longueur, fur trois
£ieds de faillie , porte-à-faux trop coniiderable
pour être foutenu fur des colonnes qui, dans leur
fût fupérieur, ont un peu moins de deux pieds
de diamètre.
En examinant ainfi cette ordonnance, non-feu-
lement nous prouvons notre impartialité, mais
nous prenons occafion de recommander à nos
Elevés, de beaucoup réfléchir fur le jugement
qu'ils doivent porter des ouvrages de leurs Maîtres,
afin que, félon ïoccafion, ils puhTent fe fervir des
reiïburces que leurs prédéceffeurs ont fouvent
employées dans leurs productions, à la place"cles
préceptes qu'ils ont mis ailleurs en pratique avec
tant de fuccès : par là ils apprendront, qu'affez ordi-
nairement , ce qui a droit de bleffer l'œiûl au pre-
mier apperçu, peut néanmoins devenir une auto-
rité qui les amènera à ofer ce qu'ils nauroient
pu raifonnablement fe permettre, s'ils n'avoient
eu des exemples célèbres qui leur ouvrent la
route du génie.
Au refte , il en faut convenir ; l'ordonnance
de cette porte, prife en général, eft chétive, les
piéds-dro,its de l'arcade, difputent, pour ainfi dire
de largeur, avec le diamètre des. colonnes ; l'im-
pofte.
-ocr page 235-
d'Architecture;       np
pofte eft trop faillant, fa continuité eil vicieufe
derriere les colonnes, fans compter que fa dîfpo-
lition coupe la hauteur de ces dernières en deux
également; l'archivolte eil trop pauvre, reduit à
un feui bandeau ; les barbacannês placées au deifous
de l'entablement, offrent une répétition avec celles
qui fe remarquent dans l'attique ; d'ailleurs cette
efpèce d'ouverture, non-feulement η'eil guère du
genre d'une pareille ordonnance, mais nous paroît
inutile ici : la décoration de ce frontifpice eil
appliquée fur une ancienne muraille en brique,
qui n'a que cinq pieds & demi^d'épaiffeur ; ainlî
elle n'annonce aucune habitation où il faille des
ouvertures qui puiflènt l'éclairer* Nous fommes
donc tentés de croire que ce font feulement des
tables, telles qu'on en remarque dans prefqus
toutes les productions Romaines, deilinées à rece-
voir des infcriptions ; mais qui, comme telles,
n'en produiroient pas un beaucoup meilleur
effet.
.D'Aviler rapporte, qu'au-defTus des piédeftaux
& au pied des colonnes, on a placé deux ilatues
de marbre blanc, repréfentant Saint Pierre & Saint
Paul, fculptés par Francefco Mocki; nous ne les
avons pas exprimées ici, ce genre de fculptu-
re, eilimable par-tout ailleurs, ne, convenant
point dans cette ordonnance : on pourroit aifé-
ment en fubitituer d'autres, iî ce deßin agréoit
aiTez pour le fuivre exa&emenc en certaines oc-
calîons.
Nous trouvons l'attique un peu élevé, ayant
de hauteur la moitié de l'ordre, y compris fon en-
tablement ; d'où il réfulte que la table du milifft
eil fort confidérable , (quoiqu'encadrée d'une
bordure. Cette bordure ? & les pilailres font trop
Tome III,
                                   X
-ocr page 236-
130                      Co Ü RS
foibles : au-lieu de placer des itatues au pied de
l'ordre, il eût été plus raifonnable de les élever au-
devant des pilailres & à plomb des colonnes pour
en mafquer la maigreur.
L'amortiffement ou cartouche en écuiTon qui
couronne cet attique £ eil , dit-on, de marbre
blanc , artiftement travaillé, d'après le modele de
Michel-Ange : l'exécution en peut être heureufe;
mais il s'en faut bien que nous en eilimions la
forme , qui nous parok découpée, fans liaifon ,
& d'une maigreur impardonnable , quoique le bas-
relief femble autorifer cette prétendue élégance.
La planche XXI offre la Porte Pie, élevée
fur les deifîn's de Michel-Ange, par ordre du
Pape Pie IV; c'eil encore une de ces produ-
ctions peu régulières, qu'il n'eil permis qu'aux
grands génies de mettre en œuvre , mais qui ne
doivent point trouver d'imitateurs. Au reile, malgré
ce que nous rapportons, on trouve à-peu-près
l'imitation de cette ordonnance ancienne dans plus
d'un de nos bâtiments François. Du Cerceau &
"quelques Architectes de fon temps , en ont pro-
duit plufieurs ; le fommier à pans * für - tout ,
a été mis en œuvre à l'Hôtel de Condé, & à
l'ancien Collège de Louis le Grand. Le Mercier
n'a pas même dédaigné d'en faire un ufage aiTez
Ifréquent, dans les dépendances du Château de
Richelieu -,
Aujourd'hui on n'oferoit avoir recours à une
telle forme : on fait bien, fans doute; mais en
cherchant à mettre plus de régularité, ne tombe-
f-on pas dans une monotonie dangereufe? Nous
'examinerons dans la fuite cette queilion ; bor-
fcöns-nous ici à faire remarquer que les pilailres,
-ocr page 237-
ν
d'Architecture.           ïji
au-lieu d'être d'un ordre régulier, n'offrent qu'une
efpèce d'attique, couronné lui-même par un faux
attique qui lui tient lieu d'entablement, & dans
la frife duquel on a placé un arc, apparemment
dans l'intention de décharger la plate-bande qui
forme le linteau briié de la Porte : cet entable-
ment eil couronné d'un fronton triangulaire, con-
tenant des enroulements , une guirlande & une
table : autant de membres d'Archite&ure & d'or-
nements defculpture femi-Gothiques , ainii que le
mafcaron placé au-deifus du claveau. Nous ne
faurions non plus approuver les cannelures des pi-
laftres ; ces moulures font d'un genre peu analogue
au chapiteau , aux boifages, au prétendu impolie,
& aux conlbles faifant partie de cette ordonnance,
véritablement plus iinguliere que belle ; au reile »
cette ordonnance fert à prouver le goût de
l'Architecture du .milieu" du feizieme iiécle, qui
depuis ce temps a eifuyé plus d'une révolution-
Porte de la Vigne du Patriarche Grimani i
près de Rome. fciâïï
La planche XXII fait voir le deiîîn de la
Porte de la Vigne du Patriarche Grim.ani, près
de Rome , élevée auffi fur les deiîîns de Michel-
Ange. On peut dire que cette ordonnance tient
de prefque tous les genres d'Archite&ure : l'ordre
eil Dorique ; la porte, d'expreifion Tofcane ; les
boifages, ruitiques ; l'amortiflement, Ionique ; les
couronnements à plomb des colonnes, Gothiques;
les iodes de deflbusr~-profilés dans un genre
Compoiite; & généralement enfin toutes les mou-
lures, font Corinthiennes : d'ailleurs les colonnes
engagées d'un iixieme dans un pilailre doublé ,
-ocr page 238-
132                       Cours
rendent ^extrémité de cette décoration tout à la
fois maffive & légere, fans compter que les
fefTauts que forme Timpoile, achèvent de répan-
- dre une eonfufion qui produit, dans cette ordon-
nance , une bizarrerie qu' on ne peut, dans aucun
-cas i prendre pour modele , malgré fa forme pyra-
midale ; forme qui feule peut racheter la difpa-
rité d® ftyle, affectée dans les membres qui la
compofent.
Tel eil le jugement que nous avons cru devoir
porter fur ces trois Portes de Michel-Ange (/»)5
dont nous refpe&ons néanmoins les chefs-d'œu-
vre dans plus d'un genre ? quoiqu'il n'ait guère
été plus heureux dans fes autres Portes , à en
juger par celle de la Vigne du Cardinal Sermo-
nette ; par celle de la Vigne du Duc Sforce, au
Faubourg du Peuple ; par celle du Palais des Con-
ièrvateurs, & par pluiieurs autres, placées fous
le portique du Capitole ; rapportées toutes par
d'Aviler. Du temps de cet Architecte on étoit fans
doute moins févere que nous ne le fommes au-
jourd'hui; auffi n'a-1-il relevé que légèrement
les défauts des différentes productions de Michel-
Ange , ce qui n'a pas peu contribué à nous déter-
' miner à lever le voile trop fouvent abaiifé fur les
anciens ouvrages d'Architecture, qui quelquefois
• n'ont d'autre mérite que leur antiquité.
Paffons à préfent à d'autres comportions qui,
quoique d'un même genre , préfentent une marche
plus fymétrique & plus conforme à la régularité
qu'exige la belle Architecture, fans nous refiifer
*■■■■■------------------                                                                                ": ',.'                                                                                                                                                                                                                   '                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         . ;■*'■,.''
^-----      |       —.il ■ ■■„»——i_l                  |--------_ .        ,----------------------r-lT!      -■     ΙΓ"ΊΤΊΓ Γ - H .l_ipM«LlW»P-JM
(m) Michel-Ange Buonarotti, né enTofcanej ilcft mort
à Rome en 1564, âgé de 90 an«.
/
-ocr page 239-
d'Architecture.'            133
■néanmoins de faire prendre garde à nos Elevés,
aux licences qui fe trouvent répandues dans plu-
lieu rs.
Portes élevées sîçr les dessins de
plusieurs de nos architectes
François.
,
Planches XXIII, XXIV & XXV.
. Porte de l'Hôtel de Touloufe*
La planche XXIII donne le deiîin de la Porte
de l'Hôtel de Touloufe à Paris , élevée par Fran-
çois Manfard. Cette Porte , d'ordonnance Dori-
que , fe reiTent du caractère d'originalité que ce
grand Architecte favoit donner à toutes (qs produ-
ctions, & du foin particulier qu'il prenoit de veiller
à l'exécution de fes œuvres : perfection, ainii que
nous l'avons dit ailleurs , qu'on ne peut ren-
dre dans un deifin , & par conféquent dans la
gravure ; de maniere qu'on ne peut juger qu'aiTez
imparfaitement de la beauté des chefs-d'œuvre
de ce grand Maître , par les copies que nous
en donnons dans ce Cours.
Au refte r notre intention n'eft pas de diiîîmu-
ler les licences que François Manfard s'eft per-
mifes ici ; nous en avons déjà ufé ainii avec les
ménagements que nous devons à cet homme
illuftre, foit en parlant précédemment de l'avant-
corps du Château de Maifons , foit en décrivant
l'un des pavillons de l'Hôtel de Carnavalet. Telle
eil la tâche que nous nous fommes impofée, de
ne jamais déguifer la vérité, perfuadés que nous
fommes % qu'on ne peut inftruire les jeuaes Di£?
Iiij
-ocr page 240-
134                       Cours
ciples , qu'en leur faifant connoître jufqu'aux
fautes des grands Maîtres , d'autant plus eflen-
cielles à relever dans ces Leçons, que les beau-
tés , dont leurs ouvrages font empreints , font
fouvent prendre aux Elevés, comme autant d'au^
torités , les licences que les grands hommes ont
pu rifquer dans les détails , en faveur de l'accord
des maffes ; ils s'en prévalent dans la fuite ; &
les plaçant moins heureufement que leurs guides,
ils n'offrent alors , dans leurs comportions , que
l'abus de l'Art, au-lieu de fes fuccès.
La baie de cette Porte eft à plate-bande, &          j
n'a de largeur que huit pieds ; fa hauteur eft à
ion ouverture , comme douze eft à fept : rapport
          j
qui nous paroît peu convenable , où l'expreinon
Dorique préfide, la proportion des ouvertures
devant néceiTairement prendre le cara&ere de
Tordre dans l'entre-colonnement duquel elle fe
trouve placée, ainn que nous l'avons enfeigné
dans les définitions du premier' volume de ce
Cours, page 301 , auquel nous renverrons fou-
vent , ces premières Leçons élémentaires devant
être regardées comme la bafe fondamentale des
préceptes de l'Art.
La Porte dont nous parlons auroit pu avoir
un pied de hauteur de plus ; & encore avec
cette augmentation, n'auroit - elle été fupporta-
ble ici, que parce qu'elle eft fermée dans fa
partie fupérieure par une plate-bande, & que,
comme telle, elle peut avoir moins d'élévation
que celles plein - cintre ; car , à hauteur égale,
cette dernière préfente moins de vide que celle
à plate-bande. Il eft vrai que pour l'ordinaire les
anciens donnoient moins de deux fois la largeur
         .
à la hauteur de leurs portes , & qu'ils préféroient
fouvent les fommiers droits aux circulaires,
                 :
-ocr page 241-
HP
d'Ar«hitecture.            i3f
Nous fommes bien éloignés de regarder cette
opinion comme un précepte; certainement la hau-
teur des Portes doit augmenter ou diminuer, non-
feulement à raifon de la folidité ou de la légèreté
de l'ordre qui préfide dans l'ordonnance ; mais ,
comme nous l'avons recommandé dans nos deur
nitions, leur forme doit différer de celle des croi-
fées : félon nous il faut que celles-ci foient à
plate - bande , celles-là plein - cintre , chaque
membre d'Archite&ure devant avoir fon caractère
particulier, quoiqu'affujetti à des rapports com-
muns ; l'art exige qu'on obferve la même chofe
entre les membres d'Architecture & les ornements
de Sculpture deftinés à leur enrichiffement. Qu'on
y prenne garde; c'eft là le précepte inconteitable;
enfuite viennent les reffources , les modifications,
que l'Art peut permettre , & auxquelles l'Archi-
te&e le plus, habile peut avoir recours pour va-
rier (es productions, & faire preuve de génie.
Pans cette Porte , par exemple, la plate-
bande qui y eil employée, procure à cette ordon-
nance un caractère de fermeté , dont fe reffenrent
toutes les compoiitions de Manfard : caractère qui
le diftingue particulièrement des habiles Archite-
ctes du dernier fiecÎe, fes contemporains* Ontloir.
même remarquer dans le plan , figure A , qu'il
a affeëté beaucoup de faillie au bandeau qui en-
toure cette Porte , dans l'intention vraiffemblable-
ment de nicher, pour ainfi dire > fes colonnes%
& d'óppofer leur convexité à un corps renfoncé,
dont l'obfcurité fert a faire valoir la lumière qui
frappe fur le ûit de ces m|mes colonnes : moyen
ingénieux fans doute, mais qui ne pourrait fervir
d'exemple pour d'autres ordres ; encore n'eft- iL
folérable dans ce deffin que parce que chaque
lir
-ocr page 242-
I36                       C O U RS
colonne eft flanquée d'un pilaftre qui femble ajou-
ter à la fermeté de cette décoration.
La fculpture du claveau, & celle de la Porte de
menuiferie , ainii que fes compartiments rapportés
ici fidèlement, fe reiTentent de l'ancien genre , &
prouvent les progrès qui fe font faits dans cette
partie de l'Art, depuis Manfard jufqu'à nous.
Peut-être aurion*nous fouhaité qu'on eût fup-
primé les refends taillés fur les pieds-droits qui
reçoivent les pilaftres, & qui fe continuent der-
riere les colonnes. Ce n'eil pas que ces derniers ne
jious fembîent néceflaires pour fervir de fond aux
colonnes, & les détacher avec une,forte d'avan-
tage ; mais ceux qui régnent de chaque côté des pi-
ïaitres , femblént contribuer à faire remarquer que
ces refends ne font pas placés dans le milieu du
pied-droit, ce qui cependant; auroit été à délirer ;
parce qu'alors le trigliphe à plomb du pilaitre
auroit moins approché de celui de la colonne 9
& par là auroit rendu le métope, placé entre-deux?
femblable en largeur à ceux de i'entrecolonnement.
En général les mutules & leurs intervales ne font
pas diftribués trop régulièrement dans le foffire ,
ainii qu'on peut le remarquer dans le plan de l'en-
tablement , figure Β ; mais il étoit permis à Manfard
de négliger certains détails, en faveur de l'heu^
yeux effet qu'il a fu donner à fa compofition, Chez
un Architecte fubalterne ces négligences feroient
devenues des défauts impardonnables, parce qu'il
îî'atiroit fu les racheter par aucunes beautés
.poiitives ; un grand Maître en ufe autrement;
» les reifources dans la tête, il fait franchir les limi-
tes de l'Art, & par là enfante des ouvrages de
jgénie, qui laiflent derrière lui la foule des imi-
tateurs 9 ceux-ci ne pouvant l'atteindre, n'ee
-ocr page 243-
d'Architecture.            137
retiennent que les écarts, & dès là ne produifent
que des médiocrités.
Au-defTus de l'entablement de l'ordre Dorique,
s'élève une baluftrade, fur la tablette des piéde-
ftaux de laquelle, & à plomb de chaque pilaitre,
eil placée une figure afïife d'un affez bon choix.
Cette maniéré eil ingénieufe & pirtofefque, mais
elle ne peut guère être fuivie ; elle doit être re-
gardée comme la hardieiTe d'un homme de goût,
qu'il n'auroit peut-être pas répétée dans une autre
occafîon. M. de La Maire voulut l'imiter dans la
cour de l'Hôtel de Soubife; mais ce fut fans fuc-
cès : & l'on peut dire que fes figures n'y font pas
fupportables. Nous le répétons à nos Elevés ; il
ne fuffit pas de vouloir faire ce que les autres
ont fait ; on doit favoir que même les meilleures
choies dégénèrent entre les mains des copiftes;
& qu'à moins de favoir s'approprier les penfées
d'autrui, il vaut mieux créer avec un certain effort,
que de vouloir imiter des compositions qui fouvent
ne font tolérées, & ne font bien, que par leur cara-
ctère d'originalité, δε que lorfqu'elles font amenées
pour fatisfaire à l'effet général: effet qui contribue
feul à mettre le fceau de l'immortalité à un ouvra-
fe d'Architecture, par le miniftere du Sculpteur
abile, que l'Architeéte fait appeler à fes befoins.
Porte de l'Hôtel de Soubife.
La planche XXIV nous donne la décora-
tion de la Porte de l'entrée principale de FHôtel
de Soubife, bâti fur les deiïms de M. de La Maire,
dont nous avons parlé dans ce volume, page 106,
en décrivant l'avant-corps du côté de la cour de
jget Hôtel. Cette Porte, d'ordre Comporte , n'efl
-ocr page 244-
138                       Cours
pas fans beauté , quoiqu'elle n'offre pas, à beau-
coup près , le caractère d'originalité qu'on remar-
que dans la précédente ; néanmoins nous croyons
que la forme de la Porte plein-eintre qui fe remar-
que ici, efl préférable ; & que, dans tous les cas 9
elle femble réuiîir mieux que celle à plate-bande,
fur-tout lorfque ces arcades plein-cintre font partie
d'une ordonnance où l'ordre Corinthien préfide ;
il auroit été à defirer feulement, que fa hauteur
eût été un peu plus confidérable, n'ayant guère
que deux fois fa largeur. Oh doit trouver auiU
l'archivolte trop maigre, & l'importe trop lourd.
Les pieds-droits de cette Porte font dans le même
cas que 1'impofte, & leur pefanteur paroît mal
rachetée par la table qu'on y a placée. On n'eft
pas plus fatisfait de celles qu'on remarque au-
defTus de l'archivolte ; tous ces petits moyens font
indignes de la belle Architecture & d'un bon Ar-
chitecte. Il femble qu'au-lieu d'avoir donné dix
pieds d'ouverture à cette baie, on auroit pu,la
réduire à neuf pieds ; alors les pieds-droits étant
devenus plus forts , il auroit été poffible de pra-
tiquer une niche carrée; par là, la Porte auroit
acquis une meilleure proportion ; alors la continuité
de l'importe , contre & entre les colonnes, auroit
difparu ; & ce membre ne feroit plus venu cou-
per prefqu'en deux également la hauteur des co-
lonnes. Enfin l'archivolte auroit eu plus de lar-
geur, & les tables fe feroient trouvées fouitraites ;
fans ce moyen elles donnent à cette décoration
un caractère d'ébéniiterie, qu'il faut favoir éviter»
particulièrement dans la décoration extérieure.
Nous penfons encore que pour claveau on auroit.
du faire choix d'une confole, des côtés de laquelle;
feroient forties des chûtes de chêne ou de laurier,
-ocr page 245-
D'A R C H Ι Τ Ε € Τ U R E.            I39
plus convenables à la Porte d'un Maréchal de
Franee, qu'une tête de femme , & des cornes
d'abondance d'une fculptu/e maigre, & d'une pro-
portion mefquine.
                                               t
Nous aurions peut-être fouhaïté encore , qu'on
n'eût donné que le cinquième dé Tordre à l'enta-
blement , au-lieu du quart, & que fa corniche eût
été ornée de modulons ; ce couronnement trop
fimple, pofé fur un chapiteau compofite, toujours
fufceptible d'une très - grande richeffe, s'accorde
mal avec la relation que les parties doivent avoir
les unes avec les autres : parties qui toutes doi-
vent neceiTairement prendre leur iôurce dans le
caractère , l'expreflion & la proportion de Tordre ,
principalement lorfqu'il préfide dans l'ordonnance
de Tédifîce.
L'amortiiTement qui couronne ce frontifpice
nous paroît trop compliqué ; TécuiTon & les
iupports auroient pu fuffire pour former ce cou-
ronnement. Il eil vrai que les figures aiïïfes qui
fe remarquent ici, font fur un plan en avant;
mais du moins falloit-il les mettre fur un focle
moins élevé, & au contraire exhauffer un peu
celui qui porte le cartel, afin de faire ^enforte
que ce dernier prééminât, en quelque maniere,
fur les figures, qui d'ailleurs peu convenablement
groupées avec des Efcîaves, en augmentent trop
coniidérablement la capacité, comparée avec la
largeur des focles qui les reçoivent. Par ces chan-
gements que nous croyons utiles , on auroit pu,
alors placer dans la hauteur du focle propofé ,'
plus élevé fous le cartel 5 une infcription qui au-
roit indiqué le genre de l'édifice auquel cette
Porte donne entrée ? ainfi que cela fe pratique
affez ordinairement.
                                             ;
-ocr page 246-
140                      Cours
Au reite, cette compoiition n'eft pas fans
mérite, fur-tout en re&ifîant les parties que nous
venons d'indiquer. Nous avons fait tenter plus
d'une fois cette réforme à nos Elevés ; de ma-
niere que c'eil d'après l'expérience & diverfes ten-
tatives , que nous pouvons aiTurer qu'elle produit
le meilleur effet. Nous en avons ufè de même
pour la plus grande partie des changements que
nous propofons dans les descriptions que nous
offrons ici : ce qui nous fait confeiller à ceux entre
les mains defquels parviendra ce Cours, de fuivre
la même marche, comme la plus fûre, non-feu-
lement pour arriver à la perfection de l'Art, maïs
aufli pour conftater la vérité de nos remarques.
Avant de quitter cette defcription, nous dirons
que ce frontifpice eft placé fur le fond d'une très-
grande tour creufe , de forme elliptique, com-
partie par des corps de refend, féparés par des
tables d'un bon genre, & âu-deffus defquelles fur
l'extrémité du mur, font placées des baluftrades»
indiquées ici par arrachement : cet accompagne-
ment ne contribue pas peu à donner un air de di-
gnité à œ frontifpice, qui, après celui de l'Hôtel de
Touloufe , tient un des premiers rangs entre ceux
qui fe remarquent à Paris.
Nous avions deffein de rapporter encore quel-
ques exemples de Portes qui fervent de frontif-
pice' à pluiieurs des édifices de cette Capitale ;,
mais nous n'en connoiffons point dont l'ordon-
nance foit plus intéreiTante que celles que nous
venons de donner. La plupart fe reffemblent ,
& ne different que parce que dans les unes les
ordres y font fupprimés , ou que dans les autres
ils y font employés avec tant de négligence δε de
fîngularité, que nous ne pouvons raifonnablement
-ocr page 247-
©'Architecture.            141
les propofer pour modèles à nos Elevés. De ce
nombre font celle de la Chambre des Comptes, cel-
les des Hôtels de Bouillon, d'Evreux, de Montbaion,
de Rohan, &c. bien inférieures à celle de l'Hôtel de
Jars, par Manfard, à celle de l'Hôtel du grand Prieur
du Temple , par M. de Liile, à celle de la Porte
de la cour des Feuillans , du côté de la rue Saint-
Honoré, auiïi par Manfard. On vient encore d'exé-
cuter de nos jours quelques nouvelles Portes, qui
quoique d'une compoiition tout-à-fait différente ,
ne laiifent cependant pas de prouver les talents des
Architectes qui en ont donné les deiîins.
A propos de quelques-unes de ces nouvelles
productions, qu'on nous permette d'examiner, fi 9
à l'exemple d'un ancien Hôtel, élevé fur le Quai
des Théatins, & d'un autre élevé depuis au Carou-
fei, on eil bien fondé à percer aujourd'hui la
plupart des murs de clôture qui féparent les cours
de nos édifices d'avec la voie publique. Nous
l'avouons à regret , dans la crainte de bleifer
les hommes éclairés , partifans de cette forte
de nouveauté; nous ne pouvons fupporter ce genre
de décoration. Qu'on fafTe ufage des grilles de
fer à l'extrémité des avant - cours, ou à l'entrée
' des cours de nos maifons de plaifance, rien n'eu
plus convenable fans doute, parce que ces de-
meures éloignées du tumulte des villes, la grandeur
des lieux, les points de vue dont ces grilles laif-
fent jouir , enfin la liberté dont on ufe a la cam- *
pagne , toutes ces confidérations femblent parler
en faveur de ces fermetures , pour l'entrée de ces
afiles champêtres ; mais que dans le fein des
villes, où les perfonnes les plus diftinguées de
l'Etat, font en repréfentation , & occupées des
affaires publiques ? on rifcjue , par efprit d'inno-
-ocr page 248-
m
h 42                       C ο υ R &
vation, d'expofer aux regards avides des curieux,
ce qui fe paffe dans l'intérieur de nos Palais, de
nos Hôtels , & particulièrement dans la demeure
de nos Miniftres , de nos Magiftrats ; ceil, à
notre avis, bleffer les lois de la convenance, &
confondre le cara&ere particulier quidevroit ditlin-
guer les édifices élevés à la campagne , d'avec
ceux érigés dans nos cités. D'ailleurs , que iigni-
fient pluiieurs arcades fermées par des grilles «,
celle du milieu par une fermeture de menuiferie ,
toutes féparées par des trumeaux, quipréfentent
tantôt des pleins, tantôt des vides , & jamais d'en-
femble, de dignité , d'accord ni d'unité ? Nous
demandons encore, à quoi fervent ces ouvertures
que l'on quitte & qu'on reprend fans ceffe , & où
la Porte du milieu , fouvent fermée , mafque la
ligne capitale de l'édifice , toujours la partie la
plus intéreifante du monument : du moins dans
les avant-cours de nos maifons de plaifance, ces
grilles font continues ; & ii l'on interpofe quelques
pieds-droits pour en foutenir les travées , ceux-
ci femblent faits pour ces mêmes grilles. Autre
chofe feroit de les employer dans quelques-uns
de nos Palais , dans certains édifices publics,
pour défendre l'entrée des colonnades qui forme-
raient ou des péryftiles ou des galleries extérieu-
res , qui donneraient en face d'une grande rue ou
d'une place. Mais griller des arcades percées dans
des murs de clôture, c'eit vouloir renoncer au
genre propre à la chofe ; c'eft involontairement rap-
peler l'idée de nos prifons; c'eft préférer la féraille
à ce que la véritable Architecture & la bienféançe
femblent exiger deTArchite&e.
Nous terminons ici cette difcuflion, pour donner
le déiïïn de la Porte du Séminaire de Bourges ; en-
-ocr page 249-
D* A R C H IΤ Ε CT U R Ê.               143
fuite nous rifquerons d'en offrir plufieurs de ndjfre
compofition, l'une projetée pour le Palais Ar-
chiépifcopal de Cambrai ^l'autre pour celirç de l'Ar-
fenal de Paris, dont nous avons parlé, deuxième
volume de ce Cours, page4$ 1; une troiiieme enfin
dans le goût dominant d'aujourd'hui, pour prendre
occafîon de préfenter à nos Elevés différents exem-
ples qui puiffent à l'avenir les faire paffer du bon
a l'excellent, & les mettre en état de diilinguer le
médiocre d'avec le défectueux.
Porte du Séminaire, de Bourges.
La planche XXV donne le deiïïn de la Porte
du Séminaire de Bourges, exécuté fur celui de
M. Franque. Cet Architecte dii Roi eft peut-être
un de ceux de nos jours qui ont le plus travaillé ;
fes productions eftimables, vont paroître inceffam-
ment, cet homme de mérite les faifant ^graver
fous (es yeux avec le foin qu'elles exigent.^ Nous
avons déjà donné de cet habile Maître, pluiîeurs
compoiitions dans l'Encyclopédie ; depuis il a bien
voulu nous communiquer de fon porte-feuille pré-
cieux , la Porte que nous offrons ici > ainfi que
pluiienrs autres bâtiments qui trouveront place dans
ce Cours. L'ordonnance de cette Porte , exécutée
en 1740, eil compofée d'un ordre Dorique , en-
gagé & groupé dans fes angles : ce moyen donne
à ce frontifpice un mouvement intéreffant ; &
fans nuire en rien à la virilité Dorique, il pro-
cure une certaine légèreté à l'attique , qui fans
cela eût paru trop maffif; cette prévoyance n'ap-
partient qu'à un homme d'expérience, qui forte-
ment rempli de fon objet, dès la composition de
fon plan, diitribue ce dernier à raifon de l'effet
général que doit offrir l'ordonnance entière ; autre*
-ocr page 250-
144                       C OURS
ment lorfque moins habile on ne s'occupe que dé
la régularité du fol, ou que même on en lait afleZ
pour conduire régulièrement fon projet jufqu'à l'en-
tablement , la partie du couronnement qui n'avoit
été conçue ni prévue , refte imparfaite ; ou bien
l'on eft forcé d'avoir recours äu rniniftere de la
Sculpture, pour mafquer , autant qu'il eft poffible 9
ce que l'Architecture a de vicieux, ainfi qu'on le
remarque dans le plus grand nombre des Portes
qui donnent entrée à nos édifices d'importance;
Nous avons condamné plus ci une fois Tufage
qu'on fait des colonnes engagées ; ici ce moyen
ièmbloit néceflaire. Les colonnes d'angle paroif-
fant folitaires , il étoit efTenciel que la faillie de
la plate-bande de l'architrave fût peu coniidérablei #
infailliblement elle l'auroit été trop, fi les colon-
nes euifent été ifolées , parce qu'elle n'auroit été
foutenue dans chacune de fes extrémités , que par
un feul point d'appui. D'ailleurs par là les pieds-
droits de la Porte paroiffent moins caverneux j
les ombres font moins fortes, & par cet expé-
dient l'ordonnance préfente une fimplicité qui s'ac-
corde on ne peut pas mieux, & avec l'expref-
iión Doriqiie, & avec le genre de l'édifice auquel
cette Porte donne entrée.
Tel eft le parti que favent prendre les grands
hommes, fans s'écarter trop des préceptes fonda-
mentaux de l'Art; en mettant en ufage toutes (es
reflburces, ils favent ce qu'il leur eft permis de
hafarder , de fouftraire ou d'ajouter; & par une
infinité de combinaifons , ils enfantent des chefs-
d'œuvre en plus d'un genre, tandis que chez les
Architectes ordinaires, la licence ou la témérité
prend la place du raifonnement ; d'où il réfulte tant
de compofitions bifarres, qui, loin d'annoncer le
-ocr page 251-
d'architecture.            145
génie des ordonnateurs , prouvent à peine qu'ils
ont pouiié leur étude au-delà des iirnples éléments
de l'Architecture.
M. Franque s à l'imitation des anciens , a rifqué
une table placée dans la frife ■& l'architrave de
fon entablement, &qui, dans fon étendue, occu-
pe trois métopes & quatre trigliphes. Nous obfer-
verons que du moins la préfence des mutuîes fait
paroître réguliers les trigliphes mafqués par cette
table, au-lieu que la plupart de ceux qui ont
imiré ces tables , ne les ont employées que pour
cacher l'irrégularité de leurs métopes & de leurs
trigliphes, ce qui prefente une double licence, dans
ce que la décoration a de plus efienciel. Au-deiîus
de l'entablement regne tin focle , porté au-devant
de la faillie des colonnes ; ce focle fert à recevoir
les armes , qui ont pour fond l'attique : celui-ci ne
s'élevant que fur le nu des pieds - droits de la
Porte, fe trouve acoté très-heureufement par
deux confoles renverfées, qui contribuent à faire
pyramider tout cet amortiiTement, fans pour cela
nuire au caractère rediligne que l'ordre Dorique
impofe , lorfque par âes raifons de convenance on
croit le. de voir préférer à tout autre,
La baie de cette Porte, comme celle de l'Hôtel
de Soubife , dont nous venons de parler, eil
plein-cintre , & placée comme elle dans le fond
d'une tour creufe; mais du moins elle eil contenue
dans une niche quarrée qui procure un caractère
grave, inféparable de l'ordre qui préfide ici.
Projet d'une Porte, pour Le, Palais Archiè*
.pifcopal de Cambrai.
;.
La planche XXVI préfente l'un des projets
/
-ocr page 252-
146                       Cours
que nous avons faits pour la principale Porte
d'entrée du Palais Archiépifcopal de Cambrai.
Nous avons préféré de donner celle-ci, à celle qui
doit être exécutée fur nos deffins, parce qu'elle
eil couronnée d'un fronton , & que les exemples
précédents n'en ont point : cependant il feroit aifez
convenable d'en placer à ces fortes de frontifpic.es,
non-feulement parce que cette forme triangulaire
contribue à les faire pyramider , mais parce que
les frontons femblent fervir de toiture, aux porches
intérieurs , ordinairement peu profonds, qui fuc-
cèdent à ces Portes : d'ailleurs le tympan de ces
frontons fert· à contenir & à conferver les armes &
les flippons de la perfonne pour qui Ton bâtit, ce
qui ne fe peut que difficilement, lorfque ces blâ-
fons font placés en relief i& ifolés en amortiife-
ment, ainii qu'on le remarque aux Hôtels de
Richelieu, de BelHile, & ailleurs, avec une pefan-
teur & un falle on ne peut pas plus mal entendu.
Nous ne craignons point de le dire ici, ces Portes
font le feul lieu où Ton devroit placer de tels
ornements, & non dans les avant - corps des fa-
çades , où aiiez inconfidérément on les répète
du côté de la cour & du côté des jardins ; au-lieu
que, placés fur la principale Porte d'entrée, ils
femblent faits pour annoncer , plus convenable-
ment que par-tout ailleurs , l'importance du pro-
priétaire , fa naiflànce & le rang qu'il tient dans
l'Etat ; & par là ils difpenfent d'une infcription,
plus propre aux arcs de triomphe ou aux diffé-
rentes manufactures , que dans les Hôtels des
Grands Seigneurs.
L'ordonnance de cette Porte eil d'ordre Ioni-
que, couronné du chapiteau de Michel-Ange,
à deifein de rendre ce couronnement plus abfolu,
-ocr page 253-
b'ARCHIÏÈCTÜRE.            I47
& dé procurer plus de racoureiifement au fut de
la colonne, ce frontifpice faifant partie d'une
façade d'un caratlere ferme , quoique l'ordre Ioni-
que y préiide à cauie de la deftination intérieure
des bâtiments , où le porche de cette Porte con-
duit : ce chapiteau nous a fait préférer l'entable-
ment modillonnaire de Palladio , au denticulaire de
Vignole , afin d'aiïbrtir cet entablement au racour-
ciffement aparent de l'ordre. Nous avons déjà fait
cette remarque à nos Elevés , en traitant dans le
deuxième volume de ce Cours , page 76 , de l'ap-
plication de l'ordre Ionique à l'Architecture. Mais
bien-loin de regarder cette répétition comme inu-
tile, nous la croyons indiipenfable ; il faut la
coniidérer comme une fuite des éléments appli-
qués à la théorie de FArt, puiiqu'atitrement on
fe permet indifrinclement un ordre quelconque,
un entablement de fantaifie , un piédeftal arbi-
traire , & des ornements qui ne font que richeffe,
& rarement beauté.
Nous avons enfermé dans une niche quarrée ,
l'arcade plein-cintre qui détermine l'ouverture de
cette Porte ; duffions-nous nous refTembler dans
plufieurs de nos productions, nous nous fentons
un goût déterminé pour cet efpèce d'encadrement :
la Porte de Saint - Denis par Blondel, l'Arc de
Triomphe du Trône par Perrault, les Arcades de la
Nef de l'Eglifedu Val-de-Grâce par Manfard , font
les exemples célèbres qui nous déterminent à cet
égard, Au refte, notre avis ne fait pas loi ; mais
nous nous fommes cru permis d'avoir uil fenti-
ment particulier, d'après l'autorité de tels Maîtres,
& ayant employé plus d'une fois ces niches quar-
rées avec un fuccès égal. Il eil vrai que cette
méthode force les pieds-droits, & contribue à
. '               Κ ij
ν
-ocr page 254-
i4§                       Cou rs π
rendre le principal entrecolonnement un peu large »
non qu'ici le fofite de l'architrave né puiffe fe
foutenir en l'air ; mais il ne s'agit pas toujours de
vifer iimplement à la folidité, il faut contenter
l'œiiil : or jamais il ne peut être fatisfait, lorfque
les entrecolonnements paroifTent trop coniidéra-
bles , comparés avec leur hauteur , ainii qu'on
peut l'obferver dans les ordres fupérieurs du
Palais des Tuileries, delà cour du Vieux-Louvre,
du Portail de l'Eglife de Saint - Gervais, &c.
Pour éviter un tel inconvénient, lorfqu'on a un
deiîin de Porte à faire, & que la largeur de fa
baie eil preicrite par Fufage de l'édifice, que la
hauteur des planchers eil donnée , & que ces en-
traves ne peuvent corriger l'imperféclion dont
nous parlons, nous n'y voyons d'autre remède
que de terminer le fommet de l'ouverture en plate-
bande , parce qu'alors on peut donner moins à
l'entrecolonnement; mais nous perfiilons à croire
que lorfque les ordres ont aifez de hauteur, ou
que les entrecolonnements n'auront qu'une largeur
convenable , on fera bien de préférer les ouvertures
plein cintre à celles en plates-bandes, & de con-
server ces dernières pour les croifées des façades.
Au reile, nous avons penfé que lorfque les
entrecolonnements un peu confidérables font de
néceiîké, il convient d'accoupler les colonnes;
au-lieu qu'en toute autre circonilance on doit
préférer les colonnes groupées, ainii qu'en a ufé
M. Franque à la Porte du Séminaire de Bourges,
rapportée précédemment planche XXV , ce que
nous n'avons pu faire dans celle dont nous par-
lons, parce que le fronton aurost eu trop peu
- de bafe, & que d'ailleurs fon tympan eil deiliné
à recevoir des armoiries d'un certain volume«
-ocr page 255-
d'Architecture.            14p
Aii-deflus de ce fronton nous avons placé un
acrotère qui reçoit un carreau ou couffin , fur-
monté d'une couronne Ducale, & fur chaque ac-
couplement de colonne , une figure aiîife , élevée
fur un focle, Tune repréfentant la Juilice, l'autre
la Religion, fimbole convenable aux dignités & aux
vertus du Prélat qui habite ce Palais.
L'ordonnance de cette Porte eil flanquée de
chaque côté, par des corps intermédiaires, char-
gés de refends , & faifant faillie fur le nu du mur;
celui-ci eil revêtu de tables qui féparent ce fron-
tifpice d'avec les pavillons placés à chaque extré-
mité de la principale façade où fe trouve la Porte
qui donne entrée à ce Palais Archiépifcopal, dont
nous donnerons dans la fuite la dirlribution àffez
ingénieufe, ainii que nous l'avons promis, deu-
xième volume de ce Cours, page 330.
Projet d'une Porte dans L· genre moderne.
Enfin là planche XXVII va nous offrir le deiîîn
d'une Porte que nous avons compofée à-peu-près
dans le genre de celles qu'on élevé aujourd'hui le
plus communément. Qu'on ne croie pas cependant
que nous approuvions l'afTociation des grandes co-
lonnes avec les petites dans une même ordonnance,,
ni les corniches architravées, ni les arcades feintes
enfermant des Portes à plates-bandes ; ces compor-
tions n'annoncent autre chofe qu'une petite ouver-
ture réelle , fous un grand archivolte , & contenue
dans une maife , que mal-à-propos on a voulu ren-
dre impofante ; ce qui donne à ces fortes de fron-
tifpices, contre toute idée de vraifemblance, l'air
d'une Porte triomphale, plutôt que celle d'un Palais
ou d'un Hôtel. Ajoutez à cela la contradiction
Kiij
-ocr page 256-
150                     Cours
qui fe rencontre entre les modules des deux or-
dres , ainfi que dans les membres d'Architecture
qui compofent cette décoration. En effet, que veut
dire une Porte de neuf pieds d'ouverture, noyée
dans un efpace de cinquante-cinq pieds de large
fur quarante-huit de hauteur ; capacité qm auroit
pu fe réduire à moitié, & par conséquent offuf-
quer moins , comme cela n'arrivé que trop ordi-
nairement, le coup-d'œuil des façades des prin-
cipaux corps de logis de nos édifice*? Ce n'eil
autre chofe qu'un moyen auifi inconféqnent, quoi-
que très - différent, que celui de percer les murs
qui féparent les cours de nos Hôtels d'avec la
voie publique, par des arcades fermées de grilles
de fer , ainfi que nous l'avons remarqué plus
haut.
Que ne nous eil-il poffible de convaincre nos
Elevés , qu'il n'eil point de véritable beauté dans
l'Architecture, fans s'affurer du caractère propre
à chaque genre d'édifice ! Nous favons qu'il eil
fouvent néceffaire de varier fes productions ; fans
doute il eil bien de faire des portes plus grandes,
d'autres moins grandes : il eft encore vrai qu'on
peut y employer les ordres ou les y fupprimer;
que quelquefois on peut mettre en œuvre les
ouvertures à plates-bandes, plein-cintre, ou même
furbaiffées ; qu'on peut préférer celles nommées
flamandes, c'ell-à-dire, décorées feulement de deux
pieds-droits, fans fommier , fans autre couronne-
ment qu'un linteau qui fert de battement à la ferme-
ture de menuiferie ; mais tous ces genres de Por-
tes , fans oublier celles nommées bâtardes, doivent
être amenées fur la fcène par l'efprit de convenan-
ce , à raifon du plus ou moins d'importance des pro-
jets dont Γ Architecte eil chargé » foit à la ville,
-ocr page 257-
■'.''.                                                                                                                     
'                                                   .               \                                                           
d'Architecture.           ι 5 r
fok à la campagne ; ou bien fuivant qu'il eil que-
ftion d'un édifice public, d'une maifon de plaifance
ou d'une habitation particuliere ; autrement on rïf-
que en fe permettant tout & en ne réfléchiffant à
rien, de s'en rapporter à fa feule imagination, de
s'éloigner des règles de l'art , pour ne mettre en
oeuvre que fes écarts: d'où il s'enfuit qu'infenii-
blement les productions de nos jours dégénèrent
en chimères. Qu'on y réfléchiffe, la plupart de
nos jeunes Architectes crient au génie : plus
expérimentés qu'eux, nous les rappelons aux
préceptes, nous leur permettons les reflources de
l'Art ; mais , s'il nous étoit permis ,, nous leur
défendrions l'enthoufiafme, préférant dans tous
les cas une compofition iimple, peut-être froide,
mais régulière, à tout ce que le dérèglement de
l'efprit peut produire de pittorefque.
Quoi qu'il en foit, détaillons les différentes par-
ties qui compofent l'ordonnance de cette Porre,
en fuppofant que quelques-uns de nos Elevés fe
trouvent dans le cas d'élever un frontifpice de
ce genre ; ce que nous ne leur confeillerions qu'à
regret. Mais comme nous ne pouvons ni ne de-
vons efpérer que notre avis prévale fur celui du
plus grand nombre , dans l'intention de leur faire
éviter de plus grands abus, nous leur offrons cet
exemple avec le moins d'imperfection qu'il nous
eft poiïible, fans néanmoins pouvoir détruire fon
air coloifal, ni la difparité qui s'y renconte entre
les modules & la petiteffe de l'ouverture com-
parée avec la maffe entière.
Nous avons dit plus d'une fois, que dans Tordre
Dorique la largeur des entrecolonnements dêpen-
doit de la diftribution régulière des trigliphes & des
métopes répandus dans la frile de l'entablement.
Kiv
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IJ2                       Cours
Dans ce deffin, point de difficulté pour f écartement
des quatre colonnes d'angle ; cet écartement a été
affujetti à foixante minutes, depuis A jui'qu'à Β ,
telles que le comportent les meiures de Vignole ;
certainement il auroit fallu donner auffi trente
minutes entre chaque axe de trigliphe , reparti
dans le grand entrecolonnement du milieu de ce
frontifpice, c'efl-à-dire, obferver cent quatre-vingt-
huit minutes de largeur, depuis A jufq.ua. A ; il
en ferpit réfulté , non un entrecolonnement trop
écarté, puifque nous avons fait retourner l'enta-
blement fur le mi du mur , mais une largeur trop
coniidérable eu égard à la hauteur de tout l'édi-
fice; ce qui d'ailleurs auroit produit des pieds-
droits lourds & pefants : de maniere que pour
éviter ce défaut dans l'enfemble, & cette irrégu-
larité dans les parties, nous ayons employé les
reiTources au défaut des préceptes , en plaçant
une table qui, occupant î'efpace de cinq trigli-
phes .& de quatre métopes , nous, a permis de
rapprocher les deux colonnes A d'un module ; '&
nous avons porté cette erreur dans les trigliphes
qui fe trouvent mafqués par cette table : l'a .perfe-
ction du tout nous ayant paru devoir l'emporter fur
la régularité des détails ; licence que le goût auto-
rife , & qui fouvent eil préférable à la feule févé-
rité t des règles de l'Art, employées , ftri&ement
par un Architecte timide encore , & qui n'ofe
franchir les limites que ces mêmes règles luiirnpo-
fent. Néanmoins, cette féyérité eft préférable au
feotiment de ceux qui ne fuivent ni les règles, ni
les reiTources , ni le goût de l'Art > pour ne com-
pofer que des ouvrages de caprice & de fantaifie.
Ce n'eit pas que nous approuvions la table em-
ployée ici 'f nous ne la croyons que du reiTort
-ocr page 259-
d'Architecture. ijj
àes Portes triomphales ou des Arcs de Triom-
phe , dans l'intention d'y placer quelqu'infcription
en ftyle Lapidaire qui indique aux étrangers la
dédicace du monument, comme on fe fert d'un
cartel ou d'une frife, dans les frontifpices des Palais
& des Hôtels, pour déiigner le nom & la dignité des
personnes qui les habitent, ou telle qu'elle auroit pu
être placée dans ce deiîin vers l'endroit C ; mais
comme l'ordonnance que nous offrons n'eil pré-
fentée à nos Elevés que comme l'image de la plu-
part des Portes coloiiales qu'on élevé aujourd'hui >
& que nous avons deiîin de les guérir de la fureur
où l'on femble être d'employer des colonnes, des
itatues, & une quantité prodigieufe de fculpture,
dont nos maifons particulières ne font pas excep-
tées , nous n'avons pas craint de faire entrer dans
cette compofition, la plus grande partie des mem-
bres & des ornements qu'on devra, réferver pour
les édifices publics, dont cet exemple eft la char-
ge , afin de leur en faire fentir l'inconféquence.
Peut-on prendre en effet pour une beauté pofiti-
ve, une grande arcade feinte dont l'archivolte porte
fur une corniche arehitravée , & celle-ci fur les
colonnes ifolées D, D, dont la petiteiîe du dia-
mètre contrarie ? nous ofons le dire, ridiculement
avec l'éclat de celles A, B. Mais , prétendent les
amateurs de ce genre d'ordonnance, les colonnes
mineures fervent à faire valoir les majeures ; nous
en convenons : mais nous leur oppoferons qu'à
leur tour les grands ordres fervent à anéantir les
petits & à les faire paroître nains. Cependant,
difent-iis, Palladio , la plupart des ouvrages des
Romains, δε plufieurs édifices François, donnent
des exemples de cette affodation. Cela eft encore
vrai à certains égards : mais on peut dire que tous
-ocr page 260-
154                       Cours
ces écarts ne font pas bons à imiter, fur-tout
dans les produirions dont nous parlons, les diffé-
rents frontifpices devant, par leur flyle & leur
caractère, annoncer précisément l'efpèce de l'édi-
fice auquel ils appartiennent. De ces réflexions il
faut conclure qu'une pareille ordonnance ne peut
déiignèr le genre qui doit préiider dans la déco-
ration des bâtiments , foit hôtels, foit rnaifons des
riches Particuliers , ces demeures devant toujours
être coniidérées comme des habitations de la
féconde claffe. Ces fortes d'ordonnances devroîent
donc être réfervées, fi le cas le requerroit, pour
certains Edifices publics, pour nos Temples, nos
Théâtres, &c.
En effet, pour faire de ce deiîin un Arc de
Triomphe ou au moins une Porte triomphale , il n'y
manque que de placer deux renommées fur les côtés
de l'archivolte, & d'élever fur le focle fupérienr
& à plomb du grand entrecolonnement, un amor-
tiffement compofé de gradins , d'un attique orné
de bas-reliefs, de ferlons, de boffages revêtus
de pointes de diamants ou de mufles de lions ,
furmontés d'un Triomphateur traîné fur un char
attelé de chevaux, protocole de toutes les compo-
rtions des jeunes gens de nos jours : ils croient
en effet enfanter des chefs-d'œuvre quand ils ont
placé beaucoup, de fculpture dans leurs projets ,
fans s'embarrarîer fi les allégories qu'elle repré-
fente, naiffent/du motif qui donne lieu à l'édifice ;
il n'importe, leurs productions font riches, £a(-
tueufes ; ils ont, difent-ils , plus d'une fois fait
preuve de génie ; en un mot, l'enthoufiafme leur
paroît préférable aux préceptes. A les entendre,
il n'y a que les hommes froids qui y ont recours :
quel raisonnement ! Nous avons beau tenter de
-ocr page 261-
d'Architecture.            fff
les ramener au iimple, leur rappeler les règles
fondamentales de l'Art, ils fembîent prendre plai-
iir à s'en écarter , ou , lorfqu'ils y applaudirent,
ce n'eil qu'avec des reitri&ions, & ils préfèrent
toujours de s'abandonner au torrent, d'où infen-
iïblement ils perdent de vue la véritable route qui
conduit au fublime, pour ne produire que des
chimères , & déployer tout ce que leur imagi-
nation peut enfanter de plus extravagant.
Au reite, nous les prions de nous tenir compte
de notre fincérité ; qu'ils nous fâchent gré même ,
s'il eil pofïible, de nous être prêtés à leur offrir
le deiîin que nous leur donnons dans cette plan-
che ; certainement nous ne l'emploierions jamais :
nous avons voulu feulement leur préfenter l'image
de leurs écarts , en cherchant néanmoins à rendre
cette compontion la moins vicieufe poiïible. Quoi-
que nous n'y ayons répandu qu'une certaine quan-
tité de Sculpture, cependant, malgré notreréferve,
elle donne à ce deiîin l'air d'un monument élevé
plutôt pour la magnificence que pour défigner le
irontifpice proprement dit d'une maiion Royale,
ou de la demeure d'un Grand Seigneur : aulîi
avons-nous placé au pied des colonnes du grand
ordre , d'un côté , une itatue de Mars , & de
l'autre , celle d'Hercule : fous l'archivolte , un
écuffon & des fupports ; pour claveau , une clef
en confole ; enfin fur les focles au-deifus de l'en-
tablement , des trophées d'arme fervant d'amor-
thTement aux extrémités de cet édifice. Nous ob-
ferverons cependant que nous n'avons cannelé les
colonnes que dans les, deux tiers fupérieurs de
leur fût. Il n'eft point douteux que fi l'on y
plaçoit les iîatues qui fe voient ici, on auroit du
continuer ces cannelures dans toute la longueur,
-ocr page 262-
156                       Cours
& remplir de rofeaux, le tiers de la hauteur de
CQs cannelures ; que même on pourroiî tailler
des ornements dans les métopes , & placer des
roiaces dans les caiTettes du fofEte du larmier de
la corniche. Cet ordre peut, fans contredit, com-
porter tous ces ornements , pourvu qu'ils fe ref-
îentent du caraâere de fa virilité ; mais , encore
«ne fois , ce n'eil point dans une pareille ordon-
nance qu'il faut en abufer ; les dehors d'ailleurs
demandent à être traités avec une forte de fimpli-
cité; aufïi eil-ce par cette dernière remarque que
nous finirons nos réflexions fur l'ufage trop fré-
quent qu'on fait de ces fortes de frontifpices.
DES CROISÉES EN GÉNÉRAL.
Il en eil des ouvertures des Croifées, comme
de celles des Portes , c'efl-à-dire, que le rapport
de leur hauteur avec leur largeur doit fe reiîentir
de l'expreiïion folide ou délicate qui préfide dans
l'ordonnance du bâtiment, que Tordre y foit abfent
ou préfent : enfuite il ne s'agit plus que de déci-
der leur forme & les membres d'Architeéhire qui
les entourent, les couronnent ou les accompa-
gnent ; enfin les ornements dont on veut les en-
richir. Après ces obfervations préliminaires., on
doit prendre garde de ne pas confondre les genres,
& fe rappeler le caractère eifenciel de chaque
ordre, pour ne pas hafarder, dans la compoikion
des Croifées, des parties légères , lorfque l'ordon-
nance eil Tofcane ; ou des détails ruiliques , lorf-
que par choix elle fe trouve Ionique. Combien de
ceux qui négligent les éléments de l'Art, penfent
qu'il fuffit de percer un mur de face pour faire
une Croifée ; femblables en cela aux Egyptiens qui
/
-ocr page 263-
d'Architecture.            157
croyoient ériger des colonnes àraifon des différents
points d'appuis dont ils avoient befoin ; fans le
douter, ainii que nous l'avons remarqué précé-
demment, que de ce point d'appui devoit naître le
rapport de leur hauteur avec leur diamètre.
Qu'on y penfe férieufement, une Croifée véri-
tablement belle, n'eil point un objet facile à com-
pofer; elle exige toute l'attention de l'Architecle;
& il eil d'autant plus effen ciel qu'une ouverture
foit d'une proportion, d'une forme & d'une richeiTe
intéreffante, qu'elle fe répète , pour ainii dire, à
l'infini dans les différents étages des bâtiments d'une
certaine importance, & que lorfqu'elîe eil d'un
deiîin médiocre , cette médiocrité répétée dans
toute l'étendue de l'édifice , en décompofe les
parties , nuit à l'enfemble , & ne préiente plus
qu'un ouvrage imparfait.
Anciennement on faifoit les ouvertures des Croi-
sées trop peu élevées; on accabloit leur pourtour-,
de croffettes, d'oreillons ; on les couronnoit de
frontons enroulés , interrompus, découpés , & on
les enrichifToit de mafcarons, d'une laideur ima-
ginaire , mais infuportable. Depuis on leur a
donné trop de hauteur, on a négligé leur forme,
on les a faites indiitinctément à plate-bande, plein-
cintre , bombées ; on a abufé des confoles qu'on
y a introduites : tantôt on a fait celles - ci trop
alongées , tantôt trop racourcies ; on. y a em-
ployé des reflauts, on y a inféré des chambran-
les qui imitent la menuiferie ; on a acoté ces
derniers de contre - chambranles ; enfin on les a
terminées par des attiques ou trop écrafés ou
d'une élévation démefurée.
Aujourd'hui il femble qu'on leur donne aiTez
généralement une proportion plus confiante;;
-ocr page 264-
158                       Cours
mais foûvent on les accable d'une rîcheffe indis-
crète ; & dans la même façade on en fait d'autres
d'une fi grande iimplicité, qu'elles femblent affoi-
blir à l'oeuil du ipe&ateur , ridée qiùl devoit fe
former du genre de l'édifice; nos Architectes à la
mode appellent cette diiparité , ( car incontefta*-
blement c'en eil une ; ) ils l'appellent , difons-
nous, une variété agréable, & condamnent la
fymétrie & la correfpondance que les Croifées
doivent avoir les unes avec les autres, comme
une marche monotone qui n'annonce que laitérfité
de l'ordonnateur.
Telle eil, pour ainii dire, l'incertitude à la-
quelle fe trouve à préfent réduite l'Architecture.
Quelques hommes de génie ont cru pouvoir rif-
quer cette maniere d'employer les croifées dans
certaines façades où elles faifoient bien, parce
qu'elles contribuoient à déiigner un caractère par-
ticulier à leur bâtiment ; dès là tous les Copiiles
ont fuivi cet exemple , fans égard à la convenance ;
& infeniiblement ces Copiiles ont eu des imita-
teurs , d'où eil réfultée chez le plus grand nom-
bre la préférence qu'acquiert la mode fur les
préceptes de l'Art.
Un Architecte de goût a introduit , il y a
quelques années , des tables renfoncées au-deiTus
des croifées d'un édifice public ; il a placé dans
ces tables des figures en bas-reliefs : cela a réuiîi
parce que cela étoit fait pour réuffir ; fix mois
après, Paris en a été rempli, & il n'y a pas
jufqu'aux frontifpicesdes fpecfacles de nos Foires,
ΐόη n'en remarque, quoiqu'elles y foient bien
moins convenablement appliquées. .
Autrefois un Sculpteur de mérite croyant n'être
jamais imité, hafarda fur les Croifées du côté du
-ocr page 265-
d'Architecture.             159
jardin d'une maiibn particuliere, des agrafes d'un
deffin contrarié ; cette idée fut goûtée jufqu'à
un certain point, parce qu'elles étoient contra-
riées avec goût. Dans la fuite des Artiites fubal-
ternes croyant les imiter, en firent la charge ;
& par une bifarrerie qui n'a point d'exemple, ils
finirent par les incliner & les renverfer : leurs formes
de travers effacèrent entièrement l'idée qu'elles au-
roient dû donner de la folidité que le claveau devoit
procurer aux vouiïbires de l'arcade où ces chi-
mères étoient adoptées. Il n'y a pas jufqu'aux
encorbellements qui foutiennent les balcons de
nos façades , que ces imitateurs fubalternes n'aient
ofé faire de travers ; & cette manie de leur
temps, gagnoit jufque dans l'intérieur de nos
Temples. Tel a été l'eiprit de vertige que pendant
près de trente annés les hommes médiocres ont
décoré du beau nom de génie & d'invention ;
enforte que ce n'eft guère que lorfque l'extra-
vagance eit portée à ion comble , qu'on aban-
donne une nouveauté pour recourir à une autre
nouveauté.
Il eft vrai que depuis quelques années l'Art
a beaucoup gagné; il eft certain qu'aujourd'hui
nos jeunes Architectes font plus féveres dans les
dehors de leurs façades, & que pour atteindre
à la perfection en ce genre , il ne leur manque
que d'ufer d'un peu plus de retenue, & d'aiïbrtir
avec plus de circonfpe&ion les membres d'Ar-
chiteäure dont font compofées les ouvertures de
nos façades.
Offrons à préfent quelques deffins de Croifées.
Commençons , comme nous avons fait pour les
Portes, par donner quelques exemples anciens ;
enfuite nous en donnerons dans le genre mo-
derne.
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i6o                    Cours
Diverses Croisées ? puisées d'après
les Edifices de Rome.
Planches XXVIII, XXIX, XXX & XXXI.
La planche XXVIII donne la Croifée du premier
étage du Palais des Confervateurs à Rome, du
deiîin de Michel-Ange ; cette Croifée, quoique
d'un aviez bon goût, préfente, ainii que le remar-
que d'A-viler , une ouverture bien peu coniidéra-
ble pour la grandeur du Palais où elle fe trouve
adaptée : elle nous donne aulîi un exemple de
l'aÎTociation des petites colonnes , dont les hau-
teurs ont moins du tiers du grand ordre dirtribué
dans la façade : il eil vrai que ces petites colon-
nes accompagnent un objet particulier de la dé-
coration ; mais cela n'empêche pas qu'on ne re-
marque la difparité des diamètres des deux ordres :
diiparité que nous avons condamnée précédem-
ment , en parlant du deffin de la Porte de la plan-
thé XXVII. Ici nous ajouterons que le grand
ordre eft Corinthien , & que celui qui décore
cette Croifée, eil une efpèce de Dorique, de pro-
portion ionique: compoiitionqui iemble s'éloigner
de la févérité des préceptes, & quiparoît contraire
au véritable goût de l'Art. D'ailleurs nous ne
fautions · approuver le double ailragale placé fous
le chapiteau, & qui, continué dans l'entf ecolon-
nement, femble deftiné à fervir de couronnement
au chambranle de la Croifée ; de maniere que la
diitance obiérvée entre cet ailragale & le deiïbus
de l'architrave, donne ici l'idée d'une double frife
qui produit un affez méchant effet.
Nous n'applaudiiTons pas non plus à ces petites
C__■: colonnes,
-ocr page 267-
^Architecture,             161
Colonnes, qui fe trouvent engagées d'un demi-
diamètre dans le nu du mur , & qui font élevées
fur un (ode, de quelque choie de plus qu'un mo-
dule , placé .au-defîiis du piédeital, qui a déjà de
hauteur les deux feptiemes de l'ordre, & quiiert
de baluitrade d'appui à cette ouverture., Qu'on
y prenne garde, nous croyons que cette double
application de membres de même efpèce ne iert
qu'à rendre l'ordre chétif ; il eil couronné d'ail-
leurs par un entablement, qui , quoique réduit
entre le quart & le cinquième , ne s'en trouve
pas moins amorti par un fronton circulaire qui
détruit, pour ginii dire, la dignité de cette compo-
sition. /
                    · a ',, : /                 .;;.;, ~ri<]m,y-
La baluitrade réuiïit aifez bien dans cedeiîîn,-
& elle étoit néceiTaire au bas'de cette ouverture:
autrement fa hauteur feroit devenue trop coniidé-
rable par rapport à fa largeur, étant terminée par
une plate-bande. On doit fereiTou venir que dans
les définitions du premier volumeAde cet ouvrage,
nous avons remarqué qu'à hauteur égale, une
ouverture à plate-bande devoir avoir un peu plus
de largeur que celle terminée en plein-cintre,
parce que celle-ci préfentant moins de vide, de-
voit recevoir moins de diamètre, afin de rendre
leur rapport moins diiTemblable dans la décora-
tion des bâtiments. Onpourroit remarquer encore 5
que les pieds - droits placés dans les angles de
cette baluilrade, paroiffent un peu foibles : tant
il eil vrai qu'il ne fuffitpas déplacer des membres
eiTenciels à un corps d'Architeclure; mais que le
grand art confifle à leur procurer la correspon-
dance qu'ils doivent avoir les uns avec les autres.
Nous defirons très - fincérement que les, obfer-
vations que nous venons de faire fur cet exemple
Tqiîu III,
                                  L
-ocr page 268-
î6i                        Cours
de Michel-Ange, foient approuvées par nos Archi*
tecles habiles, les feuls exempts de partialité ,
& qu'elles apprennent à nos Elevés que rien n'eft
à négliger dans une telle production ; que d'ail-
leurs il feroit bien de ne pas imiter les petites co-
lonnes qui fe voient ici, quoiqu'il s'en remarque
dans plus d'un de nos édifices François , entr autres
à la croifée de l'ordre fupérieur du portail du Val-
de-Grâce ;< mais nous ofons croire que François
Manfard ne les y auroit pas placées , û cet
Architecte célèbre avoit continué ce monument ;
à quoi nous ajouterons que le motif qui l'y a fait
renoncer, honore autant ce grand jbomme , que la
fupériorité de fes talents. Nous invitons encore nos
Elevés, par ce que nous venons de rapporter plus
haut, à éviter l'application du fronton circulaire
placé fur une Croifée d'une proportion peut-être
trop fvelte; l'apparence des deux frifes que nous
avons condamnées ; la fingularité du double aftra-
gale du chapiteau, ainfi que fa continuité ; le
focle qui reçoit les bafes des colonnes, élevé lui-
même fur un piédeftal; enfin le caractère mixte
qu'oifre l'ordre, qui n'eit ni Dorique ni Ionique
proprement dit. Nous leur confeillons de ne rete-
nir que le chambranle dont la largeur, réduite au
cinquième de l'ouverture, s'accorde aifez bien
avec les reifauts de l'entablement qui retourne à
plomb des colonnes , & d'imiter la baluilrade, pré-
férable en toute occafion, aux balcons de fer ou
aux appuis pleins , fouvent trop pefants pour
l'ordonnance des façades d'importance, ainfi que
nous le remarquerons bientôt en parlant des Croi-
fées de l'ordre Dorique du Palais du Luxembourg.
Les.Croifées tracées fur les trois planches fui-
yantes, font copiées d'après de très-bonnes étude$
-ocr page 269-
d'Architecture.           t6t
que M. Helm a faites pendant fon féjour à Rc£
me : cet habile Architecte , depuis fon retour en
Fraiîce , s'eil acquis une réputation juilement
méritée. En rendant juilice au choix que M. Helin
a fait des Croifées répandues dans les plus beaux
édifices de Rome & de l'Italie,
& qu'il a fait graver
avec autant de foin que de goût : nous ne crain-
drons pas de fake les obfervations que nous croi-
rons néceffaires pour porter les Elevés en Archi-
tecture , à réfléchir fut les objets qu'ils peuvent
imiter en tout ou en partie.
La Croifée de la planche XXIX, de même
ouverture que les deux fuivantes, eil la plus
fitnple des trois ; feiles ont toutes environ quatre
pieds un tiers de largeur , & de hauteur le double
de cette même largeur : rapport dont les Romains
ne fe font guère écartés pour leurs Croifées, non
plus que pour l'ouverture de leurs portes. La lar-
geur de ces ouvertures pourra paroître un peu
petite à nos Elevés, pour être appliquée aux grands
édifices d'Italie; mais il eil bon qu'ils fe rappellent
que la chaleur du climat oblige en quelque forte
les Romains à ménager l'ouverture de leurs baies
pour empêcher, autant qu'il eil poiTible, l'air exté-
rieur de pénétrer dans les dedans des apparte-
ments : précaution dont il convient d'ufer égale-
ment dans les pays du Nord, comme dans ceux du
Midi ; mais comme elle n'a point lieu dans les cli-
mats tempérés , les croifées doivent s'y annoncer
différemment, & toujours d'une maniere relative à
1 importance du bâtiment.Cette attention néanmoins
eroit échappée au Bernin, ainfi que nous l'avons dit
quelque part. Cet Architeäe, appelé en France
pour y donner les defîins du Louvre, voulut bâtir à
^ans.comme dans le fein de l'Italie, ce qui ne con-
Lii
-ocr page 270-
IÓ4                       Cours
tribua pas peu à faire préférer les projets de Per-
rault, qui effectivement a fu faire un véritable
chef-d'œuvre du Palais du Louvre , fur-tout dans
la façade qui donne du côté de Saint-Germain-
VAuxerrois.
Le .chambranle qui regne au tour de cette Croi-
fée , n'a que la feptieme partie de fa largeur , au-
lieu du fixieme, non compris la bandelette qui
fert de contre-chambranle , & qui paroît trop peu
confidérable ici, parce qu'elle n'a que le feptieme
de ce même chambranle, au-lieu du tiers. D'ail-
leurs on doit remarquer que les crénelures qui
fervent de moulures à ce dernier, font trop égales
entr elles , & rendent les diviiions de ce membre
trop monotones. L'appui de cette Croifée eil d'une
forme aiTez, heureuîe, quoique finguliere ; & il
s'accorde bien avec la forme des guillochis & de la
Roface, tenant lieu de claveau au fommier de cette
ouverture; mais il nous paroît que le mouvement
& la légèreté donnée aux moulures du chambranle
auroient dû porter l'Architecle à le couronner
d'une corniche d'un profil moins pefant, l'élégance
de ce deffin n'étant pas faite pour foutenir cette
corniche, qui n'eil autre chofe qu'un couronne-
ment ruitique.
La planche XXX offre un deiSn moins Îimple
que le précédent , mais d'une composition plus
extraordinaire , en confidérant les modulons pra-
tiqués aux extrémités de fa corniche, & fur-tout
les ornements placés fur le fommet & fous l'appui
de cette Croifée : ornements qui tiennent un peu
du genre Gothique ; car du moins les modulons
feroient en quelque forte lupportables , s'ils ne
commimiquoient pas à la corniche un pro\on.g^
-ocr page 271-
d'Architecture.            i6y
ment qui empêche cette dernière de pyramider
fur cette ouverture. Nous aurions auffi deiiré que
le congé du deiïus de la corniche eût eu moins
d'élévation , & que fes extrémités fuiTent tombées
à plomb des reffauts contre lefquels viennent
s'appuyer ces modillons. Les moulures du cham-
branle nous paroifTent plus convenables que dans
la planche précédente ; mais nous ne faurions
goûter ni les reifauts ni les croffettes qui femblent
tourmenter trop la partie fupérieure de cette com-
pofition. Les confoles placées fous l'appui & à
plomb des chambranles, nous femblent auffi avoir
trop de mouvement ? & être compofées de trop
de parties. On en peut juger plus poiitivement
par le profil de cette Croifée ; nous l'avons tracé
fur cette planche, ainfl que nous en avons ufé
pour les trois exemples dont nous parlons.
La planche XXXI donne enfin un troiiieme
exemple à-peu-près de même genre que ceux
que nous venons de décrire : il eil plus riche de
compoiition ; mais l'on peut dire que fes orne-
ments ne préfentent pas ce caraclere de dignité
qu'on remarque dans les autres; le profil du cham-
branle fur-tout eft ce qui nous plaît le moins ; fes
moulures caverneufes, alliées avec des moulures
faillantes , lui donnent un air de dureté qui s'ac-
corde mal avec les ornements diftribués dans le
couronnement de cette Croifée. Nous aurions
fouhaité aufli que les confoles de ce couronne-
ment fuffent d'un galbe plus iimple * & les ferions
qui s"'en échapent, moins continus : le médaillon
qui fe remarque au milieu > peut réuiîir quelque-
fois ; mais nous eflimons qu'il n'en faut jamais
abufer, fur-tout dans les étages fupérieurs , h
-ocr page 272-
'■■:.»!                                                                                             ■'                                             ,■ ' ' ί ,                                                                                          .·' *                                                                                :· ■■'.■■. ';- .:■*■
'"■ ' "■' '                                   . ■                                                                                                                                                                                                                             "f ■ '
166              ν' Cour s
principalement lorfque, comme ici, ils n'ont que
vingt-un pouces de diamètre; parce qu'alors ils
présentent de trop petits objets à Tœuil du fpe-
Öateur. On peut remarquer ce défaut dans plu-
sieurs de nos édifices François. La corniche nous
paroît auiîî d'une compontion trop fimple ; elle
s'accorde aiTez bien à la vérité avec la pefanteur
du chambranle & de l'appui de cette ouverture ;
mais elle ne femble pas faite pour couronner la
fculpture intermédiairement placée entre cette
corniche & le fommier de la Çroifée.
Nous efpérons qu'on rendra juitice à nos vues ,
& que loin de regarder comme une critique, les
obfervations que nous venons de faire fur ces
productions , on nous faura gré d'entrer quelque-
fois dans ces détails, pour empêcher les jeunes
gens, encore inhabiles , de prendre littéralement
ces exemples pour autant d'autorités qu'on doit
fuivre fans aucune reftriâion. C'eft fans doute de ces
Imitations non réfléchies , que viennent la multi-
plicité des ferlons , l'abus des guillochis , des
bâtons rompus, des çroifettes, des rofaces , &c.
Diverses Croisées y puisées d'après
nos Ém fi ces François.
Planches XXXII, XXXIII & fuivantes.
La planche XXXII donne une des Croifées
du rez k de - chauffée du Palais du Luxembourg,
Cette Croifée eft enfermée dans une arcade feinte,
placée fur la terraife du côté de la cour de
cette belle Maifon Royale, dont nous avons parlé
page 79 de ce volume, en décrivant l'avant-corps
4s h façade élevée du côté de la rue de Tournons
-ocr page 273-
d'Architecture;            i6y
ïa hauteur de la Croifée & de l'arcade eii du
double de fa largeur, proportion très - convena-
ble pour les ouvertures placées dans un édifice
où l'ordre Tofcan préiide. Il eil vrai que les arca~
des de ce Palais, du côté de la rue, & celles
placées fur le fol de la cour font de beaucoup
rrop élevées ; & qu'au contraire, celles pratiquées
du côté du jardin, le font trop peu; mais cette
variété de hauteur eil due au terrein montueux
fur lequel eil aiîis ce magnifique bâtiment, & l'on
ne fauroit raifonnablement s'en prendre à l'Archi-
tedle.
Nous ne penfons pas de même à l'égard de
l'appui placé fous cette Croifée : les bonfoles qui
le foutiennent & le chambranle qui l'entoure, pa-
roiÎTent d'un galbe & d'un profil trop riche, vu
la ruilicité dont DebroiTe a furchargé fon ordre :
le mouvement qu'il a donné fur-tout au contour,
& le mafcaron qu'il a placé fous cet appui, nous
femblent mal réuiïir avec la trop grande fimpli-
cité de la corniche du piédeilal Tofcan. D'ail-
leurs les croffettes du chambranle, & le contour
iinueux qu'il a àrïe&é dans l'intrados des contre-
clefs , placées de chaque côté du claveau de
l'arcade, paroiffent de mauvais goût : encore une
fois, l'expreffion de l'ordre doit donner le ton à
tous les membres répandus dans les façades d'un
bâtiment. En effet, en y réfléchiiTant, on n'eit pas
peu furpris de trouver ici de tels membres & des
moulures paiTablement compliquées , afibciées
avec d'autres d'une (implicite & d'une ruilicité
qu'on auroit peine à fe permetre dans la déco-
ration des Magaiins à Poudre, dans des Priions
Militaires, dans des Catacombes, &c. encore con-
yiendroit-il alors d'y préférer des tables faillantes?
Liv
-ocr page 274-
i6S                       Cours
à celles rentrantes qu'on remarque dans le dez
des piédeitaux, ainii que nous l'avons déjà obfervé
dans le premier volume de cet ouvrage, en con-
feillant de changer auffi les moulures de la cor-
niche de ce même piédeftal. Nous ajouterons ici,
que les refends taillés fur les pieds-droits des
arcades auroient dû être convertis en boffages,
plutôt que d'être placés au premier étage; afin
d'éviter que ces refends, qui préfentent autant
de cavités , ne fupportent des corps faillants ,
comme on le remarque dans ce Palais, contre
toute idée de vraisemblance. D'ailleurs il eût été
bien , ce femble, de fupprimer ceux placés dans
la plus grande partie du dez des piédeitaux qui fe
trouvent iinguliérement taillés à onglets, pendant
que tous les autres le font en retour d'équerre,
ainli qu'on les trouve tracés fur la tilanche que nous
décrivons. Nous ne confeillons pas non plus d'imi-
ter la faillie affe&ée au couiîinet, pour tenir
lieu d'impofle : fa continuité jufquau chambranle
non-feulement eit une fuperfluïté, mais fa impli-
cite s'accorde mal avec le mouvement donné aux
contre-clefs.
Qu'on ne croie pas que ces obfervations aient
rien de partial. Nous en avons prévenu nos
Lecteurs dès le commencement de ce Cours ,
nous le répétons , ce font les ouvrages des
grands Maîtres qu'il faut étudier de près. On
doit en convenir, les vrais apréciateurs font en
petit nombre , & la foule des imitateurs eil conii-
dérable : d'où il réfulte qu'on ne fauroit avertir
trop tôt les jeunes Artiiles d'examiner à fond s'il
ne s'eft pas glifle dans les ouvrages célèbres, quel-
ques licences qu'il eil bon d'éviter. C'eil donc
pour y parvenir, que nous avons tracé fur cette
-ocr page 275-
d'Architecture.          169
planche la forme des refends a , b, la corniche
marquée c du piédeftal, & fa table rentrante,
félon les mefures que DebroiTe lui a données
dans la Cour de ce Palais ; enfin la faillie des boffa-
ges continus d du fut de l'ordre ; & que , dans
la planche XXXIII, nous avons donné en par-
ticulier le profil du chambranle A, & celui de
l'appui B, tous les deux trop riches; celui du
couronnement du piédeftal C, & celui D de la
bafe du même piédeilal , tous deux trop iim-
ples, & tous tracés fur une échelle affez grande,
pour mettre les perfonnes que ces détails intéref-
{ent, à portée de juger^ de leurs véritables dimen-
fions.
Dans cette dernière planche nous avons tracé
auiîî fur une échelle réduite, les profils de l'entable-
ment E du chapiteau F, & de la bafe G de Tordre,
que nous avons mefurés avec le plus grand foin.
Nous aurions deiiré pouvoir entrer dans de
pareils détails à l'égard de la plus grande parti©
ides exemples que nous offrons dans ce volume;
mais il eft aifé de fentir combien ce travail auroit
augmenté cet ouvrage , & rendu traînante l'étude
de ces Leçons. Nous nous fommes donc conten-
tés de donner feulement les développements des
Croifées du Luxembourg & de celles du Louvre,
pour indiquer la route à nos Elevés , & faiiîr
l'occafion de les convaincre, s'il nous efî: pofïible,
qu'il n'eil point de meilleur moyen que l'imitation de
ces divers exemples, pour parvenir aux véritables
connoiiTances de l'Art ; que pour cela il faut s'ac-
coutumer de bonne heure à lever les détails des édi-
fices de réputation : que même quand on pourroit
arriver à faiiîr le génie des Auteurs en s'en tenant à
de fimples efquiffes, jamais on η acquerroit leur
•S ;
-ocr page 276-
170                        Cours
maniere; jamais on ne pénétreroit leurs myfteres ;
jamais , en un mot, on ne découvriroit les reflbur-
ces auxquelles les grands Maîtres ont eu recours
pour atteindre à la perfection de leurs œuvres.
Il ne nous fera pas difficile de perfuader à nos
anciens Elevés , dont la plupart aujourd'hui font
devenus des hommes de mérite , qu'il n'eit point
de meilleur moyen que celui que nous propofons
à ceux qui nous font aäuellement confiés : nos
porte-feuilles dépofent en faveur du travail infa-,
tigable des premiers ; car il y a peu d'édifices
de réputation qu'ils n'aient levé eux-mêmes fous
nos yeux : dépôt précieux, que nous communi-
quons à la vérité à leurs Emules, mais dont les
copies ne peuvent amener ces derniers au point
que nous deiirons , ne connoiifant point d'autre
voie pour fuivre fûrement les grands Maîtres
qu'on veut imiter jufque dansles plus petits détails.
C'eft certainement la feule maniere d'apprendre à
faire ufage des refforts qu'ils ont mis en pratique, on
à éviter, félon les occaiions, les fautes qui peuvent
leur être échappées ; autrement ? combien ne dégé-
néreront pas ces fautes, mifes en évidence par de
jeunes têtes , fortant à peine des éléments de l'Art;
elles ne pourroient jamais engendrer que des com-
portions au-deiîbus de la médiocrité, telles qu'on
en élevé de nos jours au milieu de nos meilleu-
res productions anciennes & modernes.
La planche XXXIV offre la Croifée Dorique
du premier étage du même Palais. La planche
XXXV préfente le développement des profils de
cette même Croifée, ainii que nous l'avons fait pour
la précédente. Cette ouverture eil à plates - bandes,
entourée d'un chambranle dont les pieds- droits torn-
-ocr page 277-
d'Architecture.           171
foent jufque fur la corniche du piëdellal de l'ordre
répandu dans tout le pourtour du bâtiment. Nous
remarquerons, il eil vrai, qu'il y a pluiîeurs an-
nées , on descendit quelques-unes de ces Çroifées,
jufque fur l'entablement Tofcan, à deiTein de pro-
curer plus de falubrité dans l'intérieur des appar-
tements , & particulièrement dans la gaüerie »
connue au Luxembourg, fous le nom de galîe-
rie de Rubens, & qu'alors on pofa des balcons
de fer pour fervir d'appui au bas de ces Çroifées ;
d'où il eil arrivé que cette augmentation de hau-
teur leur a procuré prefque deux fois & demie leur
largeur , pendant qu'anciennement elles avoient
quelque chofe de moins que deux fois, comme
on le remarque dans la planche dont nous parlons.
Nous ne faurions néanmoins approuver ce rap-
port, les ouvertures Doriques devant avoir plus
de hauteur que les Tofcanes, tandis qu'ici elles
ont à peine une proportion ruilique : d'un autre
côté, cet appui fupprimé entièrement, ainfi qu'on
le remarque à· la gallerie de Rubens, donne à ces
Çroifées un air d'élégance qui s'accorde mal avec
les boifages alternatifs dont DebroiTe a fait ufage
dans le premier étage de ce Palais. D'ailleurs que
lignifient ces balcons de fer ? ils font infoutenables
dans toute ordonnance grave, & ne font même
tolérés aujourd'hui dans cet édifice, que par le
bien que la fupprefiion de l'appui a produit dans
l'intérieur du bâtiment. Mais il n'en eil pas moins
vrai que ce moyen ne peut raifonnablement être
imité par-tout ailleurs. ■
Pourquoi, par exemple , dans le deffein de faire
entrer un plus grand volume d'air dans cette galle-
rie , au-lieu d'un balcon, n'avoir pas préféré une
■ Jbalulirade > toujours d'un meilleur ftyle, & qui
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'■'■-". ' '' ;' ; ^ " '■ ♦ "
172                          € O U R 5
auroit très-bien figuré avec celle qui borde îa
terraife qui regne en face de la rue de Tournon ?
Au reite, pouf fe convaincre de la juileife de nos
remarques , que ceux de nos Elevés qui réfident
à Paris fe tranfportent fur le lieu, qu'ils examinent
ces différentes ouvertures , & là ils fe convaincront
du bon ou du mauvais effet que peut produire
telle ou telle imitation : nous les invitons à en faire
autant pour les autres édifices rapportés dans ce vo-
lume qui, comme celui de Debroffe, nous ont fourni
matière à plufieurs observations, tendantes à l'in-
itruction de nos Elevés : qu'après les avoir bien
minés , ils y retournent encore ; qu'à plus d'une re-
prife & à force d'étude, ils tentent, comme nous l'a-
vons fait nous-mêmes, de détruire toutes les par-
ties diiîonnantes qu'ils auront remarquées dans les
bâtiments qui leur font offerts, & bientôt leurs
produirions fe reifentiront de ce travail intéref-
ïant ; il les accoutumera du moins à devenir plus
féveres, &, à l'exemple de leurs prédéceffeurs,
ils ne fe permettront certaines licences, qu'a-
près s'être convaincus qu'une exactitude trop fera-
puleufe, fur-tout dans les détails , pourroit nuire
à l'effet général des principales parties; ou, ce
qui feroit pire encore , à la beauté des mafles
générales ; car , dans toutes les occafions, ces
dernières méritent la préférence fur toutes les au-
tres parties , quelques perfections qu'elles offrent
aux yeux des fpecf ateurs les plus éclairés.
Nous approuvons beaucoup, la niche quarrée
qui encadre cette Croiiee ; mais nous aurions de-
iiré qu'on en eût fupprimé les boffages , qui,
quoiqu'alternatifs, produifent, à notre avis , le
plus mauvais effet, diittïbués fur les plates-bandes
de cette niche : ces boffages ne réiujiiTent jamais
-ocr page 279-
d'Architecture.            173
bien, que lorsqu'ils font appliqués fur les vouf-
foires des arcades plein - cintre , ou furbairTées,
Qu'on fe rappelle d'ailleurs ce que nous venons
de dire plus haut, en parlant des refends qu'on
remarque fur les pieds-droits des arcades de ce
Palais. En effet, pourquoi n'avoir pas porté ces
boiTages dans l'étage inférieur , & placé les refends
dans celui-ci ? Ne paioît- il pas naturel que les
parties qui foutiennent, folidité réelle à part, pré-
fentent plus de force que celles qui font foute-
niies ? Que veulent dire encore les petites tables
placées dans les nus des pieds-droits & entre cha-
que boffage ? elles ne fignifient guère qu'une affe-
ctation de petites parties, démenties par la virilité
de l'ordre Dorique : ordre qui ne produit jamais
un meilleur effet, que lorfqu'il afîigne à toute
l'ordonnance, la fimplicité qui le çaractérife, De-
broife a fans doute voulu préfenter ici cette fim-
plicité que nous réclamons, puifqu'il a fait dans ce
Palais ces bofTages en général, fans moulures ;
ce qui certainement auroit dû le déterminer à
retrancher les tables.
Qu'on ne s'y trompe pas, ce n'eit pas aÎTez
de diitribuer des membres d'Architecture dans fes
façades ; la feule idée d'enrichir fon ordonnance
eil infufnfante : il faut que ces membres y ibient
diitribués, pour faire beauté ; que l'expreiîion
de l'ordre les autoriie ; que la convenance les
amené fur la fcêne ; enfin , pour qu'ils plaifent &
qu'ils puiient être approuvés par le goût de l'Art,
il faut qu'ils faifent unité , & qu'aucun d'eux ne
fe démente & ne préfente un afpett contraire à
l'impreflion , que Tenfemble général de l'édifice a
fait prendre au fpectateur, dès le premier jugement
qu'il en a porté : jugement qu'a dû lui in f pire r le
ltyle dominant dont l'Archite&ea fait choix.
-ocr page 280-
174                       Cours
Au reite, on ne peut difconvenir, que cette
Croifée'ne foir d'un excellent genre, qu'elle ne
foit couronnée avantageufement, & que les pila*
il res ou arriere-corps qui régnent à côté de ces
piéds-droits , ne l'acotent très - convenablement ;
peut-être néanmoins pourroit-on deiirer que la
table pratiquée dans ces corps intermédiaires eût
été Taillante, au - lieu d'être rentrante, ainfi qu'on
pourra le remarquer par le profil A exprimé dans
la planche XXXV, qui donne la plus grande partie
des développements de cette Croifée. Lorfqu'on
enferme une Croifée acotée , couronnée ou ac-
compagnée de quelque corps faillant, dans une
niche quarrée, ainli que dans ce Palais, ou bien
entre des pilailres , comme on le voit dans la
plus grande partie de nos édifices, il eil inté-
reifant , félon nous , de faire enibrte que la faillie
des pilailres devienne aiTez forte, ou la profondeur
des niches afîez confidérable, pour que les mem-
bres qui ornent cette Croifée ne défafleurent jamais
le nu du mur ; car il paroît que ceux-ci doivent
être contenus dans les corps faillants qui leur fer-
vent d'encailrement ; & il eil indifpenfable alors ,
que le contenant foit plus grand que le contenu.
Il eil vrai que la plupart des anciens ont négligé
cette regle, & qu'elle a échappé à prefque tous
nos modernes : le Vieux-Louvre, le Portail de
l'Eglife de Saint-Gervais , les Places de Vendôme
& des Victoires nous offrent cette négligence ;
striais il n'en eft pas moins certain qu'il ne nous
eil plus permis de tomber dans cet écart, qui
bleffe la vraiiTemblance ; que pour cela il convient ?
dès la compoiition de fon plan, de réfléchir (ut
TepaiiTeur qu'on doit donner aux murs de face, à
ïaïfon du plus ou du moins d'importance de l'édi-
-ocr page 281-
d'Architecture.            j7J
fîce , & félon le genre de la décoration acceptée
pourries façades ; ce qui eft d'autant plus raifon-
nable, qu'il n'arrive guère, ou même qu'il ne doit
jamais arriver, qu'on décore jufqu'à un certain
point les ouvertures d'un bâtiment particulier,
foit à caufe de l'économie qu'il convient de
mettre dans ion ordonnance , foit à caufe de
celle qu'on doit employer pour fa coiiftrucüon :
au-lieu que dans les Palais ou dans les maifons
Royales , ces considérations n'ayant plus lieu ,
point d'excufe pour l'ArchÎte&e , ii dans le dé-
but de ion projet il ne fait eilimer préliminaire-
ment le relief des corps, & d'après eux, fixer l'é*
paiiTeur qu'il doit donner à fes murs.
Nous ne nous fentons guère portés à admirer
les efpèces de cannelures placées dans les confoles
qui foutiennent la corniche qui couronne cette
Çroifée ; elles ont trop de mouvement, & nous
paroiffent trop découpées. Nous n'aimons pas non
plus la bandelette, ni les gouttes qui femblentfe pé-
nétrer dans le chambranle par l'une, de leurs extré-
mités. Sans doute ce font de petites erreurs, que
celles que nous relevons ; mais elles n'en font
pas moins des erreurs qui doivent apprendre à
nos jeunes Artiftes , que, puifqu'elles font échapr
pées à un grand Maître , ils commettront des
fautes fans nombre, lorfque, livrés à eux-mêmes,
ils fe permettront toutes les formes que leur ima-
gination leur fuggérera, fous le vain prétexte que
les ouvrages de leurs prédécefîeurs ne font pas
toujours exempts de licences.
Si nous avions à employer cette Croifée du
Luxembourg, qui certainement peut paffer pour
un excellent modele, nous l'imiterions feulement
vdans fà plate-bande , dans fon chambranle & dans
-ocr page 282-
176                      Cours
fon contre-chambranle; mais nous ferions la table
du corps intermédiaire Taillante ,au-lieu de rentran-
te , & nous la dégagerions du chambranle par un pe-
tit arriere-corps, dans la largeur duquel on pourroit
faire profiler la bandelette qui couronne les gouttes :
nous formerions d'un galbe coulant, la face des con-
ibles, & nous y ferions de cannelures droites : nous
donnerions un peu plus de hauteur à l'ouverture;
nous fupprimerions les bofîages appliqués fur les
piéds-droits & fur le fommier de la niche quarrée:
enfin nous fubitituerions un focle au piédeftal,
& nous nous perfuadons que ces changements
utiles feroient goûtés du plus grand nombre. Nous
invitons nos Elevés à fe mettre en état d'appré-
cier par eux-mêmes ces remarques ; qu'à la plan-
che que nous donnons ici, ils oppofent un deiîin
rectifié, tel que nous le leur indiquons ; qu'ils
effaient d'y ajouter de nouvelles réflexions, &
qu'enfuite ils recœuillent les avis des Maîtres de
l'Art, qui feuls ont le droit de les diriger dans
leur étude.
Nous avons déjà dit que la planche XXXV
ofFröit les développements des profils de cette
Croifée, tels que le chambranle A, la corniche
Β , & le focle C du piédeftal de l'ordre ; ici nous
ajouterons que pour donner une idée plus com-
plète 5e ce premier étage, nous avons tracé fur
cette planche XXXV, quoique fur une plus
petite échelle, le profil Ε de l'entablement de
î'o,rdre Dorique, ainii que celui de fon chapiteau F
& de fa bafe G ; & que dans la même planche nous
avons auffi donné le profil de la corniche qui eft
au-defïus des Croifées dont nous venons de par-
ler, & le profil de la baluftrade qui couronne
l'ordre Tofcaji, fervant de piédeftal au Dorique ;
enfin
<_                                                                                                                                                                                                                        '                                                                                                                                                                                                                                     · ■
-ocr page 283-
ô*ARGHlTËeîURÈ.            if?
tnûù le plan du trigjjphe diflribué dans la frife
Dorique, du côté de la rue de Tournon, dans le
fond des canaux duquel, Debroffe a creufé un
renfoncement de deux pouces de profondeur, pour
procurer plus de noir & un caractère plus ferme
au trigliphe ; car, s'il avoit été réduit, comme
l'enfeigne Vignole, à fort peu de faillie, il marque-
roit à peine , vu d'un cGrtain point de diflance.
Cette reflource , que peu d'Artiites ont fans doute
remarquée, n'eil pas entièrement à négliger : elle
peut fervir d'autorité à nos Elevés en pareille cir-
conflance, ou au moins les engager à mefurer
avec foin , & à examiner de très-près tous les
moyens dont fe font fervis les grands Architectes
dans leurs différentes comportions.
La planche XXXVÎ offre une Croifée du
premier étage des façades de la cour du Vieux-
Louvre , bâtie anciennement fur les delîins de
Pierre Lefcot dont nous avons parlé au commen-
cement de ce volume, pages 56 & 57, ainii que des
Croifées dont nous donnons ici le deiïin. Ces
Croifées, d'une très-grande richeffe, ont la plus
grande célébrité ; elles font en effet d'un très-bon
goût ; d'ailleurs leur exécution eil admirable : la hau-
teur de leur baie eil à leur largeur comme 14 ell
à 6 : proportion déjà fort élégante pour le temps
011 elle fut mifé en œuvre, puifque toutes les ou-
vertures alors étoient réduites au double de leur
largeur, à l'imitation des anciens Architectes, qui
affez communément fuivoient cette méthode. Au-
jourd'hui on leur donne jufqu'à deux fois & demie ,
fur-tout lorfqu'elles font partie d'une ordonnance
Corinthienne ; mais Lefcot ayant placé celles-ci
dans un entrecolonnement Comporte , moins dé-
Tome III.
                                    M
-ocr page 284-
\η%                         CO U RS
licat que le Corinthien , a |enti qu'il falloït leuï>
donner moins de hauteur , jugeant fans doute
que tous les membres qui accompagnent l'ordre ,
doivent fe refientir de ion expreilion.
Nous abrégerons les obfervations que nous poup-
rions faire fur la composition de cette Croifée. Il
y auroit de l'injuitice à l'examiner avec trop
de févériîé ; la réputation de fon Auteur , &
particulièrement le temps fort éloigné où il
vivoit, doit nous la faire regarder comme un
chef-d'œuvre : auffi eit-ce le jugement qu'en por-
tent afTez généralement les Maîtres de l'Art. Nous
nous bornerons feulement à remarquer, que les
profils pourroient avoir un peu plus de faillie;
.encore faut-il le rappeler que la Cour où cette
Croifée fe trouve placée, ne devoit pas être auiîî
varie qu'elle Teil à préfent. Il faut auffi. conve-
nir que depuis cet Architecte très-habile, le goût
de l'Architecture a fi prodigieufement changé, que
nos yeux fe font accoutumés infeniiblement au
gigantefque; en forte que les productions de nos
prédéceiîeurs ne nous paroifTent plus, pour ainii
dire , qu'une Architecture en bas-relief: deux
excès néanmoins qu'il feroit bon d'éviter, fur-
tout dans les bâtiments d'habitation. Cette déli-
catefTe, dans les moulures , n'eil guère conve-
nable que dans les dedans, & la fierté des mem-
bres doit être refervée pour la décoration des
monuments facrés , ou pour celle des édifices pu-
blics.
Un des mérites eilenciels de ces Croifées ; c'e.ft
la diitribution des ornements appliqués fur les mou-
lures : aufii trouvera-ton fur la planche XXXVII
ces mêmes ornements & leurs principaux membres
plus en grand. Quoiqu'entre les mains du plus.
-ocr page 285-
O'ÀRCHÎÎËefUîtÈi          ÏJ$
grand nombre des Artiftes, ils dévoient naturelle-
ment trouver place ici : nous ne connoiffons riert
dans Tantique, ni dans les ouvrages des Romains>»
ni dans aucun de nos bâtiments François * qui les
furpaiTe en beautés
Nous ne rappellerons point ce que nous avons
déjà dit dans ce volume, page 61 , concernant,
îe bufte & les levrettes qui fe voient placés fur
les corniches des Croifées de la cour du Vieux-
Louvre , & où l'on remarque alternativement ces
levrettes , & les lions indiqués ici ; ce genre de
iculpture nous paroît toujours peu propre à fym-
holifer la décoration de la demeure des Souverains*
Au contraire, les profils du couronnement de ces
Croifées nous femblent d'un aiTez bon genre *
quoique nous n'approuvions pas la baguette qui
fert de couronnement à la cimaife fupérieure de la
corniche, foutenue parles confoles , & qui, com-
me nous venons d£ l'indiquer, fe trouve tracée
plus en grand fur la planche XXXVII. Lefcot fans
doute ayant placé cette moulure d'alignement avec
l'aitragale du chapiteau, a cru devoir lui donner
la même forme : mais quelle différence d'appli-
cation ! Combien n'avons-noùs pas prouvé de fois,
que dans FArchiteéture régulière, chaque membre
doit avoir les moulures particulières I Qu'on
n'en doute point, ce n'eft qu'en fuivant ce prin-
cipe reconnu inconteitable chez les hommes d'un
vrai talent, qu*on peut parvenir à faire approu^»
Ver fes productions , & qu'on acquiert le droit
de fe faire des imitateurs.
Peut-être aurions-nous déiiré encore 5 que la
table placée entre le chambranle & la corniche,
eût occupé toute la diftanee d'une confole à l'an-
tre : par là on eût évité les enroulements qui fe
Mij
-ocr page 286-
i8o                  Co υ R s
remarquent aux deux extrémités de cette table ;
& l'on auroit pu lahTer régner un champ tout a.ι
tour , pour la détacher des membres lupérieurs &
inférieurs , entre lefquels elle fe trouve placée :
fans cette attention on doit craindre les petites
parties, & de faire entrer dans fa composition une
multiplicité de membres qui ne reiTemblentplus qu'à
des pièces de rapport, ou qui donnent une fauffe
idée de la décoration. On s'imagine qu'elle n'eil
devenue telle , que pa ce que l'Archite&e a été
forcé de raffembler différents fragments dont il
a compofé fon ordonnance entière. Encore une
fois, une Croifée doit être belle , parce qu'elle fe
répète à l'infini dans le même édifice ; or elle ne
peut jamais le devenir, ii toutes les parties qui
la conitituent, n'intéreiTent véritablement un exa-
minateur aufli éclairé qu'impartial.
La planche XXXVIII offre une des Croifées
du même Palais, mais exécutée bien long temps
depuis, dans la façade, connue fous le nom de
Périftyle du Louvre, élevée fur les deiîins de Claude
Perrault, dont nous avons parlé précédemment,
page 71 de ce volume : nous l'avons trouvée un
peu petite , en la comparant & avec la grandeur
du module de l'ordre , & avec l'ouverture des
- arcades placées dansles extrémités de cette même
façade. Quoi qu'il en foit , ces Croifées font d'un
aiiez bon genre; aufîi les imité-t-on aujourd'hui
dans toutes les efpèces de bâtiments , fans égard
au ilyle de l'ordonnance & au motif qui fait élever
l'édifice, il y a environ trente années qu'on en a
ufé de même à l'égard des Croifées bombées qu'on
employoit également & dans les monuments facrés
& dans les maifons à loyer. 11 eft vrai qu'aujour-
-ocr page 287-
d'architecture.          rSï
d?hui, lorfque les Croifées à plates-bandes dont
nous parlons fe trouvent répandues en nombre
impair dans nos façades, on les couronne alter-
nativement d'un fronton triangulaire , comme dans
ce deffin , ou d'un fronton circulaire, tel qu'on
le remarque dans la partie ancienne de la cour
du Vieux-Louvre , & depuis par-tout ailleurs:
variété, difent les prétendus hommes de génie de
nos jours, préférable à l'ennuyeufe uniformité des
couronnements de même forme. D'après ce rat-
ionnement , aufîi abfurde, qu'inconiéquent, nous
ne ferions pas étonnés que dans la fuite, auiîi
éloigné des préceptes que du goût de l'Art, on
ne parvînt à faire goûter au vulgaire , de varier
aufii dans une même décoration la forme , les
profils & les ornements âes ouvertures , fans
qu'aucun avant - corps femble 'autorifer ce chan-
gement ,. qui jamais ne peut devenir heureux? que
par le fruit d'une étude profonde, & d'une expé-
rience très-confommée.
Au reiîe, comme nous le remarquerons bien*
tôt, l'application des frontons au-deifus des Croi-
fées de nos bâtiments, n'eit guère bonne à imiter.
Les anciens avoient plus de droit que nous d'en
faire un ufage fréquent ; ils perçoient moins iou-
vent leurs murs de face ; ils fèfoient les pleins
beaucoup plus confidérables que les vides , & par
ce genre de couronnement, ils empêchoient que
la charge des parties fupérieures n'appuyât fur
le linteau de leurs croifées : effet que produifent
également les formes triangulaires & circulaires des
frontons; car, parles claveaux qui les compofent,
cette même charge porte fur les piéds-droits des
ouvertures, au-lieii de porter fur la Croifée pro-
prment dite, Aujourd'hui nos vrais Architectes
Miij
-ocr page 288-
ïBz                       Cours
Rappellent à eux cette forte de décoration au-deifus
des ouvertures de leurs façades , que lorfqiûls,
la croient néceiTaire pour cara&érifer l'édifice ; &
ils fe contentent, quand le cas le requiert , de for-
mer une voûte dans l'intérieur du mur, laquelle,
en fervant de décharge, n'amené plus la néceiîité
des frontons. Ils en ufent de même pour le cou-«
r onnement des Portes-Croifées qui donnent entrée
aux veftibules , à moins qu'on n'ait un intérêt
d1y placer pour amortiffement un fronton qui,
pour en faciliter l'accès, jète l'eau du ciel de droite
ξι de gauche de la baie.
Nous ne nous appefantirons point fur les détails
de la Croifée dont nous parlons, ni fur les dé-
veloppements de cette Ouverture tracée iiir la,
planche XXXIX. Nous ferions en quelque forte
obligés de répéter les obfervations que nous avons
faites en parlant de celles de l'intérieur de ce
Palais.. Perrault ayant fait le même ufage de la
baguette pour former la partie fupérieure de la
çimaife de la corniche de fon fronton, ainfi que
d'une table placée entre cette dernière & le cham*
branle ; à l'extrémité de cette table, il a placé une
confole renverfée qui nous paroît encore moins
bien réuffir que les enroulements imaginés par
Lefcot ; i voyez la planche XXXVII ) parce que
cet acotement de Perrault, trop voiiin de la vé-
ritable confole, offre une efpèce de monotonie,
peu digne du génie de ce grand Architecte.
Les Portes & les Croifées ne font pas les feules
ouvertures qifon emploie dans nos façades ; on y
fait aufli un afTez fréquent ufage de celles nommées
Portes-Croifées, appelées ainfi parce qu'elles rem*
p.lifïçnt les deux offices, c'eft-à-dire, qu'elles éclair
içmt? fe ^u'ejimçme temps elles, donnent entrée
w
-ocr page 289-
d'Architecture. i8$
à certaines pièces du bâtiment, telles que les
veftibules qui précèdent les grands appartements,
& les anti-chambres qui dégagent les pièces pri-
vées , les bains, les garde-robes, &c. Alors leur
proportion , leur forme & leur richefïe, reffem-
blent abfolutnent à celles des arcades ou des Croi-
fées qui fe remarquent le plus eifenciellement dans
la décoration des édifices.
Nous aurons occaiion ailleurs de parler des
autres ouvertures, dont on fait ufage dans nos
bâtiments, telles que les croifées attiques, les
mézanines , les lucarnes, les œuils de bœuf & les
foupiraux dont nous avons déjà donné l'idée dans
les définitions du premier volume de ce Cours 9
Chapitre III.
DES NICHES EN GÉNÉRAL.
Nous avons dit, dans le premier volume > que les
Niches font des efpèces de cavités circulaires ou
qiiadrangulaires parleur plan & par leur élévation,
qu'on les place extérieurement dans TépaiiTeur des
murs de face, pour embellir les ordonnances du
dehors , ou intérieurement fut les murs de refends
lorfquil s'agit de la décoration des dedans. Nous
dirons ici, que les Anciens en ont fait un très-
fréquent ufage, & qu'à leur imitation nos Archi-
te£tes les ont introduits dans la plupart de leurs
productions.
Nous fommes bien éloignés de croire, qu'el-
les réuffiffent également bien par-tout ; nous
penfons même qu'elles devroient être refervées
pour la décoration des frontifpices de nos Tem-
ples , & l'intérieur des Chapelles fépulcrales *
pour nos Fontaines > nos Châteaux d'Eau | les
%
-ocr page 290-
'/
184                        Cours
Bains publics, &c. Mais inconfidérément & fans
autre but qu'une imitation fervile, les employer
dans toutes les occafions qu'on a de bâtir , c'eft
vouloir ériger en abus une partie de l'Art, qui,
placée convenablement, peut contribuer à affigner
un caractère diftincüf à tel ou tel édifice, plutôt qu'à
tel ou tel autre. En général nous défapprouvons
celles diitribuées dans les façades de la cour du
Vieux-Louvre, leur petitefle les rendant incapables
de contenir les ftatues auxquelles elles fembloient
être deftinées : celles qu'on remarque dans la façade
de Verfailles du côté des jardins, ne nousparoif-
fent pas amenées plus heureufement, quoique
plus en rapport avec l'ordonnance de l'Archkeâure :
celles placées dans les façades de l'Hôtel de Tou-
Joufe, nous y femblent, δε inutiles & gigantefques,
comparées avec l'Architecture qui les environne :
celles qui décorent l'intérieur de la nef de la Sor-
bone & qui fe furmontent l'une l'autre, produi-
sent une monotonie qu'il faut favoir éviter : enfin
celles du portail de l'Eglife de Saint-Gervais font
de mauvais goût, & contiennent des figures colof*
fales qui rendent l'une &. l'autre application infu-
portable.
                                                          -
Si ces remarques font auiîî juites qu'impartiales,
il en faut conclure , ou que les niches réufluTent
rarement bien dans les édifices, ou qu'il en eft de
ce genre de décoration, comme de tant d'autres ;
que c'eft l'abus qu'on en a fait jufqu'à ce jour,
qui révolte les bons efprits, & qui force, pour
ainii dire , ces derniers à fe priver d'en faire ufage
dans leurs compoiitions, pQur contrebalancer ces
exemples dangereux, citons néanmoins les Niches,
heureuiément employées par Hardouin Manfard,
dans le veitibule de Clagoy & dans la gallerie d$
-ocr page 291-
*
d'Architecture.               185
Verfailles ; elles font bien fupérieures à celles qui fe
remarquent au Château de Meudon & à l'Hôtel
de Touloufe à Paris. Dans ces derniers édifices
les Niches trop peu profondes pour renfermer la
ftatue qu'elles contiennent, onr contraint leur dé-
corateur , d'ajouter au pied de ces Niches des
culs-de-lampes , qui non-feulement y paroiffent
poftiches , mais ne placent les ftatues ni en dehors
ni en dedans de leur enceinte. Celles placées
dans la tour creufe de la fontaine de la rue de
Grenelle, font d'une belle forme, & convenable-
ment employées : celles du Château de Maifons ,
peut-être mal appliquées, font aufii d'un excellent
genre : celles placées dans le porche extérieur de
î'Eglife de Saint-Sulpice, quoique d'une proportion-
un peu pefante , méritent encore l'approbation
des connoiffeurs. Mais arrêtons-nous fur ces cita-
tions; elles ne peuvent être utiles qu'à ceux qui
font à portée d'examiner les édifices de cette
Capitale & de fes environs : ce que nous venons
de remarquer leur fuffit. Parlons maintenant de
la proportion des Niches, de la forme qui leur
eil la plus convenable, enfin de la richeffe dont
elles font fufceptibles, à raifon de leurs différentes
applications dans l'Architecture.
-ocr page 292-
*
iS6
Cours
De la proportion des Niches.
La proportion des Niches doit être relative à
celle des portes & des croifées répandues dans
l'ordonnance de l'édifice ; elles doivent être Tof-
canes , Doriques , Ioniques , Corinthiennes ou
Comportes, c eil-à-dire , avoir plus ou moins
de hauteur, félon l'expreffion de l'ordre défigné
dans la décoration de la façade. Nous n'avons pas
craint de répéter plus haut, que les Niches fe
iaifoient circulaires ou qüadrangulaires , par leur
v plan & parleur élévation : nous ajouterons ici,
que celles à plates-bandes ne peuvent guère être
employées que dans les ouvrages Militaires , ii
toutefois on peut admettre une pareille décora-
tion à des bâtiments ou l'on doit annoncer la
plus grande réfiitance ; ce; que certainement la
cavité des Niches ne petit offrir à l'œuil du Spec-
tateur intelligent. Mais on peut les employer avec
fuccès par-tout ailleurs où le caractère Tofcan,
préfidera ; par exemple, dans les dépendances des
maifons Royales. Ceft ainii que Le Veau les a em-
ployées dans la grande cour du Château de Vin-
cennes. Elles figurent encore bien dans les orange-
ries, les grottes, les fontaines, &c. pourvu, encore
une fois, que l'ordre ruilique les amène fur la fcène.
Au refte, ces Niches, ainii que celles nommées
circulaires, fe font grandes, moyennes ou petites.
Ces dernières fe placent ordinairement entre les
colonnes qui ont peu d'écartement, comme de
trois modules dans l'ordre Dorique ; les moyennes
dans celles qui en ont cinq, & les grandes dans
'celles qui font affei diftantes l'une de l'autre, pour
contenir les ouvertures des portes placées dans
-ocr page 293-
d'Architecture.              1S7
les principaux avant-corps des grands édifices.
Aflez généralement la proportion des pentes &
des moyennes Niches, eil d'avoir en hauteur deux
fois & demie leur largeur ; mais voici ce qu'il con-
vient d'obferver, pour qu'elles acquièrent chacune
en particulier plus ou moins d'élégance, félon qu'el-
les fe trouveront placées entre les ordres ruiliques,
fondes, moyens ou délicats. On divifera la hau-
teur de la Niche de l'ordre Tofcan en vingt-huit ;
celle du Dorique en vingt-neuf; celle de l'Ionique
en trente , & celle du Corinthien & du Compoiite
en trente & une, & l'on donnera douze de ces
parties au diamètre de chaque Niche.
A l'égard des grandes Niches deftinées à conte-
nir des groupes ou des ftatues accompagnées de
génies , de trophées , &c. elles peuvent avoir
quelque chofe de moins en hauteur} par exemple ;,
ayant divifé leur largeur en douze, on en don-
nera vingt <■ fept à celle Tofcane, vingt-huit à la
Dorique, vingt-neuf à l'Ionique, enfin trente
à celles Corinthiennes & Comportes.
Point de doute que la forme circulaire des Ni-
ches, tant, dans leur plan que dans leur éléva-
tion , ne mérite la préférence : le cul - de - four
qifoccafionnent ces deux courbes dans leur partie
fupérieure, eit non-feulement plus agréable à Foeuil
qu'une plate-bande; mais il répare en quelque
forte par fes vouiïbires , l'altération que le vide
aparent femble produire à la vue : d'ailleurs rien
n'empêche que ces Niches circulaires ne fe trou-
vent enfermées dans des encadrements qiiadran-
gulaires ; ce moyen leur réunit tout auifi bien que
les Niches quarrhs que nous avons deiiré qu'on
employât plus communément au tour des arcades
plein-cintre , puifque les Niches , à la baie près |
-ocr page 294-
f88                       Cours
font l'image des portes plein-cintre ou à plates-
bandes. Lorfqu'il s'agit des grandes Niches, leur
pied-droit, leur alette , leur impoite , leur archi-
volte δε leur claveau doivent avoir les mêmes
rapports & les mêmes profils que ceux attribués
aux arcades. Au contraire, il fuffira de donner
à chacun de ces membres des petites & des
moyennes Niches, la lixieme partie de leur dia-
mètre ; car il faut que les détails foient toujours
proportionnés à la maffe entière. Lorfqu'on fait
choix des Niches circulaires, on ne doit pas fup-
primer ces membres d'Architeclure, pour y iubfti-
tuer feulement un bandeau ou un chambranle ;
il donneroit à ces Niches trop de reiTemblance avec
les portes ou les croifées, contre le raifonnement
de l'Art , qui exige que chaque partie de TArchi-
te£ture , anciennement conçue par les Grecs & les
Romains, & perfectionnée depuis par nos plus
célèbres Architectes François , s'annonce pour
ce qu'elle eil. Ces divers membres appelés dans la
décoration pour des fins différentes, doivent pré^
fenter un genre particulier , en confervant néan-
moins une certaine relation avec le ityle qui pré-
iide dans l'ordonnance.
On doit porter le même efprit, avoir les mêmes
égards & la même attention pour ce qui regarde
la richeffe de ces mêmes Niches; mie trop grande
quantité de membres d'Architeclure les enfevelif-
fent, beaucoup d'ornements les accablent : plus
Ja bordure eit fimple. fans être pauvre, plus le
tableau brille. Il faut fur tout faire choix de
moulures -d'un excellent genre , donner un cer-
tain mouvement au plan des membres qui les
enrourent & les accompagnent. A l'égard des or-
nements que ces Niches contiennent 2 tels qu'iia
-ocr page 295-
Ί1,,.ν .Γι,..-.~ ...-,.- ■ι..-. κ^^^,-^çj;,-.^       γ..χ~ ■:-,.>.,;, t.-v        . -^3«
d'Architecture. 1S9
piédeital ou un piédouche, il eil nécefîaire d'y
obferver un galbe & une riche/Te aiîbrtie à l'élé-
gance de la Niche ou de la Statue. On peut aufîi
appliquer une coquille dans le cul - de - four qui
termine ces niches ; enfin , orner de draperies, de
feftons , de trophées les tables qu'on introduit
fouvent au-deiîus ou au-deiFous de ces Niches ;
cette décoration eil, félon-nous ? préférable aux
bas-reliefs, aux jeux d'enfants , aux cafTolettes ;
mais il faut fur-tout éviter d'y placer des vafes ,
des mafcarons , des chimères, &c. On doit re-
garder ces productions comme autant d'ornements
déplacés qu'une imagination peu réglée fe plaît
à mettre au jour , contre toute idée de vraifTem-
blance.
Donnons à préfent quelques deffins de Niches ;
ils nous fourniront occafion d'entrer dans quelques
détails, que la fpéculation ne peut rendre affei
intéreffant iàns l'afped des figures.
-ocr page 296-
. ι
„ . '                                ι
190                      Cours '
Différents dessins de Niches»
puisés dans les façades de nos
Edifices François,
Niches du Château de Maifons & du Château
de Clagnjé
Planche XL
La figure A nous donne lé deffin d'une dès Ni-
ches , qui font partie de la façade du Château dé
Maifons'du côté du jardin* Cette Niche» d'un
deiîîn aiîez fimple, nous paroît d'une proportion
trop fvelte, pour être contenue entre deux pi-
laftres Ioniques. La largeur de fes pieds-droits f
portée au module de l'ordre, femble un peu forte
pour le diamètre de la Niche ; en donnant quel·*
que chofe de moins aux pieds*droits, la Niche
eût été d'une proportion moins élégante, & par-
là auroit confervé une expreffion plus relative à
l'ordre moyen qui préfide dans l'étage où elle eifc
placée. Son impoite & fon archivolte font de la
même grandeur que les pieds-droits ; ils auroient
peut-être gagné à avoir quelque chofe de moins 9
fur-tout l'impofte ; car on doit favoir qu'aifez
généralement l'archivolte fe tient un peu plus
étroite que l'importe, afin d'empêcher que le £ût
du pilaitre ou l'alette de la Niche quarrée ne
forme tangente, avec l'extrados de cette archi-
volte.
Au-deiïus de cette dernière, on remarque une table
couronnée d'une corniche qui eil îurmontée elle-
même d'un très-grand congé : ce couronnement f
!■·                                                                                                                                                    '■'','■'■
-ocr page 297-
d'Architecture.            191
«[lie François Manfard a fouvent employé au-
deffus de fes amortiffements , auroit produit un
meilleur effet, s'il eût été réduit à moitié»
Nous ne fommes pas partifans des tables de
forme rectangulaire , lorfqu'elles fe trouvent pla-
cées , comme ici, au-deffus d'une archivolte : autre
chofe eil de les introduire dans ces décorations,
iorfque les Niches circulaires fe trouvent encaffrées
dans des renfoncements formées par deux alettes,
& un linteau. Ces Niches font connues affez géné-
ralement fous le nom de Niches quarrées , parce
qu'elles reffemblent affez, à leur profondeur près ,
aux Niches dont lesplan ni le fommet ne font
déterminés par un demi-cercle. Mais dans les deux
exemples tracés fur cette planche, les entrepilaitres
n'ont pas affez d'écartement pour qu'on puiffe y infé-
rer le renfoncement dont nous parlons ; & fi l'on
eût voulu l'y admettre, les Niches alors feroient
devenues trop petites pour contenir des ilatues
qui euffent pu conferver à-peu-près le tiers de la
hauteur de l'ordre : rapport dont nous avons déjà
parlé dans nos définitions, & dont nous traiterons
bientôt plus particulièrement. Dans cette table
eil placée une draperie d'une très-belle exécution,
ainfi que toute la fculpture diilribuée dans les
façades de ce Château. Nous ferions peut-être
bien fondés à demander ce que iignifle cette drape-
ne ; on nous répondra, à faire richeffe. Oui, fans
doute ; mais fuffit-il de placer des ornements dans
la feule idée de remplir cet objet ? Non ; il faut,
pour qu'ils faffent beauté, que non-feulement ils
foient relatifs au genre du bâtiment > mais encore
qu'ils fervent d'emblème aux flatues placées dans
les Niches ; autrement, comme nous l'avons dit
ailleurs , tout ornement qui neil qu'ornement y
çft inutile & fuperflu.
-ocr page 298-
2f)i                       Cours
Nous avons trouvé cette Niche trop élevée*
nous croyons avoir raifon ; car il faut concevoir
que ii Tony eût placé une ftatue réduite environ
au tiers de Tordre, il auroit fallu l'élever fur un
piédeftal, qui Fauroit prefqu'égalée en hauteur,
& qui cependant ne doit jamais excéder le tiers ;
encore vaut-il mieux y fubitituer un piédouche,
reduit au iixieme au moins , ou au quart au plus ;
fur-tout on ne doit jamais oublier qu'il faut que
les yeux de la ftatue atteignent le deiTus de lim-
poile , fervant de demi - diamètre à l'archivolte 5
pour que le deffus de la tête de la figure, placé
géométralement, fernble repr^fenter le trompillon
fur lequel vient fe repofer le bas des vouffoires
du cul-de-four,
La figure Β de la même planche, donne le deiîin
de la Niche du veftibule du Château de Clagny [n ),
bâti par Hardouin Manfard. Cette Niche eil d'un
deiîin d'un excellent genre ; néanmoins elle paroît
un peu grande, comparée avec l'ordre. Dans la
décoration extérieure ou intérieure des bâtiments,
les membres d'Architecture, quoique de genres
différents , n'en doivent pas moins conferver un
rapport immédiat & avec le diamètre de l'ordre
δε avec la grandeur de l'avant-corps, ou avec la
largeur de la pièce. On doit trouver auffi les pieds-
droits de cette Niche un peu forts ; il auroit été
à derirer qu'ils euffent été réduits à un module,
: (n) Ce Château eft le coup d'eiîai de Hardouin Manfard,
& peut-être l'une des plus ingénieuies comporterons en ce genrej
on doit confidérer ce bâtiment comme le premier, où cet Archi-
tecte a cherché à concilier enfemble la relation que les dedans
doivent avoir avec les dehors. Voyez ce que nous avons dit
4e cet homme de génie , premier volume Λ page ιοί.
OU
-ocr page 299-
d'Architecture.           193
ou qu'on eût partagé la largeur de l'entre-pilaftre
en huit parties égales, pour en donner fix hui*,
tiemes à la largeur de la Niche, & un huitième
à chaque pied-droit; ou qu'enfin on eût pris la
moitié de la différence de cette huitième partie, &
le module de l'ordre, pour déterminer la largeur de
ce même pied-droit, à raiibn du pilaftre & du
diamètre de la Niche. Le piédeital placé au-dei-
fous de cette dernière, eft d'une belle proportion
& d'un excellent genre ; mais cette Niche nous
paroît un peu courte pour fatisfaire à l'élégance.
Corinthienne que devoit lui aiïîgner l'ordre : afin
de n'en pas augmenter l'élévation , il auroit peut-
être mieux valu l'enfermer dans une Niche, quar-
ret
, qui, par fa plate-bande, auroit occafionné
la fiippreffion de la plus grande partie de la
fculpture qui s'y remarque On auroit pu réduire
cette fculpture à un feul trophée ; car les génies
qui fe trouvent placés fur l'archivolte , paroiiTent
difpurer de richeife avec la ftatue placée dans la Ni-
che. Daviler, d'après lequel nous rapportons ce def-
iin, a introduit la ftatue d'après la Flore du Palais
Farnèfe ; la Niche de Clagny étant fans ftatue,
la coquille qu'on remarque dans fon cul-de-four,
Êft d'autant plus heureufement placée ici, que fä
partie inférieure femble fe repófer fur l'impofte
continu qui fert à recevoir la retombée de l'ar-
chivolte : d'ailleurs l'un & l'autre font d'un excel-
lent profil, partie dans laquelle Hardouin Man-
fard s'eft toujours fignalé avec le plus grand éclat·
Tome /IL                                  Ν
-ocr page 300-
$$J3            »3 η » Cd V R 5        ' α
Niches placées à pefüde-chauffée, ## premiefë
& au fécond étage des façades de la cour
; . .. ,^ du Kieux-Couvre.,
Planche XL.
'. '                             ' ' - * ' ': - ■. ,. i ; · i-A <■'.. '..'.. .,,... ("Λ
<·■■ La figure A offre l'une des Niches placées à rez«
$e-chauffée de la cour, du Vieux - Louvre, com-
mencée à bâtir par pierre Lefcot. Nous avons
remarqué ailleurs, que ces Niches nous paroif-
Îoient un peu petites, par l'efpaCe immenfe du lieu
d'où elles doivent être apperçues : nous ibmmes
toujours de cet avis, furr-tout lorfque nous venons
aies comparer avec les ouvertures des portes &
des Ctoïfées placées dans les grands entrecolon-
nements 4iitribu.es dans les façades de ce Palais;
car j en/ les coniidérant -avec les petits entrecolon-
mements où elles fe trouvent fituées, & avec le
module de Tordre , elles produifent non-feulement
un affez bon effet, mais même elles procurent une
afîez g-randô yicheffe à l'ordonnance entière. Nous
ol^feryerons feulement qu'elles font trop refferrées:
de maniéré que leurs pieds-droits né,fe trouvent
avoir aucun rapport, ni avec la largeur de la Niche,
ni avec |e diamètre de la colonne : défaut qui
produit de trop petits împoftes & de trop petites
archivoltes. Au-deffus de cette dernière on remar-
que .cependant une aiTe.z grande plate r bande, &
plus haut une petite table entourée d'un champ
& de pluiieurs moulures plus petites encore. Sans
doute r.Architeûë , enfaifant cette table peu éle-
vée , a craint de la faire difputer de hauteur avec
celle placée au-deifous de cette Niche ; mais noui,
te
                                   fil -
-ocr page 301-
^Architecture;          in
ïië {aurions foufcrire à ces différentes Cöniidéra*
rions, non plus qu'au parti qu'il a pris de faire
continuer au-deiïbus de cette table inférieure, leS
moulures de la bafe de l'ordre ; ce qu'il à néan*
moins obfervé dans tous les petits entrécolonné-
ments du rez - de - chauffée & du premier étage*
               I
cette continuité eil contre toute idée de vraiflem-'
fclance ; on n'auroit pas dû l'imiter dans ïé nouvel
étage ajouté depuis à cet édifice; c'eil un exem-
ple qu'il faut bien fe garder de fuivre, les ordres
qui donnent le ton à l'ordonnance, devant préé-
miner feuls dans la décoration. L'Architecle nö
doit jamais fe permettre cette continuité d'une
colonne à l'autre ; elle ne montre tout au plus,
dans fes productions , qu'une abondante ilérilité f
condamnable à tous égards» Ces bafes ainii con-
tinuées) ne font pas plus tolérables queleierok
la continuité des chapiteaux dans les entrecolon-
nements. On s'eit quelquefois permis cet abus de
continuer les chapiteaux dans les étages attiques %
comme on le remarque à la façade de Verfaiiles ,
au Palais du Luxembourg & ailleurs ; mais ce font
autant d'exemples »à éviter * quoique ces fortes
d'étages n'exigent pas, à beaucoup près , la févé-
rite qu'on doit obferver dans ceux où les ordres
réguliers préiidenté , ; r:
Au-deffus de la table fupérieure de cette Niché |
eil fculpté un croiiîant, enlacé de deux branches
de laurier en fautoir : au » deiïus de ce croiffant
on remarque une couronne royale; elle occupe
la diilance qui fe rencontré entre la corniche de
la table, & la continuité de l'aitràgale d'une co*
lonne à l'autre. Nous n'approuvons pas plus cet
ailragale que les moulures dès bafes que nous
Venons de condamner, & qui fe remarquent néan;
,. · '·               Ν ij '
-ocr page 302-
i$6                       Cours
moins dans les trois figures A, B, C, tracées
fur la planche que nous décrivons. Entre cet aftaa-
gale & l'architrave de l'entablement, on voit urt
chiiFre compofé de deux D contrariés.
Toutes ces petites parties font richefle fans doute ;
mais nous ne faurions convenir qu'elles fàffënt
beauté : les profils en font purs à la vérité, & les
ornements de la plus belle exécution ; mais ils nous
parohTent autant de pièces de rapport & de rem-
pliiTage , qui ôtent à cette ordonnance l'air de
grandeur & de dignité que doit préfenter la déco-
ration des Palais des Rois. Ajoutons à cela que
les tables font incruftées en marbre : incruitation
qui n'eft guère tolérable que dans le cas où ces
tables font deftinées à recevoir des infcnptions ;
or ce n'eft point ici le lieu. Lorfque nous avons
parlé, planche IV de ce volume , page 61, du
grand avant-corps de ce Palais, qui donne entrée
au porche du côté de la rue Fromanteau , nous
n'avons pas craint de défapprouver ces fortes de
tables qu'on a placées fur toutes les croifées des
avant-corps , comprifes dans la hauteur de l'archi-
trave & de la frife de l'entablement.
La figure Β donne la Niche du premier étage,
du côté de la cour ; elle eft d'une proportion
beaucoup plus courte que la précédente : fon im-
porte, qui fe contre - profile, & fon archivolte,
paroiffent d'autant plus maigres, que les piçds-
droits font d'une largeur allez confidérable : cette
largeur eft occafionnée par le retréciffement de la
colonne , qui, étant engagée d'un demi-module,
fe découvre dans l'exécution, beaucoup plus qu'on
ne le remarque ici ; car le vrai diamètre de l'ordre
mafque géométralement une partie de la largeur
de ce pied-droit. La plate-bande placée au-deffus
-ocr page 303-
d'Architecture.            197
de cette Niche, au contraire , nous femble lourde»
ainfi que nous l'avons obfervé en parlant de celle
de la figure A : nous portons le même jugement
de la féconde plate-bande, placée au - deffus du
médaillon. Le médaillon nous paroît faire un
afiez bel effet ; mais ce genre d'ornement ne de-
vroit il pas être réfervé pour les fêtes publiques»
& deiliné à contenir des bas-reliefs, des emblè-
mes , des devifes, &c, On ne remarque encore
ici qu'une incruitation en marbre. Que fignifîent
& la petite tête de lion & les gros feftons qui
accompagnent ce médaillon? Ils femblent figurer
affez mal avec les deux petites cornes d'abon-
              /
dance, liées par un croifiant, & placées entre la
deuxième plate-bande & le deiîbus de l'architrave.
Tranchons le mot ; ce ne font que des ornements ;
& fans leur travail exquis, ils feroient fans prix
aux yeux des ConnohTeurs intelligents , qui tou-
jours aiment à fe rendre compte des intentions
de l'Archite&e & des raifons qui l'ont déterminé
à préférer telle ou telle allégorie: la Sculpture pour
avoir été exécutée par une main habile, ne leur
paroît pas moins déplacée , quand elle ne contri-
bue pas à la beauté de l'ordonnance.
La figure C donne la Niche du nouvel étage
qu'on a ajouté dernièrement aux façades de la
cour du Vieux-Louvre, & qui fe trouve élevé
à la place de l'attique que Pierre Lefcot avoit pra-
tiqué au-deifus des deux ordres, lorfqu'il donna
les deiïîns de ce Palais : cette Kiche y ainfi que
l'ordonnance de ce nouvel étage, avoit été pro-
jetée par Perrault, lorfqu après avoir élevé for»
péryitile, il propoia de porter à une. plus gran-
de hauteur, la façade de l'intérieur de la cour«
Son intention étoit, i° De mettre plus de rela-
-ocr page 304-
k$$                       Cours
tipn entre rélévation de ce bâtiment & le diamètre
de la cour ; De détruire l'attique, & fur-tout
Jes combles introduits par Lefcot ; 30 De mafquer
du dedans de la cour la hauteur qu'il avoit cru
devoir donner à fon péryftile, parce que ce péry-
ilile devant être apperçu d'un point de diftance
çonlidérable, la grandeur de cette façade exigeoît
une élévation qui lui fût proportionnée. En con-
séquence & après avoir tenté plufieurs moyens *
tels que des Caryatides , un ordre François, &c.
il avoit, fur fes deffins, fait exécuter en plâtre ?
fon projet pour ce nouvel étage ; & c'eft d'après
ce modele , à quelque légers changements près y
qu'on vient d'exécuter dans la plus grande partie
de la cour, le troifieme ordre qui s'y remarque;
jl eil Corinthien, ainii que celui du rez-de-chauf-
iee ; celui du milieu eil Compofite. Il eil aifé de
remarquer que les pieds-droits de la Niche,dont
nous parlons, font encore plus forts que ceux des
Kiches précédentes.
On auroit pu éviter ce défaut en faifant cette
Niche & celle de deiïbus un peu plus larges«,
Leur peu d'élévation d'ailleurs, comparée avec
celle du rez-de-chauffée , préfente une difpa-
Tïté qu'on auroit dû éviter. Par le moyen de
ççttQ plus grande élévation , on auroit pu fup-
primer la frife placée au - deffus de l'archivolte.
ï^ans cette frife fe remarquent des guillochis,
genre d'ornement devenu trivial depuis l'abus
«u'en ont fait la plupart de nos jeunes Artiftes.
fis ont cru fans doute enfanter des chefs-d'œuvre,
f en renouvelant des Grecs cette efpèce d'orne-
ment. Il eft vrai que les guillochis convenable-
-feçnt placés dans l'Arçhiteoure, peuvent produire
:*m aitez. J?qiî effet j mais il faut pour cela qu'il«
-ocr page 305-
D ' A R C Η Ι Τ E C Τ U R Ε.           cl$$
fe trouvent aiîbrtis avec le ^genre dé l'ordre &
de la fculpture qui préfide dans l'ordonnance de
l'édifice. Au-defTus de cette frife eil une tablé
couronnée d'une corniche, & celle - ci d'un L ,
d'une X & d'un V, faifant alluiion à Louis XV,
du nom , fous le regne duquel ce dernier étage
vient d'être élevé. Cette efpèce de chifre eft en-
lacée par deux branches de laurier en fautoir. Enfin
entre l'aitragale & le deffous de l'architrave > fe
remarque une autre frife contenant une couronne
de fleurs , traverfée par deux bâtons royaux.
Nous ne répéterons point combien il feroit
intéreffant d'éviter, dans ces productions , tant
de petites parties ; on fait qu'elles font à peine
tolérables , lorfque la néceffité oblige l'Architecte
à faire ufage d'un grand ordre , dont les entreco-
lonnements ne peuvent permettre un,certain écar-
tement, à cauie de la folidité qu'exige la portée
de leur plate-bande. Nous remarquerons feulement:
que les Niches de ces trois figures » A, Β, C , font
plus profondes d'environ trois pouces , que la
moitié de leur diamètre, ce qui fait paroître leur
cul-de-four trop caverneux. Nous ne pouvons
rendre compte du motif qui a déterminé Γ Ar-
chitecte à en ufer ainfi. Peut-être pourroit-on imi-
ter cet exemple, lorfque le cul-de-four fe trou-
veroit orné d'une coquille, dont la. faillie infé-
rieure feroit capable de racheter cette profondeur
& dans le cas où les ftatues que l'on placeroit
dans ces Niches, devraient acquérir une certaine
capacité, comme dans les ordonnances Tofcanes
& Doriques ; mais toujours en fuppofant que cette
forte de décoration feroit appliquée à des édifices
publics, ou dans nos maifons Royales : car au-
trement dans nos bâtiments particuliers, dont les
Niv,
-ocr page 306-
».
200                       Cours
murs de face font d'une médiocre épaifleur, au-
lieu de faire ces Niches au-delà du demi cercle,
il conviendroit plutôt de les faire elliptiques, pour
procurer moins d'altération à la folidité de ces
murs de face. Nous n'avons pas placé de ftatues
dans les Niches de cette planche, parce qu'il n'y
en a point dans celles du Palais où elles ont été
prifes , & que d'a.lleurs elles y auroient peut-être
paru trop petites. Lors de la dernière reftaura-
tion de cet édifice, nauroit-on pas pu remplir les
cavités qu'occauonnent cesSNiches, & fupprimer
toutes les plates - bandes horifontales , la conti-
nuité des baies, celle des aftragales, &c. Tous
ces membres nous paroiffent nuire au plaiiir qu'on
éprouve en examinant la hauteur du fût d'une
colonne : en effet, la colonne ne paroît jamais
plus belle, que quand nul corps horifontal n'en
approche d'aflez près, pour ôteràl'œuil du fpe&a-
teur la beauté de fa tige, de fa bafe & de fon
chapiteau.
DES STATUES EN GÉNÉRAL.
Dans les définitions du premier volume, page
311, nous avons dit quelque chofe de la pro-
portion que les itatues en général doivent avoir
avec l'ordre. Notre objet alors étoit de déterminer
ce qu'on devoir entendre par les Statues propre-
ment dites, & Îqs autres représentations du corps
humain, connues fous la dénomination de figures,
foit aififes, foit à genoux, foit couchées. Il s'agit
d'entrer ici dans de plus grands détails , qui nous
faifent parvenir à connoître plus poiitivement les
rapports que les Statues & les Figures doivent
avoir entr elles , & avec la proportion & l'expref-
fion de l'ordre qui préfide dans l'ordonnance des
bâtiments. -
-ocr page 307-
d'Architecture.          tot
En général les Statues doivent être amenées
dans la décoration des édifices , pour contribuer
à fymbolifer le genre du monument, fur - tout
lorique l'ordonnance d'Architecture femble infufî-
fante pour défigner, au premier afped, le motif
qui en a déterminé l'érection. En effet, ne peut-
il pas arriver qu'on emploie l'ordre Dorique dan$
des projets de genres différents, & que la feule
expreffion ne puiife annoncer aifez diilin&ement
l'ufage particulier du bâtiment ? Ou bien ne peut-il
pas fe faire, qu'en admettant dans la décoration
d'un édifice des ordres différents à chaque étage,
chacune des Statues qu'on y placera , quoiqu'en
rapport avec les différents ordres , ne forme, dans
l'enfemble, qu'une beauté déplacée, fi les allégo-
ries qui accompagnent ces Statues ne préfentent,
fans équivoque , que l'édifice eil dédié à la Guerre»
à la Paix, aux Beaux-Arts, &c.
Cette dernière confidération doit porter l'Archi-
tecte, ainfique nous l'avons recommandé ailleurs,
à faire un choix prudent de l'un des ordres, pour
établir fon ordonnance. On peut néanmoins,comme
nous venons de le dire , faire ufage des mêmes or-
dres , & employer des Statues de genres différents »
pourvu toutefois qu'on évite de fubftituer des Figu-
res de Femmes , où les Statues des Héros convien-
droient, ou d'employer des Figures Geleites ou
celles de la Fable devroient être préférées. Ce
moyen eft aifé fans doute, lorfqu'il ne s'agit que
d'un portique où un feul ordre préfide ; il eir.
facile alors de faire choix d'attributs de Sculpture
pour embellir fes façades ; mais quelles difficultés
n'éprouve-t-on point, lorfqu'il s'agit d'un monu-
ment d'importance où regne le faite de plufieurs
ordres ? Le mouvement qu'il convient de donner
-ocr page 308-
%0Ï                         C O V R 9
à la diilribution intérieure du bâtiment, exige une
attention particuliere & une expérience confom*
niée, pour qu'aucunes de ces beautés ne fe dé-
mentent Tune l'autre ; & que par des traniitions
heureufes que les reflburces de l'art & le goût,
peuvent feuls infpirer , toutes ces parties réunies
produifent cet enfemble intéreffant, qu'on ne re-
marque guère que dans les productions des hom- ;
mes les plus célèbres.
                                              t
Qu'on fe rappelle quelle combinaiibn François
Manfard a fu mettre dans la réunion des trois ordres
Grecs dont il a embelli le Château de Maifons. Ces
ordres Dorique , Ionique & Corinthien, fans rien
perdre de leur caraclere, préfentent néanmoins aux
yeux intelligents, des modifications fijuitement ré-
parties , qu'ils femblent ne faire qu'un feul & même
tout. De même il convient que toutes les Statues
d'un édifice, quoique différentes de proportions ,
de fymboles & d'exprelîions , ne préiéntent qu'un
feul & même enfemble : c'eft de là , n'en doutons
point, que dépend l'harmonie qu'on remarque
dans l'ordonnance d'un monument ; autrement FAr-
chiteclure & la Sculpture ne font plus que des
beautés diiparates, qui, à la vérité , fe font admirer
féparément, mais qui perdent la plus grande partie
cle leur triomphe, par le défaut d'analogie qu'on
remarque entre les Statues & les ordres , entre la
marche de l'Archite&e & la touche du Sculpteur.
Qu'on fe reffouvienne donc , que la Sculpture
eil abfolument inutile à l'Archite&ure, ii elle
ne la fait valoir & fi elle ne l'embellit > que l'Ar-
chitecture fefuffità elle-même, ii elle eil regu-
liere ; qu'en un mot, la Sculpture n'eil pas plus
néceiTaire à Γ Architecture , que la décoration ne
feil à l'art de bâtir proprement dit 5 qui, coîhîîii
-ocr page 309-
/
d'Architecture.'           to$
©η fait, n'a befoin que de folidité , de commodité
& de fymétrie ; qu'enfin on ne devroit réunir la
Sculpture à l'Architecture , que quand il s'agit
d'ériger des Temples à la Divinité , d'élever des
monuments publics dans les Cités, des demeures
de la plus grande magnificence pour le Souverain;
& que c'ert dans ces feules occaiions d'éclat,
qu'il convient d'employer tout ce que les Beaux-
Arts peuvent offrir de beautés & de perfecldon.
Combien de fois n'avons-nous pas été fur-
pris , lorfqu'au pied de la plupart de nos édifi-
ces , nous n'avons remarqué que de la Sculpture,
fou vent belle à la vérité, mais encore plus fou-
vent fans choix , fans difcrétion & fans conve-
nance. Précédemment on afFectoit trop de fim-
plicité clans les dehors , pendant qu'on ornoît les
dedans jufqu'à la profufion : aujourd'hui on pro-
digue la fculpture dans nos façades jufqu'à l'excès*
Il y a peu de maifons particulières qui ne pren-
nent le ton de nos Hôtels ; & peu d'Hôtels où l'on
Remprunte l'importance de nos Palais ; on parvient
par là fans doute à faire riche ; mais qu'il y a loia
de cette richeffe aux vraies beautés de l'Art i
On fait auiïi les dedans magnifiques; maisfouvent
cette magnificence n'eft que du faile ; on ne craint
pas d'allier les chimères à la réalité, l'ancien avec
le moderne , le pefant avec le délicat. Le vrai
point de diftance d'où toutes ces parties doivent
être apperçues , devient une énigme pour l'exami-
nateur ; il eft forcé de s'éloigner pour apperce-
voir l'Architecture, de fe rapprocher pour con-
iidérer la Sculpture , de chercher un nouveau
point de vue , pour juger de la peinture, des
rehauffés d'or, &c. Comment concevoir qu'on
s'accorde fi peu fur les lois de l'unité ? Nous
-ocr page 310-
S04                        Cours
croyons l'entrevoir: la plupart des Décorateurs,
( car nous n'entendons pas parler ici des vrais
Architectes) la plupart des Décorateurs, difons-
nous , féduits par la facilité de leur crayon ou de
celui d'autrui, s'abufent fur la véritable forme des
ornements, fur la prudence qu'ils devroient ob-
ferve r dans l'emploi des itatues , des figures & des
bas-n sliefs dont ils décorent l'extérieur & l'intérieur
de le urs bâtiments. Pleins de leur premiere idée ,
ne revenant jamais fur leurs pas, ils la confient
à des Artiftes , qui, quoiqu'habïles , ont fouvent
intérêt d'ajouter encore auxpenfees de l'Architecte:
de là. la fource de la prodigalité de la fculpture
qu'on remarque dans les nouvelles productions de
nos j ours : de là enfin l'abus d'une richeiïe indif-
crète , qui, toujours prife aux dépens des beautés
fimphes de l'Architecture, n'offre le plus fouvent
qu'un enfemble compofé de quelques parties affez
eftimables à la vérité , mais qui n'en préfentent pas
moins un tout défafforti. Au reile , quittons cette
digreiîion, & revenons à la proportion qu'il con-
vient de donner aux Statues, relativement aux diffé-
rents· genres, à la hauteur & à l'étendue des édifices.
De la proportion des Statues.
Nous avons précédemment avancé , d'une ma-
nier« 2 générale, que les Statues dont on décoroit
les ifaçades, dévoient avoir de hauteur, environ
le tiers de celle des colonnes , foit que l'ordre
préftde ou non dans l'édifice : nous obferverons
ici, qu'avant de déterminer leur proportion, il
faut avoir égard à la lituation des ordres & à
leurs diférents diamètres, pour que ces Statues
ne p«aroiffent jamais ni trop petites ni trop gigan-,
tefques dans l'ordonnance Jdu monument.
-ocr page 311-
d'Architecture.          205
Pour parvenir à donner aux Statues un ;juile
rapport, à raifon de la diveriité des ordres, fup-
potes réduits à une commune hauteur, il comment
de confidérer d'abord, quelle eil la différence de
leur expreiïion, puifqu'autrement celle en rapport
avec le Tofcan , deviendroit trop maffive pour le
Corinthien ; enfuite il faut concevoir que la pro-
portion d'une Statue déterminée pour une colonne
de foixante pieds de hauteur, doit diférer de celle
qui n'en auroit que vingt, &c.
Plufieurs Architectes font d'avis, d'après le (en-
timent de M. Defgodets (0), que les Statues
qu'ont veut placer fur trois ordres élevés les
uns au - deffus des autres, comme au portail de
l'Eglife de Saint-Gervais , dans la cour du Vieux-
Louvre , au Château de Maifons & ailleurs, doi-
vent toutes être réduites à une même propor-
tion , malgré l'inégalité de hauteur & de diamètre
obfervée dans les ordres ; parce que, difent-ils, la
comparaifon qu'on fait de ces Statues eil plus frap-
pante que le défaut de rapport qu'on pourroit remar-
quer entr'elles & celui qu'elles devroient avoir avec
chaque ordre. Cela peut être vrai, quoiqu'affez
généralement mal obfervé dans nos édifices ; mais
pour trouver plus précifément la juile hauteur qu'il
convient de donner à chaque Statue, établirons
les proportions extrêmes qu'elles doivent avoir par
(o) Antoine Defgodets } Architecte du Roi, né en i£f j ,
mort en 1718 ; il a été Profeiïeur de l'Académie Royale d'Ar-
chireélure : place qu'il a remplie avec le plus grand fuccès. Il
nous relie de eet habile Architeóte, plufieurs manufcrits con-
cernant les ordres d'Arehitc&ure, les ûs & coutumes ,'& la
coupe des pierres. On a aum* de lui mi livre fort eftimé, inti-
tulé : Edifices antiques de Rome 3 defmês & mefurés tres-eXaäe-
ment fur les lieux.
C'eft en allant à Rome , qu'il fut pris &
conduit à Alger % otj il demeura en eiçiavage environ feize
mois.
-ocr page 312-
àoo                    Cour»
rapport à chaque ordre; après quoi il fera faciî©
de trouver, par une moyenne arithmétique, la
commune proportion qu'on devra donner à celles
qui décorent les différents étages d'un bâtiment*
Suppofons les cinq ordres élevés chacun iépa-
rénient & ayant dix pieds de hauteur feulement ;
le diamètre du bas de la colonne Tofcane feroit de
dix-fept pouces ; celui de la colonne Dorique de
quinze pouces ; celui de la colonne Ionique de trei-
ze pouces & demi, & celui des colonnes Corin-
thiennes & Comportes d'un pied. On donneroit
alors à la Statue deitinée à Tordre Tofcan, quatre
diamètres inférieurs, fàifant cinq pieds huit pou-
ces ; à celle de l'ordre Dorique , quatre diamètres
un tiers, valant cinq pieds cinq pouces ; à celle de
Tordre Ionique , quatre diamètres deux tiers, va-
lant cinq pieds deux pouces ; & enfin aux Statues
des deux derniers ordres, cinq diamètres valant
cinq pieds.
Suppofons à préfent des colonnes de foixante
pieds de hauteur : le diamètre de la colonne Tof-
cane auroit huit pieds fept pouces ; celui de la
colonne Dorique, fept pieds fix pouces ; celui
de la colonne Ionique, fix pieds huit pouces; &
'ceux des colonnes Corinthiennes & Comportes,
iix pieds : d'où il fuivroit que la Statue de Tordre f
Toican devroit avoir deux diamètres , valant dix-
fept pieds deux pouces ; celle de l'ordre Dori-
que , deux diamètres un fixieme , valant feize
pieds un quart ; celle de la colonne Ionique,
deux diamètres un tiers, valant quinze pieds fix
pouces ; enfin les Statues des deux derniers or-
dres , deux diamètres & demi, valant quinze pieds.
D'après ces hauteurs extrêmes, pour les colon-
ues de dix pieds ou de foixante pieds de hauteur^
-ocr page 313-
d'Architecture.            %cy
€>n devi'a avoir recours à une moyenne arithmé*
tique, entre dix & foixante, pour affigner une
proportion convenable aux Statues , relative à*
celle des colonnes intermédiaires. Par exemple ,
d'après ce qui vient d'être dit, la Statue ayant
cinq pieds pour une colonne de dix, & quinze
pour une de foixante; les Statues pour celles de
vingt, feront de fépt pieds de hauteur ; celles
pour une colonne de trente, de neuf pieds; celles
pour une colonne de quarante, de onze pieds ; &
celles pour une colonne de cinquante, de treize
pieds , & ainfi des autres, coniidérées tant au·.
deiîus qu'au-deffous de dix ou de foixante pieds.
Nous rappellerons encore , qu'à l'égard des
Statues placées dans les bâtiments où pluneurs
ordres fe trouvent furmontés les uns par les autres ,
on trouvera, par la regle qui vient d'être expli-
quée , les diverfes hauteurs des Statues de l'ordre
fupérieur & inférieur, relativement à la diverfe
élévation & aux différents diamètres de ces der-
niers ; en forte qu'en additionnant la hauteur que
doit avoir celle du premier ordre avec celle du
dernier, on prendra la moitié du produit des
deux fommes pour établir la'commune proportion
de toutes les Statues ou Figures répandues dans
les façades , tant pour les Statues des ordres infé-
rieurs que fupérieurs & intermédiaires.
D'après le compte que nous venons de rendre,'
il efc évident; que lorfqu'on fait ufage de petites
colonnes , telles que de dix pieds de hauteur, on
donne aux Statues la moitié de cette hauteur, & que
l'on ne donne que le quart aux Statues des ordres qui
en ont foixante* On peut donc établir pour regle
générale, comme nous l'avons déjà avancé, que
la hauteur des Statues doit être fixée raup cin<j
■■ ■ î'é-                                 '                       - '                                           '\
■/-■
-ocr page 314-
■ /
io8                       Cours
fixiemes au moins , ou au tiers au plus de celle
des colonnes ; or l'on ne doit jamais, félon nous,
employer dans les dehors, des colonnes de dix
pieds. D'ailleurs il eft aflez rare qu'on ait occa-
îion, particulièrement dans les bâtiments d'habi-
tation des plus grands Seigneurs , d'élever les co-
lonnes jufqu'à foixante pieds.
Nous finirons ces obfervations par dire , que
lorfqu'il s'agira de couronner les étages attiques,
par des Statues ou des Figures, que celles-ci de-
vront avoir un lixieme de moins que la hauteur
qui vient d'être prefcrite pour les étages ré-
guliers , les feuls abiblument où l'on puiffe em-
ployer les ordres d'Architefture ; & que lorfqu'il
s'agira feulement de figures en bas-relief, enfer-
mées dans des tables, ou contenues dans des mé-
daillons, la proportion des figures de ces bas-re-
liefs , eil indépendante des regies que nous venons
de prefcrire. C'eil alors à la prudence de TArchi-
teûe , de leur établir un nouveau rapport, mais
toutefois relatif, autant qu'il eft poiîibie , au ca-
ra ûere de l'ordonnance. Car on ne doit jamais
oppofer de trop petits objets où regne une fcul-
pture gigantefque, & où la convenance de l'édifice
permet de forcer ou de diminuer le module de
l'ordre, à raifon de l'importance, de l'étendue &
de la fituation du bâtiment.
DES BALUSTRADES EN GÉNÉRAL.
Dans les définitions du premier volume de ce
Cours, page 31 ζ , nous avons donné quelques
notions concernant les baluftres & les baluftrades :
nous avons auiîî marqué, dans ces définitions,
le rapport que celles-ci dévoient avoir avec les
Statues
-ocr page 315-
» * A R e h ι τ ι e t ϋ re:
Statues ■& avec les ordres d'Architecture répandus
dans le bâtiment. Entrons à préfent dans quelques
difcuiïîons, ainii que nous l'avons promis, & citons
divers exemples qui confirment à nos Elevés la
néceiïïté d'étudier, en particulier, toutes les parties
de l'Art, s'ils veulent parvenir lin jour à donner
à leurs oeuvres le dernier degré de perfection.
Jufquà préfent, à l'exception de quelques Ar-'.·
diiteftes célèbres , le plus grand nombre s eil con-
tenté de reconnoître que les baluitrades en géné-
ral , produifoient un affez bel effet dans la décora-
tion des édifices importants ; de là on en a terminé"
la partie fupériëure de prefque toutes les pro-
ductions d'Architedhire, on en a introduit au bas"
des cróifées, on les a fait fervir d'appui aux "ter-
rafles y mais fouvent fans s'embarraffer du rapport
qu'elles dévoient avoir avec les principaux mem-
bres diitribués dans les façades , ni de l'expref-
fion'qu'elles dévoient emprunter du caracfere de
l'ordre auquel elles fervoient de couronnement,
ou au pied^ duquel elles fe trouvoient fitÎïëes ; "
en forte qu'on en remarque de proportion Tof- '
cane, élevées fur un ordre Corinthien , comme
au Palais des Tuileries ; de proportion Corin-
thienne , fur un ordre Dorique, comme au Palais
du Luxembourg: dans d'autres édifices, on trouve
des travées de baluftres, qui, au-lieïï d'être dif-
pofées directement à plomb des éntrecolonnements,
continuent indiftin&ement & fur les pleins & fur
**$fvides de la décoration de la façade, comme
a l'Hôtel de Lambert, faubourg Saint - Germain ;
pendant qu au Château de Sairit-Cloud on n<e voit
que les travées de deux ou trois baluftres, placé?
aii-deCus des petits éntrecolonnements qui ternu- -
lient les angles des ajles de ce Château.
Joint lll%             ■ ^                ;               Q
-ocr page 316-
âio                      Cours
Ces inadvertences ne Tont pas fes feules qui f@
remarquent à cet égard dans la plupart de nos édifi-
ces François. Tantôt le dé des piédeilaux qui dé-
termine la hauteur dubaliiiireerl fi peu élevé., que
ce dernier ne conferve aucun rapport avec le
diamètre de l'ordre : tantôt il a tant de hauteur,
que le baluilre paroît gigantefque, comparé avec
les autres membres de la baluilrade & avec la pro-
portion de la colonne , qui auroit dû lui affigner
fa véritable grandeur. Nous ne rapporterons aucun
exemple de ce genre ; il faudroit citer lès cinq
fixiemes des Hôtels élevés dans le feul faubourg
Saint-Germain.
Dans d'autres édifices, plus célèbres.à la vé-
rité , on a ufé d'un moyen que nous ne confeil-
lerons cependant jamais a nos élevés d'imiter. Par
exemple, au portail de l'Eglife de la Sorbone,
la hauteur du baluilre eil bien affujétie au diamè-
tre du pilailre, comme nous le recommandons ;
mais la hauteur du dé du piédeilal de l'ordre fu-
périeur , eil ii confidérable , que Le Mercier, qui
en a été l'Architecte , dans la crainte que fon ba-
luilre ne devînt gigantefque , Ta élevé fur un
petit piédeilal : refîburce chétive néanmoins, &
qui produit le plus mauvais eiiet à l'œuil. Au
Château de Maiibns, François Manfard, au pied
de fon ordre Dorique, du côté des jardins , s'efl
trouvé dans le même cas ; mais au-lieu de placer
un piédeilal fous chaque baluilre, il a fait régner
un fócle continu qui occupe en hauteur le tiers
du dé de fon piédeilal : ce focle continu eil moins
choquant que les petits piédeilaux de la Sorbone ;
cependant M, Cartaud n'a pas craint d'imiter ce
dernier exemple, au portail de l'Eglife des Bar-
nabites ; nous ofons avancer que ni l'un ni l'autre
%
-ocr page 317-
d'Architecture,          ui
ne peuvent être employés raifonnahlement, puifqiie
ces expédients dénotent linconféquence d'em-
ployer un piédeftal fous l'ordre d'Architecture ; fa
hauteur, non-feulement nuifant à l'élévation de la
colonne , mais forçant pour ainfi dire l'Architeéte,
à ne pouvoir conferver aucun rapport entre la ba*
luftradé & le piédeilal qui foutient l'ordonnance.
Quelques Archite&es, pour éviter ce double
inconvénient, ont pris le parti de fe paffer de ba-
luirres & de baluilrades fur l'entablement du pre-
mier ordre, comme on le remarque aux portails
des Invalides, de l'Oratoire, à celui de Saint-Roch
& ailleurs; nouveau moyen qui rend la décora·»
tion imparfaite. On pourroit éviter ce défaut „ û
lors de la compoiîtion des maffes de fon édifice
on fe rendoit compte des parties principales , &
enfuite des plus petits détails. Sans ces précau-
tions, il n'en faut point douter, on ne parvien-
dra jamais à foutenir le ffyle qu'on aura choiii,
pour, cara&érifer le genre du monument.
Les baluftres & les baluftrades du Château de
Clagny, ceux des tribunes de l'intérieur de 1Έ-
glife de l'Oratoire 5 & ceux de la Chapelle de
Verfailles nous ont toujours pacu préférables à
tout autre exemple en ce genre; encore fommes-
nous forcés de l'avouer, le galbe de ces différents
baluftres eil trop uniforme. Il eft vrai que tous
trois appartiennent à des ordres délicats ; mais la-
grandeur des uns , la richeffe de ceux-ci, & l'on
peut dire la iimplicité de ceux-là, dévoient mon-
trer quelque différence dans leurs contours &;
leurs profils. Aufli, pour faire fentir à nos Elevés
combien il eft intéreffant que chaque baluftre ou
chaque baluitrade en particulier, non - feulement
Henne du caractère des différents ordres, mais
Oij
-ocr page 318-
%l%                         C OURS         A r
acquière cette variété que peut comporter chacun
de ces derniers , coniidérés féparément ; nous
allons donner > dans les planches fuivantes, cinq
efpèces de Baluilres , qui, exprimant l'image de
la ruâiçité Tofcane, de la virilité Dorique, &c.
jufqu'à Tordre Compofite Romain, préienteront
le moyen de parvenir à faire autant de defîins de
Baluftres , que TArchitecle a occafion d'en com-
poler-.de nouveaux , pour fatisfaire à tous les
différents genres de décorations : après quoi nous
en donnerons d'autres d'un deffin moins féyere,
deftinés pour l'intérieur des veilibules , des efca-
liers, des porches, desiportiques : enfin quelques
autres encore propres à être placés aux pieds des
eitrades , dans les falies du Trône, dans les cham-
bres de Parade, &c.
                     ? * Φ λ
Proportions des Balu strades
ET DES BaLUSTR.es.          'i r
Planches XLI, XLII & XLTli;
Nous avons déjà avancé qu'on diitingu©it dans
ÎArchite&ure deux fortes de Baluftrades, les unes
fervant de couronnement aux édifices, les autres
fervant feulement d'appuiaux efcaliers, aux croi-
fées & aux terraffes ; nous dirons à préfent, que
la proportion générale des-premières , eft d'avoir
de hauteur le quart de Tordre , & chacune en
particulier une proportion différente, à raifon
de la plus ou moins grande élévation des co-
lonnes & des pilaitres ; parce que les Baluitrades
comme les niches , doivent avoir une, relation in-
time avec les ilatues, & toutes avec le module qui
affîgne la correfpondançe que les divers membres
d'Architecture & les différentes efpèces d'ornements.
-ocr page 319-
d'Architecture. ίι%
doivent avoir enfemble dans une même façade.
A l'égard des fécondes Baluftrades, leur hauteur
diffère des précédentes; elles doivent être afTu-
jéties à la hauteur des appuis, déterminés, comme
nous l'avons dit ailleurs , à deux pieds & demi au
moins, ou à trois pieds un quart au plus, en faveur
de la relation qu'elles doivent avoir dans les bâti-
ments d'habitation, avec la grandeur humaine.
Dans l'un & l'autre cas de ces Baluftrades , ίί
faut favoir que les Baluftres , dont la hauteur
occupe celle du dé de ces mêmes Baluftrades , doit
toujours être égale au diamètre de Tordre, & la
tablette qui' les couronne , être d'un demi mo-
dule ; en forte que dans les Baluftrades de couron-
nement , leur focle fe trouve être égal à la hau-
teur du Baluflre, & que dans celles d'appui, ce
focle fe détermine à volonté (/» ) ; c'eft la feule
différence qui doive fe remarquer entre l'une &
l'aiiÊre Baluftrade.
Avant d'entrer dans la proportion qui doit déter-
miner tous les membres d'Architecture qui confti«
tuent les Baluftrades & les Baluilres , nous dirons
qu'il faut faire en forte d'obferver, qu'entre deux
baluftres il y ait autant de vide que le Baluflre a
de diamètre; c'eft-à-dire, qu'entre deux cols,
il fe trouve la largeur de la panfe du Baliiftre^
& entre deux pan fes la largeur d'un col (q) : nous
Tt.....                  ι.           ι ι               ι il "■ 'Tili .!■....... ii ii ι                                  -                    ι                - ι                            ι                                                      ι                         uni
('/>) La hauteur de ce focle, rendue égale à celle du Baluftrej
eft faite ainfi, parce que la faillie de la coxniche de l'entabls-
ment fupérieur qui reçoit ces Baluftrades de couronnement ^
mafque néceiTairement la majeure partie de la hauteur, du focle
dont nous parlons,
(g) La ■ moitié de cette diftance doit s'obferver entre le pre«
mier Baluftre & le pied droit, l'alette ,. ou enfin l'acrotère ».
comme quelques-uns l'appellent; membres qui fe placent ordi-
sairemenç à côté des piédeiraiix à deiTein de recevoir la pos-
O u\
-ocr page 320-
214                       Cours
dirons encore, qu'il faut fe reiïbuvenir, ainiî que
nous l'avons déjà obfervé , de ne jamais mettre
plus de treize Baluftres dans une travée , ni moins
de cinq; enfin que chaque profil de Baluftre ou
de Baluftrade, doit porter précifément le caraclere
de Tordre : & fur-tout il ne faut jamais renverfer
les Baluftres , comme quelques Architeites Font
hafardé ; ce qui ne peut fe tolérer que dans la déco-
ration des grotes , des fontaines , des baiîins , &c.
Nous venons de dire, que les Baluftres doivent
répondre aux différents caractères des ordres aux-
quels ils appartiennent ; la même regle a lieu pour
le profil des tablettes & celui des focles des Ba-
luftrades.
Λ Par exemple, pour donner à ces derniers une
proportion relative aux différents ordres : fuppô-
fons ici, comme nous Pavons fait pour les ftatues,
des colonnes de dix pieds & de foixante pieds ,
afin de déterminer les hauteurs extrêmes des Ba~
-luftrades, comparées aux petites ,& aux grandes
colonnes.
Les Baluftrades de l'ordre Tofcan, deftinées
aux colonnes de dix pieds , auront deux diamètres
&: un tiers du fût inférieur des colonnes, deux dia-
mètres & demi pour Tordre Dorique, deux diamètres
deux tiers pour Tordre Ionique, & deux diamètres
cinq iixiemes pour les ordres Corinthien & Com-
poiite.
,"·■ m ^               , ..Λ                       ----------______------------------------------------------------a„-------,_,„, ·,------------------------------------_.------ ι             
" tée des tablettes Aes Baluftrades. Quelquefois à la place de ce
pied-droit ou alette., on introduit un demi-baluftre , mais celui-
là doit avoir la préférence iur celui-ci; nous le regardons même
comme indifpenfable , quoiqu'on l'ait fuppnrné aux Baluftrades
du Palais du Luxembourg. Le moins qu'on piviffe donner à ce
pied-droit, eft la largeur d'un demi-baluftre , & le plus cil
la moitié de la hauteur de ce même Baluftre , toujours réduite
à deux modules.
-ocr page 321-
d'Architecture.           215
Les Baluftrades Tofcanes, deftinées à couronner
des colonnes de ibixante pieds, auront un diamètre
& un fixieme ; un diamètre un quart pour l'ordre
Dorique , un diamètre un tiers pour Tordre Ioni-
que , & un diamètre cinq douzièmes pour les
ordres Corinthien & Compoiite.
Entre la hauteur de ces colonnes de dix & de
foixante pieds , on réglera , par une moyenne
arithmétique ? celle des baluftrades intermédiaires,
en obfervant feulement que celles placées au-deffus
des attiques, doivent avoir en hauteur un fixieme
de moins que celles qui fe trouvent élevées fur
les ordres d'Architecture réguliers.
Ces hauteurs, une fois trouvées , il faut, com-
me dans la planche que nous décrivons , divifer
la hauteur A, Β, en neuf parties , pour en don-
ner quatre au focle Β, C, quatre au dé C, D, &
une pour l'épaifteur de la tablette D , A.
La hauteur du dé C, D , qu'occupe le baluftre,
fe doit divifer en cinq, depuis a jufqu'à b , pour
en donner une à la hauteur du piédouche b , c ;
puis il faut redivifer <z, c, encore en cinq parties
égales , & en donner une à a, d, formant le cha-
piteau du Baluftre ; enfuite divifer de nouveau,
depuis c, jufqu'à d, en cinq pour trouver la tige
du Baluftre; & l'on en donnera deux cinquièmes
à la panfe c, e ; les trois reliants feront pour la
hauteur du col, e, d.
Nous venons ,de remarquer que les Baluftre«
& les Baluftrades dévoient emprunter leur cara- |
Ôere de Texpreiîion des différents ordres ; de là
il eft facile de concevoir , que les Baluftres Tof-
cans doivent avoir plus de diamètre , que ceux
Corinthiens & Compofites. Pour trouver la lar- *
geur des premiers , on donnera à leur panfe ƒ 5
Oiv
-ocr page 322-
si6                         Cours
les deux cinquièmes de leur hauteur, & feulement
un cinquième au col g; au contraire, on ne don-
nera de largeur à la panfe h du Baluftre Corinthien
ou Compoiite, que le tiers de fa hauteurs & le
iîxieme au col i ; les autres Baîuitres, Doriques
& Ioniques, fe trouveront par des moyennes pro-
portionnelles entre ces deux extrêmes , & Ton
©bfervera feulement de donner au Baluilre Com-
poiite , un tant foit peu plus de diamètre qu'au
Corinthien.
Dans toutes les efpèces de Baîuitres , la largeur
du bas du piédouche'X:, égalera la largeur de la
panfe ; & la largeur de la gorge l de ce même
piédouche devra être égale à celle du col. La
faillie du chapiteau du Baluifce dçvra avoir le tiers
de fa hauteur.
Toutes les moulures qui ornent les haluifres,
àinii que celles de la tablette & du focle des Balu-
ilrades , cloiverit puifer leur forme, leur expref-
fion, leur iimplicité ou leur richeÎTe, de la pro-
portion particuliere de chaque Baluilre , & de la
relation que celui-ci doit avoir avec fordre«,
tel à-peu-près que l'expriment les fix Baluftres ( r)
(r) La figure l Scia, figure II, font deux Baluftres Tofcans,;
Je premier ne diffère du fécond, qu'en ce que fon plan eil
qiîâdrangulaire, & l'autre circulaire. Cedernier s'emploie or-
dinairement dans les ordonnances o\i l'ordre Tofcan préiïde;
l'autre feulement dans les ouvrages ruftiques proprement dits,
comme aux terraifes, aux grotes, aux fontaines, Sic. Les figu-
res III, IV.V&VI, donnent l'idée des Baluftres Doriques,
Jpniques Corinthiens & Compofites , qui, comme tels, font
ornés de plus ou moiqs de moulures , & doivent avoir des
galbes plus ou moins reflentis ; il n'y a pas rriême jufqu'aux
tables qui ornent les dés des Baluftrades , qui doivent fe reifen-
tir de cette différence, & qui pour cela doivent être Mes ois
faillantes, arrafées ou rentrantes, comme l'expriment à-peu»
près les fix figures tracées fur la plaachc dont nous parteas»
-ocr page 323-
D ' A R C H I TEC TV R Ε.              Ι Vf'
de la planche XLT, & qui tous font tracés'
de maniere qu'ils indiquent l'épaiiTeur des Balu-
ilrades qui les reçoivent, la coupe de leur ta-
blette , le focle qui les foutient, & la faillie dés
piédeftaux qui féparent ordinairement les travées
des Baluilrades. Ainfi la hauteur A, B, indique l'élé-
vation extérieure de la Baluftrade ; & la hauteur E,F,
le parement inférieur de cette même Baluftrade du
côté de la terraffe ou des combles ; en forte que
du côté E, F, cette Baluftrade , auffi-bien que
toutes celles de cette planche, pourroit fervir d'ac-
coudoir, & le côté A , D, C, Β , de Baluftrade de
couronnement à un édifice d'importance.
Les Baluftres & les Baluilrades ne s'emploient
pas feulement dans les façades des bâtiments, on
en fait au/fi ufage dans les rampes des efcaliers
intérieurs & extérieurs, fur les terraffes , &c. Mais
il faut obferver que les Baluftres qu'on introduit
dans les parties rampantes , ont deux inconvé-
nients ; favoir , ou qu'il faut que les moulures des
Baluilrades foient inclinées, comme A delà figure
ï, planche XLII, ce qui eil la maniere la plus
approuvée ; ou que les piédouches & les chapi-
teaux foient horifontaux , comme Β , ainii que
cela fe remarque à l'efcalier de l'Hôtel d'Auvergne,
& à l'une des terraffes de Meudon. Le Cavalier
Bernin a employé cette féconde maniere, même
aux bafes & aux chapiteaux du grand efcalier du
Vatican à Rome. Il y a deux chofes à remarquer
dans cette maniere d'employer ces deux fortes
de Baluftres dans les parties rampantes des efca-
liers : la premiere , que les moulures inclinées du
baluftre A , femblent annoncer la vétufté de la
Baluftrade, les corps inclinés ne produifant jamais
Un bon effet en Archkeâure, malgré l'habitude où
-ocr page 324-
2i8                       Cours
nous fommes de faire pyramider nos avant-corps
par des frontons triangulaires : la féconde , que
lorfque Ton fait ces moulures horifontales, comme
au Baluitre Β, la hauteur de la tige de* ce der*
nier devient tpujours plus courte que celle des
Baluitres qui fe trouvent diftribués dans les palliers
de ces mêmes efcaliers, ce qui apporte une diffon-
nance frappante, dans cette partie de la décora-
tion : c'eft pourquoi plulieurs Architectes préfè-
rent les rampes de fer auxBaluitrades; ce qui,
à notre avis, eft plus infoutenable^encore : dau-
tres y font ufage des entrelas , genre d'orne-
ment fouvent préférable en pareille occafion , &
aux baluftres rampants & aux rampes de fer, fur-
tout lorfqu'il s'agit des efcaliers de nos maifons
Royales ou des monuments publics de la premiere
importance. Voyez plufieurs çteffins de ces entre-
las , tracés au bas de la planche X L11, dont nous
parlons.
Nous avons dit précédemment que dans l'inté-
rieur des appartements, on introduifoit auffi des
Baluilrades , dans les falies du trône, les chambres
de parade , les falies du dais ,, &c. La planche
XL1II, offre différents defiîns de Baluitres en ce
genre, puifés dans nos décorations modernes , &
dont la variété des formes peut fe multiplier à
l'infini, félon le lieu où elles feront limées. Ces
deiïins peuvent auffi fervir de modele, lorfqu'il
s'agira d'orner les fermetures des Sanctuaires &
des Chapelles de nos Temples; alors elles fe
font en bronze doré d'or moulu , ou de marbre:
ou l'on fait feulement leur tige en marbre, & lés
ornements en bronze.
χ *
\
-ocr page 325-
d'Architecture.             219
DES FRONTONS EN GÉNÉRAL.
Nous avons parlé fommaîremeht des Frontons ,*
premier volume , page 315; nous devons dire
icij que l'origine de ces fortes d'amortiflements,
car nous invitons nos Elevés à remonter toujours
à la fource ; nous devons dire que les frontons;
ont pris naiflance chez les Grecs , de la forme des
toitures dont ces peuples couvroient leurs édifi-
ces ,■& particulièrement leurs Temples. Or comme
dans cette région une médiocre pente , dans les
combles , fuffifoit pour écouler les eaux du Ciel,
la forme triangulaire des pignons de leurs bâti-
ments a donné l'idée aux Architedtes d'en former
les Frontons dont nous parlons, pour en effacer
la diiFormité ; en forte que quand dans des climats
plus froids on s'eil trouvé forcé de donner plus
de hauteur aux combles, les Frontons imaginés par
les Grecs n'en ont pas moins confervé la propor-
tion que nous allons donner incefTamment, en dé-
crivant l'abus qui s'eil introduit depuis dans leur
application & dans leur forme, lorsqu'une fois on
eut perdu de vue le motif qui les avoit fait em-
ployer avec tant de fuccès, pour fervir d'amor-
tiffement aux chefs - d'œuvre de ces peuples ,
enfuite à ceux des Romains, & enfin dans ceux
que les Manfards ont élevés en France, qui, bien
moins tme tous les autres Architectes François ,.
ont abufé de ce couronnement.
Pour éviter de tomber dans l'abus des Frontons,
dont la multiplicité jète prefque toujours une mo-
notonie infuportable dans les façades des bâtiments,
il faut d'abord favoir que , comme les niches , ils
ne conviennent pas par-tout ; quiîs réunifient bien
-ocr page 326-
220                            C O Ü R S
dans les Frontifplces des monuments facrés (s)%
qu'on peut les employer avec un égal fuccès à
l'extrémité fupérieure des avant-corps des Edifi-
ces publics & des Palais des Rois ; qu'afTez géné-
ralement ils fe tolèrent dans les Bâtiments parti-
culiers , lorfque cette forme pyramidale contribue
à reflituer ce qui peut manquer entre le rapport
de la hauteur d'un pavillon & fa largeur , com-
parées enfemble. Mais que par une affectation peu
mefurée, on en couronne indiitin&ement les croi-
Îées , les niches & les tables répandues dans les
façades ; certainement c'eil abufer de ce que l'art
ne permet qu'en certaines occaiions, & toujours
pour parvenir à la plus grande perfection.
Le raifonnement de l'Art, ainii que nous l'avons
déjà dit plus d'une fois , exige auffi qu'on faife
choix du Fronton circulaire ou du Fronton trian-
gulaire , félon le genre de l'ordonnance ; car ces
deux formes peuvent également s'employer avec
fuccès, pourvu toutefois qu'on n'aille pas incon-
iidérément employer le premier dans une- décora-
tion Corinthienne , & au contraire, le Fronton
triangulaire pour couronner un ordre Tofcan.
Qu'on y prenne garde, c'eil encore un abus
d'en placer un à chaque étage du bâtiment. Rap-
pelons-nous l'origine des Frontons ; d'après cela,
ne le faifons couronner que le fommet de l'àvant-
eorps , puifqu'il eil l'image de la couverture de
l'édifice. Quoiqu'on fe foit écarté de cette regle
( s ) AuiIT François Blondel cîit-il exprefTément , que les An-
ciens ne donnaient jamais de Fronton qu'aux. Temples
, confi-
dérant cet ornement comme quelque chofe de f acre
, lequel néan»
moins pajfa , par l·, flaterie des Architectes
, aux' façades des
Valais des Empereurs ;
& de là y 'par corruption s indifférent*
ment à toute farte de bâtiment*
-ocr page 327-
d'Architecture»           221
aux portails des Eglifes de Saint-Gervais, des Mini-
mes & du Val-de-Grâce, où, plus inconlidérément
encore, on a placé un.Fronton triangulaire fur l'or-
dre Dorique, & un circulaire fur l'ordre délicat ; elle.,
ne mérite pas moins d'être rigoureufement obfervée.
Les deux, Frontons qu'on remarque au Frontifpice
du Val-de-Grâce, auroierit dû tous deux être trian-
gulaires; au refte, celui du premier ordre , à
l'exemple du Panthéon, femble être autorifé par
la faillie du porche extérieur que ce Fronton pa ■
roît couronner en particulier; au-lieu qu'à Saint-
Gervais & aux Minimes, les deux qui s'y remar-
quent couronnent un feul & même corps : exem-
ples qu'il eft bon d'éviter.
Quoique nous venions de dire que les Frontons
circulaires, pouvoient s'employer convenablement
dans l'Architeclure ; il n'en eft pas moins vrai
qu'on le doit faire le moins poffible dans la déco-
ration extérieure des bâtiments. Les anciens ne-;
les ont prefque jamais employés que dans l'inté-
rieur, ou du moins dans les lieux couverts; on
en remarque fur les tabernacles des Chapelles
de la Rotonde,. & fur la plupart des niches de
leurs thermes ou bains publics. Au contraire, ils,
ont fait un très-fréquent ufage des Frontons trian-
gulaires dans les dehors des édifices d'importance ,
& quelquefois même dans leurs bâtiments parti-
culiers.
Lorfque nous parlons des anciens monuments
d'Italie, nous entendons les édifices de l'ancien-
ne Rome ; il faut bien fe garder de les con-
fondre avec ceux de Rome moderne, leurs Ar-
chitectes s'étanttout permis, & le Boromini ayant,
pour ainii dire, achevé d'y corrompre le goût
jde i'Archite&ure antique. Faule de fajre cette
-ocr page 328-
ί
±11                      C O V RI1
diitin£Hon effencielle, la plupart de nos Eleven
François , que la libéralité du Prince conduit à
Rome pour fe perfectionner dans leur Art, au-
lieu des modèles les plus parfaits, ne nous rap-
portent le plus fouvent que les écarts mis en œuvre
par les Architectes italiens ; tandis qu'ils négli-
gent l'étude des édifices les plus célèbres , aban-
donnés & prefqu'enfevelis dans les entrailles
cette premiere ville du monde.
En effet combien de nos jeunes Architectes appor-
tent en France des bifarreries, que la crédulité de
leurs Emules prend pour des miracles ; de là eil née
chez nous cette multitude de Frontons enroulés,
à pans, à refTauts, interrompus , coupés , inter-
ceptés : exemples d'autant plus dangereux à imiter,
que les Frontons triangulaires & circulaires, les
feuls qu'on puiffe raifonnablemeht mettre en œu-
vre , ne doivent s'employer qu'avec beaucoup
de prudence & de circonfpe&ioh , ainfi que nous
allons le recommander, en parlant en particulier
de la proportion des Frontons δε de leurs orne-
ments , auiïi-bien que des amortiiTements qu'on
y fubftitue quelquefois, pour terminer la partie
iupérieure des édifices.
i
-ocr page 329-
©'Architecture. 223
De la proportion des Frontons.
Planche XL IV.
La proportion générale des Frontons, confifte à
donner à la perpendiculaire du triangle ifocele,
dont ils empruntent la forme, la cinquième partie
de fa bafe , comme l'exprime la figure I ; mais
comme il peut arriver que fufage qu'on fait des
Frontons dans la décoration des façades, exi»e
qu'on leur donne, ou plus ou moins d'élévation ;
on peut, dans le dernier cas , diviier leur bafe en
vingt-quatre parties , pour en donner cinq à la
perpendiculaire, comme dans la figure II, rap-
port qui diffère peu de la démonitration de la
figure*III, qui confiile à diviier l'étendue de la
bafe B, C, en deux également, pour décrire du
point A , comme centre , un demi-cercle Β , D, C ;
& enfuite du point D, encore comme centre,
d'écrire une portion de cercle B, E, C, dont le
point Ε déterminera la hauteur du Fronton.
Si au contraire on defiroit faire le Fronton un peu
plus élevé, on diviferoit la bafe du Fronton, en
, Vingt-trois , au-lieu de vingt-quatre parties ; & l'on
enprendroitcinq pour déterminer le fommet. Dans
le cas où l'on auroit deffein d'élever moins le Fron-
ton , on diviferoit fa bafe en vingt-cinq, pour
donner cinq de ces parties à fa hauteur. D'après,
ces trois manières d'établir la hauteur des Fron-
tons ; les plus élevés font à leur largeur, comme
cinq eft à vingt-trois ; la moyenne hauteur, comme
cinq eil à vingt quatre ; enfin les moins élevés
comme cmq , eit à vingt-cinq : en forte que par
ces différents procédés, on pourra employer les
-ocr page 330-
, %ΐ4            ? '« -> Co uil
Frontons les moins élevés, les plus élevés ou leg
intermédiaires, fuivant qu'ils feront défîmes à cou-
ronner des avant-corps qui auront, ou autant de
largeur que de hauteur, ou le double de leur largeur,
ou enfin qui feront entre Tune & l'autre dimen-
fion.
             
Ces différents procédés peuvent fervir également
pour les Frontons triangulaires, & pour les Frontons
circulaires; ces derniers n'étant autre chofe que la
repréfentation de l'arc, Β, Ε, C, déiigné feulement
comme ligne de conilrudion dans la figure III.
En général on diitingue deux parties principa-
les dans un Fronton ; premièrement fes trois cor-
niches , lorsqu'il eil triangulaire, & feulement deux
lorfqu'il eil circulaire : fecondement l'efpace compris
entre fes corniches , efpace qu'on nomme tympan,
lequel doit toujours tomber à plomb du fût ftipé-
rieur des colonnes ou pilailres, des architraves, &.
des frifes des entablements. La plupart des Archi-
tectes ont ajouté une troifieme partie au Fronton :
tel eil ce qui fe remarque dans la planche fuivante,
& que Vitruve appelle acrotere , deiliné , dit-il5
à porter des ftatues , comme il s'en voit au porti-
que du Panthéon, aux veiliges du Frontifpice de
Néron, à celui du Temple de la Fortune Virile,
& dans d'autres édifices antiques. Nos Architectes
François, à l'exemple des anciens, ont auiîi em-
ployés' ces acrotères ; mais comme ils ont fait un
très-fréquent ufage des baiuilrades dans leurs édi-
fices, ils fe font contentés le plus fouvent de ne con-
{erver que celui pofé fur le fommet du Fronton,
comme on le remarque au Château de Seaux,
du côté de l'entrée, raporté auiîi dans l'une des
planches fuivantes.
Après ayoir réfléchi for la jufte proportion des
Frontons
-ocr page 331-
d'Architectures          %%$
Frontons , il faut fe rappeler que nous avons re*
commandé de ne jamais fe prêter à enrouler le
ibmmet de leur corniche rampante , comme le pré-
fente la figure IV , tracée fur la planche dont
nous parlons ; ni les corniches rampantes, droites ,
circulaires ou interceptées, comme la figure V ;
ni les Frontons en demi-cercle, comme la figure
VI, quoique François Manfatd nous en ait laifTé
deux exemples dans fes excellents ouvrages, Tun
au portail de l'Eglife des Dames de Sainte-Marie ,
r,ue SAaillt-Antoine, lautre au Château de Blois ,
du côté de la cour ; ni les Frontons dont la bafe
eft totalement interrompue , dans l'intention de
donner plus d'élévation à un vitrail d'Egîife,
comme le fait voir la figure VII. Il ne faut pas
non plus imiter les trois Frontons placés l'uni
dans l'autre, à la cour du Vieux-Louvre ; ni enfm
les Frontons fans reflauts vers leur extrémité, tels
qu'il s'en remarque fur l'attique de la fontaine
des Saints - Innocents , tracé figure VIII. Ce font
autant d'exemples que nous donnons , comme
devant être profcrits de la belle Architeéture ;
ils ne doivent jamais trouver place que dans les
fabriques des tableaux ou des bas-reliefs, deftînés
à repréfenter quelques fcènes arrivées du temps
des Huns & des Vandales.
La bafe des Frontons eir. toujours déterminée
par la largeur de l'avant-corps qui les reçoit;
niais il faut combiner cette dernière, de façon
que le Fronton ne puifle produire une forme trop
pefante ni une bafe trop confidérable. Pour cela
dans les bâtiments d'habitation, il faut, autant
qnil eil poflible, ,qu'elle n'embrafle jamais au-
delà de trois croifées. Celui du Château de Saint-
Maur, près de Vincennes , qui en couronne cinq
Joint ƒƒƒ.
                                  ρ           ^9
-ocr page 332-
zi$                     Cours
prouve ce que nous avançons ; & lorfque l'édifice
exige qu'on furpafTe ce nombre , il faut avoir
recours à une autre forte d'amortiiTement. Il en
eit autrement des avant - corps des monuments
facrés & des édifices publics , où les Frontons
peuvent régner fur un certain nombre d'entreco-
îpnnements,-parce que leur Frontifpice doit an-
noncer un air de grandeur & de dignité , qui,
dans les bâtiments particuliers, indiqueroit plu-
tôt une ordonnance gigantefque , qu'une Archi-
tecture régulière & réfléchie.
Les corniches rampantes des Frontons doivent
être abfolument compofées des mêmes membres &
des mêmes moulures que les corniches horifonta-
les qui couronnent le bâtiment. Nous difons que
les corniches qui couronnent le bâtiment, ( car on
doit obferver que fur celles qui fervent de baie
au Fronton , on en doit retrancher la majeure
ptartie de la cimaife fupérieure, non-feulement pour *
procurer plus de hauteur au tympan, mais pour
que le rayon vifuel mafque moins la perpendi^
cùlaire de ce même tympan , auiîi-bien que les
blâfons & les bas - reliefs, dont cet efpace eit,
ordinairement orné. Il faut prendre garde que la
fuppreffion de cette cimaife horifontale, occafion-
ne fur l'angle de la corniche en retour, ou une
croifette , comme la figure IX 3 ou un membre
plus fort, comme la figure X, ou enfin un profil
camus , comme la figure XI ; mais que néan-
moins , d'après le fentiment du plus grand nombre
des Architectes , il faut préférer ce dernier parti,
afin d'éviter, d'une part , la difparité quife rencon-
trerait entre les principales moulures de la cimaife
fupérieure des corniches droites & rampantes ; & de
l'autre, le retour en crofTette qui préfente quel-
que chofe de défe&ueux à fceuil.
-ocr page 333-
· /                                                                                                                                    \ ■ . ■■■■■ : : ■■·'
d'Architecture;         ιιψ
ÎÏ eil une autre obfervation à faire touchant
tes mutules ou les modulons , dont les corni-
ches droites & les corniches rampantes ou ckt,
culaires des Frontons font ordinairement ornées·
De deux chofes l'une, ou ces deux efpèces de
membres dans les corniches obliques, doivent être
perpendiculaires à leur ligne inclinée, ou ces mem-
bres doivent Ferre à la corniche horifontale. Ce
dernier moyen a été fuivi du plus grand nom-
bre. D'autres ont prétendu qu'il vaut mieux les
retourner d'équerre fur le rampant des Frontons,
parce que repréfentant, difent-ils, les pannes du
comble , il convient de les placer ajnii. Fran-
çois Manfard, à Maifons 5 a tranché la difficul-
té ; il a fupprimé les modulons dans fes cor-
niches rampantes. S'il nous eil permis de dire
notre fentiment à cet égard, nous fommes d'avis1 ?
non de les fouilraire, parce qu'ils font toujours
une perfection de plus dans la décoration, mais
de les faire perpendiculaires à la corniche ram-
pante ; i° parce que ces corniches inclinées font
une fuite des corniches horifontales , étant com-
posées des mêmes membres ; parce qu'il ne
faudroit jamais introduire d'ornement dans les ci-
maifes , qui, de néceiïïté, doivent fuivre la dire-
ction des mutules ou des modulons , & qui pour
cela doivent fe retourner d'équerre fur la direction
rampante des corniches.
Des Ornements dont on décore
les Frontons.
Planches XLV & XLVl.
Les Fronions triangulaires ou circulaires qui fer-
vent à terminer les extrémités fupérieures âes corps
Pij
-ocr page 334-
Ü2.8                       Cours
principaux des édifices, font fufceptibles de plus
ou moins d'enrichilTement, félon qu'ils font appli-
qués à des bâtiments publics ou pamcuiiejs. Nous
offrons, dans cette planche & la fuivante, piulieurs
ornements qui contribuent à leur embeliiiien+ent*
Ces ornements font de deux fortes, ceux que ren-
ferme le tympan, & ceux qui quelquefois fe pla-
cent fur l'extrémité fupérieure, à la rencontre de
leurs corniches rampantes : les premiers fe font
en bas-relief, repréientant ou des armoiries accom-
pagnées de trophées ou de figures , comme dans
la figure A ; ou.des fujets allégoriques, relatifs à
l'éreaion du monument , tels que celui de la
figure Β ; ou feulement des attributs de guerre ,
comme celui de la figure C ; tous trois font
tracés fur la planche XLV : les féconds font des
figures de ronde-boffe , qui, par leurs divers attri-
buts , fervent à fymbolifer » d'une maniere plus
feniible encore, la deitination de l'édifice ; tels
font les deux deflins déiignés par les figures A, Β ,
de la planche X L VI. Quelquefois auffi , lorf-
qiion place un bas - relief dans le tympan, on
porte un cartel fur le fommet du Fronton ; alors
ce cartel contient le blâfon du propriétaire , & on
Taccompagne de deux figures relatives à fa naif-
fance , à fa dignité ou à fes exploits , comme l'ex-
prime le cartel placé au-deiïus du bas - relief de la
figure C de la même planche.
11 faut ufer de ces derniers enrichiiTements avec
beaucoup de circonfpe&ion ; nous l'avons déjà
remarqué ailleurs. Ceft, pour ainfi dire, placer
deux arnortifTements l'un fur l'autre , que dlntro-
duire des figures δε des armoiries fur le fommec
«Tun Fronton. Certainement ce double emploi n'eft
pas toujours permis. Le Châteu de Marli, celui de
-ocr page 335-
d'Architecture.          ιι$
Seaux, ne fauroient nous déterminer à en approu-
ver l'ufage fréquent; il neft guère, tolérable que
lorfqu'il s'agit de nos fêtes publiques, ou de quelques
décorations théâtrales : les monuments durables de-
mandant plutôt de la dignité que du faite. D'ailleurs
nous ne connoiilbns point d'exemple dans l'antique,
où Ton ait employé ces doubles amortiiTements,
fil1 on en excepte les itatues placées fur l'acrqtère
qui termine la partie fupérieure du Fronton, dont
;Vitruve a décoré la plupart de fes Frontifpices«
C'eiî: peut-être chez nous la difette des grands
Architectes, qui a occafionné ces doubles orne-
ments : au défaut d'une belle Architecture, d'une
Architecture vraiment régulière & bien propor-
tionnée , on a eu recours à la prodigalité de' la
Sculpture. En eiFet, qu'on examine la plupart des
bâtiments qui s'élèvent de nos jours; ils en font»
pourainfi dire , accablés : la Porte Saint-Denis,
le Château de Maifons, celui de Blois, l'Orangerie
& les Ecuries de VerfailJes, tous ces ouvrages
immortels font iimples, comme ils doivent l'être»
Peut-être en a-t-on trop employé au Val-de-Grâce s
au Dôme des Invalides , au Périftile du Louvre*
dans la cour du même Palais ; mais du moins faut-
il convenir, que la fculpture y eil: belle, bien
diftribuée, & d'un excellent choix.; au-lieu qu'au-
jourd'hui la maifon particuliere la plus accablée
de ilatues, de figures , de trophées, de bas-reliefs»
de feilons, de rofaces, pafle pour la plus admi-
rable , tandis que rien n'annonce tant la décaden-
ce du gout & l'oubli des vrais préceptes de l'Art»
Nous fommes donc bien éloignés d'approuver la
plupart des compactions que nous donnons dans
ces planches; mais notre tâche nous impofe d'offrir
£ noi Elevés des exemptes dans tous les genres^
Ρ iij
-ocr page 336-
%}o                       Cours
heureux ίΐ les dinertations qui les accompagnent |
les portent à réfléchir fur Femploi qu'ils en „doivent
faire! au moins doivent-ils fe reiTouvenir d'imiter
de préférence , les chefs - d'œuvre que nous citons
fouvent pour tels , & de ne puifer dans les autres
ouvrages que quelques parties qui peuvent con-
tribuer à leur faire faire un pas de plus vers la
perfection.
A l'égard des ornements placés dans les tym-
pans des Frontons, nous croyons qu'on ne peut
trop tes tenir en bas-relief, du moins dans les
plus grandes parties des objets qui les compofent.
Il en doit être de ceux-ci, comme de ceux des
frifes des entablements ; taute fculpture appliquée
fur les nus d'un mur quelconque, n'en doit jamais
trop altérer la furface. Qu'on nous paffe cette réfle-
xion ; quelqu'habiîe que foit le Sculpteur, s'il ignore
les règles de Γ Architecture, il doit fe laiiTer conduire
par l'Architefte , & celui-ci porter toute fon atten-
tion à méditer le genre, l'expreiîion & le caraclere
que ces bas-reliefs doivent avoir. Au reite, il ne
faut pas abufer du peu de faillie des bas-reliefs ;
refpace des corps qui les contiennent, le relief
des membres qui les entourent, leur fituation dans
le bâtiment , le point de diftance d'où ils doi-
vent être apperçus , tout cela doit déterminer leur
capacité, & indiquer celles de leurs parties, qui
doivent dominer le nu , ou en approcher davan-
tage- Nous remarquons , dans plufieurs de nos
édifices, des bas-reliefs qu'à peine on apperçoit
d'en bas, tandis que dans plufieurs la fculpture
en eil & faillante, que les membres qui doivent
les mettre à couvert ne peuvent les garantir de
l'intempérie de Ta\r, Les bas-reliefs fculptés dans
Je tympan des Frontons du Château d® Seaux*
-ocr page 337-
d'Architïcturé.          ijl
ceux taillés, dans les Frontons de Clagny, nous
Jemblent des chefs-d'œuvre en ce genre; mais
combien d'antres que nous dédaignons de citer-,
nous répugnent!
Nous avons recommandé ailleurs de ne jamais
percer le tympan des Frontons par des ceuils
de bœuf : nous fommes toujours de cet avis ,
parce que rarement ces ouvertures font un bort
effet, malgré la quantité d'exemples qui nous
font offerts à cet égard. Peut-être aufli eft-ce ufi
abus de les laiffer liffes, lorfque les flits des colon-
nes font cannelés, & que les nus des murs fon^
ornés de tables, de bas-reliefs, Sec.
Nous finirons enfin ces obfervations , par recom^-
mander de n'employer les blâfons, les armoiries
& les fupports , que dans les tympans des Fron-
tons placés du côté de la cour de nos bâtiments
d'habitation. Nous ajouterons qu'il feroit encore
mieux de ne les admettre que dans ceux qu'on
place fur les portes , qui fervent de Frontifpices
à nos Hôtels, lorfqu'on y préfère ce membre
d'Architecture pyramidal, aux amortiffements pro-
prement dits.
Des amortissements.
Planche XLVII.
Nos Architeftes modernes ont fouvent intro*
duit, dans la décoration de leurs bâtiments, les
Amortiffements à la place des frontons ; nous
avons déjà parlé de ces fortes de couronnements
dans nos définitions du premier volume, page 318*
en citant ceux qu'on remarque au Château de
Verfailles du côté de la cour de marbre , au
Manége de. ChantilH , au Château de Marli- au
Ρ IV
-ocr page 338-
v%3%                            Cours
Palais Bourbon , &c. Nous répéterons volöiï·
tiers, que les AmortiiTements doivent être rare-
ment préférés aux frontons ; que leur contour
& le mouvement qui les détermine, ne réuffiDent
jamais bien en grand ; qu'ils ne plaifent guère
que fur les portes de nos Hôtels. Nous ajou-
terons qu'il convient de les cómpofer de maniere
que plufieurs membres d'Architecture en déci-
dent la forme principale ; qu'il faut y éviter tou-
tes les petites parties qui portent l'empreinte de
la fragilité ; que d'ailleurs ces fortes d'Amortiffe-
ments, ainii que nos trophées, nos vafes & même
nos ftatues, la plupart exécutés dans nos édifices
avec une pierre fouvent commune, & toujours trop
tendre, réfutent peu à la rigueur des faiions, ce
qui. les noircit & les dégrade en peu d'années : en
forte qu'ils ne préfentent plus que les fragments
d'un bâtiment détruit par le laps des temps. Cette
yéflexion entre peu diuas l'idée de nos jeunes Or-
donnateurs , occupés de faire riche & de jouir
dans le moment : paiïant rapidement d'une produ-
ction à une autre, ils laiffent bien-loin derriere
eux leurs coups d'efTai, fans que jamais leur ré-
putation & leurs œuvres partent à la poftérité.
Quoiqu'à l'exemple des ornements qui couron-
nent les frontons , nous foyons d'avis de faire
peu d'ufage des AmortiiTements , on trouvera dans
la planche dont nous parlons, trois deifins diffé-
rents. Le premier, figure A, eil dans le goût de celui
de Verfailles, déjà cité , & le.même que nous
svons déjà rapporté dans le deuxième volume
Iß Décoration des Edifices
( t ), planche XXXIV,
page 44 ; celui de la figure Β, eil à-peu-près dans le
ÉP^IPJ !       » ' i.1-1 'B!' T""< '-".'tf· ■ W ι.»" — —ι — f 1 ".....jrm...... J Αιιι.—ι »ι......■ _ ι ... |i, , wm, .ι, ι*—^
{() Ççç çttyr^ge^ ipisaujoyr e?si7$8, en 4eus volumesin-Ç%
-ocr page 339-
d'Architecture.            233
même genre ; enfin celui de la figure C , eil encore
tiré de la décoration des édifices, avec cette différen-
ce, que nous en avons redrefTé le cartel, cette forme
pittorefque convenant rarement dans les dehors >
lut-tout depuis que nos Architectes fe font déter-
minés à aiîîgner, plus que par le paffe, un véri-
table caractère à chaque membre d'Architecture,
ciinii qu'aux ornements deilinés à embellir les pro-
ductions de l'Architecle : néceiïïté que nous avons
fentie nous-même, depuis que nous avons rendu
public ce premier fruit de notre étude ; l'expé-
rience , réunie aux conférences que nous avons
eu occafion d'avoir depuis avec les plus grands
Maîtres de nos jours, ayant ajouté à no*s propres
lumières ; nous ne craignons point "de faire cet
aveu , puifqu'il pourra déterminer la plupart de
nos Elevés à fe mérler de leurs premières produ-
irions , avant d'ofer fe montrer au grand jour,
DES A Τ TIQUE S EN GÉNÉRAL.
Nousv avons déjà dit quelque chofe des Attiques
dans les premiers volumes de cet ouvrage , foit
en parlant de l'origine des ordres , foit en défi-
cit intitulé : De la Diflribution des Maifons de Plai/ance , & de
ba Décoration des Edifices en général
: à Paris , chez Ch. Ane.
Jombçrt.
Ce livre , enrichi de i£o planches , que nous avons gravées
nous-même avec foin , a été dans fon temps aiTez bien accœuilti
du public; il contient quelques obfervations Se pluiîeurs deiîïns
intérçfîancs, que nous invitons nos Elevés à parcourir, quoi-
qu'ils ne foient pas tous exempts de défauts.
Quoiqu'on annonce cet ouvrage, & qu'on le diftribue com-
me la fuite de deux autres volumes , intitulés : Architecture
moderne
, oa l'Art de bien Bâtir, mis au jour bien avant le
nôtre, par feu M. Tiçrcelec» nous ohfervçrons quç nous'n'y
«voos aucune j>arE,
           ;                   -· -
-ocr page 340-
ä.34                       Cours
niiTant les termes de l'Art, foit enfin en rappor-
tant les mefures de la plus grande partie des faça-
des de nos édifices. Ces connoiffances prélimi-
naires ne dévoient être alors regardées que comme
de notions élémentaires ; il s'agit à préfent de
difcuter le bon ou le mauvais effet que peuvent
produire ces fortes d'étages dans nos bâtiments ,
en citant & rapportant les différentes dimenfions
que leur ont données nos Architectes François ,
& ce qu'ils ont ajouté ou retranché fur celles que
les anciens avoient établies pour former les cou-
ronnements des principaux avant- corps de leurs
monuments.
En général on doit confidérerles Attiques comme
de petits étages, originairement réduits par les
Grecs à la hauteur du quart de l'ordre qui les
foutenoit. Ces petits étages , fans aucune appa-
rence de pilailre, fervoient chez eux à recevoir
des tables propres à contenir des infcriptions, 8?
à faire pyramider la majeure partie de l'édifice.
ï)ans la fuite les Romains leur ont donné plus
d'élévation, & les ont placés en retraite; & fur
le devant ils ont élevé des ftatues à plomb des
colonnes , telles qu'il s en remarque aux Arcs
de Triomphe antiques, rapportés par Defgodets.
Dès lors on a figuré, fur la furface de ces étages »
de petits pilaftres ravalés, auxquels on a ajouté
des efpèces de bafes & de chapiteaux. Enfin,
entre ces pilaftres on a percé des croifées ornées
de chambranles, & couronnées de fculpture ,1 ainfi
que nous allons bientôt en offrir les meiures & j
les deffinSi ■..,■
                                                              j
, Les Architectes modernes de l'Italie > ont les j
premiers abufé de l'idée de ces petits étages, les j
tïdtres les ont fuivis de près y & d'une des parties" j
-ocr page 341-
d'Architecture.           23?
de rArchite&ire, employée d'abord avec fuccès ?
& feulement pour faire pyramider certains avant-
corps dans les façades, on a voulu en faire des
objets d'utilité : dès lors ces étages intérefîants
dans leur fource, mal employés chez nous, font de-
venus autant de diiformités dans nos compositions
Françoifes. Nous fommes de l'avis de feu M. Bof*
frand ( u ), à l'égard des Attiques ; il les regar-
doit, difoit-il 5 comme la partie ko η teufe de t Archiv
iecture. Celui de la cour du Vieux-Louvre , par
..efeot ; ceux de Verfailles, du portail des Inva-
ides & du Château de Clagny , par Hardouin ;
celui du Luxembourg, par DebroiTe; ceux de Vin-
cennes , du Palais des Tuileries , & de l'Hôtel de
Lambert, dans l'île, par Le Veau ; enfin celui des
Quatre-Nations par d'Orbay, n'avoient pu le ré-
concilier avec cet étage bâtard ; & cependant on
en remarque pins d'un dans fes œuvres ; mais il
faut convenir qu'il les a toujours employés d'une
maniere ii heureufe, fi avantageufe & ii intérêt·
fante , qu'il a fut les faire tourner au pront des
formes pyramidales dont il faifoit ufage avec
tant de iuccès dans fes édifices; au-lieu que,
comme nous l'avons déjà remarqué , & que nous
ne craignons point de le répéter , l'Attique du
Louvre, furchargé d'une fculpture gigantefque ,
l'Attique continu de Verfailles , les croifées bom-
bées de celui des Invalides , l'Attique trop peu
élevé de Clagny , l'Attique boiiagé du Luxem-
bourg, ceux an Château de Vincennes & de l'Hô-
tel de Lambert, beaucoup trop courts ; ceux des
Quatre-Nations & uqs Tuileries , d'une élévation
\                                                                                                                                                                                                  ' ;.
1 '                        ι                     ι. ι -1 iiiiuj 1           i           - 1 ' ' ' ' ■ -1         ' '                          ■       ' %
(«) Archite&e du Roi} dont nous aurons parlé premier v«^
lume de ce Cours, page 104, note j^
-ocr page 342-
%l6                    Cours
démefurée , préfentent autant d'étages d'une com-?
poiition arbitraire , qui , bien-loin de fixer l'ima*
gination des Elevés , les portent à ne conferver
aucune regle à cet égard , malgré les proportions
qui leur font affignées , & image allez prudent
qu'en on fait François Manfard aux Ecuries de
Maifons , Hardouin aux Ecuries de Verfailles ,
Bullec au Château d'Iffi , & plimeurs autres qu'ils
pourroient imiter. Nos jeunes gens , au contraire,
ne gardent plus aucune mefure, lorfqu'une fois ils
croient devoir les employer dans leurs œuvres, quoi-
qu'il fût peut - être plus prudent de les profcrire de
nos édifices dimportance, ainii qu'on l'a fait au Châ-
teau de Blois , au Château de Maifons, & ailleurs.
Nous dirons en général , que la richeffe des
membres d'Archite&ure & des ornements de fcul-
pture qu'on diftribue dans les A triques , doit dé-
pendre de celle des étages qui les foutiennent ;
auiîî lorfque les ordres préfident dans ceux - ci,
nos Architectes ont imaginé d'y introduire de
petits pilaftres, ainii que nous venons de le re-
marquer plus haut ; enfin , des chapiteaux & des
bafes propres à cette efpèce d'ordre : pilaftres
néanmoins qu'il faut bien le garder de confondre
avec les trois ordres Grecs & les deux ordres Ro-
mains que nous avons enfeignés précédemment;
car ils n'ont abfolument rien à démêler avec les
proportions aifignéesaux ordresTofcan, Dorique,
&c. auiîi ces pilaftres ne fe eonvertiiTent-ils jamais
en colonnes, à caufe de leur peu d'élévation.
Les pilaftres Attiques, comme les ordres d'Ar-
chite&ure , ne montrent guère qu'une de leurs
faces en faillie fur le nu du mur. On en remarque
pourtant de découverts dans trois de leurs côtés a«
Château des Tuileries, du côté du jardin, & Usjî
-ocr page 343-
d'Architecture.          *37
$iréfentent un aflez bel effet. Sans doute Philibert
Deîorme, qui a été l'Architecle de la partie de«
Tuileries , dont nous parlons, s'eil rappelé alors
ce que dit Pline en parlant d'un cinquième ordre »
qu'il nomme Attique , & dont les tiges étoient
quarrées ( χ ) ; car, ainii que Vitruve , il ne ran-
geoit pas le Compofite Romain au nombre âes
cinq ordres. Au reite , nous remarquerons que la
hauteur peu coniidérable donnée au pilaftre Atti-
que , occaiionnée par le racourciffement de l'étage
qu'il décore, doit auiîi porter une altération in-
difpenfable fur les autres membres d'Archite&ure
compris dans l'ordonnance; favoir, les croifées*
leurs chambranles , leur claveau, les baluftrades
qui couronnent ces étages , enfin la fculpture qui
les embellit. Ceft ce que nous allons détailler
plus précifément, en traitant de la proportion 1»
plus approuvée qu'on donne à ces Attiques.
£)e la proportion des Attiques.
Planche XLVIII.
La hauteur de l'étage Attique, y compris fà
retraite & fa corniche de couronnement, doit
avoir, félon l'opinion la plus univerfellement reçue
de nos Archite&es François, la moitié de la hait-^
teur de tout le bel étage fur lequel il eft élevé ;
& lorfqu'un ordre préiide dans la décoration de
celui-ci, & que cet ordre a un piédeftal, on doit
auiîi en placer un dans Γ Attique ; mais lorfque
l'ordre de deffous eft fans piédeftal, on n'en doit
pas mettre non plus dans cet étage fubalterne.
( * ) Voyea ce ym aous c« a vous jrap.peué t premier voltt*
-ocr page 344-
./
23L "\ Cours
es piede^au5£ Attiques doivent avoir le quarr
tes t0Ute hailteur d« l'étage où ils font adoïTés ;
1 1S Quarts refrants fe divifent en quatorze
Ç 1 ,' 0llt deux déterminent la largeur du pila-
quon divjfe en ^eux momies ; on donne
un de ces derniers à la bafe , & l'autre au cha-
5 I j ' a hauteur de la corniche e il d'un mo-
u e eux tiers ? en çQVtç ^ue jesχ modules uîl
tiers; reliants conftatent la hauteur de la tige du
pilaltre.
                                                     °
Sl},Qn n admet qu'un focleà l'Attique & non
un piedeital s on cUvife k hauteur c|e tout l'étage
en nuit parties ; on en donne une au focle, une
a a argeiir du pilaitre, ce qui fait deux modules.
η ait e douze modules la hauteur du pilailre ;
» ι irP |1S eft pour la corniche de couronnement
que e la hauteur ju chapiteau , d'un module,
r ■ e gorgerjn# Qn donne ailffi un module à la
ft  n lîn iiei*s de module à Tépaiffeur du
En génépi fi l'édifice n'a qu'un bel étage on
donne de hauteur à l'Attique , le tiers de ce
même étage - du moins c'eft le rapport que Le
cramante a obfervé à ion portail de Saint-Pierre
e. °me\ ~*i a .donné les quatre treizièmes à celui
qui je voit j ia piace Nerva ? & feu|ement le quart
î It fr°ntifpice de l'Eglife de Sainte-Agnès,
place JNavorje a Rome> Mais lorfque l'Attique fe
r°nner deux étages, on ne lui donne,
comme nous Yenons ^e l'annoncer, que la moitié
de la hauteur de celui qu'il couronne. S'il en cou-
romioit trols f on pourroit éiever l'Attique juf-
qu aux deux tiers> (^es rapports? de la hauteur des
Attiques, c0mpares à celle des étages réguliers,
iont puiiés dans i%ntique. £s n'ont cependant pas
9
-ocr page 345-
d'Architecture.            239
été trop exactement fuivis dans nos édifices en
France, ainii qu'on a,pu le remarquer dans le fé-
cond volume de ce Cours , Chapitre VI, où
nous avons rapporté dans plufieurs planches, les
mefures de la plus grande partie de nos bâtiments ;
nous y renvoyons nos Elevés , afin que , par ce
nouvel examen, & les proportions que nous leur
indiquons ici, ils puiiTent parvenir à concilier les
hauteurs données aux Attiques par les Anciens
& les Modernes , à raifon de l'étendue, de la hau-
teur, & du genre de leurs projets.
Nous ne parlerons point ici de la proportion
des Attiques qui fe trouvent placés entre deux
étages réguliers , ne pouvant concevoir comment
il eil venu dans l'idée à plufieurs Architectes
de réputation, d'interpofer un tel étage entre
deux ordres , d'ailleurs établis d'après les pro-
portions les plus féveres que puiffe offrir la belle
Architecture.
Il n'eit point de largeur déterminée pour îé-
cartement des pilaitres Attiques, leur axe devant
abfolument tomber à plomb de celui des ordres
de deiïous : néceiïité qui ne contribue pas peu
à rendre fouvent cette ordonnance difforme; par»
ce que la hauteur de ces pilaftfp étant réduite
à la moitié de celle de l'ordre, & leur diftance
étant la même, il en réîuke que lés ouvertures
pratiquées entre les pilaitres , & dont la largeur
eft réduite au cinquième de celles de deffous,
paroiifent, pour ainfi dire, noyées dans Fefpace ,
comme cela arrive dans le plus grand nombre des
bâtiments où l'on fait ufage des Attiques : ou bien
ces efpaces fe trouvent ii fort furchargés de fcul-
pture , que cet étage fubalterne difpute alors de
ficheife avep ceux deitinés à la réûdence des Mai-
-ocr page 346-
140                      Cours
tres. Cependant, dans tous les cas, le bel étage
doit avoir la prééminence fur les étages Attiques
& fur ceux appelés foubaffements.
Les croilees des étages Attiques ne doivent avoir
de largeur , comme nous venons de le remarquer,
que les cinq fixiemes de celles de deffous, & leur
hauteur n'avoir qu'une fois & demie leur largeur.
Lorsqu'il regne un piédeftal fous le pilaitre , la
corniche de ce piédeftal fert alors d'appui à la
croifée, & l'on couronne le chambranle par une
autre corniche, à laquelle on donne la douzième
partie de la hauteur du pilailre, moins celle de
ion chapiteau. Cette douzième partie fert aufïï à
déterminer la largeur du chambranle. Lorfqu'il n'y*
a point de piédeitaux à l'Afrique, l'appui de la
croifée reite à la même hauteur que la corniche
du piédeital ; & dans ce cas on fait régner le
chambranle fous l'appui. Alors ce chambranle
s'appelle cadre, parce qu'il a quatre côtés ; au-
lieu que le chambranle proprement dit, n'en a
que trois , ainii que l'expriment les deux deffins
d'attiques, tracés moitié par moitié fur la planche
dont nous parlons. Quand on veut enrichir ces
chambranles, on y ajoute des croiïettes auxquelles
on donne les mêmes rapports ; nous en avons
rapporté les dimenfions dans nos définitions, en
parlant des croifées.
Nous ne donnerons point les mefures particu-
lières concernant la divifion des différentes parties
de l'Attique & de fes moulures : l'étude des or-
dres précédents doit amener nos Elevés à cette
compofition. D'ailleurs les profils que nous
avons rapportés dans les planches LXVIH?
LXlXf & fui vantes , du deuxième volume de
#e Cours ? & les remaries que nous avons faites
-ocr page 347-
D 'Ar £jt ιτ Icîur e.           m
â ce fujet, page 140 & iuîvantes, leur offrent
des profils iimples & coirrpofés, dans le nombre'
defquels ils en trouveront dé convenables airé
étages dont nous parlons. Nous obfervérons feu-
lement ici, que les corniches architravées fönt les
feules qui râifonnablement doivent fervir de cou-
ronnement aux pilaftrès Attiques * parce que ce
           /
pilailre n'étant lui-même qu'un ordre décompofé j
il ne convient pas d'y employer un entablement
régulier ; par la raifon que nous' n'avons pas ap-*
prouvé que les ordres d'Architeéture , proprement
dits > fuifent terminés par des entablements
mutilés j malgré quantité d'exemples que nous"
avons cités à cet égard dans le cours de ces Le*
cous; Nous obfervérons encore, que les membfës
de ces corniches, ceux des tables ravalées qu'on
introduit dans le fàt des piläitres , enfin les mou-
lures des chambranles des Croifées {y), aiiifi que
celles des petites corniches qui leur fervent d'à-
mortiiTement, doivent être employés avec plus
ou moins de iimplicité * félon que cette efpèce
■-''■'                                                                                                                           .....                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             
ém '" '......■:■-■:■■·■■■■ fc- φ                   -:-.'.--- ■·,-.Λ· ■?-.:.,-:■ —>■■ ■ ■ . : ' , . ...                                    .. , , -.·.; ■ .,· ■■                               u ■ -
(y ) ïl ne faut pas confondre les croifées Attiques dont nous
parlons y & dont la hauteur eil à leur largeur ^ comme trois
eft à deux , avec les ouvertures nommées mélanines, que nous
avons annoncées page 183 de ce volume, auxquelles nous
avons donné de hauteur les deux tiers de leur largeur à & qui
ie placent quelquefois au -deflus des grandes croifées des bâti-
ments d'une certaine importance«, Voyez auifi ce que nous
avons f apporté, premier volume, page jjj de ce Cours, en
parlant des autres ouvertures, telles que les lucarnes , les eeuils
de bœuf, les baibacannes& les foupiraux î citations d'autant
plus eiTencielles à fe rappeler ici , que les croiiées Attiques
dont nous avons donné les proportions, même palge & fuivan-
tes, fontauflî comprifes dans le nombre des ouvertures fubal-
ternes j & qu'il n'en faut pas moins déterminer les rapports
h
.forme, à ration de leur application dans la décoration des,,,
différents édifices.
Tarne I/L                                     Q
-ocr page 348-
24·ζ                       Cours
d'étage fe trouve placée fur un ordre Tofcan ,
Dorique, Ionique, Corinthien ou Compofite ;
car il en eft des Attiques comme de tous les prin-
cipaux membres d'Architedure, on en doit recon-
noître d'autant de fortes qu'il y a d'ordres réguliers,
& concevoir que tous ces membres principaux
doivent augmenter ou diminuer de richciTe , félon
que les colonnes qui les foutiennent fe trouvent
embellies ou par TArchiteaure, ou par la Scul-
pture , ou par ces deux Arts réunis. Cette ob-
fervation regarde particulièrement les chapiteaux
des Attiques, auxquels on n'attribue guère qu'un
rang de feuilles.
DES SOUBASSEMENTS EN GÉNÉRAL.
Les SoubaiTements Cl) font des étages à rez-
de-chauffée , qui, à l'exemple des Attiques , fer-
vent à faire valoir , par leur peu d'élévation , la
beauté des ordres d'Architeâure qui préfident dans
les principaux étages des édifices. Les anciens
fe font très-peu fervîs de SoubaiTements : ils fai-
foient un grand ufage des terraffes, & employaient
rarement ces étages racourcis. Cette invention,
eft, pour ainfi dire, due aux modernes , & par-
ticulièrement à nos Archite&es François , qui l'ont
employée dans le plus grand nombre des bâti-
ments qu'ils ont érigés. Le peu d'élévation qu'on
donne à ces SoubaiTements, comparée avec celle
déterminée par les colonnes ou pilaftres employés
dans les façades , n'y doit jamais permettre l'ap-
plication des ordres, malgré l'exemple de celui
(£) Soubaifemenc, du latin Stilobata,
-ocr page 349-
,
d'Architecture.           243
qu'on remarque à l'Hôtel de Touloufe ; parce
qu'alors cet ordre, qui ne peut être qu'irrégu-
lier, ne fauroit avoir aucune relation avec ceux
qui fe trouvent au-deiTus; ce qui rend nécef-
fairement la décoration imparfaite : au-lieu que
ή ce SoubaiTement inférieur en hauteur à celui du
bel étage , fe trouve décoré d'une maniere aflbr-
tie à l'ordonnance; cette variété , dans les détails
d'un bâtiment, fert à les faire valoir les uns par
les autres : de maniere que l'infériorité de ceux-
ci, donne de la fupériorité à ceux-là ,.&■■ efface de
l'ordonnance générale cette monotonie que pré-
fentent plufieurs étages établis à-peu-près fous
une hauteur commune.
11 ne faut jamais perdre de vue, que les Sou-
baffements font la repréfentation d'un piédeilal
continu, employé dans les décorations de nos
bâtiments, à deflein de faire prééminer le premier
étage , & d'en faire valoir la beauté. Le périiîyle
du Louvre, les bâtiments de la Place de Louis XV,
ceux des Places de Louis le Grand & des Victoires
indiquent ce que nous avançons. Il eft vrai que
ces SoubaiTements fe trouvent foutenir des ordres
qui embraiTent pluiieurs étages; mais ils ne font
pas moins la repréfentation du ftilobate ou piédeital
de ces grands ordres ; &, comme tels , ils ne peu-
vent comporter d'ordre particulier. Citons-en à
préfent qui foutiennent des ordres moins coloiTaux:
par exemple, ceux du Château de Blois & de
l'Hôtel de Carnavalet, par François Manfard ;
celui de la Fontaine des Saints-Innocents , par v.
Lefcot; celui de la façade de Verfailles du côté
des Jardins, tk celui du Château de Saint-Çloud,
par Hardouin Manfard, qui n'ont qu'un ordre
compris dans un feul étage, & qui font également "
-ocr page 350-
244                       Cours
bien , quoique fournis à des hauteurs différentes,'
ainii que nous en parlerons bientôt : c'eil comme
cela que nous les approuvons ; autrement lors-
qu'on les place au haSard, qu'ils occupent les
étages qui devroient être réguliers, ou que, pour
les rendre tolérables , on les revêt de membres
confacrés aux ordres d'Architecture proprement
dits , on ne compofe qu'une Architecture impar-
faite, & l'on s'éloigne du caractère particulier que
doivent offrir ces étages, ainii que nous avons eu
occafion d'en parler, page 3 de ce volume.
Jamais, du moins nous le croyons ainfi, un
Soubaflément ne doit être couronné par un atti-
que ; ces deux étages Subalternes ne peuvent offrir
une Architecture intéreffante, à en juger par la
façade du Château d'Eau, élevé en face du Palais
Royal : ici l'Architeâure paroît d'autant plus dif-
forme , qu'un avant corps d'ordre Dorique, placé
au milieu & dans toute la hauteur, contribue à
rendre encore plus choquante la difformité de
l'ordonnance.
Indépendamment de la Supériorité que procure
la proportion racourcie des Soubaffemenrs au
premier étage des bâtiments, il eft certain qu'ils
contribuent Souvent à donner un caractère parti-
culier à l'édifice. Par exemple, ils annoncent le
premier étage avec plus de dignité, parce qu'ils
en élèvent le Sol au-deffus de celui de la cour ou
des jardins; & en cela ils nous paroiffent très-
propres a faire partie de l'ordonnance de la déco-
ration des Palais de nos Rois, &*de l'habitation des
Grands Seigneurs. Les étages dont nous parlons
caractérisent encore affez bien les maiSons de Plai-
fance, Sur-tout lorSqu'une vue intéreffante déter-
mine le propriétaire à diftribuer des appartements
> . i
-ocr page 351-
d'Architecture.           245
au premier étage , & à ne pratiquer qu'un Sou-
baffement à rez-de-chauÎTée, pour les appartements
de bains , les falies à manger , les offices , enfin
un veitibule , un bel efcalier, qui, par le peu
d'élévation des planchers , amène avec plus de
facilité aux appartements parés. Alors ce Soubaf-
fement fe continue dans les aîles en retour du
.côté de la cour ; & cette continuité difpofée avec
intelligence, donne occaiion d'élever avec une
forte d'éclat, le principal corps de logis , ainii
que cela fe remarque avec fuccès dans la plupart
de nos Hôtels à Paris. Enfin les SoubaiTements
réuiïhTent encore bien, lorfqu'à la campagne le
fol des jardins fe trouve plus bas que celui de
la cour , & que cet étage rachète cette iné-
galité de hauteur, comme au Château - Neuf de
Meudon, &c.
Dans les édifices publics, tels que les Hôtels»
de-Ville, les Hôtels des Monnoies , les Bourfes ,
les Bibliothèques ; les étages en Soubafiement
fervent dans les uns à annoncer les Magaiins , dans
les autres les Atteliers; dans ceux-ci, les Bureaux;
dans ceux-là, les Dépôts, & dans tous, les loge-
ments fubalternes deitinés aux Employés, aux
Concierges , &c. pendant que les étages fupé-
rieurs , par leur prééminence, annoncent la gran-
deur , la néceiîité , l'opulence ou l'utilité de ces
divers monuments.
Les SoubaiTements font encore du reffort des
Marchés , des Halles , des Hôpitaux, des Manu-
factures ; parce qu'ils facilitent à ces différents
bâtiments , des communications à couvert, qui
conduifent dans leurs divers départements ; enfin
dans prefque tous les édifices civils & militaires %
ils tiennent lieu des colonnades & des périilyletf
-ocr page 352-
o
146              _ Cours /~
qu'on élevé à grands frais dans les édifices d'im-
portance.
PaiTons à préfent aux rapports que ces Sou-
baflements doivent avoir avec les étages régu-
liers des façades ; mais avant tout, rappelons à nos
Elevés ce que nous entendons par des étages régu-
liers : ce font ceux qui peuvent contenir les ordres
- colonnes ou pilailres fans aucune altération , ce
que les Soubaffements & les étages attiques ne
peuvent comporter abfolument, à caufë de leut
racourciiTement.
De La proportion des Soubaffements.
Nous venons de dire, que les étages en Sou*
baffemeiits ne peuvent contenir d'ordre d'Archi-
teöure; voici la raifon que nous en apportons.
Lorfque nous avons parlé , page 169 du fécond
volume de ce Cours , de la relation que les ordres
furmonrés lés uns au-deflus des autres, doivent
avoir eniemble dans une même façade i il a été
queftion d'établir les rapports que les étages régu-
liers dévoient avoir entr'eux : ici les SoubaiTements
étant reconnus des étages imparfaits , parce que
leur élévation eil fixée aux deux tiers de la hau-'
teur de Tordre, il eil facile de concevoir, que iî
dans ces étages on introduifoit des colonnes ou
des piiaftres, comme à l'Hôtel de Touloufe , déjà
cité , cet ordre ne pourroit avoir aucune propor-
tion avec ceux qui feroient élevés au - deiïus ; auffi
à l'Hôtel de Touloufe le bel étage eil fans ordre »
ce qui rend celui employé dans le SoubaiTeraent
plus inutile , & tout-à-fait déplacé.
Nous venons de voir que la hauteur du Sou-
baiTement étoit fixée aux deux tiers de l'étage
fupérieur ; ce rapport eil néanmoins fujet à quel-
-ocr page 353-
d'Architecture.            247
ques variations, félon que ces étages raeourcis
le trouvent foutenir des ordres diftribués dans
chaque étage s ou un feul ordre qui en embraffe
pluiieurs. Donnons quelques mefures particuliè-
res de la plupart des Soubaffements employés
dans nos bâtiments : ces mefures indiqueront à nos
Lleves les autorités qu'ils pourront fuivre, quand
les Soubaffements devront entrer pour quelque
choie dans leurs diverfes comportions.
' Les Soubaffements de la place des Victoires &
du Château de Saint-Cloud, ont précifément les
deux tiers du grand ordre compris dans le bel
etage : celui de la façade de Verfailles a un quin-
zième au-delà des deux tiers de l'ordre Ionique de
deffus ; celui du Périftyle du Louvre, un quatorzième
de moins que les deux tiers de l'ordre Corinthien,
qui eft fur le Soubaffement ; celui de la Place de
Louis leGrand, un quarante neuvième de moins que
les deux tiers de l'étage fupérieur ; enfin celui de
la Fontaine des Saints-Innocents, un douzième de
moins que les deux tiers du petit ordre Corinthien de
deiius. Toutes ces légères différences proviennent
fans doute de la néceiïïte où fe font trouvés les
Architectes, d'ajouter ou de fouftraire à la hau.
teiir fixée pour les Soubaffements , àraifon de la
deitination particuliere des bâtiments où ils font
admis , fans pour cela que ces variétés , toujours
comptées pour peu de chofe, puiffent nuire en rien
a la perfeftion de l'ouvrage enrier. Suppofons donc
tous les Soubaffements réduits aux deux tiers de
la hauteur du bel étage, & rappelons -nous que
leur objet, dans la décoration des façades, e&
de repréfenter l'image des piédeftaux que nos mo-
dernes ont voulu rendre propres a l'habitation,
comme ils ont converti les amortiffements des
Qiv
1
-ocr page 354-
y
248                       Cours
Grecs en étages attiqiies pour en faire des löge*
ments fubalternes.
D'après cette idée, qui n'eil pas fans fondement,
npn-feulemenî: les étages en SoiibaiTement ne peu-·
vent contenir d'ordre j mais tous les membres
d'Archite&ure qui les décorent 9 ainii que leurs
ouvertures, jdoivent fe reffentir de leur peu d'é-
lévation : par exemple, leur corniche doit être
celle du piédeital de l'ordre, & n'avoir de hauteur
qu'un de fes modules, & la retraite qu'on place
au bas, çtre égale à {qui diamètre, foit que dans
le bel étage l'ordre foit préfent ou abfçnt ; c'efU
à-dire a que lorfque par économie ou autrement, on
retranche dans les façades les colonnes ou les pila?
lires, il faut partager l'étage iupéneur, moins l'en^
tablement & le fpcle qui tient lieu de piédeital»
en feize, dix-huit pu vingt parties pour en faire
autant de modules , & en prendre deux pour la
hauteur de la retraite du SoiibaiTement, & un
pour la corniche. Eniuite on divife cette dernière
en fept ; on en donne une partie à J'aftragale,
deux au gorgerip, & quatre à la eprniche, qu'on
divife encore en autant de parties qu'on juge né·*
çeiTaire d'y inférer de membres, félon l'expreffion
qu'on veut donner au SoiibaiTement, à raifon du
caractère de l'ordre qu'il foutiçriç. Quelquefois ail·-
lieu de couronner ces étages par une corniche,
on ne fait ufagç que d'un plinthe 9 à deffein de
procurer plus de fimplicité à ce couronnement ,
fur-tout Jorfqne ce SoiibaiTement fe trouve placé
au-deifous d'un ordre Tpfcan : on fait que chacun de
ces étages dojt être aiTorti à la riçheiTe ou à la finv-
pliçité des ordres, puifque les SoiibaiTements ne
font 3 comme nous venons de le remarquer plus
haut 3 ç|ue fixage des piédeil^ux imaginés par 1q§
u _ ..
-ocr page 355-
d'Architecture.            249
modernes pour foutenir l'ordre, & élever ce dernier
dans les dehors, au-deffus de l'humidité du pavé.
Voyez les profils propres à ces différentes efpèces
de couronnements , tracés dans les planch. LXVIII,
LXIX & fuivantes du fécond volume de ce Cours,
La hauteur des ouvertures des portes & des
croifées percées dans les SoubaiTements, doit avoir
un lîxieme de moins que celles qui éclairent le
bel étage : il nous paroit aulïi plus convenable
de convertir toutes ces ouvertures en arcades
plein-cintre ou furbaiiTées, & d'enfermer dans
ces arcadçs toutes les ouvertures qui ne don-
nent point entrée à l'édifice. Nous fommes en-
core d'avis de n'employer ni les impolies , ni
les archivoltes à ces arcades , ni les boiTages
qu'on a affe&és, & dont la plupart pénétrent ces
membres , comme on le remarque au SoubaiTe-
ment de la Place de Louis XV : cette richeffe, &
fur-tout cçtte double application, nous paroiiTent
une contradiction ; ces boifages portent d'ail-
leurs, dans cet étage , un caractère de mfticité
peu convenable à un SoubalTement deiliné à fou-
tenir un ordre délicat, La raifon iuverfe nous em<-
pêcheroit auffi de çonfeiller l'imitation des croi-
fées trop fveltes & de forme bombée , qu'on a
pratiquées au Soubaifement du Périfiyle du Louvre,
ainfi que nous l'avons déjà obfervé, page 91 de ce
volume a e-η offrant l'avant-corps de cet édifice
célèbre.
Enfin nous finirons nos obfervations fur-les
SoubaiTements , par dire que quand on les cou-
ronne d'une baluilrade, celle-ci doit auffi avoir
un fixieme de moins que celle difiribuée fur le
bel étage, Nous ajouterons que cette baluitrade
ne. doit être comprife que dans une retraite , &
-ocr page 356-
2jo                        Cours
non dans un piédeftal, parce que le Soubafîe-
rnent, en tenant lieu, il ne faut pas en élever un
autre au-deiTus , comme on le remarque au Châ-
teau de Blois ; il vaut mieux en cela imiter le Pé-
riityle du Louvre, au pied des entrecolonnements
duquel Perrault avoit même préféré les entre-las
aux baluitres , comme nous les avons exprimés
clans la planche VI de ce volume, où favant-
corps de cet édifice eil tracé.
DE LA PROPORTION, DE LA FORME
ET DE LA DÉCORATION DES COMBLES
EN GÉNÉRAL.
Les Combles ( a ) ont pris naiffance dans f Ar-
chitecture de la nécelïité où Ton s'eft trouvé de
faire écouler les eaux du ciel, qui tombent fur la
partie fupérieure des édifices. De cette néceiTite
font réfultées les différentes hauteurs que Ton doit
donner aux Couvertures , félon le climat où font
érigés ces mêmes édifices. Dans le dernier volu-
me de ce Cours , en traitant de la Décoration
en général, nous parlerons de celle des Couver-
tures. Il ne s'agit à préfent que de leurs différentes
formes , de leur proportion & de la décoration
dont elles font fufceptibles : mais avant d'y paffer,
difons qu'en général, par le mot Comble, on en-
tend toute efpèce de Couverture à l'ufage des édi-
fices facrés, des bâtiments publics, & des maîfons
particulières.
( a ) Comble , du latin Culmen , ou Culmus , Chaume 5 ou
appelle âuiu les Combles, Toits, du latin tetlum, fait de tegere,
couvrir en général j on les nomme auffi Couverture, du latin
Çoopertura.
                   ·
-ocr page 357-
r ■·.'■'<
d'Architecture.              251
Relativement à leur forme, on appelle Comble
a la Françoife
, ouà deux Egouts , celui dont les
deux cotés forment un angle de foixante degrés :
Comble à Pignon, celui dont le faîtage, pofé iur le
fommet du mur de face, élevé verticalement,
prend la forme d'un triangle ifocèle ou équilatéral,
tels qu'étoient les frontifpices des Temples des
Anciens, d'où nous eil venue l'origine des fron-
tons : au contraire, on appelle Comble en Croupe,
celui dont la toiture eil inclinée en dedans, comme
on le remarque au portail de Saint-Roch, On
nomme Comble Brifé, celui connu fous le nom
de Comble à la Manfarde, & compofé de quatre
parties rampantes : Comble en Τ erraffe on à Plaie-
Forme, celui
qui élevé triangulairement, eil néan-
moins coupé horifontalement à une certaine hau-
teur , & qu'on entoure d'un balcon de fer, tel
que celui pofé fur le principal avant-corps de
l'Hôtel de Noailles à Paris : Comble à l'Impériale ,
celui dont la forme extérieure reifem ble à la tige
d'un baluilre, comme on a exécuté celui de la
nouvelle Paroiffe de Saint - Louis à Verfailles :
Comble en Dôme, celui dont le plan eil quarré ,
& l'élévation circulaire , tel que celui qu'on remar-
que dans la cour du Vieux-Louvre ; ou circulaire
dans fon plan & dans fon élévation, comme ceux
des Eglifes du Val - de - Grâce, des Invalides, &c.
Enfin on appelle Comble Cintré, celui dont le plan
eil circulaire , & l'élévation en talut droit, tel
que celui qui couronne l'avant-corps de l'ancien
Château de Meudon.
Toutes ces Couvertures doivent avoir plus
ou moins d'élévation , & être plus ou moins incli-
nées , félon les lieux où l'on bâtir. Par exemple,
dans les régions feptentrionales, on les fait plus
-ocr page 358-
252                       Cours
hautes, on les tient plus roides, à caufe des neiges
qui y tombent & féjournent en abondance : au
levant, on leur donne peu d'élévation , mais beau-
coup plus de talut ; au midi, on les fait très - fur-
baiiîes : chez nous, où le climat eil plus tempéré ,
on fe contente fouvent de faire les côtés des Com-
bles égaux à leur bafe.
Nous remarquerons que nos Architectes Fran-
çois ont néanmoins beaucoup varié fur la hau-
teur qu'ils ont donnée à leurs couvertures ; que
fouvent même ils les ont fupprimées tout-à-fait,
& que dans d'autres occafions ils les ont rendues
ü peu apparentes, qu'il femblè que leurs bâtiments
foient couverts en terrafle , ce qu'on appelle à
Paris , bâtir à l'Italienne. Au Château de Maifons,
à Blois , à Meudon , au Palais des Tuileries , par
exemple , leur hauteur eft fi grande, & leur poids
û immenfe, qu'on a été forcé de donner aux murs
de face qui les foutiennent, une épaiffeur auiît
difpendieufe qu'inutile , fans que pour cela ces
édifices aient acquis plus de dignité. Précédem-
;ment le Château de Saint-Germain-en-Laye , n'a
été couvert que par des terrafTes ; depuis au Châ-
teau de Verfailles du côté des Jardins, au Châ-
teau de Trianon, δ? récemment au Vieux-Louvre,
les faîtages des toitures font fi peu élevés , qu'ils
n'ont de hauteur que les deux cinquièmes de leur
bafe.
Par ces différentes citations, il eft aifé de con-
cevoir que ce n'eft pas la température de l'air,
que nos Architecles ont confultée, puifqu'on re-
marque tant de différence dans l'application des
Couvertures de nos édifices, tous élevés fous un
même ciel: cette diveriité, dans la conftru&ion des
toits, bien loin de mériter indiftin&ement nos élo·.
Ί
-ocr page 359-
Β* A R C Η ΙΤ Ε C Τ Ü R Ε.            2 53
gés, ne doit avoir lieu, que dans le cas ou la
différente hauteur des Combles & la diverfité de
leurs formes , peut ajouter au cara&ere du mo-
nument. Car enfin, ou les Combles contribuent à
la perfection de l'ouvrage entier , ou ils y font inu-
tiles abfolument. Dans la premiere hypothèfe,
il faut leur donner une dimeniion, une propor-
tion & une configuration relative à l'ordonnance
des façades : dans la féconde , il fuffit de fe con-
tenter d'affujétir leur hauteur, à la néceffité de
préferver l'intérieur du bâtiment des eaux du ciel,
qui doivent tomber fur ces toitures.
Mais fans nous arrêter ici à cette difcuffion ,
quoiqu'importante à beaucoup d'égards , nous di-
rons que de toutes les formes des combles ceux à
deux égouts, nommés à la Françoife , font Iqs
plus ufités , & généralement les plus convenables
aux bâtiments particuliers ? diilribués fimples ou
femi-doubles ; parce qu'alors leur hauteur étant
fixée à la moitié, hors œuvre, de ces efpèces
de bâtiments, leur élévation ne devient jamais
trop coniidérable : au-lieu que quand ces mêmes
Combles couronnent un bâtiment double ou triple,
leur très-grande hauteur les fait preique toujours
paroître hors de rapport avec la hauteur de
l'édifice.
                                              (
Après les Combles à deux égouts, ceux brifés,
connus fous le nom de Manfardes ( b ) , font le
plus en ufage. Au fentiment de quelques Archi-
(b ) On attribue La forme de ces derniers Combles, à François
Manfard, qui leur a donné fon nomj d'autres prétendent que
ces Combles ont été imaginés d'après l'armature que Viola
avoit compofée pour cintrer fes arcades , & qu'il rapporte dans
fon Traité d'Arcîuteâwre, livre premier.
*
-ocr page 360-
254                       Cours
teäes, ils terminent mieux l'extrémité fnpérieure
d'un bâtiment, & procurent des logements plus
commodes fous ces toitures ; enfin, moins de pro-
fondeur aux jouées des lucarnes : cela eil affez
vrai. Cependant il faut convenir qu'ils font fujets
à deux inconvénients prefqu'infurmontables ; favoîr
que le faux Comble eil trop peu incliné pour
procurer la chute des neiges, & que l'autre eil
beaucoup trop roide pour les retenir. Alors les
neiges s'échapent avec trop de viteife dans les
chéneaux, les remplirent, les fubmergent , par
conséquent dégradent les entablements, pourrif-
fent l'es plates-formes, le pied des chevrons, des
arbalétriers ou des jambes de force, malgré le
plomb dont ces chéneaux font revêtus. Tous ces
inconvénients nous font préférer les attiques, qui
ont fur les manfardes , au moins l'avantage d'être
fans talut, de ne jamais pouffer au vide , & de
procurer des pièces beaucoup plus régulières dans
les étages fup.érieurs du bâtiment. D'ailleurs, fé-
lon nous, les Combles à la manfarde ne peuvent
avoir lieu que fur les bâtiments d'économie , &
ne doivent jamais entrer pour rien dans la déco-
ration des édifices de quelqu'importance.
Ce que nous difons touchant la forme des Conv
bles à la manfarde, peut auiîi regarder les Combles
à la françoife. Il s'en faut bien que ces derniers
conviennent à tous les genres de bâtiments. Nous
penfons que la convenance feule doit les amener,
lors de la compofition d'un projet : Verfailles,
Marli, le Palais Bourbon & quantité d'autres édi-
fices, nous montrent affez qu'on peut parvenir'
à élever des ouvrages importants > fans rendre les
Combles apparents. Il feroit bien , félon nous,
de réferver ces toitures, par exemple, dans les
-ocr page 361-
/
d'Architecture.          ïjf
ouvrages militaires, pour les Arfenaux, les Ca-
zernes, les Magaiins, les Corderies, les Hôpitaux,
les Priions, les Greniers à Blé, à Fourages, &c.
dans l'Archite&ure civile, pour les Edifices Sacrés,
les Hôtels-de-Ville, les Baliliques, les Châteaux Sei-
gneuriaux (c ), les Domaines, les Fiefs, & générale-
ment pour tous les bâtiments où ces fortes de Cou^
vertures peuvent ajouter un cara&erc diiïin&if,
puifé dans.fon ordonnance. Les différentes deilina-
tions des édifices peuvent donc amener alternative-
ment fur la fcène, les Combles à la manfarde, à deux
égouts , à épis, à l'impériale, enfin les dômes,
ordinairement couronnés par des amortiiTements,
des lanternes , des campanules , &c.
Toutes ces différentes efpèces de Couvertures
font chacune en particulier fufceptibles de plus
ou moins de décoration. Celles à la manfarde font
Ornées de lucarnes, pofées au-defTus des chéneaiix;
(d) qui régnent fur l'extrémité fupérieure & an
pourtour du bâtiment. Ces ouvertures doivent
avoir la même proportion que les croifées atri-
ques ; mais leurs formes peuvent être furbaiiTées
ou bombées, telles qu'on en remarque deux, fi-
gure oo, tracées fur la planche XVIII du pre-
mier volume ; elles font d'un deiîin très-iimple à
la vérité , mais elles peuvent s'enrichir félon l'im-
portance de l'édifice. On pofe auiïï fur les pannes
(c)  Deuxième volume de ce Cours, page 146 , en parlant
des Châteaux , nous avons fait encrer les Combles comme une
partie eiTencielle, pour leur défigner un caractère particulieri- ,
(d)   Chéneau, canal de plomb de dix-huit pouces de large,
ou environ, & d'une ligne ou deux d'épaiiTeur., qui porte fur
fur la corniche d'un bâtiment, pour recevoir les eaux du Com-
ble. Vitruve fe fert du mot compluvium t pour déiîgner. les
chéneaux dont nous parlons.
-ocr page 362-
256                       C o υ Ά s
de briiîs & iur les faîtages de ces ComSïëS, dés f a·*
bles de plomb blanchi, réduites à une hauteur parai»
lele : fouvent ces tables, appelées bonrfauts ( e ) ou
anufures, font ornées de croiïettes , d'oreillons ou
de campanes. Quelquefois même ces différents
membres d'Archite£hire & d'ornements, font dorés
à l'huile, comme on le remarque au Château de
Verfailles, du côté de la couh
Les combles à deux égouts, font âulîi iufcepti-
bles des mêmes enrichiifements, à l'exception qu'à
la place des lucarnes on y introduit feulement des
œuils de bœuf de formes variées ; ou tels à*peu-
près que la figure ρ , tracée auifi iiir la planche
, X V111 du premier volume * car chaque efpèce
de Comble doit avoir des ouvertures d'un cara-
ctère particulier. On place aufïi dans les angles
faillants δε rentrants de ces Combles, des noues
(ƒ ), & des areftiers de plomb, fur-tout lorfqne ces
toitures font couvertes en ardoifes ; ce qui arrive
prefque toujours dans les bâtiments de quelque con-
iidération, élevés à la ville ou à hreampagne.
On décore les Combles à épis par des vafes
de plomb, qu'on appelle vafes d'amomfïement y
(é) Bourfaut, moulure fonde qui regne fur les paftnes de:
briiîs des toits couverts d'ardoife, & au-deiTus defquels on
place de petites tables de plomb, appelées bavettes ou inem-
brons ; on donne le nom d'anufures ou hafques aux t-ables de
plomb qui couvrent les faîtages fous les épis & amortiiTements
des Couvertures.
(ƒ) Noue, table de plomb, placée daris les angles rentrants
des Combles lorsqu'ils font refiauty
Areflier 3 autre table de plomb , placée au bas de l'areftier en
charpente , faifant faillie vers la croupe d'un comble, ou placée
dans toute la hauteur des angles d'un dôme quarre far fon plan i
on donne quelquefois à ces areitiers la forme d'un pilailre t
comme à celui de Clagny j ou On les convertit cri boifages,
cemme celui de la cour du Vieux-Louvre.
lefquels
-ocr page 363-
o'ÀRcJHiTECf ukè;           i)è
lèlquels font fortement retenus dans l'extrémité
fupérieure du poinçon. Quelquefois on fubftitue
a ces vafes une girouette ou une croix * félon la
cîeiiination intérieure du pavillon auquel ces fortes
de Combles fervent ordinairement de couverture.
^ Les Combles à l'impériale ne font plus guère
dufage aujourd'hui ; autrefois c'étoit le ehef-d'ceiH
Vre du Charpentier ; il en coufonnoit les don-
jons des Châteaux, & la cage des ëfcaliers, qui
anciennement fe plaçoient hors oeuvre du bâti-
ment ; alors on terniinoit ces Combles à l'impé-
riale par des amortiffements en plomb blanchi, qU£
repréfentoient une boule , une aiguille, &c.
Les dômes proprement dits > tiennent le* pre-
mier rang entre toutes les Couvertures des édifi-
ces; ils fe font circulaires dans leur plan , & para-
boliques dans leur élévation, tels que fe remar-
quent ceux du Val-de-Grâce, dé la Sorbone-
des Quatre-Nations, &c. Quelquefois auiTi on les
fait quarrés par leur plan, & de forme elliptiqu©
dans leur élévation , tels que ceux du Palais des
Tuileries, du Vieux-Louvre , du Château de Cla-
gny , & autres. Communément on revêt l*un Se
l'autre en plomb ; on les décore de cotes, de?
ferlons, d'œuils de bœufs, & on les termine'par
Jjie plate-forme, au-defîus de laquelle on élev<*
une lanterne en charpente, & couverte auffi de
plomb. On furmonte celle-ci par une campanile ^
une pyramide oif une aiguille, comme il s'erî
remarque au dôme des Invalides, l'un des chefs-
d œuvre de Hardouin Manfard, tant pouffa forme
que pour le choix de ies Ornements f qui \ dans
leur origine, ont été dorés à l'huile; ce qui pro-
curoit alors à ce dôme, le plus grand effet.
Toutes ces différentes efpèces de Couvertures
Tome 111,
                                   r
-ocr page 364-
158                       Cours
fe conffruifent en charpente ; nous en donnerons
les deffins- & les divers affernblages, lorfque nous
traiterons , dans le fixieme volume de ce Cours ,
de la conftru&ion en général & en particulier de
la charpente.
DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE TERRASSES.
Quelquefois au-lieu des Combles dont nous
venons de parler , on couvre les bâtiments en
TerraiTe ; telle eil celle de f öbfervatoire à Paris,
pavée de pierres à fußl 9 tels font encore les por-
tiques du Palais du Luxembourg , du côté de la rue
de Tournon, couverts de dalles de pierres à recou-
vrement , & formant des gradins ; telles font enfin
les galeries du Palais des Tuileries, couvertes de
dalles de pierres arrafées, & avec des pentes fuffi-
fantes pour faire écouler les eaux du ciel. Ces
Terraffes nous paroiffent propres à fervir de cou-
verture à la partie fupérieure des Palais élevés
dans les Cités, aux maifons de plaifance érigées
à la campagne , & affez généralement dans tous
les bâtiments & les pavillons à un feul étage ,
diftribués dans les cours, les avant- cours & les
jardins, formant les dépendances des bâtiments
d'une certaine confédération. Quelquefois , par
économie , ces Terraffes fe couvrent en plomb f
cette efpèce de couverture n'exige pas des murs
ii épais, & elle épargne les voûtes en maçonnerie :
quelquefois auiîi, pour plus d'économie encore,
au-lieu de Terraffe , on élevé des combles aux*
quels on'donne li peu d'élévation, que les balu-
lîrades qu'on pratique au-deffus des façades , man-
quent la plus grande partie de la hauteur de ces
petits combles ; on en a fait ufage aux nouveaux
•\
-ocr page 365-
•f
d'Architecture.         ifö
bâtiments de la cour du Vieux-Louvre, à Ver-
failles , du côté des jardins , au Palais Bourbon,
& ailleurs. Lorfque ces bâtiments ont beaucoup de
profondeur, on divife ces combles en deux par-
ties ; maniere,qui, en racourciifant leur bafe, di-
minue coniidérablement la hauteur de leurs poin-
çons.
La difficulté d'empêcher que les eaux du ciel,
affez abondantes en France , ne paiTent à travers
les joints des dalles de pierre, δε lä dépenfe qu'en·
traîne ce genre de conilrucHan, eft un obltacle à
ce qu'on en faiTe chez nous un uiâge fréquent. Il
y a peu d'Architecles qui ne redoutent ces fortes
de TerraiTes , peu de propriétaires qui ne foienc
alarmés de leur entretien ; nous ofons croire néan-
moins qu'il feroit très-poiîible d'empêcher l'eau de
dégrader les voûtes qui foutierinent ces dalles j
nous ne chercherions pas*, comme on le fait ordi-
nairement , à les jointoyer avec du mairie, du
fpalme, ou même avec de la pouzzolane d'Italie,
qu'il feroit aifé de faire parvenir à Paris ; mais
au contraire, nous laifferions paiTer l'eau à travers
les joints des dalles (g)l elle feroit reçue dans
des rigoles pofées avec une pente fuffifante fur Je
cerveau & les reins des voûtes ; ces rigoles alors,
formées par un corroi d'excellent mortier, fervi-
roient à jeter l'eau en dehors par des caniveaux
(g) Dans le fixieme volume de cet ouvrage , en traitant de
Ia conitruótion , nous donnerons les développements de ces
nouvelles TerraiTes à exécutés en partie à celles qui fervent de
couverture à l'ancienne Orangerie de Meudon: eonftruition que
nous avons étudiée avec foin , 6c à laquelle nous avons fait
quelques changements utiles, lorfque nous fumes chargés ,
y a quelques années , du projet de l'Académie Impériale de
Moskou, dont nous donnerons auifi les deifins dans la fuite.
Rij
; .*
-ocr page 366-
zoo           λ ■ '.-. Cours
pratiqués expres, fans nuire en rien a la décora«
tion extérieure.
Lorfque les Terraffes fupérieures , réunies à
i'ufage de combles, contribuent à ajouter au cara-
ctère de l'édifice /quelquefois, comme fur les faî-
tages des combles du Château de Maifons , on y
pofe des balcons de fer, qui offrent l'idée des Ter-
raifes réelles, & qui produifant le même effet,
décident l'Architecte à en faire ufage félon Focca-
fion ; rien n'étant li effenciel que d'appeler à foi
toutes les rgifources de l'Art, pour procurer à fon
édifice une ordonnance relative à l'objet qui déter-
mine le Propriétaire à bâtir.
Les Terrafiès de couronnement, foit en pierre
foit en plomb , dons nous venons de parler, ne
, font pas les feules dont on puiffe faire ufage dans
les bâtiments. On en place auffi de peu élevées
au pied des édifices de quelqu'importance, telles
qu'il s'en remarque à Verfailles du côté des jar*
dins, au pied & le long des ailes appelées les
ailes des Minißres
, dans la cour du Château du
même Palais. On en voit auffi de ce genre au
pied du Palais des Tuileries, du côté du jardin.
Le Château de Marli en eff environné , & elles y
prodnifent le meilleur effet. Au contraire celles qui
régnent le long des parties latérales de la cour du
Château de Maifons , nous femblent réufîir beau-
coup moins bien, parce qu'elles offrent un but
contraire à celui qu'on doit fe propofer. Lorfqifon
entre dans une cour entourée de baluftrades, &
celles-ci d'un foffé , on eft bien- aife de pouvoir
jouir de,.droite & de gauche, des parties décou-
vertes qui avoifment le principal corps de logis î
on eft privé de ce coup-d'œuil à Maifons , parce
que ces Terraffes font trop élevées, pourqu'oa
s
-ocr page 367-
» Architecture,            261
puiiTe découvrir ces divers points de vue, à moins
d'être arrivé fur leur éminence ; ce qui n'eit pra-
ticable que pour les gens de pied. A ce défaut
près, ces terrafles & les foiTés qui les entourent,
auffi bien que les combles qui couronnent le prin-
cipal corps de logis, cara&érifent très-bien cette
belle maifon pour un Château , qui , dans fon
genre, n'a guère de rival que celui de Richelieu ,-
en Anjou, ainii que nous l'avons déjà obfervé
dans les volumes précédents.
          .'
Les Terrafles des Châteaux d'Amboife, de Meu-
don , de Bellëvue & de Saint- Germain-en-tLaye >
font autant de Terrafles d'un autre genre ; tes
deux premières fur-tout, foutenues par de hau-
tes & d'épaifles murailles qui raccordent l'inégalité
fupérieure du terrein où ces édifices font élevés ? ,
ont véritablement de quoi étonner. Ges Terrafles:
font difpeïidieufes à la vérité ; maïs il faut con-
venir qu'elles annoncent un air de grandeur & de
magnificence , digne tout à la fois du pouvoir de
YAitï-Si de celui des grands Princes qui les ont or-
données. Rien de fi intéreffant entr'autres , tjue
l'étendue de la vue qu'on découvre de deflus les
TerraiTes d'Aniboife & de Meudon : de deffus cette
dernière, la Seine & Paris fevoient à découvert;
d'ailleurs elle eil d'une étendue confidérable, &
ornée de belles verdures, qui annoncent avec
éclat les chefs-d'céuvre en plus d'un genre, que
contiennent les appartements fans nombre de cette
fuperbe maifon royale.
. Lorfque ces Terrafles extérieures n'ont- qu'une
moyenne élévation, & que le terrein a une con-
fiflance reconnue , au-lieu d'en conitruire les mu-
railles, en pierre, on fe contente de pratiquer des
taluts, des glacis & des pentes douces qui retien-
R iii
-ocr page 368-
261                       Cours
nent Véboulement des terres ; telles font celles du
Château de Bellevue. Mais, dans tous les cas,
nous leur préférons les murs de maçonnerie ; c'eit
ce qu'on a fait pour celles de Saint-Germain-en-
Laye , qui font d'une étendue prefqu'illimitée.
Nous délirerions feulement qu'elles fuflent revê-
tues d'un parapet en pierre , comme aux Tuileries,
du côté de l'eau, ou même de baluitrades, comme
à Meudon , ou au moins de balcons de fer,
comme à Choifi.
Nous ne parlerons point ici des Terraffes moins
élevées encore , & deitinées à orner les jardins de
propreté ; nous nous réfervons d'en donner quelques
deffins en particulier, en traitant du Jardinage,
qui fera partie , dans les volumes fuivants, de la
cliitribution extérieure de nos bâtiments ; & nous
prendrons occaiion alors d'offrir celles qui font
le plus capables de former le goût dç nos Elevés*
dans cette partie de rArchitecture.
Avant de terminer ce Chapitre V , déjà fort
étendu par la quantité des objets qu'il contient 9
comprenons encore fous ce titre, quelques autres
détails non moins intéreflants , tels que la décora-
tion des différents entrecolonnements, le bon & le
mauvais effet des pilaftres en général, les péri-
ftyles & les* colonnades, enfin la nécefîité de fe
cendre compte , avant de paffer à l'exécution d'un
bâtiment, de la différence qu'on doit obferver entre
la hauteur réelle & les hauteurs apparentes qui
fe remarquent dans les membres d'Architecture ,
fouvent occafionnées par le point de. diftance*
la hauteur & l'étendue de l'édifice.
«w.
-ocr page 369-
d'Architecture.            263
De la Décoration des Entrecq-
lonnements en général.
Nous avons parlé, dans le fécond volume de
ce Cours, pages 24 & fuivantes , des différentes
largeurs des entrecolonnements , félon les An-
ciens & les Modernes ; nous allons traiter ici
de la décoration de ces mêmes entrecolonne-
ments , relativement au caractère de Tordre qui
les détermine. Rappelons-nous néanmoins , que
les plus petits entrecolonnements que nous faifons
aujourd'hui, égalent pour ainfi. dire, les plus grands
efpacements que nous enfeigne Vltruve, c'eft-à-
dire, les diaftyles & les aréoftyles de fix & de
huit modules , qu'il trouve déjà trop coniidéra-
bles. Souvenons-nous que des cinq manières , il
n'eftime que les Îiftyles, ou de quatre modules ( h ) r
trouvant avec raifon le picnoftyle de trois mo-
dules trop ferré. Au reite, ces divers entreco-
lonnements, auxquels les Temples des Anciens
étoient afîujétis , ne fervent plus guère de regle à
nos Architectes, à moins qu'ils n'aient occanon
d'ériger ,. ©u plutôt de repréfenter dans les fêtes
publiques ou fur nos théâtres * la décoration de
quelques édifices dans le goût antique. En France
nos ufages n'étant pas les mêmes que ceux des An-
ciens, il a paru pîaufible à piLifieurs,,en fuivant néan-
(A) Yitruveprétend que cet efpacement n'a aucun des défauts
des autres entrecolonnements des Anciens, & qu'on le doit à
Herrnogenes , Architecte Grec; qu'il eft autîi le premier qui
ait fait l'entrecolonnement du milieu du frpntifpice des Tem-
ples, plus large, leur ayant donné fix modules au lieu de qua-
tre », & qu'il eft enfin l'inventeur des Temples , appelés Pfeudo-
diptère,
préférables à tous les autres x parce qu'ils offufquent
moins le çortique. ..., \ '
R iv
^
-ocr page 370-
f.64                       CO URS
moins la plus grande partie des proportions Grè«
ques & Romaines , de difpofer leurs entrecoîonne-
ments , félon que fembloit l'exiger la deiHnation
particuliere de l'édifice ; c'eil pourquoi, dans le
même bâtiment, dans la même façade & dans
îe même avant-corps, ils ont varié la largeur des
entrecoîonnements, & ont aiTuré dès lors à leurs,
différentes entreprifes une nouvelle difpofition qui
n'a pas peu contribué à rembelliiTement de leurs
monuments. Nos Archite&es en cela, n'ont fait
que ce qu'Hermogenes avoit fait du temps des;
Crées, c'eii-à-dire , qiûls ont tçnté de perfedtiom
«er l'Art,
Il ei| vrai que la plupart des Modernes , Se
particulièrement les Architectes François , font
tombés dans deux excès également oppofés, D'un
côté, ils ont fouvent fait leurs efpaçements trop
ferrés , lorfqu'ils ont fait ufage des grands ordres i
de l'autre, ils les ont trop écartés,. quand ils n'ont,
employé que de petites colonnes , d'où eûVréfulté
un défaut de convenance dans l'enfemble & dans
les détails, lorfqu'ils font venus à décorer leurs,
entrecoîonnements. Les Anciens pouvoient fe dif-
penfer de cette décoration, par le peu d'efpace-^
ment qu'ils affec~toient entre deuz fûts ; parce qu'ils
faifoieat coniiiler précifément la beauté de leur
ordonnance, dans l'application des ordres, & non
dans les ornements dont nos productions font %
pour ainfi dire, accablées. Au refte, il faut conve-
nir que la multiplicité des ouvertures dont nous
faifons ufage, leurs différentes largeurs & la variété
de leur forme, font autant de moyens inconnus,
aux anciens ; ce qui. nous a amenés infenfiblemenf
& fans prefque nous en apperçevoir , à négliger
ï'QÎ>je.t principal pour recourir à Façç^iÏQire.. C'eü
-ocr page 371-
d'Architectx7re.          165
cet abus que nous nous propofoiis de difcuter
ici, en rapportant divers exemples qui apprendront
à nos Elèves comment on parvient à s'écarter des
véritables règles, lorfqu'on fe clifpenfe de puifer
fes modèles dans les fources , & qu'on fe contente
d'imiter fervilement les ouvrages de fes prédécef-',
feurs , parce qu'on ne copie alors que les écarts
des modernes, fans profiter de leurs découvertes.
L'imperfeétion qu'on remarque fouvent dans la
diitribution des membres d'Architecture & des or-
nements qui décorent les entrecolonnements de
nos édifices, provient la plupart du temps, du peu
de rapport qu'on obferve entre la grandeur de l'or-
dre & celle du monument. En effet, combien ne
voyons-nous pas de petits bâtiments où l'on affeâe
des colonnes coloffaîes} Combien de Palais de la
plus varie étendue , où l'on n'emploie que des
ordres, d'un trop petit module ? Dans le premier
cas , retenus par la portée des architraves, com-
ment arranger convenablement une hauteur déme-
furéç, avec une largeur qui, n'ayant aucun rap-
port avec cette grande élévation , ne peut pro-
duire que de petites parties. Celles-ci fe fuccédant 1
les unes aux autres , & fe trouvant prefque tou-
jours féparées par des membres horifontaux, ne
préfentent plus que des objets détachés , qui pa-
roiiTent d'autant moins à leur place, qu'ils fe trou-
vent , par leur réitération , remplir forcément,
une hauteur très-coHÎidérable. Dans le fécond cas,
la largeur des principales ouvertures , qui exigent
de donner un grand écartement aux colonnes,-
iproduifent alors des entrecolonnements ii impar-
faits, que l'ordonnance, par la défunion de fes
parties , perd prefque tout fon prix : ces deux dé-
feuts. , que l'on remarque dans la plupart de nos
/
-ocr page 372-
Y
î66                       Cours
bâtiments , prouvent, en faveur de ce que nous
recommandons fouvent dans nos Leçons , qu'il
ert plus important qu'on ne s'imagine d'affortir la
grandeur de fon module, à raifort de la defHnation
de l'édifice , & du rang plus ou moins difHngué
qu'il tient dans l'Architeâ:ure. C'eft le feul moyen
d'accorder les détails avec les parties, celles - ci
avec lesmaffes,& de donner un cara&ere relatif à
chaque genre de compofition, Avec ces attentions
on procureroit un véritable air de grandeur aux
monuments facrés, une proportion moyenne aux
édifices publics, fans nuire en rien à leur dignité;
enfin aux bâtiments d'habitation, une dimeniion
aiTortie qui les rangeroit dans leur véritable claife.
Ces confidérations étant tout-à-fait négligées parmi
nous, nos jeunes Architectes abandonnent pref-
que toujours l'efprit de convenance, en voulant
donner à nos maifons particulières, l'apparence des
Hôtels, à ceux-ci l'importance des Palais, & aux
^Palais la grandeur majeftueufe qui devroit être
réfervée pour les édifices publics, ou, plus raifon-
nablement encore pour nos Temples,
Nous ne rapporterons que peu d'exemples d'en-
trecolonnements exécutés dans nos bâtiments. Ils
nous fuffiront pour faire connoître ce qui mérite
d'être approuvé en ce genre, & pour relever les
défauts dont plufieurs ne font pas exempts ; en
forte que, d'après ces obfervations , il deviendra
peut-être aifé de fe former une idée jufte , qui
amènera nos Elevés à accepter ou à rejeter ce
que nous aurons eu occafion d'applaudir ou de
condamner. /
-ocr page 373-
, D* Architectu re.             267
Divers Deffins (^Entrecolonnements.
Planches XLIX&L.
Nous ne donnerons point ici en particulier les
entrecolonnements du périftyle du Louvre, ni les
petits entrecolonnements de la cour du même
Palais, non plus que ceux du Veitibule du Châ-
teau de Clagny , & des façades du Château
de Maifons ; on les trouvera dans les planches VI,
XXXIX & XL de ce volume. Nous renvoyons
d'ailleurs aux obfervations que nous avons faites
en décrivant ces mêmes entrecolonnements. Nous
paiïerons auffi fous iilence, la plupart de ceux
de nos autres édifices d'habitation , tous à-peu-
près de même genre. Nous n'examinerons que
les entrecolonnements de quatre édifices facrés
que nous avons choifis dans les ouvrages de ré-
putation ; ce font ceux érigés par François Man-
fard aux Minimes , par le Chevalier Servandoni
à Saint - Sulpice , par François d'Orbay aux
Quatre-Nations, & par Robert de Côtte à Saint-
Roch. Ces exemples nous fourniront les moyens
de difcuter fans partialité le bon ou le mauvais
effet que préfentent les différents membres placés
dans ces divers entrecolonnements.
La Planche XLIX fait voir , -figure-A, la déco-
ration, d'une des portes latérales placées entre
deux pilaftres d'ordre Dorique , au portail des
Minimes, dont l'ordre a deux pieds neuf pouces
de diamètre, fur vingt - deux pieds de hauteur.
Cet entre-pilaitre , de fept pieds d'écartement, &
ç-ftujéti à l'efpacement de trois métopes, a fi fort
-ocr page 374-
a68                    Cours
reiTerré cet efpace, que la hauteur de la baie de
la porte qui fe remarque ici, occupe à-peu-près
les deux cinquièmes de celle du pilaftre, ce qui
certainement ne fauroit produire un bon effet ;
d'ailleurs le couronnement placé fur cette ouver-
ture, paroît fort, étant furmonté d'un amortiife-
ment qui contribue, par fon exhaufîement, à lui
donner trop de pefanteur. La table placée au-
deiTus, & qui renferme une efpèce de barbacanne,
entourée d'un fimpie bandeau > ne réufîit guère
mieux; en forte que toute cette décoration ne
tient point à Tordre qui la reçoit, mais paroît
fort au-deflous du génie du célèbre Architecte qui
en a donné les deflins. Néanmoins le petit entre-
pilaitre de deux métopes, qui aux Minimes fe trou-
ve placé à côté de celui tracé iur cette planche,
nous paroît encore d'une plus foible compofition,.
fie confirmant que dans une feule table rentrante,
3U haut de laquelle fe remarque une autre bar-
bacanne ; genre d'ouverture qui n'ayant rien de
facré, ne peut raisonnablement trouver place que
dans les ouvrages militaires.
         
Il eil vrai que le grand entrecolonnement dit
milieu qui a pour écartement quatre métopes 9
eft rempli par une porte d'une grandeur affez bierï
aiïbrtie au diamètre de l'ordre:; mais fa forme
bombée , & la pefanteur de fon attique, y com-
pris les portions circulaires ou oreillons qui for-
ment la partie Supérieure du chambranle > ne font
guère du ftyle qui convient au frontifpice d'un
Temple. Les hommes de mérite $ pour n'avoir pas
affez bien fan! le genre propre à chaque partie de.
l'édifice s ont manqué le cara&ere qu'il conve-
noit d'y donner. Cette inattention a produit chez
les moins habiles, cette incertitude 9 ce vague 8c-
,
-ocr page 375-
Ó*A RC Hit-EU TÜRE.          *6>
tette irréfolution qu'on remarque dans prefque
tous leurs ouvrages : ils prétendent que les plus
grands Maîtres ont hafardé ces mêmes objets 9
dans l'intention de fe répéter moins dans leurs
œuvres,; & par cette prétention , ils fe croient
atitorifés à s'écarter de vrais principes de l'Art,
pour ne compofer plus que des ouvrages de fantai-
Îie : tant il eil effen ciel à nos Elevés d'apprendre
à apprécier , pour choifir enfuite les parties qu'ils
veulent imiter , dans les* produftions des Artiites
les plus célèbres. *
Nous remarquerons encore, qu'au - deÎTus de
l'entablement denticulaire que Manfard a préféré
au mutulaire , pour les raifons que nous en avons
rapportées ailleurs, il a placé un focle de cou-
ronnement, dans lequel on voit une ouverture qui
a la forme d'un foupirail. Puifque l'intérieur ame-
noit la néceffité d'un percé dans les dehors, il fel·,
loit au moins préférer ici une mezanine ; car les
ouvertures en forme de foupiraux , loin de pouvoir
être admifes dans les portails de nos Temples, ne
conviennent pas même dans les bâtiments d'habi-
tation ii elles y font déplacées. Sans la convenance
nous ofonsle dire, nos productions ne fauroient être
vraiment eitimables, & l'on ne peut s'écarter rai-
sonnablement de ce principe. C'eit parce que nos
jeunes Archite&es l'oublient, que l'on remarque
tous les jours, dans nos édifices de genres diiférents
des portes à plates-bandes ou bombées, où il con-
viendrait qu'elles fuflént plein-cintre ; des attiques,
où un fécond ordre ferait plus convenablement
placé; des frontons circulaires où ils devroient être
triangulaires ; des avant - corps où il faudrait des pa-
villons; desjgbaluitrades où les attiques devroient
avoir lapréférence ; de? ouvertures à la place des
-ocr page 376-
270                       Cours
pleins; des ornements où il feroit à deiîret qu'on
remarquât des parties liffes; enfin des combles où
des plates-formes annonceroient plus positivement
le cara&ere de l'édifice. On fe permet ces dépla-
cements , parce que d'autres les ont faits quelque-
fois ; ou , ce qui eil pis encore, parce qu'on
néglige les fources, qu'on médite peu fur l'heureux
effet que peut produire la juite application de ces
différentes parties combinées , & que le raifonne-
ment de l'Art enfin, eil ignoré du plus grand nombre.
La figure Β donne l'un des entrecolonnements
du porche de l'Eglife de Saint-Sulpice, dont les
colonnes ont cinq pieds de diamètre, quarante pieds
de hauteur, & quatorze pieds huit pouces d'écar-
tement : entre' ces colonnes eil comprife une des
portes latérales , qui donne entrée dans les bas-
côtés de cette ParohTe. Cette porte à plate-bande
eil contenue dans une arcade plein - cintre, de
même forme & grandeur, quoique feinte, que la
porte réelle qui donne entrée à la nef. Lorfque les
colonnes ont une grande élévation, & que leur
écartement ne peut répondre à leur hauteur, à
caufe des raifons qui regardent la folidité , toutes
les parties distribuées dans l'entrecolonnement ne
fauroient avoir un rapport immédiat avec le mo-
dule de l'ordre , puifque l'arcade tracée dans cette
figure, quoique de onze pieds de largeur, n'a
pu porter fon impolie qu'un peu au-defibus de
la moitié de la hauteur de la colonne. Un pareil
défaut ne peut guère fe tolérer , que lorfque ces
arcades feintes ou réelles fe trouvent enfermées
dans des niches quarrées, parce que , dans ce cas,
les alettes de ces niches , empêchent l'impoile de
fe continuer contre le fût de la colonne ; encore
doit-on convenir que c'eft toujours une imper-
-ocr page 377-
d'Archït&cturje.            271
feclion , îorfque les membres diflribués dans 1'en-
trecolonnement fe trouvent d'un beaucoup plus
petit modulPîque celui de l'ordre.
Nous ne faurions guère applaudir non plus au
caractère de pefanteur de la corniche placée au-
defîus du ibmmier delà porte à plates - bandes,
& qui fe trouve comprife dans la hauteur de l'im-
porte ; la capacité de cette corniche s'accorde mal
avec le refTaut des croffettes du chambranle & le
chantournement concave qui la fupporte. Elle n'a
pas non plus un rapport convenable avec le petit
médaillon & les gros ferions qui lui fervent de
chute , & dont la forme , femblable au cavet de
defTous, produit une répétition qui certainement a
de quoi déplaire.
Qu'on ne s'y trompe pas , cette répétition aura
fouventlieu, Iorfque l'Archite&e ne préndera pas
aux ornements employés par le Sculpteur; -c'eft
ce qui eil arrivé au portail dont nous parlons y
car M. Servandoni, au-lieu de ferions, avoit mis
des génies pour foutenir ces médaillons, comme
on peut le remarquer dans l'une des gravures qu'il
avoit fait faire fous (es yeux les premières années
qu'il faifoit conflruire cet édifice important. Ce
n'eil pas que M. Michel-Ange Slodtz, à qui Ton
confia depuis cette Sculpture, ne fut un homme
du plus grand mérite ; mais quelle différence, de
faire un modele en petit dans fon attelier, & éloi-
gné de l'ouvrage en grand! Comment, d'ailleurs,
privé des intentions de l'Arehite&e , & de l'avan-
tage de compofer ces ornements de concert avec
l'Ordonnateur , parvenir à la perfection ? puifque
lui feul, rempli de fon objet, eil capable de con-
duire le génie, ou d'arrêter les écarts de l'Artiile,
qu'il appelle à lui pour le féconder dans fes tra^
vaux.
-ocr page 378-
%*fa                      Cöüks
L'archivolte de l'arcade a pour cîavéaù une
confole d'un affez bon genre ; celle-ci femble fou*
tenir la faillie du plinthe qui régner horifontale-
ment dans toute l'étendue de ce porche ; mais nous
remarquerons que ce nouveau membre parallele
à l'importe qui fubdivife en deux autres parties
égales la diitance, depuis cet importe jufqu'au-
deiîbus de l'architrave, eil encore une répétition
qu'il faut favoir éviter. Ce n'eil pas que ce plinthe
ne fafTe un bon effet, puifqu'il amène affez heu-*
reufement la table rentrante placée au haut de
cet entrecolonnement : cette table d'ailleurs , con-
tient un bas-relief d'un excellent genre ; ainû elle
auroit dû être un motif de plus pour faire fup-
primer l'importe, & pour déterminer , ou à chan-
ger la forme de l'arcade, ou à convertir l'archi-
volte en chambranle, ou au moins à ne faire
régner cette importe, que fous la retombée de
l'arc , au-lieu de le continuer dans le fond
de la niche, & même jufqu'entre les colonnes
accouplées. Ces corps horifontaux, ainii multi-
pliés , nuifent toujours à l'admiration qui nous
porte à confidérer dans toute fa hauteur verti-
cale , la tige d'une colonne bien fufelée, ainfi que
nous l'avons déjà remarqué ailleurs.
Le plan tracé au bas de cette figure , donne à
connoître les compartiments d'une partie du pla-
fond du porche, dont nous donnons feulement
l'un des entrecolonnements. Ce plafond eff orné
avec magnificence , δε l'on peut dire qu'il produit
un très-bon effet ; d'ailleurs tout cet édifice eff
taillé en'grand, & doit être regardé comme une
des compositions en ce genre, qui font le plus
d'honneur à nos Architectes.
La figure A de la planche L, préfente le
petit
-ocr page 379-
ι
f> * A R c h: ι ? t c t υ r t.. ϊγ$
ptût ëntre-pilaitre d'un des arrieres-corps du fron*
tifpice de l'Eglife du College des Quatre-Nations £
l'ordre Corinthien qui le décore , a trois pieds de
diamètre, trente & un pieds huit pouces de hauteur^
& huit pieds de largeur. L'un des défauts efiencieis
qu'on doit remarquer dans fes entre-pilaftrés, c'eifc
que fimporle qui reçoit la retombée de l'archivolte
& de l'arcade qui ne fe'voir pas ici , mais qui fe
trouve placée dans le milieu de l'avant-corps de
ce frontifpice, coupe précifément, comme dans
le dernier exemple , la hauteur de l'ordre en deux
également; d'ailleurs la croifée bombée qui fe
trouve fous cet importe, eft de la proportion des
ouvertures attiques, & tout à la fois d'une iim«
plicité Tofcane; il n'y a pas jufqu'à ion appui qui,
ayant de hauteur les deux tiers de celle de la
baie, n'oifre une ordonnance tOiit-à-fait étrangère
à l'ordre Corinthien : ordre qui devoit donner le
ton à ces divers membres d'Architeclure. Nous,
rappellerons fouvent à nos Elevés , cette regle
indifpenfahle, pour les garantir > s'il eft poffible ,
de l'imitation de la plus grande partie des mem-
bres, hafardés le plus fouvent jufques dans nos
meilleures productions, foit parce que nos Archi-
tectes ont négligé ces détails, pour ne s'occuper
que de la beauté des maiTes ; foit que cette rela-
tion, que nous recommandons avectant d'initance*
fut méconnue de nos prédéceifeurs.
Quoi qu'il en foit, il île nous eil pas poiîibîe
aujourd'hui d'ignorer les rapports dont nous par-
lons ; car enfin , nous en appelons aux Connoif·
feurs , fans partialité ; comment concevoir que
François d'Orbay , l'Architecl:© de ce monument
eftimable à tant d'égards, ait pu faire une ouver-
ture de cette êfpèce ? En effet, elle n'eil ' guère
Jms ƒƒƒ.
                                     $
-ocr page 380-
174                      Cours
qu'un rempliiTage d'Ecolier., qui ignore encore
les premiers éléments de Γ Art. Les Sénateurs de
d'Orbay ne manqueront pas de répondre à ces
obfervations , que la critique eil aifée , & l'Art
difficile ; d'ailleurs, diront-ils, les dedans ont exigé
de lui ce racourcifTement dans la croiféè, ainii que
la hauteur de l'appui que nous condamnons. Mais
cette excufe, ii c'en eil une , ne détruit pas Πη-
convénient; & toute Architecture où l'inconvé-
nient paroit, eft imparfaite, fur-tout lorfqu'il s'agit
de la décoration d'un monument d'importance.
Gar enfin aux préceptes de l'Art, ne peut-on pas
joindre les reifources ? Qu'on y réfléchiffe ; au
moins celles-ci, entre les mains d'un Maître habile,
lui fournillent les moyens de vaincre les plus gran-
des difficultés , & de concilier d'une maniere moins
triviale, l'intérieur avec l'extérieur de l'édifice.
, La croifée plein - cintre , placée au-defïus de
l'ouverture, dont nous venons de parler , ne pro-
duit pas un meilleur effet dans cet entre-pilaftre.
Kon - feulement elle eft trop peu élevée, ainii
que fon gppui ; mais la petiteife de fes pieds-
droits , de fon archivolte & de fon impofte ,
annonce trop de difparité avec le diamètre de
Tordre ; & certainement cette difTonnance 9 qui
n'eft fupportable dans aucune forte d'édifice, l'eft
encore moins dans l'ordonnance du frontifpice d'un
monument facré, où tout doit annoncer au fpe-
âaîeur la régularité , la pureté , la décence qui
amène les fidèles dans nos Temples.
. Nous ne parlerons point ici des pilaftres dimi-
nués ( i ) qui fe remarquent dans les angles de
ravant-corps de ce frontifpice, ni de la pefanteur
; *<i) Voyez Γ Architecture Françoiiè, où le plan, 1* coupe*
-ocr page 381-
d'Architecture»         ^75
tfue forme l'efpace qui fe trouve entre l'archivolte
de la grande arcade du milieu & le deiîbus de
l'architrave. Cet efpace , occupé par un bas-relief
repréfentant les armes du Cardinal Mazarin, au-
roit été mieux rempli par une table & quelques attri-
buts d'Eglife, quoique ni l'une ni les autres, n'etif-
fent pu détruire le maiïif que nous défapprou-
vons , & qui jamais ne doit fe rencontrer dans
aucune des parties deflinée* à orner les entre-
colonnements d'un ordre délicat. Au reite , ce
monument n'eit pas fans beauté , comme nous le
dirons dans le Chapitre iliivant ; on remarque ,
dansles dedans , des objets affez intéreiTants, que
nous invitons nos Elevés , en les examinant, à
deiîiner avec foin , ainii que les parties des au-
tres édifices que nous avons occafion de leur citer
fouvent, ce qui. les amènera dans la fuite à fe
faire une colle£tion utile,, lorfqu'une fois ils fe-
ront parvenus à la compoiition.
                     ,
La figure Β , tracée fur la même planche, nous
préfente l'un des entrecolonnements qui renfer-
ment une des portes latérales du portail de TEglife
de Saint-Roch : cette porte, de forme bombée,
fe trouve contenue dans une arcade feinte, de
même forme & grandeur que celle qui donne en-
& les élévations de ce monument fe trouvent gravés avec alTez
de foin : confultez le même Recœuil pour toutes les parties des
autres édifices dont nous parlons dans noire Cours, & donc
nous ne rapportons , dans nos planches, que les objets les
plus efTenciels à l'inftruâion de nos Elevés, n'ayant pu entrer
dans ces détails lors de la defcription des bâtiments que con-
tient cet œuvre, notre delïcin feulement ayant été, dans le
temps , de parler aux Amateurs; au-lieu que ce Cours regarde
précifément les jeûnes Architectes , qui, deftinés à opérer un
jour, doivent apprendre de bonne heure àchoifir dans ces
ouvrage inamenfe, ce qu'Us doivent imiter ou rejeter,
3 l)
\
-ocr page 382-
276                      Cours
trée à la nef de cette ParoiiTe; celle dont nous
parlons, eil comprife dans' un entrecolonnement
de quatorze pieds de largeur fur trente-un pieds
de hauteur, & les colonnes ont trois pieds d@
diamètre.
                                                         i\ '
On aura de la peine à fe perfuader, que depuis
les chefs-d'œuvre que nous ont laiffés en France
les Lefcot, les Manfards &' les Perrault ; c'eil-
à-dire, depuis Henri II jufqu'au commencement
de ce fiecle , FArchiteâure ait pu dégénérer au
point qu'on le remarque dans ce frontifpice, où
Ton peut dire qu'on n'apperçoit ni les préceptes,
ni les reiïburces , ni le goût de l'Art. On n'y
voit point les préceptes , Tordre Dorique y étant
employé avec la plus grande négligence; on n'y
apperçoit point les refiources , puifqu'on ne les y
a pas employées pour rendre1 moins "irrégulier le
plafond de fon entablement : enfin on y cherche
inutilement le goût de l'Art ; toute la fculpture
*dont il eil enrichi y étant mal difiribuée, d'un
trop petit volume, & dune exécution fouvent au-
deflbus de la médiocrité.
Ce n'eil pas fans y beaucoup réfléchir, que nous
nous déterminons quelquefois à porter notre juge-
ment fur les ouvrages de nos prédécefleurs & de
quelques-uns de nos contemporains ; mais , en-
core une fois # comment apprendre aux Elevés
fans expérience, qu'un édifice qui a droit de leur
en impofer par fa ntuation , par fa grandeur,
fouvent par la réputation de Γ Architecte, renferme
des défauts eifenciels? Neferoit il pas à fouhaiter,
pour le bien des Arts, que les-Architectes euflent
évité de pareils défauts, & qu'ils enflent étudié
avec plus de foin les différentes parties de leur
compofition ? Continuellement fous les yeux des
-ocr page 383-
d'Architictüre.            urffi
Amateurs & des jeunes Citoyens qui fe vouent
à l'Archite&ure , ces ouvrages défectueux les font
flotter fans ceffe entre ce qu'ils doivent choifir,
entre l'excellent ou le médiocre dont ils ne con 5
ïioiffent pas encore la fublimité ou la^ difformité.
Ne ferion s* nous pus bien fondés à demander pour-
quoi les grands Maîtres qui ont dû puiiér les prin-
cipes dans les mêmes fources, fe trouvent ii peu
d'accord entr'eux, & fou vent 11 peu d'accord avec
eux-mêmes ? Croiroient-ils qu'il fuffit de produire
de belles-malTes, fans s'embarraiTer ii les parties
effencielles de leurs produ&ions fe détriment l'une
l'autre? D'ailleurs les malles dont nous parlons,
doivent-elles fe reiTembler dans lés édifices de
genres différents ? SufHt-il de varier les différentes,
formes de fes façades, leurs croifées , les niches,
les baluitrades, û ces différents objets ne font pas
choifis de la meilleure forme , d'une fimplieité ou "
d'une richelTé analogue au genre de l'édifice & ait
caractère de l'ordre qui en détermine l'ordon-
nance? Un Sculpteur habile, croit-il avoir jeté
en fonte une belle itatue, quand quelques-uns des,
membres qui la compofent font imparfaits ? Un
mufcle déplacé, une mamelle trop haute, une
articulation négligée , ne détruit pas fans doute
la proportion entière ; mais cette imperfection,
qui met la copie au-deffous du modele, la con-
damne à refter dans l'oubli. Pourquoi donc expo^
fer'au grand Jour des édifices dont fouvent les
membres mutilés, tronqués , les ornements fans
proportion , fans caractère, offrent le défordre de
l'Art, & non fes beautés '% FArchiteclure * cet Art
créateur, exige-t-il moins de févérité que la Scul-
pture , la Peinture, tous les autres Arts utiles '%
& les Arts de goût? Non fans doure. S'il en eiï
S 11J
.' '■ ' ''ν ^ '. ■'■■■ ■**. ''■"                                                                      '.""■' ■-'.*■■
\
-ocr page 384-
.
2jS                        C OURS
ainii, qu'on nous permette donc la continuité de
nos observations , puifqu'elles n'ont pour but que
de faire parvenir nos Elevés à là plus grande
perfection. Que l'amour propre de quelques Ar-
tifices de nos jours , qui affichent l'urbanité, ne
nous taxe pas d'audace à cet égard : tout auiïi
bons Citoyens qu'eux, nous aimons à applaudir
aux vraies beautés ; c'eit toujours avec une forte
de regret que nous nous trouvons forcés de
relever les erreurs répandues dans les ouvrages
de nos jours. Nous avons exalté avec plaiiir les
talens des grands hommes que la France a vu
naître ; nous ne ceiTerons point d'applaudir aux
chefs-d'œuvre ; mais nous continuerons auffi nos
óbfervations , parce que notre devoir nous impofe
de terraffer le mauvais goût.
Comment en effet paffer fous filence, dans la
figure Β, dont nous parlons, la grande arcade feinte
en tour creufe qui s'y remarque? s'accorde-t-elle
avec la petitefle des pieds-droits ? Que fignifîe la
porte bombée & le chambranle qui l'entoure ? Enfin
la Sculpture, d'un beaucoup trop petit Volume,
noyée dans l'efpace qui la contient, & qui, com-
parée avec la partie liffe affectée au-deiTus de l'ar-
chivolte, ne montre qu'une compoiition indécife >
incorrecte , indéterminée, qu'on ne peut raifon-
nablement imiter?
Pourquoi rapporter un tel exemple, dira-t-on ?
Parce que les ouvrages imparfaits, mais annoncés
pour tels fans aucune partialité , font autant de
leçons qui peuvent amener dans la fuite à en
faire fentir l'abus , & qu'il eil peut-être auiîi utile
dans un ouvrage tel.que celui-ci, de difcuter le
mauvais effet que peuvent produire les défauts
ides ouvrages médiocres, que d'y rapporter les
-ocr page 385-
D 'A RCHIT E 'C TÜRE.             %*φ
exemples les plus célèbres» Bien-loin donc de
craindre qu'on s'offenfe de nos remarques ; nous
nous flattons que les bons efprits nous four ont quel-
que gré de notre courage à repouffer, quoique
toujours avec ménagement, la morgue du plits
grand nombre de ceux qui fe croient des oracles*
& qui regardent comme un outrage qu'on ôfô
les initruire.
                                                       c
■'':■' ''■'.-                                                                          .,,:'—,, I ■ .„/. . .                                                                                                                 · f'
% ·
'De LA DECORATION QUE LES ORDRES
Pilastres peuvent procurer. I
A nos Bâtiments.
En traitant des pilaitres ( k ) dans nos défini-
tions du premier volume , page 289 » nous n'a-
vions pour objet que d'indiquer leur différence
d'avec les colonnes , d'établir leur forme, leur
faillie fur le nu des murs, Sec. Notre deffein ici
eft de traiter de leur application dans l'ordon-
nance de nos bâtiments, & de citer divers exem-
ples où ils fe trouvent employés avec plus ou
moins de fuccès.
Les Archite&es modernes ont fait un bien plus
fréquent ufage des pilaftres (/) que les Anciens :
(k) Pitaßre, de l'Italien Pilaflro, colonne quarrée.
( / ) En général on appelle pilaftre dans rArchite&ure,. tout
corps quarré à une ou plufieurs faces, qui, dans les dehors,
foutienc quelque fardeau, tels que les pieds-droits placés entre
deux arcades ; &c dans les dedans Λ tout corps faillant fervent
à la décoration des appartements. Ici nous avons feulement en,
vue les pîlaftres des ordres d'Architefture qui ne différent des
colonnes que par leur forme quadrangulaire, Se qui. ayant le
même diamètre.& la même proportion, ont aufli les^mêmes bafes,
* les mêmes chapiteaux, & font couronnés des mêmes entable-
ments. -
                *
0!n donne néanmoins à ces pikitres différents noms, félon
Siv
-ocr page 386-
ftSo                       Cours
la plupart les ont même préférés aux colonnes,
tandis que d'autres les condamnent abfolument
clans la décoration des dehors, & ne les mettent
en œuvre que dans l'intérieur des appartements.
Kous fommes d'avis de lis employer par-tout où
us feront bien , & où, par leur préfence, ils
pourront apporter delà variété . & un repos rai-
îbnnable dans l'étendue des façades d'une certaine
importance. 11 eil certain, du moins nous lepen-
ibns ainiî, que les pilailres s'allient très-bien avec
les colonnes, & contribuent à rendre l'ordonnance
d'un édifice plus complette. Nous favons que cette
opinion fera combattue par les amateurs des co-
lonnes ; mais , comme nous l'avons remarqué ail-
leurs , le vrai moyen de porter la richeiTe à fon
comble dans un bâtiment, c'eil de réunir & les
pilailres & les colonnes enfemble , comme Ta fait
Perrault dans fon admirable périilyle du Louvre;
moyen préférable, à beaucoup d'égards ? aux co-
lonnes engagées qui fe voient au porche du por-
tail de l'Eglife de Siint-Sulpice : pénétration qui
préfente toujours un ouvrage imparfait, & que la
M 'il lia' 'W ' f^*-*-*iw * "i ■" '■ "f—■■' ι^ιμί" |i . .f LiimmanJ '"-'^.....ι» M'" ' '» ' 'iip. 11 ρ»—«-■—mmmamami——m
ÏH place qu'ils occupent dans la décoration des bâtiments : par
exemple, on appelle vilajlre angulaire , celui qui termine l'angle
d'un bâtiment : ρΐ',φ^ doublé, celui formé de deux pilailres
entiers , qui fe joignent à angle droit Λ comme dans l'intérieur
du veftib.ule iu Château de Clagny , ou dans Texte· içur des
aîles du Château de Trianon , ou plies à pngleç obtus, comme
ceux placés derriere les colonnes Λu dedans du dôme des Inva-
lides ; pihifije êbrhféi celui qui eft au/fi plié à angles obtus,
pour fatisfaiïïe au pan coupé qu'on place ordinairement dans les
quatre principaux piliers d'un Eglife, & qui foutiennenr, ut»
dône : o/fîn on donne aux pilaÎtres le nom de pilafins enga-
gés t-cartndh, cintrés , grêles x liés
, fl -nques , &c, lorfqu'ii
î'agtc d'indiquer Jeiü forme, leur iïmpjficùé, leur richcfTe , Îa
ïégulariré ni, l'irrégularité qu'ils arrinçnt dans l'ArchiteÎlurÇa
foit p*r inadvertance ou autieraenc.
\
-ocr page 387-
d'Architecture.          28%
bonne Architecture tolère à peine , malgré le fré-
quent ufage qu'en font depuis plufieurs iiecles, les
Architectes d'Italie & ies nôtres.
Nous penfons de même dé celles qui font en-
gagées dans des pilaftres , comme on le remarque
clans les quatre Chapelles du dôme des invalides ;
cette double pénétration étant plutôt un abus
qu'une licence , ainiï que nous l'avons fait obier-
ver dans le deuxième Chapitre de ce volume.
Quelques Architectes qui 'penfent comme nous à
cet égard, préfèrent d'iibler les colonnes , en ne
faifant toucher que les bafes & les chapiteaux fur
le nu du mur de face, & fuppriment tout-à-fait
les pilailres de derriere. Point de doute que cela
ne fe puifle faire ainii; nous croyons cependant
que les pilaftres qu'ils fuppriment, non-feulement
ajoutent à la beauté de la décoration, mais qu'ils
amènent la colonne avec plus d'avantage, puif-
qu'autrement elle paroît n'avoir été introduite
qu'après - coup dans l'ordonnance, pour foutenir
la faillie de l'entablement ; au lieu que le pilaitre
placé derriere pour orner le nu du mur, femble
appeler à lui la néceffité des colonnes, afin qu'elles
décorent à leur tour les avant-corps qui doivent faire
valoir les principales parties devinées à divifer les
façades, & à leur procurer du mouvement. ·
Lorfqu'on fait ufage des pilaftres fur le nu des
murs, & qu'ils ne préfentent qu'une de leurs faces,
leur faillie doit n'avoir que la iixieme partie de
leur diamètre ; mais ii les membres horifontaiix,
placés entr'eux , tels que hs impolies, les archi-
voltes s& les plinthes , exigent une plus grande
épaifleur, il faut donner plus de faillie à ces pi-
laftres; car il faut obferver que ceux-ci, en
qualité de corps contenants 7 doivent avÄ plus
-ocr page 388-
l8i                       C O V R 5
.dé relief, que les corps contenus. îl ne fuffit
■donc pas que les faillies des impoftes arrafent le
devant des pilaftres, comme on le remarque dans
les façades de la cour du Vieux-Louvre j car rien
n'eft ii contraire aux règles de la bonne Archi-
tecture , que de ne pas détacher chaque membre
les uns des autres ; parce que les membres non déta-
chés, n'offrant plus qu'une feule & même furface,
amolifTent l'ordonnance, & lui ôtent fon nerf, s'il
nous eil permis de nous exprimer ainii. Il eft
vrai que c'eft encore pis, quand ces membres
horifontaux, plus faillants que les pilaftres, les
défafleurent, comme on l'a pratiqué dans l'ordre
Dorique du portail de Saint-Gervais. Il feroit en-
core plus condamnable , d'imiter ce qu'on remar-
que au Palais des Tuileries du côté du jardin;
on y a fait les pilaftres fi méplats, & les impoftes fi
faillants, que ceux-ci non-feulement lestraverfent
prefqu'en-entier, mais en divifent la tige à-peu-près
en deux également, ce qui produit le plus mauvais
eilet.
          " «
Lorfqu'on ne place aucuns corps horifontaux
entre les pilaftres, on peut réduire la faillie de
ces derniers au huitième de leur diamètre, comme
à la Fontaine des Saints-Innocents : au contraire,
lorfqu'ils fe trouvent réunis avec des colonnes, ou
qu'on a deffein de leur faire faire des refîauts pour
déterminer les angles d'un avant-corps, on peut
leur donner le quart de leur diamètre, 8ç même
jufqu'à la moitié, en le pliant à angles droits,
- ainii que nous l'avons rapporté au commence-
ment de ce volume _, Chapitre II, page 2 5 · JDans ce
Chapitre, en parlant des licences , nous avons
défapprouvé les pilaftres qui ne fe montrent que
dansrla/fixienie partie de leur diamètre , malgré
*
-ocr page 389-
d'Architecture.          φ
fufage qu'en a fait Perrault au périilyle du Lou-
vre; & Ton doit leur préférer les pilailres plies ,
comme moins licencieux.
Pluiieurs Architectes qui défapprouvent l'emploi
des pilailres dans la décoration des édifices, con-
damnent abfolument ceux qu'on fait diminuer
comme les colonnes , ainfi que François d'Orbay
Fa fait au portail de l'Eglife des Quatre-Nations.
Il s'y eil fans doute cru autorifé par plufieurg
exemples antiques, tels que les pilailres adoiTés
fur le nu du mur, derriere les colonnes de l'Arc
de Septime-Sévère; ceux qu'on voit à l'Arc de
Triomphe de Conilantin, & au Temple appelé
par Vitruve , le Temple de Mars le Vengeur.
Philander & Scammozzi font aufîi de cet avis;
mais malgré ces autorités , contredites par d'autres
exemples non moins célèbres, comme dans l'ex-
térieur & l'intérieur de la Rotonde, aü Colifée
& ailleurs, où les pilailres font paralleles, nous
croyons devoir confeiller cette dernière pratique.
Ceux qui préconifent les pilailres diminués
prétendent, qu'étant l'image des murs qui chez
les Anciens diminuoient infenfiblement de leur
bafe à leur fommet ; il étoit naturel alors de leur
faire indiquer cette diminution : que d'ailleurs les
pilailres fervant de colonnes dans les édifices ,
doivent en retenir la diminution ; que les colonnes
ont d'abord été diminuées à l'imitation des arbres
qu'elles repréfentoient dans les premiers monu- .
ments; qu'enfin un pilailre diminué, n'eil autre
chofe que la repréfentation d'un arbre qui, de
rond qu'il étoit , fe trouve équarri par l'art:
d'où il s'enfuit, difent-ils, que toutes ces mé-
thodes font également bonnes à fuivre, & que
ceft à la prudence de FArchitefte à les employer
:
-ocr page 390-
z$4                       Cours
avec plus ou moins de circonfpeâion. Faifons
quelques remarques à ce fujet. i° Les murs de
refends s'élèvent chez nous toujours paralleles,
& les murs de face feulement en retraite dans le
dehors ; conféquemment ce genre de conilruclion
ne peut autorifer les pilailres diminués dans la
décoration de nos façades. Les pilailres doi-
vent 'd'autant moins reffembler aux colonnes,
qu'étant prefque toujours engagés des cinq iixiè-
mes de leur diamètre dansTépaùTeur du mur, ou
n'ayant jamais que deux faces, lorfqu'ils fe trou-
vent placés dans les angles faillants des avant-
corps , ou à l'extrémité âes façades, il convient
qu'ils confervent la même largeur pour déiigner
le parfait aplomb qu'on doit obferver dans les
murs ·, il doivent aufli avoir leurs côtés paralleles
pour figurer avec les pieds-droits des ouvertures,
ordinairement placées entre ces entre-pilaftres. 3 ° II
fe peut que d'abord les Anciens aient imité la dimi-
nution des arbres , lorfque ceux - ci avoient peu
de groiTeur ; mais parvenus à en faire des colonnes,
enfuite des pilailres, ils ont fans doute équarri
ces derniers dans des troncs d'arbre qui avoient
plus de diamètre, & ont commencé par leur
moindre groiTeur, pour les continuer paralleles
jufqu'à leur bafe, ainfi que nous l'obfervons tous les
jours dans nos bâtiments conftruits en charpente.
Nous infiilons donc pour que les pilailres foient
d'un diamètre égal dans toute leur hauteur, l'obli-
quité que préfenteroient leurs côtés oppofés , ne
pouvant convenir que dans les ouvrages militaires
.où les taluts peuvent être employés, ainfi que nous
l'avons déjà remarqué ailleurs : au-lieu que, dans
ÏÀrchite&ure civile, tous les corps élevés à plomb
JE dans un parfait niveau, font reconnus d'uiaç
néceiîité iridifpenfable.
-ocr page 391-
d'Architecture. iSf
Cependant lorfque les pilaiïres font précifément
placés derriere les colonnes, & à peu de diitancé*
on peut les diminuer comme ces dernières, afin
d'éviter que leurs chapiteaux ne faillent plus que
ceux des colonnes ; encore, en pareil cas, pré-
férerions nous qu'on altérât un peu la largeur de
ces chapiteaux, & qu'on fît leur retour moins fail-
lant que fur le devant, dans la vue d'effacer le
défagrément que produit à l'œiiil cette inégalité
de faillie dans les parties fiipérieures des ordres
colonnes ou pilâftres, réunis enfemble dans une
même décoration.
Nous fournies encore d'avis, quand les pilaftres
. préfident feüls dans une façade , qu'on doit donner
un peu moins de deux modules à leur diamètre *
par la raifon qu'un pilaftre d'un diamètre égal à une
colonne , paroît toujours plus large; car on n'ap*
perçoit jamais, par le rayon vifuel, le véritable
diamètre de la colonne ; ce qui fait que celle-ci
femble toujours plus Îveke, quoique d'un diamè-
tre parfaitement égal au pilaitre.ρ "
             ïjt-'
Lorfqu'on diminue les pilaftres , cette diminu-
tion né doit jamais regarder que leurs côtés ou
retours ; elle n'a pas lien pour la face de devant*
parce qu'il convient que celle-ci foit abfolument
parallele au mur de face, qui étant toujours à,
plomb , ne pourroit permettre cette diminution;
c'eit pourquoi au portail de l'Egliiè des Quatre-
Nations, cité plus haut, les pilaftres angulaire^
qui diminuent fur toutes les faces, déplaifent gé-
néralement à tous les ConnoifTeurs.
Nous finirons ces observations fur les pilaftres^
par recommander à nos Elevés, d'étudier de nou-
veau ce que nous avons eu occafion de dire à cet
ijjard, lorfque dans le fecoad volume, page j><^
-ocr page 392-
286                       CO URS
nous avons parlé des colonnes & des pilailres
réunis enfemble dans l'ordre Dorique ; cette regle
doit fe rapporter aux autres ordres en général.
Des Péristyles et des Colonnades.
Les Anciens ont regardé les périilyles ( m ) &
les colonnades , comme la décoration la plus ca-
pable d'annoncer la dignité qu'ils vouloient faire
préiider , tant dans l'extérieur que dans l'intérieur
jde leurs Temples : auffi remarque-t-on, dans tous
les monuments de cette efpèce, des files de co-
lonnes entremêlées de pilailres, que pour cela ils
appeloient des portiques ou des périilyles. Les
Modernes ont donné depuis à ce genre de déco-
ration , le nom de colonnade, & dans la fuite ils ont
employé ces colonnades aux Bafiliques , dans les
Palais des Empereurs, aux Théâtres , aux Mar-
chés , &c; , ' :
Ce font ces périilyles ou colonnades diverfe-
«nent combinés, ain.fi que nous l'avons déjà remar-
qué ailleurs, qui ont fait appeler par Vitruve >
dans le premier Chapitre de fon quatrième livre ,
les Temples des anciens, Temples à unies, proßyles,
arnphiprofiyUS) péripteres , diptères , pf&udodipteres &
hipethres. s , ■
v«^
           -.r.^t^u. m-j
Les premiers, appelés Temples à antes, dit-il,
n'étoient comppfés fur la· face de devant, que
d'un porche orné de deux colonnes & de deux
pilafcres angulaires , couronnés d'un fronton,
ainfi que tous les frontifpices des autres Temples
qui vont fui vre*
Les féconds, appelésproßyles, fbrmoient auifi
" ( m ) Périftyle compofé de -deux mots Giccs j perit au tout»
-ocr page 393-
ν
d'Architecture. 2S7
im porche extérieur, comme le précédent ; mais
ils étoient compofés de quatre colonnes de front,
dont celles des extrémités étoient adoffées, chacu-
ne fur un pilaftre placé derrière.
Les îroiliemes, nommés amphiproßyüs, étoient
femblables aux proityles , avec cette différence,
que le porche extérieur fe répétoit à la face de
derriere du Temple , comme fur le devant.
Les quatrièmes , défignés fous le nom de périp-
teres
, étoient environnés d'une file de colonnes ,
dont fix par devant , fix par derriere , & ' onze
fur les flancs, y compris celles des angles.
Les cinquièmes, connus fous le nom de diptères,
étoient entourés d'une double file de colonnes ,
dont le premier rang en avoit huit fur fes faces,
& quinze diitrihuées fur fa longueur ; & le fccond
rang, feulement fix de face, & treize fur les re-
tours : de maniere que la largeur du Temple n'oc-
cupoit que quatre entrecolonnements.
Les fixiemes , appelés pfeudodipteres , étoient
femblables aux diptères, à l'exception qu'ils nik-?
voient point de double rang de colonnes ; mais
que celles qui les entouroient, égaloient en même
nombre celles de la file extérieure du précédent ; en
forte que le périilyle qui l'énvironnoit étoit beau-
coup plus confidérabie, la largeur du Temple ,
hors œuvre, n'occupant auffi que quatre colon-
nes , des huit diftribuées dans le frontifpice.
Les feptiemes enfin , nommées hipethres\ oit
Temples découverts,' étoient comme les diptères |
entourés de deux files de colonnes , & une en
dedans; il y en avoit dix en dehors dans chaque
face, & dix-neuf darts les retours, y compris
celles d'angle, pendant que le fécond rang navoit
que huit colonnes fur les faces , & dix-fepî dans
-ocr page 394-
. « a88                       G ours
les flancs, & qu'enfin la file intérieure étoit feu-
lement compofée de fix colonnes fur chaque face,
& de treize fur la longueur.
_ Ces différents procédés, rapportés d'après l'an-
tique, nous font connoître combien les Anciens
apportoient d'attention à varier leurs productions
dans les édifices,de même genre ; ils doivent nous
apprendre quil eil effenciel de nous répéter moins
dans nos comportions : d'où il réfulteroit plus
pofitivement un caradere diftin.aif, non feulement
dans nos monuments ίacres , qui, quoiqu'élevés
pour la même fin , η en font pas moins fufcepti-
bies de variété, mais encore dans tous les autres
édifices de genre différent, & même dans ceux
de même genre , qui chacun en particulier doivent
s'annoncer diverfemenr.
Il eil vrai que la variété de culte qui régnoit
dans le Paganifme a beaucoup prêté aux Anciens
pour la forme de leurs Temples, Chez,nous, au
contraire, notre religion qui n'a pour but qua
l'adoration du vrai Dieu, nous refferre , en quel-
que forte, dans les lois de l'unité ; cependant il
n'en eft pas moins vrai que, relativement à fin-
vocation des Saints, à qui la plupart de nosEglifes
font'confacrées , ces différentes invocations fem-
blent nous fournir une ordonnance, un ftyle qui,
fans fortir du genre grave, nous permet d'ufer
d'une difpofiîion plus ou moins intéreifante, félon
que ces monuments fe trouvent élevés pour γ
adorer l'Eternel , ou y demander l'interceflion de
la Vierge, des Martyrs, des Apôtres. Conçus fous
ces différents points de vue, ces édifices permet-
tent à l'Architecte d'apporter dans ce genre de com-,
pofition , une certaine diveriité auiîî néceffaire
que laifonnable à ohferver, ainfi que nous avons
eflayé
-ocr page 395-
»'Architecture;          %%$
'tuayé nous-mêmes de l'enfeigner, dans le Chapitre
Vil ί du premier volume de ce Cours, page 3 la
& fuivantes.
                                               .          ,
N,ous venons de dire, que les Temples n'é-
toienr pas les feuls édifices où les Modernes avoient
employé avec fuccès les périityles & les colon-
nades : celle de la Place cie Saint-Pierre à Rome*
par exemple > cömpofée de deux cent quatre-vingt
quatre colonnes d'ordre Dorique , de quatre pieds
& demi de diamètre (λ), eftun exemple célèbre»
qui tient le premier rang entre tout ce qui s'eiï
élevé depuis en*ce genre : du moins en France*
n'avoris-nous rien à oppofer à cette fuperbe entre-
priie ; car la colonnade de l'Hôtel de Soubife à
Paris , peut à peine être comptée pour quelque
chofe : elle eu d'ailleurs d'une ordonnance allez
négligée, & d'une inutilité reconnue (0), Nos Pla-
ces publiques, qui devroient en être entourées ,
n'en ont point. La feule Place Royale, à Paris -
eil enceinte de portiques, mais d\ine proportion
fi racourcié qu'ils ont de quoi rebuter. Cepen-
dant il eil eiTenciel que les monuments de magni-
ficence , s'annoncent avec beaucoup de dignité.
Nous manquons de Places au-devant de nos Eglîies ;
ces Places devroient, de préférence , être décorées
de colonnades, qui en conduifant à couvert les
fidèles dans nos Temples, procureraient des tgrraf*
·:.-·,.;·, : ' ■-------£pt!i--------1------------Γ-------' ' '-----------'-------------------Τ
„. : (η) Cette colonnade eft appelée colonnade polyptile, du
Grec polyptilos, qui a beaucoup de colonnes.
(o) Nous citerons cependant ici celle dont l'un des bofquets
des jardins de Verfailles a pris le nom, elle eft de forme cir-
culaire, & coihpoite de trente-deux colonnes d'ordre lonjque* "
de marbre/d'un iéul morceau. Nous prenons occaiîon de la
citer ici, parce qu'elle offre aux Sprit* teurs une ordonnancé
d'un deilln charmant s digne des ouvrages célèbres qui fe font
élevés fous le regne de Louis le Grand.
*-Tome III; *■■■■..'■<                    J **-'*&
ί '■                                                                     , .■ ' ' . ';' ■·                                                      .. '■ : ■ ■ " ■' ·'■·.'.' - ·" ■ ' ;·_ '.■/'
-ocr page 396-
aço                   Cours
fes aux habitations des étages fupérieurs; de ces*
terraifes on jouiroit dufpe&acle pompeux que four-
niiTent les cérémonies religieufes qui fe font publi-
quement certains jours de Tannée ; de maniere que,
félon nous , ces colonnades feroient réfervées pour
le genre de monument dont nous parlons, & les
portiques pour les Marchés, les Halles & les autres
bâtiments d'utilité érigés dans la Capitale.
Nous Tommes plus heureux à l'égard des péris-
tyles ; celui du Vieux-Louvre du côté de Saint-
Germain- l'Auxerrois , fuffiroit feul pour montrer
ce que peur le génie de nos Architectes , lorf-
qu'on leur fournit des occafions de déployer la
Îupériorité de leurs talents. Ceux de la Place de
Louis XV, font une féconde preuve de ce que
nous avançons, On en peut encore compter plu-
iieurs , quoique moins confidérables, parce que
la convenance l'exigeoit ainfi ; & qui tous pro-
duifentle meilleur effet. Nous citerons "feulement
celui de l'Hôtel de Thiers, Place de Vendôme ;
& celui de l'Hôtel de Noailîes, rue Saint-Honoré;
citations qui nous parohTent fufRfantes pour por-
ter nos élevés, lorfqu'ils en feront à la compofi-
tion , à tenter les moyens de faire entrer plus
qu'on ne l'a fait jufqu'ici les colonnades & les périt·
tyles dans les entreprifes de diftinâion qui leur
feront confiées un jour. Ces objets de magnifi-
cence pour les Chrés^ & d'utilité pour les belles
tnaifons d'habitation » ont peut-être été trop né-
gligés parmi nous. '
Finirions cet article p^r rapporter, qu'afîez com-
munément les périftyles qui font ouverts de part
& d'autre , font nommés par nos ArchitecÎei $
faériityles en colonnades, comme celui du Château
3§£ Trianon, d'ordre Ionique, par Har4ouùij que
-ocr page 397-
d'Architecture.           291
ceux entre les colonnes ou les pilaflres defquels
font contenues des arcades, s'appellent périiry-
les en portique : tel eu. à-peu-près celui de
l'Abbaye de Sainte-Geneviève d'ordre Dorique ,
du deiîin du Père de Creil, qui a aulîl bâti le
joli portail de la Culture Sainte-Catherine , dont
on trouve le deiîin dans l'Architecture Françoife«.
Enfin terthinons ce Chapitre par dire quelque choie
des difFérences qui résultent entre les mefures de*
corps qui fe trouvent élevés les uns au - deffu«
des autres, par le plus ou le moins de rapport qu'on
leur a donné avec l'édifice , foit pour fatisfaire à
l'effet de foptique , foit relativement au point de
diitance, d'où, ces mêmes corps doivent être ap-
perçus.
                              2:
Des changements souvent néces^
s ai res a apporter π an s les mesv^
res oes corps qui se trouvent éle-
vés les uns au-dessus oes autres,
Plan c h ε L I. j f
Ce n'eit pas affez de fuivre littéralement les
mefures des différents corps d'Architecture que
nous avons enfeignées dans ce Chapitre & dans
ceux des volumes précédents. Avant que de fixer
déterminément les hauteurs des membres deitinés
à être élevés les ims au-deifus des autres , ceux-ci
en retraite, ceux-là en faillie,. quelquefois en pprte-v
:à-faux, il faut d'abord déterminer le point de diitan-
ce convenable » d'où doivent être apperçues , &
la maffe entière & les parties principales ; enfin
Jes détails -&les ornements qui compofent l'ordon-
nance de l'édifice.
. Ce point de diitance néanmoins doit varier à
-                ' -                                                              HT ".                    1
Tij
-ocr page 398-
%$i                       Cours * «'t
raiibn de la forme du monument ; c'eil-à-dire J.
que quand, par exemple, il a autam de hauteur que
de largeur , comme à la porte Saint-Denis , ori
prend ordinairement l'une de ces quatre dirnenfions
dont on fait la baie d'un triangle équilatéral, pour
du.'ibtnmet de ce triangle, établir la diftance '.<·,'
d'où doivent fe contempler les parties de l'édifice.
Si au contraire il a beaucoup plus de hauteur que
de largeur , tel que le portail de l'Eglife de Saint-
Gervais, ou enfin beaucoup plus d'étendue que
d'élévation , comme nous l'offre la façade du pé-
riftyle du Louvre,; pour trouver le point de diftance
raiibnnable, d'où devront être apperçus ces deux
genres de bâtiments', Γ Architecte devra prendre
la moitié de la fournie de la bafe de chacun de
ces édifices, puis la moitié de leur hauteur, chacun
en particulier; & de ces deux produits , il formera
lin triangle ifocèle , au fommet duquel il fixera le
point de diftance demandé. Cette réglé, enfoiïr-
niifant à rArchitecfe toutes les altérations que pré-
fenteront les hauteurs apparentes^ comparées avec
les hauteurs réelles, fatisfera en même temps i'œuil
de Iex^tninateur éclairé.
               , v \
Suppbibns donc que la ligne Â, Β, foit la'diftari*·
èè déterminée : du point Β on. élèvera une ver^
ticale ■ Β V C ; & du point dé ;yiie C , diftant de
Β α en vif on cinq pieds & demi ψρϊ\ tirera autant
d'obliques D, Ε, F, G, H, i^ra^ri$ft$ à con-
ïioître la différence de hauteur que devra avoir
chaque membre, fort par rapport à f optique, foit
relativement aux grandeurs géométrales.
          &3
Il eft ians doute aifé de concevoir, par^ ce
procédé, que la baluftrade E ayant* par exemple*
trois pieds & demi de réalité diî point a au point
W'i &"' le rayon vifuel C > D, prolongé jufqu'eii
-ocr page 399-
d'Architecture.           293
£, en ayant altéré fix pouces, il ne parokra plus
de cette balufkade , que trois pieds ; donc la hau-
teur réede devra être de trois pieds & demi, & la
hauteur apparente de trois pieds feulement. 11 eifc
eiîenciel d'avoir égard à cette dernière dimeniion,
iî Ton veut conferver à cette baluftrade le rapport
qu'elle doit avoir avec Fenîablement, & celui-ci
avec Tordre, ainii que nous l'avons expliqué pré-'
cédemment. On en fera de même pour les rayons
vifueîs CE, C F, C H , qui donneront occafion
.d'exiger que tous les corps portés en retraite aient
plus de hauteur que n'en demandent les règles de
l'Art, employées dans les façades ou dans les
pièces intérieures du liatiment ; parce que ces
pièces , pour la plupart, font rapprochées de l'œiiil
du Spedateur. Les mêmes raifons dont nous
venons de donner l'idée, doivent prouver qu'il
fera^auffi. néceiTaire de faire le pilailre Ionique Ij,
auiîi élevé que Teil la colonne Dorique Κ, a-u-
lieu de le réduire aux quinze feifiemes., aini*
que nous l'avons enfeigné dans le deuxième vo*
lume de ce Cours , page 169 : principe éiémerv-
taire qu'il eil très-bon de fiiivre , mais dans^le
cas feulement où les ordres ie trouvent élevés
à plomb les uns des autres, & non en retraite 9
comme nous venons de le iùppofer dans la plan^
che dont nous parlons, & tel que cela fe ree*
contre dans la plupart de nos édifices célèbres.:
Ce même moyen doit avoir lieu pour l'étage
attique qui devra acquérir plus de hauteur que
la moitié de l'ordre Ionique I, tel que nous l'ayon^
enfeigné précédemment % mais qui > dans le cas.
où il fe trouve placé , exige une augmentation
de hauteur , en faveur du racourciiTement que^lui
.donne indifpenfableraent le rayon vifuel G, C, &c,
S ■'*■>■' "'■'■■■                                                                                                     · " '.-■■■ '■■'■■'■                                                            ■ -i '
-ocr page 400-
i$4                      Cours
Au feile, il ne faut pas toujours fui vre à là
rigueur, les règles que nous venons de rapporter :
nous n'en avons parlé que pour faire fentir à
nos Elevés, combien il leur importe de joindre
^expérience à la théorie , afin de parvenir, comme
le recommande Vitr.uve, à concevoir ce que l'Ar-
chitecte doit augmenter ou diminuer dans la pro-
portion des membres de fa façade, après les avoir
établis d'abord, fuivant les règles les plus approu-
vées. Par ce fecours il faura donner à fes
productions la véritable hauteur que la différent
ce des lieux, de l'ufage ou de l'apparence pour-
toit altérer ; connoiiTance qui peut feule mettre
un Architecte au - déifus d'un autre Architecte ;
puifque dans toutes les occaiions" qu'on a de bâtir,
les plus petits corps s'apperçoivent diverfement,
fuivant qu'ils font près de nous , qu'ils en font
plus* éloignés, ou portés à une grande hauüiir ;
enfin qu'ils font renfermés, à découvert, &c.
Cette coniidération dok donc faire fentir, que la
théorie feule eil infuffifante : elle guide bien l'Elè-
ve à la vérité lors de {qs études; mais il arrive
prefque toujours, que le premier pas qu'il fait
dans la pratique, fans l'expérience , lui fait éprou-
ver combien il y a de diitance entre les règles de
l'Art & l'application de ces mêmes règles clans
la diveriité des occaiions qu'an a d'élever des
édifiées de même genre ou de genres différents.
fious ferons prendre garde ici, que, par la
pratique, nous n'entendons pas feulement celle qui
a pour objet l'Art de bâtir proprement dit, mais
les connoiiîances indifpenfables à acquérir, pour
Juger fainement au pied de nos édifices , des
moyens dont fe font fervis leurs Architectes,
pour concilier avec goût les préceptes & les ref-
-ocr page 401-
Ι) ' A R C HI Τ Ε C TUR I>               l$f
faurces; enfin les hauteurs réelles & les hauteurs
apparentes dont on doit ufer, lorfqu'il s'agit de pailér
du projet d'un bâtiment à ion entière exécution.
Nous avons plus d'une fois fait part à nos Elè-
ves , dans nos Leçons fpéculatives , des moyens
dont nous nous étions fervis pour parvenir à cette
expérience prématurée, iorfqu'une lois nous avions
fenti la néceiîité de paffer d© l'étude du cabinet
au travail de l'atelier : nous allons le répéter ici
en faveur de ceux qui voudront accélérer leurs
connoiffances à cet égard.
Suppofons , par exemple, qu'un jeune Archi-
tecte veuille fe rendre compte & de la hauteui
réelle & de la hauteur apparente des principales
parties répandues dans l'une des façades de nos
bâtiments célèbres, & particulièrement des maffes
d'un entablement, enfuite des profils de fa cor-
miche & de fon architrave j il doit d'abord , d'après
le point de diftance une fois déterminé félon ce
que nous venons d'enfeigner, deiîiner à vue &
par approximation, ces mêmes maffes & ces mêmes
détails ( nous lui fuppofons de l'habitude ) en
obfervant les rapports qu'il remarque entre chaque
membre principal, & entre chaque moulure qui
en compofe les détails; puis fe repofer la vue,
y revenir enfuite, afin de rectifier toutes les er-
reurs qu'il auroit pu commettre dans ion premier
effai. Pour y parvenir même avec plus de fuc^
ces, Ü eil bon qu'il quitte fon point de diilance,
pour fe rapprocher davantage de fon objet ; qu'il.,
s'en rapproche encore pour appercevoir le plus
géométralement poffible, la faillie des fofites, des
larmiers, pour confidérer après cela les mêmes
profils fur l'angle : il doit enfin retourner à fon
point de diilance , pour que, plein de fes remaç·
1 1Y
/
-ocr page 402-
"2,96                       C σ υ R s
ques, il faififfe avec plus de fureté le fkyle, le
. caractère & la maniere de profiler de l'Archite&e
qui a donné le defiin du monument qu'il con-
temple.
                               * .
Après cette étude, il convient qu'il fe mette à
portée , en fuppofant le lieu acceffible, de mefurer
exactement l'entablement qu'il vient de deiïiner,
pour en cotter avec netteté toutes les mefures,
puis les rapporter fur une échelle de grandeur
jfuiftfame ; ces opérations faîtes , il reviendra fur
îe lieu & au même point de diitance , il examinera
de nouveau, & le profil géométral, & les altéra-
tions qu'auront produites néceifairement l'effet de
l'optique. Après cet examen réfléchi, il fe dira:
Le profil qui fe trouve dans tel édifice, & dont
tel grand Maître a été l'Architecte , étant vu, par
'exemple, à quarante - huit pieds de diitance, &
élevé de trente-deux pieds, nous a paru tel que
nous l'avons deffiné ; puis lorfque nous l'avons
comparé avec celui mefuré fur le lieu même,
nous avons reconnu telle différence.
: Avec cette étude, répétée dans les différents
genres d'édifices renommés & bâtis par autant
i3'hommes célèbres ; tels que ceux des Lefcot, âes
*Mahfard, des Perrault , &c. nous pourrons mar-
cher fûrement d'après l'expérience de ces grands
Maîtres, avoués de la Nation entière; & toutes
' Jes Fois que nous aurons à placer un entablement
pu un" couronnement, un attique ou une halu-
-ilradeV élevés les uns au-deiTus des autres , foit
à plomb, foit en retraite, il nous fera moins diffi-
cile de le faire avec fuccès. Nous aurons recours
alors à notre ^ortef-feuille : garni par des recher-
ches fans nombre, de toutes les différentes parties
il@ Γ Archite&ure , defîinées d'abord, mefurées
-ocr page 403-
Ό' A R CHI Τ Ε C Τ U R Ε.         2,97
enfuite dans nos Edifiées facrés, dans nos Places
piibliques , dans nos Palais, nos Hôtels, & fur-
îout dans nos Marions particulières ; il nous four-
nira des modèles des différents membres que nous
voudrons employer.
Comme dans ces minutes on aura pris foin
de cotter les points de diitance , l'élévation &
la différence remarquée entre les hauteurs réel- '
les & les hauteurs apparentes, il n'y a point de
doute qu'on ne parvienne à obferver, félon foc-
cafion, les mêmes altérations, les mêmes augmen-
tations , & qu'enfin on n'arrive à l'imitation des
chefs - d'œuvre des plus grands Maîtres , fur-
tout fia cet acquis on fait joindre le goût de
TArt qu'on aura obfervé dans les divers édifices
qu'on aura deffinés , levés & mefurés avec foin.
Nous le répétons, ce moyen qui nous a réufîî»
& que nous avons vu réunir à ceux qui depuis
trente années l'ont mis en ufage par notre con-
feil & fous nos veux, ,eft peur-être, nousofons
le dire, le feul qui puiiTe faire arriver Γ Lieve au
niveau des plus grands hommes. Cefl pour cette
raifon que nous nous faifons un devoir d'en don-
ner l'idée à ceux de nos Lecteurs qui' voudront
courir la même carrière \ cette connoiiTance étant
fans contredit l'une des plus intéreffantes'de'Γ Ar-
chitecture, pour ce qui regarde la décoration,
tant extérieure qu'intérieure de nos bâtiments^
3 v'
-ocr page 404-
*
apS                    Cour s
c CHAPITRE VI.
EXPÉRIENCE DE L'ART,
ou l'on examine d'une maniere
générale , la décoration des
Edifices de même genre et de
genre différent.
Après avoir, dans le Chapitre précédent,
traité en particulier de prefque toutes les différen-
tes parties qui concourent à la décoration des édi-
fices ; notre deflein eil d'examiner ici, fécondé de
différents exemples que nous allons rapporter, les
véritables beautés répandues dans le plus grand
nombre, ainfi que de faire remarquer les erreurs
qui fe font gliffées dans quelques-uns. Nous regar-
dons cet examen comme le feuî moyen de mettre
nos Elevés en état d'imiter à l'avenir les excel-
lentes productions de nos Maîtres, & de leur faire
éviter, s'il eil poffible, les médiocrités qui s'y
rencontrent : médiocrités que les. Elevés faiiiifent
toujours plus aifément, parce que la plupart tné-
connoiffent les préceptes fondamentaux de l'Art,
& plus fouvent encore , les branches qui y font
relatives.
Il ne faut pas s'attendre à trouver ici tous les
defiins des édifices dont nous nous propofons de
parler ; cette collection n'appartient guère qu'à un
tecœuil r.el que celui de TÀrchitedure Fran£oifes>
-ocr page 405-
d'Architecture.              19$
lm Cours d'Architecture demande plus de réferve.
D'ailleurs les planches (e multiplient malgré nous
dans cet ouvrage , & le format que nous avons
choiii pour la commodité de nos Elevés, nous
retient encore à cet égard. Nous renvoyons donc
nos Lecteurs à ce Recœuil précieux ; ils y trou-
veront la plupart des édifices dont il fera fait
mention dans ces Leçons ; ils iront enfuite exa-
miner chacun d'eux fur les lieux ; c'eiï. la feule
route qui puifTe les faire parvenir à démêler les
préceptes répandus dans ce Cours , & qui font
comme le réfultat des procédés employés p£ir les
plus grands Architectes, anciens & modernes. Com-
mençons par les monuments facrés, enfuite nous
parlerons aux édifices publics , & nous termi-
nerons nos remarques par les bâtiments d'habi^
tation.
                                         ,
.Entre tous les bâtiments d'utilité, les Eglifes,'
ainfi que nous lavons dit ailleurs , tiennent le
premier rang : entre celles-ci la Baiilique de Saint-
Pierre à Rome , avec la Place & la Colonnade
qui la précède, furpaffe toutes celles que la Chré-
tienté a élevées en Europe & ailleurs; Sainte-So-
phie à Conftantinople ; Saint-Paul à Londres ,
nos Métropoles en France , tous ces monuments,
dignes de la piété des grands Princes qui les ont
fait ériger, n'égalent ce fuperbe monument ni pour
la grandeur ni pour la magnificence : auffi cette fa-
brique enVelle l'ouvrage de plusieurs Pontifes, &
le chef- d'œuvre des plus habiles Artiites qu'ait
produits l'Italie. Le compte que nous avons rendu
précédemment de fon origine {p), nous difpenfe
(·/>·) Voyez, dans l'Introduft'on du premier volume de ce
Cours, les principales mefures que nous avons rapportées ^ p.?**
-ocr page 406-
1
300                      Cours
d'en entreprendre ici une nouvelle defcriptÎori *»
:qui, dépourvue de;> planches, ne préfenterok qu'im-
parfaitement à nos Elevés, ce qu'il leur eft impor-
tant d'en connoitre. Nous les renvoyons particuliè-
rement à ce que nous en a donné, en 1694, le
Chevalier Fontana, qui, dans un volume in-foja,
a joint à une narration claire & préciie , une
quantité fuffiiante de planches gravées avec le
plus grand foin. Nous en uierons de même pour
les Egiifes de Saint Paul à Londres , & de Sainte-
Sophie à Conftantinople : on trouvera de la pre-
miere , une ample description, faite par Guillaume
Dagdalle,& Chnitophe AYreen ; les planches ont
;été gravées par Grelot : le deuxième volume des
commentaires de Dom Banduri, nous fournit en*
•core plufieurs de ces planches. Nous renvoyons
auiîi, pour la Cathédrale de Paris , au recœuil
rque Tarade y Directeur des fortifications d'Alface,
nous a donné en 1659. ^ Ύ ^ut *e Para^e1lS If)
voyez auiti dans cette même Intro iuitio.t , pag. 97, ce <\i&
nous avons dit de Saine Paul de Lon lies: enfin voyez, pag. éi
& fuivantes , la defeription abrogée que nous avons donnée de
"Sainte Sophie.
t ( Q ) Voycx aujTi l" pualkle de la plis grande partie des Ten>
pl;s anciens & modernes, que M Le Roi nous a donné en 17Ä4,
'dans fon Hißjire de ία Uijpoßtiun des formes différentes que
Us k-hé'tiens ait données π le-ars Temples.
Peut et se auifi fera t on bien-aifede trouver dans cette note „
lé iimeniions:prinçipjl-s dei'Egliie de Saint Pierre de Rome ,
'de Notre-Dame , & de Strasbourg, rapportées par Tarade.
"' Lî longueur extérieure de celle;
de Sant Pierre, eft de. . . . . . iio toifes , 6 pieds, ο pouces.
r: Celle de Notre-D^me de . . . 68 . , . , 1 . . . 4 . . . «
O lie' de Strasbourg ,..·., . f4 . * . . f, . . . o . . .···
' Li largeur intérieure dans la
                  ί /, 5«ίΛ -
croifée ie l'Egt (e de Saint-Pierre,                     j ·.
eft de . . . .'".".. ."T .""V V'i "."'TT'VCTV'V · '.. O i . , Q.....
O lie de Notre Dame . . ·.. . ;. %i . . · · o . ■.... o . · . · °
î,C<;Ue 4c Strasbourg ... » , . %
14.,, . . 1,-.i ©...· κό»
-ocr page 407-
d'Architecture.           jài
de l'Eglife de Simt - Pierre , de Notre-Dame de
Paris, & de la Cathédrale de Strasbourg : monu-
ments qui ne femble-nt guère fuiceptibles de com-
paraifon, û ce n'ett pour Faire remarquer la fupé-
riorité de la premiere fur les deux autres ; ces
dernières, d'ailleurs, font d'un genre abfolument
Gothique, & celle du Vatican dans le goût An-
tique.
Nous ne rapporterons non plus aucun exemple
des Edifices Gothiques de cette dernière efpèce,
quoique plus d'une de nos Métropoles nous préfente
différents chefs-d'œuvre en ce genre, & que nous
foyons bien convaincus que cette compofitiön
annonce peut-être, plus que toute autre, ce cara-
ctère facré qu'on ne rencontre pas toujours dans
nos Eghfe.f modernes , qui, à l'exception du Val-
de-Grace & de la Sorbonne à Paris , tiennent j
en quelque forte, de trop près au faite de la de-
meure de nos riches Citoyens, ainfi que nous
l'avons déjà remarqué dans le deuxième volume
de ce Cours, page 317 & fuivarïtesv
La lit geur intérieure de la nef           - -■„.',
de Saint- Pierre , eft de .... ... i? toifes, 4pieds, ο pouces.
* «
Celle de Notre Dame . . . · · ^ · . .. 4". .". o.
• ' ■'·
.Celle de Strasbourg .;. ;iv; .;· 7 · · · . Ι ·η· · ο.
La hauteur d».s voûtes fous la 5             ?«?:
cht de ltgiife de Samt- pierre,.           j j ,
eil de....... . . ."'. V . .:. i4 . ... 0 . . Vo. . . .";
CeUe de Notre-Dame.....16 . . . . ο . . . f. · . · ·
Celle de Strasbourg ...... 16 .... χ ... 0. . .-Λ..',■
La hauteur jufques deflousla. -
boule qui efr fous h croix de Saiut-
Pieire, eft de . . .......*"f\ 6$. , . . f . . . ο , . . . .
Celle de la hauteur des tours
de Notre-Dame..........33 ... .0 ... ο ,, , ;%
Ctlie de Strasbourg jufqu'a la
croix. ......... , , ^ ... ι··; ... ι . . . 8. . , yA
/                                                                        :                                                                                                                                                               ■■■■■..
-ocr page 408-
ê
§o%                      Cours
A l'égard de nos Eglifes Paroiiîiales nouvelle-
ment bâties , telles que celles de Saint-Sulpice &
de Saint-Roch , les deux plus coniidérables de
cette Cité, comme les plans , les coupes , les
élévations & les defcriptions que nous en avons
faites fe trouvent dans l'Architecture Françoife , &
que d'ailleurs nous Tommes peu fatisfaits de leur dif-
poiition & de la plus grande partie de leur ordonnan-
ce ; nous nous contenterons d'en faire quelques re-
marques critiques. Nous fommes moins mécontents
de la petite Eglife ParouTiale de Saint-Louis-dans-
J'île, commencée par Le Veau, & continuée par
Gabriel Le Due , & qui, quoique dans un autre
genre , peut être mife en parallele avec TEglife
Conventuelle des Jacobins , faubourg Saint-Ger-
main, par Pierre Bullet, & avec celle des Petits-
pères de la Place des Victoires, commencée par
Le Muet, & finie par Cartaud.
Nous avons promis précédemment les deifins
d'une Eglife Paroiiïiale , d'une Métropole & d'une
Eglife Conventuelle de nptre compofition ; nous
les donnerons à la fin de ce volume, après avoir
fait quelques obfervations fur TEglife du Val de-
Grâce , l'un de nos plus célèbres édifices facrés,
'nous la comparerons avec celle des Invalides. Ces
deux Eglifes, quoique d'un ftyle différent, n'en
étant pas moins le juite fuj et de l'admiration des
Amateurs & de la belle Architecture.
"'■«                          '■■"■, .',■■■■ -.'..'■ \'..f\ ■■'. 4'1?-■'■·■ ■>"■,*" ...'·'■''-'                            fJTÎS"! ' ■■■' ". ' '■' '■■:'' *..'■""; t X\" *
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-ocr page 409-
d'Architecture.            30J
Description abrégée de l'Eglise
du Val-de-Grace.
Planche LI I.
L'Eglife du Val-de-Grâce ( s ) fut élevée fur les
defîins de François Manfard, qui, n'ayant pu
continuer ce monument , par les difgraces qu'é-
prouvent les grands hommes dans leurs plus
célèbres entreprifes , fit exécuter en petit au Châ-
i teau de Frefne, une Chapelle qui s'y voit encore
aujourd'hui ( l'j-, & qui eft préciiément l'image de ce
que devoit offrir le Val-de-Grâce , s'il eût été con-
tinué fous cet habile Archite&e. Le Val-de-Grâce
n'étoit élevé qu'à la hauteur de neuf pieds hors de
terre, quand le célèbre Manfard l'abandonna. La
Reine Anne d'Autriche en confia la continuation à
Jacques Le Mercier {#), qui, fur les deffins de
Manfard, l'éleva jufqu'à la hauteur du premier
entablement, où il reila jufqu'en 1654 ; la Reine
alors ordonna à Pierre Le Muet (>.) d'achever ce
fuperbe édifice, conjointement avec Gabriel Le
Duc {y ).
(s) Ce fut Louis Xï V , à l'âge de fept ans, qui en pofa la
premiere pierre, le premier Avril 1645·.. i ..·,;
(t) Nous avons gravé cette Chapelle dans k cinquiernf
volume de l'Archite&ure Françoife.
(a) Voyez ce que nous avons die de cet Architecte dans
J'introduótion du premier volume de ce Cours, page 101, note<£
{ χ ) Pierre Le Muet, né à Dijon en ï jj>i ? mort à Paris e«
1669. L'Hôtel de Luynes , faubourg Saint-Germain, celui djp
Beauvillier, dans l'île , & plu (leurs autres ont été bâtis fus
les deiîïns de cet Architecte. Il fut auflî chargé, par le Car-
dinal de Richelieu , de là conduite des fortificatibris dans plu-
«enrs Villes de Picardie.
                                          \
(y) Gabriel le Duc, du dix-feptieme Îîeck,, a continué le«
travaux du Val-de^Grâce lur les deflîns de Pierre Le Muet, %
adonné les deifins du maître-autel en baldaquin de cette Eglifçî
•|I auffi coôduit Jçs trayai» de l'£gjUfe de« Pctics-Pci'es j a ςορί
'' . ' ' '                                                                                        ^ ', ■                                   \ '                                                             * . ■■■,..: .λ ,
' '                                                                                                                                                  i.'-1'"-                                                                                                    '"■?. '■ 7 ... * ■■',·' ■■·' "                                                    " * '"':
-ocr page 410-
304             *           C o υ r s
En examinant le frontifpice de ce monument avec
attention, il eft ailé de s'appercevoir, dans le deffiri-
que nous en préfentons, que le deuxième ordre
elf. d'une autre main que celui de defîbus ; il paroît
auiîi que les niches de chaque côté du porche ,
ne font pas du deffin de Maniera ; peut-être même
le fronton triangulaire , placé fur le premier ordre,
n'a-t-il pas été compris dans le projet de cet Ar-
chitecte , quoique ce fronton femble autorifé par la
faillie que font les colonnes du porche , ce qu'on
ne peut dire , ni du portail de Saint-Gervais, ni
de celui des Minimes. Nous remarquerons encore,
fans aucune partialité , que les refîauts pratiqués
dans la bafe du fronton', le vague des pilaffres
qui renferment la croifèe d'en haut, accompa-
gnée de petites colonnes, & couronnée d'un fron-
îon circulaire.1 n'offrent abfolument rien de fatisr
faifant à l'œiiit au Conhoifîeurr, nous ajouterons
même que les colonnes de ce fécond ordre .,, font
peut - être celles de toits nos monuments , qui
îoient fufêlées avec le plus de négligence.
Il en faut pourtant convenir, la partie lupérieure
de. ce portail eft fans cloute__la.\ feule médiocrité
$u'on puiiie appercevcir dans, l'extérieur de ce
monument ; car , à quelques ; détails près, qu'on
Suroît defiré^qm iivßent pips étudiés % toute la
„coupole &,;je ,çiôme |qui Îe remarquent 'au- defl'us
jje ce: frontifpice^, peuvent parler , à bon droits
pour un:excellent chef-d'œuvre ; cependant la
xôirae parabolique du dôme; eil d\me courte plus
».υ - ' - ■ ?i ■■ M .■                     ' .'.Siiid ■ ;- - > fà '. - ii3b $
*■»- * ; Λ------------'.'.,''■ '" ■".",.".,,' '-i" '"..'■,r^"'^'';"*,|"ï,·" """".' ."'—m7 r* ,,.'"!
tirué l'Eglife PaxoiJTialc (|e Saim-Louis , & a"bâti plaficüis
^ocil., ï'ûn ivre Saust Dominique, , & l'autre rue de fe Plan-
th:, iaübonig San t'· Gtimam, '& un autre iur le Quai, iio£S
<ic k i'o * ie Saint-Bcimid. ., , : J
/.·
-ocr page 411-
D Architecture.              30i
fïeureufe dans celui des Invalides : ouvrage in?
mitable , & peut-être Supérieur à tout ce qui %
été
fait en ce genre , depuis que les coupoles Son*
entrées pour quelque choSe dans la décoration
de nos Temples.
D'un autre côté, les pilaitres en faillie qui fer-
vent de contreforts à la pouffée de la voûte inté-
rieure du Val-de-Grâce , font un admirable effet,
& lont divilés beaucoup plus régulièrement qu'aux
invalides , où l'on remarque un trumeau placé
précisément à plomb de l'axe du frontifpice , ' &
ou il conviendroit qu'on eût obfervé un vide com-
me ici. L'attique qui fe voit dans cette planche
nous paroît encore de la proportion la plus con-
venable : auffi ne balançons-nous pas à le préférer
a celui des Invalides, & peut-être à celui de Saint-
Pierre de Rome , autre chef-d'œuvre dont toutes
les parties font fi bien faites pour aller enfemble
qu'on ne fauroit trop admirer la maffe entière de
cet ouvrage célèbre : il a d'autant plus de prix à
nos yeux, qu'il eit le premier exemple véritable
ment important en ce genre , auquel nous devions,
pour ainfi dire, en France, les monuments de cette
efpèce.
' Aux quatres angles du dôme du Val-de-Grâce
fé remarquent des lanternons placés fur les quatre
maffifsquadrangulaires, qui fervent de bafe a la
forme fphérique du dôme. Le Mercier en a fair
autant à la Sorbone, & dans ces deux monu-
ments ces acceffoires font imités de ceux qui ac-
compagnent le dôme de Saint-Pierre, où, traités
beaucoup plus en grand, ils produifent un effet
tout autrement admirable. Au reite , ils contri-
buent ici à faire pyramider cette partie Supérieure
iur-totit lorsqu'on apperçoit à une certaine diihnce*4
Tome IIL
                                    y              ψ
-ocr page 412-
3ö6                      Cours
le dôme du Val-de-Grâ.ce, vu fur la diagonale dii
maftif qui le foutient.
La lanterne qui couronne ce dôme , eft aufîi
d'un deffin d'un affez bon genre ; mais, à notre
avis, elle n'égale ni celle des Invalides, ni celle
qui couronne ii fupérieurement le dôme de Saint-
Pierre ; cette dernière eft d'un deffin riche & fu-
blime.
La cour placée au - devant de cette Eglife, eft
peu confidérable dans fon état actuel. Manfard
avoit propofé une place, que la rue Saint-Jacques,
près de laquelle ce monument eft fitué , auroit
traverfée ; ce qui lui auroit procuré un point de
diftance convenable; mais ce projet fut abandonné
par les Archite&es qui fuccéderent à cette entre-
prife, après la retraite de cet habile Maître. La
décoration des bâtiments qui entourent cette cour,
eft d'un ftyle tout différent de celui de Manfard,
^c ne préfente que de petites parties , qui fans
doute ont été imaginées par le Duc, pour laiffer
dominer avec plus d'éclat le frontifpice dont nous
parlons. Mais, qu'on y prenne garde, quelle diffé-
rence , entre un petit genre & le genre iimple !
Tout ce qui offre au Spectateur une difparité
choquante , a droit de révolter la raifon. Nous
remarquons feulement que les chapiteaux des
petites colonnes Doriques , placées de chaque
côté des portes qui donnent entrée au Monaftere
de cette Eglife , font ornés, dans leur gorgerin,
de feuilles d'acanthe , dans le goût de celles ima-
ginées par Pierre Lefcot, à l'ordre Dorique de
la Salle des Antiques au Vieux-Louvre ; elles ont
encore été imitées depuis, lors de la reftauration
de l'ancien Château de Meudon. Nous remarque-
rons que ce. rang de feuilles otçafionne plus dç
I
-ocr page 413-
d'Architecture.            307
hauteur au gorgerin, & par conféquent au cha-
piteau de cet ordre ; ce qui ne doit être fuivi
qu'avec beaucoup de précaution & de prudence :
mais hâtons-nous d'entrer dans l'intérieur de cet
édifice, pour y contempler les merveilles de l'Art,
imaginées par Manfard, & dont (es fuccefleurs 5
plutôt que fes rivaux, n'ont pu afFoiblir la fubii-
mité.
Du fol de la cour on monte quinze marches
pour arriver dans l'intérieur de ce monument
célèbre , qui 9 au premier afpedt, femble élever
l'âme du Spe&ateur jufqu'à la Divinité. Tout en
effet paroît facré dans cet édifice ; une lumière
fuiîifante, mais tempérée ; une belle Architecture,
mais tranquille ; une Sculpture admirable, mais
fymbolique ; tout jufqu'au iilence profond qui
regne dans ce lieu Saint, rappelle l'homme à lui-
même , & le porte , pour ainii dire , à adorer
l'Eternel ; en forte que ce n'eil qu'après cet acte
d'adoration qu'il vient infenfiblement à démêler
& à fe rendre compte des beautés graves qui
l'ont frappé d'abord, & qu'il s'habitue à examiner
en détail, toutes les beautés de l'Art, dont il
deiire faire fon étude particuliere. Tel eil le pou-
voir du vrai beau en Architecture, lorfque l'or-
donnance de celle-ci produit l'effet qu'on a droit
d'en attendre. Manfard voulut peindre aux yeux,
un monument où des Vierges confacrées, chantent
journellement des Cantiques à la gloire du Sei** ·
gneur ; il s'eil pénétré de cette idée fainte » il a
appelé à lui le genre fublime, il a penfé en grand
homme , & en homme Chrétien : il a laiffé loin
de lui le fafte des Cours. On ne remarque point
ici, comme aux Invalides, autre merveille à la
vérité , mais dans un ftyle différent, ni la lumière
Vij
-ocr page 414-
3o8                      Cours
répandue dans nos falons modernes, ni l'or ap-
pliqué avec profuflon fur les lambris des Palais
de nos Rois, ni la multiplicité de la Peinture,
par-tout où la Sculpture de voit être préférée. Man-
fard a fenti que la demeure du vrai Dieu ne de-
voit avoir rien de vulgaire ; qu'en un mot, l'or-
donnance de nos Temples pouvoit être ornée fans
doute; mais que le ftyle de l'Archite&ure & de la
Sculpture qui les décore , devoit fe puifer dans
ce beau idéal, qui nous fait concevoir, quoique
toujours imparfaitement, la majeilé de l'être fu-
prême.
                  (
Qu'on ne s'y trompe pas , nous fommes per-
' fuadés que nous affoibliifons ici l'idée de Man-
fard : lui & le Mercier font peut - être les deux
feuls Architectes François qui aient bien entendu
la maniere de décorer nos Temples. Il eft vrai
que Manfard non-feulement a furpaifé Le Mercier
dans les édifices facrés, mais encore lorfqu'il s'eft
agi de l'ordonnance des édifices d'habitation , à
en juger par la façade du Château de Maifons y
comparée avec l'ancien Palais Royal à Paris, & le
le Château de Richelieu; ces deux édifices font
fort au-deffous de la production inimitable de
Manfard à Maifons. Le Mercier n'a véritablement
excellé que dans la difpofition, l'arrangement &
l'ordonnance des Eglifes qu il a élevées ; nous ne
citerons ici que celle du Collège de la Sorbone,
le fécond chef d'œuvre en ce genre à notre avis 9
après celle du Val-de-<Srâce dont nous parlons.
Le VahTeau du Val-de-Grâce eil peu coniidé-
rable; il n'a de longueur dans œuvre que vingt-
cinq toifes, non compris la Chapelle du Sainte
Sacrement , placée derrière le chevet de cette
Jtglife > fur treife toifes de largeur dans la croifée
λ
-ocr page 415-
d'Architecture.           509
thi dôme : celui-ci a dix toifes trois pieds de dia-
mètre, fur vingt toifes quatre pieds de hauteur
fous clef. La nef occupe trois arcades de chaque
côté, qui conduifent à autant de chapelles par-
ticulières. Que ces arcades font belles ! Que nous
avons de fois pris plaifir à les citer dans nos
Leçons ! Elles font enfermées chacune dans une
niche quarrée d'une belle proportion ; leur alette 9
leurs pieds-droits , les importes j[ les archivoltes,
les bas reliefs qui couronnent ces dernières font
autant de vrais chefs-d'œuvre-, & nous ont fou-
vent convaincus que cette maniere d'employer les
arcades, étoit la feule véritablement intéreffante.
L'exemple de la Porte Saint-Denis, par Blondel,
& l'Arc de Triomphe du Trône par Perrault,
nous ont d'ailleurs confirmés dans cette opinion:
ce font deux autres monuments que nous ne nous
laffèrons jamais de citer, dans l'intention de graver
profondément ce genre de décoration dans l'efprit
de nos Elevés, afin qu'ils l'emploient dans les com-
pofitions où les arcades devront être préférées aux
ouvertures à plate-bande. L'ordre Corinthien-Pila-
flre qui regne dans chaque trumeau de ces arca-
des , efl encore un chef-d'œuvre ; les chapiteaux
fur-tout, présentent ce que la Sculpture peut offrir
de plus excellent en ce genre ; auiîi fervent-ils de
modele à tous les Artiiles , qui veulent employer
avec fuccès cette forte d'ornements.
Sans doute, au premier afpect, la voûte de cette
nef paroît trop furchargée de Sculpture, & peut-
être y eft-elle effectivement répandue avec trop
de profufion : mais cette Sculpture, ouvrage pour
la plupart du cifeau de Michel Anguiere (-()»
( ι ) Michel Anguiere, de la Comté d'Eu, lié en 16ι4, more e»
y uj
s
-ocr page 416-
3 ίο                      Cours
eil fi admirable, que quoique la réflexion con-
condamne cette prodigalité, l'œiiil avide de tant
de merveilles, en trouve à peine affez. Cependant
en recommandant à nos Elevés l'examen de cette
voûte, nous leur confeilloiis de ne jamais imiter
cette riçheiTe, qui, en toutes autres mains que
celles d'Anguiere, feroit devenue néceifairement
une riçheiTe indiicrète , qu'il faut lavoir éviter.
Nous leur recommandons auiïi d'examiner avec
ibin, la forme & la décoraion fage des panaches
qui foutiennent le dôme de cette Eglife ; ces pa-
naches font ornés de grands médaillons, occupés
par de's bas - reliefs d'une exécution admirable :
genre de décoration préférable à celle qui fe re-
marque aux Invalides , où la peinture & la dorure
qui y font placées n'offrent pas, à beaucoup près, le
genre convenable des ornements du Vai-de Grâce.
Ce dernier monument n'offre de peinture , que dans
la partie fupérieure de fa coupole, où Mignard ( a )
i686, étoit un Sculpteur célèbre qui avoir fait d'excellentes études
à Rome, & qui, de retour a Paris , fut choifi pour déployer fes ta-
lents au Val de-Grâce ; c'eft: de cet habile Maître , que font les
deux rtatues du portail de. La Merci, & les bas-reliefs placés
au-defîus des nouvelles ouvertures ajoutées par François Bion-
del à la porte Sainte Antoine. On admire aufli de lui une itatue
d'Amphitnte dans les jardins de Verfailles.,
Son frère aîné, connu fous le nom de François Anguiere,
mort en Août 1669, âgé de 6 y ans , étoit auffi un Sculpteur
très-célebre. A fon retour de Rome, Louis XIII le logea au
Louvre lui donna la qualité de Garde de la Salle des An-
tiques , dans le même Palais. On voit de cet habile Ar-
tifte , le tombeau du Cardinal de Bérulle , aux Peres de l'O-
ratoire i celui de M. de Thou, à Saint-André-des-Arts ; ce-
lui de M. de Souvré, dans l'EgJife de Saint-Jean-de-Latran 5
celui du Connétable de Montmorenci à Moulins 5 celui des
Ducs de Longueville, & de Henri Chabot aux Céieltins, & le
grand Crucifix de marbre blanc, placé fur le màftre-autel de
la Sorbone,
( β ) Pierre Mignard, premier Peintre du Roi 3 né à Troyes en
-ocr page 417-
Λ
d'Architecture. %it
% peint à frefque le plus grand ouvrage, & peut-
être le plus parfait qui fe voie en ce genre.
Nous abrégeons ces remarques, ne pouvant dans
ce Cours offrir à nos Elevés les deiîihs du Val-
de Grâce. Néanmoins, d'après le peu que nous
en avons dit, il eil aifé de concevoir une grande
idée de ce monument, qui atteilera 5 tant qu'il
reilera fur pied, la fupériorité des talents de Man-
fard ; & les vrais ConnoifTeurs font fâchés qu'un
projet auiîi excellent, n'ait pas été exécuté fous
les ordres du génie qui l'avoit conçu. Au refle,
il faut avouer que Le Muet & Le Duc, quoi-
qu'inférieurs à Manfard, n'en étoient pas moins
des Archite&es d'un très-grand mérite, & qu'ils
ont été , on ne peut pas mieux, fécondés par
les habiles Artiiles de leur temps, que la fon-
datrice de ce fuperbe monument favoit choiiir en
Reine équitable & éclairée, & qu'elle favoit aufli
encourager par fes libéralités.
Avant que d'abandonner ces réflexions , nous
devons dire auiïî quelque chofe du grand autel
Champagne en 161 o, mort en 169 f , entreprit ce grand ouvrage
à fon retour d'Italie. Entre plufiems chefs-d œuvre de cet habile
Maître on eftime particulièrement la voûte de la gallene, Se
la calote du falon qui la précède au Château de Saint-Cloud.
Madame la Marquife de Feuquieres fa fille, lui a fait enger
par M. Lemoine un magnifique tombeau , qui le voit aux Jaco-
bins de la rue Saint-Honoré, & on y remarque le bufte de
cet homme célèbre , par Girardon.
Pierre Mignard avoir un frère, Architecte du Roi; il fut
chargé, en 1678, par M. Colbert, conjointement avec MM.
Bruant, Le Pautre & Félibien , des différentes observations a
faire fur la qualité des matériaux & fur les diverfes conitru-
ftions de la plus grande partie des bâtiments anciennement
élevés dans cette Capitale : les procès - verbaux faits a cette
occafion par ces quatre Architectes, font depofes dans les,
archives de l'Académie Royale d'Architecture au Louvre.
V iv
\
-ocr page 418-
iîZ *"         Cours
en baldaquin, élevé ilirles deiîîns de Gabriel Le
Duc; il eil compofé de fix colonnes torfes de
marbre de Barbançon,foutenues fur des piédeilaux
auiïi de marbre. Sur le coffre d'autel fe remarque
un beau groupe de marbre blanc, fculpté par Fran-
çois Anguiere , & dont l'exécution eil fort eilimée
des ConnoirTeurs : peut-être aurions-nous defiré,
que cet autel eût été placé à plomb du centre
de la voûte, & qu'il eût été à la Romaine. Il ne
faut pas croire que , parce que le maître-autel en
baldaquin de Saint-Pierre de Rome, par le Ber-
nin, a réuiïï, ce genre convienne à toutes les
Eglifes, Peut-être étoit-il néceffaire de l'employer
aux Invalides, parce qu'il s'annonce dès la pre-
miere partie de l'Eglife, tenue plus baffe que le
ιοί du dôme où cet autel eil placé, §c qu'il eil
entièrement jfolé; au-Iiçu que, dans le monument
dont nous parlons, fe trouvant adoffé {h) , il
reuiïït beaucoup moins bien, félon nous.
Nous avons plus d'une fois recommandé à nos
Elevés, de vifirer de fuite les bâtiments de même
genre , & de les comparer enfemble ; nous leur
confeillons donc , lorfqu'ils en fauront affez pour
tirer^ un certain fruit de l'examen de nos édifices
facrés , de n'aller aux Invalides, qu'après avoir
examiné le Val-de-Grâce, dont nous venons de don*
ner l'idée. Le Val-de-Grâce eil l'ouvrage d'un hom-
me eonfommé dans les préceptes de fon Art; les
"" "'"-'m ' ■*' IJ - »' ■ .J"1- .. ,            . IJ I.J ..-r.....-iiji. | .il ni,.nj| U ■■ L l m M......»
(b) Nous penfons de même des autels en baldaquins des.
E.qliies de Samt Jean en-Greye , de Saint Sauveur & de l'Ora*
toîic , ou des autels à la Romaine , tels que ceux de Saint-r
Germain-l'Auxerrois & de Saint - Sulpice, nous auraient para
fW cqnvenables. Voyez d'ailleurs ce que nous avons dit des au«
tels deuxième volume de ce Cours, ipage ?68 ; voyez aufô h
note b de la même page,
                                      *
-ocr page 419-
d'Architecture.            313
Invalides font la produ£Hon d'un homme de génie *
où le goût brille de toute part.
,                                                                                             *
Description abrégée όε l'Eglise
CONNUE SOUS LE NOM D'EgLISE
du Dôme lies Invalides.
On peut dire, en parlant de l'intérieur des Inva-
lides , que par-tout on y voit triompher l'art dans
fon plus grand éclat. En effet , on y remarque
une diirxibution très-heureufe , jointe à une ilru-
£hire admirable, une difpofition intéreiiante dans-
les formes, réunie à la beauté des détails : par-
tout on apperçoit les reffources fécondes de Har-
douin Manfard, qui, plus que tout autre Archi-
tecte , favoit franchir les limites des préceptes.
Plein de cet enthouiïafme que font naître en nous
îes connoiffances acquifes , fécondées du goût
naturel, il s'eir. frayé une route particuliere ; & ,
fans trop s'écarter des règles des anciens , il a
fu réunir enfemble, les principes de l'Art, le feu
du génie, & les grâces féduifantes qui cara&éri-
fent la plupart de nos produ£tions Françoifes, En
un mot, tout l'enfemble de ce monument a de
quoi étonner fans doute ; mais ? nous ofons le
dire ici, l'admiration qu'on y éprouve, eil tout
autre que celle qui nous frappe au Val-de-Grâce,
L'entrée de ce dernier Temple en impofe par fon
ityle augufte. Auxlnvalides, le premier coup-d'ceuil
éblouit ; & loin de procurer aux fidèles cette émo«
tion fecrète que le cœur reffent â fafpeft d'un
lieu faint, il porte à l'efprit cette diitra&ion in-
volontaire qui nous fuit dans nos demeures pro-
fanes : dans le Val-de-Grâce , l'unité regne dans
ïoute l'ordonnance ; la Sculpture & l'Architeéture
-ocr page 420-
314                    Cours
réunies, fembîent y être amenées par îe même
eiprit. Aux Invalides, tous les tréibrs de l'Art y font
prodigués ; la peinture & la dorure fe difputent
à l'envi, par leur preilige, la prééminence fur Γ Ar-
chitecture , qui quelquefois même s'y trouve acca-
blée par les ornements. Ea effet tout par oit magi-
que dans ce monument; d'une part, fa itxu&ure
hardie ; de l'autre, fes percés ingénieux ; il n'y
a pas jufqu'à l'élévation de fa double voûte ?
ornée par le pinceau vigoureux de La Foffe ( c ),
& accompagnée de rehauffés d'or , qui ne faffe
concevoir la plus grande idée de l'Architecle,
qui a eu le génie de ménager dans la compofiton
de fon projet, une place favorable à chacun des
chefs-d'œuvre dont le faite des Beaux-Arts s'eft
empreffé de décorer toutes les parties de ce Tem-
ple. Mais, encore une fois , toutes ces beautés,
a notre avis, font des beautés d'emprunt, qui
nous fembîent éloigner du vrai genre, cette pro-
duction , d'aillei|rs admirable ; nous voulons dire
du genre facré, qui exige cette {implicite aiïbrtie,
cette fage retenue, cette dignité abfolue, qu'on ne
peut jamais remplacer par la peinture coloriée , la
dorure à l'huile , la multiplicité des tons dans les
(c) Charles La Foife, né à Paris en 1640, mort en 171*?,
étoit Eleve du célèbre Le Brun , qu'il a furpafTé dans le colons,
Se dans la partie du clair-obfcur : à Ton retour de Rome, il fut
en Angleterre , où'il avoir été deiîré. M. de Louvois le rappela
pour peindre la coupole de l'Eglife dont nous parlons ; enfuite
il peignit la Réfurre£tion de Notre-Seigneur , dans la Chapelle
de Verfailles j c'eil auifi par cet habile homme, que fut peinte la
voûte de la galleiie de la maifon de M. Croifat, aujourd'hui
l'Hôtel de Choifeul, & la calote du Château de Montmorenci.
Ses derniers ouvrages font: la Nativité du Sauveur, & l'Adora-
tion des Rois, placés dans le chœur de Notre-Dame à Paris; ta-
bleaux du plus grand mérite., quoique faits fur la fin de fes jours»
f'
-ocr page 421-
d'Architecture.             315
marbres, le bronze doré d'or moulu , les enfilades
refpeclives ; enfin la lumière peut-être trop ref-
plendifTante qu'on y remarque.
Nous le répétons avec plaiiir, fans doute cet
édifice eil un chef- d'œuvre, & un chef- d'oeu-
vre auquel nous ne connoiffons point de rival,
fi ce n'eil la Chapelle de Verfailles , du deffin du
même Architecte. Cette Chapelle, quoique traitée
dans un autre genre, eil en petit, ce que les
Invalides font en grand ; mais ces deux monu-
ments ne peuvent fouffrir de comparaifon avec
le Val-de-Grâce , parce que toutes les fois qu'un
édifice important péchera par le caractère qui lui
eil propre, nécessairement il perdra la moitié de
ion prix aux yeux des vrais ConnoiiTeurs. D'ail-
leurs, il en faut convenir, en examinant févére-
ment l'intérieur des Invalides, combien ne remar-
que-t-on pas de licences dans la plus grande partie
des détails: des pilaflres doublés, des angles aigus,
des colonnes engagées , des ouvertures d'une hau-
teur excefîive ; enfin, des tribunes d'une petitefTe
extrême , portée fur un très-grand ordre : autant
d'imperfections qu'on ne peut reprocher au Val-
de-Grâce. Il eil vrai que toutes ces licences font »
rachetées par des beautés fans nombre , toutes
marquées au coin du génie , & qui méritent à
bon droit le funrage de l'amateur & de l'homme
inilruit. Si donc nous nous fommes déterminés
à porter notre fentiment fur ce chef- d'œuvre,
c'eil parce qu'il s'agit de ne rien taire à nos Elevés.
Π eil eiTenciel de leur faire comprendre qu'ils ne
doivent jamais oublier le genre propre à l'édifice,
& qu'en faveur de quelques traits de génie répan- \
dus dans leurs œuvres , il ne fauroit leur être
permis, comme à Hardouin , peut-être un des plus
*
-ocr page 422-
3ï6                    C o υ Α %
habiles Artiftes que la France ait poiTédés, de
négliger ce caractère dont nous voulons parler«,
En vain chercheront-ils à mafquer la médiocrité
de leur Architecture, par des ornements fouvent
polliches, ou à éblouir l'ceuil par les acceiïbires
que leur prête le fecours des Arts d'agrément;
ces ornements , ces acceffoires , n'empêcheront
jamais l'examinateur éclairé de s'appercevoir de
la foibleffe de l'Ordonnateur.
Nous ne parlerons point ici du portail du côté
de la campagne , qui donne la principale entrée
de ce monument ; nous en avons déjà dit quelque
choie dans le deuxième volume de ce Cours, p. 186,
en donnant les mefures des ordres Dorique & Co-
rinthien qui le décorent. Nous obferverons feule-
ment que cette production fe refTent de f élégance
que iiardouin favoit répandre dans tous fes
ouvrages : élégance fouvent déplacée , qui lui a
fait donner, par fes fucceiÎeurs, le nom d'homme
de génie, plutôt que celui de grand Architecte ,
déféré à bon droit à François Manfard fon oncle.
Il ne faut pourtant pas croire de là , que Har-
douin n'étoit qu'un excellent décorateur : la feule
itru£ture des Invalides , décèle certainement l'ex-
périence d'un homme confommé dans la pratique,
& prouve bien qu'il favoit joindre aux lumières
de fon Art, toutes les reiTources que pouvoit
lui fuggérer la néceiîité de bâtir folidement. Sa
belle imagination lui fourniiFoit les moyens d'afli-
gner à ces différents chefs-d'œuvre, ce caraclere
particulier dont^ les édifices qu'il a élevés font
empreints. A en juger par le Château de Clagni ,
celui de Trianon, celui de Marli & fes jardins,
les Ecuries, l'Orangerie, la place d'armes & les
avenues de Verfailles, on eil bien fondé à croire,
/'■'"■
-ocr page 423-
d'Architecture.            317
que perfomie avant Manfard, & peut-être depuis
lui, n'a fu donner aux édifices qu'il a élevés, ce
cara&ere propre dont nous parlons. La forme, la
difpofition & l'ordonnance des monuments dirigés
par cet homme de génie, indiquent très - précifé-
ment l'importance des motifs qui les ont fait élever.
Au relie , li l'on remarque dans ce fromtifpice
un peu trop de mouvement, & une élégance qu'il
ne convient pas toujours d'employer, où l'ordre
Dorique préfide ; fi en général cet ordre & le Co-
rinthien élevé au-defïus, femblent divifer la malie ,
lorfqu'on Fapperçoit d'un point de diitance con-
iidérabie , il faut convenir que les corps liffes
qu'il a oppofés au mouvement que procure à cet
édifice la dirlribution des colonnes, produifent Je
plus grand effet, & que ces repos ieuls, employés
avec autant d'dfrt que de goût, doivent donner la
plus grande idée des talents fupérieurs de cet hom-
me célèbre. Mais , félon nous, ce qui doit mettre
cet Architec~te aii-deiTus de tous ceux de fon temps,
c'efl la compofition ingénieufe & la forme admi-
rable du dôme, qui fe remarque extérieurement
au-deiîus de ce frontifpice ; cet ouvrage feul, eil
capable d'illuitrer le beau liecle qui l'a vu naître,
& bien digne de perpétuer la réputation li juge-
ment accordée à nos plus célèbres Archite&es
François.
                              «:
Voici les principales dimeniions de cette Eglife ,
placée à l'extrémité du rond-point de celle deili-
née pour les Militaires, en faveur defquels cet
Hôtel a été fondé par Louis le Grand. Ce monu-
ment , connu fous le nom de dôme des Invalides,
eft compris dans un quarré de vingt-fix toifes un
pied hors œuvre, fans compter les avant - corps»
Intérieurement elle a vingt-cinq toifes deux pieds
-ocr page 424-
Ji8                        Cours
de largeur dans la croifée ; le dôme a douze toifes
quatre pieds auiîi dans œuvre, fur trente - deux
toifes de hauteur fous la clef de la dernière voûre,
& vingt-fix toifes un pied depuis le fol jufqu'à la
lunète qui termine la coupole intérieure. Les quatre
Chapelles placées dans chaque angle , ont trente-
fept pieds de diamètre. L'ancienne Eglife pour les
Militaires , élevée fur les deffins de Libéral Bruant,
qui a auffi donné ceux de l'Hôtel, a" de longueur
dans œuvre , trente-iix toifes, & onze toifes de
largeur ; la nef a trente-neuf pieds de largeur.
Nous venons de citer plus haut l'Eglife de la
Sorbone, comparons à préfent ce monument avec
Celui des Quatre-Nations ; enfuite nous parlerons
des Eglifes Paroiiîiales de Saint-Sulpice & de Saint-
Roch, & nous finirons nos obfervations fur les
Temples, par dire quelque chofe*de nos Eglifes
en rotonde proprement dites, telle que celle des
Dames Sainte - Marie, rue Saint-Antoine, & celle
de TAffomption, près la porte Saint-Honoré.
Description abrégée de l'Église
de la Sorbone.
Ce monument fut érigé par les foins du Car-
dinal de Richelieu, qui en pofa la premiere pierre
en 1635 ' Φ 4U* *^s 1619 avoir choifi Jacques
Le Mercier ( d ) pour bâtir le Collège qui a donné
lieu à cet Eglife, dont Le Mercier fut auffi l'Archî-.
te&e. Cet édifice , dans fon genre , peut encore
pafler pour un chef-d'œuvre du dernier liecle,
(d) Voyez ce que nous avons die de cet Archite&e, premies
volume, page 101, note^.
-ocr page 425-
S                                                                                                                                                                                                ,                                                                                                                   ' ' ■■;■ '                                                                                                                                                                '.'■■■.. ■■':                                                                              . ; '                                                                             ". >
d'Architecture,          3j9
le portail du côté du Collège, eft traité dans la
plus grande maniere , ainii que toute la façade
latérale où il fe trouve adapté : nous avons fait
remarquer clans le deuxième volume de ce Cours,
page 358, que cette faça de étoit plus régulière
qu'aucune de celles des autres monuments facrés,
élevés dans cette Capitale ; nous le répétons ici,
parce que nous ne pouvons trop en recommander
l'examen à nos Elevés»
Le principal portail de cette Eglife donnant fur
la place de Sorbone ( e ) , eil beaucoup moins
eftimé. Outre que les ordres délicats qui y pré-
fident auroient dû porter Γ Architecte à donner
plus de mouvement à l'ordonnance de ce fron-
tifpice i c'eiî; que la plus grande partie des détails
s'y trouvent aiTez négligés, tels que les différents
efpacements des pilailres, qui, faute d'être en
rapport les uns avec les autres , occaiionnent dans
la diiîribution des modulons de l'ordre fupérieur,
une difparité qui produit le plus mauvais effet,
C'eit auiîi au pied de ce même ordre, que nous
avons remarqué précédemment, que les baluftres
compris dans le dé de fon piédeftal, font élevés
chacun fur un piédouche , exhaufTement qui fem-
ble bleifer les yeux intelligents. Les niches qu'on
y voit placées font auffi de beaucoup trop petites ,
pendant que les figures qui les rempliflent font
trop grandes, & d'une aflez médiocre fculpture.
Nous avons encore rapporté ailleurs, que la porte
. ( e ) Cette Place porte le nom du College qui a été nommé
auifi _, du nom de Robert de Sorbon, regardé comme le Fon-
dateur du Collège, parce qu'en nji l'exécution de cet édifice
«ù. fut confiée par Robert de Douay , Chanoine de Senlis , St
Médecin de Marguerite de Provence, femme de Saine Louis.
-ocr page 426-
32Ó                       Cours
à plate-bandé qui donne entrée à Cette Eglife*
nous paroiiîbit trop baffe , & l'arcade plein-cintre
du fécond ordre trop élevée ; que d'ailleurs la
forme de celle-ci auroit peut-être été plus conve-
nable pour l'ouverture d'en bas , &. la plate-bande
pour celle d'en haut, qui ne devant être qu'une
croifée, devoir, pour cette raifon, être préférée
droite dans fa partie fupérieure, plutôt que d'être
circulaire , ainfi que nous l'avons enfeigné plus
d'une fois.
Il n'en eil pas de même de celles placées dans
les arrieres-corps de chaque côté du premier ordre,
& à l'extrémité de ce frontifpice ; ces croifées font
d'un excellent deiïin ; nous aurions deiiré feule-
ment , qu'elles fuiTent à plate-bande, au-lieu d'être
bombées , & que leurs ouvertures eufTent été un.
peu plus conlidérables. Qu'on ne s'y trompe pas,
toutes les remarques que nous faifons ici font
intérefTantes pour quiconque defire ne rien hafar-
der dans fes productions. Il fe peut que les habiles
Architectes qui ont élevé les édifices dont nous
parlons dans ce Chapitre, aient eu leurs raifons
pour facrifîer à la maiïe générale, les détails fur
îefquels tombe notre cenfure; mais il n'en eitpas
moins vrai que ces imperfections , confidérées û
part , ne peuvent raifonnablement être imitées
par les jeunes Artiites qui fuivent nos Leçons ;
ils fe permettront affez-tôt les licences que nous
relevons, & n'ayant pas les reffources de leurs
Maîtres, qui puiffent en autorifer l'application ,
leur produäicn dès-lors deyiendroit médiocre.
C'eft donc pour leur faire éviter dé tels incon-
vénients que nous prenons fur nous de relever
quelques erreurs qui fe trouvent éparfes dans'
l'ordonnance
-ocr page 427-
•m
d'Architectvri,            )%i
j'ordonnance des édifices de la plus grande celé«
brité î élevés même par les Architectes dont ψ
réputation eil ia mieux établie.
Le dôme élevé au-deffus de ce froritifpice, eil à*
peu-près dans le goût de celui du Val-de Grâce ,
quoique d'un beaucoup plus petit diamètre, Sa
décoration extérieure eil auffi dun excellent genre *
& prouve ce que nous avons dit de Jacques ht
Mercier, qu'il étoit reconnu pour l'un des Archi-
tectes François qui avoient le mieux entendu le
ftyle convenable aux édifices facrés ; &, quoiqu'il
s'en faille beaucoup que l'intérieur de ce monument
égale en beauté 4a perfection de l'Eglife du Val·
de-Grâce , on doit convenir que cet Arehitefte
étoit un grand Maître dans cette partie de l'Ar-,
chitec"hire ; car on peut être un grand homme
fans être un Manfard,
Nous avons dit quelque part que le Cardinal
de Richelieu avoit choiii la Sorbone pour fa fé*
pulture ; que de là il fembloit que Le Mercier
en ,compofant les deffins dV cette Eglife eût eu
l'idée de donner un air fépuîcral à l'ordonnan*
ce intérieure de ce monument. Nous periiftpns à
penfer ainii; en enet, nous n'entrons point de fois
dans la Sorbone que 9 pour ainii dire, l'obfçu^
rite qui regne dans fon intérieur, le Hyle peut-
être trop févére de fon Architecture , la féche*
reffe de la plus grande partie de fes membres , te
multiplicité des niches qu'on y remarque, le ton
des marbres rembrunis qui revêtent l'autel , la
Chriil fculpté par François Anguiere, pofé fur
fon retable; enfin le pavé qui en compartit le
fol : nous n'entrons point de fois , difons - nous
dans cette Eglife, que tous ces objets ne nous
perfuadent que nous viiitpns un maufolée. Tout
Tom ΠΙ,
                                  %
-ocr page 428-
512                        CO UR-S
jufqu'à l'humidité (ƒ) qu'occaiiônne le peu d'aiE
qu'on y refpire, nous offre cette image , qui,
devroit être imitée feulement par les,décorateur^
de nos pompes funèbres , au - lieu du cartonnage
& de l'or en feuilles dont on les décore. Au
contraire, quand nous venons à coniklérer ,.çje
monument comme un Temple , nous ne pouvons
nous empêcher de nous rappeler les beautés vrai-
ment touchantes, qu'on remarque dans l'Egaie
du Val - de - Grâce, & par une oppofition peu
vraiiTemblable , les idées riantes qu'on éprouve en
entrant dans l'intérieur du dôme des Invalides. Ce
contrarie frappant, qui ne devroit pas fe rencon-
trer dans des monuments à-peu-près de même
genre, nous fait donner toute notre eftime au
chef-d'œuvre de François Manfard, & en recom-
mander de nouveau l'étude à nos Elevés. Au reite,
l'examen de l'Eglife de la Sorbqne ne mérite pas
moins toute leur attention : l'extérieur fur-tout,
du côté du Collège, eilfupérieur à celui du Val-
de Grâce. D'ailleurs n'y eût-il que le tombeau de
marbre blanc, qui repréfente le Cardinal de Riche-
                                -------------------"—'---------;                                                               ~—~—j—fl -Γ"
(ƒ) Le peu de falubrité qu'on éprouve dans cette Eglife
Collégiale, provient, pour la plus grande partie , de ce qu'elle
eit toujours fermée Λ la principale porte ne s'ouvrant que deux
fois l'an , le jour de Sainte Urfule , à qui cette Eglife fut ai
diée, lé xi Oétobre 1391, & le 4 Décembre, jour où Yvmim
lebre une Meile à la mémoire du Cardinal de Richelieu.
Le même défaut fubfifte à Saint-Paul, la .Métropole de Lon-
dres , qui, comme teile, devroit être ouverte à toute heure du
jour.; mais comme 1'üfage cft en Angleterre de ne laiiîer voir
qu'à prix-.d'argent les chefs-d'eeuvre que cette grande Cite
contient, les portes , par cette raifon, s'en tiennent toujours
fermées. A la Sorborie les motifs font différents ; cette Eglife,
n'eft, pour ainiî dire , que la Chapelle d'un Collège , deft;née \
particulièrement pour les Docteurs qui y demeurent \ autre
chofe efi de la Cathédrale de Paris, & de nos Eglifes Paroii»
fiales, dont l'entrée clt permife en tout temps aux fidèles.
-ocr page 429-
lieu (g) ; ce chef-d'œuvre, fculpté par Girardon
( h ), mérite l'examen le plus réfléchi; on doit le
regarder comme l'une des merveilles de notre Ecole
Françoife; il fut placé en 1694 au milieu du chœur
de cette Egliie. . . } ■
         t
Avant de quitter cette courte defcnption, rap-
portons les mefures de cette Eglife, qui offriront
les moyens d'en comparer les grandeurs avec les
précédentes. Sa longueur dans œuvre , eit de
vingt-cinq toifes3 fa largeur de douze; celle, dit
dôme aulfi dans* œuvre, & qui fe trouve préci-
fément placé au milieu de la longueur, èii "de
trente-huit pieds ; il a de hauteur fous clef, dix·
fept toifes un pied»
Description de l'Eglise dû College
:~2)e ma zarin , connue sous le nom
z>E Collège des Quatre-Nations*
Cette Eglife éit encore un monument élevé à
taris par un de nos Miniilres» Ce fut le Car-
dinal de Mazarin qui fonda > en iéóo ? le College
, (Jl C« Cardmal eft reprefenté à demi couché a Contenu »àt
h
Religion, & ayant à fes pieds une figure defcZïi^
Tentant la Science défolée de la perte d'un mS/1
           ΡΓ-*
tant conmbué a la pcrfcâion des Am en France, Ceft f™ !
cette tombe , dans une cave conihuite' exprès t que rennG iî
corps de ce Cardinal ; qui y fut dépofê le 4 Décembr?t,l
âgé de si ans.
                                                   «uioieie^
(A) François Girardon , né à Troyes en Champagne-, ma
à Pans en r7i «■> /ut a Rome par les bienfait, de Louis X ?V
? fon retour ce ÎWe 1 employa a orner fes maifons Royales ■
U.fucceda a Le Brun a dans linfpeéfcion generali» ^ £ ι *
ouvrages de fculpture. Paget fut le ÙiSmÙÂT kS
Préféreuce Je ^n^ U^m^rardi^^^ ^
mrecompofuionfavante, & entendoit fupérïeurement gffl
de 1 ordonnance daas fa ouvrages, à en juger par le tombeae
r: ·":.                      *r" X ij
-ocr page 430-
;
314                       Cours,
qui porte ce fiom (i), dont nous rië parlerons
point ici, n'ayant pour objet que l'Eglife élevée,
dit-on, fur les deifins de Louis Le Veau ( k ), mais
dont l'exécution fut confiée à François d'Orbay
( / ), fon élevé» Cette Eglife , ou plutôt cette
Chapelle, eft contenue dans un re&angle, qui n'a
que quatorze toifes de longueur, fur douze toifes &
demie de profondeur, non compris lé porche exté-
rieur de quinze pieds de faillie. Au centre de ce
monument on remarque une coupole de forme
elliptique de quarante-fept pieds dans oeuvre fur
fon grand diamètre, & de trente-fept pieds fur fon
petit. Cette ellipfe, hors œuvre, a quarante-neuf
pieds fur cinquante trois ; en forte que le dôme
extérieur paroît à-peu-près circulaire & ovale
Jont nous parlons. La ftatue équeitrc de la Place de Vendô*
tne eft de ce grand Maître ; on voit aum" de lui à Veffaillcs,
i'enlèyement -de Profèrpine, dans le bofquet de la colonadc,
le.beau groupe placé dans le bofquet des bains d'Apollon Λ Sec,
autant d'ouvrages célèbres- que nos Elevés ne peuvent trop fc
hâter de contempler comme autant de chefs-d'œuvre admirés
de tous les vrais Connoiiïeurs.
            A
(i) Le Collège de Mazarin a pris le nom des Quatre- Nations^
parce qu'originairement le Cardinal de Mazarin l'avoit fonde
pour l'éducation de plufieurs gentilshommes qui avoient pris
naiflance dans lés différentes Provinces réduites, en partie, foui
î'obéiiïance de Louis le Grand, par le Traité de Munfter , le
»4 Oéltobrc 1É48 , & par celui de l'Ile des Faifans du 7 No*
vembre i£j9· ■*
                                   >/
1 (k) Voyez ce que nous avons dit de cet Architecte, pre·?
mier volume , page ιοί , note b.
(/) François d'Orbay, Architecte aiTez célèbre, mort en
1697, conduiiit l'Eglife dont nous parlons, & continua le«
parties du Vieux-Louvrç & des Tuileries, commencées par fon
Maître. Il bâtit auifi l'Eglife des Capucines , Place de Vendôme,
je portail de la Trinité, rue Bourg-l'Abbé, l'Eglife des Pré-
montrés à la Croix-Rouge t l'Hôtel de la Comédie Francoifc,
faubourg Saint-Germain.
/
-ocr page 431-
ν
d'Architecture.           31Î
dans l'intérieur 1 forme préférée fans doute par
l'Archite&e, à deflein de ménager dans la plus
grande épaifleur des murs des deux principales
faces, les efcaliers qui montent dans la charpente :
reffource ingénieufe , & que nous croyons que
perfonne n'ayoit tentée avant lui.
La décoration intérieure de cette coupole, ainiî
que celle de toute îEglife, eit d'un bon genre ,
& mérite d'être examinée avec foin. Les orne^·
ments y font même traités avec goût, mais ils
ne tiennent ni du genre facré , ni du fublime qu'on
remarque au Val-de-Grâce: à propos de quoi nous
remarquerons qu'il paroît furprenant qu'en moins
de quarante années, on ait perdu de vue la route
fûre qu'avoit frayée Manfard à fes fucceflèurs ,
& que même depuis Le Veau & d'Orbay , à qui
nous devons le monument dont nous parlons *
Γ Architecture , & principalement fes ornements ,
aient encore dégénéré, à en juger par l'examen
des nouvelles ParoifTes , élevées ou reitaurées,
depuis ces deux Architectes jufques au milieu de
ce éecle. Ces défauts pourroient bien fe perpé-*
tuer, parce que la plupart des jeunes Archite*
ftes fe croient tout permis ; qu'ils regardent les
beautés de rArçhite&ure comme arbitraires ; qu'ils
fe font un raifonnement à leur fanmine , qu'ils
croient être celui de l'Art, & dont ils font fi
idolâtres, qu'ils décident toujours en faveur de
leur opinion ; ce qui tend à anéantir pen-à^
peu les regies fondamentales, pour n'offrir aux
yeux des Connoiffeurs que des chimères qu'ils
ofent leur donner comme l'imitation des chefs-
d'œuvre de la Grèce & de l'Italie. Il eu, vrai
que plulieurs, des habiles Maîtres de nos jours i
çontre-balancçnt par leurs oeuvres , les exemples;
."'.■''■■'               '? ·                        J '':"/':                          ' ' ' I               ■■".-' .
(
-ocr page 432-
$i6                       G ou R s "M
plus ou moins dangereux, que préfente à nos
Elevés !a médiocrité de ces bâtiments , enfants du
caprice & de la futilité ; mais comme ceux-ci font
toujours l'ouvrage de la multitude, & qu'il s'élève
à Paris beaucoup plus d'Hôtels particuliers , que
de Monuments facrés, de Palais & d'Edifices pu-
blics, infenfiblement le mauvais goût prédomine;
de maniere que l'œuil des jeunes Difciples s'ac-
coutume à ces écarts : d'où il arriveröit que dans
la fuite il feroit à craindre que ceux-ci n'enfantai*
fent plus que des comportions bifarres & frivoles
{m). Mais revenons au Collège des Quatre-Na-
tions , & difons que cette Eglife contient un des
. chefs-d'œuvres de Coyfevox (/2) dans le tombeau
«lu Cardinal de Mazarin qui y eft fculpté, & qui
doit être conlklér'é comme un important ouvrage
de cet habile Artifte. PaiTons à préfent à la façade
extérieure de ce monument.
Entre les édifices facrés ^dont nous venons de
parler ? la façade extérieure de l'Eglife & des bâti-
ments du College des Quatre-Nations, annoncé
*
. {m) Lorfque l'Auteur de cet ouvrage donnoit fes Le f ons dans
fon Ecole des Arts
, 6* dans le manujcrit defqueUes nous avons
puifé ce 'qui vient d'être rapporté
, la plupart des helles maifons
particulières ^élevées depuis ce ternps
, nexifloient pas encore et
Paris. Il nous paroît certain qu'aujourd'hui l'ordonnance des
façades efi montée fur un tout autre ton que celles qu'on éleva au
milieu de ce fipcle raujfi en avons-nous entendu depuis plus d'une
fois faire l'éloge par cet habile Ρ'rofejfèur
, à qui nous avons% pour
ainfidire, l'obligation d'avoir , par la f éventé de fes préceptes,
terrajje le mauvais goût qui régnait alors à cet égard.
(n) Antoine Coyfevox , né à Lyon en 1640, mort en 1710.
Ce Sculpteur a eu là plus grande réputation, & la.méritoic ; le«
maifons Royales , particulièrement Verfailles Se Marly", font
remplies des chefs - d'oeuvre de ce célèbre Artifte, dont le
nombre eft trop conûdérabie pour en donner ici l'énuméra-
liOB.
-ocr page 433-
d'Architecture,            317
le plus d'étendue , & cet édifice eft peut être a'uffi
un des plus avaiitageiifement iitués : élevé en face
de la rivière & du bâtiment du Vieux Louvre, fur
un Quai dont les murs de revêriffement font traités
dans un bon genre , il préfente un afpe£t très-
intéreiTant. Le frontifpice de l'Eglife forme un
avant-corps contenu dans une tour creufe ellipti-
que de trente-quatre toifes deux pieds de diamètre,
fur neuf toifes un pied de profondeur, & aux extré-
mités de laquelle fe remarquent deux pavillons de
foixante pieds de largeur, fur cinquante deux pieds
de profondeur.Ces pavillons ainfj que le frontifpice,
font décorés d'un grand ordre Corinthien, de trois
pieds de diamètre, élevé fur un focle. Nous remar-
querons qu'il eût été à cleiirer que ce même ordre
eût également continué dans les tours creufes :
le changement d'ordonnance qu'on y apperçoit ,
divife l'attention de l'examinateur, ce qui réuiîit
d'autant moins ici, que, de l'autre côté de la rivière,
d'où ce monument eft apperçu, cette difparité
femble choquante ; parce qu'on y jouit à peine
du coup-d'œuil que préfente le petit ordre Ioni-
que , & l'Attique qui les décore. D'ailleurs, pour-
quoi ce petit ordre Ionique, qui dans les entre-
pilaiires contient des arcades de même forme &
grandeur que celles placées dans les entre -pi-
laiires du grand ordre? La même inadvertance
fe remarque dans les ouvertures de l'attique, ce
qui rend fans contredit imparfaite toute la déco-
ration de cette tour creufe, & porte dans toute
cette façade un faite affez mal entendu. Nous
convenons que· la iituation avantageufe de ce
monument s'embloit permettre ici le fafte. dont
nous parlons ; mais s'il pouvoit avoir lieu, ç'étoit
fans\4oute une, raifon de. plus pour en étudier ton*
X ht
-ocr page 434-
% iM                        C o υ es
tes les parties , & les porter à im même modu-
le , qui, en confervant les lois de l'unité , aurok
rendu cette ordonnance plus recommandable en-
core«
Nous avons donné, à la fui du Chapitre pré-
cédent , les entre-pilaitres placés dans les angles
du grand avant-corps de cette façade ; nous avons
fait remarquer alors la négligence des parties qui
en occupent l'efpace ; tous les autres détails qui
décorent cet édifice , ne font pas traités avec plus
de fuceès* De petits pieds - droits ; des arcades
larges & baffes qui contiennent des portes à plates-
bandes plus baffes encore : des importes qui ne fur-
paifent la hauteur des bafes de l'ordre, que d'envi-
ron quatre pieds : uqs ceuils de bœufs percés fous
les archivoltes : des croifées fupérieures , égales à
l'élévation des portes de deifous , ornées d'ailleurs
de petites conioles d'une maigreur infoutenable ,
& placées trop près des chapiteaux du grand ordre ;
lin plinthe qui coupe en deux également la hau-
teur du fût de ce même ordre ; enfin, des pila-
itres atîiques qui ont les cinq fixiemes de l'Ionique
de deffous , & qui font couronnés par une balu-
itrade dont la hauteur excède Je tiers dé l'étage
qui la , foutient, font autant d'imperfeclions que
nous ne pouvons nous difpenfer de remarquer,
pour rappeler à nos Elevés, que plus les ouvrages
font importants, & plus il convient que toutes
les parties qui contribuent à leur décoration, puif-
fent être regardées avec le même degré d'eitime,
qu'on accorde volontiers aux beautés d'enfemble.
La partie qui s'élève au-deffus du frontifpice &
qui fe remarque au milieu de cette façade, nous
donne plutôt l'idée d'une tour que d'un dôme. Il
ne fuut pas % à beaucoup près 5 qu'un ouvrage de
-ocr page 435-
d'Architecture.            349-
cette ejtpèce ait une folidité réelle , il convient
encore qu'il annonce une folidité apparente. Or,
une voûte intérieure , fuppofe une pouffée qu'il
efî: bon de fortifier dans les dehors , par des corps
faillants qui paroiffent reiiiter à cette pouffée.
Autrement on ne s'imagine plus voir que la cage,
d'un efcalier circulaire, placée au milieu d'un édi-
fice , comme au Château de Chambor, & non un
lieu confacré au culte de la Religion : tant il eft
important que chaque objet du reffort de Γ Archi-
tecture ? s'annonce pour ce qu'il eil ; fans quoi
plus de caraâere, toutes les compofitions devien-
nent douteufes , & le plaiiir qu'on le propofoit
d'éprouver en allant .viiiter tel monument, fe chan-
ge en une indifférence qui fait fouvent méfefH-
mer l'ouvrage entier. La calote & la lanterne qui
s'élèvent fur cette efpèce de tour, font infuffifantes
ici pour donner à cette partie fupérieurë, l'air
qu'elle devroit avoir.
De ces différentes obfervatîons, il faut conclure
que cet édifice contient des beautés dans fa difpo-
iition & dans fon enfemble , qu'il faut favoir dé-
mêler d'avec les parties licencieufes que nous
y avons remarquées , en fe reffouvenant que ce
mélange de,beautés & de médiocrités ,.à peine
toiérables dans les maifons d'habitations élevées
par l'économie, doit être foigneufement évité dans
tout ce qu'on appelle ouvrage public. Il faut fur-
töut bien fe garder de réunir enfemble le beau
& le médiocre , dans les édifices facrés ; ce font
les productions de l'Architedure, qui contribuent
le plus à la gloire de leur Ordonnateur 9 & à
celle du ûecle dans lequel ces édifices fe trouvent
élevés.
-ocr page 436-
T..                                           '■■■'*, '" ' ν:''"'                       ;*■                               --' '
$J0                       C OU R S
Description abrégée όε l'Église
de Saint-Svlpice.
, .                 .                                          .'                       *
L Eglife Paroiiîiaîe de Saînt-Sitlpice, qui fe voit
aujourd'hui (<?), fut commencée en 1655, furies
deffîns de Louis Le Veau , & la Reine Anne d'Au-
triche en pofa la premiere pierre. Après la mort
de cet Architecte , la conduite en fut confiée'à
Gittard ( ρ ) ; mais les travaux en furent fufpen-
dus depuis 167 y jufqu'en 1719 , que l'on entreprit
de rachever ce monument, dont néanmoins on ne
commença à élever le principal portail, dont nous
avons déjà parlé précédemment, qu'en 1733, fur
les deffins & la conduite du Chevalier Servan-
doni ( q ). Plufieurs Architecles ont auffi été appe-
lés pour embellir cet édifice ; Gilles Oppenort (r),
le fieur Laurent & plufieurs autres font de ce
(0) En i646s'écan£ apperçu que la premiere Eglife de cette
Paroifle qui avoit été élevée en nu tomboit en ruine , on fc
difpofa à en élever une autre fur les deilîns de Gamard, 5C
dont Gaiton d'Orléans pofa la premiere pierre ; niais ayant re-
connu que le projet de cet Architecte étoit trop peu confidé-
rable pour cette ParoiiTe , qui s accroiffbit journellement , oa
fe détermina à élever en 1655-, celle dont nous parlons.
(p ) Danie] Gittard , Architecte du Roi, danslefiecle dernier?
a eu de la réputation ; c'eft lui qui a fuccédé à Le Veau , & qui
a fait bâdr le chœur de Saint-Sulpicc, les bas-côtés , la plus
grande partie de la croifée , & le premier ordre du portail
du côté du ieptentrion ; le portail de l'EgUfe de Saint Jac-
ques- du- haut- Pas a faubourg Saint-Jacques, eft auiTi de ccc
Architecte.
(q) Voyez ce que nous avons dit de cet habile Architecte,
premier volume , page i©z, note e.
(r) Gilles Marie Oppenort} né à Paris, où il eft mort vers
1755 , premier Architecte de Monfeigneur le Duc d'Orléans,
a paùe pour un très grand Deilinateui:. A fon retour de Rome,
où il avoit été en'qualité de Peniîonnaire du Roi, il fut fort
occupé. Le portail méridional, le deuxième ordre du portail
fsnteutrional de l'Eglife âc Saint-Sulpice, ainfi que la décora*
κ
-ocr page 437-
d'Architecture.            331
nombre. En examinant en détail cet édifice»
on s'apperçoit que ces différents Ordonnateurs
n'ont pas peu contribué à répandre dans fes par-
ties un changement de ityle, qui nuit elfenciel-
lement à Fenfemble. Chacun de ces Architectes
voulut s'écarter de celui qui l'avoit précédé,
& s'appliqua plutôt à produire , qu'à iuivre &
le même plan & la même ordonnance. Il eût
été donc à délirer que Le Veau eût compofé
un projet général, dont il étoit certainement bien
capable; & que ce projet, une fois approuvé ,
après avoir été difcuté & fournis à l'examen des
différents chefs de cette entreprife, eût pu feryir
de bafe à tous les Archite&es , qui dans la fuite au^
roîent été chargés d'en continuer l'exécution ; par-
la on né feroit pas dans le cas de femarquer aujour-
d'hui les défauts qu'on apperçoit dans fenfemble. En
effet, ce vaiffeau reftreint à une grandeur afléz
peu confidérable, & n'ayant qu'environ cinquante
toifes de longueur dans œuvre, fur vingt-cinq
toifes de largeur, auffi dans œuvre , prifes dans
la croifée, fe trouve encore reiferré par la trop
grande largeur des bas-côtés, & par la capacité
des trumeaux qui féparent les ouvertures·, qui,,
de la nef & du chœur, communiquent à ces mêmes
bas-côtés : rien n'eft fi choquant dans toute efpk-
ce d'édifices , & fur-tout dans nos Temples , que
d'anéantir , pour ainfi dire , la grandeur du lieu par
une Architecture démefurée & une affectation de
·—------- ,- __________________...
tiort intérieure adoflee à ces deux portails ; le maître-autel à
la Romaine de cette Eglife , & celui en baldaquin de Saint-
Germain- des-Prés font de cet Architecte ; c'eft enfin lui qui a
f0rtVa Sallerie du Palais Royal, & le iallon qui la pré-
cède, 1 intérieur dé l'Hôtel du Grand Prieur de France au Tem-
ple j k chœur & l'autel de l'Egliiç de Saint-Vittor, &c, ?
-ocr page 438-
-ί                                                                                                                                    ■ ; ■ · ,· · -, ν . λ
33Ζ                     C OURS
peianteur dans les piliers. Dès-lors ces parties ne
çonfervent aucune proportion , aucun rapport
avec les dimenfions générales.
Nous remarquerons que la largeur des bas-côtés
dont nous parlons, non-feulement contribue à
faire paroître la nef, trop étroite , quoique de
quarante-un pieds de largeur ; mais à rendre infù-
1 portable la petitefle de la Chapelle de la Vierge,
placée dans le, fond de cette Êgiife ·, de maniere
qu'on remarque aux deux extrémités de cette
ParoifTe, d'une part, un frontifpice peut-être trop
coloiTal, & de l'autre , une chapelle d'un beau-
coup trop petit diamètre: difparité dans le rapport,
des parties au .tout, & du tout aux parties, que
certainement on ne peut approuver.
Qu'on nous permette une digreffion : de tels
inconvénients fubfifteront toujours, lorfque, com%
me nous venons dele recommander, on. ne com-
mencera pas par pn projet général, tel qu'on
vient de le faire pour les deux monuments facréS;
qui s'élèvent a&uellement à Paris (s). De ma-
niere que fi par quelqu'évenement imprévu ces
monuments venoient à être interrompus , comme
Saint-Sulpice l'a été pendant l'efpaee de plus de
quarante années , il ferok du moins poiîible , par
îes précautions qu'ont prifes leurs Ordonnateurs,
de les continuer,tels qu'ils les ofit conçus lors de
l'étude de leur projet, confirmé par des modèles
qui en font voir toutes les principales parties , &
qui indiquent les moyens de parvenir à une exé-
cution auffi économique que durable.
N'en doutons point, de tous les moyens celui
dont nous parlons eft le plus certain. D'abord il
(s) X'Eglife de Sainte -Geneviève & celle de h Magdcleinç.
-ocr page 439-
d'Architecture.            33$
convient de fe procurer d'excellents projets, faits
par des hommes du plus grand mérite , de les faire
examiner enfuite par les Maîtres de l'Art ; puis de
les faire approuver par les perfonnes en place ,
qui, de concert avec les Architectes, en dîfcu-
teroient tous les avantages & les inconvénients.
Après ces préliminaires importants , ces plans,
ces mémoires, doivent être remis à TArchitede,
pour qu'il en attaque de nouveau les développe-
ments , & fe rende compte des ^divers moyens
qui peuvent en accélérer l'exécution. Ces préli-
minaires arrangés, & avant de paffer à l'exécu-
tion , il faut faire des modèles généraux &1 parti-
culiers , puis amaffer des fonds , des approvifion-
nements, rendre la place nette, & bâtir. Sans
toutes ces précautions , il n'eft guère polîible de
parvenir à élever des chefs-d'œuvre. Qu'on ne dilë
pas que ce que nous propofons, n'eft qu'une fpé-
culation vague : tous nos grands édifices, en ce
genre, ont été prévus & attaqués de cette maniere.
Peu importe que la bâtiffe en foit interrompue.
Il s'agit ici d'un projet général ; il convient de le
préfenter ainfi au Miniftre des autels ; il convient
de faire plus ; il faut avoir le courage de renoncer
à l'entreprife, ce qui nous eft arrivé plus d'une
fois, lorsqu'on a-exigé de nous de n'attaquer qu'une
partie qui ne fauroit un jour fe lier avec Fenfem-
ble qu'elle doit faire. *Quon y prenne garde, de
tous les monuments d'importance , les édifices
facrés font ceux qui exigent & le plus de vraies
beautés , & le plus d'attention de la part de l'Ar-
chite&e & des Ordonnateurs. ,
Combien de fois n'avons-nous pas fouri des
vains efforts de la plupart de nos Elevés , qui,
lors de leur début, vouloient effayer leur talent
-ocr page 440-
334                       Cour s
par la compoiition de quelques-uns de nos Tem*
pies ; avant d'en avoir les premières notions i
avant d'avoir affez de connoiffance de la conitru-
£tion, pour parvenir , par la fcience du trait, àfou-
tenir tel fardeau ou à retenir telle pouffée ; à rache-
ter telle ou telle faillie qui, de néceiîité, doit être
foutenue en l'air, foit pour parvenir à donner de
l'élégance à la décoration, foit pour procurer plus
de jour à Tédifïce, foit enfin pour arriver à une
hardieiTe , qui, fans être préfomptueufe, donne
tout à la fois, une idée fatisfaifante , & de la févé«
rite & du génie de fArtifte. Que nos .Elevés ne
s'y trompent pas ; ces fortes d'édifices doivent
être, non le commencement, mais la fin de
leurs études ; & ils ne doivent y penfer, qu'a-
près qu'ils auront examiné, à diverfes reprifes &
avec la plus grande attention , les reiïburces
employées par nos plus habiles Maîtres , non«
feulement dans les édifices célèbres précédemment
cités, mais encore dans ceux qui s'exécutent de nos
jours , ainfi que dans ceux élevés par les anciens,
& qui leur font offerts dans nos recœuils. Qu'au
refte, ils ne négligent pas de vifiter les édifices
de la féconde claiTe en ce genre, ils apprendront
à y démêler les médiocrités qui s'y trouvent pla-
cées à côté des objets moins imparfaits ; qu?ils
faiTent"leur profit de ceux-ci, en apprenant à s'éloi-
gner de celles-là: qu'en un,mot, ils examinent
tout; qu'ils analyfent jufqu'aux moindres détails;
qu'ils fe famiiiarifent en même temps, & avec l'art
de conflruire folidement , & avec celui d'emr
ployer une élégance' intérefTante dans les formes
de la décoration, & dans ce qui concerne la dißri-
Bution : qu'ils fe rappelent enfin , qu'une Eglife
Paroiiïiale, conventuelle, ou de fondation royale,
-ocr page 441-
ι
■ d'Architecture,          331
ne doit avoir rien à démêler avec l'afpect, la difpoiî-
tion & l'arrangement de nos bâtiments d'habitation;
que c'eft un genre à part qui ne peut entrer en com-
paraiibn avec les édifices vulgaires; que ces monu-
ments ne peuvent même entrer en parallele avec
ceux de magnificence proprement dits. ; nos Tem-
ples devant s'annoncer tout autrement que des
Arcs de Triomphe , des Places publiques, ou la
demeure des Souverains : tous ces édifices ne doi-
vent avoir de commun, que les règles de l'Art ;
mais le génie de l'Architecte, fon expérience ,
fon goût acquis, doivent les appliquer diverfe-
ment à raifon des différentes occafions qu'il a de
déployer fes talents. Nous en avons déjà préve-
nu ; nous nous permettons ces fortes de digref-
£ons dans le deilein d'appliquer l'exemple aux
préceptes. Ce n'eit pas pour les Architectes déjà
parvenus à un mérite éminent que nous écri-
vons ; mais nous avons particulièrement en vue
Finitruction des jeunes gens qui fe Vouent à Γ Ar-
chitecture.. Les répétitions & les longues réfle-
xions, inutiles pour les premiers , deviennent
fouvent indifpenîables pourfinitruction des jeunes
Elevés. Mais revenons à Saint-Sulpice.
Nous ne dirons rien touchant la diitribution du
'plan de cette Eglife ; ^elle eil afîez fimpïe 5 & en
cela mérite quelqu'eftime \ nous aurions deiiré feu-
lement , ainfi que nous l'avons déjà remarqué,
plus de rapport entre la largeur de la nef & celle
des bas-côtés , & qu'en général les Chapelles pla-
cées au tour de l'intérieur, de ce monument, euffent
eu un peu moins de grandeur, pour que la nef
en acquît d'avantage ; qu'au contraire, la Chapelle
de la Vierge fût plus vafte. Ce défaut d'enfemble
provient fans doute des raifgns que nous venons
-ocr page 442-
$$6                     Cours
de rapporter au commencement de cette defcri-
ption 5 & dont il eil bon de fe reiïbuvenir lors
de la compoiition d'un tel projeta
Le fond de la décoration qui préiide dans l'in-
térieur de ce Temple, eil femblable à celle qui
regne dans prefque toutes nos Eglifes modernes
de ce genre , exécutées le iiecle dernier. Un
ordre Corinthien décore la nef & le chœur de
cette ParoiiTe ; un autre ordre de même expref-
fion, mais d'un beaucoup plus petit module , orne
les bas-côtés, fa hauteur étant aiîujettie à celle
des impoiles des arcades de la nef. Le grand
ordre de cette dernière eft exécutée avec affez
de févérité; le fécond eil beaucoup moins correct»
D'ailleurs toutes les parties contenues dans ces
derniers entre - pilaitres, font, on ne peut pas
plus , négligées ; mais l'on peut dire que ce
défaut n'eil rien en comparaifon de tous le$
acceifoires répandus dans l'intérieur de cette Eglife,
& dont aucun ne contribue à rendre l'enfembîe
intéreiTant : la Chapelle de la Vierge n'eil que
riche, par les iticruilations des marbres, & par
les bronzes dont elle eil revêtue, fon peu d'eipace
ne pouvant raifonnablement contenir tant de fcul-
pture, de dorure & de peinture. Il eil vrai que
cette dernière préfente autant de chefs-d'œuvre,
la calote de cette Chapelle étant peinte par Le
Moine ( t ) 9 & les tableaux placés dans Fattique,
(t) François Le Moine, Peintre célèbre, né à Paris en i<f88,
pu il eft mort en 1737. La calote du chœur de FEglife des Ja-
cobins au faubourg Saint-Germain , eft de cet habile Peintre}
il la peignit avant ion voyage d'Italie. A fon retour il fe
ehoifi pour peindre celle de la Chapelle de la Vierge de Γ Eglife
dont nous parlons j mais ce qui lui fait le plus d'honneur, c'eft
lç célèbre euvragç de peiature qui fe remarque à 'Ysrfailles,
-ocr page 443-
©'ARCHITECTURE.            337
f>ar Vanloo ( u ) ; mais , à notre avis , ces chefs-
d'œuvre perdent une partie de leur prix , par
l'avoiilnement des objets 9 qui ne femblent réunis
dans ce lieu que pour en détruire l'effeti
La prodigalité des ornements qu'on remarque
dans cette Chapelle, fait affez connoîrre que le
zèle des chefs eil infiififant, s'il n'eil éclairé, s'ils
n'ont affez de cônnoiflances acquifes dansles Beaux-
Arts , pour pouvoir chdiiir les Artiiles en fécond ^
qu'il s'agit de réunir avec ceux de la premiere
claiTe , & s'ils n'en favent pas aiiez pour préférer
au moins un habile Maître qui puifle affigner à
chacun le rang qu'il doit tenir dans lentreprife ;
c'eit là le feul moyen de parvenir à former, de la
totalité, un accord véritablement intéreffant.
'Nous l'avons remarqué ailleurs , qu'on nous
permette de le répéter ici, les augmentations >
les embelliiTements , les reftaurations faites depuis
quelques années dans nos Eglifes Paroiiïïales, fe
reffentent prefque toutes du peu de lumière de
ceux qui président à ces illuftres entreprifes. Nos
plus habiles Artiiles font appelés à grands frais
dans nos Provinces, pour embellir les Temples ;
dans Paris, cette Capitale , le centre des talents
dans tous les genres , les hommes célèbres font
où il a repréfenté l'Apothéofe d'Hercule; fujet qui a fait don-
ner à cette pièce le nom de Salon d'Hercule, & qui, fans con-
tredit , égale en beauté toutes celles qui forment les grands
appartements de Verfaiiles, où Le BiUn a étalé toute la fupé-
riorité de fon génies,
          (                :\
{u) Charles-André Vanloo, connu fbus le nom de Carie
Vanloo,
frère & élevé de Jean-Baptiite de ce nom, eit un des
Peintres de notre Ecole Françoife qui ont pouiTé le plus loin l'arc
du coloris; d'ailleurs fes tableaux font d'un deffin correct, δζ
d'une belle ordonnance ; il eil: mort en 1769 , premier Peintre
du Roi » Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel , & G$ttverßcu*
Óes Elevés de Peinture , protégés par 3a Majeflé. ï *■
Tome III,                               Y
-ocr page 444-
33§                       Cours
à peine confultés , lorfqu'il s'agit des décorations
de cette efpèce: faute de goût, & par une économie
fouvent mal entendue, on choiik entre les hommes
Vulgaires, ceux qui fe prêtent au caprice des bien-
faiteurs , dont le zèle eil louable fans doute , mais
qui, manquant de lumière, produit prefque tou-
jours les médiocrités que nous remarquons avec re-
gret dans plufieurs des décorations dont nous par-
lons. Quelquefois, ce qui eil pis encore, lorf-
que des Artiiles d'un vrai mérite font adreffés dire-
ctement aux Chefs, ceux-ci, qui n'ont point d'idée
de ce beau fimple que devroit leur infpirer leur
faint miniilere , & fous le vain prétexte de flatter
Forgueuil du riche, exigent que les Artiiles em-
ploient des formes pittorefques ; qu'ils dorent tout
fur tranche ; qu'ils aient recours aux matières facti-
ces , au-lieu des matières premières; qu'ils préci-
pitent l'entreprife, pour quelle fe trouve finie fous
leur regne. Ces idées mondaines font abfolument
contraires à l'efprit de l'Evangile, dont la fimplicité
& les vérités éternelles devraient régler les vues
des Paileurs dans la décoration de nos Temples.
Ce n'eil pas que dans les différents objets qui
décorent la Chapelle de la Vierge dont nous par-
lons , on n'apperçoive quelques parties exécutées
par des hommes de mérite: l'architeclure, lafcul-
pture , les fers , le marbre , les bronzes , l'orfèvre-
rie , toutes ces différentes productions des Beaux-
Arts, conlidérées féparément, font autant d'ouvra-
ges eilïmables fans doute ; mais il n'en eil pas
moins vrai que les beautés qu'ils étalent aux yeux?
ne forment point un enfemble agréable, faute de fe
trouver difpofées dans un lieu d'un plus grand volu-
me. Leur place d'ailleurs aùroit dû être aiïignée d'a-
bord par un Ordonnateur, qui, dirigé par l'efprit de
V
-ocr page 445-
\
d'Architecture*          J^I
Contenance, auroit pris foin d'aifortir les matières,
de décider l'ordonnance générale , le relief que
chaque partie doit comporter, en un mot, le
choix des ornements* Mais comme on n'a point eu,
ces précautions, tous ces objets ne produifent à
l'œiiil que de la confuiion , & ne lui offrent guère
que l'image de l'atelier d'un Artiile , qui a pris
un certain foin d'y arranger avec fymétrïè la plu«
part des modèles qu'il a faits dans oqs temps diffé-
rents , & qu'il a rafiemblés, non pour pr-éfenter im
tout régulier, mais pour les confidérer lui-même
au beibin comme autant d'études» ·
Malgré ce que nous venons de rapporter con-
tre le ftyle peu foutenu qui préilde dans cette
Chapelle , il ny a point de doute, que lorfqu'on
vient à la comparer avec la décoration de toutes
celles diimfauées le long des bas - côtés de cette
Eglife , elle ne puiile paiier pour belle. En effet,
il eft difficile de concevoir la médiocrité qu'on
remarque dans la compoiitiön de pluiieurs :' &
à l'exception d'une ou deux de ces dernières ,
moins triviales que les autres , il n'y a point de
différence entr'elles, & celles qui décorent les EgH-
fes de la plupart des Bourgades de nos Provinces,
Ceit dans l'une des deux Chapelles que nous ex-
ceptons , qu'on remarque un des chefs-d'œuvre de
Michel-Ange Slodtz , qui y a Îculpté le tombeau
de M. Languet de Gergy, ancien Curé de cette
ParoiiTe; de maniere que dans le iiecle à venir,
on aura peine, en voyant cet ouvrage admirable, à
concevoir que , dans la même Eglife, on ait éga-
lement accceuilli & l'ignorance & la fublimité des
talents. Ce n'eil pas qu'on ne remarque encore dans
quelques-unes des autres Chapelles, quelques torn-
' beaux d'un certain mérite^ mais certainement au-
.Yij
-ocr page 446-
340                       Cours
ciin ne furpaiÎe celui fculpté par Michel- Ange
$lodtz; aucun même n'en approche. Au reite, mal-
gré cet éloge mérité, nous periiilons à croire, com-
me nous l'avons déjà avancé dans le fécond volume
de ce Cours, page 315? qu'il feroit convenable
de fupprimer de l'intérieur de nos Temples, cette
dernière marque d'honneur accordée à la vanité
humaine.
jLes deux extrémités de la croifée de cette Eglife
font décorées intérieurement, à-peu-près dans le
même goût, quoique les deiîins en aient été don-
nés par öppenort. Mais ce qui nous y paroit plus
inibutenable, ce font les quatre tribunes qui s'y
remarquent ; tribunes dont les ouvertures, les bal-
cons & les culs-de-lampes qui les foutiennent, font
du plus mauvais goût. H feroit à délirer qu'on fup-
p rimât entièrement cet ouvrage , qui mérite le
plus parfait oubli.
La tribune qui doit recevoir les orgues , placée
à l'extrémité de la nef, & adoffée au grand portail,
eil foutenue par douze colonnes d'ordre Dorique,
d'un deiîin correct, & terminée par un plafond à
plate-bande , conilruit avec beaucoup d'Art ; mais
outre que cet ordre eil d'un trop petit module,
la difpoiition de fes colonnes contenues dans la
largeur de la dernière arcade de la nef, & dont la
hauteur de l'entablement s'arrête à celle de l'im-
poile de cette même arcade, nous paroit poftiche
& rapportée après-coup, & nous femble d'autant
moins réufîir, que , frappés de la grandeur de
l'ordre extérieur , celui de la tribune paroit plus
petit encore, quoique l'un & l'autre foïent exécutés
fur les deiîins du Chevalier Servandoni : tant il
eft vrai qu'il échape aux plus grands Maîtres des
défauts de rapport entre les parties de l'édifice,
1
I
I
-ocr page 447-
d'Architecture.          54t
îorfque ces différents objets s'élèvent Tun après
l'autre, & dans des temps différents ; au-lieu, corn*
me nous l'avons dit plus haut, d'attaquer d'abord
un projet général, d'où l'on puiffe, par des déve*
îoppements réfléchis, concevoir l'idée de l'ouvrage
entier.
Le maître-autel eil compofé à la Romaine, 8c
paffe pour être du dellin d'Oppenort : il nous
paroît d'un affez bon genre ; fa iituation nous
plaît affez dans cette Eglife v n'ayant pu le pîa-<
cer, fous la clef de la voûte, parce qu'il auroif
intercepté la communication de la croifée avec
la nef & les bas - côtés. Il auroit peut-être
même été à defirer par cette raifon, que la
baluftrade qui enferme le fan&uaire eût eu moins
de faillie ; mais les cérémonies de FEglife l'ont
exigé ainii : cérémonies qu'il importe aux Archi-
tectes de connoître , afin que lors de la compo-
iition d'un pareil projet, ils puiffent le difpofer
de maniere, ainfi que nous l'avons recommandé
ailleurs , que toutes les parties de leur Art fe
trouvent d'accord avec les convenances qu'exige
chaque monument de ce genre.
Au-deffus de cet autel fe remarque une- efpèce
de dais en cartonage, fufpendu en l'air ; idée tri-
viale, qui à peine feroit tolérablë dans la déco-
ration d'un repofoir ; genre de décoration facré,
à la vérité, mais dont 1 ére&ion inftantanée nexige
pas la févérité dont on doit ufer néceffairement
dans les monuments deTefpèce- de celui dont nous
parlons. Les compartiments & les ornements diftri-
bues dans la calote qui termine la partie fupé-
sieure-du milieu de la croifée, font auffi d'un deflin-
tres^médiocre : on en peut dire autant des portes
cjui donnent entrée awx Sacrifties, & généralement
-ocr page 448-
J4%                    Cours
de tous les ornements acceiioires, répandus dans
l'intérieur de cette Eglife.
Nous en excepterons cependant les itatues pla-
cées au bas de chaque pilailre Corinthien, qui
décorent ce Temple. Ces itatnes font du cifeau
d'Edme Bouchardon , Tun des plus grands Scul-
pteurs de ce iiecle. Coniîdérées féparérnent, on
les trouve d'une exécution admirable; encore fe-
rions-nous bien fondés à demander pour quoi elles
font foutenues fur des culs-de-lampes , d'un deiîin
d'aiiez mauvais goût. Il s'en voit à^ la vérité d'à"
peu-près femblables dans le chœur de Notre-Dame
à Paris ; mais cet exemple étoit-il fait pour être
imité? Ils fe fupportent dans cette Métropole,
pajrce qu'ils font d'une matière précieufe , & qu'ils
paroiifent γ être amenés par le ityle de l'ordon-
nance ; mais ici ces itatues & leur fupport ne pré-
fentent qu'un fafte mal entendu, quoiqu'exécutées
en pierre de tonnerre , matière aifez commune.
D'ailleurs elles altèrent la proportion de l'ordre,
& ne font qu'ornement. Voilà pourquoi les chefs-
■ d'oeuvre des plus grands hommes , lorfqu'ils fe
trouvent déplacés , plaifent beaucoup moins '. ce
qui arrivera toujours, comme nous l'avons déjà
remarqué , lorfque les Miniitres des autels, faits
pour préfider à la décoration des lieux faints ,
manqueront non-feulement des connoifTances que
nous recommandons , mais qu'ils auront le goût
faux, futile ou frivole , qui procure à l'intérieur de
nos.Eglifes, cette diitraâion que fouvent les hom-
mes du monde fe permettent à peine dans leurs
demeures.
On doit encore excepter de nos remarques, les
ouvrages de Le Moine & de Vanjoo , dans M
Chapelle de la Vierge § le- tombeau fculpté pat
-ocr page 449-
d'Architecture.          343
Slodtz, déjà cité, enfin la difpofition aflez fimple du
plan cette Eglife; mais ces beautés font-elles en aiTeZ
grand nombre, pour compenfer la multitude des
imperfections qui y font raiTemblées , & les fom-
tnes immenfes que coûte ce monument ? Non fans
doute : d'où il faut conclure , que û nos réflexions
Impartiales font de quelque poids , cette produ-
ction ne peut fervir d'exemple aux jeunes Archi-
tecles, qui à l'avenir pourraient fe trouver chargés
de pareilles entreprîtes.
Examinons à préfent la décoration extérieure de
cette Eglife , fur laquelle nous paiierons rapide-
ment : prefque par-tout on y remarque des défauts
d'un autre genre, mais qui n'en font pas moins
des défauts, qu'il feroit intérefîant de favoir évi-
ter. Les façades latérales & le chevet de cette
ParoifTe , n'offrent qu'un amas confus de reilauts,
de corps qui fe pénétrent les uns les autres, des
tourelles & de membres d'Archite&ure défafibr-
tis, d'un ftyle auiîi négligé que médiocre, & tel
à-peu-près qu'on le remarque· dans nos autres Pa-
roiffes modernes , n'ayant rienapperçu à cet égard
de véritablement intéreifant , que l'Eglife de la
Sorbonne, dont nous avons parlé précédemment.
Nous ne penfons pas plus favorablement des deux
portails placés aux extrémités de la croifée ; celui
du côté du midi eil moins médiocre que celui qui
lui eir. oppofé; mais ni l'un ni l'autre ne font dignes
d'éloges : nous fommes même fermement perfuadés,
que le prix feroit refufé à ceux de nos Elevés
déjà inftruits jufqu'àun certain point, qui aujour-
d'hui concourent fous les yeux de l'Académie
Royale d'Architedure , s'ils ne produiraient que
de pareils deffins. En effet, quel fuccès peut-on
attendre de l'aifociation des petites ouvertures %
' Y iv
-ocr page 450-
344                       Cours
des plus petites niches encore qui s'y remarquent %
ainiî que des très-grandes croifées de proportion
Toicane, placées dans des entrecolonnements Co-
rinthiens ; enfin de ces œuils de bœufs d'un dia-
mètre égal à celui des ouvertures de défions, d'un
fronton circulaire placé fur un ordre compofite ;
en un mot, de ces tables chantournées , & des
ornements frivoles qui les décorent ? Rien que de
médiocre : ce font parconféquent autant de mem-
bres qu'on doit regarder comme des exemples
dangereux pour ceux qui , foibles encore dans
l'Architecture, s'accoutument infeniiblement à imi-
ter ces productions éphémères , enfants du dérè-
glement de l'imagination, ou de l'ignorance de
TArtifle, mais qui jamais ne devroient trouver
place dans nos édifices facrés.
On vient cependant encore d'élever un.portail,
àu-deiïbus même de la médiocrité, dont nous par-
lons ; il fe trouve fervir de frontifpice à une Eglife
Conventuelle, précédemment bâtie par un.denos
habiles Maîtres· On s'expofera presque toujours à
tomber dans ce défaut, quand au-lieu de confulter
un Architecte célèbre, on croira devoir s'en rappor-
ter à quelques hommes oiiifs qui peuplent nos Mo-
naiteres , & qui ont la manie de s'annoncer pieu-
fement pour des favants dans cette partie de l'Art»
Le principal portail de Saint-Sulpice eil peut-
être trop coloriai pour la grandeur du vaiffeau
auquel il donne entrée, mais du moins doit-on
reconnoître à la beauté de fon ordonnance , l'Ar-
chiteäe inftrnit qui en a donné les deiîîns, l'homme
de goût, en un mot, l'Artiite éclairé & nourri
UQS procédés des Anciens. Nous avons déjà dit
quelque chofe de cet ouvrage important; nous
rapporterons ici 7 fans craindre de nous répéter*
-ocr page 451-
^'Architecture.            345.
que ce portail eit peut-être une des productions
en ce genre qui faffent le plus d'honneur à notre
Architecture Françoife, & que lorsqu'une fois le
Séminaire qui mafque ce monument fera démoli, on
n'héiitera pas d'applaudir aux beautés neres & mâles
qui le caractérifent; en effet le ityle ferme qu'on y
remarque, décèle le génie vigoureux du Chevalier
Servandoni, qui, au concours , a remporté le prix
fur fes Emules. ■■■/■
Nous rappelons l'idée de ce concours , parce
qu'il doit être un exemple des moyens dont il
faudrait ufer lorfqu'il s'agit de l'érection d'un grand
édifice public. M. le Directeur générai des bâti-
ments du Roi l'a employé depuis , par ordre du
Prince , lorfqu'il s'eil agi d'élever une Place Royale
à Sa Majeité : l'érection de nos Temples , intéreiTe
également la Nation : leur difpoiition , leur ordon-
nance , doit faire naître à tous nos Architectes,
l'envie de fe fignaler dans cette partie de l'Art.
Pourquoi, fur un local communiqué, par des mé-
moires bien dreiTés, ne confulteroit-on pas le plus
grand nombre des célèbres Architectes de la Fran-
ce ? Pourquoi, leurs projets faits , ne les pas
expofer publiquement au fallon du Louvre, pour
y être examinés par les ConnoifTeurs ? Quelle
émulation un pareil concours n'exciteroit-il point
parmi nos Architectes , qui , certains d'une ré~
compenfe honorable, accordée à leurs travaux,
auroient pour expectative l'efpoir d'être préférés
& d 'accroître leur célébrité , par l'occafion qui
leur feroit offerte d'élever un édifice, que peut-
être , fans cette eirconfrance , ils n'auroient jamais
eu occaiion d'ériger ! Combien enfin, faute dé ce
moyen, de vrais talents fe trouvent enfouis, ί Et
combien n'en feroiç-il pas éçlpre i
-ocr page 452-
346                       Cour 1* i
D'ailleurs, faut-il toujours croire que parc®
qu'un Architecte fe fera fait un nom à la faveur de
quelque premiere entreprife, il foit le feul en état
de bien faire? Qui de nous ignore, que ce font les
grands travaux qui font les grands Architectes,
& que tel qui , faute de ces occafions d'éclat, eil
refté dans l'oubli, feroit devenu un Manfard, û
l'événement l'eût auiîi bien fervi que ces Archi-
te&es, hommes qui fe croient privilégiés , parce
qu'ils fe font arrogé le droit de dédaigner les
productions de leurs contemporains , en affectant
néanmoins , pour fe gagner le fufFrage de la mul-
titude , d'accorder leur bienveillance aux hommes
les plus fubalternes, mais qui, dans les circonftan-
ces efTencielles, méconnoiitant jufqu'à l'indulgence
que le vrai mérite accorde au talent naiffant, &
à plus forte raifon à fes égaux, ne fouffrent, par
une orgueiileufe préfomption , ni parallele , ni
rivalité. ·
Dans tous les temps fans doute, nous avons
vu de ces (hommes vains , en mipofer au vulgaire,
plus par leur place que par leurs talents, & s'a-
plaudir jufqu'à fe croire des oracles ; n'approu-
vant que par monofyllabes , & critiquant tout,
en élevant la voix avec ce ton de funifance , le
vice des hommes faux , qui, ..cherchant à maf-
quer leur fofbleffe & leur bafle jaloufie , n'en font
pas moins reconnus pour ce qu'ils font, & non
pour ce qu'ils devroient être.
Le frontifpice de S. Sulpice a vingt-neuf toifes
«le largeur, non compris les deux tours qu'on vient
d'élever au-deiïus du troifieme ordre, il eft compofé
de fept entreçolonnements, tant dans l'ordre Dori*
que, que dans l'ordre Ionique, qui eft au-deiTus,
& de douze colonnes pour chaque ordre: &r
\
-ocr page 453-
d'Architecture.           347
ces deux ordres , vers les extrémités de ce por-
tail , en eil élevé un troifleme d'ordonnance Co-
rinthienne qui forme deux avant- corps , & qiîi
eil continué en retraite entre les deux tours : ce
îroiiieme ordre, en arrière - corps , a été élevé
Um$ fon temps par l'Archkecle, à deilin de
mafquer la hauteur du comble de cette Egiife.
Les entablements des deux premiers ordres font
abfoîurnent fans reliants , & continuent dans toute
îa longueur des vingt-neuf toifes que ce portail
a de largeur : continuité qui ajoute encore à fa
grandeur, par la fuppreffion de toutes les pe-
tites parties. Le Chevalier Servancloni , qui
favoit qu'elles ne peuvent produire un bon eifet
dans un ouvrage confidérahle - avoit foin de les
éviter dans toutes, fes comportions. Cet homme
célèbre voyoit tout en grand ; & fans nuire-au
mouvement néceiTaire à obferver clans les parties
principales , il ne manquoit jamais de failir les
grands traits qui càra&érifent la véritable Archi-
tecture. Toutes les colonnes'de Tordre'Dorique'
placées dans le milieu de ce frontifpice, font
ifolees & accouplées les unes derriere les autres *
& celles des tours feulement engagées : en forte
que fur les colonnes de derriere, s'élève un mur
percé d'arcades, dont les impaires font foutenus
par de petits pilairres ioniques , & au-devant def-
quels eil placé Tordre ionique-colonne dont nous
venons de parler. Ce fécond ordre s'élève à plomb
du premier rang des colonnes d'en bas. Enfin il
eil couronné d'une baluilrade qui le termine avec
beaucoup de dignité.
Au-defTus du troifieme ordre qui forme les
tours de ce portail, l'Àrchitedre avoir commencé
a faire élever des campaniles qui dévoient êti?s
-ocr page 454-
$4%                        Cours
terminées par un congé en amortiiTement , &
celui-ci couronné de ilatues de métal doré ; en
forte que depuis le fol jufqu'au fommet de ces
ftatues (λ·) , cet édifice auroit eu quarante-trois
toifes. Mais depuis la mort de cet Architecte 9
a changé d'avis fur cette efpèce d'amortiffe-
ment, & par un barbarifme étrange, on y a fubiti-
tué l'efpèce d'attique de forme circulaire 4 dont
nous avons parlé deuxième volume , page 210,
ce qui produit le plus mauvais effet, & nous
prive de l'idée, auiîi heureufe que hardie, qu'avoir,
eue le premier Architecte de cette belle produ-
ction.
Il s'étoit äuiu" propofé d'élever un fronton entre
les deux tours & fur l'entablement du deuxième
ordre ; mais il fut contredit dans ce projet : quel-
que bonne raifon qu'il apportât, & quelque com-
pte qu'il rendît de la folidité de fa conitrutlion,
il lui fut impoiïible de parvenir à l'exécution, par
les tracafferies qu'il efïuya , & dont les hommes
les plus habiles ne font pas exempts ; cependant
aujourd'hui on fonge à élever ce fronton fur cet
édifice: on en aura l'obligation' à M. Patte, qui dans
un Mémoire fort bien circonftancié, a fuififamment
prouvé la néceffité de ce fronton, en propofant auiît
d'autres couronnements pour les tours , qu'il eût
été à deiîrer qu'on eût fuivis, au-lieu de ce qu'on y
vient d'élever, dont i'afpeö eil infoutenable.
Nous ne nous arrêterons point davantage fur
les autres parties de détail, concernant ce fron-
tifpice ; nous avons rapporté dans le Chapitre
précédent, l'un des entrecolonnements dô l'ordre
(?) Voyez ce deifin, tel qu'il devoit être exécuté, duMle
deuxième vgiiime de l'Archueéturç ïianfoifc»
-ocr page 455-
d'Architectuju.           349
Borique î une plus longue narration deflituée de
planches ne pourroit, fur cet objet, être d'une
grande utilité à nos Elevés. D'ailleurs nous fup~
poibns qu'ils fe rappelleront ce que nous avons dit
touchant la maniere de concevoir un tel projet,
en parlant des édifices facrés > Chapitre VΙ ί 1 da
deuxième volume de cet ouvrage ; nous les y ren-
voyons , ainfi qu'à ce que nous avons encore à
obferver dans la fuite de ce Chapitre fur cet
objer.
Nous aurions defiré pouvoir faire des remar-
ques fur pluiieurs projets donnés par les Archi-
tecies qui entrèrent en concours avec le Chevalier
Servandoni. Mais , nous l'avons déjà dit, de pa-
reilles diiTertations dépouillées d'images, font abfo-
lument infuffifantes. Peut-être donnerons-nous un
jour les projets qui nous font parvenus, dans un
nouvel ouvrage que nous avons déjà annoncé a
& qui aura pour objet divers exemples d'édifices
du reffort de l'Architecture civile, navale & mili-
taire. Citons feulement celui fait alors par M. Meif-
fonnier ( y ), dont la forme pittorefque donne
au moins une idée des talents de cet Architecte,
(y) Jude Aurèle MeiiTonnier , ne à Turin en 1Λ9 5 , mort à
Paris en 1750, réunilîbit tous les talents du relibrt des Beaux-
Arts ; il étoit Deilinateur , Peintre , Sculpteur, Architecte &
Orfèvre: c'elt fans contredit dans cette dcnieie part e ... qu'il a
excellé. Son genie le portoit toujours trop loin , lorfqu'il s'agif-
foitde l'Architecture : auifi n'a t-il guère exécuté que quelques
décorations intérieures. On peut juger de la fécondité de fou
imagination , par le deifin gravé du portail dont nous parlons}
il fe trouve chez Huquicr, rue des Maturins : le mouvement du
plan & les formes tourmentées Se licencieufes qu'on remarque,
dans ces élévations , fc reifentent plus de l'ébauchoir de l'Or-
fèvre habile , que de la règle & du compas de l'Archûeétc
pénétré des myfteres de fon Arc.
-ocr page 456-
|^|0              ■·Χ«Λ C O U R S
•ou plutôt île cet Artiile célèbre dans fart cîe l'orfè-
vrerie; cet.Artifte n'a eu de rival dans ion temps,
que îe fameux Germain ( £.) , qui, comme Meif-
ibnnier, avoît un goût décidé pour l'Architecture.
Le deiïin du Portail que nous citons , eil peut-
être un exemple qui prouve que le génie ne fufîit
pas j lorfqu'il s'agit d'un monument de Fefpèce
dont nous parlons, & que la nmplicité , la régu-
larité , la beauté des proportions doivent être
préférées à tout ce que l'imagination la plus fé-
conde peut fuggérer à l'Architecle. Meiiïbnier
■avoit pour principe , difoit-il, de créer dû neuf :
femblable au Boromini, il fe plaifoit à être fingu-
lier dans fes comportions : cela lui réniîîiToit quel-
quefois; mais en général, il n'eft pas fait pour être
imité. Auffi. les Artiftes de fön temps Γοηι-'ils fuivi de
trop loin, pour être applaudis. C'efl d'après ce Maî-
tre , il n'en faut point douter, qu'ils ont eu la plus
». Il         I           1 1                                                                                 I              I                I I                                 ■!. . I II I                                                     " Ι Τ 'V —                                          " '**'
" ' "■                                                                                                                                                                                                                      /
{ ^) Thomas Germain, né à Paris en 1675, où il eft mort en
•1748 , a été regardé comme un des plus habiles hommes dans
fon Art qui aient vécu au commencement de ce fiecle. Il fit un
voyage en Italie, où il fe nourrit des chefs d'œuvre dans tous
les genres, qui y font répandus avec profuiioß. A fon retour il
fut accœuilli avec tranfport j Se foutint fa réputation jufqu'au
dernier moment de fa vie. Nous avons eu occaiion de vivre
en familiarué avec cet homme célèbre, que fon urbanité ren-
doit acceffible à tous les jeunes gens ; nous faifiifons cette
occafion de publier les obligations que nous avons à cet excel-
lent génie, qui nous fît connoître M. Le Moine , Peintre célè-
bre ; an forte que c'eft à ces deux Artiftes du premier ordre ,
chacun dans leur genre, que nous devons le goût des Arts & le
zélé qui nous anime pour leur perfection. M. Germain a donné
les déliais fut lefquels on aconitrukune Eglife à Livourne. On
lui eft auffi redevable de l'Eglife de Saint-Louis-du-Louvre, qu'il
a conduite lui-même, & dans l'ordonnance de laquelle on remar-
que beaucoup de goût, mais peut-être trop de mouvement dans
le plan & dans 1 élévation j &. crop de ïeiïauts 4aö$ les cosar
f artimencs de la yoûtç,
-ocr page 457-
d'Architecture.           3 yi
grande part à la futilité des ornements dont on
a accablé nos décorations modernes : écart néan-
moins dont fe font garantis les hommes d'un vrai
mérite , & particulièrement Servandoni, contem-
porain de Meiiibnnier. Plein des beautés de l'anti-
que , il a fu foutenir le ityle Grec dans toutes fes
productions, tandis que Paris, de fon temps, n'en-
ïantoit guère que des chimères. Quelquefois même
les productions intéreiîantes > faute d'être mifes
à leur place, ont fourni des exemples dangereux
qui ont tourné toutes les têtes. Les dehors de nos
édifices, & fur-tout nos Temples ne doivent an-
noncer rien que d'auguite, & Ton y a placé des
ornements qui ne dévoient être employés que
dans les fêtes publiques , fur nos théâtres, & dans
l'intérieur des pièces de quelques-uns de nos ap-
partements.
Au reite le deiîin de Meiiîbnnier , comme nous
venons de le remarquer, n'eft pas abfolument fans
mérite ; on voit qu'il eil compofé par un homme
de goût, à qui il ne manquoit que de s'être atta-
ché aux beautés Greques & Romaines en ce genre.
Sans doute fon projet n'a pas dû être préféré à
celui de Servandoni ; cependant ce qui doit nous,
étonner, c'eft qu'on ait voulu depuis imiter, en
quelque forte, cette compofition, dans ua portail
cTEglife ParohTiale , aiTez important, & qu'au mé-
prix des lois de l'Art, on ait tenté d'élever une
décoration , tranchons le mot , difons ridicule ,
qui, n'ayant pas à beaucoup près le mérite de
celle dont nous parlons , ne laiiTe voir qu'une
ignorance imitative, mais dépourvue des préce-
ptes de l'Art, & de cette portion de génie qui quel-
quefois fait tirer parti des règles les plus féveres.
5
-ocr page 458-
* 351                       C o ¥ R s
Description abrégée de l'Eglise
Paroissiale de Saint-Roch.
Louis XIV pofala premiere pierre de cette Eglife,
qui fut commencée en 1653 , furlesdefïins de Jac-
ques Le Mercier. Cette ParoiiTe a eu le fort de tous
les monuments de cette efpèce, c'eit-à-dire, qu'elle
a été difcontinuée & reprife dans des temps diffé-
rents , & que pluiieurs Architectes y ont préiklé
jufqu'en 173Ó, que R@bert de Cotte , premier
Architecte du Roi {a), y mit la dernière main,
en donnant le deffin de ce frontifpice , dont la
conduite a été confiée après la mort de cet Archi-
tecte à Jules-Robert de Cotte fon fils , mort der-
nièrement Contrôleur des bâtiments du Roi.
Nous avons recommandé plus d'une fois à nos
Elevés de comparer enfembie les bâtiments de
même genre ; nous avons fuivi cette méthode dans
ce Chapitre , qui particulièrement traite de l'expé-
rience de l'Art. Pour cela nous oppofons à Saint-
Sulpice l'Eglife Paroiffiale de Saint-Roch , comme
les deux feules de ce genre, ^levées dans cette
Capitale, qui puiiTent entrer en parallele. Il eil
vrai que l'Eglife de Saint-Roch eil moins cortii-
(a) Robert de Cotte a fuccédé à Hardouin Manfard dans les
bâtiments du Roi, & ils l'ont fi fort occupé , qu'il a peu élevé d'é-
difices à Paris d'une certaine importance, à l'exception du fron-
tifpice dont nous parlons , & de l'Abbaye de S. Denis en France,
dont il a donné les deffins. C'eft auifi cet Avchitecle habile,
qui a donné ceux de l'Hôtel d'Eftrées , de l'Hôtel__du Maine,
faubourg Saint - Germain , & ceux de la gallerié de l'Hôtel
•de Touloufe : chef-d'œuvre dans fon genre , qui a été exécuté
par Vaffé le pcre, célèbre Sculpteur de fon temps. C'eft encoïe
fur les deifins de M. de Cotte, qu'ont été exécutés les Palais Epîf-
copaux de Verdun & de Strasbourg,
dérabîe 9
-ocr page 459-
J
P'A£CiJIT£CTURÇ.            |||
èévahle, fluoiqu'oççupant plus de fuperfîcie ( b ),
mais toutes les deux font à-peu-près du même
ftyle|>our l'ordonnance ; on y remarque les mêmes
licences dans les détails, le même faite dansles
acceifoires , & à-peu-près la même futilité dans
les ornements. La diftribution de cette dernière
eft feulement plus ingénieiife, & les parties qui
la compofent ont plus de rapport entrelles.
La largeur de cette Eglife, hors œuvre , n'eft
que de dix-fept toifes, prife dans la croifée ; fa
longueur totale eil de cinquante-trois toifës &:
demie , & fa hauteur fous la clef, eft dé
treize toifes cinq pieds & demi : dimenfion qui,
comparée avec celle de Saint-Sulpice, diffère dans
fa largeur, de quarante-huit pieds; dans la lon-
gueur , de quarante-deux ; & dans fa haute» \ de
vingt-quatre pieds fix pouces. Dans cette Eglife,
les bas-côtés font de moitié moins.Jarges que là
nef; mais la Chapelle de la Vierge a près de douze
pieds de diamètre de plus que celle de Saint-Sul·
pice : cette augmentation, comparée avec la nef
qui n'a que trente-cinq pieds de largeur, pendant
que la nef de Saint-Sulpice en a quarante- deux ,
change tout-à-fait la proportion du plan ', cV par
conféquent toute la difppfition dé l'ordonnance.
Ια cette Chapelle paroit d'autant plus vafte '
qu'elle eft entourée d'une gallerië de treize pieds
de largeur, & qui fe communique à fou dia-
mètre , par des arcades percées dans le mur
qui les fépare d'avec la Chapelle proprement dite.
D ailleurs , .derriere eit encore une autre Chapelle
j_____.;.                                  _ _
(i)LTEglife de Saint-Roch 8t Ces dépendances, conciennenL-
Jtolle hau cents cinquante toifes de fuperfîcie. Celle d?£-
Sulpice η en contint qUe mille ffif cems, ■■
          SC3*W
Tome III,                                     2
-ocr page 460-
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3 f4 \.             Cours
qui termine toute la profondeur de ce monument*
Nous remarquerons que l'étendue de cette enfi-
lade , la forme elliptique de ces Chapelles , *de la
gallerie qui leur fert d'entrée & de bas-côtés;
enfin les percésâ peut-être trop fréquents, qui y font
diilribués, ainii que dans toute l'étendue de cette
Eglife, procure aux fidèles qui entrent dans ce
Temple, un fujet de diitracîion contraire à la
majefté du lieu : tant il eft vrai, comme nous
l'avons déjà remarqué , que tous les ouvrages de
génie, quand ils n'ont pas l'ordonnance propre à
l'objet ? méritent plutôt le blâme que les applaudif-
fements des Connoiffeurs.
L'Àrchiteclture qui décore l'intérieur de ce mo-
nument , eft d'un aflèz bon genre; un ordre Do-
rique^pilaftre, couronné d'un entablement demi?
ctilaire, circule autour de la nef» de la croifée, du
chœur, & du fan&uaire. Cette ordonnance nous
plaît, plus que toute autre pour la décoration de
nos Temples; mais nous aurions defiré qu'on eût
donné moins de hauteur au focîe fur lequel cet
Ordre eft élevé. : il a ici près du tiers du pilaftre, de
manière qu'il femble que depuis l'érection de ce
monument, on en ait baiffé le fol au moins de quatre
pieds ; ce qui contribue à faire paroître l'ordre petit,
quoiqu'il ait près de trois pieds de diamètre. Au
reite, les pieds droits qui reçoivent ces pilailres,
ont beaucoup de légèreté; les arcades font auffi
d'une belle proportion ; mais malgré cet éloge ,
ce genre de décoration n'équivaudra jamais ni
aux colonnes qu'on introduit aujourd'hui dans
nos nouvelles Eglifes, à l'exemple de quelques-
unes de celles qu'on remarque en Italie, ni à
celles que Jules-Hardouin Manfard a fi heureufe-
ment employées à la Chapelle de Verfailles ; chef-
-ocr page 461-
,                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       ». !·                                                                                                 ' ■ ■'■ .■■·■■ ' ■ * ,■                                                                                                                                 ' V" ■■■■■■.
"■/)'■;' ''·';..; "'"■' <'-? : /■■- ^ ; ' '■' :■                                 ' ■ ' . \ ' ■ :.                                   . ,."
p'AftCft Ι TE:G TV KI«            311
d'ceuyre dans fôri genre , qui réuniroit les fuffra-
ges de tous les Connoifleurs, ii Ton y àvoit moins
prodigué les ornements,
Les croifées placées au-deiTus de Tordre Dori-'
que, font auiïi d'une belle proportion ; & tes arcs
cloubleaux élevés fur leur piédeital y font bien :
mais peut-être font-ils un peu trop riches , conft·
dérés avec le fût des pilaitres qui font fans canner .
lures, ces deux objets devant néceflairement avoir
un même degré de ncheife ou de iimplicité. Les'
panaches qui foutiennent la calote, formant 3e mi-
lieu de la croifée, & qui féparent le chœur d'avec'
la nef, font d'un deffin aifez médiocre; la calote
elle-même eu. de mauvais goût; fa forme feroit à
peine convenable pour terminer un fallon. Le grand
entre-pilaitre & les portes^ qui précédemment iè.re-
marquoient dans les extrémités de la croiféè,enfîn la
partie fupérieure qui s'y voit encore, ne répondent
pas, à beaucoup près , au reile de l'ordonnance.
Dans fon origine, cette ordonnance annonçoit les
talents fupérieurs de Le Mercier pour ce genre
d'édifice ; mais elle a tant fouffert de changements
depuis ce célèbre Architecte,& l'on y a tant ajouté
de fculpture, qu'on eit parvenu à lui donner l'air
de la décoration intérieure de nos bâtiments d'ha-
bitation ; la lumière d'ailleurs y eft trop abondante,
& l'on y a trop multiplié les percés.
                             /
A la place des portes latérales dont nous venons
de parler, & qui fe remarquoient aux deux extré-
mités de la croifée, on vient depuis peu d'élever
des Chapelles d'une aifez riche, ordonnance; mais
qui en ajoutant un nouvel éclat à la décoration,
de cette Eglife y annoncent plutôt un faite mal
entendu , que cet efprit de retenue qu'on doit
obferver dans l'intérieur de nos édifices facrés;
Zij
'
-ocr page 462-
356              ' j Co υ R s
D'ailleurs la décoration de ces Chapelles anéantit,
pour ainfi dire, le maître-autel, qui feul devroit le
remarquer ici. Il eft furprenant que des convenan-
ces ii eifencielles échapent aux Ordonnateurs dé
pareilles éntreprifes; elles devroient toujours guider
le crayon de l'Artiite. Toutes les autres parties de
décoration répandues dans ce monument, font à
la vérité mieux entendues que celles qu'on apper-
çoit à Saint-Sulpice ; mais, encore une fois, fuifit-il
de charger d'habiles Artiftes de chaque objet en
particulier, fans prévoir li tous ces différents
objets réunis formeront un bel enfemble ? Non
fans doute. D'ailleurs, nous le répétons, il ne
s'agit pas ici de faire riche, il convient de faire
beau : des fonds corüidérables font infufRfants, s'ils
ne font employés avec difcrétion. Jamais il ne faut
pouffer la magnificence jufqu'à la prodigalité. Pour
parvenir à la beauté dont nous parlons, des iffues
convenables, une difpontion avantageufe, des ma-
tières d'élite , une folidité immuable , une ordon-
nance impofante , font les moyens dont il faut
tifer dans l'ére&ion d'un Temple. Un monument
de cette efpèce à élever, doit infpirer & à l'Or-
donnateur & à l'Architecte, des idées fublimes. Ce
n'eft jamais en préférant les matières factices, &
en employant des hommes frivoles , qu'on par-
viendra à cette dignité convenable à la demeure
du Roi des Rois, puifque, malgré pluiieurs chefs-
d'œuvre qu'on diftingue dans î'Ëglife dont nous
parlons, on ne peut-être fatisfait de l'ouvrage
entier. Qu'on ne fe trompe pas, les beautés de
détailjfeules produifent rarement des chefs-d'œuvre;
elles nuifent plutôt à l'enfemble qu'elles nel'embel-
liffent, fur-tout lorfque celles-là n'émanent pas de
celles-ci. Les ouvrages de M. Pierre , aujourd'hui
-ocr page 463-
*~\
d'Architecture.'          3??
premier Peintre du Roi ; les deux tableaux de M,
Vien & de M. Doyen ; la chaire a prêcher de feu
Mi Challes % Sculpteur du Roi ; pluneurs chapelles
& quelques cénotaphes, fe voient fans doute avec
plaiiir dans l'Eglife de Saint-Roch ; ils méritent les
éloges des ConnoilTeurs : mais tous ces chefs-d'œu-
vre préfentent autant de morceaux détachés , fans
liàifon, d'un ftyle différent, tantôt d'un petit mo-
dule & dans le genre moderne; tantôt d'une forme
gïganteique & dans le goût antique, quelquefois fans
caractère, & prefque toujours 'feulement pour faire
richeffe. Que cet affemblage eft éloigné , félon
nous i de cette idée fufelime, dont nous parlions
toute à l'heure ! & qu'il nous paroît peu propre
à infpirér aux fidèles le recœuillement qui doit
les attirer dans nos Temples , & à faire parvenir
nos jeunes Artiftes à ce ftyle facré qui doit fe
manifester dans ce genre de productions !
D'ailleurs nous remarquerons qu'en général tous
les ornements qui tiennent direclement à l'Archi-
te&ure y font, & trop abondans, & traités d'une
petite maniere ; les agrafes, les trophées, les ro-
faces, les guirlandes, les confoles, les bas-reliefs,
toute cette Sculpture en pierre, eil pour la plupart
d'une mauvaife main , fouvent placée fans choix,
& prefque toujours fans convenance ; en un mot,
tous ces ornements modernes , au-lieu d'embellir
TArchitecÎtire qui primitivement décoroit cette
Eglife, l'accablent, pour ainii dire, & lui Tont
perdre la plus grande partie de fon éclat.
Nous ne parlerons point ici de l'ordonnance du
portail de cette Eglife ; nous ne pourrions que
rapeler ce que nous en avons dit, en donnant
l'un des entrecolonnements de l'ordre Dorique,
dans le Chapitre précédent ; nous engageons feule -
Ζ iij
-ocr page 464-
iff               m Cours \x
ment nos Elèves à comparer ce portail avec celui de
Saint-Sulpice , δε ils s'appercevront bientôt de la
préférence qu'il convient d'accorder à celui-ci fur
celui-là , en fe reiïbuvenant néanmoins, comme
nous l'avons déjà vemarqué , que ce dernier eit
peut-être trop coloiîal pour l'Eglife, & que celui
dont nous parlons, η eil peut-être pas aflez con-
iidérabie, quoique l'Eglife de Saint-Roch ioit moins
ipacieufe que celle de Saint-Sulpice. Avant d'aban-
donner ce frontifpice, nous rapporterons qu'à l'é-
gard de Texpofition des Temples, non-feulement
les Anciens, mais auffi les Canons de l'Eglife
ordonnent qu'ils aient la face tournée vers le cou-
chant : nous nous rappelons même d'avoir lu
quelque part, que la ParohTe de Saint-Benoît a
Paris, appelée dans nos Chroniques Saint - Benoît
U bien tourné,
donne un. exemple de l'attention
que les Anciens avoient de tourner le frontifpiee
des Eglifes au couchant ; nous croyons même avoir
déjà remarqué à ce fujet, que le portail de celle
de Saint-Sauveur , rue Saint-Denis, pour cette
raifon, fe trouvoit précifément à côté du fan-
auaire de cette Paroifîe : expofition qui s'obferve
bien peu aujourd'hui, le portail de l'Eglife de Saint-
itqch étant expofé au midi, & celui de l'Oratoire j
Hans la même rue, au nord.
                          V
Les façades latérales de l'Eglife de Samt-Roch,
lie font pas plus heureufement traitées que le por-
tail : d'un côté, cette Eglife eil prefqu'encombrée
par un mur mitoyen qui la fépare avec les rnai-
fons qui ravoifinent : dé l'autre, par une rue aiiez
étroite , & par des bâtiments qui appartiennent a
la Fabrique: bâtiments où l'on remarque, contre
toute regle de décence, des tavernes, comme fur
les marches d'un des portails de l'Eglife Saint-
. —.......___.^s
-ocr page 465-
d'Architecture.          359
Euftache, on tolère des Boucheries. Quelle in-
famie !
Nous obferverons cependant qu'à Saint-Roch,
on a pris foin d'éviter dans le.portail de cette
Eglife de faire parade d'une tour, comme cela fe
remarque dans prefque toutes nos. ParohTes, an-
ciennes & modernes. Nous répétons que , félon
nous , les tours devroient être réfervées pour les
Métropoles; ou du moins, que ii l'on croit en
devoir faire ufage dans nos ParoiiTes, il fàudroit
n'en placer qu'une, quipourroitferviràfairepyra-
mider la partie fupérieure de ces fortes de frontif-
pices; & il nous femble qu'an devroit réfervei?
les doubles tours pour les Eglifes Cathédrales ,
malgré l'exemple de Saint - Sulpice & de Saint-
Euftache , ou l'on en a placé deux qui s'élèvent
à chaque extrémité du portail de ces ParoiiTes.
Un autre inconvénient, à notre avis, qu'on a
encore pris foin d'éviter à Saint-Roch, c'eftqu'on
n'y remarque point de cimeti©re qui en foit limi-
trophe. Il eit vrai que la plupart des fépulture»
des Paroiifiens opulents font placées dansl'Eglife,
ce qui peut être encore nuifible à lafalubrité (c).
Mais du moins les exhalaifons font^elles moins
(c) Gervais de Cântorbery, rapporte qu'on diföit autrefois j
civitas non efi mortuorum fed vivorum , parce que les cime?
4 tieres écoient toujours hors des Villes i que noniçuiement on
n'enterroit point dans les Eglifes, mais même qu'il n'étoit pap
permis d'élever une Eglife ou un Oratoire dans lés lieux où il
y avoir eu quelqu'un d'enterré.
                                       -
Dans toutes les Lettres de S. Grégoire, où il permet de bâtir
quelques Eglifes, il y a toujours, fi nullum corpus ibi confiât
humatum
, ce qui fe contredit néanmoins avec ceux de nos
modernes, qui prétendent qu'il faut répandre peu de lumière
dans nos Temples , pour annoncer aux fidèles le féjour qu'ils
doivent habiter après leur mort.
Ziv
-ocr page 466-
j6o                      Cours.
pefKlencielles que celles qui s'échapent de nos
• cimetières, où Ton ufe de bien moins de précau-
tions, & où par conféquent les exhalaiîbns fe
portent dans toutes les maifons qui les entourent,
comme cela n'arrivé que trop ordinairement dans
Ceux "contenus dans l'intérieur de cette Capitale*
tel qu'à Saint-Sulpice , aux Saints - Innocents , à
Saint-Nieolas-des-Charnps & ailleurs.: inconvénient
qui nous a fait defirer, qu'on les tranfportât hors
dé l'enceinte de la Cité, ou du moins qu'on en
détruisît le plus grand nombre, comme on.l'a
fait anciennement pour celui de l'Eglife de Sainte
Jean-en-Grëve P qu'on ,a converti depuis en mar-
ché, (d) connu fous le nom de Marché du Cime-
tière Saint-Jean»
, ;
                 â-| ,.,..,.,. ':,;/■:.>,..
Description abrégée de î'Égjli se
•Pes Dames de la P^isitation ,
:,iRÎ7ÈyET PORTE SAINT-ANTOINE.
Cette Eglife en Rotonde eil un des premiers chefs-
d'œuvre de François Manfard. La premiere pierre
en fut pofée le 8 Octobre 1632 , par le Com-
mandeur de Silleiy , qui contribua 9 par fes libé-
ralités , à faire élever ce monument, & qui fit
choix de ce célèbre Archite&e pour en donner
les defîms. La conduite de cet édifice fut confiée
à Manfard, 13 ans avant celle de l'Eglife du Val-
de-Grâce. Le plan de l'Eglife dont nous parlons, *
eit enfermé dans un aiTez petit efpace ; mais fa
(d) Ce Marché étoit, comme nous le remarquons, un cime-
tière pour TEglife de Saine - Jean - en-Grève , à laquelle ce
terrein fut^ accordé en 1391, par la deftrnction de l'Hôtel de
Craon, dont le propriétaire de ce nom fut puni, au rapport de
Brice, pour aycir voulu faire ailaifiner le Connétable Olivier de
(ΐΐβΌηΛ
fous ie regne de Charles VI.
-ocr page 467-
d'Architecture.       36t
tHilributîon eil ingénieuie, & la difpolîtion des
bâtiments du Monailere bien entendue. La eoupole
n'a de diamètre que quarante-trois pieds , & de
hauteur, treize toifes deux pieds : quatre grands
arcs en foutiennent la voûte: fous celuien face
de la porte d'entrée eil· placé le maître-autel; en
face de celui du chœur des Religieufes, fe remar-
que la Chapelle de S. François de Sale, inititu-
teur dis cette Communauté. Le maître-autel a été
décoré depuis Manfard dans un goût moderne ,·
qui s'accorde mal avec le caractère grave & le
goût antique qui préiide dans l'intérieur de ce
monument. Son ordonnance coniiile dans huit
pilailres d'ordre Corinthien, de deux pieds neuf
pouces de diamètre; ces pilailres font couronnés
d'un entablement profilé avec goût ; mais Man-
fard y a fupprimé la cimaife fupérieure de là
corniche, dans le deffein fans doute que par la-
fuppreffion de ce membre , la faillie de ce cou-
ronnement maiquât moins la nahTance de la voûte,
il en a ufé de même dans l'intérieur du Val-de-
Grâce, ce qui a été imité depuis par pluiieurs
Archite&es. Nous croyons néanmoins qu'il faut
faire uiage de cette mutilation avec beaucoup de
prudence ; aulîî l'a-t-on évitée à Saint-Roch, aux
Carmes près le Luxembourg , & ailleurs. Peut-
être aurions-nous mieux aimé, ainfi que Le Veau
l'a toujours fait dans les dehors, rendre là faillie
de la corniche moins coniidérable en général,
que d'en tronquer la cime. Au refte, c'eil une
aifaire d'opinion, & il nous paroît juile d'accor-
der cette liberté à rArchiteâe , lorfque, félon
l'occafion , ce petit défaut, dans le détail, pro-
cure un bien général à l'enfemble.
Dans le ftyle d'Archké&ure qui préiide ici,
f
;
-ocr page 468-
göi            ♦; Cours
on remarque le germe des talents fupérieurs que
Manfard devoit. répandre un jour dans toutes fes
productions ( e) ; mais on peut dire qu'il n'a pas,
à beaucoup près , été fécondé par le miniftere de
la fculpture, comme dans fes autres ouvrages. En
général elle eft d'un goût pefant, & d'un deflin
femi-gothique, qui dépare, pour ainii dire , ce
chef- d'oeuvre , dont nous recommandons néan-
moins l'examen à pluiieurs reprifes à nos Elevés ;
car plus ils feront éclairés^, & plus ils y démê-
leront les beautés qui s'y trouvent répandues :
nous leur recommandons encore , d'aller -viiiter
l'Ëglife des Dames de la viiitation à Chaillot, du
même Architecte, d'un genre moins äußere à
la vérité, mais rempli de cette fineiïe de l'Art,
dont Manfard à ii bien tracé la route à nos bons
Architectes, âifez habiles d'ailleurs pour la bien
faifir, & y ajouter encore, félon leurs befoins &
le genre de l'édifice qu'ils auroient à traiter. Cet
Artiite ineftimable fut, pour ainû dire, le maître de
tous ceux qui lui ont fuccédé , & qui, comme lui,
étoient doués des difpofitions de la nature , &
nourris des plus admirables productions des anciens.
Cependant, quelqu'éloge que méritent les pro-
(e) Le premier ouvrage important de cet homme célèbre,
eft la reftauration de l'Hôtel de Touloufe en ï6xo', mais fori
véritable coup d'eiTai, eft le portail de l'Ëglife des Feuillans,
près la place de Vendôme, élevé en 1619. Enfuite en ι6$ι il
conftruifit l'Ëglife des Dames de Sainte-Marie dont nous par-,
Ions, & fut choifi par Gafton d'Orléans vers 1657 , pour
conftruire le Châttau de Blois. Il donna les deiïîns de l'Ëglife
du Val-de-Grâce en 1645 : quelque temps après, il fit les Plans
de l'EglÜe des Dames Sainte-Marie à Chaillot. En 16 sy il éleva
le Château de Maifons : cet édifice a mis le fceau aux ouvrai
ges immortels de ce grand Arehitefte 3 qui a fini fes entrepri-
■ Ces célèbres pat le portail des Minimes, élevé vers l'an 167?·
-ocr page 469-
■'■■./'■'                             0: '                          :>■■■■ ''?■'■'■■ '."■■ '-;"'.' '                                               -. ' ;- ■'-■"■;■.,■' I '*.
d'Architecture.          363
du&ions de ce grand Maître, nous ne diiîîmulé-
rons point que nous ne faurions approuver l'or-
donnance du frontiipice qui donne entrée à cette
Egliie ; on y remarque un caractère de fermeté
qui décelé à la vérité toutes les compoiitions de
cet Architecte célèbre ; mais , félon nous, fon
air de pefanteur dans la difpofition de fa maiTe,
n'annonce ni le ilyle du dedans, quoiqu'un peu
ferme, ni l'aménité qu'il convient d'exprimer dans
la décoration extérieure d'un monument dont l'in-
térieur eil deiliné à contenir des Vierges confa-
crées à la Divinité. Qu'on ie rappelle que la plus
grande partie des Leçons répandues dans ce Cours,
ont pour objet le caractère propre à chaque genre
d'édifice : ce caractère , trop négligé parmi nous,
ainii que nous l'avons obfervé plus d'une fois,
n'a été mis en œuvre avec le plus grand fuccès,
que par les Grecs , & dans quelques édifices im-
portants de l'Egypte. Les Romains, on peut le
dire ici, à l'exception de leiirs Temples , n'ont
fuivi les Grecs que d'aifez loin dans cette partie
de TArt. Peut-être même en France, Hardouin,
neveu de François Maniard , eit-il le feul qui fe
foit appliqué véritablement à cet objet iiintéreiTant
de l'Architecture,
                                 ν
Ce qui contribue fans doute à donner encore à
l'eniemble de ce frontiipice, le caractère de fer-
meté dont nous parlons ; c'eil la petitefle de la
porte & des membres d'Architecture renfermés,
dans une aiTez grande arcade feinte qui fe remar-
que dans cette ordonnance. L'arc de cette arcade
eil terminé par l'architrave de l'entablement cir-
culaire , dont ce portail eil amorti. D'ailleurs le
diamètre de l'œiiil-de-bœuf qui fe trouve placé fous
cet arc, & au-deflus du fronton qui couronne la
-ocr page 470-
3^4                      C O URS
porte , femble donner à celle-ci plutôt l'air de la
décoration d'un Tabernacle, que celle d'un Tem-
ple : tant il eil vrai que les rapports en Archi-
tecture déterminent les principales beautés : voilà
pourquoi d'excellentes parties, de belles propor-
tions , des profils purs font infuififants, û ces diffé-
rents objets manquent par les relations qu'ils doi-
vent avoir eritr'eux , & avec l'enfemble général.
Nous le difons à regret; cette compoiition,
quoique d'un grand homme , n'a déjà eu que trop
d'imitateurs, mais qui n'ayant eu ni les talents ni
les reffources de Manfard, pour racheter comme
lui, par leur génie , ce que cette maiTe préfente
de pefanteur, ont encore dégénéré de leur mo-
dele, >& ne nous ont offert que des deffins médio-
cres. Nous ne citerons ici que le portail de l'Eglife
des Capucines, vis-à-vis la place de Louis le Grand:
quelle différence entre ce portail & celui de Man-
iard ί Dans quelles licences même ne font pas
tombés ceux qui ont encore dégénéré d'après cette
copie , en s'éloignànt toujours de la production de
Manfard ί
Description abrégée de l'Eglise
des Dames de l'Assomption , rue
et près la Porte Saint-Honoré,
Cette Eglife confifte dans une coupole de forme
circulaire, dont le diamètre a plus de grandeur
que la précédente, celle-ci ayant dix toifes deux
pieds de largeur , & dix-fept toifes quatre pieds
de hauteur, au-lieu de fept toifes un pied , &
treize toifes deux pieds que préfente la dimenfion
de celle de Manfard, rue Saint- Antoine : parallele
que nous fhifons ici entre ces deux Eglifes', pour
-ocr page 471-
d'Architecture.            36 f
nous conformer au plan que nous avons ituvî
jufqu'à préfent dans l'examen de la plupart de no§
édifices. Nous avons déjà confeiilé cette méthode
à nos Elevés, & nous la leur confeillons encore j
car on ne peut guère arriver à la perfection de
l'Architecture, que par le feco,urs dé. la, compa-
raifon des édifices de même genre , & enfuite par
celle des bâtiments de genre différent.
Les deffins de ce monument ont été donnés
par Charles jErrard (ƒ), & la premiere pierre
en fut pofée au mois d'Août 1670. il aurojt été fa-
cile à Errardde tirer un meilleur parti de ion projet.
Manfard ayant élevé, plus de trente années avant
TEglife dont nous parlons , celle des Dames de
la Vifitation, près la porte Saint-Antoine, & celle
des Dames de Sainte-Marie à Chaillot, certaine-
ment il y avoit de quoi puifer dans ces deux
exemples, pour produire un ouvrage moins im-* ■ -
parfait.
La principale entrée de cette Eglife eit précé-*
dée d'un porche de fix colonnes de front, d'or-
dre Corinthien, de deux pieds & demi de diamè-
tre , & couronné d'un fronton triangulaire. Ce
porche, coniidéré en Particulier, produit un àffez
                                                                                                                                                                        . "" ' ' ■ . " "                                                                                                                            ', "                                                                                     * "*■
(ƒ) Charles Errard, Architecte & Peintre, né à Nantes en
Ï606 , il fut choiiï en 1666 pour être Directeur de l'Académie
que/Louis XIV venoit d^établir à Rome. Cet Artifre s'occupa
pendant fon féjour à Rome, à faire meiurer & dciîiner fur les
lieux lès principaux ouvrages d'Architecture des Maîtres mot
dernes, à deffein d'en faire une fuite au parallele d'Archite-
cture de Chambrai; mais la mort qui le furprir en 1689 »
l'empêcha de continuer cet œuvre intérelTant. Nous avons
déjà annoncé, premier volume de ce Cours , H plus grande
partie de cette collection, comme devant faire partie un jour
du Recœuil de l'Architecture Françoife , dont les quatre pue-
«aiers volumes font publiés depuis quelques anjiées.
                                                                                                                                                                    ί                         \
, '              ;                                                     -
'            ι
!
-ocr page 472-
/
$66                       Gou RS
bon effet; mais il femble" accablé par là pefan-
teur de la partie qui s'élève au-deffus ; celle-ci,
à ion tour, paroît affahTée fous la forme lourde
& gigantefque du dôme qui termine tout cet édi-
fice. Nous venons de reprocher à Manfard , le
caractère de pefanteur qu'il avoit donné au frön-
tifpice des Dames de Sainte - Marie , rue Saint-
Antoine : mais quelle différence entre cet exemple
& celui-ci ! du moins le caractère de fermeté qu'on
remarque au premier, eft-il foutenu dans toutes
fes parties ; on s'apperçoit que Manfard avoit eu
intention de le faire tel ; ici il femble qu'Errard ne fe
foit pas douté qiie les rapports fuifent une partie
eiTencieiledeFArchite&ure. D'ailleurs de mauvaifes
croifées à plaîes-bandes , alternativement placées
avec des niches de même forme, un très-petit
focle, de plus petites croifettes encore , un en-
tablement camus ; fur le dôme, des côtes d'une
largeur immenfe, un double rang d'œuils de-bœuf ;
enfin un amortifTement auiîi Jïizarre que fingulier,
Forment la décoration extérieure de ce Temple.
La partie intérieure n'eft pas traitée plus heu-
reufement: un ordre Pilaftre-Corinthien accouplé,
forme le bas de cette Eglife, tandis qu'au-deffus
il ne regne aucune efpèce d'ordre, & que la voûte
eft accablée d'une richeffe aufli indifcrète que de
mauvais goût. Ajoutons que les membres (f Archi*
te&ure y font négligés, & que la fculpture qui
s'y remarque' eil de la plus grande médiocrité,
fur-tout fi l'on vient à la comparer avec les chefs-
d'œuvre répandus dans i'Eglife du Val-de-Grâce.
Ce qui nous étonne le plus , c'eil qu'Errard avoit
{pus les yeux cet exemple admirable, élevé vingt-
cinq ans avant qu'il fît le monument dont nous
parlpns , δε que d'ailleurs, comme Peintre, il
-ocr page 473-
d'Architecture,          367
Revoit entendre la partie du goût, & fe connoîtres
en Artiites, A en juger par ce monument, nous
ferions tentés de croire, qu'il étoit médiocre Pein-
tre ,, & plus médiocre Architecte encore : Tenta-;
blement de fon porche, eft au-deiTous de la hau«
teur du cinquième de l'ordre ; Îa corniche de cet
entablement eft dépouillée de modulons & de den-,
ticules ; membres qui doivent caradtériitr le cou-
ronnement Corinthien« Le fronton de ce frontif*
* pice a auffi trop peu de hauteur ; en un mot»
nous penfons qu'Errard pourroit bien n'avoir donné
que les deffins de cet édifice, la premiere pierre
n'ayant été pofée qu'en 1670,, & cet Architecte
ayant été nommé Directeur de l'Académie de,
Rome dès 1666: en forte que les deffins qu'il
en aura envoyés d'Italie, où Û étoit alors, auront
été, altérés au point, que l'exécution fe fera
refîentie de fon abfence; ce qui n'arrive que trop
fouvent, lorfque l'Architecte ne peut conduire lui-
même fes productions. Combien n'avons - nous
pas d'exemples de ce genre ! S'ils préjudicient à
îa gloire de l'Architecte; ils ne s'oppofent pas moins
aux progrès de l'Art. En effet, les ouvrages mé-
diocres trouvent fouvent des imitateurs plus mé-
diocres encore : d'où il réfulte qu'au milieu des
hommes à talents fupérieurs , on élevé journelle-
ment des édifices, à la honte du fiecle fous le-
quel s'érigent ces monuments, dignes à peine de
la barbarie des onze & douzième fiecles.
Après les monuments dont nous venons de par-
ler , notre intention étoit de rapporter quel-
ques-unes de nos Eglifes Conventuelles ; mais ce
que nous en avons dit précédemment dans le
deuxième volume, nous femble fuffire ici. D'ail-
ieurs nous nous proposons, comme nous l'avons.
-ocr page 474-
368                       Cours
promis, de donner dans le Chapitre qui va ftiivre,
le plan & le développement d'une pareille Eglife
de notre compofition; & nous ferons en même
temps nos obfervations fur ce genre d'édifice facré.
Nous citerons feulement , comme nous l'avons
déjà fait, celle des Petits-Peres de la place,des
Victoires, par Cartaud ; celle des Jacobins du fau-
bourgSamt-Germain, par Bullet; l'Eglife de l'Ora-
toire , par le Mercier ; enfin l'Eglife canoniale de
Saint-Louis du Louvre, par Germain; & la Chapelle '
Collégiale des Lombards, rue des Carmes, près
la Place Maubert, par Bofcri { g), autant d'édi-
fices inférés dans l'Archite&ure Françoife , & dans
lefquels on trouvera des difpofitions, des formes,
des dimeniions, & quelquefois d'excellentes par-
ties de décoration, où nos Elevés pourront puifer,
lorfqu'tine fois ils voudront s'attacher plus par-
ticulièrement à ce genre d'édifice ; la partie la
plus difficile , mais la plus honorable de toutes
les productions de l'^rchiteclure.
(g) Cet habile Architecte, à fon retout d'Italie, où il ayoit
été pour fe perfectionner dans fon Art, a débuté dans Paris,
par donner les deifins de la porte & des bâtiments adja^
cents au Marché de l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés , &
il en a eu la conduite. Dans la fuite, il a été fort occupé
dans cette Capitale & fes environs. C'eft lui qui originaire-
ment a donné les deiïîns des bâtiments de la maifon de plai-
fance de feu M. de Montmartel à Brunoy, bâtiments coniidé-
rables qui ont été continués depuis par M. RouiTette, Archi-
tecte du Roi.
CHAP. VII'.
-ocr page 475-
ö*Aachitëctüré**. J6p
C Η Α Ρ ï Τ R Ε VIL
£Ζ7/Γ.£ pÈ L'EXPÉRIENCE DE VJRT,
0Z7 l'on rapporte divers exemples
d'Édifices sacrés, de la com^
position de l'Auteur*
JMo us avions derfein de ne f apporter les plans
des Eglifes dont nous allons parler,, qu'en traitant>
au quatrième volume s de la diftribution en
général; mais comme celle des Temples exige
une étude particuliere, nous avons cru plus con*
Venable de les offrir à la fuite de l'examen que
nous venons de faire de plufieurs édifices de ce
genre , élevés par nos plus célèbres Arcbitecles·1
Par ce moyen nous raiTemblons fous le même
point de vue , toutes les obfervations qui peuvent
mettre nos Elevés à portée de paffer à de pareilles
comportions * Ce n'eit pas que notre deffein foit
de faire entrer nos productions en parallele avec
les chefs-d'œuvre des Manfards & des Le Mercier;
nous fommes bien'éloignés de cette idée: nous
ne les offrons pas même ici comme des exemples
qui puiflent fervir d'autorité, mais comme des
moyens d'indiquer à nos Elevés la route qu'ils
doivent fuivre, lorfqu il s'agit d'entamer un projet
de cette importance. Les réflexions générales que
nous y ferons , pourront leur fervir de guide
pour la meilleure difpofition & le caractère par-
Tome III.
                                   A a
-ocr page 476-
Si
370                       Cours
ticulier qu'il convient de donner à chacun de ces
édifices.
Avant de paffer à la defcription de notre pro-
jet pour une Cathédrale, rapportons les princi-
pales mefures de celle de Paris, qui, quoique
d'un deffin gothique, n'en préfente pas moins un
enfemble intéreffant, & une dimeniion ii heu-
reufe , qu'il feroit peut-être plus utile qu'on ne
fe Timagine, d'en faiûr l'enfemble , lorfqu'il s'agit
de compofer un monument de cette efpèce ; car
on ne peut difconvenir que les formes générales
des monuments gothiques, leur ilruQure , leur
grande hauteur, leur étendue & les rapports
que les Architectes de ces monuments ont ob-
fervés entre le tout & les parties , ne nous
caufent autant de plaiiir que de furprife , & ne
nous donnent une idée de la fublimité du motif
qui les faifoit élever. Nous l'avons déjà dit, il ne
s'agiroit peut-être que de changer le ftyle de leur
ordonnance, comme nous avons tenté de le faire
dans un des exemples que nous allons donner.
On y conferveroit d'ailleurs tout ce qui paroît
tenir au genre facré : les Eglifes gothiques, quoi
qu'on en dife , n'ont rien de Vulgaire ; &: imitation
pour imitation, il feroit peut-être intéreflant de
conferver, fur-tout dans les Métropoles, ce cara-
ctère d'originalité, qui les empêcheroit de refîem-
bler à nos édifices d'habitation, comme cela ne
fe remarque que trop fouvent dans nos Eglifes
modernes , où communément les acceifoires , tels
que de trop grands bas-côtés, de trop grandes
Chapelles particulières, comme celles de la Vierge,
de la Communion , celle des Catéchifmes , les
Charniers, les Sacrifties, font tort à la nef, qui,
avec le fan&uàire doit faire le principal objet du
monument.
-ocr page 477-
;v- ; \.. '■■ ':.·· ■ ■■ '\ -                                     . , ·,                                   ■ ... '
'■·'■:'                                                                     '                  ' .'■                                                                     y- .■":                - "■■
D'A.Ä CH1TICTUKE.          , φβχ
Qu'on y prenne garde, dans tous les temps
les Temples ont été érigés avec une grande magni-
ficence ; qu'on fe rappelle ceux élevés par les
Grecs & les premiers" Romains. Sans ibrtir de la
France même , qu'on fe reiTouvienne de ceux con-
itxuits dans les onzième & douzième iiecles , &
l'on en concevra la plus grande idée : combien
de monuments de la premiere beauté, quoique ;.
gothiques, n'avons-nous pas cités dans l'Intro-
duction de ce Cours ? A ces citations on peut
ajouter l'Eglife de Vigogne , près Valenciennes,
la feule peut-être qui puiiTe aller de pair avec
celle de Sainte-Croix d'Orléans» Celle de Saint-
|
         Amand, à trois lieues de celle de Vigogne, enfin
|         celles qui ornent la plus grande partie de la Flan-
dre, & îon fera étonné qu'on apporte fi peu d'at-
         tention aujourd'hui à produire de véritablement
grands édifices en ce genre , pendant qu'à Paris
■S         même nous poifédons une Métropole âffez im-
j         menie, les Paroiifes de Saint-Euilache , de $aint-\
|         Gervais , de Saint-Paul, fupérieuresen grandeur,
&'peut-être en beauté , à nos Eglifes Paroiffîales,
commencées à bâtir le dernier iiecle,
Qu'on fe rappelle encore, ii l'on veut, les premiè-
res Eglifes qui furent élevées dans le commencement
de la Chrétienté ; elles étoient déjà, quoique bâties
feulement en charpente, d'une grandeur aiTez consi-
dérable : fi l'on n'y remarquoit pas les beautés de
l'Art, du moins elles fe refTentoient du motif eiTen-
cielqui les faifoit élever. Dans la fuite, plein de cette
idée fublime, S. Silveftre fut le premier qui ordon-
na qu'on élevât ces monuments en pierre ; du
moins ce qui efr. certain, c'eft que par le Concile
d'Epône, tenu en 517, Can. 26, il eft faitdéfenfe
de confacrer les autels, s'ils ne font en pierre, &
'!■                              \f         Aaij
* ■
-ocr page 478-
â72,                       Cours
qu'on Ut dans une des chartes de Lieury, que
VEglife Cathédrale de Chartres fut originairement
bâtie en charpente, & que ce for Yves de Chartres
qui le premier la fit reconftruire en pierre, «* àgnea
lapideam
, ex via rcddidit prcùofam.
Quoi qu'il en ibit, nous répéterons que ces fortes
de monuments doivent être de la plus grande magni-
ficence, par leur grandeur & par la régularité de leur
diitribution & de leur ordonnance; que ce n'eft pas
ici le cas d'uier de l'économie qu'on emploie dans
les édifices ordinaires; que, pour atteindre a la
beauté dont nous voulons parler, on doit permettre
à l'Architede fufage des modèles, & lui faciliter
les moyens de revenir, à plus d'une repriie , fur
{es premières idées. Feu importe , dans de pareil-
les occafions , qu'une entreprise. qui ■ pour être
bien, devroit coûter cent mille livres, en coûte
trois cent pour devenir mieux ; puifque néceflai-
rement c'eil de la perfeaion d'un pareil monument,
que dépend la réputation de rArchiteae & la
gloire d'un beau regne. En un mot, la magnin- ,
cence, comme nous l'entendons , eil le· principal
objet des édifices de la premiere importance. Mais
revenons à la Cathédrale de Paris.
            _
Ce monument fut commencé furies deffins de
Jean de Çhelles, en Iiyy, & fut achevé en 1351
par Jean Ravi, tous deux Ârchitedes & Entre-
preneurs de ces temps-là; cette Eglife gothique,
eil la plus confidérable de la France , ayant ioy
xante-huit toifes quatre pieds neuf pouces de
longueur , vingt-fix toifes de largeur hors œuvre,
& trente-trois toiles de hauteur , y compris les
deux tours (h) de neuf toifes & demie. Cette
( h ) On monte à ces deux tours par }8© marches. Les deux
-ocr page 479-
d'Architecture.           373
élévation eft, à la vérité, bien moindre que celle
de Strasbourg, qui a foixante-neuf toifes de hau-
teur , y compris la tour & la flèche qui s'élève
au-deffus ; mais fa longueur eft moindre de treize
toifes que la Cathédrale de Paris* La nef de celle-
ci, dé trente - neuf pieds de largeur, eft belle,
fort-élevée, fuMamment éclairée, & plantée régu-
lièrement, ce qui ne fe rencontre que rarement
dans ces fortes d'anciens monuments : la croifée
de cette Eglife eft de la même largeur & de la
même beauté que la nef; on en peut dire autant
du chœur & du fan&uairje ; chaque côté de ia
nef a de doubles bas-côtés, qui donnent entrée
à 3 5 Chapelles, dont quelques-unes font décorées
avec magnificence ; on y remarque fur-tout, ainii
que dans la nef & dai« le chœur, d'excellents
tableaux, peints par les plus habiles Artiftes de
notre Ecole Françoife. La fupériorité de pluiieurs
de ces merveilles eft caufe que les Étrangers les
envient à notre Nation, ainfi que la plus grande
partie des tréfors en ce genre, répandus dans les
différentes Eglifes de cette Capitale.
Après avoir examiné ces chefs - d'œuvre , &
confidéré la ftru&ure hardie, mais folide de cet
édifice ,'la fymétrie refpeitive des corps qui en
compofent l'enfemble, & la fmgularité des^ rofes
en pierre , fervant de vitraux au frontifpice &
■fcWÉM&Hn- " ■.....-.■■■■.ι.......11—.-...n.iJii 1 t ■'-----f - ' ;τ· ■'■■'        . ' "■"' *>MW—g             1 hl . ji .1 1        m 1 · mm
cfcaliers qui les contiennent, font placés à l'entrée & de cha-
, que côté de l'Eglife. Ces efcaliers fe communiquent par des
galleries qui régnent fur le devant du principal portail , & ·
s'élèvent jufque fur les plates-formes pratiquées furies tours,
■d'où l'on découvre la plus belle vue du monde ;j ce que nous
rapportons dans l'intention de porter nos Elevés à y aller pren-
dre connoiiTance des principaux édifices de cette grande Cité.
A aiij
-ocr page 480-
374                       c O υ R S
aux deux extrémités de la croifée de ce monu-
ment , rien ne doit tant intéreiTer la curioiité de
nos Elevés, que la décoration du choeur & du
fan&uaire de cette Eglife ( i ) , non que l'enfern-
ble offre une composition véritablement intéref-
fante , mais parce que chaque partie de détail,
confidérée féparément, préfente autant de chefs-
,m
            d'œuvre, La fculpture, les ornements, la pein-
ture , la dorure , les marbres, les bronzes, tout
y décelé la fiipériorité des Artiftes célèbres qui
ont été appelés pour embellir ce Temple. Il η'χ
a pas jufqu'à la menuiferie & à la ferrurerie qui
n'y foit traité dans le meilleur genre ; mais ce
qui doit fur-tout fixer l'attention des vrais Con-
^noifîeurs ou de ceux qui veulent le devenir, c'en:
une defcente de croix en marbre blanc, placée
derriere le maître-autel : groupe admirable fculpté
par Nicolas Couilou ( k ) 5 & qui peut être mis
,% en parallele avec ce que cette Capitale contient
(/'.) Louis XIII ayant fait voeu d'élever un maître-autel
«lans la Cathédrale de Paris, en laiiTa le foin à Louis XIV,
fon fucceifeur , qui ordonna en même-temps toute la déco-
ration du chœur & du fancluaire dont nous parlons. Cet ou-
vrage, commencé en 1653, fut fufpenda jufqu'en 1708. Ce
fut alors que feu M. de Cotte, premier Architecte du Roi, en
donna les deflrns, & l'exécution fut finie eiri'714.
(J5r) Nicolas Couilou, l'aîné, né à Lyon en Janvier rtffS,
mort à Paris le premier Mai »753. Toutes nos Maifons Royales
font remplies des chefs-d'œuvre de cet excellent Artifte. Cet
habile Maître étoit élevé d'Antoine Coyfevox, né à Lvon ea
1640, mort à Paris en 1710. Dans la décoration du chœur
* dont nous parlons, on remarque la figure de Louis XIV en
marbre blanc , fculpté par cet homme célèbre, qui fait pen-
dant à celle de Louis XIII , fculptée par Guillaume Couilou
le jeune, né auffi à Lyon le premier Septembre 1677 3
όάοϊζ
à Paris en, Février 174Î. ·
-ocr page 481-
d'Architecture.           37^
de plus précieux en ce genre. On doit aulîi beau- ,
coup d'éloges aux Sculpteurs célèbres qui, à l'envi
les uns des autres, fe font iignalés dans cette
occaiion. Il nous fuffira d'en nommer ici pluiieurs
pour déterminer nos jeunes Artiites à aller vifiter
plus d'une fois ces divers chefs-d'œuvre. De ce
nombre font les Coyfevox & les Couilou, dont
nous venons de parler , les le Pautre, les le Moi-
ne , les Vaffé , les Hutrel, les Vancleve, les
Frémin , &c. qui tous ont fculpté les itatues, les
bas-reliefs en marbre ? en bronze , ou en métal \
d'ailleurs tous les principaux ornements taillés en
bois, font du fameux du Goulon. Enfin les tableaux
qu'on remarque auffi dans ce chœur, font peints
par Lafoffe, Boulongne, Jouvenet, Halle, Coypel,
autant de chefs-d'œuvre auffi rares qu'exquis, &
dont l'examen réitéré ne peut que contribuer à
former le goût de nos Elevés.
■ ,., .. ,,,\, .'„'V-jt: ;,,;.,..:,, ... ...                     ' ·. ■,' ■·■"■. '/: ' ':'!; '· :-
Projet vu Plan d'une Église
cat h è dr ale du dessin
DE L'AUTEU R.>
Planche LIÏI.
. ». ', ' ;                                                                                                                 ■ .                                          ,...■-.■■.;..''■■■;'·': ?■'' ■; ■-:■ ■■'■/■                                                                                                          ■'#
_■...,                                            ■■■ ■■....../. ., _-.* ■-.■■■■                                                - ,<■■■ ... "■ ·.·;' ; ■■<:'■: ■■■*■■.■■■; h ·■■,-;                                 t ■■ · . « ■ '; η -i,'. γ& s,-?
Nous avons déjà annoncé ce projet ,,& donné
une idée de fa principale difpofition , dans le deu-
xième volume de ce Cours , pag. 325 ; nous allons
en donner ici le plan, parce qu'il eft néceffaire à pré-
fent de parler aux yeux de nos Elevés. Dans la fuite;,
nous rapporterons les élévations & les coupes de
ce monument : détail qui nous meneroit trop loin
dans ces Leçons, & qui les diitrairoit de la mar-
che qu'ils doivent fuivre , avant d'attaquer la
totalité d'un pareil édifice : nous en nierons de
A a iv
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37<5                    ' · Co υ R s
même pour 1'Eglife Paroiiîiale qui va fuivre , &
qui, après la Cathédrale que nous offrons, eft la
plus grande entreprife qu'on puiiTe exécuter. A l'é-
gard de l'Eglife Conventuelle & de celle en Rotonde
contenues dans ce, Chapitre, comme ces deux
productions font d'une moindre importance, fur-
tout la dernière, nous donnerons en même temps
leurs développements, qui préfenteront en quel-
que forte, le ftyle qu'il convient de donner aux
édifices facrés, félon ce que nous en concevons, &
ce que nous en avons déjà rapporté précédemment.
Cette Métropole , compofée pour une des gran-
des Capitales de l'Empire, auroit eu de longueur
dans œuvre 5 non compris le porche extérieur,
foixante-dix toifes, par conféquent environ trois
toifes de plus que celle de Paris : notre objet
principal dans ce projet , a été de difpofer le
maître-autel A, tout à l'extrémité de ce monument,
de l'élever de onze marches fur Ja nef, de placer
fur des corps avancés & dans des enceintes par-
ticulières, les chapelles de la Vierge B, & celle
du Saint-Sacrement C ; en forte que ces trois autels
fe trouvent difpofés triangulairement, en obfer-
vant que le maître - autel occupe le fommet du
triangle : difpofition qui nous avoit été recom-
mandée , & que nous avons faiiie comme une
idée heureufe, à caufe de la forme de ce triangle,
& de fon analogie avec les Myfteres de la Reli-
gion. Ces Chapelles d'ailleurs n'ont aucune eipèce
de communication avec le maître-autel dont l'ai-
pe£t intéreifant fe remarque néanmoins dès la.
principale entrée de cette Cathédrale,
Nous n'avons pas donné à la croifee D , autant
de largeur qu'à la nef Ε, n'ayant pas eu deifein
de h faire continuer jufqu'aux portes collatérales^
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d'Architecture.           377
nous ayons cru néceffaire de pratiquer les porches
intérieurs G, deilinés pour la fortie des fidèles,
parce que le Clergé a fes entrées particulières par
les portiques L , pour arriver dans les facriities I,
au fanduaire A, & de là dans le chœur K. ; en
forte que le Clergé communiqueroit, par les por-
tiques L, d'une part, de l'Eglife à l'Archevêché,
& de l'autre, aux logements des Chanoines, &
autres Dignitaires Ecciéiiaitiques. Les galleries H
font deftinées à fervir de paifage pour defcendre
dans les efcaliers M , à une Eglife fouterreine ,
où feroit dépofé le tréfor avec les reliques des
Martyrs.
Au relie, au-lieu de faire ces porches G inté-
rieurs , on les pourroit faire extérieurs, & alors
ajouter leur profondeur à chaque bras de la croi-
fée , qui par là pourroit devenir auffi large que
la nef; mais du moins faut-il favoir qu'il convient
de ne pas négliger ces fortes de porches, pour
éviter les tambours de menuiferie, que la décence,
le recœuillement & l'air froid des dehors, forcent,
pour ainii dire, de pratiquer aux principales en-
trées de nos Temples.
Nous croyons qu'on feroit bien de prendre ce
dernier parti, la croifée DD qui fe remarque ici
paroiiïant avoir trop peu de largeur, comparée
avec la grandeur du vaiiTeau en général, & en
particulier avec le diamètre de la coupole Ν, le-
quel eft de foixante pieds ; c'eft pourquoi nous
avons rapporté en marge, figure Ο , le change-
ment que nous propofons, & nous en avons feu-
lement deiîiné la moitié. Nous avons donc laiifé
fubMer ce défaut dans l'enfemble du plan , afin
de faire connoître à nos Elevés, combien il eil
eifenciel de revenir fur fes pas pour parvenir à
•Λ ' . .-"
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378                       Cours
un plus grand degré de perfe&ion, après avoir
néanmoins difcuté l'avantage ou le défavantage
que peuvent procurer au projet général les chan-
gements qu'on y veut faire.
La nef E a de longueur cinq fois fa largeur ;
les bas-côtés Ρ , les deux tiers de celle de la nef.
On trouvera peut-être cette nef & fes bas - cotés
un peu longs pour leur diamètre ; voici ce qui
nous a déterminés à en uier ainû. Premièrement
cette proportion eil celle qu'on a obiervée dans
prefque tous les édifices gothiques les plus célè-
bres. Secondement nous avons penfé que la lar-
geur des colonnades Q qui les féparent , fe réu-
nifiant à leur diamètre, en augrnenteroit beaucoup
la largeur : augmentation qui n'aurait pas lieu ,
fi à la place des colonnes nous euiTions fait ufage
des arcades employées précédemment dans nos
Êglifes modernes ; reiîburce qu'on peut mettre
en œuvre dans la compoiition des Temples, où
les colonnes font préférées aux piliers quadrangu-
îaires qu'on remarque à Saint-Sulpice, à Saint-Roch
& ailleurs. A l'extrémité des colonnades Q, nous
avons placé autant de Chapelles particulières ,
nombre que nous avons regardé fuffifant pour les
raiions que nous en avons rapportées précédem.'
ment ; c'eft pour cela que nous avons placé dans
Fintérieur & le long des murs latéraux de ce
monument, des niches difpofées alternativement
entre des croifées , & au-defTous deiquelîes on
pourroit placer des confeiîionnaux ; mais , comme
nous l'avons déjà remarqué, ces tribunaux de la
pénitence feraient plus convenablement contenus
clans des Chapelles particulières, qui, dans ce
plan, pourroient fe pratiquer en Κ, & dans
Icfquelles on arriveroit par les galleries -H »
-ocr page 485-
d' Architecture. 379
en y perçant une porte de communication.
La principale entrée de cette Eglife eil précé-
dée d'un porche S , dont la largeur égale à-peu-
près celle de la nef E. Les portes marquées F,
ne doivent iervir que de ibrtie ; par ce moyen 9
on pourra éviter la confuiion, & obferver la dé-
cence qu'il convient d'apporter dans nos Temples.
On ne parviendra que difficilement à ces objets
importants , ii lors de la conilrn&ion générale du
projet on ne conçoit les moyens d'arriver non-
feulement à la perfection de l'Art, mais encore
à tout ce qui peut contribuer au bon ordre , &
à l'édification des Peuples. C'eit donc pour y
parvenir autant que nous avons pu , que nous
avons deftiné les trois portes Τ du porche S ,
pour la principale entrée du Temple , les portes
F pour la fortie des Fidèles, & les pafTages L pour
le Clergé.
Les deux Chapelles V qui ont leur entrée par le
porche S, & qui occupent ici la place des Chapelles
des Fonts & de celles des Mariages dans nos Egaies
Parbiiîiales , font defHnées dans ce plan pour la
fépulture des Archevêques, ayant déjà defiré plus
d'une fois , que ces Chapelles funéraires ne fuiTent
jamais contenues dans l'intérieur de* nos Eglifes >>■'
& pour plus de falubrité , & pour que les chefs-
d'œuvre qui ordinairement embellifTent ces Cha-
pelles, puiffent être admirés parles ConnoiiTeurs, ·
fans manquer au refpecÎ dû au lieu Saint.
On pourra aiïffi remarquer que le fol du porche S,
eft beaucoup plus haut que celui du pavé où circule
le Peuple. Nous avons donné ailleurs des raifons
de cet exhauffetnent. Nous ajouterons ici, que le fol
des rues ou des places pratiquées au-devant de
ces monuments facrés , s'élève toujours par la
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38o                       Cours
fucceffion des temps. Ceft ce qu'on voit en exa-
minant la Cathédrale de Paris, où anciennement
on montoit plufieurs marches, & oit au contraire,
on defcend aujourd'hui, quoiqu'on ait , depuis
environ vingt ans , bauTé le fol de la rue. D'ail-
leurs rien de fi effenciel, félon nous, que d'ob*
ferver cette inégalité de fol dans nos Eglifes. Quand
on monte pour arriver dans nos veitibules , le
bâtiment en acquiert plus de grâce & de dignité.
Or où la dignité c^oit-elle être employée plus conr
venablement que dans nos Temples ? Certaine-
ment cette élévation de fol , dès le dehors,
amène dans les dedans, les fidèles avec plus de
réflexion ; rien de û peu décent que d'entrer de
pîain-pied dans les monuments dont nous parlons.
Nous avons déjà fait la plus grande partie de
ces remarques dans le fécond Volume; nous y
renvoyons, dans la crainte de revenir trop fou-
vent fur le même objet; mais nous n'en defirons
pas moins que les principes généraux, qui y
font contenus, s'appliquent dans toutes les pro-
ductions de ce genre.
On ne fonge guère qu'à faire une grande Archi-
tecture ; on la choifit Corinthienne pour procurer
plus d'éclat à l'ordonnance: à l'imitation des Grecs,
on reiTerre les entrecolonnements, fans autre but
que de bâtir à la Grecque; ou bien, dans le deifein
d'en impofer, on donne une ii grande élévation
aux colonnes, qu'on fe trouve forcé, pour des
raifons de folidité, de les approcher fi près les
unes des autres que, par cette même confidé-
ration, il n'y a plus de rapport entre Vefpace-,
ment des colonnes & la largeur des ouvertures qui
donnent entrée au Temple : en forte que Ia pre-
miere chofe qu'on a oubliée^'eftd'obferverune cor-
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refpondance convenable entre le module de 1 Or-
dre & retendue de l'édifice. On croit être grand,
on n'eft que gigantefque; ou, de cet excès, on
tombe dans celui de faire plufieurs petits ordres
élevés les uns au-deiïus des autres; en faveur
de la difpofition quelquefois heuretife du plan,
on facrifîe l'ordonnance: on a recours au faite
pour pallier les défauts qui fe font gliffés entre
la relation des dehors, & celle des dedans du
monument. On remet à l'avenir le foin de fe
^rendre compte des détails de la conftruäion &
de la partie économique qui doit s'obferver,
dans les entreprifes même les plus importantes;
on plante, on élevé avec fuccès jufquà un cer-
tain point, puis on fe trouve arrêté par des
obitacles invincibles, qu'on ne peut parvenir à
furmonter qu'aux dépens, ou de la folidité, ou
de la beauté d'enfemble & de l'harmonie qui
devroit régner entre les parties & le tout.
Nous le répétons encore, la itru&ure de nos Tem-
ples exige une étude particuliere; leur grandeur,
leur élévation, la maniere de les fonder fuppofe une
expérience toute autre que celle qui guide TAr-
chite&e dans les Bâtiments d'habitation : non-feu-
lement il faut avoir étudié les procédés dont fe
font fervis nos plus célèbres Architectes en France,
mais connoître ceux qu'on a fuivis lors de la
conftrucHon des plus grands monuments élevés
en Italie ; la feule partie des voûtes, relative-
ment à leur légèreté, à leur poids, à leur pouf-
fée, demandé une méditation profonde : Tart du
calcul, les connouTances de la Phyiique, des
„forces mouvantes, font de leur refïbrt; on ne
peut y parvenir avec fuccès que par une lon-
gue iuke d'expériences, que par le fecours des
ι
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'f '                                         >' ' ·
382                       CO URS
modèles; autrement les formes les plus heureufes,
l'ordonnance la plus ingénieufe, enfin la difpoii-
tion la plus agréable, ibnt autant d'objets infuf-
iîfants, quoiqu efTenciels , fans une pratique éclai-
rée de la théorie la plus fublime.
Dans la fuite, nous ferons part à nos Elèves
de la route que nous avons fuivie, pour ce qui
regarde la conftruction du projet que nous venons
de décrire. Parlons à préfent à celui de notre
Eglife paroiiîiale, & donnons-en le Plan ; il ne
s'agit encore ici que d'indiquer les nouveaux
moyens que nous propofons , pour donner
aux monuments de cette efpèce une difpoiition
plus convenable , d'après l'idée que nous en
avons conçue.
Projet du Plan d'une Égiise
Paroissiale^ du dessin
d e l'A υ τ ε υ R.
Planche L î · V. ■■■;}
La plupart des Leçons contenues dans le hui-
tième Chapitre du deuxième Volume de ce Cours,
traitent des parties principales contenues dans le
Plan que nous offrons dans cette Planche, nous
avons même rapporté, page 312, l'intention que
jnous avions eue de raffembler, dans ce Projet,
tout ce que nos Edifices facrés contenoient de
plus intéreffant, chacun dans fon genre. Nous
avons aulîi, dans la note de la même page,
rendu compte de la reiTemblance que notre Pian
a en quelque forte avec celui de l'Eglife de Saint-
Amand ; nous y renvoyons nos Ledetirs. Nous
.allons feulement leur fajre connoître plus parti-
-ocr page 489-
φ                                                                                      ■                                                                                                     -■■-'.*
d'Architecture*          383
euîiérement cette Eglife d'un nouveau genre, ainii
que nous l'avons promis à la fin de cette même
note^ d'après ce que nous en avons appris fui*
le lieu lorfque notre curioiité nous y conduiiit,
le 21 Septembre 1766.
L'Eglife de Saint-Amand fait partie d'une große
Abbaye de Bénédiótins, iîtuée en Flandres, entre
Valenciennes & Tournay : cette Eglife, rééditée
plus d'une fois, fut reconftruite dans l'état où
on la voit aujourd'hui, en 1624, par les foins
& fur les deiîins de feu iieur Nicolas Dubois,
Abbé de ce Monaftere, mort en 1673, 'âgé dé
84 ans. Il étoit le foixante-feizieme Abbé de
cette Abbaye, depuis Saint-Amand fou Fon-
dateur.
L'Eglife dont nous parlons a cela de parti«!-4
lier, que le Sanctuaire & le* Chœur des Reli-
gieux , ainii qu'une partie de ce monument,
font élevés de quarante-trois marches (/) du fol
de la nef, ce qui forme une Eglife haute & une
Eglife baffe, parce que, fur tous les bas côtés, regne
une tribune de plain-pied au Chœur , inégalité
de fol qui produit néceÎTairement le plus grand
effet, & en augmente coniidérablement la liir-
face. Ce Chœur eil placé immédiatement au
haut de cet efcalier, & occupe en profondeur
quatre entrecolonnes ou piliers gothiques ; le San-
ctuaire eu placé derrière & en occupe deux;
anciennement le Maître-Autel étoit placé où. fe
trouve aujourd'hui lefcalier, & alors on montoit
à l'Eglife haute, par deux petits efcaliers qui fe
\(/) Ces marches n'ont que cinq pouces de hauteur fur un
pjed de giron , ce qui produit au total dix-huit pieds d'é-
lévation,
                                                 .
-ocr page 490-
3§4                :: Cour*                  *
remarquent encore, dans les tribunes, vers k
rencontre de la nef & de la croifée.
L'Abbé Dubois,'en reconftruifant cette Eglife
fur les anciennes fondations, la fit augmenter conii-
dérablement ; mais on remarque que le nouveau
fol, fur lequel il bâtît toutes fes augmentations,
a cédé,à la charge; de maniere que toute la
partie neuve fe trouve enfoncée de deux pieds,
ce qui occaiionne des réparations afîez fréquen-
tes & défigure l'ordonnance, qui fe trouve être
d'une décoration médiocre 5 bâtie groiîiérement
& mal appareillée. D'ailleurs le marbre y eil
allié, avec auffi peu de choix que de goût, à la
pierre, au bois, au blanc* en bourre, &c. Au-
deifus du plain-pied du chœur & des tribunes,
il s'en trouve placé un fécond rang, mais feu-
lement entre 'chaque entre-pilier, ou colonne grof-
fîérement gothique. Au relie ces dernières tri-
bunes poftichês, & qui s'accordent mal avec l'air
de grandeur qui caraöérife ce monument, ne
fervent jamais.
Derrière le Chœur aâuel eft placée la Cha-
pelle de la Vierge, fermée de toute part, à l'ex-
ception de la porte d'entrée: cette Chapelle fert
pendant l'hyver de petit Chœur aux Religieux
pour y célébrer le fervice Divin, ou lorfqu'il y
a quelque réparation confidérable à faire dans la
grande Eglife. fc
Au centre de la croifée, s*éleve une coupole
peinte dans un aflez mauvais genre ; la forme
extérieure en eft d'ailleurs fort écrafée & char-
gée d'ornements en plomb d'un deiîin mé-
diocre.
Le Jubé, qui porte les orgues, eft d'un deiîin
tout-à-foit
^y
-ocr page 491-
o'ÀRCHlTECTtJftÊ;            $$f
tout-à-fait iingulier [m), C'eil un aiTemblàge dé
pluiieurs colonnes difpofées fur un plan non
parallele, & doint les fïïts d'inégales hauteurs, &r.
couronnés doutant d'arcs bombés, foutiennent
l'orgue qui eil d'un deiïin d'aiTez bon goût (/z).
Le Portail de cette Êglife prefente en géné-
ral une maiTe qui ne laifie pas de furprendre a
fon premier aipe&; la décoration eil néanmoins
un compoie bifarre de pluiieurs genres d'Archi-
tecture : les cinq Ordres y font élevés les uns
au-delTus des autres ; mais tous cinq réduits à
tin même module & à une même hauteur : les
fûts des colonnes font chargés de membres d'Ar-*
chitcciure, & ^ornements gothiques , arabes,
uni. ■ ί ■ a - - ι ----■■■ — --y * ι ·- -- γ- ·-— - ima ■■ i ; * '-- ~- ; -<- -----,— - a , - ,y -■ - „..n, „ * , -.-■......,
(m) A propos de ce Jubé, n©ùs citerons ici l'Ëglife de l'Ab-
baye de Vigogne, Ordre de Prémontré, fituée à une lieué
& demie de Valenciennes, que nous avons vifitée en reve-
nant de Sainc-Arnandj ßc à l'entrée du chœur de laquelle eft
auiïi un Jubé de pareille forme & grandeur. Cette Eglife eii
très-grande & d'une Architeéture gothique aiTez légere; celle
de fon Portail nous a paru moins élégante j il eft flanqué de
deux Tours furmontées chacune d'un clocher fort élevé & d'une
forme aiTez pyramidale* Ce Portail, ainfî que celui de S. Aràand,
donne dans J'enclos de chacune de ces Abbayes*
(n ) Dans le Treibt de cette Eglife, on fait voir aux Etran*
gers une àiTez grande quantité de Reliquaires en offévrerie^
d'une compontion très-riche, & plus faftueufe que belle. Mais
ce qui nous a paru ineftimable , ce font deux excellents Ta-
bleaux i peints pat Rubens, placés fur les deux chapelles
hautes, aux deux extrémités de la cróifée de cette Eglife,
L'Annonciation fur-tout nous a paru de la plus grande beauté*
Derriere chacun de ces Tableaux en font peints deux autres
par le même Maître; &, en tournant fur un pivots ils s'of-
frent alternativement aux yeux des Speclateurs. De plain-pied
à ces chapelles, on arrive au cloître fupérieur de l'Abbaye:
dans chaque entreçoîonne de ce cloître, font di^ibués les
portraits en pied des Abbés de ce Monaftere, depuis Saint-
Araands celui de l'Abbé Dubois eft le troifieme en entrant
à gauche.
TomelIL                                 Bb
-ocr page 492-
â8<3                       Cours
anciens & modernes. Cependant au milieir de ce
déibrdre, on ne peut difconvenir que 1 Auteur
de cette compofition, 'ne fût un homme de
génie, à qui il rie manquoit peut-être que de
lavoir les règles de l'Art, & de les appliquer
avec goût.                              „. . .,.           '. ~
Au reite ce monument, pris en gênerai, en
impofe par fa grandeur, fa difpofition, & produit
le plus bel effet. Son élévation a même de quoi
étonner, l'ordonnance de fori ArchiteOure perd
à l'examen fans doute; mais nous convenons du
plaiiir que nous avons éprouvé en entrant dans
ce Temple : nous nous en étions à la vérité fait
une idée avant de le connoître ; mais que cette
idée, réalifée par fon afpeft, nous a dédommage
de la peine qua dû nous faire la reilemblance
de notre projet avec ce monument, dont nous
ignorions l'exigence quand nous lavons conçu!
Quoi qu'il en foit, notre parti eil pris; &, loin de
nous décourager, fur l'incrédulité... de ceux- qui
douteraient que la compofition que nous don-
nons nous appartînt, nous η en croyons pas
moins leur offrir un Plan qui, par le ieul exem-
ple que nous citons, mérite certainement detre
accœuilli par les hommes connoiffeurs & non pré-
venus.
                                          _ : .
Peut être tïouvera-r-on notre Projet un peu
coniidérable; mais ii l'on vient à confidérer la
grandeur des Eglifes de la plupart des Mona-
leres de nos Provinces, quoiquordinairement
peu fréquentées; combien à plus forte raifon
feroît-il aifé de prouver la néceiïité que les prin-
cipales îgliies paroiffiales de cette Capitale ful-
fent plus étendues, étant deftinées à contenir, les
jours folennels, un très-grand nombre de paroii-
-ocr page 493-
Î5 'ARCHITECTURE.            $$J
iiens, qui ne peuvent aujourd'hui s'y raffembler:
fans tumulte & fans confuiion.
Nous croyons donc que, dans les principaux
quartiers de cette Cités nos Paroiffes devroient
être vaftes , & avoir le plus d'étendue après les
Cathédrales.
Pour y parvenir, qu'on fe rappelle l'idée que
nous avons donnée de réunir pluiieurs Mona
itères en un feul, de conûruire dans leurs jardins
des marchés & des halles ; &, dans l'efpace qu'oc-
cupent leurs Eglifes & leurs dépendances, les
nouvelles Paroiffes dont nous parlons. Que l'on
confidere d'ailleurs rimmeniite de nos Palais, de
nos maifons Royales; alors le Projet que nous
propofons ne paroîtra plus une chimère , &
l'on concevra la polïibilité de procurer au Tem-
ple du Seigneur, une véritable fomptuofité.
Suppofons donc qu'un jour à venir on entre
dans nos vues, & rend©ns compte de la princi-
pale difpofition de notre Projet. Peut-être que
l'habitude où l'on eil de multiplier le nombre des
Chapelles particulières jufqu'à l'infini, dans nos
Paroiffes, pourra faire regarder la fuppreffion que
nous avons faite de la plus grande partie, comme
une témérité ; mais nous avons cru, fans vouloir
porter la main à l'encenfoir, qu'il fufïïfoit d'y
en placer feulement la quantité, que nous avons
remarquée y être d'un ufage habituel, le furplus
ne nous paroiffant qu'un faite mal entendu ; en-
core la plupart font-elles décorées avec tant de
négligence, qu'il feroit peut être mieux de laiffer
régner le nu de l'Architecture, qui ordinairement
détermine l'ordonnance générale de nos- Eglifes.
Au refte le Plan que nous offrons ici, n'eft
précifément que celui d£ l'Eglife haute, pris au
Β bij
-ocr page 494-
388                    Cours
plain-pied du chœur; nous donnerons celui de
la nef baffe en rapportant les coupes, lorfque
nous traiterons de la conflruâion de ce Tem-
ple ; détail qui offrira plus d'un objet intéreffant,
par les foins que nous nous fommes donnés d'en
développer toutes les parties, afin de mettre nos
Elèves à portée de concevoir par ces dévelop-
pements , l'importance de l'Etude d'un tel Projet.
Alors nous représenterons ee même Plan avec
quelques changements que la néceiîité de conci-
lier enfemble toutes les parties de l'art y ont
amenés nécessairement ; en forte qu'en offrant le
travail progreiîif que nous avons fait, pour tâ-
cher de porter ce Projet à fa perfection, nos
Elèves le convaincront fans doute que la pre-
miere penfée n'eil jamais précifément celle à la-
quelle il faut s'arrêter; mais que néanmoins il
convient de la tracer avec une forte d'exaftitude,
afin d'arriver à l'enfemble avec plus de fuccès,
lorfqu'on vient à attaquer enfuite la partie de
la folidité & de l'économie, avec la beauté de
l'ordonnance & le choix des ornements,
Le Chœur A, le Sanctuaire Β, la croifée C,
les Tribunes D, δε les Galleries Ε, marqués dans
la Planche LIV, font élevés de quarante mar-
ches du fol de la nef, hauteur à peu-près la
même que celle de TEglife de Sàint-Amand, dont
nous différons néanmoins en ce que, dans notre
Plan, le fan&uaire Β eil iitué avant le chœur A, &
quô dans ce monument il efl derriere. Nous l'avons
préféré ainii, non-feulement parce que l'Autel eil à
plomb de la clef delà voûte de la coupole, mais
auffi parce que par-là, il fera plus à portée du coup·
d'œuil des paroiiîiens. Une autre différence, qui
fe rencontre entre notre Projet & l'Eglife de
-ocr page 495-
d'Architecture.           389
Saint-Amand, c'eft que dans celle-ci la nef baiîë
circule jufque dans la croifée de l'Eglife ; dans
notre Plan au contraire les bras de la croifée C
font de plain-pied, au Sariftuaire B, les Tribu-
nes D tournant tout autour par les Galleries E.
Peut-être aurions-nous imité la croifée baffe
de Saint-Amand, fi elle nous eût été connue
avant notre Projet; mais cette idée ne nous eft
pas venue.Nous croyons même,quelque bien qu'elle
nous ait paru furie lieu, que ce ne feroitpas ici le
cas defe fervir de cet exemple, les Eglifes paröiilia-
les devant être traitées dans un tout autre genre que
les Eglifes conventuelles. Dans ces dernières, le
Sanctuaire & le Chœur doivent être précifément
à la portée des Miniftres des Autels ; dans nos Pa-
roiffes, les Fidèles fe réunifiant, pour ainii dire,
au Clergé, il convient d'expofer, plus que par-
tout ailleurs, à la vue des paroifîiens, la célébra-
tion des faints Myiteres, en les rendant témoins
des cérémonies auguftes qui, par la difpofition
de notre Plan, acquerroient les jours folennels
un nouvel éclat; d'une part, par la fupériorité
du Sanduaire Β fur la nef F; de l'autre, par le
fpe&acle pompeux que préfenteroient au Peuple
les Officiants, diftribués fur les paliers & les
quarante marches que nous propofons, & mar-
quées ici en G.
Au moyen de ce qu'à Saint-Amand cet efca-
lier eft pris au-delà de la croifée, & que le
Chœur , le Sanctuaire, & la gallerie qui eft der-
riere, occupent une étendue à peu-près égale à
la nef, on ne jouit en entrant dans cette Eglife,
qu'affez imparfaitement de toute fa longueur. Ici
nous avons penfé que le San&uaire devoit, en
quelque forte, terminer le coup-d'œuil du monu-
Bbiij
-ocr page 496-
390                     Cours
ment; que pour cela il falloir faire une longue
nef marquée F, & derriere le San&uaire Β pla-*
cer le Chœur A, entouré par des galleries Ε,
que nous n'avons point percées du côté du Chœur,
à deffein de procurer plus de recœuillement au
Clergé.
Aux deux extrémités de la croifée C , font
placées en H, d'un côté la Chapelle de la Vierge,
de l'autre celle du Saint-Sacrement ; d'abord nous
les avions iituées à l'extrémité des deux Tribu-
nes Dj ainii que nous l'avions annoncé, deu-
xième Volume, page 313. Mais en y réfléchif-
fant, nous avons craint que ces Chapelles ne
mafquaffent l'enfilade de ces Tribunes D, avec
celle dçs galleries E. L'extrémité de ces dernières
galleries mené à des efcaliers I, qui defcendent
dans des Chapelles baffes, deiHnées à l'exercice
de la pénitence, & où fe feroient les Catéchifmes.
Ces Chapelles pratiquées de plain-pied à l'Eglife
fouterreine, placée fous le Chœur, le San&uaire
& la croifée, font deiHnées particulièrement pour
la fépulture des Paiteurs ; & nous les tenons un
peu plus enfoncées que le plain-pied de la nef
baffe de cette Eglife, ainfî qu'on le remarquera
dans les coupes que nous donnerons de ce mo-
nument , comme nous l'avons promis plus haut.
La lettre Κ indique la Sacriftie, où le Clergé
rhyver, arriveroit par les efcaliers I, ayant leur
communication par les galleries baffes ; ou l'été,
par les terraffes L, deftinées pour fe rendre, d'un
côté au Presbytère , de l'autre au Séminaire;
ces bâtiments, comme nous l'avons remarqué ail-
leurs, devroient toujours être près des Eglifes
paroiffiales , & ne former avec elles qu'un feiU
& même enfemble, en confervant néanmoins à
-ocr page 497-
d'Architecture.            39t
chacun de ces édifices un cara&ere analogue à
ion ufage particulier.
Les petits efcaliers marqués M, font deitinés
à monter de fond, & à amener, lors des céré-
monies d'éclat, les Muficiens dans les bras de
la croifée C, ainii que nous l'avons indiqué dans
notre deuxième Volume, pages 365 & 386, où
nous avons dit que, d'un côté, on placeroit la
muiique vocale, & de l'autre la mulique inftru-
mentale, & que, dans ce dernier côté, feroient
les orgues au-deiîus des Chapelles H, où l'on
arriveroit par les efcaliers M.
La principale entrée de cette Eglife eil précé-
dée d'un porche extérieur N, élevé d'une cer-
taine quantité de marches, pour que le fol de la
nef baffe F ne foit pas confondu avec celui de
la place publique. Trois portes principales font
pratiquées fous ce porche ; celle O donne entrée
dans un fécond porche intérieur P; les deux
autres portes Q mènent chacune à un perron,
du palier duquel R on arrive, d'un côté, à la
Chapelle des fonts S, de l'autre, à la Chapelle
des mariages T. Ces Chapelles ont leurs dépen-
dances particulières, telles qu'une falle d'aiïem-
blée a, une falle d'enregiftrement h, une Ar-
chive c, enfjn un efcalier d, qui, en montant
de fond,, conduit aufli à de doubles entre-fols
pratiqués fur ces dernières pièces, & qui fervent
de logement aux Prêtres prépofés pour Fadmi-
niftration des Sacrements. Du palier R par une
fuite de marchés V, entremêlées de paliers, l'on λ
monte aux Tribunes D ; & par celles U, on
redefcend dans la nef F la même quantité de
marches que l'on avoit monté par la porte Q,
pour arriver au palier R.
Β b iv
_,.^
-ocr page 498-
39*                       Cours
Les lettres X indiquent les cours ou préaux
autour defquels, fous les terraiTes L, font prati-
qués des portiques fermant de communication
pour arriver à couvert du Presbytère & du Sémi-
naire , dans l'intérieur de cette Eglife : ces porti-
ques conduifent auiîi de plain-pied à ces préaux,
aux Catacombes (o) deftinées pour la fépulture
des Paroiffiens, ainiî que nous l'avons propofé
dans les Volumes précédents.
Nous n'entrerons pas à préfent dans un plus
grand détail concernant le Plan fupérieur de
ce projet. Le Plan que nous donnerons du fol'
inférieur, un autre Plan général que nous pré«
fenterons par maiTe, & qui fera connoître la dif-
poiîtion de toutes fes dépendances; enfin les élé-
vations & les coupes que nous donnerons dans
la fuite, nous mettront à portée alors d'entrer
dans une analyfe plus circonitanciéei ce Plan fuffit
ici pour donner l'idée de la maniere de concevoir
une nouvelle Eglife paroiiïïaîe, telle que nous
l'avons conçue. Nous laiflons aux vrais Archite-
«es à juger û, la difpoiîtion & les proportions de
ce Plan ont de quoi plaire ; & aux Miniftres des
Autels, ii la nouvelle forme que nous donnons à
cette ParonTe, n'annonceroit pas plus pofitîvement
le caraétere facré, que celle qu'on a donnée juf«
qu'à préfent aux Eglifes dç cette efpece. Nous
avouons fincérement que nous ne tenons à cette
production que dans l'idée d'une plus grande per-
fection ; idée, nous le répétons, dans laquelle
nous nous femmes affermis depuis que nous avons
vu l'heureux effet que produit celle de Saint-·
Mi Γ. I !■j.ll ..IIWMΗ■«Ρ"'""«!'!' 'tt Pfgff        J1■^■I^II^TI^ ~ I 'f" "'.■■ fΨ "'—■■ I. »i.wurpijl ,1 ■ ■ l__ LI,"!, ιιιι.τ. lp»—M-*M
(o) De l'Italien, qui /îgnifîe Retraite fouterreine.
-ocr page 499-
/
d'Architecture.            393
Amand, qui à la vérité n'eft qu'une Eglife Abba-
tiale, & non une Paroifle.
Nous avions tracé, comme nous l'avons déjà dit,
le Plan de l'édifice dont nous parlons ici, avant no-
tre voyage en Flandres , & avant d'avoir entendu
parler de l'Eglife de Saint-Amand: nous l'avions
imaginé d'après les Tribunes de la Chapelle de
Veriailles, l'élévation du fol de la nef de la Pa-
roifle de Saint-Roch, celle du San&uaire de l'E-
glife du Monaflere des Carmélites, le porche de
Saint-Sulpice,&c. que nous avons cités dans le deu-
xième Volume de ce Cours, page 312.
Paflbns actuellement au projet d'une Eglife
conventuelle & d'une Eglife en rotonde, aufli de
notre composition : nous en donnerons en même-
temps les plans, les coupes & les élévations; ces
deux monuments moins coniidérables que les pré-
cédents, nous permettant d'en donner ici les détails.
Plans, Coupes et Elévations
d'une Église Abbatiale et Con-
ventuelle DE LA COMPOSITION
de l'Auteur,
Ce Projet fait, il y a quelques années, pour
une Abbaye Royale en Flandres, fe reffent de
la grandeur des monuments de ce genre, qu'on
élevoit anciennement dans toute cette contrée,
où il doit être exécuté ; aufli, dans fa compofl-
tion, avons-nous été obligés de nous conformer
aux principaux objets demandés parle Chapitre;
tels, par exemple, d'afliijettir notre Plan à une
longueur & une largeur prefcrites par d'ancien-
nes Fondations; de placer une tour fur le milieu
du Portail, & d'y élever un flèche en pierre,
-ocr page 500-
394                       Cours
comme cela fe pratique dans le pays ; d'aligner,
d'une part, l'axe de la croifée de l'Eglife avec
l'enfilade d'une rue qui fe trouve en face ; de
l'autre, de faire en forte que l'un des bas côtés
de cette même croifée enfilât l'une des galleries
de l'ancien Cloître, coté 5, de cette Abbaye,
figurée en petit dans la marge de la Planche LV ;
que le Maître-Autel fût précifément fous la clef
de la voûte, laquelle forme le milieu de la nef»
du Sanctuaire & de la croifée ; que la Chapelle
de la Vierge & celle de Saint-Nicolas, Patron de
cette Abbaye, fuifent nécefïairement en face l'une
de l'autre, à l'extrémité des bras de la croifée;
que le Chœur fût placé derriere , & diitant du
Sanctuaire; enfin que les orgues fuifent pofées
dans le fond de l'Êglife, au-lieu d'être à l'entrée
de la nef félon l'ufage ordinaire. Toutes ces con-
ditions qu'il a fallu remplir, font l'image des en-
traves prefque toujours préfentées à l'Architecte,
lorfqu'il fe trouve chargé des entreprifes, même
les plus importantes. Nous en rendons compte
ici à nos Elevés, afin qu'ils s'accoutument de
bonne heure à ne pas croire qu'ils feront toujours
les Maîtres de fouftraire, ou d'ajouter à volonté
pour rendre leur projet plus agréable ou plus
intéreifant. Ils fe reffouviendront d'ailleurs qu'il
ne leur fuffit pas de faire un bon Plan, d'établir
même une correfpondance aiTez exacte entre les
parties & le tout, pour parvenir à faire un bel
enfemble ; qu'à ces confidérations , eifencielles à
la vérité, il faut joindre encore les lois de la
folidité & de l'économie des matières; que fur-
tout on ne doit jamais s'écarter du caractère pro-
pre au genre du monument dont on eft chargé»
.Nous avons tâché de réunir ces différents pbjets
-ocr page 501-
d'Architecture.            395
dans' l'Eglife que nous allons offrir, & dont nous
allons donner de fuite les principaux développe-
ments. Il eft néceffaire à préfent de faire entrer
nos Elèves dans certains détails, après leur avoir
enfeigné précédemment les moyens de concevoir
d'une maniere générale les différens monuments
facrés dont nous parlons.
Defçription du Plan de l'Eglife, avec la
difpoßtion des Bâtiments qui l'entourent.
Planche L V.
Cette Eglife d'environ cinquante toifes de lon-
gueur fur quatorze de largeur hors œuvre, doit
être plantée fur la plus grande partie des an-
ciennes fondations. Ce font celles-ci qui nous ont
indiqué à peu-près la forme que nous avons
donnée à ce Temple; nous nous fommes feule-
ment rendus maîtres de procurer à la diiîxibu-
tion de fon Plan & à l'ordonnance de fa déco-
ration extérieure & intérieure une forte de iirn-
plicité analogue au genre de l'édifice dont nous
traitons ici. Dans les deux Projets précédents,
nous avons introduit des porches extérieurs.
Dans celui-ci, nous avons cru devoir'les füp-
primer, ayant d'ailleurs été obligé, à l'entrée de
cette Eglife, de pratiquer un maflif affez considé-
rable, pour porter la tour &: le clocher qui s'é-
lèvent au milieu du Portail , ainii qu'on le re-
marque dans la Planche fui vante, en forte que
nous avons confidéré la diftance, ou plutôt Té-
cartement des piliers qui portent cette toiu%
comme devant produire une efpèce de porche
intérieur A, qui tiendrait lieu de celui qu'on a
introduit dans les dehors de nos grandes Eglifes*
-ocr page 502-
396                    Cours
Aux deux côtés de la nef Β, de la croifée C
& du Chœur D, régnent des colonnades E, faifartt
ici l'office des bas côtés ulités dans nos Paroif-
fes. Le Maître-Autel eft placé précifément fous
la7 clef de la coupole qui occupe le milieu de
la croifée, & le Sanctuaire qui le contient eft
entouré d'une baluftrade qui en défend l'entrée
au Peuple, fans lui en ôter le coup d'œuil : ce
Sanctuaire eft feulement élevé de quatre marches ;
nous n'avons pu lui donner plus d'élévation,
parce qu'on a defiré que le deiTus de la halu-
ftrade dont il eil enceint, ne furpafsât pas la hau-
teur du focle fur lequel pofe l'Ordre Compofite,
qui décore l'intérieur de cette Eglife, ainfi qu'on
le verra dans les coupes qui vont fuivre. Le
Chœur eft aufti élevé de la même quantité de
marches que le Sanctuaire, & fermé comme lui
d'une baluftrade. Nous avions propofé dans le
temps au Chapitre, de réunir le plain-pied du
Sanduaire avec celui du Chœur, & de porter la
baluftrade a, £, en c; mais l'on a voulu que les
colonnades Ε féparaffent l'un & l'autre, pour laif-
fer circuler les Fidèles autour du Sanctuaire :
nous n'avons foufcrit néanmoins à cette idée
qu'avec beaucoup de répugnance, ce lieu Saint,
félon nous, devant être d'autant plus circonfcrit
ici, qu'il eft peu élevé du fol de la nef. Il eft
vrai qu'à ces obfervations on nous repondit, que
les Sanctuaires des Eglifes Conventuelles n'exi-
geoient pas, comme dans nos Eglifes Cathédra-
les, ou nos grandes ParohTes, précifément cette
difpoiition, qui même a été peu obfervée jufqu'à
préfent dans nos Temples. Forcés de nous rendre
à ces raifons aparentes, nous avons tâché du-
moins de tirer avantage de ce défaut de conve-
-ocr page 503-
d'Are Η ι TEC tu re. 397
nance, pour procurer à notre Plan un cara&ere
particulier qui, par fa dilpoiition, le diitinguât
entièrement du projet précédent.
Aux deux extrémités de la croifée, font pla-
cées la Chapelle de la Vierge F, & celle du Pa-
tron G, chacune fermée comme le Sanctuaire par
une baluitrade. Le fond de cette Eglife eil ter-
miné par un rond point H, deitiné à contenir
le buffet d'orgue, tel qu'on nous l'avoir demandé.
Les deux pahkges I condiiifent à la Sacriitie,
tenue plus baffe, & placée derriere ce rond point.
Les galleries Κ font celles qui enfilent l'ancien
Cloître de l'Abbaye. Les Portes collatérales L
font deftinées pour les entrées journalières de
ce temple, celles M ne fervant que les jours
folennels. Les deux pièces Ν font les parloirs
extérieurs , auxquels on entre par la place Saint-
Nicolas, fur laquelle eil élevé le Frontifpice de
cette Eglife. En face de ce Frontifpice, eil: une
grande rue qui mené à l'Evêché, ainii qu'on le
peut voir dans le petit plan général tracé fur
cette Planche; on y trouvera indiqué par des
chifres le nom des différents Bâtiments, ce qui
nous difpenfe d'en parler ici.
En général nous avons cherché à obferver une
certaine légèreté dans la conftrucüon de ce mo-
nument : la marche de fa composition paroîc
d'ailleurs aifée, & iacile, à en juger par ce que
nous en ont dit pluiieurs personnes de l'Arr.
Nous avons auffi tâché de rendre la décoration
analogue à la iimplicité du plan, & nous y avons
ménagé une lumière tempérée, qui ajoute au
caractère de fon ordonnance, ainfi que nous le
ferons obferver en décrivant les coupes que nous
donnerons, après avoir parlé du Frontifpice. I
-ocr page 504-
39$                 ν ° υ Ά $
Elévation du Fromifpice du Plan, pfècèdmt.
Planches LVI & LVII.
Obligé, comme nous venons de le rapporter
plus haut, de faire entrer dans l'ordonnance de
ce Frontifpice, une tour & un clocher, nous
avons cru pouvoir tenter de faire en forte que
l'une & l'autre contribuaiTent à la forme pyrami-
dale de ce monument, en obfervant néanmoins
que le ityle de l'Archite&ure, qui décore ces deux
parties fupérieures, fût le même que celui qui
regne dans les arriéres corps qui fervent d'acco-
tement au portique d'Ordre Compoiite qui fe
remarque ici. Nous avions fait pluiieurs deilins
de ce Portail, nous militâmes pour qu'à la place de
cet Ordre, on préférât le Dorique : ce dernier nous
paroiiïbit plus analogue au genre de cette Eglife,
& à la {implicite qui regne dans fa composition
générale: jamais il ne nous fut poffible d'obtenir
cette préférence, quelque relative qu'elle paroiife
& à la convenance & aux préceptes de l'Art :
on exigeoit même que nous employaffions l'Or-
dre Corinthien ; ce ne fut qu'après bien des
difcuffions que l'on nous lahTa la liberté de faire
ufage du Compoiite, qui, quoiqu'égal aux pro-
portions Corinthiennes, prciente cependant moins
d'élégance dans les détails.
               ;iJ ; - »
Ce n'eit pas que la digniré de nos Temples
ne comporte bien l'application de cet Ordre;
mais convaincus que, de tous les monuments de
cette efpèce, les Egliies Conventuelles doivent
être traitées dans le genre le plus iimple, il nous
paroît que c'eil au-moins un défaut que de ne
-ocr page 505-
ι
η' Architecture.          399
pas appeler à foi l'Ordre qui a le plus de con-
nexité avec cette fimplicité ; fans pour cela perdre
rien, ni de la beauté, ni des proportions de la
belle Architecture. Mais comment perfuader des
hommes qui, peu verfés dans la connohTance de
cet Art, croient volontiers que les meilleures
comportions en général, font celles qui offrent
le plus d'ornements, puifque la plupart des Ar-
chitectes femblent négliger cette regle, obfervée
néanmoins dans l'antiquité avec tant de fuccès:
mais, fans nous arrêter à cette digreiuon, toute
importante qu'elle eft, fans nous plaindre de
l'ignorante obftination du plus grand nombre de
ceux qui confiaient, même les plus grands Archi-
tectes, nous rapporterons, dans la Planche LVII,
ce même Frontifpice avec l'application Dorique,
à deffein de faire connoître à nos Elèves, qu'il
s'en faut bien qu'il foit indifférent d'employer
plutôt celui-ci que celui-là, puifque c'eil de l'ex-
preffion folide ou délicate que l'ordonnance doit
prendre le ton: or, dans ce Frontifpice le iîyle
fimple qui regne dans l'ordonnance, ftyle tiré du
fond propre du monument, n'indique-t-il pas que,
pour orner fon portique, l'Ordre Dorique doit
être préféré à un Ordre délicat.
Qu'on y prenne garde, dès l'introducuon du
premier Volume de ce Cours, nous avons infi-
nué -à nos Le&eurs la néceiîité du choix des
Ordres ; depuis, dans nos Leçons, nous avons
plus d'une fois relevé les erreurs qui fe font
gliffées à cet égard dans la plupart de nos édifi-
ces : ici nous faiiiffons l'occafion de joindre l'exem-
ple au précepte, pour convaincre, s'il eft pofli-
bie, nos jeunes Architectes qu'une production,
d'ailleurs la mieux conçue, reftera imparfaite, fi
-ocr page 506-
400                     € OU AS
le ftyle de TArchite&ure, & l'expreiîÎon de 1'Öf*
dre fe trouvent en contradiction ; û l'un & l'autre
n'annoncent pas véritablement l'ufage particulier
de l'édifice.
Au reite on jugera de ce que nous avançons
par la eomparaifon des deux delîins que nous
offrons, & qui né different entr'eux que par la
plus grande analogie que nous croyons remar-
quer entre le tout & les parties de la Planche
LVII, mife en parallele avec celle que nous dé-
crivons. Les légers changements que l'Ordre Do-
rique a occaiionnés dans cette féconde compo-
ntion, étant d'ailleurs trop peu confidérables pour
en faire mention ici, nous ferons remarquer feu-
lement que l'entrecolonnement du milieu a acquis
un peu plus de largeur, la tour un peu moins
d'élévation , & que la hauteur de la flèche eiï
un peu moindre ; l'expreiîion virile nous ayant
obligé d'aiïigner de nouvelles mefures à tou-
tes les parties , & par conféquent les mafTes
ayant dà s'en refTentir. Ces différences fans doute
font peu fenfibles pour ceux de nos Elèves
qui, n'auront pas encore les yeux ouverts ·9 mais
elles n'échapperont pas aux hommes inilruits,
fur-tout s'ils fe font accoutumés à démêler ces
nuances imperceptibles, & ce caractère décidé
qu'on reconnoît dans tous les chefs-d'œuvre de
Manfard qui, jufque dans fes composions les
plus fimples, a fçu fixer l'admiration des Ama-
teurs.
Nous ne nous arrêtons pas fur les proportions
particulières des membres d'Archite&ure qui com-
pofent l'ordonnance de ces deux productions; les
principes établis dans les Volumes précédents,
en .ont déterminé les mefures. D'ailleurs un peu
d'habitude
-ocr page 507-
d'Architectwre,           401
d'habitude & le fe cours des échelles qui Tont au
bas en rendront compte plus particulièrement.
Il eil temps, ce nous femble, que nos Elèves
cherchent par eux-mêmes à connoître, dans l'exa-
men des ouvrages d'autrui, la iburce du beau
             <
ou de la médiocrité qu'ils y pourraient remar-
quer, afin que nourris par cet efprit de compa-
raifon, ils parviennent à juger leurs propres com- v
poiitions- Parlons à préfent à la coupe prife dans
la largeur de cette Eglife.
Coupe, prife fur la largeur de la Croifée
de l Eglife.
Planche LVIII.
Cette coupe donne tout enfemble la décora-
tion du Sanctuaire , celle du rond point, & le
revêtiiTement des murs des bas-côrés de cette
Eglife, ainfl que la forme de {es voûtes & de
ies couvertures. Un Ordre Gompoiite colonne
de quatre pieds de diamètre décore ce monu-
ment. Cet Ordre eil couronné feulement d'une
Architrave; elle tient lieu d'impoite à la re-
tombée des arcs doubleaux qui ornent la voûte
de la nef, ainfi qu'aux lunettes qui en déchar-
gent la pouiTée fur les colonnes qui lui fervent
d'appui : fi nous ne nous trompons point, nous
croyons que la fuppreffion de la frife & de la
corniche des entablements réguliers qu'on place
ordinairement fur les colonnes , procure beau- ,
coup de légèreté à la partie fupérieure de ce
Temple. D'ailleurs cette maniere économife la
bâtifle, & préfente en quelque forte, l'élégance
qu'on remarque dans les édifices gothiques du
Tome III.
                                 C c
-ocr page 508-
*
402                     Cours
meilleur genre. Nous nous fommes d'autant plus
volontiers déterminés à prendre fur nous la iup-
preiîion de la plus grande partie de l'entablement,
que nous en avons vu des exemples en Flandre
& dans le Pays Meffin ; il ne leur manquoit que
d'être d'un meilleur goût pour réuiîir au gré des
vrais Connoiffeurs. Cette manigre a auffi beau-
coup plu au Chapitre qui nous avoit chargé de ce
Projet, & elle a reçu, malgré cette efpèced'incor-
reâion, l'approbation de plufieurs Maîtres de
l'Art. D'ailleurs nous avons cru que cette prati-
que nous offroit un moyen de plus, pour aiîi-
gner à cette forte de monument un caraâere par-
ticulier qui, en le rangeant dans fa véritable claffe,
le diitingueroit des autres édifices facrés d'une-
plus grande importance.
Les lunettes, fur-tout celles qui fe remarquent
ici j donnent une grande hauteur aux entreco-
lonnements , genre qui, en s'accordant avec l'ex-
prefïion délicate de l'Ordre, rend aüiïi la voûte
plus légere ; ce qui lui donne une forte d'analogie
avec le Compoiite qui la foutient. Il eil conve-
nable d'apporter cette attention dans l'ordon-
nance d'un édifice où Tordre délicat préfide, rien
n'étant fi contraire aux règles de l'Art que d'in-
troduire des voûtes d'une ilru&ure pefante fur
une décoration percée à jour & ifolée, pour ainii
dire, de toute part; c'eft pour cela que nous avons
inféré plus d'une fois dans les Leçons précédentes,
qu'un bon Conitru&eur devoit entendre l'Art de
la décoration ; que le Décorateur & le Diitribu-
teur dévoient bien connoître la maniere de tirer
parti de la conitru&ion, félon la difpoiition & le
genre du monument : de maniere que ces trois
franches de l'Art réunies concourent à offrir un
i
-ocr page 509-
d'Architecture.            403
fchef-d'oeuvre ; autrement on eft obligé de confi-
dérer chacun de ces objets féparément, ce qui
divife l'attention de l'Examinateur, & l'empêche
iouvent d'applaudir à l'ouvrage entier, quoiqu'il
rende juitice à l'une & à l'autre de fes parties.
Nous l'avons déjà dit, ce n'eft qu'à regret que
nous avons fait uiage du Compofite ; le Dorique
fans doute eût été plus convenablement placé
que tout autre dans les dehors & dans les dedans
d'une Eglife du genre de celle dont nous parlons;
mais nous n'en avons pas été le maître, en forte
que, nous trouvant, pour ainfi dire, obligés
d'employer cet Ordre, nous n'avons plus fongé
qu'à répandre, dans toute la composition de ce
projet, une relation refpe&ive entre la diftribu-
tion, là décoration, & la conitruótion, dernière
partie qui ne coniifte pas , comme on le croit
communément, à bâtir feulement avec folidité,
mais à concevoir une itru&ure , en apparence
forte ou légere, félon qu'elle doit faire partie de
fenfemble de l'édifice. Nous avons donc tâché,
malgré la richeffe attribuée ordinairement à l'Or-
dre Compofite, d'en fouitraire quelques membres
d'Archite&ure, & d'en modérer les ornements,
foit en préférant les feuilles d'olivier à celles de
p#riil dans (es chapiteaux, foit en n'employant.
que vingt cannelures au-lieu de vingt-quatre dans
fes fïits , foit enfin en itous fervant de la bafe
attique au-lieu de celle de Vignole, degré de
limplicité que nous avons afFeÔé auffi dans les
arcs doubleaux & dans les compartiments de la
voûte de cet édifice. La même retenue nous a
guidé dans la décoration des membres d'Arche
te&ùre qui régnent intérieurement dans le pour-
tour de cette Eglife. De grandes tables fur lef.
C c ij
-ocr page 510-
404                      Cours
quelles feront gravés en François les pafTages
de l'ancien & du nouveau Teftament, occupent
les deux tiers de la hauteur de l'Ordre. Au-deffus
de ces tables regne une plinthe qui les fépare
d'avec les croifées ou vitraux qui éclairent cette
Eglife ; en forte que , par leur élévation à la hau-
teur de trente-cinq pieds du fol, elles y portent
une lumière tempérée, celle de la droite éclai-
rant la gauche, & celle-ci la droite du Temple.
Au-derTus du Sanftuaire s'élève une calote qui,
par fa plus grande élévation fur les voûtes, an-
nonce le milieu de la croifée , & tient lieu de
baldaquin au Maître-Autel à la Romaine; cet
Autel nous, fut .demandé à jour fur fes deux prin-
cipales faces, dans le deffein de dépofer deflbus
les Reliques des Martyrs, de maniere que le
Reliquaire fît parement & du côté du Chœur,
& du côté de la nef : fur les faces latérales de
cet Autel, nous avons placé des anges de métal,
en pied, qui foutiennent un brandon d'où s'é-
chape un chandelier de bronze à fept branches ;
nous les préférons à ceux d'orfèvrerie · qui fe
placent ordinairement fur le gradin ; ces derniers,
quelque bien qu'ils foient traités, ne préfentent
jamais cette dignité néceffaire à obferver dans
la décoration d'un Maître-Autel, le principal
objet de nos Eglifes, & celui qui mérite le plus
d'attention de la part de l'Architecte & des Or-
donnateurs.
Nous faifons exécuter actuellement un Autel
pour la Cathédrale de Metz à peu-près dans le
genre de celui dontnous parlons. Nous nous pro-
pofons d'en donner le deffin dans la fuite, avec
les principales parties de la décoration du San-
ctuaire & du Choeur; nous nous occupons actuel-
-ocr page 511-
d'Architecture.           40 y
lernent à en faire le modèle. Nous rappellerons
alors à nos Lecteurs l'analogie de cette compo-
iition avec celle exprimée en petit dans la coupe
dont nous parlons. On voit aufli dans cette
coupe la baluftrade qui renferme le Saneluaire:
nous obferverons que la hauteur de la tablette
de cette baluftrade aiïujétie à celle -du focle de
l'Ordre, ne nous avoir pas permis de donner
plus d'élévation au fol de ce Sanctuaire. Au reite
cette moindre hauteur donne occaiion d'aper-
cevoir de la nef, la décoration du Chœur, ce qui
ne fe feroit pu fi l'Autel eût eu plus d'élévation,
le Sanctuaire fe trouvant interpole entre ces deux
objets.
Derriere ce Maître-Autel, on aperçoit la dé-
coration d'une partie des lambris qui fervent de
fermeture au Chœur. Enfin derriere ce lambris ,
on voit le buffet d'orgue, qui nous avoit été de-
mandé , en face de la principale entrée de cette
Eglife. An refte cette difpoiition nous plaît affez,
& parce qu'elle offre un coup d'œuil intéreffant
en arrivant dans ce Temple, & parce que l'orgue
fe trouvant à portée du Chœur, les fons de cet
infiniment, ii on i'uniiToit avec le chant du Clergé,
formeroient une harmonie plus mélodieufe & plus
touchante, ainii que nous l'avons obfervé ail-
leurs. Aux deux extrémités de cette coupe, font
exprimés les profils de la Chapelle de la Vierge,
& de celle de Saint-Nicolas: on apercevra la déco-
ration vue de face de cette dernière dans la.
Planche fuivante.
Nous ne devons employer, dans la conftruc~tion
de ce monument, aucune efpece de charpente.
La voûte plein - cintre, qui a fa retombée fur les
colonnes, doit être faite en briques, fort ien ufage
C c iij
-ocr page 512-
4o6                       Cours
dans le pays ; les arcs doubleaux feulement doi-
vent être en pierre d'une qualité affez tendre &
légere, mais qui fe durcit à l'air & qui devient
fort blanche lorfqu'elle eil parfaitement sèche»
De doubles voûtes conftruites aulîi en briques
■avec des chaînes en pierre d'une qualité plus
ferme,mais incapable de faire parement, fervent de
couverture à tout cet édifice qui doit être couvert
en cuivre; ce métal, moins pefant que le plomb,
étant, pour ainfi dire inaltérable, δζ. beaucoup
moins iujet à l'entretien.
Nous avons fait couvrir en cuivre , il y a quel-
ques années, toute la toiture de la Cathédrale
cîe Strasbourg, après le dernier incendie, caufé
par le feu du ciel, qui en confuma toute la char-
pente. Cette couverture a eu le plus grand fuc-
cès, ainfi qu'on peut s'en convaincre par d'au-
tres édifices élevés à Paris & à Verfailles par les
plus habiles Architectes de nos jours. Nous n'en
doutons point, par la iuppreffion des bois de char-
pente , par la fubititution du cuivre au plomb, &
fur-tout en obfervant de conftruire en pierre,
& de moins élever nos flèches, qui d'ailleurs ne
font plus guère en ufage que dans nos Mona-
fleres ; enfin en les terminant par des amortiiTe-
ments d'une matière non éle&rique, on parvien-
droit plus que par le paffé à préierver nos Eglifes
de l'effet du tonnerre; ou du-moins, ne rencon-
trant dans fon paiTage aucun corps combuflible,
il caiiïeroit moins de ravage, fur-tout fi l'on évitoit
furies couvertures l'ufage du plomb dont la fu-
fion, dans les incendies, nuit efTenciellement au
fecours qu'on pouroit y apporter : cet inconvé-
nient ne feroit plus à craindre par l'emploi du
cuivre, -ainfi que nous en rendrons comptât en
-ocr page 513-
d'Architecture. 407
parlant de la maniere de le mettre en œuvre j
lorique nous traiterons de la conftruftion où il
fera parlé des différentes efpeces de couvertures.
Coupe prife fur la longueur de l'Eglife·.
i
Planche L I X.
■ f ' '
Cette coupe ne diffère de la précédente qu'en
ce qu'elle fe préfente fur toute la profondeur du
monument; Fordonnance de Γ Architecture érant
abfolument la même, & donnant feulement une
idée du rapport que la longueur conferve avec la
hauteur, & la relation que nous avons cherché à
mettre, entre la décoration des entrecolonnements
quoique d'un genre fimple , & l'Ordre Compoiite
qui foutient la voûte de la nef. On voit auiïi
dans cette coupe la décoration du Chœur, &
l'inégalité de fon fol avec le Sanctuaire ; l'un &:
l'autre font féparés par l'un des entrecolonne-
ments qui defeend jufque fur le plain-pied de
l'Eglife. C'efl de cette inégalité que nous avons
parlé précédemment; nous avions deiiré qu'on la
iopprimât, afin que le Célébrant, en faifant fes
fondions, ne fe trouvât pas obligé de monter &
de defeendre du Maître-Autel au Chœur, & du
Chœur à l'Autel ; difficulté néanmoins que le Cha-
pitre a préférée, plutôt que d'ôter aux Fidèles la
liberté de communiquer autour du Sän&uaire.
Les deux portes, qui fe remarquent à fa droite
& à fa gauche, font les portes collatérales dont
nous avons auffi parlé, comme étant deftinées
pour l'entrée journalière des Fidèles dans ce Tem-
ple , celle du grand portail ne s'ouvrant que les
jours folennels. Dans le fond de cette Eglife, fe
C c iv
-ocr page 514-
4o8                       Cours
remarque le rond point, la coupe du difpofitif
& du buffet d'orgue ; à l'autre extrémité, font ex-
primés le porche intérieur, au-deffus duquel eil
une tribune, la coupe de la tour & de la flèche
qui la furmonte; enfin le profil du portail, dont
nous avons donné le deiîin, Planche LVI.
Nous ne répéterons point ce que nous venons
de dire concernant la conftru&ion de cet édifice;
nous ne donnerons pas non plus tous les déve-
loppements, les autres coupes, les faces latéra-
les & les principaux profils que nous en avons
faits, la multiplicité des Planches qui abondent
dans cet ouvrage nous privant de les rapporter
ici; d'ailleurs nous réfervons ces détails utiles à
nos Elevés, lorfque nous traiterons de la con-
itruâion des Eglifes précédentes : la préciiion des
deffins que nous donnons à préfent, fufKra fans
doute pour leur 'faire connoîrre que nous avons
obfervé les mêmes procédés que dans la premiere
coupe. Nous leur ferons remarquer feulement.
que la iîmplicité de notre Plan, le parti que nous
avons pris dans la forme de nos voûtes, & la
qualité des matières qui nous ont été offertes ,
ont rendu cette bâtiffe facile, & même d'une affez
grande économie : FeiHmation que nous en avons
faîte fur les lieux, non compris les embeîliffe-
•ments, ne fe montant, fuivant le prix des matières
& celui de la main-d'œuvre du pays, qu'aux
deux tiers au plus de la fomme qu'il coûteroit
à Paris.
\                                      j
-ocr page 515-
i                                                                                                                                                                                                        ' >
d'Architecture.            4o9
Plan et Profil d'une Église en
Rotonde, de la composition
DE L'Au Τ EUR.
Nous avons parlé précédemment des Eglifes
en. Rotonde des Dames de la Viiitation, Porte
Saint-Antoine, & de celle des Dames de l'Af-
fomption, Porte Saint-Honoré; nous avons auiîi
cité celles érigées à Chaillot, à Saint-Denis & à
Tours; ce font autant de monuments élevés par
nos plus habiles Architectes, tels que François
          ν
Manfard, Jacques le Mercier, &c. Dans le deu-
xième volume de ce Cours, page 93, nous avions
annoncé, pourrie quatrième volume, le Plande
l'Eglife que nous allons donner ; mais nous le
donnons ici, ayant réfléchi qu'il valoit mieux
offrir de fuite à nos Elevés ce que nous avons
à leur enfeigner concernant nos Temples, parce
que cette partie importante de l'Art demande une
toute autre étude, que celle qui regarde la diilri-
butiorï, l'ordonnance & la folidité des bâtiments
d'habitation. Les procédés généraux font bien les
mêmes pour tous les genres d'édifices ; mais la
marche en eil différente ; les Temples exigent
plus d'efpace, un plus grand module, des for-
mes plus graves , une ftru&ure plus favante ,
des fondations plus profondes, moins d'écono-
mie dans les couvertures; enfin une difpoiition,
des iiîues & des dépendances qui annoncent la
fupérîorité que ces monuments doivent avoir/ur
tous les autres bâtiments, fans excepter même ce que
l'opulence des Grands & le luxe des Particuliers
font imaginer de plus ingénieux & de plus ad-
mirable dans leurs demeures. \Λ
*
-ocr page 516-
410                       Cours
Au refte nous nous en iommes expliqués plus
d'une fois, nos prétentions ne vont pas jufqu'à
nous perfuader que les projets que nous don-
nons de notre compoiition fur les Temples, foient
des productions qui puiiTent entrer en comparai-
fon avec les chefs-d'œuvre en plus d'un genre
qui ont été élevés en France par nos habiles
Maîtres. Nous ne croyons pas non plus préfen-
ter tout ce qui fe peut dire fur ce fujet; d'ail-
leurs un Cours d'Architecture a fes limites, il doit
offrir fans doute les Eléments de chacune des par-
/ ties qui compofent les trois branches de l'Art,
mais non pas les épuifer : il eff bon de laiffer
quelque chofe à faire au génie des jeunes Ar-
chitectes. Quand ils ont acquis la connoiffance
des préceptes généra^ix à cet égard, qu'ils ont
ioigneufement examiné les productions des plus
célèbres Artiftes anciens & modernes, il faut
leur laiffer la liberté de s'étendre, de fe replier fur
eux-mêmes, félon la diveriité des occaiions qui
leur font offertes: l'efpece du monument & les
fonds deitinés pour la bâtiffe, leur offriront les
moyens de fe retourner & de faire preuve de
leurs talents, fans néanmoins s'écarter trop des
règles fondamentales, ni du caractère diitinctif qu'il
convient de donner à chacun des édifices dont
nous parlons.
' L'Eglife canoniale que nous offrons dans les
Planches fuivantes eft fort peu coniidérable, & par
cela même elle nous a paru propre à être placée
dans ce Cours; d'ailleurs elle eft proportionnée
au genre du bâtiment dont elle fait partie, & dans
l'enclave duquel elle fe trouve fituée.
Il s'agit d'une Abbaye Royale de Dames
Chanoineffes, dont l'Abbeffe eft Madame la Corn*
-ocr page 517-
d'Architecture.           411
reife de Choifeuil ; ce font des Dames de la plus
grande naiffance, qui vivent chacune dans leur
particulier, & qui pour cela ont, dans la même
enceinte, une maiibn commode, compofée à rez
de chauffée d'une falle à manger, d'une falle de
compagnie & d'un cabinet. Dans le foubaifement
fe trouve une cuifine, un office & toutes les dé-
pendances néceffaires. Au premier étage, deux
appartements, l'un occupé par la Dame Chanoi-
neiTe, l'autre pour fa famille*, lorfqu'elle vient la
viiiter pour quelques jours : au deuxième étage ,
en. forme d'attique, elt un troiiieme logement
pour une Demoifeiîle de condition qui, après le
décès de la Propriétaire, eil déiignée pour la
remplacer; enfin dans les combles, font des gre-
niers pour contenir les grains & les autres provi-
iions qui peuvent procurer une vie aifée , mais
économique.
A l'extrémité & à la droite de tons ces bâti-
ments, eil placée la Maifon Abbatiale, conte-
nant pluiieurs appartements complets, précédés
d'une cour principale, d'un affez grand jardin par-
ticulier, des baffes-cours pour les cuifines, les
écuries, les remifes, & généralement toutes les
dépendances qu'il convient de faire entrer dans la
demeure d'une Dame titrée qui, joignant aux
vertus de fon état fufage du grand monde, reçoit
chez elle les Perfonnes les plus diftinguées de
l'Etat. A l'autre extrémité fe trouve placé le bâti-
ment du Doyenné, où réiide la plus ancienne
des Dames Chanoineffes qui, fous le gouverne-
ment général de Madame de Choifeuil, a l'infpe-
ôion fur le bon ordre & la décence qui régnent
dans cette Abbaye, l'afile d'une portion de la"
Nobleffe, & fondée à perpétuité par la libéralité
de Sa Majeilé.
-ocr page 518-
412                       Cours                            t
Tous ces édifices doivent être élevés à Metz
fur le bord de la Mozelle, où étoit anciennement
l'Abbaye de Saint-Pierre, qui vient d'être réunie
à celle de Sainte-Marie de la même Ville; c'eil
à Ste Marie que ces Dames viennent de fe reti-
rer pendant la bâtiffe du projet dont nous don-
nons l'idée. Les deffins de ce projet coniîdéra-
ble , furent approuvés par le Roi, en 17Ó3.
Nous ne pouvons donner dans ce Cours, les
plans, les coupes, les élévations, ni les dévelop-
pements de cette Abbaye Royale, ces Leçons ne
pouvant comprendre tous les différents genres
d'édifice du reiîbrt de l'Architecture civile.
Nous allons feulement offrir le plan de l'Eglife
avec la coupe fur la profondeur ; l'élévation du
frontifpice a été gravée Planche XXXIV du deu-
xième Volume, & nous l'avons propoféé alors,
comme une application de l'ordre Corinthien à
l'Architecture. En rendant compte , page 94 &
fuivantes, de l'ordonnance de ce frontifpice, nous
avons promis le plan que nous allons décrire.
-                                                                                                                                                                                  ■■ ■ -, ■ i' * .
Defcription du Plan de l'Eglife de l'Abbaye
Royale de Saint-Louis^ à Met7v
Planche LX.
Cette Eglife, comme nous venons de le remar-
quer, eil peu coniidérable, n'étant compofée que
d'un porche A, d'une très-petite nef Β accom-
. pagnée à droite & à gauche des deux bas-côtés C,
du fanctuaire D, & du chœur Ε, derriere lequel
eil placé le clocher, ainii qu'on le remarque dans
la Planche fuivante. Autour de ce petit Temple,
regne une gallerie F ? qui communique par G
-ocr page 519-
d'Architecture.            413
dans les différents logements des Dames Chanoi-
neffes. Ces galleries autour de cette Eglife, font
deilinées pour les proceiîions, & pour donner en-
trée , d'une part, à l'appartement du Doyenné,
dont partie eil indiquée par les lettres H, 1, K, L,
& de l'autre à la facriftie, à la veitiaire & au
logement du Sacriitin, marqué M, N, O, P, &c.
Le Sanduaire a de diamètre quarante-deux
pieds , & il eil décoré d'un ordre Corinthien
pilailre, couronné d'un entablement, iurmonté
d'un attique; au-deiTus de cet attique, s'élève une
coupole en calotte : le maître-autel, ifolé de toute
part, eil à la Romaine, & fait parement du côté
du chœur E, & du côté de la nef B. Dans chacun
des bas-côtés de celle-ci, eil placé un autel pour
les Meffes baffes : la nef, éclairée en lanterne, eil
féparée du fanduaire, par une grillé haute a, & du
chœur, par une grille baffe b,
La montuoiité du terrein nous a donné la
liberté d'élever le fol du porche A de fix pieds, au-
deffus de celui de la place de chambre, à l'une
des extrémités de laquelle ce frontifpice eil iitué,
& d'élever encore de neuf marches le fanduaire D
du fol de la nefB; ce qui procure à ce petit Tem-
ple cet air de majeilé que nous defirons qu'on
obferve, autant qu'il eil poifible, dans toutes les
efpeces d'édifices facrés : rien n'annonce tant ,
félon nous, ce caradere de dignité dont nous vou-
lons parler, que ces marches & leur repos, pourvu
qu'ils fe trouvent gradués avec intelligence, & que
les corps d'Arçhitedure, qui décorent l'Eglife, les
amènent naturellement & fans effort; c'eil pour-
quoi il faut compofer fon plan & fa décoration,
de maniere que tous ces objets concourent au bien
général.
»
-ocr page 520-
414                       Cours
Au reite, nous le répétons, nous ne préfentons
pas ce projet à nos Elevés, comme un exem-
ple à imiter abfolument, mais feulement, comme
le compte que nous leur rendons de la maniere
dont nous avons tiré parti des fujétions qui nous
avoient été impofées; le vrai mérite de l'Archi-
tecle confifle dans Tart de concilier les difficultés
inféparables de toute composition, avec les pré-
ceptes de la bonne Architecture ; ce qui ne fe peut
néanmoins qu'avec beaucoup d'expérience, & qu'a-
près avoir tenté, par des développements lans
nombre & des détails infinis, toutes les différantes
manières de paffer du bien au mieux.
L'efcalier Q, eil celui qui monte fur les com-
bles pour l'entretien des couvertures ; celui 11 def-
cend aux fouterreins pratiqués feulement fous le
fanftuaire D, & deilinés pour la fépulture des
Dames Chanoine/Tes de cette Abbaye Royale. Les
lettres H, I, K, L, indiquent une partie des diffé-
rentes pièces qui, comme nous venons de le re-
marquer, compofent le Doyenné, dont le princi-
pal appartement donne fur le Quai, & communi-
que à la Maifon Abbatiale par une terraife exté-
rieure de cinquante-quatre toifes de longueur.
Cette terraffe eil terminée par deux pavillons en
faillie, qui annoncent de l'autre côté de la rivière,
fur la place de l'Intendance, & le logement de
l'Abbeffe, & celui delà Doyenne; enfin, entre ces
deux pavillons, font compris douze corps de logis
particuliers,réunis fous une même façade, ôc occu-
pés par douze Dames ChanoineiTes ; les autres lo-
gements font diilribués en aîle fur la principale
cour de cette Abbaye, & du côté des jardins
communs.
Tous ces bâtiments offrent un enfemble très-
-ocr page 521-
ι
d'Architecture.           41?
eoiifidérable : nous en avons fait fix projets diffé-
rents , avant de nous arrêter à celui dont nous
parlons. Nous en avions auffi compofé quatre fur
le terrein des Dames de Sainte-Marie qu'occupent
actuellement ces Dames, étant chargés, par notre
Commiiîion à Metz, de choiiir, ou ce terrein, ou
celui de Saint-Pierre ; la fituation de celui-ci nous
ayant paru plus convenable, nous en rendîmes
compte , & il fut préféré. Tous œs différents pro-
jets que nous avons foin de conferver dans nos
portefeuilles, prouvent aux Elevés auxquels nous
les communiquons fouvent dans nos Leçons, com-
bien il eil eifenciel de réfléchir fur fes opérations,
& combien il eil utile de fe tranfporter fur les lieux,
d'en étudier le local, de conférer avec les diffé-
rentes Perfonnes intéreifées à ces monuments, de
prendre connoifiance de la qualité des matériaux,
du prix de la main-d'œuvre, du talent des Artiiles
de la Province, de la capacité des Artifans; enfin
de la fituation & de fexpofition la plus convena-
ble pour diilribuer ces bâtiments, de maniere à
faire un bel enfembJe, non-feulement confidéré
en particulier, mais encore en offrant un afpeâ:
intéreiTrfnt pour la Capitale, où fe trouvera élevé
rédifîce pour lequel nous fommes appelés.
Nous pouvons le dire ici, les premiers Pro-
jets que nous avons faits à Metz, réunifient,
félon nous, le plus de beautés, le plus de gran-
deur, & cette portion de génie que le lieu feul
peut infpirer. Mais il en fut de ce Projet, comme
de tous les Ouvrages importants ; il en fallut
faire d'autres qui conciliafient Iqs befoins, &
peut-être les fantaifies des Ordonnateurs; il fal-
lut fe retrancher à une économie qui fait avor-
ter les productions les mieux conçues, & qui
-ocr page 522-
'■ À m
416                      Cours
feroient les plus capables d'honorer les Beaux-
Arts & la Nation : en forte que, pour fe ré-
duire , il faut vaincre les obftacles les plus Tin-
furmontables ; parce qu'en tout état de caufe, il
faut enfin que le projet auquel on s'arrête ne foit
jamais au-deffous de la réputation de l'Archite£le.
Nous ne faifons ces réflexions que pour con-
vaincre nos Elevés combien il eil indifpenfable
pour eux de s'accoutumer à revenir plus d'une
fois fur les mêmes comportions, & combien un
travail infatigable eil néceifaire, pour tenter tous
les moyens , en faiiiffant les principes de l'Art,
de les affujétir aux. volontés des Propriétaires.
Defcription de la Coupe de l'Eglife de
l'Abbaye Royale de Saint-Louis
, à Met?.
Planche LXI.
On verra, par cette Coupe, que cette Eglife
eil peu coniidérable; elle a de diamètre un pied
de moins que celle des Dames de la Vifitation,
rue & Porte Saint-Antoine, par François Man-
fard ; fa hauteur eil auiîi moindre de fix* pieds,
& elle n'a de largeur que quarante-deux pieds,
& d'élévation douze toifes deux pieds : néan-
moins ce monument ne laifTe pas d'avoir une
grandeur fuiRfante pour l'édifice auquel il eil
deiliné. Cette raifon nous la fait croire par-là
plus propre à être offerte aux Elevés qui, n'é-
tant pas deflinés à faire leur réiidence à Paris *
n'ont pas fouvent occafion dans nos Provinces
d'élever des Bâtiments de ce genre d'une beau-
coup plus grande importance, puifque, dans cette
Capitale même, l'Eglife que nous venons de
citer ,
-ocr page 523-
d'Architecture.            417
citer, eil, à peu de choie près , de la même
diinenfion. Au relie, le parallele que nous fai~
fons ici n'a pouc objet que les rapports & non
îa beauté de l'ordonnance, n'ayant point deiTein,
de lutter contre François Manfard, à qui nous
cédons avec raiibn tout l'honneur du triomphe.
Mais nous faifons cette comparaifon, pour faire
comprendre à nos jeunes Architectes que, lors-
qu'ils le trouvent chargés d'un tel projet ou de
tout autre, & qu'ils veulent perfectionner leurs
productions, avant d'en entamer la compoiition,
ils doivent fe rappeler les principales mefures
des édifices qu'ils ont à traiter, d'après les exem-
ples les plus célèbres; puifqu'autrement on les
voit prefque toujours s'égarer, & donner à leurs
projets une étendue démefurée , de maniere à
ne plus connokre de bornes, & à fortir le plus
fouvent de l'efprit de convenance, & des pré-
ceptes que l'Art prefcrit : en forte que, dans les
plus petites occ.afions, ils placent le gigantefque
au-Jieu de la vraie grandeur; ils abufent de la.
prodigalité de la Sculpture, parce qu'ils ignorent
l'heureux effet de la iimplicité.
Peut-être rrouvera-t-on lé Sanctuaire trop peu
éclairé ; mais qu'on fe rappelle que plus d'une fois
nous avons déliré que nos Temples ne reçuiTent
qu'une lumière tempérée ; ce qui, félon nous, s'ac-
corde mieux, & avec les myileres, & avec le recœuiî-
lement qu'il convient d'apporter dans les monu-
ments facrés. D'ailleurs il faut obferver qu'indé-
pendamment des quatre œuils de bœuf, placés
dans la voûte pour l'éclairer, l'arcade de la Nef
& celle du Chœur ne laiifent pas de jeter du
jour iur le fol de ce Sanctuaire : à quoi il faut
ajouter que les revêtiflements de ce dernier
Tome III.
                                 D d,
-ocr page 524-
4i8                      Cours
devant être en iluc, qui doit imiter le marbre
blanc, & le blanc veiné, cette couleur naturel-
lement tendre, lui procurerait encore une lu-
mière de reflet, qui ajouterait à fa grandeur ,
reiîburce qui, jointe au bronze doré d'or moulu
dont il ferait orné, néanmoins avec fobriété,
lui procurerait un air de dignité & de richeffe,
fans être obligé d'avoir recours à la profuiion des
ornements, ni à une plus grande quantité d'ou-
vertures, qui, lörfqu'on en abufe, donnent à
ces édifices l'idée d'un falon d'habitation, δζ non
d'un aûle facré.
Plufieurs fois nous avons parlé de la néceffité
de fe rendre compte de l'affortiment des matiè-
res, avant de déterminer l'enfemble de fon pro-
jet : l'Eglife que nous décrivons donne un exem-
ple de ce que nous avons avancé tant de fois.
Par exemple, il eil certain que, il la décoration
de ce Sanctuaire avoit du être revêtue de rnenui-
ferie, ou de marbre antique, feint ou réel & de
couleur foncée, il aurait fallu fuivre une autre
marche dans fa difpoihion & dans fon ordon-
nance intérieure. Il eil donc plus important qu'on
ne s'imagine ordinairement , de déterminer le
choix des matières qu'on doit employer, avant
de parler à la bâtiffe, puifque les tons tendres
ou rembrunis dont on a fait choix, doivent né-
ceiTairement influer fur le genre de la décora-
tion de l'édifice: accord général auquel on ne
peut arriver que par une longue fuite d'expé-
riences, & par une comparaifon continuelle des
ouvrages célèbres, élevés par les grands Maîtres.
Certainement lorfque nous les avons bien étudiés,
le difcernement nous porte à imiter les beau-
tés qui s'y trouvent répandues, & à nous éloi-
\
-ocr page 525-
d'Architecture.          419
gner des inadvertences qui peuvent leur être
échapées.
Nous n'avons point fait ufage de la peinture
dans la voûte de ce Sanctuaire. Non-feulement
elle ne convient guère que dans les lieux fpa-
cieux; mais aiîez généralement elle réuiïit mal,
lorfque les revêtiiïements des murs que foutien-
nent ces voûtes , font d'une matière blanche.
D'ailleurs nous penions que la néceiîïté de con ■
frruire avec folidité une coupole, une voûte,
une caiote, femble remplir imparfaitement cet
objet, lorfque, fur leur furface intérieure, on
repréfente des fujets aériens; au-îieu que des
arcs doubieaux & des compartiments heureufe-
ment diftribués, fembîentfe rapprocher davan-
tage de la vraifiemblance, & décorer avec un
intérêt égal les parties fupérieures de nos Tem-
ples, & l'on peut même dire la plus grande partie
des pièces de l'intérieur de nos appartements; de
maniere que nous penfons que ii des raifons
particulières déterminoient à préférer la Peinture
à la Sculpture, on pourrait l'employer en gri~
faille dans les compartiments, ce qui fe rappro-
cheroit davantage des lois de l'unité, & répan-
droit un accord intérefTant dans l'enfemble, qui
ordinairement fe trouve divifé par les fujets de
Peinture, dont le ton du coloris s'accorde diffi-
cilement avec celui des matières, qui ordinaire·"
ment revêtent l'intérieur du monument.
Au reile, nous le répétons, ce fentiment, qui
nous eil particulier, ne fait loi pour perfonne;
nous n'en admirons pas moins les chefs-d'œuvre
en ce genre, qui décorent la plus grande partie
des édifices facrés de la France & de l'Italie ;
mais nous penfons' qu'il convient d'ufer avec pru-
D d ij
-ocr page 526-
420                        Cours
dence de cette maniere de les embellir, que la.Pein-
ture ne fait pas également bien par-tout; que c'eft à
la prudence de l'Ordonnateur à méditer quel fnc-
cès il a droit d'en attendre pour la perfeäion de
ion œuvre: il ne fuffit pas qu'une maniere de déco-
rer ait été mife en œuvre par un grand Maître, pour
qu'on puiffe l'employer indiitinÜement dans tous
les genres de Bâtiments, fur-tout torique les revê-
tiffements ne font point en marbre de couleur,
mais en marbre blanc, en pierre de Liais , de
Conflans, de Tonnerre, &c.
Nous avons éclairé la Nef & le Chœur par
en haut, la difpofition des Bâtiments, qui entou-
rent cette Rotonde, nous ayant déterminés à en
ufer ainfi, indépendamment de ce que nous fem-
mes fortement perfuadés, que cette lumière eft
la plus convenable au genre d'édifice dont nous
parlons. On remarque auiïi dans cette Coupe ,
quoiquen petit, la décoration intérieure de ce
monument, & l'inégalité du fol obfervé entre
celui du Sanêuaire, celui de la Nef, & celui du
pavé où circule le Peuple : inégalité de loi qui,
comme nous l'avons recommandée ailleurs, doit
être obfervée autant qu'il eil poiîible. En effet,
rien, félon nous, n'indique mieux le caraftere
facré que cette gradation, qui annonce,^ dans
un même lieu, des objets quij chacun féparé-
ment, doivent fe préfenter avec plus ou moins
de lupériorité, félon leur deitination particuliere.
; Nous terminerons ici nos Obfervations fur les
édifices facrés, pour traiter dans le Chapitre fui-
vant, de la décoration extérieure des façades en
général. Nous commencerons par quelques Pa-
lais de Rome; enfuite.nous en donnerons plufieurs
exécutés à Paris, pat nos Architeaes François.
-ocr page 527-
'!
d'Architecture.             421
CHAPITRE VUL
■'                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   ■......'■./■-
5OTr£ £>£ L'EXPERIENCE. DE L'ART.
Ou l'on rapporte diverses Façades
de Bâtiments exécutées a Rome
par des Architectes d'Italie
,
et plusieurs f a cad es élevées
a Paris par nos Architectes
François,
A
T"L JUGER des productions de FArchiteclure
par la plupart des Palais & des belles Maifons d'ha-
bitation de Rome moderne , comparés avec le
plus grand nombre de ceux qui décorent no-
tre Capitale , & dont nous parlerons dans la
fuite, on feroit tenté de croire que les Archi-
tectes d'Italie & les nôtres , n'ont pas puifé
les préceptes de FArt dans la même fource. Il eil
vrai que le fite des lieux & la différence dansl
la température de l'air, a pu apporter quelques
diverfités dans l'ordonnance des édifices de l'Italie
& de la France : mais cette variété dans le cli-
mat aurait dû, ce femble , n'influer que fur
Femploi des matières, fur la difpofition des Bâ-
timents, fur la maniere de les couvrir, fur la
plus ou moins grande quantité de leurs ouver-
tures; enfin fur la difFérente largeur & hauteur
de ces dernières : toutes les autres parties de là
décoration, telles que l'application dos Ordres^
les ornements quils amènent fur la fcêne, la
D d iij
-ocr page 528-
411                   .,. . C OU R S
forme des portes & des croifées, la diitribution
des avant-corps , la relation de ceux-ci avec
Tétendiie du Bâtiment, les repos qu'il convient
d'obferver entre chaque membre ; en un mot les
rapports qu'il faut obferver entre toutes les par-
ties de l'édifice, tous ces objets devraient être
les mêmes dans les unes & dans les autres pro-
ductions; puifque les préceptes font un, univer-
Îeis, & qu'ils nous viennent des Grecs, où l'une
Jfc l'autre Nation ont également puifé les règles
de l'Art. Quel vafte champ de contradictions
néanmoins s'offriroit à nous, ii nous voulions
rapporter les moyens dont le font fervi la plu-
part des Architectes Italiens pour s'en écarter,
fans autre objet déterminé que celui de créer
des chimères à leur gré J
Ce que nous avançons eil d'autant plus in-
croyable , que l'Italie a eu (es Bramantes,
comme la France a eu (es Manfards, dont les
chefs-d'œuvre ont été applaudis, & le font encore
de la part des vrais Connoiffeurs. Mais abaif-
fons, s'il fe peut, un voile impénétrable fur les
inconféquences du plus grand nombre de leurs
Bâtiments <& des nôtres, qui, malgré leur imper-
fection, fe font attiré les regards de la multitude.
Contentons-nous de donner quelques exemples
pour faire fentir à nos Elevés la néceffité d'é-
viter de pareils écarts, & combien il leur effc
eiTenciel d'imiter les excellents modèles, s'ils veu-
lent atteindre un jour à une certaine célébrité.
An refte, il en faut convenir, l'Efpagne, l'Al-
lemagne, les Peuples du Nord, qui ont cru imi-
ter les productions de l'Antiquité, s'en font en-
core beaucoup plus éloignés. Quelle fingularité
ne remarque-t-on pas dans la plupart des déco-
-ocr page 529-
d'Architecture.          423
rations de leurs monuments ? A l'exception de
quelques édifices pour îèfqiiels ces Nations ont-
appelé des Architectes célèbres de la France ou de
l'Italie, on n'aperçoit guère dans leurs Bâtiments
que des membres d'Architecture incorrects, que
de la bifarrerie dans les formes, & de la confuiion
dans les ornements. L'Angleterre , nous oions
l'avouer, eil peut-être la feule qui ait fuivi de
plus près le bon genre des Anciens : moins jaloux
de créer du neuf, que d'imiter les excellentes
productions des Grecs, & les beaux monuments de
l'ancienne Rome, les Anglois fe font garantis de
cet efprit national qui a gagné toutes les Cours;
quelle différence en effet entre le Vitruve Britanni-
que & le Vitruve Danois!
Pour faire fentir jufques où l'on peut s'égarer,
lorfqu'on ne confulte que le goût de fa Nation,
qu'on ne fuit que fes idées, & qu'on perd de
vue le bon genre, nous avions deiTein de rap-
porter, dans ce Volume, divers exemples de
toutes ces différentes productions ; mais nous
avons réfléchi que cette difcuiiion nous mene-
roit trop loin. D'ailleurs ge parallele nous a paru
plus du reffort d'un Recϝil particulier, que d'un
Cours d'Architecture ; nous réfervons cette efpèce
de Collection pour l'Ouvrage que nous nous pro-
pofons de donner , lorfque nous nous ferons
acquîtes entièrement de notre tâche; rien n'é-
tant , félon nous, plus propre à nous guérir de
nos propres écarts, que d'examiner ceux des
autres Peuples où l'Architecture eft cultivée. Nous
allons rapporter feulement, dans ce Chapitre ,
quelques Façades des Palais de R.ome, & quel-
ques-unes des principaux Hôtels qui ornent cetre
Capitale. Nous prendrons occaiion den donne?
Dd iv
m
w - ,
-ocr page 530-
424                       Cours
quelques-unes de notre compontion dans le
Volume fuivant, après avoir, parlé de la diitri-
bution en général.
Façade du Palais du Cardinal d'Eß^ élevée
fur les Dejjlns de Jacques de la Porte.
Planche LXIL
Nous venons de remarquer que la différence
du climat influoit fur le goût de l'Architecjture.
Les chaleurs exceffives qu'on éprouve à Rome,
ont forcé les Architectes à faire ufage de grands
trumeaux & de donner peu d'ouverture aux
croifées. Cette coniidération une fois fentie,
nous aurions mauvaife grâce de revenir ici fur
cet objet de nécefïité : de même le reproche que
les'Architectes Romains pouroient nous faire,
de trop Multiplier les croifées dans nos Façades,
feroit peu fondé; il fuffit d'obferver feulement
qu'a Rome comme à Paris, il convient d*éviter
également ces deux fjjxcès. Notre deffein n'en:
donc pas d'examiner, dans cette Planche, la lar-
geur des trumeaux, ni la diihincé afTez coniidé-
rable qui fe remarque entre le linteau d'une
croifée, & l'appui de celle qui lui eit iiipérieure;
nos obfervations porteront feulement fur la limé-
trie, fur les rapports & fur les proportions des-
membres d'Architecture, qui décorent cette Façade
·& les fui vantes. , '
VraiiTembiabîement la diilribution intérieure de
ce Palais, n'a pas permis à Jacques de la Porte
d'en placer l'entrée dans le milieu de fa Façade.
"Nous avons plus d'un édifice en France, où. an-
*
-ocr page 531-
d'Architecture.             42.5
ciennement nos Architectes n'étoient guère plus!
fcrupuleux. Cependant, à l'exemple de ceux:
d'Italie, nos principaux corps de logis donnoient
fur la rue, ce qui alors procuroit une beaucoup
plus belle décoration à la Capitale: au-lieu qu'au-
jourd'hui nos beaux Hôtels fe trouvent finies
entre cour & jardin, ainii que nous l'obferverons
en fon lieu. Au reite la difpofition de cette porte
n'eft pas la feule irrégularité qu'on remarque
dans cette Façade; les deux derniers trumeaux
font beaucoup plus grands que ceux du milieu;
ce qui donne à connoître que la commodité des
dedans a gêné l'Arcliiteéte, & qu'il a négligé les
dehors. Cette irrégularité n'eit guère excufable que
dans des Bâtiments particuliers ; mais elle ne fe peut
fupporter dans les Façades des Palais d'une certaine
importance. Les croifées du rez de chauffée pa-
roiffent courtes, quoiqu'elles foient au-deffus de
plus petites ouvertures, deftinées fans doute à éclai-
rer les fouterreins: celles du premier étage, cou-
ronnées alternativement de frontons triangulaires ,
& de frontons circulaires, préfentent autant de
maiTes pefantes qui femblent fe contredire avec les
reiiauts de leurs corniches', & les confoles qui font
retour fur le nu du mur : celles du deuxième
étage font d'un autre genre; mais nous ne con-
feiîlerions pas d'en imiter les croffetes, les fron-
tons circulaires, ni les tètes placées dans leurs
tympans, lors même que ces dernières feroient
parrié*-dii Blâfon du Propriétaire ; cet ornement
répété eft de mauvais goût, & n'offre que de
petits objets, qui ne peuvent figurer avec la
grandeur de l'édifice. Enfin les mezanines, qui fe
remarquent au-deffus du deuxième étage, ôtent à
"cette Façade la'dignité qu'elle auroit pu acquérir
■-..■ .'■■                                                                                                                           "                                                                                                                   A
-ocr page 532-
ν
426                     Cours
fans ce fupplément. Nous croyons encore que-
les piédeftaux continus, qui régnent fous les deux
rangs de croifées du premier & du deuxième
étage, paroiffent être foutenus en l'air, par la
maigreur des plinthes qui les reçoivent, auffi-
bien que celles qui féparent l'attique d'avec l*é-
tage de deffous. D'ailleurs l'entablement de ce
couronnement nous paroît foible ; les corps bof-
fagés des extrémités de cette Façade ont le même
défaut, & s'allient mal avec les parties liffes &
peut-être trop vagues qui régnent clans les nus de
cette ordonnance. Enfin nous remarquerons que
'la baie de la porte paroît considérable, compa-
rée avec la petiteffe des colonnes engagées, pla-
cées à côté de fon chambranle. On peut conve-
nir néanmoins que , malgré ces remarques, il
regne une certaine idée de grandeur dans cette
décoration, grandeur qu'on rencontre rarement
dans nos productions Françoifes , ainii que nous
aurons occafion de le remarquer ailleurs.
Façade du Palais aAfli y élevée Jur les DeJJins
de Jean-Antoine Roßi,
, Ρ L AN CHE L XI II.
CetteF açade eft d'un beaucoup meilleur genre
que la précédente; les vides nous paroiffent plus
en rapport avec les pleins ; les efpaces font moins
grands: il regne dans les profils & dans „les or-
nements un certain goût qui intéreffe ; mais nous
n'eitimons pas les efpèces de pilailres placés à
fes deux extrémités : non-feulement ils nous pa-
roiffent trop maigres, mais nous les aurions defirés
liffes, ce qui fe feroit accordé avec les nus ou
-ocr page 533-
..
d'Architecture,            427
repos qui régnent dans cette décoration* Nous
blâmons encore les' croiiees attiques qui cou-
pent l'architrave & la frife de l'entablement, ainii
que celles placées au-defïus de la croifée du
milieu du premier étage. De toutes les ouver-
tures de cette Façade, celles du rez de chauffée
nous plaifent le moins; elles ont un caracfeue de
pefanteur qui ne s'accorde guère avec les percés
de deiîus. L'Architecle a cru fans doute pouvoir
employer ce caractère, parce qu'il a regardé cet
étage comme un foubaffement ; mais il devoit
faire attention que le vrai moyen de défigner
un tel étage, c'en: de préférer un genre fimple
à une expreiïion Tofcane, qui ne convient point
par-tout. D'ailleurs il nous paroît que les mem-
bres répandus dans le foubafTement, doivent être
d'autant moins ruitiques, qu'étant vus de près^
ils paroiffent encore plus lourds, & par-là nuifent
effenciellement à l'accord qu'ils doivent avoir avec
le genre de l'ordonnance.
Nous penfons à peu-près de même que dans
la Planche précédente, à l'égard des appuis con-
tinus des croifées; peut-être aurions-nous préféré
un focle aux piédeilaux qui fe remarquent ici ;
nous aurions fait les corniches un peu plus mâ-
les , ou du-moins nous les aurions accompagnées
d'un gorgerirî & d'un ailragale, comme dans la
corniche du premier étage des extrémités de cette
Façade. Nous aurions auffi. fupprimé Fattique qui
lui fert de couronnement ; il paroît petit comparé
avec la maffe entière. Nous en ferions autant du
gros cartel, placé fur le fronton de la eroifée
du milieu, ainfi que du piédroit qui occupe la
travée de la baluitrade placée au-deiîus de la
porte d'entrée. Nous aurions auffi deiiré à cette
-ocr page 534-
428                      Cours
porte un chambranle plus iimple & moins go-
thique. Peut-être enfin n'imiterionsnous pas les
frontons qui couronnent les croifées du deuxième
étage, ni le fupport de ceux placés au-deiïbus
des croifées du premier. Au* relie leur forme
pittorefque décèle l'homme de goût, plus habile
Peintre à la vérité qu'Architecte confommé ; mais
l'entablement de couronnement a un air de gran-
deur qui plaît; nous y defirerions néanmoins un
peu plus d'élévation.
Qu'on ne s'y trompe pas, nous avons fait deffiner
les changements que nous propofons ici, ainfi que
ceux propofés dans les autres Planches que contient
ce Chapitre; & nous afîiirons qu'ils produifent le
meilleur effet. Nous n'avons pas cru néanmoins
devoir les offrir dans ce Volume, dans la crainte
de multiplier les Planches ; mais nous engageons
ceux de nos Elevés, qui doivent copier long-
temps avant de paifer à la tompoûtion, d'effayer
à traduire les obfervations que nous propofons,
non pour faire la cenfure de ces différentes pro-
ductions, mais pour s'accoutumer à réfléchir fur
les ouvrages des grands Maîtres, ce qui les met-
tra un jour en état de perfectionner les leurs.
Façade du Palais du Duc Mattéi, élevée
fur les DeJJins de Charles Mademe.
fl an c HE LXI V*
Quoique Charles Maderne ait paiTé pour un
'des habiles Architectes de fon temps (a), & qu'il
<· (a) Cet Architede étoit du Comte de Corne y il eft meut
à Rome, en 1619.
ν
-ocr page 535-
d'Architecture. ^i<)
ait été employé à la célèbre Fabrique de Saint-
Pierre fous le Pontificat de Clement VIII ; nous
fommes bien éloignés d'approuver le genre d'Ar-
chitecfure de cette Façade, non-plus que pluiieurs
autres de ce même Architecte, faîfant partie d'un
Recœuil affez intéreiTant, mis au jour par Jacques
de Roffi, contenant les Palais de Rome. C'eit. de ce
Recœuil que nous avons tiré les deux Deiîins précé-
dents^ celui qui va fuivre.Nous ne pouvons rappor-
ter tous les autres ouvrages qui'y font contenus,
tels que les Façades des Palais élevés par Jean &
Dominique Fontana, par François Boromini, par
Octave Mafcherini, Antoine de San-Gallo , Bal-
tazar de Sienne, Jean-Baptiite Crefcenzi, Jérôme
Reinaldi, &c. Toutes leurs comportions font à
peu-près dans le genre de celles que nous rap-
portons; &, comme nous l'avons dit plus haut.,
nous ne faifons ces remarques que pour mieux
faire connokre à nos Elevés les différents gen-
res d'Architeclure, afin que par-là ils évitent toute
efpèce de maniere. Les productions de i'Archi-
teäure en général doivent être belles dans tous
les pays & dans tous les temps, & ne différer
que relativement au climat & à la diverfné des
matières, fans pour cela qu'il foit befoin de chan-
ger les proportions les plus approuvées, les for-
mes le plus univerfellement reçues, & le véritable
caractère qu'il convient de donner à chaque
genre d'édifice.
La Façade dont nous parlons efl aiTez iimé-
trique dans fes parties; mais ne peut-on pas dire
que cette même fimét rie devient monotone ? D'ail-
leurs onze croifées de face , fans aucun avant-
corps , femblent une Simplicité arfeûée & peu
convenable pour annoncer la décoration extér
-ocr page 536-
430                      Cours
rieure d'un Palais. Peut-être abuibns-nous trop
des reiiauts dans nos Bâtiments; mais ne doit-on
pas convenir auiîi que cette continuité liiïe, pouiTée
à l'excès, ne préiénte plus qu'une compoiition
froide & dépourvue des mouvements que les
grâces de l'art autorisent dans certaines occaiions ?
Quel efpace confidérable, par exemple , ne re-
niarque-t-on pas entre le ibmmier des croifées
du premier étage & l'appui de celles du fécond ?
Cette grande hauteur, dira-t*on, eil deltinée dans
les dedans à contenir les voûtes qui terminent
les pièces intérieures. Cela peut être: mais à quoi
fervent les reiiburces de l'Architecture ? avec
combien de génie Manfard, & pluiieurs de nos
Maîtres François, n'ont-ils pas furmonté la diffi-
culté d'accorder l'extérieur avec l'intérieur de
nos Bâtiments, foit en employant dans les dehors
de grandes ouvertures feintes qui en contenoient
de plus petites réelles, afforties au genre de l'édifice ;
foit en fàifant ufage des niches quarrées, ou en don-
nant une plus grande élévation à leur entablement ?
Mais , diiént quelques-uns , tous ces di-
vers membres n'empêchent pas la petiteffe des
vides , & la grandeur des pleins. Non fans
doute; mais ils divifent ceux-ci, ils rempliffent
les efpaces, ils foutiennent le ffcyle, cara&érifent
le genre, & empêchent enfin la défunion que de
trop grands intervalles procurent à l'ordonnance.
Nous lavons bien que quelques Architectes apè-
lent ces intervalles des repos dans l'Architeclure :
nous favons cela ; mais nous, fur-tout lorsqu'ils
font outrés comme dans cette Planche, nous les
appelons des difTonances, des difparités, des nus
qui choquent la vraiflembiance & qui nuifent à
l'unité j unité de tous les préceptes le plus çtten-
-ocr page 537-
d'architecture.               4j ι
ciel à obferver, principalement loriqu'il s'agit de
la décoration des édifices de l'efpece de celui
dont nous parlons.
Palladio, dit-on tous les jours, a obfervé ce-
pendant plus qu'aucun autre Architecte, ces repos,
Ces intervalles que nous iemblons condamner.
Cela lui eft arrivé quelquefois, à la vérité ; auiïi
n'eii-ce pas dans cette partie que nous voudrions
l'imiter. Quelle différence d'ailleurs entre {qs pro-
ductions & celles dont il eft ici quefHon! Il a
preique toujours donné du mouvement à fes Fa-
çades ; & elles font la plupart très-ornées : il en-
tendoit fupérïeurement les formes pyramidales;
il profîloit affez pertinemment ; il accompagnoit {es
édifices d'avant-fcênes toujours intéreiîantes ; &,
s'il eût fu donner plus de grandeur à la plupart
de fes ouvertures, & obferver plus de févérité
entre le rapport que doit avoir leur largeur avec
leur hauteur, certainement il feroit celui des
Architectes d'Italie qui mériteroit le plus d'être
imité parmi nous. Mais les Enthoufiaites de cet
Architecte célèbre, n'en retiennent que ce qu'il
feroit à deiirer qu'on évitât d'introduire dans no-
tre maniere de bâtir : d'où il arrive fouvent qu'au-
lieu de parvenir à une certaine iimplicité, tou-
jours deiirable, on fait des comportions, ou tout-
à-fait pauvres, ou d'une richeÎTe extravagante,
qui éloignent également de l'idée qu'on doit fe
former de la belle Architecture.
Paflbns à préfent à l'une des productions du
Cavalier Bernin, par laquelle nous finirons nos
Remarques fur les Façades des Palai« d'Italie.
-ocr page 538-
432                        Ç 9 υ RS
Façade du Palais Chigi, élevée fur les Dtfftns
du Cavalier Jean-Laurent Bemin.
Planche LXV.
La Façade de ce Palais ( b ) non-feulement eil
très-réguliere ; mais les maiTes font d'une belle
proportion, & la plus grande partie des détails
en eu: heureufe. Un grand Ordre, élevé fur un
efpèce de foubaiTement, détermine fon ordon-
nance. Cet Ordre eil couronné d'un entablement
porté au quart, & dont la frife eil ornée de con-
îbles folkaires au-deiîiîs des croifées, & de con-
foies accouplées à plomb de chaque pilailre. Cet
entablement compofé a pu fe permettre ici,FOr-
dre étant lui-même d'une compolition qui ne tient,
ni du Corinthien, ni du Compoiite proprement
dit; mais il faut lavoir que de telles compoii-
tions ne peuvent guère trouver place que dans
les édifices publics, & rarement dans les Bâti-
ments d'habitation, parce qu'ils acquièrent alors
une capacité qui ne figure ordinairement ni avec
l'Ordre, ni avec la grandeur de l'Archite&ure des
Façades. Les chambranles des croifées du deu-
xième étage d'une forme pittorefque, ne doivent,
félon nous, jamais être imités: ceux du premier
font d'un genre plus antique ; mais nous ne con-
feillerons jamais l'ufage des petites colonnes que
ibutiennent les frontons triangulaires dont elles
(£) La Façade de ce Palais eft du Bernin, les Plans ont été
donnés par Charles Maderne dont on vient de parler dans la
Planche précédente.
font
-ocr page 539-
d'Architecture.          43$
font couronnées; la petiteiTe de leur module né
peut guère aller avec celui des grands pilailres :
nous préférons, à beaucoup d'égards, cdux des
arriere-corps de cette Façade; la iupprelïion du
petit Ordre femble les rendre plus conformes au
iiyle de l'ordonnance. Nous penfons de même
à l'égard de celle qui fe trouve au-deiTus de la
porte de ce Palais, dont les doubles colonnes &
le fronton oui la couronne, Cemhlent donner l'idée
de l'Archite&ure don tabernacle, lorfqu'on vient
à la comparer avec la hauteur du grand Ordre.
D'ailleurs la pefanteur de l'écuiTon qui la termine,
contribue encore à rendre cette ouverture & (es
accompagnements d'une petiteiTe extrême. Les
croifées du rez-dc-chauffée nous paroiiTent cour-
tes, quoique d'un 0en*in d'aflèz bon goût. Ce
racourciiTement eil occaiionné fans doute par les
- ouvertures qui fe trouvent deiTous, & qui font
introduites ici, comme dans la Planche précé-
dente , pour éclairer les fouterreins. Cet objet
de néceilïté ne doii pas néanmoins difpenfer le
Décorateur d'étudier chaque partie de fes Fa-
çades , de maniere à fondre ii bien enfemble les
chofes d'ufage & les procédés de l'Art, qu'aucune
des parties n'en paroiiTe altérée. La porte d'en-
trée de ce Palais eii ornée de deux colonnes, qui
tiennent du Dorique & du Tofcan; la proportion
en eil aifez belle; mais fon ordonnance n'eil-elle
pas un peu iimple, comparée avec la richeiTe de
la croifée qui fe trouve au-deiTus? D'ailleurs la
différence des diamètres des colonnes ne les fait-
elle pas paroitre difparates entr'elles, fur-tout
ïorfqa'on vient à les examiner avec ce grand
Ordre piîailre qui regne dans le premier étage?
Nous n'ignorons pas que beaucoup d'Arche
Tomt III.
                                E e
-ocr page 540-
:§i
434                    Cours
te&es, célèbres, anciens & modernes, ont em*»
ployé des Ordres de diamètres différents dans
leurs productions ; mais nous avons peine à nous
perfuader que cette opinion foit bonne à fuivre :
perfonne ne fait plus de cas que nous des Ordres
d'Architecture ; mais plus cette décoration nous
fatisfait, & moins nous voudrions en abufer dans
l'ordonnance de nos Façades. Il eif d'autres
moyens de parvenir à faire de belles croiiées,
fans les orner de petites colonnes ; nous venons
de le remarquer plus haut, en décrivant la Fa-
çade dont nous parlons. Nous aurions peut-être
aufil fuprimé les colonnes de la porte d'entrée,
parce qu'elles fe trouveut comprifçs dans un étage
en fouoaiTement , & parce que leur diamètre,
ainfi qu'il a déjà été dit, difpute aiTez considé-
rablement de groiTeur avec celui des colonnes
placées aux croifées.
Au reite, ces obfervations ne détruifent point
le caractère de grandeur qui règne dans cette
production. Il eft même aifé de s'apercevoir que
c'eft l'ouvrage d'un grand homme, cfui d'ailleurs
étoit auffi excellent Peintre & Sculpteur que bon
Architecte; mais peut-être eût-il bien fait de
refter en Italie, où il étoit regardé comme le
Michel-Ange de fon temps : tranfporté à Paris , il
paroît y avoir perdu plus d'une de fes couronnes »
à en juger par les Deifins qu'il donna du Louvre,
bien inférieurs à ceux de Claude Perrault, dont
la production eft devenue l'un des chefs-d'œuvre
de notre Architecture Françoife.
Nous allons donner dans la Planche fuivante,
Tune des Façades du Bernin, qui devoit s'exécuter
pour ce Palais, du côté de Saint Germain-ΓΑιι-
»çrroisi CQOipQUtionj qui pçut être» ne prou-
-ocr page 541-
d'Architecture, 43|
Vera que trop ce que nous venons d'avancer à
ion égard ; mais il n'eft pas indifférent de la faire
connoître à nos Elevés , pour leur faire fentir,
que loin de s'attacher à un feul genre national $
l'Univers doit être la patrie d'un grand Artiite 'f
que par-tout il doit faire preuve de (es talents-,
& chercher à lier le véritable goût de l'Art avec
les différents beibins âes peuples policés , qui
l'appellent chez eux pour de vaftes entreprîtes.
Façade du vieux Louvre, telle qu'elle devoit
être exécutée du côté de Saint Germain-l'Au?
χerrois} furies DeJJins du Chevalier Bernin9
avant que les Projets de Claude Perrault
fuffent acceptés.
Planche L3ÊVI.
La Planche qui fe voit ici, nous difpenfe dW-
trer dans un certain détail. Que pourrions-nous
dire en effet, que les Elevés, même les moins
înitruits, ne foient en état de démêler pour ce qui
regarde l'Ordonnance de cette Façade } comment
ne pas s'apercevoir de la petiteffe des croifées,
de la grandeur giganrefque de l'Ordre, de l'inégalité
de Feipacement des colonnes, de la pefanteur
que procurent à l'entablement les conioles diffri-
buées dans fa frife, du peu de rapport de la ba-
luitrade avec ce même entablement, du raccour-
ciffement du foubaiTement, de la mauvaife pro-
portion des trois Portes plein-cintre qui 'fer-
vent d'entrée à ce Palais, de fennuyeufe répé-
tition des petits frontons circulaires , fervanl
de couronnement aux croifées du premier étage,
E e ij
-ocr page 542-
'436                      Cours
& des frontons triangulaires, qui font portés fur
celles du deuxième étage : enfin de la diftance im-
menfe obfervée entre ces deux rangs d'ouvertures r
Nous en appelons à tout Artiite impartial ; quelle
différence entre cette compolition, & celle que
Perrault à élevée ! Ces productions font cependant
de deux graads Maîtres ; Perrault à la vérité
n'auroit peut-être pas produit ce chef-d'œuvre en
Italie;
mais forcé à Rome de fe foumettre à de
pentes ouvertures & à de grands eipaces, il au-
roit du moins aiTorti le module de fon Ordre, &
les principaux membres de ion Architecture , à
l'ufage interieur de l'Edifice; &: c'eil ce qu'auroit
dû faire le Bernin à Paris : c'eût été même la ré-
flexion que tout homme éclairé auroit dû faire,
il de cette Capitale, il eût été appelé à Madrid ,
à Vienne, à Saint-Pétersbourg; il auroit com-
mencé par faifir le local, par s'informer de l'u-
fage du pays ; enfuité il auroit cherché à conci-
lier les règles de fon Art avec le goût national,
& par-là il feroit parvenu à. créer un genre, qui,
iâns trop s'éloigner des préceptes reçus , auroit
infeniiblement amené la Nation, qui auroit eu
recours à {qs talents, à produire un genre d'Ar-
chitecture plus véritablement régulier; perfuadé
qu'il aurait été, que les loix de l'Art de bâtir
font par - tout les mêmes , c'eft-à-dire , de fe
mettre à l'abri des intempéries de l'air, de fe pro-
curer les commodités néceifaires à la vie , de
conftruire des Edifices falubres & durables; Se
qifainfi l'ordonnance des Bâtiments ne doit guère
différer que. par la diverfité des matières qu'on em-
ploie , & fuivant la différence des climats où l'on
élevé des Edifices importants.
]La ccnunuauon du Lquvre, qui a donné oc-
-ocr page 543-
d'Architecture. . 437
canon fous Louis XIV d'appeler, en IÓ65 , le
Bernin d'Italie en France » pour donner les Def-
iins de ce Palais, a exeité l'émulation des plus
célèbres de nos Architectes ; le Mercier, le Veau
d'Orbay, Marot, enfin Perrault, tentés d'acqué-
rir de nouveaux lauriers , fe rappelèrent que
fous Henri II on avoit fait auiïi venir d'Italie
Serlio, pour commencer cet Edifice., & que ce
fut un Archite&e François , Pierre Lefcot , qui
fut préféré; ils difputerent la palme au Bernin.
De tous les Projets faits par ces Archiie&es, ce-
lui" de Perrault, connu de tous les Savants en
Architecture , a été exécuté. Rapportons feule-
ment ici celui de Marot, Architecte & Graveur
célèbre, non-feulement, parce que fon Archi-
tecture eil affez pure ; mais parce hue fes pro-
ductions font peu connues parmTlnoiis , & qu'il
mérite néanmoins de tenir un rang diilingné dans
la claiïe des Architectes illuilres de la France.
Elévation d'une des principales Façades du
vieux Louvre
, projetée pour le côté de Saint"
Germain-ΐAuxerrois, par J, Marot, Ar-
chitecte & Graveur.
Planche LXVII.
Cette Façade de Jean Marot (c) eil d'un genre
hien différent de la précédente , & prouve en
(à) C'ëft à cet Architecte qu'on doit le commencement du
Recoeu.il, intitulé ï Architetture Françoife, connue encore au-;
jourd'hui fous le nom de Grand 6* de petit Maroc, parce que
E e iij
-ocr page 544-
438                       Cours
quelque forte combien les Architectes en général,
s'accordent peu fur les préceptes de leur Art,
Comment fe peut-il en effet, que tous ayant
puifé les règles dans la même fource, il refaite
autant de différence dans des composions def-
tinées à la décoration d'un même Edifice ? Nous
croyons que ii l'on s'attachoit davantage à faiiir
le caractère propre à chacun , ainfi que nous
avons effayé de l'indiquer dans le fixieme Cha-
pitre & les fuivants, du deuxième Volume de ce
Cours, il en réfulteroit qu'on fe permettrons
moins de faire à fon gré une Architecture co-
loffale , ou une Architecture naine > fans autre
raîfon déterminée, que de faire preuve de fon
indépendance.
Notre intention n'efî pas de faire tomber cette
réflexion fur la production de Marot en parti-
culier : fon Architedure eft petite fans doute ;
mais il a cherché à proportionner ion module
aux Ordres de la Cour de ce Palais, précédem-
ment élevé par Pierre Lefcot." Il nappartenoit
guère qu'à Perrault d'ofer rifquer une grande Ar-
chitecture dans les dehors , & il y a féiiflî, pen«
dant que le Bernin ne Ta fait que moitié gigan-
les Planches font imprimées fous deux formats /l'un in-folio ,
l'autre petit i/z-40. Nous avons continué ce Recœuil jufqu'a.
8 Volumes, pour M. Mariette, après la mort duquel M.
Jombert nous invita de donner la defeription des principaux
édifices qui y font contenus, ainfi que nous l'avons déjà die
ailleurs.
Jean Marot qui vivoit à la fin du dernier iiécle, a été TAr-
chiteéte du portail des Feuillantines fauxbourg Sainr Jacques s
& celui de l'hôtel de Mortemart, rue Saint Guillaume faux-?
bourg Saint-Cermain ; nous croyons ne pouvoir mieux faire
cpnnoître les talenrs de cet habile homme, qu'en donnant dans
cçuç Planche un des projets qu'il avoit faits pour le Couvre,
/
-ocr page 545-
d'Architecture.            439
tefqtie & moitié naine. En confidérant donc la
Façade de Marot fous le point de vue qui la lui
a fait imaginer, Ton s'apercevra aifément que
ion objet a été d'imiter les reflauts , les petits
avant-corps, la forme des croifées, les niches Se
la majeure partie des combles de l'intérieur de la
Cour du Louvre ; mais du moins que dans cette
compoiition imitative, il a Îupprimé la plus grande
partie des corps horifontaux ; qu'il a rapproché
hs efpaces ; que fes attiques font d'une propor-
tion plus henreufe, & qu'en général, il regne
un accord plus intéreffant dans toute fon Or-
donnance : enforte que s'il eût rendu fon Dôme
moins écrafé, & qu'il eût'fait fa lanterne moins
confidérable , cette élévation pourroit paiier pour
une des productions Françoifes, qui approchent
le plus près de celles des Manfards.
Nous ne conseillerions pas néanmoins d'imiter au-
jourd'hui ce genre d'Ordonnance, ne pouvant nous
empêcher de convenir, que la petiteffe des Ordres
qui y préfident, n'offre rien qui puiffe annoncer
la demeure d'un Souverain. Nous penfons de
même à l'égard des très-grands Ordres qu'on
affe&e d'y introduire à préfent, & qui , ièlon
nous, ne conviennent guère qu'aux Monuments
facrés , & dans les places publiques : chaque
édifice , encore une fois , devant par le fiyle de
fon Architecture , annoncer la fin qui le fait
élever.
Nous ne relèverons pas les autres „inadver-
tances qu'on pourroit remarquer dans la Façade
de Marot, elles font à peu-près les mêmes que
celles que nous avons obfervées dans les Bâti-
ments précédents : cette répétition ne pourroit
que rebuter la plupart des Leâeurs éclairés, &
E e iv
-ocr page 546-
440                      Cours
il n'eft pas mal de les laiffer découvrir a ceux
qui font moins avancés, afin qu'ils s'habituent à
examiner quels objets ils doivent imiter ou re~
cufer, dans les diverfes compofitions qui leur
font offertes dans ces Leçons.
Cette compofition Françoife , que la fuite des
Façades des Bâtiments d'Italie a· amenée naturelle-
ment ici, va nous donner occanon , dans ce
même Chapitre, d'en rapporter pîufieurs , qui
font partie des Edifices élevés à Paris / ou dans les
environs : comparées avec celles que nous venons
de décrire, elles porteront fans doute nos Elèves
à éviter les défauts que nous avons eu occaiion
de relever dans ces différentes productions*
Façade du Château de Vaux-le-Vicomte ,
du côté de la Cour\ élevée fur les DeJJins
de Louis le Veau,
j _
Planche LXVIII.
Nous avons déjà .eu occafion de parler avan-
tageufement de cet Architecte François, qui n'a
guère eu de véritable rival , que Claude Per-
rault, quoique dans un autre genre. Nous donnons
ici l'une des Façades du Château de Vaux-le-
Vicomte (d), préférablement à toutes les autres
(d) Ce Château , bâti avec beaucoup de magnificence en
1653, apartenoit à M. ïouquet , lors de fa Surintendance.
Perionne n'ignore les beautés répandues dans les jardins de
cette belle Maifon de pîaifance , plantés fur les cleiîins du cé-
lèbre le Notre, & où fe remarquoic un Canal de 500 toife?
de longueur, fur 10 de largeur, terminé par une grotte conf-
truite en grais Λ ornée de niches & de termes d'un deifin du
meilleur genre.
/
-ocr page 547-
d'Architecture.            441
que cet habile Maître a fait ériger en France >
non - feulement parce que cet Edifice a eu une
grande réputation ; mais auiïi parce qu'il eil
compofé dans fon Ordonnance de deux Ordres
d'Architecture de diamètres différents ; & nous
fairirTons cette occafion de faire remarquer, com-
bien il eft dangereux d'imiter de telles produc-
tions , malgré l'autorité de plufieurs Architectes
aiTez célèbres. Nous avons déjà fait cette ob-
fervation, en parlant du Frontifpice du Collège
des quatre Nations , élevé fur les Deifins de
François d'Orbay , Eleve de Louis le Veau ,
qu'il a fuivi d'affez près dans toutes les com-
ponctions.
Qu'on remonte aux préceptes de l'Art ; que l'on
confulte l'efprit de convenance ; qu'on fe rappelle
les loix de l'unité , enfin l'accord général qui
doit régner entre les maifes de Γ Edifice & îes
principales parties; & d'après ces règles fonda-
mentales , qu'on diicute ii de tels exemples doi-
vent fer vir de modele aux jeunes Architectes.
Répétons ce que nous avons déjà dit plus
d'une fois à cet égard ; les Eléments de l'Art une
fois acquis, les préceptes ne nous enfeignent-ils
pas à choifir le caractère le plus convenable
au genre de l'Edifice ? Or certainement le ca-
radere confilte dans le ityle le plus analogue au
motif qui le fait élever. Qu'on y réfîechiiTe *, quel
efi: le motif qui porte le Propriétaire opulent à
élever dans l'une *de fes terres, un Château pour
y faire fa réiidence pendant l'arriére faifon ? C'eil
ordinairement pour y trouver au midi des apparte-
ments de fociété à rez-de-chauiTée, & des ap-
partements d'habitation au premier étage : les
premiers près du plain pied des promenades > les
-ocr page 548-
442.                       Cours
féconds pratiqués au-deiïus pour plus de falubrité.
D'après cette idée, deux étages de proportion
régulière , conviennent aiïez pour établir l'Or-
donnance extérieure de leur décoration ; pour-
quoi alors imaginer d'introduire dans la même
Façade, deux genres d'Architeiture? la partie du
milieu occupée par un Ordre à chaque étage,
& les extrémités par un grand Ordre qui les em-
braife tous deux. Cette variété, ou plutôt cette
incertitude, ne femble-t-elle pas bleffer les lois
de la convenance, qui exige que le genre une
fois déterminé par l'efpece de Bâtiment, fok con-
tinué tel dans toute fon étendue ? autrement que
devient l'unité ? Que penfer en effet d'une Fa-
çade d'environ 36 toifes , dont l'ordonnance eil
coloifale dans les deux tiers, & l'autre divifée
par deux Ordres d'un diamètre beaucoup plus
petit, & qui paroît d'autant plus chétif encore ,
que la comparaifon qu'on en fait avec le grand,
fert pour ainii-dire, à f anéantir: d'ailleurs , pour-
quoi l'un de ces deux petits Ordres eft-il foîide,
& l'autre délicat , puifque les grands pilaftres
font d'Ordre Corinthien ? 11e fembloit-il pas con-
venable que les deux petits Ordres le fuifent auiïi?
Ou nous nous trompons fort, ou cette difparité
dans les diamètres & dans rexpreiîion des Ordres,
eil un obilacle à l'accord général qui doit préii-
der dans l'ordonnance d'un Bâtiment.
Nous fommes ii perfuadé de ce que nous avan-
çons, que nous croyons que Louis le Veau l'a
fenti lui-même, lorfqu'il a donné depuis les Def-
fms du Château neuf de Vincennes , & qu'il a
fait élever dans Γΐίΐε la Façade de l'Hôtel Lam-
bert du côté du jardin. Dans le premier, il n'a
élevé qu'un grand Ordre, dans le fécond, il en
-ocr page 549-
d'Architecture.           443
a ufé de même, & il n'en a employé deux, moins
coniidérabîes, que du côté de la Cour. A Vin-
cennes, l'Ordre Dorique qui y préiide, femble
être autorifé par l'efpace du lieu, & par le point
de diitance d'où ces Façades font aperçues.
A l'Hôtel de Lambert, les mêmes raifqns l'ont
déterminé ; & s'a percevant que fa Cour étoit
d'un très-petit diamètre, il a cru alors devoir di-
vifer la hauteur de fes Façades, par des Ordres
d'un moindre module. Dans la Planche que nous
décrivons , il eil facile de démontrer l'abus qui
réfulte de l'ailbciation de deux Ordres iî difpa-
rates, puifque le point de diilance eil le même
pour le grand & le petit Ordre , que les ouver-
tures font de même grandeur, & que les corni-
ches font d'une égale hauteur.
Cette inadvertance n'eil pas la feule qu'on
puiffe relever ici : la pefanteur des combles, la
largeur trop coniidérable, & le trop peu d'élé-
vation du Dôme, la capacité de fa lanterne, le
trumeau placé au milieu des pavillons, la peti-
teffe des tours creufes (<;) placées à côté de l'a-
vant-jcorps du milieu, la proportion des croifées,
& la trop grande égalité de leur hauteur dans
les deux étages, les petits pilaftres placés à côté
des grands , l'architrave qui les couronne , & qui
fe trouve préeifément placée à la moitié de la
hauteur du grand Ordre, la maigreur des corps
de refends, & leur peu de convenance, ou l'Ordre
délicat préfide, les tables placées au-deiîiis des
ouvertures du'premier étage, qui égalent en hau*
»»■11111,111 1 ■win,.., ι, ι n.-„II.ι lm 1 —— 1 ijni j ιιιι.ι tmmm ' ■ »
(e) Voyefc les Plans & les élévations dç ce bâtiment dans
le Grani Marot t d'où eft tirée la Planche que nous donnons^
-ocr page 550-
444                       Co.üä*
îeur l'architrave & Ia frife, qui terminent les pa-
villons ; enfin la petiteffe 4e la corniche , qui ferr.
dé couronnement au petit Ordre, & qui paroît
d'autant plus intolérable ici, qu'elle fe trouve fur-
montée par une baîuftrade qui réuffit auffi bien
fur le grand Ordre , qu'elle eii difcordanre fur le
petit. Nous ofons le dire , toutes ces inadvertances
méritent d'autant plus d'être remarquées, que la
réputation de le Veau peut feule abufer la cré-
dulité des jeunes Architectes, qui, hors d'état de
combattre encore les opinions des Maîtres de
l'Art, les imitent jufque dans leurs écarts, & ne
produifent guère, d'après de tels exemples, que
clés compoiitions vicieufes & hafardées.
Elévation de l'Hôtel de Beauvais , du côté
de la rue Saint-Antoine, élevé fur Us Defjins
d Antoine le Ρ autre, ArcAitecle,
Planche LXIX,
Cette Planche nous offre un tout autre genre
d'Architeéhire élevé fur les Deiîins d'un de nos
Architectes, encore trop peu connu parmi nous,
& qui mérite néanmoins de l'être de la poilé-
rité (/). 11 s'agit de l'Hôtel de Beauvais, rue Saint
(ƒ) Antoine le Pamre de l'Académie Royale d'Architecture 3
& Ingénieur ordinaire du Roi, eft du dix-feptieme iiécle ; il
a fait graver la plus grande partie de fes. œuvres en i<>yi.
C'eft fur fes deifins qu'ont été bâtis l'églife des Religieufes
de Port -Royal fauxbourg Saint Jacques, l'hôtel de Gêvres,
rue Neuve Saint-Auguftin, l'hôtel de Chamillard 3 rue Coq-
liéron à Paris : on doit auifi à cet habile Maître la maifon de
plaifance de M. le Duc de Gêvres à Saint-Ouen , Jes deur
ailes du Château de Saiot-Cloud, Se la partie fupérieure de
-ocr page 551-
d'Architecture. 44?
Antoine, dont le Plan diftribué dans un terrein
fort irrégulier , laiiTe voir ce que peut le génie
d'un homme de mérite, lorfcju'au vrai talent de
l'Architecture, il fait joindre le raifonnement &
le goût de fon Art. Nous ne dirons rien des de-
dans de cet Hôtel, en ayant traité dans le deuxième
volume de l'Architecture Françoife , & ne pou-
vant, ni ne devant nous répéter ici à cet égard; d'ail-
leurs il ne s'agit pas encore de la diûribution. Nous
allons nous attacher feulement à examiner l'ordon-
nance d'une des principales Façades de cet Hôtel»
qui, quoique donnée auiîi dans le Recœuil déjà
cité, a befoin d'être remife ici fous les yeux de
nos Lecteurs , pour qu'ils comparent cette corn-
pofition avec celles qui viennent de précéder.
La décoration de cette Façade nous piaît d'au-
tant plus, qu'elle annonce tout à la fois un degré
de riche/Te digne de la beauté des appartements
contenus dans l'intérieur, & de l'économie qu'on
a cherché à obferver, en pratiquant fur la rue
quatre Boutiques à rez-de-chauffée , avec des
entrefoies au - deifus , fans nuire en rien aux
différents départements de l'intérieur de ce Bâti-
la grande Cafcade qui fe remarque dans les jardins de ce
Château. Quoique le genre d'Architecture de cec Archke&c
foit un peu pelant, on ne peur difeonventr que fon ilyle ne
foit du meilleur genre ; il s'étoit nourri dans fon Arc parles
lumières fort étendues de Pierre & de Jean le Pautre, fes
deux frères, l'un Sculpteur & Pautre Graveur : ce font les
œuvres de ce dernier qui ont formé, pour ainfî-dire , les plus ha-
biles Arciftes de la France, Nous recommandons à nos élevés -
l'étude particuliere de cet habile Maître , & de faire auifi en-
trer dans leur bibliothèque le Recœuil d'Antoine le Pautre,
dont nous parlons j le difeours eil fait par Daviler , & les
Planches y font gravées avec beaucoup de foin & de goût. Ces
deux Œuvres fe vendent féparément , chez Jonabert » rue
JDauphinc,
-ocr page 552-
ï
44^                      Cours
ment. L'ordonnance de cette Façade prouve
qu'on peut faire une bonne Architeitiire, fans em-
ployer les Ordres. Peut être prouve-t-elle encore
que par ce moyen, on parvient à offrir de plus
grandes parties, plus de repos, & une fimplicité
qui la rend amie de l'œuil, & le fatisfait mieux,
quelorfqu'il rencontre fouvent des reifauts, des re-
tours , de petits objets, & une fuite indifpenfa-
ble d'ornements que les Ordres amènent naturel-
lement furla fcène; car ces Ordres ne doivent être
raisonnablement employés, ainfi que nous l'avons
déjà remarqué, que lorfqu'ils ont un certain mo-
dule , & que les édifices qu'ils décorent font
d'une étendue confidérable, étendue qui ne peut
guère avoir lieu que dans les édifices publics, &
dans les Palais de nos Rois ; ou enfin lorique les
Façades fe trouvent refferrées dans d'aßez courts
efpaces, tels que le Pautre l'a pratiqué dans la
Cour de l'Hôtel dont nous parlons, où ils pro-
duifent un effet d'autant plus intéreifant, que la
difpoiition irreguliere du terrein a fait naître
à f Architecte des formes ingénieufes , dont le
tout offre une ordonnance pittorefque, que peu
d'édifices préfentent.
Au reite, quelqu'eftinie que nous portions au
ityle de ^ l'ordonnance de cette Façade , notre
deffein n'eft pas de diiîimuîer, que l'avant-corps
qui fe trouve au milieu, paroît maigre, eu égard
au caractère mâle qui règne dans les arriere-corps.
Il eil vrai que la faillie de la trompe afFe&ée au-
deffus de la porte, femble raccourcir fa partie
fupérieure;. mais du moins nous aurions défiré
qu'au-deiTus du fronton, on eût fupprimé la con-
tinuité de cet avant-corps, auffî-bien que la petite
partie du comble qui le termine. Peut-être encore
-ocr page 553-
d'Architecture.              447
eût-il été bien de procurer plus de largeur aux corps
de refend, oa même de les fupprimer tout-à-fair.
Nous aurions auffi voulu que le cartel eût été
placé fur le fommet du fronton, & qu'il eût paru
fou tenu par les deux anges qui fervent de fup-
portau Blâfon que ce cartel contient; alors l'un &
l'autre auraient lèrvi d'amortiiTement à cet avant-
corps. Le tympan du fronton fe feroit trouvé
dégagé , & auroit, par cette iimplicité, fait va-
loir toute la beauté de la proportion , ■ & de lä
forme de la croifée placée au-deifous ; cette croifée
& ceiles diftribuées dans chaque milieu des arrière-
corps , préfentent autant de Chefs-d'œuvre en
, ce genre. Il n'y auroit pas eu de mal non-plus ,
que la trompe qui foutienfc la baluilrade , eût eu
un peu plus d'étendue : cet agrandiiTement lui
auroit procuré une maffe plus conforme à l'ex-
preffion de l'ordonnance, & auroit donnée plus
d'efpace à la terraffe de deiius.
Nous n'avons jamais goûté que difficilement,.
la maniere de pratiquer en-dehors des balcons
en faillie , portés fur des conibles. Le Pautre en
a fait ufage ici ; de ion temps cette pratique pou-
voit avoir lieu; il tenoit ce genre de l'Italie. Juf-'
qu'au règne des Maniards, nous avons aiTez vo-
lontiers imité les productions Romaines, & ce n'eil
guère que vers cette époque, que nous nous fom-
mes frayé une route, qui, en tenant de l'antique
pour le fonds des préceptes, nous a fait reftituer
a notre Architecfure, cette belle fimplicité, que
les Grecs afFeûoient dans leurs Ouvrages, même
les plus importants. Il faut prendre garde néan-
moins que nous n'entendons parler que des Ou-
vrages des grands Maîtres, élevés en France de-
puis ce temps, & non de ces compofitions que le
-ocr page 554-
44&                     Cours
commun des Architectes a érigées au commence*-
ment de ce iiécle ; perfonne n'ignore que pen-
dant trente années , ainii, que nous l'avons remar-
qué ailleurs, les conibles dont nous parlons, ont
pris faveur chez la multitude, & qu'on a pouifé
l'extravagance, jufqu'à les chantourner fur tous les
fens ; qu'on les a inclinées, & qu'on a cherché à leur
donner, contre toute idée de vraisemblance, les
formes les plus contrariées & les plus déraifonna-
bles , ce qui à la vérité ne fe fait plus aujourd'hui;
mais peut-être nous reile-t-il à réfléchir fur la né-
Ceffité de n'en jamais faire ufage dans les dehors :
quelque forme grave & régulière qu'on puiffe leur
donner , ces fortes d'encorbellements ne font bons
à mettre en œuvre que dans nos Salles de Specla-
cîe, où la févérité des règles & la vraiffemblance,
peuvent être bannies en quelque forte, plus que
par-tout ailleurs.
Dans l'élévation que nous décrivons , du moins
les confoles qu'on y remarque , ίοηΐ d'un bon
ityle, & font afforties au genre de la décoration
de l'Architecture : le Pautre a cru pouvoir les
rifquer, pour décider le caractère de (on ordon-
nance. François Manfard en a fait auiîî ufage au
Château de Blois , & M. Boisfranc, à la Façade
des Enfants trouvés : mais qu'on y prenne garde,
de tels exemples ne font pas des autorités; avant
de les imiter, il faut coniidérer les diverfes pro-
ductions des Architectes, remonter aux temps où
ils les ont élevées, pénétrer leurs motifs, fe ren-
dre compte de leurs befoins, de leurs goûts ,
preffentir leur opinion ; enfin les aprécier ce qu'elles
valent, & ne les copier qu'avec prudence; enfuite
partir, s'il eil poßible , d'après foi, plutôt que de
Îuivre inoaitinâement des produ&ioiis, qui, dans,
le fiécle
V
-ocr page 555-
D*AîlCHlTECfUKK*             44§
îê iiècle ou elles ont été faites, éroient tolérables
fans doute ; mais qui perdent leur prix, dès qu'une
fois on veut les réunir avec d'autres, où elles fe
trouvent en contradiction.
Nous ajouterons aux réflexions que nous ont
fait naître ces appuis fupportés par des confoles,
que vu la fimplicité des croifées des deux arrière*
corps , nous aurions retranché les attributs qui
leur fervent d'appui : nous croyons que cette fup-
preiîjon auroit procuré du repos, & fait valoir
la richefle de celles du milieu* Nous le répétons>
nous invitons les Elèves à réfléchir fur ces di-
verfes remarques, & leur confeillons de copier
ces différentes comportions, avec les change-
ments propofés, comme le feul moyen de leur
faire concevoir ce qu'ils doivent imiter ou re-
jeter , dans les exemples qui leur font offerts en
ces Leçons,
Façade du coté de la Cour de l*ancien Hôtel
de Montba^on 9 fauxbourg Saint-Honorèé
Planche LX&,
Nous n'offrons de cet Hôtel, bâti vers ïji89
& vendu en 17 51, à M. Richard Receveur gé-
néral des Finances, que l'élévation dû côté de
la Cour : les plans & les développements fe trou-
vant dans le troiiiemé Volume de l'Architecture
Françoife. Nous aurions pu fans doute choiiîr dans
cette immenfe collection, une ordonnance d'Ar-
chitecture moins chétive ; mais qu'on prenne garde
qu'il né s'agit pas feulement ici d'acquérir le»
connoiffarices de la belle Architecture; qu'il faut
Tom* III.
                                   F f
-ocr page 556-
4JO                      Cours
encore apprendre à éviter la plus grande partie
des abus dans lefquels font tombés pluiieurs 'de
nos Architectes , ou plutôt l'inexactitude des
perfonnes en fécond, chargées de leur part de
conduire leurs entreprifes : les meilleurs Deffins
en de mauvaifes mains , ne procluifent guère que
des médiocrités. Combien n'avons-nous pas été de
fois témoin de ce que nous avançons, lorfqu'en
parcourant nos Provinces; nous venions a exa-
miner la plupart des Edifices qui les décorent ,
& dont les projets cependant avoient été donnés
par les plus habiles Maîtres ; combien n'avons-
nous pas été nous-même défiguré dans les Edi-
fices que nous y avons fait élever , puifqifà l'ex-
ception de la ville de Metz, toutes nos productions
y font altérées, l'exécution manquée, & les pro-
îils méconnoiffables. A Paris, il en arrive à peu-
près autant : plus les Architectes font chargés
d'affaires importantes, plus ils fe trouvent forcés
de s'en rapporter à des Infpeûeurs, fouvent fans
expérience; c'eft-là la fource de la plus grande
partie des imperfections que l'on remarque dans
quelques-uns de nos Edifices , & qui peut-être
auroient fait voir des chefs-d'œuvre, s'ils euffent
au contraire été conduits & furveillés par l'Archi»
tecfe même.
Nous ne doutons point que le Bâtiment dont
nous parlons, ne fe foit trouvé dans ce cas. Cer-
tainement M. de rAiïïirance a plus d'une fois fait
preuve de la fupériorité de fes talents; cepen-
dant rien de fi véritablement médiocre que l'or-
donnance de la Façade que nous offrons ici ; ce
qui doit prouver à ceux de nos Elevés qui font les
moins expérimentés, qu'il ne fuffitpas de faire des
Deffins à la hâte , de comprendre des avant-
-ocr page 557-
d'Architecture. 451
corps, âes pavillons , d'établir des ouvertures ,
d'eipacer des trumeaux, de couronner Ton Bâti-
ment par un entablement , de placer de la Seul-»
pture, de tracer des tables, d'appeler -à foi dee
Manfardes , des faux-combles, enfin de faire choix
d'ouvertures à plates bandes, cintrées ou bombées·
Sans doute tous ces différents membres peuvent
s'employer dans l'Architecture ; mais ils ceiTent
d'y faire bien, dès qu'il y font placés à contre-
temps : or, certainement c'eil ce que nous offre
la Planche LXX.
Pourquoi, par exemple, une arcade dans le mi-
lieu , puifqu'une croifée fembloit y fuffire. ? A faire
richeffe dira-t-on. Mais ne fent-on pas que cette
richeiTe eil indiferete , puifque cette ouverture
feinte, amené néceflairement un avant-corps aufîî
inutile que déplacé dans une étendue auiïi peu
confidérable. D'ailleurs quel avant-corps ! Deux
larges pilailres qui ne font d'aucun Ordre, qui 011ε
des chapiteaux, & qui font fans baze, le tout cou-
ronné d'un entablement dont l'architrave eil fup-
primée dans l'intervalle de ces prétendus pilailres »
fans autre motif néanmoins que de donner place
à un bas-relief, auffi mal imaginé , que l'exécution
en eil médiocre. Que fignifient encore les mé-
chantes petites confoles accouplées , qui fe re-
marquent au-deiïus de ces faux pilailres , ainii
que les vaies mefquïns qui fe trouvent élevés fur
le focle qui couronne cet avant-corps?
Les croifëes bombées des arriere-corps, ne pro»
duifent pas un meilleur effet ; leur courbure eil
de beaucoup trop reffentie , leur proportion trop
fvelte, leur fommier trop fort, la Sculpture de
leur claveau triviale, enfin leur bandeau auroit
dû être converti en chambranle.
Ffjj
-ocr page 558-
4f2                       Cours
Les croifées des deux pavillons pèchent par le
même endroit, & l'on ne peut applaudir au tru~
ifïeau qui les fépare, ni aux tables ravalées qui
les divilent, ces dernières donnant plutôt l'idée
d'un ouvrage de marqueterie, qu'il n'offre la dé-
coration de la Façade d'un Bâtiment confiant en
pierre de taille : enfin, il n'y a pas jufqu'aux fou-
piraux qui ne paroifTent faits au hazard, & dont
la petiterTe eil infoutenable.
La Manfarde élevée fur cet étage n'a aucune
dignité , cara&ère que doit néanmoins offrir l'or-
donnance extérieure d'un Hôtel ; & de plus
fa hauteur n'a aucun rapport avec l'élévation
de deilbus : & elle paroît d'autant plus écrafée,
que les faux combles auxquels ellefert de foutien,
femblent l'anéantir.
Si les défauts que nous venons de remarquer
dans cette Façade , fans aucune partialité, font
effectivement des fautes à éviter, on doit conve-
nir de la néceiîîté où nous nous fommes trou-
vé de les difcuter dans ces Leçons. Mais on
ne tombe plus dans ces écarts-là , dira-t-on ;
le goût de la bonne Architecture femble même
avoir repris faveur. Cela peut être vrai à quel-
ques égards; mais ce n'eu: que dans la Capitale
qu'on s'éloigne aujourd'hui de cette efpece de mé-
diocrité : or ce n'eft pas pour Paris feul que nous
écrivons. Nos Provinces font encore dans l'uiage
d'imiter de tels exemples ; la plupart des méchantes
productions que nous condamnons, font répan-
dues dans tout le Royaume par le miniftère de
la gravure : il femble plus facile d'imiter le mé-
diocre que l'excellent; la multiplicité des mem-
bres , & l'emploi des ornements frappent ordinaire-
ment le vulgaire. Les belles proportions, le beau
-ocr page 559-
d'Architecture. 453
iimple , n'eil connu que de l'homme éclairé ; il
nous a donc paru eiTenciel de faifir l'occafton
d'attaquer dans ce Cours,l'ignorance jufques dans
fes derniers retranchements , afin de donner à
connoître à ceux entre les mains defquels cet Ou-
vrage parviendra, combien il eil important qu'ils
s'attachent à difceraer les objets de leur imita-
tion. Il eil très-vrai que la plupart de nos Villes
de Provinces poiTédent quelques hommes de mé-
rite dans la partie de i'Archite&ure ; mais il y
arrive comme chez nous, que ce font toujours les
moins capables qui produifent le plus grand nom-
bre d'Ouvrages ; les grandes occupations des hom-
mes en place , des coniidérations particulières »
UQS raifons d'économie, une certaine indifférence
pour le beau, des recommandations, enfin mille
autres circonilances , font la fource du peu de
progrès que font les beaux Arts en général, &
en particulier l'Architecture.
Avant de finir nos obfervations fur la décora-
tion des Façades, & après avoir parlé de celles
de quelqu'importance, terminons cette partie ii
intéreifante de i'Architecliire, par donner quel-
ques exemples d'une beaucoup plus grande iîm-
plicité : exemples, qui, par-là, deviendront en-
core plus utiles à ceux, pour qui ces Leçons font
deilinées. A cet eiFet, nous avons choifi entre
pluiieurs, les Façades qui nous ont paru porter plus
véritablement le caractère qui leur eil particulier;
car il en eil de celles-ci comme des précédentes ;
elles doivent être conformes au motif qui les fait
ériger; mais la plupart font d'unflyle û négligé,
qu'elles ne peuvent foutenir les regards des hom·**
mes intelligents, pendant que d'autres, au coi*.
traire 5 font fi furçhargées de membres d'Arehï-
Ffiij
-ocr page 560-
4J4                       Cours
teclure & d'ornements, qu'elles s'éloignent entiè-
rement de l'objet qui leur a donné lieu. Les Faça-
des que nous allons offrir, nous femblent exemptes
de l'un & l'autre de ces défauts; c'eiï pourquoi
nous invitons nos Elevés, à monter à peu-près fur
ces modèles leurs comportions en ce genre.
Différentes Façades de Maijons particulières,
exécutées dans cette Capitale,
Planches L£XI,LXXII& LXXIII.
La décoration de la Planche 71 du Deffin de
M. Franque, Archite&e du Roi, eil celle qu'il a
fait exécuter rue du Coq Saint-Honoré; eîie ferc
de Façade à une Maifon à loyer, appartenant
aux Céleftins de Paris. Le terrein de cette Maifon
avoit précédemment' plus de profondeur & beau-
coup moins de face ; il fe trouvoit limitrophe au
vieux Louvre. M. Soufflot Contrôleur des Bâti-
ments du Roi, qui contribue par fes lumières à
la perfection des Arts, voyant que ce terrein en-
filoit une des lignes capitales du Louvre, en avertit
M. le Marquis de Marigni, & lui propofa un nou-
vel alignement. Ce Mécène éclairé qui s'occupe
fans ceiTe , non-feulement du rachèvement de cet
édifice célèbre; mais encore de toutes les parties
qui l'environnent, & qui peuvent contribuer à
fon embeliixTement, ordonna· ce nouvel aligne-
ment, conformément au projet général. Par cet
alignement il reitoit peu de profondeur à la maifon
des CéleiHns, Pour les dédommager, on fit au
nom du Roi, l'acquiiition d'une Maifon voifine,
dont le terrein ajouté à l'ancien, leur redonna
-ocr page 561-
. ...... , ....„,,
d'Archi tecTüre;            ifjij
en largeur, ce qu'on leur a voit pris en profon-
deur: moyennant cet arrangement, la Façade de
ce Bâtiment eit devenue de 10 toifes un pied ;
& Ton peut dire que M. Franque, a tiré le meil-
leur parti poffible de Ta décoration, le ilyle étant
d'une iimplicité convenable à l'objet, fans néan-
moins nuire en rien à la proportion des étages,
ni au rapport que les pleins doivent avoir avec
les vides. Les profils y font d'ailleurs excellents ,
& décèlent aux connoiiTeurs, que ce Bâtiment eil
élevé par un habile Maître ; car le vrai talent
de l'Àrchitetle conlille à n'appeler à lui, que les
membres d'Architecture les plus eiTenciels au motif
qui lui fait mettre la main à l'œuvre, pendant que
ceux qui méconnoiiTent les vrais préceptes de
l'Art, emploient indiiîinclement tout ce qui leur
paiîe par la tète, & fe trouvent, pour ainii-dire ,
forcés d'avoir recours aux ornements , pour ca- .
cher leur inexpérience. Combien ne voyons-nous
pas de ces efpeces de Bâtiments, qui, journelle-
ment s'élèvent dans la Capitale ? Pour prouver ce
que nous avançons, nous avions été tentés de
donner quelques exemples de ce dernier genre ;
mais réfléchiffant que nous avons déjà aifez offert
de foibles compontions ; nous avons renfermé la
plupart de ces mauvais modèles dans nos porte-
feuilles , pour n'être communiqués qu'à ceux de
nos Elevés particuliers, qui, étudiant fous nous ,
ont, pour ainii-dire , bsfoin d'apprendre à con-
noître , avec un intérêt égal, & la médiocrité de
î'Archite£ture , & fa fublimité.
Nous n'entrerons pas dans un grand détail fur
l'ordonnance de la Façade de M. Franque. D'après
ce que nous avons enfeigné précédemment, il
fera facile fans 4°ute à nos Leâeurs, de recon^
-ocr page 562-
456                      Cours
noître dans l'image que nous leur offrons, îe motif
qui nous a déterminé à la donner, comme un ex-
cellent objet d'imitation ; nous en uferons de
même pour les trois Façades qui vont fuivre ,
& qui font auffi de très-bonne main.
Planche LXXIî.
La Fig. I. offre la décoration extérieure d'une
Maifon particuliere , élevée par feû M. Cartaud,
Architecte du Roi, rue Saint-Martin, prefque vis-
à-vis la fontaine Maubuée, bâtie dès 1719. Nous
avons fouvent cité cette Façade dans nos Leçons,
relativement à l'accord qui règne dans toutes îqs
parties, à l'excellence de fes profils , & à la beauté
de fon appareil. Nous préférons fans doute les
croifées à plates bandes , à celles bombées qui
fe remarquent ici ; mais en coniidérant le temps
où cette Maifon fut érigée ,&ιεηίε rappelant com-
bien la décoration des dehors étoit imparfaite
alors, on eit, pour ainfi-dire , forcé de convenir
que cette production étoit un chef-d'œuvre, &
M. Cartaud un grand homme; puifqu'au milieu
du dérèglement dont on faifoit parade, dans les
maifons particulières du commencement de ce
fiècle, cet Archite&e a fçu préférer un beau fim-
ple , & un ityle grave à toutes les bizarreries que
la plupart de fes contemporains élevoient fous (es
yeux. Il nous eft facile de prouver ce que nous
avançons , concernant M. Cartaud , en citant
la Maifon de M. Guillot, que cet Architecte célè-
bre fit bâtir en JJ13 rue des Mauvaifes paroles ,
& celle qu'il a fait élever en 1732, pour M. de
Janvri, rue de Varenne, fauxbourg Saint-Germain.
En viûtant ces MaUons particulières a auxquelles
-ocr page 563-
t)*ARCHIt£CTÜRÊ.          tff
il n*â pas dédaigné de donner (es foins, oïl voit
enfin que la commodité des dedans répond parfai-
tement à la régularité qu'il a fçu répandre dans
les dehors.
La Fig. H. donne la Façade d'une Maifon par-
ticuliere iife rue Saint-Thomas-du-Louvre, &
dont nous ignorons le nom de l'Architeoe. Mais
îe ityle de l'ordonnance, la maniere dont elle eil
exécutée , & îe genre des profils, décèlent un
homme d'expérience & de goût. En effet, nous
aimons aiTez que le véritable entablement, cou-
ronne le deuxième étage ; cette maniere de fé-
parer l'attique d'avec le reite de la Façade , nous
femble faire un bon effet. Les croifées du premier
étage font d'une belle proportion ; elles annon-
cent d'ailleurs une habitation d'autant plus inté-
reffante, que le foubaffement fe trouve peu élevé »
accourciffement néanmoins qui dépend de l'ufage
qu'on fe propofe de faire d'un Bâtiment de ce
genre, aufli bien que du quartier où l'on bâtit j
car il faut fa voir que cette dernière confidé ration
doit entrer pour beaucoup dans la difpofition d'un
projet de cette efpece. On n'en doit point douter,
il faut d'abord diitinguer quel genre de Maifon
particuliere il s'agit d'élever; celle deilinée pour
ia réfidence d'un Propriétaire aifé, doit néceffai-
rement s'annoncer différemment qu'une Maifon at
loyer proprement dite. Dans celle-ci, il faut, ou
des Boutiques , ou des Magafins; dans l'autre, le
Rez-de-chauffée peut être occupé fur le devant, par
un Porche ; l'un de fes côtés, par une Remife, &
l'autre, par une Cuifine : ou au lieu de porche,
par une porte bâtarde, & une allée qui conduife
à Fefcalier ; enfin à une Cuiiine , une Salle-à-
manger , &c. Il fe peut encore, que malgré iâ
-ocr page 564-
458                    Cours
réfidence du Maître de la Maiibn, on introduire
une ou deux Boutiques, fur-tout, lorfque le Bâ-
timent a une Façade d'une certaine étendue, Bou-
tiques avec leur entrefol, qui par leur loyer ,
dédommagent d'une partie des frais de la bâtiiïe (g).
Qu'on ne s'y trompe pas , il faut plus de génie
& de reiîburces qu'on ne fe l'imagine, pour va-
rier les Façades des Bâtiments particuliers : leur
nombre dans les grandes Villes étant coniidéra-
ble, '& leur ufage étant infini, il faut avoir, in-
dépendamment du goût de fon Art, une affez
grande connoiffance des diverfes çlaiTes de Ci-
toyens, & des différentes natures de Commerce;
autrement, il faut s'attendre à leur donner à toutes
le même caractère , pendant qu'elles doivent, com-
me dans les autres Edifices, préfenter une expref-
Îion particuliere. Si l'on avoit cette attention on
parviendroit peut-être à établir autant de iîyles
d'un excellent genre, qui pouroient fatisfaire à la
décoration des Maifons bourgeoifes, à élever un
jour dans les différents quartiers de cette Capitale.
Ce travail une fois fait, il feroit facile de fe déci-
der fur le redreffement & fur les alignements des
rues, ainfi qu'on vient de l'obferver dans quelques-
unes de nos,Provinces, & qu'anciennement à Pa-
ris, on avoit commencé à le vouloir faire rue
Saint-Martin, attenant TEglife de ce nom, & rue
de la Féronnerie, près le cimetière des Saints-in-
nocents. Certainement la régularité de ces deux
Bâtiments flatte îœil, quoiqu'on puiffe dire que
leur* ordonnance eil inférieure en beauté à celles
~—-----------------------------------------------------m-------------------—------------------------------............        _____________r -Τ           Ι         ι            ι _..jumJ
(g) C'eft le parti que prit très-utilement M. le Pautre', à
l'hôtel de Beauvais , *u,ç Saine Antoine , dont nous avons
ya^lé précédemment.
i.
I
-ocr page 565-
d'Architecture.           4^9
■que nous offrons ici : tant l'accord & les pro-
portions ont de pouvoir fur les bons efprits.
Planche LXXHI.
La Fig. I. donne à connoître la Façade d'une
Maifon particuliere iituée rue Dauphin, près la
porte de la cour du Manége du Château des
Tuileries. Elle a été élevée fur les Deffins de
M. Deiraaifons , Ëcuyer , Architecte du Roi ,
homme de mérite, & d'une très - grande expé-
rience, de qui nous avons plus d'un Edifice im-
portant à Paris. Cette Façade, dans fa iimplicité,
conferve néanmoins un caractère de dignité, qui
la diitingue des Maifons ordinaires ; les profils en
font bons , & la proportion des croifées très-heu-
reufe ; nous devons la citer à nos Elèves, comme
un exemple à fuivre, lorfqu'il s'agira d'une Mai-
fon de la premiere claffe en ce genre.
La Fig. IL eil une Façade d'un genre beaucoup
plus fimple , & qui par-là, peut convenir dans une
infinité d'occafions. Nous ignorons auffî le nom
de l'Architecte qui en a donné le Deffin. Cette Fa-
çade ert limitrophe à celle de la Fig. IL offerte
dans la Planche précédente, fituée rue Saint-Tho-
mas-du-Louvre; elle a beaucoup d'élévation; mais
nous avons remarqué avec plaiûr les différents
rapports de fes parties, qui nous ont paru remplir
parfaitement l'idée qu'on doit fe former d'un Bâ«
ornent de cette efpèce.
Nous invitons enfin ceux de nos Elèves qui font
actuellement à Paris, d'aller eux-mêmes vifiter ces
différentes productions, & la plupart des aufres
citées dans ce Chapitre , que nous n'avons pu
leur donner dans ce corps de Leçonsv C'eft su
-ocr page 566-
4&ô Cours d'Architecture,
pied de ces Bâtiments qu'ils apprendront à porter"
le jugement & le degré d'eitime qu'ils en devronÉ
faire, ne devant pas s'attendre que les JDeffins
que nous leur préfentons foient fuffifants* D'ailleurs·
comme le format de notre Ouvrage n'a pu nous
permettre une échelle d'une certaine grandeur ;
il en réfulte qu'ils ne pouroient concevoir qu'une
f idée trop imparfaite du talent qu'il ä fallu à chacun
de leurs Auteurs. Nous leur recommandons défaire
un examen très-particulier de ces Façades ; nous
les exhortons même à les imiter lorfque de pa-
reilles entreprifes leur feront confiées.
Il ne nous reite plus que quelques obfervationä
générales à faire fur la décoration extérieure ;
mais nous avons cru devoir attendre que nous
ayons traité dans le quatrième Volume qui va
/iiivre, de la diitribution des Bâtiments; afin de
prendre oecaiion par-là, de faire fentir à nos
Elèves, lorfqifil s'occuperont de l'intérieur d'un
Edifice, de la nécefîité de faire marcher d'un pas
égal la commodité des dedans, avec l'ordon-
nance des dehors.
                                             C^f'
'.'.'"".'-.".·.■.»                                                                                                                     / · ?· O ■
Fin du Troißemc Volume
é"".
De rimprimerie de Lot tin aîné; I77i·
,ITE!tL /