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LEÇONS
D'ARCHITECTURE.
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AVIS AU RELIEUR.
Il placera après le Texte les trente-deux planches qui appartiennent
a ce 'volume.
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PRÉCIS
DES LEÇONS
D'ARCHITECTURE
DONNÉES
A L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE,
Par J. N. L. DURAND,
ARCHITECTE ET PROFESSEUR D'ARCHITECTURE.
SECOND VOLUME,
CONTENANT TRENTE-DEUX PLANCHES.
Prix , 20 francs, broché.
A PARIS,
CHEZ L'AUTEUR, A L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE,
1800.
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DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.
JL e s Ingénieurs étant chargés plus fréquemment que jamais
d'élever des édifices importants, on ne saurait trop recom-
mander aux Elèves de l'Ecole Polytechnique Fe'tude de l'Archi-
tecture, et en même temps leur faciliter les moyens de s'y
livrer avec succès.
Les Elèves sortent de cette Ecole assez instruits pour
apprécier le mérite d'un édifice, et faire toutes les épures
nécessaires pour l'exécution ; on trouve même quelquefois
dans leurs compositions, toutes rapides qu'elles sont, des
idées heureuses , et rarement de ces fautes grossières que
l'on remarque trop souvent dans des édifices même très-
céièbres : c'est beaucoup sans doute, pour le peu de temps
qu'ils donnent à cette étude ; mais, à coup-sûr, cela ne leur
suffit pas pour remplir dignement les fonctions impor-
tantes dont ils ne tardent pas à se trouver chargés pour la
plupart-
L'Architecture est tout-à-la-fois une science et un art:
comme science, elle demande des connaissances ; comme
art, elle exige des talents : le talent n'est autre chose que
l'application juste et facile des connaissances , et cette jus-
tesse et cette facilité ne peuvent s'acquérir que par un exer-
cice soutenu, par des applications multipliées. On peut dans
les sciences connaître parfaitement une chose après que l'on
s'en est occupé une seule fois ; mais dans les arts on ne peut
A
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a                                DISCOURS
la savoir bien exécuter qu'après l'avoir faite un nombre de
fois plus ou moins considérable.
Pour qu'un projet soit bien conçu, il faut qu'il le soit
d'un seul jet; ce qui ne peut se faire, si l'on n'est familiarisé
de longue main avec toutes les parties qui doivent entrer
dans sa composition, sans quoi l'attention partagée sur les
détails se détourne de l'ensemble, et l'imagination refroidie
ne produit alors que des choses faibles, mauvaises, et souvent
même devient incapable de produire quoi que ce soit.
Nous invitons donc encore une fois les Elèves à étudier
le plus possible l'Architecture dans les diverses écoles spé-
ciales où ils doivent passer au sortir de l'Ecole Polytechnique ;
nous les exhortons à ne pas se reposer sur leurs connais-
sances , ni même sur le commencement de talent qu'ils
peuvent avoir , mais au contraire à revenir souvent sur
chacun des objets dont ils se sont occupés, afin de se les
rendre extrêmement familiers ; enfin à les traiter avec mé-
thode , seul moyen de travailler avec fruit.
Or comme, malgré le peu de temps que ces Elèves peuvent
consacrer à l'Architecture dans l'Ecole Polytechnique, la mar-
che qu'ils ont suivie paraît leur avoir été avantageuse, nous
pouvons espérer qu'elle le leur sera encore, lorsque dans
les autres écoles ils auront plus de temps pour se livrer
à l'étude de cet art : nous croyons donc devoir commencer
le précis de la troisième partie de notre Cours , qui fait
l'objet de ce second volume, en leur rappelant la marche
que nous avons suivie , ainsi que les principales idées de
notre Cours.
Ce Cours est divisé en trois parties.
Dans la première, nous nous sommes occupés des élé-
ments des édifices, qui sont les murs, les portes, les croisées
et les arcades, les soutiens engagés et isolés , nommés pi-
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PRÉLIMINAIRE.                         3
lastres, colonnes, pied-droits, les planchers, les voûtes,
les combles et les terrasses ; nous avons examine les divers
matériaux qui peuvent entrer dans leur construction, Ia ma-
nière dont ils doivent y être employés ; enfin, les formes et
les proportions dont chacun de ces éléments est susceptible.
Tous les objets qui peuvent entrer dans la composition
des édifices étant bien connus, nous avons cherché dans la
seconde partie comment on devait les combiner entre eux,
comment on devait les disposer les uns par rapport aux
autres, tant horizontalement que verticalement : familiarisés
avec ces diverses combinaisons, nous les avons employées
à la formation des différentes parties des édifices, tels que
les portiques, les porches, les vestibules, les escaliers, les
salies de diverses espèces, les cours, etc. ; enfin, combinant
à leur tour les différentes parties des édifices, nous sommes
parvenus à la composition de leur ensemble en général.
Dans la troisième partie nous nous sommes occupés d'une
manière plus spéciale de la composition de chaque genre
d'édifice en particulier; nous avons d'abord jeté un coup-
d'oeil sur les abords des villes, sur leurs entrées, sur les
rues, les ponts , les places publiques qui établissent une
communication entre leurs différentes parties ; ensuite nous
avons passe en revue les pri„oipaiLlx édifices publics néces-
saires au Gouvernement, à l'instruction, à la subsistance ,
au commerce, à la santé, au plaisir, à la sûreté, etc.; enfin,
nous avons porté notre attention sur ceux destinés à l'habi-
tation , telles que les maisons particulières à la ville, les
maisons à loyer, les maisons de campagnes, les fermes, les
hôtelleries, etc.
Cette marche, comme on le voit, n'est autre que celle que
l'on suit dans toutes les sciences et dans tous les arts; elle
consiste de même à aller du simple au composé, du connu
A a
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4                                DISCOURS
à l'inconnu; une ide'e prépare toujours la suivante, et celle-ci
rappelle toujours celle qui la précède. Nous ne croyons pas
qu'en étudiant l'Architecture on puisse en suivre une autre ,
à plus forte raison que l'on n'en doive suivre aucune, ainsi
que le font beaucoup d'architectes, qui disent que les règles,
les méthodes sont autant d'entraves pour le génie. Loin de
partager une telle opinion, nous pensons au contraire qu'elles
en facilitent le développement et en assurent la marche : au
reste, la raison peut se passer du génie, tandis que celui-ci ne
saurait faire que de faux pas, s'il n'est conduit et éclairé par
la raison.
Quelque avantageuse que cette méthode nous paraisse
pour la rapidité de l'étude, nous l'aurions crue insuffisante
pour son succès , si nous n'eussions fait précéder la suite
d'observations particulières qu'elles nous offre , d'observa-
tions plus générales ; si avant de nous occuper des éléments
des édifices, de la composition de leurs parties et de leur
ensemble, en un mot de l'Architecture, nous n'avions pas su
ce que c'est que l'Architecture, pourquoi nous en faisons, et
comment en général nous devons la faire.
Il nous a donc paru indispensable de fixer d'abord notre
attention sur la nature de cet art, sur le but qu'il se propose,
sur les moyens qu'il doit employer, enfin de déduire de ces
observations des principes généraux sur lesquels pussent
reposer solidement tous les principes particuliers.
En examinant ces différents objets, nous avons remarqué
que l'Architecture était l'art dont les productions exigeaient
le plus de peine ou de dépense, et que cependant c'était celui
qui de tout temps avait été de l'usage le plus général.
Que les hommes étaient naturellement aussi ennemis de
toute espèce de peine qu'avides de bien-être ; qu'il fallait par
conséquent que l'Architecture leur eût offert de bien grands
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PRÉLIMINAIRE.                        5
avantages pour les déterminer à s'en occuper d'une manière
aussi générale et aussi constante.
Qu'en effet, elle est de tous les arts celui qui nous procure
les avantages les plus immédiats, les plus importants et les
plus nombreux ; qu'à l'Architecture l'espèce humaine doit sa
conservation, la société son existence, tous les autres arts
leur naissance et leurs développements ; qu'à elle par consé-
quent l'homme doit la somme de bonheur et de gloire dont
îa nature lui a permis de jouir.
Qu'au lieu de ces avantages inappréciables, si l'Architec-
ture n'eût offert aux hommes que l'avantage frivole de ré-
créer leurs yeux, elle eût bientôt été forcée de céder îa place
à la peinture et à la sculpture, arts dont les productions
faites pour parler non-seulement aux yeux, mais encore à
l'ame, sont incomparablement plus faciles à acquérir.
Que, par conséquent, l'Architecture ne peut avoir pour
but l'agrément, mais bien l'utilité.
Que quand même plaire serait le but de l'Architecture ,
l'imitation, moyen qu'on lui fait emprunter des autres arts y
serait incapable de le lui faire atteindre ; car pour que le
plaisir résulte de l'imitation, il faut que le modèle qu'on
se propose d'imiter soit un objet pris dans la nature, hors
de laquelle nous ne connaissons rien , hors de laquelle
rien par conséquent ne peut nous intéresser; il faut en
outre que l'imitation de ce modèle soit parfaite : or, des
deux modèles que l'on offre à l'Architecture , l'un ( la ca-
bane) n'étant rien moins qu'un objet naturel, ne pouvant
pas même être considérée comme un objet d'art, ne doit
pas conséquemment être imité dans ses formes ; l'autre
( le corps humain ) n'ayant aucune analogie des formes
avec un corps architectural, ne peut être imité dans ses
proportions.
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6                              DISCOUR. S
Que quand même il y aurait quelque analogie entre les
deux espèces de corps, toujours serait-il souverainement
ridicule, en voulant plaire par l'imitation, de choisir une
imitation analogique, c'est-à-dire, éloignée, telle que les
architectes prétendent le faire, au lieu d'une imitation posi-
tive et prochaine, telle que les peintres et les sculpteurs
le font.
Continuant nos observations, nous avons vu que, pour
que le moyen employé par un art quelconque fût efficace,
il fallait qu'il fut relatif à la nature de cet art et à notre
organisation ; que l'Architecture est un art essentiel à notre
existence et à notre bonheur ; mais qu'il nous vend chère-
ment les avantages qu'il nous procure; que nous sommes
amis du bien-être et ennemis de toute espèce de peine; que
conséquemment, en élevant des édifices, nous devons natu-
rellement le faire de manière à nous procurer le plus d'avan-
tages possibles avec le moins de peine et de dépense possibles;
qu'il fallait pour cela que les édifices que nous élevons fussent
disposés de la manière la plus convenable et la plus écono-
mique possibles.
Qu'ainsi la convenance et l'économie étaient les moyens
propres à l'Architecture, et non l'imitation.
Que pour qu'un édifice fû.t parfaitement convenable , il
fallait qu'il fût solide, salubre et commode.
Que pour qu'il fût le moins dispendieux possible, il fallait
qu'il fût le plus symmétrique, le plus régulier, le plus simple
possibles.
Que lorsqu'un édifice a tout ce qu'il faut, rien que ce qu'il
doit avoir, et que tout ce qui lui est nécessaire se trouve
disposé de la manière la plus économique, c'est-à-dire,
la plus simple, cet édifice a le genre et le degré de beauté
quj lui conviennent; que vouloir y ajouter autre chose que de$
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PRÉLIMINAIRE.                         7
ornements de peinture ou de sculpture , c'est affaiblir et
quelquefois même ane'antir son style, son caractère, en un
mot, toutes les beaute's qu'on cherche à lui donner.
Qu'ainsi, sous quelque rapport que l'on envisage l'Archi-
tecture, on ne doit point chercher à plaire au moyen d'une
prétendue décoration architectonique , uniquement fonde'e
sur l'emploi de certaines formes et de certaines proportions,
qui, n'étant fondées elles-mêmes que sur une imitation chi-
mérique , sont incapables de causer le moindre plaisir.
Que la disposition est dans tous les cas la seule chose dont
doive s'occuper l'architecte, puisque si cette disposition est
aussi convenable et aussi économique qu'elle peut l'être, il
en naîtra naturellement une autre espèce de décoration
architectonique véritablement faite pour nous plaire, puis-
qu'elle nous présentera l'image fidelle de nos besoins satis-
faits , satisfaction à laquelle la nature a attaché nos plaisirs
les plus vrais.
A chaque pas que nous avons faits ensuite dans l'étude de
l'Architecture , nous avons eu occasion de nous convaincre
de la vérité et de l'importance de ces observations.
En examinant les différents matériaux et la manière de
les employer , nous avons vu qu'ils différaient les uns des
autres, soit par la dimension, soit par la forme, soit par la
couleur ; et qu'étant employés convenaiaiement, ils devaient
naturellement contribuer à donner aux édifices, ainsi qu'aux
différentes parties de chaque édifice , l'effet , la variété , le
caractère qui leur convient.
Que parmi ces matériaux, les uns étaient durs, difficiles à
travailler, par conséquent fort chers, et les autres tendres,
d'un travail facile , et par conséquent à meilleur marché;
qu'il était naturel d'employer les premiers à la construction
des édifices publics les plus importants , édifices dans les-
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8                                DISCOURS
quels les convenances doivent être parfaitement remplies, à
tel prix que ce puisse être ; qu'il l'était de même de faire
usage des seconds dans les e'difices particuliers de la dernière
classe, où l'on est toujours borne' par la dépense, et dans
lesquels on doit se contenter de remplir les convenances le
mieux possible , d'après la dépense fixée ; qu'entre ces deux
genres d'édifices il y en avait une foule d'autres , dans les-
quels il était naturel de faire usage des deux genres de
matériaux à-la-fois.
Que toutes les parties d'un édifice ne fatiguaient pas éga-
lement , qu'on pouvait par conséquent se contenter d'employer
les matériaux durs dans celles qui en composent l'ossature v
tels que les angles des édifices, les pied-droits des portes,
des croisées et des arcades, les chaînes perpendiculaires qui
reçoivent la retombée des voûtes ou la portée des poutres,
les chaînes que l'on doit placer à la rencontre des murs de
refend et des murs de face, les divers soutiens isolés , enfin
les chaînes horizontales qui, en reliant toutes les parties
entre elles , en assurent la solidité; et faire en matériaux
tendres toutes les parties qui ne sont que de remplissage;
que de cette disposition de matériaux naissaient une foule
de décorations architectoniques différentes , toutes capables
de satisfaire également et les yeux et l'esprit.
Qu'il était par conséquent aussi ridicule qu'infructueux
de chercher à décorer les édifices par des moyens chimé-
riques et dispendieux, tandis que la nature et le bon sens
nous en offrent de si sûrs et de si simples , même dans la
seule construction.
                                                ,
De l'examen des matériaux et de la manière de les em-
ployer , passant aux formes et aux proportions des divers
éléments des édifices, nous avons reconnu que si l'imitatiop
de la cabane et du corps humain ne pouvait nous offrir rien
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PRÉLIMINAIRE.                        9
de satisfaisant sous aucun rapport, l'usage de ces divers
éléments et la nature des matériaux qui peuvent être em-
ployés dans leur construction , nous indiquaient suffisam-
ment les principes que nous devons observer à cet égard.
Nous avons vu qu'un soutien engagé devait être carré
dans son plan, afin de se relier le mieux possible avec les
parties de remplissage qui l'avoisinent ; qu'un soutien isolé
devait être en général cylindrique, forme la plus propre à
faciliter la circulation ; que les soutiens isolés devaient être
élevés au-dessus du sol pour la salubrité ; qu'ils devaient être
reliés dans la partie supérieure par un architrave ; qu'ils
devaient l'être pareillement avec le mur par une seconde
architrave, que l'on nomme improprement frise ; que ces
deux architraves , ainsi que l'espace vide qui reste entre
elles, devaient être recouverts par une corniche dont la
saillie fût propre à rejeter les eaux loin du pied de l'édifice ;
que les colonnes devaient s'élargir dans la partie supérieure,
au moyen d'un chapiteau, pour assurer la solidité de l'archi-
trave en en diminuant la portée, etc.
Que dans les édifices les plus simples, construits avec des
matériaux peu résistants, les soutiens quelconques devaient
être courts , afin de conserver une solidité suffisante ; que
dans les édifices les plus importants , construits avec des
matériaux plus durs , ils pouvaient être d'une proportion
plus élégante ; qu'entre les deux extrêmes, on pouvait inter-r
caler autant de moyens proportionnels qu'il y a d'édifices
entre le premier et le dernier.
Que dans le premier genre d'édifices, l'économie prescri-
vait d'écarter les soutiens le plus possible, pour en diminuer
le nombre dans un espace donné ; que dans le second, la
convenance exigeait qu'ils fussent rapprochés le plus pos-
sible, pour assurer et prolonger la durée de l'édifice.
B
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îo                              DISCOURS
Que dans le premier cas, les architraves qui relient les
soutiens, pour n'être pas sujettes à se rompre, doivent avoir
plus de hauteur que dans celui où les soutiens sont plus
rapprochés ; que les secondes architraves ou les frises doivent
avoir, dans tous les cas, une hauteur égale à celle de l'archi-
trave proprement dite, puisque toutes deux remplissent des
fonctions semblables ; que la corniche doit être plus ou
moins forte, selon que l'édifice a plus ou moins de hauteur;
enfin, que la saillie et la hauteur de la corniche doivent être
e'gales, parce que, moins haute que saillante, elle manque-
rait de solidité, et qu'ayant moins de saillie que de hauteur,
elle ne remplirait pas son objet.
Ayant ainsi reconnu les formes et les proportions essen-
tielles de l'Architecture que dans tous les temps on a dû
naturellement employer, nous avons examiné celles des édi-
fices antiques adoptées généralement en Europe, et dont
l'habitude nous a fait en quelque sorte un besoin ; nous
avons remarque' que les formes et les proportions variaient
sans cesse dans ces e'difices ; que les colonnes d'un même
ordre n'avaient jamais la même proportion, et que les co-
lonnes d'ordre différent avaient souvent une proportion sem-
blable ; qu'il y avait des colonnes que nous appelons $ ordre
dorique,
telles que celles du temple de Coré, dont la pro-
portion était plus haute que celle de certaines autres colonnes
nommées par nous corinthiennes, telles que celles de la Tour
des Vents à Athènes , du Colisée à Rome , etc. (Voyez les
planches 64 et 68 du Parallèle des édifices); qu'il y avait
des colonnes ioniques d'une proportion égale à celle de ces
dernières , et par conséquent moins hautes que celle des
colonnes du temple de Coré, telles que celles d'un temple
situé sur les bords de l'Ilyssus, etc. (Voyez la planche 64 du
Parallèle). Nous en avons conclu avec un célèbre professeur 5
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PRÉLIMINAIRE.                        11
M. Leroy, que les Grecs ne reconnaissaient pas ces ordres
distincts dans lesquels les modernes font consister l'essence
de l'Architecture et le principe de toute beauté en décoration ;
que ces peuples ne voyaient, dans ce que nous appelons les
ordres,
que des soutiens et des parties soutenues, objets utiles
qu'ils proportionnaient, non d'après l'imitation de quoi que
ce soit, mais d'après les principes éternels de la convenance.
Qu'ainsi l'étude des édifices élevés par ces Grecs si éclairés
en Architecture ne pouvait nous être qu'extrêmement avan-
tageuse ; qu'elle pouvait suppléer à l'expérience d'une foule
de siècles qui nous manque, fixer enfin les idées peut-être
trop vagues que la seule considération de la nature des
choses nous donnerait relativement aux formes et aux pro-
portions des éléments des édifices.
C'est en effet par la comparaison que nous avons faite de
tous les édifices antiques que nous avons découvert les limites
que l'on ne doit pas outre - passer dans les proportions des
soutiens et des parties soutenues ; que nous avons reconnu
que le soutien le plus court ne devait pas avoir en hauteur
moins de six diamètres, et que le plus élevé n'en devait pas
avoir plus de dix ; que la hauteur de l'entablement le plus
fort ne devait pas être de plus du tiers de la colonne , et
celle du plus bas moins du cinquième ; que Fentre-colonne-
ment le plus large ne pouvait pas avoir plus de trois dia-
mètres et demi, et le plus étroit moins d'un diamètre et
demi , systèmes entre lesquels on peut en placer autant
d'autres qu'on le jugera nécessaire, et qui tous offriront des
rapports aussi exacts qu'il est possible entre les parties qui
soutiennent et les parties soutenues.
Des formes et des proportions générales des édifices an-
tiques , passant à celles de détail, nous avons remarqué dans
îa plupart de celles-ci beaucoup moins de sagesse que dans
R 2
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i%\                           DISCOURS
les premières ; nous n'en avons pas moins e'té persuade's ce-
pendant que l'étude et la comparaison des différents détails
antiques nous seraient encore avantageuses , puisqu'elles
nous feraient connaître ceux de ces détails que l'on doit
adopter, rejeter ou simplement tolérer ; qu'il s'agissait seu-
lement pour cela d'étudier l'antique avec les yeux de la
raison, au lieu , comme on ne le fait que trop souvent,
d'étouffer celle-ci par l'autorité de l'antique.
Qu'au reste, le préservatif contre l'admiration aveugle et
l'imitation servile de quelques détails antiques que la raison
réprouve , se trouvait dans l'antique lui - même , puisqu'à
chaque pas il nous offre des détails de même nature traités
d'une manière diamétralement opposée ; qu'il n'y avait par
conséquent rien de si facile que d'accorder la raison avec
l'habitude que nous avons contractée d'admirer et d'employer
des détails antiques.
Qu'en effet, si l'exemple de quelques édifices antiques a
pu nous engager à donner des bases aux colonnes, malgré
l'inutilité, l'incommodité et la dépense de ces mêmes bases,
non-seulement une foule d'exemples de colonnes doriques,
mais quelques-uns même de colonnes corinthiennes, auto-
risent la raison à les proscrire.
Que si la délicatesse et la beauté du travail de quelques
chapiteaux ioniques a pu nous en faire adopter la forme,
malgré son inconvenance et sa bizarrerie, la convenance
parfaite du chapiteau dorique grec, l'usage presque général
que l'on en a fait dans la Grèce, plusieurs exemples de son
emploi sur des colonnes de proportion ionique, nous auto-
riseront de reste à rejeter pour toujours une forme de cha-
piteau aussi ridicule que celle du chapiteau ionique.
Que si la grâce de la forme générale, l'élégance de la pro-
portion du chapiteau corinthien nous a, en quelque sorte,
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PRÉLIMINAIRE.                        i3
force's de le copier avec son tailloir frêle et chantourne', et
ses volutes en forme de coupeaux, l'exemple des chapiteaux
corinthiens du tombeau de Mylassa et de la Tour des Vents
où les tailloirs sont carrés et où l'on ne remarque pas de
volutes, les exemples plus nombreux encore de ces superbes
chapiteaux égyptiens, composés dans le même système, sont
des autorités bien capables de nous rassurer, lorsque nous
voudrons ôter au chapiteau corinthien ce qu'il a d'insigni-
fiant et d'inutile , et que nous voudrons lui rendre ce qui
lui manque pour remplir parfaitement sa destination.
Que si les triglyphes, qui ne servent à rien, qui ne ressem-
blent à rien, ou du moins k rien de raisonnable, se rencon-
trent presque toujours dans les édifices doriques, grecs ou
romains, les édifices de ce genre offrent cependant plusieurs
exemples où les triglyphes sont supprimés, tels que la Cha-
pelle d'Agraule à Athènes, les Bains de Paul - Emile et le
Colisée à Rome, l'Amphithéâtre de Nismes; que de plus, les
Grecs n'ayant point connu de distinction d'ordre et n'ayant
point mis de triglyphes dans les frises ioniques et corin-
thiennes, où cependant ils auraient été aussi nécessaires ,
s'ils l'avaient été dans la frise de l'ordre dorique, nous
sommes fondés à les faire disparaître à jamais, sans blesser
nos habitudes ni le respect que l'antique a droit de nous
inspirer.
Ayant ainsi distingué parmi les détails antiques ceux
qu'on doit adopter de ceux qu'on doit rejeter, nous avons
jeté un coup-d'œil sur ceux que l'on peut tolérer, c'est-à-
dire , sur les moulures et sur leurs combinaisons. Nous avons
remarqué que les moulures, ne servant à rien, ne ressem-
blant à rien, ne méritaient notre attention qu'à raison de
l'habitude que nous avons d'en faire usage ; que d'après cela
nous déviions les employer avec une extrême sobriété ; que
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i4                              DISCOURS
leur assemblage ne pouvant nous causer aucun plaisir réel,
nous devions nous borner à tâcher qu'il ne nous déplût pas;
qu'il fallait pour cela, qu'à l'exemple des Grecs dans leurs
ordres doriques et ioniques, et à l'exemple des Romains
dans leurs ordres corinthiens, ces assemblages de moulures
appelés profils eussent des mouvements bien prononcés, que
lès moulures droites hissent mariées avec intelligence avec
les moulures courbes ; enfin, que des moulures fines offrissent
une opposition sensible avec des moulures fortes.
De tout ce que nous avons observé sur les formes et les
proportions, nous avons conclu que , quelque raisonnables
que fussent celles qui émanent de la nature des choses, il ne
fallait cependant pas attendre un grand plaisir .de leur em-
ploi : car, pour que ce plaisir fut très-sensible, il faudrait
que les unes et les autres se manifestassent de la manière la
plus évidente, que l'œil pût saisir leurs rapports avec la plus
grande exactitude, ce qui ne pourrait être, qu'autant qu'elles
se présenteraient toutes dans un même plan vertical, et ce
qui ne se rencontre jamais, ni ne peut jamais se rencontrer;
que ce que nous disions des formes essentielles, à plus forte
raison devions-nous le dire dé celles qui ne puisent leur
mérite que dans notre habitude de les considérer, mérite
qui n'en serait rien moins qu'un pour les peuples de l'Asie
et de l'Afrique; qu'ainsi, en employant ces dernières, nous
devions moins chercher à satisfaire l'œil qu'à ne le pas cho-
quer, et qu'en employant les autres, nous ne devions avoir
en vue que la convenance et l'économie qu'elles peuvent
apporter dans les édifices; qu'enfin nous devons nous per-
suader que, de quelque manière que nous envisagions l'Ar-
chitecture , ses beautés proviennent moins de la forme et de
la proportion des objets dont elle fait usage que de leur
disposition.
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PRÉLIMINAIRE.                       i5
Passant des éléments des édifices à leur combinaison,
nous avons vu que dans un édifice quelconque les colonnes
doivent toujours être espacées également, afin de soutenir
une égale portion du fardeau ; qu'elles doivent être éloignées
du mur au moins d'un entre-§plonne, sans quoi elles ne
serviraient à rien; que cette combinaison de murs et de
colonnes, bonne pour des édifices peu considérables, dans
lesquels on emploie les soutiens les plus courts et les plus
espace's, ne conviendrait pas à des édifices d'une très-grande
importance dans lesquels on emploierait des soutiens plus
élevés et plus rapprochés, les portiques qui en résulteraient
devenant trop étroits pour leur usage et pour leur hauteur ;
que pour rendre ces portiques convenables, il fallait, au
lieu d'un entre-axe entre l'axe du mur et celui des colonnes,
en mettre deux, quelquefois trois.
Que la nature de la construction de la partie supérieure
des portiques donnait encore naissance à d'autres combinai-
sons; que, si un portique de plusieurs entre-axes de largeur
au lieu d'être plafonné était voûté, un seul rang de colonnes
ne suffisant pas pour résister à la poussée de la voûte, il
fallait en mettre un second sur l'axe suivant ; que, si cette
voûte au lieu d'être cylindrique e'tàît en plate-bande, il
fallait placer des colonnes sur toutes les intersections
des axes.
Que les pilastres n'étant que des soutiens engagés, des
chaînes de pierre qui entrent dans la composition de l'ossa-
ture des édifices, leur place était fixée aux angles de ces
édifices, aux endroits où les murs de refend se réunissent
aux murs de face, et à la tête des murs latéraux des porches,
ainsi que nous l'avons vu en nous occupant de l'emploi des
matériaux; que les murs étant toujours beaucoup plus éloi-
gnés les uns des autres dans un édifice que les colonnes ou
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16                          DISCOURS
soutiens isolés qui s'y rencontrent, l'intervalle qui sépare
deux pilastres ne doit pas être moindre que trois entre-axes.
Que les murs de face étant destinés à clorre les édifices,
et que la ligne droite étant la plus courte, ces murs devaient
aller directement d'un angle à l'autre d'un édifice, ou de
chacune de ses parties sans ressaut, sans avant-corps; que
les murs de refend étant destinés non-seulement à diviser
les édifices, mais encore à relier entre eux les murs de face,
doivent s'étendre dans toute la longueur ou la largeur des
édifices ; et que, lorsqu'on est obligé de les interrompre, on
doit du moins opérer cette réunion dans la partie supé-
rieure , soit par des arcs, soit par des poutres ; que, par la
même raison, s'il y a des colonnes à l'extérieur de l'édifice,
il faut que ces murs correspondent à l'une d'entre elles.
Que les portes et les croisées, pour donner un libre pas-
Sage à l'air et à la lumière, doivent se correspondre sur de
nouveaux axes placés entre ceux des murs ou des colonnes.
Nous avons vu ensuite, que toutes les combinaisons ver-
ticales possibles naissaient de ce petit nombre de combinai-
sons horizontales, et que de la réunion de ces deux espèces
de combinaisons résultait tout naturellement une foule
de décorations architectoniques différentes , et toutes égale-
ment satisfaisantes , comme étant le résultat exact de la
disposition et de la construction.
Qu'ainsi, lorsque l'on voulait exprimergraphiquement sa
pensée en architecture , il fallait commencer par faire le
plan qui représente la disposition horizontale des objets qui
doivent entrer dans la composition d'un édifice ou d'une
partie d'édifice, ensuite, la coupe qui exprime leur disposi-
tion verticale, et finir par l'élévation, que de commencer par
cette dernière, comme le font quelques architectes, et d'y
assujétir ensuite la coupe et le plan, ce serait faire dépen-
-ocr page 20-
PRÉLIMINAIRE.                        i7
ère la cause de l'effet, idée dont il n'est pas besoin de démon-
trer l'extravagance.
Qu'après avoir fixé rapidement, au moyen d'un croquis,
une idée toujours fugitive, il fallait, pour rendre cette ide'e
avec toute la facilité et la netteté possibles dans une épure,
établir des axes dont la direction et l'intersection détermi-
nassent la place des murs, des colonnes, etc. ; que la position
de ces objets étant fixée dans le plan, il fallait déterminer
leur hauteur dans la coupe, et d'après cette hauteur fixer la
largeur ou l'e'paisseur qu'ils doivent avoir dans le plan, les
petites dimensions devant toujours être assujéties aux grandes ;
enfin, que le plan et la coupe étant bien arrêtés, l'élévation
n était plus qu'une projection.
Qu'en s'y prenant de cette manière, on ne courrait pas le
risque de retomber dans ces combinaisons dispendieuses,
inutiles, bizarres, inspirées par les préjugés de décoration ,
combinaisons que l'on remarque si souvent dans la plupart
de nos édifices français, et dont l'effet est aussi faible, aussi
monotone, aussi désagréable que celui qui résulte des œm-
binaisons simples et naturelles dont les anciens, dont Palla-
dio ont fait usage, est grand, varié et satisfaisant.
Bien familiarisés avec les diverses combinaisons tant hori-
zontales que verticales des éléments des édifices, et avec la
manière de les représenter graphiquement, bien pénétrés des
principes généraux de l'Architecture, nous n'avons éprouvé
aucune peine à former, au moyen de ces combinaisons, les
différentes parties des édifices.
En nous en occupant, nous avons reconnu que les colonnes
ne devaient entrer dans leur composition que pour diminuer
la portée trop considérable des planchers, ou le diamètre, et
par conséquent la hauteur trop considérable des voûtes ; que
dans l'intérieur des édifices, des colonnes qui ne servent à
G
-ocr page 21-
i8                            DISCOURS
rien ne font pas un effet plus satisfaisant, même pour l'oeil,
que des colonnes employe'es inutilement à l'extérieur.
Que, lorsque les voûtes portent sur des colonnes, il e'tait
quelquefois convenable et toujours économique de-substi-
tuer les voûtes d'arête aux voûtes en berceau : celles-ci exi-
geant des colonnes dans toute leur longueur, les autres
n'en exigeant qu'à leurs angles ; les premières ne pouvant
guère permettre d'éclairer les pièces que par les extrémités ?
les secondes offrant la facilité de les éclairer également par
les bouts et par les parties latérales.
Que, lorsqu'il est nécessaire d'augmenter l'aire d'une salle
sans augmenter ses dimensions, on peut., on doit même em-
ployer deux rangs de colonnes l'un sur l'autre, malgré les
préjugés de décoration qui voudraient s'opposer à cet arran-
gement.
Que si, dans le cas où la convenance exige deux rangs de
colonnes à l'extérieur, il est ridicule de les séparer par un
entablement complet, la corniche n'étant faite que pour
rejeter les eaux du toit, il l'est encore davantage de le faire
dans un intérieur dont toutes les parties sont à couvert, que
les corniches ne pevivent conséquemment y être admises, si
ce n'est, lorsque diminuant la portée d'un plafond, elles font
en quelque sorte l'office de chapiteau.
De la composition des diverses parties des édifices, pas-
sant à celle de leur ensemble, nous avons vu que les murs,
les colonnes, les portes, les croisées , etc., devant être placés
sur des axes communs, tant dans la largeur que dans la
profondeur d'un édifice , il s'ensuivrait que les pièces com-
posées de ces divers éléments devraient avoir de même des
axes communs.
Que l'axe des différentes pièces ne devait jamais être le
même que celui des colonnes, mais qu'il devait toujours se
confondre avec l'axe des portes ou des croisées.
-ocr page 22-
PRÉLIMINAIRE.                         19
Que ces nouveaux axes, que l'on peut appeler axes prin-
cipaux,
pouvaient se combiner entre eux de mille manières,
toutes différentes, quoique toutes également simples; que
l'on pouvait appliquer à chacune des nombreuses disposi-
tions générales résultantes de ces combinaisons, toutes les
combinaisons élémentaires, et par conséquent obtenir, par
cette espèce de surcombinaison, une foule de plans particu-
liers différents ; qu'enfin, adaptant à chacun de ces plans
toutes les combinaisons verticales possibles , il en résulte-
rait nécessairement un nombre de compositions architecto-
niques incalculable.
Nous avons terminé ce que nous avions à dire sur la com-
position en général, en observant qu'il y a une quantité pres-
que infinie d'espèces d'édifices ; que chacune est susceptible
d'une infinité de modifications ; que les convenances parti-
culières d'un même édifice variaient suivant les lieux, les
temps, les personnes, les terrains, la dépense, etc. ; que
vouloir apprendre l'Architecture en étudiant successivement
toutes les espèces d'édifices dans toutes les circonstances qui
peuvent les modifier, c'est une chose impossible; que quand
même la durée de la vie permettrait de le faire, cette ma-
nière d'étudier serait toujours aussi infructueuse que péni-
ble, puisque tous les édifices différant les uns des autres par
leur usage, plus les idées particulières que l'on aurait ac-
quises en faisant le projet de l'un seraient justes, moins elles
seraient applicables à celui d'un autre, et que par conséquent
à chaque projet nouveau ce serait une nouvelle étude à recom-
mencer ; que non-seulement cette manière d'étudier l'Archi-
tecture est infructueuse et pénible, mais qu'elle est même
nuisible, sous quelque rapport que l'on envisage cet art,
parce qu'après avoir étudié quelques projets, la paresse ou
l'amour-propre ferait contracter immanquablement l'habitude
C 3
-ocr page 23-
ao          DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
de certaines liaisons d'idées qui se reproduiraient ensuite
dans tous les autres projets que l'on pourrait faire, même
dans ceux auxquels elles conviendraient le moins, ce dont on
ne voit que trop d'exemples.
Qu'au lieu de s'occuper uniquement à faire des projets, si
l'on s'occupait d'abord des principes de l'art, si l'on se fami-
liarisait bien ensuite avec le mécanisme de la composition,
on pourrait faire avec facilité, et même avec succès, le projet
de tel édifice que ce puisse être, sans avoir fait préalable-
ment celui d'aucun autre; qu'il ne s'agissait alors que de
s'informer des convenances particulières de l'édifice dont on
se trouvait chargé, puisque l'on avait par devers soi tous les
moyens possibles de les bien remplir.
Qu'ainsi l'étude des principes et du mécanisme de la com-
position était aussi propre à développer le génie, à enrichir
l'imagination, que l'étude successive de quelques projets,
lorsqu'elle n'était point précédée de celle-ci, était propre à
resserrer l'un et à appauvrir l'autre.
Aussi dans la troisième partie de ce Cours, dont nous
allons donner le précis, nous sommes-nous moins attachés,
dans l'examen des divers genres d'édifices , à faire connaître
les convenances particulières de chacun, qu'à développer les
principes généraux applicables à tous les genres, à toutes les
espèces d'édifices, et à familiariser de plus en plus les élèves
avec le mécanisme de la composition.
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TROISIEME PARTIE.
EXAMEN
PES PRINCIPAUX GENRES D'ÉDIFICES.
PREMIERE SECTION.
DES PRINCIPALES PARTIES DES VILLES.
De même que les murs, les colonnes, etc., sont les éléments
dont se composent les édifices, de même les édifices sont
les éléments dont se composent les villes.
Comme la disposition générale des villes peut varier en
raison de mille circonstances différentes, comme l'on a rare-
ment occasion de bâtir des villes entières, que d'ailleurs les
principes que l'on doit suivre dans leur composition sont
les mêmes que ceux qui doivent guider dans la composition
de chaque édifice , nous ne dirons rien de l'ensemble des
villes. Nous nous bornerons, avant d'examiner les divers
édifices qui forment cet ensemble, à jeter un coup-d'oeil sur
leurs abords , leurs entrées et les parties qui servent à la
communication de toutes les autres.
DES ABORDS DES VILLES.
Comment faudrait-il décorer les avenues des villes ?
On pourrait faire cette question aux élèves pour les
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22                                                  E X A M E I*
éprouver : la réponse serait bien simple, si les villes étaient
disposées convenablement, si les édifices qui ne doivent
point être renfermés dans leur enceinte, tels que les hôpi-
taux , les sépultures , etc. , étaient relégués hors de leurs
murailles, ces édifices aperçus à travers une ou deux ran-
gées d'arbres plantés de chaque côté des routes pour défendre
les voyageurs contre l'ardeur du soleil, soit qu'ils se dessi-
nassent sur le ciel, soit qu'ils le fissent sur des bois ou sur
des montagnes , offriraient tout naturellement les tableaux
les plus variés, les plus magnifiques, les plus intéressants.
La meilleure manière de décorer les abords des villes, ainsi
que tous les édifices possibles, est donc de ne point s'occu-
per de leur décoration , et de n'avoir en vue que la conve-
nance de leur disposition.
C'est en effet à ce système qu'Athènes, Rome, Palmyre,
Sicyone, Pouzzoles, Taorminum, etc., étaient redevables de
la magnificence de leurs abords ; c'était de cette multitude
de monuments intéressants, répandus parmi des arbres, que
le Céramique et la voie Appienne empruntaient toute leur
noblesse et tous leurs charmes ; c'est d'une semblable dispo-
sition que naissent les sensations délicieuses que l'on éprouve
encore dans ces lieux du royaume de Naples, appelés Champs
Elysées,
et qui sont situés sur les bords du lac Achéron.
Il ne serait rien moins que nécessaire pour la beauté
d'une route que les monuments funéraires répandus sur ses
bords fussent aussi colossaux que les pyramides d'Egypte,
ni aussi pompeux que les tombeaux d'Adrien, d'Auguste et
de Septime-Sévère. On ne peut à la vérité se défendre d'un
sentiment d'admiration à l'aspect de ces étonnantes produc-=
tions de la patience et de l'industrie humaines ; mais lors-
qu'on vient à réfléchir sur l'insignifiance de ces monuments,
sur leur inutilité , sur Je nombre d'édifices utiles que l'on
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DES PRINCIPALES PARTIES DES VILLES.             â3 HI" PART
,.,                ,.                                         Ire Section
aurait pu construire avec ce quils ont dû coûter , sur le
de°ré de magnificence que des e'difices plus nombreux au-
raient infailliblement procuré à l'ensemble des villes , on
n'e'prouve plus que le regret de voir les faculte's de l'homme
si souvent mal employées.
Les monuments de même genre élevés par les Grecs
étaient loin d'être aussi considérables et aussi magnifiques
que ceux dont nous venons de parler. Le tombeau de Thé-
mistocle, élevé sur un promontoire voisin du Pyrée, n'était
formé que o"une simple pierre ; celui d'Epaminondas, dans
la plaine de Mantinée, ne consistait que dans une seule
colonne à laquelle était suspendu son bouclier. Les monu-
ments élevés aux Thermopiles par les Amphictyons en l'hon-
neur des trois cents Spartiates et de différentes troupes
grecques, n'étaient autre chose que des cyppes, dont des
inscriptions, telles que celles-ci, faisaient tout l'ornement :
« C'est ici que quatre mille Grecs du Péloponèse ont com-
« battu contre deux millions de Perses. — Passant, vas dire
« à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir à ses
« saintes lois. » On sent que malgré leur extrême simplicité,
ou, pour mieux dire, à cause de leur simplicité même, ces
derniers monuments devaient faire éprouver des sensations
aussi délicieuses que celles que les autres font éprouver sont
pénibles.
Parmi les tombeaux qui borderaient les routes, les uns
seraient pour des particuliers, les autres pour des familles ;
ceux-ci pourraient avoir la forme d'une tour carrée comme
les tombeaux palmyréens, celle d'une rotonde comme celui
de Plautia et de Metella, celle d'une pyramide comme le
tombeau de Cestius : toutes les formes sont indifférentes dans
ce genre de monument, excepté celles qui ne seraient pas
simples. Pour avoir une idée de la variété des formes dont
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û4                                         EXAMEN
les tombeaux sont susceptibles, voyez la planche ire de cet
ouvrage, et les planches 19, 20 et y4 du Parallèle des édi-
fices.
DES ENTRÉES DES VILLES.
Comment faudrait-il de'corer les entrées des villes ? Pour
faire passer à la postérité le souvenir de leurs victoires, les
Romains élevèrent des arcs de triomphe. Leur exemple a été
suivi par la plupart des nations de l'Europe. Si, au lieu de
placer ces monuments dans l'intérieur des villes,- on les pla-
çait à leur entrée où ils seraient plus en vue que par-tout
ailleurs, sans dépenser quoi que ce soit, ces entrées se trou-
veraient naturellement décorées de la manière la plus impo-
sante et la plus noble.
Un arc de triomphe peut n'avoir qu'une seule ouverture,
comme ceux d'Adrien à Athènes, d'Auguste à Rimini, à Suse
et à Pola, d'Aurélien, de Galïien et de Titus à Rome, de
Trajan à Ancône et à Bénévent, de Gavius à Véronne ; il
peut en avoir trois, comme ceux de Marius à Orange, de
Julien à Rheims, de Constantin et de Septime - Sévère à
Rome ; quelques - uns, comme ceux de Véronne, d'Autun,
de Xaintes, n'en ont que deux; cette dernière disposition
n'est point blâmable dans ces édifices qui sont moins des arcs
de triomphe que de simples portes de villes, parce qu'elle
procure le moyen d'entrer et de sortir sans rencontrer d'em-
barras; mais elle le serait dans un monument sous lequel
peuvent passer des pompes triomphales, parce que venant
à rencontrer le trumeau, qui sépare les deux ouvertures,
elles seraient obligées de se détourner pour prendre à droite
ou à gauche.
Dans presque tous les monuments que nous venons de
citer on remarque sur les faces piïncipales quatre colonnes
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DES PRINCIPALES PARTIES DES VILLES.           â5
appliquées contre le mur, de plus guidées sur de maigres
piédestaux et ne supportant autre chose que des entablements
profilés sur chacune d'elles ; malgré le nombre de ces exem-
ples , malgré le nombre plus considérable encore des copies
que l'on en a faites, nous persisterons toujours à croire que
ces arrangements insoutenables dans tous les autres genres
d'édifices, le sont encore davantage dans un arc de triomphe,
monument dont toutes les parties doivent contribuer à
élever, à échauffer l'ame du spectateur, en lui retraçant
l'image de quelque action glorieuse : car on ne nous persua-
dera jamais que d'inutiles et de froides colonnes puissent
dire quelque chose à l'esprit, à plus forte raison quelles
puissent parler avec plus d'énergie que des inscriptions et
des morceaux de sculpture dont elles usurpent la place dans
les arcs de triomphe.
A tous autres égards, nous croyons qu'on ne saurait trop
étudier ces monuments antiques. ( Voyez la planche 21
du Parallèle; voyez aussi la planche ire de cet ouvrage. )
DES RUES.
Comment faudrait-il décorer les rues d'une ville ?
Si, pour abre'ger le chemin, pour prévenir les embarras
et les accidents qui en sont souvent la suite, pour faciliter
le renouvellement de l'air, les rues étaient alignées et se
croisaient à angle droit, si, pour épargner à ceux qui les
parcourent les incommodités de la boue, de la pluie et du
soleil, elles étaient bordées de portiques, si ces portiques
destinés à un même usage dans toute l'étendue dune ville
avaient une disposition uniforme; enfin, si les maisons par-
ticulières auxquelles ils donneraient entrée étaient disposées
de la manière la plus convenable à l'état et à la fortune de
D
-ocr page 29-
2.6                                            EXAMEN
chacun de leurs habitants, et par conse'quent avaient toutes
des masses diffe'rentes, une telle ville offrirait le spectacle le
plus ravissant et le plus théâtral.
C'est de cette manière qu'e'taient disposées les rues d'A-
lexandrie , d'Antinopolis , bâties par Adrien , et d'autres
villes antiques; c'est de cette manière que le sont encore les
rues de Turin , de Bologne et de plusieurs autres villes
d'Italie ; aussi n'est-ce pas sans ravissement qu'on les par-
court ou qu'on se souvient de les avoir parcourues.
DES PONTS.
Comment faudrait-il de'corer les ponts ?
Si dans leur composition l'on fait entrer tout ce qui est
nécessaire, si l'on n'y introduit rien d'inutile, si tout ce qui
est nécessaire est traite de la manière la plus simple ; en un
mot, si dans la composition des ponts on observe les prin-
cipes de convenance et d'économie qui doivent guider dans
la composition de tous les genres d'édifices, les ponts auront
toute la beauté' dont ils sont susceptibles. Pour s'en con-
vaincre il ne faut que comparer le pont de Neuilly avec celui
ci-devant de Louis XVI : dans la construction de ce dernier,
on a couru après ce qu'on appelle décoration, dans celle de
l'autre, on ne s'est occupe que de construction ; cependant
l'aspect du pont de JVeuilly est aussi satisfaisant que celui
du pont de Louis XVI est pénible et désagréable.
La plupart des ponts sont découverts comme ceux dont
nous venons de parler ; mais quelquefois , dans les villes
sur-tout, pour garantir ceux qui les traversent des incom-
modités de la pluie et du soleil , on prend le parti de les
couvrir par des galeries ou des portiques , soit en totalité',
comme le pont d'Alexandrie en Italie , de Bassano sur la
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DES PRINCIPALES PARTIES DES VILLES.             %*]
Brenta, soit en partie , c'est-à-dire, seulement les trottoirs,
comme au pont d'Aliverdikan à Ispahan , à l'ancien pont
triomphal à Rome. Pour'éclairer les ponts découverts pen-
dant la nuit, on peut élever aplomb des piles, des colonnes
portant des fanaux, comme au pont Aelius \ aujourd'hui
Saint-Ange. Dans les villes où l'on a occasion d'élever plu-
sieurs arcs de triomphe, après en avoir placé aux portes,
on peut en placer sur les ponts ; soit que l'on n'en mette
qu'un seul aplomb de l'arche du milieu , comme au pont
triomphal de l'ancienne Rome , ou comme au pont décou-
vert d'Auguste à Rimini, soit que l'on en place un à chaque
extrémité, comme au pont de Saint -Chama en Provence. On
sent combien de décorations architectoniques différentes
doivent naturellement résulter de ces différentes disposi-
tions. La décoration accessoire ,-c'est-à-dire , l'emploi de la
sculpture, peut enfin renforcer naturellement l'effet de cha-
cune de ces différentes décorations architectoniques ; des
trophées peuvent être convenablement placés aplomb de
chaque pile : des rangées de statues ne le seraient pas moins
le long des parapets.
Dans presque tous les ponts antiques, les arches sont en
plein ceintre; dans la plupart des ponts nouvellement élevés
elles sont en arc de cercle. Cette dernière forme est infini-
ment plus convenable , puisqu'elle offre à l'eau un passage
beaucoup plus libre que la première.
A l'ancien pont couvert de Pavie, bâti sur le Tésin, par le
duc Galéas Viscomti, les arches sont en ogive, forme à la
vérité plus favorable que toute autre à la solidité des voûtes
en général, mais en même temps moins propre à assurer
la solidité des ponts, puisqu'à mesure que l'eau s'élève, les
piles présentent plus de surface, et laissent par conséquent
à ce fluide plus de force pour les renverser : afin d'éviter les
D a
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28                                             EXAMEN
inconvénients de cette forme et conserver en même temps
ses avantages , l'ingénieux auteur de cet ouvrage a extra-
dossé ses arches, et a laissé vide la partie supérieure des
piles comprise entre ces deux extrados , de manière, qu'à
mesure que l'eau trouve moins de passage sous les arches,
elle en trouve davantage dans les vides triangulaires des
piles.
Ce pont, comme on le voit, n'a nulle analogie de forme
avec les ponts antiques ; l'effet qui résulte de sa disposition
n'est cependant ni moins satisfaisant, ni moins magnifique ;
ce qui contribue à prouver que les formes et les proportions
influent moins sur la beauté de la décoration, que la conve-
nance et la simplicité de la disposition.
Relativement aux ponts , voyez les planches 22 et a3
du Parallèle.
DES PLACES PUBLIQUES.
De même que la décoration architectonique des rues ré-
sulte des portiques et des divers édifices particuliers qui les
bordent, de même celle des places publiques résulte des
portiques et des divers édifices publics qui les environnent.
Les magnifiques places des anciens en seraient la preuve, si
elles subsistaient encore. Malheureusement le temps ne nous
en a laissé presque aucun vestige ; nous ne pouvons nous en
former quelque idée que par les descriptions que nous en
ont données Platon, Xénophon, Démosthène, Eschine, Pau-
sanias et Hérodote.
Selon ces auteurs , les places publiques antiques étaient
environnées d'édifices destinés , les uns au culte des dieux,
les autres au service de l'état. On remarquait dans celle
d'Athènes le Métroon, ou l'enceinte qui renfermait le temple
-ocr page 32-
DES PRINCIPALES PARTIES DES VILLES. 2C) M
de la mère des dieux ; celui d'Eacus ; le Léocorion, temple
construit en l'honneur de ces filles de Léos qui se sacrifièrent
pour éloigner la peste ; le Palais où s'assemblait le sénat ; la
Rotonde entourée d'arbres , où les Prytanes en exercice ve-
naient tous les jours prendre leur repas, et quelquefois offrir
des sacrifices pour la prospérité du peuple ; le tribunal du
premier des Archontes, placé au milieu des dix statues qui
donnèrent leurs noms aux dix tribus d'Athènes ; l'enceinte
destinée aux assemblées du peuple ; le camp des Scythes que
la république entretenait pour le maintien de l'ordre ; enfin
les différents marchés où l'on trouvait les provisions néces-
saires à la subsistance d'un grand peuple.
Dans la place publique d'Halycarnasse, construite par
Mausole, roi de Carie , et dont le terrain en pente se prolon-
geait jusqu'à la mer , on voyait d'un côté le palais du roi,
de l'autre le temple de Vénus, et celui de Mercure situé auprès
de la fontaine Salmacis; sur le devant, les divers marchés
publics qui s'étendaient le long du rivage ; au fond, la vue se
portait sur la citadelle et sur le temple de Mars, d'où s'élevait
une statue colossale; au centre de la place, les regards se
fixaient sur le tombeau de Mausole, en forme de pyramide,
couronné par un char et décoré sur toutes ses faces par les
chefs-d'oeuvres des Briaxis , des Scopas, des Léocharès, des
Timothée et des Pythias.
Dans la plupart des places publiques de la Grèce, au-
devant de superbes édifices, on trouvait de magnifiques por-
tiques dont les murs étaient couverts d'inscriptions, de
tableaux, de statues et de bas-reliefs de la main des plus célè-
bres artistes. Dans l'un des portiques d'Athènes, appelé
Pœcile, les murs étaient chargés de boucliers enlevés aux
Lacédémoniens et à d'autres peuples : la prise de Troye, les
secours que les Athéniens donnèrent aux Héraclides, la
-ocr page 33-
]IIe PART. 30                                             EXAMEN
bataille qu'ils livrèrent aux Lace'démoniens à OEnoë, aux
Perses à Marathon, aux Amazones dans Athènes, tous ces
événements y e'taient représentes par Polygnote , Micon ,
Panenus et plusieurs autres peintres célèbres.
La place d'Athènes et plusieurs autres étaient embellies par
l'ombrage d'une forêt de platanes sous lesquels on trouvait
répandus une foule d'autels, de statues décernées à des rois
ou à des particuliers qui avaient bien mérite' de la Républi-
que , de cyppes et de colonnes sur lesquelles étaient gravées
les principales lois de l'état.
Rien n'était plus magnifique que le Forum ou marché de
Trajan, bâti par Apolîodore de Damas. Au rapport de Pausa-
nias, d'Aulugelle, d'Ammien , on y voyait des édifices d'une
grandeur et d'une magnificence étonnantes; une basilique
dans laquelle les consuls donnaient audience au peuple, un
temple superbe en l'honneur de Trajan, une bibliothèque
entourée d'un péristyle dans lequel tous les gens de lettres
célèbres avaient des statues de bronze ; des arcs de triomphe,
de magnifiques fontaines, des rues entières ornées de statues ;
enfin, la belle colonne élevée après la victoire que Trajan
remporta sur les Daces.
Si l'on voulait décrire quelques-unes de nos places mo-
dernes, on pourrait le faire non-seulement d'une manière
moins vague, mais même de la manière la plus complète et
la plus détaillée, puisque nous les avons sous les yeux. S'il
s'agissait, par exemple, de faire la description de la place
Vendôme, on pourrait s'exprimer ainsi : Cette place faite
sous le règne de Louis XIV, époque à laquelle tous les arts
éclipsés depuis vingt siècles avaient enfin repris le degré de
splendeur dont ils brillaient sous Auguste, cette place offre
dans son plan un parallélogramme de tant de toises de long
sur tant de large, les angles de ce parallélogramme sont
-ocr page 34-
DES PRINCIPALES PARTIES DES VILLES.             
échancrés en forme de pan coupé, elle est entourée de toute
part excepté à ses deux entrées, de divers bâtiments parti-
culiers , tous assujétis à une hauteur et à une décoration uni-
formes. Cette décoration consiste en un ordre corinthien-
pilastre , élevé sur un soubassement dont la hauteur est les
deux tiers de l'ordre. Ce soubassement est décoré à son tour
par des arcades feintes, dans lesquelles sont encadrées les
croisées qui éclairent en même temps le rez-de-chaussée et
l'entresol; les pied-droits des arcades sont ornés de refends,
et les clefs de ces arcades le sont avec des mascarons : l'ordre
qui s'élève sur ce soubassement embrasse deux étages ; il est
couronné par un entablement dont la hauteur est entre le
quart et le cinquième , son profil est celui de Vignole ; au-
dessus on aperçoit un grand comble, lequel est couvert en
ardoise et percé de lucarnes diversement ornées. Toutes les
croisées de cette place sont en anse de panier ; pour donner
du mouvement et de l'effet à la décoration, dans le milieu
de chacun des deux corps de bâtiments qui bordent cette
place, on a pratiqué un avant-corps formé par quatre colonnes
engagées, dont l'entablement est couronné par un fronton
dans le tympan duquel est un cartouche supporté par des
génies. Au milieu de cette place s'élevait fa statue du mo-
narque.
Quelle sécheresse cette description d'une de nos plus
belles places modernes ne laisse-t-elle pas dans l'aine, malgré
son exactitude 1 quelles émotions délicieuses et sublimes au
contraire, ne font pas éprouver ces descriptions des places
publiques des anciens malgré le vague qui y règne ! A quoi
tient la différence de ces impressions ? à ce que dans le pre-
mier cas il ne s'agit que de décoration, et que dans l'autre il
s'agit de la disposition d'objets du plus grand intérêt, de la
plus grande importance.
-ocr page 35-
3a                                         EXAMEN
On nous dira peut-être que, si nos places n'ont pas la-
beauté de celles des anciens, c'est parce que nos usages s'y
opposent, et que nos facultés s'y refusent. Si, d'après cela,
on ne peut clans leur composition introduire une décoration
réelle, il est raisonnable d'y suppléer du moins par une
image de décoration. L'examen de la place ci-devant de
Louis XV, celle de toutes nos places dans laquelle il semble
que l'on ait le plus visé à l'économie, puisqu'elle ne présente
des bâtiments que d'un seul côté, va répondre à ces diffé-
rentes objections.
La ville de Paris exprima le vœu d'élever une statue à
Louis XV. La coutume était de faire une place pour chaque
statue. La ville de Paris remarquant que, si elle élevait encore
quelcjues statues, elle ne serait bientôt plus qu'une place
elle-même, jugea fort prudemment qu'il fallait commencer
par reléguer celle-ci hors de son enceinte. L'architecte non
moins conséquent que la Ville, pensant qu'une place publique
située dans la campagne ne devait pas avoir autant de ma-
gnificence , ni coûter autant que celles qui sont renfermées
dans les villes, trouva qu'il était convenable de n'élever des
bâtiments que d'un seul côté. A la vérité, cette disposition
ne formait point une place ; mais il trouva bientôt le moyen
d'en former une. Il ouvrit des fossés larges et profonds,
dont il environna un assez grand espace de terrain. Cette
enceinte aurait rendu la place de Louis XV inabordable;
mais l'architecte remédia à ce petit inconvénient en construi-
sant six ponts en pierre de trois arches chacun par le moyen
desquels la communication entre cet espace de terrain ,
appelé place, et les terrains avoisinants, fut rétablie. Les
fossés furent ensuite revêtus d'un mur épaisj jet comme il
s'agit moins en architecture de faire un mur ou autre chose
que de le décorer, une somme à-peu-près égale au tiers de
-ocr page 36-
DES PRINCIPALES PARTIES DES VILLES.            33
ce que les murs et les ponts avaient coûté fut employé à
embellir le tout par des corps de refend, des tables saillantes,
des avants-corps, des arrières-corps, des balustrades, etc.
Voyez planche a, figure i.
Malgré tout ce luxe de décoration cette place ne produit
aucun effet lorsqu'on la traverse, et par conséquent la dé-
pense que l'on y a faite, quelle qu'elle soit, est en pure
perte, même pour la décoration.
Si dans la composition de cette place, au lieu de s'occuper
de formes, de proportions, etc., enfin de toutes ces pué-
rilités par lesquelles on prétend décorer et faire du beau,
on se fût appliqué à la disposition, aux convenances, en un
mot, à tout ce qui mérite véritablement le nom d'Architec-
ture; si l'on eût fait attention que cette place était située
entre deux promenades très - fréquentées, que souvent au
milieu du plus beau jour la sérénité du ciel était troublée
par des orages qui forcent ceux qui se promènent à chercher
promptement un abri, que souvent une place publique est
le théâtre des fêtes les plus brillantes et des cérémonies les
plus pompeuses ; qu'en conséquence on eût environné celle-
ci de vastes portiques qui, dans les mauvais temps, auraient
offert une promenade couverte, et dans les temps de fêtes des
places commodes pour tout m peuple ; que pour rafraîchir
l'air, on y eût placé d'abondantes fontaines, etc. Quel magni-
fique spectacle n'eût pas offert cette place dont les immenses
portiques se seraient dessinés tantôt sur des arbres, tantôt
sur le fleuve et tantôt sur les édifices publics élevés du côté
de la ville ! Voyez même planche, fig. %
Et cette place si commode et si pompeuse, digne en tout
de rivaliser avec celles élevées par les Grecs et les Romains,
cette place, dis-je, aurait moins coûté que celle qui existe ;
avec les murs intérieurs des fossés et le tiers des murs exté-
E
-ocr page 37-
/
34                                        EXAMEN
rieurs on aurait pu construire les quatre rangs de colonnes
nécessaires pour donner aux portiques une largeur conve-
nable; les deux tiers restants du mur extérieur, ainsi que les
avants-corps inutiles à l'enceinte de la place, auraient suffi
pour la construction des suffîtes ou plafonds de ces porti-
ques ; la dépense que les ponts ont occasionne'e aurait suffi
pour orner cette place de fontaines jaillissantes; on aurait
pu décorer la partie supérieure des portiques, et même le
tour de la place, de statues nombreuses et intéressantes
dont l'exécution aurait encouragé la sculpture, et développé
dans ce genre le germe d'une foule de talents : cette place
ainsi achevée, il resterait encore ce qu'ont coûté la fouille et
le transport des terres, somme énorme et plus que suffisante
pour couvrir d'un portique le pont qui conduit à cette place.
Ployez même planche, figure 3.
II est donc évident que, si nos places sont si éloignées
d'avoir la majesté de celles des anciens, cette différence ne
tient ni à nos convenances particulières, puisque dans un
climat aussi pluvieux que le nôtre les portiques sont encore
plus nécessaires que sous le beau ciel de la Gfece, ni à la
médiocrité de nos moyens pécuniaires, puisque celle de nos
places qui fut faite avec le plus d'économie, a bien plus
coûté qu'une autre place qui égalerait en magnificence celles
de la Grèce et de Rome ; mais cette différence provient uni-
quement de cette manie de décoration qui nous fait dépenser
des sommes énormes sans profit ni plaisir ; manie funeste et
détestable, puisqu'elle nous met dans l'impossibilité d'élever
une foule d'édifices de la plus grande importance, édifices
de l'assemblage desquels nos villes recevraient le plus grand
éclat et les plus précieux avantages.
Quoique la plupart des plans de places publiques contenus
dans les planches i3, 14, 16 et 46 du Parallèle ne soient
rien moins qu'exacts, comme ils ont été tracés par des archi-
-ocr page 38-
DES PRINCIPALES PARTIES DES VILLES.          35 IIIe PART,
,,,,,,.,                                                         IIe Segtioic,
tectes célèbres, pénètres de 1 esprit des anciens, nous croyons
qu'il sera avantageux de les examiner.
DEUXIEME SECTION.
DES ÉDIFICES PUBLICS.
DES TEMPLES.
XIarement aura-t-on des édifices sacrés à construire, vu
l'excessive quantité qui en existe par - tout. D'après cela,
et considérant le peu de temps que les élèves ont pour étu-
dier l'architecture, il semblerait convenable de ne point nous
occuper ici de cette espèce d'édifices; mais comme notre but
est moins d'enseigner à faire tel ou tel édifice, que de déve-
lopper les principes qui doivent guider dans la composition
de tous; comme l'examen des édifices antiques et la compa-
raison que l'on en peut faire avec les édifices modernes est
ce qui peut nous conduire plus directement à ce but ; comme
de tous les édifices antiques les temples sont ceux dont il
nous reste un plus grand nombre, nous croyons devoir nous
arrêter quelques instants sur ce genre d'édifices.
La plupart des temples antiques, tant de ceux qui étaient
répandus dans les environs d'Athènes , de Corinthe , de
Rome , etc., que de ceux que ces villes célèbres renfer-
maient dans leur enceinte, étaient moins des lieux consacrés
à l'exercice public du culte que des monuments destinés à
rappeler l'idée de quelque vertu dont la pratique pût être
utile à la patrie. Tel était le principal objet du temple de
E 2
-ocr page 39-
îir PART. 3g                          DEs ÉDIFICES PUBLICS.
IIe Section,                                  ,                                                                    .              .
l'Honneur, auquel celui de la Vertu servait de vestibule f
temple que Marcellus, ce vainqueur d'Annibal, fit élever
après ses victoires, afin que les troupes partant pour la guerre
se rappelassent qu'on ne parvenait à la gloire que par le cou-
rage, qu'on n'acquérait de l'honneur que par la vertu : tel
était l'objet de celui que le tribun Flavius éleva à la Concorde,
après avoir eu le bonheur de réconcilier les différents ordres
de la république. Le temple que Marc - Aurèle consacra à la
Bienfaisance n'en avait pas d'autre que d'apprendre à ses
successeurs qu'elle doit tenir le premier rang parmi les
vertus d'un prince.
Ces temples qui ne contenaient que la statue de la divi-
nité à laquelle ils étaient dédiés, les trépieds nécessaires aux
fumigations, les tables destinées à poser les offrandes; Ces
temples dans lesquels, ainsi que dans la plupart des autres >
le prêtre ou la prêtresse souvent avaient seuls le droit de
pénétrer, ne devaient pas naturellement être d'une grandeur
considérable.
En effet, ils ne consistaient la plupart qu'en une seule
pièce parallélégramique , d'une étendue assez médiocre ,
précédée d'un simple porche de quatre ou six colonnes au-
quel on parvenait par des degrés qui en occupaient toute
la largeur.
Dans les temples mêmes des divinités auxquelles on dé-
cernait les grands honneurs du sacrifice, tels que les temples
de Jupiter Olympien à Athènes, de Jupiter Capitolin à Rome,
du Soleil à Balbek et à Palmyre, la cella, le sanctuaire; enfin
te corps du temple n'avait guères plus d'étendue, et cela
devait être, si l'on considère son usage et le nombre d'ob-
jets qu'il devait contenir. Ce qui rendait ces derniers édifices
plus considérables , c'était les parvis dans lesquels se fai-
saient les sacrifices, parvis qui tantôt précédaient les temples
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DES ÉDIFICES PUBLICS.                        3j IIP PART.
; r                                                                  IIe Section.
et tantôt les entouraient, c était les portiques dont les parvis
étaient environnés pour recevoir la foule du peuple qu'at-
tirait cette partie du culte, enfin c'était les péristyles, tantôt
doubles, tantôt simples que l'on faisait régner autour de la
cella pour placer convenablement les ministres des dieux.
Malgré tous ces nouveaux objets qui entraient dans la
composition des grands temples, ces édifices n'avaient pas
une étendue aussi immense qu'on le croit communément ;
et d'ailleurs les temples de cette espèce n'étaient pas en grand
nombre.
On voit, par le peu d'étendue que les temples des anciens
occupaient en général, par le petit nombre des objets qui
entraient dans leur composition, par la simplicité avec la-
quelle ce petit nombre d'objets étaient disposés, avec quelle
sévérité les anciens, dans ce genre d'édifice même où il sem-
ble que la décoration dût avoir le plus de part, observaient
les lois de la convenance et de l'économie. On sait en même
temps combien l'aspect de leurs temples était noble et im-
posant. A la vérité la décoration architectonique, résultante
de la disposition de quelques-uns, était singulièrement ren-
forcée par des objets bien propres à augmenter son éclat.
Quoi de plus majestueux que ces bois sacrés qui ombra-
geaient les parvis des temples de Jupiter et de Junon, près
d'Olympie, celui du temple d'Esculapeà Epidaure, celui du
temple de Jupiter Olympien à Athènes, etc. ? quoi de plus
magnifique que cette foule d'autels, de trépieds, de statues,
de chars et autres monuments de reconnaissance dont ceâ
bois étaient parsemés ? quoi de plus propre à parler à l'ame
que ces sublimes peintures dont les murs des temples et des
parvis étaient quelquefois couverts , que ces superbes bas-
reliefs dont les frises et les frontons étaient ornés ? enfin ,
-ocr page 41-
38                        DES EDIFICES PUBLICS.
quoi de plus imposant que les statues des dieux qui s'élevaient
sur le faîte de leurs temples.
Mais tous les objets qui ajoutaient si fort à la décoration,
n'étaient pas, comme on le voit, ce qu'on appelle de Xar-
chitecture ,
c'est-à-dire, des objets insignifiants et inutiles ,
mais bien des productions de la nature même, ou des chefs-
d'œuvres des beaux arts, objets amenés d'ailleurs par la
convenance. Au reste, la plupart des temples étaient privés
de tous ces ornements, et l'effet qui résultait de leur dispo-
sition était cependant tel que nous ne pouvons nous défendre
encore du plus vif sentiment d'admiration au seul aspect de
leurs ruines.
Si dans les édifices dont nous venons de parler on ne
s'est point occupé de décoration, on pourrait dire qu'on s'en
est occupé encore moins dans les temples des premiers chré-
tiens , appelés Basiliques, à cause de leur ressemblance avec
les édifices de ce nom, dans lesquels les anciens rendaient
la justice. La basilique de Saint-Jean-de-Latran , l'ancienne
basilique de Saint-Pierre sur le mont Vatican, celle de Saint-
Paul sur le chemin d'Ostie, édifices que Constantin fit éle-
ver après la défaite de Maxence, ne furent construits qu'avec
des débris de temples ou d'autres édifices antiques. Il n'y
avait pas en quelque sorte deux des colonnes.qui entraient
dans la composition de leur intérieur qui ne fussent de
matière, de dimension et de proportion différentes : pour
mettre de niveau la partie supérieure des chapiteaux de ces
colonnes , tantôt on supprima leurs bases , tantôt on les
éleva sur des socles. La charpente, loin d'être revêtue par
un magnifique plafond , comme à Sainte - Marie - Majeure,
restait en évidence. Cependant malgré la nudité qui régnait;
dans l'ensemble de ces édifices, malgré le peu de symmé-.
trie de leurs détails, leur intérieur n'avait ni moins de no-?
-ocr page 42-
DES ÉDIFICES PUBLICS.                           3o, IDt* PART.
. ,            ,, , .                                     IIe Section.
blesse, ni moins de majesté que 1 extérieur des temples
antiques : pourquoi cela ? parce que leur disposition
n'était ni moins simple, ni moins e'conomique, ni moins
convenable.
Le culte catholique consistant principalement en des assem-
blées nombreuses, fre'quentes et prolongeas , exigeait pour
son exercice des édifices dont l'intérieur fût vaste, bien fer-
mé et bien éclairé : rien ne pouvait mieux remplir ces
convenances que les basiliques. L'église de Saint - Paul hors
les murs, à laquelle ressemblait parfaitement celle de Saint-
Pierre qui n'existe plus, et celle de Saint-Jean-de-Latran
que l'on a tout - à - fait défigurée en voulant la moderner,
peut nous donner une idée de la disposition et de l'effet de
toutes.
Cette église est divisée dans sa largeur par quatre files de
colonnes destinées à soutenir les murs sur lesquels portent
les combles des cinq nefs formées par ces files de colonnes ;
la nef du milieu est plus large et plus élevée que les nefs
latérales ; enfin les deux dernières qui régnent le long des
murs extérieurs sont encore moins élevées que celles-ci : par
cet arrangement, toutes les nefs sont directement et parfai-
tement éclairées par des fenêtres pratiquées dans lea murs
qui en forment la partie supérieure.
Ces nefs, dirigées du levant au couchant, vont aboutir
vers le fond de l'église à une autre nef transversale qui s'étend
du midi au septentrion ; et dans celui des côtés de cette nou-
velle nef qui est en face de la nef principale, on a pratiqué
un hémicycle ou grande niche circulaire, où sont les sièges
des prêtres et de l'évêque. Au devant de ^ette basilique,
ainsi que de toutes les autres, règne un porche qui prépare
au respect que l'on doit témoigner en y entrant.
Telle est la disposition de la basilique de Saint-Paul : la
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4<>                           DES EDIFICES PUBLICS.
vue que nous en a donne'e Piranesi suffit pour nous faire
juger de son effet magnifique.
La symmétrie ne règne pas plus dans les détails des églises
appelées improprement gothiques , que dans ceux des pre-
mières basiliques chrétiennes. Ces détails sont d'autant moins
propres à rendre ces édifices capables de plaire, qu'ils n'ont
aucune ressemblance avec les détails antiques dans lesquels
on fait consister en grande partie l'essence de l'architecture.
A quoi donc attribuer les sensations sublimes et profondes
que l'on éprouve en parcourant les temples de ce genre ?
d'après ce que nous venons de dire on ne l'attribuera cer-
tainement pas à ce que l'on appelle décoration.
C'est pourtant en décorant, c'est - à - dire, en accumulant
dispendieusement inutilités sur inutilités , insignifiances sur
insignifiances , en sacrifiant toutes les convenances à cette
décoration absurde , que les modernes ont prétendu l'em-
porter sur les anciens dans la composition de leurs temples:
voyons s'ils y ont réussi.
Un porche est, comme on sait, une partie essentielle d'un
temple : on n'en trouve presque jamais dans les églises mo-
dernes ; mais si les portails de ces églises manquent de
porches, pour la plupart ils ne manquent pas de colonnes
avec lesquelles on aurait pu en construire. Au lieu de quatre,
six ou huit tout au plus qu'il aurait fallu pour cet objet
utile, on en remarque quelquefois jusqu'à vingt ou trente,
plaquées contre les murs, uniquement pour les décorer : si
cependant on compare la façade du plus petit temple antique
avec le plus célèbre de nos portails modernes, celui de
Saint-Gervais , il est facile de voir combien l'effet du pre-
mier est satisfaisant et noble, et celui du dernier fatigant et
mesquin.
L'usage des églises modernes étant absolument le même
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DES ÉDIFICES PUBLICS.                       4* II1> PART-
IIe Section
que celui des basiliques des premiers chrétiens, il n'y avait
rien de mieux à faire que d'imiter leur disposition ; mais
l'envie de faire du neuf engagea le Bramante, homme de
mérite d'ailleurs, à imiter plutôt celle du temple de la Paix
dans la composition de la nouvelle église de Saint - Pierre,
bien que cet édifice fût moins un temple qu'un trésor des-
tiné par Vespasien à renfermer les dépouilles de la Judée.
L'envie de surpasser les anciens en rassemblant dans un seul
édifice les beautés de plusieurs, porta ensuite le même archi-
tecte à placer sur cet édifice, imitation du temple de la Paix,
un autre édifice imité du Panthéon.
Pour donner à cet édifice le dernier degré de beauté , les
architectes qui succédèrent au Bramante couvrirent les piliers
et les murs de colonnes plaquées , de pilastres, d'entable-
ments ressautés , de frontons de toute espèce , etc. , et cet
édifice ainsi décoré devint le modèle que l'on imita depuis
dans la construction des églises les plus considérables de
l'Europe.
Il est facile de voir combien ces édifices sont moins con-
venables à leur objet que les basiliques. Dans celles-ci, les
murs et les colonnes n'occupent que la dixième partie de la
superficie totale , et dans les églises modernes, les murs et
les piliers en occupent plus du cinquième. Les dimensions
de deux églises étant les mêmes , l'aire de celle composée
dans le dernier système est donc moindre de plus d'un neu^-
vième que ne le serait l'aire de l'autre. Dans les églises mo-
dernes , les piliers, quoiqu'en bien moindre nombre que ne
le sont les colonnes dans les basiliques, occupent cependant
plus d'espace. Ces églises offrent donc moins de dégagement.
Si ces édifices sont moins convenables, ils sont en même
temps bien moins solides : la preuve est dans les faits. Les
basiliques subsistent depuis Constantin ; l'église de Saint-?
F
-ocr page 45-
                        DES ÉDIFICES PUBLICS.
Pierre , bien poste'rieure , ne serait plus qu'un monceau, de
ruines , sans les réparations énormes que l'on y fait sans
cesse, et les cercles de fer dont on a été obligé d'environner
le dôme.
Ces édifices, bien moins convenables et bien moins so-
lides, sont en outre bien plus dispendieux. Il est facile de
s'en convaincre : les massifs de ces églises sont le double dé
ceux des basiliques ; par cela seul, ces églises doivent coûter
le double. Si l'on considère ensuite la dépense effroyable
dans laquelle entraîne la construction des dômes, celle que
doivent occasionner tous les objets inutiles et insignifiants
que Ton appelle de Y architecture, et dont ces édifices sont
remplis , on ne craindra pas de dire que la dépense totale
doit être dix fois plus considérable.
Est-il possible de faire à ce qu'on appelle la décoration
architectonique
des sacrifices plus grands et plus nombreux ?
et qu'y a-t-elle à gagner ? Ne comparons point nos églises
aux temples des anciens pour la beauté; ne les comparons
qu'aux basiliques , ou même, si l'on veut, qu'aux églises
dites gothiques. L'impression que nous éprouvons en entrant
dans les unes approche-t-elle seulement de celle que nous
éprouvons dans les autres?
Et comment cela pourrait-il être autrement ? A grandeur
égale de deux intérieurs, celui qui offre le plus de divisions
paraît le plus vaste ; celui qui présente le plus d'objets à-la-
fois , paraît le plus magnifique. Les églises modernes dont
les nefs ne présentent à l'oeil qu'un petit nombre d'arcades
maussades et de piliers massifs, tandis que les basiliques, et
même les églises gothiques , offrent une foule de dégage-
ments commodes et de soutiens élégants , sont donc bien
moins propres que les dernières à frapper fortement notre
ame par l'idée de magnificence et d'immensité.
-ocr page 46-
DES EDIFICES PUBLICS.                           0 llîe
Quant aux dômes , à cette partie de nos églises dans la- ""
quelle les yeux seuls peuvent pénétrer, édifices plantés sur
un autre de la manière la plus étrange et la moins solide
puisqu'ils ne portent que par quatre points sur les arcs des
nefs, et que dans tout le reste de leur pourtour ils sont entiè-
rement en porte à faux; si leur objet, comme on le prétend,
est d'annoncer de loin l'opulence et la magnificence d'une
ville, ils le remplissent bien mal, car en voyant ces édifices
si dispendieusement inutiles, pour peu que l'on raisonne r
on est naturellement porté à croire que la ville qui les ren-
ferme manque nécessairement d'une foule d'édifices essentiels
dont l'aspect eût contribué infailliblement à sa magnificence
et à sa beauté.
Nous avons vu que les anciens, les premiers chrétiens et
les chrétiens plus modernes qui ont élevé des églises gothi-
ques, n'ont point couru après la décoration, n'ont point
cherché à plaire, qu'ils ne se sont occupés qu'à disposer
leurs édifices sacrés de la manière la plus convenable et la
plus économique, et que ces édifices produisent les plus
grands effets ; que les modernes au contraire n'ont visé qu'à
la décoration, qu'ils lui ont tout sacrifié, et que cependant
l'effet de leurs temples est nul, s'il n'est pas désagréable : ces
remarques ne sont-elles pas bien propres à convaincre de la
vérité des principes que nous avons exposés et de l'impor-
tance de leur application sous quelque rapport que l'on envi-
sage l'Architecture.
Relativement à ce genre d'édifice, 'voyez les planches du.
Parallèle depuis i jusqu'à i5.
DES PALAIS.
Un palais est un édifice destiné d'une part à loger un
prince, et de l'autre à recevoir les personnes qui viennent
Fa
-ocr page 47-
44                         DES ÉDIFICES PUBLICS
lui demander des audiences publiques ou particulières. Ces
audiences ne pouvant être données à tout le monde à-la-fois,
et ceux qui les demandent méritant de la considération, il
faut, outre les appartements du prince et de sa famille, les
logements des gens de sa suite et d'autres accessoires, faire
entrer dans sa composition des portiques, des vestibules ,
des galeries , des salles dans lesquelles chacun puisse en
toute saison attendre commodément et dignement le moment
d'être admis à son tour aux audiences du prince : telles sont
les convenances principales d'un palais. On voit que la ma-
gnificence doit résulter naturellement de la disposition de
ce genre d'édifice.
Les palais de l'Escurial, de Versailles, des Tuileries, et
quantité d'autres, ont une étendue immense; on a prodigué
des sommes énormes pour couvrir leur extérieur de ce que
l'on appelle Architecture. D'après les idées que l'on a vulgai-
rement de cet art, ils devraient être de la plus grande beauté ;
rien cependant n'est plus trivial et plus mesquin que leur
aspect. La plupart des palais d'Italie au contraire sont d'une
petitesse extrême, ne sont pas composés à beaucoup près
d'un aussi grand nombre d'objets, ont coûté consequemment
bien moins, et rien cependant n'est plus; noble que ces
édifices. Pourquoi cela ? parce que dans les premiers, on a
totalement négligé la disposition et les convenances pour ne
s'occuper que de décoration, et que dans les autres les con-
venances et la disposition ont du moins été les principaux
objets dont on s'est occupé d'abord.
Les bornes de ce précis ne nous permettent pas d'examiner,
l'un après l'autre, avec quelque détail les différents palais
que nous venons de citer. Nous renverrons donc pour cet
examen aux planches 43, 45, 46, 47 , 53, etc., jusques et
compris 6o de notre Parallèle, et nous nous bornerons à quel-
-ocr page 48-
DES ÉDIFICES PUBLICS.                              /$ II16 PART-
, T                                -.                                          IIe Sectioh.
ques observations sur ie Louvre, ce palais si célèbre; elles
suffiront pour achever de remplir le principal but que nous
nous sommes propose's en traitant de ce genre d'édifice.
Dans un palais comme le Louvre, où les principaux appar-
tements sont au premier étage, la convenance demandait
peut-être, pour cet étage, ainsi qu'on l'a fait, une colonnade
d'où le prince qui l'eût habité eût pu jouir des fêtes que l'on
aurait données dans la place qui est au-devant de cet édifice ;
mais à coup-sûr elle exigeait au rez-de-chaussée une autre
colonnade pour recevoir dignement ceux que leurs affaires
auraient pu conduire dans ce palais : or, si le Louvre est
admiré généralement par tous ceux qui ne considèrent l'Ar-
chitecture que comme Fart d'amuser les yeux à cause de la
colonnade que l'on remarque dans sa façade, n'est-il pas évi-
dent qu'il aurait excité une admiration double, si au-dessous
de la colonnade qui existe une autre colonnade se fût pré-
sentée aux regards?
Les bâtiments qui environnent la cour du Louvre sont
simples, c'est-à-dire, qu'ils ne renferment dans leur épais-
seur qu'une seule pièce, disposition peu commode, puisque
pour parvenir aux pièces des extrémités, il faut traverser
toutes les autres ou monter et descendre sans cesse des esca-
liers qui interceptent la communication des appartements.
Une colonnade qui aurait régné tout autour de cette cour,
tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage, ainsi que. dans
la plupart des palais d'Italie, en faisant disparaître tous ces
inconvénients, n'aurait-elle pas ajouté considérablement à la
beauté de sa décoration? Y a-t-il quelqu'un qui puisse dis-
convenir que des colonnades réelles n'offrent un spectacle
plus frappant que des images imparfaites et confuses de ces
mêmes colonnades, telles que celles qui forment la décoration
architectonique de la cour du Louvre,
-ocr page 49-
46                        DES ÉDIFICES PUBLICS.
La colonnade du Louvre est intercepte'e dans son milieu
par un avant-corps e'norme dans la partie inférieure duquel
est pratiquée l'entrée de ce palais ; entrée, au jugement de
tout le monde, indigne d'un tel édifice. Si cet avant-corps
inutile et incommode n'existait pas, si la colonnade s'étendait,
comme naturellement cela devrait être, d'un pavillon à l'autre,
cette colonnade ne ferait-elle pas un effet infiniment plus
imposant? Si de la colonnade que l'on eût dû placer au-des-
sous de celle-ci on fût entré dans un vestibule vaste par
cinq entre-colonnements ; si par un nombre d'entre-colonnes
semblables on eût passé de ce vestibule sous les portiques de
la cour; si pour arriver au premier étage on eût trouvé de
grands escaliers à droite et à gauche du vestibule, l'entrée
du Louvre n'aurait - elle pas été aussi majestueuse qu'elle
l'est peu ?
S'il est évident que la convenance eût procuré à cet édifice
un degré de beauté bien supérieur à celui qu'il offre, il ne
l'est pas moins que l'économie, loin de s'opposer à cet effet,
aurait au contraire, contribué essentiellement à l'augmenter,
Il n'est pas besoin de calcul pour* se convaincre que les
dépenses occasionnées par les avants-corps, les frontons et
une foule d'autres objets inutiles ou peu simplement disposés
qui se rencontrent dans cet édifice, et que l'économie et le
goût rejettent absolument, n'eussent été plus que suffisantes
pour la construction des objets essentiels qui lui manquent,
et desquels eût infailliblement résulté le degré de beauté dont
il était susceptible.
Le projet de palais que l'on trouvera, planches 3 et 4 de
cet ouvrage, est supposé élevé à la campagne. Comme dans
ce cas le terrain est bien moins restreint qu'à la ville, comme
l'on peut s'étendre en quelque sorte autant qu'on le veut,
nous avons cru devoir ne lui donner qu'un étage, d'une part,
-ocr page 50-
y
DES ÉDIFICES PUBLICS.                       4? IIIB lPART*
11^ Sectiow
afin qu'il n'y eût point de logements au-dessus des apparte-
ments du prince, de l'autre, afin que de tous les apparte-
ments placés au rez-de-chaussée, on pût jouir plus facile-
ment des promenades qu'offriraient les jardins.
On remarquera que cet e'difice exige quelques pièces assez
vastes dont la hauteur doit par conse'quent être plus consi-
dérable que celles de plusieurs autres dont l'étendue est
moindre, et que de ces différentes hauteurs des pièces, ré-
sulte naturellement un certain mouvement dans l'élévation
de cet édifice ; que la convenance exigeant dans certaines
parties de son plan des colonnades qu'elle réprouve dans
d'autres, cette différence introduit nécessairement dans l'élé-
vation , sans qu'il soit besoin de s'en être occupé, des avants-
corps , des arrières-corps, des parties ornées et des parties
lisses, ce qui donne à l'aspect de cet édifice le degré de
variété dont il est susceptible.
Quant au plan général de ce palais, notre but n'a été, en
le donnant, que de faire voir que, rapprochant les uns des
autres des édifices qui ont entre eux des rapports, et for-
mant de ces édifices un ensemble, on peut, sans augmenter
la dépense, augmenter la magnificence des spectacles que
l'architecture peut offrir.
DES TRESORS PUBLICS.
Les édifices de ce genre, destinés d'une part à renfermer
une grande partie des richesses d'une nation, et de l'autre
à les distribuer, à les répandre par divers canaux, doivent
être disposés tout-à-la-fois de la manière la plus sûre et la
plus propre à rendre les différentes parties du service faciles
et distinctes. Le projet que nous offrons, planche 5, nous
a paru remplir parfaitement ces deux objets. Relativement
-ocr page 51-
48                           DES ÉDIFICES PUBLICS.
à la sûreté, le trésor proprement dit, placé au centre de
tout l'édifice, est déjà déïendu par les doubles murs des
différentes pièces qui l'environnent. Il l'est de plus par ceux
de l'enceinte, murs qui d'ailleurs ne sont percés d'aucunes
croisées, et ne le sont même que par un petit nombre de
portes que l'on peut rendre encore aussi fortes qu'on le
veut. Nous ne parlerons pas des corps-de-garde tant inté-
rieurs qu'extérieurs placés aux différentes entrées. Quant à
la facilité du service et à la distinction de ses différentes
parties, rien n'est encore plus favorable que cette disposi-
tion. Du trésor, on peut aisément transporter dans les caisses
placées à ses angles les sommes nécessaires pour les paie-
ments journaliers ; des deux vestibules qui le précèdent, on
entre facilement dans les quatre caisses ; des salles desti-
nées à l'administration , placées aux deux côtés du trésor
et entre les diverses caisses, on est à portée d'exercer la sur-
veillance la plus exacte sur le tout ; enfin, les bureaux où
l'on doit se munir des pièces nécessaires pour être payé ,
étant relégués dans l'enceinte, étant séparés du principal
corps de bâtiment où sont placés le trésor et les caisses, il
ne pourrait y avoir dans le service aucun embarras , aucune
confusion.
La seule inspection du projet suffit pour donner une idée
de l'effet que produirait cet édifice.
DES PALAIS DE JUSTICE.
Chez les anciens, les édifices dans lesquels on rendait la
justice , et que l'on nommait basiliques, ne consistaient
qu'en une vaste salle, divisée de différentes manières par des
files de colonnes, comme on peut le voir planche i5 du
Parallèle, Chez les modernes, les édifices appelés Pçdais dç
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DES ÉDIFICES PUBLICS.                             /^Q In" PART.
-,.-,,                                                       IIe Section.
Jusûtce, sont beaucoup plus considérables. Ils doivent ren-
fermer plusieurs tribunaux, une grande salle qui leur sert
de vestibule, dans laquelle les avocats et les plaideurs se
promènent en s'occupant d'affaires ; des cabinets pour les
juges, des greffes, des buvettes, des corps-de-garde, et quel-
quefois des prisons.
Dans un semblable édifice, où se rassemble toujours beau-,
coup de monde, il faut que les issues soient faciles et mul-
tipliées. Il faut en outre que les pièces spécialement destine'es
à rendre la justice, soient disposées de manière qu'aucun
bruit extérieur ne puisse causer de distraction à ceux qui
plaident ou qui jugent. Dans le projet de Palais de Justice
que nous donnons, planche 6, toutes les convenances sont
remplies parfaitement. Elles le sont en même temps de la
manière la plus simple. Aussi, comme on pourra le remar-
quer, sa décoration architectonique a-t-elle tout le carac-
tère , tout le style , toute la variété et tout l'effet que ce
genre d'édifice comporte.
DES JUSTICES DE PAIX.
Un seul tribunal, précédé d'un vestibule, accompagné du
logement du juge, et de quelques pièces accessoires, le tout
environné d'une petite enceinte propre à éloigner le bruit,
voilà à-peu-près tout ce qui est nécessaire pour un édifice
de ce genre. Un tel édifice, comme on le voit, serait natu-
rellement bien moins considérable qu'un palais de justice : on
peut voir cependant, même par le projet que nous offrons?
planche 7, qu'étant destiné a un usage analogue , s'il était
traité dans le même esprit, il pourrait avoir autant de
dignité,
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III* ÊART. 5q                           t)ES ÉDIFICES PUBLICS.
IIe Section*
Des maisons communes ou hôtels-de-ville.
Ces édifices peuvent être plus ou moins considérables,
selon la grandeur des villes dans lesquelles ils sont élevés.
Nous avons affecté ici d'offrir pour exemple une maison
commune faite pour une ville de peu d'étendue , afin de
montrer , ainsi que nous l'avons fait dans le projet précé-
dent , que, bien que la grandeur soit une des qualités qui
nous frappent le'plus, en architecture comme en toute autre
chose, un édifice dans lequel elle ne doit pas se rencontrer
n'en est pas moins susceptible de beauté, si les convenances
y sont remplies, comme elles doivent l'être.
Outre une grande salle pour les assemblées municipales T
outre différents bureaux , il faut encore dans un édifice de
ce genre , quelles que soient ses dimensions , des portiques
pour recevoir ceux que leurs affaires y appellent. Il faut de
plus que de ces portiques on puisse parvenir facilement à
chaque partie de l'édifice. Il est facile de voir que le projet
représenté, planche y, réunit tous ces divers avantages , et
que , malgré sa petitesse , cet édifice offrirait encore dans
l'exécution un aspect fort imposant.
Les hôtels-de-ville les plus célèbres sont ceux d'Amster-
dam , d'Anvers, de Maestricht, d'Oudenarde et de Bruxelles.
Les trois premiers sont décorés d'ordres d'architecture. Les
deux autres sont gothiques. Cependant leur aspect annonce
bien plus évidemment un édifice public ; ce qui confirme ce
que nous avons dit et prouvé plus d'une fois, que les formes
et les proportions influent bien moins sur la beauté de la
décoration que la disposition.
On peut voir ces différents édifices , planche 17 du Pa-
rallèle.
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DES ÉDIFICES PUBLICS.                              5l IIIe PART.
IIe Section
DES COLLÈGES.
Ces édifices , destinés à l'instruction de la jeunesse, se
nommaient gymnases chez les Grecs. Les gymnases étaient
de vastes édifices entourés de jardins et d'un bois sacré ; on
entrait d'abord dans une cour, de forme quarrée , dont le
pourtour était environné de portiques et de bâtiments. Sur
trois de ses «ôtés étaient des salles spacieuses, et garnies de
sièges, où les philosophes, les rhéteurs, etc., rassemblaient
leurs disciples. Sur le quatrième, on trouvait des pièces pour
les bains. et les autres usages du gymnase. Le portique
exposé au midi était double, afin qu'en hiver la pluie ne pût
pas être chassée par le vent dans sa partie intérieure.
De cette cour carrée on passait dans d'autres cours bor-
dées de portiques sur leurs plus grands côtés, et ombragées
par des platanes. L'un des portiques de ces cours s'appelait
xiste. On avait ménagé dans le milieu de sa longueur une
espèce de chemin creux, d'environ quatre mètres de largeur
sur un peu moins d'un demi-mètre de profondeur. C'était là,
qu'à l'abri des injures de l'air, séparés des spectateurs qui se
tenaient sur le bord de ce renfoncement , les jeunes élèves
s'exerçaient à la lutte. On trouvait «ncore dans ces édifices
un stade pour les courses.
S'il est facile de voir que la disposition des gymnases était
aussi commode, aussi salubre, etc., que la disposition des
collèges de Paris l'est peu , il n'est pas plus difficile d'ima-
giner que l'aspect des premiers était aussi propre par sa
noblesse, sa variété, son agrément à élever l'ame des jeunes
gens, à leur inspirer le goût de l'étude, que l'aspect triste
et rebutant des autres est propre à faire un effet contraire.
Le même esprit qui dirigea les Grecs dans la composition
G 2
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                        DES ÉDIFICES PUBLICS,
de leurs gymnases se remarque dans celle des nombreux
collèges renfermés dans les villes de Cambridge et d'Oxford.,
Outre de vastes cours , des salles pour les divers genres
d'études, des chapelles , des bibliothèques, des re'fectoires ,
des dortoirs , etc., on y trouve des the'âtres, des portiques
sous lesquels on peut, à couvert, se livrer à divers exer-
cices, des jardins rafraîchis par des fontaines jaillissantes ,
enfin, tout ce qui peut favoriser la santé et le développe-
ment de toutes les facultés. Aussi ces édifices excitent-ils une
admiration générale, malgré le style gothique dans lequel la
plupart sont construits.
Quoique beaucoup moins considérables, par leur étendue,
que ceux d'Angleterre, quoique différents à quelques égards,
quant à leur usage, le collège romain et celui de la Sapience
à Rome, l'université de Turin, le collège helvétique de Milan,
et quelques autres collèges d'Italie, ne sont pas moins cé-
lèbres, et ne méritent pas moins de l'être; traités d'après
les mêmes principes, ils doivent faire éprouver les mêmes
sensations : on trouvera les plans de quelques-uns de ces
édifices, planche 18 du Parallèle.
Dans la composition du projet de collège que l'on trou-
vera, planche 8, on a tâché de se pénétrer de l'esprit des
anciens, et de mettre à profit tout ce que les édifices mo-
dernes de ce genre peuvent offrir d'intéressant. Nous n'en-
trerons pas dans de grands détails à l'égard de ce projet.
Nous nous contenterons de faire observer que les bâtiments
destinés aux exercices de l'esprit, lesquels sont rangés au-
tour de la cour principale, étant éloignés de toute part des
rues qui environnent l'édifice, on y jouirait sans cesse de
tout le calme nécessaire à l'étude; que les cours accessoires
étant placées dans les angles de la partie postérieure, le ser-
vice des cuisines, des réfectoires, etc., se ferait avec la plus
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DES ÉDIFICES PUBLICS.                              53 HT PART.
grande facilité , et sans causer dans les autres parties le
moindre embarras ni le moindre trouble; enfin, que le spec-
tacle des jardins dont on jouirait de la cour des e'tudes, à
travers les vestibules qui y donneraient entrée, communique-
rait à cette cour même un air de vie et de gaieté plus néces-
saire qu'on ne l'imagine dans des lieux consacrés aux tra-
vaux de l'esprit.
DES ÉDIFICES DESTINES A LA REUNION DE§ SAVANTS,
DES HOMMES DE LETTHS^EI DES ARTISTES.
Dans la Grèce ainsi qu'à Rome, il n'y avait pas en général
de lieux spécialement destinés à cet usage. Les savants, les
philosophes s'entretenaient, tantôt dans les places publiques,
tantôt sous les portiques qui les environnaient, tantôt dans
les exèdres des gymnases, des palestres ou des thermes. Il
paraît cependant qu'à Athènes les diverses classes de savants
s'assemblaient plus volontiers dans l'Académie, lieu ainsi ap-
pelé du nom <XAcadémus, citoyen de cette ville, qui l'avait
donné aux philosophes pour se rassembler et conférer en-
semble. Mais ce- lieu n'était point un édifice , c'était un
terrain vaste , environné de murs , orné de promenades
couvertes d'arbres , embellies par des ruisseaux qui cou-
laient sous leur ombrage, et sur les bords desquels on ren-
contrait tantôt une statue, et tantôt un autel consacré à
quelque divinité.
                                           ^
Dans le beau climat de la Grèce, rien n'était plus propre
qu'un semblable lieu pour tenir de telles assemblées. Mais
sous le ciel pluvieux de la France, il faut des édifices clos et
couverts pour la réunion soit des savants, soit des hommes-
de-lettres , soit des artistes. Ces différentes classes étaient
autrefois séparées sous le nom d'Académies. Depuis quelques
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Ille PART. ^                         DES ^DIFICES puBLI€S.
IIe Sectioîî.
années on les a réunies avec avantage sous le nom d'Institut.
C'est pour une réunion si intéressante que serait destiné
l'édifice dont nous donnons le projet planche 9.
II ne faut que jeter les yeux sur ce magnifique plan pour
voir avec quelle exactitude et quelle simplicité toutes les
convenances sont remplies , et pour juger en même temps
du superbe effet qui résulterait de son exécution. L'institut
est divisé en trois classes ; un corps de bâtiment est affecté
à chacune ; chaque classe est divisée en plusieurs sections ;
chaque corps de bâtiment renferme plusieurs pièces qui ont
chacune leur entrée particulière. Les diverses classes et les
diverses sections devant communiquer entre elles , et se
réunir toutes dans la pièce centrale les jours d'assemblée
publique , une galerie intérieure leur en procure les
moyens. Enfin , le public doit se rendre à certains jours
dans cet édifice; un corps de bâtiment semblable, à l'exté-
rieur, aux trois autres renferme des vestibules propres à
l'introduire avec dignité dans la salle d'assemblée qui est
placée au centre.
DES BIBLIOTHÈQUES.
Les noms des bibliothèques de Jérusalem , de Luxor,
d'Alexandrie, etc., sont tout ce qui nous reste de ces ma-
gnifiques édifices. 'On sait seulement que sur la porte de celle
qu'Osimanduée, roi d'Egypte, fit construire dans l'édifice
immense qui devait lui servir de tombeau, ces mots étaient
écrits : Remède de l'urne, belle inscription reproduite depuis
par Muratori dans la bibliothèque de Modène. La plupart
des bibliothèques existantes , n'ayant pas dans l'origine été
construites pour cet usage, sont peu propres à nous donner
des lumières sur la composition des édifices de ce genre.
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DES ÉDIFICES PUBLICS.                           55 IH« PART.
IIe Segtios
Celle du Vatican , une des plus fameuses, n'offre de remar-
quable que les rangées de vases étrusques qui k décorent.
Les bibliothèques de Médicis à Florence, de Saint-Marc à
Venise construites exprès, à la vérité, la première pay
Michel-Ange, la seconde par Sansovino, ne doivent guères
leur célébrité qu'aux noms de leurs auteurs. La bibliothèque
d'Oxford dont le plan est circulaire , et celle de Sainte-
Geneviève à Paris, disposée en forme de croix, au centre
de laquelle est une coupole, et qui est décorée de bustes de
grands hommes , ainsi que l'étaient la plupart de celles des
anciens, au rapport de Pline , méritent d'être distinguées.
Mais elles ne donnent encore qu'une idée bien incomplète
de ce genre d'édifice.
Une bibliothèque peut être considérée, d'une part, comme
un trésor public renfermant le dépôt le plus précieux, celui
des connaissances humaines, de l'autre comme un temple
consacré à l'étude. Un pareil édifice doit donc être disposé
de manière à ce qu'il y règne la plus grande sûreté et le plus
grand calme. C'est d'après ces observations que l'on a com-
posé le projet de bibliothèque que l'on verra, planche 10.
Une enceinte aux angles de laquelle sont placés les loge-
ments des bibliothécaires, les corps-de-garde et tous les au-
tres bâtiments où l'on peut avoir besoin de feu, sépare la
bibliothèque proprement dite, l'isole de tout autre édifice.
Sa construction, toute en pierre, achève de la défendre contre
le danger des incendies. A l'abri de toute atteinte extérieure
par sa disposition générale, la disposition particulière des
salles de lecture, tendantes toutes vers un centre où seraient
les bibliothécaires, assurerait l'ordre et faciliterait la surveil-
lance dans l'intérieur. Les jours qui éclairent les salles venant
du haut, en laissant le plus de surface possible pour les
armoires qui renferment les livres, seraient en même temps
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56                             DES ÉDIFICES PUBLICS.
les plus favorables au recueillement dont on a besoin. Enfin,
les portiques qui environnent la partie principale de l'édifice,
ainsi que les arbres dont le parvis est ombrage', offriraient
des promenades couvertes et découvertes dans lesquelles on,
pourrait méditer ou s'entretenir avec autant de plaisir que
de tranquillité.
DES MUSÉUM.
Dans les grandes villes il peut y avoir plusieurs Muséum,
les uns destinés à renfermer les productions les plus rares
de la nature, les autres à contenir les chefs - d'oeuvres des
arts. Dans les villes peu considérables un même Muséum
peut servir, à-la-fois, à ces divers usages. On pourrait même,
pour plus d'économie, y réunir la bibliothèque, Mais quelle
que soit l'e'tendue de ces édifices, quel que puisse être le
genre des objets qu'ils doivent renfermer, la conservation et
la communication d'un trésor précieux étant toujours le
motif qui les fait élever, ces édifices doivent être composés
dans le même esprit que les bibliothèques. Ce que nous
avons dit de général à l'égard de celles-ci, peut donc leur
être appliqué ; la seule différence qui devrait avoir lieu dans
leur disposition, est que les bibliothèques ne renfermant
dans leur intérieur qu'un même genre d'objets, n'étant desti-
nées dans toute leur étendue qu'à un même usage, une seule
entrée peut leur suffire, La sûreté même l'exigerait, tandis
que les Muséum, même ceux qui seraient uniquement des-
tinés à renfermer les productions des arts, contenant des
objets de différente espèce, étant composés de parties des-
tinées à des études différentes, doivent, pour que le calme
qui doit régner dans chacune ne soit pas troublé, offrir,
outre l'entrée principale, autant d'entrées particulières qu'ils
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DES ÉDIFICES PUBLICS,                           OJ
contiennent de parties distinctes. On nous dira, peut-être,
que cette multiplicité d'ouvertures nuirait à la sûreté : on
peut voir dans le projet, planche n , comment, au moyen
de vestibules communs, chaque partie serait parfaitement
dégagée, sans qu'il fût nécessaire d'ouvrir un grand nombre
de portes à l'extérieur.
DES OBSERVATOIRES.
Ces édifices destinés aux observations astronomiques doi-
vent être placés sur une éminence, et avoir une certaine
élévation, afin que des terrasses qui les terminent on puisse
découvrir un horizon très-étendu. Sur ces terrasses doit
s'élever encore un donjon destiné à recevoir les instruments
d'astronomie. Le corps de l'édifice doit renfermer des salles
pour l'assemblée des savants, une bibliothèque, un cabinet
de physique, des logements pour le directeur, les divers
savants et les artistes attachés à l'établissement, un autre
pour le concierge, des laboratoires, des ateliers, des maga-
sins, etc. Celui de Paris, bâti par Perault, sous le règne de
Louis XIV, offre un beau modèle en ce genre. Voyez le
Parallèle, planche 18. On trouvera aussi dans ce volume
une idée d'observatoire, planche ia; on verra dans l'un et
dans l'autre que la construction fait tous les frais de la
décoration.
DES PHARES.
Un phare n'est autre chose qu'une haute tour bâtie sur le
bord de la mer. On allume dans la partie supérieure des feux
pour guider les vaisseaux pendant la nuit. Ces édifices ont
ordinairement pour base une plate - forme sur laquelle sont
placés de petits bâtiments destinés au logement des gardiens
chargés d'allumer et d'entretenir les feux.
H
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58                           DES EDIFICES PUBLICS.
Le plus célèbre est celui appelé la Tour de Cordouan,
bâti à l'embouchure de la Gironde, par Louis de Foix, en
1584 -, voyez planche 2.5 du Parallèle. Cet édifice est décoré
de trois ou quatre ordres d'Architecture. Le projet de phare
que nous donnons ici, planche ta, n'offre à l'œil autre chose
que l'apparence de sa construction. Que l'on compare ces
deux édifices, on verra que le dernier a le caractère de ce
genre d'édifice, tandis que l'autre n'en a aucun.
DES HALLES ET MARCHES,
Souvent chez les anciens les marchés n'étaient autre chose
que les places publiques mêmes, tels que le Forum Boàrium,
celui d'Auguste, de Trajan, de Nerva, etc.; quelquefois ils
ne composaient qu'une partie de ces places; mais, dans tous
les cas, ils offraient des lieux vastes, aérés, plantés d'arbres,
entourés de portiques, et dans lesquels d'abondantes fon-
taines entretenaient la fraîcheur et la propreté,
Rien ne ressemble moins aux marchés des anciens que les
marchés des modernes. La plupart se tiennent dans les rues
qu'ils embarrassent et qu'ils infectent. Les marchands et leurs
denrées y sont exposés à l'injure de l'air, et se trouvent con-
fondus pêle-mêle avec les voitures. Ceux même des marchés
qui sont bâtis exprès sont si mesquins, si mal situés, si peu
dégagés, sont traités, en un mot, avec tant de négligence,
qu'ils dégradent autant les villes que les marchés antiques
les embellissaient.
Tous les marchés modernes ne méritent pourtant pas ces
reproches ; il en est qui, à plusieurs égards, pourraient servir
de modèles, tels que les halles d'Amiens , de Bruxelles, le
marché au poisson de Marseille i ouvrage du célèbre Pujet,
le marché de Florence, celui de Catane en Sicile; édifices
dont on trouvera les plans, planche i4 du Parallèle.
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DES ÉDIFICES PUBLICS.                             Su HI6 PART.
,./Vi,                                                    IIe Sbctiom
Quoique l'on se serve assez indifféremment des mots de
halles ou de marche's pour exprimer un lieu où l'on vend
quelques marchandises, principalement des comestibles, on
peut cependant entre ces deux espèces d'édifices remarquer
cette différence, c'est que les marchés destinés la plupart à
la vente du poisson, des herbes, des fleurs, des animaux de
toute espèce, objets qui, exhalent plus ou moins d'odeur,
ont besoin d'être aérés, et par conséquent découverts. Dans
tous les cas, ces marchés doivent être ouverts, de tous côtés,
ou du moins en partie. Les halles au contraire destinées à
la vente du blé, du vin, de la toile, des draps, etc., objets
qui pourraient s'altérer à l'air, au soleil ou à la pluie, doivent
toujours être couvertes et fermées.
La halle la plus célèbre est la halle au blé de Paris ; elle
mérite cette célébrité à certains égards; elle la mériterait
encore plus, si l'on y avait mis moins de prétention. On peut
s'en convaincre en la comparant au projet de halle que nous
donnons, planche 13, dans lequel on n'en a mis aucune ;
en examinant ce projet, on remarquera un escalier qui, de
la partie inférieure destinée à la vente journalière, conduit
aux étages supérieurs, destinés à emmagasiner les grains et
farines pour quelque temps. Cet escalier est disposé de telle
manière que quatre personnes peuvent monter ou descendre
à-la-fois sans se rencontrer, et par conséquent de manière
à empêcher toute espèce de confusion et d'embarras.
DES BOUCHERIES.
Cette espèce d'édifice appelé Macellum, chez les Romains,
est destiné à la vente de la viande. Une médaille de Néron
et les plans du Capitole sont les seuls Monuments qui peu-
vent nous donner une idée de la manière dont ces édifices
H 2
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60                          DES ÉDIFICES PUBLICS.
e'taient traités chez les anciens ; encore cette ide'e est-elle bien
faible, vu la manière imparfaite dont les e'difices sont repré-
sentés sur les médailles, et l'état de dégradation dans lequel
se trouvent les plans. Toute faible qu'elle est, elle suffît
néanmoins pour nous faire connaître l'esprit dans lequel les
anciens composaient ces édifices. A coup sûr, ils ne s'atta-
chaient pas à les rendre pompeux ; et cependant, on y remar-
que cette dignité de disposition que l'on devrait rencontrer
toujours dans les édifices destinés à des usages publies. On
y remarque des colonnes, des portiques ; la convenance les
exigeait.
Une chose bien importante que l'on peut remarquer encore
dans les boucheries antiques, c'est que les tueries au lieu
d'en faire partie, comme on le voit souvent chez nous, en
étaient absolument se'parées. Dans le projet de boucherie
que l'on trouvera, planche i4, cet objet n'est pas présenté.
La propreté, la salubrité des villes et la sûreté même des
habitants, exigent impérieusement qu'elles soient reléguées
à l'extrémité des faubourgs.
' ".       DES BOURSES.                                           :
Ces édifices, que l'on nomme encore loge ou change, sont
des lieux où s'assemblent les marchands, les agents de change
et les banquiers pour le commerce d'argent et de papiers
publics. Chez les anciens, les basiliques en tenaient lieu, en
réunissaient toutes les propriétés, et renfermaient tout ce
qui avait rapport au négoce et aux gens d'affaires ; chez les
modernes, c'est quelquefois une place entourée de portiques
et plantée d'arbres, telles que la bourse de Londres bâtie
par Inigo Jones, et celle d'Amsterdam bâtie par Dankers,
édifices qui méritent d'être examinés à cause de la simplicité
-ocr page 64-
DES ÉDIFICES PUBLICS.                              6l IIIe PART.
de leur plan et du bon effet qui en re'suîte pour leur déco-
ration : voyez la planche 18 du Parallèle. Le plus souvent ce
sont des e'difices consistant au rez-de-chaussée, en plusieurs
portiques, vestibules, corps-de-garde, salles et bureaux, tel
que celui que nous offrons planche i4-
DES DOUANES.
. Ces édifices sont destinés à percevoir certains droits sur
les diverses marchandises qui arrivent dans un pays ou dans
une ville, et à contenir quelques-unes de ces marchandises
jusqu'au moment où le propriétaire vient les chercher. En
conséquence, il faut au rez-de-chaussée des corps-de-garde,
à l'entrée, des bureaux placés de manière que de ces bu-
reaux on voye tout ce qui se passe dans la cour, des han-
gards sous lesquels on puisse à couvert faire la visite des
ballots ; au premier étage, il faut des pièces pour l'admi-
nistration , le logement du concierge, des magasins pour
serrer les marchandises qui doivent rester à la douane un
certain temps. La sûreté de ces marchandises exige que
cet édifice soit entièrement voûté. De ce genre de cons-
truction , des diverses convenances qui exigent, au rez - de-
chaussée , de grandes ouvertures , et au premier des ouver-
tures beaucoup moindres , résulterait tout naturellement
la décoration de ce genre d'édifice, comme on peut le voir,
planche i4-
DES FOIRES.
Les foires sont des espèces de marchés dans lesquels ,
pendant certains temps de l'année, les marchands de dehors
apportent leurs marchandises franches de droit. Les mar-
chands des villes , dans lesquelles ou près desquelles se
-ocr page 65-
IIIe PART. Q2                          DES ÉDIFICES PUBLICS.
IIe Section.
tiennent les foires, viennent aussi y e'taler tout ce qui a trait
à l'agrément et à la parure des femmes. Comme parmi la
multitude qui abonde dans ces lieux, il y a beaucoup de
personnes qui ont de l'argent et du loisir, il s'est naturelle-
ment introduit dans les foires des spectacles de toute espèce,
des jeux, des cafe's, des restaurateurs, etc. ; on peut donc
considérer ces édifices comme des lieux destinés tout-à-la-fois
au commerce et au plaisir.
D'après ce que nous venons de dire , un édifice de ce
genre doit présenter trois parties distinctes. Premièrement,
des lieux propres à la vente des grosses marchandises, des
marchandises purement utiles , tels que les animaux, les
cuirs , les fers, les laines, etc. ; en second lieu, des endroits
destinés au commerce des objets qui ne sont en grande
partie que de pur agrément, telles que les quincailleries,
bijouteries, orfèvreries, modes, etc.; enfin, ceux qui sont
uniquement consacrés à l'amusement, tels que les vauxhall,
les théâtres, les billards, etc. La commodité des marchands
qui, pour la plupart, sont loin de leur domicile, exige qu'au-
dessus des boutiques il y ait des chambres pour les loger ;
et la sûreté de leurs marchandises exige également que
toutes les parties couvertes de cet édifice soient voûtées. On
doit encore avoir soin de faire entrer dans la composition
des foires, ainsi que dans celle de tous les marchés, des corps-
de-garde et des lieux où le magistrat chargé du maintien de
l'ordre se tiendrait pour terminer les différends qui pour-
raient s'élever. Il n'est pas besoin de dire que toutes les
parties découvertes des foires doivent être plantées d'arbres,
ornées de fontaines, etc.
Dans le projet de foire que nous donnons, planche i5,
on a cru devoir préférer la forme circulaire comme la plus
favorable à l'espèce de promenade qui a lieu dans ces édi-
/
-ocr page 66-
DES ÉDIFICES PUBLICS.                           63
fices ; l'emploi de cette forme n'ayant d'ailleurs aucun incon-
vénient dans le cas dont il s'agit; car le diamètre de ce cercle
étant très-grand, et les divisions de la circonférence très-
nombreuses , les boutiques formées par ces divisions, ne
pourraient paraître sensiblement irrégulières malgré la ten-
dance de leurs murs vers le centre.
Les bazards ou rues couvertes bordées de boutiques et
éclairées par de magnifiques coupoles, édifices dont on voit
un -grand nombre dans les villes de Turquie, de la Perse
et de tout l'Orient, peuvent, à plus d'un égard, servir de
modèle dans la composition des foires. On trouvera le
plan de quelques - uns de ces bazards , planche i4 du
Parallèle.
DES THÉÂTRES.
Les Romains, chez qui la passion des spectacles était por-
tée jusqu'à la fureur, en avaient de plusieurs espèces, tels
que les jeux scéniques , ceux du cirque et ceux de l'amphi-
théâtre. Les jeux scéniques qui offraient le double avantage
de charmer l'esprit et les sens , qui faisaient passer dans
l'ame les préceptes de la sagesse par l'organe du plaisir, ces
jeux qui, loin d'étouffer la sensibilité, la portaient à son
comble, étaient bien faits pour exciter le plus vif intérêt.
Les jeux du cirque, consistant en des courses à pied, des
courses de chevaux et de chars , précédées de sacrifices,
annoncées par des pompes ou processions dans lesquelles
on voyait successivement paraître les images des dieux, les
chœurs de musique qui célébraient leurs louanges, les dé-
pouilles enlevées sur les ennemis, enfin les magistrats qui
devaient présider aux jeux. Ces jeux étaient encore bien
propres à faire naître les idées les plus nobles et les plus
riantes. Quant à ceux de l'amphithéâtre, qui consistaient
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64                          DES ÉDIFICES PUBLICS.
en des combats de gladiateurs et de bêtes fe'roces , ces jeux
n'étaient guères plus propres à donner une heureuse idée
de l'humanité et de la sensibilité' des Romains, que les
combats horribles qui se donnaient quelquefois entre plu-
sieurs galères, dans l'arène humide et bientôt sanglante des
naumachies.
Quoiqu'il en soit de la nature des spectacles des anciens,
toujours est-il vrai que les e'difices qui servaient à leur re-
présentation , destinés tous aux plaisirs d'un grand peuple ,
e'tant construits avec la plus grande solidité', et dispose's avec
la plus grande noblesse, ainsi que cela devait être, tous
devaient nécessairement avoir du caractère en général; que
chacun de ces édifices , destinés à un genre de spectacle
particulier, ayant, comme cela devait être, une forme par-
ticulière , offraient naturellement un caractère différent ;
que tous enfin étant disposés de la manière la plus conve-
nable à l'objet particulier pour lequel ils étaient construits,
il était impossible qu'il y en eût un seul qui n'eût pas son
caractère propre. Voyez les planches 37, 3g, 4» et 41 du
Parallèle.
Les représentations théâtrales étant les seuls spectacles en
usages chez les nations modernes, nous n'en dirons pas da-
vantage sur les amphithéâtres, les naumachies et les cirques.
Nous nous bornerons à parler des théâtres , édifices non
moins fréquentés chez nous que chez les anciens.
Consacrés uniquement au plaisir, ces édifices doivent être
si bien disposés, que l'on puisse goûter dans toute son
étendue, et sans aucun mélange de trouble ni d'inquiétude,
celui que l'on y recherche. Les théâtres des anciens remplis-
saient parfaitement toutes ces conditions; des masses de gra-
dins disposés en demi-cercle et couronnés par une superbe
colonnade offraient une foule de places d'où chacun poun
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DES ÉDIFICES PUBLICS.                              65 W PART.
, ,                , .              .            , .                      -                                          IIe Section.
vait également bien voir et bien entendre ; un immense
proscenium place en face procurait, par sa grande largeur,
les moyens de donner aux décorations toute l'illusion pos-
sible, et à la représentation des pièces toute la pompe ima-
ginable ; de vastes et nombreux escaliers, place's sous les
gradins , avec lesquels ils communiquaient par des vomi-
toires, donnaient à trente mille spectateurs que rassemblaient
souvent les jeux scëniques, la facilite' de sortir tous , pour
ainsi dire, en un instant. Enfin, la construction de ces édi-
fices, en pierre ou même en marbre, éloignait toute inquié-
tude du côté des incendies.
Si dans les théâtres antiques on s'est efforcé de réunir
tous les avantages, il semblerait que dans les théâtres mo-
dernes on ait pris à tâche de rassembler tous les inconvé-
nients. Dans la plupart, un quart au moins des spectateurs
ne voit point ou voit mal; le lieu de la scène ou le théâtre
proprement dit, quoique souvent plus profond qu'il n'est
nécessaire, est toujours si restreint sur la largeur, qu'il n'est
pas possible au décorateur de donner carrière à son génie,
ni de présenter jamais aux yeux le spectacle de l'immensité.
Enfin, ces édifices dont la construction est telle qu'une
étincelle suffirait pour les embraser, offrent néanmoins si peu
de dégagement, les escaliers y sont si rares, si étroits, si diffi-
ciles à trouver, qu'après le spectacle il se passe toujours un
temps considérable avant que la foule soit écoulée. Quels
dangers ne court-on pas dans de semblables lieux, et quel
plaisir peut-on y goûter!
Si la disposition des théâtres antiques était aussi conve-
nable et aussi simple que la disposition des nôtres l'est peu,
de même, et par une suite nécessaire, les premiei-s avaient
un caractère de majesté et de grandeur dont manquent abso-
I
s
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66                           DES ÉDIFICES PUBLICS.
lument les autres. On peut les comparer, planches 3j et 38
du Parallèle.
Le projet de the'âtre que l'on verra, planche 16, ne dif-
fère essentiellement des théâtres des anciens qu'en ce que,
au lieu d'être couvert par une simple banne comme l'étaient
ceux-ci quand ils n'étaient pas entièrement découverts, il
l'est par un comble en fer, genre de couverture qui ne serait
rien moins quimpraticable , nos plus grands théâtres ne
renfermant jamais la sixième partie du monde que conte-
naient ceux des anciens, et n'ayant par conséquent pas besoin
d'être à beaucoup près aussi vastes.
DES BAINS.
L'usage des bains est aussi essentiel à la santé qu'à la pro-
preté; il est d'ailleurs infiniment agréable. Aussi, chez la
plupart des peuples anciens, outre les bains particuliers ,
trouvait-on, comme on le trouve encore chez tous les peuples
modernes de l'Orient, une foule d'édifices publics destinés à
cet usage. Dans la seule ville de Rome on en comptait jusqu'à
quatre-vingt dont quelques-uns occupaient un espace de
plus de trente arpents. Indépendamment des bains chauds,
qui firent donner à ces immenses édifices le nom de thermes,
on y trouvait une foule de pièces destinées aux différents
exercices du corps, aux délassements de l'esprit, aux amu-
sements du peuple. De tous ces magnifiques édifices, les thermes
de Titus, de Dioclétien et de Caracalla sont les seuls dont il
reste encore quelques vestiges. On pourra voir dans le Paral-
lèle, depuis la planche 3o jusqu'à la planche 36, les restau-
rations que Palladio nous en a données. On trouvera aussi
à côté celles que nous avons faites pour notre étude. En
comparant les unes avec les autres , on pourra remarquer
â
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DES ÉDIFICES PUBLICS.                              6j
que, si les thermes des Romains , dispose's en ge'néral avec
tant de dignité, de noblesse, avaient été traités en même
temps avec plus de simplicité dans toutes leurs parties, ils
auraient encore gagné du côté de la magnificence.
Les bains dont nous donnons le projet, planche 17, sont
supposés dans un vaste jardin, au bord d'une rivière. Ils sont
séparés en deux parties, l'une pour les hommes, l'autre pour
les femmes. Dans chacune, on trouve des bains couverts et
découverts , publics et particuliers ; au milieu de tous, est
une immense pièce d'eau pour les promenades sur l'eau, les
joutes, les feux d'artifice : de tous côtés, sont répandus des
cafés, des restaurateurs, etc.
Qu'au lieu de bains ordinaires, il s'agisse de bains d'eaux
minérales , comme ceux qui s'y rendent , soit pour leur
santé, soit pour leur plaisir, viennent souvent de fort loin
et doivent y faire quelque séjour, outre les différents objets
relatifs aux bains, il faudrait faire entrer, dans la composi-
tion générale d'un tel établissement, des corps de bâtiments
destinés à l'habitation , un temple , une salle de spectacle,
des salles de bal, de concert, de jeu, des cuisines, des écu-
ries, des remises et autres accessoires.
DES HÔPITAUX.
Il en est de plusieurs espèces : les uns sont destinés à con-
tenir les pauvres, tel que l'Hôpital général ; les malfaiteurs,
tel que Bicêtre ; les femmes de mauvaise vie , les enfants
trouvés , les fous , tel que la Salpêtrière, etc.; les autres à
recevoir les malades de l'un et de l'autre sexe , tels que
l'Hôtel-Dieu, la Charité, les Incurables, etc. Nous ne nous
occuperons que de ces derniers, encore n'entrerons-nous pas
dans tous les détails, ce qui exigerait un volume. Nous nous
I a
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68                             DES ÉDIFICES PUBLICS.
bornerons, ainsi que nous l'avons fait à l'égard des autres
genres d'édifices, à faire connaître les convenances princi-
pales et l'esprit dans lequel ces édifices doivent être composés.
De tous les édifices, les hôpitaux sont ceux dans lesquels
devrait régner le plus de salubrité ; de tous les édifices, ce
sont cependant ceux dans lesquels, en général, on en ren-
contre le moins. Dans la plupart, toutes les salles réunies,
tantôt aux angles d'un carré, tantôt au centre d'une croix,
forment des foyers d'infection, non-seulement funestes aux
personnes qui viennent dans ces lieux chercher du soulage-
ment à leurs maux, mais encore aux habitants des villes dans
lesquelles les hôpitaux sont inconsidérément renfermés. A
l'égard de toutes les autres parties, ces édifices sont traités
avec tant d'insouciance et de barbarie, et l'aspect qui résidte
de la disposition du tout est tel, que le plus malheureux ne
consent qu'à regret à se faire transporter dans ces lieux, qui
semblent moins des édifices hospitaliers que des gouffres où
vient s'engloutir l'humanité souffrante. Les hôpitaux de
Milan en Italie, et de Plymouth en Angleterre, sont presque
les seuls qui méritent quelques éloges.
Dans l'hôpital de Milan , l'un des plus célèbres d'Italie 7
bâti avec magnificence aux frais de Cottoni, riche citoyen
de cette ville , on remarque avec plaisir de vastes et nom-
breux portiques, soutenus par des colonnes de marbre, qui,
en établissant une communication entre les diverses parties
de l'édifice , facilitent et assurent le service des malades ,. et
procurent aux convalescents des promenades commodes et
agréables , propres à hâter leur entier rétablissement. On
applaudit au sentiment d'humanité qui dirigea le génie de
l'architecte dans la disposition de ces différentes parties ; mais
on regrette en même temps que les salles n'y soient pas
mieux coordonnées que dans la plupart des autres hôpitaux,
jsoùs le rapport essentiel de la salubrité.
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DES ÉDIFICES PUBLICS.                              69
L'hôpital de Plymouth, bâti avec non moins de soin, par
Rovehad, en 1766, est de tous les hôpitaux le mieux disposé.
Il offre quinze pavillons, éloignés les uns des autres, réunis
au rez-de-chaussée par une colonnade qui règne autour
d'une cour carrée. De ces quinze pavillons, dix sont pour les
malades, les cinq autres pour le service. La disposition de
cet édifice est évidemment bien supérieure à celle de l'hôpital
de Milan ; mais elle est cependant encore loin detre parfaite.
Chaque pavillon renferme à chaque étage deux salles accou-
plées , dans lesquelles par conséquent l'air ne peut pénétrer
de toutes parts.
Les hôpitaux de la Roquette et de Saint-Anne, hors de
Paris, composés par M. Poyet, d'après le programme de
l'Académie des Sciences, édifices commencés en 1788 , et
presque aussitôt abandonnés, auraient été de véritables mo-
dèles en ce genre, s'ils eussent été achevés. Ces hôpitaux
réunissent tous les avantages de ceux de Milan et de Ply-
mouth, sans en avoir aucun des inconvénients. On en trou-
vera l'idée, planche 18. Chaque salle, tant celles qui, d'un
côté, sont destinées pour les hommes, que celles qui, de
l'autre, sont destinées pour les femmes, est affectée à un
genre particulier de maladie. Chacune de ces salles a dix
mètres de large sur environ neuf mètres de haut. Derrière
les lits, placés sur deux rangs dans chaque salle, se trouve
un corridor d'un mètre, servant à les isoler du mur, à en
dégager le service, à masquer les garde - robes placées der-
rière chaque lit dans le renfoncement des croisées, et dont
le service se serait fait sans qu'il y parût dans des lieux
d'aisance placés à l'une des extrémités de chacun de ces
corridors.
Au-dessus de ces mêmes corridors, qui n'ont qu'un peu
plus de deux mètres d'élévation, se trouve de chaque côté
un rang de croisées au moyen desquelles les. salles seraient.
-ocr page 73-
JO                           DES ÉDIFICES PUBLICS
parfaitement éclairées, et l'air facilement renouvelé'. Les
voûtes en brique qui couvrent les salles sont ouvertes à des
distances convenables dans la partie supérieure.
A l'une des extrémités de chaque salle sont les escaliers
qui du portique conduisent aux salles, et à l'autre extrémité
les pièces de désertes.
. Le rez-de-chaussée, voûté comme les salles, serait destiné
aux cuisines, offices, pharmacies, apothicaireries et autres
accessoires, tels que bains, logements et réfectoires des
sœurs, des médecins, des chirurgiens, etc. Dans l'intervalle
qui sépare les divers corps de bâtiment sont des jardins
plantés d'arbres , les buanderies, les étuves, le magasin aux
huiles, la fabrique de chandelles, les boucheries, boulan-
geries , bûchers ; en un mot, tous les lieux destinés à ren-
fermer une grande quantité de matières combustibles, sont
placés loin des salles, le long des murs d'enceinte de ces
hôpitaux.
Dans des hospices dont 4a disposition répondrait si par-
faitement à l'importance de leur objet, on ne craindrait plus
de venir chercher des secours. Leur aspect seul, sinon magni-
fique , du moins noble et agréable, influerait sur l'efficacité
des remèdes. En entrant dans de tels édifices, où tout annon-
cerait le respect que l'on porte à l'humanité, et svirtout à
l'humanité souffrante, on se sentirait soulagé du poids de
la honte, fardeau souvent plus insupportable et plus acca-
blant que celui du malheur même.
On pourra comparer ces derniers hôpitaux avec ceux que
nous avons cites, planches ag et 3o du Parallèle.
DES PRISONS.
Dans les grandes villes, il devrait y avoir des prisons par^
ticuîières pour chaque classe de détenus. L'humanité, la,
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DES EDIFICES PUBLICS.                              "Il
justice, et sur-tout l'intérêt des moeurs^ ne permettent pas de
renfermer dans une même enceinte, de confondre avec des
criminels, des hommes emprisonnée pour dettes ou pour
quelques fautes de jeunesse. Loin de corriger ces derniers,
ce qui est le but que l'on se propose en les renfermant, ce
serait les exposer au danger presque inévitable de devenir
aussi méchants que les scélérats avec lesquels on les mettrait
en contact, et risquer de les rendre encore plus nuisibles à
la société qu'ils ne l'étaient auparavant. Dans les villes de
peu d'étendue, où souvent il ne peut y avoir qu'une seule
prison, il faut du moins qu'elle soit disposée de manière
que les différentes espèces de prisonniers n'aient entre eux
aucune communication. Dans tous les cas, les femmes doi-
vent être entièrement séparées des hommes.
Dans telle prison que ce soit, on doit apporter tous les
soins imaginables pour la rendre salubre. La perte, même
momentanée, de la liberté est déjà un assez grand supplice,
sans y ajouter celui des maladies et de la mort qu'elles traî-
nent souvent à leur suite, d'autant que, parmi ceux qui endu-
rent le premier de ces maux, il en est souvent qui ne l'ont
pas mérité.
Si la justice due aux prisonniers réclame ces attentions,
l'intérêt de la société les commande impe'rieusement. Qui
ne connaît la maladie appelée fièvre des prisons, et ses effets
funestes ? Les seuls exemples que cite John Hovard font
frémir. Aux assises tenues dans la prison d'Oxford, en 1677,
tous ceux qui y assistèrent, au nombre de trois cents, péri-
rent en quarante heures. Il en arriva autant à Launton, en
1780. Vingt-cinq ans après dans Axminster, petite ville du
Devonshire, un prisonnier absous infecta sa famille et la
ville entière. A Londres, en 1760, trois juges, le lord maire
et un nombre infini de personnes furent frappés de cette
maladie et en moururent.
-ocr page 75-
.J2,                            DES ÉDIFICES PUBLICS,
Dans le projet de prison que nous donnons, planche ig\
et que l'on suppose être pour une grande ville, on a tâché
de réunir la plus grande salubrité à la plus grande sûreté.
Au moyen de l'enceinte qui éloigne la prison de toutes les
maisons avoisinantes, elle se trouverait environnée d'une
masse d'air considérable ; les préaux seraient vastes, plantés
d'arbres, rafraîchis et lavés par d'abondantes fontaines;
aucune chambre n'étant placée au rez-de-chaussée, entière-
ment occupée par des portiques, toutes seraient exemptes
d'humidité. Les infirmeries placées dans des pavillons plus
élevés que le reste de l'édifice, et en outre ouvertes sur toutes
leurs faces, ne pourraient causer aucune incommodité dans
les autres parties. Les prisonniers n'étant réunis que pen-
dant certaines heures du jour, soit dans les préaux, soit
dans les ouvroirs ou chambres de travail, et le reste du temps
étant renfermés chacun dans une chambre particulière dont
la croisée donnerait sur le préau, ne pourraient former au-
cune entreprise pour s'échapper, et s'il s'en formait, malgré
cela, quelqu'une, elle serait nécessairement sans succès, vu
la position des quatre corps-de-garde placés au rez-de-chaussée,
de l'intérieur desquels on pourrait apercevoir, pour ainsi
dire, d'un coup-d'œil tout ce qui se passerait, soit à l'exté-
rieur, soit dans l'intérieur, soit dans l'enceinte, soit sous les
portiques.
DES CASERNES.
Ce genre d'édifice, destiné au logement des gens de guerre,
chez les anciens, se nommait castrum, c'est-à-dire, camp. Les
Romains en construisirent un grand nombre, tant à Rome,
que dans les diverses provinces soumises à leur empire ;
mais de tous ces édifices, le camp de Pompéïa, enseveli du
temps de Titus, sous les cendres du Vésuve, ainsi que tous,
-ocr page 76-
DES EDIFICES PUBLICS.                              <l3
les autres édifices de cette ville et de celle d'Herculanum, et
que l'on n'a découverts qu'à la fin du siècle dernier , est le
seul qui soit assez bien conservé pour nous donner quelque
idée sur leur disposition générale.
Cet édifice avait la forme d'un carré-long. La cour, ou
place d'armes, était environnée d'une galerie couverte, sou-
tenue par des colonnes sans base. Cette galerie donnait
entrée aux chambres des soldats, et servait en même temps
de promenoir : derrière la partie du fond s élevait un superbe
théâtre.
Si les restes d'édifices de ce genre que l'on voit encore à
Baies et dans la ville Adrienne ( ruines que l'on nomme les
cent chambres
), si ces restes, quoique encore très-considé-
rables, ne peuvent rien ajouter à l'idée que nous venons de
nous former de l'ensemble de ces édifices, d'après la des-
cription du camp des soldats de Pompéia, la restauration du
camp prétorien à Rome, que nous a donnée Pirro Ligorio,
pourra peut-être y suppléer. A la vérité, il ne reste plus main-
tenant de cet édifice qu'un seul angle de son enceinte ; mais
du temps de cet auteur il est possible qu'il en existât davan-
tage , et nourri comme il l'était de l'étude de l'antique , il
n'était pas besoin que cet édifice fût très-entier pour qu'il
pût s'en faire une juste idée. D'ailleurs, on remarque tant
d'analogie entre la disposition des principales parties du
camp prétorien et du camp de Pompéia, édifice que Pirro
Ligorio n'a pu connaître, ni par conséquent imiter , que
cela seul suffirait pour faire évanouir tous les doutes que
l'on pourrait avoir sur l'exactitude de cette restauration.
Cet édifice , aussi considérable par son étendue que le
camp de Pompéia l'est peu, est composé d'une double en-
ceinte ; la première, destinée au logement des soldats ;(la
seconde, au logement de leurs chefs. Au-devant des cham-
K
-ocr page 77-
74                        DES ÉDIFICES PUBLICS*
bres sont des galeries servant de communication et de pro-
menade : chaque enceinte offre deux e'tages de chambres et
de galeries. De distance en distance $ l'enceinte extérieure est
flanquée de tours carrées qui s'élèvent plus haut que la
muraille, et dans lesquelles sont placés alternativement des
escaliers pour monter aux chambres et aux galeries du pre-
mier étage', ainsi que sur les terrasses , et des pièces qui
servaient vraisemblablement de cuisines, de latrines, etc-
A.l'extérieur de la seconde enceinte, on trouve des exèdres
ou lieux ouverts et couverts, dans lesquels les vieux soldats
se rassemblaient pour s'entretenir de leurs combats et de leurs
victoires. Au centre de cette seconde enceinte , s'élève un
magnifique temple consacré à Auguste , et dans lequel le
conseil tenait ses assemblées.
Que cet édifice ait été disposé précisément de cette ma-
nière, ou qu'il l'ait éé d'une autre, toujours est-il vrai que
la connaissance de cette belle restauration ne peut qu'être
infiniment avantageuse pour l'étude de l'architecture en
général, et qu'elle donne en particulier, d'un édifice destiné
au logement des soldats, une idée bien plus exacte et bien
plus satisfaisante, que celle que l'on pourrait s'en former
d'après la plus considérable et la plus célèbre de nos casernes,
l'hôtel des Invalides. Si l'on excepte la cour principale , la-
quelle est environnée de portiques assez convenables, on ne
trouve dans tout cet édifice, au lieu de ces galeries vastes et
aérées du camp prétorien, et même du petit camp de Pom-
péia , que des corridors étroits et d'une longueur infinie,
compris entre deux rangs de chambres, uniquement éclairés
par les deux bouts, conséquemment obscurs, infects, incom-
modes et même dangereux. Quelle différence entre ces deux
dispositions ! quelle différence aussi entre l'aspect triste et
accablant de l'hôtel des Invalides et celui des camps des
-ocr page 78-
DES ÉDIFICES PUBLICS.                             76 IIIe PART.
Anciens, si propres par leur noblesse à élever l'âme, à entre-
tenir le courage des guerriers. Voyez tous ces édifices,
planches 26' et 27 du Parallèle.
Le projet de casernes que l'on trouvera, planche 20, com-
posé en l'an VIII, par un adjoint au génie militaire, chargé
du casernement pour Paris (ces casernes étant destinées
pour la cavalerie), doit présenter nécessairement une dispo-
sition différente de celle des édifices antiques dont nous
avons parlé. Ces édifices, destinés pour l'infanterie, doivent
offrir un tout autre aspect ; mais il est facile de remarquer
que ces casernes étant exécutées dans le même esprit, leur
aspect, quoique différent, ne serait ni moins imposant, ni
moins noble.
Il serait à désirer que les casernes, les prisons et les hôpi-
taux fussent toujours placés sur le bord d'une rivière dans
laquelle déboucherait l'aqueduc qui recevrait les immondices
provenant de leurs différentes parties.
TROISIEME SECTION.
DES ÉDIFICES PARTICULIERS.
Les édifices particuliers diffèrent des édifices publics de
la même manière qu'un édifice public diffère d'un autre
édifice de même genre , c'est-à-dire, par l'usage auquel on
les applique. Le but de l'architecture dans la composition
des édifices particuliers, est le même que dans la composi-
tion des édifices publics, l'utilité. Les moyens qu'elle emploie
K. 2
-ocr page 79-
III* PART. rjQ                      DES ÉDIFICES PARTICULIERS.
IIIe Section.
pour 1 atteindre sont encore les mêmes , la convenance et
l'économie. Des éléments semblables concourent à la for-
mation des uns et des autres. Ils doivent par conse'quent
être traite's tous d'après les mêmes principes , et le méca-
nisme de leur composition ne doit pas être différent. La
distribution, que dans tous les cours d'architecture on dis-
tingue , on sépare, on isole de la décoration et de la cons-
truction (distinction qui, comme nous l'avons fait voir dans
notre Introduction , est bien peu propre à former de bons
décorateurs, de bons distributeurs , de bons constructeurs,
et, à plus -forte raison, de bons architectes), n'est donc
autre chose que l'art de disposer les édifices particuliers de
la même manière que doivent être disposés les édifices pu-
blics , c'est-à-dire , de la manière la plus convenable et la
plus économique possibles. Si l'on est bien pénétré des vrais
principes de l'architecture , si l'on est bien familiarisé avec
les diverses combinaisons des éléments des édifices, en d'au-
tres termes, avec le mécanisme de la composition, on n'aura
plus autre chose à faire , lorsqu'on voudra s'occuper des
édifices particuliers , que d'étudier leurs convenances. On
conçoit qu'on les remplira d'autant mieux , qu'après avoir
bien étudié les principes, on en aura fait des applications
plus nombreuses. Cet exercice doit même être d'autant plus
recommandé, que, si les convenances sont plus uniformes
dans les édifices particuliers destinés à l'habitation, que dans
les édifices publics, destinés à des usages différents, en re-
vanche , elles sont infiniment plus multipliées dans chacun
des premiers, et cependant les moyens d'y satisfaire ordinai-
rement plus restreints. Nous croyons donc devoir , non-
seulement faire connaître les convenances générales de ce
genre d'édifice, mais encore fixer quelques instants l'atten-
tion des élèves sur les principales espèces d'édifices particuliers.
-ocr page 80-
j)ES ÉDIFICES PARTICULIERS.                  ni IIie PART.
IIIe Sectiok
DES MAISONS PARTICULIERES A LA VILLE.
La plupart des édifices particuliers que l'on élève dans les
villes offrent, dans leur composition, quelques dificultés que
l'on ne rencontre que rarement dans les édifices de même
genre que l'on construit à la campagne. Les terrains sur
lesquels on élève ceux-ci, sont généralement plus étendus et
plus libres. Rien n'empêche par conséquent d'isoler ces édi-
fices, de les éclairer de tous côtés, de séparer les bâtiments
accessoires du principal corps-de-logis, de disposer l'en-
semble de la manière la plus simple en elle-même. Les ter-
rains au contraire sur lesquels on bâtit des maisons parti-
culières dans les villes sont en général plus ou moins resser-
rés, presque toujours compris entre deux murs mitoyens,
souvent très - irréguliers. Il faut cependant que les conve-
nances de ces édifices, lesquelles diffèrent peu de celles des
maisons de campagne, soient également observées. On sent
que, pour y parvenir malgré ces obstacles, on ne doit plus
chercher à disposer l'ensemble de ces édifices de la manière
la plus simple en elle-même, et qu'on doit se borner à le
disposer de la manière la plus simple possible relativement
aux localités. Ces nouvelles dispositions peuvent varier infi-
niment; mais il suffira de faire connaître les principales.
DES DIVERSES DISPOSITIONS GÉNÉRALES DES
MAISONS A LA VILLE.
Selon les convenances et l'étendue plus ou moins considé-
rable du terrain, une maison particulière à la ville peut
n'être composée que d'un seul corps-de-logis, donnant d'une_
part sur la rue, de l'autre sur une cour ; elle peut l'être d'un
v
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78                   DES ÉDIFICES PARTICULIERS.
corps-de-logis sur la rue et d'un autre au fond de la cour;
il peut entrer dans sa composition une aile et quelquefois
deux ; enfin, la cour peut être environnée de bâtiments de
toutes parts.
Au lieu d'être placé sur la rue, le principal corps-de-logis
peut l'être entre cour et jardin : à cette nouvelle disposition
on peut joindre toutes celles que nous venons de faire con-
naître. Enfin, une maison peut ne renfermer qu'une cour,
si le terrain est petit ; elle peut en avoir deux, si son étendue
est me'diocre ; elle pourra en avoir trois, et même davantage,
si le terrain est assez considérable.
DES DIVERSES DIVISIONS DES DIFFERENTS CORPSjJfc
DE-LOGIS.
Un corps-de-logis peut être simple, semi-double, double
ou triple. Il est simple, lorsque dans son épaisseur il ne
renferme qu'une seule pièce; semi - double , lorsqu'il con-
tient une grande pièce et une petite ; double, lorsque son
épaisseur se compose de deux grandes pièces; enfin triple,
lorsqu'il se compose de trois. Les corps-de-logis principaux
peuvent être divisés de toutes ces manières. Mais il est rare
que les ailes puissent être autres que simples ou semi-dou-
bles , étant presque toujours adossées à des murs mitoyens
dans lesquels on ne peut pratiquer que de faux jours, ap-
pelés jours de coutume, et dans lesquels même cela ne se
peut souvent pas. Relativement à tout ce que nous venons
de dire, -voyez la planche ai,
DES DIFFÉRENTS APPARTEMENTS,
-
Un corps-de-logis quelconque peut n'être composé que
d'un seul appartement. Il peut l'être de plusieurs. Un apparu
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DES ÉDIFICES PARTICULIERS.                       JQ HIe PAï^T.
i» \                                   j •*. a                                             IIIe Segtiob
tement ordinaire, d après nos usages, doit être composé, au
moins, de cinq pièces, d'une antichambre servant de salle à
manger d'un salon de compagnie, d'une chambre à coucher,
d'un cabinet et d'une garde-robe. Il en est d'autres dans les-
quels la convenance exige un vestibule, plusieurs anticham-
bres , les unes pour contenir les domestiques tant du dedans
que du dehors, les autres pour recevoir les personnes qui
viennent visiter le maître, une salle à manger particulière
accompagne'e d'une salle de buffet, un sallon, une chambre
à coucher, plusieurs cabinets suivis d'un arrière-cabinet et
d'un serre - papier, des garde-robes de propreté', d'autres
pour le linge et les hardes, un cabinet de toilette, un bou-
doir , des bains composés souvent, outre la salle de bain
proprement dite, d'une petite antichambre, chambre à cou-
cher , étuve, etc. Enfin, il est des appartements plus consi-
dérables encore, dans lesquels, indépendamment de toutes
les pièces dont nous venons de parler, il doit y avoir plu-
sieurs salions, une galerie, une chambre de parade, une
bibliothèque, une chapelle, une salle de spectacle, une de
concert, une de bal, des salles de billards, et autres jeux
des cabinets d'histoire naturelle, de tableaux, d'antiques, etc.
Telles sont les pièces qui entrent dans la composition des
appartements, et tel est, à-peu-près, l'ordre dans lequel les
plus usuelles ont coutume de se succéder.
Tout appartement doit être dégagé, c'est-à-dire, disposé de
manière que, pour en sortir, soit par le vestibule, soit par
l'une des antichambres, on ne soit pas obligé de revenir sur
ses pas et de parcourir une seconde fois la plupart des pièces
que l'on a déjà traversées. Les chambres à coucher, les cabi-
nets et les garde-robes sont les pièces qui ont le plus besoin
de dégagement. La plupart du temps les garde-robes en
servent.
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80                 DES ÉDIFICES PARTICULIERS.
Lorsque dans le même étage un corps-de-logis renferme
plusieurs appartements qui ont entre eux des rapports, tels,
par exemple, que l'appartement du mari et celui de la
femme, il faut que le tout soit dispose' de façon que le ves-
tibule , les antichambres et même le sallon, soient communs
à ces divers appartements.
Lorsqu'un corps-de-logis est compose' de plusieurs étages,
il faut nécessairement un escalier pour communiquer de
l'un à l'autre. Lorsque cet escalier n'est pas placé dans le
vestibule même, il doit l'être en face ou à droite de cette
pièce. On le place à gauche seulement lorsqu'on ne peut
faire autrement.
Le levant est la meilleure exposition pour les pièces qui
sont le plus constamment habitées. Le nord est la plus mau-
vaise.
DES DIVERS ACCESSOIRES DES APPARTEMENTS.
Dans les maisons particulières qui ne peuvent être com-
posées que d'un seul corps-de-logis, on place les domesti-
ques dans les combles, et les écuries, les remises, les cuisines
et offices au rez-de-chaussée. Quelquefois même on met ces
dernières dans un étage souterrain au niveau des caves.
Dans les maisons où l'on peut pratiquer des ailes ou d'autres
corps de bâtiment, soit sur la rue, soit au fond de la cour,
on y place ces différents accessoires, ou du moins ceux d'où
il se répand un bruit ou une odeur incommode, Enfin, dans
des maisons encore plus considérables, on relègue les cui-
sines et offices dans une cour particulière , les écuries et
remises dans une autre, afin que la cour principale soit
toujours propre et libre.
A l'entrée de la cour principale, on ménage un logement
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DES ÉDIFICES PARTICULIERS.                        8l III<! PART.
pour le portier. On place les greniers à fourrage, les cham-
bres de cochers, palfreniers, etc., au-dessus des e'curies et
remises, les cuisiniers, les chefs d'office, et la plupart des
autres domestiques, au-dessus des cuisines. Quant aux
femmes-de-chambre et valets-de-chambre, on les loge dans
des entre-sols pratiqués dans le principal corps-de-logis au-
dessus des garde-robes et autres petites pièces.
Les cuisines sont ordinairement accompagne'es d'un garde-
manger, d'un lavoir, d'un bûcher et d'un commun où man-
gent les domestiques. Elles le sont même quelquefois d'une
rôtisserie, d'une pâtisserie, etc. La meilleure exposition pour
les cuisines est le nord.
L'office doit être accompagné d'une pièce où se dressent
les desserts, d'un fruitier et de plusieurs autres pièces pour
serrer les sucreries, l'argenterie, les porcelaines. Les offices
doivent être exposés au levant.
Les écuries sont simples ou doubles. Une écurie simple
doit avoir quatre mètres de largeur. Une double doit en avoir
un peu plus de sept ; et quand elle a une certaine longueur,
il ne faut pas lui en donner moins de neuf à dix. L'espace
qu'occupe chaque cheval en largeur est d'environ un mètre
et un quart. Les jours des écuries, pour être convenables,
doivent tomber sur la croupe des chevaux. Lorsqu'absolu-
ment cela ne se peut pas, il faut du moins que le bas des
croisées soit élevé de trois mètres et un tiers au-dessus du
sol de l'écurie. Dans les grandes maisons, il y a plusieurs
écuries, les unes pour les chevaux de carrosse, d'autres pour
ceux de main, pour les chevaux malades, enfin pour les
chevaux étrangers. Quel que soit leur usage, les écuries doi-
vent être exposées au levant, du moins, autant que cela est
possible.
LesTemises.au contraire, doivent être placées au nord, Il
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8a                     DES ÉDIFICES PARTICULIERS.
y a des remises simples ; il y en a de doubles. Les premières
doivent avoir trois mètres de largeur; les secondes cinq et
un quart. Quand on ne relève pas le timon, les remises ont
sept mètres de profondeur, et quand on le relève, cinq
mètres : toutes doivent avoir quatre mètres de hauteur.
Les e'curies et les remises doivent être accompagnées
d'une pièce pour serrer les harnois, d'une sellerie, d'une
cour à fumier débouchant sur la rue. Enfin, de latrines pour
les domestiques.
Nous n'en dirons pas davantage sur les maisons particu-
lières à la ville. Les planches aa, a3, a4, a^ et 28, qui en
représentent un assez grand nombre , disposées de diffé-
rentes manières, étant plus propres à familiariser les élèves
avec cette espèce d'édifice que tout ce que nous pourrions
ajouter.
DES TERRAINS IRREGULIERS.
Souvent les terrains sur lesquels on doit élever des mai-
sons particulières dans les villes sont irréguliers. L'irrégula-
rité dans les différentes parties d'une maison serait, non-
seulement une chose choquante pour l'œil, mais encore très-
incommode pour l'usage. Pour éviter ces inconvénients,
après avoir pratiqué autant de parties régulières que l'irré-
gularité du terrain le permet, on corrige l'irrégularité des
parties restantes, soit par des pans coupés, soit par des
parties circulaires. Voyez la planche z5.
DES MAISONS A LOYER.
Les maisons à loyer sont destinées à loger plusieurs indi-
vidus ou plusieurs familles. Un propriétaire, qui a souvent
sa maison particulière, ne fait guère élever celles-ci que pour
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DES ÉDIFICES PARTICULIERS.                 83 IIIe PART.
_,                                               .                                       IIIe Section
en tirer un revenu. Pour que ce revenu soit assuré, autant
que possible, dans tous les temps et dans toutes les circons-
tances il faut que ces maisons soient disposées de manière
que toutes les pièces de chacun des appartements qu'elles
renferment, puissent à volonté se louer ensemble ou sépa-
rément. Les deux projets de la planche a5 et le second de
la planche 26, offrent cet avantage. On ne le trouve pas dans
celui qui est à côté de ce dernier.
DES MAISONS DE CAMPAGNE.
S'il est quelque lieu où l'on puisse se flatter de trouver le
bonheur, c'est incontestablement dans une maison de cam-
pagne agréablement située, loin du tracas des affaires, du
tumulte des villes, des vices inséparables des sociétés trop
nombreuses. Dans ces paisibles demeures, on jouit du plus
doux repos ; on se livre sans distraction aux douceurs de
l'étude ; on s'abandonne sans contrainte aux charmes de
l'amitié ; on s'enivre avec délices du magnifique spectacle do
la nature.
Aussi, les Grecs et les Romains , ces peuples si avides de
jouissances, et si capables de les apprécier, malgré leur pas-
sion pour les différents spectacles, préféraient-ils les simples
amusements de la campagne aux représentations théâtrales
les plus pompeuses, aux fêtes les plus brillantes des capitales.
C'est pourquoi, autant leurs maisons à la ville étaient res-
treintes et négligées, autant leurs maisons de campagne
étaient vastes et recherchées. Celle d'Hérode Atticus, sur le
mont Pentelique , de la cime duquel se précipitaient des
ruisseaux qui , après avoir serpenté dans les bois, allaient
se perdre dans le fleuve Céphise ; l'Arpinate de Cicéron,
élevé sur les bords du Tibre , dans l'endroit où ce fleuve
L 2
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84                   DES ÉDIFICES PARTICULIERS.
forme une petite île, et d'où l'on aperçoit les plus belles cas^*
cades naturelles ; son Tusculanum , qui avait appartenu à
Sylîa , maison ornée des portraits d'une foule de grands
hommes, et des chefs-d'œuvres de sculpture les plus rares de
la Grèce ; la ville Adrienne, ou maison de campagne d'Adrien
à Tivoli , dans laquelle il avait fait représenter en grand
tous les édifices qu'il avait vus dans ses voyages : toutes ces
demeures étaient autant de lieux enchantés. Les unes ont
entièrement disparu , les autres ne présentent plus que des
monceaux de ruines. Les descriptions que Pline a faites de
son Laurentin et de sa maison de Toscane, sont les seuls
monuments qui peuvent nous faire connaître l'esprit dans
lequel les maisons de campagne des anciens étaient compo-
sées ; mais ces riches débris sont bien faits pour nous
guider dans la composition des nôtres.
Pline à Apollinaire.
« Rien de plus beau que la position du pays. Imaginez
un immense amphithéâtre, tel que la main de la nature
seule peut en former. Une large et vaste plaine est environ-
née de montagnes , dont le sommet est couronné par de
hautes et antiques forêts où l'on trouve des chasses de plus
d'un genre. La seconde région est de bois taillis, qui s'éten-
dent sur le penchant de la montagne ; ils sont entremêlés
de collines dont le sol est un terrain gras , qui ne le cède
point aux plaines les plus fertiles. Les moissons, pour y être
tardives, n'en sont ni moins dorées, ni moins abondantes.
Plus bas ; et dans tous les sens, se déploient au loin de longs
coteaux de vignes, dont la partie inférieure est bordée d'ar-
bustes. Les champs et les prairies terminent l'horizon.
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DES ÉDIFICES PARTICULIERS.                      85
« Les pre's sont émaillés de fleurs, remplis de trèfle et
d'autres herbes toujours fraîches et toujours renaissantes.
Des ruisseaux intarissables y entretiennent une abondance
perpe'tuelle. Cette grande quantité d'eau ne produit pour-
tant pas de marécages, ce qu'on doit à la pente du terrain
qui décharge dans le Tibre tout le superflu qu'il n'absorde
point.
« Le coup - d'oeil de tout ce pays du haut de la montagne
vous enchanterait. La variété' des points de vue, la diversité'
des sites, de quelque côté qu'on se tourne , charment telle-
ment les yeux, qu'on croit voir, non pas des terrains natu-
rels , mais des tableaux où tout serait exprès composé pour
le plaisir du spectateur.
« Ma maison, quoique située au bas de la colline, jouit
de cette belle vue, comme si elle était au sommet. On y
arrive par une pente insensible et si douce, que l'on se
trouve élevé sans s'être aperçu qu'on montait. L'Apennin est
derrière elle à une grande distance. Par les jours même les
plus sereins ces montagnes lui envoient des vents habituels
mais dont le soufle rompu et affaibli par l'éloignement n'a
rien de rude ni d'impétueux. Sa principale exposition regarde
le midi. En e'te', vers le milieu du jour, l'hiver un peu plutôt,
elle semble inviter le soleil, qu'elle reçoit sous un large por-
tique d'une longueur proportionnée.
« Ma maison est composée de beaucoup de corps-de-logis ;
j'y ai jusqu'à un atrium ou vestibule, à la manière des an-
ciens. En avant du portique., est un parterre entrecoupé de
plusieurs allées et bordures de buis. Il se termine par un
talus en pente douce, où sont taillées en buis différentes
figures d'animaux. Autour, est une allée bordée d'une haie
de verdure. De là, on passe à la promenade couverte, faite
en forme de cirque. Il faut voir ensuite le tapis vert, aussi
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86                   DES ÉDIFICES PARTICULIERS.
beau par la nature que le reste l'est par l'art, les champs,
les vergers et les prairies adjacentes.
« Pour revenir au corps-de-logis, l'extrémité du portique
aboutit à une salle de festin dont les portes ont vue, d'une
part, sur l'extrémité des parterres, et les fenêtres, de l'autre,
sur les prairies et les champs. Elles voient encore les côtés
du parterre et la cime des arbres dont est environné l'hip-
podrome. A-peu-près vers le milieu du portique, est un appar-
tement tournant autour d'une petite cour qu'ombragent
quatre platanes, au milieu desquels est un bassin de marbre
dont les eaux jaillissantes entretiennent, par une douce
rosée, la fraîcheur et la verdure des arbres et des gazons qui
sont dessous. Cet appartement est composé d'une chambre à
coucher, aussi impénétrable au jour qu'inaccessible au bruit,
d'un sallon d'amis dont on use journellement, d'un portique
qui donne sur la petite cour, et qui a la même vue que le
précédent, d'une autre chambre voisine de l'un des platanes
dont elle reçoit l'ombre et la verdure. Ce lieu est revêtu de
marbre jusqu'à hauteur d'appui. Le reste des murs est orné
de peintures qui ne le cèdent point à la beauté des lambris.
Ce sont des feuillages au milieu desquels se jouent des
oiseaux de toute couleur. Le bas est occupé par un bassin.
L'eau s'y répand d'une soucoupe, autour de laquelle sont
disposés plusieurs jets dont la confusion produit un mur-
mure des plus agréables.
« D'un coin du portique on passe dans une vaste pièce qui
est vis-à-vis la salle à manger; elle a vue d'un côté sur le
parterre, de l'autre sur la prairie. Ses fenêtres donnent immé-
diatement et plongent sur un canal où se précipite en écume
une nappe d'eau dont la blancheur se confond avec l'éclat
du marbre qui la reçoit, et flatte à-îa-fois l'œil et l'oreille.
« La pièce dont je viens de parler est excellente l'hiver,
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DES ÉDIFICES PARTICULIERS.                     8j
parce que le soleil y entre de toute part. Si le ciel est cou-
vert, on e'chauffe l'e'tuve voisine dont l'influence remplace
celle du soleil.
« On trouve ensuite la pièce des bains qui sert à se désha-
jbiller. Elle donne entrée à la chambre fraîche où l'on trouve
une vaste baignoire en marbre noir. Dans le milieu, est creusé
un bassin où l'on descend, si l'on veut, se baigner plus à
l'aise et plus chaudement. A côté de la salle fraîche, est la
salle tempérée que le soleil échauffe beaucoup, moins cepen-
dant que la salle chaude qui est fort en saillie. Au-dessus de
la pièce où l'on se déshabille, est le jeu de paume, où l'on
peut prendre différentes sortes d'exercices. Près du bain est
un escalier qui mène à la galerie souterraine, et auparavant
à,trois cabinets, dont le premier a vue sur la cour des pla-
tanes , le second tire son jour du côté du tapis vert, le troi-
sième donne sur les vignes. Au bout de la galerie, on a pris
une chambre d'où l'on découvre l'hippodrome, les vignes et
les montagnes. On y a joint une autre pièce fort exposée au
soleil, sur-tout l'hiver. Là commence un corps-de-logis qui
joint l'hippodrome au reste de la maison. Telle est la façade
et son aspect.
« A l'un des côte's qui regarde le midi, se présente une
galerie haute, d'où l'on voit les vignes de si près, qu'on croi-
rait y toucher. Vers le milieu est une salle de festin qui
reçoit de l'Apennin l'air le plus salubre. Elle a vue de toute
part sur les vignes, d'un côté par ses fenêtres, de l'autre par
ses portes. Mais au travers de la galerie, dans le côté qui n'a
point de fenêtres, est pratiqué un escalier de dégagement
très-commode pour le service de la table. A l'extrémité, est
une pièce à laquelle la galerie procure un aspect aussi agréa-
ble que celui des vignes. Sous la galerie précédente vous en
trouvez une souterraine qui est comme une véritable grotte.
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88                des édifices particuliers.
L'air exte'rieur ne saurait y pénétrer ni en changer la tempé-
rature. Après ces galeries, et du point où aboutit la salle de
festin, commence un portique où le soleil règne jusqu'à
midi, ce qui la rend aussi agre'able les matins d'hiver que
les soirées d'été. Il mène à deux petits eorps-de-logis com-
posés de trois à quatre pièces, et qui, selon que le soleil
tourne, reçoivent successivement de l'ombre et de la clarté.
« C'est en avant de cette charmante façade que se pré-
sente et se développe au loin l'hippodrome. Il est ouvert par
le milieu : en y entrant, l'oeil en découvre, du premier coup,
toute l'étendue. Son enceinte est formée de platanes entre-
lacés de lierre, et entre lesquels sont des lauriers. L'hippo-
drome est en ligne droite; mais à son extrémité il change
de forme et s'arrondit en demi-cercle. Des arbustes en forme
de bornes et des arbres fruitiers alternativement rangés envi-
ronnent les plates-bandes. Cette régularité' de plantation se
trouve ainsi interrompue par des arbres venus comme natu-
rellement et au hasard, et dont l'heureuse négligence corrige
la monotonie de l'art.
« A l'extrémité, une treille soutenue par quatre colonnes
de marbre de Garyste , ombrage une salle de festin cham-
pêtre dont la table et les lits sont de marbre blanc. De
dessous les lits, l'eau s'échappe en différents jets comme pres-
sée par le poids des convives ; elle est reçue dans un bassin
de marbre poli qu'elle remplit sans jamais déborder, au
moyen d'un tuyau de décharge invisible. Quand on mange
dans ce lieu, les plats les plus forts et le principal service se
rangent sur les bords du bassin. Les mets les plus légers se
servent sur l'eau, et voguent autour sur des plats faits en
forme de barques ou d'oiseaux. En face, jaillit une fontaine
qui reçoit et renvoyé sans cesse la même eau. Après s'être
élevée , cette eau retombe'sur elle-même; et parvenue à des
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DES ÉDIFICES PARTICULIERS.                        89 HIe PART.
,            ,,                 / . .                     ._                                    IIIe Section
issues pratiquées , elle se précipite pour s élancer de nou-
veau dans les airs. La salle champêtre et la pièce dont je
viens de parler sont en regard, et s'embellissent de leur aspect
réciproque. Cette dernière est très-belle et brille des plus
beaux marbres. Les portes, les fenêtres sont de toute part
couronnées de verdure. Auprès, est un autre petit apparte-
ment qui semble s'enfoncer dans la même chambre, et cepen-
dant en fait partie : on y trouve un lit. Malgré la multiplicité
des fenêtres, le jour y est modéré, presque caché par l'épais-
seur d'une treille qui monte en dehors le long des murs et
arrive jusqu'au comble. Vous croiriez être ici, et reposer
sous un bosquet avec l'avantage encore d'y être à l'abri de la
pluie. Ce lieu a aussi sa fontaine, qui disparaît dès sa source:
des sièges de marbre placés en divers endroits, ici, comme
dans la pièce pre'cédente, invitent à se délasser de la prome-
nade. Auprès de chaque siège, sont de petits bassins. Le
Long de l'hippodrome vous trouvez des ruisseaux dont l'eau,
docile à la main qui la conduit, serpente en murmurant
dans les rigoTes qui la reçoivent, et sert à entretenir la
verdure par dv irrigations, soit d'un côté, soit de l'autre ;
soit par-tout à -fois.
Pline à Gallus,
tt        .        ,                a        .                                a        a        »                *                        *                               
<c Ma maison est spacieuse et commode, sans être d'un
trop grand entretien. On trouve en premier un vestibule ou
atrium, qui n'est ni somptueux, ni trop simple ; ensuite une
cour petite, mais riante, ornée de portiques circulaires. C'est
un excellent abri contre les mauvais temps : on est défendu
par des vitraux , et encore par l'avance des toits qui la
couvrent. Du milieu de ces portiques, vous passez dans une
(           M
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go                  DES EDIFICES'PARTICTIl.IERS.
grande cour' fort gaie, et dans une belle salle de festin qui
s'avance sur le rivage de la mer, dont les vagues viennent
doucement mourir au pied du mur. De toute part, cette pièce
est perce'e de portes et de fenêtres e'gales à des portes , de
manière qu'en face et de deux côtés il semble que l'on ait
vue sur trois mers différentes. A l'opposite, l'œil retrouve la
grande cour, la petite , environnée de portiques, les por-
tiques de l'atrium, et dans le fond, les forêts et les montagnes
lointaines. A la gauche de cette salle , et un peu plus en
retraite, est une chambre fort grande, suivie d'une pareille,
perce'e de deux côte's , de manière à recevoir les premiers
rayons du soleil, et à jouir aussi de ses derniers regards.
De celle-ci, on jouit aussi de l'aspect de la mer , de moins
près à la ve'rite', mais d'une manière plus calme. Cette
chambre et la salle à manger forment un angle où le soleil
se concentre et double sa chaleur.
« C'est l'endroit que mes gens fre'quentent l'hiver ; et
dont ils font leur gymnase. Ce lieu d'exercice ne connaît
d'autres vents que ceux qui, par quelques nuages, troublent
plus la sëre'nitë du ciel que le calme dont on y jouit. A l'angle,
est pratique'e une chambre ronde et voûtée, dont les fenêtres
suivent le cours du soleil. Dans l'épaisseur des murs sont
des armoires , en forme de bibliothèque , qui renferment
une collection choisie de mes livres les plus usuels. De-là,
vous passez dans des chambres à coucher par un corridor
dont le plancher suspendu est forme' de dalles. Par ce sou-
terrain, circule et se communique de toute part la chaleur
du feu qu'on y entretient , et qui se trouve heureusement
tempe'rée. Le surplus des chambres de cette aile est à l'usage
des affranchis et des esclaves : la plupart sont d'une si
grande propreté' qu'on en ferait des chambres d'ami.
« L'autre aile est composée d'une fort belle chambre et
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DES EDIFICES PARTICULIERS.                        £) I
d'une seconde qui peut faire une moyenne salle d'assemblée.
Celle-ci reçoit la plus grande clarté des rayons du soleil et
de la réverbération de la mer. Vient ensuite une anti-
chambre qui donne entrée dans une grande pièce très-
exhaussée , bien close , abritée, et par-là aussi fraîche l'été
que chaude en hiver. On passe de-là au bain froid : c'est
une grande et vaste salle : de chaque côté du mur, et en face
l'un de l'autre , sont pratiqués deux grands bassins circu-
laires où l'on peut nager si l'on veut, sans aller plus loin.
Tout auprès, est l'étuve pour se parfumer , et la chambre
tiède. Viennent ensuite deux autres salles plus élégantes que
riches , et attenant à elles. Le bain chaud est si avantageu-
sement situé, qu'en se baignant on découvre la mer. Assez
près de là, est le jeu de paume, exposé à la plus grande
ardeur du soleil couchant. D'un côté, s'élève une tour qui
contient deux cabinets au rez-de-chaussée, deux autres sem-
blables dans l'étage supérieur, et au-dessus, une salle d'assem-
blée , d'où l'on découvre la vaste étendue de la mer, toute
la longueur de la côte et les charmantes maisons qui l'em-
bellissent de l'autre côté. Une tour semblable contient une
chambre percée au levant et au couchant; dans le haut, une
serre très-ample et un grenier, qui occupent le dessus d'une
grande salle de festin, où le bruit de la mer agite'e se fait
entendre à la vérité, mais bien affaibli par l'éloignement.
a Cette salle a vue sur les jardins et sur les allées qui
régnent tout autour. Les allées sont bordées de buis et de
romarin. Un jeune plant de vigne ombrage la partie com-
prise entre les allées et le jardin fruitier. Un sallon jouit de
cet aspect, qui le cède peu en agrément à celui de la mer,
dont il est éloigne :• celui-ci est accompagné par derrière de
deux pavillons , dont les fenêtres donnent sur le vestibule
de la maison et sur le jardin potager. De ce côté, s'étend le
M a
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$2.                    DES ÉDIFICES PARTICULIERS.
chryptoportique, ou galerie souterraine, ouvrage qui tient
de la beauté et de la magnificence des édifices publics. Il est
percé de fenêtres des deux côtés, mais en plus grand nombre
du côté de la mer que sur le jardin : quand le temps est
calme et serein, on les ouvre toutes ; si le vent donne d'un
côté, on ouvre les fenêtres de l'autre. Un parterre parfumé
de violettes est au-devant de la galerie, qui, par sa réverbé-
ration , augmente l'ardeur du soleil 'qui s'y concentre , en
même temps qu'elle le garantit des vents du nord. Aussi y
fait-il aussi chaud par-devant, que froid par-derrière. Le
vent d'Afrique se trouve rompu par elle , en sorte que, de
tous côtés, elle vous offre un abri contre les vents différents.
Tel est l'agrément qu'on y trouve l'hiver, mais il est encore
plus grand l'été ; car jusqu'à midi elle porte ombre sur le
parterre, et après-midi sur les allées et les autres endroits
du jardin qui s'en rapprochent, et l'on voit croître et se rac-
courcir cette ombre selon la longueur des jours. Cependant
la galerie ne reçoit jamais le soleil dans sa plus grande
ardeur, c'est-à-dire, lorsqu'il est aplomb au-dessus du faîte :
alors les fenêtres s'ouvrent, et y reçoivent de toute part
l'haleine des zéphyrs qui y renouvellent l'air, et par une
agréable agitation entretiennent sa salubrité.
« A l'extrémité du parterre et au bout de la galerie, on
trouve le pavillon du jardin : c'est un petit bâtiment détaché
qui fait mes délices. Là, est une pièce dont le soleil, qui y
entre de toute part, fait une étuve : elle a vue d'un côté sur
le parterre, et de l'autre sur la mer. Son entrée répond à
une chambre voisine, et une de ses fenêtres donne sur la
galerie. Un cabinet particulier élégamment orné se joint â
cette pièce du côté de la mer, cle manière que, par des portes
vitrées et des rideaux qu'on ouvre et qu'on ferme, tantôt
le cabinet ne fait qu'un avec la chambre, et tantôt il s'en
-ocr page 96-
DES ÉDIFICES PARTICULIERS,                      q3 IIP PART.
sépare. Il y a place pour un lit et deux chaises. Du côté où "^ SECTIOT
le lit est adossé, on voit les maisons de la côte. A vos pied
vous découvrez la mer, et du chevet les forêts voisines. Au-
tant de fenêtres, autant d'aspects différents, qui s'unissent
et se partagent comme l'on veut.
« L'on passe de là dans la chambre de nuit destinée au
sommeil Rien de plus calme que cet endroit. La voix des
esclaves ne saurait y parvenir. On n'y entend ni le mugisse-
ment de la mer, ni le sifflement des vents, ni le fracas des
orages. La lueur des éclairs ni la clarté du jour ne sauraient
y pénétrer, à moins qu'on n'ouvre les croisées. La raison
d'une tranquillité si profonde, c'est qu'entre le mur de cette
chambre et celui du jardin est le quartier des hommes, dont
la cour assez spacieuse dissipe tout le bruit du dehors. J'ai
fait pratiquer sous cette chambre une étuve fort petite qui
communique et répand, par une petite ouverture, autant de
chaleur que l'on veut. Enfin, l'on trouve une antichambre et
une chambre fort exposées au soleil qu'elles reçoivent depuis
son lever jusqu'à midi, quoique obliquement. *
« Quand je me retire dans le local que je viens de vous
décrire, j'imagine être à cent lieues de chez moi. C'est sur-
tout dans le temps des Saturnales que je m'y complais Tandis
que toute la maison retentit du bruit des fêtes et des cris de
joie que la licence excite parmi mes domestiques, retiré là
je goûte le plaisir de l'étude, sans gêner leurs divertissements
et sans en être gêné .......
On trouvera, planche 44 du Parallèle,' un plan du Lau-
rentin par Scamozzi. On trouvera aussi sur cette même
planche et sur les planches 43, 45 et 46 du même ouvrage,
divers plans de maisons grecques et romaines. Les diffé-
rences que l'on remarque entre ceux même qui devraient le
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IIP PART. g^                     DES EDIFICES PARTICULIERS.
IIP Section.
plus se ressembler, ne préviennent pas en faveur de leur
exactitude. Quoi qu'il en soit, les talents des architectes à
qui nous devons ces plans, la simplicité' qui y règne, simpli-
cité vers laquelle on doit tendre par tous les moyens ima-
ginables , sont des motifs suffisants pour engager à les étu-
dier. Quant aux maisons de campagnes de l'Italie moderne,
et aux délicieux jardins qui les accompagnent, dont on
trouve les plans, planche 5 a [bis) du Parallèle, en y jetant
les yeux, on sentira qu'il n'est pas besoin d'en recommander
l'étude.
A l'égard des projets de maisons de campagne que nous
donnons dans ce volume, planches 27, 29, 3o et 3i, notre
principal but, en les donnant, a été de faire voir de com-
bien de manières différentes on pouvait disposer les maisons
particulières, suivant les différentes circonstances , sans ce-
pendant blesser nos usages.
DES FERMES OU MAISONS RURALES.
Une exploitation de terres exige des bâtiments pour loger
le cultivateur, sa famille et divers animaux , pour mettre à
l'abri les instruments aratoires et les divers produits du sol
et du bétail, etc.
Rien n'est moins commode et moins salubre que la plu-
part de nos fermes. Elles n'offrent qu'un amas de bâtiments,
de fumiers épars, de mares infectes. Aussi voit-on souvent
éclore dans ces lieux des maladies fâcheuses qui se répandent
dans les environs.
La grandeur et la disposition particulières d'une ferme
doivent être relatives au climat, à l'étendue des terres, à la
nature des produits. La variété de ces différents objets nous
prescrit de nous borner ici à des idées générales.
Le meilleur emplacement d'une ferme serait un terrain un
peu élevé, où il n'y aurait point d'eaux stagnantes, où l'on
-ocr page 98-
DES ÉDIFICES PARTICULIERS.                      q5
ne craindrait pas les débordements des rivières , où l'on
néprouverait pas débrouillards habituels, etc.
Pour éviter, autant que possible, le danger des incendies,
il faudrait que le logement du fermier ou du propriétaire
faisant valoir fût séparé de tous les autres bâtiments, et que
ceux-ci, de même, fussent isole's les uns des autres. Pour
faciliter la surveillance , il faudrait que le tout fût dispose'
de sorte que de chacune des pièces du principal corps de
bâtiment, et d'un seul coup-d'ceil, on pût embrasser tous
les bâtiments accessoires. Il faudrait approcher les uns des
autres ceux de ces bâtiments dont les usages sont analogues
et éloigner de ces derniers ceux dont les usages sont essen-
tiellement différents. Les mares et les fumiers, placés ordi-
nairement dans les cours qu'ils embarrassent et qu'ils in-
fectent , devraient être rejetés dans une enceinte particulière
placée au nord de cette cour. Tous les bâtiments destinés à
renfermer des animaux devraient être placés de manière à
avoir une issue directe sur l'enceinte des fumiers. Voyez la
planche 3%.
Si les maisons rurales, si ces habitations paisibles dans
lesquelles, au sein de la nature, on se livre aux soins les plus
intéressants, aux occupations les plus douces, e'taient situées
et disposées comme elles devraient l'être , que d'agréments
leur aspect n'offrirait-il pas ! Après la négligence impardon-
nable avec laquelle la plupart des maisons rurales sont trai-
tées, il ne pourrait y avoir qu'une recherche ridicule capable
de les en priver. On ne remarque ni l'une ni l'autre, soit
dans les maisons de ce genre bâties par Palladio sur les
bords charmants de la Brenta, près de Vicence, soit dans
une foule d'édifices destinés aux mêmes usages, répandus
dans toute l'Italie, et connus sous le nom de fabriques. Aussi
tous ces édifices enchantent-ils les yeux par leurs formes
simples et agréables. Voyez les planches /(O, ôo et 51 du
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$6                     DES ÉDIFICES PARTICULIERS.
Parallèle, et les planches 5, 6, 8 et 19 de la seconde partie
de cet ouvrage.
DES HOTELLERIES.
Ces lieux, destinés à recevoir les voyageurs ne SOllt dans
la plus grande partie de l'Europe que des édifices particu-
liers qui n'offrent pas , pour la plupart, plus d'ordre , de
commodité', de propreté que la majeure partie de nos fermes.
En Orient, au contraire, ces mêmes lieux nommés caravan-
serais,
sont des édifices publics bâtis et entretenus avec le
plus grand soin par le Gouvernement. Ces édifices disposés
de la manière la plus simple , comme on peut le voir
planche 3o du Parallèle , offrent, au rapport de tous les
voyageurs, le plus bel aspect. On sait combien celui de nos
hôtelleries en général est ignoble et repoussant. Rien ne
serait cependant si facile que de le rendre agréable. Il ne
faudrait pour cela que donner à leur disposition la conve-
nance et la simplicité qu'elles exigent. Voyez seulement
l'esquisse que nous en donnons planche 32.
DE LA MARCHE QUE l'on DOIT SUIVRE DANS Là
COMPOSITION D'UN PROJET QUELCONQUE.
L'examen et la comparaison que nous venons de faire d'un
assez grand nombre d'édifices anciens et modernes, près de
cinquante projets (tous on ne peut pas plus simples, et tous
cependant absolument différents ) ont dû donner une idée
suffisante des convenances des principaux genres d'édifices,
et jeter un assez, grand jour sur les principes d'après les-
quels tous les édifices doivent être traités. Pour achever de
remplir le but que nous nous sommes proposés dans cette
troisième partie, il ne nous reste plus qu'à rappeler aux élèves
|a marche que l'on doit suivre dans la composition de te}
projet que ce soit.
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DES ÉDIFICES PARTICULIERS.                     Q7 IIIe PART.
_        „ ,                                          I          T"                '- '                                                                   IIIe SeCTIOS
Combiner entre eux les divers e.ements, passer ensuite
aux différentes parties des édifices, et de ces parties à l'en-
semble : telle est la marche naturelle que l'on doit suivre
lorsqu'on veut apprendre à composer. Lorsque l'on com-
pose, au contraire, on doit commencer par l'ensemble, conti-
nuer par les parties et finir par les détails.
Avant tout, il faut s'appliquer à connaître l'usage et les
convenances de l'édifice dont on doit faire le projet ; se bien
pénétrer de l'esprit dans lequel il doit être conçu ; examiner
quelle est des diverses qualités qui peuvent se rencontrer
dans les édifices, celle vers laquelle on doit diriger plus par-,
ticulièrement son attention ; s'assurer si c'est la solidité,
comme dans les phares, la salubrité, comme dans les hôpi-
taux, la commodité, comme dans les maisons particulières,
la sûreté, comme dans les prisons, la propreté, comme dans
les marchés, les boucheries , le calme et la tranquillité,
comme dans les lieux destinés à l'étude , l'agrément et la
gaîté, comme dans ceux consacrés au plaisir, etc. D'après
cela, il convient de voir si l'édifice doit n'offrir dans son plan
qu'une seule masse ; si cette masse doit être pleine ou évidée
par une ou plusieurs cours ; si les différents corps de bâti-
ments doivent être continus ou séparés ; si l'édifice peut
donner sur les rues , ou s'il doit en être éloigné par une
enceinte ; si tous les corps de bâtiments doivent avoir ou
non un même nombre d'étages, etc.
De l'ensemble passant aux différentes parties, il faut exa-
miner quelles sont les pièces principales et celles qui leur
sont subordonnées ; quelles sont les pièces qui doivent être
rapprochées ou éloignées les unes des autres, et déterminer
en conséquence leur place et leur grandeur; voir ensuite si
les pièces doivent être couvertes par un plancher ou par
une voûte ; quelle espèce de voûte on doit préférer, si I3.
-ocr page 101-
0,8                   DES ÉDIFICES PARTICULIERS.
portée de ces planchers ou l'étendue de ces Toutes exige ou
n'exige pas des colonnes pour les diminuer, etc.
Toutes ces observations faites, et le croquis trace' en con-
séquence , il faut déterminer le nombre des entre-axes de
chaque pièce , et le chiffrer sur ce croquis , additionner
ensuite tous les entre-axes, afin de voir en combien de par-
ties on doit diviser le terrain. Le nombre total une fois
reconnu , examiner si chacun des entre-axes n'est pas trop
large ou trop étroit , relativement à l'échelle ; et si cela
arrive, diminuer ou augmenter le nombre des entre-axes,
soit dans toutes les parties , soit seulement dans quelques-
unes.
D'après le nombre d'entre-axes plus ou moins considé-
rable des pièces , il faut déterminer l'ordre que l'on doit
employer ; voir si le centre des voûtes doit être au niveau
du dessus de l'architrave, ou s'il doit être placé plus haut, etc.
Un croquis ou une esquisse étant arrêtée de cette manière,
on n'a plus à s'occuper dans l'épure ou dessin rendu que
des différents profils et des ornements de peinture ou de
sculpture que l'on juge à propos d'employer.
Il est aisé de voir avec quelle facilité et quel succès on
parviendrait à composer tel édifice que ce puisse être, si,
étant bien pénétré des principes que la nature suggère, l'ar-
chitecte suivait la marche que la raison indique , tant dans
l'étude de l'art que dans la composition des édifices, qui ne
sont, l'une et l'autre, qu'une suite non-interrompue d'obser-
vations et de raisonnements.
Fin du second et dernier Volume.
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NOTICE.
Rec,ueil et Parallèle des Edifices de tout genre s anciens
et modernes , remarquables par leur beauté, par leur
grandeur ou par leur singularité, et dessinés sur une
même échelle.
Par J. N. L. DURAND, Architecte et Professeur d'Architecture 4.
l'Ecole Polytechnique.
u ne chose qui importe extrêmement aux Architectes, aux
Ingénieurs civils et militaires, aux Elèves de l'Ecole Polyr
technique destinés à le devenir, aux Peintres d'histoire et
de paysage, aux Sculpteurs, aux Dessinateurs, aux Décora-
teurs de théâtre ; en un mot, à tous ceux qui doivent cons-
truire ou représenter des édifices et des monuments , c'est
d'étudier et de connaître tout ce qu'on a fait de plus inté-
ressant en architecture, dans tous les pays et dans tous les
siècles.
Mais les édifices qui méritent quelque considération se
trouvent confondus avec une foule d'autres qui ne sont re-
marquables en rien : outre cela, ils sont dispersés dans près
de trois cents volumes, la plupart in-folio, dont la collection
monterait à un prix énorme ; de sorte qu'il serait impossible
aux Artistes de s'en procurer la connaissance entière par
une autre voie que celle des bibliothèques.
Ce moyen-là même exige un temps infini, et n'est d'ail-
leurs pratiquable que pour les Artistes qui habitent les
-ocr page 103-
ioo                                   Notice.
grandes villes. De plus, quand ils seraient tous à portée
d'en faire usage, peut-être que les avantages qu'il leur pro-
curerait ne les dédommageraient que faiblement de leurs
peines. En voici la raison : souvent un volume n'est com-
pose' que d'objets de diffe'rents genres, tandis que ceux qui
sont du même genre se trouvent disséminés dans un grand
nombre de volumes. Or, on sent combien, dans ce cas-là,
les comparaisons, qui seules peuvent amener à juger et à
raisonner, doivent être longues , pénibles , imparfaites et
peu fructueuses : la différence des e'chelles ajoute encore à
ces inconvénients.
Dans cet état de choses, nous avons pensé que si, déta-
chant des trois cents volumes dont nous venons de parler,
les seuls objets qui sont essentiels à connaître, nous les ras-
semblions dans un seul volume d'un prix tout au plus égal
a celui d'un ouvrage qrdinaire d'Architecture, ce serait offrir
aux Artistes en général, et aux Elèves de l'Ecole Polytech-
nique en particulier, un tableau complet et peu coûteux de
l'Architecture , un tableau qu'ils pourraient parcourir en
peu de temps, examiner sans peine, étudier avec fruit, sur-
tout, si l'on classait les édifices et les monuments par genres,
si on les rapprochait selon leur degré d'analogie, si on les
assujétissait de plus à une même échelle ; et c'est ce que
nous avons entrepris de faire. Pour arriver plus sûrement à
ce but, nous avons rejeté de ce recueil, non-seulement tous
les objets qui n'offraient aucun intérêt en eux-mêmes,
mais encore ceux qui, ressemblant plus ou moins à d'autres
morceaux d'un intérêt majeur, n'auraient fait que grossir le
volume, sans augmenter la masse des idées.
Peut-être trouvera-1-on dans ce recueil quelques édifices
qui paraîtront peu intéressants ; mais comme ce sont presque
les seuls de ce genre qui existent, nous avons cru devoir les
-ocr page 104-
Notice.                                 ioi
y placer , afin d'appeler l'attention sur ce genre d'Archi-
tecture.
On y trouvera aussi des restaurations peu authentiques,
telles que celles des thermes par Palladio , et de plusieurs
e'difices de l'ancienne Rome, par Piranesi, Pirro-Ligorio, etc.
Nous n'avons pas voulu priver les Elèves ni les Architectes
des beaux partis que ces restaurations pre'sentent, et dont
ils peuvent faire de fréquentes et d'heureuses applications.
Mais nous nous sommes permis de les simplifier, nous y
en avons même ajoute' qui sont presque entièrement de
nous; et pour peu que l'on fasse attention que loin d'avoir
voulu corriger ces grands maîtres , nous ne nous sommes
attache's qu'à manifester d'une manière plus évidente l'esprit
qui règne dans ces magnifiques productions, on nous par-
donnera sans peine d'avoir osé nous ranger à côté d'eux.
Cet ouvrage est composé de quinze cahiers, chacun l'est de
six planches.
Le premier contient les temples Egyptiens, Grecs, Romains,
et les temples de Salomon, de Balbek et de Palmyre.
Le deuxième, les mosquées, les pagodes, les églises go-
thiques et les dômes les plus célèbres.
Le troisième, les places pxibliques, les forum, les marchés,
les halles, les bazars , les maisons de ville , les basiliques
les palestres, les écoles, les portiques et les bourses.
Le quatrième, les tombeaux Egyptiens , Grecs , Indiens,
Turcs, Persans et Romains ; les arcs de triomphe, les ponts,
les aqueducs, etc.
Le cinquième, les ports, les phares, les tours, les citernes,
les puits, les châteaux d'eau, les casernes, les arsenaux, les
prisons, les hôpitaux, les lazarets, les caravânserais et les
cimetières.
Le sixième, les thermes, les nymphées et les bains»
-ocr page 105-
io2                                Notice.
Le septième, les théâtres antiques et modernes, les am-
phithéâtres, les naumachies et les cirques.
Les huitième, neuvième et dixième, les maisons, les châ-
teaux et les palais, tant anciens que modernes.
Enfin les onzième , douzième, treizième, quatorzième et
quinzième cahiers offrent, développés en grand, et sur une
même échelle de module , tous les détails qui concernent les
édifices et qui méritent d'être connus.
L'ouvrage se trouve à Paris, chez l'Auteur, à l'Ecole Poly-
technique.
Le prix de chaque cahier est de douze francs. Celui de
l'ouvrage entier est de cent quatre-vingt francs.
Cet ouvrage, aizisi que le Précis, se trouvent chez l'Au--
teur, à l'Ecole Polytechnique.
y
-ocr page 106-
io4
TABLE.
Des bibliothèques.
Page 54 PI
10
Des muséum.
56
11
Des observatoires.
ibid.
12
Des phares.
12
Des halles et marchés.
58
i3
Des boucheries.
5g
i3
Des bourses.
6o
i4
Des douanes.
6i
i4
Des foires.
ibid.
i5
Des théâtres.
63
16
Des bains.
66
r7
Des hôpitaux.
67
18
Des prisons.
l9
Des casernes.
72
20
TROISIÈME SECTION
Des édifices particuliers.                   
Des maisons particulières à la ville.  77
Des diverses dispositions générales
de ces maisons.                         ibid.
Des diverses divisions des différents
corps-de-logis.                           78
Des différents appartements.
            ibid.
Des divers accessoires des appar-
tements.
                                     80
Des cuisines.
                                     ibid.
Des offices.
                                        ibid.
Des écuries.
                                       ibid.
Des remises.
                                      ibid.
Des terrains irréguliers.
                    82
Des maisons à loyer.
                        ibid.
Des maisons de campagne.
               83
Des fermes, ou maisons rurales.
      p4
Des hôtelleries.
                                 96
De la marche que l'on doit suivre
dans la composition d'un pro-
jet quelconque.
                           ibid.
21
21
22, a3,24,27 et 28
25
25 et 26
27,28,29,30 et3i
32
32
Fin de la Table,
-ocr page 107-
TABLE
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME.
Discours préliminaire.                Page i
Examen des principaux genres d'édifices. 22
PREMIÈRE SECTION.
Des principales parties des villes.                22
Des abords des villes.                                   ibid.
Des tombeaux.                                              23 PI. 1
Des entrées des villes.                                   24
Des arcs de triomphe.                                  ibid. 1
Des parties des villes qui servent à la communication de
toutes les autres.
Des rues.
25
Des ponts.
Des places publiques.
2,6
28
2
DEUXIÈME SECTION.
Des édifices publics.
Des temples.
Des palais.
Des trésors publics.
35
43
47
3 et 4
5
Des palais de justice.
Des justices de paix.
Des maisons communes*
Des collèges.
Des édifices destinés à rassembler
48
49
00
5i
6
7
les Savants, etc.
53
9