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COURS
D'ARCHITECTURE
CIVILE,
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D'ARCHITECTURE,
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TRAITÉ
JPe la Décoration, Dißrihution & Conßruclioß
BES BÂTIMENTS;
Contenant
Les Leçons données en 1750, de les années
fiiivantes, par J. F. BlonDEL , Architecte,
dans fon Ecole des Arts.
Puhliè de l'aveu de l'Auteur 9 par M. R * * *«
TOME TROISIEME.
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Che?- la Veuve Desaint > Libraire, rue du Foin-S.-Jacques.
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M DCC LXXIÏ.
Avec Approbation 3 & PtiviUp du Km» |
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AFANT PROPOS,
Contenant l'Expofition des matières
répandues dans le deuxième Volume
de cet Ouvrage:
Suivi d'une Dissertation fur l'utilité
de joindre à t Etude de l'Architecture, celle des Sciences & des Arts qui y Jont relatifs. Nous suivrons dans ce Volume &:
dans les fuivants, la méthode dont nous nous iommes déjà fcrvî^ c'eft-a-dire, que nous donnerons à la tête de chacun, une notice des Chapitres contenus dans le Vo- lume qui aura précédé, à derTein d'en- chaîner les Leçons les unes aux autres, de maniere à pouvoir les étudier avec le même efprit, & parvenir à mettre plus de liaifon dans les idees : nous obièrve- rons auffi à la fuite de ce précis de don- ner une Dilîertation fur quelque objet important de l'Architecture, afin d'accou- tumer nos Elevés au rationnement de l'Art, qui, étayé des préceptes contenus dans ce Cours , ne pourra que contribuer à leur infpirer l'amour de l'Etude,, &. à leur per- fuader la néceiïité d'approfondir toutes les branches qui conftituent l'Architecture proprement dite. Tome III, a
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Avant-Propos du deuxième Volume.
Cet Avant-Propos a eu pour objet de
rappeler à nos Lecteurs ce que contenoit de plus intérelTant l'Introduction 6c les iîx Chapitres qui forment la divifion du pre- mier Volume de ce Cour. Il comprend auflî une DhTertation aiTez étendue îur la néceffité de l'étude des Ordres d'Archi- tecture i étude fouvent trop négligée parmi les Elevés, 6c regardée par plulieurs Ar- chitectes comme la partie la moins inté- reliante de la décoration > parce qu'ils fe font fait un fyftême particulier qui leur fait regarder les préceptes des Anciens à cet égard, comme ne pouvant fe conci- lier que difficilement avec les productions modernes. Nous penfons différemment à ce iujet: la proportion des trois Ordres Grecs , confidérée féparément, non-feule- ment nous paroît un chef-d'œuvre ; mais, lorfqu'on vient à examiner l'heureux ac- cord qu'ils produifent aifociés enfemble par un homme de génie, comme François Manfard l'a fait au Château de Maifons, on eil tenté de croire que ce grand Maî- tre fe les étoit appropriés de maniere a produire de nouveaux chefs-d'œuvre : nous ne rapporterons point ici ce que contient cette DûTertation ; nous y renvoyons nos |
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Avant-Propos, lij
Lecteurs, & les invitons de nouveau à fe
pénétrer des vérités qui y font établies, & à ne jamais croire ks Architectes qui regardent cette étude comme fuperrlue. Ceux qui penient ainfi ne ièntent pas l'importance de cette étude. La pareife leur faifant en- tendre qu'on peut iè paiïèr des règles les mieux conltatées, ils préfèrent de produire des comportions de fantaifîe, plutôt que de fuivre la route des Anciens. Mais ce- lui qui veut bien apprendre notre Art doit fe reiTouvenir que cette route a été fuivie par tous ceux qui fe font acquis en France le plus de célébrité. Chapitre premier.
Nous avons rapporté dans ce Chapitre
la proportion de l'ordre Dorique, iiiivant Vignolejiious l'avons comparée avec celles ailignées par Palladio & par Scammozi 5 nous avons pris occafion enfuite de faire connoître ks différentes opinions des Ar- chitectes François , iorfqu'ils ont voulu chercher à concilier, dans leurs divcrfes produdions, ks préceptes des Anciens avec nos ufages, & avec ks découvertes qu'ils ont faites dans cette partie de l'Ar- chitedure. Du nombre de ces Archives nous n'avons cité que Manfard, Leveau ' Debraiîe & Bruant: nous avons difcuté ai/
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iv Α γα ν τ~Ρ R0 ρ ο s,
chacune de ces différentes opinions ; &,
ians vouloir nous metcre en parallele avec ces grands Maîtres, nous avons néanmoins donne nos avis iur la maniere d'accorder plus précilëment encore la régularité de cet Ordre, félon l'Antique, avec les an- gles faillants & avec les angles rentrants, employés allez ordinairement par les Mo- dernes dans l'ordonnance de nos façades. Cette diicuifion nous a amenés à parler de l'accouplement des colonnes, de l'eipace- menc des encrecolonnements, & de la va- riété que nos Architectes leur ont donnée, comparée avec la maniere uniforme donc les Anciens les employoient dans leurs monuments : enfin, pour donner une idée de l'application de ce1: Ordre à l'Archi- tecture, nous avons offert les Plans, les Coupes &: les Elévations d'une Fontaine publique de notre compoikion, &i dans l'ordonnance de laquelle nous avons fait ufage des moyens que nous prop οίο η s dans les planches de ce Chapitre qui traite du développement de cqz Ordre. Chapitre II.
Nous avons traité de l'ordre Ionique
dans le deuxième Chapitre : nous avons propofé quelques changements dans les principaux membres du piedeital, & pré- féré dans la colonne ? la baie attique à celle |
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A VA Ή T-P ROP Ο S. V
que Vignole rapporte, dans ion Traité des
cinq Ordres, d'après Vicruve. Nous avons auiîi rapporté les différents chapiteaux que les Anciens & les Modernes ont attribués à cet Ordre : nous avons parlé des occa- sions où le chapiteau antique & la courbe de fa volute doit avoir la préférence fur celui de Scammozv, ou fur celui de Michel· Ange, félon l'application qu'on veut faire de cet Ordre à l'Architecture : ce choix une fois fait, nous avons deiîré que l'en- tablement fe reiîentît de l'une ou de l'autre préférence ■·, que pour cela, on le fît tout denticulaire ou modillonnaire ; & que, d'après les principes enfeignés pour l'ordre Dorique , on déterminât la largeur des entrecolonnements, à raiion de l'efpace- ment de ces derniers membres,.afin de parvenir à rendre le foffite de l'entable- ment parfaitement régulier, ioit en rappro- chant plus ou moins fes modulons, Îoit en altérant un peu la faillie de la corniche. Pour rendre compte néanmoins de l'a- vantage que le chapiteau moderne a fur l'antique, nous avons donné, fur trois plan- ches 3 deux pians &î deux élévations, repré- fentant l'avant-corps d'une mai/on de plaifance, l'une avec des piiaitres, l'autre avec des colonnes, dans le deiTein de faire connokrc la différence que produk |
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vj Α γα ν τ-Ρ R ο ρ ο s.
à 1'ceüii la diiïemblance du chapiteau
ancien , comparée avec la îiniétrîe du cha- piteau moderne. On voit alors la préfé- rence qu'on doit donner à celui-ci fur celui-là, malgré l'autorité de quelques-uns de nos édifices célèbres, où la plupart de nos ArchiteAes Pont préféré, fans avoir égard aux reiTauts qu'ils fe font crus obli- gés d'introduire dans la décoration de leurs façades. Chapitre III.
Ce Chapitre , où nous avons traité de
l'ordre Corinthien, nous a fait connoître combien cet ordre acquiert de beauté & d'élégance, entre les mains d'un Artiite habile, tel que Perrault. Nous avons donné les développements de fou chapiteau, chef- d'œuvre immortel du célèbre Callimaque. Nous avons néanmoins délire dans cet ordre, rapporté d'après Vignole, quelques chan- gements dans les moulures de fa bafe, toute la proportion de fort ordonnance étant de la plus grande beauté : nous l'a- vons auiîi comparé avec celui de Palladio & celui de Scammozy, & Pavons appli- qué à un portail d'Eglife de notre com- position, deftiné pour le monument qui doit faire partie de l'Abbaye Royale âzs Dames Çhanoinefles de Saint-L©uis, à Metz, |
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Avant-Propos. vij
Chafitre IV.
Enfin ce Chapitre a été deilîné à déve-
lopper l'ordre Compoiîte Romain, félon Vignole; ordre imité du Corinthien fans en avoir la beauté. Nous l'avons auiîi com- paré avec celui de Palladio & celui de Scammozy, &: avons, ainil que dans Ïq$ ordres précédents, rapporté fur chacune de ces planches, d'autres profils analo- gues à leur expreffion particuliere ; profils donnés d'après le fentiment des plus célè- bres Architectes François, qui, en fuivant aiTez littéralement les principes des An- ciens, n'ont pas laiiTé d'y faire des chan- gements utiles, à raifon de l'application qu'ils en ont voulu faire dans leurs édi- fices. Après les principaux détails de cet ordre, nous l'avons fubftitué, âu-lieu du Corinthien , à l'arc de triomphe du trône par Perrault, pour les raifons que nous en avons rapportées en donnant la defcription de ce monument. Avant de quitter les cinq Ordres d'Ar-
chitecture nous avons compris, dans le même Chapitre, les colonnes tories &c la maniere d'en tracer les courbures: eniuitc nous avons donné différents defiins d'or- dres Cariatique & Perfique, en rendant compte du peu d'ufage qu'on en doit faire a iv
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Vlij A VA N T'P RO Ρ Ο S.
dans la décoration aes bâtiments, malgré
les fréquents exemples que nous en ont laiiT.s les Grecs qui en font les Inventeurs, &i l'autorité de quelques-uns de nos édi- fices François, Chapitre V.
Apres les Eléments précédents , pour
faire remonter nos Elèves à Ja Jouree, & les amener à la theorie âes Ordres donc nous venons de parler, nous avons rap- porté dans ce Chapitre la plupart des e η ta b 1 e m e η ts d es d I ire r e η ts G rd r es, d ο η t les ruines ie voient encore dans les relies précieux des plus beaux monuments de la Grèce : entablements que nous avons tirés du Livre que M. le Roy nous a donné fur ce fujet, Se dans lequel nous avons puifé divers entablements de l'ordre Dorique, coniîdéré dans ion premier, dans Ton iceond & dans ion troifieme état. Nous en avons uie de même pour l'or- dre Ionique, pour Tordre Corinthien &; pour Tordre Cariatique, d'après les tem~ pies de Minerve δι d'Erectée à Athènes, &: du temple de Théfée en iilrie. Enfuite nous avons rapporté divers
exemples d'entablemements, tirés d'après Jes Monuments antiques de l'Italie, teh qm les Thermes de Dioctétien, lç tem- |
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A VA Ν Τ-Ρ R Ο Ρ Ο S. IX
pie de la Fortune virile, le Portique de
la Rotonde , le frontifpice de Néron, l'Arc de Titus à Rome , la Sépulture d'Alhane près de cette Ville; enfin ΓArc des Lions à Vérone. Dans ce même Cha- pitre, nous avons aufli donné différents profils d'entablements deiîînés d'après les Interprètes de Vitruve, tels que Léon-Ba- ptifie Alberti, Philibert de Lorme, Jean Bullant &c Serlïo. Nous avons auiîi rap- porté pliifieurs profils, d'après nos édifices modernes, élevés par nos Architectes Fran- çois, tels que Manfard, Leveau & Bullet. Ce Ciiapitie eil terminé par divers def- iîns de profils de notre compoiition, foie iîmples, foit comp oies , applicables aux différentes ordonnances, Tofcanes, Dori- ques, Ioniques, Corinthiennes &i Compo- rtes., où l'on trouvera, non-feulement di- vers entablements, mais des profils parti- culiers pour les plinthes, les tablettes ôc les focles des balufïrades 5 pour les attaques, les foubaiTements, les impolies, les archi-; voltes, les chambranles, &lc. Chapitre VI.
Il a été queilion, dans ce Chapitre, de
traiter des inconvénients qu'occaflonnent les Ordres d'Architecture, lorfque, dans un même édifice, on hs cleve les uns fur |
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Χ Α VAN T~P RO PO S.
les autres ; nous avons rendu compte du
rapport qu'il convient de donner a ceux de deiïus, comparés avec ceux de deffous, auiîî-bien qu'à ceux intermédiaîrement placés entre \qs uns & les autres. Après avoir tracé des préceptes généraux à cet égard, pour préfenter à nos Elevés d'au- tres moyens d'y parvenir, nous rappor- tons , dans treize planches particulières, les meiures des différents Ordres , placés dans le plus grand nombre des édifices y /oit anciens, ioit modernes, &c qui fe trou* vent appliqués à dzs bâtiments a un feu! étage, à un étage Se un attique, à deux, i trois étages, &c. tel qu'au portique d'A- grippa, à i'Eglife de Saint-Pierre, au Pan- théon, au Colifée, au Palais Farnèfe, au Palais Barberin à Rome; à l'Amphithéâtre de Vérone 5 dans Paris à Saint-Sulpîce, aux invalides, à Saînt-Gervaîs, au Palais des Tuileries, au Luxembourg, au vieux Louvre, aux Places a(:s Victoires & de Louis-le-Grand j aux Châteaux de Maifons & de Meudorij enfin aux Hotels de Noail- les, de Soubife, de Tingry, &c. Ces figures font accompagnées de plusieurs obierva- tions, qui porteront nos Elevés à réflé- chir fur le bon ou le mauvais effet que peut produire dans nos bâtiments l'application de ces différents Ordres. |
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A VA Ν T-P RO POS. XJ
Chapitre VII.
Ce Chapitre traite du caractère qu'il
convient de donner aux différents genres de bâtiments d'habitation, élevés dans nos Villes, tels que les Palais des Rois, les Hotels des grands Seigneurs, les maiibns des riches particuliers, &c celles érigées pour la demeure des Négociants & des Commerçants.Nous avons auiTi traité, dans ce même Chapitre, do.s maiibns Royales élevées à la campagne, des châteaux, des maiibns de plaiiance, & des maiibns de campagne proprement dites. Chapitre VIII.
Celui-ci parle des monuments durables
élevés pour la magnificence, ids que les Arcs de triomphe, les Portes triomphales, les Places Royales, les Obélifques, les Théâ- tres j il traite auiîî des fêtes publiques qui comprennent les falies de bal, celles de feilins, les feux d'artifice, les illumina- tions, les joutes, les carroufels; enfin les pompes funèbres, comme les Maufolées, les Catafalques,les Chapelles fépulcrales,&c. Chapitre IX.
Dans ce Chapitre, il a été queilîon des
édifices érigés pour l'utilité des Citoyens, & clans leiqueîs nous avons compris d'a- bord les monuments facrés, tels que les |
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xij A van τ-Ρ R o ρ o s.
Métropoles, les Egliiës paroiffiales en ro-
tonde, &c conventuelles 5 lts Palais épifco- paux, les Séminaires, les Maiibns curiales, les Colleges, les Hôpitaux, les Cimetières, & toutes les parties qui compofent £c em- belliiTent cqs différents édifices. Chapitre X.
Dans celui-ci, nous avons traité en
particulier des Hôtels des Mon noies ^ des Bourfes ou Changes, des Baiiliques, des Hôtels-de-Ville, des Obiervatoires, des Bi- bliothèques, des Academies, des Manufa- ctures, des Châteaux d'eau, des Ports, des marchés, des boucheries. Chapitre XI.
Enfin dans ce Chapitre XI, nous avons
parlé des édifices élevés pour la fureté, tels que les Arienaux, les Priions, les Portes de Ville & les Fanaux. Nous avons eu foin de donner, iur ces différents édi- fices , des notions préliminaires, qui ne font offertes aux Elevés que comme au- tant de programmes fur lefquels ils doi- vent s'exercer, en attendant qu'ils aient acquis une plus grande expérience, &c que dans la fuite, nous puiilîons leur offrir, dans ce Cours, pluiîeurs deiîins de la plupart des Bâtiments contenus particulièrement dans ces derniers Chapitres. |
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DISSERTATION
SUR L'UTILITÉ DE JOINDRE A L'ÉTUDE
DE L'ARCHITECTURE., Celle des Sciences et des Arts
qui lui sont relatifs. JL'utilité de l'Architecture eil aiTez
connue, pour que nous n'entreprenions point de faire ici l'éloge de cet Art impor- tant: perionne n'ignore que c'eit par ion fecours qu'on parvient à élever des Tem- ples à la Divinité 5 à ériger les Palais des Rois, les Places publiques, les Monuments durables à la gloire des Héros -, enfin à conftruire des demeures particulières pour les différentes claffes de Citoyens. Nous avons reconnu précédemment les
avantages de Γ Architecture confédérée en elle-même i nous avons parlé de ion ori- gine , rapporté fes progrès, ies révolutions -, nous avons fait mention des différentes branches qui la compofent (a). Rappelons- nous tous ces objets, & les différentes pro- ductions qui font de fon reffort, foit pour l'utilité d'un Peuple raffemblé, ibit pour la (a) Voyez rintrodudiori à la tête du premier Volume de
ce Cours. |
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xiv Dissertation
iureté des Etats policés, foit enfin pour
la magnificence des Cités. Faifons plus, tâchons de perfuader à ceux qui fe deiti- nent à l'Architecture, qu'il ne leur eit pas moins intéreiïant de joindre à fon étude particuliere la connoiiTance des autres Arts libéraux qu'elle régit fous fon empire. Avant d'y paffer néanmoins, offrons l'idée diftincte de ce que nous entendons par l'Architecture proprement dite, $î prou- vons combien il eft effenciel d'appeler à foi les plus habiles Architectes, lorfqu'il s'agit d'élever des édifices importants. Fai- fons fentir aux jeunes Citoyens qui s'atta- chent à l'étude de cet Art, que fouvent ils s'y déterminent fans en prévoir les dif- ficultés : de maniere que dans la fuite, ne pouvant pourfuivre cette carrière, ils fe trouvent forcés de s'arrêter au milieu de leur courfej d'où il arrive prefque tou- jours que, parmi les chefs-d'œuvre que les hommes célèbres élèvent dans cette Capi- tale, ou dans nos Provinces, on remar- que tant d'édifices médiocres, & quelque- fois même, ofons le dire ici, au-deifous de la médiocrité. L'Architecture eft un Art créateur,
qui s'étend fur tous les édifices d'utilité, "de fureté Se de magnificence : depuis les |
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SUR L'ARCHITECTURE. XV
cabanes couvertes par le chaume, jufques
aux monuments terminés par des couver- tures où les métaux brillent de toute parti l'Architecture y déploie toutes iës reifour- ces. Des bâtiments particuliers , préiervcs par elle des intempéries des faifons, elle paiÎè aux édifices les plus fomptueux: elL· embellit: les lieux les plus defertsj elle pré- iide à l'ordonnance des dehors; elle con- tribue à la falubrité des dedans, & prend foin d'y répandre l'éclat que lui procu- rent les Arts de gout, & les Arts d'agré- ment qu'elle fçait s'aiîocîer, Doué d'un heureux génie l'Architecte à
ion tour., ébauché par les éléments, guidé par la theorie, éclairé par l'expérience qui lui confirme hs préceptes de ion Art, ië trouve appelé pour élever les merveilles que l'Architecture enfante. S'agit-il de la conftrucîion de nos Temples, on a recours Ί fes lumières : lorfqu'îl importe de con- itruire quelque monument d'éclat qui iîlii- itre le Prince & la Patrie, il eil invité d'en donner les deihns. Dans les Villes libres, on le confulte pour déterminer des aligne- ments, faciliter les communications, éri- ger des places, des marchés : dans les Villes de commerce , pour élever des Ports, des Ponts, des Aqueducs, des Manufactu- res , des Hôpitaux : dans Iqs Villes de guerre, pour ouvrir des Places d'armes7 |
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xvj Dissertation
conÎlruire des Arfenaux, des Magafïns, des
Cafernes, des Priions militaire«. Tantôt il eil requis pour reitaurer nos anciens édi- fices, & leur procurer les commodités igno- rées par nosPrédéceiïèurs; tantôt pour don- ner les plans de la diftribution, la déco- ration de l'ordonnance des façades, & iur- veiller à la conftrucrion de nos belles ha- bitations à la campagne 5 pour y planter un parc, y percer une forêt, & y difpo- fer un jardin de propreté : il eft encore appelé pour les objets de diicuiîion juique dans nos métairies , pour en déterminer l'enceinte, & fjparer le domaine du pro- priétaire d'avec celui de ies voiilns. Des Pays étrangers même, on s'adreilë à l'ha- bile Architecte pour hs plus grandes en- treprifes·, en un mot, dans tous les temps, les Riches s'empreiïent de reeccuillir fes avis pour l'embeîliiîement de leurs demeu- res : par /es talents, ion intégrité, il fe fait confîdérer des Grands , chérir des Gens du monde, de l'Homme d'Etat, de l'Homme privé; enfin les honneurs devien- nent la récompenfe de fes travaux. Mais que ceux qui fe vouent à l'Archi-
tecture ne s'y trompent pas ·■> il eft plus difficile qu'on ne penfe, d'atteindre aux qualités eiiencielles à un Architecte: qu'ils conçoivent
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sur l'Architecture. xvij
conçoivent combien il leur faut acquérir
de talents pour y parvenir, puiique, fans parler de l'étude particuliere des trois bran- ches eiïencielles de cet Art, la décoration, la diftribution & la conftru&ion, il leur effc également indiipenfable d'étendre leurs connoiflances dans les Mathématiques, dans l'étude du Deiîîn de divers· genres, dans l'Art de modeler, dans celui de faire des Reliefs, dans la Perfpeclive, les Eléments de l'Architecture militaire & navale, la coupe des pierres 5 en un mot, il faut qu'ils acquiè- rent l'expérience qui mené à l'Art de bâtir, & à juger des ouvrages les plus célèbres. Vitruve confeilloitmême aux Archite&es
de ion temps d'entendre la Médecine, pour procurer plus de iâlubrité aux demeures de fes Concitoyens 5 la Phyiîque, pour le choix des matières qu'on y employoit; la Mécanique, pour l'intelligence des forces mouvantes j la Muiîque, pour l'entente des Théâtres; enfin les Selles-Lettres, pour ië rappeler les principaux traits de l'Hiiloire ancienne & de l'Hiitoire moderne: autant d'études ? dit-il, du reifort immédiat de l'Architecture, ce qui prouve en faveur des connoiifances que nous nous propofons d'analyfer dans la fuite de cette DiiTcr- ration, après en avoir donné une idée générale. Tome III. b
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xviij Dissertation
Des différentes branches des Mathéma-
tiques, la Science des Nombres eil indif- penfable au jeune Architecte, afin qu'il puiiTe, lors de la compoiition de fes pro- jets, fe rendre compte du prix des ma- tières qu'il aura occafion d'employer : la Géométrie, pour bien entendre le déve- loppement des corpsj la Trigonométrie, pour lever les plans \ les ferions coniques, pour la coupe des pierres ·, les mécaniques pour le tranfport & l'élévation des fardeaux: enfin l'Hydraulique, pour les épuifements &: la diilribution des eaux. Le Deflîn en général lui eft néceiTaire
pour communiquer {qs penfées, pour défî- gner au Sculpteur, au Peintre, au Cize- leur, la forme &, le relief des différentes parties de la décoration, décidée par le Propriétaire fur fes projets, 6c qu'il fe trouve enfuite obligé de confier à leurs foins. Quoique la maniere de deifiner l'Archi-
tecture iok comprife dans l'étude des Elé- ments de cet Art, dont nous ne parlons point dans cette DhTertation, nous n'en dirons pas moins que rien n'eft fi eiTen- ciel à PArchitede que de fe rendre compte, par des développements particuliers, des plans, des élévations &: des coupes de fon édifice, avant de les préfenter aux Per- |
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cur l'A&çhîtzcturm. xIx
Tonnes qui font bâtir, & de hs commu-
niquer aux Entrepreneurs. L'Art de modeler, également utile à
Γ Architecte, fe divïfe en deux clalfes: l'une a. pour objet les ornements appelés dans l'Architecture pour l'embellir ou la fym- bolyferj l'autre préfente en relief la difpo- iition générale de fon Bâtiment, &c les principales parties qui le compofent. L'étude de la Perfpective lui apprend à
juger PefFet que devra produire fon projet après l'exécution, c'en: par elle qu'il ac- quiert les moyens d'eftimer la différence qu'il doit obferver entre les grandeurs réelles & les grandeurs apparentes, & qu'il conçoit les différents afpects, fous lefquels il doit préfenter fon édifice au Specta- teur éclairé. Chargé fouvent d'ériger dts monuments
dans nos Villes frontières, il ne doit pas ignorer hs éléments de l'Architecture mi- litaire } elle comprend la partie des For- tifications , qui tient de plus près aux Bâ- timents civils qui font directement de ion reffort. Appelé dans nos Villes maritimes,. îî doit
de même acquérir la partie de l'Archi- b ij
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xx Dissertation
techire navale, qui le conduira à concevoir
les projets dont il fe trouvera chargé dans un genre qui, ne tenant ni à l'élégance de nos édifices civils, ni à la rufticité de nos Bâtiments militaires, n'en doit pas moins annoncer le caraétere martial qu'il convient de répandre dans leur ordonnance. Le fecret que nous enfeigne la coupe
des pierres, eft indifpenfable auffi à PAr- chite&e pour fe rendre compte, &; de la pratique de l'Art, &; de la maniere de con- cevoir , lors de la compoiition de (on f)lan, l'économie qu'il doit obferver dans 'emploi des matières, pour difpofer les parties qu'il doit foutenir en l'air en faveur de l'accord général des dehors & de la com- modité des dedans. Il doit également cormoître la coupe
des bois concernant l'Art de la Charpen- cerie Se celui de la Menuiiierie : dans celle- là, pour ce qui regarde la qualité des bois βς/leur aiTemblagej dans celle-ci, pour dé- terminer la hauteur & l'épahTeur qu'il doit donner à l'élévation des portes St des croi- fées de fon Bâtiment, afin de choifir, parmi les divers, aiTemblages, ceux qui conviennent pour les vouiTures & les lam- bris qui décorent les pièces principales con~ |
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sur l'Architecture. xxj
tenues dans le corps de logis de Ton édifice. Enfin l'expérience jointe à la pratique
du Bâtiment, lui apprend à apprécier fur fes projets la dépenfe de l'édifice qu'il doit élever j à défigner, par des devis bien dref fés^ la qualité fpécifique des matières qui doivent y entrer, à lavoir eilimer Je prix de la main-d'œuvre ; à prévenir les contef- tations qui peuvent furvenir entre deux voifins; à garantir, par fa furveillance, le Propriétaire de toute efpèce de fraude j à favoir,en un mot, affocier la maçonnerie avec la charpenterie ; celle-ci avec les gros fers, pour aiïurer les uns par les autres, & parvenir à un plus grand degré de fo- lidité & de perfection. A cette expérience, il en faut joindre
une autre non moins efïencielle, &: qui regarde plus précifément l'Architecture $ c'eifc celle qui nous apprend à juger, par l'examen des édifices anciens & modernes, de la route que les grands Maîtres ont fui- vie dans l'ordonnance de leurs édifices, & de la relation qu'ils ont cherché à mettre entre les dehors & les dedans, à raifon de la diverilté de leurs entreprifes, "& de la température des climats où ils ont élevé leurs chefs-d'œuvre. par toutes ces différentes eonnoii-
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fances , que l'Architecte arrive à imiter
avec fruit les ouvrages les plus célèbres ; &c qu'il parvient à porter également {qs obfervations fur la théorie, la pratique, &: le vrai goût de l'Architecture. Qu'on y prenne garde néanmoins, il ne fufïït pas d'entreprendre à la hâte toutes ces diverfes études: il ne faut pas croire non-plus qu'il foit egal d'apprendre chacune d'elles, fépa- rément les unes des autres, δ£ par inter- valle) il eft un temps pour celles-ci, elles demandent a être fuivies : il n'eft pas in- different , comme pluileurs fe le periiia- dent, de puiier une connoiiTance détachée d'une autre connoiiTance^ il convient d'a- bord de les embraiTer toutes fous un ha- bile Maître^ de les reprendre enfuke cha- cune à part, fous des ProfeiTeurs vérita- blement ihitruits, mais réunis cependant dans un même Licée par un Artifte éclairé & reconnu aiïez bon Citoyen, pour confa- crer fes veilles à l'inffcruction de fes fem- blables: il faut, de la part du Difdple, d'heureufes dîfpofitions, de la docilité, du temps, de l'aptitude au travail* il faut en- fin des talents, une éloquence perfuaiîve, de la confiance δι de l'aménité de la part du Chef & des ProfeiTeurs. Qu'on ne s'imagine pas qu'on deviendra un
Architecte habile, fi Ton apprend l'Archîtec- |
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sur l'Architecture. xxiij
tare par déiœuvrement, & les Arts qui y ont
rapport, pour le feul pJaiiir de changer d'ob- jet : fans doute il eft néceiTaire de varier le genre de fes études ·■> la variété met en mou- vement Pefprit & l'imagination de PArtifte, le changemement de travail femble rendre à fon génie épuifé une nouvelle vigueur : mais il eft bon que cette diveriîté d'occupations ramene au but qu'on fe propofe. On peut bien paifer du Calcul au Defiin, de
celui-ci à la Perfpeclive, revenir à l'Orne- ment, au Payfage; on peut vouloir rendre une vue qui donne aux autres une idée du projet dont on s'occupe. Après cette étude iedentaire, on peut aller viiiter quelque édifice analogue à fon travail ; de la Ville, palier à la campagne, &: s'aifocier un ou plufieurs Emules, pour fe procurer l'occa- iïon d'y difcuter fur le lieu, les diiFerentes beautés de l'Art, réunies au fpectacle de la.nature: deretour il eft encore bien de fréquenter les atteliers des Artîftes célè- bres , pour y voir leurs chefs-d'œuvre &; y conférer avec eux; enfuite fe tranfpor- ter dans les divers Bâtiments qu'on élevé en même-temps dans la Capitale : dans les uns, pour defcendre dans les fouterreins, en examiner les fondations, les empatte- ments de les diiFerentes efpèces de voûtes: |
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xxiv Dissertation
dans lts autres, la forme des combles, les
écoulements de leurs eaux, les travées des planchers, lts pans de bois : dans ceux-ci, pour fe rendre compte des détails de la menuiferie, desilucs, des ouvrages en plâ- tre, des différentes efpècesde peinture d'im- preiîion : dans ceux-là, de la perfection de la Sculpture, de l'effet des glaces, de l'ar- rangement des meubles: dans tous enfin, pour y prendre des atracliemens, y faire des notes, & y defîîner les parties les plus inréreifantes éc les plus relatives à fes beioins. Après ce travail utile, il convient de fe
recœuillir dans le filence du cabinet, pour méditer fur tous ces objets ; on doit ou- vrir de nouveau les Rccœuils des Auteurs qui ont traité de ces différentes parties, pour s'y pénétrer du génie des plus grands Maîtres. Lors de fes délaffements même, il faut faire en forte que tout ce qu'on remarque , tourne au profit de l'Art. Dans les promenades , on peut médi-
ter fur les productions régulières &c ad- mirables du célèbre le Naucre , &c fur les comportions ingénieuies Ô: pittoref- ques de Dufrefny : dans les cercles, on peut acquérir ie goik des ornements qui décorent les appartements où l'on fe tient |
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V
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sur l'Architecture. xxv
raffemblé: en vîiîtant les gens du monde,
admirer la réunion des Beaux-Arts qui fe trouvent répandus dans leurs demeures: avec Ces égaux, l'habitude de l'élocution: aux fpe&acies, dans nos fêtes, dans nos feiHns, au bal même, on apprend à fe fa- miliarifer avec les productions du génie. L'effet des lumières, la magie de la pein- ture , l'éclat d'une décoration théâtrale, tout intéreffe,, tout inftruit. Dans les environs des Cités, l'infpectîon
des lieux champêtres fertilife l'imagination, agrandit, développe les idées; on y examine la iîtuation, l'expoikion, la difpofition des lieux :. on s'inilruit avec le Propriétaire fur lts convenances & les commodités relati- ves à fon ufage, & fur celles des perfon- nes qui font à fon fervice : on parcourt d'un œuil avide les environs; on revient s'inilruire encore avec le Receveur de fes domaines : on entre, avec le Fontainier, dans des bofquets charmants que les eaux jailliiTantes embelluTent encore, ôc où l'on fe rappelle la théorie du jardinage de Le- blond : avec le Jardinier , on parcourt l'orangerie, les ferres chaudes, les potagers, où les préceptes de la Quintinye font ob- fervés avec loin. On paffe enfuîte dans h$ différentes baffes-cours, on en examine les divers départements; enfin on revient au |
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XXV j D I S S E RTAT Ι Ο Ν
principal corps-de-logis, où ^ au milieu
d'une îbciété aimable éc choifîe,, on acquiert toutes Iqs connoiflances préliminaires, qui dans la fuite amènent l'Architecte à tirer partie des occaiions qui fe préfentent à lui pour élever des Bâtiments falubres, commodes &î agréables. C'eft par le deiîr de s'inftruire, c'eil par
un examen continuel &: réfléchi, c'eft avec la paillon de devenir un Architecîe de mé- rite, qu'on s'éclaire avec tous, &: en tout temps : autrement que pouvoir efpérer d'un jeune homme abandonné à lui-même, qui fe contente d'effleurer les premiers élé- ments de l'Art, qui le plus fouvent n'a qu'une éducation négligée, qui quelque- fois même eil; fans Lettres , fans princi- pes? de ces jeunes gens, en un mot, qui, cédant à l'occaiion, fe trouvent fans Mi- nerve ; qui, ignorant la plupart dés con- ησ-iiTances qui tiennent a. l'éducation, ne s'en annoncent cependant pas moins pour aQs êtres importants, parce qu'à l'ombre de quelques dehors affectueux, èc d'un débit aiïez intéreiÎànt, on les prend pour des Oracles; erreur néanmoins dont on revient bientôt, en apercevant l'artifice auquel il$ doivent leur prétendu mérite. Mais laiifons derriere nous ces Artifles
fuperfkieis, nos confeils ne s'adreiTent ici |
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sur l'Architecture. xxvîj
qu'à ceux qui défirent un jour honorer leur
Patrie par des ouvrages célèbres, &; par-là atteindre les Architectes de la France, dont les chefs-d'œuvre égalent les entreprifes des plus grands Maîtres qu'ont produits la Grèce & l'Italie. Nous ne parlons qu'à ceux qui, non contents de s'inilruire, par une lecture continuelle &c réfléchie, dans les Livres qui traitent des Beaux-Arts en général, & en particulier de l'Architedure, ont encore recours aux Auteurs qui peu- vent leur apprendre tout ce qu'il convient qu'ils fçachent de PHiftoire des Nations policées, & des Peuples où les Arts ont été en vigueur3 qui, dans la Littérature, faifïiient tout ce qui peut contribuer à leur orner la mémoire, & à leur inipirer le defir de s'inilruire de plus en plusjà ceux enfin qui jufque dans leurs moments de loifir par- courent les ouvrages d'efprit, & ne négli- gent pas même tout ce qui n'a pour objet que l'agrément : perfuadés qu'il leur eil également eiTenciel, en devenant des hom- mes utiles, de joindre à beaucoup de ta- lents une éducation cultivée. Mais paiïbns à l'analyfe des principaux objets que nous venons de tracer. Nous avons fait entendre, dans le com-?
niencement de cette DhTertation, que Ifs |
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XXviij D I S S E RTAT Ι Ό Ν
Mathématiques, le Deiïîn, PArt de mo-
deler, la PerQ>.eckive & la Coupe des pier- res, dévoient indiipenfablement faire par- tie des connoiiTances de l'Architecte. Re- prenons chacun de ces objets en parti- culier, pour en faire fentir l'importance, èc donner à connoître l'art de les appli- quer à l'étude de l'Architecture, En étudiant les Mathématiques, com-
bien ne fe rencontre-t-il pas déjeunes gens qui n'acquièrent jamais, ou que bien peu, Ja maniere de s'en fervir utilement dans l'art de bâtir j qui, les coniidérant comme une Science à part, font rarement uiàge du calcul qui en fait partie, pour fe ren- dre compte des rapports que les corps, comparés à d'autres corps, doivent avoir enfemble dans l'ordonnance des façades j qui ignorent l'art de l'employer, lorfqu'il s'agit de faire des devis, ou qu'on par- vient au règlement des mémoires après la bâtiiTe > qui connoiifent la Trigonométrie, mais qui, faute d'habitude, n'en lèvent pas moins leurs Plans par routine , qui, ne fçachant qu'imparfaitement la Géomé- trie, plantent un Bâtiment par une prati- que incertaine: d'où il refaite des erreurs /ans nombre, d'autant plus difficiles à répa- rer, qu'on ne s'en aperçoit que bien après |
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sur ^Architecture, xxlx
que l'édifice eil élevé au-delà des fonda-
tions : qui, pour n'avoir approfondi que légèrement les Sections coniques, mécon- noiiient celles des corps & leur pénétration dans la coupe des pierres5 défaut de con- noîiîance qui les force d'avoir recours aux démonitrations pratiques du Père Derand, ou de M. de la Rue, ne pouvant attein- dre à la théorie de Frézier, pour lever les difficultés de l'apareil : qui, n'ayant qu'une foible idée des Mécaniques, ralentiiïènt dans leurs entreprifes l'accélération iî né- ceifaire dans la main-d'œuvre : qui enfin, faute des connoiiTances de l'Hydraulique, fe trouvent embarraiTés , loriqu'il s'agit de l'épuifement ou de l'élévation des eaux dans les grandes entreprifes. Cependant Ils ne s'en annoncent pas moins pour dçs Mathématiciens, iàns fe douter que icavoir les Mathématiques comme ils les ont ap- prifes, & être Mathématicien proprement dit, font deux chofes qui ne peuvent entrer en comparaifon. Il en arrive à peu-près de même lors-
qu'on apprend le Deflîn : s'adonne-1- on a la Figure, on paiTe rapidement aux ίΐι- jets compliqués, & cependant on ignore encore les proportions du corps humains ou ii l'on deifine quelques têtes de cara- |
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XXX D I SS ERTAT I O Ν
&ere, on ne s'arrête pas aiTez à celles qui
ont le plus d'expreiîîon : les autres parties de détail rebutent également -, celles-ci cependant conduifent à l'habitude de bien voir , &; à diftinguer dans la fuite cette préciiion que l'homme de goût faille avec tranfport dans les productions des grands Maîtres : on préfère un faire aiië qui abrège le travail, à la vérité, mais qui n'amené jamais aux connoilfances appro-· fondies de l'Art : ordinairement on con- sulte peu les dons de la nature. Tel, par exemple, qui deiîine vague , incorrecT;, ignore qu'il arriveroit à une certaine exa- ctitude , s'il cherchoit à imiter la maniere précieufe, mais fçavante, des Bouchar™ don &: des Natoire : tel autre au contrai- re , naturellement porté à delîîner fervÜe- ment, ne fe doute pas qu'il devroit avoir recours à la touche large &c facile des Pierre &: des Boucher: la plupart changent d'origi- naux comme d'idées; très-peu deiîinent d'a- près la boiTe, prefque jamais d'après nature : enfin ils ne fçavent ni les éléments de l'Hi- ftoire facrée, ni ceux de l'Hiftoire prophane : ils ne veulent être ni Peintres, ni Scul- pteur, difent-ils: cela peut être; mais en font-ils moins deftinés un jour à devenir les Appréciateurs des chefs-d'œuvr© de Peinture Se de Çcuîpture? or comment ap- |
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sur l'Architecture. xxxj
précîer les vrais talents avec des connoii- îànces médiocres? On ne s'acquite guère mieux de la par-
tie qui regarde les ornements : au-lien d'avoir recours aux exemples de l'Anti- quité en ce genre, on deffine quelques morceaux d'après la gravure j mais qu'il y a loin de ces modèles aux productions de l'Art que les Anciens ont fçu réunir aux beautés de la nature, &L auxquelles ils ont fçu ajouter, par des traniitions heu- reufes, d'autres beautés idéales, des formes contraftées, mais réfléchies, qui leur ont fait produire tant de chefs-d'œuvre! Faute de fuivre cette marche, on cède au tor- rent, on devient efclave de la mode, ou, ce qui eft pis encore, on ne compofe que des ornements fans vraifemblance, & qui par-là n'ont aucune analogie avec le motif qui les amène fur la iccne. Pour éviter de tels abus, indiquons un moyen qui nous a réuiïï plus d'une fois : qu'on deiïîne de bons originaux, faits d'après d'excellents bas-reliefs j que l'on copie d'abord le deiîîn fait d'après; qu'enfuite on place l'un &î l'au- tre en oppofition pour les comparer enfem- ble, par-là on acquerra à la fois, & h ma- niere de deffîner fidèlement, &c celle de rendre dans fa copie Pexpreiîion, dont l'éV |
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XXxij D I S S E RTAT Ι Ο Ν
bauchoir aura lahTé la trace fur le modele,
Loriqu?on paiTera au Payfage, que ja-
mais on ne deffine non-plus d'après la gravure ; celle-ci n'eft bonne à confulter que pour l'effet général : loriqu'il s'agit de la compoiition, il eil utile fans doute d'a- voir recours aux Œuvres de Label , de Calot, de le Clerc, de Silveitre : mais, pour apprendre à deffiner avec goût, il faut copier les Maîtres d'Italie & ceux de notre Ecole Françoiiè qui iè ίο rit le plus iîgnalés dans ce genre de talent. Pour fe rompre dans le Payfage, il faut le deffiner tantôt à la iànguine, aux trois crayons> tantôt à l'encre, au biilre, à la gouafle: il faut fe faire de cette occupation un délaf- fement après une étude plus férieuie : il faut fe rappeler que les hommes en place fe font plu, dans tous les temps, à aiTocicr à leurs connouTances acquifes., cette partie intéreÎTante du Deiîîn; qu'enfin c'eft par fon fecours qu'un Architecte explique avec- netteté fes idées aux Grands, & ies inten- tions aux Artiiles qui le fécondent dans fes travaux. Lorfque nous avons recommandé de fe
rendre compte des développements géo- métraux de les projets, nous avons fuppofé qu'à cette étude, on joindroit la maniere de
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sur l'Architecture. xxxiij
de deffiner l'Architecture avec intelligence.
Pour cela, îl faut defcendre dans tous les détails de la théorie des ombres j les deffins d'Architecture étant pour l'Architecte une efpecede modele, qui lui fait juger ii l'idée qu'il en a conçue, lui offre celle qu'il avoit droit d'en efpérer. En effet cette théorie lui apprendra à concevoir ce qu'il eft né- ceifaire d'ajouter ou de retrancher dans les différentes parties de fon projet, pour par- venir à un plus grand fuccès. Apres cette étude intéreifante, nous confeillons de faire ufage du lavis pour ombrer les coupes d'une maniere tendre & moëlleufe > les façades, d'une touche plus ferme, fans les trop pouffer au noir : les plans au con- traire peuvent tranchej davantage, chaque objet devant s'annoncer différemment. Nous recommandons néanmoins de ne ja- mais imiter, ou rarement,, ces touches vagues & accidentelles dont on ufe fréquemment ; il ne faut fe les permettre tout au plus que dans des efquiffes, &. non dans des deiïïns d'Archi- teéture,qui doivent préfenter la fraîcheur &z la précifion d'un édifice nouvellement élevé : ces écarts ne montrent que l'inconféquence du Defîînateur. Certainement dans tous Iqs genres de Deihn, il faut faire choix âç h meilleure maniere de les rendre. Les Man- Tome III c |
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XXxrv D 1 S S E RTAT I ON
lard, les le Mercier, les Perrault ont déj
daigné cet artifice j aujourd'hui, il femble qu'on ne veuille plaire qu'aux Peintres de Ruines, encore n'imite-t-on de ces Maîtres que les licences pittorefques, autoriiëes par la vétuilé des fabriques qu'Us ont inten- tion de repréfenter dans leurs tableaux. Qu'on y réftéchille, la bonne Architecture, fes belles formes, les proportions qui la conilituent, n'ont pas befoin de ce prefti- ge, qui bleiTe plutôt l'œuil qu'il ne le fatisfait. Un autre abus, plus condamnable encore félon nous, c'en: de faire paroître dans un même deffin des objets géométraux, & d'autres en peripective ; inadvertence qui prouve le défaut de raifonnement du Deffinateur, £c qui force, pour ainfî dire, l'Examinateur à méfeftimer la production de l'Artifte, qu'il auroit peut-être applaudie fans cet écart. Nous avons reconnu l'Art de modeler l'or-
nement comme un Art eiTenciel j il apprend en effet à difcerner les chefs-d'œuvre de Scul- pture des du Goulon, d'avec les médiocrités en ce genre qu'on étale de nos jours avec pro- fufion, dans nos édifices, parce que plufieurs de leurs Ordonnateurs femblent peu jaloux de produire des chefs-d'œuvre, &. que, |
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sur l'Architecture, xxxv
dans leurs décorations, ils s'attachent plu-
tôt à plaire à la multitude qu'aux vrais ConnohTeurs. Il en faut cependant conve- nir, l'ufage de l'ébauchoir indique tout à la fois a l'Architecte, & la forme, & le relief des objets qu'il veut réalifen il prête à ion génie, & lui offre une infinité de reffources que le Deiîin feul ne peut lui fuggérer : coniidération trop effencielle pour n'en pas acquérir l'ufage dès le com- mencement de fes études» L'Art de faire des modèles de relief en
carton, ou en bois, devient auiïï utile que celui de modeler en argile, ou en cire: il donne l'idée générale du projet ; il enfeî- gne les moyens de fe rectifier, avant de paffer à l'exécution j il concourt à régler la proportion que doivent avoir les cours principales avec celles qui appartiennent feulement aux dépendances de l'édifice 5 il annonce les iffues > il difpofe les accef- foires, les alentours > il marque la préémi- nence qu'on doit donner aux principaux corps de logis fur les ailes j le parti qu'on peut tirer d'un terrein montueux 3 en un mot, un modele en relief fait connoître à Γ Architecte la perfection ou l'imperfe- ction des premières penfées que lui a don- nées le Propriétaire, & que, par fon acquis, c ij
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XXXVJ D I SS E RT AT I ON
il a cherché à concilier avec les préceptes
de ion Art. En confeillant l'étude de la Perfpeétive,
nous n'avons pas laiiTé ignorer combien elle étoit utile, pour rendre raifon de l'ac- cord général qui doit régner dans l'enfem- ble de l'édifice; nous ajouterons, qu'après s'être rendu compte de la véritable pro- portion des corps, de leur faillie & de leur hauteur, il convient, par fon fecours, de comparer enfemble leurs diverfes di- meniions, ce qu'il paroît eiTenciel d'y ajouter, ou d'y retrancher. On juge tou- jours imparfaitement de leur effet, lors- qu'on ne s'attache qu'à des développe- ments particuliers, dépourvus des moyens que la Perfpective fait reconnoître. C'eit. par elle qu'on s'aperçoit iî l'on n'a abnfé de rien, & iî les parties principales devien- nent fuffifamment pyramidales, fans avoir recours à l'ufage des attîques, trop commu- nément employés parmi nous. N'en doutons point, c'eit par de
telles comparaifons, qui jamais ne font échappées aux grands Maîtres, qu'on re- marque dans leurs productions cette beauté, 6c tout à la fois cette ilmplicité qui les caractérife. Au contraire ceux qui mécon- nohTent cette reiîource, & qui ignorent la maniere d'employer les reflauts & le jeu |
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SUR L'ARCHITECTURE. XXXvij
âes avant-corps, iïmples ou compofés,
ajoutent iàns néceiîîté, à d'aifez grandes hauteurs, d'autres hauteurs encore , aulîî inutiles que déplacées: tant il eil néceifaire de faire précéder l'exécution d'un Bâti- ment par toutes les différentes études dont nous parlons. D'ailleurs la PerfpecHve a encore l'avantage de procurer à l'Archi- tecte la facilité de communiquer fes idées aux Perfonnes en place, en leur offrant, dans un feul deiïïn, tout l'enfemble du chef-d'œuvre qu'il médite. Du fein même de la Capitale, il le fait paffer dans les Cours étrangères, où l'uiage d'un modele ne parviendroit que difficilement. C'eil par îa PerfpecHve enfin qu'il appelle à lui certaines licences que le genre du Bâtiment peut lui permettre, quoique les regies de l'Art les défapprouvent en toute autre occafion. Nous avons deiiré que le jeune Archi-
tecte acquît les connouTances qui font îa baie de l'étude d'un Ingénieur. Pourquoi? c'eil qu'il doit s'attendre à être appelé un jour dans nos Villes de guerre , foit pour y donner les deffins des Portes exté- rieures ou intérieures de ces mêmes Villes, des Plans pour des Arfenaux, des Cafernes de Cavalerie & d'Infanterie, foit pour y conilruire des Priions, des Hôpitaux mi- c nj
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XXXviij D I S S ER TAT I Ο Ν
litaires, des Places d'armes. Comme ces
différents Bâtiments d'utilité tiennent de fort près aux Fortifications, il ne peut ignorer le rapport que celles-ci doivent avoir avec ces fortes d'édifices. Il convient donc que, pour réunir ces deux genres d'Archi- tecture, il confère fouvent avec l'Etat Ma- jor ; qu'il s'inftruife fur le lieu des obftacles qu'il faut furmonter} qu'il connoiffe même l'endroit le plus foiblc de la place qui pourroic erre attaquée par l'Ennemi, afin d'en difpo- fer la majeure partie à l'abri des remparts, ou fous le canon de la Citadelle. A fon tour, l'Ingénieur pouvant être
chargé de la plupart des Bâtiments attri- bués à Γ Architecture civile, tels qu'un Gouvernement, des Hôpitaux, une Bail- rlique, une Intendance, il doit fçavoir les récries de l'Art, & donner à ces édifices la diitribution la plus avantageuie; néanmoins J'ordonnance doit fe reiTentir de l'expref-· iîon virile, fans nuire au caractère particu- lier qu'il convient d'affigner à chacun. Rien ne peut donc difpenfer l'Architecte ni l'In- génieur de concilier enfemble, ôc la partie qui regarde le Service du Prince, & celle qui contribue à élever des édifices d'éclat capables d'illuftrer fon régne. Si ce que nous confeillons n'eft pas fans fondement, le jeune Architect.: doit concevoir la né- |
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sur l'Architecture. xxxix
eeiïité de l'étude des Fortifications, & le jeune Ingénieur celle de Γ Architecture civile, peut-être trop négligée par la plupart.
Depuis long-temps nous faifons nos efforts
pour perfuader ceux qui s'adreiïent à nous, de faire entrer dans le cours de leurs étu- v des ces deux connouTances utiles , afin qu'ils acquièrent par-là ce que notre propre expérience nous a appris à cet égard. Nous iaiiiiîons même cette occafion de rappeler à nos jeunes Citoyens, que précédemment M. de Vauban, de nos jours M. Frezier, pour n'en citer qu'un petit nombre, ont prouvé & prouvent encore, par cette réu- nion, la iupériorité de leurs talents; que François Blondel, Architecte du premier Ordre, δ£ Maître de Mathématiques du grand Dauphin, joignoit à la célébrité de les connoifiances dans l'Architecture, celle dos Fortiflcationsj qu'enfin , de ion temps, Vitruve, Architecte &: Ingénieur d'An- gufte, nous a laiiïe des traces immortelles de l'étendue de fes lumières: qu'en un mot ces deux Arts, ou plutôt ces deux Scien- ces , ont trop d'affinité &. trop de relation l'une avec l'autre , pour ne pas mériter l'attention de tout homme qui, voué à cette partie, fe propofe de coniacrer fes c iv
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xl Di s s e rtat ι ο ν
jours, & à l'utilité, &c à la gloire de fa Patrie.
A l'étude de l'Architecture militaire,
nous avons auiîi propoië au jeune Archi- tecte, d'alîocier les principes élémentaires de l'Architecture navale, non pour fe char- ger de la conitruétion des VaiiTeaux,mais pour apprendre à réunir dans la compoii- tion d'un Arfenal de Marine, toutes les parties néceilaires à cet objet, afin de pou- voir tirer le parti le plus avantageux & le plus utile, lorfqu'il s'agit des digues, des moles & des jetées■·, pour iîtuer le plus con- venablement les fanaux, & préiider à l'or- donnance de ces édifices deitînés à éclai- rer l'entrée &c la fortie des Bâtiments ma- ritimes dans nos Ports j afin de conilruire des Hôpitaux pour des Matelots, des Ba- gnes pour le logement des Forçats, des Magaiîns d'armes, des Corderies, des At- teliersj en un mot, tous les genres d'édi- fices relatifs à la Navigation &c au Com- merce. Qu'on ne s'y trompe pas, toutes ces productions l'ont fufceptibles des ré- gies de la belle Architecture 3 on doit fans doute les aiTujétir au befoîn qui les fait éri- ger, mais on doit leur afîigner en même temps un caractère convenable, puifé d'a- près leur ufage particulier. Nous avons obfervé, en parlant de 1a
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sur l'Architecture, xlj
coupe des pierres, que cette étude étoit
indifpenfable, en effet quel fecours l'Art du trait n'offre-t-il pas dans la bathTe î combien fur-tout ne s'en font pas fervis utilement les Goths dans la conitru&ion de leurs édifices. Par l'étude des Mathé- matiques, prefque univerfelle aujourd'hui, combien cet Art n'a-t-îl pas fait de progrès parmi nous, depuis les Delorme, par les découvertes des Praticiens de nos jours. Il en faut convenir, rien ne réfifle à cet
égard aux Architectes, qui ont le plus de connoiiTance dans cette partie, ils négligent même de faire ufage de tous Iqs fecrets que cet Art nous enfeigne, &: dédaignent de faire parade de la plupart de (es reifour- ces. Us aiment mieux, difent-ils, fatisfairc l'œuil que l'étonner, fur-tout lorfqu'il s'a- git, ou de nos édifices publics, ou de quel- ques-unes des parties les plus ufitées dans nos Bâtiments d'habitation. Ils penfent avec raifon que la vraîièmblance doit avoir le pas fur une témérité préfomptueufe, 6c abandonnent aux Appareiîleurs les minu- ties , ces petits détails fymétrifés, qui ne prouvent que la difficulté de la main- d'œuvre. Us fe renferment dans les bornes qui leur font preferites par le goût de l'Art: vifant d'ailleurs à la beauté de leurs oeuvres, ils ne perdent pas de vue une |
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xlij Dissertation
économie raifonnable, & s'appliquent par-
ticulièrement à ibutenir en l'air avec légè- reté & leurs coupoles δ£ les panaches qui les rachètent : ils s'attachent à leurs voûtes, à leurs vouiTures, aux trompes &c aux autres pièces de trait qui , en aiîurant la folidité de l'édifice, n'en font pas moins fufceptîbles de membres d'Archi- tecture 6c d'ornements deitinés aies embellir. Nous n'entendons pas néanmoins qu'il
fuîle négliger la beauté de l'appareil, lors «le la conitruction d'un ouvrage important > nous le regardons au contraire comme une des parties de l'Art qui peut ajouter à celle de l'ordonnance , parce que les moyens dont on ufe pour entretenir les plates-ban- des y pour conilruire avec une élégance apparente les voûtes d'un Bâtiment, le loin qu'on prend d'en bien dreiTer les pa- rements, d'obferver une régularité dans la liaiibn des joints, lui procure une nou- velle perfection. Nous blâmons feulement la prétention que la plupart des Artiilies ÎLibalternes attachent à cette fervitude feru- puleuie; fervitude qui nuit eifenciellement à cette /implicite préférable, dans toutes les productions de l'Architecture, à tout ce que cet Art peut ajouter à la beauté de l'ordonnance. La connoiifance de la coupe des pierres
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sur l'Architecture. xlîij
amené à celle des bois, pour difpofer avec
art, dans la Charpenterie, l'aiTemblage des combles de diverfes efpeces; pour médker la conitrucHon dQs planchers, pour ellimer la groiTeur des poutres & des folives, relative- ment à leur longueur & à leur portée 5 pour prévoir dans les pans de bois la difpofitioii &c l'utilité des poitrails, des fablieres, des poteaux corniers, & des travées qui fé- parent les trumeaux d'avec les ouvertures. La connoiiïance de la coupe des bois, eil encore néceilaire dans l'emploi de la Memiiferie. Elle indique à l'Architecte l'art de furveiller l'Entrepreneur dans l'a£ femblage des revctiiîements des lambris de hauteur, &c des lambris d'appui. Elle conftate l'épaiiTeur des bois pour les portes, Iqs croî- iécs^ ainiî que pour celle des vouiîures, des tours rondes &: des tours creufes ; elle aflortit leur calibre à celui des bois marchands, ioit pour arriver à une plus grande éco- nomie, fok pour parvenir à une accéléra- tion ^toujours intéreiTante dans la bâtiile, fans pour cela nuire en rien à la falubrité &: à la beauté que la Memiiferie procure a la décoration des appartements. Outre ces diverfes connoiiïances, nous
avons voulu que le jeune Architecte· ac- quît également, δι l'expérience qui lui eft |
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xWv D I SS E RTAT Ι Ο Ν
neceiîàire dans la pratique du Bâtiment,
& celle qui lui apprend à juger les ouvra- ges célèbres, exécutés fur les Deiïïns des plus habiles Maîtres, anciens ou modernes. Sans l'expérience, qui a pour objet l'art
de bâtir proprement dit, il ne fait guère que des deiîins., ou plutôt des images: n'ayant aucune idée de l'appréciation des matières, ni de l'achat du terrein, il étend fon projet au-delà des bornes qui lui fon prefcrites, &c «arrive, par le iecours de la théorie, à un cer- tain degré de perfection, que parce qu'il l'a fait illimité s en forte que iî Ton remarque dans fa composition quelques traits de génie, on n'en reconnoît pas moins que , s'il s'étoit attaché à vaincre les obftacles néceiïàires à furmonter, fon Plan n'auroit pas pu palier, même pour un ouvrage médiocre. Faute d'ailleurs de s'être exercé long-
temps à furmonter toutes les entraves, à fe rendre compte des convenances, des difficultés de la main-d'œuvre, &î de Ja négligence des ouvriers, il liafarde des moyens qui, confiés à des mains plus ha- biles, auroient pu réuflir, mais qui, n'é- tant ni bien conçus de leur part, ni fur- veiilés par lui, échouent preique toujours; au-lieu que prcmuni de l'expérience donc il J.
nous parlons, il auroit pu en fçavoir aiTez,
ëc être en état d'ofer davantage. |
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st/R l'Architecture. xW
De ion inexpérience, il arrive encore?
que peu accoutumé à diriger les Artifles qu'il appelle dans fes travaux, au-lien de profiter de leurs lumières pour fe redreiîèr fur Ces idéesj plein de lui-même, n'écoutanc quefapréfomption, il paiTe par-deiTus toutes les règles, précipite l'entreprife, èc ordonne aux-divers Artiftes différentes parties d'em- belliiTements, avant d'avoir déterminé ou réfolu les principales maiTes de fort pro- jet. De cette précipitation, il réfulte que dans la plupart de ces différentes parties, les unes ie trouvent trop foibles, les autres trop fortes: autant d'inadvertances qui nuifent à l'enfemble, & n'offrent plus que quelques détails intéreffants, jamais un tout affortL ^ D'une autre part, deifinant avec fa- cilité, il croit entendre également toutes les branches de l'Art, fans fonger que tel objet, comparé avec tel autre, exige des formes différentes} que le deffin d'un amor- tiifement dans les dehors, doit différer de celui de l'attique d'un lambris dans les dedans^ que c'eft enfin par cette différence de ftyle , & par la grande habitude de faire & de faire faire fous fes yeux, qu'on parvient à affigner à chaque partie ce caradere de fermeté ou d'élégance, cette richeffe ou cette fimplicité, qu'il convient de donner à la décoration de l'édifice. |
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xlvj D I S S ERTÂT I Ο Ν
Une autre forte d'expérience, non moins
eiTencieîle à acquérir, eifc celle qui apprend à connoître les chefs-d'œuvre que les grands Maîtres ont élevés, foit en France, foit en Italie, ce font ces chefs-d'œuvre qui feuls font impreffion fur nous : leur afpect rend nos idées, èc plus vives , &c plus claires. Ordinairement les connoiifances que nous tirons des inftructions fpéculative^, ne peu- vent être regardées que comme des no- tions préliminaires j encore fi elles font mal faiiîes, elles éloignent prefque toujours de l'original, en un mot les Arts, & fur-tout TArchitedure^ fe perfectionnent mieux par les exemples que par lts préceptes. Cepen- dant, avant de vouloir paiTêr à cette der- nière forte d'expérience, il faut s'attacher à. delTmer avec foin les différentes beautés qui fe font remarquer dans les édifices les plus eftimés. A la vérité nos Recœuils font une refTource à cet égard j mais il font in- fuffifants. L'afpect des lieux infpire tout autrement ; en nous offrant l'enfemble gé- néral, il nous porte à juger plus prompte- ment du rapport des parties qui nous affectent avec celles qui les unifient ■-, il nous apprend, parla comparaifon , l'art difficile d'afîortir la Sculpture à l'Archi- tecture , &: d'afTocier les différentes matiè- res les unes avec les autres 5 d'où naît fou- |
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sur l'Architecture. xivîj
vent cet accord qui fait parvenir l'Archi-
tecte à rendre l'ordonnance de ion édifice fomptueufe, fans jamais avoir recours à la profufion ; il nous amené enfin à juger perti- nemment des efforts que les Architectes, qui nous ont précédés, ont faits pour conci- lier les préceptes de l'Art avec la conve- nance du Bâtiment. Dans les dehors, tous les membres d'Ar-
chitecture & les ornements répandus dans une même façade, doivent paraître faits par la même main, Ôc conçus avec le même efprit; c'eit Pafpect réfléchi des lieux qui nous en fait concevoir la néceffité : c'eit lui qui nous fait comprendre que la faillis des avant-corps fur les arriéres-corps, £-: les rapports obfervés entr'eux, doivent être exacts, & contribuer à caraétérifer l'ordon- nance j que c'en: de ce rapport que naît la fource du plaiiîr qu'on éprouve. C'eit au pied de l'édifice qu'on puifel'art de démêler lesrci- fources dont s'eit fervi l'Ordonnateur pour arriver au degré de perfection qu'on admir:, de maniere que bientôt on defire d'en imiter la marche dans fes différentes productions. S'agit-il des dedans, l'afpect des lieux nous porte à examiner d'abord l'enfemb'e de la compofition, enfuite l'union &: le choix des matières que PArtiite a em- ployées avec autant d'art que de goiî.r , |
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xiviij D IS S E RTAT I O Ν
dans les différentes pièces qu'il a décorées: il
nous en fait concevoir toutes lts parties: nous appercevons la fermeté &la iîmplicité qu'il a affectées dans celle-ci -, la légèreté qu'il a cru devoir obferver dans celle-là; les repos qu'il a fçu placer entre l'une & l'autre, pour éviter la profuiion & la confuiîon c{qs ornements.La vue deslieuxnousrend compte, pour ainii dire, des fymboles & des allé- gories qu'offre à l'Architecture le miniftere de la Peinture & de la Sculpture, les tons des marbres, l'application des bronzes, la forme des meubles, le choix des étoffesy &; c'en: alors que l'on conçoit que l'Ar- chitecte a préildé par-tout; que par-tout il a fçu foumettre les Beaux-Arts à Ton gé- nie, &c que tous fe font venus ranger fous fes lois avec d'autant plus de prudence, qu'ils ont tous acquis féparément un nou- vel éclat dont ils auroient été privés, s'ils euifent été ifolés & dépouillés des fecours mutuels qu'ils fe prêtent les uns aux au- tres, lorfqu'ils fe trouvent réunis par un habile Maître; au-lieu que, dépourvus de ce fecours, ils ne s'y trouvent ibuvent ré- pandus qu'avec faite, & femblent au con- traire ne s'être prêté la main que pour accabler l'Architecture qui leur a donné lieu ; en forte que l'or même fatigue les yeux. A la vérité, tout y eil riche, recherché ; mais
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sur l'Architecture*, xlîx
mais îa nobleiTe & la /implicite s'en trou-
vant bannies, on n'y voit plus cet accord enchanteur qui fait le charme de l'intérieur de nos habitations. Enfin nous avons recommandé la leclure
à nos jeunes Architecte : la lecture, a dit quelque part un de nos Auteurs moder- nes , fait partie du devoir de l'honnête- homme 5 iî faut lire pour s'initruire, fe confoîer & fe corriger : l'oracle , dit-il, qui ordonna de confulter ks morts, parla fans doute des livres. Dans l'Architecture, on doit donc regarder la lecture comme le feul moyen de fe nourrir de l'efprit des bons Auteurs ■·, puifque fans parler de PHi* ftoîre, qui eft indifpenfable pour faire un choix judicieux des attributs qu'il eitfouvenc néceiTaire de répandre dans la décoration des Bâtiments, ü l'on n'a pas foin de fe nourrir Pefprît de la lecture des bons Au» teurs, on ne produit guère que des com- poiîtions froides, monotones &c dépour- vues des grâces dont la décoration eil fufceptible. Sans l'amour de l'étude, on ne fauroit puifer, dans les fources, les vrais préceptes de l'ArchiteAure, ni acqué- rir ks éléments de la PhyÎïque, de l'Hi- itoire naturelle, de 1'Anatomie, de la Géo- graphie i ceux de la Sculpture, de la Pein- Tome IIIt d |
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Ι Ό Ι S SERT Α Τ Ι Ο Ν
ture ôc du Jardinage: autant de nouvelles
connoiiTances înféparables des talents de l'Architecte, au-moins par induction. Sans les Belles-Lettres, il ne peut faire aucun Î>rogrès dans la partie de rélocution, qui
ui devient eiTencielle pour conférer avec les Grands, les Savants, les hommes du monde. Par l'étude des Belles-Lettres, l'éloquence de la Chaire, le Barreau, le Théâtre même, Péclaireront fur une infi- nité d'objets relatifs à fon Art : par leur fecours, il parviendra à une correfpon- dance honorable avec le Potentat, le Pré- lat, le Magiftrat. D'un travail fuîvi & pénible, veut-il
paiTer à des études moins férieufes, la Lit- térature lui ouvre fes tréfors; elle lui offre, tantôt d'excellentes Diiîèrtations, tantôt des Critiques faines: de la Politique, de la connoiifance des Loix, il paiTe à la Vie des grands Hommes : les ouvrages Drama- tiques, les Romans même, lui dévelop- pent les idées, lui fourniiTent matière à réfléchir. Perfuadé qu'on arrive aux Scien- ces, aux Lettres, aux Arts, par le même chemin, en méditant la marche qu'ont fliivie les hommes de génie dans tous les genres de talents, il s'approprie tout ce qui a rapport à fes befoins s il fait des notes, des extraits, & fe J#miiiariie avec |
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$v& l'Architecture. Ij
PÂrt d'écrire : enfin ce travail devient pour
lui un véritable agrément, & il parvient à préférer un jour Tétude à la futilité de« plaifirs bruyants & tumultueux. Telles font les coiinoiiTances îndîfpen-
fables à réunir à l'étude de l'Architecture ; nous concevons que, dans le grand nom* hre de ceux qui iè deftinenc à cet Arts piufieurs feront effrayés d'un travail auiîî laborieux, & qui demande autant de con- fiance & d'afiïdüité. Mais ce n'eil pas à ceux-ci que s'adreflè rénumération des principaux objets rapportés dans cette DiiTertation ; c'eil à ceux qui^ naturelle- ment pénétrés de l'amour de la gloire, fen- tent le beioin de s'inftruire, & qui réflé- chiiTent, que plus ce befoîn eil îndifpen- fable, plus le plaiiir d'y fatisfaire eil fei> iîble: c'eft à ceux qui, nés avec d'heureufes diipofîtions, des talents, & qui ont déjà une réputation commencée, doivent con- tinuer d'acquérir encore, & ne jamais rif quer de liafarder en public des compoiî- tions imparfaites, négligées, &; où tous les genres fe trouvent confondus, fous le vain prétexte qu'ils ne font pas deilinés à jouir un jour du triomphe de l'exécution. Au relie, nous n'entendons point que
toutes les connohTances que nous fem- blons exiger, foient acquîfes dans les dij
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lij Di s sertation , &c.
premières années confacrées aux éléments,;
aux détails, aux développements, aux pro- fils, enfin à l'Art de deffiner l'Architecture avec goût, & dans le meilleur genre. Ces diveries connoilTances s'acquièrent pendant toute la vie. Les plus grands Hommes étu- dioient encore, lorfqu'ils ont produit leurs chefs-d'œuvre. Nos Sculpteurs, nos Pein- tres célèbres, tous les jours confultent la Nature, deiîinent d'après le modele. L'Ar- chitecte, a la Nature & l'Art à confulter: il a plus que tout cela, il a l'expérience à acquérir; elle feule occupe tous fes mo- ments 5 non-feulement il doit veiller a tout ce qui fe paiTe fous fes yeux, mais encore entretenir une correfpondance fui vie avec les Architectes & les Artiites habiles des Provinces les plus éloignées; l'étendre jus- qu'aux Pays étrangers; comparer les divers uiaees, les différentes matières, la maniere de les employer dans ces différentes con- trées, avec celles dont nous liions chez nous ; enfin s'initruire du phyiîque , du gout & des progrès des Arts, cultivés avec plus ou moins de fuccès chez toutes les Nations policées de l'Univers. |
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ï^cfe*i
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OBSERVATIONS
Sur différentes Parties de L'Architecture.
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OUR donner une idée du parti qu'on,
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peut tirer de la lecture dont nous venons
de démontrer l'utilité, offrons quelques Ob- servations que nous avons eu occafion de faire, foit dans nos Conferences publiques, foit en donnant nos Leçons particulières; foit dans nos méditations fur notre Art, en étudiant Vitruve, Philander, Albertî, Scammozy, Palladio ; foit enfin en lifant pour notre inftxuctjon, ou dans nos moments de loiiir , Horace, Plutarque , Montefquieu, BuiFon, nos meilleurs Dictionnaires, nos Journaux d'élite, nos Brochures choifies, autant de lectures qui, faites dans la vue de s'éclairer, tournent au profit de l'Art. En effet, nous y avons puifé des traits, des pen- fées dont nous nous iommes plu à former un Recœuil aiîez intéreifant. Nous allons en préfenter quelques articles concernant l'Architecture : ils ierviront à développer les objets iur lefquels nous n'avons pu nous étendre dans le corps de cette Dîfferta- tion; & ils pouront donner à nos Elevés l'idée de fe livrer à une femblable étude, d iij
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UV ÜBSEB.VÄTIÖNS
peut-être aufiï utile pour eux que de puïier
dans nos Recœuils, ou de deifîner à ia hâte, au pied de nos édifices, différentes eiquiiîes de la plus grande partie des or- nements qui s'y trouvent répandus. §. I.
Les connoiffances qu'il a fallu aux An-
ciens, pour élever leurs monuments, ont de quoi étonner > cependant, malgré les grands exemples qu'ils nous ont laiffés, il n'en eft pas moins vrai que les change- ments arrivés dans nos ufages, la diffé- rence du climat & la diveriïté de nos matières, femblent nous avoir forcés à créers pour ainiî dire, un nouvel Art pour éle- ver des édifices relatifs à nos befoins: d'ail- leurs, il en faut convenir, nous envifageons le fpectacle de la Nature autrement qu'eux» Tout eil changé, les Mœurs, les Dieux^ la Politique5 ces changements ont du né- eeiTairement en produire dans les édifices que nous élevons 5 c'eft pourquoi il feroit peut-être déraifonnable de vouloir aujour- d'hui élever chez nous des édifices préci- fément dans le goût de l'antique 5 une pareille imitation feroit prefque la cenfure de nos productions. Sans doute, les ou- vrages des Anciens feront toujours des, |
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sur l'Architecture* Ij
ehefs-d'oeuvre, mais ils ne peuvent nous
fervir de modèles: leurs Artiiles peuvent bien nous apprendre à penfer* mais nous ne devons pas penfer comme eux. Tous les Peuples ont un caractère, une maniere de fentir qui leur eil propre : la nôtre un jour ne pourra faire loi, pour les édifices à élever par la poitérité. §. I I.
Il faut tout examiner, même les édifices
médiocres: l'Architecte impartial doit faire fon profit de tout: il eil d'ailleurs certai- nes médiocrités en Architecture qui ne font véritablement telles que pour l'homme fuperfkiel : à travers de pareilles produ- ctions, l'homme de talent découvre quel- quefois des penfées hardies, une exprefllon forte, des licences permifes, des écarts heureux j il n'y a guère que les Bâtiments d'une compofition au-deiious de la médio- crité , qui ne puiiTent être d'aucune utilité à l'Architecte obfervateur. §. m.
Depuis environ 30 années, on a fait en
France des changements ii considérables, dans la décoration intérieure de nos ap- d iv
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Ivj OB S ERVAT10 NS
partements, qu'il femble, en les examinant
avec attention , qu'il y ait au-moins un iîecle de dïftance, lorfqu'on vient à com- parer les décorations exécutées au com- mencement de ce iîecle , avec celles dont on fait ufage de nos jours. Cette li- berté d'opinion a ii fort prévalu & paifé en habitude, qu'on méfeitimeroit peut- être un Architecte, qui n'ajouteroit pas quelques nouveautés fingulieres à toutes celles qui ont précédé, contre Pufage &. la raifon. Nous convenons qu'il n'eft pref* que pas poiîible de fe roidir contre le tor- rent, ni contre la mode que trente années de prefcription femble avoir établie : ce- pendant nous croyons qu'il eil permis de dire en paiTant, que notre inconftance avoît aiîez d'occaiîon de paroître: nous aurions du la renfermer dans les objets de peu de durée, tels que les meubles, les porcelaines, &c. mais il ne faudroit pas aifujétir aux ca- |
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rices de cette inconftance les édifices dont
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exiftence eft deftinée à paifer à la poftérité.
Ce qui doit paroître le plus éton- nant, c'eft que, dans tous les temps, les Ecrivains ont blâmé cet abus: Vitrove & même quantité d'autres Architectes depuis lui, ont écrit contre ce dérèglement de l'imagination, fans pour cela que Pon fe fok corrigé : tant il eft vrai que le goik |
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sur l'Architecture. lvij
dominant des Nations, perce toujours, mal-
gré les préceptes les mieux établis, & les raifonnements les plus convaincants. La fource de cette viciiîitude provient fans doute de ee que quelque génie rare, hafarde ces nouveautés, & qu'en fa coniîdération elles prennent faveur : d'où il s'eniuîc que nombre d'Imitateurs mettent leur induftrîe à les copier fervilement, &: à les perpétuer-, fans fe rendre compte fi ces nouveautés, tout eilïmables qu'elles paroiiTent d'abord , font iufceptibles d'imitation : de-là tant d'ornements frivoles que le vulgaire ap- prouve d'autant mieux^ que l'édifice le trouve plus chargé de Sculpture 5 ce qui néan- moins doit être regardé comme la plus grande de toutes les erreurs. On ne peutdifconvenir qu'il faut un choix
judicieux dans cette forte d'acceiïoires, & que, fi l'on vqut que l'œuil en foit fatisfait, il faut y éviter la prodigalité ; autrement îl ne fait plus où fe fixer , l'Architecture paroît cachée fous ce voile importun $ rien ne frappe le Spe&ateur, parce qu'alors rien ne l'émeut allez pour ientir une véritable fatisfaction : au-lïeu que le vrai Comioif- feur ne peut refufer fon eilime &; ion ad- miration à un édifice où il voit régner la nobleiTe & la {implicite; où les repos, qu'on a affe&és dans la décoration ? fervent à |
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Mij O BS ERVATI ON S
relever l'éclat d'une certaine richeiTe ré-
pandue avec autant de choix que de pru- dence. §. I V.
II y a pluiïeurs années qu'il fembloît
que notre fiecle étoit celui des Rocail- les 5 aujourd'hui fans trop favoîr pour- quoi, il en eil autrement. Alors le goût Grec & Romain nous paroiûoit froid, mo- notone: à préfent, nous afFe&ons la charge de la plupart des favantes productions de ces Peuples > &, fans trop y réfléchir, nous prétendons que les autres Nations s'aiTu- jétiiTent à faire ufage de notre maniere de décorer, (bit que nous imitions, dans nos appartements, la bifarrerie des ornements de Pékin, foit que nous ramenions, dans l'ordonnance extérieure de nos édifices, le gout pefant des premières inventions de Memphis. Long-temps le genre des Cuvi- liers Ôc des la Joue a été préféré aux pro- ductions des Manfard &: des Perrault > les tableaux des Vateau ont été fubiKtués aux chefs-d'œuvre des le Brun. Il ne nous reile plus qu'à introduire le gout gothique dans notre Architecture, èc peut-être n'en fom- mes-nous pas éloignés > tous les Propriétai- res en effet prétendent être Architectes, au point que celui qui a la paillon de bâtir, aime- |
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sur l'Architecture, llx
roit mieux y renoncer, que de s'afFujétir a
fuivre les confeils d'un homme éclairé qui le contraindroit dans fes goûts, & Tempe- cheroit de s'annoncer pour ce qu'il croie être* §. v.
Que, dans une maifon fubalterne, l'éco*»
nomie dans la conftrucHon, force l'Archi- tecte à quelques négligences dans les de- hors, il n'y a peut-être pas un grand incon- vénient : que, dans un Bâtiment particulier, la commodité foit préférée à la régularité des façades, on y porte aiTez peu d'atten- tion. Mais, lorfqu'il s'agit de quelque édifice public, des Palais de nos Rois, des Mo- numents facrés, de ceux élevés à la gloire des Héros & des grands Capitaines, l'or- donnance de leur décoration doit être- exempte de toute efpèce d'irrégularité j aucune exeufe ne peut paraître légitime: alors l'expreiîion, les proportions, les for- mes, tout doit porter le caractère fublime. Le prix de la matière, l'application des ornements font des beautés înfufrîfantes, èc ne peuvent détruire, aux yeux des hom-* mes intelligents , les inadvertences qu'ils y remarquent. Nous l'avons dit plus d'une fois, on fait rarement grâce à TArchite&e, <m faveur de la Sculpture, |
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lx O SSÊRVATÎ ONS
Le jugement qu'on porte du grand avant-
corps de la Cour du vieux Louvre & de la plus grande partie des façades du Palais des Tui- leries, eil:, qu'ils ne préfentent guère que des beautés détachées qui n'en font pas plus ad- mirer l'enfemble. Au contraire, la Porte de Saint-Denis, le Périilyle du Louvre font des chefs-d'œuvre, & dans leurs maiTes, ôc dans leurs parties > cependant la plupart âcs Architectes de nos jours femblent prendre une route oppofée aux procédés qu'ont fuivis les grands Maîtres, qui ont élevé les édifices que nous citons 3 mais ils ne s'aper- çoivent pas qu'en s'éloignant des véritables règles de l'Art, ils contribuent à égarer le plus grand nombre de ceux qui marchent fur leurs traces : en forte que' ceux-ci , n'ayant ni leur expérience, ni leur génie, ie contentent de les imiter : ils fubitituent alors des erreurs à d'autres erreurs, des licen- ces cà d'autres licences ·■, ils préfèrent le faux goût au véritable goût de l'Art : ils croient enfin créer du neuf, parce que, dans leur composition, ils ofent aiïortir eniëmble le genre ancien avec le genre antique, le go- thique avec le moderne, & le pelant avec le délicat, înconféquences qui font éclore tant de productions monftrueufes, eiîen- ciellement nuiiîbles aux progrès des Elè- ves, dont la plupart, ignorant encore l'Arc |
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sur l'Architecture. Ixj
de'-démêler l'excellent d'avec le médio-
cre, nous donnent lieu de craindre que, dans la fuite, le mauvais genre ne prévale fur les chefs-d'œuvre, élevés par les plus habiles Architectes. Que nos Elevés faiîènt donc de nouveaux efforts pour hs atteindre, ioit en fe pénétrant de leurs principes, foit en cherchant à fuivre les lois qu'ils nous ont enfeignées fur l'unité, l'efprit de conve- nance &c les règles des belles proportions. '$. V T.
s*
Les Beaux-Arts ont une deftinée à peu-
près commune, qui les fait marcher d'un pas égal, fuivant le génie dts iiecles qui les cultivent. Autrefois les monuments de- ftinés à confacrer l'éclat d'un beau règne, faifoient céder l'intérêt à la gloire de la Nation : aujourd'hui l'économie, qui en- gage de ménager avec art le terrein où. doit s'éiever un Bâtiment particulier, eil la même lorfqu'il s'agit d'ériger un édifice public 3 &, quoique PArcliite&ure & la Sculpture s'uniifent pour offrir à la poflé- rité un édifice qui honore le Prince & la Patrie, la crainte ou la difficulté d'acqué- rir un local allez ipacieux, occaiïonne pref- que toujours un vice dans fa difpoiîtîon δ£ dans fa iltuation ; vice qui eil fouvent caufe |
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ixij Observations
cjue l'Etranger quitte la Capitale fans fé
douter qu'elle contient un ouvrage digne tout à la rois, & dé fes recherches, & de Ton admiration. D'autres, d'une ilruéture trop gigantefque, femblent laiifer à nos Neveux Je ibin de leur procurer un point de vue convenable. Dans les Bâtiments d'habita- tion d'une certaine importance, la plupart: des Propriétaires portent tous leurs ioîns fc leurs libéralités pour la décoration d'un entre-foi, d'un cabinet en niche, & com- ptent pour rien la dignité qui doit pré/ï- der dans l'intérieur des appartements où ils font en repréfentation : ou bien ils les laif- fent décorer dans le même genre que ces petites pièces, qui feules devroient conte- nir les arabeiques, les bambochades, ou les iomptueux colifichets qu'un luxe ingé- nieux , mais tout-à-fait déraifonnable, a fubilitués au vrai genre & à une élégance inccreiLmte. Les commodités, les dégagements,les eica-
liersdérobés parotifent chez la plupart, les feuls points véritablement im portants; cepen- dant quelle différence ne doit-on pas appor- ter, entre le genre delà décoration qui doit préiioer dans les appartements de parade, &c celle deuinée pour les appartements privés ? dans celle -là., il faut de la grandeur & de la dignité ; dans celle-ci ? on peut uier |
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!„;
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sur l'Architecture. Ixiîj
fans doute de moins de févérité: mais, 11
nous en exceptons les grands Seigneurs, combien préfèrent un Kiosk, un Pavillon, aiile de la volupté, ou feulement une falle à manger, une glacière, des jardins pota- gers , des ferres-chaudes, à un édifice régu- lier, où l'Architecture étale £qs beautés, & l'Architecte fes reiTources. i vil
Le projet d'un Bâtiment devient fou-
vent difficile à réibudre : le Propriétaire &c l'Architecte étant également gênés l'un par l'autrej celui-ci, par la néceffité de fuivre les préceptes de ion Art, celui-là, par les raifons qu'il a de fixer fes dépenfes: néan^· moins il faut convenir qu'une économie mal entendue chez l'un, &. trop de févérité chez l'autre, offrent fouvent des difficultés qui éloi- gnent long-temps la conilruction d'un Bâti- ment, même d'une médiocre importance, §. VIII.
Après avoir conçu le projet général d'un
Bâtiment, il faut que l'Architecte étudie fé- parément chacune de fes parties principales, comme s'il ne s'aghfoit que de celles-ci à exécuter 5 enfuite U doit penfer aux details |
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îxiy Öbserfations
avec le même foin. Souvent ce font ces
derniers objets qui font valoir hs autres beautés, & qui s'attirent le fuffrage qu'on accorde à la perfection de l'édifice entier, 6c au talent de l'Architecte. · §. I X.
Les connoiiTances néceiTaires à un Archi-
tecte ont plus d'étendue qu'on ne s'ima- gine ordinairement: il ne fuffit pas d'avoir été Deffinateur, pendant quelques années, pour en mériter le titre. Bien loin que cette théorie l'éclairé fuffifamment &c lui tienne lieu de la quantité des connoiiTances qui lui font eiTencielles, elle le concentre au cabinet, & le prive de l'expérience qui ne peut s'acquérir que par des travaux pé- nibles, feuls capables néanmoins de con- duire à la pratique, iî indifpeiifible pour former un homme d'une grande cajpacité. Au refte cet acquis, auilî difficile qu'im- portant, ne doit pas lui faire rifquer de mettre la main à l'œuvre, avant d'avoir,, pendant plusieurs années, fréquenté les Atteliers. & viiîté les édifices, pour fe rendre compte des motifs qui les ont faic élever, de leur genre particulier, des temps où ils ont été bâtis, éc du nom des Archi-: gectes qui ks ont érigés. C'eft fans doute en
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SUR t'ÀRCHÏTEtfXJRÈ, ΙχΫ
en f éfîéchiifant fur les défauts qu'il aura remar-
qués dansles uns,&furles vraies beautés qu'il aura aperçues dans ceux qui font les plus ^p* prouvés, qu'il parviendra enfin a juger faine- ment 6c des uns & des autres. Cette ob- fervation, trop négligée parmi nous depuis long-temps, doit nous faire craindre dans la fuite pour ks progrès de l'Art, il l'on n'exige pas plus de difpofitio ns & d'aptitude de la part de ceux qui fe vouent à l'Arclute&ure 1 '
Horace l'a dit avant nous,le principe
Fondamental de tous les Arts èft l'unité t tout ouvrage d'Eloquence, de Poéfie > de Peinture, de Mufique^ d'Archite&ure, quoi- que compofé, doit être fimple, être uni par exemple, dans l'Architecture, toutes les parties d'un édifice doivent concourir à former une belle compofîtion dans fe$ maiïes, &une heureufe difpoiîtion dans fes parties» §. XL
Les hommes fans expérience fontufage de
tout ce qu'ils favent dans leurs compoiîtionsj ne prévoyant pas qu'il eil des parties dans TArchitedure qui, quoiqu'approuvées & fufceptibles des règles de l'Art, ne doivent être vues que de profil ? & fervir feulement: Tom& IlL Q |
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îxvj Observations
d'acceiToîre à l'ordonnance : auiH , lorf-
qu'on a la mal-adreiTe de les faire voir dç. front, Si d'en former la partie capitale de*fa décoration, elles perdent beaucoup de leur prix. Il en eft à peu-près de même de
prefque tous ceux qui juiqu'à préfent ie font mêlés de nous donner la defcriptioa de nos édifices: il nous préfentent en face ce qu'ils ont cru remarquer de plus admi- rable , êc de profil, les médiocrités qu'Us y ont obfervées, fans fonger 'que ce font ces dernières qui peuvent fervir d'autorité à ceux qui, fans en être avertis, ne manque- raient pas de les imiter de préférence aux beautés de l'Art qu'ils ignorent encore. Nous ne devons donc pas nous faire un fcrupule de relever les défauts qu'on remarque dans plus d'un de nos édifices > nous ne croyons pas mêmevque les Architectes qui les ont produits puiifent s'en ofFenfer, puifqu'on ne cite guère ceux qui n'ont aucune célébrité. §. XII.
Il faut connoître les préceptes de fori
Art, pour favoir éviter la confuiion dans l'ordonnance de fa décoration. Il eft en- core eflenciel que la réflexion modere l'ar- deur d'une imagination trop enflammée y |
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SÜk L'ARCHÏTUCTÜRÈ* lxvîj
mais cependant il en faut conferver afTez
pour ôter au précepte toute apparence de contrainte j car on peut dire qu'un trop grandi attachement à (ts lois, empêche fouvent 1*Ar- chitecte de rien montrer de libre dans fa com« poiîtion* §, XIII.
Qu'on y réfléchiife, il y à toujours des
différences à obfervef entre pluiîeurs Bâ- timents élevés pour la même fin, Se qui pour cela doivent porter le même cara- dere : la dîveriîté du local, la qualité des madères L· ^intelligence de TArchiteéte ^ fuffiiènt pour y porter les nuances donc nous voulons parler : alors, il elles échapent à l'Examinateur, c'eil qu'il manque de péné^ tration, pour y découvrir les beautés fouvene cachées dans les détails, &; qui fe trouvenÊ confondues avec art dans Penièmble. §. X I V.
Oeil fouvent un trait d'ignorance d'i-
miter la négligence de ceux qui com- ptent l'inexactitude & l'irrégularité pour peu de choie, comme s'il pouvoit y avoir de la comparaifoiij entre faire de bonne Archite&ure, & pécher contre la propor- tion dans l'ordonnance des façades, 6c quô ê ij
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Ixviij Observations
celle-ci ne fût pas la même que de man*
quer à la folidité dans la partie de la con- ftruction. Nous n'héfitons pas de dire que ce fyftême ne peut venir que d'un génie- pareiïeux ou impuiiTant : il n'en faut pas douter, loriqu'ii s'agît d'un édifice facré, des monuments de magnificence, toute idée de dérèglement &; de licence doit être profcrite : cette attention doit même s'é- tendre jufques fur les Bâtiments les plus iimples. En un mot, toutes les prodiiétlöns d'un Architecte, qu'elles foient, ou qu'elles ne foient pas conçues pour être exécutées, doi- vent être foumifes aux mêmes règles : ce n'eft point une excufe à alléguer, dans la pra- tique des Arts} d'annoncer qu'on s'occupe dans fon cabinet, dans fon atteiier, pour fon plaiiïr: on doit produire pour celui des autres. Or ce plaifîr eft imparfait, lorfque le ConnohTeur s'aperçoit qu'il manque quel- que chofe d'eifenciel dans l'ordonnance d'un Tableau, dans la difpofition d'un Bas-relief, · dans la convenance du projet d'un Bâti- ment, dans fa diftribution, dans fes iiïues, dans fes dépendances ; en vain diroit-on que les unes ni les autres productions n'ont au- cun objet déterminé. §. X V.
Nous l'avouons à regret, l'Architecture
femble dégénérer, me me par l'abus des rè- |
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Sur l'Architecture. Ixîx
gles : la plupart des Architecte $*εη font
a leur gré. Lorfqu'on écoute fëparément plufieurs d'entr'eux , on feroit tenté de croire qu'ils ont appris leur Art, les uns en Afie> les autres en Amérique > fouvent ils ne font pas d'accord avec eux-mêmes; îl n'y a pas jufqu'aux Elevés, qui ne fe faifent un fyitême d'indépendanceyla plupart étudient chez des Peintres, qui ne fa vent l'Architecture que par acceiîoire, comme l'Architecte doit favoir la Peinture pour être meilleur Architecte* LaSculpture 8c la Peinture ne font pas plus
exemptes, de l'indépendance dont nous par- lons 3 car on peut obferver, à l'égard de la pre- miere, que les modèles que les Coifevox, les Vancîeve, les Couitou, nous ont laiiTës d'a- près les chefs-d'œuvre de la Grèce & de l'Italie, font négligés par la plupart de nos Sculpteurs : s'éloignant infeniiblement au. choix de la belle Nature, ils s'attachent au contrafte des formes. Pour faire des draperies légères, ils en outrent Pexpref- fioiij leurs ftatues font fans grâce dans les attitudes 5 les fujets facrés fe trouvent trai- tés dans le genre prophane , δί fouvent 011 e(t obligé d'avoir recours aux Infcriptions pour en deviner les allégories. ïl en eft à peu-près de même de la Peinture : on di- roit que le Portrait a la préférence fur l'ffi- |
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Jxx Observations
ifcoirej les Tableaux de genre, le Paftel,
la Miniature, l'emportent fur ce que les meilleurs Peintres du dernier iîecle nous ontlaiffé pour exemple. Et, fi l'on compte çncore quelques Peintres d'Hiftoire, la plu- part de leurs Tableaux manquent de l'ef- fet qu'exigent de telles entreprifes: n'ayant prefque plus les occafions qui nanToient fous les pas des le Brun, ils ne fe trou- vent occupés que par quelques Tableaux de Chevalet, qui n'ont pour objet que la repréièntatîon de nos mœurs & la diveriité de nos modes, Les jeunes Peintres même font réduits à des deiïus de porte, & négli- gent des études plus férieufes: mais ils s'y trouvent, pour ainiidire, forcés par le goût décidé qu'ont les gens riciies pour ces efpèces de couronnements j on ne fauroiç faire comprendre aux Propriétaires, qu'un attique de Menuiferie, orné de Sculpture, dans la décoration d'un appartement, feroît beaucoup plus convenable, que ces Tableaux coloriés qui fouvent n'ont aucun rapport, ni avec l'ordonnance qui préiide dans, la pièce, ni avec le ton des lambris, ou Iç choix 4es étoffes qui les revêtent. La théorie qui a pour bafe les préceptes
ie: l'Art, Ja praticjue <jui en eft Papplica** |
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sur l'Architecture. lxxj
tîon, font deux parties néceffaires, mais infuffifantes pour faire un bon Architede. Pour arriver à la perfedion, il faut effen* ciellement y joindre l'expérience, &: le goût propre à chaque genre de produ- ction : c'eft le gout, c'eft l'expérience qui fournit aux Architectes le moyen de varier leurs comportions, & qui leur apprend a démêler le choix des exemples qu'ils doivent imiter. Ceft l'application plus ou moins judicieufe de ces deux objets qui procure à l'Architecture cette prééminence qu'elle a fur tous les autres Arts libéraux. Ceft le goût qui établit, qui détermine le ityle propre à chaque genre de Bâtiment, & qui, guidé par le rationnement de 1*Ar- chitecte , lui fait varier fts façades à Pin- fini i au-lieu qu'exécutées par des Artiftes fubalternes & fans goût, elles ferohnt toutes monotones. Ce goût dont nous voulons parler %
ne s'acquiert véritablement qu'en s'ap- pliquant à connoître de bonne heure, celui qui domine dans les différentes Nations policées, où 1* Architecture tient un rang diftingué : il faut non-feule- ment comparer la grandeur des maffes de« Egyptiens, les détails précieux des Grecs, la belle difpofition des ouvrages des Ro- mains, la ftrudure ingénieufe des Arabes» |
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Ixxij Observations,
mals encore le ftyle particulier qui les ca-*
ra&érife j enfin les ouvrages des Archite&es François, particulièrement ceux du dernier iîecle., où l'on remarque la fineffe du fen~ timent dans les choies de goût, l'expref- iîon dans les détails, & l'élégance dans les formes. En un mot, il faut examiner avec attention ce qu'ils contiennent en parti- culier d'excellent, de médiocre, ou de dé- fectueux. Oeil cette maniere d'examiner qui fait parvenir au gotk de l'Art, & qui porte infenfiblement le jeune Artifte à imi- ter ceux-là, à perfectionner ceux-ci, &; à éviter les derniers pour arriver au terme de la véritable perfection, V §. XV I L
Il eft des licences qui décèlent le fàvok
des Architectes, on en trouve des exem- ples chez les Grecs: Ü eil même des fautes heureufes auxquelles on ne peut arriver que par un certain degré de fupérioritéj mais au-moins eft-il eifenciel qu'elles offrent toutes des témoignages de hardieife dans l'entreprife, & une certaine fierté dans l*ex- preiîion, &. non des marques de la foibleiîe ou de l'ignorance de 1* Artifte 5 autrement ? ces licences fe changent en difformité. Il eft des occaiîons, par exemple, où, fans, |
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sur l'Architecture. lxxiij
les licences qu'on remarque dans l'édifice,
la totalité eût été moins parfaite j celles mifes en œuvre par Hardouin Manfard, ont plus d'une fois fervi à faire valoir iès compositions. Combien n'en auroit-on pas remarqué d'avantage, s'il n'avoit pas pris foin d'en éviter un plus grand nombre, par l'idée qu'il avoit de la perfection & du choix de celles qu'il pouvoir fe per- mettre ou fe défendre abfolument ! Il s'en faut reifouvenir néanmoins j il n'appartient qu'aux grands Maîtres de faire entrer les licences dans leurs ouvrages; les hommes ordinaires doivent s'en tenir aux préceptes* c'eil au feul génie à fe frayer des routes nouvelles j encore faut-il iàvoîr ne pas imiter les licences indiilinclement, & atten- dre, pour en faire ufage, qu'elles devien- nent néceiTaires , qu'elles ajoutent aux beautés de l'édifice, èc qu'elles partent de notre propre fond, rien n'étant plus dan- gereux pour les progrès,de l'Art, que les Copîftes en ce genre: fouvent ceux-ci choî- iuTent mal, & appliquent plus mal encore. Combien les Boromini en Italie , les MeuTonniers en France n'ont-ils pas pro- duit de mauvais Imitateurs ? Cependant on ne peut refufer quelque approbation à ces Hommes de génie j mais il auroit fallu qu'ils reftaifent originaux: ce font leurs Copiftes |
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Ixxiv Observations
qui nous ont appris à avoir une moins
bonne opinion de leurs ouvrages. {. XVIII.
L*Architecl:e, Juge-né de tous les Arts
libéraux, ne peut ignorer tout ce que peut produire l'excellence de la Sculpture : ü cil le premier appréciateur du mérite des hommes à talents de ce genre* or com- ment pourra-t-il eftimer leurs chefs-d'œu- vre , s'il ne connoît qu'imparfaitement les ouvrages fublimes d'avec les ouvrages mé- diocres , foit dans la figure, foit dans les ornements. Ce n'eft pas aiTez. que l'Ardu- te&e leur indique les rapports qu'ils doi- vent avoir avec l'ArchltecÎure , qu'il leur déiîgne les fymboles & lts allégories con- venables à l'édifice, enfin le choix des ma- tières î il faut qu'il fâché décider les places où la Sculpture doit être employée, ion utilité ou fon inutilité dans l'ordon- nance 3 il doit enfuite connoître la beauté du faire, de la touche & du tad de l'Art, afin de pouvoir, d'une part, prévoir la dé- penfe, & de l'autre, apprécier la récom- penfe due à l'Artifte. Ce que nous difons ici de la Sculpture peut fe rapporter à la Peinture \ c'eft pour cela que nous avons «ieiïré plus d'une fois que l'Architecte vive |
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sur l'Architecture. Ixxv
en familiarité avec les Artiiles célèbres de
ces deux clalTes, & que, par ies connoif fances acquifes, il puiiTe les éclairer fur les relations que ces deux Arts ont avec l'Architeclure, & qu'à fon tour il s'éclaire lui-même, par les lumières qu'ils peuvent lui procurer. §. XIX.
Pour juger du gout, il faut bien exami-
ner les hommes, les temps & les circon- ftances. Qui croiroit, par exemple, que Γ Architecture gothique a eu des Admira- teurs , & que le Portail de Reims a peut- être produit plus de gloire à fon Auteur, que le Périftyle du Louvre n'en a procuré à Perrault, à qui plufieurs conteftént en- core l'invention de ce fuperbe édifice. Ce n'eit pas que nous prétendions blâmer tous les ouvrages gothiques j c'eft de leur déco- ration feule que nous entendons parler : nous rendons juftice à leur ingénieufe ftru- dure, à certaines parties de leur difpoiï- tion, & à leur forme prefque toujours py- ramidale, que la plupart du temps nous faififlons mal, 8c qui ne nous fait produire que de mauvaifes imitations en ce genre. D'ailleurs, il nous paroîtroit peut-être ridi- cule de ramener le regne de Qovis fous |
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Ixxvj Observations
celui de Louis XV, principalement da«£
nos Bâtiments d'habitation 5 mais peut-être feroic-il bien de fe rapprocher de leur genre, loriqu'il s'agit de la conftrucHon de nos Temples. §. X X.. ,. ·
Dans I*Architecture, favoir démêler îe
flyle des hommes célèbres d'avec celui des hommes fubalternesj c'eft la premiere con- noiffance qu'il importe d'acquérir après l'étude des éléments de l'Art: c'eft par elle que l'Amateur juge, équitah lern ent, & ap- prend à apprécier la perfection ou l'imper- fe&ion des productions de l'Architecte. L'Architecture, comme la Sculpture &- la Peinture, ont leurs différentes manières de fe concevoir 5 pour fe connoître en il y le 3 il faut donc fçavoir que, dès,qu'une fois on.eil parvenu à diftînguer la route que les Artiftes de la premiere claiTe ont iui- yie, comparée avec la routine que tiennent les Artiftes de la féconde, on fait bien- tôt faire choix du ftyle convenable à fou entreprife, & préférer tel genre à tel au- tre genre 5 periuadé qu'on eft, que les Bâ- timents de même efpèce, peuvent recevoir des nuances qui varient les productions de l'Architecte, & qu'à plus forte raifon ces nuances doivent marquer d'avantage dans |
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sur l'Architecture. Ixxvij
les édifices élevés pour des fins différentes.
§. X X I.
Pourquoi voyons-nous tant de jeunes
gens embraiTer l'Architecture ? c'eil que les occafions des grands édifices, confies aux hommes fupérîeurs, deviennent aiTez rares aujourd'hui, & que , pour produire des Bâtiments fubalternes, il ne faut que fuivre une certaine routine , δί lauTer couler de fon crayon tout ce qui s'offre à l'efprit. La plupart oqs jeunes gens fe croient difpenfés des études épineufes, des recher- ches ingrates, des réflexions laborieufes ; en un m'ot, ils fe perfuadent pouvoir fe paffer de lire, même les Auteurs qui ont écrit le plus pertinemment fur notre Art. Ils fe contentent de retenir quelques prin- cipes élémentaires, fans ordre &. fans liai- fon : ils les appliquent à la hâte dans l'or- donnance d'une façade j ils l'accablent en- fuite d'ornements frivoles, qui s'attirent fans doute, l'attention du.vulgaire, mais le plus fouvent le jufte mépris des hommes initruits. Les ornements ne pouvant jamais conilituer les beautés de l'Architecture,. qu'où s'en reifouvienne, ils font feulement deilinés pour l'embellir &; la faire valoir. §. XXI l ■
Avant de débuter, on doit s'être occu-
pé long-temps des préceptes de fon Art: |
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Ixxviij Observations
avant de compofer, il faut avoir écouté
de bons confciîs, acquis des connoillances iblides, préciiès, vraies, & avoir beaucoup vu. Il faut avoir un fond d'excellentes choies dans l'idée, qui puifÎè porter à faire un choix judicieux des ouvrages qu'on a lus, des Bâtiments qu'on a mefurés, de ceux dont on a examiné les rapports, con- iidéré les maiTes : on doit être perfuadé .que hs petits détails qu'on a remarqués dans quelques-uns, ne produifent jamais de vraies beautés j il faut fe rappeler, que les ornements trop multipliés font une im- perfection, une intempérance qui éloigne du grand gotit de la belle iîmplîcité, que préfèrent toujours les hommes célèbres. Au refle, il ne faut pas toujours iè refufer aux beautés d'agrément, mais il les faut placer avec convenance : appliquées judicieufe- ment, elles produifent un bon effet, de font ibuvent préférables dans Iqs dedans à ces formes peiàntes & aufteres, qu'on affecte aujourd'hui jufques dans les bou- doirs de nos Laïs, pendant que, par une fatalité qu'on ne peut concevoir, on étale Ja futilité des ornements, juiques dans les appartements de nos Prélats, de nos Mi- ïiiilres δί de nos Magîitrats. " §. XXIII.
L'ocçaiîon de décorer l'intérieur de nos |
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sur l'Architecture. Ixxîx
Bâtiments, fournit fouvent à l'Archite&e
des reiTources qui lui font imaginer des formes, propres à déiigner plus parfaite- ment le caractère qu'il convient de don- ner a chaque pièce d'un appartement, & à chacun des principaux objets qui les com· pofent : c'eil ici que l'Art feul eil infuiK- lantj il faut être infpiré par le génie, & guidé par le bon goût. On peut dire que Hardouin étoit doué de ces deux qualités eiTencielles *, on les remarque dans les ou- vrages même qu'il a imités dts Anciens & des Modernes fes PrédéceiTeurs 5 l'on peut même dire qu'il eil fouvent fupérieur â Cq$ modèles. Il favoit leur donner une nou- velle viej alors l'imitation dîfparoiiTok, 6ç îl devenok original. Il eil vrai que, dans les dehors, il a fouvent négligé la beauté des détails 5 mais c'étok toujours pour s'at- tacher aux maiies, à Fenfemble général : il portoit toute fon attention au caractère de l'édifice qu'il traitoit, &: laûfok le fois aux parties de fe ranger elles-mêmes à leutf place j fouvent cela lui réufliifoit, parce qu'il étoit un grand Homme. §. X X I V.
Nous finirons ces Obfervatîons par dire
qu'on a beaucoup écrit fur l'Archke&urej Il femble même que depuis Vitruve, à l'eat- |
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ίχχχ Observations, &c.
ception de la diitributÎon, on ait dît tout CQ
qui pouvoit être dit d'eiTenciel, concernanc les principes de notre Art: de-là il faut s'at- tendre qu'on trouvera, dans nos remarqués, une infinité de réflexions répandues ailleurs; mais, loin de craindre quelque reproche à cet égard, nous nous flattons qu'on nous faura gré d'avoir puifé dans les meilleures fources tout ce qui peut contribuer à former nos Elè- ves au rationnement de l'Architecture : raî- fonnement auffi eflènciel à favoir pour eux, que les règles de l'Art, mais qu'on a peut- être trop négligé de leur faire féntir dans les livres qui traitent de l'ordonnance des Bâti- ments. Peut-être auiîî trouvera-t-ort que nous
avons répandu un peu trop de critique dans cesObfervationsj mais nous ne craignons ce reproche que de la part de ceux qui, coiinoif· fant leur foibleiTe ? auroient intérêt de pren- dre ce que nous dîions, pour des critiques par- ticulieres.Néanmoins nousatteftons que nous n'avons eu deffein de bleiïèr l'amour-propre d'aucun Artifte : & nous nous flattons qu'on fera fatîsfait au contraire des occafions que nous avons fouvent failles de faire l'éloge des hommes èc des ouvrages célèbres. [ Ordre
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Ixxxj
O m. & R m D es Leçons
Qui continuent de je donner fur l'Architecture
& fur les Sciences qui y font relatives y par Jacques-François BlqndEL, Archi- tecte, & par les Profeffeurs qui le fécondent dans fon Ecole des Arts 9 à Paris. Si, dans nos Difcours précédents , il
nous a paru néceiTaire d'indiquer aux per- Îonnes qui fe vouent à l'étude de l'Archi- tecture, les connoiiTances des Sciences êc des Arts (a) qu'il leur eft important d'ac- quérir , pour devenir un jour des Archi- tectes célèbres 5 peut-être eiMl également intéreiïant que nous rappelions non-fèule- ment à nos Concitoyens, mais à nos Pro- vinces, & même aux Cours étrangères, qu* défirent envoyer en France les jeunes hom- mes qui fe deilinent à cet Art, que tou- jours plein de la même ardeur qui nous; |
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(a) Voyez les Difcóurs prononcés publiquement
par l'Auteur, en Juin 1747, & en Avril 17Γ4, imprimés chez Jombert, père, Libraire, rue Dau- phine, à l'Image Notre-Dame! & à la ίιη defquels font annoncés la plus grande partie des Leçons dont il eft ici queftion, & le Nom des Profeffeurs qui, depuis ee temps, fécondent l'Auteur dans fes travaux. Tome III. ƒ
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ν
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îxxxij Ordre des Leçons.
a animé jufqifà préfent, nous continuons
de porter un œuil attentif à tout ce qui peut contribuer à l'avancement de ceux qui s'attachent à fuivre nos Leçons. Moins jaloux que fatisfaits du nombre
des Ecoles qui fe font formées dans Paris, fous nos yeux & à notre exemple, nous applaudiiîons aux efforts des Artiftes qui, comme nous, confacrent leurs veilles à PinfbucUon de leurs femblables -·, mais nous penfons qu'une longue fuite d'expériences dans le ProfeiToriat, réunie à l'aifociation de pluiîeurs Profeifeurs qui, dans chaque genre, cherchent à porter le flambeau des Arts dans Pefprit des Elevés, ne peut que contribuer à faire applaudir notre perfé- vérance à cet égard. Nous délirons donc faire connoître que
non-feulement nous n'avons pas ceifé de nous occuper de ce foin, mais que nous rempliifons tous les jours cette tâche la- borieufe, de maniere à efpérerque cet éta- blûTement utile, accœuilîi depuis près de trente années (£■), & auquel nous portons |
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( h) L'Auteur a commencé fes Cours publics en 1745,'
après en avoir obtenu, le 6 Mai de la même année, l'agré- ment de Γ Académie Royale d'Architecture, dont il n'é- toit pas encore Membre alors, n'ayant été nommé Archi- tecte du Roi qu'en Novembre 175$ 3 & Profefleur Royal au Louvre en Octobre 1762» |
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Ordre des Leçons, Ixxxii
un amour de Père par le bien qu'il a déjà produit, &: qu'il peut produire encore3 continuera, même après nous, à porter de nouvelles lumières dans l'Architecture,& les différentes branches qui la compofent. Dans cette vue, nous venons de faire choix
d'un Adjoint qui, nourri des mêmes princi- pes, animé du même zèle ; & deftiné à nous îiiccéder un jour, parviendra à faire fleurir cet Art, en faifant palier fuccelîivement les Elevés qui lui feront confiés, des éléments à la théorie, & de celle-ci à la pratique: il trouvera d'ailleurs des fecours dans nos ma·^ nufcrits &c dans une collection aiTez considé- rable de Deiîîns & de Modèles que nous avons raiTemblés depuis long-temps, fecours qui, accompagnés de fes lumières, ne pour- ront que faire marcher dans la fuite les jeunes Artiites vers le chemin de la gloire. Nos veilles multipliées,les talents décidés
de notre Adjoint, &. cette aiïbciatÎon d'Ar- tiftes réunis, nous ont paru d'autant plus néceiTaires à perpétuer dans une des Ecoles de cette Capitale,,que nous nous fommes aperçus nous-mêmes, que toutes les fois que nous avons laiiTé à nos Elevés le foin de fe choiiir en particulier des Maîtres habiles, pour acquérir à part les connoiiîances des Mathématiques, du Deiîîn, de la Perfpe- clive ou de la coupe des pierres , nous fit
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IxxXïV ORDRE DES LecOÏÏS.
n'avons pas tardé à nous convaincre que,
malgré la môme attention de notre part, Se la même aptitude de la leur, pour l'é- tude de l'Architecture, ils y parvenoient avec plus de lenteur £c de difficulté. Cette expérience nous a donc confirmé que, quel· qu'initruclives que puiiTent être des Leçons priies féparément, dans des temps diffé- rents , & dépouillées de la liaifon qui leur eit néceifaire, les progrès font beaucoup moins rapides 5 fans compter que les diitra-^ étions qu'occaiionnent aux Elevés le tranf- port d'un lieu à un autre, leur ote^ pour ainfï dire, la faculté de mettre un certain enfemble dans les différentes çonnohTances inféparables de l'étude de PArchkeéture. Convaincus de cette vérité, nous periîf- tons à croire qu'il convient que nous con- tinuions de raiïembler dans un même lieu, tous hs genres de talents utiles à cet Art. En conféquence, nous redoublons nos ef- forts, & nous defirons qu'Us puiiTent fatif· faire à ce que le Public a droit d'attendre de nous ; à cet effet, nous allons ren-* dre compte des différentes Leçons qui fè donnent dans notre Ecole, fbit pour ce qui concerne Γ Architecture , foit pour ce qui regarde les Mathématiques, le De£ Îîn, la Coupe des pierres, &c. &c. |
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Ordre des Leçons. Ixxxv
Architecture. Tous les jours, depuis huit heures du
matin jufqu'à deux heures après midi, nous donnons nos Leçons fur l'Archite- dure, qui comprennent la diftribution, la décoration & la conftru&ion des Bâtiments, ainiî que l'art du Jardinage relativement à PembelliiTement des jardins de propreté, &c. Tous les lundi &i mercredi, depuis onze
heures du matin juiqu'à mie heure après midi, nous raffemblons nos Elevés, félon le degré de leurs connoiiTances, pour réca- pituler les Leçons précédentes, les démon- trer de nouveau, d'après le Cours d'Archi- tedure que nous venons de mettre au jour (c), & attaquer les difFérents détails relatifs à chaque genre d'édifice. Deux fois la femaine, depuis trois heures
après midi jufqu'à neuf, pendant les mois d'A- vril & de Mai, nous les conduifons dans les édifices de cette Capitale, pour y examiner fur les lieux, foit l'ordonnance extérieure 6c intérieure de nos édifices facrés, foit la dis- tribution 6c la décoration des dedans 6c des dehors de nos Bâtiments d'habitation. |
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( c ) Ce Cours d'A rchitcdure contient fix volumes <îe Difcours,
& trois volumes de Planches. Il comprend les Leçons que nous avons données publiquement dans notre Ecole des Arts depuis 1744. Les trois premiers volumes font au jour, à Paris 5 chez ia Veuve Defaint, Libraire, rue du Foin-Saint-Jacques, Nous nous occupons a&uelkmcnt à raffcmbler le plus grand
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lxxxvj Ordre des Leçons.
Mathématiques & Coupe des pierres. Tous les lundi, mercredi & vendredi,
depuis trois heures jufqu'à cinq, on don- nera des Leçons de Calcul numérique &: algébrique 5 &:, depuis cinq heures jufqu'à neuf, des Leçons fur la Coupe des pierres d'une maniere relative à la théorie &: à la pratique de cet Art. Tous les mardi, jeudi .& famedi, de-
puis trois heures jufqu'à iix, on donnera des Leçons fur la Géométrie, les Sedions co- niques, la Mécanique de l'Hydraulique, fui- vant les Auteurs les plus approuvés. Les mêmes jours, depuis fix heures jufqu'à neu£ on continuera Iqs Leçons fur la Coupe des pierres. Dans la belle faifon, on conduit le ma-
tin Iqs Elevés fur le terrein, pour y faire différentes opérations de Trigonométrie} leur apprendre à lever des plans, à faire des nivellements, & leur enfeigner l'Art de fe fervir des différents înftruments deftinés à cqs divers objets ; enfin l'hiver, dans les matinées, on donne des Leçons fur la For- tification, la maniere de deiîinerla Carte, &c. |
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nombre des édifices , élevés dans nos Provinces les plus coniï-
«îérables : cette Collection compofera environ quatre volumes particuliers de même format que notre Cours d'Architedure^ & qui paroîtront de fuit«,, aptes la publkàtio» des trois des- nkrs volumes* |
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Ordre des Leçons. kxxvij
Dessin de différents genres.
Tous les mardi, jeudi & famedi, depuis
iîx heures du foir jufqu'a neuf, on donne des Leçons fur leDeiîin, tel que la Figure &; le Fayfage , ainfî que les premières notions fur PHiftoire facrée & prophane, relativement aux Arcs; & , pendanc l'hiver, deux de ces Leçons font deitinées à deiïi- ner d'après la BoiTe. Perspective.
Tous les lundi, mercredi & vendredi,
pendant les mois de Novembre & Dé- cembre , on donne des Leçons fur la Perfpedive & fur les principales règles de l'Optique. Ornement^ et Art de modeler.
Tous les mardi, jeudi 6c famedi , les
après-midi, en hiver, on donne des Le- çons furie Deffin concernant Pornement; on enfeigne l'Art de le modeler dans le meil- leur genre, ainiî que les Trophées, les Bas- reliefs, &x. E X Ρ à R Ι Ε Ν C 'Ε.
Tous les lundi , mardi èc vendredi >
les matinées , en été , on donne des f iv
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îxxxviij Ordre des Leçons.
Leçons fur le Toile des Bâtiments, l'Art
de faire des Devis, &; la maniere de par- venir à faire l'eftimation des différents projets faits par les Elevés, ou de quel- ques édifices exécutés à Paris, par nos plu« habiles Architectes. Physique.
Tous les mardi, jeudi & famedi, pen-
dant les mois de Novembre & Décembre, depuis neuf heures du matin jufqu'à onze, on donne des Leçons fur la Phyiique expé- rimentale, relative à l'Art de bâtir, & à l'Architecture. hts après-midi, pendant que nous nous
occupons dans le cabinet à l'étude de notre Art, & à l'impreiïion de nos Ou- vrages, notre Adjoint qui, au vrai talent de l'Architecture, joint la connoûTance des différentes parties dçs Arts énoncés ici, préfide &: furveille à l'ordre â^s diver- ûs Leçons, & aux progrès des Elevés. Ces différentes Leçons fe prennent dans·
pluiîeurs falies , ayant vue fur un grand jardin j l'une, deftinée à ceux qui en font encore aux Eléments s une autre, pour les Elevés qui en font à la compofition. Dans l'une & l'autre, font expoiës les Def fins en grand, & les développements re- latifs à chaque objet. Une autre falle eft |
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Ordre des Leçons. Ixxxîx
deÎUnée pour le Deffin dans tous les gend- res , où font expofës quantité d'originaux, avec des boiTes èc des bas-reliefs néceiîaires à cette étude ; dans une quatrième pièce, fe donnent hs Leçons de Mathématiques, de Perfpective, de Fortifications, du Toifé 6c de la théorie de la Coupe des pierres. Dans un grand cabinet particulier, ou
font contenus les livres, les initruments, les modèles en tout genre, & une belle col- lection de Deflins fous glace, fe donnent les Leçons de Phyfique expérimentale. Dans un corps de logis féparé, fe trouve
un attelier pour la Coupe des pierres &: des bois , dans lequel font expofés les épures en grand, èc des modèles de dif- férents genres, tant pour, la Maçonnerie, que pour la Charpenterie, la Meniufe- rie, &C. "VH < .;.'.;. ;:;: . "s
Dans le même corps de logis, eil une
falle deffcinée pour les exercices utiles, tels que les Armes, la Mufique, la Danfe, exer- cices qui fe prennent particulièrement, 5c qui doivent entrer dans le Plan de l'Edu- cation des Hommes bien-nés qui fe vouent à, l'Architecture, & qui font deftinés à vivre en Société dans un monde - cji.oiiî* . Les Dimanches & les Fêtes, depuis une
heure jufqu'à huit,fe donnent gratuitement à tous les Oitvriers du Bâtiment, différent |
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xc Ordre des Leçons.
tes Leçons fur le Deiîiii^, les· éléments, la
théorie ou la pratique, relatifs à leurs be- soins. Nous nous faifons un devoir de pré- sider à ces diiFérentes inftrudions : notre Adjoint, nos ProfeiTeurs &. ceux de nos Elevés les plus avancés, fe font auffi un plaiiir de pouvoir être de quelque utilité aux Citoyens de cette claife, qui un jour leur deviendront utiles dans leurs travaux. Enfin,.pour parvenir à procurer un plus
grand degré d'utilité à cet EtablhTement, dans une même maifon, bien aérée & iltuée convenablement, à Paris, nous avons fait choix d'une Perfonne d'une probité recon- nue, qui, à notre follickation, a bien voulu fe charger de prendre en penilon, Se fous nos yeux, les Elevés, pour la table & le logementi &; qui veille à l'aiïîdiiité & aux bonnes mœurs de ceux qui, en- voyés à Paris fans ce fecours, fe trouvent fouvent abandonnés à eux-mêmes, èc par-là perdent le fruit de leurs études j au-lieu que, par ce moyen, ils trouveront dans le même aille, & a un prix raifonnable, les be- foins néceifaires à la vie, avec la facilité de devenir des Hommes habiles dans les dif- férentes parties âcs Beaux-Arts. |
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TABLE DES MATIERES,
des Chapitres et des Planches
Contenus dans le troifieme Volume* A FA NT-PRO Ρ O S.
Expoiition des matières répandues dans le deu«^
xieme Volume de cet Ouvrage. Pa8e\ Dissertation sur l'utilité de joindre
a l'étude de l'Architecture , celle des Sciences et des Arts qui lui sont relatifs, xiij Observations fur différentes parties de ΐ Archi-
tecture* liij ORDRE DES Leçons que doivent fuivre les Elevés f
pour parvenir aux connoiffances de f Architecture* lxxxj
CHAPITRE PREMIER. DISCUSSION DE V A RTy
DANS LAQUELLE ON PROUVE , D'A PRÈS
L'OPINION DES PLUS GRANDS MaITRES,QUE LES PROPORTIONS DE L'ARCHITECTURE , ONT ÉTÉ PUISÉES DANS LA NATURE, I CHAPITRE IL
Des Licences et des Abus de l'Art. 15
Planche Premiere.
De Îapplicaùon des Pilaßrcs dans la décoration
des Bâtiments. 24
De tapplication des Colonnes dans la décoration
des Édifices* %&
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Xcij TABLE
{ CHAPITRE I î I.
APPLICATION DE L'ART?
* OU L'ON TRAITE DES DIFFERENT ES
MANIERES DE DECORER LES BATIMENTS , RELATIVEMENT A LEURS DIVERS USAGES* .: page 31
Planches II & III.
Des Bâtiments à un feul étage. 33
Des Bâtiments compofès dun re^-de-chaußee, &
furmontès d'un Attique. 37 Des Bâtiments qui comprennent deux étages règu~
lien. 4° Des Bâtiments compofès d'un foubaßement, & d'un
étage régulier au-dejfus. 42 Des Bâtiments compofès d'un foubaßement, dun
bel étage & dun attique. 43 Des Bâtiments compofès d'un foubaßement , au-
deßus duquel s'élève un ordre coloßal embraßant
à deux étages. 4 e
£)es Bâtiments à deux étages, embraßes par un feul
ordre dArchitecture. 47 Des Bâtiments compofès dun ordre qui embraße deux
i - étages, au-deßus duquel s'élève un attique. 48 Des Bâtiments compofès de deux étages réguliers ,
avec un attique au-deßus. 49 ^Des Bâtiments compofès de trois étages réguliers.
50
...... ,u. .... ..
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DES MATIERES. xc'4
CHAPITRE IV.
SUITE DE L'APPLICATION DE L'ART,
ou l'on traite de l'ordonnance qui pré-
side DANS LES AVANT-CORPS DES PALAIS, DES Maisons de Plaisance , et des Hôtels ,
élevés par nos architectes celebres. page 53
De la décoration des avant-corps du
Vieux-Louvre , du Palais des Tuile- ries , et du Luxembourg. $6 Planche IV.
Avant-corps de tune des Façades de l'intérieur de la
cour du Vieux-Louvre, du côté de la rue Fromen- teau9 élevé fur les De£ins de Jacques le Mercier. ibid.
Planche V.
Avant-corps de ΐancienne Façade du Louvre 9 du
coté de la Rivière, élevé fur les Defßns de Louis Le Veau. 02. Planche VI.
Avant-corps de la Façade du Perißyle du Louvre,
du côté de Saint-Germain-t'Auxerrois , élevé fur les dejjins de Claude Perrault. 64 Planches VII δε VIII.
Avant-corps de la Façade du Perißyle du Louvre,
du côté de Saint-Germain-tAuxerrois ^ avec quel- ques changements propofés par ΐ Auteur de ce Cours £ ArchiteUure. /ίο |
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Xciv TABLE
Planche IX.
(Avant-corps de la façade du Palais des Tuileries '9
du côté du jardin , originairement élevé fur les deffins de Fhilibert Delorme, & de Jean Bullant, & reßaure enfuite par Louis Le Veau & François dOrbay. page 73 Planche X.
Avant-corps du Palais du Luxembourg, du côté de
la rue de Tournon, élevé fur les dejjins de Jacques Debroffe. 79 Planche XI.
Avant-corps du Palais Atchiêpifcopal de Bourges ,
du côté de la Cour 7 élevé fur Us deffins de Pier rei Bullet. 82 'De la Décoration des avant-corps du
Château de Maisons , de celui de Blois, du Château dIssi , et du Châ- teau DE MONTMORENCI. 8$ Planche XII.
Avant-corps du Château de Maifons , du côté du
jardin 9 élevé fur les deffins de François Manjard. ibid.
.Planche XIII.
Avant-corps du Château de Β lois, du côté de la coury
élevé fur les deffins de François Manfard. 91 Planche XIV.
Avant-corps du Château d'Ifjî, du côté a\ la cour,
élevé fur Us deffins de Pierre Bul Ut. 97 |
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DES MATIERES. XeV
Planche XV.
Avant-corps du Château de Mommormci, élevé fur
les deffins de M. Cartaud. page 102. De la Décoration des Avant-corps des
hôtels de soubise, de carnavalet , de no ailles et de l'ancien hôtel d'Evreux, 106 Planche XV I.
Avant-corps de l'Hôtel de Souhife, du côte de la
cour, élevé fur les deffins de M. de Lamaire, ibid. Planche XVII.
Décoration de Îun des Pavillons, placé aux ex tri'
mités de la façade de l''Hôtel de Carnavalet, du côté de la rue, refiauré fur les defjins de François Manfard. IOp Planche XVIII.
Avant-corps de la façade de l'Hôtel de Noailles, du
côté du jardin , élevé fur les deffins de M, £Affu- rance> Architecte du Roi, II4 Planche XIX.
Avant-corps de l'ancien Hôtel d'Evreux , du côté
de la cour, élevé fur les deffins de M, Mollet, Architecte, \ ij C HA Ρ Ι Τ RE V.
PERFECTION DE L'ART,
appuyée de l'autorité des Édifices
renommés , élevés par les archi- tectes les plus célèbres. 121 |
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xcvj TABLE
On y traite en particulier des Portes, des Croißes }
des Niches, des Statues, des Frontons, des Ba-* lußrades , des Attiques , des Soubajfements , des Combles & des TerraJJes. Page I22 Des Portes en général. 124
Divers dessins de Portes anciennes
et modernes. 125 Planches XX, XXI & XXII.
Portes de Michel-Ange. ibid.
Porte de la Vigne du Patriarche Grimani Λ pres de
Rome. Ijl Planches XXIII, XXIV& XXV.
Portes élevées sur les dessins de plu-
sieurs de nos architectes françois. m
Porte de t Hôtel de Touloufe. ibid.
Porte de £ Hôtel de Souhife. 137
Porte du Séminaire de Bourges* 143
Planche XXVI.
Projet d'une Porte , pour le Palais Archiépïfcopal
de Cambrai. 14 c Planche XXVII.
Projet d'une Porte dans le genre moderne. 149
DES CROISÉES EN GÉNÉRAL. 156
Planches XXVIII, XXIX, χχχ & χχχι.
Diverses Croisées9 puisées d'après les
Édifices de Rome. 160 Pjlanches
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DES MATIERES. xcvifs
Planches XXXII, ΧΧΧΠΙ &fuivantes.
Diverses Croisées y puisées d*après nos
Édifices François. page 166 DES NICHES EN GÉNÉRAL. 183
De la proportion des Niches, 186
Différents dessins de Niches, puisés
dans les façades de nos édifices François* 190 Planche XL.
Niches du Château de Maifons & du Château
de Clagny. ibid. Planche XL Us.
Niches placées a re^-de-chauffée, au premier & au
fécond étage des Façades de la cour du vieux Lou- vre. 194 DES STATUES EN GÉNÉRAL. 200
De la proportion des Statues. 2Ο4
DES BALUSTRADES EN GÉNÉRAL. 208
Planches XLI, XLII & XLIII. Proportions des Balustrades et des
Balustres, zu DES FRONTONS EN GÉNÉRAL. 219
Planche XLIV. De la proportion des Frontons. 223
Planches XLV&XLVI.
Des Ornements dont on décore les
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Frontons. %1~
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Tome III,
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S
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ι
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xcviij TABLE
Planche X L VΙ Γ.
Des Amortissements. page 131
DES ATTIQUES EN GÉNÉRAL. 2-33
Planche X L V 111.
De la proportion des Atùques, 2-37
DES SOUBASSEMENTS EN GÉNÉRAL. 242.
De la proportion des Soubaffemcnts. 246 Όε la Proportion, de la Forme et de la
Décoration des Combles en général.
250
DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE TERRASSES.
258
De la Décoration des Entrecolonne-
MENT S EN GÉNÉRAL. ZÓ}
Planches XLÏX&L.
Divers Deßns £Entrecolonmments. 267
De la ÏJécoration que les ordres Pi-
lastres Peuvent procurer a nos Bâ- timents. 2-19 Des Péristyles et des Colonnades. 286
Planche Li, Des changements souvent nécessaires ,
A apporter dans les mesures des corps oui se trouvent élevés les uns AU- DESSUS DES AUTRES. 2^1 |
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t> E S MATIERES. xcix
CHAPITRE VI.
EXPÉRIENCE DE L'ART, .
OU L'ON EXAMINE D'UNE MANIERE GÉNÉRALE,
LA DÉCORATION DES ÉDIFICES DE MEME GENRE ET DE GENRE DIFFÉRENT. page 298 Planche LU.
Description abrégée de l'Eglise du
Val-de~Grace. 305 Description abrégée de l'Eglise con*
NUE SOUS LE NOM DE l'ÉGLISE DU DÔME
des Invalides, 313
Description abrégée de l'Église de la
Sorbone. 318 Description de l'Église du College de
Mazarin , connue sous le nom du Col. LEGE DES QuATRE-NATIONS. 32*
Description abrégés de l'Église de
Saint-Sulpice. 330 Description abrégée de l'Église
Paroissiale de Saint-Roch. 352 Descriptios abrégée de l'Église des
Dames de la Visitation, rue et porte Saint-Antoine. 360 Description abrégée de l'Église des
Dames de l'Assomption, rue et près LA PORTE SaINT-HoNORÉ. 364
s y
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c TABLE
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CHAPITRE VII.
SUITE DE L'EXPÉRIENCE DE L'ART,
ou l'on rapporte divers exemples d'É- difices sacres, DELA COMPOSITION DE l'Auteur. 369 Planche LUI.
Projet du Pian d'une Église Cathé-
drale du dessin de l'Auteur. 375 Planche LIV.
Projet du Plan d'une Église Parois-
siale , DU DESSIN DE L'AUTEUR. 382 PLANS,C0UPES ET ÉLÉVATIONS d'UNEÉgLISE
Abbatiale et Conventuelle de la com-
POSITION DE l'JuTEUR. $$$
Planche LV.
Defcr'iption du Plan de l'Eglife, avec la d'ifpoßtion
des Bâtiments qui l'entourent. 395 Planches LVI. &LVII.
Élévation du Frontifpice du Plan précédent. 398
Planche LVIII.
Coupe prife fur la largeur de la Croifée de tEglifc*
401
Planche LIX.
Coupe prife fur la longueur de fEglife, 407
Plan et Profil d'une Eglise en Rotonde
DE LA COMPOSITION DE l'AüTEUR. 409
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DES MATIERES. ή
Planche LX.
Defcription du Plan de tEglife de t Abbaye Royale
de Saint-Louis* à Metç. 412» Planche LXI.
Defcription de la Coupe de tEglife de. t Abbaye
Royale de Saint-Louis, à Met^. 416 CHAPITRE VIII.
SUITE DE L'EXPERIENCE DE VART ,
ou l'on rapporte diverses façades de Bâtiments exécutées a Rome par des Architectes d'Italie,et plusieurs Fa- çades élevées a Paris par nos Archi* Tectes François. 421 Planche LXII.
Façade du Palais du Cardinal a"Eß9 élevée fur les
Dejfins de Jacques de la Porte. 424 Planche LXIII.
Façade du Palais a*Aßi, élevée fur les DeJJins de
Jean-Antoine de Roffi. 426 Planche LXIV.
Façade du Palais du Duc Mattéi, élevée fur les Deffins
de Charles Mademe. 428 Planche LXV.
Façade du Palais Chigi, élevée fur Us Deffns du
Cavalier Jean-Laurent Remin. 432 |
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cïj TABLE DES MATIERES,
Planche LXVI. Façade du Vieux-Louvre , telle quelle devait être
exécutée du côté de Saint-Germain-t'Auxerrois 3 fur les Defjins du Chevalier Berriin, avant que les projets de Claude Perrault fuffent acceptés, Page 43 S
Planche L X V 11. Elévation d'une des principales Façades du Vieux-
Louvre , projetée pour le côté de Saint-G er main- ΐAuxerrois , par Jean Marot, Architecte & Gra- veur. 437 Planche LXVIIL
Façade du Château de VduX-le-Vicomte , du côté
de la Cour, élevée fur les Defjins de Louis le Veau. 440 Planche LXIX.
Elévation de £ Hôtel de Beauvais , du côté de la rue
Saint- Antoine , élevé fur les Defjins d'Antoine le F autre Architecte. 444 Planche LXX.
Façade du côté de la Cour de l'ancien Hôtel de
Montba^on, fauxbourg Saint-Hcnoré. 44^ Planche s LXXI, LXXII & LXXIII.
Différentes Façades de Maifons particulières > exécutées
- dans cette Capitale. 4J4 ' Fin de la Table.
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AVERTISSEMENT.
iL Ν parlant du Portail des PP. de la Mercy,
Volume précédent, page 195 , nous nous fommes trompés, en difanrque M. BofFrand, Archite&e du Roi, en avoît donné le Deflin. Cet habile Maître, n'a élevé à ce Portail, que le fécond Ordre; le premier Ordre, où les colonnes font ovales, a été érigé fur les Deiîins de Cottart, qui a auffi. donné ceux de cette Eglife. |
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)
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C/tf
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ERRATA
du troifieme Volume.
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Fage. Ligne. Au lieu,
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î89 h adoptées, adaptées.
IJ2, 15 tracée, tracés
192, mal coté, 19z 192-
Dans le Volume des Planches dont les Pigures répondent au
jréfent Volume page 194, la Planche des niches du Vieux- Louvre devroit être cotée Pi. XLL & elle n'eft cotée que PI. XL. pour obvier à ce défaut, on l'a coté XL. bis, lifq XL. tu. |
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COURS.
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cours ;
D'ARCHITECTURE.'
SUITE DU LIVRE Ρ REMIE R.
TROISIEME PARTIE. [,,■{ TRA Ι Τ É
DE LA DÉCORATION EXTÉRIEURE
"■■'.. ■ :.' »' ,lf
DES BATIMENTS·
_,_______________________ ______________________i ■ ,_________________________________________________________________________________________________________________________ ■ s
CHAPITRE PREMIER.
DISCUSSION DE L'ART,
dans laquelle on prouve , d'après
l'opinion des plus grands Mai- ■ ■ )
tres, que les proporti on s d ê
l'Architecture ont été puisées dans la nature* jtSvPRES avoir, dans les derniers Chapitres du
volume précédent, cherché à déiigner le caractère propre aux différents genres d'édifices, deftinés à l'habitation , ou élevés pour la magnificence, l'utilité & la fureté : nous allons , dans celui-ci ? Tome III, A |
|||
, Cours
rapporter l'opinion des différents Architeûes fur
la fource des véritables beautés de i Art ; cette difcuffion nous amènera fans doute à juger leurs diverfes opinions, à diitinguer plus facilement les exemples qui méritent d'être ûdvis, et avec ceux dont il eft fouvent eiïenciel de s éloigner, a déter- miner le ftyle & l'ordonnance générale cl un édifice ; enfin à trouver l'art ii difficile de concilier enfemble les maffes, les parties & les détails qui compoient la décoration de nos bâtiments. ^ Si par la partie de la décoration on entendent
feulement l'art d'élever des colonnes ou des pila- ftresfolitaires ou accouplés , pour parvenir a faire de belles façades , on nauroit befoin d autre con- noiflance que de celle des éléments dont nous avons parlé iufqu'à préfent ; mais nous ne .craignons pas d'avancer que ces mêmes ordonnances , quoi- qu'elles prennent leur fource dans les proportions des ordres, ne laiffent pas d'ouvrir un champ beau-, coup plus vaite à l'Architecte, & qufl eft plus diffi- cile qu'en ne penfe ordinairement, dobferver dans un édifice , la févérité qu'exigent les préceptes de l'Art lorfqu'il s'agit de concilier la décoration exte- rieure & intérieure , avec la diftribiuion & la con- ftruÔion. U n'en fout pas douter; c'eil de cette con- ciliation que dépend l'accord général de toutes les parties d'un bâtiment : fans elle les productions les plus ingénieufes «'offrent le plus fouvent que des comportions imparfaites; les ordres feuls ne produifant pas le bel effet qu'on a droit α en atten- dre , s'ils ne concourent à déterminer le caraaere de tous les membres d'Architedure & des orne- ments qui font partie de la décoration, C'eft donc dans les ordres quil faut chercher
k caraaere de l'ordonnance ; & comme leurs pro- |
||||
ί> * A R C H Ι Τ Ê € f Ü A Ëé I
portions ont été puifées originairement dans la
nature , c'eft dans celle-ci & dans les productions de l'art qui Tont imitée , qu'il faut chercher à fe rendre compte du bel ou du médiocre effet que peut produire l'ordonnance de nos bâtiments« Examinons d'abord les rapports que les anciens Architecte ont obfervés entre les maffes & les parties de leur édifice : rapports dont Alberti s Palladio , Serlio & François Blondel, ont parlé d'une maniere auffi intéreffante que pofitive ; ceft d'après ces grands Architectes -, que nous allons préfenter ce qu'il y a de plus utile fur cet objet* Nous avons vu précédemment que la différence des ordres d'Architecture coniiftoit dans les divers rapports de la hauteur de leur tige avec leur diamètre ; que leur beauté principale confiftoit dans la diiïribution des membres relatifs à leur caraclere particulier, & dans l'heureux effet qui réfultoit de leur ordonnance générale , telle que le piédeilal, la colonne & l'entablement. Maintenant nous établirons que les Architectes
les plus renommés ne font arrivés à ce degré de perfection, qu'en imitant la nature dans fes diffé- rents afpeâs, & en cherchant à concilier fes beautés diverfes avec les proportions qu'ils ont remarquées dans le corps humain *. ils ont donc tâché d'employer les unes & les autres, dans les ordres qui dévoient décorer leurs édifices ; dew là eit né ce bel effet qu'on remarque dans For^ donnance & la décoration de leurs œuvres £ de-là on eil parvenu à ce nombre, à cet arrangement des parties, qu'Alberti appelle βniùon, & qui con* ititue, dit-il, une fymétrie 9 une correfpondance ..'& un accord d'où réfulte l'harmonie. Ce font ces -parties combinées, qui déterminent les principales Ai|
|
||||
% Cours
dimenfions d'un monument , fa longueur, fa largeur
& fa hauteur; du moins eil-il cenain que les nombres, dans le rapport defquels différentes voix frappent nos oreilles dans un Concert, font les mêmes , continue-1-il, qui font que les objets, en flattant nos yeux, font goûter à l'âme un véri- table plaifir, à l'afpect d'un bâtiment dont le tout & les parties font dans un parfait rapport : per- fev£tion que les anciens Architectes , fans exce- pter les Goths & les Arabes , ont cherché à mettre dans leurs productions : d'où il faut con- clure que la nature , quoique variée à l'infini, nous oifre peu d'objets qui ne foient relatifs aux lois de la fymétrie. Or il eil aifé de s'appercevoir qu'une telle perfe&ion devient impoilible fans l'harmonie , puifque cette dernière venant à man- quer dans un édifice , plus de concert dans les parties ; d'où réfulte, dans l'enfemble , une imper- îèclion viiible : au contraire , c'eil par elle qu'un Architecte fe diilingue dans l'ordonnance des édi- fices du premier ordre , en obfervant les propor- tions qui mettent chaque membre à fa place ; de maniere que la défunion de quelques-uns forme- roit une difîonance, & romproit l'accord qui doit régner dans l'enfemble. Comparons, ii l'on veut, la Mufique avec l'Archite&ure : ii la premiere nous retrace les divers mouvements de la nature, en excitant en nous les paillons les plus douces ou les plus vives ; la féconde ne peut-elle pas être capable de différentes expreiïions , & préfentec aux yeux des fpe&ateurs , par les divers cara- ctères dont elle eil fufceptible , un afped terri- ble ou féduifant ; en forte qu'on puiife aifément reconnoître fi l'image, qu'elle nous offre peint à notre imagination, le Temple de la Vengeance on |
||||
d'Architecture. 5
fcelui de l'Amour, ou enfin un monument public,
un Palais , une maifon particuliere, &c. Qu'on remonte à la fource , on ne pourra guère
douter que les anciens Architectes n'obfervaffent foigneuiement dans leurs productions , les lois de l'harmonie dont nous parlons : perfuadés que leurs édifices ne feraient approuvés qu'autant que leurs proportions feroient conformes à celles que ïa nature a imprimées dans fes œuvres , quoi- que d'une maniere générale ; ils s'appliquèrent à en connoître la marche. On peut même ajou- ter que cette recherche les avoir conduits à difpofer leurs édifices de différentes manières, félon leurs divers ufages : ils en imaginèrent donc de folides, de moyens & de délicats; ce qui, dans la fuite, leur fit concevoir les ordres Dori- que , Ionique & Corinthien , pour enrichir leurs façades à raifon de la deitination de ces mêmes édifices. Ils pouffèrent plus loin leurs obfervations; ils imaginèrent , ainfi que le rapporte encore Alberti, de faire les angles & les trumeaux de leurs bâtiments en nombre pair , & les ouvertures en nombre impair ; ils évitèrent de mettre en nombre impair les parties folides qu'ils appeloient 9 dit-il, les os du bâtiment, parce qu'apparemment ils s'apperçurent qu'il n'eil point d'animaux qui marchent ou qui fe foutiennent fur des pieds en nombre impair ; que par une fuite de ce même raifonnement ils crurent ne pas devoir faire les ouvertures en nombre pair, & cela à l'imitation de la nature , qui , dans la conformation de la tête, a donné le nombre impair à l'ouverture de la bouche, quoique celle des yeux fût paire. Au reite, ceci ne peut guère s'entendre, que rela- tivement aux portes & aux croifées, qui, fans A iij
|
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6 Cours
déroger aux principes de Léon-Baptifte Alberti,
confirmés pour ainfi dire par François Blondel, peuvent s'employer indiftinCtement , paires ou impaires, à proportion de l'étendue du bâtiment. Ils confidérerent encore que les dix premiers
nombres ayant entr'eux un caractère de perfe- ction, ils dévoient regarder celui de dix comme le plus parfait entre les pairs ; que pour cela ils s'en dévoient fervir à fixer , en quelque ma- niere , la plus grande élévation de leurs colonnes ; ils firent enfuite le même ufage du nombre fept pour déterminer leur moindre hauteur ; d'où il paroit réiulter que i'Architeâ:ure, dans fon origi- ne , a en pour objet d'imiter la nature dans (es productions, & de la confulter dans fes propor- tions d*après le corps humain ; en forte que par ces divers procédés on eft parvenu à fixer la véritable beauté de Γ Architecture , particulière- ment celle des ordres que nous connoiffons , & qui doivent être regardés comme la fource de la difpoiition des différents membres dm« l'ordon- nance de nos bâtiments. . \ D'après ce que nous venons de rapporter 9
point de doute que les anciens n'aient regardé les proportions , les rapports & les principales climeniions de leurs édifices, comme les objets les plus eiTenciels de leurs productions, & qu'ils n'aient jugé comme également intéreffants à la perfçclion de l'Art, l'ordre & l'arrangement des divers membres qui doivent concourir à la fy* mérrie. Çonfidérant le nombre , le rapport & la forme de ces mêmes membres, comme autant de parties efTencielies à la perfeCtion de leurs ouvrages, ils ont conclu que ceux qui feroient placés à droite dévoient répondre a ceux qui |
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d'Architecture. 7
sappercevroient à gauche ; les parties de deiïus à
celles de deiTous ; iis ont eu foin que celles qui font près les unes des autres le trouvaftént dans une par- faite régularité ; qu'enfin celles qui doivent êtr<& égales , le FuiTent parfaitement entr'elles, fans en excepter les ornements ; en un mot, que les plus petits détails fuffent ii bien proportionnés , que chaque membre , conûdéré à part,, femblât naître de l'ouvrage entier. Si ce que nous avançons, d'après les Auteurs
les plus accrédités, η eft pas fans fondement ; on doit fe periiiader que les proportions & la fymé- trie font les caufes qui nous font admirer les comportions des anciens , & que l'une & l'autre font des beautés reconnues pour fatisfaifantes ; c'eft pourquoi les édifices les plus parfaits n'obtiennent le ilifirage des Maîtres de l'Art, qu'autant qu'ils y apperçoivent ces qualités effencielies , qui font feules capables d'exciter dans l'efprit, même du vulgaire, cette admiration qu'il éprouve le plus fouvent à rafp.ed des productions élevées par nos célèbres Architectes. Pour nous convaincre de cette vérité , conii-
dérons, avec attention , les plus beaux édifices élevés dans le dernier fiecle, & la plupart de ceux qui s'élèvent de nos jours ; comparons- les avec certains ouvrages moins eiîimables : nous recoiv noîtrons aiiément que les Architectes de ceux-ci pnt fans doute regardé les proportions de l'Art ? comme inutiles, ou au moins comme arbitraires. II faut, à les en croire , ofer fe frayer une route nouvelle. Fondés fur un fyileme d'indépen- dance , qui ne leur fait accepter ni lois fon- damentales, ni principes reçus, ni convenance particuliere} ils prétendent qu'il n'y a point de dév À iv
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I
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t Cours.
monftrations convaincantes en faveur des pro-
portions de l'Architecture ; que ne rien innover eft une timidité ; que le génie eil fait pour prendre TeiTor ; que c'eil l'aiîervir que de le ibumettre axix fentiments de ceux qui nous ont précédés, &c. Voici ce que nous leur répondrons avec Vitruve,
& d'après le ientirnent de François Blondel : que s'il n'exiile point de démoniiration fatisfaifante qui prouve ilridlement la nécéiîîté des propor- tions dans l'Architecture ; il n'en eil certainement pas non plus qui prouve le contraire , & que celles obfervées par les plus habiles Architectes, & qui font regardées par les hommes fuperficiels comme arbitraires , n'en font pas moins la caufe principale du plaiiir qu'ils éprouvent en les exa- minant, & de la perfection qu'ils remarquent dans les édifices les plus approuvés , quoique leurs Auteurs ne nous aient pas toujours rendis compte des procédés qu'ils ont employés pour y parvenir. Combien effectivement de découvertes ne fe font-elles pas faites , & dans les Sciences & dans les Arts , qui n'avaient pas eu d'abord le poids d'une démoniiration évidente ? Cette réfle- xion peut s'appliquera l'Architecture , non que ces grands Architectes aient ignoré les proportions dont nous voulons parler , mais feulement parce1 qu'ils ont négligé de nous rendre compte des moyens qui les y ont fait parvenir par degrés. En effet, remarquant dans les œuvres des grands Maîtres, des ordonnances d'Architeclure tout-à- fait fatisfaifantes , tandis que celles des Archite- ctes moins habiles ne caufent pas , à beaucoup près , la même fatisfacüon, il eu facile de conce- voir, que les rapports & les exacles proportions. |
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©'Architecture. 9
©bfervées par les premiers , ont répandu , dans
leurs productions, les confonnances qui procurent cette fatisfa&ion intérieure, qu'on n'éprouve point en examinant les ouvrages des féconds, parce qu'ils s'éloignent de cet accord qui prend fa fource dans les proportions. Peribnne n'ignore qu'avant les Grecs la hauteur
des ordres , chez les Egyptiens, étoit indéterminée ; que, la plupart de leurs monuments, fans rapport & ians proportion, n'annonçoient encore que l'enfance de l'Art, & non (es progrès ; que ce n'eft qu'après avoir fuivi& imité les regies prefcrites paf les Athé- niens , & adoptées par les Romains , que nous fommes aufîi parvenus à donner à quelques-uns de nos édifices cette perfection inconnue avant les Lefrot, les Delorme & les Manfard. Or ii les proportions des ordres , telles que nous les exé- cutons aujourd'hui, forment véritablement un effet capable de contenter notre raifon , n'eit. - il pas évident que quand nous parviendrons à les obfer- ver dans les maifes générales de nos édifices, ainii que dans les détails , nous ferons éprouver aux autres une fatisfaâion encore plus complète ? C'eft ainfi qu'un Peintre habile, fait charmer le fpeclateur à la vue d'un de fes ouvrages où les cou- leurs font employées avec cette union & cette entente que produit la fcience du coloris; c'eil ainii que nous fommes flattés d'entendre un con- cert où les proportions & les intervales, exacte- ment gardés , font naître cet accord & cette har- monie qui nous touchent &: nous enchantent. Si donc entre plufieurs édifices , foit anciens
foit modernes , il en eit que nous regardions avec plaifir, & d'autres dont l'afpecf nous blefle , cher- chons à nous rendre compte de la caufe qui produit |
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ίο Co υ R s
en nous l'agrément ou le défagrément que nous
éprouvons en les examinant. Pour y parvenir , nous avons mefuré avec foin
& à pluiieurs reprifes 9 les dimenlions de nos plus beaux édifices : par-là nous avons été forcés de - reconnoître, dans ceux élevés par nos plus grands Maîtres $ qu'ils y avoient établi des rapports entre la grandeur de leurs martes & celle de leurs par- ties , & que la plupart de ces mêmes rapports étoient, non - feulement communs à ces deux objets, mais encore obfervés jufques dans les plus petits détails ; au contraire , nous avons remarqué dans d'autres bâtiments des diiîbnnances confidérables entre leurs détails , leurs parties & leurs maiTes ; ce qui nous a confirmés , après les avoir mefurés avec le plus grand foin , que la fource de la véritable beauté de l'Architecture , connue eifenciellement dans les rapports & les proportions , quoiqu'il ne foit pas toujours poiTible de les démontrer avec cette exactitude fcrupuleuie du reffort des hautes Mathématiques. Malgré ce que nous rapportons, nous favons
que pluiieurs prétendent que les proportions font de ces beautés que le plus grand nombre ne fau- roit appercevoir ,„ & qu'il n'eit ai-fé de fentir ni d'apprécier ; mais, comme le remarque François Blondel , cette objection n'a rien de folide ; car û l'on confidere, dit - il, que les raifons des con- fonnances dans la Mufique , ne font pas plus vifibles pour le vulgaire , que les rapports des différentes parties de l'Architecture ; il faut avouer qu'il n'eit pas plus poflible de faire un bel édifice fans proportion, que de former un concert agréa- ble avec des fons ciifcordants. ..Nous nous croyons en droit de faire la même |
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d'Architecture. τι
réponfe à ceux qui prétendent que l'habitude a
beaucoup de part au plaifir que nous reffentons au pied d'un édifice , &. que les beautés que nous regardons comme réelles, ne nous paroiffent telles que parce qu'elles font accompagnées d'autres beautés, qui confident dans le prix de la matière, la perfection de la main-d'œuvre, ou dans une fituation avantageufe. Cela eil fi peu vrai, que ii l'habitude fufïïfoit pour faire trouver un édifice agréable , les hommes ' de goût feroient moins choqués à l'afpeft des ouvrages imparfaits que la routine ou la mode leur offre tous les jours : d'ailleurs ii le prix de la matière & la perfe- ction du travail font effectivement des beautés, du moins eil - il certain que , quoiqu'elles con- courent à la perfection de l'édifice , elles peu- vent être eilimées féparément , fans pour cela que nous ceilîons d'éprouver le défagrément que nous reffentons , en examinant l'enfemble & les différentes parties de l'édifice. 11 peut arriver même que ces beautés particulières faffent d'au- tant moins de plaifir, qu'elles fe trouvent alors confondues avec une ordonnance qu'on eil forcé de reconnoître pour médiocre. Difons plus , il n'appartient qu'aux hommes fuperficiels de faire confifler le mérite de leurs productions dans le prix de la matière & la recherche de la main- dœuvre ; ces fortes de beautés ne font que des acceffoires, faits pour accompagner les beautés de l'Art : autrement elles deviennent étrangères à l'Ar- chitecture proprement dite. Nous pouvons le dire ici, nos plus beaux édifices, quoique conflruits avec des matières affez communes , ne laiffent cependant pas d'étonner le fpectateur, par la juffeffe de leurs rapports & la combinaifon de leurs par- |
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il Cours
ties. La Porte Saint-Denis, le Périityle du Louvre?;
1 Obfervatoire , font bâtis avec une pierre aflez ordinaire, & cependant ils nous offrent autant de chefs-d'œuvre : d'où il faut conclure que les vraies beautés d'un bâtiment dépendent des pro- portions que l'Architecte fait lui donner à raifon de fon caratlere particulier; & qu'au contraire, ceux qui n'ont de mérite que la qualité des ma- tières , & où les rapports font négligés, paroiifent d'autant plus défectueux , qu'ils montrent plus d'aprêt dans la conftrutüon. 11 doit donc paroître certain que la véritable
caufe qui nous porte à admirer un édifice préfé- rablement à tout antre élevé pour la même fin, provient de ce que le premier eil conforme aux règles de l'Art : au-lieu que dans l'autre où elles ont été négligées, on remarque, avec une forte d'inquiétude, la défunion des parties qui le cotn- pofent ; parce que notre âme ne trouvant rien de confiant où elle puiiîe s'arrêter , ne fauroit fe former aucune idée d'unité qui la fatisfaffe. En effet , rien de ii défagréable pour l'œuil, qu'un bâtiment qui ne laiife voir , dans fon ordonnance, que des règles incertaines , tandis qu'on éprouve une fenfation délicieufe, lorfqu'on examine celui où les préceptes font placés dans tout leur jour: le plaiiîr que nous reflentons à le coniidérer, prend fa fource dans l'attention que l'Architecte a apportée pour difpofer la iittiation, l'ordre, la forme, le nombre , les grandeurs, les diitances & la fymétrie dans un parfait accord, qui nous fait découvrir la relation qu'elles ont les unes avec les autres , & nous montre que chaque partie eil: à fa véritable place. L'admiration naît donc dans l'Architeclure conv*
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d'Architecture. 15
ine dans la Muiique , de l'harmonie ; aufïi ne
doit-on point être étonné fi les hommes doués d'uneheureufe intelligence, & qui ont des notions des Sciences & des Beaux-Arts fans en avoir abfo- lument approfondi les règles , .fe trouvent affedés à l'afped de tel ou tel édifice élevé fuivant les règles fondamentales ; parce que les connoiffances générales qu'ils ont acquifes, les portent , fans qu'ils puiiTent trop en rendre raifon , à eitimer un édifice qui fe trouve bâti d'après les plus grands modèles , & à méfeitimer celui qui n'eit élevé que par l'oubli des préceptes. Si Γ Amateur, par un examen réfléchi, parvient
à démêler les beautés que produifent les pro- portions dans l'Ârchitedure , combien à plus forte raifon l'Elevé, fuppofé inftruit de la théorie de rArchitedure, ne doit-il pas s'attacher à décou- vrir les routes différentes qu'ont tenues les grands Maîtres dans leurs ouvrages les plus importants? Combien ne doit-il pas s'appliquer à mefurer exa- ctement les divers genres d'édifices , foit facrés, foit publics, foit particuliers , & peut - être ceux- mêmes qu'il ne peut approuver raifonnablement, afin de perfedionner par-là fon goût & {es con- noiffances , fans lefquels il ne peut jamais juger du mérite de (es propres produdions , ni apprécier à leur juiïe valeur, les chefs-d'œuvre des hommes habiles, ni les ouvrages médiocres ? Nous recommandons donc à nos Elevés d'exa-
miner avec foin nos édifices François , d'abord dans le Recœuil de l'ArchitedureFrançoife, enfuite au pied des bâtiments les plus importants , comme l'étude la plus intéreifante pour apprendre à juger des beautés ou des difformités qui fe remarquent 4ans la plupart des produdions de nos jours. Qu'ils |
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··,
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14 Cours
fe rappellent que c'eit pour parvenir à ces Coli«
noiiTances indifpenfables , que plus d'une fois nous nous fommes transportés avec eux dans ces édifi- ces , afin de leur faire connoître les parties effen-- cielles qu'ils y dévoient remarquer ; & que ii nous nous y fommes permis ? fouvent en leur préfence, de relever les licences ou les abus, lorfque d'un lieu à un autre nous examinions eniemble les bâtiments fubalternes qui s'oiFroient à nos regards , c'étoit dans l'intention de les prévenir, qu'ils auraient pu y tomber eux-mêmes, û nous n'avions pris foin de leur faire fentir l'inutilité des uns, & la défe&uo- iité des autres. |
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d'architecture. 15
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CHAPITRE IL
ZXes· Licences et des Abus de l'Art,
J.L s'eil introduit de tout temps des licences dans
VArchiteâure , & prefque toujours on a vu ces mê- mes licences dégénérer en abus entre les mains des hommes médiocres, parce qu'il n'appartient qu'aux grands Maîtres d'en faire ufage , eux feuls fâchant les employer de maniere qu'elles relèvent iouvent ks beautés, linon de l'enfemble, du moins des prin- cipales parties de l'édifice. Au contraire, les Artiiles fubakernes, ignorant les vrais principes de l'Art, en font parade fans néceffité , & croient montrer du génie ; mais pour lors ils ne préfentent plus aux yeux des fpedfateurs que leur inexpérience ou une imitation indifcrète des licences qui fe trotir vent quelquefois répandues dans les productions, môme les plus approuvées. Traitons donc ici des licences & des abus ,
puifque les premières font reconnues fouvent indifpenfables , fur-tout depuis que nous cher- chons à réunir plus particulièrement, que m l'ont fait nos prédéceffeurs , la décoration , la diftribution & la conftruâion : réunion qui fe remarque rarement dans les ouvrages du dernier fiecle , quoiqu'elle feule forme la fcience du véri- table Architecte. A l'égard des abus, nous nous garderons bien de les confondre avec les licences dont nous voulons parler ; ces dernières font quelquefois éclôre des beautés d'un certain genre ; |
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i6 Cours
les abus, au contraire , ne peuvent jamais en-
gendrer que des médiocrités. Il ne faut*pourtant pas fe le diffimuler : queî-
qu habile quefoit un Architecte , il ne doit regarde? les licences que comme devant être employées avec beaucoup de ménagement ; & comme telles on ne peut les autorifer que loriqu'elles le trouvent placées dans les parties acceiToires de l'édifice, à deffein d'en faire fortir les beautés avec plus d'éclat. Toutes celles au contraire qui, dans une façade , ne pa- roiflent être amenées , ni par l'efprit de conve- nance , ni pour caradérifer l'édifice, doivent non- feulement être rangées dans la claile des abus, mais être regardées comme des fautes impardon- nables ; il faut porter le même jugement de toutes celles qui déterminent TArchitecle , fans aucune néceiîité apparente, à fupprimer dans fa compoii- tion certains membres d'Architecture & de Scul- pture , ou à en introduire d'autres qui la défi- gurent, parce qu'ils lui ôtent fa véritable expref- fion. On range encore au nombre des licences, tous
les contrailes outrés dans les formes , toutes les difparités choquantes dans les ouvertures; en un mot, tous les porte-à-faux occafionnés par une inadvertence que les préceptes défavotient, & que le goût condamne abfolurnent. Il eft vrai qu'a fiez fouvent la plupart des licences, dont nous trai tons ici, prennent leur fource dans l'entêtement des propriétaires , qui, voulant conftruire des édifices d'une certaine importance, exigent de FArchitefte, par une économie mal entendue , une retenue qui nuit à la perfection de fes œu- vres ; Qu , ce qui eil pire encore , par une pro- digalité plus mal mtmdiiQ, l'obligent de furcharger d'ornements
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Ö'A R C H I TÉ C f U R £. 17
d'ornements faftueux des bâtiments dont la defti-
nation exigeroit la plus grande Simplicité, A la vérité Γ Architecte , en renonçant à l'entreprife, pourroit ne pas fe rendre complice de ces incon- séquences ; mais ce courage n'appartient guère qu'aux hommes qui (entent le prix d'une certaine célébrité ; le jeune Artifte, trop entreprenant * veut produire : jaloux de faire connoître au public fes talents, il en cherche l'occafion avec empreffe- ment ; il fe perfuade que ce n'eil que par l'exer- cice d'une pratique anticipée, qu'il peut fe répan- dre dans le grand monde ; il ne s'apperçoit pas, qu'en fuivant une marche trop rapide , il fera forcé un jour, lorfqu'il aura atteint un certain degré de Supériorité, de condamner lui-même (es œuvres, pour n'avoir pas fenti d'aifez bonne heure, la néceiîité de continuer une étude qui l'an* roit amené à s'annoncer avec plus de fuccès. Revenons aux licences, & convenons qu'il en
eil d'indifpenfables. Par exemple , pour Satisfaire aux lois de la Solidité , il arrive prefque toujours que la largeur des encoignures , dans les dedans des bâtiments, fe trouve en contradiction avec l'élégance qui doit régner dans fes dehors · que la force qu'on doit raffembler dans les angles faillants & rentrants d'un avant-corps, auffi-bieii que dans fes parties intermédiaires, nuit aux rap- ports que la largeur de cet avant-corps doit avoir avec fa hauteur : que la largeur des écoiiiçons Se la faillie des retours des pavillons, prefcrite par la folidité, occafionne Souvent la pénétration de plufieiirs membres d'Archkeclure, ou au moins une approximation, fans doute moins vicieufe que la pénétration, mais qui n'en déplaît pas moins aux yeux intelligents, fur-tout lorfqu'il s'agit de t'oï- Torne III, Β |
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iS Cours
donnance extérieure d'un édifice important : que
la néceffité de mettre dans les dehors les vides à plomb des vides, & de donner moins de largeur à ceux d'en haut qu'à ceux d'en bas , occafionne çles trumeaux d'une plus grande largeur, au pre- mier étage qu'au rez-cle-chaufTée : que l'attention qu'on doit avoir de donner une jufte étendue à la portée de l'architrave, qui termine la partie fupérieure de l'entrecolonnement , pour que la iblidité n'en ibuifre point, nuit fouvent à la pro- portion que ce même entrecolonnement doit avoir & avec le caractère de Tordre , & avec les ouver- tures & les autres membres d'Architechire qui en doivent occuper l'efpace. A fon tour la partie de la diflribution préfente
d'autres obilacles à l'Architecle. Par exemple, le diamètre d'un fallon placé dans le milieu d'un bâti- ment , celui d'une falle de Compagnie , d'une falle d'Afîémblée , diftribuée clans les arrière - corps d'une façade , celui d'une chambre à coucher, d'une gallerie, qui fe trouve comprife dans les pavillons, détermine ordinairement la largeur de ces différents corps extérieurs, qui conftituent la diitribution des façades ; en forte que ces données, preferites par le plan , s'accordent rarement & avec les proportions de ces avant-corps & arriè- re-corps , & avec les membres d'Architecture qui les décorent : d'où n'ait la difficulté de conferver toutes ces correfpondances, fans avoir recours à des moyens licencieux, prefque toujours con- traires à la régularité qu'exige la belle Architecture. Sagit-il d'un bâtiment ifolé 9 la néceffité de placer des croifées dans l'extrémité des principales enfi- lades , porte fouvent une altération contraire à la folidké dans les angles des façades latérales. |
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ψ
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d'Architecture* î^
Combien encore'de difficultés ne rencontre pas
1 Architecte dans un bâtiment double , îorfqu'il s'agit d'obferver d'autres enfilades dans les pièces principales , entre les croifées du côté de la cour , & celles du côté des jardins ? régularité intéreiîante fans doute , mais qui jète une mono- tonie ibuvent nuiiible dans les façades extérieures d'un principal corps de logis : de maniere que pour éviter cet inconvénient, on eil fouvent obligé d'altérer les angles faillants des avant-corps, ou les doiTerets des arriere-corps ; enfin les trumeaux intermédiaires , &c. N'en doutons point, c'eil à ces difficultés fouvent infurmontables , qu'on doit rapporter l'ufage qui s'eil introduit chez nous * d'employer des pilailres doublés , des pilailres plies, des pilailres qui fe pénétrent , ou dans d'autres pilailres, ou dans des colonnes; enfin les colonnes engagées , les colonnes jumelles ? la difparité des pieds - droits , des alettes , des chambranles, ou avec le diamètre de l'ordre , ou avec celui des ouvertures : en un mot, une infi- nité d'autres licences , toujours prifes aux dépens de l'accord général, qui néceffairement doit régner dans l'ordonnance extérieure d'un édifice. Pour parler ici de la décoration qui coiiilitue
l'ordonnance extérieure des Palais des Pvois , qui 9 comme tels , doivent annoncer la plus grande magnificence : fans doute elle doit avoir la pré- férence fur la commodité des dedans; mais du moins convient-il que ces beautés répandues dans les dehors ne privent pas l'intérieur dés appar- tements de la proportion & de la fymétriè ques doivent avoir les différentes pièces , foit coniidé- rées en particulier, foit confidérées dans la rela- tion qu'elles doivent avoir les unes avec les autres Bij
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2Q Ç Ο U R 3
Qu on y prenne garde ? dans i'ArçhÎte&ure comme
dans les, autres Arts, une beauté dépendante dun£ autre beauté $ perd la moitié de ion prix , lorfqu'on s'apperçoit trop vifiblement qu'elles manquent de l'analogie qu'elles devraient avoir entr'elles. Par exemple , nous admirons la façade du Châ- teau de Maifons , celle du Palais du Luxembourg, du périityle du Louvre , du Palais des Tuileries, &c. Mais notre admiration ceiTe , pour ainfi dire, lorfquaprès avoir parcouru l'intérieur de ces édi- fices, nous fommes forcés de convenir que les dedans font facrifiés à la beauté des dehors, tandis qu'en les considérant comme bâtiments d'habita- tion, ils devraient réunir, dans toutes leurs parties, cette relation qui feule aujourd'hui peut nous faire produire des chefs-d'œuvre. Il n'en eil pas de même pour la décoration de
nos Temples, de nos Arcs de Triomphe, de nos Fontaines publiques, de nos Portes de Ville & de tant d'autres monuments , dont l'éreclion ayant pour objet, plutôt la magnificence que la com- modité , laiffe un champ bien plus libre à l'ima- gination de Γ Architecte, que lorfqu'il s'agit feu- lement d'un Hôtel, d'une Maifon de Plaifance , &c. puifque dans ces demeures le rapport qu'il effc indifpeniable de mettre entre l'ordonnance des dehors , la commodité & la décoration des dedans, oblige prefque toujours l'Architecle à recourir à quelques - unes des licences qui font ici notre objet. Quoi qu'il en foit, lorfqu'on fe trouve dans
cette néceiîité , on ne doit jamais perdre de vue qu'il ne faut mettre en œuvre, des licences dont nous parlons , que celles qui font le moins con- traires aux règles de l'Art; & que l'on doit ranger |
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d'Architecture. 21
dans la claiïe des abus , toutes celles qui ne
paroiffent pas avouées par là nécëiïité. Entrons dans quelques détails concernant les
licences que l'ufage autoriie , en quelque forte , & diilinguons-les avec foin des abus , qui ordinaire- ment font une fuite imparfaite de leur imitation. Un fronton ou plus élevé ou plus furbanTé
que ne le comportent les préceptes de l'Art, n'eu qiùine licence, autorifée quelquefois par le rap- port qu'on cherche à donner entre la largeur & la hauteur de favant-corps qui le reçoit ; au con- traire , celui qui fe trouve coupé , enroulé ou interrompu dans fa bafe, fans autre motif que de procurer du contraire à l'ordonnance , eil un abus. Un ordre d'Archite£ture qu'on élevé d'un mo-
dule , ou feulement d'un demi-module , au - delà de ce que prefcrivent les principes établis par les grands Maîtres, parce qu'il en réfulte, dans les parties principales , un accord qui produit de plus belles maffes dans lenfemble, η'eil qu'une licence : au contraire , une colonne qui fe trouve d'une proportion au-deflbus des règles, & que l'on couronne par une corniche architravée, ou par un entablement tronqué ou mutilé, eil un véritable abus. Dans une façade ce neil qu'une licence,-de
tenir un trumeau plus coniidérable que ne l'exige le rapport qu'il doit avoir avec le vide des ouver- tures , quand cette trop grande largeur fe trouve rachetée par des membres d'Architecture qui divi- fent & eflacent, pour ainfi dire, ce défaut : mais lorfque par inadvertence on laiffe ce trumeau liffe, que par là il devient pauvre , comparaison faite avec l'Architecture répandue dans les portes & les croifées P c'eit un abus réel. Β iij
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tl Cours
Un avant-corps qui fe trouve avoir trop ou
trop peu de largeur , relativement à fa hauteur & au caractère de l'édifice , eil une licence fou- vent permife, lorfqu'on s'y trouve forcé par la relation que les dehors doivent avoir avec les dedans : mais c'eft un abus, lorfque le fpe&ateur s'apperçoit que Γ Architecte auroit pu, ou le divi- fer, ou le fupprimer , non - feulement pour dé- truire ce défaut, mais pour procurer plus de repos à la décoration, Un attique qui ordinairement n'annonce qu'un
étage fubalterne, mais qui placé à propos & ea retraite, couronne heureufement l'avant-corps d'un édifice important, en le faifant pyramider, eil une licence permife en bien des occaiions : au contraire, lorfque fans néceffité on le fait conti- nuer fur toute l'étendue d'un bâtiment & à plomb du mur de face , ou que plus inconiidérement encore , on le place entre deux ordres, c'efl un abus infupportabîe* Un entrecolonnement dont la largeur, pour
des raifons qui regardent la folidité , ne peut conferver le rapport qu'il devroit avoir avec l'ex- preiîion de l'ordre, eil un licence : mais on doit regarder comme un véritable abus , celui qui, contre toutes les règles de l'Art , conferve une proportion Tofcane dans une ordonnance ou préiide l'ordre foit Corinthien , foit Compoiite. On. ordre d'ArchiteéHire, d'une proportion co-
îoffale, appliqué à la décoration d'une maifon par* ticuliere, doit être regardé comme une licence, & par la richeffe indifcrète qu'il procure au bâtiment, & par rapport à fa proportion gigantefque qui détruit l'idée de relation qu'on doit obferver entre les dehors & les dedans de l'édifice ; mais lorfqu'à |
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d'Architecture. *3
cette înconféquence on l'affoçie dans une même
ordonnance , avec une autre ordre dun moindre diamètre & d'un genre différent, c eil un abus. Dans la reftauration d'un bâtiment, rifquer quel·'
quelques membres d'Archite&ure , ou hafarder des formes qu'on fent bien ne tenir pas aux pré- ceptes de l'Art, mais qui s'annoncent vifiblement par des raifons d'économie , de folidité ou de com- modité , ceft une licence : affeäer au contraire une difproportion choquante entre les^ nouvelles additions & l'ancienne ordonnance de l'édifice, y introduire un beaucoup plus grand ordre, & trop d'ornements de Sculpture , dans la feule intention de donner à fa reftauration un degré de fupério- rité fur l'ouvrage précédent, c'eft un abus. Employer dans la façade d'un bâtiment parti-
culier des confoles en encorbellement pour porter un balcon , à deffein de ménager la voie publique; économifer la matière ou la main-d'œuvre, ceft une licence : mais fous le vain prétexte de procurer un certain degré de richeffe à fa décoration , imagi- ner de faire ces fupports de formes contrariées, & les accabler d'une trop grande quantité de Sculpture, ceft fans contredit un abus. Un foubaffement enfin , pratiqué dans un édi-
fice, ou un bel étage à rez-de-chauffée , auroit dû être préféré; ceft fans doute une licence: maislorfque dans ce foubaffement, par une mad- vertence révoltante, on introduit un ordre , tandis quau-deffus on élevé un bel étage fans aucun ordre d'Archite&ure, ceft un abus impardonnable. Après avoir parlé d'une maniere générale des licences & des abus de l'Art, traitons à préfent en particulier, des licences qu'entraîne fojiVent après foi, l'application des pilaftres & des colon-^ |
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Bit
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Z4 Cours
nes dans la décoration extérieure de nos bâtiments \
& donnons, dans la planche fuivante , quelques figures qui indiqueront les licences qui peuvent fe tolérer, ou les abus qu'il faut rejeter abfoln- ment. Planche Premiere.
De l'application des Pilaßres dans la décoration
des Bâtiments, La iîgure A préfente un piîailre angulaire,"
enclavé par une de fes faces dans un demi-pilailre« AiTçz fouvent on fait ufage de cette licence dans l'Architecture, ou pour procurer plus de folidité à une encoignure , ou pour éviter de donner une. trop grande largeur aux pieds-droits d'une arcade dont l'axe fe trouve aifujéti à une enfilade, déter- minée par la difpoikion générale du plan , ainfi que cela fe remarque dans la nef de Saint-Sul·· pice & ailleurs. Nous ferons remarquer néan- moins, que le demi - pilaitre a , qui pénétre la plus grande partie du diamètre de celui A 3 non- feulement donne à ce dernier une fauffe apparence de folidité , mais apporte une çonfuiion vicieufe dans les moulures & dans les ornements des bafes fc. des chapiteaux : cet inconvénient doit nous porter à n'employer ce demi- piîailre a ? qu'avec beaucoup de cjrconfpecüon , tes principes de l'Art défendant Fufage de toute efpèce démembres d'Architecture , mutilés, tronqués ou enclavés les lins dans les autres, ce que cette licence offre cependant dans tout fon jour. Il auroit donc mieux valu convertir ce dçmi-pilaitre a, en alette, qui alors auroit renfermé le piéd-droit b dans une niche quarrée, ce qui auroit produit Un beaucoup meilleur effet* |
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d'Architecture. ι f
La figure B offre un pilaftre plié dans un angle
rentrant, ou plutôt deux pilaftres fe pénétrant l'un l'autre, tel qu'on le remarque dans la croi- fée de l'Eglife des Petits-Peres , près laPlace des Viûoires. Cet exemple , affez ufité , lemble moins licencieux que le précédent , parce que les faillies des chapiteaux & celles des bafes, ne le pénétrent que vers Β : & l'on peut remédier a ce défaut en donnant quelques minutes de plus a chaque demi-diamêtre ; car par là on préviendroit la pénétration dont nous parlons ; elle n'eft occa- fionnée que par le pli du pilaftre. La figure C n'offre qu'un fixieme de pilaftre,
qui nous paroît ne devoir être toléré dans l'Ar- chitecture , que pour recevoir , dans un angle rentrant, le fofite d'un architrave , faifant retour d'équerre dans un veftibule, une gallene , &c. A la .place de ce fixieme de pilaftre , peut - être vaudroit-il mieux fubftituer le demi-pilaftre B, lorfque la diftribution des dedans le peut per- mettre ; un feul fixieme de pilaftre , paroiffant une reffource chétive dans une Architecture régu- lière , malgré l'autorité du périftyle du Louvre où cette licence fe trouve mife en œuvre. La figure D fait voir deux pilaftres doublés,
Unis l'un à l'autre dans leur angle rentrant par une de leurs extrémités. Il eft aifé d appercevoir, au Château de Trianon, le mauvais effet que produit l'union de ces deux pilaftres , qui pré- sentent , dans leur largeur , quatre modules de développement, au-lieu de deux: fans compter la pénétration vicieufe des chapiteaux, ainfi qu'on Je remarque dans la nef du Val-de-Grâce. Néan- moins lorfqu'on fe trouve forcé d'employer de tels pilaftres a il eft hors de doute qu'il vaut |
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ιβ Cours
mieux les employer à angles droits , qu'à angles
obtus , comme la figure Ε le préfente , & tels qu'il s'en remarque dans l'intérieur du dôme des Invalides. Ces derniers , quoique maiqués par une colonne placée devant, n'en offrent pas moins un exemple à éviter, à caufe du mau- vais effet que produifent les retours de la cor- niche de l'entablement. La figure F offre deux pilaflres en retour d'é- '
querre avec un troifieme à pans , nommé pilaftre ébrafé; il eil aifé de s'appercevoir que ces pila- flres ne peuvent être réunis , fans que leurs chapiteaux fe pénétrent ^ & fans concevoir le mauvais effet de cette pénétration : on pourroit éviter la plus grande partie de ce défaut, fi au pilaftre ébrafé on fubitituoit feulement un pan coupé , comme il eil tracé figure G : ce pan , fans rien affoiblir de la folidité , offre plus de repos & moins de confufion , dans ce que l'Ar- chiteclure doit avoir de plus régulier. De ly application des Colonnes dans la décoration
des Edifices.
La figure H préfente une colonne engagée
de la fixieme partie de fon diamètre dans un pilaftre. Cette pénétration , malgré l'autorité de plus d'un grand Maître , paroît contraire au bel effet que doit produire une colonne ifolée : par cette difpoiition, la colonne a une grande fupé- riorité fur les pilaflres ; car on ne doit jamais engager les colonnes, ainfi que nous l'avons déjà dit plufieurs fois, que lorfqu'on emploie l'ordre Tofcan dans les ouvrages militaires ; encore doit- on fe reffouvenir qu'il faut toujours éviter d'engager |
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d'Architecture. 27
des colonnes dans des pilailres ; cette double péné-
tration , offrant plutôt un abus qu'une des licences de l'Art.
La figure I fait voir une colonne placée devant
un pilailre ; mais ces deux membres n'étant pas affez éloignésl'1111 de l'autre, occahonnent la pénétration des bafes de ces deux ordres. Cet exemple , moins vicieux que le précédent, offre néanmoins une 'licence dont il faut éviter l'application. # La figure Κ fait voir un pilailre angulaire , dans
l'angle duquel eil engagée une colonne, deili- née à former, avec plufieurs autres, un avant- corps circulaire, à l'ufage d'un porche ou dun veftibule. On remarque dans cette figure , non- feulement le défaut des deux précédentes , mais encore le porte-à-faux inévitable qui fe trouve dans les angles rentrants a , qui joignent les demi- pilailres à la colonne : défaut toujours contraire à la folidité & à la régularité ; de maniere que cette licence peut.à peine fe tolérer dans les déco- rations théâtrales, ou dans les fêtes publiques ; mais on ne doit jamais fe la permettre dans les autres occafions. La figure L offre une colonne ifolee & détachée
de fon pilailre angulaire, telle que l'exigent les préceptes de l'Art. Ce qui nous l'a fait ranger ici dans la claffe des licences , c'efl la difficulté de pouvoir arranger la portée de l'architrave, & fur le fût du pilailre , & fur celui de la colonne, le diamètre fupérieur de celle-ci étant moindre que celui du pilailre , ainfi que nous l'avons déjà fait remarquer , fécond volume , page 29, Pja"cli^ VIII : de maniere qu'en pareil cas· on eil force de faire un choix qui conlifle , ou à faire porter l'architrave fur le pilailre , ou au contraire iur la |
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colonne. Dans le premier cas, l'architrave porte
de deux minutes en retraite fur le pilaflre ; & dans le fécond, il porte-à-faux de deux minutes fur la colonne , ce qui eft également contraire & à la folidité & au goût de f Art : c'eft pour cela que fou vent on prend le parti de faire porter l'architrave à faux , feulement d'une minute fur la colonne , & de mettre l'autre minute en retraite fur le Pilaftre, ainii que l'exprime la ligne pon- ctuée a , qui indique lès trois manières dont nous parlons, La dernière nous ferrible la plus tolé- rable, & nous paroit mériter la préférence fur la figure M ; car quoique celle-ci fauve la plus grande partie de ces inconvénients, elle offre néanmoins un pilailre dont la largeur réduite au diamètre du fût fupérieur de la colonne, met une difparité dans le diamètre de Tordre , & un reffaut vers fa bafe , qui nous paroît produire un mauvais effet, à en juger par celle qui fe remarque au portail de Saint-Roch. La figure Ν préfente deux colonnes jumelles,
nommées ainfi, parce qu'elles fe pénétrent l'une l'autre, chacune d'un quart de diamètre : genre d'abus qu'il ne faut jamais fe permettre, malgré l'autorité de celles de la cour du Vieux-Louvre, & celles qu'on remarque dans les deux avant- corps de la Place de Louis le Grand, La figure Ο fait voir une colonne ovale, en-
gagée dans un pilailre : autre efpèce d'abus qu'il ne faut jamais imiter, malgré celles du Portail de l'Eglife de La Merci ; cette colonne, vue de face, ou fur fa partie latérale préfentant deux diamètres difparates entr'eux, dont le premier offre les pro- portions antiques , & le fécond les procédés dont les Goths ont ufé dans leurs édifices. Peut-être |
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d'Architecture. 29
vaudroit-il mieux , au-lieu de cet abus, employer
le pilaftre plié Β , lorfqu'on a intérêt de diminuer la faillie du diamètre des colonnes * ainfi qu'on Ta pratiqué, fans néceffité , aux portails des Egli- fes Conventuelles des Barnabites & des Petits* Peres. La figure Ρ offre encore une colonne ovale ,
différente de la précédente, en ce quelle eit en- gagée de la moitié de fon petit diamètre dans TépaiiTeur du mur , ainfi que fe remarque celle de la porte fur la rue qui donne entrée k la petite cour, qui précède le portail de l'Egiife de la Culture Sainte-Carherine : efpèce de colonnes qui., comme les deux précédentes, doivent être rangées dans le nombre des abus de l'Art, plutôt t^ue de fes licences. En parlant de la figure H, nous n'avons pas
approuvé les colonnes engagées dans les pilaftres ; néanmoins il peut arriver des occafions où Γ011 foit obligé d'introduire cette licence dans l'Archi- tecture. Par exemple, quand il paroît néceffaire de donner un certain mouvement à la façade d'un bâtiment fur la rue, & que gêné par la voie publique, on ne i'auroit donner à un avant-corps une certaine faillie j on peut s'y prendre de deux manières: i° Suppofons que l'arriére-corps a de la figure Q, foit décoré de pilaftres ; pour que l'avant-corps b acquière la moindre faillie poffi- ble , on fera contraint d'engager les colonnes dans les pilaftres, ou d'adoffer feulement les colonnes contre le mur, comme c ; mais ce dernier moyen, comme on le remarque ici, ne peut le pratiquer qu'en iupprimant les pilaftres fur le nu du mûr d; ce qui ne fe peut toujours à caufe de la relation qu'on doit chercher à obferver entre l'avant-corps |
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30 Cours
& les arriere-corps du bâtiment ; 2° en n'employant
que dès pilailres dans Favant-corps, au-lieu de colonnes, comme a , figure R , foit en continuant les pilailres dans l'arriére-corps ƒ, & pliant un de cespilaltres dans l'angle e : foit en fupprimant les pilailres dans l'arriére- corps g , & ne faifant faillir l'avant - corps vers h, que d'un quart de diamètre. Au reite, il eil aifé de s'appercevoir que ce
fécond moyen, ne peut guère s'employer que dans les bâtiments ordinaires & de peu d'étendue. Le premier, au contraire , quoique plus licencieux, femble mériter la préférence pour les grandes en- treprifes , n'ayant d'ailleurs pas les inconvénients des colonnes jumelles de la figure Ν ? que nous avons précédemment défapprouvées. De tout ce qui vient d'être dit dans ce Cha-
pitre > on peut conclure que les licences que nous venons de rapporter , demandent beaucoup de circonfpeclion de la part de Γ Architecte ; qu'il ne doit jamais les employer que dans l'intention de fauver de plus grands inconvénients. En un mot, même dans les ouvrages les moins impor- tans, il ne peut raifonnablement faire ufage des abus que nous avons reconnus pour tels dans nos obfervations, & que nous avons tracés dans cette premiere planche , ainfi que les licences dont nous venons de traiter. |
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d'Architecture. 31
CHAPITRE III.
APPLICATION DE L'ART, OU L'ON TRAITE DES DIFFÉRENTES
MANIERES DE DECORER LES Β AT I- MENTSt RELATIVEMENT A LEURS DIVERS USAGES. XSl PRÈS avoir parlé dans les Chapitres précé-
dents de la maniere d'élever les ordres , les uns fur les autres & de la diverfité des fentiments des Architectes à cet égard ; citons ici les dix maniè- res le plus en ufage de décorer les façades de nos divers bâtiments. De ce nombre font ceux compofés d'un feul
étage, tel que le Palais Bourbon par MM. Gabriel & Aubert ; ceux compofés d'un rez-de-chauffée, furmonté d'un attique, tel que l'ancien Hôtel de Clermont, aujourd'hui l'Hôtel de Chaulires , du deiîin de M. Le Blond ; ceux compofés de deux étages réguliers, tel que THôtel de Soubife par M. de La Maire ; ceux compofés d'un foubaffe- ment à rez~de-chauffée , & d'un premier étage, comme l'Hôtel de Touloufe, reftauré par François Manfard ; ceux compofés d'un foubaffement à rez- de-chauffée, & d'un étage régulier au-defîus, tel que le Château de Veriailles du côté des Jardins, par Hardouin Manfard ; ceux compofés d'un fou- baffement & d'un ordre coloffal au - deffus , em- brasant deux étages , comme la nouvelle façade |
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32 Cours
du Louvre, du côté de la rivière , par Claude
Perrault ; ceux compofés d'un feul ordre qui enl- braiTe deux étages, tel que l'ancien Hôtel Amelot, par M. Boffrand ; ceux compofés d'un ordre qui embraffe deux étages , le dernier couronné d\m attique , tel que l'Hôtel Lambert, dans l'île, par Louis le Veau; ceux compofés de deux étages réguliers , & d'un attique au - deiTus, telles que les anciennes façades de la cour du Louvre, par Pierre Lefcot; enfin ceux compofés de trois étages réguliers , tels que le Château de Maifons , & celui de Blois, par François Manfard. Dans le Chapitre VI du volume précédent,
nous avons donné les mefures des ordres d'Archi- tecture qui décorent la plupart des bâtiments que nous venons de citer; nous y renvoyons nos Elevés, pour qu'ils apprennent les rapports que les Architectes qui les ont élevés ont cru devoir leur prefcrire, & qu'ils s'aiiïïrent des proportions qu'ils doivent choiiîr entre ces diverfes mefures, afin qu'ils puiffent déterminer la proportion des différents étages dont ils voudront compofer leurs édifices. Un autre objet nous intéreiîè à préfent; il s'agit d'appliquer , non - feulement les ordres d'Architecture à la décoration de nos façades , mais de prouver que le choix d'un ordre, une fois fait , tous les membres d'Architecture qui l'accompagnent, doivent être analogues à fon cara&ere & à fon exprerîion. Nous n'avons cité, il' eil vrai, dans ce Chapitre , que quelques prin- cipaux bâtiments de chaque genre , renvoyant pour le furplus au Recœuil de rArchiteclure Fran- çoîfe, qui les comprend prefque tous , & dont nous avons fait un choix pour traiter en parti- culier de ceux que nous allons décrire ici. Mes
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é' A R e Η ι τ ε a τ ν Rsr: ,j|
Ζ?ei Bâtiments à un fiul étage.
Planches 11 3ε III.
Les bâtiments d'habitation à un feul étage ? n&
font pas communs dans les grandes Capitales (a ) > parce qu'affez ordinairement le terrein fur lequel on bâtit dans les Cités, eft fort reflerré : cir- conftance qui détermine fouvent les propriétaires à multiplier les étages les uns fur les autres. D'ailleurs il femble que les édifices de quelque importance, exigent plufieurs étages ; ils annon- cent plus de dignité, plus de falubrité, pourvu •toutefois qu'on donne à ces divers étages , àes proportions différentes qui indiquent viiiblement celui deftiné pour la réiidence perfonnelle du Maître. Les bâtiments qui n'ont qu'un feul étage , ne parohTént guère convenables que pour leß pavillons , les belveders , comme à Seaux, à Bagnolet ; pour une jolie maifon de plaifance 9 comme celle de M. de La Boiffiere, rue de Clichyj pour un petit corps de logis , fervant de retraite à l'extrémité d'un Parc, comme à Saint-Cloud ; enfin pour les orangeries , les ferres ou les ailes particulières , deftinées dans un Palais, dans ιιης Maifon de Plaifance , à contenir les cuiiines, les offices, les écuries, les remifes, les laiteries', &c. Certainement il ne doit pas en être ainii de la |
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( a ) A Paris nous n'avons de bâtiments de ce genre, que
le Palais Bourbon , l'Hôtel de Laflai , celui de Béthune, de Montbafon , &ς. Sc, dans , fes environs , le Château de Trianon , la Maifon de M. le Maréchal de Soubife à Saint- Ouen, Sec. Tome JIL C.
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demeure des Rois * ni de celle des grands Sei-"
gneurs ; il éft vrai qu'il n'y doit paroître qu'un bel étage, & qu'un fenl ordre ; mais du moins celui-ci doit-il être porté par un ibubaffement*, ainli que nous le dirons ailleurs , & que nous l'avons déjà remarqué plus d'une fois,·; -car nous ne pouvons approuver les ordres coloffaux qui montent de fond, & qui ne doivent être appliqués tuf aux édifices publies, aux arcs de triomphe, &c. malgré l'abus que nous en préfentent les jeunes têtes de nos jours. Ces jeunes gens croyant laifTer des "traces de l'élévation de leur génie, ne mon- trent qu'un contrarie outré, dont les productions de Γ Architecture devroient être fur-tout exemptes ; ils:s'appuïent , difent-ils , fur les autorités de plu- iieurs édifices ; mais devons-nous imiter les exem- ples de quelques-uns de nos prédéceffeurs, quand la réflexion nous fait connoître qu'ils étoient auiîi incertains'fur la route quils dévoient fuivre, que le font aujourd'hui nos Artifles fans expérierice? ·: Quoiqu'il en foit, nous dirons que de toutes | -les décorations extérieures de nos édifices, les | •façades à un feul étage font véritablement les | plus fufceptibles de régularité dans leur ordon- | nance , parce que ces fortes de façades n'exigeant -jamais pluiieurs ordres les uns fur les autres., l'Architecte rencontre infiniment moins d'obitacles dans la relation qu'il s'agit d'obferver entre toutes les parties qui compofent fa décoration ; il fuffit alors de faire un choix judicieux de l'un des cinq ordres, ou feulement de l'expreiîion de celui qui efe le plus analogue au caractère du bâtiment; de maniere que cet ordre , une fois choifi, il ne s'agit plus que de déterminer la relation que les dehors doivent avoir avec les dedans; enfuite |
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b*à rchitectüêe; j^
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ilobferver la largeur, la forme & la proportion
des portes ; des croifées , des doiferets, des im* polies ; ce qui fe peut facilement, en fe rappe- lant les rapports que tous ces divers membres doivent avoir avec, Je module de l'ordre ; rapport 4 dont nous avons parlé en traitant du raifonnement de 1 Art,, premier volume, Chapitre Ü1. t Dans la planche II nous nous fommes conten- tes de tracer,un pavillon avec fon plan ; nous gavons ÎUipppie à l'extrémité d'une 'façade, vue du coté des jardins, avec partie de famere-corps qui /oint:ce pavillon. Nous avons choifi l'ordre Ionique pour ordonnance , & obfervé, dans tous Jes membres qui raccompagnent, le rapport que ceux-ci doivent avoir déterminément avec le module & fexpreiïion moyenne de cet ordre* pour éviter ici une defcription inutile , nous avons ■cote; exactement, fur cette planche, les largeurs, les hauteurs & les faillies de toutes les parties qui compofent^ce pavillon : mefures qui prouveront le moyen facile de parvenir à rendre les parties :l dépendantes du tout, & réciproquement à rendre
,les détails relatif aux parties. I Suppofons à préient qu'on veuille économifer ou
que l'on craigne qu'un ordre colonne pu pilailre ne paroiiîe d'un trop petit module, dans l'ordonnance de ce bâtiment, eu égard à l'étendue de l'édifice ou au point de diitance d'où il devroit être ap' perçu; il feroit convenable alors de fupprimer to<ire , fans pour cela que fon entablement,· k ^argeur de h porte, la forme 'des croifées , les doiierets , leurs chambranles , reçurent aucune elpece de changement ni d'altération, ainfi qu'on peut leremarquer dans la planche III, qui ne gifere abfolume.nt de la précédente , que par la Gij
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}6 C o υ R i
luppreffion de Tordre , à la place duquel nous
avons fubftitué un corps d'Architecture, qui, comme feroit Tordre, foutient le fronton, con- ferve la largeur des trumeaux, des encoignures &des écoinçons. Cette fubititution en produifant une ordonnance plus fimple , nen offre pas moins une décoration parfaitement régulière; ce <jui doit prouver l'utilité des ordres , puiique leur module , une fois connu, fert de mefum à tous les membres d'Archite&ure , comme ii les ordres exiitoient dans les façades de nos édifices. En même temps elle fait voir , en quelque forte , l'inutilité des ordres dans les bâtiments d'habitation, principalement lorfque ceux-ci ne font pas de la premiere importance. Cet exemple, que nous rapportons en paffant ,
doit au moins convaincre nos Elevés , que li les ordres d'Archite&ure, ne font pas toujours né- ceifaires dans la décoration de certains édifices, dn moins leur étude e£t indifpenfable ; puiique c'eft par leurs fecours qu'on trouve , fans aucune difficulté , la largeur, la faillie & le dénombre- ment des moulures de chacun des membres qui concourent à la décoration , fans pour cela que l'ordre fok tenu d'être préfént dans l'ordonnance de l'édifice. Ce principe une fois reconnu pour certain,
il eil donc poiîible , dans tous les cas , de par- venir à faire une décoration véritablement régu- lière , en ufant du procédé fuivant. Déterminez d'abord la hauteur des planchers à raifon du dia- mètre des pièces intérieures de l'édifice : ajoutez à cette hauteur celle de ces mêmes planchers ; enfuite fouitrayez environ un pied pour la re- traite ou le focle qui doit régner au-deffus d$ |
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d'Architecture; yf
perron: faites que la partie fupérieure de l'entable-
ment annonce le niveau du deiîus du plancher ; & divifez toute cette hauteur, depuis le derîus du focle jufques fur la corniche , en cinq , ii vous voulez donner le quart à fentablement ; ou en fix, ii vous n'avez envie de lui donner que le cinquième ; alors l'intervale , à compter depuis le deiîbus de l'entablement jitfque fur la retraite , fera l'efpace deftiné à occuper les portes , les croifées , leur couronnement, leur appui , &c. A l'égard de la baluilrade de couronnement , on lui donnera de hauteur celle de l'entablement, réduit au quart ou au cinquième ; relie à déter- miner la hauteur de la retraite, qui, dans ces deux planches, eft fixée à trois pieds un pouce, y compris cinq marches de cinq pouces chacune, qui, du fol du jardin , montent de vingt-cinq pouces à celui des appartements. Cette méthode tracée ici, & connue de tous
tes grands Maîtres qui nous ont offert plus d'un chef-d'œuvre, peut donc être regardée comme la plus fûre ; ejle'prouve qu'il eft inconteftable que les bâtimeni;s à un feul étage font & doivent être les plus réguliers & les plus véritablement faciles à mettre en œuvre, foit que les ordres y préiident ou non, puifque tous les membres qui les compofent font établis d'après un module connu, & choiii par l'Archite&e entre les ordres d'Architecture : fource où il doit puifer l'ordon- nance des bâtiments de tous les genres. Des Bâtiments compofés d'un re^-de-chaujjeç f
& furmontès d'un Attique. a \ Ces bâtiments font en ufage à la Ville ou à la
> *■ /■->··.·... |
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38 Cours
Campagne, lörfque leur cage fe trouve peu coniî-
dérablc, & qu'elle ne fournit qu'à peine un efpace fuffifant pour diitribuer à rez-de-chauffée les piè- ces de i'ociété, "& un appartement d'habitation; de maniere qu'on deiline l'attique pour les pièces d'une moindre importance ( b ). Dans le Chapitre III du premier volume, nous avons dit que la hauteur de cet attique , félon l'opinion des modernes , étoit de la moitié de létage de defTous , & que toutes fes parties dévoient être afforties à ce nou- veau genre d'étage, c'eil-à-dîre, que fa décoration doit avoir une expreiîion & une richeife relative à l'ordre qui le foutient. Nous avons ajouté qui! falloir éviter pour cela de placer , par exemple , un attique Tofcan fur un étage de proportion Corinthienne , ou un attique Ionique , fur un ordre Tofcan. Il eil effenciel de fe reffouvenir, que puifque nous reconnoiiTons trois ordres Grecs &deux Romains, tous d'une expreiïïon différente, à l'exception du Compofite ; il efl facile de con- cevoir , qu'il doit y avoir autant d'efpeces d'atti- ques qu'il y a d'ordonnances ÎTofcane, Dorique 3 Ionique , StÛ II faut encore fe rappeler , qu'ori- ginairement les attiques ne furent imaginés, par les anciens, que pour fervir d'amortiiTement aux grands édifices, ou pour y placer des infcrip- tions , des bas-reliefs; & que s'ils ont pris faveur en France, ce n'eit que parce qu'on "les a crus néceflairès dans nos maifons particulières, pour être fubflitués aux manfardes, beaucoup moins commodes & prefqu'auffi difpendieufes. (b) Voyez1 daitiS'i'Archiiea'are Fiinçoîfe , les Hôtels de
Clermont, de Noirmoutiet, de Roquelaure , de Rothelin , la ïnaifon de M. "d'Argenfon, &c. autant de bâtiitiefttS çompofçs 4Jun rçî-de-çhaiiCrée §t"dJün acti^uci |
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d'Architecture. 3 9>,
Malgré ce que nous rapportons ici des atttques ,
nous dirons qu'il faut éviter d'en faire un trop fréquent'ufage : cet étage racourci, ainfique les membres d'Architecture & les ornements de fon reiîbrt,; paroiiient peu propres à figurer avec les ordres d'Architecture* & à féconder la beauté de l'ordonnance des édifices de quelqu'importance?x quoiqu'on en remarque dans la plupart de nos, monuments & de nos maifons royales , dont nous rappellerons les meiiires dans le-Chapitre iiiivant,. en traitant de cette partie de l'Art'. Les, attiques, feion nous , ne devroient être en ufage que dans nos maifons de campagne ; & , malgré l'exemple; des Hôtels que nous venons de citer note b , on ne doit les employer que par économie dans les, maiibns à loyer. ,,:.;;.,· ■ ?;■ Nous avions deffein de rapporter ici quelques-
uns de ces bâtiments ; mais la crainte que nous, avons eue de nous répéter avec Γ Architeclure Fran- çoife > nous fait renvoyer nos Elevés à ce Reeœuii δε aux obfervations que nous avons faites , en, donnant la defcription de la plupart des bâtiments qu'il contient. D'ailleurs nous prendrons occafiort de parler de ces mêmes attiqlies , ainfi que des différents étages de nos édifices, en rapportant dans ce volume la décoration des avant-corps des bâtimentsles plus renommés de cette Capitale & de fes environs. Les deiiins faits par, nos célèbres Architectes , nous donneront occafion de faire remarquer, d'une part , les chefs-d'œuvre quiîs contiennent, &,de l'autre , les (icen.ces, que nps grands Maîtres ont cru pouvoir s'y. permettre 9 dans la vue d'embellir l'enfemble des ordonnan- ces ; qui Jçs'c^mpoierit. , ; , ; ... -1 , Çiv
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S|o Cours
Ό es Bâtiments qui comprennent deux étages
réguhers.
Par un étage régulier on entend ordinairement
celui qui peut comprendre un ordre d'Architecture fans aucune efpèce d'altération : cet étage eil: encore appelé ainii, lorfque par des confidérations particulières on en retranche Tordre , pour n'en retenir que l'expreiïion & la répandre dans toutes les parties de l'ordonnance de fa façade. Les bâtiments à deux étages , non - feulement
annoncent une toute autre deftination que ceux à un feul étage; mais ils procurent dans les de- dans la facilité de diitribuer des appartements beaucoup plus complets par la double furface , que fourniflent deux étages contenus dans la cage d'un bâtiment d'une étendue peu confidé-* rable , ainfi qu'on l'a pratiqué à Paris, aux Hôtels de Soubife, de Villeroi, de Matignon, d'Humieres, de La Vrilliere , &c. De ces Hôtels celui de Soubife annonce la déco-
ration extérieure la plus intéreiTante ; fon rez-de- chauffée décoré d'un ordre Compofite, celui de defllis d'un ordre Corinthien , & ce dernier cou- ronné d'une baluftrade, préfentent aifez ' bien le caractère qu'il convient de donner à ces fortes d'édifices (c,. Rappelons ici ce que nous avons Ν _________
( c) Voyez, l'Archite&ure Franç>ife pour la plupart des bâti-
ments que nous citons dans ce Chapitre ; voyez auiïi la def- cripnon que nous en avons donnée dans les quatre premiers volumes ; ce qui, comme nous l'avons déjà obfeivé , nous empêche de nous étendie tat \λ perfection ou l'iiûperieilio« 4guOtt icmaxçue daas leur ordonnance, |
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d'Architecture. 41
déjà dit ailleurs : la hauteur du premier étage doit
être moindre que celle du rez-de-chauffée. Par exemple, à l'Hôtel de Soubife, l'ordre Compoiite a vingt modules , dix-neuf de ces vingt modules ont déterminé la hauteur du Corinthien , qvù, à fon tour , a été divifé en vingt autres parties pour déterminer fon diamètre. H en doit être de même pour la relation de ces étages , foit que les ordres y préiident, ou que par efprit de convenance on foit obligé de les fupprimer; de maniere qu'il n'y aura plus qu'à ajouter à chacun de ces étages , la hauteur que doivent avoir les retraites , repréfentation du dez, des piédeftaux , & celle des entablements qui feront portés au quart ou au cinquième ? félon retendue du bâtiment , & le mouvement que l'on a cru devoir donner aux façades à raifon de l'applica- tion des ordres dont on aura fait choix. Pour que nos Elevés néanmoins puiffent fe convaincre des routes différentes qu'on peut prendre pour arrivera la relation que les étages doivent avoir les uns avec les autres; qu'ils examinent de nouveau îe Chapitre VI du fécond volume de ce Cours, où nous avons pris foin de rapporter les mefures que la plupart des Architectes, anciens & modernes, ont imaginées dans la relation que les ordres d'Architecture, furmontés les uns parles autres, doivent avoir , pour produire un meilleur effet ; c'eiî le feul moyen de bien connoître la néceiîité d'une pareille étude, pour arriver aux plus grands fuccès. |
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03?
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*y§ Cours
J5w Bâtiments c'ompo/és d'un foübajfemenf 1
& dun étage régulier au-dejjus. Ces bâtiments font afiez en ufage â Ia cam-
pagne, lorfquen faveur d'une vue "véritablement intéreiTante, on croit devoir placer les apparte- ments de fociétë & d'habitation au premier étage , ou, lorfque par la nature du fol , on a lieu de craindre que ces mêmes appartements , diilribliës à' réz-de-chatiiTée , ne manquent d'une certaine 'îalubriié pour une habitation journalière : alors oint place feulement, dans ces ibubaiiements les "veili- bules, les efcaîiers, les falies à mander , les*bains"% îes offices, &ç. Dans le Chapitre III du premier volume ^
nous avons parlé dés foubafTements çM nous avons dit que la hauteur de cette efpèce d'ëtage devoit avoir les deux tiers de celui qui fe trouvoit élevé aii-defTus : nous répéterons ici, que l'ordonnance des foubafTements doit offrir une Archite&ure folide, fi l'étage fupérieur eil d'éxpreiïion Ionique ; ou, au contraire , l'ordonnance des foubaifements fera Ionique, ii le premier étage eil Corinthien: les couronnements des foubafTements doivent em- prunter , dès piédeflaux s les membres des cor- niches qui les couronnent ; leurs ouvertures doi- vent avoir de hauteur un fixieme de moins que les proportions preicrites pour les étages régu- liers. Pour ce qui regarde la hauteur du bel étage, dont les deux tiers déterminent celle dû foubafTement, elle doit dépendre du diamètre des pièces qui s'y trouvent diilribuées; & la répar- tition de fes membres doit être la même que celle dont nous avons parlé précédemment ; c'eil-à- |
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B'ÂRCH IJ EC'fUR S. 45
dire, tenir à Tordre qu'on y emploiera, o\i en
cas d'abience , à fon expreilion, qui alors déter- minera le cara&erè des profils des entablements * la proportion, la forme & la richefie des ouver- tures ; en un mot, tous les membres d'Archi- te£tare & les ornements de Sculpture qu'on vou- dra y admettre. Nous ne citerons d'exemple en. ce genre, que l'Hôtel de Carnavalet, & le Château de Bloisj mais tous deux du célèbre Manfard. ■Des Bâtiments compofés d'un ' foubaßement ,
d'un bel étage & dun attique. Nous avons déjà obfervé qu'il falloir ufer mo-
dérément des attiques dans l'Architeclure ; qu'ils ne convenoient guère qu'aux maifons particuliè- res, ou pour fervir d'amortirTement, félon l'occa- ■li'oh, aux édifices publics , ou enfin de couronne- \ ment aux avant-corps de nos Maifons Royales. L'exemple de la façade de Verfailles-, du côté des jardins , peut néanmoins fervir d'autorité , parce que ce petit étage de couronnement, paroît annoncer que l'habitation du Souverain, eil mife à couvert des intempéries de l'air , jfar cet étage de fuppîément ; & que le foubaiTement qui fon- tient le bel étage, donne à connoître, que cette même habitation en devient plus faîubre : d'où il réfulte, qu'à Verfailles la décoration extérieure acquiert plus de dignité, que û l'on y eût fait nfage de deux étages réguliers ; l'apparence de cette double habitation nuifant à l'idée d'unité qu'on doit chercher à obferver dans la décoration extérieure des édifices dont nous parlons : double étage qu'on tolère à peine aux Hôtels élevés dans les Cités, par l'économie du terrein ou autrement. |
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44 Cours
Aü feite, il ne faut pas oublier que les attaques
procurent aux grandes pièces , indifpenfables dans la diitribution des Maiions Royales, des hauteurs néceflaires pour y pratiquer des voûtes & des calottes pour les grands fallons , les galleries ? les falies des Gardes & autres pièces de leur reffort; qu'autrement la courbure de ces voûtes fe trouveroit occuper une partie de la hauteur de l'étage régulier, fi l'on avoit préféré celui-ci à un attique. Il eit vrai que l'élévation de ces grandes pièces , fe prenoit anciennement dans celle des combles ; mais il faut convenir que ces derniers apportoient fouvent des objets peu con- venables à l'édifice, malgré la multitude d'exem- ples que nous offrent la plupart de ceux élevés en France. Qu'on y prenne garde, nous venons de citer
la façade de Verfailles décorée d'un foubaffement, d'un bel étage & d'un attique ; à la vérité ce genre d'ordonnance nous paroît très-propre à déterminer les façades des Maifons Royales; mais nous fommes? bien éloignés d'en approuver les dimenfions & les rapports : le foubaffement de ce Château nous paroît trop élevé*:le bel étage avoir trpppeu de hauteur9 & fon attique continu offrir à l'œuil du fpe&ateur une monotonie prefque révoltante. Sans doute Hardouin Manfard étoit trop habile pour ne s'en être pas apperçu ; mais perfonne n'ignore que cette grande façade n'eft qu'une reitauration, & que les entraves auxquels il a été affujéti, font pour lui autant d'excufes légitimes : il a fu du moins préférer Tefprit de convenance à l'exacti- tude fcrupuleufe des détails , prefque toujours négligés d'ailleurs par cet homme de génie» |
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D'A AC HIT E C TÜRE. 45
Des Bâtiments compofés d'un Joubajfement 9
au-dejfus duquel s'élève un ordre coloßal
embrajfant deux étages.
Malgré la quantité d'exemples de ce genre,
qu'on remarque en Italie, & dans la plupart de nos productions Françoifes, il nous femble qu'un ordre qui embraffe deux rangs de croifées, de- vrait être réfervé pour nos bâtiments publics, y félon leur plus ou leur moins d'importance ; ou plus convenablement encore pour la décoration de nos Places Royales, parce qu'aiTez ordinaire- inent la grandeur de ces dernières étant considé- rable , & les bâtiments contenus dans leurs murs n'étant guère occupés que par des particuliers ; il ferait peut - être à craindre que deux ordres &, leurs entablements, déterminés par le peu d'élé- vation des appartements intérieurs, ne parufTenî ■■d'un trop petit module, pour être apperçus d'un point de cliitance raifonnable. Pour fe convaincre de cette opinion , on peut
comparer l'ordonnance de l'Archite&ure de la cour du Vieux-Louvre, avec celle de la Place de Louis le Grand , l'un & l'autre ayant à-peu-prés le même diamètre : par là on pourra juger , û effectivement le grand ordre élevé fur le foubaife- ment de la Place de Louis le Grand ? doit être préféré aux trois petits ordres qui fe remarquent dans la plus grande partie de la cour du Vieux- Louvre actuel. Nous penfons que le grand ordre que nous citons , quoiqu'embraiTant deux rangs, de croifées , répond du moins, par la grandeur de ion ordonnance, à celle 4u diamètre de \% |
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#4 C ρ υ & s *"
Placé, & que du moins les doubles ouverture*
qui font comprifes dans fa hauteur -» fervent à annoncer l'ufage intérieur des bâtiments particii* îiers , auxquels cette grande ordonnance iert de mur de iàce. Par-tout ailleurs, au contraire, ce feroit, ce femble , vouloir donner à entendre , jque la décoration extérieure d'un édifice, auroit été , dans fon origine, commencée pour déii- gner un monument public, & que dans la fuite ayant paffé à des Citoyens du fécond ordre , ils fe leroient trouvés forcés , par économie, de fub« idivifer intérieurement la ^hauteur des étages; >ï j^fC D'ailleurs on ne peut fe le diffimuler , il faut de fartes raifons pour employer les ordres colof- faux dans la décoration des bâtiments d'habita- tion. Perfonne n'ignore l'impoiixbilité de concilier ;les rapports que doit avoir l'ouverture des portes & des croifées , avec celle du diamètre de .l'ordre -coloffal, qui n'eil appelé tel que parce qu'il femble 3ïi'avoir aucune correfpondance avec toutes les autres parties de l'ordonnance. En effet i°, Quel- que grandeur qu'on veuille donner à un ordre, on n'en eu pas moins obligé , par rapport à la jfolidité, d'en rapprocher les colonnes allez près les unes des autres, à caufe de la portée des •architravesr.; 2° Ce rapprochement de colonnes, laiife à peine un efpace fuffîfant pour y placer convenablement des portes & des croifées ; de iforte que dans de tels édifices on remarque quel- quefois que la largeur des ouvertures s égale feu- * lement le diamètre de l'ordre. Qu'on juge de là de Fimperfe&ion d'une telle ordonnance. /Nous ,'ile répétons , prefque tous les bâtiments élevés ignce genre, nous ont paru avoir cet inconvé- AÏiient ; il feroit , peut-être plus intéreffant. qu'on -
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d'Architecture. 47
g$ s'imagine, pour fupprimer cet abus, que nos
.grands Maîtres s'appliquafTent à affigner un cara- ctère véritablement diftindif à leurs différents genres de productions , afin que dans la fuite nos Elevés piuTent s'accoutumer à régler leurs idées , & à ne jamais perdre de vue , par de tels exemples , cette convenance , cette liaiibn , cet enchaînement qui rend ή recommandables certains chefs - d'œuvre des Grecs , lefquels , à bien des égards , l'ont emporté fur les Romains & fur nous, du moins" pour ce qui regarde le véritable cara- ctère & l'expreiîion dont nous voulons parler. Quoi qu'il .en foit, le foubafTement qui foutient
•ce grand ordre, doit, comme dans tous les autres bâtiments, avoir à-peu-près les deux tiers de la hauteur de l'ordonnance de deffus ; néanmoins nous avons cru devoir rapporter, fécond volu- me, page 224 de ce Cours , les mefures de ces .fpubafTements & de leurs ordres, ~en parlant de ceux du Périilyle du Louvre, des Places de /Louis XV> de Louis le Grand & des Victoires,, .planche X C111, dans l'intention de mettre nos .Elevés à portée de juger par eux-mêmes , d'après !îe fentiment des différents Architectes qui ont .élevé ces édifices. ' -Des Bâtiments à deux étages 9 embrajfés' mf
'φ , un jeul ordre d'Arc/titeclum. Ce genre, d'ordonnance, nous paroît moins con-
venable encore que le , précédent pour nos mai- fons particulières : du moins lorfqu'un ordre ço- loffal le trouve élevé fur un ifoiibafTement s M femble décorer , avec une forte de fiiceès, les édifices publics j mais lorfqu'il paroît prendre |
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4$ Cons
naiflance fur le fol du rez-de-chauffée , iî donrié
au bâtiment une fauife idée de grandeur, qui fe trouve , pour ainii dire, anéantie par le défaut de relation qu'on remarque dans tous les mem- bres d'Architecture qui entrent dans fa décora- tion : difparité qui lui ôte cette idée de vraiffem- blance, fans laquelle un édifice ne fauroit plaire, malgré l'autorité'de quelques exemples aûez célè- bres en ce genre, tels que le Château de Marli, par Hardouin Maniard ; celui de Montmorenci par M. Cartaud ; l'Hôtel Amelot, par M. Boffrand, &c. Des Bâtiments compofés d'un ordre qui emhrajß
deux étages3 au-dejfus duquel s'élevé un attique.
«.,.. ..i"-H.·'. v v::K^.-.;i;.. f ■/-■ ■> '■ ·■■■'. ..-,** - .■ ■ '•.■'■υ- ''■;■ ι|κ* ■',:-
Ces efpèces de bâtiments ont les mêmes incon-
vénients que les deux précédents , avec cette différence , que l'attique eft encore moins vraif- femblable fur un ordre coloffal, que fur ceux: placés dans cîiaque étage d'un bâtiment, parce que fi l'on donne à l'attique la moitié du grand ordre , comme le font les modernes ; cet attique alors acquiert une élévation gigantefque , qui dif- pute de hauteur avec le bel étage compris dans le grand ordre : inconvénient qui a droit de dé- plaire aux yeux intelligents, & qu'on peut remar- quer dans l'attique élevé au-deffus du grand ordre Compofite de la façade du Palais des Tuileries\ du côté des'jardins. Si » d'un autre côté, on ne lui laiffe que le quart, d'après l'opinion des anciens , il devient incapable d'entrer en compa- raifon avec l'ordre de deffous. à moins qu'on ne donne
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^Architect üre; "41$
3onne à ce couronnement qu'un caraétere d'amor*
tifîement, fans prétendre vouloir y introduire des pilaitres , des ouvertures , qui, contre tout® idée de vrahTemblance, lui donnent un air d'ha- bitation contraire au genre de l'édifice, où un ordre qui embrafle deux étages peut être em- ployé ; encore faut-il ôbferver alors que cet attique ne couronne que quelques parties effen- cielles de la façade, afin de les faire pyramider fur le reile de l'ordonnance ; car en parlant de la façade de Verfailles , du côté des jardins , nous avons déjà défapprouvé les attiques continus fut toute fétendue du bâtiment» * ' . '■.'·"%
Des Bâtiments compofés de deux étages règu~
liers, avec un attique au-dejfus.
Pluiieurs dé nos édifices d'une affez grande
importance, font élevés à Paris dans ce genre| le Palais du Luxembourg, dans fa majeure partie, par Debroffe; les anciennes façades de l'intérieur de la cour du Louvre, par TEfcot ; l'Hôtel de Rohan, par La Maire ; celui de Noailles , par M. l'AiTurance ; celui de Beauvais, par Le Pautre ; la façade du Bu- reau des Marchands Drapiers, par Bruant ? &c. Plu- fieurs de nos bâtiments même, où les ordres ne préfident pas, préfentent ce genre d'ordonnance , ainli qu'on peut le remarquer aux Hôtels du Maine & de Torcy, au Château de Boufflers & ailleurs : cette maniere de décorer nos bâtiments d'habitation, & où la réitération des étages de- vient fouvent néceffaire, nous paroit la plus con- venable; Tactique , à beaucoup d'égards , devant être préféré aux manfardes, qui ne conviennent guère qu'aux maifons à loyer, & où peut - être Tome III. X) %
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jo C o ν R s
encore Vétage dont nous parlons j feroit & plus
commode & plus économique. Nous ne répéterons point les rapports que ces
étages doivent avoir les uns avec les autres ; les procédés doivent être les mêmes pour tous les genres de bâtiments, du moins nous le penfons ainfi. Au reite, ii la fituation des lieux, l'étendue du bâtiment , fon plus ou moins d'élévation apporte quelque changement dans ces mefures , on ne doit fe permettre ces changements, qu'après avoir fuivi les préceptes fondamentaux de l'Art ; ceft énfuite au génie de l'Archite&e , d'avoir re- cours aux reffources qui lui font offertes, pour iatisfaire à {qs beibins. Des Bâtiments compofés de trois étages
réguliers.
■: '■ 4,... . " * . 'il'
Nous finirons nos obfervations , par traiter des
bâtiments d'habitation , compofés de trois étages réguliers , & dans chacun defquels fe remarque un ordre d'Architecture , tel que dans les gros pavillons du Palais du Luxembourg, où l'ordre Tofcan porte le Dorique , & celui-ci l'Ionique^ ; dans les avant-corps du Château de Maifons , où le Dorique porte l'ionique > & celui-ci le Corin- thien ; enfin dans les nouvelles façades dé l'inté- rieur de la cour du Louvre, où l'ordre Compolite fe trouve placé entre deux Corinthiens. Nous penfons que quand la néceiîké 'requiert
un troiiieme ordre dans un bâtiment, on devrok ne l'employer que pour faire pyramider la partie du milieu de l'édifice, comme à M aifons, & non les extrémités , comme au Luxembourg ; il faut f àremérit faire ufage d'un troifièmè ordre dans tout |
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©'ARCHITECTURE* ?ï
îé 'pourtour de Fédifice, comme on fe propofe
dele faire'dans la cour du Vieux-Louvre; cette continuité ne nous fembiant propre que pouf l'ordonnance des Places publiques , dont ordmai* rement Fimmenfité autorife cette régularité de hauteur , qui, dans les bâtiments d'habitation $ devient d'une monotonie qui nuit au caractère de l'édifice» Ces bâtiments à trois étages > peuvent encore
convenir à toutes les demeures particulières où les ordres ne préftdent ipas, ou bien lorfqu'il ne s'agit que des façades de nos Communautés Rell·" gieufes, de nos Hôpitaux , des Manufactures ,. des Cafernes, des Arfenaux, & de plufieurs autres édifices civils ou militaires. Notre intention * dans ce Chapitré, n'a pas été
d'épuifer toutes les manières que nos Architectes ernployent ordinairement pour la décoration des façades de leurs bâtiments, mais feulement de rap* porter celles le plus fréquemment mifes en ufage? & de citer les exemples qui ont le plus de célé- brité dans chaque genre. Nous avions deffein ? comme nous l'avons dit précédemment, de ren- voyer à f Architecture Françoife, qui traite de ces diverfes productions ( d ) ; mais plufieurs de nos |
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(d) L'Architedure Prarftoife écoit anciennement un Recrcuii
en huit volumes , commencé par Marot, & qui concenoit k$ plans , coupes &. élévations de la plus. grande pairie des bâtiments élevés en France par nos plus célèbres Archkeftes; M. Jornbert, Libraire , ayant acquis ce fond de planches con- iidérable de feu M. Mariette , imagina, il y a plufieurs années s de faire un corps complet de cet ouvrage t & nous invita , er» ayant levé 8c gravé la plus grande partie pour M, Mariette$ à faire des descriptions fur cbacaia des édifices cuie contenu |
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Cours ^
Élevés nous ayant ,fait entendre que YaçquiûÛQÛ
de ce Recœuil de planches , étoit très - difpen- dieuie, ils nous fauroient gré , de mettre dans ce Cours afîez de figures , pour leur abréger une recherche pénible , en leur donnant les deffins, iinon du plus grand nombre des bâti- ments que nous citons , du moins de ceux qui nous paroifTent les plus propres à leur fervir de mo- dèles. Pleins du deiir de leur être utiles , le Cha- pitre iiiivant va contenir, non les façades , mais les avant-corps de nos bâtiments les plus conii- dérables ; enfuite ceux de nos Hôtels, qui, quoi- que moins importants , ne laiffent pas de mériter d'être examinés avec foin , & de faire l'objet de l'étude des jeunes Architectes qui veulent s'ouvrir une route fûre pour parvenir à la perfection de l'Art. . : |
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ce Recœuil : M. Jombert, à cet effet, propofa au Public,
par foufcription, cet ouvrage intércflant : nous fîmes de fuit? les quatre premiers volumes , qui furent dédiés, par le Libraire, à M. le Marquis de Marigny, & aiTez bien acca>uillis du public. Des raifons particulières ayant déterminé M. Jom- bert à fufpendre les quatre volumes reftants de l'Archite- cture Françoife , nous occupâmes le loifir que nous laiffoit cet intervale,a perfectionner le Cours d'Architecture que notre Edi- teur donne aujourd'hui : Cours néanmoins à l'impreifion duquel nous n'avons voulu confentir , qu'auparavant M. Jombert ne fe foit décidé à reprendre ou à abandonner la fuite de 1 Ar- chitecture FrançoiÎe. En conféqueuce nous lui écrivîmes en 1768} peu fatisfairs des raifons qu'il nous apporta , nous nous déterminâmes à laifler mettre lous preiîe le Cours qui eft offert ici au Public : nous profitons même de l'occafion de cette note 5 pour le prévenir , que quoiqu'on ait pu lui faire eutendre, nous n'ayons aucune part à l'interruption de l'Architecture Françoife, |
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*V^
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d'Architecture. 53
CHAPITRE IV.
SUITE DE VAPPLICATION DE L'ART,
Ou l'on traite de l'ordonnance
QUI PRÉSIDE DANS LES AVANT-
CORPS des Palais, des Maisons de Plaisance, et des Hôtel s > ÉLEVÉS PAR NOS ARCHITECTES
CÉLÈBRES. £n| OU's prévoyons là difficulté que nous aurons
à nous acquitter d'une maniere fatisfaifante pour tous nos Lecteurs, de la description des avant- corps dont nous allons préfenter ici les deiïins. Les Maîtres de l'Art auroient peut-être deiiré que nous nous fuiîions contenté de les leur offrir dans ce Cours, en leur laiffant démêler à eux-mêmes les véritables beautés qu'ils contiennent, d'avec les défauts dont ils ne font pas toujours exempts.; peut- être auroient-ils raifon, étant fuflifamment inftruits du bon ou du mauvais effet qu'ils produifent; mais ii en eil tout autrement des Elevés, à qui ces Leçons . font offertes. Peu verfés dans la théorie de l'Art, ils ne peuvent encore apprécier les rapports & les proportions qui déterminent leur largeur avec leur hauteur ? ni reconnoître ii l'expreiïïon de l'or- donnance qu'ils préfentent ? eft eiïenciellemeni: celle qui confient à 1'efpè.ce du bâtiment où ces avant-corps eil placé. Pour remplir la tâche que iious nous Sommes impofée, il nour a donc pan% D iij
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54 Cours
îiéceffaire de rappeler les préceptes de l'Art,'
de diflerter fur les différentes parties qui les com- pofent, d'examiner fi les détails de ces avant- corps font engendrés par les maffes , & fi à leur Jour les ornements naifTent naturellement du cara- ctère de l'édifice ; enfin fi ces divers objets font en relation les uns avec les autres , s'ils n'ont point un ftyle différent, étranger, difcordant.,Ces défauts , quoique moins considérables que celui qui regarde les rapports, n'en caufent pas moins, dans la décoration, une difparité contraire à la perfection de l'ouvrage entier ; & l'édifice alors au-lieude préfenterun chef-d'œuvre, offre à peine une compofition au-deiTus de la médiocrité. Nous nous flattons donc que tout Architecte
non prévenu, queiqu'éclairé qu'il puiffe être, nous pardonnera d'avoir ofé tenter, par nos remarques impartiales , d'abréger l'étude des jeunes Citoyens qui fe deftinent à l'Architecture , en les portant par-là à réfléchir au pied de nos édifices , fur les objets qu'ils doivent imiter fans exception , & fur ceux qui femblent exiger quelques modifications qui les remettent à leur véritable place , & les rendent plus conformes à l'ordonnance qui regne dans l'avant-corps, & enfuite à celles qui préu·* dent dans toute l'étendue de l'édifice. Tapt que nous nous fommes tranfportés fut
le lieu avec nos Elevés , nous avons cru pouvoir nous difpenfer d'écrire le plus grand nombre des obfervations que nous y faifions en leur préfence ; aujourd'hui qu'il s'agit, par l'impreiîion de cet ouvrage, de renoncer à ces Leçons fpéculatives , & même aux démonitrations qui lés ont toujours précédées ou fuivies dans nos Ecoles , nous nous voyons forcés, pour ainfi dire, d'entrer dans |
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d'Architecture. $f
les détails qu'exige l'application de l'Art dans les
différentes comportions d'Architecture , & par- conféqnent d'aider la théorie du jeune Eleve , par l'expérience des grands Maîtres > qui, par les, exemples qu'ils ont laiifés > & que nous tra- duirons ici , leur indiqueront les routes diffé- rentes qu'ils peuvent prendre pour arriver à un certain degré de perfection. Nous croyons même que les obfervations que nous nous trouvons obligés de faire à 1 avantage des uns , & au défa- vantage des autres, ne pourront que contribuer à faire éclôre , avec plus de facilité , les con- noiifances de nos jeunes Emules , pourvu toute- fois , comme cela ne leur arrive que trop ordinai- rement, qu'ils ne s'érigent pas en critiques, fous prétexte de ne faire que des remarques. Une autre confidération nousv a déterminés à
en ufer ainfi : combien d'Artiftes dans nos Pro- vinces, combien même d'Architectes , dans les pays étrangers , qui n'ayant point, ou »que très-peu vu les parties intéreiTanîes des façades que nous allons offrir, feront fatisfaits de trouver, dans leur Bibliothèque, la plupart des productions de nos Maîtres, avec des indications dans le difcours, qui leur rappelleront l'ufage qu'ils en doivent faire dans leurs comportions. Ainfi, quoique ces Leçons foient plus particulièrement faites pour les Elevés à qui ce Cours eil deftiné, nous croyons pouvoir nous flatter que les premiers tireront quelques ieeoùrs des obfervations que le zèle nous a dictées· |
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V
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V, -s
j<5 Cours
DE LA DECORATION DES AVANT-»
corps du Vieu χ-Louvre y du
Palais des Tu 1 leries, et du Luxembourg. Avant-corps de tune des façades de l'intérieur
de la cour dw Vieux-Louvre, du coté de, la rue Froment eau , élevé fur les dejfins de Jacques Le Mercier. Planche IV.
Cet avant - corps offre peut-être la plus riche
ordonnance qu'on puiffe remarquer dans nos édî«. üces François. Nous avons donné les principales mefures des ordres qui le décorent, Tome If;, page 199, planche LXXXVilI, où nous avons dit que fa hauteur étoit de dix-huit toifes trois pieds , depuis le fol jufqu'au fommet du fronton : nous rapporterons à préfent,que ce fuperbe avant- corps , nommé vulgairement le gros pavillon du Louvre, a été bâti dans l'état où on le voit au- jourd'hui , fur les deiîins de Jacques Le Mercier, Àrchite&e célèbre ( e ). Il y a néanmoins toute apparence que ce grand Maître n'a élevé que la partie fupérieure de cet avant-corps, &: qu'il a fuivi les deux premiers ordres & l'attique que Pierre Lefcot avoit employés , lorfqu'en 152.8 % *
(e) Voyez dans le premier volume de ce Cours, page ioiuj
wote d3 la plupart des bâtiments que Jacques Le Merde* % £m çQoihuiïç en France. |
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d'Architecture. 57
fous Henri II, il donna les deffins du Louvre.
Quoi qu'il en ibit, la baluftrade qui couronne cet attique , nous paroît beaucoup trop élevée ; nous penfons de même fur la hauteur démefurée des Caryatides ; mais le cifeau de Sarrailn dédommage, en quelque forte, de ce défaut. Aii-deiïus de ces figures gigantefques, on remarque trois frontons, dont deux triangulaires, & un circulaire : hardieife de génie , qu'on ne peut pardonner qu'à un grand homme , mais qui ne doit jamais trouver d'imita- teurs. Le dôme qüadrangulaire, par fon plan , qui s'élève au-deiTus de toute cette ordonnance, nous paroît trop pefant eu égard à la multiplicité des membres d'Architecture qui divifent l'ordonnance de cet avant-corps : mais entrons dans quelques détails , qui nous amèneront à faire fentir à nos Elevés la beauté de cet avant- corps f ainii que des façades qui l'accompagnent, &à leur faire prendre garde à certaines parties de détail qui aujourd'hui ne font plus en ufage. On ne peut difconvenir que les premières faça-
des de la cour du Vieux-Louvre, auxquelles on a ajouté cet avant-corps, ne foient un chef-d'œuvre. Elles font, comme nous l'avons déjà dit, de Pierre Lefcot, qui les a compofées de deux ordres & d'un attique : genre de bâtiment dont nous avons parlé, Chapitre III de ce volume, page 49. Nous le répétons, certainement c'eft un chef-d'œuvre pour fon temps, & même pour le nôtre, en le conii- dérant du côté de la pureté de l'Architeclure, de la perfection des profils, & de la très-grande beauté des ornements. Il eil vrai que cette ordonnance eft peut-être divifée par de trop petites parties, & qu'en général les ordres font d'un petit module; qu'au contraire, les ouvertures font un peu gran- |
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j8 Cours
des; que hs tables qu'on y remarque, ainiî que
les frontons, les niches, les médaillons ; enfin les ornements y font prodigués : mais il faut avouer que chacun de ces différents objets, examinés féparément, doit pafTer pour un chef-d'œuvre d'autant plus admirable , que ce célèbre Architecte peut être regardé, ainii que nous l'avons déjà dit ailleurs, comme le premier qui ait ranimé en Fran- ce le goût de la véritable Archite&ure antique : à quoi Ton peut ajouter qu'il a eu le bonheur de ■ trouver dans ce fiecle, déjà aflez éloigné du nôtre, des Sculpteurs du premier mérite, qui ont em- belli cette production de ce que l'art peut offrir de plus exquis; leur travail eil bien capable de faire oublier les défauts qu'on remarque dans cer- taines parties ou trop fortes, ou trop foibles , & dans quelques attributs, qu'il eût peut-être été mieux d'y fupprimer. Le Mercier n'a pas héfité d'imiter ces ornements dans la partie inférieure de Savant - corps dont nous parlons ici, en fe fer- vant du cifeau des mêmes Artiiles, & en conti- nuant précifément la même ordonnance, commen- cée parLefcot; & même à en juger par la Sculpture qui nous paroit être du même ityle, nous ferions tentés de croire, que toute cette partie inférieure avoit été. commencée par ce dernier Architecte. Nous ne rappellerons pas ici ce que nous venons
de dire en parlant des licences que nous avons remarquées dans la partie fupérieure de cet avant- corps ; mais nous obferverons que ce n'eft pas un petit mérite à Lç Mercier, d'avoir fu fubdivifer, avec autant d'art qu'il l'a fait, l'ordonnance d'Ar- chitecture de la très-grande élévation qu'il a ajou- tée à cet avant-corps; de maniere que cette mafle du Vieux-Louvre, impofe véritablement; & quoi |
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d'Architectu r je. 59
qu'on en dife , elle offre une véritable beauté , &
par fa grandeur & par la perfection des membres d'Architecture & de la Sculpture dont elle eil ornée : beauté frapante , qui rend indécis le plus grand nombre des Architectes, fi Ton devra, lors de la reftauration de ce Palais, déjà ii heureufe- ment commencée, rafer cette partie fupérieure, pour 'faire fymétrifer cet avant-corps avec ceux placés dans les trois autres façades, ou le laiffer dans fon état actuel, comme un monument de la fplendeur des règnes précédents , & des talents des Architectes qui Font élevé. Si nous étions requis de donner notre avis à
cet égard, nous ne difîimulons pas que nous ferions de ce dernier fentiment. François Blondel & Fran- çois Manfard, le premier à la Porte Saint-Antoine, le fécond à l'Hôtel de Carnavalet, ont hi refpeCter, malgré la fupériorité de leurs talents , les chefs- d'œuvre de Sculpture , anciennement appliqués à ces édifices. Ils en ont même confervé l'Archi- tecture , & fe font par là attirés l'eilime de tous les amateurs & de la plus faine partie des Archi- tectes. Pourquoi, à leur exemple, ne conferve- roit-on pas à la poitérîté cet ouvrage, iinon admi- rable dans toutes,fes parties , du moins très-inté- reiTant clans fes détails , & peut-être le plus capa- ble d'infpirer le vrai goût de la Sculpture dans plus d'un genre. On peut le dire ici, en prenant cet avant-corps partie par partie , le plus grand nombre dès détails de l'Architecture , offre autant de modèles excellents à imiter , principalement ceux qui fe remarquent dans la façade où le trouve contenue aujourd'hui l'Académie des Sciences : façade entièrement finie , & qui, félon nous, eil de beaucoup fupérieure à 'tc-utes les autres a qui |
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ne font qu'une imitation imparfaite du chef-d'œuvre
de Pierre Lefcot. Il faut' prendre garde que dans cette apologie, nous n'entendons parler ni deFatti- que , ni des frontons circulaires qui le couronnent par intervale, non-feulement parce qu'on çiî: dé- cidé à y fubitituer un troiiieme ordre, mais parce que la Sculpture qui l'accompagne , quoiqu'une merveille de l'Art , dans un autre genre, nous paroît trop coloiîale, pour Γ Architecture qui la reçoit. D'ailleurs les combles qui fe trouvent éle- vés au- deiîus de cet attique, nous femblent peu convenables dans tin tel édifice : défaut que le troiiieme ordre qu'on élevé aujourd'hui détruira entièrement. Revenons à l'avant-corps de la planche IV, &
faifons quelques obfervations utiles à nos Elevés 9 pour les accoutumer à y démêler, ce qui s'y rencontre de véritablement eftimable , d'avec ce qui l'eu moins. Nous l'avons déjà dit, nous ne fail·» rions approuver la grandeur des arcades du rez- de-chauiîee, dont la largeur anéantit, pour ainft dire, le diamètre de l'ordre. Celle du premier étage eft dans le même cas ; d'ailleurs la largeur de Tentrecolonnement qui la contient, nous paroît trop coniidérable , eu égard à fon peu d'élévation : au contraire, les croifées de ce même étage font d'une grande beauté ; aufli en donnerons-nous le£ mefures en particulier dans le Chapitre fuivant. Nous*aurions deiiré encore , que Le Mercier, à la place des ouvertures plein-cintre du deuxième étage, n'eût fait que des croifées à plattes-bandes : les archivoltes , les importes & les pieds-droits crénelés qu'on y remarque, réunifient moins heit- reufement que des chambranles : nous n'approu- vons pas non plus les tables propres à receveif |
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d'Architecture; 6t
èes infcriptions ; ces tables coupent trop l'ar-
chitrave & la frife de l'entablement ; elles pré- sentent autant de pièces de rapport qui nuifent à l'unité. Nous avons déjà obfervé, que la plus grande
partie des attributs de la Sculpture, nous y pa- roiflent peu convenables. En effet, que iignifie un bufte fur la corniche des croifées r II eût été fans doute mieux placé dans la falle des anti- ques, qu'ici où il fe trouve, tantôt entre deux lions, tantôt entre deux levrettes. On fait que cette tête étoit fuppofée celle de Diane : allégorie à laquelle Diane de Poitiers avoit donné lieu; mais elle fe trouve répétée trop fouvent dans cette fa- çade , & auroit dû, félon nous, faire l'objet d'un trophée en bas-relief, plutôt que le couronnement d'une croifée, où ces allégories fe trouvent exé- cutées prefqu'en ronde - boife ; d'ailleurs ces têtes nous femblent fortes, comparées avec celles des renommées placées fur l'archivolte de l'arcade du milieu, & ne paroiffent guère avoir de rapport qu'avec les têtes des Caryatides & des figures gigan- îefques de l'attique , qui font d'une autre main. Mais ce qu'on ne peut trop véritablement admirer, €e font les génies diihïbués dans la frife de l'en- tablement du fécond ordre ; ils égalent en beauté, ce que l'antique a produit de plus excellent. Peut- être que les feilons que ces génies femblent attacher fur cette frife, font un peu forts ; les oifeaux qui s'y repofent, femblent d'ailleurs aiFoiblir J'idée du chef- d'œuvre qu'on vient d'admirer. Encore une fois 5 malgré ces remarques, nous fomrnes forcés de con- venir que cet ouvrage mérite toutes fortes d'éloges, & que û nous nous forâmes permis quelques obfer- |
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6i Cours
vations, c'eft feulement en faveur des jeunes gefîs?
qui la plupart imitent indiftinclement les beautés & les médiocrités des hommes célèbres; il eil eflenciel de leur faire diftinguer les unes d'avec les autres, pour les porter à imiter l'excellent, & à fe garan- tir des fautes échapécs aux grands Maîtres* Néan- moins nous n'avons rien voulu changer dans ce deiîin ; nous y avons fupprimé feulement les grandes cheminées qui accompagnent le dôme , ainfi que les croifillons en pierre qui partagent le vide des croifées de cet avant-corps , & qui fe remarquent dans toutes les ouvertures de la façade anciennement bâtie. Avant- corps de l'ancienne façade du Louvre f
du côte de la Rivière > élevée fur les dejfuis
de Louis Le Veau.
Planche V.
Cet avant-corps eft détruit aujourd'hui pour là
plus grande partie , ou du moins eft entièrement mafqué par la nouvelle façade que Claude Per- rault a élevée au-devant, du côté de la rivière, afin de rendre cette partie du Louvre double, de fimple qu'elle étoit anciennement : deux raifons nous ont déterminés à offrir à nos Elevés le deiîin de cet avant-corps : premièrement,,, parce que cette production eft prefque oubliée aujour- d'hui, & qu'elle mérite d'être connue; iëconde- ment, parce que l'ordonnance de ion Architeclure éft abfolument différente du précédent, & qu'elle diffère auiïi beaucoup de celle que Perrault a élevée dans l'avant-çorps de ce même Palais, |
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d'Architecture, 63
du côté de Saint-Germain-l'Auxer-rois, que nous
allons rapporter dans la planche fuivante, après avoir fait remarquer les beautés qui caractérifent celui-ci. L'ordre d'Archite&ure qui le décore, eft d'un
beaucoup plus grand module que celui de l'intérieur du Louvre que nous venons de décrire. Le Veau avoitfans doute penfé, que cet avant-corps devant être apperçu de Vautre côté de la rivière , il étoit néceiTaire que fon ordonnance s'annonçât par un ûyle qui, d'un point de diftance confidérable, ne montrât rien de chétif ni de mefquin > c'eil pourquoi il a préféré un ordre qui embraftat deux étages, au-deiîus duquel fe voit un attique d'une hauteur égale à celui qui regne dans tout le pourtour du Louvre; mais il s'elï bien gardé de le percer de croifées ; il l'a enrichi feulement de bas - reliefs, à la maniere des anciens. Ces bas-reliefs font fé- parés par des corps d'Architecture en forme de piédeftaux, qui portent chacun une ftatue à plomb des colonnes de defTous. Cette forte d'attique a été fouvent employée par Le Veau, à qui il a toujours réufîî , parce qu'il eft un de ceux de nos Archite&es modernes qui aient le mieux fu a j ufter cette efpèce de couronnement, à la déco- ration de fes façades. Nous penfons qu'on auroit dû fupprimer l'étage élevé att-deffus de cet atti- que , les croifées plein-cintre dont il eft percé, particulièrement celle du milieu qui eft furbaiflée, femblent y réunir encore moins bien que dans celui de la cour dont nous venons de parler. D'ail- leurs on ne peut guère applaudir au fronton de cet étage : fa bafe étant plus étroite que la largeur tle l'avant-corps, le coiuonne on ne peut pas plus imparfaitement, ■& lui donne un air feulement |
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64 Cours
pyramidal. Nous fommes du même avis à l'égard
des tables qui divifent les trumeaux & le deffous des croifées ; elles nous paroiffent plus propres à être employées à TEbénirlerie, qu'à l'Archite- üure proprement dite. Nous n'approuvons pas non plus les boffages portés aux extrémités de ce dernier étage; ils indiquent une richeffe ruftique 5 mal-à-propos élevée au-deffus d'un ordre Corin- thien. Le dôme qiiadrangulaire qui furmonte cette ordonnance, achevé d'accabler cette partie fupé- rieure ; mais Le Veau a cru devoir l'imiter , en quelque forte, de l'ancien Louvre, parce qu'ori- ginairement ce bâtiment étant iimple , ce dôme dievoit faire parement, & du côté de la rivière, & du côté de la cour. La porte plein-cintre du rez-de-chauffée , eff
d'une affez belle proportion : nous aimons moins les niches placées de chaque côté ; peut-être eût-il été auiîî à defirer , que les entrecolonnements euffent été égaux ; cela auroit effacé la difparité qu'on remarque dans la largeur des croifées du premier étage & dans leurs doiîërets, qui, mal- gré les chambranles & les croffettes 'de ces ouver- tures ne répondent en aucune maniere à la dignité de l'ordre. Avant - corps de la façade du Perißylt du
Louvre ? du coté de S, Germain-t' Aux er rois,
élevé jur les dejjins de Claude Perrault.
Planche VI.
Cet avant-corps, très-différent des précédents f
eft fans contredit, ainfi que toute la façade à la- ; quelle
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quelle il appartient, l'un des chefs-d'œuvre, & de Claude Perrault & de Γ Architecture Françoife ; nous en avons déjà donné les principales mefnres au deuxième volume de ce Cours , page 224, planche X CΙΠ, en le reconnoiffant pour la troi- sième merveille de l'Art ( ƒ). Malgré cet éloge juitement mérité, voyez ce que nous avons dit des bâtiments compofés d'un foubaiTement, au· deffus duquel s'élève un ordre coloriai, Chapitre III de ce volume, page 45. A préfent donnons notre fentiment fur cet ouvrage , ii digne d'admi- ration, fans néanmoins chercher à diiîimuler les défauts dont il n'en: pas entièrement exempt. Mais avant d'entrer dans cette difcuifion, rapportons que le Cavalier Bernin avoit été d'abord appelée en France pour donner les deiîins du rachève- ment du Louvre , & que ceux de Perrault furent préférés aux projets de l'Architetle Italien. On fera moins étonné de cette préférence, lorfqu'on voudra examiner le quatrième volume de l'Archi- tedure Françoife, où l'une & l'autre production de ces deux Architectes font gravées avec affez de foin. C'eft alors que l'on fera frappé d'éton- nement, de la prodigieufe différence qu'on remar- quera dans le parallele de ces deux compoiitions. Nous rapporterons encore que l'on a difputé long- temps à Perrault d'être l'auteur de ce magnifique édifice, que plufjeurs Architectes l'ont attribué à Le Veau & à d'Orbay fon Eleve & fon neveu. Nous 1 ' ι
·■ ■-..''·' ,'-?
(ƒ) Selon nous la Porte Saint-Denis, par François Blondel·,
eft la premiere merveille de notre Architecture ; le Val-d&- Grâce & le Château de Maifons , par François Manfard , la féconde } enfuite le Périftyle du Leuvre , dont nous par- 'loos, &c. ... Tome III. £
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66 Cours
ne relèverons point ici cette erreur. Nous avons
fuffifamment prouvé ailleurs la faufTefé de cette affertion. Les Architectes qui l'ont foutenue , ne 1'auróient pas avancée, s'ils euifent voulu comparer cette production de Perrault, avec le magnifique arc de triomphe du Trône, dont il a été auiîi l'Architecte, & que nous avons rapporté, deuxiè- me volume de ce Cours, page 106 , planche XXXIX , absolument du même ftyle que l'ordon- nance du périityle. -, Quoi qu'il en ibit, difons que cet ouvrage doit
être regardé, non-feulement comme le triomphe de l'Architecture & de la Sculpture ; mais encore comme le chef-d'œuvre de l'Art, pour la hardieiTe de la conitru&ion. En effet, rien de fi régulier que l'ordre d'Architecture qui y préiide, rien de fi intéreifant que les membres qui l'accompagnent ; point d'ornements mieux entendus que ceux diftri- bués dans toute cette ordonnance ; enfin rien de û magnifique que fa conitru&ion : tout y eft noble, irnpofant. Tels font les grands traits qui caraété- rifent cet édifice ; tel eil le fentiment qu'en doi- vent porter les Connoiifeurs , après l'avoir examiné fous fon véritable point de vue ; mais confidérons« le à préfent comme Architecte. D'abord la grandeur de l'Architecture de ce
Frontifpice, frappe , étonne fans doute ; mais ce preilige ceffe, quand des dehors on vient à paifer dans la cour de ce Palais, où l'on ne remarque plus que de petits ordres diitribués dans les trois étages qui en compofent les façades. Quoique cette obfervation ne foit pas fans fondement, il faut convenir que Perrault s'eft déterminé à cette idée fublime, excité par le zèle de Colbert, & la puif- fance alors fans bornes de Louis le Grand; qu§ |
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d'Architecture; 67
pouf Cela il a cru devoir franchir la relation dest
dehors avec les dedans > à raifon du projet qu'il avoit conçu en élevant le modele de l'arc de triomphe du Trône ; ç'étoit de pratiquer une grande rue qui alignât ces deux édifices célèbres î idée vaite, & tout enfemble digne du beau iiecle de Louis XIV> & de l'opulence de la Nation; idée qui devant un jour fe réunir avec celle du Bernin, qui avoit propofé une feule grande cour, entre le Vieux - Louvre & les Tuileries , auroit produit un enfemble qui eût furpaiTé les plus fom- ptueux édifices de l'Europe* Mais aujourd'hui qu'on femble avoir renoncé à ces projets , les Amateurs & les Etrangers 5 qui ignorent les pre* mieres idées de Perrault, blâment en quelque forte cette difparité frappante qui fe remarque entre les dehors & les dedans de cet édifice. Les hommes initruits condamnent encore, dans
l'avant-corps de cette belle façade , l'ouverture réelle de la porte à plate-bande > qui donne entrée à ce Palais ; ils la trouvent trop petite , quoique de douze pieds de largeur, fur vingt - quatre de hauteur. En effet > elle paroît telle, quoique Per- rault ait pris foin de la renfermer dans une arcade feinte de vingt pieds de large fur trente-neuf d'élévation; car cette reifource eit peu digne du génie fupérieur de cet Artifte, & ne peut jamais fervir d'autorité à nos Elevés , l'archivolte de cette arcade feinte, interrompant le niveau du foubaiTe·* ment, & ayant pour ainii dire forcé Perrault de .fupprimer toute efpèce d'ouverture dans le grand entrecolonnement fupérieur qui fe trouve au-deÎTus de cette porte ; de maniere que le plein qui s'y remarque , quelqu'ingénieufement orné qu'il puiife :être par le miniftere de la. Sculpture , préfente |
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0 Cours V
toujours un corps foUde, où il eût été à defirer qu'on
eut remarqué un percé , préférable à tous égards dans toute efpèce d'édifice , particulièrement dans celui deitiné pour la repréfentation d'une tête cou- ronnée. L'ouverture du petit nombre de croifées qui s'apperçoivent dans cette façade , eil trouvée auffi trop peu conftdérable, quand on vient à la comparer avec le diamètre de l'ordre 3 & il paroit qu'on auroit âeûré que ces ouvertures euffent été continuées à la place des niches qu'on remarque dans les gal- leries placées de chaque côté de cet avant-corps ; ce qui auroit donné, dit-on, à la façade de ce Palais „ un air d'habitation qu'elle n'offre point à ion premier afpe£t. Ces niches, loin de lui pro- curer le cara&ere qu'elle devroit avoir, font ref- iembler cet avant-corps à un mur de face deitiné à contenir, dans fon intérieur, des galleries éclai- rées par en haut, & confacrées à renfermer une collection de tableaux précieux, ou une Bibliothè- que : il paroit qu'on penfe de même fur les mé- daillons placés au-deffus des niches & des croi- fées; ce genre d'ornement n'étant guère que du reifort des arcs de triomphe , ainii que Perrault l'a fait avec plus de convenance à celui dont il a donné les defîins pour le Trône, déjà cité. Peut- être a-t-il voulu rappeler, dans cette décoration, les médaillons placés du temps de Lefcot dans l'intérieur de la cour , comme il a imité dans fon foubaiTement la forme & la proportion trop fvelte des croifées bombées qui fe remarquent dans les anciennes façades du Louvre. Mais arrêtons ces obfervations 5 qui n'empêchent pas que plein de vénération pour ce grand Maître , nous n'admi- rions, avec la plus grande fatisfaftion , cet édi- tée , dont il nous paroît impoifible d'apprécier les |
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beautés ; elles furpaffent de beaucoup les légers
défauts que nous venons de relever d'après le juge* ment qu'en ont porté les plus célèbres Artiftes, avec qui nous avons eu Couvent occaiion de nous entretenir fur ce chef-d'œuvre, & qui, comme nous, font convaincus que cet ouvrage de l'Art eil digne des plus grands éloges. Néanmoins, en faveur de ceux de nos Elevés qui ne font pas encore en état de démêler les vraies beautés répan- dues dans cette compolirion d'avec les parties qui méritent quelques modifications , nous allons don- ner, dans la planche fuivante , ce même avant- corps avec quelques changements que nous nous fommes permis d'y faire , non que nous nous croyons en état de furpaffer, ni même d'atteint dre une telle merveille, mais dans l'intention feu- lement de porter ces mêmes Elevés à réfléchir fur tout ce,qui leur eft offert dans l'Architedure, pour fe rapprocher, le plus qu'il leur fera poiïible , de Tefprit de convenance, peut-être un peu trop négligé parmi nous. Avant-corps de la façade du Perißyle du Louvre,
du coté de Saint-Germain-l'Auxerrour-, avec quelques changements propofès par l'Auteur de ce Cours d'Architecture. Planches VIJ & VIII.
Pour détruire en apparence la petiteffe de la
porte qui donne entrée à l'intérieur du Vieux-Lou- vre, nous l'avançons de vingt-quatre pieds fur un nouveau corps d'Architeeure qui ne s'élèverait que de la hauteur du foubaiTement,, parce qu'a.- £ ni
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70 Co υ R s
lórs cette porte, ne tenant plus à la façade,
perdroit beaucoup de cette petiteffe, qui actuelle- ment ne lui donne guère l'air que d'un guichet, û on l'a compare avec la grandeur de l'ordonnance de cet édifice. Aux-dêux côtés de cette porte , fe- roient pratiquées deux rampes de trente & une marches chacune, & de douze pieds de largeur : au haut de ces rampes fe trouveroit un palier qui, (\\me part, avec une pareille quantité de marches, mon- teroit au-deffus du foubafTement, & de l'autre-, redefcen droit, par une troiiieme rampe alignée à la féconde, dans la place publique fituée au-de- vant de ce frontifpice : fous le palier commun aux rampes de ce grand perron extérieur , on prati- queroit des corps de garde, tels qu'on peut en remarquer, figure À de la planche VIII. Par ce moyen, la direction du périityle ne feroit plus interrompue, & l'on n'auroit plus recours à la cor- niche circulaire qui s'apperçoit aujourd'hui au- deiTus de la porte qui donne entrée au Vieux- Louvre. Au-deffus de ce perron & dans le grand entre-
colonnement de cet avant-corps , au-lieu de la Sculpture qu'on y doit placer, nous aurions pré- féré une grande arcade plein-cintre , qui auroit figuré avec celle qui fe remarque dans chacun des pavillons placés aux extrémités de cette façade ; mais comme cet entrecolonnement fe trouve de vingt-cinq pieds , pendant que ceux des pavillons n'en ont que dix-fept, nous aurions tenu cette nou- velle arcade , un peu plus large & un peu plus élevée 9 & nous l'aurions renfermée dans une niche quarrée, dont les piédroits & les alêtes fe feraient trouvés égaux au module de l'ordre ; reffource que Perrault lui-même a obfervée à fon arc de triomi |
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d'Architecture. jî
phe du Trône, & que François Manfard a em-
ployée avec tant de fuccès dans la nef du Val-4 de-Grâce, ainfi que François Blondel à la porte Saint-Denis. Cette arcade auroit rempli, félon nous, bien plus convenablement cet entrecolon- nement, que tout ce qu'on y remarque. D'ailleurs elle auroit annoncé, dès les dehors, une grande pièce montant de fond , & auroit rappelé , dans le milieu de cette façade, celles placées dans les pavillons de fes extrémités. * Au refte? il pourroit arriver que cette nouvelle
arcade, ainii que les deux dont nous venons da parler 3 quoiqu'aifez bien en rapport avec l'ordre 9 anéantiifent, pourainfi dire , les autres ouvertures répandues en petit nombre dans cette façade : cette confidération nous a fait agrandir, le plus qu'il nous a été poiïible, les croifées à plate-bande qui fe remarquent ici ; on pourra les comparer avec celles de la planche précédente , qui n'ont que fix pieds quatre pouces , au-lieu de huit pieds que nous, donnons à celles de cette planche , les trop petites ouvertures dans les entrecolonnements d'un grand ordre , offrant toujours une difparité choquante» Pour procurer plus de vide à cette façade, nous,
propofons de convertir les médaillons en croifées attiques , ainli que Perrault l'a pratiqué du côté de la rivière ; avec cette différence du moins , que nous les avons faites à plates-bandes, & non bom- bées dans leur fommet : licence qui nous étonne de la part de ce grand Maître , & qu'il a même répé- tée dans toutes les croifées de fon foubaffement. Pour éviter cette forme d'ouverture dans cedernier étage, imaginée fans doute par nos jeunes têtes Françoifes , nous avons, dans ce foubaffement'% préféré des arcades plein-cintre > dans lesquelles» E iv · '
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ji Cours
nous avons introduit des croifécs de même forme ;
& nous avons rifqué de tailler des refends dans leurs piédroits ; il y a toute apparence que Perrault a cru devoir faire ce foubafTement très-fimple , à deffein de faire briller , avec plus d'éclat, fon ordre Corinthien ; cette idée eft bien digne de ce grand homme. Nous croyons néanmoins que cette trop grande iimplicité tend à rendre trop pauvre cet étage, qui, deftiné à foutenir ce que Γ Archi- tecture a de plus élégant & de plus riche, devoit peut-être fe reiTentir, par quelques membres d'Ar- chiteclure de plus, du triomj3h« de l'Art quilavoit à foutenir. Si l'on trouvoit que ces refends annon- çaient un caractère de ruitieité, on pourroit fe contenter d'y tracer feulement les joints des aiîifes d'une maniere un peu articulée ; car nous fommes bien éloignés d'applaudir aux bofTages qui inter- ceptent mal-à-propos la continuité des chambranles & des archivoltes , qu'on voit dans le foubafTement de la Place de Louis XV : foubafTement qui auroit dû annoncer d'autant moins de pefanteur, que l'ordre Corinthien y étant folitaire , l'étage qu'il foutient devoit préfenter plutôt l'expreiîion loni- que, que la Tofcane. Pour parvenir à faire ces changements dans cet
avant-corps , nous avons ajouté une colonne dans chacun de fes angles. Deux raifons nous y ont déterminés : la premiere pour reftituer à l'intérieur de ce périftyle une communication directe, inter- ceptée aujourd'hui, ainii qu'on peut l'obferver dans le plan gravé, Architecture Françoife, Tome IV: fecondement pour procurer à cet avant-corps plus de mouvement, &; par conféquent une forme plus pyramidale. Au pied de ces deux nouvelles colonnes, nous, avons placé deux itatues qui > en |
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D'Ar CHI Τ E C Τ V R 1. %f
donnant de la dignité à cet édifice , ont rendu la
forme de notre perron &yde fes rampes, beau- coup plus régulière, ainfi qu'on peut le remarquer, figure B, planche VIII de ce volume. Nous ne nous étendrons pas davantage fur les
changements portés dans cette planche. Nous prions même nos Ledeurs de fe refïbuvenir, que fi nous avons tenté de porter notre jugement fur cet ouvrage célèbre, ce n'a pas été dans l'inten- tion d'afroiblir la célébrité fi juftement accordée au mérite de Perrault, mais feulement, comme nous l'avons déjà dit, dans la vue de mettre nos Elevés , en admirant nos chefs-d'œuvre , à portée d'y démêler la fource des vraies beautés de l'Art ^ d'avec l'opinion particuliere de TArchiteéle. Par ce moyen, lorfqu'il s'agira de leurs propres pro- ductions, ils fauront qu'ils ne doivent fe paffer rien, puifque les œuvres des plus grands Maîtres ne font pas toujours à l'abri de la cenfure de la poftérité. 1 . :' .
Avant-corps de la façade duPatais desTuileries^
du côté du jardin, originairement élevé fur les
deffins de Philibert Delorme & de Jean
Buttant^ & reflauré enfuite par Louis Le
Veau & François dOrbay.
V L A Ν C H Ε IX; >
Dans le volume précédent, Chapitre VI, page
.217, planche XCII, nous avons donné les principales mefures des ordres qui compofent l'or- donnance de cet avant-corps ; difons à préfent ce que nous penfons de cet ouvrage intéreffant, * çQmmencé par Philibert Delorme 9 & terminé tel |
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74 € o υ R s
qu'il fe voit aujourd'hui par Le Veau, qui y a
ajouté un troiiieme ordre & un attique , furmonté d'un dôme qiiadrangulaire par fon plan. Nous renvoyons au quatrième volume de l'Architecture Françoife, pour y remarquer ce qu'étoit la déco- ration de cet avant-corps & de toutes les façades de ce Palais , du temps de Philibert Delorme, qui Favoit bâti fous Catherine de Médias, & ce que cette façade & cet avant-corps font devenus fous Louis XIV, par les foins de Le Veau & de d'Orbay fon Eleve : nous n'avons pas cru nécef- faire ici, de rapporter le premier deffin de Phili- bert Delorme ; il eit beaucoup inférieur à celui que nous offrons dans cette planche , & cette premiere production fe relient du caractère de gothicité dont on n'étoit pas encore revenu fous Catherine de Médicis, malgré le chef- d'œuvre du Vieux-Louvre de Pierre Lefcot, que nous avons cité au commencement de ce Chapitre. Cet avant- corps a donc changé de flyle, en paffant par les mains de Le Veau : ce qui le rend un ouvrage d'Architecture digne du iiecle de Louis le Grand. Néanmoins en rendant juftice à la maniere fa- vante & ingénieufe que cet habile Architecte a employée à la reftauration de ce Palais , on ne fauroit guère approuver le caractère gigantefque qu'il a choifi pour former les additions qu'il a été chargé d'y faire; puifque le grand ordre Com- posite qu'il a choiii ne fert qu'à faire pàroître cTura trop petit module ceux de Tavant-corps dont nous parlons, & ceux des alles qui l'accompagnent : d'oùFon pourroit dire, qu'il a, en quelque forte, anéanti fon propre ouvrage ; puifque forcé de fuivre dans la majeure partie de cette façade 5 le petit diamètre des ordres originairement emt |
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d'Architecture. 75
ployés par fon prédéceffeur, il a rendu par là fon
ordonnance difparate. Cette efpèce de bigarrure, non-feulement nuit à l'unité fi néceflaire à obferver dans un même édifice, mais elle donne à la déco- ration de ce Palais , plutôt l'air des différents bâti- ments particuliers élevés dans les grandes rues de nos Capitales , que l'idée de la demeure dur* Souverain. D'ailleurs qu'on nous permette de l'obferver ici, quel faite extérieur, pour le peu de logements & de commodité contenus dans les dedans de cette Maiibn Royale ! Nous parlerons fous filence l'irrégularité de fes abords du côté de l'entrée, &la diviflon triviale des cours qiii l'ac- compagnent. Certainement il n'y à point d'Etran- ger que nos Beaux-Arts & nos Edifices amènent en France , qui , appercevant la façade de ce Palais, du côté du jardin (g), ne conçoive une grande idée de fon intérieur. Mais quelle efV'fa. furprife , de n'y trouver qu'un ou deux appar· tements , dans lefquels on remarque la difformité des afpe&s, du côté du levant. Il efl vrai que l'appartement du Roi eil décoré d'une grande maniere, & qu'il fe reflent de la magnificence de tous les ouvrages qui fe font élevés fous Louis le Grand. Mais quelle différence entre leur diftrî- bution & la relation que nous commençons à obferver entre les dehors & les dedans cje nos bâtiments î Quoi qu'il en foit, abandonnons ces remarques pour revenir à l'avant-corps qui fait ici notre objet; confidérons - le dans fon état a&uel, en nous rappelant les fujétions auxquelles Le Veau a été forcé de fe foumettre, pour lui donner la perfection ou on le voit aujourd'hui. .\ξ) Cette façade a cent foixante-dix toifes de longueur,-
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>?6 Cours
Pour donner à ce pavillon une largeur conve-
nable à fa nouvelle hauteur , Le Veau a pris une croifée de chaque côté, fur chaque ancienne galle- *ie de ce Palais. Cette augmentation de largeur lui a permis alors de lui donner toute l'élévation qui fe remarque dans cette planche , & dont cer- tainement la maffe générale produit un effet d'au- tant plus admirable , que la largeur de l'ancien pavillon, forme par fa faillie un double avant- corps qui, en procurant au plan un mouvement convenable à la légèreté des ordres qui préfident dans fon ordonnance, fe trouve terminé très-heu- reufement par le fronton triangulaire qui lui fert d'amortiffement, & qu'à fon tour tout le pavillon le devient par le dôme qui le couronne. V Ce pavillon , confidéré du côté de l'enfemble, peut donc paffer pour une production effimable en Architecture, fa maffe figurant bien avec l'é- tendue de ce Palais: peut-être n'en eft-il pas ainfi en examinant avec févérité les parties principales ?qui le fubdivifent. Les étages fupérieurs paroiffent trop eourts,comparés avec celui du rez-de-chauffée : celui-ci d'ailleurs étant élevé fur des piédeftaux de cinq pieds & demi de hauteur , pendant que les ordres Corinthien & Compoike , n'ont pour fou- tien qu'un focle de huit pouces & demi , il s'en fuit que les entrecolonnements intermédiaires & fupérieurs de cet avant-corps, font trop peu éle- vés , à raifon de leur largeur ; car elle augmente •toujours par la diminution du diamètre des ordres, qui different de vingt-quatre pouces deux lignes à vingt pouces & demi, & de vingt pouces & demi à dix-huit pouces un quart : de maniere que les ouvertures placées dans ces entrecolonnements, & les membres. d'Àrchitefture qui y font diffràhués |
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d'Architecture. ; ff
ne paroiffent pas fupportables. Il n'y a donc que
celui du rez-de-chauffée qui, en faveur des pié- deïlaux placés fous l'Ionique , conferve une pro- portion analogue à l'expreiîion de cet ordre, en- core cette relation ne fe rencontre-t-elle pas du côté de la cour , à caufe de l'inégalité du fol, le jardin étant plus bas de prefque toute la hauteur du piédeital ionique. Nous ne dirons rien ici de l'attique fervant de ftylobate au comble qui eil élevé au - deftus ; nous aurions déliré feulement qu'on n'y eût point exprimé d'ouverture. Qu'on fe rappelle, à cet égard, ce que nous avons remar- qué dans ce Chapitre, en parlant de l'avant-corps du Louvre , du côté de la rivière , bâti fur les deffins de Le Mercier, page 6}. Nous ne pouvons non plus diiîimuler, que les
niches placées dans cet avant-corps, nous pa- roiffent trop petites & difparates entr'elles : trop petites , lorfqu'oii les compare avec la grandeur des ouvertures : difparates, parce que celles du rez - de - chauffée & du deuxième étage font cir- culaires par leur plan & par leur élévation , & celles du premier étage quarrées par leur plan, & à plates-bandes dans leur fommet ; ces dernières fur- tout ne conviennent guère qu'à un ordre Toican, & ne fauroient figurer dans un entrecolonnement Corinthien. Nous parlerons fous iilence les tables placées au-deffus de ces niches, & particulièrement celles qu'on remarque au fécond étage, lefquelles féparées par un importe, coupent la hauteur de Tor- dre en deux également; ce qui forme un remplif- fage contraire à la bonne Architecture. Ne pouvoit- on pas faire l'ouverture de l'arcade, &plus large & plus élevée ? le claveau ieroit devenu moins fort & les piédroits moins pefants. Nous aurions defiré |
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78 ,, Cours
auffi, qu'on eût fupprimé les boflages de Tordre
Ionique, dont les tambours 9 alternativement ea pierre & en marbre, ne préfentent rien de noble, fur-tout lorfqu'on vient à comparer ces colonnes avec celles placées dans les pavillons qui termi- nent l'ancienne façade de ce Palais. Nous regar- dons ces dernières comme autant de chefs-d'œuvre 9 ainû.que nous l'avons remarqué plus d'une fois. Qu'on y prenne garde , les défauts que nous
venons de relever ne pouvoient fe parer ici; & ils ne fauroient tomber fur Louis Le Veau, feu- lement reftaurateur de cet édifice. Par le parti qu'il en a fu tirer, il prouve, à beaucoup d'égards, combien il étoit fupérieur dans fon Art ; les profils fur-tout qu'on remarque dans cet avant - corps , font d'un goût exquis. Nous aurions deiiré pouvoir les donner dans
ce Cour, les ayant mefurés & défîmes avec le plus grand foin ; mais nous avons été obligés de nous y refufer, notre ouvrage étant déjà chargé de beaucoup de planches. Nous faifirons une autre occafion pour donner ces profils avec ceux des autres bâtiments les plus célèbres, que nous avons recœuillis ; nous y joindrons la plupart des ornements : nous les communiquons à nos Elevés depuis long-temps , ainfi que nos cahiers ; d'où il eft arrivé plus d'une fois, que l'on en a fait imprimer des fragments : de maniere qu'il pourroit bien arriver que dans les Leçons que nous offrons aujourd'hui, nous paruifions, au premier coup - d'cenil, en avoir emprunté la plus grande partie d'autrui. Au reite, nous n'infiilerons pas davantage fur cette circonilance, n'ayant jamais prétendu faire un myftere du peu de lumières, que près de quarante années ont pu nous donner &ur notre Art» |
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b'ARCHITECTURi: J$
Avant- corps du Pafóis du Luxembourg, du
côté de la rue de Tournon, élevé fur les dejjîns
de Jacques DebroJJe.
Planche Χ.
De tous les avant-corps du Palais du Luxem-
bourg, nous avons préféré celui qui donne l'en-* trée à cet édifice du côté de la rue de Tournon, parce qu'il nous a paru un chef- d'ceuvre du côté de fa forme pyramidale, Sr par le mouvement que DebroiTe a fu donner à fon plan. Peut-être auroit- on droit d'être moins content de fes détails ; mais il faut convenir au moins qu'il annonce les grands traits de Γ Architecture, & que cette compoiition ingénieufe décelé le véritable Archite&e. Nous avons dit, deuxième volume de ce Cours,1
page 202 , que Debroife avoit été forcé , par Marie de Médicis, qui fit bâtir le Luxembourg, d'imiter la décoration Tofcane du Palais Pitti à Florence. Sans doute cette loi, qui lui fut impofée par la Reine , pouvoit fervir d'excufe à rÂrchi- te&e , qui , dans toute autre occafion , auroit préféré le Dorique au Tofcan ; l'application de celui-ci ne convenant guère qu'aux ouvrages mili- taires , ainfi que nous l'avons remarqué plus d'une fois. Cependant en examinant les chofes de plus près , nous nous fommes, pour ainfi dire, trouvés iléfabufés de cette idée, en nous rappelant que le Château de Colommiers , en Brie (g), que |
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(h) Voyez les plans & les élévations de ce Château, très*«
feien grayés dans le pcti: Maroc, |
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1fo C ö ν ft. s
DebroiTe avoit compofé , oifroit la "même ordon-
nance que celui du Luxembourg, la même difpo fition& les «mêmes ordres; de maniere qu'ils fem- blent n'avoir que très-peu de différence particuliè- rement du côté de l'entrée ; encore faut-il convenir que le Tofcan eil plus convenable ici, parce que le caractère d'un Château , entouré de foifés, femble exiger une expreffion ruilique, qui ne peut convenir à un Palais élevé dans une Capitale*, & qui fe trouve deiliné à la repréfentation d'une tête couronnée. , L'application de Tordre Tofcan, dans le Palais
'du Luxembourg, n'eil pas la feule inclifcrétion qu'on y peut remarquer; non-feulement le pié- deilal qui le foutient eil trop élevé , mais la porte du rez-de-chauifée eil d'une proportion beaucoup trop fvelte. Il'eil vrai que le fol montueux du terrein a forcé l'Architecte d'en ufer ainfi ; mais ce défaut n'en eil pas moins un ,x& l'excufe paroit foible en comparaifon du défaut de relation que préfentent les parties, comparées avec fenfemble. D'ailleurs l'ordre de deifus paroit court ; l'arcade placée au milieu de ce Dorique, eil trop baffe ; on pourroit remarquer encore, que les boifages affe- ctés à ces deux ordres, auroient dû porter l'Ar- chitecte à donner moins de mouvement à cet avant-corps , & à beaucoup moins faire reilauter les entablements j l'attique chargé auiîi de boifages, femble donner à toute cette ordonnance , un air de pefanteur, contraire à ces reffauts réitér ,rés, à la forme circulaire de ce dernier étage, couronné d'un dôme & d'un lanternon; en un ν mot, à fa difpoiition pyramidale. Mais il faut l'avouer, cet édifice, yu d'un point de diilance ■\ v. '\{ convenable^.
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î>*ARtHITECfURË. Hï
Convenable, n'en produit pas moins un fort heureux!
effet. ■ De ces différentes obfervations que nous abré-
geons , en coniidération des talents fupérieurs de DebrofTe » il s'en fuit qu'on auroit pu tenir, du côté de la rue, l'ordre Tofcan, un peu plus élevé que dans le relie du bâtiment * cet ordre n'ayant- que vingt - deux pouces & demi de diamètre , δί feize pieds deux pouces trois quarts de hauteur ? quoique celui de defïus n'ait que quinze pieds d'élévation fur dix-neuf pouces & demi de diamètre * ainfi que nous l'avons rapporté , deuxième volu- me de ce Cours, planche LXXXVIiï , d'après les mefures qui en ont été prifes très - exactement ï que de même on auroit pu fixer la hauteur dé la porte à deux fois un douzième , au-lieu de deux! fois & demi : qu'il eût été peut-être bien de faire continuer l'entablement d'une colonne à l'autre au- deifus dé cette porte $ l'entrecolonnement n'ayant que onze pieds trois quarts : que, félon nous, une porte à plate-bande auroit du prendre la place -de Farcade plein-peintre qui fe remarque au premier' étage, & dont la hauteur a beaucoup moins du double de fa largeur : qu'enfin on auroit fupprimé ks boifages alternatifs de l'ordre Dorique \ pour en revêtir Tordre Tofcan, au4ieu de les y faire con- tinus ; qu'on ne les auroit pas employés dans l'at- tique : qu'il auroit mieux valu placer les ftatues fut les baluilrades de l'ordre Dorique, que de les avoir adoiîés fur le mur de face de ce même atîique ; parce que ces itatues, ainfi placées, lie peuvent ïb voir d'en bas qu'imparfaitement. - Nous avons fait faire ,.plus d'une fois* ces chan- gements à nos Elevés pendant le cours de knr» études dans nos Ecoles\ nous avons enfuife fournis Tome IIIï F . |
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8i Cours
ces corrections utiles à plufieurs de nos Archi-
tectes intelligents ; la plupart ont paru les approu- ver; néanmoins nous n'avons pas cru devoir com- muniquer ici ces changements , nous avons craint qu'on ne regardât ce travail, fait pour nous inilruire nous-mêmes, comme un attentat à la gloire de Debroffe. Nous nous contenterons donc d'engager les jeunes Deffinateurs, quittes des éléments de l'Art, à reprendre dans leur cabinet & à tête repo- fée, ces différentes productions de nos Maîtres, pour les étudier de nouveau & fe mettre en état, par ces tentatives, de juger avec plus de difcerne- ment les monuments d'Italie , lorfqu'une fois leurs talents éprouvés les y conduiront, l'oit par les bien- faits du Prince, foit par le feul defir de marcher fur les traces de leurs Emules. Après avoir fait mention des Palais du premier
ordre & avant de parler des Châteaux les plus célébrés, donnons l'avant-corps du Palais Archi- épifcopal de Bourges, qui, quoique rangé au nombre des Palais de la féconde claffe, mérite d'être rapporté comme une des belles productions de Pierre Bullet. t Avant - corps du Palais Archiépifcopal de
Bourges , du côté de. la Cour, élevé fur
les dejjîns de Pierre Bullet.
Planche XI.
Nousn'avôns rapporté, dans le deuxiemevolu-
me, Chapitre VI, planche XC1II, page 224, que les trois édifices les plus renommés, com- posés d'un foubaffement au-deffus duquel s'élève |
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ß'Arc οι τ ε G Τ übt* 8j
im ordre coloffal; nous nous fommes réfervépour
ce Chapitre, l'occafion de parler dé deux bâtiments moins confidérables à la vérité, mais compofés auffi d un étage qui porte le caraftere d'un foubaffement, & au-deffus duquel s'élève feulement un ordre régu- lier. Le premier exemple fe remarque dans l'avant- corps du Palais Archiépifcopal de Bourges , du côté de la cour ; dans la fuite nous donnerons l'un des pavillons de l'Hôtel de Carnavalet. vdu côté de la rue, à-peu-près de même genre, & du defîin de François Manfard. On fera fans doute étonné de ce que nous mettons ici les productions de Bullet en parallele avec celles de Manfard ; ce rfeit pas notre deiTein ; mais peut-être ferions-nous bien fondés à perfuader à nos Elevés , qu'après Manfard, Blondel & Perrault, Bullet mérite un des premiers rangs dansvfon Art, & que nous ne iaunons trop leur recommander Fétude des ouvra- ges de cet Architede, dont nous leur avons déjà plus d'une fois fait l'éloge. Nous venons de dire que le rez - de - chauffée
de l'avant-corps de Bullet, porte le caractère d'un foubaffement; expliquons - nous : il m faut pas confondre le caraftere d'un étage, avec la pro- portion que peut avoir ce même étage, confidéré avec la hauteur de celui de deffus. Ici , par exemple, la proportion de cet étage à rez-de- chauffée, eft cenfée régulière, parce qu'il n'a qu'un module de plus en hauteur que l'Ionique-Pilaftr® régulier; cependant fon expreffion eil celle d'un foubaffement, parce que n'ayant point d'ordre fa fimplicité lui donne le caradere d'un itylobate' fervant de piédeffal à l'ordre de deffus. Quelqu'efti! me que nous portions aux productions de ce célébré Architede, nous ne faurions paffer fous iilence la Fij
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ν
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$4 f ο υ R s
contradiction qui fe rencontre ici entre l'expreiïion
& le rapport de cet étage : contradiction qui défigure , pour ainfi dire , cette ordonnance , parce qu'elle fait paroître Tordre chétif, & l'étage cjui le foutient, trop élevé. La diitribution des pilaftres & le fronton qu'on voit dans cet avant- corps , font dans le même cas que celui de l'Hôtel de Souhife , dont nous parlerons bientôt ; c'eil- à-dire » que le fronton a trop de bafe , & qu'il eût été mieux que cet ordre ne fût accouplé que dans les extrémités. Les croifées du premier étage font d'un bon genre; elles parohTent feulement un peu petites , comparées avec la grandeur des arcades du rez-de-chauifée , les ouvertures d'en haut ne devant guère avoir moins que les cinq iixiemes de celles de deifous. Nous trouvons auiîi le focle qui foutient l'Ionique trop bas , femblable en cela à ceux que nous avons remarqués fous les deux ordres fupérieurs de l'avant-corps du Palais des Tuileries , & que nous avons rapportés, planche IX de ce Chapitre. Bullet, à l'imitation des an- ciens , a placé des ftatues fur le fommet, & vers les extrémités de fon fronton ; ces itatues, un peu petites, quoiqu'en rapport avec l'ordre , nous parouTent néanmoins préférables aux figures aiîifes, & aux groupes d'enfants qui fe remarquent fur l'avant-corps de l'Hôtel de Soubife. C'en: fans doute la largeur de l'avant-corps, & fur-tout la grandeur du tympan du fronton qui contribue à re.ndre en aparence-ces ftatues trop légères: tant il eil: vrai que le défaut de raport, dans une feule partie de l'édifice ^ nuit eifenciellement à l'ouvrage çntier : alors le charme ceife , & la décoration n'offre plus qu'un amas de membres d'Architecture & d'ornements qu'on ne regarde qu'avec indue- |
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d'Architecture. Sf
rencc, dès que ces divers objets , employés pour
faire beauté , s'écartent trop eonfidérabîement des règles prefcrites par l'Art. De la Décoration des avànt-corps
du Château de Maisons, de celui de Β loi s, du Château dIs si ,et du Château de Montmorenci. Avant-corps du Château de Maifons\ du coté
du jardin, Hey e fur les dejjlns de François , Manfard. , , s . Planche XII.
Nous l'avouons de bonne foi, la defcription que
nous entreprenons eil au-deifus de nos forces ; peut-être en favons-nous affez , pour remarquer quelques licences qui fe font gliffées dans ce chef- d'œuvre; mais comment rendre les beautés fans nombre qui l'ont produit i Nous avons plus d'une fois recommandé à nos Elevés, déjà inftruits, d'aller vifiter cette belle demeure; c'eit bien ici le moment de le leur recommander encore. Nous Venons auffi de leur offrir, dans le deuxième volu- me de ce Cours, planche XCII, page 220» les mefures particulières des trois ordres qui ornent cet avant-corps, en leur annonçant ce Château comme une merveille de notre Architecture Fran- çoife ; nous perfiflons ici à la croire telle, fans pour cela être moins, embarraffé de leur décrire ce qu'il faut qu'ils admirent le plus dans ce deffin, ou de fa forme pyramidale, ou du mouvement de fon plan , ou de" la maniere fa vante avec laquelle Manfard a fu concilier enfemble les trois ordres |
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86 Cours
Grecs ; en forte que par des tranfitions heureufes 9
ils femblent fortir d une feule & même tige , & n'appartenir plus, ni au Dorique , ni à l'Ionique , ni au Corinthien : magie de l'Art, qui décelé l'Ar- chitedte habile , l'homme de goût & le grand Maître. Ceft dans cet avant-corps fur-tout , qu'on remarque avec Ja plus grande admiration , l'aifor- timent le plus ingénieux de l'Architecture avec la Sculpture : dans l'une on reconnoît la plus grande pureté dans les moulures , le favoir le plus exquis dans les profils ; dans l'autre on aperçoit une touchç ferme fans pefanteur, tantôt douce fans être indécife, tantôt légers fans féchereffe, félon qu'elle fe trouve faire partie des ordres folide, moyen & délicat : rien enfin de û bien afforti que ces deux Arts, & tout jufqu'à la main - d'oeuvre même , iemble laiiTer voir au fpe&ateur que Man- fard a conduit la main de l'Artiite & de l'Artifan ; tant on eft furpris de l'accord qu'on voit régner dans cette ordonnance, ainii que dans toute l'éten* due de cette façade. Avant d'examiner les différentes parties defavant^
corps exprimé fur cette planche, & dans le deifein d'engager les jeunes Artiftes , déjà inftruits, d'aller £ Maifons fe pénétrer des beautés que leur offre cette production, difons ici un mot de l'enfemble de ce Château, n'ayant pas eu encore occafioft d'en parler dans l'Architeirure Françoife, Il eft élevé fur une terraffe, près de la rivière de
Seine, à quatre lieues de Paris; il fut bâti vers 1657 pour le Préfident de Maifons, homme de goût, qui Javoit aprécier les talents fupérieurs dç Manfardj auffi le laiiTa-t-il le maître abfolu de la difpofitio« & de la dépenfe qu'il convenoit de faire pour éle^ Yfç im édificç dignç du, ßecle/ dç Louis Xï.Y-^ |
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d'Architecture; 87
& de la réputation de ce grand Architecte. Rien
de ii majeftueux que les iflues de ce Château: de grandes avenues , plantées d'arbres, aboutif- fent à des pavillons , traités chacun dans un goût propre à leur deftination particuliere ; on remarque enfuite une avant-cour fpacieufe', à la gauche de laquelle eil élevé un corps de bâtiment magnifique: dans l'intérieur de ce corps, fe trouvent diftribués les écuries, un manège couvert, un abreuvoir, & généralement toutes les dépendances du reiïbrt d'un pareil bâtiment. Sur la droite de cette avant-cour, on a commencé une autre corps de bâtiment femblable ; il étoit deftiné à con* tenir, les cuiiines, & devoir, par fa dimeniion & par fon ordonnance extérieure, fymétrifer avec celui qui lui eft oppofé. Cette belle avant-cour donne entrée à la cour du Château ; celle-ci eft; entourée de fofles couronnés d'une baluftrade fer- vant d'appui à une terrafle qui mené a des vefti- bules placés dans les deux pavillons qui termi- nent cette façade du côté de la cour. Ce Château, eft Îimple dans fa profondeur ; un très-beau vefti- bule donne entrée aux appartements diftribués de droite St de gauche, auffi bien qu'à un grand efca- lier fort orné qui monte au premier étage, où fe voient de grands appartements , richement meu* blés , & fur les cheminées defquels on remarque d'excellents bas-reliefs, & quelques bons tableaux. Au refte, il ne faut pas S'attendre à trouver cer- taines commodités dans ces appartements, ni la fymétrie dont nous femblons fi jaloux aujourd'hui, & dont nos Archite&es n'ont fu tirer parti que depuis Manfard : mais du moins y remarque-t-on de la grandeur, & cette noblefte impofante , pré- férable fans doute au faite que nous étalons dans F iv ,
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8$ Cours
l'intérieur de nos demeures acÎuelles.. Ce rie "font
donc pas les dedans de ce Château qui nous font jnyiter nos Elevés d'aller ii {cuvent le viiiter ; c'eil l'enfemble des dehors, c'erl l'ordonnance des faça- des , c'eil cet accord dont nous venons de parler, plus haut ; c'eil enfin ce charme fecret que les hommes éclairés éprouvent à ion aipeft ; charme qu'on ne fauro.it définir, mais qui n'échapa point au goût éclairé de Sa Majeité. Avant d'ordon-r nçr la conilru£lion de Bellevue, Elle alla , il y a plufieurs années , vifiter ce Château , dans le deiïein de l'acquérir; Elle fut fj frappée des beautés extérieures de cet édifice , que pré·» voyant qu'on ne pouvoit rendre les dedans plus commodes , fans altérer la beauté des dehors, ce grand Prince préféra de renoncer à cette acquit fiticn, dans l'intention très-louable de conferver cç chef-d'œuvre à ,1a poilérité, tel que Manfard l'avoit fu produire. Puiffe cette marque d'eili- me de ce Monarque , pour les, productions des Peaux-Arts , & particulièrement pour celles de· l'Architeclure, exciter l'émulation de nos Elevés, afin démériter un jour de tels applaudifTements { Revenons à l'examen de l'avant-corps que nous donnons ici. ,;,,<, , ;v'< Certainement tout η eil pas à imiter dans fort
ordonnance , mais il eil compofé dç maniere à n'y, pouvoir rien changer ; vouloir en retrancher, les parties les moins heurçufes pour y en fubili- tuer de plus régulières , ce feroit en altérer 1$ fublimité , & ce cara&ere d'originalité qu'il n'ap- partenoit qu'à Manfard de donner à fes produ-. £lions : pour preuve de ce que nous avançons, riQiis rapporterons que,lorfque Sa Majeflé fe fut, tranfportée au Château de Maifons, Μ. tylsmfavû |
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d'Architecture. $9
d'aujourd'hui (g ) propofa pluiieurs ckangements
dans les façades de cet édifice , à deiTein de ren- dre les dedans plus habitables : cet Archite&e a bien voulu nous communiquer fes projets ; nous allons en-rendre compte à nos Le&eurs. Au-lieu de la porte à plate-bande qui fe remar-
que au rez-de-chauffée , il propofoit une arcade plein-cintre : il détruifoit les pilaihes qui 1'avoifi- nent, & qui fembîent, fur-tout celui d'angle, n'a- voir aucune direction avec celui de l'ordre de deffus , & plaçoit des colonnes à plomb de toutes celles qui préiident dans cet avant-corps , en forte que le grand entrecolonnement avoit cinq méto* pes, & ceux des côtés feulement chacun trois ; il remontoit le fol du veitibule ? pour éviter, d'une part, les fept marches qui s'y remarquent de droite & de gauche, & de l'autre, pour détruire la hauteur exceiïive du piédeftal de l'ordre Dori- que , élevé fur une très-grande retraite. A la place il ne mettent qu'un' premier focle, élevé fur un fécond qui portoit fur le cordon du foifé : au- deffus de l'entablement Dorique » il pratiquoit une baluilrade peut-être plus intéreiïante que les deux focles qu'on apperçôit ici. Pour détruire le mur qui porte le comble attenant l'ordre Corinthien, il çontinuoit ce dernier dans toute la largeur de l'avanNcorps ; par là il prétendoit donner plus de dignité à cet ordre qui femble pénétrer le comble. „ Au premier coup-d'œuil cçs changements paroif fent heurçux ; mais il n'en eit pas moins vrai que cet |
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(g) Nous avons encore deux*frères de ce noir» , fils de
Hardouin Manfard, neveux du grand Manfard , qui a bâti Mai- fons; c'eft M. Manfard dont nous parlons ici, qui a bâti la Pa- roifle de S. Louis dans le Parc-aux Cerfs à Verfailles; c'eft fon frac qui bâtit actuellement le portail de l'Eglife Saint-Euftache. |
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5>o Cours
avant-corps perd fon effet pyramidal, 5ε le mou-
vement très-intéreiFant que François Manfard a fu mettre dans les plans de ces trois étages qui, quoi- que moins réguliers en apparence , apportent bien moins de monotonie dans l'ordonnance : incertains préceptes de l'Art y manquent, ils décèlent dis moins les reiïources dont l'Architede était capable, pour offrir au fpe&ateur ce que le génie peut pro- duire, guidé par le goût & l'expérience d'un grand Maître : à quoi nous ajouterons que ce qui achève de répandre le preftige fur cette production , c'eft la maniere fûre qu'on remarque dans l'exécution 9 dans l'apareil, dans, le ragrément ; enfin dans le choix des ornements, qui, tant que cet édifice reliera fur pied, aura de quoi étonner l'Architecte le mieux infIrait. Nous dirons plus, les combles qui réuffif- fent rarement dans nos édifices, font ici un effet admirable ; & quoique d'une fort grande hauteur, ils femblent cependant, par leur rapport avec le bâtiment, ne pouvoir être baiffés ni plus élevés, M. Manfard avoit auflî propofé, dans les arrière- corps qui fervent d'accotement à cette partie prin- cipale du Château , de placer trois croifées au-lieu de deux qui s'y remarquent : premièrement pour effacer le trumeau qui fépare ces dernières ; fecon- dement pour rendre les dedans moins obfcurs : il avoit auffi tenté de détruire le trumeau placé au milieu des deux pavillons qui terminent cette faça- de ; & pour cela il nren avoit percé qu'un dans fon axe ; d'où il eil arrivé que pout anéantir ce défaut, il efl tombé dans un autre ; tel par exem- ple , que de rendre l«s angles de fes pavillons, trop coniidérables, pendant qu'au contraire, il avoit rétréci de beaucoup les trumeaux des arrière-corps, en y plaçant trois croifées au- |
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d'Architecture. 91
Heu de deux. Il eit vrai que ces arrière - corps
& ces pavillons , confidérés Séparément, pré- fentent un aflez bon effet ; mais on ne peut dif- convenir que ces différents objets réunis, ne per- dent beaucoup , & ne détruifent, pour ainfi dire, la belle production de François Manfard, qui, li elle ne peut être imitée entièrement à caufe de quelques licences qui s'y remarquent, & faute de la commodité des dedans , mérite du moins d'être confervée avec tous fes défauts , parce que ce font ceux d'un homme célèbre, & qu'à nos yeux ces défauts font préférables, à beaucoup d'égards, à ces prétendus chefs-d'œuvre de la plus grande partie des Archite&es de nos jours. Dans la planche fort exa&e que nous donnons
de cet avant - corps, nous n'avons fuprimé que la lanterne placée au - deifus de l'extrémité fupé- rieure du comble qui regne derriere le fronton.: Si nous avions voulu tracer fur cette planche cette lanterne, d'ailleurs peu intéreiTante , nous au- rions été obligés de réduire trop coniidérablement notre échelle , vu le format que nous avons choifi pour, l'impreffion de ce Cours. Avants corps du Château de Blois , du côté
de la Cour, élevé fur Us dcffins
de François Manfard.
Planche XIII.
Voici un autre chef-d'œuvre de François Man-
fard ; c'eit l'avant-corps du Château de Blois , du coté de la cour, élevé environ vingt ans avant celui de Maifons. Quoique cette ordonnance foit, comme au Château de Maifons , Dorique * ionique & Corinthienne, elle préfente, pour ainlî |
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92 Cours
dire, une toute autre compoikion : fon Archi-
tecture eil plus nombreufe ; elle a plus de mou- vement , elle eit plus riche, plus compliquée, & par là offre peut-être moins de fatisfaclion à Fœuil du fpe&ateur éclairé. D'ailleurs c'eft la même préciiion dans les ordres, la même perfection dans les profils, le même choix dans les ornements , dans les matières , dans la main-d'œuvre ; en un- mot, on y reconnoît la iliblimité que Manfard favoit tranfmettre à toutes fes productions. Nous penfons néanmoins , qu'il eût été intéreffant
que les ouvertures , en général, eufîént eu un peu moins de grandeur : à la Vérité elles donnent à ce Ghâteau un air d'habitation qui ne fe remarque pas à celui de Maifons ; mais la capacité de les ouvertures femble détruire la petiteiTe du diamètre des ordres qui préiident dans cette ordonnance : nous oibns le remarquer ici, ceit le défaut qu'on peut reprocher, non-feulement à Manfard, mais aux Architectes de fon temps; ils ont auffi. tous furmonté les ordres les uns fur les autres, ce qui donne à leurs comportions un cara&ere de petiteiTe qui s'accorde difîcilement avec la gran- deur des édifices, où ils fe trouvent employés , & avec le point de diftance d'où ils doivent être apperçus. Qu'on fe rappelle les ordres du Vieux- Louvre, parLefcot; du Palais des Tuileries, par Delorme; du Luxembourg, par Debroffe s & l'on fe convaincra de la vérité de cette remarque ; d'où il arrive que nos jeunes Architectes, paiTant de France en Italie , & remarquant le module de Saint-Pierre à Rome, reviennent, étonnés de cette production , apporter dans nos demeures les idées çoloiTales qu'ils ont puifées dans ce monument ikeré » fans fonger que chaque édifice doit avoie |
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d'Architecture. 93
un genre particulier; & qu'il eft fur-tout,eiTencie|
dans les bâtiments d'habitation , de (Combiner la grandeur que l'ordre doit avoir avec les parties qui fe trouvent aiïujéties à la grandeur humaine , telles que les portes, les croifées, leurs appuis , les efca* liers, &c. puifqu'autrement on rifque d'allier enfem- ble, une grandeur d'Architecture idéale , avec celle qui doit avoir une proportion déterminée dans cer- taines parties , eu égard au motif qui les fait élever. Pour éviter de pareils inconvénients , nous l'a- vons déjà dit, nous le répétons ? malgré l'autorité des célèbres Architectes François que nous venons de citer, qu'on ail: foin d'éviter la multiplicité des ordres dans les différents étages d'un bâti- ment , qu'on n'en place qu'un au premier étage, & un foubaffement au rez-de-chauffée ; que dans la néceiîité de trois étages , on élevé feulement deux ordres l'un fur l'autre , au-deiTus du même ioubaiTement ; ou , ce qui feroit encore plus con- venable , qu'au lieu du deuxième ordre, on pré- fère unattique, félon la deftination de l'édifice: on fe rendra du moins là maître alors, fans faire ufage d'un ordre coloffal, de le faire moins petit que ne l'ont fait nos prédécefleurs ; & par là de l'affortir à l'ouverture des portes & des croifées, à la largeur des entrecolonnements , à celle des trumeaux , aux baluilrades, aux niches, &c. Au reite, dans tous les cas , nous préférerions tou- jours l'imitation des petits ordres employés par nos grands Maîtres, aux prétendus grands ordres que la plupart de nos jeunes Architectes fe plaifent aujour- d'hui à employer dans des bâtiments d'une médiocre étendue : productions quifouvent ne montrent que dé vains efforts, qui anéantiflent le refte de la décoration dans ce qu'elle doit montrer de plus |
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94 Cours
jrelatif aux intentions des propriétaires : de nia*
niere que ce qui devroit déterminer le ilyle de l'ordonnance , établir les grandeurs , fixer les rap- ports ? ne femble devenir au contraire, que Tac- ceffoire ; car la grandeur de Tordre anéantit la relation qui devroit fe rencontrer entre les entre- colonnements & les principaux membres qui en doivent occuper l'efpace : difparité qui n'arrive- roit pas, fi , à Vexemple de nos véritables Archi- tectes , Tordre & Tes principaux membres paroif- foient appartenir au même module ; par ce moyen Ton remédieroit également, dans les bâtiments dont il s'agit, & à Tinconféquence des ordres coloflaux 9 & à celle d'employer des ordres d'un trop petit module. Mais abandonnons ces remarques utiles, pour examiner avec attention les différentes par- ties dont eft compofé cet avant-corps. En général on doit trouver les entrecolonne-
ments un peu larges ; défaut occafionné par le peu de hauteur des ordres, & par la largeur des ouver- tures. Dans ce grand avant-corps qui embrafle trois étages, il s'en trouve compris un autre qui n'eft compofé que de Tordre Dorique & de Tordre Ionique. Ce dernier eft couronné d'un fronton triangulaire, & celui-ci furmonté de deux figures aflifes : fans doute Manfard n'a pas voulu porter ce couronnement fur le troifieme ordre, dans la crainte de rendre le premier avant-corps trop étroit pour fa hauteur ; mais il n'en eft pas moins vrai que ce fronton, fixé aux deux tiers de cette façade, interrompt l'unité qui devroit régner dans toute l'ordonnance, & que la mafTe fe trouve dé- mentie par la divifion des principales parties qui la compofent ; d'ailleurs on ne fauroit applaudir À la corniche circulaire qui regne fur ce troifieme |
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d'Architecture. 95
©rdre, cette corniche étant fort au - deiTous des
idées fublimes de Manfard : tant il eil vrai qu'il échappe aux plus grands hommes des imperfections qui ne font pardonnables, que parce qu'ils favent les racheter par des beautés qui les effacent pour ainii dire : c'eil ce qui n'arrive point, ou que rare- ment aux Architectes fubalternes ; preique tou- jours , faute des connoiffances des vraies beautés de l'Art, ils imitent de leurs prédéceffeurs ce qu'il y a de moins eilimable dans leurs ouvrages. D'ail- leurs cette corniche circulaire eil d'autant moins heureufe ici, que l'édition qu'elle contient eft d'un deffin lourd & pefant, & que par la fiïppref- iionde l'une & de l'autre, il feroit réfulté un enta- blement continu qui auroit pu être beaucoup mieux îerminé par une baluilrade. On devra auiîî trouver la hauteur des combles
îrop coniidérable : nous avons remarqué, deuxième volume, page 246, que les toitures nous paroif- foient devoir caraftérifer les châteaux; nous per- siflons à être de cet avis : mais il s'en faut bien que nous approuvions que leur hauteur furpaffe jamais le tiers du bâtiment, comme cela fe voit ici ; ou ce qui eil pire encore, la hauteur de l'édifice, comme on le remarque à l'ancien Château de Meudon. Celles du Château de Maifons du moins, quoique fort élevées , nous paroiffent dans un rapport bien plus fatisfaifant avec la hauteur des façades , ainii qu'on le peut obferver dans la planche précédente. Malgré ces remarques impartiales, nous répé-
terons que tout l'enfemble de ce deiîin annonce la compofition d'un grand Maître , que la Sculpture en eil fupérieure, & les profils excellents , ain# que tous ceux que cet Archite&e célèbre a em- |
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$6 Cours
ployés dans fes bâtiments , comme noua faveiîif
déjà remarqué , deuxième volume 9 pages 138 & 139 , planches LXVI & LXVII, en rapportant les corniches du veftibule du Château de Maifons* & du grand efcalier de celui dont nous parlons* Nous obferverons encore , qu'ici comme à Mai-- fons, on trouve la même préciiion dans l'appareil, la même correction dans la main-d'œuvre, le même goût dans la Sculpture ; que l'ordre Dorique eil auiîi accouplé de même, c'eil-à-dire , que pour éviter la pénétration des bafes & des chapiteaux que Manfard avoit employés au portail des Minimes & aux bâtiments des écuries du Château de Maifons * il a préféré de faire ici barlongs fur les extrémités, les métopes de fa frife, & les angles de fes avant- corps , ainfi que DebroiTe en a ufé au Palais du Luxembourg & au portail de Saint-Gervais. Pour fe décider fur l'un des deux partis employés par ces deux Maîtres, voyez ce que nous avons enfeigné à cet égard, en traitant, dans le deuxième volume de ce Cours , de l'ordre Dorique ; nous y avons auffi rapporté les différentes opinions-de Libéral Bruant, & de Louis Le Veau, touchant l'accouplement des colonnes. ■ Après avoir parlé des avant-corps des deux Châteaux les plus célèbres, relativement à l'Arche te&ure , n'ayant pu comprendre dans ce volume* ni le Château de Verfailles, ni ceux de Marly , de Clagny , du Rincy , & tant d'autres ouvrages importants, nous allons rapporter feulement les avant-corps du Château d'Iiïi & du Château de Montmorenci, qui, quoique tous deux d'une claiïe inférieure , n'en méritent pas moins d'être exami- nés avec foin , afin que par la comparaison|qu'on en pourra faire avec les précédents, on s'accoutume à faifir
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b'Arghitec tuftE, φ?
à faifir l'opinion des divers Architectes» afin de
pouvoir, dans la fuite , donner à chaque édifice 4e caractère le plus convenable, d'après les obfer-*· varions que pourront fournir à nos Elevés les dif- enflions dans lefquelles nous entrons a cet égard* rant-c'orps du Château d'IJfi , du coté de la
Cour*élevé fur tes deffins de Pierre Bulleu ' U?' $ΗΜίίί' λ^ '■ ":;^-'*fïîiVn 1'"·". ' ■ ià't'j: i-vf«,-. .·:. ; ·.
Planche XI V*
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Cet avant-corps nous offre une féconde prodn-
,Öion74je Bullet,dont on trouve les principales MefureV, deuxième volume de ce Cours ] page 182 » planche LX30CÎV. Avant d'entrer en riia- jtiere* il eil bori'aufïi de fe rappeler » à propos )3è ce Château, ce que nous avons dit dans ce Volu- me , Chapitre II JLv Page 37 > des bâtiments corn» pofés feulement d'un rez,-de-chauffée", &furniontés d'un attique*. , V'" [, ry,",«* . . ..·._' -Γ ..." Peut-être cet avant ~ corps eft - il l'exemple où l;ftaje attiqtie fe trouve employé avec le plus de fuççè&s aufli réuiiira-t-iLprefque toujours, lorf- 0$i%ne s'agira que d'un petit bâtiment, dont le rez - de - .chauffée fe trouvera deviné à l'appar- tejnent du Maître..&.-,de fa fociétéj. le premier: étage feulement à contenir quelques logements pour, les» peribnnès de dehors. Au relie , nous &rvsns déjà obfervé ailleurs, Bullet a augmenté de beaucoup la hauteur ordinairement prefcrite à cet attique ;'mais il l'a préféré tel, parce qu'il Indique l'infériorité que cet étage doit avoir par rapport à fa deftination, & relativement à l'ordre jDprique fur lequel il fe trouve élevé. D'ailleurs Tom&UL G |
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98 *λ Cours
il eft bon de remarquer que cet habile Architecte
s'eft bien gardé de placer une croifée dans Ventre* pilaftre de cet étage fubalterne ; il a fans doute prévu que les pieds-droits de cette croifée por- teroient à faux fur Ventrecolonnement de deifous ι ainfi qu'on le remarque au Château de Champ , par M. Chamblin; à Châtillon, par M. Le Blond ^ à l'Hôtel de Noailles dans Saint-Germain-en-Laye, par Hardouin Manfard, & ailleurs. Il eft vrai que cette ouverture, dans cet ayant-corps, femble un peu large pour fa hauteur ; mais il a dû préférer, du moins nous le penfons ainfi., cette légere licence au porte-à-faux qu'on remarque dans les autres exemples que nous venons de citer. Pour fe rendre compte du procédé de Bullet, à l'égard de l'attique dont nous parlons, nous ferons obfervèr qu'il lui a donné de hauteur les trois quarts de l'ordre de deffous, δε que le même attaque, du coté des jardins de ce Château, fe trouve avoir la pTdpor- tion d'un ordre régulier, comparé avec le Dorique fur lequel il eft élevé , Bullet ayant furmontè ce Dorique fur utt piédeftal, & l'ayant feulement cou- ronné d'une corniche architravée. C*eft un exem- ple qu'il ne faut pas imiter : un grand Maître peut tout ofer, lorfqu'il veut varier fes productions, eu égard au plus ou moins d'importance qu'elles doi- vent avoir; mais il eft toujours dangereux d'ex^- pofer ces licences aux regards des hommes fans ' doctrine ; cette raifon nous a fait préférer l'avant- corps tracé fur eetteplanche , à celui du côté du jardin de ce Château, en faveur des moyens ingé- nieux dont s'eft fervi cet Architecte, pour donner à cet attique un air de dignité qu'il n'a pas com- munément. h-'; } A propos dé cet avânt-corps, nous inviton* nè$ |
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d'Architecture, .9$
Elevés à fe tranfporter à ce Château, fitué fur la
croupe d'un coteau très-agréable, & à une lieue de Paris. Il fut bâti pour Madame la PrinçeiTe » deuxième Douairière de Conti, qui, voulant fe retirer du tumulte de la Cour, choiiit ce lieu, & Bullet pour en donner les deifins. Le Nautre en a fait les jardins, ils font charmants ; & quoiqu'ils foient diAribués dans un terrein irrégulier & trèsr montueux, cet habile homme en a fu faire un, chef-d'œuvre. rv Ce bâtiment n'a guère que quatorze toifes dô
face fur environ dix de profondeur ; mais il ne lahTe pas de contenir à rez-de-chauffee, un joli veiti- bule, une falle à manger, un fort beau fallon, deux appartements d'habitation, enfin un efcalier pour monter à Tattique, qui contient deux loge* ments affez complets : le fallon du rez-de-chauiTée eil un chef-d'œuvre d'Architecture & de Sculpture ; fon ordonnance eft du meilleur ftyle, & il ne pêche que par trop peu d'élévation, ce qui n'efl: pas un petit défaut. On trouvera cette décoration intéreffante & fes développements, ainii que les plans, les coupes & les élévations de ce Château, dans le iixieme volume du Recœuil de l'Archite- cture Françoife (g). 11 s'en faut bien que les dépen- ( g ) Nous diftinguons ici le Recœuil de l'Architecture Fran*
çoife , d'avec l'Architecture Françoife proprement dite. Ltfpre- mier dont bous parlens , contient feulement les planches de nos bâtiments François en huit volumes, que feu M. Mariette a voit fait graver, & qui fe vendent féparément cahier par cahier, con- tenant chacun une Maifon Royale, un Château , un Hôtel, &c. chez M. Jombert, Libraire, qui en a fait 1 acquifition. Au-lieu que l'ArchiteclureFrançoife, comme nous l'entendons, feraauffi de huit volumes, dont quatre feulement font au jour depuis long- temps, & contiennent chacun non-feulement un beaucoup plue Gij
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"ïÖO COU RS
dahces de ce Château répondent à'fa magnificence:
nous difons magnificence, car on peut appeler telle ,fnoh-feiilement la riçheiTe des dedans, mais les ordres quilèmbélliiTerit l'ordonnance extérieure de ce bâtiment ■'+ & qui conviennent àifez bien ici % quöiqivappliqués à des façades de peu d'é- tendue.: Bullet fentit en grand homme , que cet édifice étant dëitinéàla réiidence d'une 'Princeffe du Sang-,- devoit, quoiqu'il fût en lui-même peu confidérable, s'annoncer, dès-les dehors-, tout autrement que la imaifon d'un riche par- ticulier ; que pour cela les ordres dévoient ^ntrerpour quelque choie dans fâ compofition. Mais il s'eil bien gardé d'y ' employer un ordre coloriai, ou deux ordres "réguliers l'un fur l'autre; il s'èil contenté d'un Dorique■'*& d'un attique, dans le defiein d'éviter également, & l'application d'un grand ordre, & l'ufage trop com- mun, de deux petits, qui fouverit font monoto- nie:, plutôt que beauté.'Nous öbferverons encore, qu'il nV placé ibni ordre &ibnattique, que dans les avant-coVps de lés deux faces principales jqiril a eu foin de ne les point faire paroître dans lès arrière - corps & dans les. façades latérales où il ".' s'eil contenté de continuer.l'entablement fupérieur^ le plancher du premier étage n'étant annoncé en tlëho rs, que ρ af lin plinthe qui Tegfië:" kiïm dans les retours. 11 n'y a que l'avant-corps; du côté de la cour qui ait un entablement régulier fur le Do- rique , tandis , comme nous l'avons déjà obfervé, |
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grand nombre d'édifices que les précédents , mais font accom- >
pagnes de Defcripcions !Hiftoriques & d'ObfeVvations que nous pous fommes chargés d'y faire ?j qui en expliquent lesbeautés, & font fencir les licences qui fç font gliiïees dans quelques-uns,* |
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d'Arc.hite g τ ν R ε· f iof
qu'il n'a placé qu'une.corniche architravée fur celui du côté du jardin ; on pourroit faire quelque, re- proche à Bullet d'avoir .couronné ainfi μη ordre grave, pendant qu'on aperçoit un entablement complet fur les pilaftres „attiques, ce qui doit s éviter avec loin. Nous remarquerons encore , que Bullet a cou-
ronné cet édifice d'une baluftrade , derriere la^ quelle s'élève un comble à la manfarde. Ce com-, ble donne un caraclene de Château à ce bâtiment - tandis que la baluftrade lui donne cejui d'une mai- fon de plaifance : de maniere que- ce cîoubî'e emploi préfente ce couronnement fous un caractère mixte » qu'il feroit plus intéreffant qu'on ne s'imagine, d'éviter dansl'ordonnancede nos bâtiments éïevés pour dès fins différentes. D'ailleurs on doit oi?£er- ver que les baluftrades éleyées ici au pied des combles fe détruifent en peu cfannées, ainii qu'on, n'a que trop d'occàfion de le remarquer âu^Lu* xembourg & ailleurs. Peut-être aunt feroit-il bieix de ne jamais imiter les tables placées ici entre-lest archivoltes des arcades qui régnent au pourtour de ce, bâtiment ; enfin les pieds-droits fur, tefqueîs reiïautent les jä^^^'^^^^^^^a^^| des appuis dès croifées du rez-de-chaufrée, la forme bombée de celles du premier étage, &:lesbiiûes placés dans ï'avant-cotps/, font autant; de mem- bres puérils qui ne peuvent figurer raifoiinablement ayee la préfence dés ordres , dans quelque déco,* ration que ce punie être. . fa5*S ? -y Si |
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10* COtlRJ
Avant-corps du Chqteau de Montmorenci:>
élevé fur Us dejjîns de M. Cartaud, Planche XV,
Uavant-corps que nous donnons ici feit partie
cTun bâtiment de près de vingt-cinq toifes de face: il eft double dans fa profondeur , & Tune des produ&ions de feu M. Cartaud, Archite&e du Roi, qui entr'autres édifices de réputation a.bâti à Paris le portail des Barnabites, celui des Petits- Peres , & la majeure partie de l'Eglife de ce Mo- nailere , la maifon de M. Janvty, rue de Varenne » &c. Cet habile Archite&e de notre temps , étoit fort févere dans f enfemble de fes compofitions ; aufli tous fes ouvrages font-ils marqués au coin de la grandeur, de la nobléffe & de la fimplicité. Avant de parler de l'ordonnance de l'avant· corps tracé fur cette planche, difons un mot de la dif- pofition générale de ce Château & de fes dépen- dances. Ce Château bâti en 1708 (h) , n'eft éloigné
et Paris que de quatre lieues; & il eft fitué de |
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( h ) La plus grande partie du terrein od il eft bâti â fut ac-
quife, en 1701 par M. Pierre Croizat, Ecuyer, des héritiers de Charles Le Brun , Peintre célèbre, qui, de ion vivant, y fit faire le bâtiment qu'on nomme aujourd'hui le petit Château, ainfi que les jardins qui Tout en Face, & qui comprennent la caf- cade , la grotte & la plus grande partie du jardinage qui l'envi- ronne. M. Croizat, après avoir acheté pluueuis terreins voifins & les avoir réunis à celui de Le Brun, y fit planter le parc qu'on voit aujourd'hui, contenant près de quarante arpents , 8ε élever le Château dont nous parlons. Cette belle maifon appartient aujourd'hui à M. le Duc de Ghoifeul 9 qui l'a eédét à vie à M, & Madame de Lusembourg. |
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d'Architecture. 103
maniere, que de fesappartementsàrez-dechauffée,
on jouît d'une vue qui η a guère de rivale aux en, virons de cette Capitale , que celle du Château de Meudon: en effet, quels beaux dehors ! quelle fertilité frappe les yeux de toute parts dans les campagnes voifmes de Montmorenci ! tout, jus- qu'aux terraffes baffes des jardins de ce Château» femble fe réunir avec les environs. Ici l'art paroit fous le voile de la retenue ; là l'agriculture eft riante & parée ; des vallées affez profondes font rache- tées par des pentes infenfibles : plus loin on ^remar- que des montagnes peu eicarpées, des marions de campagne qui montrent à découvert leurs jardins de propreté ; on apperçoit un lac d'eau vive, des arbres fruitiers difperfés par le cultivateur avec un beau défordre. La rivière de Seine, qui fer- pente non loin des murs du Château; des Villa- ges, des Hameaux & des Villes , forment autant d'objets qui femblent fe difputer l'avantage de s'offrir aux regards des Etrangers, attirés par le goût & l'urbanité des propriétaires. Que de génie ne remarque-t-on pas dans la
diilribution des terraffes hautes & des eaux jaillit fontes qui les embelliffent. Avec quel art Le Brun n'a*· t.-il pas fu vaincre le fol montueux du ter- tein ! quel beau couvert î quelle agréable fraîcheut effre cette promenade, qui, par le fpeaacle fédiu- fant quelle préfente, femble dédommager l'ama4 teur dé la peine qu'il a prife de la parcourir! On eft pareillement flatté de Theureufe difpofition du intiment de l'Orangerie, exécutée fur les deflins dOpenort, ainfi que du petit Château que Le Brun avoir fait bâtir près de cette Orangerie , en face d?une grotte , anciennement le plus beau lieu du monde. Au-deffus de cette grotte & un peu plut |
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104 *'4ί 'i .1 C ou r s -
loin , on remarque un belveder amphithéâtraîemenf
iitué , & qui, appeççu du bas de ces jardins, attire à lui TÂrriateur de-la nature & de l'art. Telle eft fans doute l'idée. qu'on devra prendre de cette promenade : idée d'autant plus facile à faiiir, que le faite ne s'y rencontre nulle part; toutes les beautés qu'on y remarque font traitées d'une maniere firnple & naïve, qui la met peut-être aüïdeiTus des vignes fi vantées des environs de Rome ; le tilleul, la charmille & formille chez nous, étant plus dociles a l'induitrie du Jardinier , que le laurier, le chêne - vert & le pin qui parent les jardins d'Italie. ; t π 7 L'entrée principale de ce Château , fémblable
à celle du Château de Saint-Cloud, fe trouve fur le coté; on y voit une avant-cour qui conduit $ une cour d'honneur, ornée dé tapis verts? & en-* tourle de palMades , genre,' 4e décoration qui caraâtérife très-bien une habitation à la campagne, jy§ cette principale cour on entre dans un veâi-r faule,'auquelfuccède-unTalion à l'Italienne, revêtu d\m ordre d'Arehiteéture : au-defiuç de rentable« ment de cet ordre fe remarquent des öaryatidesen guaîne qui foutiennent une calotte où Lafoue a peint la chiite de Phaéton. A gauche de ce ialloh: fe remarque un appartement à rez-de-chauuee:^ & une Chapelle au premier étage, laquelle mérite* l'attention des. Connojffeurs, - %,.'·„ !îs*:sd zaû La décoration extérieure de ce Château;· eft
eompofée en général dïm grand ordre Corinthien* Pilailre, qui embraffe dçux étages ; cet ordre eil élevé fur un piédeital, qui aa^ de hauteur pour comprendre des ouvertures qui éclairent les fou-, ferreins dans lefquels font placés les cuiiinesSe les $pçes,«'M, CattajAd jjj| çQuronnéjia^un^.ç^rin^^ |
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D ' A RC Ιϊ Ι Τ E C Τ U RE. IOJ
architravée : licence qu'il s'eft cru permife dans
l'ordonnance d'un Château de l'efpècede celui dont nous parlons ; mais qui par-tout ailleurs ne doit pas être imitée, ; : c ,; L?avant-corps, du côté du jardin ? efl de forme
elliptique, tandis qu'un autre avant-corps à pans coupés orne la façade du côté de l'entrée. On trouvera peut-être cçlui-ci trop peu confidérable pour rétendue du bâtiment, tandis que Fauttè paroîtra avoir le défaut contraire ; difparité que î'Archite&e a cru devoir mettre en oeuvre, fans doute pour prociirer plus de variété à la décora- tion extérieure de ce Château : exemple néanmoins dont il ne faut jamais méfufer, les rapports des parties au tout & du tout aux parties, devant être le premier objet des méditations d'un Archi- tecte. Une baluitrade, peut-être trop baife * cou- ronne ce bâtiment & en mafque les combles, a l'exception de celui qui eil placé fur cet ayanfrcorps, mais qui paroît trop peu élevé pour faire beauté d'enfemble, ou trop exhauiTé * fi l'intention de TArchitecie étoit qu'il ne fût pas apperçu. Nous invitons nos Elevés a faire le parallele de
l'avant-corps de ce Château, avec celui du précé- dent ; par là ils apprendront à concevoir comment deux hommes de mérite font parvenus à fe reifém- bler ii peu dans l'ordonnance de deux bâtimens à- peu-près de même genre. Notre intention n'eil pas de prononcer fur la préférence qu'on peut donner à l'une de ces productions fur l'autre λ nous remar- querons feulement que Bullet s en bâtiflant urt Château très-peu çonfidérabje., quoiquelevé pour unelgrande Princefle, a cru néanmoins ne devoit* employer qu'un ordre & un attique dans l'ordon- nance 4e ks façades ,· tandis que. M. Çartaud? |
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ïo6 C o ν R s
en élevant feulement la demeure d'un particulier»
à employé un ordre dont le diamètre pourroit figurer dans les frontifpices de nos Temples, ou faire partie de l'ordonnance de nos édifices publics: d'oii il refaite qu'on remarque, dans cet avant-corps des pieds-droits, dés importes, des archivoltes, δε nous allions prefque dire des ouvertures, qui n*ont aucune connexité avec la grandeur de Tordre. C'eir, n'en doutons point, par ces diverfes comparaifons des édifices de même genre, & cependant d'un ftyle bien différent, qu'on peut parvenir à réfléchir fur le meilleur choix qu'on doit faire d'une ordonnan- ce qui puiffe afïigner un cara&ere convenable à chaque efpèce de production. PaiTons à préfent à l'examen de plufieurs avant-corps, faifant partie de quelques uns de nos beaux Hotels à PariSè Dm la décorât ion des Avant-
; corps des Hôtels de Soubise, de Carnavalet > de No ailles et de l'ancien Hôtel d'Evreux. Avant - corps de l'Hôtel de Soubife, du côté
de la Cour, élevé fur les dejjîns
de M. de Lamaire.
Planche X V ï.
Cet Hôtel, un de ceux à Paris qui s'annoncent
le plus convenablement > a été embelli dans l'état où on le voit aujourd'hui par M. de Lamaire 9 Architecle, qui a auiTi bâti l'Hôtel de Rohan, fitué au fond du jardin de cette magnifique maifon d'ha- bitation. Nous ne donnons ici de ce,t Hôtel que |
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ρ'Architecture. 107
Γ avant-corps de la façade du côté de la cour,
façade confidérée ici comme latérale, eu égard à l'étendue de ce bâtiment & à fes appartements qui ont vue furie jardin. La cour qui donne entrée à cet Hôtel, eft entourée d'une colonade, & la décoration des dedans portée au plus haut degré derichefle : enfemble général tjui mérite l'attention des Amateurs, & l'examen de ceux de nos Elevés qui font déjà éclairés : ces derniers , en y apperce- vant plus d'un défaut, n'y apprendront pas moins la difficulté de concilier enfemble les dedans avec les dehors, & fur-tout à tirer parti des entraves que donnent à l'Architecte, dans une reftauration importante, les parties eflencielles d'un ancien édifice, avec les additions fouvent confidérables qu'il eft chargé d'y faire, foit pour le rendre plus commode, foit pour le rendre plus agréable. Qu'on y prenne garde, nous croyons devoir
fobferver en faveur des talents reconnus de M. de Lamaire; c'eft aiïiirément de ces entraves que> font nés les défauts que Ton remarque entre la trop grande largeur de l'avant-corps que nous rap- portons ici & fa hauteur ; ce qui fans doute l'a auiîi déterminé à accoupler fes colonnes dans les parties intermédiaires,, ainft que dans les angles : accouplement forcé , qui, en procurant plus de largeur à la mafte de cet avant-corps, donne un air de monotonie à cette ordonnance, & lui ôte tout ce qu'on avoit droit d'attendre d'une pareille compofition. Nous l'avons déjà remarqué, la dif- pofition des murs de refend dans la diftribution intérieure du bâtiment, influe beaucoup fur la pro« portion & la forme des principales parties des façades ; quelquefois même des raifons de folidité apportent des changements indifpenfables dans ces |
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deux objets fi intéreiTants ; de maniere qu'il faut
beaucoup d'expérience , de jugement & de goût, pour ofer déterminer laquelle des deux parties » extérieure ou intérieure, on doit facrifier, afin de fatisfaire à la folidité. Quoi qu'il ert foit, à l'exce- ption d'une reftauration qui jamais ne doit être jugée à la rigueur , e'efl toujours un très - grand mal, fur-tout lorsqu'il s'agit de la décoration d'un Palais, d'une maifon Royale ou d'un grand Hôtel > d'expofer aux yeux des Spectateurs les vices de l'Art , fous prétexte de n'avoir pu vaincre la difficulté de la fymétrie dans les dedans, ou la néceiîité de l'économie dans la bâtiffe. Nous remarquerons encore , que la largeur de
cet avant-corps a procuré trop de baie au fronton; peut-être que pour remédier à cet inconvénient» il auroit fallu fixer ce fronton fur la féconde co- lonne d'angle ", ce que M- de Lamaire n'a fans doute pas voulu faire , parce que fes colonnes intermé- diaires reitant accouplées , celles des extrémités, iferoient devenues folitaires, comme Le Veau Fa ofé faire à fon portique de Vincennes , qui ne peut être une autorité. Nous relèverons ici l'abus , félon nous, de con-
tinuer les importes entre les colonnes accouplées; il femble devoir fufKre de les exprimer dans les pieds-droits, par la néceffité-Ou ils font deporter les archivoltes : par-tout ailleurs elles ne fervent qu'à divifer mal-à-propps, & la hauteur de l'étage, & la tige verticale des colonnes. Nous remarquerons encore comme un abus, d'avoir préféré ici les balcons de fer aux baluftrades qui autoient duêtïè placées dans la hauteur des retraites-, qui portent au premier étage lé deuxième ordre ; les balcons .ne pQuyaftt trouver place raifpnnablemént; Φ^ |
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d'Archi te eure, ' ic^
ttne façade où les ordres préiident. D^ilîeurs
î?emploi d'une baluitrade auroit corrigé la trop grande hauteur des arcades Corinthiennes jqufe Tufage du balcon rend intolérables, fur-tout lors- qu'on vient à les comparer avec le raccöüreifle- ment de celles placées à rez-de-chauiTée. ■■■' ;: &«.£*> Malgré ces remarques, peut-être1 trop légitime^, %
on doit applaudir au choix que M. dé La Maire a fait de ces deux ordres^ lorfqtfayant voulu exprimer - une Architecture légere, ila fil placer le Comporte * fous le Corinthien, pendarit qu'à l'Eglife de La Méïr- ι cy, ainh qu'au Vieux-Louvre , on remarque le Co- rinthien qui fupporte le Gorhpoiîfe. Peut-être atï- - rions nousdèfiré encore, que r'Architecle eût fup- Λ primé les refends qui fe voient: fur les retours.de cet avant-corps j ce genre '\ prefque ruftique , iie - devant jamais-fe rencontrer oti les ordres Görih- ■» thien & Compofite préfideri;&:;"~ '$$ înibcj κ fy '< • Nous ne parlerons point des arrière-corps de ,-·■ cette façade , ni de la cölörinäderde la coüriije * cet Hôtel y! nous ne pourrions que répéter ce que nous en ^vcfris ait dans TÀrchitefture Françoife», & notre intention n'eft pas de nous copier iûi}il Décoration de Γ un des .Payillgns y plaç% " αμχ *
v extrémités de la façade-dû t'Motel de Cornac ■'.valet y ;dfcf côté de la :ru&·^ reflaüré fur, ks dejji?is:d'e François Mahfàrd. ' ; '«äraftei tfëi Pi AN C HE XVII. ΤΓ-
Il ne faut pas s'attendre que la gravure^ de cei
avant-corps, ainii que du plus grand nombre de ceux que nous Offrons dans ce volume, puiife rendre lé mérite qui fe remarque dans les comportions de ces ouvrages, la plupart, très-célebres; le defiit* .,, |
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no Cours
Je mieux rendu ne peut guère exprimer ni le
choix des matières ni la beauté de l'appareil, ni la perfection de la main-d'œuvre , ni l'art de profi- ler, ni enfin l'excellence de la Sculpture, &c* autant d'objets qui contribuent à faire valoir & à mettre dans tout leur jour les rapports & les proportions de la belle Architecture. Il eft vrai que malgré la perfection de/chacune de ces parties coniidérées â part, l'ordonnance n'en reliera pas moins mé- diocre, il elle pêche par les principes fondamen» -taux de l'Art; mais aufli on ne peut difcon venir qu'elle en recevra plus d'éclat, ii tous ces accef- fpires concourent à la mettre dans tout fon jour. On peut le dire ici; ceft fans contredit ce con- cours employé fi fupérieurement dans les ouvra- ges de François Manfard, qui a fait de fes pro- ductions autant de chefs-d'œuvre ; par exemple, il n'y a point de comparaifon à faire entre le deffin de Pavant-corps que rlous préfentons ici, quoi* ■jjfßaffez fidèlement gravé, & la fatisfa&ion qu'Ü procure dans l'exécution à Tœuil.--.d'un Specta- teur éclairé ; tout y paroît diftribué par une main favante , on le contemple avec plaifir , & l'on conçoit aifément, par cette reftauration, la capa- cité de Γ Architecte, fon génie & fon expérience; Cette vérité n'empêche pas néanmoins qu'on n'y recdnnoiffe quelques légers défauts qu'il nous pa- roît effenciel de dévoiler à nos.jEleyes; il faut fe reffouvenir que cet ouvrage n'eft qu'une reftau- ration ; mais comme elle eft d'un grand Maître, les licences qui s'y remarquent, deviennent des fautes heureufes, qu'il n'appartient qu'aux hommes célèbres <ie rifquer ; au heu qu'on ne doit pas les tolé- rer dans les productions de ceux qui ne peuvent iû né favent racheter, comme ce grand Architecte, |
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d'Architecture. iii
îes licences qu'ils imitent fouvent, celles-ci étani
rarement détruites par des beautés d'enfemblë, un cara&ere foutenu, δε cet efprit de convenance qui fait le charme des composions des vrais Sa- vants. Mais paffons à l'examen des parties qui ornent ce pavillon. Nous remarquerons que l'étage àrez-de-chauffée,
qui, par fa fimplické, porte le cara&ere d'un fou^ baffement, a encore beaucoup plus de hauteur que celui de la planche précédente, du deffin de Bullet , qui n'avoit qu'un module de plus que l'étage fupé- rieur; au-lieu qu® celui-ci en a quatre , ce qui contribue à rendre l'Ionique beaucoup plus court qu'à l'avant-corps du Palais Archiépifcopal de Bourges : défaut qui provient de la hauteur des anciens planchers auxquels Manfard a été obligé de s'affujétir , pour conferver la façade origi- nairement bâtie par Jacques Androuet du Cer- ceau (i), où Jean Goujon (k) a fait les chefs- d'œuvre qui s'y font admirer encore aujourd'hui, |
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(i) Jacques Androuet du Cerceau, né en France au com-
mencement du feizierne fiecle, a bâti en 1578 le Pont-Neuf à Paris, fous le regne de Henri III j c'eft aufli fur les deflîns de cet Architecte, aiTez célèbre pour fon temps, que furent bâtis les Hôtels de Sully, de Mayenne & des Fermes géné- rales. Il donna les deifins de la grande Gallerie que Henri IV fit ajouter au Louvre, du côté de la rivière. Du Cerceau a aufli imprimé plufîeurs ouvrages, tels que la Defcription des édifices des anciens Romains j un Traité de Peripeétivej différents Mé- moires fur l'Architeixure0 &c 'h i.' (fe) Jean Goujon, Parifien, célèbre Sculpteur, vivoit fous
le regne de François I,'& de Henri II. Il contribua beaucoup à la gloire de Pierre Lefcotj c'eft de cet habile homme que font les Sculptures de la^Fontaine des Saints-Innocents , les Caryatides qui portent la tâfeune des Cent Suifles j falle connue aujourd'hui au Vieux - Louvre fous le nom de Salle des Anti- ques j les Sculptures de l'Hôtel de Carnavalet doue nous par· Ions, &c* , .; |
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iii C β ν RS
& dont on doit la confervltiön aux connouTancëSi
profondes de Manfard , qui a préféré de foumettrô fon génie aux Ouvrages faits par fes prédécéiTeuts, plutôt que d'en priver la poitérité ; ce qui, félon frous, lui fait Un honneur infini (l). L'avant-corps qui fe remarque ftir cet étage in-
férieur produit un aifez bel effet, niais les confoîes placées fous fa corniche ne portent rien. Cette corniche, d'ailleurs, fembléroit devoir être cou- ronnée par un föele, de la même faillie que celui #e l'avant^cotris; autrement ces deux étages ne paroiffent-avoir aucune relation l'un avec îautre ί on doit äüffi remarquer qu'à la vérité les confoîes s'alignent avec Taxé des pilailrés fupériéurs , mais queues lié fe trouvent pa's; placées att milieu des parties "angulaires de cet avant-corps. C'eit pour» quoi il mïroït peut-être été convenable de rétrécir le cOntWchambranle , ce ^ui'äuröitmis la confole 'au milieu.: d?dù il feroit refaite"ιίή autre avantage ; favoir que lés confoles aplaties qui foufiennent l'af>pui de la croifée, feroient devenues parle retré- cifférnent:dç ce contre-chambranle, moins larges .& moins %pefantes : la croifée bombée de ce fou? baffemént ; auroit peut - être mieux été à plates! bandes. Maniard a peu fait uiage de cettefbrte jd'oiivérture dans fes productions, δε nous ne foiji* mes pas peu étpnnés de; la trouver ici ; celle du premier étage nous paroît'préférable à tous égards ; elle eft d'ailleurs d'une belle proportion, & fê trouve renfermée dans ith' corps enfoncé qui la coiîtienté: iNous .aurions fë^lernènt deiiré ;que Ce |
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(X) Voyez* dans le petit rvtarot, planche XXXV, ce qu'é-
toit aucieunemcnc cette ia.çade, élevée par du Cerceau. célèbre
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»'Architecture. îî£
célèbre Architecte n'eut pas affe&é , dans la partie
fupérieure de ce renfoncement, les deux cavités, qui fe remarquent dans cette planche '. cavités, nous oibns le dire $ qui font tout-à*fait de mau- vais goût. ; Nous penfons encore, que vu la fimplickë qui
regne dans l'ordonnance de ce pavillon , où les pilaftres font fans cannelures, & les chambran- les fans moulures , il auroit peut - être été bien d'éviter les refTauts pratiqués dans le fronton, & d'y fupprimer la confole placée dans fon tympan * parce qu'elle nous paroît donner un faux air de prétention à ce couronnement. Nous ferions encore d'avis de fupprimer le petit médaillon & les cornes d'abondance , plus petites encore, qui fervent de claveau à la crôifée de ce premier étage : fur le fommier de celle d'en bas, on remarque un maf- caron , genre d'ornement qui , quoiqu'un peu Gothique > n'en manifêite pas moins fur le Heu la fupériorité de Jean Goujeon, ainii que tous ceux répandus dans les façades extérieures & intérieures de cet Hôtel. Tous ces morceaux devroient être jetés en moule, pour orner les atteliers de nos Sculpteurs, & apprendre aux Elevés ce que peut le cifeau d'un habile Maître, quand il veut rendre l'expreiîion & la plus vraie & la plus idéale; ils prouveraient du moins que la Sculpture peut donner l'ame, & pour ainfi dire la vie à la pierre & au marbre. |
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Tome IÎL H
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IÏ4 Cours
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Avant-corps de la façade de l'Hôtel de NOaiUes,
- du côté du jardin, élevé fur les deffim de M. l'Ajfurance 5 Architecte du Roù Planche XVIII.
L'Hôtel auquel appartient cet avant-corps eil
peut-être un de ceux qui contiennent le plus de logement; mais nous remarquerons que fa prin- cipale cour paroît un peu petite , relativement a la quantité & à la hauteur des bâtiments qui 1 en- tourent ; ces bâtiments font compofés de deux étages & d'un attique. Au reite , la diilnbution des appartements de cet Hôtel eil ingémeufe, & leur décoration d'un ftyle·, intéreflant. La. porte d'entrée qui donne fur la rue Saint-Honore , eit au'ffi d'un affez bon genre; elle eil du deiïin du fieur Marot, qui avoit été FArchiteûe ■ de cet Hôtel, anciennement appelé l'Hôtel de PuiTort : dans la fuite cet édifice a été prefqu entièrement rebâti par M. l'Afïurance, Architede du Roi. Nous ne rapporterons des façades de cette belle demeure, que l'avant-corps du côté du jardin; cet avant- corps donnera fuffifamment à connoître le goût de cet Architecte, qui, à l'imitation de fes con- temporains , a employé autant d'ordres que d'éta- ges ce qui a produit des colonnes & des pilaitres feulement de quatorze pieds de hauteur, entre lefquels on remarque des ouvertures d'une pro- portion beaucoup trop fvelte 9 comparée avec ïexpreffion Dorique & ionique , dont cette façade eil décorée. _^
On pourröit falWa même remarque concernant
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&'A.ft.c#i.Tfcc tURfr ii$
les cföifées placées dans l'attique, dont la hauteur
des pilaftres fe trouve d'ailleurs avoir à-peu-près les deux tiers de f Ionique de detfous, contre le fentiment même des modernes , qui l'ont fixée à la moitié , aù-lieu du quart que lui donnoient les anciens : rapport que nous rappelons ici, parce que toutes les fois qu'on voudra produire dans notre Art ^ & négliger les préceptes les plus ap-* prouvés, on pourra réunir fans doute pluiieurs membres d'Architecture les Uns avec les autres, on pourra faire une façade d'une certaine rieheffe; mais oil ne fera jamais ee qu'on entend par un© belle Archite&ure. Pour donner plus de mouvement à cet avants-
corps j rArchitecire a porté à chacune de fes extré- mités un arriere^corps en retraite : reffource qui a donné à fa partie du milieu une proportion agréa* ble & affez bien terminée par le fronton. Mais on potirroit föuhaiter que l'accouplement eût été pprté aux extrémités de toute la largeur, & non dans les angles du premier avant-corps ; parce que l'accouplement fur cette maffe , en äuroit nourri les angles, qu'il étoit plus néceffaire de fortifier que ceux qui portent les extrémités du fronton* Il eft vrai que par là ëelui-ei auroit perdu dans le rapport de fa largeur à fa hauteur , à moins que pour obvier à cet inconvénient, on eût placé des colonnes au premier étage, qu'on auroit cou- ronné par des ftatues; de maniere que l'attique qui auroit été en retraite, n'auroit fait juger de la hauteur de cet avant-corps que depuis le rez-de-» chauffée jufqu'au focle pofé fur l'entablement Ioni- que. Alors on auroit fupprimé le fronton de deffus l'attique ; il réufîit rarement bien fur un pareil étage· Par le moyen que nous prdpofons, il auroit eu Hij
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ÏIÓ C O U R È
moins de bafe ^ & feroit peut-être devettit plu^
fupportable. Nous ne faurions approuver non plus les croifées bombées de 1'attique, ni celles du premier étage placées dans les arriere-corps , ni enfin celles qui fe remarquent au rez-de- chauf- fée , dans les entrecolonnements Doriques. Non feulement cette forme triviale ne peut fe fuppor- ter dans une décoration où les ordres préfident; mais elle ne doit jamais , ou prefque jamais fe rencontrer dans une ordonnance où les arcades plein-cintre font admifes. On doit encore éviter l'inégalité de hauteur des claveaux qui fe remar- quent au-deffus des croifées bombées, quand on les compare avec ceux placés au-defliis des archi- voltes. Qu'on y prenne garde, ces négligences font impardonnables , elles font contraires à la régularité ; elles pèchent contre la fymétrie ; elles donnent une faulte idée de la folidité ; en un mot, elles engendrent la médiocrité & réduifent les com- poiitions de l'Archite&ure ' à la fimple routine , au-lieu de présenter les belles productions de l'Art. Ici, comme à l'Hôtel de Soubife, on a préféré au premier étage les balcons de fer aux baluftrades. Néanmoins les balcons de fer, comme nous l'avons dit , ne conviennent qu'aux maifons à loyer, & jamais dans les édifices d'une certaine importance, principalement dans ceux où l'on a jugé à propos d'employer le faite des ordres. , Nous finirons ces obfexvations, par remarquer
que la hauteur du comble qui termine tout cet avant - corps eft trop confidérable : non - feule- ment elle femble écrafer Tattique qui le fou- tient, mais elle couronne pefarriment toute cette ordonnance, compQÎée de trop petits ordres & |
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d'Architecture. 117
Couvertures trop fveltes, pour pouvoir figurer
avec l'élévation formidable de cette toiture, qui furpaffe en hauteur la moitié de celle de la façade. Avant-corps de l'ancien Hôtel d'Evreux, du côté
de la cour, élevé fur les dejfins de M. Mollet^ Architecte.
Planche XIX.
Nous aurions pu fans doute choiiir un exemple
tout autrement recommandable que celui que nous offrons ici, pour terminer les obfervations que nous nous fommes propofé de faire dans ce Chapitre ; mais, nous l'avons dit plus d'unes fois, nous croyons tout aufli intéreffant pour nos Elevés , de leur faire jeter les yeux fur les ouvrages médiocres, que fur ceux qui font le plus généralement approu- vés ; nous fommes perfuadés que c'eft en réfléchif- fant fur les écarts de plusieurs de ceux qui nous ont précédés , qu'on parvient à éviter les défauts qu'on remarque dans leurs productions , qiu>n s'accoutume à devenir plus févère fur fes propres ouvrages , & qu'on fe rappelle avec plaiiir & avec fruit, les vrais préceptes qu'ont employés les grands Maîtres. Au reite, l'Hôtel auquel appartient cet avant-
corps , ne laifle pas d'avoir un certain mérite ; il eft peut-être un des plus avantageufement lîtués qu'il y ait à Paris ; fon principal corps de logis a vingt-deux toifes de face ; il eft double dans fa profondeur, & placé entre la cour & le jardin. Sa cour a vingt-fept toifes de longueur , fur dix-huit de largeur. Elle eil parla préférable de beaucoup à celle de l'Hôtel précédent, qui n'en a que treize fur dix & demi, quoique les bâtiments qui l'en- H îij
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ϊ 18 Cours
tourent aient cinquante-un pieds d'élévation , pen«
dant que le principal corps de logis de l'Hôtel dont nous parlons, en a quelques-uns de moins, & qu'au* |ieu de mur de face dans les parties latérales de fa cour, on ne remarque que des murs de clôture qui la féparent des baffes-cours : moyen qui donne a cette cour principale une grandeur toujours né* çeflaire pour annoncer un bel Hôtel. Au contraire, celle de l'Hôtel de Noailles n'annonce qu'une mai- fon particulière, malgré la richeiïe prodiguée dans fçs façades : tant il eiï vrai que c'eft la diipofition, l'arrangement, les rapports & les proportions, qui forment les premières beautés d'un édifice ; eil·· fuite vient l'ordonnance des façades, le ftyle de î'Archite&ure, l'abondance ou la fimplicité qu'on doit répandre dans les dehors , enfin un cara&ere analogue à fa deftination particuliere. Il eft aifé de remarquer que phuieurs de ces
©bjets effenciels manquent dans l'avant-corps que: îious donnons dans cette planche. Premièrement il pèche par le caractère qui lui eft propre ; fon veÎtibule ouvert par trois entrecolonnements, an* nonce plutôt un bâtiment élevé pour la campagne » qu'un édifice éri,gé dans le, fein d'une Ville. L'air extérieur qui pénétre dans ces fortes de veftibules 9 f'oppofe l'hiver à la falubrité des appartements j gu4ieu que les maiibns de plaifance n'étant habitées que dans la belle faifon, leurs veftibules ouverts comme celui qu'on voit ici, non - feulement leur procurent une fraîcheur convenable, mais leur §iîignent une toute autre maniere de fe préfenter a que ceux contenus dans les Cités, Secondement, Jj faut fe reffpuvenir que le mur du premier étage , élevé fur les entrecolonnements du rez-de-chauf- lïi* Qfo à Toêvûl 4ü fpe&ateur un porte4-faiqa |
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d'Architecture. 119
toujours condamnable en Archite&ure,"_& qui ne
peut fe tolérer dans aucune efpèce d'édifice. Que fignifie d'ailleurs l'ordre - colonne , qui,
f éuniffant à la proportion Dorique la fimplicité Tofcane 5 eil îurmonté par un ordre Gorinthien- pilaftre, & où l'on apperçoit une ouverture plein- cintre , entourée d'un bandeau dont la largeur vers les pieds-droits fe pénètre dans les pilailres? A quoi reffemblent les tables , l'aitragale continu & les buftes diftribués dans la partie fupérieure de cet avant-corps , ainfi que la banquette ou le balcon de fer, foutenu fur un focle qui l'égale en hauteur ? Que veut dire l'entablement & le fronton qui cou- ronnent l'ordre Corinthien, dansles corniches def- quels on n'a pratiqué ni modillon ni denticules ? Enfin quelle élévation extravagante n'a-ton pas donnée aux croifées pratiquées aux deux côtés de cet avant-corps, principalement à celles du rez- de-chauffée ? Non-feulement elles font d'une for- me bombée ; mais elles ont de hauteur un peu plus de trois fois leur largeur ; néanmoins elles ne fe trouvent entourées que d'un fimple bandeau, qui a de largeur plus du quart, au-lieu du iixieme de leur ouverture : ajoutez à cela que cette ouver- ture a pour appui une petite tablette chargée de moulures , & couronnée par un balcon, plus petit encore que la tablette. Enfin ce qui nons paroît beaucoup plus inconfé-
quent, que ce que nous venons d'obferver dans cet Hôtel, c'eitï'appiication de la manfarde, la grandeur & la forme des lucarnes placées dans cet étage très- fubalterne : par leur richeffe indifcrète, elles con- tribuent à apauvrir l'Architeaure qui décore les étages deitinés à l'habitation perfonnelle des Maî- tres. Nous fommes perfuadés que les manfardes H iv
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no Cours
& les lucarnes conviennent peu à la décoration
des Hôtels , particulièrement lorfqu'on fait entrer les ordres d'Architeclure dans leur ordonnance ; & qu'il ne convient de les mettre en œuvre que lorfqu'elles peuvent contribuer à décider le cara- ctère du bâtiment, comme aux écuries desmaifons Royales, dans les étages fupérieurs des Places pu- bliques , dans les maifons de campagne propre- ment dites, enfin dans les maifons à loyer. Autre- ment , nous ofons le dire ici, lorfqu'on* ofera tout fe permettre, qu'on n'aura pour objet que de faire des ouvertures, fans égard à leur convenance ; des colonnes & non des ordres ; des ouvertures & non des portes & des croifées ; que l'on fera des ornements » & non de la fculpture ; qu'on préférera la richeffe aux fymboles ; qu'on n'obfervera ni caractère ni ityle; qu'on défigurera les formes ; qu'on altérera les proportions ; qu'enfin on alliera enfemble l'antique, l'ancien & le moderne , point de doute que l'on ne fera plus que de la Maçon- nerie, mais jamais de véritable Archite&ure. L'avant-corps du côté du jardin de cet Hôtel,
n'eft pas d'une Architecture plus intéreffante ; il ne diffère du premier , qu'en ce que les eolonnes font au premier étage, & les pilaitres à rez;-de-chauffée ; qu'à.la place du fronton on a pofé des trophées à plomb de chaque colonne, lefquels font élevés fur un petit focle, qui à peine eft apperçu d'en bas, la faillie de la corniche en mafquant la majeure partie. ^ Malgré les défauts que nous venons de relever
dans les dehors de cet Hôtel, nous invitons nos Elevés à ne pas négliger de l'aller vifiter ; peut- être y apprendront-ils à mieux faire. D'ailleurs il feront bien dédommagés de cette courfe par l'ex*· |
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d'Architecture.
men dex quelques belles parties que contiennent
les dedans, & qu'une Dame de la Cour, protec- trice des Beaux-Arts y a fait faire, pendant que cet Hôtel lui a appartenu. Ces parties de détails, nous pouvons le dire ici, font bien capables de leur faire naître le vrai goût de la décoration inté- rieure des appartements*, |
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izz Cours
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CHAPITRE V.
PERFECTION DE L'ART,
Appuyée de Vau τ orît έ des
Édifices renommés , élevés par les Architectes les flus CELEBRES.
On y traite en -particulier des Portes , des
Croifèes , des Niches , des Statues, des Frontons, des ΒαΙμ^-rades > des Attiques „ des S$uba[[ements , des Combles & des Ter- rajfes. * "· XN ou s l'avons déjà remarqué dans les volumes
précédents, le feul moyen de donner un certain degré de perfeftion à la décoration de nos édifices, eft de faire dépendre ces parties principales de Fexpreiîion des ordres qui y préfident. Après avoir d'abord çonfidéré ces parties féparément, il faut enfuite examiner l'effet qu'elles produiront , réu- nies les unes avec les autres ; autrement on doit craindre de mettre des diflbnnances dans l'enfem- ble, qui, en préfentant plufieurs belles parties „ considérées à part, n'en offriroient pas moins un tout défaiibrti. Nous entendons par les parties principales de la décoration de nos façades, leursi différents étages, le rapport qu'ils doivent avoir enfemble ; les portes, les croifèes 3 les niches % les |
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d'Architecture* 123
frontons & les baluftrades qui s'y trouvent placées ;
ce font autant d'objets qui, après les ordres-co- lonnes & pilaftres , doivent tenir le premier rang entre tous les membres deitinés à rembelliflement des monuments facrés, des édifices publics, des maiibns royales, des hôtels & des belles maifons particulières. Combien d'Architectes, pour avoir négligé les
rapports, les proportions, la forme, la richeffe ou la iimplicité de chacune de ces parties, ne nous ont laiffé que des exemples médiocres, quoiqu'ils aient fuivi, en quelque forte , les règles reçues pour les mafles générales. Pour faire éviter à nos Elevés de pareils écarts,
nous allons leur offrir, dans ce Chapitre , plu- iieurs parties'principales tirées des exemples an- ciens & modernes. Après leur avoir préfenté des modèles du plus excellent genre, nous leur en propoferons de moins éftimés , comme autant d'exemples à éviter, quoique mis en œuvre dans des édifices de quelque réputation. Ils verront que ces parties n'y font devenues médiocres, que parce qu'elles s'y trouvent déplacées , & qu'elles n'y, paroiffent pas être nées de l'ouvrage entier. Dans nos définitions du troiheme Chapitre du
premier volume de ce Cours, nous avons parlé des arcades, page 301,'ainiî que des portes & des différentes parties qui les compofent. Nos vues s'étendent ici plus loin ; il s'agit de faire re- marquer les beautés des unes, & l'imperfecTion qui fe trouve dans les autres ; d'en offrir de plufieurs efpèces, de difcuter leurs formes, de conftater leurs proportions, de parler des membres d'Archl- te&ure qui les revêtent, des ornements qui les 4éçorent 3 & de rembelliiTement qu'ils procurent |
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124 COUM
aux frontifpices de nos grands édifices & à la déco-
ration de leurs façades. Donnons ici quelques idées fur les portes en général ; enfuite nous ferons la defcription des modèles que nous préfenterons à nos Elevés. Des Portes en général.
L'ouverture des Portes & le genre de leur dé-
coration dépend abfolument du motif qui les fait élever : nous avons parlé précédemment des Por- tes triomphales , en citant celle de Saint-Denis & celle de Saint-Martin à Paris , Tome II, page 25 J. Nous avons auiîi parlé, dans le même volu- me , page 458 , des Portes des Villes de guerre. On conçoit aifément que le différent ufagé de ces deux efpèces de Portes doit déterminer TArdû- te&e à leur afîigner des grandeurs , & une ordon- nance relatives à leur érection , auffi-bien qu'à l'importance des Capitales où elles fe trouvent élevées. Nous ne donnerons point, dans ce Cours , de
deffins de ces deux efpèces de Portes ; l'Archite- cture Françoife , offre à nos Elevés les Portes triomphales que nous venons de citer , & la fcience des Ingénieurs de M. Bélidor leur donne différentes portes de Ville de Guerre , auxquelles ils peuvent avoir recours , juiqu'à ce que nous puiiTions , après l'impreflion de cet ouvrage , leur communiquer diverfes compofitions de ce genre, choiiies parmi celles de nos Villes fron- tières qui ont le plus de célébrité; A l'égard des Portes deftinées pour nos Villes
libres & commerçantes, pour nos Palais , nos Hotels & nos Edifices publics, du reifort de Γ Ar- |
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d'Architecture. 12?
ehite&ure Civile proprement dite , nous allons
en inférer ici phuîeurs , après avoir dit que leur importance , leur grandeur & leur ordonnance 9 doit fe régler fur l'étendue, le genre & la magni- ficence des Villes ou des édifices auxquels ils donnent entrée ; que pour cela fufage de ces mêmes entreprifes , doit déterminer la largeur des Portes ? i'expreiîion de l'ordre, le rapport de leur hauteur avec leur diamètre. Enfin c'eit de l'opu- lence des Cités ou de la richeife des bâtiments, que dépend la décoration de ces fortes de frontifpices. Perfiftant toujours de confeiller à nos Elevés
de recourir aux exemples des grands Maîtres, lorfqu'il s'agit des diverfes productions de Γ Ar- chitecture ; nous allons leur préfenter d'abord plufieurs Portes de Michel-Ange , qui, quoique d'une compofition irreguliere à certains égards, ferviront du moins à prouver les progrès que Fart a faits depuis cet Architecte célèbre pour fon temps : idée dont on devra fe convaincra par la comparaifon qu'on pourra faire de l'ordon- nance de ces mêmes portes, avec celles qui les fuivront. Divers dessins de Portes
anciennes et modernes.
Portes de Michel-Ange.
Planches XX, XXI & XXII.
La Planche XX offre la porte du Faubourg du
Peuple à Rome, que le Pape Pie IV fît décorer par Michel - Ange , comme l'entrée la plus fré- |
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ii6 Cours
quentée de cette Ville, autrefois fi célèbre %
l'autre côté de cette Porte a été reftauré en 1655 par les ordres du Pape Alexandre VI, fur lesi deiîins du Cavalier Bernin* ί Cette Porte que nous donnons du deffifi de
Michel-Ange , eit d'ordre Doiique , d'un aiTez petit module , l'Archite&e ayant été follicité d'employer des colonnes de granite^antique, feu« lement d'environ deux pieds de diamètre, ce qui n'a pas peu contribué à refferrer le génie de Michel- Ange , qui, dans une infinité d'autres occaiions, a fait preuve de la fupériorité de fes talents* Il eil vrai que dans les trois deiîins que nous offrons ici de cet Architecte , rien n'annonce ce que nous avançons de cet habile Maître , ainfi que nous l'avons rapporté , fécond volume , page 68 * en parlant du chapiteau Ionique attribué à cet Archi- tecte* Parce que nous avons regardé, ■& que nous, regarderons toujours, comme un devoir eiTenciel à tout Ecrivain, de n'ufer d'aucune efpèee de pré·* vention ni de partialité, & que nous nous croyons moins obligés que tout autre , de mafquer la vérité dans un ouvrage particulièrement deiliné à l'étude des jeunes Artiftes , pour lefquels ce Cours eft compofé ; nous nous attendons bien que les amateurs de la plupart des chefs-d'œuvre de ce grand homme , condamneront notre fran- chife. Mais, encore une fois, ce n'eft pas pour eux que nous écrivons; nous avons fait vœu de fincérité : regleque nous croyons qu'il faut fuivre lprfqifil s'agit d'inilruire, & que nous obferverons jufqu'à la fin de cet ouvrage , au rifque de dé- plaire à quelques enthoufiaftes, qui croyant ériger des miracles, en élevant littéralement, au milieu 4e Paris & dans fes Faubourgs, non-feulement |
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Y ; ·
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d'Aechitectvre* 117
les copies des productions dé Michel-Ange , mais
celles des Bramantes & des Boromini, fous prétext® que ces Maîtres ayant eu quelque célébrité en. Italie, leurs ouvrages doivent produire chez nous le même effet, & fer vir une féconde fois de modele à nos Elevés* Sans doute les prétendus imitateurs de ces anciens ouvrages, nous diront : Mais., fi vous croyez ces comportions foibles , pourquoi 9 après avoir condamné d'Aviler de les avoir infé·* rées dans fon ouvrage , les reproduire dans ce corps de Leçons ? Voici notre réponfe : premiè- rement ces produ&ions ne font que foibles, & elles font celles d'un grand Maître : fecondement * comme nous venons de le dire, il faut accoutumer les jeunes gens à remonter à la fource de l'Art* Il eil peut-être plus intéreffant qu'on ne slmagine, de faire éclôre ï'efprit de comparai- fon aux Elevés, & de les engager à méditer fur les différents âges de Γ Architecture , & fur £es progrès. Or , fi ce que nous venons d'a- vancer n'eil pas fans .fondement, nous prions la plus faine partie de nos Lecteurs, épris des bons ouvrages de Michel - Ange, comme tout homme éclairé doit l'être , de nous paffer les re- marques que nous croyons devoir faire ici, non comme autant de critiques, mais comme des ob? fervations qui puiffent rendre nos Elevés plus, féveres dans leurs compqiitions. Paffons donc à ces remarques, que d'ailleurs nous foumettons bien volontiers aux véritables Maîtres de TArt^ n'ayant pas prétendu, connoiffant nos forces,, faire un livre parfait, mais tenter feulement de le rendre utile pour ceux auxquels il eil deitiné. L'ouverture de la porte plein-cintre de la plan*
çhe XX, dont nous donnons la defcription·, f
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ii& Cö ν η s
heft que de treize pieds, & fa hauten? un pm
âu-deffus de deux fois fa largeur : nous ne répé- terons point le motif qui a fait employer un fi petit ordre à la décoration de cette porte ; il eil trop légitime pour le reprocher à cet Architecte; C eft fans doute le même, qui l'a porté à donner de hauteur à fes piédeftaux , les deux cinquièmes de celle des colonnes, au-lieu du quart, & à faire retourner fon entablement dans le grand entrecolonnement, puifqu autrement fa plate-bande auroit acquis dix-fept pieds de longueur, fur trois £ieds de faillie , porte-à-faux trop coniiderable pour être foutenu fur des colonnes qui, dans leur fût fupérieur, ont un peu moins de deux pieds de diamètre. En examinant ainfi cette ordonnance, non-feu-
lement nous prouvons notre impartialité, mais nous prenons occafion de recommander à nos Elevés, de beaucoup réfléchir fur le jugement qu'ils doivent porter des ouvrages de leurs Maîtres, afin que, félon ïoccafion, ils puhTent fe fervir des reiïburces que leurs prédéceffeurs ont fouvent employées dans leurs productions, à la place"cles préceptes qu'ils ont mis ailleurs en pratique avec tant de fuccès : par là ils apprendront, qu'affez ordi- nairement , ce qui a droit de bleffer l'œiûl au pre- mier apperçu, peut néanmoins devenir une auto- rité qui les amènera à ofer ce qu'ils nauroient pu raifonnablement fe permettre, s'ils n'avoient eu des exemples célèbres qui leur ouvrent la route du génie. Au refte , il en faut convenir ; l'ordonnance
de cette porte, prife en général, eft chétive, les piéds-dro,its de l'arcade, difputent, pour ainfi dire de largeur, avec le diamètre des. colonnes ; l'im- pofte.
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d'Architecture; np
pofte eft trop faillant, fa continuité eil vicieufe
derriere les colonnes, fans compter que fa dîfpo- lition coupe la hauteur de ces dernières en deux également; l'archivolte eil trop pauvre, reduit à un feui bandeau ; les barbacannês placées au deifous de l'entablement, offrent une répétition avec celles qui fe remarquent dans l'attique ; d'ailleurs cette efpèce d'ouverture, non-feulement η'eil guère du genre d'une pareille ordonnance, mais nous paroît inutile ici : la décoration de ce frontifpice eil appliquée fur une ancienne muraille en brique, qui n'a que cinq pieds & demi^d'épaiffeur ; ainlî elle n'annonce aucune habitation où il faille des ouvertures qui puiflènt l'éclairer* Nous fommes donc tentés de croire que ce font feulement des tables, telles qu'on en remarque dans prefqus toutes les productions Romaines, deilinées à rece- voir des infcriptions ; mais qui, comme telles, n'en produiroient pas un beaucoup meilleur effet. .D'Aviler rapporte, qu'au-defTus des piédeftaux
& au pied des colonnes, on a placé deux ilatues de marbre blanc, repréfentant Saint Pierre & Saint Paul, fculptés par Francefco Mocki; nous ne les avons pas exprimées ici, ce genre de fculptu- re, eilimable par-tout ailleurs, ne, convenant point dans cette ordonnance : on pourroit aifé- ment en fubitituer d'autres, iî ce deßin agréoit aiTez pour le fuivre exa&emenc en certaines oc- calîons. Nous trouvons l'attique un peu élevé, ayant
de hauteur la moitié de l'ordre, y compris fon en- tablement ; d'où il réfulte que la table du milifft eil fort confidérable , (quoiqu'encadrée d'une bordure. Cette bordure ? & les pilailres font trop Tome III, X |
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foibles : au-lieu de placer des itatues au pied de
l'ordre, il eût été plus raifonnable de les élever au- devant des pilailres & à plomb des colonnes pour en mafquer la maigreur. L'amortiffement ou cartouche en écuiTon qui
couronne cet attique £ eil , dit-on, de marbre blanc , artiftement travaillé, d'après le modele de Michel-Ange : l'exécution en peut être heureufe; mais il s'en faut bien que nous en eilimions la forme , qui nous parok découpée, fans liaifon , & d'une maigreur impardonnable , quoique le bas- relief femble autorifer cette prétendue élégance. La planche XXI offre la Porte Pie, élevée
fur les deifîn's de Michel-Ange, par ordre du Pape Pie IV; c'eil encore une de ces produ- ctions peu régulières, qu'il n'eil permis qu'aux grands génies de mettre en œuvre , mais qui ne doivent point trouver d'imitateurs. Au reile, malgré ce que nous rapportons, on trouve à-peu-près l'imitation de cette ordonnance ancienne dans plus d'un de nos bâtiments François. Du Cerceau & "quelques Architectes de fon temps , en ont pro- duit plufieurs ; le fommier à pans * für - tout , a été mis en œuvre à l'Hôtel de Condé, & à l'ancien Collège de Louis le Grand. Le Mercier n'a pas même dédaigné d'en faire un ufage aiTez Ifréquent, dans les dépendances du Château de Richelieu -, Aujourd'hui on n'oferoit avoir recours à une
telle forme : on fait bien, fans doute; mais en cherchant à mettre plus de régularité, ne tombe- f-on pas dans une monotonie dangereufe? Nous 'examinerons dans la fuite cette queilion ; bor- fcöns-nous ici à faire remarquer que les pilailres, |
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d'Architecture. ïji
au-lieu d'être d'un ordre régulier, n'offrent qu'une
efpèce d'attique, couronné lui-même par un faux attique qui lui tient lieu d'entablement, & dans la frife duquel on a placé un arc, apparemment dans l'intention de décharger la plate-bande qui forme le linteau briié de la Porte : cet entable- ment eil couronné d'un fronton triangulaire, con- tenant des enroulements , une guirlande & une table : autant de membres d'Archite&ure & d'or- nements defculpture femi-Gothiques , ainii que le mafcaron placé au-deifus du claveau. Nous ne faurions non plus approuver les cannelures des pi- laftres ; ces moulures font d'un genre peu analogue au chapiteau , aux boifages, au prétendu impolie, & aux conlbles faifant partie de cette ordonnance, véritablement plus iinguliere que belle ; au reile » cette ordonnance fert à prouver le goût de l'Architecture du .milieu" du feizieme iiécle, qui depuis ce temps a eifuyé plus d'une révolution- Porte de la Vigne du Patriarche Grimani i
près de Rome. fciâïï La planche XXII fait voir le deiîîn de la
Porte de la Vigne du Patriarche Grim.ani, près de Rome , élevée auffi fur les deiîîns de Michel- Ange. On peut dire que cette ordonnance tient de prefque tous les genres d'Archite&ure : l'ordre eil Dorique ; la porte, d'expreifion Tofcane ; les boifages, ruitiques ; l'amortiflement, Ionique ; les couronnements à plomb des colonnes, Gothiques; les iodes de deflbusr~-profilés dans un genre Compoiite; & généralement enfin toutes les mou- lures, font Corinthiennes : d'ailleurs les colonnes engagées d'un iixieme dans un pilailre doublé , |
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132 Cours
rendent ^extrémité de cette décoration tout à la
fois maffive & légere, fans compter que les fefTauts que forme Timpoile, achèvent de répan- - dre une eonfufion qui produit, dans cette ordon- nance , une bizarrerie qu' on ne peut, dans aucun -cas i prendre pour modele , malgré fa forme pyra- midale ; forme qui feule peut racheter la difpa- rité d® ftyle, affectée dans les membres qui la compofent. Tel eil le jugement que nous avons cru devoir
porter fur ces trois Portes de Michel-Ange (/»)5 dont nous refpe&ons néanmoins les chefs-d'œu- vre dans plus d'un genre ? quoiqu'il n'ait guère été plus heureux dans fes autres Portes , à en juger par celle de la Vigne du Cardinal Sermo- nette ; par celle de la Vigne du Duc Sforce, au Faubourg du Peuple ; par celle du Palais des Con- ièrvateurs, & par pluiieurs autres, placées fous le portique du Capitole ; rapportées toutes par d'Aviler. Du temps de cet Architecte on étoit fans doute moins févere que nous ne le fommes au- jourd'hui; auffi n'a-1-il relevé que légèrement les défauts des différentes productions de Michel- Ange , ce qui n'a pas peu contribué à nous déter- ' miner à lever le voile trop fouvent abaiifé fur les anciens ouvrages d'Architecture, qui quelquefois • n'ont d'autre mérite que leur antiquité. Paffons à préfent à d'autres comportions qui,
quoique d'un même genre , préfentent une marche plus fymétrique & plus conforme à la régularité qu'exige la belle Architecture, fans nous refiifer *■■■■■------------------ ": ',.' ' . ;■*'■,.''
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(m) Michel-Ange Buonarotti, né enTofcanej ilcft mort
à Rome en 1564, âgé de 90 an«. |
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d'Architecture.' 133
■néanmoins de faire prendre garde à nos Elevés,
aux licences qui fe trouvent répandues dans plu- lieu rs. Portes élevées sîçr les dessins de
plusieurs de nos architectes François. , Planches XXIII, XXIV & XXV.
. Porte de l'Hôtel de Touloufe*
La planche XXIII donne le deiîin de la Porte
de l'Hôtel de Touloufe à Paris , élevée par Fran- çois Manfard. Cette Porte , d'ordonnance Dori- que , fe reiTent du caractère d'originalité que ce grand Architecte favoit donner à toutes (qs produ- ctions, & du foin particulier qu'il prenoit de veiller à l'exécution de fes œuvres : perfection, ainii que nous l'avons dit ailleurs , qu'on ne peut ren- dre dans un deifin , & par conféquent dans la gravure ; de maniere qu'on ne peut juger qu'aiTez imparfaitement de la beauté des chefs-d'œuvre de ce grand Maître , par les copies que nous en donnons dans ce Cours. Au refte r notre intention n'eft pas de diiîîmu-
ler les licences que François Manfard s'eft per- mifes ici ; nous en avons déjà ufé ainii avec les ménagements que nous devons à cet homme illuftre, foit en parlant précédemment de l'avant- corps du Château de Maifons , foit en décrivant l'un des pavillons de l'Hôtel de Carnavalet. Telle eil la tâche que nous nous fommes impofée, de ne jamais déguifer la vérité, perfuadés que nous fommes % qu'on ne peut inftruire les jeuaes Di£? Iiij
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134 Cours
ciples , qu'en leur faifant connoître jufqu'aux
fautes des grands Maîtres , d'autant plus eflen- cielles à relever dans ces Leçons, que les beau- tés , dont leurs ouvrages font empreints , font fouvent prendre aux Elevés, comme autant d'au^ torités , les licences que les grands hommes ont pu rifquer dans les détails , en faveur de l'accord des maffes ; ils s'en prévalent dans la fuite ; & les plaçant moins heureufement que leurs guides, ils n'offrent alors , dans leurs comportions , que l'abus de l'Art, au-lieu de fes fuccès. La baie de cette Porte eft à plate-bande, & j
n'a de largeur que huit pieds ; fa hauteur eft à
ion ouverture , comme douze eft à fept : rapport j qui nous paroît peu convenable , où l'expreinon
Dorique préfide, la proportion des ouvertures devant néceiTairement prendre le cara&ere de Tordre dans l'entre-colonnement duquel elle fe trouve placée, ainn que nous l'avons enfeigné dans les définitions du premier' volume de ce Cours, page 301 , auquel nous renverrons fou- vent , ces premières Leçons élémentaires devant être regardées comme la bafe fondamentale des préceptes de l'Art. La Porte dont nous parlons auroit pu avoir
un pied de hauteur de plus ; & encore avec cette augmentation, n'auroit - elle été fupporta- ble ici, que parce qu'elle eft fermée dans fa partie fupérieure par une plate-bande, & que, comme telle, elle peut avoir moins d'élévation que celles plein - cintre ; car , à hauteur égale, cette dernière préfente moins de vide que celle à plate-bande. Il eft vrai que pour l'ordinaire les anciens donnoient moins de deux fois la largeur . à la hauteur de leurs portes , & qu'ils préféroient
fouvent les fommiers droits aux circulaires, : |
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HP
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d'Ar«hitecture. i3f
Nous fommes bien éloignés de regarder cette
opinion comme un précepte; certainement la hau- teur des Portes doit augmenter ou diminuer, non- feulement à raifon de la folidité ou de la légèreté de l'ordre qui préfide dans l'ordonnance ; mais , comme nous l'avons recommandé dans nos deur nitions, leur forme doit différer de celle des croi- fées : félon nous il faut que celles-ci foient à plate - bande , celles-là plein - cintre , chaque membre d'Archite&ure devant avoir fon caractère particulier, quoiqu'affujetti à des rapports com- muns ; l'art exige qu'on obferve la même chofe entre les membres d'Architecture & les ornements de Sculpture deftinés à leur enrichiffement. Qu'on y prenne garde; c'eft là le précepte inconteitable; enfuite viennent les reffources , les modifications, que l'Art peut permettre , & auxquelles l'Archi- te&e le plus, habile peut avoir recours pour va- rier (es productions, & faire preuve de génie. Pans cette Porte , par exemple, la plate-
bande qui y eil employée, procure à cette ordon- nance un caractère de fermeté , dont fe reffenrent toutes les compoiitions de Manfard : caractère qui le diftingue particulièrement des habiles Archite- ctes du dernier fiecÎe, fes contemporains* Ontloir. même remarquer dans le plan , figure A , qu'il a affeëté beaucoup de faillie au bandeau qui en- toure cette Porte , dans l'intention vraiffemblable- ment de nicher, pour ainfi dire > fes colonnes% & d'óppofer leur convexité à un corps renfoncé, dont l'obfcurité fert a faire valoir la lumière qui frappe fur le ûit de ces m|mes colonnes : moyen ingénieux fans doute, mais qui ne pourrait fervir d'exemple pour d'autres ordres ; encore n'eft- iL folérable dans ce deffin que parce que chaque lir
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I36 C O U RS
colonne eft flanquée d'un pilaftre qui femble ajou-
ter à la fermeté de cette décoration. La fculpture du claveau, & celle de la Porte de
menuiferie , ainii que fes compartiments rapportés ici fidèlement, fe reiTentent de l'ancien genre , & prouvent les progrès qui fe font faits dans cette partie de l'Art, depuis Manfard jufqu'à nous. Peut-être aurion*nous fouhaité qu'on eût fup-
primé les refends taillés fur les pieds-droits qui reçoivent les pilaftres, & qui fe continuent der- riere les colonnes. Ce n'eil pas que ces derniers ne jious fembîent néceflaires pour fervir de fond aux colonnes, & les détacher avec une,forte d'avan- tage ; mais ceux qui régnent de chaque côté des pi- ïaitres , femblént contribuer à faire remarquer que ces refends ne font pas placés dans le milieu du pied-droit, ce qui cependant; auroit été à délirer ; parce qu'alors le trigliphe à plomb du pilaitre auroit moins approché de celui de la colonne 9 & par là auroit rendu le métope, placé entre-deux? femblable en largeur à ceux de i'entrecolonnement. En général les mutules & leurs intervales ne font
pas diftribués trop régulièrement dans le foffire , ainii qu'on peut le remarquer dans le plan de l'en- tablement , figure Β ; mais il étoit permis à Manfard de négliger certains détails, en faveur de l'heu^ yeux effet qu'il a fu donner à fa compofition, Chez un Architecte fubalterne ces négligences feroient devenues des défauts impardonnables, parce qu'il îî'atiroit fu les racheter par aucunes beautés .poiitives ; un grand Maître en ufe autrement; » les reifources dans la tête, il fait franchir les limi- tes de l'Art, & par là enfante des ouvrages de jgénie, qui laiflent derrière lui la foule des imi- tateurs 9 ceux-ci ne pouvant l'atteindre, n'ee |
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d'Architecture. 137
retiennent que les écarts, & dès là ne produifent
que des médiocrités. Au-defTus de l'entablement de l'ordre Dorique,
s'élève une baluftrade, fur la tablette des piéde- ftaux de laquelle, & à plomb de chaque pilaitre, eil placée une figure afïife d'un affez bon choix. Cette maniéré eil ingénieufe & pirtofefque, mais elle ne peut guère être fuivie ; elle doit être re- gardée comme la hardieiTe d'un homme de goût, qu'il n'auroit peut-être pas répétée dans une autre occafîon. M. de La Maire voulut l'imiter dans la cour de l'Hôtel de Soubife; mais ce fut fans fuc- cès : & l'on peut dire que fes figures n'y font pas fupportables. Nous le répétons à nos Elevés ; il ne fuffit pas de vouloir faire ce que les autres ont fait ; on doit favoir que même les meilleures choies dégénèrent entre les mains des copiftes; & qu'à moins de favoir s'approprier les penfées d'autrui, il vaut mieux créer avec un certain effort, que de vouloir imiter des compositions qui fouvent ne font tolérées, & ne font bien, que par leur cara- ctère d'originalité, δε que lorfqu'elles font amenées pour fatisfaire à l'effet général: effet qui contribue feul à mettre le fceau de l'immortalité à un ouvra- fe d'Architecture, par le miniftere du Sculpteur
abile, que l'Architeéte fait appeler à fes befoins. Porte de l'Hôtel de Soubife.
La planche XXIV nous donne la décora-
tion de la Porte de l'entrée principale de FHôtel de Soubife, bâti fur les deiïms de M. de La Maire, dont nous avons parlé dans ce volume, page 106, en décrivant l'avant-corps du côté de la cour de jget Hôtel. Cette Porte, d'ordre Comporte , n'efl |
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138 Cours
pas fans beauté , quoiqu'elle n'offre pas, à beau-
coup près , le caractère d'originalité qu'on remar- que dans la précédente ; néanmoins nous croyons que la forme de la Porte plein-eintre qui fe remar- que ici, efl préférable ; & que, dans tous les cas 9 elle femble réuiîir mieux que celle à plate-bande, fur-tout lorfque ces arcades plein-cintre font partie d'une ordonnance où l'ordre Corinthien préfide ; il auroit été à defirer feulement, que fa hauteur eût été un peu plus confidérable, n'ayant guère que deux fois fa largeur. Oh doit trouver auiU l'archivolte trop maigre, & l'importe trop lourd. Les pieds-droits de cette Porte font dans le même cas que 1'impofte, & leur pefanteur paroît mal rachetée par la table qu'on y a placée. On n'eft pas plus fatisfait de celles qu'on remarque au- defTus de l'archivolte ; tous ces petits moyens font indignes de la belle Architecture & d'un bon Ar- chitecte. Il femble qu'au-lieu d'avoir donné dix pieds d'ouverture à cette baie, on auroit pu,la réduire à neuf pieds ; alors les pieds-droits étant devenus plus forts , il auroit été poffible de pra- tiquer une niche carrée; par là, la Porte auroit acquis une meilleure proportion ; alors la continuité de l'importe , contre & entre les colonnes, auroit difparu ; & ce membre ne feroit plus venu cou- per prefqu'en deux également la hauteur des co- lonnes. Enfin l'archivolte auroit eu plus de lar- geur, & les tables fe feroient trouvées fouitraites ; fans ce moyen elles donnent à cette décoration un caractère d'ébéniiterie, qu'il faut favoir éviter» particulièrement dans la décoration extérieure. Nous penfons encore que pour claveau on auroit. du faire choix d'une confole, des côtés de laquelle; feroient forties des chûtes de chêne ou de laurier, |
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D'A R C H Ι Τ Ε € Τ U R E. I39
plus convenables à la Porte d'un Maréchal de
Franee, qu'une tête de femme , & des cornes d'abondance d'une fculptu/e maigre, & d'une pro- portion mefquine. t Nous aurions peut-être fouhaïté encore , qu'on
n'eût donné que le cinquième dé Tordre à l'enta- blement , au-lieu du quart, & que fa corniche eût été ornée de modulons ; ce couronnement trop fimple, pofé fur un chapiteau compofite, toujours fufceptible d'une très - grande richeffe, s'accorde mal avec la relation que les parties doivent avoir les unes avec les autres : parties qui toutes doi- vent neceiTairement prendre leur iôurce dans le caractère , l'expreflion & la proportion de Tordre , principalement lorfqu'il préfide dans l'ordonnance de Tédifîce. L'amortiiTement qui couronne ce frontifpice
nous paroît trop compliqué ; TécuiTon & les iupports auroient pu fuffire pour former ce cou- ronnement. Il eil vrai que les figures aiïïfes qui fe remarquent ici, font fur un plan en avant; mais du moins falloit-il les mettre fur un focle moins élevé, & au contraire exhauffer un peu celui qui porte le cartel, afin de faire ^enforte que ce dernier prééminât, en quelque maniere, fur les figures, qui d'ailleurs peu convenablement groupées avec des Efcîaves, en augmentent trop coniidérablement la capacité, comparée avec la largeur des focles qui les reçoivent. Par ces chan- gements que nous croyons utiles , on auroit pu, alors placer dans la hauteur du focle propofé ,' plus élevé fous le cartel 5 une infcription qui au- roit indiqué le genre de l'édifice auquel cette Porte donne entrée ? ainfi que cela fe pratique affez ordinairement. ; |
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140 Cours
Au reite, cette compoiition n'eft pas fans
mérite, fur-tout en re&ifîant les parties que nous venons d'indiquer. Nous avons fait tenter plus d'une fois cette réforme à nos Elevés ; de ma- niere que c'eil d'après l'expérience & diverfes ten- tatives , que nous pouvons aiTurer qu'elle produit le meilleur effet. Nous en avons ufè de même pour la plus grande partie des changements que nous propofons dans les descriptions que nous offrons ici : ce qui nous fait confeiller à ceux entre les mains defquels parviendra ce Cours, de fuivre la même marche, comme la plus fûre, non-feu- lement pour arriver à la perfection de l'Art, maïs aufli pour conftater la vérité de nos remarques. Avant de quitter cette defcription, nous dirons
que ce frontifpice eft placé fur le fond d'une très- grande tour creufe , de forme elliptique, com- partie par des corps de refend, féparés par des tables d'un bon genre, & âu-deffus defquelles fur l'extrémité du mur, font placées des baluftrades» indiquées ici par arrachement : cet accompagne- ment ne contribue pas peu à donner un air de di- gnité à œ frontifpice, qui, après celui de l'Hôtel de Touloufe , tient un des premiers rangs entre ceux qui fe remarquent à Paris. Nous avions deffein de rapporter encore quel-
ques exemples de Portes qui fervent de frontif- pice' à pluiieurs des édifices de cette Capitale ;, mais nous n'en connoiffons point dont l'ordon- nance foit plus intéreiTante que celles que nous venons de donner. La plupart fe reffemblent , & ne different que parce que dans les unes les ordres y font fupprimés , ou que dans les autres ils y font employés avec tant de négligence δε de fîngularité, que nous ne pouvons raifonnablement |
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©'Architecture. 141
les propofer pour modèles à nos Elevés. De ce
nombre font celle de la Chambre des Comptes, cel- les des Hôtels de Bouillon, d'Evreux, de Montbaion, de Rohan, &c. bien inférieures à celle de l'Hôtel de Jars, par Manfard, à celle de l'Hôtel du grand Prieur du Temple , par M. de Liile, à celle de la Porte de la cour des Feuillans , du côté de la rue Saint- Honoré, auiïi par Manfard. On vient encore d'exé- cuter de nos jours quelques nouvelles Portes, qui quoique d'une compoiition tout-à-fait différente , ne laiifent cependant pas de prouver les talents des Architectes qui en ont donné les deiîins. A propos de quelques-unes de ces nouvelles
productions, qu'on nous permette d'examiner, fi 9 à l'exemple d'un ancien Hôtel, élevé fur le Quai des Théatins, & d'un autre élevé depuis au Carou- fei, on eil bien fondé à percer aujourd'hui la plupart des murs de clôture qui féparent les cours de nos édifices d'avec la voie publique. Nous l'avouons à regret , dans la crainte de bleifer les hommes éclairés , partifans de cette forte de nouveauté; nous ne pouvons fupporter ce genre de décoration. Qu'on fafTe ufage des grilles de fer à l'extrémité des avant - cours, ou à l'entrée ' des cours de nos maifons de plaifance, rien n'eu plus convenable fans doute, parce que ces de- meures éloignées du tumulte des villes, la grandeur des lieux, les points de vue dont ces grilles laif- fent jouir , enfin la liberté dont on ufe a la cam- * pagne , toutes ces confidérations femblent parler en faveur de ces fermetures , pour l'entrée de ces afiles champêtres ; mais que dans le fein des villes, où les perfonnes les plus diftinguées de l'Etat, font en repréfentation , & occupées des affaires publiques ? on rifcjue , par efprit d'inno- |
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h 42 C ο υ R & vation, d'expofer aux regards avides des curieux,
ce qui fe paffe dans l'intérieur de nos Palais, de nos Hôtels , & particulièrement dans la demeure de nos Miniftres , de nos Magiftrats ; ceil, à notre avis, bleffer les lois de la convenance, & confondre le cara&ere particulier quidevroit ditlin- guer les édifices élevés à la campagne , d'avec ceux érigés dans nos cités. D'ailleurs , que iigni- fient pluiieurs arcades fermées par des grilles «, celle du milieu par une fermeture de menuiferie , toutes féparées par des trumeaux, quipréfentent tantôt des pleins, tantôt des vides , & jamais d'en- femble, de dignité , d'accord ni d'unité ? Nous demandons encore, à quoi fervent ces ouvertures que l'on quitte & qu'on reprend fans ceffe , & où la Porte du milieu , fouvent fermée , mafque la ligne capitale de l'édifice , toujours la partie la plus intéreifante du monument : du moins dans les avant-cours de nos maifons de plaifance, ces grilles font continues ; & ii l'on interpofe quelques pieds-droits pour en foutenir les travées , ceux- ci femblent faits pour ces mêmes grilles. Autre chofe feroit de les employer dans quelques-uns de nos Palais , dans certains édifices publics, pour défendre l'entrée des colonnades qui forme- raient ou des péryftiles ou des galleries extérieu- res , qui donneraient en face d'une grande rue ou d'une place. Mais griller des arcades percées dans des murs de clôture, c'eit vouloir renoncer au genre propre à la chofe ; c'eft involontairement rap- peler l'idée de nos prifons; c'eft préférer la féraille à ce que la véritable Architecture & la bienféançe femblent exiger deTArchite&e. Nous terminons ici cette difcuflion, pour donner
le déiïïn de la Porte du Séminaire de Bourges ; en- |
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D* A R C H IΤ Ε CT U R Ê. 143
fuite nous rifquerons d'en offrir plufieurs de ndjfre
compofition, l'une projetée pour le Palais Ar- chiépifcopal de Cambrai ^l'autre pour celirç de l'Ar- fenal de Paris, dont nous avons parlé, deuxième volume de ce Cours, page4$ 1; une troiiieme enfin dans le goût dominant d'aujourd'hui, pour prendre occafîon de préfenter à nos Elevés différents exem- ples qui puiffent à l'avenir les faire paffer du bon a l'excellent, & les mettre en état de diilinguer le médiocre d'avec le défectueux. Porte du Séminaire, de Bourges.
La planche XXV donne le deiïïn de la Porte
du Séminaire de Bourges, exécuté fur celui de M. Franque. Cet Architecte dii Roi eft peut-être un de ceux de nos jours qui ont le plus travaillé ; fes productions eftimables, vont paroître inceffam- ment, cet homme de mérite les faifant ^graver fous (es yeux avec le foin qu'elles exigent.^ Nous avons déjà donné de cet habile Maître, pluiîeurs compoiitions dans l'Encyclopédie ; depuis il a bien voulu nous communiquer de fon porte-feuille pré- cieux , la Porte que nous offrons ici > ainfi que pluiienrs autres bâtiments qui trouveront place dans ce Cours. L'ordonnance de cette Porte , exécutée en 1740, eil compofée d'un ordre Dorique , en- gagé & groupé dans fes angles : ce moyen donne à ce frontifpice un mouvement intéreffant ; & fans nuire en rien à la virilité Dorique, il pro- cure une certaine légèreté à l'attique , qui fans cela eût paru trop maffif; cette prévoyance n'ap- partient qu'à un homme d'expérience, qui forte- ment rempli de fon objet, dès la composition de fon plan, diitribue ce dernier à raifon de l'effet général que doit offrir l'ordonnance entière ; autre* |
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144 C OURS
ment lorfque moins habile on ne s'occupe que dé
la régularité du fol, ou que même on en lait afleZ pour conduire régulièrement fon projet jufqu'à l'en- tablement , la partie du couronnement qui n'avoit été conçue ni prévue , refte imparfaite ; ou bien l'on eft forcé d'avoir recours äu rniniftere de la Sculpture, pour mafquer , autant qu'il eft poffible 9 ce que l'Architecture a de vicieux, ainfi qu'on le remarque dans le plus grand nombre des Portes qui donnent entrée à nos édifices d'importance; Nous avons condamné plus ci une fois Tufage
qu'on fait des colonnes engagées ; ici ce moyen ièmbloit néceflaire. Les colonnes d'angle paroif- fant folitaires , il étoit efTenciel que la faillie de la plate-bande de l'architrave fût peu coniidérablei # infailliblement elle l'auroit été trop, fi les colon- nes euifent été ifolées , parce qu'elle n'auroit été foutenue dans chacune de fes extrémités , que par un feul point d'appui. D'ailleurs par là les pieds- droits de la Porte paroiffent moins caverneux j les ombres font moins fortes, & par cet expé- dient l'ordonnance préfente une fimplicité qui s'ac- corde on ne peut pas mieux, & avec l'expref- iión Doriqiie, & avec le genre de l'édifice auquel cette Porte donne entrée. Tel eft le parti que favent prendre les grands
hommes, fans s'écarter trop des préceptes fonda- mentaux de l'Art; en mettant en ufage toutes (es reflburces, ils favent ce qu'il leur eft permis de hafarder , de fouftraire ou d'ajouter; & par une infinité de combinaifons , ils enfantent des chefs- d'œuvre en plus d'un genre, tandis que chez les Architectes ordinaires, la licence ou la témérité prend la place du raifonnement ; d'où il réfulte tant de compofitions bifarres, qui, loin d'annoncer le |
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d'architecture. 145
génie des ordonnateurs , prouvent à peine qu'ils
ont pouiié leur étude au-delà des iirnples éléments de l'Architecture. M. Franque s à l'imitation des anciens , a rifqué
une table placée dans la frife ■& l'architrave de fon entablement, &qui, dans fon étendue, occu- pe trois métopes & quatre trigliphes. Nous obfer- verons que du moins la préfence des mutuîes fait paroître réguliers les trigliphes mafqués par cette table, au-lieu que la plupart de ceux qui ont imiré ces tables , ne les ont employées que pour cacher l'irrégularité de leurs métopes & de leurs trigliphes, ce qui prefente une double licence, dans ce que la décoration a de plus efienciel. Au-deiîus de l'entablement regne tin focle , porté au-devant de la faillie des colonnes ; ce focle fert à recevoir les armes , qui ont pour fond l'attique : celui-ci ne s'élevant que fur le nu des pieds - droits de la Porte, fe trouve acoté très-heureufement par deux confoles renverfées, qui contribuent à faire pyramider tout cet amortiiTement, fans pour cela nuire au caractère rediligne que l'ordre Dorique impofe , lorfque par âes raifons de convenance on croit le. de voir préférer à tout autre, La baie de cette Porte, comme celle de l'Hôtel
de Soubife , dont nous venons de parler, eil plein-cintre , & placée comme elle dans le fond d'une tour creufe; mais du moins elle eil contenue dans une niche quarrée qui procure un caractère grave, inféparable de l'ordre qui préfide ici. Projet d'une Porte, pour Le, Palais Archiè*
.pifcopal de Cambrai. ;. La planche XXVI préfente l'un des projets
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146 Cours
que nous avons faits pour la principale Porte
d'entrée du Palais Archiépifcopal de Cambrai. Nous avons préféré de donner celle-ci, à celle qui doit être exécutée fur nos deffins, parce qu'elle eil couronnée d'un fronton , & que les exemples précédents n'en ont point : cependant il feroit aifez convenable d'en placer à ces fortes de frontifpic.es, non-feulement parce que cette forme triangulaire contribue à les faire pyramider , mais parce que les frontons femblent fervir de toiture, aux porches intérieurs , ordinairement peu profonds, qui fuc- cèdent à ces Portes : d'ailleurs le tympan de ces frontons fert· à contenir & à conferver les armes & les flippons de la perfonne pour qui Ton bâtit, ce qui ne fe peut que difficilement, lorfque ces blâ- fons font placés en relief i& ifolés en amortiife- ment, ainii qu'on le remarque aux Hôtels de Richelieu, de BelHile, & ailleurs, avec une pefan- teur & un falle on ne peut pas plus mal entendu. Nous ne craignons point de le dire ici, ces Portes
font le feul lieu où Ton devroit placer de tels ornements, & non dans les avant - corps des fa- çades , où aiiez inconfidérément on les répète du côté de la cour & du côté des jardins ; au-lieu que, placés fur la principale Porte d'entrée, ils femblent faits pour annoncer , plus convenable- ment que par-tout ailleurs , l'importance du pro- priétaire , fa naiflànce & le rang qu'il tient dans l'Etat ; & par là ils difpenfent d'une infcription, plus propre aux arcs de triomphe ou aux diffé- rentes manufactures , que dans les Hôtels des Grands Seigneurs. L'ordonnance de cette Porte eil d'ordre Ioni-
que, couronné du chapiteau de Michel-Ange, à deifein de rendre ce couronnement plus abfolu, |
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b'ARCHIÏÈCTÜRE. I47
& dé procurer plus de racoureiifement au fut de
la colonne, ce frontifpice faifant partie d'une façade d'un caratlere ferme , quoique l'ordre Ioni- que y préiide à cauie de la deftination intérieure des bâtiments , où le porche de cette Porte con- duit : ce chapiteau nous a fait préférer l'entable- ment modillonnaire de Palladio , au denticulaire de Vignole , afin d'aiïbrtir cet entablement au racour- ciffement aparent de l'ordre. Nous avons déjà fait cette remarque à nos Elevés , en traitant dans le deuxième volume de ce Cours , page 76 , de l'ap- plication de l'ordre Ionique à l'Architecture. Mais bien-loin de regarder cette répétition comme inu- tile, nous la croyons indiipenfable ; il faut la coniidérer comme une fuite des éléments appli- qués à la théorie de FArt, puiiqu'atitrement on fe permet indifrinclement un ordre quelconque, un entablement de fantaifie , un piédeftal arbi- traire , & des ornements qui ne font que richeffe, & rarement beauté. Nous avons enfermé dans une niche quarrée ,
l'arcade plein-cintre qui détermine l'ouverture de cette Porte ; duffions-nous nous refTembler dans plufieurs de nos productions, nous nous fentons un goût déterminé pour cet efpèce d'encadrement : la Porte de Saint - Denis par Blondel, l'Arc de Triomphe du Trône par Perrault, les Arcades de la Nef de l'Eglifedu Val-de-Grâce par Manfard , font les exemples célèbres qui nous déterminent à cet égard, Au refte, notre avis ne fait pas loi ; mais nous nous fommes cru permis d'avoir uil fenti- ment particulier, d'après l'autorité de tels Maîtres, & ayant employé plus d'une fois ces niches quar- rées avec un fuccès égal. Il eil vrai que cette méthode force les pieds-droits, & contribue à . ' Κ ij
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i4§ Cou rs π
rendre le principal entrecolonnement un peu large »
non qu'ici le fofite de l'architrave né puiffe fe foutenir en l'air ; mais il ne s'agit pas toujours de vifer iimplement à la folidité, il faut contenter l'œiiil : or jamais il ne peut être fatisfait, lorfque les entrecolonnements paroifTent trop coniidéra- bles , comparés avec leur hauteur , ainii qu'on peut l'obferver dans les ordres fupérieurs du Palais des Tuileries, delà cour du Vieux-Louvre, du Portail de l'Eglife de Saint - Gervais, &c. Pour éviter un tel inconvénient, lorfqu'on a un
deiîin de Porte à faire, & que la largeur de fa baie eil preicrite par Fufage de l'édifice, que la hauteur des planchers eil donnée , & que ces en- traves ne peuvent corriger l'imperféclion dont nous parlons, nous n'y voyons d'autre remède que de terminer le fommet de l'ouverture en plate- bande , parce qu'alors on peut donner moins à l'entrecolonnement; mais nous perfiilons à croire que lorfque les ordres ont aifez de hauteur, ou que les entrecolonnements n'auront qu'une largeur convenable , on fera bien de préférer les ouvertures plein cintre à celles en plates-bandes, & de con- server ces dernières pour les croifées des façades. Au reile, nous avons penfé que lorfque les
entrecolonnements un peu confidérables font de néceiîké, il convient d'accoupler les colonnes; au-lieu qu'en toute autre circonilance on doit préférer les colonnes groupées, ainii qu'en a ufé M. Franque à la Porte du Séminaire de Bourges, rapportée précédemment planche XXV , ce que nous n'avons pu faire dans celle dont nous par- lons, parce que le fronton aurost eu trop peu - de bafe, & que d'ailleurs fon tympan eil deiliné à recevoir des armoiries d'un certain volume« |
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d'Architecture. 14p
Aii-deflus de ce fronton nous avons placé un
acrotère qui reçoit un carreau ou couffin , fur- monté d'une couronne Ducale, & fur chaque ac- couplement de colonne , une figure aiîife , élevée fur un focle, Tune repréfentant la Juilice, l'autre la Religion, fimbole convenable aux dignités & aux vertus du Prélat qui habite ce Palais. L'ordonnance de cette Porte eil flanquée de
chaque côté, par des corps intermédiaires, char- gés de refends , & faifant faillie fur le nu du mur; celui-ci eil revêtu de tables qui féparent ce fron- tifpice d'avec les pavillons placés à chaque extré- mité de la principale façade où fe trouve la Porte qui donne entrée à ce Palais Archiépifcopal, dont nous donnerons dans la fuite la dirlribution àffez ingénieufe, ainii que nous l'avons promis, deu- xième volume de ce Cours, page 330. Projet d'une Porte dans L· genre moderne.
Enfin là planche XXVII va nous offrir le deiîîn
d'une Porte que nous avons compofée à-peu-près dans le genre de celles qu'on élevé aujourd'hui le plus communément. Qu'on ne croie pas cependant que nous approuvions l'afTociation des grandes co- lonnes avec les petites dans une même ordonnance,, ni les corniches architravées, ni les arcades feintes enfermant des Portes à plates-bandes ; ces compor- tions n'annoncent autre chofe qu'une petite ouver- ture réelle , fous un grand archivolte , & contenue dans une maife , que mal-à-propos on a voulu ren- dre impofante ; ce qui donne à ces fortes de fron- tifpices, contre toute idée de vraifemblance, l'air d'une Porte triomphale, plutôt que celle d'un Palais ou d'un Hôtel. Ajoutez à cela la contradiction Kiij
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150 Cours
qui fe rencontre entre les modules des deux or-
dres , ainfi que dans les membres d'Architecture qui compofent cette décoration. En effet, que veut dire une Porte de neuf pieds d'ouverture, noyée dans un efpace de cinquante-cinq pieds de large fur quarante-huit de hauteur ; capacité qm auroit pu fe réduire à moitié, & par conséquent offuf- quer moins , comme cela n'arrivé que trop ordi- nairement, le coup-d'œuil des façades des prin- cipaux corps de logis de nos édifice*? Ce n'eil autre chofe qu'un moyen auifi inconféqnent, quoi- que très - différent, que celui de percer les murs qui féparent les cours de nos Hôtels d'avec la voie publique, par des arcades fermées de grilles de fer , ainfi que nous l'avons remarqué plus haut. Que ne nous eil-il poffible de convaincre nos
Elevés , qu'il n'eil point de véritable beauté dans l'Architecture, fans s'affurer du caractère propre à chaque genre d'édifice ! Nous favons qu'il eil fouvent néceffaire de varier fes productions ; fans doute il eil bien de faire des portes plus grandes, d'autres moins grandes : il eft encore vrai qu'on peut y employer les ordres ou les y fupprimer; que quelquefois on peut mettre en œuvre les ouvertures à plates-bandes, plein-cintre, ou même furbaiffées ; qu'on peut préférer celles nommées flamandes, c'ell-à-dire, décorées feulement de deux pieds-droits, fans fommier , fans autre couronne- ment qu'un linteau qui fert de battement à la ferme- ture de menuiferie ; mais tous ces genres de Por- tes , fans oublier celles nommées bâtardes, doivent être amenées fur la fcène par l'efprit de convenan- ce , à raifon du plus ou moins d'importance des pro- jets dont Γ Architecte eil chargé » foit à la ville, |
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d'Architecture. ι 5 r
fok à la campagne ; ou bien fuivant qu'il eil que-
ftion d'un édifice public, d'une maifon de plaifance ou d'une habitation particuliere ; autrement on rïf- que en fe permettant tout & en ne réfléchiffant à rien, de s'en rapporter à fa feule imagination, de s'éloigner des règles de l'art , pour ne mettre en oeuvre que fes écarts: d'où il s'enfuit qu'infenii- blement les productions de nos jours dégénèrent en chimères. Qu'on y réfléchiffe, la plupart de nos jeunes Architectes crient au génie : plus expérimentés qu'eux, nous les rappelons aux préceptes, nous leur permettons les reflources de l'Art ; mais , s'il nous étoit permis ,, nous leur défendrions l'enthoufiafme, préférant dans tous les cas une compofition iimple, peut-être froide, mais régulière, à tout ce que le dérèglement de l'efprit peut produire de pittorefque. Quoi qu'il en foit, détaillons les différentes par-
ties qui compofent l'ordonnance de cette Porre, en fuppofant que quelques-uns de nos Elevés fe trouvent dans le cas d'élever un frontifpice de ce genre ; ce que nous ne leur confeillerions qu'à regret. Mais comme nous ne pouvons ni ne de- vons efpérer que notre avis prévale fur celui du plus grand nombre , dans l'intention de leur faire éviter de plus grands abus, nous leur offrons cet exemple avec le moins d'imperfection qu'il nous eft poiïible, fans néanmoins pouvoir détruire fon air coloifal, ni la difparité qui s'y renconte entre les modules & la petiteffe de l'ouverture com- parée avec la maffe entière. Nous avons dit plus d'une fois, que dans Tordre
Dorique la largeur des entrecolonnements dêpen- doit de la diftribution régulière des trigliphes & des métopes répandus dans la frile de l'entablement. Kiv
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IJ2 Cours
Dans ce deffin, point de difficulté pour f écartement
des quatre colonnes d'angle ; cet écartement a été affujetti à foixante minutes, depuis A jui'qu'à Β , telles que le comportent les meiures de Vignole ; certainement il auroit fallu donner auffi trente minutes entre chaque axe de trigliphe , reparti dans le grand entrecolonnement du milieu de ce frontifpice, c'efl-à-dire, obferver cent quatre-vingt- huit minutes de largeur, depuis A jufq.ua. A ; il en ferpit réfulté , non un entrecolonnement trop écarté, puifque nous avons fait retourner l'enta- blement fur le mi du mur , mais une largeur trop coniidérable eu égard à la hauteur de tout l'édi- fice; ce qui d'ailleurs auroit produit des pieds- droits lourds & pefants : de maniere que pour éviter ce défaut dans l'enfemble, & cette irrégu- larité dans les parties, nous ayons employé les reiTources au défaut des préceptes , en plaçant une table qui, occupant î'efpace de cinq trigli- phes .& de quatre métopes , nous, a permis de rapprocher les deux colonnes A d'un module ; '& nous avons porté cette erreur dans les trigliphes qui fe trouvent mafqués par cette table : l'a .perfe- ction du tout nous ayant paru devoir l'emporter fur la régularité des détails ; licence que le goût auto- rife , & qui fouvent eil préférable à la feule févé- rité t des règles de l'Art, employées , ftri&ement par un Architecte timide encore , & qui n'ofe franchir les limites que ces mêmes règles luiirnpo- fent. Néanmoins, cette féyérité eft préférable au feotiment de ceux qui ne fuivent ni les règles, ni les reiTources , ni le goût de l'Art > pour ne com- pofer que des ouvrages de caprice & de fantaifie. Ce n'eit pas que nous approuvions la table em- ployée ici 'f nous ne la croyons que du reiTort |
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àes Portes triomphales ou des Arcs de Triom-
phe , dans l'intention d'y placer quelqu'infcription en ftyle Lapidaire qui indique aux étrangers la dédicace du monument, comme on fe fert d'un cartel ou d'une frife, dans les frontifpices des Palais & des Hôtels, pour déiigner le nom & la dignité des personnes qui les habitent, ou telle qu'elle auroit pu être placée dans ce deiîin vers l'endroit C ; mais comme l'ordonnance que nous offrons n'eil pré- fentée à nos Elevés que comme l'image de la plu- part des Portes coloiiales qu'on élevé aujourd'hui > & que nous avons deiîin de les guérir de la fureur où l'on femble être d'employer des colonnes, des itatues, & une quantité prodigieufe de fculpture, dont nos maifons particulières ne font pas excep- tées , nous n'avons pas craint de faire entrer dans cette compofition, la plus grande partie des mem- bres & des ornements qu'on devra, réferver pour les édifices publics, dont cet exemple eft la char- ge , afin de leur en faire fentir l'inconféquence. Peut-on prendre en effet pour une beauté pofiti-
ve, une grande arcade feinte dont l'archivolte porte fur une corniche arehitravée , & celle-ci fur les colonnes ifolées D, D, dont la petiteiîe du dia- mètre contrarie ? nous ofons le dire, ridiculement avec l'éclat de celles A, B. Mais , prétendent les amateurs de ce genre d'ordonnance, les colonnes mineures fervent à faire valoir les majeures ; nous en convenons : mais nous leur oppoferons qu'à leur tour les grands ordres fervent à anéantir les petits & à les faire paroître nains. Cependant, difent-iis, Palladio , la plupart des ouvrages des Romains, δε plufieurs édifices François, donnent des exemples de cette affodation. Cela eft encore vrai à certains égards : mais on peut dire que tous |
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154 Cours
ces écarts ne font pas bons à imiter, fur-tout
dans les produirions dont nous parlons, les diffé- rents frontifpices devant, par leur flyle & leur caractère, annoncer précisément l'efpèce de l'édi- fice auquel ils appartiennent. De ces réflexions il faut conclure qu'une pareille ordonnance ne peut déiignèr le genre qui doit préiider dans la déco- ration des bâtiments , foit hôtels, foit rnaifons des riches Particuliers , ces demeures devant toujours être coniidérées comme des habitations de la féconde claffe. Ces fortes d'ordonnances devroîent donc être réfervées, fi le cas le requerroit, pour certains Edifices publics, pour nos Temples, nos Théâtres, &c. En effet, pour faire de ce deiîin un Arc de
Triomphe ou au moins une Porte triomphale , il n'y manque que de placer deux renommées fur les côtés de l'archivolte, & d'élever fur le focle fupérienr & à plomb du grand entrecolonnement, un amor- tiffement compofé de gradins , d'un attique orné de bas-reliefs, de ferlons, de boffages revêtus de pointes de diamants ou de mufles de lions , furmontés d'un Triomphateur traîné fur un char attelé de chevaux, protocole de toutes les compo- rtions des jeunes gens de nos jours : ils croient en effet enfanter des chefs-d'œuvre quand ils ont placé beaucoup, de fculpture dans leurs projets , fans s'embarrarîer fi les allégories qu'elle repré- fente, naiffent/du motif qui donne lieu à l'édifice ; il n'importe, leurs productions font riches, £a(- tueufes ; ils ont, difent-ils , plus d'une fois fait preuve de génie ; en un mot, l'enthoufiafme leur paroît préférable aux préceptes. A les entendre, il n'y a que les hommes froids qui y ont recours : quel raisonnement ! Nous avons beau tenter de |
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d'Architecture. fff
les ramener au iimple, leur rappeler les règles
fondamentales de l'Art, ils fembîent prendre plai- iir à s'en écarter , ou , lorfqu'ils y applaudirent, ce n'eil qu'avec des reitri&ions, & ils préfèrent toujours de s'abandonner au torrent, d'où infen- iïblement ils perdent de vue la véritable route qui conduit au fublime, pour ne produire que des chimères , & déployer tout ce que leur imagi- nation peut enfanter de plus extravagant. Au reite, nous les prions de nous tenir compte
de notre fincérité ; qu'ils nous fâchent gré même , s'il eil pofïible, de nous être prêtés à leur offrir le deiîin que nous leur donnons dans cette plan- che ; certainement nous ne l'emploierions jamais : nous avons voulu feulement leur préfenter l'image de leurs écarts , en cherchant néanmoins à rendre cette compontion la moins vicieufe poiïible. Quoi- que nous n'y ayons répandu qu'une certaine quan- tité de Sculpture, cependant, malgré notreréferve, elle donne à ce deiîin l'air d'un monument élevé plutôt pour la magnificence que pour défigner le irontifpice proprement dit d'une maiion Royale, ou de la demeure d'un Grand Seigneur : aulîi avons-nous placé au pied des colonnes du grand ordre , d'un côté , une itatue de Mars , & de l'autre , celle d'Hercule : fous l'archivolte , un écuffon & des fupports ; pour claveau , une clef en confole ; enfin fur les focles au-deifus de l'en- tablement , des trophées d'arme fervant d'amor- thTement aux extrémités de cet édifice. Nous ob- ferverons cependant que nous n'avons cannelé les colonnes que dans les, deux tiers fupérieurs de leur fût. Il n'eft point douteux que fi l'on y plaçoit les iîatues qui fe voient ici, on auroit du continuer ces cannelures dans toute la longueur, |
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156 Cours
& remplir de rofeaux, le tiers de la hauteur de
CQs cannelures ; que même on pourroiî tailler des ornements dans les métopes , & placer des roiaces dans les caiTettes du fofEte du larmier de la corniche. Cet ordre peut, fans contredit, com- porter tous ces ornements , pourvu qu'ils fe ref- îentent du caraâere de fa virilité ; mais , encore «ne fois , ce n'eil point dans une pareille ordon- nance qu'il faut en abufer ; les dehors d'ailleurs demandent à être traités avec une forte de fimpli- cité; aufïi eil-ce par cette dernière remarque que nous finirons nos réflexions fur l'ufage trop fré- quent qu'on fait de ces fortes de frontifpices. DES CROISÉES EN GÉNÉRAL.
Il en eil des ouvertures des Croifées, comme
de celles des Portes , c'efl-à-dire, que le rapport de leur hauteur avec leur largeur doit fe reiîentir de l'expreiïion folide ou délicate qui préfide dans l'ordonnance du bâtiment, que Tordre y foit abfent ou préfent : enfuite il ne s'agit plus que de déci- der leur forme & les membres d'Architeéhire qui les entourent, les couronnent ou les accompa- gnent ; enfin les ornements dont on veut les en- richir. Après ces obfervations préliminaires., on doit prendre garde de ne pas confondre les genres, & fe rappeler le caractère eifenciel de chaque ordre, pour ne pas hafarder, dans la compoikion des Croifées, des parties légères , lorfque l'ordon- nance eil Tofcane ; ou des détails ruiliques , lorf- que par choix elle fe trouve Ionique. Combien de ceux qui négligent les éléments de l'Art, penfent qu'il fuffit de percer un mur de face pour faire une Croifée ; femblables en cela aux Egyptiens qui |
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d'Architecture. 157
croyoient ériger des colonnes àraifon des différents
points d'appuis dont ils avoient befoin ; fans le douter, ainii que nous l'avons remarqué précé- demment, que de ce point d'appui devoit naître le rapport de leur hauteur avec leur diamètre. Qu'on y penfe férieufement, une Croifée véri-
tablement belle, n'eil point un objet facile à com- pofer; elle exige toute l'attention de l'Architecle; & il eil d'autant plus effen ciel qu'une ouverture foit d'une proportion, d'une forme & d'une richeiTe intéreffante, qu'elle fe répète , pour ainii dire, à l'infini dans les différents étages des bâtiments d'une certaine importance, & que lorfqu'elîe eil d'un deiîin médiocre , cette médiocrité répétée dans toute l'étendue de l'édifice , en décompofe les parties , nuit à l'enfemble , & ne préiente plus qu'un ouvrage imparfait. Anciennement on faifoit les ouvertures des Croi-
sées trop peu élevées; on accabloit leur pourtour-, de croffettes, d'oreillons ; on les couronnoit de frontons enroulés , interrompus, découpés , & on les enrichifToit de mafcarons, d'une laideur ima- ginaire , mais infuportable. Depuis on leur a donné trop de hauteur, on a négligé leur forme, on les a faites indiitinctément à plate-bande, plein- cintre , bombées ; on a abufé des confoles qu'on y a introduites : tantôt on a fait celles - ci trop alongées , tantôt trop racourcies ; on. y a em- ployé des reflauts, on y a inféré des chambran- les qui imitent la menuiferie ; on a acoté ces derniers de contre - chambranles ; enfin on les a terminées par des attiques ou trop écrafés ou d'une élévation démefurée. Aujourd'hui il femble qu'on leur donne aiTez
généralement une proportion plus confiante;; |
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158 Cours
mais foûvent on les accable d'une rîcheffe indis-
crète ; & dans la même façade on en fait d'autres d'une fi grande iimplicité, qu'elles femblent affoi- blir à l'oeuil du ipe&ateur , ridée qiùl devoit fe former du genre de l'édifice; nos Architectes à la mode appellent cette diiparité , ( car incontefta*- blement c'en eil une ; ) ils l'appellent , difons- nous, une variété agréable, & condamnent la fymétrie & la correfpondance que les Croifées doivent avoir les unes avec les autres, comme une marche monotone qui n'annonce que laitérfité de l'ordonnateur. Telle eil, pour ainii dire, l'incertitude à la-
quelle fe trouve à préfent réduite l'Architecture. Quelques hommes de génie ont cru pouvoir rif- quer cette maniere d'employer les croifées dans certaines façades où elles faifoient bien, parce qu'elles contribuoient à déiigner un caractère par- ticulier à leur bâtiment ; dès là tous les Copiiles ont fuivi cet exemple , fans égard à la convenance ; & infeniiblement ces Copiiles ont eu des imita- teurs , d'où eil réfultée chez le plus grand nom- bre la préférence qu'acquiert la mode fur les préceptes de l'Art. Un Architecte de goût a introduit , il y a
quelques années , des tables renfoncées au-deiTus des croifées d'un édifice public ; il a placé dans ces tables des figures en bas-reliefs : cela a réuiîi parce que cela étoit fait pour réuffir ; fix mois après, Paris en a été rempli, & il n'y a pas jufqu'aux frontifpicesdes fpecfacles de nos Foires, où ΐόη n'en remarque, quoiqu'elles y foient bien moins convenablement appliquées. . Autrefois un Sculpteur de mérite croyant n'être
jamais imité, hafarda fur les Croifées du côté du |
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d'Architecture. 159
jardin d'une maiibn particuliere, des agrafes d'un
deffin contrarié ; cette idée fut goûtée jufqu'à un certain point, parce qu'elles étoient contra- riées avec goût. Dans la fuite des Artiites fubal- ternes croyant les imiter, en firent la charge ; & par une bifarrerie qui n'a point d'exemple, ils finirent par les incliner & les renverfer : leurs formes de travers effacèrent entièrement l'idée qu'elles au- roient dû donner de la folidité que le claveau devoit procurer aux vouiïbires de l'arcade où ces chi- mères étoient adoptées. Il n'y a pas jufqu'aux encorbellements qui foutiennent les balcons de nos façades , que ces imitateurs fubalternes n'aient ofé faire de travers ; & cette manie de leur temps, gagnoit jufque dans l'intérieur de nos Temples. Tel a été l'eiprit de vertige que pendant près de trente annés les hommes médiocres ont décoré du beau nom de génie & d'invention ; enforte que ce n'eft guère que lorfque l'extra- vagance eit portée à ion comble , qu'on aban- donne une nouveauté pour recourir à une autre nouveauté. Il eft vrai que depuis quelques années l'Art
a beaucoup gagné; il eft certain qu'aujourd'hui nos jeunes Architectes font plus féveres dans les dehors de leurs façades, & que pour atteindre à la perfection en ce genre , il ne leur manque que d'ufer d'un peu plus de retenue, & d'aiïbrtir avec plus de circonfpe&ion les membres d'Ar- chiteäure dont font compofées les ouvertures de nos façades. Offrons à préfent quelques deffins de Croifées.
Commençons , comme nous avons fait pour les Portes, par donner quelques exemples anciens ; enfuite nous en donnerons dans le genre mo- derne. |
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i6o Cours
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Diverses Croisées ? puisées d'après
les Edifices de Rome. Planches XXVIII, XXIX, XXX & XXXI.
La planche XXVIII donne la Croifée du premier
étage du Palais des Confervateurs à Rome, du deiîin de Michel-Ange ; cette Croifée, quoique d'un aviez bon goût, préfente, ainii que le remar- que d'A-viler , une ouverture bien peu coniidéra- ble pour la grandeur du Palais où elle fe trouve adaptée : elle nous donne aulîi un exemple de l'aÎTociation des petites colonnes , dont les hau- teurs ont moins du tiers du grand ordre dirtribué dans la façade : il eil vrai que ces petites colon- nes accompagnent un objet particulier de la dé- coration ; mais cela n'empêche pas qu'on ne re- marque la difparité des diamètres des deux ordres : diiparité que nous avons condamnée précédem- ment , en parlant du deffin de la Porte de la plan- thé XXVII. Ici nous ajouterons que le grand ordre eft Corinthien , & que celui qui décore cette Croifée, eil une efpèce de Dorique, de pro- portion ionique: compoiitionqui iemble s'éloigner de la févérité des préceptes, & quiparoît contraire au véritable goût de l'Art. D'ailleurs nous ne fautions · approuver le double ailragale placé fous le chapiteau, & qui, continué dans l'entf ecolon- nement, femble deftiné à fervir de couronnement au chambranle de la Croifée ; de maniere que la diitance obiérvée entre cet ailragale & le deiïbus de l'architrave, donne ici l'idée d'une double frife qui produit un affez méchant effet. Nous n'applaudiiTons pas non plus à ces petites
C__■: colonnes,
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^Architecture, 161
Colonnes, qui fe trouvent engagées d'un demi-
diamètre dans le nu du mur , & qui font élevées fur un (ode, de quelque choie de plus qu'un mo- dule , placé .au-defîiis du piédeital, qui a déjà de hauteur les deux feptiemes de l'ordre, & quiiert de baluitrade d'appui à cette ouverture., Qu'on y prenne garde, nous croyons que cette double application de membres de même efpèce ne iert qu'à rendre l'ordre chétif ; il eil couronné d'ail- leurs par un entablement, qui , quoique réduit entre le quart & le cinquième , ne s'en trouve pas moins amorti par un fronton circulaire qui détruit, pour ginii dire, la dignité de cette compo- sition. / · a ',, : / .;;.;, ~ri<]m,y- La baluitrade réuiïit aifez bien dans cedeiîîn,-
& elle étoit néceiTaire au bas'de cette ouverture: autrement fa hauteur feroit devenue trop coniidé- rable par rapport à fa largeur, étant terminée par une plate-bande. On doit fereiTou venir que dans les définitions du premier volumeAde cet ouvrage, nous avons remarqué qu'à hauteur égale, une ouverture à plate-bande devoir avoir un peu plus de largeur que celle terminée en plein-cintre, parce que celle-ci préfentant moins de vide, de- voit recevoir moins de diamètre, afin de rendre leur rapport moins diiTemblable dans la décora- tion des bâtiments. Onpourroit remarquer encore 5 que les pieds - droits placés dans les angles de cette baluilrade, paroiffent un peu foibles : tant il eil vrai qu'il ne fuffitpas déplacer des membres eiTenciels à un corps d'Architeclure; mais que le grand art confifle à leur procurer la correspon- dance qu'ils doivent avoir les uns avec les autres. Nous defirons très - fincérement que les, obfer-
vations que nous venons de faire fur cet exemple Tqiîu III, L |
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î6i Cours
de Michel-Ange, foient approuvées par nos Archi*
tecles habiles, les feuls exempts de partialité , & qu'elles apprennent à nos Elevés que rien n'eft à négliger dans une telle production ; que d'ail- leurs il feroit bien de ne pas imiter les petites co- lonnes qui fe voient ici, quoiqu'il s'en remarque dans plus d'un de nos édifices François , entr autres à la croifée de l'ordre fupérieur du portail du Val- de-Grâce ;< mais nous ofons croire que François Manfard ne les y auroit pas placées , û cet Architecte célèbre avoit continué ce monument ; à quoi nous ajouterons que le motif qui l'y a fait renoncer, honore autant ce grand jbomme , que la fupériorité de fes talents. Nous invitons encore nos Elevés, par ce que nous venons de rapporter plus haut, à éviter l'application du fronton circulaire placé fur une Croifée d'une proportion peut-être trop fvelte; l'apparence des deux frifes que nous avons condamnées ; la fingularité du double aftra- gale du chapiteau, ainfi que fa continuité ; le focle qui reçoit les bafes des colonnes, élevé lui- même fur un piédeftal; enfin le caractère mixte qu'oifre l'ordre, qui n'eit ni Dorique ni Ionique proprement dit. Nous leur confeillons de ne rete- nir que le chambranle dont la largeur, réduite au cinquième de l'ouverture, s'accorde aifez bien avec les reifauts de l'entablement qui retourne à plomb des colonnes , & d'imiter la baluilrade, pré- férable en toute occafion, aux balcons de fer ou aux appuis pleins , fouvent trop pefants pour l'ordonnance des façades d'importance, ainfi que nous le remarquerons bientôt en parlant des Croi- fées de l'ordre Dorique du Palais du Luxembourg. Les.Croifées tracées fur les trois planches fui- yantes, font copiées d'après de très-bonnes étude$ |
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que M. Helm a faites pendant fon féjour à Rc£
me : cet habile Architecte , depuis fon retour en Fraiîce , s'eil acquis une réputation juilement méritée. En rendant juilice au choix que M. Helin a fait des Croifées répandues dans les plus beaux édifices de Rome & de l'Italie, & qu'il a fait graver avec autant de foin que de goût : nous ne crain- drons pas de fake les obfervations que nous croi- rons néceffaires pour porter les Elevés en Archi- tecture , à réfléchir fut les objets qu'ils peuvent imiter en tout ou en partie. La Croifée de la planche XXIX, de même
ouverture que les deux fuivantes, eil la plus fitnple des trois ; feiles ont toutes environ quatre pieds un tiers de largeur , & de hauteur le double de cette même largeur : rapport dont les Romains ne fe font guère écartés pour leurs Croifées, non plus que pour l'ouverture de leurs portes. La lar- geur de ces ouvertures pourra paroître un peu petite à nos Elevés, pour être appliquée aux grands édifices d'Italie; mais il eil bon qu'ils fe rappellent que la chaleur du climat oblige en quelque forte les Romains à ménager l'ouverture de leurs baies pour empêcher, autant qu'il eil poiTible, l'air exté- rieur de pénétrer dans les dedans des apparte- ments : précaution dont il convient d'ufer égale- ment dans les pays du Nord, comme dans ceux du Midi ; mais comme elle n'a point lieu dans les cli- mats tempérés , les croifées doivent s'y annoncer différemment, & toujours d'une maniere relative à 1 importance du bâtiment.Cette attention néanmoins
eroit échappée au Bernin, ainfi que nous l'avons dit quelque part. Cet Architeäe, appelé en France pour y donner les defîins du Louvre, voulut bâtir à ^ans.comme dans le fein de l'Italie, ce qui ne con- Lii
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IÓ4 Cours
tribua pas peu à faire préférer les projets de Per-
rault, qui effectivement a fu faire un véritable chef-d'œuvre du Palais du Louvre , fur-tout dans la façade qui donne du côté de Saint-Germain- VAuxerrois. Le .chambranle qui regne au tour de cette Croi-
fée , n'a que la feptieme partie de fa largeur , au- lieu du fixieme, non compris la bandelette qui fert de contre-chambranle , & qui paroît trop peu confidérable ici, parce qu'elle n'a que le feptieme de ce même chambranle, au-lieu du tiers. D'ail- leurs on doit remarquer que les crénelures qui fervent de moulures à ce dernier, font trop égales entr elles , & rendent les diviiions de ce membre trop monotones. L'appui de cette Croifée eil d'une forme aiTez, heureuîe, quoique finguliere ; & il s'accorde bien avec la forme des guillochis & de la Roface, tenant lieu de claveau au fommier de cette ouverture; mais il nous paroît que le mouvement & la légèreté donnée aux moulures du chambranle auroient dû porter l'Architecle à le couronner d'une corniche d'un profil moins pefant, l'élégance de ce deffin n'étant pas faite pour foutenir cette corniche, qui n'eil autre chofe qu'un couronne- ment ruitique. La planche XXX offre un deiSn moins Îimple
que le précédent , mais d'une composition plus extraordinaire , en confidérant les modulons pra- tiqués aux extrémités de fa corniche, & fur-tout les ornements placés fur le fommet & fous l'appui de cette Croifée : ornements qui tiennent un peu du genre Gothique ; car du moins les modulons feroient en quelque forte lupportables , s'ils ne commimiquoient pas à la corniche un pro\on.g^ |
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ment qui empêche cette dernière de pyramider
fur cette ouverture. Nous aurions auffi deiiré que le congé du deiïus de la corniche eût eu moins d'élévation , & que fes extrémités fuiTent tombées à plomb des reffauts contre lefquels viennent s'appuyer ces modillons. Les moulures du cham- branle nous paroifTent plus convenables que dans la planche précédente ; mais nous ne faurions goûter ni les reifauts ni les croffettes qui femblent tourmenter trop la partie fupérieure de cette com- pofition. Les confoles placées fous l'appui & à plomb des chambranles, nous femblent auffi avoir trop de mouvement ? & être compofées de trop de parties. On en peut juger plus poiitivement par le profil de cette Croifée ; nous l'avons tracé fur cette planche, ainfl que nous en avons ufé pour les trois exemples dont nous parlons. La planche XXXI donne enfin un troiiieme
exemple à-peu-près de même genre que ceux que nous venons de décrire : il eil plus riche de compoiition ; mais l'on peut dire que fes orne- ments ne préfentent pas ce caraclere de dignité qu'on remarque dans les autres; le profil du cham- branle fur-tout eft ce qui nous plaît le moins ; fes moulures caverneufes, alliées avec des moulures faillantes , lui donnent un air de dureté qui s'ac- corde mal avec les ornements diftribués dans le couronnement de cette Croifée. Nous aurions fouhaité aufli que les confoles de ce couronne- ment fuffent d'un galbe plus iimple * & les ferions qui s"'en échapent, moins continus : le médaillon qui fe remarque au milieu > peut réuiîir quelque- fois ; mais nous eflimons qu'il n'en faut jamais abufer, fur-tout dans les étages fupérieurs , h |
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166 ν' Cour s
principalement lorfque, comme ici, ils n'ont que
vingt-un pouces de diamètre; parce qu'alors ils présentent de trop petits objets à Tœuil du fpe- Öateur. On peut remarquer ce défaut dans plu- sieurs de nos édifices François. La corniche nous paroît auiîî d'une compontion trop fimple ; elle s'accorde aiTez bien à la vérité avec la pefanteur du chambranle & de l'appui de cette ouverture ; mais elle ne femble pas faite pour couronner la fculpture intermédiairement placée entre cette corniche & le fommier de la Çroifée. Nous efpérons qu'on rendra juitice à nos vues ,
& que loin de regarder comme une critique, les obfervations que nous venons de faire fur ces productions , on nous faura gré d'entrer quelque- fois dans ces détails, pour empêcher les jeunes gens, encore inhabiles , de prendre littéralement ces exemples pour autant d'autorités qu'on doit fuivre fans aucune reftriâion. C'eft fans doute de ces Imitations non réfléchies , que viennent la multi- plicité des ferlons , l'abus des guillochis , des bâtons rompus, des çroifettes, des rofaces , &c. Diverses Croisées y puisées d'après
nos Ém fi ces François. Planches XXXII, XXXIII & fuivantes.
La planche XXXII donne une des Croifées
du rez k de - chauffée du Palais du Luxembourg, Cette Croifée eft enfermée dans une arcade feinte, placée fur la terraife du côté de la cour de cette belle Maifon Royale, dont nous avons parlé page 79 de ce volume, en décrivant l'avant-corps 4s h façade élevée du côté de la rue de Tournons
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ïa hauteur de la Croifée & de l'arcade eii du
double de fa largeur, proportion très - convena- ble pour les ouvertures placées dans un édifice où l'ordre Tofcan préiide. Il eil vrai que les arca~ des de ce Palais, du côté de la rue, & celles placées fur le fol de la cour font de beaucoup rrop élevées ; & qu'au contraire, celles pratiquées du côté du jardin, le font trop peu; mais cette variété de hauteur eil due au terrein montueux fur lequel eil aiîis ce magnifique bâtiment, & l'on ne fauroit raifonnablement s'en prendre à l'Archi- tedle. Nous ne penfons pas de même à l'égard de
l'appui placé fous cette Croifée : les bonfoles qui le foutiennent & le chambranle qui l'entoure, pa- roiÎTent d'un galbe & d'un profil trop riche, vu la ruilicité dont DebroiTe a furchargé fon ordre : le mouvement qu'il a donné fur-tout au contour, & le mafcaron qu'il a placé fous cet appui, nous femblent mal réuiïir avec la trop grande fimpli- cité de la corniche du piédeilal Tofcan. D'ail- leurs les croffettes du chambranle, & le contour iinueux qu'il a àrïe&é dans l'intrados des contre- clefs , placées de chaque côté du claveau de l'arcade, paroiffent de mauvais goût : encore une fois, l'expreffion de l'ordre doit donner le ton à tous les membres répandus dans les façades d'un bâtiment. En effet, en y réfléchiiTant, on n'eit pas peu furpris de trouver ici de tels membres & des moulures paiTablement compliquées , afibciées avec d'autres d'une (implicite & d'une ruilicité qu'on auroit peine à fe permetre dans la déco- ration des Magaiins à Poudre, dans des Priions Militaires, dans des Catacombes, &c. encore con- yiendroit-il alors d'y préférer des tables faillantes? Liv
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i6S Cours
à celles rentrantes qu'on remarque dans le dez
des piédeitaux, ainii que nous l'avons déjà obfervé dans le premier volume de cet ouvrage, en con- feillant de changer auffi les moulures de la cor- niche de ce même piédeftal. Nous ajouterons ici, que les refends taillés fur les pieds-droits des arcades auroient dû être convertis en boffages, plutôt que d'être placés au premier étage; afin d'éviter que ces refends, qui préfentent autant de cavités , ne fupportent des corps faillants , comme on le remarque dans ce Palais, contre toute idée de vraisemblance. D'ailleurs il eût été bien , ce femble, de fupprimer ceux placés dans la plus grande partie du dez des piédeitaux qui fe trouvent iinguliérement taillés à onglets, pendant que tous les autres le font en retour d'équerre, ainli qu'on les trouve tracés fur la tilanche que nous décrivons. Nous ne confeillons pas non plus d'imi- ter la faillie affe&ée au couiîinet, pour tenir lieu d'impofle : fa continuité jufquau chambranle non-feulement eit une fuperfluïté, mais fa impli- cite s'accorde mal avec le mouvement donné aux contre-clefs. Qu'on ne croie pas que ces obfervations aient
rien de partial. Nous en avons prévenu nos Lecteurs dès le commencement de ce Cours , nous le répétons , ce font les ouvrages des grands Maîtres qu'il faut étudier de près. On doit en convenir, les vrais apréciateurs font en petit nombre , & la foule des imitateurs eil conii- dérable : d'où il réfulte qu'on ne fauroit avertir trop tôt les jeunes Artiiles d'examiner à fond s'il ne s'eft pas glifle dans les ouvrages célèbres, quel- ques licences qu'il eil bon d'éviter. C'eil donc pour y parvenir, que nous avons tracé fur cette |
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d'Architecture. 169
planche la forme des refends a , b, la corniche
marquée c du piédeftal, & fa table rentrante, félon les mefures que DebroiTe lui a données dans la Cour de ce Palais ; enfin la faillie des boffa- ges continus d du fut de l'ordre ; & que , dans la planche XXXIII, nous avons donné en par- ticulier le profil du chambranle A, & celui de l'appui B, tous les deux trop riches; celui du couronnement du piédeftal C, & celui D de la bafe du même piédeilal , tous deux trop iim- ples, & tous tracés fur une échelle affez grande, pour mettre les perfonnes que ces détails intéref- {ent, à portée de juger^ de leurs véritables dimen- fions. Dans cette dernière planche nous avons tracé
auiîî fur une échelle réduite, les profils de l'entable- ment E du chapiteau F, & de la bafe G de Tordre, que nous avons mefurés avec le plus grand foin. Nous aurions deiiré pouvoir entrer dans de
pareils détails à l'égard de la plus grande parti© ides exemples que nous offrons dans ce volume; mais il eft aifé de fentir combien ce travail auroit augmenté cet ouvrage , & rendu traînante l'étude de ces Leçons. Nous nous fommes donc conten- tés de donner feulement les développements des Croifées du Luxembourg & de celles du Louvre, pour indiquer la route à nos Elevés , & faiiîr l'occafion de les convaincre, s'il nous efî: pofïible, qu'il n'eil point de meilleur moyen que l'imitation de ces divers exemples, pour parvenir aux véritables connoiiTances de l'Art ; que pour cela il faut s'ac- coutumer de bonne heure à lever les détails des édi- fices de réputation : que même quand on pourroit arriver à faiiîr le génie des Auteurs en s'en tenant à de fimples efquiffes, jamais on η acquerroit leur |
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170 Cours
maniere; jamais on ne pénétreroit leurs myfteres ;
jamais , en un mot, on ne découvriroit les reflbur- ces auxquelles les grands Maîtres ont eu recours pour atteindre à la perfection de leurs œuvres. Il ne nous fera pas difficile de perfuader à nos anciens Elevés , dont la plupart aujourd'hui font devenus des hommes de mérite , qu'il n'eit point de meilleur moyen que celui que nous propofons à ceux qui nous font aäuellement confiés : nos porte-feuilles dépofent en faveur du travail infa-, tigable des premiers ; car il y a peu d'édifices de réputation qu'ils n'aient levé eux-mêmes fous nos yeux : dépôt précieux, que nous communi- quons à la vérité à leurs Emules, mais dont les copies ne peuvent amener ces derniers au point que nous deiirons , ne connoiifant point d'autre voie pour fuivre fûrement les grands Maîtres qu'on veut imiter jufque dansles plus petits détails. C'eft certainement la feule maniere d'apprendre à faire ufage des refforts qu'ils ont mis en pratique, on à éviter, félon les occaiions, les fautes qui peuvent leur être échappées ; autrement ? combien ne dégé- néreront pas ces fautes, mifes en évidence par de jeunes têtes , fortant à peine des éléments de l'Art; elles ne pourroient jamais engendrer que des com- portions au-deiîbus de la médiocrité, telles qu'on en élevé de nos jours au milieu de nos meilleu- res productions anciennes & modernes. La planche XXXIV offre la Croifée Dorique
du premier étage du même Palais. La planche XXXV préfente le développement des profils de cette même Croifée, ainii que nous l'avons fait pour la précédente. Cette ouverture eil à plates - bandes, entourée d'un chambranle dont les pieds- droits torn- |
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foent jufque fur la corniche du piëdellal de l'ordre
répandu dans tout le pourtour du bâtiment. Nous remarquerons, il eil vrai, qu'il y a pluiîeurs an- nées , on descendit quelques-unes de ces Çroifées, jufque fur l'entablement Tofcan, à deiTein de pro- curer plus de falubrité dans l'intérieur des appar- tements , & particulièrement dans la gaüerie » connue au Luxembourg, fous le nom de galîe- rie de Rubens, & qu'alors on pofa des balcons de fer pour fervir d'appui au bas de ces Çroifées ; d'où il eil arrivé que cette augmentation de hau- teur leur a procuré prefque deux fois & demie leur largeur , pendant qu'anciennement elles avoient quelque chofe de moins que deux fois, comme on le remarque dans la planche dont nous parlons. Nous ne faurions néanmoins approuver ce rap-
port, les ouvertures Doriques devant avoir plus de hauteur que les Tofcanes, tandis qu'ici elles ont à peine une proportion ruilique : d'un autre côté, cet appui fupprimé entièrement, ainfi qu'on le remarque à· la gallerie de Rubens, donne à ces Çroifées un air d'élégance qui s'accorde mal avec les boifages alternatifs dont DebroiTe a fait ufage dans le premier étage de ce Palais. D'ailleurs que lignifient ces balcons de fer ? ils font infoutenables dans toute ordonnance grave, & ne font même tolérés aujourd'hui dans cet édifice, que par le bien que la fupprefiion de l'appui a produit dans l'intérieur du bâtiment. Mais il n'en eil pas moins vrai que ce moyen ne peut raifonnablement être imité par-tout ailleurs. ■ Pourquoi, par exemple , dans le deffein de faire
entrer un plus grand volume d'air dans cette galle- rie , au-lieu d'un balcon, n'avoir pas préféré une ■ Jbalulirade > toujours d'un meilleur ftyle, & qui |
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172 € O U R 5 auroit très-bien figuré avec celle qui borde îa
terraife qui regne en face de la rue de Tournon ? Au reite, pouf fe convaincre de la juileife de nos remarques , que ceux de nos Elevés qui réfident à Paris fe tranfportent fur le lieu, qu'ils examinent ces différentes ouvertures , & là ils fe convaincront du bon ou du mauvais effet que peut produire telle ou telle imitation : nous les invitons à en faire autant pour les autres édifices rapportés dans ce vo- lume qui, comme celui de Debroffe, nous ont fourni matière à plufieurs observations, tendantes à l'in- itruction de nos Elevés : qu'après les avoir bien minés , ils y retournent encore ; qu'à plus d'une re- prife & à force d'étude, ils tentent, comme nous l'a- vons fait nous-mêmes, de détruire toutes les par- ties diiîonnantes qu'ils auront remarquées dans les bâtiments qui leur font offerts, & bientôt leurs produirions fe reifentiront de ce travail intéref- ïant ; il les accoutumera du moins à devenir plus féveres, &, à l'exemple de leurs prédéceffeurs, ils ne fe permettront certaines licences, qu'a- près s'être convaincus qu'une exactitude trop fera- puleufe, fur-tout dans les détails , pourroit nuire à l'effet général des principales parties; ou, ce qui feroit pire encore , à la beauté des mafles générales ; car , dans toutes les occafions, ces dernières méritent la préférence fur toutes les au- tres parties , quelques perfections qu'elles offrent aux yeux des fpecf ateurs les plus éclairés. Nous approuvons beaucoup, la niche quarrée
qui encadre cette Croiiee ; mais nous aurions de- iiré qu'on en eût fupprimé les boffages , qui, quoiqu'alternatifs, produifent, à notre avis , le plus mauvais effet, diittïbués fur les plates-bandes de cette niche : ces boffages ne réiujiiTent jamais |
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d'Architecture. 173
bien, que lorsqu'ils font appliqués fur les vouf-
foires des arcades plein - cintre , ou furbairTées, Qu'on fe rappelle d'ailleurs ce que nous venons de dire plus haut, en parlant des refends qu'on remarque fur les pieds-droits des arcades de ce Palais. En effet, pourquoi n'avoir pas porté ces boiTages dans l'étage inférieur , & placé les refends dans celui-ci ? Ne paioît- il pas naturel que les parties qui foutiennent, folidité réelle à part, pré- fentent plus de force que celles qui font foute- niies ? Que veulent dire encore les petites tables placées dans les nus des pieds-droits & entre cha- que boffage ? elles ne fignifient guère qu'une affe- ctation de petites parties, démenties par la virilité de l'ordre Dorique : ordre qui ne produit jamais un meilleur effet, que lorfqu'il afîigne à toute l'ordonnance, la fimplicité qui le çaractérife, De- broife a fans doute voulu préfenter ici cette fim- plicité que nous réclamons, puifqu'il a fait dans ce Palais ces bofTages en général, fans moulures ; ce qui certainement auroit dû le déterminer à retrancher les tables. Qu'on ne s'y trompe pas, ce n'eit pas aÎTez
de diitribuer des membres d'Architecture dans fes façades ; la feule idée d'enrichir fon ordonnance eil infufnfante : il faut que ces membres y ibient diitribués, pour faire beauté ; que l'expreiîion de l'ordre les autoriie ; que la convenance les amené fur la fcêne ; enfin , pour qu'ils plaifent & qu'ils puiient être approuvés par le goût de l'Art, il faut qu'ils faifent unité , & qu'aucun d'eux ne fe démente & ne préfente un afpett contraire à l'impreflion , que Tenfemble général de l'édifice a fait prendre au fpectateur, dès le premier jugement qu'il en a porté : jugement qu'a dû lui in f pire r le ltyle dominant dont l'Archite&ea fait choix. |
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174 Cours
Au reite, on ne peut difconvenir, que cette
Croifée'ne foir d'un excellent genre, qu'elle ne foit couronnée avantageufement, & que les pila* il res ou arriere-corps qui régnent à côté de ces piéds-droits , ne l'acotent très - convenablement ; peut-être néanmoins pourroit-on deiirer que la table pratiquée dans ces corps intermédiaires eût été Taillante, au - lieu d'être rentrante, ainfi qu'on pourra le remarquer par le profil A exprimé dans la planche XXXV, qui donne la plus grande partie des développements de cette Croifée. Lorfqu'on enferme une Croifée acotée , couronnée ou ac- compagnée de quelque corps faillant, dans une niche quarrée, ainli que dans ce Palais, ou bien entre des pilailres , comme on le voit dans la plus grande partie de nos édifices, il eil inté- reifant , félon nous , de faire enibrte que la faillie des pilailres devienne aiTez forte, ou la profondeur des niches afîez confidérable, pour que les mem- bres qui ornent cette Croifée ne défafleurent jamais le nu du mur ; car il paroît que ceux-ci doivent être contenus dans les corps faillants qui leur fer- vent d'encailrement ; & il eil indifpenfable alors , que le contenant foit plus grand que le contenu. Il eil vrai que la plupart des anciens ont négligé cette regle, & qu'elle a échappé à prefque tous nos modernes : le Vieux-Louvre, le Portail de l'Eglife de Saint-Gervais , les Places de Vendôme & des Victoires nous offrent cette négligence ; striais il n'en eft pas moins certain qu'il ne nous eil plus permis de tomber dans cet écart, qui bleffe la vraiiTemblance ; que pour cela il convient ? dès la compoiition de fon plan, de réfléchir (ut TepaiiTeur qu'on doit donner aux murs de face, à ïaïfon du plus ou du moins d'importance de l'édi- |
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d'Architecture. j7J
fîce , & félon le genre de la décoration acceptée
pourries façades ; ce qui eft d'autant plus raifon- nable, qu'il n'arrive guère, ou même qu'il ne doit jamais arriver, qu'on décore jufqu'à un certain point les ouvertures d'un bâtiment particulier, foit à caufe de l'économie qu'il convient de mettre dans ion ordonnance , foit à caufe de celle qu'on doit employer pour fa coiiftrucüon : au-lieu que dans les Palais ou dans les maifons Royales , ces considérations n'ayant plus lieu , point d'excufe pour l'ArchÎte&e , ii dans le dé- but de ion projet il ne fait eilimer préliminaire- ment le relief des corps, & d'après eux, fixer l'é* paiiTeur qu'il doit donner à fes murs. Nous ne nous fentons guère portés à admirer
les efpèces de cannelures placées dans les confoles qui foutiennent la corniche qui couronne cette Çroifée ; elles ont trop de mouvement, & nous paroiffent trop découpées. Nous n'aimons pas non plus la bandelette, ni les gouttes qui femblentfe pé- nétrer dans le chambranle par l'une, de leurs extré- mités. Sans doute ce font de petites erreurs, que celles que nous relevons ; mais elles n'en font pas moins des erreurs qui doivent apprendre à nos jeunes Artiftes , que, puifqu'elles font échapr pées à un grand Maître , ils commettront des fautes fans nombre, lorfque, livrés à eux-mêmes, ils fe permettront toutes les formes que leur ima- gination leur fuggérera, fous le vain prétexte que les ouvrages de leurs prédécefîeurs ne font pas toujours exempts de licences. Si nous avions à employer cette Croifée du
Luxembourg, qui certainement peut paffer pour un excellent modele, nous l'imiterions feulement vdans fà plate-bande , dans fon chambranle & dans |
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176 Cours
fon contre-chambranle; mais nous ferions la table
du corps intermédiaire Taillante ,au-lieu de rentran- te , & nous la dégagerions du chambranle par un pe- tit arriere-corps, dans la largeur duquel on pourroit faire profiler la bandelette qui couronne les gouttes : nous formerions d'un galbe coulant, la face des con- ibles, & nous y ferions de cannelures droites : nous donnerions un peu plus de hauteur à l'ouverture; nous fupprimerions les bofîages appliqués fur les piéds-droits & fur le fommier de la niche quarrée: enfin nous fubitituerions un focle au piédeftal, & nous nous perfuadons que ces changements utiles feroient goûtés du plus grand nombre. Nous invitons nos Elevés à fe mettre en état d'appré- cier par eux-mêmes ces remarques ; qu'à la plan- che que nous donnons ici, ils oppofent un deiîin rectifié, tel que nous le leur indiquons ; qu'ils effaient d'y ajouter de nouvelles réflexions, & qu'enfuite ils recœuillent les avis des Maîtres de l'Art, qui feuls ont le droit de les diriger dans leur étude. Nous avons déjà dit que la planche XXXV
ofFröit les développements des profils de cette Croifée, tels que le chambranle A, la corniche Β , & le focle C du piédeftal de l'ordre ; ici nous ajouterons que pour donner une idée plus com- plète 5e ce premier étage, nous avons tracé fur cette planche XXXV, quoique fur une plus petite échelle, le profil Ε de l'entablement de î'o,rdre Dorique, ainii que celui de fon chapiteau F & de fa bafe G ; & que dans la même planche nous avons auffi donné le profil de la corniche qui eft au-defïus des Croifées dont nous venons de par- ler, & le profil de la baluftrade qui couronne l'ordre Tofcaji, fervant de piédeftal au Dorique ; enfin
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ô*ARGHlTËeîURÈ. if?
tnûù le plan du trigjjphe diflribué dans la frife
Dorique, du côté de la rue de Tournon, dans le fond des canaux duquel, Debroffe a creufé un renfoncement de deux pouces de profondeur, pour procurer plus de noir & un caractère plus ferme au trigliphe ; car, s'il avoit été réduit, comme l'enfeigne Vignole, à fort peu de faillie, il marque- roit à peine , vu d'un cGrtain point de diflance. Cette reflource , que peu d'Artiites ont fans doute remarquée, n'eil pas entièrement à négliger : elle peut fervir d'autorité à nos Elevés en pareille cir- conflance, ou au moins les engager à mefurer avec foin , & à examiner de très-près tous les moyens dont fe font fervis les grands Architectes dans leurs différentes comportions. La planche XXXVÎ offre une Croifée du
premier étage des façades de la cour du Vieux- Louvre , bâtie anciennement fur les delîins de Pierre Lefcot dont nous avons parlé au commen- cement de ce volume, pages 56 & 57, ainii que des Croifées dont nous donnons ici le deiïin. Ces Croifées, d'une très-grande richeffe, ont la plus grande célébrité ; elles font en effet d'un très-bon goût ; d'ailleurs leur exécution eil admirable : la hau- teur de leur baie eil à leur largeur comme 14 ell à 6 : proportion déjà fort élégante pour le temps 011 elle fut mifé en œuvre, puifque toutes les ou- vertures alors étoient réduites au double de leur largeur, à l'imitation des anciens Architectes, qui affez communément fuivoient cette méthode. Au- jourd'hui on leur donne jufqu'à deux fois & demie , fur-tout lorfqu'elles font partie d'une ordonnance Corinthienne ; mais Lefcot ayant placé celles-ci dans un entrecolonnement Comporte , moins dé- Tome III. M |
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\η% CO U RS
licat que le Corinthien , a |enti qu'il falloït leuï>
donner moins de hauteur , jugeant fans doute que tous les membres qui accompagnent l'ordre , doivent fe refientir de ion expreilion. Nous abrégerons les obfervations que nous poup-
rions faire fur la composition de cette Croifée. Il y auroit de l'injuitice à l'examiner avec trop de févériîé ; la réputation de fon Auteur , & particulièrement le temps fort éloigné où il vivoit, doit nous la faire regarder comme un chef-d'œuvre : auffi eit-ce le jugement qu'en por- tent afTez généralement les Maîtres de l'Art. Nous nous bornerons feulement à remarquer, que les profils pourroient avoir un peu plus de faillie; .encore faut-il le rappeler que la Cour où cette Croifée fe trouve placée, ne devoit pas être auiîî varie qu'elle Teil à préfent. Il faut auffi. conve- nir que depuis cet Architecte très-habile, le goût de l'Architecture a fi prodigieufement changé, que nos yeux fe font accoutumés infeniiblement au gigantefque; en forte que les productions de nos prédéceiîeurs ne nous paroifTent plus, pour ainii dire , qu'une Architecture en bas-relief: deux excès néanmoins qu'il feroit bon d'éviter, fur- tout dans les bâtiments d'habitation. Cette déli- catefTe, dans les moulures , n'eil guère conve- nable que dans les dedans, & la fierté des mem- bres doit être refervée pour la décoration des monuments facrés , ou pour celle des édifices pu- blics. Un des mérites eilenciels de ces Croifées ; c'e.ft
la diitribution des ornements appliqués fur les mou- lures : aufii trouvera-ton fur la planche XXXVII ces mêmes ornements & leurs principaux membres plus en grand. Quoiqu'entre les mains du plus. |
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O'ÀRCHÎÎËefUîtÈi ÏJ$
grand nombre des Artiftes, ils dévoient naturelle-
ment trouver place ici : nous ne connoiffons riert dans Tantique, ni dans les ouvrages des Romains>» ni dans aucun de nos bâtiments François * qui les furpaiTe en beautés Nous ne rappellerons point ce que nous avons
déjà dit dans ce volume, page 61 , concernant, îe bufte & les levrettes qui fe voient placés fur les corniches des Croifées de la cour du Vieux- Louvre , & où l'on remarque alternativement ces levrettes , & les lions indiqués ici ; ce genre de iculpture nous paroît toujours peu propre à fym- holifer la décoration de la demeure des Souverains* Au contraire, les profils du couronnement de ces Croifées nous femblent d'un aiTez bon genre * quoique nous n'approuvions pas la baguette qui fert de couronnement à la cimaife fupérieure de la corniche, foutenue parles confoles , & qui, com- me nous venons d£ l'indiquer, fe trouve tracée plus en grand fur la planche XXXVII. Lefcot fans doute ayant placé cette moulure d'alignement avec l'aitragale du chapiteau, a cru devoir lui donner la même forme : mais quelle différence d'appli- cation ! Combien n'avons-noùs pas prouvé de fois, que dans FArchiteéture régulière, chaque membre doit avoir les moulures particulières I Qu'on n'en doute point, ce n'eft qu'en fuivant ce prin- cipe reconnu inconteitable chez les hommes d'un vrai talent, qu*on peut parvenir à faire approu^» Ver fes productions , & qu'on acquiert le droit de fe faire des imitateurs. Peut-être aurions-nous déiiré encore 5 que la
table placée entre le chambranle & la corniche, eût occupé toute la diftanee d'une confole à l'an- tre : par là on eût évité les enroulements qui fe Mij
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remarquent aux deux extrémités de cette table ;
& l'on auroit pu lahTer régner un champ tout a.ι tour , pour la détacher des membres lupérieurs & inférieurs , entre lefquels elle fe trouve placée : fans cette attention on doit craindre les petites parties, & de faire entrer dans fa composition une multiplicité de membres qui ne reiTemblentplus qu'à des pièces de rapport, ou qui donnent une fauffe idée de la décoration. On s'imagine qu'elle n'eil devenue telle , que pa ce que l'Archite&e a été forcé de raffembler différents fragments dont il a compofé fon ordonnance entière. Encore une fois, une Croifée doit être belle , parce qu'elle fe répète à l'infini dans le même édifice ; or elle ne peut jamais le devenir, ii toutes les parties qui la conitituent, n'intéreiTent véritablement un exa- minateur aufli éclairé qu'impartial. La planche XXXVIII offre une des Croifées
du même Palais, mais exécutée bien long temps depuis, dans la façade, connue fous le nom de Périftyle du Louvre, élevée fur les deiîins de Claude Perrault, dont nous avons parlé précédemment, page 71 de ce volume : nous l'avons trouvée un peu petite , en la comparant & avec la grandeur du module de l'ordre , & avec l'ouverture des - arcades placées dansles extrémités de cette même façade. Quoi qu'il en foit , ces Croifées font d'un aiiez bon genre; aufîi les imité-t-on aujourd'hui dans toutes les efpèces de bâtiments , fans égard au ilyle de l'ordonnance & au motif qui fait élever l'édifice, il y a environ trente années qu'on en a ufé de même à l'égard des Croifées bombées qu'on employoit également & dans les monuments facrés & dans les maifons à loyer. 11 eft vrai qu'aujour- |
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d?hui, lorfque les Croifées à plates-bandes dont
nous parlons fe trouvent répandues en nombre impair dans nos façades, on les couronne alter- nativement d'un fronton triangulaire , comme dans ce deffin , ou d'un fronton circulaire, tel qu'on le remarque dans la partie ancienne de la cour du Vieux-Louvre , & depuis par-tout ailleurs: variété, difent les prétendus hommes de génie de nos jours, préférable à l'ennuyeufe uniformité des couronnements de même forme. D'après ce rat- ionnement , aufîi abfurde, qu'inconiéquent, nous ne ferions pas étonnés que dans la fuite, auiîi éloigné des préceptes que du goût de l'Art, on ne parvînt à faire goûter au vulgaire , de varier aufii dans une même décoration la forme , les profils & les ornements âes ouvertures , fans qu'aucun avant - corps femble 'autorifer ce chan- gement ,. qui jamais ne peut devenir heureux? que par le fruit d'une étude profonde, & d'une expé- rience très-confommée. Au reiîe, comme nous le remarquerons bien*
tôt, l'application des frontons au-deifus des Croi- fées de nos bâtiments, n'eit guère bonne à imiter. Les anciens avoient plus de droit que nous d'en faire un ufage fréquent ; ils perçoient moins iou- vent leurs murs de face ; ils fèfoient les pleins beaucoup plus confidérables que les vides , & par ce genre de couronnement, ils empêchoient que la charge des parties fupérieures n'appuyât fur le linteau de leurs croifées : effet que produifent également les formes triangulaires & circulaires des frontons; car, parles claveaux qui les compofent, cette même charge porte fur les piéds-droits des ouvertures, au-lieii de porter fur la Croifée pro- prment dite, Aujourd'hui nos vrais Architectes Miij
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Rappellent à eux cette forte de décoration au-deifus
des ouvertures de leurs façades , que lorfqiûls, la croient néceiTaire pour cara&érifer l'édifice ; & ils fe contentent, quand le cas le requiert , de for- mer une voûte dans l'intérieur du mur, laquelle, en fervant de décharge, n'amené plus la néceiîité des frontons. Ils en ufent de même pour le cou-« r onnement des Portes-Croifées qui donnent entrée aux veftibules , à moins qu'on n'ait un intérêt d1y placer pour amortiffement un fronton qui, pour en faciliter l'accès, jète l'eau du ciel de droite ξι de gauche de la baie. Nous ne nous appefantirons point fur les détails
de la Croifée dont nous parlons, ni fur les dé- veloppements de cette Ouverture tracée iiir la, planche XXXIX. Nous ferions en quelque forte obligés de répéter les obfervations que nous avons faites en parlant de celles de l'intérieur de ce Palais.. Perrault ayant fait le même ufage de la baguette pour former la partie fupérieure de la çimaife de la corniche de fon fronton, ainfi que d'une table placée entre cette dernière & le cham* branle ; à l'extrémité de cette table, il a placé une confole renverfée qui nous paroît encore moins bien réuffir que les enroulements imaginés par Lefcot ; i voyez la planche XXXVII ) parce que cet acotement de Perrault, trop voiiin de la vé- ritable confole, offre une efpèce de monotonie, peu digne du génie de ce grand Architecte. Les Portes & les Croifées ne font pas les feules
ouvertures qifon emploie dans nos façades ; on y fait aufli un afTez fréquent ufage de celles nommées Portes-Croifées, appelées ainfi parce qu'elles rem* p.lifïçnt les deux offices, c'eft-à-dire, qu'elles éclair içmt? fe ^u'ejimçme temps elles, donnent entrée |
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à certaines pièces du bâtiment, telles que les
veftibules qui précèdent les grands appartements, & les anti-chambres qui dégagent les pièces pri- vées , les bains, les garde-robes, &c. Alors leur proportion , leur forme & leur richefïe, reffem- blent abfolutnent à celles des arcades ou des Croi- fées qui fe remarquent le plus eifenciellement dans la décoration des édifices. Nous aurons occaiion ailleurs de parler des
autres ouvertures, dont on fait ufage dans nos bâtiments, telles que les croifées attiques, les mézanines , les lucarnes, les œuils de bœuf & les foupiraux dont nous avons déjà donné l'idée dans les définitions du premier volume de ce Cours 9 Chapitre III. DES NICHES EN GÉNÉRAL.
Nous avons dit, dans le premier volume > que les
Niches font des efpèces de cavités circulaires ou qiiadrangulaires parleur plan & par leur élévation, qu'on les place extérieurement dans TépaiiTeur des murs de face, pour embellir les ordonnances du dehors , ou intérieurement fut les murs de refends lorfquil s'agit de la décoration des dedans. Nous dirons ici, que les Anciens en ont fait un très- fréquent ufage, & qu'à leur imitation nos Archi- te£tes les ont introduits dans la plupart de leurs productions. Nous fommes bien éloignés de croire, qu'el-
les réuffiffent également bien par-tout ; nous penfons même qu'elles devroient être refervées pour la décoration des frontifpices de nos Tem- ples , & l'intérieur des Chapelles fépulcrales * pour nos Fontaines > nos Châteaux d'Eau | les |
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Bains publics, &c. Mais inconfidérément & fans
autre but qu'une imitation fervile, les employer dans toutes les occafions qu'on a de bâtir , c'eft vouloir ériger en abus une partie de l'Art, qui, placée convenablement, peut contribuer à affigner un caractère diftincüf à tel ou tel édifice, plutôt qu'à tel ou tel autre. En général nous défapprouvons celles diitribuées dans les façades de la cour du Vieux-Louvre, leur petitefle les rendant incapables de contenir les ftatues auxquelles elles fembloient être deftinées : celles qu'on remarque dans la façade de Verfailles du côté des jardins, ne nousparoif- fent pas amenées plus heureufement, quoique plus en rapport avec l'ordonnance de l'Archkeâure : celles placées dans les façades de l'Hôtel de Tou- Joufe, nous y femblent, δε inutiles & gigantefques, comparées avec l'Architecture qui les environne : celles qui décorent l'intérieur de la nef de la Sor- bone & qui fe furmontent l'une l'autre, produi- sent une monotonie qu'il faut favoir éviter : enfin celles du portail de l'Eglife de Saint-Gervais font de mauvais goût, & contiennent des figures colof* fales qui rendent l'une &. l'autre application infu- portable. - Si ces remarques font auiîî juites qu'impartiales,
il en faut conclure , ou que les niches réufluTent rarement bien dans les édifices, ou qu'il en eft de ce genre de décoration, comme de tant d'autres ; que c'eft l'abus qu'on en a fait jufqu'à ce jour, qui révolte les bons efprits, & qui force, pour ainii dire , ces derniers à fe priver d'en faire ufage dans leurs compoiitions, pQur contrebalancer ces exemples dangereux, citons néanmoins les Niches, heureuiément employées par Hardouin Manfard, dans le veitibule de Clagoy & dans la gallerie d$ |
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Verfailles ; elles font bien fupérieures à celles qui fe
remarquent au Château de Meudon & à l'Hôtel de Touloufe à Paris. Dans ces derniers édifices les Niches trop peu profondes pour renfermer la ftatue qu'elles contiennent, onr contraint leur dé- corateur , d'ajouter au pied de ces Niches des culs-de-lampes , qui non-feulement y paroiffent poftiches , mais ne placent les ftatues ni en dehors ni en dedans de leur enceinte. Celles placées dans la tour creufe de la fontaine de la rue de Grenelle, font d'une belle forme, & convenable- ment employées : celles du Château de Maifons , peut-être mal appliquées, font aufii d'un excellent genre : celles placées dans le porche extérieur de î'Eglife de Saint-Sulpice, quoique d'une proportion- un peu pefante , méritent encore l'approbation des connoiffeurs. Mais arrêtons-nous fur ces cita- tions; elles ne peuvent être utiles qu'à ceux qui font à portée d'examiner les édifices de cette Capitale & de fes environs : ce que nous venons de remarquer leur fuffit. Parlons maintenant de la proportion des Niches, de la forme qui leur eil la plus convenable, enfin de la richeffe dont elles font fufceptibles, à raifon de leurs différentes applications dans l'Architecture. |
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Cours
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De la proportion des Niches.
La proportion des Niches doit être relative à
celle des portes & des croifées répandues dans l'ordonnance de l'édifice ; elles doivent être Tof- canes , Doriques , Ioniques , Corinthiennes ou Comportes, c eil-à-dire , avoir plus ou moins de hauteur, félon l'expreffion de l'ordre défigné dans la décoration de la façade. Nous n'avons pas craint de répéter plus haut, que les Niches fe iaifoient circulaires ou qüadrangulaires , par leur v plan & parleur élévation : nous ajouterons ici, que celles à plates-bandes ne peuvent guère être employées que dans les ouvrages Militaires , ii toutefois on peut admettre une pareille décora- tion à des bâtiments ou l'on doit annoncer la plus grande réfiitance ; ce; que certainement la cavité des Niches ne petit offrir à l'œuil du Spec- tateur intelligent. Mais on peut les employer avec fuccès par-tout ailleurs où le caractère Tofcan, préfidera ; par exemple, dans les dépendances des maifons Royales. Ceft ainii que Le Veau les a em- ployées dans la grande cour du Château de Vin- cennes. Elles figurent encore bien dans les orange- ries, les grottes, les fontaines, &c. pourvu, encore une fois, que l'ordre ruilique les amène fur la fcène. Au refte, ces Niches, ainii que celles nommées circulaires, fe font grandes, moyennes ou petites. Ces dernières fe placent ordinairement entre les colonnes qui ont peu d'écartement, comme de trois modules dans l'ordre Dorique ; les moyennes dans celles qui en ont cinq, & les grandes dans 'celles qui font affei diftantes l'une de l'autre, pour contenir les ouvertures des portes placées dans |
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les principaux avant-corps des grands édifices.
Aflez généralement la proportion des pentes &
des moyennes Niches, eil d'avoir en hauteur deux fois & demie leur largeur ; mais voici ce qu'il con- vient d'obferver, pour qu'elles acquièrent chacune en particulier plus ou moins d'élégance, félon qu'el- les fe trouveront placées entre les ordres ruiliques, fondes, moyens ou délicats. On divifera la hau- teur de la Niche de l'ordre Tofcan en vingt-huit ; celle du Dorique en vingt-neuf; celle de l'Ionique en trente , & celle du Corinthien & du Compoiite en trente & une, & l'on donnera douze de ces parties au diamètre de chaque Niche. A l'égard des grandes Niches deftinées à conte-
nir des groupes ou des ftatues accompagnées de génies , de trophées , &c. elles peuvent avoir quelque chofe de moins en hauteur} par exemple ;, ayant divifé leur largeur en douze, on en don- nera vingt <■ fept à celle Tofcane, vingt-huit à la Dorique, vingt-neuf à l'Ionique, enfin trente à celles Corinthiennes & Comportes. Point de doute que la forme circulaire des Ni-
ches, tant, dans leur plan que dans leur éléva- tion , ne mérite la préférence : le cul - de - four qifoccafionnent ces deux courbes dans leur partie fupérieure, eit non-feulement plus agréable à Foeuil qu'une plate-bande; mais il répare en quelque forte par fes vouiïbires , l'altération que le vide aparent femble produire à la vue : d'ailleurs rien n'empêche que ces Niches circulaires ne fe trou- vent enfermées dans des encadrements qiiadran- gulaires ; ce moyen leur réunit tout auifi bien que les Niches quarrhs que nous avons deiiré qu'on employât plus communément au tour des arcades plein-cintre , puifque les Niches , à la baie près | |
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font l'image des portes plein-cintre ou à plates-
bandes. Lorfqu'il s'agit des grandes Niches, leur pied-droit, leur alette , leur impoite , leur archi- volte δε leur claveau doivent avoir les mêmes rapports & les mêmes profils que ceux attribués aux arcades. Au contraire, il fuffira de donner à chacun de ces membres des petites & des moyennes Niches, la lixieme partie de leur dia- mètre ; car il faut que les détails foient toujours proportionnés à la maffe entière. Lorfqu'on fait choix des Niches circulaires, on ne doit pas fup- primer ces membres d'Architeclure, pour y iubfti- tuer feulement un bandeau ou un chambranle ; il donneroit à ces Niches trop de reiTemblance avec les portes ou les croifées, contre le raifonnement de l'Art , qui exige que chaque partie de TArchi- te£ture , anciennement conçue par les Grecs & les Romains, & perfectionnée depuis par nos plus célèbres Architectes François , s'annonce pour ce qu'elle eil. Ces divers membres appelés dans la décoration pour des fins différentes, doivent pré^ fenter un genre particulier , en confervant néan- moins une certaine relation avec le ityle qui pré- iide dans l'ordonnance. On doit porter le même efprit, avoir les mêmes
égards & la même attention pour ce qui regarde la richeffe de ces mêmes Niches; mie trop grande quantité de membres d'Architeclure les enfevelif- fent, beaucoup d'ornements les accablent : plus Ja bordure eit fimple. fans être pauvre, plus le tableau brille. Il faut fur tout faire choix de moulures -d'un excellent genre , donner un cer- tain mouvement au plan des membres qui les enrourent & les accompagnent. A l'égard des or- nements que ces Niches contiennent 2 tels qu'iia |
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d'Architecture. 1S9
piédeital ou un piédouche, il eil nécefîaire d'y
obferver un galbe & une riche/Te aiîbrtie à l'élé- gance de la Niche ou de la Statue. On peut aufîi appliquer une coquille dans le cul - de - four qui termine ces niches ; enfin , orner de draperies, de feftons , de trophées les tables qu'on introduit fouvent au-deiîus ou au-deiFous de ces Niches ; cette décoration eil, félon-nous ? préférable aux bas-reliefs, aux jeux d'enfants , aux cafTolettes ; mais il faut fur-tout éviter d'y placer des vafes , des mafcarons , des chimères, &c. On doit re- garder ces productions comme autant d'ornements déplacés qu'une imagination peu réglée fe plaît à mettre au jour , contre toute idée de vraifTem- blance. Donnons à préfent quelques deffins de Niches ;
ils nous fourniront occafion d'entrer dans quelques détails, que la fpéculation ne peut rendre affei intéreffant iàns l'afped des figures. |
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190 Cours '
Différents dessins de Niches»
puisés dans les façades de nos
Edifices François,
Niches du Château de Maifons & du Château
de Clagnjé
Planche XL
La figure A nous donne lé deffin d'une dès Ni-
ches , qui font partie de la façade du Château dé Maifons'du côté du jardin* Cette Niche» d'un deiîîn aiîez fimple, nous paroît d'une proportion trop fvelte, pour être contenue entre deux pi- laftres Ioniques. La largeur de fes pieds-droits f portée au module de l'ordre, femble un peu forte pour le diamètre de la Niche ; en donnant quel·* que chofe de moins aux pieds*droits, la Niche eût été d'une proportion moins élégante, & par- là auroit confervé une expreffion plus relative à l'ordre moyen qui préfide dans l'étage où elle eifc placée. Son impoite & fon archivolte font de la même grandeur que les pieds-droits ; ils auroient peut-être gagné à avoir quelque chofe de moins 9 fur-tout l'impofte ; car on doit favoir qu'aifez généralement l'archivolte fe tient un peu plus étroite que l'importe, afin d'empêcher que le £ût du pilaitre ou l'alette de la Niche quarrée ne forme tangente, avec l'extrados de cette archi- volte. Au-deiïus de cette dernière, on remarque une table
couronnée d'une corniche qui eil îurmontée elle- même d'un très-grand congé : ce couronnement f !■· '■'','■'■
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«[lie François Manfard a fouvent employé au-
deffus de fes amortiffements , auroit produit un meilleur effet, s'il eût été réduit à moitié» Nous ne fommes pas partifans des tables de
forme rectangulaire , lorfqu'elles fe trouvent pla- cées , comme ici, au-deffus d'une archivolte : autre chofe eil de les introduire dans ces décorations, iorfque les Niches circulaires fe trouvent encaffrées dans des renfoncements formées par deux alettes, & un linteau. Ces Niches font connues affez géné- ralement fous le nom de Niches quarrées , parce qu'elles reffemblent affez, à leur profondeur près , aux Niches dont lesplan ni le fommet ne font déterminés par un demi-cercle. Mais dans les deux exemples tracés fur cette planche, les entrepilaitres n'ont pas affez d'écartement pour qu'on puiffe y infé- rer le renfoncement dont nous parlons ; & fi l'on eût voulu l'y admettre, les Niches alors feroient devenues trop petites pour contenir des ilatues qui euffent pu conferver à-peu-près le tiers de la hauteur de l'ordre : rapport dont nous avons déjà parlé dans nos définitions, & dont nous traiterons bientôt plus particulièrement. Dans cette table eil placée une draperie d'une très-belle exécution, ainfi que toute la fculpture diilribuée dans les façades de ce Château. Nous ferions peut-être bien fondés à demander ce que iignifle cette drape- ne ; on nous répondra, à faire richeffe. Oui, fans doute ; mais fuffit-il de placer des ornements dans la feule idée de remplir cet objet ? Non ; il faut, pour qu'ils faffent beauté, que non-feulement ils foient relatifs au genre du bâtiment > mais encore qu'ils fervent d'emblème aux flatues placées dans les Niches ; autrement, comme nous l'avons dit ailleurs , tout ornement qui neil qu'ornement y çft inutile & fuperflu. |
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2f)i Cours
Nous avons trouvé cette Niche trop élevée*
nous croyons avoir raifon ; car il faut concevoir que ii Tony eût placé une ftatue réduite environ au tiers de Tordre, il auroit fallu l'élever fur un piédeftal, qui Fauroit prefqu'égalée en hauteur, & qui cependant ne doit jamais excéder le tiers ; encore vaut-il mieux y fubitituer un piédouche, reduit au iixieme au moins , ou au quart au plus ; fur-tout on ne doit jamais oublier qu'il faut que les yeux de la ftatue atteignent le deiTus de lim- poile , fervant de demi - diamètre à l'archivolte 5 pour que le deffus de la tête de la figure, placé géométralement, fernble repr^fenter le trompillon fur lequel vient fe repofer le bas des vouffoires du cul-de-four, La figure Β de la même planche, donne le deiîin
de la Niche du veftibule du Château de Clagny [n ), bâti par Hardouin Manfard. Cette Niche eil d'un deiîin d'un excellent genre ; néanmoins elle paroît un peu grande, comparée avec l'ordre. Dans la décoration extérieure ou intérieure des bâtiments, les membres d'Architecture, quoique de genres différents , n'en doivent pas moins conferver un rapport immédiat & avec le diamètre de l'ordre δε avec la grandeur de l'avant-corps, ou avec la largeur de la pièce. On doit trouver auffi les pieds- droits de cette Niche un peu forts ; il auroit été à derirer qu'ils euffent été réduits à un module, |
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: (n) Ce Château eft le coup d'eiîai de Hardouin Manfard,
& peut-être l'une des plus ingénieuies comporterons en ce genrej on doit confidérer ce bâtiment comme le premier, où cet Archi- tecte a cherché à concilier enfemble la relation que les dedans doivent avoir avec les dehors. Voyez ce que nous avons dit 4e cet homme de génie , premier volume Λ page ιοί. OU
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d'Architecture. 193
ou qu'on eût partagé la largeur de l'entre-pilaftre
en huit parties égales, pour en donner fix hui*, tiemes à la largeur de la Niche, & un huitième à chaque pied-droit; ou qu'enfin on eût pris la moitié de la différence de cette huitième partie, & le module de l'ordre, pour déterminer la largeur de ce même pied-droit, à raiibn du pilaftre & du diamètre de la Niche. Le piédeital placé au-dei- fous de cette dernière, eft d'une belle proportion & d'un excellent genre ; mais cette Niche nous paroît un peu courte pour fatisfaire à l'élégance. Corinthienne que devoit lui aiïîgner l'ordre : afin de n'en pas augmenter l'élévation , il auroit peut- être mieux valu l'enfermer dans une Niche, quar- ret , qui, par fa plate-bande, auroit occafionné la fiippreffion de la plus grande partie de la fculpture qui s'y remarque On auroit pu réduire cette fculpture à un feul trophée ; car les génies qui fe trouvent placés fur l'archivolte , paroiiTent difpurer de richeife avec la ftatue placée dans la Ni- che. Daviler, d'après lequel nous rapportons ce def- iin, a introduit la ftatue d'après la Flore du Palais Farnèfe ; la Niche de Clagny étant fans ftatue, la coquille qu'on remarque dans fon cul-de-four, Êft d'autant plus heureufement placée ici, que fä partie inférieure femble fe repófer fur l'impofte continu qui fert à recevoir la retombée de l'ar- chivolte : d'ailleurs l'un & l'autre font d'un excel- lent profil, partie dans laquelle Hardouin Man- fard s'eft toujours fignalé avec le plus grand éclat· Tome /IL Ν
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Niches placées à pefüde-chauffée, ## premiefë
& au fécond étage des façades de la cour ; . .. ,^ du Kieux-Couvre., Planche XL.
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<·■■ La figure A offre l'une des Niches placées à rez«
$e-chauffée de la cour, du Vieux - Louvre, com- mencée à bâtir par pierre Lefcot. Nous avons remarqué ailleurs, que ces Niches nous paroif- Îoient un peu petites, par l'efpaCe immenfe du lieu d'où elles doivent être apperçues : nous ibmmes toujours de cet avis, furr-tout lorfque nous venons aies comparer avec les ouvertures des portes & des Ctoïfées placées dans les grands entrecolon- nements 4iitribu.es dans les façades de ce Palais; car j en/ les coniidérant -avec les petits entrecolon- mements où elles fe trouvent fituées, & avec le module de Tordre , elles produifent non-feulement un affez bon effet, mais même elles procurent une afîez g-randô yicheffe à l'ordonnance entière. Nous ol^feryerons feulement qu'elles font trop refferrées: de maniéré que leurs pieds-droits né,fe trouvent avoir aucun rapport, ni avec la largeur de la Niche, ni avec |e diamètre de la colonne : défaut qui produit de trop petits împoftes & de trop petites archivoltes. Au-deffus de cette dernière on remar- que .cependant une aiTe.z grande plate r bande, & plus haut une petite table entourée d'un champ & de pluiieurs moulures plus petites encore. Sans doute r.Architeûë , enfaifant cette table peu éle- vée , a craint de la faire difputer de hauteur avec celle placée au-deifous de cette Niche ; mais noui, te fil - |
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^Architecture; in
ïië {aurions foufcrire à ces différentes Cöniidéra*
rions, non plus qu'au parti qu'il a pris de faire continuer au-deiïbus de cette table inférieure, leS moulures de la bafe de l'ordre ; ce qu'il à néan* moins obfervé dans tous les petits entrécolonné- ments du rez - de - chauffée & du premier étage* I cette continuité eil contre toute idée de vraiflem-'
fclance ; on n'auroit pas dû l'imiter dans ïé nouvel étage ajouté depuis à cet édifice; c'eil un exem- ple qu'il faut bien fe garder de fuivre, les ordres qui donnent le ton à l'ordonnance, devant préé- miner feuls dans la décoration. L'Architecle nö doit jamais fe permettre cette continuité d'une colonne à l'autre ; elle ne montre tout au plus, dans fes productions , qu'une abondante ilérilité f condamnable à tous égards» Ces bafes ainii con- tinuées) ne font pas plus tolérables queleierok la continuité des chapiteaux dans les entrecolon- nements. On s'eit quelquefois permis cet abus de continuer les chapiteaux dans les étages attiques % comme on le remarque à la façade de Verfaiiles , au Palais du Luxembourg & ailleurs ; mais ce font autant d'exemples »à éviter * quoique ces fortes d'étages n'exigent pas, à beaucoup près , la févé- rite qu'on doit obferver dans ceux où les ordres réguliers préiidenté , ; r: Au-deffus de la table fupérieure de cette Niché |
eil fculpté un croiiîant, enlacé de deux branches de laurier en fautoir : au » deiïus de ce croiffant on remarque une couronne royale; elle occupe la diilance qui fe rencontré entre la corniche de la table, & la continuité de l'aitràgale d'une co* lonne à l'autre. Nous n'approuvons pas plus cet ailragale que les moulures dès bafes que nous Venons de condamner, & qui fe remarquent néan; ,. · '· Ν ij '
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i$6 Cours
moins dans les trois figures A, B, C, tracées
fur la planche que nous décrivons. Entre cet aftaa- gale & l'architrave de l'entablement, on voit urt chiiFre compofé de deux D contrariés. Toutes ces petites parties font richefle fans doute ;
mais nous ne faurions convenir qu'elles fàffënt beauté : les profils en font purs à la vérité, & les ornements de la plus belle exécution ; mais ils nous parohTent autant de pièces de rapport & de rem- pliiTage , qui ôtent à cette ordonnance l'air de grandeur & de dignité que doit préfenter la déco- ration des Palais des Rois. Ajoutons à cela que les tables font incruftées en marbre : incruitation qui n'eft guère tolérable que dans le cas où ces tables font deftinées à recevoir des infcnptions ; or ce n'eft point ici le lieu. Lorfque nous avons parlé, planche IV de ce volume , page 61, du grand avant-corps de ce Palais, qui donne entrée au porche du côté de la rue Fromanteau , nous n'avons pas craint de défapprouver ces fortes de tables qu'on a placées fur toutes les croifées des avant-corps , comprifes dans la hauteur de l'archi- trave & de la frife de l'entablement. La figure Β donne la Niche du premier étage,
du côté de la cour ; elle eft d'une proportion beaucoup plus courte que la précédente : fon im- porte, qui fe contre - profile, & fon archivolte, paroiffent d'autant plus maigres, que les piçds- droits font d'une largeur allez confidérable : cette largeur eft occafionnée par le retréciffement de la colonne , qui, étant engagée d'un demi-module, fe découvre dans l'exécution, beaucoup plus qu'on ne le remarque ici ; car le vrai diamètre de l'ordre mafque géométralement une partie de la largeur de ce pied-droit. La plate-bande placée au-deffus |
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d'Architecture. 197
de cette Niche, au contraire , nous femble lourde»
ainfi que nous l'avons obfervé en parlant de celle de la figure A : nous portons le même jugement de la féconde plate-bande, placée au - deffus du médaillon. Le médaillon nous paroît faire un afiez bel effet ; mais ce genre d'ornement ne de- vroit il pas être réfervé pour les fêtes publiques» & deiliné à contenir des bas-reliefs, des emblè- mes , des devifes, &c, On ne remarque encore ici qu'une incruitation en marbre. Que fignifîent & la petite tête de lion & les gros feftons qui accompagnent ce médaillon? Ils femblent figurer affez mal avec les deux petites cornes d'abon- / dance, liées par un croifiant, & placées entre la
deuxième plate-bande & le deiîbus de l'architrave. Tranchons le mot ; ce ne font que des ornements ; & fans leur travail exquis, ils feroient fans prix aux yeux des ConnohTeurs intelligents , qui tou- jours aiment à fe rendre compte des intentions de l'Archite&e & des raifons qui l'ont déterminé à préférer telle ou telle allégorie: la Sculpture pour avoir été exécutée par une main habile, ne leur paroît pas moins déplacée , quand elle ne contri- bue pas à la beauté de l'ordonnance. La figure C donne la Niche du nouvel étage
qu'on a ajouté dernièrement aux façades de la cour du Vieux-Louvre, & qui fe trouve élevé à la place de l'attique que Pierre Lefcot avoit pra- tiqué au-deifus des deux ordres, lorfqu'il donna les deiïîns de ce Palais : cette Kiche y ainfi que l'ordonnance de ce nouvel étage, avoit été pro- jetée par Perrault, lorfqu après avoir élevé for» péryitile, il propoia de porter à une. plus gran- de hauteur, la façade de l'intérieur de la cour« Son intention étoit, i° De mettre plus de rela- |
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k$$ Cours
tipn entre rélévation de ce bâtiment & le diamètre
de la cour ; %° De détruire l'attique, & fur-tout Jes combles introduits par Lefcot ; 30 De mafquer du dedans de la cour la hauteur qu'il avoit cru devoir donner à fon péryftile, parce que ce péry- ilile devant être apperçu d'un point de diftance çonlidérable, la grandeur de cette façade exigeoît une élévation qui lui fût proportionnée. En con- séquence & après avoir tenté plufieurs moyens * tels que des Caryatides , un ordre François, &c. il avoit, fur fes deffins, fait exécuter en plâtre ? fon projet pour ce nouvel étage ; & c'eft d'après ce modele , à quelque légers changements près y qu'on vient d'exécuter dans la plus grande partie de la cour, le troifieme ordre qui s'y remarque; jl eil Corinthien, ainii que celui du rez-de-chauf- iee ; celui du milieu eil Compofite. Il eil aifé de remarquer que les pieds-droits de la Niche,dont nous parlons, font encore plus forts que ceux des Kiches précédentes. On auroit pu éviter ce défaut en faifant cette
Niche & celle de deiïbus un peu plus larges«,
Leur peu d'élévation d'ailleurs, comparée avec
celle du rez-de-chauffée , préfente une difpa-
Tïté qu'on auroit dû éviter. Par le moyen de
ççttQ plus grande élévation , on auroit pu fup-
primer la frife placée au - deffus de l'archivolte.
ï^ans cette frife fe remarquent des guillochis,
genre d'ornement devenu trivial depuis l'abus
«u'en ont fait la plupart de nos jeunes Artiftes.
fis ont cru fans doute enfanter des chefs-d'œuvre,
f en renouvelant des Grecs cette efpèce d'orne-
ment. Il eft vrai que les guillochis convenable-
-feçnt placés dans l'Arçhiteoure, peuvent produire
:*m aitez. J?qiî effet j mais il faut pour cela qu'il«
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D ' A R C Η Ι Τ E C Τ U R Ε. cl$$
fe trouvent aiîbrtis avec le ^genre dé l'ordre &
de la fculpture qui préfide dans l'ordonnance de l'édifice. Au-defTus de cette frife eil une tablé couronnée d'une corniche, & celle - ci d'un L , d'une X & d'un V, faifant alluiion à Louis XV, du nom , fous le regne duquel ce dernier étage vient d'être élevé. Cette efpèce de chifre eft en- lacée par deux branches de laurier en fautoir. Enfin entre l'aitragale & le deffous de l'architrave > fe remarque une autre frife contenant une couronne de fleurs , traverfée par deux bâtons royaux. Nous ne répéterons point combien il feroit
intéreffant d'éviter, dans ces productions , tant de petites parties ; on fait qu'elles font à peine tolérables , lorfque la néceffité oblige l'Architecte à faire ufage d'un grand ordre , dont les entreco- lonnements ne peuvent permettre un,certain écar- tement, à cauie de la folidité qu'exige la portée de leur plate-bande. Nous remarquerons feulement: que les Niches de ces trois figures » A, Β, C , font plus profondes d'environ trois pouces , que la moitié de leur diamètre, ce qui fait paroître leur cul-de-four trop caverneux. Nous ne pouvons rendre compte du motif qui a déterminé Γ Ar- chitecte à en ufer ainfi. Peut-être pourroit-on imi- ter cet exemple, lorfque le cul-de-four fe trou- veroit orné d'une coquille, dont la. faillie infé- rieure feroit capable de racheter cette profondeur & dans le cas où les ftatues que l'on placeroit dans ces Niches, devraient acquérir une certaine capacité, comme dans les ordonnances Tofcanes & Doriques ; mais toujours en fuppofant que cette forte de décoration feroit appliquée à des édifices publics, ou dans nos maifons Royales : car au- trement dans nos bâtiments particuliers, dont les Niv,
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200 Cours
murs de face font d'une médiocre épaifleur, au-
lieu de faire ces Niches au-delà du demi cercle, il conviendroit plutôt de les faire elliptiques, pour procurer moins d'altération à la folidité de ces murs de face. Nous n'avons pas placé de ftatues dans les Niches de cette planche, parce qu'il n'y en a point dans celles du Palais où elles ont été prifes , & que d'a.lleurs elles y auroient peut-être paru trop petites. Lors de la dernière reftaura- tion de cet édifice, nauroit-on pas pu remplir les cavités qu'occauonnent cesSNiches, & fupprimer toutes les plates - bandes horifontales , la conti- nuité des baies, celle des aftragales, &c. Tous ces membres nous paroiffent nuire au plaiiir qu'on éprouve en examinant la hauteur du fût d'une colonne : en effet, la colonne ne paroît jamais plus belle, que quand nul corps horifontal n'en approche d'aflez près, pour ôteràl'œuil du fpe&a- teur la beauté de fa tige, de fa bafe & de fon chapiteau. DES STATUES EN GÉNÉRAL.
Dans les définitions du premier volume, page
311, nous avons dit quelque chofe de la pro- portion que les itatues en général doivent avoir avec l'ordre. Notre objet alors étoit de déterminer ce qu'on devoir entendre par les Statues propre- ment dites, & Îqs autres représentations du corps humain, connues fous la dénomination de figures, foit aififes, foit à genoux, foit couchées. Il s'agit d'entrer ici dans de plus grands détails , qui nous faifent parvenir à connoître plus poiitivement les rapports que les Statues & les Figures doivent avoir entr elles , & avec la proportion & l'expref- fion de l'ordre qui préfide dans l'ordonnance des bâtiments. - |
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d'Architecture. tot
En général les Statues doivent être amenées
dans la décoration des édifices , pour contribuer à fymbolifer le genre du monument, fur - tout lorique l'ordonnance d'Architecture femble infufî- fante pour défigner, au premier afped, le motif qui en a déterminé l'érection. En effet, ne peut- il pas arriver qu'on emploie l'ordre Dorique dan$ des projets de genres différents, & que la feule expreffion ne puiife annoncer aifez diilin&ement l'ufage particulier du bâtiment ? Ou bien ne peut-il pas fe faire, qu'en admettant dans la décoration d'un édifice des ordres différents à chaque étage, chacune des Statues qu'on y placera , quoiqu'en rapport avec les différents ordres , ne forme, dans l'enfemble, qu'une beauté déplacée, fi les allégo- ries qui accompagnent ces Statues ne préfentent, fans équivoque , que l'édifice eil dédié à la Guerre» à la Paix, aux Beaux-Arts, &c. Cette dernière confidération doit porter l'Archi-
tecte, ainfique nous l'avons recommandé ailleurs, à faire un choix prudent de l'un des ordres, pour établir fon ordonnance. On peut néanmoins,comme nous venons de le dire , faire ufage des mêmes or- dres , & employer des Statues de genres différents » pourvu toutefois qu'on évite de fubftituer des Figu- res de Femmes , où les Statues des Héros convien- droient, ou d'employer des Figures Geleites ou celles de la Fable devroient être préférées. Ce moyen eft aifé fans doute, lorfqu'il ne s'agit que d'un portique où un feul ordre préfide ; il eir. facile alors de faire choix d'attributs de Sculpture pour embellir fes façades ; mais quelles difficultés n'éprouve-t-on point, lorfqu'il s'agit d'un monu- ment d'importance où regne le faite de plufieurs ordres ? Le mouvement qu'il convient de donner |
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%0Ï C O V R 9
à la diilribution intérieure du bâtiment, exige une
attention particuliere & une expérience confom* niée, pour qu'aucunes de ces beautés ne fe dé- mentent Tune l'autre ; & que par des traniitions heureufes que les reflburces de l'art & le goût, peuvent feuls infpirer , toutes ces parties réunies produifent cet enfemble intéreffant, qu'on ne re- marque guère que dans les productions des hom- ; mes les plus célèbres. t Qu'on fe rappelle quelle combinaiibn François
Manfard a fu mettre dans la réunion des trois ordres Grecs dont il a embelli le Château de Maifons. Ces ordres Dorique , Ionique & Corinthien, fans rien perdre de leur caraclere, préfentent néanmoins aux yeux intelligents, des modifications fijuitement ré- parties , qu'ils femblent ne faire qu'un feul & même tout. De même il convient que toutes les Statues d'un édifice, quoique différentes de proportions , de fymboles & d'exprelîions , ne préiéntent qu'un feul & même enfemble : c'eft de là , n'en doutons point, que dépend l'harmonie qu'on remarque dans l'ordonnance d'un monument ; autrement FAr- chiteclure & la Sculpture ne font plus que des beautés diiparates, qui, à la vérité , fe font admirer féparément, mais qui perdent la plus grande partie cle leur triomphe, par le défaut d'analogie qu'on remarque entre les Statues & les ordres , entre la marche de l'Archite&e & la touche du Sculpteur. Qu'on fe reffouvienne donc , que la Sculpture
eil abfolument inutile à l'Archite&ure, ii elle ne la fait valoir & fi elle ne l'embellit > que l'Ar- chitecture fefuffità elle-même, ii elle eil regu- liere ; qu'en un mot, la Sculpture n'eil pas plus néceiTaire à Γ Architecture , que la décoration ne feil à l'art de bâtir proprement dit 5 qui, coîhîîii |
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d'Architecture.' to$
©η fait, n'a befoin que de folidité , de commodité
& de fymétrie ; qu'enfin on ne devroit réunir la Sculpture à l'Architecture , que quand il s'agit d'ériger des Temples à la Divinité , d'élever des monuments publics dans les Cités, des demeures de la plus grande magnificence pour le Souverain; & que c'ert dans ces feules occaiions d'éclat, qu'il convient d'employer tout ce que les Beaux- Arts peuvent offrir de beautés & de perfecldon. Combien de fois n'avons-nous pas été fur-
pris , lorfqu'au pied de la plupart de nos édifi- ces , nous n'avons remarqué que de la Sculpture, fou vent belle à la vérité, mais encore plus fou- vent fans choix , fans difcrétion & fans conve- nance. Précédemment on afFectoit trop de fim- plicité clans les dehors , pendant qu'on ornoît les dedans jufqu'à la profufion : aujourd'hui on pro- digue la fculpture dans nos façades jufqu'à l'excès* Il y a peu de maifons particulières qui ne pren- nent le ton de nos Hôtels ; & peu d'Hôtels où l'on Remprunte l'importance de nos Palais ; on parvient par là fans doute à faire riche ; mais qu'il y a loia de cette richeffe aux vraies beautés de l'Art i On fait auiïi les dedans magnifiques; maisfouvent
cette magnificence n'eft que du faile ; on ne craint pas d'allier les chimères à la réalité, l'ancien avec le moderne , le pefant avec le délicat. Le vrai point de diftance d'où toutes ces parties doivent être apperçues , devient une énigme pour l'exami- nateur ; il eft forcé de s'éloigner pour apperce- voir l'Architecture, de fe rapprocher pour con- iidérer la Sculpture , de chercher un nouveau point de vue , pour juger de la peinture, des rehauffés d'or, &c. Comment concevoir qu'on s'accorde fi peu fur les lois de l'unité ? Nous |
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S04 Cours
croyons l'entrevoir: la plupart des Décorateurs,
( car nous n'entendons pas parler ici des vrais Architectes) la plupart des Décorateurs, difons- nous , féduits par la facilité de leur crayon ou de celui d'autrui, s'abufent fur la véritable forme des ornements, fur la prudence qu'ils devroient ob- ferve r dans l'emploi des itatues , des figures & des bas-n sliefs dont ils décorent l'extérieur & l'intérieur de le urs bâtiments. Pleins de leur premiere idée , ne revenant jamais fur leurs pas, ils la confient à des Artiftes , qui, quoiqu'habïles , ont fouvent intérêt d'ajouter encore auxpenfees de l'Architecte: de là. la fource de la prodigalité de la fculpture qu'on remarque dans les nouvelles productions de nos j ours : de là enfin l'abus d'une richeiïe indif- crète , qui, toujours prife aux dépens des beautés fimphes de l'Architecture, n'offre le plus fouvent qu'un enfemble compofé de quelques parties affez eftimables à la vérité , mais qui n'en préfentent pas moins un tout défafforti. Au reile , quittons cette digreiîion, & revenons à la proportion qu'il con- vient de donner aux Statues, relativement aux diffé- rents· genres, à la hauteur & à l'étendue des édifices. De la proportion des Statues.
Nous avons précédemment avancé , d'une ma-
nier« 2 générale, que les Statues dont on décoroit les ifaçades, dévoient avoir de hauteur, environ le tiers de celle des colonnes , foit que l'ordre préftde ou non dans l'édifice : nous obferverons ici, qu'avant de déterminer leur proportion, il faut avoir égard à la lituation des ordres & à leurs diférents diamètres, pour que ces Statues ne p«aroiffent jamais ni trop petites ni trop gigan-, tefques dans l'ordonnance Jdu monument. |
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d'Architecture. 205
Pour parvenir à donner aux Statues un ;juile
rapport, à raifon de la diveriité des ordres, fup- potes réduits à une commune hauteur, il comment de confidérer d'abord, quelle eil la différence de leur expreiïion, puifqu'autrement celle en rapport avec le Tofcan , deviendroit trop maffive pour le Corinthien ; enfuite il faut concevoir que la pro- portion d'une Statue déterminée pour une colonne de foixante pieds de hauteur, doit diférer de celle qui n'en auroit que vingt, &c. Plufieurs Architectes font d'avis, d'après le (en-
timent de M. Defgodets (0), que les Statues qu'ont veut placer fur trois ordres élevés les uns au - deffus des autres, comme au portail de l'Eglife de Saint-Gervais , dans la cour du Vieux- Louvre , au Château de Maifons & ailleurs, doi- vent toutes être réduites à une même propor- tion , malgré l'inégalité de hauteur & de diamètre obfervée dans les ordres ; parce que, difent-ils, la comparaifon qu'on fait de ces Statues eil plus frap- pante que le défaut de rapport qu'on pourroit remar- quer entr'elles & celui qu'elles devroient avoir avec chaque ordre. Cela peut être vrai, quoiqu'affez généralement mal obfervé dans nos édifices ; mais pour trouver plus précifément la juile hauteur qu'il convient de donner à chaque Statue, établirons les proportions extrêmes qu'elles doivent avoir par |
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(o) Antoine Defgodets } Architecte du Roi, né en i£f j ,
mort en 1718 ; il a été Profeiïeur de l'Académie Royale d'Ar- chireélure : place qu'il a remplie avec le plus grand fuccès. Il nous relie de eet habile Architeóte, plufieurs manufcrits con- cernant les ordres d'Arehitc&ure, les ûs & coutumes ,'& la coupe des pierres. On a aum* de lui mi livre fort eftimé, inti- tulé : Edifices antiques de Rome 3 defmês & mefurés tres-eXaäe- ment fur les lieux. C'eft en allant à Rome , qu'il fut pris & conduit à Alger % otj il demeura en eiçiavage environ feize mois. |
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àoo Cour»
rapport à chaque ordre; après quoi il fera faciî©
de trouver, par une moyenne arithmétique, la commune proportion qu'on devra donner à celles qui décorent les différents étages d'un bâtiment* Suppofons les cinq ordres élevés chacun iépa-
rénient & ayant dix pieds de hauteur feulement ; le diamètre du bas de la colonne Tofcane feroit de dix-fept pouces ; celui de la colonne Dorique de quinze pouces ; celui de la colonne Ionique de trei- ze pouces & demi, & celui des colonnes Corin- thiennes & Comportes d'un pied. On donneroit alors à la Statue deitinée à Tordre Tofcan, quatre diamètres inférieurs, fàifant cinq pieds huit pou- ces ; à celle de l'ordre Dorique , quatre diamètres un tiers, valant cinq pieds cinq pouces ; à celle de Tordre Ionique , quatre diamètres deux tiers, va- lant cinq pieds deux pouces ; & enfin aux Statues des deux derniers ordres, cinq diamètres valant cinq pieds. Suppofons à préfent des colonnes de foixante
pieds de hauteur : le diamètre de la colonne Tof- cane auroit huit pieds fept pouces ; celui de la colonne Dorique, fept pieds fix pouces ; celui de la colonne Ionique, fix pieds huit pouces; & 'ceux des colonnes Corinthiennes & Comportes, iix pieds : d'où il fuivroit que la Statue de Tordre f Toican devroit avoir deux diamètres , valant dix- fept pieds deux pouces ; celle de l'ordre Dori- que , deux diamètres un fixieme , valant feize pieds un quart ; celle de la colonne Ionique, deux diamètres un tiers, valant quinze pieds fix pouces ; enfin les Statues des deux derniers or- dres , deux diamètres & demi, valant quinze pieds. D'après ces hauteurs extrêmes, pour les colon-
ues de dix pieds ou de foixante pieds de hauteur^ |
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d'Architecture. %cy
€>n devi'a avoir recours à une moyenne arithmé*
tique, entre dix & foixante, pour affigner une proportion convenable aux Statues , relative à* celle des colonnes intermédiaires. Par exemple , d'après ce qui vient d'être dit, la Statue ayant cinq pieds pour une colonne de dix, & quinze pour une de foixante; les Statues pour celles de vingt, feront de fépt pieds de hauteur ; celles pour une colonne de trente, de neuf pieds; celles pour une colonne de quarante, de onze pieds ; & celles pour une colonne de cinquante, de treize pieds , & ainfi des autres, coniidérées tant au·. deiîus qu'au-deffous de dix ou de foixante pieds. Nous rappellerons encore , qu'à l'égard des
Statues placées dans les bâtiments où pluneurs ordres fe trouvent furmontés les uns par les autres , on trouvera, par la regle qui vient d'être expli- quée , les diverfes hauteurs des Statues de l'ordre fupérieur & inférieur, relativement à la diverfe élévation & aux différents diamètres de ces der- niers ; en forte qu'en additionnant la hauteur que doit avoir celle du premier ordre avec celle du dernier, on prendra la moitié du produit des deux fommes pour établir la'commune proportion de toutes les Statues ou Figures répandues dans les façades , tant pour les Statues des ordres infé- rieurs que fupérieurs & intermédiaires. D'après le compte que nous venons de rendre,'
il efc évident; que lorfqu'on fait ufage de petites colonnes , telles que de dix pieds de hauteur, on donne aux Statues la moitié de cette hauteur, & que l'on ne donne que le quart aux Statues des ordres qui en ont foixante* On peut donc établir pour regle générale, comme nous l'avons déjà avancé, que la hauteur des Statues doit être fixée raup cin<j ■■ ■ î'é- ' - ' '\
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fixiemes au moins , ou au tiers au plus de celle
des colonnes ; or l'on ne doit jamais, félon nous, employer dans les dehors, des colonnes de dix pieds. D'ailleurs il eft aflez rare qu'on ait occa- îion, particulièrement dans les bâtiments d'habi- tation des plus grands Seigneurs , d'élever les co- lonnes jufqu'à foixante pieds. Nous finirons ces obfervations par dire , que
lorfqu'il s'agira de couronner les étages attiques, par des Statues ou des Figures, que celles-ci de- vront avoir un lixieme de moins que la hauteur qui vient d'être prefcrite pour les étages ré- guliers , les feuls abiblument où l'on puiffe em- ployer les ordres d'Architefture ; & que lorfqu'il s'agira feulement de figures en bas-relief, enfer- mées dans des tables, ou contenues dans des mé- daillons, la proportion des figures de ces bas-re- liefs , eil indépendante des regies que nous venons de prefcrire. C'eil alors à la prudence de TArchi- teûe , de leur établir un nouveau rapport, mais toutefois relatif, autant qu'il eft poiîibie , au ca- ra ûere de l'ordonnance. Car on ne doit jamais oppofer de trop petits objets où regne une fcul- pture gigantefque, & où la convenance de l'édifice permet de forcer ou de diminuer le module de l'ordre, à raifon de l'importance, de l'étendue & de la fituation du bâtiment. DES BALUSTRADES EN GÉNÉRAL.
Dans les définitions du premier volume de ce
Cours, page 31 ζ , nous avons donné quelques notions concernant les baluftres & les baluftrades : nous avons auiîî marqué, dans ces définitions, le rapport que celles-ci dévoient avoir avec les
Statues
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» * A R e h ι τ ι e t ϋ re:
Statues ■& avec les ordres d'Architecture répandus
dans le bâtiment. Entrons à préfent dans quelques difcuiïîons, ainii que nous l'avons promis, & citons divers exemples qui confirment à nos Elevés la néceiïïté d'étudier, en particulier, toutes les parties de l'Art, s'ils veulent parvenir lin jour à donner à leurs oeuvres le dernier degré de perfection. Jufquà préfent, à l'exception de quelques Ar-'.·
diiteftes célèbres , le plus grand nombre s eil con- tenté de reconnoître que les baluitrades en géné- ral , produifoient un affez bel effet dans la décora- tion des édifices importants ; de là on en a terminé" la partie fupériëure de prefque toutes les pro- ductions d'Architedhire, on en a introduit au bas" des cróifées, on les a fait fervir d'appui aux "ter- rafles y mais fouvent fans s'embarraffer du rapport qu'elles dévoient avoir avec les principaux mem- bres diitribués dans les façades , ni de l'expref- fion'qu'elles dévoient emprunter du caracfere de l'ordre auquel elles fervoient de couronnement, ou au pied^ duquel elles fe trouvoient fitÎïëes ; " en forte qu'on en remarque de proportion Tof- ' cane, élevées fur un ordre Corinthien , comme au Palais des Tuileries ; de proportion Corin- thienne , fur un ordre Dorique, comme au Palais du Luxembourg: dans d'autres édifices, on trouve des travées de baluftres, qui, au-lieïï d'être dif- pofées directement à plomb des éntrecolonnements, continuent indiftin&ement & fur les pleins & fur **$fvides de la décoration de la façade, comme a l'Hôtel de Lambert, faubourg Saint - Germain ; pendant qu au Château de Sairit-Cloud on n<e voit que les travées de deux ou trois baluftres, placé? aii-deCus des petits éntrecolonnements qui ternu- - lient les angles des ajles de ce Château. Joint lll% ■ ^ ; Q
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âio Cours
Ces inadvertences ne Tont pas fes feules qui f@
remarquent à cet égard dans la plupart de nos édifi- ces François. Tantôt le dé des piédeilaux qui dé- termine la hauteur dubaliiiireerl fi peu élevé., que ce dernier ne conferve aucun rapport avec le diamètre de l'ordre : tantôt il a tant de hauteur, que le baluilre paroît gigantefque, comparé avec les autres membres de la baluilrade & avec la pro- portion de la colonne , qui auroit dû lui affigner fa véritable grandeur. Nous ne rapporterons aucun exemple de ce genre ; il faudroit citer lès cinq fixiemes des Hôtels élevés dans le feul faubourg Saint-Germain. Dans d'autres édifices, plus célèbres.à la vé-
rité , on a ufé d'un moyen que nous ne confeil- lerons cependant jamais a nos élevés d'imiter. Par exemple, au portail de l'Eglife de la Sorbone, la hauteur du baluilre eil bien affujétie au diamè- tre du pilailre, comme nous le recommandons ; mais la hauteur du dé du piédeilal de l'ordre fu- périeur , eil ii confidérable , que Le Mercier, qui en a été l'Architecte , dans la crainte que fon ba- luilre ne devînt gigantefque , Ta élevé fur un petit piédeilal : refîburce chétive néanmoins, & qui produit le plus mauvais eiiet à l'œuil. Au Château de Maiibns, François Manfard, au pied de fon ordre Dorique, du côté des jardins , s'efl trouvé dans le même cas ; mais au-lieu de placer un piédeilal fous chaque baluilre, il a fait régner un fócle continu qui occupe en hauteur le tiers du dé de fon piédeilal : ce focle continu eil moins choquant que les petits piédeilaux de la Sorbone ; cependant M, Cartaud n'a pas craint d'imiter ce dernier exemple, au portail de l'Eglife des Bar- nabites ; nous ofons avancer que ni l'un ni l'autre |
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d'Architecture, ui
ne peuvent être employés raifonnahlement, puifqiie
ces expédients dénotent linconféquence d'em- ployer un piédeftal fous l'ordre d'Architecture ; fa hauteur, non-feulement nuifant à l'élévation de la colonne , mais forçant pour ainfi dire l'Architeéte, à ne pouvoir conferver aucun rapport entre la ba* luftradé & le piédeilal qui foutient l'ordonnance. Quelques Archite&es, pour éviter ce double
inconvénient, ont pris le parti de fe paffer de ba- luirres & de baluilrades fur l'entablement du pre- mier ordre, comme on le remarque aux portails des Invalides, de l'Oratoire, à celui de Saint-Roch & ailleurs; nouveau moyen qui rend la décora·» tion imparfaite. On pourroit éviter ce défaut „ û lors de la compoiîtion des maffes de fon édifice on fe rendoit compte des parties principales , & enfuite des plus petits détails. Sans ces précau- tions, il n'en faut point douter, on ne parvien- dra jamais à foutenir le ffyle qu'on aura choiii, pour, cara&érifer le genre du monument. Les baluftres & les baluftrades du Château de
Clagny, ceux des tribunes de l'intérieur de 1Έ- glife de l'Oratoire 5 & ceux de la Chapelle de Verfailles nous ont toujours pacu préférables à tout autre exemple en ce genre; encore fommes- nous forcés de l'avouer, le galbe de ces différents baluftres eil trop uniforme. Il eft vrai que tous trois appartiennent à des ordres délicats ; mais la- grandeur des uns , la richeffe de ceux-ci, & l'on peut dire la iimplicité de ceux-là, dévoient mon- trer quelque différence dans leurs contours &; leurs profils. Aufli, pour faire fentir à nos Elevés combien il eft intéreffant que chaque baluftre ou chaque baluitrade en particulier, non - feulement Henne du caractère des différents ordres, mais Oij
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%l% C OURS A r
acquière cette variété que peut comporter chacun
de ces derniers , coniidérés féparément ; nous allons donner > dans les planches fuivantes, cinq efpèces de Baluilres , qui, exprimant l'image de la ruâiçité Tofcane, de la virilité Dorique, &c. jufqu'à Tordre Compofite Romain, préienteront le moyen de parvenir à faire autant de defîins de Baluftres , que TArchitecle a occafion d'en com- poler-.de nouveaux , pour fatisfaire à tous les différents genres de décorations : après quoi nous en donnerons d'autres d'un deffin moins féyere, deftinés pour l'intérieur des veilibules , des efca- liers, des porches, desiportiques : enfin quelques autres encore propres à être placés aux pieds des eitrades , dans les falies du Trône, dans les cham- bres de Parade, &c. ? * Φ λ Proportions des Balu strades
ET DES BaLUSTR.es. 'i r
Planches XLI, XLII & XLTli;
Nous avons déjà avancé qu'on diitingu©it dans
ÎArchite&ure deux fortes de Baluftrades, les unes fervant de couronnement aux édifices, les autres fervant feulement d'appuiaux efcaliers, aux croi- fées & aux terraffes ; nous dirons à préfent, que la proportion générale des-premières , eft d'avoir de hauteur le quart de Tordre , & chacune en particulier une proportion différente, à raifon de la plus ou moins grande élévation des co- lonnes & des pilaitres ; parce que les Baluitrades comme les niches , doivent avoir une, relation in- time avec les ilatues, & toutes avec le module qui affîgne la correfpondançe que les divers membres d'Architecture & les différentes efpèces d'ornements. |
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d'Architecture. ίι%
doivent avoir enfemble dans une même façade.
A l'égard des fécondes Baluftrades, leur hauteur
diffère des précédentes; elles doivent être afTu- jéties à la hauteur des appuis, déterminés, comme nous l'avons dit ailleurs , à deux pieds & demi au moins, ou à trois pieds un quart au plus, en faveur de la relation qu'elles doivent avoir dans les bâti- ments d'habitation, avec la grandeur humaine. Dans l'un & l'autre cas de ces Baluftrades , ίί
faut favoir que les Baluftres , dont la hauteur occupe celle du dé de ces mêmes Baluftrades , doit toujours être égale au diamètre de Tordre, & la tablette qui' les couronne , être d'un demi mo- dule ; en forte que dans les Baluftrades de couron- nement , leur focle fe trouve être égal à la hau- teur du Baluflre, & que dans celles d'appui, ce focle fe détermine à volonté (/» ) ; c'eft la feule différence qui doive fe remarquer entre l'une & l'aiiÊre Baluftrade. Avant d'entrer dans la proportion qui doit déter-
miner tous les membres d'Architecture qui confti« tuent les Baluftrades & les Baluilres , nous dirons qu'il faut faire en forte d'obferver, qu'entre deux baluftres il y ait autant de vide que le Baluflre a de diamètre; c'eft-à-dire, qu'entre deux cols, il fe trouve la largeur de la panfe du Baliiftre^ & entre deux pan fes la largeur d'un col (q) : nous T
('/>) La hauteur de ce focle, rendue égale à celle du Baluftrej
eft faite ainfi, parce que la faillie de la coxniche de l'entabls- ment fupérieur qui reçoit ces Baluftrades de couronnement ^ mafque néceiTairement la majeure partie de la hauteur, du focle dont nous parlons, (g) La ■ moitié de cette diftance doit s'obferver entre le pre«
mier Baluftre & le pied droit, l'alette ,. ou enfin l'acrotère ». comme quelques-uns l'appellent; membres qui fe placent ordi- sairemenç à côté des piédeiraiix à deiTein de recevoir la pos- O u\
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214 Cours
dirons encore, qu'il faut fe reiïbuvenir, ainiî que
nous l'avons déjà obfervé , de ne jamais mettre plus de treize Baluftres dans une travée , ni moins de cinq; enfin que chaque profil de Baluftre ou de Baluftrade, doit porter précifément le caraclere de Tordre : & fur-tout il ne faut jamais renverfer les Baluftres , comme quelques Architeites Font hafardé ; ce qui ne peut fe tolérer que dans la déco- ration des grotes , des fontaines , des baiîins , &c. Nous venons de dire, que les Baluftres doivent répondre aux différents caractères des ordres aux- quels ils appartiennent ; la même regle a lieu pour le profil des tablettes & celui des focles des Ba- luftrades. Λ Par exemple, pour donner à ces derniers une
proportion relative aux différents ordres : fuppô- fons ici, comme nous Pavons fait pour les ftatues, des colonnes de dix pieds & de foixante pieds , afin de déterminer les hauteurs extrêmes des Ba~ -luftrades, comparées aux petites ,& aux grandes
colonnes. Les Baluftrades de l'ordre Tofcan, deftinées
aux colonnes de dix pieds , auront deux diamètres &: un tiers du fût inférieur des colonnes, deux dia- mètres & demi pour Tordre Dorique, deux diamètres deux tiers pour Tordre Ionique, & deux diamètres cinq iixiemes pour les ordres Corinthien & Com- poiite. ,"·■
" tée des tablettes Aes Baluftrades. Quelquefois à la place de ce
pied-droit ou alette., on introduit un demi-baluftre , mais celui- là doit avoir la préférence iur celui-ci; nous le regardons même comme indifpenfable , quoiqu'on l'ait fuppnrné aux Baluftrades du Palais du Luxembourg. Le moins qu'on piviffe donner à ce pied-droit, eft la largeur d'un demi-baluftre , & le plus cil la moitié de la hauteur de ce même Baluftre , toujours réduite à deux modules. |
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d'Architecture. 215
Les Baluftrades Tofcanes, deftinées à couronner
des colonnes de ibixante pieds, auront un diamètre & un fixieme ; un diamètre un quart pour l'ordre Dorique , un diamètre un tiers pour Tordre Ioni- que , & un diamètre cinq douzièmes pour les ordres Corinthien & Compoiite. Entre la hauteur de ces colonnes de dix & de
foixante pieds , on réglera , par une moyenne arithmétique ? celle des baluftrades intermédiaires, en obfervant feulement que celles placées au-deffus des attiques, doivent avoir en hauteur un fixieme de moins que celles qui fe trouvent élevées fur les ordres d'Architecture réguliers. Ces hauteurs, une fois trouvées , il faut, com-
me dans la planche que nous décrivons , divifer la hauteur A, Β, en neuf parties , pour en don- ner quatre au focle Β, C, quatre au dé C, D, & une pour l'épaifteur de la tablette D , A. La hauteur du dé C, D , qu'occupe le baluftre,
fe doit divifer en cinq, depuis a jufqu'à b , pour en donner une à la hauteur du piédouche b , c ; puis il faut redivifer <z, c, encore en cinq parties égales , & en donner une à a, d, formant le cha- piteau du Baluftre ; enfuite divifer de nouveau, depuis c, jufqu'à d, en cinq pour trouver la tige du Baluftre; & l'on en donnera deux cinquièmes à la panfe c, e ; les trois reliants feront pour la hauteur du col, e, d. Nous venons ,de remarquer que les Baluftre«
& les Baluftrades dévoient emprunter leur cara- | Ôere de Texpreiîion des différents ordres ; de là il eft facile de concevoir , que les Baluftres Tof- cans doivent avoir plus de diamètre , que ceux Corinthiens & Compofites. Pour trouver la lar- * geur des premiers , on donnera à leur panfe ƒ 5 Oiv
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si6 Cours
les deux cinquièmes de leur hauteur, & feulement
un cinquième au col g; au contraire, on ne don- nera de largeur à la panfe h du Baluftre Corinthien ou Compoiite, que le tiers de fa hauteurs & le iîxieme au col i ; les autres Baîuitres, Doriques & Ioniques, fe trouveront par des moyennes pro- portionnelles entre ces deux extrêmes , & Ton ©bfervera feulement de donner au Baluilre Com- poiite , un tant foit peu plus de diamètre qu'au Corinthien. Dans toutes les efpèces de Baîuitres , la largeur
du bas du piédouche'X:, égalera la largeur de la panfe ; & la largeur de la gorge l de ce même piédouche devra être égale à celle du col. La faillie du chapiteau du Baluifce dçvra avoir le tiers de fa hauteur. Toutes les moulures qui ornent les haluifres,
àinii que celles de la tablette & du focle des Balu- ilrades , cloiverit puifer leur forme, leur expref- fion, leur iimplicité ou leur richeÎTe, de la pro- portion particuliere de chaque Baluilre , & de la relation que celui-ci doit avoir avec fordre«, tel à-peu-près que l'expriment les fix Baluftres ( r) |
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(r) La figure l Scia, figure II, font deux Baluftres Tofcans,;
Je premier ne diffère du fécond, qu'en ce que fon plan eil qiîâdrangulaire, & l'autre circulaire. Cedernier s'emploie or- dinairement dans les ordonnances o\i l'ordre Tofcan préiïde; l'autre feulement dans les ouvrages ruftiques proprement dits, comme aux terraifes, aux grotes, aux fontaines, Sic. Les figu- res III, IV.V&VI, donnent l'idée des Baluftres Doriques, Jpniques;ï Corinthiens & Compofites , qui, comme tels, font ornés de plus ou moiqs de moulures , & doivent avoir des galbes plus ou moins reflentis ; il n'y a pas rriême jufqu'aux tables qui ornent les dés des Baluftrades , qui doivent fe reifen- tir de cette différence, & qui pour cela doivent être Mes ois faillantes, arrafées ou rentrantes, comme l'expriment à-peu» près les fix figures tracées fur la plaachc dont nous parteas» |
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D ' A R C H I TEC TV R Ε. Ι Vf'
de la planche XLT, & qui tous font tracés'
de maniere qu'ils indiquent l'épaiiTeur des Balu- ilrades qui les reçoivent, la coupe de leur ta- blette , le focle qui les foutient, & la faillie dés piédeftaux qui féparent ordinairement les travées des Baluilrades. Ainfi la hauteur A, B, indique l'élé- vation extérieure de la Baluftrade ; & la hauteur E,F, le parement inférieur de cette même Baluftrade du côté de la terraffe ou des combles ; en forte que du côté E, F, cette Baluftrade , auffi-bien que toutes celles de cette planche, pourroit fervir d'ac- coudoir, & le côté A , D, C, Β , de Baluftrade de couronnement à un édifice d'importance. Les Baluftres & les Baluilrades ne s'emploient
pas feulement dans les façades des bâtiments, on en fait au/fi ufage dans les rampes des efcaliers intérieurs & extérieurs, fur les terraffes , &c. Mais il faut obferver que les Baluftres qu'on introduit dans les parties rampantes , ont deux inconvé- nients ; favoir , ou qu'il faut que les moulures des Baluilrades foient inclinées, comme A delà figure ï, planche XLII, ce qui eil la maniere la plus approuvée ; ou que les piédouches & les chapi- teaux foient horifontaux , comme Β , ainii que cela fe remarque à l'efcalier de l'Hôtel d'Auvergne, & à l'une des terraffes de Meudon. Le Cavalier Bernin a employé cette féconde maniere, même aux bafes & aux chapiteaux du grand efcalier du Vatican à Rome. Il y a deux chofes à remarquer dans cette maniere d'employer ces deux fortes de Baluftres dans les parties rampantes des efca- liers : la premiere , que les moulures inclinées du baluftre A , femblent annoncer la vétufté de la Baluftrade, les corps inclinés ne produifant jamais Un bon effet en Archkeâure, malgré l'habitude où |
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2i8 Cours
nous fommes de faire pyramider nos avant-corps
par des frontons triangulaires : la féconde , que lorfque Ton fait ces moulures horifontales, comme au Baluitre Β, la hauteur de la tige de* ce der* nier devient tpujours plus courte que celle des Baluitres qui fe trouvent diftribués dans les palliers de ces mêmes efcaliers, ce qui apporte une diffon- nance frappante, dans cette partie de la décora- tion : c'eft pourquoi plulieurs Architectes préfè- rent les rampes de fer auxBaluitrades; ce qui, à notre avis, eft plus infoutenable^encore : dau- tres y font ufage des entrelas , genre d'orne- ment fouvent préférable en pareille occafion , & aux baluftres rampants & aux rampes de fer, fur- tout lorfqu'il s'agit des efcaliers de nos maifons Royales ou des monuments publics de la premiere importance. Voyez plufieurs çteffins de ces entre- las , tracés au bas de la planche X L11, dont nous parlons. Nous avons dit précédemment que dans l'inté-
rieur des appartements, on introduifoit auffi des Baluilrades , dans les falies du trône, les chambres de parade , les falies du dais ,, &c. La planche XL1II, offre différents defiîns de Baluitres en ce genre, puifés dans nos décorations modernes , & dont la variété des formes peut fe multiplier à l'infini, félon le lieu où elles feront limées. Ces deiïins peuvent auffi fervir de modele, lorfqu'il s'agira d'orner les fermetures des Sanctuaires & des Chapelles de nos Temples; alors elles fe font en bronze doré d'or moulu , ou de marbre: ou l'on fait feulement leur tige en marbre, & lés ornements en bronze. |
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d'Architecture. 219
DES FRONTONS EN GÉNÉRAL.
Nous avons parlé fommaîremeht des Frontons ,*
premier volume , page 315; nous devons dire icij que l'origine de ces fortes d'amortiflements, car nous invitons nos Elevés à remonter toujours à la fource ; nous devons dire que les frontons; ont pris naiflance chez les Grecs , de la forme des toitures dont ces peuples couvroient leurs édifi- ces ,■& particulièrement leurs Temples. Or comme dans cette région une médiocre pente , dans les combles , fuffifoit pour écouler les eaux du Ciel, la forme triangulaire des pignons de leurs bâti- ments a donné l'idée aux Architedtes d'en former les Frontons dont nous parlons, pour en effacer la diiFormité ; en forte que quand dans des climats plus froids on s'eil trouvé forcé de donner plus de hauteur aux combles, les Frontons imaginés par les Grecs n'en ont pas moins confervé la propor- tion que nous allons donner incefTamment, en dé- crivant l'abus qui s'eil introduit depuis dans leur application & dans leur forme, lorsqu'une fois on eut perdu de vue le motif qui les avoit fait em- ployer avec tant de fuccès, pour fervir d'amor- tiffement aux chefs - d'œuvre de ces peuples , enfuite à ceux des Romains, & enfin dans ceux que les Manfards ont élevés en France, qui, bien moins tme tous les autres Architectes François ,. ont abufé de ce couronnement. Pour éviter de tomber dans l'abus des Frontons,
dont la multiplicité jète prefque toujours une mo- notonie infuportable dans les façades des bâtiments, il faut d'abord favoir que , comme les niches , ils ne conviennent pas par-tout ; quiîs réunifient bien |
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220 C O Ü R S
dans les Frontifplces des monuments facrés (s)%
qu'on peut les employer avec un égal fuccès à l'extrémité fupérieure des avant-corps des Edifi- ces publics & des Palais des Rois ; qu'afTez géné- ralement ils fe tolèrent dans les Bâtiments parti- culiers , lorfque cette forme pyramidale contribue à reflituer ce qui peut manquer entre le rapport de la hauteur d'un pavillon & fa largeur , com- parées enfemble. Mais que par une affectation peu mefurée, on en couronne indiitin&ement les croi- Îées , les niches & les tables répandues dans les façades ; certainement c'eil abufer de ce que l'art ne permet qu'en certaines occaiions, & toujours pour parvenir à la plus grande perfection. Le raifonnement de l'Art, ainii que nous l'avons
déjà dit plus d'une fois , exige auffi qu'on faife choix du Fronton circulaire ou du Fronton trian- gulaire , félon le genre de l'ordonnance ; car ces deux formes peuvent également s'employer avec fuccès, pourvu toutefois qu'on n'aille pas incon- iidérément employer le premier dans une- décora- tion Corinthienne , & au contraire, le Fronton triangulaire pour couronner un ordre Tofcan. Qu'on y prenne garde, c'eil encore un abus
d'en placer un à chaque étage du bâtiment. Rap- pelons-nous l'origine des Frontons ; d'après cela, ne le faifons couronner que le fommet de l'àvant- eorps , puifqu'il eil l'image de la couverture de l'édifice. Quoiqu'on fe foit écarté de cette regle |
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( s ) AuiIT François Blondel cîit-il exprefTément , que les An-
ciens ne donnaient jamais de Fronton qu'aux. Temples , confi- dérant cet ornement comme quelque chofe de f acre, lequel néan» moins pajfa , par l·, flaterie des Architectes , aux' façades des Valais des Empereurs ; & de là y 'par corruption s indifférent* ment à toute farte de bâtiment* |
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d'Architecture» 221
aux portails des Eglifes de Saint-Gervais, des Mini-
mes & du Val-de-Grâce, où, plus inconlidérément encore, on a placé un.Fronton triangulaire fur l'or- dre Dorique, & un circulaire fur l'ordre délicat ; elle., ne mérite pas moins d'être rigoureufement obfervée. Les deux, Frontons qu'on remarque au Frontifpice du Val-de-Grâce, auroierit dû tous deux être trian- gulaires; au refte, celui du premier ordre , à l'exemple du Panthéon, femble être autorifé par la faillie du porche extérieur que ce Fronton pa ■ roît couronner en particulier; au-lieu qu'à Saint- Gervais & aux Minimes, les deux qui s'y remar- quent couronnent un feul & même corps : exem- ples qu'il eft bon d'éviter. Quoique nous venions de dire que les Frontons
circulaires, pouvoient s'employer convenablement dans l'Architeclure ; il n'en eft pas moins vrai qu'on le doit faire le moins poffible dans la déco- ration extérieure des bâtiments. Les anciens ne-; les ont prefque jamais employés que dans l'inté- rieur, ou du moins dans les lieux couverts; on en remarque fur les tabernacles des Chapelles de la Rotonde,. & fur la plupart des niches de leurs thermes ou bains publics. Au contraire, ils, ont fait un très-fréquent ufage des Frontons trian- gulaires dans les dehors des édifices d'importance , & quelquefois même dans leurs bâtiments parti- culiers. Lorfque nous parlons des anciens monuments
d'Italie, nous entendons les édifices de l'ancien- ne Rome ; il faut bien fe garder de les con- fondre avec ceux de Rome moderne, leurs Ar- chitectes s'étanttout permis, & le Boromini ayant, pour ainii dire, achevé d'y corrompre le goût jde i'Archite&ure antique. Faule de fajre cette |
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diitin£Hon effencielle, la plupart de nos Eleven
François , que la libéralité du Prince conduit à Rome pour fe perfectionner dans leur Art, au- lieu des modèles les plus parfaits, ne nous rap- portent le plus fouvent que les écarts mis en œuvre par les Architectes italiens ; tandis qu'ils négli- gent l'étude des édifices les plus célèbres , aban- donnés & prefqu'enfevelis dans les entrailles dé cette premiere ville du monde. En effet combien de nos jeunes Architectes appor-
tent en France des bifarreries, que la crédulité de leurs Emules prend pour des miracles ; de là eil née chez nous cette multitude de Frontons enroulés, à pans, à refTauts, interrompus , coupés , inter- ceptés : exemples d'autant plus dangereux à imiter, que les Frontons triangulaires & circulaires, les feuls qu'on puiffe raifonnablemeht mettre en œu- vre , ne doivent s'employer qu'avec beaucoup de prudence & de circonfpe&ioh , ainfi que nous allons le recommander, en parlant en particulier de la proportion des Frontons δε de leurs orne- ments , auiïi-bien que des amortiiTements qu'on y fubftitue quelquefois, pour terminer la partie iupérieure des édifices. |
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©'Architecture. 223
De la proportion des Frontons.
Planche XL IV.
La proportion générale des Frontons, confifte à
donner à la perpendiculaire du triangle ifocele, dont ils empruntent la forme, la cinquième partie de fa bafe , comme l'exprime la figure I ; mais comme il peut arriver que fufage qu'on fait des Frontons dans la décoration des façades, exi»e qu'on leur donne, ou plus ou moins d'élévation ; on peut, dans le dernier cas , diviier leur bafe en vingt-quatre parties , pour en donner cinq à la perpendiculaire, comme dans la figure II, rap- port qui diffère peu de la démonitration de la figure*III, qui confiile à diviier l'étendue de la bafe B, C, en deux également, pour décrire du point A , comme centre , un demi-cercle Β , D, C ; & enfuite du point D, encore comme centre, d'écrire une portion de cercle B, E, C, dont le point Ε déterminera la hauteur du Fronton. Si au contraire on defiroit faire le Fronton un peu
plus élevé, on diviferoit la bafe du Fronton, en , Vingt-trois , au-lieu de vingt-quatre parties ; & l'on enprendroitcinq pour déterminer le fommet. Dans le cas où l'on auroit deffein d'élever moins le Fron- ton , on diviferoit fa bafe en vingt-cinq, pour donner cinq de ces parties à fa hauteur. D'après, ces trois manières d'établir la hauteur des Fron- tons ; les plus élevés font à leur largeur, comme cinq eft à vingt-trois ; la moyenne hauteur, comme cinq eil à vingt quatre ; enfin les moins élevés comme cmq , eit à vingt-cinq : en forte que par ces différents procédés, on pourra employer les |
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Frontons les moins élevés, les plus élevés ou leg
intermédiaires, fuivant qu'ils feront défîmes à cou- ronner des avant-corps qui auront, ou autant de largeur que de hauteur, ou le double de leur largeur, ou enfin qui feront entre Tune & l'autre dimen- fion. -· Ces différents procédés peuvent fervir également
pour les Frontons triangulaires, & pour les Frontons circulaires; ces derniers n'étant autre chofe que la repréfentation de l'arc, Β, Ε, C, déiigné feulement comme ligne de conilrudion dans la figure III. En général on diitingue deux parties principa-
les dans un Fronton ; premièrement fes trois cor- niches , lorsqu'il eil triangulaire, & feulement deux lorfqu'il eil circulaire : fecondement l'efpace compris entre fes corniches , efpace qu'on nomme tympan, lequel doit toujours tomber à plomb du fût ftipé- rieur des colonnes ou pilailres, des architraves, &. des frifes des entablements. La plupart des Archi- tectes ont ajouté une troifieme partie au Fronton : tel eil ce qui fe remarque dans la planche fuivante, & que Vitruve appelle acrotere , deiliné , dit-il5 à porter des ftatues , comme il s'en voit au porti- que du Panthéon, aux veiliges du Frontifpice de Néron, à celui du Temple de la Fortune Virile, & dans d'autres édifices antiques. Nos Architectes François, à l'exemple des anciens, ont auiîi em- ployés' ces acrotères ; mais comme ils ont fait un très-fréquent ufage des baiuilrades dans leurs édi- fices, ils fe font contentés le plus fouvent de ne con- {erver que celui pofé fur le fommet du Fronton, comme on le remarque au Château de Seaux, du côté de l'entrée, raporté auiîi dans l'une des planches fuivantes. Après ayoir réfléchi for la jufte proportion des Frontons
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d'Architectures %%$
Frontons , il faut fe rappeler que nous avons re*
commandé de ne jamais fe prêter à enrouler le ibmmet de leur corniche rampante , comme le pré- fente la figure IV , tracée fur la planche dont nous parlons ; ni les corniches rampantes, droites , circulaires ou interceptées, comme la figure V ; ni les Frontons en demi-cercle, comme la figure VI, quoique François Manfatd nous en ait laifTé deux exemples dans fes excellents ouvrages, Tun au portail de l'Eglife des Dames de Sainte-Marie , r,ue SAaillt-Antoine, lautre au Château de Blois , du côté de la cour ; ni les Frontons dont la bafe eft totalement interrompue , dans l'intention de donner plus d'élévation à un vitrail d'Egîife, comme le fait voir la figure VII. Il ne faut pas non plus imiter les trois Frontons placés l'uni dans l'autre, à la cour du Vieux-Louvre ; ni enfm les Frontons fans reflauts vers leur extrémité, tels qu'il s'en remarque fur l'attique de la fontaine des Saints - Innocents , tracé figure VIII. Ce font autant d'exemples que nous donnons , comme devant être profcrits de la belle Architeéture ; ils ne doivent jamais trouver place que dans les fabriques des tableaux ou des bas-reliefs, deftînés à repréfenter quelques fcènes arrivées du temps des Huns & des Vandales. La bafe des Frontons eir. toujours déterminée
par la largeur de l'avant-corps qui les reçoit; niais il faut combiner cette dernière, de façon que le Fronton ne puifle produire une forme trop pefante ni une bafe trop confidérable. Pour cela dans les bâtiments d'habitation, il faut, autant qnil eil poflible, ,qu'elle n'embrafle jamais au- delà de trois croifées. Celui du Château de Saint- Maur, près de Vincennes , qui en couronne cinq Joint ƒƒƒ. ρ ^9 |
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zi$ Cours
prouve ce que nous avançons ; & lorfque l'édifice
exige qu'on furpafTe ce nombre , il faut avoir recours à une autre forte d'amortiiTement. Il en eit autrement des avant - corps des monuments facrés & des édifices publics , où les Frontons peuvent régner fur un certain nombre d'entreco- îpnnements,-parce que leur Frontifpice doit an- noncer un air de grandeur & de dignité , qui, dans les bâtiments particuliers, indiqueroit plu- tôt une ordonnance gigantefque , qu'une Archi- tecture régulière & réfléchie. Les corniches rampantes des Frontons doivent
être abfolument compofées des mêmes membres & des mêmes moulures que les corniches horifonta- les qui couronnent le bâtiment. Nous difons que les corniches qui couronnent le bâtiment, ( car on doit obferver que fur celles qui fervent de baie au Fronton , on en doit retrancher la majeure ptartie de la cimaife fupérieure, non-feulement pour * procurer plus de hauteur au tympan, mais pour que le rayon vifuel mafque moins la perpendi^ cùlaire de ce même tympan , auiîi-bien que les blâfons & les bas - reliefs, dont cet efpace eit, ordinairement orné. Il faut prendre garde que la fuppreffion de cette cimaife horifontale, occafion- ne fur l'angle de la corniche en retour, ou une croifette , comme la figure IX 3 ou un membre plus fort, comme la figure X, ou enfin un profil camus , comme la figure XI ; mais que néan- moins , d'après le fentiment du plus grand nombre des Architectes , il faut préférer ce dernier parti, afin d'éviter, d'une part , la difparité quife rencon- trerait entre les principales moulures de la cimaife fupérieure des corniches droites & rampantes ; & de l'autre, le retour en crofTette qui préfente quel- que chofe de défe&ueux à fceuil. |
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d'Architecture; ιιψ
ÎÏ eil une autre obfervation à faire touchant
tes mutules ou les modulons , dont les corni- ches droites & les corniches rampantes ou ckt, culaires des Frontons font ordinairement ornées· De deux chofes l'une, ou ces deux efpèces de membres dans les corniches obliques, doivent être perpendiculaires à leur ligne inclinée, ou ces mem- bres doivent Ferre à la corniche horifontale. Ce dernier moyen a été fuivi du plus grand nom- bre. D'autres ont prétendu qu'il vaut mieux les retourner d'équerre fur le rampant des Frontons, parce que repréfentant, difent-ils, les pannes du comble , il convient de les placer ajnii. Fran- çois Manfard, à Maifons 5 a tranché la difficul- té ; il a fupprimé les modulons dans fes cor- niches rampantes. S'il nous eil permis de dire notre fentiment à cet égard, nous fommes d'avis1 ? non de les fouilraire, parce qu'ils font toujours une perfection de plus dans la décoration, mais de les faire perpendiculaires à la corniche ram- pante ; i° parce que ces corniches inclinées font une fuite des corniches horifontales , étant com- posées des mêmes membres ; i° parce qu'il ne faudroit jamais introduire d'ornement dans les ci- maifes , qui, de néceiïïté, doivent fuivre la dire- ction des mutules ou des modulons , & qui pour cela doivent fe retourner d'équerre fur la direction rampante des corniches. Des Ornements dont on décore
les Frontons. Planches XLV & XLVl.
Les Fronions triangulaires ou circulaires qui fer-
vent à terminer les extrémités fupérieures âes corps Pij
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Ü2.8 Cours
principaux des édifices, font fufceptibles de plus
ou moins d'enrichilTement, félon qu'ils font appli- qués à des bâtiments publics ou pamcuiiejs. Nous offrons, dans cette planche & la fuivante, piulieurs ornements qui contribuent à leur embeliiiien+ent* Ces ornements font de deux fortes, ceux que ren- ferme le tympan, & ceux qui quelquefois fe pla- cent fur l'extrémité fupérieure, à la rencontre de leurs corniches rampantes : les premiers fe font en bas-relief, repréientant ou des armoiries accom- pagnées de trophées ou de figures , comme dans la figure A ; ou.des fujets allégoriques, relatifs à l'éreaion du monument , tels que celui de la figure Β ; ou feulement des attributs de guerre , comme celui de la figure C ; tous trois font tracés fur la planche XLV : les féconds font des figures de ronde-boffe , qui, par leurs divers attri- buts , fervent à fymbolifer » d'une maniere plus feniible encore, la deitination de l'édifice ; tels font les deux deflins déiignés par les figures A, Β , de la planche X L VI. Quelquefois auffi , lorf- qiion place un bas - relief dans le tympan, on porte un cartel fur le fommet du Fronton ; alors ce cartel contient le blâfon du propriétaire , & on Taccompagne de deux figures relatives à fa naif- fance , à fa dignité ou à fes exploits , comme l'ex- prime le cartel placé au-deiïus du bas - relief de la figure C de la même planche. 11 faut ufer de ces derniers enrichiiTements avec
beaucoup de circonfpe&ion ; nous l'avons déjà remarqué ailleurs. Ceft, pour ainfi dire, placer deux arnortifTements l'un fur l'autre , que dlntro- duire des figures δε des armoiries fur le fommec «Tun Fronton. Certainement ce double emploi n'eft pas toujours permis. Le Châteu de Marli, celui de |
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d'Architecture. ιι$
Seaux, ne fauroient nous déterminer à en approu-
ver l'ufage fréquent; il neft guère, tolérable que lorfqu'il s'agit de nos fêtes publiques, ou de quelques décorations théâtrales : les monuments durables de- mandant plutôt de la dignité que du faite. D'ailleurs nous ne connoiilbns point d'exemple dans l'antique, où Ton ait employé ces doubles amortiiTements, fil1 on en excepte les itatues placées fur l'acrqtère qui termine la partie fupérieure du Fronton, dont ;Vitruve a décoré la plupart de fes Frontifpices« C'eiî: peut-être chez nous la difette des grands Architectes, qui a occafionné ces doubles orne- ments : au défaut d'une belle Architecture, d'une Architecture vraiment régulière & bien propor- tionnée , on a eu recours à la prodigalité de' la Sculpture. En eiFet, qu'on examine la plupart des bâtiments qui s'élèvent de nos jours; ils en font» pourainfi dire , accablés : la Porte Saint-Denis, le Château de Maifons, celui de Blois, l'Orangerie & les Ecuries de VerfailJes, tous ces ouvrages immortels font iimples, comme ils doivent l'être» Peut-être en a-t-on trop employé au Val-de-Grâce s au Dôme des Invalides , au Périftile du Louvre* dans la cour du même Palais ; mais du moins faut- il convenir, que la fculpture y eil: belle, bien diftribuée, & d'un excellent choix.; au-lieu qu'au- jourd'hui la maifon particuliere la plus accablée de ilatues, de figures , de trophées, de bas-reliefs» de feilons, de rofaces, pafle pour la plus admi- rable , tandis que rien n'annonce tant la décaden- ce du gout & l'oubli des vrais préceptes de l'Art» Nous fommes donc bien éloignés d'approuver la plupart des compactions que nous donnons dans ces planches; mais notre tâche nous impofe d'offrir £ noi Elevés des exemptes dans tous les genres^ Ρ iij
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%}o Cours
heureux ίΐ les dinertations qui les accompagnent |
les portent à réfléchir fur Femploi qu'ils en „doivent faire! au moins doivent-ils fe reiTouvenir d'imiter de préférence , les chefs - d'œuvre que nous citons fouvent pour tels , & de ne puifer dans les autres ouvrages que quelques parties qui peuvent con- tribuer à leur faire faire un pas de plus vers la perfection. A l'égard des ornements placés dans les tym-
pans des Frontons, nous croyons qu'on ne peut trop tes tenir en bas-relief, du moins dans les plus grandes parties des objets qui les compofent. Il en doit être de ceux-ci, comme de ceux des frifes des entablements ; taute fculpture appliquée fur les nus d'un mur quelconque, n'en doit jamais trop altérer la furface. Qu'on nous paffe cette réfle- xion ; quelqu'habiîe que foit le Sculpteur, s'il ignore les règles de Γ Architecture, il doit fe laiiTer conduire par l'Architefte , & celui-ci porter toute fon atten- tion à méditer le genre, l'expreiîion & le caraclere que ces bas-reliefs doivent avoir. Au reite, il ne faut pas abufer du peu de faillie des bas-reliefs ; refpace des corps qui les contiennent, le relief des membres qui les entourent, leur fituation dans le bâtiment , le point de diftance d'où ils doi- vent être apperçus , tout cela doit déterminer leur capacité, & indiquer celles de leurs parties, qui doivent dominer le nu , ou en approcher davan- tage- Nous remarquons , dans plufieurs de nos édifices, des bas-reliefs qu'à peine on apperçoit d'en bas, tandis que dans plufieurs la fculpture en eil & faillante, que les membres qui doivent les mettre à couvert ne peuvent les garantir de l'intempérie de Ta\r, Les bas-reliefs fculptés dans Je tympan des Frontons du Château d® Seaux* |
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d'Architïcturé. ijl
ceux taillés, dans les Frontons de Clagny, nous
Jemblent des chefs-d'œuvre en ce genre; mais combien d'antres que nous dédaignons de citer-, nous répugnent! Nous avons recommandé ailleurs de ne jamais
percer le tympan des Frontons par des ceuils de bœuf : nous fommes toujours de cet avis , parce que rarement ces ouvertures font un bort effet, malgré la quantité d'exemples qui nous font offerts à cet égard. Peut-être aufli eft-ce ufi abus de les laiffer liffes, lorfque les flits des colon- nes font cannelés, & que les nus des murs fon^ ornés de tables, de bas-reliefs, Sec. Nous finirons enfin ces obfervations , par recom^-
mander de n'employer les blâfons, les armoiries & les fupports , que dans les tympans des Fron- tons placés du côté de la cour de nos bâtiments d'habitation. Nous ajouterons qu'il feroit encore mieux de ne les admettre que dans ceux qu'on place fur les portes , qui fervent de Frontifpices à nos Hôtels, lorfqu'on y préfère ce membre d'Architecture pyramidal, aux amortiffements pro- prement dits. Des amortissements.
Planche XLVII.
Nos Architeftes modernes ont fouvent intro*
duit, dans la décoration de leurs bâtiments, les Amortiffements à la place des frontons ; nous avons déjà parlé de ces fortes de couronnements dans nos définitions du premier volume, page 318* en citant ceux qu'on remarque au Château de Verfailles du côté de la cour de marbre , au Manége de. ChantilH , au Château de Marli- au Ρ IV
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v%3% Cours
Palais Bourbon , &c. Nous répéterons volöiï·
tiers, que les AmortiiTements doivent être rare- ment préférés aux frontons ; que leur contour & le mouvement qui les détermine, ne réuffiDent jamais bien en grand ; qu'ils ne plaifent guère que fur les portes de nos Hôtels. Nous ajou- terons qu'il convient de les cómpofer de maniere que plufieurs membres d'Architecture en déci- dent la forme principale ; qu'il faut y éviter tou- tes les petites parties qui portent l'empreinte de la fragilité ; que d'ailleurs ces fortes d'Amortiffe- ments, ainii que nos trophées, nos vafes & même nos ftatues, la plupart exécutés dans nos édifices avec une pierre fouvent commune, & toujours trop tendre, réfutent peu à la rigueur des faiions, ce qui. les noircit & les dégrade en peu d'années : en forte qu'ils ne préfentent plus que les fragments d'un bâtiment détruit par le laps des temps. Cette yéflexion entre peu diuas l'idée de nos jeunes Or- donnateurs , occupés de faire riche & de jouir dans le moment : paiïant rapidement d'une produ- ction à une autre, ils laiffent bien-loin derriere eux leurs coups d'efTai, fans que jamais leur ré- putation & leurs œuvres partent à la poftérité. Quoiqu'à l'exemple des ornements qui couron-
nent les frontons , nous foyons d'avis de faire peu d'ufage des AmortiiTements , on trouvera dans la planche dont nous parlons, trois deifins diffé- rents. Le premier, figure A, eil dans le goût de celui de Verfailles, déjà cité , & le.même que nous svons déjà rapporté dans le deuxième volume dß Iß Décoration des Edifices ( t ), planche XXXIV, page 44 ; celui de la figure Β, eil à-peu-près dans le {() Ççç çttyr^ge^ ipisaujoyr e?si7$8, en 4eus volumesin-Ç%
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d'Architecture. 233
même genre ; enfin celui de la figure C , eil encore
tiré de la décoration des édifices, avec cette différen- ce, que nous en avons redrefTé le cartel, cette forme pittorefque convenant rarement dans les dehors > lut-tout depuis que nos Architectes fe font déter- minés à aiîîgner, plus que par le paffe, un véri- table caractère à chaque membre d'Architecture, ciinii qu'aux ornements deilinés à embellir les pro- ductions de l'Architecle : néceiïïté que nous avons fentie nous-même, depuis que nous avons rendu public ce premier fruit de notre étude ; l'expé- rience , réunie aux conférences que nous avons eu occafion d'avoir depuis avec les plus grands Maîtres de nos jours, ayant ajouté à no*s propres lumières ; nous ne craignons point "de faire cet aveu , puifqu'il pourra déterminer la plupart de nos Elevés à fe mérler de leurs premières produ- irions , avant d'ofer fe montrer au grand jour, DES A Τ TIQUE S EN GÉNÉRAL.
Nousv avons déjà dit quelque chofe des Attiques
dans les premiers volumes de cet ouvrage , foit en parlant de l'origine des ordres , foit en défi- |
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cit intitulé : De la Diflribution des Maifons de Plai/ance , & de
ba Décoration des Edifices en général : à Paris , chez Ch. Ane. Jombçrt. Ce livre , enrichi de i£o planches , que nous avons gravées
nous-même avec foin , a été dans fon temps aiTez bien accœuilti du public; il contient quelques obfervations Se pluiîeurs deiîïns intérçfîancs, que nous invitons nos Elevés à parcourir, quoi- qu'ils ne foient pas tous exempts de défauts. Quoiqu'on annonce cet ouvrage, & qu'on le diftribue com-
me la fuite de deux autres volumes , intitulés : Architecture moderne, oa l'Art de bien Bâtir, mis au jour bien avant le nôtre, par feu M. Tiçrcelec» nous ohfervçrons quç nous'n'y «voos aucune j>arE, ; -· - |
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ä.34 Cours
niiTant les termes de l'Art, foit enfin en rappor-
tant les mefures de la plus grande partie des faça- des de nos édifices. Ces connoiffances prélimi- naires ne dévoient être alors regardées que comme de notions élémentaires ; il s'agit à préfent de difcuter le bon ou le mauvais effet que peuvent produire ces fortes d'étages dans nos bâtiments , en citant & rapportant les différentes dimenfions que leur ont données nos Architectes François , & ce qu'ils ont ajouté ou retranché fur celles que les anciens avoient établies pour former les cou- ronnements des principaux avant- corps de leurs monuments. En général on doit confidérerles Attiques comme
de petits étages, originairement réduits par les Grecs à la hauteur du quart de l'ordre qui les foutenoit. Ces petits étages , fans aucune appa- rence de pilailre, fervoient chez eux à recevoir des tables propres à contenir des infcriptions, 8? à faire pyramider la majeure partie de l'édifice. ï)ans la fuite les Romains leur ont donné plus d'élévation, & les ont placés en retraite; & fur le devant ils ont élevé des ftatues à plomb des colonnes , telles qu'il s en remarque aux Arcs de Triomphe antiques, rapportés par Defgodets. Dès lors on a figuré, fur la furface de ces étages » de petits pilaftres ravalés, auxquels on a ajouté des efpèces de bafes & de chapiteaux. Enfin, entre ces pilaftres on a percé des croifées ornées de chambranles, & couronnées de fculpture ,1 ainfi que nous allons bientôt en offrir les meiures & j les deffinSi ■..,■ j , Les Architectes modernes de l'Italie > ont les j
premiers abufé de l'idée de ces petits étages, les j tïdtres les ont fuivis de près y & d'une des parties" j |
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d'Architecture. 23?
de rArchite&ire, employée d'abord avec fuccès ?
& feulement pour faire pyramider certains avant- corps dans les façades, on a voulu en faire des objets d'utilité : dès lors ces étages intérefîants dans leur fource, mal employés chez nous, font de- venus autant de diiformités dans nos compositions Françoifes. Nous fommes de l'avis de feu M. Bof* frand ( u ), à l'égard des Attiques ; il les regar- doit, difoit-il 5 comme la partie ko η teufe de t Archiv iecture. Celui de la cour du Vieux-Louvre , par
..efeot ; ceux de Verfailles, du portail des Inva- ides & du Château de Clagny , par Hardouin ; celui du Luxembourg, par DebroiTe; ceux de Vin- cennes , du Palais des Tuileries , & de l'Hôtel de Lambert, dans l'île, par Le Veau ; enfin celui des Quatre-Nations par d'Orbay, n'avoient pu le ré- concilier avec cet étage bâtard ; & cependant on en remarque pins d'un dans fes œuvres ; mais il faut convenir qu'il les a toujours employés d'une maniere ii heureufe, fi avantageufe & ii intérêt· fante , qu'il a fut les faire tourner au pront des formes pyramidales dont il faifoit ufage avec tant de iuccès dans fes édifices; au-lieu que, comme nous l'avons déjà remarqué , & que nous ne craignons point de le répéter , l'Attique du Louvre, furchargé d'une fculpture gigantefque , l'Attique continu de Verfailles , les croifées bom- bées de celui des Invalides , l'Attique trop peu élevé de Clagny , l'Attique boiiagé du Luxem- bourg, ceux an Château de Vincennes & de l'Hô- tel de Lambert, beaucoup trop courts ; ceux des Quatre-Nations & uqs Tuileries , d'une élévation \ ' ;.
(«) Archite&e du Roi} dont nous aurons parlé premier v«^
lume de ce Cours, page 104, note j^ |
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%l6 Cours
démefurée , préfentent autant d'étages d'une com-?
poiition arbitraire , qui , bien-loin de fixer l'ima* gination des Elevés , les portent à ne conferver aucune regle à cet égard , malgré les proportions qui leur font affignées , & image allez prudent qu'en on fait François Manfard aux Ecuries de Maifons , Hardouin aux Ecuries de Verfailles , Bullec au Château d'Iffi , & plimeurs autres qu'ils pourroient imiter. Nos jeunes gens , au contraire, ne gardent plus aucune mefure, lorfqu'une fois ils croient devoir les employer dans leurs œuvres, quoi- qu'il fût peut - être plus prudent de les profcrire de nos édifices dimportance, ainii qu'on l'a fait au Châ- teau de Blois , au Château de Maifons, & ailleurs. Nous dirons en général , que la richeffe des
membres d'Archite&ure & des ornements de fcul- pture qu'on diftribue dans les A triques , doit dé- pendre de celle des étages qui les foutiennent ; auiîî lorfque les ordres préfident dans ceux - ci, nos Architectes ont imaginé d'y introduire de petits pilaftres, ainii que nous venons de le re- marquer plus haut ; enfin , des chapiteaux & des bafes propres à cette efpèce d'ordre : pilaftres néanmoins qu'il faut bien le garder de confondre avec les trois ordres Grecs & les deux ordres Ro- mains que nous avons enfeignés précédemment; car ils n'ont abfolument rien à démêler avec les proportions aifignéesaux ordresTofcan, Dorique, &c. auiîi ces pilaftres ne fe eonvertiiTent-ils jamais en colonnes, à caufe de leur peu d'élévation. Les pilaftres Attiques, comme les ordres d'Ar-
chite&ure , ne montrent guère qu'une de leurs faces en faillie fur le nu du mur. On en remarque pourtant de découverts dans trois de leurs côtés a« Château des Tuileries, du côté du jardin, & Usjî |
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d'Architecture. *37
$iréfentent un aflez bel effet. Sans doute Philibert
Deîorme, qui a été l'Architecle de la partie de« Tuileries , dont nous parlons, s'eil rappelé alors ce que dit Pline en parlant d'un cinquième ordre » qu'il nomme Attique , & dont les tiges étoient quarrées ( χ ) ; car, ainii que Vitruve , il ne ran- geoit pas le Compofite Romain au nombre âes cinq ordres. Au reite , nous remarquerons que la hauteur peu coniidérable donnée au pilaftre Atti- que , occaiionnée par le racourciffement de l'étage qu'il décore, doit auiîi porter une altération in- difpenfable fur les autres membres d'Archite&ure compris dans l'ordonnance; favoir, les croifées* leurs chambranles , leur claveau, les baluftrades qui couronnent ces étages , enfin la fculpture qui les embellit. Ceft ce que nous allons détailler plus précifément, en traitant de la proportion 1» plus approuvée qu'on donne à ces Attiques. £)e la proportion des Attiques.
Planche XLVIII.
La hauteur de l'étage Attique, y compris fà
retraite & fa corniche de couronnement, doit avoir, félon l'opinion la plus univerfellement reçue de nos Archite&es François, la moitié de la hait-^ teur de tout le bel étage fur lequel il eft élevé ; & lorfqu'un ordre préiide dans la décoration de celui-ci, & que cet ordre a un piédeftal, on doit auiîi en placer un dans Γ Attique ; mais lorfque l'ordre de deffous eft fans piédeftal, on n'en doit pas mettre non plus dans cet étage fubalterne. |
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( * ) Voyea ce ym aous c« a vous jrap.peué t premier voltt*
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23L "\ Cours
es piede^au5£ Attiques doivent avoir le quarr
tes t0Ute hailteur d« l'étage où ils font adoïTés ;
1 1S Quarts refrants fe divifent en quatorze
Ç 1 ,' 0llt deux déterminent la largeur du pila- quon divjfe en ^eux momies ; on donne
un de ces derniers à la bafe , & l'autre au cha-
5 I j ' a hauteur de la corniche e il d'un mo-
u e eux tiers ? en çQVtç ^ue jes ^·χ modules uîl tiers; reliants conftatent la hauteur de la tige du
pilaltre. ° Sl},Qn n admet qu'un focleà l'Attique & non
un piedeital s on cUvife k hauteur c|e tout l'étage
en nuit parties ; on en donne une au focle, une
a a argeiir du pilaitre, ce qui fait deux modules.
η ait e douze modules la hauteur du pilailre ;
» ι irP |1S eft pour la corniche de couronnement
que e la hauteur ju chapiteau , d'un module,
r ■ e gorgerjn# Qn donne ailffi un module à la
ft  n lîn iiei*s de module à Tépaiffeur du
En génépi fi l'édifice n'a qu'un bel étage on
donne de hauteur à l'Attique , le tiers de ce même étage - du moins c'eft le rapport que Le cramante a obfervé à ion portail de Saint-Pierre e. °me\ ~*i a .donné les quatre treizièmes à celui qui je voit j ia piace Nerva ? & feu|ement le quart î It fr°ntifpice de l'Eglife de Sainte-Agnès,
place JNavorje a Rome> Mais lorfque l'Attique fe r°nner deux étages, on ne lui donne,
comme nous Yenons ^e l'annoncer, que la moitié de la hauteur de celui qu'il couronne. S'il en cou- romioit trols f on pourroit éiever l'Attique juf- qu aux deux tiers> (^es rapports? de la hauteur des Attiques, c0mpares à celle des étages réguliers, iont puiiés dans i%ntique. £s n'ont cependant pas |
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d'Architecture. 239
été trop exactement fuivis dans nos édifices en
France, ainii qu'on a,pu le remarquer dans le fé- cond volume de ce Cours , Chapitre VI, où nous avons rapporté dans plufieurs planches, les mefures de la plus grande partie de nos bâtiments ; nous y renvoyons nos Elevés , afin que , par ce nouvel examen, & les proportions que nous leur indiquons ici, ils puiiTent parvenir à concilier les hauteurs données aux Attiques par les Anciens & les Modernes , à raifon de l'étendue, de la hau- teur, & du genre de leurs projets. Nous ne parlerons point ici de la proportion
des Attiques qui fe trouvent placés entre deux étages réguliers , ne pouvant concevoir comment il eil venu dans l'idée à plufieurs Architectes de réputation, d'interpofer un tel étage entre deux ordres , d'ailleurs établis d'après les pro- portions les plus féveres que puiffe offrir la belle Architecture. Il n'eit point de largeur déterminée pour îé-
cartement des pilaitres Attiques, leur axe devant abfolument tomber à plomb de celui des ordres de deiïous : néceiïité qui ne contribue pas peu à rendre fouvent cette ordonnance difforme; par» ce que la hauteur de ces pilaftfp étant réduite à la moitié de celle de l'ordre, & leur diftance étant la même, il en réîuke que lés ouvertures pratiquées entre les pilaitres , & dont la largeur eft réduite au cinquième de celles de deffous, paroiifent, pour ainfi dire, noyées dans Fefpace , comme cela arrive dans le plus grand nombre des bâtiments où l'on fait ufage des Attiques : ou bien ces efpaces fe trouvent ii fort furchargés de fcul- pture , que cet étage fubalterne difpute alors de ficheife avep ceux deitinés à la réûdence des Mai- |
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140 Cours
tres. Cependant, dans tous les cas, le bel étage
doit avoir la prééminence fur les étages Attiques & fur ceux appelés foubaffements. Les croilees des étages Attiques ne doivent avoir
de largeur , comme nous venons de le remarquer, que les cinq fixiemes de celles de deffous, & leur hauteur n'avoir qu'une fois & demie leur largeur. Lorsqu'il regne un piédeftal fous le pilaitre , la corniche de ce piédeftal fert alors d'appui à la croifée, & l'on couronne le chambranle par une autre corniche, à laquelle on donne la douzième partie de la hauteur du pilailre, moins celle de ion chapiteau. Cette douzième partie fert aufïï à déterminer la largeur du chambranle. Lorfqu'il n'y* a point de piédeitaux à l'Afrique, l'appui de la croifée reite à la même hauteur que la corniche du piédeital ; & dans ce cas on fait régner le chambranle fous l'appui. Alors ce chambranle s'appelle cadre, parce qu'il a quatre côtés ; au- lieu que le chambranle proprement dit, n'en a que trois , ainii que l'expriment les deux deffins d'attiques, tracés moitié par moitié fur la planche dont nous parlons. Quand on veut enrichir ces chambranles, on y ajoute des croiïettes auxquelles on donne les mêmes rapports ; nous en avons rapporté les dimenfions dans nos définitions, en parlant des croifées. Nous ne donnerons point les mefures particu-
lières concernant la divifion des différentes parties de l'Attique & de fes moulures : l'étude des or- dres précédents doit amener nos Elevés à cette compofition. D'ailleurs les profils que nous avons rapportés dans les planches LXVIH? LXlXf & fui vantes , du deuxième volume de #e Cours ? & les remaries que nous avons faites |
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D 'Ar £jt ιτ Icîur e. m
â ce fujet, page 140 & iuîvantes, leur offrent
des profils iimples & coirrpofés, dans le nombre' defquels ils en trouveront dé convenables airé étages dont nous parlons. Nous obfervérons feu- lement ici, que les corniches architravées fönt les feules qui râifonnablement doivent fervir de cou- ronnement aux pilaftrès Attiques * parce que ce / pilailre n'étant lui-même qu'un ordre décompofé j il ne convient pas d'y employer un entablement régulier ; par la raifon que nous' n'avons pas ap-* prouvé que les ordres d'Architeéture , proprement dits > fuifent terminés par des entablements mutilés j malgré quantité d'exemples que nous" avons cités à cet égard dans le cours de ces Le* cous; Nous obfervérons encore, que les membfës de ces corniches, ceux des tables ravalées qu'on introduit dans le fàt des piläitres , enfin les mou- lures des chambranles des Croifées {y), aiiifi que celles des petites corniches qui leur fervent d'à- mortiiTement, doivent être employés avec plus ou moins de iimplicité * félon que cette efpèce ■-''■' ..... *»
(y ) ïl ne faut pas confondre les croifées Attiques dont nous
parlons y & dont la hauteur eil à leur largeur ^ comme trois eft à deux , avec les ouvertures nommées mélanines, que nous avons annoncées page 183 de ce volume, auxquelles nous avons donné de hauteur les deux tiers de leur largeur à & qui ie placent quelquefois au -deflus des grandes croifées des bâti- ments d'une certaine importance«, Voyez auifi ce que nous avons f apporté, premier volume, page jjj de ce Cours, en parlant des autres ouvertures, telles que les lucarnes , les eeuils de bœuf, les baibacannes& les foupiraux î citations d'autant plus eiTencielles à fe rappeler ici , que les croiiées Attiques dont nous avons donné les proportions, même palge & fuivan- tes, fontauflî comprifes dans le nombre des ouvertures fubal- ternes j & qu'il n'en faut pas moins déterminer les rapports 8ç h .forme, à ration de leur application dans la décoration des,,, différents édifices. Tarne I/L Q
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24·ζ Cours
d'étage fe trouve placée fur un ordre Tofcan ,
Dorique, Ionique, Corinthien ou Compofite ; car il en eft des Attiques comme de tous les prin- cipaux membres d'Architedure, on en doit recon- noître d'autant de fortes qu'il y a d'ordres réguliers, & concevoir que tous ces membres principaux doivent augmenter ou diminuer de richciTe , félon que les colonnes qui les foutiennent fe trouvent embellies ou par TArchiteaure, ou par la Scul- pture , ou par ces deux Arts réunis. Cette ob- fervation regarde particulièrement les chapiteaux des Attiques, auxquels on n'attribue guère qu'un rang de feuilles. DES SOUBASSEMENTS EN GÉNÉRAL.
Les SoubaiTements Cl) font des étages à rez-
de-chauffée , qui, à l'exemple des Attiques , fer- vent à faire valoir , par leur peu d'élévation , la beauté des ordres d'Architeâure qui préfident dans les principaux étages des édifices. Les anciens fe font très-peu fervîs de SoubaiTements : ils fai- foient un grand ufage des terraffes, & employaient rarement ces étages racourcis. Cette invention, eft, pour ainfi dire, due aux modernes , & par- ticulièrement à nos Archite&es François , qui l'ont employée dans le plus grand nombre des bâti- ments qu'ils ont érigés. Le peu d'élévation qu'on donne à ces SoubaiTements, comparée avec celle déterminée par les colonnes ou pilaftres employés dans les façades , n'y doit jamais permettre l'ap- plication des ordres, malgré l'exemple de celui |
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(£) Soubaifemenc, du latin Stilobata,
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d'Architecture. 243
qu'on remarque à l'Hôtel de Touloufe ; parce
qu'alors cet ordre, qui ne peut être qu'irrégu- lier, ne fauroit avoir aucune relation avec ceux qui fe trouvent au-deiTus; ce qui rend nécef- fairement la décoration imparfaite : au-lieu que ή ce SoubaiTement inférieur en hauteur à celui du bel étage , fe trouve décoré d'une maniere aflbr- tie à l'ordonnance; cette variété , dans les détails d'un bâtiment, fert à les faire valoir les uns par les autres : de maniere que l'infériorité de ceux- ci, donne de la fupériorité à ceux-là ,.&■■ efface de l'ordonnance générale cette monotonie que pré- fentent plufieurs étages établis à-peu-près fous une hauteur commune. 11 ne faut jamais perdre de vue, que les Sou-
baffements font la repréfentation d'un piédeilal continu, employé dans les décorations de nos bâtiments, à deflein de faire prééminer le premier étage , & d'en faire valoir la beauté. Le périiîyle du Louvre, les bâtiments de la Place de Louis XV, ceux des Places de Louis le Grand & des Victoires indiquent ce que nous avançons. Il eft vrai que ces SoubaiTements fe trouvent foutenir des ordres qui embraiTent pluiieurs étages; mais ils ne font pas moins la repréfentation du ftilobate ou piédeital de ces grands ordres ; &, comme tels , ils ne peu- vent comporter d'ordre particulier. Citons-en à préfent qui foutiennent des ordres moins coloiTaux: par exemple, ceux du Château de Blois & de l'Hôtel de Carnavalet, par François Manfard ; celui de la Fontaine des Saints-Innocents , par v. Lefcot; celui de la façade de Verfailles du côté des Jardins, tk celui du Château de Saint-Çloud, par Hardouin Manfard, qui n'ont qu'un ordre compris dans un feul étage, & qui font également " |
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244 Cours
bien , quoique fournis à des hauteurs différentes,'
ainii que nous en parlerons bientôt : c'eil comme cela que nous les approuvons ; autrement lors- qu'on les place au haSard, qu'ils occupent les étages qui devroient être réguliers, ou que, pour les rendre tolérables , on les revêt de membres confacrés aux ordres d'Architecture proprement dits , on ne compofe qu'une Architecture impar- faite, & l'on s'éloigne du caractère particulier que doivent offrir ces étages, ainii que nous avons eu occafion d'en parler, page 3 de ce volume. Jamais, du moins nous le croyons ainfi, un
Soubaflément ne doit être couronné par un atti- que ; ces deux étages Subalternes ne peuvent offrir une Architecture intéreffante, à en juger par la façade du Château d'Eau, élevé en face du Palais Royal : ici l'Architeâure paroît d'autant plus dif- forme , qu'un avant corps d'ordre Dorique, placé au milieu & dans toute la hauteur, contribue à rendre encore plus choquante la difformité de l'ordonnance. Indépendamment de la Supériorité que procure
la proportion racourcie des Soubaffemenrs au premier étage des bâtiments, il eft certain qu'ils contribuent Souvent à donner un caractère parti- culier à l'édifice. Par exemple, ils annoncent le premier étage avec plus de dignité, parce qu'ils en élèvent le Sol au-deffus de celui de la cour ou des jardins; & en cela ils nous paroiffent très- propres a faire partie de l'ordonnance de la déco- ration des Palais de nos Rois, &*de l'habitation des Grands Seigneurs. Les étages dont nous parlons caractérisent encore affez bien les maiSons de Plai- fance, Sur-tout lorSqu'une vue intéreffante déter- mine le propriétaire à diftribuer des appartements |
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d'Architecture. 245
au premier étage , & à ne pratiquer qu'un Sou-
baffement à rez-de-chauÎTée, pour les appartements de bains , les falies à manger , les offices , enfin un veitibule , un bel efcalier, qui, par le peu d'élévation des planchers , amène avec plus de facilité aux appartements parés. Alors ce Soubaf- fement fe continue dans les aîles en retour du .côté de la cour ; & cette continuité difpofée avec intelligence, donne occaiion d'élever avec une forte d'éclat, le principal corps de logis , ainii que cela fe remarque avec fuccès dans la plupart de nos Hôtels à Paris. Enfin les SoubaiTements réuiïhTent encore bien, lorfqu'à la campagne le fol des jardins fe trouve plus bas que celui de la cour , & que cet étage rachète cette iné- galité de hauteur, comme au Château - Neuf de Meudon, &c. Dans les édifices publics, tels que les Hôtels»
de-Ville, les Hôtels des Monnoies , les Bourfes , les Bibliothèques ; les étages en Soubafiement fervent dans les uns à annoncer les Magaiins , dans les autres les Atteliers; dans ceux-ci, les Bureaux; dans ceux-là, les Dépôts, & dans tous, les loge- ments fubalternes deitinés aux Employés, aux Concierges , &c. pendant que les étages fupé- rieurs , par leur prééminence, annoncent la gran- deur , la néceiîité , l'opulence ou l'utilité de ces divers monuments. Les SoubaiTements font encore du reffort des
Marchés , des Halles , des Hôpitaux, des Manu- factures ; parce qu'ils facilitent à ces différents bâtiments , des communications à couvert, qui conduifent dans leurs divers départements ; enfin dans prefque tous les édifices civils & militaires % ils tiennent lieu des colonnades & des périilyletf |
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146 _ Cours /~
qu'on élevé à grands frais dans les édifices d'im-
portance. PaiTons à préfent aux rapports que ces Sou-
baflements doivent avoir avec les étages régu- liers des façades ; mais avant tout, rappelons à nos Elevés ce que nous entendons par des étages régu- liers : ce font ceux qui peuvent contenir les ordres - colonnes ou pilailres fans aucune altération , ce que les Soubaffements & les étages attiques ne peuvent comporter abfolument, à caufë de leut racourciiTement. De La proportion des Soubaffements.
Nous venons de dire, que les étages en Sou*
baffemeiits ne peuvent contenir d'ordre d'Archi- teöure; voici la raifon que nous en apportons. Lorfque nous avons parlé , page 169 du fécond volume de ce Cours , de la relation que les ordres furmonrés lés uns au-deflus des autres, doivent avoir eniemble dans une même façade i il a été queftion d'établir les rapports que les étages régu- liers dévoient avoir entr'eux : ici les SoubaiTements étant reconnus des étages imparfaits , parce que leur élévation eil fixée aux deux tiers de la hau-' teur de Tordre, il eil facile de concevoir, que iî dans ces étages on introduifoit des colonnes ou des piiaftres, comme à l'Hôtel de Touloufe , déjà cité , cet ordre ne pourroit avoir aucune propor- tion avec ceux qui feroient élevés au - deiïus ; auffi à l'Hôtel de Touloufe le bel étage eil fans ordre » ce qui rend celui employé dans le SoubaiTeraent plus inutile , & tout-à-fait déplacé. Nous venons de voir que la hauteur du Sou-
baiTement étoit fixée aux deux tiers de l'étage fupérieur ; ce rapport eil néanmoins fujet à quel- |
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d'Architecture. 247
ques variations, félon que ces étages raeourcis
le trouvent foutenir des ordres diftribués dans chaque étage s ou un feul ordre qui en embraffe pluiieurs. Donnons quelques mefures particuliè- res de la plupart des Soubaffements employés dans nos bâtiments : ces mefures indiqueront à nos Lleves les autorités qu'ils pourront fuivre, quand les Soubaffements devront entrer pour quelque choie dans leurs diverfes comportions. ' Les Soubaffements de la place des Victoires & du Château de Saint-Cloud, ont précifément les deux tiers du grand ordre compris dans le bel etage : celui de la façade de Verfailles a un quin- zième au-delà des deux tiers de l'ordre Ionique de deffus ; celui du Périftyle du Louvre, un quatorzième de moins que les deux tiers de l'ordre Corinthien, qui eft fur le Soubaffement ; celui de la Place de Louis leGrand, un quarante neuvième de moins que les deux tiers de l'étage fupérieur ; enfin celui de la Fontaine des Saints-Innocents, un douzième de moins que les deux tiers du petit ordre Corinthien de deiius. Toutes ces légères différences proviennent fans doute de la néceiïïte où fe font trouvés les Architectes, d'ajouter ou de fouftraire à la hau. teiir fixée pour les Soubaffements , àraifon de la deitination particuliere des bâtiments où ils font admis , fans pour cela que ces variétés , toujours comptées pour peu de chofe, puiffent nuire en rien a la perfeftion de l'ouvrage enrier. Suppofons donc tous les Soubaffements réduits aux deux tiers de la hauteur du bel étage, & rappelons -nous que leur objet, dans la décoration des façades, e& de repréfenter l'image des piédeftaux que nos mo- dernes ont voulu rendre propres a l'habitation, comme ils ont converti les amortiffements des Qiv
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Grecs en étages attiqiies pour en faire des löge*
ments fubalternes.
D'après cette idée, qui n'eil pas fans fondement,
npn-feulemenî: les étages en SoiibaiTement ne peu-· vent contenir d'ordre j mais tous les membres d'Archite&ure qui les décorent 9 ainii que leurs ouvertures, jdoivent fe reffentir de leur peu d'é- lévation : par exemple, leur corniche doit être celle du piédeital de l'ordre, & n'avoir de hauteur qu'un de fes modules, & la retraite qu'on place au bas, çtre égale à {qui diamètre, foit que dans le bel étage l'ordre foit préfent ou abfçnt ; c'efU à-dire a que lorfque par économie ou autrement, on retranche dans les façades les colonnes ou les pila? lires, il faut partager l'étage iupéneur, moins l'en^ tablement & le fpcle qui tient lieu de piédeital» en feize, dix-huit pu vingt parties pour en faire autant de modules , & en prendre deux pour la hauteur de la retraite du SoiibaiTement, & un pour la corniche. Eniuite on divife cette dernière en fept ; on en donne une partie à J'aftragale, deux au gorgerip, & quatre à la eprniche, qu'on divife encore en autant de parties qu'on juge né·* çeiTaire d'y inférer de membres, félon l'expreffion qu'on veut donner au SoiibaiTement, à raifon du caractère de l'ordre qu'il foutiçriç. Quelquefois ail·- lieu de couronner ces étages par une corniche, on ne fait ufagç que d'un plinthe 9 à deffein de procurer plus de fimplicité à ce couronnement , fur-tout Jorfqne ce SoiibaiTement fe trouve placé au-deifous d'un ordre Tpfcan : on fait que chacun de ces étages dojt être aiTorti à la riçheiTe ou à la finv- pliçité des ordres, puifque les SoiibaiTements ne font 3 comme nous venons de le remarquer plus haut 3 ç|ue fixage des piédeil^ux imaginés par 1q§ |
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modernes pour foutenir l'ordre, & élever ce dernier
dans les dehors, au-deffus de l'humidité du pavé. Voyez les profils propres à ces différentes efpèces de couronnements , tracés dans les planch. LXVIII, LXIX & fuivantes du fécond volume de ce Cours, La hauteur des ouvertures des portes & des
croifées percées dans les SoubaiTements, doit avoir un lîxieme de moins que celles qui éclairent le bel étage : il nous paroit aulïi plus convenable de convertir toutes ces ouvertures en arcades plein-cintre ou furbaiiTées, & d'enfermer dans ces arcadçs toutes les ouvertures qui ne don- nent point entrée à l'édifice. Nous fommes en- core d'avis de n'employer ni les impolies , ni les archivoltes à ces arcades , ni les boiTages qu'on a affe&és, & dont la plupart pénétrent ces membres , comme on le remarque au SoubaiTe- ment de la Place de Louis XV : cette richeffe, & fur-tout cçtte double application, nous paroiiTent une contradiction ; ces boifages portent d'ail- leurs, dans cet étage , un caractère de mfticité peu convenable à un SoubalTement deiliné à fou- tenir un ordre délicat, La raifon iuverfe nous em<- pêcheroit auffi de çonfeiller l'imitation des croi- fées trop fveltes & de forme bombée , qu'on a pratiquées au Soubaifement du Périfiyle du Louvre, ainfi que nous l'avons déjà obfervé, page 91 de ce volume a e-η offrant l'avant-corps de cet édifice célèbre. Enfin nous finirons nos obfervations fur-les
SoubaiTements , par dire que quand on les cou- ronne d'une baluilrade, celle-ci doit auffi avoir un fixieme de moins que celle difiribuée fur le bel étage, Nous ajouterons que cette baluitrade ne. doit être comprife que dans une retraite , & |
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2jo Cours
non dans un piédeftal, parce que le Soubafîe-
rnent, en tenant lieu, il ne faut pas en élever un autre au-deiTus , comme on le remarque au Châ- teau de Blois ; il vaut mieux en cela imiter le Pé- riityle du Louvre, au pied des entrecolonnements duquel Perrault avoit même préféré les entre-las aux baluitres , comme nous les avons exprimés clans la planche VI de ce volume, où favant- corps de cet édifice eil tracé. DE LA PROPORTION, DE LA FORME
ET DE LA DÉCORATION DES COMBLES
EN GÉNÉRAL. Les Combles ( a ) ont pris naiffance dans f Ar-
chitecture de la nécelïité où Ton s'eft trouvé de faire écouler les eaux du ciel, qui tombent fur la partie fupérieure des édifices. De cette néceiTite font réfultées les différentes hauteurs que Ton doit donner aux Couvertures , félon le climat où font érigés ces mêmes édifices. Dans le dernier volu- me de ce Cours , en traitant de la Décoration en général, nous parlerons de celle des Couver- tures. Il ne s'agit à préfent que de leurs différentes formes , de leur proportion & de la décoration dont elles font fufceptibles : mais avant d'y paffer, difons qu'en général, par le mot Comble, on en- tend toute efpèce de Couverture à l'ufage des édi- fices facrés, des bâtiments publics, & des maîfons particulières. |
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( a ) Comble , du latin Culmen , ou Culmus , Chaume 5 ou
appelle âuiu les Combles, Toits, du latin tetlum, fait de tegere, couvrir en général j on les nomme auffi Couverture, du latin Çoopertura. · |
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d'Architecture. 251
Relativement à leur forme, on appelle Comble
a la Françoife , ouà deux Egouts , celui dont les deux cotés forment un angle de foixante degrés : Comble à Pignon, celui dont le faîtage, pofé iur le fommet du mur de face, élevé verticalement, prend la forme d'un triangle ifocèle ou équilatéral, tels qu'étoient les frontifpices des Temples des Anciens, d'où nous eil venue l'origine des fron- tons : au contraire, on appelle Comble en Croupe, celui dont la toiture eil inclinée en dedans, comme on le remarque au portail de Saint-Roch, On nomme Comble Brifé, celui connu fous le nom de Comble à la Manfarde, & compofé de quatre parties rampantes : Comble en Τ erraffe on à Plaie- Forme, celui qui élevé triangulairement, eil néan- moins coupé horifontalement à une certaine hau- teur , & qu'on entoure d'un balcon de fer, tel que celui pofé fur le principal avant-corps de l'Hôtel de Noailles à Paris : Comble à l'Impériale , celui dont la forme extérieure reifem ble à la tige d'un baluilre, comme on a exécuté celui de la nouvelle Paroiffe de Saint - Louis à Verfailles : Comble en Dôme, celui dont le plan eil quarré , & l'élévation circulaire , tel que celui qu'on remar- que dans la cour du Vieux-Louvre ; ou circulaire dans fon plan & dans fon élévation, comme ceux des Eglifes du Val - de - Grâce, des Invalides, &c. Enfin on appelle Comble Cintré, celui dont le plan eil circulaire , & l'élévation en talut droit, tel que celui qui couronne l'avant-corps de l'ancien Château de Meudon. Toutes ces Couvertures doivent avoir plus
ou moins d'élévation , & être plus ou moins incli- nées , félon les lieux où l'on bâtir. Par exemple, dans les régions feptentrionales, on les fait plus |
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252 Cours
hautes, on les tient plus roides, à caufe des neiges
qui y tombent & féjournent en abondance : au levant, on leur donne peu d'élévation , mais beau- coup plus de talut ; au midi, on les fait très - fur- baiiîes : chez nous, où le climat eil plus tempéré , on fe contente fouvent de faire les côtés des Com- bles égaux à leur bafe. Nous remarquerons que nos Architectes Fran-
çois ont néanmoins beaucoup varié fur la hau- teur qu'ils ont donnée à leurs couvertures ; que fouvent même ils les ont fupprimées tout-à-fait, & que dans d'autres occafions ils les ont rendues ü peu apparentes, qu'il femblè que leurs bâtiments foient couverts en terrafle , ce qu'on appelle à Paris , bâtir à l'Italienne. Au Château de Maifons, à Blois , à Meudon , au Palais des Tuileries , par exemple , leur hauteur eft fi grande, & leur poids û immenfe, qu'on a été forcé de donner aux murs de face qui les foutiennent, une épaiffeur auiît difpendieufe qu'inutile , fans que pour cela ces édifices aient acquis plus de dignité. Précédem- ;ment le Château de Saint-Germain-en-Laye , n'a été couvert que par des terrafTes ; depuis au Châ- teau de Verfailles du côté des Jardins, au Châ- teau de Trianon, δ? récemment au Vieux-Louvre, les faîtages des toitures font fi peu élevés , qu'ils n'ont de hauteur que les deux cinquièmes de leur bafe. Par ces différentes citations, il eft aifé de con-
cevoir que ce n'eft pas la température de l'air, que nos Architecles ont confultée, puifqu'on re- marque tant de différence dans l'application des Couvertures de nos édifices, tous élevés fous un même ciel: cette diveriité, dans la conftru&ion des toits, bien loin de mériter indiftin&ement nos élo·. |
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Β* A R C Η ΙΤ Ε C Τ Ü R Ε. 2 53
gés, ne doit avoir lieu, que dans le cas ou la
différente hauteur des Combles & la diverfité de leurs formes , peut ajouter au cara&ere du mo- nument. Car enfin, ou les Combles contribuent à la perfection de l'ouvrage entier , ou ils y font inu- tiles abfolument. Dans la premiere hypothèfe, il faut leur donner une dimeniion, une propor- tion & une configuration relative à l'ordonnance des façades : dans la féconde , il fuffit de fe con- tenter d'affujétir leur hauteur, à la néceffité de préferver l'intérieur du bâtiment des eaux du ciel, qui doivent tomber fur ces toitures. Mais fans nous arrêter ici à cette difcuffion ,
quoiqu'importante à beaucoup d'égards , nous di- rons que de toutes les formes des combles ceux à deux égouts, nommés à la Françoife , font Iqs plus ufités , & généralement les plus convenables aux bâtiments particuliers ? diilribués fimples ou femi-doubles ; parce qu'alors leur hauteur étant fixée à la moitié, hors œuvre, de ces efpèces de bâtiments, leur élévation ne devient jamais trop coniidérable : au-lieu que quand ces mêmes Combles couronnent un bâtiment double ou triple, leur très-grande hauteur les fait preique toujours paroître hors de rapport avec la hauteur de l'édifice. ( Après les Combles à deux égouts, ceux brifés,
connus fous le nom de Manfardes ( b ) , font le plus en ufage. Au fentiment de quelques Archi- |
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(b ) On attribue La forme de ces derniers Combles, à François
Manfard, qui leur a donné fon nomj d'autres prétendent que ces Combles ont été imaginés d'après l'armature que Viola avoit compofée pour cintrer fes arcades , & qu'il rapporte dans fon Traité d'Arcîuteâwre, livre premier. |
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254 Cours
teäes, ils terminent mieux l'extrémité fnpérieure
d'un bâtiment, & procurent des logements plus commodes fous ces toitures ; enfin, moins de pro- fondeur aux jouées des lucarnes : cela eil affez vrai. Cependant il faut convenir qu'ils font fujets à deux inconvénients prefqu'infurmontables ; favoîr que le faux Comble eil trop peu incliné pour procurer la chute des neiges, & que l'autre eil beaucoup trop roide pour les retenir. Alors les neiges s'échapent avec trop de viteife dans les chéneaux, les remplirent, les fubmergent , par conséquent dégradent les entablements, pourrif- fent l'es plates-formes, le pied des chevrons, des arbalétriers ou des jambes de force, malgré le plomb dont ces chéneaux font revêtus. Tous ces inconvénients nous font préférer les attiques, qui ont fur les manfardes , au moins l'avantage d'être fans talut, de ne jamais pouffer au vide , & de procurer des pièces beaucoup plus régulières dans les étages fup.érieurs du bâtiment. D'ailleurs, fé- lon nous, les Combles à la manfarde ne peuvent avoir lieu que fur les bâtiments d'économie , & ne doivent jamais entrer pour rien dans la déco- ration des édifices de quelqu'importance. Ce que nous difons touchant la forme des Conv
bles à la manfarde, peut auiîi regarder les Combles à la françoife. Il s'en faut bien que ces derniers conviennent à tous les genres de bâtiments. Nous penfons que la convenance feule doit les amener, lors de la compofition d'un projet : Verfailles, Marli, le Palais Bourbon & quantité d'autres édi- fices, nous montrent affez qu'on peut parvenir' à élever des ouvrages importants > fans rendre les Combles apparents. Il feroit bien , félon nous, de réferver ces toitures, par exemple, dans les |
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d'Architecture. ïjf
ouvrages militaires, pour les Arfenaux, les Ca-
zernes, les Magaiins, les Corderies, les Hôpitaux, les Priions, les Greniers à Blé, à Fourages, &c. dans l'Archite&ure civile, pour les Edifices Sacrés, les Hôtels-de-Ville, les Baliliques, les Châteaux Sei- gneuriaux (c ), les Domaines, les Fiefs, & générale- ment pour tous les bâtiments où ces fortes de Cou^ vertures peuvent ajouter un cara&erc diiïin&if, puifé dans.fon ordonnance. Les différentes deilina- tions des édifices peuvent donc amener alternative- ment fur la fcène, les Combles à la manfarde, à deux égouts , à épis, à l'impériale, enfin les dômes, ordinairement couronnés par des amortiiTements, des lanternes , des campanules , &c. Toutes ces différentes efpèces de Couvertures
font chacune en particulier fufceptibles de plus ou moins de décoration. Celles à la manfarde font Ornées de lucarnes, pofées au-defTus des chéneaiix; (d) qui régnent fur l'extrémité fupérieure & an pourtour du bâtiment. Ces ouvertures doivent avoir la même proportion que les croifées atri- ques ; mais leurs formes peuvent être furbaiiTées ou bombées, telles qu'on en remarque deux, fi- gure oo, tracées fur la planche XVIII du pre- mier volume ; elles font d'un deiîin très-iimple à la vérité , mais elles peuvent s'enrichir félon l'im- portance de l'édifice. On pofe auiïï fur les pannes |
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(c) Deuxième volume de ce Cours, page 146 , en parlant
des Châteaux , nous avons fait encrer les Combles comme une partie eiTencielle, pour leur défigner un caractère particulieri- , (d) Chéneau, canal de plomb de dix-huit pouces de large,
ou environ, & d'une ligne ou deux d'épaiiTeur., qui porte fur fur la corniche d'un bâtiment, pour recevoir les eaux du Com- ble. Vitruve fe fert du mot compluvium t pour déiîgner. les chéneaux dont nous parlons. |
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256 C o υ Ά s
de briiîs & iur les faîtages de ces ComSïëS, dés f a·*
bles de plomb blanchi, réduites à une hauteur parai» lele : fouvent ces tables, appelées bonrfauts ( e ) ou anufures, font ornées de croiïettes , d'oreillons ou de campanes. Quelquefois même ces différents membres d'Archite£hire & d'ornements, font dorés à l'huile, comme on le remarque au Château de Verfailles, du côté de la couh Les combles à deux égouts, font âulîi iufcepti-
bles des mêmes enrichiifements, à l'exception qu'à la place des lucarnes on y introduit feulement des œuils de bœuf de formes variées ; ou tels à*peu- près que la figure ρ , tracée auifi iiir la planche , X V111 du premier volume * car chaque efpèce de Comble doit avoir des ouvertures d'un cara- ctère particulier. On place aufïi dans les angles faillants δε rentrants de ces Combles, des noues (ƒ ), & des areftiers de plomb, fur-tout lorfqne ces toitures font couvertes en ardoifes ; ce qui arrive prefque toujours dans les bâtiments de quelque con- iidération, élevés à la ville ou à hreampagne. On décore les Combles à épis par des vafes
de plomb, qu'on appelle vafes d'amomfïement y |
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(é) Bourfaut, moulure fonde qui regne fur les paftnes de:
briiîs des toits couverts d'ardoife, & au-deiTus defquels on place de petites tables de plomb, appelées bavettes ou inem- brons ; on donne le nom d'anufures ou hafques aux t-ables de plomb qui couvrent les faîtages fous les épis & amortiiTements des Couvertures. (ƒ) Noue, table de plomb, placée daris les angles rentrants
des Combles lorsqu'ils font refiauty Areflier 3 autre table de plomb , placée au bas de l'areftier en
charpente , faifant faillie vers la croupe d'un comble, ou placée dans toute la hauteur des angles d'un dôme quarre far fon plan i on donne quelquefois à ces areitiers la forme d'un pilailre t comme à celui de Clagny j ou On les convertit cri boifages, cemme celui de la cour du Vieux-Louvre. lefquels
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o'ÀRcJHiTECf ukè; i)è
lèlquels font fortement retenus dans l'extrémité
fupérieure du poinçon. Quelquefois on fubftitue a ces vafes une girouette ou une croix * félon la cîeiiination intérieure du pavillon auquel ces fortes de Combles fervent ordinairement de couverture. ^ Les Combles à l'impériale ne font plus guère
dufage aujourd'hui ; autrefois c'étoit le ehef-d'ceiH Vre du Charpentier ; il en coufonnoit les don- jons des Châteaux, & la cage des ëfcaliers, qui anciennement fe plaçoient hors oeuvre du bâti- ment ; alors on terniinoit ces Combles à l'impé- riale par des amortiffements en plomb blanchi, qU£ repréfentoient une boule , une aiguille, &c. Les dômes proprement dits > tiennent le* pre-
mier rang entre toutes les Couvertures des édifi- ces; ils fe font circulaires dans leur plan , & para- boliques dans leur élévation, tels que fe remar- quent ceux du Val-de-Grâce, dé la Sorbone- des Quatre-Nations, &c. Quelquefois auiTi on les fait quarrés par leur plan, & de forme elliptiqu© dans leur élévation , tels que ceux du Palais des Tuileries, du Vieux-Louvre , du Château de Cla- gny , & autres. Communément on revêt l*un Se l'autre en plomb ; on les décore de cotes, de? ferlons, d'œuils de bœufs, & on les termine'par Jjie plate-forme, au-defîus de laquelle on élev<* une lanterne en charpente, & couverte auffi de plomb. On furmonte celle-ci par une campanile ^ une pyramide oif une aiguille, comme il s'erî remarque au dôme des Invalides, l'un des chefs- d œuvre de Hardouin Manfard, tant pouffa forme que pour le choix de ies Ornements f qui \ dans leur origine, ont été dorés à l'huile; ce qui pro- curoit alors à ce dôme, le plus grand effet. Toutes ces différentes efpèces de Couvertures
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158 Cours
fe conffruifent en charpente ; nous en donnerons
les deffins- & les divers affernblages, lorfque nous traiterons , dans le fixieme volume de ce Cours , de la conftru&ion en général & en particulier de la charpente. DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE TERRASSES.
Quelquefois au-lieu des Combles dont nous
venons de parler , on couvre les bâtiments en TerraiTe ; telle eil celle de f öbfervatoire à Paris, pavée de pierres à fußl 9 tels font encore les por- tiques du Palais du Luxembourg , du côté de la rue de Tournon, couverts de dalles de pierres à recou- vrement , & formant des gradins ; telles font enfin les galeries du Palais des Tuileries, couvertes de dalles de pierres arrafées, & avec des pentes fuffi- fantes pour faire écouler les eaux du ciel. Ces Terraffes nous paroiffent propres à fervir de cou- verture à la partie fupérieure des Palais élevés dans les Cités, aux maifons de plaifance érigées à la campagne , & affez généralement dans tous les bâtiments & les pavillons à un feul étage , diftribués dans les cours, les avant- cours & les jardins, formant les dépendances des bâtiments d'une certaine confédération. Quelquefois , par économie , ces Terraffes fe couvrent en plomb f cette efpèce de couverture n'exige pas des murs ii épais, & elle épargne les voûtes en maçonnerie : quelquefois auiîi, pour plus d'économie encore, au-lieu de Terraffe , on élevé des combles aux* quels on'donne li peu d'élévation, que les balu- lîrades qu'on pratique au-deffus des façades , man- quent la plus grande partie de la hauteur de ces petits combles ; on en a fait ufage aux nouveaux |
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d'Architecture. ifö
bâtiments de la cour du Vieux-Louvre, à Ver-
failles , du côté des jardins , au Palais Bourbon, & ailleurs. Lorfque ces bâtiments ont beaucoup de profondeur, on divife ces combles en deux par- ties ; maniere,qui, en racourciifant leur bafe, di- minue coniidérablement la hauteur de leurs poin- çons. La difficulté d'empêcher que les eaux du ciel,
affez abondantes en France , ne paiTent à travers les joints des dalles de pierre, δε lä dépenfe qu'en· traîne ce genre de conilrucHan, eft un obltacle à ce qu'on en faiTe chez nous un uiâge fréquent. Il y a peu d'Architecles qui ne redoutent ces fortes de TerraiTes , peu de propriétaires qui ne foienc alarmés de leur entretien ; nous ofons croire néan- moins qu'il feroit très-poiîible d'empêcher l'eau de dégrader les voûtes qui foutierinent ces dalles j nous ne chercherions pas*, comme on le fait ordi- nairement , à les jointoyer avec du mairie, du fpalme, ou même avec de la pouzzolane d'Italie, qu'il feroit aifé de faire parvenir à Paris ; mais au contraire, nous laifferions paiTer l'eau à travers les joints des dalles (g)l elle feroit reçue dans des rigoles pofées avec une pente fuffifante fur Je cerveau & les reins des voûtes ; ces rigoles alors, formées par un corroi d'excellent mortier, fervi- roient à jeter l'eau en dehors par des caniveaux (g) Dans le fixieme volume de cet ouvrage , en traitant de
Ia conitruótion , nous donnerons les développements de ces nouvelles TerraiTes à exécutés en partie à celles qui fervent de couverture à l'ancienne Orangerie de Meudon: eonftruition que nous avons étudiée avec foin , 6c à laquelle nous avons fait quelques changements utiles, lorfque nous fumes chargés , .Ά y a quelques années , du projet de l'Académie Impériale de Moskou, dont nous donnerons auifi les deifins dans la fuite. Rij
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pratiqués expres, fans nuire en rien a la décora«
tion extérieure.
Lorfque les Terraffes fupérieures , réunies à
i'ufage de combles, contribuent à ajouter au cara- ctère de l'édifice /quelquefois, comme fur les faî- tages des combles du Château de Maifons , on y pofe des balcons de fer, qui offrent l'idée des Ter- raifes réelles, & qui produifant le même effet, décident l'Architecte à en faire ufage félon Focca- fion ; rien n'étant li effenciel que d'appeler à foi toutes les rgifources de l'Art, pour procurer à fon édifice une ordonnance relative à l'objet qui déter- mine le Propriétaire à bâtir. Les Terrafiès de couronnement, foit en pierre
foit en plomb , dons nous venons de parler, ne , font pas les feules dont on puiffe faire ufage dans les bâtiments. On en place auffi de peu élevées au pied des édifices de quelqu'importance, telles qu'il s'en remarque à Verfailles du côté des jar* dins, au pied & le long des ailes appelées les ailes des Minißres, dans la cour du Château du même Palais. On en voit auffi de ce genre au pied du Palais des Tuileries, du côté du jardin. Le Château de Marli en eff environné , & elles y prodnifent le meilleur effet. Au contraire celles qui régnent le long des parties latérales de la cour du Château de Maifons , nous femblent réufîir beau- coup moins bien, parce qu'elles offrent un but contraire à celui qu'on doit fe propofer. Lorfqifon entre dans une cour entourée de baluftrades, & celles-ci d'un foffé , on eft bien- aife de pouvoir jouir de,.droite & de gauche, des parties décou- vertes qui avoifment le principal corps de logis î on eft privé de ce coup-d'œuil à Maifons , parce que ces Terraffes font trop élevées, pourqu'oa |
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puiiTe découvrir ces divers points de vue, à moins
d'être arrivé fur leur éminence ; ce qui n'eit pra- ticable que pour les gens de pied. A ce défaut près, ces terrafles & les foiTés qui les entourent, auffi bien que les combles qui couronnent le prin- cipal corps de logis, cara&érifent très-bien cette belle maifon pour un Château , qui , dans fon genre, n'a guère de rival que celui de Richelieu ,- en Anjou, ainii que nous l'avons déjà obfervé dans les volumes précédents. .' Les Terrafles des Châteaux d'Amboife, de Meu-
don , de Bellëvue & de Saint- Germain-en-tLaye > font autant de Terrafles d'un autre genre ; tes deux premières fur-tout, foutenues par de hau- tes & d'épaifles murailles qui raccordent l'inégalité fupérieure du terrein où ces édifices font élevés ? , ont véritablement de quoi étonner. Ges Terrafles: font difpeïidieufes à la vérité ; maïs il faut con- venir qu'elles annoncent un air de grandeur & de magnificence , digne tout à la fois du pouvoir de YAitï-Si de celui des grands Princes qui les ont or- données. Rien de fi intéreffant entr'autres , tjue l'étendue de la vue qu'on découvre de deflus les TerraiTes d'Aniboife & de Meudon : de deffus cette dernière, la Seine & Paris fevoient à découvert; d'ailleurs elle eil d'une étendue confidérable, & ornée de belles verdures, qui annoncent avec éclat les chefs-d'céuvre en plus d'un genre, que contiennent les appartements fans nombre de cette fuperbe maifon royale. . Lorfque ces Terrafles extérieures n'ont- qu'une
moyenne élévation, & que le terrein a une con- fiflance reconnue , au-lieu d'en conitruire les mu- railles, en pierre, on fe contente de pratiquer des taluts, des glacis & des pentes douces qui retien- R iii
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261 Cours
nent Véboulement des terres ; telles font celles du
Château de Bellevue. Mais, dans tous les cas, nous leur préférons les murs de maçonnerie ; c'eit ce qu'on a fait pour celles de Saint-Germain-en- Laye , qui font d'une étendue prefqu'illimitée. Nous délirerions feulement qu'elles fuflent revê- tues d'un parapet en pierre , comme aux Tuileries, du côté de l'eau, ou même de baluitrades, comme à Meudon , ou au moins de balcons de fer, comme à Choifi. Nous ne parlerons point ici des Terraffes moins
élevées encore , & deitinées à orner les jardins de propreté ; nous nous réfervons d'en donner quelques deffins en particulier, en traitant du Jardinage, qui fera partie , dans les volumes fuivants, de la cliitribution extérieure de nos bâtiments ; & nous prendrons occaiion alors d'offrir celles qui font le plus capables de former le goût dç nos Elevés* dans cette partie de rArchitecture. Avant de terminer ce Chapitre V , déjà fort
étendu par la quantité des objets qu'il contient 9 comprenons encore fous ce titre, quelques autres détails non moins intéreflants , tels que la décora- tion des différents entrecolonnements, le bon & le mauvais effet des pilaftres en général, les péri- ftyles & les* colonnades, enfin la nécefîité de fe cendre compte , avant de paffer à l'exécution d'un bâtiment, de la différence qu'on doit obferver entre la hauteur réelle & les hauteurs apparentes qui fe remarquent dans les membres d'Architecture , fouvent occafionnées par le point de. diftance* la hauteur & l'étendue de l'édifice. |
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d'Architecture. 263
De la Décoration des Entrecq-
lonnements en général.
Nous avons parlé, dans le fécond volume de
ce Cours, pages 24 & fuivantes , des différentes largeurs des entrecolonnements , félon les An- ciens & les Modernes ; nous allons traiter ici de la décoration de ces mêmes entrecolonne- ments , relativement au caractère de Tordre qui les détermine. Rappelons-nous néanmoins , que les plus petits entrecolonnements que nous faifons aujourd'hui, égalent pour ainfi. dire, les plus grands efpacements que nous enfeigne Vltruve, c'eft-à- dire, les diaftyles & les aréoftyles de fix & de huit modules , qu'il trouve déjà trop coniidéra- bles. Souvenons-nous que des cinq manières , il n'eftime que les Îiftyles, ou de quatre modules ( h ) r trouvant avec raifon le picnoftyle de trois mo- dules trop ferré. Au reite, ces divers entreco- lonnements, auxquels les Temples des Anciens étoient afîujétis , ne fervent plus guère de regle à nos Architectes, à moins qu'ils n'aient occanon d'ériger ,. ©u plutôt de repréfenter dans les fêtes publiques ou fur nos théâtres * la décoration de quelques édifices dans le goût antique. En France nos ufages n'étant pas les mêmes que ceux des An- ciens, il a paru pîaufible à piLifieurs,,en fuivant néan- |
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(A) Yitruveprétend que cet efpacement n'a aucun des défauts
des autres entrecolonnements des Anciens, & qu'on le doit à Herrnogenes , Architecte Grec; qu'il eft autîi le premier qui ait fait l'entrecolonnement du milieu du frpntifpice des Tem- ples, plus large, leur ayant donné fix modules au lieu de qua- tre », & qu'il eft enfin l'inventeur des Temples , appelés Pfeudo- diptère, préférables à tous les autres x parce qu'ils offufquent moins le çortique. ..., \ ' R iv
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f.64 CO URS
moins la plus grande partie des proportions Grè«
ques & Romaines , de difpofer leurs entrecoîonne- ments , félon que fembloit l'exiger la deiHnation particuliere de l'édifice ; c'eil pourquoi, dans le même bâtiment, dans la même façade & dans îe même avant-corps, ils ont varié la largeur des entrecoîonnements, & ont aiTuré dès lors à leurs, différentes entreprifes une nouvelle difpofition qui n'a pas peu contribué à rembelliiTement de leurs monuments. Nos Archite&es en cela, n'ont fait que ce qu'Hermogenes avoit fait du temps des; Crées, c'eii-à-dire , qiûls ont tçnté de perfedtiom «er l'Art, Il ei| vrai que la plupart des Modernes , Se
particulièrement les Architectes François , font tombés dans deux excès également oppofés, D'un côté, ils ont fouvent fait leurs efpaçements trop ferrés , lorfqu'ils ont fait ufage des grands ordres i de l'autre, ils les ont trop écartés,. quand ils n'ont, employé que de petites colonnes , d'où eûVréfulté un défaut de convenance dans l'enfemble & dans les détails, lorfqu'ils font venus à décorer leurs, entrecoîonnements. Les Anciens pouvoient fe dif- penfer de cette décoration, par le peu d'efpace-^ ment qu'ils affec~toient entre deuz fûts ; parce qu'ils faifoieat coniiiler précifément la beauté de leur ordonnance, dans l'application des ordres, & non dans les ornements dont nos productions font % pour ainfi dire, accablées. Au refte, il faut conve- nir que la multiplicité des ouvertures dont nous faifons ufage, leurs différentes largeurs & la variété de leur forme, font autant de moyens inconnus, aux anciens ; ce qui. nous a amenés infenfiblemenf & fans prefque nous en apperçevoir , à négliger ï'QÎ>je.t principal pour recourir à Façç^iÏQire.. C'eü |
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d'Architectx7re. 165
cet abus que nous nous propofoiis de difcuter
ici, en rapportant divers exemples qui apprendront à nos Elèves comment on parvient à s'écarter des véritables règles, lorfqu'on fe clifpenfe de puifer fes modèles dans les fources , & qu'on fe contente d'imiter fervilement les ouvrages de fes prédécef-', feurs , parce qu'on ne copie alors que les écarts des modernes, fans profiter de leurs découvertes. L'imperfeétion qu'on remarque fouvent dans la diitribution des membres d'Architecture & des or- nements qui décorent les entrecolonnements de nos édifices, provient la plupart du temps, du peu de rapport qu'on obferve entre la grandeur de l'or- dre & celle du monument. En effet, combien ne voyons-nous pas de petits bâtiments où l'on affeâe des colonnes coloffaîes} Combien de Palais de la plus varie étendue , où l'on n'emploie que des ordres, d'un trop petit module ? Dans le premier cas , retenus par la portée des architraves, com- ment arranger convenablement une hauteur déme- furéç, avec une largeur qui, n'ayant aucun rap- port avec cette grande élévation , ne peut pro- duire que de petites parties. Celles-ci fe fuccédant 1 les unes aux autres , & fe trouvant prefque tou- jours féparées par des membres horifontaux, ne préfentent plus que des objets détachés , qui pa- roiiTent d'autant moins à leur place, qu'ils fe trou- vent , par leur réitération , remplir forcément, une hauteur très-coHÎidérable. Dans le fécond cas, la largeur des principales ouvertures , qui exigent de donner un grand écartement aux colonnes,- iproduifent alors des entrecolonnements ii impar- faits, que l'ordonnance, par la défunion de fes parties , perd prefque tout fon prix : ces deux dé- feuts. , que l'on remarque dans la plupart de nos |
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î66 Cours
bâtiments , prouvent, en faveur de ce que nous
recommandons fouvent dans nos Leçons , qu'il ert plus important qu'on ne s'imagine d'affortir la grandeur de fon module, à raifort de la defHnation de l'édifice , & du rang plus ou moins difHngué qu'il tient dans l'Architeâ:ure. C'eft le feul moyen d'accorder les détails avec les parties, celles - ci avec lesmaffes,& de donner un cara&ere relatif à chaque genre de compofition, Avec ces attentions on procureroit un véritable air de grandeur aux monuments facrés, une proportion moyenne aux édifices publics, fans nuire en rien à leur dignité; enfin aux bâtiments d'habitation, une dimeniion aiTortie qui les rangeroit dans leur véritable claife. Ces confidérations étant tout-à-fait négligées parmi nous, nos jeunes Architectes abandonnent pref- que toujours l'efprit de convenance, en voulant donner à nos maifons particulières, l'apparence des Hôtels, à ceux-ci l'importance des Palais, & aux ^Palais la grandeur majeftueufe qui devroit être réfervée pour les édifices publics, ou, plus raifon- nablement encore pour nos Temples, Nous ne rapporterons que peu d'exemples d'en-
trecolonnements exécutés dans nos bâtiments. Ils nous fuffiront pour faire connoître ce qui mérite d'être approuvé en ce genre, & pour relever les défauts dont plufieurs ne font pas exempts ; en forte que, d'après ces obfervations , il deviendra peut-être aifé de fe former une idée jufte , qui amènera nos Elevés à accepter ou à rejeter ce que nous aurons eu occafion d'applaudir ou de condamner. / |
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, D* Architectu re. 267
Divers Deffins (^Entrecolonnements.
Planches XLIX&L. Nous ne donnerons point ici en particulier les
entrecolonnements du périftyle du Louvre, ni les petits entrecolonnements de la cour du même Palais, non plus que ceux du Veitibule du Châ- teau de Clagny , & des façades du Château de Maifons ; on les trouvera dans les planches VI, XXXIX & XL de ce volume. Nous renvoyons d'ailleurs aux obfervations que nous avons faites en décrivant ces mêmes entrecolonnements. Nous paiïerons auffi fous iilence, la plupart de ceux de nos autres édifices d'habitation , tous à-peu- près de même genre. Nous n'examinerons que les entrecolonnements de quatre édifices facrés que nous avons choifis dans les ouvrages de ré- putation ; ce font ceux érigés par François Man- fard aux Minimes , par le Chevalier Servandoni à Saint - Sulpice , par François d'Orbay aux Quatre-Nations, & par Robert de Côtte à Saint- Roch. Ces exemples nous fourniront les moyens de difcuter fans partialité le bon ou le mauvais effet que préfentent les différents membres placés dans ces divers entrecolonnements. La Planche XLIX fait voir , -figure-A, la déco-
ration, d'une des portes latérales placées entre deux pilaftres d'ordre Dorique , au portail des Minimes, dont l'ordre a deux pieds neuf pouces de diamètre, fur vingt - deux pieds de hauteur. Cet entre-pilaitre , de fept pieds d'écartement, & ç-ftujéti à l'efpacement de trois métopes, a fi fort |
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a68 Cours
reiTerré cet efpace, que la hauteur de la baie de
la porte qui fe remarque ici, occupe à-peu-près les deux cinquièmes de celle du pilaftre, ce qui certainement ne fauroit produire un bon effet ; d'ailleurs le couronnement placé fur cette ouver- ture, paroît fort, étant furmonté d'un amortiife- ment qui contribue, par fon exhaufîement, à lui donner trop de pefanteur. La table placée au- deiTus, & qui renferme une efpèce de barbacanne, entourée d'un fimpie bandeau > ne réufîit guère mieux; en forte que toute cette décoration ne tient point à Tordre qui la reçoit, mais paroît fort au-deflous du génie du célèbre Architecte qui en a donné les deflins. Néanmoins le petit entre- pilaitre de deux métopes, qui aux Minimes fe trou- ve placé à côté de celui tracé iur cette planche, nous paroît encore d'une plus foible compofition,. fie confirmant que dans une feule table rentrante, 3U haut de laquelle fe remarque une autre bar- bacanne ; genre d'ouverture qui n'ayant rien de facré, ne peut raisonnablement trouver place que dans les ouvrages militaires. -Γ Il eil vrai que le grand entrecolonnement dit
milieu qui a pour écartement quatre métopes 9 eft rempli par une porte d'une grandeur affez bierï aiïbrtie au diamètre de l'ordre:; mais fa forme bombée , & la pefanteur de fon attique, y com- pris les portions circulaires ou oreillons qui for- ment la partie Supérieure du chambranle > ne font guère du ftyle qui convient au frontifpice d'un Temple. Les hommes de mérite $ pour n'avoir pas affez bien fan! le genre propre à chaque partie de. l'édifice s ont manqué le cara&ere qu'il conve- noit d'y donner. Cette inattention a produit chez les moins habiles, cette incertitude 9 ce vague 8c- |
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Ó*A RC Hit-EU TÜRE. *6>
tette irréfolution qu'on remarque dans prefque
tous leurs ouvrages : ils prétendent que les plus grands Maîtres ont hafardé ces mêmes objets 9 dans l'intention de fe répéter moins dans leurs œuvres,; & par cette prétention , ils fe croient atitorifés à s'écarter de vrais principes de l'Art, pour ne compofer plus que des ouvrages de fantai- Îie : tant il eil effen ciel à nos Elevés d'apprendre à apprécier , pour choifir enfuite les parties qu'ils veulent imiter , dans les* produftions des Artiites les plus célèbres. * Nous remarquerons encore, qu'au - deÎTus de
l'entablement denticulaire que Manfard a préféré au mutulaire , pour les raifons que nous en avons rapportées ailleurs, il a placé un focle de cou- ronnement, dans lequel on voit une ouverture qui a la forme d'un foupirail. Puifque l'intérieur ame- noit la néceffité d'un percé dans les dehors, il fel·, loit au moins préférer ici une mezanine ; car les ouvertures en forme de foupiraux , loin de pouvoir être admifes dans les portails de nos Temples, ne conviennent pas même dans les bâtiments d'habi- tation ii elles y font déplacées. Sans la convenance nous ofonsle dire, nos productions ne fauroient être vraiment eitimables, & l'on ne peut s'écarter rai- sonnablement de ce principe. C'eit parce que nos jeunes Archite&es l'oublient, que l'on remarque tous les jours, dans nos édifices de genres diiférents des portes à plates-bandes ou bombées, où il con- viendrait qu'elles fuflént plein-cintre ; des attiques, où un fécond ordre ferait plus convenablement placé; des frontons circulaires où ils devroient être triangulaires ; des avant - corps où il faudrait des pa- villons; desjgbaluitrades où les attiques devroient avoir lapréférence ; de? ouvertures à la place des |
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270 Cours
pleins; des ornements où il feroit à deiîret qu'on
remarquât des parties liffes; enfin des combles où des plates-formes annonceroient plus positivement le cara&ere de l'édifice. On fe permet ces dépla- cements , parce que d'autres les ont faits quelque- fois ; ou , ce qui eil pis encore, parce qu'on néglige les fources, qu'on médite peu fur l'heureux effet que peut produire la juite application de ces différentes parties combinées , & que le raifonne- ment de l'Art enfin, eil ignoré du plus grand nombre. La figure Β donne l'un des entrecolonnements du porche de l'Eglife de Saint-Sulpice, dont les colonnes ont cinq pieds de diamètre, quarante pieds de hauteur, & quatorze pieds huit pouces d'écar- tement : entre' ces colonnes eil comprife une des portes latérales , qui donne entrée dans les bas- côtés de cette ParohTe. Cette porte à plate-bande eil contenue dans une arcade plein - cintre, de même forme & grandeur, quoique feinte, que la porte réelle qui donne entrée à la nef. Lorfque les colonnes ont une grande élévation, & que leur écartement ne peut répondre à leur hauteur, à caufe des raifons qui regardent la folidité , toutes les parties distribuées dans l'entrecolonnement ne fauroient avoir un rapport immédiat avec le mo- dule de l'ordre , puifque l'arcade tracée dans cette figure, quoique de onze pieds de largeur, n'a pu porter fon impolie qu'un peu au-defibus de la moitié de la hauteur de la colonne. Un pareil défaut ne peut guère fe tolérer , que lorfque ces arcades feintes ou réelles fe trouvent enfermées dans des niches quarrées, parce que , dans ce cas, les alettes de ces niches , empêchent l'impoile de fe continuer contre le fût de la colonne ; encore doit-on convenir que c'eft toujours une imper- |
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d'Archït&cturje. 271
feclion , îorfque les membres diflribués dans 1'en-
trecolonnement fe trouvent d'un beaucoup plus petit modulPîque celui de l'ordre. Nous ne faurions guère applaudir non plus au
caractère de pefanteur de la corniche placée au- defîus du ibmmier delà porte à plates - bandes, & qui fe trouve comprife dans la hauteur de l'im- porte ; la capacité de cette corniche s'accorde mal avec le refTaut des croffettes du chambranle & le chantournement concave qui la fupporte. Elle n'a pas non plus un rapport convenable avec le petit médaillon & les gros ferions qui lui fervent de chute , & dont la forme , femblable au cavet de defTous, produit une répétition qui certainement a de quoi déplaire. Qu'on ne s'y trompe pas , cette répétition aura
fouventlieu, Iorfque l'Archite&e ne préndera pas aux ornements employés par le Sculpteur; -c'eft ce qui eil arrivé au portail dont nous parlons y car M. Servandoni, au-lieu de ferions, avoit mis des génies pour foutenir ces médaillons, comme on peut le remarquer dans l'une des gravures qu'il avoit fait faire fous (es yeux les premières années qu'il faifoit conflruire cet édifice important. Ce n'eil pas que M. Michel-Ange Slodtz, à qui Ton confia depuis cette Sculpture, ne fut un homme du plus grand mérite ; mais quelle différence, de faire un modele en petit dans fon attelier, & éloi- gné de l'ouvrage en grand! Comment, d'ailleurs, privé des intentions de l'Arehite&e , & de l'avan- tage de compofer ces ornements de concert avec l'Ordonnateur , parvenir à la perfection ? puifque lui feul, rempli de fon objet, eil capable de con- duire le génie, ou d'arrêter les écarts de l'Artiile, qu'il appelle à lui pour le féconder dans fes tra^ vaux. |
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%*fa Cöüks
L'archivolte de l'arcade a pour cîavéaù une
confole d'un affez bon genre ; celle-ci femble fou* tenir la faillie du plinthe qui régner horifontale- ment dans toute l'étendue de ce porche ; mais nous remarquerons que ce nouveau membre parallele à l'importe qui fubdivife en deux autres parties égales la diitance, depuis cet importe jufqu'au- deiîbus de l'architrave, eil encore une répétition qu'il faut favoir éviter. Ce n'eil pas que ce plinthe ne fafTe un bon effet, puifqu'il amène affez heu-* reufement la table rentrante placée au haut de cet entrecolonnement : cette table d'ailleurs , con- tient un bas-relief d'un excellent genre ; ainû elle auroit dû être un motif de plus pour faire fup- primer l'importe, & pour déterminer , ou à chan- ger la forme de l'arcade, ou à convertir l'archi- volte en chambranle, ou au moins à ne faire régner cette importe, que fous la retombée de l'arc , au-lieu de le continuer dans le fond de la niche, & même jufqu'entre les colonnes accouplées. Ces corps horifontaux, ainii multi- pliés , nuifent toujours à l'admiration qui nous porte à confidérer dans toute fa hauteur verti- cale , la tige d'une colonne bien fufelée, ainfi que nous l'avons déjà remarqué ailleurs. Le plan tracé au bas de cette figure , donne à
connoître les compartiments d'une partie du pla- fond du porche, dont nous donnons feulement l'un des entrecolonnements. Ce plafond eff orné avec magnificence , δε l'on peut dire qu'il produit un très-bon effet ; d'ailleurs tout cet édifice eff taillé en'grand, & doit être regardé comme une des compositions en ce genre, qui font le plus d'honneur à nos Architectes. La figure A de la planche L, préfente le
petit
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f> * A R c h: ι ? t c t υ r t.. ϊγ$
ptût ëntre-pilaitre d'un des arrieres-corps du fron*
tifpice de l'Eglife du College des Quatre-Nations £ l'ordre Corinthien qui le décore , a trois pieds de diamètre, trente & un pieds huit pouces de hauteur^ & huit pieds de largeur. L'un des défauts efiencieis qu'on doit remarquer dans fes entre-pilaftrés, c'eifc que fimporle qui reçoit la retombée de l'archivolte & de l'arcade qui ne fe'voir pas ici , mais qui fe trouve placée dans le milieu de l'avant-corps de ce frontifpice, coupe précifément, comme dans le dernier exemple , la hauteur de l'ordre en deux également; d'ailleurs la croifée bombée qui fe trouve fous cet importe, eft de la proportion des ouvertures attiques, & tout à la fois d'une iim« plicité Tofcane; il n'y a pas jufqu'à ion appui qui, ayant de hauteur les deux tiers de celle de la baie, n'oifre une ordonnance tOiit-à-fait étrangère à l'ordre Corinthien : ordre qui devoit donner le ton à ces divers membres d'Architeclure. Nous, rappellerons fouvent à nos Elevés , cette regle indifpenfahle, pour les garantir > s'il eft poffible , de l'imitation de la plus grande partie des mem- bres, hafardés le plus fouvent jufques dans nos meilleures productions, foit parce que nos Archi- tectes ont négligé ces détails, pour ne s'occuper que de la beauté des maiTes ; foit que cette rela- tion, que nous recommandons avectant d'initance* fut méconnue de nos prédéceifeurs. Quoi qu'il en foit, il île nous eil pas poiîibîe
aujourd'hui d'ignorer les rapports dont nous par- lons ; car enfin , nous en appelons aux Connoif· feurs , fans partialité ; comment concevoir que François d'Orbay , l'Architecl:© de ce monument eftimable à tant d'égards, ait pu faire une ouver- ture de cette êfpèce ? En effet, elle n'eil ' guère Jms ƒƒƒ. $ |
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174 Cours
qu'un rempliiTage d'Ecolier., qui ignore encore
les premiers éléments de Γ Art. Les Sénateurs de d'Orbay ne manqueront pas de répondre à ces obfervations , que la critique eil aifée , & l'Art difficile ; d'ailleurs, diront-ils, les dedans ont exigé de lui ce racourcifTement dans la croiféè, ainii que la hauteur de l'appui que nous condamnons. Mais cette excufe, ii c'en eil une , ne détruit pas Πη- convénient; & toute Architecture où l'inconvé- nient paroit, eft imparfaite, fur-tout lorfqu'il s'agit de la décoration d'un monument d'importance. Gar enfin aux préceptes de l'Art, ne peut-on pas joindre les reifources ? Qu'on y réfléchiffe ; au moins celles-ci, entre les mains d'un Maître habile, lui fournillent les moyens de vaincre les plus gran- des difficultés , & de concilier d'une maniere moins triviale, l'intérieur avec l'extérieur de l'édifice. , La croifée plein - cintre , placée au-defïus de l'ouverture, dont nous venons de parler , ne pro- duit pas un meilleur effet dans cet entre-pilaftre. Kon - feulement elle eft trop peu élevée, ainii que fon gppui ; mais la petiteife de fes pieds- droits , de fon archivolte & de fon impofte , annonce trop de difparité avec le diamètre de Tordre ; & certainement cette difTonnance 9 qui n'eft fupportable dans aucune forte d'édifice, l'eft encore moins dans l'ordonnance du frontifpice d'un monument facré, où tout doit annoncer au fpe- âaîeur la régularité , la pureté , la décence qui amène les fidèles dans nos Temples. . Nous ne parlerons point ici des pilaftres dimi- nués ( i ) qui fe remarquent dans les angles de ravant-corps de ce frontifpice, ni de la pefanteur ; *<i) Voyez Γ Architecture Françoiiè, où le plan, 1* coupe*
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d'Architecture» ^75
tfue forme l'efpace qui fe trouve entre l'archivolte
de la grande arcade du milieu & le deiîbus de l'architrave. Cet efpace , occupé par un bas-relief repréfentant les armes du Cardinal Mazarin, au- roit été mieux rempli par une table & quelques attri- buts d'Eglife, quoique ni l'une ni les autres, n'etif- fent pu détruire le maiïif que nous défapprou- vons , & qui jamais ne doit fe rencontrer dans aucune des parties deflinée* à orner les entre- colonnements d'un ordre délicat. Au reite , ce monument n'eit pas fans beauté , comme nous le dirons dans le Chapitre iliivant ; on remarque , dansles dedans , des objets affez intéreiTants, que nous invitons nos Elevés , en les examinant, à deiîiner avec foin , ainii que les parties des au- tres édifices que nous avons occafion de leur citer fouvent, ce qui. les amènera dans la fuite à fe faire une colle£tion utile,, lorfqu'une fois ils fe- ront parvenus à la compoiition. , La figure Β , tracée fur la même planche, nous
préfente l'un des entrecolonnements qui renfer- ment une des portes latérales du portail de TEglife de Saint-Roch : cette porte, de forme bombée, fe trouve contenue dans une arcade feinte, de même forme & grandeur que celle qui donne en- |
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& les élévations de ce monument fe trouvent gravés avec alTez
de foin : confultez le même Recœuil pour toutes les parties des autres édifices dont nous parlons dans noire Cours, & donc nous ne rapportons , dans nos planches, que les objets les plus efTenciels à l'inftruâion de nos Elevés, n'ayant pu entrer dans ces détails lors de la defcription des bâtiments que con- tient cet œuvre, notre delïcin feulement ayant été, dans le temps , de parler aux Amateurs; au-lieu que ce Cours regarde précifément les jeûnes Architectes , qui, deftinés à opérer un jour, doivent apprendre de bonne heure àchoifir dans ces ouvrage inamenfe, ce qu'Us doivent imiter ou rejeter, 3 l)
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276 Cours
trée à la nef de cette ParoiiTe; celle dont nous
parlons, eil comprife dans' un entrecolonnement de quatorze pieds de largeur fur trente-un pieds de hauteur, & les colonnes ont trois pieds d@ diamètre. i\ ' On aura de la peine à fe perfuader, que depuis
les chefs-d'œuvre que nous ont laiffés en France les Lefcot, les Manfards &' les Perrault ; c'eil- à-dire, depuis Henri II jufqu'au commencement de ce fiecle , FArchiteâure ait pu dégénérer au point qu'on le remarque dans ce frontifpice, où Ton peut dire qu'on n'apperçoit ni les préceptes, ni les reiïburces , ni le goût de l'Art. On n'y voit point les préceptes , Tordre Dorique y étant employé avec la plus grande négligence; on n'y apperçoit point les refiources , puifqu'on ne les y a pas employées pour rendre1 moins "irrégulier le plafond de fon entablement : enfin on y cherche inutilement le goût de l'Art ; toute la fculpture *dont il eil enrichi y étant mal difiribuée, d'un trop petit volume, & dune exécution fouvent au- deflbus de la médiocrité. Ce n'eil pas fans y beaucoup réfléchir, que nous
nous déterminons quelquefois à porter notre juge- ment fur les ouvrages de nos prédécefleurs & de quelques-uns de nos contemporains ; mais , en- core une fois # comment apprendre aux Elevés fans expérience, qu'un édifice qui a droit de leur en impofer par fa ntuation , par fa grandeur, fouvent par la réputation de Γ Architecte, renferme des défauts eifenciels? Neferoit il pas à fouhaiter, pour le bien des Arts, que les-Architectes euflent évité de pareils défauts, & qu'ils enflent étudié avec plus de foin les différentes parties de leur compofition ? Continuellement fous les yeux des |
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d'Architictüre. urffi
Amateurs & des jeunes Citoyens qui fe vouent
à l'Archite&ure , ces ouvrages défectueux les font flotter fans ceffe entre ce qu'ils doivent choifir, entre l'excellent ou le médiocre dont ils ne con 5 ïioiffent pas encore la fublimité ou la^ difformité. Ne ferion s* nous pus bien fondés à demander pour- quoi les grands Maîtres qui ont dû puiiér les prin- cipes dans les mêmes fources, fe trouvent ii peu d'accord entr'eux, & fou vent 11 peu d'accord avec eux-mêmes ? Croiroient-ils qu'il fuffit de produire de belles-malTes, fans s'embarraiTer ii les parties effencielles de leurs produ&ions fe détriment l'une l'autre? D'ailleurs les malles dont nous parlons, doivent-elles fe reiTembler dans lés édifices de genres différents ? SufHt-il de varier les différentes, formes de fes façades, leurs croifées , les niches, les baluitrades, û ces différents objets ne font pas choifis de la meilleure forme , d'une fimplieité ou " d'une richelTé analogue au genre de l'édifice & ait caractère de l'ordre qui en détermine l'ordon- nance? Un Sculpteur habile, croit-il avoir jeté en fonte une belle itatue, quand quelques-uns des, membres qui la compofent font imparfaits ? Un mufcle déplacé, une mamelle trop haute, une articulation négligée , ne détruit pas fans doute la proportion entière ; mais cette imperfection, qui met la copie au-deffous du modele, la con- damne à refter dans l'oubli. Pourquoi donc expo^ fer'au grand Jour des édifices dont fouvent les membres mutilés, tronqués , les ornements fans proportion , fans caractère, offrent le défordre de l'Art, & non fes beautés '% FArchiteclure * cet Art créateur, exige-t-il moins de févérité que la Scul- pture , la Peinture, tous les autres Arts utiles '% & les Arts de goût? Non fans doure. S'il en eiï S 11J
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2jS C OURS
ainii, qu'on nous permette donc la continuité de
nos observations , puifqu'elles n'ont pour but que de faire parvenir nos Elevés à là plus grande perfection. Que l'amour propre de quelques Ar- tifices de nos jours , qui affichent l'urbanité, ne nous taxe pas d'audace à cet égard : tout auiïi bons Citoyens qu'eux, nous aimons à applaudir aux vraies beautés ; c'eit toujours avec une forte de regret que nous nous trouvons forcés de relever les erreurs répandues dans les ouvrages de nos jours. Nous avons exalté avec plaiiir les talens des grands hommes que la France a vu naître ; nous ne ceiTerons point d'applaudir aux chefs-d'œuvre ; mais nous continuerons auffi nos óbfervations , parce que notre devoir nous impofe de terraffer le mauvais goût. Comment en effet paffer fous filence, dans la
figure Β, dont nous parlons, la grande arcade feinte en tour creufe qui s'y remarque? s'accorde-t-elle avec la petitefle des pieds-droits ? Que fignifîe la porte bombée & le chambranle qui l'entoure ? Enfin la Sculpture, d'un beaucoup trop petit Volume, noyée dans l'efpace qui la contient, & qui, com- parée avec la partie liffe affectée au-deiTus de l'ar- chivolte, ne montre qu'une compoiition indécife > incorrecte , indéterminée, qu'on ne peut raifon- nablement imiter? Pourquoi rapporter un tel exemple, dira-t-on ?
Parce que les ouvrages imparfaits, mais annoncés pour tels fans aucune partialité , font autant de leçons qui peuvent amener dans la fuite à en faire fentir l'abus , & qu'il eil peut-être auiîi utile dans un ouvrage tel.que celui-ci, de difcuter le mauvais effet que peuvent produire les défauts ides ouvrages médiocres, que d'y rapporter les |
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D 'A RCHIT E 'C TÜRE. %*φ
exemples les plus célèbres» Bien-loin donc de
craindre qu'on s'offenfe de nos remarques ; nous nous flattons que les bons efprits nous four ont quel- que gré de notre courage à repouffer, quoique toujours avec ménagement, la morgue du plits grand nombre de ceux qui fe croient des oracles* & qui regardent comme un outrage qu'on ôfô les initruire. c ■'':■' ''■'.- ■ .,,:'—,, I ■ .„/. . . · f'
% ·
'De LA DECORATION QUE LES ORDRES
Pilastres peuvent procurer. I
A nos Bâtiments. En traitant des pilaitres ( k ) dans nos défini-
tions du premier volume , page 289 » nous n'a- vions pour objet que d'indiquer leur différence d'avec les colonnes , d'établir leur forme, leur faillie fur le nu des murs, Sec. Notre deffein ici eft de traiter de leur application dans l'ordon- nance de nos bâtiments, & de citer divers exem- ples où ils fe trouvent employés avec plus ou moins de fuccès. Les Archite&es modernes ont fait un bien plus
fréquent ufage des pilaftres (/) que les Anciens : |
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(k) Pitaßre, de l'Italien Pilaflro, colonne quarrée.
( / ) En général on appelle pilaftre dans rArchite&ure,. tout
corps quarré à une ou plufieurs faces, qui, dans les dehors, foutienc quelque fardeau, tels que les pieds-droits placés entre deux arcades ; &c dans les dedans Λ tout corps faillant fervent à la décoration des appartements. Ici nous avons feulement en, vue les pîlaftres des ordres d'Architefture qui ne différent des colonnes que par leur forme quadrangulaire, Se qui. ayant le même diamètre.& la même proportion, ont aufli les^mêmes bafes, * les mêmes chapiteaux, & font couronnés des mêmes entable- ments. - * 0!n donne néanmoins à ces pikitres différents noms, félon
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la plupart les ont même préférés aux colonnes,
tandis que d'autres les condamnent abfolument clans la décoration des dehors, & ne les mettent en œuvre que dans l'intérieur des appartements. Kous fommes d'avis de lis employer par-tout où us feront bien , & où, par leur préfence, ils pourront apporter delà variété . & un repos rai- îbnnable dans l'étendue des façades d'une certaine importance. 11 eil certain, du moins nous lepen- ibns ainiî, que les pilailres s'allient très-bien avec les colonnes, & contribuent à rendre l'ordonnance d'un édifice plus complette. Nous favons que cette opinion fera combattue par les amateurs des co- lonnes ; mais , comme nous l'avons remarqué ail- leurs , le vrai moyen de porter la richeiTe à fon comble dans un bâtiment, c'eil de réunir & les pilailres & les colonnes enfemble , comme Ta fait Perrault dans fon admirable périilyle du Louvre; moyen préférable, à beaucoup d'égards ? aux co- lonnes engagées qui fe voient au porche du por- tail de l'Eglife de Siint-Sulpice : pénétration qui préfente toujours un ouvrage imparfait, & que la ÏH place qu'ils occupent dans la décoration des bâtiments : par
exemple, on appelle vilajlre angulaire , celui qui termine l'angle d'un bâtiment : ρΐ',φ^ doublé, celui formé de deux pilailres entiers , qui fe joignent à angle droit Λ comme dans l'intérieur du veftib.ule iu Château de Clagny , ou dans Texte· içur des aîles du Château de Trianon , ou plies à pngleç obtus, comme ceux placés derriere les colonnes Λu dedans du dôme des Inva- lides ; pihifije êbrhféi celui qui eft au/fi plié à angles obtus, pour fatisfaiïïe au pan coupé qu'on place ordinairement dans les quatre principaux piliers d'un Eglife, & qui foutiennenr, ut» dône : o/fîn on donne aux pilaÎtres le nom de pilafins enga- gés t-cartndh, cintrés , grêles x liés , fl -nques , &c, lorfqu'ii î'agtc d'indiquer Jeiü forme, leur iïmpjficùé, leur richcfTe , Îa ïégulariré ni, l'irrégularité qu'ils arrinçnt dans l'ArchiteÎlurÇa foit p*r inadvertance ou autieraenc.
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bonne Architecture tolère à peine , malgré le fré-
quent ufage qu'en font depuis plufieurs iiecles, les Architectes d'Italie & ies nôtres. Nous penfons de même dé celles qui font en-
gagées dans des pilaftres , comme on le remarque clans les quatre Chapelles du dôme des invalides ; cette double pénétration étant plutôt un abus qu'une licence , ainiï que nous l'avons fait obier- ver dans le deuxième Chapitre de ce volume. Quelques Architectes qui 'penfent comme nous à cet égard, préfèrent d'iibler les colonnes , en ne faifant toucher que les bafes & les chapiteaux fur le nu du mur de face, & fuppriment tout-à-fait les pilailres de derriere. Point de doute que cela ne fe puifle faire ainii; nous croyons cependant que les pilaftres qu'ils fuppriment, non-feulement ajoutent à la beauté de la décoration, mais qu'ils amènent la colonne avec plus d'avantage, puif- qu'autrement elle paroît n'avoir été introduite qu'après - coup dans l'ordonnance, pour foutenir la faillie de l'entablement ; au lieu que le pilaitre placé derriere pour orner le nu du mur, femble appeler à lui la néceffité des colonnes, afin qu'elles décorent à leur tour les avant-corps qui doivent faire valoir les principales parties devinées à divifer les façades, & à leur procurer du mouvement. · Lorfqu'on fait ufage des pilaftres fur le nu des
murs, & qu'ils ne préfentent qu'une de leurs faces, leur faillie doit n'avoir que la iixieme partie de leur diamètre ; mais ii les membres horifontaiix, placés entr'eux , tels que hs impolies, les archi- voltes s& les plinthes , exigent une plus grande épaifleur, il faut donner plus de faillie à ces pi- laftres; car il faut obferver que ceux-ci, en qualité de corps contenants 7 doivent avÄ plus |
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.dé relief, que les corps contenus. îl ne fuffit
■donc pas que les faillies des impoftes arrafent le devant des pilaftres, comme on le remarque dans les façades de la cour du Vieux-Louvre j car rien n'eft ii contraire aux règles de la bonne Archi- tecture , que de ne pas détacher chaque membre les uns des autres ; parce que les membres non déta- chés, n'offrant plus qu'une feule & même furface, amolifTent l'ordonnance, & lui ôtent fon nerf, s'il nous eil permis de nous exprimer ainii. Il eft vrai que c'eft encore pis, quand ces membres horifontaux, plus faillants que les pilaftres, les défafleurent, comme on l'a pratiqué dans l'ordre Dorique du portail de Saint-Gervais. Il feroit en- core plus condamnable , d'imiter ce qu'on remar- que au Palais des Tuileries du côté du jardin; on y a fait les pilaftres fi méplats, & les impoftes fi faillants, que ceux-ci non-feulement lestraverfent prefqu'en-entier, mais en divifent la tige à-peu-près en deux également, ce qui produit le plus mauvais eilet. " « Lorfqu'on ne place aucuns corps horifontaux
entre les pilaftres, on peut réduire la faillie de ces derniers au huitième de leur diamètre, comme à la Fontaine des Saints-Innocents : au contraire, lorfqu'ils fe trouvent réunis avec des colonnes, ou qu'on a deffein de leur faire faire des refîauts pour déterminer les angles d'un avant-corps, on peut leur donner le quart de leur diamètre, 8ç même jufqu'à la moitié, en le pliant à angles droits, - ainii que nous l'avons rapporté au commence- ment de ce volume _, Chapitre II, page 2 5 · JDans ce Chapitre, en parlant des licences , nous avons défapprouvé les pilaftres qui ne fe montrent que dansrla/fixienie partie de leur diamètre , malgré |
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fufage qu'en a fait Perrault au périilyle du Lou-
vre; & Ton doit leur préférer les pilailres plies , comme moins licencieux. Pluiieurs Architectes qui défapprouvent l'emploi
des pilailres dans la décoration des édifices, con- damnent abfolument ceux qu'on fait diminuer comme les colonnes , ainfi que François d'Orbay Fa fait au portail de l'Eglife des Quatre-Nations. Il s'y eil fans doute cru autorifé par plufieurg exemples antiques, tels que les pilailres adoiTés fur le nu du mur, derriere les colonnes de l'Arc de Septime-Sévère; ceux qu'on voit à l'Arc de Triomphe de Conilantin, & au Temple appelé par Vitruve , le Temple de Mars le Vengeur. Philander & Scammozzi font aufîi de cet avis; mais malgré ces autorités , contredites par d'autres exemples non moins célèbres, comme dans l'ex- térieur & l'intérieur de la Rotonde, aü Colifée & ailleurs, où les pilailres font paralleles, nous croyons devoir confeiller cette dernière pratique. Ceux qui préconifent les pilailres diminués
prétendent, qu'étant l'image des murs qui chez les Anciens diminuoient infenfiblement de leur bafe à leur fommet ; il étoit naturel alors de leur faire indiquer cette diminution : que d'ailleurs les pilailres fervant de colonnes dans les édifices , doivent en retenir la diminution ; que les colonnes ont d'abord été diminuées à l'imitation des arbres qu'elles repréfentoient dans les premiers monu- . ments; qu'enfin un pilailre diminué, n'eil autre chofe que la repréfentation d'un arbre qui, de rond qu'il étoit , fe trouve équarri par l'art: d'où il s'enfuit, difent-ils, que toutes ces mé- thodes font également bonnes à fuivre, & que ceft à la prudence de FArchitefte à les employer |
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avec plus ou moins de circonfpeâion. Faifons
quelques remarques à ce fujet. i° Les murs de refends s'élèvent chez nous toujours paralleles, & les murs de face feulement en retraite dans le dehors ; conféquemment ce genre de conilruclion ne peut autorifer les pilailres diminués dans la décoration de nos façades. z° Les pilailres doi- vent 'd'autant moins reffembler aux colonnes, qu'étant prefque toujours engagés des cinq iixiè- mes de leur diamètre dansTépaùTeur du mur, ou n'ayant jamais que deux faces, lorfqu'ils fe trou- vent placés dans les angles faillants des avant- corps , ou à l'extrémité âes façades, il convient qu'ils confervent la même largeur pour déiigner le parfait aplomb qu'on doit obferver dans les murs ·, il doivent aufli avoir leurs côtés paralleles pour figurer avec les pieds-droits des ouvertures, ordinairement placées entre ces entre-pilaftres. 3 ° II fe peut que d'abord les Anciens aient imité la dimi- nution des arbres , lorfque ceux - ci avoient peu de groiTeur ; mais parvenus à en faire des colonnes, enfuite des pilailres, ils ont fans doute équarri ces derniers dans des troncs d'arbre qui avoient plus de diamètre, & ont commencé par leur moindre groiTeur, pour les continuer paralleles jufqu'à leur bafe, ainfi que nous l'obfervons tous les jours dans nos bâtiments conftruits en charpente. Nous infiilons donc pour que les pilailres foient
d'un diamètre égal dans toute leur hauteur, l'obli- quité que préfenteroient leurs côtés oppofés , ne pouvant convenir que dans les ouvrages militaires .où les taluts peuvent être employés, ainfi que nous l'avons déjà remarqué ailleurs : au-lieu que, dans ÏÀrchite&ure civile, tous les corps élevés à plomb JE dans un parfait niveau, font reconnus d'uiaç néceiîité iridifpenfable. |
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Cependant lorfque les pilaiïres font précifément
placés derriere les colonnes, & à peu de diitancé* on peut les diminuer comme ces dernières, afin d'éviter que leurs chapiteaux ne faillent plus que ceux des colonnes ; encore, en pareil cas, pré- férerions nous qu'on altérât un peu la largeur de ces chapiteaux, & qu'on fît leur retour moins fail- lant que fur le devant, dans la vue d'effacer le défagrément que produit à l'œiiil cette inégalité de faillie dans les parties fiipérieures des ordres colonnes ou pilâftres, réunis enfemble dans une même décoration. Nous fournies encore d'avis, quand les pilaftres
. préfident feüls dans une façade , qu'on doit donner un peu moins de deux modules à leur diamètre * par la raifon qu'un pilaftre d'un diamètre égal à une colonne , paroît toujours plus large; car on n'ap* perçoit jamais, par le rayon vifuel, le véritable diamètre de la colonne ; ce qui fait que celle-ci femble toujours plus Îveke, quoique d'un diamè- tre parfaitement égal au pilaitre.ρ " ïjt-' Lorfqu'on diminue les pilaftres , cette diminu-
tion né doit jamais regarder que leurs côtés ou retours ; elle n'a pas lien pour la face de devant* parce qu'il convient que celle-ci foit abfolument parallele au mur de face, qui étant toujours à, plomb , ne pourroit permettre cette diminution; c'eit pourquoi au portail de l'Egliiè des Quatre- Nations, cité plus haut, les pilaftres angulaire^ qui diminuent fur toutes les faces, déplaifent gé- néralement à tous les ConnoifTeurs. Nous finirons ces observations fur les pilaftres^
par recommander à nos Elevés, d'étudier de nou- veau ce que nous avons eu occafion de dire à cet ijjard, lorfque dans le fecoad volume, page j><^ |
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nous avons parlé des colonnes & des pilailres
réunis enfemble dans l'ordre Dorique ; cette regle doit fe rapporter aux autres ordres en général. Des Péristyles et des Colonnades.
Les Anciens ont regardé les périilyles ( m ) &
les colonnades , comme la décoration la plus ca- pable d'annoncer la dignité qu'ils vouloient faire préiider , tant dans l'extérieur que dans l'intérieur jde leurs Temples : auffi remarque-t-on, dans tous les monuments de cette efpèce, des files de co- lonnes entremêlées de pilailres, que pour cela ils appeloient des portiques ou des périilyles. Les Modernes ont donné depuis à ce genre de déco- ration , le nom de colonnade, & dans la fuite ils ont employé ces colonnades aux Bafiliques , dans les Palais des Empereurs, aux Théâtres , aux Mar- chés , &c; , ' : Ce font ces périilyles ou colonnades diverfe-
«nent combinés, ain.fi que nous l'avons déjà remar- qué ailleurs, qui ont fait appeler par Vitruve > dans le premier Chapitre de fon quatrième livre , les Temples des anciens, Temples à unies, proßyles, arnphiprofiyUS) péripteres , diptères , pf&udodipteres & hipethres. s , ■ v«^ -.r.^t^u. m-j Les premiers, appelés Temples à antes, dit-il,
n'étoient comppfés fur la· face de devant, que d'un porche orné de deux colonnes & de deux pilafcres angulaires , couronnés d'un fronton, ainfi que tous les frontifpices des autres Temples qui vont fui vre* Les féconds, appelésproßyles, fbrmoient auifi
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" ( m ) Périftyle compofé de -deux mots Giccs j perit au tout»
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im porche extérieur, comme le précédent ; mais
ils étoient compofés de quatre colonnes de front, dont celles des extrémités étoient adoffées, chacu- ne fur un pilaftre placé derrière. Les îroiliemes, nommés amphiproßyüs, étoient
femblables aux proityles , avec cette différence, que le porche extérieur fe répétoit à la face de derriere du Temple , comme fur le devant. Les quatrièmes , défignés fous le nom de périp-
teres, étoient environnés d'une file de colonnes , dont fix par devant , fix par derriere , & ' onze fur les flancs, y compris celles des angles. Les cinquièmes, connus fous le nom de diptères,
étoient entourés d'une double file de colonnes , dont le premier rang en avoit huit fur fes faces, & quinze diitrihuées fur fa longueur ; & le fccond rang, feulement fix de face, & treize fur les re- tours : de maniere que la largeur du Temple n'oc- cupoit que quatre entrecolonnements. Les fixiemes , appelés pfeudodipteres , étoient
femblables aux diptères, à l'exception qu'ils nik-? voient point de double rang de colonnes ; mais que celles qui les entouroient, égaloient en même nombre celles de la file extérieure du précédent ; en forte que le périilyle qui l'énvironnoit étoit beau- coup plus confidérabie, la largeur du Temple , hors œuvre, n'occupant auffi que quatre colon- nes , des huit diftribuées dans le frontifpice. Les feptiemes enfin , nommées hipethres\ oit
Temples découverts,' étoient comme les diptères | entourés de deux files de colonnes , & une en dedans; il y en avoit dix en dehors dans chaque face, & dix-neuf darts les retours, y compris celles d'angle, pendant que le fécond rang navoit que huit colonnes fur les faces , & dix-fepî dans |
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. « a88 G ours
les flancs, & qu'enfin la file intérieure étoit feu-
lement compofée de fix colonnes fur chaque face, & de treize fur la longueur. _ Ces différents procédés, rapportés d'après l'an- tique, nous font connoître combien les Anciens apportoient d'attention à varier leurs productions dans les édifices,de même genre ; ils doivent nous apprendre quil eil effenciel de nous répéter moins dans nos comportions : d'où il réfulteroit plus pofitivement un caradere diftin.aif, non feulement dans nos monuments ίacres , qui, quoiqu'élevés pour la même fin , η en font pas moins fufcepti- bies de variété, mais encore dans tous les autres édifices de genre différent, & même dans ceux de même genre , qui chacun en particulier doivent s'annoncer diverfemenr. Il eil vrai que la variété de culte qui régnoit
dans le Paganifme a beaucoup prêté aux Anciens pour la forme de leurs Temples, Chez,nous, au contraire, notre religion qui n'a pour but qua l'adoration du vrai Dieu, nous refferre , en quel- que forte, dans les lois de l'unité ; cependant il n'en eft pas moins vrai que, relativement à fin- vocation des Saints, à qui la plupart de nosEglifes font'confacrées , ces différentes invocations fem- blent nous fournir une ordonnance, un ftyle qui, fans fortir du genre grave, nous permet d'ufer d'une difpofiîion plus ou moins intéreifante, félon que ces monuments fe trouvent élevés pour γ adorer l'Eternel , ou y demander l'interceflion de la Vierge, des Martyrs, des Apôtres. Conçus fous ces différents points de vue, ces édifices permet- tent à l'Architecte d'apporter dans ce genre de com-, pofition , une certaine diveriité auiîî néceffaire que laifonnable à ohferver, ainfi que nous avons eflayé
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'tuayé nous-mêmes de l'enfeigner, dans le Chapitre
Vil ί du premier volume de ce Cours, page 3 la & fuivantes. . , N,ous venons de dire, que les Temples n'é-
toienr pas les feuls édifices où les Modernes avoient employé avec fuccès les périityles & les colon- nades : celle de la Place cie Saint-Pierre à Rome* par exemple > cömpofée de deux cent quatre-vingt quatre colonnes d'ordre Dorique , de quatre pieds & demi de diamètre (λ), eftun exemple célèbre» qui tient le premier rang entre tout ce qui s'eiï élevé depuis en*ce genre : du moins en France* n'avoris-nous rien à oppofer à cette fuperbe entre- priie ; car la colonnade de l'Hôtel de Soubife à Paris , peut à peine être comptée pour quelque chofe : elle eu d'ailleurs d'une ordonnance allez négligée, & d'une inutilité reconnue (0), Nos Pla- ces publiques, qui devroient en être entourées , n'en ont point. La feule Place Royale, à Paris - eil enceinte de portiques, mais d\ine proportion fi racourcié qu'ils ont de quoi rebuter. Cepen- dant il eil eiTenciel que les monuments de magni- ficence , s'annoncent avec beaucoup de dignité. Nous manquons de Places au-devant de nos Eglîies ; ces Places devroient, de préférence , être décorées de colonnades, qui en conduifant à couvert les fidèles dans nos Temples, procureraient des tgrraf* ·:.
„. : (η) Cette colonnade eft appelée colonnade polyptile, du
Grec polyptilos, qui a beaucoup de colonnes. (o) Nous citerons cependant ici celle dont l'un des bofquets
des jardins de Verfailles a pris le nom, elle eft de forme cir- culaire, & coihpoite de trente-deux colonnes d'ordre lonjque* " de marbre/d'un iéul morceau. Nous prenons occaiîon de la citer ici, parce qu'elle offre aux Sprit* teurs une ordonnancé d'un deilln charmant s digne des ouvrages célèbres qui fe font élevés fous le regne de Louis le Grand. *-Tome III; *■■■■..'■< J **-'*&
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aço Cours
fes aux habitations des étages fupérieurs; de ces*
terraifes on jouiroit dufpe&acle pompeux que four- niiTent les cérémonies religieufes qui fe font publi- quement certains jours de Tannée ; de maniere que, félon nous , ces colonnades feroient réfervées pour le genre de monument dont nous parlons, & les portiques pour les Marchés, les Halles & les autres bâtiments d'utilité érigés dans la Capitale. Nous Tommes plus heureux à l'égard des péris-
tyles ; celui du Vieux-Louvre du côté de Saint- Germain- l'Auxerrois , fuffiroit feul pour montrer ce que peur le génie de nos Architectes , lorf- qu'on leur fournit des occafions de déployer la Îupériorité de leurs talents. Ceux de la Place de Louis XV, font une féconde preuve de ce que nous avançons, On en peut encore compter plu- iieurs , quoique moins confidérables, parce que la convenance l'exigeoit ainfi ; & qui tous pro- duifentle meilleur effet. Nous citerons "feulement celui de l'Hôtel de Thiers, Place de Vendôme ; & celui de l'Hôtel de Noailîes, rue Saint-Honoré; citations qui nous parohTent fufRfantes pour por- ter nos élevés, lorfqu'ils en feront à la compofi- tion , à tenter les moyens de faire entrer plus qu'on ne l'a fait jufqu'ici les colonnades & les périt· tyles dans les entreprifes de diftinâion qui leur feront confiées un jour. Ces objets de magnifi- cence pour les Chrés^ & d'utilité pour les belles tnaifons d'habitation » ont peut-être été trop né- gligés parmi nous. ' Finirions cet article p^r rapporter, qu'afîez com-
munément les périftyles qui font ouverts de part & d'autre , font nommés par nos ArchitecÎei $ faériityles en colonnades, comme celui du Château 3§£ Trianon, d'ordre Ionique, par Har4ouùij que |
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ceux entre les colonnes ou les pilaflres defquels
font contenues des arcades, s'appellent périiry- les en portique : tel eu. à-peu-près celui de l'Abbaye de Sainte-Geneviève d'ordre Dorique , du deiîin du Père de Creil, qui a aulîl bâti le joli portail de la Culture Sainte-Catherine , dont on trouve le deiîin dans l'Architecture Françoife«. Enfin terthinons ce Chapitre par dire quelque choie des difFérences qui résultent entre les mefures de* corps qui fe trouvent élevés les uns au - deffu« des autres, par le plus ou le moins de rapport qu'on leur a donné avec l'édifice , foit pour fatisfaire à l'effet de foptique , foit relativement au point de diitance, d'où, ces mêmes corps doivent être ap- perçus. 2: Des changements souvent néces^
s ai res a apporter π an s les mesv^ res oes corps qui se trouvent éle- vés les uns au-dessus oes autres, Plan c h ε L I. j f
Ce n'eit pas affez de fuivre littéralement les
mefures des différents corps d'Architecture que nous avons enfeignées dans ce Chapitre & dans ceux des volumes précédents. Avant que de fixer déterminément les hauteurs des membres deitinés à être élevés les ims au-deifus des autres , ceux-ci en retraite, ceux-là en faillie,. quelquefois en pprte-v :à-faux, il faut d'abord déterminer le point de diitan- ce convenable » d'où doivent être apperçues , & la maffe entière & les parties principales ; enfin Jes détails -&les ornements qui compofent l'ordon- nance de l'édifice. . Ce point de diitance néanmoins doit varier à - ' - HT ". 1
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%$i Cours * «'t
raiibn de la forme du monument ; c'eil-à-dire J.
que quand, par exemple, il a autam de hauteur que de largeur , comme à la porte Saint-Denis , ori prend ordinairement l'une de ces quatre dirnenfions dont on fait la baie d'un triangle équilatéral, pour du.'ibtnmet de ce triangle, établir la diftance '.<·,' d'où doivent fe contempler les parties de l'édifice. Si au contraire il a beaucoup plus de hauteur que de largeur , tel que le portail de l'Eglife de Saint- Gervais, ou enfin beaucoup plus d'étendue que d'élévation , comme nous l'offre la façade du pé- riftyle du Louvre,; pour trouver le point de diftance raiibnnable, d'où devront être apperçus ces deux genres de bâtiments', Γ Architecte devra prendre la moitié de la fournie de la bafe de chacun de ces édifices, puis la moitié de leur hauteur, chacun en particulier; & de ces deux produits , il formera lin triangle ifocèle , au fommet duquel il fixera le point de diftance demandé. Cette réglé, enfoiïr- niifant à rArchitecfe toutes les altérations que pré- fenteront les hauteurs apparentes^ comparées avec les hauteurs réelles, fatisfera en même temps i'œuil de Iex^tninateur éclairé. , v \ Suppbibns donc que la ligne Â, Β, foit la'diftari*·
èè déterminée : du point Β on. élèvera une ver^ ticale ■ Β V C ; & du point dé ;yiie C , diftant de Β α en vif on cinq pieds & demi ψρϊ\ tirera autant d'obliques D, Ε, F, G, H, i^ra^ri$ft$ à con- ïioître la différence de hauteur que devra avoir chaque membre, fort par rapport à f optique, foit relativement aux grandeurs géométrales. &3 Il eft ians doute aifé de concevoir, par^ ce
procédé, que la baluftrade E ayant* par exemple* trois pieds & demi de réalité diî point a au point W'i &"' le rayon vifuel C > D, prolongé jufqu'eii |
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d'Architecture. 293
£, en ayant altéré fix pouces, il ne parokra plus
de cette balufkade , que trois pieds ; donc la hau- teur réede devra être de trois pieds & demi, & la hauteur apparente de trois pieds feulement. 11 eifc eiîenciel d'avoir égard à cette dernière dimeniion, iî Ton veut conferver à cette baluftrade le rapport qu'elle doit avoir avec Fenîablement, & celui-ci avec Tordre, ainii que nous l'avons expliqué pré-' cédemment. On en fera de même pour les rayons vifueîs CE, C F, C H , qui donneront occafion .d'exiger que tous les corps portés en retraite aient plus de hauteur que n'en demandent les règles de l'Art, employées dans les façades ou dans les pièces intérieures du liatiment ; parce que ces pièces , pour la plupart, font rapprochées de l'œiiil du Spedateur. Les mêmes raifons dont nous venons de donner l'idée, doivent prouver qu'il fera^auffi. néceiTaire de faire le pilailre Ionique Ij, auiîi élevé que Teil la colonne Dorique Κ, a-u- lieu de le réduire aux quinze feifiemes., aini* que nous l'avons enfeigné dans le deuxième vo* lume de ce Cours , page 169 : principe éiémerv- taire qu'il eil très-bon de fiiivre , mais dans^le cas feulement où les ordres ie trouvent élevés à plomb les uns des autres, & non en retraite 9 comme nous venons de le iùppofer dans la plan^ che dont nous parlons, & tel que cela fe ree* contre dans la plupart de nos édifices célèbres.: Ce même moyen doit avoir lieu pour l'étage attique qui devra acquérir plus de hauteur que la moitié de l'ordre Ionique I, tel que nous l'ayon^ enfeigné précédemment % mais qui > dans le cas. où il fe trouve placé , exige une augmentation de hauteur , en faveur du racourciiTement que^lui .donne indifpenfableraent le rayon vifuel G, C, &c, S ■'*■>■' "'■'■■■ · " '.-■■■ '■■'■■'■ ■ -i '
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i$4 Cours
Au feile, il ne faut pas toujours fui vre à là
rigueur, les règles que nous venons de rapporter : nous n'en avons parlé que pour faire fentir à nos Elevés, combien il leur importe de joindre ^expérience à la théorie , afin de parvenir, comme le recommande Vitr.uve, à concevoir ce que l'Ar- chitecte doit augmenter ou diminuer dans la pro- portion des membres de fa façade, après les avoir établis d'abord, fuivant les règles les plus approu- vées. Par ce fecours il faura donner à fes productions la véritable hauteur que la différent ce des lieux, de l'ufage ou de l'apparence pour- toit altérer ; connoiiTance qui peut feule mettre un Architecte au - déifus d'un autre Architecte ; puifque dans toutes les occaiions" qu'on a de bâtir, les plus petits corps s'apperçoivent diverfement, fuivant qu'ils font près de nous , qu'ils en font plus* éloignés, ou portés à une grande hauüiir ; enfin qu'ils font renfermés, à découvert, &c. Cette coniidération dok donc faire fentir, que la théorie feule eil infuffifante : elle guide bien l'Elè- ve à la vérité lors de {qs études; mais il arrive prefque toujours, que le premier pas qu'il fait dans la pratique, fans l'expérience , lui fait éprou- ver combien il y a de diitance entre les règles de l'Art & l'application de ces mêmes règles clans la diveriité des occaiions qu'an a d'élever des édifiées de même genre ou de genres différents. fious ferons prendre garde ici, que, par la
pratique, nous n'entendons pas feulement celle qui a pour objet l'Art de bâtir proprement dit, mais les connoiiîances indifpenfables à acquérir, pour Juger fainement au pied de nos édifices , des moyens dont fe font fervis leurs Architectes, pour concilier avec goût les préceptes & les ref- |
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Ι) ' A R C HI Τ Ε C TUR I> l$f
faurces; enfin les hauteurs réelles & les hauteurs
apparentes dont on doit ufer, lorfqu'il s'agit de pailér du projet d'un bâtiment à ion entière exécution. Nous avons plus d'une fois fait part à nos Elè-
ves , dans nos Leçons fpéculatives , des moyens dont nous nous étions fervis pour parvenir à cette expérience prématurée, iorfqu'une lois nous avions fenti la néceiîité de paffer d© l'étude du cabinet au travail de l'atelier : nous allons le répéter ici en faveur de ceux qui voudront accélérer leurs connoiffances à cet égard. Suppofons , par exemple, qu'un jeune Archi-
tecte veuille fe rendre compte & de la hauteui réelle & de la hauteur apparente des principales parties répandues dans l'une des façades de nos bâtiments célèbres, & particulièrement des maffes d'un entablement, enfuite des profils de fa cor- miche & de fon architrave j il doit d'abord , d'après le point de diftance une fois déterminé félon ce que nous venons d'enfeigner, deiîiner à vue & par approximation, ces mêmes maffes & ces mêmes détails ( nous lui fuppofons de l'habitude ) en obfervant les rapports qu'il remarque entre chaque membre principal, & entre chaque moulure qui en compofe les détails; puis fe repofer la vue, y revenir enfuite, afin de rectifier toutes les er- reurs qu'il auroit pu commettre dans ion premier effai. Pour y parvenir même avec plus de fuc^ ces, Ü eil bon qu'il quitte fon point de diilance, pour fe rapprocher davantage de fon objet ; qu'il., s'en rapproche encore pour appercevoir le plus géométralement poffible, la faillie des fofites, des larmiers, pour confidérer après cela les mêmes profils fur l'angle : il doit enfin retourner à fon point de diilance , pour que, plein de fes remaç· 1 1Y
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"2,96 C σ υ R s
ques, il faififfe avec plus de fureté le fkyle, le
. caractère & la maniere de profiler de l'Archite&e qui a donné le defiin du monument qu'il con- temple. * . Après cette étude, il convient qu'il fe mette à
portée , en fuppofant le lieu acceffible, de mefurer exactement l'entablement qu'il vient de deiïiner, pour en cotter avec netteté toutes les mefures, puis les rapporter fur une échelle de grandeur jfuiftfame ; ces opérations faîtes , il reviendra fur îe lieu & au même point de diitance , il examinera de nouveau, & le profil géométral, & les altéra- tions qu'auront produites néceifairement l'effet de l'optique. Après cet examen réfléchi, il fe dira: Le profil qui fe trouve dans tel édifice, & dont tel grand Maître a été l'Architecte , étant vu, par 'exemple, à quarante - huit pieds de diitance, &
élevé de trente-deux pieds, nous a paru tel que nous l'avons deffiné ; puis lorfque nous l'avons comparé avec celui mefuré fur le lieu même, nous avons reconnu telle différence. : Avec cette étude, répétée dans les différents
genres d'édifices renommés & bâtis par autant i3'hommes célèbres ; tels que ceux des Lefcot, âes
*Mahfard, des Perrault , &c. nous pourrons mar-
cher fûrement d'après l'expérience de ces grands Maîtres, avoués de la Nation entière; & toutes ' Jes Fois que nous aurons à placer un entablement
pu un" couronnement, un attique ou une halu- -ilradeV élevés les uns au-deiTus des autres , foit
à plomb, foit en retraite, il nous fera moins diffi- cile de le faire avec fuccès. Nous aurons recours alors à notre ^ortef-feuille : garni par des recher- ches fans nombre, de toutes les différentes parties il@ Γ Archite&ure , defîinées d'abord, mefurées |
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Ό' A R CHI Τ Ε C Τ U R Ε. 2,97
enfuite dans nos Edifiées facrés, dans nos Places
piibliques , dans nos Palais, nos Hôtels, & fur- îout dans nos Marions particulières ; il nous four- nira des modèles des différents membres que nous voudrons employer. Comme dans ces minutes on aura pris foin
de cotter les points de diitance , l'élévation & la différence remarquée entre les hauteurs réel- ' les & les hauteurs apparentes, il n'y a point de doute qu'on ne parvienne à obferver, félon foc- cafion, les mêmes altérations, les mêmes augmen- tations , & qu'enfin on n'arrive à l'imitation des chefs - d'œuvre des plus grands Maîtres , fur- tout fia cet acquis on fait joindre le goût de TArt qu'on aura obfervé dans les divers édifices qu'on aura deffinés , levés & mefurés avec foin. Nous le répétons, ce moyen qui nous a réufîî» & que nous avons vu réunir à ceux qui depuis trente années l'ont mis en ufage par notre con- feil & fous nos veux, ,eft peur-être, nousofons le dire, le feul qui puiiTe faire arriver Γ Lieve au niveau des plus grands hommes. Cefl pour cette raifon que nous nous faifons un devoir d'en don- ner l'idée à ceux de nos Lecteurs qui' voudront courir la même carrière \ cette connoiiTance étant fans contredit l'une des plus intéreffantes'de'Γ Ar- chitecture, pour ce qui regarde la décoration, tant extérieure qu'intérieure de nos bâtiments^ |
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3 v'
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apS Cour s
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c CHAPITRE VI.
EXPÉRIENCE DE L'ART,
ou l'on examine d'une maniere
générale , la décoration des Edifices de même genre et de genre différent. Après avoir, dans le Chapitre précédent,
traité en particulier de prefque toutes les différen- tes parties qui concourent à la décoration des édi- fices ; notre deflein eil d'examiner ici, fécondé de différents exemples que nous allons rapporter, les véritables beautés répandues dans le plus grand nombre, ainfi que de faire remarquer les erreurs qui fe font gliffées dans quelques-uns. Nous regar- dons cet examen comme le feuî moyen de mettre nos Elevés en état d'imiter à l'avenir les excel- lentes productions de nos Maîtres, & de leur faire éviter, s'il eil poffible, les médiocrités qui s'y rencontrent : médiocrités que les. Elevés faiiiifent toujours plus aifément, parce que la plupart tné- connoiffent les préceptes fondamentaux de l'Art, & plus fouvent encore , les branches qui y font relatives. Il ne faut pas s'attendre à trouver ici tous les
defiins des édifices dont nous nous propofons de parler ; cette collection n'appartient guère qu'à un tecœuil r.el que celui de TÀrchitedure Fran£oifes> |
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d'Architecture. 19$
lm Cours d'Architecture demande plus de réferve.
D'ailleurs les planches (e multiplient malgré nous dans cet ouvrage , & le format que nous avons choiii pour la commodité de nos Elevés, nous retient encore à cet égard. Nous renvoyons donc nos Lecteurs à ce Recœuil précieux ; ils y trou- veront la plupart des édifices dont il fera fait mention dans ces Leçons ; ils iront enfuite exa- miner chacun d'eux fur les lieux ; c'eiï. la feule route qui puifTe les faire parvenir à démêler les préceptes répandus dans ce Cours , & qui font comme le réfultat des procédés employés p£ir les plus grands Architectes, anciens & modernes. Com- mençons par les monuments facrés, enfuite nous parlerons aux édifices publics , & nous termi- nerons nos remarques par les bâtiments d'habi^ tation. , .Entre tous les bâtiments d'utilité, les Eglifes,'
ainfi que nous lavons dit ailleurs , tiennent le premier rang : entre celles-ci la Baiilique de Saint- Pierre à Rome , avec la Place & la Colonnade qui la précède, furpaffe toutes celles que la Chré- tienté a élevées en Europe & ailleurs; Sainte-So- phie à Conftantinople ; Saint-Paul à Londres , nos Métropoles en France , tous ces monuments, dignes de la piété des grands Princes qui les ont fait ériger, n'égalent ce fuperbe monument ni pour la grandeur ni pour la magnificence : auffi cette fa- brique enVelle l'ouvrage de plusieurs Pontifes, & le chef- d'œuvre des plus habiles Artiites qu'ait produits l'Italie. Le compte que nous avons rendu précédemment de fon origine {p), nous difpenfe |
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(·/>·) Voyez, dans l'Introduft'on du premier volume de ce
Cours, les principales mefures que nous avons rapportées ^ p.?** |
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300 Cours
d'en entreprendre ici une nouvelle defcriptÎori *»
:qui, dépourvue de;> planches, ne préfenterok qu'im- parfaitement à nos Elevés, ce qu'il leur eft impor- tant d'en connoitre. Nous les renvoyons particuliè- rement à ce que nous en a donné, en 1694, le Chevalier Fontana, qui, dans un volume in-foja, a joint à une narration claire & préciie , une quantité fuffiiante de planches gravées avec le plus grand foin. Nous en uierons de même pour les Egiifes de Saint Paul à Londres , & de Sainte- Sophie à Conftantinople : on trouvera de la pre- miere , une ample description, faite par Guillaume Dagdalle,& Chnitophe AYreen ; les planches ont ;été gravées par Grelot : le deuxième volume des commentaires de Dom Banduri, nous fournit en* •core plufieurs de ces planches. Nous renvoyons auiîi, pour la Cathédrale de Paris , au recœuil rque Tarade y Directeur des fortifications d'Alface, nous a donné en 1659. ^ Ύ ^ut *e Para^e1lS If) |
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voyez auiti dans cette même Intro iuitio.t , pag. 97, ce <\i&
nous avons dit de Saine Paul de Lon lies: enfin voyez, pag. éi & fuivantes , la defeription abrogée que nous avons donnée de "Sainte Sophie. t ( Q ) Voycx aujTi l" pualkle de la plis grande partie des Ten>
pl;s anciens & modernes, que M Le Roi nous a donné en 17Ä4, 'dans fon Hißjire de ία Uijpoßtiun des formes différentes que Us k-hé'tiens ait données π le-ars Temples. Peut et se auifi fera t on bien-aifede trouver dans cette note „
lé iimeniions:prinçipjl-s dei'Egliie de Saint Pierre de Rome , 'de Notre-Dame , & de Strasbourg, rapportées par Tarade. "' Lî longueur extérieure de celle; de Sant Pierre, eft de. . . . . . iio toifes , 6 pieds, ο pouces. r: Celle de Notre-D^me de . . . 68 . , . , 1 . . . 4 . . . «
O lie' de Strasbourg ,..·., . f4 . * . . f, . . . o . . .···
' Li largeur intérieure dans la ί /, 5«ίΛ - croifée ie l'Egt (e de Saint-Pierre, j ·.
eft de . . . .'".".. ."T .""V V'i "."'TT'VCTV'V · '.. O i . , Q.....
O lie de Notre Dame . . ·.. . ;. %i . . · · o . ■.... o . · . · °
î,C<;Ue 4c Strasbourg ... » , . % 14.,, . . 1,-.i ©...· κό» |
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d'Architecture. jài
de l'Eglife de Simt - Pierre , de Notre-Dame de
Paris, & de la Cathédrale de Strasbourg : monu- ments qui ne femble-nt guère fuiceptibles de com- paraifon, û ce n'ett pour Faire remarquer la fupé- riorité de la premiere fur les deux autres ; ces dernières, d'ailleurs, font d'un genre abfolument Gothique, & celle du Vatican dans le goût An- tique. Nous ne rapporterons non plus aucun exemple
des Edifices Gothiques de cette dernière efpèce, quoique plus d'une de nos Métropoles nous préfente différents chefs-d'œuvre en ce genre, & que nous foyons bien convaincus que cette compofitiön annonce peut-être, plus que toute autre, ce cara- ctère facré qu'on ne rencontre pas toujours dans nos Eghfe.f modernes , qui, à l'exception du Val- de-Grace & de la Sorbonne à Paris , tiennent j en quelque forte, de trop près au faite de la de- meure de nos riches Citoyens, ainfi que nous l'avons déjà remarqué dans le deuxième volume de ce Cours, page 317 & fuivarïtesv |
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La lit geur intérieure de la nef - -■„.',
de Saint- Pierre , eft de .... ... i? toifes, 4pieds, ο pouces.
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Celle de Notre Dame . . . · · ^ · . .. 4". .". o.
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.Celle de Strasbourg .;. ;iv; .;· 7 · · · . Ι ·η· · ο.
La hauteur d».s voûtes fous la 5 ?«?:
cht de ltgiife de Samt- pierre,. j j ,
eil de....... . . ."'. V . .:. i4 . ... 0 . . Vo. . . .";
CeUe de Notre-Dame.....16 . . . . ο . . . f. · . · ·
Celle de Strasbourg ...... 16 .... χ ... 0. . .-Λ..',■
La hauteur jufques deflousla. -
boule qui efr fous h croix de Saiut- Pieire, eft de . . .......*"f\ 6$. , . . f . . . ο , . . . . Celle de la hauteur des tours
de Notre-Dame..........33 ... .0 ... ο ,, , ;% Ctlie de Strasbourg jufqu'a la
croix. ......... , , ^ ... ι··; ... ι . . . 8. . , yA |
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§o% Cours
A l'égard de nos Eglifes Paroiiîiales nouvelle-
ment bâties , telles que celles de Saint-Sulpice & de Saint-Roch , les deux plus coniidérables de cette Cité, comme les plans , les coupes , les élévations & les defcriptions que nous en avons faites fe trouvent dans l'Architecture Françoife , & que d'ailleurs nous Tommes peu fatisfaits de leur dif- poiition & de la plus grande partie de leur ordonnan- ce ; nous nous contenterons d'en faire quelques re- marques critiques. Nous fommes moins mécontents de la petite Eglife ParouTiale de Saint-Louis-dans- J'île, commencée par Le Veau, & continuée par Gabriel Le Due , & qui, quoique dans un autre genre , peut être mife en parallele avec TEglife Conventuelle des Jacobins , faubourg Saint-Ger- main, par Pierre Bullet, & avec celle des Petits- pères de la Place des Victoires, commencée par Le Muet, & finie par Cartaud. Nous avons promis précédemment les deifins
d'une Eglife Paroiiïiale , d'une Métropole & d'une Eglife Conventuelle de nptre compofition ; nous les donnerons à la fin de ce volume, après avoir fait quelques obfervations fur TEglife du Val de- Grâce , l'un de nos plus célèbres édifices facrés, 'nous la comparerons avec celle des Invalides. Ces deux Eglifes, quoique d'un ftyle différent, n'en étant pas moins le juite fuj et de l'admiration des Amateurs & de la belle Architecture. "'■« '■■"■, .',■■■■ -.'..'■ \'..f\ ■■'. 4'1— ?-■'■·■ ■>"■,*" ...'·'■''-' fJTÎS"! ' ■■■' ". ' '■' '■■:'' *..'■""; t X\" *
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d'Architecture. 30J
Description abrégée de l'Eglise
du Val-de-Grace. Planche LI I.
L'Eglife du Val-de-Grâce ( s ) fut élevée fur les
defîins de François Manfard, qui, n'ayant pu continuer ce monument , par les difgraces qu'é- prouvent les grands hommes dans leurs plus célèbres entreprifes , fit exécuter en petit au Châ- i teau de Frefne, une Chapelle qui s'y voit encore aujourd'hui ( l'j-, & qui eft préciiément l'image de ce que devoit offrir le Val-de-Grâce , s'il eût été con- tinué fous cet habile Archite&e. Le Val-de-Grâce n'étoit élevé qu'à la hauteur de neuf pieds hors de terre, quand le célèbre Manfard l'abandonna. La Reine Anne d'Autriche en confia la continuation à Jacques Le Mercier {#), qui, fur les deffins de Manfard, l'éleva jufqu'à la hauteur du premier entablement, où il reila jufqu'en 1654 ; la Reine alors ordonna à Pierre Le Muet (>.) d'achever ce fuperbe édifice, conjointement avec Gabriel Le Duc {y ). (s) Ce fut Louis Xï V , à l'âge de fept ans, qui en pofa la
premiere pierre, le premier Avril 1645·.. i ..·,; (t) Nous avons gravé cette Chapelle dans k cinquiernf
volume de l'Archite&ure Françoife. (a) Voyez ce que nous avons die de cet Architecte dans
J'introduótion du premier volume de ce Cours, page 101, note<£ { χ ) Pierre Le Muet, né à Dijon en ï jj>i ? mort à Paris e«
1669. L'Hôtel de Luynes , faubourg Saint-Germain, celui djp Beauvillier, dans l'île , & plu (leurs autres ont été bâtis fus les deiîïns de cet Architecte. Il fut auflî chargé, par le Car- dinal de Richelieu , de là conduite des fortificatibris dans plu- «enrs Villes de Picardie. \ (y) Gabriel le Duc, du dix-feptieme Îîeck,, a continué le«
travaux du Val-de^Grâce lur les deflîns de Pierre Le Muet, %
adonné les deifins du maître-autel en baldaquin de cette Eglifçî
•|I auffi coôduit Jçs trayai» de l'£gjUfe de« Pctics-Pci'es j a ςορί
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304 * C o υ r s
En examinant le frontifpice de ce monument avec
attention, il eft ailé de s'appercevoir, dans le deffiri- que nous en préfentons, que le deuxième ordre elf. d'une autre main que celui de defîbus ; il paroît auiîi que les niches de chaque côté du porche , ne font pas du deffin de Maniera ; peut-être même le fronton triangulaire , placé fur le premier ordre, n'a-t-il pas été compris dans le projet de cet Ar- chitecte , quoique ce fronton femble autorifé par la faillie que font les colonnes du porche , ce qu'on ne peut dire , ni du portail de Saint-Gervais, ni de celui des Minimes. Nous remarquerons encore, fans aucune partialité , que les refîauts pratiqués dans la bafe du fronton', le vague des pilaffres qui renferment la croifèe d'en haut, accompa- gnée de petites colonnes, & couronnée d'un fron- îon circulaire.1 n'offrent abfolument rien de fatisr faifant à l'œiiit au Conhoifîeurr, nous ajouterons même que les colonnes de ce fécond ordre .,, font peut - être celles de toits nos monuments , qui îoient fufêlées avec le plus de négligence. Il en faut pourtant convenir, la partie lupérieure
de. ce portail eft fans cloute__la.\ feule médiocrité $u'on puiiie appercevcir dans, l'extérieur de ce monument ; car , à quelques ; détails près, qu'on Suroît defiré^qm iivßent pips étudiés % toute la „coupole &,;je ,çiôme |qui Îe remarquent 'au- defl'us jje ce: frontifpice^, peuvent parler , à bon droits pour un:excellent chef-d'œuvre ; cependant la xôirae parabolique du dôme; eil d\me courte plus ».υ - ' - ■ ?i ■■ M .■ ' .'.Siiid ■ ;- - > fà '. - ii3b $
tirué l'Eglife PaxoiJTialc (|e Saim-Louis , & a"bâti plaficüis
^ocil., ï'ûn ivre Saust Dominique, , & l'autre rue de fe Plan- th:, iaübonig San t'· Gtimam, '& un autre iur le Quai, iio£S <ic k i'o * ie Saint-Bcimid. ., , : J |
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D Architecture. 30i
fïeureufe dans celui des Invalides : ouvrage in?
mitable , & peut-être Supérieur à tout ce qui % été fait en ce genre , depuis que les coupoles Son* entrées pour quelque choSe dans la décoration de nos Temples. D'un autre côté, les pilaitres en faillie qui fer-
vent de contreforts à la pouffée de la voûte inté- rieure du Val-de-Grâce , font un admirable effet, & lont divilés beaucoup plus régulièrement qu'aux invalides , où l'on remarque un trumeau placé précisément à plomb de l'axe du frontifpice , ' & ou il conviendroit qu'on eût obfervé un vide com- me ici. L'attique qui fe voit dans cette planche nous paroît encore de la proportion la plus con- venable : auffi ne balançons-nous pas à le préférer a celui des Invalides, & peut-être à celui de Saint- Pierre de Rome , autre chef-d'œuvre dont toutes les parties font fi bien faites pour aller enfemble qu'on ne fauroit trop admirer la maffe entière de cet ouvrage célèbre : il a d'autant plus de prix à nos yeux, qu'il eit le premier exemple véritable ment important en ce genre , auquel nous devions, pour ainfi dire, en France, les monuments de cette efpèce. ' Aux quatres angles du dôme du Val-de-Grâce
fé remarquent des lanternons placés fur les quatre maffifsquadrangulaires, qui fervent de bafe a la forme fphérique du dôme. Le Mercier en a fair autant à la Sorbone, & dans ces deux monu- ments ces acceffoires font imités de ceux qui ac- compagnent le dôme de Saint-Pierre, où, traités beaucoup plus en grand, ils produifent un effet tout autrement admirable. Au reite , ils contri- buent ici à faire pyramider cette partie Supérieure iur-totit lorsqu'on apperçoit à une certaine diihnce*4 Tome IIL y ψ |
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3ö6 Cours
le dôme du Val-de-Grâ.ce, vu fur la diagonale dii
maftif qui le foutient. La lanterne qui couronne ce dôme , eft aufîi
d'un deffin d'un affez bon genre ; mais, à notre avis, elle n'égale ni celle des Invalides, ni celle qui couronne ii fupérieurement le dôme de Saint- Pierre ; cette dernière eft d'un deffin riche & fu- blime. La cour placée au - devant de cette Eglife, eft
peu confidérable dans fon état actuel. Manfard avoit propofé une place, que la rue Saint-Jacques, près de laquelle ce monument eft fitué , auroit traverfée ; ce qui lui auroit procuré un point de diftance convenable; mais ce projet fut abandonné par les Archite&es qui fuccéderent à cette entre- prife, après la retraite de cet habile Maître. La décoration des bâtiments qui entourent cette cour, eft d'un ftyle tout différent de celui de Manfard, ^c ne préfente que de petites parties , qui fans doute ont été imaginées par le Duc, pour laiffer dominer avec plus d'éclat le frontifpice dont nous parlons. Mais, qu'on y prenne garde, quelle diffé- rence , entre un petit genre & le genre iimple ! Tout ce qui offre au Spectateur une difparité choquante , a droit de révolter la raifon. Nous remarquons feulement que les chapiteaux des petites colonnes Doriques , placées de chaque côté des portes qui donnent entrée au Monaftere de cette Eglife , font ornés, dans leur gorgerin, de feuilles d'acanthe , dans le goût de celles ima- ginées par Pierre Lefcot, à l'ordre Dorique de la Salle des Antiques au Vieux-Louvre ; elles ont encore été imitées depuis, lors de la reftauration de l'ancien Château de Meudon. Nous remarque- rons que ce. rang de feuilles otçafionne plus dç |
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d'Architecture. 307
hauteur au gorgerin, & par conféquent au cha-
piteau de cet ordre ; ce qui ne doit être fuivi qu'avec beaucoup de précaution & de prudence : mais hâtons-nous d'entrer dans l'intérieur de cet édifice, pour y contempler les merveilles de l'Art, imaginées par Manfard, & dont (es fuccefleurs 5 plutôt que fes rivaux, n'ont pu afFoiblir la fubii- mité. Du fol de la cour on monte quinze marches
pour arriver dans l'intérieur de ce monument célèbre , qui 9 au premier afpedt, femble élever l'âme du Spe&ateur jufqu'à la Divinité. Tout en effet paroît facré dans cet édifice ; une lumière fuiîifante, mais tempérée ; une belle Architecture, mais tranquille ; une Sculpture admirable, mais fymbolique ; tout jufqu'au iilence profond qui regne dans ce lieu Saint, rappelle l'homme à lui- même , & le porte , pour ainii dire , à adorer l'Eternel ; en forte que ce n'eil qu'après cet acte d'adoration qu'il vient infenfiblement à démêler & à fe rendre compte des beautés graves qui l'ont frappé d'abord, & qu'il s'habitue à examiner en détail, toutes les beautés de l'Art, dont il deiire faire fon étude particuliere. Tel eil le pou- voir du vrai beau en Architecture, lorfque l'or- donnance de celle-ci produit l'effet qu'on a droit d'en attendre. Manfard voulut peindre aux yeux, un monument où des Vierges confacrées, chantent journellement des Cantiques à la gloire du Sei** · gneur ; il s'eil pénétré de cette idée fainte » il a appelé à lui le genre fublime, il a penfé en grand homme , & en homme Chrétien : il a laiffé loin de lui le fafte des Cours. On ne remarque point ici, comme aux Invalides, autre merveille à la vérité , mais dans un ftyle différent, ni la lumière Vij
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3o8 Cours
répandue dans nos falons modernes, ni l'or ap-
pliqué avec profuflon fur les lambris des Palais de nos Rois, ni la multiplicité de la Peinture, par-tout où la Sculpture de voit être préférée. Man- fard a fenti que la demeure du vrai Dieu ne de- voit avoir rien de vulgaire ; qu'en un mot, l'or- donnance de nos Temples pouvoit être ornée fans doute; mais que le ftyle de l'Archite&ure & de la Sculpture qui les décore , devoit fe puifer dans ce beau idéal, qui nous fait concevoir, quoique toujours imparfaitement, la majeilé de l'être fu- prême. ( Qu'on ne s'y trompe pas , nous fommes per-
' fuadés que nous affoibliifons ici l'idée de Man- fard : lui & le Mercier font peut - être les deux feuls Architectes François qui aient bien entendu la maniere de décorer nos Temples. Il eft vrai que Manfard non-feulement a furpaifé Le Mercier dans les édifices facrés, mais encore lorfqu'il s'eft agi de l'ordonnance des édifices d'habitation , à en juger par la façade du Château de Maifons y comparée avec l'ancien Palais Royal à Paris, & le le Château de Richelieu; ces deux édifices font fort au-deffous de la production inimitable de Manfard à Maifons. Le Mercier n'a véritablement excellé que dans la difpofition, l'arrangement & l'ordonnance des Eglifes qu il a élevées ; nous ne citerons ici que celle du Collège de la Sorbone, le fécond chef d'œuvre en ce genre à notre avis 9 après celle du Val-de-<Srâce dont nous parlons. Le VahTeau du Val-de-Grâce eil peu coniidé- rable; il n'a de longueur dans œuvre que vingt- cinq toifes, non compris la Chapelle du Sainte Sacrement , placée derrière le chevet de cette Jtglife > fur treife toifes de largeur dans la croifée |
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d'Architecture. 509
thi dôme : celui-ci a dix toifes trois pieds de dia-
mètre, fur vingt toifes quatre pieds de hauteur fous clef. La nef occupe trois arcades de chaque côté, qui conduifent à autant de chapelles par- ticulières. Que ces arcades font belles ! Que nous avons de fois pris plaifir à les citer dans nos Leçons ! Elles font enfermées chacune dans une niche quarrée d'une belle proportion ; leur alette 9 leurs pieds-droits , les importes j[ les archivoltes, les bas reliefs qui couronnent ces dernières font autant de vrais chefs-d'œuvre-, & nous ont fou- vent convaincus que cette maniere d'employer les arcades, étoit la feule véritablement intéreffante. L'exemple de la Porte Saint-Denis, par Blondel, & l'Arc de Triomphe du Trône par Perrault, nous ont d'ailleurs confirmés dans cette opinion: ce font deux autres monuments que nous ne nous laffèrons jamais de citer, dans l'intention de graver profondément ce genre de décoration dans l'efprit de nos Elevés, afin qu'ils l'emploient dans les com- pofitions où les arcades devront être préférées aux ouvertures à plate-bande. L'ordre Corinthien-Pila- flre qui regne dans chaque trumeau de ces arca- des , efl encore un chef-d'œuvre ; les chapiteaux fur-tout, présentent ce que la Sculpture peut offrir de plus excellent en ce genre ; auiîi fervent-ils de modele à tous les Artiiles , qui veulent employer avec fuccès cette forte d'ornements. Sans doute, au premier afpect, la voûte de cette
nef paroît trop furchargée de Sculpture, & peut- être y eft-elle effectivement répandue avec trop de profufion : mais cette Sculpture, ouvrage pour la plupart du cifeau de Michel Anguiere (-()» ( ι ) Michel Anguiere, de la Comté d'Eu, lié en 16ι4, more e»
y uj
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3 ίο Cours
eil fi admirable, que quoique la réflexion con-
condamne cette prodigalité, l'œiiil avide de tant de merveilles, en trouve à peine affez. Cependant en recommandant à nos Elevés l'examen de cette voûte, nous leur confeilloiis de ne jamais imiter cette riçheiTe, qui, en toutes autres mains que celles d'Anguiere, feroit devenue néceifairement une riçheiTe indiicrète , qu'il faut lavoir éviter. Nous leur recommandons auiïi d'examiner avec ibin, la forme & la décoraion fage des panaches qui foutiennent le dôme de cette Eglife ; ces pa- naches font ornés de grands médaillons, occupés par de's bas - reliefs d'une exécution admirable : genre de décoration préférable à celle qui fe re- marque aux Invalides , où la peinture & la dorure qui y font placées n'offrent pas, à beaucoup près, le genre convenable des ornements du Vai-de Grâce. Ce dernier monument n'offre de peinture , que dans la partie fupérieure de fa coupole, où Mignard ( a ) i686, étoit un Sculpteur célèbre qui avoir fait d'excellentes études
à Rome, & qui, de retour a Paris , fut choifi pour déployer fes ta- lents au Val de-Grâce ; c'eft: de cet habile Maître , que font les deux rtatues du portail de. La Merci, & les bas-reliefs placés au-defîus des nouvelles ouvertures ajoutées par François Bion- del à la porte Sainte Antoine. On admire aufli de lui une itatue d'Amphitnte dans les jardins de Verfailles., Son frère aîné, connu fous le nom de François Anguiere,
mort en Août 1669, âgé de 6 y ans , étoit auffi un Sculpteur très-célebre. A fon retour de Rome, Louis XIII le logea au Louvre lui donna la qualité de Garde de la Salle des An- tiques , dans le même Palais. On voit de cet habile Ar- tifte , le tombeau du Cardinal de Bérulle , aux Peres de l'O- ratoire i celui de M. de Thou, à Saint-André-des-Arts ; ce- lui de M. de Souvré, dans l'EgJife de Saint-Jean-de-Latran 5 celui du Connétable de Montmorenci à Moulins 5 celui des Ducs de Longueville, & de Henri Chabot aux Céieltins, & le grand Crucifix de marbre blanc, placé fur le màftre-autel de la Sorbone, ( β ) Pierre Mignard, premier Peintre du Roi 3 né à Troyes en
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d'Architecture. %it
% peint à frefque le plus grand ouvrage, & peut-
être le plus parfait qui fe voie en ce genre. Nous abrégeons ces remarques, ne pouvant dans
ce Cours offrir à nos Elevés les deiîihs du Val- de Grâce. Néanmoins, d'après le peu que nous en avons dit, il eil aifé de concevoir une grande idée de ce monument, qui atteilera 5 tant qu'il reilera fur pied, la fupériorité des talents de Man- fard ; & les vrais ConnoifTeurs font fâchés qu'un projet auiîi excellent, n'ait pas été exécuté fous les ordres du génie qui l'avoit conçu. Au refle, il faut avouer que Le Muet & Le Duc, quoi- qu'inférieurs à Manfard, n'en étoient pas moins des Archite&es d'un très-grand mérite, & qu'ils ont été , on ne peut pas mieux, fécondés par les habiles Artiiles de leur temps, que la fon- datrice de ce fuperbe monument favoit choiiir en Reine équitable & éclairée, & qu'elle favoit aufli encourager par fes libéralités. Avant que d'abandonner ces réflexions , nous
devons dire auiïî quelque chofe du grand autel |
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Champagne en 161 o, mort en 169 f , entreprit ce grand ouvrage
à fon retour d'Italie. Entre plufiems chefs-d œuvre de cet habile Maître on eftime particulièrement la voûte de la gallene, Se la calote du falon qui la précède au Château de Saint-Cloud. Madame la Marquife de Feuquieres fa fille, lui a fait enger par M. Lemoine un magnifique tombeau , qui le voit aux Jaco- bins de la rue Saint-Honoré, & on y remarque le bufte de cet homme célèbre , par Girardon. Pierre Mignard avoir un frère, Architecte du Roi; il fut
chargé, en 1678, par M. Colbert, conjointement avec MM. Bruant, Le Pautre & Félibien , des différentes observations a faire fur la qualité des matériaux & fur les diverfes conitru- ftions de la plus grande partie des bâtiments anciennement élevés dans cette Capitale : les procès - verbaux faits a cette occafion par ces quatre Architectes, font depofes dans les, archives de l'Académie Royale d'Architecture au Louvre. V iv
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iîZ *" Cours
en baldaquin, élevé ilirles deiîîns de Gabriel Le
Duc; il eil compofé de fix colonnes torfes de marbre de Barbançon,foutenues fur des piédeilaux auiïi de marbre. Sur le coffre d'autel fe remarque un beau groupe de marbre blanc, fculpté par Fran- çois Anguiere , & dont l'exécution eil fort eilimée des ConnoirTeurs : peut-être aurions-nous defiré, que cet autel eût été placé à plomb du centre de la voûte, & qu'il eût été à la Romaine. Il ne faut pas croire que , parce que le maître-autel en baldaquin de Saint-Pierre de Rome, par le Ber- nin, a réuiïï, ce genre convienne à toutes les Eglifes, Peut-être étoit-il néceffaire de l'employer aux Invalides, parce qu'il s'annonce dès la pre- miere partie de l'Eglife, tenue plus baffe que le ιοί du dôme où cet autel eil placé, §c qu'il eil entièrement jfolé; au-Iiçu que, dans le monument dont nous parlons, fe trouvant adoffé {h) , il reuiïït beaucoup moins bien, félon nous. Nous avons plus d'une fois recommandé à nos
Elevés, de vifirer de fuite les bâtiments de même genre , & de les comparer enfemble ; nous leur confeillons donc , lorfqu'ils en fauront affez pour tirer^ un certain fruit de l'examen de nos édifices facrés , de n'aller aux Invalides, qu'après avoir examiné le Val-de-Grâce, dont nous venons de don* ner l'idée. Le Val-de-Grâce eil l'ouvrage d'un hom- me eonfommé dans les préceptes de fon Art; les "" "'"-'m ' ■*' IJ - »' ■ .J"1
(b) Nous penfons de même des autels en baldaquins des.
E.qliies de Samt Jean en-Greye , de Saint Sauveur & de l'Ora* toîic , ou des autels à la Romaine , tels que ceux de Saint-r Germain-l'Auxerrois & de Saint - Sulpice, nous auraient para fW cqnvenables. Voyez d'ailleurs ce que nous avons dit des au« tels deuxième volume de ce Cours, ipage ?68 ; voyez aufô h note b de la même page, * |
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d'Architecture. 313
Invalides font la produ£Hon d'un homme de génie *
où le goût brille de toute part. , *
Description abrégée όε l'Eglise
CONNUE SOUS LE NOM D'EgLISE
du Dôme lies Invalides.
On peut dire, en parlant de l'intérieur des Inva-
lides , que par-tout on y voit triompher l'art dans fon plus grand éclat. En effet , on y remarque une diirxibution très-heureufe , jointe à une ilru- £hire admirable, une difpofition intéreiiante dans- les formes, réunie à la beauté des détails : par- tout on apperçoit les reffources fécondes de Har- douin Manfard, qui, plus que tout autre Archi- tecte , favoit franchir les limites des préceptes. Plein de cet enthouiïafme que font naître en nous îes connoiffances acquifes , fécondées du goût naturel, il s'eir. frayé une route particuliere ; & , fans trop s'écarter des règles des anciens , il a fu réunir enfemble, les principes de l'Art, le feu du génie, & les grâces féduifantes qui cara&éri- fent la plupart de nos produ£tions Françoifes, En un mot, tout l'enfemble de ce monument a de quoi étonner fans doute ; mais ? nous ofons le dire ici, l'admiration qu'on y éprouve, eil tout autre que celle qui nous frappe au Val-de-Grâce, L'entrée de ce dernier Temple en impofe par fon ityle augufte. Auxlnvalides, le premier coup-d'ceuil éblouit ; & loin de procurer aux fidèles cette émo« tion fecrète que le cœur reffent â fafpeft d'un lieu faint, il porte à l'efprit cette diitra&ion in- volontaire qui nous fuit dans nos demeures pro- fanes : dans le Val-de-Grâce , l'unité regne dans ïoute l'ordonnance ; la Sculpture & l'Architeéture |
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314 Cours
réunies, fembîent y être amenées par îe même
eiprit. Aux Invalides, tous les tréibrs de l'Art y font prodigués ; la peinture & la dorure fe difputent à l'envi, par leur preilige, la prééminence fur Γ Ar- chitecture , qui quelquefois même s'y trouve acca- blée par les ornements. Ea effet tout par oit magi- que dans ce monument; d'une part, fa itxu&ure hardie ; de l'autre, fes percés ingénieux ; il n'y a pas jufqu'à l'élévation de fa double voûte ? ornée par le pinceau vigoureux de La Foffe ( c ), & accompagnée de rehauffés d'or , qui ne faffe concevoir la plus grande idée de l'Architecle, qui a eu le génie de ménager dans la compofiton de fon projet, une place favorable à chacun des chefs-d'œuvre dont le faite des Beaux-Arts s'eft empreffé de décorer toutes les parties de ce Tem- ple. Mais, encore une fois , toutes ces beautés, a notre avis, font des beautés d'emprunt, qui nous fembîent éloigner du vrai genre, cette pro- duction , d'aillei|rs admirable ; nous voulons dire du genre facré, qui exige cette {implicite aiïbrtie, cette fage retenue, cette dignité abfolue, qu'on ne peut jamais remplacer par la peinture coloriée , la dorure à l'huile , la multiplicité des tons dans les |
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(c) Charles La Foife, né à Paris en 1640, mort en 171*?,
étoit Eleve du célèbre Le Brun , qu'il a furpafTé dans le colons, Se dans la partie du clair-obfcur : à Ton retour de Rome, il fut en Angleterre , où'il avoir été deiîré. M. de Louvois le rappela pour peindre la coupole de l'Eglife dont nous parlons ; enfuite il peignit la Réfurre£tion de Notre-Seigneur , dans la Chapelle de Verfailles j c'eil auifi par cet habile homme, que fut peinte la voûte de la galleiie de la maifon de M. Croifat, aujourd'hui l'Hôtel de Choifeul, & la calote du Château de Montmorenci. Ses derniers ouvrages font: la Nativité du Sauveur, & l'Adora- tion des Rois, placés dans le chœur de Notre-Dame à Paris; ta- bleaux du plus grand mérite., quoique faits fur la fin de fes jours» |
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d'Architecture. 315
marbres, le bronze doré d'or moulu , les enfilades
refpeclives ; enfin la lumière peut-être trop ref- plendifTante qu'on y remarque. Nous le répétons avec plaiiir, fans doute cet
édifice eil un chef- d'œuvre, & un chef- d'oeu- vre auquel nous ne connoiffons point de rival, fi ce n'eil la Chapelle de Verfailles , du deffin du même Architecte. Cette Chapelle, quoique traitée dans un autre genre, eil en petit, ce que les Invalides font en grand ; mais ces deux monu- ments ne peuvent fouffrir de comparaifon avec le Val-de-Grâce , parce que toutes les fois qu'un édifice important péchera par le caractère qui lui eil propre, nécessairement il perdra la moitié de ion prix aux yeux des vrais ConnoiiTeurs. D'ail- leurs, il en faut convenir, en examinant févére- ment l'intérieur des Invalides, combien ne remar- que-t-on pas de licences dans la plus grande partie des détails: des pilaflres doublés, des angles aigus, des colonnes engagées , des ouvertures d'une hau- teur excefîive ; enfin, des tribunes d'une petitefTe extrême , portée fur un très-grand ordre : autant d'imperfections qu'on ne peut reprocher au Val- de-Grâce. Il eil vrai que toutes ces licences font » rachetées par des beautés fans nombre , toutes marquées au coin du génie , & qui méritent à bon droit le funrage de l'amateur & de l'homme inilruit. Si donc nous nous fommes déterminés à porter notre fentiment fur ce chef- d'œuvre, c'eil parce qu'il s'agit de ne rien taire à nos Elevés. Π eil eiTenciel de leur faire comprendre qu'ils ne doivent jamais oublier le genre propre à l'édifice, & qu'en faveur de quelques traits de génie répan- \ dus dans leurs œuvres , il ne fauroit leur être permis, comme à Hardouin , peut-être un des plus |
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habiles Artiftes que la France ait poiTédés, de
négliger ce caractère dont nous voulons parler«, En vain chercheront-ils à mafquer la médiocrité de leur Architecture, par des ornements fouvent polliches, ou à éblouir l'ceuil par les acceiïbires que leur prête le fecours des Arts d'agrément; ces ornements , ces acceffoires , n'empêcheront jamais l'examinateur éclairé de s'appercevoir de la foibleffe de l'Ordonnateur. Nous ne parlerons point ici du portail du côté
de la campagne , qui donne la principale entrée de ce monument ; nous en avons déjà dit quelque choie dans le deuxième volume de ce Cours, p. 186, en donnant les mefures des ordres Dorique & Co- rinthien qui le décorent. Nous obferverons feule- ment que cette production fe refTent de f élégance que iiardouin favoit répandre dans tous fes ouvrages : élégance fouvent déplacée , qui lui a fait donner, par fes fucceiÎeurs, le nom d'homme de génie, plutôt que celui de grand Architecte , déféré à bon droit à François Manfard fon oncle. Il ne faut pourtant pas croire de là , que Har- douin n'étoit qu'un excellent décorateur : la feule itru£ture des Invalides , décèle certainement l'ex- périence d'un homme confommé dans la pratique, & prouve bien qu'il favoit joindre aux lumières de fon Art, toutes les reiTources que pouvoit lui fuggérer la néceiîité de bâtir folidement. Sa belle imagination lui fourniiFoit les moyens d'afli- gner à ces différents chefs-d'œuvre, ce caraclere particulier dont^ les édifices qu'il a élevés font empreints. A en juger par le Château de Clagni , celui de Trianon, celui de Marli & fes jardins, les Ecuries, l'Orangerie, la place d'armes & les avenues de Verfailles, on eil bien fondé à croire,
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d'Architecture. 317
que perfomie avant Manfard, & peut-être depuis
lui, n'a fu donner aux édifices qu'il a élevés, ce cara&ere propre dont nous parlons. La forme, la difpofition & l'ordonnance des monuments dirigés par cet homme de génie, indiquent très - précifé- ment l'importance des motifs qui les ont fait élever. Au relie , li l'on remarque dans ce fromtifpice
un peu trop de mouvement, & une élégance qu'il ne convient pas toujours d'employer, où l'ordre Dorique préfide ; fi en général cet ordre & le Co- rinthien élevé au-defïus, femblent divifer la malie , lorfqu'on Fapperçoit d'un point de diitance con- iidérabie , il faut convenir que les corps liffes qu'il a oppofés au mouvement que procure à cet édifice la dirlribution des colonnes, produifent Je plus grand effet, & que ces repos ieuls, employés avec autant d'dfrt que de goût, doivent donner la plus grande idée des talents fupérieurs de cet hom- me célèbre. Mais , félon nous, ce qui doit mettre cet Architec~te aii-deiTus de tous ceux de fon temps, c'efl la compofition ingénieufe & la forme admi- rable du dôme, qui fe remarque extérieurement au-deiîus de ce frontifpice ; cet ouvrage feul, eil capable d'illuitrer le beau liecle qui l'a vu naître, & bien digne de perpétuer la réputation li juge- ment accordée à nos plus célèbres Archite&es François. «: Voici les principales dimeniions de cette Eglife ,
placée à l'extrémité du rond-point de celle deili- née pour les Militaires, en faveur defquels cet Hôtel a été fondé par Louis le Grand. Ce monu- ment , connu fous le nom de dôme des Invalides, eft compris dans un quarré de vingt-fix toifes un pied hors œuvre, fans compter les avant - corps» Intérieurement elle a vingt-cinq toifes deux pieds |
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Ji8 Cours
de largeur dans la croifée ; le dôme a douze toifes
quatre pieds auiîi dans œuvre, fur trente - deux toifes de hauteur fous la clef de la dernière voûre, & vingt-fix toifes un pied depuis le fol jufqu'à la lunète qui termine la coupole intérieure. Les quatre Chapelles placées dans chaque angle , ont trente- fept pieds de diamètre. L'ancienne Eglife pour les Militaires , élevée fur les deffins de Libéral Bruant, qui a auffi donné ceux de l'Hôtel, a" de longueur dans œuvre , trente-iix toifes, & onze toifes de largeur ; la nef a trente-neuf pieds de largeur. Nous venons de citer plus haut l'Eglife de la
Sorbone, comparons à préfent ce monument avec Celui des Quatre-Nations ; enfuite nous parlerons des Eglifes Paroiiîiales de Saint-Sulpice & de Saint- Roch, & nous finirons nos obfervations fur les Temples, par dire quelque chofe*de nos Eglifes en rotonde proprement dites, telle que celle des Dames Sainte - Marie, rue Saint-Antoine, & celle de TAffomption, près la porte Saint-Honoré. Description abrégée de l'Église
de la Sorbone. Ce monument fut érigé par les foins du Car-
dinal de Richelieu, qui en pofa la premiere pierre en 1635 ' Φ 4U* *^s 1619 avoir choifi Jacques Le Mercier ( d ) pour bâtir le Collège qui a donné lieu à cet Eglife, dont Le Mercier fut auffi l'Archî-. te&e. Cet édifice , dans fon genre , peut encore pafler pour un chef-d'œuvre du dernier liecle, |
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(d) Voyez ce que nous avons die de cet Archite&e, premies
volume, page 101, note^. |
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d'Architecture, 3j9
le portail du côté du Collège, eft traité dans la
plus grande maniere , ainii que toute la façade latérale où il fe trouve adapté : nous avons fait remarquer clans le deuxième volume de ce Cours, page 358, que cette faça de étoit plus régulière qu'aucune de celles des autres monuments facrés, élevés dans cette Capitale ; nous le répétons ici, parce que nous ne pouvons trop en recommander l'examen à nos Elevés» Le principal portail de cette Eglife donnant fur
la place de Sorbone ( e ) , eil beaucoup moins eftimé. Outre que les ordres délicats qui y pré- fident auroient dû porter Γ Architecte à donner plus de mouvement à l'ordonnance de ce fron- tifpice i c'eiî; que la plus grande partie des détails s'y trouvent aiTez négligés, tels que les différents efpacements des pilailres, qui, faute d'être en rapport les uns avec les autres , occaiionnent dans la diiîribution des modulons de l'ordre fupérieur, une difparité qui produit le plus mauvais effet, C'eit auiîi au pied de ce même ordre, que nous avons remarqué précédemment, que les baluftres compris dans le dé de fon piédeftal, font élevés chacun fur un piédouche , exhaufTement qui fem- ble bleifer les yeux intelligents. Les niches qu'on y voit placées font auffi de beaucoup trop petites , pendant que les figures qui les rempliflent font trop grandes, & d'une aflez médiocre fculpture. Nous avons encore rapporté ailleurs, que la porte |
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. ( e ) Cette Place porte le nom du College qui a été nommé
auifi _, du nom de Robert de Sorbon, regardé comme le Fon- dateur du Collège, parce qu'en nji l'exécution de cet édifice «ù. fut confiée par Robert de Douay , Chanoine de Senlis , St Médecin de Marguerite de Provence, femme de Saine Louis. |
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32Ó Cours
à plate-bandé qui donne entrée à Cette Eglife*
nous paroiiîbit trop baffe , & l'arcade plein-cintre du fécond ordre trop élevée ; que d'ailleurs la forme de celle-ci auroit peut-être été plus conve- nable pour l'ouverture d'en bas , &. la plate-bande pour celle d'en haut, qui ne devant être qu'une croifée, devoir, pour cette raifon, être préférée droite dans fa partie fupérieure, plutôt que d'être circulaire , ainfi que nous l'avons enfeigné plus d'une fois. Il n'en eil pas de même de celles placées dans
les arrieres-corps de chaque côté du premier ordre, & à l'extrémité de ce frontifpice ; ces croifées font d'un excellent deiïin ; nous aurions deiiré feule- ment , qu'elles fuiTent à plate-bande, au-lieu d'être bombées , & que leurs ouvertures eufTent été un. peu plus conlidérables. Qu'on ne s'y trompe pas, toutes les remarques que nous faifons ici font intérefTantes pour quiconque defire ne rien hafar- der dans fes productions. Il fe peut que les habiles Architectes qui ont élevé les édifices dont nous parlons dans ce Chapitre, aient eu leurs raifons pour facrifîer à la maiïe générale, les détails fur îefquels tombe notre cenfure; mais il n'en eitpas moins vrai que ces imperfections , confidérées û part , ne peuvent raifonnablement être imitées par les jeunes Artiites qui fuivent nos Leçons ; ils fe permettront affez-tôt les licences que nous relevons, & n'ayant pas les reffources de leurs Maîtres, qui puiffent en autorifer l'application , leur produäicn dès-lors deyiendroit médiocre. C'eft donc pour leur faire éviter dé tels incon- vénients que nous prenons fur nous de relever quelques erreurs qui fe trouvent éparfes dans' l'ordonnance
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d'Architectvri, )%i
j'ordonnance des édifices de la plus grande celé«
brité î élevés même par les Architectes dont ψ réputation eil ia mieux établie. Le dôme élevé au-deffus de ce froritifpice, eil à*
peu-près dans le goût de celui du Val-de Grâce , quoique d'un beaucoup plus petit diamètre, Sa décoration extérieure eil auffi dun excellent genre * & prouve ce que nous avons dit de Jacques ht Mercier, qu'il étoit reconnu pour l'un des Archi- tectes François qui avoient le mieux entendu le ftyle convenable aux édifices facrés ; &, quoiqu'il s'en faille beaucoup que l'intérieur de ce monument égale en beauté 4a perfection de l'Eglife du Val· de-Grâce , on doit convenir que cet Arehitefte étoit un grand Maître dans cette partie de l'Ar-, chitec"hire ; car on peut être un grand homme fans être un Manfard, Nous avons dit quelque part que le Cardinal
de Richelieu avoit choiii la Sorbone pour fa fé* pulture ; que de là il fembloit que Le Mercier en ,compofant les deffins dV cette Eglife eût eu l'idée de donner un air fépuîcral à l'ordonnan* ce intérieure de ce monument. Nous periiftpns à penfer ainii; en enet, nous n'entrons point de fois dans la Sorbone que 9 pour ainii dire, l'obfçu^ rite qui regne dans fon intérieur, le Hyle peut- être trop févére de fon Architecture , la féche* reffe de la plus grande partie de fes membres , te multiplicité des niches qu'on y remarque, le ton des marbres rembrunis qui revêtent l'autel , la Chriil fculpté par François Anguiere, pofé fur fon retable; enfin le pavé qui en compartit le fol : nous n'entrons point de fois , difons - nous dans cette Eglife, que tous ces objets ne nous perfuadent que nous viiitpns un maufolée. Tout Tom ΠΙ, % |
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512 CO UR-S
jufqu'à l'humidité (ƒ) qu'occaiiônne le peu d'aiE
qu'on y refpire, nous offre cette image , qui, devroit être imitée feulement par les,décorateur^ de nos pompes funèbres , au - lieu du cartonnage & de l'or en feuilles dont on les décore. Au contraire, quand nous venons à coniklérer ,.çje monument comme un Temple , nous ne pouvons nous empêcher de nous rappeler les beautés vrai- ment touchantes, qu'on remarque dans l'Egaie du Val - de - Grâce, & par une oppofition peu vraiiTemblable , les idées riantes qu'on éprouve en entrant dans l'intérieur du dôme des Invalides. Ce contrarie frappant, qui ne devroit pas fe rencon- trer dans des monuments à-peu-près de même genre, nous fait donner toute notre eftime au chef-d'œuvre de François Manfard, & en recom- mander de nouveau l'étude à nos Elevés. Au reite, l'examen de l'Eglife de la Sorbqne ne mérite pas moins toute leur attention : l'extérieur fur-tout, du côté du Collège, eilfupérieur à celui du Val- de Grâce. D'ailleurs n'y eût-il que le tombeau de marbre blanc, qui repréfente le Cardinal de Riche- ■ -------■------------"—'---------; ~—~—j—fl -Γ"
(ƒ) Le peu de falubrité qu'on éprouve dans cette Eglife
Collégiale, provient, pour la plus grande partie , de ce qu'elle eit toujours fermée Λ la principale porte ne s'ouvrant que deux fois l'an , le jour de Sainte Urfule , à qui cette Eglife fut ai diée, lé xi Oétobre 1391, & le 4 Décembre, jour où Yvmim lebre une Meile à la mémoire du Cardinal de Richelieu. Le même défaut fubfifte à Saint-Paul, la .Métropole de Lon-
dres , qui, comme teile, devroit être ouverte à toute heure du jour.; mais comme 1'üfage cft en Angleterre de ne laiiîer voir qu'à prix-.d'argent les chefs-d'eeuvre que cette grande Cite contient, les portes , par cette raifon, s'en tiennent toujours fermées. A la Sorborie les motifs font différents ; cette Eglife, n'eft, pour ainiî dire , que la Chapelle d'un Collège , deft;née \ particulièrement pour les Docteurs qui y demeurent \ autre chofe efi de la Cathédrale de Paris, & de nos Eglifes Paroii» fiales, dont l'entrée clt permife en tout temps aux fidèles. |
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lieu (g) ; ce chef-d'œuvre, fculpté par Girardon
( h ), mérite l'examen le plus réfléchi; on doit le regarder comme l'une des merveilles de notre Ecole Françoife; il fut placé en 1694 au milieu du chœur de cette Egliie. . . } ■ t Avant de quitter cette courte defcnption, rap-
portons les mefures de cette Eglife, qui offriront les moyens d'en comparer les grandeurs avec les précédentes. Sa longueur dans œuvre , eit de vingt-cinq toifes3 fa largeur de douze; celle, dit dôme aulfi dans* œuvre, & qui fe trouve préci- fément placé au milieu de la longueur, èii "de trente-huit pieds ; il a de hauteur fous clef, dix· fept toifes un pied» Description de l'Eglise dû College
:~2)e ma zarin , connue sous le nom
z>E Collège des Quatre-Nations*
Cette Eglife éit encore un monument élevé à
taris par un de nos Miniilres» Ce fut le Car- dinal de Mazarin qui fonda > en iéóo ? le College |
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, (Jl C« Cardmal eft reprefenté à demi couché a Contenu »àt
h Religion, & ayant à fes pieds une figure defcZïi^ Tentant la Science défolée de la perte d'un mS/1 ΡΓ-* tant conmbué a la pcrfcâion des Am en France, Ceft f™ !
cette tombe , dans une cave conihuite' exprès t que rennG iî corps de ce Cardinal ; qui y fut dépofê le 4 Décembr?t,l âgé de si ans. «uioieie^ (A) François Girardon , né à Troyes en Champagne-, ma
à Pans en r7i «■> /ut a Rome par les bienfait, de Louis X ?V ? fon retour ce ÎWe 1 employa a orner fes maifons Royales ■ U.fucceda a Le Brun a dans linfpeéfcion generali» ^ £ ι * ouvrages de fculpture. Paget fut le ÙiSmÙÂT kS Préféreuce Je ^n^ U^m^rardi^^^ ^ mrecompofuionfavante, & entendoit fupérïeurement gffl de 1 ordonnance daas fa ouvrages, à en juger par le tombeae r: ·":. *r" X ij |
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314 Cours,
qui porte ce fiom (i), dont nous rië parlerons
point ici, n'ayant pour objet que l'Eglife élevée, dit-on, fur les deifins de Louis Le Veau ( k ), mais dont l'exécution fut confiée à François d'Orbay ( / ), fon élevé» Cette Eglife , ou plutôt cette Chapelle, eft contenue dans un re&angle, qui n'a que quatorze toifes de longueur, fur douze toifes & demie de profondeur, non compris lé porche exté- rieur de quinze pieds de faillie. Au centre de ce monument on remarque une coupole de forme elliptique de quarante-fept pieds dans oeuvre fur fon grand diamètre, & de trente-fept pieds fur fon petit. Cette ellipfe, hors œuvre, a quarante-neuf pieds fur cinquante trois ; en forte que le dôme extérieur paroît à-peu-près circulaire & ovale |
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Jont nous parlons. La ftatue équeitrc de la Place de Vendô*
tne eft de ce grand Maître ; on voit aum" de lui à Veffaillcs, i'enlèyement -de Profèrpine, dans le bofquet de la colonadc, le.beau groupe placé dans le bofquet des bains d'Apollon Λ Sec, autant d'ouvrages célèbres- que nos Elevés ne peuvent trop fc hâter de contempler comme autant de chefs-d'œuvre admirés de tous les vrais Connoiiïeurs. A (i) Le Collège de Mazarin a pris le nom des Quatre- Nations^
parce qu'originairement le Cardinal de Mazarin l'avoit fonde pour l'éducation de plufieurs gentilshommes qui avoient pris naiflance dans lés différentes Provinces réduites, en partie, foui î'obéiiïance de Louis le Grand, par le Traité de Munfter , le »4 Oéltobrc 1É48 , & par celui de l'Ile des Faifans du 7 No* vembre i£j9· ■* >/ 1 (k) Voyez ce que nous avons dit de cet Architecte, pre·?
mier volume , page ιοί , note b. (/) François d'Orbay, Architecte aiTez célèbre, mort en
1697, conduiiit l'Eglife dont nous parlons, & continua le« parties du Vieux-Louvrç & des Tuileries, commencées par fon Maître. Il bâtit auifi l'Eglife des Capucines , Place de Vendôme, je portail de la Trinité, rue Bourg-l'Abbé, l'Eglife des Pré- montrés à la Croix-Rouge t l'Hôtel de la Comédie Francoifc, faubourg Saint-Germain. |
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d'Architecture. 31Î
dans l'intérieur 1 forme préférée fans doute par
l'Archite&e, à deflein de ménager dans la plus grande épaifleur des murs des deux principales faces, les efcaliers qui montent dans la charpente : reffource ingénieufe , & que nous croyons que perfonne n'ayoit tentée avant lui. La décoration intérieure de cette coupole, ainiî
que celle de toute îEglife, eit d'un bon genre , & mérite d'être examinée avec foin. Les orne^· ments y font même traités avec goût, mais ils ne tiennent ni du genre facré , ni du fublime qu'on remarque au Val-de-Grâce: à propos de quoi nous remarquerons qu'il paroît furprenant qu'en moins de quarante années, on ait perdu de vue la route fûre qu'avoit frayée Manfard à fes fucceflèurs , & que même depuis Le Veau & d'Orbay , à qui nous devons le monument dont nous parlons * Γ Architecture , & principalement fes ornements , aient encore dégénéré, à en juger par l'examen des nouvelles ParoifTes , élevées ou reitaurées, depuis ces deux Architectes jufques au milieu de ce éecle. Ces défauts pourroient bien fe perpé-* tuer, parce que la plupart des jeunes Archite* ftes fe croient tout permis ; qu'ils regardent les beautés de rArçhite&ure comme arbitraires ; qu'ils fe font un raifonnement à leur fanmine , qu'ils croient être celui de l'Art, & dont ils font fi idolâtres, qu'ils décident toujours en faveur de leur opinion ; ce qui tend à anéantir pen-à^ peu les regies fondamentales, pour n'offrir aux yeux des Connoiffeurs que des chimères qu'ils ofent leur donner comme l'imitation des chefs- d'œuvre de la Grèce & de l'Italie. Il eu, vrai que plulieurs, des habiles Maîtres de nos jours i çontre-balancçnt par leurs oeuvres , les exemples; ."'.■''■■' '? · J '':"/': ' ' ' I ■■".-' .
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plus ou moins dangereux, que préfente à nos
Elevés !a médiocrité de ces bâtiments , enfants du caprice & de la futilité ; mais comme ceux-ci font toujours l'ouvrage de la multitude, & qu'il s'élève à Paris beaucoup plus d'Hôtels particuliers , que de Monuments facrés, de Palais & d'Edifices pu- blics, infenfiblement le mauvais goût prédomine; de maniere que l'œuil des jeunes Difciples s'ac- coutume à ces écarts : d'où il arriveröit que dans la fuite il feroit à craindre que ceux-ci n'enfantai* fent plus que des comportions bifarres & frivoles {m). Mais revenons au Collège des Quatre-Na- tions , & difons que cette Eglife contient un des . chefs-d'œuvres de Coyfevox (/2) dans le tombeau «lu Cardinal de Mazarin qui y eft fculpté, & qui doit être conlklér'é comme un important ouvrage de cet habile Artifte. PaiTons à préfent à la façade extérieure de ce monument. Entre les édifices facrés ^dont nous venons de
parler ? la façade extérieure de l'Eglife & des bâti- ments du College des Quatre-Nations, annoncé *
. {m) Lorfque l'Auteur de cet ouvrage donnoit fes Le f ons dans
fon Ecole des Arts , 6* dans le manujcrit defqueUes nous avons puifé ce 'qui vient d'être rapporté, la plupart des helles maifons particulières ^élevées depuis ce ternps, nexifloient pas encore et Paris. Il nous paroît certain qu'aujourd'hui l'ordonnance des façades efi montée fur un tout autre ton que celles qu'on éleva au milieu de ce fipcle raujfi en avons-nous entendu depuis plus d'une fois faire l'éloge par cet habile Ρ'rofejfèur, à qui nous avons% pour ainfidire, l'obligation d'avoir , par la f éventé de fes préceptes, terrajje le mauvais goût qui régnait alors à cet égard. (n) Antoine Coyfevox , né à Lyon en 1640, mort en 1710.
Ce Sculpteur a eu là plus grande réputation, & la.méritoic ; le« maifons Royales , particulièrement Verfailles Se Marly", font remplies des chefs - d'oeuvre de ce célèbre Artifte, dont le nombre eft trop conûdérabie pour en donner ici l'énuméra- liOB.
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le plus d'étendue , & cet édifice eft peut être a'uffi
un des plus avaiitageiifement iitués : élevé en face de la rivière & du bâtiment du Vieux Louvre, fur un Quai dont les murs de revêriffement font traités dans un bon genre , il préfente un afpe£t très- intéreiTant. Le frontifpice de l'Eglife forme un avant-corps contenu dans une tour creufe ellipti- que de trente-quatre toifes deux pieds de diamètre, fur neuf toifes un pied de profondeur, & aux extré- mités de laquelle fe remarquent deux pavillons de foixante pieds de largeur, fur cinquante deux pieds de profondeur.Ces pavillons ainfj que le frontifpice, font décorés d'un grand ordre Corinthien, de trois pieds de diamètre, élevé fur un focle. Nous remar- querons qu'il eût été à cleiirer que ce même ordre eût également continué dans les tours creufes : le changement d'ordonnance qu'on y apperçoit , divife l'attention de l'examinateur, ce qui réuiîit d'autant moins ici, que, de l'autre côté de la rivière, d'où ce monument eft apperçu, cette difparité femble choquante ; parce qu'on y jouit à peine du coup-d'œuil que préfente le petit ordre Ioni- que , & l'Attique qui les décore. D'ailleurs, pour- quoi ce petit ordre Ionique, qui dans les entre- pilaiires contient des arcades de même forme & grandeur que celles placées dans les entre -pi- laiires du grand ordre? La même inadvertance fe remarque dans les ouvertures de l'attique, ce qui rend fans contredit imparfaite toute la déco- ration de cette tour creufe, & porte dans toute cette façade un faite affez mal entendu. Nous convenons que· la iituation avantageufe de ce monument s'embloit permettre ici le fafte. dont nous parlons ; mais s'il pouvoit avoir lieu, ç'étoit fans\4oute une, raifon de. plus pour en étudier ton* X ht
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tes les parties , & les porter à im même modu-
le , qui, en confervant les lois de l'unité , aurok rendu cette ordonnance plus recommandable en- core« Nous avons donné, à la fui du Chapitre pré-
cédent , les entre-pilaitres placés dans les angles du grand avant-corps de cette façade ; nous avons fait remarquer alors la négligence des parties qui en occupent l'efpace ; tous les autres détails qui décorent cet édifice , ne font pas traités avec plus de fuceès* De petits pieds - droits ; des arcades larges & baffes qui contiennent des portes à plates- bandes plus baffes encore : des importes qui ne fur- paifent la hauteur des bafes de l'ordre, que d'envi- ron quatre pieds : uqs ceuils de bœufs percés fous les archivoltes : des croifées fupérieures , égales à l'élévation des portes de deifous , ornées d'ailleurs de petites conioles d'une maigreur infoutenable , & placées trop près des chapiteaux du grand ordre ; lin plinthe qui coupe en deux également la hau- teur du fût de ce même ordre ; enfin, des pila- itres atîiques qui ont les cinq fixiemes de l'Ionique de deffous , & qui font couronnés par une balu- itrade dont la hauteur excède Je tiers dé l'étage qui la , foutient, font autant d'imperfeclions que nous ne pouvons nous difpenfer de remarquer, pour rappeler à nos Elevés, que plus les ouvrages font importants, & plus il convient que toutes les parties qui contribuent à leur décoration, puif- fent être regardées avec le même degré d'eitime, qu'on accorde volontiers aux beautés d'enfemble. La partie qui s'élève au-deffus du frontifpice & qui fe remarque au milieu de cette façade, nous donne plutôt l'idée d'une tour que d'un dôme. Il ne fuut pas % à beaucoup près 5 qu'un ouvrage de |
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d'Architecture. 349-
cette ejtpèce ait une folidité réelle , il convient
encore qu'il annonce une folidité apparente. Or, une voûte intérieure , fuppofe une pouffée qu'il efî: bon de fortifier dans les dehors , par des corps faillants qui paroiffent reiiiter à cette pouffée. Autrement on ne s'imagine plus voir que la cage, d'un efcalier circulaire, placée au milieu d'un édi- fice , comme au Château de Chambor, & non un lieu confacré au culte de la Religion : tant il eft important que chaque objet du reffort de Γ Archi- tecture ? s'annonce pour ce qu'il eil ; fans quoi plus de caraâere, toutes les compofitions devien- nent douteufes , & le plaiiir qu'on le propofoit d'éprouver en allant .viiiter tel monument, fe chan- ge en une indifférence qui fait fouvent méfefH- mer l'ouvrage entier. La calote & la lanterne qui s'élèvent fur cette efpèce de tour, font infuffifantes ici pour donner à cette partie fupérieurë, l'air qu'elle devroit avoir. De ces différentes obfervatîons, il faut conclure
que cet édifice contient des beautés dans fa difpo- iition & dans fon enfemble , qu'il faut favoir dé- mêler d'avec les parties licencieufes que nous y avons remarquées , en fe reffouvenant que ce mélange de,beautés & de médiocrités ,.à peine toiérables dans les maifons d'habitations élevées par l'économie, doit être foigneufement évité dans tout ce qu'on appelle ouvrage public. Il faut fur- töut bien fe garder de réunir enfemble le beau & le médiocre , dans les édifices facrés ; ce font les productions de l'Architedure, qui contribuent le plus à la gloire de leur Ordonnateur 9 & à celle du ûecle dans lequel ces édifices fe trouvent élevés. |
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Description abrégée όε l'Église
de Saint-Svlpice.
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L Eglife Paroiiîiaîe de Saînt-Sitlpice, qui fe voit
aujourd'hui (<?), fut commencée en 1655, furies
deffîns de Louis Le Veau , & la Reine Anne d'Au- triche en pofa la premiere pierre. Après la mort de cet Architecte , la conduite en fut confiée'à Gittard ( ρ ) ; mais les travaux en furent fufpen- dus depuis 167 y jufqu'en 1719 , que l'on entreprit de rachever ce monument, dont néanmoins on ne commença à élever le principal portail, dont nous avons déjà parlé précédemment, qu'en 1733, fur les deffins & la conduite du Chevalier Servan- doni ( q ). Plufieurs Architecles ont auffi été appe- lés pour embellir cet édifice ; Gilles Oppenort (r), le fieur Laurent & plufieurs autres font de ce |
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(0) En i646s'écan£ apperçu que la premiere Eglife de cette
Paroifle qui avoit été élevée en nu tomboit en ruine , on fc difpofa à en élever une autre fur les deilîns de Gamard, 5C dont Gaiton d'Orléans pofa la premiere pierre ; niais ayant re- connu que le projet de cet Architecte étoit trop peu confidé- rable pour cette ParoiiTe , qui s accroiffbit journellement , oa fe détermina à élever en 1655-, celle dont nous parlons. (p ) Danie] Gittard , Architecte du Roi, danslefiecle dernier?
a eu de la réputation ; c'eft lui qui a fuccédé à Le Veau , & qui a fait bâdr le chœur de Saint-Sulpicc, les bas-côtés , la plus grande partie de la croifée , & le premier ordre du portail du côté du ieptentrion ; le portail de l'EgUfe de Saint Jac- ques- du- haut- Pas a faubourg Saint-Jacques, eft auiTi de ccc Architecte. (q) Voyez ce que nous avons dit de cet habile Architecte,
premier volume , page i©z, note e. (r) Gilles Marie Oppenort} né à Paris, où il eft mort vers
1755 , premier Architecte de Monfeigneur le Duc d'Orléans, a paùe pour un très grand Deilinateui:. A fon retour de Rome, où il avoit été en'qualité de Peniîonnaire du Roi, il fut fort occupé. Le portail méridional, le deuxième ordre du portail fsnteutrional de l'Eglife âc Saint-Sulpice, ainfi que la décora* |
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nombre. En examinant en détail cet édifice»
on s'apperçoit que ces différents Ordonnateurs n'ont pas peu contribué à répandre dans fes par- ties un changement de ityle, qui nuit elfenciel- lement à Fenfemble. Chacun de ces Architectes voulut s'écarter de celui qui l'avoit précédé, & s'appliqua plutôt à produire , qu'à iuivre & le même plan & la même ordonnance. Il eût été donc à délirer que Le Veau eût compofé un projet général, dont il étoit certainement bien capable; & que ce projet, une fois approuvé , après avoir été difcuté & fournis à l'examen des différents chefs de cette entreprife, eût pu feryir de bafe à tous les Archite&es , qui dans la fuite au^ roîent été chargés d'en continuer l'exécution ; par- la on né feroit pas dans le cas de femarquer aujour- d'hui les défauts qu'on apperçoit dans fenfemble. En effet, ce vaiffeau reftreint à une grandeur afléz peu confidérable, & n'ayant qu'environ cinquante toifes de longueur dans œuvre, fur vingt-cinq toifes de largeur, auffi dans œuvre , prifes dans la croifée, fe trouve encore reiferré par la trop grande largeur des bas-côtés, & par la capacité des trumeaux qui féparent les ouvertures·, qui,, de la nef & du chœur, communiquent à ces mêmes bas-côtés : rien n'eft fi choquant dans toute efpk- ce d'édifices , & fur-tout dans nos Temples , que d'anéantir , pour ainfi dire , la grandeur du lieu par une Architecture démefurée & une affectation de ·—------- ,- __________________... tiort intérieure adoflee à ces deux portails ; le maître-autel à
la Romaine de cette Eglife , & celui en baldaquin de Saint- Germain- des-Prés font de cet Architecte ; c'eft enfin lui qui a f0rtVa Sallerie du Palais Royal, & le iallon qui la pré- cède, 1 intérieur dé l'Hôtel du Grand Prieur de France au Tem- ple j k chœur & l'autel de l'Egliiç de Saint-Vittor, &c, ? |
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33Ζ C OURS
peianteur dans les piliers. Dès-lors ces parties ne
çonfervent aucune proportion , aucun rapport avec les dimenfions générales. Nous remarquerons que la largeur des bas-côtés
dont nous parlons, non-feulement contribue à faire paroître la nef, trop étroite , quoique de quarante-un pieds de largeur ; mais à rendre infù- 1 portable la petitefle de la Chapelle de la Vierge, placée dans le, fond de cette Êgiife ·, de maniere qu'on remarque aux deux extrémités de cette ParoifTe, d'une part, un frontifpice peut-être trop coloiTal, & de l'autre , une chapelle d'un beau- coup trop petit diamètre: difparité dans le rapport, des parties au .tout, & du tout aux parties, que certainement on ne peut approuver. Qu'on nous permette une digreffion : de tels
inconvénients fubfifteront toujours, lorfque, com% me nous venons dele recommander, on. ne com- mencera pas par pn projet général, tel qu'on vient de le faire pour les deux monuments facréS; qui s'élèvent a&uellement à Paris (s). De ma- niere que fi par quelqu'évenement imprévu ces monuments venoient à être interrompus , comme Saint-Sulpice l'a été pendant l'efpaee de plus de quarante années , il ferok du moins poiîible , par îes précautions qu'ont prifes leurs Ordonnateurs, de les continuer,tels qu'ils les ofit conçus lors de l'étude de leur projet, confirmé par des modèles qui en font voir toutes les principales parties , & qui indiquent les moyens de parvenir à une exé- cution auffi économique que durable. N'en doutons point, de tous les moyens celui
dont nous parlons eft le plus certain. D'abord il (s) X'Eglife de Sainte -Geneviève & celle de h Magdcleinç.
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d'Architecture. 33$
convient de fe procurer d'excellents projets, faits
par des hommes du plus grand mérite , de les faire examiner enfuite par les Maîtres de l'Art ; puis de les faire approuver par les perfonnes en place , qui, de concert avec les Architectes, en dîfcu- teroient tous les avantages & les inconvénients. Après ces préliminaires importants , ces plans, ces mémoires, doivent être remis à TArchitede, pour qu'il en attaque de nouveau les développe- ments , & fe rende compte des ^divers moyens qui peuvent en accélérer l'exécution. Ces préli- minaires arrangés, & avant de paffer à l'exécu- tion , il faut faire des modèles généraux &1 parti- culiers , puis amaffer des fonds , des approvifion- nements, rendre la place nette, & bâtir. Sans toutes ces précautions , il n'eft guère polîible de parvenir à élever des chefs-d'œuvre. Qu'on ne dilë pas que ce que nous propofons, n'eft qu'une fpé- culation vague : tous nos grands édifices, en ce genre, ont été prévus & attaqués de cette maniere. Peu importe que la bâtiffe en foit interrompue. Il s'agit ici d'un projet général ; il convient de le préfenter ainfi au Miniftre des autels ; il convient de faire plus ; il faut avoir le courage de renoncer à l'entreprife, ce qui nous eft arrivé plus d'une fois, lorsqu'on a-exigé de nous de n'attaquer qu'une partie qui ne fauroit un jour fe lier avec Fenfem- ble qu'elle doit faire. *Quon y prenne garde, de tous les monuments d'importance , les édifices facrés font ceux qui exigent & le plus de vraies beautés , & le plus d'attention de la part de l'Ar- chite&e & des Ordonnateurs. , Combien de fois n'avons-nous pas fouri des
vains efforts de la plupart de nos Elevés , qui, lors de leur début, vouloient effayer leur talent |
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334 Cour s
par la compoiition de quelques-uns de nos Tem*
pies ; avant d'en avoir les premières notions i avant d'avoir affez de connoiffance de la conitru- £tion, pour parvenir , par la fcience du trait, àfou- tenir tel fardeau ou à retenir telle pouffée ; à rache- ter telle ou telle faillie qui, de néceiîité, doit être foutenue en l'air, foit pour parvenir à donner de l'élégance à la décoration, foit pour procurer plus de jour à Tédifïce, foit enfin pour arriver à une hardieiTe , qui, fans être préfomptueufe, donne tout à la fois, une idée fatisfaifante , & de la févé« rite & du génie de fArtifte. Que nos .Elevés ne s'y trompent pas ; ces fortes d'édifices doivent être, non le commencement, mais la fin de leurs études ; & ils ne doivent y penfer, qu'a- près qu'ils auront examiné, à diverfes reprifes & avec la plus grande attention , les reiïburces employées par nos plus habiles Maîtres , non« feulement dans les édifices célèbres précédemment cités, mais encore dans ceux qui s'exécutent de nos jours , ainfi que dans ceux élevés par les anciens, & qui leur font offerts dans nos recœuils. Qu'au refte, ils ne négligent pas de vifiter les édifices de la féconde claiTe en ce genre, ils apprendront à y démêler les médiocrités qui s'y trouvent pla- cées à côté des objets moins imparfaits ; qu?ils faiTent"leur profit de ceux-ci, en apprenant à s'éloi- gner de celles-là: qu'en un,mot, ils examinent tout; qu'ils analyfent jufqu'aux moindres détails; qu'ils fe famiiiarifent en même temps, & avec l'art de conflruire folidement , & avec celui d'emr ployer une élégance' intérefTante dans les formes de la décoration, & dans ce qui concerne la dißri- Bution : qu'ils fe rappelent enfin , qu'une Eglife Paroiiïiale, conventuelle, ou de fondation royale, |
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■ d'Architecture, 331
ne doit avoir rien à démêler avec l'afpect, la difpoiî-
tion & l'arrangement de nos bâtiments d'habitation; que c'eft un genre à part qui ne peut entrer en com- paraiibn avec les édifices vulgaires; que ces monu- ments ne peuvent même entrer en parallele avec ceux de magnificence proprement dits. ; nos Tem- ples devant s'annoncer tout autrement que des Arcs de Triomphe , des Places publiques, ou la demeure des Souverains : tous ces édifices ne doi- vent avoir de commun, que les règles de l'Art ; mais le génie de l'Architecte, fon expérience , fon goût acquis, doivent les appliquer diverfe- ment à raifon des différentes occafions qu'il a de déployer fes talents. Nous en avons déjà préve- nu ; nous nous permettons ces fortes de digref- £ons dans le deilein d'appliquer l'exemple aux préceptes. Ce n'eit pas pour les Architectes déjà parvenus à un mérite éminent que nous écri- vons ; mais nous avons particulièrement en vue Finitruction des jeunes gens qui fe Vouent à Γ Ar- chitecture.. Les répétitions & les longues réfle- xions, inutiles pour les premiers , deviennent fouvent indifpenîables pourfinitruction des jeunes Elevés. Mais revenons à Saint-Sulpice. Nous ne dirons rien touchant la diitribution du
'plan de cette Eglife ; ^elle eil afîez fimpïe 5 & en cela mérite quelqu'eftime \ nous aurions deiiré feu- lement , ainfi que nous l'avons déjà remarqué, plus de rapport entre la largeur de la nef & celle des bas-côtés , & qu'en général les Chapelles pla- cées au tour de l'intérieur, de ce monument, euffent eu un peu moins de grandeur, pour que la nef en acquît d'avantage ; qu'au contraire, la Chapelle de la Vierge fût plus vafte. Ce défaut d'enfemble provient fans doute des raifgns que nous venons |
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$$6 Cours
de rapporter au commencement de cette defcri-
ption 5 & dont il eil bon de fe reiïbuvenir lors de la compoiition d'un tel projeta Le fond de la décoration qui préiide dans l'in-
térieur de ce Temple, eil femblable à celle qui regne dans prefque toutes nos Eglifes modernes de ce genre , exécutées le iiecle dernier. Un ordre Corinthien décore la nef & le chœur de cette ParoiiTe ; un autre ordre de même expref- fion, mais d'un beaucoup plus petit module , orne les bas-côtés, fa hauteur étant aiîujettie à celle des impoiles des arcades de la nef. Le grand ordre de cette dernière eft exécutée avec affez de févérité; le fécond eil beaucoup moins correct» D'ailleurs toutes les parties contenues dans ces derniers entre - pilaitres, font, on ne peut pas plus , négligées ; mais l'on peut dire que ce défaut n'eil rien en comparaifon de tous le$ acceifoires répandus dans l'intérieur de cette Eglife, & dont aucun ne contribue à rendre l'enfembîe intéreiTant : la Chapelle de la Vierge n'eil que riche, par les iticruilations des marbres, & par les bronzes dont elle eil revêtue, fon peu d'eipace ne pouvant raifonnablement contenir tant de fcul- pture, de dorure & de peinture. Il eil vrai que cette dernière préfente autant de chefs-d'œuvre, la calote de cette Chapelle étant peinte par Le Moine ( t ) 9 & les tableaux placés dans Fattique, |
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(t) François Le Moine, Peintre célèbre, né à Paris en i<f88,
pu il eft mort en 1737. La calote du chœur de FEglife des Ja- cobins au faubourg Saint-Germain , eft de cet habile Peintre} il la peignit avant ion voyage d'Italie. A fon retour il fe ehoifi pour peindre celle de la Chapelle de la Vierge de Γ Eglife dont nous parlons j mais ce qui lui fait le plus d'honneur, c'eft lç célèbre euvragç de peiature qui fe remarque à 'Ysrfailles, |
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©'ARCHITECTURE. 337
f>ar Vanloo ( u ) ; mais , à notre avis , ces chefs-
d'œuvre perdent une partie de leur prix , par l'avoiilnement des objets 9 qui ne femblent réunis dans ce lieu que pour en détruire l'effeti La prodigalité des ornements qu'on remarque
dans cette Chapelle, fait affez connoîrre que le zèle des chefs eil infiififant, s'il n'eil éclairé, s'ils n'ont affez de cônnoiflances acquifes dansles Beaux- Arts , pour pouvoir chdiiir les Artiiles en fécond ^ qu'il s'agit de réunir avec ceux de la premiere claiTe , & s'ils n'en favent pas aiiez pour préférer au moins un habile Maître qui puifle affigner à chacun le rang qu'il doit tenir dans lentreprife ; c'eit là le feul moyen de parvenir à former, de la totalité, un accord véritablement intéreffant. 'Nous l'avons remarqué ailleurs , qu'on nous
permette de le répéter ici, les augmentations > les embelliiTements , les reftaurations faites depuis quelques années dans nos Eglifes Paroiiïïales, fe reffentent prefque toutes du peu de lumière de ceux qui président à ces illuftres entreprifes. Nos plus habiles Artiiles font appelés à grands frais dans nos Provinces, pour embellir les Temples ; dans Paris, cette Capitale , le centre des talents dans tous les genres , les hommes célèbres font |
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où il a repréfenté l'Apothéofe d'Hercule; fujet qui a fait don-
ner à cette pièce le nom de Salon d'Hercule, & qui, fans con- tredit , égale en beauté toutes celles qui forment les grands appartements de Verfaiiles, où Le BiUn a étalé toute la fupé- riorité de fon génies, ( :\ {u) Charles-André Vanloo, connu fbus le nom de Carie
Vanloo, frère & élevé de Jean-Baptiite de ce nom, eit un des Peintres de notre Ecole Françoife qui ont pouiTé le plus loin l'arc du coloris; d'ailleurs fes tableaux font d'un deffin correct, δζ d'une belle ordonnance ; il eil: mort en 1769 , premier Peintre du Roi » Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel , & G$ttverßcu* Óes Elevés de Peinture , protégés par 3a Majeflé. ï *■ Tome III, Y |
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33§ Cours
à peine confultés , lorfqu'il s'agit des décorations
de cette efpèce: faute de goût, & par une économie fouvent mal entendue, on choiik entre les hommes Vulgaires, ceux qui fe prêtent au caprice des bien- faiteurs , dont le zèle eil louable fans doute , mais qui, manquant de lumière, produit prefque tou- jours les médiocrités que nous remarquons avec re- gret dans plufieurs des décorations dont nous par- lons. Quelquefois, ce qui eil pis encore, lorf- que des Artiiles d'un vrai mérite font adreffés dire- ctement aux Chefs, ceux-ci, qui n'ont point d'idée de ce beau fimple que devroit leur infpirer leur faint miniilere , & fous le vain prétexte de flatter Forgueuil du riche, exigent que les Artiiles em- ploient des formes pittorefques ; qu'ils dorent tout fur tranche ; qu'ils aient recours aux matières facti- ces , au-lieu des matières premières; qu'ils préci- pitent l'entreprife, pour quelle fe trouve finie fous leur regne. Ces idées mondaines font abfolument contraires à l'efprit de l'Evangile, dont la fimplicité & les vérités éternelles devraient régler les vues des Paileurs dans la décoration de nos Temples. Ce n'eil pas que dans les différents objets qui décorent la Chapelle de la Vierge dont nous par- lons , on n'apperçoive quelques parties exécutées par des hommes de mérite: l'architeclure, lafcul- pture , les fers , le marbre , les bronzes , l'orfèvre- rie , toutes ces différentes productions des Beaux- Arts, conlidérées féparément, font autant d'ouvra- ges eilïmables fans doute ; mais il n'en eil pas moins vrai que les beautés qu'ils étalent aux yeux? ne forment point un enfemble agréable, faute de fe trouver difpofées dans un lieu d'un plus grand volu- me. Leur place d'ailleurs aùroit dû être aiïignée d'a- bord par un Ordonnateur, qui, dirigé par l'efprit de V
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d'Architecture* J^I
Contenance, auroit pris foin d'aifortir les matières,
de décider l'ordonnance générale , le relief que chaque partie doit comporter, en un mot, le choix des ornements* Mais comme on n'a point eu, ces précautions, tous ces objets ne produifent à l'œiiil que de la confuiion , & ne lui offrent guère que l'image de l'atelier d'un Artiile , qui a pris un certain foin d'y arranger avec fymétrïè la plu« part des modèles qu'il a faits dans oqs temps diffé- rents , & qu'il a rafiemblés, non pour pr-éfenter im tout régulier, mais pour les confidérer lui-même au beibin comme autant d'études» · Malgré ce que nous venons de rapporter con-
tre le ftyle peu foutenu qui préilde dans cette Chapelle , il ny a point de doute, que lorfqu'on vient à la comparer avec la décoration de toutes celles diimfauées le long des bas - côtés de cette Eglife , elle ne puiile paiier pour belle. En effet, il eft difficile de concevoir la médiocrité qu'on remarque dans la compoiitiön de pluiieurs :' & à l'exception d'une ou deux de ces dernières , moins triviales que les autres , il n'y a point de différence entr'elles, & celles qui décorent les EgH- fes de la plupart des Bourgades de nos Provinces, Ceit dans l'une des deux Chapelles que nous ex-
ceptons , qu'on remarque un des chefs-d'œuvre de Michel-Ange Slodtz , qui y a Îculpté le tombeau de M. Languet de Gergy, ancien Curé de cette ParoiiTe; de maniere que dans le iiecle à venir, on aura peine, en voyant cet ouvrage admirable, à concevoir que , dans la même Eglife, on ait éga- lement accceuilli & l'ignorance & la fublimité des talents. Ce n'eil pas qu'on ne remarque encore dans quelques-unes des autres Chapelles, quelques torn- ' beaux d'un certain mérite^ mais certainement au- .Yij
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340 Cours
ciin ne furpaiÎe celui fculpté par Michel- Ange
$lodtz; aucun même n'en approche. Au reite, mal- gré cet éloge mérité, nous periiilons à croire, com- me nous l'avons déjà avancé dans le fécond volume de ce Cours, page 315? qu'il feroit convenable de fupprimer de l'intérieur de nos Temples, cette dernière marque d'honneur accordée à la vanité humaine. jLes deux extrémités de la croifée de cette Eglife
font décorées intérieurement, à-peu-près dans le même goût, quoique les deiîins en aient été don- nés par öppenort. Mais ce qui nous y paroit plus inibutenable, ce font les quatre tribunes qui s'y remarquent ; tribunes dont les ouvertures, les bal- cons & les culs-de-lampes qui les foutiennent, font du plus mauvais goût. H feroit à délirer qu'on fup- p rimât entièrement cet ouvrage , qui mérite le plus parfait oubli. La tribune qui doit recevoir les orgues , placée
à l'extrémité de la nef, & adoffée au grand portail, eil foutenue par douze colonnes d'ordre Dorique, d'un deiîin correct, & terminée par un plafond à plate-bande , conilruit avec beaucoup d'Art ; mais outre que cet ordre eil d'un trop petit module, la difpoiition de fes colonnes contenues dans la largeur de la dernière arcade de la nef, & dont la hauteur de l'entablement s'arrête à celle de l'im- poile de cette même arcade, nous paroit poftiche & rapportée après-coup, & nous femble d'autant moins réufîir, que , frappés de la grandeur de l'ordre extérieur , celui de la tribune paroit plus petit encore, quoique l'un & l'autre foïent exécutés fur les deiîins du Chevalier Servandoni : tant il eft vrai qu'il échape aux plus grands Maîtres des défauts de rapport entre les parties de l'édifice, |
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d'Architecture. 54t
îorfque ces différents objets s'élèvent Tun après
l'autre, & dans des temps différents ; au-lieu, corn* me nous l'avons dit plus haut, d'attaquer d'abord un projet général, d'où l'on puiffe, par des déve* îoppements réfléchis, concevoir l'idée de l'ouvrage entier. Le maître-autel eil compofé à la Romaine, 8c
paffe pour être du dellin d'Oppenort : il nous paroît d'un affez bon genre ; fa iituation nous plaît affez dans cette Eglife v n'ayant pu le pîa-< cer, fous la clef de la voûte, parce qu'il auroif intercepté la communication de la croifée avec la nef & les bas - côtés. Il auroit peut-être même été à defirer par cette raifon, que la baluftrade qui enferme le fan&uaire eût eu moins de faillie ; mais les cérémonies de FEglife l'ont exigé ainii : cérémonies qu'il importe aux Archi- tectes de connoître , afin que lors de la compo- iition d'un pareil projet, ils puiffent le difpofer de maniere, ainfi que nous l'avons recommandé ailleurs , que toutes les parties de leur Art fe trouvent d'accord avec les convenances qu'exige chaque monument de ce genre. Au-deffus de cet autel fe remarque une- efpèce
de dais en cartonage, fufpendu en l'air ; idée tri- viale, qui à peine feroit tolérablë dans la déco- ration d'un repofoir ; genre de décoration facré, à la vérité, mais dont 1 ére&ion inftantanée nexige pas la févérité dont on doit ufer néceffairement dans les monuments deTefpèce- de celui dont nous parlons. Les compartiments & les ornements diftri- bues dans la calote qui termine la partie fupé- sieure-du milieu de la croifée, font auffi d'un deflin- tres^médiocre : on en peut dire autant des portes cjui donnent entrée awx Sacrifties, & généralement |
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J4% Cours
de tous les ornements acceiioires, répandus dans
l'intérieur de cette Eglife. Nous en excepterons cependant les itatues pla-
cées au bas de chaque pilailre Corinthien, qui décorent ce Temple. Ces itatnes font du cifeau d'Edme Bouchardon , Tun des plus grands Scul- pteurs de ce iiecle. Coniîdérées féparérnent, on les trouve d'une exécution admirable; encore fe- rions-nous bien fondés à demander pour quoi elles font foutenues fur des culs-de-lampes , d'un deiîin d'aiiez mauvais goût. Il s'en voit à^ la vérité d'à" peu-près femblables dans le chœur de Notre-Dame à Paris ; mais cet exemple étoit-il fait pour être imité? Ils fe fupportent dans cette Métropole, pajrce qu'ils font d'une matière précieufe , & qu'ils paroiifent γ être amenés par le ityle de l'ordon- nance ; mais ici ces itatues & leur fupport ne pré- fentent qu'un fafte mal entendu, quoiqu'exécutées en pierre de tonnerre , matière aifez commune. D'ailleurs elles altèrent la proportion de l'ordre, & ne font qu'ornement. Voilà pourquoi les chefs- ■ d'oeuvre des plus grands hommes , lorfqu'ils fe trouvent déplacés , plaifent beaucoup moins '. ce qui arrivera toujours, comme nous l'avons déjà remarqué , lorfque les Miniitres des autels, faits pour préfider à la décoration des lieux faints , manqueront non-feulement des connoifTances que nous recommandons , mais qu'ils auront le goût faux, futile ou frivole , qui procure à l'intérieur de nos.Eglifes, cette diitraâion que fouvent les hom- mes du monde fe permettent à peine dans leurs demeures. On doit encore excepter de nos remarques, les
ouvrages de Le Moine & de Vanjoo , dans M Chapelle de la Vierge § le- tombeau fculpté pat |
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d'Architecture. 343
Slodtz, déjà cité, enfin la difpofition aflez fimple du
plan cette Eglife; mais ces beautés font-elles en aiTeZ grand nombre, pour compenfer la multitude des imperfections qui y font raiTemblées , & les fom- tnes immenfes que coûte ce monument ? Non fans doute : d'où il faut conclure , que û nos réflexions Impartiales font de quelque poids , cette produ- ction ne peut fervir d'exemple aux jeunes Archi- tecles, qui à l'avenir pourraient fe trouver chargés de pareilles entreprîtes. Examinons à préfent la décoration extérieure de
cette Eglife , fur laquelle nous paiierons rapide- ment : prefque par-tout on y remarque des défauts d'un autre genre, mais qui n'en font pas moins des défauts, qu'il feroit intérefîant de favoir évi- ter. Les façades latérales & le chevet de cette ParoifTe , n'offrent qu'un amas confus de reilauts, de corps qui fe pénétrent les uns les autres, des tourelles & de membres d'Archite&ure défafibr- tis, d'un ftyle auiîi négligé que médiocre, & tel à-peu-près qu'on le remarque· dans nos autres Pa- roiffes modernes , n'ayant rienapperçu à cet égard de véritablement intéreifant , que l'Eglife de la Sorbonne, dont nous avons parlé précédemment. Nous ne penfons pas plus favorablement des deux portails placés aux extrémités de la croifée ; celui du côté du midi eil moins médiocre que celui qui lui eir. oppofé; mais ni l'un ni l'autre ne font dignes d'éloges : nous fommes même fermement perfuadés, que le prix feroit refufé à ceux de nos Elevés déjà inftruits jufqu'àun certain point, qui aujour- d'hui concourent fous les yeux de l'Académie Royale d'Architedure , s'ils ne produiraient que de pareils deffins. En effet, quel fuccès peut-on attendre de l'aifociation des petites ouvertures % ' Y iv
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344 Cours
des plus petites niches encore qui s'y remarquent %
ainiî que des très-grandes croifées de proportion Toicane, placées dans des entrecolonnements Co- rinthiens ; enfin de ces œuils de bœufs d'un dia- mètre égal à celui des ouvertures de défions, d'un fronton circulaire placé fur un ordre compofite ; en un mot, de ces tables chantournées , & des ornements frivoles qui les décorent ? Rien que de médiocre : ce font parconféquent autant de mem- bres qu'on doit regarder comme des exemples dangereux pour ceux qui , foibles encore dans l'Architecture, s'accoutument infeniiblement à imi- ter ces productions éphémères , enfants du dérè- glement de l'imagination, ou de l'ignorance de TArtifle, mais qui jamais ne devroient trouver place dans nos édifices facrés. On vient cependant encore d'élever un.portail,
àu-deiïbus même de la médiocrité, dont nous par- lons ; il fe trouve fervir de frontifpice à une Eglife Conventuelle, précédemment bâtie par un.denos habiles Maîtres· On s'expofera presque toujours à tomber dans ce défaut, quand au-lieu de confulter un Architecte célèbre, on croira devoir s'en rappor- ter à quelques hommes oiiifs qui peuplent nos Mo- naiteres , & qui ont la manie de s'annoncer pieu- fement pour des favants dans cette partie de l'Art» Le principal portail de Saint-Sulpice eil peut-
être trop coloriai pour la grandeur du vaiffeau auquel il donne entrée, mais du moins doit-on reconnoître à la beauté de fon ordonnance , l'Ar- chiteäe inftrnit qui en a donné les deiîîns, l'homme de goût, en un mot, l'Artiite éclairé & nourri UQS procédés des Anciens. Nous avons déjà dit quelque chofe de cet ouvrage important; nous rapporterons ici 7 fans craindre de nous répéter* |
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^'Architecture. 345.
que ce portail eit peut-être une des productions
en ce genre qui faffent le plus d'honneur à notre Architecture Françoife, & que lorsqu'une fois le Séminaire qui mafque ce monument fera démoli, on n'héiitera pas d'applaudir aux beautés neres & mâles qui le caractérifent; en effet le ityle ferme qu'on y remarque, décèle le génie vigoureux du Chevalier Servandoni, qui, au concours , a remporté le prix fur fes Emules. ■■■/■ Nous rappelons l'idée de ce concours , parce
qu'il doit être un exemple des moyens dont il faudrait ufer lorfqu'il s'agit de l'érection d'un grand édifice public. M. le Directeur générai des bâti- ments du Roi l'a employé depuis , par ordre du Prince , lorfqu'il s'eil agi d'élever une Place Royale à Sa Majeité : l'érection de nos Temples , intéreiTe également la Nation : leur difpoiition , leur ordon- nance , doit faire naître à tous nos Architectes, l'envie de fe fignaler dans cette partie de l'Art. Pourquoi, fur un local communiqué, par des mé- moires bien dreiTés, ne confulteroit-on pas le plus grand nombre des célèbres Architectes de la Fran- ce ? Pourquoi, leurs projets faits , ne les pas expofer publiquement au fallon du Louvre, pour y être examinés par les ConnoifTeurs ? Quelle émulation un pareil concours n'exciteroit-il point parmi nos Architectes , qui , certains d'une ré~ compenfe honorable, accordée à leurs travaux, auroient pour expectative l'efpoir d'être préférés & d 'accroître leur célébrité , par l'occafion qui leur feroit offerte d'élever un édifice, que peut- être , fans cette eirconfrance , ils n'auroient jamais eu occaiion d'ériger ! Combien enfin, faute dé ce moyen, de vrais talents fe trouvent enfouis, ί Et combien n'en feroiç-il pas éçlpre i |
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346 Cour 1* i
D'ailleurs, faut-il toujours croire que parc®
qu'un Architecte fe fera fait un nom à la faveur de quelque premiere entreprife, il foit le feul en état de bien faire? Qui de nous ignore, que ce font les grands travaux qui font les grands Architectes, & que tel qui , faute de ces occafions d'éclat, eil refté dans l'oubli, feroit devenu un Manfard, û l'événement l'eût auiîi bien fervi que ces Archi- te&es, hommes qui fe croient privilégiés , parce qu'ils fe font arrogé le droit de dédaigner les productions de leurs contemporains , en affectant néanmoins , pour fe gagner le fufFrage de la mul- titude , d'accorder leur bienveillance aux hommes les plus fubalternes, mais qui, dans les circonftan- ces efTencielles, méconnoiitant jufqu'à l'indulgence que le vrai mérite accorde au talent naiffant, & à plus forte raifon à fes égaux, ne fouffrent, par une orgueiileufe préfomption , ni parallele , ni rivalité. · Dans tous les temps fans doute, nous avons
vu de ces (hommes vains , en mipofer au vulgaire, plus par leur place que par leurs talents, & s'a- plaudir jufqu'à fe croire des oracles ; n'approu- vant que par monofyllabes , & critiquant tout, en élevant la voix avec ce ton de funifance , le vice des hommes faux , qui, ..cherchant à maf- quer leur fofbleffe & leur bafle jaloufie , n'en font pas moins reconnus pour ce qu'ils font, & non pour ce qu'ils devroient être. Le frontifpice de S. Sulpice a vingt-neuf toifes
«le largeur, non compris les deux tours qu'on vient d'élever au-deiïus du troifieme ordre, il eft compofé de fept entreçolonnements, tant dans l'ordre Dori* que, que dans l'ordre Ionique, qui eft au-deiTus, & de douze colonnes pour chaque ordre: &r |
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d'Architecture. 347
ces deux ordres , vers les extrémités de ce por-
tail , en eil élevé un troifleme d'ordonnance Co- rinthienne qui forme deux avant- corps , & qiîi eil continué en retraite entre les deux tours : ce îroiiieme ordre, en arrière - corps , a été élevé Um$ fon temps par l'Archkecle, à deilin de mafquer la hauteur du comble de cette Egiife. Les entablements des deux premiers ordres font abfoîurnent fans reliants , & continuent dans toute îa longueur des vingt-neuf toifes que ce portail a de largeur : continuité qui ajoute encore à fa grandeur, par la fuppreffion de toutes les pe- tites parties. Le Chevalier Servancloni , qui favoit qu'elles ne peuvent produire un bon eifet dans un ouvrage confidérahle - avoit foin de les éviter dans toutes, fes comportions. Cet homme célèbre voyoit tout en grand ; & fans nuire-au mouvement néceiTaire à obferver clans les parties principales , il ne manquoit jamais de failir les grands traits qui càra&érifent la véritable Archi- tecture. Toutes les colonnes'de Tordre'Dorique' placées dans le milieu de ce frontifpice, font ifolees & accouplées les unes derriere les autres * & celles des tours feulement engagées : en forte que fur les colonnes de derriere, s'élève un mur percé d'arcades, dont les impaires font foutenus par de petits pilairres ioniques , & au-devant def- quels eil placé Tordre ionique-colonne dont nous venons de parler. Ce fécond ordre s'élève à plomb du premier rang des colonnes d'en bas. Enfin il eil couronné d'une baluilrade qui le termine avec beaucoup de dignité. Au-defTus du troifieme ordre qui forme les
tours de ce portail, l'Àrchitedre avoir commencé a faire élever des campaniles qui dévoient êti?s |
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$4% Cours
terminées par un congé en amortiiTement , &
celui-ci couronné de ilatues de métal doré ; en forte que depuis le fol jufqu'au fommet de ces ftatues (λ·) , cet édifice auroit eu quarante-trois toifes. Mais depuis la mort de cet Architecte 9 où a changé d'avis fur cette efpèce d'amortiffe- ment, & par un barbarifme étrange, on y a fubiti- tué l'efpèce d'attique de forme circulaire 4 dont nous avons parlé deuxième volume , page 210, ce qui produit le plus mauvais effet, & nous prive de l'idée, auiîi heureufe que hardie, qu'avoir, eue le premier Architecte de cette belle produ- ction. Il s'étoit äuiu" propofé d'élever un fronton entre
les deux tours & fur l'entablement du deuxième ordre ; mais il fut contredit dans ce projet : quel- que bonne raifon qu'il apportât, & quelque com- pte qu'il rendît de la folidité de fa conitrutlion, il lui fut impoiïible de parvenir à l'exécution, par les tracafferies qu'il efïuya , & dont les hommes les plus habiles ne font pas exempts ; cependant aujourd'hui on fonge à élever ce fronton fur cet édifice: on en aura l'obligation' à M. Patte, qui dans un Mémoire fort bien circonftancié, a fuififamment prouvé la néceffité de ce fronton, en propofant auiît d'autres couronnements pour les tours , qu'il eût été à deiîrer qu'on eût fuivis, au-lieu de ce qu'on y vient d'élever, dont i'afpeö eil infoutenable. Nous ne nous arrêterons point davantage fur
les autres parties de détail, concernant ce fron- tifpice ; nous avons rapporté dans le Chapitre précédent, l'un des entrecolonnements dô l'ordre (?) Voyez ce deifin, tel qu'il devoit être exécuté, duMle
deuxième vgiiime de l'Archueéturç ïianfoifc» |
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d'Architectuju. 349
Borique î une plus longue narration deflituée de
planches ne pourroit, fur cet objet, être d'une grande utilité à nos Elevés. D'ailleurs nous fup~ poibns qu'ils fe rappelleront ce que nous avons dit touchant la maniere de concevoir un tel projet, en parlant des édifices facrés > Chapitre VΙ ί 1 da deuxième volume de cet ouvrage ; nous les y ren- voyons , ainfi qu'à ce que nous avons encore à obferver dans la fuite de ce Chapitre fur cet objer. Nous aurions defiré pouvoir faire des remar-
ques fur pluiieurs projets donnés par les Archi- tecies qui entrèrent en concours avec le Chevalier Servandoni. Mais , nous l'avons déjà dit, de pa- reilles diiTertations dépouillées d'images, font abfo- lument infuffifantes. Peut-être donnerons-nous un jour les projets qui nous font parvenus, dans un nouvel ouvrage que nous avons déjà annoncé a & qui aura pour objet divers exemples d'édifices du reffort de l'Architecture civile, navale & mili- taire. Citons feulement celui fait alors par M. Meif- fonnier ( y ), dont la forme pittorefque donne au moins une idée des talents de cet Architecte, |
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(y) Jude Aurèle MeiiTonnier , ne à Turin en 1Λ9 5 , mort à
Paris en 1750, réunilîbit tous les talents du relibrt des Beaux- Arts ; il étoit Deilinateur , Peintre , Sculpteur, Architecte & Orfèvre: c'elt fans contredit dans cette dcnieie part e ... qu'il a excellé. Son genie le portoit toujours trop loin , lorfqu'il s'agif- foitde l'Architecture : auifi n'a t-il guère exécuté que quelques décorations intérieures. On peut juger de la fécondité de fou imagination , par le deifin gravé du portail dont nous parlons} il fe trouve chez Huquicr, rue des Maturins : le mouvement du plan & les formes tourmentées Se licencieufes qu'on remarque, dans ces élévations , fc reifentent plus de l'ébauchoir de l'Or- fèvre habile , que de la règle & du compas de l'Archûeétc pénétré des myfteres de fon Arc. |
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•ou plutôt île cet Artiile célèbre dans fart cîe l'orfè-
vrerie; cet.Artifte n'a eu de rival dans ion temps, que îe fameux Germain ( £.) , qui, comme Meif- ibnnier, avoît un goût décidé pour l'Architecture. Le deiïin du Portail que nous citons , eil peut-
être un exemple qui prouve que le génie ne fufîit pas j lorfqu'il s'agit d'un monument de Fefpèce dont nous parlons, & que la nmplicité , la régu- larité , la beauté des proportions doivent être préférées à tout ce que l'imagination la plus fé- conde peut fuggérer à l'Architecle. Meiiïbnier ■avoit pour principe , difoit-il, de créer dû neuf : femblable au Boromini, il fe plaifoit à être fingu- lier dans fes comportions : cela lui réniîîiToit quel- quefois; mais en général, il n'eft pas fait pour être imité. Auffi. les Artiftes de fön temps Γοηι-'ils fuivi de trop loin, pour être applaudis. C'efl d'après ce Maî- tre , il n'en faut point douter, qu'ils ont eu la plus ». Il I
" ' "■ /
{ ^) Thomas Germain, né à Paris en 1675, où il eft mort en
•1748 , a été regardé comme un des plus habiles hommes dans fon Art qui aient vécu au commencement de ce fiecle. Il fit un voyage en Italie, où il fe nourrit des chefs d'œuvre dans tous les genres, qui y font répandus avec profuiioß. A fon retour il fut accœuilli avec tranfport j Se foutint fa réputation jufqu'au dernier moment de fa vie. Nous avons eu occaiion de vivre en familiarué avec cet homme célèbre, que fon urbanité ren- doit acceffible à tous les jeunes gens ; nous faifiifons cette occafion de publier les obligations que nous avons à cet excel- lent génie, qui nous fît connoître M. Le Moine , Peintre célè- bre ; an forte que c'eft à ces deux Artiftes du premier ordre , chacun dans leur genre, que nous devons le goût des Arts & le zélé qui nous anime pour leur perfection. M. Germain a donné les déliais fut lefquels on aconitrukune Eglife à Livourne. On lui eft auffi redevable de l'Eglife de Saint-Louis-du-Louvre, qu'il a conduite lui-même, & dans l'ordonnance de laquelle on remar- que beaucoup de goût, mais peut-être trop de mouvement dans le plan & dans 1 élévation j &. crop de ïeiïauts 4aö$ les cosar f artimencs de la yoûtç, |
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d'Architecture. 3 yi
grande part à la futilité des ornements dont on
a accablé nos décorations modernes : écart néan- moins dont fe font garantis les hommes d'un vrai mérite , & particulièrement Servandoni, contem- porain de Meiiibnnier. Plein des beautés de l'anti- que , il a fu foutenir le ityle Grec dans toutes fes productions, tandis que Paris, de fon temps, n'en- ïantoit guère que des chimères. Quelquefois même les productions intéreiîantes > faute d'être mifes à leur place, ont fourni des exemples dangereux qui ont tourné toutes les têtes. Les dehors de nos édifices, & fur-tout nos Temples ne doivent an- noncer rien que d'auguite, & Ton y a placé des ornements qui ne dévoient être employés que dans les fêtes publiques , fur nos théâtres, & dans l'intérieur des pièces de quelques-uns de nos ap- partements. Au reite le deiîin de Meiiîbnnier , comme nous
venons de le remarquer, n'eft pas abfolument fans mérite ; on voit qu'il eil compofé par un homme de goût, à qui il ne manquoit que de s'être atta- ché aux beautés Greques & Romaines en ce genre. Sans doute fon projet n'a pas dû être préféré à celui de Servandoni ; cependant ce qui doit nous, étonner, c'eft qu'on ait voulu depuis imiter, en quelque forte, cette compofition, dans ua portail cTEglife ParohTiale , aiTez important, & qu'au mé- prix des lois de l'Art, on ait tenté d'élever une décoration , tranchons le mot , difons ridicule , qui, n'ayant pas à beaucoup près le mérite de celle dont nous parlons , ne laiiTe voir qu'une ignorance imitative, mais dépourvue des préce- ptes de l'Art, & de cette portion de génie qui quel- quefois fait tirer parti des règles les plus féveres. |
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* 351 C o ¥ R s
Description abrégée de l'Eglise
Paroissiale de Saint-Roch. Louis XIV pofala premiere pierre de cette Eglife,
qui fut commencée en 1653 , furlesdefïins de Jac- ques Le Mercier. Cette ParoiiTe a eu le fort de tous les monuments de cette efpèce, c'eit-à-dire, qu'elle a été difcontinuée & reprife dans des temps diffé- rents , & que pluiieurs Architectes y ont préiklé jufqu'en 173Ó, que R@bert de Cotte , premier Architecte du Roi {a), y mit la dernière main, en donnant le deffin de ce frontifpice , dont la conduite a été confiée après la mort de cet Archi- tecte à Jules-Robert de Cotte fon fils , mort der- nièrement Contrôleur des bâtiments du Roi. Nous avons recommandé plus d'une fois à nos
Elevés de comparer enfembie les bâtiments de même genre ; nous avons fuivi cette méthode dans ce Chapitre , qui particulièrement traite de l'expé- rience de l'Art. Pour cela nous oppofons à Saint- Sulpice l'Eglife Paroiffiale de Saint-Roch , comme les deux feules de ce genre, ^levées dans cette Capitale, qui puiiTent entrer en parallele. Il eil vrai que l'Eglife de Saint-Roch eil moins cortii- |
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(a) Robert de Cotte a fuccédé à Hardouin Manfard dans les
bâtiments du Roi, & ils l'ont fi fort occupé , qu'il a peu élevé d'é- difices à Paris d'une certaine importance, à l'exception du fron- tifpice dont nous parlons , & de l'Abbaye de S. Denis en France, dont il a donné les deffins. C'eft auifi cet Avchitecle habile, qui a donné ceux de l'Hôtel d'Eftrées , de l'Hôtel__du Maine, faubourg Saint - Germain , & ceux de la gallerié de l'Hôtel •de Touloufe : chef-d'œuvre dans fon genre , qui a été exécuté par Vaffé le pcre, célèbre Sculpteur de fon temps. C'eft encoïe fur les deifins de M. de Cotte, qu'ont été exécutés les Palais Epîf- copaux de Verdun & de Strasbourg, dérabîe 9
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P'A£CiJIT£CTURÇ. |||
èévahle, fluoiqu'oççupant plus de fuperfîcie ( b ),
mais toutes les deux font à-peu-près du même ftyle|>our l'ordonnance ; on y remarque les mêmes licences dans les détails, le même faite dansles acceifoires , & à-peu-près la même futilité dans les ornements. La diftribution de cette dernière eft feulement plus ingénieiife, & les parties qui la compofent ont plus de rapport entrelles. La largeur de cette Eglife, hors œuvre , n'eft
que de dix-fept toifes, prife dans la croifée ; fa longueur totale eil de cinquante-trois toifës &: demie , & fa hauteur fous la clef, eft dé treize toifes cinq pieds & demi : dimenfion qui, comparée avec celle de Saint-Sulpice, diffère dans fa largeur, de quarante-huit pieds; dans la lon- gueur , de quarante-deux ; & dans fa haute» \ de vingt-quatre pieds fix pouces. Dans cette Eglife, les bas-côtés font de moitié moins.Jarges que là nef; mais la Chapelle de la Vierge a près de douze pieds de diamètre de plus que celle de Saint-Sul· pice : cette augmentation, comparée avec la nef qui n'a que trente-cinq pieds de largeur, pendant que la nef de Saint-Sulpice en a quarante- deux , change tout-à-fait la proportion du plan ', cV par conféquent toute la difppfition dé l'ordonnance. Ια cette Chapelle paroit d'autant plus vafte ' qu'elle eft entourée d'une gallerië de treize pieds de largeur, & qui fe communique à fou dia- mètre , par des arcades percées dans le mur qui les fépare d'avec la Chapelle proprement dite. D ailleurs , .derriere eit encore une autre Chapelle j_____.;. _ _
(i)LTEglife de Saint-Roch 8t Ces dépendances, conciennenL-
Jtolle hau cents cinquante toifes de fuperfîcie. Celle d?£- Sulpice η en contint qUe mille ffif cems, ■■ SC3*W Tome III, 2
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3 f4 \. Cours
qui termine toute la profondeur de ce monument*
Nous remarquerons que l'étendue de cette enfi- lade , la forme elliptique de ces Chapelles , *de la gallerie qui leur fert d'entrée & de bas-côtés; enfin les percésâ peut-être trop fréquents, qui y font diilribués, ainii que dans toute l'étendue de cette Eglife, procure aux fidèles qui entrent dans ce Temple, un fujet de diitracîion contraire à la majefté du lieu : tant il eft vrai, comme nous l'avons déjà remarqué , que tous les ouvrages de génie, quand ils n'ont pas l'ordonnance propre à l'objet ? méritent plutôt le blâme que les applaudif- fements des Connoiffeurs. L'Àrchiteclture qui décore l'intérieur de ce mo-
nument , eft d'un aflèz bon genre; un ordre Do- rique^pilaftre, couronné d'un entablement demi? ctilaire, circule autour de la nef» de la croifée, du chœur, & du fan&uaire. Cette ordonnance nous plaît, plus que toute autre pour la décoration de nos Temples; mais nous aurions defiré qu'on eût donné moins de hauteur au focîe fur lequel cet Ordre eft élevé. : il a ici près du tiers du pilaftre, de manière qu'il femble que depuis l'érection de ce monument, on en ait baiffé le fol au moins de quatre pieds ; ce qui contribue à faire paroître l'ordre petit, quoiqu'il ait près de trois pieds de diamètre. Au reite, les pieds droits qui reçoivent ces pilailres, ont beaucoup de légèreté; les arcades font auffi d'une belle proportion ; mais malgré cet éloge , ce genre de décoration n'équivaudra jamais ni aux colonnes qu'on introduit aujourd'hui dans nos nouvelles Eglifes, à l'exemple de quelques- unes de celles qu'on remarque en Italie, ni à celles que Jules-Hardouin Manfard a fi heureufe- ment employées à la Chapelle de Verfailles ; chef- |
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d'ceuyre dans fôri genre , qui réuniroit les fuffra-
ges de tous les Connoifleurs, ii Ton y àvoit moins prodigué les ornements, Les croifées placées au-deiTus de Tordre Dori-'
que, font auiïi d'une belle proportion ; & tes arcs cloubleaux élevés fur leur piédeital y font bien : mais peut-être font-ils un peu trop riches , conft· dérés avec le fût des pilaitres qui font fans canner . lures, ces deux objets devant néceflairement avoir un même degré de ncheife ou de iimplicité. Les' panaches qui foutiennent la calote, formant 3e mi- lieu de la croifée, & qui féparent le chœur d'avec' la nef, font d'un deffin aifez médiocre; la calote elle-même eu. de mauvais goût; fa forme feroit à peine convenable pour terminer un fallon. Le grand entre-pilaitre & les portes^ qui précédemment iè.re- marquoient dans les extrémités de la croiféè,enfîn la partie fupérieure qui s'y voit encore, ne répondent pas, à beaucoup près , au reile de l'ordonnance. Dans fon origine, cette ordonnance annonçoit les talents fupérieurs de Le Mercier pour ce genre d'édifice ; mais elle a tant fouffert de changements depuis ce célèbre Architecte,& l'on y a tant ajouté de fculpture, qu'on eit parvenu à lui donner l'air de la décoration intérieure de nos bâtiments d'ha- bitation ; la lumière d'ailleurs y eft trop abondante, & l'on y a trop multiplié les percés. / A la place des portes latérales dont nous venons
de parler, & qui fe remarquoient aux deux extré- mités de la croifée, on vient depuis peu d'élever des Chapelles d'une aifez riche, ordonnance; mais qui en ajoutant un nouvel éclat à la décoration, de cette Eglife y annoncent plutôt un faite mal entendu , que cet efprit de retenue qu'on doit obferver dans l'intérieur de nos édifices facrés; Zij
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D'ailleurs la décoration de ces Chapelles anéantit,
pour ainfi dire, le maître-autel, qui feul devroit le remarquer ici. Il eft furprenant que des convenan- ces ii eifencielles échapent aux Ordonnateurs dé pareilles éntreprifes; elles devroient toujours guider le crayon de l'Artiite. Toutes les autres parties de décoration répandues dans ce monument, font à la vérité mieux entendues que celles qu'on apper- çoit à Saint-Sulpice ; mais, encore une fois, fuifit-il de charger d'habiles Artiftes de chaque objet en particulier, fans prévoir li tous ces différents objets réunis formeront un bel enfemble ? Non fans doute. D'ailleurs, nous le répétons, il ne s'agit pas ici de faire riche, il convient de faire beau : des fonds corüidérables font infufRfants, s'ils ne font employés avec difcrétion. Jamais il ne faut pouffer la magnificence jufqu'à la prodigalité. Pour parvenir à la beauté dont nous parlons, des iffues convenables, une difpontion avantageufe, des ma- tières d'élite , une folidité immuable , une ordon- nance impofante , font les moyens dont il faut tifer dans l'ére&ion d'un Temple. Un monument de cette efpèce à élever, doit infpirer & à l'Or- donnateur & à l'Architecte, des idées fublimes. Ce n'eft jamais en préférant les matières factices, & en employant des hommes frivoles , qu'on par- viendra à cette dignité convenable à la demeure du Roi des Rois, puifque, malgré pluiieurs chefs- d'œuvre qu'on diftingue dans î'Ëglife dont nous parlons, on ne peut-être fatisfait de l'ouvrage entier. Qu'on ne fe trompe pas, les beautés de détailjfeules produifent rarement des chefs-d'œuvre; elles nuifent plutôt à l'enfemble qu'elles nel'embel- liffent, fur-tout lorfque celles-là n'émanent pas de celles-ci. Les ouvrages de M. Pierre , aujourd'hui |
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d'Architecture.' 3??
premier Peintre du Roi ; les deux tableaux de M,
Vien & de M. Doyen ; la chaire a prêcher de feu Mi Challes % Sculpteur du Roi ; pluneurs chapelles & quelques cénotaphes, fe voient fans doute avec plaiiir dans l'Eglife de Saint-Roch ; ils méritent les éloges des ConnoilTeurs : mais tous ces chefs-d'œu- vre préfentent autant de morceaux détachés , fans liàifon, d'un ftyle différent, tantôt d'un petit mo- dule & dans le genre moderne; tantôt d'une forme gïganteique & dans le goût antique, quelquefois fans caractère, & prefque toujours 'feulement pour faire richeffe. Que cet affemblage eft éloigné , félon nous i de cette idée fufelime, dont nous parlions toute à l'heure ! & qu'il nous paroît peu propre à infpirér aux fidèles le recœuillement qui doit les attirer dans nos Temples , & à faire parvenir nos jeunes Artiftes à ce ftyle facré qui doit fe manifester dans ce genre de productions ! D'ailleurs nous remarquerons qu'en général tous
les ornements qui tiennent direclement à l'Archi- te&ure y font, & trop abondans, & traités d'une petite maniere ; les agrafes, les trophées, les ro- faces, les guirlandes, les confoles, les bas-reliefs, toute cette Sculpture en pierre, eil pour la plupart d'une mauvaife main , fouvent placée fans choix, & prefque toujours fans convenance ; en un mot, tous ces ornements modernes , au-lieu d'embellir TArchitecÎtire qui primitivement décoroit cette Eglife, l'accablent, pour ainii dire, & lui Tont perdre la plus grande partie de fon éclat. Nous ne parlerons point ici de l'ordonnance du
portail de cette Eglife ; nous ne pourrions que rapeler ce que nous en avons dit, en donnant l'un des entrecolonnements de l'ordre Dorique, dans le Chapitre précédent ; nous engageons feule - Ζ iij
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iff m Cours \x
ment nos Elèves à comparer ce portail avec celui de
Saint-Sulpice , δε ils s'appercevront bientôt de la préférence qu'il convient d'accorder à celui-ci fur celui-là , en fe reiïbuvenant néanmoins, comme nous l'avons déjà vemarqué , que ce dernier eit peut-être trop coloiîal pour l'Eglife, & que celui dont nous parlons, η eil peut-être pas aflez con- iidérabie, quoique l'Eglife de Saint-Roch ioit moins ipacieufe que celle de Saint-Sulpice. Avant d'aban- donner ce frontifpice, nous rapporterons qu'à l'é- gard de Texpofition des Temples, non-feulement les Anciens, mais auffi les Canons de l'Eglife ordonnent qu'ils aient la face tournée vers le cou- chant : nous nous rappelons même d'avoir lu quelque part, que la ParohTe de Saint-Benoît a Paris, appelée dans nos Chroniques Saint - Benoît U bien tourné, donne un. exemple de l'attention que les Anciens avoient de tourner le frontifpiee des Eglifes au couchant ; nous croyons même avoir déjà remarqué à ce fujet, que le portail de celle de Saint-Sauveur , rue Saint-Denis, pour cette raifon, fe trouvoit précifément à côté du fan- auaire de cette Paroifîe : expofition qui s'obferve bien peu aujourd'hui, le portail de l'Eglife de Saint- itqch étant expofé au midi, & celui de l'Oratoire j Hans la même rue, au nord. V Les façades latérales de l'Eglife de Samt-Roch,
lie font pas plus heureufement traitées que le por- tail : d'un côté, cette Eglife eil prefqu'encombrée par un mur mitoyen qui la fépare avec les rnai- fons qui ravoifinent : dé l'autre, par une rue aiiez étroite , & par des bâtiments qui appartiennent a la Fabrique: bâtiments où l'on remarque, contre toute regle de décence, des tavernes, comme fur les marches d'un des portails de l'Eglife Saint- |
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d'Architecture. 359
Euftache, on tolère des Boucheries. Quelle in-
famie ! Nous obferverons cependant qu'à Saint-Roch,
on a pris foin d'éviter dans le.portail de cette Eglife de faire parade d'une tour, comme cela fe remarque dans prefque toutes nos. ParohTes, an- ciennes & modernes. Nous répétons que , félon nous , les tours devroient être réfervées pour les Métropoles; ou du moins, que ii l'on croit en devoir faire ufage dans nos ParoiiTes, il fàudroit n'en placer qu'une, quipourroitferviràfairepyra- mider la partie fupérieure de ces fortes de frontif- pices; & il nous femble qu'an devroit réfervei? les doubles tours pour les Eglifes Cathédrales , malgré l'exemple de Saint - Sulpice & de Saint- Euftache , ou l'on en a placé deux qui s'élèvent à chaque extrémité du portail de ces ParoiiTes. Un autre inconvénient, à notre avis, qu'on a
encore pris foin d'éviter à Saint-Roch, c'eftqu'on n'y remarque point de cimeti©re qui en foit limi- trophe. Il eit vrai que la plupart des fépulture» des Paroiifiens opulents font placées dansl'Eglife, ce qui peut être encore nuifible à lafalubrité (c). Mais du moins les exhalaifons font^elles moins (c) Gervais de Cântorbery, rapporte qu'on diföit autrefois j
civitas non efi mortuorum fed vivorum , parce que les cime? 4 tieres écoient toujours hors des Villes i que noniçuiement on n'enterroit point dans les Eglifes, mais même qu'il n'étoit pap permis d'élever une Eglife ou un Oratoire dans lés lieux où il y avoir eu quelqu'un d'enterré. - Dans toutes les Lettres de S. Grégoire, où il permet de bâtir
quelques Eglifes, il y a toujours, fi nullum corpus ibi confiât humatum, ce qui fe contredit néanmoins avec ceux de nos modernes, qui prétendent qu'il faut répandre peu de lumière dans nos Temples , pour annoncer aux fidèles le féjour qu'ils doivent habiter après leur mort. Ziv
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j6o Cours.
pefKlencielles que celles qui s'échapent de nos
• cimetières, où Ton ufe de bien moins de précau- tions, & où par conféquent les exhalaiîbns fe portent dans toutes les maifons qui les entourent, comme cela n'arrivé que trop ordinairement dans Ceux "contenus dans l'intérieur de cette Capitale* tel qu'à Saint-Sulpice , aux Saints - Innocents , à Saint-Nieolas-des-Charnps & ailleurs.: inconvénient qui nous a fait defirer, qu'on les tranfportât hors dé l'enceinte de la Cité, ou du moins qu'on en détruisît le plus grand nombre, comme on.l'a fait anciennement pour celui de l'Eglife de Sainte Jean-en-Grëve P qu'on ,a converti depuis en mar- ché, (d) connu fous le nom de Marché du Cime- tière Saint-Jean» , ; â-| ,.,..,.,. ':,;/■:.>,.. Description abrégée de î'Égjli se
•Pes Dames de la P^isitation , :,iRÎ7ÈyET PORTE SAINT-ANTOINE.
Cette Eglife en Rotonde eil un des premiers chefs-
d'œuvre de François Manfard. La premiere pierre en fut pofée le 8 Octobre 1632 , par le Com- mandeur de Silleiy , qui contribua 9 par fes libé- ralités , à faire élever ce monument, & qui fit choix de ce célèbre Archite&e pour en donner les defîms. La conduite de cet édifice fut confiée à Manfard, 13 ans avant celle de l'Eglife du Val- de-Grâce. Le plan de l'Eglife dont nous parlons, * eit enfermé dans un aiTez petit efpace ; mais fa |
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(d) Ce Marché étoit, comme nous le remarquons, un cime-
tière pour TEglife de Saine - Jean - en-Grève , à laquelle ce terrein fut^ accordé en 1391, par la deftrnction de l'Hôtel de Craon, dont le propriétaire de ce nom fut puni, au rapport de Brice, pour aycir voulu faire ailaifiner le Connétable Olivier de (ΐΐβΌηΛ fous ie regne de Charles VI. |
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d'Architecture. 36t
tHilributîon eil ingénieuie, & la difpolîtion des
bâtiments du Monailere bien entendue. La eoupole n'a de diamètre que quarante-trois pieds , & de hauteur, treize toifes deux pieds : quatre grands arcs en foutiennent la voûte: fous celuien face de la porte d'entrée eil· placé le maître-autel; en face de celui du chœur des Religieufes, fe remar- que la Chapelle de S. François de Sale, inititu- teur dis cette Communauté. Le maître-autel a été décoré depuis Manfard dans un goût moderne ,· qui s'accorde mal avec le caractère grave & le goût antique qui préiide dans l'intérieur de ce monument. Son ordonnance coniiile dans huit pilailres d'ordre Corinthien, de deux pieds neuf pouces de diamètre; ces pilailres font couronnés d'un entablement profilé avec goût ; mais Man- fard y a fupprimé la cimaife fupérieure de là corniche, dans le deffein fans doute que par la- fuppreffion de ce membre , la faillie de ce cou- ronnement maiquât moins la nahTance de la voûte, il en a ufé de même dans l'intérieur du Val-de- Grâce, ce qui a été imité depuis par pluiieurs Archite&es. Nous croyons néanmoins qu'il faut faire uiage de cette mutilation avec beaucoup de prudence ; aulîî l'a-t-on évitée à Saint-Roch, aux Carmes près le Luxembourg , & ailleurs. Peut- être aurions-nous mieux aimé, ainfi que Le Veau l'a toujours fait dans les dehors, rendre là faillie de la corniche moins coniidérable en général, que d'en tronquer la cime. Au refte, c'eil une aifaire d'opinion, & il nous paroît juile d'accor- der cette liberté à rArchiteâe , lorfque, félon l'occafion , ce petit défaut, dans le détail, pro- cure un bien général à l'enfemble. Dans le ftyle d'Archké&ure qui préiide ici, |
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göi ♦; Cours
on remarque le germe des talents fupérieurs que
Manfard devoit. répandre un jour dans toutes fes productions ( e) ; mais on peut dire qu'il n'a pas, à beaucoup près , été fécondé par le miniftere de la fculpture, comme dans fes autres ouvrages. En général elle eft d'un goût pefant, & d'un deflin femi-gothique, qui dépare, pour ainii dire , ce chef- d'oeuvre , dont nous recommandons néan- moins l'examen à pluiieurs reprifes à nos Elevés ; car plus ils feront éclairés^, & plus ils y démê- leront les beautés qui s'y trouvent répandues : nous leur recommandons encore , d'aller -viiiter l'Ëglife des Dames de la viiitation à Chaillot, du même Architecte, d'un genre moins äußere à la vérité, mais rempli de cette fineiïe de l'Art, dont Manfard à ii bien tracé la route à nos bons Architectes, âifez habiles d'ailleurs pour la bien faifir, & y ajouter encore, félon leurs befoins & le genre de l'édifice qu'ils auroient à traiter. Cet Artiite ineftimable fut, pour ainû dire, le maître de tous ceux qui lui ont fuccédé , & qui, comme lui, étoient doués des difpofitions de la nature , & nourris des plus admirables productions des anciens. Cependant, quelqu'éloge que méritent les pro- |
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(e) Le premier ouvrage important de cet homme célèbre,
eft la reftauration de l'Hôtel de Touloufe en ï6xo', mais fori véritable coup d'eiTai, eft le portail de l'Ëglife des Feuillans, près la place de Vendôme, élevé en 1619. Enfuite en ι6$ι il conftruifit l'Ëglife des Dames de Sainte-Marie dont nous par-, Ions, & fut choifi par Gafton d'Orléans vers 1657 , pour conftruire le Châttau de Blois. Il donna les deiïîns de l'Ëglife du Val-de-Grâce en 1645 : quelque temps après, il fit les Plans de l'EglÜe des Dames Sainte-Marie à Chaillot. En 16 sy il éleva le Château de Maifons : cet édifice a mis le fceau aux ouvrai ges immortels de ce grand Arehitefte 3 qui a fini fes entrepri- ■ Ces célèbres pat le portail des Minimes, élevé vers l'an 167?· |
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d'Architecture. 363
du&ions de ce grand Maître, nous ne diiîîmulé-
rons point que nous ne faurions approuver l'or- donnance du frontiipice qui donne entrée à cette Egliie ; on y remarque un caractère de fermeté qui décelé à la vérité toutes les compoiitions de cet Architecte célèbre ; mais , félon nous, fon air de pefanteur dans la difpofition de fa maiTe, n'annonce ni le ilyle du dedans, quoiqu'un peu ferme, ni l'aménité qu'il convient d'exprimer dans la décoration extérieure d'un monument dont l'in- térieur eil deiliné à contenir des Vierges confa- crées à la Divinité. Qu'on ie rappelle que la plus grande partie des Leçons répandues dans ce Cours, ont pour objet le caractère propre à chaque genre d'édifice : ce caractère , trop négligé parmi nous, ainii que nous l'avons obfervé plus d'une fois, n'a été mis en œuvre avec le plus grand fuccès, que par les Grecs , & dans quelques édifices im- portants de l'Egypte. Les Romains, on peut le dire ici, à l'exception de leiirs Temples , n'ont fuivi les Grecs que d'aifez loin dans cette partie de TArt. Peut-être même en France, Hardouin, neveu de François Maniard , eit-il le feul qui fe foit appliqué véritablement à cet objet iiintéreiTant de l'Architecture, ν Ce qui contribue fans doute à donner encore à
l'eniemble de ce frontiipice, le caractère de fer- meté dont nous parlons ; c'eil la petitefle de la porte & des membres d'Architecture renfermés, dans une aiTez grande arcade feinte qui fe remar- que dans cette ordonnance. L'arc de cette arcade eil terminé par l'architrave de l'entablement cir- culaire , dont ce portail eil amorti. D'ailleurs le diamètre de l'œiiil-de-bœuf qui fe trouve placé fous cet arc, & au-deflus du fronton qui couronne la |
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3^4 C O URS
porte , femble donner à celle-ci plutôt l'air de la
décoration d'un Tabernacle, que celle d'un Tem- ple : tant il eil vrai que les rapports en Archi- tecture déterminent les principales beautés : voilà pourquoi d'excellentes parties, de belles propor- tions , des profils purs font infuififants, û ces diffé- rents objets manquent par les relations qu'ils doi- vent avoir eritr'eux , & avec l'enfemble général. Nous le difons à regret; cette compoiition, quoique d'un grand homme , n'a déjà eu que trop d'imitateurs, mais qui n'ayant eu ni les talents ni les reffources de Manfard, pour racheter comme lui, par leur génie , ce que cette maiTe préfente de pefanteur, ont encore dégénéré de leur mo- dele, >& ne nous ont offert que des deffins médio- cres. Nous ne citerons ici que le portail de l'Eglife des Capucines, vis-à-vis la place de Louis le Grand: quelle différence entre ce portail & celui de Man- iard ί Dans quelles licences même ne font pas tombés ceux qui ont encore dégénéré d'après cette copie , en s'éloignànt toujours de la production de Manfard ί Description abrégée de l'Eglise
des Dames de l'Assomption , rue et près la Porte Saint-Honoré, Cette Eglife confifte dans une coupole de forme
circulaire, dont le diamètre a plus de grandeur que la précédente, celle-ci ayant dix toifes deux pieds de largeur , & dix-fept toifes quatre pieds de hauteur, au-lieu de fept toifes un pied , & treize toifes deux pieds que préfente la dimenfion de celle de Manfard, rue Saint- Antoine : parallele que nous fhifons ici entre ces deux Eglifes', pour |
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d'Architecture. 36 f
nous conformer au plan que nous avons ituvî
jufqu'à préfent dans l'examen de la plupart de no§ édifices. Nous avons déjà confeiilé cette méthode à nos Elevés, & nous la leur confeillons encore j car on ne peut guère arriver à la perfection de l'Architecture, que par le feco,urs dé. la, compa- raifon des édifices de même genre , & enfuite par celle des bâtiments de genre différent. Les deffins de ce monument ont été donnés
par Charles jErrard (ƒ), & la premiere pierre en fut pofée au mois d'Août 1670. il aurojt été fa- cile à Errardde tirer un meilleur parti de ion projet. Manfard ayant élevé, plus de trente années avant TEglife dont nous parlons , celle des Dames de la Vifitation, près la porte Saint-Antoine, & celle des Dames de Sainte-Marie à Chaillot, certaine- ment il y avoit de quoi puifer dans ces deux exemples, pour produire un ouvrage moins im-* ■ - parfait. La principale entrée de cette Eglife eit précé-*
dée d'un porche de fix colonnes de front, d'or- dre Corinthien, de deux pieds & demi de diamè- tre , & couronné d'un fronton triangulaire. Ce porche, coniidéré en Particulier, produit un àffez (ƒ) Charles Errard, Architecte & Peintre, né à Nantes en
Ï606 , il fut choiiï en 1666 pour être Directeur de l'Académie que/Louis XIV venoit d^établir à Rome. Cet Artifre s'occupa pendant fon féjour à Rome, à faire meiurer & dciîiner fur les lieux lès principaux ouvrages d'Architecture des Maîtres mot dernes, à deffein d'en faire une fuite au parallele d'Archite- cture de Chambrai; mais la mort qui le furprir en 1689 » l'empêcha de continuer cet œuvre intérelTant. Nous avons déjà annoncé, premier volume de ce Cours , H plus grande partie de cette collection, comme devant faire partie un jour du Recœuil de l'Architecture Françoife , dont les quatre pue- «aiers volumes font publiés depuis quelques anjiées. ■ ί \
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bon effet; mais il femble" accablé par là pefan-
teur de la partie qui s'élève au-deffus ; celle-ci, à ion tour, paroît affahTée fous la forme lourde & gigantefque du dôme qui termine tout cet édi- fice. Nous venons de reprocher à Manfard , le caractère de pefanteur qu'il avoit donné au frön- tifpice des Dames de Sainte - Marie , rue Saint- Antoine : mais quelle différence entre cet exemple & celui-ci ! du moins le caractère de fermeté qu'on remarque au premier, eft-il foutenu dans toutes fes parties ; on s'apperçoit que Manfard avoit eu intention de le faire tel ; ici il femble qu'Errard ne fe foit pas douté qiie les rapports fuifent une partie eiTencieiledeFArchite&ure. D'ailleurs de mauvaifes croifées à plaîes-bandes , alternativement placées avec des niches de même forme, un très-petit focle, de plus petites croifettes encore , un en- tablement camus ; fur le dôme, des côtes d'une largeur immenfe, un double rang d'œuils de-bœuf ; enfin un amortifTement auiîi Jïizarre que fingulier, Forment la décoration extérieure de ce Temple. La partie intérieure n'eft pas traitée plus heu- reufement: un ordre Pilaftre-Corinthien accouplé, forme le bas de cette Eglife, tandis qu'au-deffus il ne regne aucune efpèce d'ordre, & que la voûte eft accablée d'une richeffe aufli indifcrète que de mauvais goût. Ajoutons que les membres (f Archi* te&ure y font négligés, & que la fculpture qui s'y remarque' eil de la plus grande médiocrité, fur-tout fi l'on vient à la comparer avec les chefs- d'œuvre répandus dans i'Eglife du Val-de-Grâce. Ce qui nous étonne le plus , c'eil qu'Errard avoit {pus les yeux cet exemple admirable, élevé vingt- cinq ans avant qu'il fît le monument dont nous parlpns , δε que d'ailleurs, comme Peintre, il |
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d'Architecture, 367
Revoit entendre la partie du goût, & fe connoîtres
en Artiites, A en juger par ce monument, nous ferions tentés de croire, qu'il étoit médiocre Pein- tre ,, & plus médiocre Architecte encore : Tenta-; blement de fon porche, eft au-deiTous de la hau« teur du cinquième de l'ordre ; Îa corniche de cet entablement eft dépouillée de modulons & de den-, ticules ; membres qui doivent caradtériitr le cou- ronnement Corinthien« Le fronton de ce frontif* * pice a auffi trop peu de hauteur ; en un mot» nous penfons qu'Errard pourroit bien n'avoir donné que les deffins de cet édifice, la premiere pierre n'ayant été pofée qu'en 1670,, & cet Architecte ayant été nommé Directeur de l'Académie de, Rome dès 1666: en forte que les deffins qu'il en aura envoyés d'Italie, où Û étoit alors, auront été, altérés au point, que l'exécution fe fera refîentie de fon abfence; ce qui n'arrive que trop fouvent, lorfque l'Architecte ne peut conduire lui- même fes productions. Combien n'avons - nous pas d'exemples de ce genre ! S'ils préjudicient à îa gloire de l'Architecte; ils ne s'oppofent pas moins aux progrès de l'Art. En effet, les ouvrages mé- diocres trouvent fouvent des imitateurs plus mé- diocres encore : d'où il réfulte qu'au milieu des hommes à talents fupérieurs , on élevé journelle- ment des édifices, à la honte du fiecle fous le- quel s'érigent ces monuments, dignes à peine de la barbarie des onze & douzième fiecles. Après les monuments dont nous venons de par-
ler , notre intention étoit de rapporter quel- ques-unes de nos Eglifes Conventuelles ; mais ce que nous en avons dit précédemment dans le deuxième volume, nous femble fuffire ici. D'ail- ieurs nous nous proposons, comme nous l'avons. |
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368 Cours
promis, de donner dans le Chapitre qui va ftiivre,
le plan & le développement d'une pareille Eglife de notre compofition; & nous ferons en même temps nos obfervations fur ce genre d'édifice facré. Nous citerons feulement , comme nous l'avons déjà fait, celle des Petits-Peres de la place,des Victoires, par Cartaud ; celle des Jacobins du fau- bourgSamt-Germain, par Bullet; l'Eglife de l'Ora- toire , par le Mercier ; enfin l'Eglife canoniale de Saint-Louis du Louvre, par Germain; & la Chapelle ' Collégiale des Lombards, rue des Carmes, près la Place Maubert, par Bofcri { g), autant d'édi- fices inférés dans l'Archite&ure Françoife , & dans lefquels on trouvera des difpofitions, des formes, des dimeniions, & quelquefois d'excellentes par- ties de décoration, où nos Elevés pourront puifer, lorfqu'tine fois ils voudront s'attacher plus par- ticulièrement à ce genre d'édifice ; la partie la plus difficile , mais la plus honorable de toutes les productions de l'^rchiteclure. |
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(g) Cet habile Architecte, à fon retout d'Italie, où il ayoit
été pour fe perfectionner dans fon Art, a débuté dans Paris, par donner les deifins de la porte & des bâtiments adja^ cents au Marché de l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés , & il en a eu la conduite. Dans la fuite, il a été fort occupé dans cette Capitale & fes environs. C'eft lui qui originaire- ment a donné les deiïîns des bâtiments de la maifon de plai- fance de feu M. de Montmartel à Brunoy, bâtiments coniidé- rables qui ont été continués depuis par M. RouiTette, Archi- tecte du Roi. |
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CHAP. VII'.
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ö*Aachitëctüré**. J6p
C Η Α Ρ ï Τ R Ε VIL £Ζ7/Γ.£ pÈ L'EXPÉRIENCE DE VJRT,
0Z7 l'on rapporte divers exemples
d'Édifices sacrés, de la com^
position de l'Auteur*
JMo us avions derfein de ne f apporter les plans
des Eglifes dont nous allons parler,, qu'en traitant> au quatrième volume s de la diftribution en général; mais comme celle des Temples exige une étude particuliere, nous avons cru plus con* Venable de les offrir à la fuite de l'examen que nous venons de faire de plufieurs édifices de ce genre , élevés par nos plus célèbres Arcbitecles·1 Par ce moyen nous raiTemblons fous le même point de vue , toutes les obfervations qui peuvent mettre nos Elevés à portée de paffer à de pareilles comportions * Ce n'eit pas que notre deffein foit de faire entrer nos productions en parallele avec les chefs-d'œuvre des Manfards & des Le Mercier; nous fommes bien'éloignés de cette idée: nous ne les offrons pas même ici comme des exemples qui puiflent fervir d'autorité, mais comme des moyens d'indiquer à nos Elevés la route qu'ils doivent fuivre, lorfqu il s'agit d'entamer un projet de cette importance. Les réflexions générales que nous y ferons , pourront leur fervir de guide pour la meilleure difpofition & le caractère par- Tome III. A a |
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Si
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370 Cours
ticulier qu'il convient de donner à chacun de ces
édifices.
Avant de paffer à la defcription de notre pro-
jet pour une Cathédrale, rapportons les princi- pales mefures de celle de Paris, qui, quoique d'un deffin gothique, n'en préfente pas moins un enfemble intéreffant, & une dimeniion ii heu- reufe , qu'il feroit peut-être plus utile qu'on ne fe Timagine, d'en faiûr l'enfemble , lorfqu'il s'agit de compofer un monument de cette efpèce ; car on ne peut difconvenir que les formes générales des monuments gothiques, leur ilruQure , leur grande hauteur, leur étendue & les rapports que les Architectes de ces monuments ont ob- fervés entre le tout & les parties , ne nous caufent autant de plaiiir que de furprife , & ne nous donnent une idée de la fublimité du motif qui les faifoit élever. Nous l'avons déjà dit, il ne s'agiroit peut-être que de changer le ftyle de leur ordonnance, comme nous avons tenté de le faire dans un des exemples que nous allons donner. On y conferveroit d'ailleurs tout ce qui paroît tenir au genre facré : les Eglifes gothiques, quoi qu'on en dife , n'ont rien de Vulgaire ; &: imitation pour imitation, il feroit peut-être intéreflant de conferver, fur-tout dans les Métropoles, ce cara- ctère d'originalité, qui les empêcheroit de refîem- bler à nos édifices d'habitation, comme cela ne fe remarque que trop fouvent dans nos Eglifes modernes , où communément les acceifoires , tels que de trop grands bas-côtés, de trop grandes Chapelles particulières, comme celles de la Vierge, de la Communion , celle des Catéchifmes , les Charniers, les Sacrifties, font tort à la nef, qui, avec le fan&uàire doit faire le principal objet du monument. |
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D'A.Ä CH1TICTUKE. , φβχ
Qu'on y prenne garde, dans tous les temps
les Temples ont été érigés avec une grande magni- ficence ; qu'on fe rappelle ceux élevés par les Grecs & les premiers" Romains. Sans ibrtir de la France même , qu'on fe reiTouvienne de ceux con- itxuits dans les onzième & douzième iiecles , & l'on en concevra la plus grande idée : combien de monuments de la premiere beauté, quoique ;. gothiques, n'avons-nous pas cités dans l'Intro- duction de ce Cours ? A ces citations on peut ajouter l'Eglife de Vigogne , près Valenciennes, la feule peut-être qui puiiTe aller de pair avec celle de Sainte-Croix d'Orléans» Celle de Saint- | Amand, à trois lieues de celle de Vigogne, enfin | celles qui ornent la plus grande partie de la Flan-
dre, & îon fera étonné qu'on apporte fi peu d'at-
• tention aujourd'hui à produire de véritablement grands édifices en ce genre , pendant qu'à Paris
■S même nous poifédons une Métropole âffez im- j menie, les Paroiifes de Saint-Euilache , de $aint-\
| Gervais , de Saint-Paul, fupérieuresen grandeur,
&'peut-être en beauté , à nos Eglifes Paroiffîales,
commencées à bâtir le dernier iiecle, Qu'on fe rappelle encore, ii l'on veut, les premiè-
res Eglifes qui furent élevées dans le commencement de la Chrétienté ; elles étoient déjà, quoique bâties feulement en charpente, d'une grandeur aiTez consi- dérable : fi l'on n'y remarquoit pas les beautés de l'Art, du moins elles fe refTentoient du motif eiTen- cielqui les faifoit élever. Dans la fuite, plein de cette idée fublime, S. Silveftre fut le premier qui ordon- na qu'on élevât ces monuments en pierre ; du moins ce qui efr. certain, c'eft que par le Concile d'Epône, tenu en 517, Can. 26, il eft faitdéfenfe de confacrer les autels, s'ils ne font en pierre, & '!■ \f Aaij * ■
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â72, Cours
qu'on Ut dans une des chartes de Lieury, que
VEglife Cathédrale de Chartres fut originairement bâtie en charpente, & que ce for Yves de Chartres qui le premier la fit reconftruire en pierre, «* àgnea lapideam, ex via rcddidit prcùofam. Quoi qu'il en ibit, nous répéterons que ces fortes
de monuments doivent être de la plus grande magni- ficence, par leur grandeur & par la régularité de leur diitribution & de leur ordonnance; que ce n'eft pas ici le cas d'uier de l'économie qu'on emploie dans les édifices ordinaires; que, pour atteindre a la beauté dont nous voulons parler, on doit permettre à l'Architede fufage des modèles, & lui faciliter les moyens de revenir, à plus d'une repriie , fur {es premières idées. Feu importe , dans de pareil- les occafions , qu'une entreprise. qui ■ pour être bien, devroit coûter cent mille livres, en coûte trois cent pour devenir mieux ; puifque néceflai- rement c'eil de la perfeaion d'un pareil monument, que dépend la réputation de rArchiteae & la gloire d'un beau regne. En un mot, la magnin- , cence, comme nous l'entendons , eil le· principal objet des édifices de la premiere importance. Mais revenons à la Cathédrale de Paris. _ Ce monument fut commencé furies deffins de
Jean de Çhelles, en Iiyy, & fut achevé en 1351 par Jean Ravi, tous deux Ârchitedes & Entre- preneurs de ces temps-là; cette Eglife gothique, eil la plus confidérable de la France , ayant ioy xante-huit toifes quatre pieds neuf pouces de longueur , vingt-fix toifes de largeur hors œuvre, & trente-trois toiles de hauteur , y compris les deux tours (h) de neuf toifes & demie. Cette ( h ) On monte à ces deux tours par }8© marches. Les deux
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d'Architecture. 373
élévation eft, à la vérité, bien moindre que celle
de Strasbourg, qui a foixante-neuf toifes de hau- teur , y compris la tour & la flèche qui s'élève au-deffus ; mais fa longueur eft moindre de treize toifes que la Cathédrale de Paris* La nef de celle- ci, dé trente - neuf pieds de largeur, eft belle, fort-élevée, fuMamment éclairée, & plantée régu- lièrement, ce qui ne fe rencontre que rarement dans ces fortes d'anciens monuments : la croifée de cette Eglife eft de la même largeur & de la même beauté que la nef; on en peut dire autant du chœur & du fan&uairje ; chaque côté de ia nef a de doubles bas-côtés, qui donnent entrée à 3 5 Chapelles, dont quelques-unes font décorées avec magnificence ; on y remarque fur-tout, ainii que dans la nef & dai« le chœur, d'excellents tableaux, peints par les plus habiles Artiftes de notre Ecole Françoife. La fupériorité de pluiieurs de ces merveilles eft caufe que les Étrangers les envient à notre Nation, ainfi que la plus grande partie des tréfors en ce genre, répandus dans les différentes Eglifes de cette Capitale. Après avoir examiné ces chefs - d'œuvre , &
confidéré la ftru&ure hardie, mais folide de cet édifice ,'la fymétrie refpeitive des corps qui en compofent l'enfemble, & la fmgularité des^ rofes en pierre , fervant de vitraux au frontifpice & ■fcWÉM&H
cfcaliers qui les contiennent, font placés à l'entrée & de cha-
, que côté de l'Eglife. Ces efcaliers fe communiquent par des galleries qui régnent fur le devant du principal portail , & · s'élèvent jufque fur les plates-formes pratiquées furies tours, ■d'où l'on découvre la plus belle vue du monde ;j ce que nous rapportons dans l'intention de porter nos Elevés à y aller pren- dre connoiiTance des principaux édifices de cette grande Cité. A aiij
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aux deux extrémités de la croifée de ce monu-
ment , rien ne doit tant intéreiTer la curioiité de nos Elevés, que la décoration du choeur & du fan&uaire de cette Eglife ( i ) , non que l'enfern- ble offre une composition véritablement intéref- fante , mais parce que chaque partie de détail, confidérée féparément, préfente autant de chefs- ,m d'œuvre, La fculpture, les ornements, la pein- ture , la dorure , les marbres, les bronzes, tout
y décelé la fiipériorité des Artiftes célèbres qui ont été appelés pour embellir ce Temple. Il η'χ a pas jufqu'à la menuiferie & à la ferrurerie qui n'y foit traité dans le meilleur genre ; mais ce qui doit fur-tout fixer l'attention des vrais Con- ^noifîeurs ou de ceux qui veulent le devenir, c'en: une defcente de croix en marbre blanc, placée derriere le maître-autel : groupe admirable fculpté par Nicolas Couilou ( k ) 5 & qui peut être mis ,% en parallele avec ce que cette Capitale contient (/'.) Louis XIII ayant fait voeu d'élever un maître-autel
«lans la Cathédrale de Paris, en laiiTa le foin à Louis XIV, fon fucceifeur , qui ordonna en même-temps toute la déco- ration du chœur & du fancluaire dont nous parlons. Cet ou- vrage, commencé en 1653, fut fufpenda jufqu'en 1708. Ce fut alors que feu M. de Cotte, premier Architecte du Roi, en donna les deflrns, & l'exécution fut finie eiri'714. (J5r) Nicolas Couilou, l'aîné, né à Lyon en Janvier rtffS,
mort à Paris le premier Mai »753. Toutes nos Maifons Royales font remplies des chefs-d'œuvre de cet excellent Artifte. Cet habile Maître étoit élevé d'Antoine Coyfevox, né à Lvon ea 1640, mort à Paris en 1710. Dans la décoration du chœur * dont nous parlons, on remarque la figure de Louis XIV en marbre blanc , fculpté par cet homme célèbre, qui fait pen- dant à celle de Louis XIII , fculptée par Guillaume Couilou le jeune, né auffi à Lyon le premier Septembre 1677 3 όάοϊζ à Paris en, Février 174Î. · |
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de plus précieux en ce genre. On doit aulîi beau- ,
coup d'éloges aux Sculpteurs célèbres qui, à l'envi les uns des autres, fe font iignalés dans cette occaiion. Il nous fuffira d'en nommer ici pluiieurs pour déterminer nos jeunes Artiites à aller vifiter plus d'une fois ces divers chefs-d'œuvre. De ce nombre font les Coyfevox & les Couilou, dont nous venons de parler , les le Pautre, les le Moi- ne , les Vaffé , les Hutrel, les Vancleve, les Frémin , &c. qui tous ont fculpté les itatues, les bas-reliefs en marbre ? en bronze , ou en métal \ d'ailleurs tous les principaux ornements taillés en bois, font du fameux du Goulon. Enfin les tableaux qu'on remarque auffi dans ce chœur, font peints par Lafoffe, Boulongne, Jouvenet, Halle, Coypel, autant de chefs-d'œuvre auffi rares qu'exquis, & dont l'examen réitéré ne peut que contribuer à former le goût de nos Elevés. ■ ,., .. ,,,\, .'„'V-jt: ;,,;.,..:,, ... ... ' ·. ■,' ■·■"■. '/: ' ':'!; '· :- Projet vu Plan d'une Église
cat h è dr ale du dessin DE L'AUTEU R.>
Planche LIÏI.
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Nous avons déjà annoncé ce projet ,,& donné
une idée de fa principale difpofition , dans le deu- xième volume de ce Cours , pag. 325 ; nous allons en donner ici le plan, parce qu'il eft néceffaire à pré- fent de parler aux yeux de nos Elevés. Dans la fuite;, nous rapporterons les élévations & les coupes de ce monument : détail qui nous meneroit trop loin dans ces Leçons, & qui les diitrairoit de la mar- che qu'ils doivent fuivre , avant d'attaquer la totalité d'un pareil édifice : nous en nierons de A a iv
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même pour 1'Eglife Paroiiîiale qui va fuivre , &
qui, après la Cathédrale que nous offrons, eft la plus grande entreprife qu'on puiiTe exécuter. A l'é- gard de l'Eglife Conventuelle & de celle en Rotonde contenues dans ce, Chapitre, comme ces deux productions font d'une moindre importance, fur- tout la dernière, nous donnerons en même temps leurs développements, qui préfenteront en quel- que forte, le ftyle qu'il convient de donner aux édifices facrés, félon ce que nous en concevons, & ce que nous en avons déjà rapporté précédemment. Cette Métropole , compofée pour une des gran-
des Capitales de l'Empire, auroit eu de longueur dans œuvre 5 non compris le porche extérieur, foixante-dix toifes, par conféquent environ trois toifes de plus que celle de Paris : notre objet principal dans ce projet , a été de difpofer le maître-autel A, tout à l'extrémité de ce monument, de l'élever de onze marches fur Ja nef, de placer fur des corps avancés & dans des enceintes par- ticulières, les chapelles de la Vierge B, & celle du Saint-Sacrement C ; en forte que ces trois autels fe trouvent difpofés triangulairement, en obfer- vant que le maître - autel occupe le fommet du triangle : difpofition qui nous avoit été recom- mandée , & que nous avons faiiie comme une idée heureufe, à caufe de la forme de ce triangle, & de fon analogie avec les Myfteres de la Reli- gion. Ces Chapelles d'ailleurs n'ont aucune eipèce de communication avec le maître-autel dont l'ai- pe£t intéreifant fe remarque néanmoins dès la. principale entrée de cette Cathédrale, Nous n'avons pas donné à la croifee D , autant
de largeur qu'à la nef Ε, n'ayant pas eu deifein de h faire continuer jufqu'aux portes collatérales^ |
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d'Architecture. 377
nous ayons cru néceffaire de pratiquer les porches
intérieurs G, deilinés pour la fortie des fidèles, parce que le Clergé a fes entrées particulières par les portiques L , pour arriver dans les facriities I, au fanduaire A, & de là dans le chœur K. ; en forte que le Clergé communiqueroit, par les por- tiques L, d'une part, de l'Eglife à l'Archevêché, & de l'autre, aux logements des Chanoines, & autres Dignitaires Ecciéiiaitiques. Les galleries H font deftinées à fervir de paifage pour defcendre dans les efcaliers M , à une Eglife fouterreine , où feroit dépofé le tréfor avec les reliques des Martyrs. Au relie, au-lieu de faire ces porches G inté-
rieurs , on les pourroit faire extérieurs, & alors ajouter leur profondeur à chaque bras de la croi- fée , qui par là pourroit devenir auffi large que la nef; mais du moins faut-il favoir qu'il convient de ne pas négliger ces fortes de porches, pour éviter les tambours de menuiferie, que la décence, le recœuillement & l'air froid des dehors, forcent, pour ainii dire, de pratiquer aux principales en- trées de nos Temples. Nous croyons qu'on feroit bien de prendre ce
dernier parti, la croifée DD qui fe remarque ici paroiiïant avoir trop peu de largeur, comparée avec la grandeur du vaiiTeau en général, & en particulier avec le diamètre de la coupole Ν, le- quel eft de foixante pieds ; c'eft pourquoi nous avons rapporté en marge, figure Ο , le change- ment que nous propofons, & nous en avons feu- lement deiîiné la moitié. Nous avons donc laiifé fubMer ce défaut dans l'enfemble du plan , afin de faire connoître à nos Elevés, combien il eil eifenciel de revenir fur fes pas pour parvenir à |
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un plus grand degré de perfe&ion, après avoir
néanmoins difcuté l'avantage ou le défavantage que peuvent procurer au projet général les chan- gements qu'on y veut faire. La nef E a de longueur cinq fois fa largeur ;
les bas-côtés Ρ , les deux tiers de celle de la nef. On trouvera peut-être cette nef & fes bas - cotés un peu longs pour leur diamètre ; voici ce qui nous a déterminés à en uier ainû. Premièrement cette proportion eil celle qu'on a obiervée dans prefque tous les édifices gothiques les plus célè- bres. Secondement nous avons penfé que la lar- geur des colonnades Q qui les féparent , fe réu- nifiant à leur diamètre, en augrnenteroit beaucoup la largeur : augmentation qui n'aurait pas lieu , fi à la place des colonnes nous euiTions fait ufage des arcades employées précédemment dans nos Êglifes modernes ; reiîburce qu'on peut mettre en œuvre dans la compoiition des Temples, où les colonnes font préférées aux piliers quadrangu- îaires qu'on remarque à Saint-Sulpice, à Saint-Roch & ailleurs. A l'extrémité des colonnades Q, nous avons placé autant de Chapelles particulières , nombre que nous avons regardé fuffifant pour les raiions que nous en avons rapportées précédem.' ment ; c'eft pour cela que nous avons placé dans Fintérieur & le long des murs latéraux de ce monument, des niches difpofées alternativement entre des croifées , & au-defTous deiquelîes on pourroit placer des confeiîionnaux ; mais , comme nous l'avons déjà remarqué, ces tribunaux de la pénitence feraient plus convenablement contenus clans des Chapelles particulières, qui, dans ce plan, pourroient fe pratiquer en Κ, & dans Icfquelles on arriveroit par les galleries -H » |
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d' Architecture. 379
en y perçant une porte de communication.
La principale entrée de cette Eglife eil précé-
dée d'un porche S , dont la largeur égale à-peu- près celle de la nef E. Les portes marquées F, ne doivent iervir que de ibrtie ; par ce moyen 9 on pourra éviter la confuiion, & obferver la dé- cence qu'il convient d'apporter dans nos Temples. On ne parviendra que difficilement à ces objets
importants , ii lors de la conilrn&ion générale du projet on ne conçoit les moyens d'arriver non- feulement à la perfection de l'Art, mais encore à tout ce qui peut contribuer au bon ordre , & à l'édification des Peuples. C'eit donc pour y parvenir autant que nous avons pu , que nous avons deftiné les trois portes Τ du porche S , pour la principale entrée du Temple , les portes F pour la fortie des Fidèles, & les pafTages L pour le Clergé. Les deux Chapelles V qui ont leur entrée par le
porche S, & qui occupent ici la place des Chapelles des Fonts & de celles des Mariages dans nos Egaies Parbiiîiales , font defHnées dans ce plan pour la fépulture des Archevêques, ayant déjà defiré plus d'une fois , que ces Chapelles funéraires ne fuiTent jamais contenues dans l'intérieur de* nos Eglifes >>■' & pour plus de falubrité , & pour que les chefs- d'œuvre qui ordinairement embellifTent ces Cha- pelles, puiffent être admirés parles ConnoiiTeurs, · fans manquer au refpecÎ dû au lieu Saint. On pourra aiïffi remarquer que le fol du porche S,
eft beaucoup plus haut que celui du pavé où circule le Peuple. Nous avons donné ailleurs des raifons de cet exhauffetnent. Nous ajouterons ici, que le fol des rues ou des places pratiquées au-devant de ces monuments facrés , s'élève toujours par la |
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38o Cours
fucceffion des temps. Ceft ce qu'on voit en exa-
minant la Cathédrale de Paris, où anciennement on montoit plufieurs marches, & oit au contraire, on defcend aujourd'hui, quoiqu'on ait , depuis environ vingt ans , bauTé le fol de la rue. D'ail- leurs rien de fi effenciel, félon nous, que d'ob* ferver cette inégalité de fol dans nos Eglifes. Quand on monte pour arriver dans nos veitibules , le bâtiment en acquiert plus de grâce & de dignité. Or où la dignité c^oit-elle être employée plus conr venablement que dans nos Temples ? Certaine- ment cette élévation de fol , dès le dehors, amène dans les dedans, les fidèles avec plus de réflexion ; rien de û peu décent que d'entrer de pîain-pied dans les monuments dont nous parlons. Nous avons déjà fait la plus grande partie de ces remarques dans le fécond Volume; nous y renvoyons, dans la crainte de revenir trop fou- vent fur le même objet; mais nous n'en defirons pas moins que les principes généraux, qui y font contenus, s'appliquent dans toutes les pro- ductions de ce genre. On ne fonge guère qu'à faire une grande Archi-
tecture ; on la choifit Corinthienne pour procurer plus d'éclat à l'ordonnance: à l'imitation des Grecs, on reiTerre les entrecolonnements, fans autre but que de bâtir à la Grecque; ou bien, dans le deifein d'en impofer, on donne une ii grande élévation aux colonnes, qu'on fe trouve forcé, pour des raifons de folidité, de les approcher fi près les unes des autres que, par cette même confidé- ration, il n'y a plus de rapport entre Vefpace-, ment des colonnes & la largeur des ouvertures qui donnent entrée au Temple : en forte que Ia pre- miere chofe qu'on a oubliée^'eftd'obferverune cor- |
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refpondance convenable entre le module de 1 Or-
dre & retendue de l'édifice. On croit être grand, on n'eft que gigantefque; ou, de cet excès, on tombe dans celui de faire plufieurs petits ordres élevés les uns au-deiïus des autres; en faveur de la difpofition quelquefois heuretife du plan, on facrifîe l'ordonnance: on a recours au faite pour pallier les défauts qui fe font gliffés entre la relation des dehors, & celle des dedans du monument. On remet à l'avenir le foin de fe ^rendre compte des détails de la conftruäion & de la partie économique qui doit s'obferver, dans les entreprifes même les plus importantes; on plante, on élevé avec fuccès jufquà un cer- tain point, puis on fe trouve arrêté par des obitacles invincibles, qu'on ne peut parvenir à furmonter qu'aux dépens, ou de la folidité, ou de la beauté d'enfemble & de l'harmonie qui devroit régner entre les parties & le tout. Nous le répétons encore, la itru&ure de nos Tem-
ples exige une étude particuliere; leur grandeur, leur élévation, la maniere de les fonder fuppofe une expérience toute autre que celle qui guide TAr- chite&e dans les Bâtiments d'habitation : non-feu- lement il faut avoir étudié les procédés dont fe font fervis nos plus célèbres Architectes en France, mais connoître ceux qu'on a fuivis lors de la conftrucHon des plus grands monuments élevés en Italie ; la feule partie des voûtes, relative- ment à leur légèreté, à leur poids, à leur pouf- fée, demandé une méditation profonde : Tart du calcul, les connouTances de la Phyiique, des „forces mouvantes, font de leur refïbrt; on ne peut y parvenir avec fuccès que par une lon- gue iuke d'expériences, que par le fecours des |
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modèles; autrement les formes les plus heureufes,
l'ordonnance la plus ingénieufe, enfin la difpoii- tion la plus agréable, ibnt autant d'objets infuf- iîfants, quoiqu efTenciels , fans une pratique éclai- rée de la théorie la plus fublime. Dans la fuite, nous ferons part à nos Elèves
de la route que nous avons fuivie, pour ce qui regarde la conftruction du projet que nous venons de décrire. Parlons à préfent à celui de notre Eglife paroiiîiale, & donnons-en le Plan ; il ne s'agit encore ici que d'indiquer les nouveaux moyens que nous propofons , pour donner aux monuments de cette efpèce une difpoiition plus convenable , d'après l'idée que nous en avons conçue. Projet du Plan d'une Égiise
Paroissiale^ du dessin
d e l'A υ τ ε υ R.
Planche L î · V. ■■■;}
La plupart des Leçons contenues dans le hui-
tième Chapitre du deuxième Volume de ce Cours, traitent des parties principales contenues dans le Plan que nous offrons dans cette Planche, nous avons même rapporté, page 312, l'intention que jnous avions eue de raffembler, dans ce Projet, tout ce que nos Edifices facrés contenoient de plus intéreffant, chacun dans fon genre. Nous avons aulîi, dans la note de la même page, rendu compte de la reiTemblance que notre Pian a en quelque forte avec celui de l'Eglife de Saint- Amand ; nous y renvoyons nos Ledetirs. Nous .allons feulement leur fajre connoître plus parti- |
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d'Architecture* 383
euîiérement cette Eglife d'un nouveau genre, ainii
que nous l'avons promis à la fin de cette même note^ d'après ce que nous en avons appris fui* le lieu lorfque notre curioiité nous y conduiiit, le 21 Septembre 1766. L'Eglife de Saint-Amand fait partie d'une große
Abbaye de Bénédiótins, iîtuée en Flandres, entre Valenciennes & Tournay : cette Eglife, rééditée plus d'une fois, fut reconftruite dans l'état où on la voit aujourd'hui, en 1624, par les foins & fur les deiîins de feu iieur Nicolas Dubois, Abbé de ce Monaftere, mort en 1673, 'âgé dé 84 ans. Il étoit le foixante-feizieme Abbé de cette Abbaye, depuis Saint-Amand fou Fon- dateur. L'Eglife dont nous parlons a cela de parti«!-4
lier, que le Sanctuaire & le* Chœur des Reli- gieux , ainii qu'une partie de ce monument, font élevés de quarante-trois marches (/) du fol de la nef, ce qui forme une Eglife haute & une Eglife baffe, parce que, fur tous les bas côtés, regne une tribune de plain-pied au Chœur , inégalité de fol qui produit néceÎTairement le plus grand effet, & en augmente coniidérablement la liir- face. Ce Chœur eil placé immédiatement au haut de cet efcalier, & occupe en profondeur quatre entrecolonnes ou piliers gothiques ; le San- ctuaire eu placé derrière & en occupe deux; anciennement le Maître-Autel étoit placé où. fe trouve aujourd'hui lefcalier, & alors on montoit à l'Eglife haute, par deux petits efcaliers qui fe |
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\(/) Ces marches n'ont que cinq pouces de hauteur fur un
pjed de giron , ce qui produit au total dix-huit pieds d'é- lévation, . |
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3§4 :: Cour* *
remarquent encore, dans les tribunes, vers k
rencontre de la nef & de la croifée. L'Abbé Dubois,'en reconftruifant cette Eglife
fur les anciennes fondations, la fit augmenter conii- dérablement ; mais on remarque que le nouveau fol, fur lequel il bâtît toutes fes augmentations, a cédé,à la charge; de maniere que toute la partie neuve fe trouve enfoncée de deux pieds, ce qui occaiionne des réparations afîez fréquen- tes & défigure l'ordonnance, qui fe trouve être d'une décoration médiocre 5 bâtie groiîiérement & mal appareillée. D'ailleurs le marbre y eil allié, avec auffi peu de choix que de goût, à la pierre, au bois, au blanc* en bourre, &c. Au- deifus du plain-pied du chœur & des tribunes, il s'en trouve placé un fécond rang, mais feu- lement entre 'chaque entre-pilier, ou colonne grof- fîérement gothique. Au relie ces dernières tri- bunes poftichês, & qui s'accordent mal avec l'air de grandeur qui caraöérife ce monument, ne fervent jamais. Derrière le Chœur aâuel eft placée la Cha-
pelle de la Vierge, fermée de toute part, à l'ex- ception de la porte d'entrée: cette Chapelle fert pendant l'hyver de petit Chœur aux Religieux pour y célébrer le fervice Divin, ou lorfqu'il y a quelque réparation confidérable à faire dans la grande Eglife. fc Au centre de la croifée, s*éleve une coupole
peinte dans un aflez mauvais genre ; la forme extérieure en eft d'ailleurs fort écrafée & char- gée d'ornements en plomb d'un deiîin mé- diocre. Le Jubé, qui porte les orgues, eft d'un deiîin
tout-à-foit
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o'ÀRCHlTECTtJftÊ; $$f
tout-à-fait iingulier [m), C'eil un aiTemblàge dé
pluiieurs colonnes difpofées fur un plan non parallele, & doint les fïïts d'inégales hauteurs, &r. couronnés doutant d'arcs bombés, foutiennent l'orgue qui eil d'un deiïin d'aiTez bon goût (/z). Le Portail de cette Êglife prefente en géné- ral une maiTe qui ne laifie pas de furprendre a fon premier aipe&; la décoration eil néanmoins un compoie bifarre de pluiieurs genres d'Archi- tecture : les cinq Ordres y font élevés les uns au-delTus des autres ; mais tous cinq réduits à tin même module & à une même hauteur : les fûts des colonnes font chargés de membres d'Ar-* chitcciure, & ^ornements gothiques , arabes, uni. ■ ί ■ a - - ι ----■■■ — --y * ι ·- -- γ- ·-— - ima ■■ i ; * '-- ~- ; -<- -----,— - a , - ,y -■ - „..n, „ * , -.-■......,
(m) A propos de ce Jubé, n©ùs citerons ici l'Ëglife de l'Ab-
baye de Vigogne, Ordre de Prémontré, fituée à une lieué & demie de Valenciennes, que nous avons vifitée en reve- nant de Sainc-Arnandj ßc à l'entrée du chœur de laquelle eft auiïi un Jubé de pareille forme & grandeur. Cette Eglife eii très-grande & d'une Architeéture gothique aiTez légere; celle de fon Portail nous a paru moins élégante j il eft flanqué de deux Tours furmontées chacune d'un clocher fort élevé & d'une forme aiTez pyramidale* Ce Portail, ainfî que celui de S. Aràand, donne dans J'enclos de chacune de ces Abbayes* (n ) Dans le Treibt de cette Eglife, on fait voir aux Etran*
gers une àiTez grande quantité de Reliquaires en offévrerie^ d'une compontion très-riche, & plus faftueufe que belle. Mais ce qui nous a paru ineftimable , ce font deux excellents Ta- bleaux i peints pat Rubens, placés fur les deux chapelles hautes, aux deux extrémités de la cróifée de cette Eglife, L'Annonciation fur-tout nous a paru de la plus grande beauté* Derriere chacun de ces Tableaux en font peints deux autres par le même Maître; &, en tournant fur un pivots ils s'of- frent alternativement aux yeux des Speclateurs. De plain-pied à ces chapelles, on arrive au cloître fupérieur de l'Abbaye: dans chaque entreçoîonne de ce cloître, font di^ibués les portraits en pied des Abbés de ce Monaftere, depuis Saint- Araands celui de l'Abbé Dubois eft le troifieme en entrant à gauche. TomelIL Bb
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â8<3 Cours
anciens & modernes. Cependant au milieir de ce
déibrdre, on ne peut difconvenir que 1 Auteur de cette compofition, 'ne fût un homme de génie, à qui il rie manquoit peut-être que de lavoir les règles de l'Art, & de les appliquer avec goût. „. . .,. '. ~
Au reite ce monument, pris en gênerai, en
impofe par fa grandeur, fa difpofition, & produit le plus bel effet. Son élévation a même de quoi étonner, l'ordonnance de fori ArchiteOure perd à l'examen fans doute; mais nous convenons du plaiiir que nous avons éprouvé en entrant dans ce Temple : nous nous en étions à la vérité fait une idée avant de le connoître ; mais que cette idée, réalifée par fon afpeft, nous a dédommage de la peine qua dû nous faire la reilemblance de notre projet avec ce monument, dont nous ignorions l'exigence quand nous lavons conçu! Quoi qu'il en foit, notre parti eil pris; &, loin de nous décourager, fur l'incrédulité... de ceux- qui douteraient que la compofition que nous don- nons nous appartînt, nous η en croyons pas moins leur offrir un Plan qui, par le ieul exem- ple que nous citons, mérite certainement detre accœuilli par les hommes connoiffeurs & non pré- venus. _ : . Peut être tïouvera-r-on notre Projet un peu
coniidérable; mais ii l'on vient à confidérer la grandeur des Eglifes de la plupart des Mona- leres de nos Provinces, quoiquordinairement peu fréquentées; combien à plus forte raifon feroît-il aifé de prouver la néceiïité que les prin- cipales îgliies paroiffiales de cette Capitale ful- fent plus étendues, étant deftinées à contenir, les jours folennels, un très-grand nombre de paroii- |
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Î5 'ARCHITECTURE. $$J
iiens, qui ne peuvent aujourd'hui s'y raffembler:
fans tumulte & fans confuiion. Nous croyons donc que, dans les principaux
quartiers de cette Cités nos Paroiffes devroient être vaftes , & avoir le plus d'étendue après les Cathédrales. Pour y parvenir, qu'on fe rappelle l'idée que
nous avons donnée de réunir pluiieurs Mona itères en un feul, de conûruire dans leurs jardins des marchés & des halles ; &, dans l'efpace qu'oc- cupent leurs Eglifes & leurs dépendances, les nouvelles Paroiffes dont nous parlons. Que l'on confidere d'ailleurs rimmeniite de nos Palais, de nos maifons Royales; alors le Projet que nous propofons ne paroîtra plus une chimère , & l'on concevra la polïibilité de procurer au Tem- ple du Seigneur, une véritable fomptuofité. Suppofons donc qu'un jour à venir on entre
dans nos vues, & rend©ns compte de la princi- pale difpofition de notre Projet. Peut-être que l'habitude où l'on eil de multiplier le nombre des Chapelles particulières jufqu'à l'infini, dans nos Paroiffes, pourra faire regarder la fuppreffion que nous avons faite de la plus grande partie, comme une témérité ; mais nous avons cru, fans vouloir porter la main à l'encenfoir, qu'il fufïïfoit d'y en placer feulement la quantité, que nous avons remarquée y être d'un ufage habituel, le furplus ne nous paroiffant qu'un faite mal entendu ; en- core la plupart font-elles décorées avec tant de négligence, qu'il feroit peut être mieux de laiffer régner le nu de l'Architecture, qui ordinairement détermine l'ordonnance générale de nos- Eglifes. Au refte le Plan que nous offrons ici, n'eft précifément que celui d£ l'Eglife haute, pris au Β bij
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388 Cours
plain-pied du chœur; nous donnerons celui de
la nef baffe en rapportant les coupes, lorfque nous traiterons de la conflruâion de ce Tem- ple ; détail qui offrira plus d'un objet intéreffant, par les foins que nous nous fommes donnés d'en développer toutes les parties, afin de mettre nos Elèves à portée de concevoir par ces dévelop- pements , l'importance de l'Etude d'un tel Projet. Alors nous représenterons ee même Plan avec quelques changements que la néceiîité de conci- lier enfemble toutes les parties de l'art y ont amenés nécessairement ; en forte qu'en offrant le travail progreiîif que nous avons fait, pour tâ- cher de porter ce Projet à fa perfection, nos Elèves le convaincront fans doute que la pre- miere penfée n'eil jamais précifément celle à la- quelle il faut s'arrêter; mais que néanmoins il convient de la tracer avec une forte d'exaftitude, afin d'arriver à l'enfemble avec plus de fuccès, lorfqu'on vient à attaquer enfuite la partie de la folidité & de l'économie, avec la beauté de l'ordonnance & le choix des ornements, Le Chœur A, le Sanctuaire Β, la croifée C,
les Tribunes D, δε les Galleries Ε, marqués dans la Planche LIV, font élevés de quarante mar- ches du fol de la nef, hauteur à peu-près la même que celle de TEglife de Sàint-Amand, dont nous différons néanmoins en ce que, dans notre Plan, le fan&uaire Β eil iitué avant le chœur A, & quô dans ce monument il efl derriere. Nous l'avons préféré ainii, non-feulement parce que l'Autel eil à plomb de la clef delà voûte de la coupole, mais auffi parce que par-là, il fera plus à portée du coup· d'œuil des paroiiîiens. Une autre différence, qui fe rencontre entre notre Projet & l'Eglife de |
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d'Architecture. 389
Saint-Amand, c'eft que dans celle-ci la nef baiîë
circule jufque dans la croifée de l'Eglife ; dans notre Plan au contraire les bras de la croifée C font de plain-pied, au Sariftuaire B, les Tribu- nes D tournant tout autour par les Galleries E. Peut-être aurions-nous imité la croifée baffe
de Saint-Amand, fi elle nous eût été connue avant notre Projet; mais cette idée ne nous eft pas venue.Nous croyons même,quelque bien qu'elle nous ait paru furie lieu, que ce ne feroitpas ici le cas defe fervir de cet exemple, les Eglifes paröiilia- les devant être traitées dans un tout autre genre que les Eglifes conventuelles. Dans ces dernières, le Sanctuaire & le Chœur doivent être précifément à la portée des Miniftres des Autels ; dans nos Pa- roiffes, les Fidèles fe réunifiant, pour ainii dire, au Clergé, il convient d'expofer, plus que par- tout ailleurs, à la vue des paroifîiens, la célébra- tion des faints Myiteres, en les rendant témoins des cérémonies auguftes qui, par la difpofition de notre Plan, acquerroient les jours folennels un nouvel éclat; d'une part, par la fupériorité du Sanduaire Β fur la nef F; de l'autre, par le fpe&acle pompeux que préfenteroient au Peuple les Officiants, diftribués fur les paliers & les quarante marches que nous propofons, & mar- quées ici en G. Au moyen de ce qu'à Saint-Amand cet efca-
lier eft pris au-delà de la croifée, & que le Chœur , le Sanctuaire, & la gallerie qui eft der- riere, occupent une étendue à peu-près égale à la nef, on ne jouit en entrant dans cette Eglife, qu'affez imparfaitement de toute fa longueur. Ici nous avons penfé que le San&uaire devoit, en quelque forte, terminer le coup-d'œuil du monu- Bbiij
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390 Cours
ment; que pour cela il falloir faire une longue
nef marquée F, & derriere le San&uaire Β pla-*
cer le Chœur A, entouré par des galleries Ε,
que nous n'avons point percées du côté du Chœur,
à deffein de procurer plus de recœuillement au
Clergé.
Aux deux extrémités de la croifée C , font
placées en H, d'un côté la Chapelle de la Vierge, de l'autre celle du Saint-Sacrement ; d'abord nous les avions iituées à l'extrémité des deux Tribu- nes Dj ainii que nous l'avions annoncé, deu- xième Volume, page 313. Mais en y réfléchif- fant, nous avons craint que ces Chapelles ne mafquaffent l'enfilade de ces Tribunes D, avec celle dçs galleries E. L'extrémité de ces dernières galleries mené à des efcaliers I, qui defcendent dans des Chapelles baffes, deiHnées à l'exercice de la pénitence, & où fe feroient les Catéchifmes. Ces Chapelles pratiquées de plain-pied à l'Eglife fouterreine, placée fous le Chœur, le San&uaire & la croifée, font deiHnées particulièrement pour la fépulture des Paiteurs ; & nous les tenons un peu plus enfoncées que le plain-pied de la nef baffe de cette Eglife, ainfî qu'on le remarquera dans les coupes que nous donnerons de ce mo- nument , comme nous l'avons promis plus haut. La lettre Κ indique la Sacriftie, où le Clergé
rhyver, arriveroit par les efcaliers I, ayant leur communication par les galleries baffes ; ou l'été, par les terraffes L, deftinées pour fe rendre, d'un côté au Presbytère , de l'autre au Séminaire; ces bâtiments, comme nous l'avons remarqué ail- leurs, devroient toujours être près des Eglifes paroiffiales , & ne former avec elles qu'un feiU & même enfemble, en confervant néanmoins à |
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d'Architecture. 39t
chacun de ces édifices un cara&ere analogue à
ion ufage particulier. Les petits efcaliers marqués M, font deitinés
à monter de fond, & à amener, lors des céré- monies d'éclat, les Muficiens dans les bras de la croifée C, ainii que nous l'avons indiqué dans notre deuxième Volume, pages 365 & 386, où nous avons dit que, d'un côté, on placeroit la muiique vocale, & de l'autre la mulique inftru- mentale, & que, dans ce dernier côté, feroient les orgues au-deiîus des Chapelles H, où l'on arriveroit par les efcaliers M. La principale entrée de cette Eglife eil précé-
dée d'un porche extérieur N, élevé d'une cer- taine quantité de marches, pour que le fol de la nef baffe F ne foit pas confondu avec celui de la place publique. Trois portes principales font pratiquées fous ce porche ; celle O donne entrée dans un fécond porche intérieur P; les deux autres portes Q mènent chacune à un perron, du palier duquel R on arrive, d'un côté, à la Chapelle des fonts S, de l'autre, à la Chapelle des mariages T. Ces Chapelles ont leurs dépen- dances particulières, telles qu'une falle d'aiïem- blée a, une falle d'enregiftrement h, une Ar- chive c, enfjn un efcalier d, qui, en montant de fond,, conduit aufli à de doubles entre-fols pratiqués fur ces dernières pièces, & qui fervent de logement aux Prêtres prépofés pour Fadmi- niftration des Sacrements. Du palier R par une fuite de marchés V, entremêlées de paliers, l'on λ monte aux Tribunes D ; & par celles U, on redefcend dans la nef F la même quantité de marches que l'on avoit monté par la porte Q, pour arriver au palier R. Β b iv
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39* Cours
Les lettres X indiquent les cours ou préaux
autour defquels, fous les terraiTes L, font prati- qués des portiques fermant de communication pour arriver à couvert du Presbytère & du Sémi- naire , dans l'intérieur de cette Eglife : ces porti- ques conduifent auiîi de plain-pied à ces préaux, aux Catacombes (o) deftinées pour la fépulture des Paroiffiens, ainiî que nous l'avons propofé dans les Volumes précédents. Nous n'entrerons pas à préfent dans un plus
grand détail concernant le Plan fupérieur de ce projet. Le Plan que nous donnerons du fol' inférieur, un autre Plan général que nous pré« fenterons par maiTe, & qui fera connoître la dif- poiîtion de toutes fes dépendances; enfin les élé- vations & les coupes que nous donnerons dans la fuite, nous mettront à portée alors d'entrer dans une analyfe plus circonitanciéei ce Plan fuffit ici pour donner l'idée de la maniere de concevoir une nouvelle Eglife paroiiïïaîe, telle que nous l'avons conçue. Nous laiflons aux vrais Archite- «es à juger û, la difpoiîtion & les proportions de ce Plan ont de quoi plaire ; & aux Miniftres des Autels, ii la nouvelle forme que nous donnons à cette ParonTe, n'annonceroit pas plus pofitîvement le caraétere facré, que celle qu'on a donnée juf« qu'à préfent aux Eglifes dç cette efpece. Nous avouons fincérement que nous ne tenons à cette production que dans l'idée d'une plus grande per- fection ; idée, nous le répétons, dans laquelle nous nous femmes affermis depuis que nous avons vu l'heureux effet que produit celle de Saint-· M
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(o) De l'Italien, qui /îgnifîe Retraite fouterreine.
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d'Architecture. 393
Amand, qui à la vérité n'eft qu'une Eglife Abba-
tiale, & non une Paroifle. Nous avions tracé, comme nous l'avons déjà dit,
le Plan de l'édifice dont nous parlons ici, avant no- tre voyage en Flandres , & avant d'avoir entendu parler de l'Eglife de Saint-Amand: nous l'avions imaginé d'après les Tribunes de la Chapelle de Veriailles, l'élévation du fol de la nef de la Pa- roifle de Saint-Roch, celle du San&uaire de l'E- glife du Monaflere des Carmélites, le porche de Saint-Sulpice,&c. que nous avons cités dans le deu- xième Volume de ce Cours, page 312. Paflbns actuellement au projet d'une Eglife
conventuelle & d'une Eglife en rotonde, aufli de notre composition : nous en donnerons en même- temps les plans, les coupes & les élévations; ces deux monuments moins coniidérables que les pré- cédents, nous permettant d'en donner ici les détails. Plans, Coupes et Elévations
d'une Église Abbatiale et Con- ventuelle DE LA COMPOSITION de l'Auteur,
Ce Projet fait, il y a quelques années, pour
une Abbaye Royale en Flandres, fe reffent de la grandeur des monuments de ce genre, qu'on élevoit anciennement dans toute cette contrée, où il doit être exécuté ; aufli, dans fa compofl- tion, avons-nous été obligés de nous conformer aux principaux objets demandés parle Chapitre; tels, par exemple, d'afliijettir notre Plan à une longueur & une largeur prefcrites par d'ancien- nes Fondations; de placer une tour fur le milieu du Portail, & d'y élever un flèche en pierre, |
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394 Cours
comme cela fe pratique dans le pays ; d'aligner,
d'une part, l'axe de la croifée de l'Eglife avec l'enfilade d'une rue qui fe trouve en face ; de l'autre, de faire en forte que l'un des bas côtés de cette même croifée enfilât l'une des galleries de l'ancien Cloître, coté 5, de cette Abbaye, figurée en petit dans la marge de la Planche LV ; que le Maître-Autel fût précifément fous la clef de la voûte, laquelle forme le milieu de la nef» du Sanctuaire & de la croifée ; que la Chapelle de la Vierge & celle de Saint-Nicolas, Patron de cette Abbaye, fuifent nécefïairement en face l'une de l'autre, à l'extrémité des bras de la croifée; que le Chœur fût placé derriere , & diitant du Sanctuaire; enfin que les orgues fuifent pofées dans le fond de l'Êglife, au-lieu d'être à l'entrée de la nef félon l'ufage ordinaire. Toutes ces con- ditions qu'il a fallu remplir, font l'image des en- traves prefque toujours préfentées à l'Architecte, lorfqu'il fe trouve chargé des entreprifes, même les plus importantes. Nous en rendons compte ici à nos Elevés, afin qu'ils s'accoutument de bonne heure à ne pas croire qu'ils feront toujours les Maîtres de fouftraire, ou d'ajouter à volonté pour rendre leur projet plus agréable ou plus intéreifant. Ils fe reffouviendront d'ailleurs qu'il ne leur fuffit pas de faire un bon Plan, d'établir même une correfpondance aiTez exacte entre les parties & le tout, pour parvenir à faire un bel enfemble ; qu'à ces confidérations , eifencielles à la vérité, il faut joindre encore les lois de la folidité & de l'économie des matières; que fur- tout on ne doit jamais s'écarter du caractère pro- pre au genre du monument dont on eft chargé» .Nous avons tâché de réunir ces différents pbjets |
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d'Architecture. 395
dans' l'Eglife que nous allons offrir, & dont nous
allons donner de fuite les principaux développe- ments. Il eft néceffaire à préfent de faire entrer nos Elèves dans certains détails, après leur avoir enfeigné précédemment les moyens de concevoir d'une maniere générale les différens monuments facrés dont nous parlons. Defçription du Plan de l'Eglife, avec la
difpoßtion des Bâtiments qui l'entourent. Planche L V.
Cette Eglife d'environ cinquante toifes de lon-
gueur fur quatorze de largeur hors œuvre, doit être plantée fur la plus grande partie des an- ciennes fondations. Ce font celles-ci qui nous ont indiqué à peu-près la forme que nous avons donnée à ce Temple; nous nous fommes feule- ment rendus maîtres de procurer à la diiîxibu- tion de fon Plan & à l'ordonnance de fa déco- ration extérieure & intérieure une forte de iirn- plicité analogue au genre de l'édifice dont nous traitons ici. Dans les deux Projets précédents, nous avons introduit des porches extérieurs. Dans celui-ci, nous avons cru devoir'les füp- primer, ayant d'ailleurs été obligé, à l'entrée de cette Eglife, de pratiquer un maflif affez considé- rable, pour porter la tour &: le clocher qui s'é- lèvent au milieu du Portail , ainii qu'on le re- marque dans la Planche fui vante, en forte que nous avons confidéré la diftance, ou plutôt Té- cartement des piliers qui portent cette toiu% comme devant produire une efpèce de porche intérieur A, qui tiendrait lieu de celui qu'on a introduit dans les dehors de nos grandes Eglifes* |
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396 Cours
Aux deux côtés de la nef Β, de la croifée C
& du Chœur D, régnent des colonnades E, faifartt ici l'office des bas côtés ulités dans nos Paroif- fes. Le Maître-Autel eft placé précifément fous la7 clef de la coupole qui occupe le milieu de la croifée, & le Sanctuaire qui le contient eft entouré d'une baluftrade qui en défend l'entrée au Peuple, fans lui en ôter le coup d'œuil : ce Sanctuaire eft feulement élevé de quatre marches ; nous n'avons pu lui donner plus d'élévation, parce qu'on a defiré que le deiTus de la halu- ftrade dont il eil enceint, ne furpafsât pas la hau- teur du focle fur lequel pofe l'Ordre Compofite, qui décore l'intérieur de cette Eglife, ainfi qu'on le verra dans les coupes qui vont fuivre. Le Chœur eft aufti élevé de la même quantité de marches que le Sanctuaire, & fermé comme lui d'une baluftrade. Nous avions propofé dans le temps au Chapitre, de réunir le plain-pied du Sanduaire avec celui du Chœur, & de porter la baluftrade a, £, en c; mais l'on a voulu que les colonnades Ε féparaffent l'un & l'autre, pour laif- fer circuler les Fidèles autour du Sanctuaire : nous n'avons foufcrit néanmoins à cette idée qu'avec beaucoup de répugnance, ce lieu Saint, félon nous, devant être d'autant plus circonfcrit ici, qu'il eft peu élevé du fol de la nef. Il eft vrai qu'à ces obfervations on nous repondit, que les Sanctuaires des Eglifes Conventuelles n'exi- geoient pas, comme dans nos Eglifes Cathédra- les, ou nos grandes ParohTes, précifément cette difpoiition, qui même a été peu obfervée jufqu'à préfent dans nos Temples. Forcés de nous rendre à ces raifons aparentes, nous avons tâché du- moins de tirer avantage de ce défaut de conve- |
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d'Are Η ι TEC tu re. 397
nance, pour procurer à notre Plan un cara&ere
particulier qui, par fa dilpoiition, le diitinguât entièrement du projet précédent. Aux deux extrémités de la croifée, font pla-
cées la Chapelle de la Vierge F, & celle du Pa- tron G, chacune fermée comme le Sanctuaire par une baluitrade. Le fond de cette Eglife eil ter- miné par un rond point H, deitiné à contenir le buffet d'orgue, tel qu'on nous l'avoir demandé. Les deux pahkges I condiiifent à la Sacriitie, tenue plus baffe, & placée derriere ce rond point. Les galleries Κ font celles qui enfilent l'ancien Cloître de l'Abbaye. Les Portes collatérales L font deftinées pour les entrées journalières de ce temple, celles M ne fervant que les jours folennels. Les deux pièces Ν font les parloirs extérieurs , auxquels on entre par la place Saint- Nicolas, fur laquelle eil élevé le Frontifpice de cette Eglife. En face de ce Frontifpice, eil: une grande rue qui mené à l'Evêché, ainii qu'on le peut voir dans le petit plan général tracé fur cette Planche; on y trouvera indiqué par des chifres le nom des différents Bâtiments, ce qui nous difpenfe d'en parler ici. En général nous avons cherché à obferver une
certaine légèreté dans la conftrucüon de ce mo- nument : la marche de fa composition paroîc d'ailleurs aifée, & iacile, à en juger par ce que nous en ont dit pluiieurs personnes de l'Arr. Nous avons auffi tâché de rendre la décoration analogue à la iimplicité du plan, & nous y avons ménagé une lumière tempérée, qui ajoute au caractère de fon ordonnance, ainfi que nous le ferons obferver en décrivant les coupes que nous donnerons, après avoir parlé du Frontifpice. I |
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Elévation du Fromifpice du Plan, pfècèdmt.
Planches LVI & LVII.
Obligé, comme nous venons de le rapporter
plus haut, de faire entrer dans l'ordonnance de ce Frontifpice, une tour & un clocher, nous avons cru pouvoir tenter de faire en forte que l'une & l'autre contribuaiTent à la forme pyrami- dale de ce monument, en obfervant néanmoins que le ityle de l'Archite&ure, qui décore ces deux parties fupérieures, fût le même que celui qui regne dans les arriéres corps qui fervent d'acco- tement au portique d'Ordre Compoiite qui fe remarque ici. Nous avions fait pluiieurs deilins de ce Portail, nous militâmes pour qu'à la place de cet Ordre, on préférât le Dorique : ce dernier nous paroiiïbit plus analogue au genre de cette Eglife, & à la {implicite qui regne dans fa composition générale: jamais il ne nous fut poffible d'obtenir cette préférence, quelque relative qu'elle paroiife & à la convenance & aux préceptes de l'Art : on exigeoit même que nous employaffions l'Or- dre Corinthien ; ce ne fut qu'après bien des difcuffions que l'on nous lahTa la liberté de faire ufage du Compoiite, qui, quoiqu'égal aux pro- portions Corinthiennes, prciente cependant moins d'élégance dans les détails. ;iJ ; - » Ce n'eit pas que la digniré de nos Temples
ne comporte bien l'application de cet Ordre; mais convaincus que, de tous les monuments de cette efpèce, les Egliies Conventuelles doivent être traitées dans le genre le plus iimple, il nous paroît que c'eil au-moins un défaut que de ne |
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η' Architecture. 399
pas appeler à foi l'Ordre qui a le plus de con-
nexité avec cette fimplicité ; fans pour cela perdre rien, ni de la beauté, ni des proportions de la belle Architecture. Mais comment perfuader des hommes qui, peu verfés dans la connohTance de cet Art, croient volontiers que les meilleures comportions en général, font celles qui offrent le plus d'ornements, puifque la plupart des Ar- chitectes femblent négliger cette regle, obfervée néanmoins dans l'antiquité avec tant de fuccès: mais, fans nous arrêter à cette digreiuon, toute importante qu'elle eft, fans nous plaindre de l'ignorante obftination du plus grand nombre de ceux qui confiaient, même les plus grands Archi- tectes, nous rapporterons, dans la Planche LVII, ce même Frontifpice avec l'application Dorique, à deffein de faire connoître à nos Elèves, qu'il s'en faut bien qu'il foit indifférent d'employer plutôt celui-ci que celui-là, puifque c'eil de l'ex- preffion folide ou délicate que l'ordonnance doit prendre le ton: or, dans ce Frontifpice le iîyle fimple qui regne dans l'ordonnance, ftyle tiré du fond propre du monument, n'indique-t-il pas que, pour orner fon portique, l'Ordre Dorique doit être préféré à un Ordre délicat. Qu'on y prenne garde, dès l'introducuon du
premier Volume de ce Cours, nous avons infi- nué -à nos Le&eurs la néceiîité du choix des Ordres ; depuis, dans nos Leçons, nous avons plus d'une fois relevé les erreurs qui fe font gliffées à cet égard dans la plupart de nos édifi- ces : ici nous faiiiffons l'occafion de joindre l'exem- ple au précepte, pour convaincre, s'il eft pofli- bie, nos jeunes Architectes qu'une production, d'ailleurs la mieux conçue, reftera imparfaite, fi |
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400 € OU AS
le ftyle de TArchite&ure, & l'expreiîÎon de 1'Öf*
dre fe trouvent en contradiction ; û l'un & l'autre n'annoncent pas véritablement l'ufage particulier de l'édifice. Au reite on jugera de ce que nous avançons
par la eomparaifon des deux delîins que nous offrons, & qui né different entr'eux que par la plus grande analogie que nous croyons remar- quer entre le tout & les parties de la Planche LVII, mife en parallele avec celle que nous dé- crivons. Les légers changements que l'Ordre Do- rique a occaiionnés dans cette féconde compo- ntion, étant d'ailleurs trop peu confidérables pour en faire mention ici, nous ferons remarquer feu- lement que l'entrecolonnement du milieu a acquis un peu plus de largeur, la tour un peu moins d'élévation , & que la hauteur de la flèche eiï un peu moindre ; l'expreiîion virile nous ayant obligé d'aiïigner de nouvelles mefures à tou- tes les parties , & par conféquent les mafTes ayant dà s'en refTentir. Ces différences fans doute font peu fenfibles pour ceux de nos Elèves qui, n'auront pas encore les yeux ouverts ·9 mais elles n'échapperont pas aux hommes inilruits, fur-tout s'ils fe font accoutumés à démêler ces nuances imperceptibles, & ce caractère décidé qu'on reconnoît dans tous les chefs-d'œuvre de Manfard qui, jufque dans fes composions les plus fimples, a fçu fixer l'admiration des Ama- teurs. Nous ne nous arrêtons pas fur les proportions
particulières des membres d'Archite&ure qui com- pofent l'ordonnance de ces deux productions; les principes établis dans les Volumes précédents, en .ont déterminé les mefures. D'ailleurs un peu d'habitude
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d'Architectwre, 401
d'habitude & le fe cours des échelles qui Tont au
bas en rendront compte plus particulièrement. Il eil temps, ce nous femble, que nos Elèves cherchent par eux-mêmes à connoître, dans l'exa- men des ouvrages d'autrui, la iburce du beau < ou de la médiocrité qu'ils y pourraient remar- quer, afin que nourris par cet efprit de compa- raifon, ils parviennent à juger leurs propres com- v poiitions- Parlons à préfent à la coupe prife dans la largeur de cette Eglife. Coupe, prife fur la largeur de la Croifée
de l Eglife. Planche LVIII.
Cette coupe donne tout enfemble la décora-
tion du Sanctuaire , celle du rond point, & le revêtiiTement des murs des bas-côrés de cette Eglife, ainfl que la forme de {es voûtes & de ies couvertures. Un Ordre Gompoiite colonne de quatre pieds de diamètre décore ce monu- ment. Cet Ordre eil couronné feulement d'une Architrave; elle tient lieu d'impoite à la re- tombée des arcs doubleaux qui ornent la voûte de la nef, ainfi qu'aux lunettes qui en déchar- gent la pouiTée fur les colonnes qui lui fervent d'appui : fi nous ne nous trompons point, nous croyons que la fuppreffion de la frife & de la corniche des entablements réguliers qu'on place ordinairement fur les colonnes , procure beau- , coup de légèreté à la partie fupérieure de ce Temple. D'ailleurs cette maniere économife la bâtifle, & préfente en quelque forte, l'élégance qu'on remarque dans les édifices gothiques du Tome III. C c |
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402 Cours
meilleur genre. Nous nous fommes d'autant plus
volontiers déterminés à prendre fur nous la iup- preiîion de la plus grande partie de l'entablement, que nous en avons vu des exemples en Flandre & dans le Pays Meffin ; il ne leur manquoit que d'être d'un meilleur goût pour réuiîir au gré des vrais Connoiffeurs. Cette manigre a auffi beau- coup plu au Chapitre qui nous avoit chargé de ce Projet, & elle a reçu, malgré cette efpèced'incor- reâion, l'approbation de plufieurs Maîtres de l'Art. D'ailleurs nous avons cru que cette prati- que nous offroit un moyen de plus, pour aiîi- gner à cette forte de monument un caraâere par- ticulier qui, en le rangeant dans fa véritable claffe, le diitingueroit des autres édifices facrés d'une- plus grande importance. Les lunettes, fur-tout celles qui fe remarquent
ici j donnent une grande hauteur aux entreco- lonnements , genre qui, en s'accordant avec l'ex- prefïion délicate de l'Ordre, rend aüiïi la voûte plus légere ; ce qui lui donne une forte d'analogie avec le Compoiite qui la foutient. Il eil conve- nable d'apporter cette attention dans l'ordon- nance d'un édifice où Tordre délicat préfide, rien n'étant fi contraire aux règles de l'Art que d'in- troduire des voûtes d'une ilru&ure pefante fur une décoration percée à jour & ifolée, pour ainii dire, de toute part; c'eft pour cela que nous avons inféré plus d'une fois dans les Leçons précédentes, qu'un bon Conitru&eur devoit entendre l'Art de la décoration ; que le Décorateur & le Diitribu- teur dévoient bien connoître la maniere de tirer parti de la conitru&ion, félon la difpoiition & le genre du monument : de maniere que ces trois franches de l'Art réunies concourent à offrir un |
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d'Architecture. 403
fchef-d'oeuvre ; autrement on eft obligé de confi-
dérer chacun de ces objets féparément, ce qui divife l'attention de l'Examinateur, & l'empêche iouvent d'applaudir à l'ouvrage entier, quoiqu'il rende juitice à l'une & à l'autre de fes parties. Nous l'avons déjà dit, ce n'eft qu'à regret que
nous avons fait uiage du Compofite ; le Dorique fans doute eût été plus convenablement placé que tout autre dans les dehors & dans les dedans d'une Eglife du genre de celle dont nous parlons; mais nous n'en avons pas été le maître, en forte que, nous trouvant, pour ainfi dire, obligés d'employer cet Ordre, nous n'avons plus fongé qu'à répandre, dans toute la composition de ce projet, une relation refpe&ive entre la diftribu- tion, là décoration, & la conitruótion, dernière partie qui ne coniifte pas , comme on le croit communément, à bâtir feulement avec folidité, mais à concevoir une itru&ure , en apparence forte ou légere, félon qu'elle doit faire partie de fenfemble de l'édifice. Nous avons donc tâché, malgré la richeffe attribuée ordinairement à l'Or- dre Compofite, d'en fouitraire quelques membres d'Archite&ure, & d'en modérer les ornements, foit en préférant les feuilles d'olivier à celles de p#riil dans (es chapiteaux, foit en n'employant. que vingt cannelures au-lieu de vingt-quatre dans fes fïits , foit enfin en itous fervant de la bafe attique au-lieu de celle de Vignole, degré de limplicité que nous avons afFeÔé auffi dans les arcs doubleaux & dans les compartiments de la voûte de cet édifice. La même retenue nous a guidé dans la décoration des membres d'Arche te&ùre qui régnent intérieurement dans le pour- tour de cette Eglife. De grandes tables fur lef. C c ij
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404 Cours
quelles feront gravés en François les pafTages
de l'ancien & du nouveau Teftament, occupent les deux tiers de la hauteur de l'Ordre. Au-deffus de ces tables regne une plinthe qui les fépare d'avec les croifées ou vitraux qui éclairent cette Eglife ; en forte que , par leur élévation à la hau- teur de trente-cinq pieds du fol, elles y portent une lumière tempérée, celle de la droite éclai- rant la gauche, & celle-ci la droite du Temple. Au-derTus du Sanftuaire s'élève une calote qui,
par fa plus grande élévation fur les voûtes, an- nonce le milieu de la croifée , & tient lieu de baldaquin au Maître-Autel à la Romaine; cet Autel nous, fut .demandé à jour fur fes deux prin- cipales faces, dans le deffein de dépofer deflbus les Reliques des Martyrs, de maniere que le Reliquaire fît parement & du côté du Chœur, & du côté de la nef : fur les faces latérales de cet Autel, nous avons placé des anges de métal, en pied, qui foutiennent un brandon d'où s'é- chape un chandelier de bronze à fept branches ; nous les préférons à ceux d'orfèvrerie · qui fe placent ordinairement fur le gradin ; ces derniers, quelque bien qu'ils foient traités, ne préfentent jamais cette dignité néceffaire à obferver dans la décoration d'un Maître-Autel, le principal objet de nos Eglifes, & celui qui mérite le plus d'attention de la part de l'Architecte & des Or- donnateurs. Nous faifons exécuter actuellement un Autel
pour la Cathédrale de Metz à peu-près dans le genre de celui dontnous parlons. Nous nous pro- pofons d'en donner le deffin dans la fuite, avec les principales parties de la décoration du San- ctuaire & du Choeur; nous nous occupons actuel- |
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d'Architecture. 40 y
lernent à en faire le modèle. Nous rappellerons
alors à nos Lecteurs l'analogie de cette compo- iition avec celle exprimée en petit dans la coupe dont nous parlons. On voit aufli dans cette coupe la baluftrade qui renferme le Saneluaire: nous obferverons que la hauteur de la tablette de cette baluftrade aiïujétie à celle -du focle de l'Ordre, ne nous avoir pas permis de donner plus d'élévation au fol de ce Sanctuaire. Au reite cette moindre hauteur donne occaiion d'aper- cevoir de la nef, la décoration du Chœur, ce qui ne fe feroit pu fi l'Autel eût eu plus d'élévation, le Sanctuaire fe trouvant interpole entre ces deux objets. Derriere ce Maître-Autel, on aperçoit la dé-
coration d'une partie des lambris qui fervent de fermeture au Chœur. Enfin derriere ce lambris , on voit le buffet d'orgue, qui nous avoit été de- mandé , en face de la principale entrée de cette Eglife. An refte cette difpoiition nous plaît affez, & parce qu'elle offre un coup d'œuil intéreffant en arrivant dans ce Temple, & parce que l'orgue fe trouvant à portée du Chœur, les fons de cet infiniment, ii on i'uniiToit avec le chant du Clergé, formeroient une harmonie plus mélodieufe & plus touchante, ainii que nous l'avons obfervé ail- leurs. Aux deux extrémités de cette coupe, font exprimés les profils de la Chapelle de la Vierge, & de celle de Saint-Nicolas: on apercevra la déco- ration vue de face de cette dernière dans la. Planche fuivante. Nous ne devons employer, dans la conftruc~tion
de ce monument, aucune efpece de charpente. La voûte plein - cintre, qui a fa retombée fur les colonnes, doit être faite en briques, fort ien ufage C c iij
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4o6 Cours
dans le pays ; les arcs doubleaux feulement doi-
vent être en pierre d'une qualité affez tendre & légere, mais qui fe durcit à l'air & qui devient fort blanche lorfqu'elle eil parfaitement sèche» De doubles voûtes conftruites aulîi en briques ■avec des chaînes en pierre d'une qualité plus ferme,mais incapable de faire parement, fervent de couverture à tout cet édifice qui doit être couvert en cuivre; ce métal, moins pefant que le plomb, étant, pour ainfi dire inaltérable, δζ. beaucoup moins iujet à l'entretien. Nous avons fait couvrir en cuivre , il y a quel-
ques années, toute la toiture de la Cathédrale cîe Strasbourg, après le dernier incendie, caufé par le feu du ciel, qui en confuma toute la char- pente. Cette couverture a eu le plus grand fuc- cès, ainfi qu'on peut s'en convaincre par d'au- tres édifices élevés à Paris & à Verfailles par les plus habiles Architectes de nos jours. Nous n'en doutons point, par la iuppreffion des bois de char- pente , par la fubititution du cuivre au plomb, & fur-tout en obfervant de conftruire en pierre, & de moins élever nos flèches, qui d'ailleurs ne font plus guère en ufage que dans nos Mona- fleres ; enfin en les terminant par des amortiiTe- ments d'une matière non éle&rique, on parvien- droit plus que par le paffé à préierver nos Eglifes de l'effet du tonnerre; ou du-moins, ne rencon- trant dans fon paiTage aucun corps combuflible, il caiiïeroit moins de ravage, fur-tout fi l'on évitoit furies couvertures l'ufage du plomb dont la fu- fion, dans les incendies, nuit efTenciellement au fecours qu'on pouroit y apporter : cet inconvé- nient ne feroit plus à craindre par l'emploi du cuivre, -ainfi que nous en rendrons comptât en |
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d'Architecture. 407
parlant de la maniere de le mettre en œuvre j lorique nous traiterons de la conftruftion où il fera parlé des différentes efpeces de couvertures. Coupe prife fur la longueur de l'Eglife·.
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Planche L I X. ■ ■ f ' '
Cette coupe ne diffère de la précédente qu'en ce qu'elle fe préfente fur toute la profondeur du monument; Fordonnance de Γ Architecture érant abfolument la même, & donnant feulement une idée du rapport que la longueur conferve avec la hauteur, & la relation que nous avons cherché à mettre, entre la décoration des entrecolonnements quoique d'un genre fimple , & l'Ordre Compoiite qui foutient la voûte de la nef. On voit auiïi dans cette coupe la décoration du Chœur, & l'inégalité de fon fol avec le Sanctuaire ; l'un &: l'autre font féparés par l'un des entrecolonne- ments qui defeend jufque fur le plain-pied de l'Eglife. C'efl de cette inégalité que nous avons parlé précédemment; nous avions deiiré qu'on la iopprimât, afin que le Célébrant, en faifant fes fondions, ne fe trouvât pas obligé de monter & de defeendre du Maître-Autel au Chœur, & du Chœur à l'Autel ; difficulté néanmoins que le Cha- pitre a préférée, plutôt que d'ôter aux Fidèles la liberté de communiquer autour du Sän&uaire. Les deux portes, qui fe remarquent à fa droite & à fa gauche, font les portes collatérales dont nous avons auffi parlé, comme étant deftinées pour l'entrée journalière des Fidèles dans ce Tem- ple , celle du grand portail ne s'ouvrant que les jours folennels. Dans le fond de cette Eglife, fe C c iv
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4o8 Cours
remarque le rond point, la coupe du difpofitif
& du buffet d'orgue ; à l'autre extrémité, font ex- primés le porche intérieur, au-deffus duquel eil une tribune, la coupe de la tour & de la flèche qui la furmonte; enfin le profil du portail, dont nous avons donné le deiîin, Planche LVI. Nous ne répéterons point ce que nous venons
de dire concernant la conftru&ion de cet édifice; nous ne donnerons pas non plus tous les déve- loppements, les autres coupes, les faces latéra- les & les principaux profils que nous en avons faits, la multiplicité des Planches qui abondent dans cet ouvrage nous privant de les rapporter ici; d'ailleurs nous réfervons ces détails utiles à nos Elevés, lorfque nous traiterons de la con- itruâion des Eglifes précédentes : la préciiion des deffins que nous donnons à préfent, fufKra fans doute pour leur 'faire connoîrre que nous avons obfervé les mêmes procédés que dans la premiere coupe. Nous leur ferons remarquer feulement. que la iîmplicité de notre Plan, le parti que nous avons pris dans la forme de nos voûtes, & la qualité des matières qui nous ont été offertes , ont rendu cette bâtiffe facile, & même d'une affez grande économie : FeiHmation que nous en avons faîte fur les lieux, non compris les embeîliffe- •ments, ne fe montant, fuivant le prix des matières & celui de la main-d'œuvre du pays, qu'aux deux tiers au plus de la fomme qu'il coûteroit à Paris. |
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d'Architecture. 4o9
Plan et Profil d'une Église en
Rotonde, de la composition DE L'Au Τ EUR.
Nous avons parlé précédemment des Eglifes
en. Rotonde des Dames de la Viiitation, Porte Saint-Antoine, & de celle des Dames de l'Af- fomption, Porte Saint-Honoré; nous avons auiîi cité celles érigées à Chaillot, à Saint-Denis & à Tours; ce font autant de monuments élevés par nos plus habiles Architectes, tels que François ν Manfard, Jacques le Mercier, &c. Dans le deu-
xième volume de ce Cours, page 93, nous avions annoncé, pourrie quatrième volume, le Plande l'Eglife que nous allons donner ; mais nous le donnons ici, ayant réfléchi qu'il valoit mieux offrir de fuite à nos Elevés ce que nous avons à leur enfeigner concernant nos Temples, parce que cette partie importante de l'Art demande une toute autre étude, que celle qui regarde la diilri- butiorï, l'ordonnance & la folidité des bâtiments d'habitation. Les procédés généraux font bien les mêmes pour tous les genres d'édifices ; mais la marche en eil différente ; les Temples exigent plus d'efpace, un plus grand module, des for- mes plus graves , une ftru&ure plus favante , des fondations plus profondes, moins d'écono- mie dans les couvertures; enfin une difpoiition, des iiîues & des dépendances qui annoncent la fupérîorité que ces monuments doivent avoir/ur tous les autres bâtiments, fans excepter même ce que l'opulence des Grands & le luxe des Particuliers font imaginer de plus ingénieux & de plus ad- mirable dans leurs demeures. \Λ |
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410 Cours
Au refte nous nous en iommes expliqués plus
d'une fois, nos prétentions ne vont pas jufqu'à nous perfuader que les projets que nous don- nons de notre compoiition fur les Temples, foient des productions qui puiiTent entrer en comparai- fon avec les chefs-d'œuvre en plus d'un genre qui ont été élevés en France par nos habiles Maîtres. Nous ne croyons pas non plus préfen- ter tout ce qui fe peut dire fur ce fujet; d'ail- leurs un Cours d'Architecture a fes limites, il doit offrir fans doute les Eléments de chacune des par- / ties qui compofent les trois branches de l'Art, mais non pas les épuifer : il eff bon de laiffer quelque chofe à faire au génie des jeunes Ar- chitectes. Quand ils ont acquis la connoiffance des préceptes généra^ix à cet égard, qu'ils ont ioigneufement examiné les productions des plus célèbres Artiftes anciens & modernes, il faut leur laiffer la liberté de s'étendre, de fe replier fur eux-mêmes, félon la diveriité des occaiions qui leur font offertes: l'efpece du monument & les fonds deitinés pour la bâtiffe, leur offriront les moyens de fe retourner & de faire preuve de leurs talents, fans néanmoins s'écarter trop des règles fondamentales, ni du caractère diitinctif qu'il convient de donner à chacun des édifices dont nous parlons. ' L'Eglife canoniale que nous offrons dans les
Planches fuivantes eft fort peu coniidérable, & par cela même elle nous a paru propre à être placée dans ce Cours; d'ailleurs elle eft proportionnée au genre du bâtiment dont elle fait partie, & dans l'enclave duquel elle fe trouve fituée. Il s'agit d'une Abbaye Royale de Dames
Chanoineffes, dont l'Abbeffe eft Madame la Corn* |
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d'Architecture. 411
reife de Choifeuil ; ce font des Dames de la plus
grande naiffance, qui vivent chacune dans leur particulier, & qui pour cela ont, dans la même enceinte, une maiibn commode, compofée à rez de chauffée d'une falle à manger, d'une falle de compagnie & d'un cabinet. Dans le foubaifement fe trouve une cuifine, un office & toutes les dé- pendances néceffaires. Au premier étage, deux appartements, l'un occupé par la Dame Chanoi- neiTe, l'autre pour fa famille*, lorfqu'elle vient la viiiter pour quelques jours : au deuxième étage , en. forme d'attique, elt un troiiieme logement pour une Demoifeiîle de condition qui, après le décès de la Propriétaire, eil déiignée pour la remplacer; enfin dans les combles, font des gre- niers pour contenir les grains & les autres provi- iions qui peuvent procurer une vie aifée , mais économique. A l'extrémité & à la droite de tons ces bâti-
ments, eil placée la Maifon Abbatiale, conte- nant pluiieurs appartements complets, précédés d'une cour principale, d'un affez grand jardin par- ticulier, des baffes-cours pour les cuifines, les écuries, les remifes, & généralement toutes les dépendances qu'il convient de faire entrer dans la demeure d'une Dame titrée qui, joignant aux vertus de fon état fufage du grand monde, reçoit chez elle les Perfonnes les plus diftinguées de l'Etat. A l'autre extrémité fe trouve placé le bâti- ment du Doyenné, où réiide la plus ancienne des Dames Chanoineffes qui, fous le gouverne- ment général de Madame de Choifeuil, a l'infpe- ôion fur le bon ordre & la décence qui régnent dans cette Abbaye, l'afile d'une portion de la" Nobleffe, & fondée à perpétuité par la libéralité de Sa Majeilé. |
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412 Cours t
Tous ces édifices doivent être élevés à Metz
fur le bord de la Mozelle, où étoit anciennement l'Abbaye de Saint-Pierre, qui vient d'être réunie à celle de Sainte-Marie de la même Ville; c'eil à Ste Marie que ces Dames viennent de fe reti- rer pendant la bâtiffe du projet dont nous don- nons l'idée. Les deffins de ce projet coniîdéra- ble , furent approuvés par le Roi, en 17Ó3. Nous ne pouvons donner dans ce Cours, les plans, les coupes, les élévations, ni les dévelop- pements de cette Abbaye Royale, ces Leçons ne pouvant comprendre tous les différents genres d'édifice du reiîbrt de l'Architecture civile. Nous allons feulement offrir le plan de l'Eglife
avec la coupe fur la profondeur ; l'élévation du frontifpice a été gravée Planche XXXIV du deu- xième Volume, & nous l'avons propoféé alors, comme une application de l'ordre Corinthien à l'Architecture. En rendant compte , page 94 & fuivantes, de l'ordonnance de ce frontifpice, nous avons promis le plan que nous allons décrire. - ■■ ■ -, ■ i' * .
Defcription du Plan de l'Eglife de l'Abbaye
Royale de Saint-Louis^ à Met7v Planche LX.
Cette Eglife, comme nous venons de le remar-
quer, eil peu coniidérable, n'étant compofée que d'un porche A, d'une très-petite nef Β accom- . pagnée à droite & à gauche des deux bas-côtés C, du fanctuaire D, & du chœur Ε, derriere lequel eil placé le clocher, ainii qu'on le remarque dans la Planche fuivante. Autour de ce petit Temple, regne une gallerie F ? qui communique par G |
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d'Architecture. 413
dans les différents logements des Dames Chanoi-
neffes. Ces galleries autour de cette Eglife, font deilinées pour les proceiîions, & pour donner en- trée , d'une part, à l'appartement du Doyenné, dont partie eil indiquée par les lettres H, 1, K, L, & de l'autre à la facriftie, à la veitiaire & au logement du Sacriitin, marqué M, N, O, P, &c. Le Sanduaire a de diamètre quarante-deux
pieds , & il eil décoré d'un ordre Corinthien pilailre, couronné d'un entablement, iurmonté d'un attique; au-deiTus de cet attique, s'élève une coupole en calotte : le maître-autel, ifolé de toute part, eil à la Romaine, & fait parement du côté du chœur E, & du côté de la nef B. Dans chacun des bas-côtés de celle-ci, eil placé un autel pour les Meffes baffes : la nef, éclairée en lanterne, eil féparée du fanduaire, par une grillé haute a, & du chœur, par une grille baffe b, La montuoiité du terrein nous a donné la
liberté d'élever le fol du porche A de fix pieds, au- deffus de celui de la place de chambre, à l'une des extrémités de laquelle ce frontifpice eil iitué, & d'élever encore de neuf marches le fanduaire D du fol de la nefB; ce qui procure à ce petit Tem- ple cet air de majeilé que nous defirons qu'on obferve, autant qu'il eil poifible, dans toutes les efpeces d'édifices facrés : rien n'annonce tant , félon nous, ce caradere de dignité dont nous vou- lons parler, que ces marches & leur repos, pourvu qu'ils fe trouvent gradués avec intelligence, & que les corps d'Arçhitedure, qui décorent l'Eglife, les amènent naturellement & fans effort; c'eil pour- quoi il faut compofer fon plan & fa décoration, de maniere que tous ces objets concourent au bien général. |
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414 Cours
Au reite, nous le répétons, nous ne préfentons
pas ce projet à nos Elevés, comme un exem- ple à imiter abfolument, mais feulement, comme le compte que nous leur rendons de la maniere dont nous avons tiré parti des fujétions qui nous avoient été impofées; le vrai mérite de l'Archi- tecle confifle dans Tart de concilier les difficultés inféparables de toute composition, avec les pré- ceptes de la bonne Architecture ; ce qui ne fe peut néanmoins qu'avec beaucoup d'expérience, & qu'a- près avoir tenté, par des développements lans nombre & des détails infinis, toutes les différantes manières de paffer du bien au mieux. L'efcalier Q, eil celui qui monte fur les com-
bles pour l'entretien des couvertures ; celui 11 def- cend aux fouterreins pratiqués feulement fous le fanftuaire D, & deilinés pour la fépulture des Dames Chanoine/Tes de cette Abbaye Royale. Les lettres H, I, K, L, indiquent une partie des diffé- rentes pièces qui, comme nous venons de le re- marquer, compofent le Doyenné, dont le princi- pal appartement donne fur le Quai, & communi- que à la Maifon Abbatiale par une terraife exté- rieure de cinquante-quatre toifes de longueur. Cette terraffe eil terminée par deux pavillons en faillie, qui annoncent de l'autre côté de la rivière, fur la place de l'Intendance, & le logement de l'Abbeffe, & celui delà Doyenne; enfin, entre ces deux pavillons, font compris douze corps de logis particuliers,réunis fous une même façade, ôc occu- pés par douze Dames ChanoineiTes ; les autres lo- gements font diilribués en aîle fur la principale cour de cette Abbaye, & du côté des jardins communs. Tous ces bâtiments offrent un enfemble très-
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d'Architecture. 41?
eoiifidérable : nous en avons fait fix projets diffé-
rents , avant de nous arrêter à celui dont nous parlons. Nous en avions auffi compofé quatre fur le terrein des Dames de Sainte-Marie qu'occupent actuellement ces Dames, étant chargés, par notre Commiiîion à Metz, de choiiir, ou ce terrein, ou celui de Saint-Pierre ; la fituation de celui-ci nous ayant paru plus convenable, nous en rendîmes compte , & il fut préféré. Tous œs différents pro- jets que nous avons foin de conferver dans nos portefeuilles, prouvent aux Elevés auxquels nous les communiquons fouvent dans nos Leçons, com- bien il eil eifenciel de réfléchir fur fes opérations, & combien il eil utile de fe tranfporter fur les lieux, d'en étudier le local, de conférer avec les diffé- rentes Perfonnes intéreifées à ces monuments, de prendre connoifiance de la qualité des matériaux, du prix de la main-d'œuvre, du talent des Artiiles de la Province, de la capacité des Artifans; enfin de la fituation & de fexpofition la plus convena- ble pour diilribuer ces bâtiments, de maniere à faire un bel enfembJe, non-feulement confidéré en particulier, mais encore en offrant un afpeâ: intéreiTrfnt pour la Capitale, où fe trouvera élevé rédifîce pour lequel nous fommes appelés. Nous pouvons le dire ici, les premiers Pro-
jets que nous avons faits à Metz, réunifient, félon nous, le plus de beautés, le plus de gran- deur, & cette portion de génie que le lieu feul peut infpirer. Mais il en fut de ce Projet, comme de tous les Ouvrages importants ; il en fallut faire d'autres qui conciliafient Iqs befoins, & peut-être les fantaifies des Ordonnateurs; il fal- lut fe retrancher à une économie qui fait avor- ter les productions les mieux conçues, & qui |
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416 Cours feroient les plus capables d'honorer les Beaux-
Arts & la Nation : en forte que, pour fe ré- duire , il faut vaincre les obftacles les plus Tin- furmontables ; parce qu'en tout état de caufe, il faut enfin que le projet auquel on s'arrête ne foit jamais au-deffous de la réputation de l'Archite£le. Nous ne faifons ces réflexions que pour con- vaincre nos Elevés combien il eil indifpenfable pour eux de s'accoutumer à revenir plus d'une fois fur les mêmes comportions, & combien un travail infatigable eil néceifaire, pour tenter tous les moyens , en faiiiffant les principes de l'Art, de les affujétir aux. volontés des Propriétaires. Defcription de la Coupe de l'Eglife de
l'Abbaye Royale de Saint-Louis, à Met?. Planche LXI.
On verra, par cette Coupe, que cette Eglife
eil peu coniidérable; elle a de diamètre un pied de moins que celle des Dames de la Vifitation, rue & Porte Saint-Antoine, par François Man- fard ; fa hauteur eil auiîi moindre de fix* pieds, & elle n'a de largeur que quarante-deux pieds, & d'élévation douze toifes deux pieds : néan- moins ce monument ne laifTe pas d'avoir une grandeur fuiRfante pour l'édifice auquel il eil deiliné. Cette raifon nous la fait croire par-là plus propre à être offerte aux Elevés qui, n'é- tant pas deflinés à faire leur réiidence à Paris * n'ont pas fouvent occafion dans nos Provinces d'élever des Bâtiments de ce genre d'une beau- coup plus grande importance, puifque, dans cette Capitale même, l'Eglife que nous venons de citer ,
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d'Architecture. 417
citer, eil, à peu de choie près , de la même
diinenfion. Au relie, le parallele que nous fai~ fons ici n'a pouc objet que les rapports & non îa beauté de l'ordonnance, n'ayant point deiTein, de lutter contre François Manfard, à qui nous cédons avec raiibn tout l'honneur du triomphe. Mais nous faifons cette comparaifon, pour faire comprendre à nos jeunes Architectes que, lors- qu'ils le trouvent chargés d'un tel projet ou de tout autre, & qu'ils veulent perfectionner leurs productions, avant d'en entamer la compoiition, ils doivent fe rappeler les principales mefures des édifices qu'ils ont à traiter, d'après les exem- ples les plus célèbres; puifqu'autrement on les voit prefque toujours s'égarer, & donner à leurs projets une étendue démefurée , de maniere à ne plus connokre de bornes, & à fortir le plus fouvent de l'efprit de convenance, & des pré- ceptes que l'Art prefcrit : en forte que, dans les plus petites occ.afions, ils placent le gigantefque au-Jieu de la vraie grandeur; ils abufent de la. prodigalité de la Sculpture, parce qu'ils ignorent l'heureux effet de la iimplicité. Peut-être rrouvera-t-on lé Sanctuaire trop peu
éclairé ; mais qu'on fe rappelle que plus d'une fois nous avons déliré que nos Temples ne reçuiTent qu'une lumière tempérée ; ce qui, félon nous, s'ac- corde mieux, & avec les myileres, & avec le recœuiî- lement qu'il convient d'apporter dans les monu- ments facrés. D'ailleurs il faut obferver qu'indé- pendamment des quatre œuils de bœuf, placés dans la voûte pour l'éclairer, l'arcade de la Nef & celle du Chœur ne laiifent pas de jeter du jour iur le fol de ce Sanctuaire : à quoi il faut ajouter que les revêtiflements de ce dernier Tome III. D d, |
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4i8 Cours
devant être en iluc, qui doit imiter le marbre
blanc, & le blanc veiné, cette couleur naturel- lement tendre, lui procurerait encore une lu- mière de reflet, qui ajouterait à fa grandeur , reiîburce qui, jointe au bronze doré d'or moulu dont il ferait orné, néanmoins avec fobriété, lui procurerait un air de dignité & de richeffe, fans être obligé d'avoir recours à la profuiion des ornements, ni à une plus grande quantité d'ou- vertures, qui, lörfqu'on en abufe, donnent à ces édifices l'idée d'un falon d'habitation, δζ non d'un aûle facré. Plufieurs fois nous avons parlé de la néceffité
de fe rendre compte de l'affortiment des matiè- res, avant de déterminer l'enfemble de fon pro- jet : l'Eglife que nous décrivons donne un exem- ple de ce que nous avons avancé tant de fois. Par exemple, il eil certain que, il la décoration de ce Sanctuaire avoit du être revêtue de rnenui- ferie, ou de marbre antique, feint ou réel & de couleur foncée, il aurait fallu fuivre une autre marche dans fa difpoihion & dans fon ordon- nance intérieure. Il eil donc plus important qu'on ne s'imagine ordinairement , de déterminer le choix des matières qu'on doit employer, avant de parler à la bâtiffe, puifque les tons tendres ou rembrunis dont on a fait choix, doivent né- ceiTairement influer fur le genre de la décora- tion de l'édifice: accord général auquel on ne peut arriver que par une longue fuite d'expé- riences, & par une comparaifon continuelle des ouvrages célèbres, élevés par les grands Maîtres. Certainement lorfque nous les avons bien étudiés, le difcernement nous porte à imiter les beau- tés qui s'y trouvent répandues, & à nous éloi- |
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d'Architecture. 419
gner des inadvertences qui peuvent leur être
échapées. Nous n'avons point fait ufage de la peinture
dans la voûte de ce Sanctuaire. Non-feulement elle ne convient guère que dans les lieux fpa- cieux; mais aiîez généralement elle réuiïit mal, lorfque les revêtiiïements des murs que foutien- nent ces voûtes , font d'une matière blanche. D'ailleurs nous penions que la néceiîïté de con ■ frruire avec folidité une coupole, une voûte, une caiote, femble remplir imparfaitement cet objet, lorfque, fur leur furface intérieure, on repréfente des fujets aériens; au-îieu que des arcs doubieaux & des compartiments heureufe- ment diftribués, fembîentfe rapprocher davan- tage de la vraifiemblance, & décorer avec un intérêt égal les parties fupérieures de nos Tem- ples, & l'on peut même dire la plus grande partie des pièces de l'intérieur de nos appartements; de maniere que nous penfons que ii des raifons particulières déterminoient à préférer la Peinture à la Sculpture, on pourrait l'employer en gri~ faille dans les compartiments, ce qui fe rappro- cheroit davantage des lois de l'unité, & répan- droit un accord intérefTant dans l'enfemble, qui ordinairement fe trouve divifé par les fujets de Peinture, dont le ton du coloris s'accorde diffi- cilement avec celui des matières, qui ordinaire·" ment revêtent l'intérieur du monument. Au reile, nous le répétons, ce fentiment, qui
nous eil particulier, ne fait loi pour perfonne; nous n'en admirons pas moins les chefs-d'œuvre en ce genre, qui décorent la plus grande partie des édifices facrés de la France & de l'Italie ; mais nous penfons' qu'il convient d'ufer avec pru- D d ij
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420 Cours
dence de cette maniere de les embellir, que la.Pein-
ture ne fait pas également bien par-tout; que c'eft à la prudence de l'Ordonnateur à méditer quel fnc- cès il a droit d'en attendre pour la perfeäion de ion œuvre: il ne fuffit pas qu'une maniere de déco- rer ait été mife en œuvre par un grand Maître, pour qu'on puiffe l'employer indiitinÜement dans tous les genres de Bâtiments, fur-tout torique les revê- tiffements ne font point en marbre de couleur, mais en marbre blanc, en pierre de Liais , de Conflans, de Tonnerre, &c. Nous avons éclairé la Nef & le Chœur par
en haut, la difpofition des Bâtiments, qui entou- rent cette Rotonde, nous ayant déterminés à en ufer ainfi, indépendamment de ce que nous fem- mes fortement perfuadés, que cette lumière eft la plus convenable au genre d'édifice dont nous parlons. On remarque auiïi dans cette Coupe , quoiquen petit, la décoration intérieure de ce monument, & l'inégalité du fol obfervé entre celui du Sanêuaire, celui de la Nef, & celui du pavé où circule le Peuple : inégalité de loi qui, comme nous l'avons recommandée ailleurs, doit être obfervée autant qu'il eil poiîible. En effet, rien, félon nous, n'indique mieux le caraftere facré que cette gradation, qui annonce,^ dans un même lieu, des objets quij chacun féparé- ment, doivent fe préfenter avec plus ou moins de lupériorité, félon leur deitination particuliere. ; Nous terminerons ici nos Obfervations fur les édifices facrés, pour traiter dans le Chapitre fui- vant, de la décoration extérieure des façades en général. Nous commencerons par quelques Pa- lais de Rome; enfuite.nous en donnerons plufieurs exécutés à Paris, pat nos Architeaes François. |
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d'Architecture. 421
CHAPITRE VUL
■' ■......'■./■-
5OTr£ £>£ L'EXPERIENCE. DE L'ART.
Ou l'on rapporte diverses Façades
de Bâtiments exécutées a Rome par des Architectes d'Italie , et plusieurs f a cad es élevées a Paris par nos Architectes François, A
T"L JUGER des productions de FArchiteclure par la plupart des Palais & des belles Maifons d'ha-
bitation de Rome moderne , comparés avec le plus grand nombre de ceux qui décorent no- tre Capitale , & dont nous parlerons dans la fuite, on feroit tenté de croire que les Archi- tectes d'Italie & les nôtres , n'ont pas puifé les préceptes de FArt dans la même fource. Il eil vrai que le fite des lieux & la différence dansl la température de l'air, a pu apporter quelques diverfités dans l'ordonnance des édifices de l'Italie & de la France : mais cette variété dans le cli- mat aurait dû, ce femble , n'influer que fur Femploi des matières, fur la difpofition des Bâ- timents, fur la maniere de les couvrir, fur la plus ou moins grande quantité de leurs ouver- tures; enfin fur la difFérente largeur & hauteur de ces dernières : toutes les autres parties de là décoration, telles que l'application dos Ordres^ les ornements quils amènent fur la fcêne, la D d iij
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411 .,. . C OU R S
forme des portes & des croifées, la diitribution
des avant-corps , la relation de ceux-ci avec Tétendiie du Bâtiment, les repos qu'il convient d'obferver entre chaque membre ; en un mot les rapports qu'il faut obferver entre toutes les par- ties de l'édifice, tous ces objets devraient être les mêmes dans les unes & dans les autres pro- ductions; puifque les préceptes font un, univer- Îeis, & qu'ils nous viennent des Grecs, où l'une Jfc l'autre Nation ont également puifé les règles de l'Art. Quel vafte champ de contradictions néanmoins s'offriroit à nous, ii nous voulions rapporter les moyens dont le font fervi la plu- part des Architectes Italiens pour s'en écarter, fans autre objet déterminé que celui de créer des chimères à leur gré J Ce que nous avançons eil d'autant plus in-
croyable , que l'Italie a eu (es Bramantes, comme la France a eu (es Manfards, dont les chefs-d'œuvre ont été applaudis, & le font encore de la part des vrais Connoiffeurs. Mais abaif- fons, s'il fe peut, un voile impénétrable fur les inconféquences du plus grand nombre de leurs Bâtiments <& des nôtres, qui, malgré leur imper- fection, fe font attiré les regards de la multitude. Contentons-nous de donner quelques exemples pour faire fentir à nos Elevés la néceffité d'é- viter de pareils écarts, & combien il leur effc eiTenciel d'imiter les excellents modèles, s'ils veu- lent atteindre un jour à une certaine célébrité. An refte, il en faut convenir, l'Efpagne, l'Al- lemagne, les Peuples du Nord, qui ont cru imi- ter les productions de l'Antiquité, s'en font en- core beaucoup plus éloignés. Quelle fingularité ne remarque-t-on pas dans la plupart des déco- |
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d'Architecture. 423
rations de leurs monuments ? A l'exception de
quelques édifices pour îèfqiiels ces Nations ont- appelé des Architectes célèbres de la France ou de l'Italie, on n'aperçoit guère dans leurs Bâtiments que des membres d'Architecture incorrects, que de la bifarrerie dans les formes, & de la confuiion dans les ornements. L'Angleterre , nous oions l'avouer, eil peut-être la feule qui ait fuivi de plus près le bon genre des Anciens : moins jaloux de créer du neuf, que d'imiter les excellentes productions des Grecs, & les beaux monuments de l'ancienne Rome, les Anglois fe font garantis de cet efprit national qui a gagné toutes les Cours; quelle différence en effet entre le Vitruve Britanni- que & le Vitruve Danois! Pour faire fentir jufques où l'on peut s'égarer,
lorfqu'on ne confulte que le goût de fa Nation, qu'on ne fuit que fes idées, & qu'on perd de vue le bon genre, nous avions deiTein de rap- porter, dans ce Volume, divers exemples de toutes ces différentes productions ; mais nous avons réfléchi que cette difcuiiion nous mene- roit trop loin. D'ailleurs ge parallele nous a paru plus du reffort d'un Recœùil particulier, que d'un Cours d'Architecture ; nous réfervons cette efpèce de Collection pour l'Ouvrage que nous nous pro- pofons de donner , lorfque nous nous ferons acquîtes entièrement de notre tâche; rien n'é- tant , félon nous, plus propre à nous guérir de nos propres écarts, que d'examiner ceux des autres Peuples où l'Architecture eft cultivée. Nous allons rapporter feulement, dans ce Chapitre , quelques Façades des Palais de R.ome, & quel- ques-unes des principaux Hôtels qui ornent cetre Capitale. Nous prendrons occaiion den donne? Dd iv
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424 Cours
quelques-unes de notre compontion dans le
Volume fuivant, après avoir, parlé de la diitri- bution en général. Façade du Palais du Cardinal d'Eß^ élevée
fur les Dejjlns de Jacques de la Porte. Planche LXIL
Nous venons de remarquer que la différence
du climat influoit fur le goût de l'Architecjture. Les chaleurs exceffives qu'on éprouve à Rome, ont forcé les Architectes à faire ufage de grands trumeaux & de donner peu d'ouverture aux croifées. Cette coniidération une fois fentie, nous aurions mauvaife grâce de revenir ici fur cet objet de nécefïité : de même le reproche que les'Architectes Romains pouroient nous faire, de trop Multiplier les croifées dans nos Façades, feroit peu fondé; il fuffit d'obferver feulement qu'a Rome comme à Paris, il convient d*éviter également ces deux fjjxcès. Notre deffein n'en: donc pas d'examiner, dans cette Planche, la lar- geur des trumeaux, ni la diihincé afTez coniidé- rable qui fe remarque entre le linteau d'une croifée, & l'appui de celle qui lui eit iiipérieure; nos obfervations porteront feulement fur la limé- trie, fur les rapports & fur les proportions des- membres d'Architecture, qui décorent cette Façade ·& les fui vantes. , ' VraiiTembiabîement la diilribution intérieure de
ce Palais, n'a pas permis à Jacques de la Porte
d'en placer l'entrée dans le milieu de fa Façade.
"Nous avons plus d'un édifice en France, où. an-
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d'Architecture. 42.5
ciennement nos Architectes n'étoient guère plus!
fcrupuleux. Cependant, à l'exemple de ceux: d'Italie, nos principaux corps de logis donnoient fur la rue, ce qui alors procuroit une beaucoup plus belle décoration à la Capitale: au-lieu qu'au- jourd'hui nos beaux Hôtels fe trouvent finies entre cour & jardin, ainii que nous l'obferverons en fon lieu. Au reite la difpofition de cette porte n'eft pas la feule irrégularité qu'on remarque dans cette Façade; les deux derniers trumeaux font beaucoup plus grands que ceux du milieu; ce qui donne à connoître que la commodité des dedans a gêné l'Arcliiteéte, & qu'il a négligé les dehors. Cette irrégularité n'eit guère excufable que dans des Bâtiments particuliers ; mais elle ne fe peut fupporter dans les Façades des Palais d'une certaine importance. Les croifées du rez de chauffée pa- roiffent courtes, quoiqu'elles foient au-deffus de plus petites ouvertures, deftinées fans doute à éclai- rer les fouterreins: celles du premier étage, cou- ronnées alternativement de frontons triangulaires , & de frontons circulaires, préfentent autant de maiTes pefantes qui femblent fe contredire avec les reiiauts de leurs corniches', & les confoles qui font retour fur le nu du mur : celles du deuxième étage font d'un autre genre; mais nous ne con- feiîlerions pas d'en imiter les croffetes, les fron- tons circulaires, ni les tètes placées dans leurs tympans, lors même que ces dernières feroient parrié*-dii Blâfon du Propriétaire ; cet ornement répété eft de mauvais goût, & n'offre que de petits objets, qui ne peuvent figurer avec la grandeur de l'édifice. Enfin les mezanines, qui fe remarquent au-deffus du deuxième étage, ôtent à "cette Façade la'dignité qu'elle auroit pu acquérir ■-..■ .'■■ " A
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426 Cours
fans ce fupplément. Nous croyons encore que-
les piédeftaux continus, qui régnent fous les deux rangs de croifées du premier & du deuxième étage, paroiffent être foutenus en l'air, par la maigreur des plinthes qui les reçoivent, auffi- bien que celles qui féparent l'attique d'avec l*é- tage de deffous. D'ailleurs l'entablement de ce couronnement nous paroît foible ; les corps bof- fagés des extrémités de cette Façade ont le même défaut, & s'allient mal avec les parties liffes & peut-être trop vagues qui régnent clans les nus de cette ordonnance. Enfin nous remarquerons que 'la baie de la porte paroît considérable, compa- rée avec la petiteffe des colonnes engagées, pla- cées à côté de fon chambranle. On peut conve- nir néanmoins que , malgré ces remarques, il regne une certaine idée de grandeur dans cette décoration, grandeur qu'on rencontre rarement dans nos productions Françoifes , ainii que nous aurons occafion de le remarquer ailleurs. Façade du Palais aAfli y élevée Jur les DeJJins
de Jean-Antoine Roßi, , Ρ L AN CHE L XI II.
CetteF açade eft d'un beaucoup meilleur genre
que la précédente; les vides nous paroiffent plus en rapport avec les pleins ; les efpaces font moins grands: il regne dans les profils & dans „les or- nements un certain goût qui intéreffe ; mais nous n'eitimons pas les efpèces de pilailres placés à fes deux extrémités : non-feulement ils nous pa- roiffent trop maigres, mais nous les aurions defirés liffes, ce qui fe feroit accordé avec les nus ou |
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d'Architecture, 427
repos qui régnent dans cette décoration* Nous
blâmons encore les' croiiees attiques qui cou- pent l'architrave & la frife de l'entablement, ainii que celles placées au-defïus de la croifée du milieu du premier étage. De toutes les ouver- tures de cette Façade, celles du rez de chauffée nous plaifent le moins; elles ont un caracfeue de pefanteur qui ne s'accorde guère avec les percés de deiîus. L'Architecle a cru fans doute pouvoir employer ce caractère, parce qu'il a regardé cet étage comme un foubaffement ; mais il devoit faire attention que le vrai moyen de défigner un tel étage, c'en: de préférer un genre fimple à une expreiïion Tofcane, qui ne convient point par-tout. D'ailleurs il nous paroît que les mem- bres répandus dans le foubafTement, doivent être d'autant moins ruitiques, qu'étant vus de près^ ils paroiffent encore plus lourds, & par-là nuifent effenciellement à l'accord qu'ils doivent avoir avec le genre de l'ordonnance. Nous penfons à peu-près de même que dans
la Planche précédente, à l'égard des appuis con- tinus des croifées; peut-être aurions-nous préféré un focle aux piédeilaux qui fe remarquent ici ; nous aurions fait les corniches un peu plus mâ- les , ou du-moins nous les aurions accompagnées d'un gorgerirî & d'un ailragale, comme dans la corniche du premier étage des extrémités de cette Façade. Nous aurions auffi. fupprimé Fattique qui lui fert de couronnement ; il paroît petit comparé avec la maffe entière. Nous en ferions autant du gros cartel, placé fur le fronton de la eroifée du milieu, ainfi que du piédroit qui occupe la travée de la baluitrade placée au-deiîus de la porte d'entrée. Nous aurions auffi deiiré à cette |
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428 Cours
porte un chambranle plus iimple & moins go-
thique. Peut-être enfin n'imiterionsnous pas les frontons qui couronnent les croifées du deuxième étage, ni le fupport de ceux placés au-deiïbus des croifées du premier. Au* relie leur forme pittorefque décèle l'homme de goût, plus habile Peintre à la vérité qu'Architecte confommé ; mais l'entablement de couronnement a un air de gran- deur qui plaît; nous y defirerions néanmoins un peu plus d'élévation. Qu'on ne s'y trompe pas, nous avons fait deffiner
les changements que nous propofons ici, ainfi que ceux propofés dans les autres Planches que contient ce Chapitre; & nous afîiirons qu'ils produifent le meilleur effet. Nous n'avons pas cru néanmoins devoir les offrir dans ce Volume, dans la crainte de multiplier les Planches ; mais nous engageons ceux de nos Elevés, qui doivent copier long- temps avant de paifer à la tompoûtion, d'effayer à traduire les obfervations que nous propofons, non pour faire la cenfure de ces différentes pro- ductions, mais pour s'accoutumer à réfléchir fur les ouvrages des grands Maîtres, ce qui les met- tra un jour en état de perfectionner les leurs. Façade du Palais du Duc Mattéi, élevée
fur les DeJJins de Charles Mademe. fl an c HE LXI V*
Quoique Charles Maderne ait paiTé pour un
'des habiles Architectes de fon temps (a), & qu'il |
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<· (a) Cet Architede étoit du Comte de Corne y il eft meut
à Rome, en 1619. |
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d'Architecture. ^i<)
ait été employé à la célèbre Fabrique de Saint- Pierre fous le Pontificat de Clement VIII ; nous fommes bien éloignés d'approuver le genre d'Ar- chitecfure de cette Façade, non-plus que pluiieurs autres de ce même Architecte, faîfant partie d'un Recœuil affez intéreiTant, mis au jour par Jacques de Roffi, contenant les Palais de Rome. C'eit. de ce Recœuil que nous avons tiré les deux Deiîins précé- dents^ celui qui va fuivre.Nous ne pouvons rappor- ter tous les autres ouvrages qui'y font contenus, tels que les Façades des Palais élevés par Jean & Dominique Fontana, par François Boromini, par Octave Mafcherini, Antoine de San-Gallo , Bal- tazar de Sienne, Jean-Baptiite Crefcenzi, Jérôme Reinaldi, &c. Toutes leurs comportions font à peu-près dans le genre de celles que nous rap- portons; &, comme nous l'avons dit plus haut., nous ne faifons ces remarques que pour mieux faire connokre à nos Elevés les différents gen- res d'Architeclure, afin que par-là ils évitent toute efpèce de maniere. Les productions de i'Archi- teäure en général doivent être belles dans tous les pays & dans tous les temps, & ne différer que relativement au climat & à la diverfné des matières, fans pour cela qu'il foit befoin de chan- ger les proportions les plus approuvées, les for- mes le plus univerfellement reçues, & le véritable caractère qu'il convient de donner à chaque genre d'édifice. La Façade dont nous parlons efl aiTez iimé-
trique dans fes parties; mais ne peut-on pas dire que cette même fimét rie devient monotone ? D'ail- leurs onze croifées de face , fans aucun avant- corps , femblent une Simplicité arfeûée & peu convenable pour annoncer la décoration extér |
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430 Cours
rieure d'un Palais. Peut-être abuibns-nous trop
des reiiauts dans nos Bâtiments; mais ne doit-on pas convenir auiîi que cette continuité liiïe, pouiTée à l'excès, ne préiénte plus qu'une compoiition froide & dépourvue des mouvements que les grâces de l'art autorisent dans certaines occaiions ? Quel efpace confidérable, par exemple , ne re- niarque-t-on pas entre le ibmmier des croifées du premier étage & l'appui de celles du fécond ? Cette grande hauteur, dira-t*on, eil deltinée dans les dedans à contenir les voûtes qui terminent les pièces intérieures. Cela peut être: mais à quoi fervent les reiiburces de l'Architecture ? avec combien de génie Manfard, & pluiieurs de nos Maîtres François, n'ont-ils pas furmonté la diffi- culté d'accorder l'extérieur avec l'intérieur de nos Bâtiments, foit en employant dans les dehors de grandes ouvertures feintes qui en contenoient de plus petites réelles, afforties au genre de l'édifice ; foit en fàifant ufage des niches quarrées, ou en don- nant une plus grande élévation à leur entablement ? Mais , diiént quelques-uns , tous ces di- vers membres n'empêchent pas la petiteffe des vides , & la grandeur des pleins. Non fans doute; mais ils divifent ceux-ci, ils rempliffent les efpaces, ils foutiennent le ffcyle, cara&érifent le genre, & empêchent enfin la défunion que de trop grands intervalles procurent à l'ordonnance. Nous lavons bien que quelques Architectes apè- lent ces intervalles des repos dans l'Architeclure : nous favons cela ; mais nous, fur-tout lorsqu'ils font outrés comme dans cette Planche, nous les appelons des difTonances, des difparités, des nus qui choquent la vraiflembiance & qui nuifent à l'unité j unité de tous les préceptes le plus çtten- |
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d'architecture. 4j ι
ciel à obferver, principalement loriqu'il s'agit de
la décoration des édifices de l'efpece de celui dont nous parlons. Palladio, dit-on tous les jours, a obfervé ce-
pendant plus qu'aucun autre Architecte, ces repos, Ces intervalles que nous iemblons condamner. Cela lui eft arrivé quelquefois, à la vérité ; auiïi n'eii-ce pas dans cette partie que nous voudrions l'imiter. Quelle différence d'ailleurs entre {qs pro- ductions & celles dont il eft ici quefHon! Il a preique toujours donné du mouvement à fes Fa- çades ; & elles font la plupart très-ornées : il en- tendoit fupérïeurement les formes pyramidales; il profîloit affez pertinemment ; il accompagnoit {es édifices d'avant-fcênes toujours intéreiîantes ; &, s'il eût fu donner plus de grandeur à la plupart de fes ouvertures, & obferver plus de févérité entre le rapport que doit avoir leur largeur avec leur hauteur, certainement il feroit celui des Architectes d'Italie qui mériteroit le plus d'être imité parmi nous. Mais les Enthoufiaites de cet Architecte célèbre, n'en retiennent que ce qu'il feroit à deiirer qu'on évitât d'introduire dans no- tre maniere de bâtir : d'où il arrive fouvent qu'au- lieu de parvenir à une certaine iimplicité, tou- jours deiirable, on fait des comportions, ou tout- à-fait pauvres, ou d'une richeÎTe extravagante, qui éloignent également de l'idée qu'on doit fe former de la belle Architecture. Paflbns à préfent à l'une des productions du
Cavalier Bernin, par laquelle nous finirons nos Remarques fur les Façades des Palai« d'Italie. |
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Façade du Palais Chigi, élevée fur les Dtfftns
du Cavalier Jean-Laurent Bemin. Planche LXV.
La Façade de ce Palais ( b ) non-feulement eil
très-réguliere ; mais les maiTes font d'une belle proportion, & la plus grande partie des détails en eu: heureufe. Un grand Ordre, élevé fur un efpèce de foubaiTement, détermine fon ordon- nance. Cet Ordre eil couronné d'un entablement porté au quart, & dont la frife eil ornée de con- îbles folkaires au-deiîiîs des croifées, & de con- foies accouplées à plomb de chaque pilailre. Cet entablement compofé a pu fe permettre ici,FOr- dre étant lui-même d'une compolition qui ne tient, ni du Corinthien, ni du Compoiite proprement dit; mais il faut lavoir que de telles compoii- tions ne peuvent guère trouver place que dans les édifices publics, & rarement dans les Bâti- ments d'habitation, parce qu'ils acquièrent alors une capacité qui ne figure ordinairement ni avec l'Ordre, ni avec la grandeur de l'Archite&ure des Façades. Les chambranles des croifées du deu- xième étage d'une forme pittorefque, ne doivent, félon nous, jamais être imités: ceux du premier font d'un genre plus antique ; mais nous ne con- feillerons jamais l'ufage des petites colonnes que ibutiennent les frontons triangulaires dont elles |
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(£) La Façade de ce Palais eft du Bernin, les Plans ont été
donnés par Charles Maderne dont on vient de parler dans la Planche précédente. font
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d'Architecture. 43$
font couronnées; la petiteiTe de leur module né
peut guère aller avec celui des grands pilailres : nous préférons, à beaucoup d'égards, cdux des arriere-corps de cette Façade; la iupprelïion du petit Ordre femble les rendre plus conformes au iiyle de l'ordonnance. Nous penfons de même à l'égard de celle qui fe trouve au-deiTus de la porte de ce Palais, dont les doubles colonnes & le fronton oui la couronne, Cemhlent donner l'idée de l'Archite&ure don tabernacle, lorfqu'on vient à la comparer avec la hauteur du grand Ordre. D'ailleurs la pefanteur de l'écuiTon qui la termine, contribue encore à rendre cette ouverture & (es accompagnements d'une petiteiTe extrême. Les croifées du rez-dc-chauffée nous paroiiTent cour- tes, quoique d'un 0en*in d'aflèz bon goût. Ce racourciiTement eil occaiionné fans doute par les - ouvertures qui fe trouvent deiTous, & qui font introduites ici, comme dans la Planche précé- dente , pour éclairer les fouterreins. Cet objet de néceilïté ne doii pas néanmoins difpenfer le Décorateur d'étudier chaque partie de fes Fa- çades , de maniere à fondre ii bien enfemble les chofes d'ufage & les procédés de l'Art, qu'aucune des parties n'en paroiiTe altérée. La porte d'en- trée de ce Palais eii ornée de deux colonnes, qui tiennent du Dorique & du Tofcan; la proportion en eil aifez belle; mais fon ordonnance n'eil-elle pas un peu iimple, comparée avec la richeiTe de la croifée qui fe trouve au-deiTus? D'ailleurs la différence des diamètres des colonnes ne les fait- elle pas paroitre difparates entr'elles, fur-tout ïorfqa'on vient à les examiner avec ce grand Ordre piîailre qui regne dans le premier étage? Nous n'ignorons pas que beaucoup d'Arche Tomt III. E e |
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434 Cours
te&es, célèbres, anciens & modernes, ont em*»
ployé des Ordres de diamètres différents dans leurs productions ; mais nous avons peine à nous perfuader que cette opinion foit bonne à fuivre : perfonne ne fait plus de cas que nous des Ordres d'Architecture ; mais plus cette décoration nous fatisfait, & moins nous voudrions en abufer dans l'ordonnance de nos Façades. Il eif d'autres moyens de parvenir à faire de belles croiiées, fans les orner de petites colonnes ; nous venons de le remarquer plus haut, en décrivant la Fa- çade dont nous parlons. Nous aurions peut-être aufil fuprimé les colonnes de la porte d'entrée, parce qu'elles fe trouveut comprifçs dans un étage en fouoaiTement , & parce que leur diamètre, ainfi qu'il a déjà été dit, difpute aiTez considé- rablement de groiTeur avec celui des colonnes placées aux croifées. Au reite, ces obfervations ne détruifent point
le caractère de grandeur qui règne dans cette production. Il eft même aifé de s'apercevoir que c'eft l'ouvrage d'un grand homme, cfui d'ailleurs étoit auffi excellent Peintre & Sculpteur que bon Architecte; mais peut-être eût-il bien fait de refter en Italie, où il étoit regardé comme le Michel-Ange de fon temps : tranfporté à Paris , il paroît y avoir perdu plus d'une de fes couronnes » à en juger par les Deifins qu'il donna du Louvre, bien inférieurs à ceux de Claude Perrault, dont la production eft devenue l'un des chefs-d'œuvre de notre Architecture Françoife. Nous allons donner dans la Planche fuivante,
Tune des Façades du Bernin, qui devoit s'exécuter pour ce Palais, du côté de Saint Germain-ΓΑιι- »çrroisi CQOipQUtionj qui pçut être» ne prou- |
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d'Architecture, 43|
Vera que trop ce que nous venons d'avancer à ion égard ; mais il n'eft pas indifférent de la faire connoître à nos Elevés , pour leur faire fentir, que loin de s'attacher à un feul genre national $ l'Univers doit être la patrie d'un grand Artiite 'f que par-tout il doit faire preuve de (es talents-, & chercher à lier le véritable goût de l'Art avec les différents beibins âes peuples policés , qui l'appellent chez eux pour de vaftes entreprîtes. Façade du vieux Louvre, telle qu'elle devoit
être exécutée du côté de Saint Germain-l'Au?
χerrois} furies DeJJins du Chevalier Bernin9
avant que les Projets de Claude Perrault
fuffent acceptés.
Planche L3ÊVI.
La Planche qui fe voit ici, nous difpenfe dW-
trer dans un certain détail. Que pourrions-nous dire en effet, que les Elevés, même les moins înitruits, ne foient en état de démêler pour ce qui regarde l'Ordonnance de cette Façade } comment ne pas s'apercevoir de la petiteffe des croifées, de la grandeur giganrefque de l'Ordre, de l'inégalité de Feipacement des colonnes, de la pefanteur que procurent à l'entablement les conioles diffri- buées dans fa frife, du peu de rapport de la ba- luitrade avec ce même entablement, du raccour- ciffement du foubaiTement, de la mauvaife pro- portion des trois Portes plein-cintre qui 'fer- vent d'entrée à ce Palais, de fennuyeufe répé- tition des petits frontons circulaires , fervanl de couronnement aux croifées du premier étage, E e ij
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'436 Cours
& des frontons triangulaires, qui font portés fur
celles du deuxième étage : enfin de la diftance im- menfe obfervée entre ces deux rangs d'ouvertures r Nous en appelons à tout Artiite impartial ; quelle différence entre cette compolition, & celle que Perrault à élevée ! Ces productions font cependant de deux graads Maîtres ; Perrault à la vérité n'auroit peut-être pas produit ce chef-d'œuvre en Italie; mais forcé à Rome de fe foumettre à de pentes ouvertures & à de grands eipaces, il au- roit du moins aiTorti le module de fon Ordre, & les principaux membres de ion Architecture , à l'ufage interieur de l'Edifice; &: c'eil ce qu'auroit dû faire le Bernin à Paris : c'eût été même la ré- flexion que tout homme éclairé auroit dû faire, il de cette Capitale, il eût été appelé à Madrid , à Vienne, à Saint-Pétersbourg; il auroit com- mencé par faifir le local, par s'informer de l'u- fage du pays ; enfuité il auroit cherché à conci- lier les règles de fon Art avec le goût national, & par-là il feroit parvenu à. créer un genre, qui, iâns trop s'éloigner des préceptes reçus , auroit infeniiblement amené la Nation, qui auroit eu recours à {qs talents, à produire un genre d'Ar- chitecture plus véritablement régulier; perfuadé qu'il aurait été, que les loix de l'Art de bâtir font par - tout les mêmes , c'eft-à-dire , de fe mettre à l'abri des intempéries de l'air, de fe pro- curer les commodités néceifaires à la vie , de conftruire des Edifices falubres & durables; Se qifainfi l'ordonnance des Bâtiments ne doit guère différer que. par la diverfité des matières qu'on em- ploie , & fuivant la différence des climats où l'on élevé des Edifices importants. ]La ccnunuauon du Lquvre, qui a donné oc- |
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d'Architecture. . 437
canon fous Louis XIV d'appeler, en IÓ65 , le
Bernin d'Italie en France » pour donner les Def- iins de ce Palais, a exeité l'émulation des plus célèbres de nos Architectes ; le Mercier, le Veau d'Orbay, Marot, enfin Perrault, tentés d'acqué- rir de nouveaux lauriers , fe rappelèrent que fous Henri II on avoit fait auiïi venir d'Italie Serlio, pour commencer cet Edifice., & que ce fut un Archite&e François , Pierre Lefcot , qui fut préféré; ils difputerent la palme au Bernin. De tous les Projets faits par ces Archiie&es, ce- lui" de Perrault, connu de tous les Savants en Architecture , a été exécuté. Rapportons feule- ment ici celui de Marot, Architecte & Graveur célèbre, non-feulement, parce que fon Archi- tecture eil affez pure ; mais parce hue fes pro- ductions font peu connues parmTlnoiis , & qu'il mérite néanmoins de tenir un rang diilingné dans la claiïe des Architectes illuilres de la France. Elévation d'une des principales Façades du
vieux Louvre, projetée pour le côté de Saint" Germain-ΐAuxerrois, par J, Marot, Ar- chitecte & Graveur. Planche LXVII.
Cette Façade de Jean Marot (c) eil d'un genre
hien différent de la précédente , & prouve en |
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(à) C'ëft à cet Architecte qu'on doit le commencement du
Recoeu.il, intitulé ï Architetture Françoife, connue encore au-; jourd'hui fous le nom de Grand 6* de petit Maroc, parce que E e iij
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438 Cours
quelque forte combien les Architectes en général,
s'accordent peu fur les préceptes de leur Art, Comment fe peut-il en effet, que tous ayant puifé les règles dans la même fource, il refaite autant de différence dans des composions def- tinées à la décoration d'un même Edifice ? Nous croyons que ii l'on s'attachoit davantage à faiiir le caractère propre à chacun , ainfi que nous avons effayé de l'indiquer dans le fixieme Cha- pitre & les fuivants, du deuxième Volume de ce Cours, il en réfulteroit qu'on fe permettrons moins de faire à fon gré une Architecture co- loffale , ou une Architecture naine > fans autre raîfon déterminée, que de faire preuve de fon indépendance. Notre intention n'efî pas de faire tomber cette
réflexion fur la production de Marot en parti- culier : fon Architedure eft petite fans doute ; mais il a cherché à proportionner ion module aux Ordres de la Cour de ce Palais, précédem- ment élevé par Pierre Lefcot." Il nappartenoit guère qu'à Perrault d'ofer rifquer une grande Ar- chitecture dans les dehors , & il y a féiiflî, pen« dant que le Bernin ne Ta fait que moitié gigan- |
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les Planches font imprimées fous deux formats /l'un in-folio ,
l'autre petit i/z-40. Nous avons continué ce Recœuil jufqu'a. 8 Volumes, pour M. Mariette, après la mort duquel M. Jombert nous invita de donner la defeription des principaux édifices qui y font contenus, ainfi que nous l'avons déjà die ailleurs. Jean Marot qui vivoit à la fin du dernier iiécle, a été TAr-
chiteéte du portail des Feuillantines fauxbourg Sainr Jacques s & celui de l'hôtel de Mortemart, rue Saint Guillaume faux-? bourg Saint-Cermain ; nous croyons ne pouvoir mieux faire cpnnoître les talenrs de cet habile homme, qu'en donnant dans cçuç Planche un des projets qu'il avoit faits pour le Couvre, / |
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d'Architecture. 439
tefqtie & moitié naine. En confidérant donc la
Façade de Marot fous le point de vue qui la lui a fait imaginer, Ton s'apercevra aifément que ion objet a été d'imiter les reflauts , les petits avant-corps, la forme des croifées, les niches Se la majeure partie des combles de l'intérieur de la Cour du Louvre ; mais du moins que dans cette compoiition imitative, il a Îupprimé la plus grande partie des corps horifontaux ; qu'il a rapproché hs efpaces ; que fes attiques font d'une propor- tion plus henreufe, & qu'en général, il regne un accord plus intéreffant dans toute fon Or- donnance : enforte que s'il eût rendu fon Dôme moins écrafé, & qu'il eût'fait fa lanterne moins confidérable , cette élévation pourroit paiier pour une des productions Françoifes, qui approchent le plus près de celles des Manfards. Nous ne conseillerions pas néanmoins d'imiter au-
jourd'hui ce genre d'Ordonnance, ne pouvant nous empêcher de convenir, que la petiteffe des Ordres qui y préfident, n'offre rien qui puiffe annoncer la demeure d'un Souverain. Nous penfons de même à l'égard des très-grands Ordres qu'on affe&e d'y introduire à préfent, & qui , ièlon nous, ne conviennent guère qu'aux Monuments facrés , & dans les places publiques : chaque édifice , encore une fois , devant par le fiyle de fon Architecture , annoncer la fin qui le fait élever. Nous ne relèverons pas les autres „inadver-
tances qu'on pourroit remarquer dans la Façade de Marot, elles font à peu-près les mêmes que celles que nous avons obfervées dans les Bâti- ments précédents : cette répétition ne pourroit que rebuter la plupart des Leâeurs éclairés, & E e iv
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440 Cours
il n'eft pas mal de les laiffer découvrir a ceux
qui font moins avancés, afin qu'ils s'habituent à examiner quels objets ils doivent imiter ou re~ cufer, dans les diverfes compofitions qui leur font offertes dans ces Leçons. Cette compofition Françoife , que la fuite des
Façades des Bâtiments d'Italie a· amenée naturelle- ment ici, va nous donner occanon , dans ce même Chapitre, d'en rapporter pîufieurs , qui font partie des Edifices élevés à Paris / ou dans les environs : comparées avec celles que nous venons de décrire, elles porteront fans doute nos Elèves à éviter les défauts que nous avons eu occaiion de relever dans ces différentes productions* Façade du Château de Vaux-le-Vicomte ,
du côté de la Cour\ élevée fur les DeJJins de Louis le Veau, j _ Planche LXVIII.
Nous avons déjà .eu occafion de parler avan-
tageufement de cet Architecte François, qui n'a guère eu de véritable rival , que Claude Per- rault, quoique dans un autre genre. Nous donnons ici l'une des Façades du Château de Vaux-le- Vicomte (d), préférablement à toutes les autres (d) Ce Château , bâti avec beaucoup de magnificence en
1653, apartenoit à M. ïouquet , lors de fa Surintendance. Perionne n'ignore les beautés répandues dans les jardins de cette belle Maifon de pîaifance , plantés fur les cleiîins du cé- lèbre le Notre, & où fe remarquoic un Canal de 500 toife? de longueur, fur 10 de largeur, terminé par une grotte conf- truite en grais Λ ornée de niches & de termes d'un deifin du meilleur genre. |
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d'Architecture. 441
que cet habile Maître a fait ériger en France >
non - feulement parce que cet Edifice a eu une grande réputation ; mais auiïi parce qu'il eil compofé dans fon Ordonnance de deux Ordres d'Architecture de diamètres différents ; & nous fairirTons cette occafion de faire remarquer, com- bien il eft dangereux d'imiter de telles produc- tions , malgré l'autorité de plufieurs Architectes aiTez célèbres. Nous avons déjà fait cette ob- fervation, en parlant du Frontifpice du Collège des quatre Nations , élevé fur les Deifins de François d'Orbay , Eleve de Louis le Veau , qu'il a fuivi d'affez près dans toutes les com- ponctions. Qu'on remonte aux préceptes de l'Art ; que l'on
confulte l'efprit de convenance ; qu'on fe rappelle les loix de l'unité , enfin l'accord général qui doit régner entre les maifes de Γ Edifice & îes principales parties; & d'après ces règles fonda- mentales , qu'on diicute ii de tels exemples doi- vent fer vir de modele aux jeunes Architectes. Répétons ce que nous avons déjà dit plus
d'une fois à cet égard ; les Eléments de l'Art une fois acquis, les préceptes ne nous enfeignent-ils pas à choifir le caractère le plus convenable au genre de l'Edifice ? Or certainement le ca- radere confilte dans le ityle le plus analogue au motif qui le fait élever. Qu'on y réfîechiiTe *, quel efi: le motif qui porte le Propriétaire opulent à élever dans l'une *de fes terres, un Château pour y faire fa réiidence pendant l'arriére faifon ? C'eil ordinairement pour y trouver au midi des apparte- ments de fociété à rez-de-chauiTée, & des ap- partements d'habitation au premier étage : les premiers près du plain pied des promenades > les |
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442. Cours
féconds pratiqués au-deiïus pour plus de falubrité.
D'après cette idée, deux étages de proportion régulière , conviennent aiïez pour établir l'Or- donnance extérieure de leur décoration ; pour- quoi alors imaginer d'introduire dans la même Façade, deux genres d'Architeiture? la partie du milieu occupée par un Ordre à chaque étage, & les extrémités par un grand Ordre qui les em- braife tous deux. Cette variété, ou plutôt cette incertitude, ne femble-t-elle pas bleffer les lois de la convenance, qui exige que le genre une fois déterminé par l'efpece de Bâtiment, fok con- tinué tel dans toute fon étendue ? autrement que devient l'unité ? Que penfer en effet d'une Fa- çade d'environ 36 toifes , dont l'ordonnance eil coloifale dans les deux tiers, & l'autre divifée par deux Ordres d'un diamètre beaucoup plus petit, & qui paroît d'autant plus chétif encore , que la comparaifon qu'on en fait avec le grand, fert pour ainii-dire, à f anéantir: d'ailleurs , pour- quoi l'un de ces deux petits Ordres eft-il foîide, & l'autre délicat , puifque les grands pilaftres font d'Ordre Corinthien ? 11e fembloit-il pas con- venable que les deux petits Ordres le fuifent auiïi? Ou nous nous trompons fort, ou cette difparité dans les diamètres & dans rexpreiîion des Ordres, eil un obilacle à l'accord général qui doit préii- der dans l'ordonnance d'un Bâtiment. Nous fommes ii perfuadé de ce que nous avan-
çons, que nous croyons que Louis le Veau l'a fenti lui-même, lorfqu'il a donné depuis les Def- fms du Château neuf de Vincennes , & qu'il a fait élever dans Γΐίΐε la Façade de l'Hôtel Lam- bert du côté du jardin. Dans le premier, il n'a élevé qu'un grand Ordre, dans le fécond, il en |
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d'Architecture. 443
a ufé de même, & il n'en a employé deux, moins
coniidérabîes, que du côté de la Cour. A Vin- cennes, l'Ordre Dorique qui y préiide, femble être autorifé par l'efpace du lieu, & par le point de diitance d'où ces Façades font aperçues. A l'Hôtel de Lambert, les mêmes raifqns l'ont déterminé ; & s'a percevant que fa Cour étoit d'un très-petit diamètre, il a cru alors devoir di- vifer la hauteur de fes Façades, par des Ordres d'un moindre module. Dans la Planche que nous décrivons , il eil facile de démontrer l'abus qui réfulte de l'ailbciation de deux Ordres iî difpa- rates, puifque le point de diilance eil le même pour le grand & le petit Ordre , que les ouver- tures font de même grandeur, & que les corni- ches font d'une égale hauteur. Cette inadvertance n'eil pas la feule qu'on
puiffe relever ici : la pefanteur des combles, la largeur trop coniidérable, & le trop peu d'élé- vation du Dôme, la capacité de fa lanterne, le trumeau placé au milieu des pavillons, la peti- teffe des tours creufes (<;) placées à côté de l'a- vant-jcorps du milieu, la proportion des croifées, & la trop grande égalité de leur hauteur dans les deux étages, les petits pilaftres placés à côté des grands , l'architrave qui les couronne , & qui fe trouve préeifément placée à la moitié de la hauteur du grand Ordre, la maigreur des corps de refends, & leur peu de convenance, ou l'Ordre délicat préfide, les tables placées au-deiîiis des ouvertures du'premier étage, qui égalent en hau* (e) Voyefc les Plans & les élévations dç ce bâtiment dans
le Grani Marot t d'où eft tirée la Planche que nous donnons^ |
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444 Co.üä*
îeur l'architrave & Ia frife, qui terminent les pa-
villons ; enfin la petiteffe 4e la corniche , qui ferr. dé couronnement au petit Ordre, & qui paroît d'autant plus intolérable ici, qu'elle fe trouve fur- montée par une baîuftrade qui réuffit auffi bien fur le grand Ordre , qu'elle eii difcordanre fur le petit. Nous ofons le dire , toutes ces inadvertances méritent d'autant plus d'être remarquées, que la réputation de le Veau peut feule abufer la cré- dulité des jeunes Architectes, qui, hors d'état de combattre encore les opinions des Maîtres de l'Art, les imitent jufque dans leurs écarts, & ne produifent guère, d'après de tels exemples, que clés compoiitions vicieufes & hafardées. Elévation de l'Hôtel de Beauvais , du côté
de la rue Saint-Antoine, élevé fur Us Defjins
d Antoine le Ρ autre, ArcAitecle,
Planche LXIX,
Cette Planche nous offre un tout autre genre
d'Architeéhire élevé fur les Deiîins d'un de nos Architectes, encore trop peu connu parmi nous, & qui mérite néanmoins de l'être de la poilé- rité (/). 11 s'agit de l'Hôtel de Beauvais, rue Saint |
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(ƒ) Antoine le Pamre de l'Académie Royale d'Architecture 3
& Ingénieur ordinaire du Roi, eft du dix-feptieme iiécle ; il a fait graver la plus grande partie de fes. œuvres en i<>yi. C'eft fur fes deifins qu'ont été bâtis l'églife des Religieufes de Port -Royal fauxbourg Saint Jacques, l'hôtel de Gêvres, rue Neuve Saint-Auguftin, l'hôtel de Chamillard 3 rue Coq- liéron à Paris : on doit auifi à cet habile Maître la maifon de plaifance de M. le Duc de Gêvres à Saint-Ouen , Jes deur ailes du Château de Saiot-Cloud, Se la partie fupérieure de |
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d'Architecture. 44?
Antoine, dont le Plan diftribué dans un terrein fort irrégulier , laiiTe voir ce que peut le génie d'un homme de mérite, lorfcju'au vrai talent de l'Architecture, il fait joindre le raifonnement & le goût de fon Art. Nous ne dirons rien des de- dans de cet Hôtel, en ayant traité dans le deuxième volume de l'Architecture Françoife , & ne pou- vant, ni ne devant nous répéter ici à cet égard; d'ail- leurs il ne s'agit pas encore de la diûribution. Nous allons nous attacher feulement à examiner l'ordon- nance d'une des principales Façades de cet Hôtel» qui, quoique donnée auiîi dans le Recœuil déjà cité, a befoin d'être remife ici fous les yeux de nos Lecteurs , pour qu'ils comparent cette corn- pofition avec celles qui viennent de précéder. La décoration de cette Façade nous piaît d'au-
tant plus, qu'elle annonce tout à la fois un degré de riche/Te digne de la beauté des appartements contenus dans l'intérieur, & de l'économie qu'on a cherché à obferver, en pratiquant fur la rue quatre Boutiques à rez-de-chauffée , avec des entrefoies au - deifus , fans nuire en rien aux différents départements de l'intérieur de ce Bâti- |
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la grande Cafcade qui fe remarque dans les jardins de ce
Château. Quoique le genre d'Architecture de cec Archke&c foit un peu pelant, on ne peur difeonventr que fon ilyle ne foit du meilleur genre ; il s'étoit nourri dans fon Arc parles lumières fort étendues de Pierre & de Jean le Pautre, fes deux frères, l'un Sculpteur & Pautre Graveur : ce font les œuvres de ce dernier qui ont formé, pour ainfî-dire , les plus ha- biles Arciftes de la France, Nous recommandons à nos élevés - l'étude particuliere de cet habile Maître , & de faire auifi en- trer dans leur bibliothèque le Recœuil d'Antoine le Pautre, dont nous parlons j le difeours eil fait par Daviler , & les Planches y font gravées avec beaucoup de foin & de goût. Ces deux Œuvres fe vendent féparément , chez Jonabert » rue JDauphinc, |
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44^ Cours
ment. L'ordonnance de cette Façade prouve
qu'on peut faire une bonne Architeitiire, fans em- ployer les Ordres. Peut être prouve-t-elle encore que par ce moyen, on parvient à offrir de plus grandes parties, plus de repos, & une fimplicité qui la rend amie de l'œuil, & le fatisfait mieux, quelorfqu'il rencontre fouvent des reifauts, des re- tours , de petits objets, & une fuite indifpenfa- ble d'ornements que les Ordres amènent naturel- lement furla fcène; car ces Ordres ne doivent être raisonnablement employés, ainfi que nous l'avons déjà remarqué, que lorfqu'ils ont un certain mo- dule , & que les édifices qu'ils décorent font d'une étendue confidérable, étendue qui ne peut guère avoir lieu que dans les édifices publics, & dans les Palais de nos Rois ; ou enfin lorique les Façades fe trouvent refferrées dans d'aßez courts efpaces, tels que le Pautre l'a pratiqué dans la Cour de l'Hôtel dont nous parlons, où ils pro- duifent un effet d'autant plus intéreifant, que la difpoiition irreguliere du terrein a fait naître à f Architecte des formes ingénieufes , dont le tout offre une ordonnance pittorefque, que peu d'édifices préfentent. Au reite, quelqu'eftinie que nous portions au
ityle de ^ l'ordonnance de cette Façade , notre deffein n'eft pas de diiîimuîer, que l'avant-corps qui fe trouve au milieu, paroît maigre, eu égard au caractère mâle qui règne dans les arriere-corps. Il eil vrai que la faillie de la trompe afFe&ée au- deffus de la porte, femble raccourcir fa partie fupérieure;. mais du moins nous aurions défiré qu'au-deiTus du fronton, on eût fupprimé la con- tinuité de cet avant-corps, auffî-bien que la petite partie du comble qui le termine. Peut-être encore |
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d'Architecture. 447
eût-il été bien de procurer plus de largeur aux corps
de refend, oa même de les fupprimer tout-à-fair. Nous aurions auffi voulu que le cartel eût été placé fur le fommet du fronton, & qu'il eût paru fou tenu par les deux anges qui fervent de fup- portau Blâfon que ce cartel contient; alors l'un & l'autre auraient lèrvi d'amortiiTement à cet avant- corps. Le tympan du fronton fe feroit trouvé dégagé , & auroit, par cette iimplicité, fait va- loir toute la beauté de la proportion , ■ & de lä forme de la croifée placée au-deifous ; cette croifée & ceiles diftribuées dans chaque milieu des arrière- corps , préfentent autant de Chefs-d'œuvre en , ce genre. Il n'y auroit pas eu de mal non-plus , que la trompe qui foutienfc la baluilrade , eût eu un peu plus d'étendue : cet agrandiiTement lui auroit procuré une maffe plus conforme à l'ex- preffion de l'ordonnance, & auroit donnée plus d'efpace à la terraffe de deiius. Nous n'avons jamais goûté que difficilement,.
la maniere de pratiquer en-dehors des balcons en faillie , portés fur des conibles. Le Pautre en a fait ufage ici ; de ion temps cette pratique pou- voit avoir lieu; il tenoit ce genre de l'Italie. Juf-' qu'au règne des Maniards, nous avons aiTez vo- lontiers imité les productions Romaines, & ce n'eil guère que vers cette époque, que nous nous fom- mes frayé une route, qui, en tenant de l'antique pour le fonds des préceptes, nous a fait reftituer a notre Architecfure, cette belle fimplicité, que les Grecs afFeûoient dans leurs Ouvrages, même les plus importants. Il faut prendre garde néan- moins que nous n'entendons parler que des Ou- vrages des grands Maîtres, élevés en France de- puis ce temps, & non de ces compofitions que le |
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44& Cours
commun des Architectes a érigées au commence*-
ment de ce iiécle ; perfonne n'ignore que pen- dant trente années , ainii, que nous l'avons remar- qué ailleurs, les conibles dont nous parlons, ont pris faveur chez la multitude, & qu'on a pouifé l'extravagance, jufqu'à les chantourner fur tous les fens ; qu'on les a inclinées, & qu'on a cherché à leur donner, contre toute idée de vraisemblance, les formes les plus contrariées & les plus déraifonna- bles , ce qui à la vérité ne fe fait plus aujourd'hui; mais peut-être nous reile-t-il à réfléchir fur la né- Ceffité de n'en jamais faire ufage dans les dehors : quelque forme grave & régulière qu'on puiffe leur donner , ces fortes d'encorbellements ne font bons à mettre en œuvre que dans nos Salles de Specla- cîe, où la févérité des règles & la vraiffemblance, peuvent être bannies en quelque forte, plus que par-tout ailleurs. Dans l'élévation que nous décrivons , du moins
les confoles qu'on y remarque , ίοηΐ d'un bon ityle, & font afforties au genre de la décoration de l'Architecture : le Pautre a cru pouvoir les rifquer, pour décider le caractère de (on ordon- nance. François Manfard en a fait auiîî ufage au Château de Blois , & M. Boisfranc, à la Façade des Enfants trouvés : mais qu'on y prenne garde, de tels exemples ne font pas des autorités; avant de les imiter, il faut coniidérer les diverfes pro- ductions des Architectes, remonter aux temps où ils les ont élevées, pénétrer leurs motifs, fe ren- dre compte de leurs befoins, de leurs goûts , preffentir leur opinion ; enfin les aprécier ce qu'elles valent, & ne les copier qu'avec prudence; enfuite partir, s'il eil poßible , d'après foi, plutôt que de Îuivre inoaitinâement des produ&ioiis, qui, dans, le fiécle
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D*AîlCHlTECfUKK* 44§
îê iiècle ou elles ont été faites, éroient tolérables
fans doute ; mais qui perdent leur prix, dès qu'une fois on veut les réunir avec d'autres, où elles fe trouvent en contradiction. Nous ajouterons aux réflexions que nous ont
fait naître ces appuis fupportés par des confoles, que vu la fimplicité des croifées des deux arrière* corps , nous aurions retranché les attributs qui leur fervent d'appui : nous croyons que cette fup- preiîjon auroit procuré du repos, & fait valoir la richefle de celles du milieu* Nous le répétons> nous invitons les Elèves à réfléchir fur ces di- verfes remarques, & leur confeillons de copier ces différentes comportions, avec les change- ments propofés, comme le feul moyen de leur faire concevoir ce qu'ils doivent imiter ou re- jeter , dans les exemples qui leur font offerts en ces Leçons, Façade du coté de la Cour de l*ancien Hôtel
de Montba^on 9 fauxbourg Saint-Honorèé Planche LX&,
Nous n'offrons de cet Hôtel, bâti vers ïji89
& vendu en 17 51, à M. Richard Receveur gé- néral des Finances, que l'élévation dû côté de la Cour : les plans & les développements fe trou- vant dans le troiiiemé Volume de l'Architecture Françoife. Nous aurions pu fans doute choiiîr dans cette immenfe collection, une ordonnance d'Ar- chitecture moins chétive ; mais qu'on prenne garde qu'il né s'agit pas feulement ici d'acquérir le» connoiffarices de la belle Architecture; qu'il faut Tom* III. F f |
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4JO Cours
encore apprendre à éviter la plus grande partie
des abus dans lefquels font tombés pluiieurs 'de nos Architectes , ou plutôt l'inexactitude des perfonnes en fécond, chargées de leur part de conduire leurs entreprifes : les meilleurs Deffins en de mauvaifes mains , ne procluifent guère que des médiocrités. Combien n'avons-nous pas été de fois témoin de ce que nous avançons, lorfqu'en parcourant nos Provinces; nous venions a exa- miner la plupart des Edifices qui les décorent , & dont les projets cependant avoient été donnés par les plus habiles Maîtres ; combien n'avons- nous pas été nous-même défiguré dans les Edi- fices que nous y avons fait élever , puifqifà l'ex- ception de la ville de Metz, toutes nos productions y font altérées, l'exécution manquée, & les pro- îils méconnoiffables. A Paris, il en arrive à peu- près autant : plus les Architectes font chargés d'affaires importantes, plus ils fe trouvent forcés de s'en rapporter à des Infpeûeurs, fouvent fans expérience; c'eft-là la fource de la plus grande partie des imperfections que l'on remarque dans quelques-uns de nos Edifices , & qui peut-être auroient fait voir des chefs-d'œuvre, s'ils euffent au contraire été conduits & furveillés par l'Archi» tecfe même. Nous ne doutons point que le Bâtiment dont
nous parlons, ne fe foit trouvé dans ce cas. Cer- tainement M. de rAiïïirance a plus d'une fois fait preuve de la fupériorité de fes talents; cepen- dant rien de fi véritablement médiocre que l'or- donnance de la Façade que nous offrons ici ; ce qui doit prouver à ceux de nos Elevés qui font les moins expérimentés, qu'il ne fuffitpas de faire des Deffins à la hâte , de comprendre des avant- |
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d'Architecture. 451
corps, âes pavillons , d'établir des ouvertures ,
d'eipacer des trumeaux, de couronner Ton Bâti- ment par un entablement , de placer de la Seul-» pture, de tracer des tables, d'appeler -à foi dee Manfardes , des faux-combles, enfin de faire choix d'ouvertures à plates bandes, cintrées ou bombées· Sans doute tous ces différents membres peuvent s'employer dans l'Architecture ; mais ils ceiTent d'y faire bien, dès qu'il y font placés à contre- temps : or, certainement c'eil ce que nous offre la Planche LXX. Pourquoi, par exemple, une arcade dans le mi-
lieu , puifqu'une croifée fembloit y fuffire. ? A faire richeffe dira-t-on. Mais ne fent-on pas que cette richeiTe eil indiferete , puifque cette ouverture feinte, amené néceflairement un avant-corps aufîî inutile que déplacé dans une étendue auiïi peu confidérable. D'ailleurs quel avant-corps ! Deux larges pilailres qui ne font d'aucun Ordre, qui 011ε des chapiteaux, & qui font fans baze, le tout cou- ronné d'un entablement dont l'architrave eil fup- primée dans l'intervalle de ces prétendus pilailres » fans autre motif néanmoins que de donner place à un bas-relief, auffi mal imaginé , que l'exécution en eil médiocre. Que fignifient encore les mé- chantes petites confoles accouplées , qui fe re- marquent au-deiïus de ces faux pilailres , ainii que les vaies mefquïns qui fe trouvent élevés fur le focle qui couronne cet avant-corps? Les croifëes bombées des arriere-corps, ne pro»
duifent pas un meilleur effet ; leur courbure eil de beaucoup trop reffentie , leur proportion trop fvelte, leur fommier trop fort, la Sculpture de leur claveau triviale, enfin leur bandeau auroit dû être converti en chambranle. Ffjj
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4f2 Cours
Les croifées des deux pavillons pèchent par le
même endroit, & l'on ne peut applaudir au tru~ ifïeau qui les fépare, ni aux tables ravalées qui les divilent, ces dernières donnant plutôt l'idée d'un ouvrage de marqueterie, qu'il n'offre la dé- coration de la Façade d'un Bâtiment confiant en pierre de taille : enfin, il n'y a pas jufqu'aux fou- piraux qui ne paroifTent faits au hazard, & dont la petiterTe eil infoutenable. La Manfarde élevée fur cet étage n'a aucune
dignité , cara&ère que doit néanmoins offrir l'or- donnance extérieure d'un Hôtel ; & de plus fa hauteur n'a aucun rapport avec l'élévation de deilbus : & elle paroît d'autant plus écrafée, que les faux combles auxquels ellefert de foutien, femblent l'anéantir. Si les défauts que nous venons de remarquer
dans cette Façade , fans aucune partialité, font effectivement des fautes à éviter, on doit conve- nir de la néceiîîté où nous nous fommes trou- vé de les difcuter dans ces Leçons. Mais on ne tombe plus dans ces écarts-là , dira-t-on ; le goût de la bonne Architecture femble même avoir repris faveur. Cela peut être vrai à quel- ques égards; mais ce n'eu: que dans la Capitale qu'on s'éloigne aujourd'hui de cette efpece de mé- diocrité : or ce n'eft pas pour Paris feul que nous écrivons. Nos Provinces font encore dans l'uiage d'imiter de tels exemples ; la plupart des méchantes productions que nous condamnons, font répan- dues dans tout le Royaume par le miniftère de la gravure : il femble plus facile d'imiter le mé- diocre que l'excellent; la multiplicité des mem- bres , & l'emploi des ornements frappent ordinaire- ment le vulgaire. Les belles proportions, le beau |
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d'Architecture. 453
iimple , n'eil connu que de l'homme éclairé ; il
nous a donc paru eiTenciel de faifir l'occafton d'attaquer dans ce Cours,l'ignorance jufques dans fes derniers retranchements , afin de donner à connoître à ceux entre les mains defquels cet Ou- vrage parviendra, combien il eil important qu'ils s'attachent à difceraer les objets de leur imita- tion. Il eil très-vrai que la plupart de nos Villes de Provinces poiTédent quelques hommes de mé- rite dans la partie de i'Archite&ure ; mais il y arrive comme chez nous, que ce font toujours les moins capables qui produifent le plus grand nom- bre d'Ouvrages ; les grandes occupations des hom- mes en place , des coniidérations particulières » UQS raifons d'économie, une certaine indifférence pour le beau, des recommandations, enfin mille autres circonilances , font la fource du peu de progrès que font les beaux Arts en général, & en particulier l'Architecture. Avant de finir nos obfervations fur la décora-
tion des Façades, & après avoir parlé de celles de quelqu'importance, terminons cette partie ii intéreifante de i'Architecliire, par donner quel- ques exemples d'une beaucoup plus grande iîm- plicité : exemples, qui, par-là, deviendront en- core plus utiles à ceux, pour qui ces Leçons font deilinées. A cet eiFet, nous avons choifi entre pluiieurs, les Façades qui nous ont paru porter plus véritablement le caractère qui leur eil particulier; car il en eil de celles-ci comme des précédentes ; elles doivent être conformes au motif qui les fait ériger; mais la plupart font d'unflyle û négligé, qu'elles ne peuvent foutenir les regards des hom·** mes intelligents, pendant que d'autres, au coi*. traire 5 font fi furçhargées de membres d'Arehï- Ffiij
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4J4 Cours
teclure & d'ornements, qu'elles s'éloignent entiè-
rement de l'objet qui leur a donné lieu. Les Faça- des que nous allons offrir, nous femblent exemptes de l'un & l'autre de ces défauts; c'eiï pourquoi nous invitons nos Elevés, à monter à peu-près fur ces modèles leurs comportions en ce genre. Différentes Façades de Maijons particulières,
exécutées dans cette Capitale, Planches L£XI,LXXII& LXXIII.
La décoration de la Planche 71 du Deffin de
M. Franque, Archite&e du Roi, eil celle qu'il a fait exécuter rue du Coq Saint-Honoré; eîie ferc de Façade à une Maifon à loyer, appartenant aux Céleftins de Paris. Le terrein de cette Maifon avoit précédemment' plus de profondeur & beau- coup moins de face ; il fe trouvoit limitrophe au vieux Louvre. M. Soufflot Contrôleur des Bâti- ments du Roi, qui contribue par fes lumières à la perfection des Arts, voyant que ce terrein en- filoit une des lignes capitales du Louvre, en avertit M. le Marquis de Marigni, & lui propofa un nou- vel alignement. Ce Mécène éclairé qui s'occupe fans ceiTe , non-feulement du rachèvement de cet édifice célèbre; mais encore de toutes les parties qui l'environnent, & qui peuvent contribuer à fon embeliixTement, ordonna· ce nouvel aligne- ment, conformément au projet général. Par cet alignement il reitoit peu de profondeur à la maifon des CéleiHns, Pour les dédommager, on fit au nom du Roi, l'acquiiition d'une Maifon voifine, dont le terrein ajouté à l'ancien, leur redonna |
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d'Archi tecTüre; ifjij
en largeur, ce qu'on leur a voit pris en profon-
deur: moyennant cet arrangement, la Façade de ce Bâtiment eit devenue de 10 toifes un pied ; & Ton peut dire que M. Franque, a tiré le meil- leur parti poffible de Ta décoration, le ilyle étant d'une iimplicité convenable à l'objet, fans néan- moins nuire en rien à la proportion des étages, ni au rapport que les pleins doivent avoir avec les vides. Les profils y font d'ailleurs excellents , & décèlent aux connoiiTeurs, que ce Bâtiment eil élevé par un habile Maître ; car le vrai talent de l'Àrchitetle conlille à n'appeler à lui, que les membres d'Architecture les plus eiTenciels au motif qui lui fait mettre la main à l'œuvre, pendant que ceux qui méconnoiiTent les vrais préceptes de l'Art, emploient indiiîinclement tout ce qui leur paiîe par la tète, & fe trouvent, pour ainii-dire , forcés d'avoir recours aux ornements , pour ca- . cher leur inexpérience. Combien ne voyons-nous pas de ces efpeces de Bâtiments, qui, journelle- ment s'élèvent dans la Capitale ? Pour prouver ce que nous avançons, nous avions été tentés de donner quelques exemples de ce dernier genre ; mais réfléchiffant que nous avons déjà aifez offert de foibles compontions ; nous avons renfermé la plupart de ces mauvais modèles dans nos porte- feuilles , pour n'être communiqués qu'à ceux de nos Elevés particuliers, qui, étudiant fous nous , ont, pour ainii-dire , bsfoin d'apprendre à con- noître , avec un intérêt égal, & la médiocrité de î'Archite£ture , & fa fublimité. Nous n'entrerons pas dans un grand détail fur
l'ordonnance de la Façade de M. Franque. D'après ce que nous avons enfeigné précédemment, il fera facile fans 4°ute à nos Leâeurs, de recon^ |
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456 Cours
noître dans l'image que nous leur offrons, îe motif
qui nous a déterminé à la donner, comme un ex- cellent objet d'imitation ; nous en uferons de même pour les trois Façades qui vont fuivre , & qui font auffi de très-bonne main. Planche LXXIî.
La Fig. I. offre la décoration extérieure d'une
Maifon particuliere , élevée par feû M. Cartaud, Architecte du Roi, rue Saint-Martin, prefque vis- à-vis la fontaine Maubuée, bâtie dès 1719. Nous avons fouvent cité cette Façade dans nos Leçons, relativement à l'accord qui règne dans toutes îqs parties, à l'excellence de fes profils , & à la beauté de fon appareil. Nous préférons fans doute les croifées à plates bandes , à celles bombées qui fe remarquent ici ; mais en coniidérant le temps où cette Maifon fut érigée ,&ιεηίε rappelant com- bien la décoration des dehors étoit imparfaite alors, on eit, pour ainfi-dire , forcé de convenir que cette production étoit un chef-d'œuvre, & M. Cartaud un grand homme; puifqu'au milieu du dérèglement dont on faifoit parade, dans les maifons particulières du commencement de ce fiècle, cet Archite&e a fçu préférer un beau fim- ple , & un ityle grave à toutes les bizarreries que la plupart de fes contemporains élevoient fous (es yeux. Il nous eft facile de prouver ce que nous avançons , concernant M. Cartaud , en citant la Maifon de M. Guillot, que cet Architecte célè- bre fit bâtir en JJ13 rue des Mauvaifes paroles , & celle qu'il a fait élever en 1732, pour M. de Janvri, rue de Varenne, fauxbourg Saint-Germain. En viûtant ces MaUons particulières a auxquelles |
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t)*ARCHIt£CTÜRÊ. tff
il n*â pas dédaigné de donner (es foins, oïl voit
enfin que la commodité des dedans répond parfai- tement à la régularité qu'il a fçu répandre dans les dehors. La Fig. H. donne la Façade d'une Maifon par-
ticuliere iife rue Saint-Thomas-du-Louvre, & dont nous ignorons le nom de l'Architeoe. Mais îe ityle de l'ordonnance, la maniere dont elle eil exécutée , & îe genre des profils, décèlent un homme d'expérience & de goût. En effet, nous aimons aiTez que le véritable entablement, cou- ronne le deuxième étage ; cette maniere de fé- parer l'attique d'avec le reite de la Façade , nous femble faire un bon effet. Les croifées du premier étage font d'une belle proportion ; elles annon- cent d'ailleurs une habitation d'autant plus inté- reffante, que le foubaffement fe trouve peu élevé » accourciffement néanmoins qui dépend de l'ufage qu'on fe propofe de faire d'un Bâtiment de ce genre, aufli bien que du quartier où l'on bâtit j car il faut fa voir que cette dernière confidé ration doit entrer pour beaucoup dans la difpofition d'un projet de cette efpece. On n'en doit point douter, il faut d'abord diitinguer quel genre de Maifon particuliere il s'agit d'élever; celle deilinée pour ia réfidence d'un Propriétaire aifé, doit néceffai- rement s'annoncer différemment qu'une Maifon at loyer proprement dite. Dans celle-ci, il faut, ou des Boutiques , ou des Magafins; dans l'autre, le Rez-de-chauffée peut être occupé fur le devant, par un Porche ; l'un de fes côtés, par une Remife, & l'autre, par une Cuifine : ou au lieu de porche, par une porte bâtarde, & une allée qui conduife à Fefcalier ; enfin à une Cuiiine , une Salle-à- manger , &c. Il fe peut encore, que malgré iâ |
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458 Cours
réfidence du Maître de la Maiibn, on introduire
une ou deux Boutiques, fur-tout, lorfque le Bâ- timent a une Façade d'une certaine étendue, Bou- tiques avec leur entrefol, qui par leur loyer , dédommagent d'une partie des frais de la bâtiiïe (g). Qu'on ne s'y trompe pas , il faut plus de génie & de reiîburces qu'on ne fe l'imagine, pour va- rier les Façades des Bâtiments particuliers : leur nombre dans les grandes Villes étant coniidéra- ble, '& leur ufage étant infini, il faut avoir, in- dépendamment du goût de fon Art, une affez grande connoiffance des diverfes çlaiTes de Ci- toyens, & des différentes natures de Commerce; autrement, il faut s'attendre à leur donner à toutes le même caractère , pendant qu'elles doivent, com- me dans les autres Edifices, préfenter une expref- Îion particuliere. Si l'on avoit cette attention on parviendroit peut-être à établir autant de iîyles d'un excellent genre, qui pouroient fatisfaire à la décoration des Maifons bourgeoifes, à élever un jour dans les différents quartiers de cette Capitale. Ce travail une fois fait, il feroit facile de fe déci- der fur le redreffement & fur les alignements des rues, ainfi qu'on vient de l'obferver dans quelques- unes de nos,Provinces, & qu'anciennement à Pa- ris, on avoit commencé à le vouloir faire rue Saint-Martin, attenant TEglife de ce nom, & rue de la Féronnerie, près le cimetière des Saints-in- nocents. Certainement la régularité de ces deux Bâtiments flatte îœil, quoiqu'on puiffe dire que leur* ordonnance eil inférieure en beauté à celles ~—-----------------------------------------------------m-------------------—------------------------------............ _____________r -Τ Ι ι ι _..jumJ
(g) C'eft le parti que prit très-utilement M. le Pautre', à
l'hôtel de Beauvais , *u,ç Saine Antoine , dont nous avons ya^lé précédemment. |
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i.
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I
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d'Architecture. 4^9
■que nous offrons ici : tant l'accord & les pro-
portions ont de pouvoir fur les bons efprits. Planche LXXHI.
La Fig. I. donne à connoître la Façade d'une
Maifon particuliere iituée rue Dauphin, près la porte de la cour du Manége du Château des Tuileries. Elle a été élevée fur les Deffins de M. Deiraaifons , Ëcuyer , Architecte du Roi , homme de mérite, & d'une très - grande expé- rience, de qui nous avons plus d'un Edifice im- portant à Paris. Cette Façade, dans fa iimplicité, conferve néanmoins un caractère de dignité, qui la diitingue des Maifons ordinaires ; les profils en font bons , & la proportion des croifées très-heu- reufe ; nous devons la citer à nos Elèves, comme un exemple à fuivre, lorfqu'il s'agira d'une Mai- fon de la premiere claffe en ce genre. La Fig. IL eil une Façade d'un genre beaucoup
plus fimple , & qui par-là, peut convenir dans une infinité d'occafions. Nous ignorons auffî le nom de l'Architecte qui en a donné le Deffin. Cette Fa- çade ert limitrophe à celle de la Fig. IL offerte dans la Planche précédente, fituée rue Saint-Tho- mas-du-Louvre; elle a beaucoup d'élévation; mais nous avons remarqué avec plaiûr les différents rapports de fes parties, qui nous ont paru remplir parfaitement l'idée qu'on doit fe former d'un Bâ« ornent de cette efpèce. Nous invitons enfin ceux de nos Elèves qui font
actuellement à Paris, d'aller eux-mêmes vifiter ces différentes productions, & la plupart des aufres citées dans ce Chapitre , que nous n'avons pu leur donner dans ce corps de Leçonsv C'eft su |
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4&ô Cours d'Architecture,
pied de ces Bâtiments qu'ils apprendront à porter" le jugement & le degré d'eitime qu'ils en devronÉ faire, ne devant pas s'attendre que les JDeffins que nous leur préfentons foient fuffifants* D'ailleurs· comme le format de notre Ouvrage n'a pu nous permettre une échelle d'une certaine grandeur ; il en réfulte qu'ils ne pouroient concevoir qu'une f idée trop imparfaite du talent qu'il ä fallu à chacun de leurs Auteurs. Nous leur recommandons défaire un examen très-particulier de ces Façades ; nous les exhortons même à les imiter lorfque de pa- reilles entreprifes leur feront confiées. Il ne nous reite plus que quelques obfervationä
générales à faire fur la décoration extérieure ; mais nous avons cru devoir attendre que nous ayons traité dans le quatrième Volume qui va /iiivre, de la diitribution des Bâtiments; afin de prendre oecaiion par-là, de faire fentir à nos Elèves, lorfqifil s'occuperont de l'intérieur d'un Edifice, de la nécefîité de faire marcher d'un pas égal la commodité des dedans, avec l'ordon- nance des dehors. C^f' '.'.'"".'-.".·.■.» / · ?· O ■
Fin du Troißemc Volume
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De rimprimerie de Lot tin aîné; I77i·
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