LES
'S I N G V L A R
TEZ DE LA FRAN-
CE ANTA R CTIQJ^E, A V-trement nommée Amerique:amp;: de plufieurs Terres amp;nbsp;Iflcs deco Liuertes de noftre
temps.
K PARIS, Chez les heritiers de Maurice de la Porte,au Clos Bruneau, à l’cnfèigne S. Claude.
1558. avec PRIVILEGE DV ROY.
-ocr page 2-PRIVILEGE.
s N R T far la grace de ’Diese Key de franee, aux Vresiofi de taris, 'BaiHifde Roxii», Senejchal de Lyon , Lhouloufe, Bordeaux, ou leurs lietetenans, fi)- a tosee
^^1 quot;•^lt;'“*quot;1 itßituri i^ii
„ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;_ ^fititrt faint. Koflre ame ?. Andrer heuet d’Anlt;rlt;gt;tt-
lefme.neut lt;« fait retnenßrer^ tju’afres aueir lan^uerrent yeya^e' difceuri^jtar I Amerirfue, fir autres terres fi)’ ißes deiouuerles de neßre teinßs qu’il a rédigé' far efcrift, auee grand feine gy labeur, les Singularité)^ de teules les contrées
J«*«»** .Jtxe=isree. tquot;” nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, auec granapetne çy laiseur, les iinguiattte)^ ae toutes les contre
^tjfufdilles, ayant le tout mis en bonne forme fjp deue, four le conlenteinent gy froft des gens ßu-dieux de noßre Keyaume,^ fourbitlußralion nbsp;nbsp;augmentation des bonnes lettres; lefjuetles Singular
t'iteg^il auToit grand defir faire imfrfmer f^ mettre en lumière, s'il nous flaifoit de grace luy permettre les faire tmfrimer far tel ou tels Libraires çÿquot; Imfrimturs deuoz, 'villes de Paris f^ Lyon qu il voudra eßire, M4« ildoubte que quelques autres des Imprimeurs de noßre Koyaume le voulant fruflrer de fon labeur,facent imprimer ledit Hure, ou en vendent qui ayent eße imfrimeg^far autre que far teluy ou ceux aufquels si en donnera la charge. Hosts requérant fur ce luy imfartir nog lettres tÿ* grace ejf eciele. Peurce eß il que noste inclinans a fa requeße four les caufes fufdites fPy astres à ce noue mouuans, auons permis ottroyé, permettons (Jr «»(«jyons de grace eßseciate farces frefentts audit fuffliant,que luy feulfui/Jepar tels Libraires (^ Imprimeurs que bon luy femblera,^ qui luy femblerent plt^ capables diligeos en tsofdites villes de Paris (Jr L^on,(j7’ autres, faire imprimer ledit Isure. E» aßn que le Libraire ou Imprimeur auquel ledit Theuet fuppliant aura donné la charge de ce fatrefe puijfe resnbourfer desfia'u qu''il aura faits pour I' impreßiost, Aucs inhibé /j)’ défendu, inhibons amp;nbsp;défendons 'a totes autres Libraires fig imprimeurs (Jr awrfs ferfonsses quelconques de nof-dites preutßeg^, Pailliages,f^ '^ettechaucées, gy genertdement a tous nog^fubiets aimprimer ou faire imprimer,vendre,ou dßribuer ledit Hure iufques à dix ans apres la premiere imfteßion d'iceluy à ci-fter du sour qu il aura ejlé acheué d’imprimer ,fans la permißion fir con/entement dudit Libraire ou Imprtmeuneir ce fur petne de confifeation des Hures im^tmegjfy' d'amende arbitraire. Si vous mandons fir commandons far ces frefenles, fiy a chacun de votts ft cotnme à luy affartiendra, que de nog frefenlegraee, fermißion, (Jr ollroy,votts faciez,, fouffriez.,^ laijfeg^leditfupfliant.eu celt,y ou ceux aufquels si aura donné charge de faire ladite imfreßiots, iouyr nbsp;nbsp;vfer flainement fi)- faifiblement dt
noßredileprefettteferteiißlon dy ollroy. it à fin que ferfonne n’en frelede caufe d'ignorance,nous voulons quo la cofse en foit mife (Jr inferée dedans les Hures quiferÜI imf rimez., dy quefoy y foit adioußh original. Car ainfi nous flaiß tl eßrefait. Donné à Saint Cermatn en Layt, h dixhuiltefme iour du mo'u de Décembre, L'an de grace mil cinq cens cinquante Cix,^/ de noflre re^e h dixiefstte, Ainß ßgne, Par le R.oy,vous f re fint, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Pi'ges.
A MONSEIGNEVR MONSEI G. LE
KEVERENDIS s IME CARDINAL D£ Sens, Garde des féaux de France, F. André
Theuet defire paix amp;
félicité.
goufler quelque belle hiftoi-re, laquelle entre tant de fati-voßre efpritjSê liiy doner vne deleéla-
Onfeigneur, eftant fuffifàm-mct auerty, combien,apres ce treflouable, amp;nbsp;no moins grâd ôc laborieux exercice,auquel âpleu au Roy employer vo-ftre prudence, amp;nbsp;preuoyant Içauoir,vous prenés plaifir,nô feulement à lire,ains à voir amp;: gues puifl'e recréer '
ble intermifsiodefes plus graues amp;nbsp;fèrieuxnegocesn’ay bien ofé m’enhardir de vous prefenter ce mien difeours, du lointain voyage fait en l’Inde Amérique (autrement, de nous nommée la France Antarólique,pour eftre partie peuplée, partie decouuerte par noz Pilottes,)tcrre, qui pour le iourd’huy fe peut dire la quatrième partie du inonde, non tant pour l’elongnemét de noz orizons,quc pOLirladiuerfité du naturel des animaux, amp;nbsp;temperature du ciel de la contree-.außi pource que aucun n’en à fait
a 1)
-ocr page 4-EPI S TR E.
iniques icy la recherche, cuidans tous Cofmographes (voire fc perfuadans) quele monde fut limité en ce que les /inciens nous auoient deferit. Et iaçoit que la chofè me femble de foy trop petite,pour eftre offerte deuant les yeux de voll re Seigneurie, toutefois la gradeur de voffre nom fera agrandir la petiteffe de mon œuure : veu mef-mement que ie m’afleure tant de voffre naïfue douceur, vertu amp;defir d’ouïr chofes admirables, que facilement vous iugerez mon intention ne tendre ailleurs,qu’a vous faire congnoiff:re,queien’ay plaihr, qu’à vous offrir chofe, de laquelle vous puiffiez tirer amp;nbsp;reccuoir quelque cotentemet, amp;ou quelquefois vous trouuiez relafche de ces grands amp;nbsp;ennuyeux foucis, qui foffrent en ce degré, que vous tenez.Car qui eff l’efprit ff coftant, qui quelque fois ne fè fafche, voire fe conffime en vacquant fins in-terualle,aux affaires graues du gouuernement d’vne république? Certes, tout ainff que quelquefois, pour le îoulagemcnt du corps,Ie dode médecin ordonne quelque mutation d’alimens: aufsi l’efpriteft alleché,amp; comme fèmonds à grands cho{es,par le récit diuerfifié de cho fèsplaifantes, amp;nbsp;qui par leur véritable douceur femblent chatouiller les oreilles. Cecy eff la raifon pourquoy les Philofophes anciens,amp; autres, Ce retiroient îouuent à l’ef cart de la tourbe,amp; enucloppement d’affaires publiques. Comme außi ce grad orateur Cicéron tefÎTioignc f’eftre plulîeursfois abfèntédu Senat de Ilt;ome(au grand regret ' toutefois des citoyens) pour, en fi maifon champeffre, chérir plus librement les douces Mules. Donequespuis qu’entre les noftres,ainfi que luy entre les Romains,pour voffre fin guliere crudition,prudence, ôc eloquence,effes
com-
-ocr page 5-E P I s TRE.’
comme chef, amp;: principal adminiftrateur de Ja triom-phate Republique Frâçoifc,amp;tel à la vérité,que le defcrit Platon en fa République,cell:àfçauoir grand Seigneur, amp;nbsp;home amateur de fcience amp;nbsp;vertu:außi n’eft il hors de railbn de l’imiter amp;nbsp;enfuiuir en ceft endroit. Or Mon-feigneur,ainfi que retournant tout attedié amp;nbsp;rompu de ri long voyage,i’ay erié par vous premièrement, de voftre grace,receu amp;nbsp;bien venu,qui me donnoit à congnoiflre, quelles le ringulier patron de toute vertu,amp; de tous ceux qui fy appliquent:außi m’a lèmblé ne pouuoir adrefler en meilleur endroit ce mien petit labeur qu’au vollre.Le-quel fil vous plaill receuoir autant humainement, corne de bon amp;nbsp;alFeólionné vouloir le vous prelènte amp;nbsp;dedië: amp;nbsp;ri liiez le contenu d’iceluy, trouuerez à mon opinion en quoy vous recreer, amp;nbsp;m’obligerez à iamais (combien que deria,pour plurieurs railbns,ie me lente grandement vollre tenu amp;nbsp;obligera faire treshumble amp;nbsp;trelobeïlTant fcruice à vollre Seigneurie : à laquelle ie fupplie Je Créateur donner accompliflemcnt de toute proscrite.
-ocr page 6-ESTIENNE lODELLE SEIGNEVR
DV LIMODIN. A M. THEVE T,
O T) B.
I nous duions ^ot/r nous ies Dieux, Si noflre peuple duolt des yeux, si les grands aymoient les dodlrines, si noç!;^mdgiflrdts trdjfiqueurs ^ymoient mieux f enrichir de meurs, Qm fenrichir de no%^ruinelt;.
Si ceux Id qui fi yont md/qudnt Du nom de do£le en fi mocqudnt N’dymoyent mieux mordre les fiiences Quen remordre leurs confidences, ^ydnt d’yn tel heur labouré Theuet tu firois djfieuré Des moilfins de ton labourage, Q^ndfduorifir tu yerrois ^ux Dieux, aux hommes ^aux Boys Et ton yoydge ton ouurage.
Car fi encor nous eftimons De ceux la les fiuperbes noms, Qm. dans leur grand ^rgon OTcerent ^firuir Neptune au fardeau, Et qui maugré l'ire de l’eau lufique dans le phafi yoguerentz si pour auoir yeu tant de lieux Vlyjfe eil prefique entre les Dieux, Combien plus ton yoyage t'orne, Q^nd paffiant fioubs le Capricorne ^s yeu ce qui euil fait pleurer Alexandre ?ß honorer Lon doit Ptolomée en fis œuures Ofieii ce qui ne t’honoreroit Qm cela que l’autre ignoroit Tant heureufiment nous defioeuures?
Mats le ciel par nous irrité
Sembla
Semble œil tdnt âefité Ilegdïder noßre ingrate Frdnce. Les petits font tdnt abrutie Et lesplud grdnds ejui des petits Sont Id lumière Id putfitnee, S’empeßhent toußours tellement En yn trompeur dccroiljèment, Qw yen que rien ne leur peut pldire, Qm ce qui peut pluô^rdnds les fdire, Celujgt; Idfdit beducoup pour ßy Qui fait en Frdnce comme moy, (^dchdnt fd yertu Id plus rdre, Et croy y eu ce temps yieieux^ Q^ncor ton Hure fèroit mieux En ton Amérique bdrbdre.
Cdr qui youdroit yn peu bldfmtr Le pays qu’il nous f dut dymer^ il trouueroit Id Frdnce ^rdîique '^uoir plus de montres te croy plui de bdrbdrie en foy
Qfie n’dpdi td Frdnce ^ntdrdiique. ^es bdrbdres mdrehent tous nuds., nous nous mdrehons inconnus,
*^rde2i, ntdfquett:^ Ce peuple eßrdn^ Id pieté ne ß rdnge,
iioiii la noßre nous meßrißons^ 1^‘pons, yendons eby* deguißns.
bdrbdres pour ß conduire ont pda tdnt que nous de rdißin^ qui ne y oit que Id foißn l^on ßyt f2ous entrenuirel
Eoutesfois,toutesfois ce Dieu, n’d pus bdni de ce lieu ^^erdnee noßre nourrice, bdn^ednt des deux l’inimitié, •^urd deßd Frdnce pitié ^’^t pour le mdlheur que le yice.
-ocr page 8-Ie yoy Rols amp;nbsp;leurs enfans De leurs ennemis triomphdns, Et no^ma^ißrats honorables Rmbrajßer les choßs louables, Se^arans les boucs des agneaux, ofler en trance deux bandeaux, ^u peuple celuy d’tgnerance, eux celuy de leur ardeur. Lors ton Hure aura bien plus d’heur En fa y ie,qu'en fâ naifance.
A MONSIEVR THEVET ANGOV-moifin, Autheurdelaprcfcntc hiftoire,François de BelIcforeftComingcois.
ODE.
E laboureur, quand il moijjonne ^^Courbe par les champs yndoyans: quand fur la ßn del'.^utonne Contraint fs bœufs (ia panthelans Defoubs le iougfubs l’ateüage') Recommencer le labourage, Qtû pouruoirpuijf aux ans fuyuans: Nefesbahtß,quoy que la pene, Qm la rudeffe du labeur Caffenrfn corps, ains d’yne halene torte, attend le temps,qui donneur D'.Années riches,luy rempliff Sesgranges,^^ luy parfourniff L attente d'yn eferé heur.
.A inft ta plume qui nous chante Les meurs, les peuples du Leuant,
P^fépoint nefe contente, Qtwy quelle ait efpandu le yent D’ynegloire immortalifée, D yne mémoire eternife,
-ocr page 9-Qm court du Leuant au Ponent, Car encor que l’antique Thrace, Qm l'arabe riche ayes y eu, QMcC^fie laterreÿrajjiè, T)’,/4Eo'^pte les merueiUesfceu: Encor que ta plume diuine Nous ait deßrit la Paleßine, Et que de ce fin loçi^-iiteu:
Toutefois ce defir d’entendre Le plus exquis de l’yniuers, ,A fait ton yolplus loin^ efiendre: Luy a fait yoir de plus diuers, Tantpeuples,que leurspaïfiges, Hommes nuds allans,^Sauuage), ïufique icy de nul decouuers.
le y-oy ton yoyage,quipaffi Tous degre'^y^ dimenfions H’yn Strabon,qui le ciel compalfi, Et les habite^iiori^iions, Eefquels Ptolome'e limitez Mau leur congnoilfancepetite tes conceptions.
Car ayant coftoyéd’,y4phrique Ees régnés riches,amp; diuers, Ecs loingtains païs cü^/dmerique E^oElement nous as decouuers: Encor en 1’,/dntardliq’auances, yne,mais deux telles Frances fiient miracle a fyniuers. Et ce que iamau l’efirit dhomnte auoit par deçà rapporté I exprimes,tu le pains, fimme
quot;Eel tu le qu’en yerité ^bfiuYi^ mefine en firoit clere: que par ce moyen lefperç Ion yerra refufiité
Mondes cefl infni nombre.
-ocr page 10-Qîà feit Alexandre l'dourer. O que d’drbres içy ie nombre, Q^ls fruits doux lyfewx^fduourer: Qt^ de monflres diuers en formes, Quelles meurs de yiure dijformes ^ux noßres tu fçdis coulourer!
le 'yoy lurent qui idolâtre Tdntoft yn poijfon efcdillé, Ors yn bois,yn metdl,ynßdftre Par ekx m s en oeuure,'amp; tdiÜe:
TdntofynPdn,qui mii en œuure Noflre Dieu tout puißdnt defeeeuure, Qui de iyniuers emcullé
Pdr mdintes beduteez;^,feit le monde, Pt l'enrichit d’animaux maints, Qui Id terre enferme de boule Entoura des ciels clersßrdins.
De laßrtent tes Antipodes, Ces peuples que tu accommodes ces Sauud^es inhumains.
Defquels quand la façon yiens lire .Auec tant drinhumanite^ D'horreur,de pitié,cP^ puis d^ire, lepourfuis ces grands cruaute?:;^ Q^lquefois de leur politique le loue la faindiepratique, .Auecques leurs fimplicite-x^
Las ! fl de ton offrit l’image Dieu eußpofe en autre corps. Lequel d’yn marinier orage Euß euité lesgrands effors. Qui euß craint de yoir par les yndes Les eJclatSjles coups furibondes Des arm es, cent mille morts.
Pas n^aurions de cefte hi foire Ledodle yeritable trait: Mais Dieu ßmieux amp;nbsp;de ta çloire
J O nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;O
-ocr page 11-Et dehjuititblejouhdit De la France, qui ne deßre Que choßs rares fiuuem lire, Ce deßtr a mis en eß^ait.
C’efl quand il eflrena ce pole De ton bon eßrit,^ Veßeut O Theuet,pour porter parolle De ces peuples,ainß youlut de yoir deßreux tu fußßs, Et pour le mieux, il feit que peu/ßs Parfaire ce que autre one ne ßeut.
^inß l’Europe tributaire kA ton labeur, t’exaltera: P Asne pourra Franceß taire, ^Ains t’admirant feffaïera, Lifant ces merueiUes cachées Et par nul eßriuant touchées: Les lißnt,elle t honorera.
IN THEVETVM NOVI ORBIS PERAGRA-torcm Sc defcriptorem, lo. Auratus^literarum Græcarum Rcgius profefTor.
AVre tenus ,ßd non pedibus, nec nauibus y dis, Plurimus nbsp;nbsp;nbsp;terras,menßis nbsp;nbsp;efl maria.
^ulta tarnen non nota maris terrxque reliéla
Liis loca, nec certis teßißcata notis.
maria nbsp;nbsp;terras pariter ya^ss ifle Theuetus
^ifu,!!^ menfùs nauibus,it^ pedibus.
^^ÿ^ora certa refert longarum hxc ßripta yiarum, fanatique orbiscurßr cÿ* author adefi.
^‘xquie audita aliis,fùbieFla fidelibusedit
Eiic oculis, terraßßes ab.Antipodum.
Um aids hicCoßno^raphis Coßno^aphus anteit '^uditu quanto certior efi oculus.
-ocr page 12-PREFACE AVX LECTEVRS.
Onßderat dpar rnoy/omhien L-t longue experience des chofes,e:jr‘ fidele ob-Jeruat ion deplufieurspais nations enfiemble leurs meurs façons de tz-
■gt; apport e de perfe^ion d Hhomme: comme fil nyauoit autre plus louable ex er cice, par lequel on puijfiefuf'i-famment enrichir fon efirit de toute ■vertu héroïque ^fct'è'ce trejfiolide'.ou-trema premiere nauigation au pais de
LcuantynlâGrcceprurquie,Egypte^lt;^ Arabie,laquelle autrefois ay mis en lumière, me fuis derecheffoubs la protection nbsp;nbsp;con
duite du grand G ouuerneur de hvûiuersfi tant luy a pieu me faire de grace,abandonné d la difcretion nbsp;nbsp;mercy de ƒ vn des element
leplus inconflant,moinspitoyable, nbsp;nbsp;nbsp;affieuréqui foit entre les au-
tres,auec petis yaiffeaux de bois, fragiles nbsp;nbsp;caduques Ç dont bien
fuuent Ion peut plus efierer la mort que la Vic') pour nauiger vers le pole A ntaréliquejequel ri a iamais efié decouuert ne congneu pat les Anciens, comme il appert par les efrit s de Ptolomce nbsp;nbsp;autres, mefme le noflre de Septentrion, iujques d l’Equinoélal : tant fien faut qu'ils ayentpalfiéoutre,amp;pource a efiéefliméinhabitable, Et auonstant fait par noz.iournées,quefommes paruenus d linde A-merique,enuiron le Capricorne, terre ferme de bonne temperature, habitée : ainfi que particulièrement nbsp;nbsp;nbsp;plus au long nous déli
bérons efrire c'y apres. Ce que toy osé entreprendre d limitation de plufieurs gi'andsperfinnages, dont lesgefles plus quheroiques, Gr* hautes entreprifes célébrées par les hifloires,lesfont viure encores auiourd'huy en perpétuel honneur Gt'^ gloire immortelle. Quia^ donné
-ocr page 13-PRE FACE, donne ar^twent d ce ^dndpoete Homere^e tMt quot;veïtaeufement célébrer par fes efcrits ylylj'es^finon ce sie longue peregrination loingtain difcours^qu tla fait en diuers Iteux^auec bexperiece deplu fieurs chofes/dt par eau que par terre^ apres le facagemet de Tröie^. (fui a eße occaßon d Kirgtle de tat louablemet eferire le Troien E-néelcombien que felon aucuns Hißoriographes, il euß inalheureu-femet liuréfon propre pais es mains defes ennemis^findpour auoir ^ertueufement refßedlafureur des undesimpetueufes nbsp;nbsp;nbsp;autres
incoueniensdelà marine^ily aifveu nbsp;nbsp;experimetéplußeurs cho-
fs^el^fnablemet paruenu en Italie^Or tout ainß que lefouuerain (reateur a compofé l home de deux efences totalement differentes^ byine elementaire nbsp;nbsp;corruptible^ tautre ccleßeßiuine^els^ immor
telle laußiail remistoutes chofes contenuesfoubs le caue du ciel en la puiffancc de l'homme pour fin ffage ; deffus^ afin d'en congnoi-ßre autant qu il luy efioit neceffaire, pour paruenir d ce fouuerain bien: lu^ laiffant toutefois quelque dfficulté^ nbsp;nbsp;nbsp;variété d'exercice:
autremétfefufiabafiardâpar vne oifiueténochallancc.L'hom-^e donc bié qu 'ilfoit creature merueilleufimét bien accoplie^fineß dnedtmoins ma organe des ailes vertueuxßefquelzj)ieu eß ta pre-'^iere cau/cidefaçon qu'ilpeuteflire telinfirument qu'illuyplaifi, pour executer fon deffeinffoitpar mer ou par terre. Mais il fepeut faire.fiomme Ion voit le plusfouuet aduenir^que quelques vnsfoubs prétexté,facent coußume d'en abufer. Le négociateur peur vne auarice amp;nbsp;appétit infatiable de quelque bieparticulier eyr* tempo-' ^dfehazairdant indifcretemet,eß autat vituperable^ainfi que tref-biele repred Hor ace enfes Epißresfome ccluy efi louable,qui pour l^mbelliffement illufiration de fon effrit,ey^ en faueur du bien P^blicfexpofe libremét d toute difficulté. Ceßemethodea bienfeeu Pratiquer le fage Socrates,iyr‘ apres luy Platonfon difciplefefquels. ^nfeulemét ont eflé contens d'auoir voyagé en pais efirangcs,pour
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acquérir le comble dephilofophie^mais außipour la communiquer au publicßans eßoir d'aucun loyer ne recopenfe.Cicero na ilpaa en-uoyéfon fils Marc d Athenespour en partie ouyr Cratipptts en Pbi-lojôphe^enpartie pour apprendre les meurs nbsp;nbsp;fidcons de 'viure des
citoyens dlAthenes^. Lyfiander eleu pour fit mapnanimitéfiomcer-neur des LacedemonicuS:, afit -vaillamment executefin fie urs belles entrepiifies cotre Alcibiadesdjommepreux el^-vaillant:C^ Antiochus fion lieutenantfiir la mer, que quelque iabîureou detriment quil ait encouru fi eut iamaù le cueur abaiffié^ ains a tant pourfuy-uifon ennemy par mer nbsp;nbsp;tcrre^ quefinablement il a rendu Athe
nes fiubsfion obeifiance.Themiflocles non moins expert en l'art militair e^qu en philofiophie^, pour monftrer combien il auoit dejird'ex-pofier fia yie pour la liberté de fion pais, a perfiuadé aux Athéniens, que l'argent recueilly es mines, que Ion auoit accouftumé de difiri-buer au peuple fiuft conuerti nbsp;nbsp;employé d baflir nauiresfiufles,amp;
galeresfitre X erxesfiquelpour enpartie l’auoir deffait,amp; en partie mis en route,cogratulant d cejle heureufiè -viéioire (contre lepropre dvnennemyfiuy a fiait prefient de trois les plus apparétes citez defion empire. Qm a caufiéd Seleuc '^icanorfi l'Empereur Auÿt-fleCefiar, nbsp;nbsp;nbsp;d plufiieurs Princes elÿ* notablesperfionnages dépor
ter dans leursdeuifies enfieignes le Daulphtn, elÿ* l'anchredelà nauirefinon donnans inflruéiion d lapoflerité,que l'art de la marine efi le premier,de tous les autres le plus -vertueuxi. J/oila fiant plus long dtficours,exemple en la nauigation,corne toute chofiefian-tant quelle efi plus excellente, plusfont difficiles les moyens pour y paruenir-.ainfii qu'apres l'cxperiéce nous tejmoigne Ariftote,parlant de vertu. Et que la nauigation fioit toufiiours accompagnée de perd, corne vn corps defion vmbre, l'a biémonfiréquelquefois Anachar-fis Philofiophe,lequel apr es auoir interrogé de quelle effeffeur efloient les ais nbsp;nbsp;nbsp;tablettes, dont font compofies les nauires : nbsp;nbsp;nbsp;la reifonf
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f J quils efloicnt feulement de quatre doigts: Deplus^dit tl^neH (longnée Uyie de la mort de celuyqui auecquesnauires flotte fus tner. Or meßieurs^pour auoir alléguétant d’ex cellens perfonnages, n efl que ie m^eßime leur deuoir eflre comparé^ encor moins les cga-ler:mais ie me fuis perfuadé que la grandeur d’Alexandre^n'a em-pefchéfes fucceffeurs de tenterçpoire iufques à Hextremité^ lafortune: außina le fcauoir eminent de Platon iufques la intimidéAri-flote^qu il n ’aye à fàn plaifir traiéléde la Philofophie. Tmt ainfif ßn de n eßre yeu oyfeux inutile entre les autres^ non plus que Diogenes entre les Atheniensfaybien voulu réduire par efcrit plu-fieurs chofs notables^ que i'ay diligemment obferuées en ma naui-gation^ entre le quot;Midy nbsp;nbsp;le Ponent : Ceß d fcauoir la fituation
difofition des lieux^en quelque climat^zÿne^ou parallele que cefoit, tant de la marine^ ifles^ nbsp;nbsp;terreferme^ la temperature de P airles
meurs nbsp;nbsp;façons de viure des habitans, la forme £gt;■ propriété des
animaux terreßres, nbsp;nbsp;marins: cnfemble d’arbres^ arbrijfcaux^ a-
uec leurs fruits^mineraux nbsp;nbsp;pierreries: le tout reprefentéviuemet
au naturelpar portrait le plus exquis^quil m’a eflépofible. Quant au reße, ie m’eflimeray bien heureux fil vous plaiA: de receuoir ce mien petit labeur, d’außi bon cueur, que le vous pre fente: m'afeu-rat au fur plus que chacun Paura pour agréable fi bien ilpen/eau grandtrauaildeßlongue nbsp;nbsp;penible peregrination, quay voulu
entreprendrepour d l'œil voir,amp;* puis mettre en lumière les chofes plus mémorables que ie y ay peu not er nbsp;nbsp;nbsp;recueillir, comme Ion
yerra cy apres.
-ocr page 16-ADVERTISSEMENT AV LECTEVR
PAR. M. DE LA PORTI.’
E ne doutepoint^LeEeur^que U defcription de cefle prefentehifloire ne te mttte aucunentet en admiration, tant pour la -variétédes chofes qui te font d l'œil demoflrées^ que pour plufieurs autres qui deprime face tefemblerot pluflofl mon“ ßrueufes que naturelleséMais apres auoir meu-remét cofiderélesÿfds e feels de noflre mere ^ature^ ie eroy ferme“ ment que telle opinion naura plus de lieu en ton efrit. Il te plaira femhlablemétne t esbahir de ce que tu trouueras la defeription de plufieurs arbres.,come des palmiers^ befies^el^ oy/èauXi eflre totalement contraire à celle de nozjnodernes obferuateurs ßejquels tant pour n auoir y eu les Iteux^ que pour le peu d'experience amp;nbsp;doélrine quils ent^ny peuuent aàiouflerfoy.Tefuppliant auoir recours aua pens dupais qui demeurét par decd^ ou d ceux qui ont fait ce voya-gefiefquels te pourront afieurer de la -verité.D'auatage fily a quelques dtclions Francoifes qui te femblent rudes ou malaccomodéeSj tuen aceuferaa la fiebure^elsf* la mort: la fieburedaquelle a telleniet detenu lAutheur depuisfon retour^uil napaa eu loyfiir de reuoit fin hure auant que le bailler d l'imprimeur^efiantpreße de ce faite par le comandement de monfeigneur le Cardinal de Sens. La mott quiapreuenu ambroise de la r oviX's.,home fiudieuX bien entendu en la langue Francoiß, lequel auoit pris Centiete charge du prefent hure. Toutefois tu te doibs alfieurer, que nofite deuoirnapoint eflé oublié,fouhaitant pour touterecompenfe qu'il te puiffie eflre agréable.
-ocr page 17-CHAP I TRE FREMI ER.
Toutes chojes ont eflé
o M B I E N que les elemens, toutes chofès qui en pro-uiennent fous la Lune, iuf-[ ques au cétre de la terre, fom-blent ( comme la vérité eft) auoir clic Luttes pourPhom-' me:fieft-ce que Nature mere de toutes chofes, â efté, eft toufiours telle,qu elle à remis amp;c caché au dedans les chofès les plus precieufès amp;nbsp;excellentes de fon œuure, voire bien fy eft remifè elle mefme : au contraire de la chofè artificielle. Le plus fçauant ouurier,fuftebien.Apel- ce d’art les ou PhidiaSjtoutainfi qu’il demeure par dehors fou- amp;de na leinent pour portraire, grauer, amp;nbsp;enrichir le vaiffoau, ouftatue,außin’y à que le fuperficiel,quireçoiue orne-ment poliflure : quant au dedans il refte totalement rude amp;mal poli. Mais de nature nous en voyons tout ^contraire. Prenons exemple premièrement au corps humain. Tout l’artifice amp;nbsp;excellence de nature eft cachée au dedans, amp;,centre de noftre corps, mefme de
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tout autre corps natureldc fuperficiel amp;nbsp;exterieur n’eft rien en comparaifon, finonquedelïnterieuril prend Exemple lon accompliflement perfedion. La terre nous mo-enlater- extérieurement vne race trifte, amp;nbsp;melancholique, couLierte le plus (ouuét de pierres,elpines amp;nbsp;chardons, ou autres fèmblables. Mais fi le laboureur la veult ou-urir auecques foc charrue,il trouuera cefte vertu tant excellente, prefte de luy produire à merueilles,amp; le re-compenfor au centuple. Aufsi eft la vertu vegetatiue 3.11 dedans de la racine,amp; du tronc delà plante, remparée à l’entour de dure efoorce, aucunesfois fimple, quelquefois double: amp;nbsp;la partie du fruicf la plus precieufo ou eft cefte vertu de produire amp;nbsp;engedrerfon fembla-ble eft ferrée,côme en lieu plus four ,au cctre du mefine fruiól. Or tout ainfi que le laboureur ayât fondé la terre amp;nbsp;receu grand emolument:vn autre non content de voir les eaux fuperficiellement, les a voulu fonderai! fomblable,par le moyen de cefte tant noble nauigatio, Ttilite'de nauires autres vaifteaux. Et pour y auoir trou-Id naui- ué amp;nbsp;recueilli richefles incftimables fee qui n eft outre ^dtion. raifon,puifque toutes chofos font pour l’homme} lana uigation eft deuenue peu à peu tant fréquentée entre 5/ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;les hommes,que plufieurs ne farreftans perpétuelle
ment es ifles inconftantes amp;nbsp;mal afteurées,ont finable-ment abordé la terre ferme,bonne,amp; fertile : ce quea-Cdwye ü'e uantlexperience l’onneuft iamaiseftimé,mefines fe-Id ndui- nbsp;nbsp;nbsp;l’opinion des anciens. Doneques la principale cau-
Z^tionde nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•• nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-
l’huteur de noftre nauigation aux Indes Amériques, eit que Monfieur de Villegagnon Cheualier de Malte, merï - homme genereux, amp;; autant bien accompli, foit àla 5««. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;marine,
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marine, ou autres honeftetez,qu’il eftpoßible,ayant Lou'én-auecques meure deliberation,receu lecommadement du Roy,pour auoir efté fuffîïàmment informé de mon voyage au païs de Leuant,amp; l’exercice que iepouuois „„on. auoir fait à la marine, m’a inftamment follicité, voire fous l’autoritc du Roy, monfeigneur Sgt;c Prince, (auquel ie dois tout honneur amp;nbsp;obeiflànce) expreflement commandé luyafsiderpour l’execution defonentre-prifè. Ce que librement i’ay accordé, tant pour l’o-Deiflance,que ie veux rendre à mon Prince naturel, fè-Ion ma capacité,que pour l’honcfteté de la chofè,com-bien qu’elle full laborieufc. Pourceeft-ilquelefixief- Emhdr-me lourde May, Mil cinq cens cinquante cinq, apres que ledit Sieur de Villegagnon eut donné ordre pour l’afleurance commodité de fon voyage , àfcsvaif-feaux,munitions,amp; autres chofes de guerre: mais auec jndes^ plus grande difficulté, que en vne armée marchant fur meriqs. terre, au nobre Sgt;c à la qualité de fès gens de tous eftats, Gentils-hommes, Soldats,amp; variété d’artifans: bref,le toutdreße au meilleur equipage, qu’il fuft poßible: le temps venu de nous embarquer au Hable de grace, Hablede ^ille moderne,lequel en paffantjie dirayauoir efté ap-pelle ainfi Hable, felon mon iugemét, de ce mot aïalt;56 Sui fignifiemer, ou deftroiól : ou fi vous diôfes Haute, hdurtendis dquis fi tu ée en Norm andie à no ftr e grad
’tier amp;nbsp;Ocean Gallique,ou abâdonans la terre, feifines ^egt;ile,nous achemipans fus cefte grad mer à bon droit appellee Ocean, pour fbn impetuofité de ce mot nwV, eoinme veulent aucuns : amp;nbsp;totallement foubmis à la ’tiercy amp;nbsp;du vent ôc des ondes. le fçay bien, qu’en la fu-
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Superßi-tion des anciens dudt que nMt^er,
perftitieufè amp;abufiue religion des Gétils plufieurs fai-foient vœux, prières, amp;nbsp;{àcrifices à diners dieux, félon que la neceßite fè prefentoit.Doncques entre ceux qui vouloyent faire exercice fur Veau, aucuns iettoicntau commencement quelque piece de monnoye dedans, par maniéré de prefent amp;nbsp;otlïande,pour auecques toute congratulation rendre les dieux de la mer propices amp;nbsp;fauorables. Les autres attribuans quelque diuinitc aux vents, ils les appaifoient par edranges cerimonies: comme Ion trouue les Calabriens auoir faidt àlapix, vent ainfi nômc:amp; lesThuriens etPampbiliens a quelques autres. Ainli liions nous en l’Eneide de Virgile (lielleeft digne de quelque foy) combien, pour l’importune priere de luno n vers Eolus Roy des vents, le milerable Troïen a enduré lus la mer,amp;la querelle des Dieux,qui en elf enfuy uie. Par cela peut on euidem-mentcognoiftre l’erreur amp;abus, donteftoitaueuglée l’antiquité en Ion gentililme damnable, attribuât à vne creature,voire des moindres, amp;nbsp;Ibubs la puillancede rhôme,ce qui appartient au feul Créateur: lequel icne Içaurois luft'ifammét louer en cell endroit, pour fedre comuniqué à nous, amp;nbsp;nous auoir exempté d’une lî te-nebreufeignorâce.Et de ma part,pour de là lèule grace auoir tant fauorile nodre voyage, que nous douant le vent fi bien à poupe, nous auos trâquillemét paise le dedroiél:,amp; de la aux Canaries, ides didâtes de l’Eqtii' noétial de vingtfept degrez, amp;nbsp;de nodre Frace de ciinj cens lieues,ou enuiron. Or pourplufieurs railbns m a lèmblé mieux leant commêcer ce mien dilcours ano • dre embarquement,comme par vne plus
certaine methode.
DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 5; thode.Ce que faifànt/i’efpere amy Leôleur)fi vous pre nez plaifir à le lire,de vous conduire de point en autre, amp;nbsp;de lieu en lieu, depuis le commencemêt iniques a la fin,droit, corne auec le fil deTlieiee,obièruant la longitude des païs,amp; latitude . Toutesfoisou ie n’auroys faidt tel deuoir,que la chofe,amp; voftre iugement exquis meriteroit,ie vous itipplie m’excufer, conliderant ellre malaiie à vnhommeieulet,iànsfaneur iùpportde quelque Prince ou grâd Seigneur, pouuoir voyager amp;nbsp;deicouurir les païsiointains, y obièruât les chofes fin-gnlieres, n’y execute!' grandes entrepriiès, cobien que de foy en fuit afiez capable.Et me fouuient qua ce propos dit tres-bienAriitote, Qu’il eflimpofsible fort malaiie, que celuy face choies de grande excellence,^: dignes de louënge,quand le moyen, c’eif à dirc,richci-fes Iny défaillent: ioincl que la vie de l’homme eil: bre-ue,iùbieôl;e à mille fortunes amp;nbsp;aduerfitez.
Du deflroi^ anciennement nommé Calpe^ au-iourd'huy Gibaltar.
C ïi A. V . Z.
Oiloyans donc l’Eipaigne àfeneftre auec vn vent ii calmeamp;propice,vim-mesiufques vis à vis de Gibaltar, iàns toutefois de fi pres en aprocher pour plufieurs caufes: auquel lieu nous feimes quelque feiour. Ce deiîroit Deßnit-
cftiurles limites d’Eipîiigne,diuiiànt l’Europe d’auec ée Gî-1 Afrique: comme celuy de Conilantinople, l’Europe a iij
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5gt;
55
55
55 ißes autres fin^ula-ritct!^ de Gtbal-ttir.
de l’Afie. Plufieurs tiennent iceluy eftre l’origine de no ftremcr Mediterranée, commeii la grand mer pour eflre trop pleine,le degorgeoit par cell: endroid lus la terre,duquel elcript Ariftote en fon liure Du monde en ccfle maniéré: L’Ocean, qui de tous collez nous en-Liironne, vers l’Occident pres les colonnes d’Hercules, lerelpandparla terre en nollre mer , comme en vn port,maisparvn embouchemcnt fort eftroid.Auprès de ce dellroit lètrouLient deux ides aflez prochaines l’vne de l’autre, habitées de barbares, courfiires, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,
Ehufui. leuiçi:^. Frumen taria.
Maine, fl-
Sala,fl.
elclaues la plus grande part,auec la cadene à la iam-^ quot;* be, lelquels trauaillent a faire le fel, dont il fe fait là bien grand traffique. De ces illes l’vne effc Audrale, amp;nbsp;plus grade faite en forme de triàgle, h vous la voyez de loin, nomée par les anciens Ebultis, amp;nbsp;par les modernes leuiza: l’autre regarde Septentrion, appelléc Frumentaria.Et pour y aller eft lanauigation fort difficile, pour certains rochers, qui le voient à fleur d’eau, amp;nbsp;autres incommoditez. D’auantage y entrent plu-fieurs riuieres nauigables,quiy apportent grand enri-chilfcment,comme vne appellee Malue,lèparant la Mauritanie de la Celàrienlè: vne autre encores nommée, Sala,prenant lource de la montagne de Dure : laquelle ayant trauerlc le Royaume de Fes, fe diuilè en forme de ccfle lettre Grecque △, puis fe va rendre dans ce deftroit: amp;nbsp;pareillemét quelques autres, dontàpre-lentme déporté. le diray leulement en paflant, que ce deftroit paße, incontinent fus la colle d’Afrique iuf-ques au tropique de Cancer, on ne voit gueres croillre ne decroillre la mer, mais par delà, fi toil que l’on approche
-ocr page 23-DE LA FRANCE ANTARTICQJE. 4 proche de ce grand fleuiieNiger, vnze degrez de la ligne, on fen apperçoit aucunement felon le cours de ce neuue.En cc deftroiól de la mer Mediterranée y a deux motaçnes d’admirable hauteur, l’vnedu cofté de l’A-frique,lelonMela, anciennement dite Calpe, maintenant Gibaltar: l’autre Abyle,lefquelles enfèmble l’on appelle Colonnes d’Hercules:pource que félon aucuns Tgt;îuerfes il les diuifa quelquefois en deux,qLii jgt;arauât n’efloient opinions qu’vne montagne continue,nommee Briarei. Et là re-tournant de la Grece par ce deftroit feit la confumma-tion defès labeurs,eflimantne deuoir,ou pouuoirpaf- _ fer oultre,pour la vaftité amp;nbsp;amplitude delà mer,quif’e-ftendoit iufques à fbn orizon,amp; fin de fi veuë. Les autres tiennent,que ce m efme Hercules, pour laiffer mémoire de fès heureufes conquefles, feit là eriger deux Colonnes de merueilleufehauteur,ducoftédel’Euro-pe. Car la couftume à efté anciennement, que les no- cwflu-nies amp;nbsp;grands Seigneurs faifoient quelques hautes medesan colonnes au lieu, ou ils finiffoient leurs voyages amp;nbsp;en - «« treprifes, ou bien leur fèpulchreamp;tôbeau: pour mon-ftrer par ce moyen leur grandeur amp;nbsp;eminence par ftis tous les autres. Àinfi liions nous Alexandre auoir laifsé tjuelques lignes aux lieux de l’Afie maieure,ou il auoit efté. Pour mefme caufe à efté érigé le Coloife à Rhodes. Autant fe peult dire du Maufolée, nôbré entre les lèpt merueilles du mode, fait amp;nbsp;bafti par Artemifia en 1 hôneur,amp; pour l’amitié qu’elle portoit à fon mary:au-tantdes pyramides de Méphis, fbuslefquelles eftoient mhumezles Roys d’Egypte.D’auantage à l’entrée de la tnermaieureluleCefàr feit dreffer vne hau te colonne
a iiij
-ocr page 24-Qt^l Hercn' les d eflé^ duqlfint nomees ces Colü-nes. Tdrtef-fi, dn-cienne yilled’A. fiicjue. Gibdl-tdrfieu detrdfi fique de l'Europe amp;d’^~ friqué.
LES S INGVLARI TE S de marbre blanc: de laquelle,amp;du colofïè de Rhodes trouuerez les figures en ma Defcription de Leuant. Et pourtant que plufieurs ont efté de ce nom, nous diros auec Arrian Hiftoriographe,ce Hercules auoir efté ce-luy,que les Tyriés ont célébré: pource q iceux ont edi-fiéTartefle àla frontièred’Elpagne,oufbntles colonnes dont nous auons parlc:amp;la vn temple à luy confà-cré,amp; bafti à la mode des Phéniciens, auecques les /â-crifices amp;nbsp;cerimonies, qui fy failbient le temps paße: außiaefie nommé le lieu d’Hercules. Ce deftroitau-iourd’huy eft vnvrayafile,amp;receptacle de larrons,py-rates,amp; elcumeurs de mer,côme Turcs,Mores,amp; Bar-bares,ennemis de noftre religion Chrefl;ienne:lefquels voltigeans auecques nauires volent les marchants qui viennct traffiquer tant d’Afriquc,Elpagne, que de Fra-ce:mefmes qu’eft encores plus à déplorer, fa cap tiuité de plufieurs Chreftiens, defquelsils vient au tant inhumainement que de belles brutes, en tous leurs affaires, outre la perdition des âmes,pour le violement amp;nbsp;tranP greßion du Chrillianilme.
De l'Afrique en general. CHAP. 3.
Affans outre ce defiroi(ff,pource qu’a uions colloyé le païs d’Afrique I e-Ipace de huit iournées, lèmblable-ment à lèneftre iniques au droit du Cap de Canti, dillant de l’equino-dial trete trois degrez,nous en efcri-rons
-ocr page 25-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 5 rons fommairement. Afrique felon Ptolcmée,eft vne des trois parties de la terre, ( ou bien des quatre, félon Qt^tre les modernes Géographes, qui ont efcrit depuis, que parties de par nauigations plufieurs païs anciennement incon-gneusontefté decouuers, comme l’Inde Amérique, dont nous prétendons elcrirej appellee félon loféplie, Afrique,de Afer, lequel ,comme nous liions es hiîloi- graphes, res Grecques ôc Latines, pour l’auoir fubiuguée,y a re- Etymo-gné, amp;fai6l appellerde fon nom: car au parauant elle lo^ie di~ fappelloit Libye, comme veulent aucuns, de ce mot Grec a/.^g qui hgnifîe ce vent de midy, qui la eft tant frequent amp;nbsp;familier: ou de Libs, qui y régna. Ou bien Afrique a efté nommée de cefte particule a ,amp; -tç«-., qui fignif e froid, comme eflant fans aucune froidure: parauant appellee Hefperia.Quant à fa fituation elle commence véritablement de rOcean Atlantique,^ situatio finit au deftroit de l’Arabie, ou à la Mer d’Egypte, félo Appian: comme pareillement en peu de parolles efcrit tteshien Ariflote. Les autres la fontcomencerau Nil, Severs Septentrion à la mer Mediterranée. Dauantage Afrique â eflé appellée (ainfi que deferit loféphe aux Antiquitez ludaïques) tout ce qui eft copris d’vn cofté fiepuis la mer de Septétrion,ou Mediterranée, iufques 3 l’Ocean Meridional,feparée toutefois en deux,vieille nouuelle : la nouuelle commence aux monts delà
Lune, ayant fbn chef au cap de Bonne efperance, en la ’^cr de Midi,trentccinqciegrezfus la ligne, de forte, Sü elle côticnt de latitude, vingteinq degrez. Quant â ä vieille elle fé diuifé en quatre prouinces, la premiere ^filaBarbarie,contenant Moritanie ou Tin gitane,Cy-b
-ocr page 26-Colones de pierre, OU ßnt CAradie-res Phéniciens.
fE.S S I NG VLAR I.TE Z renc, Sc Cefarienfè. Là tout le peuple eft fort noinau-tresfois ce païsà efté peu habité, auiourd’uy beaucoup plus,fans parler de diuers peuples au milieu de cefte cô-trée, pour la diuerfité des meurs amp;nbsp;de leur religion,la congnoiftance defquels meriteroit bien voyage tout expres. Ptolemée n a faiól métion de la partie exterieure vers le midy, pourn’auoir efté decouuerte de ion téps. Pluheurs l’ont defcritte plus au Iong,côme Pline, Mêla,Strabo, Apian,amp; autres,qui m’épelchera de plus m’y arrefter, Cefte region dit Herodian eftre fécondé amp;nbsp;populeu{è,amp; pourautâty auoir gens de diuerlès Ibr teSjamp;façosdeviure. Que les Phéniciens queîquesfois foiét venuz habiter l’Afrique,moftre ce qu’eft elcrit en langue Phénicienne en aucunes coloncs de pierre, qui le voyent encores en la ville de Tinge,nomée à prefent Tamar, appartenant au Roy de Portugal. Quant aux meurs:tout ainli qu’eft diuerlè la temperature de l’air, félon la diuerhtc des lieux: aulsi acquerét les perlonncs variété de temperamens, amp;nbsp;par confequéee de meurs,
reZz -
Mins.
pour la lympathie,qu’il y â de lame auec le corps. co-me moftre Galien au liure qu’il en à elcrit. Nous voyos ennoftre Europe, mefme en la France, varier aucunement les meurs lelo la variété des païs:côme en la Celtique autremét qu’en l’Aquitaine, amp;nbsp;là autremet qu’en la Gaule Belgique: encores en chacune des trois on trouuera quelq variété. En general lo trouueles Africains, cauteleux: corne les Syriens,auares:les Siciliens, des ftjEtils:lcs Afians,voluptueux. Il y à aufsi variété de re-ligions:les vns gentililent,mais d’vne autre façon,qu’au temps paße: les autres font Mahometiftes quelques
vns
-ocr page 27-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 6 vns tiênét le Chriftianifmcd’vne maniéré fort ertrage, amp;nbsp;autremêt que nous.Q^t aux beftes brutes,elles font fort variables.Arirtote dit les beftes en Afic eftrefort cruelles, roburtcs en rEurope,en Afrique môftrueufès.Pourla ra- caufeptir rité des eaux,plufieurs beftes de diuerlè efpece font con-traintesdefaflembleraulieu ou il fètrouue quelque eau: ôclabieniouuetleconiuniquctles vnes aux autres, pour la chaleur qui les rend aucunement propres amp;faciles.De bejîesmo là fengendrét plufieursanimaux môrtrueux,d’efpeces di-Uerfes reprefentéesen vn mefmeindiuidu.Qui adonéar-gument au prouerbe, Que l’Afrique produit toufiours Prouer-quelque chofè de nouueau.Ce mefme prouerbe ont plus auant pratiqué les Romains,cômc plulicurs fois ils ay ent faiél voyages,^ expeditions en Afriquejpourl’auoir par long temps dominée. Corne vous auez de Scipion fur-nommé Africain, ils emportoyent tourtours ie ne Içay quoy d’eftrange, qui fembloit mettre amp;nbsp;engendrer fean-dale en leur cité amp;nbsp;République.
De l'Afrique en particulier. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. 4.
R quant à la partie d’Afrique, laquelle nousauos coftoyéevers l’Océan Atlan-V tique, corne Mauritanie, amp;nbsp;la Barbarie, ‘tpp^^^eepour la diuerrttéamp; façon eftrange des habitans: elle ert habitée de Turcs,Mores, amp;nbsp;autres natifs du païs, cjuoyaf Vray ert qu’en aucûs lieux elle eft peu habitée,amp; corne de- nomee. ferte,tât à caufe de l’excertiue chaleur,qui les cotraint de-meuter tousnuds, hors-mis les parties honteufes, que pour la rterilité d’aucuns endroits pleins d’arenes,amp; pour
b ij
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la quantité des bcftes fàuuages, comme Lions, Tigres, Dragons, Leopards, Buffles, Hyeucs, Panthères, amp;nbsp;autres, qui contraignent les gens du pais aller en troupes a leurs affaires amp;nbsp;traffiqucs, garnis d’arcs, de ficclies, au
tres ballons pour foy defendre. Que fi quelquefois ils font fürpris en petitnombrc,conamc quand ils vontpef-cher, ou autrement, ils gaignent la mer, (5e Ce icttans dedans Ce Cannent à bien nagerzà quoy par contrainte le font ainfi duits amp;: accoullu mez. Les autres n’cllans Ci habiles, ou n’ayans l’induHrie de nager, montent aux arbres , amp;nbsp;parce mcfme moyen euitent le danger d’icelles belles. Faut aufii noter que les gens dupais meurent plus fouuent par rauillèmét des belles fiiuuagcs,que par mort naturelle: amp;nbsp;ce depuis Gibaltar iufques au cap Verd.
Ils
-ocr page 29-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 7
Ils tiennent la mallteureufèloy deMahometjencores Religion plus fuperftitieufèniét que les Turcs naturels. Auant que Faire leur oraifbn aux temples amp;nbsp;moufquées,ils Ce lauent entièrement tout le corps, eftimans purger l’ciprit ainfî ' corne le corps par ce lauement exterieur amp;nbsp;cerimonieux, auec vn element corrupti'olc.Et eft l’oraifon faiôle quatre fois le iour, ainfi que i’ay veu faire les Turcs à Conllanti-noble. Au temps paifé que les Payens eurent premièrement,amp; auant tous autres receu celle damnable religion, ils eftoyent contraints vne fois en leur vie faire le voyage de Mccha, ou eil inhumé leur gentil Prophete: autremêt Mecha ils n’efperoyent les delices,qui leur eftoyent promiiès.Ce nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;‘
qu’obfèruent encores auiourd’huy les Turcqs-.amp;faflera-J, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;r i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. . nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;homer.
blent pour taire le voyage auec toutes munitions, com-nie fils vouloyent aller en guerre,pour les incurhons des desTwct Arabes, qui tiennent les montagnes en certains lieux, en Me' Quel!es auemblées ay-ic veu,cftant au Caire,amp; la magni ficence triomphe que Ion y fait? Cela obferuent encores plus curieufèment amp;nbsp;eftroittement les Mores d’Afrique, amp;nbsp;autres Mahometifles, tant font ils aueuglcz amp;nbsp;obflinez. Qui m’adonne occafion deparler cnccft endroit des Turcqs,amp; du voyage,auant qu’entreprendre la guerre, ou autre chofe de grande importance. Et quand principalement le moyen leur eft ofte de faire ce voyage, ils iàcrifient quelque befte fiuuage oudomeftique, sinfi qu’il le rencontre: qu’ils appellent tantenleurlan-gue,qu en Arabefque, Corban^ didion prife des Hébreux
Chaldees, qui vaut autant à dire, corne prefent, ou of-frâde. Ce que ne font les Turcs de Leuât,mefÎTies dedans Coiiftatinoble. Ils ont certains preftres,les plus grads im-b iij
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mters in-uenteurs des lettres et ca ra^îeres.
polleurs du mondeiils font croyre amp;nbsp;entendre au vulgaire, qu’ils Içauent les fecrcts de Dieu, amp;nbsp;de leur Prophete, pour parler Ibuuétauecques eux. D’auatage,ils vient d’v-ne maniéré d’eferire fort ellrâge, amp;nbsp;fattribuét le premier Zfi vlàge d’clcriture,lur toutes autres nations.Ce q^ue ne leur pttespre- accordét iamais les Egyptiens, aulquels la meilleure part de ceux qui ont traité des antiquitez, donnet la premiere inuention d’efcrire,amp;reprefcnter par quelques figures la coception del’clprit.Etàce propos a elcrit Tacite en celle maniéré. Les Egyptiens ont les premiers reprefenté amp;: exprimé la conception de l’elprit par figures d’animaux, grauans lus pierres,pour la mémoire des homes,les choies anciennement faites amp;nbsp;aduenuës. Aufsi ils fe dient les
J) jî
Barbares â[Je^bel liqueux.
premiers inuêteurs des lettres amp;nbsp;caraóleres. Et celle inucn tionfcomme Ion trouue par elcrit)a cité portée en Grèce des Phéniciens,qui lors dominoyent fus la mer,reputans à leur grand gloire,corne inuenteurs premiers de ce qu’ils auoyent pris des Egyptiens. Les homes en celle partdu cofté de l’Europe font alTés belliqueux,couftumiers de le oindre d’huile,dont ils ont abodance, auat qu’entreprendre exercice violent:ainfi que faifoient au temps palTé les Athletes,amp; autres, à fin que les parties du corps, comme mufcles, tendons, nerfs, amp;nbsp;ligamens adoucis par l’huile, fulTcnt plus faciles dilpos à tous mouuemens, félon la variété de l’exercice: car toute choie molle amp;pliableell moins fubieôle a rompre. Ils font guerre principalement contre les Elpagnols de frontière, en partie pour la religion, en partie pour autres caulès. Il efl certain que les Portugais, depuis certain temps en çà,ont pris quelques places en celle Barbarie,ôc bally villes amp;nbsp;forts, ou ils ont
-ocr page 31-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 8 ont introduit noftre religion : fpecialement vne belle ville,qu’ils auoyét nome Saindc Croix,pour y eftre ar- S'. Croix^ riuez amp;nbsp;arreftez vn tel iour : ce au pied d vne belle môtagne.Et depuis deux ans cnça la canaille du pais af- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;*
lèmblez en grâd nobre, ont précipité de delTus ladicfle môtagne,groires pierres,amp;cailloux,qu’ils auoyent tiré des rochers: de maniéré que finablemét les autres ont efté cotraints de quitter la place.Et.i toufiours telle inimitié entre eux,qu’ils traftiquét de fucre,huile,ris,cuirs, amp;nbsp;autres parboftages amp;nbsp;perfbnnes interpolées. Ils ont Fertilité quâtité d’alEez bons fruits, corne orages,citrôs,limons, grenades,amp;: lemblables,dôt ils vfent par faute de meil-leures viâdes:du ris au lieu de blé. Ils boiuct außi huil-Ies,ainli que nous beuuons du vin. Ils viuent allez bon aage,plus ( à mon aduis) pour la lobrieté,amp; indigence de viandes, que autrement.
Des ifles Fortunées^, mdintendnt dppeJlées Cdndries. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. 5.
Barbarie laißee à main gauche, 'quot;1^} ayans toufiours vent en poupe, nous congneumes par l’inftrument déniait rine,de combien nous pouuions lors approcher desilles Fortunées, lituées aux frontières de Mauritanie deuers l’Occident,ainfi appellees par les Anciens, pour la bone temperature de l’air,amp; fertilité d’icelles. Or le premier iour de Septébre audit an,àfix heures du matin, corn- ^^ndés. mcçames à voir l’vnc de ces ill es par la hauteur d’vnc motagne, de laqlle nous parleros plus amplemét amp;nbsp;en particulier cy apres.Ces illes,felon aucûs,font eftimées . eft:redixennôbre:defÿlesyenàtrois,dôtles Auteurs b iiij.
Situdtio des isles
Forttt -nées,(^
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not fait mêtioiijpource qu’elles font dcfertcs,amp; no ha-bitées:les autres lepqc’cft afçauoirTenerife l’ifle de Fer la Gômierejamp; la grand iGelignamet appellee Canarie, font diftantes del’equinoctial de vingtlept degrez : les trois autres,Fortaucture,Palme amp;nbsp;Lencelote, de vingt-huit degrez.Et poLirtat Ion peut voir,que depuis la premiere iufqucs à la derniere, il y à vn degré, qui vault dixlèpt lieues amp;nbsp;demye,pris du Nort au Sud'elonl’opinion des pilots. Mais làns en parler plus auant, qui voudra rechercher par degrez celeftes la quantité des lieues amp;n:ades,que contient la terre, amp;; quelle proportion il y à de lieüe amp;nbsp;degré ( ce que doit obferuer celuy qui veut eferire des païs, comme vray cofinographe) chdp J. il pourra veoir Ptoloméc qui en traitte bien amplcmct 44-ef nbsp;nbsp;en (à Cofnographie.Entre ces ifles n’y aq la plus grade
qui fut appellée Canarie: amp;nbsp;ce pour la multitude des grâds chiens, quelle nourrih: ainlique recitePline,amp; plufieurs autres apres luy,quidifènt encores que luba en emmena deux: maintenant font toutes appelées Ca naries pour cefte mefme raifon, fans diftinôiion aucu-ne.Maislèlonmó opinion i’eftimeroye pluftoft auoir efté appellées Canaries pour l’abondance des cannesamp;: fdrquoy roicaux làuuages, qui (ontfurle riuage de la Mer : car wa/wfe- quant aux roleaux portans lucre, les Efpagnols en ont ap- planté quelque partie, depuis le temps qu’ils ont com-wrfr/«. iiaencé à habiter ces lieux là: mais des làuuages yen a-uoit au parauant, que ce païs aye porté chiens ne grads nepetis: ce queaulsin’eft vraylemblable: car principalement ay congneu par experience, que tous ces Sauua gesdecouuers depuis certain temps cnça,onques n’a-uoyent
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uoyenteu congnoißance de chat, ne de chien: comme nous monftrerons en Con lieu plus amplement. le f^'ay bien toutesfois que les Portugais y en ont mené amp;nbsp;nour-ry quelques vns,ce qu’ils font encores auiourd’huy,pour chafler aux cheures amp;nbsp;autres beftes fàuuages. Pline donc en parle en celle maniéré, La premiere ellappellée Om- Ombrio. brion, ou n’y à aucun figne de baftiment ou mailbn:es montagnes le voit vnellang,amp; arbres lèmblables à celuy .^rbre qu’on appelle Ferula, mais blancs amp;nbsp;noirs, delquels on epraintamp;tireeauzdes noirs,l’eau eft fort amerc:amp;aucon traire des blancs, eau plailànte à boire. L’autre ell appellee lunonia, ou il n’y à qu’vne mailbnnette baftie leule- tunonid. nient de pierre. Il fen voit vne autre prochaine, mais moindre de mehne nom.Vne autre ell pleine de grâds lelàrds. Vis a vis d’icelles y en auoit vne appellee l’Ille de iße de neiges, pôurcequelleelltouliourscouuertede neiges. La prochaine d’icellc eft Canaria,ainfi dite pour la multitude des grands chiens quelle produit, corne défia nous auons dit:dont luba Roy de Mauritanie en amena deux: amp;nbsp;en icelle y à quelque apparence de baftimens vieux. Ce païs anciennement â efté habité de gens fiiuuages amp;nbsp;barbares, ignoras Dieu amp;nbsp;totalement idolâtres, adorans le Soleil, la Lune, amp;nbsp;quelques autres planètes, corne lou-ueraines deitez,delquelles ils receuoyenttous biens:mais depuis cinquate ans les Elpagnolsles ont défaits amp;nbsp;fubiu-guez, amp;nbsp;en partie tuez, amp;nbsp;les autres tenus captifs amp;nbsp;clcla-ucs: lelquels f habituans là, y ont introduit la foy Chre-llienne ,de maniéré qu’il n’y à plus des anciens amp;nbsp;premiers habitateurs, finon quelques vns qui le font retirez ßc cachez aux montagnes: comme en celle du Pych, de v
Steiges.
Cdndrid.
Hdb'itas des CdM ries réduits à Id
ö nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;J ■’ tienne,
C nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-
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Bote des ißes Cd-ndries.
Sucre de Canarie,
Sucre de ^^y^te.
Sucre de •yirabie.
laquelle nous parleros cy apres. Vray eft que ce lieu eft vn refuge detouslesbanis d’Efpagne, lefquels par punition on enuoye là en exil: dont il y en à vn nobre infini: außi d’eftlaues, defquels ils fè fçauent bien fèruirà labourer la terre, amp;nbsp;à toutes autres chofeslaborieufès. le ne me puis aftezemerueiller comme les habitans de ces ifles amp;nbsp;d’Afrique pour eftre voifins prochains, ayent efté tant diffe-rens de langage, de coleur, de religion Sgt;c de meurs:at-tendu meftneque plufieurs foubs l’Empire Romain ont conquefté amp;fubiugué la plus grad part de l’Afrique,fans toucher à ces ifles,comme ils firent en la mer Méditerranée, confideré qu’elles font merueilleufèmét fertiles, fèr-uans à prefent de grenier amp;nbsp;caue aux Efpagnols,ainfi que la Sicile aux Romains amp;nbsp;Geneuois. Or ce païs tresbon de foy eftant ainfi bien cultiué raporte grands reuenuz cmolumcns, amp;nbsp;le plus en fiicres : car depuis quelque têps ils y ont planté force canes,qui produifènt fucres en grade quantité,amp; bon à merueilles: amp;nbsp;non en ces ifles feulement,mais en toutes autres places qu’ils tiennét par delà: toutesfois il n’eft fi bon partout qu’en ces Canaries. Et la caufè qu’il eft mieux recueilly amp;nbsp;dcfiré,eft que les ifles en la mer Mediterranée,du cofté de laGrece, comme Met-telin, Rhodes, amp;nbsp;autres efolades rapportans tresbons fiicres, auant quellesfuffent cntreles mainsdesTurcs,ont efté démolies par negligence, ou autrement. Et n’ay veu en tout le païs de Leuant faire fucre,qu’en Egypte-' amp;nbsp;les cannes,qui le produifènt, croifTent fur leriuagedu Nil,lequel aufsi eft fort bien eftimé du peuple amp;nbsp;des mar-chans,qui en traftiquent autant amp;nbsp;plus q de celuy de noz Canaries. Les Anciens eftimerent fort le fucre de l’Ara-
■ ■ bie,
-ocr page 35-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. IO bie,pourcc qu’il eftoit merueilleufêment cordial amp;nbsp;lou-uerain, fpccialcmcnt en medicines, amp;nbsp;ne l’appliquoyent gueres à autres choies : mais auiourd’huy la volupté cft augmétée iniques là,fpecialementennoftre Europe,que Ion ne Içauroit faire h petit banquet, mehnes en nollre maniéré de viure accoullumée, que toutes les lances ne loyent fucrées,amp;: aucunesfois les viandes.Ce qu’a cité défendu aux Athéniens par leurs loix, corne chofe qui efte-minoit le peuple:ce que les Lacedemoniens ont fuiuy par exemple. Il ell vray,que les plus grands lèigneurs de Turquie boyuent eaux lucrées, pource que le vin leur eft défendu par leur loy. Quant au vin, qu’a inuenté ce grad Hippocrates médecin,i! eftoit lèulemét permis aux perlonnes malades amp;: debilitces:mais ceiourd’huy il no’ eft prelque autant commun, que le vin eft rare en autre païs. Nous auons dit cela enpalTant fur le propos de lucre, retournons à noftre principal fnbicél. De bleds,il y enâ quantité en ces illes,auGi de tresbon vin, meilleur que celuy de Candie,ou le trouuent les maluailies,com-ine nous déclarerons aux ifles deMadere. De chairs,fuf-filàmmét, comme cheureslàuuages amp;nbsp;domeftiques, oy-feaux de toute elpece, grande quantité d’orages, citrons, grenades, amp;nbsp;autres fruits, palmes, amp;nbsp;grande quantité de bon miel. Il y â auGi aux riues des fleuues,des arbrilTeaux, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•
que Ion nome papier, amp;nbsp;aufdits fleuues despoiftonsno-Inez fllures, que Paulus louius en Ibnliure tics Poiftbns, penfe eftreefturgeons,dont le repaiftent les pauures eG claues,fuans detrauail à grande haleine, le plus Ibuuent a faulte de meilleure viânde:etdiray ce mot en palfant, qu’ils lont fort durement traitez des Elpa gnols,pi-incipa-
c ij
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lement Portugais, 6: pis que fils cftoient entre les Turcs,' ou Arabes. Et fuis contrainôt d’en parler, pour les a-Orlfëüe, uoir ainfi veu mal traiôher. Entre autres chofès Ce trou-hs)-bi. ue vnc herbe contre les montagnes appellee vulgairement Orifelle, laquelle ils recueillent diligemment pour en faire teinture. En outre ils font vne gomme noire qu’ils appellent Bré, dont a grande abondance en la Te-nerifFe. ils abatent des pins, defquels y à grande quanti-(jh mA leg nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;en grofles bufches iufqües â dix on dou-
lafaire chartées, amp;nbsp;les difpofènt par pieces l’vne fur l’autre en forme de croix ; amp;nbsp;aefToubs ceft amas y à vne foffe ronde de moyenne profondité, puis mettent le feu en ce bois prefques par le couppeau du tas : amp;nbsp;lors rend fi gomme qui cnet en cefte foffe. Les autres y procèdent auccques moindre labeur, la foffe faiôte mettans le feu en l’arbre. Cefte gomme leur rapporte grands deniers pour la traffiq^ue qu’ils en font au Peru, de laquelle ils vfènt â callefeutrer nauires, ôc autres vaiffeaux de marine gt;nbsp;fans l’appliquer â autre chofè. Quant au cueur de ceft arbre tirant fur couleur rouge, les pau-Bois fa- ures gens des montagnes le couppentpar battons afîèz hAnt.en longs, comme de demye braßee, gros d’vn pouce: amp;nbsp;par vn bout,fen fèruent en lieu de chandel-
cliAdslU, ^ußi en vfènt les Efpagnols en cefte maniéré.
-ocr page 37-DE LA FRANCE ANTAR Ct IQ VE. 11 Pf la haute montane du Fychgt;, C H A P. t?.-
N l’vne de ces illeSjnommeeTener.’ffejy h avnemotjgne de fiadinirablc hauteur, que les monta e;nes d’Armenic,de laPer-{c,Tartarie,neJe mont Liban en Syrie, Ie mont Ida,Athos, ne Olympe tant célébré parles hiftoires,ne luy doiuct ellre comparez:contenant de circuit lept lieues pour le moins, Sc de pied en cap dixhuiéb lieues. Celle montagne Pych , en tout temps quali nebuletile, ob{cure,^amp;: pleine de grofles amp;nbsp;froides vapeurs,amp; de neige pareillement : combien qu’elle ne ic voit nyCe-nient,à caulc, félon mon iugement, quelle approche de la moyenne region de l’air, qui efl tresfroide par antiperiflafe des deux autres, comme tiennent les Phb lofbphes : ôc que la neige ne peult fondre, pourtant Qu’en cell endroit nefe peut faire reflexion des rayons du Soleil, ne plus ne moins que contre le deual: par-quoy la partie fuperieure demeure toufiours froide. Celle motagne efl: de telle hauteur, que fi l’air eft fetâini onia peut voir fus l’eau de cinquîîte lieues, amp;nbsp;plus. Le fell amp;nbsp;couppeau/oit qu’o le voye de près ou de loin g, efl fait de celle figure n, qui efl o mega des Grecs. lay veu fern Wablement le mont Etna en Sicile, de trente lieues : amp;nbsp;idautem fus la mer pres de Cypre, quelque montagne d’Arme-nie de cinquante lieues, encores queic n’aye laveuë fi-bonne que Lynceus, qui du promontoire Lilybéc en Si-eile Yoyoit amp;nbsp;difeernoit les iiauircs au port de Carthage., c iij
blä ]iäu~ tear circuit damp;‘ li mon-ta^ne dttlt; Pyclt.
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le m’afleure qu’aucuns trouueront cela eftrange, efti-mans la portée de l’œil n’auoir fi log orizon; ce qu’efl: veritable en planeure,mais en haulteur,non. Les Elpagnols ontplufieurs fois elTayé a fonder la hauteur de celle mo-tagne. Et pour ce faire ils ont plufieurs fois enuoyé quelque nombre de gens auec mulets portans pain,vin,et autres munitions: mais oncqucs n’en font retournez, ainfi que m’ot affermé ceux qui là ont demeuré dix ans. Pour-quoyont opinion qu’en ladite montagne, tant au fom-met qu’au circuit y à quelque relie de ces Canariens ftu-uages, qui fe font là retirez,et tiennent la montagne, vi-uans déracinés et chairslàuuages,qui làccagentceux qui veulent recon gnoillre,ct fapprocher pour decouurir la vtokmee montagne. Et decePtoleméeà bien eu congnoilfance, difint, que outre les colonnes d’Hercules en certaine ifle «y e mo ymontagne demerueilleufehauteur: et pourcele coupeau ellretoufiourscouuert de neiges. Il en tombe grande abondance d’eau arrolànt toute l’ifle:qui la rend plus fertile tant en cannes et lucres q autres cholès:et n’y en à autre que celle qui vient de celle montagne, autrement le pais quiell enuiron le tropique de Cancer de-meureroit fterile pour l’excelsiue chaleur. Elle produit abondamment certaines pierres fort poreulès, comme elponges,amp;fontfortlegeres,tellcmentqu’vnegrofl'ecô-duit autres pierres comme excrement de fer.Et quatre ou cinq lieues en motant le trouuent autres pierres lèntans Je JbufFre, dont eftiment les habitans qu’en cell endroit y a quelque mine de foudre.
Pierres poreu/ès, et autres de diuer-ß ßrte.
J)e
-ocr page 39-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. ü De l’tße de Fer.
CYL k V . 'J.
Ntre ces ifles i’ay bien voulu particulièrement defcrirelifle de Fer, prochaine à la TenerifFe,ainfi appellee, parce que dedans fè trouuent mines de fer : comme
Iße de lerpouY-quoy dTJi appellee.
celle de Palme pour l’abodance des palmes,amp; ainfi des autres.Et encores quelle foit la plus petite en toute dimenfionfear Ibn circuit n’efl: que de Cix lieuës)fi eft elle toutesfois fertile, en ce quelle côtientjtant en canes portas iùcres,qu’en beftial, fruits, beaux iardins par fus tous les autres. Elle eft habitée des Elpagnols,ainli que les autres ifles. Quant au blé il n’y en a pas lùîhlànce pour nourrir les habitans;parquoy la plus grand part,cômeles efclaues,font contraints deft nourrir dclaicf,amp; fourmages de cheures, dont y en a quatité: parquoy ils fe moftrent frais,dilpos,amp; merueilleuftmenc bien nourris: par ce q tel nourriflemét par couftume eft familier à leur naturel, enftmble que la bonne temperature de l’air les fauorift. Quelque demy philolbphe ou demy médecin f honneur Mrdé à qui le merite ) pourra tlemandcr en ceft endroit,h vEins de telles chofts ne font
Tertilité de l'iße de 1er.
graueleux, attendu quelelaiél amp;nbsp;formage font matière Laldl et de grauelle, ainfi que l’on voitaduenirà plufieurs en no-lire Europe: ie refpondray quele fourmagede loy peut eftre bon amp;c mauuais, graueleux amp;nbsp;non graueleux, felon b quantité que lonen prend, amp;nbsp;la dilpofitiondela per-fonne. Vray eft qu’a nous autres,qui à vne mefme heure noncontens d’vne eipece de viande, en prenos bien fou-
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uent de vingt cinq ou trente, ainfi qu’il vient, amp;nbsp;boire de jnefine, amp;nbsp;tant qu’il en peut tenir entre le baft amp;nbsp;les fan-gles y feulement pour honorer chacune d’icelles, amp;nbsp;en bonne quantité amp;nbsp;fouuent: fi le fourmage le trouue d a-quot; bondant, nature dehagreuce delà multitude, en pourra mal Elire fon proffit, ioint que de foy il effaffez difficile a cuire digerer: mais quad l’eftornach eh di(pos,non débilité d’exceßiuc crapule,non feulement il pourra digérer le fourmage,hüt-il dcMilan,ou deBemune,mais encores choie plus dure à vn beloing. Retournons à no-flre propos : ce n’eh à vn Cofmographe de dilputer fia-Diuers nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;de la medicine. Nous voy ós les Sauuages aux Indes
nourfif- viure fept ou huiét moys à la guerre de farine faiftc de fements certaines racines feiches ôc dures, aulquelles on iugeroic dtuers auojr nourriffemêt ou aucune lùbÜaee. Les habitans rquot;? jg Crete amp;nbsp;Cypre ne viuét prelque d’autre choie que de laiôlages,quilbnt meilleurs que de noz Canaries,pource qu’ils font de vaches, amp;nbsp;les autres decheures. le ne me veuxarreller aulaiól de vache, qui eft plus gros amp;nbsp;plus gras que d’autres animaux, amp;nbsp;de cheure eft mediocre.
Lebici Dauantage que le laidl eft tresbon nourriffement, qui tmbun promptement eft conuerti en lang, pource que ce n’eft noumf- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;blanchi en la mamelle. Pline au liure n. chap.
' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’ 42.recite que Zoroaftres à velcu vingt ans au delèrt feu
lement de foLirmages. Les Pamphiliens en guerre n’a-uoyent prelque autres viures,qu e fourmages dalheffes èc de chameaux. Ce que i’ay veu faire lèmblablementaux Arabes:amp; non lèulement boyuent laidt au lieu d’eau paf-fins les delèrts d’Egypte, mais außi en donnent à leurs cheuaux. Et pour rien ne laifferquiplus appartienne à ce
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prefènt difcours, les anciens Efpagnols la plus part de l’année ne viuoyentque de glans, comme recite Strabon amp;Poßidoine,defquels ils failoient leurpain,amp;leur bru-uage de certaines racines : amp;nbsp;non feulement les Efpagnols, mais plufieurs autres, comme dit Virgile en fes Georgiques: mais le temps nous a apporté quelque façon de viure plus douce amp;nbsp;plus humaine. Plus en toutes ces iflesles homes font beaucoup plusrobufles amp;; rompus au trauail,que les Efpagnols en Efpagne,hayans auf-Il lettres ne autres ert:udes,nnon toute ruflicite. le diray pour la fin q les fçauants,amp; bien apris au fàiél de marine, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;de
tât Portugais que autres Efpagnols, difent que cefle ifle eftdroitementfoubs lediametre,ainfi qu’ils ont noté en n^ne dilt;t leurs cartes marines, limitans tout ce qu’eft du Nortau metrAle. Su: comme la ligne equinoéliale de Aoefl amp;nbsp;Efl, c’efl a-fçauoir en longitude du Leuant au Ponent : corne le diamètre elllatitudeduNort auSuzlefquelles lignes font e-gales en grâdeur,car chacune contient trois cens foixante degrez, amp;nbsp;chacun degré, comme parauant nous auons dit,dixfept lieuè'samp;demye. Et tout ainfi que la ligne e-quinoéhiale diuifê la Sphere en deux, amp;nbsp;les vingtquatre climats,douzc en Orient,amp;: autant en Occident:aufii celle diametrale pafîant par noflre ifle, corne l’equinoéliale par les ifles fainét Orner,couppeles paralleles, amp;nbsp;toute la Sphere,par moytié de Septctrion au Midy. Au fur plus ien’ayveuen celle ifle chofè digne d’efcrire,finon qu’il y à grande quantité de fcorpions,amp; plus dangereux que scor^%s ceux que i’ay veuz en Turquie, comme i’ay congneu desCand par experienCc:aulsi les Turcs les amafïent diligemment pour en faire huille propre à la medecine, ainfi comme
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les médecins en fçauent fort bien vfer.
Des tßes de Madere.
CHAP. 8.
Isles de M adere non coH' gneues des Anciens.
Mddere, ^Meßgni fie en lan ^ue de Portu -S'dis.
G .
Situatîo des isles de Md-dere.
■ Ous ne lifons point es Auteurs, que ces ifles ayent aucunement efté congneuès ne decouuertes, que depuis foixante ans 'ença,que les Elpagnols amp;nbsp;Portugais fc font bazardez amp;nbsp;entrepris pluGeurs na-uigations en l’Océan. Et comme auons dit cy douant, Ptoleméeâ bien eu congnoiflance de noz ifles Fortunées,mefmes iufquesauCap verd. Plineaußi fait mention que luba emmena deux chiens de la grande Canarie, outre pluGeurs autres qui en ont parlé. Les Portugais doncques ont efté les premiers qui ont decou-uert ces ifles dont nous parlons, amp;nbsp;nommées en leur lan-gue,Madere, qui vault autant à dire comme bois, pourtant qu’elles eftoyent totalemêt de{èrtes,pleines de bois, amp;nbsp;non habitées. Or elles font Gtuées entre Gibaltar,amp;les Canaries,vers le Ponent : amp;nbsp;en noftrenauigationles auôs coftoyées a main dextre, diftantes de l’equinoélial enui-ron trente deux des:rez,amp; des Fortunées defoixate trois lieues. Pour decouurir cultiuer ce païs,ainG qu’vn Portugais maiftre pilot m’a recité, furent contraints mettre le feu dedans les bois,tant de haute fuftaye,que autres,de la plus grande amp;nbsp;principale ifle, qui cft faite en formede triangle, comme △ des Grecs,contenant de circuit quatorze lieues ou enuiron:ou le feu cotinua lelpace de cinq àGxioursde telle veheméce amp;nbsp;ardeur, qu’ils furent contraints
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traints defèfàuuer amp;nbsp;garantira leurs nauires:amp;les autres qui n’auoyent ce moyen amp;nbsp;liberté, le ietterent en la mer, iniques à tant que la fureur du feu full paßee. Incótinent apres le mirent à labourer,planter, Sclèmer graines di-uerlès,qui proffitentmerueilleulèment bien pour la bone dilpofition aménité de l’air : puis baftirent mailbns amp;fortereires,de maniéré qu’il ne lètrouueauiourd’buy lieu plus beau amp;nbsp;plusplailànt. Entre autres choies ils ont planté abondance de cannes, qui portent fort bon lucre: dont il le fait grand tralfique,amp;auiourd’huyeft célébré le fucre de Madere. Celle gent qui auiourd’huy habite Madere,ell beaucoup plus ciuile amp;nbsp;humaine, que celle des CanarieSjamp;traffiqueauectous autres le plus humainement qu’il eft poßible. La plus grande traffique efl de fucre,de vin,(dont nous parlerons plusamplemet ) de miel, de cire,orenges, citrons, limons, grenades, amp;cor-douans. Ils font confitures en bone quâtité, les meilleures amp;nbsp;les plus exquiles qu’on pourroit louhaitter :amp;les font en formes d’homes, de femmes, de lyons, oylèaux, ScpoilTons, qui eft chofe belle à contempler, amp;nbsp;encores meilleure à goufter. Ils mettent dauatage plufieurs fruits en confitures,quife peuuét garder par ce moyen,amp;;tranf-porter és pais ellranges,aulbulagemêt amp;nbsp;recreation d’vn chacun. Ce pais eft donc tresbeau,amp; autat fertile:tant de fon naturel amp;nbsp;fituation (pour les belles montagnes acco-pagnées de bois, amp;nbsp;fruits cftranges,lefquelsnous n’auos par deçà) que pour les fontaines amp;nbsp;viues fources, dont la campagne eft arrofée, amp;nbsp;garnie d’herbes amp;nbsp;paflurages fuffifamment,beftesfàuuages de toutes fortes:außi pour auoir diligemment enrichi le lieu de labourages. Entre
d ij
Sucre de Madere célébré
entre autres.
Conßtu-res de
Madere.
fertilité des isles de Madere.
LES SINGVLARITEZ
comms, les arbres quiy font,y a pkifieurs lt;^ui iettent gommes,lesquelles ils ont appris auecle teps a bien appliquer à cho-lEj^scsde fès neceflaires. Ils fo void là vne elpece de gaiac, mais Gtticic. pource qu’il n’à efté trouué fi bon que celuy des Antilles, ils n’en tiennét pas grâd conte: peut efireaufii qu’ils n’entendent la maniéré de le bié preparer amp;nbsp;accomoder. Il y à aufii quelques arbres qui en certain téps de l’année iet-slt;inlt;r de tent bonne gomme,qu’ils appellent Sang de dragon : amp;nbsp;dragon, pour la tirer hors percent l’arbre par le pied,d’vne ouuer-ture allez large amp;nbsp;profonde. Cell arbre produit vn fruiôl iaune de groITeur d’vne cerize de ce païs,qui ell fort propre à refrefohir amp;nbsp;de{àlterer,foit en heure ou autrement. Ce foc ou gomme n’efl diflemblable au Cynabre, dont cynabre eforiptDiofooride, Quàt au Cynabre,dit il,on l’apporte de Dio- de l’Afrique, amp;nbsp;fe vend cher, amp;nbsp;ne fen trouueallez pour fcoride. ßtisf^ire aux peintres : il ell rou ge amp;: non blafard, poiir-quoy aucuns ont ellimé quec’efloit Sang de dragon: amp;nbsp;ainfi l’à eftimé Pline en fon liure trentetrofiefinede l’iii-
Iloire naturelle, chap.feptiefi-ne. Delquels tant Cynabre que Sang de dragon,ne fo trouue auiourd’huy de certain, ne naturel par deçà, tel que l’ont defoript les Anciens, mais l’vn Se l’autre ell artificiel. Doneques attendu ce qu’en eftimoyent les Anciens, amp;nbsp;ce que i’ay congnu de celle gomme,iel’ellimeroye ellretotalemêtfomWable au Cynabre, amp;nbsp;Sang de dragon, ayant vne vertu allrin-gente amp;nbsp;refrigeratiue. le ne veux oublier entre ces fruits tant finguliers,comme gros limons, orenges, citrons, amp;nbsp;abondance de grenades doulces, yincufos,aigres, aigrel-doulces, moyennes,lefoorce delquelles ils appliquent a tanner amp;nbsp;enforcer lescuirs, pource quelles font fort a-flringentes.-
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ftringentes. Et penfè qu’ils ont apris cela de Pline, car il en traite auliure treziefme chap.aixneufiefinedelonhi* ftoire. Brief, ces ifles tant fertiles amp;nbsp;amenés furmoteront en delices celles de la Grece,fuiré Cliios,que Empedocles • â tant célébré,amp; Rhodes Apollonius,amp; plulîeurs autres.-
Du yin de 'Ma.dere.
CHAP. 9.quot;
Öus auons dit combien le terrouër de Madere eft propre amp;nbsp;dilpos à porter plu lieurs elpeces de bons fruits,maintenant faut parler du vin , lequel entre tous fruits pour l’vfige amp;nbsp;neceßite de la vie humaine , ie ne Içay fil merite le premier degré, pour le moins ie puis afl'eurer du fécond en’ excellence amp;nbsp;perfection. Le vin amp;nbsp;lucre pour vne affinité de temperature, qu’ils ont enlèmble,demâdent-aulsi melhie difpolitiongt;quâtàrair à laterre. Et tout ainfi que noz ifles de .Madere apportent grande quantité de tresbon lucre, aufsiapportent elles de bon vin, de quel-que part que loyent venuz les plants amp;nbsp;marquqtes.
Les Elpagnols m’ont affermé n’auoir elfe apportez de Leuant, ne de Candie, combien que le vin en foit auf-fi bon, ou meilleur : ce que doneques ne doit eftre attribué à autre chofe, linon à la bonté du territoire le fçay bien que Cyrus Roy des Medes amp;nbsp;Alsyriens,a-uant que d’aüoir conquefté l’Egypte, feit- planter grand nombre de plantes, lelquelles il feit apporter de Syrie, ■ qui depuis ont rapporté de bons vins, mais qui n’ont-d üj.
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Mdludï-ßedeCa-die.
vin de biste de J? dime.
lurpafsc toutesfois ceux de Madère. Et quant au vin de Candie,combien que lesmaluaifies y-foyent fort excellentes,ainfi que anciennement elles ont efté grandement eftimées es baquets des Romains, vne fois feulement par repas,pour faire bone bouche:amp; eftoyent beaucoup plus célébrées que les vins de Chios,Metellin,amp; du promontoire d’Aruoifè,que pour fon excellence amp;nbsp;füauitc,â efté appelle bruuage des dieux. Mais auiourd’huy ont acquis amp;nbsp;gaigné reputation les vins de noflre Madere,amp; del’ifle de Palme, l’vne des Canaries, ou croift vin blanc, rouge, amp;nbsp;clairet:dont il fè fait grand traffique par Efpagne amp;nbsp;autres lieux. Le plus excellent fè vend fus le lieu de neuf à dix ducats la pipe:duquel pais eftanttranfportc ailleurs, eft merueilleufement ardent,amp; plus tofl venin aux hommes que nourrifremét,fil n’eft pris auec grade diferetion.
Vtilité dtt yin frismo-deremiet.
Platon â eflimé le vineflre nourrifreméttresbô,amp; bien familier au corps humain,excitant l’efprità vertu cho-fèshoneltes,pourueu que Ion en vfe modérément. Pline außi dit le vin eflre fbuucrainc medecine.Ce que les Per-fès congnoiflans fort bien eftimerent les grandesentre-prifès, apres le vin modérément pris, eflre plus valables, que celles que Ion faifoit à ieun: c’efla fçauoir eflant pris en fùffifànte quatité, felon la complexion des perfonnes.
Nous auons dit,qu’il n’y â que la quatité es ahmens qui nuifè. Doneques ce vin elt meilleur à mon iugement la féconde ou troifiefmeannée, que la premiere,qu’il retient cefteardeur du Soleil,laquelle fcconfume auecle temps,amp; ne demeure que la chaleur naturelle du vin; corne nous pourrions dire de noz vins decefle année 1556'. ou bien apres eflre tranfportez d’vn lieu en autre, car par ce moyen
-ocr page 47-DE LA FRANCE A NT A R C T I C QV E. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lïT
ce moyen celle chaleur ardente Ce difsipe. le diray encore qu’en ccsifl es de Madere luxurient h abondamment les herbes amp;nbsp;arbres, amp;nbsp;les fruits à lèmblable, qu’ils font contraints en coupper amp;nbsp;brufler vne partie, au lieu def-quels ils plantent des cannes à lucre, qui y prolfitent fort bien,apportans leur fucre en fix moys. Et celles qu’ils auront plantées en lanuier, taillent au mois de luin ; amp;nbsp;ainlî en proportion demoys enautre,fèlon quelles fontplan-tées:qui empelche q l’ardeur du Soleil nelesincomode. Voylafommairement ce que nous auons peuoblèruer, quant aux fingularitez des ilïes de Madere.
Du promontoire l^erd nbsp;nbsp;nbsp;de fès ifles.
Cü h v. lO.
Es Anciens ont appelle promontoire vne eminéce de terre entrant loin g en la mer,de laqlle Ion void de loingxe qu’au apjelloZ iourd’huy les modernes appellent Cap, cap.. comme vnechofe eminente par lùs les autres, ainfique la telle pardelfus le re
lie du corps,aufii quelques vns ont voulu cCcnrcPromun-torium dprominendo^ ce qui me lèmble le meilleur. Ce cap ou promontoire,dont nous voulons parler,fitué fur la colle d’Afrique,entre la Barbarie amp;nbsp;la Guynée,au roy au-rue de Senega,diftant de l’equinoélial de i5degrez,an-ciennement appelle lalontpar les gens du pais, amp;nbsp;depuis capVerdpar ceux qui ontrànauigé,amp; fait ladecouuer-te: amp;nbsp;ce pour la multitude d’arbres amp;nbsp;arbrilfeaux, qui y verdoyent la plus grad partie de l’ânée: tout ainfi que Ion d iiij
Lilont^, maintenant cap
pour -^ffoy a'iCt, dit.
LES SINGVLARITEZ
appelle le promontoire ou cap Blanc, pourcc, qu’il efl plein delâblons blancs comme neige,(ans apparence aucune d’berbes'ou arbres,diftant des ifles Canaries de qo. lieues, amp;nbsp;la fc trouue vn goufre de mer, appelle parles Dargin,du nom d’vne petite ille prochaine gnujre. de terre ferme,ou cap de Palme, pour l’abodace des pal-ï^rowo' -miers. Ptoleraéeânommé cecapVerd/lepromontoire totre £e d’Ethiopie, dont il à eu cognoiflance fans pafler outre. îhiopie. .(^eqLiedemaparti’eftimeroyc eftrebiendit, carce païs contient vne grande eftendue:de maniéré que pluheurs diuiféeenl’Afie Scen l’A-'Ï^Ethio- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Entre lefquels Gemma Phrile dit que les monts
Ethiopiques occupants la plus grade partie de l’Afrique, vont iufques auxriucs de l’Océan occidental, vers Midy, iufques au fleuue Nigritis. Ce cap eft fortbeau ôc grand, entrant bien auat dedans la rner,htué fus deux belles mo-tagnes. Tout ce païs eft habite de gens aftez fàuuages, non autant toutesfois que des baftes Indes, fort noirs corne ceux de la Barbarie. Et fault noter,que depuis Gibàl-;tar,iufques au païs du Prefte Ian,amp; Calicut,côtenant plus de trois mille lieues, le peuple eft tout noir. Et mefines i’ay veu dans Hierufilem, trois Euefques de la part de ce Prefte lan, qui eftoyent venuz vifiter le faint fepulchre, beaucoup plus noirs,queccux de la Barbarie,amp; non fans occafion-.car ce n’eft à dire que ceux generalemét de toute l’Afrique, foyent egalement noirs, ou de fcmblables meurs amp;nbsp;conditions les vus comme les autres: attendu la variété des regios, qui font plus chaudes lesvnes que les autres. Ceux de l’Arabie amp;nbsp;Egypte font moyens entre blanc amp;nbsp;noinles autres bruns ou grifàftres, que Ion ap-
-ocr page 49-DE IA FRANCE ANTARCTIQUE. 17 pelle Mores blancs : les autres parfaictemcnt noirs corn- Mom me aduftes. Ils viuentlaplus grand part tous nuds,com- blancs, me les Indiens,recongnoiHans vn roy, qu’ils nomment en leur langue Mahouat : finon que quelques vns tant hommes que femmes cachent leurs parties hotcufès de quelques peaux de belles, Aucuns entre les autres portent cnemifès amp;nbsp;robes de ville cftolïc,qu’ils rcçoiuent en trafiquant aucc les Portugais. Le peuple efl aflez familier amp;nbsp;humain enuers les elîrangers. Auant que prendre leur repas,ils lè lauent le corps amp;nbsp;les membresemais ils errent grädement en vn autre cndroit,car ils préparer très-mal amp;impurement leurs viandes,aufsi mägent ils chairs amp;poiffbns pourris,amp; corrompus:car lepoilTon pour Ion humidité,la chair pour eftre tendre amp;nbsp;humide,eft incontinent corrompue par la vehemente chaleur, ainfi que nous voyons par deçà en efté: veu außi que humidité eft matière de putréfaction, amp;nbsp;la chaleur efl corne caufè efficiente. Leurs maifons amp;nbsp;hebergemens font de mefmcs, tous ronds en maniéré de colombier, couuerts de ionc marin,duqu el außi ils vfent en lieu deliéljpourfè repofèr dormir. Quant à la religion,ils tiennét diuerfite d’o- Religion pinions allez effranges amp;nbsp;contraires à la vraye religion. nbsp;nbsp;quot;
Les vns adorent les idoles,!es autres Mahomet,princi-paiement au royaume deGambre,eflimanslesvns,qu’il y a vn Dieu auteur de toutes chofès, amp;nbsp;autres opinions non beaucoup diffemblables à celles des Turcs. Il y â au-lt;^uns entre eux, qui viuent plusauflerement que les autres, portans à leur col vn petit vaifleau fermé de tous collez,amp; collé de gome en forme de petit coffret ou cfluy, plein de certains caraCteres propres à faire inuocations,
e
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Barba-
Serrets peuples d'^fri -^ue.
^lmd-dies.
dont couftumierement ils vfent pat certains iours fans rofter,ayans opinion que cependant ne font en danger d’aucun inconuenient. Pour mariage ils fafTemblent les vnsauecles autres p quelques promefl'es, fans autre ceremonie. Celle nation fe maintient aflez ioyeufo, amou-reule des danlès,qu’ils exercent au foir à la LunCjà laquelle ils tornent toujours le vilàge en danlànt, par quelque maniéré de reuerêce amp;nbsp;adoration. Ce que m’a pour vray afleuré vnmienamy,quilc Içait pour yauoir demeuré quelque temps. Par delà font les Barbazinsôc Serrets, a-uec lelquels font guerre perpétuelle ceux dont nous auos parlé,combien qu’ils foyentlemblables,bors-mis que les BarbazinSfont plus fàuuages, cruels amp;nbsp;belliqueux. Les Serrets font vagabonds, amp;nbsp;comme defelperez, tout ainli que les Arabes par les deferts,pillans ce qu’ils peuuêt,fàns loy, làns roy, finon qu’ils portent quelque honneur à ce-luy d’entre eux quia fait quelque prouëlTe ou vaillance en guerre: amp;nbsp;allèguent pour raifon, que fils elloient foubmisàl’obciiranced’vn Roy, qu’il pourroit prendre leurs enfans, amp;nbsp;en vfer corne d’efcîaues, ainfi que le roy de Senega. Ils combatent fos l’eau le plus fouuent auec petites barques, faittes d’efoorche de boys, de quatre bradées de long, qu’ils nomment en leur langue Alma-dies. Leurs armes font arcs amp;nbsp;flefohes fort aiguës, amp;nbsp;en-uenimées,tellement qu'il n’eft poßible de fe fàuuer,qui en â eflé frappé. Dauantageils vfent de ballons de cannes , garnis par le bout de quelques dents de befte ou poiftbn, au lieu de fcr,defouels ils fe fçauent fort bien aider. Quand ils prennent leurs ennemys en guerre,ils les refèruent à vendre aux eftrangers, pour auoir autre mar-' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;” nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' ' chandifè
-ocr page 51-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 18 chandifè( car il n’y à vGgc d’aucune monnoyc)ûns les tuer amp;nbsp;manger: comme font les Canibales, amp;nbsp;ceux du BreßL le ne veux omettre que ioignant celle contrée,y â vntresbeau fleuuc, nome Nigritis,ôc depuis Senega,qui ell de mefme nature que le Nil,dontilprocede,ainßque veulent plufieurs, lequel pafle par la haute Libye, amp;nbsp;le royaume d’Orguene, trauerlânt par le milieu de ce pais nbsp;nbsp;nbsp;'
l’arroulànt, comme le Nil fait l’Egypte : amp;nbsp;pour celle railou à eflé appelle Senega. Les Elpagnols ont voulu plufieurs fois par fus ce fleuue entrer dedans le païs, amp;nbsp;le fubiuguer: ôc de fait quelquefois y ont entré bien quatre vingts lieues: mais ne pouuans aucunement adoucir les gens du païs,ellrâges amp;nbsp;barbares, pour euiter plus grands in cou einen s le Ibnt retirez. La traffique de ces làuuages ell enelclaues,enbœufs, amp;nbsp;cheures, principalement des cuirs,amp; en ont en telle abondance, que pour cent liures de fer vous aurez vne paire de bœufs, amp;nbsp;des meilleurs.
Les Portugais fe vantent auoir elle les premiers,quiont mené en ce cap Verd, cheures,vaches,amp; toreaux,qui depuis auroyét ainfi multiplié. Aufsi y auoir porté plates amp;: feméces diuerlès,comme de ris,citrons,orenges. Quant au mil,il ell natif du païs,amp;: en bonne quantité. Auprès ißespret du promontoire Verd y â trois petites ifles prochaines de du cap terre ferme,autres que celles, que nous appelions Ifles de nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ƒ
cap Verd,dont nous parlerons cy apres,allez belles, pour les beaux arbres, qu elles produilènt : toutesfois elles ne l'ont habitées. Ceux qui font là prochains y vont fouuét pefcher,dont ils rapportent du poilfon enteile abondance, qu’ils en font de la farine, amp;nbsp;en vient au lieu de pain, ^pres ellre lêiché, amp;nbsp;mis en poudre. Enl’vnedecesilles
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fè trouue vn arbre, lequel porte fueilles fèmblables â cel- ^rlre les de noz figuiers, le fruit eft long de deux pieds ou en ■ eßr^^e. uiron, amp;nbsp;gros en proportion, approchant des grofles amp;nbsp;longuescoucourdesdelifledeCypre. Aucunsmangêt de ces fruits, comme nous faifons de fucrins amp;nbsp;melons: amp;nbsp;au dedans de ce fruit cfi vne graine faite à la lèmblan-ce d’vnrognon de heure, delà grofieur d’vne febue.
Quelques vns en nourrifient les linges, les autres en font colliers pour mettre au col ; car cela eft fort beau quand il cil fee amp;nbsp;alTailonné. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;gt;nbsp;■
Du rin de Pabniers.
eu k V. JJ,
■s, Yant elcript le plus Ibmmairement qifil r a elfe polsible ce que meritoit cftre el-I cript du promotoireVerd, cy delTus de-' claré, i’ay bien voulù particulièrement , traiter,puis qu’il venoit à propos,desPal-miers,amp; du vin ôc bruuage que les Saunages noirs ont appris d’en faire, lequel en leur langueils appellent,Mignol. Nous voyons combien Dieu pereamp; Adignoli créateur de toutes choies nous donne de moyens pour le foulagement de noflre vie,tellement queli l’vn defaut, 11 en remet vn autre, dont il ne lailTe indigence quelconque à la vie humaine, fi de nous melfnes nous ne nous nelaillons par nollre vice amp;nbsp;negligêce : mais il donne diners moyens, felon qu’il lüy plaift, fins autre railbn.
I^oncques fi en ce païs la vigne n’ell familière comme iuttepart, amp;nbsp;parauenture pour n’y auoir elfe plantée ôc e iij
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diligemment cultiuce.'il n’y a, vin en vfàge, no plus qu’eii plulieurs autres lieux de noftre Europe,ils ont auec pro-uidence diuine rccouuert par art amp;nbsp;quelque diligence cela, que autrement leur eftoit dénié. Or ce palme eft vn arbre mcrueillcufcmentbcau, amp;; bien accompli, (bit en grandeur, en perpétuelle verdure,ou autrement,dont vlufiwrs il y en àplufteurs efpeces, 8c qui prouiennent en diuers e/pecesde lieux. En rEurope,comme enItalie,Iespalmescroiflent f dîmes, abondamment,principalement en Sicile,mais fteriles.
En quelque frotiere d’Efpagne elles portent fruit afpre ÓC malplaifant à manger. En Atnque,il eft fort doux,en Semblablement, en CypreSc en Crete,en l’Arabie pareillement. En Iudee,tout ainfi qu’il y en a abon-dance,aufti eft-celaplus grande nobleife amp;nbsp;excellence, principalement en lericho. Le vin que Ion en fait, eft excellent, mais qui offenfe le cerueau. Il y à de ceft arbre lemafle amp;nbsp;la femelle: le mafte porte fà fleur à la branche, la femelle germe fans fleur. Et eft choie merueilleulèamp; digne de contemplation ce que Pline amp;nbsp;plufieurs autres enrecitét : Que auxforefts des palmiersprouenus du na turel de la terre, fi on couppe les malles, les femelles de-uiennent fteriles làns plus porter de fruit: corne femmes vefues pour l’ablènce de leurs marks. Ceft arbre demande le pars chaud,terre làblonneufe,vitreulc, amp;nbsp;corne fi-lée,autrement on luylàle la racine auantquelaplanter. Quant au fruit il porte chair par dehors, qui croift la pj-emiere, amp;nbsp;au dedans vn noyau de bois, c’eft à dire la *’t-4- grjine ou femence de l’arbre: comme nous voyons es pommes de ce pais. Et qu’ainfiloit Ion entrouuede petites làns noyau en vnemelme branche que les autres.
Dauantage
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vx.
Dauantage,ceft arbre apres eflre mort,reprend naidàn-cc de foymefme : qui fomble auoir donné le nom à ceft oyfoau, que Ion appelle Phenix, qui en Grec hgnihe Pal-me,pourcequ’il prendaufsinaiflance de foy fans autre moyen. Encores plus ceft arbre tant célébré a doné lieu argument au prouerbe,que l’on dit,Remporter la pal- appeUé. me, c’eft à dire le triomphe amp;nbsp;victoire : ou pource que le Pfouer-temps paféonvfoitde palme pour couronne en toutes victoires, comme toufiours verdoyante : combien que chacun ieu, ou exercice auoit fon arbre ou herbe parti-culierement,comme le laurier, le myrthe,rhierre,amp; l’o-liuier: ou pource que ceft arbre,ainli que veulent aucuns, ayt premièrement eflé confàcré àPhebus,auant que le laurier, amp;ayt de toute antiquité reprefènté le ligne de victoire. Et la raifon de ce recite Aule Gelle, quand il proprU-dit, que ceft arbre a vne certaine propriété, qui conuient fé de la aux hommes vertueux amp;nbsp;magnanimes : ceft que iamais la palme ne cede, ou pliefoubs le fais, mais au contraire tant plus elle eft chargée, plus par vne maniéré de refi-Hence, foredrefle en La part oppofite. Ce que conferme Ariflote en fos problèmes, Plutarque en fèsSympofia- g’ tfues, Pline amp;nbsp;TÎaeophrafte. Et femble conuenir au pro- Li.i6. pos ce que dit Virgile, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^z,
N’obeis iamais au mal qui t’importune, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;$•
Ains vaillamment reffte à la Fortune. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;igt;lMtes.
Or eft 11 temps déformais de retourner à noflre pro-inontoire : auquel, tant pour la difpofition de l’air tref-chaud (eftant en la zone torride diflant 15. degrez de la. ligne equinoctiale) que pour la bonne nature de la terrcj croift abondance de palmes,defquels ils tirent cer-e iiij
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Mdntc - tain fuc pour leur defpence boiflbn ordinaire. L’arbre redefdi- ouucrt auccquelqucinftrumentjcômc a mettrcle poin, re ce nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;p jg J OU deux de terre,il enfott vne liqueur,qu’ils re-
“ çoiuent en vn vaifleau de terre de la hauteur de l’ouuer-turc,amp; la reièruent en autres vaifTeaux pour leur vûge.
Et pour la garder de corruption, ils la ûlent quelque peu, come nous faifons le verius par deçà: tellement que le ièl côfumc cefle humidité crue eftant en celle liqueur, laquelle autrement ne fe pouuant cuire ou meurir, necel-fàirement fe corromproit. Quant à la couleur amp;nbsp;con-
lillence, elle ell femblable aux vins blancs de Champa-r? v” nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;d’Aniou: le goull fort bon, amp;nbsp;meilleur que les ci-
X nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Bretagne. Celle liqueur ell trelpropre pour re-
frefchir amp;nbsp;dcîèlcererj à quoy ils font fubiets pour la continuelle
-ocr page 57-DE LA TRANCE ANTARCT IQVEé 21 tinuelle exceßiue chaleur. Le fruid de ces palmiers, font petites dattes,alpres amp;nbsp;aigres,tellement qu’il n’eft facile d’en mangermeantmoins que le ius de l’arbre ne laif-Ce à eftre fort plailànt à boire:aufsi en font eftime entre eux, comme nous failbns des bons vins. Les Egyptiens anciennement, auant que mettre les corps morts en baf-me,les ayans préparez ainfi qu’eftoit lacouftume,pour mieux les garder de putréfaction, les lauoyent trois ou quatre fois de cede liqueur, puis les oignoyent de myrrhe, amp;nbsp;cinnamome. Ce brcuuage eft en vlàge en plu-ficurs contrées de l’Ethiopie, par faute de meilleur vin. Quelques Mores fcmblablemét font certaine autre boif Ibn du fruit de quelque autre arbre, mais elle eft fort af ßrte ie pre,cóme venus,ou citre de cormes,auant quelles foyent meures. Pour euiter prolixité,ie laifTeray plufieurs fruits ôc racines, dont vfent les habitans de ce pais,en aliments ôc medicaments, qu’ils ont appris feulement par experience, de manière qu’ils les fçauent bien accommoder cn maladie. Car tout ainfi qu’ils cuitent les delices ôc plufieurs voluptez, lefquelles nous (ont par deçà fort familières, außi font ils plus robuftes amp;nbsp;dilpos pour enduur les iniures externes,tant foyent elles grades: amp;nbsp;au conduire nous autres,pour eftrc trop délicats, fommes offen fezdepeude chofe.
-ocr page 58-LES SI NGV LAR I TE 2 De U rtuiere de Sene^â.
CHAP. U.
Ombien que ie ne me foys propofê en cc mien difeours, ainfi que vray Géographe d’efcrirelcs païs, vil les,citez, fleuues, goufres, motagnes, diftances,fituations, amp;nbsp;autres chofes appartenâs à la Geogra-phie,nem’a femble toutesfois eflre hors
de ma profeßion,d’efcrire amplemet quelques lieux les pP notables, felo qu’il venoit à propos,amp; corne ie les puis auoîr veuz,tant pour le plailir amp;nbsp;contentement,qu’en cc f3.iCa.nt le bo amp;nbsp;bien affedionné Ledeur pourra receuoir, que pareillement mes meilleurs amis: pour lefquels me femble ne pouuoir aflez faire,en coparaifon du bon vouloir amp;nbsp;amitié qu’ils me portent: ioint que ie ne me fuis pcrfùadé depuis le commencement de mon liure elcrirc entiercmét la vérité de ce que i’auray peu voir amp;nbsp;cognoi-Jîojrf«- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;fleuue entre autres choies tant fameux fdu-
appelle du nom du ßeu-
mede Se qucl le païs amp;nbsp;royaume qu’il arroulè, â efté nommé Se-negua: comme noftre mer Mediterranée acquiert diuers noms lèlonla diuerfité des contrées ou elle paffe} efl en Libye,venantaucap Verd, duquel nousauons parlé cy deuant:amp; depuis lequel iufques à la riuiere,le païs eft fort plain,fàblonneux,amp; flerile:qui efl caufe que la ne fè trou-ue tant de beftes raiiiffantes, qu’ailleurs. Ce fleuue eftle premier, amp;nbsp;plus célébré de la terre du cofté de l’Océan, fèparant la terre fèiche amp;nbsp;aride de la fertile. Son eftédue efl iufques à la haute Libye, ôc plufieurs autres païs amp;nbsp;royaumes,qu’il arrofè. Il tient de largeur enuiron vne lieue.
-ocr page 59-DE LA FRANCE ANTARCT IQVE. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;21
lieuè',qui toutesfois eft bien peu,au regard de quelques ri-uieres qui font en rAmerique:delqueIles nous toucheros plus amplement cy apres. Auaut qu’il entre en l’Océan (ainfi que nous voyons tous autres fleuues y tendre amp;: aborder)il fo deuifo,amp; y entre par deux bouches elognées l’vne de l’autre enuiron demye lieuë, lelquelles font alTes profondes,tellementque Ion y peut mener petites naui-rcs. Aucuns Anciens, corneSolin en fon liurenommé Ofnmon Polyhiftor, Iules Celàr, amp;nbsp;autres,ont eferit ce grad fleuue du Nil paflant par toute l’Egypte, auoirmefmefourceamp; ciensfur origine que Senegua,amp; de meirnes montagnes. Ce que l’oriaine n’eft vrayfomblable. Il eft certain que la naiflànce du Nil d» Nil, eft bien plus outre rEquateur,car il vient des hautes mon tagnes de Bede, autrement nommées des anciens Geo- quot;Squot;quot;** graphes,montagnes de la Lunc,lefouelles font la fopara- Monta -tion de l’Afrique vieille à la nouuelîe, comme les monts Pyrenees de la Frace d’auec l’Elpagne. Et font ces mota-gnes lîtuées en la Cyrenaique,qui eft outre la ligne quinze degrez. La fource de Senegua dont nous parlorquot; procédé de deux montagnes, I vne nommee Mandro,amp; de sene~ l’autre Thala, diftinôtesdes montagnes de Bed,de plus de mille lieuè's. Et par cecy Ion peut voir combien ont erré plufieurs pour n’en auoirfaiét la recherche,comme Ont fait les modernes. Quant aux montagnes de la Lune,elles font lîtuées en l’Ethiopie inferieure,amp; celles d’ou vientSeneguaen Libye,appellée Interieure: de laquelle Monta-les principales montagnes font Vforgate,d’ou procédé la huiere de Bergade,la montagne de Cala, de laquelle de-lèendlefleuuede Darde:le mont Mandro eicué par fus les autres, comme ie puis conieéturer, à caufo que toutes
U Lune, duec leur
(ituatio. nous parlons, procédé de deux montagnes, l’vne nommée Mandro,amp; de sene~
LES SINGVLARITE2 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;gt;
Nul (tuteur (tn-den a eu ffarfaitte cognoif-fdnee de toute f A ßiiiue.
riuicresjqui courent depuis celle de Salatc, iufqucs à celle de Made, diftans l’vne de l’autre enuironlèptante lieues, prennent leurfourcedecefte montagne. Dauantagele montGirgile, duquel tombe vneriuiere nommée Cym-pho:amp; de Hagapole vict Subo fleuue peuple de bo poif-ion,amp;de crocodiles ennuyeux amp;nbsp;dommageables à leurs voyfins. Vray eftquePtoleméequiatraidédeplufieurs païs amp;nbsp;nations eftranges, â dit ce que bon luy â fèmbléy principalemét de l’Afrique amp;nbsp;Ethiopie, amp;nbsp;netrouue auteur entre les anciens,qui en ay e eu la cognoiflànce fi bone ôc parfaitte,qui m’en puilic donner vray cotentemeu Quand il parle du promontoire de PrafTe (ayant quinze degrez delatitude,amp; quieft la plus loingtaine terre, laquelle il à eu congnoiflancercome aufsi deferit Glarean; â la fin de ladefeription d’Afi:ique)de fbn temps le monde inferieur â elle defcrit,neantmoins ne l’a touché entièrement, pour eftrc priué amp;nbsp;n’auoir congneu vne bonne partie de la terre meridionale, qui a elle decouucrte de noflre téps. Et quant amp;nbsp;quant plufieurs choies ont edé. adiouftees aux eferits de Ptolcmce:ce que Ion peut voir à la table generale,qui eft proprement de luy. Parquoy le Leéf eur firnple,n’ayant pas Beaucoup verle en la Cofino-graphie amp;nbsp;congnoilîance des choleSj notera, que tout le monde inferieur eft diuifé parles Anciens entrois parties, inegales, à fçauoir Europe, Afie,amp; Afrique: defquelles ils' ont elcrit les vns à la vérité,, les autres ce que boleurà lèm-blé,fanstoutesfois rien toucher des Indes occidentales, qui fontauiourd’huy la quatriefine partie du monde,de-couuertes par les modernes: comme aufsi à efté la plus grand part des Indes orientales,Cahcut,amp; autres. Quant, à celles.
-ocr page 61-DE LA TRANCE ANTARCTIQUE. ^3 à celles de l'Occident Ja France Antarôtiquc,Peru,Mcxi-lt;]ue,onles appelleauiourd’huy vulgairement, Le nou-ueau monde, voire iufques au cinquante deuxiefme de-gré amp;nbsp;demy de la ligne, ou eft le dellroit de Magello yamp;c plufieurs autres prouinccs du cofté du North, amp;nbsp;du Su à coftc du Leuant: amp;nbsp;au bas du Tropique de Capricorne enl’Ocean meridional, amp;nbsp;a laterre Septentrionale: dcf-quelles Arrian, Pline,amp; autres hiftoriographcs n’ont fait aucune mention qu’ells ayent efte decouuerts de leur temps. Quelques vns ont bien fait mention d’aucunes ißes ifles qui furent decouuertes par les Carthaginois,mais i’e-llimeroyseflre les iflesHefperides ou Fortunées. Platon außidit cn fôn Timée,que le temps pafé auoit en lamer jy^sfois Atlantique amp;nbsp;Océan vn grad pais de terre: amp;nbsp;que là eftoit par les femblablement vne iHe appellee Atlantique,plus grande Cartha-que rAfriqLie,ne que l’Afie enfèmble,Iaquelle fut englou lie par tremblement de terre. Ce que plus toft i’eflime-loye fable: car fi la chofe eut eflé vraye,ou pour le moins vray-fèmblable, autres queluy en enflent eferit: attendu dePlat»,. que la terre de laquelle les Anciens ont eu cognoiflance, fe diuife en cefte maniéré. Premièrement de la part de Leuant,elle efl prochaine à laterre incongneuê,quieft voyfine de la grande Afie: amp;nbsp;aux Indes orientales du co-fté du Su,ils ont eu congnoiffance de quelque peu, afça-uoir de l’Ethiopie meridionale, dite Agifîmbra, du coflé’ du North des ifles d’Angleterre,Efcofre,Irlande,amp; mon- ßte de‘ tagnes Hyperborées, qui font les termes plus loîgtainsde païs,ç^ -laterre Septentrionale,comme veulent aucuns. Pour i^etourner à noflre Senegua, deçà amp;: delà cc fleuuc tout ^nfi que le territoire efl: fort diuers, aufsi font les homes.
-ocr page 62-^rbre fruElife-re, amp;nbsp;hui'de de ^rdnde •
proprte -té.
LES' SINGVLARI TE Z qu’il nourrit. Delà les hommes font fort noirs,de grande ftature,le corps alaigre amp;nbsp;deliure,nonobftant le païs verdoye, plein de beaux arbres portans fruit. Deçà vous verrez tout le contraire, les hommes de couleur cendrée, amp;nbsp;de plus petite ftature. Quant au peuple de ce païs de Senegua,ie n’en puis dire autre chofè,que de ceux du cap Verd, finon qu’ils font encore pis. La caufè eft que les Chreftiens n’ofèroyent fi ayfémêtdefcédre en terre pour trafiquer, ou auoirrefraifchement corne aux autres endroits,fils ne veulent eflre tuez ou pris efclaues. Toutes chofès font viles amp;nbsp;cotemptibles entre eux,finon la paix qu’ils ont en quelque recommendation les vns entre les autres. Le repos pareillement, auec toutesfois quelque exercice à labourer la terre, pour ferner du ris: car de blé, ne de vin, il n’y en a point. Quant au blé, il n’y peut venir,corne en autres pais de Barbarie,ou d’Afrique,poLirce qu’ils ontpeufouuentdelapluïe,quieflcaulè que les fè-mences ne peuuent faire germe,pour l’excefiiue chaleur amp;: ficcité. Incontinent qu’ils voyent leur terre trempée ou autrement arroufée, fe mettent à labourer, amp;nbsp;apres a-uoir feme, en trois mois le fruit eft meur, prefl à eflre moiffonné. Leur boifTon eft de ius de palmiers amp;nbsp;d’eau. Entre les arbres de ce païs,il fen trouue vn de la groffeur denoz arbres à glan, lequel apporte vn fruiél gros comme dattes. Du noyau ils font huile, qui â de merueilleu-fès proprietez. La premiere eft,qu’ene tient l’eau en cou leur iaune comme fàffranrpourtant ils en teignent les peris vaiffeaux à boire, aufii quelques chapeaux faits de paille deionc, ou de ris. Cell huille dauantage â odeur de violette de Mars, amp;nbsp;fàueur d’oliue : parquoy plufîeurs en
-ocr page 63-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. ^4 en mettent auec leur poiiron,ris,amp; autres viandes qu’ils mangent. Voyla que i’ay bien voulu dire du fleuuc amp;nbsp;pais de Senegua: lequel confine du collé de Leuant à la terre de Thuenlàr,amp;:dela part de Midy au royaume de Cambra, du Ponent à la mer Oceane. Tirans toufiours noftre route, commençafmes à entrer quelques iours a-presau païs d’Êthiopie, en celle part, que Ion nomme le royaume de Nubie, qu’efldebien grande ellendue,auec plulieurs royaumes amp;nbsp;prouinces, dont nous parlerons cy apres.
Des ißes HeF^eridesautrement dûtes de cap P'erd.
CHAP. 13.
Pres auoir lailsc noftre promontoire à lè-neftre, pour tenir chemin le plus droit qu’il nous eftoit poßible, failàns le Sur-oueft vn ^uart du Su, feimes enuiron vne iournee entière : mais venans fur les dix ou vnze heures, fe trouua vent con-
de
traire,qui nous ietta lùs dextre,vers quelques ifles, que Ion appelle par noz cartes marines, iftes de cap Verd, lefquelles font diftantes des ifles Fortunées ou Cana-ries, de deux cens lieues ,amp; du cap de foixantc par mer, ôccent lieues de Budomel en Arrique,fuyuant la colle de la Guynée vers le pole Antarólique. Ces ifles font dix en nombre, dont il eny â deux fort peuplées de Portugais, qui premieremét les ont dccouuertcs,amp; mis en leur* nbsp;nbsp;S-
obeiflanced’vne des deux, laquelle ils ont nommée làint lacques, fur toutes eftla plus habitée; aulsi fefait grandes f iiij
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traftiques par les Mores,tant ceux qui demeurent en terre ferme, que les autres qui nauigent aux Indes, en la Guinée, amp;nbsp;à Mani-congre, au païs d’Ethiopie. Celle ide eft diftate de la ligne equinodliale de quinze degrez:vne au-jßt s. tre pareillement,nommée Saint Nicolas,habitée de mef-/^iicolxs. comme l’autre. Les autres ne (ont ïi pcuplccs,com-Jjles Fie- me Liera,Plintana, Pinturia,amp; Foyonraufquefles y h bien ra,pliit- quelque nombre degens amp;nbsp;d’efclaucs, enuoyez parles tttria nbsp;nbsp;J’oi'ttigais pout cultiuçr la terre,en aucuns endroits qui fè
loyon, trouueroyent propres : amp;nbsp;principalement pour y faire a-anas de peaux de cheures,dont y à grande quantitc,amp; en font fort grand traifique. Et pour mieux faire, les Portugais deux ou trois fois l’année paflent en ces iflesaucc nauires amp;nbsp;munitions, menas chiens amp;nbsp;filets, pour chaffer aux cheures fàuuages : defquelles apres eflre efcorchées referuent feu lernet les peaux, qu’ilz defèichentauecques de la terre amp;nbsp;du fefen quelques vaiffeaux à ce appropriez, - pour garder de putrefa6lion.'amp; les emportent ainfî en morroquins tant celebrez par zr\igt; • l’vniuers. Aufsi font tenus les habitans des ifles pour tribut, rendre pour chacun au Roy de Portugal le nombre de fix mille cheures, tant ûuuagcs que domefliques fâ-lées amp;nbsp;feichées : lefquellesils deliurentà ceux,qui delà part d’keluy Seigneur font le voyage auec fès grâds vaiffeaux, aux Indes orientales, comme à Calicut, amp;nbsp;autres, paflans parces ifles : amp;efl employé ce nobre decheures pour les nourrir pendant le voyage, qui eft de deux ans, ou plus,pour la diftancedes lieux,amp;la grade nauigation qu’il fault faire. Au fur plus l’air en ces ifles eflpeflilen-tieux amp;nbsp;mal fain, tellement que les premiers Cnrefliens qui ont
-ocr page 65-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 2$ qui ont commencé à les habiter, ont eße par longtemps vexez de maladie, tant à mon iugementpourla temperature de l’air qui en tels endroits ne peut eß:re bone,que pour la mutation. Außi font là fort familières amp;nbsp;communes les fleures chaudes,aux Efclaues Ipecialement, amp;nbsp;quelque flux de fàng;qui ne peuuent eflre ne l’vn ne l’autre que d’humers exceßiuement chaudes amp;nbsp;acres, pour leur continuel trauail amp;nbsp;mauuailè nourriture, ioint que la temperature chaude de l’air y cofent, amp;nbsp;l’eau qu’ils ont prochaine:parquoy reçoiuent i exces de ces deux elemés.
Des tortues^e^ dyne herbe qu'ils appellent Orfeille. CHAP. 14.
Vis qu’en noflre nauigation auons délibéré elcrire quelques lingularitez obfèr-uées és lieux amp;nbsp;places ou auons eftédl ne fera hors de propos de parler des tortues, que noz ifles deffus nomées nour-riflenten grande quantité,außi bien que de cheurcs. Or il fen trouue quatre clpeces, terreftres, Q^tre tnarines,la troifiefme viuant en eau douce, la quatrieflne efffcces de aux marefts: Iclquelles ie n’ay délibéré de déduire par le tortues, uicnujpour euiter prolixité,mais feulement celles qui fè Voyent aux riuages de la mer,qui enuironne noz ifles.
Celle efpece de tortues faillent de la mer flisleriuage Tortue p.K (‘.,2 au temps de fon part, fait de fès ongles vne foffe dedans tttarine, les fablons,ou ayant fait fès œufs C car elle eft du nombre des ouipcres,dont parle Ariflote) les couurefi bien,qu’il cßiinpoßible deles voir netrouuer,iufques à cequele
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flot de la mer venant les decouure: puis par la chaleur du Soleil,quilàeftfortvchemcte,le part fengêdre amp;nbsp;eclofl, ainfl que la poule de Ion œuf, lequel conlifte en grand nombre de tortues,de la grandeur de crabesfqui eil vne cfpece de poiflbn} que le flot retournant emmeine en la mer. Entre ces tortues, il l’en trouue quelques vnes défi merucilleufe srandeur, mefrnes eh ces endroits dont ie parle, que qtiatre hommes n’en peuuent arrcfler vne: corne certainement i’ay veu,amp; entendu par gens dignes de j.i. 9. foy. Pline recite,quen la mer Indique font de fi grandes t/w/’. 10. tortues,que l’elcail e cfl capable amp;nbsp;fliifilànte à couurir v-ne maifon mediocre: amp;nbsp;qu’aux ifls de la mer Rouge, ils en peuuent faire vaiffeaux nauigables. Ledit auteur dit aufsi en auoir de femblables au deftroit deCarmanieen
lamerPerfique. Il y àpluheurs manières de les prendre. MAnie- Quelquesfois ce grad animal,pour appétit de nager plus rede pre- doulcemcnt, amp;nbsp;plùs librement relpirer,cherche la partie lt;/gt;•£• les EiperßciePe 4^ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;peu deuant midy, quad l’air cfl
marines nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ayant le dos tout decouuert,amp; hors de l’eau, in
continent leur elcaille eft fi bien defeichée par le Soleil, quelles ne pouuans delcendre au fond de la mer, elles flottent par deflus bon gré mal gré : amp;nbsp;font ainfi prifès.
Ejpe^eur de ces ef-cailles de tortues marines, rlê!' come ils fen Jernent,
Londitautrement, que de nuyt elles Ibrtent de la mer, cherchans à repaiftre, amp;nbsp;apres cflre fiioules amp;nbsp;lafiées fen-dorment fiir l’eau pres du riuage, ou Ion les prend aifè-ment,pour les entendre ronfler en dormant: outre plu-fieurs autres maniérés qui fèroient longues à reciter.1. Quant à leur couuerturc amp;: elcaille ie vous laifleà pen-1èr de quelle elpeflcurelle peut eftre, proportionnée a fil grandeur. Aufsilùr la colle du deftroit de Magellan, amp;nbsp;delà
-ocr page 67-DE LA FRANCE ANT A R C T I QJV E. 2.6 de lariuierc de Plate,les Sauuages eq font rondelles, qui leurlêruent de boucliers Barceiohnois,pouren guerre receuoir les coups de flelches de leurs enneinys. Semblablement les A m azones liir 1 a co (le d e la m er Pacifiqu e,en font rampars,quand elles fe voyent aflaillies en leurs lo-gettes,amp;cabannes. Etdemaparti’oferaydireamp;foufte-nir auoir veu telle coquille de tortue ,que la barquebu-fe ne pourroit aucunement trauerfèr. 11 ne faut demander combien noz inlulaires du cap Verden prennent, amp;nbsp;en mangent communément la enair, comme icy nous ferions du beuf ou mouton. Außi eft» elle fèmblable à
la chair de veau,amp; prelque de melîiie gouft. Les Sauuages des Indes Amériques n’en veulent aucunemet manger, perlùadez de celle folle opinion, quelle les rendroit pelàns, corne außi elle eft pefinte, quileur caulêroit em-pelchement en guerre: pource qu’ellans appelàntis,ne poLirroyent legerement pourlùyure leursennemys,ou bien elchapper amp;nbsp;euaderleursmains.ijlereciteray pour la fin l’hiftoire d’un Gentilhomme।Portugais lepreux, lequel pour le grand ennuy qu’il receuoit de fon mal, cherchant tous les moyens de fabfenter de fon païs, ' comme en extreme delèlpoir, apres auoir entédu la con-quelle de ces belles illes par ceux de Ibn païs, délibéra pour recreation fy en aler. Doneques il fe drclfaau meilleur e’quipage,qu’il luy fut pößible, c’elf afçauoir de na-uircs, gens, amp;nbsp;munitions,beftial en vie,principalement cheures,dontils ont quantité :amp; finablement abordaen l’vne de ces illcs:ou pour le degoufl que luy cauloit la ma ladie,ou pour ellrerelTalic de chair, de Laquelle couftu-biierement il vlbit en fon païs, luy vint appétit de màii-
Hijloire dyn 2en tilhome
Portft-
LES SINGVLARITE2
ger œufs de tortues, dont il fift ordinaire l’clpace de deux ans, amp;nbsp;de maniéré qu’il fut guéri de fà Icpre. Or ie dc-manderoys volontiers, fi fa guerifon doit cftrc donnée a la temperature de rair,lequel il auoit chage, ou à la viande. le croiroys à la vérité,que l’vn amp;nbsp;l’autre enfèmble en partie, en pourroient eftre caufe. Quant à la tortue, Pline en parlant tant pour aliment que pour medicament ne fait aucune mention quelle foit propre contre la le-preztoutesfois il dit quelle efl vray antidote contre plu-fieurs venins,fpecialement de la Salemandre,par vue an-thiedela fipathic,qui eft entre elles deux, ôc mortelle inimitié. tortue a- nbsp;Que fi cefl: animant auoit quelque propriété occulte amp;
uecla Sa particuliere contre ce mal, ie m’en rapporte aux philofo-UmAde. médecins. Et ainfi l’experience à donné a con-gnoiftre la propriété de plufieurs medicaments, de laquelle Ion ne peut donner certaine raifon. Parquoy ic conlèilleroys volontiers d’en faire experiéce en celles de ce païs,amp; des terreftres,filonnen peut recouurer de marines: qui léroit à mon iugement beaucoup meilleur amp;nbsp;plus fèur,que les viperes tant recommandées en cede af-feélion,amp; dont efl: compofe le grand Thériaque : attendu qu’il n’cfl: pas leur vier de vipères pour le venin qu’el-les portent, quelque choie que Ion en diedaquelle cnolc efl: außi premièrement venue d’vne feule experience.
Lon dit que plufieurs y lont allez à l’exemple de céfluy cy,ôcleur àbienluccedé. Voila quant aux tortues. Et quant aux cheures que mena noftre Gentil homme, elles ont là fi bien multiplié, que pour le prelént ily enâ vn nombre infini:amp;tiennent aucuns,quc leur origine vient de là,amp;que parauantn’yen auoit elle veu. Refte à parler
-ocr page 69-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 27 Jcrd’vne herbe, qu’ils nomment en leur langue Orfèille. Orfeiüc, Celle herbe efl corne vne efpece de moufle,qui croifl: â la fommitc des hauts amp;nbsp;inacceßibles rochers, fans aucune terre, amp;nbsp;y en â grande abondance. Pour la cuillir ils attachent quelques cordes au fominet de ces montagnes amp;nbsp;rochers, puis montent à mont par le bout d’embas de la corde,amp; grattans le rocher auec certainsinflrumens la font tomber,comme voyez faire vn ramonneur dechc-/*y^*^'‘ minéedaquelle ils referuent amp;nbsp;delcendent en bas par vne corde auec corbeilles,ou autres vaifleaux. L’emolument amp;nbsp;vlàge de cefle herbe efl qu’ils l’appliquent à faire tein- cha. turcs, comme nous auons dit par cy déliant en quelque 5. paflage.
Pe lijle de Feu.
CHAP. 15.
Ntrc autres Angularités, ie n’ay voulu omettre l’ifle deFeu,ainfi appellee,pourtant que continuellement elle iette vne flambe de feu,telle, que h les Anciens eneuïTent eu aucune congnoifTance, ils l’euflènt mife entre les autres chofes, qu’ils ont eferit par quelque miracle amp;nbsp;Angularité, außi bien que la montagne de Vefuue, amp;la montagne d’Etna, ^efquelles pour vray en recitent merueilles. Quant à Etnaen Siciie,elle àiettélefeu quelquesfoisauecvn bruit ’■uerueilleux,côme au temps de M. Æmileamp; T. Flamin, conime eferit Orofe. Ce que conferment pluficurs au-Hifloriographes, corne Strabonjquiaftermel’auoir
jße de FeUyi^ pour -
nomee.
LES SINGVLARI TE Z
Monta.-^ne de Pilßük.
veuë, 6c diligemment confiderée. Qm me fait croire, qu’il en foit quelque cliofe,mefme pour le regard des perfonnages, qui en ont parlé : außi elles ne font fi elon-gnées de nous,qu’il ne foit bien pofsible de faire epreuuc auecques l’œil, tefmoing le plus fidele, de ce qu’en trou-uons auxliiftoires. lefçay bien que quelcun d’entre noz modernes eforiuains, à voulu dire,qucl’vne des Canaries iette perpétuellement du fell,mais quil fo garde bien de prendre celle dont nous parlons, pour l’autre. Ariftote auliuredesmerueilles parled’vneifle decouuerteparles Carthaginois,non habitée, laquelle iettoit comme flambeaux de feu,venant de matières fulfureulés,oultreplu-fieurs autres choies admirables. Toutesfois ie ne Içau-roys iuger qu’il ayt entendu de la noftre, encores moins du mont Etna, car ileftoitcongnu deuant le regne des Carthaginois. Quant à la montagne de PuITole, elle eft fituée en terre fermc:amp; fi aucun vouloir dire autrement, ie m’en rapporte : de ma part ie n’ay trouué, que iamais ayt efté congnue,que depuis mil cinq cens trente,en celle part de Ponent,auec autres tant loingtaines, que prochaines, amp;nbsp;terre continente. Il y â bien vne autre montagne en Hirlande,nommée Hecla, laquelle par certains temps iette pierres lùlfureufcs, tellement que la terre demeure inutile cinq ou fix lieues à l’entour pour les cèdres de foulfre dont elle eft couucrte. Celle ifle dont nous parlons,côtientenuiron Icpt lieues decircuitmôméeàbo ne raifon Ifle de feu, car la motagne ayat de circuit fix ces feptâte neuf pas, amp;nbsp;de hauteur mil cinquate cinq braßees ou enuiron,iette cotinuellemct parlelbmmet vneflâbe, que Ion voit de trente ou quarate lieues lur la mer, beaucoup
-ocr page 71-Coup plusclercment lanuyt que le iour, pource qu’en lionne pliilofophie la plus grande lumière aneantifl la nioindre. Ce que donne quelque terreur auxnauigans, ^Lii ne l’ont congneuëau parauanr. Celle flambe eflac-compagnée de ie nelçay quelle mauuailè odeur,refen-^‘int aucunementle foulrre,qu’cft argument qu’au ventre de celle motagne y a quelque mine de Ibulfre. Parquoy ^onne doit trouuer telles maniérés de feu eflrages,attendu que ce font choies naturelles, ainfi quetefmoignent philolophesccell que ces lieux Ibnt pleins de Ibullre amp;: ‘'luttes minéraux fort chaux, defquels le relbult vne vapeur chaude feiche femhlable à feu. Ce qui ne fe peut faire fans'air. Pourquoy nous apparelTcnt hors la terre parle premier Ibufpirail trouué,amp;quâd ellesIbntagitées de! air. Aufsi de la Ibrtct les eaux naturellemêt chaudes,.
-ocr page 72-tîS SINGVLARITE2 feiches,quelquesfoisadftringentesj comme fonteines amp;nbsp;bcinsen Allemagne amp;nbsp;Italie. Dauantagecn Efclauonic pres Apollonia le trotiue vnc fonteine fortant d’vn roc, ou l’on voit fourdre vne flamme de feu, dont toutes les eaux prochaines font comme bouillantes. Ce lieu donc eft habité de Portugais, ainfi que plufieurs autres par delà. Et tout ainfi que l’ardeur de celle montagne n’em-pefehe la fertilité de la terre, qui produit plufieurs efpe-ces de bons frLiits,ou eft vne grande temperature de l’air, viues fources amp;nbsp;belles fonteines : aulsi la mer qui l’enui-ronne, n’elleint celle vehemente chaleur, comme recite Zc î. Pline de la Chimere touliours ardente, qui l’elleint par c nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;iettez delTus, amp;nbsp;eft allumécpar eau.
De lEthiopie.
E Içay tresbien que plufieurs Colîno-graphes ont foflïfomment deforit le païs d’Ethiopie, mefi-ne entre les modernes, ceux qui ont recentement fait plufieurs belles nauigations par celle colle d’Afri-que,cn plufieurs amp;nbsp;loingtaines contrées:
E/lendue de Ce-thiütiie.
toutesfois cela n’empelchera,que lelonla portée de mon petit elprit, ie n’eforiue aucunes fingularitezoblcruées en nauigeant parcefle mefrne coflc en la grade Amérique. Or l’Ethiopie ell de telle ellendue, qu’elle porte amp;nbsp;en Alie,amp; en Afrique,amp; pource Ion ladeuilè en deux. Celle qui ell en Afrique, auiourd’huy eftappellee Inde, terminée au Leuantdela mer Rouge, amp;nbsp;au Septentrion
-ocr page 73-DE LA TRANCE ANT AR C T I CQ^ E. Z9 de l’Egypte amp;nbsp;Afrique, vers le Midy du fleuue Nigritis, que nous auons dit eftre appelle Sencgua:au Ponent elle fl. ânae-a l’Afrique intérieure,qui va iniques aux riuages de 1’0-cean. Et ainüâ cftc appellee du nom d’Ethiops fils de Vulcain, laquelle à eu au parauat plufieurs autres noms: vers l’Occident montagneufe,peu habitée au Leuant,amp;: areneufè au milieu,mefme tirant à la mer Atlantique.
Les autres la defcriuent ainfi : Il y à deux Ethiopies,l’v- -ne cft foubs l’Egypte, region ample amp;nbsp;riche, amp;nbsp;en icelle ƒ efl Meroë, ifle trefhrande entre celles du Nil : amp;d’icelle tirant vers l'Orient regne le Prefle-Ian. L’autren’eft en- jkteyoë, cores tant congneuë ne decouuerte, tant elle efl grande, fle. finon auprès des riuages. Les autres la diuifent autremct, c’efl afçauoir l’vne part eflreen Afiejamp;l autre en Afrique, quelonappelleauiourd’huy les Indes de Leuât,enuiron-née delà mer Rouge amp;nbsp;Barbarie, vers Septétrionau païs de Libye amp;nbsp;Egypte. Cefte contrée efl fort motagneufe, dont les principales montagnes font celles de Bed, Ione, Bardite,Mefcha, Lipha. Quelques vns ont eferit les premiers Ethiopiens amp;nbsp;Egyptiens auoir eflé entre tous les plus rudes amp;nbsp;ignorons, menans vne vie fort agrefte,tout ainfi que belles brutestlàns logis arrefté, ains fè repofans ou la nuyt les prenoit, pis que ne font auiourd’huy les Mafouites. Depuis l’Equinoélial vers rAntardique,y a Vne grand contrée d’Ethiopes,qui nourrit de grands Ele-phans,Tigres,Rhinocerôs. Elle à vne autre region portant cinnamome, entre les bras du Nil. Le Royaume d’Ettabech deçà amp;nbsp;delà le Nil, efl habité des Chreftiens.
Les autres font appeliez Ichthyopha ges,ne viciants feule- j ment que de poiflbn, rendus autresfois foubs l’obeifsace pj,^aes.
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du grand Alexandre.. Les Anthropophages font auprès des monts de la Lune : amp;nbsp;lerefte tirant de là iufques au Capricorne,amp; retournant vers le cap Debonceiperance eft habité de plufieurs amp;nbsp;diuers peuples, ayans diuerfos formesamp;iTiôrtrueufos.On les eftimetoutesfoisauoireflé les premiers-nez au monde,außi les premiers qui ont in-Lienté la religion amp;nbsp;cerimonies : amp;nbsp;pource n’eftre ehran-gersen leurs païs, ne venans d’ailleurs, n’auoir außi onc-ques enduré le ioug de feruitude, ains auoir toufiours vefou en liberté. C’efl chofemerueilleufo de l’honneur '^mytîe amitié qu’ils portent à leur Roy. Que fil auient que des leRoy foit mutile en aucune partie de fon corps, les fob-thropo ~ iefs, fpecialement domefl;iques,fe mutilent en celle meß me partie, ellimans cftre choie impertinente de demeu-enuers A • nbsp;nbsp;nbsp;„ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;• nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;„ i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;n rr p/ t i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i
leur Roy. reriainsamp;entiers,amp;IeRoy elcrcoirenlc. La plus grand part de ce peuple eft tout nud pour l’ardeur exceßiue du foleil : aucuns couurent leurs parties honteulès de quelques peaux: les autres la moytié du corps, amp;nbsp;les Meroe autres le corps entier. Meroë eft capitale ville d’Ethio-yiUe ca- pie, laquelleeftoit anciennement appellée Saba, amp;nbsp;de-^uâledE pyjg pg^j. Cambyfes, Meroe. Il y a diuerftté de religion«
Aucuns font idolâtres, comme nous dirons cy apres:les Anctene- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, i r i j i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;■ -i i • ’ S-
wewrj-rf- ‘'iutres adorent le loleil leuant, mais ils dépitentlOcci-* ba. dent. Ce païs abonde en miracles, il nourrit vers l’Inde de trefgrands animaux,comme grands chiens, elephansj rhinocerons d’admirable grandeur, dragons, balilifts, amp;nbsp;autres : d’auantage des arbres li hauts, qu’il n’y à ließ ehe,ne arc,qui en puilfe attaindre lafommité,amp;plufteurs autres chofes admirables, comme außi Pline recite au li-ure dixfeptiefme chapitre fteond de fon hiftoire naturelle. .
-ocr page 75-DE LA FRANCE ANT A R C T I Qjy E. jô turelle. Ils vfent couftumieremcnt de mil amp;nbsp;orge, Hefcjucis außi ils font quelque bruuage; amp;nbsp;ontpeu d’autres fruits amp;nbsp;arbres, horsmis quelques grads palmes.
Ils ont quantité de pierres precieules en aucun lieu plus qu’en l’autre. Il ne fera encores, cerne lèmble,hors de Pow-propos de dire ce peuple eftre noir felon que la chaleur y eft plus ou moins vehemente, amp;nbsp;que icelle couleur Î)rouient de l’aduflion fùperficielle caufee de la cha-eur du fbleil, qui eft caufe außi qu’ils font fort timi- coulatr des. La chaleur de l’air ainfi violente tire dehors la cha-leur naturelle du cueur amp;nbsp;autres parties internes : pour-quoy ils demeurent froids au dedans, deftituez de la chaleurnaturelle,amp; bruflezpar dehors feulement : ainfî quenous voyons en autrescnofèsaduftes amp;nbsp;bruflées.
L’aélion de chaleur en quelque obieél que ce fbit, n’eft autre chofe que refolution amp;nbsp;difsipation des elemens, quand elle perfeuere, amp;nbsp;eft violente : de manière, que leselemens plus fubtils confùmez,ne refte que la partie terreftre retenant couleur amp;nbsp;confiftence de terre. Comme nous voyons la cendre amp;nbsp;bois bruflé. Donques à la peau de ce peuple ainfi brufle ne refte que la partie terreftre de l’humeur, les autres eftans dißipees, qui leur cauferefte couleur. Ils font, comme i’ay dit, timides, pour la frigidité interne:car hardiefle ne prouient que d’vne vehemente chaleur du cueur : qui fait que les Gaulois, amp;nbsp;autres peuples approchans de Septentrion, au contraire froids par dehors pourl’intemperaturc de 1 air, font chauds merueilleufcmentau dedans, amp;nbsp;pourtant eftre hardis, courageux , amp;nbsp;pleins d’audace.
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Pourqiioy ccs Noirs ont le poil crefpe,dents blanches, grofles ieures, les iambes obliques, les femmes incontinentes , amp;nbsp;plufieurs autres vices, qui fèroit trop long à diïputer,parquoy ielailTeray celaaux,PhiIofbphes, craignant außi d’outrepafler nozlimites. Venans donc à Indiens noftre propos. Ces Ethiopes amp;nbsp;Indiens vient de magie, amp;Ethio pource qu’ils ont plufieurs herbes amp;nbsp;autres choies pro-ƒ« yfent nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;exercice. Et eft certain qu’il y â quelque lympa-
ile ma-S-ie.
thie es chofes amp;nbsp;antipathie occulte, qui ne fe peut con-gnoiftre que par longue experiéce. Et pource que nous CO 11 osâmes vne cotrée aflez auant dans ce païs nommé Guinée,i’enay bien voulu elcrire particulièrement.
De la Guinée.
h V. VJ.
Guinée, partie de lit bdjjè Ethiopie.
B Pres fefire refrefehis au cap Verd, fut queftion de palfer outre,ayans vent de Nordefl merueilleufement fauorable pour nous conduire droit Ibubs la ligne Equinodiale , laquelle dénions palfer: - mais eftans paruenuz à la hauteur de la Guinée, fituée en Ethiopie,le vent le trouua tout contraire , pource qu’en celle region les vents lont fort incon-llans,accompagncz le plus Ibuuent de pluyes,orages,amp; tonnerresjtellementquelanauigationde ce collé cil dan gereulè. Or le_ quatqrzicfme de Septembre arriualînes en ce païs de Guinée, lus leriuage de l’Océan, mais ailes auant en terre,habitée d’vn peuple fort ellrage, pour leur idolatrie amp;nbsp;fuperflition tenebreufe ôc ignorante. Auant
que
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Habttaf dilx Gui ncs iup-ques au cap JJe bone c/pc race topis’ liola -tres.
que celle contrée fufl decouuertCjamp;le peuple y habitant congnu, on cftimoit qu’ils auoyent inefine religion amp;nbsp;fa çon de viure,queles habitans delahauteEthiopie,ou de Senegua : mais il fell trouué tout l’oppohte. Car tous ceux qui habitent depuis iccluy Senegua, iufqucs au cap De bonne eiperance font tous idolâtres,(ans côgnoiiTan-ce de Dieu, ne de fa loy. Et tant eft aueuglé ce panure peuple, que la premiere chofe qui fe rencontre au matin, foit oyfeau,ferpent,ou autre animal domeflique ou fan-uage,ils le prennent pour tout le iour,le portans auec foy àleurs negoces,comme vn Dicuproteéleur de leur en-trepriiè: comme fils vont en pclcherie auec leurs petites barquettes d’ecorce de quelque boys, le mettront a 1 vn des bouts bien enuelopé de quelques fueilles,ayans opi-h lij
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Cdßor et Pollux nomeçt^ clercs e-ßoiUes de la mer.
Âieurs, façon de yiure de ceux delaCui ne'e.
nionqucpourtoutle iour leur amènera bonc encontre, foit en eau ou terre, amp;nbsp;les prelèruera de tout infortune.
Ils croyent pour le moins en Dieu, allegans eftre là fus immortel,mais incongneu, pource qu’ils ne fe donne à congnoiftre à eux fènliblement. Laquelle erreur n’eft en rien differente à celle des Gentils du temps pafle, qui adoroyent diuers Dieux, foubs images amp;nbsp;innulacbres. Cliofe digne d’eftrerecitcedeces pauures Barbares lef^ quels ay ment mieux adorer ebofes corruptiblcs,qu’eflre reputez eftre (ans Dieu. Diodore Sicilien recite que les Ethiopes, ont eu les premiers congnoiflance des dieux immortels, aulquels commencèrent à vouer amp;nbsp;facri-fier hoftics. Ce que le poète Homere voulant figni-fier en fbn Iliade , introduit lupiter auec quelques autres Dieux, auoir paffe en Ethiopie, tant pour les ûcri-fices qui le faifoient à leur honneur, que pourlameni-té amp;nbsp;douceur du païs. Vous auez fèmblable choie de Caflor amp;nbsp;Pollux : lelqucls fus la raerallans auec l’exer-citc des Grecs contre Troyc, feuanouyrent en l’air, oneques plus ne furent veuz. Qui donna opinion aux autres de penlèr, qu’ils auoient efté rauis, amp;nbsp;mis entre les d citez marines. AuEi plulîeurs les appellent clercs efloilles de la mer. Ledit peuple n’à temples ne Egli-fes, ne autres lieux dediez à lacrihccs ou oraifons. Outre cela ils font encores plus mefohants làns coin-paraifon queceuxde laBarbarie,amp;derArabie:tellenient que les étrangers n’oferoyent aborder, ne mettre pied à terre en leurs païs,finon par oliages; autrement les lacca-geroyent commecfclaues. Cefie canaillela plus part va toute nue,c6bien que quelques vns, depuis que leur païs àelié
-ocr page 79-DE LA FRANCE ANTAR CT IQVE. 51 â efté vn peu frÊquété,fe font accouftumez à porter quelque camifole de ionc ou cotton, qui leur font portées a ailleurs. Ils ne font fi grande traHique de beftiaîqu en la Barbarie. Il y à peu de fruits, pour les ficcitez amp;nbsp;cxceC-fiues chaleurs : car celle region ell en la zone torride. Ils viuent fort long aage,amp; ne le monllrent caduques, tellement qu’vn home de cent ans, ne fera ellimé de quarate. Toutesfois ils viuent de chairs de belles làuuagcs, fins ellre cuittes ne bien préparées. Ils ont außi quelque poif-lbn,ouitres en grade abodance,larges de plus d vn grand b demy pied,mais plus dangercules a manger, q tout autre poilTon. Elles rendent vn ius lèmblable au laidîtoutef-fois les habitans du païs en mangent fans danger:amp; vient tant d’eau douce que làlée. Ils lont guerre coullumiere-ment cotre autres natios: leurs armes font arcs amp;nbsp;flefehesj Corne aux autres Ethiopes amp;nbsp;Africains. Les femmes de ce païs fexercentâ la guerre, ne plus ne moins que les hommes. Et fi portent la plus part vne large boucle de fin or,ou autre metal aux oreilles, leures, amp;nbsp;pareillement aux bras. Les eaux de ce païs font fort dangereufes, La Giti-eft aufsi l’air infilubre : pource à mon aduis,que ce née mdli Vent de Midy chaud humide y efl fort familicr,fobiet àtoute putrefaélion : ce que nous expérimentons encore bien par deçà. Et pource ceux qui de ce païs ou autre mieux tempere, vont à la Guinée, n’y peu u eut faire long lèiour, fins encourir maladie. Ce que aufi nous effc ad-^ Lienu , car plufieurs de nollre compagnée en mouru -rent, les autres demeurèrent long e^^ace de temps fort malades, amp;nbsp;â grande difficulté fo peurent fiuuer: qui. futcaufe que n’y feiournames pas longuement..
h iiij.
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Mdni-vuette, fmitfort requis en trelesep-piceries.
Ie ne veux omettre qu’en la Guinée, le fruit le plus frequent,amp; clontfe chargent lesnauiresdespaïseftranges, eh la Maniguette, tresbonne amp;nbsp;fort requilè fur toutes les autres elpiceries : außi les Portugais en font grande traf-fique. Ce fruit vient parmy les champs de la forme d’vn oignon, ce que volontiers nous cuisions reprefentc par ligure pour le contentement d’vn chacun, h la commodité l’euft permis. Car nous nous fommcs arreftez au plus necellaires. L’autre qui vient de Calicut amp;nbsp;des Molucques, n’eft tant elHmé de beaucoup. Ce peuple de Guinée traffique auec quelques autres Barbares voi-lins,d’or,amp; de lèf d’vne façon fort eftrange. Il y a certains lieux ordonnez entr’eux, ou chacun de là part porte là marchâdilè,ceux de la Guinée le fel,amp; les autres l’or fondu en malTe. Et lànsautrement communiquer enlem-ble, pour la defiance qu’ils ontles vns des autres, comme les Turcs amp;nbsp;Arabes,amp; quelques làuuages de l’Amerique auec leurs voifins, lailfent au lieu dénommé le fel amp;or, porté là de chacune part. Cela Elit fe tranlporteront an lieu ces Ethiopes de la Guinée, ou fils trouuét de l’or fuE filàmment pour leur fel, ils le prennent amp;nbsp;emportent, fi-non ils le lailfent. Ce que voyans les autres, c’eft alçauoir leur or ne Eitiftàire,y en adiouftcrôt,iufques à tant que ce foitalfez, puis chacu emporte ce qui luy appartiét. Enté-dezdauàtage q ces Noirs de deça,lont mieux appris amp;nbsp;pl’ ciuils que les autres,pour la communication qu’ils ont a-uec plulieurs marchans qui vonttralfiquerpar dela.-aufsi allèchent les autres à tralfiqucr de leur or, par quelques menues hardes, corne petites camizoles amp;nbsp;habillemens de vil pris,petits coLifteaux amp;nbsp;autres menues hardes amp;: ferrailles.
-ocr page 81-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 33 ferrailles. Aufsi traffiqüent les Portugais auec les Mores de la Guinée, outre les autres chofes d’iuoires, que nous appellos dents d’Elephas : Sgt;c m’a recité vn entre les autres, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'
que pour vne fois ont chargé douze mil de ces déts,entre lelquellesfenefl trouuc vne de merueilleufè grandeur, du pois de cent liures. Car ainfi que nous auons dit, le Î)aïs d’Ethiopie nourrit Elephans, lefquelsils prennent à achafle, comme nous ferions icy làngliers, auec quelque autre petite aftuce amp;nbsp;methode :aiiifi en mangent ils la chair,laquelle pluheurs ont aüermc eftre tresbonne:ce que i’ay me mieux croire,qu’en faire autrement reßay,ou en difputer plus longuement. le ne m’arreheray en ceft Elefhat^ endroit à deferire les vertus amp;nbsp;proprietez de ceft animal, ‘Animal le plus docile amp;nbsp;approchant cîe laraifon humaine, que nul autre veu queceft animal â efté tant célébré parles Anciens,amp; encores par ceux de noftrc temps, amp;nbsp;attendu humai-que Pline, Ariftote, amp;nbsp;plufieurs autres en ont fuffifàm- ne. ment traité, amp;nbsp;defà chair, laquelle on dit eftre medica-menteufè, propre contre la lepre prilè par la bouche ou appliquée par dehors en poudre: les dents que nous appelions iuoyrc conforter le cueur amp;nbsp;l’eftomach, aider aufside toute fà ftibftance le part au ventre delà mere, le ne veux donc reciter ce qu’ils en ont eftript, comme ce n’cft noftre principal £ùbie6t,au£si me (èmbleroit trop clongner du propos encommencé. Toutesfois ie ne laif-feray à dire ce que i’en ay veu. Que fi de cas fortuit ils en prennent quelques petis,ils les nourriftent, leurs appre-nans mil petites gentileffes:car ceft animal eft fort docile de bon entendement.
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i r De ii ligne EquinoSltAlcye^ ïfles de Saint Homer. •' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c H A P. i8.
Fleuue fortdnt mined’ür
mine, ‘
Airtans donccerte partie de Guinée à lè-nertre,apres y auoir bien peu feiourné, pour l’infedion de l’air, ainrt qu’auos dit cy deuant,il lut quertion de pourrtiyure nortre chemin, cortoyans tou flours iuG - quesàlabauteur du capdePalmes,amp;de celuyque lon appellcàTroispoints,ou paflevntresbeau fleuue portant grands vaifleaux, par le moyen duquel Ce menegràdtrartique partoutlepaïs:amp;lequel porteabon-dance d’or 60 d’argent,en marte no monnoyé. Pourquoy les Portugais fè font acoftez amp;nbsp;appriuoifez auec les habi-tans, amp;nbsp;ont là barti vn fort charteau,qu’ils ont nome Ga-rtel demine:amp;:no fins caule, carleur or ert finscoparai-de ^ônplusfln q celuy de Calicut, ne des Indes Amériques.
Il le trouue là vne riuiere,qui prouient des montagnes du païs noméCania : amp;vneautrepPpetitenoméeRhegiu: îelquellesportenttrcsbôpoifl'onjaurefte crocodiles dangereux,ainli que le Nil amp;nbsp;Senega, que Ion dit en prendre Ion origine. Lon voit le fable de ces fleuues relembler à or pulucrifé. Les gens du pais chaflentaux crocodiles,^: en mangent comme de venaifon. le ne veux oblier, qu’il me fut recité, auoir efte veu pres Cartel de mine,vn
Cänid et Tihegi», ßemies.
wnßre
mdrinde monftre marin ayant forme d’homme, quele flot auoit formehu fm* i’arenc. Et fut ouye fèmblablement la femelle en retournant auecques le flot, crier hautement amp;nbsp;lè douloir pour l’abfence du marte : qui ert chofe digne de quelque admiration. Par cela peut on cognoirtre la mer
DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 34
produireamp; nourrir diuerfité d’animaux,ainfi comc la terre. Or eftans paruenus par noz iournées iniques foubs l’E-quinodial, n’auôs délibéré de pafTcr outre,fans en efcrire quelque choie. Cefte ligne Equinodiale,autrement cercle Equinodial, ou Equateur, eil vne trace imaginatiuc du ioleil par le milieu de l’vniuers, lequel lors il diuife en ƒƒƒ” ƒ deux parties egales,deux fois rânée,c’eilaiçauoir lequa-torziefme de Septembre,amp;rvnziefme de Mars,amp; lors le ^Uale. ,ioleil paiTe direàemcnt par le zénith de la terre,amp; nous laiiTe ce cercle imaginé,parallele aux tropiques amp;nbsp;autres, que Ion peut imaginerentre les deux poles,leioleil allant de Leuât en Occident. Il cil certain que le ioleil va obli-quemét toute l’ance par l’Ecliptique au Zodiaque, finon auxiours deifus nommez, amp;nbsp;eildireélementau nadir de
ceux qui habitent là. Dauantage ils ont droit orizon,iàns que l’vn des poles leur ioit plus eleué que l’autre. Leiour amp;lanuit leur font égaux, dont il à elle appelle Equinoctial: amp;nbsp;felon que le foleil felongne de l’vn ou l’autre pole,il iètrouueinequalitc de ioursamp; nuits, amp;cleuation de pole. Donc le foleil déclinant peu à peu de ce point Equinoctial,va par fon zodiaque oblique,prefoue au tro pique du Capricorne: amp;nbsp;ne paiTant outre fait le folilice solnîce d’Hyuer: puis retournât paife par ce mefme Equinodlial, d'tJyuer iufqucs à ce qu’il foit paruenu au figne de Câcer,ou eil le folilice d Eile. Parquoy il fait fix fignes partant de l’Equi- soinice noôtial à chacun de ces tropiques. Les Anciens ont eili-mé celle contrée ou zone entre les tropiques,eilre inhabitable pour les excefsiues chaleurs,ainii que celles qui font prochaines aux deux poles,pour eilre trop froides.
Do» 4 eflé nome Equi noSital,
Toutesfois depuis quelque temps ença, celle zone à
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eflc decouuertc par nauigations, amp;nbsp;habitée, pour eHrc fertile amp;nbsp;abondante en plufieurs bonnes choies, nonob-ftantles chaleurszcommc les ifles de SaintHomer amp;nbsp;au-
la lip-ne Equino -Gliale. Jße des Hats,
tres,dont nous parleros cy apres. Aucuns voulans ibubs ceite ligne comparer la froideur de la nuy t, à la chaleur duiour, ont pris argument, qu’il y pouuoit, pour ce regard, auoir bonne temperature, outre plufieurs autres railbns que ie lailferay pour le prefent. La chaleur,quâd nous y palTames, ne me fèmbla gueres plus vehemente, quelle eft icy à la Saint lean. Au relie il y a force tonnerres, pluyes,amp;tempefies. Etpourceesiflesde S. Homer,corne aufii en vne autre ifle,nommée l’ifle des Rats, y à autant de verdure qu’il eft poßible, amp;nbsp;n’y â choie qui monftre aduftion quelconque. Ces ifles foubs la ligne
(ie Equinoélialeiont marquées en noz cartes marines,S.Ho s. Ho- nier,ou S. Thomas, habitées auiourd’huy par les Portu-
mer, ou S. Tho-
mat.
gais, combien qu’elles ne ioient fi fertiles, que quelques autresivray eft qu’ilfyrecuille quelque iùcrc:maisirsfy tiennent pourtraffiquer auec les Barbares, amp;Ethiopies: c’eft à içauoir, d’or fondu, perles, muic, rhubarbe, caiïe, beftes,oyièaux,amp; autres choies ièlon le pais. Aufsiionc en ces ifles les iàiions du temps fort inegalles amp;nbsp;different tes des autres pais: les peribnnes fubiettes beaucoup plus à maladies que ceux du Septentrion. Quelle difference amp;nbsp;in equalité vient du ioleil, lequel nouscomuniqueiês qualitez par l’air eftant entre luy amp;nbsp;nous. Il pafle(commc chacun entend} deux fois l’année perpendiculairement par là,amp; lors deicrit noftre Equinoélial, c’eft aicauoirau moys de Mars amp;nbsp;de Septembre. Enuiron cefte ligne il iê trouue telle abodance de poiiTons, de plufieurs ôc diuer-ics
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lèsefpeces, que c’eft choie merueilleufè de les voir fus
11* nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;* GfiiYlCC di
1 eau,amp; les ay veu taire li grand bruit autour de noz iiaui-reSjqu’a bien grande difiiculté nous nous pouuionsouyr poijjon parler l’vn l’autre. Que li cela aduient pour la chaleur ßubsU du foleilj ou pour autre raifon, ie m’cn rapporte aux phi-lotbphes. Relie à dire, qu’enuiron nollrc Equinodial, i’ay expérimenté l’eau yellre plus douce,amp; plailànteâ ^Mma.-boire qu’en autres endroits ou elle eft fort filée,combien que plulieurs maintiennent le cotraire, ellimants deuoir ertre plus filée, d’autant que plus pres elle approche de la noÜiaL ligne, ou eft la chaleur plus vehemente:attendu que de là vient l’aduftion amp;nbsp;fileure delamer:parquoyeftreplus douce, celle qui approche des poles. le croirois véritablement que depuis l’vn amp;nbsp;l’autre pole iniques à la ligne ainfi que l’air n’eft egalement temperé, n’eftre außi l’eau tempcréc:mais foubs la ligne la temperature de l’eau luy-urela bonne temperature de l’air. Parquoy y à quelque tailbn quel’eauenceft endroit ne foit tant filée comme autre part. Celle lignepalsée commençâmes àtrouuer de plus en plus la mer calme amp;nbsp;paifible,tifants vers le cap de Bonne clperance.
Qmc non feulement tout ce qui efl foubs U ligne e^ ha-bit able ^mMS aufi tout le monde efl habité^contre Ho-pinion des A nciens. c'a h v.sf).
OnvoitcLiidemment combien eftgran-t de la cnriofité des hommes, fbit pour appétit de congnoiflre toutes chofcs,ou pour acquerirpofTeßionSjamp;euiteroyfi-ueté,qu’lis iè font bazardez ( comme dit le Sage, ôc apres luy le poète Horace en
Grande-cupidité' de fça-uoir in-'
LES S INGVLARI TE Z
resEpiflres)àtous dangers ôctrauaux, pour finablement pauuretceflongnée, mener vne vie plus tranquille, (ans ciinuyou fafclicrie. Toutesfoisilleurpouuoiteftreaflez de fçauoir amp;nbsp;entédre que lefouuerainouurier à bafti de (à propre main ceft vniuers de forme toute ronde,de ma niere que l’eau à efté feparée de la terre, à fin que plus co-modement chacun liabitaft en fon propre element, ou pour le moins en celuy duquel plusil participeroit; tou-tesfoisnon cotens de ceils ont voulu fçauoir,fil eftoitde toutes pars habite. Neantmoins pour telle recherche amp;: diligence,ieles eftime de ma partautantamp; plus louables, que les modernes efcriuains amp;nauigateurs, pour nous a-uoir fait libelleouuerture de telles chofes,lelquellesau-trement à grad peine en toute noftre vie eulsiôs peu fi bie opinios coprendre, tât fen faut q les eu fs 16 s peu executer. Thales, de plt(- Pythagoras, AriflOte, amp;nbsp;plufieurs autres tant Grecs que qu’il n’efloit pofsible toutes les parties du CttLtU ’^T^oude eftre habitées: l’vne pour la trop grande amp;nbsp;infup-woi/e eß portable chaleur, les autres pour la grande vehemen-habita- te froidure. Les autres Auteurs diuilans le mode en deux
ble.
Cinq xn nés pdr leCqucUes ejl meßt. ré le mode.
partics,appellées Hemilperes, l’vne defquelles dilentne pouuoiraucuneméteftre habitce:mais l’autre enlaquclle nous loin mes,necellairemét ellre habitable. Et ainfi des cinq parties du mode ils en oflêt trois, de forte q felo leuf opinion n’en refteroit que deux,qui fulfenthabitables.Et pour le doner mieux à entedre à vn chacun ( cobicque ie ii’ellime point q les Içauâts lïgnorent)i’expliqueray cecy plus à plein amp;nbsp;plus apertement. Voulans donc prouuer quelaplus grade partie de la terre cil inhabitable, ils fop-poset auoir cinq zones en tout le mode, par lefouelles ils veulent
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Veulét mefurer amp;nbsp;copaifer toute la terre : amp;nbsp;defqlles deux font froides,deux têperées^ôc l’autre chaude. Et h vo’vou lezfçauoir corne ils colloquent ces cinq zones,expofez Voftre main icneftre au fol eil 1 eu a t,lcs doigts eftédus ôcCc-parez l’vn de l’autre famp;p celle methodel’enfeignoit außi Probus Grâmaticus} puis quad aurez regardé le foleil par les interualles de vozdoigts,flefchiflez les amp;nbsp;courbez vn chacCi en forme d’vn cercle. Par le pouce vous entendrez la zone froide,qui eft auNort,laqlle pour l’exceßiue froi- Zone dure(côme ils aftermct)eftinhabitable. Toutesfois l’expe fioide. tience no’ à mollrc depuis quelque téps toutes ces parties iufques bié pres de noftre pole, mefmes outre le parallele Ardique,ioignant les Hyperborécs,cómeScauie,Dace, Suece,Gottie,Noruergie,Dänemarc,Thyle, Liuonie, Pi-lappe,Prufe,Ilt;ufie,ou Ruthenie, ou iln’y à q glace amp;nbsp;froi Hure ppctuclle,eflre neätmions habitées d’vn peuple fort rude,feló,amp; (àuuage. Ce q ie croy encores plus par le tef-îïioignage de Moiteur de Câbray natif de Bourges, Am-l^all'adeur pour le Roy en ces pais de Septétrio, Pologne, Hôgrie,amp; Trâfyluanie,quim’ena fidelemêtcôiquéla ve htéjhomeaufurpl’ pourlbncruditiô,amp; cognoilsâcedes
! lagues,digne de tel maillre,amp; detelle entreprile.Parquoy ' fontexculables les Anciés, amp;nbsp;no du tout croyables,ayans parlé P conieôlurc,amp; no par cxpericce. Retournos aux au très zones. L’autre doigt denote la zone téperée,laquelle ^one-habitable, amp;nbsp;fe peut eilendre iniques au tropique du
Cancre:côbien qu’en approchât elle foit plus chaude que tt‘perée,côme celle qui ell iullement au milieu,cell afça-uoir entre ce tropique amp;nbsp;le pole.Le troifieliTie doigt nous i represêtela zone htuée entre les deux tropiques,appellée I ' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i iiij
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litre ^ne J rolde.
f£. 5 SI NGVLAR I TE Z torride, pour l’excefsiue ardeur du (olcil,qui par manière de parler la roftit amp;nbsp;brufletoute, pourtant à efte eftimée inhabitable. Le quatriefme doigt cft l’autre zone têpe-réedes Antipodes, moyenne entre le tropique du Capricorne amp;nbsp;l’autre pole,laquelle eft habitable. Le cinqiefï'nc qui eft le petit doigt,fîgnifie l’autre zone froide,qu’ils ont parcillemét eftimée inhabitable, pour mefmc raiion que celle du poleoppolite:de laquelle on peut autant dire, comme auons dit du Scptentrion,car il y a fèmblable rai-fon des deux. Apres donc auoircongneucefte reglet exemple,facilement lonentédra quelles parties delà terre font habitables,amp; quelles non,{elon l’opinion des Anciens. Pline diminuant ce qu’eft habité, elcrit que de ces cinq parties,qui font nommées zones,en faut öfter trois, pource qu’elles ne font habitables: leiquelles ont eftéde-lignces par le pouce,petit doigt,amp; celuy du milieu.Il ofte pareillement ce que peut occuper la mer Oceane. Et en vn autre lieu il eferit, que la terre qui eft deftbubs le zodiaque eft feulement habitée. Les caufes qu’ils allèguent pour lefquelles ces trois zones font inhaoitablcs eft le froid vehement, qui pour la longue diftance amp;nbsp;abfènce dufoleileftenlaregion des deux poles :amp; la grande amp;nbsp;exceftiue chaleur qui eft foubs la zone torride,pourla vi-cinité amp;nbsp;côtinuelle prefènee du folciL Autant en aftermet prcfquc tous les Théologiens modernes. Le contraire toutesfois fc peut monftrcr parles eferits des Auteurs cy delfus alléguez, par l’authoritc des Philofophes, fpecia-lementde noftre teraps,parle tefmoignage del’efcriture fàintc : puis par l’experienccjqui forpafle tout, laquelle en àeftéfaite parmoy, Strabon,Mela,amp;: Pline,cobien qu’ils approu-
-ocr page 89-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 3? approuuent les zones, efcriiient toutesfois qu’il fètrou-ue des hommes en Ethiopie, en la peninfule nomée par les Anciens Aurea,amp; en l’ifle Taprobane, Malaca, Za-motrafoubs la zone torride. AußiqLieScandinauie,les Hyper-monts Hyperborées,amp; pais alentour près le Septentrion t’ore'ese-(dontnous auonscy deuant parlé) font peuplés Schabi-tés: iaçoit felon Hérodote, que ces montagnes foyent di-reélement fbubs le pole. Ptolemée ne les a colloquées fipres,mais bien à plus de ieptante degrezde l’Equino-éhal. Le premier qui à monflré la terre contenue foubs les deux zones temperées cftre habitable,à efté Parmeni-des,ainfi que recite Plutarque. Plufieurs ont elcrit la zone torride non feulemétpoiiuoireftrehabitée,maisaufii eflre fort peuplée. Ce que prouue Auerroes parle tef-moignage d’Ariftote au quatriefme de fonliure intitulé Du ciel amp;nbsp;du monde. Auicenne pareillement en fa fécondé doélrine, amp;: Albert le Grand au chapitre lixiefiiie de la nature des regions, felforcét de prouuer par'railbns naturelles, q celle zone eflhabitable,voire plus comode pour la vie humaine,que celles des tropiques. Etparainh Monetär nous la cóclurós ellre meilleure,plus comode,amp; plus falu bre à la vie humaine q nulle des autres: car ainfiq lafroi- codeur eft ennemie, außi eft la chaleur amie au corps hu- modelet tnain,attendu quenoftrevien’eft que chaleur amp;nbsp;humi- ßilubre dité,lamortau contraire,froideuramp;ficcité. Voyla donc comme toute la terre eft peuplée, n’eft iamais làns ha- ^**'^^quot;* bitateurs,pour chaleur ne pour froidure,mais bien pour cftre infertile, corn me i’ay veu en l’Arabie delerteamp;au-contrées. Außi a efté l’homme ainli crée de Dieu, il pourra viurc en quelque partie de la terre,lbit chau-
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de,froide, ou temperée. Car luy mefine à dit à noz premiers parens : Croiflez, amp;nbsp;multipliez. L’experience d’a-uantagefeomme plufieurs fois nous auons dit)nous certifie,combien le monde eft ample, amp;nbsp;accommodable â toutes creatures,amp; ce tant par continuelle nauigation fus la mer,comme par loingtains voya ges fur la terre.
De la multitude nbsp;nbsp;diucrßtc despoijjons efians foubs
la li^ne Euuinobliale. c h a p. 20.
Vant que Ibrtir de noftre ligne,i’ay bien voulu faire métion particuliere du poif fon,qui fetrouue enuironfept ou liuicl ÿ degrez deçà amp;nbsp;delà,de couleu rs fi diuer-fès, amp;nbsp;en telle multitude, qu’il n’efl pof fible de les nôbrer,ou amafl'er enfemble, comme vn grand monceau de blc en vn grenier. Et faut entendre, qu’entre ces poilTons plufieurs ont fuyuinoz nauires plus de trois cens lieux-.principalementlesdora-des,dontnous parleronsaflezamplement cyapres. Les \ „ marfouinsapresauoir Veu de loing noz nauires, nagent impctueufementàlencontre de nous,qui donne certain ;• ’ prefàge aux mariniers de la part que doit venir le vent: , nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;car ces animaux,difent ils,na2entà roppofite,amp; en sran-
fiuïn et nbsp;nbsp;nbsp;troùppe, corne de quatre a cinq cens. Ce poiflon clt
ponrcjuoi appelle marfouin de nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;en Latin,qui vautautantà
‘iinß ctp- dire,que porceau de mer,pource qu’il retire aucunement aux porcs terreftres:car il à femblable gronniiremcnt,amp; à le groin comme le bec d’vne canne, amp;nbsp;fus la telle certain conduit, par lequel il relpire ainfi que la balene.
-ocr page 91-DK LA FRANCE ANTARCTICQVE nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;38
Les mattelots en prennent grad nombre auec certains engins de feraguts par le bout, amp;nbsp;cramponnez, amp;: n’en mangent gueres la chair, ayans autre poiflon meilleur: maislefoyeenefl fort bon amp;nbsp;délicat, reflemblataufoye du porc terreftre. Quand il effc pris, ou approchant de la mort,il iette grads foufpirs, ainfi que voyons fairenoz porcs, quand on les feigne. La femelle n’en porte que deux à chacune fois. C’eftoit donc choie fort admirable du grand nombre de ces poilfons, amp;nbsp;du bruit tumultueux, qu’ils faifoient en la mer, (ans comparailbnplus grâd, que nul torrent tobant d’vne haute montagne. Ce que aucuns elhmerontparauêture fort ertrage amp;nbsp;incroya ble,maisierarteureainli pour lauoirveu. Ilfentrouue, corne, ie difois, de toutes couleurs,de rouge, corne ceux, qu’ils appellent Bonnites:les autresazurez amp;nbsp;dorez,plus Bonites. reluilàns que fin azur, comme font dorades : autres ver-doyans,noirs, gris, amp;nbsp;autres. Toutesfoisiene veux dire, que hors de la mer ils retiennent toufiours ces couleurs ainfi naïues. Pline recite qu’en Elpagne a vne fonteine, fontàne dont le poirton porte couleur d’or,amp; dehors ilàfembla- cfuirepre blecouleur quel’autre. Cequepeutprouenirde lacou-leur de l’eau ertant entre nortre œil amp;nbsp;le poiflbnrtout ain-r nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;II nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Z- 1 nbsp;nbsp;1 couleur
11 qu’vnc Vitre de couleur verte nous reprelente les cno-les de femblable couleur. Venons à la Dorade. Plufieurs Unt anciens que modernes,ont eferit de la nature des * poilfons, mais aflez Icgerement, pour ne les auoir veuz, ains en auoir ouy parler feulement,amp; fpecialement de la Dorade. Arirtote eferit qu’elle à quatre nagcïores, deux ^rißote delTus amp;nbsp;deux defloubs, amp;nbsp;qu’elle fait les petits en Erté amp;nbsp;Pline qu’elle demeure cachée logueelpace de temps: mais 11
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'Defcri-ption de Id 'Dora-
9’ ne le termine point. Plineà mon aduis,â imité cepro-pos d’AriftotCjparlant de ce poiflbn, diûnt, qu’elle le cache en la mer pour quelque temps, mais pallànt outre a defini ce temps dire lür les excelsiues chaleurs, pource quelle ne pouuoit endurer chaleur li grande. Et volun-tiers l’eufle reprelènté par figure, fi i’eufies eu le temps l’opportunité remettant a autre fois. Il fen trouue de grandes, comme grands Saulmons,les autres plus petites. Depuis latefieiulquesàlaqueuëelle porte vnccre-fte,amp; toute celle partie colorée corne de fin azur,tellemét q u’il eft impolsible d’excogiter couleur plus helle,ne plus clere. La partie inferieure eft d’vne couleur femblable à fin orde ducat:amp; voyla pourquoy elle a cité nômée Do-rade,amp; par Arifiote appellee en fa langue que les interprétés ont tourné Aurata. Elle vit de proye,comme tresbien le delcrit Ariftote : amp;nbsp;eft merueilleulèmct friâde
de ce poilTon volant,qu’elle pourluit dedans l’eau, come le chien pourluit le lieure à la campagne: feiettat haut en l’air pour le prendre:amp;fi rvnelefaugl’autrelc recouure.
Dorade, poijjon en^ran-de recom tnanda-tion- du-tempsdes ^ncici.
Ce poilTon fuyuit noz nauires, (ans iamais les abadoner, l’elpace de plus de fix lèpmaines nuit amp;iour, voire iuf ques à tant qu’elle trouua lamer à degouft. le fçay que ce poilTon a elle fort célébré recommendable le temps palsé entre les nobles, pour auoit la chair fort delicate amp;: plailànte à mangencome nous lifons que Sergius trouua moyen d’en faire porter vne iniques à Ilt;ome,qui fut fer-uie en vn banquet de l’Empereur, ou elle fut merueilleu-lèment eftimée. Et de ce temps commença la Dorade à eilre tant ellimée entre les Romains,qu’il ne le faifoit baquet fumptueux ou il n’en full lcruy par vne fingularite.
-ocr page 93-DE LA FRANCE ANTARCTIQUE. 39 Ec pource qu’il n’eftoit aifê d’en recouurer en efté,Sergius Senateur faduißi d’en faire peupler des viuiers, à fin que ce poiflbn neleurdefailliften fàifbnquelconquedequel pour celle curiofité auroit efténommé Aurata,ainfique A.LicinMurena,pourauoirtrop{ongneufement nourri ce poilTon ^ue nous appelions Murena. Entre les Dorades ont efté plus eftimees celles qui apportées de Tarente eftoient engrefsées au lac Lucrin, corne mcfme nous tefmoigne Martial, au troifiefme liure de fès Epigrammes. Ce poiflbn eft beaucoup plus ûuoureux en Hy-uer qu’en Efté : car toutes chofès ont leur fàifon. Corneille Celle ordonne ce poiflbn aux malades, Ipeciale-ment febricitas, pour eftre fort lâlubre,d’vne chair courte, friable, amp;nbsp;nonlimonneufe. Il fentrouue beaucoup plusenlamerOceanequ’cncellede Leuant. Aulsitout endroit de mer ne porte tous poiflbns. Helops poiflbn trcslîngulier ne le trouue qu’en Pamphilie, Ilus amp;nbsp;Scau-rus en la mer Atlantique feulement, amp;ainli de plufieurs autres. Alexandre le Grand eftant en Egypte acheta deux Dorades deux marcs d’or, pouréprouuer helles e-ftoient fi friandes,cômc les delcriuoient quelques vns de Ion téps. Lors luy en fut apporté deux en vie de 1 a mer O-ccane(car ailleurs peu le trouuent) à Memphis,là ou il e-floit : ainfi qu’vn médecin luif me monftra par hiftoire, ^ftat à Damalce en Syrie. Voyla,Le6leur ce que i’ay peu apprendre de la Dorade,remettant à ta volonté de veoir qu’en ont eicht plufieurs gens doéles, amp;nbsp;entre autres ^ôficur Guillaume Pellicier Euclque de Montpellier, hquel àtraifftéde laNaturedes poiflbnsautant fidele- ’‘-•’-’'A-h ^ent amp;direélement qu’homme de noftre temps.
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-ocr page 94-LES S INGVLARI TE Z D'vne iße nommée [ Aßcenßon. K P. 21.
iße de l’^ßce-fio pour-=^uoy diß .nomée,
Oyß’iiux de diuer-fes eße-ces en grand nvbre.
^po~ narSyOy-feUHx.
Ans élongner de noftre propos, huiót degrez delà noftre ligne le vingtfixieft me du moys d’Octobre trouuafines vnc ifle non habitée, laquelle de prime face voulions nômer ifle des oyfeaux, pour la grande multitude d’oyfeaux, qui font en cefte diéfe ifle ; mais recherchans en noz cartes marines, la trouuafmes auoir efté quelque temps au parauant decouuerte parles Portugais,amp; nommée Ifle de l’Aften-fion, pource que ce iour la y eftoy ent abordez. Voyans donc ces oyieaux de loing voltiger fus la mer,nous donna conieélure,que là pres auoit quelque ifle. Et appro-chans toufiours veimes fi grand nombre d’oyfeaux de diuerfes fortes amp;nbsp;plumages, fortis,comme il eft vray ftin blable, de leur ifle, pour chercher à repaiftre,amp; venir à noz nauiresjiufques à les prendre à la main, qu’a grand peine nous en pouuions défaire. Si on leur tcndoitle poing, ils venoyent delTus priuément, amp;nbsp;fo laifloyent prendre en toutes fortes que ion vouloir ; amp;nbsp;ne fen trou-ua elpcce quelcoquc en cefle multitude fomblable à ceux de par deça,chofo, peut eftre, incroyable à quelques vns. Eftans lafohezde lamainne fen fuyoientpourtant,ains Ce laiffoyent toucher amp;nbsp;prendre comme deuant. Dauan tage en cefte ifle fentrouue vne efpece de gràds, quei’ay OLiy nommer Aponars. Ils ont petites ailes, pourquoy ne peuuent voler. Ils font grands amp;nbsp;gros cornenoz hérons, le ventre blanc, amp;nbsp;le dos noir, comme charbon, le bec
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bec ïcmblable à celuy d’vn cormaran,ou autre corbeau.
nars,
Quand, on les tue ils crient ainfi que porceaux. lay voulu d’efcrire cell oyfeau entre les autres,pource q u’il f’en trou ue quantité en vne iße tirant droit au cap de Bonne ville, ca^ de du collé de la terre neufue,laquelle à efté appellée isle des Bonne Aponars. Außiy enatelleabondance,quequelquesfois trois grads nauires de France allans en Canada, charge-rent chacun deux fois leurs balleaux de ces oyfeaux, fur j le riuage de celle ille, n’elloit quellion que d’entrer en pourquoi terre, les toucher deuant foy aux balleaux, ainfi que a/«/» dh moutons à la boucheriejpourles faire entrer. Voylaqui m’a donné occahon d’en parler fiauant. Au relie,de nollre ifle de rAlcenlion,elle ell alTez belle, ayant de circuit hx lieues feulement, auccques montagnes tapilfées de beaux arbres amp;nbsp;arbrilTeaux verdoyas,herbes amp;nbsp;fleurs, fans oblier l’abondance des oyfeaux,ainli que délia nous auons dit. l’ellime que h elle eftoit habitée amp;nbsp;cultiuée, df-' auecplulîeurs autres, qui font en l’Océan, tant deçà que delà l’Equinoélial, elles ne leroy ent de moindre emolu-i'nent,queTenedos,Lemnos,Mctclin,Negrcpont,Rho- habite'e, 1 des,amp; Candie, ne toutes les autres, qui font en la mer comme Hellefpont,amp;: les Cyclades: carence gràd Ocean ce trou t^Hpours üent ifles ayans de circuit plus de oélante lieues,! es autres ’^oins:entre lefquelles la plus grand partie font defertes ^non habitées. Or apresauoir paEé celleifle,com-^ençafmes à decouurir quatre efloilles de clarté amp;nbsp;graveur admirable, difpofées en forme d’vne croix,alTez loing toutesfois du pole Antarélique. Les mariniers qui nauigent par delà les appellent Chariot. Aucuns d’iceux. ^^iii^ent qu’entre ces elloilles ell celle du Su, laquelle ell lt;.
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fixe amp;nbsp;immobile J comme celle du Nort, que nous appelions Ourfc mineur, eftoit cachée auant quefufiions ibubs l’Equateur, amp;nbsp;plufieurs autres qui ne (è voient par deçà au Septentrion.
Du promontoire de Bonne e^erance^e^ de plufieurs fimgularités obfieruées en iceluy^enfiemble no^re ar~ riuée aux Indes Amériques, ou France
Antar clique, en k v. iz.
Inde me ridiona -le.
Clip de Bone eÇ-pemnee pourquoi nommé Lion de let mer. Jlhinoce rons, ou bœufs de Ethiopie.
■ Pres auoir paße la ligne Equinodtiale, amp;nbsp;les ifles Saint Homer, fuyuans cefte colle d’Ethiopie, que Ion appelle Inde meridionale,!! fut quellion de pourlùy-ure nollre route, iniques au tropique d’Hyuer : enuiron lequel le trouue ce grand amp;nbsp;fameux promontoire de Bonne elperance,que les piiots ont nommé Lion de la mer,pour ellre craint redouté, tant il ell grand amp;nbsp;diflicilc. Ce cap des deux collez ell enuironné de deux grandes montagnes,dont l’vne regarde l’Orient, amp;nbsp;l’autre l’Occident. En celle contrée lètrouue abondance de Rhinocerons,ainli appeliez, pource qu’ils ont vne corne fus le nez. Aucuns les appellent boeufs d’Ethiopie. Cell animal ellfort mo-llrueux,amp; ell en perpétuelle guerre amp;nbsp;inimitié auecques l’Elephant. Et pour celle caulè les Romains ont pris plailir à faire combatte ces deux animaux pour quelque Ipeélacle de grandeur, principalement âla création d’vn Empereur ou autre grand magillrat,ainl] que Ion fait encores auiourd’huy d’Ours, de Toreaux, amp;. de Lions. Il n’eH; du
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n’eft du tout fi haut que I’ElephantjUe tel que nous le dépeignons par deçà. Et qui me donne occafion d’en parler, clique trauerfànt d’Egypte en Arabie Je vis vn fort ancien obelilc, ou eftoicnt grauées quelques figures d’animaux au lieu de lettres ainfi que Ion en vfoit le temps paße,entre lefquels eftoitle Rhinoceros,n’ayantne frange ne cornc,neaußi mailles telies,que nozpeintres les re-prcfèntent:pourquoy i’cn ay voulu mettre icy la figure.
Et pour fe preparer à la guerre Pline recite,qu’il aguifê z;-. g. fa corne à vne certaine pierre, amp;nbsp;tire toufiours au ventre cha.zo. de l’Elephant, pource que cell la partie du corps la plus molle. Il fytrouueaußi grande quantité d’afiies làuua- ^fics ges,amp; vne autre efpece portant vne corne entre les deux y£ux,longuc de deux pieds, l’en vis vne ellantcn la ville/^”'
-ocr page 98-r-E.3 S L K'Hl'VL'Z.
ties des anim.
amp; li.z. chap. I. e/e I’hifl. des animaux.
Eflendue de rinde Ortetale.
Mcrln-dic^ue.
Indus,fl, Tartar,
d’Alexandrie,qui eft en Egypte, qu’vn feigneur Turc ap-portoit de Mecha, laquelle il difoit auoir meftne vertu Li.j.cha. contre le venin, comme celle d’vne Licorne. Ariftotc appelle cefte efpeced’alne a corne, Afne des Indes. En-uiron ce grand promontoire eft le departement de la voye du Ponent amp;nbsp;Leuant: car ceux qui veulent aller à l’Inde orientale,commc à Calicut, Taprobane, Melinde, Canonor, amp;nbsp;autres, ils prennent àfeneftre, coftoyans l’ifle S.Laurent, mettans le cap delà nauire à l’Eft,ou bien au Sueft, ayant vent de Ouëft,ou Nortouëft à poupe. Ce païs des Indes de là au Leuât,eft de telle eftédue,que plu-lieurs l’eftiment eftre la tierce partie du monde. Mêla amp;Diodorerecitent,quelamerenuironnantces Indes de Midy àrOrient,eft de telle grandeur,qu’à grand peine la peut on pafler, encores que le vent foit propice,en l’efpa-ce de quarate iours:mais i’oferoye bien affermer de deuîC fois quarante. Ce païs eft donc de ce cofté enuironné de la mer,qui pource eft appellee Indique, ft confinant de^ uers Septentrion au montCaucaft. Et eft appelléelndc, du fleuue nome Indus, to ut ainfi que Tartane du fleuue Tartar,pafsât par le païs d u gràd Roy Cham. Elle eft habitée de diuerlité de peuples, tant en meurs que religion» Vne grande partie eft foubsIobeiffancedePrefte-Ian, laquelle tient le Chriftianifine : les autres font Mahumeti-ftes,comme défia nous auons dit, parlans de l'Ethiopie: les autres idolâtres. L’autre voye au partement de nor ftre grand cap,tireàdextre, pour aller à l’Amérique, laquelle nous luyuimes, accompagnez du vent, qui nous fut fort bon amp;nbsp;propice. Nonobfiant nous demeurâmes encores aftèz long temps ftir l’eau, tant pour la diftance des
-ocr page 99-DE LA FRANCE ANTARCTIQUE. 42. des lieux,que pour le vent, que nous eûmes depuis contraire : qui nous caufa quelque retardement, iufques au dixbuiéliefme degré de noflre ligne, lequel derechef nous fauorilà. Or ie ne veux paîTer outre,fans dire ce que nous aduint,cho{è digne de mémoire. Approchans de noflre Amérique bien cinquante lieues, commença-rnesàfèntirl’airdelaterrejtoutautrequeceluydelama- cbement rine, auecques vne odeur tantfûaue des arbres, herbes, des^me fleurs,amp; fruits du païs,que iamais bafme, fuffe celuy d’E-gypte,ne fèmbla plus plaifànt, ne de meilleure odeur. Et lors levons laiffe à penfer, combien de ioyereceu-rent les pauures nauigans, encores que de long temps n’euflent mangé de pain,amp;: fans cfpoir dauantage d’en re-couurer pour le retour. Leiouriuyuant, quijutle der-’f^^ ?” nier d’Oélobre, enuirô les neuf heures du matin decou-ürifmes les hautes montagnes de Croiftmourou, corn-bien que ce ne full l’endroit, ou nous prétendions aller.
Parquoy coftoyans la terre de trois à quatre liuës loin g, fans faire contenance de vouloir defeendre, ellans bien informez,que les fàuuages de ce lieu font fort alliez auec les Portugais, amp;nbsp;que pour néant nous les aborderions, pourfoyuifmes chemin iufques au deuxiefinede Noué-^* ore, que nous cntrafmes en vn lieu nommé Maqueh, pour nous enquérir des chofes,foecialement de l’armée du Roy de Portugal. Auquel fieu'noz efquifs dreffez, pour mettre pied en terre,fo prefènterent feulcmét quatre vieillards de ces fàuuages du pais, pourcc que lors les ieunes efloient en guerre, lefquels de prime face nous fuyoient, eftimans que ce fuffent Portugais,leurs enne-inys : mais on leur donna tel figne d’affeurance, qu’à la
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C.ip de Frie,
Gcchay.
Coußu-mes des
Sduud-?es de
O mdngcr leurs en-
nemys.
fin Rapprochèrent de nous. Toutesfois ayans la feiour-né viilgtquatre heu res feulement,feimes voile pour tirer au cap de Fric, chilant de Maqueh vingteinq lieues. Ce pais eft merueilleufement beau, autrefois decouuertamp; habité parles Portugais,lefquelsyauoyentdônéce noruj quieftoitparauant Gechay, amp;nbsp;bafiiquelque fort,efpe-rans là faire refictence, pour l’amenité du lieu. Mais peu de temps apres, pour ie ne fçay quelles cauics, les Saunages du païsles firent mourir,amp; les mangèrent comme ils font couftumierement leurs ennemis. Et qu’ainfi foir, lors que nousy arriuames,ils tenoient deux panures Portugais, qu’ils àuoient pris dans vne petite carauelle,auf quels ils fè deliberoyent faire fèmblable party,qu’aux au-tres,méfines àfèpt de leurs compagnons de recente mémoire ; dont’lcür vint bien à propos noftre arriuée, Icf quelslt;par grande pitié furent par nous rachetez, amp;nbsp;deli-urez d’entre les mains de ces Barbares. Pompone Mele appelle ce promontoiredont nous parlons,le front d’Afrique, par ceqü'e delà élu va en efirefiffant comraevn angle,amp; retourne peu à^peu en Septentrion amp;nbsp;Orient, là ou eft la fin de terre ferme, amp;nbsp;de l’Afrique, de laquelle Ptolomée n’â onq’eu congnoifiànce. Ce cap eft außilc chef delà noüuelîe Afrique, laquelletermineversle Capricorne aiïx montagnes de Habacia amp;nbsp;Gaiacia. Le plat pais voihn eft pcuihabitéjà caüfè qu’il eft fort brutal amp;nbsp;barbare, voire monftrueuxf non que les hommes foient fi difformes que pluficurs ont efeript, comme fi en dormant l’âuqient fongé, oflns affermeriqu’il y à des peuples, aux quels l'es oreilles pedent iufques aux talons .: les autres auec vn'œil au front,qu’ils appellent Anfinafesdes
autres
-ocr page 101-DE LA FRANCE ANT A R C T I QV E. 43' autres fins tcftc: les aurtes n’ayans qu’vn picjinais de telle longueur qu’ils fenpeuuent ombrager contre l’ardeur du {bleil:amp; les appellent monomeres, mpnolceles, ôc Iciapodes. Quelques autres autant impertinens en e£cri-Uent encore de plus eftrâges,mefmes des modernes eicrb uainsjfins iugement,fans raifon,amp; fins experience. le ne Veux du tout nier les monflres quife font outre le deflein de nature, approuuez par les philolbphes, confirmez par experiéce,mais bien impugner choies qui en font fi elon-gnccs,amp; en outre alléguées de mefme. Retournons en ceft endroit à noftre promontoire. Il fy trouué plufieurs belles fort dangereulès amp;nbsp;veneneulcs, entre autres le Ba-filifo, plus nuilant aux habitans amp;nbsp;aux ellragers, mefmes fus lesriuages de la mer à ceux qui veulent pefeher. Le Bafilifo (corne chacun peutentédre) elhvn animal vénéneux, quituel homedefon feul regard,le corps long en-uironde neuf pouces,la telle eleuée en pointe dcfeu,fur laquelle y à vne tache blanche en maniéré de couronne, la gueule rougeaftre,amp; le relie de laface tirant fiis le noir, ainfiquei’aycogneu par la peau,queievei entre les mains d’vn Arabe au grand Caire. Il cnalfe tous les autres formens de fonfifnet(commedit Lucain)pour foui demeu-for maillre de la campagne. La Foine luy ell ennemye na.ortelle folon Pline. Bref, ic puis direauec Sallulle qu’il Li. 8. naeurtplus.de peuple par les belles làuuages en Affrique, Sine par autres inconueniens. Nous n’auons voulu taire cela en palTant. i . nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lt;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•
dcK çôfi'j'yri. ,r nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 iÿ. ;
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I- '?lt; • .1 jt. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;L .
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De Itße de 'Madagäfcar ^autrement de S. Laurent.
23.
E grand defir que i’ay de ne rien omettre quifoitvtile ou neceflaire aux lecteurs, ioint qu’il me femble cfîre l’ofticed’vn efcriuain,traiter toutes chofès,qui appar tiennét à fon argumét,Eins en luifl er vnc, m’incite à deferire en ceft endroit celle
ifle tant notable,ayant feptantehuitdegrez delogitude, minute nulle, amp;nbsp;de latitude vnzedegrez amp;nbsp;trente minutes,fort peuplée amp;nbsp;habitée de Barbares,noirs dcpuisquel-que temps (lefquels tiennét prefque mefme formede re-' ligion,que les Mahomctilles: aucuns eftas idolâtres,mais d’vne autre façon ) combien qu’elle ait cité defcouuerte par les Portugais, amp;nbsp;nommée deS. Laurent, amp;nbsp;au para-Tertilité uant Madagafcar en leur langue : riche au lurplus ôc fer-de l'jße tile de tous biens, pour ellre merueilleulèment bienlî-de Sämt tuée. Et qu’ainlî {oit,la terre produit là arbres fruitiers de Lauret, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i-nefi'ne,{àns planter ne cultiuer,qui apportent néant-
moins leurs fruits aufsi doux amp;nbsp;plailànsà manger, que fi les arbres auoient efté entez. Car nous voyons par deçà les fruits agreftcSjC’eft à fçauoir que la terre produit làns la diligence du laboureur, eltre rudes, amp;nbsp;d’vn gôull fort aîpre amp;nbsp;ellrange, les autres au contraire. Doneques en cefte ifle fc trouuent beaucoup de meilleurs fruits, chicorin qu’entcrrc ferme, encores quelle foit enmefinezonc fruit,^ue OU temperature: entre lefquels en y à vn qu’ils nomment no«i di- en leur langue Chicorin,amp; l’arbre qui le porte eftfembla ble à vn palmier d’Esypte ou Arabie,tat en hauteur que feuX
-ocr page 103-DE LA ERANCE AKTARCTIQVE. 44 fucillages. Duquel fruit Ce voit par deçajquc Ion amené par nauires,appellc en vulgaire Noix d’Inaerque les marchants tiennentaflezchcreSjpource que oultre les frais du voyage,elles font fort belles amp;nbsp;propres à foire vafos: car le vin eftant quelque temps en les vaifleaux acquiert quelque chofo de meilleur,pour l’odeur amp;nbsp;fragrance de ce fruit, approchant à l’odeur de nollre mufeade. le di-raydauantage que ceux qui boiuent couftumierement dedansCainli que m’a recité vn luif, premier médecin duBaffadu grandCaire,Iors quei’y choyé) fontprefer-Uez du mal dé telle amp;nbsp;des flancs, amp;nbsp;û prouoque l’vrine : ôc àccme perfuadeencores plus rexperience,maillrefle de toutes choies, que i’enay veuê. Ce que n’a oblié Pline amp;: autres, difans que toutes elpeces de palmes font cordiales,propres aulsi à plufieurs indilpolitions.Ce fruit effc entièrement bon,lçauoir la chair Ici pcrficicllc,amp;encores tneilleur le noyau, li on le mange frais cuilly.Les Ethio-gt;es amp;nbsp;Indiens affligez de maladie, pillent ce fruit en îoiuent Ieius,quiell blanc comme lait,amp;fentrouuent tresbiê- Ils font encores de ce ius quand ils en ont quatité, Quelque alimét compole aucc forine de certaines racines ou de poiiron,dontils magent, apres auoir bié boullu le tout enlemble. Celle liqueur n’efl: de longue garde,mais butant qu’ellefe peut garder, elle ell fans comparaifon ttieilleure pour laperfonne, que confiture qui fe trouuc. Ibur mieux le garder ils font bouillir de ce ius en quantité, lequel eftant refroid y referuent en des vaifleaux à ce J dediez. Les autres y mellent du miel, pour le rcndreplus I philàntà boire. L’arbre qui porte ce fruit ell lî tendre, fi on le touche tant Ibit peu,de quelque ferrement,le
1 iüj
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ills diftillc doux à boire amp;: propre à eftancher la ïoif. jyie du Toutes ccsifles fituccsàla cofte d’Ethiopie, comme l’ifle Prince, ayant trentecinq degrez de longitude, minute o,amp; deux de latitude,minute o : Mopata, Zonzibar, Môfia,S.Apolene,S. Thomas, fbubs la ligne font riches amp;nbsp;fertilcs,prelque toutes pleines de ces Palmiers, amp;au tres arbres portans fruits merucilleufoment bons. Il fy trouueplufieurs autres elpeces de palmiers portas fruits, combien que non pas tous, comme ceux d’Egypte. Et tesde'pâl nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;les Indes de l’Amerique du Peru, tant en ter-
re ferm.e, qu’aux iflcs. Ce trouue de fept fortes de palmiers aux In- tous differents de fruits les vns aux autres. Entre lef-
Melons
quels i’enay trouue aucuns qui portent dates bonnes à manger, comme celles d’Egypte, de l’Arabie Felice, amp;: Syrie. Au furplus en cefte mefme ifle fo trouuent me-Ions gros à merucille,amp;: tant qu’vn homme pourroit,cm feurmer- de coulcurrougcaftre,außienya quelques vns neilleufe. blancs,Ies autres iaunes,mais beaucoup plus fains que les noftres,lpecialement à Paris, nourriz en l’eau amp;nbsp;fiens,au gradpreiudicedelafinté humaine. Il yaaußi plufieurs elpeces de bonnes herbes cordiales, entre lelquelles vne spä^nin qu’ils nomment Ipagnin,fèmblable à noftre cicorce lâu-uage,laquelleilsapplicquent for les playesôc bleffures, à celle des viperes,ou autre befte vcneneule,car elle en tire hors le venin, amp;nbsp;autres plufieurs notables firnples,q nous n’auons par deçà. Dauantage fo trouue abondance ^bon- de vray fodal parles bois amp;nbsp;boeages:duquel ie defireroye , dMce de qu’il s’en fift bonne traffïque par deçà: au moins ce nous yrdyßin feroit moyen d’en auoir du vray, qui foroit grand foula-gement, veu l’excellence ôc propriété queluy attribuent les auteurs.
-ocr page 105-DE LA FRANCE ANTARCTIQUE. 45 les autheurs. Quant aux animaux, comme belles fauua^-ges, poinbns,amp; oyféaux,noftreifleen nourrit des meilleurs,amp; en autant bonne qualité qu’il eil poßible. D’ay-feaux en premier lieu en reprefènterons vn par figure, fort eilrange, fait corne vnoyfeau deproye,lebecaqui- p,-i^ oy-lin, les aureilles enormes,pendantes fur la gorge, le fom- feau e-inct de la teile eleué en pointe de diamant, les pieds amp;nbsp;iambes comme le relie du corps, fort velu, le tout de plumage tirant fus couleur argentine, hors-mis la telle amp;nbsp;aureilles tirans fus le noir. Cell oyfcau. eil nom
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il y a d’elephans en grand nombre, deux fortes de belles vnicornes,de{quelles Ivneeft I’afne Indique, nay ant Ie indique, pic fourché,comme ceuxquifetrouuétau païs de Perle, oàx. l’autre eft que lo appelleOrix,au pie fourchc.il ne fy trou ue point d’aines fiuuages, lînon en terre ferme . Qu’il y aye des licornes,ie n’en ay eu aucune cognoilîance. Vray ell, qu’ellant aux Indes Amériques quelques Sauuages nous vindrent voir de bien foixante ou quatre-vingts lieuè’sjlelquels comme nous les interrogions de plulieurs cholès,nôus récitèrent qu’en leurpaïs auoit grand nombre de certaines belles grandes comme vne e^ece de va ches là Linages qu’ils ont portans vne corne feule au front, longue d’vnc bralfe ou enuironimais de dire quecelbiêt licornes ou onagres ie n’en puis rien anéurcr,n’cn ayant eu autre cognoilEince. l’ay voulu dire ce mot encore que l’Amérique Io.it beaucoup dillante de Pille dont nous parlons. Nous auons ia dit que celle contrée inlùlaire nourrit abondance de ferpens nbsp;nbsp;laifartsd’vnemerueil-
leulè grandeur, amp;nbsp;le prennent ailcement lans danger. Aufsiles Noirs du pais mangent ces laifirts amp;nbsp;crappaux, comme pareillement font les Sauuages de l’Amérique.
Il y en à de moindres de la grolTeur de laiambe, qui font fort délicats amp;nbsp;frians à manger, outre plulieurs bons poiflbns amp;: oyfeaux, defquels ils mangent quand bon leur lèmble. Entre autres fingularitcs pour la multitude des poiflbns, le trouuentforce halenes,defquelles les habitans du pais tirent ambre,quc plulieurs prennent ^mbre pour ellre ambre gris, chofo par deçà fort rare, pre-vrtsjort cieufecaufsi qu’elle ell fort cordiale amp;propre a reconfor-. ter les partie s plus nobles du corps humain. Etdiceluy fefait
-ocr page 107-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 4lt;S' fait grande traffique auecques les marchans eftragers.
De noflre arrïuée à U France AntdrBique^ autrement Amerique^du heu nommé Cdp de Frie.
CHAP. 24.
S Pres que par la diuine clemêce auec tant de trauaux communs amp;nbsp;ordinaires à fi longue nauigation,fufmes paruenus en terre ferme, non fi toft que noftre vouloir amp;nbsp;e{perâceledefiroiî,qui fut le dix-iefme iour de Nouembre, au lieu de fè repofir ne tut quelÏÏon ,finonHë decouurir amp;nbsp;chercher lieux propres à taire fieges nouueaux, autant eftonez come les Troyens arriuans en Italie. Ayans donc bien peu feiournc au premier lieu, ouauions pris terre,comme au precedent chapitre nous l’auons dit, feimes voile de rechef iutques au Cap de Frie, ou nous receurenc trcsbien les Sau uages du païs,monftrans felon leur mode euidens fignes deioye: toutesfois nous n’y tèiournames quetrois iours.Nous fàluëret doc les vns apres les autres corne ils Ont de couftume,de ce motCaraiubé,qui eft autat,côme, bone vie,ou tbyes le bien venu. Et pour mieux nous co-muniquer à nollre arriuée toutes les merueilles de leur païs,rvn de leurs grands Morbicha ouairoub,c’eft à dire, Koy ,nous feftoyad’vne farine faite de racines amp;nbsp;de leur Cahouin, qui eft vn bruuage compofé de mil nommé Auaty, amp;nbsp;eft gros comme pois. Il y en a de noir de blanc, amp;nbsp;font pour laplufgrande partie de ce qu’ils en recueillent ce bruuage, fufàns bouillir ce mil auec au-m ij
('S
Cilt;p de: Frie.
CoJjouîn bruud^e des .A-meri ques.
ej^ece de miL
LES STNGVtARITEZ
très racines, lequel apres auoir bouilly eft de lembJablc couleur que le vin clairec. Les Saunages le trouuent fi bo
Superßi-tiun des
Snuud-Zesàfai-rece Ar« »ao-c.
qu’ils fen enyurent comme Ion fait de vin par deçà: vray efi: qu’il eft efpais comme mouft de vin. Mais efeoutes vue fiiperfiition à faire ce bruuage la plus eftrange qu’il eft poisible. Apres qu’il â bouilly en grands vafes faits ingenieufement de terre grafTe^capables d’vn muy,viendront quelques filles vierges mâcher ce mil ainfi boulin» * puis le remettront en vn autre vailTeau à ce propre: ou fi vnc femme y eft appellee, il faut quellefabftiennepar certains iours de (on mary,autremct ce bruuage ne pour-roit iamais acquérir perfeâion. Cela ainfi fait,le feront bouillir de rechef iufques à ce qu’il foit purgé, comme
nous
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nous voyons le vin bouillant dans le tonneau , puis en vient quelques iours apres. Or nous ayant ainli traidez nous mena puis apres veoir vne pierre large amp;: longue de cinq pieds ou enuiron,en laquelle paroilïoient quelques coups de verge,ou menu ballon, amp;nbsp;deux formes de pie : qu’ils afferment dire de leur grand Caraïbe, lequel ils ont qualî en pareille reuercnce,que les T Lires Mahom-met:pourtant (difent il ) qu’il leur a donné lacongnoif-fànce amp;nbsp;vlâgedu fcu,enfemble de planter les racinesdef-quels parauant ne viuoient que de fueilles amp;nbsp;herbes ainh que belles. Ellants ainh menez par ce Roy,nous ne laif-nonsde diligemment recongnoillre viliter lelieu,au-quel le trouua entre plulieurs commodités qui font re-quilès,qu’il n’y auoit point d’eau douce que bien loing de là,qui nous empefeha d’y faire plus long feiour,amp;baltir, dont nous fuîmes fortfalchez,conlideré la bonté amp;a-menité du païs. En ce lieu le trouue vne riuiere d’eau fa-lée, palTant entre deux montagnes elognées l’vne de l’au-tre d’vn icél de pierre : amp;nbsp;entre au païs enuiron trente amp;nbsp;fix lieuè's. Celle nuiere porte grande quantité de bon poiffon de diuerfes elpeces,principalement gros mulets: tellemét qu’ellas là nous veimes vn Saunage qui print de Ce poifibn plus de raille en vn inllat amp;nbsp;d’vn traiôl de filet. Dauantage fy trouuent plulieurs oyfeaux de diuerlès oy/êdux fortes amp;nbsp;pîumages,aucuns aufsirouges,que fine efoarlat-te: les autres blancs, cendrez, amp;nbsp;moucherez, comme vn einerillon. Et de ces plumes les Saunages du païs font pennaches de plulieurs fortes,delquclleslè couurent,oLi pourornement,ou pour beauté, quand ils vont en guerre , ou quils font quelque malTacre de leurs ennemis : les
m iij
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autresenfontrobesamp; bonnets à leur mode. Etqu’ainfi Ibitjil pourra eftre veu parvne robe ainb faite, de la-/’orfw ds quellei ay fait prelent a Monlieur de Troilrieux gentilhomme de la mailon de monfeimeur le P^euerendiGi-Cz
ritjue.
me Cardinal de Sens, amp;nbsp;garde des féaux de France,homme, dific, amateur de toutes fingularitez,amp; de toutes
^rät, oyfèdu rouve.
perfonnes vcrtueufès. Entre ce nombre d’oy féaux tous différés ceux de noflre hemifphere,fentrouue vn,qu’ils nomentenleur langue Arat,quicft vn vray heron quant à la corpulence,horfmis que fonpîumage eftrouge mefàng de dragon. Dauantage fé voyent arbresEns nobre, amp;nbsp;arbrifleaux verdoyans toute l’année, dont la plus part rend gommes diuerfés tant en couleur que Petits yi autremét, AuGi fe trouuét, au riuage de la merde petits vignots ( qui eft vne efpece de coquille de groffeur d’vn f nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Saunages portent à leur col enfilez com-
’ me pcrles,fpecialement quand ils font malades: car cela, diféntils prouoqueleventre, amp;nbsp;leurfert de purgation.
Les autres en font poudre, qu’ils prennét par la bouche. Difént outreplus, que cela eft propre à arrefter vn flux de ûng:ceque mefemble contraire à fbn autre vertu pur-gatiue:toutesfois il peut auoir les deux pour ladiuerfîté de fés fubftances. Et pource les femmes en porter au col amp;nbsp;au bras plus couftumierement queles hommes. Il fé trouuc femblablement en ce païs amp;nbsp;par tout le riuage de la mer fur le fable abondance d’vne efpece de fruit, que Ffwwwrf jçg Efpagnols nomment Feues marines, rondes comme vntefton, mais pluscfpeflés ôc plus grofTes, de couleur
rougeaftre:que Ion diroit a les voir qu’elles font artificielles. Les gens du païs n’en tiennent conte. Toutesfois les
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Efpagnols parfînguliere eftimeles empörtet en leur pais, amp;nbsp;les femmes amp;nbsp;filles de maifon en portent couftu-mierement à leur col enchafiees en or, ou argêt, ce qu’ils difent auoir vertu contre la colique, doleur de telle, amp;nbsp;autres. Bref, ce lieu eft fort plailànt amp;nbsp;fertile. Et fi Ion entre plus auant,fè trouue vn plat pais couuert d’arbres autres que ceux de noftre Europe: enrichy da-uantage de beaux fieuues,aucceaux merueillculèment clercs,amp; riches de poiflbn. Entre lelquelsi’en deferiray vn en cell endroit, monftrueux, pourvu poiflon d’eau douce, autant qu’il eft pofiible de voir. Ce poiftbn eft
«le grandeur amp;nbsp;grofteur vn peu moindre que noftre ha-ïec, armé de telle en queuë,comme vn petit animant ter-relire nome Tatou, la tefte fanscomparaifon plus groffe que le corps,ayant trois os dedans l’efthinejbon à mager, poijfon pour le moins en mangent les Saunages, amp;nbsp;le nomment admira -
\ en leur langue,Tamouhata.
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De la riuiete de Ganabara, autrement de lanalre^ comme le pais ou arriuames,fut nommé France Antar Bique. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;en h v. 2 y.
'Ayans meilleure commodité de feiour-ner au cap de Frie, pour les raifons fuf-dites, il fut queftion de quitter la place, faifans voile autrepart, au grand regret des gens du païs,le{quclselpcroyentde nous plus long lêiour amp;nbsp;alliance,(ùyuant
Cdnd “ hara^din ß dt ^ie feur Id ßtnilitu-de du IdC.
la promclTe que fur ce à noitre arriuce leur en auions faite : pourtant nauigames l’elpace de quatre iours, iiif ques au dixiefîne,quctrouuames cede grade riuiere nom mée Ganabara de ceux du pais,pour lafimilitude qu’elle â au lac, ou lanaire, par ceux qui ont fait la premiere de-couuerte de ce pais, diflante tie là ou nous citions partis, de trente lieues ou enuiron. Et nous retarda par le chemin le vent,que nous eûmes ailes contraire. Ayans donc palTé plulieurs petites il!es,fur celle colle de mer,amp; lede-llroit de nohre riuiere, large comme d’vn trait d’arque-bufe,nous fumesd’auisd’entrer en cell endroit,amp; auec
noz barques prendre terre : ou incontinent les habitans nous receurent autant humainement qu’il fut poßible: amp;nbsp;comme ellans aduertiz de nollrc venue,auoient dreße vnbeau palais à la couhumedu pais, tapilTé tout autour de belles fueilles d’arbres, amp;nbsp;herbes odoriferes, par vne maniéré de congratulation,raollrants de leur part grand ßgne deioye, amp;nbsp;nousinuitansà Elire le lèmblable. Les plus vieux principalement,qui lont comme roys amp;nbsp;gou-uerncurslucceßiuemetl’vn apres 1 autre,nous venoyent vojr,amp;.
-ocr page 113-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 4lt;)
Voir,amp; auec vne admiratio nous (àluoyét à leur mode amp;nbsp;en leur langage: puis nous coduilbient au lieu qu’ils nous auoient preparé : auquel lieu ils nous apportèrent viures de tous collez,comme farine faite d’vne racine qu’ils appellent Manihot, amp;nbsp;autres racines grolTesöc menues,tref-bonnes toutesfois Ôc plailàntes a manger, amp;nbsp;autres cho-fesfelonlepaïs:demaniéréqu’ellansarriuez,apresauoir loue amp;nbsp;remercié ( comme le vray Cbrellien doit faire) sauua ' celuy qui nous auoit pacifié la mer, les vents, bref, qui gesyfent nous auoit donné tout moyen d’accoplir fi beau voyage, amp;nbsp;ne fut queflion finon le recréer amp;nbsp;repofer fur l’herbe ver-te,ainfi que les Troie ns apres tant de naufrages amp;tcm-peftes,quand ils eurent rencontré celle bonne dame Di-do : mais Virgile dit qu’ils auoyent du bon vin vieil, amp;nbsp;nous feulement de belle eau. Apres auoir là feiourné l’elpace de deux moys,amp;recherché tantenilles que terre ferme, fut nommé le païs loing à l’entour par nous de-couuert, Frace Antarélique, ou ne fe trouua lieu plus cÔ-niode pour ballir amp;nbsp;le fortifier qu’vne bien petite iflc,cô-lenant feulement vne lieue de circuit,fituée prefque à l’o-figine de celle riuiere,dont nousauons parlé, laquelle pour melme raifon auec le fort qui fut bafti, à ellé aulsi ißefort nommée Colligni. Celle ille ell fort plailànte, pour eftre reueftue de grande quantité de palmiers, cedres, ar-tgt;res de b refil arbrilTeaux aromatiques verdoyans toute l’année : vray ell qu’il n’y a eau douce, qui ne foit allez w/ere, Joing. Doneques le Seigneur de Villegagnon,pour faf merfor-lèurercontreleseffortsdecesSauuagesfacilesàofi'enlcr, f‘fié le S^aufsi contre les Portugais,!! quelquesfoislèvouloient ^donner là, fell fortifié en ce lieu, comme le plus com-
France ^ntar -£ii(jue.
de,en[a~
quelle
n
-ocr page 114-LES S INGVLARI TE S modejainfiqu’illLiyàefté poßible. Quant aux viures,les Saunages luy en portent de telqueportele païs,comme poifTonSjVenaifon amp;c autres belles ûuuages car ils n’en nourriflent de princes, comme nous faifons par deçà,farines de ces racines,dont nous auons n’aguercs parlé,lâns pain ne vin : amp;nbsp;ce pour quelques choies de petite valeur, corne petits coufteaux, ferpettes,amp; haims à prendre poif Ion. le diray entre les louënges de noftre riuierc, que là jiocheJe nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;deftroit fe trouue vn marelc ou lac prouenant la
laquelle plus grand part d’une pierre ou rocher,haute merueilleu-frouient lèment eleuée en l’air en forme de piramide, amp;nbsp;large proportion , qui eft vne chofe qualî incroyable.
Celte roche eft expofée de tous collez aux flots amp;tor-mentes delà mer. Le lieu eft à lahauteurdu Capricorne vers le Su,outre l’Equinoôlial vingt amp;nbsp;trois degrez amp;nbsp;demy,Ibubs le tropique de Capricorne.
P« poijjon de ce grand fleuuefufnommé.
CHAP.
Ouîtres portans fgt;erles.
E ne veux pafler outre lans particulièrement traiter du poiflon,qui le trouue en ce beau fleuue de Ganabara ou de lanai-re,en grande abondance amp;nbsp;fort délicat. Il y a dinerfitc de vignots tant gros que petis: amp;nbsp;entre les autres elle porte oui-tre, dont refcailfe efl reluilànte comme fines perles,que les Saunages mangent communément, auec autre peut poilfon que pefehent les enfans. Et Ibntces ouitres tout ainlî que celles qui portent les perles: außifen trouue en quelques
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quelques vues, non pas fi fines que celles de Calicut, amp;nbsp;autres parties duLeuant. Aurefte les plus grands pefi-chentaufii le grand poiflon, dont celle riuiere porte en abondance. La maniéré de le prendre eft telle, que efias tous nuds en l’eau,foit douce ou làlée leur tirent coups de flefcheSjà quoy font fort dextres, puis les tirent hors de l’eau auec quelque corde faite de cotton ou efoorce de dre du bois, ou bien le poilTon eftant mort vient de foymefmc poijjon. fiir l’eau. Or fans plus long propos, i’en rcciteray principalement quelques vns moltrueux, reprefentez par por-trait,ainfi que voyez,comme vn qu’ils nomment enleur langage Panapana, fombi able à vn chien de mer, quant àla peau,rude amp;nbsp;inegale,comme vne lime. Cepoiffon ”defoiß^
à fix taillades ou permis de chacun collé du gofier, ordonnez à la façon d’vne L’amproye, la telle telle que pouuez voir par la figure icy mife: les yeux prelqueau hout de la telle, tellement que de l’vn â l’autre y à di-ftanced’vn pied amp;nbsp;demy. Ce poilTon au furplus ell af-fez rare,toutcsfois que la chair n’en ell fort excellente à n ij
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Ineuo-nea.
Arbres
chäri
manger, approchant du gouft à celle du chien de mer. Il y a d’auantage en ce fleuue grande abôdance de Raïs, mais d’vne autre façon que les noftres: elles font deux fois plus larges amp;nbsp;plus longues, la telle platte amp;nbsp;longue, Seau boutyâdeux cornes longues chacune d’vnpié,au milieu delquelles font les yeux. Elles ont hx taillades foubs le ventre, pres l’vne de l’autre : la queue longue de deux pieds, amp;nbsp;grelle comme celle d’vn rat. Les Sauua-ges du paisn’cn mangcroientpourricn,non plus que de la tortue,ellimans que toutainli que ce poilTon ell tardif à chemineren l’eau, rédroit aulsi ceux qui en mageroient tardifs,quileurlèroitcaufe d’ellre prisailèment de leurs ennemis,amp; de ne les pouuoirfuyure legeremétà lacour-fo. Ils l’appellent en leur langue Ineuonea. Le poilTon de celle riuiere vniuerlellement ellbon à mâger,aLilsi celuy de la mer colloy ant ce païs, mais non h délicat que foubs la ligne amp;nbsp;autres endroits de la mer. le ne veux oblier, fus le propos de poilTon à reciter vne chofe merueilleufe ôc digne de mémoire. En ce terrouer autour du fleuue fufiiommé,lètrouuentarbres amp;nbsp;arbrifleauxapprochants
dûuitres, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;mer, toLis couuerts amp;nbsp;chargez d’ouitres haut amp;nbsp;bas.
deuez entendre que quand la mer fenfle elle iette
vn flotaflTez loing en terre, deux fois en vingt amp;nbsp;quatre heureSjamp; que l’eau couure le plus fôuuét ces arbres amp;nbsp;ar-bufleSjprincipalementlcsmoins eleuez. Lorscesouitres ellans de Coy aucunement vilqucufes,lè prennent amp;nbsp;lient contre les branches, mais en abondance incroyable : tellement que les Saunages quand ils en Veulent manger, couppent les branches ainh chargées, comme v ne branche de poirier chargée de poires, amp;nbsp;les emportent; amp;nbsp;en
mang-ent O
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mangent plus couftumierement que des plus großes, qui font en la mer: pourtant difcnt ils, quelles font de meilleur gouft, plus faines,amp; qui moins engendrent fie-lires, que les autres.
De l^Atnerique en general.
CHAP. 27.
Yant particulièrement traité des lieuxj ou auons fait plus long fèiour apres a-7^ uoir pris terre, amp;nbsp;de celuy principalement ou auiourd’huy habite le S eigneur
auons appellé lanaire, les circonftances amp;nbsp;dependences de ces lieux,pource qu’ils font fituez en terre decouuerte, amp;nbsp;retrouuée de noftre temps, refte d’en eferire ce qu’en auons congneu, pour le feiour que nous y auons fait. Il eft bien certain que ce païs n’â iamais efté congneu des anciens Cofmographes,qui ont diuifé la terre habitée en trois parties,Europe,Afie,amp; Afrique, desqlles parties ils fentcongneu
peu auoircognoißace.Maisie ne doute que fils euf- ciens. congneu celle dont nous parlons,confideré fa gran-
Ont
de eflenduc,qu ils ne leuffent nombrée la quatriefiîie,car die eft beaucoupplus grande que nulle des autres. Cefle terreàbo droit eft appellee Amérique, du nom de celuy lt;^□1 la premièrement defcouuerte, nommé Americ Vef- premier puce,hôme fingulierenartde nauigation gebautes en- cmiidef tteprifès. Vray eft que depuis luy plufieursenontdef- cowtert
meric
VeJ^uce’
CQuucrt la plus grand partie tirant vers Temiftitan, iuf-
• • • nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;«
n iij
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Situdtio de
ruerique.
Q^lsiot: les habi-tans de .[.Amérique.
TAme-rique, }}iiïs ttef-jertile.
ques au païs des Geans,amp; deftroit de Magellan. Qu’elle doiue eure appellee Indexe n’y vois pas grand railbnzcar cede côtrée du Leuant que Ion nome Inde,a pris ce nom du fleuue notable Indus, qui eft bien loingdc noftre A-merique. Il fuffira doncq’de l’appeller Amérique ou France Antarôlique. Elle edfituée véritablement entre les tropiques iufqucs delà le Capricorne,(e confinant du code d’occident vers Temiditan amp;nbsp;les Moluques: vers Midy audedroit de Magellan, amp;nbsp;des deux collez de la mer Oceane,amp;Pacifique. Vrayeftque presDarieneamp; Fume, ce païs edfort edroit,car lamer des deux codez entre tort auat dans terre. Or maintenat nous faut eCcri-re delà part que nous auons plus congnue,amp;fréquentée, qui ed fituce enuiron le tropique brumal, amp;nbsp;encores delà. Elle à ede amp;nbsp;ed habitée pour le iourd’huy,outre les Chrediens, qui depuis Americ Vclpuce l’habitent,de gens merueilleufement edranges, amp;nbsp;làuuages, làns foy, tans loy, tans religion, (ans ciuilité aucune, mais viuans comme bedes irraitonnablcs ,ainfi que nature les à produits, mangeans racines, demeurans toufiours nuds tant hommes que femmes, iutques àtant,peut edre, qu’ils feront hantez des Chrediens, dont ils pourront peu à peu defpouiller cede brutalité, pour vedir vne façon plus ci-uile amp;nbsp;humaine. En quoy nous deuons loueralfecdu-eulèment le Créateur, qui nous à etclarcy leschofes,ne nouslaiflant ainfi brutaux, comme ces panures Amériques. Quant au territoire de toute l’Amerique il ed tref fertile en arbres portans fruits excellens, mais fins labeur netèmence. Et ne doutez que fi la terre edoit cultiuee, quelle ne rapportad fort bien veu fa fituation, motagnes fort
-ocr page 119-DE LA FRANCE ANT AR C T I QJV E. 52 fort belles,plaineures,(pacieufcs, fleuues portans bon poinbn,ifles grafles,terre ferme femblablemêt. Auiotir- partie de d’buy les Elpagnols Portugais en habitent vne grande l'^me-partie, les Antilles fus l’Occan, les Moluques,fus lamer Pacifique,de terre ferme iufques à Dariene,Parias,amp; Pal-marie; les autres plus vers le Midy, comme en la terre du Brefil. Voyla de ce païs en general. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;quePor^-
tu^aii.
De U religion des Amériques.
CHAT. 28.
Ous auons dit, que ces pauurcs gens vi-uoient fans religion, amp;nbsp;fins loy : ce qui eft veritable. Vray eft qu’il n’y à creature capable derailbntantaueuglée,voyât le ciel la terre, le Soleil amp;nbsp;la Lune, ainfl ordonnez, lamer amp;nbsp;les choies qui le font de iour en iour, qui ne iuge cela eflre fiit de la main de quelque plus grand ouurier,que ne font les hommes. Et pource n’y à nation tant barbare, que par l’inflinôl naturel n’aye quelque religio,amp; quelque cogitatio d’vn Dieu.
Ils confeflent donc tous eflre quelque puifsâce,amp; quel- Jleligion'-que fouueraineté:mais quelle elle efl,peu lelçauent,c’eft ^fçauoir.ceuxaufquelsnoflreSeip-neur defa lèule grace s eft voulu communiquer. Et pource celle ignorance à taule la variété des religions. Les vns ont recognu le Ib-leil comme fouuerain,les autres la Lune,amp; quelques autres les eftoilles:les autres autrement,ainli que nous recirent les hiftoires. Or pour venir à noftre propos, noz Sauuages font mention d’vn grand Seigneur, amp;nbsp;le nom- -n iiij
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T.oujiM. menten leur langue Toupan, lequel, difent ils,eftant la haut fait plouuoir tonner ; mais ils n ont aucune maniéré de prier ne honorer,ne vne fois,ne autre,ne lieu à ce propre. Si on leur tient propos de Dieu, comme quelquefois i’ay fait, ils efeouteront attentiuement, auec vne admiration;amp; demanderont fi ce n’eft point ce prophe-tc,qui leur a enfeigné à planter leurs groffes racines,qu’ils iMih nomment Hetich. Et tiennent de leurs peres qui auant rdctnes. congnoifiance de ces racincs,ils ne viuoient que d’herbes comme beftes,amp; de racines làuuages. Il le trouua, dur^ï- comme ils difent, en leur païs vn grand Charaïbe, c eft à dirc,Prophcte,lequel fadreflantà vne ieunefille,luy don na certaines grofles racines,nommées Hetich,eftantfeni blables auxnaueauxLymofins,luyenfèignant qu’elle les mift enmorceauXjôcjuis les plantaft en terre : ce quelle fift:amp; depuis ont ainli de pere en fils toufiours continué. Ce que leur à bien luccedé, tellement qu’à prefentilsen ont fi grande abondance,qu’ils ne mangent gueres autre chofe; amp;nbsp;leur eft cela commun ainfi que le pain à nous. D’icelle racine fen trouue deux elpeces, de mefine grof-leur. La premiere en cuilànt deuient iaulne comme vn coing: l’autreblàchatre. Etccs deuxelpecesontlafeiulle îèmblableàla rnauue:amp; neportent iamais graine. Pnr-quoy lesSauuages replanter la mefme racine couppéepar rouelles, commelon fait les raues pardeça, que Ion met en fàllades, amp;nbsp;ainfi replantées multiplientabondammêt.
Et pource quelle eft incongnuë à noz médecins amp;nbsp;ar-borifies de par deçà, il m’àferablé bon vous la repre-ftnter ftlon fbn naturel.
Lors
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ritjue pre miere -met def~ couuerte fit tanée
^^97.
L'^ms- Lors que premièrement ce païs futdefcouucrt,ainfi que défia nous auons dit,qui futlan mil quatre cens nouante fept,parlc commandementduRoy de Caftille,ces Sau-uages eftonez de voir les Chreftiens de cefte façon,qu’ils n’auoyent iamais veuë, enfemble leur maniéré de faire, ils les eflimoycnt come prophetes,amp; les honoroyêt ainfî que dieux : iufques à tant que cefte canaille les voyât de-uenir malades, mourir,amp;eftre fubietsà fèmblables paf-fions corne eux,ont comencé à les mefprifer,amp; plus mal traiter c|uedecouftume:cômeceux qui depuis fontallez
irrite,ils ne font difficulté de tuer vn Chreftien,amp; le man-caniba- ger,côme ils font leurs ennemis. Mais cela fe fait en cer-les^peu- tains lieux, amp;nbsp;fpecialement aux Canibales, qui ne viuent '^^de chofè: corne no’ faisos icy de bœuf amp;nbsp;de mouto. chairhu Aufsiont ilslaiße aiesappellerCharaïbes, qui eftà dire maine. prophetes,ou demidieux,Ies appellans corne par mefpris Mahire. amp;c opprobre, Mahire, qui eftoit le nom d’vn de leurs an
ciens prophetes,Iequelils detefterét amp;nbsp;curent en mefpris.
Quant à Toupan ils l’eftiment grand, ne farreftant en vn' lieu,ains allant ça amp;la5amp; qu’il declare fes grands fècretsâ leurs prophètes. Voyla quant à la religion de noz Barbares ce que oculairement i’en ay congnu, amp;nbsp;entédu par le moyen d’vn truchement François,qui auoit là demeuré dix ans, amp;: entendoit parfaitement leur langue.
Des Amériques,
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Des Amériquesde leur maniéré de viure^tant hommes que femmes. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;csi kv. lÿ.
OLisauonsditparcydeuant,parIansde l’Afrique, qu’auons coftoyce ennollre nauigation, que les Barbares amp;nbsp;Ethio-m pes, amp;nbsp;quelques autres es Indes alloyent ordinairement tous nuds, horCmis les parties hoteufes, lefquelles ils couuroyét de quelques clicmifès de cotton,ou peaux,ce qui eft fans comparaifon plus tolerable, qu’en noz Amériques, qui viuent touts nuds,ainlî qu’ils lortent du ventre de la mere,tant hommes que femmes, fans aucunehontc ou ver-gongne. Si vous demandez fils font cela par indigen-ce,ou pour les chaleurs, ie refpondray qu’ils pourroyent faire quelques chemifes de cotton,außi bien qu’ils fçauêt faire liôls pour coucher ; ou bien pourroient faire quelques robes de peaux de belles fàuuages amp;nbsp;fen veilirjainfi q ceux de Canadarcarils ont abondance de belles fàuua-ges, amp;nbsp;en prennent ailèment : quant aux domeftiques ils ft’ennourriffent point. Mais ils ont celle opinion d’ellre plus alegres, amp;nbsp;difpos à tous exercices, que fils elloyent Veftuz. Et qui pi used, fils font velluz de quelque che-ranife legere,laquelle ils auront gagnée à grand trauail, quand ils fo rencotrent auec leurs ennemis,ils la delpouil-^eront incontinent, auant que mettre la main aux armes, qui font l’arc amp;nbsp;la flelche, eftimans que cela leur ofleroit la dextérité, amp;nbsp;alegreté au cobat, mefmes qu’ils ne pour-ï^oycnt ailèment fuir, ou fo mouuoir deuant leurs enne-oiis,voire qu’ils feroient pris par tels vellemcts : parquoy o ij
Fâfonde yiuredes habitäns de r^-merique.
trs SINGVLARITEZ
femettront nuds,tant font rudes amp;mal aduifèz. Tou-tesfois ils font fort defireux de robes,chcmifeSjchapeaux ÔC autres accouftrements, amp;nbsp;les eftiment diers amp;nbsp;précieux iufques là,qu’ils les laifferót plus toft gafter en leurs petites logettes, que les veftir, pour crainte qu’ils ont de les endommager. Vray eft qu’ils les veftiront aucunef-fois pour faire quelques cahouinages, c’eft à dire, quand ils demeurent aucuns iours à boire amp;nbsp;faire grand diere, apres la mort de leurs peres, ou de leurs parens : ou bien en quelque folennité de maflacre de leurs ennemis.
äns, fcf-retiques tnainte-nans U ntiditc.
Encores fils ont quelque liobergeon ou chemife de Îjetite valeur veftuès, ils les defpouillerot amp;nbsp;mettront fus eurs dp au les Ce voulàs afleoir en terre,pour crainte qu’ils ont de les gafter. Il fo trouue quelques vieux entre eux, qui cachent leurs parties honteufts de quelques fueilles, mais leplusfouuent par quelque indilpohtion qui y cft. Aucuns ont voulu dire qu’en noftre Europe,au commen cernent quelle fut habitée, que les hommes amp;nbsp;fern mes eftoiét nuds, hors-mis les parties fecrettes:ainfi que nous lifons de noftre premier pereuieantmoins en ce temps la les hommes viuoient plus longaagc que ceux de maintenant, (ans eftre oftenftz de tant de maladies: de maniéré quils ont voulu fouftenir que touts hommes deuroyét aller nuds, ainh qu’A dam amp;nbsp;Eue noz premiers parens eftoient en paradis terreftre. Quant à cefte nudité il ne fo trouue aucunement quelle foit du vouloir amp;: côman-dementdeDieu. le foay bien que quelques heretiques appeliez Adamians, maintenans foufoment cefte nudité, amp;nbsp;les fodateurs viuoyent touts nuds,ainfi que noz Amériques,dont nous parlons, amp;nbsp;aßiftoicnt aux lynagogues
.... - - -......
-ocr page 125-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 55 pour prier à leurs temples touts nuds. Et par ce Ion peut congnoiftre leur opinion euidemment faulfe : car auant le péché d’Adam amp;nbsp;Eue, l’efcripture fàinte nous tefmoi-gne,qu’ils eftoient nuds,amp; apres fe couuroyent de peaux, corne pourries eftimcr de prelent en Canada. Laquelle oi^tmon erreur ont imité plufieurs,come les Turlupins,amp; les phi-lofophes appeliez Cyniques: lefquelsalleguoyentpour leurs raifons,amp; enfèignoyct publiquemét î’home ne de- fhesCyni uoir cacher ce q natu re luy à doné. Ainfi font moftrez ces tjues ton hérétiques plus impertinens apres auoir eu la cognoißäce chant bt: des chofes,q noz Amcriqs.Les Romains quelque eftrage façon,qu’ils obforualTent en leur maniéré de viure,ne de-meuroiét toutesfois ainh nuds. Quant aux ftatues amp;ima geSjils les colloquoyent toutes nues en leurs téples,cômc recite Tite Liue. Toutesfois ils ne portoyent coife ne bonnet foslatefte: comme nous trouuons de Caius Ce- i*tlesce* Eir,lequel eftant chauue par deuant,auoit couEume de ramener fescheueux de derriere pour couurir le front: pourtant prift licence de porter quelque bonnet leger ou trelnco» coife, pour cacher cefte part de fa tefte,qui eftoit pelée, ßtmedes Voylafos le propos de noz Sauuages. l’ay veu encores ceux du Peru vfer de quelques petites chemifoles de cot-ton façonnées à leur mode. Sans eîongner de propos, Pline recite qu’à l’extrcmité de l’Inde orientale ( car ia-inais il n’eut congnoilTance dcrAmerique)du cofté de Ganges y auoir certains peuples vcftuz de grandes fucil-lcslarges,amp;eftredc petite ftature. le diray encore de ces pauures Sauuages, qu’ils ont vn regard fort efpouuanta-Dle,le parlerauÉere,réitérant leur parole pluheurs fois., I Leur langage eft bref amp;nbsp;obfcur, toutesfois plus aifé à
q iij
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comprendre queceluy des Turcs ne des autres nations de Leuant,corne ie puis dire par experience. Ils prennent grand plaifir à parler indiftindement,a vâter les victoires Sctriumphes qu’ils ont fait fus leurs ennemis. Les vieux tiennent leurs promefTes ôc font plus fideles q les ieunes, tous neantmoins fort fubiets à rarrecin,non qu’ils defro-bent 1 vn l’autre,mais fils trouuent vn Chreftien ou autre ellranger,ils le pilleront. Quant à l’or amp;nbsp;argent, ils ne luy en feront tort, car ils n’en ont aucune congnoilfance.
Ils vfènt de grandes menaces, fpecialementquand on les a irritez, non de frapper feulement, mais de tuer.
Quelque inciuilité qu’ils ayent, ils font fort prompts à faire feruice amp;nbsp;plaifir, voire à petit fa 1 airc: charitables iuf ques à conduire vn eftranger cinquateou fbixante lieues dans le païs,pour les difticultes amp;nbsp;dangers,auec toutes autres œuures charitables amp;:hônefles,plus ie diray qu’en-yfdfm fj-ç jgg Chrefliens. Or noz Amériques ainfi nuds ont la couleur exterieure rougeaftre, tirant fus couleur de lion: coXur'^ raifon ie la laifferay aux philofophes naturels, amp;nbsp;nature^ pourquoy elle n’eft tant adufte comme celle des Noirs d’Ethiopie: au furplus bien formez amp;nbsp;proportionnez de leursmembres:lcs yeux toutesfois mal faits, c’eft àf^a-uoir noirs,loufches,amp; leur regard prefque comme celuy d’vnebefle fàuuage. Ils font de haute flature,difpos amp;nbsp;alegres, peu fubiets à maladie, finon qu’ils reçoiuét quelque coups de flefches en guerre.
»
-ocr page 127-DE LA TRANCE ANTARCTI E. De U niAniere de leur manger nbsp;nbsp;boire.
CYIKV. 30.
i?) L eft facile à entendre, que ces bonnes Jagens nefontpasplus ciuils en leurma-,qu’en autres choles. Ettoutainft qu’ils n’ont certaines loix,pour eflire ce qui eft bon, amp;nbsp;fuir le côtrairc,aufti man-gentils detoutes viandes, à tous iours amp;
Les Sm -ucto-esl’i-
O uent saS' loix.
à toutes heures,fïns autre dilcretion. Vray eft que d’eux-inefmes ils lont afles luperftitieux de ne manger de quelque bcfte,foitterreftreouaquatique,quifoit pesateà ehe miner, ains de toutes autres qu’ils cognoiflent plus legeres à courir ou voler,comme font cerfs amp;nbsp;biches:pource qu’ils ont cefte opinion, que cefte chair les rendroit trop pclàns,qui leur apporteroit inconueniét,quâd ils le trou-ueroient aflaillis de leurs ennemis.Ils ne veulent außi mä ger de choies làlécs,amp; les défendent à leurs enfans .Et quand ils voyent les Chreftiens mager chairs falces,ils les reprennent comme de chofe impertinente, dilàns,que telles viandes leur abbregerontla vie. Ils vfent au refte de toutes elpeces de viandes, chair amp;nbsp;poilEon, le tout rofti a leur mode. Leurs viades font belles làuuages,rats de di-üerlès efpeces amp;nbsp;grandeurs, certaines elpeces de crapaux plus grads q les noftres, crocodiles amp;nbsp;autres,qu’ils mettet toutes entières lus le feu,auecques peau amp;nbsp;entrailles:amp; en ges. Vsêt ainli làns autre difficulté:voireces crocodiles,lefirds gros comme vn cochon d vn moys,amp; longs en propor- Lefart tion,qui eft vne viande fort friande, tefinoings ceux qui enont mangé. Ces lefàrds font tant priuez,qu’ils fappro-
leS ’ ^meri--ques ont en horreur U chäir fd--le'e.
Viandes ordinaires des Sauud-
Z nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;O iiij
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chent de vous,prenät voftre repas, que fi vous leur iettez quelque choie,ils la prendront fans crainte ou difficulté. Ces Saunages les tuet à coups de fléchés. Leur chair refié-hleàcelle d vn poulet. Toute la viande qu’ils font bouillir, font quelques petites ouiftres, amp;nbsp;autres efoailles de mer. Pour manger ils n’obfcrucnt certaine heure limitée,mais à toutes heures, qu’ils Ce fontét auoir appétit, foit la nuiól apres leur premier fommeil,fo leueronttresbien Silence pourmanger, puis feremettront à dormir. Pendantle des San- repas ils tiennent vne merueilleufo filence,qui eft loua-ble plus qu’en nous autres,qui iafons ordinairement à ta .74 fjA/e. jjg cuifent fort bien leur viande,amp; fi la mangét fort pofement, fomocquans de nous,qui deuorons à la table au lieu de manger : amp;nbsp;iamais ne mangent, que la viande ■ne foit fiiffifammét refroidie. Ils ont vne chofe fort ertrage : lors qu’ils mangent, ils ne buront iamais, quelque heure que ce foit: au contraire quad ils fo mettront à boi-re,ne mangeront point,amp; pafleront ainfi en buuant voire vn iour tout entier. Qu^nd ils font leurs grands banquets amp;folennitez, corne en quelque maflàcre, ou autre folennité,lors neferotque boire tout Ieiour,fàns mâger. Ils font bruuages de gros mil blanc amp;nbsp;noir,qu’ils noinent ^uaty en leur langue Auaty:toutefois peu apres auoirainfibeui imna^e. amp;nbsp;fertre fcparez les vns des autres,mangerôt indifférem
ment tout ce quifetroLiuera. Lespauures viuent plus de poiflbn de mer,ouirtres,amp;autres chofes fomblables,que de chair.Ceux qui font loing de la mer pefohét aux riuie-Mante- res : aufii ont diuerfité de fruits, ainfi que nature les pro-rede duit,neantmoins viuent long temps fains amp;nbsp;difpos. Icy faut noter que les anciens ont plus communçmct vefeu anciens. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;a nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;*• nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. r-
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de poifTon, que de chair: ainh que Hérodote afferme des Babiloniens,qui ne viuoicnt que de poiflon. Les loix de Triptolerne,(elon Xenophon,defendoient aux Athenics l’vfàge de la chair. Ce n cft donc chofe fi effrange de pou uoir viure de poiffon fans vfage de chair. Et mefincs en noftre Europe du commencement, amp;nbsp;auant quelaterre fuft ainfi cultiuée amp;nbsp;habitée,les hommes viuoient enco-res plus aufterementfàns chair ne poiffon,n’ayans l’indu-ff rie d’en vfèr: amp;nbsp;toutefois eftoient robuffes, viuoicnt longuement,fins eftre tant efféminés,que ceux de noftre delicate-temps : lefquels d’autant plus qu’ils font traités delicate-ment, amp;nbsp;plus font fubiets à maladies, amp;nbsp;débilités. Or
nourris
LES S I NGVL AR I TE S
li£ts pour manger, au moins font afsis, fpecialementic plus vieil d’vne famille fora dedans fon liól, amp;nbsp;les autres auprès, luy faifans le feruice : comme fi nature les auoit enfoignez à porter honneur à vieillefle. Encores ont bien cefte fionnefl:eté,qucle premier quia pris quelque grofle proy e,foit en terre ou en eau,il en diftribuera à tous,principalement aux Chreftiens, fil y en â, amp;nbsp;les inuiteront libéralement à mager de telle viande, que Dieu leur donne,eftimans receuoiriniurcfivous lesrefufozencela. Et qui plus ert,de primeface que Ion entre dans leurs loget-tes, ils vous demanderont en leur langue,Marabiffore, comment as tu nom: car vous vous pouuez aireurer,que fils le fçauent vnefois, iamais ne l’obliront, tant ils ont bonne mémoire, amp;nbsp;y fuft Cyrus Roy des Pcrfos,Cyneas légat du Roy Pyrrhus,Mithridates,neCefa'-,lefqueIs Pline recite auoir efté de tresbonne mémoire: amp;nbsp;apres leur auoir refpondu quelque propos, vous demanderôt,Ma-rapipo,que veux tu dire,amp;plufieurs autres careffes.
Contre topinion de ceux qui eCliment les Satinages edrepeins. en k sgt;. j i.
Ourtant que plufieurs ont cefle folle opinion que ces gens que nous appellôs Saunages,ainfiqu’ils viuent parles bois amp;nbsp;champs à la maniéré prefque des belles brutes,eflre pareillement ainfi peîus par tout le corps, comme vn ours, vn
cerfivn lion,mefiiies les peignent ainfi en leurs riches tableaux : bref^ pour deforire vn homme Saunage, ils luy attribueront
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attribueront abondance de poil, depuis le pied iufques en telle,corne vnaccident infeparable,ainli qua vn corbeau la noirceur: ce qui eft totalement faux: mefmesi’en 2.y veu quelques vns obftinez iniques là , qu’ils alfer-moyent obflinémentiufques a iurer d’vne chofe,qui leur eft incertaine,pour ne l’auoir veuè:combien que telle foit la commune opinion. Quant à moy,ie le fçay amp;nbsp;l’afferme alfeurément,pour l’auoir ainfi veu. Mais tout au con traire les Sauuages,tant de l’Inde orientale, que de noftre Amérique, iffent du ventre de leur mere außi beaux amp;: polis, que les enfàns de noftre Europe. Et fi le poil leur croift par fuccefsion de temps en aucune partie de leur corps, comme il auient à nous autres, en quelque partie que ce foit,ils l’arrachent auecques les ongles,reférué ce-luy de la tefte feulement,tant ils ont cela en grâd horreur, autât les homes que les femes. Et du poil des fourci ls,qui croift aux hommes par mefure,leurs femmes le tondent amp;nbsp;rafent auec vne certaine herbe trenchante comme vn rafbir. Cefte herbe reffemble au ionc qui vient pres des eaux. Et quant au poil amatoire amp;nbsp;barbe du vifiigc, ils fè l’arrachent comme au refte du corps. De puis quelque temps ença, ils ont trouué le moyen de faire ie ne fçay quelles pinfettes,dont ils arrachent le poil brufquement. Car depuis qu’ils ont efté fréquentez des Chreftiens,ils ont appris quelque vfage de maileer le fer. Et pourcene croirez d’orefnauant l’opnion commune amp;nbsp;façon de faire des peintres, aufquels eft permife vne licence grade de peindre plufieurs chofes à leur feule diferetion, aiufi qu’aux Poètes de faire des comptes. Qiie fil adulent vne fois entre les autres ququot;vn enfant forte ainfi velu du ven-
Efpece d’herbe qui a force de couffer»
LES SINGVLARITEZ
trede la merejamp; que le poilfenourriffc amp;nbsp;augmente par tout fon corps, corne Ion en à veu aucuns en France, cela eft vn accident de nature,tout ne plus ne moins que fi au cunnaiflbit auec deux telles, ou autre choie ièmblahle. Ce ne font choies fi admirables, coniideré que les mede-Monßre eins amp;philofophcs en peuuent donner la raifon. l’enay deforme nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Normandiecouuert d’efoailles,côme vne car-
c(?K«erf P^’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;imperfeôlions de nature, le confeiTe bien,
d’e/cail- tT^cfme ièlon la glofe for le treziefm e d’£iàie,qu’il iè trou* les. Lie certains monilres ayants forme d’hommes, qu’ils ont
appeliez Satyres,viuants par les bois,amp; velus côme belles iàuuagcs. Et de cela font pleins les eforits des poëtes,de ces Satyres, Faunes,Nymphes,Dryades, Hamadryades, Orcades, amp;nbsp;autres manières de monilres y lesquels ne iè trouuent auiourd’huy, ainfi corne le temps paifé, auquel leiprit malin feiforçoit partons moyens à deceuoir l’ho-me,iè transformant en mille figures. Mais auiourd’huy, quenoftre Seigneur par compafsion feil cômuniquéà nous,ces eiprits malings ont efté chaifezhors, nous donnant puiifance contre eux, ainfi que tefmoignela iàinte' eforipturc. Auisi en Afrique Ce peuuent encores trouuer certains monilres diiformes,pour les raifons que nous a-uons alléguées au comencement de ce liure,amp; autres que ie lairray pourleprefent. Au furplus quant à noz Amériques ils portent cheueux entefle,façônez preique ainfi que ceux des moynes,ne leur paiîans point les oreilles: vray cil qu ils les couppent par le deuant de la teile: amp;nbsp;di-ient pour leurs raifons, ainfi que ie m’en fuis informe, mefmes à vn roitelet du pais,que filsportoyent cheueux longs par deuant, amp;nbsp;barbe longue, cela leur ièroit occa-fionde.
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fion de tomber entre les mains de leurs ennemis, qui les pourroyent prédre aux cheueux amp;nbsp;à la barbe: aulsi qu’ils ont appris de leurs anceftres, qu’eftre ainfi ccourtez de poil leur cauleroit inerueilleufe hardielTe. l'eftimeroys ..abates que fi noz Saunages enflent frequente versl’Afle, qu’ils euflent appris cela des Abantes, qui trounerent celle in-uention de le rafer la tefl:e,pour eftre,difentils,plus hardis amp;nbsp;belliqueux entre leurs ennemis. Außi Plutarque raconte en la vie de Thelèus,que la couflumedes Atheniés CouHu-eftoit,qucles Ephores,c’cfl à dire, conftituez corne Tri-buns en leur République,efloient tenuz d’offrir la tonfu- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'
rc de leurs cheueux amp;nbsp;perruques aux dieux en Delphezde manière que Thelèus ayant fait ralèr le deuant delà telle alamodedenoz Amériques, fut incité àceîa par les A-bantes,penple d’Afic. Et de fait nous trouuons qu’Ale-xandre Roy de Macedoine, comanda à lès gens de prendre les Macédoniens parles cheueux amp;nbsp;barbe,qu’ils por-toyent longue: pourcelors il n’y auoit encores de barbiers pour les tondre ou ralèr. Et les premiers que Ion ''It en Italie efloient venus de Sicile. Voyladonc quant
D'yn arbre nommé Genipat en langue des Amériques^ duquelils font teinture, chap. 32.
Enipatjcftvn arbre dont les Sauuages de J’Ameriquefont grande eftime, pour le
El' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;porte,nommé du nom de l’ar- nbsp;nbsp;’
bre; no pas qu’il foit bon à manger, mais vtile à quelque autre cbofè ou ils 1 appliquent. Il refTemble de gradeur amp;nbsp;de cou-
P iij
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leur a la pefche de ce païs; du ius duquel ils font certaine teinturCjdont ils teignent aucunefois tout leur corps. La Manie- maniéré de cede teinture efl: telle. Les pauures befliaux re ûfe/di- n’ayans autre moyen de tirer le fuc de ce fruit,font con-»e fe/n- {g nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;fils le vouloientauallenpuis le
turc de csfl arbre Ge-nipat.
remettent amp;nbsp;epreignent entre leurs mains,pour luy faire rendre fon ius, ainfi que d’vne efponge quelque liqueur, lequel fùc ou ius eflaufsi cler qu’eau de roche. Puis quad ils ont vouloir de faire quelque maflacrc, ou qu’ils fèyeu lent vifiterles vns les autres, amp;nbsp;faire quelque autre folen-nitéjilsfê mouillent tout le corps de cede liqueur: amp;nbsp;tant plus qu’elle fe defeiche fur eux, amp;nbsp;plus acquiert couleur viue. Cede couleur eft quad indiciDle,entre noire amp;nbsp;azurée, n’eftant iamais en fon vray naturel,iufques à ce qu’elle aye demeuré l’efpace de deux ioursfos le corpSjS^qu’clle foit aucunement feichée. Et fen vont ainfi ces pauures gens autant contens, comme nous faifons de nodre ve •
Uäniere
Toux amp;nbsp;fàtin,quand nous allons à la fede,ou autrement. Les femmes fe teignent de celle couleur plus coudumie-rement que les hommes. Et noterez en ccd endroit que des Sau- fi les hommes font inuitez de dix ou douze lieues pour «açeî rf nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;quelque cahouinage auecques leurs amis, auat
/e ^corps^ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;partir de leur village,ils pèleront quelque arbre,dont
le dedans fora rouge,iaune,ou de quelque autre couleur, amp;nbsp;le hacheront fort menu, puis tireront de la gomme de yfub, quelque autre arbre, laquelle ils nomment Vfub,amp; fen frotteront tout le corps, combien quelle foit propre aux playes, ainG que i’ay veu par experience : puis par deffus cede gome gluante efpandront de ces couleurs fùfdites.
Les autres au lieu de ce bois mettront force petites plumes de
-ocr page 135-DE LA FRANCE ANTARCTIQVEr 6o mes de toutes couleurs, de maniéré que vous en verrez de roug-es,comme fineefcarlatte: les autres d’autres cou-leurs : ôc autour de leurs telles portent de grands penna-clies beaux a merueilles. Voylade leur Genipat. Cell arbre porte fueilleslèmblables à celles du noyer: amp;nbsp;le fruit vient prelque au bout des branches,l’vn fur l’autre d’vne façon eflrange. Il fen trouue vn autre aulsi nommé Genipat,mais fon fruit efl beaucoup plus gros,amp; bon cenlpty à manger. Autre lingularitc d’vne herbe, qu’ils noment en leur langue Petun, laquelle ils portent ordinairement auec eux,pource qu’ils l’ellimentmerueilleulèmêt prof-fitable à plulieurs choies. Ellereßebleanollrebuglofre. cemme Or ils cueillent fongneufement celte herbe, amp;nbsp;la font Usenii-leicheràTombre dans leurs petites cabannes. La manie-le d’en vier ell telle. Ilsrenueloppent,ellantfciche,quel-lt;]uequâtité de celle herbe en vnefueillede palmier, qui Çft lort grande, amp;larollent corne de la longueur d’vne d)andelle,puis mettent le feu par vn bout,amp; en reçoiuent hfumée par le nez, ôc par la bouche. Elle efl fort làlu-fite, difent ils, pour faire dilliller amp;nbsp;cofumer les humeurs fijperfluesdu cerueau. Dauantage prife en celle façon
1 ^iit palfer la faim, amp;nbsp;la Ibif pour quelque temps. Par-, ^Uoy ils en vfent ordinairement, mefmes quand ils tiennent quelque propos entre eux, ils tirent celle fumée, amp;nbsp;pnis parlent: ce qu’ils font coullumierement amp;nbsp;fucceisi-neinentl’vnapres l’autre en guerre,ou elle fe trouue tref-’Commode. Les femmes n’en vfent aucunement. Vray ^fijCjueli Ion prend trop de celle fumée ou parfun, elle Anteile amp;nbsp;enyure, comme le fumet d’vn fort vin. Les fi^hreftiens ellâs auiourd’huy par delà,font deuenus mer-
-ocr page 136-Lynce -Jie,fon-teine,!^ ßi pro-pricté.
LES SINGVLARITE2 ueilleufèment frians de cefte herbe amp;nbsp;parfun:combien qu’au cómencement I’vfage n’eft fans danger, auant que Ion y foit accouflumé:car cefte fumée cauft fueurs amp;nbsp;foi-bleftesjiulques à tomber en quelque fyncope:cequei’ay expérimenté en moymefine. Et n’eft tant cftrange qu’il fembic, car il fe trouue aftes d’autres fruits qui oflcnfcnü le cerueau,combien qu’ils foicnt délicats amp;nbsp;bons à manger. Pline recite qu’en Lyncefte à vne fonteine, dont Peau enyure les perfonnes : ftrnblablement vne autre en Paphlagonie. Quelques vns penferotn’eftre vray,mais entièrement faux,ce qu’auonsditde cefte herbe,comme fi nature ne pouuoit doner telle puiftance à quelque choie fienne,bien encore plus grande,mefmes aux animaux, félon les contrées amp;nbsp;regions, pourquoy auroit elle plus toft fruftré ce païs d’vn tel benefice,tempéré fans compa-raifbn plus que plufieurs autres? Et fi quelqu’vn ne Ce con tentoit denoftre tefmoignage, life Hérodote, lequel en fbn fécond liure fait mention d’vn peuple d’Afrique vi-uant d’herbes feulement. Appian recite que les Par-thes banniz amp;; chafles de leur païs par M. Anthoine ont vefeu de certaine herbe qui leur oftoit la mémoire, toutcsfoisauoient opinion quelle leur donnoitbon nourriflement, cobien que par quelque efpace de temps ils mouroient. Parquoy ne doit l’hiftoire de noftre Pe-tuneftretrouuée eftrange.
D'vn arbre
-ocr page 137-DE LA trance ANTARCTIQVE. JXyn Arbre nommé PAtjuoucre, CHAP. 35.
■ Vis que nous fommes fur le propos des arbres, i’en defcriray encores quelqu’vn, non pour amplification du prefènt dif-cours, mais pour la grande vertu amp;nbsp;incredible fingularité des choies : amp;nbsp;que de tels ne le trouue par deçà, non pas en l’Europe, Alie,ou Afrique. Cell arbre donc que les Sau- Defcri-11 age s nomment Paquouere, eft parauanture le plus ad-mirable, qui fe trouua oncq’. Premièrement il n’efl pas plus haut de terre iufques aux branches,qu’vne brafle ou quoutre^ cnuiron, de grofleur autant qu’vn homme peut empoigner de lès deux mainsicela fentend quand il eft venu à iufte croiflanceiôc en eft la tige fi tendre, qu’on la coup-peroit ailement d’vn coufteau. Quant aux fueilles,elles Ibnt d e deux pieds de largeur, amp;nbsp;de longueur vne bralTe, Vn pie amp;nbsp;quatre doigts: ce que ie puis afleurer de vérité.
I’en ay veu quafi de celle mefme elpece en Egypte amp;nbsp;en Damas retournant de lerufalem : toutesfois la fueille n’approche à la moitié pres en grandeur de celles de l’A-inerique. Il y a dauantage grande difference au fruit:car ccluy de cell arbre, d ont nous parlons,eft de la longueur d’vn bon pié:c’eft à fçauoir le plus long,amp; eft ^ros, comme vn cocombre, y retirant alTes bien quant a la façon.
Ce fruit qui nomment en leur langue Pacona,eft tref- pacona, bon venu en maturité amp;nbsp;de bonc concoélion. Les Sau- fruit, uages lecuillent auantqu’il foit iuftement meur,lequel ils portent puis apres en leurs logettes, comme Ion fait
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-ocr page 138- -ocr page 139-DE LA TRANCE ANTARCTIQVE. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Gz
Ies fruits par deçà. Il croift en I’arbrc par moceaux,trente OU quarante enfemble, amp;tout auprès I’vn de 1’autre, cn petites branches qui font pres du tronc: comme pouuez voir par la figure quei’ay fait reprefènter cy dclTus.
Et qui eft encore plus admirable, ceft arbre ne porte iamais fruit qu’vne fois. La plus grand part de ces Sau-uageSjiufquesbien auantdans le païs,fe nourrifl de ce fruit vne bonne partie du temps : amp;nbsp;d’vn autre fruit, qui vient par les champs, qu’ils nomment Hoyriri, lequel à voir pour fa façon amp;nbsp;grandeur loneftimeroit eftrepro-duit en quelque arbre:toutesfois il croift: en certaineher-be, qui pórte fueille fèmblable à celle de palme tant en longueur que largeur. Ce fruit eft longd’vne paulme, en façon d’vncnoix de pin,finon qu’il eft plus long. Il croift au milieu des fueilles,au bout d’vne verge toute ronde:amp;: dedans fètrouue corn me petites noifèttes,dont le noyau eft blanc amp;nbsp;bon à manger,linon que la quantité f comme eft de toutes chofes ) olfenfe le cerueau : laquelle force Ion dit eftre fèmblable en la coriandre,ft elle n’eft preparé : pareillement fi l’autre eftoit ainlî preparé, peut eftre qu’il depouilleroit ce vice. Neantmoins les Amériques cnmangent,les petits enfans principalement . Les champs cn font tous pleins à deux lieues du cap de Frie, auprès de grâds marefeages,que nous pafla-mes apresauoirmispié àterre à noftre retour. le diray en paîfant, outre les fruits que nous vifmes pres ce marais,que nous trouuames vn crocodile mort, de la gran- CrocoJi-deur d’vn veau, qui eftoit venu des prochains marais, amp;nbsp;ftmort. là auoit efté tué : car ils en mangent la chair, comme des lelàrds, dont nous auons parlé. Ils le nomment en leur
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Zrfwre- langue lacareabfou : font plus grands que ceux du Nil. 4^yô«. Les gens du païs difênt, qu’il y a vn marais tenant cinq lieues de circuit,du coftc de Pernomeri, diftat de la ligne dix degrez, tirant aux Canibales, ou ily a certains crocodiles,comme grands bœufs,qui rendent vne fumée mortelle par la gueulle, tellement que fi Ion fapproche d’eux, ils ne faudront à vous faire mourir:ainfi qu’ils ont entendu de leurs anceftres. Au mefmelieu, ou croift ce i^^^cede fpLiit dont nous parlons, Ce trouue abondance de lieurcs fèmblables aux noflres, herf-mis qu’ils ne font fi grands, ne de fomblablc couleur. Là fo trouue aufii vn autre pe-^0«- tit animant,nommé Agoutin, grand comme vn lieure tin,dni- meforeu,le poil comme vnfiinglier,droit amp;nbsp;eleué,la teile comme celle d’vn gros rat, les oreilles, amp;la bouche d’vn heure, ayant la queue longue d’vn pouce, glabre totalement for le dos, depuis la telle iufqs au bout de la queue, le pied fourchu comme vnporc. Ils viuentdefruitSjauf-fi en nourriflent les Saunages pour leur plaifir,ioin6l que La chair en eft tresbonne à manger.
La maniéré qu'ils tiennent â faire incifions fur leur cor^s. chat. 34.
L ne folfit à noz Saunages d’eflre tous nuds, amp;nbsp;fe peindre le corps de diuerlês couleurs,d’arracher leur poil,mais pour le rendre encore plus difformes, ils le perlent la bouche ellans encores ieuncs, auec certaine herbe fort aigue: tellemet
que le pertuis faugmente auecques le corps: car ils mettent de-
-ocr page 141-‘de la FRANCE ANTARCTIQVE. 6^ tent dedans vne maniéré de vignots,qui eft vn petit poifi Vt^ot^ fon longuet, ayant l’efcorce dure en façon de patinotre, laquelle ils mettent dans le trou,quad le poiflbn eft hors, amp;nbsp;ce en forme d’vn doifil, ou broche en vn muy de vin: dont le bout plus grosell par dedans, amp;nbsp;le moindre dehors, fus la leure balTe. Quand ils font grands fus point de fe marier, ils portent de grolTes pierres, tirans fus couleur d’emeraude, amp;nbsp;en font telle eftime,
Pierre ti-
uiln’eftfacile
,, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1. r I r • f nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;couleur
d en recouurer d eux,!! on ne leur rait quelque grau pre- d’^me-fent J car elles (ont rares en leur païs. Leurs voifins amp;nbsp;a- raude. mis prochains apportent ces pierres d’vne haute montagne, qui eft au pais des Canibales,lefquelles ils poliflent auec vne autre pierre à ce dediée, fi naïuement, qu’il n’efi: pofiible au meilleur ouurier de faire mieux. Et le pour-royent trouuer en celle mefine motagne aucunes eme-taudes, car i’ay veu telle de ces pierres, que Ion eulliugée vraye emeraude. Ces Amériques donc le défigurent ainfi,amp;; difforment de ces grands permis amp;nbsp;grolTes pierres au vifaige: à quoy ils prennent autant de plaifir, qu’vn Seigneur de ce païs à porter chaînes riches amp;precieulès: de manière que celuy d’entre eux qui en porte le plus,ell de tant plus ellimé amp;nbsp;tenu pour Roy,ou grand Seigneur: amp;nbsp;non feulement aux leures amp;nbsp;à la bouche,mais aufii des deux collez des iouës. Les pierres que portent les hommes, font quelquesfois larges comme vn double ducat plus,amp; elpelTes d’vn grand doigt:ce que leur empefehe h parolle, tellement qu’à grande difficulté les peut on entendre quand ils parlent, non plus que fils auoient la bouche pleine de farine. La pierre auec là cauité leur J^end la leure de deflbubs grofle comme le poing: amp;nbsp;fo-
lt;1 iij
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Colliers de yi~ ^nots. Sorte de
Patino -tres blan ches.
Brätlet s d’ef^ cailles de poijjon. Defor-tnite' des *^rneri-f^ues.
Ion la grofleur fè peut eftimer la capacité du pertuis entre la bouche amp;nbsp;le menton. Quand la pierre eft oftée, fils veulent parler, on voit leur iaiiue fortir par ce conduit, chofèhidcLiicà voir:encores quand cefte canaille fe veut moquer, ils tirent la langue par la. Les femmes amp;nbsp;filles ne font ainii difformes : vray eft qu’elles portent à leurs oreilles certaines chofes pendues,que les nomes font de gros vignots amp;nbsp;coquilles de mer : amp;nbsp;elf cela fait comme vnc chandelle d’vn liard de longueur amp;nbsp;grofleur. Les hommes en outre portent croiflans longs amp;nbsp;larges d’vn pie fus la poitrine,amp; font attachez au col. Außi en portent communément les enfans de deux à trois ans. ils portent aufsi quelques colliers blancs,qui font d’vne autre efpecc de plus petis vignots,qu’ils prennent en la mer, amp;nbsp;les tiennent chers 6c en grande eftime. Ces patino-tresquclon vend maintenant en France, blanches qtiafi comme iuoire, viennent delà, amp;nbsp;les font eux mefines. Les matelots les achètent pour quelque chofo de vil pris, ôc les apportent par deçà. Quand elles commencèrent à eftre en vfage en noftre France, Ion vouloir faire croire que c’eftoit coral blanc : mais depuis aucuns ont maintenu la matière de laquelle elles font faites eftre de porcelaine. On les peut baptifèrainfi que Ion veut. Quoy qu’il en foit, eftant au païs,i’en ay veu d’os de poilfon.Et les femmes portent braflelets de ces efcailles de poilTon, amp;: font faits tout ainfi qu’vn gardebras de gédarme. Ils efti-ment fort ces petites patinotresde verre, que Ion porte de deçà. Pour le comble de deformite ces hommes 6c femmes le plus fouuent font tous noirs, pour eflre teins de certaines couleurs 6c teintures, qu’ils font de fruits d’arbres,
-ocr page 143-DE IA TRANCE ANTARCTIQVE. 6’4 d’arbres,ainfi quedelianous auonsdit,amp; pourrons encores dire. lis fc teignent Scaccouflrentles vnslesautres. Les femmes accoullrent les hommes,leur faiûns mille gentillefl'es, comme figures,ondes,amp; autres chofesfem-blablcs,déchiquetées fi menu qu’il n’efi pofiible de plus. On ne lit point que les autres nations en ayentainfi vfé, OntrouLie bien que les Scythes allans voir leurs amis, quand quelcun clloit décédé, le peignoyent levilagede noir. Les femmes deTurquie le peignent bien les ongles de quelques couleurs rouge ou perle,péfant par cela eftre plus belles : non pas le relie du corps. le ne veux oblier queles femmes en celle Amérique neteignentle vilàge amp;nbsp;corps de leurs petits enfansdenoir feulement, mais de plufieurs autres couleurs, amp;d’vne Ipecialement qui tire fur le Boli armeni, laquelle ils font d’vne terre grade corne argille,quelle couleur durel’elpacede quatreiours. Et de celle mefine couleur les femmes le teignét les iam-bes,de maniéré qu’à les voir de loing, on les ellimeroit e-Itre reparées de belles chaulfes de fin ellamet noir.
Des yißons^ßnges^ illußons de ces Ameriques^e^ de la perfecutwn quiîs recoinent des esprits malms. q n k v.
Püur-quoy les .Amm-
’Eli choie admirable , que ces pauures gens,encores qu’ils ne Ibiét railonnables, pour ellrepriuezdel’vfagedevraye rai- f»biets lon,amp; de la congnoilTance de Dieu, font aux fgt;er-fobiets à plufieurs illufions phatalliques, amp;perlccutions de l’efpritmalin. Nous
quesßnt
*■ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;— nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i .... nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.— nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;efprit..
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avions dit,que par deçà aduenoit casfcmblable auatl’ad-ucnenaentde noftre Seigneur: car l’efprit malin nefeftu-die quafeduireamp; de]^ucher la creature,quieft hors de la congnoifTancedeDieu. Ainfi ces panures Amériques voycnt fbuuent vn mauuais elprit tantoft en vne forme, tantoft en vne autre, lequel ils nomment en leur langue Agnan, amp;nbsp;les perfccute bien fôuuét iour amp;nbsp;nuit,non îèu-(jueyeuc lei-nenJ’ame.raaisaufsile corps,les baftât outrageant Gzre en nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,
lanfue Gxcelsiuemet,de maniéré que aucunerois vous les orriez des^sau- ftû'e Vil cry epouuentable,di{àns en leur langue, fil y â tinges, quelque Chredien là pres. Vois tu pas Agnan qui me bat, defends moy,fitu veuz que ie teferue,amp; coupe ton bois: corne quelque fois on les fait trauaillerpour peu de cho-fe au bois de bref 11. Pourtant ne fortent la nuit de leurs logettes,(àns porter du feu auec eux,lequel ils difent eftre fbuueraine deffenfeôc remede contre leur ennemy. Et penlbys quand premièrement Ion m’en faifoit le récit, que fuft fable, mais i’ay veu par experience cell; elprita-uoir cfté chalTé par vn Chreftien en inuocant prononçant le nom de I E s V s CHR I s T. Il aduientle fembla-ble en Canada amp;nbsp;en la Guinée , qu’ils font ainfi tor-mcntez,dans les bois principalement,ou ils ont plufieurs vifions : appellent en leur langage ceft efprit, Grigri. Dauantage noz Saunages ainfi depourueuz de raifon, amp;: de la congnoilTance de vérité, font fort faciles à tomber
»ages touchât
Opinion plufieurs follies amp;nbsp;erreurs. Ils notent amp;nbsp;oblèruent les des Sau- fongesdiligemment,eftiman3quetoutcequ’ilsontfon-gé doit incontinent ainfi aduenir. S’ils ont longé qu’ils doiuent auoir viôloire de leurs ennemis, ou deuoir eftre
vaincus, vous ne leur pourrez diftuadcrqu’il n’aduienne
-ocr page 145-DE LA FRANCE ANTAR CT IOVE^ lt;5’$ ainfijie croyans außiafleurement, comme nous ferions l’Euangile. Vray eftquelesPhilofophestiennentaucuns Somna longes aducnir naturellement,félon les humeurs qui do-minent,ou autre difpofition du corps : comme longer le feu,reau,choies noires,amp; lèmblablcs:mais croireaux autres longes, corne ceux de ces Sauuagcs,eft impertinent, amp;nbsp;contraire à la vraye religion. Macrobe au Songe de Scipion dit aucûs longes aduenir pour la vanité des fon-geurs, les autres viennent des choies que Ion a trop appréhendées. Autres que noz Saunages ont efté en celle folle opinion d’adioufterfoy aux fonges:commeles Lacédémoniens,les Perliens,amp; quelques autres. Ces Sau-uages ont encores vne autre opinion ellrange amp;nbsp;abuliuc de quelques vns d’entre eux, qu’ilseftiment vrays Prophètes, amp;nbsp;les nomment en leur langue Pages, aufquels ils Pa^és déclarent leurs longes,amp; les autres les interpretent:amp; ont cefte opinion, qu’ils difent la vérité. Nous dirons bien en ceft endroit auec Philon, le premier qui a interprété les longes, amp;nbsp;felon Tro gus Pompeius, qui depuis a elle fort excellent en celle mefme Icience. Pline eft de cell aduis que Amphiclion enaeflé le premier interprète. Nous pourrions icy amener plulieurs choies des fon ■ diuinatios,amp; quels fonges lont veritables,ou non, enlêmble de leurs efpeces, des caufes, felon qu’en auons (tes finden voir és anciens Auteurs : mais pource que cela repu-gne à nollre religion, aufsi qu’il cil défendu y adiouller foy, nous arrellans feulement à l’efcriture faintc, amp;nbsp;a ce qui nous eft commandé,ie me deporteray d’en parler dauantage : m’alTeurant aufsi que quelque chofe, qu’on en veuille dire,que pour vn ou l’on pourra cuillir aucune
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chofèjonfè pourra tromper en infinité d’autres. Retournons aux Saunages de l’Amerique. Ils portent donc grande reuerence à ces Prophètes fiifhommez, lefquels ils appellent Pages ou Charàtbes^ qui vaut autant â dire,
ne moins que les anciens Gentils.
Des faux Prophètes 'Magiciensde ce pais^ qu'i communiquent auec les ej^rits malmgs : d'yn Arbre nommé Ahoudk
CHAP. 36’.
Qwissot les Prophètes des Sauua-
cfprit, amp;les erreurs de fos fonges, eft encores fi hors de raifon, qu’il adore le Diable par le moyen d’aucuns fiens mi-niftres,appeliez Pages, defquels nous a-uons défia parlé. Ces Pages ou Charàibes^ font gens de mauuaife vie,qui Ce font adonnez à foruir au Diable pour deceuoir leurs voifins. Tels impoffeurs pour colorer
gesnom- leür mefohanceté, amp;nbsp;fofairehonorcrentre les autres,ne demeurent ordinairemét en vn lieu, ains font va^abods,
^hàrâ'^ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;autres lieux, ne retournans
et de point auccques les autres, que bien rarement amp;nbsp;à certaÊ-leursim' ues heurcs,leur failàns entendre,qu’ils ont communiqué poßures. auecques les efprits,pour les affaires du public,amp; qu’il faut faire ainfi amp;nbsp;ainfi, ou qu’il aduiendracecy ou cela; Sx. lors ils font receus amp;nbsp;carelîez honorablement,eftants ’ nourris amp;nbsp;entretenuz fans faire autre chofe : encore fefbment
-ocr page 147-DE LA FRANCE ANTAR CT 1 Q^VE. 66 feftiment bien-heureux ceux la qui peuuent demeurer en leur bonne grace, amp;nbsp;leur faire quelque prefent.
S’il aduient pareillement qu’aucun d’entre eux aye indignation ou querelle contre fon prochain, ils ont de couftume de fè retirer vers fes affin qu’ils facent mourir par poiffin celuy ou ceux aulquels ils veulent mal. Entre autres choies ils fai dent d’vn arbre nommé en leur langue portant fruit veneneus amp;nbsp;mortel, Khotmi\ lequel eft de la grolTeur d’vne chaftaigne moyenne,amp; efl: vray poilbn, fpecialement le noian. Les hommespour legere caufeeftant courroucez contre leurs femmes leur en donnent, amp;nbsp;les femmes aux hommes. Mefmesces malheureulès femmes, quand elles font enceintes, lî le mary les a falchées, elles prendront au lieu de ce fruit, certaine herbe pour le faire auorter. Ce fruit blanc auec fon noïau eft fait comme vn △ delta, lettre des Grecs.
Et de ce fruit les Sauuages,quand le noïau eft dehors,en font des lonnettes qu’ils mettent aux iambes, lelquelles font außi grand bruit comme les lonnettes de par deçà.
Les Sauuages pour rien ne donneroient de ce fruit aux eftragers eftant fraiz cuilly, melmes defêdent a leurs cn-fans y attoucher aucunemct,deuant que le noïau en Ibit ofte. Ceft arbre eft: qualî lèmblable en hauteur à noz poiriers. Il à la ftieille de trois ou quatre doigts de longueur, amp;nbsp;deux de largeur,verdoyate toute l’année.Elle a l’efcor-ce blanchaftre. Quad on en couppe quelque bräche,elle rend vn certain fuc blanc, quan commelaiôt. L’arbre couppe rend vne odeur merueillcufement puante. Par-quoyles Sauuages n’en vient en aucune Ibrte, melîncs n’en veulent faire feu. le me déporté de vous delcrire icy
r ij
-ocr page 148- -ocr page 149-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. Çy la propricté de plufieurs autres arbres, portans fruits beaux à merueilies,neantmoins autant ou plus vénéneux queceftuicy, dont nous parlons, amp;nbsp;duquel vousauons icy prefente le pourtrait au naturel. Dauantage il faut noter que les Saunages ont en tel honneur amp;nbsp;reuerence ces qu’ils les adorct ou pluflollidolatrcntnnefmes quand ils retournent de quelque part,vous verriez le populaire aller au deuât,fe profternât,^ les prier:difint,Fais q ie ne fois malade, q iene meure poinr,ne moy,ne mes enfans : ou autre chofè. Et luy refpond. Tu ne mourras point,tu ne feras malade, amp;nbsp;femblables chofes. Que fil adulent quelquesfois que ces Pages ne dient la vérité, amp;nbsp;que les chofes arriuent autrement que le prefage, ils ne font difficulté de les faire mourir, comme indignes de ce tiltre amp;nbsp;dignité de Pages. Chacun village, felon qu’il eft plus grand ou plus petit, nourrifl vn ou deux des ces vénérables. Et quad il eft queftio de fçauoir quelque grade chofe,ils vfent de certaines ceremonies amp;nbsp;inuocations diaboliques,qui fe font en telle maniéré. On fera pre-rnierementvnelogettetouteneufue, en laquelle iamais homme n’aura habité,amp; là dedans drefterôt vnliôf blanc netàleurmode:puis porteront enladiéfe loge grande quantité de viures, comme du cahouin, qui eft leur boif fon ordinaire, fait par vne fille vierge de dix ou douze ans, enfèmble de la farine faite de racines, dót ils vfent au lieu de pain. Et toutes chofes ainfi preparces,le peuple af feinblé coduitcc gentil prophete en la loge,ou ildeineu-ferafeul, apresqu’vneieuncfille luy auradonné àlauer. Mais faut noter que auant ce myftere, il fe doit abfte-nir de fa femme l’efpace deneuf iours. Eftant là dedans r iij
Cerento -n ies de ces Prophètes , auxinuo cdtios de l'efprit metlin. Cähou-in.
hO
LES SINGVLARI TE Z
Odiles fint les interrogations faites à l'efirit malin, tiouioul ftra.
feul, amp;nbsp;le peuple retiré arriéré,il Ce couche plat fur celiél, commence àinuoquerl’elprit maling par l’elpace d’v-ne heure, amp;nbsp;d’auantage, faifant ie ne fçay quelles ceremonies accoufluméesztellement que fur la fin de les in-uocationsl’efprit vient à luy fifflant,comme ils difènt,amp; fluftant. Les autres m’ont recité, que ce mauuais elprit vient aucuncsfois en la prefènce de tout le peuple,combien qu’il ne le voit aucunement, mais oy t quelque bruit amp;nbsp;hurlement. Adonc ils felcrient touts d’vne voix, en leur langue,di{àns, Nous te prions de vouloir dire la vérité à noftre prophete, qui t’attend là dedans. L’interrogation eft de leurs ennemis, fçauoir leiqucls cmporterot laviôloire,aueclesrefponces demefme,quidifènt,ou que quelcun fera pris, amp;nbsp;mangé de (es ennemis, ou que l’autre fera offéie de quelque belle fauuage,amp; autres cho fes ièlon qu’il eft interrogé. Quelcun d’eux me dill entre autres choies, que leur prophete leurauoitpreditnoilre venue. Ils appellet ceil eiprit Houioulfira. Cela amp;nbsp;plu-heurs autres choies m’ont afferme quelques Chreiliens, qui de long temps ie tiennent là; amp;nbsp;ce principalement, qu’ils ne font aucune entrepriiè iàns auoir la reiponce de leur prophete. Quand le myilere eilaccôpli,le prophete fort, lequel eftant incontinent enuironné du peuple, fait vneharangue,ou il recite tout ce qu’il a entendu. Et Dieu fçait les carcifes Sepreièns, que chacun luy fait. Les Amériques ne font les premiers, qui ont pratiqué la magie abufiue:mais auant eux elle a eilé familière à plu-iîeurs nations, iniques au temps de noilre Seigneur, qui a eifacé amp;nbsp;aboli la puiisace de Sathan, laquelle il exerçoit fus le genre humain. Ce n’eil donc ians caufejqu’elle eil I nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;defendue
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defendue parlesefcriptures. D’icelle magie nous en trou uons deux efpeces principales, l’vne par laquelle Ion co-muniqueauecles efpritsmalings,quidonne intelligence ’ deschofesles plusfccretes denature. Vrayeft quel’vne eft plus vitieuie que l’autre, mais toutes deux pleines decLiriofité. Etqvi’eftilde befoing, quand nous auons les chofês qui nous font neceflaires, amp;nbsp;en entendons autant qu’il preiflàDieu,nous faire capables, trop curieufè-ment rechercher les fecrets de nature, amp;nbsp;autres chofês.
defquellesnoftreSeigneur fefirefèruéàluy fèullacon-gnoiffance? Telles curiofitcsdemonftrentvniugement centre imparfait, vneignorance amp;fautede foy bonne religion. Encores plus eftabuie le fimple peuple, qui croit telles impoftures. Et ne me puis alTez emerueiller,comme en païs de loy amp;nbsp;police, on laiffe pulluler telles ordures, auecvn tas de vieilles forcieres, qui mettent herbes aux bras, pendent eicriteaux au col,force myfteres, ceremonies, qui gueriffent de heures, amp;nbsp;autres chofes,qui ne font que vraie idolatrie,digne de grade punition. Encores fen trouuera il auiourd’huy entre les plus grands, ou Ion deuroit chercher quelque raifon amp;nbsp;iugement, qui font aueuglez les premiers. Parquoy ne fe faut esbahir, filehmple peuple croit legeremét ce qu’il voit cflre fait par ceux qui feftiment les plus fages. O brutalité aucu-glée 1 Q£e nous fèrt l’efcriture faintc,que nous feruent les ^oix,amp;autres bones iciences, dont noflre Seigneur nous •idonné congnoiflance, fi nous vivions en erreur amp;nbsp;igno-rance,comme ces panures Sauuagesjamp;plvisbrutalement lt;îüe belles brutes? Toutesfois nous voulons eflre efti-
ceux qui croyent aux /or:-certes^
^ez fçauoir beaucoup, amp;nbsp;faire profefsion de vertu. Et r iiij
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/es que
ZdmoL xis.
Zoroa-
poui'ce il ne le Eiut emerLieiller fi les Anciens ignorans la vérité font tobez en erreur, la clierchans partons moyés, ôc encores moins denoz Sauuages: mais la vanité du mode ceflera quand il plaira à Dieu. Or fans plus de propos, nous auons commencé à dire, qu’il y a vne magie Theuy- damnable,que lo appelle TAf«r^w,oU G'ofZ/rf,pleine d’en-chantements, parolles, ceremonies, inuocations, ayant autres efpeces fous elle: de laquelle on dit auoir Zabù- ^1^^ inuenteur vn nome Zabulus. Quant à la vraye ma-Z«5. gie,qui n’eft autre chofo que chercher amp;nbsp;contempler les choies celeftes,celebrer amp;nbsp;honorer Dieu,elle a efté louée de plufieurs grands perfonnages. Tels eiloient ces trois nobles Roys qui vifiterentnoilre Seigneur. Et telle ma-gie a efté eftimée parfaite iâpience. Aufsi les Perles ne re-ceuoyent iamais homme à la coronne de leur Empire, Md^us, fll n’eftoit appris en celle magie, c’eft a dire, qu’il ne fuft enldÿte fige. Car Magus en leur langue lieft autre chofo que fi-ge enlanoflre,amp;lt;7îiioren Grec,lt;y^zpzf«jenLatin. D’icelle Ion ditauoir efté inuenteurs Zamolxisôc Zoroaftre,nô celuy qui eft tant vulgairc,mais qui eftoit fils d’Oromaiè. Aufii Platon en fon Alcibiade dit, n eftimer la magie de Zoroaftre eftre autre chofo, que congnoiftre amp;nbsp;celcbret Dieu. Pour laquelle entendreluy mefine aueePythago-ras,Empedocles,amp; Democrite,feftre bazardez par mer amp;nbsp;par terre,allans en païseftranges,pour congnoiftrecelle ma^ie. le Içay bien que Pline, amp;nbsp;plufieurs autres fo fontefforcez d’en parler, comme des lieux amp;nbsp;nations ou elle a efté celebréeamp; fréquentée,ceux qui l’ontinuentée ôc pratiquée,mais alTcs obfourement difoerné quelle magie, attendu qu’il y en aplufieus elpcces. Quant à moy, voylacc
-ocr page 153-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 69 voyla ce qu’il m’a (emblc bon en dire pour le prefènt, puis qu’il venoit à propos de noz Saunages. , les Saunages Amériques croient l'ame eflre immortelle.
cnKV. YJ.
E pauure peuple, quelque erreur ou contre ignorance, qu’il ait, fi eft il beaucoup ks^-plus tolerable, amp;nbsp;fans comparaifon,que lesdamnablcs Atheifles denoftre téps: lefquels non contens d’auoir efté créez à l’image amp;nbsp;icmblance du Dieu eternel, parfaits fiis toutes creatures, malgré toutes efcritures amp;: miracles,fe veulent comme défaire, amp;nbsp;rendre belles bru
tesjlàns loy ne fins railbn. Et puis qu’ainfi eft, on les de-uroit traiter comme belles: car iln’y a belle irraifonna-ble, qui ne rende obeïlTance Scferuice al’bomme: comme ellant image de Dieu : ce que nous voyons iour-nellero.ent. Vray ell, quequelque iouron leur fera fen-tir, fil relie rien apres la lèparation du corps amp;nbsp;de Fame: mais ce pendant qu’il plaife à Dieu les bien conlciller, ou de bonne heure en eft'acer la terre, tellement qu’ils n’apportent plus de nuyfance aux autres. Donquescespau- opinion Utes gens eftimentl’ame ellre immortelle, qu’ils nomAa sa»-ment en leur langue Cherepicouare. Ce quei’ay entendu les interrogât, que deuenoitleurefprit, quad ils mouroient, Lesames, difent ils,de ceux qui ont vertueufemét cobat-tuleurs ennemis, fen votauec plufieurs autres âmes aux cherepi-lieux de plaifance, bois jiardinsjôc vergiers : mais de ceux coudre.
timwor-
talité de
tame.
LES SINGVLARITEZ
P'indd-hotifou, Roy au P dis des Sduud-cS«-
qui au contraire n’auront bien défendu le païs, fen iront auec Agnan. le me ingéré quelquefois d’en interroger vn grand Roy du païs,lequel nous cftoit venu voir bié de trente lieues, qui me relpondit affcs furieufement en fi langue, paroles femblabes; Ne fçais tu pas qu’apres la mort,noz âmes vont en païs loingtain,amp; fe trouuent tou tes enfemble,en de beaux lieux,ainfi que difènt noz Pro-phetes,qui les vifitentfouuentôc parlent à elles? Et tiennent celle opinion afl'curée,fans en vaciller de rien. Vne autre fois eftant allé voir vn autre Roy du païs, nommé PindahouJou^iecpA ie trou ué malade en Ibn lief d’vne Heure continue,qui commence à m.’interroger:amp; entre au -tres chofès,que deuenoyent les âmes de noz amis,à nous autres , lAatres, quand ils mouroyent : amp;nbsp;luy faifant re-fponcequellesafloyent auec Tôz/^a»,il creutaifemeiit: en contemplation de quoy me dift, Viença, ie fay entendu faire fi grand récit de Toupan, qui peuttoutes choies, parle a luy pour moy, qu’il me guerille, amp;nbsp;fi ie puis ellre gueri,ie te feray plufieurs beaux prefens : ie veux eflre ac-coullré come toy,porter grand barbe, amp;nbsp;honorer 71?«-comme toy. Et de lait ellant guéri, le Seigneur de Villégagnon délibéra delefaire baptilêr:amp; pource lere-Sttperßh tint auec luy. Ils ont vne autre folle opinion : c’ellqu’e-tions des ^ants fur reau,loit mer où fluue,pour aller cotre leurs en-Sduud- nemisjfi lliruient quelquetempelle, ou orage ('comme ' il aduient bien fouuent} ils croyent que’cela vienne des âmes de leurs parens amp;nbsp;amis : mais pourquoy,ils ne Iça-uent:amp; pour appailèr la tormcte,ils iettent quelque choie en l’eau,par maniéré de prelènt; ellimas par ce moyen pacifier les tempelles. Dauantage,quand quelcun d’entre eux
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tre eux decede, foitRoy,ou autre, auant que le mettre en terre, fil y â aucun qui ayt chofè appartenante au trefpafséjil le gardera bien de le retenir, ains le portera publiquement le rendra deuant tout le mode, pour cftre mis en terre auecques luy: autrement il eftimeroit que lame apres lafeparation du corps le viendroitmole-fterpource bien retenu.'PleuftàDieu que plufieurs d’entre nous euflent fèmblable opinion (i’entens fans erreur) lonnereticndroit paslebien d’autruy, comme Ion fait auiourd’huy fans crainte ne vergongne. Et ayant rendu à leur borne mort ce que luy apartenoit,il eft lié amp;nbsp;garrote de quelque cordes,tât de coton que d’efcorce de cer-quot; tain bois, tellemêt qu’il n’eft poßible,felon leur opinion, qu’il reuicnne; ce qu’ils craignent fort,di{àns,que cela eft aduenu autres fois à leurs maicurs amp;nbsp;anciens, qui leurâ efte caufe d’y donner meilleur ordre : tant font Ipirituels amp;nbsp;bien enfeignez ces pauures gens. ,
' .f
Comme ces Saunages font guerre les yns contre les autres, principalement contre ceux^ qu'ils nomment 'Margageecs Thabaiares^ ti'igt;n arbre qu ils appellent Hayri^duquel ils font leurs baflons de guerre. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chat. 38.
E peuple de l’Amerique eft fort fùbiet a quereler contre (es voifins, fpecialement contre ceux qu’ils appellent en leurs langue, lylargagea^ ôé Thabaiares : amp;nbsp;n’ayans autre moyen d’appaifer leur querele,fè battent fort amp;nbsp;ferme. Ils font aftemblées
deGx mil hommes, quelquefois de dix, amp;nbsp;autrefois de
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douze: c’efl à fçauoir village contre village, ou autrement ainG qu’ils le rencontrent : autant en font ceux du Peru, amp;nbsp;les Canibales. Et deuant que executer quelque grande entrcprifc,foit à la guerre ou ailleurs, ils fontaf-îembléc,principalement des vieux,fans femmes ne en-fans, d’vne tel le graceamp;modeftie, qu’ils parleront l’vn apres rautre,amp;ceTuy qui parle, fera diligemmêt efcouté: puis ayant fait fà harangue, quitte fâ place à vn autre, amp;nbsp;ainG confècutiuement. Les auditeurs font tous aßis fîir ia terre, Gnon quelques vns entre les autres, qui en contemplation de quelque preeminence, fbit par lignée ou d’ailleurs,ferontlors aßis en leurs lids. Ce que conGdaran t, me vint en mémoire ceftc louable couftutne des gouucrneurs de Thebes, ancienne ville de laGrece : lef quels pour délibérer enfèmble de la Republique eftoient touGours aßis fus la terre. Laquelle façon de faire Ion eftime vn argument de prudence: car Ion tient pour certain félon les philofophes, que le corps aßis amp;nbsp;à repos, les efprits font plus prudens amp;nbsp;plus libres, pour n’eflre tant occupez vers le corps quad il repofè,que autrement.
Dauantage vne chofe eflrange eft que ces Amériques nefontiamais entre eux aucune treue,ne padion, quelque inimitié qu’il y ait, corne font toutes autres nations, mefmes entre les plus cruels amp;nbsp;barbares, comme Turcs, Moresamp;Arabes:amp;penfèqueG Thefée premier auteur des treues enuers les Grecs y efloit, il feroit plus em-' pefché qu’il ne fut one. ils ont quelques rufès de guerre pour fLirprendreJ’vn I’autre,außi bien que lonpeutauoir en autres lieux. Donc ces Amériques ayans inimitié perpétuelle,amp; de tout téps contre leurs voiGns fùfnommez,.
-ocr page 157-DÊ LA FRANCE ANT A R C T I E. yi ft cherchent fouuent les vns les autres, amp;nbsp;ft battent autant furieuftinent qu’il eft poßible. Ce que les contraint d’vne part amp;nbsp;d’autre de ft fortifier de gens amp;nbsp;armes chacun village. ils faflèmbleront de nuit en grand nombre pour faire le guet: car ils font couftumiers de ft furpren-dreplus de nuit quedeiour.Si aucunesfois ils fontaduer-tis, ou autrement ft Ibupfonnent de la venue de leurs en- chaujjè-nemis, ils vous planterôt en terre tout autour de leurs tu- trapesdet guresyloing d’vn trait d’arc, vneinfinite de chenilles de bois fort agues,de maniéré q le bout qui fort hors de ter-re eftant fort agu/ie ft voit que bien peu:ce que ie ne puis, mieux coparer qu’aux chaufietrapes,dôt Ion vft p deçà: à fin que les ennemis ft percét les pieds,qui sot nuds,ainfi que lerefte ducorps:amp; p ce moyen les puifiènt ftccager, c’efl aflauoir tuer les vns,les autres emmener prilbnniers. C’eft vn trefgrad honeur à euxjeiquels partäs de leur païs-pour aller aflaillir les autres fur leurs frôtieres,amp;quâd ils-
I amènent pluhcurs de leurs ennemis priftnniers en leur pai'siaußi eft il célébré, amp;nbsp;honoré des autres, comme vn; Koy amp;nbsp;grâd Seigneur,qui en a le plus tué. Quand ils veulent ftrprendre quelque village l’vn de l’autre, ils ft cacheront, amp;nbsp;muflerontdcnuit parles boisainfi quere-nardsjfe tenans la quelque eipace de temps, iniques â tant qu’ils ayent gaigné l’opportunité de ftruerdeifus.. Arriuans à quelque village ils ont certaine induftrie de' letter le feu és logettes de leurs.ennemis,pour lesftire faillir hors auec tout leur bagage,femmes amp;enfans. hftans faillis ils chargent les vns les autres de coups de flefthes confuftment, de maffes amp;nbsp;efpées de bois,qu’on-quene.futilbeau paffetemps de voir vne telle meflée.-, f iij
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Ils fe prennent amp;nbsp;mordent auec les dents en tous endroits,qu’ils fe peuiient rencontrer,amp;parlesleures qu’ils ont pertLiifées : monftrans quelquefois pour intimider leurs ennemis,les os de ceux qu’ils ont vaincus en guerre, amp;nbsp;magez:bref^ilsemployent tous moyens pour faicher leurs ennemis. Vous verriez les vns emmenez prifon-
nicrsjliez, amp;nbsp;garrotez comme larrons. £t au retour d^ ceux qui fen vonten leur pais auec quelque figne de vi' ôtoire, Dieu Içait lescarefl'es amp;nbsp;hurlemens qui fefonr.
Les femmes fuiuent leurs maris à la guerre, non pour combatte,comme les Amazones,mais pour leur porter 5c adminiftrer viures, amp;nbsp;autres munitions rcquifès â telle guerre : car quelquesfois ils font voyages de cinq amp;nbsp;fix mois fans retourner. Et quand ils veulent départir pour alleren c^uefc, ils mettent le feu en toutes leurs loges,Sc ce qu lis
-ocr page 159-DE LA FRANCE ANT A R CT IQVE. 72 ce qu’ils one de bon,ils le cachent fbubs terre iufqiiesà leur retour. Qlû ed plus giâd entre eux, plus à de femmes à fon feruice. Leurs viures font tels que porte le pais, farines de racines fort délicates, quad elles (ont recentes: mais fl elles font quelque peu enuieillies,elles font autant sauul-plaifintes à manger, que le fon d’orge ou d’auene: amp;nbsp;au ges, refie chairs fiuuagines, amp;nbsp;poiffon, le tout fèiche â la fumée. On leur porte aufi leurs lids de cotton, les hommes ne portans rien, que leurs arcs amp;nbsp;flefehes à la main.
Leurs armes font groffes efpées de bois fort mafsiues amp;: pefantesrau relie arcs,5c flefehes. Leur arcs font la moi- tu^es. lié plus longs que les arcs Turquois, amp;nbsp;les flefehes à l’e-quipollent,faites les vues de cannes marines,Ies autres du bois d’vn arbrc,qu’ils noment en leur langue Hdin^ por- HAiri, tant fueillage femblable au palmier, lequel eft de cou-i leur de marbre noir, dót plufieurs le difent cftre Hebenc: toutesfois il me fembleautrement,car vrayHebeneefl plusluyfànt. Dauantage l’arbre d’Hebenen’eflfembla- Hebene, oie à cclluy cy, car cefluicy eft fort efpineux de tous co-fteznoint que le bó Hebene fè préd au pais de Calicut,amp; en Ethiopie. Ce bois efl fi pefànt,qu’il va au fos de l’eau, tomme fer: pourtant les Saunages en font leurs efpées à tombatre. Il porte vn fruit gros comme vn cfleuf,amp; Quelque peu pointu à l’vn des bouts. Au dedas trouuerez ^nnoyau blanc comme neige: duquel fruit i’ay apporté grande quantité par deçà. Ces Saunages en outre font 'lebeaux colliers de ce bois. Anfsi eft il h âur amp;nbsp;fi fort,(cô-j ^^e nous difions n’agueres )quc les flefehes qui en font faites, font tant fortes, quelles perceroyent le meilleur Çorfelet. La troificfmc piece de leurs armes efl vn bou- 2mA)
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clier,dont ils vient en guerre. Il eft fort long,fait de peaux d’vne befte de mefme couleur que les vaches de cepaïs, ainfi diucrhhccs,mais de diuerfe grandeur.Ces boucliers font de telle force amp;rehftcce, comme les boucliers Bar-celonnoisjde maniéré,qu’ils attendront vn arquebuze,amp;; par conlèquentchoie moindre.Et quâtaux arquebuzes, plufieurs en portent qui leur ont efté données depuis que les Chreftiens ont commencé à les hanter, mais ils n’en Içauentvfer,linon qu’ils en tirent aucunesfois à grande difriculté,pour feulement elpouuentcr leurs ennemis.
LamMieYe de leurs combattantßir eau^cjue
fur terre. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a p. 3
I vous demadez pourquoy ces Sauuages font guerre les vns contre les autres »veu qu’ils ne font gueres plus grands lèigneurs l’vn que l’autre: au Isi qu’entre eux n’y à ri-chelTcs fi grandes, amp;nbsp;qu’ils ont de la terre alfes amp;nbsp;pius,qu’i 1 s ne leur en faut pour leur necefiité. Et pour cela vous fiiffira entendre, que la caulè CMfe de leur guerre eft alTez mal fondée, feulement pour ap-petit de quelque vengeance,lans autre raifon, tout ainfi que belles brutes,fans fepouuoir accorder par bonne-rteté que!côque,dilâns pour refolution, que ce font leurs ks ennemis de tout temps. Ils falfemblent donc, ('comme co«-^uons dit cy deuant) en grad nombre, pour aller trouuer t'hélés du leurs ennemis,fils ont receu principalement quelque in-iure recente: ou il s le rencontrent, ils le battent à coups de flefehes, iufques à fe ioindre au corps, amp;nbsp;fentrepren-
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dre par bras amp;nbsp;oreilles,amp;: donner coups de poing. Là ne faut point parler de cheuafdot pouuez péièr corne l’em-Sduui ■ porrent les plus forts, ils font obftinez amp;nbsp;courageux,tel-^esobßi- lementqueauant que fe ioindre amp;nbsp;battre ( comme auez veu au precedent chapitre ) eftans à la campagne elon-vns des autres de la portée d’vne narquebuze, quelquesfois l’eipace d’vn iour entier ou plus fe regarderont amp;nbsp;menafTerontjmonftrans vifàgeplus cruel amp;nbsp;epou uentable qu’il eft pofsible, hurlans crians fi confufé-ment, que Ion ne pourroit ouïr tonner, monftrans aufii
En ce
-ocr page 163-DE LA FRANCE ANTARCTIQUE. 74 En ce les Sauuages fcmblent obferuer l’ancienne maniéré de guerroyer des Romains, lefquels auantque d’en treten bataillefaifoientcrisepouuentables amp;vlbientde grandes menalTes. Ce que depuis a efté pareillement pratiqué p les Gaulois en leurs guerres, ainfi q le delcrit Tite Liue. L’vne amp;nbsp;l’autre façon de faire m’a fèmblé eftre fort differente à celle des Acheiens:dont parle Homere, f)arce qu’iceux eftants pres de batailler amp;nbsp;doner l’affaut à eurs ennemis,ne faifoient aucu bruit,ains fo cotenoient totalemêt de parler. Lapluf grade vengeace dont les Sau Coußu-uages vfent, qui leur fcmblc la plus cruelle amp;nbsp;indigne, efl de manger leurs ennemis. Quand ils en ont pris au-cun en guerre, fils ne font les plus forts pour l’emmener, pourlemoinsfilspeuucn^auantlarecoulTeilsluycoup- kurTen. peront bras ou iambes : amp;nbsp;auant que le laiflcr le mange- nemis. rontjOU bien chacun en emportera fon morceau, grand ou petit. S’ils en peuuent emmener quelques vns iuf ques en leur pais, pareillement les mangeront ils. Les anciens Turcs, Mores, amp;nbsp;Arabes vfoient quafi de cefte façon f dont encores auiourd’huy feditvn prou erbe, le Prouer-^ voudrois auoir mangé de fon cueur} aulsi vfoyent ils prefque de fomblables armes que noz Sauuages. Mais depuis les Chreftiens leur ont forgé, amp;nbsp;monftré à forger les armes, dont auiourd’huy ils font battuz, en danger
qu’il n’en aduienne autant de ces Sauuages, foient Amériques ou autres. Dauantage ce pauure peuple le hazar-de fur l’eau J foit douce ou falée, pour aller trouucr fon de ja~ ennemy:comme ceux de la grand riuiere de lanaire con- nuireen-treceux de Morpion. Auquel lieu habitent les Portu-gais ennemis des François ; ainfi que les Sauuages de ce
Morpto.
tT. S SINCVLARITEZ
mefme lieu font ennemis de ceux de lanaire. Les vaif^
Alma- féaux, dont ils vfènt (us leau, font petites Almadies, ou (iiesfó' barquettes compofées d’efoorces darbres, (ans clou ne Æorcfr nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;longues de cinq ou fix braflees,amp; de trois pieds
Superßi-
darbre, largeur. Et deuez fçauoir, qu’ils ne les demandent plus mafsiucs,eftimans que autrement ne les pou rroyent faire voguer à leur plailir, pour fuyr, ou pour fuiure leur ennemy. Ils tiennent vne folle fuperfiitioii à depouil-
tion des
o-en'o- lent (ce qui fe fait depuis la racine iufquesau couppeau) ils ne buront, ne mangeront, craignans ( ainG qu’ils di-fontj que autrement il ne leur aduint quelque infortune for l’eau. Les vaiffeaux ainfi faits,ils en mettront cent ou
Jier les e-ßorces des arbres.
.Amériques a-mis des Iraçois.
fix vingts, plus ou moins, amp;nbsp;en chacun quarante ou cinquante perfonnes,tant hommes que femmes. Les femmes fèruent d’epuifer amp;nbsp;ietter hors aucc quelque petit vaifieau d’aucun fruit caué l’eau qui entre en leurs petites nalTelles. Les hommes font a/Teurez dedans auec leurs armes, nageans pres de la riue:amp; fil Ce trouue quelque village, ils mettront pié à terre, amp;nbsp;le (àccageront par feu amp;nbsp;fiing, fils font les plus forts. Quelque peu auant noftrearriuée, les Amériques qui fodifent noz amis,ar uoyent pris fosla mer vne petite nauire de Portugais,e-fiants encores en quelque endroit pres du riuage, quelque refiftence qu’ils peuffent faire, tant auec leur artillerie que autrementmeantmoins elle fut prife,les hommes mangez, horf-mis quelques vns que nous rachetâmes à noftre arriuée. Par cela pouuez entendre que les Saunages,qui tiennent pour les Portugais font ennemis des Sauuages oufe fontarreftezfos François, amp;nbsp;au con-
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traire. Au relie ils combattent lùr l’eau, comme lur la terre. S’il aduientaucunesfois quelamerlbitfurieulè,ils iettent dedans de la plume de perdris, ou autre chofe, eflimans par ce moyen appailèr les ondes de la mer. Ainh font quafi les Mores amp;nbsp;Turcs en tel peril, fe lauans le corps d’eau delà mer, amp;nbsp;à ce pareillement voulans con traindre ceux de leur copagnie, quels quils loyent,ainli que i’ay veu eflant fur la mer. Noz Saunages donques rctournans en leursmaifonsviólorieux,monflrent tous
nion des SciU»ci~
Turcs,, Mo
res^
ligne cfeioye, Ibnnans fifres,tabourins,amp;: chantans à leur mode:cc qu’il fait tresbon ouïr,auec les inftrumensde mefme,faits de quelques fruits cauez par dedans, ou bien dos de belles, ou de leurs ennemis. Leurs inllrumens de guerre fontrichcmêtelloftcs de quelques beauxpen-naches pour decoration. Ce que Ion fait encores au-iourd’buy, amp;: non làns railon, ainfi en a l’on vie le temps paflé. Les fifres,tabourins,amp;autres inllrumens lèmblent teueiller les clprits airopis,amp; les exciter ne plus ne moins Tçibou‘-que fait le Ibuflet vn feu à demy mort. Et n’y à ce me 7”^’^ femble, meilleur moyen de fulciter l’elprit des hommes, j que par le fonde ces inllruments: car non lèulement les inflru-Hommes, maisaulsi les chenaux, fins toLitesfois en faire ments, côparailbnaucune, lèmblét treHàillircomed’vnegayeté
coeuncequ’àefléobferuédctouttéps. Il eft vray,que les Amériques, amp;nbsp;ces autres Barbares vient coullumiere-Jïient en leurs alTaults amp;nbsp;combats de cris amp;nbsp;hurlements lort epouuentables, ainli que nous dirons cy apres des ^nazones..
i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ilj
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Comme, ces quot;barbares font mourir leurs ennemis^ (juils ont pris en ^erre^e^ les mangent, CHAP. 40.
Triiite^ metfoit Mxpri-fonniers SdUHd-ges par leurs ennemis.
Pres auoir declarCjCoiTime les Saunages de toute 1*Amérique, menent leurs ennemis prifonniers en leurs logettes tu-gures, les ayans pris en guerre, ne relie que déduire, comme ils les traittent à la nn du ieunls en vient donc ainfi. Le pri-
M-i’'
lonnicr rêdu en leur pais, vn ou deux, autant de plus que de moins,lèra fort bien traité, quatre ou cinqiours, apres on luy baillera vne femme, parauenture la hile de ccluy auquel lèra le prifonnier, pour entièrement luy admini-llrerlès necelsitez à la couchette ou autrement, ce pendant ell traité des meilleures viâdes que Ion pourra trou-uer, feftudians àrcngrelî'cr, comme vn chapon en mué, iniques au temps de le faire mourir. Et ce peut iceluy temps facilement cognoillre, par vn collier fait de fil de coton, auec lequel ils enfilent certains fruits tous ronds, on os de poiiron,ou de belle, faits en façon de pateno-flres, qu’il s mettent au col de leur prifonnier. Et ou ils auront enuie de le garder quatre ou cinq lunes, pareil nombre deles patenollres ils luy attacherot : amp;nbsp;les luy ollent à -melure que les lunes expirent,cotinuant iniques à la dernière: amp;nbsp;quand il n’en reflc plus,ils le font mourir. Au-cuns,au lieu de lès patenollres, leur mettent autant de pe tis colliers au col, comme ils ont de lunes à viure. Da-uantage, tu pourras icy noter, que les Saunages ne content fi-non iniques au nombre de cinq ; ôc n oblèruent aucune-
-ocr page 167-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 76’ aucunement les heures du iour, ny les iours mefincs, ny les mois, ny les ans, mais content feulement par lunes. Telle maniéré de conter fut anciennement commandée par Solon aux Athéniens, à fçauoir, d’obforuer les iours par le cours de la lune. Si de ce prifonnier amp;nbsp;de la femme qui luy efl; donnée,prouiennent quelques enfans,Ie temps qu’ils fontenfemble,on les nourrira vneefpace de temps,puis ils les mangeront,fc recordans qu’ils font en-fans de leurs ennemis. Ce prifonnier ayant efté bien grand honneur. Et pour Ia folennite de tel maflacre, ils appellerot leurs amis plus Ioingtains,pour y afsiftcr,amp; en manger leur part. Le iour du maflacre il fera couché au lidjhien enferré de fers (dont les Chreftiés leur ont donné l’vfàge ) chantant tout le iour amp;nbsp;la nuiél telles chan-fons, Les 'Margageas nos amis font gens de bien,forts ôc puflTans en guerre, ils ont pris ôe mangé grand nombre de noz ennemis, außi me mangeront ils quelque iour, quand il leur plaira : mais de moy, i’ay tué amp;nbsp;mangé des parens amp;nbsp;amis de celuy qui me tient prifonnier: auec plu fleurs scblables paroles. Par cela pouuezcognoiflrc qu’ils Refont cotedelamort,encores moins qu’iln’eftpofoble depenlèr. I’ay autrefois(pourplafl]r)deuifé auectelspri-fonniers, hommes beaux amp;nbsp;puiflans, leur remonftrant, mort. fils nefo foucioyent autrement, d’eftreainfl maflacrez, mmme du iour au lendemain : à quoy me refpondans en rifée amp;nbsp;moGquerie,Noz amis, difoyent ils, nous vengeront, amp;nbsp;pluheurs autres propos,monftrans vnehar-diefle amp;afleurance grande. Et fi on leurparloitdc les Vouloir racheter d’entre les mains de leurs ennemis, ils
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Traite- prenoyent tout en mocqucrie. Quant aux femmes amp;nbsp;ment des fiHes, que Ion prend en guerre, elles demeurent prifon-femmes nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;quelque téps,ainli que les homes,puis fonttraitées
prifm- nbsp;nbsp;nbsp;mefme,horf mis queon ne Icurdone point de mary.
Elles ne font außitenues fi captiues,mais elles ont liberté Qwwo- d’aller çâ amp;nbsp;là : on les fait trauailler aux iardins, amp;nbsp;à pef «Z« rf»x cher quelques ouïtres. Or retournous à ce mafiacrc. Le maiftre du prifonnicr, comme nous auons dit,inuitera cres des nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;*. v . nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,
tous ces amis a ce lour, pour manger leur part de ce bu-tin, auec force Cahoüin^ qui efi: vn bruuage fait de gros Cahon- mil, aucc certaines racines. Aceiourfolenneltousceux
-ocr page 169-DE LA, TRANCE ANTARCTIQUE. 77 richement eftofFée de diuers plumages. Et tant plus le prilonnier verra faire les prcparatiues pour mourir, ôc plus il monflrera fignes de ioye. Il fera donc mené,bien lie amp;nbsp;garrote de cordes de cotton en la place publique, accompagné de dix ou douze mil Saunages dupais, les ennemis,amp; la fera affomme corne vn porceau,apres plu-fieurs cerimonies. Le prifonnier mort,{à femme,qui luy auoit efté donnée,fera quelquepetit dueil Incontinent le corps eftant mis en pieces, ils en prcnnentle fang amp;nbsp;en lauent leurs petis enfans mafles,pour les rendre plus har-diSjCommeils difent,leurremonftrans,que quand ils feront venuz àleur aage,ilsfacentainfi à leurs ennemis.
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brc qu’il y ait, à chacun fon morceau. Quant aux entrailles,les femmes communément les mangent, amp;nbsp;la telle, ils la refèruent à pendre au bout d’vne perche, fur leurs lo gettes, en figne de triomphe amp;nbsp;viôloire: amp;nbsp;fpecialement Caniba- prennent plaifir à y mettre celles des Portugais. LesCa-lesenne- nibales amp;nbsp;ceux du cofté de la riuiere de Marignan, font mis mor encores plus cruels aux Eipagnols, les faifàns mourir feZj t/« piyg cruellement fans comparai{bn,amp; puis les mangent.
II ne fe trouue par les hifloires nation,tant foit elle bar-* ’ nbsp;nbsp;bare,qui ait vfé défi exceßiuecruautedinon que lofèphe
efcrit, que quand les Romains allèrent en leruûlem,!^ famine,apres auoir tout mangé,contraignit les meres de enfans, en manger. Et les Anthropopha-l’opha- ges qui font peuples de Scythie,viuent de chair humaine corne ceux cy. Or celuy qui a fait ledit maflacre,incontinent apres fe retire en fia maifon, amp;nbsp;demeurera tout le iour fans manger ne boire, en Ion liét : amp;nbsp;fien abftiendra encores par certains iours, ne mettra pie à terre außi de trois iours. S’il veut aller en quelque part, fie fait porter, ayant celle folle opinion que fil ne faifoit ainfi, il luy ar-riueroit quelque defiaflrc,ou mefme la mort. Puis apres il fera auec vne petite fie, faittededens d’vne belle, nommée Agoutin,plufieurs incifions amp;nbsp;permis au corps, à la poitrine,amp;autres parties,tellement qu’il apparoiftratout déchiqueté. Et la raifon,ainfi que ie m’en fuis informé à quelques vns,ell qu’il fait cela par plaifir,repurant à grad gloire ce meurtre par luy commis en laperfbnnedefon ennemy. Auquel voulant remonllrer la cruauté de la chofê,indigné de ce,rne r’enuoya tresbien,disat q c’eftoit grand honte à nous de pardonner à noz ennemis,quand
-ocr page 171-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 78 les auons pris en guerre:amp; qu’il cft trop meilleur les faire mourir, à fin q l’occafion leur foit oftée de faire vne autrefois la guerre. Voyla de quelle diferetion Ce gouuer-ne ce pauure peuple brutal. le diray dauantage à ce propos que les filles vfènt de telles incifions par le corps, l’e-fpacede trois iours continus apres auoir eu la premiere purgation des femmes :iufques à en eftre quelquesfois bien malades. Ces mefmes iours außi fabfticnnent de certaines viandes,ne fbrtansaucunement dehors,amp; fans mettre pie à terre,comme défia nous auons dit des hommes, afsifès feulement für quelque pierre accommodée à cell affaire.
Que ces Suuuages font mefueiUeufinient yindicaüfs. chap. 41.
L n’eft trop admirable, Ci ce peuple che-minant en tenebres,pour ignorer la ve-rité, appete non feulement vengeance, mais außile met en tout effort de l’exe-cuter: confideré, que le Chreftien, en- Lcijven-core quelle luy fbit deffendue par ex-
1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;n nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;J nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;feaue au
pres commandement, ne 1 en peut garder, comme vou îant imiter l’erreur d’vnnomme Mellicius, lequel tenoit qu’il ne failloit pardonner à fon ennemy.Laquelle erreur à longtemps pullulé au païs d’Egypte.Toutesfois elle fut abolie par vn Empereur Romain. Appeter donc végeace eft haïr fon prochain, ce que répugné totalemét à laloy.
Or cela n’eft eftrange en ce peuple, lequel auons dit par cy deuant viure fàns foy, amp;nbsp;fans loy:tout ainfi que toute
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leur guerre ncproccdeque dvne folle opinion de vengeance,fins caufèneraifon. Etn’eflimez que telle folie ne les tienne détour temps,amp; tiendra, fils ne le changent. Ce pauLire peuple eftfi mal appris,que pour le vol d’vne moufchc ils Ce mettront en elfort. Si vne elpine les picque, vne pierre les blefl'e, ils la mettront de colère en cét mille pieces,corne fi la choie eftoit lènfible; ce qui ne leur prouient,que par faute de bon iugement. Dauan-tage ce queie dois dire, pour la verite,mais ie ne puis/àns vergogne, pour Ce venger des poulx amp;nbsp;puires,ils les prennent abelles dents, choie plus brutale que raifonnable. Et quand ils le lèntiront offenfez tant legerement que ce foit, ne penlèz iamais vous reconcilier. Telle opinion fapprent amp;nbsp;obleruc de pere en fils. Vous les verriez mon ftrer à leurs enfans de laage de trois à quatre ans à manier l’arc amp;nbsp;la flelche,amp; quant amp;nbsp;quant les enhorter à hardief lè,prcndre vengeance de leurs ennemis, ne pardonnera perfonne, plus toll mourir. Außi quand ils font prifon-niers les vns aux autres, n’ellimez qu’ils demandent à e-chapper par quelque compofition que ce foit, car ils n’en elperent autre chofe que la mort, efo'mans cela à gloire amp;nbsp;honneur. Etpourceilslè Içauent fort bien mocquer, reprendre aigrement nous autres,qui deliuronsnoz ennemis ellans en no fire puiflance, pour argent ou autre choie, eflimans cela eftre indigne d’homme de guerre. mfloire nbsp;nbsp;Quant à nous, difentils, nous n’en vlcrons iamais ainri.
dttn Por Aduint vne fois entre les autres qu’vn Portugais prifon-nierdecesSauuages,penlànt par belles parolleslàuucrlà deuoir de les prefeher par parolles les humbles amp;nbsp;douces qu il luy eftoit poßible : neant-
’ ' ’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;” nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’ moins
-ocr page 173-DE LAquot; FRANCE- ANTARCTIQVI. 7igt; moins ne peut tant faire pourluy ,quefus le champ cd-luy auquel il eftoit prifonnier, ne le feit mourir à coups deflefcnes, Va,difoitil,tu ne merite,que Ion te face mou I rir honorablement,comme les autres,amp; en bonne compagnie. Autre chofè digne de mémoire. Quelquesfois • fut emmené vn ieune enfant malle de ces Saunages de l’Amerique, du païs amp;nbsp;ligue de ceux qu’ils appellent Ta-baiares, ennemis mortels des Saunages ou lont les Fran çois, par quelques marchans de Normandie, qui depuis baptile, nourri, amp;nbsp;marié a Rouen, viuanten homme de bien,fauifa de retourner en fon païs en noz nauires,aagé j de vingt deux ans ou enuiron. Aduint qu’ellantpardelà fut decouuert à lès anciens ennemis par quelques Chre-lliens: lelquels incontinent corne chiens enragez de furie coururent à noz nauires, défia en partie delaiflees de gés, ou de fortune le trouuans làns merci ne pitié aucun; le I iettent delTus, amp;nbsp;le mettent en pieces là fans toucher aux ! autres,quieftoientlàpres. Lequel corne Dieu le permïfi, endurant ce piteux malTacre leurremonftroit la foy de I E s V c H R I s T, vn leul Dieu en trinité de perlonnes amp;: vnité d’ellbnce: amp;nbsp;ainfi mourut le pauure homme entre leurs mains bon Chreftien. Lequel toutesfoisils nemau gerent, comme ils auoient accouftume faire de leurs ennemis. Quelle opinion de vengeance clL plus contraire à noftreloy.^ Nonobllantfetrouuétencoresauiourd’huy ’ plufieurs entre nous autres autant opiniâtres à fe venger, comme les Saunages. Dauâtage cela ell entre eux:fi aucun frappe vn autre, qu’il fe propofe en receuoir autàt ou plus, amp;nbsp;que cela ne demeurera impuni. Cell vn trefi oeau Ipeclacle que les voir quereler, ou fe battre. Au re~ -
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Fidelité des Sa»-udo-es , O nîdîs no à iedroit des ehre ßicns.
Ae aflez fideles 1’vn à l’autre:mais au regard des Chreftiês, les plus affeôlez amp;nbsp;fubtils larrons, encores qu’ils foyent nuds,qu’il eft pofsible: amp;c eftiment cela grand vertu, de nous pouuoir dérober quelque cliofè. Ce que ien parle, eft pour l’auoir experimêté en moymefme. CeA qu’en-uiron Noel,eAantlà,vint vn roy du païs veoir le Sieur de Villegagnon,ceuxdefàcompagnée m’emporterct mes habillements,comine i’eAois malade. Voyla vn mot de leur fidelité amp;nbsp;façon de faire en paAant, apres auoir parlé de leur obAination amp;nbsp;appétit de vengeance.
Du mariage des Saunages Amériques.
CHAP. 42.
’EA choie digne de grande coin milcra-tion,la creature,encore qu’elle loit capable de railon, viureneantmoins brutale-ment.Par cela pouvions congnoiAre que nous ayons apporté quelque naturel du ventre de noAre mere,que nous demeu
Cotne ß mcirient c:ux de
-rique.
rerions brutaux, h Dieu par fa bonté n’illviminoit noz e-Iprits.Et poLircene faut peler, que noz Amériques Ibient plus diferets en leurs mariages,qu’en autres choies. Asie marient les vnsauec les autres, lans aucunes cerimonies. Le coulin prendra la coulinc, amp;nbsp;l’oncle prendra la niece lans difference ou reprehenfion,mais non le frere la leur. Vn homme d’autant plus qu’il eAeAimé grand pour fes prouëffes amp;nbsp;vaillantifes en guerre, amp;nbsp;plus luy efi permis auoir de femmes pour le lèruir: amp;nbsp;aux autres moins. Car à vray dire, les femmes trauaillent pluslàns coparailon, c’eA
-ocr page 175-DE LA FRANCE A NT A R C T IQV F.quot; 8o c’eft à fçauoir à cueillir racines,faire farines, bruuages, maffer les fruits,faire iardins, autres chofc-s,qui appartiennent au mefnage. L’homme feulement va aucune-I fois pefcher, ou aux bois prendre venaifon pour viurc. Les autres foccupent feulement à faire arcs amp;nbsp;flefehes, laiffans le fur plus à leurs femmes. Ils vous donneront Deflora-vne fille pour vous feruir le temps que vous y ferez, ou autrementainfiquevoudrez:amp;.vousfêralibredelaren-dre,quand bon vousfemblcra,amp; en vfent ainfi couftu-' mierement. Incontinent que ferez là,ils vous interroge- riées^ ront ainfi en leur langage, Viença, que me donneras tu, ôc ie te bailleray ma fille qui eft belle, elle te fèruira pour te faire delà farine,amp; autres neeeßitez? Pour obuier â ce- nbsp;nbsp;r r
la, le Seigneur de Villegagnon à nofire arriuée défendit dusei-fus peinede la mort, dcneles acointer,commechofe il- gneur de licite au Chreflien. Vray eft,qu’apres qu’vne femme eft rnariée,ilnefautqu’ellefeiouë ailleurs:car fielleeft fur-prife en adultere, fon mary ne fera faute delà tuer : car ils ont cela en grand horreur. Et quant à l’homme, il neluy fera rien, cftimant que fil le touchoit,il acquerroit fini' mitié de tousles amis del’autre, qui engêdreroit vue perpétuelle guerre amp;diuorfe. Pour le moins ne craindra
coinrei-aux fefft mes Sa»
ua^cs.
I de la répudier: ce qui leur eft loifible,pour adultere : außi pour.eftre fterilc, amp;nbsp;ne pouuoir engédrer enfans: amp;nbsp;pour quelques autres occafions. Dauantage ils n’ont iamais compagnee de iour auec leurs femmes, mais la nuit feulement, ne en places publiques,ainfique plufieurs efti-iiient par deçà: comme les Cris, peuple de Thrace amp;c autres Barbares en quelques ifles de la mer Magellanique, ‘^hofè merueilleufement deteftable,amp; indigne de Chre -v iiij
-ocr page 176--Coutume ancienne des LydienSf jArme -ni ms, et habitant
lES SINÖVLARITEZ ftieniauquelpeuuentfèruir d’exemple en cefl endroit ces panures brutaux. Les femmes pédant quelles font grof-lès ne porteront pclàns fardeaux, amp;nbsp;ne feront chofe penible,ains (è garderont très bien d’eftre offen fees. La femme accouchée quelques autres femmes portent l’enfant tout nud lauer à la mer ou à quelque riuiere, puis le re-Îiortentàla mere, qui ne demeure que vingt amp;nbsp;quatre îeurcs en couche. Le pere coupera le nombril à îen-fant auec les dents : comme i’ay veu y eftant. Au reffe traittent la femme en trauail autant fbngneufèmét,comme l’on fait par deçà. La nourriture du petit enfant eff le laiéf de la merc:toutesfois que peu de iours apres fà na-tiuité luy bailleront quelques gros alimens, comme farine mafehée, ou quelques fruits. Le pere incontinent que l’enfant eff né luy baillera vn arc amp;nbsp;flefehe à la main, comme vn commencement amp;nbsp;proteffation de guerre amp;nbsp;vengeance de leurs ennemis. Mais il y âvne autre choie qui gaffe tout: que auant que marier leurs filles les pe-res amp;meres'les profternent au premier venu,pour quelque petite chofe, principalement aux Chrefliens,allans par delà, fils en veulent vfer, comme nous auonsiadir. A ce propos de noz Saunages nous trouuons par les hiffoires, aucuns peuples auoir approche de telle façon de faire en leurs mariages. Seneque en vne de lès epiftres,amp; Strabonen là Colinographie eferiuent que les Lydiens amp;nbsp;Armeniens auoyent de couffume d’en-uoyer leurs filles aux riuagcs de lamer, pour la lèpro-ffernans àtous venans,gaigner leurs mariages. Autant lèlo luftin, en failoyentles vierges de l’ifle deCypre,pour gaigner leur douaire amp;nbsp;mariage: lelquelles effans quittes amp;bien
-ocr page 177-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 8r amp;nbsp;bien iuftifices, ofFroyent par apres quelque choie â la decfle Venus. Il fenpourroittrouuerauiourd’huy par deçà, lefquelles faifàns grande profeisionde vertu amp;nbsp;de religion, en feroient bien autant ou plus,làns toutesfois offrir ne prcfcnt ne chandelle. Et de ce ie m’en r’apporte à la vérité. Au furplus de la confânguinité en mariage. Saint Hierofme efcrit, que les Athéniens auoyent de cou ftume marier les freres auec les fœurs,amp;nô les tantes aux epiUreà nepueuz; ce quiefl au contraire denoz Amériques.
Pareillement en Angleterre, vne femme iadisauoit li-berté de fè marier a cinq hommes, amp;nbsp;non au contraire. En outre nous voyons les Turcs, Perfès, amp;nbsp;Arabes, prcn-' dre plufieurs femmes : non pas qu’il foit honnefte ne to-I lerable en noftre Chriftianifme. Cóclufió,noz Saunages en vient en la maniéré que nous auons dit, tellemêt que bien à peine vne fille eft mariée ayant ià virginité : mais eftans mariées elles n’oieroient faire faute: car les maris les regardent de prés,comme tachez de ialouiîe. Vray eft qu’elle peut laifler ion mari, quad elle eft mal traitée: ce qui aduient iouuent. Corne nous liions des Egyptiés, ^üifaifoient Icicmlable auât qu’ils enflent aucunes loix.
' En cefte pluralité de femmes dont ils vient, comme LesSm' I nous auons dit, il y en à vne touiiours par iùs les autres plus fauoriiee , approchant plus pres dela’perfonne, qui n’efttantfubietteautrauaij,commelesautrcs. Tous lesenfans qui prouicnnent en mariage de ces femmes, font reputez legitimes, difiints que le principal auteur de generation eft le pere,amp;: la mere non. Qui eft cauie que bien iouuent ils font mourir lesenfans mailes de leurs ennemis eftants priibnniers, pource que tels enfants à
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raduenir pourroyent eftre leurs ennemis.
-•/ ■ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' ri' ■,
.gt; Z DesceYimonies^fepulture^amp;gt; funérailles^.
■fi’?' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;(pu ils font à leurs décès.
c H A P. 43.
re des SauM -^es d’en-Jepultu ' rer les corps.
Pres auoir déduit les meurs, façon de vi-ure,amp; plulîeurs autres maniérés de faire de noz Amériques,refte à parler deleurs funérailles ócfepultLires. Quelque brutalité qu’ils ayét, encores ont il celle opinion amp;nbsp;couftume de mettre les corps en
Opinion de Dioo^e O nés de la ßpulture
terre,apres que lame eftfeparée,au lieu ou le defund en /oii'viuantauoit pris plus de plaifir :eftimans,ain{i qu’ils ddènt,nc le pouuoir mettre en lieu plus noble, qu’en la terre, qui produift les hommes, qui portetant de beaux fruits, amp;nbsp;autres richeifes vtiles amp;nbsp;neceifaircs à l’vfàge de l’homme. 11 y a eu plufieurs anciennement trop plus imper tin eus que ces peuples fiuuages , ne Ce ioucians, que deuiédroit leur corps,fuft il expofé ou aux chiens,ou aux oyfeaux : comme Diogenes, lequel apres ià mort commanda ion corps eftre bureaux oyfeaux,amp; autres beftes, pour le manger, diiànt,qu’apres ià mort (on corps ne ièn ducorbs nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;qu’ilaimoiftrop mieux q fon corps
fèruift de nourriture que‘de pourriture. Semblablement Lycurgus Legiflateur des Lacedemoniens commanda expreifement, ainiî qu’eferit Seneque, qu’apres ià‘ mort ion corps fuft iette en la mer. Les autres, que leurs corps fuifent brûliez amp;nbsp;réduits en cendre. Ce pauure peuple quelque brutalité ou ignorance qu’il ait,femon-ftre
-ocr page 179-DE LA FRANCE ANT A R C T I QV E. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Si
ftre apres la mort de Ion parent ou amy fans eomparai-lon plus railbnnable que ne faifoient anciennement les Parthes, lelquels auec leurs loix telles quelles au lieu de mettre vn corpsen honorable fepulturej’expo-Ibient comme proie aux chiens amp;nbsp;oyfèaux. Les Taxiîles à (emblable iettoientles corps morts aux oyfeaux du ciel, comme les Calpiens aux autres beftes. Les Ethiopiens iettoient les corps morts dedâs les fleuues. Les Romains les bruloient amp;rcduifoient en cendre, comme ont fait
i que noz Saunages ne font point tant dénués de toute hon I nefteté qu’il n’y ait quelque chofe de bon, confideré encore que fans foy amp;nbsp;fins loy ils ont cell aduis,c’efl;àafça-uoir autant que nature les enfeigne. Ils mettent donc leurs morts en vne foire,mais tous afsis,corne deha nous auons dit,en maniéré que faifoient anciennement les Na lomones. Or la fepulture des corps eft fort bien approu-uée de l’efcriture fainte vieille amp;nbsp;nouuelle, enfemble les cerimonies, fi elles font deuement obfèruées : tant pour pfüuuée auoirefté vaiflèaux amp;nbsp;organes de l’ame diuine amp;immor par la teIle,qLie pour donner elperâce de la future refurredlion: /^nteef-qu’ils feroyent en terre comme en garde lèure, atten- gt;nbsp;dans ce iour terrible de la refirredion. On pourroit a-mener icy plufieursautres chofesà cepropos,amp; comme plufieurs en ont mal vfé,lesvns d’vnefaçon, les autres d’vne autre:quc la fepulture honorablement célébrée eft ^ueîldes chofe diuine:mais ie m’en deporteray pour le prefènt,ve- ^‘^uua-nant à noftre principal ftibiet. Donques entre ces Sau-uagesjfi aucun pere de famille vient à deceder, fes fern- nbsp;nbsp;nbsp;ƒƒ
mes, fes proches parens amp;nbsp;amis menerot vn dueil mer- famille
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ueilleux,non par l’efpace de trois ou quatre iours,mais de quatre ou cinq moys. Et le plus grand dueil,eft aux quatre ou cinq premiers iours. Vous lés entendrez faire tel bruit amp;nbsp;harmonie comme de chiens amp;nbsp;chats : vous verrez tant homes que femmes couchez fur leurs couchettes penhles,les autres le cul contre terre fembrafTans l’vn l’autre, comme pourrez voir par la prelènte f gure;difins en leur langue, Noftre pere amp;nbsp;amy eftoit tant homme de
bien, fi vaillant à la guerre, qui au oit tant fait mourir de, fes ennemis.il eftoit fort amp;nbsp;puilTantal labouroit tant bien noziardinsjilprenoit belles amp;nbsp;poilTon pour nous nourrir,helas il eil trelpafle, nous ne le verrons plus,finona-pres la mort auec noz amis aux païs, que noz
«i/ènt auqir veux,amp; plufieurs autres fèmblables paroIJcs.,
Ce
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Ce qu’ils repeterotplus de dix mille fois,continuaiis iour amp;nbsp;nuit lelpace de quatre ou cinq heures,ne ceflans de la-méter. Les enfans du treipafle au bout d’vn moys inuitc-ront leurs amis,pour faire quelque fefte amp;nbsp;folennité à fon honneur. Et là faflembleront painttirez de diuerfes couleurs,de plumages,amp; autre equipage àleurmodc,faifins mille paifetemps amp;nbsp;cerimonies. le feray en ceft endroit oy^MX' mention de certains oyfeaux à ce propos, ayans fembla- ayas/îw ble cry amp;nbsp;voix qu’vn hibout de ce pais, tirât fùr le piteux: lefquels ces Saunages ont en fi grande reuerence, qu’on ne les oferoit toucher, difans que par ce chant piteux ces ° oylèaux plorent la mort de leurs amys : qui leur en fait a-uoir Ibuuenance. Ils font donc eftans ainfi aifemblez Sc
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bes de leurs ennemis, amp;nbsp;autres inftrumens à la mode du pais.Les autres, comme les plus anciens, tout ce iour ne cefl'ent de boire fans manger, amp;nbsp;font feruis par les femmes amp;nbsp;parentes du defunót. Ce qu’ils font, ainli queie me fuis informé, ed à fin d’eleuer le cœur des ieunes en-fans, amp;nbsp;les emouuoir amp;nbsp;animer à la guerre, les enhardir Cotfßu- contre leurs ennemis. Les Romains auoyent quafi fom-we nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;blable maniéré de faire. Car apres le décès d’aucû citoyé,
quiauoittrauaillé beaucoup pour la République, ils fai-rrespeu- foientieux,pôpes, amp;nbsp;chants funèbres à la louënge amp;nbsp;ho-{gt;l€s aux ncur du defunól,enfemble, pour donner exéple aux plus funeyail- ieunesde femployer pour la liberté amp;nbsp;conferuation du lesddit- p^Ï5_ Pline recite,qu’vn nomme Lycaon fut inuenteur de telles danfos,ieux chants funebres,pompes amp;nbsp;obfè-ques,quelon faifoitlorses mortuailles. Pareillement les Argiues, peuple de Grece, pour la mémoire du furieux lion défait par Hercules,faifoiét des ieux funèbres. Et Ale xandre le Grand, apres auoir veu le fepulchre du vaillat He6lor,en mémoire de fes prouéflès commanda, amp;luy feitpluheurs careffes amp;folcnnités.Ie pourrois icyamener plufieurs hilfoires, comme les Anciens ont diuerfè-ment obforuéles fepultures, felon la diuerfité des lieux: mais pour euiter prolixité ,fuffira pour le prefont entendre la coufoume de noz Sauuages:pource que tat les Anciens , que ceux de noftre temps ont fait plufieurs excès en pompes funèbres,plus pour vne vaine amp;nbsp;mondaine gloire qu’autrement. Maisau contraire doibuent entendre,que celles qui font faites à l’honcurdu defunèt amp;pour le regard de fon ame,fontlouables:la déclaras par ce moycimmortelle, approLiuaslareforreétio future.
Per
-ocr page 183-DE LA FRANCE ANT AR CT I QV E. 84 Des Mortugdbes^ de la chafUc^ de laquelle
ils yfènt enuers les e^lrangers.
CHAP. 44.
Sauuages,nous dirons encores quelque cliofè de leur façon de viure. En leur pais il n’y à villeSjiie forterelfes de grandeur J finon celles que les Portugais, amp;nbsp;autres Chrefliens y ont bafties,pour leur commodité. Les maiions ou ils habitent font petites lo ^^hes lavettes, qu’ils appellent en leur langue 'Mortugahes, aflem- gettesdes blees par hameaux ou villages, tels que nous les voyons sauua-en aucuns lieux par deçà. Ces logettes font de deux, ou trois cens pas de long, amp;nbsp;de largeur vingt pas, ou enui-ron,plus ou moins: bafties de bois,amp; couuertes de fueil-les de palme, le toutdifpofé fi haïfuement, qu’il efl im-pofiiblede plus. Chacunelogette a plufieurs belles cou-uertures,mais baircs,tellcment qu’il fc faut baifier pour y entrer, comme q^ui voudroit palTer par vn guichet. En chacune y â plulieurs menages : amp;nbsp;en chacun pour luy amp;nbsp;fà famille trois brà/Tées de long. le trouue encore cela plus tolerable, que des Arabes ócTartares, qui ne baf, tillenn ïamais mailon permanente , mais errent ça amp;nbsp;la comme vagabons:toutesfois ils fe gouuernent par quel- nont quesloix:amp;noz Saunages n’en ont point, finon celles point de que Nature leurià données. Ces Saunages donc en fes inaifonnettes ,font plulieurs menages enfemble, au mi-lieu defquclles chacun en fon quartier, font pendus les lifts â pilliers, forts amp;nbsp;puilfants attachez en qnarrure,lef-
X iiij
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Arbres quels font faits de bon coton, car ils en ont abondance, ijuipoy- que porte vn petit arbre de la hauteur d’vn homme, à la ftfwr le fomblance de gros boutons comme glands : differans coffo». nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;jjg Cypre, Malte nbsp;nbsp;Syrie. Lefditslids
ne font point plus eipes qu’vn linceul de ce païs:Sc fo cou ohent la dedans tous nuds, ainh qu’ils ont acouftumc iny. d’eftre. Ce liôt en leur langue eft appelle Iny^ èc le coton Mani- dont 11 eft fait, Islam got. Des deux coftez du hól du mai-ftre de la famille les femmes luy font du feu le iour amp;nbsp;la nuit: caries nuits font aucunement froides. Chacun menage garde amp;nbsp;fo reforue vne forte de fruit gros comme vn œuf d’auftruche,qui eft de couleur de nozcocour-des de par deçà : eftant en façon de bouteille perfeedes deux bouts,paftant parie milieu vn bafto d’hcbene,long d’vn pied amp;nbsp;demy. L’vn des bouts eft planté en terre,rau-tre eu: garny de beaux plumages d’vn oyfeau nommé Arat.^ qui eft; totalement rouge. Laquelle choie ils ont en lt;iyfeau. tel honeur amp;nbsp;reputatio, corne fi elle le meritoitiamp;eftimét ^e/uerte ^ela eftre leur Toupan : car quand leurs prophètes vien-udves'*~ i^C’^tverseux,ils font parler ce qui eft dedans, entendans ' nbsp;par ce moyen le fecret de leurs cnnemis,amp; comme ils di
rent, fçauentnouuelles des âmes de leurs amys decedez. Ces gens au tour de leurs maifons ne nourriflent aucuns Poules, animaux domeftiques, linon quelques poules, encores bien raremét amp;nbsp;en certains endroits leulemét, ou les Portugais premièrement les ont portées: car au parauat n’en auoyent eu aucune congnoiftànce. ils en tiennent toutefois fi peu de compte, que pourvu petit coufteau vous au rez deux poules. Les femmes n’en mangeroyent pour rien: ayans toutefois à grand depiaifir, quand ils voyent aucun
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! aucun Chreftiê mager à vn repas quatre ou cinq œufs de poule,lefquelles poulies ils nómenty^r/^wrfwfxftimas que pour chacun œufils magent vne poule,qui fuffiroit pour repaiflre deux hommes. Ils nourriflent en outre des per-roquets,le(quels ils changet en trafique aux Chrehiens, ' pour quelques ferrailles. Quant à or,amp;argent monnoyé, ils n’en vient aucunement. Iceux vne fois entre les autres, at«/ ay ans pris vne nauire de Portugais, ou il y auoit grand x® nombre de pieces d’argent monnoyc, qui auoit eftéap-porté de Morpion,ils donnèrent tout à vn François,pour quatre haches,amp; quelques petis coufteaux. Ce qu’ils efti-moict beaucoup,amp; non làns raifon, car cela leur eft pro- ves, pre pour coupper leur bois, lequel auparauant elloient cotraints de coupper auec pierres, ou mettre le feu es arbres,pour les abattre:amp;: «a faire leurs arcs amp;: fléchés ils n’v-foient d’autre choie.Ils font aulùrplus fort charitables, amp;nbsp;autant que leurloyde Nature le permet.Quant aux cho-fes qu’ils eftiment les plus precieulès, corne tout ce qu’ils nages l» teçoiuent des Chrefliens,ilsen font fort chiches: mais de tout ce quicroiften leur païs,non,commealimens de belles, fruits nbsp;nbsp;poiflbns, ils en font aflez liberaux ( car ils
charité
n’ont guere autre chofe) non lèulement par entre eux, tnaisaulsià toute nation, pour-ueu qu’ils neleurfoient ennemis. Car incontinent qu’ils verront quelcun deloing arriuer en leur païs,ils luy prelènterot viures Jogis, amp;nbsp;vne fille pour fon lèruice, comme nous auons dit en quelque endroit. Außi viendront à l’entour du peregrin femmes filles aßifes contre terre, pour crier amp;plorer en ligne deioye amp;nbsp;bien venue. Lelquelles 11 vous voulez endurer
‘ iettanslarmes,dirontenleurlangue,Tu fois letresbien
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que les femmes. S’ils cheminent trete ou quarante liccics tant fiir eau que fur terre, ils viucnt en communauté:/! J’vn en a, il en comuniquera aux autres,fil en ont beCoing: ainCi en font: ils aux étrangers. Qciiplus eïl cepauure peuple efl curieux de cho/èsnouuelles,amp;lesadmirefauf li félon le prouerbe , Ignorance eil mere d admiration) mais encore d’auatage pour tirer quelque ebofe qui leur aggrée des e/lrangers,fçauent/! bien fatter, qu’il eil maf aiié de les pouuoir cconduire. Les hommespremicre-ment,quandonles viiîte à leurs loges ôccabannes, apres les auoir filticz, fapprochentde teïle affeurance amp;nbsp;fami-
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liarité,qu’ils prendrôt incontinent voftre bonet ou cEap-peau, amp;nbsp;l’ayant mis für leur telle quelquefois plufieurs l’vn apres l’autrejfe regardent amp;nbsp;admirent, auec quelque opinion d’eftre plus beaux. Les autres prendront voftre dague, elpee, ou autre coufteau fi vous en auez, amp;nbsp;auec ce menallêrôtde parolles amp;nbsp;autres gelles leurs ennemis; bref,il vous recherchent entièrement, amp;neleur faut rien refufer,autrement vous n’en auriez lèruice,grace,ne amitié quelconque, vrayeft qu’ils vous rendent vozhardes. Autant en font les filles amp;nbsp;femmes,plus encore flatteref-les que les hommes, amp;nbsp;toufiours pour tirer à elles quelque chofe, bien vray qu’elles le contentent de peu. Elles ren viendront à vous de mefme grace que les hommes, auec quelques fruits,ou autres petites chofes,dont ils ont accouftume faireprefcns,dilànsen leur ïâ^ue^Agatouren, qui cft autant a dire comme tu es bón, par vne maniéré de flatterie: EonaJJepia^môQ:rc moy ce que tu as,ainfi de-fireulès de quelques chofesnouuelles, commepetis mi-rouers, patenoftres de voirre:aufsi vous fuyuent à grand trouppes les petis enfans, amp;: demandent en leur langage, Hamabe ^zWtt,donnenous des heims,dont ils vlèntà prê-dre le poilTon. Et font bien appris à vous vfer de ce terme deuât dit,^^lt;zroKrm,tu es bon, fi vous leur baillez ce qu’ils demander: lino, d’vn vifige rébarbatif vous diront, ƒƒ/ƒ-fochiy va,tu ne vauxrien, Dangaiapaaiougai'il tefaulttuer, auec plufieurs autres menalTes amp;nbsp;iniures:de maniéré, que ils ne donnent qu’en donnant, amp;nbsp;encore vous rernarquét amp;nbsp;recongnoifl'entà iamais, pour le refus que leur aurez fait.
y ij
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Defcription ctvnewttUdie nommée PianSyd laquelle/ontfubicts cespeuples de l’Amerique^tant es ifles que terre ferme.
CHAP. 4’.
r'täns, metlctdie des Sctu-
udges^et ßn ori~
SäHHil-
^eSjpen-tlefurt luxurieux,et charnels
H Cachât biê qu’il n y a chofe depuis la terre iufquesau premier ciel,quelque compaf-lèment amp;nbsp;proportion qu’il y ayt,qui ne foitlubiette à mutation amp;nbsp;continuelle alteration. L’air donc qui nous enuironne, n’eftantair fimplemêt,ains compofé, n’e/l toufioursGmblablecn tout temps, ne en tout endroit, mais tantoft d’vne façon,tâtoft d’vneautredoint que toutes maladies (comme nous dient les médecins ) viennent ou de l’air, ou de la maniéré deviure:ic mefuisaduifcde efcrire vne maladie fort familière amp;nbsp;populaire en ces terres del’Amérique amp;nbsp;del’Occidétjdecouuertes denoftre temps.Or cede maladie appellee Pians^par les gés du pai's, ne prouient du vice de l’air, car il eft là fort bon amp;nbsp;tempe -ré:ce que monftrent par experience les fruits que produit la terre auec le benefice de l’air ( fans lequel rien ne fe fait, foit de nature ou artifice) außi que la maladie proucnant du vice de l’air olfenlè autàt le ieune que le vieux, le riche comme le pauure, moyennant toutesfois la dilpofition interne. Refte donc quelle prouienne de quelquemale-uerlàtion,commc de trop frequenter charnellemctl’ho-meauec la femme, attendu que ce peuple eft fort luxurieux, charnel , amp;nbsp;plus que brutal, les femmes fpcciale-ment, car elles cherchent amp;nbsp;prattiquent tous moyens à emouuoir les hommes au déduit .Qm me faitpenlèramp; dire eftre plus que vraylèmblable telle maladie n eftre au tre
-ocr page 189-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 87 trechofèque cede belle verolle auiourdhuy tant commune en noftre Europe, laquelle faufèment on attribue auxFrançoiSjCommefi les autres n’y eftoient aucuncmêt fubiets-.de maniéré que maintenant les cHrangers l’appellent mal Fraçois.Chacun Içait cobienveritablemêt elle lu xurie en la France, mais no moins autrepart: amp;nbsp;l’ont prife premièrement à vn voyage à Naples,ou l’auoyent portée de^A yc-quelques Efpagnols de ces iß es occidentales: car parauat quellesfulTent decouuertes ôcfubicttesàl’Elpagnoln’é fut one mention, non fèulemêt par deçà, mais außineen la Grece,ne autre partie de l’Afie, amp;nbsp;Afrique. Et me fou-nient auoirouy reciter ce propos quelquefois a defunct mófieur Sy luius, médecin des plus doétes de noftre téps. Pourtant feroit à mon iugement mieux feant amp;nbsp;plus rai-fbnnable l’appeler mal Efpagnol, ayant de là fon origine pour l’egard du païs de deçà, qu’autrement: car en François eft appellee veröle,pource que le plus fouuent,ftlon le temps amp;nbsp;les coplexions elle-femanifefteaudehorsàla pour-peau par puftules,que Ion appelle veroles. Retournons quoy a'iß au mal de noz Saunages,amp; aux remedes dót ils vfent. Or ce mal prend les perfonnes tantSauuages,comme Cbre-ftiens par delà de contagion ou attouchement, ne plus ne moins quelaverolepardeçazauftiâilmeftTies fympto mes, ôciufques là fi dangereux, que fil eft enuieilli,il eft malaifédele guérir,mefmc quelquefois les afflige iufi ques à lamort.QiuntauxChrefticns habitans en l’Ame-que, fils le frottent aux femmes, ils n’euaderont iamais qu’ils ne tombent en cell inconuenient, beaucoup plus toftque ceux dupais. Pour la curation,enlèmblepour quelque alteration, qui bien Ibuuét accompagne ce mal, y iij
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ils font certaine decoólion del’efcorce d’vn arbre nom-Tiiuou' iné en leur languede laquelle ils boiuent auec aufsibooumeilleur{ùccés,quedenoftregaiac.-außifont plusaifez àguerir que les autres,àmon aduispourleur temperature amp;nbsp;complexion,quin’eft corrompue de crapules,comme les noftres par deçà. Voila ce qui m’a fem-blé dire à propos en cefi: endroit;amp; qui voudra faire quel que diftîculté de croire à mes parolles,qu’il demande l’opinion des plus {çauâs médecins fur l’origine amp;caufedc cefte maladie,amp; quelles parties internes font plus toll of-fenféeSjOuelle fe nourrit : cari’en vois auiourdhuy plu-fieurscontradiôlionsalTezfriuolcSjfnonentreles doctes)
amp; fen treuue bien peu, ce me fomble, qui touchent au point, principalement de ceux qui entreprennent de la guérir : entre lefquels fe trouuent quelques femmes, quelques homes autant ignorans,quiefl: caufedegrâds inconueniens aux panures patiens, car au lieu de les guérir,ils les précipitent au gouffre ôeabyfmede toute afflf j^ion. Il y a quelques autres maladies, comme ophthal-^ve'^de^ ^'’^æsfdefqu elles nous auons défia parlé ) qui viennét d’v-^phthal- abondance de fumée, comme ils font le feu en plu-mies, fieurs parts amp;nbsp;endroits de leurs cafés amp;nbsp;logettes, qui font d’ouellÿ grandes,pource qu’ilsfaflémblentvn grâdnombrepour procedet. hebergement. lefçay bien que toute ophthalmiene vient pas de cefle fumée,mais quoy qu’il en foit,elle vient toufioursdu vice du cerueau,par quelque moyenqu’il 2Vo tout aitefléoffenfé.Aufsin’efltoute maladie d’ïeux ophthaU mie, comme mefme Ion peut voir entre les habitans de l’Amerique, dont nous parlons: car plufieurs ont perdu la veucfàns auoir inflammation quelconque auxïeux.
mal des
Ophthalmie.
DE LA FRANCE ANTA RCT IQVE. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;88
quinepcLit cûrcà mon iugement,quc certaine humeur dedans le nerf optique, empefchat que l’efpritdela veuc ncparuicnneàroeil. Etceûe plenitude amp;nbsp;abondance de matière au cerucau,felon que i’en puis congnoiftre, pro-uient de l’air,amp; ventauftral,chaud amp;nbsp;humide, fort fami- venfau lier par delà,lequel remplit ayfément le cerueau:comme Jiralmal dittresbien Hippocrates. Außi expérimentons en nous Aquot;-mefiiies par deçà les corps humains deuenir plus pefins, la telle principalement, quand le venteftau Midy. Pour guérir ce mal des ïeux, ils couppentvne branche de cer- curati» tain arbre fort mollet, corne vneefpece de palmier, qu’ils emportent à leur maifon nbsp;nbsp;en diftillcnt le fuc tout rou-
geatre dedans l’oeil du patiét. le diray encores que ce peu-pie n’efl: iamais fubiet à lepre, paralyhc, vlceres, amp;nbsp;autres vices exterieurs amp;nbsp;ßiperficiels, comme nous autres par deçà : mais prelque toufiours làins amp;nbsp;dilpos cheminent d’vne audace,la telle leuée comme vn cerf Voila en paß làntde celle maladie la plus dangereulè de nollre France Antarôlique.
Des maUdiesplus frequentes en lAmerique^e^ la methode quds obferuent àfiguerir. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. 46'.
■) L n’y a ccluy de tant rude efprit,qui n’en-tende bien ces Amériques ellre compo-i fez des quatre elemens, corne font tous gt;nbsp;corps naturelsjamp;parainhfubietsà meß mes alfeôlions, que nous autres, iniques ’’ à ladifl'olution des elemés. Vray ell que Jes maladies peuucnt aucunement ellre diuerfos, félon la' temperature de l’air, de la region, amp;: delà manière de vi-y üij
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ure.Ceux qui habitent en ce païs pres de la mer,font fort lubiets à maladies putredineufès, heures, caterres, amp;nbsp;au-ToUe opl- En quoy font ces panures gens tant perfùadez, amp;nbsp;abufez de leurs prophètes, dont nous auons parlé, lesquels font appeliez pour les guérir, quand ils font malades :amp; ont celle folle opinion, qu’ils les peuuent guérir. On ne Içauroit mieux coparer tels galans, qu’à plulîeurs battcleurs,empiriques,impofleurs,que nous auonspar
«/O» des Siituii-
'd l’en droit de leurs pro pJietcs et de leurs iftdlddict
DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 85gt;
le corps.Außi quand vn malade ralle,ayant quelque humeur en l’eftomac amp;poulmons,laquelle par débilité, ou autrement il ne peut ietter, il eftime que c’eft Ion ame qui le plaint. Or ces beaux prophetes,pour les guérir, les fù-ceront auec la bouche en la partie ou ils ftntiront mal, f)en(àns que par ce moyen ils tirent amp;nbsp;emportent la ma-adie dehors .Ils le fticent pareillement l’vn l’autre, mais cen’eft auecques telle foy amp;nbsp;opinio.Les femmes en vient autrement, tiles mettront vnfil de coton long de deux pieds en la bouche du patient, lequel apres elles fucent, aes, eftimäsaußi auec ce fil emporter la maladie. Si l’vn bleß fel’autre par mal ou autrement, il eft tenu deluyfucerlà play c, iniques à ce qu’il Ibit guéri: amp;nbsp;ce pendant ils fab-
Methode de^ue rir les maladies obfiruées entre les
Sauua-
( ftiennent de certaines viandes, 1 elquclIes ils eftimet eftre contraires. Ils ont certe methode de faire incifions entre
font auec vne efpece d nerbe fort trencliate, on biéaiiec dents de quelques beftes. Leur manière de viure eftans malades eft, qu’ils ne donnerontiamais à manger au patient,fi premièrement il n’en demâde,amp; le laiflerontplus toft languir vn moys. Les maladies,comme i’ay veu, n’y font tant frequentes que par deçà, encores qu’ils demeu-lent nuds iour amp;nbsp;nuit: außi ne fontils aucun excès à boi-
Manie' rede yi-ure des
te ou à manger. Premièrement ils ne goutteront de fruit corrompu,qu’ilne Ibit iuftement meut: la viande bien cuitte. Au lurplus fort curieux de cognoiftre les arbres amp;nbsp;fruits, amp;nbsp;leurs propriétés pour en vieren leurs maladies. Le fruit duquel plus comunemétils vient en leurs maladies, eft.nommé gros comme vnc moyenne ci-trouille, fait toutautour corne vne pomme de pin, ainfi
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que pourrez voir par la prefente figure. Ce fruit deuient iaune en maturité,lequel eft merueilJeufement excellent, tant pour fa douceur que fàueur, autant amoureufè que fin fucre,amp; plus. Il n’eft pofsible d’en aporterpar deçà, fi-non en confiture, car eftant meur il ne Ce peut longuemêt garder. D’auantage il ne porte aucune graine :parquoy il le plante par certains petis reiets, comme vous diriez les greffes de ce païs à enter. Außi auaut qu’eftre mcur il efl 11 rude à manger,qu’il vous elcorchela bouclie.LafueiI-le de celtarbrilfeau, quand il croift, efl lemblable à celle d’vn large ionc. le ne veux oblier comme par lingularité entre les maladies vue indilpofition merueilleufc,q leur caillent certains petis vers,qui leur entrer es pieds, appeliez en leur langueTow, lefquels ne font gueres plus gros Tomjif-que cirons : amp;:croirois qu’ils f engendrent amp;nbsp;concréent pece de dedans ces mefmes parties, car il y en a aucunesfois telle multitude en vn endroit, qu’il fe fait vnegrolTe tumeur comme vne febue, auec douleur amp;nbsp;demangeailbn en la partie. Ce que nous efl pareillement aduenu eflans par delà, tellement que noz pieds elloyent couuerts de petites boirettes,aulqucllcs quand font creuées Ion trouue feulement vn ver tout blanc auec quelque boûë - Et pour obuier à cela,les gens du païs font certaine builc d’vn fruit nome HiboucouhuS^n^\it vne date,lequel n’eft bon à manger: laquelle huil 1 e ils referuent en petits vailleaux couhu, de fruits,nommés en leur langue Cdrdmemo^amp;i. en frottent ßttic amp;nbsp;les parties offenfées:chofe propre, ainli qu’ils afferment, V*-contre ces vers. Außi fen oignent quelquefois tout le corps,quand ils fe trouuent laflez. Celle huile en outre eft propre aux playes amp;nbsp;vlceres, ainfi qu’ils ont cogneu par
z ij
-ocr page 196-IE s S INGVEARI TE Z experience. Voylades maladies amp;nbsp;remedes dontvfent les Amériques. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,
La mAniere de trafftejuer entre ce peuple. D'rn oypdu nomméToucany^ de HeJ^icerie du pais.
en h V. 47.
Ombié qu’enl’Ameriquey ait diuerfité de peuples, Sauuages néanmoins, mais de diuerics ligues amp;nbsp;factions, couftu-miers de faire guerre les vus contre les autres : toutefois ils ne laiflènt detrafli-quer5tant entre eux qu’auec les eftran-
Trdffi-quedes Sauud-ges.
gers, (fpecialement ceux qui font pres de la mer) de telles choies que porte le pars. La plus grande traffique eft de plumes d’auftruches, garnitures d’elpe'es faites de pennaches,amp; autres plumages fort exquis. Ce que Ion apporte de cent ou nx vingts lieues, plus ou moins, auat dedans le païs: grand quantité fomblabement de colliers blancs amp;nbsp;noirs: außide ces pierres vertes,lefquelles ils portent aux leures,comme nous auons dit cy delTus. Les autres qui habitent fus la cofte de la mer, ou tralfiquent les Chreftiens, reçpiuent quelques haches, couteaux,da-gues,elpées,amp; autres ferremés, patenoftres de verre, peignes, mirouërs,amp; autres menues befongnes de petite valeur: dont ils traftiquent auec leurs voilins, n’ayans autre moyen, linon donner vne marchandifo pour l’autre: amp;nbsp;en vfent ainlî. Donne moy cela,ie te donneray cecy, fans tenir long propos. Sur la cofte de la marine, la plus fre-quéte marchandifo eft le plumage d’vn oyfoau, qu ils ap-
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pellent enleur langue Toucan^lequel deferirons fommai- DeÇcrr-rementjpuis qu’il vient à propos. Ceft oyfeau eft de la ptiondu grandeur d’vn pigeon.Il y en â vne autre clpece de la for-med’vne pic,de mefîne plumage que l’autre: c’eft à fça-uoir noirs tous deux,liors-mis autour de la queuë,ou il y â quelques plumes rouges, entrelacées parmy les noireSy foubs la poitrine plume iaune, enuiro quatre doigts, tant en longueur que largeur: amp;nbsp;n’eftpoßibletrouuer iaune
1 plus excellét que celuy de ccfl oi{èau:au bout de la queue
' il à petites plumes rouges corne fang. Les Saunages en prénent la peau,à l’endroit quieft iaune,öcl’accommodet v* ‘'r««-. a faire garnimres d’efpées à leur mode,.amp;: quelques robes, chapeaux, amp;nbsp;autres choies, lay apporte vn chapeau fait eßrange deceplumage,fort beau amp;nbsp;richejequel a eftéprefentc au cüpoféde
-ocr page 198-Sin^uld-rùt^^^dp-portées pdrl'^u teur de \^me-rique en Trcince, Permu-tâtio dei choses et-tidt l’yfi O'S demo-O noyé, Mos Py renées pontquot;
LES SINGVLARITEZ
uiere de Plate iniques à la riuiere des Amazones, llz fen trouue quelques vns au Peru, mais ne lont de fi grande corpulêce que les autres. A la nouuelle Elpaigne,Floridc, Melsique,Terre neuue, ilne fen trouue point,à caule que le païs ell trop froid,cc qu’ils craignent merueillculemét. Aurelie cell oyfeau ne vit d’autre choieparmy les bois ou il fait là refidcnccjfinon de certains fruiôlzprouenans du païs. Aucuns pourroient penlcr qu’il full aquatique, ce qui n’ell vray l'emblable, comme i’ay veu par experience. Au relie cell oyfeau ell mcrueilleulèment diHor meamp; monftrueux, ayant le bec plus gros amp;nbsp;plus long quail que le relie du corps. l’cn ay aulsi apporte vn qui me fut donné par delà, auec les peaux de plufieurs de db uerfescouleurs,les vnes rouges comme line elcarlatte, les autres iaunes, azurées, amp;nbsp;les autres d’autres couleurs.
Ce plumage doc efl fort eftimé entre noz AmeriqueSjdii quel ilstraftiquent ainfi que nous auons dit. Il effc certain qu’auantl’vlàgede monoye on traffiquoitainii vnecho-fc pour l’autre, amp;nbsp;conliftoit la richefle des hommes, voire des Roys, en belles, comme chameaux, moutons amp;nbsp;autres. Et qu’il foitainfi, vous en auez exeplcs infinis,tant en Berofe qu’en Diodoredelquels nous recitét la maniéré quelesanciês tenoietde trafriquer les vnsauec les autres, laquelle ie trouue peu differétc à celle de noz Amériques amp;nbsp;autres peuples barbares. Les choies donc anciennemêt fe bailloient les vnes pour les autres, comme vne brebis
oppelle:^. pQLij- blc, de la laine pour du fel. La traflique, h bien conlîdcrons,ell merueilleufemet vtilc outre qu’el-le ell le moyen d’entretenir la focieté ciuile. AuCsi ellelle fort célébrée par toute nation. Pline en Ibn lèptieme en attribue
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attribue rinuentionamp; premier vfàge aux Phéniciens. La traffique des Chreftiens auecques les Amériques,font monnesjbois de brefîl,perroquets, coton,en change d’autres chofes,comme nous auons dit. Il fapporte aulsi deschre de là certaine efpice qui cft la graine d’vne herbe, ou ar-ßiens a~ brifleaude la hauteur de trois ou quatre pieds. Le fruit reflemble àvnefrczedecepaïs,tant en couleur que au-trement.Quand il eft meur, ilfc trouue dedans vne petite femence comme fenoil. Noz marchans Chreftiens fe d’ej^ice. chargent de cefte maniéré d’efpice, non toutefois h bonne que la imniguette quicroiftenla cofte de l’Ethiopie, amp;nbsp;en la Guinée: außi n’efl elle à comparer à celle de Cali-cut,ou de Taprobane. Et noterez en paifant, que quand lo dit l’elpicerie deCalicut,il ne faut eftimer quelle croilfe Epicerie làtotalement,mais bien à cinquante lieues loing,en ie ne decab-fçay quelles ifles,amp;:fpecialemct en vne appellee Corchel. Toutefois Calicut eft: le lieu principal ou fe mene toute la traftlque en l’Inde de Leuant: amp;nbsp;pource eft: dite elpice-rie de Calicut. Elle eft donc meilleure que celle de noftre Amérique. Le Roy de Portugal, comme chacupeut entendre, reçoit grand emolument delatraffique qu’il fait de ces elpiceries, mais non tant que le temps paffccqui eft: depuis que les Efpagnols ont decouuert Lifte de Zebut, ißede. richeamp;de grande eftendue, laquellevoustrouuczapres auoir pafte le deftroit de Magellan. Cefte ifte porte mine d’or,gingembre, abodance de porceleineblanche. Apres ontdecouuert Aborney, cinqdegrezde l’equinoctial, amp;nbsp;Moluß,, plufieurs ifles des Noirs,iufques à ce qu’ils font paruenuz lt;amp;nbsp;de l’e aux Moluques, qui font Atidore,Tcrrenate,Mate,amp; Ma^'^'^ chian petites iÛes afles pres i’vne de l’autre : comme vous
Z iiij
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pourriez dire les Canaries, deiquelles auons parle. Ces ifles diflantes denoftre France de plus decent oólante degrez,amp;; (j tuées droit au Ponent,prod uifènt force bonnes efpiceries, meilleures que celles de l’Amerique fans corn paraifon. V oila en paflant des M ol uques,apres auoir traité de la trafhque de noz Guuages Amériques.
Des oyfeauxplus communs de [Amérique.
CHAP. 48.
gt; Ntre plufieurs gères d’oy (eaux que natu re diuerfement produit, defcouurantfcs dons par particulières proprietez,dignes certes d’admiratiô,lcfquelles elle a baillé à chacun animal viuant, il ne fen treuue
vn qui excede en perfeéfion amp;nbsp;beauté, ceftuicy,qui Ce voit couftumierement en l’Amerique, Deferî- nommé des Saunages Carmde^ tat nature le plailoit à por-/)rzo» du traire ce bel oyfeau, le reueftant d’vu fiplailànt amp;C. beau pen^tSejqn’ileftimpoßiblen’admirertelfeoLiuriere. Cell exceüete nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;n excede point Ja grandeur d vn corbeau : amp;nbsp;Ion
beauté. plumage;
sdepuislevétreiufouesau golier,eftiaune corne hn or: Tes ælies amp;nbsp;laqueuë, laquelle il â fort longue,font de couleur de fin azur. A ceft oyfeau le trouuevn autre femblablcen groireur,mais difierent en couleur: car au lieu quel’autrcale plumage iaune,ceftuicy l’a rouge,corne fine elcarlatte,amp; le relie azuré.Ces oyfeanx font elpe-ces de perroquets, amp;nbsp;de mefme forme,tant en telle, bec,
qu en pieds. Les Saunages du pais les tiennent tort cners, à caufè que trois ou quatre foisl’annce ils leur tirent les plumes,
-ocr page 201-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 9^ plumes, pou r en faire chapeaux, garnir boucliers, efpécs de bois,tapifleries,amp;autres choies exquiiès, qu’ils Font couftumiere.ment. Leidits oyièaux font fi priuez, que tout leiour fe tiennent dans les arbres,tout autourdeslo-gettes des Saunages. Et quand ce vient fiir le ioir, ces oy-feauxfe retirent les vns dansles loges, les autres dans les bois: toutefois ne failiétiamais à retourner le lendemain, ne plus ne moins que font noz pigeos priuez,qui nidifiêt aux maiibns par deçà. Ils ont pîuiieurs autres efpeces de perroquets tous difterés de plumage les vns des autres. Il y en â vn plus verd q nul autre, q ic trouue par delà,qu’ils ^iou-noment Awwoub: autres ayansiùr la teile petites plumes nbsp;nbsp;nbsp;°y-
azurées, les autres vertes, que noment les Sauuages, lAar ■ gd.na6. Il liefen trouue point de gris, comme en la Gui-née,amp; en la haulte Afrique.Les Amériques tiennent toutes ces eipeces d’oyièauxen leurs loges,iàns eftre aucunement enfermez, comme nous faiibns par deçà : i’entens apres les auoir appriuoiiez de ieuneife à la maniéré des Anciens,comme dit Pline au liure dixième de ion hiiloi- nbsp;nbsp;'
re naturelle, parlant des oyièaux: ou il afferme que Stra-bon a eile le premier qui à monilré à mettre les oyieaux . en cage-, lefquels parauant auoient toute liberté d’aller amp;
Venir. Les rem mes ipecialement en nourrilient quelques oyfeAux vns, femblablcs de ilature amp;nbsp;couleur aux lorions de par en edge, deçà,lefquels elles tiennent fort chers,iufqucs à les appel-lcr en leur langue,leurs amis. Dauantage noz Amériques apprennent à ces oyièaux à parler en leur langue, comme à demader de la farine,qu’ils font de racines: ou bien leur apprennent le plus fouuent à dire amp;nbsp;proférer qu’il faut aller en guerre contre leurs ennemis, pour les pren-
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rotjuets
dre,puisles manger,amp; plufieurs autres chofes. Pour rien ne leur donneroient des fruits à manger, tant aux grands qu’aux petis:car telle chofe(difent ils)leur engendrent vn '^bodtin ver,qui leur perce le cœur. Il y à multitude d’autres perce roquets fauuages,qui fe tiennent aux bois,defquelsils tuent grande quantité, à coups de fléchés, pour manger. Et font ces perroquets leur nids au fommet des arbres, de
Depuù quel teps Auons eu conmoif pince des ferro-f]uets.
wenjwe. toute ronde,pour crainte des belles picquantes. Il à efté vn temps que ces oyfeaux n’eftoient congneuz aux anciens Romains, amp;nbsp;autres pais de l’Europe, fmon de-puisfcome aucuns ont voulu dire) qu’Alexandrele Grad enuoya fon lieutenant Oneficrite en l’ifle Taprobane, lequel en apporta quelque nombre; amp;nbsp;depuis fè multiplièrent fi bien,tant au pais de Leuant qu’en Italie,amp; prin cipalement à Rome, corne ditCoIumelle au liure troif-iefine des dits des Anciés, que Marcus Portius Cato (duquel la vieamp;doôlrine fut exemple à tout lepeuple Ro-main)ainfî commefefentantfcandalizé,difl: vn iourau
Exda.-
Senat: Opérés côfcripts,ô Rome malheureufe,iene fçay wrfno de plus en quel temps nous fommestombez,depuis que i’ay veuen Rometelles monflrofitez.c’eftàfçauoirleshom-Cdto con nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;4 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.
rrc les de porter perroquets fus leurs mains, amp;nbsp;veoir les fem-lices de nies nourrir,amp; auoir en delices les chiens. Retournons à
fin teps. nozoyféaLix,qui fètrouuent par delà, d’autre efpeccamp; fort eftrangesfcomme eft celuy qu’ils appellent Toucan, duquel nous auons parlé cy deuant) tous différés à ceux de noftre hemifpheretcome pouuez plus clerement voir par ceux,qui nous font reprefèntez en ce liure, amp;: de plu-fleurs autres, dont i’ay apporté quelques corps garniz de plumes, les vues iaunes,rouges, vertes,pourprées,azu-
rees,
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rées, amp;nbsp;de plufieurs autres couleurs: qui ont efte prefén-tez au Roy, comme chofés ftngulieres, amp;nbsp;qui n’auoient onequesefté veuës par deçà. Ilrefte àdefcrire quelques autres oiféaux afléz rares amp;nbsp;eftrâges:entre lefquels fe trou ue vne efpece de mcfme grandeur amp;nbsp;couleur que petis corbeaux,finon qu’ils ont le deuant de la poitrine rouge, comme fang, amp;nbsp;fe nomme Pdnon^ fon bec eft cédré, amp;nbsp;ne
oyfèa» eßrange. lerahtt'
vit d’autrechofè, fino d’vnfruitd’vneefpece depalmier, nommé lerdhuua. Il l’entrouue d’autres grans comme noz merles, tous rouges comme fang de dragon, qu’ils nomment en leur langue Ouiapidn. Il v à vne autre elpecc de la grofleur d'vn petit moineau,lequel eft tout noir, vi-uant a vne façon fort eftrage.Quand il eft foui de formis, amp;nbsp;autre petite vermine qu’il mange, il ira en quelque ar-briireau,dans lequel il ne fera que voltiger de haut en bas, de branche en branche,làns auoir repos quelconque. Les Saunages le nomment Annon. Entre tous les oy féaux qui .gt;4nnon, font par delà, il fen trouue encore vn autre, que lesSau-uages ne tueroient ou offenféroient pour chofé quelcon que.Ceftoyféauàlavoixfort efclatantcamp;piteufc,côme celle denoftre Chathuant: amp;nbsp;dient ces pauures gens que fon chant leur fait recorder leurs amis morts,eftimâs que
ua e/pece de fab mier.
Quidpta, oyfêau.
ce font eux qui leur enuoyent, leur portant bonne for-tune,amp; mauuaife à leurs ennemis. Il n’eft pas plus grand qu’vn pigeon raniier,ayant couleur cendrée,amp; viuant du fruit d’vn arbre quifappelle HiuowdheXç. ne veux oublier Vnautre oyfeau nommé Goudmbuch qui n’eft pas plus gros qu’vn petit cerf volant, ou vne grofte moufehe : le- buch,oy~ quel neantmoins qu’il foit petit, eft fibeau aie voir, qu’il feau fore eftimpoßible de plus. Son bec eft longuet amp;nbsp;fort menu,
Hiuottra he,arbre. Coitam-
LES SINGVLARITEZ
amp; fàcoLileur grifàtre.Et combienquece foitle plus petit oyfeau, qui foit (corne ie pcfe) foubs le ciel,neantmoins il chante merueilleufcment bien,amp; eftfortplaifantà ouyr. le laifTe les oyféaux d’eau douce amp;nbsp;fàlée, qui fonttous dif ferens à ceux de par deçà,tant en corpulence qu’en variété de plumages. le ne doute,Leôleur,que noz modernes autheursdesliuresd’oyfeaux, netrouuent fort effrange laprefentc defcription que i’en fais, amp;nbsp;les pourtraits que iefayreprefcntez. Mais fans honte leur pourras reputer celaàlavraye ignorance qu’ils ont des lieux, lefquels ils n’ont iamais vifité, amp;nbsp;à la petite congnoiflance qu’ils ont pareillement deschofes eftrangeres. Voila donc le plus fbmmairement qu’il m’a elfe poßible,des oyfeaux deno ftre Frace Antarôlique, ce que pour le temps que nous y auonsfèiournc,auons peu obferuer.
Des ycndifons fauudgmcs^que prennent ces Sauudffes. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. 45*.
L mefèmblen’effrehors de propos, fîie recite les belles qui le trouuent es bois amp;nbsp;montagnes de l’Almerique, amp;nbsp;comme les habitans du païs les prenent pour leur nourriture. Il me fouuient auoir dit en quelque endroit, comme ils nenourril-
Aiode fent aucuns animaux domeffiques, mais fc nourrilf par des^me les bois grande quantité de fiuuages, comme cerfs, bi-fXZ be cl'‘cs,làngliers,amp; autres. Qtiand ces belles fe détraquent ßes ßia- ‘T 1 efeart pour chercher leur vie, ils vous feront vne foffe profonde conuerte de fueillages, au lieu auquel labeffe
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hantera le plus fouuent,, mais de telle rufe amp;nbsp;finefle, qu a grand peine pourra efchapper : la prendrôt toute viue, ou la feront mourir là dedans, quelque-fois à coups de flefches. Le Sanglier efttrop plus difficile. Iceluy neref-femble du tout le no lire, mais eil plus furieux amp;nbsp;dange-rcux:amp;à la dent plus longue amp;nbsp;apparente.il ert totalemêt noir amp;nbsp;fins queuê’:d’auantage il porte fur le dos vn euent femblable de grandeur à ceîuy du marfouïn, auec lequel il reipire en l’eau-CeporcfaLiuageiette vn cry fort efpou-iientablejaufsi entêd Ion fes dents claqueter amp;nbsp;faire bruit, foit en mangeant ou autrement. LesSauuages nous en amenèrent vne fois vn lié, lequel toutesfois eichappa en noilreprefence. Lecerfamp; la biche n’ontlepoil tantvni cerfde délié corne par deçà, mais fort bourreux amp;nbsp;treifonne, l'^meri
Sandier de î'^-ni crique.
aifez long toutesfois. Les cerfs portent cornes petites au regard des noflres. Les Saunages en font grande eftime, pource qu’apresauoir percélaleureàleurs petisenfans, ils mettront fouuent dedans le pertuis quelque piece de cede corne de cerf,pour raugmentcr,eftimans quelle ne porte venin aucummais au contraire cllerepugneamp;em-pefehe qu’à l’endroit ne fengendre quelque mal.Plincaf-ferme la corne de cerfcilrercmcdeamp; antidote cotre tous té de i,t Venins. Außiles médecins la mettét entre les medicamés nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;dc^
cordiaux, comme roborantamp; confortant l’eflomacde certainc propriété,comme l’iuoire amp;nbsp;autres. La fumée de Celle corne bruflécàpuiflànce de chaflcrles ferpens.Au -Clins veulent dire que le cerf fait tous les ans corne nou-Uelle: amp;nbsp;lors qu’il effc deflitué de fès cornes,fc cache, mef-lîics quad les cornes luyveulenttombcr. Les anciens ont dliméàmauuais prefige la rencontre d’vn cerf amp;d’vn: A iij
-ocr page 206-LES SINGVLARITEZ lieureimais nous fommes tout au contraire,außi eftcefte opinion folle, fuperftitieufè, amp;nbsp;répugnante à noftre religion. Les Turcs amp;nbsp;Arabes font encores auiourd’huy en Refuerie ceft erreur. A ce propos noz Saunages fè font perfuadez des Sau- yneautrerefuerie, amp;nbsp;fera bien fubtilqui leur pourra dif-fuader : laquelle eft, qu’ayans pris vn cerf ou biche, ils ne les oferoient porter en leurs cabanes, qu’ils ne leur ayent couppé cuiffes amp;nbsp;iambesdederriere,eftirnans que fils les fiortoientauec leurs quatre membres,cela leurofteroit c moyen à eux ôc à leurs enfans de pouuoir prédre leurs ennemis à la courfe: outre pluheurs refueries, dont leur cerueau eft perfumé.Et n’ont autre raifon,finon que leur grand Charaïbe leur a faitainli entendre : aufi que leurs Pages amp;nbsp;médecins le defendent.lls vous feront cuire leur venaifon par pieces,mais auecla peau: amp;nbsp;apres qu’elle eft cuitte fera diftribuée à chacun menage, qui habitent en vnelogerons enfemblc, comme eftoliers aux colleges. Ils ne mangeront iamais chair de befte rauiftante, ou qui (enourriftede choftsimpures,tant priuée(oitelle:aufsi _ r . ne fefforcerontd’appriuoifertelle befte, corne vnequ’ils Tiefcri- V 1 Z’ w ƒ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;î 1
ption du appelentt(?4ry,grade comme vn regnard de ce pais,ayant Coaty^a- le mufeau d’vn pied de long, noir comme vne taupe, amp;nbsp;ni-nal e- menu comme celuy d’vn rat: le refte enfumé, le poil ru-de,la queue grefte comme celle d’vn chat fiuuage, moucheté de blanc amp;nbsp;noir,ayant les oreilles corne vn regnard. Ceftebefteeftrauiftante,amp;vit de proye autour des miß Efpecede ftaux. En oultre fè trouue là vne efpece de phaifàns, faifan. gros comme chappons,mais de plumage noir, hors-mis la tefte,qui eft grifatre,ayant vne petite crefte rouge, pendante comme celle d’vne petite poulie d’Inde,amp; les pieds rouges.
O
-ocr page 207-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. ^6 rouges. Aufsi y a des perdris nommées en leur langue ’Macouacdnna^ qui font plus großes que les noftres. Il Ce Macoua trouLie d’auantage en l’Amerique grande quantité de ces cdnnlt;i,e^ ^beftes,qu’ils nommer nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;defiréesamp;recommanda- l^ece de
bles pour leur deformité, Außi les Saunages les pourfuy uentala chaflemon feulement pour la chair qui en efl
, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;r- y nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;t ? nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;dnmal..
tresbonne, mais aulsi pour les peaux, dont ces Saunages font boucliers,defqnels ils vfent en guerre. Et eft la peau de celle belle fi forte, qu’à grande difficulté vn trait d’ar-balelle la pourra percer. Ils les prennent ainfi que le cerf amp;nbsp;le lànglier,dont nous auons parlé n’agueres. Ces belles font de la gradeur d’vn grand afiie, mais le col plus gros, Sgt;c la telle comme celle d’vn taureau d’vn andes d ents tren rapihire
1 chàtes amp;: agues:toutesfois elle n’ell dàgereulè. Quand on la pourchaire,elle ne fait antre refilléce que la fuite, cherchant lieu propre à le cacher, courant plus légèrement que le cerf. Elle n’â point de queue, finon bien peu ,de la longueur de trois ou quatre doigts,laquelle ellfans poil, corne celle de l’Agoutin. Et de telles belles fins queue fe troune grande multitude par delà. Elle à le pié forchu, a-uec vne corne fort longue, autant prelque deuant comme derriere.Son poil ellrougeatre,comme celuy d’auen nés mules,ou vaches de par deçà: amp;nbsp;voila pourquoy les Chrelliensqui font par delà, nomment telles belles vaches,non dillerentes d’autre chofe à vne vache, hors-mis S|n’ellene porte point decornes:amp;àla verité,ellemelèm hic participer autat de l’aine que de la vache: car il fetrou Uepeu debelles d’elpecesdinerfes,qui ferelTemblcnten-fierement fans quelque grande difference. Comme auf-fidespoilTons, que nous auons veu fur la mer à la colle
A iiij
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de rAmérique, fè prefènta vn entre les autres ayant la te-fte comme d’vn veau, amp;nbsp;le corps fort bizerre. Et en cela poLiuez voir l’in duflrie de Nature, quia diuerfific les animaux félon ladiuerfitédeleurs efpeces, tat en l’eau qu’en la terre.
D’vn âïbre nommé Hyuonrahe.
CHAP. 50.
E ne voudrois aucunement laifTer en ar-^riere,pourfon excellence amp;nbsp;fingularité, arbre,nome des fàuuagesZ/ywô^/r^A^ qui vaut autat à dire,comme chofè rare.
Cefl arbre eft de haute flature, ayant l’c-fcorceargétine,amp;: au dedans demyerou ge.11 a quafi le gouft de fèl, ou corne bois de rigliflé, ainfi que i’ay plufieurs fois expérimenté. L’efcorcede ceft arbre âvne merueilleufè propriété entre toutes les autres, außieften telle repu ration vers les Saunages, comme le bois de Gaiac par deçà: mefmes qu’aucuns eftiment eftre vray Gaiac,ce que toutefois ic n’approuue;car ce n’eft pas à dire, que tout ce qui a mefine propriété que le Gaiac, foit ncantmoins Gaiac. Nonobftant ils fen 1er uct au lieu
de l'ejcone de cejl ((r bre.
de Gaiac,i’cntendsdcs Chreftiés,car les Saunages ne font tant fubiets à celle maladie comune, de laquelle parlons plus amplement autre part. La maniéré d’en vfor eft telle: Lon prend quelque quantité de cefte efoorce, laquelle rend du laid, quand elle eE rêcentement feparéed’auec lebois:laqnellecouppée parpetismorceanx fontboullir en eau l’elpace de trois ou quatre heures, iniques a tant que
-ocr page 209-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. $7 que celle decoélion deuient colorée,comme vin clairet. Et de ce bruuageboiuét par l’elpacc de quinze ou vingt iours confccutiuementjfaiiàns quelque petite dicte:ce que fuccede fort bien ainfi que i’ay peu entendre. Et ladite efcorce n’eft fculemct propre à ladite affection, mais à toutes maladies froides amp;nbsp;pituiteufes, pour atténuer amp;nbsp;delcicber les bu meurs: de laquelle pareillemét vfent noz Amériques en leurs maladies. Et encore telle décoction cft fort plaifintc à boire en pleine fanté. Autre choie bn- Exceller guliereàceft arbre, portant vn fruit de la groffcurd’vnc prune moyenne de ce païs,iaune comme fin or de du-cat : au dedans le trouuc vn petit noyau, fort fuauc amp;nbsp;Hyuou-delicat,auec ce qu’il efi: merueilleulèment propre aux ma rahé, lades amp;nbsp;degourtez. Mais autre chofè lèra parauenture eftrange, amp;nbsp;prelque incroyable, à ceux qui ne l’auront veuë : cell qu’il ne porte Ion fruit que de quinze ans en quinze ans. Aucuns m’ontvoulu donner à entendre de vingt en vingt: toutesfois depuis i’ay feeu le contrarie, pour m’en cftre fil ffilàmment informé, mcfmcs des plus anciens du païs.Ie m’en fis monftrer vn, amp;nbsp;me dift celuy qui me le monftroit, que de fi vie n’en auoit peu manger fruit que trois ou quatre fois. Il me Ibuuient de ce bon fruit de l’arbre nommé Lothe, duquel le fruit cft fi friant, ainfi que recite Homere en fon Odyflee,lequel apres que Homtri les gens de Scipion eurent goufté, ils ne tenoient conte de retourner à leurs nauires, pour manger autres viandes amp;nbsp;fruits. Au fiirplusen ce païs le trouuent quelques arbres portas cafre,mais elle n’eft fi excellente que celle d’Egypte ou Arabie.
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D'vn Autre arbre nommé yhehehafoUyamp;* des ntouß-thés â miel (jui le fréquentent. ' '
ixjI',.. Ç'H A P. 51^'-:-;
. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'J ÎJ ' -H ■' éjif 1quot;’ nbsp;nbsp;■
Liant quelque iour en vn village, diftant du lieu ou eftoit noftre reiidence enuL ron dix lieues,accompagné de cinq Saunages, amp;nbsp;d’vn truchement Chreftien, ie me mis âcontempler devons collez les arbres,dont il y auoit diuerhté: entrclef-arrellay à celuy duquel nous voulons parler, . lequel à voir Ion itigeroit ertreouurage artificiel, amp;nbsp;non Tiefm- de Nature, Ceft arbre eft itierueilleulèmct haut,Ies bran-ptioifyn ches pafTants les vues paf'dedas les autres,les fueilles fèm mï'vhe nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, chargée chacune branche de
behafou ffiut, qui eft d’vn pié de longueur. Interrogantdon-ques l’vn de la compagnie quel elloit ce fruit,il me mon-ftre lors, amp;nbsp;ip’admonneflie de contempler vne infinité de n^ouchc^jàJentôurdcc^fruiti qui lorseftoit tout verd,' duquel fe nourrifTent ces moufches â miel ; dont fefloit
miel.
retiré vn grand nombre dedans vn permis de cell arbre, Deuxep OU elles 'Âifoien't miel amp;-cire'. Il y à-déux elpeces de ces peess dff nVoufèhcVïte'vnes'lö'nt'grofles'cömmeles nollres, qni ÿindÉf leùlemencqü^tiebdiiesfleurs odorantes,aufsi miel elfë^ vïi iniel tresbon,m4ii‘de cire non en tout lî faune qü'elânollre. Il fen rrouue vne autre elpece la moytié plürs petites que lés autres: leur mieîell encore meilleur qdéiléj.^rén1i0;^amp;:-Ie nomment les Saunages Hira. Elles ne viuent de Id paÛure des autres, qui caulè à mon aduis, qu’ellesffont vne cire noire comme charbon :amp; fen Elit grande quantité,IpecEilement pres la riuiere des Vafès,amp;: de Plate.
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ideyrat^ de Plate. Il fetrouue là vn animant, nommé Heyrat.^qui vaut autant à dire comme befte à rnieljpourcequ’elle recherche de toutes pars ces arbres, pour manger le miel que font ces moufches.Ceft animant eft tanne,grand corne vn chat,amp; à la methode de tirer le miel auec les grif-r/ge i/f fes,(àns toucher aux moufches,ne elles à luy. Ce miel eft miel te-eftimé par delà, pourcc que les Sauuages en preftn-nuengra fe^t à leurs malades.miftionnéauec farine recente qu’ils flerecow nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;z r • nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' i • i •
wu/rffzo nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;accoLutume faire de racines. Quant a la cire ils n en
Aietilpü ß.qy de Crete.
Pour' quoy ont faint les Pûè’tesles
mou-
de diuers vfènt autrement,finon qu’ils l’appliquent pourfairc tenir peuples, leurs plumettes amp;nbsp;pennages autour ae la tcfte.Ou bien de boucher quelques groftes cannes, dans Iclquellesils met tent leurs plumes,qui eft le meilleur threfor de ces Sauuages . Les anciens Arabes amp;nbsp;Egyptiens vicient amp;nbsp;appli-quoient aulsi du miel en leurs maladies,plus que d’autres médecines,ainli que recite Pline.Lcs Sauuages de la riuie-re de Marignan ne mangent ordinairement, finon miel auec quelques racines cuittes,lequel diftille amp;nbsp;dechet des arbres amp;nbsp;rochers corn me la manne du ciel,qui eft vn tref-bon aliment à ces barbares. A propos Laóface au premier liurc des Inftitutions diuines recite,Iî i’ay bone mémoire, que Meliftùs Roy de Crete, lequel premier lacrifia aux dieux, auoit deux filles, Amalthea amp;nbsp;Melifta,lelquelles nourrirent lupiter de laiót de cheurc, quand il eftoit en-fant,amp; de micLDont voyâs ceux de Crete celle tant bon-ches cßre ne nourriture de miel, comencerent en nourrir leurs en-Wfw 4 fans: ce qui à donné argument aux Poètes de dire,que les je mom-hesàmiel eftoient volées àla bouche de lupitcr.Ce /f»-. nbsp;nbsp;nbsp;9^^ cognoiftànt encore le làge Solon permift qu on traf-
Solon, nbsp;nbsp;portail tous fruiélshors de la ville d’Athenes,amp;pluheurs
autres
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autres viôtuailles,excepté le miel. Pareillement les Turcs ont le miel en telle eftime, qu’il neßpofsible deplus,efpe rans apres leur mort aller en quelques lieux de plaiiance remplis de tous alimcns, amp;nbsp;fpecialemêt de bon miel, qui font expeôhations fatales. Or pour œtournerànoftrear-brcjil eîi fort frequente par les mouches à miel, combien que le fruit ne (bit bon à manger, comme font plufieurs autres du païs, à caufè qu’il ne vict guercs à maturité^ ains eftmangé des moufehes, comme l’ay peu apperceuoir. Au refte il porte gomme rouge, propre à plulieurs cho- Gomme fes,comme ils la fçauent bien accommoder.
D'vne beße ajßez^ eflrange^ appellee Halit.
CHAP. 52.
Riftote amp;nbsp;quelques autres apres luy fè font efforcez auec toute diligéee de cher cher la nature des animaux, arbres, her-bes,amp; autres chofès naturelles: toutefois par ce qu’ils ont efeript n’eft vrayfèmbla-ble qu’ils foient paruenuz iufquesàno-ftre Frace Antarébique ou Amérique,pource qu’elle n’e-ftoitdecouuerteauparauat,nydeleurtemps.Toutefois inc» CG qu’ils nous en ont laifle par eferit, nous apporte beau- ^nueaux Coup de confolation amp;nbsp;foulagement. Si donc nous en deferiuons quelques vues, rares quant a nous amp;nbsp;incon-gnuésji’efpere qu’il ne fera pris en mauuaifê part, mais au contraire pourra apporter quelque contentement au Le-’î^eur, amateur des chofes rares amp;nbsp;fîngulieres, lefquelles. Nature n’a voulu eflre communes a chacun païs. Cefte
B iij
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Defcri-ftio £yn cinimdl nommé ïldutbi.
bcße pour abregc.r,eft autat difforme qu’il eff poßible,amp;: quafi incroyable à ceux qui nel’auroient veuë.Ils la nom ment â/4«^ou Haüthi^ de la grâdcur d’vn bien grâd guenon d’Afrique,fon ventre efl: fort aualé contre terre.Ellc â lateffe prefque fcmblable à celle d’vn enfant, la face femblabicment,comme pouuez voir par la prefènte figu re retirée du natureLEftât prife elle fait des foufpirs comme vn enfant afdigéde douleur. Sa peau eftcendrée Sc velue comme celle d’vn petit ours.Elle ne porte find trois ongles aux pieds longs de quatre doigts,faits en mode de greffes arclies de carpe, auec lefquelles elle grimpe aux arbres,ou elle demeure plus qu’en terrc.Sa queue cfl:longue de trois doigts,ayant bien peu depoil.Vneautrecho fe digne de mémoire, c’eff que celle belle n’a iamais elfe veiië
DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. ICO Vcuë manger d’homme viuant,encores que les Saunages enayent tenu longue efpace de temps, pour voir h elle mangeroit,ainfî queux mcfmes- m’ont recité. Pareillement ie nel’eufle encore creu,iniques à ce qu’vn Capitaine deNormandie nommé De refpiné,amp;le Capitaine Mogneuille natifde Picardie, fepormenâs quelqueiour i en des bois de haute fuftaye,tirerent vn coup d’arquebu-contre deux de ces beftes qui eftoient an fefte d’vn ar- ne Mo-bre.dont tombèrent toutes deux à terre,l’vne fort blelfée, zneuille. amp;nbsp;l’antre feulement eftourdic,de laquelle mefntfaitpre ' iènt.Et la gardât bien l’efpace de vingt fix iours, ou ie con gnu que iamais ne voulut manger ne boire : mais touf-iours à vn mefme eftat,laquelle à la fin fut eftrangléepar quelques chiens qu’auions mené auec nous par delà. Aucuns ertiment cefte befte viure feulement des fueillesde certain arbre,nomé en leur langue Amahut. Ceft arbre eft haut eleué fur tous autres de ce pais, fes fueiîles fort petites amp;nbsp;déliées, Et pource que couftumierement elle eft en ceft arbre ils l’ont appelleAnfurplus fortamoureu fe de l’homme quand elle efi appriuoifée, ne cherchant qu’à monter ftir fes efpaules, comme fi fon naturel eftoit d’appeter toufiourschofes hautes;, ce que malaifément peuuent endurer les Sauuages,pource qu’ils font nuds,amp;: que ceft animant à les ongUs' fort aguës, amp;nbsp;plus longues quele Lion,nebefte que i’aye vcu,tantfafôuche grdn-dc foit elle. A Ce propos i’ay veu par experience certains Chameleons, que Ion tenoiten cage dans Conftantino- chaKc pie, qui furent appcrceuzviu refoulement de l’air. Et par ainfiie congneueftre vcrifablc,CG que m’auoiGnt'dit'lèS' / ' Sauuages de ceftsebefte. En outre encore quelle demeü- .
’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;B iiij
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Indu-ßrie^ faits ad-■mirables d: N atu re.
raft attachée iour amp;: nuiét dehors au vent amp;a la pluye (car ce païs y eftaflez ftibi et) néant moins elle eftoit touf^ iours aufsifcche comme parauant.Voila les faits admira bles de Nature, corne elle fè plaift à faire chofès grandes,diuerfès,amp; le plus foLiuentincomprehenftbles amp;nbsp;admirables aux hommes . Parquoy cefèroitchofèimperti-nente d’en chercher la caufè amp;nbsp;raifon, comme plufieurs de iour en iour fefForcent : car cela eft vn vray fecret de Nature, dont la congnoiftànce eft referuée au feul Créateur, comme de plulieurs autres que Ion pourroit icy alléguer, dont ie me deporteray pour fbmmairement parvenir au refte.
Comme les Amériques font feu^ de leur opinion du delugedes ferremens dont ils yjent.
eu k v. 53.
Pres auoir traité d’aucunes plates fingu lieres, animaux incôgneuz,non feulement par deçà, mais aufti comme ie penfè en tout le refte de noftre monde habitable, pour n’auoir efté ce pais co-gneu ou decouuert,que depuis certain
temps en ça; i’ay bien voulu,pour mettre fin à noftre dif cours de rAmerique,defcrirela maniéré fort eftrange, dont vient ces Barbares à faire feu,comme par deçà auec la pierre amp;nbsp;le ferzlaquelle inuention àla vérité eft cele-^tetbo- fte,donnée diuinementà rhommc,pourfàneceftité. Or dedesfau Sauuages tiennent vne autre methode, prelquein-dafreßu nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;feLi,bien differente à la noftre,qui eft de
‘ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;frapper
-ocr page 217-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. IGI frapper le fer au caillou. Et faut entendre qu’ils vient couitumieremcnt de feu, pour leurs neceßitez,coniiTie nous faifons:amp; encore plusjpour refiler à ceil efprit malin,qui les tormcnte : qui efl: la caufe qu’ils ne ie coucheront iamais quelquepart qu’ils foient,qu’il n’y aytdufeu allumé,a l’entour delcur liól.Et pource tant en leurs mai-fons que ailleurs, foit au bois ou à la campagne, ou ils font contraints quelquefois demeurer longtcmps,com-me quand ils vont en guerre, ou chaiTer à la venaifon, ils portent ordinairement auec eux leurs inilrumens à faire feu. Docquesils vous prendront deux ballons inégaux, I l’vn, qui eil le plus petit de deux pieds, ou enuiron, fait ; de certain bois fort icc, portant moelle : l’autre quelque
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Thdtd. Thdtd-, tin.
Pfemie-reinuen-tion dit
Vulcdin inueteur du feu.
Opinion des Sdu-
Utf^estou chdntyn delu?-e.
uec les pieds qu’il mettra delTus,fichera le bout de l’autre ballon dedans le permis du premier jauec quelque peu de cotton, amp;nbsp;defueilles d’arbre feiches: puis à force de tourner ce ballon il fengendre telle chaleur, de l’agitation amp;nbsp;tourment,que les fueilles amp;nbsp;cotton fe prennent à brûler, amp;ainfî allument leur feudequel en leur langue ils appellent, Thata^ la fumée That Afin. Et celle maniéré - de fiüre feu,tant fubtile, difent tenir d’vn grand Charaïbe plus que Prophcte,quil’enlcigna â leurs peres anciens, amp;nbsp;autres cholès,dontparauant n’auoient eu cognoiflance. le Içay bien qu’il fe trouueplufieurs fables de celle inuen tion de feu. Les vns tiennent que certains palleurs furent premiers inuenteurs de faire feu,à la maniéré de nozSau Liages: cell à Içauoirauec certain bois,dcfi:ituezde feramp;: caillou. Par cela Ion peutcongnoillre cuidemment,que le feu ne vient ne du fer ne de la pierre: comme dilpute tresbien Aphrodilce en lès Problèmes, amp;nbsp;en quelque annotation fur ce pallage,par celuy qui n’agueres lésa mis en François. Vous pourrez voirie lieu. Diodore elcrir, que Vulcain â cité inuenteur du feu,lequel pour ce re-fpeôlles Egyptiens eleurent Roy. Aulsilont prelqueen mefme opinion noz Sauuages,leiquels parauant l’inuen-tiondu feu, mangeoient leurs viandes feichées à la fumée. Et celle congnoilî’ance leur apporta, comme nous auons dit, vn grand Charaïbe, qui la leur communiqua la nuidlen dormant, quelque temps apres vn deluge, lequel ils maintiennent auoir elle autrefois: encores qu’ils n’ayeut aucune congnoilfancc par eferiptures,linon de pere en fils: tellement qu’ils perpétuent ainli la mémoire des choies, bien l’elpace de trois ou quatre cens ans: ce qui
-ocr page 219-DE IA FRANCE ANTARCTIQVE. lOi qui eft aucunement admirable. Etparainfi font fort curieux d’en(èi2:neramp; reciter à leurs enfans les choies adue-nuès, amp;nbsp;dignes de mémoire : amp;nbsp;ne font les vieux anciens la meilleure partie de la nuyt, apres le rcueil, autre choie que remonftrer aux plus ieunes:amp; de les ouyr vous diriés que ce font prelcheurs, ou leôleurs en chaire. Or l’eau fut fi excelsiuemêt grande en ce deluge, quelle Itir-palToit les plus haultes montagnes de ce pais: amp;nbsp;par ainli tout le peuple fut lùbmergé amp;nbsp;perdu. Ce qu’ils tiennent pour alfeuré, ainfi que nous tenons celuy que nous pro-polè la fainôle efcriture. Toutefois il leur ell trop ailé de faillir,attendu qu’ils n’ontaucun moyen d’elcriture,pour mémoire des choies, linon corne ils ont ouy dire à leurs pères: aufsi qu’ils nombrent par pierres, ou autres chofes feulement,car autrement ils nelçaucntnombrerqueiuf-ques a cinq,amp; comptent les mois par luneslcomme délia enauonsfait quelque part mention) dilàns,ily à tant de lunes que iefuis né,amp; tant de lunes que fut ce deluge, lequel temps fidèlement fupputc reuient bien à cinq cens ans. Or ils afterment amp;nbsp;maintiennent conllamment leur deluge, amp;nbsp;Il on leur contredit, ils fellorcent par certains argumens de Ibultenir le contraire.Apres que les eaux fu Qyio-i„e rent abailfées amp;nbsp;retirées, ils dilènt qu’il vint vn grad Cha- des^Säa-raïbe, le plus grand qui fut iamais entre eux, qui mena là Mres. vn peuple de païs fort lointain, cfiant ce peuple tout nud, corn me ils font encore auiourd’huy,lequel â li bien multiplié iufques à prelent,qu’ils fen difent par ce moyé eftrc ylfuz.Il me lèmble n’ellre trop repugnant, qu’il puilTea-üoir efté autre deluge que celuy du temps de Noë. Toutefois ieme deporterayd’en parler, puis que nous n’en
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auons aucun tefmoignage par 1’cfcripture,retournansau feu de noz Sauuagcs,cóine ils en ont vfé â plufieurs cho-ïe^mode commeà cuire viandes, abatte bois, iufques à ce que t/ef SM- depuis ils onttrouué moyen de le coupper, encore auec »4ges à quelques pierres, amp;nbsp;depuis n’agueres ont receu l’vûge cQu^erd» des ferremens par les Chreftiens qui font allez par delà.
le ne doute que rEurope,amp;quelques autres païsn’ayent Dedahu eftéautrefosfàns vßgc de ferremens. Ain fi recite Plineau fcptiéme de fon hiftoire naturelle,que Dedalus fut inuen de la pre teur de la premiere forge, en laquelle il forgea luymef-fnierefor nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;congnéc,vnc fie, limeôc doux. Ouide toutefois
^ 'edriiin au huitième de fi Metamorphofè dit qu’vn nommé Pe-neteurde drisneueude Dedalus inuenta laße à la fèmblance del’ef
fie. pine d'vn poiffon eleuée en haut.Et de telle efpece de poif fbn paffans foubs la ligne equinoctiale à noftre retour,en Efitece de prifmes vn, qui auoit l’efpine longue d’vn pie fus le dos: lequel voluntiersnous cuisions icy rcprcfcnté par figure, fila commodité J’eufi: permis,ce quetoutesfoisnous ef-perons faire vne autre fois. Donques aucuns des Saunages depuis quelque temps defirans l’vfàge de ces ferremens pour leurs necefiitez, fè font appris à forger, apres auoir efté inftruits par les Chreftiens.Or fans diuertir loin de propos, i’ayefte contraint de chager fouuent amp;nbsp;varier de fèntences,pour la variété des pourtraits que i’ay voulu ainfi dmerfifier d’vne matière à autre.
De U
-ocr page 221-de la FRANCE A NT A R C T F QV E. lOj Pf U riuiere des l^afes enfemble d'aucuns animaux qui ƒ trouuent la enuiron nbsp;nbsp;nbsp;de la terre nomce
Morpion. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. 54.
riuiere desVafes par delà celebrce, situatie autàt amp;plusjque Charante,Loire,ou Sei de U ri-P^’’ a^Ç^jbtuéeà vingt amp;nbsp;cinq heuës GeneurCjOU nous arreilames, amp;nbsp;font encor pour le iourd’huyies François, effc , ‘ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Portfrequcntée,tantpour l’abodance du
bon poiflbn,quepour la nauigation àautres chofes necef faires.Or ce fleuue arroufe vn beau amp;nbsp;grandpaÏ3,pnt en plainure,que de montagnes: elquelles Pe trouae quelque mine d’or, qui n’apporte grand emolumêt à fon maiftre^ pource que par le Peu il Pe rcfoult prePque tout en Pu mée. Là autour Pont plufieurs rochers,amp;pareillement en plu-lieurs endroits de l’Amérique, quiportent grande quàti-té de marchafites luifàntes comme fin or: Pemblablemét Maycha.
autres petites pierres luifàntes,mais non pas fines comme fîtes, amp;nbsp;celles de Leuant : auPsine Py trouuent rubis ne diamans, . ne autres pierres riches. Il y à en outre abodance de mar-bre amp;ia(pe:amp; en ces mePmes endroits Ion efpere de trou üer quelques mines d’or ou d’argent : ce que Ion n’a oPé ^li^ne, encore entreprendre, pour les ennemis qui en font aflez proches. En ces montagnes fo voy ent belles rauifiàntes, comme leopards,loups-ceruiers,mais de lions nullemêt, ne de loups.Il Ce trouue là vne efpece de monnes, que les de Sauuases appelent fo«/)/cK,de mefine grandeur que les communes,lans autre dmerence,linon qu elle porte bar-be au menton comme vne cheure. Ceft animal efi: Port eu..
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enclin â luxure. Auecques ces monnes fe trouuent force Sd^ottin, petites belles iaunes', nommées Saguoins ,non feulement dnimdl. nbsp;nbsp;nbsp;ceft endroit,mais en plulieurs autres. Les Saunages les
chalfentpour les manger, amp;nbsp;fi elles fe voyent cotraintes, elles prendront leurs petis au col, amp;nbsp;gaigneront lafuyte. Ces monnes font noires amp;nbsp;grifes en la Barbarie,amp; au Peru de la couleur d’vn regnard. Là ne le trouuent aucuns finges,comme en l’Afrique amp;nbsp;Ethiopie : mais enrecom-Trfffo«, penfele trouue grand multitude de74Zf(7«j,quifont be-dntmdl. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;dont les vns font de la grandeur amp;nbsp;hauteur
d’vn cochon,lcs autres font moindres : à fin que ie difè ce en palEmt, leur chair eft merueilleufement delicate a manger.Quant au peuple de'celle contrée, il eft plus bel-»^^7 liqueux, qu’en autre endroit de l’Amerique, pour efire confin S)C pres de fes ennemis : ce que les contraint à fex-ercer au fait de la guerre. Leur Roy en leur langue fap-pelle QuoniambeeSe. plus craint amp;nbsp;redouté qui (oit en tout red^t^ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;merueilleufemét belliqueux.
I Et penfe que iamais Menelaüs Roy amp;nbsp;côduéleur de l’ar-...1,.».? tmée des Grecs ne fut tant craint ou redoutédes Troiens, I que ceftuyci eft de fes ennemis. Les Portugais le craignét I fus les autres, car il en àfait mourir plulieurs. Vous ver-Iriezfon palais, qui eft vne loge faite demefiTie,amp;ainfi (que les autres, ornée par dehors deteftes de Portugais: jCarc’eft la couftume d’emporter la telle de leurs ennemis,amp; les pendre fur leurs loges. Ce Roy aduerty de no-I ftre venue, nous vint voir incontinent au lieu ou nous eftions, amp;nbsp;y feiourna l’efpacede dixhuitioLirs, occupant I la meilleure partie du temps,principalement de trois heu res de matin à reciter fes victoires amp;nbsp;geftes belliqueux contre
-ocr page 223-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. I04 , contre fes ennemis-.d’auantage menafler les Portugais, a-uec certains gelles, Icfquels enlàlagueil appellePew.Ce Pei'os. Roy ell le plus apparét amp;nbsp;renom me de tout le païs. Son village amp;nbsp;territoire cft grad, fortifié à l’entour de baftios “ ■ amp;nbsp;plateformes de terrre,fauorifez de quelques pieces, comme faucôneaux, qu’il â pris fus les Portugais. Quant à y auoir villes amp;mallons fortes de pierre,il n’en y a point, mais bien, comme nous auons dit,ils ont leurs logettes fort longues amp;nbsp;Ipatieufes.Ce que n’auoit encores au corn mencement le genre humain,Iequel efloitfi peu curieux amp;nbsp;fongneux d’ellre en lèureté, qu’il ne lèloucioit pour j lors dire enclos en villes murées, ou fortifiées de folTcz
amp; rempars,ains elloit errät amp;nbsp;vagabond ne plus ne moins , que les autres animaux, fins auoir lieu certain amp;nbsp;defigné pour prédre fonrepos,maisence lieu fi repolbit, auquel la nuytle furprenoit,fins aucune crainte de larrôs:ce que ne font noz Amériques, encore qu’ils loient fort fiuua-ges. Or pour coclufion ce Roy, dont nous parlons, fefti-mefort grand, amp;:n’â autre ebofi à reciter que fis gran-deurs,reputant à grand gloire amp;nbsp;honneur auoir fait mou rirplufieursperfonnesamp;les auoir magées quant amp;nbsp;quat, inefinesiufques au nombre de cinq mille, comme il di-^*”^ foit.ll n’ell mémoire qu’il fi foit iamais fait telle inhuma-nité,côme entre ce peuple. Pline recite bien, epe Iule Ce-far en fes batailles efl eftimé auoir fait mourir de fes en-nemis nonantc deux mille vnzecenshommes:amp; fi trou tient plufieurs autres guerres amp;nbsp;grands ficcagemés, mais fait „tou ils ne fi lont mangez l’vn l’autre.Et par ainfi retournans a rir de^es noflre propos, le Roy amp;nbsp;fis fubiets lont en perpétuelle fes ba guerre amp;nbsp;inimitié auec les Portugais de Morpion,amp; aufsi
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De/crî- les Saunages du païs.Morpion eft vne place tirant vers la prion du riuierc de Plate, ou au deftroit de Magellan, diftant de la ligne vingt cinq degrez, que tiennent les Portugais pour Roy.Et pour ce faire y â vn Lieutenant general auec nombre de gens de tous eftats amp;nbsp;efclaueszou ils fè maintiennent de forte qu’il en renient grand emolument au Roy de Portugal. Du commencement ilzfo font adonnez à planter force cannes à faire fucres:à quoy depuis ils n’ont fi diligemment vaqué,foccupans à cnofe meilleu-rfe Aïo? nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;auoir trouué mine d’argent. Ce lieu porte grand
ƒ0» quantité de bons fruits, delqiiels ils font confitures à leur NdnAs. mode,amp;principalement d’vnfruit nômé nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;duquel
i’ay parlé autre part.Entre ces arbres amp;nbsp;fruits i’en reciteray vn,nommé en leur langue Choyne^ portant fruit grand comme vne moyenne citrouille, les fueilles fèmbïables à celles de laurier : au relie le fruit fait en forme d’vn œuf d’autruche. Iln’ell bon à manger, toutesfois plailàntà voir, quand l’arbre en eft ainfi chargé. Les Saunages en outre qu’ils en font vaifleaux à boire, ils en font certain myllere, le plus eftrange qu’il eft poßible. Ils emplilTent ce fruit apres eftre creule, de quelques graines, de mil ou autres, puis auec vn ballon fiché en terre d’vn bout, amp;nbsp;de l’autre dedans ce fruit, enrichy tout à l’entour de beaux plumages. Et le vous tiennent ainfi en leur maifon,chaf-cun menage,deux ou trois: mais auec vne grand teueren ce, eftimans ces panures idolâtres en fonnant amp;nbsp;maniant ce fruit, que leur Toucan parle a eux: amp;nbsp;que par ce moyen ils ont reuelation de tout,fignamment â leurs Prophètes: parquoy eftiment amp;nbsp;croyent y auoir quelque diuinité,amp; n’adorent autre choie fonfible que cell inftrument ainfi fonnant,
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fonnantquand on le manic. Et pour fingularitei’ay apporté vn de fes inftrumenspar deçà (que ie retire fècrete-ment de quelqu’vnjauec plufieurs peaux d’oy féaux de di uerfès couleurs,dont i’ay Fait prefènt à monfieur Nicolas de Nicolai Géographe du Roy, homme ingénieux amp;nbsp;a-mateur non feulement de l’antiquité, mais au (si déroutes choies vertueu(ès.Depuisil les a monftrées au Roy eftant à Paris en fa maifon,qui eftoit expres allé voir le liure qu’il ' fait imprimer des habits du Leuant : amp;m’.i, fait le récit que le Roy print fort grand plaifir à voir telles cho(es,en-tendu qu’elles luyeftoient iufqu’àceioui incongneuès. Au relie y a force orenges, citrons, cannes defucre: brief le lieu eft fort plaifant. Il y a là auEi vne riuiere non fort grande, ou Ce trouucnt quelques petites perles, amp;nbsp;force pird-i- poiffon, vne efpece principalement qu’ils appellent Pzf4-fiouchi. jpouchty qui vaut autant à dire comme mefenant poiffon.
Il cft meruciHeufemcnt difforme,prenant (a naillance fur le dos d’vn chien de mer,amp; le fuit eftât ieune,com me (on principal tuteur.D’auantage en ce lieu de Morpion,habi-té,comme nousauos dit, parles Portugais, fe nourriffent maintenant plufieurs elpeccs d’animaux domeftiques, que lefditz Portugais y ont portez. Ce que enrichift fort ôc décoré le pais, outre fon excellence naturelle, amp;nbsp;agriculture, laquelle iournellement amp;de plus en plus y eft exercée.
De U
-ocr page 227-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. lOtf Pe la huiere de Plate^e^ pais circonuoifins. ’ CHAP. 55.
Vis que nous fbmmes û auant en pro-pos,ie me fuis auifé de dire vn mot de ce
beau fleuue de rAmcrique,que Jes Efpa gnols ont nommé Plate, ou pour lalar- Riuiere geur, ou pour les mines d’argent qui fe
* nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 I nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 pourquoi
trouuent auprès, lequel en leur langue lt;
B W W nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;t 1* a a I aa M nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;a * a nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;aa aa a nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;I
ils appellent,Plate : vray eft queles Saunages du païsle nomment Pardridgacu-, qui eft autant adiré comme mer, ou grande congrégation d’eau. Ce fleuue cotient de largeur vingtfix lieues, eftant outre la ligne trentecinq de-grez,amp; diftant du Cap de Ginc AuguÜin fix cens feptâte neuës.Ie penlè que le nom de Plate luy a efté donné par premier ceux qui du commencement le decouurirent,pour la rai quot;Vorige fon premièrement amenée. Außi lors qu’ils y paruin-drent,receurent vneioye merueilleu£è,eftimans cette ri-uieretant large eftrc le deftroit Magellanique, lequel ils ^gpiate cerchoyent pour pafler de l’autre cofté de l’Amérique: toutefois congnoiftans la vérité de la cnole, delibererent mettre pied à terre,ce qu’ils feirent. Les Saunages du païs le trouuerét fort eftonnez,pour n’auoir iamais veu Cnre-ftiensainfi aborderen leurs limites : mais par fneeeßion de temps les appriuoiferent, Ipecialemêt les plus anciens, amp;nbsp;habitans pres le riuage, auec prefens amp;nbsp;autrement : de maniéré que vifitans les lieux afles librement,trouuerent plufieurs mines d’argent: amp;nbsp;apres auoir bien recongneu les lieux,fen retournèrent leurs nauires chargées de bre-fil. Quelque temps apres eqnipperent trois bien grandes
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nauires de gens amp;.munitions pour y retourner, pour la cupidité de ces mines d’argent. Et eftans'arriuez au meC-me lieu,OU premièrement auoyent efi:e,de{plierent leurs efquifs pour prendre terre:-e’eft à fçauoir le capitaineac-compagned’enuiron quatre vingts foldats,pour refifter aux Sauuages du païs, fils faifbyent quelque effort : toutefois au lieu d’approcher,de prime face ces Barbares fen fuyoient çà Ià:quieftoitvne ruze, pour prattiquer meilleure occafion de ftirprendre les autres, defquefs ils fe lên toient offenfèz dés le premier voyage. Donc peu apres qu’ils furent en terre, arriuerent fur eux Se trois à quatre Mdjfà. cens de ces Sauuages, furieux amp;nbsp;enragez comme lyons credesEf affamez, qui en vn moment vous fàccagerent ces Efpa-
gnols, amp;nbsp;en feirent vne gorge chaude, ainfîqu’ils font couftumiers de faire : monftrans puis apres à ceux, qui e-lloient demeurez es nauireSjCuiffes amp;nbsp;autres membres de
leurs compagnons rofliZjdonnans entendre que fils les \ ' tenoient,leur feroientlefèmblable.Ceque ma efté recité par deux Efpagnols qui efloient lors es nauires. Außi les Sauuages du païs lefçauentbien raconter,comme chofe Troiftef- digne dememoire,quand il vient à propos. Depuis y re-tourna vne compagniede bien deux mil hommes auec autres nauires, mais pour eftre affligez de maladies, ne peurentrienexecuter, amp;nbsp;furent contrains fen retourner Q^trlef ainfi.Encore depuis le Capitaine Arual mil cinq ccs qua^ we'i'ojyd rante ôcvn,accompagné feulement de Jeux cen^omes, enuiron cinquante chenaux y retourna,ou il vfâ de tel-le rufe,qu’il vous accouftra meßieurs les Sauuages d’vne we ducd terrible maniere.En premier les efpouuenta auec ces ehe-uaux, qui leur efloient incongneuz, Ôc reputez comme befles
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beftes rauiflàntes : puis vous feit armer fes gens, d’armes j 5 æ j
•-* î 1 Ö 11 ■» t /T» •-* ♦■Är« JJ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 e* ôï Z311 a^e' a m nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;l'A î i ♦ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'
fort polies amp;luiGntes,amp; par defluseleuécs en boiïèplu- ' fieurs images efjîouentables, corne telles de loups, lions, nbsp;nbsp;f ?’ îgt; ‘
leopardsjla gueule ouuerte,figures de diables cornuz,dót furent fi elpouuetez ces pauures Saunages qu’ils fenfuy-rent, amp;nbsp;par ce moyen furent chaflez de leur païs. Ainfi font demeurez maillres amp;nbsp;fèigneurs de celle contrée,ou-treplufieurs autres païs circonuoyfins queparlùccefiion de temps ils ont conquellé, mefines iniques aux Molu-ques en l’Ocean,au Ponét de l’autre collé de l’Amerique: de maniéré qu’auiourd’huy ils tiennent grand païs à l’entour de celle belle riuiere, ou ils ont bally villes amp;nbsp;forts, amp;,ont ellé faits Chrelliens quelques Saunages d’alenui-ron reconciliez enlèmble.Vray ellqu’enuiron centleués delàfetrouuentautresSauuages, qui leur font la guerre, lelquels lont fort belliqueux, de grande Rature, prcfquc comme geans : amp;nbsp;ne viucnt guere finon de chair numai-ne comme les Canibales. Lefdits peuples marchent Ci le- ceini. gerementdu pié,qu’ilspeuuentattaindreles belles làuua ges à la courfe.Ils viuent plus longuemét que tous autres Saunages,corne cent cinquante ans, les autres moins .Ils . Ibnt fort lubiets au pech^elûxtîre damnable amp;nbsp;enorme dcuantDicu:duquel ie me deporteray de parler,non leu-lement pour le regard de celle contrée de l’Amerique, mais außi de plulieurs autres. Ils font donc ordinairemêt la guerre, tant aux Elpagnols, qu’aux Saunages du païs àrentour.Pourretournerànollre propos.ccllerinierede , ni nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;• nbsp;nbsp;nbsp;• nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;n . . ' C dupais
rlate, auecques le terroir circonuoilin elt mamtenàtrort riche,tant en argent que pierreries.Elle croiR par certains [a riuiere iours de l’année, comme fût fcmblablemcnt l’Aurelanc dePLns.
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qui eft au Peru,amp; comme le Nil en Egypte. A la bouche de cefte riuiere fè trouuent plufieurs ifles, dont les vnes ■ .1 • font habitées, les autres non. Le pais eft fort montueux, •j •••'.• depuis le Cap de làinte Marie iufques au Cap blanc,fpe-cialementceluy deuers la pointe laint Helene,diftante de la riuiere Ibixante cinq lieues : amp;nbsp;de là aux Arenes gourdes trente lieuës:puis encores de là aux Baffes à l’autre terre, ainfi nommée Baffe, pour les grades valées qui y font. Et de Terre baffe à l’abaïe de Fonde,fèptante cinq lieues. Le refte du païs n’à point efté frequété des Chreftiens, tirant iufques au Cap de fâint Dominique, au Cap Blanc, amp;nbsp;de là au promontoire des vnze mille vierges,cinquante deux degrez amp;nbsp;demy outre l’equinoélial ; amp;là pres eft le détroit de Magellan, duquel nous parlerons cy apres. Quant au plat païs,il eft de prefent fort beau par vne infinité deiardinages, fontaines,amp;riuieres d’eau douce, auf-quelles fe trouue abondance de tresbon poiffon. Et font lefdites riuieres fréquentées d’vne efpece de befte,que les SArico- Sauuages nomment enleur langue Sdneomerne,qui vaut * nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;autant à dire comme befte friàde. De fait c’eftvn animal
amphi- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;î demeurant plus dans Peau que dans terre, 6c
n’eft pas plus grand qu’vn petit chat: fà peau qui eft maillée de gris,blanc,amp; noir,eft fine comme veloux: fes pieds cftansfaitsàlafêmblance deceuxd’vn oyfèau de riuiere. Au refte fà chair eft fort delicate, amp;nbsp;tresbonne à manger. En ce païs fè trouuent autres beftes fort effranges 6c mon ftrueufesen laparttirant au détroit,maisnon ficruelles ' qu’en Afrique. Et pour coclufîon le pais à prefent fè peut , voir réduit en telle foïme, que Ion le prendroitdu tout pourvu autre : cat les Sauuages du païs ont depuis peu de temps
-ocr page 231-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. lOg de temps ençainuentc parle moyen des Chreftiens arts amp;nbsp;fciencestrefingenieules,tellement (|u’ilsfont vergon-gnemaintenâtà plufieurspeuples d’Alie amp;nbsp;denoftre Europe, i’entends de ceux qui curieufement obleruét la loy ‘ Mahometifte,epilentique amp;nbsp;damnable doólrine.
Du détroit de 'M(tgellanyamp;‘ de celuy de Däriene.
CHAP. 5(S’.
Vis que nous fommes approchez fî pres de ce lieu notable, il ne fera impertinent en eferire fbmmairement quelque cho-(e. Or ce détroit appelé en Grec ainfi que l’océan entre deux terres, amp;nbsp;}amp;tM( vn détroit de terre entre deux eaux:
corn me celuy de Dariene confine l’Amérique vers le mi-j dy, amp;nbsp;la (èpare d’auec vne autre terre aucunemet decou-üerte, mais non habitée, ainfi que Gibaltar, l’Europe d’a-! üecques l’Afrique, amp;nbsp;celuy deConftantinoble l’Europe 1 de l’Afie : appelé détroit de Magellan du nom deceluy quipremieremet le decouurit,fitué cinquatedeux degrés demy delà l’eqüinoôlial : contenant de largeur deux ' lieues,par vne mefmehauteur,droit l’Eft amp;nbsp;Oueft, deux ïïiille deux cens lieues de Venecule du Su au Non dauan U^e du cap d’Eircadc,qui eft à l’entrée du détroit,iufqucs 51 autre mer, du Su, ou Pacifique fiptantequatrelieues, ^ufquesau premier cap ou promontoire qui eft quarante ^egrez. Ce détroit à cité long temps defiré amp;nbsp;cherché de plus de deux mil huit cens lieues,pour entrer par cefi; endroit en la mer Magellanique, dite autrement Pacifique,
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Enterte amp;paruenirauxiflesdeMoluque. AmericVefpuce l’vn VeJ^ttee. (Jgj meilleurs pillotsqui ayteftéjà coftoyéprefque depuis Irlande iniques au cap de làint Auguftinjpar le com mandement du Roy de Portugal Jan mil cinq cens amp;
1S quot;5 4- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Capitaine, l’an mil cinq cens trente
' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;quatre,vint iniques à la region nomée des Geans. Celte
region entre la riuiere de Plate amp;nbsp;ce deftroit, les habitans font fort puiflans, appelez en leurlague Patagones,Qc3.ns pour la haute Ilature amp;nbsp;forme de corps. Ceux qui premièrement decouurirent ce païs,en prindrent vn hne-ment, ayant de hauteur douze pal mes, amp;nbsp;robulle à l’aue-nant: pourtant fi mal aile à tenir que bien à grand peine y fuffilbientvingt amp;nbsp;cinqhornmes: amp;nbsp;pour le tenir,con-uint le lier pieds amp;nbsp;mains, es nauires: toutefois ne le peu-rent garder long temps en vie : car de dueil amp;nbsp;ennuy lè laifla (comme ils dilèntj mourir de faim. Celte region eft de mcime temperature que peut eltre Canada, amp;nbsp;autres païs approchans de noltre Pole : pource les habitans lè veftent de peaux de certaines belles, qu’ils nomment en leur langue,kV«,qui ell autant à dire,comme eauzpour-tant lèlon mon iugement,que cell animal la plus part du temps,refideauxriuages des fleuues. Celle belle ellfort rauiflante,faite d’vne façon fort eIlrange,pourqLioy ie la vous ay bien voulu reprefenter par figure. Autre choie : Si elle ell pourfuyuie,comme font les gens du païs, pour en auoir la peau, elle prend lès petis fiis le dos, amp;nbsp;les couurantde là queue grolîeamp; longue,Ièlauueàlafuite. Toutefois les Sauuages vient d’vne finelTe pour prendre celle belle : failànt vne folTe profonde pres du lieu ou el-lleà de coullume faire là refidence,amp;: la couurêt de fueilles
-ocr page 233-tue fcs pctis : Sgt;i.fait fescris tant efpouucntables, qu’elle rend iceux Saunages fort craintifs amp;nbsp;timides. En fin pour tant ils la tuent à coups de flefchcs, puis ils l’efcorcnent. Retournons à propos: Ce Capitaine, nommé Fernand de Magellan,homme courageux,eftant informé de la ri-chefte,qui fepouuoit retrouuer es iflesdes Moluques, comme abondance d’efpicerie, gingembre,canelle,mu-Icades, ambre gris, myrobalans, rubarbe, or, perles, amp;nbsp;autres richcftes, Ipecialement en l’ifle de Matei,Mahian, Tidore, amp;nbsp;Terrenate,aflez prochaines l’vne de l’autre, e-ftimant par ce détroit, chemin plus court amp;nbsp;plus commode, fè délibéra, partant des ifles Fortunées,aux ides de
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cap Verd, tirant à droite route au promontoire de Saint Auguftin,huit dcgrez,outre la ligne, coftoya pres de terre trois moys entiers: amp;nbsp;feit tât par fes iournées, qu’il vint Cdp des iufques au cap des Vierges, diftant de l’equinodial cin-yier^es. qualité deux degrez, pres du delf roit dont nous parlons.
Et apres auoir nauigé l’efpace de cinq iournees dedans ce détroit de l’Efl droit à Ouêït fur l’Océan : lequel fenflant lesportoitfànsvoilesdepliées droit au Su,qui leurdon-noit vn iTierueilleuxcontétenient,encore que lameilleu-re part de leurs gens fulTent morts,pour les incommodi-tez de l’air amp;nbsp;de la marine, amp;nbsp;principalement de faim amp;nbsp;foif. En ce détroitfetrouuent plufieurs bellesifles,mais non habitées. Le païs à l’entour elf fort fferile, plein de montagnes, amp;nbsp;nefy trouue fînon belles rauilTantcs, oy-fèaux de diuerlès efpeces, Ijiecialement autruches : bois de toutes fortes,cedres, amp;nbsp;autre elpcced’arbre portât fon fruit prelque relèmblantànoz guines,mais plus délicat à manger. Voila roccalion,amp; corne ce détroit a elfe trou-ue. Depuis ont trouuèquelqueautrecheminnauigasEir vne grade riuiere du collé du Peru,coulât lur la colle du nôbre de Dieu,au païs de Chagre,quatrelieuès de Pâna-na,amp; de là au goulfe làint Michel vingteinq lieues.Quelque téps apres vn Capitaine ayant nauigé certain téps fur ces fleuues le bazarda de vifiterle païs:amp; le Roy des Bar-Thena. bares de cepaïs là, nomé en leur langue Therca^ les receut humainemét auccques prelèns d’or amp;: de perlesfainlï que m’ont recité quelques Elpagnols qui eEoienten la copa-gniejcombien que cheminas fur terre ne furent fans grâd dâger,tant pour les bcfles làuuages,que pour autres inco-moditez. Ils trouuerétpar apres quelquenôbre des habi-
tans
-ocr page 235-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. HO tansdupaïs fort fàunages amp;nbsp;plus redoutez que les premiers, aulquels pour quelque mauuailè alfeurance que Ion auoit d’eux,promirent tout feruiceSc amytiéau Roy principalement, qu’ils appellent Atorizfft duquel receurct aufsi plufieurs beaux prefèns,comme grandes pieces d’or pelantes enuirondix liures. Apres außiluy auoirdónc de ce qu’ils pouuoiét auoir, amp;: ce qu’ils eflimoiêt,qluy leroit le plus agréable,cell à Içauoir menues ferrailles, chemi-fès, Sgt;c robes de petite valeur: finablement auecques bonne guides attaignirent Dariéne.De là entrèrent amp;nbsp;decou- Detroit urirent la mer du Su de l’autre collé de l’Amérique,en la- de Varié quelle font les Moluques,ouayanstrouué les commodi-tez dclTus nommées, le Ibnt fortifiez pres de la mer. Et ainfi par ce détroit de terre ont làns comparailbn abrégé leurchemin làns monter au détroit Magellanique,tant pour leurs trafiques, que pour autres commoditez. Et depuis ce temps traftiquent aux ides des Moluques, qui ^ß^^det font grandes, amp;nbsp;pour le p relent habitées amp;nbsp;réduites au Chrifiianifme,lefquelles auparauantclloient peuplées de gens cruels,plus làns côparaifon, que ceux de l'Amc-rique, qui elloientaueuglez ôcpriuezde la cognoilïànce des grandes richelTes que produifoient leldites illes: vray elt qu’en ce mefme endroit de la mer de Ponent y à qua-ireifles delèrtes, habitées(commeilsafFerment)leulemct de Satires, parquoy les ont nommées Ifles de Satires. En celle mefme mer fe trou uent dix ifles,nommées Manio-les,habitées de gens làuuages,lequels ne tiennent aucune religion. Auprès d’icelles y à grands rochers qui attirent les nauires à eux,à caulè du fer dót elles font clouées.Tel-lement que ceux qui traffiquenten ce pais là font con-
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core de-couuer-te.
trains d’vler de petites nauires cheuillces de bois pour eui ter tel danger. Voila quant à noftre détroit de Magellan. Terre Touchant de l’autreterrenommée Aurtrale,laquel!eco-^uftrd- ßoyat le détroit eß laiÛee à main fenedre, n’ell point en-le no en- congnuë des Chreflienszcombien qu’vn certain pilot Anglois, homme autant ellimé Si. experimentéà la marine que Ion pourroit trouuer,ayat palTé le detroit,me dit auoir mis pied en celle terre:alors iefus curieux deluy demander quel peuple habitoiten ce pais, lequelinere-Ipondit que c’eßoient gens puidans Si tous noirs, ce qui n’eß vrayièmblahle, comme ie luy dis, veu que celie terre eß quad à la hauteur d’Angleterre Si d’EfcoÛejCat la terre eß comme elclatâte Si g^ée de perpétuelles froidures,amp; hyuer continuel.
^ue ceux qui habitent depuis la riuiere de Plate iuf-ques au détroit de 'Magellan font notantipodes.
CHAT. 57..
Scattoir eßfily a deux mo des, ou
Ombien que nous voyostanten Jamef qLi’auxfleuues,p]ufieurs ides diuifeesamp; fèparées delà continente,ß eß ce que le-iement de la. terre eß eßime vn /èul Si me/rne corps, qui n’eft autrechofe, que ceße rotondité amp;c ßjperßeie de la terre, laquelle nous apparoiß touteplaine pour ïà grade Scad-non,^ mirableampiituac.Et telle eßoit l’opinion de Thaïe Mi-fur ce les leßfl’vndes fept fâges de Grece,amp;: autres Philoßtphes, quot;daPhL nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Plutarque. Oecetes grand PhiloCopnePi-
Cophes. t^‘^gorique coftitue deux parties de la terre, à fçauoic celle cy
-ocr page 237-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. Ill fte cy que nous habitons, que nous appelons Hemifphe-re:amp; celle des Antipodes, que nous appelons femblable-inent Hemifphere inferieur. Theopompe hiftorio^ra-phe dit apres Tertullian contreHermogene, que Silene iadis afferma au Roy Midas, qu’il y au oit vn monde amp;nbsp;globe de terre,autre que celuy ou nous fbmmes. Macro-De d’auâtage(pour faire fin aux tefmoignages)traitte amplement de ces deux hemifpheres, amp;nbsp;parties de laterrcj auquel vous pourrez auoir recours, n vous defirez voir plus au longfur ce les opinions des Philoibphes.Mais ce-cy importe de fçauoir,îi ces deux parties de la terre doivent eftre totalement fèparées amp;nbsp;diuifées l’vne de l’autre, comme terres differêtes, amp;nbsp;effimées eftre deux mondes: ce que n’eft vrayftmblable, cofideré qu’il n’y a qu’vn element de la terre, lequel il faut eftimcr eftre coupé par la mer en deux parties, comme efcrit Solin en fon Poly hi-fior, parlant des peuples Hyperborées. Maisi’aymeroys trop mieux dire Fvniuers eftre feparé en deux parties ega les par ce cercle imaginé,quc nous appelons equinodial. D’auantage fi vous regardez l’image amp;nbsp;figure du monde envn globe,ou quelque charte, vous congnoiftrez clairement,comme la mer diuife la terre en deux parties,non du tout egales,qui font les deux hemifpheres,ainfi nommez par les Grecs. Vnc partie de l’vniuers co ntient l’A fi e, Afrique,amp; Europe: l’autre contient l’Amérique, la Floride,Canada,amp; autres regions comprifesfoubs le nom des Indes Occidentales, aulquelles plufieursefliment habi- Dîuerfes ter noz Antipodes. le Qay bien qu’il y a plufieurs opi- optons nions des Antipodes. Les vns eftiraét n’y en auoir point, les autres que fil y en à, doy tient eftre ceux qui habitent
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l’autre Hemilphere,lequel nous cil caché. Quanta moy ie leroye bien d’auis que ceux qui habitent Ibubs les deux poles(car nous lesauonsmonllrezhabitables)lbnt véritablement antipodes les vns aux autres. Pour exemple, ceux qui habitent au Septentrion,tant plus approchent du poie,amp;plus leur elleleué,lepoleoppoliteell abailTé, amp;nbsp;au contraire: de maniéré qu’il faut necelTairement que tels loiét Antipodes:amp; les autres tat plus elongnét despo-les approchas de requinoólial,amp; moins font Antipodes. Parquoy ieprendroispour vrais Antipodes ceux qui fia-^les font nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;jgg fieuxpoles, amp;nbsp;les deux autres prins direélemét,
des,lt;^ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Içauoir Leuant Sgt;c Ponant : amp;nbsp;les autres au milieu
ÀMtchto Antichtones,làns en faire plus long propos. Il n’y à point »C5 les dedoubte que ceux du Peru font Antichtones plus toll ■gt;»5 aux qu’AntipocIes, à ceux qui habitent en Lima,Cuzco.Cari-autres, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;r nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;L .»
quipa, au Peru, a ceux qui (ont autour de ce grand fleuuc Indus,au pais de Calicut,ille de Zeilan,amp; autres terres de
Dijkeren ce entre
des
antichto nés.
les efpiceries, à ceux de l’Ethiopie, auiourd’huy appellee Guinée. Et pour celle raifon Pline â tresbien dit, que c’e-ftoit laTaprobane des Antipodes, confondant, comme plufieurs, Antipodes auec Antichtones. Carcertainemét ceux qui viuent en ces i H es font Antichtones auxpeuples qui habitent celle partie de l’Ethiopie, comprenât depuis l’origine du Nil, iniques à l’ifle de Meroë : combien que ceux de Mexico ne Ibyentdireélent Antipodes aux peuples de l’Arabie Felice, amp;nbsp;à ceux qui font aux fins du cap Bonne elperance. Or les Grecs ont appelle Antipodes ceux qui cheminét les pieds oppofites les vns aux autres, c’cll à dire, plante conte plante, commeceux dont nous
auons
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auonsparlé: amp;nbsp;AntichtoneSjqui liabitentvne terre op-pofitemcntfituée: commemefme ceux cju’ils appellent Anteci, ainli cjue les Efpagnols, François, amp;nbsp;Alemans, à ^ntea. ceux qui habitent pres lariuiere de Plate, amp;nbsp;les Patago-nesjdefqucls nous auons parlé au chapitre precedent, qui font pres le détroit de Magellan,font Antipodes. Les autres nommez Parœci,qui habitétvnemefmczone,coni-m e François amp;nbsp;Alemans, au contraire de ceux qui font
Pdraci.
Anteci. Et combien que proprement ces deux ne foyent Antipodes,toutefois on les appelé communément ainfi, amp;lescôfondentpluheurslesvnsauecles autres. Et pour celle raifon i’ay ooferué que ceux du cap de Bonne elpe-rance,ne nous font du tout Antipodes : mais ce qu’ils appellent Anteci,qui habitent vne terre non oppolite,mais aiuerfe, corne ceux qui font par delà l’equinoélial, nous qui fommes par deçà,iniques à paruenir aux Antipodes, le ne doubte point que plufieurs malaifément coprénent celle façon de cheminer d’Antipodcs,quià efté caulè que pJuGeurs des Anciens ne les ayent approuuez, mefme lainôt Auguflin au liurc quinzième de la Cité de Dieu, chap.s.Mais qui voudra diligemment conlidercr,!uy fora fort aifé de les comprcndre.S’il eft ainli que la terre foit comme vn Globe tout rond,pédu au milieu del’vniucrs, il faut neceflairemét qu’elle foit regardée du ciel de tous colles. Docques nous qui habitons ceft Hemilphere fu-perieur quant à nous, nous voyons vne partiedu delà Jhnh.de nous propre amp;nbsp;particuliere. Les autres hatîitans l’Hemi-fphere inferieur quât à nous,à eux foiperieur, voyent l’autre partie du ciel, qui leur eft aflfeclée. Il y à melme raifon èc analogie de l’vn à l’autre: mais notez que ces deux Fdc'
Manierede ehe miner des Antipodes, no ^uere bien en-tedue approu-ttce des anciens.
S.Auz**
Vienne.
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-ocr page 240-LES S INGYLARITE Z mifpheresjont mcfme amp;: commun centreen la terre. Voila vn mot en paflant des Antipodes,(ans elongner de propos.
Comme les Suuuages exercent l'agriculture^ font iardtns d'vne racine nommée Manihot, d'vn arbre qu'ils appellent Peno-abfou.
C'a X V. 58.
Ldhottra des
SdUUcl-
Zes.
Oz Amériques en temps de paix n'ont gueres autre meftier ou occupation,qu a faire leurs iardins:ou bien quad le temps H le requiert ils font contraints aller à la guerre.Vray ed qu’aucus fontbienquel-ques traffiques, comme nous auons dit, toutefois la necefsité les contraint tous de labourer la ter re pour viure,comme nous autres de par deça.Etfuyuent quafî la couflume des Anciens,Icfquels apres auoir endu réamp; mangé les fruits prouenans de la terre fans aucune induftrie derhomme,amp;n’eftans fouffifans pour nourrir tout ce qui viuoitdefTus terre,leur caufèrent rapines amp;nbsp;enuahiflemés, fapproprians vn chacun quelque portion de terre, laquelle ils fèparoient par certaines bornes ^limites: amp;nbsp;des lors commença entre les hommes l’eftat po pulaire amp;nbsp;des Republiques. Et ainfi ontappris noz Sauua ges à labourer la terre,non auecques beufs, ou autres be-fles domeftiques, fbit lanigères ou d’autres efpcces que nous auons de par deçà : car ils n’en ont point, mais auec la fueur amp;nbsp;labeur de leur corps, comme Ion fait en d’autres prouinces.Toutefois ce qu ils labourent eft bien peu, coin lue
-ocr page 241-DI LA FRANCE ANTARCTIQVE. IIJ comme quelques iardins loing de leurs maifons amp;nbsp;village enuiron de deux ou trois lieues, ou ils fèment du mil feulement pour tout grain : mais bien plantent quelques racines.Ce qu’ils recueillent deux fois l’an,à Noël, qui eft leur Elle, quand le Soleil eft auCapricorne:amp;àla Pente-cofte. Ce mil donc eft gros comme pois comuns, blanc ji^ublac Senoir: l’herbe qui le porte,eft grade en façon de rofeaux nbsp;nbsp;noir.
marins.Or la façon de leurs iardins eft telle. Apres auoir couppé fèpt ou huit arpens de bois,ne laiflans rien que le pic, à la hauteur parauenture d’vn homme, ils mettent le feu dedas pour brûler amp;nbsp;bois amp;nbsp;herbe à l’entour,amp; le tout ceft en plat païs. Ils grattent la terre auec certains inftru-tnens de bois,ou de fer,depuis qu’ils en ont eu congnoif-fance : puis les femmes plantent ce mil amp;nbsp;racines, qu’ils appellentHetich, faifans vn permis enterre auecquesle Hetich. doigt,ainfi que Ion plate les pois amp;nbsp;febues par dcça.D’cn-grefleramp; amender la terre ils n’en ont aucune pratique, iointquedefby elle eftaftez fertile,n’eftant aufsilaflee de cülture,comme nous la voyons par deçà. Toutefois c’eft chofe admirable, qu’elle ne peut porter noftrc blé: amp;nbsp;tnoymefme en ay quclquefois femé(car nous en auions porté auec nous} pour elprouuer, mais il ne peut iamais profiter. Et n’cft à mon auis,le vice de la terre, mais de ie ne fçay quelle petite vermine qui le man ge en terre : toutefois ceux qui font demeurez par delà, pourrontauec le temps en faire plus feure experience.Quant à noz Sauua- £„ ƒ ges,il nefe faut trop efmerueiller,fils n’ont eu congnoif- merique Unce de-blé,cacmefmes en noftreEurope amp;nbsp;autres païs au commencementles hommes vîuoyent des fruits que la terre produifoit d'elle mefinelàns cftre labourée. Vray
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.^nciene cft que l’agricLîlture eft fort ancienne ; comme il appert re delà- par Fefcripture : OU bien (i’des le commencement ilsa-gricultu- uoient la congnoiflance du blé, ils ne le Içauoient acr Preww nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ïeur vfàge. Diodore eferit que le premier
de futveu en Italie, amp;nbsp;l’apporta IfisRoyne d’Egypte, blé. monllrantà moudrele blé, amp;nbsp;cuire le pain: car au par-auant ils mangeoient les fruits tels que Nature les pro-duiloitjfoit que la terre full labourée ou non . Or que les hommes vniuerfellement entoure la terre ayent vefcii de melîne les belles brutes, c’eft plus toll fable que vraye Hi Hoir c: car ie ne voy que les Poetes qui ayent elle de ce-lie opinion,ou bien quelques autres fesimitans,comme vous auez en Virgile au premier de fes Georgiques:mais ie croy trop mieux l’clcripture Sainte , qui fait mêtiondu
hor.
Minière de faire ce fie '
Farinede labourage d’Abel, amp;nbsp;des offrandes qu’il faifoit à Dieu. ^Mdn'’ auiourd’huy noz Saunages font farine de ces racines que nous auons appellees ALi»/W,.qui lont grof lès commele]bras,Ionguesd vn piéamp; demy,ou deux piés : amp;nbsp;fonttortues amp;nbsp;obliques communément. Eteft celle racine d’vn petit arbrilfeau, haut de terre enuiron quatre piéz,- les fneilles lànt quali femblables à celles que nous nommons de par deça^’Rira/www; ainlf que nous deniôllrcrons par figure,-qui font fix ou feptennôbre:au bout de chacune branche, cil chacune fueille longue de demypié,amp;trois doigts de large. Or la maniéré défaire celle farine ell:telle.Ils pilent ou râpent ces racines fiches r • , ou verdcs.auecqnes lvne large elcorce d’arbre , garnie rdciner, toute de petites pierres fort dures,àla manière qu’on fait de par deçà vne noix de mufiade': puis vous paflènt cela, amp;nbsp;la font chauffer en quelque vaiffeau fur lefeu,auec cer tainc
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taine quätite d’eau; puis bradent le tout,en forte que celle farine dcuiét en pctis drageons, corne eft la Mane grence, laquelle cfl merueilleufcmet bonne quad elle eft recente, amp;nbsp;nourrift tresbien.Et deuezpêfer que depuis le Peru Canada,amp; la Floride, en toute cefte terre côtincte entre 1’0-cean amp;nbsp;leMagellanique,comme l’AmeriquejCanibales, voire iufques au deftroit de Magellâ ils vient de cefte fari ne,laquelle y eft fort commune, encore qu’il y â de difta-ce d’vn bout à l’autre de plus de deux mille lieues de ter-re:amp; en vfentaucc chair amp;nbsp;poilTon,comme nous faiCons icy de pain. Ces Saunages tiénent vne eftrange metho-facon de de à la manger, c’eft qu’ils n’approcheront iamais la main
(Je nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;laiettentdeloin plus d’vn grand pié,â
S'di/wa- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;fort dextres; aulsi le Içauent bien moquer
’ nbsp;nbsp;nbsp;des Chreftiens, fils en vient autrement. Toutlenegoce
de ces racines eft remis aux femmes, eftimas n’cftre leant Ejpecede uux hommcs de fy occuper. Noz Amériques en outre febues plantet quelques febues, lelquelles Ibnt toutes blanches,. blaches. fort plates, plus larges amp;nbsp;longues que Ics noftres. Aufsi ont ils vne elpece de petites legu mes blanches en grande abondance, non differentes à celles que Ion voit enTur-c'^e Us quie amp;nbsp;Italie. Ils les font bouillir,amp; en mangent auec du font le fel, lequel ils font auec eau de mer bouline,amp; confumée ('1. iniques à la moitié:puis auec autre matière la font cóuer-Pä'mfait nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Pareillement auecques ce Iel amp;nbsp;quelque elpicc
d’e/fice broyee ils font pains gros comme la tefte d’vn homme, amp;defel. dont plulîeurs magent auec chair poiffon, les femmes principalement. En outre ils mellent quelquefois del’ef piceauecques leur farine,non puluerifée, maisainlî qu’ils t'ont cueillie, ils font encore farine de poiffon fort feche, tresbonne.
-ocr page 245-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 11$ trcsbonne à manger auecie ne (çay quelle mixtion qu’ils Fdrmede fçauct Elire. le ne veux icy oublier vne maniéré de choux /’oÿo». relTemblans prefque ces herbes larges fus les riuieres,que Nen»-IonappelleNenuphâr,auecvneautrcefpeced’herbepor tant meilles telles que noz ronces, SccroifTent tout de la forte de groflcs ronfcs piquantes. Refie lt;à pari er d’vn arbre,qu’ils nomment en leur langue Pi?wo-4^«.Ceflarbre Pf»«-porte fon fruit gros comme vne groffe pomme,rond à la femblance d’vn efleufdequel tant fen faut qu’il fbit bon à manger, que pins toH efl dangereux comme venin. Ce fruit porte dedans fix noix de la forte de noz amandes, mais vn peu plus larges amp;nbsp;plus plates:en chacune defquel les y â vn noyau, lequel(cômeils afferment) efl merueil-leufèment propre pour guérir play es ; aufsi en vfent les Saunages,quand ils ont eflé bleffez en guerre d e coups de nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;“
flefches,ou autrement. l’en ay apporté quelque quantité à mon retour par deçà, oue i’ay departy à mes amis. La maniéré d’envfèr efl telle. Ils tirent certaine huile toute roufle de ce noyau apres eflre pilé, qu’ils appliquent fus la partie offenfée. L’efcorce de cefl arbre â vne odeur forteftrâge,lefueillagetoufiours verd,efpés comme vrr teflon, amp;nbsp;Elit comme fueilles de pourpié. En cell arbre Oyf^u frequente ordinairement vn oyfeau grand comme vn piuerd, ayant vne longue hupe fus la telle,iaunc co mme fin or, la queue noire, amp;nbsp;le refie de fon plumage iaune amp;nbsp;noir,auecques petitesondes dediuerfèscouleurs,rouge rMe^ a l’entour qes iouës,cntrc le bec amp;nbsp;les ïeux comme efoar-latte: amp;nbsp;frequente cefl arbre, corne avions dit, pour manger, amp;nbsp;fe nourrir de quelques vers qui font dans le bois. Et efl fàhupefortlogue,corne pouuez voir par la figure..
F iiÿ
-ocr page 246-- Au fùrpkis laifTant plufieurs efpeces d’arbres amp;nbsp;arbrik ràuer/t- féaux,ie diray feulement,pour abréger, qu’il fe trouiiehi tedef/al' cinq OU fix fortes de palmes portans fruits, non comme W«. ceux de rEgyptc,qui portent dattes,car ceux cy n’en portent nulles, ains bien autres fruits, lesvns gros comme efleufs, les autres moindres. Entre lefquelles palmes eft Gerahu' qu’ils appellent Gerahuua-.yne autre /ry,qui porte vn ua. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;autre fruit different. Il y en à vnc qui porte fôn fruit tout
rond,gros comme vn petit pruneau, eflant mefme de la couleur quand il eff meur,lcquel parauantà gouff de ver-ius venant de la vigne. 11 porte noyau tout blanc, gros comme celuy d’vnenoifctte, duquel les Saunages mangent . Or voila de noflre Amérique, ce qu’auons voulu
-ocr page 247-DE LA FRANCE ANTARCTIQUE. Ilff réduire aflez fbmmairement, apres aiioir obferué les ch'o (èsles plus fingulieres qu’aqonscogneuës pardelâ,clont nous pourrons quelquefois efcrire plus amplement, en-lêmble de plufieurs arbres, arbrifleaux, herbes, amp;nbsp;autres fimples,auec leurs proprietez felon l’experience des gens du païs,que nous auons laiflé à dire pour euiter prolixité. Et pour le furplus auos délibéré en paffant efcrire vn mot delaterreduBrehl. i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;- -,
I
Côzz;we U terre de l’Amérique fut decouuerte^ft^ lebok du ‘Brefdtrouué^ auecplusieurs autres ar- gt;nbsp;bres non yeuzjulleurs qu'en cepais.
. CHAP. 55».
R nous tenons pour certain, que Ame-ricVefpuce eft le premier qui âdecou-r uert ce grand pais de terre cotinente entre deux mers, no toutefois tout lepaïs, mais la meilleure partie. Depuis les Por- Ten-ed» tugais, par plufieurs fois,non contens de BreÇd de
certain païs,fefbnt efforceztoufiours de decouurirpaïs, couuerte felon qu’ils trouuoyent la comodité: c’eft à (çauoir quel-qucchofefinguliere,amp; que les gens du païsleur faifoient recueil.Vifitans doncques ainfi le pais,amp; cerchanscome“^ les Troyens, au territoire Carthaginois, veirent diuerfes façons de plumages,dont fefaifoittraffique,fpecialemét de rouges •. fe voulurent foudainement informer, amp;nbsp;(ça-uoir le moyen de faire cefte teinture.Et leur monffrerent Oraboa-les gens du païs l’arbre d e Bref il. Ceft arbre, nommé en leur langue, Oraboutan^ eft tresbeau â voir, l’efcorce par
F iiij nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’
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g dehors cil toute grifè, le bois rouge par dedans, amp;nbsp;prin-cipalement le cueur lequel ell plus excellent, außi fen chargent ils le plus. Dont ces Portugais,des lors en apportèrent grande quantité: Ce que Ion continue encores maintenant : amp;nbsp;depuis que nous en auons eu congnoifi lance fen fait grand traffique. Vray ell que les Portugais n’endurent ayfément queles François nauigent par delà, ains en plulieurs lieux trafiiquét en ces païszpource qu’ih fcftiincnr,amp;l’attribuent la propriété des choies, comme premiers poIfelTeurs ,conlideré qu’ils en ont fait la dc-couucrte,qui ell chofe veritable. Retournons à noftre , Brefil : Cell arbre porte fueilles femblables à celles du bquïs, ainfi petites, mais épelTes frequentes. il ne rend nulle gomme,comme quelques autres, außi ne porte au cun fruit. Il à efté autrefois en meilleure eftime,qu’il n’eft à prefent,fpecialcment au païs de Leuant:lon ellimoitau
Daima-
Vojiare dH Leuat dOneß-crite Cd-piraine d'^lc-xadre le Grand.
commencement que ceboiseftoitceluy que la Royne de Saba porta à Salomon, que nomme Phiftoire au premier liurc des Roys, dit Dalmagin. Außi ce grand Capitaine Oneficritcau voyage qu’il fit en Pille Taprobane, fituée en Pocean Indique au Leuant,apporta grade qiian titc de ce bois, amp;nbsp;autres choies fort exquiles: ce que prifa fort Alcxadrefon maifire.De noftre brelil,celuy quiefi du collé delariuiere de Ianaïre,Morpion, cap de Frie cft meilleur que l’autre du collé des Canibales,amp; toute la colle de Marignan. Quand les Chreftiens, foyent Francois ou Efpagnols,vont par delà pour changer duBrefil, les Saunages du pais le couppent ôc dcpecent cuxmef-mes,amp; aucunefois le portent de trois ou quatre lieues,' iufqucs auxnauires:ie vouslailTeà penferà quelle peine, amp;:ce
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amp; ce pour appétit de gaigner quelque panure dccouilre-mentdernelchantedoublurejOu quefquechemife. life Botsiatt- j-j-Quue dauantage en ce pais vu autre bois iaune, duquel Bo« de ils fontaucLins leurs elpees: pareillement vn bois decou-couleur leur de pourpre, duquel à mon iugement Ion pourroit de pour- faire de tresbel ouurage. le doubte fort fi ce 11 point cc-luy duquel parle Plutarque,dilànt que Caius Marius Ru-tilius, premier Dictateur de l’ordre populaire, entre les Bataille Romains, feit tirer en bois de pourpre vne bataille, dont enbotide perlonnages n’eftoyent plus grands que trois doigts:
amp; auoit edé apporté ce bois de la baute Afrique,tant ont elîé les Romains curieux des chofes rares amp;nbsp;fingulieres. Dauantage Ce trouuent autres arbres, deCquels le bois eft blanc comme fn papier, amp;nbsp;fort tendre: pour ce les S:ia-uages n’en tiennent conte. Il ne m’a elle polsible d’en fçâ uoir autrement la propriété : finon qu’il me vint en ine-zAïo. moired’vn bois blanc,duquelparlePline,lequeIilnom-me betulajblnnc amp;nbsp;tendre,duquel eftoient faites les ver-que Ion portoit deunnt les Magillrats de Rome. Et toutainE qu’il le trouue diuerfité d’arbres fruits differents de forme, couleurs, amp;nbsp;autres proprietez,aufsife diuerfité de terre, l’vneplus graffe, l’autre moins, aufsi de terre forte, dont ils font vafes à leur vfàge, comme nous ferions par dcça,pour manger âeboire. Orvoi-la de nofîre Amérique, nonjpas tant que i’en puis auoir veu, mais ce que ma femblc plus digne d’efîre mis par e/cript, pour fitis faire au bon vouloir d’vn chacun hon-nefie Lcôieur,fil luy plaifl prendre la patience de lire, corne i’ay dele luy réduire par cEcrit,apres tous les tra-uauxamp;t dangerSfdeû difficile amp;:lointain voyage, le m’af
-ocr page 251-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 118 feurc que plufieurs trouuerot ce mien difcours trop brief, les autres parauanture trop long : parquoy ie cerche médiocrité,pour fatisfaire à vn chacun.
Denofire departement de U France AntarBique^ ou Amérique. ca kv. 6o.
R auons nous cy deflus recueilli amp;nbsp;par-lé amplement de ces nations,defquelles ’’ Icsmeursamp;particularitez',n’onteftépar les Hiftoriographes anciens deferites ou célébrées,pour n’en auoir eu lacognoif-ünce. Apres donc auoir ïeiourné quelque efpace de temps en ce pais, autant que la choie, pour lors le requeroit,amp;: qu’il eftoit neceifaire pour le conten-^ternent de reiprit,tant du lieu, que des choies y contenues: il ne fut queftion que de regarder l’opportunité, amp;nbsp;Retour moyen de noftre retour, puis qu’autrement n’auions de-libéré y faire plus longue demeure. Donques ioubs la conduite de moniieur de^is-lcconte,Capitaine des na uires du Roy,en la France Antardique, homme magna- t nime,amp; autant bien appris aufaitdelamarine,outreplu fleurs autres vertus, comme fi toute fa vie en auoit fait exercice. Primes donc noftre chemin tout au contraire
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de celuy par lequel eftions venus, à caufe des vents qui /S font propres pour le retour: 6c ne faut aucunement dou-'^ô*- ••■'h» ter, que le retour ne ibit plus long que l’allée de plus de '...... quatre ou cinq cens lieues, amp;nbsp;plus difficile. Ainiî le der-1 ç ƒ nier iour de laiwier à quatre heures du matin, embarquez auec ceux qui ramenoyent les nauires par dGça,fei'
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mes Voile, iaillans de celle riuiere de Ianaïre,en la grande mer Ris l’autre cofté,tirant vers le Ponent,laiflee â dcx-tre la code d’Ethiopie, laquelle nous auions tenue en allant. Auquel depart nous fut le vent allez propice, mais de petite durée; car incontinentfe vint enfler comme furieux, amp;nbsp;nous doner droit au nez leNortamp; Nortoüefl, lequel auecquesla m^eraflez inconflante amp;nbsp;mal alfeurée en ces endroits,qui nous dellournadenoftre droite rou-te,nous iettant puis çâ,puis la en diuerles pars:tant que fî-nablement auecques toute diff iculté le decouurit le cap de Frie, ou auions delcendu amp;nbsp;pris terre à noftre venue: Et de rechef arreflames l’elpace de huit iours, iniques au neufiéme,que le Su commença à nous donner à pouppe, amp;nbsp;nous coduit bien nonante lieuè’s en plaine mer, laillàns le pais d’aual,amp; cofloyant de loin Mahouac,^our les dan gers. Car les Portugais tiennent ce quartier la, ôelesSau-uages,qui tous deux nous font ennemis, corne i’ay mon-flré quelque part: ou depuis deux ans ença ont trouuc mi ne d’or amp;nbsp;d’argent, qui leur a efté caufo de baftir en cell end roit, amp;nbsp;y mettre lieges nouueaux pour habiter. Oc de cheminans touliours fur celle mer a grade difficulté, iuf ques à la hauteur du capde Saint Augullin, pour lequel doubler afronter demeurâmes flottans ça là l’elpace dedeux moys ou enuiron,tantil ell grand,amp;: fc iettant a-uantdans lamer. Et ne fen faut emerueiller, carie Içay quelques vnsdebone mémoire, qui y ont demouré trois ou quatre mois : amp;nbsp;fi le vent ne nous eull fauorile ^nous cllions en danger d’arreller d’auantage, encorequ’il ne full aduenu autre inconuenient. Ce cap tient delogueur huit lieuè's ou enuirô,dillant de la riuiere donc nous ellios partis,
-ocr page 253-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. Il5gt; trois cens deux lieues. Il entre en mer neuf ou dix lieuè's du moins : amp;nbsp;pource efl autant redouté des nauigans fiir cede code, comme celuy de Bonne efperance fur la co-fte d Ethiopie,qu’ils ont pour ce nommé Lion de la mer, comme i’ay défia dit : ou bien autât comme celuy qui efl: oow-quoy no-me làon de Id
laMorée)nommc cap de Saint Ange,lequel efl: außi tref-dangereux. Et à ce cap ainli efté nômé par ceux qui pre-iTiierement l’ont decouuert,que Ion tient auoir eftc Pin-lonElpagnohaußieftilainfi marqué en noz chartes ma-rines. Ce Pinfon auec vn fienhls ont merueilleufement dange-dccouuertdepaïs incongneuz, amp;non au parauant de-couuers. Or l’an mil cinq cens vn,Emanuël Roy de Por-îugal enuoya auec trois grands vaifleaux en la bafle Ame rique pour recercher le dcftroit de Fume amp;nbsp;Dariéne,à fin pär le ca de pouuoir paffer plus aifement aux Moluques,fàns aller pit^îne au détroit de Magellan : nauigeans de ce cofté, feirent decouuerte de ce beau promontoire:ou ayans mis pié en terre,trouuerent le lieu fi beau amp;nbsp;tempere, combien qu’il ne foit qu’à trois cens quarante degrez de longitude, minute O.amp; huytde latitude,minute o. qu’ils fy arrefterent: ou depuisfontallezautresPortugaisauec nôbre de vaif-feauxamp;degens. Etparfuceeßionde temps, apres auoir pratiqué les Saunages du païs,feirentvn fort nommé Ca- Cdflel-ftelmarin: amp;nbsp;encore depuis vn autre affez pres de Idjiiom niéFernatnbou,traffiquans là les vns auecques les autres. Les Portugais fècharget de cotton,peaux de fàuuagines, efpiceries, amp;nbsp;entre autres ebofes, de prifonniers, que les Saunages ont pris en guerre fus leurs ennemis,lefquels ils mènent en Portugal pour vendre.
mdrin.
Fernem-hou.
LES SINGVLARITE2
D es Canibales^ tant de la terre ferme, que des ißes, Oquot; d'vn arbre nommé Acaiou.
CHAT. 6l.
E grand promontoire ainfi double Sz a-fronte,combien que difficilement,quel-que vent qui fe preftntaft,il fidloit tenter la fortune,amp;auancer chemin autantquc poßible eftoit,fàns felongner beaucoup de terre ferme, principalement codoyai
ißedes. affez pres de l’ifle Saint Paul, amp;nbsp;autres petites no habitées, Paul, nbsp;nbsp;prochaines de terre ferme, ou font les Canibales, lequel
pais diuife les pais du Roy d’Elpagne d’auec ceux de Portugal,comme nous diros autre part. Puis que nous fom-mesvenuzà ces Canibales, nous en dirons vn petit mot. ^nitdfes peuple depuis le cap de Saint Auguftin, amp;nbsp;au delà Câniba- Infques pres de Marignan, eft le plus cruel amp;nbsp;inhumain, qu’en partie quelconque de l’Amerique. Cefte canaille mange ordinairementchairhumaine, comme nous fe-• rions du mouton, amp;nbsp;y prennent encore plus grand phi-fir. Et vous âûcurez qu’il eH malaiCc de leur öfter vn honi me d’entre les mains quand ils le tiennent, pour l’appetit qu’ils ont dele manger comme lions rauiflàns.Il nya be~ fte aux defêrts d'Afrique, ou de l’Arabie tant cruelle, qui appete fi ardemment le/àngHumain, que ce peuple fau-uageplus que brutal. Aufsin’yanationquifepuiÜeaco-fter d’eux,(oyent Chreftiens ou autres. Et fi vous voulez traftiqueramp; entrer en leurpaïs, vous ne lèrez receu aucu-nementïâns bailler oflages,tant ils fedefengeuxmefnes plus dignes defquels lonfc doibue mefer. Voila pour-quoy
-ocr page 255-DE LA FRANCE ANTARCTIQUE. 120 quoy les Efpagnols quelquefois, amp;nbsp;Portugais leur ont ioué quelques brauades; en mémoire dequoy quand ils
difnét auec eux. Il y adoncinimytié guerre perpétuel- inimitié leentre eux,amp;le font quelquefois bien battuz,tellement qu’il y cft demeuré des Chieftiens au poßible. Ces Cani-baies portent pierres aux leures,verdes amp;nbsp;blanches,corn-rne les autres Saunages, mais plus longues fans compa- ^caniba-taifon, de forte quelles defoendent iniques à la poitrine, les. Le pais au fürplusefttrop meilleur qu’il n’appartiét à tel-le canaille:car il porte fruits en abondance, herbes, amp;nbsp;ra-eines cordiales,auec grande quantité d’arbres qu’ils nom yaUsJ ' nient JcrfZöWjportans fruits gros comme le poin, en for ■ nie d’vn œuf d’oye. Aucuns en font certain bruuage,com bien que le fruit de-foy n’efl bond manger, retirant au gouft d’vne corme demy meure. Au bout de ce fruit viét
d» païs
des Cani
vneefpece de noix groffe corne vn marrô,en forme d’vn rognon de lieure. Q^t an noyau qui cft dedâs,il efttref-bon à manger, pourueu qu’il ait paffélegerementparle feu. L’efoorce eft toute pleine d’huile,fortafprc au gouft,, dequoy les Saunages pourroient faire quantité plus gran de que nous ne faifons de noz noix par deçà. Lafueille I de ceft arbre eft fèmblable à celle d’vn poirier, vn peu plus pointue, amp;nbsp;rougeâtre par le bout. '^Au refie ceft arbre a l’elcorce vn peu rougeâtre, aflezamere : amp;nbsp;les Sau-uages du pais ne fè feruent aucunement de ce bois,à cau-fequil eftvnpeu mollet. AuxiflesdesCanibales,dans Icfquelles fen trouue grande abondance,fe feruent du bois pour faire brufler,à caufè qu’ils h en ont gueres d’au-tre,ôc du gaiat.Voila que i’ay voulu dire de noftre Acaïou,,
G iiij
-ocr page 256- -ocr page 257-DE LA TRANCE ANTARCTIQVE. J2I auec le pourtrait qui vous eft cy deuant reprefenté. 11 fc irouuela d’autres arbres ayans le fruit dangereux à man-ger:entre lelquels efl vn nommé Hrtouudp. Au lurplus ce païs cftfort montueux, auecques bonnes mines d’or. Il y â vne haute Sc riche motagne, ou ces Saunages prennent ces pierres verdes, lelquelles ils portent aux leures. Pourcen’eftpas impofsible qu’il ne fy trouuaft emerau-des,amp; autres richeflès, h celle canaille tant obllinée per-mettoit que Ion y allall lèurement. Il fy trouue lèmbla-Hementmarbre blanc amp;noir,ialpe,amp;porphire. Eten tout ce païs.depuis qu’on a palfé le cap de Saint Auguftin, iufqucs à la riuiere de Marignan,tiennent vne mcfme fa-^ondeviure que les autres du cap de Frie. Celle mefine riuiere leparc fa terre du Peru d’auec les CanihaIeSjamp; à de
res.
Haott' uay.
Jlichejje du pais des Cam bales.
Hiutere de Mari
bouche quinze lieues ou enuironjauec aucunes ifles peu- [g plées,Serielles en or: car les Saunages ont appris quelque Peru d^a moyen deJe fondre., amp;nbsp;en faireanneaux larges comme boucles,Se petis croilfans qu’ils pendent aux deux collez des narines,Se àlcurs iouësxe qu’ils portent par gentilelfc magnificence. Les Elpagnols difent que la grand ri-'^iere qui vient du Peru, nommée Aurelane, Se celle cy falTenablent. 11 y à fur celle riuiere vne autre ifle, qu’ils nomment de la Trinité, dillante dixdegrez delà ligne, ayant de longueur enuiron trete lieuës,6e huit de largeur, fert ri-
ueclesCa nibales.
.Aurela-nefleufte du Peru. Ißedela Trinité
(juelieu que ce foit, pourcc quelle porte toute forte de, metaux.Mais pourcc que les Efpagnols y delcendans plu fieurs fois pour la vouloir mettre en leur obeïlfancc, ont mal traité les gens du païs,en ont efté rudemêt repoulfez, làccagez lanaeilleiire partCefte ifle produift abodan-
LES SINGVLARITEZ
Ef^ece ce d’vn certain fruit, dont l’arbre reflemble fort à vn pal-d’arbre niier, duquel ils font du bruuage. D’auâtage fè trouue là encens fort bon, bois de gaiac, qui effc auiourd’buy tant célébré:pareillement en plubeurs autres ifles prochaines quot;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’ de la terre ferme. Il fè trouue entre le Peru amp;nbsp;les Caniba-
les, dont eft queftion, plufieurs ides appellees Canibalcs, affez prochaines de la terre de Zamana,dont la principale eft diftante de l’ifte Elpagnole enuiron trete lieucs.ToU tes lefquelles ifles font fbubs l’obeifTance d’vn Roy,qu’ih appellent Caßique defquels il eft fort bien obeï.
o;rande à de lonsrueur foixante lieuè's, amp;nbsp;de largeur qua- . rantehuit,rude amp;nbsp;montuèufe, comparable prefque a lil-le deCorfe: en laquelle fe tient leur Roy couftumicre-ment. Les Saunages de cefte ifte font ennemis mortels des Efpagnols, mais de telle façon qu’ils n’y peuuent aucunement traftiq'uer. Aufti eft ce peuple épouuentable à voir,arrogant amp;nbsp;courageux,fort fubiet à commettre lar-recin. Il y â pkifteurs arbres de Gaiac, amp;nbsp;vne autre efpece d’arbre portant fruit de la grofleur d’vn efteuf,beauà voir, toütesfois veneneux : parquoy trempent leurs fle-. , cbes dont ils le veulent aider contre leurs ennemis,au ius igt; de céft arbre. Il yen à vn autre, duquel la liqueur qui en •y,’ nbsp;nbsp;nbsp;fort, l’arbre eftant fearifté, eft venin, comme reagalpar
dpça.La racine toütesfois eft bone à manger,auGi en font ils farine, dont ils Ce nourriffent, comme en l’Amerique, combien que l’arbre foit diflferent détrône, branches,amp; fuéillage ?-La raifon pourquoy meliTie plante porte aliment amp;'venin, ie la laifte à contempler aux philofbphes. Leur ’maniéré dé guerroyer eft comme des Amériques, amp;nbsp;autres Canibales,dont nous auos parlé,hors-mis qu’ils vfent
-ocr page 259-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. I2i vfcnt de fond es,faites de peaux de belles,ou de pelure de Bois: à quoy font tant expers,que ie ne puis ellimer les Ba leares inuêteurs de la fonde,folon Vegece,auoir efte plus excamp;llens fundibulateurs.
De la rm 'ieïe des Amazones, autrement dite Aure-lane,par laquelle on peut nautger aux pats des Amazones,en la France Antar^ique.
CH K V. éz.
Endant que nous auos la plume en main pour eforire des places dccouuertes, amp;nbsp;Ä habitées, par delà nollre Equinoôlial,
que.
Midy amp;: Ponent, pour illullrer les / choies, amp;nbsp;en donner plus euidentc con-gnoilTance, ieme luis auifë de réduire par elcrit vn voyage, autant lointain que difficile, hazar-deufement entrepris,par quelques Elpagnols, tant par eau que par terre,iufques aux terres de la mer Pacifique, Mer^a-autrement appelée Magcllanique, ou font les illes des Moluques,amp; autres. Et pour mieux entendre ce propos, il faut noter, que le Prince d’Efpagne tient foubs Ibn o- * beïlTancc grande ellenduë de païs, en ces Indes occiden-I taies, tant en illes que terre ferme, au Peru, amp;nbsp;à l’Ameri-; que, que par fuccefsion de temps il à pacifié, de maniéré qu’auiourd’huy,il en reçoit grand emolument amp;nbsp;proffit. Or entre Ies autres, vn Capitaine Elpagnol, eftant pour Ibn prince au Peru, délibéra vn iour de decouurir,tant par eau que par terre, iufques à la riuiere de Plate(Iaquel-le eft diftantc du Cap fainél Augullin fept cens lieues,de-
Situatio de la. ri' uiere de plate.
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là la ligne, amp;nbsp;dudit Cap iufques aux ifles du Peru, enui-ron trois cens lieues) quelque difficulté qu’il y eulî,pour la longueur du chemin,amp; montagnes inaccefsibles, quc pour la fufpicion des gens,amp; belles làuuageszelperant l’execution de fi haute entreprife,OLitre les admirables ri-chefles,acquérir vn loz immortel,SclailTer perpétuelle gloire de foy à la pollerité. Ayant donques drefle,amp; rnis le tout en bon ordre,amp; lulfilànt equipagc,ainfi que la choie le meritoit, c’ell à Içauoir de quelque marchandi-fe,pour en tralFiquanr par les chemins recouurerviurcs,.., amp;nbsp;autres munitions : au relie accompagne de cinquante ' Efpagnols, quelque nôbre d’Elclaues, pour le feruice la-borieiix,amp; quelques autres inlùlaires, qui auoiêt elléfaits » Chrellicns, pour la conduite amp;nbsp;interpretation dès langues. Il fut quellion de fembarquer auec quelques peti-XrfXt Carauelles,fur la riuiere d’Aurelane,laquelleiepurs MgrA ^ficurer la plus longue amp;nbsp;la plus large, qui foit en tout le deur de monde.. Sa largeur ell de cinquante neuf lieues, amp;nbsp;fa llt;t riuiere longueur de plus de mille. Plulieurs la nomment mer d'Eure- douce,laquelle procédé du collé des hautes montagnes
de Moullubamba, auecques la riuiere de Marignan ,ne-antmoins leur embouchement amp;nbsp;entrée, font diftantes de cent quatre lieues l’vne de l’autre, amp;nbsp;enuiron fix cens lieues, dans plain pais f’aflocient, la Marée entrât dedans^ Origine bien quarante lieucs.Celle riuiere croill en certain temps du Nil. de l'année,commefaitaufii leNil,qui palTe par l’Egypte, procédant des montagnes de la Lune, felon l’opinion d’aucuns, ce que i’ellime ellre vrayfomblable. Elle fut nom mée Aurelane, du nom de celuy qui premièrement fit-delTus celle longue nauigation,neantmoins que par-auanf
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ayant au oit efté decouuerte par aucuns, qui l’ont appellee par leurs cartes riuiere des Amazones : elle cft mer-ueineuièmentfacheufeanauip-cr.àcauiedes courantes, qui lonten toutes (allons de 1 année: amp;nbsp;que plus elt,I em-boucliement difficile, pour quelques gros rochers, que nés. Ion ne peut euiter, qu’auec toute difficulté. Quand Ion eft entré affez auât. Ion trouue quelques belles ides, dont les vnes font peuplécs,les autres non. Au ffirplus cefte riuiere efl: dangereufe tout du long,pour effrepeuplée, tant en pleine eau, que fus la riue de plufieurs peuples, fort inhumains, amp;nbsp;barbares, amp;nbsp;qui de long temps tien*-nent inimitié aux eftragers, craignans qu’ils abordent en ' leur païs,amp; les pillent. Aufsi quand de fortune ils en rencontrent quelques vns, ils les tuent, (ans remißion; amp;nbsp;les tnangent rotizamp;boulin z, com me autre chair. Donques enabarquezen l’vne de ces ifles du Peru ,.nômée S. Croix, nbsp;nbsp;nbsp;de yiV-
en la grand mer, pour gaigner le détroit de ce fleuuc : le- croix.,' quel apres auoir paffe auec vn vét merueilleufèmét propre, facheminét,coftoyans la terre d’affez pres,pour touf iours recongnoiffcre le pais,le peuple,amp; la façon de faire, pour plufieurs autres commoditez. Goftoyans donc en leurnauigation noz viateurs,maintenant deçà, maintenant delà, felon que lacomodité le permetoit, les Saunages du pais Ce monftroient en grand nombre fur la ri-ue,aueG quelques (ignés d’admiration,voyâs cede edran lt;nbsp;ge nauigation,requipage des perfonnes, vaiffeaux,amp; mu nitions,propres à guerre amp;nbsp;à nauigation. Ce pendant les nauigans n edoient moins edonnezde leur part,pour la multitude de ce peuple inciuil, amp;totalcmct brutal,mon ftrant quelque femblât de les vouloir ficcagcr, pour dire
. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;H iij ,
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en peu de parolles. Qui leur donna occafion de nauiger longue elpace de temps fans ancrer,ni defcendre.Neant-moins la famine amp;nbsp;autres neeeßitez, les contraignit fina-blement déplier voiles,amp; planter ancres.Ce qu ayansfait enuiron la portée d’vne arquebuze loin de terre,ie dema-de fil leur reftoit autre choie, finon par beaux fignes Je flatterie,amp;autres petis moyens,carefler meßieurs les Sau liages, pourimpetrer quelques viures, amp;permifsion Je fe repofer. Donc quelque nombre de ces Saunages alléchez ainli de loing auec leurs petites barquettes d’cßof-ce d’arbres, delquelles ils vient or Jinairemét lùr les riuie-res,fehazarderentd’approcher,non lâns aucune Joubte, n’ayans iamais veu les Chrelliensafronter de fi pres leurs limites. Toutesfois pour la crainte qu’ils monftroient Je ' plus en plus, les Efpagnols de rechef, leurs failàns mon-Hre de quelques couteaux, amp;nbsp;autres petis ferremens relui lans les attirèrent. Et apres leur auoir fait quelques petis prelenSjCe peuple ßuuage à toute diligéee leur vapour-challer des viures: amp;nbsp;de fait apportèrent quantité de bon poiiron,fruits demerueilleulè excellence, lèlon la portee du païs. Entre autres l’vn de ces Saunages, ayant mafla-créle iour precedent quatre de fes ennemis Canibaliens, leuren prclèntadeux membres cuits, ce que les autres re-stdtwe fuferent. Ces Saunages ( comme ilsdilent) eftoient Je de ces nbsp;nbsp;haute ftatnre, beau corps, tous nuds, ainfi que les autres
Sanuages,portans fur l’eftomac larges croiflans de fin or: les autres grandes pieces luißntesdefinor bien poly, en forme de mirois ronds. Il ne le faut en quérir fi les Élpa-gnols changèrent de leurs marchâdifesauec telles richefi les: ie croy fermement quelles ne leur echapperent pas ainfi,
-ocr page 263-DE IA FRANCE ANTARCTIQVE. I24 ainfi 5 pour le moins en firent ils leur deuoir. Or noz pèlerins ainfi rcfrcfchis, amp;nbsp;enuitaillez pour le prefent, auec larelerue pour raduenir,auant que prendre congé fei-rent encores quelques prefèns,comme parauant ; amp;nbsp;puis pour la continuation du voyage, fut queftion de faire voile,amp; abréger chcmin.De ce pas nauigerent plus de cét lieues fins prendre terre,obferuans tous lus les riues diuer fité de peuples fàuuages ainfi comme les autres, defquels. ienem’arrefterayàefcrire pour euiterprolixité:mais fuf-fira entendre le lieu ou pour la fècode fois font abordez.
Ahordement de quelques Ej^d^ols en vne contrée ou tls trouuerent des Amazones.
enk V. 6^.
i Efdits Efpagnols feirent tant par leurs t iournées, qu’ils arriuerent en vne côtrée, ou fe trouua des Amazones : ce que Ion n’eufl iamais efiimé, pource que les Hi-y ftoriographes n’en ont fait aucune mention, pour n’auoir eu la congnoifiànce de ces païsn’aguerestrouuez. Quelques vns pourroient dire que ce ne font Amazones, mais quant à moyie les eftime telles, attendu quelles viuent tout ainfi que nous trouuonsauoir vefeu les Amazones del’Afie. Et auant que pafler outre, vous noterez que ces Amazones, dont nous parlons,fo font retirées, amp;nbsp;habitent en certaines petites ifles, qui leur font corne fortereffes, ayans toufiours guerre perpétuelle â quelques peuples, fans autre exercice, ne plusne moins que celles defquelles ont parlé les H iiij
rique.
LES s I NG VLAR I TE 2 Hiftoriographes. Donques ces femmes bélliqucufès de noftrc Amérique, retirées amp;nbsp;fortifiées en leurs ifles, font couftumierementaflaillies de leurs ennemis,qui les vont cercher par fus l’eau auec barques amp;nbsp;autres vaifleaux, amp;: charger à coups de flefches. Ces femmes au contraire lè défendent de mefme, courageufement, auec menalTes, hurlcmens,amp;contenances les plus efooLientables qu’ileft poßible. Elles font leurs rempars d’efcailles de tortues, grandes en toute dimenlion. Le tout comme vous pou-uez voir à l’œil par la prefente figure. Et pource qu’il
ly aeutrois ibrtes
-ocr page 265-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. U5 fortes d’Amazones, fèmblables, pour le moins ditFeren- Troufir tes de lieux amp;nbsp;d’habitations. Les plus anciennes ont eflé en Afrique,entre lefquelles ont eflé les Gorgones, qui a-uoient Medufe pour Royne. Les autres Amazones ont „ement, elle en Scythic pres le fleuue deTanaïs: lefquelles depuis ont régné en vne partie de rAfie,pres le fleuue Thermo-I doon. Et la quatrième forte des Amazones, font celles ! defquelles parlons prefentement. Il y â diuerfès opinios Dînerfi-pOLirquoy elles ont eflé appellées Amazones. La plus , commune efl, pource que ces femmes fe brufloient les mamelles en leur ieunefle,pour eflre plus dextresà la tionamp;' guerre. Ce que ie trouue fort eflrange, amp;nbsp;m’en rapporte- etymolo-rois aux médecins, fi telles parties fe peuuent ainfi cruel- des leincnt ofler fans mort, attendu quelles font fort fenfî-bles,ioint aufsi qu’elles font prochaines du cueur,toutefois la meilleure part eR de celle opinion. Si ainfi cfl:oit,ie penfè que pour vne quieuaderoitlamort,qu’il enmour-roitcét. Les autres prénétl’etymologie de celle particule •^,priuatiue, de nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;qui lignifie pain,pource qu’elles
neviuoiét de pain,ains de quelques autres choles.Ce que n’cft moins abfurdeque l’autre.-car Ion eufl peu appelfer, mefmes decetéps là, plulieurs peuples viuantsfans pain, Amazones: comme les Troglodites, amp;c plufieurs autres, amp;nbsp;auiourd’huy tous noz Sauuages.Les autres de A priua-tif,amp; comme celles qui ont eflé nourries fins laiôt demammelle : ce qu’ellplusvrayfemblable, comme efl d’opinion PhiloRrate : ou bien d’vne Nymphe nommée Philo-Amazonide,ou d’vne autre nommée Amazone,religieu fe de Diane, amp;nbsp;Royne d’Ephefe. Ce que i’eûimerois plus toR qtiebruRement de mammelles:amp; en difpute au
1
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cótraire qui vouldra. Qupy qu’il en foie ces femmes font renommées belliqueufes. Et pour en parler plus à plein, wwaTquot; nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Scythes,que nous appelions
^ueu/ês' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chaiïez d’Egypte,fubiuguerentla meil
leure partie de rAfie,amp;: la rendirent totalement tributaire,amp; foubs leur obeïflance. Ce pendant que longtemps les Scythes demeurèrent en celle expeditionamp;conque-fle,pourlarelillencedes fuperbes Allans,leurs femmes ennuyées de ce fl long lèiourC comme la bonne Pcnelo-pédeIon mary VlylTes}lesadmonnellentpar plufieurs gracieulè lettres amp;nbsp;melîagcs de retourner: autremétque celle longue 6êintolerable ablènce les contraindroit faire nouuelles alliances auecques leurs prochains amp;nbsp;voi-fins:conlideré que l’ancienne lignée des Scythes elloiten ^fietri- hazard de périr. Nonobllant ce peuple lans auoir egard butdire aux douces requefles de leurs femmes,ont tenu d’vncou
päcc de cinq ces ans.
auxScy- rage oblliné cinq cens ans celle Alle tant lùperbe : voire iniques à ce queNinus ladeliurade celle miferable lêr-uitude. Pendant lequel temps ces femmes ne firent onc-ques alliance demariageauecques leurs voilins,ellimans que le mariage n’elloit pas moyen de leur liberté, ains plus toll de quelque lien amp;nbsp;lèruitLide : mais toutes d’vn accord amp;nbsp;vertueulè entreprilè delibererent de prendre les armes, amp;nbsp;faire exercice a la guerre, le reputans élire delcendues de ce grand Mars dieu des guerres. Ce qu’el-les executerent li vertueulèment Ibubs la conduite de
Mär the fl a
fremie- Lampedo amp;nbsp;Marthefia leurs Roynes, qui gouuernoient r« noy- J’yrie apres l’autre, que non feulement elles défendirent leurpaïs de l’inuafion de leurs ennemis, maintenans leur ^’■‘'indeur amp;nbsp;liberté, mais aufsi firentplufieurs belles con-
-ocr page 267-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. ïlS queftes en Europe amp;en Afie,iu{qLicsâ ce fleuue,dont nousauons n’agueres parlé. Aufquelslieux,principalement en Ephefè,elles firet baftir plufieurs cliafleaux, villes,amp; fortereffes. Ce fait elles renuoyerentvne partie de leurs bandes en leurs païs, auecques riche butin de def-pouilles de leurs ennemis, amp;nbsp;le refie demoura en Afie. Finablement ces bonnes dames pour la confèruation de leur fangjfe proftituerent voluntairement à leurs voifins, fins autre efpece de mariage: amp;nbsp;delà lignée qui en pro-cedoir, elles faifoient mourir l’enfant malle, refèruans la femelle aux armes, aufquellesla drefToient fort bien, amp;nbsp;auecques toute diligence. Elles ont doneques préféré l’exercice des armes,amp; de la chafTejà toutes autres choies. Leurs armes efloient arcs amp;nbsp;fléchés auec certains boucliers, dont Virgile parle en fon Eneide, quand elles alle-rent,durantle liege de Troie,aulecour3 desTroiens con tre les Grecs. Aucuns tiennent aufii,qu’elles font les premieres qui ont commencé â cheuaucher,amp; à combatte à cheual. Or eft il temps déformais de retourner aux A- Manie-mazones de noflre Amérique, amp;nbsp;de nozElpagnols. En celle part elles font Icparées d’auec les hommes, amp;nbsp;ne les fréquentent que bien rarement, comme quelque fqis en fecret la nuit, ou à quelque autre heure déterminée. Ce peuplehabite en petites logettes,amp;cauernes Contre les rochers, viuant de poiflbn, ou de quelques làuuagines, de racines,amp; quelques bons fruits, que porte ce terrouër. Elles tuent leurs enfans malles, incotinent apres les auoir mis fus terre-.ou bien les remettêt entre les mains de celuy auquel elles les penfent appartenir. Si c’efl vne femelle, elles la retiennent à fby, tout ainfl que faifoient les pre-
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Come les
nes traitée ceux quits pre rient en guerre.
miercs Amazones. Elles font guerre ordinairemet contre quelques autres nations : amp;nbsp;traitent fort inhumainement ceux qu elles peuuent prendre en guerre. Pour les faire mourir elles les pendent parvne iambe à quelque haute branche d’vnarbre:pour Pauoirainflaiffé quelque elpace de temps, quand elles y retournent, h de cas fortuit n’eft trefpafle,elles tirerot dix mille coups deflefehes: amp;nbsp;ne le mangent comme les autres Sauuages,ains le paf fent par le feu,tant qu’il efl réduit en cend res. D’auanta-
Orioine des
ncs^me riques in ceruine^-
ge ces femmes approchans pour combatte, icttent horribles amp;nbsp;merueilleux cris,pour efpouuéter leurs ennemis. De l’origine de ces Amazones en ce pais n’eft facile d’en eferire au certain. Aucuns tiennent, qu’apres la guerre de Troie,ou elles allerentCcome défia nous auons dit) foubs Pente-
-ocr page 269-DE LA FRANCE ANTAR CT I QV E. 127 Pcntefilée,eIIcsfecartentainfi Jetons collez. Les autres, quelles eftoient venues de certains lieux de la Grece en Afrique, d’ou vn Roy, aflez cruel les rechaflà. Nous en auons plufieurs hiftoires, enfemble de leurs prouëlTes au fait delà guerre,amp; de quelques autres femmes,que ie laif feray pour continuer nollre principal propos:comme af-fez nous demonftrent les hiftoires anciennes, tant Gre-ques,que Latines. Vray eft,que pluheurs auteurs n’en ont defcriptquafi que par vnc maniéré d’acquit. Nousauôs commence à dire,comme noz pèlerins n au oient lèiour- des E/pa. UC que bien peu,pour le repofer feulement,amp;pourchaf- m fer quelques viures:pource que ces femmes comme tou-i tes cftonnees de les voir en ceft equipage, qui leur eftoit fort eftranae,faflcmblent incontinêt de dix à douze mil-le en moins de trois heures, filles amp;nbsp;femmes toutes nues, ibfurent mais l’arc au poin amp;nbsp;la flefehe, començans à hurler corn- rcceuçi;. me fl elles euflent veu leurs ennemis : amp;nbsp;ne le termina ce déduit fans quelques flefehes tirées : a quoy les autres ne voulans faire refiftence, incontinent fe retirèrent bagues lauues. EtdelcuerancreSjamp;dedefpliervoileSi Vrayeft qLi’aleurpartement,difans adieu, ils les faluerét de quelques coups de canon: amp;nbsp;femmes en route:toutcfois qu’il n’eft vrayfemblable quelles fe foient ailement fauuées^ fins en fentir quelque autre choie.
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De la continuation du -voyage de yiorpioni de la riuiere de Plate. en k v. 6'4.
E là continuans leur chemin bien enui' ron fix vingts lieués, congneurent par leur Aftrolabe 5 felon la hauteur du lieu OU ils eftoient, laquelle eft tant neceflai-re pour labonne nauigation, que ceux qui nauiguent en lointains païs nepour-royent auoir fèureté de leur voyage,fi cefte prattiqucleur defFailloit: parquoy ceft art de la hauteur du Soleil, excédé toutes les autres reigles : amp;nbsp;cefte fubtilité: les Anciens Font grandement eftimée amp;nbsp;pratiquée,mefmemcntPto-lomée amp;nbsp;autres gràdsautheurs, Donques ils quitter leurs Carauelles, les enfonfàns au fond de l’eau, puis chacun fe charge du refte de leurs viures, munitions, ôc marchan-difès,les Efclaues principalement, qui eftoyentlà pour cefte fin. Ils cheminèrent par Fefpace de neuf iours, par montagnes, enrichies de toutes fortes d’arbres, herbes, fleurs,fruits amp;nbsp;verdure,jtant que par leursiournées abordèrent vn grand fleuue, prouenât des hautes môtagnes, ou fctrouuerêt certains fàuuages,entre lefquels de grand crainte les vnsfuyoiét,les autres montoiét esarbres:amp; ne demeura en leurs logettes,que quelques vieillards, aux-quelsfpar maniéré de cógratulatiójfeirétprefens de quelques couteaux amp;nbsp;mirouèrs : ce que leur fut trefàgreable. Parquoy ces bons vieillards fe mettent en effort d’appeler les autres,leur faifans entédre,que ces eftrangers nou-uellement arriuez,eftoient quelques grands Seigneurs, qui en rien neles vouloient incommoder, ains leur faire
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prefens de leurs richefles. Les Saunages efmcuz de celle libéralité, le mettent en deuoir de leur amener viures,cô -me poilfons, fiuuagin es, amp;nbsp;fruits felon le païs. Ce que voyans les Elpagnols le propoferent de paner là leur hy-ucr,attendans autre temps,amp; ce pendant decouurirle païs, aulsi fil le trouueroit point quelque mine d’or, ou d’argent,ou autre chofe, dont ils remportalfent quelque fruit. Par ainfi demeurèrent là lèpt moys entiersdelquels Voyans les chofes nefuccederàfouhait,reprennent che-min,amp; palTent outre,ayans pris pour conduite huit de ces Sauuages, qui les menerétenuiro quatre vingts lieuës,paf fans touliourspar le milieu d’autres Sauuages, beaucoup plus rudes,amp; moins traitables, que les precedes: en quoy leur fut autant necelTaire que prolfitable la conduite. Fi-nablement congnoilTans véritablement, ellre paruenus à la hauteur d’vn lieu nommé Morpion,lors habité de PortLigais,lcs vns comme lairezdelilongvoyage,furent d’auis de tirer vers ce lieu lus nommé : les autres au con-
traire de perfeuerer iufques à la riuiere de Plate, diftante encore enuiron trois cens lieues par terre. En quoy pour Diuißon' refolution,felon l’aduis du Capitaine en chef, vne partie ?ourfuit la route vers Plate,amp; l’autre vers Morpion. Pres equel lieu noz pèlerins fpeculoyent de tous coftez, fil iè trouueroit occafion aucune de butin,iufques à tant qu’il fe trouua vne riuiere, paflant au pie d’vne montagne, en laquelle beuuans,confiderent certaines pierres,relLiy fuites comme argent,dontils en portèrent quelque quantité iufques a Morpion,diftant de là dixhuit lieuësdefquel-les furent trouuées à la preuue,porter bonne amp;: naturelle mine d’argent. Et en à depuis le Roy de Portugal tiré
copd^nie pony tirer à Id rittie redepld te.
Mine d’ar^^ent tre'.bone.
I iiij
ê
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Alines d’or (i'ar;rc}it, Plats ßcuus poity-
Ji nome.
Detroit clc7d(l. gellan. jlter P'S cißque.
de l’argent infini, apres auoir fait fonder la mine, amp;nbsp;réduire en cflence. Apres que ces Efpagnols furent repo-fezamp; recréez àMorpion,aucc les Portugais leurs voifins, fut queftion de fuiure les autres, amp;nbsp;tourner chemin vers Plate, loing de Morpion deux cens cinquante lieues, par mer, amp;nbsp;trois cens par terre : ou les Efpagnols onttrouué pluGeurs mines d’or amp;: d’argent, amp;nbsp;lont ainfi nommée Plate, qui fignifie en leur langue Argent: amp;nbsp;pour y habiter,ont bafti quelquesfortereffes. Depuisaucuns d’eux, aucc quelques autres Efpagnols, nouuellemét venuz en fjitojy atn cc lieu, nô contens encore de leur fortune,fc fonthazar-dezde nauiguer, iufques audeftroitde Magellan,ainfi appelle, du nom de celuy qui premiement le decouurit, qui confine l’Amerique, vers le Midy : amp;nbsp;de là entrèrent en la mer Pacifique,de l’autre cofté de l’Amerique, ou ils ont trouué plufieurs belles ifles : amp;: finablcment parue-7//« des iufques aux Molluques, qu’ils tiennent amp;nbsp;habitent auiourdhuy. Au moyen de quoy retourne vn des nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;tribut d’or amp;nbsp;d’argent au prince d’Efpagne. Voi-
fommairement quant au voyage,duquel i’ay bien vou gnofs. lu eferire en paflant, eeque m’en à efté recité fus manaui-gation par quelcun qui le fçauoit, ainfi-qu’il m’affeura, pour auoir fait I c voyage.
La fepsiration des terres du nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;d'Ej^âÿeie du
quot;Eoy de Portugal. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ca a. r, 6^.
amp;: Portugal apres auoir ^acquis en communes forces plufieurs viéloi res amp;nbsp;heureufes conquefies,tant enLeuant qu’en Ponent,aux lieux de terre amp;nbsp;deiner no au par-
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Terres d» Roy d’E^a-
au parauantcongneuz ne decou tiers, fc propofèrét pour vncafleurace plus grande de diuifer amp;nbsp;limiter tout le pais qu’ils auoient conquefté, pour außi obuier aux querelles qui en enflent peu enfliyuir, comme ils eurent de la mine d’or du Cap à trois pointes,qui efl; en la Guinée : comme aufsi des ifles du Cap verd, amp;nbsp;plufieurs autres places. Aufsi vn chacun doit fçauoir qu’vn Royaume ne veut ia-mais foufiîir deux Roys,ne plus ne moins que le monde ne reçoit deux Soleils. Or cft il que depuis la riuiere de Marignan, entre l’A merique amp;nbsp;les ifles des Antilles, qui ioignent auPeru iufques à la Floride, presTerre neuue, eft demeuré au princed’Efpagne,lequel tient aufsi grand pais en l’Amerique,tirant du Peru au Midy fus la cofte de î’Ocean iufques à Marignan, comme a efté dit. Au Roy Païsaue de Portugal auint tout ce qui efl: depuis la mefme riuie-re de Marignan vers le Midy,iulques à la riuiere de Plate, qui efl: trente fix degrez delà l’Equinodiat Et la premie- nbsp;nbsp;,
Cap À trois foin tes.
replace tirant au cofté de Magellan eft nommée Morpion,la fécondé Mahouhac, auquel lieu fe font trouuées
re pres du cap de Saint Auguftin. Quartementla pointe de Croueftmourou, Chafteaumarin, amp;Fernatnbou, qui font cofins desCanibales de l’Amerique.De declarer particulièrement tous les lieux d vne riuiere à l’autre, come
Curtane, Caribes,prochain de la riuiere douce, amp;nbsp;de Real, enfemble leurs fituations, amp;autres,ie m’en depor-teray pour le prefènt. Orfçachez feulement qu’en ces places defliis nommées les Portugais fefont habituez, amp;nbsp;Qauentbien entretenir les Saunages du païs,de maniéré qu’ils viueiit là paifiblement, amp;: traffiquêt de plufieurs
K
-ocr page 274-IKS SINGVIARITE Z riches marchandifes.Etlaontbafti maifons amp;nbsp;forts pour fafleurer contre leurs ennemis. Pour retourner au Prince
encore
dicou-uers.
cl’E(}^agne,il n’a pas moins fait de fa part,que nous auons dit eftre depuis Marignâ vers le Ponent, iniques aux Mo-luques, tant deçà que delà, en l’Ocean amp;nbsp;en la Pacifique, les ifles dc ces deux mers, amp;nbsp;le Peru en terre ferme: tellement quele tout enfcmbleeftd’vne merueilleufc e-Prfij »0» (tendue, fans le pais confin qui fc pourra decouurir aucc le temps,comme Cartagere,Gate,Palmarie,Pariiè grande amp;nbsp;petite. Tous les deux, fpecialement Portugais, ont fèmblablcmentdccouuertplufieurs païsau Leuantpour traffîquer,dont ilsneiouyHenttoutefois,ainfi qu’enplu-/îeurs lieux de l’Amérique amp;nbsp;du Peru.Car pour regner en ce pais il fautprattiquer l’amitié des Sauuagesrautrement ilsfereuoltent,amp; ûccagenttous ceux qu’ils petiuenttroii uerleplus fouucnt.Etfefautaccomodcr felon les ligues,
querelles,amitiez,ou inimitiez qui font entre eux. Orne fautpé/èr telles decouuerturesauoircfté faites fins grande ertufîon de fing humain, fpecialement des pauures Chrediens qui ont expofe leur vie, fans auoir egard à la cruauté amp;nbsp;inhumanité de ces peuples, brefne difficulté quelconque. Nous voyons en noJfre Europe combien les Romains au commencement voulans amplifier leur Empire, voire d’vn G peu de terre, au regard de ce qui à e/léfiit depuis fbixante ans ença,onteftandu de ûng,tàt d’eux quede leursennemis. QiiellcsEiries,amp;horribles difipations de Joix,dilciplines,amp; honneftes façons de vi-ure ontregné par l’vniuers,fans les guerres ciu il es deSyî-la amp;nbsp;Marius, Cinna,amp; de Po mpée, de Brutus, d’Antoine, amp;d’Augufle,plus dommageables que les autres? Außi
Gen
-ocr page 275-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. IjO fen eft enfuyuie la ruine de l’Italie par les Gots, Huns, amp;nbsp;V vandales,qui mefmes ont enuahi rAfie,amp; difsipé l’Empire des Grecs. Auquel propos Ouide fèmble auoirain-fi parlé,
Or soyons nous toutes chofes tourner^
Et maintenant r» peuple dominer^
Qui neßoit rienzamp;' celuy quipui^ßance
Auoit en toutßuy faire obeißance.
Conclufion que toutes choies humaines lont fubiedes à mutation, plus ou moins difficiles, felon quelles font plus grandes ou plus petites.
Qiuifon des Indes Occidentales^en trois parties.
CHAP.
Vant que palTer outre à delcrire ce païs,à bon d roitCcom me i’ellimejauiourd’huy appelle France Antarôtique,au parauant Amérique, pour les railons que nous a-uonsdiôtes,pourIbnamplitude entoure dimenlion, me fuis aduilé (pour plus aifcmêt doner à entédre aux Leéleurs ) le diuiler en trois. Car depuis les terres recétemét decouuertes, tout le païs de l’Amérique, Peru, la Floride, Canada, amp;nbsp;autres lieux circouoifinsjà aller iufques audeftroitde Magellan,ont ellé appeliez en comun,Indes Occidentales. Et ce pourtant que le peuple tient prcfque mefme manierede vi-ure, tout nud, barbare,amp; rude, comme celuy qui eft encores aux Indes de Leuant. Lequel païs merite véritablement ce nom du fleuue Indus, comme nous difbns en Kij
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quelque lieu. Ce beau fleuue donc entrant en la mer de Leuât,appellee Indique, par fept bouchesfcomme le Nil en la Mediterranée} prend fonorigine des montagnes Arbiciennes amp;Beciennes. Außile fleuue Ganges,entrât fèmblablement en cefle mer par cinq bouches, diuife l’Inde en deux,amp; fait la fèparation de l’vne à l’autre. Eflât donc celle region fi loingtaine dcl’Ameriquc, car l’vne efl en Orient, l’autre coprend depuis le Midy iufques en Occidét,nous ne fçaurios dire eflre autres,qui ayét impo-fc le nom â cefle terre que ceux qui en ont fait la premiere decouuerte, voyâs la beflialité amp;nbsp;cruauté de ce peuple ainfi barbare,fans foy,ne fans loy,amp; no moins fèmblable à diuers peuples des Indes,de rAfie,amp;: pais d’Ethiopie:def quels fait ample mention Pline en fonhifloire naturelle. Et voila corne ce païs â pris le no d’Inde à la fimilitudede celuy qui efl en Afie,pour eflre conformes les meurs,férocité amp;nbsp;barbarie (comme n’agueres auos dit} de ces peu-les occidétaux,à aucûs de Leuant. Doncques la premiere partie de cefle terre, ainG ample codent vers le Midy, depuis le détroit de Magellâ, qui efl einquâte deux degrez, minutes trete delàlaligne equinoéfiale. Tentés de latitude auftrale, ne coprenant aucunemét l’autre terre, qui efl delà le détroit,laquelle n’aefléiamais habitée,necôgnué de nous,finô depuis ce détroit, venat à la riuiere de Plate. De là tirant vers le Ponét,loing entre ces deux mers,font coprinfès les prouinces de Patalie, Paranaguacu, Marga-geas,Patagones,ou region des Geans, Morpion,Tabaia-res,Toupinambau, Amazones, le païs du Brefil, iufques au cap de fiinél Auguflin, qui eflhuit degrez delà la ligne, le païs des Canibales,Antropophages,lefqueIles regions
-ocr page 277-de la trance ANTARCt IQVE. IJt gions font compriles enl’Amcriqueenuironnce de no-ftre mer Oceane,amp; de l’autre cofté deuers le Su de la mer Pacifique^ que nous difons autrement Magellanique. .Nous finirós donc celle terre Indique à la riuieredes A-rnazonesj laquelle tout ainlî que Ganges fait lalepara-tion d’vne Inde à l’autre vers Leuant:aulsi ce fleuue notable ( lequel à de largeur cinquante lieuësj pourra Elire reparation de l’Inde Amérique à celle du Peru. La féconde partie comencera depuis ladite riuiere, tirant amp;nbsp;comprenant pluheurs royaumes amp;prouinccs tout le Peru, le deftroit de terre contenant Darien,Fume, Popaian, An-zerma, Carapa, Quimbaya, Cali, Palle, Quito, Can arcs, CLi2co,Cliile,Patalia,Parias,Temillitan,Mexique,Catay, Panuco,les Pigmées, iulques à la Floride, qui ell fituée vingteinq degrez de latitude deçà la ligne.Ie failTe les illcs à part, fans les y comprendre, combien quelles ne font moins grandes que Sicile,Corlè,Cypre, ou Candie, ne moins à ellimer. Parquoy fera celle partie limitée vers Occident,à laFloride. Il ne relie plus, finon de deferire la troiEeme : laquelle commencera à laneuue Elpagne, cóprenanttoutes les prouincesde Anauac, Vcatan,Cul-huacan,Xalixe,Clialco,Mixtecapan,Tezeuco,Guzanes, Apalachen,Xancho, Aute, amp;nbsp;le royaume de Micuacan. De la Floride iufques à la terre des Baccales ( qui ell vne grande region,foubslaquelle ellcomprifeaußilaterre de Canada, amp;nbsp;la prouince de Chicora, qui ell trentetrois degrez.deçà la ligne ) la terre de Labrador, Terre neu-uc,qui ell enuirôriée de la mer Glaciale,du cofté duNort. Celle contrée des Indes occidentales, ainfi Ibmmaire-inentdiuilee,fans fpecifier pluheurs chofes d’vnbout x
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l’autre,c’e/l à Içauoir, du dellroit de Magellan, auquel a-uons commencé, iulques à la fin de la derniere terre Indique, y â plus de quatre mille huit cens lieues de lon-gueur:amp;par cela Ion peut confidercr la largeur, excepté le de/Iroitde Parias fijsnommé.Pourquoy on les appelle communément auiourd’huy Indes maieures, làns coin-parailon plus grandes que celles de Leuant. Au refieie îupplie le Leéleur prendre en gré celle peticediuiCion,attendant le temps qu’il plailé à Dieu nous donner moyen d'en faire vneplus grande, enlèmblede parler plus amplement de tout ce pais : laquelle i’ay voulu mettre en cell endroit, pour apporter quelque lumière au furplus denoHre diCcours.
Vittans incontinent ces Canibales pour le peu de confolation que Ion en peut re-ceuoirauec le vent de Su, vogames iuf ques à vne tresbclle ifie loingtaine de la ligne quatre degrez : amp;nbsp;non Cans grand dâger on l’approche, car elle n’eH moins difficile â afronter que quelque grand promontoire,tant pource qu’elle entre auant dedans la mer,quepour les ro-chers,qui font à rentour,amp; en front de riuage. Celle Ole a clic decouuerte fortuitement,amp;au grand delàuantage de ceux qui premièrement la delcouurirent. Quelque nauire de Portugal pafiant quelquefois fiir celle colle par imprudence amp;nbsp;faute de bon gouuernement,burrant contre vn rocherpres de celle ifle,futbriféeamp; toute lùb-mergée
-ocr page 279-DE LA TRANCE ANTARCTIQVE. Ijl mergée en fond, liors-mis vingt amp;nbsp;trois hommes qui fe fâuuerent en cefteifle. Auquel lieu ontdemourcl’clpace de deux ans, les autres morts iniques à deux : qui ce pendant n’auoient vefeu que de ratSjoy féaux amp;nbsp;autres belles. Et comme quelquefois paflbitvne nauire de Normandie retournant del’Amerique,mirent l’efquifpour fere-polèr en celle ille,ou trouuerent ces deux panures Portu-gais/ellans feulement de ce naufrage, qu’ils emmenerct anec eux. Et auoient ces Portugais nômé Fïfle des Rats, jfle des pour la multitude des rats de diuerfe efpece,quiyfbnt,en telle forte qu’ils difoient leurs compagnons ellre morts . en partie, pourl’ennuy que leur faifoitcefle vermine, font encores,quand Ion defeend là, qu’à grande difficul-té fen peult on defendre. Ces animaux viuent d’œufs de tortues,quelles font au riuagede la mer,amp; d’œufs d’oyfèaux,dontil y à grande abondance. Aufsi quand nous y allâmes pour chercher eau douce, dont nous a-uions telle necefsité, que quelques vns d’entre nous fu- , rent contrains de boire leur vrine : ce qui duralefpace de trois mois, amp;nbsp;la famine quatre, nous y vimes tant d’oy-feaux, amp;nbsp;fl priuez, qu’il nous elloitaifé d’en charger noz nauires. Toutefois il ne nous futpofsibledc recouurer eau douce, ioint que n’entramesauant dans le païs. Au cdmodi-furplus elle eft tresbelle, enrichie de beaux arbres ver- te^^de doyans la meilleure part de rannce,ne plus ne moins qu’vnverd préau mois deMay, encorequ’elle foitpres de la ligne à quatre degrez. Q.ic celle ifle foit habitable n’eflimpofsible, aufsi bien que plufieurs autres en la inefmezone ; comme les ifles Saint Homer, fous l’equi-noôlial amp;nbsp;autres. Et fi elle efloit habitce,ie puis veritable-
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Zone e)^ tre lestro piques ha hitable.
ment aflcurcr, qu’on en feroitvn des beaux lieux, qu’il foit pofsible au monde,amp; riche à l’equipolent. On y fe-roit bien force bon fucre, cfpicerics ,amp; autres chofes de grand emolument. le (çay bien que pluheurs Cofmo-graphes ont eu cefte opinion, que la Zone entre les tropiques eftoit inhabitable, pour l’excefsiue ardeur du Soleil: toutefois l’experiencc monftre le contraire,fins plus longue contentionztout ainG que les Zones aux deux PO les pour le froid. Hérodote amp;nbsp;Solin afferment que les montsHyperborées font habitables, amp;nbsp;pareillement le Canada, approchant fort du Septentrion, amp;nbsp;autres pais encores plus pres, cnuironla mer Glaciale, dont nousa-uons deGa parlé. Parquoy fins plus en difputer,retour-^boddn nous à noftre ifle des Rats. Ce lieu effc a bon droit ainfi nommé,pour l’abondance des Rats,quiviuent là, dont y a pluGeurs efpeces. Vne entre les autres,que mangent les sohiâta. Saunages de l’Amerique, nommez en leur langue Sohid' efi^ece de nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;grifè, la chair bonne delicate, coiU’
Hierou’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;leuraut. Il en y à vne autre nomméeHte-
fou ^ciu- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;plus grands que les autres,mais non G bons à man-
treefpece ger. Ils font de telle grandeur qucceuxd’Egyptc,quelon t/e rat, appelle rats des Pharaon.D’autres grands comme foines, que lesSauuages nemàgent point, à caufe que quandils font morts ils puent corne charogne, corne i’ay veu. Il fe trouue là pareillemét variété de ferpens, nomez
Gerjvrf, lefquels ne font bons à manger: ouy bien ceux qu’ils no-de j'ijèirab. Car de ces ferpens y en à pluGeurs efpeces r/nXi- ne font en rie veneneux, ne femblablesà ceux deno-Iire Europe:de maniéré que leur morfure n elf mortelle, ne aucunemét dangereufe. Il fen trouue de rouges,ecaiL lez
-ocr page 281-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. IJJ lez de dluerfès couleurs: pareillement en ay veu de verds autât ou plus que la verde fueilJe de laurier que Ion pour-roit trouucr. Ils ne font fi gros de corps que les autres, neantmoins ils font fort longs. Pourtat ne fe fault efmer-ueiller fi les Saunages là entour mangent de ces ratsamp; ferpens fans danger: ne plus ne moins que les Iefiirts,corn inecydeuantnousauosdit. Prescefteillefo trouuefom-blablement vne forte de poiiTon, amp;: for toute la cofte de r Amérique,qui eft fort dangereux, außi craint amp;nbsp;redou-té des Saunages : pource qu’il eft rauiflant amp;nbsp;dangereux, comme vn Lion ou vn loup affamé. Ce poifton nommé Houperou en leur langue, mange l’autre poiffon en l’eau,hors-mis vn,qui efl grand comme vne petite carpe, qui le fuit toufiours, comme fil y auoit quelque ly mpa-tnie ôi. occulte amy tié entre les deux: ou bien le fuit pour cftre garanti amp;nbsp;défendu contre les autres,dont les Saunages quand ils pefehent tous nuds, ainfi qu’ils font ordinairement,le craignent,amp; non (ans raifon,car fil les peut attaindre,il les fubmerge amp;nbsp;eft:râglc,ou bien ou il les touchera de la dent,il emportera la piece. Außi ils fe gardent bien de mager de ce poiffon, ains fils le peuuent prendre vif, ce qu’ils font quelquefois pour fo venger, ils le font mourir à coups de fléchés. Eftans donc encores quelque efpace de temps, amp;nbsp;tou mans ça amp;nbsp;là, i’en contemplé plufieurs effranges que n’auons par deçà: entre lef- Efieade quelsi’en veis deux fort monftrueux,ayans foubs la gor -ge comme deux tetines de cheure,vn fanon ou menton, que Ion iugcroità le voir eftre vne barbe. La figure cy apres mife,corne pouez voir,reprefente le refte du corps.
-ocr page 282-continuation de noßre chonin^auecques la declaration de tAßrolabe marin.
CHAP. (gt;8.
Indißo-tion de Pair auprès de l’ecjuino-atal.
Our netrouuer grand foulagementdc noz trauaux en cefte ifle, il fut queftion fans plusfciourner, défaire voile auec-^ques ventafTez propre iufquesfousno-flre equinoôlial, à l’entour duquel amp;nbsp;la mer amp;nbsp;les vents font aÛes inconllans.
Aufsi là voit on toufiours l’airindifporé:li d’vn colle eii ferein^de l’autre nous menaffe d’orage ; doncle plusTou-uent
-ocr page 283-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. I54 uent là defToubs font pluies amp;nbsp;tonnerres, quine peutient eftre fans danger aux nauigants. Orauant qu’approcher de cefte ligne, les bons piïlots amp;nbsp;mariniers experts con-feillenttoufiours leurs aftrolabes,pourcongnoiftrela di-ftance amp;nbsp;fîtuation des lieux ou Ion eft. Et puis qu’il vient à propos de ceft inflrumêt tant neceflàire en nauigation, i’cnparleray légèrement en paflant pour l’inftrudlion de ceux qui veulent fuiure la inarine,fi grand que l’entendement de l’homme ne le peut bonnement comprendre. Et ce que ie dis de l’aftrolabe,autant en faut entend re de la boflble,ou efguile de mer,par laquelle on peut außi conduire droitement le nauire. Cefl inftrument cft außi tant fubtil Sz prime, qu’aucc vn peu de papier ou parchemin, comme la paume delà main,amp; auecques certaines lignes inarquées,qui fignifientles vents,amp; vn peu defer,duquel fe fabrique ceft inftrument, par fà feule naturelle vertu, qu’vne pierreluy donne amp;nbsp;influe, parfon propre mou-uement,amp;fàns quenullatouche,môftreoueft l’Orient, l’Occident, le Septentrion, amp;nbsp;le Midy : amp;nbsp;pareillement touts les trente deux vents de la nauigation, amp;nbsp;ne les en-feigne pas feulement en vn endroit, ains en tous lieux de ce monde: amp;nbsp;autres fecrets,que ie laifTe pour le prefent.
Parquoy appert clerement que l’aftrolabe, l’efgueille, auec la carte marine font bien faites,amp; que leuradrefle amp;c perfedlion eftchofè admirable, d’autant qu’vne chofè tant grande, comme eft la mer, eft portraite en fi petite , efpace, ôc fe conforme,tant qu’on adrefle par icelle à na-uiger le monde. Dontlebonamp;iufteAftrolabcn’eftau-trecholè,quela Sphere preßeeamp;reprefentee en vn plain, labe ma accompli en fa rotondité de trois cens foixante degrez, rlt;».
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refpondans à la circonférence de I’vniuers diuifee en pareil nombre dedegrez: Icfqtiels derechefil fiutdiuifer en noflre inllrumenr par quatreparties egalesx’eft uoir en chafcrune partie nonante, lefquels puis apres faut partir de cinq à cinq. Puistenant vollre inftrument par l’anneau, l’eleuer au Soleil, en forte que Ion puilTe faire entrer les rayons par le pertuis de la lidade,puis regardant a voftre dedinaifon, en quel an,moys,amp; iour vous elles, quad vous prenezlahautcur,amp; quele Sloeil foit deuersle Su,qui efl du collé derArnerique,amp; vous foyezdeuers le Nortjil vous faut oiler de vollre hauteur autât de devrez queleSoleilàdeclinéloingde laJignejdelaquelJenous parlons, par deuers Je Su. Et li en prenât Ja hauteur du So-leil vous elles vers MidydeJà J’equinodiaJ,amp; Je SoJeiJ foit au Septentrion,vous deuez fembJablement olleraiP tantdedegrez,que JeSoJeiJ decJinede JaJignevers no-llrepoJe. ExempJe: Si vous prenez vollrehauteurjeSoJeiJ ellant entre J’equinoéliaJ amp;nbsp;vous,quand aurez pris Ja-diéle hauteur, iJ faut pour Içauoir JeJieuouvous elles, foiten mer ou en terre, adiouller Jes degrezque JeSoJeiJ ell décliné Joing de Ja Jigne, auecques vollre hauteur, amp;nbsp;vous troLiucrez ce que demandez; qui fentend autant dupoJeArélique qu’Antarctique. Voila feulement Le-ôleur,vn petit mot en palTant de nollre AllroJabc,remetr tantJefùrpJus de Ja congnoiflance amp;nbsp;vfagedecellinllru ment aux Mathématiciens, qui en fontprofeßion ordinaire . IJ me folliten auoirdit fommairement cegueie congnois dire neceddice à la nauigation, rpccialeinent aux pJus rudes quiny font encores exercez.
-ocr page 285-DE LA FRANGE ANTARCTIQVE. UJ Departement de noflre equateur^ou equinoHtal.
CHAT. 6Sgt;.
E penfe qu’il n’y à nul homme d’efprit qui ne fçache que l’equinodial ne foit
^^tvnetraflè au cercle,imaginé parle mi-lieu du monde, de Leuant en Ponent,en egale diftance des deux : tellement que de cefl:equinoclial,iu{qucs à chacun des Poles y â nonante dcgrez,comme nous auons amplement traiclé en fbn lieu. Et de la temperature de rair,qui ert là enuiron, de la mer, amp;nbsp;des poilTons : refte qu’en re- » $ y tournant en parlions encores vn mot, de ce que nous a-uons omis à dire. Paflans donc enuiron le premier d’A' uril, auec vn vent h propice, que tenions facilement no-ftre chemin au droit fil,à voiles dépliées,fans en decliner aucunement,droit au Nort: toutefois moîeftez d’vne au uoir:ce que neantmoins nous venoit aucunement a propos, pour boire, confideré la necefsité que l’efpace de deux moys amp;nbsp;demy,auions endurée de boire,n’ayans peu recouLirer d’eau douce. Et Dieu fçait fi nous ne beumes pas noftre {àoul,amp; à gorge depliée, veu les chaleurs ex-cefsiues qui nous bruloyent. Vray eft,que l’eau de pluye, en ces endrois eft corrompue, pour l’infeéf ion de Pair, dont elle vient, amp;nbsp;de matière pareillement corrompue en l’air amp;nbsp;ailleurs,dont celle pluye eft ens^ndrée: de ma-mere que lion en laue les mains, il l’eleuera deftus quel-ques vefeies amp;nbsp;puftules. A ce propos ie fçay bien que les Philofbphes tiennent quelque eau de pluye n’eftre faine, ùeufe. -
Depart del’^u^ teur de ieejuino-^-trcincômodite,c’eftque iouramp; nuit necefloit de|)lou-
LES SINGVLARITEZ
Dimen-fion de l’yni-uers.
amp; mettent difference entre ces eaux, auec les railbns que ie n’allegueray pour le preient,cuitantproIixitc.Or quelque vice qu’il y euft, fi en falloir il boire, fuffe pour mourir. Cefte eau dauantage tombant fur du drap,laiffe vne tache,que a grande difficulté Ion peut effacer. Ayans doneques incontinent paffe la ligne, il fut queftion pour noftre conduite,commencer à compter noz degrez, depuis là iniques ennoftre Europe, autant en faut il faire, quand on va par delà, apres ellre paruenu foubs ladiéleli gne. Il efl: certain, que les Anciens mefiiroyent la terre (ce que Ion pourroit faire encores auiourd’huy; par des,pas, amp;nbsp;pieds, amp;nbsp;non point par degrez, comme nous làifons ,ainfi qu’afferment Pline, Strabon, amp;nbsp;les autres. Mais Ptolemee inuenta depuis les degrez,pour mefu-rer la terre amp;nbsp;l’eau enfemble,qui autrement n’eftoyent enfemble mefurables, amp;nbsp;clE beaucoup plus ayfé. Ptolemee donc àcompaffé l’vniuers par degrez, ou, tant en longueur que largeur, le trouuent trois cens Ibixantc, amp;nbsp;en chacun degré leptante mille,qui valient dixlèpt lieues amp;nbsp;demye, comme i’ay peu entendre de noz Pilotes, fort expers en l’art de nauigucr. Ainfi cell vniuers ayant le ciel amp;nbsp;les elemensen fii circonférence, contient ces trois
cens lôixante degrez,égalez par douze lignes, dont vn chacun à trente degrez : car douze fois trente font trois cens lôixante iullement. Vn degré contient Ibixante J nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;minutes, vne minute Ibixante tierces, vne tierce foixan-
du nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;r* • nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;• nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;• f* nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;•
te quartes, vne quarte lôixante quintes, lulques a loixan-te dixiémes. Car les proportions du ciel fe peuuent partir en autant de parties,que nous auons icy dit. Donc par les degrez on trouue la longitude, latitude, amp;dillance des ' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lieux.
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lieux. Lalatitudedepuislaligneendeçaiufques ànoftre comeÇe pole, ou il y à nonanre degrez amp;nbsp;autant delà, la longitu- peutcon-deprile depuis les IflesFortunées au Leuant. Pourquoy ie dis pour coclufionquelePilotte qui voudra nauiguer, doitconfiderertroischofes : la premiere, en quelle hauteur de degrez il fe trouue, amp;nbsp;en quelle hauteur eft le lieu ouil veut aller. La féconde lelieu ou illétrouuc,amp;lelieLi
Idtitude, latitude, amp;nbsp;dtftt ce des lieux
OU il efpere aller, ôcfçauoir quelle diftance ou elongnc-mentily àd’vncoftéâl’autre. Latroiliéme,{çauoirquel ventjou vents le feruirot enfànauigation.Etletout pourra voir amp;nbsp;congnoillre par fà carte amp;nbsp;inftrumens de marine. Pourfuiuans tounours noflre route fix degrez deçà noftreligne, tenansle capauNort iufques au quinziéme d’Auril, auquel temps congneumes le Soleil direélemét eftrefoubs noftre Zenith,qui n’eftoitfàns endurer excefi fiue chaleur, comme pouuez bien imaginer,fi vous con-fiderez la chaleur qui eft par deçà le Soleil eftant en Can-cer,hien loing encores de noftre Zenith, à nous qui habitons cefte Europe. Or auant que palier outre ie par Je-ray de quelques poiftbns volans que i’auois omis, quand i’ay parlé des poiftbns qui fetrouuctenuiron cefte ligne.
lieft donc à noter qu’enuiron ladite ligne dix degrez ^jpecede-deçà amp;: delà,il fetrouue abondance d’vn poifTonquelon voit voler haut en l’air, eftant pourfuyuid’vn autre poifi ” ' fon pour le manger. Et ainfi de la quantité de celuy que Ion voit voler, on peut aifément comprendre la quantité de 1 autre viuant de proye. Entre lefquels la Dorade(de laquelleauons parlé cy dejrus)le pourfuit fur tous autres,, pource qu il à la chair fort delicate amp;nbsp;friande. Duquel y à deux elpeces: l’vne eft grade comme vn haren de deçà:.
L iiij
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Pirdue-fte.
^lhcico ,re,poißü.
c’eft cekiy qui efl: tat pourfuyui des autres.Ce poiflbnâ quatre ailles,deux grades faites co me celles d’vne Chau-ueiourisjdeux autres plus petites auprès de la queuc.L’au-tre reflèmble quafi à vue grofle lâproye. Et de telles eipe-ces ne fen trouue gueres,linô quinze degrez deçà amp;nbsp;delà la ligne,qui eft caufe felon mó iugemét,que ceux qui font liures des poiflbns Font omis,auec plufieurs autres. Les Amériques no ment ce poiflbn Ptïauene. Son vol eft pref que come celuy d’vne perdris: le petit vole trop mieux amp;nbsp;plus haut que le gràd. Et quelquefois pour eftre pour/ûy-uis amp;nbsp;chaflez en la mer, volent en telleabodance, princi-palemét de nuit,qu’ils venoiêt le plus fouuét heurter contre les voiles de noz nauircs, amp;nbsp;demeuroiét là. Vn autre poiffon eft qu ils appellêt nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;beaucoup plus grand p
le marfbuïn, faifànt guerre perpétuelle au poiflbn volât, ainfîque nousauons dit delà dorade: amp;nbsp;eft fortbonà manger, excellent fur tous les autres poiflbns delà incr, tantdePonent quedeLeuant. Ilefl difficile à prendre-amp;pource Ion côtrefait vn poiflbn blanc auecques quel-quelinge, que Ion fait voltiger fur l’eau, comme fait le poiffon volant, amp;nbsp;par ainfî fe laiffe prendre comunénaér.
Du Peru^O^ desfr 'mcipAlesprouinces contenues en iceluy.
d'H K V. yo.
Our fuyurenoflre chemin auecAbonne fortune de vent, coftoyames la tecce , amp;nbsp;les ifles cflans Car cede code de mer C'ceane, appellees iûes du Peru,
paru-
-ocr page 289-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 137 particulier. ' Ce païs,(èlon que nous auons diuifé,eft l’vne des trois parties des IndesjOccidentales/ayant de Ion-gueur fept cens lieues, prenant du Nort au .midy,amp; cent dclargeur, de Leuant en Occident, Commence en terre “ continente, depuis Themiditan,â pafler par le deflroit de cidaales. Darienne, entre l’ocean, amp;c la,mer qu’ils appellent Pacifi-que:amp; à efté ainli appelé d’vne riuierc nommée Peru, la-quelle a de largeur enuiron vne petite ucue: comme plu-neurs autres prouinces en Afrique, Aßie, amp;nbsp;Europe, ont pellée. pris leur nom des riuieresplus fameufps:,ainfique mef-me nons auons dit deSenequa. -jCefte region cft donc enclofe de l’ocean, amp;nbsp;de la mer de Su: au refte, garnie de forefts efpefles, amp;. de montagnes, quijrendent le païs en plûfieurs lieux prefque inacceßible,.tellement qu’il eft mal aifé d’y pouuoir conduyre chariots pu belles chargées, ainli que nous failbns^en nos plaines de deçà. En ce Prouîcts pais du Peru,ÿ a plufieuramp;belles prouinces,entrelefquel-les, les principales, amp;nbsp;plus renommées font Quito, tirant âuNortquiâdelongueur,prenantdeLeuantauPonent, enuiron foixante lieuès,amp;: trete de largeur. Apres Quito, région. fenfuitla prouincc des Canares, ayant au Leuant la riuie- Pgt;'ouin~ re des Anaazpnes , auec plufieurs montagnes, amp;nbsp;habitée d’vnpeupie^ffés inhumain, pourn’eftrç,jénçores réduit. Celle prpùinçe paflee^ le trpuue celjé que le.s^bifpagr^ols ■ t-ont nommée Sainét laques du port vieux,comméçant à s.iiKjHis vn degréjdela ligne crjuinoélialç.^ La quatrième, qu’ils déport appellentçniIçuiJangUjÇ,T’4y^zz?/Zf4,.fè epp^ne^àlegrand yjlle^fl^,T.PPgiJle, laquelle aptpsj’epnppijphnçment de kiU nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;AtabUy.by, Pizare vova^n^^afertilité du
P ais là hll. ballirfprtilier quelque viUs éc,çbàlleau .11 y
.....■ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'M î
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en a vne autre nommée Cuzco, en laquelle ont long temps régné les Inges, ainG nommez, qui ont elle puiG Gins Seigneurs ; amp;ligniGe ce mot Inges, autant comme RoydH- Roys. Et elloit leur royaume édition G ample en ce tZ« temps la, qu’elle contenoit plus de mille lieues d’vn bout â autre. AuGia efté nommé cepaïs de la principale ville, ainG nommée comme Rhodes, Metellin, Candie, amp;nbsp;autres païs prenans le nom des villes plus renommées, com me nous auons deuant dit. Et diray d’auantagcqu’vnEG pagnol ayant demeuré quelque temps en ce païs,m’a affermé eftat quelquefois au cap de Fine terre en Efpagne, qu’en celle contrée du Cuzco, le trouue vn peuple qui a les oreillespendantesiuGjuesGir les elpaules, ornées par Gngularitc de grandes pieces de Gn or, luifantes amp;nbsp;bien poiïes, riche toutefois lus tous les autres du Peru, aux pa-rolles duquel ie croirois plus toll que non pas à pluGeurs Hiftoriographes de ce temps,qui elenuent par ouyr dire, comme de noz gentils obfèruateurs, qui nous viennent rapporter les chofès, qu’ils ne virent Onques. 11 mcfoii-uient â ce propos de ceux qui nous ont voulu perluader, qu’en la haute Afrique auoit vn peuple portant oreilles , pendantes iufqueS aux talons : ce qui eft manifelleinenc Cdndr,re ablurde. La cinqiéme prouince elf Canar,‘'ayant du gionfort c'ôüc de Ponentla. met du Su,contrée mcrueilieufèment ■ froide, de maniéré que les neiges amp;nbsp;glaces y font toute l’année. Et combien qu’aux autres regions du Peru le froïd ne/oit G,Violent,amp; qu’il)^ vienne abodanccdeplus beaux fruits j,atiGi riya il telle temperature en e^c : cares autrespartips en e/lé rairè/f exeefsiiiementcbâud,ôe nul tempere, quPcauie vné corruption, princip^ilement es fruits.
-ocr page 291-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. I3S fruits. Außiqueles bellesveneneufès nefè trouuentes regions froides,comme es chaudes. Parquoy le tout con fideréjil eft mal aifé deiuger, laquelle de ces cotrées doit ellre preferée à l’autre : mais en cela fe faut refondre que toute commoditéeft accompagnée delèsincomoditez.
Encores vne autre nommée Colao, en laquelle le fait Prou'îce plus de traffîque,qu’en autre cotrée du Peru:qui eft caulè que pareillcmét eft beaucoup plus peuplée.Elle ft cofine du codé de Leuat aux montagnes des Andes,amp; du Ponét aux motagnes deNauades.Le peuple de celle cótrée,nó-nié en leur lâguc Xult/^hilane^Acos^omdtdyCepitayC^ TrUn~ luMacho,cô\iicn qu’il loitfruLiage amp;nbsp;barbare,eft toutefois fort docile,à cauft de la marchâdift amp;: trafiique qui ft me ne là: autremét ne ftroit moins rude que les autres de l’A-merique. En celle cotrée y à vn grand lac,nômé en leur langucTzhrrfr^jqui eft à dire Ide de plumes: pource qu’en Titicatd cc lac y à quelques petites ifles, elquellesft trouueli grâd nombre d’oiftaux de toutes gràdeurs amp;nbsp;efpeces, que cell choie prefque incroyable. Relie à parler de la 'derniere contrée de ce Peru,nommée Carcas,voilinede Chile,en laquelle eft lituée la belle amp;nbsp;riche cité de Plate :1e païs fort riche pour les belles riuieres,amp; mines d’or amp;nbsp;d’argét. ré riche Donques ce grand païs amp;nbsp;royaume contient, Scfappelle iamp;am' tout cc qui cil compris depuis la ville de Plate, iulques à Quito,commedélia nous auonsdit, amp;nbsp;duquel auos déclaré les huit principales cotrées amp;nbsp;prouinces. Celle ter- rerre dit re continente ainfi ample amp;fpacieufereprefente la ligure Peru re-d’vn triangle cquilatere, combien que plulieursdes mo- p^efente dernes l’appellent ifle, ne pouuans,ou ne voulans mettre diftercce entre ifle,amp; ce que nous appelions prefqueille,
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Sô’continente. Parainfi ne-faut clouter que depuis le de-rrôitde Magellan,cinquante deux degrez de latitude, amp;: trente minutes,amp; trois cens trois degrez delongitudc delà la ligne iufques à plus de foixante huit degrez deçà, ell terre ferme. Vray eftqueli ce peu de terre entre la noti-uelle Efpagneamp; le Peru , n’ayant de largeur que dixfèpt lieuës,de lamerOceane^celleduSujClfoitcoupéed’vne Darien, rner efi Pautrcyl-e Peru fe ppmrroit dire alors ifle, mais Da-detroitde rien,deti‘oit de terre,- ainli nommé de la riuicre de Darie-ne,rernpefche. Oreftil quefhon de dire encores quelque choie du Peru »s-Quant àla religion des Saunages du païs qui nefbnt encores réduits à nollre foy ^ ils tiennent vne opinion fort eftrange, d’vne grande bouteille, qu’ils Superfit- gardent parfingularité, difans quela mer à autrefois paf tio ^rade îe par dedàs auec toutes les eauës amp;nbsp;poilTons : amp;(. que d’vn d’aucuns autre large valè efloient lâillis le Solçil amp;nbsp;la Lune, le pre-mier homme amp;: la premiere femme. Ce que faulèment Bohitü ' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;perfuadé leurs meçhans prellres, nommez ‘Bo-
prefires^ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;l’o^t rcceu longue efpace de temps, iniques à ce
que lesElpagnols leur ont dilfuadé la meilleure part de telles relùeries amp;nbsp;impoflures. Au Itirplus ce peuple elf 'jï fort idolâtre fur tous autres. L’vn bdore en Ibn particu-idolatrie lier ce qu’11 luy plaid: les pefeheurs adorent vn poilTon decespeu nommé Liburon : les autres adorent autres bedes amp;nbsp;oi-lèaux. Ceux qui labourent les iardins adorent laterre,-^ mais.en general ils tiennent le Soleil vn grand dieu,la Lu ne pareillement amp;nbsp;la terre: edimans que par le Soleil la Lune toutes choies Ibnt conduites amp;nbsp;regies. En Jurant ' ils touchent la terre de h main, regardans le SoieîL Ils tiennent d’auanrage auoir eilévn deluge, comme ceux !• nbsp;nbsp;nbsp;. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;de
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tout le Peru.
. de FAmprique, difàns qu’il vint vn Prophete de lapart de Septentrion,qui faifoit merueillesdequel apres auoirerte mis à mort,auoit encores puifl'ance de viure, amp;nbsp;de fait a-uoitvefcu. Les Efpagnols occupent tout ce pais de terre LesEj^a. ferme, depuis lariuiere de Marignan iufqucs a Fume amp;nbsp;Dariéne, amp;nbsp;encores plus auât du cofté de l’Occident, qui eft le lieu plus ellroit de toute la terre ferme,par lequel on vaauxMoluques. D’auantage ils feftendent iukjues à la riuiere de Palme : ou ils ont ii bien bafti amp;nbsp;peuple tout lepaïs, que c’eflchoiemerueilleufe de laricheife qu’au-iourd’huy leur-rapporte tout ce païs, comme vn grand royau me. Premieremêt prefque en toutes les ifles du Pe-ruyà minesd’oroud’argent,quelques emeraudesamp; tur-quoifes, n’ayans toutefois fi viue couleur que celles qui viennent de Malaca ou Calicut. Le peuple le plus riche de tout le Peru, eft celuy qu’ils noment belliqueux, aufsi fur toutes autres nations. Ils nourriftenr beufs,va-
les du Pe
peuple
ches,amp; tout autre beftial domeftique,en plus grand nom ehe bre que ne faifions par deçà : car le païs y cft fórt propre, beüi-de maniéré qu’ils font grand traffique de cuir de toutes ........ fortes ; amp;nbsp;tuent les beftes feulement pour en auoir le cuir. La plus grand part de ces beftes priuées amp;nbsp;domeftiques f)nt deuenuës fiuuages, pour la multitude qu’il y en à, tellement que Ion eft contraint les laifter aller par les bois iourôc nuit, fans les pouuoir tirer neheberger auxmai-fons. Et pour les prendre font contrains de les courir, amp;nbsp;vfer de quelques rufes,com.me à prendre les cerfs amp;nbsp;autres beftes fauuages par deçà. Leblc, comme i’ay entendu,ne peut proffiter tantes ifles que terre ferme du Peru, o nonplus qu'enrAmerique. Parquoy tant gentilshomes
queux..
Blé yin en nul yfa--'
^e aux
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CdJJddc forte d’d-hmenc.
Le ' Peru ejlimé à prefnt ^uaft ■gt;-ne autre Europe,
qu’autres viuent d’vne maniéré d’alimêt, qu’ils appellent Cajjade, qui eft vne forte de tourteaux, faits d’vne racine, nommée Manihot. Au relie ils ont abondance de mil amp;nbsp;depoiflbn. Quant au vin il n’y en croift aucunement, au lieu duquel ils font certains bruuages. Voila quant à la continente du Peru, lequel auec iès ifles, dont nous parlerons cyapres,eftremis enteile forme,qu’à prefenty trouuerez villes,chafteaux,citez,bourgades,maifons, villes epifcopales,republiques,amp; toute autre maniéré de vi-ure,que vous iugericz eftre vne autre Europe.Nous con-gnoiftbns par cela cobien eft grande la puiflance amp;nbsp;bonté de noftre Dieu, amp;nbsp;fà prouidence enuers le genre humain: car autant que les Turcs,Mores, amp;nbsp;Barbares,enne-mis de verité,Pefforcent d’anéantir amp;nbsp;deftruire noftre religion , de tant plus elle ferenforce, augmente, amp;nbsp;multiplie d’autrecofté. VoiladuPeru,lequeIànoftreretour auons coftoyé à ftneftre,tout ainii qu’en allant auons co-ftoyé l’Afrique.
Des ifles du Peru^e^ ffincifalenient de f£flagnole. en K P. 71.
JßeEfpa o^nole, no mee au parauat Haiti
queïd.
Pres auoir eCcrit de lâ continente du Pc'-pourtant que d’vne meftiie routea-uons coftoyé à noftre retour quelques ifles fus 1 Ocean,appellees ifles du Peru, pour en edre fort prochaines,i’en ay pa-reillemctbiévouluercrirequelguecho-fe. Or pource queiîâns p^ruenuzàh hauteur de l’vne de ces iûes, nommée Efpagnoleyparceux qui depuis certain
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tain temps l’ont decouuctte,appellée parauantZf^/?/, qui vaut autant à dire comme terre afpre,amp; Quifquei’a,grande. Aufsi véritablement efl elle de telle beauté amp;nbsp;gran-deur,que de Leuant au Ponent, elle â cinquante lieues de de long, amp;nbsp;de large du Nort au Midy,enuiron cjuarante, ôcplus de quatre cens de circuit. Au relie efl à dixbuit degrez de la ligne,ayant au Leuat l’ifle dite de Saint lean. Trois amp;plulieurs petites illettes, fort redoutées amp;nbsp;dan gereules fromon-auxnauigans : amp;nbsp;au Ponetl’ifle de Cuba amp;nbsp;lamaïque:du collé du Nort les ifles desCanibales,amp; vcrsleMidv,le cap de Vele, litué en terre ferm e. Celle iflerelfemble au-cunement à celle de Sicile,quc premièrement Ion appel-
rou.
Lobos.
IoitTrinacna,pour auoirtrois promontoires,fort emi- Hi^uey. nens: toutainii celle dont nous parlons, enà trois fort a-
OïAne, fleuue.
ron, le deuxieme taiguey, le troiiieme kooos, qui eit au collé de l’ille,qu’ils ont nommée Beata,quafi touteplei- nbsp;nbsp;nbsp;-yil-
nc deboisdegaiac. EncefleElpagnolefetrouuentde leprinci-tresbeaux fleuues, entre lefquels le plus célébré, nommé Orane, pâlie alentour de la principale ville de ladite ifle, nommée par les Efpagnols Saint Domingue. Les autres ptguues fontNequée,Hatibonice,amp;Haqua, merueilleufement les plus riches de bon poilfon, amp;nbsp;délicat à manger : ôc ce pour la renome^s^ ’ temperature de l’air,amp;: bonté de la terre,amp; de l’eau.
fleuues fe rendent à la mer prefquetous du collé du Le-uant : lefquels ellans alfemblez font vne riuiere fort lar- Religion ge,nauigable de nauires entre deux terres. Auâtquece- ancienne lieiflefuft decouuerte desChreftiens, elle clloit habitée des Sauüages,quiidolatroient ordinairementle diable, lequel fe monllroit à eux cndiuerles formes : aufsi fai-
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Ibient plufieurs amp;nbsp;diuerfès idoles,felon les vifions amp;illu-fions nocturnes qu’ils en auoient: comme ils font encores d prefent en plufieurs ifles,amp;: terre ferme de ce païs.Les autres adoroient plufieurs dieux, mefmementvn pardef fus les autres, lequel ilseflimoient comme vn modérateur de toutes chofes : amp;nbsp;le reprefèntoient par vne idole de bois,eleuée contre quelque arbre,garnie de fueilles amp;nbsp;plumages: enfèmbleils adoroient le Soleil amp;nbsp;autres creatures celefies. Ce que ne font les habitans d’auiourdhuy, pour auoir clic réduits au CbrilHanifme à toute ciuiJi-té. le fçay bien qu’il fenefttrouué aucuns le temps paf ; fé,amp; encores maintenant, qui en tiennent peu de conte. c.Cdli^» Nous liions de Caius Caligula Empereur de Rome, 74 Emp. quelque mefpris qu il fift de la diuinité,fi a il horriblemêt tremblé, quad il fefl apparu aucun figne de l’ire deDieu. Mais auant que cefte ifie de laquelle nous parlons ait efté réduite à l’obeiflance des Efpagnols Cainfi que quelques
gt; vnsquiefloientàlaconqucfi:em’ontrecité)lesBarbares ont fait mourir plus de dix ou douze mille Chreftiês,iuf ques apres auoir fortifié en plufieurslieux, ils en ont fait mourir grand nombre, les autres menez, elclaues de tou-tes parts. Et de cefie façon ont procédé en rifle de Cuba, de Saint Iean,Iamaïque, Sainte Croix, celles des Ganiba-r Jes, amp;nbsp;plufieurs autres ifles, amp;nbsp;pais de terre ferme:;,car au commencement les Efpagnols amp;nbsp;Portugais, pour plus aifement les dominer, faccommodoientfort âJeur maniéré de viure, amp;nbsp;les allecbanspar preiens amp;nbsp;par dou,ces parolles, fentretenoiét toufiours.cnileu ranticié : tant que par fiicceßion de terrips fc voyi$ lés jTlüSffortSiCommeri-lt;ercncà/éreuolter,prcnansles vnseiclaues,iesont con-f ■ 1/1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;trains
-ocr page 297-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. I4I trains à labourer la terre: autrement iamais nefulTentve-nuzàfindeleurcntreprife. Les R.oys plus puiflansdecc pais font en Cafeo ôc Apina ifles riches amp;nbsp;fameufes, tant pour l’or amp;nbsp;l’argent qui fy trouue, que pour la fertilité de la terre. Les Saunages ne portent qu’or fur eux, comme amp;ferti~ larges boucles de deux ou trois liures,pendues aux oreil- i«« les, tellement que pour fi grande pefanteurils pendent les oreilles demy pie de long : qui adonné argument aux Efpagnols de les appeller Grands oreilles. Cefte ille eft Fertilité merueilleufement riche en mines d’or,comme plufieurs amp;richef autres de ce pais là, car il fen trouue peu, qui n’aye mi- 'f nés d’or ou d’argent. Au refte elle elf riche peuplée de beftes à cornes,comme beufs,vaches,moutons,cheures, amp;nbsp;nombre infini de pourceaux, aufii de beaux chenaux; defqnelles belles la meilleure part pour la multitude eft deuenuë £ànuage:comme nous auons dit de la terre ferine. Quant au blé amp;nbsp;vin,ils n’en ont aucunement,fil n’ell porté d’ailleurs: parquoy en lieu de pain ils mangent force Caflade, faite de farine de certaines racines : amp;nbsp;au lieu fie vin,bruuages bos amp;nbsp;doux, faits anlsi de certains fruits, commelecitre deNormandie. Ils ont infinitéde bons poiflbnSjdont les vnsfont fort ellranges: entre lefquels fen trouue vn nommé Manati, lequel fè prend dans les riuieres,amp;: aulsi dans la m.er, non toutefois qu’il aye tant efté veu en la mer qu’aux riuieres. Ce poiflbn eft fait à la fcmblàce d’vne peau de bouc,ou de cheure pleine d’huile pean du ou de vin,ayant deux pieds aux deux collez des efpaules, manati, aucclelquelsil nage : amp;nbsp;depuis le nobril iufquesau bout poiffon. delaqueuë,vatoufiours en diminuant de grolfeur: là te-lie ell corne celle d’vn beuf, vray ell qu’il aie vilàgc plus
»
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maigrcjle menton plus charnu amp;nbsp;plus gros, fèsïeux font fort petis folon là corpulence,qui eft de dix pieds de grof-four,amp; vingt de longueur;fâ peau grilatre,brochée dépérit poil, autant epcfle comme celle d’vn beuf : tellement queles gens du pais en fontfouliers àleur mode. Aure-ftè fespieds font tous ronds, garnis chafounde quatre ongles aflez longuets,refTemblans ceux d’vn elephant. C’ertle poiflbn le plus diflorme, que Ion ait gueres peu voir en ces païs là : neantmoins la chair eft meruedlcufe-ment bonneà manger, ayant plus le gouft de cluirdc veau,que de poiflbn. Les habitans de l’ifle font grand 3.-mafts de la grefle dudit poiflbn,à caufo qu’elle eftpropre à leurs cuirs de cheures, dequoy ils font grand nombre de bons marroquins. Les efolaues noirs en frottét communément leurs corps,pour le rendre plusdifpos amp;ma -niable,comme ceux d’Afrique font d’huile d’oliue. Lon
certaines pierres dans latefte de ce poiflbn,def quelles ils font grâdeeftimc,pourcequ’ils les onteiprou-uées eUce bonnes contre le calcu Ie,foit es reins amp;nbsp;à la ve(-ftercar de certaine propriété occulte, cefte pierfe le com-minuë 8c met en poudre. Les femelles de ce poiflbn rendent leurspetis tous vifs,làns œuf,comme faitia balene, amp;le loup marin : außi elles ont deux retins comme les befles terreftres, auec lefquels font alaittez leurs petis.
VnElpagnol qui à demeuré longtépsen cefte iflem’a affermé qu’vn Seigneur en au oit nourri vn l’elpace de trente ans en vn eiiâng, lequel par focceßion de temps deuintfi Eimilier amp;priué, qu’il {elaiÛdit preCque mettre la main Cus luy. Lés Saunages prennent ce poiiTon communément alTezpres de terre, ainû qu’il paift de l’herbe.
le
-ocr page 299-DE LA FRANCE ANTARGTIQVE. I42 le laiHe à parler du nombre des beaux oyfeaux veftuz de diuers amp;nbsp;riches pénages j dont ils font tapifleries figurées d’hominesjde femmes,belles,oyfeauxjarbres,fruits,fins y appliquer autre choie que ces plumes naturellement embellies amp;nbsp;diuerfifiées de couleurs : bien eft vrav qu’ils les appliquent lus quelque linceul. Les autres en garni!- fiar les fent chapeaux, bonnets amp;nbsp;robes, chofes fort plailàntcs à Sduua-la veuë. Des belles ellranges à quatre pieds ne fen trou-ucpointjfinon celles que nous auons dit : bien fetrou-uentdeux autres elpeces d’animaux, petiscomme con-nins,qu’ils appelent Hulioiy^ autres Qm,bons à manger. HuIïm Ce que i’ay dit de celle illc, autant puis ie dire de lille Saint laques,parauant nommée lamaïca : elle tientà la partde Leuant Pille de Saint Dominique. Ilyàvneautre bellcille,nommée 'Bourifjuan en langue du pais, appellée iße de s. cartes marines, ille de Saint lean : laquelle tient du co- itiques. Hé du Leuât Pille Sainte Croix,amp; autres petites illes,dont les vnes font habitées,les autres delèrtes.Celle ifie de Le-uant, en Ponent tient enuiron cinquante deux lieues, de longitude trois cens degrez, minutes nulles: amp;nbsp;de latitude âixhuit degrez, minutes nulles. Brcf,ilyàplulieurs autres illes en ces parties là,defquclles, pour la multitude ie lailTeà parler, n’ayant aufsi peu en auoir particuliere congnoillance. le ne veux oublier qu’en toutes ces illes nefe trouuent belles rauilTantes, non plus qu’en Angleterre,amp; en Pille de Crete.
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-ocr page 300-IES SINGYLARITEZ Des iß es de Cuba nbsp;nbsp;JLucàia.
CHAP. 72.
ftion de l 'iße de Cuba.
Elle pour le fommaire des ifles du PerUj reciter quelques fingularitez de l’ifle de Cuba,amp; de quelques autres prochaines, côbien qu a la verité,lon n’en peut quaû dire gueresautrechofe,qui défia n’ait efté attribué à l’Elpagnole. Celle ifle eft plus grands que les autres, amp;nbsp;quant amp;nbsp;quant plus large; car Ion conte du promotoirequi ell ducoftédeLeuant, à vn autre qui efl du coflé de Ponent, trois cens lieues, àc duNortàMidy ,feptantelieucs. Quant à la dilpofition de l’air,il y a vne fort grade temperature, tellement qu’il n’y a grand exces de chaud, ne de froid. Il fy trouue de
Montagne de
ó* el ter.
riches mines,tant d’orque d’argent,femblablement d’au tres métaux. Du codé de la marine fc voyent hautes môtagnes,dcfque]les procèdent fort belles riuieres, dont lescaucs font excellentes, auec grande quantité depoif fon. Au relie,parauant quelle fuft déco uuerte, elle ehoit beaucoup plus peuplée des Sauuages,quc nulle de toutes les autresunaisauiourd’huyles tfpagnols en font Seigneurs ôc maiftres. Le milieu de cefleiile tient deux cens nouante degrez de longitude, minutes nulles, amp;nbsp;latitude vingtdegrez,minutes nulles. Il fytrouucvne montagne pres de la mer^qui eft toute de fel, plus haute que celle de Cyprc,grand nombre d’arbres de cotton,brehl,amp;ebene.
dirây ie duCel tcrïeilre, qui fe prend en vne autre montagne fort haute ôc maritimc?Et de cefte elpece fen trouue pareiUement en fille de Cypre nommé des
-ocr page 301-DE LA TRANCE ANTARCTIQVE. 14J Grecs »sukb« lequel fè prend außi en vne montagne pro*' chaine de la mer.D’auantagc Ce trouue en cefte ifle abondance d’azur,vermillon,alun,nitre,fcl de nitre, galene, amp;nbsp;autres tels,qui (ê prennent es entrailles de la terre. Et quat aux oyfèauxjvousy trouuerezvne elpece de perdrisaflez Efiecede -petite, de couleur rougeâtre par dehors, au refte diuerfi- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'
hces de variables couleurs,la chair fort delicate. Les ru-fhques des montagnes en nourrilfent vn nombre dans leurs maifonSjCommeonfaitles poulies par deçâ.Etplu-fieurs autres chofès dignes d'eftreeferitesamp; notées. En premier lieu y à vne vallée,laquelle dure enuiron trois lieues, entre deux montagnes, ou fè trouue vn nombre infini de boules de pierre, grofles, moyennes, amp;nbsp;petites, rondes comme efteufs, engendrées naturellement en ce lieu, combien que Ion les iugeroit eftre faites artificiellement. Vousyen verrez quelquefois défigroffes, que quatre hommes fèroiét bien empefchezàcn porter vne: les autres font moindres,les autres fi petites,qu’elles n’ex-cedent la quantité d’vn petit efteuf. La fécondé chofe di- Liqueur gned’admiration eft,qu’en lamefmeiflefe trouue vne’ môtagne prochaine du riuage de la mer, de laquelle fort vne liqueur femblable à celle que Ion fait aux ifles Fortu-nées, appellée Bré, comme nous auons dit : laquelle ma- gne. tiere vient à dégoutter amp;nbsp;rendre dans la mer.Quinte Cur Bre'/orte fe en fes liures qu’il à faits des gefies d’Alexandre le Grad, recite,qu’iceluy efiantarriuéàvnecité nomméeMemi, voulut voir par curiofité vne grande folTe ou caucrne,en laquelle auoitvne fontaine rendant grande quantité de gomme merueilleufèment forte,quand elle eftoit appliquée auec autre matière pour baftir : tellement que l’A u- -
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Pour-(j»oy id-dis Usmn rdilles de Bd by lone ont e-Jleeßi-mees ß Jattes. Jßss de Lucdid.
Montd-ÿ^ne dePo Q toßi fort riche en mines.
teur eftimc pour cefle feule raifon, les murailles de Baby-lone auoir cfté fi fortes,pour ellre compofécs te telle ma ticre. Et non feulement fen trouue en l’ifle de Cuba,mais aufsiau pais deTlicmiftitan, amp;du cofté de la Floride. Quat aux illes de Lucaïa fainfi nommées, pour eftre plu-Geu rs en nombre)elles font Gtuces au Nort de l’ifle de Cu ba ôc de Saint Dominique. Elles font plus de quatre cens en nombre, toutes petites, amp;nbsp;non habitées, fino vne grade,qui porte le nom pour toutes les autres, nommee Lucaïa. Lcshabitans de cefle iflevont communément trafiquer en terre ferme,amp; aux autres ifles.Ceux qui font rehdence,tant hommes que femmes, font plus blancs,amp; plus beaux qu’en aucune des autres. Puis qu’il viét à propos de ces ifles, amp;nbsp;de leurs richefles, ie ne veux oublier a dire quelque chofedes richeflTes de Potoßidequel prend fonnom d’vne haute montagne, qui a de hauteurvne grand lieuc,amp; vne demie de circuit, eleuée en hauten façon de pyramide. Cefle montagne eftmerueilleufement riche à caufè des mines d’argér, de cuiure,amp;eflain,qu’on â trouué quafi auprès du coupeau de la montagne,amp; fell trouuéelà mine d’argent fi tresbonne, qu’à vn quintal de mine, fo peut trouuer vn demy quintal de pur argent.Les cfolaues ne font autre chofè qu’aller quérir cefle mine,amp; la portent à la ville principale du pais, qui efl au bas de la motagne, laquelle depuis la decouuerture à eflé la baflie par les Efpagnols. Tout le païs,iflcs,amp; terre ferme efl habitée de quelques Saunages tous nuds,ainfi qu’aux autres lieux de l’Amérique. Voila du Peru,amp; de fès ifles.
Defm-
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Dc/cription de l.i nounelle E^a.^ie.ye^ de U grande cité
de l'hemijlitanyfituée aux Indes Occidentales.
en h P.
Ource qu’il n’eft poßible à.tout hom-de veoir fenfîblemêt toutes chofès,. durant fbn aage,{bit ou pour Ja conti-nuelle mutation de tout ce qui eft en ce monde inferieur, ou pour la longue di-ftance des lieux amp;nbsp;païs : Dieu â donné moyen de les pouuoir reprefènter,non feulement par efcript,mais außi par vrayportrait, parrinduflrieamp;: labeur de ceux qui les ont veues. le regarde que Ion réduit bien par figures pluficursfables anciennes,pour donner plaifir feulement: comme font celles de lafon, d’Adonis, d’Aéheoiijd’Æneas, d’Hercules : amp;nbsp;pareillement d’autres chofes que nous pouuons tous les iours voir,en leur propre eflence, lans figure, corne font plufieurs elpeces d’animaux. A celle caufe ie me fuis auile vous deforire fim-plement au plus pres qu’ïl m’a cllé poßible la grande amp;ample cité deThemiftitan, ellant fulFifimment infor-nié que bien peu d’entre vous l’ayez veuë, amp;nbsp;encores moins la pouuez aller voir, pour la longue, merueil-leufe, amp;nbsp;difficile nauigation, qu’il vous conuiendroit faire. Themiftitan eft vneCité fituéeen la nouuelIeE-Ipagne, laquelle prend fon commencement au dellroit a Ariane,limitrophe du Peru, amp;nbsp;finiftdu collé duNort, alariuieredu Panuque:or futelle iadis nommée Àna- Ncnueüe Ki/cZ;, depuis pour auoir elle decouuerte, amp;nbsp;habitée des Elpagnols, areccu le nom de nouuelle Élpagne. Entre
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Situatio de ld nou ueüc Ep-pigne.
Jeiquelles terres ôc prouinces la premiere habitée,fut celle d’y ucatbâ,laquelle â vne pointe de terre,aboutiiîànt à la mer,fèmblable à celle de la Floride: laçoit que noz fai-feurs de cartes ayent oublié de marquer le meilleur, qui embelliil leur deicription. Or cede nouuelle Eipagne de la part de Leuant, Ponent amp;nbsp;Midy, eil entourée du grand Ocean: amp;nbsp;du codé du Nort à le nouueau Monde, lequel edant habité, voit encor par delà en ce meime
NortjVne autre terre non cógneuë des Modernes, qui eil la caufequc ie iûrfeoy d’en tenir plus long propos. Or Themiilitan, laquelle eil Cité forte, grande amp;nbsp;treûicbe, au pais iùs nommé, eil fituée au milieu d’vn grand Uc: Je chemin par ou Ion y va, n’eil point plus îarge,que porte la longueur de deux lances. Laquelle fut ainiî ap-pellée du nom de celuy qui y mit les premiers fondements,-iùrnommé Tcnuth,fils puiihédu roy Iztacmir-coatz. Ceile cité â feulement deux portes, l’vne pour y entrer, amp;nbsp;l’autre pour en fortir: amp;nbsp;non Joing de la cité,ie trouue vn pont de bois, large de dix pieds,fait pour l’ac-croiiTement amp;nbsp;decroiifement de l’eau: car ce lac croiilamp; decroiil à la fcmblance de la mer. Et pour la deftence de . la cité y en a encores pluiieurs autres, pour eilre comme
Vcnifè edifice en la mer. Ce païs eil tout enuironné de fort hautes montagnes: amp;nbsp;le plain païs à de circuit enui-ron cent cinquante lieues, auquel iè trouuentdeuxlacs, ■L’opinio qui occupent vne grande partie delà campagne, parce dedeux nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lacs ont de circuit cinquante lieues, dontl’vn eil
d’eau douce, auquel naiifent force petits poiifons amp;nbsp;délicats, amp;nbsp;l’autre d’eau ialce, laquelle outre fon amertume cfl venimeufe,amp; pour ce ne peut nourrir aucun poiiTon, qui
-ocr page 305-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. I45 qui eft contre l’opinion de ceux qui pêfènc que ce ne (oit qu’vn me fine lac. La plaine eft fèparce defdits lacs par aucunes montagnes, amp;nbsp;à leur extrémité,font conioinâ:s d’vne eftroictc terre,par ou les hommes fo font conduire aucc barques,iufques dedans la cité, laquelle eflfituée dans le laclalé: amp;nbsp;de là iniques à terre ferme, du cofté de la chauffée,font quatre lieuës:amp;: ne la fçaurois mieux co-parcr eu grandeur qu’à Venife. Pour entrer en ladiéle ci- Coparai-té y à quatre chemins, faits de pierres artificiellement,ou il y à des conduiéàs de la grandeur de deux pas, amp;nbsp;de la hauteur d’vn homme: dont par l’vn defdits cflconduiéfe'^ l’eau douce en la cité, qui eft de la hauteur de cinq pieds: amp;nbsp;coule l’eau iufques au milieu de la ville, de laquelle ils boiuent,amp; en vient en toutes leurs neceßitez.Ils tiennent l’autre canal vuide pour celle raifon, que quand ils veulent nettoyer celuy dans lequel ils conduilent l’eau douce,ils mènent toutes les immondicesde lacitéiauec l’autre en terre.Et pource que les canaulx palfent par les pots, amp;par les lieux ou l’eau làlée entre amp;nbsp;fort, il s conduilent ladiéle eau par canaulx doulx,de la hauteur d’vn pas. En ce lac qui enuironne la ville, les Efpagnols ont faitplu-fieurs petites maifons,amp; lieux de plailànce,les vnes fur pe tites rochettes,amp; les autres fur pilotis de bois. Quant au relieThemirtitan eft fituéà vingt degrezde l’eleuation fus la ligne equinoclialegt;amp; à deux cens feptante deux degrez de longitude. Elle fut prife de force par Fernand de Fernand Cortes,Capitaine pour l’Empereur en ces pais l’an de gra- Cortes. ce mil cinq cens vingt amp;nbsp;vn,contenant lors lèptantemille maifons,tant grandes que petites. Le palais du Roy, qui fenommoit Mutueez^ma, nucc ceux des Seigneurs
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de la cité^eftoient fort beaux,grandsjôc Ipacieux. Les In-Lami- diens qui alors fètenoient en ladite cité auoient couftu-niere de me de tenir de cinq iours en cinq iours le marché en pla-tt-af dediées. Leur traffique eftoit de plumes d’oy-féaux,defquellcs ils faifoient variété de belles chofés .’corne robes façonées à leur mode,tapiflérics,iSc autres chofés . Et à ce eftoient occupez principalement les vieux, quand ils vouloient aller adorer leur grande idole, qui e-ftoit erigée au milieu de la ville en mode de theatre, Jef quels quand ils auoient pris aucun de leurs ennnemisen guerre,ilsle ficrihoient à leurs idoles, puis le mageoienf, tenans cela pour maniéré de religion. Leurtraifiqued’a-uantage eftoit de peaux de beftes, defqi idles ilsfaifbient robes, chauffes, amp;vne maniéré de coqueluches pour fc l garder tat du froid,quedes petites mouches fort piquantes. Les habitans du iourd’huyiadis cruels amp;nbsp;inhumains,
, par fticceßion de temps ont chagéfîbiende meursamp;de codition, qu’au lieu d eftre barbares amp;nbsp;cruels, font à pre-fént humains amp;nbsp;gracieux, en forte qu’ils ont laifTé toutes anciennes inciLnlitez,inhumanitez, amp;nbsp;mauuaifes couftu-mes:comme de fentretuer 1 vnl’autre,manger chairs humaines, auoircôpagnie à la premiere femme qu’ils trou-uoient, fans auoir aucun egard au fing amp;nbsp;parétage,amp; autres fémblables vices ôc imperfcélios. Leurs maifons font magnifiquement baftics:entre les autres y a vn fort beau paJais, ou les armes delà ville font gardées: les rues amp;nbsp;places de cede ville Cont Ci droites que d’vne porte Jon peut voir en J’autre,fàns aucun empefehement. Bref cefte cité à prefent fortifiée amp;nbsp;enuironée de répars amp;nbsp;fortes mu-raiJles à Ja faço de celles de par deça,amp; eft J’vne des grandes,
-ocr page 307-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 14(7 des,beHes,amp; richeSjqui (oient en toutes les prouinces des Indes Occidentales, comprenant depuis le deftroit de Magellan,qui cft delà la ligne cinquantedeux degrez, iuf quesà la derniere terre de l’Abrador, laquelle tient cinquante amp;nbsp;vn degrez de latitude deçà la ligne du codé du Nort.
De la Floride Penin fuie.
CHAT. 74.
Vis qu’en efcriuant ce difeoursauos fait quelque métion de celle terre appellee Floride, encores qu’ànollre retour n’en foyons fi pres approchez,confideré que dre totalemétli bas, toutefois que nous y tirâmes pour prendre le vent d’Ell: il lèmblen’ellre impertinent d’en reciter quelque choie, enfemblc delà terre de Canada qui luy ell voifine,tirant au Septentrion,e-llans quelques monta2;nes feulement entredeux. Pour-ftiyuans doncnollre cliemin de la hauteur de la neuue Efpagne à dextre pour attaindre noftre Europe,no fi toll, nefidroitement quenousledefirions,trouuameslamer affez fauorable. Mais, comme de cas fortuit, ie m’auifay mcy wa de mettre la telle hors pour la contempler,ielavei, tant veFAgtn qu’il fut pofsible ellcndre ma veuë,toute couuerted’her- fi-bes amp;nbsp;fleurs par certains endroits,les herbes prefque fem-blables à noz geneures:qui me donna incontinent à pen-fèr que nous fu fiions pres de terre ,confidcréaufii qu’en autre endroit de lamer ic n’en auois autant veu,toutefois ie mecongnuz incontinent fruflrc de mon opinion, en-
chemin ne faddonnoit à defeen-
LES S INGVLARITE Z tendant qu’elles proccdoient de la mer : amp;nbsp;ainfi la vîmes nous (èmée de ces herbes bien l’elpace de quinze à vingt iournées. La mer en cefl endroit ne porte gueres de poif-fbn 3 car ces lieux ièmblent plus eftre quelques marefca-
queue.
Situdtio de Id fIo vide.
ges qu’autrement. Incontinent apres nous apparut autre Eßoile à figne amp;nbsp;prcfage, d’vne eftoille à queue, de Leuant en Septentrion : lefquels prefages ie remets aux Aftrologues, ôc à l’experience que chacun en peut auoir congnue. A-pres (cc quiefl: encores pis} fumes agitez l’elpace de neuf iours d’vn vent fort contraire,iufques a la hauteur de no-flre Floride. Ce lieu eft vne pointe de terre entrant en pleine mer bien cent lieues, vingtcinq lieues en quarre, vingtcinq dcgrezamp; demy deçà la ligne,amp; cent lieues du
de la Floride efh fort dangereufe à ceux qui nauigent du collé deCatay,Canibalu,Panuco,amp; Themiftitan:ear àla voir de loingonellimeroitquece fuft vne ifle fituée en pleine mer.D’auantagc eft ce lieu dangereux à cauft des eauès courantcs,grandes amp;nbsp;impetueufes,vents amp;nbsp;tempe-ftes, qui là font ordinaires. Ç^ant à la terre ferme de la Floride,elle tient de la part de Leuant,la prouince de Chi-com.a, amp;nbsp;lesifles nommées Bahanna amp;nbsp;Lucaïa, Du collé de Ponent elle tient la neuue Elpagne,laquelle fe diuf le en laterrequelon nomme Anauac,de laquelle par cy déliant auons traité. Les prouinces meilleures amp;nbsp;plus fertiles de la Floride,c’eft Panuco, laquelle le confine à la neuue Elpagne. Les gens naturels de ce païs puifl'ans amp;nbsp;amp;nbsp;fort cruels,tous idolatres,lefquels quand ils ont necef-fité d’eau ou du Soleil pour leurs iardins amp;nbsp;racines, dont ils viuent tousles iours,fevont profterner deuant leurs idoles,.
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icloIeSjforniées en figure d’homes ou de belles. Au refie ce peuple eft plus cauteleux amp;nbsp;rufcau lait de guerre que que ceux du Peru. Quand ils vont en guerre, ils portent leur Roy dans vne grand peau de befte,amp; ceux quilepor tent, eftans quatre en nombre, font tous vcfluz garniz de riches plumages. Et fil eft queflion de combatte contre leurs ennemis, ils mettront leur Roy au milieu d’eux toutveftu defines peaux, amp;iamais ne partira de là, que toute.la bataille ne foit finie. S’ils fe (entent les plus foibles , amp;nbsp;que le Roy face (èmblant de f en fuyr, ils ne fau-dront de le tuer: ce qu’obferuent encores auiourd’huy les Perles amp;nbsp;autres nations barbares du Leuant. Les armes de ce peuple font arcs,garnis de fléchés faites de bois qui porte venin, piques, lelquelles en lieu de fer font garnies par le bout d’osdebeftes fiuuages,ou poifTons,toutefois Dienaguz. Les vns màgent leurs ennemis, quand ils les ont pris,comme ceux de FAmerique, defquels auos parlé. Et combien que ce peuple (bit idolatrc,comme aefia nous auos dit, ils croient toutefois lame eftre immortelle; aufsi qu’il y à vn lieu depute pour les mefehans, qui eft vne terre fort froide : amp;nbsp;que les dieux permettent les péchez des mauuais eftre punis.Ils croyent aufsi qu’il y à vn nombre infini d hommes au ciel, amp;nbsp;autant foubs la terre, amp;nbsp;mille autres follies, qui fè pourroient mieux comparer aux transformations d’Ouide,qu’à quelque chofed’ou Ion puifTe tirer rien mieux,que moyen de rire. D’auanta-gefcperfiiadent ces chofes eftre véritables comme font les Turcs amp;nbsp;Arabes,ce qui eft eferit en leur Alcoran. Cc pais eft peu fertile la part qui approche à la mer: le peuple y eft fort agrefte, plus que ccluy du Peru, ne de î’Ameri-
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Fl or là; pottr-•]^^oy tiiß nomée.
T ore du ßuuivn.
lt;]ue,pourauoirpeu elle frequente d’autre peuple plus ci-uil. Cede terre âin fi en pointe fut nommée Floride hn mil cinq cens douze, par ceux qui ladecouurirent pre-mieremét,pource qu’elle eiloit toute verdoyante, amp;gar nie de fleurs d’inflnies elpeces ôc couleurs. Entre celle Floride amp;nbsp;la riuiere de Palme fe trouuent diuerfès elpeces de belles monllrueulès : entre lelquelles Ion peut voir vne elpece de grands taureaux, portans cornes longues feulement d’vn pic, amp;nbsp;Rir le dos vne tumeur ou eminen-ce,comme vn cbameaude poil long par tout le corps,du-quel la couleur fapproche tort de celle d’vne muletauue, êc encores 1 ell plus celuy qui ell defloubs le méton. Lon en amena vne rois deux tous vifs en Elpagne, de l’vn def quels iay veu la peau, ôcnon autre chofe, amp;nbsp;n’y peu-
rent
-ocr page 311-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 148 rent viurelong temps. Ceftanimal ainGqueJonditjeft perpétuel ennemy du cheual, amp;ne le peut endurer pres deluy. De la Floride tirant au promontoire de Baxe,fc trouue quelque petite riuiere,ou lesefclaues vontpef-cher huîtres,qui portent perles. Or depuis que fommes 'Huîtres venus iufque là,que de toucher la colledion des huîtres, portans neveux oublier par quel moyen les perles en tónt tirées, tant aux Indes Orientales que Occidentales, il faut noter que chacun chef de famille ayant grand troupe d’efcla-ues,ne fçaehant en quoy mieux les employer, les en-uoient à la marine, pour pefeher f comme dit eft ) huîtres, defquelles en portans pleines bottées, ches leurs maillres, les polènt dans certains grands vaiffeaux, lef-quels eftans à demy pleins d’eau, font caufè que les huîtres, conferuées là quelques iours, fouurent : amp;nbsp;l’eau les nettoyant, laiiTcnt ces pierres ou perles dans leurs vaiffeaux. La forme de les en tirer eft telle, ils oftentpremie-rementles huîtres du vaiiTeau, puis font couler l’eau par vn trou,foubs lequel eft mis vn drap, ou linge, à fin qu’a-uec l’eau les perles qui pourroienty eftre ne fefooulent. Quant à la figure de ces huîtres, elle eft moult differente des noftres,tanten couleur, que efoaille, ayans chafoune d’elles,certains petis trousque lonpourroitiugerauoir efté faits artificiellement, là ou font comme liées ccspcr tites perles par le dedans. Voila ce que i’ay bien voulu vous declarer en paftant.D’icellesaufsi fen trouue au Peru,amp; quelques autres pierres en bon nombre: mais les plus fines fe trouuent à la riuiere de Palme, amp;nbsp;à celle de Panuco,qui font diftâtes l’vne de l’autre trétedeux lieues: mais ils nont liberté d’en pefeher, à caufe des Sauuages
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qui ne font encores tous réduits,adoras les creatures cele-ftes,amp; attribuas la diuinité à la reipiration, come faifoict ceux qui paflerêt enfemble plulieurs peuples des Scithes amp;nbsp;Medes. Cofloyansdoncàfeneftre laFloride,pourle vent qui nous fut contraire, approchâmes fort pres de Païi de Canada, amp;nbsp;d’vne autre côtrée,quc Ion appelle Baccalos,à BMcct- noflre grahd regret toutefois, amp;nbsp;defàuantage, pour l’ex-ceßiue froidure, qui nous molefta l’efpace de dixhuit iours-.combien que cefte terre de Baccalos entre fort auat en pleine mer du collé de Septentrion ,en forme depoin te,bien deux cens lieues, en diftanceàla ligne de quaran-Pointe tehuitdegrez feulement. Cefle pointe a eflé appelée des dcBdccd Baccales,pour vne efnece de poiffon, qui Ce trouue en la Bxccdles nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;d’alentour,lequel ils nommcntXaccalesyentre laqueh
foijjàn. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;cajîdel Gado yadiuerfès iOes peuplées, difficiles
toutefois à aborder, à caufe de plufîeurs rochers dont el-Jßes de les font enuironnées : amp;nbsp;font nommées ifles de Cortes. Cortes. autres neles efliment ifles, mais terre ferme, depen-Voyd^e dante de cefle pointe de Baccalos. Elle fut decouuerte de s^bd- premièrement par Sebaftian Babate Anglois, lequelper-Jlidn Bd raadcT. au Roy d’Angleterre Henry fèptiéme,qu’ii iroitai-dcCatay,vers leNort,amp;que parce ’ moyen trouueroitefpiceries amp;nbsp;autres chofes, außi bien que le Roy de Portugal aux Indes :ioint qu’il fepropo-foit aller au Peru amp;nbsp;Amérique,pour peupler le païs de nouueau habitans, drefferlà vne nouvelle Angleterre. Ce qu’il n’executa:vray efl qu’il mifl bien trois cens hommes en terre J du coilc d’Irlande au Nort, ou le froid fil m o U rir prefg uetoutefàco mpagnie, encores ejue ce fail au moys de luillet. Depuis laques Quartier (ain fi que luy
-ocr page 313-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. I49 luy mcfme ni’à recité ) fift deuxfois le voyage en ce pais làjc’eftà (çauoir Pan mil cinq cens trentequatre, ôc mil cinq cens trentecinq. «
J)e latem de Canadaydi^eparcy deuant’Ëaccalin, .decouuerte de noßre temps,de la maniéré de yiure des habit ans.
A.
Our autant que celle contrée au Septen-trion a elle decouuerte de noftre temps, par vn nomme laques Quartier,Breto, maillre pillot amp;, Capitaine, homme ex- Q^rtier pert amp;nbsp;entendu à la marine, amp;nbsp;ce par le «ncana-cora mandement du feu Roy François premier de ce nom, que Dieu ahlôlue,iemc lùisauile d’en eferire lommairement en cell endroit, ce qu’il me feinble mériter d’ellre elcript,combien que felon l’ordre de nollre voyage à retourner, il deuoit précéder le prochain chapitre. Quinïad’auantageinuité àcefaire,c’eft queie n’ay point veu homme,,qui en aye traiôlé autrement , combien que la choie ne foit fans merite en mon endroit, amp;nbsp;que ie Paye certainement appris dudit Quar-tier,qui en a fait ladecouuerte. Celle terre,ellant prefque S/fuatio foubs le pole Arélique zeniculaire,elliointe par l’occi-dentàla Floride,amp;au ides du Peru,amp; depuislà colloye rOcean,vers les Baccalcs,dont auos parlé. Lequel lieu ie croy que ce foit le mefme que ceux qui ont fait la dernière decouuerte,ont nommé Canada : comme il auient que fouuent à plaifir Ion nomme ce qui ell hors de 1 a co-
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gnoiflance d’autruy, Ce confinant vers Orient, à vne mer proLienâtdeta glaciale ouHyperborée:amp; de l’autre cofté Capeßre a vne terre ferme,diéle Campeftre de Berge,au Suefi: de Berge, ioignant à celle contrée. Il y a vn cap appelle de Lorrai-ne,autrementdeccux qui l’ont decouuert,Terre des Bre Lorrttme nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, . nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,
outerre tons,prochaine des Tcrrcs neuLies, ou leprcnentauiour-des Bre- d’huyles Moruê's,vn cfpacc dedix OU douzelieuës,entre tons. les deuxjtenât ladiéle Terre neuue à celle haute terre,la-Pefehede quelle nous auons nommée Cap de Lorrainc:amp;ellaßife
au Nordefl, vne aflez fpacieufe amp;nbsp;largeifle entre deux, laquelle à de circuit enuiro quatre lieues. Ladiélc terre commence tout auprès dudit Cap,par deuers le Su,ou Ce renge E(l,Nordeft,amp; Ouëft,SurouêIl,la plus part d’icelle allant à la terre de la Floride, fe renge en forme de dc-^/fwdfzo j-ny cercle, tirant à Themiftitan. Or pour retourner au
Lorraine, dont nous auons parlé, il gift à la terre par deuers le Nort, laquelle eft rengee par vne mer Me-diterranéefcom me délia nous auons ditjainfi qüe l’Italie entre la mer Adriatique amp;nbsp;Liguftique. Et depuis ledit cap allant à Louëft, Ouèft,amp;Surouéft,fe peutrégerenui-ron deux cens lieues, amp;nbsp;tous fablons arenes, lans aucun port ne haure. Celle region eft habitée de plufieurs genSjd’alfez grande corpulence, fort malins, amp;nbsp;portent ordinairement vifàge mafqué,amp;:deguile par lineamens derouge,amp; pers: lelquelles couleurs ils tirent de certains fruits. Ladiéie terrefutdecouuerte par le dedans de celle mer,mil cinq cens trente cinq, par le Seigneur Qi^rtiër, comme nous auons dit,natif de SaiélMalo. Donques outrele nobre des nauires dont il vlà,poLir l’execution de fon voyage, auec quelques barques defoixanteà quatre vingts
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vingts homes,rengea de païs parauat incogneu, iufques àvnfleuiie grand amp;{pacieux,lequel ilsnomentTAbaye de chaleur,ou il fetrouue de tresbon poiflbn amp;nbsp;en abon-dance,principalement de Saulmons. Alors ils traffîque-rent en pluficurs lieux circonuoifins, c’ert à fçauoir les noftresde haches, coufteaux/haims à pefcher,amp; autres hardes,contre peaux de Cerfs,Loutres, amp;nbsp;autres (àuuagi-nes,dontils ont abondance. Les barbares de ce païs leur firent bien bon acueiljfè monftrant bien affccïionnez entiers eux,amp; ioyeux de telle venuë,congnoiflance,amp; amy-tié pratiquée amp;côceuëles vnsauecques les autres. Apres ce fait, paflans outre,trouuerent autres peuples, presque contraires aux premiers, tant en langue, que maniéré de viu-;e:amp; difoienteftre defeendus du grand fleuue de Chc chtlo-logua,pour aller faire la guerre aux premiers voifins. Ce que puis apres le Capitaine Quartier a (ceu,amp; veritable-ment entendu,par euxme(mes,d’vnede leurs barques, qu’il prirt auec fept hommes : dont il en retint deux, qu’il amena enFrance auRoy.lelquelsil remcnaàfà féconde nauigationiamp;les ayas de rechef amenez,ont pris le 'Chri-ftianifme, amp;nbsp;font ainfi decedez en France. Et n’a onc-ques efté entendue la maniéré de viure de ces premiers Barbares, ne de ce qu’il y a en leur païs amp;nbsp;region, pourcc -quelle n’à efté hantee ne autrement traffiquée. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'
Pij
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D’y ne autre contrée de Canada, en K P. ']6.
. I
^htrs-region de CitnAdii decouuer teAr Ia. Quartier.
Meurs amiables de ces Ca nadient.
Maniéré deraquet tes.
V/â^e de ces raquettes.
B Vanta Fautre partie de cefte region de' Canada,ou (e tiennent amp;nbsp;fréquentent les derniers Saunages, elle a efté depuis de-couuerte outre ledit fleuue de CHelo-gua, plus de trois à quatre cens lieues par ledit Quartier, auecques lecomman dement du Roy : ou il a. trouué lepaïsfort peuplé, tant en fà fécondé que premiere nauigation. Le peuple ed autant obeiHant amp;nbsp;amiable qu’il eft poßible, amp;c. aufsifl“ milier^que G de tout temps euffent eûé nourris enfemble, (ans aucun fignede manuals vouloir,ne autre rigueur. Et ilec fift ledit Quartier quelque petit fort ôcbaftimét pont byuerner luy amp;nbsp;lesGens, enfemble pour (è defendreco-trel’iniüre de l’air tant froid amp;nbsp;rigoureux. Il fut alTezbien traité pour lé païs amp;nbsp;la (àifbn : car les habitans luy ame^ noiét par chacun iour leurs barques chargées de poiiïbn, comme anguilles, lamproyes, ôc autres : pareillement de chairs (àuuages,dontils en prennent bone quantité. AuG ß lbnt ils grands veneurs, (bit eftéou hyuer-, auecques engins,’ou autrement. Ils vfentd’vne maniere de raquettes tilTues decorde'senfaçondecrible,dedeux piésamp;der my de long,amp; vn pie de large,tont ainfi que vous repre-(ènte la figure cy apres mifè.llsles portent (bubsles pieds au froid amp;nbsp;à la neige, (pccialement quand ils vont chaffer aux beftes fanuages, à fin de n’enfoncer point dans les -neiges,àlapourfùite delcurchafle. Ce peuple (ercueft de peaux de cerfs, côtoyées amp;: accomodees àleur mode.
Pour.
-ocr page 317-Pour prendre ces beftes ils faflemblcro nt dix oü douze armez ae longues lances ou piques j grandes de quinzeà feize pieds, garnies par le bout de quelque os de-cerf ou autre belle,d’vn pie de long ou plus, au fieu de fer, portas arcs 6c fléchés garnies de mefme : puis par les neiges qui leur font familières toute l’année,fuyuans les cerß au trac parlefditesneiges;aflezprofondes, decouurent lavoye, laquelle eftantainfl decouuerte, vous y planteront branches de cedre, qui verdoyent en touttemps, 6c ce en forme de rets ,foubs lefquelles ils fe cachant armez en céfte manière. Et incontinent que le cerf attiré pour le plaiflr de celle verdure amp;nbsp;chemin fraye fy alt;rhemine,ils fe letîct delTus à coups de piques amp;c de fléchés, tellemTnr qu’ils Te contraindront.de quitter la voye, amp;nbsp;entrer es profondes'.
C D'ne ces CiiiSïidieS'' chdßec [e -Cerf autres be quot;nbsp;Jles itdZcs^-
-»r nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lES SIMGYLARITEZ
B/MHäfe /OHM-rxin dot ils y/ênc en leurs msilA-dies.
, neiges,voireiufquesau ventre, ou nepouuant aifément cheminer, eft attaint de coups iufquesà la mort, llfera écorché fur le champ,amp; mis en pieces,renueloperont en fà peau, amp;nbsp;traineront parles neiges iufques en leurs mai-fons. Et ainfi les apportoient iufques au fort des François, chair amp;nbsp;peau, mais pour autre chofe en recompêfe, c’efl à fçauoir quelques petis ferremens amp;nbsp;autres chofès. Auf fl ne veux omettre cecy quieft fingulier, que quand lef-dits Saunages font malades de heure ou perfècutez d’autre maladie intérieure,ils prennent des fueilles d’vn arbre quiefl fort femblable aux cedres, qui fè trouuent autour de la montagne de Tarare,qui efl au Lyonnois:amp; en font du ius, lequel ils boiuent. Et ne faut doubter, que dans vingtquatre heures il n’y â fi forte maladie, tant foit elle inueterée dedans le corps, que ce breuuage neguerifle: comme fouuentesfois les Chreftiens ont expérimenté, amp;nbsp;en ont apporté de la plante par deçà.
nadienS:,!^ comme tb reßflent au froid.
E peuple en fa maniéré de viure amp;nbsp;gou-Liernementapproche afl'ez pres de la loy deNature.Leur mariage eft,qu’vn home prendra deux ou trois femmes fans autre folennitc,comme les Amériques,def quels auons ia parlé. De leur religion,
ils ne tiennent aucune methode ne ceremonie de teuerer ou prier Dieu, finon qu’ils contéplent le nouueati croif-fant,
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fàntjappelé en leurlangue Oßwnaha^Ai^äns c[\izAndo»agni ofmna-l’appelle ainfi, puis l’enuoye peu à peu'qu’elle auance tk ^4. ,■ retarde les eaues. Au relie ils croycnt tresbien, qu’il à vn Créateur,plus grand queleSoleil,IaLune,neleselloiI]es, amp;nbsp;qui tient tout en là puiflànce : ell celuy qu’ils appellent Andoudgm^ làns auoir toutefois forme, ne aucune methode de le piencombien qu’en aucune region de Ca ^ßcana nada ils adorent des idoles,amp; en auront aucLinefois de tel dnns.
les en leurs loges,quarante ou cinquante,comme véritablement m’a recite vn pillot Portugais,lequel vifita deux ou trois villages, amp;nbsp;les loges ou habitoient ceux du païs. Ils croyent que l’ame ell immortelle:amp; que li vn hom me verlè mal,apres la mort vn grand oyfeau prendfonamc, amp;nbsp;l’emportecfi au contraire,l’ame fen va en vn lieu décoré deplußeurs beaux arbres, amp;oylèaux chantans melo-dieufcment. Ce que nous à fait entendre le Seigneur du païs de Canada,nommé Donacoua Aguanna, qui ell mort en France bon Chrellien, parlant François, pour y auoir ellé nourry quatre ans. Et pour cuiter prolixité en l’hilloi re de noz Canadiens, vous noterez que les panures gens vniuerfellement Ibnt affligez d’vne froideur perpétuelle, pourPablènce du Soleil,comepouuez entendre, llsha-hitent par villages amp;nbsp;hameaux en certaines maifons faites à la façon d’vndemy cercle,en grâdcur devingtàtren te pas,amp; dix de largeur, couuertes d’ecorces d’arbres, les autres de ioncs marins. Et Dieu fçait fi le froid les pénétré tant mal baflies,mal couucrtes,amp; mal appuyées,tellemêt quebienfouuentles piliers amp;nbsp;cheurons flechilTent amp;nbsp;to-bent pour lapefanteur que caulè la neigeellant delTus. NoHobllant celle froidure tat exceßiue, ils lont puillàns
P iiij
Opinion des Ciina diens de l'immortalité de l’ame.
Dona-coua A-
Roy de Canada. Froideur extreme au païsde Canada. Lo^es des-
Canadiens,
LES S I NGYEAR ITE 2
amp; belliqueux,infàtiables de trauail. Semblablement font Peu{)Ies tous ces peuples Septentrionaux ainfi courageux, les vns de septë- plus,les auttcs moins, tout ainfi que les autres tirans vers l'autre pole, (pecialement versies tropiques amp;nbsp;equino-dhial font tout au contraire: pourcc quela chaleur fi vehe mente de l’air leur tire dehors la chaleur .naturelle, amp;nbsp;la
tfion ponr-^uoy
courageux ijue^^ les Meri-,dioaaux.
M er gid àdle.
dißipe: par ainßfont cliaulds feulement par dehors,amp; froids au dedans. Les autres ont la chaleur naturelle ferrée amp;.contrainte dedans par le froid exterieur,qui lesréd ainfi robuftes amp;nbsp;vaillans : car la force amp;c faculté de toutes
Famine jrelt;juete an Canada, pour-qitsy.
les parties du corps depend de celte naturelle chaleur. La mer alentour de ce pars elt donc glacée tirant au Nort,amp;: ce pour eltre trop elongnée du Soleil, lequel d’Orient en Occidctpalfe parle milieu de rvniuers,obliquemct toutefois. Et de tant plus que la chaleur naturelle eft grade, d’autant mieux ferait la cocoétion amp;nbsp;digcflion des viandes dans rcftomacJ’appctit außi en eft plus grand. Ainfi ce peuple de Septentrion mage beaucoup plus que ceux delà part oppofitc: qui eft xaufo que bien fouuentence Canada y â famine,ioint que leurs racines amp;nbsp;autres fruits delquels fc doiuct ftiftenter amp;nbsp;nourrir toute l’année, font gelez, leurs riuieresparcillcmentrefpacedetrois ou quatre moys. Nousauons dit qu’ils couurentleursmaifons d’ecorcesde bois, aufsi en font ils barques,pour pefther en eau douceamp;làlée. Ceux du païs de Labrador, leurs Ldhord- voifins (qui furet decouucrs par les Elpagnols ,’péGns de dor de^ ce cofté trouuervn deftroit pour aller aux iflcs desMolu couHcn g,jes,ou font les elpiceries)font pareillement fubiets à.ces couurét leurs logettes de peaux de poiftbns, onols, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;beftes làuuages, comme aufsi plufieurs autres Ca
nadiens,
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nadiens. D’auantagelefHits Canadiens habitent en corn- comurà-munité,ainfi que les Amériques,amp; làtrauaille chacun fe- té de yie Ion ce qu’il fçait faire. Aucuns font pots de terre, les au-tres plats, efcuelles, amp;nbsp;cuillers de boys : les autres arcs amp;nbsp;fléchés, paniers,quelques autreshabillemensde peaux, dont ils le couurent contre le froid. Les femmes labou- A/dwwc rent la terre, amp;nbsp;la remuent auec certains inftrumens faits 0« de longues pierres, amp;nbsp;fement les grains, du mil fpeciale-ment,gros comme pois,amp; de diuerfès couleurs,ainh que Mil,le-Ion plante les legumes par deçà. La tige croift en façon gume. de cannes à fuccre, portant trois ou quatre efpis, dont y en a toufiours vn plus grad que les autres, de la façon de nozartichaux.Ils plantet außi des feues plates,amp; blâches Febaes comme neige,le(quelles (ont fort bonnes. Ilfentrouue de cefle efpece en rAmerique,amp; au Peru. Il y a d’auanta- citrouil-ge force citrouilles SccoucourdeSjIeLquellesils mangent /«.«ÿ* cuites à la braifè, comme nous faifons les poires de par coucour-deça.Il y a en outre vne petite graine fort menuc,reflem-blantàla graine de Mariolaine, qui produift vne herbe ^^yfent aflez grande. Celle herbe eft merueifleufementeftimée, Efpece aufsi la fontils lécher au Soleil, apres en auoirfait grand dherbe. amas; amp;nbsp;la portent à leur col ordinairement en de petits fachets de peaux, de quelque belle, auec vne maniéré de cornet perfé, ou ils mettent vn bout de celle herbe ainlî fechee : laquelle ayans frottée entre leurs mains, y met- de tent le feu. Seen reçoyuent la fumée parla bouche par quot;A l’autre bout du cornet. Eten prennent en telle quantité,
•IIP nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;A nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;I nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;aP Pquot;^ nbsp;nbsp;nbsp;• jfmSt
qu elle lort par les y eux amp;nbsp;par le nez:amp; le perrument ain-fl à toutes heures du iour. Noz Amériques ont vne autre maniéré de fe perfumer, come nous auons dit cy deuant.
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Des habillemens des Canadiens^ comme ils portent cheueux^ du trAÎtementde leurs pet is enfans.
CHAV. 78.
Es Canadiens trop mieux apris que les Habitans derAmerique,{c fçauentfort bien couurir de peaux des déliés fauua-ges, auecques leur poil, acoullrez à leur mode, ainß que défia nous auons touché,parauanture contrains pour le froid,
amp; non autrement: laquelle occafion ne fell prelèntée aux autres,qui les â fait demeurer ainli nuds,fans aucune vergongne l’vn de l’autre. Combien que ceux cy, i’en-tensles hommes, ne font totalement vellus, linon enue-- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;loppez d’vne peau peluë, en façon d’vn dauanteau, pour
couurir le deuat amp;nbsp;parties honteufes: le Eiifiins palTeren-tremy les iambes, fermées à boutons fur les deux cuilTes: puis ils le ceingnent d’vne large ceinture, qui leur alîer-mill tout le corps, bras, amp;nbsp;iambes nu es : hormis que par . fus le tout ils portent vn grand manteau de peaux cou-fué's enlêmble, fi bien acoullrées, comme fi le plus habile pelcticr y auoit mis la main. Les manteaux font faits, les vns de loutre, ours, martres, panteres, renards, heures , rats, connins, amp;nbsp;autres peaux, conrayees auecques le poil: qui adonné argument, à mon aduisjà plufieurs ignoransdedire,que les Saunages elloient velus. Aucuns Gdulotf ont elcript que Hercules de Lybie venant en France,troLi fduu-iges ]g peuple viuant prefque à la maniéré des Saunages, inmu nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;tenant, qu’en rAmerique,àns
nulle ciuilité:amp;alloyent les hommesamp;femmesprelque
tous
-ocr page 323-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. 1^4 tous nuds : les autres cftoyent veftus de peaux de diuerfès efpcces de beftes. Ainfi à eflé la premiere condition du frente humain,eftant au commencement rudc,amp; mal po y : iufques à ce que par fuceeßion de temps, necefsité à contraint les hommes d’inuenter plufieurs chofes, pour la conferuation amp;nbsp;maintien de leur vie. Encores font en
inuenté.
cefte rude inciuilitc ces pauures Saunages, admirans no-ftre veftement, de quelle matière, amp;nbsp;comment il eft ainfi bafti, iufques a demander quels arbres portoyent celle matière, comme il m’a efté propofé en rAmerique:efl;i-mans la laine croillre es arbres,comme leur cotton. L’v- Vfage de Cage de laquelle a efté par long temps ignoré, amp;nbsp;fut in-uenté,comme veulent plulieurs,par les Atheniés, amp;milè en œuLue. Les autres l’ont attribué à Pallas, pource que les laines eftoient en vCage auant les Athéniens, amp;nbsp;que leur ville full baftie. Voila pourquoy les Athéniens l’ont mcrueilleulèment honorée, amp;nbsp;cué'en grande reuerence, pour auoir receu d’elle ce grand benefice. Et par ainfi eft: vrayfemblable,que leldits Athéniens amp;nbsp;autres peuples de la Grece,fe veftoient de peaux,à la maniéré de noz Canadiens : amp;nbsp;à la fimilitude du premier homme, comme tefinoigne Sainél Hierofme,laiirant exemple àlàpofte-rité d’en vfer ainfi, amp;nbsp;non aller tous nuds. En quoy ne pouuons aftez louer amp;nbsp;recôgnoiftre noftre Dieu, lequel par finguliere affeélion, fur toutes les autres parties du monde, auroitvniquemétfauorifé à noftreEurope. Re-fte à parler comme ils portent les cheueux, c’eft à fçauoir autrement que les Amériques. Tant hommes que femmes portent les cheueux noirs,fort long3:amp; y â cefte dif-ference feulement, que les homes ont les cheueux trouf- ueux.
Maniéré des Ca. mdiensà,
L£S SINGVLARITEZ
Martres ^ebeli-nes.
tialille^ mens des femmes de Canada.
Maria' ^edesCa nadiens.
fèz furlateftcjcome vne queue de cheual, auec cheuilles-deboisatrauers : ladeflus vne peau de tygre, d’ours, ou autres beftes;tellernent qu’à les voir accoutrez en tek le forte,Ion les iugeroit ainfideguifez, vouloir entrer en vn theatre, reflemblans mieux aux portraits d’Hercules, que faifoient pour recreation les anciens Romains,amp; corne nous le peignons encores auiourd’huy , qu’à autre chofo. Les autres fo ceignent amp;nbsp;enueloppent la tefte de martres zebelines,ainfî appellees du nom de la region fi-tuée au Nort,ou cell animal eft frequent: lefquelles nous eftimosprecieulcs par deçà pour lararité:amp; pourceteJIes peaux font referuces pour l’ornemét desPrincesamp;gràds feigneurs, ay ans la beautc coniointc auec la rarité. Les hommes ne portent aucune barbe,non plus que ceux du Brehl, pource qu’ils l’arrachent felon quelle pullule^ Qtiant aux femmes elles fhabillent de peaux de cerfs pre parées à leur mode, qui cft tresbonne ôc meilleure que celle qu’on tient en France,fans en perdre vn poil feul. Et ainfi enueloppées fe (errent tout le corps d’vne ceinture longue,à trois ou quatre tours par le corps,ayàs toufiours vn bras amp;nbsp;vne mammelle hors de cefte pcau,attachée fur l’vnedes e{paules,commevneefoharpe de pelerin. Pour continuèr noftre propos, les femmes de Canadaportent chauffes de cuir tanné, amp;nbsp;fort bien labouré àleurmode, enrichi de quelque teinture faite d’herbes amp;nbsp;fruits,ou bic de quelque terre de couleur,dont il y à plufieurs efpeces. Le foulier eft de mefme matière amp;nbsp;cadefeure. Ils obforuét le mariage auec toute foy,fuyans adultere for tout : vray efl que chafounàdeux ou trois femmes, comme deha nous auons dit en vn autre lieu.Le feigneur du païs nom-
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en peut auoir autant que bon luy femble.
Les hiles nefont defèftimées pourauoir feruy à quel- hanna. quesieuneshommesauantqu’ellremariées,ainh qu’en rAmerique.Et pource ont certaines loges en leur village, ouilsfo rencontrent, amp;nbsp;communiquent les hommes a-uec les femmes, fcparez d’auec les ieunes gens, fils amp;nbsp;filles. Les femmes vefues ne fc remarient iamais,en quel-que nombre qu’elles foientapres la mort de leur mary: ains viuét en dueil le relie de leur vie, ayans le vilàge tout noirci de charbon puluerile auec huyle de poiflbn : les fimmfs cheueux toufiours elpars furie vifiige,fans ellreliez ne decana. troulTez par derriere,corne portent les autres: amp;nbsp;fe main-tiennent ainfiiulques alamort. Quant au traitement de comc leurs petis enfans,ils les lient amp;nbsp;enucloppenten quatre lestraiut ou cinq peaux de martres coufues cnlèmble:puis les vous nrrnrhpnt Rr cr.irrotent fiir vne ntanrhe 011 nis debnicner fée à I’cndroit du derrière, en forte qu’il â toufiours ou-uerture libre,amp; entre les iambescomme vn petit entonnoir,ou gouttière faite d’ecorce mollettcjou ils font leur eau,(ans toucher ne coïnquiner leur corps,foit deuant ou derriere, ne les peaux ou ilz font enueloppez. Si ce peuple eftoit plus prochain de la Turquie, i’eflimerois qu’ils auroientapprisceladesTurcs:ou aucotraire auoir enfèi-gné les autres.No pas que ievueille dire que ces Sauuages eftimêt eftre péché, que leurs enfans Ce mouillent de leur propre vrine,comme cede nation foperftitieufo deTur- rmj. quie: mais plus toft pour vne ciuilité qu’ils ont par deßus les autres. Parce que Ion peut eftimer combien ces panures brutaux les furpaffent en honefteté. Ils vous plantent celle planche auecques l’enfant par l’extremitc inferieure
da.
el-
LES SINGVLARITEZ
pointue en terre, amp;nbsp;demeure ainfî l’enfant de bout pour dormir,la telle pendant en bas.
mitniere de leur guerre. chat. 75».
Cctnadies peuple bel lé^ineux.
Totttd-niens ennemis de ceux de Canada. Ochela-ÿiA Savuené ßeuuesde Canada.
Prepara-tiue de
guerre de s Can a diens.
Omme ce peuple femble auoir prelquc meurs que les autres Barbares làu-apres eux ne fe trouue autre amp;couftumier défaire guerre J’vn contre l’autre, amp;nbsp;qui approche plus de leur maniéré de guerre, aucunes chofes exceptées. Les Toutaniens, les Guadalpes, amp;nbsp;Chicorins font guerre ordinaire contre les Canadiens, amp;nbsp;autres peuples diuers, qui delcendent de ce grand flcuue d’Ochelagua amp;nbsp;Sa-guené. Lelquelles riuieres font merueilleulèment belles amp;nbsp;grandes,portans tresbon poilTon amp;nbsp;en grade quantité: aufsi par icelles peut on entrer bien trois cens lieues en païs,amp; es terres de leurs ennemis auec petites barques, lànspouuoir vferdeplus grands vailfeaux, pour le danger des rochers. Et dilent les anciés du païs,que qui vou-droit fuyure ces deux riuieres,qu’en peu de Lunes, qui ell leur maniéré dénombrer le temps,lon trouueroitdiuer-hté de peuples,^ abondance d’or amp;nbsp;d’argent. Outre que ces deux fleuues feparez rvnderautre,fe trouuent amp;ioi-gnét enlèmble en certain endroit,tout ainfi que leRhof-ncamp;laSaoneaLyon: amp;nbsp;ainlî alTemblez Ce rendent bien auant dans la nouuelle Elpagne: car ils font confins l’vn à l’autre,corn me la France amp;nbsp;l’Italie. Etpource quand il ell quellion de guerre en Canada, leur grand Agahanna^ qui vaut autant a diré que Roy ou Seigneur, commande aux
autres
-ocr page 327-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. ’50’ autres Seigneurs de fon obeïflàncCjainG que chacun village à fon fuperieur, qu’ils fe délibèrent de venir amp;nbsp;trou-uer pardeuers luyen bonamp; (ùftifànt equipage de gens, viures ôeautres munitions,ainfi que leur couftumeeft de faire.Lefquels incontinent chacun en fon endroit,fè met tent en cft'ortamp; deuoir d’obcïr au commandement de leur Seigneur, fans en rien y faillir, ou aller au contraire. Et ainfi fen viênent fur rcau,auccleurs petites barquettes, longues, amp;nbsp;larges bien peu, faites d’ecorces de bois, ainfi qu’en l’Amerique amp;nbsp;autres lieux circonuoifins. Puis l’af-
-ocr page 328-LES SINGVLARITEZ
Stratd' feme de
ÿicrre yßte des
CäM-dt;ns.
attendans Ce fordHent en leurs loges amp;nbsp;cabanes affem*« blezàdix,ou douze, amp;nbsp;quinze milhommes, auec quelques pieces de bois,fagots,ramages, engrelTez de certaine greffe de loup marin,on autre poiffon.-Sccc à fln qu’ils empoilbnnentleurs ennemis Pils approchent,mettanslc feu dedans, dontil en lórt vne fumée grofle amp;nbsp;noire, amp;
^utre
me.
dangereufe afcntirpoLir la puanteur tant exccfsiue,quelle fait mourir ceux qui la lentent:outre ce quelle aucugle les ennernisjqu’ilsnelèpeuuent voir l’vn l’autre. Et vous fçauent adrellèramp;dilpofèr celte fumée de telle methode, que le vent la clialîè de leur collé à celuy des ennemis . Ils vient pareillement de poilbns faits d’aucunes ßrätage- fueillesd’arbtes,herbes, amp;nbsp;fruits, lelquelles matières léchées au Soleil, ils méfient parmy ces fagots amp;nbsp;ramages, puis y mettét le feu de loing, voyans approcher leurs ennemis. Ainlilè voulurent ils défendre contre les premiers, qui allèrent decouurir leur païs,failàns effort, auec quelques greffes amp;nbsp;huiles, de mettre le feu lanuiélesna-uires des autres abordées au riuage de la mer. Dont les no lires informez de celle entreprifè,y donnèrent tel ordre, qu’ils ne furent aucunement incommodez. Toutefois i’ay entendu que ces pauures Saunages n’auoient machiné celle entreprilè,que iullemcnt amp;nbsp;à bonne railbn, con-lîdere le tort qu’ils auoient reccu des autres. C’ell q u’ellâs les noflres delcenduz en terre,aucuns ieun es folallres par paffetemps, vicieux toutefois amp;nbsp;irrailbnnables, comme parvne manierede tyranniecouppoient bras amp;nbsp;iambes à quelques vns de ces pauures gens,lèulement dilbient ils pour eflayer,lî leurs elpées trenchoient bien, nonobllant que ces pauures Barbares les enflent receu humainemét,
auecques
-ocr page 329-de la erance antarctiqve.
auecques toute douceur amp;âmytié. Et par ainG depuis n’ont permis aucuns Chreftiens aborder amp;nbsp;mettre pie à
que, comme depuis Ion â bien congneu par experience.
OrpoLir n’elongnerd’auantagede noftrc propos,ces Comelej Canadiens marchent en guerre quatre à quatre , faftans,
J-1 P nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;• f»‘iychet
quanailslevoyent,ou approchent les vns des autres,cris amp;hurlemensmerucilleuxamp;:c(pouuentables (ainG qu’a-uons dit des Amazones ) pour donner terreur, amp;nbsp;efpou-uenter leurs ennemis. Ils portent force enfeignes, faites de branches de boulléaux,enrichis de penages amp;nbsp;plumages decygnes. Leurs tabourins font de certaines peaux Façonde tendues amp;nbsp;bendees en maniéré d’vne her(è,ou Ion fait le bourîns,
amp;come
parchemin, portée par deux hommes de chacun cofté, ôdvn autre eftant derriere frappant à deux baftons le plus impetueufement qu’il luy eftpoßible. Leurs fluftes {ont jiortcnt. faites d’os de iambes de cerf, ou autre fauuagine. AinG Af4«/ere le combatent ces Canadiens à coups de fléchés, rondes maflues, baftons de' bois à quatre quartes, lances amp;nbsp;piques de bois,aguifces par le bout d’os au lieu de fer.Leurs boucliers font de pénaches, qu’ils porter au col, les tour-nans dauant ou derriere,quand bon leur fomble. Les autres porter vne forte de morion fait de peaux d’ours fort efpes,pour la defence de la tefte. AinG en vioient les an- Manière ciens àla.manicredes Sauuages-.ilscombatoientàcoups que te-de poing,à coups, de pié,mordoient à belles dents, fe pre- »»«»f noient aux choueux,amp;kautres maniérés fomblables. De-puis.acombatrcilsvfèrent de pierres, qu’ilsiettoientl’vn contrei) autre; comme-il appert meGnement par lafainte Bible. Dàuantage Hérodote en fon quatrième liure,par-
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lantde certain peuple quife combattoit à coups de ba-Cohdt de Rons amp;nbsp;de mafliie :il dit en outre que les vierges de ce païs auoient couftume de batailler tous les ans auec pierres amp;nbsp;baftos les vnes cotre les autres,àrbôneurde la dcef-
yier^es MX fe-ßes de Miner-
ue.
Viodore.
Coußu-
fc MinerueJe iour de fon anniuerfàire. Außi Diod ore au * 1 premier liure recite,q les maflùcs amp;nbsp;peaux de lions eftoiét propres à Hercules pour combatte : car au parauant n’e-ftoiét encores les autres armes en vfàge. Qui, voudra voir Plutarque amp;nbsp;Iuflin,amp; autres auteurs,trouuera que les anciens Romains combatoienttousnuds. LesThebains meancie amp;Lacedemoniens fevengerét de leurs ennemis à coups U deleuiersamp;grolTes malTues debois. Etnefaut ellimer Thebdts , nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 r ZI - L J-
cî? Ldce ^ue lors ce pauure peuple ne ru Itautat hardi, comme ce-demonies luy d’auiourd’huy,pourauoirdemeuré tous.nuds,(àns e-à comba ftre aucunement veftus,comme àprefent font nozCana-diens de groflcs peaux,deftituezfemblablemét de moyés amp;nbsp;rules de guerre, dont ces Saunages le Içauent aydef maintenant. le vous pourroys amener plulieurs auteurs parlans de la maniéré que tenoient les anciens en guer-re,mais fuffîrapour le prefentce que i’enay allégué,pour retourner au peuple de Canada, qui eft nollre principal propos. Ce peuple n’vfe de l’ennemy pris en guerre, corne Ion fait en toute rAmeriqueic’eftafçauoir qu’ils nez les mangent aucunement,ainfi quelcs autres. Cequ’eft gt;nbsp;Co w les beaucoup plus tolerable. Vray ell, que fils prennent au-^îra'aeM nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ennemis, ou autrement demeurent viélo-
leurspri- neux,ils leurelcorchcntlateftc,amp; le vilàge,amp;reftcndcnt ' finniers. à vn cercle pour la lécher ; puis l’emportent enleur paîs,^ la monftrans auec vne gloire,'à leur 'amis, femmes, ôc'j vieillards,qui pour l’aage imbecille ne peuuent plus porter
-ocr page 331-DE LA FRANCE ANT A R CT I QV £. IjS ter le fais, en ßgne de viôtoire. Au refte ils ne font fi enclins â faire guerre,comme les Perufiens, amp;nbsp;ceux du Brefil,pour la difficulté parauenture, que caufont les neiges amp;nbsp;autres incommoditez,qu’ils ont par delà.
“ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Des mines, pierreries, O* dut res ßngularitez. qui
i 3 J ßtrouuent enCdndâd.
i ' - nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c H A P. 8o.
E païs amp;nbsp;terroiïér de Canada, eft beau amp;nbsp;Bote d» bien fitué,amp; de foy tresbon, hormis l’in-temperature du ciel,qui le defauorifo: comme pouuez ayiement conieélurer. Il porte plufieurs arbres amp;nbsp;fruits, dont nous n’auons la congnoiflànce par deçà.
'V/».
Entre lefquels y à vn arbre de la groflèur amp;nbsp;forme d’vn Couton, • gros noyer de deçà, lequel â demeuré long temps inuti-le,amp; fans effie congnu, iufques à tant que quelcun le voulant coupper en faillit vn fuc, lequel fut trouué d’autant bon gouffiamp; delicat,que le bon vin d’OrIeans,ou de sue du-Beaune : mefmes fut ainfi iugé par noz gens, qui lors en firent l’experience : c’eft à fçauoir le Capitaine, amp;nbsp;autres gentilshommes de fà compagnie, amp;nbsp;recueillirent de^- * ce ius fur l’heure de quatre a cinq grand pots. le vous lairte à penfer, (i depuis ’ces Canadiens afriandez à ce fie liqueur, ne gardent pas ceft arbre chèrement, pour leur btuuagc, puis qu’il eft ainfi excellent. Ceft arbre,en leur langue, eft appelé Couton. y ne autre chofo quafi incredible eft,qui ne l’auroit veuë. Il fé trouue en Canada plufieurs lieux amp;nbsp;contrécs,qui portent tresbeaux ceps de vi-
Ceps de yiff^end turels en Canada.
Piems de couleur de mine d'or.
Mines defer. Mines de cuiure.
Didmat de Cand dd^pro-uerbe. ^u li. dernier de I hijl. ndturel-le.
Opinions Jiirldco-credtion du cri-JU.
Sohn,
LES SINGVLARITEZ
grie, du feul naturel de la terre,fans culture, auec grande quantité de raifins gros, bien nourris, amp;nbsp;tresbons â naan-* ger; toutefois n’eft mention que Ie vin en foit bon n pä-reil.Ne doubtez combien trouucrent cela eftrange ,amp;admirable ceux,qui en firent la premiere decouuerte. Cc païs eftacompli de montagnes amp;nbsp;planures. En ces hautes montagnes le trouuent certaines pierres retirans en aefanteur amp;nbsp;couleur à mine d’or : mais quand on la vou-utelprouLier, h elle eftoit legitime, elle ne peut endurer le feu, qu’elle ne full difsipée amp;nbsp;conuertie en cendre, il n’efl: impofsible,qu’en cell endroit ne fetrouuaft quelque mine außi bonne, qu’aux ifles du Peru, qui cauei oit plusauantenterre. Quantaminesdefer,amp;decuiure,il fentrouuealTez. Aufurplus de petites pierres, faites Sgt;c taillées enpointe de diamât, qui prouiennent les vues en plainure, les autres aux montagnes. Ceux qui premièrement les trouuerent, penfoyent eflre riches en vn moment, eftimans que fuflent vrays diamans,dont ils appor terétabondance:amp; de làeft tiré le prouerbeauiourd’huy commun par tout: C’eft vn diamant de Canada. De fait il tire au diamant de Calicut,amp; des Indes Orientales. Aucuns veulent dire, que c’eft vne efpece de fin criftal: de quoy ie nepuis donner autre refolution, finon enlùyuaç Pline ,,qui dit le criftal prouenir de neige, amp;, eau exçefsi-î uement gelée, amp;nbsp;ainfi concrée. Parquoy es lieux ftib'iéts à glace amp;nbsp;neige le peut faire que quelque partie d’icelles, parfucceftion de temps,fedefèche amp;nbsp;cocrée en vn corps luyfànt3amp; traniparentcomme criftal. Solin eftimecefte opinion faulfe,que le criftal vienne totalement de neige: car fi ainfi eftoit,il fe trouueroit feulement es lieux froids,
comme
-ocr page 333-DE LÀ FS. ÂÎQC'È''Â'î^f AR cf I CtVE. IJp commc eh Gänaday^-feitiWablcs’regions'froides : mais l’experience nous'mônftre le contraire^î comme en l’ifle deCypre, Rhodes, Egypte,'6lt;5-en pluheursiieu delà Grc-
ce, comme moymefmeayveu du temps que i’y efloys, ou il letrouuoif, amp;nbsp;encores troutlôgt;audourdLfûy\lbôtt-dance derriftah. Quieâ vrayargura'ehtidci'ug^r.quC'le c rillal heft eau congelée y icon lid été nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;jï^i^def^
quels parlohsjlachaletijiefhtropiplus fffeqùentc5^Vyh,e-fàns coraparaifon’j qu’cn CtanadrU pâïs-ÿ^i^'^e jelles froidures. Diodore dit que le crïflaï élt co-
■1
-vV;.
mente lans coraparailon’j qu'cn GanadrU pâïs-afhi^^e \, perpétuelles froidures. Diodoreditquele crïllaïéftcó- ï^ilt;idoKe. çrcc d’eau pure,non congelée par frôideur,ni^is'p 11151011 nbsp;nbsp;. ?gt;
fcfhée par chaleur vehcméterNeantiiroins Ceiüy dé^Gà-^ Crtßulde nada ell plus lLiylànt , amp;nbsp;lent micuxt eïitoütes eHöïëS ißi pierre finel qucccluy de Cypre ^ amp;nbsp;autres lieux. 'Les àh-i combien ciens Empereurs deRomë,eftimoyentt)eaLicoup;lefip k criflab criftal,amp; en faifoyent faire des valès, ou ils mangeoyent eßoit eßi Les autres en faifoyent hmulacres,qu’ils tenoient particil lierement enfermez en leurs cabinets amp;nbsp;trefors, Pareih lement tleS Rôys^d'Egy pte gt;nbsp;du temps que florilToit Th^-t besla grande, éhrichiflbient leurs fepiiltufes de fiip cri- gesapßi-liai, que Ion apportoit de rArmcniemaieur,_amp; ducolhe q»é. de Syrie. . Et de ce.criftal eftoyenf repre-fent^z leS;Roys par portraits au natnrel,pourdemeur8î,DedeüT'fefriblôîr, amp;nbsp;eftre en perpétuelle mémoire, ’c Voila coïîiïhiamp;lës Anciens cllimerentçlecriftal,amp;ià quelsjizfages elïiöit appli^ qué; Auiourd’huyûl'ell employé à faire; vafeSz coupéfe a boirft,lt;horeïRgt;rtcftiprtéesih;ellcn’ellóitiiaricïïra^ilép Atr laßes. furplü§,è;n;çep3j§;fçtrQu.iiegttuide ab0ndaftaéde‘i31pksy caßidoi-^ ca^sitjoinesnuJ □□ unhul' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'d.'3 sif awrahib
^'‘4 uuquot; quot;nbsp;quot;i ( ' r:R)diilP'gt;rn'
-ocr page 334-LES S I NG V LAR.1 TE Z
ai G r;i : tremblemens de terre elÿ* gre/les, aufqueb efi 'îfli'î frj
ç'v, fl'î y'i,a:ipajrrjoj J .'jyR'.'ï;, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;- .i ' 'O
P tiii de lt;^‘iniidci ßtbiet a tremble-mcnt de
pour- -(l»oy.
' \Vjt ?.
gt; tait',.
Greße frequete m CctnA
s
B Eße region de Canada eft merueilleulè-'i^ept fubictte aux tremblemens de ter-;îe^^ aux grefles Jdont ce pauur'e peuple ignorant leseholès naturelles,amp; encoures plus les celeftes tombent en vne peur extréme, encores que telles chofes leur foyent’i^^;quêcçs amp;nbsp;familières, ils elHment que cela pro-ißentlde burs dieux, pour les auoir irritez amp;nbsp;falcnez. Toutefois Je tremblemét de terre naturel,’ne vientfinon des vents enfermez par quelque^ cauitez de la terre, le; quel par grande agitation la fait mouuoir, comme il fait fur la terre trembler arbres amp;nbsp;autres chofes : comme di-Ipute tresbien Ariftore en fès Meteores. Quant à la grefle ce n’elî de merueille fi elley efl frequente, pourl’intem-perature amp;nbsp;inclémence de l’âir,autant froid en là moyenne region qu’en'laplus baffe,pour ladiftancedu Soleil, qui n’en approche plus pres, que quand il vient à noflre tropique ;.pQurquQy l’eau qui tombe du ciel, l’air cftant perpetuçjleméot.froid, eft toufîours congelée, qui n’eft autre^ch$^(èrqu,ç néige ourgrefte, f Of'ces Saunages incoh tinent quûîîsfcnçct' tellesincommbditez, pour l’afftiétion qu’ils enîeçoiuentj'fe retirent en leurslogcttcs,amp;;auec cu^ qUfiqûte bcftial, qu’ils hourriffcntdomeftiqûemenr, amp;nbsp;Jft jÇàrhG'eat léu rs id o l es, lafo r me defquej les nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Que
res differéte à la fabuleufè Melufine de Lufilt;gnân| ihôkié fcrpentjmdîtié fcmme:veu que la telle auec la cheueleu-
re
-ocr page 335-DE LA TRANCE A NT A R CT.I QV E. Kfo re reprefente lourdemeaitiCfèlon’Ieur'boii ^[pqcfàiiLrago} vne fcm me. Oile fùtpius du corps!en furrne doïefperu, j, qui poLirroit bailler argument aux PoetesfdeBandfequp Melufine (oit leur deefle/Veu qu’elle fenfuiren vdlâîit, félon qu’aucuns fabulent, narrateurs'dudit Romat, qû’ife nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-''v
tiennent en leurs maifons ordinairement, e Xje tajetnble- Treblè: ment de terre èft dangereux, combien que la caüfè eneft nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;de
euidente. Puis qu’il vientià propos dêiceicembleitnônT, nous en dirons vn mót, felon l’opinion des Philoîfop^hes naturels,amp; les inconueniens qui en enfuiuenL THale Mb opinions Icficnjl’vn des fept fages de Grece, difoit l’eau, efoê corn-inencement de toutes chofes ; ôcque la terre:^flottant au nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,
milieu de cede eau, corne vne naue en plaine mer, eftoit en vn tremblement perpétuel, quelque fois plus grand, de amp;nbsp;quelquefois plus petit. DemefmeopinionaeàéDe- tem. mocrite: amp;: difoit d’auantage, que l’eau fbubsterre,crêuë par pluye, ne pouuant pour fon excefsiue quantité eftre cotenué es veines amp;nbsp;capacitez delà terre,caufôic ce tremblement: amp;:'de là venir les foUrces amp;nbsp;fontaines que nous auons. Anaxagoras difoit eftre le feu, lequel appelant (comme eft fon naturel} monter en bâUt,amp;re vnir au feu elementaire,caufoit non feulement ce tremblemët, mais . quelques ouuuertures,goulfes,amp; autres femblables en la; terre: comme nous voyons en quelques endroits. Etco-fermoit fon opinion de ce que la terre bruloit en plu-fieurs lieux. Anaximenes alTeuroit la terre mefhle eftre feule caufe de ce tremblernent, laquelle eftant ouuerte,, pour l’excefsiue ardeut du Soleil,l’air entroit dedans eri grande quantité ôôauec violence: lequel paraptes la terre eftant reünie amp;nbsp;reiointe, ne pouuarit par ou fortir, fc
R iiij
-ocr page 336-gt;1 .IVJtliES S I NGV L AR I TE 2
là ati ventre He Ja terre: ôc que de là venoit ,cetixbleib©îït.Gè quetmefembleplus raiionnable,amp; ap^-ppocbaairHoïœvent^ ^clon que nous aUons dit, fuyuans Quefl ce .Ariftote:auHstque lèvent n’eft autre choie, qu’vnair im-le ti^jqfcjneht agité. Mais ces opinions laiïiëes des eau-ies-inaturcUfes .dtDtremblement de/terre jil ïèipeut faire *'■ luwA poutatticrcsiiaiftîns jidu-vouloiramp;pefmißion du Supe-incmei^ rieuit,ä;hb«s)toutefoisincongnues±es inconueniens qui çnïùtuiènhéntjlbntTenuerlèraés dc villes amp;nbsp;citez:com-citez, du téps de^Tybere Cement de nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;métropolitaine ville de Bithiriie,durant lerc-
ten-e. nbsp;nbsp;gue deGcHiftantiß, -.Dlufieurs außi ont efté englouties de
laterredeîairtres^ubmergéesdes eauxzcome furent Elîcé amp;nbsp;Bura aüx ports de'Corinthe. Et pour dire en bref, ce tremblementfe fait quelquefois de telle vehemence,que outre lesânconucniehs prelt;hts,il fait ifles de terre ferme, comme il à fait de Sicile,amp; quelques lieux, en Syrie amp;au-tres.Il vnilitquclquçfois te ifles àta continente,côrne Pli-
lt; ne-dit eflrc adueriu de.celles de Doromifee, Perne en Miletczayàt mefme flic qu’en la vieille Afrique plufieurs plainest lieux champeftres^fevoyent auiourd’huy rc-seneque. du.itsen lacs.' * Auôü recite seneque, qu’vn troupeau de cinq Cens' ouailles,ôc autresr bcfles öc oyfèaux,furet quelquefois engloutis'ôc perdus,par vn tremblement de ter-re.PoLir cefte raifon ils fc logérfla plus grâd part) pres des riuages,;poureuitçrcçtréblement, bien informez par ex-periéce,amp; nb de raïfbmqitete lieux marefeageux ne font fubictsàtremblemens,çâmmela terre ferme; amp;dé ce la raifoneftbien facile acSelu.yqiu^^itedralacaufe du tremblement deumtalléguée. [Voilaparquoyiletrefrfche quot;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;amp;nbsp;renom-
DE LA FRANCE ANTARCTIQUE. iSl amp;nbsp;renommé temple de Diane, en Ephefe, qui dura plus Teple de de deux cens ans,ba{li fi fiimptueufement,qu’il mérita e- Dianeen ftrenombré entre les (peôlaclesdu monde, fut afiis fur pillotis en lieu de marais, pour n’eftrc fubiet à tremble-
I nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-r \ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-riin
ment de terre, iniques a tant qu vn certain rollaitre nom-méHeluidius, ou comme veulent aucuns, Eratoftlienes, lïeuic pour fe faire congnoiftre 8gt;c parler de 1 uy,y mill le feu,amp; fut conuerty en cendres. Pour celle raefin e eau le les Ro mains auoient édifié vn temple excellent à Hercules,pres le Tibre, amp;nbsp;là luy faifoient lacrifices amp;nbsp;oraifons. Or le Trebk-tremblement en Canada eft quelquefois fi violent,qu’en cinq ou fix lieues de leurs mailons dedans le païs,il le trouuera plus de deux mil arbres, aucunefois plus, quel-que fois moins,tombez par terre,tant en montagnes que ie„t. quot;nbsp;plat païsirochers renuerfez les vns fiirles autres,terres enfoncées amp;nbsp;abifmécs : amp;nbsp;tout cela ne prouient d’ailleurs que de ce mouuement amp;nbsp;agitation de la terre. Autant en peutilauenir es autres contrées fubiettes auxtréblcmens de terre. Voila du tremblement de terre,fâns plus elon-gner de noftre route.
Du fMs appelle Terre neuue.
CHAP. 82.
Pres eflre départis de la hauteur du goul-fe de Canada, fut queftion de pafler ou-tre, tirant noftre droit chemin au Nort, delaiflans la terre de Labrador,amp; les ifles
jßes des Pidbles. Cap de Marco.
LES S INGVLARI TE Z
Terre neuue re gion fort froide.
degrez, nous coftoyamcs à fèncftre celle contrée, qu’ils ontnommée Terre neuuejinerueilleulerncnt froide: qui â, efté caulè que ceux qui premièrement la decouurirent, n’y firct long lèiour,ne ceux aufsi qui quelquefois y vont pour traffîquer. Celle Terre neuue cffc vne region failànt ' vne des extremitez de Canada, amp;nbsp;en icelle fe trouue vne
riuicrc,laquelle à caulè de Ion amplitude amp;nbsp;largeur lèm-ble quafi ellre vne mer, amp;nbsp;ell appellee la riuiere Des trois freres, dillante des illes des Ellores quatre cens lieues, amp;nbsp;de nollre France neuf cens. Elle fepare la prouince de Canada, de celle que nous appelions Terre neuue. Aucus modernes l’ont ellimce ellre vn dellroit de mer, comme celuyde Magellan, par lequel lonpourroit entrer de la mer Oceane a celle du Su au Pacifique, amp;nbsp;de faiól Gemma Frifius, encor qu’il full expert en Mathématique,â grandement erré,nous voulant perluader que ccfle riuiere, de laquelle nous parlons, ell vn dellroit, lequel il nomme Septentrional, amp;mefmes la ainfi depaint en là Mappemonde. Si ce qu’il en â efcrit eull elié veritable,en vain les Elpagnols amp;nbsp;Portugais eulfent eüé chercher vn autre dellroit,dillant de celluy cy de trois mil lieué’s pour entrer en celle mer du Su,amp; aller aux illes des Moluqucs, ou font les elpiceries. Ce païs ell habité de Barbares vellus de peaux de làuuagines, ainlî que ceux de Canada, fort inhumains amp;nbsp;mal traitables : comme bienl’experi-mentent ceux qui vont par delà pelcherles morues, que nous mangeons par deçà. Ce peuple maritime ne vit gueres d’autre chofequedepoillonds m e r,dont ils pren nent grande quantité,Ipecialement de loups marins,def-quels ils mangent la chair, qui ell tresbonnc. Ils font certaine
-ocr page 339-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. KTi certaine huile de la greffe de cepoiffon, laquelle deuient Huile de apres eftre fondue, de couleur rouffatre,amp;: la boiuét au re- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;àe
paSjComme nous ferions par deçà du vin ou de l’eau. De la peau de ce poiffon grande amp;nbsp;forte, comme de quel- ' que grand animal terreftre, ils font manteaux amp;nbsp;veflc-mcns à leur mode: chofe admirable,qu’en vn element fi humide que ceftuy là,qui eft l’humidité mefm e,{è puif-fè nourrir vn animant,qui ay e la peau dure amp;c feche,comme les terreftres. Ils ont lèmblabiemcnt autres poiffons vertus de cuiraffez dur, comme marfouïns amp;nbsp;chiens de
merzles autres reueftus de coquilles fortes,corne tortues, huitres,amp; moulles. Au rerte ils ont abondace de tous autres poiffons, grand? amp;nbsp;petis, defquels ils viuent ordinairement. le m’esbahis que les Turcs,Grecs,Iuifs,amp;; diuer-fès autres nations du Leuant ne mangent point de dauphins , ny de plufieurs autres poiffons, qui font deftituez d’efcailles,tantdemer,qucd’eaudouce,quimc faitiuger que ceuxey font plus lages,amp;mieux auifez de trouuer le gouft des viandes plus délicates, que non pas ou les Turcs, ou Arabes amp;nbsp;autre tel fatras de peuple rtiperfti-tieux. En ceft endroit fo trouuêtdesbalenes(i’entens en la haute mer,car tel poiffon ne fapproche iamais du riua-gejqui ne viuent que de tels petis poiffons. Toutesfois le poiffon qu’ordinairement mange la balene,n’ert plus gros quenoz carpes,chofo quart incredible pourle re- Une. fpeôl delà grandeur amp;groffeur. Laraifon eft,ainrtque veulent aucuns,que labalene ayant le gorter trop eftroit en proportion du corps,ne peut deuorer plus grâd morceau.Qui eft vn focret encor admirable, duquel les ancics nelèfontoncques auifez,voire nyles modernes,quoy
Superfli-tion de diuerfis nations du Le-uant.
LES SINGVLARITEZ
qu’ils ayent traité des poiflbns. La femelle ne fait iamais qu’vn petit à la fois, lequel elle met hors comme vn animant terreftre fans œuf, ainfi que les autres poi/Tons oui-peres. Et qui eft encores plus admirable, elfe allaitte ion , petir,apres eftredehors;amp;pource elle porte mammelles
au ventre foubs le nombril : ce que ne fait autre poiiTon quelconque,fbit de m.arine ou d’eau douce, hno le loup. Plïne. Ce que mefmemcnt tefmoigne Pline. Celle balene ell .fiewcofrf fort dangereulc lus la mer, pourla rencontre, ainlî que
bienIçaucntlesBayonnoispourl’auoirexpérimenté,car reufe‘^^L nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;cepropos,lorsque
U mer. nous cllions en l’Amerique, le batteau de quelque marchant qui paflbit d’vne terre à autre pour û traft’ique, ou autre negoce,fut renuerfé mis à làc,amp; tout ce qui elloic dedans,par la rencontre d’vne balene, qui le toucha delà queue. En cemefme endroit ou conuerlèla balene, le £■»»??«gt; trouue le plus fouuent vn poiflbn, qui luy eE perpétuel ^'’^^niereque fapprochantd’elle,ne ferafau-tedelapiquerloubsle vétre(quieE la partie la plus mollette^ auecques la langue trenchante amp;nbsp;ague, comme la lancette d’vn barhier : amp;nbsp;ainfi offenlee, à grand difticulté Ce peut: Cauuer,quelle ne meure, ainlî que difent les habi-tans de Terre neuue,amp; les pelcheurs ordinaires. En celle mer de Terre neuue Ce trouue vne autre elpece de poil-liebec, Cou j quc Ics Barbares du païs nomment Hehec^ ayant le bec comme vn perroquet,amp; autrespoilîbns d’efcaille. Il le trouue en cemefme endroit abondance de dauphins^ quilèmonErentle plus Ibuuentfus les ondes, amp;nbsp;a fleur destfm nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;gt;nbsp;làutans voltigeans par deflus : ce qu’aucunse-
ƒ?ƒ?«. lliment élireprelàgedetormétes ôctempeEes,auec vens
„ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;impétueux
-ocr page 341-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE.
impétueux de lu part dont ils viennent, comme Pline recite amp;nbsp;Kidore en les Etymologies, de ce que außi l’expe-lienee ma rendu plus certain, que l’autorité ou de Pline, ou autre des anciens. Sans cflongner de propos, aucuns ontelcrit qu’il y à cinq efpeces de prefageamp; prognoftic des tcmpeltes futures fus la mer, comme Polybius eftant auecques Scipion Æmilian en Afrique. Au furplus y â, abondance de moulles fort großes. Quant aux animaux terrellres, vous y en trouuerez vn grand nombre, amp;nbsp;be* lies fort fàuuages amp;nbsp;dangereulès, comme gros ours, lef-quels prelque tous font blancs. Eteequeiedy des belles felled iufques aux oyleaux, delquels le plumage prelque tire fur le blanc:ce que ie pêlè auenir pour l’excelsiue froideur du pais. Lefquels oursiour amp;nbsp;nuyt lontimportus es cabanes des Sauuages,pour mager leurs huiles amp;nbsp;poißos, quad il fen trouue de referue. Quat aux ours encore que nous en ayons amplemét traité en nollrcCofmographie de Leuant, nous dirons toutefois en paffant corne lesha-bitans du pais les prénent affligez de l’im portunité qu’ils leur font. Doneques ils font certaines fofles en terre fort profondespres les arbres ou rochers, puis les couurent G. finement de quelques branches ou fueillages d’arbres: amp;nbsp;ce là ou quelque elfain de moulches à miel fe retire,ce que ces ours cherchent amp;nbsp;lùyuét diligemment,^ en font fort friands, non comme ie croy tant pourfen raflàlier, que pour fen guérir les ieux qu’ils ont naturellement debiles, amp;nbsp;tout le cerueau, mefmes qu’cftàs picquez de ces moulches rédent quelque fang, fpecialemét par la tefte,qui leur apporte grâd allegemér. 11 fe voit là vnc elpccc de belles grandes come buffles,portans cornes allez larges,la peau;
^ni' maux eßräm.
S iij.
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grifàftre, dont ils font veftemens : amp;nbsp;plufieurs autres belies,defquellcs les peaux font fort riches amp;nbsp;fingulieres.Le païs au refie eft montagneux amp;nbsp;peu fertile, tant pour l’in-temperature de l’air,que pour la condition de la terre peu habitée, amp;nbsp;mal cultiuée. Des oyfeaux, il ne fen trouue en fi grand nombre qu’en l’Amerique, ou au Peru, ne de 'Deuxef'- ßbeaux. 11 y à deux efpeces d’aigles, dont lesvneshan-pcesddi jgg eauës,amp; ne viuent gueres que de poiffonjSc enco * ’ res de ceux qui font vertus de groflcscfcailles ou coquil-les,qu’ils enleuent en l’air, puis les lairtent tomber en terre, amp;nbsp;les rompent ainfi pour manger ce qui eft dedans. Cefte aigle nidifie en gros arbres lus le riuagedc lamer. En ce pais à plufieurs beaux fleuues,amp; abondance de bon poiflbn. Ce peuple n’appete autre chofe, finon ce qui fuy eft neceffaire pour fiibftenter leur nature, en forte qu’ils ne font curieux en viâdes, amp;nbsp;n’en vont quérir es païs Ioingtains,amp; font leurs nourritures laines,dequoy auient qu’ils ne Içauent que c’eft que maladies,ains viuét en continuelle (ante amp;nbsp;paix,amp; n’ont aucune occafion de conce-uoir enuie les vns contre les autres, à caufe de leurs biens ou patrimoine: car ils font quafi tous egauxen biens, amp;nbsp;fonttousriches par vn mutuel contentement,amp; equalitc de pauureté. Ils n’ont aulsiaucun lieu depute pouradmi-niftrer iuftice,parce qu’entre eux ne font aucune chofe digne de reprehenfion. Ils n’ont aucunes loix,neplus ne , moins quenoz Amériques amp;nbsp;autre peuple de celle terre continente, finon celle de nature. Le peuple maritime lènourrift communément depoiiron,côme nous auons défia dit: les autres ellongnez de la mer fe contentent des fruits de la terre, quelle produit la plus grand part fans ' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;culture.
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culture,amp; eftre labource. Et ainfi en ont vie autrefois les anciens,comme mefme recite Pline.Nous en voyons en- nbsp;nbsp;lî.
cores aflez auiourd’huy, que la terre nous produit elle-mefme fans eftre cultiuée. Dont Virgile recite que la fo- y reftDodonée commençant à fc retraire, pour l’aagc qui ’ la furmontoitjou bien quelle ne pouuoit fatisfaire au Dodonée nombre du peuple qui fe multiplioit,vn ebafeun fut cou traint de trauailleramp;follicitcr la terre, pour en receuoir emolument neeeßaire à la vie. Et voila quant à leur agriculture. Au refte ce peuple eft peu fubiet à guerroyer,fi leurs ennemis ne les viennet eberener. Alors ilsfe mettét tous en defenlè en la laçon amp;nbsp;maniéré des Canadiens,
t/c Terre nenne.
LES SINGVLARITE2
bourins, auec fleuftes d’offemcns de cerfs, comme ceux des Canadiens. Qu^ fils apperçoyuent leurs ennemis de Joing,ils Cq prépareront de combatte de leurs armes jqui /ont arcs amp;nbsp;fleches:amp; auant qu’entrer en guerre,leur prin cipale guide, qu’ils tiennent comme vn Roy, ira tout le premier,armé de belles peaux amp;nbsp;plumages,aßis fur les ef paulcs de deux puiiïansSauuageSjàfin qu’vn chacun le congoiffe, amp;nbsp;foyent prompts à luy obeïr en tout ce qu’il commandera.Et quand il obtient victoire,Dieu Içait co-me ils le careflent.Ét ainfi f en retournent ioy eux enleurs Bamerts nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;bannières déployées, qui font rameaux
d’arbres garnis de plumes de cygnes, voltigeans en l’air, amp;nbsp;portans la peau du vifage de leurs ennemis, tendue en petiscercles, enGgnc de vidoire,comme i’ay voulu re-prefenter par la figure precedente.
TfPi ißes des Eßores.
CHAP. 8j.
/ƒ« dei Ejjàm pour-
L ne refie plus de tout no (Ire voyage, qu’à traiter d’aucunes ifles, qu’ils appellent des ElToreSjlefquelIes nous coiloya-mes à main dextre,amp; no fans grand danger de naufrage: car trois ou quatre de-grez deçà amp;nbsp;delà fouffle ordinairement vn vent le plus merueilleux,froid,amp; impétueux, qu’il efl
qaoyÀîfi pofsible: craintes pour ce refoeél,amp;: redoutées des pilots nemees amp;nbsp;nauigans. Comme le plus dangereux pafEige, qui foit le voyage, foit pouralleraux Indes,ou àl’Âmeri-pouuez penfèr qu’en cell endroit la mern’cft ia-mais
-ocr page 345-DE LA FRANCE ANTARCTIQVE. iCj mais tranquille, ains fè leuecontremont,comme nous voyons fouuentefois, que le vent efleue la pouldre, ou feftusdelaterre,amp; les naullèdroiôlement contremont, ce que nous appelions communément turbillon,quifè fait aufsi bien en la mer comme en la terre, car en l’vn amp;nbsp;en l’autre il fe fait comme vne pointe de feu ou pyramide , amp;nbsp;efleue l’eau contremont, comme i’ay veu mainte fois, parquoy femble que le venta außi vn mouuement droit d’embas contremont,comme mouuement circulaire, duqueli’ay ditenvn autre lieu. Voila parquoy elles ont efté ainfi nommées, pour le grand cflbr quecaufè ce ventes dites ifles ;car eflbrer vaut autant à dire comme fecher,ou efluyer. Cesifles fontdiftantes de noflreFrance enuiron dix degrez amp;nbsp;demy:amp; font neuf en nombre, dont les meilleures font habitées auiourd’huy des Portugais, ou ils ont enuoyéplufieurs efclaues,pourtrauailler amp;nbsp;labourer la terredaquelle par leur diligence ils ont rendue fertile de tous bons fruits, ncccflaires à la vie humai- fertHifé ne, de blé principalement, quelle produit en telle abon-dace,que tout le pais de Portugal en eft fourny de là:amp; le tranfportétàbellesnauires,auecplufieursbonsfruits,tant du naturel du païs,que d’ailleurs, mais vn entre les autres, nomé Htrà-, dont la plate â efté apportée des Indes,car au tiircî. parauant nefetrouuoit nullement,tout ainfi qu’aux ifles Fortunées. Etmefineentoutenoftre Europe,auantque Ion commençaft à cultiuer la terre,à planter amp;nbsp;ferner di-uerfité de fruits, les homes fe contentoyent feulement de ceque latcrreproduifoit defon naturel: ayans pour bru-uagc,de belle eau clere: pour veftemens quelques efeor-ces de bois,fueillages, amp;nbsp;quelques peaux, comme défia
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nous auons dit.En quoy pouuos voircleremet vne admi rable prouidence de noftre Dieu, lequel a mis en la mer, foit Oceane ou Mediterranée, grand quantité d’ilies, Ies vnes plus grandes,les autres plus petites,foutenas les flots amp;nbsp;teinpcftes d’icelle,lans toutefois aucunement bouger, ou queles habitas en foient de rien incommodez(Ie Seigneur, corne dit le Prophete, luy ayant ordonné lès bornes, qu’elle ne Içauroit paflerjdont les vnes lont habitées, qui autrefois eftoient defertes: plufieurs abandonéesqui iadis auoient eflé peuplées,ainh que nous voyons adue-nir de plufieurs villes amp;nbsp;citez de l’Empire deGrece,Tra-pezonde, amp;. Egypte. L’ordonnance du Créateur eftant telle,que toutes cnolès ça bas ne lèroyent perdurables en leur cftre, ains fubiettes à mutation. Ce queconfiderans noz Cofmographes modernes,ont adioufléaux tables de Ptolomée les cartes nouuelles denoftre temps, car depuis la congnoiflance amp;nbsp;le temps qu’il elcriuoit ,font aduenucs plufieurs choiesnouuelles. Noz Efloresdon-qucs cfloyent delèrtes, auant qu’elles fuflcnt congnuès par les Portugais, pleines toutefois de bois de toutes Ibr-tes : entre Iclquels le trouue vne elpece de cedre, nommé ordcdn- en lague des Saunages Ordcuntiriy dont ils font tresbeaux tin^ejpe- ouurages, comme tables, coffres, amp;nbsp;plufieurs vailfeaux « ce- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Qg gß. i-nertieiJles odoriferant,amp; n’eftfub-
ieôl à putrcfaôlion,comme autre bois,lbit en terre ou en pZzwf. eau. Ce que Pline à bien noté,que de Ibn temps Ion trou
ue à Rome quelques liures de Philolophie en vn lèpul-cofft-ede chre,entre deux pierres, dans vn petit coflfc,fait de bois ce;/re. jg ceclre, qui auoit demeuré Ibubs terre bien l’elpace
de cinq cens ans. D’auange il me fouuient auoir leu autrefois
-ocr page 347-DE LA FRANCE ANTARCTIQUE. iCÎS trcfoisjqu Alexandre le grand paflànt en la Taprobane, trouua vne nauiredecedre fils lcriuage delà mer,ou elle Nduire auoit demeuré plus de deux cens ans,(ans corruption,ou putrefaéhionaucune. Et de là eftvenuleprouerbeLa-tin,quelon dit, Digna cedro^ des choies qui méritent eter- /’»‘««fr-nellememoirc. Ilmcfèmblcquecescedres des Eflbres, nefontfihautcleuez en l’airny de telle odeur, que ceux qui (ont au deftroit de Magellan, encores qu’il (oit quafi en mcfiîic hauteur, que leldites ides des ElTores. Ilfy trouue pareillementplufieursautres arbres,arbrifTeaux fjortant fruits tresbeauxàvoir,fpecialementen lameil-eure amp;plus notable iile, laquelle ils ont nommée Ifledc SainélMichel,amp;. la plus peuplée. Encefteideà vne fort ißedes. belle ville nagueresbaftie auec vn fort, là ou les nauires Michel. tat d’Elpagne que de Portugal,au retour des Indes abordent,amp; ferepofèntauantqu’arriuerenleurpaïs. Enl’vnc de ces ides à vne montagne, pre(que autant haute que celle de Tencriffe,dont nous auons parlé: ou il y à abondance de paftel,de (ùcre,amp; de vin quelque peu. Une fy trouue aucunebefte rauilTantejOy bien quelques cheures fauuages, amp;nbsp;pludeurs oyleaux par les boccages. De la hauteur de ces ides fut quedion de palTer outre, iu(ques Cap de Fè au cap de Fine terre;(us la code d’E(pagne,ou abordâmes, toutefois bien tard, pour rccouurer viures, dont nous a-uions grandeindigéee, pour filer amp;nbsp;déduire chemin,iuf-ques en Bretagne, contrée de l’obedTance de France.
Voila Mefsieurs,le dilcours de mon loingtain voyage Epilogue auPoncnt,lequel i’ay deferit,pourn’edreveu inutile, amp;nbsp;del^^u-pour néant auoir exécuté telle entrepri(è,le plus (bm mai rement qu’il m’a edé poGible, non parauenture d elo-
T ij
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quemmcnt que méritent voz aureilles tant délicates, amp;: iugement fi exquis. Et fi Dieu ne m’a fait celle grace de confumer ma ieunefle es bonnes lettres, amp;y acquérir autant de perfedion que plufieurs autres, ains plus toll à la nauigation ,ie vous fiipplieray affeclueufèment m’ex-CLifer. Ce pendant fi vous plait agréablement receuoir ce mien efcript tumultuairement comprins amp;nbsp;labouré parles tempe{tes,amp; autres incomoditez d’eau amp;nbsp;de terre, vous me donnerez courage, eftant fèiourné amp;nbsp;à repos par deçà,apres auoir reconcilié mes efprits,qui font com-cartesde me efpandus ça amp;nbsp;là,d’eforire plus amplement de la fitua Ihutettr dillance des lieux, que i’ay obforuez oculairemér, Leuant,Midy,que Ponentdefquelles i’efpere vous f/o» nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;monftrer à roeil,amp;: reprefènter par viues figures,outre les
dißdnce Cartes modernes, que i’ofèray dire,fans offenfèrl’hon-deslieux. neuf deperfonne,manquer enplufieurschores,foitla faute des portrayeurs,taifleurs,ou autres, ic m’en rapporte. D’auantage, encores qiïil cfl malaife, voire impofsi-ble, de pouuoiriuflement reprefenter les lieux amp;nbsp;places notables,leurs fituations amp;nbsp;diîlances, fins les auoir veuës â l’oeil : qui cfl la plus certaine congnoifiànce de toutes, comme vn chacun peut iuger amp;nbsp;bien entendre. Vous voyez combien longtemps nous auons ignoré plufieurs pais, tant ifies que terre ferme, nous arreftans à ce qu’en auoiét veu amp;nbsp;efcript les Anciés: iufques à tant, que depuis quelque temps en ça,Ion fcfl bazardé à lanauigation, de maniéré qu’auiourd’huy lonàdecouuerttoutnoftre Hemifphere, amp;nbsp;trouué habitable: duquel Ptolomée,amp; les autres n’auoyent feulement recongnu la moytié.
F I N.
-ocr page 349-TABLE DES CHAPITRES du prefent liurc.
’Emharquemnt de l'./duteur, Chap.t. fueiliet t. Du deßroit anciennement nomméCalpe, autour-
d'huy Gilbaltar.
De I'^frujue en gener al.
De l’./Afrique en particulier
thâp.i.fueillet chap.^.fueil.^, chdp.^.fueil.é.
Des ißes Fortunées,maintenant appellees Canaries, chap.-^.fueil. 8.
Delà haute montagne du Pyeh.
De l’iße defer.
Dès ijles de Madere, Du quot;yin de Madere. Du promontoire Verd nbsp;nbsp;defes ißes,
Duyindes Palmiers.
De la riuiere de Senegua.
Des ißes Pleßerides,autrement dites de cap Verd.
Des tortues,^ d’yne herbe quils appellent Orfeiüe.
Del’iße de feu.
De l’Ethiopie.
De la Guinée.
chdp.ô.fuâllet II. chap.-j.fueil.n. Chdp.S.fueil.i^.
fueil.i^.
chapitre lo.fueiUet i6. chap.ii. fueil, chap.xi.fueil.zi. chap.ï^, fueil.z^. chap.t^.fueiLz^. chap.i^.fueil.iyr, chap.ï6 .fueil.zS. chap.ij.fueil.^^o.
Delà ligne Equinoéiiale, nbsp;nbsp;ißesde S.Omer. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.iS.fueil,^^.
nonßulement tout ce qui eßßubs la ligne efl habitable, mais außi tout le monde eß habité, contre l'opinion des anciens. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;cha. i^fueil.^i^.
De la multitude diuerfité despoißbns eßansßubs la ligne Equinoéiia-^ap.zQ. fueil. jj.. iße nommc'e l'.y4ßenfion. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap, z i .fueil.^
Du promontoire de Bonne efperance, de plufieurs ftnlt;yularite'\,ob/êruées en iceluy^enfemble noßre arriue'e aux Indes ..Amériques ou Erance .Antar-chap.zz. fueil. ,^0. De l'iße de Madagaßar,autrement de S.Laurent. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.z^.fueil..^^^
Denoßre amuee à la France Mntaréiique, autrement .Amérique, au lieu nomme Cap de Frie. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ehatgt;.z..fueiL.lt;
De la rtuiere de Ganabara,autrement de Iandire, lt;lt;7lt; comme le païs ou arri~ uamesfutnomme France .Antaréiique. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.z^.fueil.^3..
TABLE
Du poiffon de ce grand fleuuefufhommé.
CJupitre 16. fueillet 49
De [’.Amérique engeneral
De la Religion des .Amériques nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.iS.fued.^z
Des Amériques, de leur maniéré de yiure, tant hommes, que femmes, chapitre 1^. fueillet ^4.
De la maniéré de leur manger boire. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^Q.fueil.^6
Contre [opinion de ceux quicßimentles Sauuageseßre yelu^e^j cha.^i. f.^'j D’yn arbre nommé Genipar en langue des Amériques, duquel ils font tain-chap.^i. fueil.^9
D’yn arbre nomméPaquoüere nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^ j. fueil. 6i
La maniéré quils ticnnentàfaireincifionsfur leurs corps, cha.^4. fueil.6i Des yißons,ßnges,Cir illuftons de ces Amériques ,^dela perfeution qu’ils reçoiuent des e/frits. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^^. /ueil. 64
Des faux Prophètes çiy* Magiciens de ce pais,qui comuniquent auec les efprits malings:^ d’yn arbre nommé Ahonaï. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^C.fueil.é^
ßw les Sduuages Ameriques croyent l'ame eßre immortelle, cha.^
C omme ces Sauuages font guerre les y ns contre les autres, nbsp;nbsp;prirKipalement
contre ceux qu’ils noment Margdgeas eS? Th(dgt;aiares,amp;d’yn arbre qu'ils appellent Hayri,duquel ils font leurs baßons deguerre, cha.^S.fueil.'go
La maniéré de leurs combats,tantfur eau,que ftr terre. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chd.^9. fueil. 75
Comme ces Barbares font mourir leurs ennemis,quilsont pris en guerre, amp;nbsp;les mangent. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.40. fueil.7^
ces Sauud^es font merueilleufement 'yindicdtifs. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ehdfgt;.41. fueil.'j 8
D«mdrid^e desSduudgesAmériques. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chd^.^i.fueiLj^
Des ceremonies,f^ulture,(i7*funerdilles qu’ils font d leurs deces. chd.4^.f.Si Des Mortu^dbes, de Id chdrite, de laquelle ils yfent enuers leseßran^ers,
Chdpitre ^^^.fueillet 84.
Defcription d’y ne malddie nomméePid(i4, a laquelle font fubiets ces peuples del’.^merique,tdntesißes que terre ferme. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chdp.4^.fueil.^6
Desmdladies plus frequentes en l’^merique,^ de Id methode qu’ils obfruet d fèguérir. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^ô.fueil. 8 8
Ld mdniere de traf^iquer entre ce peuple.D’yn oyfau nommé T oucdn, de l'ejpicerie dupais. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^j.fueil.^o
Des oyfeduxplus communs de r^merique. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^S.fueil.gi
Desyenaifons nbsp;nbsp;fduuagines,que prennent ces Sauud^es. chd.4q.fueil.^i^
D’yn arbre nomméHyuourage. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^o.fueil.ÿ s
-ocr page 351-DES chapitres.
D yn autre arbr. nomme V^hebehdßu, nbsp;nbsp;des moufches a miel qui lefrequerf^
n rf' n nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chdpitrg lt;1. fueillet a-r
D yne beße d[fe:i^efrdn.e,apellée Haiit nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^z. fueil. d
Comme les Amériques font feu, de leur opinion du deluxe, amp;nbsp;des ferremens i«n,iUyr.n,. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;dut-n-/-quot;lyoo
De lariuiere des yaßs,enßmble daucuns animaux quife trouuent alenuiron.
de la terre nommée Morpion.
chdp.^ 4. fueil. 10 j ‘ chap.^^. fueil.106 chap.^6. fueil. w3
Delà riui ere de Plate,^ païs circonuoifins. Du détroit de Magellan,de celuy de Daryéne.
Que ceux qui habitent depuis la riuiere de Plate iußques au détroit de Magellan font no^t^antipodes. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^q. fueiLiio
Comme les Sauuages exercer l’agriculture, infant iardins dyne racine nommée Manihot,dyn arbre qu’ils appellent Peno-abfou. nbsp;nbsp;cha.s^?,. f.ziz
Comme la terre de l'Ameriquefut decouuerte,amp; le bou de brefil trouué,auec plufieurs autres arbres non yeus ailleurs qu’en ce pais. nbsp;nbsp;nbsp;chap.^p fueil. 116
De noßre departement de la France Antarélique ou Amérique. ch.^^.f.iï3 Des Canibales, tant de la terre ferme, que des isles, nbsp;nbsp;nbsp;dyn arbre nommé
^cdiou. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chdp.^j.fueil.n^
De ld riuiere des ^md^i^ÿnes, dutrement dite .Aureldne, pdr laquelle on peut ndui^ey dux pdïs des .Amazones en ld France ^ntdrFïique. chapitre 6i.fu€iUet iiz.
.y4bordement de quelques Ejf danois en yne contrée ou ils trouuerent des .A-madones. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chdp.6yfueil.ii,^.
DeId,cotinudtio du yoyd^ede Morpion,^ de Id riuiere de Pldte. c.6^f.izy Ldfèpdrdtion des terres du Roy d’Ejfdgne nbsp;nbsp;du Roy de Portugdl. c. 65 ƒ. 128
Diuifion des Indes Occident dies en trois parties. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chdp.66.fueil,j^cs
De l isle des Rats. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chapitre ôy.fueillet 151
La continuation de noflre chemin, auecques la declaration de lAflrolabe marin. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chdp.63. fueil.i^^
Departement de noßre equdteur,ou equinoélial chap.6. fueil. 12j r» Peru,amp; des principales yilles contenues en iceluy. chdp.-jo.fueil.i^6 Des isles du Peru,z^principalement de lE/pagnole. chd.yi.ffeil.i^ 9 Des isles de Cuba Lucaïa. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.’pz.fueil.i^z,
Deßription de la nouuelle Efpd^c,ipiR de la grande cité de Themifitanfstuée aux Indes Occidentales. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.^q.fueil.t^^
Delà Floride pen infùle. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chapitre 7 4 .fueillet 144..
-ocr page 352-De ld terre de Cdnddd,di£lepdr cy deuat Bdccdlosjdccouuerte de noßre temps, ^deldmaniere dehiuredeshabitdris. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap.y^.fueil.i^^.
D\ne dutré contrée de Cdnddd. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chAp.-jößueil. 150.
irf religion (y* mdniere de yiure de ces pduures Cdnddiens, nbsp;nbsp;comme ils re-
pßent du froid. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;didp.-g-y .fueil.i i.
Des hdbillemens des Cdnddiens,comme ibportent cheueux,^ dutrditement de leurs petits enfdns. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;cbdp.y3fueil.ïlt;^^.
Ld mdniere de leur guerre. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chdp.jç.fueil.i^^.
Des mines,pierreries, nbsp;nbsp;nbsp;dutres finguldriteçti, quiß trouuent en Cdnddd.
chapitre io.fueiUet izÿ.
Des tremblemins de terre (y^^efles, dufquels eßfon fubieéi cepdïs de Cdnddd. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;■ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-
chdp. 81 ƒueil.iip.
Sz.fueil. i6i. chap.^^.fueil.i^^.
Du p4ïs Appelle Terre neuut, Des ißesdesElJores.