BRIEF
DISCO VRS ET HISTOIRE D’ V N voyage de quelques François en la Floride :amp; du maflacre autant iniuftement que barbaremct execute fur eux, parles Hefpagnols, l’an mil cinq cens foixante cinq.
PAR Cl DEVANT REDIGE au vr^par ceux ^uh'en retirèrent'.^ maintenant reueuëaugmenterâenoHueaui^M. VR-BaIN CHAV,VETON. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-v
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ENSEMBL E
VNE RE QV ESTE PRESEN-teeauRoy Charles ncuficfmc, en forme de eomplaintc, parles femmesvefiics amp;nbsp;cnfàns orphelins, parens amp;nbsp;amis de fes fiiiets, qui furent tuez audit pays de la Floride.
D. L X X I X.
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t/otci le Seigneur fortira de fon liet/, pour ygt;ißter ^iniquité des habit ans de U terre : lors la. terre reuelera fin fiti^li lt;3quot; ne couvrira plus fies ocçis.
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VOYAGE de QVELQJES François en la Floride,qui y furent rtiaflà-crez par les Hefpagnols.
^lej Hijpagtuls n ont pM plM droiSî m I4 }n!fir Its outres pait Je FlitJie OcciJeniale ftpsontles Frans^oùt ^el^ut Jonation Ju Pape juils^Hi^uent. Q^Ue raifon Ht ont tue Je majfacrtr les Pran^oss, m ta Flti iJe.
C H A P. I.
Vandi’ay accouplé ceftepeti tcHiftoircauvcla precedente, voici les raif ns que i’ay eues.Premièrement elle contient prcfqucvn mcfmcfuiet
que l’autre,amp; traitte d’vn fait auenu en l’vBC de CCS prouinces Occidentales, dont parle noftre Mil^nois. Secôdcmctelle nous peut fçruir pour fermer toute la bouche aux Hcf pagnols,amp; acheuer de leur öfter le beau maf quedezele amp;de religion.duquelils couurét tous les aöesbarbares, qu’ils ont exécutez en Indie. Car quand on leur demande, Mais venez-ça, Pourquoy aucz-vous exercé tant deeruautczfurces poures Indies? que vous ont-ilsfait ? N’cuft-il pas mieux valu les a-uoir par douccur,quc de les effaroucher par rudeffe? Ils ont incontinent cefte réplique en la bouche: Et qu’eufsics-vous volu que nous eufsions fait?Il falloit bien faire ainfi, ou fc laificr mâger à ces Saunages, qui n’ont AA.ij.
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rien de l’homme qOe la forme du vifage. Vot la Ce qu’ils allèguent pour donner quelque coùlcuraiix carnages fanglahts,qu’ils ont exécutez fur ces pourcs peuples Barbares.
Mais quel prt‘tcxtefcmblable prendrôt-îls ici?Il n’eftpas ici queftion des Caniba-IcSjOu de quelque autre nation fauuagc, qui ait cfcorcnc des Hefpagnols tout vifs,amp; gril lez fur les charbons. Il cft queftion des Fran çois,tenus autrefois pour vne des plus humaines nations du mondc(cÔbicn que pour leiourd’huy ils en ont beaucoup rabatu,à mon grand regret ) amp;nbsp;qui particulièrement ont tcuftoürsldit bonne guerre aux Hefpagnols quand ils ont eu auantage fur eux. Ce pendant y eut-il iamais Corribe ou Caniba le mangeur d’hommes plus acharne fur quel que mifcrable Hcfpagnol , que lês Hefpagnols ont cftéfarces pourcsgens, dcfquels la mémoire vit amp;nbsp;viura en celte Hiftoirc?
Mais,ic vous prie ,cfcoutons vn peu ce qü’alkguct ladelfusles Hefpa^nolsjde peur qu il ne fcmble qu’ils foyent deuenusbeftes fauuagcs,fans bonne raifon.Les François J» (d.'fcnt-ils)font vfurpateurs delà Floride,amp; » de toutes les coftes des Indes, où ils ont plâ J’te les armes de France. Car tout ce pays-là jgt; cil noftre. Premièrement parce que nous l’a J’lions dcfcouuert amp;nbsp;occupe les premicrs.Se-» condement pourcc que faSainétctc en ha jgt; fait donatio perpétuelle amp;nbsp;irrcuocable aux jgt; Rois Catholiques pour euxamp;poBr les leurs, gt;» amp;nbsp;nous en auons de belles bulles bien fi-gnees
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gnees amp;nbsp;bien fccllecs. Ticrccmcnt,nous a- «c uens eu la peine d’y peupler amp;nbsp;d’acconimo- lt;c der le pays,apres i’auoir conquis aux def- « pens de noftrc fang : amp;nbsp;mefsicurs les Fran- u çois viendront ici rauirnoftre bien amp;nbsp;np- te lire bien amp;nbsp;noftre peine ? nous les en garde- « rons bien. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lt;e
Itcmjnc fait-on pas bien les maux que lt;lt;nbsp;nous ont faits les Courfaires François : amp;nbsp;lt;« Comme ils rious viennent braucr tous les‘c jours iufqu’en nos Iflcs dcl’Hcfpagnole ,de lt;« Cuba,du Port-riche, voire iufqucsfur la co lt;t fte des Indes ? Apres que nous auons bien lt;e fuéamp; trauaillé à tirer l’or des mines du Pe- «t tu,amp;que nous-nous en penfons retourner lt;c en noftre pays pour y iouir du fruiél de nos « labeursùlfaut rendre conte en chemin à ces lt;t maudits volleurs de Courfaires, qui n’ont « autre peine que de branlcrfur mer en nous « attendant:amp; ne font point de confcicnCe de ‘t nois defebarger de tout l’or amp;nbsp;l’argent qui lt;‘ eftdans nos vaifTeaux, fans porter non plus ‘5 de rcfpeél au Roy Catholique, à qui nous ‘c ]cmcnons,qu’àvnfantofmc de paille : ils en ‘5 ont bon marche les mefehans. il ne leur cou •ƒ fte pas tant qu’à nous. Se faut-il esbahir fi “ quelqueffbis nous leur vendons bien cher “ noftre marchandife, amp;nbsp;fi nous prenons no- “ ftrcrcuenche quad nous la pouuqnsauoîr?
Outre cela,nosgcns qui firent cefte exe- « cution de la Floride, eftoyent bien aduertis “ que la plus part des François qui y eftoyent “ pafiez,eftoyentLuthériens amp;nbsp;Hugueftotsj «
AA.iij«
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„ qui vcnoycnt là pour y dreflcr des Conucn-,, ticulcs à leur mode . amp;nbsp;faire la figue à tous les Rois amp;nbsp;à unis les Princes delà terrcjcom
Il me ic ne fay quels autres firent il y ha vingt ' ,1 deux on vingt crois ans en la cofte du Bre-,1 fil. Nous eufsics-vous pas eftimez de grand’s I,bcfteSjfinouseufsions endurcpullukr des J, Hercfics au propre paysioùnous au5snouf* JJ mefmcs plante lafoy Chrefticnne aucc la pi-gt;1 que amp;nbsp;lahalcbardc? Pourquoycft-ce, à vo-J, lire aduis, que noftrc Roy porte le titre de gt;1 Catholique?N'cft ce pas afin qu’il défende J) lafoy Catholique contre les mcfcrcans,amp; gt;1 qu’il le face Catholiquement, c’eft à dire à » pied amp;nbsp;à cheual, la lance au poing amp;nbsp;le har-»1 noisfurledoSjS’ileft btfoin, amp;nbsp;parlcmon-»I de vniuerfcl? Seroit-cepas vnegrand’faute j.s’ilfaifoitcela ailleurs. amp;nbsp;s'il laifToit aie fai-ji reen vn pays que le Papeluy ha donc, amp;nbsp;luy »» ha donné à condition d’y planter amp;nbsp;ampli-»I fier la foy Catholique?
jgt; Et pourtant que tels François fe donnent »»garde d’y venir, s’ils font fages,amp; qu’ils n’y »» retournent Jamais à telles enfeignes.Carau »» tant qu’il yen viendra,autant il y endemeu-tf rera.Les Portugais ont defnichc delà Fran
ce
qu’on appellc)tous IcsHc-»» retiques qui y efioyent. Les Caftülans (qui »»font aufii bons Catholiques pour le moins) »I ne lairront pas vn Huguenot en toute la » Floride,ni en toute voftre belle Francenou »1 uelle,s’ils peuuent. Et quand ils n’en deuro M yent jamais auoirautre profit » au moins ef-’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;perent
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perent-ils que cela leur fcruira de réfrigéra «« tif.pour modérer leur Purgatoire,voire ob- « tenir pleine indulgence amp;nbsp;abfolution de tât k de mcfchancctcz qu’ils ont commifes par «» tout le pays des Indes.Et font bien afleurez lt;« de l’auoir de fa Sainfteté, qui voudroit que « tous les Huguenots fuflent exterminez du «» monde, pource qu’ils ne font que luy trou- « blcrfon repos, amp;nbsp;outre le grand foing qu il »t Ha de toute l’cglife Catholique, luy croif- « fent d’autres foucis amp;nbsp;chagrins,qui luy ren- «t uerfent tout l’entendement. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;«lt;
Voila le difeours amp;nbsp;la rcfpôfe au’en font les Hcfpagnols.En quoy il fcmble oien que fi leur cioie n’eft fondée fur rûfon 8c fur c-quitc,au moins l’eft elle fur la force : mais q^uant au droit,qu’ils pretendét en ces pays la,ie croy qu’ils n’en ont gueres dauantage que ce que leur efpec leuren dône.Car quât a cefte (uppofee donnation du Pape Alezan dre fixiefme,par laquelle il feit le Roy d’Hef pagnefeigneur amp;nbsp;poffeircnr abfolu déroutes les Iflcs amp;nbsp;terres fermes defcouuertes amp;nbsp;a dcfcouurir, auec tous les bourgs, cha-fteaux,villes 8c iurifdiftions de l’Indie Occidentale: n’eft-ce pas vn'e iniuftice touté notoire ? premièrement de donner ce qui n’eft pas (ien:fecondemcnt d'aliener vne cho fefens le confentement de celui à qui elle cft,voire mefme contre fa volonté? Et û cc' lui qui donne ainfi, eftiniufte, celui qui le prend, vaut-il mieux ? Car c'tft bien chofe toute certaine que les Indiens n’ont iamais
AA .'aUj-
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confeftti à telle donation:amp; quand les Hel-pagnols lalcurontallcguce, ou ils s’cri font inocquez: ou s’ils ont confenti de leur faire part de leurs terres, c’ha elle i la charge que ils fclairrôt tuer premièrement ,amp; puis cn-. terrer fouilefable, fi bô leur fcmbloit:pour en prendrepoflcfsion.A quel titre donceft' ce,ou que le Pape ha donné ces pays la, ou que l’Hefpagnot les ha pris?
Il y ha bien dauatagc.Car pofe le cas que le droit le plus liquide amp;nbsp;le plus iufte titre que l’Hclpagnol aye fur ces pays-la, foit fon dé fur cefte pretedue donation du Pape : ne pcrd-il pas ce droit la, s’il n’accomplit de poinft en poinét la codition qui y eft appo lècPLePapc ha donné ces pays la au Roy Catholique à la charge d’y faire prefeher l’Euangilc, amp;nbsp;réduire ces peuples à l’obeif-fancc de Icfus Chrift. Cependant en toute lalongueuramp;r la largeur des Indes ( qui eft de trois ou de quatre mille lieues pour le m’oins) les Hcfpagnols feroyent bien cm-pefehez de monftrer vn Indien qui cognoif-fc Icfus Chrift, pu vn Hefp^gnol qui l’anon ce purement amp;nbsp;comme il doit eftre annon-cé.Etfi dauenturc il y en ha qui ofent dire qu’ils en facent leur dcuoir,icles renuoyc-rayàBcnzqni amp;nbsp;aux autres quionteftéen ce pays-la, amp;nbsp;pcuuent rendre tefmoignagc de ce qui cneft.Puisdonc qu’ils ne mettent pas en elfcél: la condition, moyennant laquelle ce pays-la leur eft donné :il eft tout certain que s’ils y ont quelque droit, ils le.
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perdefit:amp; û feroyeot bien esbabis qui leur monftreroit que tant s’en faut qu’ils accotn pliflentee quils ont promis amp;nbsp;à quoy ils font tenusjs’ils en vuculét iouir ; qu’ils font le contraire.
Paffons maintenant auxautrestitres que ’ ilsproduifent.lls allèguent que ce font eux qui ont defcouuert les premiers ce pays-la: _ amp;nbsp;que ce qui n’eft à perfonne par raifon na-tutelle appartient à celui qui l’occupe le pre mier. Ç^ât au premier poinâ;,où ils difent qu’ils font les premiers defcouurans de ce 3. pays-la, ils l’ont bien voulu faire accroire iufqu’ici, amp;nbsp;en öfter l’honneur à qui il ap-partenoit, amp;nbsp;pour ce faire quelques vus de leurs Hiftoriens n’ont point cipargné les menfonges amp;nbsp;les contes faits à plaifir. Mais qui leur demandera en confcience ce qui en eftjils n’olcroyét nier que ce ne foit vn Chri ftophle CôlombGcneuois,qui s’auifa le pre mier d aller cercbcrles Ifles amp;nbsp;vue grande partie de lacofte Occidêtalcde la terre ferme des Indes.Item vn Americ Vefpure Florentin,qui defcouurit la cofte du Brefil, aux dcfpens du roy de Portugal. Vn Sebaftien Gabotto Vénitien, qui defcouurit depuis lacofte desMolues iufou’à la Floride,aux defpens de Henry fcptiefme roy d’Angleterre. Les Hefpagnolsy font depuis allez à l’en ui l’vn de l’autre. Mais c’ha cfté grand-merci à ceux qui leur auoycnt rompu la glace.
Quant au fécond poinôl, où ils allèguent q^uc ce qui n’a point de maiftre, cft au pre-
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mier qui Iç prend,comme les oyfcâux,lesbe ftcsfauuages, les Iflesnecs de quelque def-bordement d’eaux, amp;nbsp;autres telles chofes communesûe le confefTe. Mais la queftion eftjfi ce$,prouinccs-la n’auoyent point de maiftre, quand les Hcfpagnols les occupèrent: amp;nbsp;U c’eft pratiquer l Equite naturelle, ou le droiô des gens, que d’exterminer les habitans naturels d’vn pays pour s’en rendre maiftre, ou les afliiicrtir à vnc feruitude pire cent fois que la mort : comme les Hef-pagnols ont fait amp;nbsp;font encore en Indie;tef inoin leurs Hiftoires mefmcs. 11 ne faut dôc pas qu’ils allèguent pour eux le droiét des gens,veu qu’ils l’ont violé mille amp;millc fois, ayans opprime tyranniquement comme ennemis, ceux qui les auoyent receus Si caref-fez en amis.
Il ne refte plus qu’vn titre dont ils fc puif-ft nt feruir,encor qu’il ne vaille guercs.C’eft ^uirûli toutccquieftprisparmainfortcchan maiftre, amp;nbsp;appartient à celui qui eft vi Àorieux. lieft vrayrmais il faut preluppofer zç qu’ils ne difent pas : à fauoir que telle vi-lt;ftoircamp; telle conquefte ne peut eftre neiu fte ne legitimc,ft premièrement la guerre ne l’eft.Car quiconque enuahit ou polfede autrement, eft auffi iniuftefeigneur de ce qu’il ha conquis, qu’vn brigand eft delà bourfe d’vn marchand,! qui il hacoppélagorge.Et fur ce ie leur demanderoy volontiers, quelle raifon amp;nbsp;quel titre ils ont eu de faire la guer te auxl iidiens,de les prendre pour cfclaues.
amp;con
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amp; confequemmcnt d’pccupcrlcurpays.Car quâta moy ie n’en fa y point,finon que d’a-üéturc ils vucillent dire, que c’eft par droiél de bonne prife: comme qui prendroit va fanglierou vn cerf à la chafle, il eft àluy: pouree que tous animaux fauuages, quivi-uenten l’air,ou en terre,naturellement font communs.amp;deuienent propres de celui qui les empoigne le premier.Ainfi,à leur côte,il ne faut point mettre ces Indiens au reg des homes, mais entre les beftes brutes. Et de fiift.ils leur ont bien monftrc qu’ils les tc-noyent en ce rcng-larquarxl ils s’en font fer uis amp;nbsp;s’en fernent, comme vous feries d’vn Afne,ou d’vn chcual de loage : encore qu’ils Icsayent fait baptifcr.Toutcffois qui feroit difputcr vn de ces poures barbares Indiens contre vn Hcfpagnol, (comme fait le pourceau Coryllus contre Vlyflcs dans Plutarque) ie croy qu’il luy feroit côfefler,quclcs Hcipagnolsquiks dominer,tienctplus de la befte qu’eux. Et pour verifier ce poinôt* la,il ne faut quelire ce qu’en eferit Benzoni au troifiefrac liurc de fon Hiftoircdàoù les cfMf.ij, Indiens,fansauoireftudic en Dialeftiquc, prouuent pertinenment amp;nbsp;catcgoriqucract que les Hefpagnols,qui rauagcntleur pays, font plus dangereux que les beftes fauua-ges,plus furieux que les vens, plus effroyables que n’cft le feu, ni les eaux, ni que tout ce qui cft de plus violet amp;nbsp;defreigld au mon de. AufTilccvnsles appellctEfcumedcmcr: les autres les nomment du nom des plus fu-
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il
1'icufcs' bcftc5»amp; viuantcs de proyc qu’ils a-yent cn leur pays. (I y tn ha mtfnics qui les appellent Jutra, comme qui diæit, Monteur le Diable. Il cil vray qiiec’eft parhon* ncur(parcc que ce Tuvra cft leur Dieu ƒ mais ^itdii nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;qu’ils rencontrent mieux qu’ils ne
Sp^'^i^unt, pource que (corne dit l’vn de,leurs de propres Hiftoriens) ce nom-la coulent fort
bien à quelques vns. Car il eft allé des Hef-jjpagnolsen ce pays-la, dit.il, Icfquelsayalîs gt;, misleur côfcicncc,amp; toute crainte de Dieu , » amp;nbsp;des homes,cn arriéré, y ont fait des a êtes, », qui n’eftoyent point aétes d’hommes, mais „de dragons amp;nbsp;d’infidcics. Et fans auoirref-», peél à humanité- quelconque, ont cftccau-„ fc que beaucoup d’Indics, quifefulTent peu », conuertir amp;nbsp;cltrc fauucz, fe font miferable-„ment perdus amp;nbsp;delfaits pardiuers genres de 3, mort. Encore que ces pourcsgens-la ne fe J, fuifent iamaisréduits, tant y ha qu’en les ., laifl'antviurcjilspouuoyent cftrcvtiJcspour „leferuiccdc voftrc maicftc((ccla s’adrefTeà „l’Empereur Charles cinquicfine ) amp;nbsp;pourlc L': nbsp;nbsp;nbsp;„ foulagement mcfmc des Chreftiens : Si plu'
jjficijrs endroits de la terre ferme ne feroyent „pas entièrement defpeuplez Si deferts, corn „me on les voit auiourd’huy.Cepcndât ceux „qui font caufe de ce defgaft,nomment ce 3,pays ainfi dcfliabite, Le pays conquis amp;nbsp;pacifié. Voila ce qu’en dit vn Chroniqueur de Hcfpagnc,qui condamne par ce moyen tou te la violence dont ils ont vfé pour fe rendre maiftres abfolus du pays; qu’ils s'en pre-nent
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ncnt à luy s’ils veulent.
Maislaiflans apart ces Tndiens,pourvc-tiiraufuiet que nous traittons ici: puifquc les Hcfpagnols n’ont autre titre en ces terres la que le droit d’occupation amp;nbsp;deforce, pofe le cas que ce titre folt rcccuable qucl Icoccafion ont-ils eu de s’attacher ftfurieu fement aux François,comme nous verrons tantofl? Car fi vn pays deftitué d’habitas eft a celui qui l’occupe le premier,les François donc ont autant de droit qu’eux en la Floride amp;nbsp;autres coftes de ce Côtinent, où IcsHefpagnols n’ont encorebafti nifortsni villes. Mais les Hcfpagnols l’ont dcfçouucr-telcs premiefs.Ie lenie.Garil cftbié certain queScbaftiéGabottoPilotedu Roy d’Angleterre la decouurit l’an mille quatre cens nonante amp;nbsp;fix , feize ans pour le moins auât que iamais Hcfpagnol en euft eu la veuë. Mais poufe le casqu’ainfi foit^ s’enfuit-il: Les Hcfpagnols ontnauiguc le longd’vnc cofte:elle eft donc à eux. Comme fi Dieu n’auoit fait la mer amp;nbsp;la terre que pour mef-ficurs IcsHefpagnols amp;nbsp;les Portugais, qui les empefehet aufsi tant qu’ils peuucnt que François n’aillent au Brcfil, ou à la Guinee, ou cnl’Ifledc Suncatra,ou en d’autres lieux oil ils trafiquent. Ne voila pasvn merueil-leux gouffre d’auaricc amp;nbsp;d’ambition en ces gens ici, de vouloir occuper nrille fois plus de pays qu’il ne leur en faut, amp;nbsp;qu’ils n’en peuuct peupler? N’eft-ccpasvnecnuicfcm blablc à celle du Chien d’Efopc? Ils ne peu*
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picnt pas en la Floride» ils ont a/fes d’autres lieux qui font défia pcupkz amp;nbsp;accômodtz. amp;nbsp;fl ne vueulét pas foufFrir que d’autres y peuplent.Si le capitaine Ribaut amp;nbsp;ks François qui furent làjeuffent prins terre en l’Hcfpa-enollc ou en quelque cofte de la terre ferme «es Indes, qui euft efte aduellemcnt pofle-dee par le Roy d Hcfpagne, amp;nbsp;habitée par les Hefpagnols.amp; euffent voulu s’habiterià maugreeux'ils euffent eu quelque raifon de les tmpcfchcr,ee femblc.Mais voila vn grâd pays qui pourroit nourrir quatre fois plus d’habitans qu’il n’y ha permettez au moins (mefficurslcsHcfpagnols)quc les François ayent vos reftes,donnez leur en vn petit coing,amp; fouffrez qu’ils le culriuent. Nous n’en ferons rien. Ayraez-vous mieux que ce pays-ià demeure en friche» amp;nbsp;qucles Barbares pourriffent en leur ignorance » pluftoft que d’apprendre à cognoiftre Igt;icu, amp;nbsp;àvi-urc en quelque ciuilitc ? Ouy : nous le voulons bié ainfi. Mais puifque vous n’y demeu rez pas, au moins fouffrez qüe d’autres y de-meurêt.Nous y demeurerós, s’il nous plaift. car elle eft nolfrc : mais quant à vous.dônez vous garde d’y mettre le piedrou bic fi^vous l’y mettez, faites quand amp;nbsp;quand vne foffe pour vous ietter dedans. Maisquel drciéf y «liez-vous plus que nous? Du plomb amp;du fcr.Lc bras amp;refpcc.Vous ne fauries auoir autre chofe de ces furicufcsgés-ici. Etpour tant ic fuis d’auis , que quad il reprendra en-aic àaos François d’y aller, qu’ils n’oubliét pas
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pas d’y porter leur droift Cii^oiT quand amp;nbsp;eux,fi bien monte amp;nbsp;braqué, qii’il n’y manque rien:amp; de parler fi gros à ces gens,qu’ils leur facent entendre,
Qja toute ceHe terre efl cëmuTte aux vaiHanSt Cime aux poijfÔt^liffauj let ca partie s des eaux^ £t les plaines de l’air font libres aux oifeaux-Mais il y ha encore yntraiél notable» que ils gardent pour la bonne bouche,amp; duquel ils fc feruent non tant pour excufcr ce mat-facre,qiie pour s’en glorifier comme d’vn fa-crifice fait à Dicu.Ha,difcnt-ils, s’ils cufTcnt eftégcntilfhommcs amp;nbsp;fouldars François, de mefme religion que nous, penfez-vous que nousyeuffions procédé fi rudemeot. Non nomnous-nousfuflions contentez de leur ofterle meilleur amp;nbsp;le plus beau,félon la cou flume de la guerre, amp;nbsp;les rcnuoycrioliemét en France auec vn beau bafton blanc en la tnain:briefdc leur faire côme ils nous font. Nous auçns affez cfprouuc la courtoifie des François,8f eux la noftre,à Pauie, à Cerizo-Ics. amp;en d’autres bons lieux où nous auons eu à demefler enfemble.Nous fauons bien quec’cft de faire bonne guerre, amp;nbsp;où il la faut fairc.Mais de nous amener desHugue-nots auec leurs femmes amp;nbsp;leurs enfans.pour peupler de la couuee en ce pays que nous a-uons acquis à la Chreftiente q ui eft-Ce quiferoit fi fol de l’endurcr?Et puis nous a-uionsle mot d’vn certain Cardinal,pour de pefeher tout cela-auffi bien fa Sainftetc vou droit qu’il n’en ceftat pas la queue d’vn ni
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cn France, ni ailleurs. Ainfi Jonques tînt s’en faut que nous penfions auoir efpandu le fang innocent, que nous croyons auoir fait vn œuurc fainél Si méritoire, d’auoir prefte nos mains au bon vouloir de fa fain-tetc,pour extirper fes ennemis capitaux: comme eftansProtcéteurs del’Eglife militante, Cheualiers du fainél Efprit, amp;nbsp;Mini-lires de la fainôeamp; facree Inquifition de Hcfpagne.
Voila de grandes raifons, amp;nbsp;bien pertinentes, ce femblc. Maisie leurdemanderoy volontiers, fi ceux qu’ils maflacrerent enla Floride n’eftoyent pas homme comme eux? Ccfl mon (diront-ils^ils cftoyét Homes, amp;nbsp;ft y âuoit des femmes auec. Adiouftez-y cn-core,Et des petis enfans. Apres ic leur de-mâderay. Si ces hommes, ces femmes, amp;nbsp;ces petisenfans n’eftoyentpas Chreftiens? Ils s’arrefteront vn peu làauantque de refpon-dre : touteffoisic croy qu’ils ne diront pas que non.Car chacun fait bien que ceux que on appelle Huguenots en France, difent la Patenoftre, amp;nbsp;qu’ils croyent amp;nbsp;confeffent legrand amp;nbsp;le petit Cretlo tout du Iong:amp; qu’ils font baptifez au nom du PcreduFils amp;nbsp;do fâinél Efprit.Or fus, c’eft doc vne cho fc toute claire que ces gcns-la n’eftoyent ni Turcs, ni loifs, ni Payens,mais qu’ils eftoy-ent Chreftiens. Il eft vray (ce diront-ils) ils eftoyët voiremet Chreftiens, mais deuenus Hérétiques. Orbicn,qu’ainfi foit,ils eftoy-ent donc Homes, Chrcftiês, amp;nbsp;Hérétiques.
Quand
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Quand ils m’auront accorde tout cc]a,iç, les prieray dcnicdirc,S’il y ha quelque L oy qui pcrniettcdctucrles hommesjauât que de les auoir ouis, amp;nbsp;auant que d’auoir fait leur proces,quelques toulpables qu’ils fern blent eftrePItcmic leur demanderay, s'il y ha quelque Loy qui permette à vn Chreftié. de maflacrer vn Chrcftienjmcfmcdc fang froid,fans qud’autrerait ofFcnfcPLadoéfri ncamp; la vie de nollre feigneur lefus Chrifl chante bien tout le contraire. Car commet permcttroit-ild’alfaillirles innocens, puis qu’il commande exprcHement de pardonnera ceux qui nous offenfent, amp;nbsp;luy mefme ha prie' pour fes ennemis mortels ? Qj^and tous ces poinôts-la feront vuidez, ie vien-dray au dernier, amp;nbsp;leur feray vne queftiom A falloir mon fi vn Chreftien, qu’on pretend eftredeuenu hérétiquej doit clfre maflacré fans cognoiflance de caufe:amp; où font les Loixou les Canons qui permettent cela. II cft bien certain, que les Ordonnances des Cod.Hh i. Empereurs cômandent que les Hérétiques foyent punis: mais elles nedônent pas licen ce à quelques bouchiers ou à des fou Idars,'quot;'''■ d’enfaire l’execution,auant que les luges en ayent cognu. Auffi ne fut-ce iamais cho-fepratiquee en Chreftiente' pendant qu’elle cft demeurée eu l’obeifiancc de Vérité', fc’cftà dircplus de fix cens ans durant depuis l’aduenement de noftrc feigneur) de condamner amp;nbsp;punir vn Hérétique,auât que d’cftrcexaminc par quelques bôs Eucfques,
BB.j.
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ony amp;r conuaincu dcuant des luges compc-tcns,fuyuant les Conftitutions Imperiales.
le demande maintenant, fi ceux que les Hcfpaghols ontmafTacréen la Floride, fous viïfaux donner à entendre qu’ils eftoyent Hérétiques,ont iamais cfté conuaincus d’he rcfic,amp; où,amp; par qui, amp;nbsp;comment?Ha com ment,dira quelque Tnquifiteur,n’cftoycnt ils pas Luthériens amp;nbsp;HuguenotsPSoit. S’en fuit-il pour cela qu’ils fuffent herctiques? Ce mot d’Huguenot n’eft autre chofe qu’vn fobriquet vulgaire,qui n’emporte.ni erreur cnlafoy,ni fouhfon de crime, ni tache de confcience, ni lefion de bonne renommee: mais eflre Heretique c’t fl bien autre chofe, amp;: croy que la plus part de ceux qui les condamnent, feroyent bien empefehez de dire quec’eft.
I. à defTus les Hefpagnols leurs fcinbla blés qui ne vuelent pas tant difpurcr,coup-pent broche.Et n’cft-cc pas alfeZîdifent'ils, que les Papes, les Conciles, amp;nbsp;les vniuerfi-tez dcLouuain de Sorbonne ont con-damnccefte nouucllc Religion , comme er* ronce amp;nbsp;heretique ? qu’en faut-il tant difpa rcr?Il cft vraymais ceux qui l’ont ainfi condamnée, ont failli aux principaux poinös, fans Icfqucls ils n'en pouuoyent bien iuger. Car quand ils font entrez dans leur Concla ue pous decider de cefte matière,ils y ont ad mis ccukqui ne s’y deuoyent point trouuer: êcenont exclus ceux qui y deuoyent élire. Et qui font ceux qui y deuoyemt cftrcH’Ef-
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prit dcDicuJ’inuocation de Ton nom:Bonc confcicncc.Ceux de partie adutrfe,ou pour le moins leurs députez, poureftre ouis paifi blementen leurs defenfes. Ceux-la ni cftâs pas.iln’eft poffiblc de bien iuger. Car qui cilleiugequi pourra prononcervnc bonne fcntcncc,s’il ne voit que l’vnc des parties amp;nbsp;condamnerl’autreauant que de l’cuir? Il eft autant neccllaire à vn bon luge d’ouir. toutes les deux parties,comme d’auoir deux oreilles.
Voila donc ceux qui ydeuoycnt cftrc, amp;nbsp;qui n’y ont pas efte : parlons maintenant de ceux qui y ont cftc,amp; qui n’y deuoyent pas eftre. Il eft certain que ceux quis’afTcm-blcntpourconfcrcrdela Religion voired’ affaires qui concernent fimplcment la fo-cicte des hommes, doyucnt eftrclibres, entant qu’en eux eft, de toutes les mefehantes afFeéfionsquiempefehent devoir la Vérité, amp;nbsp;encore plus de la confédéré corne font Ignorancc,Malicc,Hypocrifie,Orgueil, En uicjAuarice, le ventre, dcfird’obcirpluftoft aux hommes qu’àDieu, amp;nbsp;autres telles pe-ftes qui corrompent Iciugement des hom-mcs.Tout cela deuoit demeurer dehors ; ce pendant toutes ces maudites paffions - la, amp;nbsp;autres, qui ne valent pas mieux, entrent ordinairement dans lesConclaucs de Ces Vénérables,qui condamnent fi légèrement ctftc Religion, amp;s’afrcycnt quand eux. Neft-cc pas bien mal cômcncc à eux d’y admettre ce qui doit eftre exclus, amp;nbsp;de chalfcr
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dehors ce qui doit auoirla premiere voix en Chapirrc?commcfi vn lieutenant criminel faifoit venir dâs fon parquet dix ou douze brigans, pour conférer amp;nbsp;iuger de leur proces :amp; en refufoit l’entree à fes AfEf-feiirs amp;nbsp;Confeillers, ou aux vefucs de ceux qui auroyent eu la gorge coppee.
Voila donc dçfia vnc lourde faute qu’ils font çn entrant dans leurs Conclaues: mais ils font bien encore pis quand ils y font. C’eft àfaire à vn bon luge,de vifiterdiligem ment toutes les pieces d’vn proces, auaut qu’en donner fa fcntenceiMais ceux ci font tout lercbours : ils prononcent la fcntencc, allant que d’entendre bien lacaulcdont il elf qucftion:ou bien s’il l’entendent,amp; font femblant d’en vifitcrquclques pieces,ils ou blicnt la principale. La principale piece du procès, qui cfl entre le Huguenots amp;nbsp;entre ceux qui les appellct Hérétiques,amp;laqucllc feulelcpeutfairegagner ou perdre,c’eftla Parole de Dieu.C’eft celle-là, felon laquelle les hommes en deuroyent iuger, ou pluftoft fouferire au droid I ugc,auq iicl feul il appar tier d’en propremet dctcrmincr,amp; qui ha de clarc fa volonté amp;nbsp;fon Arcft en icelle. Mais quad au lieu de cefteParole-la, qui deuroit reiglcr tous nos Iugcmés,lon viendra fuppo f( r l’Autorité d’vn hôme,la prefeription du teps, la vicilleffe de l’erreur amp;nbsp;de la couftii-f me, que peut-on attendre de bon de cela? gt;
Auffi nefaut-ilpas efpcrcr, que fi ces Mef ficursncfont rien qui vaille quand ils entrent
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trcnt en leurs Conciles, ne quand ris y font qu’ils faccnt mieux quand ils en fortct. Car apres qu’ils ont forme leurs Decrets amp;dc-cifions magiftralcs, fans ouir partie ,fans co gnoiftre de la caufe, il n’eft queftion que de les faire exécuter auec toute rigueur, amp;nbsp;d’y employer mcfmes le glaiue tcmpcu'el fans difcretion.De forte qu’il y ha grand danger, que telles gens ne foyct du nombre de ceux dont parle le Prophetc:MaIediétion fur les Pafteurs qui dèftruifcnt amp;nbsp;difiipent le be- “ ftail de ma pafture,dit le Scigneur,amp;c. “ Mais ie ne m’apperçoy pas que fans y pen “ fer i’eften celle matière plus auant, qu ’à l’a-uenture le fuiet le requiert. Et pourtant ic côclurray ici,que quand il cft queftion de la côfcience amp;de la vie des homes,il y faut pen fcrplùs de trois fois: amp;nbsp;ne s’auâcer pas de iu ger d’vnc matière fans l’entendre, ni de con damner les homes fans les ouirmoins defgai nerle glaiue, ou le mettre entre les mains de quelques gens furieux, pour en faire des executions,nô feulement indignes de Chre-ftiens,mais de tous hommes capables de fens amp;nbsp;de raifort,auât qu’il apparoilfe du cri— me.Et fur tout quand il cft queftion du fait de Id Religion : où pluftoft que d’en venir a CCS executions fanguinaircs,qui fentent leur Goth amp;nbsp;leur Vandel à pleinegorge(comme celle dont il cft traitte en ce difeours) il vau droit mieux fuyurc le confeil du Dofteur Gamaliel, amp;nbsp;fufpcndrefon iugement pour vn temps ; ou l’exemple du bon Roy Louis
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dou2iefmc,qui ne voulut procéder par voyc d’execution cotre ceux de Cabricres amp;nbsp;Me-rindol, auant que de s’eftrc informe de leur vieamp;doéï:rinc,cóbicn qu’ilfuft alTezimpor tune par les Eucfques amp;nbsp;Cardinaux de fon têps.Et quad il eut entendu come ils fe gou ucrnoyétjSf côme ils prioyent Dieujtât s’en fallut qu’il les condânaft corne Eleretiqucs, côme tout le monde les condânoit à crédit; ains dit qu’il croyoit que lefdits de Cabrie-rcs amp;nbsp;Merindo! ertoyent ges de bien. Tou-teffois il n’eftoit Luthérien ni Huguenot. Venons maintenant à noftrc Hiftoire.
S Vit que d’entrer au difcoiirs dupourevoyage que firent les François en la Floride, il eit bô de fauoir quel pays c’eft,amp; q fut le premier qui le defeou _urit.Il faut dôc noter que la Floride cft vne cofte , ou pluftolf vnelôguc pointe déterre de cegrâd Côtinct de l’lndieOccidétalc,dii cofté qu’il fc courbe vers le North:laquellc s’eftend comme vne manche,amp; fc ictte enui-ron cent lieues en mer deuers Midi; amp;nbsp;enha cinquatc de large. Elle cftà plus de hx cens lieues delà vrayc-croix,port delaNouucllc Hcfpagne,du cofte duPonct, deuers le Mi-
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di elle ha l’Idc de Cuba, qui n’cn cft qu'à vingt cinq lieucs:deuers le Lcuât elle eften-uoilinee des iflcsde Bahana amp;dcs Lucaies, ouLucoifcs,qu’onappcllc.La pointe de ecl le terre demeure par les vingtcinq decrcz au deçà de l’equinodial, tirant versie Pole Ar dique, amp;nbsp;fe va cftcndant amp;nbsp;cflargiflant pen à peu vers le Northueft.Pres de celle pointe OU de ce cap,il y ha force Balfes, amp;nbsp;force petites Iflcs, qu’on appelle les ifles des Martyrs,du coftc du Lcuant.
Qi^ât à celui qui la dcfcouurit le premier, la Francifque Lopez de Gomara, Hiftorjen Hefpagnoben donne l’honneur à vn Hcfpa ^',7/ gnol,nomme lean Ponce de Leon: amp;nbsp;le fait emuerie. pour verifier vne maxime qu’il tient pour indubitable, amp;nbsp;cependant ell fanfi'e. A hti.i. tba. uoirque toutes les Indes ont eftedefeou-^ uertes par les Hcfpagnojs, excepté ce qui qui fut troue parChriftophlc Colomb.Car fuyuanteeque i’en av difeouru au premier chapit.c’eft bicnchofc affeuree que ce fut vn Pilote Vénitien qui la dcfcouurit l’an [496'. ainfi corne l’attefte vn Gentilhôme Italien, grâd Philofophe amp;nbsp;Mathématicien, qui l’a-uoit ouy de fi propre bouche, amp;nbsp;y en auoit encore affes devinants de ceux qui ertoyet allez auec luy en ce voyage,qui l’culfent peu dcfmcntir,s’ilcuftcftc autrement. Voici les propres mots de ce Gentilhomme, qu’il dit à quelques feigneurs de Venife fur le pro-posdes voyages de l’Efpiecrie.
Ne fauezvous poît,dit-il,à ce propos d’aller BB.iiij.
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„ trouucr rindic Orientale par le vent de ,, Northueft, ceqfitvn de voftre Cite de Ve-,, nifc,qui ed fi expert an fait de la nauigation „amp;delaCofmograpIiic,c]u’iI n’ha point pour „1c iourd’huy en Hcfpagne fon pareil. Anf-,, li fa fuffifance 1’ha tellement auance', que le „Roy luy ha donne' la fupcrinrendcncc de „ tous les Pilotes qninauigent en l’Indic Oc-,, cidcntalc;deforte qu’ils nepcuuenty aller, „ni fe meflerdc ceft art-la fans fa licence. A „ raifon dequey ilsl’appellcnt Legrand Piiot „ te. C’eft lelèigncur SebaftienGaboto, que ,, iefu voirily ha quelques années, quei’eftoy J, a Scuille : amp;nbsp;le trouuay pcrlonnage fort ac-„cortamp;de bonne grace. Il mefitlaplusgrâd jjcarcfledu monde , amp;me monftra plufieurs „fingularitez qu’il auoit:amp; entre autres vne „ grande iMappcmondc,où cftoient marquees „ amp;nbsp;clcritcs toutes les nauigations particu-„liercs tâtdcs Portugais que des Caftcllains. „ Et me conta, que fon perc cftât parti de Ve „nife, s’eftoitallc tenir en Angleterre, pour „ y faire train de marchandife, amp;nbsp;qu’il l’auoit „ mené quand amp;foy iufqu’à Londres, amp;nbsp;qu’il „ eftoit lors encor bien icune:touteffoisnon „ pas tant, qu’iln’cuft defiacftudicaux Ictrcs „ humaines, amp;nbsp;en la Spcrc. Au refte que Ion „ dit perc mourut enuiron le temps que les „nouuclles vindrent, que Chriftophlc Co-,, lombauoit dcfcouucrtla colle des Indes: „ amp;ncfe parloit d’autre chofe à la Cour du „ RoyHenri fcptiefnc qui regnoit lors en An „gletcrrc:amp;difûit-on que c’eftoitync inden' tion
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tion pluftoft diuinc que hunmaine d’auoir‘‘ feu trouucr le moyen d’aller par le Ponant“ cnLeuant. Ce bruit du feigneur Colomb m’enflâma tcllementlecœur, queiedelibe-ray de faire aufsi quelque cbofefignallee,amp; dont il fuft parle à iamais.Et fachant par la “ raifon dn tour de la Sphere, qu’en prenant “ ma route droit vcrsleNorthueft.i’accour- i« ciroyc de beaucoup le chemin pour aller «* aux Indes de Leuât.ie refolu de le faire en- « tendreau Roy,amp; lefi. LcRoy Henri en fut “ le plus content du monde : amp;nbsp;me fit equip- “ per deux Carauelles à fes defpens. le parti “ d’Angleterre l’an mil quatre cens nonante fixjfur le commencement de l'cfié, amp;fi voi- « le vers Nortbueft, penfant de ne trouucr ter « redu monde que ienc fuflcàla code de Ca- “ tay, amp;nbsp;de là bailfer vers l’indic. Mais au «« bout de quelques iours delàdcme trouuay “ bien loin de mon conte, amp;nbsp;bien près d’vne “ terre,qui fuiuoit la Tramontane. Si vous vi ‘‘ fies iamais homme bien fafche, ce fut moy. et Nonobftant ie nclailfe pas d’aller, amp;nbsp;mon-“ ter le log de la coftevers le North,pour voir “ fi ie trouueroye point quelque Golfe qui ‘c tournaft vers le Northucft,iufqu’à eequeie « fu à cinquante fix degrez de nofirePole.E-«c fiant là, ie vi que la cofte s’alloit baiffant amp;nbsp;« fe tournant vers l’Eft;dcforte que lors ie «* perdi toute efpcrace detrouuer quelque c- «t ftroit ou paffage de ce cofté-là;amp; commen-* “ çay à rclafcher pour recognoiftre encore la “ cofte deuers l’Equino(ftial,çnintction touf «
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„ ioursd’y trouucr quelque ouucrture pour ,, trauerfer aux Indes. Et la fuiui fi longut-„ ment,que ie vin iufqu’à celle terre,qu on ap „ pelle auiourd’hui la Floride, le ne paffay ,, point plus auant, parce que nos viures ac-„ courfifFoyent défia fort : amp;nbsp;m’en rctournay J, delàtn Angleterre. ■
Ce fut donc ce Gaboto, qui defcouurit le premier la Floride, pour le Roy d’Angle-tcrrc:de forte que les Anglois y ont plus de droiâ: que les Hcfpagnols,fi pour auoir droiél fur vn pays il fuffitdc l'auoir veu le premier. Au refte ce voyage-la donna fi grâd bruit à Gaboto,qu’eftant de retour en Angleterre, amp;nbsp;l'ayant trouuee toute pleine de troubles amp;nbsp;de gucrrcs,il fc retira en Hefpa-gncjlà oti il fut trts-bien recueilli par les Rois Catholiques Ferdinand amp;nbsp;Ifabelle, qui luy firent efquippcr des vaiffeaux, amp;nbsp;le enuoycrent dcfcouurir le long de la cofte duBrefil.Ily fut,amp; cingla iufqu’à la grande riuire de la Platte, où il entra, amp;nbsp;nauiga con tremont ce bras de mer bien l’efpacedefix cens lieues :pcnfant que cefuft quelque e-flroit amp;nbsp;quelque encoulcurcde mer, qui le inenaft de l’autre cofté, amp;nbsp;luy donnaft paf-fage pour alleraux Indes Orientales.
Le premier qui y alla apres luy(au moins que Ion ßche}cc fut vn lean Pócede Leon» Cc lean Ponceeftoit Adelantado(c’efl a dire Gouucrncur)dc rifle de Borichen,qu’on appelle auiourd’hui Vlflc fainél lean du port-ricbe:qu’il auoiteenquife amp;nbsp;pacifiée.
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amp; auoit fait emmener prifonnicr en HtG pagne vn leanZeronamp; Michel Diaz, quiC’ ftoyent deux officiers du Roycn cefte mef-melflc, à caiifc de leurs concufsionsamp; mm uais deportemens. Ces deux firent tant mo-ycnantlafaucurdc l’Amiral dom Diego Co lombjfils de l'Amiral Chriftophlc, qu’ils furent réintégrez amp;nbsp;remis par le Royen leur office;amp; fi apportèrent quand amp;nbsp;eux lettres Royaux à l’Amiral gt;parlcfqucllcS il luy e-ftoitpermis de mettre tels Officiers en l’ifle fainà lean que bon luy fembleroit. Auffi toft qucicâ l’ôce eut cntêdu ces nouucllcsgt; il fe douta bien qu’il ne faudroit point d’e-ftre ofte de là.àla pourfuite de les ennemis. De forte qu’il délibéra deles preuenir, amp;nbsp;de allerconquerirquelqucnouueau pays. 11 e-quippa dcuxCaraueilesàfes dtfpcns,amp; partant de Borichen l’an 1512.prit la route du North:amp;aubout dequelques iours defeou uritles Ides de Bimini, Icfquclles font au de là de l’ifle de Cuba,tirant vers leNorth.
Au mefme temps il courut vn bruit par ce pays-la, qu’il y auoitccrtaincfontaine en l’ifle Boiuquc, quifaifoit rcieunir les gens: amp;nbsp;iccroy que les Indiens auoyent feme cc bruit la pour fe moquer des Chrefticns,qui furent bien fols de le croire : amp;nbsp;y en eut af-fez qui prindrent de la peine à cercher cefte belle Fontaine de iouuence. Entré autres le Capitaine lean Pôcc fut plus de fix mois apres,errant amp;nbsp;tracaftant d’Ifle en Ifle : amp;nbsp;fi n’endeuintpas plus ieunc pour cela »hors
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raisdcfcnsamp; entendement. ToutciFois cii ce voyage-la il dcfcouiirit vne pointe de ter referme» à laquelle il mitnom,la Floride, a caufe qu’il y eftoit aborde le propre lourde Pafques florics» qu’on appelle. Mair pour lors il n’y fit autrechofe, que falucr amp;nbsp;baifer ceftç terres’en retourna en fon Ifle de fainél lean, en intention d’y drefler vn equipage pour conquérir la Floride,où il cfpe-roit trouucr de grans biens,amp;d’y fonder quelque eftat florifiant:mais il fe trompa.
Il auoit défia beaucoup defpédu à equip per vne flotte à fes delpens : touteffois il fe refolut depourfuiure, amp;nbsp;faire voile enHef-pagne pour demander la côqucfte amp;nbsp;le gou-uernement de ce pays tout neuf. Quand il y fut,il fit vne partie de ce qu’il voulut. Il pre-fcntaauRoy Catholique vn Difeoursdece qu’il auoit defcouuert : il obtint deluy le titre d’Adelantado de Bimini amp;nbsp;la coriquefte delaFloridc,cn côfideration des bôs ferui-ces qu’il auoit faits, amp;nbsp;moyennant la faueur de fon maiftre le grand Commandeur de Ca latraua Pierre Nuguez de Guzman, gouucr-ncurde l'Infant dom Fernand, quifut depuis Roy des Romains.Mais l’ifluc ne fut pas telle que les comencemes , amp;nbsp;comméça fon malheur auant que iamais il fuft arriue en la Floride.Car lors qu’il eftoit encore en Hcl-pagnc,il venoit tous les iours nouuelles en Cour,cômc les Caribes ou Canibales ( oui habitent les Iftes de Marigalantc , de Guadalupe, k Dcfiata, la Domenica, Matitino, Todos-los
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Todos-losSâtos,rAntif]ua,la Barbatagt;l’An ncgadaJ’AguçuajSombrcro, San-Chrifto-ual.laGratioiajamp;autrcs qui font en ccquar tier-la) branoyent tous ceux qui s’appro-choient de leur riuagc, amp;nbsp;leur tiroient vnc infinité de flefehes. lean Ponce eftoit lors àlapourfuite de fon Eftat d’Adclantado, amp;nbsp;luy efehappa de dire que s’il plaifoit au Roy de luy faire eejuipper amp;nbsp;armer quelques vafTeaux,!! efperoit en bref de deffaire tousles Saunages, amp;nbsp;d’en nettoyer le pays. Le Roy le prit au mot,amp; luy fit dôner deux Carauelles fournies degens amp;nbsp;de munitiôs, amp;nbsp;luy commanda d’aller contre les Caribes auât que de fe retirer en fon gouucrnemét. Il s’y en allal’an mil cinq ces quinzc,amp;la pre micre terre où il aborda,cc fut rifle de Gua- -dalupé. Aufsitoft que les Saunages defeou-urirent de loin ces nauircsd’Hefpagnc,ilsfe vont tapir dans vn bois aflez près du rinage aucc leurs arcs bien entoifez : en attendaat les Hefpagnols de pied coy. Et ne fe mon-ftrerent point.iufqu’à ce qu’ils virent,que le Capitaine eut mis pied à terreaucc quelques compagnons. Car lean Ponce, cftant venu mouillerl’ancreàla rade d’vncriuicrc, fit entrer vnc barque par l’emboucheurc, pourallcr prendre de l’eau douce, amp;fitdc-feendre quelques femmes au bord de lari— uiere, poury lauer le linge falc desnauires. Luy-mcfme eftoit en la compagnie, amp;nbsp;ne fe doutoit point de cefte embufeade. Cependant voici ces archers fauuagcs qui fortent
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de leurs cachettes, quand ils apptrccurcnt que les Hcfpagnols eftoyent aflez loin du ri nage, amp;nbsp;les cnueloppcnt par deuant amp;■ par derriere. Les poures lauandicrcs furent attrapées les premiere’s,amp; y demeurèrent auffi la plus part de ceux qui leur faifoyent efeor te. Le Capitaincmefme eutvncoup deflef-chc, amp;nbsp;n’eut plus grand hafte que de regai-gner la barque luy deiixicfmc.Ceux des Ca-rauelles qui cftoyét demeures àla rade,virét puis apres corne cesSauuagcs roftifloyct fur le BarbaroesÇWs appellent ainfi leurs grilles) les femmes,amp; les côp3gnons,qu’ils auoyent lardez,amp; en faifoyent âe belles carbônadcs.
Le Capitaine lean Ponceayant rencontré fi mal pour le ffommencement, vid bien qu’il y auoit bien à dire entre fc vanter d’vne chafe entre les verres amp;nbsp;les tréteaux, amp;nbsp;la mettre en execution. Touteffois fi ne fallut-il pas ietterle manche apres la coi-gnee. Quanta luy, il prit la route de fainét lean aucc l’vne des Carauellcs. L’autre s’en retourna en Flefpagne,porter les nouuelles comme les Saunages eftoyertt aufsi preftsde mâger des Hcfpagnols quciamais,fi onvou loit leuren cnuoicr. Cependant le Capitaine lean PôccamafTc foudars.drcffe vn equip page à S.lean, fait de gras dcfpcs pour aller prédrepoffefsion de fon nouueaugouucrnc mcnt,amp; ved la pcau’,cômc on dit,auant qu’il euftpris l’Ours. Mais à grand peine eut-il pris terre à la Floride que voici venir vnc grolfc troupe deSauuagcs mal auifeZjkf-
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quels au lieu de carefler monficur le gou-nerneur (côme ils deuoyent) le rccciircnt à “ grans coups de flefehe, amp;lctucrcnt aucc plus part de ceux qu’il y auoit menez. Il cft vray qu’il n’en mourut pasfurle champ’: car il eut encorlcloifir defe faire porter en l’if le de Cuba,là où il dcccda.Dc forte qu’il ne peut prendre poflcfsion de la Floride ni en fa vie ni en fa mort. Voila côme la Floride fut drz-lors remarquée amp;nbsp;eftrcncc du (ang des Hcfpagnols,amp; nommeemét du premier Hcfpagnol quil’auoit dcfcouuertc,amp;luy a-uoit donnéce nom la.
Dcpuisles Hcfpagnols furet longtemps» qu’ils n’y oferent aller,pour le niauuais bruit quien couroit,amp; pource qu’iln’y a-uoit à gaigner que des coups. Fouteffois en fin il y eut vn Ferdinand de Sotto, qui auoit eflt' vn des Capitaine de François Pizarre à la conquefte du Pérou, amp;nbsp;auoit bien fait fes befongncsàlaprifedu Roy Attabaliba.Cc- -ftui-ci penfant que la Floride fuft de mcfmc le Pérou,en demanda la'conqucftc à l’Empe rcur,amp; l’obtint.Il s’y en alla enuiron l’an mil cinq cens trente quatre , aucc vne flotte de cinq cens Hcfpagnols, bien en ordre : mais n’ayant autre ebofe en fa tefte que des mines d’or,ils’amufaàcnccrchcr çaamp; là, fans fc foncier de baftiramp; peupler quelque ville fur la code delà mer.Et voyat qu’il ne trou uoit pas ce qu’il cereboit, il femit à tour-,meter amp;gchéncrlcs petits Seigneurs de ce pays-la,quand il en pouuoit prendre »pour
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leur faire confeflcr o» ilsfâuoycnt de J’or. fiiialcmentapres s’eftre donneprou peine à luy amp;nbsp;aux autres,il monrut là au bout de cinq ans, amp;nbsp;prcfque tous ceux qu’il y a* voit menez.
Apres la mort de Ferdinand de Sotto, la Cour cftant à Valledolid, l’an mil cinq cens quarâte quatre, quelques gentilsliômes demandèrent congcd’yallcr pourla conquérir. Entre autres vn lulie de Samano amp;nbsp;Pier re d’Ahumada. Mais ne l’Empereur qui e-If oit lors en Alcmagne, ne fou fils le Prince d’Htfpagnc dom Philippe, ne la voulurent donner à pcrfonne.’parcc que le Conftil des Jndesn’cn cftoit pasd’auis,amp; trouuoit mcil leur que l’on y enuoyaft quelquesReligicux pourprefeher cesSauuages, que des Capitaines amp;nbsp;des foudarspour les faire deuenir Chrefiiens à coups dchalebarde.
Gom.liu. Aufsifut ce enuiron ce temps-la qu’il y eut des Moines qui reuindrent des Indes amp;nbsp;prefehoyent par toute l’Hcfpagne, que Ion auoit grand tort de maftincr ainfi les Indiens,de les prendre cfclaues, d’enuoyer des foudars aux Indes, qui pilloycnt,tuoycnt, rauageoyent tout, comme en pays de con-qufltc. Aux lieu que ces poures Barbares pourroyét venir à la cognoilfane-e de Dieu, qui les prefeheroit en leur langue. Cela fut caufe,qu’on enuoya des Prclcheursà la Floride amp;’ ai11eVrs : Il y euft vn frère Loys Cancel dcBaluafirc, qui s’offrit de palieren la Floride,auec quatreautres lacopins,qui de uoyent
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uoycnt conuertir tout ccpays-!a aufsi toll qu’ils y fcroycnt arriucz.lls partirent d’Hef pagne l’an mil cinq cens quarante neuf, amp;nbsp;arriuez qu’ils furent là'.frere Louis mtt'pied àterre auec fes quatre compagnons.Et au lieu que les Capitaines de marine amp;nbsp;les gou ucrneursHefpagnols auoyent accouftume de faluer ces pays-la à coups d’artillerie pour effroyer les Saunages, ceux ci s’appro chcrent tout bellement du linage fansfon-ncr mot, n’ayans autres armes que de belles croix rouges en la main. Les Saunages ne faillcnt point de fe trouuer là de bonne heure amp;nbsp;enbonne troupe : maisec n’eftoit pas pouronirle fermon. De forte que quad Frere Louis commença à les pr .feher, ils ne le daigncreiit efeonter; ains lifllans amp;nbsp;hur-lans à leur mode, chargèrent di (Tus i grans coups d’efpee de boi amp;nbsp;de maflue, dont Is frappoyent comme deS fou rds. Rriclils exploite rent G bien, que de cinq Moines que ilsclloyent, ils m alfommcrcnt les trois, amp;nbsp;autant de mariniers. Les autres deux laco-pins gagnèrent au pied , amp;nbsp;L fauuvtent das leur nauirc,aimans mieux (comme Ion dit) fe garder encor pourConfeffeurs, que d’e-lire Martyrs de G bonne heure.
Il y eut depuis vn ieune homme (qui a-uoit efte autreffois laquay de feu Ferdinand de Sotto, amp;nbsp;auoit touGours demeure là depuis la mort de fon maiftre ) lequel le fauna dans le nauire Hcfpagnol,amp; leur conta corn me les Sauuagcs auoyent efcorchc cespo-CC.j.
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urcs Moines qu’ils auoycnt tuez, amp;nbsp;en a-uoycntpcndu la peau amp;nbsp;Ic cuir de la tefte a-uccla couronne amp;nbsp;tout,dans leurteple.Lcs autresqui n’cftoyct pas marris d’cftrc cncor (dans leur peau, furent plus aifcs d’ouir les nouuclles que d’enfiirc l’cxpcriece:amp; quad ns furent de retour, ils dirét fort bien pour leur dcfcharge auGeneral de leur ordre,que ces Sauuagcs de la Floride cftoyent pires qu’Heretiques, parce qu’ils nefâifoyét poît ÖC confcience de manger de la chair en Ka-refmc,voire delà chair d’vn Religieux. Item qu’ils eftoyenttrop lourds pourapprendre J’Hefpagnol, amp;nbsp;trop rudes pour enfeigner leur langage. Outre cela que c’eftoyent gens de fi peu de ciuilitc, qu’ils ne portoyct non plus de rcfpeft à vn Moine qu’à vnc bcftcfauuagc:amp;.' de fort mauuaife grace,parce qu’ih frappoyent deuant que parler. Et qu’au refte ils eftimoyent qucles peaux y fufient fort chores , fur tout les peaux de Moine,parce quetoutlc mondecftoitcouru fur eux pour en auoir, amp;gt;nbsp;qu’ils auoycnt eu prou d’affaire àfauuer les leurs. Au refte qu’ils n’auoycntgucrcs veu gens qui prat-tiquafiTcntplus volontiers le commun pro-ucrbe,nc qui fiflent plus large couroyedu cuir d’autrui,que ceux-la.Quât au pays,que ils n’y dftoyent pas entrez trop auât:mais au demeurant de ce qu’il en auoycnt veu,qu’ils ne l’auoyent pas trouudfi bon ne fi fertile, /pommeIon difoit,parce qu’il ni croifl'oit que des coups. Toutefois quiauroit enuic
d’eftre
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d’t-ftrcbictoR Martyr, amp;nbsp;dcfpoiiiller fa mau uaifc p:au pour entrer en ^oirc, qu’il rie tal loit qu’aller là.
Depuis ce tcmps-Ia les Hefpagnolsn’y fre quenterent pas fort,tant à l’occafion de cela,comme aufsi pourccquc ce pays-la n’a-uoit pas le bruit d’eflre fort riche en mines d’or.ou autres üngularitcz qui valuiTcnt la peine d’y aller.
lt;l,rail sn tin lumde lit fltntle. Q'‘-iq«efvyyaquot;ei des Troll-e^üen icelle. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;CHAP. III.
„ Vant à nos trançois.il y ha foixantc amp;: douze ans qu’ils ont defcouuert la co-fte des Molucs, qu’on appelle communément Bacfutlaoti (àcaufcqûêccuxdupays appellent ainfi ce poilfon la)laquelle cft enuiron àlahauteur de Francc.Ellc fut prcmicrcmct dcfcouucr' te enuiron l’an i5oq.pat les Normans amp;nbsp;les Bretons,qui y vont pefclicr tous les ans : à raifon de quoy le Cap , où la Terre ncuuc commence a fc tourner du North à l’Oucft (qui cft enuiron à Soo.licucs de Diepe) s’ap pelle le Cap des Bretons. Quant à la cofte qui cft depuis le Cap des Bretons iufqucsà laFloridc,laqucllc dure enuiron yoo.lieucs) clic fut dcfcouucrtçl’an içz4.parvngrâd Pilote Florctin nome lean de Verrazano, qui y fut diuers voyages au nom du grand Roy Frâçoft amp;dc madame la Regéte.C’cftoit vn CC.ij.
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homme fort expert au fait de JaNauigation, amp;nbsp;auoir délibéré,moyennant la faueur amp;nbsp;libéralité du Roy Fraçois.dc dcfcouurirtou-tc celle partie de ce Continent des Indes iufquesfousIePolc, non feulement en fiiy-nant le long de la colle,mais mefmcs en penetrant le plus auant qu’il luy feroit pofsi-blc au dedans des terres. Et quand amp;nbsp;quad de perfuaderau Roy, d’enuoyer là des gens pour habiter en quelques endroits de laco-flcjoù l’air ell aulsi tempere,amp; le terroir auf fi fertile qu’on fauroit Jcfirer-'aucc fort belles riuieresamp;fort beaux ports de menfigrâs amp;fi capables qu’il n’y ha flotte de nauires qui ne peull renger aifement dedâs.Mais ce gétil C.Tpitainc de Marine,au dernier voyage qu’il fit, ainfi comme il penfoit mettre pied à terreauec quelques compagnons du rraiiire, il fut tue amp;nbsp;mange par les Sauuages. !■ Andre Theuct, en dit bien dauantage. Il ellvray que ie nem’en fuis point encore fer ui.àcaufcdcs grandes vanitez amp;nbsp;niaiferics, ■que Ion trouue en cell Auteur-Ia,amp; mcfmc ment rtie lourde ignorance en l’Hilloirc amp;nbsp;en la Coimographic auec, dont il fait pro-fcfsion- Car fans aller recercher curieufe-nientpour leprcfent toutes les fautes qui font dans fa Cofmographic Vniucrfelle gt;ie me cotenteray d’en remarquer ici quelques vues quiferuent à ce propos. Au premier ch.du vingttroifiefme liure defaCofmogra-phie où il deferit la Floride, il conte entre les prouinccs de la Floride,ks pays de Pami -
ro
-ocr page 37-DE LA FLORIDE, rojdcs AuanarcSjdcsAibardaos, Apalachcn, Ante, Xamo , amp;nbsp;cependant c’eft bien cho-fcafleiirec fiiyuant toutes les Cartes marines, amp;nbsp;le raport de ceux qui y ont voyage à meilleuresenfeignes queTheuet, que Pami ro cft à plus de cinq cens lieues de la Flori-de.Au quatorfiefmc chapitre du vingtdeux-iefme liurc il conte Vicaragua amp;nbsp;luratoii entre les prouinccs du Peru , qui cft vnc af-ncric toute manifcftc.il y en a bien d’autresj que ie remarqueray à loifir quelque iour, Dieu aidant.
Quant à PHiftoirc il ne fait que le cerf de mcntiramp;cncequ’ilhavcuamp; eneequ’il ha ouy dire,corne quand il eferit au vingttroif-icfme liurcde fa Cofmographic chapitre fc-zicfmc, Que François Pizarre perdit fes na- ‘‘ uircs chargees du butin des Rois amp;nbsp;Sei-gneurs Mcxiquain,lors qu’il prenoit la fui- “ tcpourcuitcria fureur du feigneur de Men- « dozc,amp; autres feigneurs Hcfpagnols en-‘‘ uoyez de l’Empereur Charles le quint, pour “ ouir les plaintes , amp;nbsp;faire iufticc dudit Pizar ‘‘ rcamp;autrcs dcfafuitc. Ce qui fut execute« auec le temps. Car cftant auerti des com- « plots amp;nbsp;entreprifes d’auoirvolu s’impatro-nifcr,fans rccognoiftre ne Royncroc, fut « condamne d’auoirla tefte trencheç.'ce qui « fut fait. Voila les propres termes de ce paf-fagc-la,où il y ha autant de fautes amp;nbsp;de men fongesquedemots. Carprcmicrcmét qu5d il dit que Pizarre s’enfuioit du pays de Mexico , celacft faux. Chacun fait que Pizaffc
CC.iij*
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n’allap,oint conquérir en Mexico, mais su Royaume du Peru, qui en cft: à plus de dou-zecens lieues. Apres quand il dit que Men-doze tut enuoye pour iufticicr Pizarre, cela eft faux aufsi.Cardom Antoine de Mendo-zçfutenuoye cn Mexico en titre de Vice-roy,du temps du Cortez. Il eft vray qu’il tut bien enuoié depuis pour gouuerner Ie Peru: mais cc fut plus de dix ans apres la mort ue Frâçois Pizarre,amp; lors qu’il n’y auoit pas vn des Pizarres qui portait les armes au Peru-I-té quand il dit,que François Pizarre fut con damne il auoir la tefte trenchcc,il monftrc bien qu’il n’iia iamais mis le nez dans les Hiftoircs d’Hefpagnc, ou qu’il veut demen-mentir tout le monde. Car les petits en-fansfauent qucFrançois Pizarre tut tue à Limacn fa maifon par le moyen de quelques coniurez qui tenoient le parti d’Al-magro; amp;nbsp;que depuis Gonzallc Pizarre fon frère fut execute parle commandement du PrefidentPierre delà Gafea comclonpcut voirau troificfmcliurcdela prefente Hiftoi rc. Voila l’ignorance impudente de The--uet:qui euft mieux tait d’apprendre des autres , amp;nbsp;confelTer ingenuement de qui il tient ce qu’il dit, que de mentir lî cuidem-rnent cn Moinecftfontc',amp; cependant fai-rcaccroirc qu’il ha efte' par tout,amp; qu’il n’ha point voulu glcnner fur les moitfons d’autrui.
Toutetfois quoy qu’il foit tel» fi eft-cc queic rcciteray ici fimplcmcntcc qu’il dit ' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;de
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delà rioridc,amp; luy feray plus d’honneur qu’il n’ha fait aux autres. En premier lieu ic approuue ce qu’il dit de l’etymologic du nom delà Floride : A fauoir qu’elle ne fut D'au ta pis feulement nommée ainfi à caufe que le ’’/«■«f» ha Capitaine lean Ponce y arriua le iour de Pafquesflories : mais que l’apparence amp;nbsp;face de cefte tcrre-la fut la principale caufe qucce nom-la luyfut donne. Car toute la terre voifine de ces pays -là» dit-il, cft telle- “ ment chargee d’herbes amp;nbsp;de fleurs, amp;la rher fcmblablemcnt,quc quelque profonde que ellcfoit fidiroit-onquec’eftvwprc le plus** beau amp;nbsp;verdoyant que lonvoyeici durant** le Prim-tems ; amp;nbsp;l’ayans veue eftre telle tant ** les noftres qu’autres de l’Europe »l’appelle- ‘* rent Floride, approchans plus du nom La-“ tin qye de celui qui eft familier à chacune *‘ nation.Au lieu que parauant elles’appclloit ** par les habitans amp;nbsp;Sauuages du *' pays,amp;c. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;**
Apres venant à parlef des François qui la dcfcouurirent du temps du Roy François premier, amp;nbsp;long temps auparauât : amp;nbsp;commencèrent de’s-lors a adoucir le Saunage amp;nbsp;l’attirer à leuralliancc.voici ce qu’il adiou-flezMefmcs lean Verazzc Florentin (c’eft ce Verrazzano duquel i’ay parle n’agnefes) le lt;« dixfeptiefme de Mars, l’an 1514.partit dé« Dieppe par le commandement du RoyFfàri « çoisdequcl coftoya toute laFloride i ufqucs « au trcntequatriefme degré de hautcut , amp;nbsp;U Voiscens ÖC largeur, amp;nbsp;illuftratoute cefte **
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jj coftc, amp;ymit quelque nombre de peuple J, pour la cultiuer, lefquelsà la fin furent oc-j, cis amp;■ maifacrez par ce peuple barbare.Lors ,, l’HefpagnoJ ni le Portugais n’y auoyentfait ,, attainte. Et vu peu plus bas.
J, pour retournera nofircpointe JelaFIo ,, ride le peuple y eft tout tel qu’au plat pays, J, faufqu’il n’cft du tout fi cruel, amp;' à tout le ,, moins plus fot amp;nbsp;plus fimplc.Ils font de cou J, leur oliuaftre.dc grande corporanceamp; bien J, proportionnez, amp;nbsp;vertus en tout temps de J, peaux de bertes, tant hommes que femmes. ,, La plus part delquels lont peints par le ,, corps, parles bras parles ciiiHes, de fort ,, beaux compartiments qui nefe pcuucntia-„ mais orter, à caufequ’ds fontpicquez dans ,, la chair. Ils font grans difsiinulateurs amp;nbsp;trai ,, rtres, vaiîlansneantmoins de leurs pcrfoil-,, ncs,amp; qui combatent fort bien. Ils n’ont „ autres armes que l’arc amp;nbsp;les flefehes, la cor-}, de delquels ils font de boyau amp;• cuir de Cerf: ,, aufsibien accourtrccs amp;nbsp;d’aufsi dirttrentes ,, couleurs quelon fiiuroit fiirc en Francc:amp; „ fe rrent leurs (Icfchcs de dents de poilfon, amp;nbsp;s, de pierres , qu’ils accourtrent fort propre-,, ment. Ils font exercer Icsieunes hommes à „bien courir amp;nbsp;tirer de l’arc,Smettent vu ,, prix entre eux, lequel eft donné a celui qui „ha l’halaineplus longue. Ils prenent aufsi „grand plaifir à la chaîlc à la pefeherie.
„ Les Rois du paysfe font fort la guerre J, lesvnsaux autres,laquelle ne fc mene que „ par furprinfes : Se tuent tous les hommes qu’ils
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qu’ils pcuucnt prendre,puis apres leur arra- ‘‘ chent la tefte pour auoir leur clieuelure, “ laquelle ils emportent pour en faire vu“ triomphe en leurs maifons. Toutelfois ils fauucnt les femmes amp;nbsp;les enfans, qu’ils nou “ riflent amp;nbsp;ticnent toufiours auec eux. Eftans “ de retour de la guerre, ils font affcmbler tous leurs fuiets. Sc de grâd ioye qu'ils ont, “ ils font trois iours amp;nbsp;trois nuits à chanter, “ à danfer amp;nbsp;à faire bonne chcre. Mcfmes ils “ font danfer les plus anciennes femmes du “ pays,tenans les cheuelures de leurs ennemis “ cnlamain:amp;cndanfant chantent louanges “ au Soleil, 1 uy attribuans l’honneur de la vi- “ éloire. Aufsi n’ont-ils cognoiflacc de Dieu, Religm» ni de religion aucune, finon de ce qui leur j' apparoilt,comme le Soleil amp;nbsp;la Lune.
Ils ont des Preftres qu’ils nomment Z^r-«4gt;'j,aufqucls ils adioullent du tout foy, par ce qu’ils font grans Magiciens,Deuins amp;nbsp;inuocateurs de Diables, amp;nbsp;Icfquels leur fer-uent de Médecins amp;nbsp;de Chirurgiens, d’au-tant qu’ils portent toufiours auec eux vn fac plein d’h‘crbes,amp; de drogues pour mede einer les maladcs.Ils font fort fuietsaux fern mes amp;nbsp;aux filles, qu’ils appellent filles du So leil ; amp;nbsp;la plus part d’eux font Sodomitcs.il j,, cft permis aux Rois d’auoir deux ou trois lt;U»t. femmcs:toutcffois il n’y ha que la premiere “ honoree amp;nbsp;recongnuc pour Roynedes en- “ fans de laquelle bcritentfeuls du bicn,amp; au- “ toritc du pere. Les femmes font tout le mef « nage,auec Icfquellcs ils n’habitent point de ‘‘
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“ puis qu’elles font grofies, ni ne mandent dp « aucune viande qu’elles ayent touche, pen-'» dant qu’elles ont leurs fleurs.
- », Quand ils vont àla guerre,IcurRoy, que t} ils nomment Paracoùÿi, autre
a marche le premier auec vn bafton en vnc ,, main,amp; fon arc en l’auirc,aucC fon carquois „ garni de flcfchcs,amp; eft fuiui de fes gens,aufsi }■gt; garnis de leurs arcs amp;nbsp;flefçhesdequcl au pa-,gt; rauantquc partir s’afsied en vne Frefeade^ », cnuironc des Roys qui luy tiennent compa » gnic en cefte expedition. Cefaidjiettant la „ veue au Cielfc met à difeourir de plufieurs ,» chofes. Si animcrlcs fuicts à bien amp;nbsp;vaillara », met combatte,leur mettant deuant les yeux »»l’honneur qu’ils acquerront, fi vnc fois ifs rapportent la viétoirc de leur ennemi : amp;nbsp;au »» côtrairc lahôtcque ce leur fera,s’ils fontdcf ,»faits:amp; menaçât aucevn regard furieux que »»il iette lapart que font fes enncmjs.donncà »» cognoiftre à fes fuicts l’enuie qu’il ha de les »» fuppeditcr,amp; faifant tels difeours iette fou-»» uent la veue en haut, requérant le Soleil de »»luy donner viéloirc dcfcfdits aduerfaires. ,» Ce qu’ayant fait l’efpacc de demic-heu-gt;»rc,il vcrleaucc la main vnc portion de l’eau »»qui luy eft apportée dans vn vaiflean, fur »»les telles des Paracaujpsqui l’cnuironncnt: „amp; le relie il le iette comme ^ar furie amp;nbsp;par »»defpitdans vn feu, qui eft la prepare tout »»expres. Cefaifant il s’eferie par trois fois, »,nommâtIcnomde fon ennemi;cequefont »»aufîi apres tous ceux qui le fuyucnt. Celle ceremonie
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Ccrcrtionicj à cc que i’en ay peu entendre, “ ne fignihc autre chofe,finon qu’il fupplic “ IcSolcil, luy ottroyer victoire hcroiqiie, “ qu’il puifle cfpandrclc fang de fes ennemis “ comme il harefpandu cefte eau àfon plai— “ fir:daiiantagc que les Paracou/fts, arroufez “ de partk de celle eau, puiflent retourner “ aucc les beftes de leurs ennemis: qui oft“ lefeul amp;nbsp;fouuerain triomphe de leurs vi-“ âoires. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;“
Q^c s’il eft qiieftion de combatre ils “ font de grands cris amp;nbsp;degrandes exclama-“ tions,amp; n'oferoit le Roy bouger, que la ba- “ taille ne foit finie:Cars’ilclloit fi fol que“ de s’enfuir, voyant les fions les plus foibles, “ ccfcroitfaitde luy , amp;ne faudroycntde le“ malTacrer. Si d’aduenturc ils obtiennent la “ vidoirc, ils prennent les telles de leurs en- ‘‘ nemis morts amp;nbsp;leur couppent tout le tour“ dcleurs cheueux aucc vnc partie du tell : amp;nbsp;“ ce fait fc retirent rendant graces au So-‘‘ leil, amp;nbsp;chantant fes mcrueillcs. Dauanta- “ ge ils enuoyent douant vn Meffagor en leurs “ maifons annoncer la viéloirc à ceux qui “ font demeurez pour la garde d icelles,Icf- “ quels incontinent fc prenent à plourcr: “ mais la nuift venue, ils ne cclfcntdc danfer “ amp;nbsp;faire mille esbatemens en l’honneur delà “ felle. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;“
Le Paracoujß cflant arriué en fa maifon, “ fait planter deuât fa porte, tous les cheueux “ de fes ennemis, amp;nbsp;les fait enuirouor debran “ chagss dcLaurier:8c lors commencent les «
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j’ pleurs amp;gciniiremcns, Icftjucis, Ja nuiótvc’ niic^oiit couiicrtis en dances amp;nbsp;plaifirs.Les „ maritinicsfe contentent d’occirleiirs enne-
j, inisfansles inanger.-là où ceux qui font bien „allanten terre ferme les mangent apres les „ auoir facrifiez à leurs Idolcs,cftâs idolâtres.
), Là où les voifinsdelamcr non pas tous en „general,adorent le Soleil, (ansluy drelTcr aucun Autel amp;nbsp;fins luy faire (icrificc.
,, Ils font de grande corpulence, amp;nbsp;viuent „ vn longtemps, amp;nbsp;y en ha tel qui fc trouucra
J, auoircenteinquanteanspouricmoins. Et ,, décerne fera tefinoin le Capitaine Laudu-„ niere,lequel l’an mil cinq cens foixante qua jgt; trepar le commandement du Roy Charles „ dernier decede fit le voyage de la Floride „ pourla dernière fois,où il At baftirlcfoi'tde riuicrcdcMay.en l’honneur dudit Roy. Ellant donques en ce pays,amp; J, delcouurât les terres circonuoifincs de (on ,5 fort,arriua pres d’vue montagne de moyen-j, ne hauteur : le long de laquelle il mit pied JJ a terre, amp;s’ellant quelque peu repofe, chc-,gt; mina aucc aucuns de fi troupe quelque tf-5, pace de temps parles bois,amp; tant qu’ils ar-5J riuerent à vue lonchccmarefcageufe.Là où ,, fe trouuans recreus du chemin, ils fc mirent jj à l'ombrage d’vn grand Laurier, pour Ce rs-jjfreJchirvn peu, amp;nbsp;refoudre quelque poinft d’entreprife.
5, Alors ilsdcfcouurircnt cinq barbares de jice pays-la,demi cachez dans les bois, qei r.e jjfcmonftroycnt point tropadeurez de nos
François,
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Frâçoislt;lcfquclslcsfah,erëtcnlcur lagage “ difaiis,-^whp(gt;/4 Bonnafou: afin qu’oyans tel “ plusfcurcmcnt J ce “ qu’ilifirét aufsi toft. Mais d’autant q!on fe “ appcrçcut,quclcs quatre derniers portoyct‘‘ le derriere delà peau,dont lepremier cftoit “ reucftufils fc doutèrent qu’il cftoit quelque chofe plus que les autresdointqu’ils le nom moyent P4r4o«ffi.Parquoy quelques vns de la compagnie lüy allèrent au deuat, Icfqucls “ cnlecarcflantluymonftrcrcntlcur Capital “ ne: auquel ils auoyent fait vne frefeade de“ Lauriers amp;nbsp;de Palmiers à la mode du pays, “ afin que par tels figues ils cognulTcnt que‘‘ Its François auoyent autreffois hante aucc “ de leurs fémblablcs-. • nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;“
Ce nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;cftant approche dudit Ca-“
pitaine.luycommcnçavne aflez longue ha- “ rcugue,qui ne tendoit à autre fin, finon que “ ilfupplioit les François affcéliucufcmcnt de “ aller voir fa demeure amp;nbsp;fes parens. Ce que“ luyeftant accorde par lefdits François, il“ dôna audit capit.Laudunierc pour gage de “ plus grande amitiélapeau mcfmedontil e- “ .ftoit veftu;amp; ce fait, le prit parla main, s’a- “ cheminant droit aux marefeages, au trauers “ dcfquclsle ParaouHi Si ledit Capitaine auec “ quelques Frâçois furet portez fur les cfpau- “ les de CCS Sauuagcs:amp; les autres qui ne peu- “ rent palfcr, à caufe des fanges amp;nbsp;des boucs, allèrent par dedans les bois,amp; fiiyuirentvn “ petit fentir cftroit, qui les guida iufqu’à cc “ qu’ils fulfcnt redus à la demeure du PatMUr ‘‘
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#,//». Dc laquelle fortirct cinquatedcccs SatS jgt; uages pour plus honorablement rcceuoir ,j les François amp;les feftuyer à leur niode.Suy-,, uat laquelle ils prefenterét d entree vn grâd »gt; vale de terre,d’vnc alTcz ellrange façon,plein „d’eaii de fontaine claire amp;nbsp;fort excellente-,, De laquelle ils prefenterent à vn chacun, „ fuyuant en ce faifant vn certain ordre amp;nbsp;re-4, uercncc,qu’ils portoyent aux vns amp;nbsp;aux au-,, tres, aufqucls ils prefentoyent à boire. La ,,foif eftant eftanchcc amp;le$ François rafref-,, ebis, le Paraou^li\cs conduit au logis de fon „pcrcjl’vn des plus anciens perfonnages qui j.îuftviuant en terre. Les François rcfpcâat jy fa vicllclfe,commencèrent à le gratifier par „ l’appellation de ce terme, Ami, Ami ; Dont „levie'lard fc monfira fort ioyeux. Puis l’in-3, tcrrogucrcnt fur le cours de fon aage. A „ quoy il fit rcfponfcjfe mouftrant eftre la „premiere foucheviuante,dc laquelle il e-„ ftoit forti cinq generations: leur monftrant ,, vn autre vieillard afsis vis à vis de luy,le-3, quel l’cutrcpaffoit de beaucoup en vieillef-3, fc.Aufsi eftoit ilfon pcrc,amp; qui refembloit ,, mieux vnc efcorcc de bois, qu’vn homme vi „ uant. Car il auoit les nerfs, les veines, les ar-„ tcrcs,lcs os, amp;nbsp;les autres parties du corps fi 3, apparoiffantes au da/Tous de la peau, qu’ai* 3, fement on les euft nombrees, amp;nbsp;difeernees 3, les vncs des autres.Aufsi la vicillcffey eftoit ,3figrandc,quclebonhommc auoit perdu la 33 vcuc,amp; ne pouuoir,qu’à grapdifsime peine, 9, proférer vn fcul mot.
Le
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Le ficur de Laudunicre ayât vcu vne clio fc fi cftrangc s’approcha pres du icunc vieil “ lard,le priant vouloir rcfpôdre à ce qu’il luy ‘‘ auoit demande touchant fon aage. Lors ce “ vieillard appclla vnc troupe de Saunages: “ puis frappât deux fois furfacuiflcjamp;mcttât « la main fur deux d’iceux, luy fit entedre par « fignes que ces deux eftoyent fes enfans.Puis « frappât fur leurs cuifles» luy en firent cognoi « ftre d’autres moins vieux que ces deux pre- « nucrj. ee qu’il continua en la mefme manie « rcjiufqu’àla cinquiefmc generation.Or cô- *e bien que ce vieillard euft fon perc encore « plus vieil que luy, fi eft-ce que, félon leur port naturel,ilsparoifibycnt pouuoir cnco- ‘f reviurc trente ou quarâte ans :amp; fi le moins idNiMre) vieil des deux auoit pour le moins dcûx cés cinquante ans. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;te«««.
Voila ce que m’en hadifeouru ledit ca- * pitaine Laudunicre, lequel par fa diligence ha defeoHuert beaucoup de pays,en celle CO lie de la Floride, amp;nbsp;autres fingularitez, que i’omets pour euiterprolixitc.Ils côfclTent l’a nbsp;nbsp;nbsp;J;.,
me eftre immortelle, amp;nbsp;qu’il y ha vn lieu de-puté pour les mefehans: lequel ils difent c-‘t lire vne terre fort froide , à caufe que la “ plus grande incommodité qu’ils founrent, “ c’eft la froidure t difans au relie que les péchez des hommes font punis en l’autre vie.D’auantage ils croyent encore qu’il y ha « vn nombre infini d’hommes au ciel, amp;nbsp;autât lt;* fous la terre amp;nbsp;ont mille petites folies en “ leur creance, aufquclRs il« adioullcnt autât «
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jgt; de fpy que les Tures amp;nbsp;les Perfes à Malio-„ met.
„ Le pays le plus proche de la mer eft le „ plus fcrtil,a caufe que les habitans ayans e-,] he amaflez de diuerfes nations'j ont ap-3, pris à ferner du millet, qu’ils appellent Ta-3, polU, amp;nbsp;vne racine refTemblant au du 3, Pérou: amp;nbsp;ont aufsi d’vne herbe,qu’ils appel 3, lent Caßi»a,c^u'i eft comme vnelaiélue, delà 3, quelle ils font leurbruuage,amp;lc boyuent 1, tout chaud,apres que l’herbe ha boulli dâs 3-, l’eau, difans que cela fait grand bien à leur 3, cftomac,amp; qu’il ha telle vertu , que l’ayant 3, beu ils deuiennent tous en fueur, laquelle 3, pafleciodc la faimamp; lafoif pour vingtqua-tre heures.Ils fementleur Mil deux fois Pan ,,ncc, c’tftàfauoir en Marsamp; enluin,lequel 3, cft trois mois dans terre iufqu’à ce qu’il foit 3, preft à recueillir : amp;nbsp;les fix autres mois, ils „ laifient repofer la terre, laquelle ils ne fu-f, ment point. Ains quand ils la vuculct enfe-3, meneer,ils mettent le feu dedans les herbes ,, amp;nbsp;les font brufler. Ce fait ils la labourent 3, d’vn infiniment de bois fait comme vnelar „gehoue, auec laquelle les vignerons labou 3, rent les vignesen France.
3, Q^andil faut enfemencer les terres,le 3, Roy fait aflcmblcr tous les iours fes fiiiets ,,pour fe trouucrau labeur: durant lequel il ,, leurfait faire forccbruuagcs:amp; Icsmoiffons 3, cftans faites amp;nbsp;recueillies, amp;nbsp;leur gros Mil, 3, cft tout porté en la maifon publquc.Tàoù 3, il cft diftribuéà chacun félon fa qualité, amp;nbsp;autant
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autant qu’il en peut falloir pour fix mois.“ D’autant que l’hyuer ils fc retirent trois ou “ quatre mois durant, dedans les bois, là où “ ils font de petites maifons de Palmier, pour“ s’y retirer, amp;nbsp;viuent durant ledit temps, de ‘‘ gland,de poiflon qu’ils pcfchcnt,d’huyfircs,“ dcccffs, polies d’Indes, amp;nbsp;autres animaux“ qu’ils'prcnent. Entre autres delà chair de“ crocodile,qui eft belle amp;nbsp;blanche , amp;nbsp;de ia' “ quelle i’eufTe fouucnteffois manges n’eufte-“ ne qu’elle font trop le mufc.llsmangenl 'tou“ tes leurs viandes rollies furies charbodS, “ bourauccs(quafi cuites à la fumée) ne retc-“ nant plus la premi, re férocité amp;nbsp;rudefle de“ leurs predecefleurs Icfqutls mangeoyent la “ chrircrue,amp;fucccoyentlefang dcleurscn “ nemis.
Quand aux Sauuagcsde là,la Floride ,ils “ font ainfi leur bruuage que dit eft ci deflus.“ Et c’eft aux femmes, qu’ils nomment Mint à “ compofer amp;nbsp;faire ce bruuagc,amp; en conuict “ volontiers ceux qui les vont voir en leurs “ logcttes,qu’ils appellent TitpecoH«», 8i Ici au- “ tres Sauuagcs du nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;vous “
raôftrantfigncs d’amitic,vous diront les vns“ apres les autres, Anupula ßonaffou tymali de-*-* P, qui fignific ,Ie fuis ton frtrc,boy aucc“ nous, amp;nbsp;pren de ce qucnousauôs.Et appel“ létpluftoftles François que les Hcfpagnols “ à caufe qu’ils ne les aimet point, poureeque“ ils leur ont prins iadis leur femmes amp;nbsp;en-“ fans pour les faire cfclaues : amp;nbsp;les appellent “ Âo»«,«tout ainfi que ceux de l’Antartique “
DD.j.
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„ nomment Peiot les Portugais, qui me fait 5, penfcr que ce foit quelque mot injurieux.
ji Cepeuplc-ci, quihabitc près la riuicrc, » que les nollres ont appelle Seine gt;nbsp;font fort ,, bénins amp;nbsp;affables, aufsi bien que ceux qui ,, demourent furla marine, amp;nbsp;fur la riuiere de ,, May,ovi eftoit bafti le fort que les Fran-,, çois y firent, amp;nbsp;le nommèrent la Caroline: ,, lequel fut pris amp;nbsp;faccagè par les Hefpa-.5 gnoifi, l’an mil cinq cens foixante cinq »le 5, iourfainfl Matthieu,le vingtvnicfmc iour 3, du mois de Septébre : amp;nbsp;le vingtfixiefmc du J» mois comme leJ nauircs Françoifes vinf-„ font,foit de courfc,ou de rccognoiftre l'en-», nemijils fe virent inueftis fi cruellement,que ,, ils furent occis, maffacrez amp;nbsp;iettezen l’eau. », F.r comme deux cufTent cfle deffaits amp;nbsp;mis »,àfôns:deux ioursapreslc Capitaine lean ,, Ribaut de Dieppe arriua , lequel voyant », fesforces inégales commensfa à parlemen-tcraucç le chef de l’armcc Ffefpagnollc : à », lafoy duquel s'efiant fie, fut defloyaument 3t Oecis aucc fon compagnon, amp;nbsp;tout Je re-», fie de fa fuite. Ain fi par trois diqcrfes def-», faites,amp; en diuers lieux,iaçoit qu’ils fuf-,,fent auertis de la venue de qui c-,,ftoit en campagne, nos gens furent maf-„facrez iufqu’au nombre de plus de mil-hom », mcs:Non qu’ils foyent tant i reprendre que »,Ion pourroit bien dire.vcu que fachans la „venue de leurs ennemis.ne penfans point „ cefle tragedie,ils furent d’opinion d’allerau » deuant.
Mais
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’ Maisignorans de la fortune, amp;nbsp;trophar- “ dis,ils perdirent ce qui fe pouuoit bien gar- “ der, s’ilsfcfuffenttenusfurhursgarde^ de- “ danslefort qiûls auoyent baftii Lon dit “ que ce fut pour le fait de la religion, que “ les Hefpagnols confpirerent ceiic défiai* “ te,fuft par rufe ou autrement,dclibcrans “ la ruine des François, telle qu’ilsi’ontcxî- “ ciitce. Mais ic ne fuis pour en deuiner: “ bienfay-ie ce que i’enay dit à pluficurs de “ mes amis,quientreprindrent lc¥oyagc,amp;“ qui à mon grand regret y font .demeurez: “ amp;nbsp;comme ie leur remonllray 1c'peril au-quel ils s’aloyent lancer, veu le voifinagc “ des terres : foyent continentes,foyent infu ■ “ hires, dcfqucllcs les Hefpagnols fe van-“ tent d’eftreSeigneurs, amp;nbsp;les premiers qui “ ont donné attainteamp; defcouucrt ces pays- “ la.'lefqucls ne fouffriront qu’on leur aille “ défi près vifltcr leurs terres du Peru amp;nbsp;de“ Mexique:leur mettant deuant ce que fi-“ rent les Portugais à l’endroit des noftres “ aufortde la riuicre du lanaire, oii toutef-“ fois ils ne firent pas fi grand maflacrc, amp;nbsp;fi “ furent allez bien frottez , quoy que nos “ gens fulfent en fort petit nombre, amp;nbsp;que “ les viures amp;nbsp;munitions leur defailliflent. “ Ce qui cft le plus à plaindre, apres la bon-“ nctrouppedefoudarts, ce font les experts “ Mariniers :qui n’eftpaschofe qui fe puifie “ recouurcrtout à loifir. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;“
Theuet parle ici du dernier voyage que “ fat le Capitaine lean Ribaut en la Floride,“
DD.ij.
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Seen parle commevn clerc d’armes,quand il eniuge parfeucncjncntcdifant, qu’ils per dirent ce qu’ils pouuoycnt bien garder., amp;nbsp;qu’ils furet trop hardis. le croy que ces bon nés gens-la firent tour ce que vaillans fou-dars amp;nbsp;mariniers expers peuuent faire en vne telle extremitc:amp; que Theuet euft elle aufsi empefehé qu’homme de fa robbe, s’il s’y fùft tromic en perfonne.'
Q^ant aü Capitaine lean Ribaut ilauoit rrtmitr dcfia aupargt;uant,à fauoir.l’an mil cinq cens foixante yn, fait vn voyage aflez heureux en terres-la ; amp;nbsp;y auoit bafti vn fort, qu’il biut. nomma Charles fort^âu nom de du roy Char les nciificfine : dans lequel il auoit laifiez^. foudars fous la ch.irge duCapiraine Aubert. Lcfquelsfe comportertt vn efpace de teps allez bien : mais à la fin ils entreront en par-tialitezacdilfcnfions: dót le commencemét ■procéda de la mort d’vn foudart nomme Gucrnachc.Ccftui-ci fut pendu parfon pro pre Capitaine, pourquclquefâutc qu’il a-uoir faite. Cela fut caufe que tous les compagnons fc mutinèrent,firent mourir leur Capitaine. Il y eut cnçor yne autre chofe qui les pouflj à ce faire. Ce fût le degrade-ment d’armes que ce Capitaine auoit fait à vn autre foudard nomme Lachcré , qu’il a-uoit confine dans vne Ifle.
Apres la mort de leur Capitaine, ils allèrent querirlcdit foudart , qui cftoit dâs ync petite Ifle diftant enuiron trois lieues de Charles-fort, la où ils le trouucrcnt fi maigre
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grc amp;nbsp;fl dcffait, qu’il n’en pouuoit plus. E“ llans de retour dans leur fort, ils eüifentvil nômé le Capitaine Nicolas pourleur chcfi qui s’en acquita fi bien qu’ils vcfcurcnt pai* fiblemcnt pendänt qu’ils furent là.Cepcn-dant voyans que les viures leur accourfif-foycnt amp;nbsp;qu’ils n^auoycnt aucunes nouuel-Ics de France, ils delibererent de fâire vri Brigantin pour s’en retourner, encore qu’il n’y euft homme entr’cux.qui en feu ft l’art amp;nbsp;la façon. Touteffoisla necefsité maiftrcfTe des arts leur apprit à le faire, eh intention de repaffer en France , s’ilnevenoitdu fc-cours,comme on le leur auoit promis.
Quand le Brigantîu fut paratheue, il fallut l’equipper de ce qui cftoit ncccflaire pour le voyage:commc de cordages, de voi-les,d*ancres, amp;nbsp;autres inftrumcns de nauirci amp;nbsp;fi ne fauoycnt ou en prendre^ Comme ils eftoyent ch ccftc perplexité , voici arriuer deux de ces petits roys du pays ( A^aecou (e nômoyent) àuec deux Cens Saunages. CeS foudars vont au deurnt d’eux, amp;; leur font entendre la ncccfsitéoùils eftoy-entàCes roys qui ncdcmâdoyentpasmieux que d’en Vuyder le pays, leur promirent que dans deux iours ils apporteroyentautât de Cordes qu’il en faudroit* Pendant Ce temps-* lacesfoudars cerchcrcnt tous les moyeny dcreCouUrcr delà poix raifincpar les bois, incifans les Pins amp;nbsp;les fapins,amp; autreiar-» bres gommeux.dc tous coftez amp;nbsp;en tiretehC alTez raifonnablemcnt pour godronner le
DD.iij,
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vaifleau : amp;nbsp;firent aiifsi amas d’vnc cfpccc de moufle, pour cftoupcr amp;: calefeutrcr Ic vaiireau.Ilncrcftoitplus que les voiles,que ils firent de leurs chemifes amp;nbsp;draps de lits.
Quelques iours apres cts deux Roitelets rcuindrent,comme ils auoycnt promis,auec telle quantité de cordes, qu’il y en eut aflez pour fournir à l’cquippagc du nauirc.En re compenle de ce bien les firançoislcurlaiHc-rent toutes leursfeipcs,leurs couteaux, miroirs, amp;nbsp;toutlerefte de marchandife qu’ils auoycnt. Et quand ils eurent appareillé au premier bon vent qui furuint, ils fc ietteret en mer. Mais de mal-heur ils fe trouucrent courts de viurcs amp;nbsp;d’eau douce, parce que leur nauigation fut plus longue qu’ils ne penfoyent.Car àgrand peine auoyent-ils encorefait la tierce part de leur route,qu’ils furentfurpriiis de calmes amp;dc bonaccs de mer fi tnnuiciifcs, qu’en trois fcmaincs, ils n’auanccrcntpas vingteinq lieues.
Pendant ce temps les viurcs accourcirét, amp;nbsp;en vindrcntiufqucslà qu’ils furent contraints de ne mager que chaeû douze grains de Milpariour. Encore n’en eurent-ils pas toufiours; de forte que les viurcs ordinaires leur eflans faillis de toutpoinct, il fallut qu’ils fe icttafl'cnt fur leurs fouliers amp;nbsp;fur leurs collets de cuir,amp; les mangcrcnt.Quat au boire , quelques vus eflayerent de taller de l’eau de la menmais outre ce qu’elle leur brufloit la gorge, elle Icurcauloit vn efeor-chcmcntde boyaux, qui les tormentoite-
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ftrangemcnt fans les autres mftnx qu’ils a-uoyent : d’autres aualloyciit de leur proprê vrinc. Outrercxtrcincfamincamp;la foif qui les moleftoycntjleiir petit Vaifleau s’ouurit de tous coftcz:de forte qu’ils ne pouuoycnt fuffirc à efpuifer Ecau qui y entroit gt;nbsp;amp;nbsp;per* doyent toute efpcrance de iamaisreuoir U France. Et pour les achcuerde peindre, il y cut Vn flot de mer amp;nbsp;vn vent impétueux qui les vont prendre, amp;nbsp;brifent le vaifleäu d’vn coftc.Lcs vagues paflbyet par deflus, amp;nbsp;eux netenoyent plus conte de letter l’eau qui Icsfumcrgcoit.Toutcfloisil yencutvn qui reprit vn peu fes cfprits,amp; leur mit en auant lepeu dechemin qui leur reftolt,les alfeurât qu’auant trois iours(^fi le vent continuoit ) qu’ils verroyent terre. Cela les encouragea tellement,qu’apres auoir ictte l’eau du bri-gantin, ils demeurèrent encors trois iours fans boire ne fans mâger. Au bout defqucls ils retombèrent en plus grand defefpoir qué iàmais,parce qu’ils ne virent aucune terre* Parquoyen celle extrémité il yen eut quelques vns qui propoferent, qu’il cfloit plus expedient qu’vn fcul mouruft, que tant de gens periflent. Ils arrefterent donc qucicc--lui mourroit fur lequel le fort toberoit. Ce qui fut execute en la perfonnedu Lac\}eré qu’ils tuèrent,amp; en partirent la chair egalement entr’eux tous.Laquelle ils mangèrent toute crue, apres auoir beu fon fang toüt chaud. Chofe qui pourroit faire drefler k* eheucwx en la tefte*
DD.iiij*
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En fin apres auoirlong temps branle fur men noftre Seigneur cut pitic deux, amp;nbsp;curent la vciie de la coftc de Bretaigne ; dont ils furent fitrafportezd’aife qu’ils lailfcrcnt crrtrl brigâtin là, fans tenir fentier ne route.Pendant qu’ils cftoyent en tel cftat,il y eut vnc petite Kâberge Angloife palfage-rc qui appcrçeut le vailfeau qui flottoit. Si l’aborda. Il y auoit en ce nauirc vn certain Alatclot François.lequel auoit efic auec vn capitaine Normand,en la Nouuclle France, amp;nbsp;parce moyen les rccognut aiftmcnt,amp; Icurfit donner à boircamp; à mangcr.Les An-glois furent long temps àconfulter que c’eft qu’ils en deuoyent faire ; mais à la parfin il refolurent de mettre les plus debiles en terre, amp;nbsp;emmener le refte en Angleterre, amp;nbsp;les prcfcnteràla Koyne,qui clloitlors en deliberation d’enuoyeren la nouuclle Frace.
Voila en fomme le difeours du piteux voyagcdcccs pourcsgens, qui experimen-PßM.107 terenteequi cil dit au Pfeaume : Afauoir, que les fols font affligez à caufe de leurs péchez ; tellement qucleur amc ha en horreur toute viande ,amp; viennent iufqu’aux portes delà mort. Adonc ils crient au Seigneur en leur deftrefle, amp;nbsp;il les fauuc de leurs angoif-fcs.
Depuis le Capitaine lean Ribaut,yfut réuoycsapres le Capitaine Laudunierc,l’an mil cinq cens feptante finq, amp;nbsp;y fut mafla-crt\illaincment, ainfi comme nous verros aux difeours fuyuans.
Ce
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£ tjttf J enfuttprej^tte nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;à laßn,eii ti-
petit Dtfconrt de ce ^ut adumt an dernier vtj/a^e du Capitaine lean Ribaut, en treprii par le commandement du Roy de France en la Floride. L'Auteur de ce^epetite HiRoire, s'intitule N.le Challeux ycnfon EpiFlre lnmtnai fe,lecjuel eSlant de retour de là à Dirpe^ d’où il e-floit, redi^ea par efcrit fes auentures (èquot; celles de fes compagnons./e ny ay rien voulu changer-.auß ß vaut-il beaucoup mieux que ce fait luy-mefrne qui recite ce qu'il ha veu amp;nbsp;endure\ queß vn au trele contoit paroùir dire.
CHAP. IIII.
amp;c Seigneurs en fon confcil, b r y auparauant que les troubles ? amp;nbsp;tumultes de la guerre ciui-__ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;4, Icfe leualTent en ce Royaume,auoycnt arrefté d’enuoyer vn bon nombre d'hommes aucc plufieursnauircs cnl'v-ne des contrées des Indes, nommée la Flo- tuiye yne
ride, nouucllement cognuc amp;nbsp;dcfcouucrtc parles François. Parquoy l’Edit de pacifia *
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tion publié de l’autorité de fàmaicftéjcpro pos fç continua:amp; pour cxcCutcr l’cntrepri fcjlcan Ribauthoiumc de cœur amp;nbsp;de corî-ftil, amp;nbsp;grandement exercé en la marine, fut mâdé à la Cour,amp;: rcceutla commifsiondu Roy défairecquipper fept nauircs,qui por-taflent homes, viures amp;nbsp;munitions par delà, l’honorant du titre de fon Lieutcnât,amp;chef de tous les gens de guerre,qu’il auoit commandé Icuer à i’expedition d’vne telle en-treprifc:amp; luy fut exprcfTcrticnt deffendu de n’attenter aucune defccnte en quelque autre pays ou Ifle que ce fuft, fingulicrement en nulle qui feroit fous la fcigncqrieduRoy d’Hefpagnc, ains qucfinglant la grand’mer Occeancjilfftroutedroid àla Floride.
Les nouucllcs de ce voyage à faire,furent incütinent diuulj^uces partout, amp;nbsp;plufieurs furent perfuadez a fefubmettre au comman démet de ce Capitaine, amp;nbsp;fous l’autorité du Roy:mcncz toutefiois d’afteélions diuerfes: car les vus eftoyent incitez d’vn defir honc-fl:camp; louable de s’aùanccr en la cognoiflnn-cc derVniuers, pouren rapporterla fcicce telle que le cœur de l’homme bien afsis dc-fire naturellement, ayans opinion qu’à cela la nauigaticn leur apporteroit grand auata gedee autres efchaulfcz encor en leur cœur dcguerrier,fi rendirent aufsi,ainians mieux encourir la fafchcric des eaux,que pofans les armes fc retirer à leur premiere condition.
Cequi pouuoit aubi bié fort inciter les vns Si lîs autres, c’eftoit le bruit qui cou» ' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;roit
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roitpardcçà, c’cft àfauoir, tjuc la Floride proiiiettoit gt;e fuffifant contentement de tout ce que l’homme pourroit dcfircr en La terre, d’autant que ce pays rcccuoit du ciel vnc faneur Ôû demeure fin^ulicrc, quad il ne feroit ne glace ne gelé de la roide froidure du Scptcntrion,ncroftiamp; brufle de l’ardeur duMidi:quc les châps fans eftrelabourcz ou aucunement exercez, produifent afftz de-quoyfoiiftcniramp;fuffifammêt entretenir la vie du peuple qui y habiteroit : qu’il fimble que pour en faire vn pays des plus fertiles amp;nbsp;riches de toute la rondeur des terres, ne feroit rcquisfinon qu’hommes diligens amp;nbsp;in-duftrieux employaffcnt la bonté graiffe de la terre, à l’vtilité du genre humain : que ayantfon eftendue du Midi au Septentrion, quafien pareille longitude que nollrc le tonpaurs rope,amp; fa latitude de vingttrois dcgrez:foH ieMcaHj) lient qu’elle eflant frappée des rayons de«^« d'ofii fon haut Soleil, reçoit en elle.' force chaleur, laquelle touteffois eft tempérée, non feule-mentdclafrcfcbciirdclanuiél ou de la ro-fee du ciel,mais aufsi dcgracicutcs pluyes en abondance, dont le gazon en deuient ferti-lc,voirc de forte que l’herbe forte y croift en hauteur admirable, qu’elle eft riche d’or amp;nbsp;de toutes fortes d’animaux : qu’ayant les champs pleins amp;nbsp;^aticux,cc neantmoins aufsi tes motagnes font aftes hautes,les fteu-uesplaifans-à merucilles,atbres diuers, ren-dans la gomme odoriférante. Que tout cela côftdcré,nc pouuoit autrement aduenir que
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rhommc,nc troiiuaft la grand plaifir amp;nbsp;fin-gulicre dck-âation.
Pluficurs donc alléchez de telles promef fts,aucunsaiifsi d’vn aiiaredefirdcfc faire ri chts en ce voyage,à caufede ror,fe rendoyét par troupes en cefte ville, où la monrtrefe deuoit faire, pour en choifir ceux qui au iu* gement du Lieutenât du Royen celle part« fe trouucroyct les plus idoines à continuer l’entreprifv.Or elle ne fut pas fi toft mife en effecl corne aucûs le defiroyét,amp;ceux princi paiement qui auoyentreccu ',cs foudars en leurhoftel.'car ils cftoyent ennuyez d’auoir homes qui filTcnt telle chcre fanspayer leur efeot, côbicn qu’on leur promift auec alTcu rance q u’en bref temps ils feroyent contentez amp;nbsp;fatiffaits. Et furet quatre mois amp;nbsp;plus en celle ville à faire IapiafFc,amp; finalement ils furent obligez par ferment lolcmnel, de fe porter fidèlement au fcruice du Roy,re-ceuans la paye pour fix mois : ce qui ne vint pas au contentement du Coronel. Car enui renie mois de May,quc derechef le dénombrement des hommes le deuoit faire pour embarquer ! aucuns de ceux mefmcs qui a-uoyent touche'la payc,fc formans vne cohgt; fciencc d’vn fi long voyage, ellonnez aufsi de la face barbare de la mer, changèrent incontinent leur propos,amp;fe retirerentfe-eretementfans paffer plus outre.
Or pour aller au deuant de celle dilfolu-tion amp;nbsp;desbauchement d’hommes qui fe promcttoit,ils furent derechef inllamment appeliez,
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appeliez,amp; leur fut commande que toutin-tontinent amp;nbsp;à la mefmc heure s’embarquaf-fent.quifutledixiefmc lourde May: 8:dc-nieurafmes en cefte rade iufques au vingt-deuxicfmeiour dumefme mois, attendans quclq jcs beftiails amp;farines.Lc nombre des nommes qui montèrent pour le voyage c-ftois de trois cens, compilas aucuns artifans auec leurs familles. Et comme nousatten-dionsle commandement amp;nbsp;commodité de noftrc Lieutenant du Roy , amp;nbsp;vent fauora-hlc,le Mardi vingtdcuxiefme dudit mois nous fjfmes afTaillis de vêts impetucux,fouf flans d’vne part amp;nbsp;d'au'ze gt;nbsp;de forte que les vagues s’entrcrencôtroyent d’vne façon indicible,amp; donnèrent telle frayeur à nos mariniers, qu’ils ne trouuercnt autre remede nimoyé propre, finocouper les cables, lt;^uit tcrles ancres amp;nbsp;nous abandonner au gredu vent.Le plus violent qui fuft,futvn vent de Norden, lequel nous chafla de tcllc'viftcffe, qu’incontinent nous volafmcs au Haurc de grace, amp;nbsp;là demcurafmes trois iours, attendans nouuellcs de Dieppe , par vn brigantin que nous y cnuoyafmes expres,amp; puis nous appareillafmes de cefte rade J le vingtfixicf-me du tiiefme mois. '
Et comme nous tendions à fingier droit à noftrc route,nons trouuafmes incontinent vent contraire, amp;nbsp;nous cômanda d’aller terriramp; pofer les ancres cnl’Ifte d’Wich, l’vne des contrées d’Angleterre, où les An-glois voulurent cognoiftre de noftre lt;ntrc-
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prifc^Sc nous ayans cognus s’oftrirct à nous faire plaifir.Or du iour que nous arriuafmes là,quifutlc i8.de cc moisinous y demeuraf-mes ancrez iufques au 14.de luin, amp;nbsp;le iour mclmc nous eufmes levét Nordeftà fouhaic amp;nbsp;Icuafrncs les voiles pour chaffer droit à la Ploridc, laquelle nous appetiôs comme vnc noüuclle Frâce. Etdcmcurafmes finglans la
la
grand'mcr Occeanedeux mois entiers, pre mierque peufsiós auoir aucunecognoilfan-cc des terres de la Floride, referué l’vne des Iflcs des Entiles, appellees des paifansF'c«-»a«^«framp;.'en François la grand Lucoife: aucuns des noftreslavouluret appclerdunom de Catherinela roinemere du Roy: amp;nbsp;difét qu’elle cft de xy.degrcz de latitude.Nous trouuafmes aufsi quelque nauircà deux ces lieues de làvcrsl’eau, maisnousne l’appro-chafmci de plus pres que de trois ou quatre
lieues.
^r.i» flatte ite France arriue en la FloriJe.De la maile des hahil hmens, les eoHtlnmrs-les yiaiijesje hrunaf e, l s Rcli'i^ien de ceux Je la Floride. Des Crocodiles feifcns THmhins ^ui y fvtit. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;CHAP. V.
Ors que nous ftifmcs arriuez en la terre de la Floride s qui fut lequatorficfmc d’Aouft, y nous appcrccufmcslc feu que les Indes nous faifoyct: Nous enuoyafmcs le brigâtin qui dcfcouurit vnc petite i'iuicrcgt;amp; au deflus de l’cmboucheu-re,
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rc,$’y trouucrcnt quelques Saunages qui troquèrent quelque argent à la marchan-elifc que nous allions portee de ce pays;amp; difoyent que l’argent leur ctloit demeure de vnnauire làcfchouc,rcncnant des Entilles. Nous y trouuafmesanfsivn feulHcfpagnol, efchappc d’vn naufrage, il y auoit vingt ans paifez,lequel nous rccueillifmes aucc nous, amp;nbsp;nous cnquifmes s’il auroit entédu qucl-quechofe des François, amp;nbsp;oùilspourroyct eftre campez. Lequel nous refpôdit ne rie fa unir autre chofeq ce qu’il auoit entédu des Saunages ; c’eft qu’ilselloycnt placez à cinquante lieuesplus Nord que le lieu onnons auions terri.
Or de 11 nous rcfinglafmes loin au long, de la cofte,qui nous fembla bade, 8f là terre fablônetife,plantée d’arbres fort péris : amp;nbsp;y font aufsi les marées q viénent du Sufueft,af fczpetitcs:amp;;à mi chemin delà noifs defeou. urifmes vue riuicre q nos gens auparauât a-ult;)yét appellee la riuicre,de May,où mefmes I4 riuîerë les martes ne font grandes, qui viennent du. Nord Nordeft,amp; peut-on voir à eaufe de la baffe eau la bouhuc des âcres,amp; auôs efprou UC qu’à trois ouquatre lieues de la terre,n’y ha que fix ou fept braffes d’eau ou enuiron. lime fouuicnt aufsi qu’entre la riuierc de May,amp;vn autre qu’on appelle d’Ay,nous en cog'iufmes vnc autre qui demeure Nord de celle de May,enuiron i.licucs. Et là mouillas l’ancre chafque nuit à huift ouneuf braf Es d’eau, trouuiôs font de fable, autunefois
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BRIEF DISCOVRS
lari'uiere dcgr3uicr,amp; auciintfFois de vafc.Nousfon-Jes Doit- dafmcs aufsi la riiiicrc dcsDauphins,Ia trou uafmes haute fur la barre de deux brafles:' mais la-mcr y croift de ^.quartiers de brafTc-• Et après que nous eufmes le long de la code regardé à dcfcendrc,lc rin^tfepticfmc d’Aouft nous vinfmcs mouiller a la rade de lariuicre de May,àfept bralTcs d’eau,detneu rans de l’eau à la terre enuiron deux lieues. Le Mccrcdi vingtncuficfmedu mtfmcmois nous entrafmcs trois des petites nauircs,amp; Fortlt;Zlt;Z4 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;à montia riuiere, droit au fort
Caroline. Caroline, que nos gens auoyent au-parauantbafti pour leur eftre lieu d’afleu-râce de retraite, place afTcz côraode, tant pour la riuicre qu'elle a d’vn codé amp;nbsp;le bois de l’autre,qui n’eftdiftant que d’vn bien petit quart de lieue, amp;nbsp;le champ entre le fort amp;nbsp;le bois, amp;nbsp;vn coftau fort plaifant tout cou uert d’herbes fort grandes amp;nbsp;cfpcfics.Et n’y a chemin au bois finonquedela largeur de vn pas d’homme, qüe nosgens auoyent fait ’ pour aller à la fontaine dans le bois.
Q^nt donc nous fufmcsarrinez pres''de cfc]lepacc,nôftrc Licutenanffit défeharger amp;nbsp;porter les viurcs âu fort, Srautres munitions pourrccrecrla^placc, 8c cômanda que nous artHâns,femmes amp;c petis enfans yallif-fiôs:amp;nous y fit côduirc par Icfieur d’Vlly, de Bcaucairc k autres,aufqucls aufsi il bailla la'gardc de fon plus précieux bagage. Ceux qui nousattendoyent au'Fort, furent grandement rcfioufcdenoftrc vcnuc,car ils eftoyent
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cltoyont angoifTcz amp;nbsp;troublez d’elire fiJog temps fans rien onirde laFrancc;amp; qui plus augmentoit leur douleur »ils eftoyent fans viurcs, fjnon qu’ils fe vouluflent rengçr à la façon dcviiirc des paifansfauuagcs,defqucls cncor’ne pouuoyent-ils rien auoirgt;finon parcourfes,aucc force amp;nbsp;violence,comme plus amplement nous dirons en fon lieu.
Orquand nous fufmesde feiour,ic con-fideray la forme deshabitans delà terre,qui me femblabonnc amp;nbsp;aflez humaine: caries ''‘ “V ƒ « nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;• CEUX (if' l»
hommes font droits amp;nbsp;quarrez,amp; d vn teint lande. tirant au rouge. l’ay entédu qu’ils ont Rois en chafque village, amp;nbsp;pour ornement ils ont le cuir marqueté d’vnc cftrangc façon. Ils n’ont aucun accouftrcinent.non plus les hômes que les femmes : mais la femme ceint VU petit voile de pelifle dc “Ciofou d’autre animal, le nœud batant le collé gauche fur lacuilfespour couurirla partie de fa nature laplushontcufe.fs ne font ne camus ne lip-pus,ains ont le vifage rond amp;nbsp;plein ,les yeux afprcsamp;vigoureuxnls nourrirent leurs ehe ueux fort longs, amp;nbsp;les trouffent propremét à lenteur de leurs telles : amp;nbsp;celle troulfe de cheueux leur fert comme de carquois à porter leurs flelchcs quand ils vont en guerre:
1 c’eft merucilles que foudainement ils les ; ont en main pour en tirer loin, amp;nbsp;droit au
polsible.
Q^antaux mœurs,ils font dilfolus,ils n’enfeignét point leurs enfans amp;nbsp;ne les cor \ rioent aucunement. Ils prtnent fans con-
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fcicncc, amp;nbsp;s’attribuent tout cc qu’ils pep-? uent fecrctcmct cmportcr:chacun ha fafenj pic propre,amp; gardent le mariage, voire avec toute rigueur: ils vont en guerre contre les pays frontiers,qui font de diuers langages. Leurs armes les plus inhgnes , font ares amp;nbsp;flefchcsrlcurs demeures font de figure ronde, amp;nbsp;quafi à la façon des colombiers de ce pays, fondées amp;nbsp;eftablies de gros arbres, Couucrtcsau deffus de fucillesdc Palmier, amp;nbsp;ne craignent point tes vents amp;tcmpcftes. Ils fontfouuct fafehez de petites moufehes, Icfquclles ils appellent en Icurlangagc Af4-Mauj'tbf- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;faut qu’ordinaircment aux mai-
fonsils facent feu, amp;nbsp;expreffemét fous leurs lits, afin d’eftre deliurez de cefte vermine. Ils difent qu’elles picquent fort afprement, amp;nbsp;la partie de la chair touchée de leur mor-fiire deuient comme celle d’vn ladre- Ils n’e-
• Aiment rien plus riche ou plus beau,que plu mes d’oifcaux-dc diuerfes couleurs.Ils ont en grid prix petis calcules qu’ils font d’osde poillbns,amp; autres pierres verdes amp;nbsp;rouges.
Leurs viures font racines, fruits, herbes êrpoilTons de diuerfes fortes, amp;nbsp;le poiflbn leur cA fort gras qu’ils forifient, amp;nbsp;l’appellent cnlcurlanguc £aui^MaMe;ils en tirent 1* graifTc amp;nbsp;s’en feruét au lieu de beurre ou de autre fauflc.Ils n’ont pas du blé,mais ils ont le Mil en abôdancc, amp;croiA.à la hauteur de 27/quot; picds:ils a fon tuyau gros comme celui d’vnc canne, amp;nbsp;fon grain cAgros comnac vn pois, l’cipylong comme d’vn pied , fa couleur
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leur cft ainfi que celle de la cire recente. Le moyen d’en vier cft prcmicrcmc t de le froif-1èr amp;nbsp;refoudre en farine , puis apres le def-font par mcflingc,8f en font leur A^tgan,qui rclTcmblc le ris que Ion fort en ce pays. Il le faut manger aufsi toft qu’il cft fait, poiircc qu’il fe change incontinent, amp;nbsp;n’cft point, dcgardc. Ils ont lorcc vignes baftardcs»ram pantes à l’cotour des arbres, ainfi que noujlquot;'**'*’ voyôscn quelques côtrecs de ce Royaume, mais ilsn’ont point l’vfage d’cntircric vin. Leur boilTon qu’ils appellent Ca]finet,{c fait d’herbes compofees: 8: m’.a femblc de telle couleur que la ceruoife de ce paysù’cn ay gouftc,amp; nel’ay point trouuc fort cftrange.
Quant au pays il mcfcmble montucuxiâc y habcaocoup de forcfts:qui peut bien cftre caufe de tât de beftes fauuages, Icfqucllcs ils difent porter grande nnifancc à ceux qui ne fe dônent gardc.Ie laiflcray à dire beaucoup de chofes des animaux eftrâges.dcfqucls feu lenient i’ay ouy parler. Ce m’eft alfez de raconter iciccque i’ay vcu,amp; qui mcfcmble digne de mémoire pour la pofteritcramp;fingu criceiU-licrcmcnt des Crocodiles que Ion voit af-/r^ lt;{i fczfouucntfortir du fable pour aller à leur F2ozilt;/e. pvoye.Nous en auons veu pluficurs,mcfmcs vn mort;amp; auôs mange de fachair.qui nous fembla tendre amp;nbsp;blanche comme celle d’vn vcau,amp; quafi demcfmegouft. Il anoit cftc tue d’vn coup de harquebouzade,porte entre deux cfcaillcsîque s’iln’cuft tftélà frappé,fes efcaillcs autrement font alfez fortei
EE.Ü.
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poprlcs garcntir de tous coups, llauoit la guclc fort grande, amp;nbsp;les mafchoircs renuer-Ives d’vne liorriblc façon,dcfqnclles les dets s’entretenoyent ainfi qu’vn peigne :amp;poii-uoit ouurir la gueule alTez grande pour dévorer vne gcnilTc. Il eftoitlongdc corps de douzcàtrezepicds'il auoit les jambes fort ' courtes à la proportiô du corps , fes ongles cHrangeS amp;nbsp;cruels,fa qucucfortcamp; longue, cnquôygin:amp; confide fa vie amp;nbsp;fa principale dcffenfcAufsi iç n’iy veu en fa gueule aucune apparence de langue, fi elle n’eftoit ca ebee en fon palais. Car il auoit (comme i’ay dit) la mâchoire de défions dclTuSjchofc tnonftrueufc, amp;nbsp;qui feulement à regarder pouuoit donnerfraxeuraux hommes.
I’ay veuaqfsi vn ferpent mort, affez près Serfff,). du bois, qui auoit ede tué parl’vn de nos gens,duquel les Saunages vindrcntcouppcr la tcilc,amp; remportèrent auec vn grand foin amp;nbsp;diligencc.’ie n’ay fcufauoirlaraifonpour quoy.ll auoit ailesparlefquelles ilpouiioit aucunement voltiger fur la terre. Aucuns des noftres edimoyent que les Sauuagrsfai ioycntcch parquelqucfupcrftition,amp; à ce quei’cn ay veu, ils ne font pas fans opinion de diuinite.'mcfmcs aufsi ay-icprinsconic-éfure de quelques circonftanccs, quefaci-lementonlcs pourroit drelfer,non fcule-m^nt à ciuilitc amp;nbsp;honnefteté , maisaufii à i ßinamp;ctc Si religion, fi le decret du Sei- ( gneurlc permcttoifrcaraufsitollquclaclo I chedufortauoitfonncpour faire les prie- |
res
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res,ils fc trouiioycnt en la place : amp;nbsp;là corn-menons drelTovent les mains au ciel, voire ‘1“^^
• nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;*1^^ U/nt iî
auccrciicrcnccamp; attention. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,
CHAP. VL
E temps pendant noftreCo-ronal eftoit apres pour s’ac-quitterfidèlement defa char donnoit ordre que la place fuft tellement rempa-
ree Sc munie, qu’elle feruift apres de fimue-garde, fl d’aucnturclcs Saunages nous euf-fent voulu courir fus: lors que le Lundi troif icfmc de Septembre, arriuetent près de no-ftre equipage cinq nauires Hefpagnols-PA-^ mirai fc monllrant à la grandeur de quatre ccnstoRncaHx,labarqucdc cent cinquâte, fuiuisdc trois Patences qui vindrent mouil 1er l’ancre a l’cnfonfcurc de nos quatre nani rcs,cnuiron les neufhcurcs de foir.La nuiél ils parlementèrent cnfcmblc : amp;nbsp;fur ce que les noftrcs demandèrent pourquoy amp;nbsp;à quel le fin ils les ccrchoycnt : rcfpondircnt qu’ils eftoyent ennemis,amp; que la guerre eftoir fuf-fifamment déclarée. Lors lesnoftres rtgar-dansà la force des Hcfpagnols, àlcut enuiç amp;nbsp;manuals voloir, déshabillèrent amp;nbsp;mirent les voiles haut, amp;nbsp;IcsH vfpagnols firent chat EE.iij, *
flotte ilt:
arrine fn la Floiidt
yo nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;BRIEF DISCOVRS
fcaprès eux '.mais ils ne Icspeurcnt atioirà la voüe.Parquoy ilsfe retirèrent en la riuie-re des Daupliins.carlàilsauoycnt délibéré de faire defeente, apres auoir communique denoftre ruine aucc le Sauuagc,comme l’if. fuc de leur entreprinfe l’ha fait fina'eitiet co gnoiftre. Et de cefte riuicre enuoyerent de leurs hommesp ar cmbufcades,autant qu’ils penferent eftre de nccefsiré pour exécuter leurentreprinfe. Et auôs depuis entedu des Sâuuages,qu’ils cftoyent en armes enuiron fix cens homes.Toft apres trois de nos naüi res reuenus àla radc,car la Trinité noftre a-miralc auoit eflc cniportce vers l’eaude capitaine IcâRibailt fe délibéra aucc ces trois d’aller trouuer les Hcfpagnolsiapres auoir refolu enfoncôfeil qu’il ciloitneccflairc de femóftrer contre eux furies cauxjfinon que nous voulufsions cncorir la perte de nos vaiifcaux.Car nos homes cftans à terre,rien ne les euft cmpcfchc'd’aborder nosnauircs, amp;nbsp;de les crocher, qui nous fembloit vue per tcintolerablc.'pour ce regard principalcmét c’eftà falloir que n’aurions pour l’aducnir commoditéd’enuoyer en I-rance.pour faire entédre à la maiefl.edu Roy,dcr».ftat de no lire entreprife. Parquoy le Lundy dixiefme îourde Septembre,trois heures apres midi, le Capitaineamp; LieutenaC de Roy voulut rc noirfes liômcs,amp; apresfes auoir enhortez de bien faire pour le Icrnice du Roy, s’embarqua enfemble aucc eux ; prenant pour fa deftenfe,non feulement les Soldats qu’ils a-
« nbsp;nbsp;■■ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;uoyent
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üoycntnoiiucllcmcnt amenez, maîsaufsi les plus fignalczde ceux qui tenoyent la place auparauant nommément l’enicïgnc, Caporal amp;:fergcnt du capitaine Laudunicrc. Ce Capitaine ennuyé de n’auoircntédanôuuel les de Frace.Se fafckc d’eltre pfiuc de viures, vnpcu auparauant que nous fiïfsio’rfs là arri ùczpcnfoità rctourncf;amp; Cependant ne fc foucioil beaucoup fi ceux de fa Corhpagnie faifoyeht chofes auxSauuagcs,dcq'uoÿ leur bonneaffedHonfedeftournaft dcsFrâçois: V*^^**quot; ains il les permetfoit forcer amp;nbsp;amener pri- „„,^4 fonniers dans le Fort, pfendre amp;nbsp;rauir leur Mil amp;nbsp;autres chofcs,qHc la nCCcfsité laquel*-le ne peut eftre fous aucune loy, Icutcoman doitjEt d’autant que le defir de fe vengereft natiircUefftçnt planté au Cœur de l’bommej mefmesaufsi l’appetit commun à tous animaux de fc dcffehdfe, fon corps amp;favic,Sc de dcftonrnerlcs ch'oftsqui fcmblct appot ter quelque nuilànce, il ne faut douter que ceSauuàgcn'c complotaftamp;pratiquaft aucc l’HefpagnoljCOTOme il fe pourroit deliurer de ceftegent, de laquelle il eftoit amp;nbsp;en fou corps amp;nbsp;enfes biens trauaillé*
Le Mardy onziefmc de Sgt;ptébrc,àbuiél heures du matin ou cnüiron,lors que nos gens cftoyent allez près des Htlpagnols, fc‘ îcua vn tourbillon de vent qui continualôg^ temps,aucc gfofles pluyes, efclaiésamp; tonnerres,de forte qu’à la fois l’air eftott éôme enfeu, amp;nbsp;les parties effrayées des menaces dn ciel s’cfcarterct;les noflrcs trois riauij'eî'
EE.iiij,
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furent contraints de ponger, amp;les autres Amiral amp;nbsp;barque Hcfpagnole,dc faire le vêt bon»amp;durala malice de ce temps iufqucs au vingt troifielme jour de Septembre. Or les Helpagnols defeendus à terre eurent af-fes de loifirdc.nous efpionner,amp; mefineS des’informer des moyens qu’ils tiendroyét poumons furprendre, cifansbien aduertis que nos forces eftoyent furies eaux , amp;nbsp;que le rcftclt;jui eftoitdemeure au fort,cftoit compofe partie de malades, encore altérez del’airdela mer.-partie aufsi d’artifansjdc femmes amp;nbsp;petis enfans :1e tout montant au nombre de deux cens quarâte ames,rcçorn-mandees à la garde amp;nbsp;diligence du capitaine Lauduniere, qui ne G* doutoit aucunement qu’aucune force peuft venir par terre pour les endommager.
Parquoy la garde Icuee pour s’en allerra-frcfcliir,à caufe du mauuais temps qui auoit côtinue toutela nuid, vn peu deuant foleil leuâtjlapiufpartdes noflres au fort dormâs amp;en leurs lirs le guichet ouuert, l’Hefpa-gnol ayant tracaffe' bois, eüangs riuicrcs, conduit par le Sauuagc,amp;arriuc le Icudi vingtieline iour de Septembre au matin , temps fort pluuieus:cntrcntfans nulle rcfi-ftence dans le Forf,amp; font vnchorrible cxc tution.dc la rageamp;; furie,qu’ils aiioycnt con J^ajfaae ccue contrenoffre nation. C’elfoit lors à aei Frai:- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;• i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;r •
coH en la nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;mieux eigorgeroit homes ,lains
Flmài. amp;nbsp;m alade.', fein mes amp;nbsp;petis enfans, de forte qu’il n’ertpcflible de fongervn malfacre, qui
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quipuiffc tftrc cfgalé àcclhn-ci,cn cruauté amp;nbsp;barbarie. Aucuns des noftrcs les plus habiles fortansde leurs lits sVlcoulerent,amp; le fauucrcnt de viftcire dans leurs nauires qui eftoyent en la riuierc, laillez du Coronal à la gardedclaqucs Kibaut,capitaine d’vn na utrc,nonimé la Perle» amp;nbsp;de Louis Ballard fon Lieutenant ; les autres furpris fautèrent pardeflus la palifl'adcjfmgulicrcment le capitaine Lauduniere le fauuaparla, auce ccl le qui le feruoit à la chambre.
le fuaufsi furprinsallant à ma befongne, le fermoir à la main. Carfortant delà cabane ic rencontray les ennemis, amp;nbsp;ne trouuay autre moyen d’efehapper j Gnon tourner le dosgt;amp; me halter au pofsiblc, de lauter aufsi par deflus la palilTadexar i’eftoveaufsi pour fuiuydepasà pas d’vnc picqucamp; pertizane, amp;'ne fay comment autrement ,finon de la grace de Dieu, mes forces fc redoublèrent: dcmoy,di-ic,pourc vieillard queiefuis »amp; toutgristtoutcflois icfautay le rampart,ce qu’àloifir icn’culfe peu faire en rampant, carilcftoit efleué de huiéf à neuf pieds, amp;nbsp;lors ic me haftayde me fauuer au bois. Et commei’eftoyealfez près delariuc dubois, à la diftance d’vn bon trait d’arc, ie me rc-tournay verr le fort, amp;nbsp;m’arrcltay vn peu de temps fur la code,d’autant plus hardiment, poureeque pcrfonncneme pourfuiuoit. Et comme de cell endroit tout le fort, mcfines la balfecourmcfut defcouucrtc, aufsi vi-ic Uvnc horrible tuerie, quife faifoit de nos
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gcnsgt; trois cnfcigncs dc nos aducrtdrcs plantées fur les ramparts. Ayant donques perdu toute efperance dc voirnosgens ralliez,ic refignay tous mes fens auStigncur,amp; me recommandât à fa mifcricordc, grace amp;nbsp;faucurde me lançay dans le bois. Car il me fembloit que icne pourtoyc trouucr cruauté plus grande entre les belles fanuagcs.quê celle des ennemisdaq ucllc i’aüoyc vtu fe def border fur les noflrcs.
Or la miferc amp;nbsp;angoilTe en laquelle Je me trouuay lors prelfé amp;cnferrc,ne voyant plus en terre moyen dc fallut, linon que le Seigneur dc gracefpccialc, amp;nbsp;par dell'us toute epinion d’homme me deliuraft ; me faifoit letter foufpirs amp;: fanglots ,amp; d’vnc parole rompue dc trillelfc, crier ainli au Seigneur: elt;»x ^i,t Ç) Dieu dc nos pcrcsgt;amp; Seigneur dcmiferi-‘^•^'’^^’^“’’^ousascommädede t’iiracqucr, ferti (ritt mcfmcs du profond des enkrs'amp; des abyf-veril(S,i mes de mort,promettant incontinent ton aidcamp;ton fecours:monftre-moy pourl’cl-IcM-Jtfltt peranec queiay en toy, quel cluminiedoy ‘Je^'rt Je fc*gt;ir,pour vciur à fin de celle mifcrablc vielen an- illcfie,ploiîgccau gouHrc dc douleur Ôi d’a-mcrtume.’aumoinslay quefentant l’elletdc '^7- ta mcrcij’alleurancc que i’ay dc tes promcl-» fes conceuc en mon cœur, ne me foit arra-” chec, pourl’apprehenfion dc la cruainc de CCS belles faiiuag; samp; hiricufc' d’vn colle, amp;nbsp;n de tes ennemis amp;nbsp;ks nollrcs d’autrc:q nous en vueulêtpliisipoiir la mémoire de tônom „ qui cil ihuoqué fur nous, que pour autre chofee
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thofcîAide moy,mon Dicu.afsiûc-moy,car “ icfuis tant aftligc que plus n’en puis. Et ce- “ pendant que ictaifoyc ce difeours, trauer-fant le bois fort efpcs amp;nbsp;comme till u de i on cesamp;efpincs^au dtlTous des hauts arbres, oùil n’y auoit chemin ne fentier aucun:à peine auoy-ie tracaflcle chemin de demie heure,quand ieVins à entendre vn bruit, comme de pleurs amp;nbsp;gcmiflcmcns d’hommes quieftoyent àl’cntour de moy. Et m’auan-çantau nom de Dieu amp;nbsp;en la confiance de fou fecours, ie defcouuri l’vn des noßres, nómé fc fie ur de la Blondcrie, amp;nbsp;vn peu ar ■ rierede luytvn autremórné maiftre Robert, alîez cognu de nous tous, d’autant qu'il a-uoit charge de faire les prières en nofire fort.'Foft apres aufsi nous trouuafmes le laquais du fleur d’Vlly, le neuen de monfieur le Beau, maiftrelaques Toufe, amp;nbsp;plufieurs autres. Et nous aftcmblez côferions de nos mifercs en commun,amp; délibérions de cc que nous auiôs à faire pour fauuer nos vies. E’vn des noftres aflez eftime, d’eftrefort ex ercécnla leçon des E.fcriturcsfaimftcs, pro-pofa quafi en cefte manière.
Freres, nous voyôs en quelle extrémité “ nous fommcsiquclque part que nous tour- “ nions les yeux, nous ne voyons que barba- “ rie. Le ciel,la terre,la mcr,lcsbois, les hora “ mes;brcf,ricnnc nousfauorife. Que fauons “ nousfi nous rédans à la mifiricordc del’Hcf‘‘ pagnol, il nous fera grace ? Bien encor que “ il nous tue, ce fera pour fouffrir vnpeu de lt;*
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„ temps : ils font hommes, amp;nbsp;ce peut faire „ que leur fureur appaifec,ils nousreccuront gt;, a quelque compofition : autrement que „ pourrions-nous faire? Ne vaut-il pas mieux ,, tomber en la main des hommes» qu’en la gt;» gueule des beftes fauuages, ou bien fe la if— jj fermourir de faim en cefte terre ellrange?
Apres qu’il eut ainfi parlcja plus part de no ftre compagnie fut de fon aduis, amp;nbsp;loua fon confcil.Nonobllant quête rcmonftralTela cruauté* encore toute fanglantc des aduerfai res ,amp; quccen’eftoit point feulement pour vnecaule ou debat humain qu’ils auoycnt execute d’vue telle fureur leur entreprife : maisprincipalemcnt pour raduertifTement qu’on leur auroit donné, que nous ferions de ceux qui le feroyent reformez à la predication de l’Euangile : que nous ferions laf-ches de regarder pluftoft auxhommes qu’à pieu J qui fiit viure les fiens au milieu de la mort, amp;nbsp;donne ordinairement fon afsiften-cc,lors que refperance des hommes delaut. Aufsialleguoy ie quelques exemples de l’Ef criturc à propos, de Iofcph,dc Daniel- d’Hquot; lie des autres Prophètes,mefmcs des Apo lires, comme de làindl Pierre amp;nbsp;de fainét Paul : qui tous ont elle tirez hors d’affli-élion,voire par moyen extraordinaires amp;nbsp;e-fl ranges au feus amp;nbsp;à la railon de l’homme: fon hras,difoy-ic,n’eft amoindri ni atfoibli aucunement, fa main efl toujours vue. Ne vcusfouuicnt il point difoy-ie, de la fuite d'.s ifraelices deuant Pharao ? Qmllccfpe-rance
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rance auoitlc peuple,d’cfchappcr des mains decctyra,puinantamp; cruel? Illcurmarchoit quafi fur les talons, dcuant eux ils auoycnt lamer,aux deux coftczlcs montagnes inac-cefsiblcs. Quoy donc ? Celui qui ha ouucrt la mer pour faire la voyeà fon peuple, amp;nbsp;pour puis apres engloutir fes ennemis, ne pourroit-il nous côduirc parles lieux cham peftres de ce pays eftrange?
Qjpy que ie tinfe tels propos ,fixde laC?** compagnie, fuyuircnt la premierepropofi-'’'^quot;quot;* tion,amp;nous abaftdonnerentpourfe reti’^'*** rer a la part de nos ennemis, elperans trou homes qut uer grace deuant cux:mais ils cogneurent in à Diev, continent,amp; par experience, quelle folie/‘»•ftrom-c’eft de fe fier plus aux hommes, qu’aux pro rnelTcs du .Seigneur. Careftans fortis hors le bois comme ils defeendoyent aufort, ils furent incontinent faifis des Hefpagnols,amp; traitiez à la façon des autresûls furent donc cfgorgez amp;nbsp;maflacrez, amp;nbsp;puis traînez au bord de la riuicre, où les autres tuez au fort eftoyent par monceaux.
^1« nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;fommrnt les F rançon qui re^h^ent, de fe reJs
dre. Les François le refitfent. Les autres defcltar^cnt leterta^e fur les morts. CHAP. VII.
W E ne vueil pas ici me taire de vn exemple d’extreme cruauté. laques Ribaut,capitaine de la Perle, tenoit fes nauircs à l’ancre,à cent pas près de cede boucherie, où ilreceut beaucoup de
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ccox qui cfchappcrcnt dc ccftc tuerie. Or les Hcipag^nols ayans Ie cœurgros à caufe de leur victoirc,amp;acharnez à partner k* rc-fte des François, braquèrent les Canons du Fort contre les nauires amp;nbsp;batteaux : mais à caulc du temps pluuicux» amp;nbsp;que les Canons aufsi ckoyent mal appreftcz,ils ne firent au-’ cun dommage à nosgcns:maisils firent mar Ihw/14 cher vne trompetteiufqucs à eux pour les ƒ««// fommerdefe rendre. Et quad i s virent que tctksw, cela ne lesintimidoit aucunemét,ils enuoy-ijiMnd Ht crentvndelcurshommcsiufquesaux naui-ces»mcttant en auant l’autorite' dc Dom Pc •*ƒ fur de Maluendo, Coronal dc leur compa-ürif' gnie , pourcompofcraucc nos gens , à telle condition qu’ils quittaflent lesnauires,amp; qu’ils (erctiralkntaucclcs batteaux , leurs bagues fauucs,aux autres nauires qui eftoy-ent bas à l’embouchure dc la riuirc, diflant du Fort enuiron deux lieues. A quoy nos gens rcfpondirent , qu’ils n’entendoyent qu’il y euft aucune guerre entr’eux-que depuis fix mois ils auoycnt rcccu commande? ment du Roy pour faire ce voyage.quc tant s’en faut qu’il full entrepris ponr faire tort ou exadion à aucun» quand il leur cftoit ex prefiemet deffendu dc fa maicftcgt;amp; mcfmes defon Amiral,dc ne faire dcfccntc en aucune terre d’Hcfpagnc, ni mcfmes en appro-” chcr.dc peur deles offenfer. Nous auôsgar-” de amp;nbsp;ob/crucinuiolabicmcnt le commande n ment du Roy.Et nepouucz dire cotre nous, que nous ayons elle caufe du malfacrc que vous
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VOUS aucz fait de nos hommes, contre tout “ vfage de guerre : ce qui nous fait feigner le “ cœur,amp;dcquoy pourrez bien vous rclTcii-“ tir en temps amp;licu.Qiiât au nauire que vous “ dcnianJez, vous auries plufloft nos vies : amp;nbsp;“ Oil vous nous voudriez parforcer, nous cm- “ ploycrôs le moyen que Dieu amp;nbsp;nature nous “ a donné pour nous défendre.
L’Hclpagnol retourne rapporta que nos gens ne lemouuoycnt pour rien, ains qu’ils eÜoyct délibérez de febien deffcndrc.Eors cefte furieufe troupe rcietta fa colère amp;nbsp;fan-glant defpit fur les morts, amp;nbsp;les expoferent en monftre aux François qui reftoyent fur les eaux , amp;nbsp;tafehoyent à naurcr le cœur de ceux,dcfqucls iis ne pouuoyent, comme ils euflènt bien voulu,démembrer les corps. Cararrachans les yeux des morts» lesfichoy entau boutdcsdagucs,amp;puisauec cris.hur lemens amp;nbsp;toute gaudidérie, les iettoyent contre nos François vers l’eau.
maljMft ,gai^ntntle
4e la meriamp; rtn^ murent ijuelqntt -rifi Je lenri comfa^nont.
CHAP. V111.
Vant à nous qui demeuraf-incs au bois,nans continuaf-mes à trauerfer,tirans ino-ftre iugement au plus près de lamer. Et comme il pleut à
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bien toft nous pariiinfmcs à la croupe d’voc monragncj amp;nbsp;de là coinmcnçalmes à voir la 1« fmo-mer-Mais il y auoit encor grande diftance, çoijefcitaf ÿ, nbsp;nbsp;nbsp;pjj cftoit,lc chtmin que nous auions
7 à tenir fe monftroit mcrueillcufemcnt c-ftrange amp;nbsp;dilhciIe.Prcmicremcnt, la monta gne,de laquelle defeendre il nous eftoit ne-ilt;ceftairç gt;nbsp;eftoit de telle hauteur amp;nbsp;fi roidc, lt;Î^‘umx n’eftoit pofsiblc à homme, en defeen-' dantfe tenir debout,amp; iamais n’cufsions o-fe' nous mettre à defeendre, fans l’efpcrancc que nous auisns de nous contretenir par les branches des builfons, qtiieftoyent fre-quens fur lecoftau delà montagne, amp;nbsp;pour fauucrla vic,n’cfpargnanspoint les mains, Icfquclles nous auions toutcsgaftccs amp;nbsp;fan-glantcs, mefmcs les iambes, amp;nbsp;quafi tout le corps defchirc.
Ordcfccndus que nousfufmesdela mon tagne, nous perdifraesla veuede la mer,à caufcd’vn petit boisquieftoit côtrenous, plap tc fur vnc petite colinc ; amp;nbsp;pour aller au bois ilnous fallodttraucrfer vnc grade pree toute dcvafcamp; defondricre,couucrtc dero féaux amp;autrcs fortcs d’herbes fort eftran-gcs:carlctuyau eftoit dur comme bois,amp; les fueillcsnous dccoupoycnt pieds amp;nbsp;iambes iufqucs au fang,eftans toufiours en l’eau iufqucsau fourc. Et qui rcdoubloit noftre mifcrcÂ: calamité, la pluye tomboit telle» mentdu cielfur nous,que comme en vnde-lugc nous cftions tout ce temps-la entre deux eaux:amp; plus nous marchions auât plus aufsi
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aufsi nous trouvions l’eau profonde.
Et lors penfans bicneftre au dernier periode noftre vie nous cmbraflafmes l’vn l’au trc,amp; d’aftcéliûn commune nous commen-çafmes àlouipirer amp;nbsp;cru r au Seigneur,accu lans nos péchez, amp;nbsp;rccognoiflas lur nous la rigueur de fes iugemes : Hélas,Seigneur, di-fions-nous,quelommes-nous plus que po-affiiditn. uresvcrmilfcaux de terre, posâmes toutes altérées de doulcurfe rêdcnt entre tes bras: “ O Pere de mifericordc,amp; Dieu de charité,de,“ liurc-nous de ce pas delà mort.’oufi tu veux “ qu’en ce defert nous tirions le dernier fouf-‘‘ pir de la vic,afhfte-nous à ce que la mort,dc “ toutes chofes la plus terrible, nous v nant “ faifir, ne nous pftonne d’auantagc,mais que “ nous demeurions fermes amp;nbsp;ftables au fens“ de ta faueur amp;nbsp;bien -vueillance, que nous a- “ uons tantamp;tant efprouué à caufe dç ton“ Chrift, pour donner lieu à l’cfprit de Satan, “ efprit de dcfefpoir ôc de deffiance : car fort “ que nous mourions, nous proteftons main-“ tenant deuant ta maiefté,qucnous voulons « mourir à toy: foit que nous viuions, ce fera“ pour raconter tes merveilles au milieu dc‘t ralfcmblce de tes feruiteurs.
Nos prières faites, nous marchafmes à grand peine droit au bois, tant que nous ar-riuafmes pres d’vnc grofle riuierc qui cou ß'”* roit au milieu de celle pree. Le canal eftoit^-“ afiezcftroit ,mais fort profond: amp;nbsp;l’eau y H ha j ' couloit de grande viftefle,d’autant que tout }wint ifa j le champ pendoit vers la mcr.Cc fut vne au- ‘l't'nia.
FF.).
-ocr page 82-ai nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;BRIEF DISCOVRS
trc augmentation denos angoi/TcSjCar il n’y auoit home des noilres qui ofaft entrepen-dre apafler la riuicrc à nage. Mais en ceftß confufion de nos penfees, quant à trouucr moyen depafler outre,il mefouuintdtibois que nous auioslaifTc derriere nous; Sc apfcs aiioir exhorté mes freres à patience,amp;; à con tinuefa bien cfpererdu Seigneur, ie rctou/quot; nay ail bois,amp; couppay vne longue perche, aucc vn fuft d’vn fefmoir aflez grand qui me demeura en main,dés l’heure que le Fort fut pris:amp;rctournay aux autres qui m’attendoy tnt en grade perplexité. Or-ça,di ie, frercSi tflayons (1 Dieu par le moyen de ce bafton nous voudra donner quelque auantage a parfairenoflrechemin. Lors nous couchaf-mes la perche delTus l’eau, l’vrï des noftrcs, chacun à fon tour:amp; la tenât par le bout, amp;nbsp;entrant en l’eau portoit laperche quant amp;foy.Etau milieu du canal,comme nous en perdions la veue, le pouifafmes de force aflez près de l’autre riuo , on il print terre,à l’aidedcs canncsamp; autres herbes quic-ftoyent à l’autre bord.Et à fon exemple paf-fafnics ainlî vn ala fois •’maisce ne fut pas fans grand peril, amp;nbsp;fans boire beaucoup deccftecau faite, voire amp;nbsp;tellement que nous venans à l’autre bord nous auionsle cceut tout efpouircté,amp; eftlons ainfiaffadis,corne fl noos eufsiós cfté à demi-noyez. Apres que nous fufmcs reuenus, amp;nbsp;qnoiw fufinesrcpriscouragcitédans toufiours à ce bois,que nous amôs remarqué proche de la
mer,
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rticr, la perche mcfinc nous fut ncccfiairc paffer vn autre bras d’eauj qui ncnousdôna; pas moins dcfafchcriequclc premier : niais graces à Dieu,nous le paffafmes, amp;nbsp;entraf-mes le foir dedans le bois, où demeurafmcs la nuiâ: en grande crainte amp;nbsp;tremblement, cftans debout cotre les arbres. Et combien que nous fufsions trauailleztant amp;nbsp;plu'' gt;fi n’auions-nous pas volonte de dormir. Car quel pot!rroit ertre le repos des efpr ts en telle trayeur? Mcfmcs nous vifmcs auf i en--uironle point du iourvnc bette grade corne vn cerf,à cinquante pw pres de nous, qui a-uoitla teftefort gro{E,lcs yeux fiamboyans amp;nbsp;fans filler,les oreilles pendantes.ayant les lartics de derriere eminentes.Elle nous fern ilamonflracufc, àcaufe defes yeux fort e- tient lei tinccllâs5amp; grans à mcrueilksilaquclle tou
tefFois ne s’approcha de nous pour nous fai - quot;'tsquot; , '1 if nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;peur Qtt el
TC aucune nuiiance. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nui
Le iüur venu nous fortifmcs du bois amp;nbsp;rc jent evtx uifnics la mcr,à laquelle nous afpiriôs apres Dieu, comme au Eul moyen de fauuer nos vies. Mais nous fufmes derechef fafehez amp;nbsp;troublez: car nous appcrceufmes vn pays de marefts amp;nbsp;lieu fangeux, plein d’eau amp;nbsp;cou-uert de rofeaux , côme celui que nous auiôs patfc le iour precedent. Nous marchafmes dóe au trauers de celte pree, Sealfcz pres de la route que nous auions à faire,nous apper ceufmesparmy les rofeaux vue trouppc de gés que nous eltimions eflrc de prime face-nos ennemis,qui fulTent là venus pour nous FF.ij.
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! poupper chemin : mais quand nous cufmes yeude pres qu’ils ciloyent defolez comme nous,nuds amp;nbsp;effrayez, nous cntendifmes incontinent qu’ils eftoyent de nos gens .•aufii cftoit-cc le capitaine Laudunicrc,fa fille de chambre,laques Morgues de Dieppe,François du Val de Rouen, le fils de la couronne defcrdcRoucn,Nicaife de la Crotte, Nico las le Menuizicr, la trompette du fieur de Lauduniere amp;nbsp;autres,qui tous enfemble fai foyent le nombre de vingtfiS hommes.
Sur la deliberation de ce que nous auiÔs à Faire, deux de nos gens môterent au coup peau de l’vn des arbres, le plus haut, amp;nbsp;dei-çoiiurirent I vn de nos petisnauircs, qui e-ff oit celui du capitaine Maillard , auquel ils donnèrent le fignahparlcqucl il fut aduerti que nous auiôs befoin de fon fecours. Lors il nous fit arriucr fa petite barque: mais pour approcher du riuagc,il nous çftoit ne-ceflairc de trauerler des rofeaux,amp; autres deuxriuieres,fcmb!ables àcellesque nous • auions pafféleiourprecedent. Aquoynous furent grandement y tiles amp;nbsp;ncceffaircs la pcrchcque i’auoyc couppce rautrC|matin,amp; deux autrcs,dcfqucllcsceux du fieur de Lau duniere auoycnt fait prouifion , amp;nbsp;vinfmes affez près de la barque. Mais le cœur nous faillir,amp; de faim amp;nbsp;de trauail, amp;nbsp;fufsionsde Fmcurezlà, Gnon que les matelots nous euf-prcfiélamain , qui femonflrcrent fort ' iccourables,« nous portèrent les vns apres les autres iufqucs dedans la barque, amp;nbsp;nous rendirent
-ocr page 85-DE LA ELORIDE, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;gç
rendirent tous au nauire, on nous fufmes bien amp;nbsp;chèrement teceus. Ils nous donnèrent pain amp;nbsp;cau,amp; apres auoir mangé, nous commcnçafmcs petit à petit à reprendre force amp;nbsp;vigucunquirious fut argument tref certain derecognoiftrclefalutdu Seigneur» lequel nous auoit fauucz : contre l’cfpcran-ced’vne infinité de dangers de mortjdcf-quels nousauionsefté cnuironnczamp; affie-gez detoutes parts. pour luy en rendre grades amp;nbsp;louange àiamais.Nous paflafmcsain-fi toute la nuiét, racontans les mcrucillcs du Seigneur. amp;nbsp;nous confolafines les vnslcs autres en la fouucnancc de noftre falut.
CHAP. iX. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,
Rleiour eftantvenu Taquet Ribaut.capitaincdcla Perle nous aborda .pour conférer auecqùês nous dcce que nous pourrions faire . amp;nbsp;du moyen que nous pourrions tenir pourfau-uer le refte de nos hommes amp;nbsp;les vâifieaux. Et alors il fut remôftréle peu de viures que nous auions.nos forces rompues, nos muni tions amp;nbsp;apparats de deffenfc faifis,rincerti-tude de l’eftat denoftre Coronal, ncfàch^ s’il eftoitcfchouc en quelque coftc,âu löi/l f Fdip
-ocr page 86-8Ä brief discovrs arrière de nous,emporte de la torment?, l^ousconclufmcs donc que nous ne pourrions mieux faire, que d’eflayer à retourner on France. Et furent d’auis les plus grans de noftrccompagnie, defeparer en deux parties ceux qui eftoyentefehappez de laiour-nce du Fort:amp; quervnedcmcuraft en la Per le,amp; l’autre feretiraft fous la charge du capitaine Maillard.
Or le Jeudi vingteinquiefrne iour du mois de Septembre, nouspartifmes de cc-•fte.coftc àlafaueur d’vn gros vent de Nord» •cftans délibérez de nous retirer en France. Et des le premier iour,nos deux nauircs furent tellement efeartez, que plus ne nous fommes entretrouuezfurks eaux.
Nous cinglafmcs cinq ces lieues aflezheu rcufemét:amp; alors vn matin enuiron folcil le uât, fufmes aflaillis d’vn nauire Hefpagnol, lequel nous foullinfmes au polsiblc.amp; lesca nônafmes d’vne telle forte que nous Icsrcn-■difmcs fubiets à noftrc dcuotion,amp; les batif mes tellemct qu’on voyoit le fang regorger parles naugeres.Nous les tenionsainfi coin inc rendus ôe defeendus tout bas ; mais iln’y auoit aucun moyen deles crampôner,àcau-fe du temps qui eftoit fort impct.ucuxicaril yauoit dangcrenles cramponnäns s’entre-froincr,qui cuQcftt’ pour nous enfondreramp; faire couler bas.Eux aulsi fccôtentansdc ce ftechargenous donnèrent congc:amp;: leslaif-fafmes ioycux,rcmcrcians Dieu, de ce qu’au cun de nous ne fut bleffc en cefte efearmou-' ehe
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chcnetucjGnon noftrc cuifinicr.
Lcreftc de nüftre naui}*ationha cftéfans aucune rencontre d’cnneniisunais nous auôs efté fort tourmentez des vêts j qui nous ont mainteffois menacez denoùs icttcrà la co-ûcd’Hefpagnc, qui euft elle le comble de nos mal-heurs, amp;nbsp;la çhofe que nous aidons enplusgrande horrcur.Nousauons auGien dure fur les eaux beaucoup d’autres chofes, côine froid amp;nbsp;faim: ear il faut bien entendre q QQus autres qui cftiôs efehappez deia terre de la floride, n’auiüSpour tout vellenict A'erc/?,'-ou accoun.remcnt,tant pour le iour comme p*; pourlanuilt;â,fors quelafimplcchcmifc, ou quelque autre petit haiilon , qui cftoit bien 4, Fhrùi; peu de chofe pour nous défendre à l’encontre de l’iniure du tépSi Et qui pis.elt ,1e pain que nous mâgions, nous Je mâgions tort ef-charccment, amp;nbsp;cftoit.tout corrompu amp;'ga-j fte', mefincmcnt aufsi l’eau que nous aidons cftoit toute cmpuaijtic ,de laquelle nean.t-naoius nous n’auions pour tout le long de la iournec que plein vue petite talfe.
Ceftç mauuaifc nourriture ha tfte caufe que nous eftas defeédus à terre, foinmcs tô-beZenbeaucoup dediuerfes maladies ,lcf-qucllcs ont emporte plufieurs des hommes qui eftoyét en noftre compagnie. Et fufmes pour la fin de celle nauigation pcrilleulc amp;nbsp;lamétablc, rendus à la clt;dle de la Rochelle, m-nMiz'/f où nons auôscftc reccus amp;nbsp;traittezforthu-mainemet amp;nbsp;gracieefument des habitans du pays amp;nbsp;de ceux de la ville, nous donnans de
EF.iiij.
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leurs bies autant cömme noftrcncccfsitc Jc requcroit:amp;r afsiftcz que nous auons efle dc leur grace,nous auons eu alTez de quoy chacun retourner en fou pays.
le Cn^iitaine lean Rihant cefchantla flotte iTHeJjia^ne {’Off I la combatte, feril la flenne tl je rend a l’HeJpa^nol auec flf frni.qiti lei tuent de flitio flj id.
CliftPe X, Ous auons dit de lehan Ri-baut qu’il s’embarqua aucc l’eflitede nos foldats poural 1er trouuer les Hcfpagnols,amp; les ayant ccrchez par l’elpace
dccinq lours ne Icstrouua paS, mais il reii contra l’Amiralc dc fon equipage, nommée laTrinitc.PLt refolu de continuer à def fendre la cortccontrc la defeente des Helpa gnols,ignorât ce qui nous cRoit aduenu au Fortjcntra dedans :pour félon la difciplinc ordinaire en mer, mieux commander à tous fes hommes. Letemps leur eftoit fort faf-cheux » d’autant que le vent eftoit mcrucil-Icufcment impétueux, amp;nbsp;plouuoit inceflâm ment.Le cinquicfmc iour la tempefte fc re-“ doubla, amp;nbsp;les prefta de telle forte, qu’on-quesne fc peurent garder d’eftre efehouez cofte, audclfus dc la riuicrcde May,cn-uiron cinquantclicucs.Les vaifleaux furent tous rompus, amp;nbsp;leurs munitions perducs-Jcs homes touteffois vindret tous à terrc,rcfcr-uclccapitaincla Grange, quifeietta furvn maft.
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maft,îi fuft englouti des eaux : homme entre les autres lequel eft à regretter, tât pour Icbonconfcil amp;nbsp;adrefTe qui cRoit en luy, qu’aufsipour les fruits de (on amiable ac-cointancc,tant il cRoit commode à drefler les hommes pour les rendre vertueux amp;nbsp;fein hlablcs à luy.
Nos gens alors cRansfauucz à terre de la furie des ondes, fc trouuercnt incontinent en vnc autre fafeherie. Car à la faim qui les tenoit ils n’auoyct aucun remède,Gnon que ils le prinRent tel que la terre leur prefen-toit,c’cR à fauoir,hcrbcs , racines ou autres telles chofes, dcfquclles ils penfafTent appai fer leur abbayant t Romac. Il n’y auoit aufsi dequoy fatiffaire à leur foif Gnon des vieilles ciRci nes,oii l’eau cRoit fort troublc:mef memét l’i feume qu’elle icttoit pounoit tâc feulement au regarder faire des plus fains les plus malades. Neantmoins la rage de leur grande famine IcsCmportoit à tout aualler, combien qu’il IcurfcmblaR fort eRraDgc:amp; furent en telle mifcrcl’efpacc de huiél iours entiers.
Le neufiefmciourils trouuercnt d’auen-turc vne barque afl’cz petite,amp; furent de cela aucunement rccrccz, cfpcrans que par ce moyen ils pourroyent faire entendre leur naufrage à ceux du Fort. Or entre eux amp;nbsp;le Fort, il y auoit diRance de douze lieues par tcrrc,amp; cinquâtcparmer:amp;euRfallu qu’ils eulfenttrauerfcla riuicre des Dauphins qui cR fort profonde amp;nbsp;large,enuiron d’vn grâd
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quart de lieue. Parquoyfins vaifleau cclcur eftoit vue choie impnfsiblede pafler outre. Qiûddonc ils curct rccouurcia barquc.ils lacalfaldcrcntde leurs chemifts en lieu d’t-llouppcs.
Adonc le capitaine Tcan Ribaut.dc fa gra ce amp;nbsp;modeftie accouftumee, en appella plu-licurs de fonconfeÜ, amp;nbsp;leur fit enuiron telle rcmonftrancc: Compagnons amp;nbsp;amis,il n’y a dccÔtinucrla vie en telles mifcresamp; calamitezJa mort nous feroit plus àfouhait ” tcr,que de viureefiâs chargez de telles affli-quot; cliôsjfinon quenoftrebô Dieu nous ba don ” ne la foy de fa prouidence,pouratccdrc le fc ” cours tel qu’il liiy plaira nous dôncr;amp; cepé ” dant c’efl à nous d’employer tout noftre en ” rendement, fl nous pourrons trouuerl’iffuc ” de CCS angoifles. le fuis d’auis, qu’il yen ait ” quelques vns'd’cntre nous,lefqucls par celle ” petite barque tédent par deuers leForc,à fin ” d’aduertir nos gens qu’ils nous vicnnet don ” ner fccours en celle extreme necefsite. Et furie champ iettant grolfeslarmes comença ainuoquer le nom dcDieu,feprollernâtà terre : amp;nbsp;tous ceux aufsi de fa côpagnie. Les prièrescllâtfaites, ils cômcncercnt àregar-derqui kroitleplus idoincàfixircle voyage, amp;nbsp;nôracrcnt Thomas le Vafleur de Dieppa» à qui IcanRibaut donna charge,qu’au pluf-toftilfilb entendre à nos gens en quel delà-lire ils efloycnt tombez. Et allèrent auec-queluyVincent Simon,Michel Gouor amp;nbsp;autres iufquts au nombre de feize.
Nos
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Nosgensjcômc i’ay dit ci deuant,eftoyét du cofte de la riuiere au delà du Fort, amp;nbsp;le iourmefmc virent de l’autre cofte vers le Fore vnc trouppc d’hommes en armes, l’cn-fcignedcfployec. Apres qu'ils eurent cognu par côiclt;fturcs,autât qu’ils en peurent prtn dre,en telle diftance de lieu, que c’eftoyent Flefpagnoîs : Nos François en telle abyfme d’angoifle,pour extreme recours enuoycrec à nage quelques vns delà compagnie, pour leur faire offre defe rendreleurs vies fauues. Les deleguez furent receus de prime face af-fez humainement.
Le Capitaine de cefte compagnieHcfpa gnôle,lequel,fc faifoit nommer Vallcmâdc, protefta en foy de gentil-home, chcualieramp; Chreftien, dcfabicn-vucillance enuers les -^ çon qiiiauoit cRtdc tout tcps pratiquée en lag'icrrc,quc l’Hefpagnol viâoricux fc coa têtaftjà l’endroit du Frâçois principalemét, fans paflcrplus outrc:cxhortat en truclicmét afin que tous fulîcnt perfuadez de cede bel le promefle, que jamais il ne voudroit faire fautecnccftcndroit, dcqnoy les nations fe puiflenten apres rclfentir.Etpreftementfit accouftrervne barque,en laquelle il côman da qu’il y euftcinqHefpagnols qui entraf-fent dedans,qu’ils pafTalTcnt outre à nos gcs:cc qu’ils firét.Orcftâs pafl'cz,amp; la harangue faite de la part du capitaine Vallemande,le capitaine lelian Ribaut entra des pre-micrscnlabatque auec les autres,iufques
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au nombre de trente j qui fut rcceu de Val-Icmandefllfer humainement,mais les autres Icfquels eftoyent de fa compagnie furent menez aflez loin arrière de luyamp;licz tous, deux à deux,les mains derriere le dos.
Alors le reftedes noftres pafToit »trente eawJJiisJt àla fois, cependant que Vallcmande faifoit JieiMrtL entretenir de paroles feintes amp;nbsp;fimulces ce bon capitaine lean Ribaut, lequel s’atten-doit fimplcment à la foy de ce Vallemande, à laquelle il s’eftoit rendu. Or les nollres e-ftans tous paflez furent ainfi liez cnfcrable deux à deux. Et comme ils eftoyent tousen-lemble, François amp;nbsp;Hcfpagnols, amp;nbsp;chemi-noyent vers le fortdc capitaine lean Ribaut amp;nbsp;autres,nommc'mcnt le ficur d’Ottigny, quand ils virent ainfi les noftres cftanscouplez cnfcmble, commencèrent à changer de couleur. amp;dcrccheffc recommandèrent àla foy dudit heur de Vallcmande qui les affeu roitdcur difant, que ccslicnseftoyent feulement pour les mener iufqucs au fort en af-fcurancc, que là il leur ticijdroit ce qu’il auoit promis.
Et comme ils eftoyent aflek pres du fort,-ilcommcnça à s’enquérir de ceux qui eftoy ent matelots charpétiers de nauire, canonniers, amp;nbsp;autres, Icfquels feroyent vtilcs aux offices delà marine : Icfquels cftans choifis /etrouucrcnt le nombre de trente hommes. Et bien toft apres voici vne compagnie du fort, laquellecompag lie venoit à l’encontre de nos gens, Icfquels on faifoit marcher arrière
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arriéré du fieur de Vallemandc amp;dc fa corn pagnie,ainfi comme on feroitvntrouppeau de bettes, lequel on chaflcroit à la bouche-
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rie.Lors a Ion de finres, tabouriRs amp;nbsp;trom-pts, la hardieife de ces furieux Hefpagnols fe desbande fur ces poures François, Icfquels cttoyent liez amp;nbsp;garrottez. Là c’ettoit à qui donneroit le plus beau coup de picquede hallebarde amp;nbsp;d’efpectde forte qu’en demie heure ils gagnèrent le champ ,amp; emportèrent cette glorieufe viéloire , tuans ceux la vaillamment qui s’ettoyent rendus, amp;nbsp;lef-quels ils auoyentrcccu à leurfoyamp; fauue-garde.
Ordurât cette cruauté le Capitaine lean Ribaut fait quelques rcmonttranccs à Vallemande,pourfauuer fa vie : mcfmes le fieur d’Ottigny fe iettant à fes pieds ,l’appelloit de fa promette. Mais tout cela ne leur feruit de rien, car leur tournant le dos, marcha quelques pas arricred’cux,amp;l’vn de fesbour teaux frappa par derriere d’vncoupde dague le Capitaine Ieâ Ribaut,tellement qu’il le fit tomber par terre: amp;nbsp;puis bientotta-pres redoubla deux outrois coups,tant que illuy eut ottclavie.
Voila quel ha ette le traittement qucles noftrcs(lefqucls s’ettoyent rendus fous om- captaine brede boue foy) ont receu del’Hefpagnol. Aiiaar. Et pour combler leur cruauté amp;nbsp;barbarie: ils ont rafe la barbe du Lieutenant du Roy, pourfairemottrcdcleur cxpcdition;amp;l’ont bien tott apres enuoyce àScuillc, ainficom
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me aucuns de nos matelots, rcfcruez Remployez pour cc mcfmc voyage, nous ont ces jours paficz fidèlement raconte, nommément Ckrillofle le Breton du Haute de G ra ce,lequel s’eft fecrettement retire de Seuil-le à la ville de Bordcaur, amp;nbsp;s’eft fait porlet parlesnauires de Bordeaux à Dieppe. Et pour le Trophée de leur renommee amp;nbsp;vi-(ftoirc,defmembrcrcnt le corps de ce bon amp;nbsp;fidele feruiteur du R oy : amp;nbsp;firent de fa te-fte quatre quartiers. kfquels ils fichèrent en quatre picques, amp;nbsp;puis les plantcrct aux quatre coins du Fort.
Voici où finit le petit difeours du voyage delà Floride, rédige au vray par ceux qui s’en retirèrent. Ce qui s’enfuit nous l’auons ouy acertener àvn Gentilhomme Gafeon, S: à d’autrcs,qui auoyent aufsi veu la Floride. C’eft à fiuoir.que ces maflacrcurs amp;nbsp;bourreaux d’Hcfpagnc, pourcourôner leur fànglante tragedie par quelque notable cx-ploitjfirent faire vn beau grandfeii deioye, amp;nbsp;ayans entaflelà deftus tous ces corps de hommcsjdc femmes amp;nbsp;depetis enfansjles rc duifirenten cendres : difans que c’eftoyent de mefehans Luthériens,qui cftoyent venus infctâer cefte nouuelle Chreftiente, Si y ferner des hcrcfies. Et quant au Capitaine lean Ribaut, ils liiy cfcorchercnt la peau du vifagcjaucc la barbe,qu’il auoit fort longue» les yeux, le nez amp;nbsp;les oreilles, amp;nbsp;enuoyerent Icmafque ainfi deffiguré au Pérou, pont en faire leurs monftres.
Au
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Au rcfte il couroit lors vn bruit,que phi-fieurs tiennent encore aiiiourd’huy pour ve ritablcîà fauoir quecefte entreprife ne fut paspluftoft faite, qu’il y eut des mclTagcrs Iccrets en campagne pour aduertir l’Hcfpa-giiolcpi’ii aiguifallfes couteaux : parccquc laplulpart de ceux qui palfoyentcn la Floride clloyctdes Huguenots perturbateurs du Royaume,amp; ennemis du Roy ; que ce fe-roit vnc belle depefehe, amp;nbsp;que la France n y perdroit gucrcs. Si cela cft vray ou non , ie m’en mpportc à ce qui en eft, amp;nbsp;aux penfio-naircs d’Hefpagnc.
Comment que ce foit,il cft bien certain que le feu roy Charles ncuftefme importune pas les plaintes des vefucs, des orphelins amp;nbsp;des parens de ceux qui auoyent cité maf-facrez, en demanda railon amp;nbsp;iuftice au Roy d’Hefpagnc, amp;nbsp;que ledit Roy d’Hefpagnc, dcfauoua Icfaif.amp;en fit Elire informations en la nouuellc Hcfpagnc. Cependant ceux quieftoyent morts ,eftoycnt morts :amp; les niaflacreurs ne laiftoycnt pas de fe promee neramp;defaire;la piaffe en Hefpagne amp;nbsp;ailleurs. lufqu’à ce qu’il furuint d’autres affaires,amp; vnc pluye, qui lauacc fang-la, amp;nbsp;ne s’en parla plus. Ccpcdât il n’ha pas cfté en la puiffance des Hcfpagnols,ny ne feraiamais, d’effacer la fouuenâce de ceft aétc de la mémoire des hommes, n’y de la prcfencc de Dieu, auquel ce fang fi mefehamment efpan-du demande encore auiourd’huy vengeance.
Quant àla Floride, cucorc qu’elle fern-
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ble aulourd’huy perdue pour Ies François» tant y ha queleur nom amp;nbsp;leur memoirey eft encore tant aimée,à caufe des courtoilîcs qu’ils ont exercées enuersccs poures Bar-baresficreferuclaviolence dontle capitaine Lauduniere amp;nbsp;fes gens vferent par necef-fitc)quc s’il y alloycnt encore, ils y feroyent mieux venus que iamais-Et de fait ils en ont encore fi bonne fouuenance, que quand quelqu’vn arriue à leur bord,la plus belle ca reflequ’ilsluyfauentfaire,c’eft deluy dire Du fans de ma pen fee, ou Bien-heureux efl tjui-concjues [en à Dieu volontiers. C’eft comme luy demander le mot du guct,pourfauoir s’il eft François ou nôn;à caufe que les François tftans en ce pays laleurapprenoyent à prier Dieu , amp;nbsp;à chanter des Pfeaumes: ou bien ils ont retenu les deine ou trois mots de CCS Pfeaumes-la, pour les auoirouy fou-uent chanter à nosgens-.fi vous en voulez fa-uoir duuantagc, allez le ccrchcr:car c’eft tout ce qu’ils en fauucnt. Et au refte quand ils peuutnt rencontrer quelqu’vn qui entend le mot du guet, amp;nbsp;qui parle François, ils Iccarefl'ent comme leur allie, amp;nbsp;luy font toute la chere qu’ils peuvent. Au lieu que quand ces Âofi«;;d’Hefpagnols y vont, ils les aiment tant qu’ils les voudroyent volon tiers auoir mamp;ngez; parce qu’au lieu de leur
Dufons de ma penfee,oa Eiîans afis, ils ne fauent relpôdre qu’à coups de piftole.
Requefte
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REQVESTE AV ROY, EAI-tc par les femmes vcfucs,enfans orphelins, parens amp;nbsp;amis de fes fuicts,qui ont elle cruellcmct mafTacrez par les Hcfpagnols^ en la Frâce Antartique,nómec la Floride.
SIrcjil y ha vne infinité de pontes amp;nbsp;miferablcs perfonnes, femmes vcfucs amp;nbsp;enfans orphelins,tous vos fiiicts amp;nbsp;vaf-faux,qui fe prefentent aux pieds de voftrc Maiellc, k s larmes aux yeux ÿuccl’cntiere obcifTance amp;nbsp;naturelle fubie-ûion qu’ils vous doyucnt ; portas en leur main deuant voftre excellence amp;nbsp;grandeur, vn pitoyable difeours de leurs tres-iuftes côplaintcs amp;nbsp;doléances; ou pluftoft le trifte fpcftacle amp;nbsp;pourtrait vifible de leurs peres, leurs maris, leurs enfans, leurs frères, leurs ncueux.coufins amp;nbsp;alliez, iufqucs au nombre de huift ou neufcens hommes que femmes, amp;nbsp;enfans, quafi tous maflacrez amp;nbsp;taillez en pieces en la terre de la Floride, par le capitaine Petremclaude , amp;nbsp;fes foldats Hcfpa-gnols. Et d’autant que l’outrage du faift eft aftez odieux amp;nbsp;trop vilain de fby-mefmc, amp;nbsp;que le fang de vos poures fuicts ainfi trai ftrueufement rcfpandu cric vengeance dc-uant Dieu.
C’eft à voftre Maicfté,Sirc,dc confideror s’il vous plaift,que comme il vous ha cftablx
GG.j.
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pour fouucrain Roy , amp;nbsp;baille l’obeiflance 4c tant de peuples en main ,pour les régir parbonnes loix, amp;nbsp;les maintenir amp;nbsp;deten-*drefous voftrcfauucgardc. Aufsiles poures fupplians n’ont autre attente 8i recours,(a-pres Dicu)qu’à implorer vollre aide amp;nbsp;pro-‘teéïion ,amp;fupplicr trcs-humblemét voftrc Maiefte de leur tedre la main,lcslredrcflcr ôç roullenirgt;mcfmcmcnt au temps que la playe faigne encore de leurs angoifres:brcf, leur af fifttrauec telle douceur îkconfolation,que l’cmbraRemcnt du pere apporte à fes propres enfans,ou lebon vifage de maiftre à fes affeélioncz amp;nbsp;fidèles fcruitpurs. Et de faift leurs plaintes ne font moins dignes de corn iniferationamp;r pitié, que la cruauté de Pe-' trtmclaude Hefpagnol cft contraire à toutes fadions de la pierre amp;nbsp;à toutes loix amp;nbsp;ordonnances quiiamais aycntcllé rcceucs 'de Dieu ne des hommes.
Et pour le vous faire entendre en particulier, voftrc Maiefte,Sire, cft bien infor-‘mcc, que vos fubicts ont cfté par vous envoyez en ladite terre de la Floride, fous voftrc authoritc,amp; fuyuantvoftre commandement expres, amp;nbsp;par vertu de vos lettres patentes en forme de commifsion amp;nbsp;conge, portées par lean Ribaut. Lcfdits vaffaux ar riucz audit lieu de la terre de la Floride ont cfté fiirieufcmcnt inuahispar cinq nauiffs Hcfpagnolsjdont le plus grâd cftoit du port de huid cens tôneaux,amp; les autres demoyc portjjcs gens dcfqucls ont premièrement
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. .t pfislc fort qui auoit cftéconftruict cn lire nom, par les François, les homm’çs femmes amp;nbsp;eufans trouucz dedans ledit fort* ontefte parlcfditsHcfpagnols tuez amp;meur tris,lanslcs prendre à merci : au contraire monftroyct les corps des pet is enfans tranf percez, plantez au bout de leurs picques : amp;nbsp;/ccondemcnt ont fait tuer amp;nbsp;maflacrcr ledit Ribaut,amp; toutefa compagnie, defept àhuiét cens hommes, contre l’allcurance âi lafoy qu’ils luy aaoyent promifc,dc leurfau uer la vie,les ayas liez bras amp;nbsp;mains par der * ricre , appclans vos fubiets mefebans bougres,ladrcs,larrons François,amp; le tout en la prcfcnce amp;nbsp;deuaht les yeux dudit Fibaut. Lequel pour l’horreur dudit malTacre, fe vouloir approcher dudit Petréclaude, pour , fe mettre en fa protection: amp;nbsp;neantmoinsle dit Petremclaudc l’auoit repoufie, amp;nbsp;fait tuera l’inllant parvn defes foldats, qui luy bailla vn coup de dague dedans le corps par derriere. Duquel coup ledit Ribaut tumba parterre ,Scellant tumbe,ledit foldat luy bailla encore vn coup dedans le corps, par déliant, en forte que ledit Ribaut dcmeuri mort en la place. Et ce fait, ledit foldat Iny couppa la telle, luy raza le poil de la barbe, amp;nbsp;partit la telle en quatre quartiers, qui furent plantez fur quatre picques au milieu de la place où les autres Frâçois eltoyct morts. Finalement ledit Capitaine Hcfpagnolcn-iioya vnelcttrcau Roy d Htfpagne, amp;nbsp;fit en elorre dedâsladite lettre Icpoii de la barbe GG.ij.
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dudit Ribaiitrquc Pctrcmclaudc auec lès gens, faifant reccuoir vnclionte, auec telle Brauadej auxferuitcursd’vn Roy fi puiflant Sc renomme, veut bien qu’on entende qu’il aime peu l’honneur,amp; craint encore moins la force amp;nbsp;la rencontre du maiftre. Voftrc Maieftc d’autre part n’ignore pas que pour mieux triompher d’vnemefchanccté, amp;nbsp;redoubler l’outrage de ce crime tant execrable , mcfmes apres la mort on s’eft iouc amp;nbsp;fait comme vnc moquerie de la tefte amp;nbsp;du poil de celuy qui n’eltoit rie moins que vo-llrc Lieutenant general,amp; que le papier d’v ne mißiue ha ferai de plat pourfaire vn pre-fent du poil de fa barbe.
Toutelfois c’eft chofe incroyable jqu’vn Roy ni Prince Chreftien, ne Payen quclcon que voluft auoer ledit Petremclaude pour vnfaift de cruautefi barbare ,amp; qui furpaf-fe la rage amp;nbsp;fureur des tygrcs Sc lyôs: amp;nbsp;d’au tant plus execrable que l’execution s’encft faite en plein iour de paix,àtrcfuc amp;ap-pointemcntd’amitic , fans guerre ouucrtc de voftre part contre autre nation ne fei-gneuric quclconque.Et neantmoinsles Hcf pagnols y ont mis la main,voire furies lieux amp;pcrfonnes qui de rien ne touchent, ni appartiennent à autre qu’à voftre Sceptre amp;nbsp;Couronne, linon que Petremclaude voluft dirci que la force d’vn eftranger ha lieu contre le Roy.pourvlurpcrce qui eft voftre, ou s'approprier la puillancc de commander en voftre place,ou bien fedoncrl'autorité des lettres
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lettres,amp; le regard ou foin de chaftiment amp;nbsp;correftion fur eux,comme Dieu vous ha commis pour fubiets, auecvnlicnfi eftroit de fubieàtionjd’obcilfancc, amp;nbsp;naturelle affe étion enuers v ous,que pluftoft ils mourroy ent de mille morts, que de condefeendre à l’opinion de changer de maiftrc,ni baiffer le col fous la merci d’autre ioug à nouuelle principauté.
Si donques Petremclaude eft defauouc, fonmaiftre n’a que dire , qu’il n’en fait ou vous lailfc faire la iuftice, aucc fatiffiétion amp;nbsp;reparation telle qu’à vous appartient: vous remettant amp;nbsp;quittant au furplus la ia • rifdiélion amp;nbsp;polTcfsion de ladite terre de la Floride, qui de longtemps vous eftoit occu pec amp;nbsp;emparée par vos fubiets en vollre nom, amp;nbsp;fous le titre amp;nbsp;authorise de voftrc Sceptre amp;nbsp;Couronne. loind que vofdifts fubiets n’y ont pasefte chilfcz ni rédiger, commefugitifs ou forbannis,midscomme ambalfadeurs, officiers amp;nbsp;miniftïcs de vo-ftre M3ieftc,amp; tels rccognus amp;nbsp;aduouez par vos lettres patentes de cornmifsion du-didt Ribaut.tcnu amp;nbsp;repute'en celle part corne Toftre perfonne mefme.Et combien que telle indignité foit atroce de foy-mcfine, fi ell-ce qu’elleredouble quand elle demeure impunie ;amp; cela augmente le deshonneur, amp;nbsp;eilend le fcandalc plus loin quand les meurtriers, violateurs de la foy publique font impuniment foullenus amp;nbsp;nourris en leur malice,amp; authonfez.
GG.iij.
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Ccquevoftredcbonnairctc,Sirc-,ne vou dra iamais faire, ains cmbrafl’cra Ic fait la querelle de fes poures fuicts,ainfi iniuHe-ment outragez £iu preiudice de toutes loixj aiiccqucs fi grade cruauté, qu’il fcinble que cefoitpourdiflbudre lesliensde toutclo-cicte humaine, amp;nbsp;rompre l’ordonnance de Dieu,11 bien que ledit Pctrcmclaudc vou-droit par fa rufe faire perdre toute occa-fion de modellic, quand iulques à l’extremc lapatiencceft blcflcc.
Les Cartaginois amp;nbsp;peuples Aftricains ont rcceu grand blafmc amp;nbsp;vitupère de rompre Icurfoy contretous propos,quand Foc cafion s’eft offerte à leurs auantagc.Les Ro mains ont tellement tenu la leur, que mef-mement ils la çardeyent à leurs propres en nemis. Plcuft a Dieu qu’on peuff auiourd’ huy donner telle louange à Pctrcmciaude amp;nbsp;à ceux de fa niaifon,qui fc font Icgeremct difponfez de rompre leur foyamp; promeffe, iurerpar hypocrilic,en abulant du nom de .Dieu, comme pour le faire compagnon de leurtraiffre defloyaute': que fi Dieu le fert quclquefoisdcsmefehans, amp;lcurlafchc la bride pour accomplir la mefiirc de leur for-ccncrie,comme les Cananecns,il n’eft pourtant fuict à la force des hommesiains comme il cfl plus fort que tous, aufsi il fortifie les plus foibles,amp; nousfoliciteamp; poiirfuit défaire noftre deuoir: à fin de n’oublier la rigueurdefa iufiiccamp;vengeance fous ombre de fa douceur amp;nbsp;mifericorde. I antj ha que
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que comme en vn niefmc a ft des crimes amp;nbsp;forfaits des hommesfe déclarent,amp; laiufti-cc de Dieu fc produit:ainfi l’aduertiflcment leur cft propre de ce qui cft dit,que Dieu be fongne aux cœurs des mefehans comme il luy plaift,amp; ncâtraoinslcur jend fclonlcur démérites.
Sire, vous aucz ouy quelsgemiffemens amp;nbsp;regrets,quelles larmes amp;nbsp;pluftoft quels derniers foufpirs accompagnent le trille (ou-uenir de noftrc miferc amp;: calamite',le piteux difeours amp;nbsp;progrez de l’audacieufe îfcandaltufc enrreprife de Pctrcmclaudc,Ics marques de fon iniu(liceamp; tyrâniercfprou nee par toutes loix,les trilles velliges de fon infidélité amp;nbsp;trahifon,lcmefpris intolerable qu’il ha fait devoftreauthorite amp;nbsp;grandeur: bref, le meurtre amp;nbsp;cruauté commife à l’encontre de vos fcruitcursamp; fubicts,tousou la plus part vertueux amp;nbsp;vaillans Capitaines, gens d’honneur amp;nbsp;bonne renommee, gens qui clloycnt pour feruir de muraille viuc à l’entour de voftfcMaicllé , amp;nbsp;faire telle amp;nbsp;frontière à tous ennemis de vollre Eflat» Parquoy s’il fut iamais mémoire d’humaine compafsion amp;nbsp;mifcricordc, les fupplians efpercnt que Dieu par fa bonté en touchera fi viuement'vollrc cœur, que voftre Maic-llc fc voudra reflentir de nos iulles doléances amp;nbsp;pitoyables complaintes jcrnbralfera noftrc fait pour en rendre iullicc. Et pour cell effect nous tendra la main de fa faueur amp;nbsp;proteftion, qui fera vne ccuurc de pitié.
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104 REQVESTE AV ROY.
digne de voftre vocation, amp;nbsp;vn cft'céldcclia ritéenuersvos propres fuicts.pouradou-cirl’amcrtumc de leurs afflidions,amp; tefinoi gner leur innocence à toute la Chrefticntc. amp;nbsp;par ce moyen ferez aime' amp;: rcccu de toutes nations,non feulemct comme Roy.mais auisi comme Pere de voftrc peuple.
FIN.