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LEÇONS
D'ARCHITECTURE.
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AVIS AU RELIEUR.
Il placera après la première Partie les dix planches qui appartiennent
à cette Partie, et à la fin du volume les vingt-deux autres planches.
/
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PRÉCIS
DES LEÇONS
DARCHITECTURE
DONNEES
A L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE,
\
Par J. N. L. DURAND,
ARCHITECTE ET PROFESSEUR D'ARCHITECTURE.
PREMIER VOLUME,
CONTENANT TRENTE-DEUX PLANCHES,
Prix , 20 francs, broché.
A PARIS,
CHEZ L'AUTEUR, A L'ÉCOLE POLYTECHIQUE,
1809.
I KlH^miSTORlk^'MSTrrUUT [
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PREFACE.
(^Juels que soient l'objet de l'Architecture et son but, il
est constant que , de tous les arts , elle est celui dont
l'usage est le plus général, et l'emploi le plus dispendieux.
Il est peu de pays où H n'y ait des demeures particulières
pour les individus , et des édifices publics pour les socie'tés.
Or, il en coûte énormément pour ériger de grands édifices,
et beaucoup pour élever les édifices même les moins consi-
dérables. De-là, pour les hommes qui se destinent à l'Archi-
tecture , la nécessité de posséder les connaissances et les
talents nécessaires.
Les Architectes ne sont pas les seuls qui aient à construire
des édifices, les ingénieurs civils et militaires sont fréquem-
ment dans le même cas. On pourrait même ajouter que
les Ingénieurs ont plus d'occasions d'exécuter de grandes
entreprises que les Architectes proprement dits. En effet,
ceux-ci, dans le cours de leur vie , n'ont souvent que des
maisons particulières à bâtir ; tandis que les autres , outre
les mêmes édifices dont on les charge également dans les
départements éloignés , où les Architectes sont très-rares,
se trouvent par état obligés à élever des hôpitaux , des
prisons , des casernes , des arsenaux , des magasins , des
a
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ij                                  PRÉFACE.
ponts, des ports, des phares, enfin, une foule d'édifices de
la première importance ; ainsi , les connaissances et les
talents en fait d'Architecture leur sont pour le moins aussi
nécessaires qu'aux Architectes.
Mais les jeunes Elèves destinés à entrer dans le génie,
soit civil, soit militaire , ou dans quelque autre service
public , ii'ont que très-peu de temps à consacrer à cette
étude, tant à l'Ecole Polytechnique que dans les écoles spé-
ciales , où ils passent au sortir de celle-ci, et même lorsqu'ils
sont parvenus au grade d'ingénieur. Il fallait donc que, pour
les Elèves , l'étude de l'Architecture devenue extrêmement
courte n'en fût pas moins fructueuse. Or, pour approcher
de ce double but le plus près que nous pourrions , voici
en peu de mots ce que nous avons cru devoir faire :
Afin de n'être point arrêtés, à chaque pas, par la critique
d'une foule de défauts particuliers que l'on rencontre dans
les édifices, critique qui, de nécessité, serait devenue plus ou
moins étendue, nous avons fait connaître, dans une courte
Introduction , les préjugés qui sont la source de ces divers
défauts.
Après avoir ainsi effacé de l'esprit des Elèves les fausses
notions qu'ils pouvaient s'être formées de l'Architecture, et
les avoir prémunis contre d'autres semblables qu'ils auraient
pu s'en former par la suite , nous avons voulu , dans cette
même Introduction , leur donner des idées précises de la
nature de cet art, de son but, de ses moyens , enfin de ses
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PRÉFACE.                                 iij
principes généraux. Afin que ces idées fussent utiles, nous
les avons ge'ne'ralisées de manière que par la suite elles
fissent nécessairement éclore toutes les idées particulières
que, dans le cours de nos leçons, le temps nous a forcés à
passer sous silence ; et pour ne point fatiguer l'attention ni
surcharger la mémoire, nous avons cherché à rendre ces
mêmes idées le plus simples et le moins nombreuses que
nous avons pu, d'une part , et de l'autre, à les unir telle-
ment entre elles, ainsi qu'avec les idées particulières, qu'une
première préparât à la suivante , et que celle-ci rappelât
infailliblement celle-là.
Ayant de la sorte établi dans l'Introduction les principes
généraux, nous avons fait connaître, dans la première par-
tie , les éléments des édifices , tels que les soutiens engagés
et isolés , les murs et les ouvertures que l'on y pratique,
les fondements, les planchers , les voûtes , les combles et
les terrasses, etc. Ces divers objets, nous les avons fait en-
visager sous le rapport de la matière dont ils peuvent être
construits, sous celui des formes et des proportions qu'ils
peuvent recevoir : et dans la seconde partie, nous avons fait
voir comment on devait combiner entre eux ces éléments,
tant horizontalement que verticalement ; comment, au moyen
de ces combinaisons, on parvenait à former les diverses par-
ties des édifices , qui sont les portiques, les porches, les
vestibules , les escaliers , tant au dedans qu'au dehors, les
salles, les cours, les grottes et les fontaines , etc. ; enfin,
a.
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:lv                                PREFACE.
comment ces diverses parties devaient être combinées à leur
tour, c'est-à-dire, disposées les unes par rapport aux autres,
dans la composition de l'ensemble des édifices en général.
Dans la troisième et dernière partie de ces Leçons, qui
formera le second volume de cet ouvrage, tout ce qui a été
dit précédemment sera appliqué à l'examen et à la compo-
sition du plus grand nombre d'édifices publics et particuliers
qu'il sera possible.
Voilà ce qui regarde les connaissances, et l'on sent bien
qu'il ne faut pas beaucoup de temps pour s'en rendre maître.
Mais de quelque utilité qu'elles soient, les connaissances ne
suffisent pas à un Architecte, s'il n'y joint l'art d'en faire
aisément une heureuse application ; et c'est dans cette facilité
seule que consiste le talent. Or , celui-ci ne s'acquiert que
par des actes réitérés, qui ne peuvent avoir lieu sans le se-
cours du dessin. Mais le moindre dessin exige un temps plus
ou moins long , tellement qu'au premier coup-d'œil il
semble que si les connaissances demandent peu de temps,
le talent au contraire en exige nécessairement beaucoup. Cet
obstacle devait donc naturellement fixer, comme il Fa fait,
notre attention sur le dessin.
Selon quelques personnes , le dessin fait la base et de
l'Architecture et des autres arts. Nous n'examinerons pas si
le dessin , étant destiné à représenter les divers objets
dont fait usage l'Architecture, est la base de celle-ci plus
que l'art de tracer les différents caractères de l'alphabet n'est
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PRÉFACE.                                  v
le fondement des divers genres de littérature. Nous nous
bornerons a observer qu'à l'égard de l'Architecture , cette
prétendue base n'est autre chose que l'art de faire et de
laver des dessins géométraux ; art qui ne peut donner que
de fausses idées d'un édifice , puisque la nature ne nous
offre rien de géométral ni quant aux formes ni quant aux
effets. La perspective pourrait seule donner des idées
vraies de l'effet d'un édifice. Mais , chose étrange dans un
art que l'on prétend assimiler aux arts qui ont le dessin
pour base ! ce dernier genre de dessin n'est point en usage
dans l'Architecture ; il y a plus, il y est sévèrement pros-
crit , et la préférence y est exclusivement accordée au
dessin géométral , qui est faux , qui est ridicule lorsque
l'on veut représenter l'effet d'un édifice ; et qui de plus est
extrêmement dangereux, de quelque manière que l'on consi-
dère l'Architecture, soit sous le rapport de Futilité dont elle
est, soit sous celui du plaisir qu'elle procure. Borné à ce
genre de dessin, un jeune homme, s'il est jaloux de réussir,
veut en tirer tout le parti qu'il peut. Mais souvent, et presque
toujours , tel projet qui , dans l'exécution, ferait le plus
d'effet, n'en opère que très-peu en géométral. Qu'arrive-t-il
delà? C'est que celui qui compose, voulant former des masses
et produire de l'effet dans l'élévation géométraîe , ajoute
des parties inutiles, en soustrait quelquefois d'essentielles;
et si par malheur, séduit par le charme du dessin, par la
finesse du trait ou par la pureté des teintes, on vient à
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vj                                PRÉFACE.
exécuter un semblable projet, alors, non-seulement l'esprit
d'un spectateur raisonnable n'en est point satisfait , mais
l'œil de l'Architecte lui-même est effrayé d'y apercevoir des
effets, des masses toutes différentes de ce à quoi il s'atten-
dait. Nous ne ferons pas le dénombrement des funestes
suites engendrées en Architecture par l'abus du dessin géo-
métral; il nous suffira d'ajouter que ce genre de travail fait
un tort irréparable à des jeunes gens qui, souvent, malgré
les obstacles que leur oppose une aveugle routine, manifes-
tent des talents ; parce qu'il leur enlève un temps considé-
rable qu'ils pourraient sagement employer à multiplier leurs
connaissances.
Si, pour les Elèves qui consacrent tout leur temps à
l'étude de l'Architecture , il est si dangereux de s'occuper
du dessin au point de le confondre avec l'Architecture, il
l'est bien plus encore pour ceux qui se destinent au Génie ;
et l'on sent assez combien, à l'égard de ces derniers, nous
avons dû. nous montrer sobres dans l'emploi que nous avons
fait du dessin d'après les observations que nous venons
d'exposer à ce sujet. Aussi , l'avons-nous presque réduit à
un simple trait destiné à indiquer la forme et la disposition
des objets ; et si nous avons eu recours au lavis, ce n'a été
que pour distinguer les pleins d'avec les vides , dans les
plans et dans les coupes. C'est ainsi que justement avares
du temps des Elèves, nous n'en avons consacré au dessin,
devenu si peu de chose, qu'une très-faible portion.
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PRÉFACE.                                 vij
Mais, nous dira-t-on , ce n'est pas sur le dessin seul de
l'Architecture que nous pre'tendons faire reposer celle-ci,
c'est sur le dessin en général, et sur celui de la figure en
particulier. Les Michel-Ange et les Bernin, etc., n'étaient-
ils pas à-la-fois et peintres et architectes ? N'est-ce pas à leurs
talents dans le dessin qu'ils ont dû leurs succès dans l'Ar-
chitecture ? Le dessin, il est vrai, met à même d'exprimer
aisément ses pensées , ce qui le rend extrêmement recom-
mandable. Mais nous sommes loin de le regarder comme
une chose essentielle ; car pour ce qui est des Architectes
que l'on vient de nous citer, quand même nous convien-
drions de leur supériorité , ce que nous n'avons garde de
faire , nous ne conviendrions pas pour cela que ce fût à
leurs talents dans le dessin qu'ils doivent leur réputation.
En effet, personne s'est-il jamais avisé de vanter Palladio
comme dessinateur ? Est-il néanmoins quelqu'un qui lui
refuse la gloire d'être le plus grand Architecte ? Nous invi-
terons donc les Elèves à se préparer à l'étude de l'Architec-
ture par l'exercice du dessin ; mais nous leur recommanderons
en même temps d'abandonner celui-ci lorsqu'ils étudieront
celle-là, plutôt que de les confondre l'un avec l'autre.
Non-seulement nous avons réduit le dessin à ses plus
simples termes , mais nous avons encore affecté de mettre
sur une même feuille le plus grand nombre d'objets qu'il
nous a été possible, afin que la plupart des lignes qui con-
courent à les représenter, leur devenant communes, on pût
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viij                            PREFACE.
dessiner un assez grand nombre d'objets en aussi peu de
temps que l'on en aurait mis à dessiner chacun d'eux si on
l'avait fait séparément.
Quoi qu'il en soit , et des principes que nous avons
posés , et des moyens que nous avons mis en œuvre, si
ceux-là n'ont pas le dernier degré de bonté, ni ceux-ci le
dernier degré de brièveté , nous n'en sommes pas moins
fondés à nous flatter qu'en suivant la marche que nous
avons indiquée , on fera , en peu de mois, ce que jusqu'à
présent on n'a pu faire que pendant un grand nombre
d'années.
En beaucoup d'endroits nous avons renvoyé nos Lecteurs
à notre parallèle ; il fallait donc leur expliquer ce que c'était,
leur en donner une ide'e exacte, et tel est l'objet de la notice
qui termine la seconde partie.
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INTRODUCTION.
JL'architecture a pour objet la composition et l'exécution
tant des édifices publics que des édifices particuliers.
Ces deux genres d'édifices se subdivisent en un grand
nombre d'espèces , et chaque espèce est encore susceptible
d'une infinité de modifications.
Les édifices publics sont : les portes de ville , les arcs de
triomphe, les ponts, les places, les marchés, les écoles, les
bibliothèques , les muséum , les maisons communes , les
basiliques, les palais, les hospices, les bains, les fontaines,
les théâtres , les prisons , les casernes , les arsenaux , les
cimetières, etc.
Les édifices particuliers sont les maisons particulières à
la ville, les maisons à loyer, les maisons de plaisance , les
maisons rurales , ainsi que toutes leurs dépendances , les
ateliers, les manufactures et les magasins, etc.
La différence des mœurs, des usages , des localités, des
matériaux , des facultés pécuniaires , introduit nécessaire-
ment une foule de variétés dans chaque espèce d'édifice.
Si pour apprendre l'architecture il fallait étudier, l'une
après l'autre , les diverses espèces d'édifices dans toutes les
circonstances qui peuvent les modifier , une semblable
étude , en supposant qu'elle fut possible , serait non-seule-
ment très-longue , mais encore très-imparfaite. A coup sûr,
on n'acquerrait que des idées isolées, qui, loin de se prêter
un mutuel secours , se heurteraient souvent les unes les
autres, et jetteraient par conséquent d'autant plus de confu-
A
Objet de
l'Architectu-
re.
Deux gen-
res d'édifices.
Edifices pu-
blics.
Edifices par-
ticuliers.
Modifica-
tions des édi-
fices.
Manière
dont on étu-
die ordinai-
rement l'Ar-
chitecture.
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2                       INTRODUCTION.
sion dans l'esprit, que le nombre en serait plus considérable.
Au lieu de suivre une telle marche, si l'on s'appliquait
aux principes de l'art dont il s'agit, c'est-à-dire, à la
recherche de certaines idées peu nombreuses , mais géné-
rales et dont toutes les idées particulières émaneraient néces-
sairement , alors , non - seulement on abrégerait beaucoup
le travail, mais encore on le rendrait pi vis fructueux ; car
par-tout et dans tous les temps, on parviendrait sans peine
et par une voie non moins prompte que sûre, à composer
toutes sortes d'édifices et à les exécuter.
Mais les principes de tout art, de toute science ne sont que
des résultats d'observations. Or, pour les découvrir, il faut
observer, et pour observer avec fruit, il faut le faire avec
me'thode.
Dans tous les cours d'architecture, on divise cet art en
trois parties distinctes : la décoration , la distribution , et
la construction. Au premier coup d'oeil cette division paraît
simple, naturelle et avantageuse. Mais pour qu'elle fut telle
en effet , il faudrait que les idées qu'elle offre à l'esprit
fussent toutes applicables à tous les édifices , cjue ces idées
fussent toutes générales , et comme des points élevés d'où
l'on pût embrasser l'ensemble de Fart, descendre ensuite à
toutes les idées particulières et en parcourir toute l'étendue.
Or des trois idées exprimées par les mots décoration , dis-
tribution
et construction, il n'y en a qu'une qui convienne à
tous les édifices. D'après l'idée que l'on attache ordinaire-
ment au mot décoration , la plupart des édifices n'en sont
pas susceptibles. Par distribution , on n'entend autre chose
que l'art d'arranger, suivant nos usages actuels , les diffé-
rentes parties qui composent un bâtiment d'habitation, car
on ne dit pas : Distribuer un temple, un théâtre, un palais
de justice, etc. Le mot construction, qui exprime la reunion
Division
ordinaire de
l'architecture
en trois par-
ties : décora-
tion , distri-
bution et
construction.
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INTRODUCTION.                        3
des différents arts mécaniques que l'architecture emploie ,
tels que la maçonnerie , la charpenterie, la menuiserie , la
serrurerie, etc., offre donc seul une idée assez générale et
qui convienne à tous les édifices.
Mais puisque l'architecture est non - seulement l'art d'exé-
cuter , mais encore celui de composer tous les édifices
publics et particuliers, et que l'on ne peut exécuter un édi-
fice quelconque sans l'avoir conçu, il faudrait qu'à l'idée de
construction se trouvât jointe une autre idée générale, de
laquelle découleraient toutes les idées particulières qui
doivent guider dans la composition de tous les édifices. Or,
cette idée générale n'étant point offerte par cette méthode,
celle-ci conséquemment est vicieuse.
Non - seulement cette méthode est vicieuse, en ce qu'elle
ne donne de l'architecture qu'une idée incomplette , mais
elle est même dangereuse, car elle en donne les idées les plus
fausses, comme on le verra tout à l'heure.
Et quand même cette méthode donnerait de l'architecture
des idées justes et générales, l'inconvénient qui en résulte
dans la pratique devrait suffire pour la faire abandonner.
De cette division de l'architecture en trois arts indépendants
les uns des autres, que l'on peut, que l'on doit même étu-
dier séparément, il arrive que celui qui veut devenir archi-
tecte prend plus de goût pour l'un de ces arts, s'y attache
de préférence, néglige les deux autres, souvent même ne
s'en occupe pas du tout, et n'acquiert par conséquent qu'une
partie des connaissances qui lui sont nécessaires.
Cependant, il est impossible d'embrasser à-la-fois toutes
les idées particulières comprises dans l'idée générale d'archi-
tecture. H faut donc diviser celle-ci : mais, loin que cette
division mette en opposition entre elles les idées particu-
lières , ce qui arrive souvent, elle doit les rattacher ensemble,
A 2
Ier Défaut
de cette me
thode.
sme Défaut,
3'»e Défaut.
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4                       INTRODUCTION.
par l'ordre simple et naturel dans lequel elle les présente à
l'esprit.
Pour réussir dans tout ce qu'on entreprend, il faut avoir
un but réel, un but qui soit raisonnable, autrement ce ne
peut être que par le plus grand hasard que l'on obtient du
succès. Mais si le but que l'on se propose est chimérique ,
alors plus on marche , plus on s'éloigne du véritable ; ce
dont on ne voit que trop d'exemples.
Ce n'est pas tout d'avoir un but réel, il faut encore avoir
les moyens de l'atteindre. Ainsi, le but que l'on doit se pro-
poser , quand on s'occupe de la composition et de l'exécution
des édifices tant publics que particuliers, et les moyens qu'il
s'agit d'employer; voilà ce qui d'abord doit faire la matière
de nos observations.
Cela posé, nous en déduirons naturellement les principes
généraux de l'architecture ; et ceux-ci une fois connus, nous
n'aurons plus qu'à les appliquer, i° aux objets que l'archi-
tecture emploie, c'est-à-dire, aux éléments des édifices; o.° à
la combinaison de ces éléments, en d'autres termes, à la
composition en général ; et 3° à la réunion de ces com-
binaisons dans la composition de tel ou tel édifice en
particulier.
Tels sont les objets^ de notre étude, et tel est l'ordre dans
lequel nous les examinerons.
Selon la plupart des architectes, l'architecture est moins
l'art de faire des édifices utiles, que celui de les décorer.
Son but principal est de plaire aux yeux, et par-là d'exciter
en nous des sensations agréables : ce à quoi, ainsi que les
autres arts, elle ne peut parvenir que par l'imitation. Elle
doit prendre pour modèle, les formes des premières cabanes
que les hommes ont élevées, et les proportions du corps
humain. Or, les ordres d'architecture inventés par les Grecs,
Manière
dont on doit
étudier l'Ar-
chitecture.
Idée que
donnent de
l'architecture
la plupart des
auteurs qui
en ont traité.
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INTRODUCTION.                        5
imités par les Romains, et adoptés par la plupart des nations
de l'Europe, étant une imitation du corps humain et de la
cabane, font par conséquent l'essence de l'architecture. D'où,
il suit que la beauté des décorations formées par les ordres
est telle , qu'en aucune manière on ne doit regarder à la
dépense dans laquelle entraîne nécessairement la décoration.
Mais on ne peut décorer sans argent; et par conséquent,
plus on décore, plus on dépense. Il est donc naturel d'exa-
miner s'il est vrai que la décoration architectonique , telle
que les architectes la conçoivent, procure tout le plaisir
que l'on s'en promet „ du moins, si ce plaisir compense
les frais qu'elle occasionne.
Pour que l'architecture puisse plaire en imitant, il faut
qu'à l'exemple des autres arts, elle imite la nature. Voyons
si la première cabane que l'homme a faite est un objet natu-
rel; si le corps humain peut servir de modèle aux ordres;
voyons enfin si les ordres sont une imitation et de la cabane
et du corps humain.
Prenons d'abord une idée de cette cabane et de ces ordres.
Voici comment Laugier s'exprime au sujet de la cabane :
« Considérons, dit - il, l'homme dans sa première origine ,
ce sans autre secours, sans autre guide que l'instinct naturel
« de ses besoins. Il lui faut un lieu de repos. Au bord d'un
« tranquille ruisseau, il aperçoit un gazon ; sa verdure nais-
« santé plaît à ses yeux ; son tendre duvet l'invite ; il vient ;
« et mollement étendu sur ce tapis émaillé, il ne songe qu'à
« jouir en paix des dons de la nature ; rien ne lui manque,
ce il ne désire rien ; mais bientôt l'ardeur du soleil qui le
« brûle l'oblige à chercher un abri; il aperçoit une forêt qui
« lui offre la fraîcheur de ses ombres, il court se cacher dans
« son épaisseur, et le voilà content. Cependant, mille va-
« peurs élevées au hasard se rencontrent et se rassemblent,
Examen, de
ces idées.
Description
de la cabane
par Laugier.
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6                       INTRODUCTION.
« d'épais nuages couvrent les airs, une pluie effroyable se
« précipite comme un torrent sur cette forêt délicieuse.
«■L'homme, mal couvert à l'abri de ces feuilles, ne sait plus
« comment se défendre d'une humidité incommode qui le
« pénètre de toute part. Une caverne se présente , il s'y
« glisse ; et se trouvant à sec, il s'applaudit de sa découverte,
« mais de nouveaux désagréments le dégoûtent encore de ce
« séjour, il s'y voit dans les ténèbres, il y respire un air
« mal-sain; il en sort résolu de suppléer, par son industrie,
« aux inattentions et aux négligences de la nature. L'homme
« veut se faire un logement qui le couvre sans l'ensevelir*
a Quelques branches abattues dans la forêt sont les maté-
« riaux propres à son dessein. Il en choisit quatre des plus
ce fortes, qu'il élève perpendiculairement et qu'il dispose en
ce carré. Au-dessus, il en met quatre autres en travers, et
« sur celles - ci, il en élève qui s'inclinent et qui se réu-
cc nissent en pointe des deux côtés. Cette espèce de toit est
ce couverte de feuilles assez serrées, pour que ni le soleil ni
« la pluie ne puissent y pénétrer; et voilà l'homme logé. Il
«. est vrai que le froid et le chaud lui feront sentir leur in-
ce commodité dans sa maison ouverte de toute part , mais
« alors, il remplira Fentre-deux des piliers et il se trouvera
« garanti.
ce La petite cabane que je viens de décrire , continue
« Laugier, est le modèle sur lequel on a imaginé toutes les
« magnificences de l'architecture ; c'est en se rapprochant,
ce dans l'exécution, de la simplicité de ce premier modèle,
« que l'on évite les défauts essentiels, que l'on saisit les per-
ce fections véritables. Les pièces de bois élevées perpendicu-
cc lairement nous ont donné l'idée des colonnes. Les pièces
« horizontales qui les surmontent, nous ont donné l'idée des
« entablements. Enfin, les pièces inclinées qui forment le
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1NTRODUG T ION.                        7
« toit, nous ont donné l'idée des frontons. Voilà ce que tous
« les maîtres de l'art ont reconnu. »
Les colonnes , les entablements et les frontons , dont la Ordre : ce
réunion forme ce qu'on appelle ordre d'architecture, voilà tqend ordina-
les parties essentielles de Fart, celles qui en constituent les rement
Parce
beautés; et les murs, les portes, les fenêtres, les voûtes, les
arcades, ainsi que les autres parties que le besoin seul y a
fait ajouter, ne sont que des licences que l'on doit tout au
plus tolérer ; telle est la conclusion que tire l'auteur que
nous venons de citer.
De la connaissance de la cabane passons à celle des ordres, Ordres grecs.
et lisons ce que Vitruve nous apprend à ce sujet :
ce Dorus, roi du Péloponnèse, ayant, dit-il, fait bâtir un Dorique,
« temple à Junon dans Argos, il se trouva par hasard de corps hù^
« cette manière que nous appelons dorique ; ensuite, dans main-
« plusieurs autres villes, on en fit de ce même ordre, n'ayant
« encore aucune règle établie pour les proportions de l'ar-
« chitecture. En ce temps-là, les Athéniens envoyèrent dans
« l'Asie mineure plusieurs colonies sous la conduite d'Ion ;
« ils nommèrent lonie la contrée où celui-ci s'établit. Ils y
« bâtirent d'abord des temples doriques , principalement
celui d'Apollon. Mais comme ils ne savaient pas bien quelle
proportion il fallait donner aux colonnes, ils cherchèrent
le moyen de les faire assez fortes pour soutenir le faix de
l'édifice, et de les rendre en même temps agréables à la vue.
Pour cela ils prirent la mesure du pied d'un homme, qui
est la sixième partie de sa hauteur, sur laquelle mesure
ils formèrent leurs colonnes , de sorte qu'ils leurs don-
nèrent six diamètres. Ainsi, îa colonne dorique fut mise
dans les édifices ayant la proportion, la force et la beauté
du corps de l'homme.
                                                                  ionique,
J-                                                                                                                                    imite du
« Quelque temps après, ils bâtirent un temple à Diane, • corps de la
foùwue.
I
-ocr page 19-
8                       INTRODUCTION.
c< et cherchèrent quelque nouvelle manière qui fût belle par
« la même méthode. Ils imitèrent la délicatesse du corps
« d'une femme; ils élevèrent leurs colonnes, leur donnèrent
« une base en façon de cordes entortillées, pour en être
« comme la chaussure ; ils taillèrent des volutes au chapiteau
« pour représenter cette partie de cheveux qui pend à droite
« et à gauche; ils mirent sur le front des colonnes, des cy-
« maises et des gousses, pour imiter le reste des cheveux qui
ce sont liés et ramassés au derrière de la tête des femmes ; par
ce les cannelures, ils imitèrent les plis des robes; et cet ordre
« inventé par les Ioniens, prit le nom <& Ionique.
« Le Corinthien représente la délicatesse d'une jeune fille
ce à qui l'âge rend la taille plus dégagée et plus susceptible des
ce ornements qui peuvent augmenter sa beauté naturelle.
ce L'invention de son chapiteau est due à cette rencontre :
ce Une jeune fille de Corinthe prête à marier, étant morte, sa
ce nourrice posa sur son tombeau, dans un panier, quelques
ce petits vases qu'elle avait aimés pendant sa vie ; et afin que
ce le temps ne les gâtât pas sitôt, étant à découvert, elle mit
<c une tuile sur le panier, qui, ayant été'posé par hasard sur
ce une racine d'achante, il arriva, lorsque les feuilles vinrent
et à pousser, que le panier, qui était au milieu de la racine,
ce fît élever le long de ses côtés les tiges de la plante, qui,
ce rencontrant les coins de la tuile, furent contraintes de se
ce recourber, et de faire le contournement des volutes. Caill-
ée maque, sculpteur et architecte, vit cet objet avec plaisir,
ce et en imita les formes dans le chapiteau des colonnes qu'il
ce fit depuis à Corinthe, établissant sur ce modèle, les pro-
cc portions de l'ordre corinthien.
» Plusieurs colonies grecques ayant apporté dans l'Étrurie,
ce aujourd'hui la Toscane, la connaissance de l'ordre Dorique,
ce qui était le seul dont on fit encore usage dans la Grèce ,
Corinthien,
imité du
corps d'une
jeune filie.
Ordres
Romains.
Toscan.
-ocr page 20-
INTRODUCTION.                        9
« cet ordre y fut long-temps exécuté de la même manière que
« dans le pays d'où il tirait son origine : mais enfin, on y fit
« plusieurs changements , on alongea la colonne , ' on lui
« donna une base, on changea le chapiteau, on simplifia l'en-
« tablement, et cet ordre ainsi changé fut adopté par les
ce Romains sous le nom d'ordre Toscan.
« Long - temps après, les Romains , qui avaient adopté
« les trois ordres grecs, imaginèrent de placer les volutes
ce ioniques dans le chapiteau corinthien : ce mélange fit
« donner aux colonnes où on le remarquait , le nom de
ce Composite. »
Tels sont les cinq ordres que l'on regarde comme l'essence
de l'architecture, comme la source de toutes les beautés dont
la décoration est susceptible ; parce qu'ils sont, à ce que
l'on prétend, imités des formes de la cabane et des propor-
tions du corps humain. Voyons s'ils en sont en effet une
imitation.
Commençons par l'ordre dorique que les Grecs, dit-on ,
fixèrent à six diamètres, parce que le pied d'un homme a la
sixième partie de sa hauteur. D'abord, le pied d'un homme
a, non la sixième, mais la huitième partie de la hauteur de
son corps. D'ailleurs, dans tous les édifices grecs, la propor-
tion des colonnes doriques varie infiniment ( Voy. parallèle,
pi. 63 ) ; et dans cette variété infinie, le rapport exact de six
à un ne se rencontre pas une seule fois. Si quelque archi-
tecte grec s'est avisé d'assigner cette proportion à l'ordre
dorique, il paraît que les Grecs n'en ont fait aucun cas ;
autrement, on la retrouverait, sinon dans tous leurs édi-
fices , du moins dans ceux qu'ils ont élevés du temps de
Péri clés, édifices qui 'passent, avec raison, pour des chefs-
çTœuvres.
La même variété se remarque dans les proportions des
B
Composite.
Les pro-
portions des
ordres sont-
elles imitées
du corps hu-
main ?
Elles ne le
sont point et
n'ont pu l'ê-
tre.
-ocr page 21-
10                     INTRODUCTION.
autres ordres que l'on soutient avoir été' imités du corps de
la femme et de la jeune fille ( Voy. parallèle, pi. 64 )• Il n'est
donc pas vrai que le corps humain ait servi de modèle aux
ordres.
Mais je veux que dans les mêmes cas, le même ordre ait
toujours les mêmes proportions; que les Grecs aient cons-
tamment suivi le système qu'on leur attribue, et que la lon-
gueur du pied soit la sixième partie de la hauteur du corps
de l'homme : s'ensuit-il que les proportions des ordres soient
une imitation de celles du corps humain ? Quelle coinpa-
raison peut - on faire entre le corps de l'homme , dont la
largeur varie à chaque hauteur différente, et une espèce de
cylindre dont le diamètre est par-tout le même? Quelle res-
semblance peut-il y avoir entre ces deux objets, quand même
on leur supposerait une même base, une même hauteur? Il
est donc évident que les proportions du corps humain n'ont
servi ni pu servir de modèle à celles des ordres.
Si les proportions des ordres n'ont pu avoir été imitées
de celles du corps humain, les formes de ces mêmes ordres
ne l'ont guères été davantage de celles de la cabane. Les co-
lonnes ont, ou des bases avec des chapiteaux, ou du moins
des chapiteaux; car on n'admettrait point comme telle, une
colonne qui ne serait absolument qu'un cylindre. Or, on ne
voit rien de tout cela dans les troncs d'arbres ou les poteaux
qui soutiennent la cabane. En vain, dira-1-on que par la
suite, sur les poteaux, on mit des planches ou des plateaux,
pour en élargir la partie supérieure et la rendre plus capable
de porter l'entablement ; vu qu'à longueur égale, une pièce
de bois composée de fibres longitudinales est moins suscep-
tible de se rompre, qu'un morceau de pierre composé de
petits grains agrégés les uns aux autres. Si l'un de ces objets
avait servi de modèle à l'autre, il serait plus naturel de croire
Les formes
des ordres
sont - elles
imitées de
celles de la
cabane ?
-ocr page 22-
INTRODUCTION.                       i r
que les plateaux de bois ont été' imités des chapiteaux en
pierre, que de croire que ces derniers aient été imités des
autres. »
L'entablement n'imite pas plus parfaitement les parties
supérieures de la cabane, que les colonnes n'en imitent les
soutiens. Dans un édifice carré, si l'on met des mutules ou
des modil'ons, que l'on dit représenter l'extrémité des pièces
inclinées du comble de cette cabane , on en met tout au-
tour ; il serait même-ridicule d'en agir autrement. Cepen-
dant, dans la cabane, ils ne se voient que de deux côtés;
il en est de même des trigliphes. D'ailleurs, dans la cabane,
l'extrémité des poutres ou solives, dont les trigliphes, dit-on,
sont une imitation, est lisse, et les trigliphes sont cannelés :
ils ne doivent même leur nom qu'aux deux canaux et aux
deux demi-canaux qu'on y remarque. Si donc les architectes
qui ont inventé les ordres, ont cherché à imiter la cabane,
ils l'ont certainement très-mal imitée. Mais il paraît, par ce
qu'en dit Vitruve en plus d'un endroit, que les Grecs, loin
de s'assujétir à imiter cette cabane , prirent à tâche, au
contraire, de masquer les parties de leurs édifices qui pou-
vaient ressembler le plus aux parties de la cabane. Voici
comment cet écrivain s'exprime au sujet des trigliphes.
« Long - temps après que l'on eut fait des colonnes en
« pierre, on faisait encore les entablements en bois. Les ar-
ec chitectes grecs trouvant que l'extrémité lisse des solives
« qui portaient sur l'architrave ou principale poutre n'était
ce pas agréable à voir, ils figurèrent dessus avec des ais ou
ce petites planches, ce que nous appelons les plates-bandes
« des trigliphes, et les enduisirent angulairement avec de la
ce cire. Cette cire ne pouvant boire l'eau de la pluie comme
« le reste de l'entablement, l'eau coulait dans ces espèces de
B a
Trigliphes
des entable-
ments dori-
ques , faits
pour dérober
aux yeux le
bout des so-
lives.
-ocr page 23-
12
INTRODUCTION.
« canaux et se rassemblait au bas, en gouttes, que l'on imita
« depuis dans les entablements en pierre. »
Dans les entablements des ordres ioniques et corinthien ,
les Grecs allèrent encore plus loin; ils firent totalement dis-
paraître tout ce qui avait trait à la cabane ( Voy. parallèle,
pi. 65 et 66) : et cependant, par une contradiction bien sin-
gulière, ce sont ces derniers ordres que les partisans de la
cabane regardent comme les plus beaux.
Il est donc eVident que les ordres.grecs n'ont point été
imités de la cabane; et que, s'ils l'avaient été, cette imitation
serait on ne peut pas plus imparfaite , et par conséquent;
incapable de produire l'effet que l'on en attend.
Mais ce modèle n'est-il pas lui-même encore plus impar-
fait que la copie? Qu'est-ce qu'une cabane ouverte à tous
les vents, que l'homme élève péniblement pour se garantir ,
et qui ne le garantit de rien ? Cette cabane peut - elle être
regardée comme un objet naturel? N'est-il pas évident qu'elle
n'est que le produit informe des premiers essais de l'art ?
Serait-ce parce que l'instinct qui dirigea l'homme dans cette
fabrication était si grossier, qu'il ne mérite pas îe nom d'art,
serait-ce pour cela qu'on la regarderait comme.une produc-
tion de la nature ?
Or, si la cabane n'est point un objet naturel, si le corps
humain n'a pu servir de modèle à l'architecture, si, dans la
supposition même du contraire , les ordres ne sont point
une imitation de l'un et de l'autre , il faut nécessairement
en conclure que ces ordres ne forment point l'essence de
l'architecture; le plaisir que l'on attend de leur emploi et de
la décoration qui en résulte est nul ; cette décoration, elle-
même, une chimère; et la dépense dans laquelle elle entraîne,
une folie.
Il suit de-là que, si le but principal de l'architecture est
Frises lisses
des ordres io-
nique et co-
rinthien.
Les formes
des ordres ne
sont pas imi-
tées de la ca-
bane , ou le
sont impar-
faitement.
La cabane
est-elle un ob-
jet naturel ?
L'imitation
n'est pas le
moyen pro-
pre de l'Ar-
chitecture.
-ocr page 24-
INTRODUCTION.                       i3
de plaire, il faut ou qu'elle imite mieux, ou qu'elle cherche
d'autres modèles , ou qu'elle prenne d'autres moyens que
l'imitation.
Mais est-il bien vrai que le principal but de l'architecture Recherche
soit de plaire, et que la de'coration soit l'objet principal dont de l'ArcMte'c-
elle doive s'occuper? Dans le passage de Laugier, celui que ture-
nous avons rapporté plus haut , on voit que , malgré ses
étranges préventions , cet auteur ne peut s'empêcher de re-
connaître que c'est à la nécessité seule que cet art doit son
origine , et qu'il n'a d'autre but que Futilité' publique et
particulière. Et comment aurait-il pu s'aveugler là-deSSUS,
même en supposant que l'homme qui éleva cette cabane,
dont on a fait le modèle de l'architecture , eût été capable
de concevoir l'idée de décoration ? L'idée de ses besoins et
des moyens propres à les satisfaire, ne devait-elle pas
s'offrir la première à son esprit, et même en bannir toute
autre idée ? Est-il raisonnable de croire qu'étant isolé, ayant
à se défendre et de l'intempérie des saisons, et de la fureur
des bêtes féroces , à se procurer une multitude d'avantages
dont jusqu'alors il avait été privé , l'homme, en élevant un
abri, ait seulement songé à en faire un objet propre à ré-
créer ses yeux ? L'est-il plus de croire que les hommes
réunis en société , ayant une foule d'idées nouvelles, et par
conséquent une foule de nouveaux besoins à satisfaire, aient
fait de la décoration l'objet principal de l'architecture ?
Quelques auteurs , qui ont soutenu et développé le sys-
tème de la cabane avec tout l'esprit imaginable, diront que
jusqu'ici il n'est question que de bâtisse ; que sous ce rap-
port , l'architecture n'est qu'un métier ; et qu'elle n'a mérité
le nom d'art, que lorsque les peuples , parvenus au plus
haut degré d'opulence et de luxe, ont cherché à donner de
l'agrément aux édifices qu'ils ont élevés. Mais nous en appe-
-ocr page 25-
i4                     INTRODUCTION.
Ions à ces auteurs-là mêmes. Est-ce lorsque les Romains
furent parvenus au plus haut degré d'opulence et de luxe,
et qu'ils couvrirent de moulures, d'entablements, etc., leurs
édifices, est-ce alors qu'ils firent de meilleure architecture?
Les Grecs étaient bien moins opulents , et leur architec-
ture, où ces objets sont en si petit nombre, n'est-elle pas
préférable à l'architecture romaine ? Ces auteurs en con-
viennent eux-mêmes ; ils vont jusqu'à dire que c'est la seule
qui mérite le nom d'architecture. Eh bien ! cette architec-
ture qu'ils admirent , et qui mérite d'être généralement
admirée, n'eut jamais pour but de plaire, ni pour objet la
décoration. A la vérité , on y remarque du soin , de la
pureté dans l'exécution, mais ce soin n'est-il pas essentiel à
la solidité ? Dans quelques édifices on observe quelques
ornements de sculpture, mais les autres , pour la plupart,
en sont totalement privés, et n'en sont pas moins estimés.
N'est-il pas évident que ces ornements ne soDt point essen-
tiels à l'architecture ? Ceux-là même qu'elle emploie , lors-
qu'elle croit devoir se parer, n'annoncent-ils pas clairement
qu'elle est loin de prétendre à plaire par la beauté intrin-
sèque de ses proportions et de ses formes ? Et si parmi les
dernières en en aperçoit quelques-unes qui n'émanent pas
directement du besoin, les différences qu'on y trouve dans
chaque édifice ne prouvent-elles pas que les Grecs n'atta-
chaient aucune importance à la décoration architectonique ?
Soit que l'on consulte la raison, soit que l'on examine les
monuments, il est évident que plaire n'a jamais pu être le
but de l'architecture , ni la décoration architectonique être
son objet.■ L'utilité publique et particulière, le bonheur et
la conservation des individus et de la société, tel est le but
de l'architecture. Qu'on lui donne ou qu'on lui refuse le
nom d'art, elle n'en méritera pas moins que l'on s'en occupe%
-ocr page 26-
INTRODUCTION.                      i5
qu'on recherche par quels moyens elle peut arriver à son
but, et c'est ce que nous allons faire.
Pour peu que nous y fassions attention , nous reconnaî-
trons que, dans tous les temps et dans tous les lieux, toutes
les pensées de l'homme et toutes ses actions ont eu pour
origine ces deux principes : l'amour du bien-être et l'aver-
sion pour toute espèce de peine. C'est pourquoi les hommes,
soit lorsque isolés ils se construisirent des demeures particu-
lières , soit lorsque re'unis en société ils élevèrent des édifices
publics, durent chercher, i° à tirer des édifices qu'ils cons-
truisaient le plus grand avantage, et par conséquent à les
faire de la manière la plus convenable à leur destination;
2° à les bâtir de la manière la moins pénible dans l'origine,
et la moins dispendieuse par la suite , lorsque l'argent fut
devenu le prix du travail.
Ainsi, la convenance et l'économie, voilà les moyens que
doit naturellement employer l'architecture , et les sources
où elle doit puiser ses principes, les seuls qui puissent nous
guider dans l'étude et dans l'exercice de cet art.
D'abord, pour qu'un édifice soit convenable, il faut qu'il
soit solide, salubre et commode.
Il sera solide, si les matériaux que l'on y emploie sont de
bonne qualité, et répartis avec intelligence ; si l'édifice repose
sur de bons fondements ; si ses principaux soutiens sont en
nombre suffisants , posés perpendiculairement pour avoir
plus de force , et placés à des distances égales , afin que
chacun d'eux soutienne une égale portion du fardeau.
H sera salubre , s'il est placé dans un lieu sain ; si l'aire
ou le pavé en est élevé au-dessus du sol, et garanti de l'hu-
midité ; si des murs remplissent l'intervalle des soutiens qui
en composent l'ossature , et défendent de la chaleur et du
froid la partie intérieure ; si ces murs sont percés d'ouver*
Moyens
qu'elle doit
employer.
Convenance
et économie.
Principes
généraux re-
latifs à la
convenance.
Solidité.
Salubrité.
-ocr page 27-
16                     INTRODUCTION.
tures capables de laisser pénétrer l'air et la lumière ; si toutes
les ouvertures pratiquées dans les njurs intérieurs , en se
correspondant, correspondent aux ouvertures extérieures ,
pour faciliter à l'air le moyen de se renouvelles ; si une cou-
verture le met à l'abri de la pluie et du soleil, de manière
que l'extrémité de cette couverture s'avançant au-delà des
murs, en éloigne les eaux ; et s'il se trouve exposé, soit au
Midi dans les pays froids , soit au Nord dans les pays
chauds.
Enfin il sera commode, si le nombre et la grandeur de
toutes ses parties , si leur forme , leur situation et leur
arrangement sont dans le rapport le plus exact avec sa
destination.
Voilà ce qui regarde la convenance , et voici ee qui con-
cerne l'économie.
Une superficie étant donnée , si, lorsqu'elle est terminée
par les quatre côtés d'un carré, elle exige moins de contour
que lorsqu'elle l'est par ceux d'un parallélogramme, et moins
encore quand elle est terminée par la circonférence d'un
cercle ; si, en fait de symmétrie, de régularité et de simpli-
cité , la forme du carré , supérieure à celle du parallélo-
gramme , est inférieure à celle du cercle , il sera aisé d'en
conclure qu'un édifice sera d'autant moins dispendieux qu'il
sera plus symmétrique, plus régulier'et plus simple. Il n'est
pas besoin d'ajouter que si l'économie prescrit la plus grande
simplicité dans toutes les choses nécessaires , elles proscrit
absolument tout ce qui est inutile.
Tels sont les principes généraux qui, par-tout et dans
tous les temps, quand il a fallu élever des édifices , ont dû
guider les hommes raisonnables ; et tels sont en effet les
principes d'après lesquels les édifices antiques le plus géné-
ralement et le plus justement admirés ont été conçus,
connue on s'en convaincra par la suite.
Commodité.
Principes
généraux re-
latifs à l'éco-
nomie
Synrmétrie.
Régularité.
Simplicité,
-ocr page 28-
INTRODUCTION.                         17
Mais, dira-t-on encore , puisqu'il y a des édifices que l'on
admire ou que l'on méprise avec raison , il y a donc des
beautés et des défauts dans l'architecture : elle doit donc re-
chercher les unes et éviter les autres, elle peut donc plaire ;
et si ce n'est pas là son but principal , elle doit au moins
tâcher de joindre l'agréable à l'utile.
Nous sommes loin de penser que l'architecture ne puisse
pas plaire ; nous disons au contraire qu'il est impossible
qu'elle ne plaise pas, lorsqu'elle est traitée selon ses vrais
principes. La nature n'a-t-elle pas attache' le plaisir à la satis-
faction de nos besoins , et nos plaisirs les plus vifs sont-ils
autre chose que la satisfaction de nos besoins les plus impé-
rieux ? Or , un art tel que l'architecture , art qui satisfait .
immédiatement un si grand nombre de nos besoins , qui
nous met à portée de satisfaire aisément tous les autres,
qui nous défend contre les intempéries des saisons , qui
nous fait jouir de tous les dons de la nature , un art enfin
auquel tous les autres arts doivent leur existence, comment
pourrait-il manquer de nous plaire ?
Sans doute que la grandeur , la magnificence, la variété,
l'effet et le caractère que l'on remarque dans les édifices,
sont autant de beautés, autant de causes du plaisir que nous
éprouvons à leur aspect. Mais qu'est-il besoin de courir
après, si l'on dispose un édifice d'une manière convenable à
l'usage auquel on le destine ? Ne différera-t-il pas sensible-
ment d'un autre édifice destiné à un autre usage ? N'aura-t-il
pas naturellement un caractère, et qui plus est son carac-
tère propre ? Si les diverses parties de cet édifice, destinées
à divers usages, sont disposées chacune de la manière dont
elles doivent l'être , ne dif'fe'reront-elles pas nécessairement
les unes des autres ? Cet édifice n'offrira-t-il pas de la variété ?
Ce même édifice, s'il est disposé de la manière la plus éco-
C
L'Architec-
ture ne peut-
elle pas join-
dre l'agréable
à l'utile.
Il est im-
possible que
les produc-
tions de cet
artneplaisent
pas.
Beautés que
l'on remar-
que dans l'ar-
chitecture.
Elles se
trouvent na-
turellement
quand on
s'occupe de
la disposi-
tion.
-ocr page 29-
18                     INTRODUCTION.
nomique, c'est-à-dire la plus simple , ne parai tra-t-il pas le
plus grand , le plus magnifique qu'il soit possible ? Sans
doute, puisque l'œil alors embrassera à-la-fois le plus grand
nombre de ses parties. Encore un coup, où est la nécessité
de courir après toutes ces beautés partielles ?
Il y a plus, c'est que cela, loin d'être nécessaire, est nui-
sible à la de'coration elle-même. En effet, si parce que cer-
taines beautés dans un édifice vous auront frappé , vous
voulez les transporter dans un autre qui n'en est pas sus-
ceptible , si même ces beautés s'y trouvant naturellement,
vous voulez les porter à un plus haut point que la nature
de l'édifice ne le comporte , n'est-il pas évident qu'elles
# s'évanouiront, peut-être même se changeront en défauts 5 La
Vénus de Médicis et l'Hercule Farnèse sont des figures ad-
mirables ; mais si, parce que la tête de l'une est plus gra-
cieuse ou qu'elle a plus de caractère que l'autre, on plaçait
celle de Vénus sur le corps d'Hercule, et réciproquement,
ces véritables chefs - d'œuvres de l'art ne deviendraient-ils
pas des chefs - d'oeuvres de ridicule ? Et si, parce que les
différentes parties de ces statues sont admirables, le sculp-
teur , pour augmenter la beauté de leur ensemble, en avait
augmenté le nombre, et qu'il eût donné à ces figures quatre
bras, quatre jambes, etc., ne seraient-elles pas au contraire
des productions monstrueuses ? ,
D'après ce qui vient d'être dit, on ne doit ni s'attacher à
ce que l'architecture plaise , vu qu'il lui est impossible de
ne pas plaire ; ni chercher à donner de la variété, de l'effet
et du caractère aux édifices, puisqu'il est impossible qu'ils
n'aient pas ces qualités.
C'est donc de la disposition seule que doit s'occuper un
architecte ; quand même il tiendrait à la décoration archi-
tectonique , quand même il ne chercherait qu'à plaire,
Elles
disparaissent
quand on
s'occupe de
décoration
architeetoni-
que.
Il est inu-
tile et même
dangereux
que l'Archi-
tecture cher-
che à plaire.
La disposi-
tion est l'ob-
jet principal
de l'Architec-
ture.
-ocr page 30-
INTRODUCTION.                     19
puisque cette décoration ne peut être appelée belle, ne peut
causer un vrai plaisir, qu'autant qu'elle est l'effet nécessaire
de la disposition la plus convenable et la plus économique.
Ainsi, tout le talent de l'architecte se réduit à résoudre
ces deux problêmes : i° avec une somme donnée faire l'édi-
fice le plus convenable qu'il soit possible , comme dans les
édifices particuliers, les convenances d'un édifice étant
données , faire cet édifice avec la moindre dépense qu'il se
puisse, comme dans les édifices publics.
On voit par-là qu'en fait d'architecture il est faux qix'il y
ait incompatibilité ou simple compatibilité entre la beauté
et l'économie, et que celle-ci est une des principales causes
de celle-là.
Un exemple va mettre dans le plus grand jour ces idées,
et donner à ces principes le plus grand degré de certitude.
L'édifice connu sous le nom de Panthéon Français , dans
l'origine, devait être un temple : le but que l'on se propose
dans ces sortes d'édifices , quel que soit le culte qu'on y
exerce, est non-seulement d'y rassembler la multitude,
mais encore d'y frapper son imagination par l'organe des
sens : or, la grandeur et la magnificence sont les moyens
les plus propres à produire cet effet. D'après cela, il semble
que la décoration soit , sinon l'objet uniqute , au moins la
chose principale dont on doive s'occuper dans la composi-
tion de semblables édifices, et que la dépense qu'elle exige
ne doive être comptée pour rien. Cependant, nous allons
voir que si dans celui dont il s'agit, mettant de côté toute
idée de décoration, l'on se fût borné à le disposer de la
manière la plus convenable et la plus économique, on aurait
fait un édifice tout autrement capable de produire l'effet que
l'on desirait. Le Panthéon français a de longueur 100 mètres,
sur 80 de large : il est composé d'un portail et de quatre
C a
L'Architec-
ture se réduit
à la solution
de deux pro-
blèmes.
Planche T.
-ocr page 31-
ao                      INTRODUCTION.
nefs, reunies à un dôme, le tout formant une croix grecque.
Le développement des murs est de six cent douze mètres.
On y compte deux cent six colonnes, distribuées au nombre
de vingt-deux pour le portail , de cent trente-six pour les
nefs, et de quarante-huit pour le dôme, qui en présente
trente-deux à l'extérieur et seize dans sa partie intérieure.
Qui ne croirait qu'un édifice tel que celui-là, dont les di-
mensions sont aussi considérables et le nombre des colonnes
aussi prodigieux, offre le plus grand et le plus magnifique
spectacle ? Il n'en est cependant rien. .Cet édifice, intérieure-
ment , n'a que 3,672 mètres de superficie réelle : la superficie
apparente est encore bien moins considérable , puisque la
forme de croix adoptée par l'architecte n'en laisse guères
voir plus de la moitié en entrant.
Le nombre des colonnes ne contribue pas plus à donner
une idée de magnificence, que les dimensions ne contribuent
à donner une idée de grandeur. Des vingt-deux colonnes du
portail, on n'en aperçoit distictement que six ou huit : celles
du dôme sont, pour les trois quarts , masquées par le por-
tail. Pénètre-t-on dans l'intérieur ? on n'en voit distinctement
que seize, toutes les autres sont couvertes par celles-ci. Les
colonnes de l'intérieur du dôme ne se montrent qu'à moitié,
encore pour les apercevoir est-on obligé de faire un effort.
Cependant cet édifice si peu grand , si peu magnifique, a
coûté près de dix-sept millions.
Si, au lieu de courir après les formes que l'architecte a
crues les plus propres à produire de l'effet et du mouve-
ment , il avait fait usage de celles que l'économie présentait
naturellement, dans la disposition d'un édifice qui n'est
formé que d'une pièce, c'est-à-dire d'un cercle, s'il avait em-
ployé les colonnes concentriquement à ce cercle, de manière
à diminuer l'étendue de la voûte intérieurement, et à former
-ocr page 32-
INTRODUCTION..                      21
à l'extérieur un vaste portique , capable de recevoir une
foule de peuple qui devait s'y rendre de toutes parts , quelle
grandeur, quelle magnificence un tel édifice n'aurait-il pas
étalée ! La superficie , dont rien n'aurait dérobé à l'oeil la
moindre partie, aurait été de 4^92 mètres, l'extérieur aurait
constamment présenté trente-deux colonnes, et l'intérieur
en aurait offert une multitude. Voilà deux édifices bien dif-
férents l'un de l'autre. A quoi tient cette énorme différence ?
à ce que, dans le premier, on a cherché à faire du beau , et
que l'on a cru que pour y parvenir il n'y avait d'autre
moyen que de prodiguer l'argent ; tandis que dans le
deuxième on ne s'est occupé qu'à disposer l'édifice de la
manière la plus convenable et la plus économique. En effet,
celui-ci, qui l'emporte en grandeur et en magnificence sur
celui-là , ne renferme que cent douze colonnes , n'a que
248 mètres de développement de murs, et coûterait par con-
séquent la moitié moins, c'est-à-dire, qu'avec la somme qu'a
coûtée l'autre, on aurait pu faire deux édifices, non tels que
celui qui existe , mais tels que celui qu'on y substitue, ou
un seul édifice qui aurait eu le double de celui-là même que
l'on vient de proposer.
Cet exemple, quoique le plus défavorable au système que
nous exposons , suffit néanmoins pour faire connaître la
vérité de nos principes, et l'influence que peut avoir sur la
fortune, sur le bien-être des particuliers et de la société,
l'ignorance où l'on est à l'égard de ces principes ou leur
inobservation.
Récapitulons en peu de mots, sur l'architecture , ce que
nous avons reconnu pour être vrai sur sa nature , sur son
objet, sur son but , sur ses moyens et sur ses principes
généraux.
L'architecture est un art qui a un genre propre , et pour
-ocr page 33-
sa                     INTRODUCTION.
objet la composition et l'exécution des e'difices, soit publics,
soit particuliers.
Son but, en composant et en exécutant des édifices, est
de satisfaire un grand nombre de nos besoins, et de nous
mettre à portée de satisfaire aisément tous les autres.
Les moyens qu'elle emploie pour y parvenir sont la con-
venance et l'économie.
La convenance renferme la solidité , la salubrité , et la
commodité.
L'économie comprend la symmétrie , la régularité et la
simplicité.
La solidité consiste dans le choix et dans l'emploi des
matériaux , dans le nombre et dans la disposition des
soutiens.
La salubrité dépend de la situation , de l'exposition , de
l'élévation du sol , des murs , des ouvertures qu'on y pra-
tique et de la couverture.
La commodité naît du rapport qui lie la forme d'un
édifice , sa grandeur et le nombre de ses parties , avec sa
destination.
Les formes les plus symmétriques, les plus régulières et
les pltLS simples, telles que le cercle , le carré, le parallélo-
gramme peu aiongé , sont les formes les plus favorables à
l'économie, parce qu'elles renferment une même superficie
avec un moindre périmètre que les autres ; et par conséquent,
ce sont celles dont on doit faire usage de préférence.
La décoration n'est point l'objet dont l'architecte doive
s'occuper, à moins que par décoration l'on n'entende l'art
d'appliquer aux édifices la peinture, la sculpture et les ins-
criptions ; mais alors , ce genre de décoration n'est qu'un
objet accessoire.
Les ordres, en tant qu'objets d'imitation , ne sauraient y
-ocr page 34-
INTRODUCTION.                   s3
contribuer , vu qu'ils ne ressemblent à aucun objet de la
nature.
La disposition est la seule chose à laquelle doive s'attacher
l'architecte , quand même il n'aurait d'autre but que celui
de plaire, vu que le caractère, l'effet, la variété, en un mot,
toutes les beaute's que l'on remarque ou que l'on cherche à
introduire dans la décoration ar-chitectonique, résultent na-
turellement d'une disposition qui embrasse la convenance et
l'économie.
Mais avant de disposer un édifice, c'est-à-dire., d'en com-
biner et d'en assembler les parties, il faut les connaître; or,
celles-ci sont elles-mêmes une combinaison d'autres parties
que l'on peut appeler les éléments des édifices, tels que les
murs, les ouvertures qu'on y pratique, les soutiens engagés
et isolés, le sol exhaussé, les planchers, les voûtes, les cou-
vertures , etc. ; ainsi, avant tout, il faut connaître ces
éléments.
-ocr page 35-
-ocr page 36-
PREMIERE PARTIE.
ÉLÉMENTS.
PREMIERE SECTION.
QUALITÉS DES MATÉRIAUX.
Ees divers objets dont l'architecture fait usage se cons-
truisent avec différents matériaux, et consequemment ils ont
des dimensions , des rapports, des proportions et des
formes. C'est sous ces divers aspects que nous allons les
considérer.
_, -, ,                                           t                 , .                 .                                Matériaux.
D abord, occupons-nous des matériaux qui sont, en employés dans
quelque sorte, la substance de ces objets.
On peut les ranger en trois classes :                                      Jmatériauï
Ceux qui , étant durs , d'un travail long et pénible, sont
fort chers par cette raison.
Ceux qui, plus tendres et d'un travail plus facile, sont
pour cela à meilleur marché.
Enfin, ceux qui ne servent guères qu'à lier ensemble les
autres matériaux.
Les matériaux du premier genre sont les granits, les por-
phyres , les jaspes, les marbres et les pierres dures.
Ceux du deuxième sont les pierres tendres, les moellons,
la brique, la tuile, l'ardoise et le bois,
D
-ocr page 37-
26                                            ELEMENTS.
Ceux du troisième sont le plâtre, la chaux, le sable , le
ciment, les différents mortiers qui résultent de leur union,
le fer, le cuivre et le plomb.
Les matériaux du premier genre se divisent en deux
espèces.
Les uns se trouvent en masse dans la carrière, tels que
les granits, les porphyres, les jaspes, les marbres, quelques
grès; et les autres se présentent par couches, tels que les
pierres.
Quoique la composition des granits, des porphyres et des
jaspes soit différente de celle des marbres , on ne laisse pas
de comprendre dans la marbrerie tous ces matériaux, sous
la dénomination de marbre, parce qu'en général ce sont des
matières dures et colorées.
Il y a du granit de différentes couleurs ; il s'en trouve de
rouge , de rose , de vert, de gris et de feuille - morte. Les
couleurs du porphyre varient pareillement ; il y en a de
rouge, de brun , de vert et de gris. Il en est de même du
jaspe, qui est noir ou violet, rouge ou gris ou vert.
On distingue deux espèces de marbre : les marbres an-
tiques et les marbres modernes. On appelle antiques, les
marbres dont les carrières sont perdues , et dont nous
n'avons connaissance que par quelques ouvrages des Anciens;
modernes, ceux dont les carrières existent et dont on fait
usage actuellement.
Parmi les différents marbres antiques et modernes , on
distingue encore les marbres veinés , qui présentent des
veines d'une ou de plusieurs couleurs ; et les marbres
brèches, qui offrent un assemblage de cailloux ou de coquil-
lages incrustés dans une espèce de pâte.
Les marbres antiques sont : le porphyre rouge et vert ; le
lapis, qui est d'un bleu foncé ; le serpentin, qui est d'un
I« PARTIE.
Ire Section.
i er Genre,
divisé en
deux espè-
Marbres en
général.
Granit,
porphyre,
jaspe.
Marbres
proprement
dits.
Veines et
brèches.
Marbres
antiques.
-ocr page 38-
Ire PARTIE.
Ire Section,
arj
QUALITES DES MATERIAUX.
vert-brun ; Y albâtre ; le blanc antique ; le marbre africain,
tacheté de rouge et mêlé de veines blanches et vertes ; le
noir antique , tacheté de blanc ; la brocatelle, nuancée de
jaune. de rouge et de gris ; le jaspe verdâtre, mêlé de taches
rouges ; îe vert et le jaune antique , etc.
Les marbres modernes sont : le marbre blanc, que l'on
trouve à Carare^et qui est le plus estimé; celui du ci-devant
Languedoc, qui l'est le moins, il est d'un vermillon sale ,
mêlé de grandes veines et de taches blanches; le marbre du
ci-devant Bourbonnais, d'un rouge sale, mêle'de veines grises
et jaunes; le sérancolin, qui est gris et jaune, tacheté de sang;
lagriote, qui est de couleur de chair; le vert campan, mêlé
de rouge, de blanc et de vert ; le vert d'Egypte, d'un vert
foncé, tacheté de gris de lin ; le vert de mer, plus clair que
le campan ; la brèche violette et les autres brèches ; le blanc
veiné;
le bleu turquin ; le rance, etc.
Les marbres en général ont l'avantage d'être durs, de pré-
senter à l'oeil le mélange des plus belles couleurs, et de re-
cevoir parfaitement le poli.
Dans les marbres, il se rencontre des défauts capables de
les faire rebuter, tels que d'être fiers, c'est-à-dire, trop durs
et trop difficiles à travailler; filandreux, ayant des fils qui
les traversent, comme le rance, le sérancolin ; terrasseux,
ayant des parties tendres que l'on est obligé de remplir avec
du mastic, comme la plupart des brèches; camelotés, pa-
raissant ternes après avoir été polis\ poufs ^ ne pouvant, sem-
blables au grès, conserver de vive arête.
On imite les différents marbres par une composition
appelée stuc, laquelle, quoique assez dure, est sujette à
l'humidité ; ce qui fait qu'on ne l'emploie guères que dans
les intérieurs.
Le marbre est cher , et, par cette raison, ne s'emploie
D 2
Marbres
modernes.
Qualités
du marbre.
Défauts
du marbre.
Stue.
Emploi
du marbre.
-ocr page 39-
28                                           É L É M E N T S.
d'ordinaire que par revêtement ou par incrustation. On en
fait rarement usage en bloc et en parpain, si ce n'est quand il
s'agit de colonnes, de vases, de cuves, de figures, etc.
Les diverses couleurs des marbres exigent quelque atten-
tion dans leur assortiment. Il faut réserver les marbres blancs
et sans veines pour la sculpture, se servir des blancs veinés
pour les fonds, et réserver ceux qui sont diversement colo-
rés pour les colonnes, pour les frises et pour les panneaux
d'incrustation. On doit éviter les assortiments de couleurs
qui tranchent trop, et encore plus ceux de couleurs à-peu-
près semblables.
A Paris, on n'emploie guères le grès que pour paver; il
y en a de dur et de tendre. La couleur de ce dernier tire
sur le gris. Le grès, pour sa liaison, exige un mortier de chaux
et de ciment. Lorsqu'on en fait usage, il faut, dans la bâtisse,
former des cavités en zig-zag dans ses lits, afin d'empêcher le
mortier de sécher trop vite.
Toutes les pierres se trouvent par couches; mais les unes
sont dures et les autres tendres. Nous n'entrerons pas dans
le détail des pierres de tous les pays, nous nous bornerons
à faire connaître celles dont on fait le plus d'usage à Paris et
aux environs.
La plus belle des pierres dures est celle de liais. Il y en a
quelques carrières vers le faubourg Saint-Jacques, à Saint-
Cloud et à Saint-Leu. Elle porte depuis 18e (7 pouces )
jusqu'à 27e ( 10 pouces ) de hauteur de banc. Il y en a de
deux sortes, le liais franc ou doux et le liais férault. Ce
dernier est plus dur, et s'emploie de préférence dans les
dehors. La chapelle de Versailles en est bâtie. Par économie,
on se sert souvent de liais en place de marbre; on en pave
les vestibules, les antichambres et les salles à manger ; on en
fait des chambranles de cheminée, des cymaises ; enfin, tous
les ouvrages qui exigent une pierre dure et fine.
Ire PARTIE.
Ire Sectiow.
Assortiment
des marbres.
Grès.
Pierres.
Pierres
dures.
Liais.
-ocr page 40-
/
QUALITÉS DES MATERIAUX.                    39 Ire PARTIE.
Ir« Section.
La seconde espèce de pierres dures, celle dont on se sert pierre
le plus fréquemment, vient dlArcueil et de Bagneux. Ces ^w^f
pierres se distinguent en haut et bas appareil. Le premier
porte depuis 48e ( 18 pouces ) jusqu'à 80e (deux pieds et
demi), le second depuis 3ac ( 1 pied) jusqu'à 48e (18 pouces).
On en fait des marches, des cymaises, des seuils, des appuis
et des tablettes.
La pierre de Tonnerre est très-estimée à cause de son grain De Tonnerre.
fin et serré. Aussi pleine que le liais, elle est plus tendre >
plus blanche et porte environ 48e (18 pouces). On s'en sert
ordinairement pour la sculpture. La fontaine de Grenelle en
est entièrement bâtie.
La pierre'de Vergetée, qui se tire à Saint-Leu, est rustique De Vergeiée.
et remplie de petits trous. Elle est excellente pour les cons-
tructions qui se font dans l'eau.
De toutes les pierres tendres, celle de Saint-Leu est la Pierres
pierre dont l'usage est le plus commun. Elle porte depuis
64e jusqu'à im 28e ( 2 pieds jusqu'à 4)- On l'emploie avec DeSaint:Leu,
avantage dans les parties supérieures ; mais on ne doit point
s'en servir dans les lieux humides , ni sous des fardeaux
considérables.
On emploie encore comme pierre tendre, celle de Conflans- De Conflans.
Saint-Honorine, près Saint-Germain ; son grain est très-fin.
L'entablement du porche du Panthéon français est de cette
pierre.
La craie et la pierre à plâtre ne valent pas grand chose.
La dernière est si susceptible d'être dissoute par l'eau et de
s'écraser sous le fardeau, qu'elle est proscrite par les lois
des bâtiments.
L'ardoise est une pierre noire , grise ou verdâtre et Ardoise.
feuilletée. II y en a de deux sortes, la dure et la tendre.
La dure sert pour faire du pavé, des tables; et la tendre,
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3o                                    É L É M EITS.
qu'on de'bite de l'e'paisseur qu'on veut, sert pour couvrir
les édifices. Il y en a de plusieurs grandeurs; le plus grand
moule a 5ac sur 2,0 ( 12 pouces sur 8), et le plus petit en
a 2.0 sur 10 (8 sur 4 )• Celle qui vient de l'Anjou est la
meilleure.
Toutes ces espèces de pierres et une foule d'autres ne
s'emploient que taillées. Il en est que l'on fait servir telles
qu'elles sont au sortir de la carrière, comme des libages et
la meulière.
Les libages sont de gros quartiers de pierre trop bruts
et trop irréguliers pour être équarris. Le plus souvent,
ils proviennent du ciel des carrières et servent dans les
fondations.
La meulière sert aussi dans les fondations, parce que le
mortier s'y accroche aisément à cause de ses cavités ; on peut
encore l'employer avec avantage dans les parties basses des
édifices. Sa couleur rougeâtre, qui contraste avec le blanc
jaunâtre des autres pierres , peut jeter naturellement de la
variété dans l'aspect d'une construction.
En général, pour que la pierre soit bonne, il faut qu'elle
soit pleine, c'est-à-dire, sans fils, moies ou coquillages ; vivet
c'est-à-dire, susceptible de se durcir à l'air ; franche, c'est-à-
dire, qu'elle ne tienne ni de la dureté de celles qui forment
le ciel de la carrière, ni de la mauvaise qualité de celles qui
sont adhérentes à la terre. Il faut de plus qu'elle ait un grain
fin et uni.
Les fils, les coquillages et les moies sont un défaut dans
la pierre; les fils , parce qu'étant plus durs que le reste, ils
rendent la pierre susceptible de se fendre ; les coquillages,
parce que la pierre étant taillée, son parement n'est pas
assez uni \ et les moies, parce qu'elles s'écrasent sous le "
fardeau»
pe PARTIE.
Ire Section.
Libages.
Meulière.
Qualités de
la pierre.
Défauts de
la pierre.
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QUALITÉS DES MATERIAUX.                      31
Lorsqu'on tire les pierres de la carrière , leurs lits ou
couches sont couverts d'une espèce de mousse que l'on
nomme bouzin. Il faut avoir soin d'abattre entièrement cette
partie-là, qui est tendre, conséquemment sujette à se dis-
soudre à la pluie et à l'humidité', et qui, dissoute, se réduit
en poussière ainsi que les moies.
On a la liberté de poser, dans le sens que l'on veut, les
divers matériaux qui se trouvent en masse ; mais les pierres
qui se forment par couches doivent être placées dans le même
sens que dans la carrière, c'est-à-dire, sur leur lit. L'expé-
rience a fait voir qu'elles ont plus de consistance dans cette
situation que dans tout autre. Car il en est des pierres comme
d'un livre : posé à plat , il peut supporter des fardeaux
énormes; mais debout, il cède au moindre poids qui écarte
les feuillets.
Ce n'est pas que souvent l'on n'ait employé des pierres
en délit. Les Goths faisaient ordinairement leurs colonnes
de cette manière ; et c'est ainsi qu'ont été construites les
colonnes de la façade de Versailles, du côté des jardins, et
celles de la cour du Louvre. Là où les colonnes, mutiles
d'ailleurs, ne sont que pour la décoration comme dans les
exemples que nous venons de citer, il importe peu de
quelle manière la pierre est placée ; mais dans un édifice
raisonné, où les colonnes doivent servir à porter des far-
deaux, il importe beaucoup de placer sur leur lit les pierres
qui les composent.
Outre les noms que les pierres prennent des lieux dont
on les tire, elles en empruntent encore , soit de la place
quelles occupent dans les bâtiments , soit de l'état où elles
se trouvent avant d'être placées, ou même avant d'arriver
au chantier.
Ire "PARTIE.
Ire Section.
Précautions
à prendre.
Comment
en général on
doit poser les
pierres.
Noms que
l'on donne
aux pierres.
-ocr page 43-
lre PARTIE. 32                                            ÉLÉMENTS.
Ire Section.                                        _               ^
On appelle pierre d'échantillon, un bloc assujéti à une
mesure envoyée par l'appareilleur au carrier ;
Pierres de grand ou de bas appareil, celles qui portent
plus ou moins de hauteur de banc après avoir été atteintes
au vif;
Pierre brute, celle qui n'a pas encore été ébousinée ;
Pierre bien faite, celle où l'on trouve peu de déchet en
l'équarrissant;
Pierre en chantier, celle qui est calée par-le tailleur de
pierres avant d'être façonnée ;
Pierre débitée, celle qui est sciée à la scie sans dents comme
la dure, ou à la scie à dents comme la tendre ;
Vitxxç, faite, celle qui est entièrement taillée et en état d'être
posée ;
Pierre fichée, celle dont l'intérieur des joints est remplie
de mortier ou de plâtre ;
Pierre de parpam, celles qui occupent toute l'épaisseur
d'un mur et font double parement ;
Pierre d'attente, celle qui saille hors de l'extrémité d'un
mur, et
Pierres perdues, celles que l'on jette dans les fleuves et les
rivières, lorsque l'on veut y construire quelque ouvrage , et
que la profondeur ou la nature du terrain ne permet pas d'y
enfoncer des pieux.
Moellon.
          Le moellon provient soit de l'éclat de la pierre, soit d'un
banc peu épais, et que l'on a débité ainsi. Sa qualité prin-
cipale est d'être bien équarri et bien gissant, parce qu'alors
il a plus de lit et consomme moins de mortier.
Le moellon doit être ébousiné ainsi que la pierre ; autre-
ment, lebousin empêcherait la liaison ; on doit pareillement
le poser sur son lit.
Le moellon taillé, équarri et réduit à une hauteur uni-
-ocr page 44-
QUALITÉS DES MATERIAUX.                      33
forme, se nomme moellon piquet, parce que l'on pique sou-
vent son parement avec la pointe du marteau. C'est ainsi que
l'on s'en sert dans les ouvrages soigne's. Dans ceux qui le
sont moins, on l'emploie à-peu-près comme il vient de la
carrière ; alors, on le recouvre d'un enduit pour supple'er
au de'faut de gissement.
La brique est une espèce de pierre artificielle, faite avec
de l'argile. On la pétrit, on la corroyé de manière à en faire
une pâte ductile , que l'on façonne dans des moules; on la
fait ainsi sécher sous des hangars et ensuite dans un four,
avec du bois ou du charbon de terre.
Pour que la brique soit bonne, il faut que la terre em-
ployée à sa fabrication soit grasse, forte et sans cailloux ou
gravier ; qu'elle soit parfaitement corroyée avec le rabot, et
cuite suffisamment d'une manière égale.
Une précaution essentielle , c'est de la laisser refroidir
lentement, sans quoi la brique est sujette à se feuilleter et
a se réduire en poudre à la gelée et sous le fardeau.
La brique est bonne lorsque exposée à la gelée , elle y
résiste ; lorsqu'elle rend un son clair dès que l'on frappe
dessus, et que le grain en est fin et serré.
Les dimensions de la brique sont 20e (8 pouces) de lon-
gueur, 10e (4 pouces) de largeur et 5e (2 pouces) d'épaisseur.
Sa couleur est d'un rouge jaunâtre ou brun.
La meilleure brique vient de la Bourgogne ; mais il est
peu d'endroits où l'on ne puisse s'en procurer. Elle peut
suppléer parfaitement à la pierre, dans les endroits où celle-
ci est rare; elle résiste beaucoup mieux au feu et à l'humidité.
Sa légèreté la rend précieuse pour un grand nombre de
constructions, principalement pour celle des voûtes. Peu de
matériaux réunissent autant d'avantages. Les tuyaux de che-
1* partie.
Ire Section.
Brique.
Qualités et
défauts de la
brique.
Manière d«
s'assurer de
sa bonté.
Emploi
de la brique.
E
-ocr page 45-
34                                       ÉLÉMENTS.
I" PARTIE.
lle Section.
mine'e, les foyers, les fours, etc., se font
presque toujours
en brique.
La tuile est de la même matière que la brique , et doit
avoir les mêmes qualités ; seulement, la cuisson en est plus
forte. On en fait de deux grandeurs : celle de Bourgogne,
qui est la meilleure, et que l'on appelle tuile du grand moule,
a 34e sur 2,3 ( 1.3 pouces sur 8 j) ; celle du petit moule, qui
vient des environs de Paris, a 27e sur 16 (10 pouc. sur 6).
En Italie, en Hollande, en Flandre et dans une partie de
l'Allemagne , les tuiles , au lieu d'être plates, sont creuses,
ou faites en S.
Le désavantage de la tuile est dans sa pesanteur , qui
farce d'élever les combles plus qu'on ne le ferait, si on les
couvrait en ardoise.
Outre la brique et la tuile, on fait en terre cuite des car-
reaux pour paver les édifices.
Les bois , relativement à leur usage dans les bâtiments,
se distinguent en bois de charpente, de menuiserie et de
placage.
Les bois employés le plus ordinairement pour la char-
pente, sont le chêne et le sapin. On fait également usage de
l'orme, du hêtre , du charme , du noyer, du tilleul , etc. ;
mais aucun de ces bois n'est comparable au chêne, ni même
au sapin.
Le chêne est celui qui se défend le mieux contre les in-
tempéries de l'air ; celui qui, plongé dans Veau ou enfoncé
dans la terre, et susceptible de la plus longue durée ; celui
enfin qui peut offrir les pièces les plus considérables en
longueur et en équarrissage.
Le sapin a l'avantage d'être plus léger que le chêne , et
de se conserver plus long-temps, lorsqu'il est recouvert de
plâtre.
Tuile.
Carreaux.
Bois.
3 espèces.
Bois de
charpente.
Chêne,
Sapin,
-ocr page 46-
35
I" PARTIE.
Ire Section.
Bois de
menuiserie.
De placage.
QUALITES DES MATERIAUX.
Dans la menuiserie et dans la sculpture, on emploie ordi-
nairement le chêne tendre, le sapin, le tremble, etc.
Les bois de placage sont l'ébène, l'acajou, les bois de la
Chine , de violette et autres que l'on débite par feuilles, et
qui sont susceptibles de recevoir un beau poli.
Les avantages du bois sur la pierre sont d'être moins fra-
gile et plus facile à travailler. Il se transporte plus commo-
dément , sert à tirer comme à porter , et peut se poser en
tout sens ; mais il a l'inconvénient d'être sujet aux incendies.
Il ne faut pas emploier le bois trop vert, car il ploierait
trop aisément, et pourrirait très-vite.
Si, lorsqu'il est encore un peu vert, on est obligé d'en
faire usage, il faut le laisser quelque temps dans l'eau pour
en dissoudre toute la sève : c'est le meilleur moyen de le
garantir de la pourriture.
Il faut avoir grand soin d'enlever tout l'aubier. Ce sont
les couches extérieures qui n'ont point encore acquis beau-
coup de consistante. On les enlève si le bois n'a pas été
écorcé sur pied; autrement, on peut les laisser.
On doit rejeter le bois blanc , qui se corrompt facilement;
le bois gélif, c'est-à-dire, qui a des fentes occasionnées par
la gelée; le bois mort, qui n'est bon qu'à brûler ; le bois
noueux ou filandreux , sujet à casser ; le bois qui se tour-
mente , faute d'être assez sec.
Outre les dénominations qui indiquent les défauts du bois,
il en est d'autres qui désignent les façons dont il est suscep-
tible. On nomme bois apparent, celui qui n'est pas recou-
vert de plâtre ; corroyé, celui qui est passé au rabot dans la
charpente et à la varlope dans la menuiserie ; bois de brin,
celui dont on a seulement ôté les quatre dosses flaches pour
l'équarrir ; de sciage, celui qui est débité à la scie, en che-
vrons, en membrures et en planches.
E 2
Avantage
du bois.
Précautions
à prendre.
Aubier.
Noms rela-
tifs aux dé-
fauts du bois.
Noms rela-
tifs à son em-
ploi.
-ocr page 47-
36                                             ÉLÉMENTS.
Le bois est une des matières dont on fait le plus fréquent
usage dans les bâtiments. Il en compose, tantôt la totalité,
et tantôt une très-grande partie. Presque toujours, on l'em-
ploie aux planchers et aux toits.
La force varie dans les bois : le chêne, par exemple, est
un de ceux qui résistent le plus , et le peuplier un de ceux
qui résistent le moins. Dans chaque espèce , la résistance
est en raison inverse des longueurs, en raison directe des
largeurs, et en raison des carrés des épaisseurs. De plus, et
toutes choses égales, cette même résistance varie suivant la
position ; car une pièce de bois posée horizontalement sur
deux appuis rompra plus facilement que si elle était incli-
née ; et dans cette dernière situation , elle rompra plus
aisément encore que si elle était debout.
Parmi les agents qui servent à lier entre eux ces divers
matériaux, le plâtre est un de ceux dont l'usage est le plus
fréquent.
Le plâtre, pour être bon, doit être bien cuit, gras, blanc,
facile à employer, et prompt à faire liaison.
Autant qu'il est possible, on doit l'employer au sortir du
four, et ne jamais l'exposer ni au grand air, ni à l'humidité,
ni au soleil : celui-ci l'échauffé, la pluie le détrempe et l'air
l'éventé.
Dans une foule de circonstances, le plâtre est extrême-
ment avantageux, en ce que son action est très-prompte et
que, de plus, il se suffit à lui-même ; en quoi il diffère de
la chaux, qui a besoin de la présence d'un autre agent pour
acquérir de la dureté.
Mais on ne doit point l'employer indifféremment ; car ?
s'il est vrai qu'il réussisse parfaitement pour les plafonds,
pour les souches de cheminée, pour les enduits extérieurs
et intérieurs, il n'est pas moins vrai qu'il réussit très-mal
I" PARTIE.
Ire Section.
Emploi du
bois.
Agents em-
ployés à lier
les divers ma-
tériaux.
Plâtre.
Ses qualités.
Ses défauts.
Cas où
l'on doit l'em-
ployer.
-ocr page 48-
QUALITÉS DES MATERIAUX.                     3j
dans les lieux humides, dans les fondations des e'difices et
dans la liaison des murs en pierres de taille. Il se lie très-
bien avec le fer, mais il ne se lie nullement avec le bois, à
moins que celui-ci n'ait été' lardé de clous.
On emploie le plâtre, i° tel qu'il sort du four et après
l'avoir pulvérisé grossièrement avec une batte : c'est ainsi
qu'on s'en sert, soit dans la construction des gros murs
de moellon ou de libage, soit pour hourdir les cloisons de
charpente; 2° après l'avoir passé au panier pour les renfor-
mis, les crépis, les gobetages ; 3° enfin, après l'avoir passé au
sas ou tamis ; et c'est la manière dont on le prépare pour les
enduits, les moulures et la sculpture.
On appelle hourdir, maçonner grossièrement avec du mor-
tier ou du plâtre ; renformir, c'est réparer de vieux murs ;
gobeter, c'est jeter du plâtre avec la truelle et le faire entrer
avec la main dans les joints d'un mur; crépir, c'est employer
le plâtre avec un balai, sans passer la truelle ni la main par-
dessus ; et l'on appelle enduit, une couche de plâtre unie,
appliquée soit sur un mur, soit sur une cloison de charpente
ou de menuiserie.
Ces diverses manières d'employer le plâtre exigent qu'il soit
gâché différemment. On le gâche serré pour les gros ouvrages,
les scellements et les enduits; on le gâche un peu clair pour
les moulures que l'on traîne avec un calibre; enfin l'on y
met beaucoup d'eau pour couler, caler, ficher et jointoyer
les pierres.
Dans tous les cas, il faut avoir l'attention de ne gâcher le
plâtre qu'à mesure qu'on ^n a besoin, sans quoi il sécherait
et ne pourrait plus servir.
C'est principalement de Montmartre qu'on le tire ; on en
trouve aussi à Meudon, à Triel, etc.
Le mortier est un composé de chaux, de sable ou de
re partie.
Ire Section.
Manière de
l'employer.
-ocr page 49-
I™ PARTIE. 38                                             ÉLÉMENTS.
Ire Section.
ciment. Avant d entrer dans un plus grand détail sur sa
composition, il faut dire un mot des ingrédiens que l'on y
fait entrer.
Chaux.
           Tous les marbres et toutes les pierres dont la composition
a de l'analogie avec celle des marbres, sont propres à faire
de la chaux; mais les plus pesantes, les plus dures et les plus
blanches sont les meilleures : la chaux des Anciens e'tait
toujours faite avec du marbre.
La chaux se cuit dans des fours, avec du bois ou du charbon
déterre. Lorsqu'elle est cuite, elle doit être sonore, et exhaler
beaucoup de fumée, si on la mouille. Après sa sortie du four,
il est essentiel de ne la voiturer que dans des tonneaux bien
fermés , afin que l'humidité" ne puisse pas la pénétrer. Il
n'est pas moins nécessaire de l'éteindre peu de temps après
sa cuisson ; car si on la conserve en pierre trop long-temps,
même à l'abri de l'air, elle perd de sa qualité.
Les eaux de pluie, de source ou de rivière sont les seules
bonnes pour éteindre la chaux; encore faut-il avoir soin de
l'exposer quelques jours à l'air : l'eau trop froide mettrait la
chaux en grumeaux.
On éteint la chaux dans un bassin pratiqué à côté de la
fosse où l'on veut la conserver; on la jette dans le bassin
après l'avoir concassée ; on l'y remue avec des rabots, en ver-
sant de l'eau à mesure et avec précaution, car trop d'eau la
noie.
Quand elle est délayée, on débouche , dans le bassin, le
conduit cjui répond k la partie supérieure de la fosse ; on
laisse écouler la chaux, avec l'attention de mettre une grille
dans le conduit, afin d'arrêter les corps étrangers. La chaux
écoulée, on bouche le conduit, et l'on recommence l'opéra-
tion autant de fois qu'il est nécessaire.
Lorsque la fosse est pleine, on la laisse à découvert pen-
-ocr page 50-
QUALITÉS DES MATERIAUX.                   3û,
dant quatre ou cinq jours ; on l'arrose d'un peu d'eau pour
faire rejoindre les fentes; et lorsqu'elle ne se fend plus , on
la recouvre de 3a ou 64° ( i ou a pieds) de sable, pour em-
pêcher le contact de l'air. On peut la conserver ainsi fort
long-temps, sans avoir à craindre qu'elle perde rien de sa
propriété.
Il y a deux espèces de sable : celui de rivière qui est jaune,
rouge ou blanc, et celui qu'on tire des sablonnières ou des
fouilles de terre.
Le sable est bon, lorsque après avoir été" frotté entre les
mains, il n'y laisse aucune partie terreuse, ou lorsque l'eau,
après qu'on l'y a remué, reste parfaitement claire.
Le ciment n'est autre chose que du tuileau concassé, ou
de la brique au défaut de tuileau.
Le mortier, ainsi que nous l'avons dit plus haut, est un
mélange de chaux, de sable ou de ciment. Pour faire de bon
mortier, il faut un tiers de chaux sur deux tiers de sable.
Mais si la chaux n'est pas de la première qualité, on en met
un, peu plus : il en est de même du sable.
Si la chaux est nouvellement éteinte, on n'a pas besoin du
secours de l'eau pour opérer le mélange, il suffit de le cor-
royer avec des rabots ; mais , dans tous les cas , il faut y
employer le moins d'eau qu'il est possible.
Le mortier dans lequel on substitue le ciment au sable,
est particulièrement employé aux ouvrages qui se construi-
sent dans l'eau.
Le plâtre durcit tout de suite; le mortier exige du temps
pour se consolider, mais aussi il devient infiniment plus
dur.
Pour unir entre eux les divers matériaux, on se sert encore
de fer, de cuivre et de plomb.
JLe fer, pour être bon, doit être doux et avoir le grain fin -,
ir« partie.
Ire Section.
Sable.
Ciment.
Mortier.
Fer,
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I* PARTIE. 4o                                              ÉLÉMENT S.
Ire Section.                                          ,                                   .
il ne doit contenir ni gerçure ni paille. Le meilleur vient du
ci-devant Berri.
Il est essentiel de n'en employer que la quantité nécessaire ;
parce que autrement, loin d'opérer la liaison, il y mettrait
souvent obstacle.
Les fers qui servent de liaison sont généralement appelés
gros fers. Tels s.ont les tirants, les ancres, les linteaux, les
plates-bandes , les boulons, les crampons, les manteaux de
cheminée, les bandes de trémie, etc.
Il en est qui servent à la sûreté ; on les nomme fers de
menus ouvrages.
Tels sont les serrures , les pentures, les
fiches, les loquets, les verrous, etc.
Quelquefois, cependant, il entre de gros fers dans les ob-
jets de sûreté, comme dans les barreaux de croisées, les grilles,
les fléaux, etc.
On nomme fer cornette celui qui ai3ài8c(5ày pouces)
de large sur i3 à i8mi!- (6 à 8 lignes) d'épaisseur; fer carré
celui qui a de 2 à 5e ( i ou a pouces) de grosseur ; fer rond
celui dont on se sert pour les tringles, et qui a 1 à 2e (9 à
10  lignes); fer de carillon celui qui a de 12 à 22"^ (5 à 9
lignes ) ; et cotes de vache tous les fers qui ne sont point à
à vive-arête. On emploie aussi à différents usages du fer en
tables minces, qu'on appelle tôles, et dont les feuilles ont
jusqu'à 2 mètres ( 6 pieds ) de long.
plomb.           On fait servir le plomb non-seulement à lier des matériaux,
mais encore à faire des tuyaux de descente ou de conduite.
11 sert aussi quelquefois à couvrir les édifices.
Pour ce dernier usage, on emploie deux sortes de plomb ;
l'un qui est coulé et l'autre qui est laminé. A égale épais-
seur, le premier est celui que l'on doit préférer : les défauts
n'en sont pas cachés par la compression.
Le meilleur plomb se tire de l'Angleterre et de l'Allemagne,
-ocr page 52-
re partie.
Ire Section.
Cuivre.
-QUALITÉS DES MATERIAUX.                     41
Le cuivre est un autre métal qui sert ou à cramponner
les pierres, ou à couvrir les édifices. Dans le premier cas,
les Anciens le préféraient au fer, à cause de sa plus grande
durée.
Tels sont les principaux matériaux employés dans la
construction des édifices. Le peu que nous en avons dit
suffit, non-seulement pour donner une idée de leurs bonnes,
de leurs mauvaises qualités , et de leur emploi en général,
mais encore pour faire remarquer la variété que leurs di-
mensions , leurs couleurs différentes , leurs régularités ou
leurs irrégularités doivent apporter dans les édifices, lorsque
ces matériaux sont combinés avec intelligence.
DEUXIEME SECTION.
EMPLOI DES MATERIAUX,
Jtour que les divers éléments des édifices soient solides, Fondements
il faut que les matériaux soient de bonne qualité, employés Planche 2.
avec intelligence ; qu'ils soient assis sur de bons fondements,
qui ne peuvent être tels, qu'autant qu'ils sont construits
comme il convient, et sur un bon sol.
Les moyens de s'assurer de la qualité du sol, sont la sonde
ou les puits.
Si le sol est mauvais, il faut que l'art vienne au secours
de la nature.
Qualités
du sol.
Les terrains sur lesquels on peut asseoir solidement les
F
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                                             ÎLÉUENTS.
édifices sont le roc „ le gros sable mêle' de terre, les terrains
pierreux et la terre franche.
Les mauvais terrains sont le sable mouvant, la glaise, les
terres remuées, rapporte'es et marécageuses.
Lorsque le sol n'a pas la consistance nécessaire", et qu'il
faut creuser trop avant pour atteindre le bon fond , si le
bâtiment n'a pas un grand poids, et que le terrain soit sus-
ceptible d'être également comprimé, on établit un grillage
de charpente sur lequel on élève les fondements avec le plus
d'uniformité qu'on peut, afin que toute la masse prenne un
tassement égal.
Si, dans quelque endroit du terrain, l'on rencontre des
trous, des cavités, on les comble lorsqu'ils sont peu consi-
dérables ; autrement, on élève des piliers de pierre depuis
le bon fond . et sur ces piliers on bande des arcs capables
de porter les murs.
Aux endroits où l'on rencontre de l'eau , on enfonce des
pilotis pour porter le grillage de charpente.
La première assise des fondements doit être en bons
libages, sur lesquels on place de gros moellons durs , bien
ébousinés, à bain de mortier, chaux et sable. On élève ainsi
le mur jusqu'à 8e (3 pouces) au-dessous du sol des caves.
A cette hauteur, on établit une assise de pierres dures faisant
toute l'épaisseur du mur ; et, sur cette assise, en laissant de
chaque côté 8e ( 3 pouces ) de retraite , on élève les murs
des caves ou souterrains jusqu'à 8e (3 pouces) au-dessous
du niveau de la terre, le tout avec un mortier de chaux et
de sable, et non avec du plâtre.
On distingue plusieurs espèces de murs : les murs de
clôture, de terrasse^ de face et de refend.
On.fait les murs quelquefois tout en pierres, et quelque-
fois tout en moellons ou en briques ; plus souvent encore,
Ire PARTIE.
IF Section.
Précautions
à prendre
pour bien
fonder.
Quatre espè-
ces de murs.
Planche 2.
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Ire PARTIE.
IIe Séctiox.
EMPLOI DKS MATÉRIAUX                         43
on les Fait partie en pierres et partie en moellons, en meu-
lières ou en briques.
Quels que soient l'usage et la matière d'un mur , il faut
toujours que les lits du mur soient tous horizontaux, et
tous les joints perpendiculaires, ne se rencontrant ni sur la
face, ni dans l'épaisseur , mais tombant toujours au milieu
de la pierre qui est au-dessus et au-dessous. Il serait bon
que les assises eussent toutes une hauteur égale. Elles
doivent être élevées en retraite , sur une assise en pierre,
posée elle-même en retraite sur le mur des souterrains où
sur les fondations. On peut maçonner le tout avec du plâtre ;
mais le mortier de chaux et de sable vaut beaucoup mieux.
Les murs de clôture et de refend doivent s'élever perpen-
diculairement.
Les murs de terrasse doivent avoir en dehors un talus
proportionné à leur hauteur et à la nature des terres qu'ils
soutiennent : on leur donne un sixième lorsqu'ils ont une
élévation ordinaire.
Les murs de face peuvent être élevés perpendiculairement,
ou en retraite à chaque étage, ou avec un léger fruit à l'ex-
térieur. De ces trois manières , les deux dernières sont plus
propres à contenir la poussée des planchers ou des voûtes.
Il ne faut pas croire que toutes les parties d'un mur quel-
conque fatiguent également : il en est sur lesquelles se
reporte toute la charge des planchers , des voûtes et des
combles, ou qui sont susceptibles d'être ébranlées par diffé-
rentes percussions ; d'autres ne sont que de remplissage. Il
est naturel par conséquent de donner à ceux-là plus de force,
soit par une plus grande dureté' de la matière, Suit par une
plus grande épaisseur ; quelquefois mênië , par ces deux
moyens réunis. Ainsi, dans les murs qUi sont tout en pierres
ou tout en moellons, on donnera une plus grande épaisseur
F 2
Soutiens en-
gagés dans les
murs ou chaî-
nes perpendi-
culaires.
-ocr page 55-
Ire PARTIE. 44                                        ÉLÉMENTS.
IIe Section.                             , . ', .
aux extrémités des murs de lace, aux angles forme's par leur
rencontre , aux endroits où les murs de refend viennent se
relier avec eux, aux pied-droits des portes et des croisées,
sous la portée des principales pièces, des combles, des plan-
chers , et sous la retombée des voûtes. Les chaînes de pierre
descendront jusque dans la partie la plus basse des fonde-
ments , et se continueront dans les voûtes, en formant des
arcs.
Dans les murs qui sont partie en pierres , et partie en
moellons, ou en d'autres matériaux de cette espèce , les
mêmes parties, celles-là seules seront en pierres, et les inter-
valles en moellons , en briques ou en meulières. Alors, les
chaînes pourront être plus épaisses que le mur, ou simple-
ment de la même épaisseur.
Dans tous les cas, les chaînes doivent être composées de
pierres alternativement longues et courtes, afin de pouvoir
se relier parfaitement avec les matériaux qui forment les
remplissages. Lorsque les chaînes seront saillantes, quelque-
fois elles pourront l'être entièrement, quelquefois aussi leur
saillie ne s'étendra pas au-delà de la longueur de la pierre la
plus courte : dans ce dernier cas, elles prennent le nom de
pilastres.
Ordinairement, ces différentes espèces de chaînes n'ont
que quelques pouces de saillie ; mais lorsque les dernières
doivent s'opposer à de grands efforts, on leur donne une
saillie égale à leur largeur, et au lieu de faire leur face per-
pendiculaire , on la fait quelquefois en talus : alors, on les
nomme contre-forts.
Chaînes hori- Les chaînes verticales ne sont pas les seules dont on fasse
montâtes. usage pour consolider un mur : on en place encore d'hori-
zontales à l'endroit où les principales pièces des planchers
viennent se loger dans les murs, à la naissance des voûtes,,
-ocr page 56-
Ire PARTIE,
IIe Section.
EMPLOI DES MATERIAUX.                          Zp
aux endroits où les murs cessent d'être continus, comme au
bas des croisées, et enfin, sur la partie supérieure des murs.
On nomme plinthes les premières, et l'on donne le nom de
corniches aux autres, c'est-à-dire, à celles qui se placent sur
le haut des murs de face.
Ces chaînes étant des assises de pierres plus longues, plus
dures que les autres et, de plus, étant reliées par des cram-
pons, fixent dans leur place, par leur pesanteur, les maté-
riaux moins pesants et sur lesquels elles reposent, les em-
pêchent de se désunir, retiennent entre elles les chaînes
perpendiculaires, et préviennent toute espèce d'écartement.
L'épaisseur des murs est relative à leur hauteur. Ordinai-
rement on donne 64e (2 pieds) à ceux de face, et /\SC ( 18
pouces ) à ceux de refend et de clôture.
La pierre et le moellon, etc., ne sont pas les seuls maté-
riaux qui entrent dans la construction des murs de face et
de refend, on y emploie aussi le bois : alors, les premiers
prennent le nom de pans de bois, et les seconds celui de
cloisons. Les uns et les autres sont composés de poteaux cor-
miers,
de sablières, de poteaux d'huisserie, de décharges ou
pièces inclinées et destinées à soulager les sablières, d'entre-
toises
qui forment le bas des croisées, de linteaux qui font
la partie supérieure de ces croisées et des portes, de four-
nisses
ou pièces d'inégales longueurs , enfin de pôtelets ou
poteaux plus courts que les autres, et qui servent de rem-
plissage.
On assemble dans les poteaux cormiers les sablières, et
dans les sablières les poteaux d'huisserie.
On appelle cormiers les poteaux des angles , et d'huis-
serie
ceux qui se trouvent de chaque côté des portes ou des
croisées.
On distingue trois sortes de cloisons relativement à la
Pans de bois
et cloisons.
Trois sortes
de cloisons.
-ocr page 57-
Ire PARTIE, ^g                                             ÉLÉMENTS.
IIe Section.
manière de les maçonner : on les nomme simples, pleines
et creuses.
Aux cloisons simples, on cloue du rapointissage sur le côté
des bois, et l'on hourde les intervalles avec des plâtras et du
plâtre : ensuite, on enduit à fleur des poteaux qui restent
apparents.
Aux cloisons pleines, après avoir hourdi, on latte des deux
côtés, de 8 en 8e (de 3 en 3 pouces), et sur le lattis, on fait
un enduit qui recouvre le tout.
Enfin, aux cloisons creuses, on met les lattes jointives sans
hourdir, et l'on enduit comme aux cloisons pleines.
On maçonne les pans de bois comme les cloisons simples
et les cloisons pleines ; mais on ne les maçonne jamais comme
les cloisons creuses.
Si nous avons recommandé de placer sous les murs en
moellons, etc., une assise de pierres, on sent que cette pré-
caution est encore plus nécessaire sous les pans de bois et
sous les cloisons , pour les empêcher de pourrir.
Cloisons
          On donne ordinairement aux pans de bois et aux cloisons
légères. Lg ^ 18e (6 à 7 pouces) d'épaisseur.
Outre les cloisons en charpente , il y en a encore en
menuiserie et en plâtre. Les premières ont 8e ( 3 pouces)
d'épaisseur, et les deuxièmes en ont 3 ou 5 ( 17 ou 2 pouces).
Il y a deux sortes de cloisons de menuiserie. Les unes se
font avec des planches de bateau assemblées à clair-voie,
dans des coulisses haut et bas, et entretenues par des tra-
verses ou entre-toises : elles se lattent, tant plein que vide,
et s'enduisent au niveau des coulisses et des entre-toises.
Les autres sont faites de planches à rainures et à languettes :
elles sont assemblées haut et bas, dans des coulisses, et n'ont
qu'un centimètre ( 1 pouce) d'épaisseur.
Les cloisons en plâtre se font en grands carreaux qui se
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EMPLOI DES MATÉRIAUX.                      fy] ¥<t PARTIE.
IIe Section.
jettent en moule et que l'on place ensuite les uns sur les
autres.
Outre les soutiens engagés., ou chaînes de pierres placées
Soutiens
isolés.
dans les endroits du mur qui doivent soutenir quelque poids,
ou re'sister à quelque effort, il en est d'isolés, lesquels sont
destinés à porter des planchers, des plafonds, et quelquefois
des voûtes. On les nommej»ofcfl««r ow. piliers, suivant qu'ils
sont en bois ou en pierres. Lorsqu'ils sont astreints à cer-
taines proportions, on les nomme pilastres, s'ils sont carrés
par leur plan, et colonnes s'ils sont circulaires. Quand ils
reçoivent la retombée d'un arc , qu'ils sont carrés et, d'une
proportion plus courte que les pilastres , on les nomme
piédroits.
Les piliers, les pilastres, les colonnes et les piédroits se
construisent par assises ou tambours , lorsqu'ils sont en
pierres. On ne les fait tout d'une pièce que lorsqu'on y
emploie le bois et le marbre. On a soin que les tambours
soient tous d'une égale hauteur, afin que le tassement soit
égal ; on doit tâcher aussi de faire que chaque tambour soit
tout d'une pièce.
Les colonnes et les pilastres reposent ordinairement SUr Sur quoi ils
un mur continu et dont la hauteur est celle de l'élévation du TeP0SeuU
sol de l'édifice au-dessus du sol naturel. Ce mur que l'on
nomme dez, se construit comme tous les autres murs, en
retraite, sur une assise de pierres dures appelée base, et des-
tinée à le garantir de l'humidité. Il se recouvre d'une assise
de pierres en saillie, laquelle en éloigne les eaux qui peuvent
tomber sur le pavé des portiques formés par les colonnes :
on appelle corniche cette pierre saillante , et piédestal l'as-
semblage de cette base, de ce dez et de cette corniche.
Quelquefois , pour réunir d'une manière plus solide ,.
dit-on, la colonne avec le piédestal, on place la colonne sur
-ocr page 59-
Ire PARTIE. 48                                         ÉLÉMENTS.
IIe Section.                        ^
une espèce d empâtement, que l'on nomme aussi base ; et
afin de diminuer la porte'e des pièces qui doivent re'unir les
colonnes, on ne manque jamais de placer sur la colonne une
ou plusieurs pierres saillantes , connues sous le nom de
chapiteau.
Ces objets sont conside're's comme appartenant à la co-
lonne , ils en font partie ; ainsi, l'on peut dire que la colonne
est composée de trois parties, la base, la colonne propre-
ment dite, appelée fut et le chapiteau. Mais cela n'arrive pas
toujours; car la colonne quelquefois n'est compose'e que de
deux parties, d'un fut et d'un chapiteau.
Parties qu'ils Les colonnes se relient les unes aux autres, ou par des
soutiennent.        .,-,,..                  ,                              ,             .                        .-,
pièces de bois , ou par des morceaux de marbre, ou enfin
par des plates-bandes composées de plusieurs pierres ten-
dantes vers un centre. De quelques mate'riaux que l'on fasse
usage , on nomme architrave la partie qui pose immédia-
tement sur le chapiteau. Sur cette pièce, afin de re'unir les
colonnes avec le mur, on place une deuxième architrave ,
que d'ordinaire on désigne du nom de frise. On couvre,
soit par un plancher, soit par une pierre plate , soit par
une voûte en plate-bande , l'espace vide qui reste entre
les architraves et le mur ; et, dans tous les cas, on a soin
de faire saillir cette dernière partie au-delà de la frise, afin
de rejeter loin du pied de l'édifice les eaux du toit dont
l'extrémité porte sur cette saillie, que l'on nomme corniche.
L'architrave, la frise et la corniche, par leur réunion ,
composent Y entablement ; et l'assemblage du piédestal, de
la colonne et de l'entablement, lorsque cet assemblage est
soumis à certaines proportions , forme ce qu'on appelle ,
quoique assez improprement, un ordre & architecture. Au
reste, on voit que quand il ne serait, pas absurde de se
modeler sur la cabane pour faire un ordre d'architecture ,
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EMPLOI DES MATÉRIAUX.                        4°. Ir6 PARTIE*
IIe Section.
cela serait au moins très-inutile, puisque la seule nature des
choses et le simple bon sens offrent toutes les parties qu'on
attribue aux ordres et que l'on regarde comme essentielles.
Lorsque les architraves sont compose'es de plusieurs cla-
veaux, on place un mandrin de fer dans l'axe des colonnes.
Ce mandrin s'élève jusqu'au niveau de la partie supérieure,
soit de l'architrave , soit de la corniche. A cette hauteur , ,
les mandrins sont relie's, les uns aux autres, par des chaînes
de fer qui vont d'abord de l'axe d'une colonne à l'autre; puis,
des axes des colonnes à l'axe du mur, dans lequel elles sont
arrête'es par des ancres. Dans le second cas , celui où les
mandrins s'élèvent à la hauteur de la corniche, quelquefois,
pour plus de sûreté, aux premières chaînes , on en ajoute
d'autre , mais placées diagonalement. Quand les mandrins
d'axe ne pénètrent pas la colonne dans toute sa hauteur, il
faut au moins qu'ils y descendent d'un huitième.
Si l'on place deux rangs de colonnes, l'un sur l'autre, alors
le rang inférieur doit être de pierres dures, et le rang supé-
rieur en pierres tendres.
Les pied-droits des portes et des croisées sont réunis par Ouvertures,
des plates-bandes, etc., de la même manière que les colonnes
sont par des architraves.
Lorsque les pied-droits et les plates-bandes ont une saillie
continue , celle - ci prend le nom de bandeau ou de
chambranle.
Pour empêcher que l'eau chassée par le vent, contre la
partie du mur qui se trouve au-dessus des portes et des croi-
sées, ne tombe sur le seuil ou sur l'appui, on met quelque-
fois une corniche au-dessus du chambranle.
Lorsque les colonnes ou les pied-droits sont très-éloignés
les uns des autres, et que les plates-bandes ont trop de por-
tée , on réunit les soutiens par des arcs.
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I™ PARTIE. 5o                                            ÉLÉMENTS.
IIe Section.
On nomme impostes, les pierres saillantes qui terminent
les pied-droits et qui reçoivent la retombée des arcs ; et l'on
donne le nom (Xarchivoltes aux bandeaux saillants qui régnent
autour des arcs.
Niches.
           Outre les portes et les croisées, on pratique encore, sous
le nom de niches, dans les murs, des renfoncements destinés
à placer des statues, etc. Comme ces niches ne pénètrent pas
le mur dans toute son épaisseur, leurs pied-droits n'ont pas
besoin d'être consolidés par des chaînes; ainsi, on ne doit
jamais y trouver de chambranle.
Cheminées. Les cheminées sont adossées aux murs ou pratiquées dans
leur épaisseur. On les adosse toujours contre les murs mi-
toyens , et quelquefois on les renfonce dans les murs de
refend. Elles sont composées de deux jambages, d'un man-
teau qui les réunit et d'un tuyau qui donne passage à la
fumée.
On en fait de grandes , de moyennes et de petites. Les
grandes ont d'ordinaire i,gac (6 pieds) d'ouverture, sur
g6c (3 pieds); et les petites, 8oc sur 80(2 '-pieds sur a|). La
profondeur des unes et des autres est d'environ 64° (2 pieds).
Les jambages et le manteau des premières ont 18 à 20e (y à
8 pouces) de largeur ; et ceux des dernières-, 8 à 10e (3à4
pouces). Les tuyaux ne doivent pas avoir moins de 72e ( 2
pieds 3 pouces ) de long sur 24e ( 9 pouces ) de large. Leur
languettes ont 8 à 10e (3 à 4 pouces) d'épaisseur.
On construit le tout soit en pierres } soit en briques ou en
plâtre.
On doit avoir grand soin de ne jamais placer Fâtre d'une
cheminée sur aucune des pièces de bois qui font partie des,
planchers. Il faut toujours laisser dans ceux-ci, un vide que
l'on appelle trémie, lequel, en largeur, a 8e (3 pouces ) au-
delà du hors œuvre des jambages, sur 96e ( 3 pieds ) de
-ocr page 62-
ESPL O IDES MATÉRIAUX..                          51 Ire PA.RTIE
.IIe Sectior.
long, à partir du fond de la chemine'e ou, ce qui est la même
chose, du contre-cœur.
Ces trémies se font avec un hourdis de plâtre et de plâtras,
supportés par deux bandes de fer recourbées à chaque extré-
mité. Quelquefois on croise celles-ci par une troisième bande
que l'on scelle dans le mur. Sur le hourdis, ou l'on pose un
foyer soit de pierre soit de marbre , ou l'on continue de
carreler jusqu'au contre-coeur.
On met au fond de la cheminée une plaque de fonte ou
un contre-mur soit de tuileaux, soit de briques. Le manteau
est soutenu par une barre de fer recourbée aux deux bouts,
laquelle pose sur les jambages et se scelle dans le mur. Le
tout est revêtu d'un chambranle de pierre ou de marbre, et
d'une tablette. Le tuyau est supporté par une barre de lan-
guette qui pose sur les pied-droits.
Quand il y a plusieurs cheminées , l'une au-dessus de
l'autre, si elles sont adossées, il faut en dévoyer les tuyaux.
Mais on doit se garder de le faire, si elles sont prises dans
l'épaisseur du mur, à cause des porte-à-faux que cela occa-
sionnerait. Lors même qu'elles sont adossées, il faut, en
dévoyant les tuyaux, leur donner le moins d'inclinaison
qu'il est possible, pour ne pas trop fatiguer les murs.
Les planchers se construisent par travées, afin d'éviter la Planchers.
trop grande portée de la plupart des pièces de bois dont ils
se composent. Ces travées sont formées d'un certain nombre
de solives de remplissage posées de champ , espacées tant
plein que vide, lorsqu'elles portent sur des poutres ou fortes
pièces scellées de 3ac ( i pied ) dans les murs et assises sur
des chaînes de pierre. Quelquefois , pour diminuer les di-
mensions des poutres , on place sur leurs côtés, des lam-
bourdes ou pièces moindres, sur lesquelles ces solives portent
ou dans lesquelles elles s'assemblent ; et l'on met de pareilles
G a
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IMPARTIE. 53                                       ÉLÉMENTS.
Ile SecTIOÎT.                llii                                                                   r
lambourdes le long des murs, afin de ne pas altérer la soli-
dité' de ceux-ci, par le scellement de toutes les solives. Les
lambourdes se scellent dans les murs ainsi que les poutres,
et sont soutenues de distance à autre par des corbeaux de
fer. Lorsqu'elles sont accolées à ces dernières, on les y réu-
nit par des boulons et par des étriers.
Les solives d'enchevêtrure ne sont quelquefois destine'es
qu'à porter les chevêtres place's au-devant des âtres , ainsi
que les bandes de trémie ; alors elles portent d'un bout dans
les murs, et de l'autre sur les poutres ou les lambourdes.
Quelquefois on les fait de plus servir à remplacer les poutres,
et, dans ce cas, on les scelle dans les murs comme celles-ci ;
mais on ne les charge pas dans toute leur longueur du poids
des solives de remplissage, on se contente d'assembler dans
leurs extrémités les linçoirs placés le long des murs ou des
passages des tuyaux de cheminées , et dans lesquels s'as™
sembîent à leur tour ces dernières solives.
Lorsque les murs de face sont tout en moellon, en les
construisant on place, à la hauteur de chaque étage, un
cours de plate-formes assemblées de i3c (5 pouces) d'épais-
seur , et sur lesquelles on fait porter les solives d'enche-
vêtrure.
Quand les planchers ont une certaine étendue, pour les
roidir et pour en augmenter la force, on peut mettre, tant
plein que vide, entre les solives, des étrésillons ou bouts de
bois que l'on fait entrer de force par - dessous, dans des
rainures pratiquées dans les solives.
A l'extrémité de chaque poutre, on doit placer un tirant
ou plate-bande de fer avec un ancre d'environ 96e (3 pieds)
de long pour empêcher l'écartement.
Tous les bois qui avoisinent les tuyaux de cheminée
doivent en être éloignés de 8e (3 pouces).
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EMPLOI DES MATÉRIAUX.                         63
Outre les différentes pièces dont on a parle', on en emploie
encore d'autres , principalement dans les planchers qui se
trouvent immédiatement sous les combles. Nous en dirons
un mot en parlant de ceux-ci.
On faisait autrefois tous les planchers à bois apparents,
et l'on n'enduisait que les entrevous. On n'en fait plus
guères de cette espèce que dans des édifices auxquels on
n'attache aucune importance. Depuis que les idées de déco-
ration architectonique se sont répandues, on regarde comme
ignoble l'apparence des pièces qui constituent un plancher
et qui en attestent la solidité ; on aime mieux les masquer
par des plafonds de plâtre, qui, en augmentant la dépense,
font pourrir les planchers, et obligent souvent à les refaire
peu de temps après leur construction , pour éviter de plus
graves inconvénients. Quelle différence cependant entre le
spectacle monotone, froid, effrayant, qu'offrent ces plafonds
en plâtre, et le spectacle si propre à rassurer, si piquant, si
varié de ces planchers antiques et majestueux , dont les
solives et les poutres qui en formaient les travées étaient
dressées avec le plus grand soin, et garanties de l'humidité
et des insectes , par l'application des plus belles couleurs !
Il suffit de comparer avec nos plafonds modernes les plan-
chers qui subsistent encore dans quelques anciens châteaux,
pour reconnaître combien dans cette partie de l'architecture,
en courant après la beauté, on s'en est éloigné.
Quoi qu'il en soit, nous allons faire connaître de quelle
manière on construit les premiers.
, Dès que la charpente d'un plancher est achevée, on latte:
par-dessus et par-dessous, et l'on a soin que le lattis ne soit
pas tout-à-fait jointif. Sur le lattis supérieur, on fait une
aire de plâtre de 8e (3 pouces), sur laquelle on pose les
carreaux, et par-dessous on plafonne.
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54              '                             ÉLÉMENTS.
Pour augmenter la solidité de ces plafonds, on fait quel-
quefois des augets entre les solives , et voici comment cela
se pratique. Après avoir latte par-dessous , tant plein que
vide , on garnit de clous les côtés des solives ; puis, après
avoir appliqué une planche sous le lattis, on fait une espèce
de canal demi-cylindrique entre les solives. Le plâtre de ces
augets se joignant à celui du plafond, empêche toute espèce
de gerçure.
Si, au lieu de carreaux , on veut employer du parquet,
on assied sur l'aire du plancher des lambourdes scellées à
augets. Il y a mieux, c'est que l'on ne fait point d'augets;
on pose les lambourdes sur un lattis jointif, et même, quand
les solives sont bien dressées, on place le parquet immédia-
tement dessus.
Les planchers ordinaires, tout compris , n'ont guères que
3^c ( I pied ) d'épaisseur lorsqu'ils sont carrelés , et 4°°
( 15 pouces ) quand ils sont parquetés. Pour les entresols,
on en fait qui n'ont pas plus de 16e (6 pouces).
Dans la construction des planchers , outre le bois , on
emploie encore la brique. Ce sont alors des espèces de
voûtes plates , qui ont sur les planchers proprement dits
l'avantage de coûter moins, de durer plus long-temps et de
n'être point sujettes aux incendies.
Pour les exécuter, on commence par faire un bâtis léger
de charpente ou de menuiserie, de 6e (2 ^ pouces) de large,
auquel on donne la courbure que l'on veut donner à la
voûte. Sur le bâtis on fixe des planches jointives; ce ceintre,
on le pose sur des pièces de bois horizontales, scellées dans
les murs, et quand la voûte a une grande étendue, on les
soutient par d'autres pièces perpendiculaires : on commence
alors la voûte à l'une des extrémités de la pièce. Deux ou-
vriers postés, l'un à un bout du ceintre, et l'autre au bout
I" PARTIE.
IIe Section.
Planchers
en briques
on voûtes
plates.
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EMPLOI. DES MATÉRIAUX.                        55 IMPARTIE
IIe Section.
oppose', placent le premier rang de briques a plat, dans la
tranchée que l'on a pratique'e dans le mur , et continuent
de la sorte jusqu'à ce que, venant à se rencontrer, ils par-
viennent à fermer la voûte. Ils recommencent la même
opération , qui ne cesse que lorsque le ceintre se trouve
entièrement couvert. Alors, ils doublent cette voûte par un
deuxième rang de briques, ayant soin de les placer à recou-
vrement.
Le ceintre ainsi couvert , on le fait glisser sur les pièces
de bois horizontales qui le supportent , et l'on répète la
même opération jusqu'à ce que l'on soit arrivé à l'autre
extrémité de la pièce.
Ces voûtes forment une espèce de berceau. On en fait
aussi en façon d'arc de cloître. Dans celles-ci, le ceintre ne
peut pas être mobile , il doit occuper toute l'étendue dé la
pièce : ces briques se posent de quatre côtés à-la-fois. Quand
on a placé les deux premiers rangs de briques tout autour,
on les double tout de suite d'un autre rang à recouvrement,
et l'on continue de cette façon jusqu'à ce que la voûte soit
fermée.
Toutes ces voûtes se maçonnent avec du plâtre.
On remplit les reins des premières avec de petits moel-
lons , et sur le tout on fait une aire. Dans les reins des
deuxièmes voûtes on pratique des contre-forts de 1,60 en
i,6oc ( 5 pieds en 5 pieds), ainsi qu'aux angles de la voûte;
le surplus, on le remplit de terre bien sèche, et l'on carrelé.
Quelquefois on n'emploie dans les voûtes qu'un seul rang
de briques ; mais alors on les place de champ. Dans tous les
cas , on enduit les voûtes par-dessous. Des murs de 6AC
(3 pieds) d'épaisseur suffisent pour une voûte large de 6 48
à 8,10e' (20 à 25 pieds); mais il faut avoir l'attention de ne
jamais donner à celle-ci moins d'un sixième de montée, et
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56                                       ÉLÉMENTS.
de contenir l'écartement des murs par des tirants parallèles
quand les voûtes font berceau, et en croix lorsqu'elles sont
en arc de cloître.
Au droit des tuyaux de cheminée, on doit aussi placer
des linteaux de fer pour empêcher l'action de la voûte.
L'épaisseur de ces voûtes à leur sommet n'est que de 10 à
13e (4 à 5 pouces).
Outre les voûtes plates dont on vient de parler, il en est
d'autres dont la monte'e est plus considérable, et que l'on
substitue aux voûtes plates et aux planchers lorsqu'ils ont
trop d'étendue ; de même que l'on substitue des arcs aux
plates-bandes, lorsque celles-ci ont trop de portée.
Ces voûtes sont le berceau, le plein ceintre, dont la forme
est celle d'un demi-cylindre creux ; la descente droite, qui ne
diffère du berceau qu'en ce qu'elle est en pente ; les voûtes
d'arête et en arc de cloître , qui résultent de la pénétration
de deux demi-cylindres ; le cul-de-four, dont la forme est
demi-sphérique ; la niche ou la moitié du cul-de-four ; les
voûtes en pendentifs, produits de la pénétration de deux
demi-cylindres dans une demi-sphère, et la voûte annulaire,
engendrée par le mouvement du demi-cercle autour d'un
point.
Entre la voûte d'arête et celle en arc de cloître, il y a
cette différence, que les angles sont saillants dans la première
et rentrants dans la deuxième ; que celle-ci est supportée
dans tout son pourtour, au lieu que celle - là ne porte que,
sur quatre points.
Il est encore d'autres voûtes, telles que les trompes , les
arrière - voussures, les voûtes biaises, surbaissées1, etc.; mais
nous n'en parlerons pas, ces pièces de trait ne devant être
employées tout au plus que dans des restaurations.
Ce que l'on a dit de la construction des murs peut s'ap-.
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EMPLOI DES MATÉRIAUX,                        Sn ?'
' ne
pliquer à celle des voûtes; seulement, dans les murs, les
pierres ont la forme d'un parallélipipède, et dans les voûtes
elles ont la forme d'un coin. Dans les uns, les lits sont hori-
zontaux et dans les autres ils tendent vers un centre.
De la forme et de la disposition de ces pierres appelées
voussoirs, il résulte une action ou poussée qui tend à écar-
ter les supports des voûtes, et par conséquent à les rompre.
Ainsi, il faut donner à ces supports une épaisseur capable
de résister à l'action qui agit sur eux ; et comme les voûtes
en plein ceintre, les seules que nous adoptons, se rompent
entre l'imposte et le voussoir du milieu appelé clef, il con-
vient que le corps qui s'oppose à la poussée fc'élève jusqu'à
cette hauteur. Il doit même s'élever encore davantage, lors-
qu'on ne peut lui donner l'épaisseur nécessaire, afin que ce
qu'il aura acquis en force perpendiculaire supplée à ce qui
lui manque en force horizontale.
La résistance que l'on doit opposer à la poussée d'une
voûte , doit être d'autant plus grande que la flèche de la
voûte a moins de hauteur , que son diamètre et son épais-
seur sont plus considérables, et que ses supports sont plus
élevés.
Outre ces considérations relatives à la poussée qu'occa-
sionne la forme des voussoirs , et qui sont communes à
toutes les voûtes, il en est d'autres qui ont rapport à la na-
ture et à l'appareil particulier de chaque voûte. Le berceau
exerce son action latéralement, c'est-à-dire, contre les murs
qui reçoivent sa retombée ; la voûte en arc de cloître le fait
uniformément contre ses murs pourtours ; la voûte d'arête
a une poussée diagonale , qui est résultante des poussées
latérales de chacun des berceaux qui la composent ; le cul-
de-four n'a qu'une légère [poussée du centre à la circonfé-
rence. et le pendentif agit presque entièrement vers les
H
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58                                        ÉLÉMENTS.
berceaux qui îe pe'nètrent, etc. ; c'est donc vers ces endroits
qu'il faut opposer la résistance.
Qoique naturellement le berceau exerce une action con-
tinue sur les murs qui le soutiennent, on peut, au moyen
de lunettes ou d'arcs en décharge , détourner cette action
vers certains points que l'on sera maître de déterminer.
Alors, on fortifiera ces points, et l'on fera le reste des murs
aussi peu épais que l'on voudra, ce mur n'étant plus que
de remplissage.
Quand on a une suite d'arcades ou de voûtes en berceau,
on peut donner à chaque pied-droit, ou une force qui puisse
contenir la v©ûte qu'il supporte, ou une force qui ne soit
propre qu'à résister à la pression. Dans ce dernier cas , la
poussée de toutes les voûtes étant rejetée vers les derniers
supports , il faudra donner à ceux-ci une force capable de
s'opposer à toutes les poussées particulières.
JYous n'avons aucun traite' qui, dans tous les cas, indique
avec précision les résistances qu'il convient d'opposer aux
diverses poussées des voûtes. Mais bientôt nous aurons sur
cette matière un excellent ouvrage, que depuis long-temps
les artistes attendent avec impatience, celui de M. Rondelet,
dont les connaissances théoriques et pratiques sont égale-
ment étendues.
Si les voûtes sont destinées à soutenir de grandes charges,
et qu'ainsi elles exigent une grande épaisseur, la pierre est
la matière qu'on doit préférer ; mais lorsqu'elles doivent
n'être chargées que de leur propre poids, on peut les cons-
truire en moellons, en briques ou même en poterie, comme
l'ont souvent fait les Anciens avec avantage.
Quand les voûtes sont fort épaisses , il n'est pas néces-
saire que cette épaisseur soit la même par-tout ; on pourrait
se borner à faire des arcs séparés entre eux par certaines
-ocr page 70-
EMPLOI DES MATÉRIAUX.                       5q Ire PARTIE
° IIe Skctio*-.
distances, et à relier ces arcs par des chaînes de voussoirs
horizontales, en mettant entre elles la même distance qu'entre
les arcs. On remplirait ensuite avec une pierre plate et fort
mince le vide qui resterait. Ces renfoncements carrés forme-
raient naturellement ce qu'on nomme caissons.
Dans la construction des voûtes il faut employer le moins
de fer que l'on peut ; ce métal est un trop faible moyen
d'assurer leur solidité. Le mieux serait de n'en faire aucun
usage ; mais lorsqu'on ne peut se dispenser d'y recourir, il
faut du moins tâcher de le faire servir, non à porter, mais
à tirer.
Dans les contrées méridionales, les voûtes n'ont pas besoin
d'être recouvertes d'un comble; mais dans les autres pays,
cette précaution est essentielle à leur conservation.
Les combles ont ordinairement deux égoûts et quelquefois Combles.
quatre : lorsqu'ils n'en ont qu'un, on les nomme appentis.
Leurs extrémités s'appellent croupes, si elles ont la même
inclinaison que leurs côtés, et pignons, si elles sont termi-
nées par la continuation du mur. Enfin, lorsque la corniche
de l'édifice se continue en rampant le long des deux côtés
inclinés du pignon, on nomme celui-ci fronton.
Les combles doivent être plus ou moins élevés , suivant
le climat où l'on bâtit, et suivant la matière que l'on emploie
à les couvrir.
Dans le Nord, où la neige tombe en abondance et séjourne
long-temps sur les toits , on doit tenir ceux-ci plus élevés
que dans les pays qui ne sont point sujets à ces inconvénients.
Les combles couverts en tuile doivent aussi être moins
plats que ceux qui sont couverts en ardoise. Quoi qu'il en
soit, on ne peut donner aux combles ni plus d'un tiers ni
moins d'un sixième d'élévation.
C'est aux fausses idées de beauté et de décoration qui se
H a
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I« PARTIE. 6'o                                       É L É M E N T S.
IIe Section.                    .                                                     .                     ,            . , ,
sont introduites dans 1 architecture, a ces idees-la seules, que
l'on doit les combles énormes à la construction desquels
on n'a sacrifié de si grosses sommes que pour hâter la ruine
des édifices qu'ils couvrent, et pour affliger l'oeil qui les
considère. C'est encore à ces mêmes idées que l'on doit cette
ridicule espèce de combles dont la partie supérieure est
presque aussi plate qu'une terrasse , et la partie inférieure
presque aussi roide qu'un mur , espèce qui , toute désa-
gréable qu'elle est, n'en a pas moins contribué à immorta-
liser Mansard.
Lorsqu'un édifice est très-large, et que le comble en de-
viendrait trop haut, on divise celui-ci en deux, en trois et
même en un plus grand nombre de combles qui n'ont plus
alors que la moitié, le tiers de la hauteur qu'aurait eu le
premier, etc.
Les combles se font soit en charpente ou en menuiserie ,
soit en briques ou en pierres.
Les combles en charpente s'exécutent par travées ainsi que
les planchers. Ces travées sont portées par des fermes com-
posées chacune de deux arbalétriers disposés suivant le ram-
pant du comble; d'un entrait, dans lequel ils s'assemblent
par le bas, et qui prévient leur écartement ; d'un entrait re-
trousse',
assemblé dans les arbalétriers , et qui, placé dans
un sens parallèle au premier, les empêche de ployer ; d'un
poinçon assemblé de même dans les arbalétriers, et qui s'op-
posent à ce que l'entrait retroussé fléchisse ; d'aisseliers ,
qui fortifient l'entrait retroussé ; enfin , de contre -fiches
assemblées dans le poinçon pour roidir les arbalétriers. Ces
fermes sont réunies par un faîte assemblé dans le haut des
poinçons, et par un sous-faîte, qui entre par assemblage ,
dans les entraits retroussés.
Les fermes ainsi disposées, on place sur les arbalétriers un
-ocr page 72-
EMPLOI DES MATÉRIAUX.                        6l l*e PARTIE.
IIe Section.
ou plusieurs cours de pannes soutenues par des tasseaux et
par des chantignoles; et sur ces pannes, on place les che-
vrons qui, à leur extrémité' supérieure, s'assemblent dans une
plate-forme posée sur le haut du mur, et à leur extrémité
supérieure portent sur le faîte.
Quand les combles forment des croupes, on met aux angles
et au milieu de ces croupes, des demi -fermes : celles des
angles se nomment demi-fermes d'arêtier.
Dans le plancher du comble, plancher auquel l'entrait sert
de poutre , il y a le demi - entrait de croupe qui, par un
bout, s'assemble dans l'entrait, et par l'autre bout, porte
sur le mur : de plus, on y place des goussets assemblés dans
les entraits; des cojers ou pièces diagonales assemblées dans
les goussets, et qui servent de tirants aux demi-fermes d'arê-
tiers ; enfin, des soliveaux d'empannon, qui s'assemblent
dans les coyers.
La charpente du comble achevée, on latte, et sur le lattis,
on place la tuile ou l'ardoise en recouvrement.
Les combles en menuiserie , inventés par Philibert de Combles en
Lorme, ont des grands avantages sur les combles en char- menuiserie.
pente; et si l'usage n'en est pas devenu universel, on ne
doit s'en prendre qu'à la routine. Ils chargent bien moins
les édifices, n'ayant besoin ni d'entrait, ni de toutes les pièces
qui embarrassent l'intérieur d'un comble , ce qui est un
grand objet d'économie. Ils procurent aux greniers ou aux
étages supérieurs des édifices le plus grand espace qui soit
possible, espace dont on peut profiter soit pour donner plus
de hauteur à l'étage inférieur , soit pour faire des loge-
ments que l'on ne pourrait pratiquer dans un comble en
charpente. Ces combles ,qui intérieurement ont la forme d'une
voûte, mais qui n'ont point de poussée , offrent un autre
-ocr page 73-
I" PARTIE. 62                                             ÉLÉMENTS.
IIe Section.            - ,                                                                                                               .
mente, celui d'embrasser, par leur étendue , des espaces
considérables.
Cette espèce de comble est forme'e par des fermes espa-
cées d'environ un mètre. Chaque ferme est composée de deux
rangs de planches de 97 à 129e (3 à 4 pieds) de long, appli-
quées l'une contre l'autre, en liaison, c'est-à-dire, de ma-
nière que l'extrémité de l'une se trouve au milieu de l'autre.
Ces fermes sont reliées ensemble par des liernes dans les-
quelles on met des chevilles qui serrent exactement les planches
entre elles.
Combles
          Les combles en brique, outre les avantages qui leur sont
en briques.                                       ,               , ,                         .                           , . , ,,
communs avec les combles en menuiserie, ont celui de n être
pas sujets aux incendies.
Leur construction est à-peu-près la même que celle de la
première espèce de voûtes plates. Sur un ceintre mobile
dont la courbure est celle d'un demi - cercle , on met deux
rangs de briques à plat, en liaison; et sur la voûte formée
par les deux rangs de briques , on fait, avec des tuileaux ,
trois petits massifs triangulaires pour établir la pente du
comble : on enduit le tout, et sur l'enduit on cloue l'ardoise.
Quoique ces combles n'aient presque pas de poussée, il est
bon cependant de relier par quelques armatures en fer les
murs qui les soutiennent.
La plupart des combles en pierre ressemblent assez à ceux
dont on vient de parler, et n'en diffèrent que dans la matière,
la voûte étant en pierre au lieu d'être en brique, et la cou-
verture en dalles au lieu d'être en ardoise. Cependant, on
en fait quelquefois dont la construction a plus d'analogie
avec les combles en charpente qu'avec ceux qui sont en
brique. Ces combles se pratiquent par travées formées de
dalles posées à recouvrement, et soutenues par des arcs qui
font la fonction de fermes : les arcs sont réunis par des
-ocr page 74-
EMPLOI DES MATÉRIAUX.                         63
plate-bandes; les joints verticaux des dalles , lesquels cor-
respondent directement au milieu des arcs, sont recouverts
par des demi-cylindres en pierre , qui s'emboîtent les uns
dans les autres, et la portée des dalles est soulagée par des
barres de fer qui se scellent dans les arcs. Ce que nous allons
dire des terrasses achèvera d'éclaircir ce que nous avons dit
des combles en pierre.
L'objet des terrasses est de procurer la facilité de se pro-
mener sur les édifices, d'y jouir de la vue des environs et
d'y respirer la fraîcheur.
Les terrasses ainsi que les combles ont une inclinaison
propre à faire écouler les eaux; mais cette inclinaison est
bien moindre ; et par cette raison, la construction des ter-
rasses exige plus de soin que celle des combles en brique
ou en pierre, sur-tout dans les pays septentrionaux.
Les terrasses se construisent ou avec des tables de plomb
que l'on soude ensemble, ou avec des dalles de pierre. On
peut, à la rigueur, poser les premières sur l'aire d'un plan-
cher, mais les secondes doivent toujours porter sur des
voûtes.
Les joints des dalles doivent être placés vis-à-vis les uns
des autres et à plomb , sur un petit canal ménagé sur la
voûte, afin que si l'eau venait à s'y introduire, elle pût
s'écouler dans le caniveau pratiqué au-dessous de la pre-
mière dalle. Pour plus de sûreté, on doit relever les bords
des joints par une espèce de bombement.
Les combles en pierre et les terrasses se maçonnent avec
du ciment et se jointent avec du mastic.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur la manière
d'employer lés divers matériaux à la construction des élé-
ments des édifices; ceux qui désireront de plus grands
détails pourront consulter les ouvrages de Patte, de qui
-ocr page 75-
64                                         ÉLÉMENTS.
nous avons emprunté beaucoup de choses là-dessus ; ce que
nous avons dit sur cette matière, non-seulement suffit pour
en donner une idée générale à ceux qui étudient l'architec-
ture et pour prévenir de leur part ces fautes grossières que
l'on ne remarque que trop dans les projets où l'on s'occupe
exclusivement de décoration , mais encore fait assez voir
que la décoration, si, par ce mot, on entend autre chose
que l'application de la peinture et de la sculpture aux édi-
fices , est produite en grande partie par l'évidence de la
construction.
Pour achever de s'en convaincre , il ne faut que jeter les
yeux sur les restes imposants des édifices antiques , sur les
belles fabriques répandues dans toute l'Italie, morceaux où
la pierre, la brique, le marbre, etc., se montrent pour ce
qu'ils sont, à la place qui leur convient , et même sur les
figures de îa planche 2, quoiqu'il ne s'y agisse que de la
disposition des matériaux relativement à leur nature, et à
l'usage des objets à la construction desquels ils sont em-
ployés. L'on ne sera plus alors tenté d'abandonner cette
décoration naturelle , satisfaisante, pour y substituer, par
un surcroît de dépenses, tantôt l'apparence d'une construc-
tion imaginaire qui, n'étant pas la construction réelle de
l'édifice, donne de celle - ci une idée fausse, lui ôte de son
caractère au lieu d'y ajouter, et tantôt une décoration arbi-
traire qui résulte uniquement d'un assemblage d'objets inu-
tiles , et qui, par - là , loin de procurer du plaisir, ne peut
que fatiguer la vue , choquer le bon sens et déplaire
souverainement. <
-ocr page 76-
TROISIEME SECTION.
FORMES ET PROPORTIONS.
xLn nous occupant des mate'riaux et de leur disposition dans
la construction des éléments des édifices , nous avons dû
remarquer que, si la nature nous en offre quelques-uns tout
prêts à être mis en œuvre , il faut de toute nécessité tra-
vailler la plupart des autres, soit pour les rendre propres à
bâtir en général, soit pour les approprier à l'usage auxquels
sont destinés les divers éléments des édifices. C'est ainsi que
l'on enlève au bois son aubier, et à la pierre son bousin ;
qu'on équarrit la pierre et le moellon pour leur donner du
gissement dans la construction des murs, ou qu'on les taille
en coin afin de construire des voûtes. Nous avons dû re-
marquer encore que de l'union de ces matériaux naissaient
naturellement des formes et des proportions : ce qui ne peut
être autrement, vu que nécessairement la matière a des formes,
qui, elles-mêmes, ont des rapports et des proportions. C'est
donc sous ces deux derniers points de vue qu'il faut consi-
dérer les éléments des édifices.
On peut ranger les formes et les proportions en trois
classes : celles qui naissent de la nature des matériaux et
de l'usage des objets à la construction desquels ils sont em-
ployés; celles dont l'habitude nous a fait en quelque sorte
un besoin, telles que les formes et les proportions des édi-
fices antiques ; enfin, celles qui, plus simples et plus déter-
minées , obtiennent chez nous la préférence, à cause de la
facilité que nous avons à les saisir.
ï
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66                                             ÉLÉMENTS.
Les premières sont les seules essentielles ; mais elles ne
sont pas tellement fixées par la nature des choses, que l'on
ne puisse y ajouter, y retrancher, en sorte que rien n'em-
pêche d'y allier les deuxièmes, celles des édifices antiques :
et, comme celles-ci varient beaucoup dans les édifices grecs
qu'ont imités les Romains, qui à leur tour ont été imités par
les peuples modernes de l'Europe , on est libre de choisir
entre elles les formes et les proportions qui étant les plus
simples sont les plus propres, en apportant de l'économie
dans les édifices, à satisfaire davantage et l'oeil et l'esprit.
C'est sur-tout dans les ordres que l'on attache de l'impor-
tance aux formes et aux proportions. Nous avons vu que les
formes principales y émanent de l'usage de quelques-uns
des éléments des édifices; nous verrons que les principales
proportions ont la même origine, et que, pour les découvrir,
il n'est pas plus nécessaire de recourir aux proportions du
corps humain, qu'il ne l'a été de recourir aux formes de la
cabane pour découvrir celles des ordres.
En effet, dans les édifices particuliers de la dernière classe,
dont la dépense est toujours limitée, si la convenance exige
des soutiens isolés, on les fera nécessairement avec les ma-
tières les moins chères, c'est-à-dire, avec celles qui résistent
le moins. Pour en diminuer le nombre, on les écartera le
plus qu'il sera possible les uns des autres , afin cle pou-
voir , par cette économie , observer les autres convenances.
Il ne faut cependant pas que la solidité souffre trop d'un
tel arrangement. Pour cela, on fera ces soutiens très-courts,
afin d'en augmenter la force ; et par la même raison, peut-
être , les fera-t-on carrés au lieu de leur donner une forme
ronde.
Ces soutiens ainsi espacés , soit colonnes soit pilastres,
exigeront que l'architrave, qui les relie , ait plus de hauteur
que s'ils étaient moins éloignés, afin qu'ils ne soient pas dans
Fe PARTIE.
IIIe Sectiojt.
Proportions
générales des
ordres
Planche 4.
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FORMES ET PROPORTIONS.                          07 l
HT
le cas de se rompre, et la frise, destinée par sa nature à
relier les colonnes avec le mur comme l'architrave relie les
colonnes entre elles, aura une hauteur égale à celle de cette
architrave. Quant à la corniche, pour qu'elle soit solide, il
faut qu'elle ait une saillie égale à sa hauteur, et que l'une
et l'autre soient proportionnées à l'élévation de l'édifice que
cette corniche doit défendre des eaux qui tombent du toit :
et comme, dans ce premier cas, l'édifice est peu élevé, on
peut donner à la corniche une hauteur moindre que celle
de la frise ou de l'architrave.
Au contraire, dans ceux des édifices publics qui sont les
plus importants, où, à quelque prix que ce soit, on ne doit
négliger aucune des convenances, et où la durée est une
condition dictée, non - seulement par la convenance, mais
encore par l'économie, vu qu'il n'y a nulle économie à
recommencer de pareils édifices, on emploiera les matériaux
qui opposent le plus de résistance, et dans un espace donné,
on multipliera les soutiens le plus que l'on pourra. Alors ,
on leur donnera une forme plus élégante, et, pour faciliter
le passage entre les soutiens serrés, on les fera cylindriques.
Le peu d'espace qui les séparera engagera naturellement à
faire les architraves ainsi que les frises, moins hautes, et
l'édifice ayant une grande élévation exigera que la corniche ,
pour rejeter les eaux plus loin, ait plus de saillie, et par
conséquent, une hauteur plus considérable que la frise ou
l'architrave.
Ainsi l'on peut, on doit même, suivant les cas, faire des
colonnes tantôt courtes et tantôt longues. Mais il est cer-
taines limites que l'on ne saurait franchir. Trop longues ,
les colonnes n'auraient pas assez de solidité ; les faire trop
courtes serait donner dans un autre excès. L'expérience ,
c'est-à-dire, l'observation de leurs proportions dans les édi-
I a
-ocr page 79-
68                                     ÉLÉMENTS.
fices antiques, qui sont ceux que l'on estime davantage, va
servir à les déterminer. Les colonnes les plus courtes que
l'on remarque dans ces édifices, sont celles de l'ordre dorique
grec ; mais, comme nous l'avons déjà dit, leurs proportions
varient dans tous les édifices. Dans les uns, comme dans un
temple dont on voit les ruines à Corinthe, elles n'ont que
quatre diamètres. Dans d'autres, elles en ont jusqu'à neuf,
comme dans le temple de Coré; mais ce dernier exemple étant
le seul où les colonnes soient si élevées, en les fixant à six
diamètres, nous aurons une espèce de moyenne proportion-
nelle à laquelle nous nous en tiendrons pour la proportion
des plus courtes colonnes, d'atitant plus que cette propor-
tion se rapproche davantage de celle de la plupart des colonnes
doriques grecques.
Les colonnes les plus longues sont celles de l'ordre corin-
thien ; mais leur proportion n'est pas toujours la même. Les
unes, comme celles de la Tour des Vents et du Colisée, ont
huit diamètres et demi ; d'autres, comme celles de la Lan-
terne de Démosthènes et du temple de Vesta à Rome, en
ont près de onze. Cependant, la plupart ont environ dix
diamètres ; et cette dernière pi-oportion, qui est plus exacte,
sera celle que nous assignerons aux colonnes les plus
élevées.
Comme entre les édifices particuliers de la dernière classe
et les édifices publics de la première, il existe une foule de
classes intermédiaires, on pourrait, entre ces deux ordres de
colonnes, en interposer une foule d'autres. Mais pour en
simplifier l'étude et pour nous éloigner en même temps, le
moins qu'il se peut, des systèmes reçus, nous nous borne-
rons a trois ordres que nous interposerons de cette manière:
d'abord, entre les colonnes de six diamètres et celles de dix,
nous en aurons de huit, proportion de l'ordre dorique du
théâtre de Marcellus, dorique romain le plus estimé; ensuite,
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FORMES ET PROPORTIONS.                           OO,
entre le dorique grec et celui-ci, nous aurons des colonnes
de sept diamètres, proportion du toscan de Vignole le plus
généralement adopté ; enfin, entre le dorique romain et le
corinthien, il y aura une dernière colonne de neuf diamètres,
proportion qui tient à-peu-près le milieu entre les différents
ordres ioniques , romains ou grecs, et qui, d'ailleurs, a été
presque généralement adoptée par les modernes. Ainsi, ces
colonnes augmenteront dans le rapport qui suit : dorique
six, toscan sept, dorique romain huit, ionique neuf, et
corinthien dix.
Toutes les colonnes doivent diminuer d'un sixième , un
cône étant plus solide sur sa base qu'un cylindre. Quant
aux chapiteaux et aux bases , ils devraient augmenter de
hauteur en raison des colonnes ; mais ces proportions sont
plutôt des effets de l'habitude que des objets de nécessité,
elles importent peu à la construction. Ainsi, pour ne point
contrarier les habitudes , nous donnerons un module ou
demi - diamètre à toutes les bases, ainsi qu'aux chapiteaux
des trois premiers ordres, un module et demi au chapiteau
ionique, et deux modules et un tiers au chapiteau corinthien.
Plus les colonnes sont massives, et plus elles peuvent être
espacées ; au contraire, plus elles sont élégantes, et plus elles
doivent être serrées. Le moindre espacement que l'on puisse
donner aux colonnes, et qu'on leur ait effectivement donné
dans l'antiquité, est d'un diamètre et demi. Nous conserve-
rons cette proportion pour le corinthien ; nous l'augmen-
terons ensuite d'un demi-diamètre, à mesure que les colonnes
diminueront d'un diamètre , dans le rapport suivant : co-
rinthien I ~ i ionique a., dorique a i, toscan 3 , dorique
grec 3i.
Comme l'architrave et la frise doivent avoir plus ou moins
de hauteur, suivant leur plus ou moins d'étendue , nous
leur donnerons un module et demi dans l'ordre dorique
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•JO                                        ÉLÉMENTS..
grec, et un module et un quart dans l'ordre corinthien.
A l'égard de la corniche, comme elle doit être plus ou moins
saillante et haute, selon que les ordres ont plus ou moins
d'éleVation , elle aura, dans le premier ordre un module ,
et dans le cinquième, un module et demi. Les proportions
de ces diverses parties de l'entablement e'tant ainsi fixées
pour les deux ordres extrêmes, il sera facile de trouver celles
que doivent avoir ces mêmes parties dans les ordres moyens.
La somme de toutes ces parties, dans tous les ordres, sera
de deux diamètres ou de quatre modules, proportion exacte,
facile à retenir, et cependant relative au plus ou moins de
force ou de légèreté' des colonnes, puisqu'elle sera du tiers
dans le premier ordre , du cinquième dans le dernier, et du
quart dans le troisième, etc. Cette proportion, d'ailleurs, se
rapproche de la plupart des ordres grecs et romains, du moins,
de celles du dorique grec et du corinthieia.
Les piédestaux peuvent être plus ou moins élevés. Mais
pour ne nous éloigner que le moins que nous pourrons des
ordres adoptés par les anciens et des principaux systèmes
d'ordre, principalement pour simplifier l'étude de la chose
autant qu'il se pourra , nous ferons nos piédestaux plus hauts
d'un module que l'entablement, c'est-à-dire, de deux dia-
mètres et demi ou de cinq modules. La base aura un mo-
dule, et la corniche un demi-module.
Telles sont les formes et les proportions que nous ont
indiquées, pour les principales parties des ordres, la nature
même des choses, les* égards dus à des habitudes que nous
avons contractées en voyant ou les ordres des anciens ou
ceux qui en ont été imités, et l'attention qu'il faut apporter
à ne point fatiguer l'oeil par des proportions équivoques.
Si notre système n'est ni aussi complet ni aussi suivi qu'on
pourrait le désirer, du moins, sous ce double rapport est-il
préférable à tous les systèmes que l'on a imaginés jusqu'à
-ocr page 82-
r« partie.
IIIe Section.
FORMES ET PROPORTIONS.                          JI
présent. ïî a de plus l'avantage de reposer sur des bases plus
solides que l'imitation de la cabane et du corps humain. Il
ne révolte pas le bon sens, et n'offre aucune de ces absur-
dités qui ne peuvent que de'goûter de l'architecture des esprits
accoutumés à raisonner. Simple et naturel, il est aussi facile
à retenir qu'à saisir. Mais fût-il de beaucoup meilleur qu'il
n'est, si on l'applique mal, si l'on fait servir ces formes et
ces proportions à revêtir des objets inutiles dans un e'difice ,
alors on fera non-seulement de la mauvaise architecture,
mais même de la mauvaise décoration ; au lieu que sans ces
mêmes formes, un édifice qui présentera tout ce qu'il faudra,
ne présentant que ce qu'il faut, et où tout sera disposé de
la manière la plus convenable et la plus économique, satis-
fera tout-à-la-fois et l'esprit et les yeux.
Comme en général un ordre comprend trois parties, un
piédestal, une colonne, un entablement, et qu'ensuite on
distingue une base, un dez et une corniche dans le piédes-
tal ; une base , un fut et un chapiteau dans la colonne ; une
architrave, une frise et une corniche dans l'entablement,
de même chacune de ces parties en renferme à son tour plu-
sieurs autres , qui, elles - mêmes se composent de parties
encore plus petites.
Les premières corniches vraisemblablement ne furent
qu'une pierre carrée ; cette pierre en bascule ayant trop de
poids, on imagina de la tailler en biseau : mais comme par-
là elle devenait trop faible, on y ménagea, dans le milieu,
une partie saillante ; et la corniche alors eut trois parties ,
que l'on distingua par les noms de cymaise supérieure, de
larmier et de cymaise inférieure. Depuis et lorsqu'il s'agissait
de très-grandes corniches, au lieu d'une pierre, on en a
quelquefois employé plusieurs; ce qui a donné lieu à de nou-
velles divisions. De là , les larmiers modillonaires, dans la
hauteur desquels on place des pierres saillantes destinées à
Détails des
ordres en gé-
néral ou mou-
lures.
Planche 5.
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I PARTIE. y2                                             ELEMENTS.
IIIe Section.                      '                 ,
soulager la portée du larmier et appele'es mutules dans l'ordre
dorique et modillons dans le corinthien; les larmiers denti-
culaires,
ainsi nommés à cause des dents que l'on y taille de
fois à autre, et les cymaises intermédiaires, etc. Dans les édi-
fices où les ordres n'entraient point, on a fait, dans les cor-
niches, porter la grande saillie du larmier sur d'autres pierres
saillantes plus considérables que les modillons et ces pierres
ont pris le nom de consoles.
Chacune de ces parties s'est encore subdivisée en plusieurs
autres , auxquelles on a donné différentes formes géomé-
triques. On peut s'en faire une idée en jetant les yeux sur
la planche 5. On les a employées, non-seulement dans les
membres des corniches, mais encore dans les cymaises des
architraves, et dans différents membres des chapiteaux et
des bases , etc. Comme elles ne ressemblent pas à grand-
chose , et qu'elles ne laissent pas d'entraîner dans la dépense ,
chaque moulure couronnée d'un filet se comptant pour 3t.c
( i pied) de mur , n'en eût-elle que 5 ("2 pouces) de haut,
nous nous contenterons d'inviter à n'en faire qu'un usage
très-sobre, et à réserver les fonds dont on peut disposer
pour de la peinture ou de la sculpture, objets plus propres
à plaire que des moulures, parce qu'ils représentent tou-
jours quelque chose.
Art
             On nomme profil, un assemblage quelconque de moulures,
de pro 1er. Gi profiler est un art auquel les partisans de la décoration
architectonique attachent beaucoup d'importance. Nous
sommes loin d'y en attacher autant. Quoi qu'il en soit,
l'usage ayant consacré les moulures , il faut, en les assem-
blant, éviter de choquer l'oeil; or, le seul moyen d'y réussir,
c'est de donner à chaque profil des mouvements bien pro-
noncés , de marier les moulures droites avec les moulures
courbes , et d'en opposer d'extrêmement fines à de très-
fortes. Les Grecs , dans leurs ordres doriques et ioniques,
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FORMES ET PROPORTIONS.                        ^3
ainsi que les Romains dans leurs ordres corinthiens, offrent
de bons exemples de profils ; au contraire, on en trouve de
fort mauvais chez les premiers dans leurs ordres corinthiens,
et chez les derniers dans leurs ordres doriques et ioniques.
Pour acquérir l'art de profiler, il faut comparer entre eux
les profils des Grecs et des Romains, chose facile, si l'on jette
les yeux sur les planches 65, 6g, 70 du parallèle des édifices,
et tracer ensuite à la main un grand nombre de profils.
Les profils des différents ordres ne doivent leur mérite
qu'à l'habitude que nous nous en sommes faite , raison
pour laquelle nous nous sommes bien gardés d'en imaginer
de nouveaux. Ceux que nous offrons, nous les avons puisés
tous dans les édifices antiques, ou dans les auteurs que l'on
suit le plus ordinairement. Mais comme dans les profils de
chaque ordre il existe des différences assez considérables ,
nous nous sommes crus autorisés à en faire un choix; c'est
pourquoi nous avons choisi les profils les plus simples,
parce qu'ils sont les moins fatigants, les plus économiques ;
et quelquefois même nous nous sommes permis de les sim-
plifier encore davantage, ne le faisant toutefois que d'après
d'autres édifices où se trouvaient ces simplifications. C'est
ainsi que dans le profil du premier ordre, profil qui, à peu
de chose près, est celui du temple de Minerve à Athènes,
si nous avons placé le triglyphe aplomb de la colonne, chan-
gement le plus grand que nous y ayons fait, c'est que les
triglyphes sont placés de cette manière dans tous les doriques
romains.
Dans celui du deuxième ordre, qui est le profil toscan de
Vignole, nous n'avons supprimé que quelques filets et quel-
ques baguettes.
Dans celui du troisième ordre, profil qui^ sauf quelque
légère différence, est le dorique du même Vignole, noua
I" PARTIE.
IIIe Section,
Profils des
différents or-
dres.
Planche 6.
-ocr page 85-
7-4                                       ÉLÉMENTS..
avons supprimé le larmier dentieulaire et les mutules mé-
plates du plafond du larmier, autorisés à cela par l'exemple
de Serlio, de Barbaro, de Cataneo, de Viola, de Bullant, et
de Philibert de Lorme.
Dans le profil du quatrième ordre, qui est celui de Serlio,
nous nous sommes bornés à supprimer les denticules du
larmier dentieulaire et les trois faces de l'architrave , sup-
pressions pour lesquelles on trouve des exemples : pour la
première, dans l'entablement ionique du Colisée, dans Léon-
Baptiste Alberti, Jean Bullant, Philibert de Lorme; et pour
la deuxième, dans le bel entablement ionique du temple de
l'Ilissus. Enfin , le profil du cinquième ordre est en entier
l'entablement corinthien de l'attique de la Botonde.
Il y a beaucoup d'entablements corinthiens où l'on voit
des modillons, mais il y en a beaucoup aussi dans lesquels
on n'en voit pas , tels que les entablements du temple de
Vesta à Tivoli, des petits autels du Panthéon, et du temple
consacré à Antonin et à Faustine. Quoique les modillons ne
gâtent pas ces entablements, nous croyons néanmoins que
l'on devrait les réserver pour les ordres colossaux, (voyez
planche 70).
Nous avons été tentés de supprimer les triglyphes dans
l'ordre dorique. Plusieurs monuments antiques, tels que la
chapelle d'Agraule à Athènes, les bains de Paul-Emile, le
Colisée et l'amphithéâtre de Nismes, où il n'y en a pas, nous
y autorisaient ; mais tant de gens les regardent encore comme
un attribut essentiel à cet ordre, que nous les avons laissés
subsister par cette raison.
C'est par la même raison que nous conservons les formes
et les proportions des chapiteaux ioniques et corinthiens.
Lorsque le magnifique ouvrage que des savants courageux
ont entrepris sur l'Egypte sera fini, peut-être que frappé du
-ocr page 86-
FORMES ET PROPORTIONS.                        ^5
naturel, de la simplicité, de l'élégance et de la noblesse de
plusieurs chapiteaux égyptiens, on abandonnera le tailloir
frêle et chantourné du chapiteau corinthien, les coupeaux
nommés volutes, qui -, dit-on, le soutiennent, et les coussins
du chapiteau ionique , qui le rendent si peu régulier, si
difficile à employer dans tant de circonstances.
Quant aux autres chapiteaux et aux piédestaux , nous
avons suivi la même méthode que dans les entablements;
et pour épargner à nos lecteurs la peine de recourir à d'autres
livres, nous avons donné, dans la planche 7, le développe-
ment des chapiteaux, des colonnes et des pilastres des ordres
ionique et corinthien, quelques exemples de corniches pour
l'intérieur des appartements, et enfin, le tracé de la volute
ionique.
Lorsque dans un même édifice il se rencontre des pi-
lastres engagés et des colonnes, comme les premiers ne di-
minuent pas, on donne au chapiteau moins de saillie sur
le nu du pilastre que sur celui de la colonne , afin que la
saillie du chapiteau-pilastre sur l'entablement, ne diffère pas
trop de celle du chapiteau-colonne.
Les corniches des appartements différent plus ou moins
de celles des ordres, et peuvent leur ressembler, à quelque
légère différence près, si les appartements ont une hauteur
raisonnable ; mais s'ils sont trop bas, ce que l'on ne peut
quelquefois éviter, il faut donner à ces corniches peu de
hauteur et beaucoup de saillie, afin de relever en apparence
le plafond de la pièce. De plus, comme dans l'intérieur , la
lumière est bien moins vive qu'à l'extérieur, et qu'en consa-
crant de l'argent à des moulures, il est bon que l'on puisse
du moins les distinguer, on les profilera de manière qu'elles
fassent, les unes avec les autres, non des angles droits, mais
K a
I" PARTIE.
IIIe Sectiow.
Détails
particuliers à
quelques or-
dres.
Planche 7.
-ocr page 87-
IMPARTIE. 176                                        ÉLÉMENTS.
des angles aigus avec un petit intervalle entre elles, afin de
produire un noir qui les détache encore mieux. .
Quant à la volute ionique, voici la manière de la tracer :
Après avoir tiré, à un module de distance de l'axe de la
colonne, une ligne verticale appelée cathète, qui passera par
le centre de l'oeil de la volute , et porté sur cette ligne, à
partir du dessous du talon du tailloir, vingt-une parties et
un tiers de module pour la hauteur totale de la volute, on
prendra douze de ces parties , en allant toujours dans le
même sens, et l'on aura le centre de l'oeil, dont le diamètre
est de deux parties et deux tiers. On inscrira ensuite dans
le cercle de cet oeil un carré dont l'un des angles passera par
l'intersection de la cathète avec ce cercle ; et après avoir
divisé en six parties égales chacune des deux lignes menées
par le centre, perpendiculairement aux côtés de ce carré et
compris entre ces mêmes côtés , on aura les points 1, 2, 3,
4 ........et 12, qui sont les centres du contour de la Volute,
et dont on se servira de la manière suivante :
Du point 1, on élèvera une verticale qui rencontrera en
A le sommet de la volute ; du même point 1, et d'un rayon
1 A, on décrira un arc de cercle qui ira rencontrer en B le
prolongement de la ligne qui passe par les points 1 et 2;
du point 2 pris pour centre, et d'un nouveau rayon 2 2?, on
décrira un second arc de cercle qui se terminera en C sur
le prolongement de la ligne qui passe par les points 2 et
3 ; du point 3 et successivement des points 4,5......et 12
pris pour centres, on décrira de nouveaux arcs de cercles ,
qui auront de même pour rayon la distance de l'extrémité
de l'arc précédent au centre de celui qui le suit, avec la pré-
caution d'observer que le point de rencontre et les centres
des deux arcs consécutifs se trouvent sur la même ligne,
afin que la courbe ne fasse aucun jarret-
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Ire PARTIE.
IIIe Section.
FORMES ET PROPORTIONS.                       J<j
La grosseur du filet, qui est le quart de la hauteur que
îa première révolution laisse au-dessus d'elle, se trouvera
aisément, en partageant en quatre chacune des parties qui
ont servi de centre à la première volute, ce qui donnera
douze nouveaux points dont on se servira de la même ma-
nière que ci-dessus.
Nous avons dit que lorsque les soutiens isolés, soit co-
lonnes, soit pilastres, soit pied-droits, étaient fort e'loigne's
les uns des autres, alors, au lieu de les réunir par des plate-
bandes , on les réunissait par des arcs. On nomme arcade,
l'espèce d'ouverture qui résulte de cet arrangement.
Les arcades peuvent être continues ou alternatives, c'est-
à-dire, séparées par des entre-colonnes , par des portes, par
des croisées ou par des niches. Dans le premier cas, les axes
des soutiens sont également éloignés les uns des autres. Dans
le deuxième, ils ne le sont pas.
Si dans ce dernier cas, les arcs portent sur des colonnes,
le rapport entre les entre-axes variera à raison de la propor-
tion des colonnes. Si ces dernières sont de l'ordre dorique
grec ou de l'ordre toscan, on divisera en trois l'espace com-
pris entre les axes des arcades, pour avoir la position des
axes des colonnes ; mais si celles-ci sont ioniques ou corin-
thiennes, on divisera en huit le même espace. On prendra
trois de ces parties pour chaque demi-arcade, et les deux
autres détermineront la largeur de l'entre-axe des colonnes.
Lorsque les arcades sont continues, si les arcs portent sur
des pied-droits, on divisera en trois l'espace compris entre
les arcs des arcades. De cette manière, le pied-droit aura la
moitié de la largeur de l'arcade.
Les arcades sont-elles séparées par des croisées ou par des
Arcades.
Planche 8.
niches ; dans ce cas , on divisera d'abord l'entre -
axe en
quatre, ensuite les deux parties du milieu en trois et 1
on
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Ire PARTIE. ,jg                                       ÉLÉMENTS.
IIIe Section.
aura ainsi la largeur des pied-droits , de la croisée ou de la
niche.
Si les arcades sont séparées par des portes , on divisera
l'entre-axe en cinq. Les pied-droits auront la moitié de l'ou--
verture, et la porte aura une largeur égale à celle des pied-
droits.
Les arcs doivent toujours reposer immédiatement sur la
colonne, là où les arcades sont continues, et poser sur une
architrave, là où elles sont alternatives.
Le rapport de la largeur à la hauteur des arcades varie
suivant les usages auxquels on les emploie. Les arcades d'une
halle, d'une douane, etc., peuvent avoir une hauteur égale
à leur largeur. Celles qui sont employées dans quelques
autres édifices peuvent avoir en hauteur une fois et demie
la largeur. Quant aux arcades qui forment des portiques
ordinaires, on leur donnera en hauteur le doubla rie leur
largeur, c'est-à-dire, que-le centre des arcs se trouvera aux
trois quarts de la hauteur de l'arcade.
Lorsque les arcades sont formées par des arcs qui portent
sur des colonnes, voici ce qu'il faut faire pour leur donner
cette proportion : on portera trois fois sur l'axe de l'arcade
la distance qui est entre cet axe et celui de la colonne , on di-
visera cette hauteur en autant de parties, plus trois, que la
colonne seule ou la colonne et l'architrave que l'on veut em-
ployer contiennent de modules. En retranchant de cette
hauteur trois de ces modules, on aura le centre de l'arc. Le
\
            reste s'entend de soi-même.
La seule apparence de la construction des arcs est la
meilleure décoration de cette partie là. Cependant, on peut
quelquefois y mettre une archivolte ; et cela se pratique
même assez souvent. Il n'y a qu'un cas où il faille absolu-»
nient s'en abstenir, c'est lorsque des arcades portées sur des
-ocr page 90-
FORMES ET PROPORTIONS.                       <JQ
colonnes sont continues; car, de deux choses l'une, ou ces
archivoltes se pénétreraient, ou elles auraient trop peu de
largeur.
Si les arcs reposent sur des pied-droits, soit qu'on les
entoure d'une archivolte ou non, il faut toujours mettre une
imposte pour recevoir la retombée de ces arcs. Le profil
d'une imposte OU d'une archivolte est le même que celui
d'une architrave , et la largeur de l'une et de l'autre est
d'environ le - de l'ouverture.
Les portes et les croisées, ou se font en arcades lorsqu'elles
sont fort larges, ou se terminent carrément, lorsqu'elles n'ont
qu'une largeur ordinaire. On leur donne en hauteur, dans
les principaux étages, le double de leur largeur ainsi qu'aux
arcades. Dans les étages accessoires, on leur donne une fois
et demie ou une fois leur largeur, ou seulement les deux tiers
de cette largeur. Quand les trumeaux qui séparent les croisées
sont étroits , celles-ci ue soin autre chose qu'un trou pra-
tiqué dans le mur. S'ils sont larges, on entoure d'un cham-
• branle les croisées, et l'on donne à ce chambranle le sixième
de l'ouverture ; son profil est celui d'une architrave, ainsi que
les profils des impostes et des archivoltes. Là où deux rangs
de croisées sont séparés par un grand espace, sur le cham-
branle , on met une frise et une corniche qui ont chacune
une hauteur égale à la largeur du chambranle. Quelquefois
on soutient les deux extrémités de la corniche par des consoles
dont la largeur est la moitié de celle du chambranle.
Sur la corniche, on met quelquefois un fronton pour re-
jeter l'eau sur les côtés. Cela est même nécessaire pour les
portes. La hauteur du fronton- est entre le quart et le cin-
quième de sa base. Quelquefois, aux chambranles, on subs-
titue des pilastres et un entablement. On accompagne encore
de colonnes les portes et les croisées, pour mieux préserver
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80                                            ÉLÉMENTS.
de la pluie ces ouvertures par l'entablement auquel ces co-
lonnes font donner plus de saillie.
Lorsque le dernier rang de croise'es se trouve très-près de
la corniche qui termine l'édifice, on ne doit point mettre de
corniche aux croisées ; on ne doit point en mettre non plus
aux portes dans les intérieurs , parce qu'ici comme là, ces
corniches sont inutiles.
La seule différence qu'il y ait entre les portes et les croi-
sées , c'est que les portes descendent jusque sur le sol de
l'édifice, au lieu que les croisées portent sur un appui cou-
ronné par une plinthe. Si l'espace qui sépare deux rangs
de croisées est considérable, on peut mettre une seconde
plinthe au niveau du plancher, si non, il faut se borner à la
première.
Quand le mur n'a qu'une épaisseur ordinaire, on la divise
en trois parties, qui serTent, l'une pour le tabeau, et les
deux autres pour l'embrasure.
Que l'on compare les diverses espèces de croisées que nous
offrons, où tout est naturel, où tout est simple, avec ces croi-
sées qu'à grands frais on a surchargées de moulures, de mo-
dillons, de crocettes, d'oreilles, etc., croisées, dont malheu-
reusement l'Italie ne nous fournit que trop d'exemple ; et l'on
verra combien la manie de décorer nuit, même à la décoration.
Pour avoir une idée exacte des divers compartiments de
pavé, il suffit de jeter les yeux sur la planche qui les repré-
sente. Et quant aux compartiments de murs, il ne faut que
les voir dans cette même planche, pour se convaincre que
la véritable décoration d'un mur réside dans l'apparence de
sa construction. Seulement nous ajouterons que si l'on croit
devoir élargir les joints pour empêcher que le bord des pierres
n'éclate, il faut le faire de manière à n'avoir que des angles
obtus, ainsi qu'on le voit dans la figure. Toute autre manière
Ire PARTIE,
IIIe Section.
Planche 10.
Comparti-
ments.
De pavé.
ï)e murs.
-ocr page 92-
rOlMES ET PROPORTIONS.                     !" PARTIE.
IIIe SEGTION,
est vicieuse. Les joints montants ne sont pas sujets à e'clater
comme les joints horizontaux; ainsi on peut, si l'on veut,
se dispenser de les élargir.
Afin de rendre les appartements plus sains, on les revêt De lambris.
souvent de lambris dans leur pourtour , quelquefois on le
fait dans toute la hauteur, et quelquefois à hauteur d'appui
seulement. Les uns et les autres sont composés de pilastres,
de bâtis et de panneaux. On assemble les panneaux dans les
bâtis, et ceux-ci dans les pilastres , qui sont eux-mêmes
composés de bâtis et de panneaux. On met au bas une plinthe,
et à hauteur d'appui une cymaise.
L'usage est d'encadrer les panneaux dans des moulures qui
ont en largeur 5e (2\pouces); pour les grands panneaux,
3e ( 1 f pouce) ; pour ceux des pilastres, et dont le champ
qui les sépare a 6e ( 3 pouces ). Au reste, on peut se passer
de ces bordures , et nous avons des exemples qui le
prouvent.
Les panneaux peuvent être ornés ou de sujets d'histoire,
ou de paysages, ou d'arabesques. A l'égard des derniers, on
peut, dans le parallèle, voir ceux des bains de Titus, planche
78, et ceux de Raphaël, planche 85 et 86. On fera bien de
voir aussi les intéressantes productions de Percier et de Fon-
taine, celles de Normand et de Lafitte , lesquelles doivent
incessamment paraître , ainsi que plusieurs intérieurs déco-
rés par nos meilleurs architectes.
Les caissons qui résultent de la construction des voûtes
sont naturellement carrés , forme à laquelle on devrait s'en
tenir. Cependant les édifices antiques nous offrent un si
grand nombre d'exemples de caissons octogones, hexagones De Yoâtes.
et en losange, etc., que nous ne croyons pas devoir les pros-
crire (Voyez planche 76 du parallèle). Nous nous bornerons
donc à souhaiter que lorsque la construction d'une voûte
L
-ocr page 93-
I" PARTIE. 82                                              ELEMENTS.
IIIe Section. -           
nengendrera pas naturellement des caissons, on leur subs-
tituera soit de grands sujets d'histoire ou de mythologie ,
comme dans plusieurs palais, en Italie et en France, soit des
sujets moins graves, tels que les morceaux de peinture que
l'on admire à Rome, dans les bains de Titus, à Hercula-
num, etc. (Voyez planche 77 du parallèle). Au surplus, quelle
qu'en soit la forme, les caissons peuvent être à un, à deux
ou à trois renfoncements, avec ou sans moulures ; car il
existe des exemples de beaux renfoncements qui n'ont pas
de moulures.
Nous terminerons le peu que nous avons dit sur les formes
et sur les proportions par une remarque : c'est que, quelque
raisonnables que soient les trois espèces dont il a été ques-
tion, elles sont peu propres à contribuer au plaisir de la
vue, et par conséquent à la décoration qui a pour objet ce
plaisir. En effet, pour qu'elles fussent capables de plaire à un
certain degré, il faudrait que l'œil pût les tenir exactement,
qu'elles fussent pour cela dans un même plan, et que celui-
ci de plus fût perpendiculaire au rayon visuel ; car si le plan
était horizontal ou oblique , les formes et les proportions
qu'il renfermerait changeraient à chaque point de vue diffé-
rent. Or il est très-rare que les formes et les proportions d'un
édifice se trouvent dans un plan qui permette à l'œil de les
bien saisir et d'en juger sainement.
A ce sujet, nous citerons M. Leroi, et cela avec d'autant
plus de satisfaction, que la plupart des élèves en architecture
doivent une grande partie de leurs talents, et aux lumières
qu'il leur a communiquées et aux encouragements de toute
espèce qu'il leur a prodigués. Dans son excellent discours
sur la théorie de l'architecture, après avoir offert le tableau
ie plus frappant du magnifique effet que font les péristiles
dont les colonnes sont éloignées du mur ; « La beauté qui
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FORMES ET PROPORTIONS.                       83
« résulte de ces péristiles , dit-il, est si générale , qu'elle se
« ferait encore sentir, si les piliers qui les forment, au lieu
« d'offrir au spectateur de superbes colonnes corinthiennes,
« ne lui présentaient que des troncs d'arbres coupés à leurs
c racines et à la naissance de leurs branches, si les colonnes
« étaient imitées de celles des Égyptiens ou des Chinois, si
ce ces piliers ne représentaient même que les amas confus de
«. petites colonnes gothiques ou les soutiens massifs et carrés
ce de nos portiques. »
Parce qui vient d'être dit, on voit le peu d'influence qu'ont
les formes et les proportions, sur le plaisir que nous éprou-
vons à l'aspect d'un édifice; et, s'il reste à cet égard quelque
doute, pour le dissiper tout-à-fait, nous renverrons au paral-
lèle, où l'on trouvera des édifices dont les uns , quoique
bizarres dans leurs formes et sans exactitude dans leurs
proportions, ne laissent pas de faire le ■ plus grand plaisir ,
et dont les autres déplaisent souverainement, quoique l'on y
retrouve toutes les formes et toutes les proportions des édi-
fices antiques. La raison en est, que les objets revêtus de
ces formes sont disposés d'une manière simple, convenable,
dans les premiers de ces édifices, et qu'ils sont ou mutiles ou
mal disposés dans les derniers.
De cette comparaison nous tirerons les conséquences qui
suivent : dans la composition on ne s'occupera plus des
formes ni des proportions sous le rapport du plaisir , on
s'occupera même peu de celles de la première espèce, sous
le rapport de l'utilité, quoiqu'elles soient les plus impor-
tantes , vu que naturellement elles naissent et de l'usage des
objets, et de la nature des matériaux employés à la cons-
truction de ces objets ; les formes et les proportions de la
deuxième espèce seront regardées comme choses purement
locales ? uniquement destinées à ne point choquer nos habi-
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IMPARTIE. 84                                       ÉLÉMENTS.
IIIe Section.                                              ,
tudes ; en sorte que si l'on bâtissait, soit en Perse, soit à la
Chine ou au Japon, on s'abstiendrait d'en faire usage, parce
qu'en agir autrement serait s'opposer aux habitudes du pays,
aux mate'riaux mêmes que Ton y emploie : on fera servir les
formes et les proportions de la troisième espèce, par la rai-
son que dans une foule de circonstances, elles favorisent
l'économie, et que toujours elles facilitent l'étude et l'exer-
cice de l'architecture ; enfin, l'on ne s'attachera plus qu'à la
disposition qui, lorsqu'elle est convenable , lorsqu'elle est
économique, en atteignant la fin que l'architecture se pro-
pose, devient la source de l'agréable sensation que nous font
éprouver les édifices.
La disposition sera donc la seule chose qui, dans le reste
de cet ouvrage, doive nous occuper, quand même, nous le
répétons , l'architecture ferait du soin de plaire son but
principal.
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DEUXIEME PARTIE.
COMPOSITION
EN GÉNÉRAL.
PREMIERE SECTION.
COMBINAISON DES ÉLÉMENTS DES ÉDIFICES.
D a n s la première partie de nos Leçons, nous nous sommes
occupés des éléments des édifices, après avoir traité les prin-
cipes généraux de l'architecture dans l'Introduction; et dans
cette deuxième partie , nous parlerons de la manière de
combiner ces éléments, de former, à la faveur de ces com-
binaisons, les parties des édifices, de réunir celles-ci pour
en former un ensemble, en un mot, nous traiterons de la
disposition, d'après les principes que nous avons exposés
dans l'Introduction.
Les divers éléments des édifices peuvent être placés les
uns à côté des autres, ou les uns au - dessus des autres.
Lorsque l'on compose un édifice, ces deux espèces de com-
binaisons doivent se présenter simultanément à l'esprit :
mais lorsqu'on étudie, on peut, on doit même, pour plus
de facilité dans l'étude, les considérer séparément. Nous
distinguerons donc deux espèces de dispositions : disposi-
M
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m PARTIE. 86                                    COMPOSITION.
lre Section.
Planche ire, tion horizontale représentée par les plans, et disposition
Combinai- verticale représentée par les coupes et par les profils.
sons horizon-            T              1                      ..,,,,,.,.         1 .              A           ,
taies.                  ^es colonnes, ainsi quon la déjà dit, doivent être ega-
De colonnes, lement espacées dans un même édifice ; mais leur espace-
ment doit varier suivant les circonstances. Dans les édifices
particuliers les moins importants, pour en restreindre la
dépense, on doit diminuer le nombre des colonnes , en les
espaçant le plus qu'il est possible ; au lieu qu'il faut les serrer
le plus que l'on peut, dans les édifices publics les plus consi-
dérables, afin de prolonger davantage la durée de ceux-ci.
Dans quelque édifice que ce soit, les colonnes ne doivent
être employées qu'autant qu'elles servent à former des por-
tiques, des galeries; et conséquemment la distance qui les
éloigné du mur doit, pour le moins, être la même que celle
qui les sépare entre elles. Ce premier arrangement suffit
là où les colonnes sont très - espacées et peu élevées; mais
lorsqu'elles sont très-hautes et très-serrées , il cesse de
convenir, vu que les portiques étant très-étroits et très-
élevés , on n'y serait nullement à l'abri du soleil et de la
pluie. Ainsi, dans ce dernier cas, il faut que la combinaison
des colonnes avec le mur soit différente, afin que le portique
remplisse l'objet auquel il est destiné. C'est pourcjuoi, au
lieu de n'éloigner que d'un entre-axe les colonnes du mur,
on les en éloignera de deux entre-axes et même de trois, s'il
est nécessaire. Alors, entre la largeur et la hauteur des por-
tiques, il y aura un rapport exact.
La nature de la construction dans la partie supérieure des
portiques ou des galeries, peut encore nécessiter de nou-
velles combinaisons. Lorsqu'un portique de deux ou de trois
entre-axes est couvert d'un plancher, un mur avec un simple
rang de colonnes suffira pour en soutenir la partie supé-
rieure ; niais, si ce portique est couvert d'une voûte, il faut
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COMBINAISON DES ÉLÉMENTS.                  87 IIe PARTIE.
Ire Sectioh.
de toute nécessité, devant le premier rang de colonnes, en
mettre un second, pour contenir la poussée de la voûte ,
si celle-ci est cylindrique, ou placer des colonnes sur
toutes les intersections des axes, si la voûte est en plate-
bande.
Quand les pilastres sont isolés, on les dispose comme les De pilastres.
colonnes ; mais lorsqu'ils sont engagés, on ne doit en placer
qu'aux extrémités des murs, aux angles des édifices et aux
endroits du mur auxquels viennent se réunir d'autres murs.
A l'égard des murs de refend, comme ils sont toujours
plus éloignés les uns des autres que ne le sont les colonnes,
les entre-pilastres doivent, par cette raison , être toujours
beaucoup plus larges que les entre-colonnements. Dans les
édifices où l'on met des pilastres et des colonnes, les axes
des pilastres ne doivent point avoir moins de trois entre-
axes de distance.
Les murs de face, étant destinés à clorre l'édifice, doivent De murs.
aller directement d'un angle à l'autre, la ligne droite étant la
plus courte, et ceux de refend, qui non-seulement divisent
l'intérieur en plusieurs parties, mais qui, de plus, relient
entre eux les murs de face, doivent, autant que le permet
la convenance, s'étendre dans toute la longueur ou la lar-
geur de l'édifice. Dans le cas où l'on est obligé de les inter-
rompre, il faut au moins les réunir dans la partie supérieure
soit par des poutres, soit par des arcs doubleaux. Par la
même raison, s'il y a des colonnes à l'extérieur d'un édifice,
il faut que les murs correspondent à l'une d'entre elles.
Les croisées et les portes, non-seulement établissent une. Décroisées
communication entre les diverses parties de l'édifice , ou et de
VOTtes'
procurent le plaisir de voir les objets extérieurs ; mais encore
donnent passage à. l'air et à la lumière : ainsi, elles doivent
se correspondre le plus qu'il est possible, On les placera
Ma
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88                                    COMPOSITION.
donc sur des axes communs, et dont on fixera la position
en divisant en deux l'entre-axe des murs ou des colonnes.
Lorsqu'il y a des colonnes à l'extérieur de l'édifice, on
peut pratiquer des croisées ou des portes dans tous les
entre - colonnements , ou simplement d'un en un. La
première combinaison convient aux édifices dont les co-
lonnes sont très - espacées, et la deuxième à ceux dont les
colonnes sont très - rapprochées. Il en est de même des
niches.
Telle est la manière simple et naturelle dont se trouvent
disposées les colonnes, les murs, etc., dans les plus beaux
édifices de l'Egypte, de la Grèce et de Rome, dans les plus
intéressantes productions des Palladio, des Scamozzi, des
Serlio, etc., enfin dans les édifices bâtis ou projetés par les
meilleurs architectes de nos jours.
Dans la plupart des édifices modernes , on voit des co-
lonnes adossées, engagées, accouplées ou même jumelées ;
des pilastres plies, tronqués, ébrasés, etc., et des murs qui,
à tout moment, quittent leur direction naturelle pour se
replier de mille manières, en avant-corps, en arrière-corps,
le tout pour la décoration. Mais quelle différence entre
ces dernières combinaisons et celles dont nous avons parlé
plus haut ! On peut aisément se faire une idée du grand effet
que produisent celles-ci, et de l'effet pitoyable qui résuite de
celles-là.
D'après ce que nous avons dit de la disposition horizon-
tale, on voit que rien n'est si simple que cette partie de la
composition. Après avoir tracé des axes parallèles, équidis-
tants, et coupé perpendiculairement ces axes par d'autres
axes éloignés les uns des autres autant que les premiers,
on place, à la distance d'autant d'entre-axes qu'on le juge
convenable, les murs sur les axes, et les colonnes, les pi-
-ocr page 100-
. COMBINAISON DES ÉLÉMENTS. * . 80, ne PARTIE.
Ire Section.
lastres, etc., sur les intersections de ces mêmes axes ; ensuite
on divise en deux les entre-axes, et sur les nouveaux axes
donne's par cette division, on place les portes, les croise'es,
les arcades, etc.
Les combinaisons verticales sont toutes aussi simples que Combinai-
les horizontales dont on vient de parler, vu qu'il n'en est les
aucune de celles-là qui ne naisse naturellement de l'une ou
de l'autre de celles-ci. Mais comme chaque disposition ho-
rizontale peut engendrer plusieurs dispositions verticales, ces
dernières sont infiniment plus nombreuses que les autres. Il
serait trop long de les décrire, d'en faire même seulement
l'énumération. C'est pourquoi nous renverrons aux planches,
qui, tout éloignées qu'elles sont de les représenter en tota-
lité , ne laissent pas d'en offrir un assez grand nombre , et
qui d'ailleurs en apprennent plus là-dessus que tous les dis-
cours que l'on pourrait faire à ce sujet.
Au bas de la planche a on a tracé des plans qui repré- Planche 2.
Sentent plusieurs combinaisons horizontales , et au-dessus
de ces plans sont des coupes faites pour exprimer des com-
binaisons verticales qui correspondent aux horizontales.
Enfin, au-dessus de ces verticales, on voit des élévations
destinées à représenter les diverses décorations architecto-
niques qui, par un effet naturel, résultent de ces dispositions
horizontales et verticales.
Dans les planches suivantes et relatives au même objet,
nous nous sommes dispensés de tracer, parce qu'elles peuvent
se concevoir sans figures, les dispositions horizontales et les
verticales , nous bornant à en offrir les résultats par des élé-
vations. Mais il faut se bien persuader que les plans et les
coupes ont été faits, et que ces élévations ne sont point des
compositions arbitraires. Autrement on se laisserait peut-
être séduire par l'attrait de quelques-unes de ces décorations ;
-ocr page 101-
IIe PARTIE. g0                                         COMPOSITION.
Ire Section.
et, dans la composition, on courrait le risque d'imiter cer-
taines personnes qui, parce que dans l'architecture elles ne
voient que décoration, commencent un projet par la façade,
et ajustent ensuite comme elles peuvent le plan et la coupe
avec d'élévation, manière de composer faite pour éloigner
non-seulement du but de l'architecture, mais même de celui
que se propose l'architecte lorsqu'il cherche à décorer. En
effet, tous les édifices ou projets d'édifice conçus dans un
tel esprit se ressemblent plus ou moins, et malgré leur grand
nombre, ils n'offrent que trois ou quatre combinaisons dif-
férentes ; tandis que ceux dans la composition desquels on a
suivi la marche qu'indique la nature, c'est-à-dire, où l'on s'est
occupé d'abord du plan, puis de la coupe, et dont l'éléva-
tion n'est que le résultat de l'un et de l'autre , offrent une si
grande variété, qu'une même décoration ne s'y reproduit pas
deux fois. C'est ce dont on petit se convaincre, en jetant les
yeux sur les élévations représentées dans les planches 2, 3,
4, 5, 6, 7 et 8.
Planche 3.         Dans quelques-unes des élévations de la planche 3, on a
ajouté quelque chose au produit des dispositions ; et cette
addition, vu que c'est de la sculpture, doit ajouter et ajoute
effectivement à la beauté de la décoration , qui au contraire
aurait infailliblement perdu , si, au lieu de représenter
quelque objet de la nature, on avait ajouté quelqu'un de ces
prétendus membres d'architecture , membres aussi insigni-
fiants qu'inutiles.
La même planche contient quelques combinaisons verti-
cales de colonnes. Les colonnes supérieures doivent être
moins hautes que les inférieures, quelquefois d'un quart de
la hauteur de celles-ci, quelquefois d'un diamètre seulement.
Il en est de même des pilastres.
Il n'est pas besoin de dire que les ordres ne doivent être
-ocr page 102-
IIe PARTIE.
Ire Section.
COMBINAISON DES ELEMENTS                   QI
sépares l'un de l'autre que par un appui ou un stylobate
posé sur une architrave. D'après tout ce que nous avons dit,
on sent assez que, dans ce cas-là , une corniche devenant
inutile ne pourrait que déplaire.
Dans la planche 5, qui offre plusieurs exemples de l'em- Planche 5.
ploi des contre - forts, on voit jusqu'où l'apparence d'objets
utiles, loin de gâter la décoration, contribue à lui donner
du caractère, et combien, par conséquent, il est ridicule de
vouloir décorer en "masquant ces objets, sur-tout, ce qui
arrive souvent, en les masquant à grands frais.
On retrouve le même principe dans les planches 6 , n
Planches
6 , 7 et 8.
et 8. On y remarque à quel point, pour l'intérêt même de
la décoration architectonique , il est essentiel de ne s'occuper
que de disposition ; l'on y voit ce que naturellement les di-
vers édifices acquièrent de variété et d'effet, tant horizonta-
lement que verticalement; enfin, de combien de manières
différentes, mais toujours agréables, les édifices peuvent se
dessiner sur le ciel, lorsqu'au lieu de courir après les formes
de leurs parties, après les masses de leur ensemble, on se
borne à suivre les principes dictés par la convenance et par
l'économie.
DEUXIEME SECTION.
PARTIES DES EDIFICES.
Les principales parties des édifices sont les porches , les
vestibules, les escaliers , les salles de toute espèce et les
cours.
-ocr page 103-
Ile PAR.TIE.
IIe Sectioh*
0,2                                       COMPOSITION.
Les porches et les vestibules sont destinés à servir d'entrée
aux édifices, et à précéder les autres pièces qui composent
ces derniers.
Les porches sont des espèces de vestibules ouverts soit
par des entre-colonnements, soit par des arcades, ou tout-à-
la-fois, par les uns et les autres. Ils peuvent être appliqués
contre les édifices, ou pratiqués dans leur épaisseur , être
ouverts sur la face ainsi que sur les côtés, ou seulement
sur la face, dans le premier cas , et à jour dans le se-
cond. Suivant la manière dont on les couvre, on place des
colonnes sur toutes les intersections des axes, ou l'on s'en
abstient.
Quelquefois les porches embrassent toute l'étendue de
l'édifice dans sa largeur, et quelquefois ils n'en occupent
qu'une partie : il en est de même quant à la hauteur.
Les vestibules diffèrent des porcW en ce qu'ordinaire-
ment on les ferme de murs simplement percés par des portes :
il est rare qu'on les ouvre par des entre-colonnes.
Les vestibules ainsi que les porches ont presque toujours
plus de largeur que de profondeur. Quelquefois cependant
là convenance exige qu'on les fasse carrés et même plus
longs que larges. Quelle que soit la forme des Vestibules,
on peut les diviser en trois parties égales ou inégales, par
des files de colonnes, au moyen desquelles on diminue con-
sidérablement la portée des planchers , ou l'étendue, et par
conséquent la hauteur des voûtes de ces vestibules.
Afin de réduire également le nombre des colonnes, au
lieu de faire des voûtes en berceau , on fait des voûtes
d'arête.
A la suite des vestibules on place les escaliers , dont le
but est d'établir une communication entre les divers étages
d'un édifice. Quand ils doivent conduire à un grand nombre
Porches.
Planches
9 et zo.
Vestibules.
Planche u.
Escaliers.
Planche 12.
-ocr page 104-
PARTIES DES EDIFICES.                            0,3 ""<> PARTIE.
« t                                                                                                  • 1 , , I                    1         r ■         IIC SlSCTIOHV
détages, et que lespace est peu considérable , on les lait
tournants ; s'ils ne font que conduire du rez-de-chaussée au
premier, et que la place le permette , on peut les faire en
droite ligne ; mais, dans l'un et l'autre cas, et pour les rendre
moins fatigants, on doit me'nager au moins un palier d'un
étage à l'autre. La hauteur des marches en général fait la
moitié de leur largeur ou giron. Lorsque dans un même
étage l'escalier communique à un grand nombre de pièces,
on l'entoure de galeries : tantôt il n'a qu'une rampe , et
tantôt il en présente deux. Chacun de ces escaliers simples
peut se combiner avec un escalier semblable, et dans l'entre-
deux on place un vestibule.
De ces dispositions , il en est qui exigent des colonnes,
soit pour soutenir les paliers, soit pour recevoir la retombée ■
des voûtes. Au reste , il suffit de jeter les yeux sur la
planche, pour achever de se faire une idée nette des diffé-
rentes manières dont on peut disposer cette partie des
édifices.
On peut faire des salles carrées , rondes ou en demi- salies.
cercle, des salles plus larges que longues , ou dont la Ion- Planches
x              o i             o        ;                                     i3, 14 et i5
gueur surpasse la largeur ; ce cas-ci est le plus fréquent, et
quelquefois ces dernières salles se terminent en demi-cercle
par un bout. Les unes et les autres sont couvertes, soit par
des plafonds, soit par différentes espèces de voûtes.
Quand les dimensions des salles sont peu considérables,
les murs , les plafonds ou les voûtes font tous les frais de
leur composition; mais lorsqu'elles ont beaucoup d'étendue,
on y pratique des divisions , par des colonnes ou des files
de colonnes , comme dans les vestibules , et par la même
raison. La différence qu'il y a, c'est que, dans les vestibules,
les divisions peuvent être égales ou inégaies , au lieu que
N
-ocr page 105-
U" PARTIE. c)4                                    COMPOSITION.
IIe Section.                                                                                   \          ,
dans les salles , la partie du milieu doit toujours être plus
large que les ailes ou bas côtés qui l'accompagnent.
Afin d'augmenter la superficie ou l'aire d'une salle , et
quelquefois pour l'agrandir , sur deux côtés de cette salle,
sur trois , ou même tout autour , on place une seconde
galerie au-dessus de la première. Si la pièce n'a pas trop
d'étendue , on peut supprimer les colonnes de la galerie
supérieure , et par-là faire de cette galerie une espèce de
tribune : alors , les colonnes inférieures qui resteront ne
serviront plus au soutien du plancher ou de la voûte, qui,
dans ce cas , portera sur les murs ; mais elles n'en seront
pas moins convenablement placées , puisqu'elles soutien-
dront le plancher de la tribune.
Lorsque dans une salle on place deux rangs de colonnes
l'un sur l'autre, on doit toujours la couvrir d'un plancher ;
une voûte lui donnerai trop d'élévation , et de plus , sur-
chargerait les colonnes, qui, dans ce cas, ne peuvent avoir
qu'un diamètre peu considérable.
Quand une salle de cette espèce n'a pas plus de longueur
que de largeur , quelle qu'en soit la forme, ou carrée, ou
ronde , le plafond doit présenter la figure d'un cône. La
raison en est que ces pièces, dans un même édifice, ont
toujours plus de largeur que celles dont le plan est un paral-
lélogramme , et que si le plafond en était plat, son étendue
serait effrayante.
Les pièces rondes qui sont voûtées ne peuvent guères
s'éclairer que par un jour horizontal , et ménagé à leur
sommet. On peut éclairer de cette manière la plupart des
autres pièces ; cependant , pour celles-ci, il serait bon de
préférer les jours verticaux. Lorsque ces dernières sont pla-
fonnées , on les éclaire par des fenêtres ordinaires, et prati-
quées dans les murs ; quand elles sont voûtées, on peut les
-ocr page 106-
PARTIES DES ÉDIFICES.                         0,5 IIe PARTIE
.                              IIe Section.
éclairer par de grandes ouvertures demi - circulaires , et
placées à la partie supérieure de leurs extrémités, ou seu-
lement à l'une de ces extrémités. Si ces ouvertures ne suffisent
pas, ou qu'on ne puisse en pratiquer en cet endroit, on les
place latéralement, après avoir transformé en voûte d'arête
la voûte en berceau.
La hauteur des salles voûtées, dont le plan est un paral-
lélogramme , fait environ une fois et demie leur largeur, et
celle-ci se prend entre les colonnes, quand il y en a. Cette
hauteur a environ une fois la largeur dans les salles rondes,
voûtées ; une fois dans les salles plafonnées , si elles sont
plus longues que larges, et moins d'une fois dans les salles
carrées. Généralement parlant, les pièces dont la longueur
est égale à la largeur doivent, dans un même édifice, avoir
moins de hauteur par rapport à leur largeur , que n'en ont
les pièces qui sont plus longues que larges. Au reste, d'après
îe peu que nous venons de dire sur les proportions des
Salles , on sent bien que celles que nous indiquons n'ont
pour but que de faciliter l'étude. Ce sont des points que
nous offrons, et d'où l'on pourra partir, pour s'en éloigner
ou pour s'en rapprocher plus ou moins dans la composition,
selon que les convenances particulières ou que l'ensemble
du projet pourra l'exiger.
Quoique en général on doive, dans les intérieurs, préférer
les colonnes légères aux colonnes massives, il est certains
cas où l'on peut employer celles-ci , comme lorsqu'on veut
diminuer le nombre des colonnes; car, si dans une salle
dont la largeur entre les colonnes ne serait que de trois
entre-axes , on mettait des colonnes corinthiennes , alors,
ou les entre-colonnes seraient trop larges, ou la pièce aurait
une hauteur excessive ; mais , au contraire , dans le cas où
la largeur de la nef, c'est-à-dire, du milieu d'une salle, serait
N 2 •
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0,0                                        COMPOSITION.
de cinq entre-axes, il faudrait se bien garder d'employer
des colonnes courtes, parce que la salle deviendrait beau-
coup trop écrasée.
Lorsque la nef a cinq entre - axes de large , les colonnes,
même les plus élevées, avec leur architrave , ne peuvent
atteindre au centre de la voûte; mais elles y arriveront au
moyen d'un stylobate, dont l'objet est de renforcer l'archi-
trave et de la rendre plus propre à soutenir le poids de la
voûte, lequel, dans ce cas-ci, devient plus considérable que
là où la nef n'a que trois entre - axes.
D'après ce que nous venons de dire, dans les vestibules,
ou dans les salles qui n'auront qu'une médiocre largeur,
comme de trois entre-axes, le centre de la voûte posera sur
l'architrave ; mais il se relèvera jusqu'au niveau de la partie
supérieure du stylobate , si la largeur entre les colonnes a
cinq entre-axes ou plus.
Il en est beaucoup qui sur les colonnes des intérieurs ne
manquent jamais de placer des entablements complets, et
qui croiraient blesser les règles les plus inviolables de ce
qu'ils appellent architecture , s'ils en agissaient autrement.
La vérité est que rien ne choque plus le bon sens dans un
intérieur, qu'une corniche dont la saillie ne sert qu'à dérober
à l'oeil une partie de la voûte. Il y a cependant un cas où
l'on peut l'employer, c'est lorsqu'un ordre soutient un pla-
fond ; parce qu'alors la corniche, par sa saillie, contribue à
diminuer la portée de ce plafond.
La décoration architectonique des salles , ainsi que celle
des parties extérieures des édifices , naît naturellement de
leur disposition et de leur construction. Si l'on veut y ajou-
ter quelque chose, ce ne peut être que de la peinture, de la
sculpture ou des inscriptions, et c'est ce que la convenance
exige fréquemment. Tout ce qui est inutile, tout ce qui est
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IIe PARTIE.
IIe Section.
PARTIES DES EDIFICES.                         Qf]
insignifiant, loin d'ajouter à leur beauté, ne pourrait que la
détruire.
Les cours peuvent, ainsi que les salles, être carrées ou
circulaires, oblongues ou barlongues ; elles peuvent être for-
mées par de simples murs ou par des portiques , souvent
par les deux ensemble. Quelquefois les portiques les envi-
ronnent entièrement, ailleurs ils n'en occupent qu'un côté,
que deux ou trois, tantôt ils ne régnent qu'au rez-de-chaus-
sée soutenant les pièces de l'étage supérieur ou une terrasse
placée au-devant de ces pièces, et tantôt ils supportent un
second rang de portiques. Ces portiques peuvent être for-
més , ou par des colonnes , ou par différentes espèces
d'arcades.
D'après ce qui vient d'être dit, il est clair que cette partie
des édifices, lorsqu'en composant on ne s'occupe que de la
disposition , peut, ainsi que toutes les parties dont nous
avons précédemment parlé , présenter des tableaux infini-
ment variés.
                                   /
Outre les parties des édifices que l'on peut appeler parties
principales, il en est d'autres que l'on pourrait nommer
parties accessoires, telles que les escaliers extérieurs, les
grottes, les fontaines, les berceaux et les treilles.
Les escaliers extérieurs ont pour fin de raccorder des
sols différents. Comme on est rarement gêné par l'espace,
on les fait d'ordinaire en droite ligne, soit qu'ils se présentent
de face, soit qu'ils rampent le long d'un mur de terrasse.
Quand on n'a pas la faculté de les disposer de cette manière,
on peut les replier sur eux - mêmes ou les disposer sur un
plan circulaire. Dans ce dernier cas, ils prennent le nom de
fer à cheval.
Assez souvent on profite de la partie inférieure des esca-
liers dont nous venons de parler, pour y pratiquer des
Cours.
Planche 16.
Escaliers
extérieurs.
Planches
ïy et iS.
Grottes.
Planches
17 et 18,
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IIe PARTIE, gg                                        COMPOSITION.
IIe Section.
grottes, afin d'y respirer le frais. Dans la plupart des parties
des édifices dont il a été question, on remarque peu de
formes circulaires ; dans les grottes , au contraire , on en
rencontre so*uvent, et cela doit être ainsi. Les grottes sont
ordinairement adossées contre les terres qui pèsent sur la
plus grande partie de leurs murs, et ceux-ci, bâtis sur un
plan circulaire, résistent beaucoup mieux à l'effort des terres
que lorsqu'ils sont disposés en ligne droite.
Dans ces murs, et par la même raison, on pratique aussi
des niches plus ou moins grandes , dont les pierres s'oppo-
sent encore plus efficacement à la poussée des terres , vu
qu'elles tendent vers un centre plus rapproché que celles
qui composent le mur principal de la grotte.
Les grottes ne sont pas toujours placées sous les escaliers,
mais comme elles sont ordinairement adossées contre un
terrain élevé, il est rare qu'elle ~- ^iciu pas accompagnées
d'esealiers.
La situation des grottes leur procure naturellement des
eaux plus ou moins abondantes, dont on fait des nappes, des
cascades, des jets d'eau, des fontaines qui rendent ces lieux
et plus frais et plus agréables.
Fontaines.
           Ce n'est pas dans les grottes seules que l'on rencontre des
penche 18. fontaines., on en met au milieu et dans le fond des cours,
dans les places publiques, etc. Elles rafraîchissent l'air qu'elles
purifient, et sont par conséquent très-utiles; elles sont même
des objets de première nécessité pour un grand nombre des
usages de la vie. Ainsi, leur aspect ne peut que contribuer
puissamment à la beauté de la décoration.
D'après cela, il semble qu'à chaque pas on devrait en ren-
contrer; cependant, rien de si rare, sur-tout en France ; du
moins, dans le petit nombre d'édifices spécialement consa-
crés à rassembler les eaux et à les distribuer, est-il permis
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PARTIES DES ÉDIFICES.                        99
de s'attendre à y yoir ce fluide en sortir avec abondance.
Eh bien, c'est tout le contraire; et dans plusieurs fontaines
célèbres, au lieu de ces torrents d'eau qu'elles devraient faire
jaillir, on ne voit que des fleuves figurés par le marbre : il
y a plus , on y rencontre amoncelés des colonnes, des
pilastres accompagnés de tout ce qu'on appelle communé-
ment architecture , sans autre goutte d'eau que celle qui
sort d'un étroit tuyau ou même d'une borne. Telle est l'effet
que produit cette manie d'une prétendue décoration archi-
tectonique , celui de nous priver d'une foule d'avantages
précieux.
Du moins, à cet égard, il n'en est pas de même en Italie.
Non-seulement il s'y répand des fleuves entiers dans les
places publiques, mais il ne s'y trouve pas une maison , si
petite qu'elle soit, qui n'ait une fontaine au fond de sa cour
et en face de son vestibule. Aussi, n'est-ce pas sans une
vive satisfaction que l'on parcourt les rues de Rome. L'Italie
est vraiment le pays où il faut aller si l'on veut apprendre
à faire des fontaines ; nous ajoutons, et de l'architecture
en général. Malheureusement, dans ce beau pays, ainsi
qu'ailleurs, peut-être même plus qu'ailleurs, les édifices pré-
sentent une foule de détails non moins insignifiants qu'inu-
tiles. Ce qu'il y a de pis, c'est que parmi ceux qui vont en
Italie y étudier l'architecture, il en est qui, justement épris
du charme qui résulte uniquement de la manière dont les
édifices sont disposés, enveloppent dans le même sentiment
d'admiration et la disposition et les détails. Ils vont plus
loin, et d'après les préjugés qui existent relativement à cet
art, ils finissent par se persuader que c'est à ces détails seuls
que ces édifices doivent toute leur beauté. Qu'arrive-t-il de
cette façon de voir? C'est que, lorsqu'ils composent, ils
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IIe PARTIE.
IIe Section.
IOO
COMPOSITION.
laissent de côte' les beaute's réelles, pour n'en adopter que
d imaginaires, dont ils remplissent leurs productions.
Ces treilles couvertes de vignes , ces berceaux sous les-
quels on se promène avec tant de volupté, et qui, à si peu
de frais, contribuent à la décoration, décorent même de la
manière la plus complète et la plus agréable tant de mai-
sons en Italie, sont bien propres à faire naître des réflexions
dans le goût de celles que nous avons faites sur les fon-
taines. En effet, lorsque la raison nous met en quelque sorte,
sous la main , une foule de décorations architectoniques
toujours variées, toujours nouvelles, lorsque les arts s'em-
pressent tous à nous offrir des imitations de la nature ,
lorsque enfin la nature elle-même nous présente une multi-
tude d'objets propres à nous captiver sous tous les rapports,
n'est-il pas étrange que négligeant tant d'avantages si grands,
si faciles a obtenir, on s'obstine. pa~ aeS efforts aussi pé-
nibles qu'infructueux, à courir après un vain fantôme de
décoration.
Berceaux ,
treilles.
Planche ig.
TROISIEME SECTION.
ENSEMBLE DES ÉDIFICES.
13éja, toutes les parties qui entrent dans la composition
des édifices nous sont connues, et nous avons vu de quelle
manière devaient se combiner les éléments des édifices qui
forment ces diverses parties. Maintenant, il s'agit de reuniy
ces mêmes parties pour en former un ensemble.
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IIe PARTIE,
IIIe Section.
Combinai-
sons des par-
ties des édi-
fices.
101
ENSEMBLE DES EDIFICES.
En nous occupant des combinaisons en général , nous
avons vu que, d'après les principes généraux de l'architec-
ture, les murs, les colonnes, les portes et les croisées, dans
la longueur ou dans la largeur d'un édifice, devaient être
placés sur des axes communs. Il s'ensuit naturellement que
les pièces formées par ces murs et par ces colonnes , ouvertes
par ces portes et par ces croisées, nécessairement sont pla-
cées de même sur des axes communs. Du reste, sur ces mêmes
axes on peut les combiner de mille manières. Ainsi, ren-
voyant aux planches 22 et 2,3, nous nous bornerons à dire
un mot des différentes combinaisons dont ces axes sont
susceptibles entre eux dans l'ensemble des édifices.
Quatre axes peuvent être disposés de manière à former un
carré. De ces quatre axes, on peut en supprimer un ou deux,
et l'on aura deux dispositions nouvelles.
Rien n'empêche de diviser en deux un carré par un nouvel
axé, et cela, dans un sens ou dans l'autre , et quelquefois,
dans l'un et dans l'autre sens.
De ces divisions du carré naissent de nouveaux plans ; et si
l'on supprime quelques-uns des axes, cette suppression don-
nera de nouveau naissance à des plans différents.
Si la seule division du carré en deux produit tant de
dispositions simples, on voit clairement combien il doit ré-
sulter de nouvelles dispositions par la division du carré en
trois, en quatre, etc., par les divisions du parallélogramme
et du cercle, enfin par les combinaisons de ce dernier avec
les deux autres. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter les
yeux sur la planche qui représente les principales de ces
divisions, et de joindre ensuite à chacune de ces diverses
dispositions horizontales toutes les espèces de dispositions
verticales que l'on peut imaginer ; car il n'est pas possible
O
Ensemble
des édifices.
Planche 20.
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I OS                                      COMPOSITION.
d'exprimer le nombre de compositions différentes que cette
foule de combinaisons est capable de produire.
Nous terminerons cette deuxième Partie, en invitant les
Elèves à suivre, dans l'étude de l'Architecture, la marche
que nous leur avons tracée, marche qui est la même que
celle que l'on suit dans les autres connaissances humaines.
En effet, dans la littérature > par exemple, on commence par
les éléments du discours , et dans la musique, avant de
chanter un air quelconque, on solfie. N'est-il pas extraor-
dinaire qu'en fait d'architecture on compose communément,
sans avoir étudié tous les objets que l'on doit assembler?
Si, au contraire, les Elèves s'attachent au plan que nous
leur proposons, ils se familiariseront avec les formes, avec
les proportions des éléments et, ce qui importe davantage,
avec les diverses combinaisons de ces mêmes éléments.
Alors, quand ils composeront , ;i«. orront s'offrir d'elles-
mêmes, à la place qui leur sera propre, celles de ces formes,
de ces proportions et de ces combinaisons qui conviendront
le mieux au sujet; enfin , avec bien moins d'efforts et de
travail, ils feront des projets plus capables de satisfaire le
goût et la raison.
Quelque confiance que nous inspirent nos principes, il
peut néanmoins s'en trouver de plus vrais. Dans ce cas, nous
invitons les Elèves à préférer, mais après une mûre réflexion,
ceux qui leur auront paru les meilleurs. Quoi qu'il en soit,
nous aurons atteint notre principal but , si nous obte-
nons que l'on réfléchisse sur un art aussi important que
l'Architecture.
Peut-être trouvera-t-on d'abord que nous avons trop
ouvertement blâmé quelques opinions répandues dans des
ouvrages non moins recommandables par les excellentes
choses qu'ils renferment, que par les connaissances et par
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ENSEMBLE DES EDIFICES.                        Io3 IIe PARTIE
IIIe Section
les talents de leurs auteurs. Si ces opinions ne s'étaient ren-
contrées que dans des écrits médiocres, nous ne les aurions
pas relevées. Mais ces idées nous ont paru d'autant plus dan-
gereuses , qu'elles se trouvent mêlées avec une foule de très-
bonnes choses, et qu'à la faveur de celles-ci, on pouvait aisé-
ment adopter celles-là. On doit donc nous pardonner d'au-
tant mieux la critique que nous nous sommes permise ,
qu'elle tend moins à porter atteinte à la réputation de ces
auteurs, qu'à leur payer le juste tribut d'éloges que nous
leur devons.
Pour ce qui est de la partie du dessin que nous avons
supprimée , on ne doit point regretter cette suppression,
quelle que soit l'idée que l'on ait de l'Architecture; et quand
même on croirait devoir associer celle-ci avec les autres arts
pour lui assurer une existence, ce ne serait point par des
dessins géométraux que l'on y réussirait. Loin de pouvoir
aller de pair avec l'art sublime de la peinture, l'Architecture
au moyen de ces fausses images, ne pourrait tout au plus
être associée qu'à certains métiers futiles et qui sont entière-
ment du ressort du caprice. Qu'au lieu de cela, on fasse des
dessins en perspective , ces images vraies et satisfaisantes
pourront, jusqu'à certain point, rapprocher des autres arts
l'Architecture. Que l'on fasse mieux , et que réfléchissant
sur l'importance dont elle est pour l'espèce humaine, on
la traite suivant ses vrais principes : alors, bien loin d'avoir
besoin de l'égaler à quelque autre art, peut-être n'en trou-
vera-t-on aucun qui puisse justement être mis en parallèle
avec elle.
Fin de la IIe Partie et du Ier Volume.
O a
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.IW-fc^L, t^Tl/»i W3'"W*s>»'1k'l^ '*"V\t *
NOTICE.
Recueil et Parallèle des Édifices de tout genre , anciens
et modernes , remarquables par leur beauté, par leur
grandeur ou par leur singularité, et dessinés sur une
même échelle.
Pak J. N. L. DURAND, Architecte et Professeur d'Architecture à
l'École Polytechnique.
Une chose qui importe extrêmement aux Architectes, aux
Ingénieurs civils et militaires, aux Elèves de l'Ecole Poly-
technique destinés a le devenir, aux Peintres d'histoire et
de paysage, aux Sculpteurs, aux Dessinateurs, aux Décora-
teurs de théâtre ; en un mot, à tous ceux qui doivent cons-
truire ou représenter des édifices et des monuments , c'est
d'étudier et de connaître tout ce qu'on a fait de plus inté-
ressant en architecture, dans tous les pays et dans tous les
siècles.
Mais les édifices qui méritent quelque considération se
trouvent confondus avec une foule d'autres qui ne sont re-
marquables en rien : outre cela, ils sont dispersés dans près
de trois cents volumes, la plupart in-folio, dont la collection
monterait à un prix énorme ; de sorte qu'il serait impossible
aux Artistes de s'en procurer la connaissance entière par
une autre voie que celle des bibliothèques.
Ce moyen - là même exige un temps infini, et n'est d'ail-
leurs pratiquable que pour les Artistes qui habitent les
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Notice.                                   io5
grandes villes. De plus , quand ils seraient tous à portée
d'en faire usage, peut-être que les avantages qu'il leur pro-
curerait ne les dédommageraient que faiblement de leurs
peines. En voici la raison : souvent un volume n'est com-
posé que d'objets de différents genres, tandis que ceux qui
sont du même genre se trouvent disséminés dans un grand
nombre de volumes. Or, on sent combien dans ce cas-là,
les comparaisons, qui seules peuvent amener à juger et à
raisonner, doivent être longues , pénibles , imparfaites et
peu fructueuses : la différence des échelles ajoute encore à
ces inconvénients.
Dans cet état de choses, nous avons pensé que si, déta-
chant des trois cents volumes dont nous venons de parler,
les seuls objets qui sont essentiels à connaître, nous les ras-
semblions dans un seul volume d'un prix tout au plus égal
à celui d'un ouvrage ordinaire d'Architecture, ce seiait offrir
aux Artistes en général, et aux Elèves de l'Ecole Polytech-
nique en particulier, un tableau complet et peu coûteux de
l'Architecture , un tableau qu'ils pourraient parcourir en
peu de temps, examiner sans peine, étudier avec fruit, sur-
tout, si l'on classait les édifices et les monuments par genres,
si on les rapprochait selon leur degré d'analogie, si on les
assujétissait de plus à une même échelle ; et c'est ce que
nous avons entrepris de faire. Pour arriver plus sûrement à
ce but, nous avons rejeté de ce recueil, non-seulement tous
les objets qui n'offraient aucun intérêt en eux-mêmes,
mais encore ceux qui, ressemblant plus ou moins à d'autres
morceaux d'un intérêt majeur, n'auraient fait que grossir le
volume, sans augmenter la masse des idées.
Peut-être trouvera-1-on dans ce recueil quelques édifices
qui paraîtront peu intéressants ; mais comme ce sont presque
les seuls de ce genre qui existent, nous avons cru''devoir les
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106                                  Notice.
y placer , afin d'appeler l'attention sur ce genre d'Archi-
tecture.
On y trouvera aussi des restaurations peu authentiques,
telles que celles des thermes par Palladio , et de plusieurs
édifices de l'ancienne Rome, par Piranesi, Pirro-Ligorio, etc.
Nous n'avons pas voulu priver les Elèves ni les Architectes
des beaux partis que ces restaurations présentent, et dont
ils peuvent faire de fréquentes et d'heureuses applications.
Mais nous nous sommes permis de les simplifier, nous y
en avons même ajouté qui sont presque entièrement de
nous ; et pour peu que l'on fasse attention que loin d'avoir
voulu corriger ces grands maîtres , nous ne nous sommes
attachés qu'à manifester d'une manière plus évidente l'esprit
qui règne dans ces magnifiques productions, on nous par*
donnera sans peine d'avoir osé nous ranger à côté d'etxx.
Cet ouvrage est composé de quin^ ^«.Kicrs, de six planches
chaque.
Le premier contient les temples Egyptiens, Grecs, Romains,
et les temples de Salomon, de Balhek et de Palmyre.
Le deuxième, les mosquées, les pagodes, les églises go-
thiques et les dômes les plus célèbres.
Le troisième, les places publiques, les forum, les marchés,
les halles, les bazars , les maisons de ville , les basiliques,
les palestres, les écoles, les portiques et les bourses.
Le quatrième , les tombeaux égyptiens , grecs , indiens,
turcs, persans et romains, les arcs de triomphe, les ponts T
les aqueducs, etc.
Le cinquième, les ports, les phares, les tours, les citernes,
les puits, les châteaux d'eau, les casernes, les arsenaux, les
prisons, les hôpitaux, les lazarets , les caravanserais et les
cimetières.
Le sixième, les thermes, les nymphées et les bains,
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Notice.                                   107
Le septième , les the'âtres antiques et modernes, les am-
phithéâtres , les naumachies et les cirques.
Les huitième, neuvième et dixième, les maisons, les châ-
teaux et les palais, tant anciens que modernes.
Enfin les onzième , douzième, treizième, quatorzième et
quinzième cahiers offrent, développés en grand, et sur une
même échelle de module , tous les détails qui concernent les
édifices et qui méritent d'être connus.
L'ouvrage se trouve à Paris, chez l'Auteur, à l'Ecole Poly-
technique.
Le prix de chaque cahier est de douze francs. Celui de
l'ouvrage entier est de cent quatre-vingt francs.
Cet ouvrage, ainsi que le Précis, se trouvent chez l'Au-
teur, à l'Ecole Polytechnique.
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DIVISIONS DE L'OUVRAGE.
INTRODUCTION.
But de l'Architecture. Moyens qu'elle emploie.
Principes généraux qui en découlent.             Page i etc.
PREMIERE PARTIE.
ÉLÉMENTS DES ÉDIFICES.
Première Section- Qualités dca matériaux.               a5 etc.
IIe Section. Emploi des Matériaux.                          41 etc.
IIIe Section. Formes et proportions,                        65 etc.
DEUXIÈME PARTIE.
COMPOSITION EN GENERAL.
Première Section. Combinaison des éléments.         85 etc.
IIe Section. Parties des édifices.                               91 etc.
IIIe Section. Ensemble des édifices.                        100 etc.
FIN DES DIVISIONS.