Dit boek hoort bij de Collectie Van Buchell Huybert van Buchell (1513-1599)
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Au trefchretien Ro/ ^^
HENRI DEUXIEME
quefois diftrait mon elprit de l’adminiftra-cion des afaires publiques,pour difcou-nr fur les grades mer-ueilles du Monde, amp;nbsp;fur la variété de la nature Ôc effence de tou tes creatures mortel
les : chofe li profonde amp;nbsp;pleine de fapience, que ie me perds à la recherche amp;nbsp;contemplacion d’icelle: Il ma femblé que le fupreme Créateur amp;nbsp;Architecte de cette machine ronde, duquel la bonté ne le peut comprendre, la beauté connoitre, ny le nom exprimer, ha mis dedens la nature de chacune ef-pece viuante, quant a ce pelerinage mondein,le fondement amp;nbsp;origine de fa perfeccion. Car par là
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puifTanCe infinie il ha en un moment fait apparoir amp;nbsp;efclorre innumerables corps amp;: fuftances vifi-bles amp;nbsp;inuifibles,amp; donné la forme que par là pro» uidence indicible il ha connu la plus propre amp;nbsp;coue liable à leur elTence : ôc par conlequêt (neftant rien imparfait de fa main, ny ayant befoin de layde amp;nbsp;fecours d’autrui ) leur ha imparti non feulement la fuftance acomplie de tout ce qui efloit necelTaire pour leur nourriture amp;nbsp;defenfe : mais aulfi les organes, volontez, amp;nbsp;inclinacions intérieures poulies conferuer en leur bien eure amp;nbsp;en quelque Idee amp;nbsp;image de beatitude. Or ie lairray pour ce coup^ à toucher fur l’infinité des autres animaus, chofe eftrange amp;nbsp;eflongnee de ma vifee, mais m’arrefle-ray à parler de notre nature humeine, auIfi mal connue de nous mefines, quelle eft frequente amp;nbsp;trop occurrente deuant nos yeus : feulement pour frire rougir cens qui melprifent les dons de Nature, amp;, comme ingrats amp;nbsp;mefconnoilTans les biens amp;: graces de Dieu, s’oublient eus mefiiies,6c delaif-fent le chemin de leur félicité pour fe ruer au pre» cipice de perdicion. Et pour venir à mon propos, i’ay toufiours ouy dire amp;nbsp;apris des plus fages, que la Nature humeine fur fa premiere naiflàiice,fi elle uft bien mefuré amp;nbsp;reconnu fa force, fans s’efleuer au defir des chofes aliénés de Ion deuoir, hadoit aucunement befoin de chercher ailleurs qu’en foy-mefine les moyens d’ateindre au plus grand heur qu’elle puft auoir en ce Monde.Car cet animal tant läge,preuoyant,plein de bonnes parties, aigu, mena oratif,
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moratif^amiable,difcourantjliautein^beau, com-pagnablc, rempli de confeil amp;: d’inuencions, que nous appelons Homme, ha efté de Dieu formé d’une codicion fi noble amp;nbsp;excellente,quentre tous lesanimaus par fj-ieciale grace amp;nbsp;en lieu de toutes armures, il ha elle feul pouruù déntendement amp;nbsp;garni de raifon. Or y ha il,ie ne diray en l’homme, mais au Ciel amp;nbsp;en la Terre,chofc plus diuine que la raifon?Laqlle eftant folide,entiere, amp;nbsp;parfaitefè peut à bon droit apeler Sapience.Donques fi la raifon efi en Dieu amp;nbsp;en l'Homme amp;nbsp;qu’il n’y ha rien meilleur que la raifon,il fenfuit qui! y ha premièrement une focieté amp;nbsp;communion de raifon entre Dieu amp;nbsp;les Hommes, c’eftadire que l’homme tout mortel amp;nbsp;petit qu’il eft,fe peuten quelque maniere apeler compagnon amp;; participant auec Dieu en une des plus nobles parties de la Diuinité. le vous fupli. Sire, amp;nbsp;les grans efprits qui vous affiftent, ne trou-uer mauuais fi ie m’effore un peu hors de terre en ce propos, amp;nbsp;fi pour bien peu ie delaiffe les communes opinions, pour voler plus haut que le vulgaire en ce difeours tenu par un grand Filozofe du tems paße, qui nauoit autre lumiere que celle qui lui fut donnee par Nature. Car ie m’afleure fins outrecuidance que i’ay une ferme amp;nbsp;confiante volonté de ne perdre de vue ny m’eflongner de la largeur de l’ongle du vray guidon de notre Kcligion, ;ny dire parole qui ne ierue ou s’acorde auec les ßintes loix de notre beatitude. le dy, que fi la raii-fon efi commune entre Dieu amp;nbsp;les Hommes com-
A 3 me
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me a la vérité elle eft, la vraye amp;nbsp;droite raifon left aufti, ie dy celle qui difeerne le bien du mal, amp;nbsp;rei-gle toutes noz accions a vertu, que nous apelons La Loy.Et par confequent il y ha une certeine coni pagnie amp;: focieté de loix amp;nbsp;de raifon entre eus. Or cens qui font comuns en loix font ordinairement Citoyens dune mehne cité, amp;nbsp;s’ils obeiflent à mef. mes loix, ftatuz amp;nbsp;magiftrats, à plus forte raifon obéiront ils a l’Elprit diuin infallible Loy, volonté amp;nbsp;ordonnance de ce Dieu tre{puiirant.Qui (comme dit Hierocle ) fe peut apeler amp;nbsp;interpreter une volonté perennelle créant Öt conferuat toutes cho fes en leurs perfeccions. Et parainfi tout luniuerfel Monde ce ne fera qu’une concurrence de diueri eiprits en une mefme cité eftablie pour la béatitude de tous entre Dieu amp;nbsp;les Hommes, ainß que le corps humein eft une cobinacion de diuers membres pour la conferuacion Sc entretenement du to fal. O la belle amp;: diuine contemplacion quelcfprit humein peut auoir pour fa confolacion, eonfide-rant qu’en fi grand interuale de lieus amp;nbsp;de natures comme il y ha du Ciel à la Terre, il y ait une fi notable conformité amp;nbsp;communion de raifon, de loix,amp; de cité entre Dieu amp;les Hommes.Et certes comme Ion voit,que es viles conduites amp;nbsp;gouuer-neespar quelque ordre ou regime, les eftats font diuifez félon les dinitez des familles, cela eft d’autant plus magnifique,illuftre,amp; plus dine, que les Hommes fe peuuent dire alliez amp;nbsp;aparentez de Dieu. Car entre les perferutateurs de la Nature il eft
-ocr page 19-AVRO Y. • cfttoutrefolu enleurs difputacions que parle perpétuel cours, conuerßon, amp;nbsp;ordre inuiolable des Cieus il sengedra une certeine matière ou Gmen-ce propre pour lèruir à la creacion des hommes: Et que cette femence eftant eipandue fur la terre fut enrichie amp;nbsp;ornee par le don de Dieu d’un eiprit vif amp;nbsp;celefte, dont fut formé l’homme, plein de tant de merueilles, que non fans caufe il haefté : apelé le petit Monde:propos qui à la vérité hell ; du tout confoneànotre Religion, qui nous fait croire que Dieu ha créé de rien toutes chofès,mais il y peut eure acordé en quelque manicre, d'autant que les Filozofes mefnes confèrent que Dieu eft la feule caufe de fa perfeccion:Et combien que le corps foit fragile amp;nbsp;caduc, toutefois que lefprit amp;nbsp;entendement de l’homme prouient de fà main, fait à fa femblance,ôc quad de fà race,amp; propre nature. Dont il auient qu’entre tous les animaus il n’y ha que l’homme feul qui ait la connoiflànce de lt;nbsp;Dieu : amp;nbsp;entre les hommes mefmes, n’y ha nacion fi fiere,eflrange,rude,amp; brutale,qui n’entende bien qu’il y ha un Dieu, ores qu’elle ne fache quel il eft. Et par cela aucuns grans perfonnages ont iugé (né pouuans trouuer le fons de fi grand difeours) que ; celui cônoit mieus fon Dieu qui ha meilleure mémoire de lui, amp;nbsp;que la fcience que l’homme ha de fon Créateur, heft autre chofe finon une recorda-cion, fouuenance, amp;nbsp;reconnoiffance que lefprit peut auoir du lieu dont il eft forti. Que pouuoit , donq efperer l’homme d’auoir plus grand q déftre
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de la lignée de Dieu, femblable à lui, en communion de loix amp;nbsp;de cité, participant auec lui de ver-tu,délprit, de raifon, amp;nbsp;d’immortalité? Or la vertu qui doit eftre femblable entre Dieu amp;nbsp;les Hommes , neft autre chofe finon la nature pure amp;nbsp;lyn-cere, amp;nbsp;réduite à la plus grande perfeccion. Voilà donq en quoy les hommes font femblables amp;nbsp;at-tiennent à la Diuinité, amp;nbsp;comme ils fe peuuent nommer du lang amp;nbsp;parentage de Dieu. Ils ont la nature ornee non feulement de toutes les commo direz requifes pour la vie, mais aufTi des féns amp;; organes ‘interieurs amp;nbsp;exterieurs ( chofés incompre-Lenfibles aus plus grans Filozofes)qui leur leruent de minières, Icrgens, amp;nbsp;meflagers de leurs volon-tez : amp;nbsp;dune viuacité amp;nbsp;prontitude dêfprit,qui cC clarcit l’intelligence de toutes chofes obfeures amp;nbsp;cachées : dont eft prouenu le fondement de tant dàrts amp;nbsp;fciences trouuees pour la commodité amp;nbsp;regime des hommes. Le corps habile amp;: conforme à la futilité amp;nbsp;excellence de fon efprit, non abget amp;: fur fà bouche,comme les b eft es, mai s droit amp;nbsp;efle-ué au Ciel comme s’il eftoit fait expres pour regarder amp;nbsp;reconnoitre la maifon de fon origine amp;nbsp;pre miete habitacion. Les mains ouurieres de tant de merueilleus ouurages, la moderacion de la voix, vigueur, force amp;nbsp;grace de la parole:dont depend quafi la concorde, paix, amp;nbsp;amitié de cette focieté mondeine. Et qui plus eft Dieu leur ha donné les traits,maintien,amp; la care du v.ifage, pour par icelui connoitre les façons de faire des autres hommes,
■ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;les
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Ies volontez, penfees, entreprifes, amp;nbsp;Ies plus fecret-tes amp;nbsp;cachees affeccions d’lceus, Ie voy bien que tant plus fentreray en ce goufre,tant plus ie me perdray amp;nbsp;efgareray de mon fentier, d’autant qui! efttrop dificile,voire impoflible,de raconter par le menu les grandes commoditez que Dieu ha données à la nature des Hommes. Par lefquelles feules fins autre ayde il peut paruenir à vertu, ayant feulement la nature pour guide amp;nbsp;maitreffe de fès ac-cions. Cell ce que nous enfeigne le Filozofe,vou- -lant donner à entendre quelles euures font les plus parfaites amp;: acomplies, quand il dit, que ce que les Anciens figes apeloient vtile amp;nbsp;honnefte eft tellement conioint amp;nbsp;procédant de nature, que tous ceus qui seflongnent de vertu pour s’adonner à vice amp;nbsp;foruoyer du naturel chemin de bien viure, font vrais ennemis de Nature, pourautant quils corrompent les loix de focietc quelle nous ha ordonnées pour entretenir amp;nbsp;perpetuer notre elpe-ce.Ec par cela on peut iuger,que la Nature feule ha efté des le commencement du Monde la feule guide aus hommes, tant Princes que priuez,pour les conduire à toutes euures honneftes amp;nbsp;profitables: amp;nbsp;que de là, eft venue l’origine de toutes loix, polices,Royaumes,Principautez,inftitucion de Vues et Républiques, amp;nbsp;de toutes religions amp;nbsp;cerimonies enuers Dieu, Car d’autant plus que l’homme fo connoit amp;nbsp;fi nature propre, d’autant plus il honore Dieu,ôc fe remet à fa perfeccion. Et pour miens «fclarcir ce propos, il eft aisé à comprendre, que
B fuiuanc
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Zuiuant cet inftinót celefte imprimé en lêfprit des hommes. Nature voyant les hommes trefmal par-riz au pris des belles brutes, quant aus biens qui concernent le corps,nayans à leur part qu’une cer-teine lumiere d’elprit dont i’ay parle cy deirus,pour fe garentir des iniures du Ciel,du tems, des belles, amp;nbsp;autres calamitez infimes, ficha dedens leur entendement vn defir de fe donner la main amp;nbsp;rallier les vns aucc les autres, à fin que par la communi-cacion de leurs confeils ils fulTent mieus garniz de defenlè. Et comme ils elloient encores làns reigle, fànsloy,apres auoir connu leur imbecilité, amp;: qu’ils ne le pouuoient maintenir fans quelque forme de f)olice, ils le fouzmirent au gouuernement de ce-ui quils eftimerent de meilleur iugement amp;: auis, à fin qml les conduifill lâgement amp;nbsp;pouruull à leurs necelfitez.Donqucspar tout l'uniuerfel Monde chacune Communauté print vn Chefilefquels, pour l’autorité qu’on leur donnoit, furent apelez Rois, amp;nbsp;commencèrent a esbaucher amp;nbsp;mettre en quelque ordre d’obéilfance cette rude amp;nbsp;grolfiere antiquité. Et lors on commença à bâtir maifons, edifier vilages amp;nbsp;bourgades,conllruire viles amp;nbsp;cha teaus, s’employant vn chacun en ce quîl pouuoit Elire pour le bien publiq. Peu apres,ainfi que l’am-bicion des hommes s’augmenta fi fort que les vns allàilloient les autres,pour remedierâ ces troubles, - il fut beloin d’ellirc pour Chef amp;;gouuerneur non feulement le plus fage amp;nbsp;auisé, mais aulTi le plus fort amp;nbsp;courageus aus armes,à fin que par le moyen delà
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de fa prudence coniointe à la force, il full gouuer-ner fes lugetz en terns de paix, amp;nbsp;les défendre a la guerre. Encores ne fut ce pas aflez : Car telle multitude de Princes de difèrentes humeurs,telle contrariété de coutumes amp;nbsp;de loix, ne fe put bonnement acorder, iufques a ce que les principaus de ces Communautez côlèntirent quîl y euft vn Monarque. Et pour vray, tout ainfi que beaucoup de Maçons, Charpentiers, Couureurs amp;nbsp;Maneuures, confèrans enfcmblc grande quantité de diuerfes matières ne fauroient commodément alTembler leurs pieces pour drefler vne maifon, s’ils ne font guidez parla certeine loy d’un Architecte amp;nbsp;deui-feur de batimens : aufli tant de Peuples,tant de Citez ôc petis Rois, vlàns de diuerfes manières de vi-ure, ne pourroient conftruire lèdifice de leur con* fcruacion, s’ils nauoientvn Architeôle,amp; (comme dit Homere) vn grand payeur amp;nbsp;gouuerneur du genre humein.Voilà les moyens amp;nbsp;raifons que Na ture inlpira dens la penfee des Hommes pour la premiere inftitucion des Princes, ne tendant à autre fin,finon à ce que les fugetz fuflent miens con-duiz pour ateindre à la félicité qu’ils peuuentauoir en ceMonde.Et certes on peut clerement connoi-tre par les Hiftoires, que les P^ois qui en lieu de fuiure cet ordre de Nature ont mieus aymé leur profit particulier que le bien publiq, fe font montrez euidemment ennemis de Nature,amp; ont aquis pluftot blâme de Tyrannie, que renom de vraye Principauté. Au contraire,ce us qui fe fontrengez
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à ce droit naturel, ont tresbien amp;nbsp;vertueufèment exécute leurs charges,tellement qu’ils font encores aymez amp;nbsp;honorez de tout le monde : comme il eft auenu,felon les fables, à Saturne amp;nbsp;lanus : félon les vrayes Hiftoires,à Cyrus Roy des Perfes,dont Xenophon ha efcrit la vie. Pour conclufion il eft aisé à voir que fi l’homme ne paruient à félicité, il ne s’en doit prendre qu’a lui mefine, amp;nbsp;ne fe douloir de fon imbécillité, fecourue par tant de moyens. Car pour y paruenir il ha en fà nature propre plu-fieurs nobles parties: auec ces parties il ha la rai-fon, auec la raifon la loy, aueclaloy la communion de tant de biens auec Dieu : Outre lefquels il ha encores la grace de cette nouuelle redempcion qui nous ha efié promife :1e plus beau amp;nbsp;plus excellent moyen que l’homme euft pu defirer en ce Monde, pour fans grande peine s’acheminer au Ciel amp;nbsp;entrer en la trionfante compagnie celefte, amp;nbsp;immortelle beatitude. L’effet de laquelle grace neftoit point encores en vigueur du tems de Cyrus ny des Princes de fon aage,amp;ne fut manifeftec au monde de bien long tems apres,ains fe gouuer-noit lors chacun félon les ordonnances de Nature. Laquelle eut bien la force de rendre Cyrus l’un des plus notables Princes qui ayent régné après lui. Car il ayma iuftice, amp;nbsp;le bien des Peuples,amp; fe gouuerna fi vertueufernent en fon regne, que non feulement il ennoblit le païs de Perle, auparauant obfeur amp;: melprisé, mais auffi aporta merueilleus profit aus nacions par lui veincues’amp; conquifes, leur
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leur donnant loix amp;nbsp;manières de viure trop meik leures quelles nauoient onques eu. De forte quelles euflent pu dire ce que Themiftocle mit depuis en auant:Amis nous eflionsperduz, fi nous nuf-fons perdu. Outre celà, qui pourroit affez priier l’humanité amp;nbsp;la continence dont il via enuers le Roy d’Armenie amp;nbsp;la belle Panthee? Icxpcricnce du fait des armes ? fa libéralité amp;nbsp;grandeur ? qui le rendirent ß efmerueillable, qu’âpres fà mort il fut
amp; titre ß louable ne s’aquiert point par pilleries ne cruautez, mais par une naine bonté, amp;nbsp;par bien faire à vn chacun. Ce vertueus Monarque commença a regner la lêptantieme année de la defola-cion de lerufalem tant celebree par leremie, amp;nbsp;de-liura les luifs de leur captiuité, fuiuant la promelfe de Dieu par les Profetes, du tems que Tarquin le Superbe regnoit a Romme,enuiron cinq cens ans deuant la natinité de notre Signeur. Il régna deus ans auec Darius Roy des Medes, qui fe prend en Daniel pour Cyaxare fils dAftyage,comme dit lo- Dan. r. lt;.,. ‘ feph : amp;nbsp;puis vintdeus ans feul en Babylone, félon ^‘^' ^^ le calcul de Philon amp;nbsp;Metafthene, amp;nbsp;félon Cice-ƒ« ^« ron il y régna trente ans en tout. Et ne faut ici re- '^quot; ^/i^^j-ceuoir la fable d’Herodote,de la naiflànce amp;nbsp;expo-fèment de Cyrus,ôc comme il chalfa fon grand pe-re du Royaume de Mede par le moyen de Harpage, mefmes il dit que Aftyage hut point déniant malle :chofès qui du tout fe prennent fini fiés par 1^5 làintes Bibles,par Iofeph,amp;: autres efenueins di-.
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î/JrM i. chrt»i^.j£-leremie z^. ^ 29.
Ifa.^z. 44.
CT 4J.
nés de foy. Car il fe porta fi vertueulement que les Rois enfuiuans l’ont tenu pour vn parangon amp;nbsp;exemple de toutes vertus.Cyrus le mineur s’ayda de la grace amp;; courtoifie: Alexandre le grand de fon bon elprit amp;nbsp;grandeur de courage : Pyrrhe print de lui la façon d’ordonner vn camp amp;nbsp;renger les batailles : Scipion fa continence:Iules Celàr fà clemence amp;nbsp;libéralité. Et me Ïèmble que sabufent grandement cens, qui veulent dire, que Xenophon fous la perfonne de Cyrus ha formé l’Idee d’un excellent Prince amp;nbsp;acompli en toutes perfeccions, a lenui de Platon qui aUoit fait vne République à plaifir, amp;nbsp;quil neftoit fi vertueus, quil ha efté défi. crit:car les fàintes lettres le font encores plus grand que ne dit Xenophon,amp;portent témoignage quil fut mù de Icfprit de Dieu à faire ce quil fit: par la bonté duquel il confefle lui mefime auoir reçu tous les Royaumes de la terre. Et leremie profetifè de lui,quil deuoit edifier le Temple du Signeur Eternel. Ifaïe plus clerement le nomme Pafteur de Dieu, amp;nbsp;que Dieu l’infpira 6c conferua corne fon Oinây faifàntde lui vne figuredeiEsvs christ. Dauantage,puis que Daniel trefgrand ennemi des Idoles lui donna la connoiffance du vray Dieu,que faut 11 plus douter de la calomnie de ceus qui sefi. forcent de lui amoindrir fon honneur,receuans pluftot les fables que la vérité ?Ie croy bien,quc les faits, viéloires, amp;nbsp;rufes de guerre,contenues en ce Iiure,fontveritablemét de Thiftoire de Cyrus:mais la nourriture,amp; adolcfccncc, oraifons, amp;nbsp;enhorte-
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mens viennent du difcours amp;nbsp;efprit de l’Auteur. Lequel toutefois nen doit pour ce cftre eftimé men teur,non plus que Thucidide,Tite Liue,amp; Plutarque, qui font grandement louez pour les harangues amp;nbsp;autres fleurs d’eloquence qufls ont femees parmi leurs euures amp;nbsp;hiftoires.
Eftans donq, Sire, les faits de Cyrus tels amp;;ft grans qu’ils meritent eftre amp;nbsp;admirez amp;nbsp;enfuiuiz de tous Princes, iay traduit de Grec en François la Pedie d’icelui, c’eftadirc là vie amp;nbsp;inflitucion, au moins mal qu'il ha efté poffible à vn eftranger forti des plus lointeines Ifles de Grece, amp;nbsp;qui aprend encores à parler votre langue Françoile, eftimant auoir fait chofe profitable à ceus qui la liront, amp;nbsp;à vous, Sire, aucunement delectable, fi quelquefois vous vient à gré de regarder ce tableau de viue {)einture,auquel vous remarquerez quelque fimi-itude des vertuz de Cyrus auec les vôtres, finon que la rudefle de mon langage fafle tort amp;nbsp;iniure fi grande a Iclegance de l’Auteur, quelle vous def-goûte de fi lecture. Quant à l’Auteur il fut non feulement excellent Filozofe, amp;nbsp;difciple de Socrate : mais auflî vertueus amp;nbsp;trefrenommé Capiteine, entendu aus afàires d'Eftat, l’un des Chefs qui ramenèrent iufques en Grece par tant de perilleus chemins,le bataillon de dix mile Grecs, qui eftoiét allez guerroyer en Perfè fous la conduite de Cyrus le mineur ; qui eft la plus noble amp;nbsp;celebree retraite dont nous ayons mémoire, tant prifèe amp;nbsp;fouhai-tee par Antoine au retour du voyage des Parthes,
com
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comme dit Plutarque; Il ha efcrit les Hidoircs des Grecs apres Thucidide, qui s’apellent les Heleni-ques, amp;nbsp;lui pouuoit defrober Tes labeurs s’il euft voulu faire comme pluheurs qui le parent du pennage d’autrui : Mais plus valut en lui la foy amp;nbsp;preu-dhommie,que lapent de gloire, de forte quilles fit publier après fa mort,combien qu’il y euft entre eus quelque efpece d’inimitié. II ha aufti rédigé par efcrit l’expedicion de Cyrus le mineur contre Arta-xerxe fon frere : les Commentaires des faits amp;nbsp;figes propos de Socrate : de la chalTe amp;nbsp;venerie : du fait de cheualerie : amp;; autres euures en grand nom« brei d’une h douce amp;nbsp;non afeólee eloquence, que perfonne depuis ne la su imiter. II fut firnommé la Mufe d’Athenes,de la bouche duquel fortoit via parler plus dous que miel, homme de bonne ôc fàinte vie, imitateur de Socrate, bon veneur, fort expert aus armes, tresbon melhager, amateur de là religion. Brief, homme de fi grande vertu,que la Grece mefine, fourfc amp;nbsp;fonteine de tous grans ef-prits,n’en ha gueres produit de lemblables. Il mourut à Corinthe eftant fort auancé lut l’aage, enui-ron la centième Olympiade, du tems du Roy Philippe pere d’Alexandre, trois cens ans amp;nbsp;plus devant la natiuité de celui, qui chargea fon immortel honneur amp;nbsp;déité, d’une mortelle amp;nbsp;abieéfe humanité pour notre redempcion. Parquoy ie vous fupli treshumblement. Sire, receuoir auec cette douceur amp;nbsp;graçieufetc dont vous fàuorifèz toute vertu, ce mien petit ouvrage ( que iày reuù ôc mis
an
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au net a heures defrobees du continue! trauaij amp;nbsp;ocupacion des afaires publiques) dont ie vous fay prefent en dédiant mes labeurs au feruice de votre grandeur. Efperant au 111, quencores qu’il me foit impoflible de rien aiouter aus grandes vertuz qui vous rendent dîne d’un Empire plus grand que ce-lui de Cyrus, au moins ie pourray conférer quelque chofe du mien a l’inftitucion de Monfigneur votre Fils, a fin quen voyant deuant fes yens deus exemples de a'elgrande vertu il puifle en fon tems monter à la dinité, que là grande For-tune‘amp; noblefle lui ont fur vous affignee.
Y
Votre treshumble amp;nbsp;trcfobcïdant feruiteur, I. C. de Vintemille Rhodien.
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en faneur du Tranflateur.
2}e Xenophonfa tendrette^.^^, .^.^^ : Enfance vn leur Jus //y mette v.vuv ^ -^ Se repoßit follement, , , ^_. ?vquot;V'f gt;.vgt;' L ors ^ue lair tranlt;juilet»ent - 0^ ^ . ' £fîienté dunpul ^ephre, Laifoit la Terre au del rire: • nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. Lepulbruite^oitoteyf J . Z)u£oßignolreßou^: A ■ Les ^Lbeilles Voletantes, Soûles deßeurs odorantes, L^egoutoient leur TLeblar rous, ; Leur miel plus ^e TTeffar dous £n la bouchette enfantine:
£?t eloijuence ch^^^ea.
^uec co»Jei!s Socrafi^ues, S^ens les oreilles ^^m^jues. ^ne apres ont rewangé Ce ijùil auoie elejgorge': £e les douceurs remangees
Cn ceree forte Voit oit ^u tableau de Çalaton J^a grand quot;Poétujue bande. ID'ifwnorMlieéß-iande,
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^waJJerJongneuJewent
Le fucré 'pomijjewent ' 2)e leur,^oy Jtray te oUpere! Ce famefa aueugle Lomere.
JiCais non, non, te ne Vett^i^af quot;nbsp;2)ire ^uun^tareil re^of ’ JKon showen v i n t E m 11 L e (Le^juel ie tien pour y int wilc^ Athéniens) print ain^, Tour le reuomir ici.
Je Jy bien ^ue iciopuence^
Ct iä ciuiie prudence 'N'eujjènt iamais eße lgt;ien Lors eiu dei ^thenien, Si 'pous eußiez^, o .^Lebene^, Tußoußir Jeut T^ewo^henes: '' Car Cßhine Joucereue, Tarßon exil malheureus Ttenheura X.hoele ia i^eiie 2)e fa douceur immortelie, 0 t^ue depuis ce tems là Xhode dodentent parla ! 0 i^ue de langues dißrtes JiiCe ßont regretter les pertes !De tant de dtuines Voix! ß neßpas cy touteßis Le heu choßpour mapieinte: Car ma Thalie eß enceinte^ 2àune piusga_ye ßreur.
^pres i^ue ce grand coureu)^-
Le
Le Tews, eut eie mi/e années 2)eß:ouuert les ele/hnees, v i N T H M i L r. R /m naivst, Que le Soleil ca^^effolt. Le Soleil, lt;jul en la Jàce 2)e l’enfant connut Ja race. Lt l’Ion ^^ue toujours ce 7)leu L^oye Jun Ion erll, ce lieu ConJacre' à Jâ hauteJJè: OnJ auec tant eLUe^reJJè Sa lumiere ne coula. Quelle fit ce leau leur là. JieCats t^uifiurent les commeres ? Qui furent les donnes meres ? Leceuans en aparell Le neueu élu ^anel Soleil? Les Çraces furent commeres, Lt furent les hnnes meres, ^eceuans en ajareU Le neueu du grand Soleil. Toute l’odeur dejrolee Lut de la terre Sabec^,
Lors le tendre enfant, du tour Lagremlere clarté vue, Le fis premiers crû falue: , LemoIgnant la gar fis pleurs Le la vie les malheurs, t^don^ des trois Çraces, celle Qui fi montrole la glus belle,
-ocr page 34-Lwßint à ßy rgfird^ . ç, vIV gt;nbsp;\ £'rß t^ouceur mßir4 ' -'Ate''.■■''. ^ fa louchefte aeßloß:- ' - T z i Tuis (leßs larmes larroßi V),:'?. ^\ ^ÿÂ^ £^f lui jsr : amp;fant, helos ! ; VvA'lt;ó A Teleufaut, tu ne ßis'fos -,r,wgt;gt; J\^-^i 'A?. J^ong terns auotr iamp;uißa^ce , .,,^ quot;Avi VA T^e cette nche cheuanecy „ - ’, ^.rV ■
Que ele tes parens tu ttens: ' J^ais tu ioutros fes biens v^- A Que ie te donne, ou Tertune . (Soit contraire ou^ortunc^)^ i}^ VVA-.Q ^ßargitpointßnpouvoir. vV ’ Tu ioutras dufauosr, --^^ ^S ? Tt de la pinte eloquence ,u , v, » Que tu porteras, en/naneef, j 'e. Interprété desßcrets -i -^-v ■^■ pchez, dens les papiers Çre,et: -^ ^rriuant autant commode Tin Ti-ance, pTfhine en Thode: .^v - • Tdipntpar ta doUe Voixp: -.w^^dh %quot;i ^\. Ta Çreceparler Trançpit,i, r\sr '.\ A t A le te dy ^ue la manie^ V. A x- v-û^v/ 'w;/ k Tt laßere tyrannie
•y^^ilba AvO
T)e ce matin eßranper,^' ’
Qui chérir toy ß ygt;ient Zf^^i^,-.. t'A/ ^vt’^ p • Tie te portera domma^ei^^\ ^4 v^VAt'-i^v a ^utre terre (pren courage) ^ ^^\ wf A Tötenddpa orendroit, ) iwntAx ' 'de*-:. Teur mettre en tes mains ßn droit. ^ /
ce
-ocr page 35-^ ce mecJe teuf la Çrace, ^n tw^^rtmanefur laJace 2)e l'enjànc, '^n Joue haijer: ^ws le laijjà re^^opr.
.^ais le y'eus t^ue J^ile, ^ J^ile, Sachent du ^ran Jvintemillb J^e de/hn : encor le Veut
Qua nos à venir neueus d^on pafgt;ier, lors vieil, reuele Je aue Chon ne me cele: Chon, ^ui Jeee e^uelle f^art 2)e Ja ^race il me depart: £t de l’amitié entiere quot;Notre, Jut caujè première^.
TRAVAIl- EN REPOS.
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7 bWi/x' gt;■ ■
-ocr page 37-Le premier Liure delà Cyrope-DIE DE XENOPHON, trairant Je U Z^ie ^ /nßirudon Je c Y R v s iC^jy Jes ^erßs, premier Je ce nom. •
P R O Ë M E.
ISC o VRANT enmoy-mefme fur la variété des afaires du monded’ay quelquefois eftinic J que ce full vne chofe fort dificile de dominer amp;nbsp;rener fur les hommes, tant pource que i’ay vu maintes Républiques défaites par cens qui ont miens aymé tout autre gouuernement que le Po-pulaire^ comme pour auoir pareillement vu renuerfer plufienrs Monarchies amp;nbsp;Signeuries parla defobeiffance des Peuples. Et quant aus Princes amp;nbsp;autres qui ont occupe les tyrannies, les vns fe font ruinez foudeinement amp;nbsp;d’eufmefmes, les autres
pour auoir fceu quelque peu de tems fe maintenir en leurs cflats, comme »ens fages amp;nbsp;bienheureus ont elle en admiracion à tout le monde. Qui plus efl nous voyons vne mefme dificulte amp;nbsp;pareille diuerfitc entre plufienrs hommes en leurs priuez mefnages, qui ne fepeuiient faire bien feruir de leurs feruireursjes vns de beaucoup^ les autres de peu;lefquelz,encores qu’ils foient en petit nombre,ils ne peuiient rendre obeifTans à leurs commandemens. Dauere part pour venir iufques aus belles brutes, nous voyons que les bonuiers peunent eure à bon droit appeliez maitres amp;nbsp;figneurs des beufs:Ies maitres des haraZjdes cheuaus:amp; tous les bergers,des belles qu’ils conduifent.. Or tous ces troupeaus,comme il ell no-toire/ont trop plus obcilTans à leurs bergers,que ne font les homines à leurs Princes : Car ils vont ou les padeurs les adrelTent, fe a pailTenc
-ocr page 38-LA CYROPEDIE
paifTent aus chams pu l’on les meine, fa gardent des chofes dont on les retire J amp;laillent iouir leurs bergers ainH qu’il leur plait des profits qu’eus mefraes leur aportent. Outre ce^ Ion n’aiamaisvù troupeau, qui full rebelled fon maitre pour le foutraire defon obeiïlànce, ou l’empcfcher de rcccuoirles fruits prouenans de lui: ains plullot voit on ces belles eftre plus farouches ans cflrangers, qu’à leurs maitres, amp;nbsp;à ceus à qui elles mefmes aportent du profit. Mais les hommes tout au contraire,ne fe bandent iamais plus volontiers ny le mettent en armes de meilleur courage, que contre ceus qui les gouuerncnt,ou veulent gouuerner. Chofes,qui apres y auoir pensé, m’ont fait par long tems eftimer l’homme eftre de telle nature, qu’il lui eft beaucoup plus aise de commander à toutes autres beftes qu’aus hommes mefmes. Mais après auoir bien examiné amp;nbsp;difeouru fur ies faits de Cyrus roy des Perfes, comme if fubiugaplufieurs hommes amp;nacions amp;nbsp;rengea tant de villes à fou obciflance,ie fuis contreint de changer d’opinion,amp; confefTer, que ce n’eft chofe impofsible ny tant dificile degouuerner amp;nbsp;mai-trifer les hommes, pouriiu qu’on le fache faire fagement, amp;nbsp;auec bonne adrefse. Car nous fanons queplufieurs nacions fe font'dc leur bon gré rendues à Cyrus, ■amp; des peuples innumerables, dont les aucuns eftoient loin de lui de plùfieurs iournees amp;; mois:les autres ne l’auoient onques vu, ou n’efperoient le voir iamais: amp;nbsp;toutefois 1ni voulurent obéir. Caraufsià vray direilauoit quelque chofe de plus excellent que tous les autres Rois qui ontheritc de leurs Royaumes, ou qui les ont conquis : amp;nbsp;n’a voulu faire comme le Roy dés Scythes, lequel combien qu’il ait moyen de mettre en campagne des hommes fans nombre, fi ne veut il toutefois rien entreprendre fur fes voifinSjeftimant ne faire peu de chofe de fepouuoir maintenirpour Roy amp;nbsp;figneur de fon pais.Ainfi fait le Roy de Thrace des Thraciens, le Roy d’illyrie des Illyriens, amp;nbsp;plufieurs autres Peuples dont nous oyons parlerjde forte qu’enco-res auiourd’hui’(fi le commun bruit eft vray) maintes nacions d’Europe viiient chacune félon fes loix, amp;nbsp;font diftinétes amp;nbsp;fepa-rees les vues des autres. Mais Cyrus ayant tout en vn coup gagné les Peuples de l’Afie qui viuoient en liberté, recent cens de Mcde amp;nbsp;d’Hyrcanie,qui de leur franche volontéfe rendirent à fon obeïf-fance, amp;nbsp;auec bien petite armee de Perfes douta les Syriens, Afiy-riens, Arabes,Cappadoces,Phrygiens,Lydiens, Cares, Phéniciens amp;nbsp;Babyloniens : conquit ceus de la Baélriane,Inde,amp; Cilicic.'fem-blablementles Saques, Paphlagons, Mariandyniens,amp; autres nacions infinies dont les noms ne fe peuuçnt prefques Ipecifier, iuf-
ques
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ques à fe faire Signeur amp;nbsp;niaitre de tous les Grecs habitans en Afie: puis montant fur mer emporta Cypre, amp;nbsp;l’Egypte. Et combien que toutes ces pacions fulTent difcrentes de langage amp;nbsp;façon de viure, fi eut il toutefois le pounoir de fe faire tellement creindrc à tout le mondes que chacun demoura eftonné, amp;nbsp;ny eut homme qui ofaft rien entreprendre contre lui : encores eut il cette grace «S: adrefle, qu’il gagna le cœur de toutes nacios, de forte que chacune fut trefeontente d’eftre conduite amp;nbsp;»ouuerncc fous fa main. Par CCS moyens il conquefta fi grand Empire, qu’il feroit mal aise de «ombrer les Royaumes, ny d’en raporter les limites vers le Leuant ou Ponant,le Septentrion ou Midi. Parquoy iugeant vn telPrin-.cc eure dine de grande admiraci^i, il m’a femblc bonderediger par eferit de quelles meurs,amp; difcipline de vertu il fut inftruit,pour efire fi excellent par deflus tous les autres, en ce qui concerne le gouuernement des hommes, dont i’eflayray de raconter cy apres tout ce que i’en ay pu entendre amp;nbsp;connoitre.
De Id coutume des Perfes au gouuernement de leurs Citoyens, gy^ comme Cyrus fut infitué en fa ieunejfe en la difcipline de ■yertu auec les enfans de fon aage^dus efceles publiques.
CHAPITRE I.
Y R V S à ce que Ion raconte, fut fils de Cambyfe Roy des Perfes, lequel cfloitillu delamaifon amp;nbsp;race des Per-fidicns, qui fe nommoient ainfi pour eflre defeendus de Perfee. Sa mere s’a-pelloit Mandan c fille d’Aftyageroy des Medes, comme tous les Hilforiens le confelîent. Au demourant les Perfes racontent encor’auiourd’hui amp;difent en leurs chanfons, que Cyrus quanta
fa perfonne, eftoitgrand amp;nbsp;d’vnc tresbelle reprefentacion, fort gracieus de fa nature,amp; couuoiteus d’honneur au pofsiblc: de forte qu’il ne refiifa onques peine, ne fit dihcultc de le mettre en danger, dont il penfall raporter louenge. Tel ell encores le bruit de lui quant à fesperfeccions tant du corps que de l’efprit. Il fut nourri en fa leunefle fui liant les loix de Perfe : Loix qui .à la vérité me femblent de leur premier commencement procéder àPentreteue-ment du bien publiq, beaucoup miens que celles des autres Repu-bliques,,Car fçicm les autres il ell permis ans pères de nourrir leurs a 2 enfans
-ocr page 40-LA CYROPEDIE enfans à leur fantaficjamp; aus plus anciens deviure àleurplaifir,feu-Icmcntkur cd défendu de defrober, ou forcer perfonne ^ d’entrer par force en la maifon d’autrui^ne fraper ou bleccr aucun linon par iuftice, ne cômettre point d’adultères^ ne defobeïr aus Officiers amp;nbsp;Magiflrats publiques, amp;nbsp;autres telles loix,auecques menace deles punir s’ils font le contraire. Mais lesPerfes en preuoyant déplus loin mettent peine à cc^que des le commencement cens de leur na-cionfoient tclJcmët nourriz_,qu’ils n’ayent iamais le vouloir de faire ebofe mauuaife ou deshonnefte,amp; y procèdent comme s’enfuit:
Ils ont vue grande place nominee la place de Liberté , ou eft le palais du Roy anec toutes les autres maifons publiques. Quant ans inarchandifes Ôc trafiques j^ur marché eft feparé amp;nbsp;loin delà, ce qu’ils ont exprefiement ordonné à fin que cens que Ion veut façonner à toute honnefteté, ne fe meflent parini le bruit amp;nbsp;confu-fion de cette multitude vulgaire, qui ne fcet ny bien ny honneur. Cette place eftdiuifee en quatre courts ou quartiers. Le premier eft pour les enfans : le fécond pour les ieunes homnies;le tiers pour les hommes faits : le dernier pour les viens qui font exempts des charges de la guerre. Chacun defquelz eft contreint par les loix du pais de fe tenir en fon quartier, à fauoir les enfans amp;nbsp;les hommes faits des le point du iour, les viens à certeines heures amp;nbsp;iour-nees pour les alaircs de la République. Quant ans ieunes hommes, outre cette charge il faut qu’ils paffent la nuit à l’entour des maifons pub]iques,armez à la legerc, excepté ceus qui font mariez, lefquclz ne s’y trenuent s’il ne leur eftautrement commandé, Ôc toutefois ils eftiment chofe deshonnefte de s’eftre abfentez trop founenr. Chacun de ces quartiers ha douzePreuots,ponreeque la nacion des Perfes eft dinifee en douze lignees. Les enfans font fous la charge de quelques anciens plus fages amp;nbsp;experimetez pour les rendre vertueus. Ans ieunes gens on donne des hommes, qui les fâchent continuellement enhorter à bien faire. Pour les hommes faits on commet cens qu’on eftime lespouuoir miens aeon-turner à diligemment exeenter ce qui leur eft ordonné amp;nbsp;comman dé par le Prince. Les viens ont pareillement leurs chefz, qui les amonneftent de faire leurdenoir. Oràfin que chacun connoiffe la peine que mettent les Perfes à ce que leurs citoyens foient gens de bien, ie deelareray par le menu les chofes qu’on ha accoutumé de comander en chacun de ces quarticrs,diftribnez félon les aagcs. En premier lien les enfans viennent en leur quartier comme en vue efcole:amp; tontainfi que les nôtres y vont pour aprendreles fcicnccs, anfsi ceus des Perfes difent qu’ils y vont pour aprendre laiuR
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la iufticc. Leurs Preuots employent la plus grand’ part duiourà juger amp;nbsp;faire droit des fautes de l’vn enuers l’autre ; Car les enfans aufsi ordinairement s’aeufent l’vn l’autre d’auoir defrobe, def-troufsejfrapCj trompe, mefdit, ou commis telz autres crimes, auf-quclz ils peuuent en cet aage aucunement ettrefuietz comme les hommes ,amp; font condannez les delinquans en certeines peines; femblablement font châtiez les aeufateurs, qui fe treuuent auoir calonnieufement acusc quelqu’vn. Ils font aufsi iuftice delà haine, comme d’vn crime pour lequel les hommes fe veulent mal l’vn à l’autre. Mais fur tous vices ils punilTent aprement l’ingratitu- in^ratituJe de, comme celle quiefteaufe de gratis diftors entre les hommes, p*gt;fgt;^’ principalement fi celui qui ha dequoy reconnoitre vn bienfait, ne rend la pareille : amp;nbsp;difent que de là procédé le contennement des Dieus, delà Patrie, des parens amp;nbsp;amis, amp;nbsp;que ce vice eft toufiours acompagne d’vne impudence, vraye fource de toutes autres mef- Jm^Htlencct chancetez. Ils mettent aufsi grande peine à leur enfeigner la continence , amp;nbsp;à rendre leurs enfans paciens amp;nbsp;atrempez en toutes cho feSj obeïlTans aus fuperieurs, endurans faimamp; loif: à toutes lef-qu elles vertuz ils font grandement incitez par l’exemple des viens, l’atrempance defquelz, enfemble l’obeiflance, ils ont ordinairement deuant les yens, amp;nbsp;voyent la pacience fi grande,que nonob-ftaut leur aage,jamais ils ne vont prendre leur repas, que les fuperieurs ne leur ayent baillé congé. A cela pareillement leur fert de beaucoup quils ne mangent point deuant leurs meres : mais en la prefence du maitre, à telle heure qu’il plait à leurs Preuots : amp;nbsp;a-porteut de leurs maifons pour toute viande du pain amp;nbsp;du Carda-me pour pitance, c’etadire du Crelîon AlenoiSjaucc vn godet pour ai^t^é prendre uê l’eau à la riniere quand ils ont foif. Outre ce ils apren-nent àietter le dard amp;nbsp;tirer delà flefehe : amp;nbsp;telle cil leur manière de viure iufques en l’aage de feize ou dixfct ans : amp;nbsp;lors ils montent au reng des icuncs hommes, ou ils demuerent autres dix années viuans comme s’enfuit ; Ainfi comme ie difois cy deflus, ils pallentlanuit à lentour des maifons publiques, tant pour la feu-reté delà ville,que pour les endurcir à la peine,amp;les retirer des vo-luptez, dont cet aage ha befoin d’edre fongneufement gardé. De jour ils fuiuent leurs goiiuerneurs tous prêts à s’employer au bien publiq ainfi qu’on leur ordonne, amp;nbsp;en cette façon quelquefois quand il eft befoin,font le guet tous enfemble. Mais fi le Roy veut aller à la chafle (ce qu’il fait pluficurfois tous les mois) il meine la moitié de la garde,amp; iaifle l’autre moitié à la ville,chacun defquelz porte fa troulîe garnie de flefehes, vne efpee ou cymeterre au coté, a 3 vnbou
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vn bouclier amp;nbsp;deus dars^ I’vn pour lancer au loiuj l’autre pour fra-per de pres. Acettecaufe ils vfent publiquement de la chaffe comme d’vu exercice honnefte amp;nbsp;coutumier j auquel mefmcs ils font conduiz par le Roy ainfi qu’a la guerre, là ou non feulement il chafle lui mefme, mais prend garde à ce que fes gens faccnt le fem-Z4 chdjj^. nbsp;nbsp;blable, d’autant que la chafie (à mon aiiis) eft vue vraye exercita-
cion des chofes requifes âla difcipline de guerre. Car elle acoutu-me à fe letter matin, à porterie chaut amp;nbsp;le froit,à cheminer amp;nbsp;courir longuement, anec ce qu’il eft force de tirer amp;nbsp;fraperla befte quand elle fe rencontre à propos:amp;: faut que le bon cœur de l’hora me fe montre quand il ha afinre à vne befte de defenfe ; pource que lors il n’eft pas feulement queftion deblecer, mais de fe garder aufsi, de forte que tout bien confiderc, il n’eft pas aisé de trouiier quelle diference il y ha entre la chafîe amp;nbsp;la guerre. Quant à leur manger, chacui^ porte fonj dîner tout de mefme les enfans, fors qu’il y ha vn peu plus à manger,comme la raifon le veut, amp;nbsp;toutefois iamais ne dînent que la chafîe nefoit parfaite : mais s’il eft be-foin pour la pourfuite d’vne befte, ou s’ils veulent pour leur plaiCr continuer la chafle, ils foupent deleur dîner, amp;nbsp;rechaflent lelen-demain iufques à fouper, ne contans ces deus iours que pour vu: pourceque durant iceus ils ne font nonplus de repas qu’eu vn fcul, amp;nbsp;font cclà pour s’acoutumer à en faire autant en vne necef-fite de guerre. Encores n’ont ils, quelques gran-s qu’ils foicntjpour toute viande que ce qu’ils ontpris:amp; s’ils ont chafsé fans prife,feu-lement leur Cardame,c’etadireleCrefión acoutumé. Etfiquel-qu’vn eftime qu’ils ne prennent grand’ plaifir à manger ainfi du 4^^*. Creffon auec du pain amp;nbsp;boire de l’eau pure, ielepriedcj^nfer en lui mefme de quel apetit on mange du pain ou d’vu rortcau quand on ha faim extreme, amp;nbsp;comme l’on boit volontiers de l’eau quand oneft altéré. Maispour reuenirà l’autre moitié de la compagnie des ieuncs gens qui eft demouree en la ville, cependant que les autres chafTent ils s’esbatent ans chofes qu’ils ont aprifes en leur enfance , falloir eft à tirer amp;nbsp;darder par bandes amp;nbsp;compagnies : meß-mes ils ont des ieus de pris pour celà. Et s’il fe trenne en vne compagnie plufieurs gens forts amp;nbsp;adroits, les citoyens prifent amp;nbsp;honorent grandement non feulement leur maitre amp;nbsp;capiteine, mais aufsi les gounernenrs qui les ont fi bien enfeignez en leur premiers iennefle. S’il anient que les Magiftrats veuillent faire guet parais ville, furprendre quelques malfaiteurs, empongner brigans amp;nbsp;larrons , ou faire quelque affe de force amp;nbsp;dextérité, ils ne fe feruent que des jeunes gens qui font demourez à la ville, ée voila cerne fis i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;- - nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;- viiient
1
-ocr page 43-DE XENOPHON. LIVREE y viuent.Lefquels après auoir confommc dix ans en cette difcipline, viennent à la court amp;nbsp;aureng des hommes parfaits j ou pareillement ils demeurent vinteiinj ans fous le gouuèrnement de leurs PreuotSj prefts comme deüant aus commandemêns de leurs Capi-teines, à faire tous les feruices qui ne requièrent pas feulement la force^mais la prudence de l’homme pour le bien de la République. S’il eonuient aller quelque part à la guerre^ ils ne portent plus flef-che ny dart ; mais toutes armes pour combatte de pres^ le corcelet en doz^vnjpauqis en vue main^tel comme Ion voit encores auiour-y'/w»«»*»' d’hui aus peintures des Perfes_.vne efpee ou cymeterre en l’autre.Et faut entendre que tous Alagiftrats amp;nbsp;Capiteines^ tant en la paix qu’à la guerre fe choififfent de ce reng, exceptez les précepteurs qui ont la charge du quartier des enfaus. Ayans ainfi vefeupar l’efpace de vinteinq anSjau cinquantième an ou plus de leur aage^ds feren-gent auec les vieus^Ôc ne vont plus à la guerre hors de leur maifon, mais demeurent à la ville pour iuger des affaires communs amp;nbsp;pri-ueZj eflifentles Magillrats amp;nbsp;Oficiers de iiiHicc, amp;nbsp;donnent quelquefois fentence de mort. Sifquelqu’vn d’entre les ieunes ou des hommes faits ha forfaitj’vn des chefs de la lignee,ou le premier qui veut de la compagnie, l’acufe, les viens en ingent, amp;nbsp;s’il efl par les luges condanne, il demeure tout le relie de fa vie infâme amp;nbsp;déshonore. Mais à fin que toutes ces chofes foient plus elerement connues à vu chacun, ie veus eftendre vn peu plus amplement mon parler, amp;nbsp;brieuement toucher que c’et de la République des Per-fes. Lon dit que leur République contient enuiron fix vints mille hommes,dont il n’y bapas vn qui foit exclus deparuenir aus honneurs amp;nbsp;dinitez, ains à tout homme de Perfe eft loifible d’ennoyer fes enfans aus efcoles de iufbcejS’il ba dequoy les nourrir fans dire de mellier. Mais s’il n’a dequoy, il leur fait gagner la vie ans boutiques des artifans , fans les y ennoyer. Les enfuis qui ont elle in-flruiz en ces difeiplines délions les précepteurs ordinaires,peuuent conuerfer auecles ieunes hommes,les autres non. Pareillement les ieunes gens qui ont honneftement pafsé leurtems felonies ordonnances de leur quartier, fepeuuent acointer des hommes parfaits, amp;nbsp;félon leur vertu participer aus dinitez amp;nbsp;honneurs, ce qui n’efl aucunement permis ans autres qui n’ont lait le cours auec les enfuis amp;nbsp;les ieunes hommes. Ainfi conuerfent les hommes parmi les viens amp;paruiennent à leurs dinitez, quand ils ont vefeu leur tems iullementfans aucune reprehenfion, amp;nbsp;font mis au gonuer-nement de la République. Voila la forme de viure amp;nbsp;I’inftitucion ciuile,parlaquelle ils s’eftimctparuenir àvertu.Mefmes encor’ au-iourd’hui
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iourd’hiii demeure vn eiiident temoi2:na»c des bonnes ordonnan-ces de cette République, du continuel trauail qu’ils prennent, amp;nbsp;du bon régime de leur viure. Car en ce paîs là c’et vn grand det honneur de cracher ^ de fe moucher j d’eftre rempli de ventofitez, faire de l’eau publiquement, ou quelquechofe femblable : dont ils ne fe pourroient bien garder , s’ils n’vfoient de grande abflinencc en leur viure^ amp;nbsp;s’ils ne confumoient par exercice les manuaifes humeurs, ou lesfaifoienr diuertir en autrepartie. C’et aflez parle des coutumes des Perfes en general. amp;nbsp;nous conuient retourner à Cyrus, qui efl la principale ocafion de notre hiftoire : fi raconterons fes artes vertueus amp;nbsp;honneftes^lt;St comencerons à fon enfance.
Comme Cyru^ ymt en Mede auec la Jfeyne fa mere ou il don^ na plusieurs enfei^nes de fa bonté ^ naturelle prudence au Jloy .Aétyare,^ pareillement de fa continence ^fobrieté.
CHAPITRE n.
S T A N T donq Cyrus inftruit en telle difdplî-ne iufques à l’aage de douze ans ou peu plus,il furmontoit fans dificultc tous les cnfans de fa forte, tant à facilement comprendre ce qu’on lui montroit, comme à vertueufement executer ce qu’on lui commandoit. Or il auint, qu’Aftyage
Roy des Medes, enuoya quérir Mandanc fa fille Reyne de Perfe, parce quil defiroit grandement voir fon petit fils:pource qu’il anoit oui dire de fa grande beauté lt;Sc Vertu. Auquel pais quand Mandanc fut arriuec, Cyrus oyant dire qu’Aftyage eftoitpere de la Reyne fa mere, tout incontinent (comme enfant de nature incité à aymer fes parens) fe ieta au col dicelui amp;nbsp;le baifa , aufsi pri-uement comme s’il euft de long terns efté nourri amp;nbsp;aymé de lui. En apres regardant comme tout esbahi, l’habit amp;nbsp;acoutrement du Royales yeus fardez, le vifage peint de couleurs, la perruque empruntée lt;Sc longue (chofes,qui font permifes ans Medes felon leurs loix, amp;nbsp;d’vfcr aufsi de robes de pourpre qui leur couurent la telle, porter la cheyne au col, braffelets aus mains, tarcans, amp;nbsp;autres fomptucus habiz, an contraire des Perfes qui mefmes auiourd’hui viiient amp;nbsp;s’abiUent fort fimplement) il dit en riant à fa mere: O ma Dame,que mon grand perc eft beau ! Quand Mandané lui eut demandé , qui lui fembloit plus beau ou fon pere Cambyfe ou fon grandpere Aftyagejfur le champ ilfit refponfe,Qucfon pere eftoit le plus bel homme entre les Perfes,amp;fon grandpere entre tous les Mc des
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Medes que iufques alors il aiioit pu voiraus mes amp;nbsp;feneftres. Cette relponfe plut tant au Roy qu’il l’embrafla derechef de fort bonne afreccion ; fi le Ht vêtir d’vne belle robe à la Medienne^ l’acoutra decheines amp;nbsp;braffelets, amp;nbsp;s’il vouloir aller en quelque lieu, il le menoit en fa compagnie monté fur vn beau theual ayant la bride amp;nbsp;harnois doré gt;nbsp;félon ce qu’il aiioit acoutumé d’aller par pais. Cyrus eftant couuoiteus d’honneur amp;nbsp;de beauté fut grandement ioycus de cet habit, amp;nbsp;treflailloit d’enuie d’aprendre à piquer vn chenal. Car au pais de Perfe pource qu’il n’y ha grand fourrage^ ôc lepais eft fimontueus amp;nbsp;malaisé qu’on n’y peut bonnement che-uaucher, à grand’ peine y voit on vn chenal. Quand ce venoit à fouperj Aftyage le vouloit faire fouper en compagnie trefmagnifi-quement aucc lui amp;nbsp;fa fille à fin qu’il ne regrettali point les compagnies palTees, amp;nbsp;lui faifoit prefenter plufieurs plats de diuerfcs viandes amp;nbsp;faufles exquifes. Mais on dit que Cyrus fe tournant vers le Roy, lui dit : le m’esbahi Monfieur comme vous prenez tant de fâcherie â chacun repas, vu que pour ateindre à ces viandes diuerfes, il vous faut eftendre les mains d’vn coté amp;nbsp;d’autre. Comment ! dit le Roy, ce banquet vous femble il pas plus magnifique que celui des Perfes?Nenni vrayment,Monfieur, dit Cyrus : pource que vers nous la manière de viure amp;nbsp;manger pour contenter l’apetit eft beaucoup plus fimple amp;nbsp;aifee que la votre : Car la chair amp;nbsp;le pain fans autre friandife,nous rcmphlfent amp;nbsp;ralîaficnt incontinent : mais vous combien qu’en mangeant vous tendiez à mefmc fin que nous, toutefois vous faites tant de tours amp;nbsp;circuits défi us amp;nbsp;defions pour tater de toutes viandes, amp;nbsp;vous trompez fi fou-uent, qu’à peine poiiuez vous arriuer de long teins à ce que défia nous auons pafsé. Et comme Aftyage lui rcpliquoit, que encores il n’auoit point eu de trauail ny de fâcherie à tournoyer çà amp;nbsp;là, amp;nbsp;s’il en vouloit lui mefme goûter qu’il les trouueroit bonnes amp;nbsp;fa-uoureufes, II refpondir, l’auoirvù foiiuent fâché lui mefmed’auoir taré de tous les mets, fors que du pain, à caufequ’à tous les mor-ceaus il torchoit les mains amp;nbsp;la bouche d’vne ferniette, comme fi telles faufies lui venoient à contrecœur. Or puis que vous eftcs ainfi deliberéjdit Aftyage,à tout le moins mangez de ha chair, à fin que vous retourniez en bon point amp;nbsp;fort à votre maifon, amp;nbsp;ce di-fantlui fit prefenter force venaifon amp;nbsp;autres chairs. Cyrus voyant tant de viandes qu’il lui faifoit aporter, demanda s’il liudonnoit congéd’en faire à fon plaifir,ce que Aftyage lui ottroya. Lors il les diftnbua toutes aus feruiteurs de fon grand pere qui eftoient a l’entour de la table, difant à l’vn : Vous m’auez apris à me tenir à b chenal.
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cheuatpource prenez celà de moy.A l’autre : Vous m’auez donne vn beau dart que i’ay encores:ou,Vous feruez tresbien mon ayeul, vous honorez ma mere,prenez cecy pour l’amour de moy. Et auec tdz propos continua toufiours fes dons, iufques à ce qu’il eut tout diftribuc.Comment ! dit Aftyage,pourquoy n’auez vous rien )’$*^*'* donné à Sacas mon Efehanfon, lequel i’honore grandement ? (Or ce Sacas cftoit fort bel homme amp;nbsp;honnefte, amp;nbsp;en credit par delïus tous les autres, ayant puiffance de faire entrer en la chambre du Roy, amp;cn chaffer cens qu’il vouloir.) Cyrus lui demanda hardiment, comme enfant qui ne fe doute de rien, pourquoy il auoir en fi grand’ eftime cctui là au pris des autres. Voyez vous pas,dit Altj^agc en riant, comme il me donne honnetf ement à boire, amp;nbsp;le ptefentC dé bonne grace? Caries Efchanfons des Rois font fort adroits à verfer le vin mignonnement dedens la coupe, à faire l’ef-fay fort nettement, amp;nbsp;la porter à trois doits à celui qui demande à boire, de forte qu’il la peut prendre fort aisement.Lors Cyrus demanda la coupe à Sacas pour donner à boire à fou grand pere, laquelle il refrefehit tresbien,contrefaifant la côtenance de l’Êfchan-fon,amp; la lui prefenta fi honorablement amp;nbsp;d’vu vifagejfi afieurc,que le R.oy amp;nbsp;Mandanc fe mirent bien fort à rire. Si courut incontinent embrafîer Aftyage, amp;: fe moqua de Sacas en difant : Tu es perdu poure homme, ie te voleray ton ofice, vu que fans fairel’ef-fayi’ay miens prefenté la coupe que rov. Interrogué pourquoy il n’auoit fait l’cllay comme Sacas, félon la coutume de cens qui ler-uent à tel meftier, qui tiennent la coupe d’une main, amp;nbsp;verfent vn peu de vin dedcs l’autre, amp;nbsp;le goûtent à fin d’efprouuer s’il y ha des poifons, ilrefpondit: le creins qu’il n’y ayt du poifon dedens la coupe: Carie m’aperçu vniour en la félle de votre natinite, qu’il vous anoit tons empoifonnez : ce qui m’clloh allez aisé à connoi-tre,d’autanr que vous chanceliez de corps amp;nbsp;d’elprit, amp;nbsp;faifiez des chofes qui font mal feantes mefmes à petis enfans ,ioint que ie vous voyois crier tons enfemble, ne vous entr’efeonter point l’vn l’autre, louer en riant vn d’entre vous qui chantoit, amp;nbsp;toutefois ne l’efcoutcrpas, raconter chacun fes vaillances,vous lener tons pour danfer, amp;nbsp;non feulement ne baller par mefurc, mais ne vous pou-noir foutenir droits fur vos Ïambes : chofes, quiinefàifoientmger que vous elliez empoifonnez, amp;aufsi que vous auiez oublié votre dinité Royale, d’autant que vos fuietz faifoient des compagnons auec vous, que vous parliez tous enfemble amp;nbsp;ne vous tai-fieziamais. Si lui demanda Aflyage fi fon pere nebunoic iamais tl’autant,amp; comment il faifoit.firefpondk quenon,amp;: qu’il biuioit feulement
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feulement pour oter la foif j amp;nbsp;ne foufroit autre mal,pourtant qu’il u’auoit aucun Sacas qui lui donnaft à boire. Lors Alandanc voulut falloir de lui dont procedoit la haine qu’il portoit à Sacas. Pource dit i^que ce mefehant ne me veut laiffer entrer en la chambre du Roy toutes les fois que ie voudrois bien. Mais ie.vousfu-phe, Monfieur,donncz moy puiflance fur lui pour trois iours feulement. Que lui feriez vous ? dit Aflyage. le deraourerois, dit il, à l’entree de la chambre, comme lui,amp; s’il venoit pour dmetjie lui fermerois la porte au vifage, amp;nbsp;dirois que vous elles empefehe : s’il venoit au foiiper,ie dirois que vous elles au baing: s’il auoit grand faim,ie dirois que vous elles chez les dames : Par ainfi nelelairrois cutrer,ôc me vengerois de lui par ce moyen. Par telles amp;nbsp;fembla-tles manières de parler, qui montroient vne certeine prontitude amp;nbsp;gayetc de cœur, Cyrus donnoit vu grand plaifir à Aflyage durant le fouper. Mais de iour,s’il fentoit que le Roy,ou le frere de fa mere,cufl afaire de quelque chofe,il ne fe trouuoit homme fi pront que lui à le faire, tant il prenoit plaifir à fe rendre obeilianî à leur fcruice en tout ce qui elloit en fa puiflance.
Comme la Jieyne Jldandanéretourna en Per/ê,^ Cyrus demeura en Mede, ou il fe dreffa fort à chenal Cy' aus armes, ^ de fa main tua plusieurs befesfauua^es. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. in.
1V A N D Mandanc fut prelle à retourner vers 1 le Roy de Perfe fou mary, requife par Aflyage de laifler Cyrus en Mede, refpondit dire conten te de ce faire, pournu que l’enfant y voulull de-mourer, la volonté duquel elle ne vouloir aucu-nement forcer. Si print Aflyage l’enfant à part, Ôc lui dill,que s’il vouloir demourer aueclui,Sacasn’auroit aucune puiflance de lui empefther l’entree de fa chambre, amp;nbsp;d’autant plus fomient qu’il y viendroit il lui en fauroit meilleur gré.. Outre ce, lui donneroit tous les cheuaus de fa court amp;nbsp;plufieurs autres à fon
plaifir : amp;nbsp;à fa départie qu’il emmeneroir cens qu’il trouueroit les meilleurs àfon gré. Audemourant luiferoit toufioursapreflerle mander à fa fantafie auec les ieunes eentishommes de fa forte, amp;nbsp;le lairroit chaffer en fon parc toutes les bedes qui y edoient, Si en feroit cnclorre d’autres de toutes fortes, lui donnant permifsion de les tuer toutes auec le dart ou la flefthe quand il le tiendroit bien à chenal. Brief, lui promit donner toutes les chofes dont il fe pourroit auifer. L’enfant ne fongea guçrcs à refpondre qu’^voij-b z loit
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LA CYROPEDIE
lolt demoiirér en Mcdcj allegant pour fcs raifons^ qu’en Ton pais il furmontoit tous ceus de fon aa^e à tirer le dart amp;nbsp;la flefehe : mais au païs de Mede pluficnrs le furmontoient a voltiger a chenal, dont grandement lui deplaifoit. Parquoy fi fa mere le laifioit là, qu’il pourroit furmonter les plus vaillans gens de pie des Perfes en aprenant le fait d’homme d’armes, amp;nbsp;retournant apres en Mede pourroit faire quelque feruice au roy Aftyage. Mais mon fils, dift Mandanc,comment aprcndrez vous icy la iuftice amp;nbsp;autres vertuz, vu que vous auez laifsé vos précepteurs en Perfe ? A quoy refpon-dit Cyrus: Madame, il y ha long tems queiel’ay tresbien aprife: Car mon maitre par plufieurfois m’a conftitue luge fur mes compagnons, comme celui qui miens l’entendois : mefmes vn iour ie fn par lui batu pour auoir donné maunaife fentence, dont la caufeeftoit telle: Vn »rand çarfon vetu d’vne robe courte auoit par force defpouillcvn petit garfon vetu d’vne robe longue,amp;fai-fant le change à fa pofte, auoit pris la longue pour foy en laiflant la courte au petit. Cette caufe fut remife à mon ingement, amp;nbsp;ie iu-gcy eftre chofe conuenable, que le grand euftla longue, amp;nbsp;le petit la courte : dont mon maitre me chatia aigrement, difant que ma fentence euft efté bonne, fi i’eufie efté conftitue luge fur la conue-nance des habiz : mais eftant commis pour difeerner à qui la robe deuoit eftre, ou à celui qui par force l’auoit otee, ou à celui qui l’anoit faite ou achetée, celà fe deuoit examiner à La rigueur de iu-fticc : vu que toutes chofes violentes font ininftes, amp;nbsp;routes chofes légitimés faites félon laLoy, font iuftes. Par ainfi ma Dame, il me fcinble auoir fufifamment apris la iuftice : amp;nbsp;toutefois fi ie faus en quelque point ie fuis certein que le Roy predra plaifir à me l’enfci-gner. Surquoy la Reine lui dit qu’il ne le pourroit faire, pource qu’il yha diference entre la iuftice-des Perfes,amp; celle des Medes:car le Roy des Medes n’eftant à aucune loy oblige, fe fait Signeur de tout, eftablifTant pour ferme loy fa fimple volonté : mais la iuftice des Perfes git entièrement en equalité amp;nbsp;à l’obcifiance des loix, lefquelles leRoy mefme garde le premier ayant la loy pour reigle de fa vie,non fa volonté ou puilfance. Outre ce,qu’il deuoit crein-dre grandement que s’il s’acoutumoit vne fois à viurc comme les Tyrans, qui regardent plus à leur profit particulier qu’au bien pu-bliq, en retournant au païs il en pourroit retenir quelque tache, dont il meriteroit punicion. Il refpondit en riant, que quant à cela Aftyage luy montreroit alTez à eftre content de peu, comme il auoit enfeigne tous les Medes d’auoir moins que lui, amp;nbsp;la pria d’auôir toufioiirs bonne clperance de lui : pource que fon grand pere
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-ocr page 49-DEXENOPHON. LIVREI. , père n’enfeigneroit iamais ne lui ne autres, à tenir trop grandes amp;nbsp;fuperflues richefies.
Apres que Cyrus eut dit pluficurs propos femblables à cens cy, Mandanc s’en retourna en Perfe, lailîant ton fils anec Aftyage, lequel prenoit grandplaifir amp;nbsp;fe deledoit entièrement à le bien efle-uer amp;nbsp;inftituer. Et premièrement Cyrus fe montra fi gracieus aus compagnies, qu’en peu de terns il gagna la familiarité de tous les enfans de fon aage, amp;nbsp;fit cmerueiller les parens d’iceus j pourau-rant qu’il alloit en leurs maifons, amp;; leur montroit l’amour qu’il portoit à leurs fils: tellement qu’il filtrant aymé de tous les Medes J que quand ils vouloient impetrer quelque don du Roy, ils commandoient à leurs enfans de prier Cyrus, à fin qu’il le deman-daft pour ensree que Cyrus faifoit trefuolontiers,tant eltoit grande l’humanité amp;nbsp;cupidité d’honneur qu’il auoit, amp;nbsp;iamais n’eftoit refusé .• pourautant que Aftyage l’aymoit merueilleufement. Car quand Aftyage eftoit maladepamais il ne l’abandonnoit, pleurant toufiours ÓC montrant fines euidens qu’il auoit peur de fa mort. De nuit au befoin il fautoit le premier du lit amp;nbsp;couroit çà amp;nbsp;là, pouruoyant ans chofes nccedairesponr la fanté de fon grandperc, «Sc par ces moyens auoit entièrement gagné l’amour d’Aftyagc. Or eftoit Cyrus vn peu eftimé trop parlant, amp;nbsp;cela procedoit tant pourfon érudition, à caufe de ce quefon precepteurl’auoitacou-tumé à rendre raifon defes faits amp;nbsp;delà faire rendre à autrui, comme aufsi pour le grand defir qu’il auoit de falloir amp;nbsp;entendre toutes chofes. Car il ne ceffoit iamais d’interroguer fes compagnons de toutes les demandes dont il fe ponuoit aiiifer, amp;nbsp;tout foudein pour laviuacitéde fon efprit refpondoit aus queftions qu’on lui auoit propofees : pourtant eftoit il de trop grand propos. Mais comme il aillent à cens qui croillcnt trop , amp;nbsp;toutefois donnent alTez à connoitre par leurs façons de faire qu’ils ne laiftênt pas de eftre ieuiics, encores qu’ils foient defia grans, tout ainfi lon con-noifioit bien que fon trop parler ne procedoit point d'arrogance, ains pluftot d’vue naturelle fimplicité amp;nbsp;bienueuillance, laquelle eftoit fi plaifante à vn chacun , qu’il n’y auoit celui qui u’aymaft miens l’ouir trop parler quele voir taire. Laquelle façon de parler encroilfant auecî’aage ii corrigea facilement, en forte qu’il parloir plus dous,plus brief,amp; auec plus grande maturité.Il rougifioit founent de honte quand il rencôtroit quelque vieiliart, amp;nbsp;ne couroit vers vn chacun auec fi peu de difcrecion qu’il auoit acoutu-gt;uc : fe montroit gracieus amp;nbsp;paifibie en compagnie, entreprenant toufiours les choies ou il fe penfoit eftre inferieur,pluftot que cel-
' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;b 3 les
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les onilfe fentoit fupericur, amp;neantmoins difoit qu’il feroitvn ionr miens que Ics autres : montoit fouucnt à cheual pour tirer le dart ou la flefehej combien qu’il n’y fuft encor’ bien expérimente, amp;nbsp;fe rioit de foymefme quand il eftoit veincu : Mais toutefois ne lailToit pas degaloperamp; voltiger, ains perfeueroit auecplus grande folicitude pour miens faire, tellement qu’eu peu de tems il de-nint égal,par la continnacion de rexercice,aus plus expers defon aage au fait de fe bien ayder d’vn chenal, amp;nbsp;tôt apres les furmonta: .amp; n’arrefta gueres à deUrnire les belles du parc, qu’il pourfuiuit fi bien par continuelles chalîes, qu’il les mit toutes à mort. Lors A-ftyage s’efforça d’y en faire mettre plnficnrs autres : mais Cyrus voyant qu’il eftoit en peine de faire cette prouifion,le pria fouucnt qu’il ne prinfltantde fâcherie, ains qu’ill’cnnoyall à la chafleau bois aucefon oncle, amp;nbsp;par ce moyen eftimeroit tontes les belles des foretz dire nourries pour lui. Et combien qu’il full fort cou-uoiteus de courir à la chafle, toutefois il difsimuloit beaucoup,ôc deuenoit plus tardif amp;nbsp;honteus à parlera fon grand pere qu’il ne fouloit,ne fe pleingnat plus de la rndeffe de Sacas a lelailîcr entrer: car il eftoit deuenu comme contrerolenr de foymefme, amp;nbsp;mefmes leprioit de l’auertirdes heures oportnnes pour y entrer: en forte que Sacas mefme lui portoit grand’ amour comme les autres. Cônoiffant donques Aftyagelc defir qu’il anoit d’aller ans chains, lui permit d’y aller aucc fon oncle Cyaxare,amp;plufieurs defes viens gentishommes defa court,pour le contregarder d’encombre amp;nbsp;des fieres belles. Cyrus fut fortioyens de leur compagnie,amp; en de-uifancfiit anerti par eus quelles belles il faloit fuir, amp;nbsp;quelles il làloit fuinir, amp;nbsp;lui dirent que les Ours anoient occis plufieurs hommes à la challc, que les Lions, Leopars, Sangliers, amp;nbsp;autres belles noires eftoient dangerenfes: mais ejne les Cerfs, Dains, Cheureus,amp;; Afiies faunages eftoient fans dangei'. Dauantage que le pais rude amp;nbsp;bolfu anoit aporté malheur à plufieurs,de forte que aucuns s’y rompoient le coi amp;nbsp;à leurs chenaus, amp;nbsp;faloit tresbien prendre garde à cela. Cyrus promit bien d’cllre fongneus de tout ce qu’ils lui anoient dit .• mais fi tôt qu’il aperçut lancer vn grand Cerl, il oublia toutesflcurs remontrances, amp;nbsp;fe mit apres à bride abatue fans regarder .à pierres ny folTez, ny à chofe du monde fors qu’au Cerf: tellement qu’en vn maunais paliage fon cheual trébucha fur les,genons,amp; peu s’en falut qu’il ne lui rompift le col : toutefois le cheual fercleua tout à coup, amp;nbsp;Cyrus fe tint droit mais non fans grand’ peine fur la felle : par ainfi il gagna le Cerf en vue grand’ plaine, amp;nbsp;d’vn feui dart le rua mort par terre. Or il fut de ce beau
-ocr page 51-DE XENOPHON. LIVRE I. f$ ce beau coup merueilleufement refioub amp;nbsp;penfoit bien en mériter loucnge:mais fes gouuerneurs furuindrent qui le reprindrent apre-ment du danger ou il s’eftoit mis par fa faute^promettans dele dire au Roy. De ces paroles il fut fort marri, amp;nbsp;mettant pic à terre fc tint quelque tems tout penfif amp;nbsp;bien ennuie : mais aufsi tôt qu’va Sanglier fuiant les abois fortit delà Foret il fauta à chenal comme hors du fens, amp;nbsp;comme la belle venoit droit àluijil fe ruafiere-ment amp;nbsp;d’vne merucillcufe hardielîe à l’encontre ^ amp;nbsp;lui aliéna fi bien vn dart fur le front qu’il le renuerfa par terre. Et comme fon oncle le reprenait grieuement de fa témérité, il le fuplia lui laifler faire prefentàfon grand pere de ce qu’il auoit pris : Et fi vousauez peur dit il, que ie fois tenté amp;nbsp;vous aufsi, ie fuis content d'en dire fouette amp;nbsp;de foufrir telle punicion que vous voudrez, pouruu que ie face ce prefent à Allyagc. Faites à votre plaifir, dit Cyaxare : car il femble véritablement que vous foyez poiirle prefent notre Roy. Parqitoy eflant la chaRe finie, Cyrus prefenta la prife au Roy, di-fant que pour l’amour de lui il les auoit tuces,lt;Sc ne lui montra pas les darz fanglans , mais les rcngea en lieu qu’ils pullenteflrc aper-çuz. Aflyage l’en remercia fort, mais lui dift n’auoir befoin de belles prifes à fi grand danger, amp;nbsp;les lui redonna furie champ auec toutes autres chofes qu’il voulut defirer. Cyrus les départit à fes compagnons, amp;nbsp;lors,Mes amis,n’ell ce pas,difoit il,vnc grande folie des chaUcs du parc au pris de celles des bois? Car c’dl autant comme fi Ion challoit des belles lices, pourcc qu’elles font en petit lieu endofes, maigres, rongneufes, boiteufes, menues, amp;nbsp;petites: mais celles des Foretz font belles,grandes,rondes,amp; en leur venai-fon: les Cerfs fautent en l’air comme s’ils auoientdes ailes, les Sangliers viennent droit à l’homme, comme lon dit des hommes coinbatans,mefme qu’on ne peut faillir à les toucherpour la grandeur de leurs corps. Brief, les belles mortes du bois me fcmblcnt plus belles que celles du parc en vie. Mais, dit il, vos parens vous lailleroient ils aller derechef à la chalî'e ? Ouy, dirent ils, pouruu que le Roy le côinande, duquel il n’y ha perfonne qui puiHe miens auoir le congé que vous. C’et tout le contraire par mon ferment, dit il : car ie fuis tellement change depuis quelque tems en çà, que ie n’ofe à peine parler au Roy ny le regarder en lace : Et fi ie continue longuement, ie creins de deuenir du tout fot amp;nbsp;nyaiz, là ou quand i’eUois enfant ie lui difois plus hardiment tout ce que ie voulois. Mais apres que fes compagnons lui eurent refpondu, n’e-ftre chofe raifonnablc qu’il faluft vn auocat pour lui enuers le Roy, tout foudein fe partit, difeourant en foy mefine comment il pourroit
-ocr page 52-la C Y R' o P E D I E - ■ pourroit fans fâcherie au oir congé d’aller au bois auec fes amis. A la fin prenant de foy hardielTe, il dit à Aftyage : le vous fiiplie, monfieur, dites inoy fi l’vn de vos feruiteurs s’en eftoit fin, amp;nbsp;que vous le reprinfiez J que lui feriez vous ? Il refpond : le l’encheine-rois amp;nbsp;ferois trauailler fans cefie. Et s’il retoiirnoit de fon bon gré comment le traiteriez vous?Iele ferois fouetter commelonfait quand ils ont failli,à fin qu’il n’y retournaftplus. Orpenfez bien dit il, comme vous me punirez quand ie feray reuenu, car ie veus fuir au bois auec mes compagnons. Vous auez bien fait, dit A-ftyage^de m’auifer de votre vouloir:mais ievous defens defortirdc la maifon fans mon congé:car il feroit beau voir que pour vn Sanglier ie pcrdilTe l’enfant de ma fille. Cyrus à ces paroles demoura court J amp;nbsp;tout fâché amp;nbsp;malcontent obéît à fes commandemens: Mais Aftyage le voyant fi ennuié, pour lui faire plaifir le mena hors de la ville auec les compagnons j amp;nbsp;après auoir fait afiembler beaucoup de gens à pic amp;nbsp;à cheual en vne plaine, ou il y auoit bien à chaffer, fit faire vne grande enceinte pour auoir plus de paf-fetems : auquel lieu eftant royalement acoutré, commanda à fes gens de ne fraper aucune befte, iufques à ce que Cyrus fuft las d’en tuer : ce qu’il ne voulut, ains le pria de permettre à tous de chaffer, pour faire efpreuuedeleurvertu.Fiuablement Aftyage en fut content, amp;nbsp;durant la chafte regardoit à grand plaifir ceus qui affail-loient les belles amp;nbsp;s’y portoient vaillamment pour en raporter honneur, fc refiouiflant fort de Cyrus, lequel ne fepoiiuoit taire pour legrand plaifir qu’il y prenoit, amp;nbsp;comme vn hardi leurierfe prefentant au Sanglier s’efcrioithautemenient,apellant fes compagnons par leur nom,louant les vns amp;nbsp;les autres fans aucune en-uie, ou moquerie. La chafle faite amp;nbsp;pluficurs belles prifes, A-ftj'age reuint à la ville, amp;nbsp;de fait il auoit pris fi grandplaifir à cette challe, que bien fouuent âpres lui print enuie d’y retourner auec Cyrus, amp;nbsp;mener les ieunes gentishommes àlachalfepouramour de lui. Voilà les manières de faire que Cyrus tint par longue efpa-ce de fems auec fes amis, s’eftorçant toufiours de faire plaifir à vn chacun,amp; ne delplait;e à perfonne.
Comme .yîfly.i^e,f)âr le confeil de Cyriis,€Ut y ne yiéloire fur let KAJ^riens^qui efoient yenu^^counr fur fes terres.
chapitre iin.
Mais
-ocr page 53-DE XENOPHON. LIV RE I. 17
Ais quand il eut enuiron quinze ou feize ans j il anint que le fils du Roy des AfTyriens, qui bien tout à la chafle J amp;nbsp;apres qu’il fut auerti ^ que furies frontières de fes terres amp;nbsp;des Medes il y anoit grande ___quantité de belles, qui n’eftoient point chances a caufe des guerres, il eut defir d’y aller,amp; print vn bon nombre de gens à pié amp;nbsp;à cheual,pour chaffer auec plus grande furetc,amp; pour niieus tirer les belles des bois en la campagne. Ellant venu fur la frotiere ou il y aiioit des forts amp;nbsp;garnifons afsifes,ily foupa,en in-tencion d’y chaffer le lendemain : mais fur le foir ayant aperçu les gens de pic amp;nbsp;de chenal, qui venoient de la ville pour changer le guet des places de la frontière (comme il fe faifoit ordinairement)
^2^ auintque lehlsdii Roy des Aflyriens, 5^3 *’°*’ ‘^^“°’’^ prendre femmes s’adonna dn
il lui feinbla anoir vue affez grolfe armee auec les gens de pic amp;nbsp;de chenal qu’il anoit amenez,amp; fe délibéra de faire courfe fur les Medes pour rendre fa chaffe plus illuflre,amp; anoir dequoy faenfier plus honorablement. Par ainfi fur la pointe du iour enfuinant il ordonna fes gens en cette forme : il fit arrefter les gens de pié en bataille fur les frontières, amp;nbsp;auec toute la gendarmerie marcha droit ans forterefies des Medes, amp;nbsp;enuoya certein nombre de chacune bende pour piller amp;nbsp;emmener tout ce qu’ils trouneroient par les villages. Quant «à lui il demoura auec la meilleure bende des che-iiaus pour donner fur les garnifons des Medes, s’ils bongeoient aucunement pour affaillir fes anancoureurs. Au refie commanda à fes gens de tuer ou prendre tons cens qui leur viendroient au de-uant, amp;nbsp;les amener prifonniers. Quand Aflyage fut auerti de cette furprife des ennemis, il fit armer foudeinement fes gens amp;nbsp;alla droit la part on ils eftoient,pour donner fecours à,Ton peuple:fon fils anfsi y vint auec les gens de chenal qui fe trounerent prefls, lt;Sc ordonna que le demourant de la compagnie vinll apres auec tons cens quipourroient porter armes. Quand les Medes virent tant de gens en bataille, amp;nbsp;que les chenaus efloient arreflez fus vu tertre, ilz firent le femblable de leur coté. Cyrus s’arma anfsi, ce qiAl n’a-uoit iamais fait : amp;nbsp;cette fois fans y penfer, vint auec les antres au fecours, monté fus vn beau courfier, armé d’vu harnois/ort bel amp;nbsp;riche, amp;nbsp;autant bien fait qu’il eRoit pofsible, dont fon ayenUni anoit fait prefent. Aflyage s’emerneilla fort de le voir, amp;nbsp;ne fanoit par le commandement de qui il y efloit venu, toutefois lui corn- * manda de ne bouger d’auprès de lui. Cyrus voyant fi grand nombre d’hommes d’armes, dit an Roy : Ces gens «à chenal, Monficur, font ils nos ennemis ? Ony, refpond Aflyage. Et cens là, dit Cy-c ms.
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rus, qui facagent le pais font ils aufsi anerfaires ? Oui. Comment donq laiflons nous ^ dit Cyrus, fi lafchement emporter nos biens à coquins amp;nbsp;couars qui font fi mal montez ? amp;nbsp;pourquoy partie de nos gens ne les va aliaillir ? Aftyage lui fit refponfe, qu’il ne fe vouloir mettre en euident danger, voyant d’vu cote vne große troupe d’hommes H’armes qui le viendroient enclorre s’il alloit aflaillir fes fourrageurs, melmes que toute fon armee n’eftoit pas encor’ ar rinee. Lors Cyrus lui donna prontement confeil, amp;nbsp;lui dit : Mais fi vous ne bougez d’icy, Monfieur, auec vne partie des miens armez preft à fecourir les vôtres, les gens à chenal qui attendent là ne bougeront de peur d’eftre eus mefmes enuironnez : amp;nbsp;d’autre-part fi vous faites aller le demourant de vos gens contre les pilleurs, ils lairront toutfoudein le butin amp;nbsp;s’enfuiront. Allyage trouiia bon le confeil de Cyrus , s’efmerueillant de la prontitude amp;nbsp;vinacite de fon efprir. Si commanda incontinent à fon fils d’aller auec vne compagnie de cheuaus pour rompre cens qui emme-noient le pillage, lui promettant d’eftre preft à foutenir les autres qui faifoient fc-orte , s’ils marchoienten anant, de forte qu’ils fe-roient contreins de penfer à eus mefmes. Cyaxare obéit prontement au vouloir de fonpere auec bon nombre des plus vaillans amp;nbsp;miens montez, amp;nbsp;tira droit contre les ennemis. Cyrus aufsi le voulut fuiure, amp;nbsp;n’arrefta guercs à fe mettre le premier de la troupe : Si fe ruèrent fi vinement fus eus, qu’ils laillerent incontinent la proye en abandon,amp; tournèrent le doz ans Medes. Lors Cyrus amp;nbsp;les fiens leur coupèrent chemin amp;nbsp;commencèrent à fraper, découper ,amp; abatte tous cens qu’ils tronuoient enroute, amp;prin-drent vncpartic de cens qui fuyoient. Mais Cyrus nepenfoitprincipalement à autre chofe qu’à fraper cens qu’ilprenoit, hurterles vus (Scies autres, courantinconfiderement à bride abatuefus eus: comme faitvn gentil Leurier quand premièrement il voit le Sanglier. Les Aflyhens qui eftoient à cote voyans leurs gens en route, commencèrent à marcher pour faire retirer les Medes : mais Cyrus ne s’en eftonna aucunement ains de ioyc enhortoit fon oncle, amp;pourfuiuoit de telle ardeur les ennemis,qu’ils nepenfoient à autre chofequ’à fefauuer. Cyaxare aufsile fuiuoitparauenturepour crcinte du pere, amp;nbsp;les fiens apres, incitez par la vertu de Cyrus à pourfuiure,tellcment qu’ils donnèrent la chafie aus enncmis,com-bien qu’ils ne fufient pareilz à eus de force. Lors Aftyage voyant les fiens aller trop chaudement en allant, lt;Sc les ennemis peu àpeu fe rallier cnfemblc à l’encontre des Medes, creingnant quefon fils amp;nbsp;Cyrus ne tombafient en danger s’ils fe ruoient fans ordre fur les hommes
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hommes d’armes bien équipez, marcha droit contrc lcs ennemis. Les AlTyriens voyans celà commencèrent à coucher leur bois, tendre leurs arcs amp;nbsp;autres armes,, cômepour empefeher les Adedes de venir plus auantque le tret d’arc félon leur coutume. Carilsont cette façon de faire,amp; tirent darz amp;flefches bien fouuent iufques au foir, deuant que fe ioindre: Toutefois voyans leurs compagnons fuir vers eus, les gens de Cyrus fi fierement les pourfuiure, deque Aftyage auec fa cheualerie cftoit défiaaproché d’eusplus près que d’vniet d’arc, ils tournèrent incontinent bride. Les Medes fe mirent de toute leur puifiance à la pourfuite, fi bien qu’ils en prindrent grand nombre, amp;nbsp;les prenant frapoient eus amp;nbsp;leurs cheuaus fans les efpargner, amp;nbsp;ne cefierent iamais de pourfuiure, iufques à tant qu’ils arriuerent aus gens de pic de l’arrieregarde, ou ils s’arrefterent. Lors Aftyage fe doutant de quelque embûche ou trahifon fit fonner la retraite, de ramena fes gens bien ioyeus d’auoir ainfi veincu la gendarmerie Aflyrienne, amp;nbsp;s’efmerueilloit grandement de Cyrus, tant pource qu’il auoit efté autheur de cette belle entreprife,comme de fa vertu,dextérité, de grande hardief-fe. Car lors mefmes qu’vn chacun retournoit au logis, il eftoit dc-mouré fcul à chenal s’amufant à regarder tout à l’entour les morts cfquartez par la campagne, intentif à paitre fa vue de la vengeance qu’il auoit faite des auerfaircs, de forte que Les goiiuerneurs le feeurent à peine retirer de là, de le ramener à Aftyage : mais en retournant il faifoit marcher les autres deuant pour fe cacher, d’aiv-tant qu’il vid le vifage du Ray fort troublé contre lui de ce qu’il s’eftoit arrefté à vn fipiteus fpeftacle. Par telles enures Cyrus re-femblantplus aus gratis hommes qu’aus enfans, eftoit enadmira-cion aus Mcdes,qni ne parloient, ne chant oient, ne denifoient d’autre que de lui. Aftyage inefme qui an paranat l’anoit toufionrs ^yitic, pour lors le tenoit comme pour chofe miraculeufe, eftant tout eftotiué de fes vertuz de prouefles.
Comme Cyrm retourna en Perfê ehe^ fon pere,lt;^ de l lnnneur ‘jne les Medes lui firent au fgt;artir. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. v.
E bruit de cette victoire n’arreftagnercs à courir iufques à Cambyfc pere de Cyrus, qui fut grâde-*^^^tt efioni d’entendre les beaus faits de fon fils, de voyant qu’il ne faifoit plus chofe qui ne fut di-ned’vn homme,l’enuoya quérir,pour lui faire _____aprendre le demourant des loix Perfiqnes.Cyrus auerci de cela,déclara franchement qu’il s’eu vonloit allcr,pour ne c a faire
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faire defplaifir à fon pere j amp;nbsp;de peur que fon pais n’eut ocafion de fe mal contenter de lui. Parquoy Aftyage voyant qu’il efloit forcé de le renuoyer j pour la grande amour qu’il lui portoit, amp;nbsp;l’efpe-rance qu’il auoit de le voir au terns à venir homme trefexcellent à profiter à fes amiSjamp; nuire à fes ennemisjlui donna plufieurs dons^ acoutremens amp;nbsp;cheuaus telz qu’il voulut choifir, amp;nbsp;auec treshon-nefte apareil le renuoya à fa maifon. A fon departement tous fes compagnons,tous les enfans,hommes,amp; vieus,,amp; Aftyage mefmes auec plufieurs larmes lui firent compagnie à chenal iufques hors la ville. Cyrus aiifsi print congé d’eus en pleurant, amp;nbsp;à tous fes amis donna plufieurs chofes qu’Aftyage lui auoit données, mefmes la belle robe faite à la façon de Mede amp;nbsp;trefriche, laquelle en fine de grand’amour il dôna à vn d’entre eus,nommc Arafpe.Mais incontinent après , félon l’vfage des Modes, les enfans raporterent ces prefens à Aftyage, lequel derechef les enuoya à Cyrus, amp;nbsp;foudein Cyrus les lui fit raporter,le priant les rendre à cens à qui il les auoit donnez, à fin qu’ils les gardalTent pour amour de lui, autrement qu’il auroit honte de le retourner voir, ce que le Roy fut content de faire, amp;nbsp;rendit à Vn chacun fon prefent. Et pour raconter aufsi quelque chofe plus plaifante, amp;nbsp;d’amoureufe rccreacion , Ion dit qu’au iour de fon partement pour s’en retourneren Perfe, que chacun prenoit congé de lui,il baifatous fes parens amp;nbsp;amis en la bouche,comme eftoit la coutume des PerfeSjamp; eft encores auiour-d’hui. Lors vn Gentilhomme Mede nommé Artabaze fortver-tueus amp;nbsp;honnefte, qui de long tems auoit pris Cyrus en amour pour fes grandes perfeccions, demeura iufque «à ce que tous les autres furent partiz, puis s’aprotha amp;Iui demanda, pour quelle rai-fou il auoit ainfi oublié à le baifer, vu qu’il eftoit vn de fes parens. Comment! dit Cyrus, eftes vous aufsi deines confins? Oui,refpon dit il. Pourquoy donq, dit Cyrus, ne m’eftes vous venu voir plus founent? Poiirce, dit il, que la honte m’a toufiours gardé de m’a-prochcr de vous. Il ne le faloit pas,dit Cyrus,principalcment vous qui elles mon parcnt,amp; ce difant le baila comme les autres. Apres ce baifer le Mede demanda, fi c’eftoit la coutume des Perfes de baifer les parens en la bouche. Oui, dit il, quand ils ne fe font de long tems enrrcuus,ou qu’ils partent pour faire long chemin.IlicH donq tems,dit le Mcde,que vous me baifiez encor’ vn coup,pour-cc que ic pars, comme vous voyez, pour aller loin. Par ainfi Cyrus pour lui complaire le baifa derechef, puis s’en alla. Mais apres qu’il eut fait vn peu de chemin, le Mede retourna à courfe de lt;.he-ualtout en eau, amp;nbsp;Cyrus lui demanda s’il auoit oublié quelque chofe
-ocr page 57-DE XENOPH ON. LIVREI. : chofe à lui dire.-nenny^dit it mais ie viens pour eftre baisé devons: pource qu’ily halongtems que ne vous ay vu. Comment!refpond Cyrusplny hagueres que m’auez vu amp;nbsp;baisé: Gueres!dit leMede^ ne fanez Vous pas qu’vn fenl cligner des yens femble mille ans à vn qui ayme parfaitement ? Lors Cyrus changea fes larmes en riz, amp;nbsp;enhorta le Mede de demourer en bonne cfperance,lui promettant de retourner bien tôt en Mede, on il auroit alTez de loifir pour le voir, amp;nbsp;contenter fa vue de lui. Parainfi Cyrus eftant parti de Me-de,arriua.cn peu de ionrs en Perfe, amp;nbsp;demoura encor’ vn an entier an reng des enfans. Or d’entree ils commencèrent à fe moquer de lui, eftimans que pour anoir efté nourri en Mede il feroit adonne ans delices :mais quand ils virent qu’il mangeoit amp;nbsp;bnuoit volontiers de mefme les autres, qu’ans facrifices des Dieus il donnoit plus ans autres, qu’il ne retenoit pour foy,que fa vie eftoit en tout plus feuere amp;nbsp;moderte que la leur, ils commencèrent à lui porter honneur amp;nbsp;reuerence.Dc ce reng il monta à celui des iennes gens, ou d’entree il fe montra trefexccllent fur les autres, tant à excenter diligemment ce qui ertoit de fa charge, comme à endurer les tranaus requis félon les loix amp;nbsp;ordonnez pour les gens de tel aage, à honnorer les anciens, amp;nbsp;obéir prontement ans commandemens defes fuperienrs.
Ze commenccmoit de la guerre des ^^riens ^ des Medes,
^ des gens que Cyrus leua en PerJe pour -venir au fecours du Jtoy de Mede fon oncle. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a p. v i.
R il anint quelque rems apres que Artyage roy des Medes trefparta, amp;nbsp;Cyaxare fon fils,frere de Alandané,lui fucceda au Royaume.Lors le Roy des Artyriens, qui aiioit défia fubingne le grand peuple de Syrie, rendu tributaire le Roy d’Arabie,veincu les Hircanics, amp;nbsp;artie^e les Baertriens,
C et celui dot parle ou niel nommé £alta^r pe titßls de N4
crtiina en foymefine, que s’il ponnoit afoiblir la puillance des Medes, il pourroit fans grande dificulté fubiugner tous les Royaumes d’alentour. Car il lui fembloit qu’ils ertoient les plus puilïans de tous fcs voifins. A raifon de quoy,il manda incontinent lettres par tous les pais de fon obeifiance,amp; ennoya des Embafiades à Crefus roy de Lydie, ans Cariens, Paphlagoniens, an Roy de Capadoce, ans dens Phrygies, ans Indes, amp;nbsp;Cihcicns : par lefquelles il aeufoit les Medes amp;nbsp;Perfes, difant que c’ertoient dens grandes amp;: fortes nacions, alliées enfcmble, amp;nbsp;fortifiées par mariages d’vu coté amp;: c 3 d’autre.
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Cetmeß nome Darius au hure Ze ■Daniel, ^ en lafeph.
//omo times c eße let cens ^ut tenoient ü Senat lies Per/es : ^ fins appeUe^ ainß, panree qu'lis eßoie't emails en ho neitr a»ee leur ^^ ^ entr’eus.
d’autre, pour plus aisément douter vue «à vne toutes les nations voifines, tellement qu’ils feroienttous en danger d’eftre mis en feruitude,s’ils nepreuenoient leur confeil.Parquoy les vus induiz par ces raifons, les autres atraits par promeffes amp;nbsp;argent (dont il anoit grande quantité) confentirent aucclui. Mais Cyaxare fils d’Aftyage auerti des trahifons amp;nbsp;apareil de tant de nacions àl’en-contre de hiijtout foudein mit enfemhle fa puiflance pour fe mettre en capagne, depefeha desEmbaflades à la République, des Per-fcs, amp;nbsp;à leur roy Cainbyfe fon beau frere, amp;nbsp;fit prier Cyrus de fe faire nommer pour chef amp;nbsp;Capiteine général des gens qu’on lui enuoyroit au fecours. Parquoy ayant les plus anciens Perfes con-fulté l’afaire,delibererent d’y enuoyer Cyrus,qui anoit défia acôpli dix ans entre les ieun.es hommes, amp;nbsp;s’eRoit renge entre les hommes parfaits. Si le firent Capiteine en chef de leur armee ,amp; lui donnèrent puiflance d’eflire dens cens hommes d’entre les Homo-times , c’etadire. des gentishommes du pais, amp;nbsp;à chacun des dens cens en eflire quatre antres de leur reng, qui font tonsenfcmble mille Horaotimes. Pareillement à chacun de ces mille permirent de lener fur tout le populaire des Perfes dix hommes portans efen ou panois, nommezrondeliers, dix combatans aueclafonde, amp;nbsp;dix archers : tellement que ce furent dix mille rondeliers,dix mille portans la fonde, dix mille archers, amp;nbsp;tous enfemhletrente mille hommes d’cflitc,faus les premiers mille.Voilà toutefarmee qui fut donnée en charge à Cyrus, laquelle 'eftant ntife. en.ordre amp;nbsp;bien equipee, il commença par l’honneur des Diens, amp;nbsp;après auoir treshonorablement facrifié, apella les dens cens premiers,amp;les quatre que chacun d’eus auoit efluz, aufqnelz en vn certein licit ordonné,!! parla pour la premiere fois en telle manière:
Zdaren^ue de Cyrus à [es principalis foldats, ^ Capiteincs de fon camp ,poHr les inciter à entreprendre cette guerre de meilleur courage. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a p. vît.
Es trefehers amis, ie vous ay choifiz fur tous les autres, non pas que i’aye feulement de cette heu-refait experience de votre vertu, mais pour vous r ^^•°“‘ quot;^^ mon jeune aage conniiz pronts a taire toutes les entires que notre cite repute vertueu-
fes, amp;nbsp;fiür celles qu’elle eftime vicieufes. Et à fin que vous fâchiez entièrement ma volonté, ic vous veus deelairer la caufe pourquoy i’ay volontiers reçu cette charge, amp;nbsp;vous ay
-ocr page 59-DE XENOPHON. LIVRE I. ij priez de me fui lire. le croy certeinement que nos anceftres n’ont en aucune chofe ertc inferieurs à nous, ains eftime qu’ils s’exerci-toient comme nous en toutes enures de vertu : mais ie ne voy point qu’ils ayent en rien augmenté leurs biens particuliers j ny cens deJaRepublique.Toutefois les hommes ne s’adonnent communément à vne vertu, félon mon iugementjen intencion que les mefehans ayent autant de biens que lesbons, (entre lefquels y doitauoir grande diference) tout ainh que les hommes prudens ne s’ablHennét des voluptez prefentes,pour ne prendre iamais aucun plaifir:mais pluftotlefont pour en auoir, à l’auenir la ioutf-fancc plus heureufe. Les bons Orateurs aufsi ne fe trauaillent à bien harenguer fous intencion de ne ceder iamais de parler : mais fous elperance d’aquerir rrefgrans biens,par le moyen de leurs belles amp;nbsp;elegantes perfualîons. Semblablement cens qui s’adonnent ans armes,ne trauaillent pas pour ne ceder de combatre,maispour aquerir,parle moyen de leurs victoires,richefres,honneurs,louen-ge,amp; félicité grande à eus amp;nbsp;à leur République. Mais fi aucuns de ceus qui longuement ont fuhii le fait de la guerre, felaidént par vieilledeafoiblirfans receuoir aucun fruit du long trauail delcur vie, ie les compare à vn laboureur, qui voulant edre eftime bon mefnager, au comencement ha bien labouré amp;nbsp;bien feme fa terre, puis furletems demoidons deueuuparefieus, demeure oififfans cueillir le fruit, amp;nbsp;le laide retomber en terre: ou à vn publique luiteur, qui après auoir longuement trauaillé enfon exercice ét mérité le pris, laide fon art furie tems qn’il doit prendre recom-penfe de tes trauaus. Mais nous,vertueus amis, gardons nous bien de tomber en fe danger, ains allons hardiment contre nos enne-mis (nous confians fur ce que nous fommes inftruiz entousver-tueiis exercices des notre enfance) lefquels ie fay certeinement par experience n’eftre pour nous, d’autant qu’ils ne fauent manier vn chenal, nycombatre ous’ayder d’aucunes armes: Et n’y ha homme d’entre eus qui nous puide refembler, foit de ceus qui fauent darder ou aller à chenal : car ils font tous lafehes à la peine, impa-cicns au trauail, luietz à dormir : foit pareillement de ceus qui font inftruiz à toutes ces vertuz : Car ils ont faute de la principale, par laquelle on aprend, à falloir corne Ion doit vfer des amis ou des ennemis : amp;nbsp;par ainfi font ignorans de toute fcience militaire ou ciuile.Ou au contraire vous faites de nuit ce que les autres font de iour : Vous eftimez letrauail eftre la vraye gnidepourparuenir ans plaifirs de la vie : la faim vne vraye faufie du manger : vous butiez l’eau plus aisément que les Lions, lt;5t vous refiouidez de l’hon
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near plus que de chofe quelconque, comme du meilleur ôc plus ' precieus heritage ^ que Tarne puifle auoir. Or fi vous aymez l’honneur il vous faut faire toutes les enures par lefquelles on Taquiert, foufrir toute peine amp;nbsp;entrer entons dangers pour aquerirlouen-ge. Et certeinement fi ie vous penfois antres en mon cœur que ie ne dy de parole, ie m’abuferois grandement moymefme, fur lequel tout le dommase tombera fi autrement en auient.Mais ie me cou-fie tant ans experiences de vos vertnz , a la bicnucuillâccque vous me portez, amp;nbsp;fur la lafchctc amp;nbsp;ignorance de nos auerfaires, que tant de bonnes efperances ne me feront menteur. Parquoy allons hardiment à fi infie entreprife, puis qu’il eft affez cler que ce n’eft fans bonne caufe que nous prenons les armes, ny en intencion d’ocuper le bien d’autrui iniuftemeut. Car ce font eus qui nous font tort, amp;nbsp;nous aflaillent les premiers, amp;nbsp;auec celà nos amis demandent fecours : amp;nbsp;ie vous pri’ y ha il chofe plus iufte que repouffer les iniures des ennemis, ou plus honnefte que de fecourir les amis? le penfe aufsi que la diligence dont i’ayvsc vous ha grandement augmenté le courage,rant à honorer les Dieus, comme à en-treprendre toutes chofes iufques aus plus petites par fomptueus amp;nbsp;bons facrifices. Parquoy que vous faut il plus dire ? Faut il vfer d’autres paroles auec vous ? Prenez donques chacun les gens que vous auez choifiz auec leurs armes amp;nbsp;acoutremens necefiaires, amp;nbsp;vous en allez droit en Mede. Quant à moy fi tôt que i’auray efte anerti des menees des auerfaires, entendu la volonté de mon pere, amp;nbsp;apareillé toutes les chofes necefiaires pour la guerre, ie feray tout incontinent à vous pour conduire cet afaire, le mieus que faire fe pourra auec la faueur des Dieus.
Les bons enfei^nemens que Camby/ê donnott à fôn ßls Cyms touchant l’entreprife des ^jßyriens, ^ comme yn bon Capi-teine fe doit conduire auec fon armee en pais efiran^e, ^ fe faireaymer d ^n chacun, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. v iir.
Es paroles de Cyrus finies, fes gens firent incontinent amp;nbsp;de gayeté de coeur ce qu’il auoit commandé : amp;nbsp;lui retourné à la maifon facrifia àVe-fta amp;Iupiter, amp;nbsp;autres Dieus conferuateurs de fon pais : peu après fortit de la ville, amp;nbsp;fon pere mefme Tacompagnoir. Lon dit qu’au fortirdu
palais il efclaira amp;nbsp;tonnaplufieurfois auec tresbon augure, tellement que fins attendre plus aparens fines du Ciel,ils fe mirent en voye
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voye apres les autres_,poiirautant qu’il edoitafTez connu à chacun, que ces fines prouenoient de la volonté du trelgrand Dieu. Pendant qu’ils allaient enfemblejls deuiferent de plufieurs propos, amp;nbsp;Cambyfe commença à amonnefter fon fils en telle manière:
Mon trefcher fils , vous auez pu clerement connoitre, tant aus facrifices, qu’aus fines amp;nbsp;augures prefens,que les Dieus vous feroC propices amp;nbsp;fauorables en cette entreprife: mefmes qu’il ne vous faut aucun interprète de ces fcicnces, Îefquelles ie vous ay expref-femcr enfcignees,à fin que de vous mefme, fans ayde de Deuineurs amp;nbsp;Augures, amp;nbsp;fans doute d’eftre abusé d’iceus, s’ils difoient vne chofe pour autre, vous puifsiez entendre amp;nbsp;connoitre la finifian-ce de toutes les chofes que vous aurez vues amp;nbsp;ouyes, amp;nbsp;par icelle obéir à leurs commandemens, fi quelquefois vous ediez defpour-uu de telles gens. Certeinement, Monfigneur, relpondit Cyrus, ie m’efforceray toufiours de les honorer,comme vous m’amonne-dez,àfin qu’ils me foient bénins amp;nbsp;propices. Car cens la méritent d’edre agreables ans Dieus, tout ainfi qu’aus hommes (comme vous m’auez autrefois enfeigné) qui ne les datent pas en tems d’a-uerfité, mais les honorent en profpcrité. A cette caufe, dit ifmon fils vous pourrez auec plus grande affurance demander quelque grace ans Dieus (efperant d’edre exaucé ) pour la confiance que vous aurez deles auoir feruiz comme il apartient. N’ed il pas rai-fonnable queceusqui mettent leur fiance ans Dieus viucnt plus furement, que cens qui n’en tiennent conte? que ceus qui trauail-lent, conduifent à bonne fin leurs afaires, pludot que ceus qui démentent amp;nbsp;fe tiennent oififs ? amp;nbsp;ceus la foient heureus qui apren-nent les fciences que Dieu donne, non ceus qui les ignorent ? Par-quoy il me femble félon ce qu’autrefois vous ay dit, que telles gens doiuent raifonnablemcnt demander les biens aus Dieus, quand ils conforment leur vie «à vertu. Il me fouuient, dit Cyrus, de l’auoir ouy de vous, amp;nbsp;a la vérité il faut obéir «à votre commandement. Et ay fouuenance aufsi de ce que me fouliez dire, qu’il n’ed loifi-ble, ny iude à vn homme qui ne fcet aller à chenal, de demander aus Dieus viftoire contre les bons hommed'armes en vne ren-
A'« Prince date entendre Inimep me fi reli~
Cofitnee en Dieu.
cotre, ny qu’vn ignorant de tirer defehe oudegouuerne mauires, furmonte les bons archers , ou faune miens les nanires qu’vn bon pilote : on celui qui ne feme la terre, on ne fe defend en bataille, recueille grans blez,on foit fauné des mains de fes ennemis.Car en telles requedes, qui font fi frinoles amp;nbsp;defraifonnables, ils doiuent eftre refufez : tout ainfi que les hommes fe moquent de ceus qui leur demandent quelque grace ou don fans propos. Mais auez d vous
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vous point oublié j dit Cambyfe, ce que ie difois vn lour que nous difcourions enfemble, que c’eHoit l’euure d’vn fagc amp;nbsp;vertueus homme, dé faire que non feulement il foit homme debiendefa perfonne, mais aufsi que lui amp;nbsp;fa famille ait en abondance les pro-uifions neceflaires pour la vie?lt;Sc que celui qui fcet dominer furies hommes, amp;nbsp;bien pouruoir à leurs viures, Ôc les rendre tels qu’ils doiuent eure, me fembloit eftredine de louenge amp;nbsp;merueillc?Cer-teinement, dift Cyrus, ie ne l’ay pas mis en oubli, amp;nbsp;me fouuient quei’eftimois pour lors vne chofe fort dihcilc , que de bien rener, amp;nbsp;encores àprefcntplus i’ypenfe, iela treuue ardue amp;nbsp;malaifee, quand ie confidere en moymefme que c’et de dominer lur les autres. Mais quand ie me tourne à penfer fur la vie des autres hommes,amp; quels ordinairement font cens qui commandent,amp;: la qualité des ennemis qui nous atcndent,ii me fcmble vne grande honte non feulcmêt de les creindre,mais que nous n’allons les combatre en leurs maifons,vù qu’ils ont fi peu d’entedement (mefines à parler des Aledes qui font nos amis) qu’ils eftiment n’y auoir au-, tre diference entre le Roy amp;nbsp;les fuietz, finon à viure plus fom-ptueufement, à dormir plus long tems, auoir plus grans trefors, moins de trauail, plus deplaifir amp;nbsp;d’oilîueté que le menu populai-£n ^miy yn re. Car au contraire i’ay toufiours cRimé,quc le deuoir d’vn Prin-Pnnee Joff ce eft de furmonterfes fuietz non de pareRe, oifiucte amp;plaifirs: Jt^rmorcrßs ]nais de prudence,trauail, amp;nbsp;prouidcncc. lieft vray, dit le pere: Jùiefz. mais ie vous aucrti qu’il y ha pluficurs autres thofes, aufquclles il faut auoir egard, amp;nbsp;nepenfer pas feulement ans hommes,mais au maniment des afaires, amp;; des prouifions qui ne fcpeuiient aisément rccouurer. Car vous deuez fauoir, que la puifhmee d’vn Prince tombe incontinent en ruine, fi fon atmee R treuue en fau-PreHtJiDnJe te de viures amp;nbsp;municions. A celà relpondit Cyrus, que Cyaxare ßtures. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lui auoir promis fournir de viures à tous les Perfes,qui iroient vers
lui. Ie le troy, dit Cambyfe, mais ie vous allure qu’il ne fe faut du tout fier aus paroles dh n homme. Sauez vous bien la quantité des trefors,ou lapuilTance qu’il ha? nenni,dit Cyrus. Pourquoy donq vous fiez vous aus thofes incçrteines?Ne fanez vous pas que vous aurez befoin de beaucoup d’argent, amp;nbsp;vous faudra faire vne grande defpenfe pour rentretenement de vos gens? Donques s’ilaue-noit que les viures faiUiHent à Cyaxare, ou bien que à foti efeient il fanfiaft fa foy,commcnt iroit il de votre armee ? Fort mal,ce croy ie, dit Cyrus. Parquoy ie vous prie tandis que nous fommes encor’ enfemble, me declairerles moyens dont ie pourray vferpour n’auoir faute de municions. A qui apartient il nneus, dit le Pere, dire
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eftrebien garni d’argent^ qu’à vn Capiteine en chef^qui meine vue groflc armee?Donq fi vous tombez en quelque necefsitejie ne voy meilleur remede que de vous fier à vos forces : Car vous aucz vn camp de gens de pic d’eflite , lefquels vous ne voudriez changer à vne bien groHe armee,amp; la sendarmerie des Medes vous fera affo-cieejqui eft la meilleure qui foit auiourd’hui. Quelle nacion y aura il donq en tous les païs d’alentour, qui ne foit bien aife devons faire plaifir amp;nbsp;feruiccjdonner viures amp;nbsp;municions, tant pour defir de gagner votre faneur, comme de peur d’encourir votre male grace? Toutefois il faudra communiquer de ces afaires anec votre oncle Cyaxare,amp; pouruoir enfemble qu’il ne vous faille aubefoin,amp; n’ayez faute de ce qui fera necelïaire. Et quand ce ne feroit que pour entretenir celà par coutume, il vous faut bien penfer à trou-nerde l’argent. Sur tout gardez bien de vous laifler furprendre à faminejains quand vous aurez abondance de toutes chofes,penfcz diligemment ans necefsitcz qui penuent furuenir. Car par ce moven vous aurez plus aisément tout ce qui vous faudra, fi les hommes voyent que n’ayez faute de rien. D’anantage vous ferez hors de tonte calonnie entiers vos gens, qui n’auront caufe de fe pleindre de vous :'amp; ferez anfsi en plus grande reputacion, amp;nbsp;gagnerez miens les eftrangers par amour,vous ferez plus preft à vous defendre, plus feur à combatte, plus hardi à perfnader ce que bon vous femblera, plus pront à tout faire ; amp;nbsp;d’autant plus d’autorité auront vos paroles, que Ion pourra connoitre à l’œil, le plaifir amp;nbsp;defplaifir que vous pourrez faire à autrui.Lors dit Cyrns:Ii me fera blc,Monficnr, que vous aucz tresbié difcouni de plufieurs chofes, mefmement quant ans foldats, lefquels pour le prefent ne me finiront aucun gré de tout ce qu’ils recenront: Car ils fanent bien que Cyaxare les ha apellez à fon fecours amp;nbsp;les payera, mais fi on leur done quelque chofe outre leur fonde, ils leprendront à gré amp;nbsp;honneur de celui qui le douera. Parquoy il faut bien conclure,que celui qui ha fon armee fur les chains, qui peut profiter aus amis amp;nbsp;nuire à fies ennemis,s’il eft no-lisct de faire ars;cnt,merite d’elfre au-tant deshonoré,qu’vu laboureur ayat plufieurs manounriers pour befongner eu fes terres,qui toutefois les laifle oififs, amp;nbsp;fies terres en friche amp;nbsp;inutiles. Soyez donq affuré que ce fera mon principal foin de pouruoir ans viures, amp;nbsp;à toutes autres chofes apartenantes àl’cntretenement de mes gens, foit en terre d’amis ou en pais de conqnefle, amp;nbsp;ne mettray iamais en oubli les paroles que vous me dites vu iour, que ie vous demauday argent pour donner à vn maître qui m’enfeignoit le fait de La guerre : Car quand vous m’enfles d 2 interr
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interrogué fi ce gentil maitre, auquel ie portois le falaire, m’auoit Les ^uaU- point encor’ enfeigné à bien drefler vn mefnage ( pourautant tez dynio qy’ii ne faut pas en la guerre auoir moins d’egard aus viures des Prince. gendarmes, q des feruiteurs en vne maifon :) apres que i’eu refpon
Pouruotr a la finrédes fildats.
du quenon,vous me demandâtes derechef, s’il m’auoit point donné d’enfeignement pour entretenir mes gens en fanté, amp;nbsp;bonne difpoficion, (quielî fortneceflaire àvn Capiteine aufsi bien que de conduire fon camp) à bien traiter les amis, ou à enhardir mes gens à combatte,(vu qu’il y auoit grand diferenceentoures chofes à les faire de gayetc de cœur ou lafehement) ou s'il m’auoit point montré à rendre mes gens obéiflans à ce que ie voudrois, qui eftoit le principal point d’vu bon Capiteine:quand ie vous eu refpondu, que non : mais que feulement il m’auoit enfeigné à renger mes fol-dats en bataille : vous vous printes à rire de fa folie,amp; comparant vue chofe anec l’autre me vintes à enfeigner,que l’ordonnance des batailles eftoit totalement inutile fans la fcience des autres quali-tez,comme d’entretenir l’armee en fanté, les nourrir, bien inftrui-re, amp;fans les ruzes de guerre amp;robeïirance des foldats, tellement qu’ils vous fembloit eftre la moindre partie qu’il faluft fauoir à vn Capiteine,que de renger fes gens en bataille. Pour aprendre donq les fufdites vertuz,ainfî commeie vous requerois me les enfeigner, vous me fites aller à cens qui par experience des afaires du monde, y eftoient les plus expérimentez. Parquoy des lors iecru à votre confeil,amp; n’ay falli de hanter les plus excellens hommes en fait de guerre. Quant aus viures ie fuis allez inftruit, que la folicitude de Cyaxare doit eftre de nous pouruoir de vituailles amp;nbsp;payemens. Mais quant à la fanté des gendarmes, confiderant que les bonnes villes ont toufiours des Médecins pour guérir les citoyens de leurs maladies, amp;nbsp;que les bons Capiteines en meinent quant amp;nbsp;eus à la guerre, aufsi ây ie tafehé d’en auoir auprès de moy depuis que cette charge m’a efté dônce,amp; elpere d’en auoir des plus excellens, amp;nbsp;expérimentez en cette fcience. Celà n’eft pas mal pensé, mon fils, dit Cambyfe, toutefois il me femble que les Médecins font côme les couturiers, qui recoufent les habillemens defsirez: car ils ne font que guérir les malades. Mais vous ferez beaucoup plus fage-ment de donner le meilleur ordre qu’il vous fera pofsible pour les conferuer en fanté,quc de les guérir quand ils feront malades:cho-fe, que vous pourrez le plus aisément du monde acomplir, fi vous mettez peine à ne camper iamais pour faire long feiour, finon en lieu fain amp;nbsp;de bon air, ce que Ion connoit non feulcmentparle bruit amp;nbsp;renommee des hommes, qui nous difent quels liens font faills
-ocr page 65-DE XENOPHON. LIVRE Ï. 2p fains, ou non : mais aiifsi plus certeinement par la difpoficion des corps amp;nbsp;le teint amp;nbsp;couleur des habitans. Toutefois ne faut pas tant regarder à celà, comme à mettre peine de les conferuer en fan-te par bon regime, amp;nbsp;vous aufsi fur tous autres : qui confifte à fc garder de la fuperfluitc des viandes,qui engendre vne facheufe pe-fanteur, amp;nbsp;à confumer par exercice amp;nbsp;trauailplus que par fom-meil les humeurs du corps: car l’exercitaciou entretient le corps en force amp;nbsp;fanté,le fommeil le nourrit,engrelîe,amp;: debilite. Outre celà,il eft neceffaire de ne donner iamais trop grand loifir de repos ans gendarmes, ains de les faire toufiours trauaillerj car le vray deuoir d’vne armee eft denecelferiamais,ou deproufiteraus amis, ou de nuire aus ennemis, les enuoyer aus efcarmouches, au degaft des païs, aus fourrages, amp;nbsp;autres proifions pour leur viure. Et comme il eft malaise de nourrir vn homme oififamp; nonchalant, encor’plus facheus vne famille fans rien faire : par droite raifon ce doit eftre la plus malaifee chofe du monde, de nourrir tout vn camp oifif amp;nbsp;negligent. Car il y faut grande quantité de viures, amp;nbsp;d’autant que les delices y font plus grandes, il faut qu’il y en ait plus grande abondance : Bref, il ne faut iamais permettre qu’ils demeurent en oifiueté : car le gendarme oifif eft plus inutile qu’vu laboureur à qui il ne chaut de labourer fes terres. Il le faut donq acoutumer au trauail, tant pour auoir abondance de viures, comme pour le rendre plus fainamp;difpos. Dauantage pour auoir les gendarmes plus pronts à tout faire,fil conuient les exerciter en quelques ieus publiques, en y ordonnant les pris conuenables, amp;nbsp;faire en forte que vous voyez prefque toufiours vos gens en be-fongne,comme vn continuel fpeftateur de quelque danfe. N’eftes vous pas d’auis, dit Cyrus, que pour donner bon courage aus fol-dats il les faille toufiours remplir de bonnes clperancesî 11 refpon-dit que non, à caufe que c’et faire comme vn mefehant veneur,qui halle amp;nbsp;apeUe toufiours fon chien encores qu’il ne voye ny heure ny befte : tellement que le leurier incité par le cry acoutumé,fe met à courir en vain ; dont fe voyant fruftré il fe lâche, amp;nbsp;vne autre fois que veritablemct quelque befte s’ert leuee,il ny veut aller, efti-mant qu’on le falle courir en vain comme auparauant. Pareillement le gendarme voyant auoir efte pluficurtois incité par vaines cfperances,fi fur la fin vn certein bien fe prefente,il fait du rétif, amp;nbsp;ne fe veut lailfer perfuader, ertimant tjuecc foit menfonge. Par-quoy vn Capiteine fe doit garder de dire thofes incerteines pour certcines. Et combien que les autres hommes vfent fouuent de telà, toutefois fenhortemet d’vu Prince amp;nbsp;principakmet le votre d 3 en
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en incitant vos gens à entrer ans dangers, doit toufiours cftrc vc^ ritable amp;nbsp;infalible.
Comme yn Prince fe doit faire obéir de Jésgens, Tgt;eincre les en--nemis,^ aquerir le bruit d’homme prudent ^ iu;rtueus.
CHAPITRE IX.
Comander t^ eàtir.
Prudèce re-qiùfi ait Pri ce.
E tous ces difcous Cyrus fe montra merueiJIeu-fement contcntj amp;nbsp;en continuant ce propos, lui dit : que quand à rendre fes gens obeïlîans amp;nbsp;les perfuader de faire fa volonté, il lui fembloit y eftre allez inftruit, tant par rendocirinement de lui en fon enfance, amp;nbsp;des précepteurs qu’il lui auoit baillez, comme par les Preuots en fon adolefcence, lefquels lui anoient tous apris à bien obéir. Et qui plus elt que les loix Perfiennes n’enfeignoient prefques autre chofe principalement, que bien commander, amp;nbsp;bien obéir. Parquoy lui fembloit que pour induire les gens à obeïlFance,il lui faloit procéder par exhortacion, par laquelle l’on loue amp;nbsp;honore cens qui obéillent , amp;nbsp;blâme amp;nbsp;châtie cens qui defobéilfent. Cambyfe lors lui dit, que pour les. faire obéir par force cette voye eftoit bonne: mais pour les faire obéir par amour, qui efi vue chofe plus louable, y auoit vu moyen plus expedient amp;nbsp;profitable, Pourautant que les hommes ob cif-lent volontiers à celui qu’ils connoilTent dire le plus fage, amp;nbsp;qui pourchalTe leur bien, comme font les malades qui croyent entièrement ans paroles des Médecins : cens qui vont par mer obéilTcnt, prontement ans comités amp;nbsp;pilotes des nefz : cens qui vont par pais n’abandonnent iamais leurs guides, ellimans qu’ils fâchent tref-bien les chemins. Au contraire fi les hommes cfliment le comman
dement du Signeur dire dommageable, on ne les peut fore obéir par force , ny par amour, ny,par prefens. Car il n’y ha homme qui prenne volontiers aucun don, pour faire chofe qui lui iiuife : Et par celà finit conclure qu’il n’y ha qualité qui donne tant d’autorité à vu Prince, que de fiiire connoitre aus fuietz qu’il les furmonte de prudence amp;nbsp;vertu. Si lui demanda Cyrus, par quel moyen il pour-roit prontement aquerir ce bruit d’eilreprudeiit.il n’y ha,rdpond il, meilleur moyen que del’dlre. Car tout ainfi que cens qui veulent fcmbler bons Laboureurs, bons Médecins, vaUIans Cheua-liers, bons Muficiens amp;nbsp;n’y entendent rien, s’dludicnt par milieu ruzes amp;nbsp;pratiques d’amis de difsimuler amp;nbsp;cacher leur ignorance pour quelque teras, defirans aquerir louenge des vertuz qu’ils n’oiiC
-ocr page 67-DE XENOPHON. LIVRE I. 31 n’ont pas, amp;nbsp;quand l’on vient à l’expérience on les tronue belles, amp;nbsp;les eftime l’on baiiars amp;nbsp;flagorneurs j ainfi auient il de cens qui veulent feiubler prudens amp;nbsp;ne le font point. Mais fi vous le voulez eftre, prenez peine de fauoir amp;nbsp;entendre Ic bien avenir, amp;nbsp;vous y conduire fagement, tout ainfi que vous auez apris à renger les batailles : amp;nbsp;quant aus autres chofes que l’efprit humain ne peut prc-uoir par difcipline ou prouidece, n’y ha meilleur moyen pour eftre eftime plus prudent que les autrcs,que recourir à l’aide des Dieus, amp;nbsp;par augures amp;nbsp;diuinacions fauoir leur volonté : principalement quand l’on met diligence d’executer ce que l’on ha délibéré de faire , qui eft aufsi vn point d’vn homme prudent. D’auantage vous pourrez aysémentvous faire aymer,vfantenuers les fuietzdela façon dont on vfe pour eftre aymé de fes amis,montrant elerement que vous les aymez amp;nbsp;penfez toufiours à leur vtilitc. Mais à caufe qu’il n’y ha homme'fipuiflant qui puifie toufiours faire du bien à ceus qu’il ayme, à tout le moins il fe faut mettre en peine de fe ref- ff„f^nité iouir en leur profperite, fe doiiloir en leur auerfitc, les fecourir de ^.^^^ prince. bon coeur au befoin, pouruoir que par ignorance ils ne facent quelque faute,ou ne foient deceuz : amp;nbsp;en toutes ces chofes fe porter comme compagnon : l’yuer amp;nbsp;l’efté eftre le premier àfuporcec le froit amp;nbsp;le chaut, le plus apte à la befongne, le premier à trauail-ler. Car ces façons de faire aydent merueilleufement à fe faire ay-mer des fiens, amp;nbsp;ne font fi mal aifees à vn Signeur qu’aus hommes priuez : à caufe que les grans trauaus font infuportables au vulgaire des hommes,aus Princes non : Car aus Princes l’honneur allege grandeiqent la pefanteur amp;nbsp;le faix des labeurs, fachans bien que la renommee en fera grande d’auoir fait de leurs mains quelque cas dine de mémoire. Interrogué par Cyrus, fi apres auoirpouruu ans vinres des foldars,à leur fanté,à les faire exerciter, amp;nbsp;rendre pronts lt;Sc obéiffans ans commandemens des Capiteines, lui fembloïC pas Je plus expedient d’aller combatre les ennemis le plus tôt qu’on pourroit : II refpondit, que ce feroit fagement fait,pouruu que l’on fuft feur de la victoire, nbsp;nbsp;d’auoir stand auautage fus eus. Mais fi la
viéloire eftoit douteufe, qu’il feroit meilleur de temporifer , amp;nbsp;ne mettre fes sens en hazard. Car communément les hommes font fortfongneus de contregarder les chofes miens aymees. Derechef lui demanda comment il pourroit auoir auantage fur les ennemis. Il lui dift, que ce 11’eftoit peu de cas, ny chofe de peu d'importance: toutefois qu’il eftoit necefiaire à celui qui veut furmonter les auer-faires d’eftre traytrc,larron amp;nbsp;difsimulateur, amp;nbsp;qu’il vfaft de trom- ^ ® perle,fraudes,embûches, dccepuons,vollenes, amp;nbsp;partons moyens s’eftor
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s’efForçaft de les endommager amp;nbsp;veincre. De ces paroles Cyrus s’eftonna fort amp;nbsp;en riant lui dit : Comment ! Monfieur, qn’efl ce lt;jue vous me voulez enfeigner ? N’eft ce pas tout le contraire de ce qu’en mon ieune aage vous amp;nbsp;mes précepteurs m’auez montre? A celà refpondit Cambyfe, que non : ains,dit i^tous ces enfeigne-mens font pour vous rendre plus homme de bien amp;nbsp;plus fage. Ne vous fouuient il pas ^ue pour nuire aus ennemis en votre enfance, l’on vous ha enfeigne plufieurs mefchanccrez:comme tirer de lare, ietter les darz,prendre les Sangliers aus toiles amp;nbsp;aus foirez,les Cerfs au piégés amp;nbsp;ans laqz ? N’eft il pas vray que vous n’auez ia-mais combatu vn Lion, ou Leopart, ou Ours de près , ains feulement vous efforciez de les furprendre auec auantage dens les toiles ou autrement ? Et tous ces moyens ne font ce pas tromperies, frau des,maléfices,Ôc decepeions ? Cyrus lui refpond : Oui bien des be-ftes,niais des hommes non : amp;nbsp;fi quelquefois i’eufie tache de trom per,ou de faire quelque tel tour contre les hommes, i’euffe efte puni. Pourquoy donq, dit Cambyfe, vous ha l’on acoutuméàtirer de l’arc à vn certein but finon pour nuire quelquefois aus hom-14 do^i- mes, s’ils deuenoient vos ennemis ? Et neanmoins ne vous cnfei-ne des teu- galons point d’vfer de celà contre vos amis,ains feulement de vous nes^ens,. acoutumer à furprendre les beftes, les tuer, amp;nbsp;blecer auec auantage, à fin d’en pouuoir vfer en tems de guerre contre vos auerfaires. Donques,dit Cyrus, puis qu’il eft fi neeelfaire de falloir profiter amp;nbsp;ninre,mal faire amp;nbsp;bien faire, pourquoy eft ce que Ion n’enfeigne aufsi bien celà pour s’en feruir contre les hommes comme contre les beftes ? ou que l’on ne donne reigle comment il s’y faut gou-uerner ? Cambyfe refpondant à celà : A u tems pafsc,dit il, fe trou-ua vn précepteur d’enfans qui enfeignoit la iuftice par moyens con traites, comme à mentir amp;nbsp;non mentir, tromper amp;nbsp;non tromper, calonnier le compagnon amp;nbsp;auoir quelquefois la calonnie en horreur , defirer les richefles amp;nbsp;les defprifer : mais donnoir la reigle Ôc diftinccion qu’il faloit vfer de l’vn auec les amis, amp;nbsp;de l’autre entiers les ennemis, difant quelquefois eftre bon de tromper amp;nbsp;def-rober les amis à quelque bonne fin «Stintencion. Donq celui qui enfeignoit telle façon de viure aus enfans, faloit aufsi qu’il en montraft rexperience,amp; qu’il fift cxerciter les enfans à celà, comme l’on dit des Grecs, qui n’enfeignent pas feulement ans enfans à tromper amp;nbsp;donner letourdecroq à laluite: maislesfontexerci-ter tous les iours à celà, à fin qu’ils le fâchent feurement faire. Mais à caufe que par ce moyen plufieurs plusfutils que les autres à dc-ceuoir, defrober, amp;nbsp;mentir, amp;nbsp;parauenture allez malicieus à gagner
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gner j n’auoient efpargne leurs amis mefmes efforçans fe faire riches fus eus : les plus fagcs ont depuis fait vne loy (qui dure encores auioiird’hui)par laquelle l’on commande aus précepteurs d’en-feigner fimplement ans enfans de ne tromper, mentir, defrohcr,nc defirerles biens d’autrui, amp;nbsp;de punir cens quiferoient du contraire, afin que les citoyens deuiennent plus dons amp;nbsp;traitables. Et quand ils font paruenuz en aage fufifant, comme vous elles à prc-fent, qu’on leur enfeigne les droits de guerre pour en vfer contre les ennemis, iugeans que pource les citoyens n’en deuiendront plus cruelz, ayans elle acoutumez de leur ieuneffe à vne amitié fra terneUe : tout ainfi que l’on ne parle pas de luxure aus ieunes gens à fin que parleur ardante counoitife ils ne foient cfmuz à faire quelque chofe deshonnefte. le vous fuplie donq, Monfieur, dit Cyrus,pource que ie fuis encores neuf,rudejamp; grofsier à aprendre, cnfeignez moy particulièrement ces mzes, par Icfquelles ie puiffe furmonter mes auerfaires amp;nbsp;de vertu amp;nbsp;de richellcs. Pource faire, ^^^ dit Cambyfc, il vous conuient toufiours eftre prell à furprendre ^^^^quot;^^ les ennemis en defordre : veillant, pour les prendre endormis ; ar- ^.^^ prince, me amp;nbsp;aus efeoutes, pour les affaillir defarmez amp;nbsp;defpouruuz : en embûche, pour les furprendre en vri manuals paffage:ruzes véritablement, aufquelles il faut eftre fort diligent, amp;nbsp;penfer que non feulement les ennemis, mais vous mefme ferez fouuent femblables fautes, vous trouiiant en des liens ou il y ha efpoir de certeine vi-ftoire, à caufe que l’vne part amp;nbsp;l’autre eft contreinte d’aller tous les iours au fourrage, fepouruoir de bon matin des chofes necef-faires,manger amp;nbsp;dormir, vfer de mefmes chemins,à quoy faut fon-gneufemeut regarder. D’auantage fi vous elles inferieur en quelque chofe, faut y remedier incontinent, amp;nbsp;fi voyez en quelque point vos auerfaires mal rengez, les alTaillir parla. Outre lui dît, que la victoire neconfiftoitpas feulement ausreiglcsfufdites, car elles font vulgaires amp;nbsp;tout le monde y prend garde : mais qu’il fa-loit mettre par fois l’ennemi en aflurauce pour miens le deceuoir, feindre de prendre la fuitepour le mettre en defordre, ou en fuiant l’attirer en quelque dangercus ilcftroit, amp;nbsp;là le furprendre au def-pouruu.Lui dit encor’,qu’il ne fe tinft pas feulement aus cnlcigne-mens par lui donnez : mais inuentaft de foymefme des nouuelles ruzes amp;nbsp;decepcions, amp;nbsp;fift comme les bons Muficiens, qui ne s’a-mufent pas à dire toufiours les chanfons vfitees, mais en compo-fent de nouuelles : Et comme il n’y ha que les nouuelles chaulons pour plaire aus efeoutans, aufsi n’y ha il que les nouueaus tours amp;; aftuces de guerre pour eftre prifees, pourautant qu’elles deçoment c miens
-ocr page 70-4 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;L A J C Y'R O P E DJ E ü , ;
mieus l’ennemi. MaisJifoit il, ne vous femble il pas,que vous auriez arand auantase fur vos auerfaires, feulement à remettre en vfage l’art, dont vousvfiezen ieuneße, pour les petites beftes amp;nbsp;péris oifeaus ? Car fouuent au cœur d’hyner vous aliez toute nuit pour deceuoir les oifeaus, tendre les retz, faillans auant qu’ils s’efueillaffent, amp;nbsp;couurir tellement la terre fofloyee, qu’elle fem-bloit n’auoir elle touchée. Dauantage vous auiez des oifeaus fi bien apris , qu’ils vous aydoient à deceuoir amp;nbsp;attirer à la pipee les autres oifeaus de leur pennage,pendant que vous eftiez cache fous la fueillce pour les voir à votre plaifir, amp;nbsp;les prendre ausfiletz. Quant ans licures,qui de iour fe cachcnt,amp;lanuitpaiirent,n’auez vous pas autrefois nourri des péris- chiens courans pour les faire leucr,amp; desleuriers pour les defiourner, ou pour le moins les faire donner dedens les paneaustenduz deuant les liens ou ils ont acou turne d’eus fauner, ou ils s’enuelopoient eus mefines? Et la autour auiez acoutumé de mettre des gens auprès des paneans pour les preudrejamp; s’ils efehapoient de là,courir apres à grand bruit, tellement quelespoures heures eftoientpris, fi edonnez qu’ils ne fa-uoient de quel coté efchaper?outre ce par le deuant auiez des gens cachez,qui fans faire bruit edoient pretz de les prendre s’ils ekha-poieut des chiens ? Parquoy fi vons voulcz vfer de femblables in-uciicions contre les hommes, peut efire pourrez vous auoir anan-tage fus eus,amp; edre edimé des meilleurs Capiteines du monde.Di-foit au furplus, que s’il edoit quelquefois contreint de donner ba- ■ taille en campagne à enfeignes delployees, il n’y auroit chofe qui ^ lui donnad plus grand anantage pour la victoire, que d'edre long nbsp;nbsp;nbsp;s
teins au parauant préparé, auoir mis des embûches , amp;nbsp;apareilie quelques aduces,amp; principalement h fes gens edoient vaillans, in-druits, forts, adroits, obeillans, amp;proiits à combatte : Et que fur tout faloit mettre peine de pouruoir à la vie de cens qu.’il connoi-troit edre obéilîans à fa volonté, difeourir la nuit ce qu’il faut exécuter le ioutjdeiour pouruoir aus afaires de la nuit, penler comme il faut ordonner les çens en bataille, côme il les faut conduire,foit de iour ou de nuit, par edroits ou larges chemins, par montagnes ou par plaines,comment il fe faut camper,alloir le guet du iour on de la nuit, ennoyer fes gens fur l’ennemi, ou faire la retraite, venir à l’adaut d’vue ville, palier rinieres ou foretz, garder fa gendarmerie, amp;nbsp;fes gens de tret anec diligence. Et fi l’e nemi le rencontroit ayant fa bataille ordonnée en pointe, tomme foudeinement ilia faudroit changer: s’il l’auoit en forme quarrec de phalange, amp;nbsp;les ennemis venoient fut les flans, comme il faudroit aller à l’encon
tre:
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tre:s’enquérir de leurs menées amp;nbsp;tenir les bennes cachées.Finable-nient, difoit Canibyfc ^ puis que vous auez autrefois entendu de moy tout ce que i’en fay, amp;nbsp;n’auez elle negligent de l’aprcndre de ceus que vous penfiez eftre excellens en quelques fcicnces,il ne re-fte plus qu’à vous auertir d’vfer dë ces enfeignemens toutes les fois que l’ocafion s’y offrira. Toutefoisj mon hlspc ne veus oublier de vous donner le meilleur amp;nbsp;le plus grand enfeignement ejue vous fuiriez anoir^dont il faut vfer au commencementjau milicujamp; à la lin déroutes vos entreprifes. C’clfqucvous nefacicz iamaisau- j^ciurti cun aéle,ny feuf ny auec l’armée, contre la religion amp;nbsp;fans recou- ^j^'^^, rir à l’aydc des Dieus, amp;nbsp;entendre leur volonté par augures amp;nbsp;im-molacions : tenant pour certein, queles hommes communément fout leurs entreprifes par vncllmplcconicéfure,amp;ne fauentiu-ger ce qui leur cil bon ou maunais, vtile ou dommageable à l’auc-nir,amp;nc connoiflent la qualité des chofes linon quand elles font auenuees.Car vous fanez que plulîeiirs hommes ayans reputacion d’eflre fages, ont perfuadé à leurs Républiques d’entreprendre des guerres contre ceuSjqm depuis les ont dcllruites amp;nbsp;facagees.Vous fanez aufsi que plnfienrS villes amp;nbsp;hommes particuliers ont vsé de grande ingratitude entiers cens qui anoient ellé caufe de leur bien, «Scieur ont machiné beaucoup de mans.Combien en y ha il en,qui pour counoitife de tenir en fernage les hommes , qui par amitié leur pouuoient dire profitables, n’ayans aucun egard a la qualité des perfonnes,ont par cens là mefmes elle châtiez amp;nbsp;deflruiz?Lon en voit aufsi plufienrs antres, qui pour ne fe contenter de vinre en plaifir auec vue partie d’vue principauté, par counoitife d’vfnrper le deniourant, ex s’emparer de la Signcmie de tout le monde, ont perdu ce qu’ils defiroient amp;nbsp;ce qu’ils anoient.Et beaucoup de gens auec grande folicitnde ont cherché des richdîcs, qui ont ellé caufe de leur ruine. Au moyen dequoy vous pounez facilement entendre , que la prudence humeine n’ell non plus fnlifante à defirer le vray bien, que celui qui iette les dez pour faire ce que le fort lui montrera. Païqnoy, mon trefther fils, il vous faut recourir ans Diens,qui fanent les chofes palîees,prelcnteSjlt;Sc futures, amp;nbsp;de leur grande beniniré amp;nbsp;clemencc montrent à cens qu’ils ayment par fines euidens ce qu’il leur faut faire on non.Et nefefant cmerueiller s’ils ne veulent fanorifer à vn chacunicar leur diuinepnihance n’ell aucnneinent contreinte, ny afiernic à pournoir àperfonne,ny a faire aucune chofe s’il ne leur plaît.
Fin du premier Lutre,
-ocr page 72-Le fécond Liure de la Cyrope -DIE DE XENOPHON, de la Uie ^ /»ßicudon de
c Y R v s yÇôy des Termes.
Comme Cyrus arriua en Mode auec fes gens, ^ lesßt tous armer par Cyaxare fon oncle. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chapitre
r.
Ce Cyaxare ßls d'^^fya ^e, J{oy des Medcs,eß no me Darius en Daniel,^ dit ^ue Darius C^ Cyrus rentrent deus ans en-femhle apres la prinjè de Balylon,corne lofeph le declare aus anti^uite^
£^eßues exemplaires Grecs ent ymt mille.
; O I L A comment le roy Cambyfc, amp;nbsp;fon fils Cynis tenans les propozque nous allons cy defius racontez^ arriue-rent fur les frontières de Perfe, Revirent incontinet voler vne Aitrle à main droite qui fe montra leur guide : de-quoy refiouiz prieret les Dieus amp;nbsp;Dc-il midieus des Perfes leur edre dons amp;nbsp;^ifauorables à la fortie de leurs terres. ^ Cefaitpafierent outrefaifans derechef priere aus Dieus deMedc^les reccuoir beninement .à l’entrée de leur habitacion. Lors ils s’embrafierent trefamiablement félon
Demotimes
^es de pareil le dinité ce honneur a-
uec le p^ de Perfi, corne s ilyou-lott dire, la Nohleßi du pais.
leur deuoii-jamp; le pere Cambyfe retourna en Perfe^Cyrus print fon chemin vers Cyaxare fon oncle dedes la Mede. Auquel lieu quand il fut arriué,amp; qu’ils fe furent faluez amp;nbsp;embraflez Tvn rautrejCom me il apartenoit, Cyaxare lui demanda combien degens il auoit amène. Cyrus refpondit : qu’il auoit amené vne armee de trente mille hommes qui auoient autrefois guerroyé en Mcdc àfa fouldej auec lefquels en auoit aufsi d’autres qui n’efloient iamais fortis hors du païs,defqucls combien que le nombre full fi petit que l’on n’en deuil efperer grand fecours ^ fi efloicnt ils de telle vertu qu’ils gouuernoient aisément tous les Perfes qui font en grand nombre , amp;nbsp;s’apeUoient Homotimes. Pareillement Cyrus demanda au roy Cyaxare fi les ennemis s’alîembloient, ou fi la nouuellc clloit faillie de leur venue, par ce qu’il faloit fauoir le nombre des ennemis j autrement que Ion nepourroit bien confulter comme il s’y fàudroit gouuerner : lequel lui raconta toutes les forces des ennemis : Et que par diners moyens il auoit elle auerti que Crefe roy de Lydie y clloit venu auec dix mille hommes à chenal amp;nbsp;plus de quarante mille hommes de pic que rondeliers qu’arthers. Ârtame roy
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mille.
roy de la grand’ Phrygiey eftoit auechuit mille cheiiaus, quarante mille hommes de pie armez de piques ou d’efcuz. Ariberoy de Capadoce auoit amené fix mille cheuaus, trente mille archers amp;nbsp;rondeliers. Marag.de roy d’Arabie auoit dix mille cheuaus, cent chariots de guerre, amp;nbsp;vn grand nombre de combatans anec la fon-de. Les Phrygiens d’auprès l’HeUefpont s’eftoientioints auec Gäbe figneur du plat païs d’entour la riniere de Cayftre, qui auoit fix mille cheuaus, amp;nbsp;vint mille rondeliers. Qu’il n’auoit encor’ feeu fi Aucuns lila Grecs habitans en Afie y venoient pour certein : mais que les uresenr^tx Caricns, Ciliciens, amp;nbsp;cens de Paphlagonie auoient refusé d’y venir. Au demourant que leroy d’AlTyrie, figneur de Babylone amp;nbsp;du refte d’AlTyriej comme principal Chefde la guerre j venoit anec vint mille cheuaus^deus cens chariots de guerre,amp; vue infinie multitude de gens de pié, félon ce qu’il ha acoutumé de faire quand il va en expedition. Parquoy lui fcmbloit qu’ils auroient de l’afairc, amp;nbsp;feroit mcrucilleufemcnt dificile de refifter à vne armee defoi-xante mille cheuaus,amp; plus de deus cens mille hommes de pie tant rondeliers qu’arthers, vu que les Medes n’auoient qu’enuiron dix mille cheuaus, foixante mille homes de pié portant l’arc ou l’efcu, ôc le fecours delà procheinc Arménie de quatre mille cheuaus, amp;nbsp;vint mille hommes de pié, qui n’efioit pas en tout le tiers des chc-iiaus ny la moitié des gens de pié des ennemis. Ne vous fcmblc il donqpaSjque le nombre des gens de pié que vous amenez foit bien petit? Nous y penferons puis apres,dit Cyrus,fauoir fi nous auons afiire de gens ou non. Mais pour leprcfcnt,donnez moy à entendre de quelles armes chacun ha acoutumé de combatte.Le Roy lui dit,que les armes ordinaires,tant des ficus que des ennemis, eftoict les arcs amp;nbsp;les darz. S’il n’y ha,dit Cyrus,autrc diferêce entre les armes l’on peut facilement inger de tjucl coté fera la vidoire: car en telz combats il elf plus aisé lt;à plufieurs d’en defaire peu, qu’il n’cfl facile^a peu d’en vcincre plufieurs. S’il eft ainfi, dit le Roy, que pourroit on miens trouuer que d’enuoyer derechef en Pcrfe,pour faire entendre amp;nbsp;donner à connoitre au Roy, que fi en la prclente guerre les Medes auoient du pire, la calamité fe tourneroit lut lui, à cette caufe lui dcmanderplus grand fecours que celui qu’il ha en-iioyé ? Ce conleil neplut aucunement à Cyrus,fachanc bien que fi tous les Perfes y venoient encores nepourroient ils eftre pareils de nobre à la grande multitude des auerfaires, mais lui dit dire beaucoup meilleur,s’il eftoit pofsiblc,dc faire prouifion d’armures pour tous les Perfes qui eftoient anec lui, femblables ans armures des gens d’aparence qui s’apeUoient Homotimes ; c’etafauoir vn e 3 corps
la premie, re eure el'„^ Prince cl armer Jès ^es.
38 LA CYROPEDIE''
corps de culrafle,vn efeUj ou bouclier en la main feneflrCjVne elpee ou hache en la main dextre : car celà feroit caufe que les fimples foldats fe voyans armez demefmeles gentishommes côbatroient de meilleur cœur amp;plus vigoureufement : d’autre part queles ennemis feroient tellement cllonnez les voyans équipez de telle forte J qu’ils penferoient plus à prendre la fuite qu’à combatte, ou à fe defendre. Ge qui le mouuoit à faire armer pluHot les fiens queles autres eHoit, à fin que les Perfes combatifient contre cens qui tiendroient bon en bataille, amp;nbsp;les Mcdes annez plus legcrcment amp;nbsp;à chenal peuffentplus prontement pourfuiure cens qui s’enfui-roient, amp;nbsp;par ce moyen les auerfaires ne peufient eure veinqueurs en combatant, ny fe fauuer en fuiant. Cyaxare aprouiia le confeil de Cyrus amp;nbsp;ne parla plus de requérir plus grand fecours, ains fit apreilcr les fuldiz harnois qui furent quafi tous en point, quand les Homotimes arriucrent qui conduifoient le bataillon des Perfes. Ce fait Cyrus les fit apeUer, amp;nbsp;les voyant tous afiemblez leur vfa de i’oraifon fuiuante:
Comme Cyeu^parla ans Capitetnes de toute fa^egt;jdarmerie,pour inciter leurs foldats à prendre les harnois que Cyaxare auoit
prcpare:s:^dus Perfes.
CH AP. II.
Ertueus amis,combien queie vous voye bien armez, remplis de fi haut courage amp;nbsp;hardielîc que vous ne demandez qu’a trouucr l’ennemi,toutefois connoiffant vos compagnons n’élire armez finon pour combatte de loin à force de tretz, i’auois quelque peu de creinte que pour eflrepcu éc denuez du fecours de vos amis, vous eufsiez peur de la multitude des auerfâircs,amp; fufsiez veineuz. Mais à prefent voyant vos foldats venuz, qui font d’afiez bonne taille en aparence de gens de guerre, i’ay donne ordre qu’ils auront tous des armes pareilles ans nôtres, à fin qu’ils foient plus fûts à combatte. Parquoy il ne relie plus qu’à leur donner courage, à quoy vous deuez mettre peine, les inciter à elite hai diz amp;nbsp;pronts à faire faits d’armes. Car il apar-tient à vn Capiteine non feulement d’efire bon de fa petfonne, maisd’vfer de diligence à faire quefesfuietz foient hardiz amp;nbsp;ver-tueus comme lui.
Ces paroles de Cyrus furent mcrucilleufemct agréables à vn tha cun, voyans qu’ils combatroient en plus grand nombre de foldats armez de pareilles armes contre les ennemis. Lors vn des plus fa
ites
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ges s’auança en s’exciifant de fa hardiefre,amp; confcilla à Cyrus,qu’il parJaft lui mefiiie à cens qui deuoient dire armez de leur forte, remontrant que les paroles du Capitcinegeneraljamp; de celui qui peut plus leurprofiter ou nuire^font toufiours déplus grande autorité enuers les foldats, que les paroles d’vu inferieur : Et les dons que fait le principal Chef, encor’iqu’ils foient péris ^ font communément plus ellimez amp;nbsp;rcçuz par les gendarmes de meilleur grc en les prenant de fa main, que s’ils le receuoient de leurs pareilz amp;nbsp;compagnons. Dont il tenoit pour certein, qu’ils efeouteroient allée plus grand plaifir l’exortacion de Cyrus leur Prince, que celle de leurs Capiteines, fc voyans par la grace amp;nbsp;bienfait du fils de leur Roy amp;nbsp;condufteur égalez ans Homotimes. Toutefois que les Capiteines ne lairroient pourtant de faire leurs exortacions, ne lui aufsi de fon cote, à fin que par diuers moyens leur liardiefie fc puft augmenter : pourautant que c’eftoit toufiours leur grand profit amp;nbsp;honneur que leurs foldats fufient meilleurs amp;plusver-tueus que deuaqt, en quelque forte qu’ils lepuftent deuenir. Cyrus fit lors mettre tous les harnois au milieu, amp;nbsp;apres auoir afiem-blé entièrement tous les Pcrfes,les enhorta en telle manière:
Exortacion de Cyms afonofl, pour les faire armer des nouaeaus harnois que le roy Cyaxare auoit prepare^pour la guerre.
CHAPITRE III.
Itoyens bien aymez,ie croy qu’il n’y ha aucun de vous qui n’entende que c’et thofe conuenable, puis que vous ertes nez en mefmc pais, nourriz en mefnics loix,formez d’aufsi puillans corps que nous: que la vertu de votre courage ne foit point moindre que la notre.Car iaçoit qu’en vos mailbus n’ayez eu les mefmes honneurs amp;nbsp;dinitez que nous (ce qui n’auenoit pas par mclpris ou co itcnncmcnt de vous , mais pourcc que vous cftiez contreins par necclsité de labourer amp;nbsp;gagner votre vie) fi eft ce qu’à prefent par mon moyen amp;nbsp;par le bénéfice de Dieu, vous pourrez eftre en l’cftat que merite votre vertu: car fi vous voulez prendre des harnois femblablcs ans nôtres,vous pourrez entrer aus mefmes dangers que nous,amp; en raporter loucn geamp; guerdon pareil au notre. Par cy deuant vous cftiez archers de iaculateurs feulcment,amp; nous aufsi : amp;nbsp;fi en tels exercices vous n’eftiez fi adroits que nous, Ion ne s’en doit emerueillcr : car vous o auiez pas loifir d’y confumer le tems, comme nous. Mais mein-
tenant
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LA CYROPEDIE
tenant quand vous ferez armez ayans vn hallecret en doz ^ l’cfcit en Ja feneftretel que nous auons acoutume de porter, l’efpee ou cymeterre en la dexrre,pour furement amp;nbsp;de près ateindrel’en-nemi J quelle diference y aura il entre vous amp;nbsp;nous? Quelle di-uerfite y pourra Ion rrouucr,finon en la vertu amp;nbsp;hardiefledaqueHc toutefois vous polluez amp;nbsp;deuez montrer aufsi grande que nous? Conuient il miens â nous qu’avons d’apeter la vi6toire,qni aportc amp;nbsp;confeme tontes les richefTes : on d’aqnerir’la pnifTance, par laquelle on gagne tons les biens des veincuz? Parquoy prenez tous des armes conuenables chacun félon fa taillej amp;nbsp;vous faites encoller en vos compagnies de mefmc ordre comme nous fommes enrôliez: Et fi qnelqn’vn de vous fe contente d’eftre feulement au reng des ananturiers, qu’il demeure entre les antres bendes des gens mercenaires anec fes armes acontumees.
Les ordonnances que Cyrus jit pour exerciter fes^ens ^ les tenir en toute obetjjance. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. 111 r.
Près que Cyrus eut ainfiparlés les foldats entrèrent en grande efperance, amp;nbsp;ingerent, que s’ils refufoient de fnporter les mefmes tranans, par lefqnels ils aquerroient pareil guerdon que les nobles, que non fans canfe ils ponrroient paffer leur vie en grande ponrete. Parquoy tout fon-dein le firent tons entoiler,fi prindrent les armeSjamp; feprefenterent
f^n Prince doit faire e-xerciter Jes
fous leurs enfeignes. Sur ce point amp;nbsp;d’anentnre,lon eut nonuellc, que les ennemis s’aprochoient,tontefois ils ne vindrent pas: A cette canfe Cyrus defirant exerciter fes gens ans enures de la guerre, s’efforça de leur enfeigner le fait des armes, l’ordonnance des ba-tailleSjamp; tontes les rnzes amp;nbsp;aftnees de guerre,amp; pourec faire print incontinent des CommifTaires desvinres de Cyaxare, aufquelsil commanda fournir prontement tout ce qui feroit neceflaire à leur entretenement, à fin qu’ils n’enffent autre chofe à penfer qu’à mettre en enure les ordonnances requifes à la difeipline militaire. Et ponrantant qu’il ingeoit eftre le bien des gendarmes de verfer feulement en vue chofe, amp;nbsp;ne difiraire leurfantafie en dinerfes pen-fees, il leur Ota le dart amp;nbsp;la fiefehe, amp;nbsp;ordonna qu’ils combatiïlent feulement anec le corcelet,lc bouclier,amp; l’efpec.Et fit fi bicn,qn’cn peu de tems ils eurent le coeur pront, on à combatte les ennemis, on à confefTer ( s’ils ne faifoient leur denoir ) d’eftre inutiles amp;
anoir efte ennoyez pour néant,qui eft vn reproche fort defplaifant à cens
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à cens qui fe fentent n’edre nourriz à autre fin, finon pour défendre cens quiles nourrifient.D’autre part connoifiant que les hommes s’cxercitent volontiers es enures ou il y ha quelque contention de gloire, ou l’vn fait à l’enui de l’autre, il fit des ordonnances pour les faire combatte en toutes les chofes que doit fauoirvn gendarme. A fauoir comme chacun fe deuoit porter en fon endroit , que le fimple foldat fuft obéilTant à fon fuperieur, pront à trauailler, hardi à entrer en toutes chofes perilleufes, fachant garder l’ordonnance, braue amp;nbsp;fier ans armes, amp;nbsp;ambicieus en tout ce qu’il entreprendra. Que le Cinquenier full de fa perfonne tresbon 2etts Je prif, gendarme amp;nbsp;s’efforçait de rendre fes quatre compagnons fembla- er ordonan bles à lui : le Dizenier fa dizeine :1e Caporal fa bende : le Cente- cw. nier facenteine:leCapitcine de mille hommes fans reprehenfion mill peine aiiec toute diligence de faire fon deuoir entiers cens qui ont charge fous lui, à fin qu’vn chacun full obéilTant à fes fiipe-rieurs. Etpour mieusles attireràbien par honneurs amp;nbsp;profit s, il propofa des dons à tous les degrez de gendarmerie, amp;nbsp;promit aus Centeniers de les faire Capiteines de mille hommes filesfoldats de leurs compagnies fe montroient vertueus : ans Caporaus de les faire Centeniers,s’ils enfèignoient bien leurs bendes: aus bons Di-zeniers de les faire Caporaus : amp;: ans bons Cinqueniers de les mettre au nombre des Dizeniers. Pareillement ans fimples foldats les . . faire monter au degré des Cinqueniers, s’ils eftoient gens de bien au fait de guerre. Et la premiere chofe qu’il ordonna à cens à qui il donnoit quelque charge en fon camp, elToit de fe faire obéir amp;nbsp;ay-mer de leurs gens : amp;nbsp;auec plufieurs autres honneurs qu’il leur dc-partit,leur propofa trefgrandes efperances amp;nbsp;grande loucnge, fi au teins à venir quelque haut bien fe venoit ofrir. D’auantage con-flitua à chacune côpagnie, Efquadre, Dizeine, ou Cinqueine, cer-teines recompenfes de vicloire,s’ils fe montroient obéûlans à leurs fuperieurs, amp;: executoient prontement leur charge , telles que l’on peut départir à vne multitude conuenablement. Voila ce qu’il ordonna, amp;en quoy ilfaifoit exerciter fon armee. D’autre part fit LeLe^if,O^ faire des tentes pour fes gens félon Je nombre de fes Centeniers, traJernent, allez grandes pour loger toute leur compagnie. Et pource que chaque compagnie de Centenier eftoit de cent compagnons, ils clloient félon leurs ordres logez tous enfemble, ce qu’il eftimoit deuoir eftre grandement proHtable:pource qu’ils verroient le traitement l’vn de l’autre fans aucune diference qui les deuil faire plcindre, amp;nbsp;dont ils pnllent s’exeufer s’ils fe portoient lafcheinent contre leurs ennemis, ou prétendre d’auoir efté plus maltraitez
f que
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queles autres,ioinc que par ce moyen ils s’entreconnoîtroient Tvn l’autre, amp;nbsp;de honte de leurs compagnons s’ahftiendroieiit de faire aucun afte deshonnefte, à caufe que les hommes inconnuz amp;nbsp;cachez font communément plus enclins à oifiueté ^ comme cens qui font en tenebres. Dont auiendroit aufsi que par telle conuerfa-cion les foldats feroient plus dili^cns à £;arder les ordonnances amp;nbsp;plus aifcz a renger : puis que les Centurions auoicnt toutes leurs bendes logees près de leur perfonne, à fin que fi le camp marchoit par bendes qu’on le pull aifement faire, pareillement les Capo-raus leurs gens, les Dizeniers leurs dizeines, amp;nbsp;les Cinqueniers leur nombre. Or il iugeoit que la diligence,dont l’on vferoit «à bien reigler les foldats fous chacun Chef feroit,qu’ils ne fe mettroient fi aisément en defroy, amp;nbsp;fi par malheur ils y elloient mis, facilement pourroient retourner en bon ordre : tout ainfi que les pierres de raille,charpentericSjamp; bois meniiifez,qui par fois font defioints amp;nbsp;défaits, penuent fans dificulté eftre r’aflemblez àcaufe des marques qui montrent en quel lieu chacune piece doit eftre mife. Il trouiioic aufsi vu merueilleus profit en telle comunicacion, pour-autant qu’ils s’entraymeroient l’vn l’autre, amp;nbsp;ne s’abandonne* roient fi tôt : comme l’on voit les beftes nourries cnfemblc regretter amp;nbsp;demader leurs compagnes d’vu grand defir, fi par force quelle erauML qu’vu les ha otees, ou fcparees. Cyrus fit encor’ vnc autre tref-bonne amp;profîtable ordonnance, qu’aucun ne vinft diner, fouper, ou prendre fou repas en quelque l'orte que ce fuft,qu’il n’uft premièrement pris de l’exercice iufques à hier, amp;lcs menoit lui mef-mes à la challe,letter la barre,luiter, ou inuentoit des ieus pour les fiiire trauailler : ou bien s’il auoit quelque chofe à faire, il les met-toit fi chaudement en enure qu’ils ne retournoient pas fansfuer: ce cju’il penfoit eftre bon à merueilles’, fuft pour les faire manger anec plus grand plaifir, ou pour conferuer leur fauté, ou pour durer miens an tranaii, lequel lui fembloit rendre les hommes plus dons amp;nbsp;traitables, comme il anient des chenans qui en tranaillant founent cnfemble deniennent plus dons en compagnie. D’ananta-ge cens qui fe fententexercitez amp;nbsp;dilpos font plus fierS contre les' anerfaircs j amp;nbsp;combatent aueciplus grande afinrance. An demon-' rant Cyrus auoit fait faire pour foy vu panillon bien grand ,,quiJ cftoit large amp;nbsp;fnfifant'ponr receuoir tous cens qu’il vouloir con-uier à fa table: Car fonuent il faifoit fouper les Centeniers anec lui, félon l’oportunité du tems qu’ils ponnoient anoir, les Capo-rans, Dizeniers, Cinqueniers, amp;nbsp;fimples foldats : amp;nbsp;quelquetois cinq,dix,vintcniq,ou cent à la foisjqni eftoit vne compagnie.Aiiéc : nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;celà
-ocr page 79-D E X E N o P H o N. LIVRE IT. 4 cela il honoroit foiiuent cens aufqucls il voyait faire quelque cho-fc qui lui fuß agréable. Les viandes dont il les faifoit feruir eftoient de mefme les fiennes, amp;nbsp;donnoit égalé portion aus Cominiflaires amp;nbsp;autres Oficiers qui auoient charge desmunicions amp;nbsp;vîntes au camp J lefquels il vouloit amp;nbsp;eftimoit deuoir eftre honorez tout ainfi que les Heraus amp;nbsp;Embafladeurs. Car il faloit qu’ils fiiflcnt fideles entendans les afaires de guerre^ fins, rufez,hardiz,pronts, amp;nbsp;non parefleus,prefts à executer toutes chofes, amp;nbsp;coferuer les biens des bons gendarmes, afin qu’ils n’ayent ocafion de refufer, ou fc montrer tardifs à faire les commandemens du Prince.
Comme Cyrus deuifoit vracieufement duec fes Caffiteines, ^ des cotes qu’ils lui firent par ioyeufetépour lui donner plaißr.
CH AP. v.
Vtre les ordonnances fufdites, Cyrus, eftant en fon pauillon auec fes gens conuicz, mettoit toute diligence à les faire viure amiablement, que leurs deuiz fuirent gracieus, honnefles, amp;nbsp;incitaflent leurs compagnons à vertu. Car il fe inettoit fouuent à deuifer auec eus : inefmes citant vn iour tombe en propos leur demanda, comme fe por-toient les autres Perfes de leurs compagnies, amp;nbsp;s’ils faifoient mal leur deuoir pour n’auoir elle infhtuez comme eus, amp;nbsp;s dire non-licitement adonnez au fait delà guerre, ou s’ils eftoient pareils, tant en la façon de viure, qu’à manier les armes. Lors vn des prin-cipaus Homotimes nomme Hyftafpc lui refpondit, que quant aus ennemis il ne fauoit comme ils fi deuoient porter.-mais en la façon de viure,il fauoit par experience, qu’il y en auoit de fachens,lt;amp; mal apris. Et lui raconta d’vu compagnon Perfe, comme vn iour que Cyaxare auoit donné la chair des facrifices à chacune compagnie enfi grande quantité,que chacun foldat en deuoit auoir trois pieces ou plus, le Cuifinier commençant au Centenier alloit tout à l’entour de la compagnie diftribuant les viandes ; mais quand ce vint au fécond mets,que le Centenier eut commande de commencer au dernier, amp;diftribuer les viandes à rebours, ce compagnon fort fâché, s’eferia allez haut, difant qu’il n’y auoit point d’égalité en cel3,pourautant que Ion ne commençoit iamais à cens qui font au milieu commelui. Dont le Centenier cfmu i’auoit fait venir près de lui,afin qu’il choifit quelque bon lopin de ch^inmais ayant d’auauture mis la maiu fur vue petite piece, il fe defpita en difant:
} nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;‘ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;fi En
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En maPheure fuis ie venu icy ! Derechef le Centenier l’auoit apaisé J difant qu’au troifieme mets il feroit commencer la diftrihucion par lui j à fin qu’il print le plus gros morceau à fon plaifir : ce qu’il fit à la troifieme fois, amp;nbsp;lors pource que d’auantureil auoit mis la main fur vne petite piece, iilalaiffa,penfant en reprendre vne autre. Mais le Cuifinier eftimant qu’il n’en vouluft plus, s’eftoit aiiancc aus autres deuant qu’il en eu II choifî vne plus grande, tellement que le poure commença à fe defpiter fi fort, qu’il ietta fit chair amp;nbsp;fon brouet par terre, fe courrouçant amerement de fa grande infortune auenuc : dont le Caporal prochein à lui frapant des mains auoit fait vne grande rifee, amp;nbsp;le Centenier mefme qui faifoit ce conte^feingnoit de toufsir,ne fe ponuant tenir de rire : amp;nbsp;promit de montrer le perfonnage à Cyrus. Apres que toute la compagnie eut allez ris de ce nouuean conte, vu autre Centenier fit le fieu d’vu lourdaut,difant,qu’vn iour pendant qu’il enfeignoit vne defes bendes à marcher en bataille, félon ce que leur Prince Cyrus les auoit inllruiz , amp;nbsp;de long tems acoutumez, il auoit mis vu Caporal en telle, amp;nbsp;vnicunehomme auprès de lui, amp;nbsp;les autres en leur ordre. Quand il eut fait fine ans copagnons demar-cher,ce icune homme lailfant fon Caporal amp;fes compagnons derrière s’eftoit anancé de marcher feul vers lui, amp;nbsp;difoit «à fes compagnons, que le Centenier les apeUoit,tellement qu’il y allèrent tous apres Iui,laiirant leur Caporal à la queue. Mais apres que le Caporal (voyant le defordre) eut commandé qu’ils reuinflent en leurs places,les foldats furent marriz, difans qu’ils ne fauoient auquel il faloit obéir, puis que l’vn commandoit de marcher, l’autre de s’ar-refter. Sur quoy le Centenier apres les auoir remis en arroy, leur auoit lait commandement,de ne bouger iamais de leur place qu’ils ne vifient marcher leur Caporal ,amp; le fuiure incontinent. Derechef raconta, qu’vue fois voulant enuoyer des lettres qu’il auoit efcrites à famaifon, par vu mclîager qui alloit en Perfe,il auoit commandé àvn de fes Caporaus, qui fauoit ou elles eftoient, les aller quérir en fon pauillon en diligence. Quand ceieune homme amp;nbsp;toute la bende virent courir leur Caporal vers les tentes ils fe mirent tous à courir apres auec leurs haubergeons amp;nbsp;efpees,amp; re-uindrent enfemble portans les lettres au Centenier, que le Caporal lui prefenta, difant, Capiteine voilà comme ma bende execute vos cômandemens.Tous les afsiftans feprindrent à rire amp;nbsp;moquer de tant de meftagers armez pour vne lettre, mais Cyrus fe mit à les louer,amp; fit vne cxclamacion en riant ; O mon Dieu,quels compagnons allons nous ! Eft il pofsible d’en trouuer de pareils, vu que pour
-ocr page 81-DE XENOPHON. .LIVRE IL 45 pour peu de viande qu’on leur donne ils deuiennent fi bons amis amp;nbsp;obéiflans à leurs Capiteines, qu’ils fe mettent à obéir allant que fauolr ce qu’on leur commande! Et certeinement ie ne fay fi on en pourroit defirer de meilleurs que ceus cy. Orilyauoit dedenslc pauillon de Cyrus vn Capiteine nommé Aglaïtadc.homme aiifte-re amp;malplaifant,qui demanda à Cyrus ^ s’il aioutoit foy à tout ce que ces plaifanteurs lui difoient. 11 refpondit qu’oui, amp;nbsp;ne penfoit pas qu’ils vouluflent mentir à leur efcient. À qiioy il répliqua, qu’ils nédifoient vérité, mais comme baiiarz amp;nbsp;vanteurs auoient controuiiez ces nouiielles pour le faire rire.Cyrtis fe montra cfmu de ces paroles amp;nbsp;lui dift, qu’il n’apeUaft point ceus là vanteurs ; car le non de vanteur eft propre à ceus qui fe font plus forts amp;nbsp;plus riches qu’ils ne font,amp; promettent de faire plus qu’ils ne peuuent, en intencion de gagnerlt;juelque chofe:mais ceus qui donnoient plaifir à table à leurs amis,ne racontoient tels propos fous efperan-^® ^^ o^g^c'^ gt;nbsp;ny pour endommager autrui, ains par ioyeufeté amp;nbsp;raillerie, tellement qu’ils deuoient plurtot eftre apeUez gens de bonefprit amp;nbsp;récréatifs, qu’arrogans ny vanteurs. Quand Cyrus eut ainfi parlé en faneur de ceus qui le faifoient rire, le Cente-nier qui auoit faitle dernier conte dit à Aglaïtade:Si nous cuisions contre ta volonté taché de te faire pleurer, comme font quelques Muficiens, amp;nbsp;Orateurs, qui par douloreufes chanfons amp;nbsp;paroles engendrent au cœur des »eus mélancolie,tu aurois raifon de nous reprcdre,vù que tu nous defprifes de ce que nous nous fommes efforcez de te refiouir fans te faire aucun defplaifir. Aglaïtade refpondit, qu’il ne les dcfprifoit fans caufc,pource que ceus qui font pleurer autrui font plus à elhimer, que ceus qui les font rire : car il fa-uoit lui mefme, s’il eftoit home de raifon, que les peres enfeignent miens la temperance à leurs enfans par lamentacions,qne par cho-fes ridicules. Pareillement les précepteurs amp;nbsp;les loix par pleurs amp;nbsp;chatimens enfeignent les fciences amp;nbsp;indice à leurs difciples amp;nbsp;citoyens ,amp; non par raillerie. D’anantage quelesplaifantenrsn’e-ftoient vtiles, ny à la fanté du corps ny à rendre les hommes plus prudens au gounernement d’vne maifon,ou République. Lors Hydafpe vn des principalis Capiteines refpondit: Si tu me vens croire, compagnon, tu enfeigneras ce pleurer tant precieus amp;nbsp;vtilc à nos ennemis ,amp; nous lerrascerire qui eft fi vil amp;nbsp;inutile entre nos amis. Et à canfe que tu en dois aiioir grande abondance en ton cœur,ne l’ayant confumé,ny auec tes amis,ny aiiec les eftran-Sers,tunous pens bien faire ce plaifir de rire vne fois pour l’amour de nous. Rire, moy ! dit Aglaïtade : penfez vous me faire refiouir?
f 3 Non
-ocr page 82-4lt;5' nbsp;nbsp;nbsp;.11 LA C Y. R 0 P E D, I E
Non dcajdit le Centenicr, par lupiter : Car il feroit plus aifc de ti* rer du feu de ton cœur ^ que le ris. De cette refponfe les afsiftans fc prindrentà rire connoiflans fa nature,amp; Aglaïtadeincfmefourioit vu peu.Dont Cyrus le voyant quelque peu rougir, fe moquant tea ça le Capiteiile, difant qu’il auoit eu grand tort ide forcer ainfi la nature d’vu homme graue amp;nbsp;condant, le voulant induire à rire^vu qu’il eftoit ennemi de toute ioyeufetc. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i
}■ Le Confer! de Cyrta auecfs^ens, s’ilfaloit recompenfer les fot-dats egalement,ou felonie mefire d'i/n chacun, chap. vi.
Près que ces propos furent finiz par plufîeurs brocars amp;nbsp;rifees, Chryfante l’vn des plus fageJ Centeniers, voulut mettre en deliberacion quelque meilleur deuiz,»St parla en telle manière : ray des longtems coufideré. Sire, auecmes compagnons, que nous anons tiré hors du pais beau
Comme leu doit dtîlri-luer le lutin entre les foldats.
coup de gens de diuers cfpritz vaillans amp;nbsp;çouarzgt;dontles vus font dings de beaucoup de biens, les autres de,peu; Toutefois!s’il auc-, îioit que, nous eufsions quelque grandevicloipe fur nos ennemis,!! n’y ha honnne qui ne vonluftauoir auGi bonnepart du butin, que leplus vaillant de l’armce. A cette caufe iç vous demande, fi vous n’edimez pas comme moy, que ce foit la plus defraifonnablc amp;nbsp;nuque chofe du monde, de recompenfer egalement le couart amp;nbsp;le vaillant compagnon. Vraymcntjdit Cyrus,ce point mérite d’edre bien amp;nbsp;au long enten,dn. N’efles vous pas d’ams que nous lacions venir tous nos gens au confeil/pour leur demander ce qu’ils edi-mentle meilleur, (fi quelque grand bien fe vient ofrir apres nos labeurs ) ou de recompenfer les compagnons egalement, ou de guerdonner vn chacun félon fes merites. Qu’ed il befoin,dit Chry-fante, d’en demander l’auis des gendarmes ? Ne fufira il pas de leur finifier que vous le voulez ainfi,vu que vous auez aufsi ordonné les pris aus veincucurs en.tous les exercices de guerre ? Nenni, dit Cyrus : car les chpfesne font pas ferablables, amp;nbsp;y ha grande dife-rençe. Çarûls edhnentee qu’ils gagneront à la guerre, leun edre commun , amp;nbsp;apartenant à eus de bon droit ; mais la puiflance de commander m’apartienticomme à fils de Roy, amp;nbsp;l’ay aporteeen Portant du pais, de forte qu’ils ne penferont que ie leur faße tort, en leur baillant tels Chefs amp;nbsp;Gouuerneurs que bon mefemble. Çommçnf 1 ‘^‘'^ Chryfante,penfez vous que cette multitude afiem-bUe-doiiieiuger j que les dons de la vdton efe départent â ccusiqui .,4 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;micus
-ocr page 83-D E X E N o P H o N. ’ L I V R E IL 47 miens auront combatn ? amp;nbsp;non pluftot que tont foit également départi entr’eus ? Certeinement iele penfe j dit Cyrus ^ amp;nbsp;ne croy pas qu’il y ayt lionime de fi ponre ingement, qui ne connoiffe eftre raifonnablcj que cens qui trauaillent le plus amp;nbsp;font plus de bien en commun.foient miens guerdonnez que les antres.Danantage^cet-tèinegalité de dons fera profitable anS lafehes amp;nbsp;timides j pour les ' faire deuenir bons amp;nbsp;bardiz. Parqùoy Cyrus Vouloit faire publiquement cette dcHberacionjcftiniant que par ce moyen les Homo-times amp;nbsp;sens d’honneur deuiedroient meilleurs, amp;nbsp;s’eftofeetoient dé montrer en eus quelque enfeigne de plus grande vertu, voyans qu’ils feroient guerdonnez félon leurs faits,amp; reccuroient dîne re-compenfe de leurs trauans. Et de fait penfoit que le terns full: opor-tun de propofer Cette deliberation'au commun ; màis Itt Genfis* homeftes en elloient mafriz, creingnans eftté réduiz S'l’égalité populaire, amp;nbsp;enflent voulu cette deliberacion eftre faite par Cens qui eftoient dedens le pauillon ,amp; décrétée par Celui quiferoit le plus fagc : tellement qu’il y eut vn des Centeniers qui dillen riant pour lediuertirde ce propos : le connois vn compagnon du campjà qui cette égalité defplait meruéilleufemcnt;qui eft de notre chambrée; amp;nbsp;veut tOufiours auoir phls qnc lés autres. Comment f i!ir vn antre, amp;nbsp;des peines aiifsi’? Non vraymCnt, dit il , amp;nbsp;eh Cela ic fuis menteur : car le galand 'eft'tOufionrs’ cc/ntent quVn autre aitplus de labeur plus de malaife quelui,maisnon de bieris. A cela refpoil-dir Cyrus, ie fuis d’auls, puis que nous voulons auoir des foldats bons amp;nbsp;obeidans, que cens qui fc tronueront eftre de la forte qlie tu racontes foient challez de notre armee comme inutiles Ôtadon nez à oifincté.i Car tommuncnlent les gendarmes font enclins d faire tout ce qu’on leur móritre. Dont Cens' qui font vaillans amp;nbsp;bons meinent les autréS à vertu , lés mefehan's à nialamp; an vice. Et delà il aillent que les mefehans treunent plus de compa^nOhs que les bons, à caufe des voluptcè amp;nbsp;allechemens que leur mefehance-tc leur montre, lefqnelles font fi foudeincs amp;nbsp;prégnantes qnela plus part des hommes fe laillcnt attirer apres elles.’ Au contraire la vertu tendant à chofes'ardnes ne montre point de volüptc ptefen-te, ^n’éftpas fî'pinflânte qu’ellepuifle dû premier coup tirer à foy ,■ principalement tpiand il y ÔnËà d’autrés’ iqui induifciit à plai- „.,, ,, fir. Au moyen dequoy qilatid ils fob t dénenui; méfehanfpar oifi- ,,. ,.,i i-.i, uetéamp;fuite des ttauaûs, ils font pires que les guefpes ou taôns, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-
qui veulent fans rien faire dpuórer le labeur des bonnes auettes. -,■? G litre, cens qui font lafehes à trauailler amp;nbsp;hardiz à gagner,'fe font nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;vj lt;nbsp;•-gt;
incontiiieiie’chéf? 'de toutes afefthaiïcctez j car ils tâchent de . 3-.
J nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;s’enrichir
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LA C Y ROPEDIE
elecâon d'hommes.
* Lthaclon cet hne façon dhono-r tries oteus çf/se les anciens auoiet acoutstméde faire en ref fandant du quot;yin en terre , (^ hu-uat le refe.
s’enrichir par mefehans moyens amp;nbsp;les enfeignent ans autres,amp; leur montrent par experience comme les mefehans fe font riches tous lesiours. Umcfemble donq que fans aucune mifcricordc tels fol-dats doiuent eftre caflez. Et continuant fon propos les aiiertit que s’il faloit remplir leur compagnie degens de guerre, ils ne regar-daflent tant à les prendre de leur propre cité, comme à choifir les meilleurs de quelque nacion qu’ils fuflent, pouruu qu’ils euflent force amp;nbsp;vertu pour faire honneur à la compagnie : tout ainfi que l’on ne s’arrefte pas à prendre des cheuaus de fon païs, mais de quelque part qu’ils foient,bons,pronts,amp; hardiz.Et tout ainfi que le chariot ne peut eftre vite fi les cheuaus atclez font retifs amp;nbsp;pc-fans, aufsi l’homme ne peut eftre iufte en compagnie d’hommes iniuftes,ny vne maifon bien gouiiernee ou il y ha de mefehas ferui-tcurs,amp; vaudroit miens s’en palier que d’eftre mal ferui.Et conclud que en les challantde leur compagnie non feulement lonauroit ce profit de voir les mefehans dehors : mais cens qui demourroient effaceroient la male tache qu’ils auroient prifc,les bons ne feroient en danger d’eftre gâtez, amp;nbsp;s’efiouiflans de voir ainfi difamer les mefehans s’adonneroient plus viuement à vertu. Apres que Cyrus eut ainfi parlé, Ôc que la compagnie eut confenti à fon opinion, il fe mit à gaudir amp;nbsp;moquer de cens qu’il entendoit auoir quelque vice, amp;nbsp;principalement d’vu Sambaule Centenier , qui menoit toufiours amp;faifoit feoirpres de foy vn hommevcluamp; diforme au pofsible, lui demandant fi à la manière des Grecs, il menoit ce bel amoureus en tous liens, amp;nbsp;le faifoit feoir près de lui. 11 refpondit qu’oui, amp;cftoit ioyeus de l’auoir auprès de.foy. Par quel moyen, dit quelqn’vn, ce bel homme ha il gagné ton amour ? Ponree, dit il,qu’à tontes les fois queiel’apelle, foit deiour ou de nuit, il vient courant à moy, amp;nbsp;eft fi diligent à m’obeïr qu’il ne fait rien fans fuer : D’auantagcil ha montré à cesDizeniers icy, non pas depa. rôle mais de fait, comment ils fe doiuent gonnerner au fait de guer re. Lors vn de la compagnie dit : Pourquoy donq ne le baife tu comme tes confins, puis qu’il eft fi vertuens? Et ce laid homme refpondit ; Pource qu’il n’ayme point à tranailler : car s’il aymoit le labeur, la peine qu’il auroit à me baifer vne feule fois, fufiroit pout tons les exercices qu’il fanroit prendre. A celà toute la compagnie fe print .à rire,amp; à blafonncr tous lesdens. Finablement ayans con fumé la iournee en diners propos tant dechofes graues, que de plaifantes amp;nbsp;ridicuies,firët *libacion par trois fois,prians les Diens leur donner ce qui feroit bon amp;nbsp;couuenable pour eus : amp;nbsp;l’afiem-blee départie, chacun s’en alla repofer en fon quartier. Le matin enfuinant
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45».
enfumant Cyrus âtaflembler tous fes gens, amp;nbsp;parla à eus enteile manière:
ilayen^ue de Cyrus à tout fon camp, ^ Fauu de Ctyfante ^ de Feraule fur ce que Cyrus auoit proposé, ^ ce qui en fut conclu. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c H A P. vit.
Refchers amis, la bataille s’aproclie, les ennemis s’en viennent, laiournee nous prelle, en laquelle faudra à chacun faire elpreuiie de fa vertu. Si la vidoire eft notre, les perfonnes amp;nbsp;les biens des auerfaircs feront à nous pour recompenfe de nos ____labeurs : Pareillement fi nous la perdons,auec la perce delà bataille, tous nos biens feront ans veincueurs, leveus tant feulement vous auertir d vue chofe, que fi en venant à la mef-lee, chacun de vous fe veut porter prudemment, amp;nbsp;fe fier fur foy mefme,vous ferez merueilles,amp; ferez vidorieus. Mais fi vous vous ainufez à regarder l’vn l’autre, amp;nbsp;atendez qu’vn autre combate pour vous,fuians le trauail comme parefîeus,certeinement tous les malheurs du monde tomberont fur vous. Car la iuflice de Dieu ha ordonné, qne cens qui nefauent trauailler pour aquerir des biens,foient fuietz à cens qui le fanent faire.Parquoy quelqu’vn de vous fe leuc, qui fache difeuter par quel moyen Ion peut miens exercer la vertu : ou en ordonnant, qne cens qui trauailleront le plus,amp; entreront en plus grans dangers, ayent plus de recompenfe amp;nbsp;d’honneur que les autres : on qne le butin de la guerre fe departe egalement entre tous, amp;nbsp;n’y ayt aucune diference entre les conarz amp;vertueus compagnons.
Ces paroles finies Chiyfante fe leua,qni cfloit l’vn des Homoti-mes,ne de grande corpnlencc,ne de grand’force,mais rempli d’vne finguliere prudence, amp;nbsp;dift ainfi : Penfez vous qne i’eftime, Sire, que vous demandez leur opinion, fansyauoir denantpensc, pour falloir fi Ion doit traiter egalement les bons amp;nbsp;les mauuais? amp;nbsp;non pluftotqne veuillez efTayer d’entendre, s’il y ha aucun fi fot, amp;fi ignorant des afaires du monde,qui veuille participer en rien faifant à ce que les antres aqnerronc par vertn’Mais de moy,combien que ienefois ny robufledebras,ny vitedeiambes, amp;des chofes queie feray de ma perfonne, ienevueillc eftreeftimcle premieren titre d’homme fort amp;nbsp;vaillant,ny le fecond,ny le millième, parananture ny l’vn de dix mille : fi ây ie toutefois ferme cfperance, que fi les vaillans hommes font leur deuoir, ie feray participant de quelque
(éefment hommes jui en rejpet oie leurs races.
ou pour autre ocaßo e-foient corne compagnes du rrmee.
LA CYROPEDIE
bien, félon qu’il apartiendra par raifon. Mais fi les parefieus amp;nbsp;inutiles ne font rien , amp;nbsp;que les bons y aillent aufsi froidement, i’ay grand peur d’y gagner plus de mal à ma part, que ie nevoudrois. Ayant Cbryfante ainfi parle, Fcraule qui efloit homme populaire amp;nbsp;de bas lieu entre les Perfes, mais de ieunefle familier amp;nbsp;agréable à Cyrus,d’autre part beau,fort,gracieus,lt;Sc qui donnoit de foy cer-teines enfeignes d’vn coeur noble amp;nbsp;hardi,cômença à parler ainfi:
le croy cerceincmcc,Sire, amp;nbsp;vous compagnons Perfes,que nous fommes tous egalement apellezàvne efpreuue amp;nbsp;contencionde vertu, par ce que nous fommes tous d’vue mefme nourriture, honorez d’vne mefme conuerfacion , ayant deuant les yens vnc mefme reigle de viure,qui eft d’obéir aus Capiteines, en quoy celui qui le fait volontiers eft honoré de Cyrus. D’auantage fc montrer fort amp;nbsp;hardi contre les auerfaires eft vne chofenon moins conuenablc àl’vn qu’lt;à l’autre .'mais à tous egalement necefTaire amp;nbsp;duifante. Or meintenaut lon nous prefente vn combat, auquel de nature chacun eft allez inftruit, tout ainfi que lon voit les animaus auoir de nature vne forte de combatre qu’ils n’ont point aprife d’autrui, comme le Beuf combat des corncs,le Chenal du pic, le Chien de la gueule, le Sanglier des defenfes : auec lefqueJles ils fanent aufsi naturellement fe garder des chofes à eus contraires fans l’inftruccion d’aucun précepteur : mefme les enfaus ont quelque manière de de-fenfe quand on les veut batre, amp;nbsp;ne furt que mettre les deus mains au deuant, par faute d’autre thofe pour empefeher cens qui les bâtent-: Ce qu’ils n’ont point apris par aucune difeipline, (carfou-uentils font puniz feulement pourrempefehemet qu’ils donnent à cens qui les bâtent) mais fculemct par l’inftinft dcNaturc. Et me fouuient qu’eu mon enfance ie prenois vn couteau, ou cfpee, en quelque part que iela trouuafle, fans autrement auoir apris comme il la faloit empongner finon par nature, amp;nbsp;tout ainfi que naturellement ie faifois pluficurs autres chofes qui m’eftoient défendues parles parens, aufsi frapois ie de ceglaiuc tout ce que lepou-nois ateindre au defçu d’eus : Car ces afeccions ne font pas feulement nees en nous auec la nature, comme eft le cheminer amp;nbsp;courir : mais aufsi aeompagnees des le commencement d’vne mcrueil-leufe volupté à les faire. A cette caufe puis que le combatre eftplus tôt vne action de naturelle alacrité , que d’aucun artifice, ou do-ftrine aquife, pourquoy ne prendrons nous plaifir à debatre auec les Homotimes de notre honneur, pour falloir fi les pris de vertu feront egaus ? Bien eft vray que fi nous voulons du tout nous com parer àeus,Iesrecompenfçs dçstrauausne fe trouueront iamais ' pareilles
-ocr page 87-DE XENOPHON. LIVRE II. ^t pareilles ans leurs ; Car la vie des Homotimes fera honorable amp;nbsp;pleine de contentement, la notre labourieufe amp;nbsp;fans honneur,qui à mon iugement eft trefgrieue amp;nbsp;pleine de fâcherie. Toutefois vne chofe feule m’incite grandement à entreprendre ce débat de vertu auec eus,c’et que Cyrus en fera luge qui ne iuge point par enuie: Ôc tien pour certeln (i’en apelle les Diens à tefmoins)qu’il ayme com me foymefme cens qu’il conoit eftre vertneus, amp;nbsp;prend plus grand plaifir à leur donner ce qu’il ha,qu’à le retenir pour foy .le n’ignore pas aufsi que les Homotimes font hauteins amp;nbsp;glorieus, à caufe qu’ils fe fentent endodrinez à fonfrir faim, foif, froit, amp;nbsp;chant: mais ils ne fanent pas que nous avions apris celà mefme par vn plus grand précepteur qu’ils n’ont, c’etadire par la Necefsité, qui nous ha diligemment enfeignez, laquelle eft beaucoup plus vigoreufe à inftruirequcpasvnd’eus.lls fe font exercitez à trauailler en portant les armes, lefqnelles on ha inuentees d’vne façon qu’on les peut fort aisément porter. Mais nous auons efte touGours con-treins de marcher amp;nbsp;courir auec grans fardeaus, tellement que les armes par acoutumance me femblent pluftot feruir d’ailes que d’empefehement, amp;nbsp;me font beaucoup plus plaifantes que facheu-fcs. Parquoy foyez certein , Sire, queie feray pront a combatte amp;nbsp;faire fait d’armes, comme celui qui eftinie vu chacun deuoir eftre gnerdonné félon fes merites. Et vous mes compagnons popular res, entreprenez hardiment cette contencion de vertu contre cens cy, qui fe vantent d’eftre fl bien inftruiz à combatte amp;endoftri-nez en toutes accions vertueufes. Car i’efpere vous voir pareils à eus, en toutes les chofes que vous ferez pour aqucrir loucngc, par la vertu de vos armes.
Les ßrdtdgemcs yi^Hc les Cafiteines de Cyrus faifoient en exer-
citant leurs bendes aus armes.
C H A P. V t I I.
ï'VantFeraule eut aiufi parlé, pluGcurs autres fe §I leuerent,qui fauorifoient à tous les deus en leurs opinions. Finablement il fut conclu, que chacun feroit honoré amp;nbsp;su ordonne comme il meri* terolt, amp;nbsp;Cyrus en feroit le feul luge. Apres celà âjlcs Çapiteines ne tachoiet linon à exerciter leurs gens à faire toutes enures apartenantes à la difeipline militaire, amp;nbsp;Cyrus falfoit par fois fouperauee lui toute vne compagnie auec fou Centenier. Vn de ces condn£tenrs diuifa vn iour fa compagnie «n deus, pour les faire combatte enfembU, faifant à tous porter g i leurs
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*A(JXlt;’f ßfn-ße JquaJre, ou iencle de xx^. hommes, ^lu eß le ^aart ttu ne copa^nie lai^iseUe lors neßoit t^ue de cent hom mes : \c)(x-yès le Caporal.
leurs corfclets amp;nbsp;efeuz^ amp;nbsp;à j’vue moitié de gros batons,aus autres commanda ietter des pierres contre l’autre moitié. Quand ils furent amfi rengez amp;nbsp;que le Centenier eut donné le fine de commencer l’efcarmouchej cens cy commencèrent à ietter leurs pier-reSj en forte qu’ils en touchèrent beaucoup de l’autre moitié fur la cuiralle ou fur l’efcu, amp;en bleccrent aucuns aus iaïubes «Sc ans cuilTes : Mais quand ils vindrent à la meflee, ceus qui auoient des batons amp;nbsp;qui premièrement auoient efté frapez traitèrent les autres fort rudement,les frapans à grans coups fur les bras^ greues,amp; cuifleSjfur le col «5c les reins aufsi, quand ils fe baifioient pour pren dre des pierres j amp;nbsp;les chafierent fort lourdement auec vue grande rifee «Sc plaifir. Depuis ayans rechangé leurs armes ^ ceus qui prin-drent les batons firent le femblable à ceus qui les auoient batuz auec les pierres. De cet esbatemênt Cyrus fut fort ioyeus, «Sclona non feulement l’inueucion du Centenier j mais l’obéillance des foldats J de ce que tout cnfemblc ils s’exercitoient «Sc fe courrou-çoicntjs’efiouilîant de voir viftoricus ceus qui imitoient la manière de combatte des Perfes : de forte qu’il les fit tous fouper auec lui. Et voyant dedens le panillon aucuns qui auoient les bras ou ïambes lieeSjlcur demada ce qu’ils auoient.Ils dirent^que c’ertoient coups de pierre iettez de loin j amp;nbsp;que le combat de près (que lon failoit à coups de baton) n’eftoit qu’vn pafletems au regard du iet des pierres. An contraire ceus qui auoient efté marquez à coups de baton montrans leurs bleçurcs ans mains, an col, amp;. an vifage, crioyent qu’il n’y anoit point d’csbat à combatte de pres,amp;: que ce n’elloit qu’vn ien d’enfàns de ruer des pierres an pris des coups de baton dont ils eftoient blecez. La rifee de cette difpute fut grande: mais les iours enfüiuans fi quelque meilleur afairene les te-noit, tonte la campagne elloit amufee à tels esbatemens. Vn autre des Centeniers teuenant vn iour de la riuicre menoie fes gens rengez vn à vn à durer, amp;nbsp;quand il lui fembloit heure commandoit a les Caporaus ramener la fécond*efqnadre, la troifieme «Sc quatrième en telle, tellement que les quatre bendes de la compagnie eftoient incontinent rengees enfemblc amp;nbsp;les Caporaus ioints en telle. Lors fi bon lui fembloit, commandoit a chaque Caporal faire marcher fa bende à deus, ce qui elloit incontinent fait,car les Dizeniers de la premiere bende feioingnoient ayans leurs dizei-nes apres eus, ainfi faifoient ceus de la fécondé à leur queue, «Sc ceus de la troifieme «Sc quatrième pareillement. Derechet voyant l’heure oportune, commandoit aux Caporaus mener leurs bendes à quatre, amp;nbsp;incontinent les Cinqneniers feioingnoient de chaque bende
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bende amp;nbsp;leurs gens après eus, tellement qu’ils marchoient quatre à quatre. Par ainfi s’exercitoient à changer deforme, amp;nbsp;à faire le limaçon anec toute la compagnie à fin de combatte de tous cotez. Mais quand il fut à la porte dupauillon il leur commanda marcher deus .à deus , dont le premier Caporal entra dedens à deus ayant la fécondé bende à fa queue ^ amp;nbsp;le troifiemc amp;nbsp;quatrième y entrèrent en mefine ordonnance^ amp;nbsp;tout ainfi qu’ils y entroient ils fe rengoient à table pour fouper. Laquelle difeipline amp;nbsp;infiruc-cionjoint la prontitude amp;nbsp;obéiflance des foldats^ fut grandement prifee par Cyrus, qui les receut tous à banquet à fatable. Lors vnCentenier quielloit aufsi conuié à cemefme banquet, dift à Cyrus : Et ma compagnie. Sire, ne la conuierez vous point à fouper comme les autres ? Si eft ce qu’en allant fouper elle obferue toutes ces façons de changer, amp;nbsp;apres fouper le condudeur de la derniere bende fort le premier, ayant tous les derriers cens qui en champ de bataille doiuent eure les premiers, apres fort le Caporal de l’autre bende en mefnie façon, amp;nbsp;celui de la tierce amp;nbsp;de la quarte, ce que i’ay ordonné d’ellre garde à fin que quand ie les voudray retirer des ennemis, ils fâchent comme il s’y faudra porter. Mais quand nous fommes fur les chemins s’il faut aller vers Oricnt,moy éc lepreniier Caporal marchons les premiers , apres viennent le fécond, troifiemc, amp;nbsp;quatrième, les Dizeines amp;nbsp;Cinqueincs de chaque bende ainfi que ie les ay rengces. S’il faut tourner vers Occident , fans fe mettre en defarroy ils ne font que tourner vifage, amp;nbsp;celui qui conduit la queue auec fa derniere bende va le premier, les autres le fuiuent,de forte que ic deinen le dernier,auqucl ils s’acou tument à obéir, tant en me fuiuant quand ie fuis premier, comme en me conduifant quand ie fuis dernier. Cyrus louant celle manière de faire , lui demanda, s’ils »ardoient toufiours telle ordon-nance : Il dit, qu’oui, quand ils alloient fouper, A donq Cyrus le conuia pour le lendemain auec toute fa compagnic,amp; le loua de ce qu’en allant amp;reucnant tant de iour que de nuit il pourpenfoit nonuelles formes de bataille, amp;nbsp;par vn mefinemoyen exercitoit les corps de fes gens au trauail, amp;nbsp;l’cfprit à vertu, amp;nbsp;lui promit pourcc qu’il faifoit toutes chofes doubles, donner «à fes gens doublebanquet. la à Dieu ne plaife, dit le Centenier : car il n’efl pas raifonnable que nous donniez double fouper envn iour, fi vous ne voulez aufsi trouucr moyen de nous faire auoir double ventre. Sur celà l’aflemblee fe départit, amp;nbsp;le Icndcmein il receut au banquet la compagnie de ce Centenier ainfi qu’il l’auoit promis, qui futcaufe que toutes les autres compagnies de Farmee aprindrent 3 celle
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LA CYROPEDIE
celle façon, amp;nbsp;tach oient de les imiter amp;nbsp;faire quelque art ever; tueus amp;nbsp;magnanime.
Comme Cyaxare suit les EmbajJadeurs du Eoydes Indes en lu prejence de Cyrus splits les enuoya yers leHoy d^JJyrie.
CHAPITRE IX.
^f Je CyrM nefiott ^He de ~Vint md le hornes, les autres dix mtl‘ßrnoiee aus ailes.
Aifant vn iour Cyrus la montre de tous fes gens en armes, amp;nbsp;les mettant en ordre de bataille, vn Heraut du Roy Cyaxare lui aporta nouuelle que il y anoit vne Embaflade du Roy des Indes vers lui, à cette caufe lui mandoit qu’il vinft à toute ____diligence. Et lui prefenta vne robe tresbelle amp;nbsp;riche, que Cyaxare vouloir qu’il portail, afin qu’il comparuft en la prefence defdis Eniballadeurs le plus magnifiquement qu’il pourrait dire acoutré. Ces nouuelles ouics,Cyrus commanda au Cen-tenier du premier ordre qui elloit défia prell, fe mettre à main droite,amp; rengerfes gens en telle vn à vn apres lui: fi fit faire le fem-blable au fécond tout ioingnant ,amp; à tous les autres pareillement,, lefquels obéirent prontement à fes paroles, amp;:en peu d’heure furent reugez de telle façon, que leur bataillon elloit dedeuscens hommes de front (car autant anoit il de Centeniers) amp;nbsp;de cent feulement d’efpdleur. Les ayant ainfi rengez leur commanda de le fuiure, amp;nbsp;fe diligentoit de les mener lui mefme : mais quand il fut auerti,que le grand chemin tendant au palais Royal elloit fi ellroit, que Ion n’y eull fccu mener deus cens hommes de front, il fit fur le champ changer de figure, amp;nbsp;fit aller deuant les dix premiers Cen-teniers, qui faifoient vn millier d’hommes, le fécond millier à leur queue, pareillement tous les autres milliers l’vn apres l’autre à la fuite,amp; mit deus guides fur le chemin plus ellroit, pour auertir les, ignorans par ou il faudroit paffer. Quand il fut près de la porte du palais,!! changea derechef d’ordonnance,amp; commanda au premier Centenicr renger fa compagnie à douze d’efpelleur , que les Douzeniers fulient tous en telle à l’entour du pauillon Royal , amp;nbsp;fit faire le femblable au fécond, amp;nbsp;pareillement à tous les autres, lefquels obéirent incontinent à fon commandement: amp;nbsp;il entra dedens acoutré d’vn habit du pais de Perfe,qui n’elloit ne trop vil, ne trop fomptucus. Ce voyant le Roy fut trefioyeus de fa diligence , mais vn peu troublé de ce qu’il n’eftoitplus richement, amp;nbsp;magnifiquement vétu , amp;nbsp;lui dit. Comment Cyrus ! pourquoy vous montrez vous fi mal habillé aus lu dois ; vu que ie vous voij-lois
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lois faire voir acoutré le plus magnifiquement amp;nbsp;honorablement qu’il m’euft efte pofsible ? Mefmes que cela me full tourné à honneur de voir vn mien neuen braue amp;nbsp;luifant de richeffes? Par quel moyen, dit ifvous pouuois ie miens honorer^ on m’amnfant long terns a vetir vne robe de pourpre,prendre des braffelets, mettre vn carcan an col, amp;nbsp;tarder à faire votre commandement ^ on bien venant auec vne telle puiffance ^ fi diligemment ^ plein de poudre amp;nbsp;fuein-j hors d’aleine , vu que non feulement levons honore de ma diligencejmais aufsi de robeïHance de mes foldats? Cyaxare ingea, que fa raifoneftoit bonne, amp;nbsp;tout incontinent donna audience ans Embafiadeurs d’Inde, qui dirent, auoir efte ennoyez vers lui, par le Roy des Indes, pour entendre les caufes de la guerre d’entre les Medes amp;nbsp;Aflj riens, amp;nbsp;apres auoir entendu fa refponfe iroient cxpofer le mefrae maderaent au Roy d’AlTyrie, duquel aufsi la refponfe ouie ils notifiroient à tous les deus, que le Roy des Indes,vu le droit des parties,donneroit fecours à celui auquel on feroit tort. Cyaxare leur dit : Efeoutez donq ma refponfe. Nous n’auons fait aucun tort à l’AlTyrien : parqnoy vous pourrez aller vers lni,amp;: falloir ce qu’il vous dira. Sur ceCyrus demandant congé de parler, aiouta:Dites aufsi au Roy votre maitre,que fi l’AlTyrien fe fent en quelque chofe outragé de nous, desàprefent nous fommes con-tens de prendre amp;nbsp;conftituer le Roy des Indes pour luge de notre diferent. Laquelle refponfe entendue les EmbalTadcurs prindrent congé du Roy,amp; s’en allèrent versTAlTyrie.
Comme Cynts délibérant auecßn oncle de fes araires pour trou-uer de l’ar^ent^entreprint la guerre contre le Koy d'arme-me qui s’efloit rebellé. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a p. X.
Près que les Embafiadeurs furent partiz, Cyrus entrant en propos des afaires de la gucrre,deuifa longuement auec Cyaxare amp;nbsp;lui dit.^Mon oncle, vous fanez que ic fuis venu de ma maifon fans aporter grofie fomme d’argent, dont toutefois le relie eft bien petit, à caufe que ie l’ay dclpendu «à l’entretenement de mon armee, amp;nbsp;ne vous faut emerueiller, que iePayedclpendu entr’eus, combien que mes gens fontnourrizà vos defpens: Car ie vous auertis ne l’auoir confumé en autre chofe, qu’à honorer amp;nbsp;chérir les foldats, en reconnoifiant les ades »magnanimes de chacun d’eus. Car certeinement i’ay cette fantafie, que comme celui qui ha »faire des hommes amp;nbsp;en veut dire fidclc-
Pr OUI Je 11 ce du Prince.
ment
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ment ferul, les doit plus gagner par Bienfaits amp;nbsp;douceur ^ que par fâcherie amp;nbsp;rigueur : aufsi celui qui veut auoir des gendarmes pronts amp;nbsp;délibérez à la guerre, pour en eftrefecouru au befoin, les doit chérir amp;nbsp;atraire par libéralité amp;nbsp;bonnes paroles àfon obéif-fance. Pource qu’à la vérité il faut que cens là foient bons amis amp;nbsp;bien alfeccionnez feruiteurs de quelqu’vn qui fans exeufe quelcon que doinent combatre pour lui, amp;nbsp;ne foient ny enuieus en fa pro-fperité,ny traytres en fon aiierfité : confideracions qui me font iuger, que ie ne puis rien faire fans argent amp;nbsp;qu’il m’en faut trou-uer. D’autre part de recourir en toutes chofes à vous qui faites fî grande delpcnfejl me femble hors de propos amp;nbsp;de raifon.Parquoy ie fuis d’auis que nous confultions enfemble, par quel moyen l’argent ne vous faudra, tenant pour certein, que quand vous en aurez ne m’en refuferez point, principalement pour le defpendre es chofes qui redondent à votre profit. Or me fonuient il auoir entendu n’aguercs de vous, que le Roy d’Armenie auerti que les ennemis venoient contre nous, deuenu fier de nous voir en difeorde, ha refusé par mefpris, de vous enuoyet le tribut amp;nbsp;le fecours qu’il vous doit, dont il me femble qu’il ny ha meilleur remede, que lui faire garder la promefTe par force. Il eft vray, dit Cyaxare, qu’il ha Elit ce refus : mais ie ne fay qui fera le meilleur, ou l’aflaillir amp;nbsp;con-treindre par force à faire fon dcuoir,ou bien laifTer couler cette in-iure pour le prefent iufques à vn autre tems, feingnant de n’y vouloir entendre,à fin qu’il ne fe ioingne à nos auerfaires. Lors Cyrus lui demanda, quel efioit le païs d’Armenie, fi leur ville capitale efioit en plaine, ou en montagne, en lieu fort, ou bien aise .à apro-cher : Cyaxare lui fit entendre, que leurs habitacions n’eftoient point en lieu fort: mais qu’ilyauoit quelques montagnes fortes à l’entour, ou le Roy anoit acoutumé de fe retirer pour refuge en fes auerfitez, efquellcs il fe peut tenir fans creinte d’efire pris, ny lui,ny fes trefors,fi Ion ne vouloir effre obffiné en long fiege, comme iadis anoit fait Aflyagc fon pere.Lcfquelles chofes ouies,Cyrus fe fit fort de contreindre en brieftems l’Arménien, de lui enuoycr le tribut amp;nbsp;fecours,s’il lui vouloir bailler certein nombre de gens à cheual,efperant de le rendre plus loyal qu’il n’eftoit. le croy certei-nement, dit Cyaxare, qu’ils viendront pluftot à vous, qu’ilsnefc-roient à moy:car il y ha quelques ieunes hommes qui auoient acoutumé d’aller à la chafle aucc vous qui parauanturc vousfui-uront volontairement, par le moyen defquels l’Arménien pourra faire ce que nous voudrons. Si conclurent enfemble de tenir ce f onfeil caché, à fin de les pouuoir mieus furprendre au defpouruib
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amp;'^Cyrus fe délibéra (comme il auoit autrefois acouturae d’Haller à la ch a fie auec tous fes Perfes, amp;nbsp;quelques Medes à cheualjfur les frontières de Mede amp;nbsp;d’Armenie) faire femblant de drelTer vue grande chaffé, amp;nbsp;par ce moyen les lurprendre. Et fi pour la multitude des gens à chenal, qu’il pourroit mener, les païfans entroient en quelque foupfon,Ion pourroit colorer celle entreprife par quelque exeufe vrayfemblable en enuoyant quelque Elpion en Arménie pour dire publiquement «à tous, que Cyrus vouloir faire vne grande chaffe en leurs montagnes, amp;nbsp;demandoit de cheuaus en grand nombre à Cyaxare,pour prendre plus de plaifiren icelle. Ayaus donq acordé cela cnfemble, le Roy ne voulut pas fur l’heure lui donner grand’ multitude de cheuaus, pourautant qu’il vouloit aller fur fes places qui eftoient près de l’Aflyric,'pour les fortifier amp;: enuitaiUer le miens qu’il lui feroit pofsible,Mais quand il auroit confumedeus iours àla chafle, promit lui ennoyer de fes gens,à pic amp;nbsp;à chenal, fufifamment, amp;nbsp;ne s’eflongner auec le demourant de l’armee, afin d’y venir en perfonne, s’il eftoit requis. Parquoy Cyaxare ayant cnnoyé incontinent fes carriages amp;nbsp;municions de vinres, auec fes gens à pic amp;nbsp;à chenal, s’adrefla vers les frontières d’AlTyric. Cyrus ayant facrific pour la furté de fon voyage,enuoya demander au Roy les plus iennes hommes d’armes de fa compagnie , lequel ne lui en bailla pas grand nombre, combien que pln-fieurs defirafienty aller. Cvaxare citant défia bien auant fur le chemin des places fortes de fa frontière , les facrifices de Cyrus fe trounerent bons pour aller à l’encontre de l’Arménien , amp;nbsp;fur le champ fe mit en voyc équipé pour faire vne tresbelle aflemblee. Pendant qu’il eftoit en chemin, incontinent vu Lieurc fe Icua au deuant de l’armee, lequel fut aperçu d’vue Aigle volant à main drc)ite,qui foudeinement fe fondit fur lui,fi leprit foudein amp;nbsp;l’emporta fur vn prochein tertre,ou elle fepeut de fa proye. Cyrus prenant bon augure de celà fe montra grandement ioyeus,amp; adorant le roylupiter, dit ans afsirtans : Bon courage mes amis : s’il plait à Dieu nous ferons vne tresbelle chaffe. Aufsi tôt qu’il fut ans frontières il commença «à chalïer à la huee félon fa coutume, dont les vns gallop oient bruians çà amp;nbsp;là pour faire leuer les beftes, les plus vaillans à pic amp;nbsp;à chenal s’efquartoient amp;nbsp;les atendoient, les autres chalîoient amp;nbsp;couroient apres à toute puiflance. Tellement-qu’en peu d’heures ils prindrent grande quantité dè Sangliers, Cerfs,Bi-ches,Cheureus,Dains, amp;nbsp;Afnes fanuages, dont en ces liens en y ha grand nombre encores auiourd’hui. La chafle finie, il arrina fur les frontières d’Armenie,ou apres s’eftre reposé vnennit il commença h derechef
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derechef à chafTer en s’aprochant de certcines montagnes qu’il von loit gagnerjauquel lieu quand il fut ardue amp;nbsp;campé il foupa,amp; eut auertiflcment que le bataillon des Medes que Cyaxarc auoit en-uoyCjarriuoit.A raifon dequoy il depeftha incontinent vxi Tropec te pour leur dire, qu’ils ne s’aprothaircnt de lui à plus de deus para-fanges,qui valient cniiiron quatre lieues,amp; qu’ils y foupallcnt efti-mant que celà feruiroit à tenir fou entreprife cachee, amp;nbsp;apres four per que leur Capiteine vinftdeuers lui. En apres fit alleinbler les Chefs de fes copagnieSjlefquels venuz il parla à eus en telle manière:
Propos de Cyrus à fes Capiteines, ç^P à Chryfante pour dreffr yne embuche, ^ comme elle fut executee contre le Aoy d’^menie. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a p. x r.
Refehers compagnons, fâchez qu’au parauant le bruit de cette guerre le roy d’Armenie eftoit con fédéré amp;nbsp;tributaire de Cyaxare : mais aufsi toc qu’il lia vùleuer des ennemis à Fencôtre de nous il nous lia mefprifez, refufanttout aplat d’en-uoyerlcfccours amp;nbsp;le tribut acoutumé. Orfoin-mes nous icy venuz fous couleur de faire vue belle chaHezinau c’et en intencion de le chafier amp;nbsp;prendre lui mefmc s’il cil polsi-ble: amp;nbsp;pour bien conduire cette pourfuite ie luis d’auis que toy Chryfante,eftat arriné furies liens aueclamoitié de nos Perfes par le haut chemin ailles ocuper les montagnes amp;nbsp;liens forts, ou lon dit qu’il ha coutume de fc retirer quand il cfl en creintc, amp;nbsp;pour ce filire tebailleray des guides, ôcpourras aisément dire caché de-dens ces montagnes, pourautant qu elles font conuertes de grans bois.Toutefois pour miens conurir l’embuche,tu pourras ennoyer quelques ananconreurs en petit nombre, habillez en voleurs amp;nbsp;qui fâchent vfer de leurs finelîes, .à fin de prendre tons les Armeniens qu’ils trouucront par chemin, amp;nbsp;garder que l’embûche ne foit defeonuerte : amp;nbsp;cens qu’ils ne pourront empongner qu’ils les chalTcnt amp;nbsp;pourfuinent au plus loin, à fin qu’ils ne voyent ton armee, amp;nbsp;penfent plullot que cene foienc quebrigans. D’autreparC aufsi tôt que le iour commencera à poindre ie prendray le chemin de la plaine anec l’autre moitié des Perfes amp;nbsp;la caualcrie, droit à la
ville capitale ou le Roy fait-fa refidence, auquel lien s’il fait refil leu ce il faudra combatte : mais s’il s’en fnit,ie le pourfuinray à courfe, à fin qu’il aille ans montagnes fe mettre en tes mains. Lors fi tu veus faire ton deuoir n’en laifieras efehaper vn feul, amp;nbsp;faut penfet que icrefcrableray au Veneur qui chafie d lance les belles, ck toy à celui
-ocr page 95-DEXENOPHON. LIVRE U. ^9 celui qui atend aus retz, lequel comme tu fcez doit edre caché pour ne deftoumer la befte,amp; faut que les pafTages foient bouchez deuant que les beftes fe lenent. Et fi ne veus que tu faces, comme tuasacoutume défaire feulement pourleplaifir delà chafle,ny que tu veilles toute la nuit fans prendre aucun repos : car il faut permettre que tes gens fe couchent pour dormir quelque peu. Et comme tu as acoutume de courir à trailers les montagnes, non par faute de guides, mais pour fuiure le trein des beftes, ie ne veus pas qu’en conduifant ton armee tu prennes les plus apres amp;malai(ez chemins, pour dire que fe foient les plus droits amp;nbsp;plus courts, ains te feras guider par les plus aifez amp;nbsp;batuz, Gnon qu’ils fulfent de beaucoup plus longs. Car à la vente pour conduire gens de guerre en bataille, le plus aisé chemin eft touGours le plus court. Au de-mourant garde toy de conduire tes gens comme quand tu vas à la chaGe courant par mous amp;nbsp;vallees,mais les feras marcher tout bellement, à fin que fans eftre las amp;nbsp;hors d’aleine ils te puiffent fuiure: mefmes ne fera inconuement de faire par fois arrefter les plus forts amp;nbsp;habiles pour atendre les autres amp;nbsp;leur donner courage : mais quand ils feront anancez les hater de marcher,à lin qu’ils fembleut courir au pris des autres qui n’iront que le pas. Ayant Chryfante reçu à grand’ ioye les enfcignemcns de Cyrus, comanda a cens qui le deuoient fuiure les chofes qu’il vouloir eftre faites,amp; s en alla re-pofer. Et tôt apres ingeant auoir fuhfamment dormi, fit former la trompette amp;nbsp;print auec fes gens le chemin des motagnes. Au point du iour Cyrus eftimant eftre chofe dîne de fa grandeur amp;nbsp;courtoi-Gc, de fommer les ennemis de leur deuoir, manda Vn Heraut d armes deucrsle roy d’Armenië, pour lui ordonner de venir incontinent à lui auec le fecours amp;nbsp;le tribut qu’il deuoic. Si 1 Armenien s’enqueroit eu quelle part pourrait eftre Cyrus,lui commanda dire qu’il eftok dedens fes frontières : mais s’il demadoit s’il y venoit eu perfonne amp;nbsp;auec quel nombre de gens,lui euchargea dire qu’il n’en faiioit rien pour certein , amp;nbsp;qu’il enuoyaft des gens pour le lauolr. Apres fit equiper fes gens, amp;nbsp;les mit eu ordre tant pour marcher, que pour côbatre fi befoin cftoit,amp; eutresbeUe ordonnance print le d^min de la plaine. Au demourant comanda à fes gens ne faire tort àperfonne, ny endommager les paifans d’Arménie en aucune forte;maispluftotles afteurer de ne creindrc ny s’eftouner denen, ains feulement qu’ils aportaftent de leur bon gré eu quel que part qu’il full auec fou armee toutes fortes de viurcs pour argét,amp; don naffent à manger ou à boire àtous cens quienvoudroicut acheter.
F(» du Jecond Liare,
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DIE DE XENOPHON,
. Je la Z^ie ^ InJlitucien Je cYRVS jÇtfjy Jes nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'
“perps.
Comme Cyrus print Ie jRoy d’Arménie ^ fes trefors fans fom-batre : (^ des difcours (juilft auec Ty^rane fon fis pour fa deliurance. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chapitre i*
END A NT que Cyrus efloit en ces i^ ^^^’•'^^^'^^^^ gt;nbsp;le Roy d’Arinenie oyant le mandement à lui fait par vu Heraut d’armes, fut tout effrayé, connoiffant auoir grandement failli à ne payer le tribut J amp;nbsp;n’enuoyer le fecours acordé: amp;nbsp;nefçut que faire, ny que dire, tant creintif amp;nbsp;eftonne fe trouiia : principalement pour n’auoir encores para-cbeué d’cnclorre fa capitale ville d’vne grande amp;nbsp;bonne muraille qu’il auoit commencée, en intencion de foutenirla guerre, amp;nbsp;connut bien qu’il efloit furpris. Cenono-ffant ne laifia de faire fes prouifions félon queletems amp;nbsp;l’afaircle prefloit, amp;nbsp;apres auoir affemblc ce peu de gens, que fur l’heure il put amaffer, enuoya fon plus ieune fils Sabaris,pour le fauucr,aus forterefles des montagnes auec fes femmes amp;nbsp;filles, lui faifant em
porter tous les trefors, vtenfiles, amp;nbsp;autres meubles precieus : fi fe mit en ordre pour fe defendre, rengea hors la ville en ordonnance de bataille les Armeniens qu’il auoit auec lui , amp;nbsp;enuoya des ef-pions amp;nbsp;autres gens aus efeoutes pour entendre ce que Cyrus fai-foit, lefquels foudein lui firent raport, qu’il efloit défia bien près. A laquelle nouueUele cœur lui faillit, amp;nbsp;de peur d’eflrepris, s’il venoit à la bataille,laiffant toutes chofes en abandon,print incontinent la fuite. Les Armeniens voyans cela, s’enfuirent de l’autre cote , chacun fur le fien , pour tranfporter leurs biens. Si tôt que Cyrus aperçut la campagne pleine de gens qui fuioient çà amp;nbsp;là, fit finifier fccretement aus Armeniens,qu’aucunnebougcafl, amp;nbsp;qu’il ne feroit de force à cens qui demoureroient:au contraire traiteroit comme ennemis cens, qui prendroient la fuite, au moyen de quoy la
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h plus-part s’arrella. Ce i^onoftant plufieurs ne j^fVoulurent fier, amp;nbsp;gagnereiit au pie après le Roy.j Quand, tens qui condui-foient les femmes amp;nbsp;enfaus du Roy aus montagnes, y furent arri-uez J amp;nbsp;tombez entre les mains des Perfes qui edoient en embûche , ils leuerent incontinent vu pitoyable cry amp;nbsp;lamentacion, fe voyansainfi afiaiUiz de tous cotez j amp;ne fauoient de quelle part ilsfe deuoient fauuer.Si furent quafi tous empongnez,amp; tôt apres Sabans, les femmes^ Ôc filles du Roy aucc les trelors vindrent en la puilTance des Perfes. Ayant le Roy d’Arménie entendu cette dou- , loreufe liouuelle, tout efperdu de fon entendement ^ amp;nbsp;ne fathant quafi de quel coté fe tourner, anec fes gens print vn tertre, qui n’eftolt fort eflongne de là. Cyrus tira celle part à grand’ diligence, amp;nbsp;par vn chenal leger fit dire à Chryfantc, qu’il laiflaft déformais les montagnes qu’il tcnoitjamp; defccndid incontinent vers lui. Par ainfi aiiec toute fon armee ^ enuironna ledit tertre. Tot apres en-uoya vn Heraut au Roy d’Armeme, lui demander ce qu’il eftoit délibéré défaire, ou de fe huiler mourir de faim amp;nbsp;de foif en ce lieu fterile,oudeveniràlaplaine amp;nbsp;combatre contre lui. A quoy l’Arménien refpondit, qu’il ne vonloit faire ny l’vn ny 1 autre. Ce qu’ayant entendu Cyrus,lui enuoya encores demander fous quelle clperance amp;nbsp;pourquoy il demouroit la, amp;nc vouloir deteendre. Pource,dit il, que ie ne fay que faire. Lors Cyrus lui manda : qu il ne fe doutaft de rien, amp;nbsp;qu’il fe vinft de fon gre ofrir au ingement, auquel il feroit ingé félon droit amp;nbsp;iulfice. Qui lera, dit il, mon iu-geî Celui, dit Cyrus, auquel les Dieus ont donne puillance de Vc-llrc,amp; de faire de vous ce qu’il lui plaira,fans milice amp;nbsp;aucc iullicc, A cette refponfe le Roy d’Arménie fe voyant tiré par la necefsité, fe vint rendre à Cyrus, epû le reçut au milieu du camp aucc tous les gens. En ce mefme teins furuint le fils ayné du Roy d’Armenie apellé Tygtaiie,qui des fa icuneUe anoit acoutume d’aller à la chade anec Cyrus, amp;nbsp;pour lors venoit frefthement de dehors , amp;nbsp;fathant comme ces afaircs ellolent allez, fe retira franchement de-uers Cyrus. Eftant arriné en la prefence, amp;nbsp;voyant les pere, mere, frétés,Ót femme prifonniers,ne fe peut contenir de pleurer. Cyrus fans autrement lui laire grand recueil, lui ddl ; Tu es venu à heure pour entendre le ingemet tpu fera fait de ton pere. Et lur le champ fit alTembler les Capucines amp;nbsp;Chefs des Perles, des Medes, amp;nbsp;les phishonnorables d’Arménie , fans autrement faire cfiongnerles femmes, qui ellolent prelentcs en leurs chariots, afin qu’elles puf-fent oiiiramp; entendre entièrement fon parler ; fe tournant Cyrus versie Roy d’Armcnic,lui did ainfi:
h 3 La
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La premiere amp;nbsp;principale chofc, que ie vous veus dire amp;nbsp;con-fciller, o Arinenien j't’et que vous aycz en ce iugcmenr à dire vérité j à fin que vous ne aggrauez votre caufe : car vous fauez que les menterics donnent grand empefehement à tout homme qui veut inipetrer mifericorde. Mefine que vos femmeV^enfans Óc fuietz icy prefens^fauent Ia menee de vos afaireSjamp; s’ils conoiffent que foyez eflongné de la vérité j par votre parole mefme vous iugeront mériter la mort. Demandez hardiment ^ dit l’Arménien, ce que vous voudrez, carie ne vous celeray point la vérité. Rcfpondezmoyi donques, dit Cyrus, auez vous iamais eu guerre contre mon aycul Al1y'age,amp; les Medes ? Oui, dit il. Apres auoireftévcincu,dit Cy-rus,au traité de la paix auez vous pas promis de payer vn tribrit,amp; aller à la guerre ou il lui plairoit,amp; n’auoir aucune forterefie en vo tre royaume ? Oui, dit le Roy. Pourquoy donq, dit Cyrus, auez vous fâufsé votre foy,amp; n’auez enuoyé ny tribut,ny fecours,^ quiquot; plus cR vous auez fortifié vos places ? Pource,dit il.que ie defirois liberté : cari’eftimois beaucoup d’efire libre, ôc laifier cette liberté à mes enfans.Ccrtcinement,dit Cyrus, c’et vue chofe trcfprecieufc que la libércc,amp; vn chacun doit volontiers combatte pour ne torn ber en la fuieccion d’autrui. Mais fi quelqu’vn par gucrre,ou autre moyen,eftoit deuenu efclaue, amp;nbsp;apres il s’eftorçoit de fe defrober à fou maitre, à votre auis meriteroitil eftre honore comme bonôc iufle,ou puni,s’il eftoit pris,comme iniufle lt;amp;: mefehant ? ERre pu-ni,tefpondit il,puis que vous me contraingnez à dire la vérité. Dires moy donq clcrementà ce propos, dit Cyrus, fi quelque Baron, ou Capiteine s’efloit reuolté contre vous, lui lairriez vous fon cRat, ou ledonneriez à vn autre? le lui otcrois, dit l’Arménien, amp;nbsp;l’eRat, amp;nbsp;les biens, amp;nbsp;le fcrois deuenir poure. Et s’il fe rendoit, dit Cyrits, à vos ennemis, que lui feriez vous ? Puis qu’il vaut autant que ie meure à vray dire,qu’à mentir.côclut l’A rmenien, ie lui otcrois la vie. De cette refponfe fi pitoyable,qui fembloit eRre la fcn-tence de mort qu’il meritoit amp;nbsp;tous les ficus, fon ienne fils fut fi delplaifant,qu’ildefsira fa robe,rompit fa coiffe Royale.lcs femmes commencèrent à hurler amp;nbsp;s’eferier, comme fi le pereeuR eRc défia eondanné à la mort amp;nbsp;elles aufsi. Cyrus faifant faire filence lui dit: Alainrenant que vous connoiflez ce qu’auez merite, que me con-feillez vous de faire de vous ? Leroy d’Armenie à cette demande nefçut que refpondre, ne fachant s’il deuoit demander grace, laquelle il difoit ne vouloir faire à autrui,ou fe condanner à la mort. Lors fe leua Tigrans amp;nbsp;demanda congé de dire ce qu’if iugeoit cRre le meilleur, puis que fon pere cRoit en doute. Cyrus fe foiiue-
nanC
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nant des anciennes chalïes amp;nbsp;familiantez , ayant entendij que des cetemslàil auoit eu en fa compagnie vn Sophifte eftimé dofte amp;nbsp;Dtfio/irs tie qui eftoit en admiracion à tout le monde,defiroit grandement en- Ftlo7^oßcfur tendre ce qu’il vouloir dire. Lors Tigranc ; S’il vous femble, dit il, delmran-que les confeils ou les laits de mon pere' foient bons amp;nbsp;raifonna- ^^ nbsp;nbsp;nbsp;^^■^
blés, ie vous confeille de l’cnluiure : mais fi vous logez qu’il ait r^J^^^“^* failli en tontes chofes, mon confeil eft que ne renfuimez aucunement. Donques, dit Cyrus, fi le fais milite, ie ne feray pas comme liu.Nenni,dit Tigrane.Et par confcquent,dit Cyrus,par votre rai-fou il me conuiendra punir votre pere : car c’ct choie iufte de punir cens qui font iniulfes. Mais, dit Tigrane , que vous femblele miens fait. Sire, ou de punir vn homme anec votre profit, ou à votre dommage? A mon profit, dit Cyrus : car autrement ce feroit conuertir la punicion. fur moymefme. 11 ne faut donqpas, dit Tigrane , que faciez punir mon pere : car vous perdrez beaucoup de faire mourir cens dont la vie à l’aucnir vous fera profitable. Et quclprofit,dit Cyrus,peut auoir vn homme de cens qui font trou-uez en telle laute ? Bien grand, refpond Tigrane, s’ils deuiennent fages amp;nbsp;prudens : car fans prudence tonte autre vertu eft inutile, amp;nbsp;auct elle vn homme lort eft à louer, vn Cheualivr à prifer, vn riche à honorer, vn puiffant à aymer, amp;nbsp;tous amis anec prudence font bons,tous fernitcuramp;profitables. Comment ! dit Cyrus, peu-fez vous que votre pere en cette leulc iournec puifie eftre deuenu prudent ? Oui ft bien fort,dit Tigrane. Vous voudriez donqinfe-rer,dit Cyrus, que la prudence foit vne pafsion de Vaine, tout ainfi que la douleur onia niilcricorde, amp;nbsp;t|u’ellc vienne par accident non par.difeipline.Toutefois lo,ii dit cpictout homme qui veut deuenir prudent doit tenir ce premier point pourcertein j qu’vn fol ne peut foiideinement denenir fagc. N’auez vous iamais vù homme, dit Tigrane , qui par fa folie ait combatu contre vn autre plus puilTant que lui,amp; apres eftre veintu foit deuenu incontinent fage amp;nbsp;prudent ? Pareillement tpclque ville fubiugucc en bataille par vn autre ville deuenir foudeinement fagc, amp;nbsp;prefter obéiftance après la viftoire ? Mais quelle bataille, dit Cyrus, ou quel accident cft auenuàvotre pere, dont on fe puifie afinrer qu’il foit deuenu plus fage que déliant ? Celulduiourd’hui,refpond Tigrane, eft cer teinement plus que lufilant •. car pour vn fol defir de liberté il s’eft ietté en plus grande leruitude que iamais, efprouuant le mal dont il ne s’eftoit point douté ;amp; connoit elerement ce qu’il peu!oit dire fecret amp;nbsp;inconnu , c’etafaiiolr le confeil de vous preuenir ou L défendre, eftre publiquement defeonuert ftaneaim. D’autre part
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part il lia connt^qiic quand vous l’aucz voulu-tromper vous l’auez fait aufsi facilement, comme fi lon vouloit abufer vn fourd, aueii-gle ou infensé. Et les chofes que vous auez voulu cacherjOnt elle fi fecrettement menees amp;nbsp;fi prudement exploitces^que les for ter elles qu’il gardoit pour fou dernier refuge, lui font, deuenues prifons pourrenclorregt;amp; parvotre célérité amp;nbsp;diligente conduite d’vue armee l’auez furpris amp;nbsp;veincUjdeuant qu’il ait fçualTembler fes gens. Penfez vous donq, dit Cyrus, que ce conflit fiifife «à faire fagevii hommej qui connoilfe vn autre eflrc plus prudent amp;nbsp;vertueus que lui ? Ouivrayment, dit Tigrane, lt;Sc beaucoup plus que s’il eftoit veincu au combat : car celui qui efl veincu par force en bataille attribuant celà à fortune fait comme Icluitcur qui apres auoirefte abatUi exercice fon corps pourmieus faire amp;nbsp;auoir fa reuenche, pa rcillement les villes veincues font aliance auec d’autres pour dere-chefeflayer lebazart de fortune : mais quand vn homme fecon-felTc inferieur de prudence amp;nbsp;vertu à vn autre, le plus fouuent de fa franche volonté s’alTuiettit à lui fans autrement ertre forcé. Il vous femble donq, dit Cyrus, que les larrons, détracteurs juiufles, amp;nbsp;menteurs,n’ont aucune connoiflance de cens qui ne defrobent ou ne detraftent, ny des infles amp;nbsp;véritables : car s’ils les connoifloient ils fc lairroient gouuerner par eus, amp;nbsp;par mefme raifon votre pere n’euff point faufsé fa foy ny cité menteur , fachant bien que nous n’auions violé ny rompu en quelque forte que ce foit les articles auec lui acordez par Allyagc. Icne veus pas dire,relpond Tigrane, que la feule connoiflance des gens plus fages fans foufrir autre peine foit fufifante à faire vn homme prudent', mais qu’il y faut aiou-ter quelque punicion, comme foufre àprefent mon pere. Votre pere,dit Cyrus,n’a encor’ foufert aucun mal de moy ; vray efl: qu’il ha peur d’en foufrir trefgrieue punicion. Ne fauez vous pas, dit Tigrane, qu’il n’y ha punicion au monde fi grande que la peur ? Et que cens qui en vne cfcarmouche ont eflé bien frotez amp;nbsp;blecez encor’ que la douleur des playes leur foit grande amp;nbsp;extreme, fi efl ce qu’ils y retournent pour combatte derechef? Mais s’ils ont con çu quelque grande creintc d’vn autre . ne l’ofent feulement regarderen face, tant s’en faut qu’ils le vueillent atendre. Vous voulez donq dire, refpond Cyrus, que la peur des tourmens punit plus amp;nbsp;donneplus grande douleur que les tourmens mefmes ? Vous con-noiffez que ie dy la vérité, dit Tigrane : car lon voit que cens qui ont peur d’eflre banniz ou d’eftre veineuz, viuent en continuelle angoifle.Pareillcment ceus qui en la met ont creinte d’eftrenoyez, ou en terre d’eflre fubiuguez,d’eftre ferfs, ou paier quelque tribut, ne
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ne peuuent boire ny manger ny dormir ^ pour la creinte qu’ils ont de tomber en telle fortune. Au contraire cens qui ont défia encouru ce maficomme les baiiniz,efclaues,prlfonnierSjamp; fuietz,viuent alegrement ôcfe repofent forment auec plus grand plaifir que les bienheureus. Et que la peur foit vn grief tourment il en apert encor’ plus clerement par ce que plufieurs creirtgnans de mourir s’ils cfioient pris, de peur fe donnent la mort à eufracfmes, dont les vns fe iettent du haut en bas, ou fe pendent, les autres fe noyent, ou autrement anticipent la mort : qui eft vn fine trefeuident que la peur eflonne plus l’efprit de l’höme que les plus horribles chofes du monde. Dequoy vous pourriez auoir plus certeine prenne , fi ion pouuoit connoitre à lœil rangoine de mon pere pour la creinte qu’il ha conçue non feulement de foymefme, mais de la ferui-tude de moy, de fa femmCj amp;nbsp;de tous fes enfans. 11 eft aise à croire, dit Cyrus, que votre pere eft en grande peine : car le plus forment cens qui font orguiUens amp;nbsp;infolens en leur profperité, faillent incontinent de cœur en leur anerfiré, amp;nbsp;s’ils peuuent fortir des afai-res s’enorguillifient derechef amp;nbsp;deuiennent plus fiers que deuant. Certeinement, dit Tigrane, ie voy bien que nos fautes font caufe qu’on ne croira pas à nos promefles-.toutefois pour vousalTurer de nous, vous pourrez prendre amp;nbsp;fortifier telles places que bon vous femblcra, tenir celles qui le font défia, y mettre garnifons, amp;nbsp;prendre toutes les affurauces qvous voudrez,dorrt nous ne ferons fort defplaifans, fachas bren que nous fommes la principale forrree de notre mefauäture. Mais's’il arrenoit que vous mifsiez le Royaume entre les mains d’vn homme qui n’rtft arrermement fiiiUi,amp; que par defiance ne lui donnifsiez les fortereffes, il connoitroit bien que ne l’cftimeriez pas fidele : d’autre part fi vous remettiez les for tereffes err fafoy par trop de fiance,!! y auroit danger qrr’il ne mon-taften fi grande arrogance qu’il voirs faluft reprimer fa folle plus aprement que vous n’arrez fait la notre. Combren, dit Cyrus, que votre dire ait quelque aparence,fr eft ce que i’aymerois mieus auoir desfrtietz aquispar antour que par force : car les vns feruentvo-lontiers, les autres ob cillent à regret •.amp; fuporterois plus legcre-ment les fautes de mes bicniicuiUans feruiteurs, que les grans prc-fens de mes fuietz malueuillans.D’ou penfez vous donq,demanda lorsTigrane, aquerir plus grande amour que vous pouuez faire de nous ? Penfez vous qpe cens qui n’ont iamais eu guerre contre vous, fi leur voulez faire du bien foient plus obligez amp;nbsp;afeccion-nez que nous ? Et à qui pouuez vous faire plus grand bien qu’à inonpere,auquel vous pouuez donner la vie ayant mérité la mort?
i l’mueftir
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l’inüeftird’vn Royaume dont il mente eftre priuc ?Iui rendre U femme amp;nbsp;les enfans que vous luipouuez orer?Si vous laiHez viurc vn homme j qui ne vous ha aucunement ofensc, quel grc vous en faura il ? Si vous ne lui otez la femme amp;nbsp;les enfans, dequoy vous en aymera il mieus ? Et qui fera plus marri de perdre le royaume d’Arménie^ que nous ? Parquoy tenez pour cercciibque tout ainfî qu’il aura plus grand regret que nul autre fi vous lui otez fon bien, aufsi vous en faura il plus de grc fi vous lui rendez. Si vous aueZ peur de la rebellion du Royaume à votre départie amp;nbsp;voulez vous afTurer contre tous nonueaus chanç-emens, confiderez diligein-ment que les troubles amp;nbsp;reuoltes fe drefTentplus aisément fous vn nouneau Signeur^que fous vn ancien amp;acoutumc Prince. Et fi vous anez befoin de fecours, d’oii penfez vous eftre mieus fecouru que de celui qui connoit la qualité de fon pais, amp;nbsp;fcet d’où il faut lener les gens, ayant autrefois drefsc de grolîes amp;puiflantes armées ? Pareillement fi vous anez afaire d’argent j d’on penfez vous plus tôt en eftre ferui que de celui qui connoit la portée de fon Royaume j amp;nbsp;les particulières richeftes d’vu chacun ? Parquoy, o Cyrus plein de bonté j levons prie regardez fongneufement à votre profit ^ Regardez vous bien qu’en nous deftruifant vous ne fa-ciczplus grand’ nuifance à vousmefine^que mon pere auec toutes fes rebellions ne fauroit anoir fait enuers vous.
Corne Cyt'tti deliura le Âoy d'Arménie ^ fes enfans par grau- / de hamanité, ^ après anoir pris rençon leua bçn nombre de gens à pié ^ à: chenal d’Arménie pour la guerre, chat, i r.
Vand Tigranceut ainfi parleyCyrusfqui de long tems l’auoit connu prudent amp;nbsp;de bon elprit) en fut grandement refioni,amp; penfa le tems eftre venu,, amp;nbsp;l’ocafion à lui prefentee^de rendre par grace amp;nbsp;humanité les Armeniens plus obeïnansamp; amis de Cyaxare (félon qu’il lui auoit promis)
■f^nmanité d'nn ioPrin ce.
que iamais au paranant ils n’auoient efté : amp;nbsp;fe tournant vers le Roy d’Armenie lui demanda : s’il lui pardonnoit toutes les fautes pafieeSj amp;nbsp;lui rendoit entièrement fon Royaume^ quellepuiflance de foldats,amp; quelle fomme d’argent il pourroit contribuer à la
guerre. A quoy il refpondit, ne vouloir aucunement preferire 1s nombre,ny le fecours qu’il lui donneroi tjinais qu’en lui deelairant fa force amp;nbsp;trcfors,il feroit en lui d’en prendre amp;lailler ce qu’il lui plairoit ; amp;nbsp;lui dit que de gens de guerre il pouuoit leuer de fou pais
-ocr page 103-D E X E N 0 P H 0 N. LIV-REIH. ff 7 pais huit mille cheuaus, amp;nbsp;quarante raille hommes de pie : amp;nbsp;d’ar-gcnt,il penfoit auoir^aiiec les trefors que fon pere lui aiioit laiff^z, plus de trois mille talens ^ qui valent enuiron dixhnit cens mille efciiz. Lors Cyrus fanstrop atendre lui dit^ pourcequ’il fauoit qu’il auroit aufsi befoin de gens amp;nbsp;argët pour défendre fon Royaume contre les Caldeesfes voihnSj ne vouloir de lui finon quatre mille cheuaus amp;nbsp;vint mille hommes de pic. Et quant au tribut, pource qu’il n’auoitpas obferuc fcs promeßes, en lieu de cinquante talens qu’il deuoit à Cyaxare le condenna en cent, qui valent foixante mille efeuz. Au demourant le pria lui en prefter autres foixante mille pour fumenir à fes necefsitez,prometant,fi Dieu lui eftoit propice, de le recompenfer au double, ou pour le moins lui rendre fon argent .•mais s’il ne le pounoit rendre, qu’il blamall pluflot fa fortune, que fa volonté. Lors l’Arménien s’eferia: O Cyrus! eft ce à moy que vous deuez ainG parler ? Tenez pour affu-rc, fi voulez que i’aye fiance en vous, que l’argent amp;nbsp;richeffes que me lairrez feront vôtres corne celles que vous emporterez. A bonne heure, dit Cyrus :mais pour r’auoir sotre femme amp;nbsp;enfins, quelle rançon voulez vous payer? Tout ce queiepourray, dit il. Si lui mit Cyrus pour fes femme amp;enfans le double de ce que deirus,qui font deus cens talents: A demanda à Tigrane(qui nouuellement auoit pris femme amp;nbsp;l’aymoit au pofsible ) pour combien il la racheteroit. 11 relpondit, vouloir mettre fa vie pour la deliurer de feruitude. Mais Cyrus la lui donna fans rançon, difant qu’il ne la tenoit pas pourprifonniere, vu qu’il n’auoit ia-mais abandonne fon amitié. Quand Cyrus eut reftituc les richeffes, femme, amp;nbsp;enfans en liberté au roy d’Arménie, amp;nbsp;en fine d’amitié les eut faits demourer à fouper auec lui, il demanda apres fouper à Tigrane, oueftoit vn certein Gentilhomme, quiauoit en leur ieuneffe chafsé auec eus, lequel il tenoit en grande adrai-racion. Il refpondit, que fon pere l’auoit fait mourir, lui mettant fus qu’il eftoit corrupteur de faieunefte. Mais à la vérité, dit il,c’c-ftoit vn homme de bien amp;nbsp;vertueus : Car à l’article de la mort il me pria beaucoup, que pour fa mort ienefufie courroucé contre mon pere, difant qu’il ne mouroit pas pour hayne,ou inimitié que mon pere lui portail, mais feulement par imprudence : Sc que les fautes qu’on fait par imprudence ne doiuent dire contees comme celles qu’o . fait feiemment. Cyrus dit lors : O quel dommage ! Le perefe tournant vers Cyrus refpondit: Qiie comme cens qui trou-uent des adulteres auec leurs femmes, ne les font pas mourir fous couleur qu’ils rendent leurs femmes moins pudiques, mais pource i a qu’il
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qu’ils tirent à eus l’amour des femmes due aus mariz : aufsi au oit il fait mourir ce Gentilhome parialouzie^par ce qu’il auoit fi bien gagné le cœur de Tigrane j qu’il lui port oit plus de reuerence qu’à fou pere. Et Cirus dit^que véritablement ce péché eftoit naturehamp; pria Tigrane de pardonner à fon pere la mort du Gentilhomme. Ayant mis fin aus amiables propos, amp;nbsp;ioyeus de l’heurcufe recon-ciliacion, ils montèrent fur leurs chariots auec leurs femmes ^ amp;nbsp;s’en retournèrent à la ville auec grand contentement ne parlans d’autre chofe que des grandes vertuz de Cyrus ^ amp;nbsp;eftoient ardans de le louer à qui mieus miens Jes vus fa fagelkjies autres fa coftance, les autres fa douceur, hiimanitéjamp; beauté merueilleufe. En cet endroit Tigrane demanda à fa femme,s’elle l’auoitpoint trouné beau comme les autres. Elle refpondit ne l’auoir iamais regardé, ains a-uoir tenu fes yeus fichez fur celui, qui auoit ofert fa vie pour la de-liurer de feruitude. Le iour enfuiuant,le Roy d’Armenie ayant fait commandement à cens qui deuoient aller à la guerre auec Cyrus, de faire la montre dedens trois iours, enuoya trefmagnifiques pre-fens d’hofpitalité à Cyrus,amp; à toute l’armee : quant à la rançon,lui aporta le double de ce qu’il auoit demandé : mais Cyrus ayant pris la moitié rennoya le demourant, amp;nbsp;lui demanda qui feroir Capi-teine en chef du fecours d’Armenie. Le Roy remit cela à fa volonté : mais le fils fit refponfene vouloir départir de lui, encor’qu’il ne deuil: efire que manouurier fous lui. Cyrus en fouriant lui dit: Combien voudrois tu payer, amp;: que ta femme fçuH que tu veus dire d’eftat fi abiet ? Tigrane refpondit ; Il ne fera ia befoin qu’on lui die : car ie me délibéré de la mener auec moy, tellement qu’elle pourra ouir amp;nbsp;voiries choies, que ic feray à la guerre pour votre feruicc.
Comme Cyna mena Tigi'ane auec foy, ^ alla ajjaillir les Cal-
dees fur les montagnes
CH AP. UI.
Près donq que les gens du Roy furent prefis, fe-
ion qu’il leur auoit elle commandé, de eurent : ce qui cltoïC neceflaire à la guer re, ils fe repoferent pour celle nuit. Le iour en-
fàitprouifion de
fuiuant Cyrus prenant Tigrane en là compagnie auec les plus vaillans hommes d’armes de Mede, amp;nbsp;aucuns de fes amis, s’en alla pourmener alentour du pais d’Armenie, pourtrouuervn lieu commode à faire vue forterefTe pour la garde du pais. Arriuant à vu haut tcrtrCjdemanda à Tigrane,ou clloieiit
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cfioient les montagnes^d’ou les Caldecs fortoient pour faire cour-fe fur l’Arménie. Tigrane les lui montra amp;nbsp;dit^ qu’en’ces liens ainfi deferts amp;nbsp;inhabitez^ y auoit toufiours quelques gens aus efcoutes j qui faifoient falloir ans autres ce qu’ils auoient vu j ou aperçu. Et apres anoir entendu leur fine couroient tous au fom-met delà môtagne,donner fecours les vus ans autres. Cyrus oyant cela amp;nbsp;confiderant à vue d’œil la qualité du pais ^ il connut bien que à l’entour il y auoit beaucoup de terres en friche^ amp;nbsp;non culti-uees pour la guerre ^ fi s’en retourna pour ce iour fouper auec fes gens amp;nbsp;repofer au camp : Mais le iour d’apres, ayant Tigrane fait fa montre de quatre mille cheuaus, dix mille archers amp;nbsp;autant de rondelicrS;,ainfi qu’ils femettoient en ordre^Cyrus facrifiajamp; con-noifiant par fines euidens bon augure au facrifice, fitapelerles principaus Capiteines des Perfes amp;nbsp;Medes, amp;; les harengua en telle maniere:
Nouuelie prew^/en^e.
Compagnons bien aymez JI vous faut entendre, que ces pro-cheincs montagnes font ans Caldees, lefquelles fi nous prenons amp;nbsp;y édifions vnc forterefiepl ny aura doutc,que eus amp;nbsp;les Armeniens feront contreins d’efire plus fages enuers nous, amp;nbsp;nous porter obéiffance. Les facnfices ont efte bien faits , amp;nbsp;croy que les Dieus nous feront fauorables.Mais quant ans euiires mondeines,il ny ha hardieire,ny chofe qui puiffe tant ayder ànotre entreprife, comme feraàprefentla célérité. Car fi par notre diligence nous venons les premiers à gagner le haut de la montagne, il auiendra de deus chofes l’vne, ou que nous ferons viftoricus, fans combatte , ou nous combattons auec peu d’ennemis amp;nbsp;foibles. Et fâchez que de tous les trauaus, que nous fautions prendre, leplus aise amp;nbsp;moins perillcus eft, de nous hater de notre puilîance. Allez donq incontinent ans armes : Vous Medes, foyez nous à main feneftre : Vous Armeniens,foyez la moitié «à main dextre,l’autre moitié nous ferne d’efeorte.Gens à thcualjdemourez detriere, pour hater les gens * de pie amp;nbsp;les poulîer contremont, amp;nbsp;aufsi pour les contreindre d’aller fi aucun d’eus fe montroit lafthe, ou recru. Ces paroles dites Cyrusfe mille premieren chemin menantfes gens rengez en longue pointe, amp;nbsp;en telle ordonnance il gagnoit la montagne. Les Caldees, qui eftoient à la garde, aperçurent incontinent cette venue, amp;nbsp;en niclme teins faifoient fine ans autres de venir, amp;nbsp;à grand cry s’amafioient par troupes au coupet. Cyrus prefToit fort fes gens de marcher, dilaiit : Mes amis hâtons nous, ils nous apel-lent,notre viftoire gît .à celà : car fi nous gagnons le haut les enne-niis ne pourront combatte, prenez bon courage.
i 3 Or
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Or les Caldees quieftoient Ià,vfoient dédoublés armespor-tans deus darz amp;nbsp;deus efpeeSjamp; eftoient eftimez les meilleurs corn batans du païs, allans à la foulde de qui les apeloit, à caufe qu’ils cftoient foidreteus, en païs montueus amp;nbsp;flerilc. Quand ils furent au plus haut du mont, Tigrane marchant auec Cyrus lui dit, qu’il ne le faloit trop arrefter ans Armeniens,qu’ils n’cftoicnt gens pour foutenir les Caldecs. Cyrus lui ht entendre qu’il en elîoitalTez auerti : à cette caufe amonnefta les Perfes de fuiure les Armeniens de près, pour fucceder au combat quand ils auroient tire les Caldees fus eus. Puis voyant les Caldees félon leur coutume à grand cry courir fus aus Armeniens, qui s’efloient auancez les premiers, amp;nbsp;les Armeniens fuïr comme efloit leur coutume, il les kifla venir iufques au milieu del’armee, auquel lieu quand ils virent venir des gens contremont qui portoient cfpees , ils furent grandement cftonnez. Lors Cyrus s’eferiant àfes gens en ht mettre en pieces grand nombre,^ prendre beaucoup de prifonniers, le demourant lut nws en route. Quand les autres Caldees virent le fort des mon-tao-nes gagne, ils abandonnèrent les places amp;nbsp;généralement toutes. les habitacions d’alentour. Cyrus ayant fait dîner amp;nbsp;rehrefehir fes gens, fe mit à conhderer le lieu d’où les Caldees auoient efté chaf-fez, amp;nbsp;ou ils faifoient leurs gardes, lequel il trouna fertile, fort, amp;nbsp;plein d’eaus,amp; fe délibéra d’y faire vn chateau pour alloirgarnifon. Adonq commanda à Tigrane enuoyer deuers fon pere pour le faire venir amp;nbsp;amener des maitres Maçons, Charpentiers, amp;nbsp;ouuriers necefiaircs à bâtir : Ce pendant auec fes gens caiia les fondemens amp;nbsp;commença à leuer la muraille. Pendant qu’il efloit en befongne on lui amena quelques prifonniers Caldees, entre lefqucls y en auoit aucuns blecez. Il les ht incontinent deflicr, h commanda à fes Médecins penfer leurs playes, amp;nbsp;dit aus autres qu’il n’efloit point venu en leur païs pour les dehruire, ny pour enuie qu’il eufl de guerroyer,contre eus, ains feulement pour les pacifier auec les Armeniens, fat haut qu’auant que le fort leur fufl oté,ils n’auoient garde de condefeendre à aucun traité de paix, ayans leurs biens en fiircté, amp;nbsp;facageans cens d’Armenie : toutefois leur donnoit congé de retourner à leurs maifons, amp;nbsp;confulter auec leurs compagnons s’ils aymoient miens la paix que la guerre auec lui, les con-féillant de ne reuenir pas à lui fans armes s’ils efiifoient laguerrer Mais s’ils vouloient auoir fon amitié, qu’ils vinflent en habit paci-hque,amp; qu’il donneroit h bon ordre à les bien traiter,qu’ils en auroient contentement. Les Caldees furent ioyeus du bien que Cyrus leur vouloit faire, h le remercièrent amp;nbsp;louèrent àmerueiUcs,
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lui baifant la main par plufieursfois j puis s’en retournèrent à leurs niaifons. D’autre partie roy d’Arménie oyant lemandement de Cyrus amp;nbsp;fa vidoire j acourut deuers lui en diligence ^ acompagne d’vnc troupe de Maçons,Charpentiers amp;nbsp;autres artifans conuena-bles à l’architcdure, amp;nbsp;fi tôt qu’il le vid, O Cyrus, dit il, combien l’humaine prudence entreprentde chofes en vein, pour paruenir a vue fin defiree ! amp;nbsp;toutefois ne peut preuoir l’auenement dicel-les. Carainli queiem’efforçois deleucrlciou de feruitude amp;nbsp;me afranchir, par votre force fuis deuenu plus ferf que deuant : derechef penfant perdre l’efiat amp;nbsp;la vie eftant prifonnier,ieme voy fau-ucamp;enma premiere liberté plus heureus que iamais : car ievoy les Caldees veineuz, qui ne celîoient iamais de nous father amp;nbsp;nui-rCjcHreen l’edat que ie leur fouhaitois. Et vous auertis, que pour les chaffer de ces montagnes i’eufiepaye beaucoup plus d’argent que vous n’auez eu pour ma rançon. Et quant à ce que m’auez promis deine recompenfer amp;nbsp;fatislàire entièrement de l’argent par moy prefte, vous l’auez par votre libéralité amp;nbsp;vertu plus que tref-bien payé, dont nous nous fentons beaucoup plus obligez à vous amp;nbsp;tenuz devons remercier au double, ce que iamais n’aurons bon te de faire fi nous ne voulons dire dliinez ingrats : combien que vos biensfaits foient fi grans, qu’il n’dl pofsible vous rendre grace condine félon vos merites. Apres celà furuindrent les Heraus Cal-dces requerans auoir paix auec Cyrus. Lequel les interrogua, s’ils la demandoient pour y vinre mieus amp;nbsp;plus furcment qu’à la guerre. Ils dirent qu’oui, amp;nbsp;qu’ils preferoient à routes chofes le bien de la paix. Lors il promit la leur bailler, cnfcmblc plufieurs autres co-moditez qui fuiuent la paix: amp;nbsp;à caufe qu’ils effoient poures pour la fterilité du pàis,leur mit en auant de les faire palier en Arménie, ou ils pourroient eultiuer amp;nbsp;poffeder les terres qui par leurs diffen fions dloient de fi long teins en friche. Les Caldees fe montrèrent joyeus de cet ofre amp;nbsp;l’acceptèrent, pouruu qu’on les afluraftd’y vinre furement. Cyrus demanda au roy tf Arménie, s’il n’ayinoit pas mieus que fou pais f ull cultiuepar gens qui lui en bailleroicnt pareille cenfiue que les autres fuictz,que s’il demouroit deshabité. Il confentit volontiers à celà, pource que fon reuenu augmentoit d’autant. Dcrethcfdemanda aus Caldees s’ils n’dloient pas con-tens dclaiffer en paflureleurs montagnes aus Armeniens, pouruu qu’on leur payai! ce qu’il feroir raifonnablc: amp;nbsp;.à l’Arménien aufsi, s’il ne vouloit pas y enuoyer fon bétail pour y faire profit en payant feulement vnc piece d’argent. Ils refpondirent tous en dire contens,pouruu qu’ils iepuflent faire fans cremte d’dire moldlez.
r» Prince i/oïc donner de i^aoy 'yi-/■ere aw uem enz , pour euieer les ^f^erres.
Par
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Par ce moyen il conclut la paix entr’eus. Et pour culter le danger ou feroient les Armeniens files Caldees tenoient les montagnes en armes j amp;nbsp;pareillement la creinte des Caldees s’il les lailToit aus Armeniens, rcferuaàfoy la charge de fortifier la montagne amp;nbsp;d’y afioir garnifon pour tenir les deus en fuieccion , prometant defc ruer aprement fur celui qui premier donneroit ocafion de tumulte. Ainfi furent les deus parties trefiovenfes de ce que Cyrus au oit cfiabli. Si donnèrent des otages amp;nbsp;ratifièrent d’vn coté amp;nbsp;d’autre leurs promeffes amp;nbsp;acorderent au traité de la paix qu’ils feroient libres amp;nbsp;francs les vus des autres, prometans amp;nbsp;donnans gages amp;nbsp;alTuranccs des deus cotez d’obferuerles conuencions, depouuoir faire trafiques,mariages, labourages, pâturages, amp;nbsp;communautez de biens amp;nbsp;de guerre enfemble ou le cas le requerroit. Lefquels acors durent encores auiourd’hui entr’eus, ainfi qu’ils furent lors flits entre les Caldees amp;nbsp;roy d’Arménie. Ce fait fe ruerent par enfemble à bâtir le fort, eftimant chacun d’eus le chateau eflre fait pour fa fureté, tant contre leurs voifins que contre les eftrangers, amp;: de tous cotez firent aportcr les chofes necelfaires pour incontinent le mettre en bonne defenfe. Deuers le foir Cyrus les fit fou-per auec lui en fine de l’amitié nouuellement acordee, amp;nbsp;durant le fouper vu des Caldees ditàCyrus, que la paix frefehement traitee eftoit agrcable amp;nbsp;duifante à tout le monde, amp;nbsp;penfoit que chacun en prendroit grande confolacion, hors mis feulemct certein nombre de Caldees qui ne viuoient que de larrecins, qui ne vouloicnt amp;nepouuoient trauailler,eflans deieunefieacoutumezaus armes amp;nbsp;au pillage, amp;nbsp;alloicnt vne fois à la foulde du roy des Indes qui eftoit eftimé trefpuifiaut amp;nbsp;riche, l’autre fois du roy Aftyagemou-uelle,qui fut agreable à Cyrus, lequel leur fit entendre, qu’il les prendroit volontiers à fa foulde, amp;nbsp;leur donneroit autant ou plus qu’autre qui les euff iamais foudoyez: Ce qui fut incontinent acor dé, amp;nbsp;difoit on queplufieurs des Caldees viendroient de leur bon gré pour guerroyer fous lui.
Comme Cyrta enuoya yne EmbajJade aus Indes, ^ retournant en Mode,délibéra d’a^atUir les ^JJÿriens. nbsp;nbsp;c h a p. 1111.
T fur ce que les Caldees difoient que plufieurs de leurs gens auoient guerroyé fous le roy des Indes, il fouuint à Cyrus des Emballadeurs qu’il auoit quelque tems au parauant enuoyez pour elpier les afaires des Alcdes,amp; fembiablemcnt cens des Aflyriens, amp;
dcfiroit grandement lui faire entendre les grans faits d’armes qu’il auoit
-ocr page 109-de XENOPHON. LIVRE III. 7, auolt exploitez en fi peu de teins : A cette caufe pria leroy d’Arme nie amp;nbsp;les Caldees lui donner degens pour guider certeins Embafi fadeurs qu’il vouloit enuoyer au Roy des Indes j pour traiter auec lui de quelques afàires,La caufe principale eftoit pour emprûter de lui de l’argent, dont il vouloit auoir quantité pour mieus payer fes gés,amp;: les guerdonner felo leurs merites.Et fi tafchoitpar ce moyen d’épargner les Armeniens qu’il ten oit defia aunobre de fes amis, qui eftoit la caufe pourquoy plus volontiers il en euft pris du Roy des Indes.L’mftruccion qu’il donoit à fon chef d’Embairade,eftoit; que Cyrus attedoit vnc noiiuelle armee de Perfe, pour laquelle lui faudroit auoir grolTefommed’argent, à cette caufemadoit au Roy des Indes,qu’il lui feroit vn grand plaifir de le fecourir de telle fomme que bon lui fembleroit,promettant,fi Dieu lui donnoit bonne iffue de fes entreprifes,luimôtrer qu’il n’auroit employé fa libéralité à l’endroit d’vn home ingrat. Au demourant dit à l’Arménien,amp; aus Caldees,qu’ils fifTent dire à leurs EmbafTadeurs ce que bon leur fembleroit:en intencion defeferuir de fon ar2:ent,s’il en donnoit, ou de n’eftre obligé à lui d’aucune chofe, s’il faifoit le contraire. Voila ce que Cyrus délibéra pour ce foir, elpcrant que les Caldees amp;nbsp;Armeniens feroient bon récit de lui,comme il deliroit eure efti-mé amp;nbsp;connu par tout le monde. Le iour enfuiuant Cyrus fît partir fon Embafladeur, auec les inftruccions amp;nbsp;mémoires fufdites. L’Arménien amp;: les Caldees cnuoycrent aufsi des plus expers de leur païs,tant pour traiter l’afaire de Cyrus, comme pour raconter fes prouelTes. Tôt apres Cyrus ayant paracheué fa forterefle, afsis vne fufifante garnifon,icelle munie de viures,lt;Sc mis dedens vn Ca-piteine Mededcquel il iugeoit eure des meilleurs amp;nbsp;plus fideles fer-uiteurs de Cyaxare, leua le camp acompagné de cens qu’il auoit amenez, amp;nbsp;du fecours d’Armenie, amp;nbsp;quatre mille Caldees, qui ertoient eftimez les meilleurs combatans dupais. Si tôt qu’il fiit z'honneur entre auplatpaïs d’Arménie, généralement tous les hommes petis ^u un fait à amp;nbsp;grans, femmes amp;nbsp;enfans, lui vindrent au deuant, lui prefentans «« ion Pria ce qu’ils auoient de plus precieus, fautans de ioyepour la paix à ^^• eus donnée, dont le Roy mefmc n’eftoit point malcontent, efti-mant que Cyrus prendroit plaifir à l’honneur que le Peuple lui faifoit. La Reine y vint aufsi, acompagnee de fes filles amp;nbsp;de fon plus ieune fils,amp; auec plufieurs autres dons,lui prefenta l’or amp;nbsp;l’argent que au parauant il auoit refusé. Mais Cyrus, Penfez vous, dit il, que ie fois venu pour vous faire du bien à gages, comme vn mercenaire ? Emportez votre argent, gardez le pour vous, amp;nbsp;ne le baillez plus à votre mari pour le cacher en terre, pluftot pour k: nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;mieus
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ie finit de yiâotre.
Prudenee d'un Prince à conneifre
micusfaîrCjeqnipez votre fils d’vne partiejpour l’enuoycr à la gu er re, amp;nbsp;gardez le demourant pour vous, votre mari, amp;. vos enfans, pour les acoutrer amp;nbsp;maintenir plus ioyeufcment. Quant à la terre, on la doit referuer pour la fepultnrc de nos corps, non des richef-fes. Apres ce propos Cyrus pafla outre ,toufiours fuiuiduRoy d’Arménie amp;nbsp;de les fuietz, l’apelans bon, iufte, amp;nbsp;bienlàiteur par plufieursfois, iiifqucs à ce qu’il fut hors d'Armenie, ou le Roy lui enuoya encor’plus grand fecours, pource qu’eu fon royaume il auoit paix. Par ce moyen Cyrus anec fcs gens fe partit ^ non feulement enrichi de l’argent qu’il auoit reçu, mais ayant par fcsver-tueus aftes tronué le moyen, d’en reconurer danantage au befoin, amp;nbsp;fe campa pour lors fur les frontières. Le iour d’apres enuoya i’armee amp;; l’argent à Cyaxare, qui n’eftoit pas loin, comme il auoit promis,puis auec Tigrane amp;nbsp;les principaus Perfes fe mit à prendre fon plaifir à la ch allé, ou il trounoit des belles, tellement qu’en ce pafletems il arrina en Mede, ou il fut reçu «à grand’ felle : puis di-ilnbua de l’argent àfes Centeniers commebon lui fcmbla,pour recompenfer leurs gens félon leurs mérites, clhmant que les bienfaits de fes Capiteines tourneroient à fon honneur,^ de l’exceUcn ce de fes foldats, fa louensc feroit augmentée. Melines de là main fit plufieurs beaus prefens de toutes lortes d’arhics'aus plus vcr-tueus de fit copagnie. Et apres qu’il eut en diuerfes manières recom pense fcs gens, il alfcmbla fcs Centeniers, Chefz d’efquadres auec fes plus prinez amis, 0c leur dit: le me refiouis grandement, mes amis,de voir vous amp;nbsp;vos gens eure côtens,auoir abondance de tou tes chofes,amp; que nous ayons de quoy bien faire à vn chaeû félon fa vertu.Toutefois il nous laut confiderer,qui ont elle les principales caufes de ces biens: amp;nbsp;fi vous y regardez de près, vous trou lierez, que le veiller,trauailler,endurer au befoin,amp; vfer de diligence vous ont donné ces richclîes.Parquoy il laut aulsi que par cy apres vous foyez vertucus, tenans pour certein, que les grans biens amp;nbsp;grans contentemens vous auiendront par obéillance, confiance, vertu, foufrance de rrauaus,amp; hardiefle es vertueufes amp;nbsp;perilleufcs entre-prifes. Ayant donq Cyrus connu par experience, quefes gendarmes auoient les corps endurciz amp;nbsp;forts au trauail,amp; le courage hardi, pour mcljsrifcrl’ennemi, mefines que chacun lauoit defia le mamment de fes armes, amp;nbsp;efioir pront à obéir à fes fuperieurs, des lors il defiroit grandement exploiter quelque grand fait d’armes contre les aucrlàires,fachant bien, que par trop leiourner les grans Capiteines perdent fouuentles ocafions de victoire, parla variété de Éortune. D’auantage, voyant la coutencion de les foldats en leurs
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leurs exercices militaires, amp;nbsp;l’enuie d’aucuns mue parvneambi-cion, fe délibéra les mener fur les terres des Affyriens, pource qu’il connoidoit bien, que la communicaclon des dangers tait entr’ay-mer les compagnons, amp;nbsp;oter l’enuie qu’on porte aus plus riches amp;nbsp;vertueus. Et n’y ha aucun qui haye , ou mefprife cens, qui font toufiours en armes amp;nbsp;s’en veulent aorner, ains chacun les chérit prife, amp;nbsp;honore, comme amis èk compagnons de mefmes dangers, amp;nbsp;defenfeurs du bien cômun. Si fit armer tous fes gens,amp; les acou traie plus brauement qu’il fçut, pour taire la montre. Et apelales ^yrMrekes. Myriarches amp;nbsp;Coronals de dix mille hommes, les Chiliarches, les coranals de Centeniers, Caporaus, Sc autres Capiteines, qui n’eftoient point dix nulle ha compris a l’enrôlement des nombres ordinaires de la phalange : ce mes.chdiar neanmoins s’il faifoit obéir au Prince, ou comander quelque cho- ches, edfitei fe, il n’y auoit rien qui fut fans fuperieur, ains y auolt des Douze- nés de nulle niers amp;nbsp;3i2cnicrs,parlcfqucls les plus legeres chofes elloicnt com- hommes, mandees. Quand lesfederez amp;nbsp;alliez turent venus il parla ans Capiteines,amp; les amonefta défaire leur deuoir,lcs inUruitant comme amp;nbsp;parque! moyen ils pourroient amp;nbsp;deuroient ayder les vus ans autres : Et quand par fes paroles les eut allez incitez a faire cfpreuuc de leur vertu,leur commanda fe retirer en leurs quartiers, Sc enteigner leurs gens ce qu’ils pouuoient auoir apris de lui, amp;nbsp;les faire aymer le fait de la guerre , les rendre pronts amp;nbsp;adroits a fe defendre, inuenter nouuellcs modes d’allailhr, a tin qu’ils enflent meilleur courage d’aller au lieu ou il les vouloir conduire. Fmable-ment leur enchargea que le iour d’après ne failhflent à eus trouuer en ordre deuant le palais du roy Cyaxare. Sitôt que le iour enfumant commença à poindre, les bendes fe prelenterent en ordre anec Cyrus ou il au ou commande , lequel entré deuers Cyaxare auec les principaus de fon camp,commença à parler en telle former
Des propos que Cyrses eut anec Cyttxdre pour aller a^aïUir les ,A^yriens. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ghap. v.^
n’ignorepoint,Monfieur mon oncle,que vous ^g^i auezdes long teins pensé amp;nbsp;délibéré les chofes ie veus dire : mais creingnant nous '^'^ peur que ne penflfsions eltre châtiez d’auprès de vous qui nourriflez toute l’armee, _ ivousn’auez osé declarer votre auis. Puisdoncy que vous ne voulez defeonurir votre volonté , ientreprendray de declarer la mienne,.touchant votre profit Ck le notre.. L’auis de k a
nous
7lt;r nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;LA CYROPEDIE
nous tous eft ^ puis que nous fonunes en ordre amp;nbsp;bien équipez, de ne demeurer plus oififs en vos terres,n’y atendre que l’ennemi nous vienne trouuer en quelque terre d’amy, mais pluftot, de nous ruer incontinent fur les fiennes, pendant qu’il eft encor’ negligent amp;nbsp;oifif;car en feiournant icynous fommes contreins de vous en-donimager en plufieurs fortes à notre grand defplaifir. Mais fi nous allons droit à lui nous gâterons fon pais à plaifir, amp;nbsp;viurons aisément de plufieurs fourrages que vous cftes contreint d’acheter à große defpenfe. Outreplus,!! le danger eftoit plus grand par delà qu’il n’eft icy, parauatnre feroit le meilleur de prendre le plus feur: Mais en premier lieu, ce font les mefines ennemis qne nous combattons, ou là, ou icy, amp;nbsp;nous aufsi ne ferons point autres à aller qu’à demourcr. Dauantage nos gens iront plus hardiment amp;nbsp;d’vn courage plus alTurc, amp;nbsp;auec plus grande marque amp;nbsp;enfeigne de vertu, fi nous allons allanlir nos ennemis : car ils nous creindront d’auantage, quand ils verront que pourcreinte d’eus le coeur ne nous eft failli, amp;nbsp;ne nous fommes point apareficz en nos maifons: Ains au contraire connoitront à l’oeil, que leur apareil de guerre nous ha fait auoir la hardiclTe d’aller au deuant d’eus, le phiftot qu’il nous ha efté pofsible, amp;nbsp;fans atendre qu’on donnaft le degat à nos terres,auons hardiment anticipé de fourrager celles d’autrui. Si donques par mefmc moyen nous eftonnons nos ennemis,amp; ren dons nos gendarmes plus hardiz, ne vous femble il pas que ce fera vn grand auantage pour nous,amp; plus dommageable pour les auer-faires? Car, comme i’ay fonuent oui dire à mon pere, lt;!k à vous, amp;nbsp;tous les fages y confentent, l’ifluedes batailles feiiige plus par le bon cœur amp;nbsp;hardiefle, que par la force ou grandeur des corps, ny par la multitude des combatans.
Comme Cynts yint ^tUnter fon camp près des .syriens,^ s’a^ preflapour hnrer la bataille. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a p. y i.
Près que Cyrus eut ainfi declairé fon aiiis, Cya-xare commença à s’exeufer, le priant que lui amp;nbsp;les Perfes ne penfallent iamais, qu’il fe fachaft de les entretenir amp;nbsp;fournir de vîntes. Au demon-rant iugea fon auis eftre bon amp;nbsp;auantageus pouf eus. Parquoy Cyrus conclut de faire incotineflf aprefter toute l’armee, amp;nbsp;ordonna à tous fes Capiteines de tenit leurs gens prefts pour defloger,fi les facrifices montroient bon augure. Puis fe mit à facrifier premièrement au Roy des Dieus lupi'
ten
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ter , après à tous les autres, les priant de conduire 1’armee, amp;nbsp;lui dire dous amp;nbsp;fauorables, les detendre, acompagner, amp;foutcnir en leurs afaires, leur eftre compagnons amp;nbsp;confulteurs de toutes cho-fes bonnes. Pareillement pria les Dieus particuliers de Mede habi-tateurs amp;nbsp;protefteurs d’icelle. Qiiand les facrilices eurent montre bon fine, amp;nbsp;que l’armee fut en ordre fur les frontières, fuiuant les bons augureSjil afiaillit la terre ennemie, amp;nbsp;entra auant en pais,ou pareillement parbbaclons amp;nbsp;prières apaifa les Dieus amp;nbsp;Déclics particulières d’Alfyrie : derechef facrifia au Dieu lupiter conferua-teur de fon pais, amp;nbsp;ne laiffa en arriéré aucun Dieu dont il le puft a-uifer. Par ainfi apres auoir fatisfait à l’honneur des Dieus, il con-duifoit fon camp auec vn merueillcus ordre,amp; faifolt faire aus gens de pié petites iournees, amp;nbsp;fe campoit de bonne heure : mais faifoit faire courfe à trauers pais aus gens de cheual, qui gatoient tout amp;nbsp;emmenoient tous les iours fi gros butin, qu’il y auoit abondance dedens le camp de toutes chofes : cela fait amp;nbsp;apres auoir gaté amp;nbsp;fourragé le pais ils fe campèrent en vn bon heu,pour atendre la venue des auerfaires : Mais quand par les auancoureurs on eut auer-tiffement qu’ils n’eftoient qu’à dix iournees loin d’eus, Cyrus fut d’auis de ne s’arrefter plus à les atendre ains d’aller au deuant, pour ne mettre fes gens en creinte , amp;nbsp;montrer la grande enuie tpi ils auoient de les rencontrer. Ce que Cyaxare aufsi trouua bon : par ainfi falfans raifonnables iournees ils s’aprocherent d’eus , tenans leurs gens continuellement en bataille. Or auoit il donne tel or- j^^^es etdi-dre à fes foldats qu’ils foupoient toufiours deuant la nuit, n’allu- hge^g^ J,',in moient iamais feu dedens le camp ains au deuant d’icelui, à fin 1,1,1^ prince. qu’on puft plus aisément aperceuoir cens qui viendroient efpier fans eftrevuz, amp;nbsp;fonuent le faifoit allumer au derriere pour dece-uoir les ennemis, tellement que les efpions abufez du feu tant edongné fe venoient quelquefois letter au guet ou àl’auangarde comme dens les retz, eftimans eftre loin de l’armee. Quand les ” Afiyriens furent auertiz de la venue de Cyrus, ils fortifièrent incontinent leur camp d’vn large fofsé, comme font encores auiour-d’hui tous Rois eUrangers , qui par celà s’eftiment eftre en plus grande fureté, fachans l’incommodité de leurs cheuaus, qui font merueiUeufement farouches de nuit amp;nbsp;à toutes heures font grand bruit. A cette caufe ils les entrauent,amp; aubefoin ont beaucoup de peine de les deflicr amp;nbsp;brider , plus grande à les feller amp;nbsp;barder, encor’ plus à monter dellus. Stell du tout impofsiblc de les mener par le camp qu’il n’y ait vn merueillcus defordre. Au moyen de-quoy ils fe remparent d’vn fofsé, tant pour auoir loifir de s’apre-k 3 lier.
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Prudence pour hurer yne lgt;lt;ttiu/~ k.
fter j coinmc pour liurer le combat quand bon leur femblc. Par ainG donq ellans aprochez les vus des autres enuiron de quatre mille pas J les Ally riens s’cGoient campez en la manière fufdi* te en vue plaine defeouuerte ^ mais Cyrus planta fon camp en liens obfeurs amp;nbsp;montueus, lequel ilfortiGa depalifees counertes amp;nbsp;de gratis remparts de terre, eftimant que d’autant qu’il aflau-droit Ion ennemi à la defpourunegt; d’autant il i’eftonneroit d’anan-tage. Les deus camps Grcnt pour celle nuit bon guet, ayans afsis des efeontes ans donnes de leurs fortz. Leiour enfumant le Roy Aflyrien amp;nbsp;Crefede Lydie ne bougèrent de dedens le fort: mais Cyrus amp;nbsp;Cyaxarc fe prefenterent à la campagne leurs gens ordonnez en bataille atendans la faillie des ennemis, lefquels quand ils virent ainG lé tenir cois ^ amp;nbsp;que pour ce iour ils n’elfoient délibérez de combatrcj Cyaxare dit à Cyrus, qu’il les faloit aller afiaillil dedens le fort amp;nbsp;montrer leur hardiefle, au moyen dequoy leurs gens prendroient courage amp;nbsp;les ennemis s’eftonneroieut. Ce que Cyrus ne voulut ac ordcr_,comme opinion dangereufe amp;nbsp;maunaife, dilànt que les Alîyriens ne fandroient pas de les atendre en leur fort fans cremte d’y elite veinenz, amp;nbsp;ne s’eHrayeroient aucunement d’vu G temeraire allant,amp; les tenans pour infames de les voir retourner fans rien gagner,melpriferoient le petit nombre de leurs gcns,de forte que le lendemain ils fortiroient de meilleur courage. . Mais, difoit Cyrus, G nous ne nous defeouurons de G près, pource qu’ils ne fanent encor’ quel nombre nous fommes,ils nous ellime-ront d’auantage amp;nbsp;feront esbabiz quand nous les aprochcrons, croyans que ne l’ayons fait fans beaucoup depuiirance, amp;nbsp;fuis cer-tein qu’il, ne celîent tout le iour de parler de nous eu dmerfes manières. Quand donques ils fortiront de là, il nous fera loiGblc moyennant notre vertu de les combatte au heu ou nous deGrons auec notre auantage. Le confeil de Cyrus aprouné par Cyaxare amp;nbsp;les autres ils prmdrét leur refeccion pour ce iour, amp;nbsp;apres auoir afsis le guet de bonne heure, amp;nbsp;fait faire pluGeurs feuz au deuant du camp amp;nbsp;du guet ils fe mirent à repofer. A la pointe du iour d’apres Cyrus ht fon facrißce eGant couronne, amp;nbsp;commanda à fes principaus foldats de la nobleße y afsiGer couronnez de Geurs,lequel fini il les Gt alîcrabler amp;nbsp;les enhorta comme s’enfuitt
Enhorfement de Cyrm à fes Câpiteines^ pour les faire entrer de meilleur courage à la bataille^ quot;nbsp;chap. vi^
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Ompagnons bien ay me z, les Diens imtnortelz par I’auis des augurateurs amp;nbsp;de moy, nous de-dairent que nous aurons bataille amp;nbsp;viftoire, amp;nbsp;par les facrifices nous promettent bonne iflue. Or à la vérité i’aurois honte de vous amonnefter d’eftre pronts amp;vaillans j confiderant que chacun devons entent aufsi bien le deuoir du bon gedarme que moy, amp;par longue continuacion del’eflat non feulement elles coutumiers de bien faire, mais fufifans pour l’enfcigner aus autres. Tou-tefois ie vous anertiray d’vue chofe : C’et que vous apreniez ans nouneaus foldats lefquds nous anons lenez puis nagueres amp;nbsp;dcfi-rons rendre pareilz à nous, à faire leur deuoir, amp;nbsp;leur déclariez pourquoy amp;nbsp;à quelle fin Cyaxare nous nourrifioit amp;nbsp;exercitoit,amp; aufsi la caufe pourquoy les anons apelez à notre àyde, amp;nbsp;eus aufsi m’ont promis n’y faillir, leur mettant fonuent en memoire que ce iour feul démontrera la vertu d’vn chacun amp;nbsp;ce qu’il méritera. Et ne faut vous emerueiller fi des choies que lon aprentpar vfage, aucuns d’entre eus ont befoin d’eftre amonneftez , encor’ ferions noushenreus fiparl’exortacion d’autrui les hommes faifoient leur deuoir. Au démontant en gagnant ce point fus eus, vous ferez efpreune de vous mefmes : Car celui tpi par parole amp;nbsp;auertifle-ment peut faire deuenir vn autre plus partait qu il n cftoit, a plus grande railon fepeut faire plus hardi, eftant alTurc de faparîaite vertu : mais celui qui reçoit l’amoneftement d autrui,amp; fe contente de cela, n’eft que demi parlait au pris des autres. Au moyen de-quoy ien’ay voulu parler à eus mais me fuis contenté de le vous dire, afin qu’ils aprenuent à vous obeïr pourautant que vous cftes toufiours auprès d’eus. Etfoyez apurez , pendant qu’ils vous verront fiers amp;nbsp;conftans, que vous enfeignerez que c’et de hardiclTe à eus amp;nbsp;àplufieurs autres non feulement par parole , mais de fait amp;nbsp;d’exemple. Auprès celà leur commanda Cyrus d’aller dîner, ainfi couronnez qu’ils eftoient, puis retourner vers lui chacun en fou ordre : cens cypartiz il fit apelerl’arricregarde amp;les conduéfeurs des dcrniers,aufquels il parla ainfuPerfes trefaymez,puis que vous * elles du nombre des Homotimes amp;nbsp;choifiz entre les autres, comme non feulement pareilz de force aus plus vaillans de l’armee mais plus prudens pour votre aage, amp;nbsp;tenez vn lieu aufsi honorable que cens de rauangarde,il eft conucnable à votre deuoir qu’cix incitant les vaillans hommes qui font deuant vous à bien taire vous les rendiez encor’ plus gens de bien, amp;nbsp;quant ans lafehes amp;nbsp;couarzleur apreniez à taire leur deuoir. Et faut cpievous eftinfiez que
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que laviéloire vous eft aufsi dulfante qu’aus premiers, tant pouf l’honneur amp;nbsp;reuerence de votre aage, quepour ladinitc de l’habit que vous portez. Parquoy fi les premiers vous apellent amp;nbsp;enhor-tent de les fuiure n’ayez honte de les efcouter : amp;nbsp;à fin aufsi que ne fembliez inferieurs à enSj incitez les de s’auancer viuement con tre les ennemis. Allez vous en donq diner comme les autres,amp; incontinent apres mettez en ordre vos Efquadrons, ayant des chapelets de fleurs amp;nbsp;couronnes fus vos teftes en fine de refiouiflance comme les premiers.
Cornent le Roy d'^ßyrie fortit du camp en bataille ^ haren-^ua fes vens jpuis entrèrent en bataille ou les ^ßyriens fu
rent defconfts.
C H A Ï. V I lï*
Endant que Cyrus enhortoit fesgens, les Afly-riens aufsi ayans défia dinc eftoient fortizd’vnc grandehardiefle, amp;nbsp;fe rengeoient en leurs ordres auecvne merueilleufe puiflance. Le Roy monté fur vn braue chariot en ordonnant fes gens les amonneftoitde telle façon : Aflyriens, voici rheure,ou il fe faut montrer gens de bien : Voici l’heure qu’il faut penfer que vous combatrez , non pas pour vn rien,mais pour la vie, pour la terre ou vous eftes nez, pour les maifons ou vous fu-ftes nourriz, pour vos femmes amp;nbsp;enfuis : bref pour tous les biens que vous auez.Si vous gagnez la bataille,les chofes fufdites feront vôtres comme deiiant, ôc en votre iouilfance : mais fi vous la perdez , vous perdrez tout enfemble, amp;nbsp;ferez vous amp;nbsp;vos biens en la mifericorde de vos ennemis. Parquoy donques, fi vous aymez la vidoire, il vous faut tenir lepic ferme au combat amp;nbsp;montrer la face aus ennemis. Car certeinement c’etvne grande folie de vouloir veincre en montrant le doz aus auerfaires, amp;nbsp;les parties du corps qui font fans yens, fans mains, fans armes, ou defenfe aucune. Encor’eft plus hors du fens celui qui defire la vie, amp;nbsp;la cherche en fiiiant, amp;nbsp;doit penfer qu’il n’y ha moyen de fe fauuer, finon parla viftoire, de y ha beaucoup plus de tuez à la fuite, qu’au combat. Mais la folie de celui qui ayme les biens amp;nbsp;fe laifle veincre, eft encor’plus grande. Car qui eft celui quinefache, que les veincueurs parmefme moyen fauuent leurs biens, amp;nbsp;rauiflent ceus des vein-euz ? amp;nbsp;au contraire les veincuz perdent eus amp;nbsp;leurs biens cn-femble?
Si fembla fur l’heure à Cyaxarc, voyant fortir les Aflÿriens peu à peu
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à peu du fort, qu’il feroit bon de fe ruer fus eus ^ pendant qu’ils edoient encores peu Ôc fans ordre, iiigeant qu’il feroit beaucoup plus aise de les veincre en petite troupe, qu’en groffe multitude,amp; Î’enuoya dire à Cyrus. Mais ce parti ne lui plut aucunement, iu-geant que fi plus de la moitié des Aflyriens n’cHolt veincue, ils ne fe tiendroient pour veincuz,amp; diroient que Cyaxare,pour creinte de la multitude auroit alTailli ce peu de gens qui feroient défia for-tiz, dont il conuiendroit combatte encor’ vn coup, auquel ils fe refrefchiroientpour mieus penfer à leurs afalres, amp;nbsp;lui oteroient cette oportunité de combatte cotre tant de gens qu’il lui plairoit. Sur l’heure mefme Chryfante Perfe auec quelques autres Homoti-mes lui amenèrent des foldats efehapez du camp des Affy riens,qui s’eftoient venuz rendre à lui, lefquels il enquit diligemment de tout, amp;lui dirent comme les AlTyriens eftoient fortiz en campagne, amp;nbsp;que le Roy les mettant en bataille les auoit incitez d’vne longue amp;nbsp;préméditée oraifon. Lors Chryfante le pria de faire le femblable à fes gens, amp;nbsp;efiayer par paroles de les rendre plus vall-lans,cc que Cyrus refufa de faire, difant, qu il ne s cftonnaft point pour les harangues du Roy d’AlTyrle. Car il nyha exhortacion fi bonne , qu elle puiffe en vn feul iour faire le mefehant vertueus, ne fi elegant parler, qui puiffe foudeinement rendre vn couart hardi.-Et tout ainfi qu’on nepeut faire en vn feul iour vn bon arbaleftier, bon archer, bon homme d’armes, nybien endurant le trauail, s’ils n’y font de longue main acoutumez , aufsi ne faloit il penfer, que vue oraifon, pour bien compofee qu’elle fuff effre, fuff fufifantc a mettre au coeur d’vnhomme vue creinte de deshonneur, ny le retirer d’aucun vice. Penfes tu, difoit Cyrus, que ce foit enure d’vne heure, de perfuader ans hommes, que pour aquerir louenge ils fe mettent à fuporter tous trauaus amp;nbsp;fe fourrer en tous dangers ? amp;nbsp;tiennent conftamment cette opinion, qu’il foit plus defirable de mourir en combatant,que fe fanuer en fuiant ? Ne te femble il pas pluftot que pour faire naitre amp;nbsp;durer telles penfees aus coeurs des hommes, il faudroit auoir deslolx en vite cité, qui fiffent viure les bons en liberté amp;nbsp;honneur , les mefehans languir en poureté amp;nbsp;deshonneur? Apres cela encor’ faudroit il auoir des précepteurs amp;nbsp;Magiftrats, qui de fait amp;nbsp;parole les acoutumaffent à bien faire amp;nbsp;fe gounerner fagement,iniques à tant que cette opinion full enracinée, qu’il n’y ha que les bonshonorez amp;'heurcus , les mefehans infames amp;nbsp;malheureus. V oilà comment doutent effre inffituez ceus qui veulent préférer ce qu’ils ont apris à la creinte des ennemis. Penfes tu donq, qu’au iour d’vnebataille, ou plufieurs oublient ce l qu’ils
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qu’ils ont de longtems aprisAn homme puiffeauoir fi bien troufse vne harangue, qu’il rende les hommes beUiqueus en vn inftantî Certeineraent il feroit beaucoup plus aise d’aprendre ou enfeigner la plus grande fcience du monde ^ que de faire en fi peu de tems vn vaillant homme de guerre : Mefmes penfes tu que i’uflc grand cfpoir en ces derniers venuz, fi vous autres n’y eftiez prefens ^ qui par exemple leur montrez,amp; par parole aufsi les enfeignez? Et à la vérité ieferois autant esbahi, de voir Vn homme couart deuenu \ vaillant par le moyen d’vne harangue bien compofec, que de faire vn bon Muficien par vne chanfon bien chantee. S ur celà Cyaxare enuoya derechef dire à Cyrus j que c’eftoit trop atendu à marcher contre les ennemis. Mais Cyrus lui r’enuoya dire^que pour certein ils n’eftoient encor’ tous fortiz , amp;nbsp;fit faire cette refponfe déliant tous les afsiftans : toutefois puis qu’il lui plaifoit ainfij qu’il ne tar-deroit plus. Lors apres auoir fait fa prière aus Dieus, fit fortir in-£onneelißl^ continent fes gens amp;nbsp;s’auança de marcher le premier. Ses gens le fgt;line ‘ie^ff^ fuiuoient en tresbclle ordonnance j comme gens bien infiruiz amp;nbsp;tiarmes. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Je Ion2;ue main exercitez à ce faire ^ amp;nbsp;marchoient d’vne merueil-
leufe hardieflcjà caufe dd’enuie qu’ils auoient de pafler l’vn l’autre à bien faire, amp;nbsp;d’vn courage alTurc amp;nbsp;ioyeus, comme gens acoutu-raez à porter toute peine : ioint qu’ils voyoient leurs Capiteines eftre les premiers en leurs rengs,aians apris par longue experience, que c’et toufiours le plus feur amp;nbsp;plus aisé d’afaillir l’auerfaire, principalement auecques les gens de tret amp;nbsp;cheuaus legers. Ertans encores à plus d’vn tret d’arc des ennemis, Cyrus donna le mot pour fine de liurer la bataille, lupiter guide amp;nbsp;compagnon, lequel il fit courir par tout fon camp , derechefil commença vn hymne «à lalouenge de Caftor amp;nbsp;Pollux félon que les loix du pais le commandent, auquel les fiens refpondirent à haute voix amp;nbsp;en grand’ deuocion : Car par ce moyen les gens fuperfticieus ont moins de creintc des hommes. L’hymne fini, les Elomotimes marthansen-Icmblc d’vn vifage alluré amp;nbsp;hardi s’entreregardoient amp;apeloient les vns les autres par leur nomjamp; incitoiet les derniers à les fuiurc, en difant : Allons sens de bien, courage mes amis, amp;nbsp;n’oyoit on autre propos parle cai^p. Les derniers aufsi oyans la voix des pre-miers leur refpondoient de mefmes, amp;nbsp;leur donnoient cœur d’af-faillir amp;nbsp;marcher hardiment .à la guerre. Orertoit le bataillon de Cyrus garni de gens tous rempliz de prouelîe, counoitife d’Iion-iieur, force oc hardielTc, amp;au demouraut quife baiUoient courage l’vn à rautre,non temeraires,ains gens fort obeifians,qui eft la cho fc(àmon auis) qui endommage le plus les ennemis. Cyrus pour lots
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^ors fe montra diligent amp;nbsp;hardi quand ce fut à letter les darz^Ôc di-^oit : Qui f«ra le premier à courir amp;nbsp;montrer exemple de vertu con treles ennemis J Cette parole fut incontinent de main à main redite à toute rarmeejamp; lors quelques vns plus hardiz defirans le combat, de gayeté de coeur fe mirent à.courir, amp;nbsp;apres eus tout le bataillon fe ma à courfe fur les ennemis.Les Affyriens qui edoient ordonnez pour combatte de deffus les chariots amp;nbsp;autres machines de guerre voyans aprocher les Perfes, montèrent deffus pour retourner au gros batalllon,amp;lesarchers,iaculateurs,amp; autres qui moient de la fonde, employèrent tous leurs trets, darz, amp;nbsp;pierres auant qu’ils les puffent ateindre. D’autre part Cyrus avançant fon pas couroit impetueufement, tantôt fe tournant d’vu coté,tantôt de l’autre, amp;nbsp;crioit ; Qui ed celui qui me fuiura ? qui fe montrera vaillant ? Qui ruera premier fon ennemi par terre ? Les Perfes oyans celà,redifoiét à leurs compagnons les mefmes exhortacions, amp;nbsp;quifuiura? qui ruera? couroit par tout le camp débouché en bouche d’vne telle ardeur, amp;nbsp;fe ruerent fi furieufement fur les Affyriens, qu’ils ne furent foutenir le choq,amp; tournans le doz tâchèrent de gagner le fort. Lors firent les Perfes vnc mcrucilleufc boucherie, amp;nbsp;les pourfuinirent iufques aus portes du camp, ruans par terre amp;nbsp;decoupans tout ce qu’ils rencontroient. Vous eufsicz vu cheuaus amp;nbsp;hommes tombez, chariots renuerfez, aucuns qui eftoient ruez dedens les foffez , autres qui peflemefle a la preffe eftoient tuez,partie s’entrehurtoient enfemble, partie eftoient ateints des Perfes ,amp; incontinent mis en pieces. Lagendarmerie des Medes voyant ce defordre donna dedens laCaualeric des ennemis , qui de la première rencontre ne les furent foutenir amp;nbsp;fe mirent en fuite, defquels aufsi fut fait grand meurtre en la preffe, mefmes aucuns paffoicnt par deffus le ventre de leurs amis. D’autre part cens quitenoient le fort fur les foffez öeremparz ne furent ny tirer flefebe ny letter aucun dart contre les meurdriers de leurs compagnons,full pour la creintc naturelle,ou pour l’effrayc-ment qui les defeourageoit, voyans tuer leurs gens Inr le bort du fofse, amp;nbsp;fe retirèrent dedens les autres forts amp;nbsp;remparz. Par amfi tous corne eftourdiz,abandonnèrent le camp amp;nbsp;fe mirent à fuir,amp; foudein ils furent pourfuiuiz fi rudement que les Perfes eftoient défia fur l’entree du fort, qite les ennemis ne fanoient de quel cote fefanuer amp;nbsp;s’enfnyoient de toutes pars la telle baiffee. Sifepre-fenterent à eus les femmes des Aflyriens tontes defthcuelees, dont les vues portoient leurs enfans ,les autres plus iennes, les robes amp;nbsp;1 e vifagedefehiré, toutes pleines de larmes leur eferians amp;nbsp;fnplians 1 a de
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LA CYROPEDIE
de tenir bon, amp;nbsp;n’abandonner elles amp;nbsp;leurs enfans amp;nbsp;eus niefnics. Les Rois aiifsi voyans la route amp;nbsp;le defarroy, auec les meilleurs de leurs compagnies mÔterentfurlesrcmparsdes portes qui auoient efte abandonnées J amp;en combatant enhortoient leurs gens de retourner à la bataille. Cyrus voyant cela, amp;nbsp;creingnant que files fiens qui eftoient en petit nombre, entroient iufques dedens le fort, ne fuflent enferrez par la multitude des ennemis eftans au defefpoir, fit retirer fes gens hors le tret d’arc, amp;nbsp;lors ion euft pu voir à l’œil la bonne difeipline des Horaotimes. Car aufsi rot qu’ils entendirent le commandement de Cyrus, ils obéirent, amp;nbsp;incontinent le firent falloir à leurs compagnons : tellement qu’en vn in-ftant ils fe retirèrent en ordre fi loin que le tret ne leur euft fù mai faire, chacun en fon reng, fachans miens la place qu’il leur faloit tenir, que ne fait raiTemblce des danfeurs amp;nbsp;Muficiens, dont Ion vfe
coutumièrement ans Tragedies, quand il eft queftion de commencer \ n
ien.
Fin Ju froißeme iiure.
-ocr page 121-Le quatrième Liure de laCyro-PEDIE DE XENOPHON, J^ la Z^ie (i^ fnßirucion de
CYRVS ^oy des ^erßs.
Comme le Hoy d^ßyeie mourut en bataille, le Jioy Creftn ^ les ^ßyriens s’enfuirent, ^ Cyrus délibéra deles future.
CHAPITRE I.
[PRES que Cyriis eut demourc quel-' que peu de terns auec fon camp au lieu ou premièrement il s’eftoit retiré j amp;nbsp;donné certeins fines aus AlTyriens d’a-uoir fes gens encor’ prefis à rentrer à la meflee ^ fi quclqu’vn vouloir fortir à la campagne,voyat qu’ils fe tenoient cois en leur tentes^retira fon oft autant loin •^•s des ennemis comme il lui femblaeftrc ^? conuenable,auquel lieu il planta amp;nbsp;fortifia fon camp, amp;nbsp;apres auoir afsis le guet, eniioyé dehors les efpies amp;nbsp;efeoutes, fe mit au milieu de fes gens, lefquels il auoit fait afiem-bler,puis les arraifonna en telle manière:
Perfes bien aymez, en premier lieu ie loue amp;nbsp;remercie les Dieus autant qu’il m’ert pofsiblcjamp; croy qu’aufsi faites vous,de la grande viftoire qu’ils nous ont ce iourd’hui donnée, amp;nbsp;à bon droit en demons à toufiours mercier leur grace immortelle leur ofrat de tous les biens que nous aurons. Quant au combat, ie loue amp;nbsp;prife en r» Vrinee general beaucoup la vertu d’vu chacun de vous,pour autant quele' doit louer et fait d’armes,auquel auez trauaillé, eft certeinement tresbeau amp;nbsp;honorer les louable, amp;nbsp;vous en eft rhonneur du à tous enfemble. Mais en par- ‘yertueui. ticiilier eftant informe, par le raport de cens qu’il apartient, des: beaus faits d’vu chacun de vous,ic m’elforccray de mon pouuoir de vous en fauoirgrc amp;nbsp;de fait amp;nbsp;de parole. Quant à Chrylànte qui eft icy près de moy, l’vn des Centeniers, ie n’ay que faire de m’ciT enquérira d’autres , l’ayant moynichne vu : car outre ce qu’il s’eft porté vaillamment à faire toutes les prouelîes que vous auez vues, quand l’eu fait fonner la retraite amp;nbsp;l’eu apclé par fon nom , il fut fi. pront à in’pbeïr, combien qu’il euft haulsé l’cfpee pour ffaper vu
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Inpi^ne-ment après yne quot;yiifei-re.
Aflynen^qu’il retint le coup pour exploiter mon commanderaent, amp;nbsp;en mefrae in fiant fe retira amp;nbsp;commanda ans autres de faire le femblablc, tellement qu’il fut plnflot hors du tret d’arc,que les ennemis s’en pufient aperceuoir, ou fuHent enfoncer les arcs pour tirer. Au moyen dequoy il ha fanué foy amp;nbsp;fes gens fans aucun dommage, par fa diligente obeïïlance. le voy là quelques compagnons blecez, defquels eflant informe du tems óede la façon de leurs bleffiires, i’en deelaireray mon opinion. Mais Chryfante, le connoiflanthome prudent, entendu ans afaires de guerre, fachant commanderamp;; obéir,pour leprefent ieveus qu’il fait Capiteine de mille hommes,amp; fi Dieu nous donne quelque chafe de miens,ic ne l’oublieray point,ny vous aufsi.Si eft ce que ie vous veus amon-nefter, que vous rameniez fouuent en votre mémoire le fait de cette iournee,amp; que par l’exemple d’icclui vous mettiez à iuger,fi c’et la vertu, ou la fuite, qui faune Jes perfonnes , amp;nbsp;Icfquels font plus tôt deliureZjOu cens qui combatent vaillamment,ou cens qui y vont aueclafchetc de cœur, amp;nbsp;combien de plaifirs aportclavi-éloire:Ce que vous pourrez aisément iuger tant pour en auoir fait experience, comme par ce que l’exemple eft encor’ recent, lequel vous feruira de beaucoup, fi vous y voulez penfer pour vous rendre plus fages amp;nbsp;vertueus. Parquoy comme gens de bien, qui ont creinte de Dieu, amp;nbsp;fe montrent contens en Ï’vne amp;nbsp;l’autre fortune, allez vous en fouper,faites faintes libations ans Dieus immortels, amp;nbsp;commencez vn hymne à leur louenge,pouruoyans diligemment aus chofes qui vous font commandées.
Ces paroles dires il monta à chenal, amp;nbsp;vint deners Cyaxarc fe refiouir auec lui de cette viftoire , auec lequel quand il eut deuisc des afaires, amp;nbsp;demande s’il auoit befoin de fon fcriiice, il retourna vers fes gens :lefquels apres auoir foupé amp;nbsp;afsis le guet,félon ce qu’il leur eftoit commande, s’en allèrent repofer. Durant que l’oft de Cyrus eftoit en ces entrefaites pour celle nuit, les Alfyriens dcf-plaifans de la perte de la bataille, en laquelle le Roy mefmes auoit efté occis,auec la fleur de fes »eus, furent grandement eftonnez,^ tôt apres plufieurs tombèrent eu defefpoir, amp;nbsp;abandonnèrent le camp. Quoy voyant leroy Crefus deles autres confederez furent furpris d’vne merueilleufc confufion- amp;nbsp;perte de cœur : Car leurs afaires alloient trcfmal,amp; ne fathans quel parti leur futle meilleur: pour autant qu’il n’y auoit aydc,ny confeilaus Allyriens gens cfperduz de leur entendement, amp;nbsp;qui eftoient le plus grand nombre de l’armee amp;nbsp;perdirent toute efperance de falut, tellemct qu’ils abandonnèrent leurs tentes de de belle nuit fe mirent à la fuite.
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A la pointe du iour que Ion aperçut le camp vuide j Cyrus y mena les Perfes les premiers^pourautant que les ennemis y auoient laifsc grans troupeaus deMoutons^Brebiz^gros bétail, amp;plufieurs chariots rempliz de toutes richelles.Tot apres y commencèrent à ve-nir lesMedes deCyaxare,amp; tous enfeinble dinerent dedensles tentes des auerfâircs. Cyrus l’aprefdinee apela fes Capitcines, amp;nbsp;fit vn difcours deuant eus des grans biens que les Aflyriens laiffoienc amp;nbsp;que les Dieus immortels leur auoient donnezjeur remontrant, puis que les Aflyriens auoient abandonné le fort,auquel ils fc pou-uoient beaucoup mieus defendre qu’en la campagne, il n’eftoit pas à croire qu’ils les duflent atendre en vnc plaine : car, difoit il, puis qu’ils fuient fans auoir eflaye quelles gens nous fommes, comment nous atendroient ils déformais veincuz par nous,amp; endommagez en plufieurs fortes? D’auantage, puis que la fleur de leur armee gic morte en la campagne, comment fera il pofsible que la canaille amp;: les plus inutiles s’ofent prefenter an combat contre nous? Lors vn des afsiftans lui dit : Sire, fi vous tenez les chofes fi certeines à notre auantage,pourquoy ne courons nous aprespour les r’ateindre? Pource, dit Cyrus, que nous auons faute de cheuans, amp;nbsp;que les principaus des ennemis, Icfquels il nous faudroit ou prendre ou occire, ont l’auantagc, pour dire montez fur tresbons contfiers: lefquels auecl’ayde de Dieu nouspounons bien veincre en bataille, non pas prendre à la fuite. Si lui refpondirent tous qu’il le faloit dire à Cyaxare, amp;nbsp;par le confeil de Cyrus s’en allèrent tous d’vn acorddeuers luijamp; le prièrent de les ayder en ceft afaire. Mais Cyaxare, fl tôt qu’ils commencèrent à parler, comme s’il eut elle cfmu de quelque enuie fus eus, ou bien pource qu’il ne vouloit plus efiayer le hazart de la bataille, comme perfonnage aymant la paix amp;nbsp;qui defiroit apres vne fi grande victoire prendre fes plaifirs, ce qu’il fauoit aufsi ertre agréable à plufieurs des Medes, leur ref-ponditainfi:
1,’opinion de Cyaxare lgt;our diaertir Cyrta de future la yiûoire.
CHAPITRE II«
L y ha long tems, mon neueu, que i’ay entendu amp;nbsp;connu par experience, que vous Perfes de votre ieune aage auez efludic fur tous les hommes du monde à ne vous côtenter de quelque grand plaifir qui vous foitofert, amp;nbsp;me^rifez routes chofes prefentes pourle defir que vous auez d’en aquerir d’autres.Mais de ma part i’eftime vn grand heur à vu hom-
Conpil id’un me.
me
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me de fe falloir contenter de fa bonne fortune. Et qui peut aporter à l’homme plus grande volupté ^ que la viftoire que Dieu nous ha ce iourd’hui donnée? De laquelle fi nous nous fanons contenter, amp;nbsp;en iouir modeftement, parauanture pourrons nous viure en félicité le demourant de notre vie. Mais fi pour l’infaciable defir de croître cette volupté, nous nous enflons d’orgueil amp;nbsp;cherchons noiiueaus dangers, pour en auoir plufieurs femblables, gardons nous bien qu’il ne nous auienne comme Ion dit de plufieurs mar-chans de mer,qui pour auoir fait vne fois à la faneur d’vn bon vent, quelque gain excefsif, fans vouloir mettre bride à leur counoitife, ne ceflent iamais de naniger, infqnes à tant qu’ils y demeurent pour gage. Pareillement plufieurs, apres vne viftoire, defirans en aquerir vneantre, fe remettent en hazart, Reperdent ce qu’ils ont gagné à la premiere,par vne cupidité trop folle amp;nbsp;malhenreufe.Car fi les ennemis,qui s’enfuient,efloient moins que nous,paranantu-reles pourrions nous fenrement pourfuiure : mais ie vous anertis, amp;nbsp;vens bien que vous y penfez, que nous n’anons combatn tous enfemblc qn’vne petite troupe d’iceus furlefquels nous anons eu la viftoire, amp;nbsp;qu’ils ont encor’ vne grande multitude d’hommes, qui^i’ont efprouné nos armes, amp;nbsp;qui s’en iront volontiers à leurs maifons, eflonnez feulement delà renommee de cette victoire, amp;nbsp;comme lafehes amp;nbsp;efféminez mettront bas les armes: mais s’ils retournent vne fois àpenfer qu’ils ne feront en feurté non plus à fuit qu’à tenir bon, amp;nbsp;qu’il n’y ha efpoir de falut finon fur la pointe de l’efpee, gardons nous quepar necefsité ne les facions deuenir vail-lans. Penfez vous,Cyrus,que le defir foit plus grand en vous de ra-uir leurs femmes amp;nbsp;enfans, qu’en eus de les fauuer ? amp;nbsp;qu’ils ne fa-centpour le moins comme les Layes, lefquelles ayans grande compagnie de cochons s’enfuient deuant le Veneur qui les chaffe:mais quand elles en voyent quelqu’vn pris amp;nbsp;lié, demeurent court, amp;nbsp;quelquefois fe ruent toutes feules impetueufement contre cens qui les prennent ? D’auantage nous anons eu grande commodité à les veincre, quand ils effoient cncloz dedens ce fort : car il nous fut loifible de ne combatte finon cens que nous anons voulu: mais fi nous les voulons aflaillir en plaine, ou ils puiflent aprêdre à nous rencontrer de front,de cotéjpar derricre,lt;Sc nous enceindre de tou tes parts, gardez vous bien que vn chacun de nous n’ait befoin Je beaucoup d’yens amp;nbsp;de mains pour fedefendre. Au fort il me gre-ueroit grandement de fruftrer les Medes du grand plaifir amp;nbsp;repos ou ils fe trouuent, amp;nbsp;les contreindre de s’enueloper derechef en quelque danger ou hazart de bataille.
Comme
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Come Cyrus im^etm partie des medes de Ciaxare, ^ auec eus ^ les Hyrcdniensrendu:i;^àlHi,pourfuiuit les yljjyriens.
CH AP. III
^^Ccs paroles Cyrus refpondlc en brief, qu’il ne le P^^ ‘^^ contreindre perfonne à venir à la “’^^ feulement de lui bailler cens qui le voudraient fuiurc, fe faifant fort de faire vue cu-ure agreable à lui amp;nbsp;aus Gens , amp;nbsp;qu’il n’enten-doit depourfuiurelc corps dcl’armeedes Aftyriens , chofe impofsible à prendre : mais feulement donner fur la queue,amp; empongner cens qui feroient efgarcz. Au demourant lui remit en mémoire, comme à fon befoin il eftoit venu auec fcs gens d’vn lointein pais pour le fecourir amp;nbsp;lui faire plaiGr, à cette caufe le prloit lui rendre la pareille en cet afaire, à Gn qu’il puft ramener fes gens en leurs maifons auec quelque butin, amp;nbsp;qu’ils n’euftent otaGon de s’atendretouGours ans trefors amp;nbsp;a la fouldc d icclui.
Vraymentj dit CyaxarCj G. quel qu’vu y veut aller volontairenient, l’eu feray trefcontent amp;vous en fauray bon gre :enuoycz auec moy quelqu’vn de vos principaus amis,pour declairer votre volonté ans Medes. Lors Cyrus voyant d’auanture prefentvn Gentilhomme Mede , qui autrefois s’eftolt acoufinc de lui j amp;nbsp;l auoit baisé fl founent lors qu’il partit d’Aftyage :1e ne veus, dit il, autre que cetui cy, pour aller auec vous, amp;nbsp;dire ans Medes que cens qui voudront venir auec moy y viennent. Eftant la chofe acordee,Cyrus ayant tiré ce Mede àl’cfquart lui dit tout bellement, que le tems eftoit venu ou il pourroit montrer par effet s’il cftoit vray, ce qu’autrefois il lui auoit oui dire, qu’il prenoitvn merueilleus plai-fir à le regarder. Le Mede commença à iurer que fon courage n’e-ftoitpoint changé, amp;nbsp;que s’il acceptoit fon amitié, il ne l’abandon neroit iamais,amp;lui promit de mener les Medes à la guerre amp;nbsp;de s’y portet fi bien,que Cyrus mefme prendroit plaifir à le regarder.Par ainG eftant enuoyé par Cyaxare expofa ans Medes le mandement, amp;ditd’auantagequedefa part i! eftoit délibéré de n’abandonner iamais Cyrus, qui eftoit le meilleur amp;nbsp;plus bel homme du monde, amp;nbsp;qui plus eft engendré des Dicus immortelz. Pendant que Cyrus eftoit en ces pratiques,comme par la volonté des Dieus,lesLmbaf- caßie ou le fadeurs desHyrcaniens * vindrent deuers lui, qui eftoient vn petit raberld fin peuple voifin de l’Aftyric , amp;nbsp;à cette caufe fuiet ans Aftyriens, amp;nbsp;da fa^and pourlorseftoit (comme elleeftencores auiourd'hui)lcnrgcndar- ntéde Mer-mené fort eftitnee. h. raifon dequoy les Aftyriens en vfoient com- cante.
* Hyrcanie efiyne na-cion prochet ne de la mer
m me
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Ceui ty fer-
inter ratio auf ajjaus ou batatl tcf, cc qui me fait croire que entre les pilo
tes (corne il ha plu eTaiouter ^^y ^ qlquun) (^ les Scirites ejloit quelque Jifircnce,
me font les Lacédémoniens des Scirites, ne les efpargnans en aucun trauail on danger, mefmc pour lors les anoient mis à la queue de l’arriercgarde, afin qu’ils fulîent les premiers batuz amp;nbsp;Icurler-uifîent de bouclicGfi quelqu’vn les prefioit par derriere. Ils efioient mille hommes à cheual, amp;nbsp;anoient mis leurs chariots, meubles, amp;nbsp;feruiteurs derrière comme pour fuiure les antres,félon la coutume des peuples d’Afie qui vont auec tonte leur famille à la guerre ; fit lors difeourant en eus mefmes fur lemauuais traitement que les AfTyriens leur faifoient, la grande route qu’ils anoient eue, leur Prince mort en bataille,la creinte de toute l’armee,amp; plulieurs des alicz departiz, confiderans aufsi lanccefsité du terns, deliberereut fe venger d’eus par vn reuoltement, fi Cyrus vouloir allarllir les. Aflyriens. A cette eau fe en noyèrent leurs Embafladeurs à Cyrus, duquel la renommee eftoit défia refpandue par tout au moyen de fa viêtoirejefqncls lui dirent les infics caufes de leur haine amp;nbsp;renol te contre les Aflyriens, amp;nbsp;lui promirent franchement guerroyer contre eus s’il les acceptoit en fon alliance, amp;nbsp;outre l’ayde qu’ils lui porteroient d’eftre condufteurs amp;nbsp;guides de l’armee, amp;ponr miens l’inciter à celle entreprife lui racontèrent l’eflat amp;nbsp;le lieu ou les Aflyriens fe trouuoicnt.Lcs pourrions nous bien r’ateindrc,dit Cyrus, auant qu’ils entrent aus forterefTes ? Car à la vérité, ce fut vue grand’ infortune pour nous, de ce qu’ils clchaperent ainfi de nuit. Or 11 difoit ces paroles pour augméter l’opinion qu’ils aiioiêc defia conçue de lui. lls rcfpondirent qu’oui ; ck s’il vouloir diligcn ter le matin enfuiuant il les pourroit atraper, pourautant qu’ils efloient chargez de quot;rolïc multitude de gens, tk gratis chariots, de anoient veillé la nuit precedente, tellement qu’âpres auoir fait petite iournee ils s’clloicnt campez pour prendre leur repoz. friand Cyrus eut demandé, par qm 1 moyen il fe pourroit her en eus de leur parole,ils refpondirent qu’à diligence ck de nuit ils lui amene-roient des otages, feulement qu’il leur donnafl la foy de le tefmo-gnagc des Diens, à fin qu’ils raportaflent la meline promefle à cens qui les auoient ennoyez. Lors Cyrus leur donna la main, promettant les tenir pour amis amp;nbsp;confederez, tellement que s’ils confer-moient par effet leur promefle, il ne tiendroit point meilleur conte des Medes on Perfes que d’eus en aucune thofe. Et aniourd’hui mefmes Ion voit tenir magiftrats de ofices ans Hyrcaniens (quand ils en font dines) comme les Medes ou Perfes. Parquoy apres fon-per qu’il faifoit encores aflez eler, il fit fortir fes gens à la campagne, dt commanda ans Hyrcaniens de l’atcndrc pour l’acompa-gner. Sifortirent en ordonnance premièrement tous les Perfes, amp;nbsp;toc
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tôt aptes Tigranc aiiecques fon bataillon. Quant ans Medes la l'aficcioa plufpart le fuinirent pour plnlîenrs caufes, les vns pour auoirefté des homes a les amis de ieunelTe, les autres pour auoir pris plaifir de le voir fanion Prm bon amp;nbsp;vertueus à la chade, aucuns pour lui rendre graces deles ^^‘ auoir deliurez d’vn tel danger,plufieurs fous efperance de fa grande puifiance, le voyans en tout amp;nbsp;par tout homme de bien amp;nbsp;beu-reus, vue grand’partie aufsi pour lui rendre la pareille desplaifirs reçuz de lui en ieuncffe, ou d’Aftyage pour l’amour de lui. 11 y en vint beaucoup d’autres feulement fousefpoir défaire leur main, oyans dire par commune renommee que les Hyrcaniens vouloient cftre guides à prendre beaucoup de richeffes. A u moyen dcquoy il ne demoura auec Cyaxare (mon cens de la maifon amp;nbsp;leurs fuietz, tous les autres forcirent en-bel équipage auec Cyrus, non par con-treinte, mais de gayetc de cœur amp;nbsp;franche volonté. Quand ils lurent en ordre à la campagne Cyrus reuit les Medes, les louant amp;nbsp;remerciant de la bonne volonté qu’ils lui portoient, amp;nbsp;pria les Dieus cftre fauorablcs à cette eutrepnfe, amp;nbsp;lui donner puilïance de les en recompenfer. Puis fit marcher deuant les gens de pic, en aptes la gendarmerie de Mcde, amp;nbsp;leur commanda en quelque lieu qu’ils fe voudroient repofer ou tarder , l’eu auertir de tout, pour y pouruoir à fafantafie, amp;nbsp;donna la charge de les guider amp;nbsp;conduire au; Hyrcaniens,Icftjuels s’elmcruciUcrent de fa fiance,amp;lui deman derent pourquoy iln’atcndoit leurs otages. Cyrus leur dit : Que la foy confdlolc au cœur amp;nbsp;aus mains d’vn chacun, non a la con-cience d’vn otage ; au demourant qu’il eftoit fi bien en point que s’ils le montroient véritables, il les rcmercieroit félon leurs merites : mais s’ils Vabutoient, il fe pourroit palier d’eus, amp;. ne tombe-roit la en leurs mains : ains Dieu aydant, qu’il les combatroit amp;nbsp;defctoit eus raefmes ; les amonneftant quand on viendroit à s’a-prochet des ennemis, poutautant que leur compagnie eftoit la der niere,qu’ils l’auertilfent ou feroient leurs gens, à fin que les Perfes ne leur fillent aucun mal. Les Hyrcaniens quiguidoient, comme dit eft, l’armee, s’emerueillcrent encor’ plus de lavertu de Cyrus: Car outre ce qu’il ne tenoit plus conte des Afiyriens, Lydiens, ny de leurs confederez, il montroit fe foncier peu de leur prefence ou abfence. Amfi donq que le camp matchoit de nuit, Ion dit qu’vnc grande lumière du Ciel aparut à Cyrus amp;nbsp;à fon atmee, qui rendoit vue metueiUeufelueur. Au moyen dequoy les foldats lurent cfpris de creinte amp;nbsp;vcncracion enuets les Ûieus,'^ enflambez dehardief-fccontre leurs auerfaites. Parquoy abonne diligence, amp;nbsp;pourec qu’ils neftoient chargez de bagage firent allez grand traite, Ôc àU m i points
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pointe du ioiir s’aprocherent de la compagnie des Hyrcaniens. Les Embafladenrs connoiffans leurs 2:cns à l’endroit ou ils cftoient campez amp;nbsp;aus grans feuz qu’ils faifoient ^ auertirent Cyrus que leur compagnie eftoit celle part : A cette caufe il enuoya l’vn d’eus anec vnhomme Perfe aus Hyrcaniens leur direj que s’ils vouloicnt eftre fes amis j ils vinflent à diligence au deuant de lui haufTansla main en fine defoy;au demourant qu’ils alTailliflent les AlTyricns comme les Perfes feroient. Pendant que l’vn des Embafladeurs al-loit courant vers la troupe de fes gens j Cyrus s’arrefta court pour voir ce que les Hyrcaniens feroient, amp;nbsp;incontinent vindrent à lui les principaus des Medes amp;nbsp;Tigranc, demander ce qu’il vouloir eftre fait. 11 dit comme il atendoit la refponfe des Hyrcaniens, auf-quels il auoit enuoyé l’vn d’eus auec aucuns de fes gens, pour falloir s’ils vouloicnt venir au deuant les mains leuees en fine d’amitié, amp;nbsp;q s’ils y venoient à ces fins qu’ils les reçurent amiablement, amp;nbsp;leur donnaffent courage : Mais s’ils prenoient les armes ou vou loient fuir, commanda les mettre en pieces, fans en excepter vn feul. Apres celà eftant auerti comme les Hyrcaniens auoient voloii tiers reçu fon mandement, amp;nbsp;venoient les mains leuees au deuant de lui, il les reçut amiablement : les Medes amp;nbsp;Perfes firent le fem-blable: puis leur dit que des lors il fc finit en cus,amp; qu’ils fe fiafTent en lui,le tenant pour ami amp;nbsp;compagnon de tous dangers. Au refie apres auoir entendu que les principaus de l’armee amp;nbsp;le plus gros amas des aucrfaires, n’clloit que à quatre raille loin de là, il afiem-bla fes çens amp;nbsp;les enhorta de telle forte:
îxhortacioH de Cyrta à tous fes gens pour les inciter à la pour-fuite des ennemis auec la caualerie des Medes.
C H A P. I I 11.
Refehers compagnons Perfes, Medes, amp;nbsp;Hyrca-nicns(aufqucls ic parle comme âmes amis amp;nbsp;participans de cette guerre) vous deuez déformais connoitre le danger ou nous foraines, c’et que fi nous allons lafehement à la guerre, nous fou-frirons tous les maus du monde ; car les enne
mis lauent bien à quelleintencion nous venons,amp; nous traiteront par defefpoir le plus cruellement qu’il leur fera pofsible. Mais fi d’vnc grande confiance nous allons fus eus amp;nbsp;de pront amp;nbsp;ardant courage, vous les verrez incontinent, comme cfclaues fugitifs, ou fuir,ou fe rendre, ou crier mercy, les autres pour la plufpart feront defpoiir
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4efpouniuz de fens amp;nbsp;entendement ; car outre ce qu’ils ont edé veincuz, ils nous verront fus eus à la defpouruue, amp;nbsp;fans eftre prefts ny en ordre^ils feront tous nos prifonniers. Parquoy^fi vous defirez cy apres repos amp;nbsp;ioyejamp; tranquillité au manger amp;nbsp;dormir, brief vne vieheureufe amp;nbsp;contente, ne donnez point de loidr ans auerfaires de confulter enfemble , ny mefmes de penfer que ce foyent hommes qui fe ruent fus eus, alns qu’ils ediment tout eftre efpees, darz,haches,efeuzjances, amp;nbsp;playes qui leur foudroient fur les teftes.Vous Hyrcaniens marchez les premiers vers eus,à fin que fous l’ombre de vos enfeignes , qu’ils penferont eftre de leur cote, nous foyons plus longuement cachez amp;nbsp;counerts. Quand ie feray près d’eus, chacun Capiteine me laide vne bende d’hommes d’armes, pour l’employer ou bon me femblera. Vous, viens foldats, foyez en troupe pour les afi'aiUir,à fin que nefoyez enuironnez ou rompuz : Vous ienues, pourfuiuez les ennemis, amp;nbsp;ne faites autre chofeque découper amp;nbsp;mettre eu pieces : car pour leprefent c’et notre plus leur, d’en laider le moins que nous pourrons en vie, amp;nbsp;de peur que Fortune, qui eft fouuent auerfaire ans veincueurs, vous vueille eftre contraire, gardez vous bien de vous amufer au pillage, amp;nbsp;vous founicnne que celui qui ayme le butin, ne doit point eftre apelé homme de bien, mais comme vn portefaix il peut eftre pris amp;nbsp;fait efclaue par cens qui le prendront fur le fait. D’a-uantage il vous faut entendre, qu’il n’y ha thofe de fi grand profit, ny marchandife au monde qui rende tant que la viéloire : car le veincueur emporte tout enfemble , les hommes, les femmes, les biens,!’auoir,amp; les podefsions. Outre ce il faut diligemment penfer de vous entretenir en la viftoire : car fi celui, qui ha gagné vient à eftre veincu, il pert fonbutin amp;nbsp;foymefme. Mais en pourfuinant les ennemis ne vous fourrez point fi anant, que vous ne reneniez au camp a moy deuat la nuit •, car fi tôt qu’il fera obfenr, ie ne rcce-uray aucun détiens le camp , de cens qui feront demourez dehors.
Comme C^m -v^inc^ttit derechey les ^A^'^iens, amp;nbsp;print des jRois ^ autres Si^neurs i^ foUAts en grand nombre , ç^ l’ordre qu il donna pour tronuer incontinent des yiures fans confusion. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. v.
S Y rus ayant amfi parle,fit retirer fes Capiteines à leurs reugs, Öccomanda qu’ils fident entendre fa volonté à leurs Caporaus amp;nbsp;Dizeniers. LesDizeniers eftoient itous en tefte,amp;aupris qu’onlenr comandoitvne cho lfe,ils la difoieut foudein à leur Dizcine,de forte que le m 3 camp
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camp crtoit incontinet anerti de fon voiiloir.Le fine dn partement donnéjes Hyreaniens alloient dcuant,Cynis anedesPerfes tenoit le milieu j la gendarmerie bien equipee faifoit les ailes des deus cotez. Quand il fut grand iour,amp; que les ennemis eurent aperçu cette venue, les vns s’eftonnerent g-randement de voir tant degens, les autres entendirent incontinent l’afaire, de furent fi efrayez de cette fiirprife, qu’ils nefanoient de quel cote fe tourner. Les vns crioyent «à l’arme, les autres defiioient leurs cheuaus, les autres s’a-preRoient, aucuns defehargeoient les barnois de deffus les mm lets, aucuns les prenoicnt pour s’armer, l’vn montoit à chenal, l’autre le bridoit, les antres mettoient leur femmes dedens les chariots,les antresprenoient leurs bagnes pour les fanner, amp;nbsp;plufieurs en les cachant efloienr pris, plufieurs s’enfuioient incontinent. Bref il eft merucilleus àpenfer la dinerfite des chofes confufes amp;nbsp;contraires que pour lors on faifoit : mais en celà fe refembloient ils, que pas vn ne combatoit, mais chacun gagnoit au pic de furent tous défaits fans coup ferir. Crefus Roy de Lydie, pourla grande chaleur qu’il faifoit lors, félon la faifon, auoit ennoyc fes femmes de nuit, à fin qu’elles fifient plus de chemin à la frefeheur du tems, amp;nbsp;auec fa compagnie de cheuaus les fuinoit de près. Le Roy de la PhrygieprocheineàrHcllefponr, auoit fait lefcmblable: mais quand ils entendirent par cens qui fuioient la vérité de l’afai-re , ils fe mirent à fuir de toute leur puillance amp;nbsp;à val de route. Les Rois de Capadoce, amp;nbsp;d’Arabie eftaiis demeurez derriere, de fans armes,pour foutenir les^nnemis,furcnt furpris de occis par les Hyr caniens. Il elf incroyable combien degens furent lors defaits,faca-gez, de mis à mort, dont La plus grand’ partie cRoit d’Aflyriens de Arabes : pour autant qu’eRant fur leurs terres ils s’eRoient mis en defarroy plus lafchemcnt,de ne s’eRoient voulu hâter. Par ainfi les Medes de Hyrcaniens, comme défia viètoricus faifoient vne horrible boucherie de chamage en les pourfuiuant de leur ponuoir. D’autre part Cyrus commanda aus compagnies d’hommes d’armes , qui cRoient demourees près de lui, de faire vne encemte entour le camp, de mettre â mort cens qu’ils trouueroient armez, de rebelles. A us autres fit commander par vn Heraut d’armes, que tous foldats,auanturiers,rondeliers,de archers,portalîent entiere-rement leurs armes lices,de laillaflent leurs cheuaus dedens les tentes, de ceus qui ne voudroient obéir fuflent incontinent occis.Parainfi cens quiauoienc des armes les portoient en vn certciulien qu'on leur montra, de furie champ cRoient brulces par aucuns des gens de Cyrus,qiu en auoientlacharge.Duraut ces entrefaites Cyrus
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rus ayant pensé en foymefme comme il eftoit là venu fans vinres amp;nbsp;miinicjons, fans lesquelles il n’efl pofsiblc de bien faire la guerre ny autre chofe quelconquejamp; cherche en fön elprit le moyen comme Ion y pourroit pouruoir aucc ordre amp;nbsp;célérité, il lui foiiuint, qu’en vue grande armee il eftoit neceflaire auoir des pouruoyeurs, amp;delpenfiers de\'iures à chacune bende oiipauillon, qui eußenc toutes les viandes preftes pour les gedarmes. À cette caufe, Sc pour faire l’apareil des vinres qu’il lui faloit, il fe délibéra d’empongner cens des Allyriens, qui aiioient acoutumé de faire cet ohee en leur camp ;amp; fit incontinent à fonde trompe apclcrles gouuerneurs amp;: Chefs de bendes, ou par faute d’eits les plus anciens de chaque pauillon , fous peine de foufrir la mort ^ à cens qui ne voudroient obéir, Lcfqucls vcntiZj il fit premiercmet feparer amp;nbsp;fcoir apart cens qui aiioient fait prouifion de vinres pour dens mois en leur tabernacle ; apres fit mettre en antre lieu cens qui difoient auoir des vi-ures pour vn inoiSjamp; en ce rang la plufpart eftoient afsis. Qiiand il eut parce moyen connu les vinres qui ponuoienteftre an camp des Aflyricns, iI leur fit entendre, combien que de nature ils ne lui portaßent amitié, toutefois s’ils efperoient quelque grace de lui, qu’ils apreftaflent en chacune tente le double des viandes, amp;nbsp;du vin, qu’ils aiioient acoutumé d’anoir pour leurs maitres amp;nbsp;ferui-teurs, amp;nbsp;filient vn beau banquet aucc les mets exquis qu’ils pour-roient trouucr, pourautant que tôt apres deuoient arriner les veincueurs d'vue part ou d’autre, qui s’eftimeroient auoir mérite eftre traitez magnifiquement, amp;nbsp;que par ce moyen ils aquerroient leur grace,dont ils fepourroient bien trouucr à l’aucnir. Les Aliy-Vicus fé mirent incontinent à faire ce qui leur aiioit efté commandé par Cyrus : cependant il afiembla fes Centurions amp;nbsp;Chefs des bendes,lefquel il enhorta en cette manière:
PrsHiJence p»»r /es yi~ s^fes.
DeuM de Cynts auec fes Centeniers, pour les rendyefobres^^ faire dtendre leurs compagnons qui efloi eut à lapourfuite, ^ comme ils firent Tnigrand butin d'hommes, femmes ^ richeffes. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c ii a p. v i.
Hers amiSjil eft aisé à voir à chacun de vous,qu’il nous eft loihble, auant que nos compagnons re-mennent de la pourfuite, de dîner amp;nbsp;banqueter a notre apetitjamp; choifir les plus délicates viandes amp;nbsp;meilleurs vins pour nous:mais il mefembie qiie ^c banquet ne nous fauroit faire fi grand bien,que de tenir conte 0c atendre nos amis abfens:amp; ne nous au-
Comme y» Prince e/oïc motrer aè-fimence (^ i temperace à fis gens.
gm entera
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gmentera point tant les forces,comme fi nous nous efforcions par abftinence de rendre la prontitude de nos confederez plus grande à nous ayder en toutes chofes. Car fi nous tenons fi peu de conte de cens qui comlgt;atentpournouSjpourfuiuantamp; abatant les auer-faires J que nous nous amufions à nos plaifirs deuant que fauoir s’ils auront bien ou mal exploité, nous pourrions à mon auis, encourir vn blâme d’infiimie,amp;nous afoiblir aiifsi, en perdant l’amitié de nos compagnons. Et au contraire fi nous donnons ordre que cens qui trauaillent amp;nbsp;entrent ans dangers pour nous ^ à leur retour treuuent les viandes predes ^ i’eflimc que ce banquet nous donra plus deplaifir amp;nbsp;contentement, que fi nous voulions incon tinent nous remplir amp;nbsp;complaire à l’apctit du ventre. Et quand il ne faudroit penfer «à la honte que celà nous aporteroit, fi n’et il pas honnefte de nous engorger amp;nbsp;enyurer comme belles brutes fans aucune confideracion, atendu que nous fommes encor’ en doute delà viftoire, incerteins de notre auanture, amp;nbsp;en tels termes , qu’il eftbefoin de fongneufement penfer à nos afaires : Car nous auons en ce camp beaucoup plus d’ennemis que nous ne font mes, amp;nbsp;qui ne font point liez, lefquels il nous faut garder diligcm-mentjà fin qu’ils nous apreftenc à manger : amp;nbsp;qui plus cil, nos gens de chenal n’y font pas, amp;nbsp;ne fanons on ils font, ne s’ils viendront on demourront. Parquoy ie fuis d’anis que chacun de nous prenne autant de viande qu’il connoit lui élire fufifant, pour fe fullenter fans tomber anfommeil ny s’enyurer. D’aiiantagc iefaybien quc dedens ce camp y ha grande quantité d’or amp;nbsp;d’argent, qui nous ert commun anec les autres compagnons,lequel nous pourrions aisément mettre en nos bourfesamp; le départir entrenous àleurdcfçu: Toutefois celà ne nous fauroit faire fi grand bien, comme de leur montrer notre preud’hommie amp;: fidelité , Sc nous efforcer de les rendre plus nôtres qu’ils ne font. A cette caufe me fembleaufsi le meilleur, de remettre le departement des deniers aus Medes, Hyr-caniens, amp;nbsp;à Tigrane quand ils feront venuz, amp;nbsp;s’ils nous en don-noient la moindre partie le reputer à grand butin.Car pour le gain que leur lailTerons faire,ils fc tiendront plus volontiers anec nous: d’auantage ce butin chaudement pris ne nous fauroit donner ri-chelTes durables,lcquel fi nous leur laiflons butiner, fera caufe que nous saunerons les places dont ces rithelTes font venues, chofes plus durables (à mou iugement) amp;nbsp;plus precieufes pour nous o£ les notres.Outre cc,connoiirant que vous elles nourriz amp;nbsp;apris de ieunelTe à vous abllenir du manger, de volupté, de gain delloyal» pour vier de telle abllincuce au befoin pour votre veiliré, quelle ocafio^
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ocafionplus belle vous fauroit dire prefentee par Fortune pour montrer votre vertu, que la prefente ? en laquelle vous pourrez donner à connoitre, combien la nourriture de votre ieunelîe vous aura ferui poiirle demourant de la vie.
Quand Cyrus eut ainfi parlé j HyUafpe Perfe amp;nbsp;l’vn des Homo-times conferma fon auis, difant: qu’il lui fembleroit chofe mal feanteiSc contre raifon, qu’en la pourfuite d’vu fi grand trefor fonde fur l’elperance d’vn bien infini, ils ne puffent vn peu foutenir la faim j vu qu’autrefois à la pourfuite d’vue belle de nulle valeur, ils auoient enduré faim amp;nbsp;foif par long tems aucc mille difettes amp;nbsp;trauaus : amp;nbsp;que le boire amp;nbsp;manger (qui font deus chofes, à quoy les vicieus fe laificnt alTuiettir, amp;nbsp;les gens de bien refiftent aisémet) ne deuoient empefcher le cours de leurs vidoires, amp;nbsp;les atirer tellement que fous l’ombre d’vn apetit ils fe foumilTent à la feruitude de leur ventre. Apres que Hyllafpe eut ainfi confcrmé l’auis de Cyrus, tousles autres furent de fon opinion. Lors Cyrus fit eflire cinq hommes des plus vaillans de chacune bende, à fin qu’ils vifi-tafient les tentes, ou les pouruoyeurs acoutroient à manger, leur enchargeant de louer amp;nbsp;faire bonvifage à cens quiferoient leur deuoir, amp;nbsp;châtier cens qui feroient negligens beaucoup plus aprenient que s’ils en elloient maitres. Sur ces entrefaites plufieurs' Medes arriucrent de la pourfuite : dont les vus auoient deftourné des chariots,amp;les ramenoient au camp pleins demunicions amp;nbsp;autres chofes necelîaires, les autres conduifoient des coches amp;nbsp;litie-respleinesde femmes de grande beautc, les vues mariées,les autres concubines, qui pour leur grace excellente elloient meneespar leurs Princes à la guerre. Caries Afiatiques meinent encor’ au-iourd’hui en leur compagnie les plusprecieufes chofes qu’ils ayent quand ils vont à la guerre, difans qu’ils en deuiennent plus vaillans pour le defir deles defendre,en quoy,pcut ellre,difent ils vray,peut ellreaufsi qu’ils le font pour fatisfaire à leurs plaifirs.Cyrus voyant l’exploit des Medes, amp;nbsp;Hyrcaniens,fe cuida courroucer contre foy amp;nbsp;fes gens, de voir les autres croître en honneur, amp;nbsp;eus oififs de-mourer en leurs tentes. Caraufsi rot que les fourrageurs auoient montré le butin à Cyrus, ils s’en retournoient derechef .à la pour-fuite, difans que leurs Capiteines leur auoient ainfi commandé, dequoy Cyrus fut encor’ plus enflambé : Toutefois il fit mettre à part le butin,amp; affembla fes Centenicrs, lefquelsil harengua comme s’enfuit, eftant en vn heu d’où il pouuoit eftre par tous clere-menc entendu. ■
n Confulç
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LA CY ROPED IE
Confultacwn de Cyrus auec fes Centemers pour mettre fes ^ens de pie acheual,^ drefer yneg^endarmerie Perßque des chcuaus pris à la guerre. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. vl^'
Prudeee du J’rutce fir les noui/el-les dehlera’ mns.
Ous connoiffez, trefthers amis, que la fortune ha prefentc de grans biens à tons les Perfes, amp;nbsp;en prefentera de plus gratis à l’auenir, fi nous pou-uons garderies richefles qui font auiourdhui déliant nos yeus : Toutefois ie ne voy point que
nous puifsions nous faire Signeurs ny conque-fier autres biens fi nous n’auonsdes gens de chenal quifoyentde notre nacion. Car il faut confidererjque nous fomnies tresbien armez , pour defaire Re mettre en fuite les aUerfaires, qui nous viendront à l’encontre : mais quand ils feront mis en route j quels ia-culatents, quels archers, gens à chenal, ou rondeliers pourrons nous atraper ou tuer, fi nous avions faute de chenaus? D’auantage quels gendarmes armez dedarz onde trets, creindront de nous alTaillir connoifTans en nous ce defaut, amp;nbsp;voyans que ne pounons non plus les pourfuiure que fi nous eflions des arbres plantez? Or s’il eflainfi, ne voyez vous pas que nos aliez qui font la guerre à chenal,elliment tout ce butin leur apartenir autant amp;paranantu-re miens qu’à nous ? Mais fi nous nous ponmoyons de chenaus anfsi bons que les leurs, il efl certein que nous pourrons faire de nos ennemis tout ce qu’avions fait anec leur aydc, amp;nbsp;nos confede-rez fc comporteront plus fagement anec nous. Car foit qu’ils veuillent demeurer on nous abandonner, ce nous fera tout vn, eflant en notre puiflance de faire la guerre fans eus : Et croy qu’il n’y aura homme qui ne confelfe nous eflte beaucoup plus expedient d’anoir vne propre gendarmerie. Mais fi quclqn’vn failoit doute comme nous le pourrions faire, il faut diligemment peferec que nous avions ovi n’avions pas, pour ordonner vne canaleric, amp;nbsp;en difpofer félon qu’il apartiendra. Car premièrement il y ha beaucoup de chenaus en ce camp des Aflyriens, auecques leurs brides Ôc harnois, prelis à monter defins, d’autrepart nous avions les armes neceflaires ans gens de chenal, la cuiralle pour le corps, les ia-uelots pour nous defendre amp;nbsp;darder. Au relie, que hint il, finoU des hommcs?«Sc tovitefois de celà nous avions allez : car il n’cfl rien
tant notre que nous mefmes. Si Ion nous alegoit que nous n’y entendons rien , anfsi ne fait on pas de tons mcflicrs ôc fciences déliant qu’on les ait aprifes. Si Ion difoit encores, qu’on aprent cela de icunelTejie relpon, que les hommes parfais aprennent beaucoup
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coup mieus amp;nbsp;fluent exerclter amp;nbsp;mettre en execution ce qu’ils ont apris, que les ieunes gens. D’auantage nous auons duloifir beaucoup plus que les enfans amp;nbsp;autres hommes : nous nefommes empefehez à apredre à tirer le dart ny la flefehe, comme les enfans, ayans apris cela de ieuneffe, ny pareillement à labourer les terres, befongner ans meftiers^penfer au mefnage comme les autres hommes , vaquans au fait de guerre. Car cette ocupacion nous eft propre non feulement par election, mais par necefsité. Outre,ce n’eft pas comme en pluheurs autres actes de guerre, qui n’aportent prolit ny plaifir, finon apres vn grand trauaihcar il y ha plus grâd plai-fir d’aller à chenal qu’à pié , amp;nbsp;(i Ion ha befoln de diligence , n’eft il pas plus aisé de fecourir vn ami quand on eft a chenal, ou de pour-fuiure vn homme,ou vne befte,amp; la prendre?N’eft ce pas vne grande commodité déporter à chenal toutes les armes qu’il fautavn gendarme, amp;nbsp;les auoir preftes fans fâcherie? An refte fi Ion creint que à la premiere rencontre nous dufsions eftre trop nonueaus amp;nbsp;en dano'er d’auoir du pire, pour ne lauoir combatte a chenal amp;nbsp;a pié, il faudrapenfer qu’en cela mefraes n y ha grande dihcultc : car il nous fera loifible (quand nous voudrons) de nous mettre a pie, n’ayans en rien oublié le fait des gens de pie, pour auoir apris a combatte à chenal.
Comme par la deUberacion des pim Ça^es, Cyrus ordonna yne gendarmerie en fan camp des cheuaus des ^ffyriens, C!^ de-libcra de mettre en liberté tous les prifonniers. chaï« viH»
Hryfante lors fe leua, amp;nbsp;conferma l’opinion de ^^^i^l^l\ ^7^5,611 difant : A la venté, Sire, ie defire tant de combatte déformais à chenal,que lem’eftime-^^ ray voler Ôc auoir des ailes, fi ie deuiens homme-darmes.Car an paranant ie m’eftimois faire merueilles fi ie ponuois paffer de la tefte vn autre homme à la tourfe, ou delà flefthe tuer vne belle anant quelle s’eftongnaft trop loin de moy ;mais fi le monte vne fois à chenal, i’auray fiance de tuer vn homme du long de ma vue, an cas pareil ne laiffer efehapet vne belle, amp;nbsp;la darder de près amp;nbsp;de loin, comme fl elle eftoit arreftee ; car encor’ que le chafieur amp;nbsp;labefte courent, file chaffeur atrape la belle, c’et autant tpic fi l’vn amp;nbsp;Vautre n’euft bougé, poutee que lavitefle du chenal aconfnluant la befte, fait femblev les choies arreftees. An moyen dequoy i’ayme mieus les Hippocentanves,fi iamais il en fut,que tous les animans du monde:
n % car
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res,eH Centaures , e-fiotent firmes d'un ho Me C^d’un eheual, tient en ^ue les premiers
nifpoeërati car ils vfoient de la prudence humaine à confulter, amp;nbsp;de l’artifice des mams à hefon^ncr : d’auantaçe auoient la force amp;nbsp;vélocité des cheuaus, tellement qu’ils prenoient ce qui fuioit, amp;nbsp;chafloient ce qui refirtoit: toutes lefquelles commoditez iepenferay anoir en deuenant hommed’armes. Car ie donneray confeil félon ma naturelle prudence^ ie m’armeray de mes mains, me feray porter à mon chenal, par la force d’icclui delf onmeray l’ennemi, amp;nbsp;fi auray cet anantage par deffus les Hippocentaures,que ie ne feray point vein-cu de cremte naturelle corne eus, ioint que les Centaures auoient fil(e,par ce fittUe de beaucoup de biens qui ont elle inuentezpar les hommes, ^uiheomen amp;nbsp;de beaucoup de plaifirs naturels des cheuaus, ne fachans vfet cerentadon entièrement dunaturel derhomme,ou du cheuaLMaismoy eftant ter les ehe- homme d’armes, ie feray au combat comme les Hippocentaures,
uausaueclej' amp;nbsp;defeendant du chenal ie fouperayjmangeray,me vetiray amp;nbsp;repo-juels ils ef- feray comme les hommes, tellement que ie fembleray vn Centaure frajoient les dmisCjôc derechef afiemblé. Et fi auray encores d’autres anantages flemmes. ^ commoditez par deflus eus. Car félon leur propre naturel ils ne voyent que de dens yens, amp;nbsp;n’oyent que de dens oreilles , mais ic poiirray coniediirer les chofes de quatre yens, amp;nbsp;fentir founent de quatre oreilles. Car les cheuaus comme Ion dit, par la futilité de leur ouye amp;nbsp;bonté de vue, manifeftent plufieurs chofes, que les hommes nepennent apercenoir nyonir. Telle fut laconclnfion de Chryfante, priant Cyrus de l’cfcrire an nombre de cens qui de-firoient fur tontes chofes guerroyer .à chenal. Les autres dirent incontinent apres le fcmblable, «St vonloicnt eure gens de chenal-Puis donques, dit Cyrus,que vous elles de cet auis,ne voulez vous pas qu’il fe falle vue loy, par laquelle tout homme à qui ie donne-ray chenal ne puille allerà pié quelque chemin que Ion falle, fous peine d’infamie, à fin que les hommes abnfez nous penfent dire Hyppocctaures,c’etadire demi hommes amp;nbsp;demi cheuaus ? Celàfut incontinent aprouné par tons les antres, amp;nbsp;de fait lon voit encores anionrd’hui les Perfes vfer de cette ordonnance,amp; n’y ha homme de bien,d’honnenr,on reputacion, qui ne s’ellimall deshonore d’aller à pié en quelque lien que celoit. Durant ces confultaciom ayant le Soleil pafsc le midy, les Medes amp;nbsp;Hyrcaniens alloient amp;nbsp;venoient, menans tonfionrs des cheuaus amp;nbsp;des hommesprifon-niers ; car ils donnoient la vie à cens qui rendoient les armes. Cyrus leur demanda premièrement fi tons les compagnons fepor-toienc bien, en apres ce qu’ils faifoient, amp;nbsp;lors ils lui hrent entendre le difeonrs de leur victoire, amp;nbsp;fe mirent à raconter leurs proU-elles amp;nbsp;dlimer leurs laits de paroles. Cyrus efcoutoit volontiers ce
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lOl
■^‘i^ej/è Oquot; ^tnfé d’un Prince yi-^erieus.
ce qu’ils difoîent amp;nbsp;commença aufsi aies louer, difant qu’ils lui fembloient plus graus ^ plus beaus, amp;nbsp;plus terribles que deuant, dont il connoifloit euidcmmcnt qu’ils auoicnt tresbien amp;nbsp;vaillam ment combatu. En apres voulut lauoir le chemin qu’ils auoient faitjamp;; G le pais eftoit habite ^ ils lui refpondirent auoir couru bien allant en païSj lequel ils auoient trouue habité par tout, amp;nbsp;la cam-pagnepleine deBrebiSjBeufSjPourceaus,Cheuaus,Blez amp;nbsp;de toutes richefles. Lors Cyrus : PuiSj dit il^ quelesDieus nous ont faits Signeurs de G grans biens, il nous conuient penfer à deus chofes, l’vne, d’eftre plus gens He bien que cens quiles poGedoientH’autrCj de faire tant que les habitans n’abandonnent leur pais : car la terre habitee produit ordinairement beaucoup de chofes precieufes, celle qui eft deferte des hommes, eft aufsi deferte de biens j amp;nbsp;du tout infruélucufe.Iefay bien qu’auez occiz tous cens qui vous fai-foient reGGence, amp;nbsp;auez bien fait : car c’et le droit de viftoire, amp;nbsp;auezmenéprifonniers ceus qui vous ont rendu les armes : mais G nous les Jailions aller (à mon aiiis) nous ferons fagement. Car pre mierement il ne nous faudra point les nourrir riy garder, puis que ne les voulons faire mourir de faim j en apres par le moyen de ceus cy nous gagnerons vne inGnité d’autres prifonniers : Car les habitans de leur pais voyans ceus cy afranchiz amp;nbsp;retournez eu libertCj ne s’armeront G volontiers,amp; aimeront trop mieus obéir que coin barre, amp;nbsp;fe rendront tous à notre obeilîance. Voilà mou opinion, G vous fanez mieus ne le celez point. Lors tous les Capiteines aprouuereut fou auis, difans qu’il faloit aiiiG faire. Au moyen de-quoy ilallemblatousles captifs, amp;nbsp;vfa entiers eus de telles paroles:
Comme Cyruf parla ans ^^yriens prifonniers cl7quot; i^^ f^^lt ^gt;* liberté. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c H A F. l x.
Es amis,ce qui vous ha faune la vie ha cfté lappan titude dont vous auez vsé à obéir à mon commandement , qui eft aufsi la caufe de l’alleurance que ie vous ay donnée, qu’à l’aneuir n’aurez aucun mal. Gnon tant feulement que changerez de Signenr. Vous habiterez envosmaifous acon-
P/umanifé du Prince aus yein-euz^
tuinees,labonrercz vos terres,ionïrez de vos femmes, amp;nbsp;commanderez comme touGours à vos eufaus,feulement on vous defend de iamais faire guerre contre nous, uy contre antre quelconque : car G ion vous allant nous combatrons pour votre defenfe.Et à Gu que aucun ne vous concreingue d’aller à la guerre, aportez deuers moy n 3 toutes
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LA C Y R O P E D I E- ■
toutes vos armes j cens qui les aporteront auront paix aueenons cnfenible tout cc que i’ay dit fans aucune fraude ou tromperie! mais contre cens qui ne les voudront aporter, ie drefleray incontinent mon armee. D’autrepart fi quelqu’vn devons de franche volonté nous veut donner ayde ou confeil^nous le traiterons non point en prifonnier J mais en bon amp;: loyal ami. Parainfi raporteZ cette deliberacion à vos gens, amp;nbsp;fi aucuns d’cus n’y veulent con-fentirj conduifez nous à l’encontre d’eus, afin que vous dominiez fus eus J non pas eus fus vous. Ces paroles dites les prifonniers k mirent à l’adorer, amp;nbsp;promirent de faire fou commandement.
,.^nee de
Cjirud.
Quand ils furent tous partizjl feinbla à Cyrus qu’il eftoit teins defouper J dédit ausMedes amp;nbsp;Armeniens, qu’ils ferepudent des viandes qu’il leur aiioic apreftees lemieus qu’il auoit pu ; amp;nbsp;leur enebargea d’enuoyer aus Perfes la moitié du pain qui aiioit edé fait parles AffynensJfans vin, chair, ny autre pitance, difant qu’ils en anoient allez auec eus : dit aufsi aus Hyrcaniens qui connoiirent les loges Adyriennes, qu’ils menadent les Medes amp;nbsp;Armeniens aus tentes, les Capiteines ans plus grandes, les foldats aus moindres chacun félon fa dinité, amp;nbsp;fe retiradent dedens leurs pauillonsgt; qui anoient edé failliez parles Perfes, prendre les viandes qu'on leur aiioit apareillees. Auderaourant leur promit faire bon guet route la nuit, amp;nbsp;garder ce qui edoit hors du camp, poiiruu qu’ils prinfientgardeà eus mefmes amp;nbsp;ans Adyriens qui edoient encor’ dedens les tentes, dont il ne fe tenoit encor’ afiiiré, amp;nbsp;tinfent les armes predes pour les inconueniens. Parainfi les Medes amp;nbsp;Tigra-ne fe lauerent «à la mode du païs (car ils y trouuerent des bains preds) amp;nbsp;foiiperent après aiioir changé d'habits, les cheuaus aufsi n’eurent faute de rien. Ils enuoyerent la moitié des pains aus Perfes edimant qu’ils ciident allez de viandes, par ce que Cyrus aiioit dit qu’ils en anoient à fufifance : mais il entendoit, que les Perfes anoient la faim pour pitance, ék l’eau du fieuiie pourbrunage; Quand les Perfes eurent foiipé edant défia nuit, Cyrus ennoya pin fieurs desfiens par dizeines amp;cinqucincs fe cacher en embûche alentour dn camp, tant pour faire bon guet contre cens qui vieii-droient par dehors, comme pour prendre cens qui fortiroient amp;nbsp;emporteroient de l’argent hors du camp. Il en anint ainfi qu’il anoit pourpensé : car pluficurs furent pris en fuiant qui empor-toient de l’argent,lefquels il fit incontinent mourir, amp;nbsp;donna l’argent à cens qui les anoient arredez, en forte que depuis on n’cuH fù trouucr homme qui ofall partir, ou marcher de nuit hors du camp. D’autrepart les Medes s’edoient mis à fçdoycr,boire amp;nbsp;ban-
-ocr page 139-DE XENOPHON. LIVRE UIL ’ toj quêter, chanter, danfer amp;nbsp;rire airfon des fifres, aiiec grande ioyeu-fetc, car ils anoient troiiué au camp abondance de toutes chofes, tellement que cens qui veilloient n’eftoient pas fans befongne.
Comme Cyaxarefut enuietu de la gloire de Cyrtu ^ courroucé contre les Medes : de la refponle que luißt Cyrm^ç^ rEm-bajjade qu’il enuoya en Perfe. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h A p. x.
Our retourner à CyaxareRoy des Medes, qui la nuit rnefme du partement de Cyrus auoit bu d’autant aucc fes gens pour la victoire, amp;nbsp;efti-nioit que tous fes gens fuflent en fon camp, excepte bien peu, pource qu’il oyoit faire vn grand bruit,qui toutefois procedoit de ce que les valets des Medes qui croient auec Cyrus, en abfence de leurs maitres, s’eftoient mis à yurongner, gourmander, amp;febatrepour l’abondance des viandes amp;nbsp;du vin qu’ils anoient pris au camp des Afly-
riens. A la pointe du iour voyant que perfonne ne venoit faire la coiirt,hormis fes domeftiques, amp;nbsp;que le fuiplus des Medes eftoient abfens, trouuant le camp vuide de fes hommed’armes, fe defpira amp;nbsp;courrouça aigrement contre Cyrus amp;nbsp;les Medes, qui l’auoient ainfi abandonné tout feul. Et foudein, comme Ion dit qu’il cftoit naturellement cruel amp;infensc, commanda à vn des afsiftans prendre fa compagnie de cheuaus, amp;nbsp;aller en diligence dire à Cyrus de par lui, qu’il n’euft iamais eftimé qu’il eu fl fi temerairemet fait telle mence contre lui, ny que les Medes (quoy que Cyrus eufi voulu faire) duffent ainfi le delaiflerfeul. Au furplus fi Cyrus vouloit re-uenirqu’il rcuindimais s’ilvouloit demeurer, que les Alcdes ne fullilTent de retourner vers lui à diligence.Le Capiteine qui deuoit faire ce voyage,Iui reljiondit,qu’il ne fauoit en quelle parc il pour-roit trouuer l’année, pourautant que les Hyrcaniens s’eftoient renduz (comme il auoit entendu) à Cyr.us, amp;nbsp;le conduifoient par tout le pais d’Affyrie. Ces nouuclles ouyes, Cyaxare fe courrouça encor’d’auautage,dc ce que Cyrus ne l’auoit anerti de cet afairc,amp; pour l’afoiblir enuoya l’homme à plus grand’hâte deuerslcs Me-des,auec menalîes pleines de courrons pour les faire retourner. Le Gentilhomme fe partit ayant enuiron cent cheuaus, amp;nbsp;en foymef-me eftoir fort dclplaifant de n’eftre allé quant amp;nbsp;Cyrus à la guerre comme les autres, mais il fe foruoya en vn quarrefour, ayant fes gens efqiiartez, amp;nbsp;n’euft efté qu’il rencontra quelques AfTyriens qui le conduifirent, à peine euft il troiiué l’armee. Par ainfi ayant aperçu
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aperçu grande quantité de Feuz, il arriua au camp enuiron la minuit. MaiSjà caufe que Cyrus l’auoit ainfi commande^ ne fut mène vers lui deuantle iour. À la pointe du iour enfuiuant Cyrus ft affembler les Mages «SePredres defaloy, G leur commanda choift les chofes ordonnées par fes loix pour facriGer amp;nbsp;remercier les Dieus de cette profperité, amp;nbsp;durât qu’ils edoient empefehez après celà,il aflembla fes Homotimes amp;nbsp;leur dit ainG : Mes amiSj vous voyez les grans biens que Dieu nous ha donnez, amp;nbsp;les terres que par fa bonténous auons fubiiiguccs j mais nous fommes trop peU degens pour garder amp;nbsp;rete lirG grand païgt;en notre obeifiance. Car quel proGt aurions nous de conqueder des biens j G pour ne les fauoir garder les laiffons venir es mains d’autrui ? D’autre part G nous laidons partie de nos gens pour garder nos conquedes , amp;nbsp;nous diuiforis en diners liens,ion connoitra à l’oeil notre foiblefle. Parquoy iefuis d’auis que Tvn de vous aille en diligence en Perft remontrer ce queie dy, à notre République, amp;nbsp;leur dire, que s’ils veulent deuenir Ggneurs d’AGejamp; en tirer quelque fruit,ne faillent à nous enuoyer du feconrs. Toy donques,qui es le plus ancien des Homotimes,retourne à eus amp;nbsp;leur racote mon vouloir, amp;nbsp;les affu-rc que iepouruoiray aus viures de l’armee qu’ils m’enuoyeront de renfort. Tu vois ce que nous auons ,amp; connois ce que nous fai-fons, amp;nbsp;ne leur en faudra celer ny cacher aucune chofe. Et pource que ce fera bien fait d’enuoyer partie du butin en Perfe, quant ans chofes concernans l’honneur des Dieus, tu en confulteras aiiec mon Pere : quant ans autres qui concernent la République, aucc les Magidrats. Et leur diras, qu’ils enuoyentdes gens pour cou-noitre comment nous nous gouiicrnons, amp;nbsp;conGdercrGcc que nous demandons edraifonnable.Apredctoydonq pour marcher, amp;nbsp;meine ta bende auec toy.
Tôt apres Gr adembler les Medes, amp;nbsp;incontinent lui fut amène le medager de Cyaxare, qui en la prefence de tous raconta le courrons d’icelui contre Cyrus, amp;nbsp;les menades contre les Medes, auf-quels il commanda de par le Roy de retourner incontinent vers lui, encor’ que Cyrus voulud demourer.Lcs Medes oyans ce mandement furent G edonnez,qu’ils ne furent dire vue feule parole, amp;nbsp;nefauoient quel parti choiGr, ou de mefprifer fou cômandement, ou d’obéir prontemet à fes menadcs,fachans d’ailleurs quelle edoit fa naturelle cruauté. Parquoy Cyrus dit au medliger,amp; aus Medes: le ne m’esbahis point, mes amis, G Cyaxare auerti de la multitude des auerfaires, amp;nbsp;ignorant les chofes que nous auons faites, s’ed aucunement troublé, creingnant pour foy amp;nbsp;pour nous:mais quand
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quand iVaura entendu fi grand nombre d’ennemis auoir efté oc-ciz ,amp; généralement tous les Affyriens rompuz amp;nbsp;défaits, ie fuis affuré qu’il ôtera la creinte de fon cœur,amp;par mefme moyen con-noitra n’auoir efté abandonne feul, puis que fes gens ont chafse fes auerfaires : car à quel droit nous peut il aeufer, puis que nous lui faifons du bien ? ny vous aufsi, puis que par fon coufentement ie fuis forti,amp; vous ay quaft malgré vous amp;nbsp;par fon vouloir menez debors?amp; n’eftes venuz. Gnon quand il vous commanda d’y venir? Or ie tien pour certein, que fon indignaclon fe refroidira, amp;nbsp;la creinte fe partira de lui, quand il entendra vos grans faits d’armes. Parquoy vous Perfes,mettez vous en ordre le miens qu’il vous fera pofsible,puis que nous fommes encor’en doute G les ennemis veulent obéir ou combatte : car G Ion nous voit en tel point, nous ferons tout ce qui nous fera de befoin : amp;nbsp;toy Capiteine qui as tra-uaillé à venir, repofetoy. Vous Prince d’Hyrcanie, commandez a vos Capiteines qu’ils facent mettre les foldats en armes. Lequel eftant incontinent retourne tout preft a lui, Cyrus dit : le nie refiouis grandement de vous voir, non feulement pour 1 amitié que vous me portez , comme pour la prudence amp;nbsp;ruze que montrez auoir , chofes qui nous font auiourd’hui fort neceftaires. Car les Affyriens nous bayent, amp;nbsp;vous encor’ plus que nous. Parquoy moment yn pour votre affurance amp;la notre, il nous conuient pouruoir a deus prince dote chofes ; l’vne, que nos compagnons ne nous abandonnent:! autre, pouruoirans que nous en prenions d’autres s’il eft pofsible. Et à caufe que ie tneouemens. fuis délibéré de fuiure mon entreprife (combien que le roy Cyaxa-re faffe r’apeler fes gens , fans lefquels nous ferons feuls gens de pie amp;nbsp;aurons faute de gendarmerie^ il nous faut tafeher par tous moyens de retenir ce Mede auec fes ebeuaus, qui eft icy le dernier venu,amp;faire tant qu’il vueille demourer auec nous.Parquoy cherchez vn tresbeau pauillon le mieus équipé que vous pourrez trou-uer félon fa dinité , amp;nbsp;le lui donnez incontinent. Dautrepart ie lui commanderay faire quelque thofe , ou il prendra plus de plaifir, qu’à s’en retourner.Vous lui remontrerez aufsi les grans biens qui pourront auenir à lui Scans Gens, G nous venons about de nos en-treprifes. Ce fait,retourncz vous en vers moy.Le Prince des Hyr-caniens ftt incontinentie commandement de Cyrus , Sc mena le Mede en vn beau pauillon , félon qu’il lui aparCenoit, lui faifant toutes les promènes qui lui anoient efté enchargees. Dautrepart Cyrus voyant l’homme preft,qui deuoit aller enPerfe,lui comman da dire aus Perfes ce qu’il lui auoit declare, Sc porter fes lettres à Cyaxare, lefqueUes il lui voulut lire , à Gn que de bouche il puft o confer
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LA CYROPEDIE
confermer les chofes qui y eftoient eferites. Le contenu des lettres eftoit tel:
Cyrta à Cyaxare, Salut.
L n’eft pas raifonnable, Monfieur mon oncle, que vous faciezvne fi grande doleancede nous, comme fi nous vous eufsions laifsé feul amp;nbsp;cri danger; car celui n’ert point abandonne de fes amis amp;nbsp;feruiteurs, qui par leur ayde furmonte amp;nbsp;défait fcs ennemis : Et en partant d’auprès de
vous J n’auons eu ny vouloir ny intencion de vous mettre en peril, ains d’autant que nous allons plus loin, vous penfons mettre en plus grande feurtc : car cens qui font afsis auprès de leurs amis, ne les mettent pas en afliiraiice ^ mais cens qui chaffent les ennemis le plus loin qu’il leur ert pofsible. Or voudrois ie bien que vous con-fiderafsicz ce que i’ay fait pour vouSjamp; le guerdon que me rendez, deuant que de vous pleindre demoy. Carpremierement levons ay donné fecours d’autant de gens qu’il m’a elle pofsible^ non pas d’autant que vous cufsicz pu perfuader de vous fuiure : au contraire vous ne m’auez laifsé emmener de vos gens, que cens auf-quclsi’enay pu faire venir enuie. Et maintenant fans aucune ex-cepeion vous rapelez tous les Aledes j non pas cens qui s’en voudront retourner. Au moyen de quoy, moy ^ qui m’eftimois efire rcdeuable à vous amp;nbsp;«à eus j maintenant fuis contreint de vous ou-blietjiSc m’efforcer de rendre graces à cens qui de leur franc vouloir m’ont fuiiii à cette guerre. Au demeurant ie ne veus point deuenir femblable à vous en vn pareil afàire : Car i’enuoyeprefentement en Perfe requérir nouneau fecours de gendarmes _, aufquels ie commande auant qu’ils viennent à moy de vous ofrir leur fermee, amp;nbsp;que vous en puifsicz vfer, non pas à leur volonté^ mais félon votre bon plaifir. Si ert ce que ie vous confcille^ combien que ie fois encor’le plus icimej que ne vueillez gâter ce que vous nous auez donnéjà fin qu’en lieu d’auoir le gré,vous ne gagnez l’inimitié des hommes. Aufurplus quand vous voudrez faire venir quelqu’vn vers vous, ne lui commandez de s’aproeber par menaffes,Ôc en montrant efire feul ne vueillez faire peur à toute vue armée en ge-gerafià fin que ne leur donniez ocafion de vous defertimer. Au relie nous irons deuers vousje pluftot qu’il nous fera pofsible, après que nous aurons mis fin «à toutes les entreprifes concernantes votre profit amp;nbsp;le notre. A Dieu. Il commanda aufsi au porteur
-ocr page 143-DE XENOPHON. LIVRE UIL 107 de dire à Cyaxare ce qu’il aurait vu, de toutes les chofes qu’il lui fauroit demander;comme il s’en alloit en Perfe^ pour amener nou-ueau fecours, amp;nbsp;qu’il fift diligence de retourner, comme il voyoit à l’œil eftre necellaire. En apres, Cyrus voyant les Medes, Hyrca-niens, Tigrane d’Armenie , amp;nbsp;les Perfes armez, amp;nbsp;que défia quelques voifins auoient aportc leurs armes amp;nbsp;amene leurs cheuaus, fit letter leurs darz amp;nbsp;batons dedèns le feu, au lieu mefinc ou les autres au parauant auoient elle brûlez, amp;nbsp;garder leurs cheuaus par cens qui les auoient amenez, lefquels il fit demeurer iniques à tant qu’il end dedairé fa fantafie. Et derechef a de mb la les Capiteincs des hommcdarmes,5c Hyrcaniens,vfant de telles paroles:
Condon de Cyrtu pour enfeigner fes gens comme ils deuoient faire le departement du butin, ^ comme il mit les Perfes àcheual. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. xn.
h'Iedcs amp;nbsp;Hyrcaniens , ne vous P®'*^^ ^® ce que ie vous fais fitou-l nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;alfcmbler ; car nos ataires edans nonucaus
amp; allez mal eu point, nous donneront du iour a la iournee nouuellc fâcherie, lufques a tant qu ils __1 foient mis en ordre:mefmes àprefent nous auons beaucoup d’argent amp;nbsp;d’hommes prilonniers, qui demeurent en confufion,car nous ne fanons ce que chacun de nous ha gagne , amp;nbsp;eus mefmes font en doute qui fera le vray Sigucnr de chacun d eus. De gens qui fâchent mettre à fin vu alaire, lon en voit peu, de cens qui ny entendent rien, beaucoup:amp; quad tons font en doute de ce qu’ils doinent faire. A cette caufe amp;nbsp;pour oter ces doutes, il faut didribuer le butin, 5lt; le départir entre les foldats, comme s’enfuit: Celui qui fera entré en vu panillon garni de viurcs, vins, muni-cions , ferfs, lits amp;, habillcmens, amp;nbsp;antres chofes necefiaircs pour bien loger vn foldat,ne demande plus rien ; mais feulement le garde comme ficn. Si d’ananture vn autre ha pris vn panillon mal garni , auquel il défaille quelque chofe de fes apartenanecs, vous mettrez peine de le meubler amp;nbsp;garnir de ce qu'il lui faudra, amp;nbsp;fuis feur quevous en aurez encor’ de reflc;car les ennemis en auoient bean-toup plus qu’il n’en faut au nombre que nous fommes. Il y ha vn autre point àpenfer, c’et que lesTretorlers amp;nbsp;Receuenrs du Roy d’Alïyrie amp;nbsp;des autres Princes amp;nbsp;Signeurs,font venuz deners may amp;’n’ont aucrti,qu’ils auoient en leurs mains beaucoup d’ormon-î^oy^jprocedant de quelques tributs. Parquoy faites leur falloir
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par
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par cry publiq, qu’ils ayent à le vous porter en quelque part que vous foyez afsis, amp;nbsp;le conGner entre vos mains j amp;nbsp;Gutes peur a cens qui ne voudront obéir. De cet argent^ donnez en deus pays’ àrhoirunede cheuab amp;nbsp;vue à l'homme de picj à Gn qu’ils ayent de-quoy acheter les acoutremens qui leur font neceflaires. Et à Gn qu^ le marché foit abondant^ faites vn cry , que tous marchans amp;nbsp;gens de boutiques puiGent feurement vendre ce qu’ils voudront, fans creinte d’eftre iniuriez de perfonne., amp;nbsp;aporter toutes autres mar-chandifeseftrangeres,à Gn que notre campfoit bien peuple,amp; rempli de toutes richeGes.
Les criz furent incontinent faits, mais les Medes amp;nbsp;HyrcanienS lui dirent : Comment pourrions nous. Sire, faire ce departement fans vous amp;nbsp;les vôtres ? Penfez vous, dit Cyrus, qu’il ne fe puiGe rien faire fans moy amp;nbsp;mes gens ? S’il faloit à toutes chofes regarder de G près, ie ne fuGrois pas à faire tant de chofes auec vous ny vous auecmoy , amp;y aurions beaucoup detrauail fans proGr. Parquoy deliurez moy de cette peine : amp;nbsp;puis que nous allons elle gardiens de ces richeffes, que vous eGimez aiioir elle bien gardées, diGri-buez les à votre apetit amp;nbsp;nous les tiendrons pour bien diGribuees. Premièrement vous voyez les cheuaus que nous auons, que ceiis cy nous ont amenez qui feront oifeus, de nul proGt, amp;nbsp;de grande facheriejG vous n’y ordonnez des chcuaiichcurs, chofe que G vous faites,par mefme moyen vous nous deliiirerez de fouci amp;nbsp;augmcii terez nos forces. Dautrepart G vous aiiez des gens mal montez, dcfqucls vous efperiez miens valoir que de nous Perfes,baillez leur en: mais G vous nous voulez aiioir pour aiiiteurs au befoiii,di-Gribuez les entre les Perfes. Car à la vérité, nous allions dernièrement peur que ne tombifsiez en danger eGans feuls à la pourfuite des AÏIyriens, amp;nbsp;allions honte de n’eGrepres de vous : maintenant G par le departement tjiie vous ferez nous auons des cheuaus pour dreGer vue gendarmerie,nous vous fuiurons par tout,amp;: n’obinet-trons aucun acte de vertu G nous valons miens àcombatre à chenal , que à pié : mais s’il fe trcuiie que nous foyons meilleurs à pit que à chenal, nous defeendrons incontinent amp;nbsp;ferons notre de-noir acoutumé,donant les cheuaus à ceus qui en auront befoin. A celà les Hyrcaniens refpondirent, n’aiioir point d’hommes à quiih puGent donner les cheuaus, amp;nbsp;quand ils en auroient, ne les vou-droient donner à autre qu’à lui de ans Gens; à cette caufe le prièrent de les prendre amp;nbsp;en Giire à Gi volonté. Parquoy Cyrus priant les Dieus qu’à lui l’entreprife de faire fes gens de pié hommed’ar-mes, lt;amp;nbsp;aus Hyrcaniens la diuiGon du butin «Jk dd’argent fuG hen-renie
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reufe amp;nbsp;fortunée, mit tous fes gens à chenal, amp;nbsp;au demourant fit mettre àpartpour lesDieus Immortelz ce que les Mages ordon-neroient : amp;nbsp;aufsi pour Cyaxarc les prefens qu’ils eftimeroientlui deuoir eftre agréables. Ils dirent lors en riant, qu’il lui faloit en-uoyer des femmes : ce qu’il leur permit faire à leur fantafie.Puis ordonna ausHyrcaniens qu’ils s’elforçafient de contenter les Medes qui l’auoient fniui de leur bon gré, à fin qu’ils n’euflent ocafion de fe plaindre. Dautrepart il auertit aufsi les Medes, qu’ils honoraf-fent les Hyrcaniens qui eftoient les premiers venuz àfon aliancc, afin qu’ils fe contentafient d’auoir choifi fon amitié : pareillement qu’ils n’oubllaffent de douer part au Capiteine ennoyé par Cyaxa-reamp;àfes gens,l’enhortant de demoureraueclui,àfin qu’ilfuftpar-ticulierement raporter àCyaxare toutes leschofes par lui faites. Le demourant de tout le butin permit eftre donné ans Perfes , tenant pour affûté, qu’ils fe prendroient a rire fi on leur donnort quelquctrop beau amp;nbsp;riche habillement, comme gens acoutuniez à viure ruftiquement amp;nbsp;fans delices, amp;nbsp;aufsi qu’ils aprefteroient a rire ans autres, quand ils monteroient à chenal, pourautant qu ils ne s’y faurolent tenir amp;tomberoient founent à terre. Parainfi ils allèrent faire la diftribucion du butin, amp;nbsp;lors fut faite vue grande rifee de ces nonueaus Cheualiers : amp;nbsp;Cyrus apelant fes Cente-nlers leur enchargea à tous de prendre des chenaus,harnois, amp;nbsp;fer-uiteurs neceffaires, amp;nbsp;les départir également félon le nombre de leurs bendes par fort. Au furplus fit taire vn cry par tout,que fi de-dens le camp des Affyriens, Arabe5,ou Syriens y anoit aucun cfcla-ue natif dePerfe, Mede, Baftriane, Carie, Grece, Cilicie, ou d'ailleurs mis par force,qu’il fe prefentaft à lui pour eftre mis en liberté, amp;nbsp;foudein plufieurs fe prefenterent volontairement, defquels il choifit les plus beaus amp;nbsp;de belle taille amp;nbsp;leur dit, que puis qu’ils eftoient afranchiz , il les vouloit faire porteries armes de cens qui feroient montez à chenal : au demourant ne leur laifteroit anolr faute de rien, amp;nbsp;les recommandant ans Centeniers leur fit donner à chacun vn bouclier amp;nbsp;l’efpee fimple pour fuiure la gendarmerie, ordonna aufsi qu’ils euffent viures amp;nbsp;acoutremens neceffaires com me les Perfes : mais que les Centeniers allaffent toufionrs à chenal auec leurs lances 6c cuiraftes. Et en cette façon il commença lui mefmes à marcher-.ce fait il voulut que les Homotimes qui s’e* ftoient faits hommed’armes ordonnaffent d’autres Capiteincs en leur lieu fur les gens de pié qu’ils anoient acoutumé d’auoir: niais qu’ils fulïent du nombre des Homotimes, Ôc gens d’honneur dePerfe.
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Comwe Gobrie fe Tgt;}»t rendre à Cyrm, ^ bui raconta Ia cala^ mité de fönßls, ç^ requit vengeance de la mort de fou fis contre le roy d'yffyrie, ce que Cyrtu lui promit.
CHAPITRE XIII.
Vrant qu’ils clîoicnt ainfi empefehez au departement de leur butin, furuint vn Prince d’Allÿ* rie nommé Gobricj homme défia fort anancé fur l’aage, monté fus vn beau courfier acompagne de plufieurs hommedarmes bien équipez j lequel fe vint rendre au camp de Cyrus, amp;nbsp;aufs«
rot qu’il fut arriué entre les Perfes, il dit à cens qui lui demadoient fes lances amp;nbsp;armes pour les brûler comme les autres ^ que premièrement il vouloir parlera Cyrus, Ce qu’ils acorderent volontiers amp;nbsp;le menèrent incontinent à lui, laiflans les autres en arriéré. Go-brie aufsi toc qu’il vid CyruSjlui dit telles paroles: Sire ic fuis Alîy-rien, Signeur d’vne ville forte, amp;nbsp;d’vu grand païs à l’entour :i’ay danantage mille trois cens hommedarmes, queieconduifois à b guerre fous leroy d’Afiyrie, auquel l’cftois trefgrand ami amp;; loyal feruiteur. Mais depuis qu’icelui eftantpar vous occis, qui crtoit homme de vertu, fon fils mon trefgrand ennemi ha fuccede au Royaume, ie fuis venu deuers vous me rendre ferf amp;nbsp;compagnon a la guerre, amp;nbsp;vous fuplic à gênons qu’il vous plaife venger mon in-iure,amp; en tant que f aire fe peut,ie vous fais mon fils adoptif, à cau-fe que ic n’ay point d’enfant mafie. Car celui qui deuoit eff re mon heritier. Sire, ieune homme vertueus amp;nbsp;honnefte, qui m’aimoit amp;nbsp;honoroit comme vn enfant doit honorer fon pere conflitué en félicité, eftant vn iour inuité parle feu Roy pere de cetui cy, pour lui donner fa fille en mariage, ie fu content amp;nbsp;ioyeus de lui enuoyer, par ce qu’il deuoit effre efpous de la fille d’vu fi grand Roy. Mais le Roy qui eff àprefent, l’ayant lors prié amp;nbsp;mené à la chalie, voulut qu’il chafTaft en fa compagnie, clHmant qu’il ne feroit fi adroit que lui à la courfe amp;nbsp;à chcual,tellcment qu’il le mit à chafler comme s’il euftefté fon compagnon amp;nbsp;ami deieunefTe. Et quand ils eurent d’auenture tronué vue Ourfe, ils la pourfuiuirent de compagnie, amp;nbsp;quand le fils du Roy l’eut faillie d’ateinte, mon fils ne la faillit pas, amp;nbsp;l’abatit par terre du premier coup. Helas Ipour combien voudrois ie qu’il l’eufl aufsi faillie ! Car de ce coup le fils du Roy conçut en foymcfmcvnccnûic, laquelle pour lors il cacha: mais quand au leuer d’vu Lion le fils du Roy eut encores failli à l’atein-dre, mon fils le tua d’vn feui coup, ék fc glorifia ioyeufement d a-uoir
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VlOir deus coups de fuite tiré amp;nbsp;occis vue befte.Lors ce mefchant là ne fut plus retenir fon mauuais courage, ains print d’vn autre boni me vne lance, amp;nbsp;lui perça le c orps tout outre, amp;nbsp;ota la vie à mon fils vnique lequel i’aymois grandernent, de forte que moy délia vieil amp;nbsp;caduq, fu contrein en lieu de noces faire les funérailles de mon fils bienayme, auquel la barbe commençoit à poindre. Mais le parricide amp;nbsp;mefehant comme s’il cnil défait vn ennemi, ne montra iainais aucun fine de repentance,ny pour le forfait commis daigna porter honneur à la fepulture cVicelui. Et toutefois fon pere eut pitié de moy , amp;nbsp;fe montra trefmarri de ma calamité. Parquoy tenez pour certein , que s’il euft vefeu, ie ne fülle iamais venu vers vous pour lui nuire , pourautant que fes bienfaits ont elle gratis enuers moy amp;nbsp;l’ay ferui fidèlement : mais puis que le Rene eft par-uenu es mains de l’homicide de mon fils, ie ne faurois lui porter amitié, amp;nbsp;lui pareillement ne me tiendra iamais pour ami, con-noilTant le mauuais vouloir que ie lui porte, amp;nbsp;le changement de maioyeufe vie en vne miferable viduité amp;nbsp;orbite de mon fils qui nie fera paffer ma vielUefTe en pleurs amp;nbsp;lament aciohs. A cette cau-fe fi vous me receuez en votre amitié,amp;me donnez quelque efpoir de vengeance pour la mort de monfils, ie me fembleray retourner en icunefie, amp;nbsp;par mefme moyen n’auray honte de viure ny creinte de mourir,ayant apaisé les grandes douleurs de mon infortune.
Cyrus ayant ouv le parler de Gobrie , lui rclpondit ; qu il le re-ceuoit volontiers en fon amitié, amp;nbsp;lui promettoit la vengeance de fon fils auec l’ayde des Dieus , pouruu qu’il lui tint! promefle : amp;nbsp;lui demanda quelle recompeufe ou ayde il pourroit auoir de lui, en lui laiffant tenir fa Principauté , fes terres, amp;nbsp;armes comme deviant. Gobne refpondit, qu'il le tiendroit en tout pour fou fou-nerein Signeur,le reccuroit en fa maifon, lui payeroit le tribut ordinaire comme à l’autre, amp;nbsp;le fuiuroit à la guerre auec les forces de fonpais. Dauantage qu’il anoit vne fillepucellc,bcllc,amiable, amp;nbsp;prefte à marier, laquelle au pavanant il auoit nourrie pour la donner à femme à celui qui renoit : mais qu’elle l'auoit fuplié en pleurant , ne la marier iamais à l’homicide de ton frere, ebofe qu’il lui auoit acordee : de laquelle il lui permettoit ordonner amp;nbsp;la pour-noir à fon plaifir,comme de ebofe à lui propre.Lors Cyrus lui donna la foy ,1aprenant pareillement de lui, Sc apcla les Dieus pour tefmoins des conuencions entr’eus acordees. Ce fait illaiffa aller Gobrie auec fes armes amp;nbsp;ebeuaus, lui demandant combien de ebe-nnn il y auoit iufques chez lui, pourautant qu’il vouloir y aller. Gobrie refpondit, que s'il partoit le lendemain pour y allcr,lciour d’apres
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LA’CYROPEDIE
d’apres ilpourroit arriuer chez lui. Et cedifant Gobrie fe partit, lailîant l’Empereur Cyrus auec fes gens. Dautrepart les Modes fe prefenterent à lui, ayans mis entre les mains des Mages amp;nbsp;Sacrificateurs, ce qu’ils auoient demandé pour l’honneur desDieus. A Cyrus, ils auoient choifi vn tresbeau amp;nbsp;riche pauillon , auec vne Dame Sufienne nommee Panthce, eftimee la plus belle de toute l’Afie, enfemble deus autres filles chantereffes amp;nbsp;Muficiennes des meilleures que Ion fufltrouuer. En après vn autre beau pauillon amp;nbsp;des femmes pour Cyaxare, amp;nbsp;à tous les autres départirent félon leur dinité ce qui leur eftoit neceflaire pour n’auoir faute d’aucune chofe pour la guerre. Les Hyrcaniens aufsi, amp;nbsp;le Capi-tcine ennoyé par Cyaxare eurent ce qu’il leur faloit:car
il y auoit abondance de toutes chofes. Les pauil-lons qui efioient de refie furent douez à Cyrus pour les difiribuer aus Perfes j amp;
' promirent de difiribuer l’argent quand il auroit efic aporté: ce qu’ils firent bien
tôt apres.
*
Fin Ju qmtt-rieme tinre.
-ocr page 149-Le cinquième Liure de la Cyro-PEDIE DE XENOPHON, ele la Uie ^ /nßitucion cle
C Y R v s Äöj eles 'Perfes.
Comme ,Afaßgt;e eut en garde la belle Panthee ^^ en deuint amoureM, ^ ht dijpute d'entre Cyrm ç^ lui, fi l’amour efi ■volontaire ou contreint. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a P. l.
S T A N T Ic departement du butin fait, auec les propos dont cy deflus auons fait mencion, Cyrus dôna en garde les prefens de Cyaxare à cens qu’il cônoifloit eltre les plus familiers amp;nbsp;fideles feruiteurs d’icelui, amp;nbsp;quat à ceus qu’on auoit mis à part pour lui, leur dift aiiifi : le reçoy trefuolontiers, mes amis , les prefens que vous m’auez donnez : Si eft ce que ic les donne de tref-
bon cœur à celui qui en auraplus grand’ enuie. Adonq vn Gentilhomme de Mede amateur de MuGque, prenant hardi elle fur fa parole, lui dit : Sire, en oyant hier les deus chantcreires,qui vous ont elle baillées, i’en fit grandement refioui, amp;nbsp;y reçuz fi grand plaifir, que fi vous m’en donniez l’vne, i’en deuiendray plus pront à vous faireferuicc,amp;prendrayplus deplaifir à vous fuiure,qu’à demeurer enmamaifon, Cyrus la lui ottroya incontinent, en difant : Cer-teinement tu m’as fait plus grand plaifir à me la demander, que ic ne faurois faire à te la donner, tant eft grand le defir que i’ay de vous faire plaifir à tous enfemble. Dautrcpart apelant Arafpc, gentilhomme de Mede, qui eftoit fon compagnon de ieunefle, auquel au partir d’Aftyage pour retourner en Perfe il auoit donné fa belle robe Medique, lui commanda prendre fur fa garde le beau pauillo i,amp;la belle Dame prifonniere,qui lui auoit efté donnée au departement du butin. Or eftoit elle femme d’Abradate roy de Suficnne, lequel n’eftoit pas auec elle à la route du camp des Afly-’^iens, ains eftoit en Embaflade de par le Roy d’AfTyrie, au grand Roy de la Bailrienne,pour traiter compagnie de guerre amp;nbsp;alliance aueclui, duquel il eftoit de long tems auparauat hofte amp;nbsp;familier.
Libéralité d'un Prince,
p Quand
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Qiiand donq Cyrus eut commande àArafpe de lui garder cette femmejArafpe lui demanda : Auez vous point encor’ vu la femme que vous me donnez en garde? Nenni vrayementj dit Cyrus. Si ay inoy^dit Arafpe, vue fois quad ie la choifi pour vouSj l’autre quand nous entrâmes en fon pauiUon, amp;nbsp;d’entree nous ne la conoifsions point : car elle eftoit afsife en terre au milieu de fes feruantes amp;nbsp;da-moifelles, vetue d’vue robe commune amp;nbsp;feruile : mais quand nous les eûmes regardées en face ,nous connûmes à fon beau amp;nbsp;luifant vifagejde combien elle furmontoit les autres, nonoftant quelle full afsifejcouuertc d’vn voilejamp; tinftles yeus en terre, qui fut eau-fe que lui commandâmes de fcleuer: Et lors fes femmes, en fine d’honneur, fe dreflerent toutes alentour d’elle. Adonq vîmes nous à eler, comme elle les paffoit, non feulement de la taille amp;nbsp;grandeur , mais aufsi de bonne grace,noble maintien,amp; diuine beauté, nonoftant qu’elle euft vn habit vil amp;nbsp;poure, amp;nbsp;les larmes lui arro-falfent fes acoutremens iufques aus piez. Comme donq lepliis ancien de notre compagnie lui eut dit : Dame, prenez bon courage, amp;: ne vous fâchez de cette fortune : car encores que vous ayez vn bon mary amp;nbsp;gracieus, comme nous auons entendu, fieft ce que nous vous donnerons à vn Prince, quin’eft en rien inferieur au votre, foit en beaute ou puiflance, en modeftie ou bonté : c’et notre roy Cyrus,à qui vous ferez des cette heure donnce,!cqiiel (à no tre auis) merite d’eftre eftime amp;nbsp;aymé, autant qu’homme du monde. Elle oyant ces paroles comme defefperee defehira fa robe du haut en bas, amp;nbsp;fe print à regretter amp;nbsp;pleurer, amp;nbsp;auec elle incontinent toutes fes feruantes ietterent vn piteus cry : amp;nbsp;en cet inftant fut à nos yeus dcfcouuertelaplus grand’part de fon beau vifagc,lï belle gorge, les belles amp;nbsp;délicates mains. Et veus bien que vous fâchiez, Sire, félon qu’il m’a femblé amp;nbsp;à mes compagnons, queia-maisn’aefté vueny engendree entre les hommes vue femme de h grande beauté en Afie : parquoy il faut aufsi que vous la voyez. Canfinence ^°‘^ feray,par ma foy,dit Cyrus, fi elle eft fi belle que tu dis. Pour-aie CjriM. nbsp;nbsp;quoy non ? dit Arafpe. Pource, dit Cyrus, que fi jcla voy comme
tu me confeillcs par le récit de fa grande beaute, ie creins grandement (mefines à cette heure que ie n’ay grand loifir) qu’elle ne m’induife amp;nbsp;atire par fa grace à la reuoir encor’ vn coup : tellement que nos plus importans afaircs oubliez, ie confume mon teins cl la contempler afsis auprès d’elle. Leieune homme riant a pleine gorge lui refpondit : Penfez vous qu’il fe puifle faire, que la beauté d’vue femme eontreingne vue perforine à aymer ou faillir de fon deuoir outre fon gré ? Si vous voulez dire que c’et le natn-
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ici de l’homme J ie vous montreray clevement le contraire. Car niß^fte, [à-tout ainh que la nature du feu eft de brûler vue chofe comme l’an- uolr ß ta -tre, aufsi la beauté des femmes contreiudroit tous les hommes maureß^fa également àfaire mal, fi c’ettoit fon naturel. Et toutefois des per- lontaire, e« fonnes belles nous aymons les vnes, amp;nbsp;haiffons les autres. Vn cer- confremft^ tein hôme n’aymera que cette cy, l’autre que cette là:car amour eft vncpafsionamp; accident volontaire,amp; chacun ayme ce qui lui plait. N’auient il pas fouuent que le frere hait fa feur, qui toutefois eft bien aymee d’vn eftranger ? que le pcre n’ayme point fa fille,qui neanmoins plait amp;nbsp;agree à autrui ? Outre ce, l’amour n’a pas grande force ; car la creinte amp;nbsp;les loix ont aftez depuillance dempef-ther ramour, quand on le voudroit detendre, ce qui n aillent pas aus chofes naturelles. Car fi Ion faifoit vne loy pour defendre d a-uoir faim à cens qui ne mangent, amp;nbsp;d’auoir foif à cens qui ne boi-uent, que durant l’hyuer ion n’euft point de froit, durant l’efte point de chaut, il n’y ha peine ny radon quelconque qui peuft faire obéir les hommes à cette loy, d’autant que la nature les poulie formellement au contraire ,amp;les tient alleruiz afespafsions. Niais-l’amour procédé d’vne franche volonté,qui eft la caufe cpic chacuri aymeles chofes qu’il eftime ficnnes, commefesvetemens ,amp;habits. Poiirquoy donc|, dit Cyrus, fi l’amour eft volontaire, ne le peut on ladler quand on veut ? Car 1 ay queltpicfois vu pleurer des hommes, pour quelque douleur procédant des pafsions d amour, amp;feruir à leurs amies, combien que auparanant ils eftimaffent la feruitude malheureufe : donner aufsi la plus grand’ part de leurs biens qui leur eftoient neceftaires;. dont icnay vu qui defiroient eftre deliurez de cet amour comnie d’vne grieue maladie, amp;nbsp;ne s’enpounoient Oter , ains fetrounoient liez amp;nbsp;contredis déplus forte necefsité, que s’ils euffent efté atachez à cheines de fer. Tellement qu’ils font alleruiz à longuement amp;nbsp;folemcnt obéir à leurs amies, amp;nbsp;ores qu’ils foient oprellez de tant de mans, ne s’efforcent point d’en ciuder,ains au contraire gardent fongneufement tpi’elles ne s’enfuient. Arafpe refpondit -.11 eft certein , Sire , que telz amans qui viiicnt en la façon que vous dites,font mefehans amp;nbsp;mal-heureus : amp;nbsp;de là vient qu’ils défirent de mourir comme cftans en continuelle calamite , amp;nbsp;combien qu’il y ait dix mille moyens de fortir de cette vie,toutefois ils ne pcuuent mourir, ains s’adiettent an pue, amp;tombans d’vn vice en autre s'adonnent à larcin, amp;nbsp;ne s’abftiennent des biens d’autrui. Otd’icy mefines il apert que l’amour eft volontaire ; Car quand pour feruir à leur amoureus dcfir ib ontvolé ou defrobé quelque chofe,vous elles lepremier àaeuter
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le voleur ou larron, amp;nbsp;non feulement ne lui pardonnez, ainslc faites punir félon les loixjfînifiant parcelàque ce larcin eftvnc chofe volontaire j amp;nbsp;qu’on n’eft point contreint de le faire. Pareillement les belles perfonnes ne contreingnent aucun à les aymer, n’yàdefirer chofe qui ne foit honnefte : mais les mefehans amp;nbsp;vicieus garçons alTeruiz à leurs defordonnees couuoitifes, fe laiflent emporter à toutes folles pafsionsj puis aeufent amp;nbsp;blâment amour: mais les bons amp;nbsp;honneltes ne lailîcnt pas de defirer l’or j les bons cheuaus, amp;nbsp;aymer les belles femmes : toutefois s’abftiennent de les prendre,amp; fans dificultc quand il leur plait,amp; ne fe rendent fuietz à elles plus qu’il n’eft coniienable. A cette caufe ayant vu lagrace de cette Dame, combien qu’elle m’ait femblc belle àmerneilles: toutefois ic ne laide pas de me tenir auprès de vous, aller à chenal, amp;nbsp;faire les autres feruices apartenans à mon deuoir. Parauanture, dit Cyrus, c’et pourantant que tu es pluftot parti d’elle, qu’il ne faut de tems à l’amour pour alluiettir à foy vne perfônne:Car le feu mefme ne brûle pas incontinent cens qui le touchent, amp;nbsp;les bûches aufsi ne leuentpas du premier coup la flamme : Mais de ma part, c’et mon plus leur ne toucher de mon grc le feu, ny regarder à mon efeient les belles femmes : amp;nbsp;te confeille aufsi, Arafpe, ne laifler ainfi pourmener tes yeus comme vagabons au regard des bel les perfonnes : car comme le feu brûle à la longue cens qui le touchent,aufsi les belles femmes allument peu à peu vne flamme amou reufe dedens les coeurs de cens qui les regardent. Ne creingnez point celà de moy, dit Arafpe ; Car fi ie ne ceflois iamais de la regarder, toutefois ie m’aflure tant de moymefme, que ie ne feray ia-mais forcé de faire chofe qui ne foit honnefte. Tu parles tresbien, dit Cyrus : à cette caufe garde moy cette Dame fongneufement, amp;nbsp;la traite ainfi que ie t’ay commande : car i’efpere qu’elle nous viendra quelque iour bien à propos. Ces paroles dites ils partirent: man ce ieuiic homme contemplant fouuentefois l’excellente grace amp;nbsp;beauté de cette femme (nominee Panthee) la traitoit humainement, amp;nbsp;s’eftorçoit de lui gratifier en plufieurs chofes : mef-mes pource qu’il connoifloit qu’elle n’eftoit ingrate, ains donnoit ordre par fes feruiteurs, qu’Arafpc à fon retour trouuaft tout ce qui eftoit neceliaire, amp;nbsp;qu’en feS-maladies aucune chofe ne lui fail-lift , finablement fut lurpris de l’amour d’elle, dont il ne fe faut pas grandement cmeruciller.
Corne Cyrta s’efiant d^uré des Medes,et autres alie^jaüd iuftjues
« la yiUe de CohrtOf^^ de la ma^nißcece d icelui, c H a F- i ^'
Dautre
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Autrepart Cyrus deGrant que les Medes demon raflent auec lui, afin que les autres confederez n’eulTent ocafion de l’abandonner, affembla fes principaus amis, amp;nbsp;leur dit : Compagnons Medes amp;nbsp;confederez,ie fuis certein que vous n’eftes venuz auec moy, ny par faute d’argent, ny pour faire feulement ce feruicc à Cyaxare : mais fpecialement pour me faire plaifiramp; honneur, auez voulu cheminer iour amp;nbsp;nuit, amp;nbsp;vous fourrer auec moy entons dangers, chofes, dont ie vous mercie autant qu’il m’eft pofsible,pour ne fembler iniufte ou ingrat : mais de vous rendre en effet telles graces qu’il apartient,ie ne le puis encores faire amp;nbsp;n’ay point de honte de le confeffer.Dauantage fi ie pro-mettois devons recompenfer apres que vous m’aurez longuement fuiui,cette parole me feroit honte, pourautat que Ion m’eftimeroit l’auoir dite pour vous induire à demourer auec moy ;fi eft ce qu e ie veus bien vous anertir, que ie n’oublieray iamais les feruicesque m’auez faits, combien que vous départiez de moy en obéiflant an mandement de Cyaxare, amp;nbsp;ne laifleray de me montrer tel enuers vous que vous vous contenterez de moy, fi Dieu m eft fauorable. Quant à mon vouloir touchant la fuite de cette guerre, ie me délibéré de ne partir encores, ains garderay ma promefle ausHytea-niens, aufquels i’ay donné la main amp;nbsp;la foy de continuer auec eus la guerre contre les Aflyriens, amp;nbsp;ne verra Ion iamais que ie les tra-hifle ou abandonne. Semblablement àGobrie , qui puis n’agueres nous ha donné fes terres, forces, richeffes, amp;nbsp;citez, ie m’eflorceray de faire tel plaifir pour la vengeance de fon fils félon ma promefle, qu’il ne fe repentira iamais de s’eftre rendu à ma foy. Mais qui plus eft, voyant les »rans biens que les Dieus immortels nous ont donnez , ie creindrois amp;nbsp;redouterois grandement qu’ils ne me fiffent tomber en quelque grand’ infortune, fi pour retourner à mon pars ie laiffois en arriéré fi temerairement mes entreprifes,qui eft la cho-fe qui plus m’incite àlespourfuiurc. Voila ma fantafie touchant cette guerre, de votre part faites comme vous l’entendrez , amp;nbsp;me deelairez ce que vous en voudrez faire.
C«mment il les hemmes.
Quand Cyrus eut acheué fon propos, fe leua premier le Gentilhomme Mede, nommé Artabaze, qui s’eftoit iadis fait parent amp;nbsp;toufin de Cyrus,amp; lui refpondit : De ma part,notre Roy ,ÇCar ve-fitahlement leftimc que le foyez amp;nbsp;deuiez eftre apelé Roy') d’autant que ie connois apertement l’affeccion des hommes eftre telle enuers vous, qu’eft Vobeiffance des Mouches à miel enuers celui qui eft tenu pour Roy amp;nbsp;gonuerneur en leur ruche (car elles hû p 3 obeiftent
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bbéï/Tent pvontementj’acompagnent enfemblcmcnt,ne le laUTen^ jamais feul, amp;nbsp;femblent enuers lui fi afèceionnees j qu’elles ne lu* refufent aucune forte d’obéiflance) telle ha elle amp;nbsp;eft encores l’a” feccion amp;nbsp;volonté de tous vos gens enuers vous : amp;nbsp;pour reprendre mon propos des votre enfance j quand vous retournâtes en Perfe qui fut le icunc ou vieil homme en Mede qui ne vous fiiiuift trefuolontierSjiufques à tant qu’Aftyage nous fit retirer? Pareillement à votre retour auec le fecours des Perfes, ne vimes nous pas tous vos amis enflambez à vous fuiure de leur bon gré? Aufs* quand vous entreprintes cette pourfuite des AlTyriens, tous les Medes vous acompagnerent ils pas? Parquoy ieles eftime tant vôtres, qu’efiansfur les terres ennemies ils auront auec vous fiance de s’y arrcfler,amp; fans vous creinte de retourner.De leur part ils de-claireront ce qu’ils auront délibéré de fairejraals de la mienne, Sire, ie vous promets amp;nbsp;alTure , que moy amp;nbsp;les miens démontrons aucc vous, amp;nbsp;prendrons plaifir à entendre les fines de votre volonté, fous l’efperance de vos bienfaits. Incontinent apres, Tigrane le Iena,lt;Sc dit : Ne vous cmerneillez point, S ire, fi ie me tais : car mon cœur eft intentif, non point à confulter des refponfes, mais à exécuter prontement amp;nbsp;tonfiours ce que vous me voudrez commander. Le Prince des Hyrcaniens dit ainfi : Certeinement, b Medes, fi vous nous abandonnez, ie diray que le maunais efprit vous pourchafle quelque malhenrcnfe trahifon, ne voulant permettre qnevonsparneniczan comble d’vue grande félicité. Au demon-rant, qui cd rhomine de fi peu d’entendement, qui vueillc fuir quandfes anerfaircs fuient, ou ne les prendre quand ils fedefar-meiit, ou ne les receuoir quand ils fe rendent? principalcmét ayant vu tel Empereur,(i’en apelle tousles Dieus à témoins)qui s’efiouit plus,comme Ion voit à l’œil,à vous bien fairc,qu’à s’enrichir? Apres lui, tous les Medes deelairerent ainfi leur volonté ; Sire, puis que vous feul premieremct nous auez tirez de nos maifons, vous nous ramènerez quand bon vous fcmblera, amp;nbsp;nous conduifez par tout auec vous. Cyrus voyant par leur relponfe la grand’ ateccion amp;nbsp;bicnueuillance qu’ils lui portoient : O trclpuiUant Dieu ! dit il, donne moy ie te prie la grace que par bonnes recompenfes ie puiHc furmonter amp;nbsp;veincrc l’honneur que cens cy me portent.
Apres cette deliberacion, Cyrus ordonna que les allez auroient la charge du guet amp;nbsp;des gardes à l’entour d’eus : mais les Perfes fe-roient les logis ans gens de chenal, amp;nbsp;de pié, de les dmiferoient félon qu’il apartiendroit à vn chacun : ÇÛic cens qui auroient des tentes, après qu’ils auroient lait le deuoir de leur charge, aporte-' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;roieut
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rolent aus bendes des Perfes, des viures, amp;nbsp;auroient la charge de penfer amp;nbsp;acoutrer leurs cheuaus,afin que les Perfes n’euflent autre foiici que de trauaiUer pour le fait de la guerre. Voila comme ils palferent celle iournee. Mais le iour enfuiuant du matin Cyrus montaà cheual,acompagnc desPerfeSjqui s’edoientfaitshomme-darmes, iufques au nombre de deus mille, amp;nbsp;print fon chemin pour aller à la ville de Gobrie. Apres eus venoient cens qui portaient les boucliers, lances ,amp; glaiues deshommedarmes en pareil nombre, le demourant de l’armee fuiuoit aufsi en tresbelle ordonnance. Adonq commanda à fes gens faire entendre à leurs nou-ueaus feruitcurs,que tout homme qui feroit trouuc apres l’arrière-garde , deuant ou à cote des autres hors de fon reng, feroit grieue-ment puni : Paralnfi ils arriuerent le iour enfuiuant enuiron le foir à la ville de Gobrie, ou ils virent vne fortereffe bien munie, amp;nbsp;apareillee pour receuoir vu afiaut, grande quantité de gros amp;nbsp;menu bétail au pic des murailles. Adonq Gobrie enuoya l’vn de fes gens à Cyrus , tant pour le prier de reconnoitre les murs, amp;nbsp;faire preune s’il y auoit aucune entree pour prendre la ville, comme pour le prier d’y enuoy er de fes gens, qui lui fident raporc des mu-nicions qu’il auoit là dedens. Cyrus voulant fauoir au vray , s’il y auoit point de brclchc aus murailles, ou fi Gobrie mentoit à fon elcient, fit enuironner la ville de toutes parts, laquelle il connut efire imprenable ; puis enuoya dedens des gens feurs, qui lui firent raport y auoit vu tant de biens , qu’ils pourrolent führe pour les nourrir tout le teras de leur vie. Au moyen de quoy Cyrus entra en fouci de cet afaire, amp;nbsp;s’esbahifioit pourquoy Gobrie fortoit, amp;nbsp;faifoitfortir fes gens portans vin amp;nbsp;farine,amp; de cens qui menoi.cnt Beufs, Moutons, Brebiz, Pôrceaus, amp;nbsp;autres viandes pour faire le banquet atout le camp de Cyrus. Mais quand cens qui allaient charge de te faire, curent départi les viandes, amp;nbsp;que Ion cômença à
l nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;fouper, Gobrie apres epe fes gens furent fortlz, fit entrer Cyrus
i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;en la ville, afin qu’il pvinft afinrance de lui. Cyrus aufsi apres y
auoir premièrement enuoye fa garde amp;nbsp;fes forces , entra dedens à portes ouuertes, amp;pria fes amis amp;nbsp;Capiteines de îaeompagner. Lors Gobriefit tirer favaifieUe d’or Se d’argcnt,fcs vafes,coupes,amp; bafsins d’or, fon trcfor rempli de diuers ornemens, vne innumerable quantité deDariqucs,toute$ chofes richement amp;;magnifique- c'efynemn tnent acoutrees. A la fin,ilfit venir faillie d’vue cmcrueiUablc noyederpor beauté amp;nbsp;fort belle taille, ayant habit amp;nbsp;vifage de dueil, pour la tant la mer nioït de fon frcre,amp; lui dit ; En premier lieu,Sire,le vous donne en 5«« de Dagt;-pur doit toutes les richefies, trefors, amp;nbsp;precieus meubles que vous ^tin.
auez
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allez vnZj en apres vous permets ordonner de ma fille comme bon vous femblera. Au demourant nous vous fuplions de commun acordj moy de venger la mort de mon fils, comme ie vous ay autre fois priéjellende la venger aufsi de la mort de fon frere.
J/fimanité (^gratuité Je Cj rw.
putacion : toutefois ils ne lament pas dem’aymer, amp;nbsp;prient
A ces paroles Cyrus rclpondit: Véritablement i’ay promis de venger àmonpouuoir votre infortune amp;nbsp;calamité, fi vous citiez veritablejamp; maintenat vous voyant tefiemeconnois ertre redeua-ble enuers vous de ma promefTe : amp;nbsp;à votre fille^moyennant l’ayde des Dieus, ie promets le femblable, cependant ie reçoy toutes ces richefles en don j lefquelles des à prefent ie donne à votre fille amp;nbsp;a celui qui la prendra pour femme. Mais i’emporteray vn feul don de vous , lequel ie ne changerois pour tous les biens de Babylon, qui font trelgrans,amp; nepourrois eftreplus content fi i’auois Icsri-chelTes detoutlemonde^que de cette feule chofe^que m’auez donnée. Gobric cmerucillc de ce qu’il vouloit dire, amp;nbsp;fe doutant qu’il cntendift de fa fille, lui demanda que c’ettoit. Adonq il refpondit: le fins affuré, Gobrie,qu'il y ha grand nombre d’hommes, qu’il nc fe voudroient adonner .àimpiété ou iniuflice, à mentir ou faultet leur foy, pour chofe du monde : toutefois ils meurent fouuent déliant que de montrer leur vertu,pource qu’ils ne trouuent homme qui leur prefente gratis trefors , principautez, villes fortes, ou en-fins trefaymez,ou qui leur puide en quelque autre manière porter témoignage de leur vertu : Mais vous par votre bonté me donnant vos forterefles,vos merueilleus trefors,vos forces,amp; votre fille tref-dine, m’auez oté de cette dificulté, amp;nbsp;m’auez elerement fait con-noitre ans hommes mortels tel que ie fuis, amp;nbsp;comme ie defirois eftre connu,amp;: auez porté témoignage de moy par votre libéralité, que ie ne voudrois vfer d’impieté ny d’iniuftice pour argent entiers mes amis,ny eftre menteur en mes promefles. Soyez donquet tout affuré, q ie ne perdray iamais la mémoire de ce bienfait, tant que ie feray homme de vertu,amp; tel eftimé des hommes:ains au coD traire m’efforceray à mon pofsible de vous honorer en toutes let fortes que le pourray faire ou commander. Et ne faut douter, ou auoir peur,de ne trouucr vn dine mary pour votre treshonnefte Ä trefpudique fille : car i’ay grand nombre de bons amis auprès de moy,à l’vn defquels elle pourra eftre bicn,amp; félon fon eftat mariee, aufsi tôt qu’il aura autant de biens que vous lui en donnez, on parauanture beaucoup dauantage. Defquels vous en connoilfez aucuns, qui defprifent toutes richefles, amp;nbsp;n’en eftiment point les hommes dauantage, ny pour vos trefors vous ont en meilleure re-Dien de
-ocr page 157-DE X E N 0 P.H ON, LIVRE V. m He lour en lour leur donner grace de pouuoir montrer qu’ils ne font non plus que moy defloyaus à leurs amis, ny creintifs ou laf-cHes contre les ennemis, 8c fur toutes chofes ayment tant la vertu amp;nbsp;l’honneur, qu’ils ne la changeroient contre tous les biens des Siriens amp;nbsp;Aflyriens affemblez auec les vôtres. Sachez donq, Go-brie , que mes amis font tels que ie vous raconte. Lors Gobrie en riant : le vous prie, dit il ,de par Dieu, Sire, montrez moy ceus que vous dites,à fin que ie vous en demande l’vn pour le faire mon gendre. 11 n’eft iabefoin, dit Cyrus, que ie vous les montre : car il vous fera lolfible, fi vous venez auec nous y de les connoitrejamp; montrer aus autres‘.Et tout incontinent prenant Gobrie par la main dextre fe leua, amp;nbsp;fortit dehors auec fes gens, combien qu’il fuftprié amp;nbsp;reprié d’y fouper,amp; s’en alla auec Gobrie fouper en fon camp. Comme donq ils eftölent afsis fur des ramees d’ofier,Cyrus v'/*« ,e lui deraâda:Penfez vous, Gobrie,auoir plus de tapifleries amp;nbsp;de lits, que nous? Non certes, dit Gobrie, amp;nbsp;connois bien que vous auez plus de lits amp;nbsp;couuertures que ie n’ay, amp;nbsp;des maifons plus grandes que les miennes : car le Ciel amp;nbsp;la T erre font vos loges, toutes les chambres du monde font vos lits, toutes les leines desbrebis font,
, vos couuertures, amp;nbsp;tout ce qui croit ans plaines amp;nbsp;montagnes, L vous fert de tapifleries. Depuis Gobrie voyant durant le fouper t nbsp;nbsp;nbsp;leurs viandes fi viles amp;nbsp;de petit pris, eftima du premier coup que
l nbsp;nbsp;nbsp;lui amp;nbsp;fes gens eftoient plus magnifiques au manger que les Perfes:
1 mais quand 11 eut confideré leur honnefte façon deviure (car il n’y I hahommePerfe aumoins des bieninftruiz qui ait les yens fichez 1 nbsp;nbsp;nbsp;fur le manger ou boire pour defirer vne viandê, ny l’entendement
1 troublé pour prendre quelque chofe non plus que s’il eftoit hors i de table, ains tout ainfi que les hommedarmes ne fe troublent 1 pour aller à cheual, amp;nbsp;peuuent voir, ouir, amp;nbsp;dire ce que bon leur l nbsp;nbsp;nbsp;femble fans empefehement comme s’ils eftoient à pic, aufsi efti-
1 nbsp;nbsp;ment ils vn chacun deuoir eftre fage amp;honnefté en foupant : amp;nbsp;au
1 nbsp;nbsp;nbsp;contraire que cet chofe brutale amp;nbsp;miens feante à vn pourceau qu’à
l vn homme, de fe ruer fur la viande) mefmes il regardoit comme ils l nbsp;nbsp;nbsp;faifoient les vus aus autres des demandes ioyeufes, difolent des for
l nettes amp;nbsp;brocarz fans iniuricr perfonne, qui n’eftoient ne facheu-fçs ne dcshonneftes,mals telles qu’il y auoit plus de plaifir à les dire qu’à les taire •. il lui fembla merucllle de les voir tellement égalez, que ion ne donnoit rien dauantage aus Capiteines qu’aus fimples foWats, amp;nbsp;penfoient leur banquet eftre d’autant plus plaifant, que leurs compagnons endeuenoient plus honneftes. Le fouper fini, Gobrie^ voulant retourner à fa maifon, dit à Cyrus : le ne ni emer-
1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;q ueiUç
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iieille point Sire, fi nous polTedons plus de vailTelle,d’habillement, d’oramp; d’argent que vous ne faites, amp;nbsp;toutefois ne fommes tant « prifer que vous ; car notre foin eft d’aquerir beaucoup de richeflet, le votre elide vous rendre plus Pages amp;nbsp;vertueus. Au partir Cyn'^ lui dit : le vous prie, que demain nous voyons vos gens en atmet, afin que vous nous meniez par vos terres pour connoitre eeqm tient pour nous,ou qui eft contre nous.Ce fait ils fe départirent amp;nbsp;chacun fe retira pour ce iour à fes afaires.
Comme Cyrui délibéra d’affaiüir la grandquot; cité de Babylone,^ des difeours qu’il eu ßt auec le prince d’/Hyrcanie ^/y^ Go-brie. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;C H A P. 11 f'
E iour enfuiuant Gobrie fe mit ans chams en ordre auec fa gendarmerie bien équipée, dont il ft la montre iufques au camp de Cyrus. Lequel h mit anfsi en ordre, amp;nbsp;en cheminant parla campagne, comme il eft conuenable à vu trefexcei-lent Prince non feulement prcnoit garde à l’ordonnance de fes gens,mais penfoit anfsi aus chofes futures : amp;nbsp;dii couroit en foymefme,par quels moyens il pourroit afoiblirfó aucrfaires, ou pour le moins augmenter fes forces. Adonq apch Gobrie, amp;nbsp;le Prince d’Hyrcanie, par lefquels il penfoit eftre mief^ informe de ce qu’il vouloir fauoir, aufquels il parla ainfi: le nc penfe point faillir mes amis,fiie me confcillc auec vous (qui m’efies trefloyans confederez amp;nbsp;compagnons) fur les afaires de la préfet' te guerre, connoifiant qu’il vous touche de plus près qu’à moy, à« garder que le Roy d’Aflyric ne demeure veincueur.Car fi danantu-reiefaillois à mon entreprife, i’ay mon refuge ailleurs : mais s’il gagnoit la bataille,vous perdriez tout, amp;nbsp;notre fecours feroit trop eftongne de vous.Or il eft auerfaire de moy,fans toutefois me por-
ter grande hainCj n’ayant antre ocafion contre nous finon que notre grandeur lui femble dommageable, amp;nbsp;à cette caufe nous faith guerre .-mais avons il porte haine mortelle, pourautant qu’il h fent ininric par votre rebellion. Ils rdpondirent de commun acord qu’il ordonnai! de la guerre à fon plaifir, amp;nbsp;qu’ils fnyuroientfon Corne//faut confeil en toutes choies, connoiflans que l’atàire les touchoir de fa/re reuo/- près. Dites moy dit Cyrus, ie vous prie,elles vous fenls que rAllÿ' rien elümc fes ennemis, ou fi vous en connoilîez d’autres qui lui
fer /es peu-
/e/iftemt.
p/es contre foieiit aucrfaires ? Oui, dit PHyrcanicn. Les Cadufiens lui veulent grand mal, qui elt vue nation grande ^puilTante. Dauantagel« Saques
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Saques nos voifins fepleingnent de lui, aufquels il ha fait beaucoup de torts,lcs voulant douter amp;nbsp;affuiettir comme nous.Peiife-ricz vous donq, dit Cyrus, qu’ils vouluüent entrer en ligue auec nous contre les Anyncns’Trefuolontiers, dirent ils:pouruu qu’ils le puffent faire feurement amp;nbsp;fans danger. Quelle chofe, dit il, les peut empefeher de fejoindre à nous ? Les Ally viens,dirent ils,amp; les habitans du pais ou vous elles. Ayant Cyrus entendu ces nouuel-les, fe tourna vers Gobric, amp;nbsp;lui dit : Ne m’auez vous pas affaré que ce ieune Prince qui de n’agucres cd venu à la couronne d’Af-fyrie, eft merueiUeufement fafeheus amp;nbsp;infolcnt? Oui, dit il,car il le m’a bien montré. Eft il feulement tel contre vous ? dift Cyrus, ou s’ilbafait le fcinblable à d'autres 5 A pluficurs, refpond Gobrie : amp;nbsp;quel befoin eft il de raconter les torts amp;nbsp;tynannics, dont il vfe fur fes fuietz, amp;nbsp;foibles voifins ? Mefrnement, qu’à il fait au fils d’vn Princepins puiftant que moy?Prince,qui eftoit aufsi fon ami amp;nbsp;fa- Gi^^^itt, milicr comnielennen.il lefitvniour lier qu’il banquetoit en fa compagnie,amp; le fit châtrer publiquement,pourautant comme Ion. dit, que fa concubine auoit louelabeauté de ce Prince, amp;nbsp;apelc henreufe la femme, qui l’auroit pour mary : mais le Roy iny met à fus pour conurir fa cruauté , qu’il auoit prie cette concubine de déshonneur. Et maintenant le poure homme qui eft cunuche, par la mort de fon pere ha fuccedé à la Principauté de fon pais. Penfez vous, dit Cyrus, que cetui cy nous reçut! volontiers, s’il penfoit eftre fecouru de nous en ton auerfite ? le le croy, dit Gobrie : mais il eft dificile d'aller à lui. Comment celà ? dit Cyrus :Pource, dit Gobrie,que fi nous voulions ioindre nos forces ans ficnnes, il faudrait palier outre la grand’ cité de Babylonc.Troutiez vous celà fi dificile ; demanda Cyrus, Oui, dit il, pourautant que de Babylone. fortira vnc merucillcufc puiftance de gens, beaucoup plus grande que n’eft la votre. Et faut bien que vous tenez pour certein, que non pour autre raifon les Affyriens ont refusé de vous rendre leurs armes amp;nbsp;cheuaus, que pour anoir vu votre armee fi petite, amp;nbsp;de ce,la renommee eft défia eftendue par tout le pais. A cette caufe me femble le plus feur que vous marchez par pais anecques la meilleure garde que vous pourrez. Cyrus oyaut ces paroles de Gobrie,, lui déclara fa volonté comme s’enfuit:.
Propos de Cyrw a Gobrie, fur Tentrej^rife de Babylone., ^^^.Erteinement, Gobrie, vous parlez fagement, quand vous d’aller par pais le plus feurement qu’il me Î^^^fera pofsible;mals ayant difeouru en mon cfprit tous les q z moyens
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moyens d’auoir la viftoire, ie ne treuiie aucun meilleur ny plus feur chemin que celui de Babylone, fi la plus grand’ force des ennemis y eft, (car ils font comme vous dites, en grand nombre) amp;nbsp;aymeray beaucoup miens les combatte en tel nombre, s’ils ont courage amp;nbsp;hardieUe de fe prefenter en campagne, que s’ils eftoient moins;Mais s’ils connoiflentque nous foyonspaflez loin deus fans nous montrer^ôc croyent que nous foyons retirez amp;nbsp;rompuz pour creinte deleurpuiflance j fans doute ils feront deliurez delà peur qu’ils ont défia conçue, amp;nbsp;prendront d’autant plus grande hardielfcj que de long tems ne nous auront point vuz. Au contraire, fi nous allons fus eus à la chaude fans plus atendre, nous en trouiierons beaucoup qui pleurent encor’ la mort de leurs amis que nous auons occiz : beaucoup qui ont encor’ les playes ban-decs, qu’ils ont reçues de nous : amp;nbsp;généralement tous leshabitans cftonnez de notre venue, fefouuenans encor’ de notre vi£loireamp; de leur route amp;nbsp;calamité. Et ne faut ignorer, que naturellement ainfi que les hommes quand ils font en grand nombre,ont le coeur plus eflené amp;nbsp;hardi en leur vidoire, aufsi lont ils plus lafthedt creintif en leur infortune : car vue multitude eftonnee conçoit en foy plus grande frayeur,d’autant que leur crcinte efl augmentée de tant de raports fachens, de la maunaife couleur amp;nbsp;trifte contenance de plufieurs, engendree delà couardife, pouretc amp;nbsp;langueur de beaucoup d’hommes demi morts : Tellement qu’il n’y ha homme qui leur puifle defraciner la creinte du cœur , eftans fi grand nombre: ne qui les induifeparparolcs à tenir bon contre les auerfai-res, car ils font confuz : ny leur donner courage à la retraite : ains d’autant qu’on les enhorte dauätage, s’eftiment eftre en plus grand danger. Mais confiderons ie vous prie vn peu plus anant commeil en va.Sijquand il eft queftion d’vne gu erre,les victoires cofiftoient à conter côbien de gens l’vn amaflera plus que l’autre, votre creinte ne feroit fans propos, amp;nbsp;certeinement ne voudrois nier que nc fiifsions en quelque danger : mais fi l’effort des batailles fe doit in-ger, comme il eft raifonnable félon la multitude des bons comba-tans, Otez hardiment toute creinte de votre cœur : car aucc l’ayde des Dieus on trouiiera plus de vaillans hommes incitez à faire leur deuoir en notre camp, que au leur. Et à fin que vous preniez plus grande affurance en vous, tonfiderez ie vous prie, comme nos ennemis font beaucoup moins qu’ils n’eftoient quand nous les vein-quimes, encor’ moins que quand ils prindrent la fuite, lt;St au contraire nous fommes plus granSjpour caufe de la viftoire : plus puif-fans, par notre profperité: amp;;plus grand nombre, par votre alinn-, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ce.
-ocr page 161-DE XENOPHON. LIVRE V. tij ce. Et ne faut mefprifer les vôtres derniers venuz amp;nbsp;mal Inftruiz, puisqu’ils font auec nous: car tous cens qui fontauec les vein-cueurs, encor’ qu’ils foient couars deuiennent hardiz. Dauantage il vous faut entendre, qu’il eftloifiblepar ce terns icy aus ennemis de nous venir aflalllir, qui eftonneroit quelque peu notre armee: mais nous ne faurions leur faire tant de peur en atendant, comme nous ferons en les aflaillanr. Parquoy puis que ces chofes font vrayes amp;nbsp;certeines, fuiuez hardiment mon confeif amp;nbsp;nous menez droit en Babylone.
Comme Cyrus fomma le Jîoy de Babylone de Tgt;enir à la bataille, C^ de là ,faifant aliance auecques Gadate, print les forte-reßes de la fronttere c^ augmenta fon camp d’enuiron (jua-rante mille hommes, gy^ comme le Boy d'^ffyrie 'voulut
prendre les places de Gadate.
CH AP. IIÏI.
S) Es chofes ainfi deliberees femirent en chemin, amp;nbsp;en quatre iours arriuerent aus frontières de Ba-bylone,amp; des terres de Gobrie. Si tôt que Cyrus i fut entre dedens les terres des ennemis, mit en ^f^^l ordre fes gens de pic , print des hommedarmes à s^^^ l’entour de foy, tant que bon lui fembla pour la feurtc de ion camp,amp;parle demourant des gens de chenal fit mettre le plat pais à feu amp;nbsp;à fang,tuer amp;nbsp;abatre cens qui feroient en armes, prendre amp;nbsp;emmener les defarmez,le bétail amp;nbsp;les meubles qu’ils pourroient trouuer : fit aufsi courir les Perfes à trailers pais ^fourrager tout, tellement que beaucoup d’entr’eus amenèrent plufieurs prifonniers, beaucoup aufsi, pour l’inexpérience d’aller à chenal, deuenoient cheuallers par terre, amp;nbsp;tous enfemble amenèrent vn trefgros butin. Cyrus voyant cette proye, amp;nbsp;tant de biens gagnez au pillage, affembla les principaus Medes, Hyrcaniens, amp;nbsp;Honiotinies de Perfe, aufquels il dit ainfi : Trefehers amis, vous voyez comme Gobrie en fa maifon nous ha fait plufieurs dons d’hofpitalitc, fc montrant notre ami en toutes chofes : parquoy ie fuis d’aiiis que nous lui donnons tout le butin, que nous auons pris, hormis les prefens acoutumez de prendre pour les Dieus, amp;nbsp;''nepartie pour les gendarmes. Parce moyen nous lui donnerons ’ronnoitre, comme nous nous efforçons de paffer par bienfaits ''quot;squi l’ont enuersnous deferui. Ils confentirent tousauvou-^mtdc Cyrus, le louans grandement, amp;nbsp;l’vn d'eus aiouta : Ce fera tr«bienfàit. Sire, car Gobrie nous eftime quelques coquins amp;nbsp;q 3 mend
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meridians, pourautant que ne fommes chargez de Dariques, amp;nC billions en coupes d’or comme lui:Parquoy en lui donnant ce butin , il connoitra comment nous pouiions vfer de grand’ magnificence amp;nbsp;libéralité, fans auoir trcfors d’or amp;nbsp;d’argent. Donques, dit Cyrus, donnez aus Magiens les dons pour les Dieus, amp;nbsp;après anoir diftribué vue partie du butin ausfoldats, donnez le deniou-rant à Gobrie. Parainfi apres auoir fait ce que le Roy aiioit coin-mandc,ils donnèrent tout le butin à Gobrie amp;nbsp;à fesgens,amp; l’orne* rent deplufieurs dons fort beaiis amp;nbsp;magnifiques.
Ce fait, Cyrus s’aprocha de Babylone ayant fes gens rengez en bataille quarrec,côme s’il euft voulu faire fait d’armes :mais quand il vit que les AlTyricns ne fortoient de la ville , il commanda à Go-bric aller près des murailles,^: fommer à haute voix le Roy d’AlTy-rie de fortir à la bataille contre lui, ou pour le moins de venir défendre le païs,qu’il voyait deuant lui brûler amp;nbsp;facager,pourautant qu’il faloit obeïr ans vcincucurs. Gobrie fe vint planter en vn lieu, d’oii ilpouuoit dire hautement ces paroles fans danger : mais le Roy lui eniioya faire telle refponfe : Gobrie, ton Signeur amp;nbsp;Roy fe repent, amp;nbsp;grandement lui defplait, non pas d’auoir tué ton fils, mais aufsi de ne t’auoir fait mourir malhcnrcufcment aiiccques lui. Au demourant, fi vous auez telle amp;nbsp;fi grande enuie de coin-batre,retournez d’icy à trente iours:car nous n’auons maintenant loifir de ce faire,d’autant que nous faifons encore nos aprcfls. Gobrie lui rcfpondit : Pleut à Dieu que cette repentance ne te laine iamais : car par icelle il eft aise à connoitre que ie te donne fâcherie. Parainfi Gobrie raporta la refponfe de l’Afly rien à Cyrus, amp;nbsp;lui deelaira comme il ne vouloit fortir «à la campagne. Au moyen dequoy Cyrus leua le camp, amp;nbsp;apclant Gobrie, lui dit : Ne m’aueZ vous pas alluré, que celui qui lut châtré parle Roy' d’Af!yrie,fe ioindroit volontiers auccques nous ? Il me l’cfl auis,dit Gobrie;car nous aiions autrefois communiqué nos fecretz enfcmble. Il faut donques, dit Cyrus, que vous aillez dcuers lni,apres auoir trouiic bonne oportunité,amp; fi vous poiiuez cônoitre eliant auccques lui, qu’il vueille entrer en notre amitié, vous mettrez peine de le faire le plus fecrettement qu’il vous fera pofsiblc, amp;nbsp;qu’il ne foit connu dire denotre ligue.Car vn homme ne peut miens profiter en teins de guerre à fcs amis.qnc feingnant d’eftre ennemi,ny miens nuire a fes ennemis, que quand on le tient pour ami. le fuis certein, dit Gobrie, que reunuche Gadate, achetcroit volontiers de grofle fomme d’argent vue belle ocafion d’endommager vn bon coup le Roy d’AlIyhe ; mais il faut penferles moyens de le pouiioir faire.
Dites
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Dites tnoy dong j dit Cyrus ^ le Capiteine AlljTien de la place CaunSe qui eft fur les frontières pour defenfe contre les Hyrcaniens amp;nbsp;Sa- four preelrt ques j permettra il, à votre auis, que Gadate y entre auccques fes lej f/aat. gens ? Oui, dit Gobrie, pouruu qu’il ne fc doute de rien j amp;nbsp;ne le tienne pour fufpeft. Et pour refaire, dit Cyrus, amp;nbsp;pourmieus amp;nbsp;plus futilement le deceuoir , faudra que i’afîaille quelques chateaus de Gadate feingnant de les vouloir prendre,amp; qu’il fe defen-de de toute fa puiflance. le prendray quelque chofe du fien, amp;nbsp;lui pareillement prendra du mien , comme quclqu’vn de mes gens, ou desmeflagers, que i’enuoiray aus Cadufiens. Or il faudra atitrer les meffagers, qui feront pris amp;nbsp;enquis par Gadate, qu’ils ayent à confeirer,commc ils s’en vont à leurs païs leuer des gens de renfort amp;nbsp;aportcr des efchelles, pour donner l’affaut au chateau des frontières , à fin que Gadate ayt ocafion d’aller deuers le Capiteine d’i-celui pour lui donner ancrtilîcment de cette mienne entreprife, amp;nbsp;raporter ce qu’il aura entendu des meftagers. Si vous faites ainfi, dit Gobrie, ie fuis certein qu’il receura Gadate amiablement, amp;nbsp;le priera de demourer auec lui pour lui donner fecours iufques à tant que vous foyez pafsc. Et s’il entre dedens, dit Cyrus, nous pourra il donner le Chateau? Oui,dit il,s’il meine bien l’afaire par dedens, amp;vous aflaillcz rudement par dehors. Allez donq, dit Cyrus, amp;nbsp;faites diligence de reuenir auec bonnes nouuelles. Au refte ne lui montrez ou donnez plus grande foy ny adurance que celle que vous auezeuëdenoiis. Parainfi Gobrie eftant parti arriuabicn tôt chez Gadate,qui le reçut amiablement : fi fut fort ioyeus d’entrer en cette ligne, confentit amp;nbsp;acorda de faire ce qu’il anoit ordonné, Quand Cyrus fut auerti du bon vouloir de Gadatc,lc iour enfuiiiant il commença à l’aflailir, amp;nbsp;Gadate à fc défendre : Et entre autres chofes laiftant cfchaperpluficurs des meftagers de Cyrus inftruits ou ils deuoient trouuer gens amp;nbsp;cfchelles, pour prendre le chateau des Aftyriens, il en print feulement bien peu, lefquels il tourmenta cruellement à la vue du monde, amp;nbsp;apres auoir entendu en quelle part amp;nbsp;pourquoy ils eftoient enuoyez,feingnant vouloir auertir de cet afaire le Gouuerneur du Chateau, fe mit en ordre la nuit d’apres pour aller vers lui,amp; conduifit fi bien cette entreprife, que Ion prefta foy à fa parole, tellement qu’il entra dedens le Chateau comme pour fecours, amp;nbsp;pour lors fe mit en ordre auec le Capiteine pour foutcnirl’aftauc. Mais quand Cyrus fut venu afsicger telle place,Gadate ne faillit pas à femparer de la forterefle, s’afturcr duCapiteine amp;nbsp;defes gens,auec l’aydc d'aucuns captifs,que Cyrus suoit envoyez amp;nbsp;laifsc prendre par Gadatç : amp;nbsp;après auoir eftabli
toutes
-ocr page 164-118 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;L A C Y R O P E D I E toutes cliofes en feurte, vint Heuers Cyrus, lequel il adora felon la coutume,en difant : le vous falue, Sire,^ prie les Dieus qu’ils vous fauuent. Ce que iepuis bien dire, pourautant que parl’aydedes Dieus non feulement vous me commandez de viure,mais me con-treingnez de me refiouir. le l’ay fait, dit Cyriis,à caufe q i’ay enuk de redre ce païs paiGble à mes côfederez, amp;nbsp;les afliirer de la fuieccio de cette place. Quant à voiiSjie fay bien que le Roy d’AfTyrie vous ha oté les moyens de faire des enfans : mais il ne vous ha fù priuef de la puifTance d’aquerir des amis : car vous aucz fi bien par vn feui cuure gagné notre amitié,que fi les Dieus le permettent,nous mettrons peine de vous fccourir aufsi bien que fivousauiez des en-fans,ou neueuz. Tôt après le Prince d’Hyrcanie, loyeus de fi belle victoire, prenant Cyrus parla main dextre, lui dit: O combien d’heur amp;dc bien,, Sire, vous portez à vos amis! certeinement ie me fens grandement redeuable ans Dieus immortels, de ce qu’ils m’ont fait eftre votre ami amp;nbsp;alié. Donques, dit Cyrus, ie vous donne la fignorie de cette contrée, enfcmble le Chateau pour lequel vous me cögratulcz,tenez le, amp;nbsp;le gonuernez comme il apat-,tient à vn notre ami, au profit de nos confederez, amp;nbsp;principalement de Gadate qui nous l’a donné. Ne le ferons nous pas, dit l’Hyrcanien, apeler quand les Caduficns, Saques, amp;nbsp;mes citoyens feront arriuez,pour confulter enfemble, comme il faudra tenit cette fortereffe au profit de tous cens àquiilapartiendra? Après que Cyrus eut confenti à celà , amp;nbsp;que cens à qui l’afaire touchoit furent venuz,par commune deliberacion il fut arrcflc,que la place feroit gardee aus communs fraizdes Signeurs voifins , qui en re-ccuroient quelque profit,à fin qu’elle feruift de fortereffe Ôc defenfe à tous enfemble contre les AfTyriens.
Ces chofes faites tous les peuples circonuoifins furent efinuz, les Cadufiens commencèrent à venir à groffes troupes amp;nbsp;de meilleur courage, fi femirent incontinenten armes, amp;nbsp;entrèrentvo-lontairement en la ligue amp;aliancede Cyrus. Tôt après vindrent les Saques amp;nbsp;Hyrcaniens, tellement que Ion affembla vn oft de ces païs là allez grand, ou il y auoit enuiron vint mille rondeliers, amp;nbsp;quatre mille cheuaus des Cadufiens,dix mille Saques archers à pic) amp;nbsp;deus mille à chenal, des Hyrcaniens à pié tant qu’ils en purent enuoyer, des gens de Cheual ils remplirent leurs compagnies iuf-qiies à deus mille .• car auparauant ils auoient laifsé plus de cheuaus en leurs païs qu’ils n’auoient enuoyé à la guerre, pourautant que les Cadufiens amp;nbsp;Saques eftoient ennemis des Aflyriens. Durant que Cyrus feiournoit pour fortifier amp;nbsp;remparer cette place, les AfTyr
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Aflyriens d’alentour aportoient les armes amp;nbsp;amenoicnt des che-uauspour fe mettre en garde, d’autant qu’ils commençoient à regt; douter tous leurs voifins. Incontinent apres Gadate vint anertir Cyrus, comme par le raport de quelques fiens efpions il auoit entendu , que le roy d’Aflyrie s’elloit grandement fache de la prife de fon Chateau, amp;nbsp;s’apreftoit de fe ruer fur fes terres, pour s’en venger. Parquoyj fi vous me huilez aller, dit il, ie m’efibreeray de garder mes villes : car du plat pais ie ne tien pas grand conte. Adonq lui demanda Cyrus : En combien de lours arriucrez vous en votre maifon ? En trois, dit il, ie pourray loger fur mes terres. Penfez vous,dit Cyrus, y trouucr défia 1’Ally rien? Oui,dit il,car il fe hate-ra d’aller, pendant qu’il vous verra loin de lui. Et moy, dit Cyrus, en combien de iours yarriuerâyie auec toute l’armee? Vous ny pourriez venir, dit il, en moins de fix, ou fcpt iours : à caufe que votre armee eft défia grofle. Allez donq, dit Cyrus,en diligence,amp;: ie vous fuiuray le miens qu’il me fera pofsible. Parinfi eftant Gadate parti, Cyrus alTembla les Capiteines de tous fes allez qui eftoict défia beaucoup, gens de grand’ force amp;nbsp;renom, amp;nbsp;les enhorta en teilemaniere:
Comme Cyru^ enhorta festem pour donner tout le butin à Gadate ^ comme il ordonnoit fes batailles , tant pour combo-tre que pour marcher de nuit. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chat. V.
Ertueus compagnons, vous voyez comment en peu d’heure Gadate ha fait beaucoup de cho-fes dines de grande louenge amp;; à nous profitables ‘’|ldeuant que receuoir aucun bien de nous, ny cas qui mentaft fi grande recompenfe: maintenant ____[ le Roy d’Aflyrie fe rue fur fes terres pour prendre vengeance de lui, eftimant dire grandement endommagé par fon moyen,ou bien il le fait creingnant de perdre tous fes fuietz,s’il ne punilToit ceus qui fe ferolent rebellez contre lui. Parquoy nous ferons chofehonnefte amp;nbsp;dinc de nous (à mon ingement) fi nous allons de franc courage donner fecours à Gadate, Prince tantver-tueus,amp; ferons notre deuoir de le recompenfer des biens que nous auons reçuz de lui, ioint que celà nous profitera à merueilles. Car filcmonde commence à cônoitre que non feulement nousauons Viftoire fur nos ennemis en puniflant leurs torts,mais aufsifur nos amis les furmontant par bienfaits, ils iugeront, comme il eft vrayfemblable, que nous voulons aquerir l’amitié de plufieurs, amp;nbsp;t ne
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ne nuire à perfonnc. A u contraire, fi nous ne tenons conte de G^ date, par quels moyens ie vous prie, pourrons nous perfuader ans autres qu’ils nous facent quelque plaifir ? Comment nous oferon* nous eftimer vertueus ? comment aufsi pourra aucun de nous f^* garder Gadate en face, fi nous qui fommes en fi grand nombre) nous laifions furmonter par bienfaits à vu homme fcul qui efi réduit en fi srande calamité?
Qiiaud Cyrus fe fiit vn peu arrefte, tous les afsifians aprouerent fon confeil. Adonq il recommença à parler en difant: Piiisq»^ vous efles tous de cet auis, trefchers compagnons, nous laifleroo’ auecles chariots amp;nbsp;bagages cens qui feront les plus propres àle$ defendre, amp;nbsp;Gobriefera le Chefpour les mener, amp;nbsp;nous feruiraée guide, d’autant qu’il feet tresbien les chemins amp;nbsp;au demourant eü homme de conduite. Quant à nous, prenans des viures pour trois iours, nous irons après Gadate, auec la fleur des cheuaus amp;nbsp;de’ hommes de notre camp, amp;nbsp;fuis d’auis de porter le moins de viandes que nous pourrons, à fin de dîner, fouper, amp;nbsp;dormir par après f^n Pt-mee auec plus grand plaifir. Et pour bien marcher par païs, première-lt;ioit Immep nient vous Chryfante, menez tous les foldats armez de corfelct^^ we meftre pourautant que la voye efl plaine amp;nbsp;large, rengez moy les Cente-trt^^^^^ niers en tefte,^ que chacune bende marche vn à vn à part foy^ifi’ que nous gagnons païs auec plus grand’ diligence amp;nbsp;feurté. La can fè pourquoy ie fais aller les armez deuant, efl, pource qu’ils font plus pefans à marcher, amp;nbsp;quand les plus chargez font deuant, les plus legers fuiuent plus aisément : au contraire s’il faut marcherde nuit,amp; que les plus legers foient dcuant,ce n’eft pas merueille fi les camps fe rompent : car cens qui vont deuant fehatent àplaifir, amp;nbsp;mettent les autres en defordre. Apres ces bendes fuiura Artabaze, conduifant les rondeliers amp;nbsp;archers de Perfe. Andramyc Mede,b’ auanturiers de fon païs. Apres viendra Embas auec l’infanterie Flo. ^rr4~ d’Armenie. Arthuchas le fuiura auec cens d’Hyrcanie : à la queue de cens cy Tambrade mènera les Saques à pié. Damate les Cadu-fiens : amp;nbsp;que tous cens cy ayent leurs Centeniers en telle, les rondeliers à dextrc,les archers à fencflre,qu’ils ont acoutume d’auoira leurs cotez ; car en tel ordre ils font beaucoup plus de feruice que autrement. Incontinent apres fuiura le bagage des gens de pie! mais il faut que tous les foirs auant dormir leurs Capiteines leur commandent auoir leurs belles chargées des le foir, amp;nbsp;fe tiennent prefts deuant le iour, pour fuiure les autres en leur ordre. Apres les Vam4re. gens de pié de leur bagage, Aladate Perfe, ayant comme les autres les Centeniers en tefte,conduira la gendarmerie Perfique ; chacun Centeniet
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Centenier ne menera fa compagnie qua vn hommedarme pour file comme les gens de pic. Rambace Mede fuiura auec fa gendar-merie Medique : vous Tigranc auec la votre : les confederez aufsi iatM. félon l’ordre qu’ils font venuz j mèneront leurs compagnies après vous : premièrement les Saques, amp;nbsp;puis les Cadufiens ^ comme ils font les derniers venuz j aufsi clorront ils l’armee. Mais vous Al-ceunas^qui elles leur Capiteine^ne vous fonciez d’autre chofe,fors de tenir l’arrieregarde amp;nbsp;garder que perfonne ne vienne à la queue de vos gens à chenal, Audemourant mettez tous peine de garder filente en marchant, aufsi bien les Capiteines que les foldats : Car de nuit il fe faut plus ayder des oreilles que des yeus^à fentir amp;nbsp;pré-noir toutes chofes : mefmes d’autant qu’vu camp cil plus aisément mis en defroy la nuit que le loin, amp;nbsp;plus malaise à renger : à cette caufefaut auoir grand foin. non feulement à marcher fans bruit: maisà garder l’ordonnance. S’il aillent qu’il fe faille leuer de nuit, faudra faire les gardes du guet courtes, amp;nbsp;les alToir en plufieurs lieus, à fin que le trop veiller n’ofeufe amp;nbsp;débilite les foldats par ehe min. A l’heure dupartement lonfonnera du cornet amp;nbsp;non delà trompette, pour faire moins de bruit. Apres donq que vous aurez aprefté tous vos afaires, mettez vous fur legrand chemin de Baby-lone, amp;nbsp;celui qui iradeuant amonneße toufiours les derniers de le fuiure.
Ayant Cyrus mis en ordre fes gens,ils fe retirèrent en leurs tentes amp;difoient l’vn à l’autre : Combien dl grande la mémoire de Cyrus ! comment ha il ordonne fes gens, amp;nbsp;commande nommément à vn chacun fon vouloir ! Et,à la verité,Cyrus vfoit de grand’ diligence à ce faire, comme celui qui confidcroit bien, pius que les gens de quelque basmeftier fauoient les noms des inllrumens amp;, outils de leurs arts, les Médecins cRoient pronts à nommer tous les brunages amp;nbsp;médecines dont ils vfent : que ce feroit chofe indi-ne de voir vn Empereur li ignare,qu’il ne Reull les noms de fes Capiteines , qui lui feruent d’inllrumens au fait de guerre ; il iugeoit aufsi chofe honnefte, vertueufe, amp;nbsp;dine de fa grandeur,d’apeler vn thacunparfounom : full pour pouruoir àvii befom plusprontc-nient,fàire vue courfe,vfer de furprife,ou euiter vue embûche,taire hire filence,cftonncr,ou honorer vn chacun félon fes mentes. Üa-lunge Cyrus cüimoit que cens qui fe verro.ent connuz du Prince aboient leur hôneur en plus grande recommandacion,à ùn qu’on hsvift enfuiurcles chofes honneUes amp;nbsp;magnanimes, amp;nbsp;tuir les ac-c^ons pufilanimes amp;nbsp;deshonneftes : amp;nbsp;lui fcmbloic chofe lotc. grofsicre, amp;nbsp;hors de propos, quand ilvondroit quelque cas bien r a tôt
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doit premire “Vn Prince four hen co Jutrefon oß.
tot exploite, le commander comme font aucuns maîtres en leurs priuez mefnages : qu’on aille à l'eau, qu’on fende du bois, qu’on dreffe la table, qu’on face telle chofe amp;nbsp;telle : car par vn fi general commandement les feruiteurs fe regardent l’vn l’autre amp;nbsp;ne font ce qui leur eft commandé, tellement qu’ils font tous en faute, amp;nbsp;nul n’a peur ou honte de fon fait, par ce qu’il ha plufieurs compagnons de fon péché. Parquoy Cyrusdefirant euiter cesinconuc-niens commandoit nommément à vn chacun ce qu’il vouloir eftre fut. D’autre part les foldats ayans afsis leur guet amp;nbsp;efeoutes, amp;nbsp;apareillé toutes les chofes neceflaires pour partir, allèrent prendre leur repos. Quand fur la minuit on eut fonné le cornet (fine de defloger) amp;nbsp;que Cyrus eut commandé à Chrj'fante, fe mettre le premier au deuant du camp auec fes gens, fortirent incontinent tous les gens amp;nbsp;foldats de fa garde auec lui. Tot apres fc prcfenta Chryfante auec cens qui cftoient armez de corfelets, auquel il commanda de marcher tout bellement iufques à tant qu’il lui en-iioyafl vnhomme, à caufe qu’ils n’eftoient pas encores en ordre. Cependant demourant fur le chemin il conduifoit cens quive-noient à leurs rengs amp;nbsp;reprenoit humainement cens qui mettoient trop avenir. Qiiandils furent tous en ordre, Cyrus emioya dciis hommes à Chryfante lui dire, qu’il fehataft de marcher, pource que tout le camp efloit en voye,amp; comme l’oft commençoit à mat cher, il nuança fon chenal iufques à l’auangarde pour contempler l’ordonnance : s’il voyoit quelque bende marcher paifiblemeiitamp; en bon ordre, vouloir fiiuoir qu’ils edoient ,amp; leslouoit déliant tour le monde : s’il oyoit quelque bruit, il s’efforçoit d’entendrda caufe amp;nbsp;de l’apaifcr. Il n’y aiioit qu’vnc faute en fa façon de marcher de nuit, c’et que deuant toute l’armee, il faifoir marcher trop peu d’auenturiers armez à la legere, furlcfquds Chryfante auoitle regard, amp;nbsp;qui toufiours le regardoient pour lui obeïr, amp;nbsp;l’aucrtir de ce qu’ils auoient ouxdebien loin. Et tous ces auancoureurs efloicnt pouruuz d’vn Cnef qui les falloir prifer quand ils faifoient leur deuoir, fans flaterie, amp;nbsp;les reprendre fans violence quandik fàilloient. Apres donq qu’ils eurent cheminé toute la nuit en telle ordonnance, leiour venu pour pouruoir à cet inconuenient, Cyrusfit demourer arrière tous les gens de chenal Cadufiens, à lin que leurs auanturiers qui eftoient aufsi les derniers, nefufîent def-nuez de cheualerie, amp;nbsp;enuoya les autres compagnies decheuaus deuant l’armee, à fin de refifter aus auerfaircs qui auoient aufsi lent gendarmerie en tefte, amp;nbsp;ne mettre là bataille en defordre, ainsi» tenir toufiours prelle pour combatte, lt;Sc auec fes cheuaus légers pouiioit
-ocr page 169-DEXENOPHON. LIVRE V. i pouiioir faire plus prontement vnc pourfuite, fi les ennemis pre-noient la fuite, ^ureflcilaiioittoufiours auprès de foy quelques compagnies preftes ,fufl ou pour les enuoyer par pais s’il faloit chafler^ ou les retenir près de foy s’il faloit refiftetj amp;nbsp;par ce moyen nedemembroit iamais legros bataillon del’armee. Voilà comme Cyrus menoit fon ort par pais j amp;nbsp;ne s’arreftoit iamais en vn lieu, ams couroit çà amp;nbsp;là regardant auec diligence que fcs gens n’eufîcnt faute d’aucune chofe.
Conßiifädcn faite contre Gadate,^^ l'embûche du Jîoy d’^JJy-rie,ou il y eut grande défaite,^ comme Cyrtufauua Gada-
te aueefesgem.
CHAP. V I.
Endant que les gens de Cyrus mareboient com-1 me dît efl,il y eut vn hommedarme des plus apa-rens delà compagnie deGadate,qui drelîavne trahifon contre fon maitre en la manière qui s’enfuit : Difeourant en foy fur la reuolte de Ga-i date, comme il auoit laifsé le parti de l’Aflyrien,
à Cyrus, il lui fut auis, que s’il le pouuoit tuer, le Roy lui donneroit tous les biens amp;nbsp;places d’icclui: parquoy il en-uoyaen diligence deuers l’Afiyrienvn de fes plus feaus feruiteurs lui dire, que s’il efloit arriuc fur les terres de Gadate aisément il le prendroit prifonnier auec tous fes gens, s’il vouloir mettre des gens en embûche en certeins vilages, amp;nbsp;lui fit fauoir de point en point le nombre des gens que Gadate menoit,comme Cyrus ne le fmuoitfinon de loin , amp;nbsp;lui enfeigna le chemin qu’ildeuoit tenir, fi commanda à fes feruiteurs /pour miens aprouuer fa foy, rendre auRoyd’Aflÿrie vn fien chateau, qu’il tenoit fur les terres de Gadate,amp; promit de le ruer aufsi tôt qu’il en trouueroit l’oportunité.
ou pour le moins d’efire toufiours des fiç|is,s’il failloit à fon entre-prife. Quand celui, à qui cette charge auoit ede donnee, fut allé à grandediligence,amp; eut declairé au Roy les caufes de fa venue,rAf-fyrien ne faillit pas à prendre incontinent ce chateau, amp;nbsp;fe mettre auec beaucoup de cheuaus amp;nbsp;chariots en embûche dedens des vi-hges furie grand chemin. Gadate arrinant à ces vilages , enuoya ^^s auancourcurs defeouurir les embûches : mais l’Aflyrien les Voyant venir,feingnit d’edre en grande creinte amp;nbsp;en petit nombre, ^ fit incontinent deflier deus ou trois de fcs chariots pour fuïr, amp;nbsp;autant de gens de chenal. Les anancoureurs femirent à les chafler, amp;nbsp;firent fine à Gadate auecques leurs lances de les fuiurc, icelui r 3 edant
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L' A C Y R O P E D I E
eftant grandement abusé fc mit à la pourfuitc de toute fa force j amp;nbsp;comme il fembla ans Aflyriens qu’il eftoit de belle prife, ils forti* rent de l’embûche fur les gens de Gadatc , amp;nbsp;leur donnèrent la chafTe. Sur l’heure le traytre lui rua vn grand coup de toute fa puiflance, qui ne fut pas mortel : mais le bleffa grieuement fur vnf ofpaule. Ce fait print la fuite vers les Affyriens ^ amp;nbsp;apres s’eftre fait cônoitre j fe mit à la pourfuite auecques le Roy le mieus qu’il put-Parainfi des gens de Gadate plufieurs furent pris^qui n’eftoient pas fi bien montez que les Affyriens j les autres fuioient à toute force, amp;nbsp;effoieutprefque défaits pour auoirleurs cheuaus las amp;nbsp;rompiiz« Adonq s’aperçurent de Cyrus qui venoit auec toutel’anneCj dont ils furent grandement refiouiz, comme cens qui apres vue fortune de mer, fc trcuuent près d’vn beau port fpacicus. Cyrus au commencement s’emeruciUa fort de cette cfcarmouche : mais ayant entendu que c’efioit, fit courir fes gens de chenal à l’encontre, amp;nbsp;lui mefine fuiuoit auec le gros de l’armee en bataille. A la vue de cens cy les auerfaires tournèrent incontinent le dos , amp;nbsp;Cyrus commanda aus cheuaus legers,qui pour telles alarmes eftoient ordonnez, les pourfuiure à bride abatue, lui auecques le demourant de l’armee fuiuoit pour leur donner fccours. Au moyen deqiioy furent pris plufieurs chariots, dont les chartons mefmes verfoient à terre, ou tomboient par quelque heurte, amp;nbsp;furent plufieurs faits prifonmers. Il y eut quelques gens de Cyrus qui prindrent cens de douant de vitefic, amp;nbsp;occirent plufieurs Affyriens, amp;nbsp;entre autres celui qui auoit trahi amp;nbsp;frapé Gadate ; à cette caufe les gens de pie Aflyriens, qui afsiegeoient la fortereffe de Gadate,abandonnerent , toute leur entreprife amp;nbsp;s’enfuirent, partie au chateau, qui s’eftoit rendu au Roy, partie en vue bonne ville,ou le Roy mefine s’eftoit retire auecques le refte de fes chariots, amp;nbsp;hommedarmes. Ces cho-fesainfi faites Cyrus entra dedens les terres de Gadate ,amp; après auoir ordonné ce qu’il vouloir eftre fait des prifonniers , s’en alfi vifiter Gadate,amp; fauoir comment il fe portoit de fon coup. Gadate lui vint aufsi au deuant, ayant faplaye bandée, dont Cyrus fut fort ioycus, amp;nbsp;lui dit : le venois icy pour voir comme tu te portes. Et moy vers vous,dit Gadate, par les Dieus immortels,pour regarder quel vifage vous pouuez auoir me portant telle ôc fi bonne afoccion, amp;nbsp;quel pouuez aparoitre par dehors, viî que de fi bon coeur amp;nbsp;franche volonté, vous m’auez fccouru fans auoir afaire de moy, fans le m’auoir promis, amp;nbsp;fans auoir reçu de moy chofe dine de fi haute recompenfe : mais feulement pource que ie vous fcmble pront Óc diligent àayder âmes amis. Or punie dire maintenant , nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;auoir
-ocr page 171-DE XENOPHON. J L I V R E V. i auoir efte défait par mon indifcrecion gt;nbsp;amp;nbsp;faiiuc par votre fccourS: Etala veritCjSirejß i’eftois tel que ie fuis nc,amp; que nature me vou-hift donner des en fan sj ieneme voudrois aHurer d’auoirvn fils qui euftfi bon zele^ne tant afeccionné entiers moy que vous elles: car fay connu plufieurs enfans amp;nbsp;entre autres cetui cy, qui eft Roy d’AUyriej qui ha beaucoup plus fait defacherie à feu fon pere, qu’il ne vous fauroit iamais fairc.Comment ! dit CyrLis,t’cmerueil-les tu de moyj vu que tu as laifsc beaucoup plus grand merueillede toymefme ?Et que peut c’eflre?refpondit Gadate. C’et que tant de PerfeSj MedeSj amp;nbsp;HyrcanienSj tous les Armeniens, Saques amp;nbsp;Ça-dufienste portent vue grande afeccion. Adonq Gadate : le te fu-ph’. Mon Dieu,dît il,plaifc toy leur doner félicité auec grandes ri-cheffes en recompenfe de leur bon vouloir, amp;nbsp;beaucoup plus à ce-Jui qui efi caufe de les rendre tels enuers moy : amp;nbsp;tout incontinent fit venir plufieurs prefens, tant pour facrifier, que pour dillribucr en largefle à toute l’armee, difant à Cyrus : Prenez ie vous pri’, ces dons de moy, à fin que vos foldats rcçoiiient quelque fruit de ma poureté, puis que les chofes nous font fi bien auenues contre toute efperance.
Zes bonnes remontrances de Cyrus fur les fautes du Prince Ca-duften, (^^ le traité pour le bien du peuple auec le Poy d'^f-
fyrie, que la guerre ne fe ferait point contre les laboureurs, mais feulement entre foldats. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap. vH«
Autrepart le Princedes Cadufiés Chefdel’arrie-regardc, qui n’auoit point elle à la pourfuitedes auerfaires, voulant montrer quelque enfeigne de fa vertu, fans communiquer ny dire parole quel-coque :i Cyrus, s’en alla courir le plat pais vers la ____cité dé Babylone:mais quad fes gens furent efcar tez par la câpagne, le Roy d’AfTyrie lortant de la ville ou il s’elloit retire, lui vint à l’encontre auec fes gens, équipez en bon arroy, amp;nbsp;voyant qu’ils elloientfeuls fans fecours ny detenfe, fe ruafieremet fus eus:fi mit à mort leur Prince auec plufieurs autres,^ print quel ques gens de chenal auec tout le butin quils auoient amafsé. Quad 11 les eut chaflez iufques ou bon amp;nbsp;feur lui fembla, il retourna dc-éens fa ville, amp;nbsp;les Cadufiens rompuz amp;nbsp;défaits fe fauuerent au ^'eus qu’ils purent vers le foir entre Chien amp;nbsp;Loup, au camp de ^ytuSjlequel auerti de l’afaire, vint reccuoir trefamiablemcnt cens qui eftoient blcfiez, comme il auoit fait Gadate, les vus enuoya
p enfer.
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penfer,amp;fit aller les autres en fes tentes^ donnant ordre qu’aucune chofe ne leur défaillid, amp;nbsp;ordonna certeins Homotimes Perfes,qui eufTentfoin deles faire bien traiter: car en tels artes de pitié les bornes vertueus n’ont point de honte de fe montrer, pour fecourir amp;nbsp;faire plaifir à vu chacun, amp;nbsp;leur donnoit elerement à connoitre, qu’il eftoit trefmarri de leur mefauanture: car iaçoit qu’il full heu-ffamafnte fe defouper, toutefois il alloit çà amp;nbsp;là aucc fes feruiteurs amp;nbsp;Mede' tie Cjrw. cins,faifoit penfer les malades fans en excepter vn feul,amp; y prenoit garde lui mefme, ou bien, s’il ne le poiiuoit faire, enuoyoit de fes gens pour y regarder : apres celà,s’en allèrent tous repofer. Le iour enfumant, Cyrus fit aflcmblertous les Capiteines des confederez» amp;nbsp;par efpecial toute la compagnie des Cadufiens, amp;nbsp;leur dit ainÜ!
Compagnons amp;nbsp;allez, c’ec chofe humaine amp;nbsp;ordinaire de tomber en telles auerfitez, amp;nbsp;ne fe doit on craerueiller de voir les hommes , comme hommes, faire beaucoup de fautes : toutefois lieft cou enable à nous tous,de receuoir quelque fruit de cette calamité» c’et que d’orenauant vous preniez garde âne feparerdu corps de l’armée aucune compagnie moins forte que celle des auerfaires: Or iencdy pas pourtant qu’il ne faille quelque fois aller au chams l plus petite bende, que n’a elle le Cadufien , mais pour vous apren-dre à communiquer les entrepnfes : car fiquelqu’vn ha en nie d’y aller, en communiquant l’afaire à celui qui le peut fecourir, combien qu’il puifle eftre deçii, toutefois il pourra aisément deceuoir les auerfaires en donnant affurance à fes compagnons, ou tourner ailleurs fon entreprife pour endommager fes ennemis, «Sc parce moyen nefera point eflimé abfent de rarmee,ains fe trouuera renforcé de fecours : mais fi quelqu’vn veut guerroyer, fans declarer fon confeil à perfonne, on n’en doit tenir non plus de conte , que s’il faifoit tout fcul la guerre. Au demourant,s’il plait à Dieu,nous ferons bien tôt vengez de cette perte fur nos ennemis ; caraufti tôt que vous aurez diné,ievous mencràyen diligence au lieu de refcarmouche,pour enterrer les morts,amp; leur montrerons,fi DieU plait, que nous fommes les maitres,au lieu mefme ou ils s’eftiment auoireu lavirtoire:de forte qu’ils ne regarderont plus anecques plaifir le lieu renommé pour la défaite denos compagnons. Et s’ils ne font point de faillie,nous brûlerons leurs vilages, amp;nbsp;garerons le plat païs, à fin qu’ils ne s’efiouiflent de notre auerfité, ains fe con-trident de leur calamité. Parqiioylcs autres s’en aillent dîner, amp;nbsp;vous Cadufiens eflifez en votre quartier vn Chef, qui auccques - nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;l’ayde des Dicus amp;nbsp;la notre, puifle pouruoir aus chofes neceffaires,
^ apres que l’aurez eflu, amp;nbsp;dîné comme les autres, enuoyez le par deuers
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deuers moy. Ce commandement acompli Cyrus mit fes gens en campagne, commanda premièrement à celui que les Cadufiens aiioient eflu pour Chef de mener fa compagnie auprès de lui, à fin de les enhardir, s’il eftoit pofsible : puis ayant renge fes gens en bataille , en peu de tems arrma au lieu de la défaite, ou ils fc mirent partie à enterrer les morts, partie à gâter amp;nbsp;fourrager le plat pais des Affyriens.Bien tôt apres,ayans charge toutes leurs municions, s’en retournèrent furies terres de Gadate,d’ou ils edoient partiz.
Quelque tems apres, Cyrus ayant pensé aus afaires de cette guerre, amp;nbsp;connoifiant que s’il n’y eftoit toufiours prefent,ceus qui edoient renduz à lui, pour eftrevoifins de Babylone, feroient mal traitez par le Roy d’Airyrie, comanda à tous les prifonniers Afty-riens, qu’il Lu doit aller, de dire au Roy, amp;nbsp;à ces fins y enuoya vn fien heraut pour lui faire entendre, qu’il eftoit preft de lui lailler en paixfes laboureurs , pour culthier leurs terres, amp;nbsp;ne leur faire aucun tort, s’il vouloir donner pareille feurtéàceus qui s’eftoient renduz à lui : fi lui fit remontrer, que le profit en feroit beaucoup plus grand pour le Roy, que pour lui, à caufe que les terres qui s’e-Ibient reuoltees cftoient de petite eftendue, amp;nbsp;le dommage en feroit petit: au contraire Cyrus lui laillerolt en paixvn treflarge, tresbon, amp;nbsp;fruclucus pais, dont le dommage feroitgrand pour le Roy s’il eftoit gate, amp;nbsp;que au tems de moilTons le plus fort em-porteroit les fruits, fi la guerre duroit encores : mais s’il y auoit paix entr’eus,il eftoit tout cler que le Roy en receuroit tousles profits. Au refte lui promit faire châtier les foldats quivoleroicnt quelque chofe, ou feroient tort ans laboureurs, pouriiu que de fa part 11 fift le femblable. Ayant donques Cyrus enuoyé fon homme auecques fes mandemeiis,les AlTyriens voyans l’ofrc deCyrus, con feillerent au Roy de s’y acorder, pourautant que durant la guerre iln’aurolt que bien peu de terres qui ne fuflent gâtées. Et le Roy mefme s’y acorda, fuft ou pour la perfuafion de fes gens, ou qu’il y trouuaft aufsi quelque profit. A donques fut traite Ôc acordé entre les Princes, qu’il y auroit toufiours paix pour les laboureurs, amp;nbsp;guerre feulement entre les gendarmes. Voila cornent Cyrus pour-nut au profit des laboureurs, amp;nbsp;permit à fes confederez de drefler leçaturase du bétail, s’ils en. vouloient tenir chacun en fa Signeu-ïie:au demourant leur permit d'emmener le butin de quelque part qu’ils le puftent prendre, à fin que les allez euftent plus de plaifir à ^guerre : car les dangers desloîdats eftoient parellz, encore qu’ils ntprifient les viuresfur Icslaboureus, mais la nourriture prile fur rennemi rendoit la guerre beaucoup plus plailante amp;; alfee à por-s ter
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ter au compagnons de guerre.
Eftant Cyrus en ordre pour partir de là, amp;nbsp;ayant mis toutes k* places en feurtc, furuint Gadate qui amenoitplufieurs donseX' quiSjCommc d’vncgrofle amp;nbsp;puifTante maifon, amp;nbsp;entré autres cIiO' fes lui prefenta grand nombre de cheuaus otez à fes gcnSj aufqufb ilnefefioit pour latrahifon qu’on luiauoit dreflee, amp;comffieH s’aprochadelui: SirCjditil, levons donne tout cect pour en vfcr’ votre plaifir J iufques à tant quepuifsiez tirer plus grand feruiced® moy.Àu demourant eftimez tous mes bienseftre votres^car ienny amp;n’efpere iamais auolr autre que vous à qui ielailîc ma maifon pource qu’en mourant mon nom amp;nbsp;ma lignée fera totalement efteinte. Si vousiurelesDieus immortelz^ Sire, qui voycnt amp;nbsp;entendent toutes chofes ^ qu’à bien grand tort, fans auoir dit ny fn^ aucune tbofciniulle ou deshonneftej i’ayfoufert cette grande calamité fur mon,corps. Et cedifant fc print à pleurer amp;nbsp;regretta 6 mauuaife auanture J tellement que la douleur extreme lui rompit la parole : Cyrus aufsi fe montra fort efmu depitiépourfon infortuné j puis lui dit : le prendray volontiers les cheuaus que vous m^ donnez, efperant les donner à des gens qui vous aymeront mieuS) «5lt; porteront beaucoup plus de probtjque cens qui les auoient : car j’en fourniray ma gendarmerie Perfique ^ iiifques à dix mille hoW-medarmes, comme i’ay des long teins defire amp;nbsp;délibéré de faire: Mais l’argent amp;nbsp;les trefors, gardez les deuers vous ^ pendant que vous m’en verrez auoir, à fin que ie ne fois veincu enafte de libéralité : car fi vous me donnez plus que vous ne receliez de moy, par les Dieus immortelz iemelèntirois grandement honteus amp;nbsp;rempli de vergongne. le le croy,dit Gadate,amp; connois bien votre cou-, rage : mais regardez premièrement fi iefuis propre à garder ces tre fors : pource que du teins que nous cftions amis du Roy d’Afly rie,notre patrimoine ertoit tresbeau amp;plaifant à merueilles:amp; comme voifins de la grande cité de Babylonc, nous allions toutes les commoditez que Ion peut reccuoir d’vne telle ville, citions exempts des dangers de guerre, amp;nbsp;de tout ce qui nous pouiioit troubler : mais aujourd’hui cftans ennemis d’icelui, il cltcerrau qu’à votre départie on confpirera contre moy, amp;nbsp;contre toute ma maifon. Et (commeiepuis comprendre) nous mènerons vnetri-fle amp;piteufe vieayansles ennemis à nos portes, qui feront beaucoup plus puiflans que nous. Pourquoy donq, dira quelqu’vn, ne penfois tu à celà deuaut que te reuolter ? Pourautant, Sire, que mon courage aueugle de courrons pour l’iniure de lui reçue, ne pouuoit confiderer ce qui eRoit le plus feumnais conceuoit en
-ocr page 175-DE XENOPHON. LIVRE V. 15p foy telles fantafies :Ne me vengeray ieiamais de celui,qui eft ennemi des Dieus amp;nbsp;des hommes ? De celui qui hait non feulement cens qui l’ont ofensé, mais tous ceus qu’il cftime eftre bons amp;nbsp;ver-tueus ? Parquoy ie penfe, puis qu’il eft fi mclcliant, qu’il n’aura point de compagnons qui ne foient encores plus mefehans quelui: Etfilon trouuevn homme de bien, il ne feraia befoin. Sire, que vous combatiez contre lui : car ce Roy feul fera fufifant à le detai-re^pourtant qu’il ne cefte iamais de machiner quelque mefchancc-tc, pour ruiner ceus qu’il eftime meilleurs qu’il n’eft. Voilà qui me rend fi malcontent amp;nbsp;fache, amp;nbsp;qui me fait douter qu’auec les mef-chaus il n’ait du meilleur.
Cyrus oyant fon dire, ne le voulut mefpiifer, ains luircfpondit incontinent: Pourquoy donq ne mettons nous garnifon dedens vos places, à fin que vous les teniez en vos mains, pour y poiiuoir venir quand vous voudrez, amp;nbsp;neanmoins faire toufiours la guerre en ma compagnie,amp; que ce mefehant vous creingne plus,que vous lui ? Parquoy puis que ce vous fera vn plaifir amp;nbsp;confolacion de voir toufiours vos amis, amp;nbsp;ceus en la compagnie defquels vous defirez d’eftre, venez auec moy, amp;nbsp;par mefine moyen vous me ferez profitable enquelque chofe, amp;moy à vouscn tout ce qui meferapofsi-ble.Gadateàrofrcdc Cyrus reprint cou rage amp;nbsp;lui dit, Sire i’en fuis trefeontent, mais ie ne fay fi ie pourray fortifier mes places amp;nbsp;mettre mes gens en équipage deuant que vous partiez d’icy, car ie vcus mener ma mere auec moy. Oui, dit il, àgrandloifir, car ie vous atendray autant que vous voudrez. Parquoy Gadate mit garnifon dens toutes fes fortereffes, les renforça Ôc garnit de toutes chofes apattenantes à vn grand Sign eur, amp;nbsp;print en fa copagnieplufieurs hommes aufquels il fe fioit,amp; plufieurs defquels il fe defioit il con-treingnit mener leurs femmes, ou leurs feins à laguerre, pour les tenir liez par ce moyen à fon feruice amp;nbsp;fidelité.
CtumneCyruô repaya par deuant Babylonepour retourner eai Mede,^ furprint quelques places fur la fronttere.
CH AP. VIII.
Vandles places furent fortifiées amp;nbsp;les hommes en ordre pour fuiurc leur Prince, Cyprus femit auec fon oft à la campagne pour retourner en Mede, menant Gadate en fa compagnie, qui lui montrbit les chemins, les eaus, les pâturages, les blez d’Ally rie, afin qu'il fuft planter fon camp
s 2,
en
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en lieu fertile amp;nbsp;abondant de tous biens. Ayant fait quelque chemin en cette façonjl auifala grand* ville deBabylone,amp;: luifembU que le grand theiriin le menoit droit au pic des murailles. Parquoy apelant Gobrie amp;nbsp;Gadatc leur demanda j s’il y auoit point d’autre chemin pour ne p afler point fi près des murailles. Gobrie lui ref-pondit : Sire, il y ha par tout beaucoup de chemins j mais ie peu-fois pluftot, que vous dufsiez pafler près de la ville, pour montrer au Roy votre armee, qui eft grolle, bien équipée amp;nbsp;fuperbe, mef-mes que l’autrcfois vous vintes iufques au mur, amp;nbsp;le Roy en per-fonne rcgardoit le petit nombre de vos gens: mais maintenant! combien qu’il full prell amp;nbsp;en ordre pour combattre, félon fa pro-melîc,ie croy certeinement, s’il voit votre puilTance en tel ordre, qu’il ingéra n’auoir encor rien de prell pour fortirà la campagne contre vous. A quoy Cyrus relpondit : Il me fembic, Gobrie, que vous vous cmerueillez, pourquoy à mon arriueeic voulu auccfi peu de gens palier au pic des murailles, amp;nbsp;maintenant aucc vn H grand oll ie ny veus rcpaHer : mais il ne vous en faut ia esbahir, est ce n’ell pas tout vn de s’aprother, ou reculer : pource que cens qui font prells amp;nbsp;delinres pour batailler, s’aprochent des murailles pour atirer les ennemis au combat, mais les fages s’en eflongnent amp;nbsp;paflent par les chemins efquarcez pour eus retirer le plus feurc-ment,^ non le plus diligemment qu’ils pourront.Outre ce,il nous connient palier anec tons nos chariots amp;nbsp;bagages cllendnzenh plaine, fans empefehercens qui portent les armes : chofes, connue vous fanez, qui doinent dire défendues par les gens de guerre, amp;nbsp;(à la vérité) le bagage ne fe doit iamais montrer ans ennemis fans defenfe : Parquoy denant les foibles amp;nbsp;defarmez nous faut mettre les plus forts amp;nbsp;adroits. Car fi cens de la ville veulent faire faillie amp;nbsp;qu’on vienne .à la meflee, nos gens en combatront fans doute plus vaillamment que s’ils paffoient près des murailles,amp; à nos ennemis qui fortiront trop loin delà ville, le fetonrs fera plus long amp;nbsp;tardif à venir : au contraire fi Ion pafle près de la ville, il dl aisé ans citoyens faire vue fondeine faillie amp;nbsp;r’entrer incontinent : mais fi nous pafions anfsi loin d’ens comme nous fommes, la multitude du peuple nous redoutera : car toute compagnie de loin aperçue pour la lueur des armes dlplns dpouucntable, amp;nbsp;anons cet aiian-rage, que s’ils fe veulent mettre ans chams, les voyans venir de loin ne ferons furpris au ddpoiiruu.Si fuis ie fcnr,qn’ils ne feront point de faillie, ponrautant qu’il leur faudroit s’efqnarter trop loin delà ville (fi d’auenture ils ne s’eftimoient plus forts que nous ne fommes) car vne retraite dl toufiours dangereufe ôc à creindrc.Qiiand tous
-ocr page 177-DE XENOPHON. LIVRE Y. 141 tous les Capiteines eurent aprouuc fon auis j Gobric conduifoit l’armée comme Cyrus l’auoit commande, amp;nbsp;comme le camp tra-uerfoitla campagne d’entour la ville, Cyrus pafloit outre fans crein tejaißant toufiours le plus fort ce quirelloit en arriéré. Ayant (long cheminé plufieurs iournees en cette façon, il arriua furies frontières des Medes amp;nbsp;AllyrienSjd’ou il eftoit premièrement parti, auquel lieu yauoit trois places fortes, aiiec garnifon du Roy lt;l’Aflyrie,dont celle qui eftoit la plus foible amp;nbsp;moins gardce il Fern porta d’afîaut.Les deus autres lui furent rendues,partie par les mc-flalles amp;nbsp;bateries de Cyrus,partie par laperfuafion de Gadate.
Comme Cyrui retourna fur les frontières de Mede, (^ s^^orça d'apaifer le courrons de Cyaxare,^ la reffonfe lt;j^uilluift,
CHAPITRE IX.
E fait,Cyrus enuoya prier le Roy Cyaxare de venir au camp,pour confultcr auec lui des fortcref-fes qui auoient efte prifes, amp;nbsp;ordonncr(ayant vu l’eftat de Farmee) de tous autres afaires pour Fa-uenir. Et s’il lui plait,dit il, i’iray planter Ic camp ________près de lui dedens la Mede.Le mcïlagcr parti,Cy-tiis commanda, que le pauillon du Roy d’Aflyrie, que Ion gardoit pour Cyaxare,fuft tresbien acoutré, auec fon aparcil necelïaire,lcs ^cus femmes fuflent menées dedens le cabinet du pauillon,auec les 'leusMuficiennes,qu’on luiauoit gardées. Dautrepart Cyaxare ''yant le meflager de Cyrus, ingea eftre meilleur pour lui, que le t^at^p demouraft fur les frontieres,fans entrer plus auant en Mede: caries Perfes, que Cyrus auoit enuoye leuer, eftoient défia arriuez lufqiies au nombre de quarante mille archers amp;nbsp;rondeliers :par-Suoy voyant fon pais endommage par fcs gens, eftima beaucoup meilleur d’eftre defeharge d’eus, que de receuoir fi große armee en fes terres. Adonq celui qui eftoit Capiteine en chef de ces nou-ueaiis Perfes,demanda à Cyaxare,fclon le commandement de Cy-tus, s’il auoit point afaire de gens, qu’il lui fcroit feruice en toutes 'hofes.Et comme Cyaxare lui eut refpondu, n’auoir aucun befoin ^efon camp, le mefme iour s’en allaioindre au Camp de Cyrus, 'l'i'eßoit afiez près de là. Le iour enfuiuaut Cyaxare y vint auec 1'^ Medes, qui eftoient demourez auec lui. Cyrus auerti de fa vc-quot;quot;'fit mettre en ordre la gendarmerie Perficnne, qui eftoit defia o'^^ffe, les Medes, Armeniens, Hyrcaniens, amp;nbsp;tous les confederez ÇW eftoient le miens àcheual, amp;nbsp;en bel arroy vint au deuanc de s 3 Cyaxare,
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Cyaxare, lui faire montre de fon armee. Cyaxare voyant la compagnie de Cyriis remplie de beaucoup de bons amp;nbsp;braues homme-darmes,qui lui faifoieut honneur Ja fienne tant petitejU’ayant que bien peu de fcruiteurs mal enpoint_, iugea que ce lui cftoit grand’ honte j amp;nbsp;en fut grandement fache. Adonq defeendit Cyrus du chenal, vint à lui pour le baifer amp;nbsp;falucr félon la coutume : Mais Cyaxare cflan t aufsi defeendu tourna le vifage en arriéré, amp;nbsp;ne le voulut baifer jains fe print bien fort â pleurer en la prefence de tout le monde. Ce voyant Cyrus ^ fit retirer fes gens eu arrière amp;nbsp;commanda faire filence ^ puis prenant le Roy par la main, le mena hors du chemin à l’ombre de certeins Palmiers ou il s’afsit près de lui fus vn tapiz de Mede, amp;nbsp;comença à l’araifonner côme s’enfuit:
le. vous pry, Monfieur mon oncle par les Dieus immortels, m’a-uertir, pourquoy vous elles ainfi courroucé contre moy, amp;; quelle chofe vous auez vue en moy,qui vous rende fi fache amp;nbsp;malcôtent: Pource, dit il, que combien qu’entre tous les hommes ie fois forti d’ancienne amp;nbsp;Royale maifon, Roy amp;nbsp;fils de Rw’ : toutefois ie me voy ainfi mal amp;nbsp;pourement acompagne au pris de vous, qui elles honoré de mes gens, amp;nbsp;renforcé d’vue nouuclle armee: chofe, qui n’ellpas fi facheufe à endurer des ennemis, comme elle eft infupor- j table àfentir de cens qui ne deuroient en eure caufe: car ie veus 1 bien que vous fâchez, que i’aymerois miens dire dix fois fondu amp;nbsp;’ abime en terre, que d’dire fi peu ellimc, fi melprisé, amp;nbsp;moqué de mes gens. Or non feulement ie vous voy plus fort que moy : mais, j aufsi mes feruiteurs fe prefentent à mes yens plus braues amp;nbsp;plus : forts que moy, amp;nbsp;tellement équipez, qu’ils me pourroient phiUot endommager que moy eus. Et difant fes paroles, il feprint encor’ plus fort àpleurer, veincu de dueil amp;nbsp;dclpit : tellement que Cyrus fiit contreint de larmoyer aufsi.Toutefois s’dlant quelque peu rc- l tenu,lui refpondit ainfi: nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;f
Ce n’ellpas à vous, Mon oncle,ny véritablement parlé,ny droi- | t-ement pensé, d’eftimer que pour ma prefence les Medes foient * équipez pour vous nuire en quelque chofe: mais de vous voir en-peur Ôc courrous,ie ne m’en emerucille point,amp; pour le prefent ne veus difputer, fi vous elles à bon droit ou fans caufe courrouce, lâchant bien que vous le prendriez mal, fi ielcs voulois défendra amp;nbsp;relpondrepour eus. Toutefois levons veus auertir, que c’et vue grand’ faute à vn Prince,comme vous,de fe courroucer contre tous fes fuietz:car celui qui fe fait creindre de tous, neceflairement aquiert beaucoup d’ennemis, amp;nbsp;qui «à tous fes fuietz cil defdai-gneüLS,leur donne ocafion dç s’acorder amp;nbsp;cofpirer, enfembk\Voilà
-ocr page 179-D E XE N OP H ON. ' LIVRE V. 145 Îa caufc pourqiioy ie n’ay voulu renn oyer vos gcns,que ic n’y fiiffc, creingnant qpour votre courrons ncleurauinfl quelque mefeheC qui nous aportaft dclplaifir amp;nbsp;fâcherie. Quant à celàj moy viuant, vos afaircs n’iront que bien : mais ic ne me puis contenter, ny porter paciemment que vous eftimez auoir reçu iniure de moy,amp; lors que ie m’efforce bien faire à mes amis, vous me blâmez amp;nbsp;chargez du contraire. le vous prie ne nous aeufons point fi folcment amp;nbsp;in-diferetemet l’vn l’autre.-mais regardons,s’il eftpofsiblc, clercmcnt, en qnoy ie peu auoir failli, à fin que ie mette moy amp;nbsp;mes amis hors 1 decoulpe. Et prcmierement,fi i’ay fait aucun mal,ic veus confefler devons auoir ofensc:mais fi ic montre euidemment ne vous auoir fait ny voulu faire aucun ennuy,ne confeflerez vous pasn’auoir ’^'çu aucun fort de moy? Force me fera,refpondit Cyaxare. Or,dit ^ynis, fi ie montre plus cler qucleiour, queie vous ay fait plaifir ^’’pliifieurs fortes, amp;nbsp;que ie me fuis efforce de vous ayder de toute ®apuiflance,ne ferâyie pas plus dine de louenge,que de reprehen-^on? C’eft raifon, dit il. Voyons donq, dit Cyrus, ievoiiS prie, ce quei’ay fait, .à fin qu’on connoifle le bien amp;nbsp;le mal qui y peut eflre, •^reprenons en particulier le commencement de cette guerre, fi ^on vous femblc. Quand vous fûtes auerti de l’afTemblec de tant d'ennemis contre vous,mcfmes que les Rois d’Aflyrie amp;nbsp;Lydie '’oiisvouloient courir fus, n’enuoyates vous pas demander fccours publiquement à notre République, amp;nbsp;fpecialement à moy,me pfiantme faire nommer Capiteine en chef de l’armce Perficnne? fdlemént que ie fu perfuade par vous de venir, amp;nbsp;vous amenay le plus grand nombre que ie pu de bons amp;nbsp;vaillans hommes ? lieft ''fïy,dit il. Dites donq,demanda CyruSjpremieremet fur ce point, founoiffez vous en celà quelque meffait ou bienfait, amp;nbsp;que par ®’oyvous ayez efté fecouru, amp;nbsp;vos ennemis dechaflez de vos ter-ffsJll efi certein,dit Cyaxare, qu’en celà vous me fites plaifir.Quoy donq ? dit Cyrus, apres que les ennemis furent affemblez, amp;nbsp;qu’il blut donner iournec,vous elles vous iamais aperçu que i’aye efpar-gne mes peines, ou fin des dangers ? Non vrayment, di t il. Qnoy donq?dit Cyrus,quand nous eufmes rompu les ennemis parla volonté des Dicus, amp;nbsp;mis en fuite, ic vous priay de les pourfuiurc de 'onimun acord amp;nbsp;de iouïren compagnie des biens qui en poliraient aiienir : me poiiuez vous reprendre en celà de quelque ani-J’^éon counoitifetrop grande? A ces paroles Cyaxare fe teut. Or Î’tepoinr, dit Cyrus, vous aymez mieus vous taire, que refpoh-f'uleclairez moy ma faute, quand ie ne vous voulu faire paftici-P^^fdç ce danger,amp; vous priay me donner partie de votre gendar-meric.
-ocr page 180-144 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;LA CYROPEDIE meric, fachant qu’il ne vous fembloit pas feur de fui lire les auerfaj' rcs,amp; me montrez fi ma demande fut inique,vù que ie m’eftois mis en tant de dangers pour vous? Et comme Cyaxare fe teut encores! Si vous ne voulez non plus rdpondre à ce point,ie voudrois fauoit quel tort ie vous fis, quand vous m’enfles refpondu ne vouloit contreindre les Medes de fe remettre en danger, amp;nbsp;que i’oublUy tout mon courrons, fachant encor’votre puifTance à m’ayderamp; votre facilité à commander ans Medes, amp;nbsp;vous demanday feule' meut cens qui mevondroient fninre «à la guerre, en quoy ien’culf^ entièrement rien eu de vous, fi ie n’enffe eu moyen de leur perfiU' der : parqnoy venant à eus ie les attiray comme ie pu, amp;nbsp;par votre confentement menay à la guerre cens qui crurent à ma parole-Mais fi ie fuis dine de reprebenfion deles auoir menez, vous ne* fies point hors de faute me les ayant donnez. Apres que nous fu' mes partiz,y eut il rien obfcur,ou counert de ce que ie fis?Ne prin' mes nous point le camp des ennemis ? Ne démolira il pas grand nombre de morts de vos anerfaires? amp;nbsp;des viuans,à combien les armes furent otces?à combien les cheuaus emmenez? Qiiant aus tre-fors, que les anerfaires emportoient auparauant,vous les voyez es mains de vos fuietz,partie qui vous les aportent,partie qui les gardent pour eus fous votre obeïnance:amp;(qui eftlc plus à prifer)voiis voyez votre voyaume acru amp;nbsp;augmente, celui des ennemis diffli-nué,leurs forterefles en vos mains,lcs chateaus qu’ils vous anoîciir vfurpez,rcnduz derechef à votre obeisance. Or fi en ces chofesily ha quelque mal, ou moins bienfaitje ne le faurois bonnemet dire) amp;nbsp;vous prie me declairer,fi vousy trouuez de la faute : car il n’y ha point de danger de l’entendre. Adonq Cyaxare lui rcfpondit ainü-
le ne fay pas comment, Mon neuen, on pourroit dire les enures par vous faites eftre mauiiaifes, fi eft ce que ie les connois efire tels amp;nbsp;fi grans biens, que tant plus fonnent ils font faits, d’autant nie poifent ils d’auantage. Car i’aymerois beaucoup micus auoir augmenté votre païs par ma force , que de voir le mien par la votre augmente,fachant bien ces chofes eftrehonorables àvonSjqu' les faites, amp;nbsp;hontcufes àmoy, qui les reçois. Et prendrois plus de plaifir avons donner de l’argent, qu’à le prendre en la façon que vous le donnez : car eftant par ce moyen enrichi, ie fens d’autant plus defeonurir ma pourctc., an pris de cens qui me donnent-Je ne ferois pas à beaucoup près fi marri de voir mes fuietz par vous deshonorez amp;nbsp;outragez, qnedeles voirainfi enrichiz amp;nbsp;ho-norez.-amp; fi vous m’eftimez auoir conçu ces fâcheries contre raifon humaine, imaginez vnpeud’eftre en ma place, tournez furvous ma
-ocr page 181-DE XENOPHON. LIVRE V. 14 ; ma parolcjamp; côfiderez comme vous le porteriez : car fi quelqu’vn traitoit fi doucement les chiens que vous nourriflez pour votre garde, amp;nbsp;les allechoit fi gracieufement, qu’ils le fuiuiflent plus volontiers que vous, quel plaifir receuriez vous de tel feruice? Si c’et peu de chofe que celà, regardez fi quelqu’vn inftruifoit tellement les foldats de votre garde, qu’ils aymafient miens le fuhire q vous, lui fauriez vous bon grc d’vu tel bienfait? Quoy donq?fi quelqu’vn faifoit fi bien la court à votre femme (qui ell la chofe que les hommes tiennent la plus chere, l’embrallcnt amp;nbsp;gardent comme propre) qu’elle l’aymafl: miens que vous, vous feroit il ioyeus par tel merite? Et pour dire quelque chofe plus femblable à ma douleur, fi quelqu’vn s’efludioit à gratifier fi bien à vos Pcrfes, qu’ils aymaf-fent mieus eflre fes fuietz que les vôtres,feroit il votre ami? le croy quenon,ains beaucoup plus grand ennemi, que s’il en auoit occis vne grande partie. Dauantage,fi vn votre ami,auquel vous eufsiez amiablement ofcrt votre bien, difant : Pren tout ce qu’il te plaira: prenoit entiercmet tous vos biens,fans difcrecion, amp;nbsp;s’enrichifioit d’icciis,fans vous en lailTer aucun vfage,le pourriez vous iuger bon amp;nbsp;loyal ami ? Voilà l’eftat auquel ie fuis, Cyrus, amp;nbsp;me voy foufrir; fi non telle,à tout le moins femblable iniurc. Il eft bien vray,que ie vous permis emmener cens qui vous voudroient fui are : mais en partant vous printes entièrement mon armee, amp;nbsp;me bâillâtes féal en mon pauillon, maintenant vous me prefentez les chofes gagnées par ma puiffance, amp;nbsp;auez enrichi mon païs par le trauail de mes gens. Mais moy,lcqiiel on n’eftime eflre caufe d’aucun bien,ie demeure afsis comme vne femme oifiue, atendant que Ion me faire du bien amp;nbsp;à mes fuietz: car ce faifant lon vous iuge vn homme ver-tigt;tus,5ci-noy, couart amp;nbsp;indigne de rencr. Tclsacles,ó Cyrus, vous femblent ils bienfaits ? Ne faniez vous pas, fi vous eufsiez tant foit peu cure de moy, que vous deuiez mettre peine à ne me priuer aufsi de l’honneur amp;nbsp;autorité d’vn Prince ? car quel profit puisieauoir en mon païs augmenté, fi ie me feus deshonoré ? vu queienedominois pas fur les Medes, comme le plus fortamp;puif-fant:mais comme celui que les Medes tenoient amp;nbsp;eftimoicnt beaucoup meilleur amp;plus fage qu’eus en toutes chofes. Adonques Cyrus lui rompant la parole dit : Trefther oncle ie vous fuplicpar bsDieus immortelz , fi vous reçûtes onques plaifir de moy, acor-dczinoy cette requefte : Premierement,ic vous pri’,ne vous plcin-o^capkisdemoy : mais quand vous aurez efprouué amp;nbsp;experimeu te ma loyauté, fi vous voyez les chofes par moy faites tendre à vo-tteprofit, embraficz moy amiablemenc comme levons embrafle-t ray,,
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ray, Seine tenez pour ami amp;nbsp;bienfaiteur, fi vous connoifîezc’' mon fait le contraire,pleingnez vous hardiment de moy.Parauan- . ture,dit Cyaxare,que votre raifon eft bonne,amp; ie feray ainfi.Quoy donq ? dit Cyrus, vous baiferay ie point ? Oui, fi vous voulez, Æt il. Mais,relpondit Cyrus,ne tournez pas la face en arriéré,coining n’agueres. Non feray ie, dit il. Parainfi Cyrus le baifa. Se lors les . Medes, Perfes, Se autres, voyans la paix faite (car ils atendoient de pié coy l’ilTuc de ces afaires) furent merueilleufement refiouiz, amp;nbsp;montrèrent en leur vifage vn ioyeus contentement. Alors Cyrus amp;nbsp;Cyaxare montans à Chenal, fe mirent les premiers à marchet vers le camp : les Medes fuiuoient leur Roy,côme Cyrus leur aiioU fait fine: les Perfes, Hyrcaniens, Cadufiens, amp;nbsp;autres confedereZ fuiuoient leur Roy Cyrus en tresbelle amp;nbsp;trionfante ordonnance.
Comme Cyrus rendit les Adedes à fon oncle, ^feingnit mettre en deUberacion de rompre le camp pour celle annee. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;‘
CHAPITRE X.
Vandils furent tous arriuez aucamp amp;nbsp;eurent mené Cyaxare en fon pauillon richement acou-tré,ceus à qui il efioit cnioint de ce f nrCjaprclk' rent fon fouper. Durant Ictems qu’il démolira oifeus, atendant qu’il full prell, le Medes lui Vf noient faire la court partie de leur volonté,partie enuoyez par Cyrus, amp;nbsp;lui prefentoient leurs dons,rvn lui don-noit vn bel Éfehançon, l’autre vn bon Cuifinier, l’vn quelque tof Boulenger, l’autre vn Chantre, l’vn des coupes,l’autre des habille-mens exquis :brcÇ chacun lui donnoit quelque meuble fingulier qu’il tiuoit pris à la guerre. Parquoy Cyaxare fe repentoit d’aiioif 1 eu paroles auecques Cyrus, de ce qu’il n’auoit renuoyé les Medes, I voyant que leur afeccion ne s’cdoit en rien diminuée entiers lui. I L’heure de fouper venue, Cyaxare pria Cyrus dedemourer auef l ques lui, afin qu’il euft plus de plaifir à deuifer enfcmble. Ne me 1 commadez point cela, dit Cyrus,ne voyez vous pas cens cy efrauz ■ amp;nbsp;fulpens en leur courage pour nous ? Parquoy ce ne feroirbien ny fagement fait à moy de prendre mes plaifirs , laidant en arriére le foin qu’il me faut auoir liis eus. Car quand les foldats fe voyait négligez ilsfe gâtent incontinent, les bons en dcuicnnentlafchcs, les mefehans en font beaucoup plus hardiz à mal faire. Mais vous, qui elles las amp;nbsp;trauaillé du long chemin,commencez à fouper,cin- . braflez amp;nbsp;faites recueil à cens qui vous viennent honorer, amp;nbsp;les 1 faites '
-ocr page 183-DE XENOPHON. LIVRE V. i. faîtes banqueter en votre compagnie à fin qu’ils s’aflurentj amp;nbsp;vous aymentmieus. D’autrepart ic m’en iray pouruoir amp;nbsp;donner ordre ans afaires. Demain au matin les principaus du camp viendront à votre courtj pour confultcr éc auifer enfemble ce qui fera de faire pour l’auenir J Lors vous propoferez Remettrez en dcliberacion s’il faudra continuer la guerre l’yuer, ou s’il eft tems de rompre le camp amp;nbsp;donner congé aus compagnons. Apres celà, Cyaxare fe niitàtable.Cyrus,ayant alfembléfes CapircineSjqui fauoient tref-bien ordonner amp;nbsp;conduire les afaireSj parla à eus en cette manière:
Mes amis, ce que tant nous auions defiré amp;nbsp;fouirai te eft acom -plij par la volonté des Dieus : car par tout ou nous allons nous gagnons pais,diminuons la force des ennemis, augmentons Ta notre, multiplions dénombré, amp;nbsp;renforçons la puiflance de notre camp. Or fi ces compagnons nouuellement venuzont volonté degiier-toyeijd’autant mieus pourrons nous paruenir au but de nos entre-prifes, foit à prendre quelque chofe par force, ou à tirer amp;nbsp;induire nos gens par amour.De les atraire à demourer par paroles,rcinon-traaceSjôc promclTes, c’et à vous à y penfer, amp;nbsp;y auoir egard aufsi bien qu’à moy. Car tout ainfi qu’att fait de combatte amp;nbsp;batailler, ion iuge celui plus vaillant,amp; de courage plus inuincible,qui prent amp;nbsp;abat beaucoup d’ennemis : aufsi quand il faut perfuader, celui qui en tirera plus à fon opinion,à bon droit fera eftimé le plus elo-qttent, meilleur orateur, amp;nbsp;plus excellent au maniment des afaires. Mais il ne faut pas y eftudier, comme s’il vous faloit faire vnc barengue ou oraifon préméditée à vn chacun d’eus,ains les inftriii-rez d’vn commun parler, tellement qu’ils puilfent montrer par et ftt comment ils feront perfuadez de demourer par vos prières
amp; exortacions. Allez donques prendre garde à celà:d’au-trepart ie mettray peine tant qu’il me fera pofsi-ble,queles foldats n’ayent faute de viures ny d’autres chofes necelTaires, à fin qu’ils puilfent demander en confeil,amp; requérir pluftot la guerre, qu’aucunes treues, a-cors ou lon
gue paix.
*
rin Jm cinqtticm: liurt.
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Le fixieme Liure de la Cyrope-
DIE DE XENOPHON,
de la Zyie ç^ Faki de c Y R v s ^oy des
Terßs. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;j
Le confeil que tînt Cyrw , pour rompre le camp de celle annee, ^ des aprets qu’il ßt pour l’annee d’après, Les machines qu’il inuenta pour rompre murailles, les chariots arme:};;^ de fauls 1^ de tours, ç^ les Chameaus qu’il prépara pour la o'uerre. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chapitre
E iour pafsc aiiec les propos amp;nbsp;auan-tures que nous allons ey deflus racontées , apres qu’ils euret foupc amp;nbsp;repose pour celle nuit j le iour en fui liant tie , bon matin tous les côfederez vindrent ans portes de Cyaxare^ amp;nbsp;durant qu’il prenoit encores fes ornemens Royaus façhant le grand monde quieftoitdc' | hors à l’atendrc ^ les principaus de b t, court conduifoient leurs compagnons ;
vers Cyrus: les vns menoient les Cadufiens qui le pnoient de ne , rompre le camp : les autres les Hyrcaniens pour femblable caufe; Tvn les Saquesd’aiitrc Gobrie. Hyftalpeconduifoit Gadate l’eunu-che qui fuplioit Cyrus de demourer. Cyrus fachant que Gadate mouroit de creinte que le camp fe rompift, lui dit en fouriant:b 1 voy bienj Gadate, que cetui cy vous ha perfuadé de me prier de ne S rompre le camp. Lorsicelui louant les mains au Ciel iura n’auoit l elle aucunement fuborne par Hyflafpe : mais ie l’ay dit^pource qu^ le voy bien que fi vous partez,tous mes alaires iront rrcfmaljamp;de-uifois n’agueres aiiec lui s’il fauoit point votre fantafie touchant la routure du camp, le charge donq Hyftalpe fans caufe, dit Cyrus-Oui par Dicii,refpondit Hyftafpc. Car ie lui difois feulement qu’il ne vous eftoit pofsiblc de plus guerroyer pour cette année, à caub que votre pere vous aiioit mandé.Que dites vous? dit Cyrus. AueZ vous osé inuenter ce propos fans éftre feurement auerti demon vouloir î Oui par ma foy, refpondit il : Car ie vous connois grandement couiioiteus d’eftre honoré amp;manifié du peuple de Perfc
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amp; raconter à votre pere ledifcours de vos grandes prouefles. Et vous J dit Cyrus j n’auez vous pas enuie de retourner à votre niai-fon ? Non par Dieu^ dit i^ amp;nbsp;ne partiray point^ains continueray la guerre pludot coimne Chef de l’entreprife, iufques à ce que i’aye rendu Gadate niaitre amp;nbsp;veincueurdu Roy d’Aflyrie. Voila comment ils deuifoient enfenible par ioyeufetc, parlas toutefois à bon efcient des afaires de laguerre.Tot apres Cyaxare acoutre d’vn habit venerable amp;nbsp;luifant^ s’afsit au trône Royal félon la coutume de Mede, amp;nbsp;foudein que tous cens furent affcmblez à qui les afaires touchoient amp;nbsp;que filence fut faite, il commença à parler en cette manière: Amis amp;nbsp;confederez, puis que ie fuis-icy prefent amp;nbsp;plus auancé fur l’aage, c’ct raifon que ie commence à parler le premier en cette alTemblee. Il eft teins à mon auis de confiiltcr enfemble s’il nous fera profitable de continuer la guerre en yucr, ou donner congé aus foldats pour cette annee. Parquoy chacun devons en die fon auis ,amp; commence celui qui voudra. Adonq le Prince d’Hyrcanie : Mefsieurs, dit il, il me femble, qu’il ne faut point de Iiarengues ny de confultacions pour auifer à nos afaires, quand les diofes mefmes nous confcillent amp;nbsp;démontrent cequieft le meilleur. Car il n’y ha celui devons qui ne fache que fi nous démolirons enfenible , nous endommagerons plus nos auerfaires que nous ne fautions receuoir de dommao-e : au contraire en nous cfcartant l’vn de l’autre nous ferons rnïnez:car quand nous et lions feuls chacun en fa maifon, ils s’esbatoient de nous à leur plaifir, amp;nbsp;nous donnoient toutes les fâcheries du monde. Et nous, que dirons nous? dit le Cadufien. Si nous retournons à nos maifons nous ferons comme deuant toufiours en creinte ; danantage de nousellongner du gros de l’armée nous nefaurions auoir profit nyenpaix ny en guerre, «5c ne faut prendre autre exemple que le notre; car pour nous ertre quelque peu eflongnez delà compagnie,nous auons eftepuniz comme vous fanez. A près lui Artaba-ze,qui s’edoit iadis acoufinc de Cyrus : le fuis dit il,Sire,bcaucoup diferent de l’opinion de cens qui ont parlé deuant moy. Car ils font d’aiiis qu’il nous faut encor’guerroyer, amp;nbsp;ie dy que demon-rant .à ma maifon ie ne faifois qu’eftre à la guerre, donnant fecours «luand il edoit befoin à nos gens, trauaillant pour nos fortcrelTes fiirprifes, amp;nbsp;creingnant la perte de nos garnifons faifois tout à mes tirfpens ; maintenant ie tien icy leurs places fortes, ie leur donne '^«alarmes, ie boy leurs vins, amp;me fedoye de leurs viandes. Par-■üiioy voyant que i’ay chez moy continuellement la guerre, amp;nbsp;icy toufiours vue vie ioyeufe, ie fuis d’auis que Ion ne rompe point t 5 cettê
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cettefede amp;nbsp;manière deviure fi belle amp;nbsp;tnonfante, pour retourner à nos maifons,ou nous anons tant de peine.
Pr/t Jecc Je ÇyrmaH co ßtlpiar m-Juire les a-hez d tenir ^arnifin Ju TM flauer.
Adonq Gobrie parla comme s’enfuit; Âlcfsieurs, i’ay toufiours îufques icy loué la foy amp;nbsp;loyauté de Cyrus, le connoifTant Prince vertueus ^ qui ne faut à fa promené : toutefois s’il parc de ce pais» FAlTyrien ne fe repofera point, ains fe voudra venger desmans qu’il ha enduré, amp;nbsp;voudra continuer devons anailliramp; de m’outrager, tellement que ie feray grieuement puni d’anoir pris votre aliance. Ces fentences ouies, Cyrus commença à parler en lama-niere fuinante: Mes amis,ie cônois bien que nos forces s’abaifle-ront amp;nbsp;celles des ennemis s’augmeteront fi nous rompons le camp poor retourner à nos maifons, dautant que tous cens à qui les armes font otees en forgeront d’autres incontinent,à qui les cheuaus ont efté pris en recoiiureront d’autres en peu detems, amp;nbsp;au lieu des morts plufieurs fe feront hommes, pinfieurs naîtront au monde :Et ne fera grand’ menieille s’ils nous donnent bien tôt de la fâcherie. Pourquoy donq ây ie perfuadé au Roy de mettre ce propos . en auat? Poureequeie creingnois ce qui doit auenir,preuoyantla venue des ennemis en grand nombre, contre lefqucls nous ne fau-rions faire bon fait d’armes, fi nous plantons icy le camp furl’yuer qui aproche : car combien que partie de nous puiffe déni outer a couuert, toutefois nos cheuaus, feruiteurs, amp;nbsp;menuz foldats n’y fauroient demourer, fans lefqucls n’efi: pofsiblc de continuervnf ■ guerre. Et quant ans viures, nous en anons confumé vne partie» f l’autre ha efié emportée par les habitans ans fortes places, telle-ment qu’ils ont abondance des biens que nous ne faurionsny prendre, ny gagner. Qin efl donq l’homme fi fort ou fi puiflant ait inonde, qui puilîe en côtinuant la guerre côbatre la faim amp;nbsp;le froit cnfemble? Parquoy puis qu’il nous faudroit guerroyer en telle ne- 1 cefsité amp;nbsp;difette de toutes chofes, ie cÔfeiilerois de rompre le camp | de notre bon gré, pluftot qu’atendre que nous foyons de ce faire I eontreins par la necefsité. Toutefois, fi nous voulons continuer la guerre, ie ferois d’aiiis que nous trouuifsions moyendenoiis emparer foudein de beaucoup de places des ennemis, pareillement fortifier les nôtres à notre anantage : quoy faifanteeus là auront plus de viures amp;nbsp;autres chofcs nccetlaires qui en pourront plus gagner amp;nbsp;amalTerfur les auerfaires, amp;nbsp;afsiegeront cens qui feroient ks plus foibles en campagne. Mais maintenant nous reflcmblons à cens qui nagent amp;nbsp;courent fur la mer: car iaçoit qu’ils foient toufiours en vogue fur l’eau fans celicr d’aller, fi ne demourentils pourçat Signeurs delayer qu’ils ont pallée, non plus que de cells qu’ils
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qu’ils n’ont encor’voguee. Mais fi nous prenons des chateaus, il eft certein que ceLà fera caufe que les habitaus fe retireront de la fu-ieccion des Aflj'riens,amp; toutes nos befongncs en feront plus paifi-bles. Or fi quelqu’vn ha peur d’aller loin pour tenir garnifon, il ne faudra rien tarder pour celà : car entre nous Perfes j qui fommes acoutumez à guerroyer en païs efirange, nous prendrons la charge des places procheines aus ennemis^ cependant vous tiendrez amp;nbsp;ferez labourer les terres des chateaus d’Aflyric plus procheins ans votres,tellement que n’aurez chofe qui vous trouble ou empefehe. Car fi nous tenons garnifon aus places plus aprochantes des enne-misjamp;les pouuons labourer, vous ferez fans doute en vne grande amp;nbsp;profonde tranquillité, d’autant que vous ferez cflongncz d’eus, amp;nbsp;tiendrez leurs chateaus en votre fuieccion. Et ne croy pas que lesaiicrfaircs, en lailTant derrière eus les places plus procheines, cueillent alTaillir, ou s’efforcer de reprendre les lointeines.
Ayant Cyrus deelaire fou auis tous les autres le confemierent, amp;nbsp;Cyaxare aufsi. Adonq Gadate amp;nbsp;Gobrie promirent de fortifier leurs places de bonne amp;nbsp;forte muraille,fi tel eftoit l’auis des confe-‘lerez,àfin qu’ils feruiflent à la feurtc de tous enfcmble. Cyrus voyant les compagnons prefls à faire tout ce qu’il diroit : Si nous voulons,dit il,venir à bout de nos entreprifes, il nous faut bâtir au plus tôt quelques grades machines amp;nbsp;inftrumens propres à abatte amp;renuerfer les murailles, amp;nbsp;anoir grand nombre de Alaçons pour faire des tours amp;rempars à nos forterefles. Parainfi Cyaxare promit fournir vne machine de guerre à fes defpens: Gadate amp;nbsp;Gobrie vne;Tigranc aufsi vne autre:Cyrus promit d’en rendre deus acom-phw. Ces chofes ainfi délibérées chacun fit prouifion de maitres ‘^oiiuricrs pour faire ces grandes machines, amp;nbsp;chacun s’eftudioit '■’1« inuenter de belle façon, y employans gens qui y eftoient les plus experz amp;nbsp;entenduz. Cyrus connoiflant que pour mettre fin ateUe befongne, il fiiloit feiourner quelque teins, planta fon camp aus liens qu’il eftima plus falubres amp;nbsp;charriables de tous cotez, amp;nbsp;y fit faire les fortificacions neceflaires tant poury feiourner, que pour s’y retirer,fi d’ananture ils faifoient quelque lointeine faillie. Puis s’eftant diligemment informé des plus expérimentez «à la con uoilfance du païs, de quelle part il pourroit efire fourni de viurcs, ’Hesmenoit toufiours en tresbon païs, planturcus amp;nbsp;abondans de feutrages, tant pour n’auoir faute de viures en fou camp, comme fourrendre fes gens plus fains, plus forts, amp;nbsp;cndurciz au trauail lt;/«chemins, amp;nbsp;leur faire garder quelque ordre en leurs voitures, tout ainfi que s’ils eftoieut à la guerre.
Md^-hMa pour /ûlner tir les mu~ rallies : autres machines ayant des l'ours^ hautes pour porter des ar chers à com hatte en une plaine.
Durant
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Durant que Cyrus edoit en ces entrefaites, les fuitifs amp;nbsp;prifon' niers ifTiiz de Babylone raportoient , comme le Roy d’AlTyr*® edoit allé en Lydie auec vne grand’ quantité de talens d’or amp;nbsp;d af-gcnt,plufieurs ornemens de diuerfes fortes, amp;nbsp;autres richeffes fan’ nombre : parquoy les menuz foldats edimoient publiquement qu’il amauoit de l’argent pour creinte de Cyrus. Mais Cyrus en-tendoit bien que le Roy d’Adj'rie n’edoit allé en ces lieus, finon pour faire quelque entreprife à l’encontre de lui , amp;nbsp;fe mit de tout fonpounoir en effort de s’apreder à l’encontre, comme s’ileuf^ J^ouueHes falu combatre bien tôt apres. A raifon dequoy il paracheuadt freparacios fournir amp;nbsp;equiper toute fa caualerie de Pcrfes,tant decheuauS fgt;igt;ngt;- laquer pris à la guerre que de cens que fcs amis lui donnoicnt : car il ne rC' ^‘’' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;fnfoit point fcmblables prefens, ains prenoit volontiers quelques
beaus cheuaus on harnois, qu’on lui donnoir. Il prépara anfsi des chariots de guerre,dont vne partie anoit edé prife fur les cnncmiS) l’autre edoit venue de fes amis amp;nbsp;confederez, amp;nbsp;de quelque par' qu’il en pud anoir : amp;nbsp;rompit entièrement la façon des chariots de Troye, dont ils vfoient anparauant aus batailles, n’ayant que dciis roues, amp;nbsp;deus hommes, l’vn pour guider les cheuaus, l’autre pont combatre,qni edoit afsis : Et abolit pareillement la courfe des chariots Cyrenaïques, qui ed encor’ aniourd’hui en vfage : car au paraiiant tous les Medes, Syriens, Arabes,amp; Afiatiques vfoient de tels chariots comme font encores les Cyreniens. Si changea du tout l’ordre qu’ils tenoient, amp;nbsp;edima qu’il ne faloit pas mettrerf fpoirde la victoire fur ces chariots (comme anciennement ils fai-foient, que les plus vaillans combatoient en cette façon) mais que feulemct il les faloit tenir au reng des enfans perduz, ou cens qm font armez à la legere ont acoutumé de combatre, comme s’ils n’edoient degrancte importance à gagner vne bataille. Car trois cens chariots d’armes n’ont que trois cens combatans amp;nbsp;ont mille dens cens cheuaus, leurs charretiers (qui font, corne il ed vrayfe®-blable, les plus feaus ferniteurs de cens qui combatent) font aufs' • trois cens, qui ne peunent en façon quelconque nuire à l’enneniu Parquoy non fans caufe Cyrus otaces chariots cfqnels oncomba-toit afsis, amp;nbsp;au lieu d’iccus en fit d’autres bons pour la guerre,a chariots à fortes amp;nbsp;puiffantes roues, pour fi tôt ne brifer: à longs aifleuK fanh el6tu- pour fi tôt ne verfer : (car routes chofes larges font plus malaifcesa fin ^/trio- renuerfer) amp;nbsp;l’afsiete des conducteurs des cheuaus de bons halb ^uelegraJ, ucaus en forme d’vnc tour pour les conurir iufques à la poitrine, a cotre ks J(o ßj^ q„e J^ ßeu mefmc les cheuaus puffent edre guidez amp;nbsp;conduits par leurs conduéleurs ; 1 cfqnels il voulut tous armer de maille fors que
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que les yeus, il mit aufsi à chacun bout de FailTeul vne fauls de la longueur de deus coudées des deus cotez des roues, efleuees en haiit,amp; d’autres fous raiffeuh titans en terre.comme s’ils deuoient iouter auec leurs chariots contre les cnnemis.Voilà comment Cyrus inucntala façon des chariots armez dont vfent encor’ auiour-d’hui cens qui font es terres du Roy. Dauantagc il amafTa grand nombre de chameaus,dont il eut vne partie de fes amis amp;nbsp;confedc-rez,Ie refte auoit efte pris fur les aucrfaircs,lcfquels il prépara pour mener à la guerre j amp;nbsp;fit beaucoup d’autres prouifions de toutes chofes neceflaires pour combatte.
Comme Cyrta enutya ^raß)e pour espion en Lydie,feintant de i enfuir pour routrage qu’il auoit -voulu faire à Pantnee.
CHAPITRE n.
A utrepart voulant Cynis enuoycr quelque fien efpion en Lydie,pour eftre feurement aucrti des entreprifes amp;nbsp;menées fccrettes du Roy des ARy-riens , il lui fembla qu’Arafpe feroit le plus propre pour cet afaire. le dy Arafpe qui auoit eu la belle Panthee en garde : car il eftoit auenu à ce
ieune homme d’eftre bien fort efpris de fon amour, tellement qu’il futcontreint lui defeouurirfon courage amp;nbsp;la requérir de fondcf-honneur.Ce qu’elle lui rcfufa,comme femme prudente,amp; gardant loyauté à fon mari abfent, lequel elle aymoit fur tous les hommes du modc.Et toutefois ne voulut acufer Arafpe à Cyrus,creingnant ferner quelque difeorde entre deus amis. A la fin quand Arafpe en-flambe de defir, s’eftima tomber en grande feruitude, s’il ne iouif-loit de fon amour, amp;nbsp;l’eut menaflee de la prendre à force, fi elle ne vouloir condefeendre à fon intencionyla femme creingnant eftre forcée,ne voulut plus tenir le fait cachc,ains enuoyapar fon eunu-ehe raconter l’afaire àCyrus. Lequel oyant ces nouuelles premièrement fe moqua beaucoup de lui, pourautant qu’il s’eftoit vanté de dominer fur fes pafsions, amp;nbsp;ne fe laifter affuiettir ans forcés d’amour : puis enuoy a Artabaze auec l’cunuche lui dire, qu'Il fe gar^ daftbien de forcer en façon quelconque vne telle Dame : mais s’il lapouuoit induire par paroles à fa volonté ■ qu’il n’y donneroit point d’empefehement. Artabaze venu ’commença à lui dire vile-' me.vù que la femme eftoit en fes mains comme vn depoft,amp; lui reprocha aigrement fa mefchanceté ,fonimuftice, amp;nbsp;incontinence: tellement qu’Arafpe veincud’âpre douleur ietta des larmes abon-‘‘ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;u nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;dam ment.
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dattiméntjamp;: confus de honte mouroit quafi de creinte que Cyrus lui fift quelque grand déshonneur. Cyrus auertidecelà le fit apclerjamp; lui dit en fecret telles paroles :1e voy bien ArafpeJî creinte que tu as de moy, amp;nbsp;la honte qui te rend confus. Mais ote hardiment cet emoy de ton cœur: car Ion dit que les Dieus meines ont efte veineuz par force d’amour , amp;nbsp;les hommes eHimeZ treflages ont foufert beaucoup de tourmens pour mefme caufc Quant à moyie me fuis fouuent repris amp;nbsp;malcontente de ma nature, de n’auoir curant dcpuilTance furmoymefme queiepuflf conuerfer parmi les belles perfonnes amp;nbsp;m’en paffer quand honnît fembloit.Dauantagc tu merites exeufe de cette fautCjd’autant que i’ay elle caufe de ta raefauanture, ôc t’ay contrein de combatre vnc chofe inexpugnable. Adonq Arafpe lui refpondit : le connois bien. Sire, que vous voulez eftre femblable à vous mefme eiltet afaire comme aus autres : car vous eftes dous amp;nbsp;bénin, amp;nbsp;aue2 acoutume de pardonner aus fautes des hommes. Mais les autres hommes m’eftonnent amp;nbsp;rempliflent de f®uci amp;nbsp;douleur tear aufs* tot que le bruit de mon malheur ha elle partout efpandu mes ennemis ont commence à s’en refiouir, de forte qu’aucuns deines amis pour confort me confeillent de m’oter de la vue des homines, pour ne receuoir de vous plus apre punicion, comme celui qui 3/ grandement amp;nbsp;iniuftement ofensc. Il te faut donq fauoir, dit C)quot; rus,que fous l’ombre de telle opinion tu me peus maintenant faire vn trefgrâd plaifir amp;nbsp;à mes amis vnmerueilleus profit. A la mienne volonté, dit Arafpe, que ie vous pulîe faire quelque ferai ce agréable. Or donq, dit Cyrus, fi en femgnant de t’en fuir tu te voulait rendre à nos ennemis, ie penfe que tu pourrois aisément entrer en credit entiers eus. le le croy par Dieu, dit Arafpe, à caufe que nos amis mefmes le croiront, amp;nbsp;femeront tel bruit de ma fuite. Aptes çelà, dit Cyrus, tu pourras retourner à nous ayant connu tous leurs afaires : car ils ne faudront point àte communiquer leurs en-treprifes, tellement que tu feras au vray informe detout ce que nous voulons fauoir. Vous plait il, dit Arafpe, que ie parte incontinent , à fin que ma fujtç foudeine leur donne plus d’afluranceamp; cftimçquc iç l’aye fait pourcuiter votre fureur?Mais comment dit Cyrus, pourras (tu lailfer la belle-Paulhcc ? le connois bien dit 11, Sire, que i’ay deus clpritz amp;nbsp;def ames i de en’ cçt endroit a/ filolofc aucc vn-flofille fans de imulla., qui eft Amour* Car il u’eUpas pofsible s’il n’y auoit qu’vnc ame, qu’elle puft ien vnmef-mc rems elite bonne amp;nbsp;maunaife, aymer pareillement les bonne-lies dé vfiemes accions, .Youlon dé ne ,vouloir vnc mefme chell-
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mais II efl certein qu’il y ha deus ames, entre Icfquellcs quad la bon- Ce ^uAra^ ne domine nous faifons les chofes honneftes .-quand lamauuaifc gounerne, les deshonneftes. Maintenant donques vous ayant pris pour confeillcr Óc condufteur, la bonne ame domine amp;nbsp;figneurie en raoy. S’il te femble bon, dit Cyrus, de partir incontinent pour miens entrer en leur »race.il te faudra raconter nos menees amp;nbsp;leur rcueler nos entreprifeSjinais il les faut reueler de telle façon^que les leurs en foient empefchees:Et n’y ha meilleur moyen de les deftour ber que fi tu leur fais entendre quenousnous apreftons pour gâter leurs terres: car oyant telles nouuclles ils n’allcmbleront fiai-fément toutes leurs forces,pource que chacun creindra que fes terres ne foient gatees, amp;nbsp;s’y tiendra pour la defenfe de fes biens particuliers. Demoure aufsi le plus que tu pourras auec eus:carnous n’auôs befoin d’eftre auertiz finon des dernicres entreprifes qu’ils feront,lors que nous ferons près les vns des autres.N’oublie pareillement à leur confeiller de fe mettre en ordre le mieus qu’il leur fera pofsiblc,amp; au lieu qu’ils eftimeront le meilleur : car au tems que tu partiras d’aucc eus fachant tresbien l’ordre qu’ils voudront tenir au combat ils feront contreins ou de tenir vnemefmc forme creingnant la changer, ou bien s’ils la changent leur nouuel ordre les mettra foudein en defordre. Apres ces paroles eftant Arafpe par ti auec fes inftruccions,print en fa compagnie fes plus loyaus ferui-tcurs,(Sc ayant ordonne aus autres ce qu’il vouloit eftre fait pour la conduite de fes afiiircs, «’en alla hors du camp fecrettement amp;nbsp;à grand’ diligence, ainfi qu’il anoit acordc. Eten bref tems arriua vers le Roy d’Aflÿrie ou il fut reçu qrcshonorablcmcnt, amp;nbsp;après auoir rende les entreprifes de Cyrus, il fut tenu pour compagnon amp;ami,amp;eut communicacion de tout ce que les Rois ôc Princes auoient délibéré de faire pour la guerre.
deus amet, eßßultmet
Comme Pantheejit'vensr fort mari à Cyrtu, ^ Fapreß quilßt pour la guerre , ^ des façons inuenfees pour charrier gy* conduire les groffes machines, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chat. 111.
^Donq Panthee voyant Arafpe parti à fi grand* diligence, enuoya dire à Cyrus qu’il ne fe iàchaft point pour la fuite d’Arafpe ; Car s’il lui bailloit contré d’enuover vn home à fon mari, elle s’alTu-^!roit lui donner vn plus loyal feruiteur amp;nbsp;ami __________que n’eftoit Arafpe,lequel viendroit acompagné ^e toute fa puiliance:Pource que le feu Roy d’Aflÿrie l’auoit ayme u a grand
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grandement^mais celui qui pour lors rcnoit s’eflolt efforce de illettré diuorce entre lui amp;nbsp;elle ; parquoy eftimant ce prefent Roy lui auoir fait vn grand tort, elle tenoit pour certein qu’il fc rendroit volontiers à vn tel amp;nbsp;fi vertueus Prince comme Cyrus. Apres que Cyrus lui eut permis amp;nbsp;commande de ce faire, Abradate fon man Roy de la Sufienne connoiflant les enfeignes de fa femme,amp; anem comment toutes chofes cfloient allées, vint de fon bon S're à Cy-rus acompagné de deus mille Cheuans ou enuiron. Quand il fui: venu iufques au guet des Perfes il enuoya dire à Cyrus qui il edoit, amp;nbsp;pourquoy il venoit. Adonq Cyrus commanda qu’il full conduit vers fa femme. Quand Abradate amp;nbsp;fa femme fe furent vuz, hors de toute efperance, il ert merueilleus à penfer la ioye, la pitié, amp;nbsp;les embraflemens qu’ils s’entredonnerent, comme il eft raifonnabb ; qu’il auienne entre grans amis : incontinent apres Panthee luira' conta la loyauté, la continence amp;nbsp;vertu de Cyrus, amp;nbsp;la pitié dont il auoit vsé enuers elle, tellement que Abradate lui dit ; Q^e pour-rois iedonques faire Pathee, pour recompenfer Cyrus pourvous amp;nbsp;pour moy ? Qiielle chofe dit elle, linon vous efforcer d’edretd enuers lui qu’il ha effé enuers vous ? Abradate de mefme pas vint faire la reuerence à Cyrus, amp;nbsp;lc prenant par la main dextre, lui dit: pour tous les bienfaits. Sire,,qu’il vous ha plu nous faire,ie ne vous faurois ofrirny donner chofe plus grande quemoymefme,amp;iigt;t t prefente à vous pour eure votre treshumble feruiteur,ami,amp; compagnon de cette guerre.Et ou ie conoirray que vous aurez le coeut à quelque entrcprife,iem’efforceray vous y ayder lemieus amp;nbsp;le plus loyalement qu’il me fera pofsiblc. Adonques le reçut Cyrus tref amiablemcnt amp;pour lors le fit aller fouper auec fa femme, lotis condicion qu’il viendroit apres loger en fon pauillon auec tous fcs amis. Voyant donq Abradate comme Cyrus preparoit fes dit- I riots armez de fauls, inftruifoit les hommedarmes amp;nbsp;les cheuaus I bardez de toutes pieces qu’on apeloit cataphraftes, s’efforça de l fournir cent chariots armez des cheuaus de fa compagnie fembla-bles à cens de Cyrus, amp;nbsp;fe mit luimefme en ordre pour les condui-rc,amp; pour fa perfonne fit faire vn beau chariotjlequel il fit compo-fer amp;nbsp;bâtir de quatre limons à huit cheuaus atelez, amp;nbsp;Panthet fa femme de fon argent propre lui fit faire vn harnois,vn heaume amp;nbsp;les auantbras d’or,les harnois des cheuaus les bardes amp;nbsp;autres acou tremens du chariot, d’erain.- Voilà comment Abradate fe preparoit, amp;nbsp;Cyrus voyant fon chariot à quatre limons, imagina d’en faire vn autre à huit limons,à fin de trainer auecques huit paires de beufs lapins groffe machine des engins de bois qu’il auoit fait faire
-ocr page 193-DE XENOPHON. LIVRE VI. x pour rompre les murailles^tellement qu’il fit faire vu chariot efieuc de trois pas fur terre auec fes roues, amp;nbsp;eftimoit que les tours afsi-fes fur les chariots faits de telle façon, fuiuant le bataillon en bon ordre, donneroient vn grand fecours à fes gens, amp;nbsp;grand dommage aus fquadrons des ennemis. Si fit à tels edifices des Galeries» courir alentour auecqucs des creneaus, amp;nbsp;fur chacune tour mit vint hommes armez. Après qu’il eut efTayé toutes les chofes necef-fairespour ces tours, il en voulut effayer le charroy, amp;nbsp;trouua que huit couples de beufs menoient plus aisément vne tour amp;nbsp;les hom mes qui eftoient defTiis, que chacune paire de beufs fon poix ordinaire des meubles amp;nbsp;bagages d’vne troupe de gendarmes. Car le poix desvtenfiles qu’ils portoient ordinairement parpaïs, eftoit pour chacune couple de beufs, enuiron vint Ôc cinq talens qui re-nenoicnt enuiron à trois milliers cent vint amp;cinq liures pefanr. Maislepoix de la tour bâtie en façon d’vn tabernacle tragique, auecl'cfpefreur des baliueaus les vint hommes «Scieurs armes,ne re-uenoient à chacune paire de beufs qu’à quinze talens , c’etadire à dixhuit cens foixante quinze liures pefant. Car tout lebatiment ncpefoit que quinze milliers ou enuiron. Parquoy Cyrus voyant hvoiture defdites tours eftre aifee les prépara pour les mener auec fon camp, eflimant que tous les auantages tant foient ilspetiz, qu’on peut auoir à la guerre font de grand’ importance, amp;nbsp;font caufe foiiuent de fauuer la bonne «querelle du vcincueur,lt;Sc lui apot Ht vne félicité grande.
Comme le Jloy des Indes ennoya faire atiance auecqucs Cyrus, wi renuoya les Embajjadeurs d’icelui, pour e/fier les afai~ te; des ^ffynens, ^ les nouueUes qu’ils en raporterent.
C H A P. I 111.
N ce mefme tems arriuerent les Embafladeurs du Roy des Indes qui aportoient grande quantité d’argent, amp;nbsp;auoient en mandement de dire à Cyrus : Que leur Roy s’eftoit merueilleufemcnt ref-ioui, de ce qu’il lui auoir deelairé fa necefsité, lt;Sc des lors vouloir eftre fon ami amp;nbsp;cofederé, à cette '■’'quot;t lui enuoyoit de l’argent, amp;nbsp;s’il en auoit afaire d’auantage, ’l’quot;hnenuoyaft querir.Outre leur auoit ordonné de faire tout ce voudroit commander, amp;nbsp;lui obéir en toutes chofes pour ^‘’quot;fenice.
Çyfus ayant ces nouuellcs, leur enchargea, que partie d’iceus u 3 demon
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demouraft cnfes tentes pour garder l’argent amp;nbsp;faire la meilleure cherc dont ils fc pourroient auifer,amp; trois d’entr’eus allalîenf, comme Embafladeurs deuers le Roy d’AlTyrie, faire femblant de traiter au nom de leur Roy, focieté amp;aliance de guerre aueclub amp;nbsp;apres aiioir entendu ce qu’il auroit délibéré de faire j qu’ils re-Uinfent incontinent pour anertir lui amp;nbsp;le Roy des Indes de tout l’afairc : En quoy, s’ils vouloient faire le denoir, promit leur en falloir meilleur gré que de l’argent qu’ils lui auoient donné. Caries efpions habillez comme ferfs ne peuiient donner auertilîenient, finon des chofes vulgaires qui font connues mefmc du menu peuple , mais les gens d’honneur, tels que les Embafladeurs j peuiicnt fonuent entendre ies confeils amp;nbsp;fecrettes entreprifes des Rois. Les Indois oyans celà, de tresbon cœur promirent d’y aller j amp;nbsp;après auoirreçu grans donSjamp;inflruccions neceffairespour leur voyage» partirent le iour enfuiuant ^ promettans de retourner le plus tôt qu’il leur feroitpofsible, quand ils feroient informez amplement de toutes les entreprifes du Roy d’Aflyrie. Dautrepart Cyrus ayant trefmagnifiquement préparé les chofes ncceflaires pour h guerre, comme celui qui ne mettoit fes penfecs en chofes viles, ou bafles,non feulement fe montra curieus de faire hôneur à fes allez» mais fema parmi fes amis vnecontencion amp;emulacion de vertu, à fin que chacun en fon endroit amp;nbsp;tous en general fc montraflent forts, braucs,bien armez, bien équipez, bien garniz de chcuaus5t armures fourbies, bien inflruits au dart amp;à la flefehe, amp;trefin-duRricus en toutes chofes. Et pour ce faire les menoit fouirent àh chafle, louant «Seprifant toufiours cens qui femontroientfortsd: adroits à chenal. S’il tronuoit parfois aucuns de fes Capiteines» qui fuflent diligens à inftruire leurs compagnons amp;nbsp;les faire valoir» par dons amp;nbsp;louenges publiques les incitoit à vertu. Quand ceve-noit à quelque facrifice,ou fefle folennelle,il faifoit des iens depn^ de tous esbatemens amp;nbsp;façons de combatte qu’on peut imaginé pour la gu erre, amp;nbsp;donnoit de trefriches prefens ans veincueurSjtel-lement que toute l’armée eftoit en vue merueilleufe liefle amp;nbsp;contentement. Or auoit Cyrus quafi mis en ordre toutes les chofes qu’il auoit délibérées pour la guerre, fors les grandes machinesî rompre murailles : caria caualerie Perfique eftoit défia fournie iniques à dix mille hommedarmes, amp;nbsp;les chariots armez de faills,qu’il auoit inuentez eftoient paracheuez iufqiies au nombre de cent-Abradate Sufien en auoit aufsi fait iufques à cent, fembJablesa ceus de Cyrus, amp;nbsp;cent autres chariots Modiques, que Cyrus auoit perfuadé à Cyaxare de changer en cette noimeUe façon, aboliflant ” nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;~ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;l’ancienne
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Fancienne figure des chariots Troycns amp;nbsp;LybiqueSjfur lefquels on fouloit aller afsiz à la guerre. Sur chacun Dromadaire y auoit deus archers j amp;nbsp;toutes autres chofes eftoient fi bien apreftecs ^ quela pkifpart des foldats tenoiët défia la viftoire en leur main _, amp;nbsp;n’efti-moient rien leurs auerfaires. Mais quad les Embaffadeurs indiens^ que Cyrus auoit cuuoyez pour efpicr les faits des ennemis, fùrent retournez, amp;nbsp;eurent raportc comme Crefus efloit eflu Empereur amp;nbsp;Capiteine général de tous les ennemis, comme les Rois conférerez auoient délibéré d’y venir auec toutes leurs forces, amp;nbsp;conférer grande quantité d’or amp;nbsp;d’argent : qu’ils eftoient intentifs à trouner amp;nbsp;fouldoyer tous les compagnons qu’ils pouuoicnt aiioir, amp;nbsp;donner argent à cens qui le meritoicnt,.mefme qu’ils auoient defiafouldoyé grand nombre de Thraciens auantuners. Qiieles EgJ'pdens eftoient fur mer pour fe ioindre ans Aftyriensen nobre rc fix vints mille hommes garniz de pauois pendans iufques en terre , de longues piques (dont ils vfent encor’ auiourd’hui) amp;nbsp;de longues efpees. Les Cypriens venoient aufsiparmer, lesCiliciens eftoient défia en armes,les gens des deus Phrygies, les Lycaoniens, Paphlagoniens, Capadoces, Arabes amp;nbsp;Phéniciens, amp;nbsp;auec le Roy dcßabylone tous les Afiyriens : Pareillement que les Ioniens, Eoliens , amp;nbsp;prefquc tous les Grecs habitans en Afie eftoient cotreins par Crefus de le fuiurc, lequel auoit aufsi enuoyé aus Lacédémoniens pour faire aliance de guerre auec eus. Au demourant quele camp s’aflembloic entour la riuiere de Parole, de là qu’ils fe voit- c’et en fA~ loient camper fur la Tymbrâydc, ou fe fait encore auiourd’hui l’af- ße nunexr. fcmhlee des Barbares habitans la bafle Syrie, qui font fous le Roy ^auoient fait commandement à tous leurs fiiietz de faire proui-fion de municions amp;nbsp;deviures au camp. Les raports des captifs eftoient prefque femblables:car Cyms s’eftorçoit toufiours de pren dre cens, dont il efperoit tirer quelque auertillement, amp;nbsp;enuoyoit en diuers lieus des efpions en habit d’efclaues fugitifs pour auoit plus de raports. Comme donq le camp de Cyrus eut entendu ces nouuelles, ils commencèrent tous à fe facher amp;nbsp;contrifter, comme la raifon le vouloir, on les voyoit plus mornes amp;nbsp;penfifs qu’ils n’a-uoient acoutumé d’eftre, amp;nbsp;ne le montroient fi ioyeus amp;nbsp;difpots tmiime deuant,au contraire plus triftes amp;nbsp;mélancoliques,amp; n’euft oavùle camp rempli fi non de gens aflemblez par troupes, qui de-’’'îndoient l’vn à l’autre des nouuelles, amp;nbsp;dilcouroient des afaires deiaguerre. Cyrus feu tant le camp cfmu amp;nbsp;troublé de creinte, fit »iftcnibler les principaus Capitemes , amp;nbsp;tous cens dont il pouuoit auoir dommage^ s’ils eftoient fadfiz de cœur,^ profit s’ils fe mou-
troient
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troicnt hardiz. Si commanda aus Archers de fa garde de n’empef-chcr les autres foldats, s’ils fe vouloiêt aprocher pour Fouir parler, amp;nbsp;comme ils furent tous affemblczpl parlementa comme s’enfuit:
Harangue de Cyrtts pour oter la creinte à fessons (^ Fe^on-nemeut qu ib auoienteu des nouueUes de la^uerre.
CHAPITRE V.
Ertucus amp;nbsp;bien aymez compagnons, la caufe pourquoy ie vous ay affemblez eft, pourtant que i’ay vu aucuns porter vifage de gens creintifs amp;nbsp;eftonnez pour les nouuelles qui font venues des auerfaires : car il me femble fort ertranse. amp;nbsp;m e-___merueille grandement^ qu’aucun de vous s’efpou liante d’ouir que les ennemis s’affemblct amp;nbsp;apreftent pour la guerre, vu que nous fommes beaucoup plus que quand nouseuftnes vne fi belle vidoire fus eus, amp;nbsp;parmefine raifon, aucc Faydedes Dieus, notre armee fe troutie meilleure, plus belle amp;nbsp;puiflante ! qu’elle ne futiamais. Eft il donq pofsiblc,fachans amp;nbsp;connoilTans | nos forces, que ne foycz hardiz ? O dieus immortels ! que feriez vous (vous qui creingnez en ce tems) filon vous raportoit vos ennemis efire en Feftat que nous fommes maintenant,amp; venir àl’en-contre de vous ? Car premièrement Ion vous diroit: Voilà les ennemis qui vous ont autrefois batuz, les voilà retournez ayans au coeur la mefmc vidoire qu’ils ont défia gagnee. Lon vous diroit: Voilàles Archers, voilà les foldats qui ont abatu amp;nbsp;rasé vosgraos forterefTes, qui font au double plus qu’ils n’eftoient auparauant. On vous diroit : Voilà les gens de pic,qui ont défait votre fanterie eftans armez, maintenant ils fe font mis à chenal armez de mefniet armes,lt;Sc viennent contre votre gendarmeric,lt;Sc fans auoirpeutde | dart ny de flefehe galopent aucc vne lance, ou iaueline, pour coin-batre à la main. Dauantage,voilà venir les chariots armez,qui font €quipez,non point pour fuir comme auparauant, mais pour combatte , ayans les cheuaus bardez de maille, les condudeurs fur le* tours de bois defenduz amp;nbsp;armez de cuiraffe amp;nbsp;falade, des faills trenchantes aus ailTculs des roues, pour fe ruer impetueufemet fut vos rengs. Ils ont aufsi(vous diroit on) des Chameaus, furlefqucls y ha des combatans, dont le regart d’vu feul cft fufifant à efrayô cent chcuaus : outre cclà, ils ont batf des tours, defqucllcs ils donnent fecours à leurs gens, amp;nbsp;à nous empefehement de combatte a la plaine. Si donq on vous raportoit les ennemis efire équipez de
-ocr page 197-DE XENOPHON. LIVRE VL i6T ces armes (^ie dy à vous, qui pour fi peu de chofe eftes tombez en creinte) que feriez vous? que diriez vous? qui eftes fi eftonnez d’a-uoir entendu Crefus efire Capiteine general de leur armee? Lequel cd plus Jafehe amp;nbsp;couart que les autres SyrienSj d’autant que les Syriens en la bataille que nous gagnâmes, ne fe mirent en fuite finon après qu’ils furent veineuz au combat : mais Crefus les voyant en danger, en lieu de les fecourir, fc tourna le premier en fuite. Da-nantage. Ion vous ha auertiz que les auerfaires ne fe fentans affez forts poumons, cherchent des eftrangers à la foulde, dont ils fe penfentmieus valoir à la guerre, que d’eufmefmes. Vous fembleil Jonques tels raports eure à creindre amp;nbsp;eftimer, amp;nbsp;nos forces à reprendre amp;nbsp;blâmer? le fuis d’auis, vertueus compagnons, que nous enuoyons^no5 ennemis cens qui ont telle creinte, pour auguîen-ter encores leur compagnie de gens inutiles:amp; tenez.pour coftein, qu ils nous profiteront beaucoup plus eftans auec eus,que demou-rans tellement afeclez amp;nbsp;eftonnez auecques nous.
Ayant Cyrus dit ces paroles,Chryfante Perfe fe leua amp;nbsp;dit : Ne vous cmeriieillez point. Sire, d’auoir vu aucuns des foldats marriz amp;facliezpourlcsnouuelles des ennemis. Car leur triflelTenepro-«de point de creinte, ains de defpic amp;nbsp;marnlîon, comme pouiiez edimer qu’il auiendroit à cens qui fe penferoient eftre défia à table pour dîner, ce neanmoins fi on leur commandoit quelque befon-gne, qu’il falull faire deuant que manger, il n’y auroit homme (à mon auis) qui n’en full dolent amp;nbsp;fâché : aufsi nous eftimans eftre defta en voyc pour nous enrichir,quad ion nous ha dit,qu’il y auoit encor’ quelque befongne à faire, nous anons eu le vifage trouble, non point de creinte, mais de defir qu’elle fiift défia faite. Caren confiderant qu’il nous faut combatrenon fculemet pour la Syrie, qui edfertile amp;nbsp;abondante de beaus blez, grand bétail, amp;nbsp;Palmes frudiferesimais aufsi pour la Lydie,ou il y ha grand vinoble,abon-dance de figues amp;nbsp;d’huile : amp;nbsp;au bort de la mer, dont tant de biens procèdent, que aucun viuant n’en peut voir autant ailleurs : Nous reprenons courage,amp; ne fommes plus ny marriz ny rroublez,ains rempliz d’vue grand’ hardielTe amp;nbsp;confiance, pour bien tôt aller prendre poffefsion amp;nbsp;iouiflance de tous les biens de Lydie. Il me femble donq,dit Cyrus, vaillans compagnons, qu’il nous faut aller contre eus lepluftot qu’il nous fera pofsible, pour les furprendre auant qu’ils ayent recueilli les fruits de la terrCjioint que tant pluf-tot nous irons,tant moins les trouuerons garniz de ce qu’il leur f^'vvgt; Toutefois fiquelqu’vn de vous fcet ou entend quelque plus fom^j ouplus aisé moyen, qu’il l’enfeigne. Quand la plus part eut
X- aprouné
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aprouné cette opinion ^ qu’il faloit incontinent aller fur les auer-faireSjamp; que perfonne n’alla au contraire,Cyrus recommença à les amonnefter amp;nbsp;inftruire comme s’enfuit:
Enfeionement de Cyruf a fes Cafitetnes, tant pour la façon de yiure des foldats,que four la conduite d’vne armee par fais, ordre des fionijiers,marchans^ouuriers^^ municionnaires.
CHAPITRE vi.
Ompagnons trefaymez, puis que parla grace de Dieu,amp; par longue experience vos courages ont elle bien inllruits à combatte, vos corps difpots à marcher, amp;nbsp;les armes, dont il vous faut vfet, de long tems apreftees : maintenant ne relie plu’ qu’à faire prouifion de viurcs tant pour nous, quepour nos belles atout le moins pourvint iours. Car endif
Comme il faut mener quot;yne armee far fais.
couranten moymefme ietrouueque nous auonsplus de quinze journées de chemin à faire, par lequel ne trouuerons ny herbesnj' viureSjpource q partie d’iceusha ertc pillee par nous mefraes,p3roe par les auerfaires qui nous creingnoient, toutefois il nous enfant tromicr: car fans celà nous ne pourrons ny viure ny combatru mais quant au vin, chacun en ayt feulement autant qu’il luifel necefiairc. Toutefois ie fuis d’auis, que nous nous acoutumionsa boire de l’eau : car nous auons à pafler vn grand païs, qui ne porte point de vins, de forte qu’encores que nous en hfsions grolleprO' uifion,nous n’en fauriosalfezporter. Parquoy, afin qucparvnefi fubitc indigence devins nous ne tombions en quelque maladie ,11 nous faudra commencer à boire de l’eau à nos repas, afin quel’ foudeine mutacion ne nous foit trop grieue à porter. Car celui mefmc qui vit de gateau, mange d’vue pâlie en eau deflrempee,l’ pain aufsi ellpétri en l’eau, amp;nbsp;toutes chofes boulies participent de l’eau, ou elles font cuites. Mais pour le commencement nefiæ dra boire du vin, finon apres le repas, dont perfonne ne fe portera pis, amp;nbsp;ne lairra point de repofer : puis faudra peu à peu diminuer Î’vfage du vin,iufqucs à tant que n’en bunions point du tout. Car le changement qui fe fait par le menu,fait endurer plus doucement Jes mutacions : ainfi que Dieu mefmes nous auertiflparfes euurcs, lequel nous meine petit à petit des grandes chaleurs ans fortes gelees , amp;nbsp;des gelees amp;nbsp;froidures d’yucr, aus chaleurs d’elle. Ce qu’il nous coulent cnfiiinrc,amp;nous acoutumer de notre bon gré à faire vue chofe,poiir y paruenir auec moins dç fâcherie. Au deraourant vous
-ocr page 199-DE XENOPHON. LIVRE,VI. x/îj vous ferez tresbien de vendre les couuerturcs de vos lits ^ pour auoir des viures : car fi d’auanture vous en aiiez de relie, ils ne le-* ront inutiles : mais fans conuertures vous ne lairrez pas à dormir: fl autrement il en anient, prenez vous en à moy : toutefois l’abon» dance des robes amp;nbsp;babillemens donne grand fecours à l’homme foit en fantc ou en tems de maladie.Quant aus viandespl faut faire prouifion de celles qui font plus aigues amp;nbsp;mordantes, principalement debonnes chairs falees : car elles refiafient pluftot, amp;nbsp;durent plus à digerer.Si tôt que nous ferons entrez au bon païs 0c falubre, auquel vrayfemblablcment nous trouuerons des bicz, il faudra faire des moulins àbraz, qui cille plus leger infirument de cens dont on fait le pain , il ne faut aufsi oublier de toutes drogues amp;nbsp;autres meubles, dont les malades peuuent auoir befoin,dcfquels la charge eft fort petite, amp;rvfagebicn grand, fifortunc nous cRoit contraire. Faites aufsi prouifion de cordes amp;: liens, d’autant que f'fageen eft commun pour les hommes amp;nbsp;les cheuaus en plufieurs diofes ; car vnc chofe rompue ou gatee, donne grande dilacion à signerpaïs, fi Ion n’a des liens, cordes, amp;nbsp;autres meubles neceflai-r«ponrprontement y remédier. Le fourbifleur des piques, n’ou-hliepoint fa doloirc, amp;nbsp;lui fera bon d’auoir vne lime : car celui qui aguife vue lance (par manière de parler) aguife aufsi fon courage: d’autant qu’il femble que ce foit honte amp;nbsp;deshonneur d’eftre lafehe amp;nbsp;couart à celui qui afile les armes d’autrui. Il faut aufsi auoir forcebarres (Sc baliueaus fur les chariots d’armes amp;nbsp;charrettes : car il eft quelque fois force d’en auoir amp;u’cn peut ou recouurcr. Pareilr lementfefaut garnir de tous outils neceflaires à chacun meftier: cat Ion ue trouiic pas des ouuriers par tout, amp;nbsp;à ce qu’il faut du ’°“tàlaiournccpcu de gens ne peuuent fufire. Chacune charretc ^Jf foniàuchet,amp; fa fourche: chacune belle de charge fa faills amp;nbsp;fa houe: car chacun s’en ayde en priuc, amp;nbsp;portent grand profit en piibliq.Quant aus viures,vous conducteurs de cens qui portent les armes, aurez lacharged’en faire porter pour leurs maitres, amp;nbsp;n’en laifiezauoir faute à vn feuhear nous mefines en foufririons.-Quant a ceus des belles, vous qui auez charge du bagage, donnez ordre qu’ily enayt,(Sc contreingnez d’en acheter tous ceus qui en auront faute. Vous Capiteines des pionniers, faites enroller tous cens qui par moy ont elle caficz des bendes des archers, iaculateurs, amp;nbsp;por-teursdefondes.Car ie veus que ceus qui fout fortiz du reng des ia-etthteurs foient contreins d’aller à la guerre auec vne coignee, les “'chets auec vn rateau, les porteurs de fonde auecle fardoir :amp; tous «tfçæble marcheront deuaut les charretes fur les ailes, à fin
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que s’il faut aplanir le chemin, ils foient prefts pour le faire, amp;1* i'ay afaire d’eus, ie fache ou les tronucr. le fcray venir au camp d'^ ouuriers de chacun meftier auec leurs outils, qui feront en aagc pour fuiure la guerre,comme Cordonniers,Tailleurs, MarechauS Maçons, amp;nbsp;Feures d’erain, à fin que durant l’expedicion lon n’a)' faute d’aucune chofe.Ceus cy fe tiendront au reng de cens qui po' tent les harnois des gendarmes, mais ce fera en vn certein qnaf' tier,pour feruir tout le monde pour argent. Si quelque marchan' veut fuiure le camp pour vendre fes denrees,qu’il ayt aufsi des pW' uifions pour vint iours,dens lefquels s’il vend aucune marchandé') tous fes biens feront confifquez : mais apres ce tems, lui feraloid' ble de vendre tout ce qu’il voudra à fon plaifir, amp;nbsp;lors quiconques aportera beaucoup devîntes au camp, fera recompense demoyde des confederez. leleur feray encor’ cette grace,que fi quelqueif“''' chand fe fent auoir befoin d’argent,pour entretenir fa marchadifc me donnant connoifiance amp;nbsp;refpondans de fa foy, ie lui en baiU'' ray. Voilà les points, dont pour le prefentie vous ay voulu aïK'' tir, fiquelqu’vn fcet autre chofe pour notre profit, qu’il me le fall' cntendre,ie lui en fauray bon grc. Au demourant, allez vous af 1 prefter, ce pendant ieferay facrifice pour auoir la grace de Dieib“^ faire profperer notre voyage, amp;nbsp;files augures font bons, levons ei’ auertiray. Entre vous foldats, trouuez vous en ordre fous vos en* feignes,au lieu qui vous fera montré:vous Capiteines,apres qu’au' rez rengé vos gcns,retournez à moy, à fin que chacun de vous en' tende la place, qu’il deura tenir.
Comme CyrM 'vînt trouner les duerfairef en Lydie, ^ U^A^o^ dont il 'vfoit à camper,^ marcher auec toute h armee.
CHAPITRE, vn.
Es paroles ouies les foldats fe mirent inconti' lient en ordre, amp;nbsp;Cyrus fit fes facrifices, lefquelgt;
quand il vid bien amp;nbsp;deument acompliz, iHc^^ le camp rSepour la premiere iournee le plantai' plus près qu’il put du lieu d’où ileftoit parti? fin que fi les compagnons auoient oublié quel' que chofe ou vouloient acheter quelque habillement dauantagC; ce mefme iourils pufient retourner à la ville pour l’acheter. Cyâ' xarcn’ayant retenu des Medes que la tierce partie auecfoy,afe quefonpaïs ne fiift entièrement ddgarni degens de guerre Jailli aller le demeurant de fon armee aiiec Cyrws,amp; demoura en Me^''
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Cependant Cyrus s’en allait le plus diligemment qu’il lui efloit pofsible, auec vne tresbellc ordonnance faifant marcher la cauale-rie déliant toute Farmee j amp;auoit pour faire fcorte grand nombre d’aiiancoureurs, lefquels ilenuoyoit toufiours fur les hauts lieus pour defeouurir le pais d’alentour. En apres fuiuoit le bagage, amp;nbsp;quand il trouiioit le chemin à plaifir, diuifoit les charrettes du bagage, amp;nbsp;les chariots par troupes amp;nbsp;les faifoit fuiure en bon ordre. Apres marchoit le gros bataillon des gens de pic rengez en forme quarree. Si quelque chariot efloit tardif à venir, les Capiteines qui s’y trouiioient procheins, donnoieiit ordre qu’ils ne fuffent cm-pefehez de marcher. Quand ce venoit à vn chemin eftroitamp; rompu, les valets des gendarmes ayans le bagage au milieu alloient d’vncpartiSc d’autre : fi quelque chofe les deftourboit, les foldats ordonnez pour cet afaire y prenoient garde. Mais le plus fouiient hs compagnies marchoient ayans leur bagage à leur cote : car ainfî 13iioit Cyrus commandé à tous les oficiers du camp, à fin que chacune compagnie euft fes meubles amp;nbsp;vtenfiles en la main, fi quelque empefehement ne furuenoit : amp;nbsp;chacun d’eus auoit la marque de fon Centenier amp;nbsp;faloit qu’il la portail par païs pour ellre connu de toute la compagnie. Parainfi quand ils marchoient par troupes,iis donnoient ordre à leurs afaires, à fin qu’ils ne demouraffent en arriéré, amp;nbsp;par ce moyen n’eftoient iamais en peine de s’entrecher-cher, toutes leurs befongncs elloient preftes amp;nbsp;fauues,amp; les auoict aufsi tôt qu’ils voulaient. Quand donq ils eurent pafsé vn grand païsvfans toufiours de cette manière de camper amp;nbsp;marcher,les auancoureurs aperçurent quelques fourrageurs en vne grand’ cam PJ^Sr'ejqui emportoient du fourrage, du boiSjamp; plufieurs fortes de ^“tes : pareillement virent leurs belles dont les vues efloient char ge«,lcs autres paifToient en la plaine. Et paflans encor’ plus outre, aperçurent leuer quelque poudre oufumee, dont ils fe doutèrent quel’oll des ennemis n’efloit pas loin de là. Parquoy le Capiteine des auancoureurs enuoya incontinent vn homme pour auertir Cy tus de l’afaire, lequel commanda qu’ils s’arreftaflent fur leurs fen-tinelles.-au demourant lui fiffent falloir tout ce qu’ils aperceuroient dcnoiiueau. Dautrepart enuoya vne compagnie de cheuaus plus outre, pour s’elforcer de prendre aucuns de cens qui efloient efga*-rez par la campagne, à fin d’ellre miens affurc de cette entreprife. Pendant qu’ils eftoient en cette poiirfuite, Cyrus changea l’ordre de fes cfquadrons, à fin que chacun s’aprellall de tenir fon reng ^^int qu’ils fulTent plus près des auerfaires.Comme donq il les eut ™t dinçr leur commanda de fe tenir fous leurs enfeignes pour fai-
X 3 te
-ocr page 202-rlt;rlt;r nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;LA CYROPEOIE
rc prontcment cc gni feroir commande: amp;nbsp;incontinent fit aflem-bler des Capiteines tant de gens de cheuafigne des gens depic/ha-riots d’armeSjmachineSj chameans amp;nbsp;bagages ; amp;nbsp;tôt après fiiriiii? drent les chenans légers qui amenoient ccrtein nombre deprifon-niers. Iceus interroguez par Cyrus deJ’eftat des ennemis lui raton-terentj comme ils eftoient fortiz du camp pour fourrager amp;nbsp;amaf-fer du bois, auoient paße les gardes amp;nbsp;elcoutes ^ qui efioient aflêz mal fougneufement eutretenueSjpour la grand’ multitude de leurs gens^que le gros de l’armee u’cftoit qu’à quatre lieues de là. Adonç Icm- demanda Cyrus j s’ils auoient point oui nouuclles de lui .'ils dirent que par le camp il courolt vn bruits corneilles venoittrou-ueràgrand’ puilîance. Dcrecbefpour donner courage à fesgenJ leur demanda^ s’ils efioient ioycus de fa venue.Ils rclpondircnttjuc non ; ains edoient en grande rriftelfe amp;nbsp;fâcherie .-toutefoisferner-toient en ordrepour atedre la bataille^ amp;nbsp;auoient fait le fcmblabb les trois ioursprecedens. Interroguez danantagepar Cyrus qui les mettoit en ordre: relj^ondirent que c’edoit le Roy Crefus, vn Ûquot; i pitcineGrcCjamp;pareillement vn cettein homme de Alcdc,qui aiioit t abandonne le camp desPerfes, amp;nbsp;s’eftoit rendu ans AÜynens.O I mon Dieu , dit Cyrus j comme ie voudrois bien prendre cctui Jàa mon plaifir ƒ Comme donq Cyrus eu t fait retirer les prifonniers,à fe retourna comme s’il eull voulu traiter quelque afaire amp;nbsp;parlementer auetfes trens.
Comme ^rajpe re»i»t à Cyem (27^ /«;* raconta toute lorJonnan' ce des ennemisj^^ les apreßs dicelnipour mettreßs^e/u^^ bataille, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a p. v i s ^'
a Neontinent apres ce que delTits ^furuint vnd^^ pli efpions djfint auoir aperçu vn grand nombres!': Jlgcns à chenal deuant les autres ^ amp;nbsp;auoir conie-ßiare qu’ils cüoient cnnoyez pour dcfcoiiurir leur amice: Car deuant cette grode troupeyen _____auoit enuiron trente qui galopaient droit à h fentinclle on ils thifoient leguet, parauanturepourla furprendret lt;rar il n’y auoit en ce lieu que dix hommes aus elcoutes. Adong Cyrus commanda à vue troupe de cheuaus qu’il auoit toufiours près de foy, de le mettre en embûche à conuert d’vn cote du terW ou edoitia fentineUe fans faire aucun bruit, amp;nbsp;alfaillir lesauerfah
les incontinent qu’ils feraient entrez là dedens, pour prendreks cfcoutesjaufquels il commanda faire femblaat de s’en fumDaurrC’
-ocr page 203-DE XENOPHON. LIVRE VL 1^7 part pour garder que la grofle bende ne leur puft nuire, commanda à Hyftafpe prendre vue compagnie de mille cheuaus amp;fc prefenter àl’encontre d’eus:mais qu’il ne les fuiuiftpoint en lieu du inonde qui fiift obfcur ou couuertjde peur des embûches: mais feu-lemïtfetinftpreSj pour défendre amp;nbsp;garder la place de fes efeoutes. Toutefois fi aucuns venoient à lui ayans les mains leuecs, qu’il les teçuft amiablemcnt amp;nbsp;les fit venir deuers lui. Hyftafpe s’en alla incontinent armer amp;nbsp;mettre en ordre fes gens pour exécuter le commandement de CyruSj ce pendant voici venir Arafpc au deuant de cens C|ui eftoient au guet auec fes feruiteurs, lequel aiioit eftc cn-uoycpour efpion aus ennemis amp;auoit eu en garde la belle Panthee. Cyrus oyant ces nouuelles fauta hors de fa chaire^pour lui aller au deuant. Adonq le reçut trefamiablemcnt, amp;nbsp;tous les autres furent Rienieilleufenient esbahiz de fi grandes carefles , iufques â r^nt que Cyrus leur dit : Voici mes amis . vn treshomme de bien Kuenuvers nous j duquel il faut maintenant que les faits foient connuzpar toutle raonde.Cc n’eft point pour eftre ateint de quel-^ficfaiite qu’il partit fi foudeinement de moy,ny pour mefchance-feoucreinte qu’il euft:inais feulement pour obéir à mon commandement il s’eft rendu aus aucrfaires ^ pour me raporter au vray toutes leurs entreprifes.Et n’oublicray point ce que le t’ay promis, Arafpe,. mais te recompenferay au mieus qu’il me fera pofsible. Parquoy il eft raifonnablc que vous tous l’honoriez comme vn homme de bien amp;nbsp;de vertu: car pour notre profit il s’eft iette en culdentd.iger, «Sc ha foufert d’eftre charge d’vn crime dont il eftoit déshonoré. Apres cela tous les autres le reçurent amp;nbsp;embraflerent tôme leur ancien ami. Les embrafiemens amp;nbsp;falutacions finies, Cy'-’■“s lui comanda raconter ce qu’il auoit apris/ans diminuer en rien la vente, ny amoindrir en chofe quclcoquc la puiflance des auerfai-tes. Car il fera, difoit il, beaucoup meillcurpournous, detrouuer leurs forces moindres que nous ne penfcrons,q de les trouucr plus grandesq nous n’aurons entendu.Adonq Arafpe raconta depoint en point cômeil s’eftoit eftudie de fauoir au vray le nombre des ennemis,pourtant qu’il s’eftoit mefle de les renger en bataille auec les autres Chefs de guerre,amp; pareillement l’ordonnace de leur bataille amp;nbsp;cômeilspropofoient de faire leur iournec. Comme donq Cyrus lui eut demadé le nombre des ennemis en général, il refpondit que leurs bataillons tant des gens de pic,q de chciial,eftoicnt rengez en '''venierueilleufe eftcdue,mais n’auoient que trente homes de long 'uptofond,fors qle camp des Egy ptiens,qui eftoict loin des autres environ qiiaranteftades, c’etadire d’enuiron deus lieues : carie me fuis
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fuis, dit iljfort eftudié de fauoir l’efpace de païs, amp;nbsp;la di fiance qu ils vouloient tenir. Adonqliii demanda Cyrus,fi les Egyptienstc-noient vne autre façon de renger leur bataille. Il relpondit qleurs Myriarches, c’etadire Coronals de dix mille homes, anoientrengt chacun bataillon à cent hommes de long amp;nbsp;de large en quatre, h' quelle façon d’ordonner les batailles ils auoient aportee de leur païs. Mais Crefus leur auoit à grand regret permis de ce faire, c^r il les euft volontiers contreins defuiure fon ordonnance, corniiK . celui qui vouloir de beaucoup pafTer le front du bataillon des Per' feSjpour les enuironner amp;nbsp;cnclorre en fon bataillon. Parauanture, dit Cyrus, que voulant enclorre autrui, ils feront eus niefmes enclos. Puis donq que nous aiions, Arafpe,entendu ce qu’il nous 6' loit fauoir, il nous y faut pouruoir en cette façon : Premièrement quand vous ferez retirez chacun en votre quartier, regardez s il faut rien à vos cheuausamp; à vos armes, pourautant que fonuent par faute de petite chofe, le gendarme ou le chenal amp;nbsp;le chariot demeure inutile. Demain matin pendant que ie facrifieray vous dînerez amp;nbsp;vos cheuaus aufsi, afin que s’il nous faut faire que^n^ fait d’armes, celà ne nous retarde en rien. En après, vous, Arafptj j faites tefteà main dextre félon votre coutume. Tous les autres Cheft de dix mille hommes dem oureront au reng qu’ils tiennent maintenant:car le changement leur pourroit nuire,tout ainfî qu’l ne faut pasatendre .à dellelcr les cheuaus d’vn chariot pour y en mettre d’autres,quand ilfaut combatre.Enchargez à tous vos Cen tenicrs amp;nbsp;Caporaus de tenir en leur bataillon leurs bendes rengees àdens hommes pour file: or eftoit chacune bende d’vn Capuwl
• feulement de vint amp;nbsp;quatre hommes. Adonques lui demandai''’J des Coronals : Vous lemble il, Sire,qne nous ferons bien renge^J fi peu de gens pour file, contre vu bataillon fi grand amp;efpa”' i Mais te femble il,dit Cyrus, que les phalanges fi efpelfes amp;nbsp;protonquot; I des quelon ne puiffe venir aus mains auec les auerfaires,puilïen’ nuire ans ennemis, ou profiter aus amis ? Car de moy i’aymeroU beaucoup miens, que nos ennemis rengez à cent pour file eulfen’ leur bataillon rengé à dix mille, qu’en autre façon plus large : et” par ce moyen nous ne combatrons que tant moins d’auerfaires.E’ de la façon que ie feray mon bataillon efpais, ie fcray qu’il s’entretiendra tellement de tous coteZjqu’il ny aura homme qui ne pailla combatte : car ie rengeray les iaculatcurs apres les hômes armez de corfeletz, amp;nbsp;au dos des iaculatcurs ie logeray les archers. N’cftclt; . pas grand’ folie de mettre les archers en telle, puis qu’ils confelfent eus mefmes ne pouuoir foutenir vne feule rencontre de gens coffl-bataugt;
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batans à refpee?Mais ayant les hommes armez en tefte,qui feruent déboucher aus autres j les dardeurs fe voyans defenduz tiendront bon, amp;nbsp;les archers aufsi, comme d’vn lieu feur, blcccront les auer-faires de leurs flefches,combatans de loin pour cens qui les rempa-rent;car d’autant que chacun foldat fait de mal à l’ennemi,d’autant de peine defeharge il fon compagnon. A l’arrieregarde ie rengeray tous ceus qui font les derniers apelez:car tout ainh q aus batimens il n’y ha feurté s’il n’y ha forte maçonerie, bons Architedes, Charpentiers amp;nbsp;Couureurs : aufsi au renger d’vue bataille n’y ha chofe qui profite ny pour les premiers, ny pour les derniers, s’ils ne font gens debon coeur, hardiz, amp;nbsp;adroits aus armes. Parquoy rengez lafanterle ainfi que ie vous commande. Vous,Capiteines des ron-dd'vers,mettez VOS bendes après eus de mefme façon. Vous', Capi-tdnes des archers,faites le femblable apres les rondeliers.Vous,qui conduirez l’arrieregarde, ayez des plus vaillans compagnons près devons, amp;nbsp;commandez à vos Centeniers , qu’ils prennent garde à leurs gens, tant à enhardir ceus qui feront leur deuoir, comme à châtier ceus qui ne le feront, amp;nbsp;de tuer incontinent celui quife tournera en arriéré pour prendre la fuite. Car les premiers rengs doiuent eftre fi vaillans qu’ils donnent hardiefle à ceus qui les fui-uent amp;; de fait amp;nbsp;de parole, mais vous qui elles les derniers de tous devrez eftre rudes amp;nbsp;cruels cotre les couarts,a fin qu’ils Vous crein-gnentplus que les ennemis. Vous Abradatc, condufleur des machines , donnez ordre que les chariots des tours amp;nbsp;leurs comba-tans fuiuent de près la bataille : amp;nbsp;vous Daucc,gouuerneur du bagage, fumez de près les machines armées, amp;nbsp;fait es punir aigrement cens qui s’efearteront, ou ne feront en la troupe. Vous C arduce, guideurdes chariots de femmes ,foyez le dernier après le bagage. Carcefaifant nous donnerons opinion aus ennemis d’eftre beaucoup , amp;nbsp;aurons moyen de faire embûche : amp;nbsp;fi les auerfaires nous
' veulent enuironner , ils feront contreins de faire plus grande enceinte , amp;nbsp;par necefsité s’ afoibliront d’autant qu’ils tiendront plus de pais. Vous, Artabaze amp;nbsp;Artagerfe , ayez chacun votre compagnie de mille hommes de pié apres les chariots des femmes. P ar eil-IcmentvousPhamuchc amp;nbsp;Afiadate , ne rengez point vos troupes de mille cheuaus dens labataillc,ains vous tenez àl’ efcart en armes apres les chariots, Streuenez a moy auecles autres Capitémes : car 'Avons faut tenir prefts ,,comme fi vous deuiez combatrcles pre-wiiws.V ous Caplteinc des Chameaus, prenez place après Iss char-
» rettes des Dames , 8c. faites ce que- Artagerfe vous commandera.
• tntrevons Capltelnes des chariots armez, votre Prince auecques
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LA CYROPEDIE
fcs cent chariots fera tefte deuant Ic bataillon^ des deus autres trou pesjes cent iront au cote droit du bataillon vers la pointe, les autres cent au feneftre.
Corntne Panthee arma fan marl, ^ Cyrus s'apre^a pour liurer
CH A P. lï-
Yant Cyrus ainfi dilposé l’ordre defes batailles, Abradate Roy de la Sufienne s’offrit d’alTaillif aucc fa côpagnie de chariots la bataille des auer-faires fi fon auis efloit tcLDont Cyrus futioycus amp;nbsp;Icn remercia ; puis demanda aus Perfes Chefs ______des autres chariots ^ s’ils cRoient contensdelui donner lapremicrepointe;lefquels firent refponfe,qu’il ncHoX raifonnablc de leur oter leurs prerogatiucs. Adoug Cyrus iettafc fort, lequel tomba fus Abradate comme il s’eRoit ofert de fifrei’ fut mis contre les Egyptiens. Parainfi après s’cRre retirez amp;nbsp;auoif pouriiu aus chofes par lui commandées allèrent tousfouper,lt;^' ( après leguetafsis fc repoferent. Leiour enfuiuant Cyrus le mit i facrifierjamp; fou dein toute farmee ayànt dme amp;nbsp;fait les libacions 0' données femit en armes ; amp;les fàifoit beau voiràmerueilleSjpoiir-cc qiu’ils eRoient vetuz de belles cottes darmes, garniz dcbellô cuira/rcs, animes, amp;nbsp;hallecrets luifms, grand nombre dc_cela(ftó morrions amp;nbsp;armets, toutes pieces belles amp;nbsp;bien polies : lapl«^ anoient arme leurs cheuaus de chanfreins amp;nbsp;deuant de bardes .te cheuaus deshommedarmes,dc toutes bardes.-ccus deschariotste'' lement de fiancarts ; tellement que toutel’armeerelplendifloit d’e-rain poli, amp;nbsp;reluifoit de couleur de pourpre. Mais fur touslecha-riot d’Abradated quatre limons amp;huit thcuaus,cRoit tresbeau^ j luilànt amcrueiHcs. Comme donq il voulut vêtir Jepourpobf^ armer de toile de lin, qu’il auojt acoutume déporter en fou paft Pantheclui aporta vn armet dore, amp;nbsp;les anantbras amp;nbsp;degransbraf-fclcts d'or ans mains, vnc cotre darmes de pourpre longue mfqü^^ auspicz J dont les borz edoient crefpes lt;^ frangez à la façon iti robes longues de leur pais^vne belle crete fur farmet de couleur de byacintedcfquels acoutremens elleauoit fait faireàfon dcçufütl^ mefurc de fcs armes.Dequoy cflant Abradatecmerucillc:MadainCi dit il, vous anez defpedu tous vosfoyauspourme donner fes aitalt;^ rcs.Ils ne font pas fort à cflimer,dit Pantbee:Mais fi les autreshon mes vousptifent amp;nbsp;efiiment tant q ic fais, vous me ferez en heu de trefriches ioyaiis.Et ce difant l’arm oit elle rneûne defes piétésjamp;li co aurait
-ocr page 207-DE XENOPHON. LIVRE VL 17 couuroitdeliiipoiir n’eftrc aperçue^pourautant que les larmes lui arrofoient le vifage. Adonq Abradate encores qu’il full auparananc tresbeau amp;nbsp;dine d’eftre regardé toutefois eflant pour lors armé fc montra plus beau amp;nbsp;gracieus fur tousles autres ; car il clloit tel de nature. Mais quand il print les refnes des cheuaus pour monter au chariotjPantbee faifant reculer cens d’alentour lui dit : Alonfieur, s’ily eut onques femme qui cftimaftfon mari plus que fa vie j vous me connoillez comme ie penfe dire de ce nombre. Et pour eu faire foy faut il que ie racontepar le menu les ocafions ^ puis que ma vie amp;nbsp;mes faits vous font connuz amp;nbsp;de plus grand’ dicace que ne font mes paroles? Puis donq que ie fuis tellement afeccionnee en-uers vous comme vous m’auez connuej ie vous inre mon amour amp;nbsp;lavotre,(j^çPay^^çfois miens dlreauec vous, qui elles tantver-tueuSj fondue amp;nbsp;abimee en terre, que viure anec vn mefehant def-bonorce : car ie vous ay toufiours dlimé des plus honnefles, amp;nbsp;d’i-«us me fuis aufsi dlimee dine.Mais à la vérité nous fouîmes beaucoup tenuz à Cyrus, lequel m’ayant pour prifonniere choifie pour foy, ne m’a voulu tenir en feruitude mal traitée, ny en liberté infâme amp;nbsp;déshonorée : ains m’a gardee pour vous comme la femme de fonfrere. Et quand mon gardien Arafpe l’eut abandonné , ie lui promis que s’il me donnoit congé de vous eferire, ie vous ferois veniràlui auectoute votre puiffance, plus fidele amp;nbsp;plus entier ami que n’clloit Arafpe. Adonq Abradate ioyeus de ce propos amp;nbsp;touchant la telle de Panthee leua les yens au Ciel,amp;: dit:O trefpuillant Dieu je tepric donne moy la grace d’eftre dinemari de Panthee, amp;nbsp;Ænc feruiteur amp;nbsp;ami de Cyrus, qui tant nous ha fait de bien amp;nbsp;d’honneur ! Et ce difant fur les portes du chariot monta dellus, ôlt; le charretier ferma les portes d’icclui des deus cotez. Adonq Pan-theen’ayant plus moyen del’embralîer baifapar dehors la chaire d’Abradate, amp;nbsp;comme le chariot fut csbranlé pour aller, Panthee lefumoit ocultement, iufques à tant qu’Abradatefetourna amp;nbsp;l’aperçut, puis lui dit : Madame ayez bon efpoir de mon retour, ref-iouiflezvous amp;: retournez audoms. Parainfi les eunuches amp;nbsp;Da-nioifclles laprindrent amp;nbsp;ramenèrent enfon chariot hors du chemin amp;nbsp;renfermèrent dedens lestapiz amp;nbsp;couuertures defa litiere. Mais combien qu’il fill tresbeau voir Abradate amp;nbsp;fou chariot d’armes .toutefois les hommes ne furent ietter la vuéfur lui, iufques à emt que Panthee fut partie. Dautrepart Cyrus ayant bien amp;nbsp;heu-ïeufement acompli fou facrifice , amp;nbsp;connu quefon camp elloit en ^™^Çs ainfi qu’il auoit cômandé, fes efpies amp;nbsp;anancoureus efeartez P''irfi campagne,aflcmbla fçs Cap item es Scieur tînt vn tel propos:
y a Mes
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Mes amis amp;nbsp;compagnonSj puis que les Dieus nous ont montré en nos facrifices les mefines fineSj que quand ils nous donnèrent la premiere viftoire^ie ne veus faire plus long propos: mais feulement vous remettre en mémoire les chofes qui vous doiuent à mon suis inciter J amp;nbsp;faire entrer de meilleur courage à cette elpreiiuede vertu, amp;nbsp;auccplus grande confiance que vous n’auez iamais fait : Car vous eftes plus exercitez au fait de guerre que nos ennemis ne font : amp;plus longuement nourriz amp;nbsp;endurciz au traitai!, amp;plus expérimentez à la guerre que vos auerfaires.Pareillement euspour la plulpart ont efié veincuz d’eus mefines ; Des gens neufz amp;nbsp;non expérimentez au combattis en ont beaucoup,amp; nous aufsi: dont cens des auerfaires connoifient bien leurs compagnons eHretray-tres ôc couarz : les nôtres voyent les viens qui ont bonne enuiede donner fccours à leurs compagnons combatans. Or eftil railônna-bloque cens qui fe fient Icsvnsaus autres tiennent bon de commun acord à la bataille : mais cens qui fe defient de leurs compagnons ne font communément autre delibcracion,finon de s’enfuir «Sc retirer de pic coyamp;anplus tôt hors delà foule. Allons don^ hardiment gens de bien contre nos ennemis, amp;confideronsqn^ nous auons des chariots armez pour donner contre les leurs defar-mez, amp;nbsp;nos cheuaus bardez contre les leurs tous nuz amp;nbsp;inutiles pour comhatre depres. Vous aufsi gens depic ruez vous fur leur fanterie, comme vous fites à l’autre vidoire, amp;nbsp;fur les Egypeic^s qui font armez amp;nbsp;rengez de mefine les autres. Ils ont feulement danantage certeinsgranspauois fi longs amp;nbsp;fi empefchans,qu’ilsne fepeuuent entreuoir nyayder: amp;eflans rengez à cent poiiräe, ils s’empefeheront amp;lnirreront l’vn l’autre, amp;nbsp;ne pourront com-barre finon bien peu d’entre eus, lefquels toutefois nepourront/î bien faire qu’ils ne foient aifez à foutenirpar la caualcrie,amp; àrom-prepar nos foldats combatans à l’e/pee fous l’ayde de nos homme-darmes. Et quand orcs il s’en trouneroit qui tinfient bon, comme pourront ils en mefine tems combatte contre notre bataillon, nos hommedarmes,amp; nos tours ? Car nos quot;ens montez furies muebi- , ncs Atours desgrans chariots, nous donneront fccours Redonneront teUcmctles ennemis qu’ils ne fuiront deque! cote fe tourner. Au démontant fi vous auez quelque chofeà dite pour le bien publiq dites le moy,pareillemct fi vous fentez auoir faute de quelque chofe^ ne le celez point, amp;nbsp;ie m’efforceray aucc l’ayde deDieu de faire que n’ayez faute de rien :fidonq quelqu’vn veut parler, qu'il parle : Cinon allez au temple prier lesDieus aufqucls i’ayfair facniice : ce fait, retirez vous 4 vos ren^s, R auertiffez vos bendes des
-ocr page 209-DE XENOPHON. LIVRE VII. i7î deschofes par moy ordonnées. Bref chacun de vous fe montre dine de la charge qu’il ha j faifant tout auec hardi elle, amp;nbsp;vous montrez vaillans amp;nbsp;non eftonnez tant de contenance amp;nbsp;allure, comme de vifagcamp; parole.
Fut dußxieme ziure.
Le fettieme Liure de la Cyrope-
DIE DE XENOPHON,
Je la Zßle (^ Faits Je CYRVS ^oy Jes ^erßs.
Comme Cyras fe prefenta en camp auec fon armeefçiy^ s’aprocha ^n roy Crefus, pour liurer bataille',^ la façon dont les dem cttmps yferent pour combattre à leur auanta^e. chat.
l.
VA ND les Capiteines curent faito-raifon aus Dieus, félon q Cyrus auoit cômandé, ils s’en retournèrent à leurs compagnies : ce pendant les feruitcurs de Cyrus lui aporterent à dîner amp;nbsp;à fes principaus gentishommes ainfi qu’ils eftoient encor’ apres les facrifices. A-donq Cyrus en l’eftat mefme qu’il s’e-ftoit mis pour facrifier, commença le premier à diner , mais ce ne fut fans fîire part toufiours de ce qu’il auoit à cens qui lui fembloient en aiioirplus debefoin:piiis but en faifant toufiours libacion amp;nbsp;prière aus DieuSjamp; tous fes familiers firent le femblable.Celà fait amp;nbsp;ayant pride grand Dieu conferuateur de fon pais j de lui eure guide amp;nbsp;aiutciir en cette entreprife, monta à cheual amp;nbsp;commanda à fes gens défaire comme lui : lefquels fe prefenterent tous brauement cquipeZjamp; armez de mefmes armes comme lui,lcurs cotes d’armes
incarnates, les corps de cuiraffe amp;nbsp;habillemens de tefte, d’erain, de hems pennaches blans, chacun vne efpec, vn pauois amp;nbsp;vn iauelot de coudre à la main,pour lacer aus aproches. Leurcheuaus eftoient srraezgf garniz de toutes pieces d’erain, comme chanfrains, déliant debardes, de flancarts, Içs hommes auoient aufsi des taflettes
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l’Aille enßi ^ne Jes £nt fereurs.
amp; ciiiïTots de mefme.Et n’y anoit autre difcrencc entre leurs amiu-res amp;nbsp;celles de Cyrus^ linon quelcurs harnois cfloient vernilTezdc couleur d’or,ccus de Cj rus rchiifoicnt comme vn miroir. Comme donq Cyrus fiitmontc «à chenal amp;nbsp;eut regardé le chemin qu’il lui faloit tenir, incontinent,commença à bruire vn tonnerre âmam dextre qui lui porta tresbon augure. Adonqilfalua fonDieude ioye qu’il eut, difant : Nous te fuirions a trclgrand Jupiter. Et fut le champ fe mit en chemin ayant à main dextre Chrylàhtc Con-neftablc de la gendarmerie anec tous fcs hômedarmeSjà la fenertre Arifambe, Coronel des gens de pic .-ôt leur commanda a noir touf iours l’œil fur fon enfeigne amp;nbsp;lafuiurc par ordre amp;mcfure. Son enfeigne eftoit vne Aigle d’or eftendue fur vne longue piquera' quelle depuis eh demouree ans bois des Perfes. Deuant quevcnit à la vue des auerfaires il ht repo-fer fon camp par trois fois, lefquds il aperçut venir à l’encontre de lui apres auoirpafsé enuironvint hades de chemin c’etadirepeu plus d’vue lieue. Comme donqu«’ ils eurent tant marché en anant que les deus camps fe purent voir àplaifir, les ennemis voyaus leur phalange chre de beaucoup pli” grande ehendue des deus cotez, que celle des Perfes, hrent arrefttr le miheu (car autrement u’eulTent fù faire enceinte) amp;nbsp;le demons rant fléchir des deus cotez pour reduire La forme du bataillon ö forme d’vn demi quatre,comme vn P Grec,pour miens amp;nbsp;plus m-fément combatte de tous cotez. Alais Cyrus ne laifla pourtant df marcher, couduifant fou ofl eu la forme pat lui ordônee, amp;nbsp;quand ileutaflez contemplé comment ils auoient fait vn recoin enfi«' chiflant amp;nbsp;cflcndoient fort loin les pointes de leur armee. Nct^' perçois tupas,ditil,Chryfante, commenos ennemis font vnlibr*
gc courbement en leur phalange ? Oui Sire,dit Chrj lànre,^ m’f'’ emeruedle fort ; car il me femble qu’ils eflougnen t trop les peintre | du milieu de la bataille. Par trop, dit Cyrus, amp;nbsp;de la notre aufs'' mais ils le font creingnans que fl leurs pointes s’aprochoient de nous, nom les aflailhlsions trop à l’efcart de leur phalange. Ab” comment, dit Chryfante, pourront ils fe fecourir l’vn l’autre s’ils s’eflongnent tant de la große troupe ? Il efl certein, dit Cyrus, que quand ils feront tant montez des deuspointes, qu-ils foientvisa vis denos flancs, ils le tourneront tout court en forme dephabn* gepoumous combatre de tous cotez. Vous fembleil, dit Chr}quot; faute, que ce foit bien anise à eus ? Oui, dit il, courre cens qu’ils penuent voir deuât eus,mais pour combatre à J’iinpouruuccontre cens qui ne fout eu vue, ils fontbeaucoup plus mal rengez que s’ils ne combatoient que des pointes. Alais vous Ariflimbe menez vos gens
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gens de pic tout bellement comme ie feray. Vous Chryfante,faites lefemblablc anec lacaualerie: ce pendant i’iray voir le lieu ou il me femblc bon de commencer la bataille, amp;nbsp;au retour prendray garde fi nos afaires vont bien, puis quand ie feray reuenu au lieu queiay choifi pour onurir l’efcarmouche ie comenceray vn hymne à la louenge des Dieus auquel vous refpondrez. Et vous prie regar der à vousmefmes,amp; ne vous oublier point quand nous ferons à la meflee : car il y aura vn mcneillens bruit amp;nbsp;tumulte : amp;nbsp;donnez dc-dens les ennemis quand vous verrez Abradate courir auec fcs chariots (car ie lui ordoneray de ce faire) lefqucls il vous faudra fuiure de près: Et par ce moyen nous chargerons miens fus eus,amp; les ePonnerons amp;nbsp;mettrons en defarroy, moymefme y viendray pour les chaffer de toute mapuilîànce s’il plait à Dieu. Ces paroles dires Pleur donna le mot,Iiipiter fauiieur amp;nbsp;guide,amp; incontinent femit “reconnoitre les bendes pour regarder comme tout fe portoit en fon camp. Comme donques il paffoit entre les chariots amp;les gens de pic armez de corfelets, voyant les foldats en leurs ordres, 0 que iefuis aifc,dit il,de vous voir porter bon vifage : puis paPant
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^'^^^« Je Cjrw paff,, änirnef ß^ ^^m contre ^t ennemit.
outre dit à d’autres : Gens de bien vous fanez que nous ne comba-trons pas feulement pour la victoire du iourd’hui, mais aufsi pour celle que vous auez défia gagnée ^ amp;nbsp;pour toute votre félicité. Paffansplus outre s’arrêta pour dire : Compagnons après cette iour-neene faudra plus fe plcindre delà fortune ny des Dieus j car ils nousliurcront entre les mains lapoffefsion de grans biens ^par-quoy fuyons vaillans. A d’autres il vfa de ces paroles : Y ha il fruit ourecompenfc plus grande pour inciter l’vn l’autre, que celle du iourd’hui’puis qu’il nous edîoifible.fi nous voulons eHre vaillans, ^lt;: faire notre main, amp;nous cnrichirpour iamais ? Pareillement à dautres: Vous fanez mes amis, les recompenfes propofees ans vcincucurs,qui font, chafier,tucr,prendre des biens, auoir louenge amp;nbsp;liberté, amp;nbsp;dominer fur autrui: les tourmens des veineuztout au contraire. Parquoy qui s’ayme,fi me fuiue : car ie ne montreray Jamais maunais ny deshonnePe exemple de viurc à autrui. Voyant apres quelques bendes qui anoient elle à la premiere bataille : Et à vous, dit il, que vous faut il dire ? puis que vous fanez quelle eP la félicite des gens de bien au combat, amp;nbsp;la mifere de cens qui fe mon trentlafches amp;nbsp;couarz? Mais comme il arrina on AbradateePoit, Abradate donnant lesrefnes auchartier defcendit pour le falner, ^anecques lui s’aPemblerent tous les combatans qui ePoient alen ^°®f« Adonq Cyrus vfa de ces paroles : Abradate,le Dieu immortel vous ha voulu préférer félon votre defir en cet aPaut, à fin q«e ' vous
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voiisamp; vos gens eufsicz l’honneur de la pointe. Souiiienne vous donq qu’il vous faut bien tôt entrer en bataille, amp;nbsp;que les Perfes amp;nbsp;ceus qui vous fuiuent^ne vous lairront combatre fcul. Abradatc refpondit:11 me femblej Sire, que de cette part nos afairesvont bien :mais iem’eftonne de voir les pointes des aiierfaires fi obliquement eftendues, non feulement al’encontre des chariots,mais de toute l’armee : amp;nbsp;que de notre part Ion n’a rien ordonne à l’eu-contre,fors les chariots. Parquoy fi le fort ne m’auoit donné cette place, i’aurois honte d’y demourer, tant ie me femble edrehorsde danger. Mais Cyrus lui répliqua: Si les afaires vont bien près de vous^efiouifTez vous de votre profperitc, du demourant n’en ayez fouci. Carauec l’ayde desDieus ie vous rendray ces cornes obliques tellement defnuees amp;nbsp;rompues, que vous verrez fuir les auer-faires, deuant que vous ayez loifir d’afiaillir les Egyptiens. Voib les paroles que Cyrus difoit, promettant beaucoup de foy furie point de combatre,combien que d’ailleurs il nefuftpas grandvan-teur. Dauantagc il amonnefta Abradate quand il verroit fuiriez ennemis, qu’il s’eftimaft feurement eure près de lui, amp;nbsp;chargeait de toute fapuiflance, d’autant que lors tous les aiierfaires feroieni plus lafches, amp;: fes gens plus hardiz : Et le pria, puis qu’il auoitencor’ aflez de loifir, d’aflembler fes gens amp;nbsp;les enhardir à ce fait d’armes, amp;: leur montraft grande confiance en fon parler, de forte que par fon vifage ils fulTent affurez amp;nbsp;par bonnes efperaces foalagez: qu’il femaftaufsi parmi fes gens quelque contencionde plusapa-rente vertu,à fin que par emulacion ils montralfent en eus quelque hardiefle Ôc force plus grande:amp; leur fill entendre, que s’ils pro/pe-roient en cette iournee, ils verroient à l’œil, qu’il n’y ha au monde chofc fi profitable que la vertu. Parainfi durant que Abradate en-hortoit fes gens,Cyrus paffa iufques à la pointefeneftrc,ouHylh^' pe eftoit Chef de la moitié de la gendarmerie Perfique, amp;nbsp;l’apebo^ par fon nom lui dit ; Hyllalpe,tu vois maintenant que nous auons afaire de ta grande diligence amp;nbsp;célérité : car fi nous nous hawni de tuer amp;nbsp;abatre les auerfaircs, il ne mourra vn fcul de nous..Ms*’ Hyflafpe lui refpondic en riant : Sire , quant à ceus qui font telle contre moy, i’yprendray bonne garde .-mais quant àceusquis’e-ftendent ainfi pour donner dedens les flans, commadez aus autres d’y regarder,^ fin qu’ils ne foient oifeus. l’iray moymefme, dit Cy-rus,contre ceus là:mais fouuienne toy de ne t’amuferpoint à prendre defuitifs (fi Dieu nous donne viétoire) mais te rue fièrement contre les combatans qui fe viendront ofrir à la bataille.Et en paf-fant plus outre vint aus. ailes de lamainfeneure, oui! commanda au
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an Capireinc des chariots armez qui edoient là , qu’il s’efforça!! de donner dedens les reiigs des ennemis j quand il verroit faire le fem-blable à cens de la main dextre, amp;s’eftimaft offre beaucoup plus feurement en la campagne, que s’il cffoit furpris en la preffe dedens le bataillon, de fa part qu’il lui viendroit donner fecours. En apres effaiitvcnu derriere les carriages, commanda à Arragcrfeamp; Phar-nuchedemonrer en leurs places anecques mille cheuaus amp;nbsp;mille borames de pié, amp;nbsp;quand ils le verroient donner dedens la pointe dextre des anerfaires, qu’ils fiflent le femblablc à la feneff re. Si les aiiertitqu’ils combatroient contre vne des pointes, qui eff la plus foibleparcie d’vne armee, mais qu’ils fe tindent ferrez en forme de phalange poureffre plus forts. Et comme ils voyoient clerernent queh canalerie des ennemis effoit toute derniere, qu’ils ne faillif-fentpas de conduire les chameaus alencontre,amp; tinllent pour cer-’^^'nquilstroiiueroient dequoy rire amp;nbsp;fe moquer des ennemis dc-^'^Wque de combatte. Ce fait il s’en retourna à la pointe dextre, ou elîoic Chryfaiite anec fes gens pour commencer la bataille.
^dvrand’ hdtatUe ^ oedfton des Lydiens^ou le Jîoy Crefm ^ fes dhc^^l'ureut defeonfirs, ç^ les E^y^ciens Je rendirent à
Cyrus. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;CHAP, il-
Refus voyant défia le camp de Cyrus fortapro-ché de lui, amp;nbsp;du bataillon ou il vouloit comba-tre,fit fine aus deus pointes de fon off,qui effoiet défia fort effendues, qu’elles ne s’effongnaffent plus fi haut, amp;nbsp;retournaffent tout court contre les flans du bataillon de Cyrus. Tôt apres les
voyant aprochez amp;nbsp;regardant l’ordre du bataillon de Cyrus, leur ‘fonna le fine de la bataille. Adonquesles fit courir fur les Perfes degrandefureur, tellement qu’en vn mefme inflant trois groffes *îrAirS^U^ phalanges amp;: bataillons enuironnerent le camp de Cyrus, l’vne en “'^ tr^^aja-io^ front, l’autre à dextre, l’autre à feneffre, dont foudeinement ils fu- f^'^Js^t’^ne rent troublez, amp;nbsp;de premiere rencotre efpris d’vne grande frayeur: ~^'{^ “'* ~)'fi ^f5’^^ ear tout ainfi qu’vne petite * tuile enchaflee ou pofee fur vne autre grande ne femble rien, aufsi l’off de Cyrus ne montoit rien, effant
ordre milt-
faire de ^es
firme ^narree, feadron
enuironne de toutes parts de gens depic amp;nbsp;decheual,de rondeliers ^amp;ens de tret, d’hommes amp;nbsp;chariots armez, fors que par derriere. 9y’^usn’arreffa guercs à donner fine à fes gens,lefquels tournèrent incontinent de toutes parts vifage aus ennemis : Si commencèrent peut edre afeprefentet amp;nbsp;faire telle de tous cotez, amp;nbsp;gardoient vn merueil- dit.
^narré ce
z leus
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leus filenc e : car chacun eftoit atentif à voir l’ilTue de cette bataille Mais comme Cyrus commença fon hymne folennel ^ tout le camp refioui fit vn merucilleus refonnement de chanfonSjamp; apelerent 1« Dieu Mars d’vne voix haute amp;nbsp;ioyeufe.Lors Cyrus fe leua de grande hardiefie, amp;nbsp;à cachettes aucc fa caualerie (pour n’eftre aperçu des ennemis) tourna tout court, amp;nbsp;alla doner dedcns la pointefe-neftre, qui combatoit ans flancs, dont fe fit vne bien âpre meflee,amp; merueilleufetuerie: car le bataillon des gens depié lefuiuit incoti-nent d’vne fi grande brauadeamp;hardiefle, esbranlans leurs piques d’vn cote amp;nbsp;d’antrejde telle audace amp;nbsp;furie, qu’ils fe montreret incontinent anoir du meilleur:Et donnèrent fi rudement dedesl’vnc des pointes du bataillon de Crefus, qu’ils les mirent en vne vileine amp;nbsp;honteufe fuite. Comme donq Artagerfe eut aperçu Cyrus,qui eftoit entré en la meflee, il fit le femblablc de fon coté, amp;nbsp;mettant les Chameans en front, aftaillit la caualerie des ennemis, tellement que les cheuaus ne purent mefmes deloin,atendre ny foutenirnon pas le regard de ces beftes, ainslcs vns eftounez fe tournoient en fuite, les autres fe mettoient «à ruer, les autres renuerfoient pedt' mefle en la foule par terre : car par vne ocultc force de Natureies Dromadaires donnent telle frayeur ans chcuaus. Artag fes gens bien rengez, amp;les ennemis en defarroy, femit puillancc à les rompre, amp;nbsp;en mefine inftant les chariots armez Jt la pointe dextrc amp;nbsp;feneftre, fe ruerent fur les rengs des ennemi'» tellciucut que plufieurs fuians ces chariots eftoient occiz par cens qui combatoient aus pointes, plufieurs fuians cens des pointes eftoient furpris par les chariots. Adonq ne put Abradate plus atendre,ains eferiant à fes gens : Compagnons,fuinezmoy,poulM fon chariot en auant fans efpargner les cheuaus lefquels il faifmt faigner de tous cotez, pareillement les autres conduéleurs si' uanccrent de le fuiure, tellement que les chariots de Crefus,’'® ponuans foutenir, prindrent la fuite ; dont les vns renuerfoientamp;‘ lt;Sc abatoient leurs cobatans, les autres Icslaifloicnt derriere. Abt’' date voyant ce defarroy par le milieu d’iccus donna dedensleb^ taillon des Egypeiens feulement anec ceus qui eftoient les pluspt®* de lui : amp;lors aparut derement (comme fonuent il auient cnpl”' fleurs autres liens) qu’il n’y ha meilleur bataillon que de gens ftlt-Jes,amp; qui s’entraymentde bonne afcccion.Car tous ceus de fa mai' fon , amp;nbsp;les familiers delà table, fe ruerent auecques lui en lamd-Jec, mais les autres conducteurs amp;nbsp;gouuerneurs de chariots,voyant que les Egypeiens foutenoient l’alTaut par troupes amp;: fi vaillam-jneut, deftournerent à coté, amp;nbsp;fe mirent à chafler les chariots qu fuioient
erfe voyant de toute b
DE XENOPHON. LIVRE VIL 179 fuioientj par ainfi abandonnèrent leur Signeur amp;nbsp;leurs compagnons. Mais les gens d’Abradate en la part ou ils fc ruerent, combien qu’il femblaft les Eg) pciens ne pouuoir eure rompuz amp;nbsp;déparez,d’autant que leurs gens de pic tenoient bon des deus cotez, femirent de fi grand’ force à piquer, qu’ils les firent partie deftour-neVjpartie renuerfer par tcrrcjamp; par la fureur des cheuaus brifoient amp;fracaffoient tous les hommes, armes, cheuaus ,amp; roues qu’ils poiiuoient rencontrer.Et tout ce que les faills pouuoient ateindre, cftoit brisé amp;nbsp;découpé, fut de perfonnes ou armes par grandevio-hnee. Mais en ce mcrueilleus tourbillon amafse d’eftranges mon-ceaus de diiierfes roues entrans l’vne dens l’autre,!« gentil Abrada- ji/gyf /^^ te verfapar terre, amp;nbsp;beaucoup de fes compagnons anec lui, qui fu- iratiate. rent incontinent occiz amp;nbsp;mis en pieces .-mais non fans auoir mon-tte beaucoup d’enfeignes de leur grande force amp;nbsp;vertu. Adonq les Petfocoururent au lieu ou Abradatc auoit fait ouuerure aucc fes oMsÄferuausfierementfuries ennemis eftonnez,ils en faifoient W beau carnage. Si faut il entendre que là ou les Egj'pciens u’e-fioientpoint affailliz , ils couroient à l’encontre des Perfes (car ils «Soient en grand nombre) de grande fureur , tellement qu’il fe fit va terrible amp;nbsp;merueilleus combat de lances,de darts,amp; d’clpees,amp; iauelines, ou les Egyptiens, pour raifon de leurs armes amp;nbsp;multitude auoient du meilleur: car les longues amp;nbsp;puiflantes piques, dont ils vient encor’auiourd’hui, amp;nbsp;les grans pauois qu’ils portent fur hs efpaules les conurent beaucoup niieus,que les corfelets ou bou-flicrs,amp;les aydet miens à poulîer. Parainfi ioingnans leurs pauois «nfembleen forme d’vne muraille ils firent telle, fi coururent amp;nbsp;pouffèrent fi rudemet amp;nbsp;de fi grand’ force les Perfes, qui n’auoienc ^ue les boucliers au poing pour defèufe, qu’ils ne les purent foute-nii^ains fe retiroient tout bellement,parans amp;nbsp;receuans des coups) iniques à tant qu’ils arriuerent à l’endroit des grandes machines de guerre. Adonq les Egypeiens recommencèrent à auoir du pire : car les foldats qui edoient fur les tours les blcçoient de tous cotez, amp;nbsp;cens de l’arrieregarde nelailToient efehaper va feu! de cens quife retiroient, fut archer, ou iaculatcur : ains hauffant leurs cfpees les contreingnoient de tenir bon, rentrer à la meflee, letter darts Ôe flefebes contre les Egypeiens,teUemet que de toutes parts fe faifoit vne merueiHeufe boucherie d’hommes, vne terrible temperte d’ar-®«,(Sc de toutes fortes de trets, vn efpouuetable cry de beaucoup d'^ÿns, qui fe rapcloient l’vn l’autre, s’incitoient à combatte, ou ^“1 «ioicnt:Dieu immortel!ayde nous. Si furuint Cyrus celle p art en pourfmuant fçs ennemis qui fuioicnt, ôç voyans les Perfes
auQiï
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auoir perdu leur place,fut marri au pofsible:mais conn oißant qu’il n’y auoit meilleur moyen pour arrefter les Egypeiens, que deles charger par derrière, commanda à fes gens delefuiure, amp;nbsp;tout incontinent fe rua trefimpetueufement fur la queue, de forte que les j Perfes en frapoient beaucoup , amp;nbsp;tuoient cens qui tournoient vifage. Adonq les Egypeiens crioyentles vns ans autres : Voilà les ( ennemis à notre queue,amp; en fi grande côfufion de crizamp; de coups ils fe tournoient de toutes parts. Lors eufsiez vu combatte pelle mefie les hommes d’armes aucc les gens de pie, entre kfqueisvn homme tombe amp;nbsp;foule par le chenal de Cyrus, lui donna vn coup d’efpec au ventre, dont le chenal efehaufe de douleur fe fecouafi fort, qu’il ma Cyrus par terre. Et lors ou put connoitre à l’ait combien il cü à eftimer pour vn Prince d’efire bien ayme defesfu-ietz : car incontinent fis Jeucrent tous vn grand cry, amp;nbsp;fe mirent à combatte de tonte leur pnilîânce, Ils frapoient amp;nbsp;cHoicut frapez, ponfioient amp;nbsp;efioientponfiez. Ce pendant l’vn des gentishomnies de Cyrus defeendit de fon chenal, de l’y fit monter. Aumoyendt- , quoy Cyrus fe mit à regarder le bataillon des Egypeiens,qui efioift 1 enuironnez amp;nbsp;bleficz de tons cotez, ponrautant que Hydafpe/ I elloit furnenu aucc la gendarmerie Perfique, amp;nbsp;ChrylàntcauâK lefquels toutefois il nelaifia entrer dedens la phalange des Eg' pciens,ains leur commanda les frapcr de darts amp;nbsp;de fiefehes par dehors feulement. Si fe partir incontinent de là pionr venir iufqotf ans machines,auquel lieu quand il fut arrinéil monta fur vue tour, pour regarder cens qui tenoient encor’ bon an cobat. Et vid toute la campagne remplie d’hommes, chcuaus,chariots,fnians amp;po'“'-finnans, veinenz amp;nbsp;veincueurs ; mais des ennemis il ne put choilîr anennebende qui tinftpic ferme, fors lebataillon desÉgypeieus. Or ils fe tronuerent à la fin à fi maunais parti, qu’ils furent cou-treins faire vn cercle des miens armez, deforce que leurs armes fanent vues par dehors ^ amp;: ieur feruoieot de bonleuart comme vu toit pour ferepofer à l’ombre de leurs panois. Tant fe tronuerent i filiez qu’ils ne pounoient plus combatre, ains enduroient beaucoup de mausde tous cotez. Lors Cyrus emerucUlé, amp;nbsp;efmude compafsion de leur vertus que tant de gens de bien denfient aind périr, ht retirer tous fes gens , amp;. ne permit à aucun deplus les outrager, ains leur ennoya demander par vn Héraut d'armes, s’ils ay-moicnt miens mourir pour cens qui les auoient trahiz, que d’edre , fauuez en retenant la re^utacion de gens de bien, QuandlesEg)'- j pciens euretiC demande comme ils pourroient edre failliez fao^ • perdre la reputacion de leur vertu,il leur fit refpddre : Pource gu il n’auoit
-ocr page 217-DE XENOPHON. LIVRE VU. rSi nauoit vu autres qu’eus ^ qui tinffent pic pour combatre : amp;nbsp;leur propofa, que fans trahir-leurs amis ils fe pourroient fauuer, s’ils lui ‘Cndoientles armes j amp;nbsp;vouloient prendre l’amitié de cens qui les pouiioient ruiner. Derechef comme ils demandèrent quel profit ®u grace il leur feroit,s’ils fe rendoient à lui : il leur fit dire,qu’il les prendrait pour leur faire du bienten receuat d’eus quelque feruice. Et premièrement leur dôneroit plus grand’ foulde qu’ils n’auoient Oflciiies eu durant la guerre, amp;nbsp;en rems de paix à cens qui vou-tltoienr demeurer auec lui, donneroit des terres, villes amp;nbsp;habitations oil ils pourroient viure heureufement auec leurs femmes amp;nbsp;bruiteurs. Laquelle ofre ils acceptèrent trefuolontiers, Ôc prièrent Sfonleurfill grace de ne combatre contre Crefus, duquel fciile-®^“ûsauojenc pitié. Au demourant ils donnèrent la toy,amp; prin-''quot;^ äffeiirance de Cyrus, felon les conuencions fufdites, telle-des lors ils ont edé amp;nbsp;font encor’ de notre tems fideles
^®y'Ec Cyrus leur donna des villes au haut pais, quifenom-®Wtencores auiourd’hui les villes des Egyptiens,plus leur donna ^^tiHe amp;; Ciléne, fituees outre la ville de Cymé près la mer, def-IttUcs leurs defeendans iouifient encor’ auiourd’hui, amp;nbsp;y viiient x tngrande tranquilité.
Cjine ou Cu me, cet en riehe/efree la rmiere ele Caicui, (^ Pifane, au-tourel' but ß nomme Po-Ita noua.
Comme Cyrtuptiuantla 'vtÛ’oire print la Trille de Sardes, e^ le ''oy Creftts,les difeours qu’il eut auec lui fur l’oracle d’,ylpol-^,(2* comme il le remit en liberté,^ fauua la ytlle d’ejlre
CH A P. iH-
^^^’^iPres la viftoiregagnee amp;nbsp;les Egypciens reçuz en b la liçue, Cyrus retournant de nuit auec fou oft ■^ planta foii camp en vn lieu apelc les Tymbrares, ou il fit reuuëde fes çens.En cette iournee du co-^!tc des auerfaires les Egypciens eurent la gloire t=s£!?^.^jd’auoir tresbien combatu. Du coté de Cyrus la canaleriePcrfique fut la miens eftimee, tellement que la façon d’ar nier que Cyrus leur donna,demoure en vfage en leur païs.Les cha-nots armez de faills furent aufsi beaucoup eftimçz, parquoy cette façon de guerroyer eft aufsi reçue amp;nbsp;entretenue par cens qui relient fur les Perfes. Mais les Dromadaires ne firent peur qu’aus chc Hans: car ils ne tuerent perfonne des ennemis ny lurent aufsi tuez Polens,pourtant qu’il n’y eut chenal qui s’aprochaft d’eus, ny qui ahardiefle feulement de les regarder : amp;nbsp;pour cette caufe feu-® 5‘ntmt profitables. Toutefois vnhonnefte amp;nbsp;vertneus hom-
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me ne voudra iamais nourrir vn Chameau pour cheuaucher nylc drefler pour combatre de deflus vue telle belte.Parquoy reprenans leur anciene forme de feruir,font retournez à leur premier meftier déporter le bagage. Dautrepart les gens de Cyrus ayansfoupc^ afsis le guet à l’acoutumec s’en allèrent repofer. Mais le Roy Cre-fus qui s’eftoit bien tôt retire j s’enfuit incontinent auec fes gens a Sardes : les autres nacions s’efearterent de nuit le miens quelles purent ^ amp;nbsp;au plus loin tenant le chemin vers leurs maifons. A la pointe du iour enfuiuant Cyrus mena fon armee à Sardes, amp;nbsp;d’ar* riuee drefTa fes machines amp;nbsp;inftrumens pour abatre les murs ^ amp;fit aprefter des efchelles pour liurcr incontinent l’aflaut à laville. fe pendant qu’il ertoit en cette befongne, la nuit d’après par les plus . • forts amp;nbsp;moins prenables licus de la forterefle de Sardes fit monter les Perfes amp;nbsp;Caldecs fur les murailles, parla conduite d’vn homing / nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Perfe qui cftoit efclaue d’vn foldat de la garde du ch at eau, amp;nbsp;fauoit
tresbien la defcente à la riuicre,amp; par ou il faloit remonter au chateau. Parquoy incontinent futprife la forterefle, amp;à cette nou-, 1. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;uelle le cœur faillit aus Lydiens, qui abandonnèrent les murailles
bu. amp;nbsp;fc mirent en fuite pour fe fauuer au miens qu’ils purent : de Cyrus entrant auec le iour en la ville commanda à fes gens ne bouger de leurs places ny courir par les rues. Crefus enfermé dcdenslon
• “ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;palais crioit merci àCyrus. Cyrus arriuant au chateau quiaiioit eflé gagné laifla des gens pour garder Crefus : amp;nbsp;trouua les Perfes qui gardoient fongneufement la place comme il cftoit raifonnJ-ble:mais les Caldees s’eftoient ruez fur lapillerie pour voleriez maifons,amp; auoient laifsé leurs armes contre les murailles.Sifr^“' continent apelerleurs Capiteines amp;lcs caflahonteufcment,amp;é« grand courrons leur commanda partir prontement de fon camp, i pourautant qu’il ne fanroit endurer de voir enrichir gens fi mal'i' l nans, amp;nbsp;faifant mal leur denoir : amp;nbsp;leur remit en mémoire qu’iln^ 1 lesauoitpris à fa fonlde, finon pour les rendre par fa difciplineles i plus heureus amp;nbsp;louables de leur pais .• à cette caufe ne s’eracrueil-laflent point s’il mettoit de plus gens de bien qu’eus en leur place. Les Caldees commencèrent d’anoir peur de lui amp;nbsp;le fupliereirt humblement de s’apaifer, promettans de lui rendre tontes les cho-fes qu’ils auoient prifes.Cyrus refpondit il’en anoir que faire : mais s’ils le voulaient apaifer, qu’ils diftribnaflent prontement tout le butin à cens qui auoient bien gardé le chateau, à fin que les autres foldats voyans enrichir cens qui gardent leurs ordres fiflent mieus t leur denoir, amp;nbsp;qu’il flirt d’autant mieus obeï. Parainfi les Caldees firent ce que Cyrus leur anoit commandé,amp; cens qui auoient obeï
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eurent vn tresbeau butin de beaucoup de belles amp;nbsp;precieufes ri-chelTes. Ce fait Cyrus mit fon camp en la ville au lieu qui lui fem-bloitphis apte à tenir gens en armes j amp;nbsp;apres les auoir fait diner, commanda que le Roy Crefus full amené. Comme donq il arriua deuantlui : levons falue, dit il, mon Signeur : puis que la fortune vous donne la puiflance de l’eflre, amp;nbsp;à moy cette necefsité devons apcler ainfi. Dieu vous gard aufsi, dit Cyrus, puis que nous fom-mes tous mortels. mais me failliez vous, Crefus, confciller en vne chofe? Plut à Dieu qu’il fut en moy de le faire, dit il, amp;nbsp;cflre caufe de quelque bien:car il me fcroitaufsi profitable. Efeontez moy donq, dit Cyrus :Pourautant que ie voy mes gens auoir beaucoup trauaillé, pafsc beaucoup de dangers, amp;nbsp;pris d’aflant vnc ville,qui eft apresBabylone la plus riche d’Afie,i’ay délibéré leur dôner quelque fruit de leurs trauaus : car ie connois bien que s’ils n’ont qiiel-queprefente recôpenfc,ie ne les pourray longuemct tenir en obeïf-^^'itc. Dautrepart ie ne veus permettre qu’ils facagent la ville, par ce qu’elle feroit deftruite, amp;nbsp;qu’en femblables pillcries communément les plus mefehans s’enrichilTent le plus. Crefus oyantcc,lui refpondit : Silvous plait que ieface entendre ans principansLy-diensjtels que ie choifiray,comme i’ay impetré cette grace de vous, que la ville ne foit facagee, ny les enfans ou femmes perdues, amp;nbsp;que pour la rançon de la ville levons ay promis faire aporter tous les meubles precieus qui font dedens Sardes foit pour home , ou pour femme : ie fuis affuré qu’ils aporteront de leur bon gré tous leurs ioyaus, bagues, or, argent, amp;nbsp;autres meubles precieus : amp;nbsp;l’année d’apres vous trouuerez la ville autant pleine de toutes richeffes voinmc elle eft maintenant. Au contraire fi vous la mettez àfac tousles arts amp;nbsp;meftiers, que l’on dit eftre fonteines de tons biens, feront gâtez amp;nbsp;corrompuz. Danantage ayant reçu ces biens, vous pourrez à votre retour délibérer de piller amp;nbsp;facager la ville à votre plailîr.Mais enuoyez premièrement prendre mes trefors lefquels vous feront incontinent deliurez par mes treforiers. Parquoy Cyrus condefeendit à la requefte de Crefus, amp;nbsp;fit ainfi qu’il auoic con fcille. En apres lui demanda comme il eftoit anenu de l’oracle des Delphes:carlon difoit communément qu’ApoUon lui anoit acor-deamp;fauorisé en toutes fes demandes,tellement qu’il ne faifoit cho fe du monde fans le confeil d’icelui. Hclas ! dit il, ievondrois qu’il fiift ainfi mais i’ay des le commencement fait tout au contraire de ^volonté. Comme donq auez vous fait ? dit Cyrus, car vous me ditesmerucilles, amp;nbsp;defire fort d’en falloir la vérité. Au cominencc-mentjdit Crefus, ie ne tenois conte de me confeiller à Apollon s’il me
Jt^a^ani-mireae Cyrus enuers ^ A^ Creßfi et fi y il le.
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LA CYROPEDIE
l'oracle ^'^poäon: JVoJce te~ ipfim.
me faloit chofe quelconque, mais il me print enuie de le tenter s’il me diroit vérité. Laquelle chofe defplait non feulement à Dieu, mais ans hommes vercueus, qui n’ayment point les incrédules ny cens qui n’ont fiance en leur parole. Comme donq i’aperçu que je fiiifois beaucoup de chofes ineptes amp;nbsp;hors de raifon, amp;nbsp;quei’e-ftois loin des Delphes : ie voulu fauoir ma fortune, amp;nbsp;enuoiay demander fii’aurois desenfans amp;pour la première fois il ne ment aucune refponfe. Mais apres que par plufieurs dons amp;nbsp;ofrandes d’oramp; d’argent amp;nbsp;plufieurs facrifices ie l’eu apaisé (comme il me fembloit) il refpondit à ma demande quei’aurois des enfans,amp;a la vérité i’en ay eu deus, amp;nbsp;eu celà il ne fut point menteur : toutefois ils ne m’ont de rien profité, carl’vn ert demouré muet, l’autre qui eftoit le plus amiable mourut en la fleur de fon ieune aage. Parquoy me fentant oprimé amp;nbsp;confus pour la calamité de mes en-fanSji’enuoiay derechef demander à Dieu,par quel moyen ie pour-rois tresheureufement pafler le demourant de ma vie : Et il me fit refponfe:
Crefuf,ß tu te peut connoitre,
I-on^ tems heure us tu pourras eßre.
De laquelle ie fu tellement efioiii (pourautant qu’il me proraet-toitj.à mon auis, la félicité que ie fouhaltois par vu leger commandement :cariaçoit que des autres hommes lon connoille les vus, les autres non .’toutefois i’eflimois qu’il full: aisé à chacun defe connoitrefoymefme) quedeslors en anant ieviuois engrandre-pos de ma vie, Cependant que iefii fans guerre neme côpleingnoU point de fortune pour la mort de mon fils. Mais quand iefuper-fiiadé par le Roy d’Aflyrie de guerroyer contre vous, ie fuis tombe en beaucoup de dangers de ma vie,defquels toutefois ie fuis efeha-péfans anoir aucun mal, amp;nbsp;en celà mefmeie ne me pleins de Dieu-Car ayant connu que ie n’eftois fufifant à vous combatre, ie mere-tîray pour la premiere fois auec l’ayde de Dieu allez feurcment de la guerre amp;nbsp;moy amp;les miens. Mais après que iefu deuenu info-lent pourmes grandes richefles, par les prieres de cens qui me voii-loient faire Chefde cette guerre, par les dons qu’ils m’aportoient, par les adulateurs qui medifoient que fiie voulois rener, toutle monde m’obéiroit volontiers, amp;nbsp;deuiédrois le plus grand des hom mes : ie changeay incontinent de propos, amp;nbsp;par telles amp;fembla-blcs adulacions ie fu enflé en mon courage, amp;nbsp;comme, tousles Rois m’eurent eflu Chef de la guerre l’entrepris cette charge, comme celui qui m’eflimois dine d’ertre le plus grand homme dumon-dé.En quoy iene connoifTois pas bien ma force dcm’eftimerfiifr fant
-ocr page 221-DE XENOPHON. LIVRE VU. iSj fant à vous mouiioir la guerre, pourautant que vous elles engendre des Dieus immortels, ilTu de la race des Rois, amp;nbsp;des votre enfance aucz exerce la vertu : de mes anceftres celui qui premier renafut en vn mefme iour amp;nbsp;Roy Ôc afranchi de feruitude. Ayant donqignoré amp;: mal connu ma qualité en ces chofes,à tresbonne Ôc luftecaufe ie me fens puni,amp;;finablcment, Sirc,ie me commence à cette heure à connoitre. Mais penfez vous point que l’oracle d’Apollon puilTe encor’ eftre veritable, amp;nbsp;q ie puifle deuenir heureus, puis que ie me connois moymefmc?Et ne vous esbahiffez point de nia demande: car vous auez bien touché les moyens pour ce faire, amp;nbsp;me pourrez encor’rendre heurerts s’il vous plait. Donnez moy confer! fur cet afaire, dit Cyrus, amp;nbsp;ie le feray trefuolontiers : car en dikourant fur votre premiere félicité i’ay pitié amp;nbsp;commiferacion GranJe de-dc vous,laquelle me meut à vous rendre des maintenant votre fem we»« de Cj/ «'eScvosfilles,amp;vous remettre en votre liberté. Car i’ay entendu »■***• quevousentretenez vne bonne maifon, grand nombre de gentif-hoinmes à votre feruice, amp;nbsp;vne table honnefte pourviure ioyeufe-ment amp;nbsp;heureufement auec votre femme : T ant feulement ie vous 'oteray les combaz amp;nbsp;les guerres. Par Dierr donq, dift Crefus, vous netn’ocez rien de ma félicité : Car levons veus bien aflnrccjl vous me gardez cette promeffe, que ie meneray encor’ la vie que le vulgaire eftlme amp;nbsp;moy aufsi eftre la plus heureufe du monde.Qui penfez vous , dit Cyrus, qui ayt cettefeUcité î Ma femme, dit Crefus: car de tous mes biens, de toutes les douceurs amp;nbsp;plaifautes chofes que i’auois, elle en auolt la iouiftance auecques moy par moitié, mais des fouciz des batailles amp;nbsp;guerres elle ne s’en vouloir mefter. Ïaramfivous me voulez faire viure,comme ie faifois celle que i’ay-raoisfut tons les hommes dn monde : tellement que coimoiftant à cette heure par votre grace la puiffance amp;nbsp;vérité de l’oracle de Dieu,le me fénseftre redeuablc de beaucoup d’autres prefens à Apollon pour le remercier. Cyrus oyant ces paroles fut cmeruciUé amp;nbsp;ioyeus de la confiance amp;nbsp;tranquilité de fon coeur, tellement que des lots en auant il le menoit touftours en fa compagnie, en quelque part qu’il voufift aller : fuft ou pour le profit qu’il fentoit del’auoit auprès de foy ,oubien pour plus grandefeurté. Ce fait ils s’en allèrent: repofer pour celle iournec.
Lamort ddAbrrtdatc ,de U belle PuntheCjO’* des EunKches,^ comme Cyn« leur jit dreieryn tresbe^M mouvement en per-. Ï^Melle mémoire.. nbsp;nbsp;” nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;luâï.. im..
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-ocr page 222-i8lt;r nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;L A C Y R 0 P E D I E
E ioiir enfuiuant Cyrus affcmbla fes amis amp;nbsp;Ca* pitcines de toute l’armee, dont aus vns donna la charge de prendre les trefors de Crefiis, aus autres de receuoir tout l’argent qu’il feroit aporter, amp;nbsp;après auoir mis à part pour les Dieiis telle pot-cion que les Magiens declaireroient, leur coffl-manda d’enfermer le demeurant en des cofres amp;nbsp;le faire charrier
partout ou il iroit j afin que quand il feroit tems, le butin fiift di' Itribuc à chacun félon fes merites. Pendant qu’ils faifoieuteequi leureftoit commande, Cyrusapelant aucuns defes feniiteursdemanda , fi Ion auoit vu Abradate ; amp;nbsp;s’emerueilloit qu’il ne venoit plus à lui,félon fa coutume : Dont l’vn lui refpondit : Qu’il n’eßoit plus en vie : car en poufTant fon chariot contre les Egjpcoril auoit efte tué en la bataille auccques les gentishommes de fa mai' fon, d’autant que le demourant de fes gens l’auoicnt abandonné par creintedes Égyptiens. Que fa femme l’auoit pris amp;nbsp;couche Ûr le chariot, ou elle fefaifoit porter, amp;delà l’auoit conduit en i'll eertein lieu fur leflenuePaéfole, ou fes feruiteurs amp;Eunnchesca-uoient vnc foffe fur vn petit tertre pour l’enfeuelir : mais que^ femme efploree eftoit afsife en terre, acoutrec des omemensqu’dir lui auoit donnez,amp; tenoit fur fon giron la telle de fon mari.Cyni’ oyant ces nouuclles frapa fa cuifle de douleur qu’il eut amp;nbsp;monô incontinent à chenal anecques mille cheuaus, pour aller faire ft® pleintes fur lui, fi ordonna en pafiant à Gadatc amp;nbsp;Gobrieprendfi les plus beausornemens qu’ils fauroienttronuer, «Scies porter à loi* tresbon amp;nbsp;vertueus amitrelpafsc, pareillcmct à cens qui menoceni amp;nbsp;conduifoient les troupeaus des beufs amp;nbsp;cheuaus, commanda en amener grande quantité, cnfemble grand nombre de brebis (la m' il iroit) pour les immoler à Abradate. Comme donq il aperçutl^ femme contriftee, afsife en terre ,amp; lui mort eftendu il ietta des larmes abondamment en difant : Helas
auprès ouih tresboniie amp;
fidele ame t’en vas tu ainfi fans nous ! Et comme il voulut touche® la main en fine d’amitié il l’emporta auec foy:car elle auoit eße coupce par les Egypeiens. Adonq Cyrus fut encor’ plus efinude douleur ,amp; la belle Pantheefe defeonforta amp;nbsp;lamenta beaucoup d’auantage. Si reprint la dextre de fon mari des mains de Cyrus,amp; l’ayant plufieursfois baifee la remit en fa place le miens qu’elle fut) en difant : Helas, Sire, tout le demourant en eft ainfi ! Mais que faut il plus regarder’Ie fay bien que pour l’amour de moy il ha fou-fert ces mans,amp; parananturc anfsi pour l’amour de vous. Car moy inifcrable amp;nbsp;folle, l’ay longuement prié de faire de forte, qu’il full
-ocr page 223-DE XENOPHON. LIVRE VIL 187 eftime dine de votre amitié, Ôc fift chofe dine de louage à votre fer-U!ce:amp; tenez ceci pour certcin^qu’il nepefoit point tant à m’obéir comme à faire chofe qui vous fuit agréable. Il eft donques mort en homme vertueuse fans reprehenfion, amp;nbsp;raoy miferable qui l’ay en-hortc de ce faire fuis encor’ en vie. Cyrus efmu de pitié, plora longuement fans mot dire,à la finlui dit ainfi;Ne vous contriflez plus noble Dame, pour fa mort : car il eft décédé treshonorablcment, veincueur de fes ennemis, qui eft la plus grande gloire qu’vu hom-niefache defirer: Mais prenez cesprefens pour amour demoy (car Gobrie amp;nbsp;Gadate cftoient défia venuz auec beaucoup de riches icoutremens) amp;nbsp;faites lui des obfeques les plus magnifiques que Vous pourrez. Au demourant ie vous promets qu’il ne fera,mis en oubli nydesJionoré ; car plufieurs de mes gens lui drefleronc vu tombeau trefmagnifique, amp;nbsp;lui feront des immolacions conuena-'’i^avnfi bon perfonnage.Et quant à votre perfonne vous ne de-Woiirerezpoint vcfue,ny delaiflee: Car ie vous honoreray en toutes les fortes qu’il me fera pofsible, tant pous votre grade pudicité, ^ne pour vos autres vertuz : Si vous donneray au(si des gens qui vous ramèneront amp;nbsp;acompagneront feuremet en tel lieu que vous fuirez choifir : deelairez moy feulement en quel lieu vous voulez dire menee.Ne vous trauaillez point pour celà,dit Panthee : car ic ne vous celeray point le lieu ou ie veus aller. Apres donq que Cy-rus eut fait vne grande pleinte fur cette Dame qui auoit perdu vn tel mari,amp; fur le mari, qui auoit laifiee vne telle femme fans efpoir éc la voir iamaisjl fepartit de là pour retourner àlaville.Tot après Paithecfit eflongner d’auprès de foy fes Eunuches, iufques à tant 4“’die eut allez ploré fur lui : amp;nbsp;commanda à fa nourrice de dc-îtiourer,lt;Sclui enchargea de l’enueloper en vn raefme manteau auec fon mari,aufsi tôt qu’elle feroit trefpafiee.La nourrice la fuplia Ion guement de ne fe défaire,mais quand elle eut allez amp;nbsp;affez luplic amp;nbsp;que fes larmes amp;nbsp;prières ne feruoient de rien, mefme que fa mai-trelTe s’en courrouçoitjcHe fe mit à plorer auprès d’elle.Adoq Panthee , d’vueefpce qu’elle auoit des long tems préparée, fe coupa la gorge d’elle mefme, amp;nbsp;couchant fa telle fur la poitrine de fon mari mourut incôtinent. Adonq la nourrice cfploree faifant vne piteufe lamentacion, les couurit d’vn mefme manteau comme Panthee Vauoit commandé. Cyrus,qui n’eftoit encor’gueres loin,auerti du bit de cette femme tout eftôné courut à elle, pour Voir s’il y pour-toit donner remede;amp; en mefme inftant les trois Eunuches voyans leur maitrefle morte fe tuèrent de leurs glaiues, en la place mefme ou elle!« auoit fait demourcr. En mémoire dequoy demoure cigt;
Ai core
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core aviioürd’hui vn trefmagnifiqüc monument, en la pliis haute colonne duquel font efcrits en langue Syrienne les noms du mat) amp;nbsp;de la femme : au delTous Ion dit qu’il y ha trois colonnes auec l’infcripcion des trois Eunuches feeptriferes. Mais quand Cyrus vid cette calainitc,il fut grandement emcrucillc de la vertu de Pau-thee,amp; apres aiioir fait fes compleintes alla donner ordre que leurs obfeques fuirent faites félon fa dinité ^ amp;nbsp;vn trefgrand monument crise en mémoire de leur grande vertu , auec tous les ornemeusamp; honneurs que Ion ponuoit faire à fi dines perfonnes.
Comme Cyrtts fidiu^a les Cariens, par la prudence de Cahfe, print le Äoy de Phry^ie, ^ donta les Capadociens ^ jlt‘1' bes ^ toutes les nacions d’alentour en peu de tems,puis dre^^ festens d’ordonnance,iufquesà quarante millehommedarma C^ s’aprocha de Babylone. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c H A Pgt; '^’
x/frictes
Velque tems apres il auint que les villes de Cars« efinurent quelques débats amp;nbsp;fedicions entred-les de forte qu’il y eut des efearmouthes amp;dc' l faites : A la fin elles firent fiapre guerre Fvne’ t’autrejfc confians à leurs forterefics que les nsu' parts implorèrent enfemble l’ayde de Cyrus. Lc' quel demourant pour lors en Sardes, faifoit faire des machines^ autres inflrumens de guerre qu’on apeloit Béliers, pour abatte h’ murailles de cens qui ne lui voudroient obeïr. Parquoy leur ennuya vn Capiteine Perfe nomme Cadufe (expert amp;nbsp;vaillant, “^ ayant prudence meflee de grace amp;nbsp;court oific) auec vnegroffe armee: auquel feioingnirent incontinent les Ciliciens amp;nbsp;Cypriots amp;nbsp;fe mirent de leur bon grc en l’aliance de Cyrus. Au moyend«' l quoy Cyrus n’enuoya iamais aucun Satrape en Cypre, ou Cilio^gt; 1 comme ans autres nacions:mais fe contenta d’ylaifler renerlô J Princes naturelz dupais, feulement en tiroit des tributs ,amp; lent commandoit des expedicions de guerre quand bon lui fembloit, Efiant donques Cadufe arriné fur le pais de Carie ouït les EW” ballades des deus parts, qui venoient à lui pour fe mettre en lain gne amp;nbsp;fe difoient prêts de le receuoir en leurs places fortes au doin mage de la partie auerfe. Mais Cadufe vfant d’vue grande prüden ce, fit vn mefme vifage à tous les deus, amp;nbsp;faifoit femblant de trou-ucr la querelle plus lude de cens qui parloient à lui : difoit aufsi qu’il faloit tenir cette aliance fecrette à fin que les ennemis ne s’en aperçiifrent,pour miens furprendre les auerfàires par ce moyen,amp; à cet
-ocr page 225-DE XENOPHON. LIVRE VII. i?p à ces fins donna la foy à tous-Iesxleus au denu Tvn de l’autre. Par^ ainfi les Cariens iurerent qu’ils le rcceuroicut aucc fes gens en leurs forterefles fans dol ny fraude, au profit de Cyrus ôc des Perles: Dautrepart Cadufe iura qu’il cutreroit en leurs chateaus fans dolamp;trôpenc amp;nbsp;tout au profit de cens qui le receuroient. Qiiâùd il eut à tous les deus fait vnemelme proinelle il gagna feerettement «point fur chacun d’eus d’entrer en leurs chateaus vne mefinc nuit,tellement qu’ayant acordé diiiouramp; de l’heure oportune, il feruadedens les chateaus amp;nbsp;ocupalcs forterefics de tous deus. Le iour enfuiuant s’arrella au milieu auecques la force’de fou camp ^fitaflcmbler les principaus de deus factions, lequcls venuz à lui furent gradement lâchez amp;nbsp;marriz de l’afaire.ôt s’eftimerent auoir eftcttahiz: ce que connoilîant Cadufe leur dit ainfi:
^’'''Ms, il cil vray que i’ay promis 0c iuré d’entrer en vos cha-^^’nsfans dol amp;nbsp;fraude au prolit de cens qui me receuroient, mais ^'C voulais ruiner l’vne des parties ie m’elhmerois y eHrevenu '’®npjs au profit, mais au grand dommage desCarieus. Aucon-Irwc fl ie vous donne paix amp;nbsp;feurtc, tellement que vous puifsiez fibourer vos terres en traquilitc, ie m’eltimeray élire venu iSc auoir onipé vos places pour votre grand bien amp;nbsp;vtilitc. Parquoy ie veus que de ceiourd’hui vous faciez paix enfcmble de forte que fans aucune creinte labouriez vos terres, amp;nbsp;puifsiez donner amp;nbsp;pren« drelesenfaas l’vn de l’autre par aliancc : vous certifiant que fi aucun devons s’efforce de faire tort à fon compagnon,Cyrus amp;nbsp;moy lui ferons ennemis.
Incontinent apres les portes de toutes les villes lui furent ouuer l^S)l«grans chemins rempliz d’allans amp;nbsp;veuans, les chains cou-uettsde laboureurs, tout le monde remis en felle, Óc n’y auoir rien quincfiiftrempli de paix amp;nbsp;liellc amp;firent plufieurs ieus amp;nbsp;folen-mtez de commun acord.Tot apres arriuerent les mefiagers de Cy-a'usen Carie pour demander à Cadufe, s’il auoit afaire de fecours ou de machines pour rompre les murailles des villes. Mais Cadufe lui fit refponfc qu’il n’auoit befoin d’aucune thofe , ains au con traire que Cyrus fe pouuoit feruir de fou campen quelque autre efttreprife. Et ce dilant leualecamp de Cane, laifiant feulement quelques garnifons aus forterefics. Les Cariens prièrent longuement Cadufe dedemourer auecques eus, amp;nbsp;apres qu’il eut retuse ^ï ce faire, ils enuoyerent prier Cyrus de leur donner Cadufe pour Satrape, Duc «St gouuerneur de leur prouince. En ccmcfine fO‘’'^Stdurant cette cxpedicion Cyrus auoit enuoye pour Chef de oOetteHyfiafpe auecques vue grolle armee contre la Phrygie, qui
A 3 cil
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LA CYROPEDIE
eftprocheinc de l’Hclefpontc : amp;nbsp;fi tôt que Cadufe fut ardue lui commanda mener fon camp après HyftafpCjà fin que les peuples fe rendiffcnt pluftot à lui, quand ils verroient venir vne noiiuelle armée de renfort. Au moyen dequoy premièrement tous les Grecs habitans près de la mer ayans aportc grans dons à Cyrus j firent tant auec lui qu’ils obtindrent cette grace que les Perfes n’entre-roient en leurs villes , mais qu’ils lui payeroient certein tribut amp;nbsp;iroient à la guerre ou il lui plairoit. Dautrepart le Roy de Phrygifi voyant cette venue, s’aprefia pour tenir fes forterefles ne lui voulant obéît, amp;: commanda de faire lefcmblable à fes gens. Maisies Capiteines de fa gendarmerie fe reuoltcrent contre lui, de forte qu’il fetrouua feiil amp;: entièrement defnué de toute defcnfeamp;ala fin il vint entre les mains d’Hyftafpe fous la puifiance amp;nbsp;iugerneut deCyrus. Parainfi HyPafpe laillant bonne garnifon Perfiqueen fes placeSjfe partit auec fon cap,amp; enleua des pais fubiuguez grand nombre degens de guerre, amp;nbsp;pluficurs rondeliers, amp;nbsp;cheuausde Pbrygie. Cyrus aufsi commanda .à Cadufe qui s’cfloitioinràH)' ftafpe de mener les Phrygiens qui auoient tenu fon parti,auec leurs armes acouturaecs à la guerre, ans autres qui auoient foutenuk fiege amp;nbsp;la guerre, fit faire commandement dele fuiure feulement auec des fondes amp;leiirota les autres armes amp;nbsp;cheuaus. Durant qu’ils eftoient en ces entrefaites, Cyrus fortit delà ville de Sardes, ou il laifla vne forte garnifon de gens de pic, menant Crefus en ft compagnie, amp;nbsp;grand nombre de chariots rempliz d’infinies amp;nbsp;di-uerfes richefles. Crefus aufsi aiioit frit mettre par eferit amp;nbsp;diligemment en certeins bordereaus la quantité d’argent qui cftoit furd'^ cun chariot, amp;nbsp;en baillant à Cyrus ces eferiteaus l’aucrtit de donner ordre que cens qui en auroient la charge lui rendiflent bon conte félon les papiers qu’il lui bailloit.Cyrus rclponditjqu’il auost i tresbien fait de rédiger la foraine par eferit, toutefois qu’il ne bail* | lcroit ces trefors en garde finon .à cens qui feroient dines deles auoir, tellement que s’ils defroboient quelque chofeils la defrobe-roient à eus mefmes : amp;nbsp;ce difant donna ces bordereaus à fes amis amp;nbsp;principaus Capiteines, les chargeant de prendre garde furies Condufteurs, pour fauoir s’ils rendroient bon conte ou non, des deniers qu’ils auroient reçuz. Il mena dauantage en fa compagnie grand nombre de Lydiens, amp;nbsp;principalement de cens qu’il vit elite les miens équipez de cheuaus,armes, amp;nbsp;chariots, qu’il connoiflort mettre peine à faire chofequi lui full agréable, amp;nbsp;les menoit armez : mais à cens qu’il connoifloit dire de mauuais courage amp;nbsp;qui Je fuiuoient à regret il ota les cheuaus amp;nbsp;les donna aus Perfes, qui
..premier
-ocr page 227-DE XENOPHON. LIVRE VH. 191 premièrement auoient guerroyé fous lui. Il brûla aufsi toutes leurs armes , amp;nbsp;les fit venir à la guerre feulement auecques des fondes comme les autres, amp;contreingnit tous les hommes defarmezd’a-prendre l’exercice de la fonde, eftimant cette façon de combatte dire la plus feruile amp;nbsp;abiefte.Car auecques d’autres gendarmes les fondibulaires peiment quelquefois faire grand feruice: mais fi tous lesietteurs de fonde efloient enfemble fans autre fccours,ne pour-roient relîfler à bien peu de gendarmes équipez pour combatte à bmain. Comme donq il retournoit vers la ville de Babylone fans trop s’eflogner du chemin il fubiuga cens delà grad’ Phrygie,vein-(]uit les Capadociens, rendit les Arabes ferfs amp;nbsp;captifs : amp;nbsp;obtint beaucoup de grandes victoires amp;nbsp;ri chefles, deforce que des armes amp;che»aiis de cens qu’il auoit défaits il en équipa la gendarmerie pudiqueiiifques au norhbre de quarante mille hommedarmes: outre ce donna aus allez beaucoup de cheuaus des prifonniers,de tou tts les nations qu’il auoit veincues amp;nbsp;fubiuguees.
Comme Cyrus aßie^ea la ville de Babylone,^ latrine par vue merueiüeufeßneße. Comme le Boy d'^ßyrie fut tuéauec fês ^^gt;gt;^ 3 ^ la ville prife (^ faca^ee, les fortereßes rendues à
Cyrus. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c H A P. v r.
Inablemcnt Cyrus arnuapres de Babylone auec vne trefgrofTe armee de sens de chenal, srrand nombre de iaculatcurs amp;nbsp;archers, amp;: infiniz iet-teurs de fonde ,amp; auec tout fon oft planta fon camp alentour delà ville, fi voulut reconnoitre les murs d’icelle amp;nbsp;à cette fin cheuaucha auec fes
awis amp;nbsp;Capiteines des confederez alentour, pour voir s’il trouiie-toitaucun lien foiblepour liurervn airaut:mais quand il eut aftez tontemplc la grandeur amp;nbsp;force des murailles, il délibéra de retirer fon camp, penfant ne venir iamais à chef de la prendre. Toutefois fortit vn homme fuitif de la ville qui auertit Cyrus, comme les Babyloniens elloient deliberez de faire faillie fur lui, aufsi tôt qu’il fe retireroit en arriéré : car en regardant fon cap de defins la muraille legros bataillon leur auoit femblé foible Ôc eftroit. Et de celà ne fe faut emeriieiller : car eftant toutela ville enuironnec qui eftoit lar-6« amerueilles, faloit neceftaircment que la phalange fe montraft étroite. Cyrusoyant ces nouucllcs femit au milieu de tout fon tampauec fa compagnie, amp;nbsp;commanda ans foldats armez amp;nbsp;rendez en bataille vers les deus pointes fe départir de leurs bendes par moitié.
-ocr page 228-LA C Y R O P E D I E moitié, amp;nbsp;faifant arrcfter l’autre moitié fe ioindre des deus parts cnfemblc, à fin que le bataillon full doublé de toute fon efpeÛeiir: amp;nbsp;les fit ainfi retourner des devis parts iufques à tant que les deus extremitez fe vinlTent ioindre à lui au milieu de l’armce. Quoy faifant il auenoit que cens qui s’eftoient arreftez deuenoient plus liât diz,voyans le bataillon'renforcé de fon efpcfleur : pareillement cens qui s’eftoient fcparez de leurs bendes en eftoientàbondroit plus alTurez : à caufe que les premiers qui s’eftoient arreftez, de-noient toufiours faire tefte aus auerfaires amp;nbsp;marcher les premiers contre la ville. Comme donq les deus extremitez eurent tant marché qu’elles vindrent à fe ioindre au milieu, toute la phalanges’ar-refta en bataille, amp;nbsp;fe trouuoient merucillcufemeut fortifiez amp;nbsp;remparez céus de derriere pour ceus de deuant, amp;nbsp;cens de deuant pour ceus de derriere. Eten doublant le bataillon de cette forte il eftoit necefTaire, que les premiers amp;nbsp;les derniers fufTent les plus vaillans compagnons, amp;nbsp;les plus lafehes demeuraffent au milieib laquelle ordonnance fembloit eftre tresbien inuentee tant pou' । bien combatre que pour ne fuir point. Dautrepart les gens de chenal, amp;nbsp;enfans perduz des deus pointes s’aprochoient dautantphu de leur Prince, que la bataille redoublee en eftoit plus courte^ cfpefte. Quand Cyrus eut ainfi prudemment rengé lès gens en bataille amp;nbsp;fe fut prefenté contre la ville, il fe retira tout bellement en arriéré iufques hors des trets que lon pouuoit letter des murailles' lt;Sc tomme ils fe virent hors de danger ils tournèrent le vifage amp;1^ armes contre la ville ,amp; s’arrefterent pour atendre fi quelquvn fortoit : amp;nbsp;tant plus ils s’eflongnoient de la ville, tant moins tournoient contre les murs auec les armes, tellement queqtinnd ils furent en feurté, ils fe retirèrent en troupe iufques au lieu ou ils » fe deuoient camper. Voyant Cyrus tous fes gens campez,il allé®' il bla fes amis amp;nbsp;principaus de rannecjamp; leur dit: nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;S
Compagnons, nous aiions reconnu amp;nbsp;couru tout à l’entourât ? la ville,amp; n’auons ny ocafion ny moyen pour la prendre paraflaut) ^Xo^S*^^*^ les murs qui font fi hauts ôc fi forts : Toutefois,puis qu’ils n’ofent fortir àla campagne, i’eftime que les pourray plus aisément prendre par famine, à caufe qu’ils font là dedens grand nombre de gens. Parquoy fi vous n’auez quelque autre rilze, ou inuencion pour les prendre, ie fuis délibéré de les afsieger. le fuis , aufsi de cet aiiis, dit Chry fante : Car ce grand; fleuue court par le milieu de la ville ayant plus, de deus ftades de largeur. Oui vray-ment, dit Gobrie, Ôc cil 11 grand amp;nbsp;profont, que deus hommes l’vn fur l’autre ne fe pourvoient montrer fur l’eau, tellement qu’elle dl “ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;plus
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plus fortepar la riinerc,quepar Jes nuirail/es. Lai/TonSj dirCyrus, en arriéré I’auantagc que les ennemis ont fur. nous: Mais efludions fculemet à ce qui nous doit profiter; amp;nbsp;fins d’aiiis que nous départons à chacune bende fa part du Jabeurj amp;nbsp;par quartiers faifons vn treflarge fofsc amp;nbsp;profond ^ qui nous ferne de rempart cotre la ville, 3 fin qu’il ne nous faille tenir fi grand nombre de gens pour faire le guet. Parquoy ayant Cyrus pris les mefures entour la muraille des ficus cotez (faifant toucher les deus extremitez du haut amp;nbsp;du bas fielariuiere) y laifla feulement autant d’efpace comme il faut de terrepour bâtir deus grandes tours, amp;nbsp;fit fouir vn trefgrand fofsc en forme d’vn demi cercle, amp;nbsp;fit ieter la terre de fon cote. Et premièrement fit bâtir des grandes tours fur la riniere, à beaus fonde-mens de Palmes qui n’auoient pas moins de cent piez de long ; car fiturellcnient en ce pars là elles furmontent encor’ celle grandeur, ^ fi autant quelles font pluspreflees ou chargées,ne fe plient point fommeles autres arbres,ains pour refifter fe courbent contrcmont ^ftfiifiànten dos d’afne. Et fit les fondemens de telle matière,pour ficmbler ans anerfaires qu’il s’efloit aprertc pour durer plus lon-; guement au fiege, amp;nbsp;que fi le fleurie desbordoit amp;nbsp;remplifloit fon ^ofsejes tours ne fuflent en danger de tomber. Dautrepartfit ' ficaiicoup d’autres tours fur la terre remuée, pour y mettre plus de gens au guet. Pendant qu’ils fafoient am fi les tours amp;nbsp;foflez, les ennemis cftans fur les murailles fe moquoient de telle manière fi’afsieger, comme gens qui fe fentoient auoir des viures pour plus devint ans. Cyru,s auerti de celà, diinfa fon ort en douze parties, à fin que chacune dicellcs fill le guet chaque mois de l’année. Mais leshibylonieus fe rioienc encor’plus de celà,penfans que les Phrygiens, Lyciens, Arabes, amp;nbsp;C.ipadocicns,neferoient point leur de-noir, àcaufe qu’ils les eflimoient plus afèceionnez àcus,qu’aus Perfes. Comme donq les tours amp;nbsp;foflez furent parfaits, Cyrus fut nuerti, qu’vn certein iour de l’annee dedens la ville de Babylone fe ficuoit faire vue fefte folennelle, en laquelle les Babyloniens ont acoutumede boire, mager amp;nbsp;vnrongncrtoute nuit, amp;nbsp;fe foulent à belles danfes amp;nbsp;thafons de plaifir de tous les palTetems qu’il leur efl | pofsible. Parquoy fi tôt que lanuit dudit iour fut vcnue,pargrand nombre de gens Cyrus fitouurirles entredeus du fofsc iufques à 1 Uriniere des deus cotez „ tellement que le fleiiue entra dedens, amp;nbsp;tendit Ic fons ordinaire de la riuiere paflable à pte fee. Et connoiC-Unt que celàproccdoit bien à fa fantafie, cômanda aus Capiteines fieUfanterie amp;nbsp;caualeriedcs Perfes, faire marcher chacun millier dhonnnesdeus à deus en bon ordre ,amp; commanda aus allez , de
Z« P4l~ miers Je £4 tjlene.
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-ocr page 230-,P4 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;LACYROPEDIE
fuiure les Perfes en mefme ordonnance. Ce fait Cyrus ayant ®* les feruiteurs des gendarmes tant à pic qu’à chenal fur le ken' fleuiie J les fit regarder fi le fous eftoit bon amp;nbsp;ferme «à marcher, t comme il fut auerti qu’il eftoit aiscàpafler, apelafes Capiteines«* leur dit ainfi : Trefehers amis, puis que le fleuue nous donne i beau paflage dedens la viilejentrons y hardiment, fans creindreai' cime chofe,feulement remettons en mémoire q nous allons count cens que nousaiions autrefois veincuz, combien qu’ils enflentlt renfort de leurs auxiliaires, amp;nbsp;les auons abatuz lors qu’ils elloicn^ vcillans, fobres, armez, bien rengez, amp;nbsp;équipez de toutes arines Mais maintenant laplufpart d’iceus dorment, ou font yures,^ tous enfemble font defpouruuz d’armes, fans ordre ny moytquot; pour fc défendre. Et quant nous y ferons entrez, ils ferontencot moins aparcillcz qu’.à cette heure, ayans perdu toute force amp;nbsp;coU' rage pour vne fi foudeine amp;nbsp;non atendue furprife. Si quelqiïvm* vous s’eftonne de ce qui eft le plus .1 creindre quand on prend vit ville, à falloir qu’ils montent fur les maifons , amp;nbsp;nous ruentdts pierres de tous cotez, celà vous doit donner meilleur courage d) entrer : car s’ils y montent pour cet efet, nous auons le DieuVd' cain à notre ayde ; leurs boutiques font aifecs à brûler, leurspattes faites de Palmes, ointes d’vn bitume à demy brûle qui s’aUu®^ quafi de lui mefme, amp;nbsp;qui plus eft nous auons force torches, quäl' titc de poix amp;nbsp;d’eftoupes, pour faire leuer incontinent vnegran flamme, dont leur fera force ou d’abandonner les maifons,ou û“' tre brûlez en peu d’heure. Courage donq, mes amis, prenezvos armes amp;nbsp;me fumez, amp;nbsp;ic feray votre guide aiicc l’ayde des P^cus immortels. Vous, Gadatc, amp;nbsp;Gobrie, quifauezbien ledit®quot;' montrez le nous, amp;nbsp;nous menez le plus tôt que pourrez au pal^l du Roy.Nous le ferons aiscment,dirent les gens de Gobrie : carte I portes du palais ne font point fermées, à caufe de la fefte ptei^ ’ d’yurongnerie amp;nbsp;diflolucion, ou toute la ville eft fondue poi^ cette nuitnuais nous trouucrons tant feulement des gardes déliant les portes, dont le Roy eft ordinairement lérui. A cette caufe, dit Cyrus,ne s’y faut endormir,mais marchez tout bcllementpourte furprendre,' amp;nbsp;ce difant fit marcher fes gens, lefquels entrèrent incontinent dedens la ville, amp;nbsp;d’entree fe mirent à prendre amp;nbsp;découper tous cens qu’ils pouuoient rencontrer, dont les vus deraou-r-oient morts par terre, les autres tournoient en arriéré, les autres crioicnt : Alarme, alarme. Mais les 2cns de Gobrie crioientalat- , me auec eus, comme s’ils eunent elle leurs compagnons amp;nbsp;yurts comme eus.Si coururet en cette façon par toute la ville,amp; à grand diligen 1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;0
-ocr page 231-DE XENOPHON. LIVRE VU. 15j diligence arriuerent ans portes du palais, lefquelles ils tronuerent fermées : mais ils rencontrèrent les gens du guet qui buiioient auprès du feu J amp;nbsp;les traitèrent incontinent en amis. Soudeinement feleuaparle cry de ces gens vn merucilleus bruit amp;nbsp;tumulte, lequel fut oui par cens de dedens, tellement qu’ayant le Roy commande de regarder que c’eftoit , aucuns d’entre eus coururent ouiirir les portes. Et lors les gens de Gadate, voyans l’huis ouuert, fe ruèrent à toute force dedens peflemcfle auec ceus qui s’y vou-loient fauuer,fi chaflerent amp;nbsp;découpèrent tous ceus qu’ils trou-iioicntjufques à tant qu’ils arriuerent à la chambre du Roy,lcqucl ils trouiiercnt Icué amp;nbsp;armé de fou elpee. Les gens de Gadate amp;nbsp;Gobrie le mirent incotinent à mort, amp;nbsp;auec lui tous fes feruiteurs, dontVvniettoit au deuant quelque chofe, l’autre s’enfuioitjl’autrc combatoit ou fevengeoic comme il pouuoit. Dautrepart Cyrus «nuoyaparj-oute la ville fes gens à cbeual, amp;nbsp;leur commanda tuer fjf le champ tous ceus qui feroient troiiuez par les rues, au demon Mntfînifier par cry publiq à ceus qui fauroient parler Syrien de demonrer ans maifons, amp;nbsp;s’il s’en trouuoit aucun dehors,qu’il fufl occis. Pendant qu’ils faifoient ce que dit elf, Gadate amp;nbsp;Gobrie rc-uindrent, amp;nbsp;en premier lieu adoreret amp;nbsp;remercièrent les Diens de Iciiraiioir donné vengeance du mcfchantamp; execrable Tirant, en après baiferent les mains amp;nbsp;les picz de Cyrus,faurans amp;plorans de la grand’ ioye qu’ils auoicnt. Si tôt qu’il iiit lour les gardes des for-terefles voyans le Roy mort amp;nbsp;la ville prife, rendirent aufsileurs places,dedens lefquelles Cy rus enuoya incontinent des Capiteines auec bonne garni(on,amp; permit à tous les habi tans d’enfeuclir leurs patens morts amp;nbsp;défaits en cette rancontre. Si fit aufsi piibliqne-Hiont crier 0c ordonner par fes trompettes à tous les Babyloniens d’aporter leurs armes en certein lieu , amp;nbsp;en quelconque maifon ou Ion troiiueroit des armes, que tous ceus de dedens leroient nus en pieces. Ce qu’ils firent en peu d’heure : Au moyen dequoy Cyrus les fit toutes ferrer dedens les chateaus amp;fortcrelles de Baby loue, polities aiioirprefies quand il en auroit afaire. Ces chofes faites il apela premièrement tps Magiens, aufquels il commanda mettre à part pour les Dieus les prémices des delpoinHes, comme d’vne ville prifepar alTaut, amp;nbsp;des enfeignes de viéfoirc pour les confacrer aus teples des Dieus à perpétuité. En apres dif lribiia les maifons amp;nbsp;palus de la ville à ceus qu’il eftimoit auoir edé participans des dagers delà guerre, amp;nbsp;les fit donner de forte que les plus vertucus cullent ^^snieillem-es:amp; fi quelqu’vn fepleingnoit d’auoir trop peu pour fa P''i'^ den vouloit auoiï la çonnoiifance. Ans Babyloniens com-B a manda.
llejfejènl' en Daniel cS me ce J^oj tl'AjJÿne no me 3alta'^r centépeeur de Dieu fin' ecc/'f par les Perßs..
lÿtf nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;LA CYROPEDIE
manda de labourer la terre^ payer les tailles amp;nbsp;tributs, amp;nbsp;feruir en toutes chofes leurs maitres aufquels ils auroient efte afsignez, amp;nbsp;leur enchargea auGi de faluër toufiours amp;nbsp;reconnoitre coniine Si-gneurs j les Perfes, aliez amp;nbsp;compagnons de fon armee qui choifi-roient amp;nbsp;voudroient demourer aiiec lui,les honorer amp;nbsp;porter obcûîance comme vn feruiteur doit faire à fon maitre.
Comme Cyrm eflablit Jon rene en Babylone, ^ infUtua l’honneur des Bots, ^ print des Eunuches pour le feruice de fi maifon,^ des Per/es pour la garde déjà perfonne,
CHAPITRE vu.
H Ptes que toutes ces ordonnances eurent efteexe-cutees en la forme que nous auons racontée,Cyrus defirant déformais fe préparer pour prendra le nom amp;nbsp;titre de Roy, lt;St le montrer grand^^ venerable, corne il apartient à vue maiefié Royæ __lejfe délibéra de le faire par le confeil de fes affliSj à fin qn’aiiec moins d’enuie amp;nbsp;foupfon il le montrait peu fouue«^ en publiq amp;nbsp;full tenu en plus grande veneracion de tout le inonder amp;nbsp;pour ce faire il vfa d’vu tel moyen. Si tôt qu’il fut iour il s'afsit en lieu,qui lui fembloit le plus apte à fon intencion, amp;nbsp;coinmenf^ à donner audience à tous cens quivouloicnt parler âliii,amp; auct bonne relponfe leur donnoit congé. Laquelle humanité de Cyni$ quand les hommes eurent connue, ils venoient à grofles troupes^ requérir chacun de quelque chofe, tellement que pour la precede cens qui fe vouloient auancer, il y eut du bruit amp;nbsp;delà bateric,amp; les miniftres en admettoient aucuns félon leur difcrccion. Sip^f
fortune aucun de fes amis feprefentoit amp;nbsp;poulîoit latourbepour fe faire place, en eftendant la main leur diloit : Mes amis, atendez vn peu que la tourbe s’en foit allée, puis nous deuiférons enfenibk àplaifir. Les amis efloient contens d’atendre, cependant le populaire s’amafioit déplus en plus, iniques à tant q le loir les furpriuG premier qu’il eulHoifir de parler à aucun desprincipaus de fa court-Adonq Cyrus leurdonna congé en difant : il elf tcms,mesainis,lt;i( nous retirer pourlciourd’hunmais demain au matin ne taillez it venir à moy: carie vous tenir le confêil pour quelque afaire. fît' ainfi les geutishonimes de fa court fans mot dire s’en allèrent cou-ransàlcnrs inaifons, ayansieuné tout le iour fans boirenymafl-ger^de pour celle nuit fe repoferent.Le iour enfui liant Cyrui armic aumefincHcu fut eaiütoanc de plus ^rand’multitude d'hoiumes que
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^ue déliant ^ qui voiiloient faire quelque requcfteamp; s’eftoient k-Uezpliis matin que tous fes amis. Mais Cyrus ordona grand nombre de Perfes auec leurs piques pour faire vn cercle, amp;nbsp;commanda de ne laifler entrer vers Iui,finon fes ami$,Capitcines amp;nbsp;principaus Petfes amp;nbsp;aliez:lt;Sc comme il les vid alTcmblez leur dit ainfi:
Conte Cjrm inslicua ht quot;yeneractoft Jes J^eir,
Amis amp;nbsp;compagnons,combien que iiifques à maintenant nous iisyonscaufe de nous pleindre des Dieus immortels, que toutes chofesnenous foient auenues félons noz defirs : toutefois, fi les grandes entreprifes ne nous aportent autre plaifir que cctuici, amp;nbsp;qu’en goiniernant les grans afaires l’homme ne puifTe quelquefois tftrefenl, amp;nbsp;fe refiouir auec fes amis, vrayment des maintenant ic quite cette félicité. Regardez comment hyer mefmes ayant commence a donner audience à quelques gens nous ne fufmes auoir fuitdeuant la nuit, amp;nbsp;ce iourd’hui vous en voyez encor’ plus que bytr,qni font défia venuz pour nous donner de l’ennui : tellement q^if fi ion fe rend fuiet à eus, ie confidere que vous ne pourrez au-fiWenicnt iouir de moy, ny moy de vous, amp;nbsp;moins encor’ moy de ®oyincfme. Dauantage ievoy vne autre chofe fort ridicule :Car tombien que ie fois afeccionné entiers vous comme la raifon le ''tut, amp;nbsp;de cens cy nul ou bien peu ic connoilTc, toutefois ils font tellement préparez amp;nbsp;importuns qu’ils veulent par force amp;nbsp;violence dire pkillot depefehez, amp;nbsp;obtenir leurs requeftes que vous. Et neanmoins i’eflinie fi peu ces gens là,que ie les veus contreindre de vous honorer amp;nbsp;vous prier de leur dire avdans entiers moy, s’ils auoient afairede quelque chofe. Si quelqn’vn m’obiettoit, pour-quoyie n’y ay pouriiu de meilleure heure, amp;nbsp;ne me fuis acoutume phiftot à me montrer peu deuât que me rendre fi commun à tous, levonsrefpons : Qiic te connoillois les afaires delà guerre dire de telle qualité, qu’vu Prince doit entendre luimefme ce qu’il doit hire, amp;nbsp;exécuter en perfonne ce qu’il ha délibéré : amp;nbsp;que les Capi-teints qui n’ont l'œil fur toutes chofes amp;nbsp;fe communiquent fi peu, laiflent efthaper beaucoup d’ocafions de bien faire. Mais maintenant que nous fomnies venuz au deRus d’vue trefpenible amp;nbsp;peril-leufe guerre, il me femble raifonnable que mon ame reçoiiie en foy quelque traquilicé. Parquoy pource que ic fuis en doute de ce qu’il mefaut faire, à fin ejneuos ataires amp;nbsp;cens de no allezalleut tref-hien,chacun de vous me confeillc ce qu’il eftime dire le meilleur.
QuandCyriis eut ainfi parlé, Artabàze, qui s’dloit autrefois ^'oulinc de lui,commeuça à dire qu’il dloit trefioyeus d’entrer en CSS termes, cfperant auoir plus grand moyen de iouir de lui qu’il n anoit eu auparauant. Car des fon enfance il auoit grandement B 3 defiré
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defiré d’elîre fon ami: toutefois le voyant n’auoirbefoin de lui,ne lui en aiioit ose tenir propos. Derechef quand il l’eut prie d’eftw fon orateur enuers les Medes, pour declairer la volonté de Cyaxa* re, il auoit pense en foymefine (s’il lui faifoit en cela quelque bon feruicc) d’auoir bien mérité fa familiarité amp;nbsp;poiiuoir deuifer long ' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^ teins auec lui,en quoy il auoit pour le moins tant lait qu’il enaiioii
».vgt;a a efte Jio27orc (Sf prisé de luijtoutcfois les Hyrcaniens eftoient furuC' miz pour le mettre en la ligue des Perfes, lors qu’ils auoient granJ befoin de fecoiirs, tellement que pour traiter cette aliance il u au* roiteu loifir de lui donner audience, à caufe qu’ils efloicnttouî empefehez à carelTcr lt;amp;nbsp;honorer ces nouiieaus compagnons Jd quels ils euHenr prefqueiportez entre leurs bras. Pareillemenf ia premiere viftoiregagnée amp;nbsp;le camp des aucrfaires pris,il auoit ton nu comme Cyrus n’auoit eu loifir de vaquer à fes amis,ny à lui :!’ƒ aufsi quand Gadate amp;nbsp;Gobrie fe furent iointsàla liguc,.auqué tems lesafaires eftoient fi grans qu’il n’euft fù vaquer à autre doff qu’à la guerre. Et quand les Saques amp;nbsp;Cadtifiens furent: reçuzf*^ loçieté, il auoit aufsi efté empefehé à les honorer, à caufe qu’ils lu* laifoieut feruice. Pareillement quand ils furent retournez enMf' de d’où premièrement ils eftoient fortiz ,.pour l’empefchementét cetye..iiouuelle caualeric, dés machines,amp; chariots de guerre,Ü amoit e.xeufe de ne s'amufer à deuifer auecques lui, cfperant qu3U fortir, de ces afaires il en pourroit iouir à f on plaifirrmais quelô nouuelles efpoucntables delà ronfpiracion défont le monde coquot;' tre eus auoient prolongé fon atente, de laquelle à tout lemoinsil cfperoit iouir à la fin de toute la guerre. Et maintenant, difod^l' quenous anons gagné vue fi grand’ bataille, pris la ville de Sardes, emmené Crefusprifonhier, la grande liabyJone aufsi fubiuguee, amp;nbsp;renuersé tout lcmonde;ie m’atendois pounoir deuifer anecquo' j vous à toute heure ; toutefois hiermefme ic ne me pu aprochöde \'ous, finon en chaflant la prelle à grans coups de poing: de quau*! vous m’euftes pris par la main amp;nbsp;prié de demourer auprès devons il fin allez eler comment icpaflay toute la iournee fanshoiren)' manger. Parquoy puis que tant de thofes ont à moy amp;nbsp;à vos aims rompu l’oportuniré de iouir de votre compagnie, ie fuis d’auis qm fivouspounez donner lapins grande part de vous à vos amis que vous le faciez, finon que ie finifie à tout ce populaire qu’ils feretirent fans plus vous importuner, amp;nbsp;ne démolirent’ auecques vous finon les premiers Ôc principaus amis. Apres que Cyrus amp;nbsp;plulieurs «uret ris du parler d’A rtabaze, Chryfante Perfe fe leua de dit aiiilii
,fi eft bien certein,Sire, que à bonne amp;nbsp;mfte caufe par cy deusuc ■i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;vous
-ocr page 235-DE XENOPH'ON. ’LIVRE VlI. ipp vous vous elles rendu facile amp;nbsp;commun à tout le mondes tarit pour les raifons par vous alléguées j commepour ne pouuoir autrement tirer grand feruicc de nous : car chacun de nous y eftoit pourfoy-Kiefnie:aufsi qu’il vous faloit gagner la faneur de beaucoup d’hom mes par humanité,à fin qu’ils priflent meilleur courage à trauailler en votre compagnie amp;nbsp;fe fourrer en tous les dangers de la guerre. Mais maintenant que vous n’eftes plus en tel eftat, ainspouuez commander à tant d’hommes, amp;nbsp;prendre à votre feruice cens qu’il vousplait, il eft raifonnable devons laifler iouir de votre propre bien,amp;vfer paifiblemcnt de votre Empire, .afin que vous fenl ne foyezprinc du plaihr que chacun reçoit au faint feu de fa propre maifon,qui eft le plus faint,le plus douSjamp; familier lieujqu’vnhom O'cpmffcHabiter.Dauantage ne penfez vous pas que nous aurions ^onte de nous tenir en nos maifons, vous voyans demourerde-^^’Cbdonnans ocafion aus hommes de penfer, que nous voufif-™Jisnous montrer plus grans Signeurs que vous incfmc?
dire les qualité rui que comme
^yant Chryfante ainTi deelaire fon opinion, plufieurs autres confeillerent le femblable : tellement que Cyrus r’entra dedens Ic pal,lis Royal, ou les trefors de Sardes lui furent rendnz par cens ^uienauoient la charge : mais fi tôt qu’il fut r’entré il famfia à la deelTcVefia, après au Roy lupiter, amp;nbsp;aux Dieus quelesMagiens éeclairerent. Ce fait il fe mit à penfer au gouuernemet de fon rene, amp;nbsp;connoiflant dire needîaire à celui qui veut dominer fur beaucoup d’hommes, de fe tenir en la plus grande amp;nbsp;illullre ville de fon Empire, toutefois pource queßabylone cfloic mal afedee entiers lui à ennemie aupofsible, fe délibéra de prendre des gardes pour foncorps. Et àcaulé qu’il connoifioit que les hoiries nepotmoient ^ci^^r^e^» cîlfcplus facilement furpris, qu’au boire, manger, amp;nbsp;au lit, au ba-gneràdormir,il confideroit en foymefme qui poufroient phisfeaus fernitcurs pour telz afaires. Et difeourant fur la des hommes, il trouua que cens qui aymoient mieus aut leur Prince, ne poiiuoicnt dire loyaus en toutes chofes, font cens qui ont femmes ou enfans, ou des garçons qu’ils a a caufe qu’ils font naturellement incitez à obéir la chofe ay toutes autres. Dautrepart que les Eunuches priuez de tous lets d’amour dloicnt de telle qualité, qu’ils aymoient be ceus.dont il efperec d'eflrc enrichiz, defénduz ans torts qn’ feroitjôcaugmentez d’honneurs amp;nbsp;dinitez. Au furplus ne P^^qu aucun les pull mieus gagner par bénéfices que lui, t ^duieioejjf quj.jgj Eunuches eftans mdpriléz de tous le ®ies, ont plus grand befoin d’élite fanonfez amp;fecouruz
mee fur ; les ob-aucoup on leur pcnfoit
Cyrm fi 'you/wfir-uir â'£wtu-ches ^ourfil £^areïe^
;s bomde leur maitre;
zoo nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;LA CY R OP EDIE
inairrcrcar combien qu’il y ait peu d’hommes qui ne s’eftiment plus valoir qii’vn Eunuche (s’il n’y ha quelque plus grand empef chement) toutefois s’ils fontloyaus à leur Prince ilspeuiientpar-ueniraus premiers eftats Óedinitez comme vn autre bomœe. Et iaçoit que communément Ion eflimcles Eunuches couars amp;nbsp;d« peu deforce, Cyrus n’eftoit point de cette opinion .-prenant ton-iefture fiir les belles,entre lefquellcs Ion voit que les cheuans firou ches s’ils font châtrez, perdent la fierté amp;infolence démordre^ ruer, toutefois ne perdent pas la hardieflê de courir à la guerre :P3' reillement lestoreaus châtrez oublient la fierté amp;nbsp;defobéiïTancc naturelle, mais ne font pourtant priuez de leur force amp;vfiged£ tirer à la charrue. Les chiens font tout dcmelme.-car quand ils font chatreZjils ne vont plus flairer amp;nbsp;n’abandonnent iamais leurs maitres, maisponrautant ne font inutiles à chaffer ou garder la mai-fon.Par mefme raifon les hommes priuez de celle couuoitife naturelle, dcuienncntplusdous amp;nbsp;traitables,maispourtantnelai/fent d’eflre diligens à faire le commandement de leur Prince, d’élite bonshommedarmes, bons archers, bien adroits à toutes armes,amp; aymans l’honneur autant que deuant. Ce qui fe voit par experien- ( ce, amp;connoit on tant ans chafles qu’aus batailles la confiance amp;nbsp;fermeté de leur courage. Et, qui plus efl, ils ont fonuent montre leur loyauté ans calamitez de leurs maitres,amp; n’y eut iamaisEoffl-me, qui montraftplus gratis ades de loyauté aus infortunes de fou Signent que les Eunuches ; Qiioy qu’il en foit fi la force du corfi en efl aucunement diminuée, l’efpee rend toufiours les plus foiblei egaus aus plus vaillans à la guerre.Confiderant donques e^' difeon-rant en fon elprit toutes cesraifons il commença a us portiers de fa maifon,(St fit Eunuches tous les feruiteurs amp;nbsp;oficiers quifetenoift ordinairement alentour de faperfonne. Dautrepart cotuioiUânt f que cepetit nombre degens nepourroit refifler contre tous ceu5 qui feroient mal afedez cotre lui,il difeouroit quelles gcnsilpout roit prendre pour eflrc fideles à garder fon Palais. Parquoy conf-derant les Perfes eflrc d’vnepoure amp;nbsp;abiefte vie en leurs maifow pour l’indigence du païs, amp;nbsp;viure en conrinucllepeinepourraprc-té de la terre, amp;nbsp;aulsi qu’ils neponuoientgagner leur viefitiona trauailler en quelque meflier, il penfâ qu’ils feroient trefeontew' Zef^arJes de viure en cette fiçon auecqueslui. Parquoy il print amp;nbsp;créa dix J/t ra/a/f. millepîquiers de fit garde tous Perfes,, qui iour «St nuit feroient k guet entour fon Palais pendant qu’il demoureroit enrcposlàdc-dens, «Stà fon fortirmarcheroient deuantlui deçà amp;nbsp;delà enbellc ordonnance. Outre confiderant qu’il lui faloit mettre vne forte çamifon
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Gamt^èa tiens £aij-lene.
Cyrus y fis-lutfiire coti nuer le fait de la guerre
garuifon en la ville deBabylone tant en fa prefence qu’en fon ab-fence,il ordonna grand nombre de foldats pour la garder,aufqucls Üfitpayer la foulde par les Babyloniens, lefquels il vouloir cntie-tenicnr defarmer amp;nbsp;afoiblir pour les tenir bas amp;fuietz. Voilà la o^tde qui fut pour lors ordonnée tant pour lui que pour la ville de ßabylone, laquelle dure encor’ auiourd’hui en la forme qu’elle fut fws eftablic, Aufurplus difeourant en foymefme par quels moyens dpoiirroit fe maintenir ej^ fon Empire amp;nbsp;l’acroitre amp;nbsp;agrandir, il dlima l’oft qu’il auoit fôudoyé dire trop petit au refpeft de la grand’multitude des fuietz. A cette caufe il connut lui eftre necef-bire de continuer le fait darmes par les gens de guerre qui anec l’ayde des Dieus auoient eu la vidoire, amp;nbsp;donner ordre qu’ils fui-mffent toujours l’excrcitacion de vertu. Au moyen dequoy amp;nbsp;pour ne fcmbler trop niolefte à leur commander mai5 à fin que ‘' •^'rsinefmes connoilfans ces chofes dire les meilleures s’adonnaf-f'^nt à continuer les armes j amp;pcrfeucrer entous vertueus exerci-‘^fLuI alTembla les Homotimes amp;nbsp;principaus de Farmee ,amp; tous «lis qu’il connoilToit dines departiciper aus trauaus amp;nbsp;honneurs, amp;les enhorta comme s’enfuit:
Concion de Cyrm à fes principaus amis Homotimes, ^ Capi-teines de fes alie:^ (^ confedere^pour les induire à Dertu, (^ à entretenir le fait des armes en fon Jîoyaume, auecplu-ficurs beaus enfeignemenspour les rendre dous ^ vertueus.
CHAPITRE VIH.
Ertueus amis amp;nbsp;compagnons, en premier lieu pliions deuons grandement remercier les Dieus immortelz de nous auoir donne lesbiens dont fil nous nous dlimions eftre dines : car nous auons ■„ides terres bonnes amp;nbsp;fertiles,des laboureurs pour Si nous nourrir ,des maifons pour Habiter, des meu
bles àaeoutremens pour en vfer.Et ne faut pas que vous vous efti-mlez faire tort à perfonne,ny tenir par force les biens d’autrui : car cet vue loy pardiirable entre les hommes qu’en vne ville prifepar droit de guerre, tous les trefors, biens, maifons, ôcperfonnes font propres à cens qui les prennent:tellement que fi vous vouliez eftre waitres de tout,vous ne le poftederiez iniuftement^car il vous apar ti«it ; mais fi vous leur laifsiez qudque chofe, cela vient de votre bumanité.Au démontant ie fuis de cette opinion que fi nous nous ladronscouleraoifiuetc amp;nonchaillance, fuiuant le brutal apetit
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desmefchans hommes qui cftiment ktrauail'eftrc vncgrandeca-lamitc,amp; la vie oifiue vne félicité, affurez vous que nous ferons incontinent mefprifez, amp;nbsp;peu apres ferons priuez de tous nos biens amp;nbsp;richefics. Car il ne fußt pas d’eftre paruenu à la perfeccion de vertu,fi Ion ne s’efforce de perfeuerer amp;nbsp;durer longuement en icelle. Mais tout ainfi que les autres arts,quand ils font négligez,vieil nent àmefpris amp;nbsp;contennement : amp;les corps bien organifez s’ils fc remettent à parefle, deuicnnent lafehes amp;nbsp;maladifs: aufsi les vcr-tuz d’atrempance, fobrietc, amp;nbsp;force, quand l’exercitacion d’icelles eft relafchec, fc tournent incontinent en quelque vice. Gardons nous donq, mes amis, d’eftre negligens à notre deuoir, amp;nbsp;dcnoiis ruer fi foudein fur les plaifirs ; car combien que i’cftmie gr.ind enure de donner commencement .à vn nouiieau renc,toutcfois c et encor’ plus grande vertu delefauoir maintenir. Car fouuentlo» prend amp;nbsp;gagne feulement par témérité, mais Ion ne conferuepas fans atrempance, fans diligence, fans fobrieté : vertuz, lefqiiellcs nous dçuons beaucoup plus exerciter maintenant, connoilîànsle profit qui en fortjque quandnous conqueftions ces Royaumes,Û' chans bien que tant plus on ha de bics tant plus ha Ion d’enuiciis, de traitrcs,d’ennemis,amp; malueillans : amp;nbsp;principalement quand on les ha gagnez par force maugré les Signeurs comme nous allons lait. linons conuient aufsi penfer quelesDieus feront toulïoiiri auec nous,dautant que nous n’auons point iniuftement ociipcces terres, maisi feulement nous fommes vengez de trahifons qu’ils nous anoient braflees. A cette caufe nous finit préparer à ce qui nous doit eftre le plus profitable: C’er d’eftimer les plus vernieuw hommes eftre dines de dominer fur les autres,amp; félon cette inclure nous conuient reisler nos fuietz : car du froit amp;nbsp;chaut, du boireamp; manger, du trauaiilcr amp;nbsp;dormir, il eft raifonnable de faire parm nos l'eruiteurs : toutefois en celà nous montrer de plus grandevet' tu amp;nbsp;plus excellens qu’eus : Mais la diftiplinc militaire amp;nbsp;nos ver-tueufes cxercitacions, ne leur finit en aucune manière comnimU' quer, à caufe que nous les voulons rendre fuietz à notre volonté comme manenures amp;nbsp;tributaires : mais deuons aiioir ces opera-cions pardelfus eus ,amp;: remettre en mémoire que les Dieus nous ont montré ces moyens comme vrays inftrnmens amp;nbsp;outils pour aquerir cette liberté amp;nbsp;félicité mondeine. Parquoy comme nous les auons defarmez,aufsi ne faut il iamais qu’ils nous voyciit linon armez,finhans bien que cens qui ont toufiours leurs armes preftes fontplns aisément ce qu’ils veulent. Si quelqu’vn de vousfeplein-gnoit difant en fon cfprit: dequoy nous fert eftre paruenuz au but
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He nos entreprifes s’il nous faut encor’ endurer fiim amp;nbsp;foiÇtraiiail' 1er amp;nbsp;courirjamp; auoir tant de foiiciz ? le vous refpons que les biens aportent dautant plus de plai/îr, qu’ils ont efté gagnez par plus grand labeur .-pource que le trauail efî la vraye pitance des gens vertueus. Car fi l’Iiomme n’aiioit ocafion de defirer quelque chofe alui necelTairej que lui lauroit on aprefter fi foniptueufemct aconite , qui lui fiifi agréable ? Puis donq que Dieu nous ha volontai-tement donné le moyen d’auoir ce que les homes' défirent le plus, amp;nbsp;qn’vn chacun puifie à foymefme apareiller lé plaifir de toutes viandes, n’eftimez vous point que celui qui le fait foitplus heureus que les autres? dautant que s’il ha faim,!! magera viande plus agréable que les autres, ayant foif boira des meilleurs vins, amp;nbsp;voulant dormir .repofera anecques plus grand plaifir ? A cette caufeiedy qu ils nous conuient maintenant tendre à vertu, amp;nous efforcer ^ ertrebons plus que iamaisjpour auoir vne tresbonne amp;nbsp;plaifante ^ouilfance de nos biens, amp;nbsp;nous allurer de n’elîre point priuez de tettefélicité,qui efî la chofe la plus grieue amp;nbsp;dcfplaifante à vn chacun. Car il n’ell pas fi molefîe à vn homme de n’auoir point eu de biens, comme il lui efî ennuieus d’efîrepriué de cens qu’il ha. Au leftc difeourez en vous mefmes, fi vous auez aucune iufle ocafion d'crtreplus ncgligcns amp;nbsp;oififs qu’auparauant. Seroit ce point pour l’Emprcquenous tenons ? Nenni vrayiHent,car il u’elîpasconue-nable que les Signeurs foient plus lafehes que les fuietz.Efî ce pour l’heur quenous penfons auoirplus que deuant?Encor’moins.Car la félicité ne fe doit gouuerner par mefchanceté. Efî cepour la peine qu’on ha à garder les chofes gagnées, ou à punir nos feruiteurs quand ils ont failli ? Ny pour celà aufsi : Car dequoy fert il à vn homme de punir fön feruiteurpour vue mefchancetc, s’il veut aufsi efîrc mefehant ? Confiderez aufsi en vous mefmes que nous voulons nourrir beaucoup dè gens tant pour la g-ardé de nos mai-fons, comme de nos perfonnes. Comme donq ne feroit ce grand’ honte de tenir vn archer pour notre garde, fi nous u’enfommes gardés nous mefmes ? Et certeinement il vous faut falloir, qu’il n’y ha meilleure garde pour vn homme que d’eftre vertueus amp;nbsp;honne-fte, amp;nbsp;faut que les enures en tefmoignent. Alais à celui qui efî fans Vertu toutes autres chofes ne peuvent de rien profiter. Que vous veus ie donq commander de faire ? amp;nbsp;en. quel lieu exerciter la vertu île ne vous diray rien de nouveau , mes amis, mais tout ainfi qu’au pais des Perfes Içs Homotimes fréquentent les palais des pr^quent-a-Phnees, aufsi faut il vous acoutumer ans mefmes accions que ciim ^« fa-vous faifiez lors. Parqijoy prenez garde fongneufement fur moy, ^^^
‘ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;C 2 fiie -
-ocr page 240-,4 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;LA CYROPEDIE
fi ic ferny mon deuoir en cette charge : parejUcmcnt je prendray garde fur vous amp;nbsp;honoreray cens qui s’adonneront ans bonnes amp;nbsp;honneftes operacions. Et fi nous engendrons icy des enfans,iefuis d’auis qu’ils foient efleuez amp;nbsp;inftruits en cette court:à fin que pour douer bon exemple à nos enfans^nous nous efforcions d’dfie bons nous mefines;amp; qu’eus aufsi ne puiffent deuenir lafdiesamp; vicieus^ne voyans en nous aucun mauuais exemple ny de fait ny lt;k parole^ mais nous voyent continuellement trauailler en toutes at-cions amp;nbsp;vacacions honneftes amp;nbsp;vertuelifes.
Fm Jȧftkme /./ure.
Le huitième amp;nbsp;dernier Umreit
LA CYROPEDIE DE
Xenopl)on,de ia L^te ci?^ X/tirs Je
CYRV5 ^oß Jes ^erßs.
Comme Cyrus ordo/ma I'e^atdeßt mai/ôn,^ quelle inßituciüU de T/iureil donna aus ^ens de fa court, ^ la façon dont il Tfôitpour leur enfei^ner à -»iure filon Dieu, ^ à s’exerd-ter en toute -»ertu ^ modefiie. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chat. t
hE fagc amp;nbsp;vertueus ChryOuite Gr3i)^ J}niaitre delà gendarmerie, voy3nt([üe Cyrus anoitmis lin à Ion parle^parlequel il auoit enhorté les gens à vcM feleua au milieu del'arsittanceamp;io^'' I jmença à dire : Qu’en dilcourant ap3r^ \ Coy plnfieurs autrefois, amp;nbsp;lors melaiüi il auoit deremet connu, qu’il n’y Mof point de difereuce entre va bon pete, ile vu bon Prince. Car tout ainfi qn^
les bons peres pournoyent au protic de leurs enfans, àtin quelo biens ne leur faillent : Cyrus aufsi par fon parler sictioitmontti fongneus de leur grand bien, ayant cherche amp;nbsp;confeillé le moye^^ deles faire continuer en vue profonde Sc perpétuelle feheité. Mil^ à caufe que Cyrus lui fembloit auoir trop modetiementparlé pour fa grandeur-, il auoit délibéré de deelairer plus particulièrement h deuoit
-ocr page 241-DE XiE NiOP'H ON. , L I V R E VlH. ^ 205 ckiioir d'vn chacun : amp;nbsp;leur dit j Qy’jls deuoient difcourir en eus mefmes j que nulle cité d’ennemis peutiamais eftreprife 5 ny nulle cite d’amis conferueepar gcnSjqui ne veulent ohéir àla volonté du Prince. Pareillement que nulle victoire peut eftre gagnee par fol-datsqui ne veulent obéira leurs Capiteines. Par quel moyen font plus tôt les hommes veincuz en bataille, que quand chacun com-wenccparticulieremcnt à délibérer defon falut ? Quel aéte ou eu-ure dine dememoire peut iamais eftre acomplipar des hommes, qui ne veulent obéir au confeil des plus fages amp;nbsp;miens enceuduz? Quelle République fans magiftrats, quelle maifon fans fuperieurs, quelles nauires fans gouuerneurs,pourront iamais. eftre bien habitées , conferuees, ou conduites à bon port ? Et par quel moyen auoientils eus mefmes conquefté tant de biens, linon par l’obeif-fance qu’ils guoient portee à leur Prince ? Parquoy, puis que iour amp;nuitils aiioient fait leur deuoir d’arriuer aus lieus ordonnez, de hùufelcPræce à grolle troupe, de fe priuer de tout repos, briefde toufours obéir au commandement d’icelui , fans ladler aucune fhofe imparfaite : ilnetrouuoit meilleur moyen pour conferuer Rshicnsaquisparobéillance, qu’en obéiftant pareillement à Cy-’ tus : tehans pour certein que tout amfi que l’obéir au Prince eft va trtfgrandmoyen pour conquefterdes rjeheftes, aufsi eft il pour Içs conferuer. Et cc^mme auparauant ils n’auoient eu commadement furperfonne, amp;nbsp;pinfieurs leur commandoient, amp;nbsp;que maintenant parvne fi bonne fortune ils auoient aquis les vas peu, les autres beaucoup de feruiteurs : ils fe deuoient ainfi difpofer à obéir aus commandemens du founcrain Signeur^ comme ils s’eftimoient di-“«d’ertre obéis dç leurs feruiteurs. Entre lefquels amp;nbsp;eus y deuoit suoir grande diference,pourautant que les ferls. obéâfcnamp;par/orcc ^contre leur volonté: mais eus qui fe vouloient montrer dines de. Viure en liberté, deuoient faire volontairement amp;nbsp;de bon gré tout; lt;^c quileur feroit commandé. Car on voit, qu’entre les citez méfies qui font conduites fans le gouuernement de Monarque,celles font les plus mal aifees à fubiuguer, qui fe foumcttent-?à croire l’opinion de confeil d^s bons CapiteinesiParquoy les prioit non feu-Icmcnt de frequenter lanouuelle co urt, ainfi que Cyrus'l’auoit ordonnée: mais aufsi d’eus exerciter aus arts qui les auoient faits fi beureus, que d’aquerir tant de biens, amp;nbsp;de feprefenter tous les '®«rs pour obéir à Cyrus en tout ce qu’il voudroit commandera ^'^ms pour certein,qu’il ne feroit iamais chofe, qui fuftà lui feul profitable, amp;à eus non : pourautant que les intencions du bon “Uleeamp;des fuietzreuiennent à vn but: les mefmes chofes qui quot;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;C 3 profitent,
-ocr page 242-2clt;f fî t A C Y R O’p E D HBquot;
profitentjou nui/ôic au Prince^nuifent ou profitent aus fuietz ; amp;nbsp;auoient les mefmesamis amp;nbsp;ennemis qu’il pourrait auoir. Après que Chry/ante eut ainfi declairc fon auis,plufieurs Perfes amp;nbsp;autres allez confenfirent à fon dire ; tellement qu’ils furent tous de cette opinion j que les principaus Capiteines amp;nbsp;gentishommes d’honneur feroient toufiours pronts amp;nbsp;en ordre deuant le palais de Q' rus,pour lui obéir en toutes ebofeSj iufques à tant qu’il leur dôiiad congé de le retirer. Laquelle coutume eft encor’ aujourd’hui ob-femee en Afie par les ünetz duRoy^ainfi que Cyrus en fon confeil l’auoir ordonner amp;nbsp;en cetems làmefme lui profita grandement pour cdablir fon Royaume, amp;nbsp;les fucceficurs Rois roWcnientfe' Ion fon ordonnance pour mefine can/è. De cette façon de viureil auint, comme Ion voir aucnir enplufieurs autres chofes, quequail le Prince ed bon , les fuietz s’adonnent à viureplus vertueufemeßt félon les loix i quand il ed maunais, ils fe ruent fur les mefehance-t^z. Parainfi les principaus alloiet tous les iours à cbeual à la court allée leurs iauelotSjainfi qu’il aiioitefle ordonne an confeil de tout les Capiteines amp;nbsp;gens derenom, qui auoient fubiuguc l’Empiré' les e^^itfs Je En apres Cyrus Créa des oficiers nouueaus fur beaucoup d’autre» itmaifin J» chofeSjfelon que la grandeur de fes a/àires le requeroitj, comme de» /(ej’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Receucurs des tailles,des TreCoriers,3c Argetterspourh defpenk
Maîtres des batimens. Gardes de fon domaine, amp;nbsp;des Alaitre» I^’hodelpour le vinre de fa maifon ; aufquels il aiouta desEfeuiet» pour les cheuaus,des Maitres delà veneriepOur les cJiienS,amp;yJWt cens qu’il connoidoit les plus expersàce faire. Mais quant à cens qu’il deuoit prendre pour la garde de fou Empire amp;nbsp;de fa felidtéj il n’en voulut conamettre le foin de les choidr à autrui, ainsreferu» cette eleccion a' fa connoiffance, fachant bien que fe deuoient elite le fons lt;Sc la vraye fouclie, dont en tems deguerreillui couictwirwt ■ prendre desPreuotSjprincipaus copagnons amp;nbsp;edeiets ddagueiWj ■ aneclefquels les pcrilleufes entreprifes fe conduifentidont aulsiiß» j'eileecie» Je faudrait choilir des Centeniers des gens depic amp;nbsp;de chenal, amp;df» li^arJe du Capiteines en chef, quand il voudroit faire la guerre en loin tun ctrpsJuPri p^ïg /^f,5 y jjjgp çp perfonne : des Lieutenans, Satrapes, Goiiaet-neurs de villes amp;nbsp;nacions : Sc aufsi des Emhaffadeurs pour enuoj'tt dehors, lefquels il edimoit edre vn trefgrand moyen pour aiioif fans guerre tout ce qu’il voudrait:Sc en difeourant à parc foy, connut bien, que Ci cens par qui tant de chafes d’importance deuoient cdre manieos n’edoient vertueus, à la longue fon Empire iroit en ruine ma contraire, s’ils-cdoient tels qu’ils deuoient, fes afaites mOuCcroieut toufiours en plus grande profperité. A cette caule
-ocr page 243-DE XENOPHON. LIVRE VIH. ' 207 mît grande diligence à faire tresbien l’efiitc des fes gens, ebofe qui luifernoit aufsi pour vnc exerciracion de vertu, voyant qu’il fe dç-uoit montrer à fes fuieti cômevn parangon pour enfüiure la vertu,à laquelle il ne pourroit iafflaw inciter autrui, s’il n’eftoit ver-tucus lui nicfme. Et pour ce faire cfbrna''qti’il lui faudroit du tems amp;duloifir pour penferaus’grandesquot; amp;nbsp;hautes accions : mais il ne ttoinia pas qu’il full expedient de remettre du tout en arriéré le foin de fon reuenu, fachant qu’il lui faloit faire vue rrefgrand’ def-pcnce,pour entretenir fon Empire. Dautrepart ne trouua pas bon d’y dire trop ententif, pourautant que s’il vouloit prendre garde à touefon domaine,qui eftoit trefgrad, il nepourroit vaquer à autre diofe,amp;penfer au falut d’vn fi grand peuple. Parquoy,à fin d’auoir amp;Wifir 8cmoyen de penfer à tous fes afaires, fe délibéra d’vfer de lanicfnic£^çgjj flopt Ion vfe à la difciplinc militaire. Et comme au f’'fdegiijj.[.gjjy j^3f|ç5 eflats ordonnezl’vn fur l’autre', tellement ^•'‘^leÜizcniergouuerne aisément les foldats de fa charge,le Chef defquadre commande ans Dizcnicrs,les Capifeines de mille hom-™cs ans Chefs d’efquadres, les Coronals de dix mille à fes Chiliar-fl’« j amp;nbsp;par tel ordre'toute'l'armee peut eftre bien gouuernee, en-tor’ quelle fun dix fois plus grolTe.Et tout ainfi qu’au Capitciitc en chef, voulant employer feS foldats’, fufit apeler fes Licutenaris amp;nbsp;Coronals, qui facent entendre fa Volonté aus autres : Cyrus aufsi dinifa par tel ordre le gouuemement de fes afaires domefliques, qu’il créa des oficierSjqui enflent autorité les vns furies autres,que quand il vouloit quclquè chofé eftre bien tôt faite, il ne parloit fi non a peu de gens qui donnoient fi bon ordre que fes afaires n’c-floient point négligées, tellement qu’il auoit plus’de loifir, que cens qui feulement'ont charge d’vn c maifon ougallerc. Laquelle pontic faire il enfeignà aufsi à fes amis amp;nbsp;gounerneurs au regle-ment de leurs maifons princes,tellement quepar cet ordre il donna reposàfoy amp;nbsp;fes gens. Dauantage il ordonna la façon comme il vouloit que tous les gens de fa court vefquiflent, amp;nbsp;premièrement ayant regardé Bombien de gens pouuoient eftre nourriz à fa court, hiflant le fait d’attriculture aus autres .leur commanda fe tenir toufiours déliant les portes de fon palais, amp;nbsp;quand ils eftóient ab-fens,les faifoit apelcr : Ce qu’il faifoit en confideracion que les pré-fins ayans le Prince pour témoin de leurs faits amp;nbsp;vertuz, amp;nbsp;les fa-S^’ponrfpeftatcurs de leur vie, ils nepuflent iamais faire aucune cofemefthante, vileine ou deshonnefte : amp;nbsp;cens qui ny cftoient,
’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^Q^.g jljfgjjj pour quelque vice, folie, mcfchanceté, ou
^f^hgcQcç, pjf çg moyen Cyrus induifoit amp;nbsp;contreingnoit les hommes
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hommes à frequenter 6 courtrcar il commandoit au plus proches ami qu’il trouuoit, prendre les biens dé celui qui eftoit abfentj amp;nbsp;Jes ocuper comme propres ; amp;nbsp;quand ceusj qui eftoientpriiiez à leurs biens, lui venoient demander iuftice du tort à eus fait, Cyms . atendoit long tems à leur donner,;audiencc, amp;nbsp;quand il les auoit ouïs, ilprolongeoit encor’l’adindicacion, amp;nbsp;furceoit lafin diiiu-gement par grans délais.. Au moyen: dequoy il les acoutumoita faire leur deuoir ; amp;nbsp;la qualité de cette punicion eftoit telle, qu’ils ne lui en fàuoietpas fî maunaisgrc, quefiparplusgrieuepunicion il Jes euft côtreins às’y tronuer. Voilà J’vn des moyens dontilvfoit pour Jes y faire venir .• l’autre eftoit, de commander fonuent à cens qui eftoient prefens ebofes faciles, amp;nbsp;portans quelque profit .'le tiers eftoit, de nejdonner jamais,rien aus ablcns.Alais la plus grande contreinte cftoit,de ne donner audience à cens aufqueJs il auoit Ote les biens pour les donner à queJqu’vn, dont il.efperoit tirer du feruice, tellement qu’eu licit d’vn homme inutile il en aqueroit toufiours vn.ami profitable. Laquelle coutume Jes Rois delW ƒ retiennent encor’ aujourd’hui, demandans fi aucun de leurs gens ^ cft abfent .• amp;nbsp;par' ce moyen Cyrus puniftoit les defàilJans. Mais quant à cens qui eftoient prefens il les incifoit ans eutreprifesliantes amp;nbsp;vertueufes, quelquefois de parole, mais i^eaucoupmicuspar exemple, eftimant qu’ils feroientd’autantpius euftambezà verW quand ils verroient leur Prince dilposc,à fe montrer mieus omé^ route honeftete, plus vertueus amp;plus excellent que les autres. E^ pourautant que les hommes deuieunent meilleurs par le moyen des loix efentes, ilreputoit vn bon Prince eüreynclowing) ^ voyante,qui ponuoit ^ commader lt;S:punir (comme Jes loix) cens qui ne font leur deuoir. Parquoy des lors il commença à femon- . trer plus deuot à l’honneur des Dieus pour leur rendre graas^^ I fa fclicite,amp; lors furent fondez les ordres des Alagiens,qi;i ne6il- | loient Jamais à chater au point du iour certeins hymnes aus Diens immortels.-^ fàifoit tous les Jours facrifee ans Dieus,felon qiieJe* .Alages luJ deelairoient : dont ce qui fut ordonnépar Cyrus, toa-chautlefàJt de la religion, dure encor’auJourd’huJ, amp;eftoijferne par celui qui eüKoy. Et en cela le demourant des^Perfes fenfuini-rent JucontJnent\ s’eftimans deuoir elireplusheureus, s’ilshono-roientlesDieus, ainh q Cyruslcshonoroit,.qui ettoitleurPrince, amp;nbsp;le plus heureus homme du monde : amp;ce faifant aufsi penfoienc finre trefgrandplaifir à.Cyrus, lequel (à la vérité) iugeoit quelan deuocion lui deuflettre proftabic .-tout ainfi que les march,ms amp;nbsp;nauig.'iteurs de mer çntrepnnment plus volontiers vu voyageaucc
sens
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gens creingnans Dieu amp;nbsp;de bonne viej qu’auec des mefehanSjd’vne ^lenialheureufe amp;nbsp;dannable. Et fi tenoit pour certein, que fi tous «s familiers amp;nbsp;courtifans auoient dcdens le cœur vne pieté amp;nbsp;rc-»erence des Dieus, ils n’entreroient iamais en volonté de faire en-^ws,ny contre lui (qui cfloit leur Prince amp;nbsp;grand bienfafteur) aucune mefthanceté. Il s’eftorçoit aufsi grandement de donnera connoitre à tout lemonde, qu’il ne farfoit tort à perfonne, full ami 011 alic de fa compagnie, ains regardant fongneufement au fait de faiuftice,nepermetoit point qu’aucun s’enrichift par mefehant quot;'Qy^n, ains les retiroit de couuoiter le gain defloyal ou deshon-’'^ftejódes enfeignoit à fe côtenter de la raifon. Or il fema encores patmifes gens la honte amp;nbsp;vergongne des chofes malfaites, amp;nbsp;dau-fantç\nss\q'j^Qi,-jj rendre les autres honteus amp;nbsp;creinti6 de mal ^“^ Pourramour de lui, s’il fe montroit auoir tout le monde en reuerece^ iSj creindre de dire ou foire en leur prefence aucune chofe ™^ 011 abiefte : car les hommes communément portent plus de '’^oerence, non feulement aus Princes, mais à cens aufsi qu’ils ne ^'‘^ingnent point,s’ils les voyent honteus,que s’ils font deshontez, ^ ans femmes pudiques beaucoup plus qu’aus impudiqucs.Il iugea ‘*iifsi,qiie robéiirance demoureroitplus parfaitement ans cœurs de fegens, s’ilfe montroit pront à bien honorer ceusqui lui obeïf-foientfans exeufe, amp;nbsp;à les aymer miens que s’ils eftoient exceUens aus plus grans amp;nbsp;penibles oiiurages du monde. Quant à fa vie, il vfoit d’vne telle atrempance, qu’il donnoit exemple ans autres de faite le femblable, ingeant que le menu populaire s’eftorceroit é autant plus d’eftre tempérant eu fa vie, s’il regardoit l’abftinence de celui qui aucit plus depuiflance amp;nbsp;liberté de mal faire. Ilmet-toit aufurplus cette difcrencc entre la vergongne amp;nbsp;la temperace, qles Vergongneus s’ablhennct des chofes deshonneftes en publiq, fetemperans en priué. Et pour leur enfeigner aufsi lavertu de con tinence il iugeoit que fesfuietz Icroicnt plus continens en leur vie, s’ils prenoient garde comment par les foudeines inftigacions des voluptez il ne fe laifioit abatte ny retirer des accions honneftes ét vertueufes : ains cherchoit pluftot le trauail auec honnefteté, qu’aucun plaifir auec la volupté. Cyrus donq viliant en cette façon ordonna fi bien fon Empire, que deuant les portes de fon Palais y aiioic fi grande modeftie, fi grande reuerence, amp;nbsp;ciuilité des vnsaus autres, q les manuals obéilioient aus mcilleurs:amp; n’eufsicz fo voit aucun fe courroucer en criant, ny s’efiouir ou rire en fe moquant ; ains fans bruit amp;nbsp;tumulte vinre en vne grande douceur àttanquilité. Voilà la façon de viure qu’ils tenoient con-
quot; nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;D tinucL
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tinuencment deuant la porte du palais de leur Prince.
Comme Cyrm ordonna le fait d’armes en fin Royaume, les Ofi ciers de fia court, C^ de fia magnificence cl^ humanité.
CHAPITRE II.
’ V demourant pour faire continuer fes gem^ ^1 l’exercice de la guerre ^ il raenoit fouucntàli cha/Te cens à qui tel pafletems eftoit comienabk lequel il elfimoit edre tresbon pour Je foUit^ bien propre amp;nbsp;duifant à l’homme de chenal. Cx y on les voyait fuiure les belles St courir en fouS liens jamp; par ce moyen ettre plus difpoz à chenal amp;nbsp;adroits à tout faire, amp;nbsp;aufsi que l’honneur amp;nbsp;leplaifîrdela chaJîêincitoit volofl- * tiers les perfonnes à y allere le défit deprendre^ amp;nbsp;la contenciondf vertu aiiec la confiance les rendoit prêts à fuporter tout traiiailamp; malaifêjfi'oitjchaut, faim,amp; foif, Scles fiiifoit eürefobres amp;co/ifi- I nens en toutes chofes. Cette coutume eft encores bien gardeepaf -le Roy amp;nbsp;fes familiers.Mais il apert bien que Cyrus iugeoitvnhow me ne meriter point l’Empire fur les autres s’il n’elloit mejUcur | que les fiiietz ^ tant par les chofes cy deffus racontées ^ connue par ce qu’il s’effbrçoit démettre enefet les enures de vertu qu’il cow-mandoit à fes fuietz, comme la cotinencejes ruzes amp;meditacioflS
Comme y»
J’rmee dott fnrmonter font ßsß(~
du fait de guerre, amp;nbsp;alloit plus founent à la chafle que les autres. .
Car quand il n’auoit tems nyoportunité de faire les alfemblcesi ] la campagne, il fe mettoit après le belles qu’il iàilbit, à cette fn / nourrir en fes parcs.IJ ne vouloir Jamais fouper qu’il n’eufltrauail- i leiufques à la fueur, pareillement ne donnoit à manger aus ehe- 1 naus s’ils ne l’auoient gagné.ll faifoit venir à la chaHelesEunuthes )
feruans à fa court, lefquels il furmontoit de beaucoup en toutes ■ accions vertueufes, combien quiceus furmonrafTent les autres aiu f mefmes vertuz dautant qu’ils ne faifoient autre medier,Semoieo^ ( deuant Icsyeus vn parangon de vertu qui leur donnoit exeinfi pourl’enfuiurc. Mais pour mettre au coeur de fes gens quelque^' . mule d'ambicion St d'honneur il donnoit aus amateurs de vertu i pludeurs dons, otices, dinitez, honneurs, Stprerogatiucs, dontü 1 auenoit que chacun s’etforçoit de lui montrer fa vertu Stfereiidre J plus excellent que les autres entiers lui. Dautrepart à caufe qu’il l connoiffoit les Princes ne deuoirpas feulement furmonterlesfu- \ P^aéif^^ j^j.^ ^^ yertu Sc bote, mais qu’ils deuoietles atraire St abuferparli umiedé deracoutrement du corps, il fc voulut vêtir d’vue robe ion
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Jue à l’vfage des Medes amp;nbsp;en fit aufsi porter à fes domeftiques. Car telle façon d'habit cache les fautes qui peunent eftre au corps d’vu homme, dauantage les fait femblerplus grans amp;nbsp;plus beaus qu’il ne font, amp;nbsp;peunent fous vn tel habit auoir des fouliers redoublez de quelque chofe, pour fe montrer plus grans. Si leur permit aufsi de farder les yens, fe frotcr les ioucs pour s’embellir, amp;nbsp;montrer miens colorez amp;nbsp;de plus beau teint qu’ils n’eftoient de nature. Et les acoiituma à ne cracher ny fc moucher en publiq, ny fe retourner en arriéré pour regarder ou anifer quelqu’vn, à fin qu’ils ne s’emerueillalTcnt d’aucune nouueauté : ce qu’il eftimoit eftre profitable pour n’eftre fi facilement contennez amp;nbsp;mefprifez de leurs fuietz. Parquoy cens qu’il connut eftre dines de dominer fur les autres il les inftruifit de façon, qu’ils eftoient plus modeftes amp;nbsp;en pfi'5o''3nd’ veneration enuers le peuple. Pareillement cens qu’il yonJoittenir ferfz amp;nbsp;fuietz il ne les incitoit en façon quelconque ^ penfer aus accions nobles amp;nbsp;vertueufes, ny leur permetoit de potter les armes : ains tant feulement donnoit ordre qu’ils n’euf-fintfiute de boire ny de mäger (amp; ce pour ne les laifter vaquer aus actions liberales) amp;nbsp;fi par fois faloit faire aficmblee pour chaffer à bcampagne, ilpermetoit à cens cy déporter leur dîner, ausno-hies non : par chemin lesfaifoit aller à la riuicre corne troupeaus, amp;nbsp;à l’heure du diner les atendoit, afin qu’ils enflent à manger amp;nbsp;n’enduraflent la faim. Au moyen dequoy cens Là mefmes l’apcloict leurperecomme les Homotimes, pourautant qu’il auoitcurede leur bien, à fin qu’ils puffent endurer plus doucement le ion defer-üitude. Ayant donq Cyrus par fes ordonnances aquis à tout l’Empire des Perfes vue grande feurté,àfin que fa perfonne n’encouruft aucun danger par fes fuietz, il y mettoit grand foin amp;nbsp;diligence, carilauoit rendu les fuietz foibles, efféminez, fans armes, amp;nbsp;mal en point pour reuolter, outre ce que par nul moyen aucun de cens cynes’aprochoit de lui, ny de iour ny de nuit, amp;nbsp;que cens qu’il
* Lesmayct dont 'yfott Cyrits four
aiioit nigezles meilleurs par l’cxcrcitacion du fait degucrrcjcftoiêt toiifiours en troupe amp;nbsp;en armes auprès de fa perfonne : dont les vns edoieut Capiteines de gens de chcual,les autres de gens de pic, ou bien de fi haut courage qu’ils enflent efte bons pour rener fur les autres. Et à caufe que l’vfage de cens cy lui cHoit neceflaire,ils fe iticfloient fouuent auec fa garde, amp;nbsp;auec lui aufsi parce qu’il lui 'ftoit force de s’en feruir. Et cobien que par cens cy il puft tomber ^’'danger de fa perfonne par pluficurs fortes,toutefois il ne trouna meilleur moyen pour s’en alTurcr, que de faire tant entiers eus niere{esfti~-5'iib hymafleut mieus que leurs compagnons :*amp; les moyens KfZ
D a dont
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dont ilvfoit pour fc faire tant aymer, méritent d’eflre racontez. Car premièrement ilnetrouua pas bon de les defarmer Prendre inutiles pour la guerre^ pource qu’il lui fembloit iniufte de ce faire, amp;nbsp;eftimoit que ce dull cflre la ruine amp;nbsp;perdition de fon rene, amp;nbsp;nevoulut lesellongner d’auprès de faperfonne,nymontrerd’a-uoir defiance d’eus de peur de leur donner ocafion defereuoltcr contre lui ; Al ai s il s’elludioit d’vfer enuers eus d’vne grande hu-manire, efiimant que comme il eftoit malaise à vn homme dene haïr vue perfonne qui le haye, amp;nbsp;ne mal vouloir à celui qui luipor-temauuais courage: aufsipenfoit il dire impofsible aus hommes den’aymer cens qui leur montrent fi grade amour amp;nbsp;hienueiiiHan-amp;qu’
ce. Parquoy durant qu’il fe trouua foible d’argent.
noir dire large ny liberal enuers eus j il tachoit par autres moyens d’aquerirleur afeccion comme en pouruoyanr ausnecefsitezde fes familiers amp;nbsp;compagnons jfe mettant le premier à trauaiUei, s’efiouifiant de leurs biens Oc le côtrillant de leurs calamitez. Afiis quand il fe tromia riche amp;puinant pour dire magnifiqueamp;dofl' ' ner à tous de l’argent^premièrement il dlima qu’il ne pourron faire don qui fullplus agréable, que leur départir des viandes qui' mangeoit amp;nbsp;des vins qu’il bunoir, A cette caufe ordonna quêtons cens ded table (àlaqudle il conuioitgrand nombre de gens} lui* fent feruiz demdîne lui, amp;nbsp;dillribuoit encores des fiennes à ftgt;‘ amis, montrant d’auoir fonuenance des plaifirs qu’ils lui aiioient faits. Outre celà il enuoyoit fes amis l’vn pour garder quelqiieph-ce, l’autre à quelque feruice ou il elloit beCoin, amp;nbsp;donnait fine d^ vouloir recompenfer lt;Sc faire connoitre publiquement lavolo^tte qu’ils anoient de lui faire feruice. llhonoroitpar foisleslêrniteiirs de fa table quand il les voulait louer j amp;nbsp;faifoit aporterleutsWti-des quand Îk les fiennes ^ efiimant leur engendrer quelque aiTtoW 1 defoy comme Ion fait aus chiens, amp;quandil vouloir quelque^'^*’ ami eflrebonoré de pluheurs, il lui enuoyoit parfois quelqueph^ de fa table. Mefmes aniourd’lmi les hommes ont en honneur i( eflimacion de grande vertu ceus à qui quelque viande edapontt delà table du Prince,amp;:aufsipource qu’elles font ordinairemei^^ plus friandes amp;: plaifantes que les autres : dont Une fc fautgno-dement emerneifier.Car tout ainh que les arts ans gratis villes foa^ plus cxccllcntcment mis en enure qu’auspetites, aufsi les viandes chez les Princes font miens acontrees qu’aus maifons princes. Aus petites villes fonuent vn mefme onurier lait vn lit, vue table, des portes, vnc charrue, de par fois bâtit vnemaifon ,iScfe contente fi tant de meüiers lui pcuiicnt tous enfemblc faire gagner fa viadont
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ii3
»buient que qui femefledetant demeftiers ne peut parfaitement Ufongner en chacuu:Mais aus grandes villes pour ce que la multitude des homes qui y eftha toufiours afaire de beaucoup de chofes. Vufeulmeftier cfl fufifant à nourrir vn homme amp;nbsp;fouuent c’et plus tju’il ne lui en faut : Car Ion voit ordinairement quel’vn fait des fouliers d’homme, l’autre des patins de femme : par fois l’vn vit feu bmentdeles coudre, l’autre de les tailler : l’vn détailler des robes, 1 autre de les ioindre ou refarcir. Parquoy quand le meftier d’vn itonimeeft compris en plus eftroitlieu, dautant lepeutilmieus Ôc plus parfaitement acomplir.il en aillent tout ainfi ans chofes apar-tenantespour la vie; Car fi vn feul homme cftcontreint défaire bs lits, mettre la nape, cuire le pain, patifler, amp;nbsp;faire la cuifine, il n eftpaspoßißig qu’il face bien chacun meftier. Mais fi l’vn fert au toti 1 auffg j^j boulli, l’vn au poifton l’autre aus fritures, ou à faire ‘'t’pain^Pçyjçjjjgj^j. d’vneforte,il eftplus que raifonnable que cha ^*'^c viande foitmieus apreftee, amp;nbsp;que telle façon de viure foit la plusdelicate amp;nbsp;la miens ordonnée fur toutes autres. Ayant don-^ucs Cyrus ainfi reiglc amp;nbsp;ordonné le viure de fa maifon, il furpaf-loùla magnificence de tous les Princes en celà. Etmefemblebon lt;leraconter aufsi comment il furmontoit tous les homes du moufle en libéralité. Car comme il fuft ainfi qu’il fuft deuenu trefriche amp;reçiift plus de rentes amp;nbsp;tributs que tous les Princes du monde, il fe montra fi liberal entiers tous amp;nbsp;tellement defploya la magnifî-licence de fa grandeur gt;nbsp;que les hommes en furent eftonnez : amp;nbsp;donna exemple aus Rois enfuiuans de faire comme lui, tellement fin ils obferuet Regardent encor’cette façon de beaucoup donner. ^elPrince haplus riches amis que le Roy des Perfes ? Qui donne lesprefens amp;nbsp;acoutremens à ceus de fa maifon telz que lui ? Et qni porte enfeigne de Roy comme les cheines, braflelets, amp;nbsp;che-naus garniz de harnois dorez, que perfonne ne peut auoir fi le Roy ne les donne? Qui peut par fa magnificence amp;nbsp;libéralité fc làirepkis aymer, que lon n’aymeles propres freres, pareus, amp;nbsp;en-fans, comme lui ? Qifi eft le Prince qui puifte châtier amp;nbsp;punir fes ennemis diftans de fi long chemin comme lui ? Et quel autre Prince apres aiioir couqueftél’Empire,fut iamais apelé Pere des fuietz afamort comme Cyrus ? Et à la vérité tel nom s’aquiert par beneficence amp;nbsp;courtoifie, non par tyrannie amp;nbsp;rapine. Dautrepart Cy-gagna iamais le bruit d’auoir lesvrays yeus amp;nbsp;oreilles d’vn ^°ygt;qiie par fa grande libéralité : Car en guerdonnaut amp;nbsp;recora-pat diners moyens ceus qui lui auoient annoncé quelque f qui lui 4yfi- gQcg profitable ^ il fit fi bien en peu de tem s que D 3 chacun
iama^iß-cence de Cj rue.
Lessens Cr oretllei du»
214 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;LACYROPEDIE
chacun s’efForçoit de voir amp;efcoiiler beaucoup de chofes j p”“*^ aporter par fes nouuelles quelque profit au Prince. De celà eft au®* nu que Ion atribue aus Rois beaucoup d’ycus amp;nbsp;d’oreilles,qui fo^ les deus parties les plus ncceflaires pour eus garder, amp;nbsp;celui sw«** grandement, qui ne requiert en vn Roy que vn œil amp;nbsp;vne oreille C’etaJfre feulement. Car vn feul ne peut voir ny ouir finon peu de chofes, amp;nbsp;“imfirt/^a/^ ß Je Koy commettoit à vn feul le regard fur tous fes afaires, les au-Me^neur^ ^^^^ ^^^ deuiendroient plus negligcns (Sclafches,amp;tout le mondeis ‘ garderoit feulement de celui qu’il efïimeroit efire l’œil du Priart' Alais il conment à vn Roy entendre les raports de tous cens quid* fent anoir vu, ou entendu quelque nouuelle dine d’y prendregat' de. A cette caufe Ion efiime que les Rois ont beaucoup d’ycujd: d’oreilles,pourautant qu’en tous liens chacun creint de faire oudf dire aucune chofe contre le Roy, comme s’il ertoit efcoutantÄ voyant par tout. Au moyen dequoy il ne fe trouna iamais hoinffl^ qui proférai mauuaife parole de Cyrus, ains chacun eftoit tdlf ment afeefé à bien parler de luijComme fi fes yens amp;nbsp;oreilles eufl^t i efté prefentes en tous liens. Et de ce ie ne fanrois rendre meiHeuf^ raifon, finon que pour petis feruices il rendoit incontinent grans biens.Or qu’il lùrpaiîaft tous les hommes en libéralité celà neftpa’ fort à cmerueiller, car il eftoit trefriche ; mais qu’il fuft fi excellent en humanité de à honorer amp;nbsp;louer fes amis, celà eft beaucoiippl»’' à prifer .• Car il nefe vergongnoit tant de chofe du monde, connut de fe voir veinen par quelqu’vn à faire plaifir à fes amis. Lon )iar£' digé par eferit vn fien propos touchant le goinicmemcnt dvn , Royaume, que le bon Roy reftembloit à vn bon pafteur :amp;co®-me le bon pafteur doit tirer profit de fes tronpeaus,les entretenant en fclicité(fi félicité de belles fe peut dire)aufsi Je Prince doit met- j tre ces villes amp;nbsp;fuietz en profperité, amp;nbsp;en vfer à fon plaifir amp;nbsp;t^tet 1 feruice fans leur porter dommage, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;I
L’eJpreuue que ßt Cyyus de l’amouf de fes amis, ^ comme il dinribuon fes ricbeffes,f)0Hr efre miens aymé d’eus,qu’ils ne s’entraymoient l’un l’autre. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a r. Ui.
i3Bïi^^| E n’efl donq pas mcrueille li Cyrus ayant le cou-rage efteué à fi hautes entrcprifes furpafloit tous les autres à gagner le cœur amp;nbsp;la bieniteuillance
na vn trefgrand enfeignement de fa vertu à Cre-fus,
-ocr page 251-DE XENOPHON. LIVRE VUL ±i$ fus, qui le reprenoit de fa grand’largefTe, amp;nbsp;difoit que par fa continuelle libéralité il deuiendroit quelque iour poure, vu qu’il pou-uoit amafler vn grand trefor en les cofres. Car Cyrus lui demanda: Combien d’argent penfez vous que i’aurois, fi i’eulîe toufiours îniafsc depuis que ie fuis Empereur ? Il refpondit : Vn nombre in-fini.Adonq dit Cyrus: le vous prie cnuoycz auec Hyftafpe quelque votre loyal feruiteur auquel vous ayez plus de fidelité,amp;: vous Hyf-f^fpe allez vous en vers tous mes amiSjamp;les priez de ma part qu’ils piefecourent de telle fomme d’argent qu’ils me pourrot preftencar *Maybefoin pour vue grande entreprife, amp;nbsp;m’enuoyezparlefcr-wteur de Crefus le bordereau clos amp;nbsp;feellé des fommes qu’ils me peauent prefter. Parquoy il donna des lettres feellecs à Hyftafpe adreffantes à fes amis, dcns lefqueltes leurmandoit aufti derecc-'“‘“ hyftafpecomme fien ami. Icclui eftant parti trouiiatous les ’^sde Cyrus, amp;nbsp;en peu de tems reçut d’eus vnc grofic fomme quot;^'^entpour fon Signeur,amp; vne autre fomme à lui donnée, feule-®fntpar les recommandacions de Cyrus. Qiiand le feruiteur de Crcfiis eut aporté le rollc des deniers qu’ils lui dônoient, Hyftafpe ^“1 dit : 0 Sire! me voicy deuenu riche en peu d’heurercar vos amis outre ce qu’ils vous enuoyent m’ont donné vne grofTe fomme d’argent feulement en faneur de vos lettres : Et voicy ie la vous donne tomme les autres. Cyrus apela Crefus amp;nbsp;lui dit : A^oicy, 6 Crefus! Vn autre grand trefor, que Hyftafpe : mais regardez ie vous prie amp;nbsp;contez combien i’ay d’argent, fi ieveus faire quelque entreprife. Quand Crefus eut fommé le bordereau de l’argent, que chacun de fis amis lui donnoit,il trouua beaucoup plus grande quantité,que o’euftellefon trefor, s’il euft toufiours amafsé dcdens fes cofrcs. Adonqlui dift Cyrus :Nc voyez vous pas Crefus,quc i’ay de grans trefots ? amp;nbsp;vous me confcillez de les amafler amp;nbsp;garder auprès de moy , afin que i’acroifle la haync amp;nbsp;enuie des hommes fur moy? amp;nbsp;fflette ma fiance fur des hommes mercenaires pour les garder ? Ne m’enrichis ie pas beaucoup miens quand ie fais mes amis riches? Telsfont,Crefns,les trcfors que i’amaffe, amp;nbsp;les treforiers Regardes de moy amp;nbsp;de mes richelTes beaucoup plus fideles, que fi i’en tcnois ^gagespouf les garder. Etvousdiray encor’vn autre chofe,que quant au defir que les Diens ont donné ans hommes de défirer des biens, ie ne fuis en rien plus fage que les autres, ains me fens cou-Weus de richefles autant qn’homme du monde : Mais quant à Ivfagc d’icelles,ie me connois plus excellent que la multitude, pourautant que les richefles fnperfines mettent l’efprit de l’homme en trouble ; tellement que pinficnrs les enterrent,plnficurs les laif-fent
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fent moJ/ir J les autres à les «ombrer, mefurer, pefer, refrefehir amp;nbsp;garder prennentpius de Ibucy, qu’il n’eft conuenable. Et iaçoit qu’ils en ayent les maifons pleines, fi ne mangent ils toutefoisphis que les autres, car ils creueroient ; amp;nbsp;ne fe vêtent dauantage,carils efiouferoient incôtinent.-mais qui efid’abondant,les tourmentent /ans cefic. Parquoy ie m’adonne plus volontiers à feruir aus Dieus immortels, amp;nbsp;ne lai/Te pas de defirer les riclielîes ; mais quand ides ^y gagnées les voyant fiiperfînes, ieles departs aus neeeßjtezd mes amis, amp;nbsp;par bienfaits m’efforce d’aquerir leur grace amp;nbsp;amitiC' Le fruit que ie reçoy de leur amour,eft la feurtc,bonneur amp;nbsp;bonnt ^ renommee, qui ne fe moififfent, ny corrompent iamais,encor’ qu’elles s’augmentaffent fans fin,amp; de l’honneur aufsi la charged} d’autantplus legerere aifee, qu’elle eftplus ample amp;nbsp;plus grande, «St founent foulage cens qui la portent. Et à fin que vous faches encor’ceci, Crcfus, ie n’eftime point les hommes heureuspource qu’ils gardent amp;nbsp;poiTedent beaucoup de richeftes : car, à ce coatCi les gardes des murailles feroient les plus heureus du mondejà au(i qu’ils ont en garde tous les biens d’vue ville : Mais cens tantfeuk mentj qui peuuent aquerir les richefTes iuftement amp;nbsp;en vferauet modedic amp;nbsp;honnedetc. Au rede Cyrus auoit fa vie tellement con-forme à la parole, qifil ne difoit cbofe qu’il n emift en efet déliant Cf/re ^feit tout le monde. Connoiffant outre ce la plufpart des hommes eUtf ßneetfesfi-. tellement fongneus deleur faute, qu'ils font quad tousprouifion (fc'^ des chofes apartenantes au viurc des fains, amp;nbsp;ne tiennent contede celles qui apartiennent à guérir les malades:àdn que aucuneebok ne leur defaillid, il devenir àfoy les plus excellens Medednsil“ mondes par le cofeil defquels ildt prouidon de toutes les drogues, indrumens, amp;nbsp;médecines à boire ou à manger qui edoient need-faires ,amp; lui mefme prenoit garde au tems de donner lamedecd^ aus malades, les fournidant de routes chofes qui leur faillaient- H redoit aufsi graces aus Médecins, quand ils auoient guéri quelcüO de fes amis, Separ tels ailes s’efuertuoit en toutes vertuz qui loi poiiuoient feruir pour edre tenu excellent entiers cens donti vouloir edre aymé. Ilpropofoit founent diners ieus conuenablet .à l’exercice de guerre, les pris amp;nbsp;guerdons diuers ^ pour induire fes gens à vne contencion des accions honnedes Severtueufes : dont Cyrus edoit grandement louc:,comme celui qui s’efforçait de créer Cyrttr en fon Royaume vn ordre de zens vertueus , fes gens entraient *'^»lt;ireß^f. nufsi en piques amp;nbsp;emulacions pour furmonter l’vn l’autre en bon-
^^ f‘er au- nedeté,vertu,amp;pronfeobeiffance. Cyrus fit aufsi comme vne loy en fa court,qu’cn toutes caufes ciuilcs ou criminelles, oufurlepris de
-ocr page 253-DE XENOPHON. LIVRE VUL a,7 de quelque ieu il n’en fcroit point iiige:ains ordonna quêtons cens qui voudroient anoir ingement prinHent des iiiges pour conoitrc .de leurs diferens. De cette ordonnance il auenoit que les deus parties s’efforçaient de faire eflire leurs plus grans amis pour luges, amp;nbsp;«us qui leur portoient plus de faneur. Celui qui perdoit portait Mille au veincueur, amp;nbsp;quantetquant vouloit mal ans luges qui l’a-uoient condamné. Le veincueur aufsieftimant n’auoir »a^nc fa caufe,fînon par droit de iuftice,pour nefembler oblige à perfonne, nefauoit point de gré ans luges,tellement que Cyrus n’elloit chargé de leur hayne en façon quelconque. Quant ans autres, qui defi-roieut entrer en grace entiers lui, il en auenoit comme dedens les vilksicar ils portoient fi grand’ ennie l’vn à rautre,qu’ils aymoient micus lamine de leur compagnon que de chercher en compagnie lebiendetous dens. Voilà les moyens dont Cyrus vfoitenuers *® P^uspuiffans de fa court, pour fe faire miens aymer d’eus, qu’ils ®^^ aymoient l’vn l’autre.
Ittf/ompe du Jloy Cyrus au fortir de fonpalalf, C^i^t courfe des cheuaus ou il fut -veincueur. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a p. 1111.
L me femble anfsi vtlle amp;nbsp;conuenable,de raconter la façon comme Cyrus fortoit hors de fon palais : car la veneracion d’vne fortie trefmagni-fique eft vn des principaus moyens pour faire ho noter vne Principauté. Cyrus vn iour auant que fortir dehors,apelant les Chefs amp;nbsp;Capiteines des iez, leur diftribua des robes longues à la façon de
^^de,amp;lors premièrement les Perfes commencèrent à porter la tobe Medique. En les diftribuant leur dit qu’il vouloit fortir de fon palais, amp;nbsp;aller auec eus iufques ans temples des Di eus immor-teb pourfacrifier, amp;nbsp;qu’ils ne faillilTent à fe reprefenter le lendemain au point du iour auec leurs belles robes neunes, fe mettre en telle orclonnance,que Feraule Perfe leur diroit, amp;nbsp;le fuiure,tenant chacun fa place ainfi qu’il auroit commandé. Au retour fi aucun lui poiiuoit montrer quelque ordonnance plus belle amp;nbsp;magnifique qu’ill’enfeignaft : car il vouloit fuiure leur confeil en ce qu’ils iu-geroient eftre le meilleur. Ayant donq donné les plus belles robes ^quot;sprincipaus^ ilen fit tirer beaucoup d’autres de mefmc façon: Stilen auoit fait faire grand nombre de toutes fortes, fans y efpar §quot;^tlapourpre ny l’efcarlate, les vnes verdes les autres rouges ou les autres myparties dediuerfes couleurs; amp;nbsp;dirtribuant ) „ * ‘ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;‘ E fa
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fa patt à chacun des Capiteincs leur commanda de vêtir leurs îWis de femblables acoutrcmens.Lors vn des afsiftans lui demanda :Si* rc J quand vous verrons nous acoutre de beaus habillcmcns?Nc vous femblcilpas, rcfpondit il, que iefois aflez aornc, quandi( vous honore de tant de beaus habiz ? Et à la vérité toutes foisamp; qualités que ie pourray vfer vers vous de telle beneficencejem'effi' meray tresbeau amp;nbsp;richemet acoutre^ ores que ie ne portaffequ’vue robe de petit pris. S ur celà fe partirent amp;nbsp;vêtirent leurs amis de rti liurccs.Ôautrepart Cyrus ellimant que Feraule (qui toutefoisnlt;' doit que du populaire) eftoit homme prudent, induftrieus, braut) modelte, ay mant l’honneur,amp; afeccionne à lui faire feruice, lequel autrefois auoit porte la parole d’honorer chacun félon fes merit«) comme nous auons raconté aus liures précédons : confulta auec lui comment amp;nbsp;en quel ordre fafortiepourroit eltre la mieusot' donnee,pour eltre agréable à fes fuietz bien afeccionnez,amp; cfpou-ueutabic à cens qui lui voudroient mal. Etcommeilrrouiiaraïuî d’icelui femblable au lien, lui commanda prendre la pompe, pour Î^ jour enfuiuant la faire le miens qu’i
charge de eettr । Hui feroitpob [
üble, amp;nbsp;lui dit comme il auoit commandé aus autres deluiobeu en cet afaire. Et à fin qu’ils lui obeïllent plus volontiers lui bailla certeins hoquetons de liuree, pour porter aus Capiteincs des gaf' dcs,amp; dautres pour les Capiteincs des hommedarmes, amp;nbsp;go‘'' «erneurs de Chariots. Ce que Feraule fit incontinent : amp;nbsp;connut Tvn des Capiteincs lui dit: Tu es deuenu en peu d’heure graU» Signeur,pHis que tu commandes aus autres : Il fut fi modelleà ref-pondre, qu’il lui dit: Tant s’en faut queiedeuienne plus grand, que ton me veut faire feruir de portefais. Car ton ma donne ebargt déporter ces deus cafaquins l’vn pour vous, l’autre pourvntd) mais levons eu laifferay le chois,pour prendre celui qu’il vousplai' ra. Parainfi le Capiteine veincu par fa modeftie,perdit renuieqquot;il auoit défia conçue contre Feraule amp;nbsp;lui demanda confeil, lequd des deus il prendroit. Feraule lui montra le meilleur en difanqqat s’il l’acnfoit de lui anoir laifsé le chois, vnc autre fois il lui rendrait le change. Apres qu’il eut difiribué les cafaquins ans Capiteincs o’ cette façon, il femit à pouruoir à toutes les chofes apartenantes« la fortie du Signent, à fin qu’elle fuit magnifiquement ordonner' Parainfi à la pointe du iour enfui nant les rues furent belles amp;nbsp;nettes , d’vnepart amp;nbsp;d’autre des lices de bois fichées en terre (comme Ion voit encores aniourd’hui là ou le Roy doit palier) entre lefqiicl les perfonne ne peut aller finon les gens d’honneur: amp;ymiraufsi des Sergens, pour fraper cens qui troublerQient la pompe. Erpre-mierem
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•tiierement fe prefenterec deuant la porte du Palais quatre mille pi lt;)uiers de la ßardc du Princc,rengcz à quatre pour file^deus mille de chacun cote du portail.Apres eftoienttous les hômedarmes defeen diizàpié, les mains tirées hors des manches de leurs rohes^comme ilsobferuent encores de notre tems quand ils font deuant le Roy. lesPerfes edoict à main dextre, les aliez à feneftrejamp; des chariots l’ordonnance cftoit toute femblable qui eftoict rengez deçà amp;nbsp;delà par moitié. Si tôt que les portes du Palais furet ouuertes, en premier lien fortircnt quatre torcaus des plus beaus pour facrifier au. l^ieuliipitcr amp;nbsp;aus autres Dieus félon q les grans Preftres l’auoient ^éclairé: Car les Perfes edintent qu’il faut beaucoup plus vier d’art ^ de ceremonie enuers les Dieus,qu’enuers les hommes. Après les beuisNenoient les cheuaus, pour le facrifice du Soleil:puis edoict dsosbeaus chariots blancs tous deus couronnez,donc l’vn cftoit à “”doré confacré à lupiter, l’autre au Soleil. Il y en auoit aufsi vn ^foißeme,conduit par des chcuaus couuerts de pourpre,amp; des Sommes le fuinolcnt pas à pas quiportoient le feu facré densvn grand vaiffeau propre à Cclà.Incontinent après fortit Cyrus monté lut vn beau char trionfant, ayant la tiare droite fur la telle,qui eft l’enfeigne des Rois de Perfe, amp;nbsp;cftoit acoutre d’vn faye parti de blanc amp;nbsp;de pourpre,ce qui n’eft permis de porter fmon au Roy,fut les ïambes des chaudes teintes en lierre, fur tout celà la cotte dar-meslonguc, toute de velours cramoifi, les mains tirées hors des. manches. Il auoit aufsi vn diadème fur fa tiare , laquelle enfeigne fesparensportoient comme lui,amp;la portent encor’ de notre tems.. Le condufteur des cheuaus de fon chariot cftoit grand homme, tentefois il fembloit plus petit que Cyrus : ou qu il le full de vray, o«lt;p.iil lefcmblaft ainfipar quelquemoyen,car Cyrus fe montroit i beaucoup plus grand. Comme donq Cyrus padoit par les rue* 1 tout le monde fe mit à l’adorer, fuft ou que Ion euft commande de ce faite ans premiers, ou que le monde fuft eftonné de le voir en ft venerable apaveil ftgrand amp;ftbeau , amp;nbsp;plein demaiefte : ce que les Perfes n’auolent iamais auparauant acoutume. Comme donqle chariot de Cyrus marchoit, les quatre nulle hommes de fa garde marchoient deuant lui deus mille de chacun cote ; mais au plus près de fa perfonne ,y auoit enuiroat trois cens tunuches de fa garde bien en ordre montez fur tresbeaus cheuaus bardez ayant cha-'^'suvn dart en lamain. Lon menoit apres lui deus cens des plus bW cheuaus de fon efeuirie àbtides Chamois dorez, couuerts ®tt’^ubtochez.Deus mille piquiers les fuiuoicnt,ôc après eus ve-?®‘®M'tens .qui premieremcat s’eftoient faits hontmedarmes, au £ a rrombre
-ocr page 256-■o uv LA CYKOPED'IE' nombre de dix mille , rengez à tent hommes en quarre, defqueb Chryfante eftoit Chef. A leur queue marchoient autres dix mille Perles à cheual rengez comme les premiers, fous la charge amp;nbsp;conduite d’Hyftafpe : pareillement autres dix mille, dont le Capiteine eftoit Artamas,amp; pareil nombre fous la charge de Gadatc. Derrière ceus cy vcnoit la caualerie des Medes : puis celle des Armeniens: les Hyrcanicns, Cadufiens, amp;nbsp;Saques les fuiuoient chacun en leur ordre. Apres toute la caualerie ainfi ordonnée venoient entièrement tous les chariots rengez à quatre,fous la conduite d’Artaba-te Capiteine Perfien. Comme Cyrus marchoitauec telle pompei libelle ordonnance, plulieurs hommes hors des lices le Venoient fuplier amp;nbsp;requérir l’vn d’vne chofej’autre d’autre. Aufquels Cyrus délirant fatisfaire commanda à certeins Eunuches, donttroisfpe* cialement l’acompagnoient de chacun coté, leur dire, qu’ils firent leur requeftes à quelqu’vn des Capiteines pour lui en faireleraport. Iccus fe partirent incontinent, amp;nbsp;allèrent parmi les bendes conful* tans auec leurs amis pour fauoir à qui ils fe deuoient adreffer.Mæ' Cyrus auertit fes Capiteines, en parlant fpecialemcnt à ceusqnJ vouloit grandement honorer, qu’ils ouilient les requeftes de cens qui le fuiuoient amp;nbsp;s’ils en trounoient aucunes ridicules, qu’ilsbs renuoyaflent fans refponfe : mais des autres lui en fiflent le raporG pour les depefcherpar lauis du confcil le mieus que faire fepour* roit. Q^and Cyrus apeloic aucun de fes Capiteines il n’y auoitetquot; lui qui ne s’efforçaft, hurtansl’vn l’autre de venir prontemeut vers lui, tant pour lui donner plus grande reputacion à fon Rêne, com' me pour fe montrer obeïHans, amp;nbsp;prêts à lui faire feniiccef*’'”'^ feul Dayfcrnc,homme ruftique mal apris «Sc orguilleus quivou^®'’ eftre vu d’vn coeur plus noble amp;nbsp;libre que les autres. Car quandle Roy l’eut fait apeler pour parler à lui, il fit du rétif, amp;nbsp;fe montré long amp;nbsp;tardif à aller vers lui. Cyrus qui s’en apcrçur,le contre^®' da incontinent par vn de fes Eunuches amp;nbsp;lui fit dire, qu’il n’auoit plus que faire de lui. De laquelle refponfe il fut fort defplaifant:^ comme vn fien compagnon quiauoit eftcapelc apres lui, fe tu'' mis en deuoir de feprefenter le premier, Cyrus l’alla recueillir fort amiablemcnt, amp;nbsp;lui donna vn cheual de fon efeuirie, ordonnant à vn Eunuebe de le mener ou il voudroit.Laquelle libéralité feinbb fort honorable à tout le monde : tellement que chacun s’efforçort de plus en plus de rhonorer,amp; lui porter entiere obeïirance.Ertans arriuez aus Temples auec la pompe amp;nbsp;magnificence que dit cd, premièrement ils facrifierent au grand Dieu lupiter, amp;nbsp;firent des holocaiiftcs, en immolant amp;nbsp;brûlant les Toreaus tous entiers fit ' lautet
-ocr page 257-DE XENOPHON. LIVRE VIII. zit laute! : puis facrifiercnt au Soleil felon la manière du païs,amp; brûlèrent pareillement les Chcuaus fans rien en referuer, qui eftoit la bçon de facrifier la plus fainte, en apres à Tellus deefle de la terre ûs facrifierent en la manière acoutumee certeincs belles d’autre *fpeceainfi que les Magiens amp;nbsp;Preflres de leur Loy le voulurent wdonner:finablemet ils firent le femblablc à tous les autres Dicus Demidieus qui conferuoient amp;nbsp;habitoient en la terre d’AlTyric.
*-fs facrifices deüment acompliz, Cyrus voyant la campagne belle ^plaine, montra vn but pour courir à cinq ftades loin delà, amp;nbsp;^^roinanda aus gens de chenal de courir à bride abatue bende pour “'nde:ôcliiiiiiefmefefourra parmi la bende des Pcrfes. Parqnoy Streits Gens il fut veincucur : car il cntendoit le fait de cbeualerie luttons jyjj.gj^ j^gjj bende des Medes Artabatc fut lepremier, ’“l'^d Cyrus auoit donné vn cheual. De tous les Syriens Gadate *’’’P®ffaiepris, Des Armeniens, Tigrane. DesHyrcaniens, le fils ƒ uapiteine.DcsCadufiens,Radimes.Mais des Saques vn fimple ‘®Watfetromia fi bien monté, qu’il deuança tous les cheuaus de fa •’anon près de la moitié du chemin. Sur ce Ion dit que Cyrus de-'’'anda àccieune homrfle, s’il prendroit volontiers vn Royaume pour fon cheual. Icclui refpondit que non : mais qu’il eftoit preft •Iele donner à quelque homme de bien, pour aquerir fa bonne gra «dcamitié. le te montreray vnlieu dit Cyrus, ou tu nepourras faillir de toucher vn homme de bien, encor’ que tu iettes vne pier-teàclozyeus. Montrez lemoy, ditlcSaque,àfinquei’enfrapc quelqu’vn de cette mote de terre. Cyrus lui montra vne grand’ compagnie de fes amis : amp;nbsp;le Saque fermant les yeus ietta la mote de terre, amp;nbsp;frapa Feraule qui dauenture pàlToit par là tout à cheual, amp;nbsp;ordonnoit quelque chofe par le commandement de Cyrus, àcombien qu’il fiift frapé, ne fc tourna point pour regarder dont venoit le coup, ains pafta outre à faire ce qui lui eftoit commande. Lticune homme ouurant les yeus demanda qui eftoit celui qu’il anoitateint : Perfonne de cens qui font prefens, lui dit on. Encores moins des abfens, refpondit il : mais dites moy qui c’et, ie vous prie. Certcs,dit Cyrus, tu as frapé celui qui pique fon cheual entre les chariots.Pourquoy donq,dit il,nc s’eft il rctourné’Paraueture, dit Cyrus, qu’il eft infcnsé. Adonques le ieune hôme courut apres pour regarder qui c’eftoit : amp;nbsp;trouua Feraule ayant la barbe gatee déterre,amp;: de fang qui lui tomboit du nez, amp;nbsp;lui demanda : Mon-f*'ouuezvous efté frapé’Vous le voyez,dit il. Lors le Saque emer “^le de fa vertu lui dit : Prenez ce beau courfier, ie vous pri, pour 1 amour de moy: car ie le vous donne de bon cœur. A quel propos?
Jts cheUM/f
E 3 dit
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la CYROPEDIE
ditFcraulc. Adonq leieiine homme lui dit la caufe pourqnoV ,^ lui raconta comme il auoit promis à Cyrus de faire ainfi,amp;qiievC-ritablement il penfoit auoir rencontré vn homme de bien.Fcrauk relponditr Certeinement vous ledeuriez donner à vnplus richt que moy, toutefois ic reccuray le don de ce beau cheualj priant Ict Dieus (parla volonté defquels vous m’auez frapé) me donner le moyen de vous recompenfer fi bien, que vous n’ayez repentante de le m’auoir donné. Parquoy montez fur mon chenal, amp;nbsp;ie reuien dray bien tôt à vous. Apres que cens cy fe furent departiz, amp;nbsp;qud^ courfe des cheuaus fut entièrement reconnue, Cyrus fit courir les chariots, amp;nbsp;donn«i à tous les veincueurs des beufs pour faire grand chere après le facrifice,amp; des coupes pour boire,amp; pour fon pris de viftoirc print vn beuf, mais des coupes il donna là part à Feraule» qui auoit fi bien ordonné la pompe de fa montre. Laquelle dure encor’ de notre terns ainfi qu’elle fut lors inftituee,fors qu’il n’yhî point de belles pourimmoler,fi le Roy ne fait fon facrificc.CesdiO fes faites retournèrent à la ville, amp;nbsp;fe logèrent les vns aus maifon’ qui leur anoient efté départies,les autres par quartiers ou Ion auoit ordonné leurs logis.
JLd libéralité dont Tgt;fa Feraule à celui (jui lui auoit donné le bedH chenal, ^ le beau dijeours fur ce qui peut rendre 'vn bonttnt heureus (^ content. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap, 1'
ll Neonrinent après Feraule ayant conuie à lovp^^ ^^ ^^“”^ homme Saque, qui lui auoit dono‘ ilt;' bon chenal, le traita trefinagnifiquemeut, amp;'^' fit plufieurs beaus dons. L’aprefioupee rempli!' fiant devin les coupes de Cyrus, but àluiamp;ltJ ___lui donna. Mais icclui confiderant comme li maifon deFeraule ertoir belle, richement tapifiec, garniedebeaus meubles, amp;nbsp;grand nombre de feruiteurs, lui demanda fi tous eft biens lui venoient d’héritage, amp;nbsp;fi en fon pais il eftoit du nombre des riches. De quels riches?dift Fcraulc:iefuis ilTu des riches quigS' gnent leur vie au trauail de leurs mains. Mon pere des le commen
cement m’infiitua félon la diftiplinc légitimé des en fans, me noiio rifiant de fon labeur afièz fimplcmct .-Mais quand ie fn paruenu eu aage d’adolefcence,mon pere ne me pouuant plus nourrir oifif, mï contreingnit de labourer la terrc,tellcmêt que depuis ie l’ay nourri deines mains tant qu’ilhavefeu, labourant amp;fcmantvncmienne terre bien petite, amis loyale : cat elle me rendoit fidelemcntkJ femences
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femences que ie lui donnois, auccques vn gain honnefte ^ de quelquefois par fa bonte grande me rendait au double plus qu’elle n'aiioit reçu. Voilà la façon dontie vinoisen mon païs: mais les richefleSjque tu vois icy m’ont elle données par Cyrus.O l’heureu» liomme que vous elles ! dit le Saque^ d’élire en fi peu de tems deuc-nu fi grand amp;nbsp;fi riche! amp;nbsp;fi croy que votre félicité vous eft d’autant plus agréable,que vous auez abondance d’argent,dout auparauant vous alliez finite. Comment? dit Feraulc, penfez vous que ie vine en plus grand plaifir, pourtant que ie fuis fi riche ? Ne fanez vous pas que le boire, manger, amp;nbsp;dormir, ne m’ell en rien plus plaifant, ny agreable,que quand i’ellois pourc ? Le profit amp;nbsp;grand bien que i’ay tiré d’auoir tant de richelTes, eft vn comble de fouci : car il me faut aiioir plus de gardes, donner beaucoup à autrui, amp;nbsp;en garder encore dauantage pour moy, amp;nbsp;tant plus que i’ay de biens à ma-^quot;=f.d’autant ie fens en moy plus grande fâcherie. Beaucoup de fcfuitcurj me demandent à manger, beaucoup me demandent à “One,les vnsont afaire d’habillemens, les autres de Médecins, l’vn ’ne vient raporter des Brebis defehirees desLoups,rautredes beufs fombez du haut en bas , l’autre des troupeaus galeus, ou quelque ’litre maladie ou afaire, dont ie me fens plus troublé, amp;nbsp;rempli de plus grand fouci pour ma richefie,que ie ne faifois quand i’ellois pouredemapoureté. Si croy ie, dit le Saque, que voyant tant de richelfes bien tontregardees, vous y prenez plaifir, amp;nbsp;vous en ref-louiffez plus que moy' qui fuis poure. Non faiz, par ma foy,dit Fc-raule. Car il n’y ha jamais fi grand plaifir à auoir beaucoup de ri-diclfes, comme il y ha de douleur à les perdre. Laquelle chofe vous ’Userez veritablc,fi vous confiderez, comme le plaifir feul de quel-^tic chofe n’a point tant de force, pour tourmenter vn homme ri-v'iCj^le faire demener toute la nuit fins dormir outre fon gré, comme la douleur des biens perduz, laquelle eft fi violente, qu’elle tielaifle jamais repofer celui qui en eft frapé. Ne voit on pas aufsi, dit Je Saquc,quelques hommes riches fi tranfportez de plaifir pour vn bien qu’ils doinent reccuoir, qu’ils en perdent le repos amp;nbsp;dormir ? Mais Feraulc répliqua que ce n’eftoit chofe femblable, de re-ceuoir amp;nbsp;de poffeder : car fi le plaifir de pofleder eftoit fi grand comme de rcceuoir les richefles, il s’enfuiuroit que les hommes riches pafleroient de beaucoup les poures en toute félicite. Mais Ion 'oit que celui qui ha tant de biens eft côtreint faire trefgrand’ def-l^Occ, nô feulcmct enuers les Dicus:mais enuers fies amis amp;nbsp;hoftes; * vilement que (à fon iugement) tout homme qui fe delctf e en ar-5^”^ reçoit grande fâcherie aie defpendrç. Le Saque rcfpondit, que
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que ce n’edoit fon auis,amp; qu’il n’eftoit de tel çourage,aînj eHimoit grande'felicitc d’auoir beaucoup de biens, amp;nbsp;faire quantetquant vne grande amp;nbsp;magnifique defpence. Adonqueslui dit Feraule: Q^ielle chofe donq vous empefchera. Saque, que vous ne foyez bien heureus en peu de teins, amp;nbsp;moy aufsi? Prenez tous mes biens que levons donne pourenvfer amp;ioiiir à votre plaifir fans m’eu laifler aucune chofe, fors me nourrir comme vn horte, amp;nbsp;plus fini-plement que votrehorte,amp; iemecontenteray d’ertre en bien petite porcion participant de votre felicité.Le Saque penfoit qu’il femo-quart, amp;nbsp;ne Je voulut croire :mais Feraule commença à iurer amp;nbsp;afermer qu’il parloir à bon efeient : danantage qu’il impetreroit beaucoup d’autres dons de Cyrus, lefquels il lui doneroit : mefmes qu’il ne le vouloir côtreindre de faire le guet à la porte du Signent, n’y d’aller à la guerre, lefquelles charges il fe referuoit à faire pouf tous deus, feulemct qu’ildemouraftà la maifon à faire grand cherci amp;fi par fon fcruice il meritoit encor’quelque bien de Cyruson qu’il en gagnaft à la guerre,qu’il l’aporteroit amp;nbsp;l’en feroit Signeuf, pourun que de fa parc il mift peine à conferuer les biens, à fin qu’il furt exempt de cette fâcherie, de laquelle s’il fe fentoit vne fois clef-chargé , il pourroit plus librement faire feruice à Cyrus amp;nbsp;lui eUtf vtiie amp;nbsp;aporter quelque bien tous lesiours.
Apres qu’ils eurent aflez longuement deuisc de ce changement, ils compoferent enfemblc, amp;nbsp;commencèrent à viureen lafaço® qu’ils auoient acordee : de forte que le ieune homme Saque s’efli-moit heureus d’auoir beaucoup de richefles, amp;nbsp;Feraule treskeureus d’auoir trouué vn maitre d’hôtel, qui par fa diligence, amp;nbsp;flt;’‘‘^ ^^ mefnagc,lui donnoitamp; tcrtis amp;loifirde viure enrepoSjamp;fo'f® tout ce qui lui venoit à plaifir. Or eftoit Feraule de nature pront a aymef, amp;nbsp;n’eftimoit chofe au monde fi vtile amp;nbsp;honnefte comme | de faire plaifir aus hommes : car il confideroit que rhommeeftie meilleur amp;nbsp;le plus charitable de tous les animaus, voyant fouuent plufieurs hommes ertre pronts à remercier, amp;nbsp;louer ceus qui If’ louent : s’efforcer de rendre le plaifir à ceus qui leur en font : qui portent bon vifage à ceus qui les fàuorifent,pareillement quils effl' braffent de bonne amour amp;nbsp;ne pciment haïr ceus qui lesayment: amp;nbsp;fur tout honorent leurs parens amp;nbsp;les ayment tant vifs que mors beaucoup miens que les beftesncfont. Au contraire que tousles animaus font plus ingrats, amp;nbsp;moins fouuenans des biens qu’on leur ha faits. A cette caufe Feraule reccuoit en fon cœur vn grand contentement de fe voir defeharge du foin de mefnage, amp;nbsp;de pou-yoir librement conuerfer auec fes amis, «St que le Saque ayant tant
-ocr page 261-DE XENOPHON. LIVRE VUL zz^ fie tiens fe troinioit empefchc à les defpeadre. Or le Saque aymoit ^fändement Feraule, de ce qu’il aportoit toufiours quelque chofe^ fdraille aiifsi aymoit le Saque^de ce qu’il receuoit tout volontiers, '^Rechargeant de plus en plus defoin,nelui otoitpointleloifirdc quot;’nuerfer aiiecques fes amis, amp;nbsp;de viure en vue grande amp;nbsp;heureufe '‘■’»quilitc.
f» quel moyen le Jloy Cyrm honorait fes amii, ^ du mariage de la ßUe de Gobrie auec Hyß'aJpe l’-pn de, fes grans Capi-
teines. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c H a P. VI.
Vand Cyrus cutfacrific le don de fa viftoireaus Dieus immortels, il conuia à fouper en compagnie tous les amis , qui defiroient le faire grand ÓC l’honorer amiablcment de route félicite, amp;nbsp;entre autres Artabaze Ic Mede, Tigrane l’Ar-
j ^-—^-^ ^1 menien,le Prince d’Hyrcanie,Gobrie amp;nbsp;Gadate, edoit Grand maitre amp;nbsp;Capiteine de la garde des EHnuebes, ’fdonnoit tout le viure de fa maifon. Quand il y auoit grand ?’®P3o''ie il ne s’affeoit iamais à table, ains pouruoyoit à toutes Jofenccciraircs : mais autrement il mangeoit toufiours à la table Cyrus, qui prenoit grand plaifir de l’auoir auec lui. Au moyen 'ieqiioy Cyrus lui donoit beaucoup de biens, amp;nbsp;le tenoit en grand ^Hinie, amp;:pour amour de Cyrus, tous les autres aufsi l’honoroient ’HerueiHes.Efians les conuiez venuz à fa maifon pour fouper, il ''siesfaifoit pas afioir à table à la voleejamp; fans difcrecion,ains me-f^'Gfamainfeneftrc celui qu’il vouloir honorer fur tous les au-^f^^jacaufe que cette partie eft plus fuiette aus trahifons, que la oextre. Le fécond à la dcxtre,le tiers derechef à la fenefire, le qua-’^'^'^nieàladextre,(Sc ainfi des autres.. Car illmfcmbloit tresbon de ‘fcchirer quel degré d’honneur il vouloir départir à vn chacun, roiinoiffant que les hommes ne fc foucient de bien faire, quand ils 'oyent que Ion ne donne honneur ny recompenfeà la vertu, amp;nbsp;fl ont entr’ens aucune contcncîon:mais quand elle eft prifee amp;nbsp;ho-floree fur toutes chofes,les hommes font incontinent incitez à l’c-■nnlacion d’icelle.Voilà comment il declairoit fon iugement amp;nbsp;l’o-Ï'flionqu’ilauoit de la vertu d’vn chacun. Or cet honneur deles ’'''^treatable.n’efloitpointperpetuei en fa maifon :. mais il fit vnc ' quot;nnance, par laquelle il vouloir, que par bonnes ôe vertueufes 'quot;^quot;5 ion paruin fi au plus haut amp;nbsp;plushonorablelieudefainai-
1311 contraire fi quelqu’vn s’adomioit à gourmandifcxyuran-F gneric.
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gnerie,amp; autres artes deshonnedeSj qu’il fuft chafsc ans plusbafo places de fa table. A cens qui par vertu edoient montez au premief degré de foir près de lui, il faifoit des biens infiniz, amp;nbsp;fevergon-gnoit de ne les recopenfer adez félon leur vertu : laquelle coutunif indituce par Cyrus ed encor’de notre terns en vfage. DurantIt fouper Gobrie voyant la druerfîte des mets, difeourut en foymef me,qii’il ne fe faloit emerueiller de voir tant de viandes deuantm 'tel Prince, qui dorainoit fur tant denacions : mais de fa boute s’e-merueilloit Grandement, amp;nbsp;defon humanité amp;nbsp;douceur: Carilnf mangeoit iainais aucune viande delicieufe fans la départir àiô amis s’ils edoient prefens, amp;nbsp;fouuent encor’ qu’ils fuflent abfens, leur enuoyoit les plus frians plats de là table. Apres donqqu’id“' foupé amp;nbsp;enuoyé toutes les viandes d’vn coté amp;nbsp;d’autre,Gobriclui dit : Sire ic vous edimois auparauât le plus excellent dcshominô) feulement pour la grande fcicnce du fait de guerre qui ed en voust mais maintenant vous me femblez(par les Dieus immortels)beait' coup plus louable pour votre humanité, que pour la vertu desat mes. Par Dieu, dit Cyrus, aufsipren ieplus deplaifiraus adesd* honte amp;nbsp;humanité, qu’à cens delà guerre, amp;nbsp;les hommes les af ment beaucoup plus, à caufe que de la guerre procèdent beaucoup de maus,de l’humanité beaucoup de biens.Quand ils eurent vnpj titbu,Hydafpedit à Cyrus : Sire,vous courroucerez vous pointai ie vous demâdc quelque'chofc queie veus fauoir? Ncnni,ditil,aiu^ me courrouceray pludot fi vous la voulez celer. Adonq luiit HydafpcEd il iamais auenii, que ie ne me fois mis en deuoirdefflä prefenter à vous faireferuice,quandvous m’auez apclé?ou q‘‘f^‘^ venu lafehement amp;nbsp;froidement ? Pareillement quand vousnùue2 commandé quelque chofe, ày ie iamais edriué de la faire, ou mon- . tré d’en edre fâché ou ne prendre plaifir à faire chofe qui vousftü ! agréable ? Neimi vrayment, dit Cyrus, amp;nbsp;en cela ie n’ay Qcafionlt;^' mepleindrc devons. Pourquoy donques, dit il, parles Dieus iW' mortels, honorez vous plus Chryfante quemoy ? amp;rauczraisf® lieu plus honorable que moy? Le dirây ic? dit Cyrus. le vous en f®' plie,dit il. Mais vous courroucerez vous point aufsi, fiie dylave-rité?Non,Sirc,ditHydalpc, amp;nbsp;feray trefioyeus d’entedre,que vous ne me faites point de tort. La caufe, dit Cyrus, edpourtant que Chry'fintcn’a iamais atendu qu’il fud apclé demoy, gins deuant que d’edre mandé, s’ed toufiours prefenté à mon feruice. Daiian-tage il n’a pas feulement edé pront à faire ce qu’on lui comnian-doit,mais àexecuter ce qu’il connoilToit profitable pour moy. S’il me couueiioit faire entendre aus allez quelque deliberacion, il me confeiU
-ocr page 263-DE XENOPHON. LIVRE VUL 227 confeilloit comme il la faloit dire.-fi ic voulois dire quelque propos, qui ne full condecent à ma grandeur, il me donnoit confeil de ne le dire pas : fi ma volonté cftoit de faire entendre amp;nbsp;donner à con-noitre quelque chofeaus confederez, dont i’culTe honte de parler demoymefme, il s’auançoit de ladite comme procédant de fon opinion. Et quanta fa perfonne, il s’eft toufiours contenté des thofes qui s’ofroient à la iournee, mais pour la mienne, fay dere-ment connu qu’il pouriioyoit àPauenir, amp;nbsp;confideroit en quoy il tHepourroit élire profitable, s’efiouifiant beaucoup plus de ma félicité, que moy ; tellement que i’oferois dire, qu’il ha eflé meilleur pour moy,que moymefrae. Par DieUjrefpond Hyftafpejiefuis tref-lifcd’auoirfait cette demande. Pourquoy?dit Cyrus:Pourtant,dic llquc ie m’elforceray de faire le femblable. Mais ie voudrois fauoir ''tte chofe, par quel moyen pourrây ie montrer d’eftre l’oycus de '’ö^kVuh ? me faudra il fraper les mains, ou rire, ou quoy faire? ^''‘äklZe lui dit en riant : Il te faudra danfer à la mode des Perfes. ^^«tterefponfe fut faite vnc grand’ rifee, dont le banquet com-®^oçaà croître,amp; comme tous ferefiouifioient de ces paroles,Cÿ-^■»5 demanda à Gobrie, s’il eftoit aufsi prell de marier fa fille que quand il fe rendit à lui. Vous dirây ie la vérité, dit Gobrie. Hardi- lemaritt^ ’Hrot,refpond Cyrus : car pour mentir ne faut ia demander tel delaßlktU congé. Sachez Sire, dit il, que ma volonté efi maintenant plus Golgt;rif^ grande que deuant : pourautant que ic les connois tous plus ver-tueusque ie n’culîe pensé. Car au commencement ie les voyois foiifrir de bon cœur route peine, amp;nbsp;entrer la telle baiffee en tous dangersunainrenat ie les voy atrempez amp;nbsp;modefles en leur félicité. Etàlaveritéilmcfemble plus dificile de troiiuer vn homme tempérant à porter le bien defaprofperité, quevn homme pacientà endurer le srief de fon auerfité ; car des quot;rans biens naifient ordi-nairementen phifieurs hommes orgueil amp;nbsp;arrogance, des grans mans procèdent en tous modellie amp;nbsp;atrempance. Adonqdit Cyrus :Hyflafpc,auez vous oui les paroles de Gobrie? Oui vrayment,. dit il, amp;nbsp;s’il continue à parler ainfi il me trouuera beaucoup plus defireus d’auoir fa fille, que s’il me montroit les plus belles coupes amp;ricliclîes du monde.l’ay bcaucoup,dit Gobrie, dcfemblables fen tencesparefcrit,lefquclleslevons donneray, fivous voulez cfpou-fa ma fille.Mais des coupes d’or, dont vous tenez fi peu de conte, '«nefayfivous les donnerez à Chryfante, qui vous haoté votre Çb«. Et fur ce point ils fe prindrent à gaudir amp;nbsp;deuifer gracicufe-®®cà quelles femmes il lé faloit marier,amp; Cyrus dit à Hyftafpe amp;nbsp;3 foujles afsiltans,s’ils fe vouloicnt marier, qu’ils Vinffent prendre
F 2 confeil-.
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confeil de Iui:car il s’y connoif oit tresbien : pareillement fi GoU« vouloir donner fa fille à quelqu’vn,qu’il vinft à fon confeib a eau « qu’il fauoit bien connoitre quel mariage eft propre amp;conuenaW« à vn chacun. Adonq Chryfante lui demanda : Dites moy, SUc, ƒ vous fuplic, quelle femme me fcroit conuenable? Cyrus lui ^'f' Premièrement il vous la faut petite, car vous elles petit, amp;nbsp;fi vous la preniez gr.7de,amp; que la voulufsicz baifer, il vous faudroit fautô à Ion col, comme font les petis chiens. C’et tresbien pouruu/i^ Chryfante:car aufsi ne fuis ie pas bien adroit pour fauter.En aprA dit il, vne femme camuze vous fera propre, car vous auez le ne^ grand amp;nbsp;fauconnier j amp;nbsp;à tels nez comme le votre les camuzfou' conuenables. A ce conte j dit ChtyTante, aucc vn homme qui ^quot;^ bienfoupc commemoy, vous feriez acommoder vne daraoifdi' afamee.Tresbienjdit Cyrus : car vn ventre plein deuient pointu,^ vn vuide eft toufiours camus. Donq,dit Chryfante,à vn Roy froi^ i amp;nbsp;maigre,quelle Dame lui feroit conuenante ? A cette parole Cp rus fc print fort à rire amp;nbsp;tous les autres pareillement. Et commeils rioient encores Hyllalpe lui dit : Voici vne caufe^Sirejpourquoyi^ vous ayme amp;nbsp;eflimeplus que ie ne faifois j amp;nbsp;porte enuie àvot^ Empire : car iaçoit que vous foyez froid amp;nbsp;mélancolique,toutefois vous donnez à autrui matière de rire. Pour combien, dit CymS/ voudriez vous que cette parole fufl redite à celle, entiers laquelle vous defirez aquerir renom d’cllrc plein de grace amp;nbsp;d’humanit«^ Apres qu’ils eurent affez longuement deuisc par fornettes,ilfe aporter vn mode d’omemens de femme fort beaus, lequel il bailh à Tigrane pour donner à fa femme, d’autant qu’elle s’eftoit ver-tueufement portée à la guerre aucc fon mari. A ArtabazeiUos^”^ vne coupe d’or, au Prince d'Hyrcanie vn chenal, amp;nbsp;à plu fleurs aU' ; très donna des chofes exquifes ôeprecieufes. Mais à vous, Gouris'' iedonneray vn mari pour votre fille. Donnez moy donqàlui,^'^ Hyflafpe, afin que i’aye les beaus eferits qu’il m’a promis. CytUS lui demanda, s’il anoit allez de biens pour vne fi riche fille. Dref pondit:Oui vrayment, i’ay vne trelgrand’ richefic,amp; vn treforint' Ïlimable : amp;nbsp;fur le champ montrant Cyrus de la main : Voici, dit il, mon bien amp;nbsp;ma cheuance,puis que vous elles mon Signeuramp;anU' C’et affez, dit Gobrie, amp;i’enfuis trefeontent. Adonq Cyruspre-nant leurs mainspuana la fille de Gobrie à Hyllafpe,auqnel il donna plufieurs riches dons pour enuoyer àfoa efpoufe. Ce fait il tira Chry fante à part, amp;nbsp;le baifa fort amiablemct,fans dire antre choie: Qiioy voyant Artabazc, Par Dieu, Sire, dit il, la coupe que vous m’anez donnée n’ell pas de fi fin or, que ce que vous auez donné
-ocr page 265-DE XENOPHON. LIVRE VIH. ; ne a Chryfante. Ne vous foudez, dit Cyrusccar ie vous en donne-ray autant. Quand fera ce.’dit il. D’icy à trente ans,dit Cyriis.Par-qiioy apreftez vous pour atendre,amp; non pour mourir. Sur ces paroles le banquet fut fini, amp;nbsp;comme rousfe leuerent pour partir, Cyrus aufsi fe leua,ôc les acompagna influes à la porte, ou chacun print congé' pour s’en aller repofer.
Ctmme Cyras renaoyd lesalie^i, dißribud le butin, ^ retourna
tn Perfe : ^ comme il ordonnait fon camp : ^ arriua en Mede ou le Roy Cyaxare lui promit fa fille en mariage ^ lui donna le Royaume de Mode pour le dot. nbsp;nbsp;c h a p. v 11.
^] E iour enfuiuant il renuoya à leurs maifons les aliez qui s’efloient mis en la ligue de leur propre '^^® volonté, hormis cens qui aymerent mieus de-moureraueclui, aufquels il donna terres amp;nbsp;mai-S fons,dont leurs defeendans iouiflent de notre ______^1 tems, amp;nbsp;la plufpart font Medes amp;nbsp;Hyrcaniens. A cens qui partirent ht trefgrans prefens, amp;nbsp;en donnant congé à tout le monde ht de forte par fon humanité amp;nbsp;largelîe, qu’ils n’eurent ocafion de fe malcontcnter de lui. En apres il dillribuaaus gendarmes defanacion les trefors, qu’il auoit reçuz de la ville de Sardes;amp;premièrement aus Coronals dedi.x mille hommes, Ôcà fesniiniftres donna certeines recompenfes apart félon leurs men-tes:cn apres à chacun Coronal conhgna le payement pour tous les foldats de fa charge, amp;nbsp;commanda de diftribuer l’argent ainh qu’il auoit fait entiers eus. Parainh chacun Chefde dix mille hommes
diftribua certeine fomme d’argent aus Capiteines de fa charge, le Capiteine à fes Ceuteniers, le Centenier ans Chefs d’Efquadre, iu-geantamp;eftimant la vertu de chacun félon fes euiires. Ladernicre paye fut des Sizeniers, qui dônerent à chacun compagnon la foul-dcfélon fon merite, tellement qu’ils reçurent tons la iude portion du butin. Comme Cyrus entendit que les gendarmes s’emerueil-loient de fa grande magnihcence amp;nbsp;richefTe, amp;nbsp;difoient entre au-très paroles àfa louenge qu’il ne dehroit point s’enrichir, ams pre-noitplnsdeplaihr adonner qu’à prendre d’autrui, il allembla fes allais amp;nbsp;Capiteines principaus Ôc leur dit ainh : Mes amis i’ay connu plufieurs hommes cjui veulent auoirle nom d’ertre plus riches 'iu’iUne font, lt;Scfe montrer plus überaus qu’ils nepenuent ehre, ^'nsrys’abufentgrandement (à mon ams) de neparmennent la-®U*^ace qu’ils dehrent. Car celui qui ha renom d’etlre ruhe, s’il ne F 3 fe^ourt
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fcconrt largement fes amis amp;nbsp;felon leur dinité j il tombe inconti« nent en blame d’aiiaricc amp;cbichetc. Il y en ha d’autres qui font tout au contraire j amp;nbsp;veulent cacher ce qu’ils ont, amp;ceus cj'inC femblcnt encor’ plus abufez, plus mefehans, amp;nbsp;iniuftes enuerste amis: car cens qui ignorent qu’ils ayent tant dericheires,nol^* ofent requérir, amp;nbsp;n’en pcuuent eftre lecouruz au befoin. Parqnoy fachant que c’et l’ofice d’vu homme Ample amp;nbsp;entier, de maiiifcfcf fes biens aus amis j amp;nbsp;en départir félon droit amp;nbsp;raifon : iefuis ddi-berede vous montrer tous mes biens, amp;nbsp;premièrement vous fait' voirtout ce qui ce peut aportcr, amp;nbsp;du demourant quinefepeut aisément aporter, vous faire le raport au vray. Et ce difant W montra fes trefors, amp;nbsp;ce qu’il auoit de beau, qui eftoit vne heW^^ nicrueilleufe, amp;nbsp;leur deelaira parinuentaire ce qui ne fe pouuoit montrer fur le champ. Finablemet, ie ne veus pas,dit ifniesaiw^ quevous cftimiez ces richefles ertre plus miennes que votresicaf j ie les ay amaflees non pas pour les dclpendre, ny pour les mangft' (car ie ne faurois) mais pour auoir dequoy montrer ma libéralité; amp;nbsp;donner à cens qui feront quelque afte vertueus, amp;nbsp;pourayder’ cens qui auront afaire de quelque chofe, quand ils me voudrot' deelairer leur necefsitc, amp;nbsp;me requérir de leur donner fecours.
Quand ce propos fut fini, amp;nbsp;qu’il fembla à Cyrits, que Jesafc' res de Babylone clloiét bien cllablics amp;nbsp;afTurces, de forte qu’ils é® pourroit aller, il fit fes aprefts pour retourner en Perfe, amp;nbsp;f'’'''' manda à fes gens de faire le femblable,amp; ayant pouruu à toutesIt® chofes dont il auoit afaire, il fortit de la ville amp;nbsp;femit anecfes fur le chemin de Perfe. Or me fcmble bon de raconter coin^équot;^’ marchoit par païs,amp;(combicn que fon oft fuftgrand à merueiiiéS/ La firnte Je en quel ordre il plantoit, leuoit, ou remettoit fon camp. Carp^t i camper Jit font qq je Koy fe campoit, tout fon oft fc plantoit incontine®'' I j^j Cj/rue. alentour aucc fes pauillons, fuft yuer ou efté , amp;nbsp;ordonna quel®® pauillonfuft tourne vers Soleil leuant, amp;nbsp;qu’vn peu plus lointf gens de fa garde fufient logez. En apres à main dextrc faifoit lo^ les Boulcngers, à feneftre les Cuifiniers. Pareillement les clieuaquot;® à main dextre, le bétail à feneftre, tout le demourant de fcmblaWé forte, tellement que chacun fauoit fon quartier , quellecfpaccamp; quel lieu il deuoit tenir loin du Prince. Au leuer du camp Icsvns aflembloicnt leurs meublcs,les autres les char^coient fur leurs bef tes. Parainfi tous les conduétcurs du bagage s’aflembloicnt pouf acoutrer leurs charges,de forte qu’en vn mefmetems les pauillons eftoient trouflez, les hardes chargées, amp;nbsp;les beftes preftes à porter-Le femblable fe faifoit aus viiires amp;nbsp;municions, amp;nbsp;chacun fauoit fon
-ocr page 267-de XENOPHON. quot;LIVÎRE VIII. = : fon ofice j tellement qu’en vne mefme heure tout le camp cHoit aiifsi tot preft qu’vn feul homme. Et tout ainfi que les feruiteurs ôcmunicionnairesauoientvn lieu propre pour eus^ aufsi auoient «us qui portoient les armes des gens de guerre amp;nbsp;prenoient le lieu qui leur eftoit le plus commodej Tachant à qui amp;nbsp;pour combien de gens chacune place eftoit afsinec ^ amp;nbsp;fe logeoient chacun en fon quartier fans iamais varier. Et tout ainfi qu’il auient ausmaifons prniees que quad elles font bien reigleesjon fcet ou Ion doit pren-elrecedont Ion ha afiiire ^ aufsi Cyrus cftimoit eftre belle chofcamp; ''die d’auoirvn camp bien ordonné par quartiers amp;nbsp;qui ne fuft aucunement confus.Car dautant que aus enures de la guerre les oca-fions font plus courtes amp;nbsp;legeres j dautant les fautes en font plus grandes de cens qui tardent à faire leur deuoir.Au contraire quand lonexefiifepf.op(-cmentamp; .à l’heure oportune ce qui eft comman-‘^jlesprofits qui en viennent font fi gratis amp;nbsp;fi beaus qu’on ne les fWallez efiimer. A cette caufe Cyrus mit grand’ peine d’ordon-’’Wlon camp de telle façon ^ afin que toutes chofes fulTentprontc-’’icnt amp;nbsp;plantées amp;nbsp;Icuces. Il faifoit tendre fon pauillon au milieu du camp comme au lieu plusfeur, amp;nbsp;alentour de lui faifoit loger Won fa coutume fes plus feaus amis. Entour cens cy efioient les hommedarmes amp;nbsp;cens qui combatoient de defTus les chariots logez en forme d’vu cercle, amp;nbsp;les plaçoit ordinairement en lieu feur, pourantant que les conducteurs des chariots n’ont rien de preft,amp; leurfaut beaucoup de terns .à fe mettre en ordre s’ils veulent faire leurdeuoir. Ans deus cotez à dextre amp;nbsp;à fencflre des hommedar-ines eftoit la place des rondeliers, deuant amp;nbsp;derriere eftoient les gros de tret. Mais après tous cens cy alentour de fes gens pour fer-thr de rempart amp;nbsp;muraille aus autres, il faifoit loger les foldats qui auoientles plus pefans harnois amp;nbsp;grans pauois pour couurir tout lecorps : à fin que s’il furuenoit quelque afaire ils tinffent bon, amp;nbsp;donnalTent feurté amp;nbsp;loifir ans autres de fe mettre en ordre. Outre cens cs'.il auoit d’autres sens de tret amp;nbsp;rondeliers lo^ez en cette mefiiie place : amp;en ordrepour fraper deloin, fi dauenture d’autres gens detret venoienr de nuit aflaiUirles bien armez amp;nbsp;pour les fe-courirau befoin.Cyrus aufsi fit mettre les enfeignes de tous fes Ca piteines furies tentes, à fin que fes feruiteurs fulîcnt incontinent trouiier les logis des principaus fans les demander l’vn à l’autre, tout ainfi que Ion fait ans bonnes villes, ou les prudens amp;nbsp;bons fer quot;itrotsfanent au doigt les maifons des plus aparens de leur cite. Et dautant que les quartiers des nations n’eftoient point mefiez, ils «Soient plusaifez à connoitre, fuft pour fauoir qui auroitbien ' * nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;fait.
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LA CYROPEDIE
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fait ou pour montrer celui qui auroit failli. Et par tel ordre il f® bloit à Cyrus^que fi quelques ennemis le venoient alfaillir ou donner quelque efearmouche ou alarme de iour ou de nuitj ils tombe-roient dedens fon camp comme dens vue embûche amp;nbsp;feroientto' pris. Iliugeoit aufsi que de telle difeipline de guerre Ion tireroK double profit, non feulement de faiioir eflargir, ou refireindrevn bataillon retourner d’vue pointe en autre ou au milieu, tourne^ dextre ouafenefire, ou fi les ennemis venoient au dos faire tefe contre eus, mais aufsi de pouuoir faire vue bonne amp;nbsp;feure retraits au fortir d’vne bataille: remettre fon camp en lieu feur^pourfuiutf les aiierfaires , faire courfes , amp;nbsp;autres enures femblables qiiiapnt-tiennet à l’ofice d’vu bon Capiteine.A cette caufe il prenoitgranil cure à faire toutes ces diligences d’vne égalé vertu j amp;nbsp;marthoit toufiours par pats’en celle ordonnance pour obuier aus cas fortuit qui peunent luruenir du iour àlaiournee. Voila la façon conin'’ il marchoit par pars, amp;nbsp;comme il fe campoit la plus part du tequot;quot; fans fe mettre en confufion. Quand ils lurent arrinez au paisii’ Mede Cyrus alla vifiter Cyaxare, Ôc apres toutes les feUes^erabwl' femens ÓC falutacions acoutumees lui raconta toutes fes viftoitô' amp;nbsp;lui dit comment il lui auoit aprefte vn Palais amp;nbsp;vne Royalem^' fon dedens Babylonen ou il pourroit habiter comme chezfoy'^ ce difant lui fit plufieurs dons exquis amp;nbsp;precieus. Adonq CyaX’'^ lui enuoya par la fille vne courone d’or, des bralîelets amp;nbsp;carcans^’ mefme, 0c vne robe Medique la plus belle qu’il fut pofsible de voit* Comme la pucellc cour^noit Cyrus,Cyaxare lui dit : Monneneth ie vous donne pareillement cette mienne fille pour femme/ou’' ainfi que votre percha pris en mariage la fille demon pete dont vous elles forti;Ec vous anife que c’et celle, qui fe iouoit Îifouueni amp;nbsp;chantoit auec vous en votre enfance, amp;nbsp;quand on lui dem^' doit qui feroit fon mari,elle refpondoit : Cyrus. Au demouran’'’ caufe queien’ay aucuns hoirs mafles amp;nbsp;légitimés de moy, ievoquot;' donne le Royaume de Mede pour fon mariage. Cyrus refpon(Ü'gt; qu’il eflimoit beaucoup les prefens, la fille, ôc la parente doiitdi’ efioit iflue , toutefois qu’il n’acordcroit ce mariage fans la volonte de fes perc amp;nbsp;mere , lt;amp;nbsp;ce difant donna à la pucellc plufieurs chofo qu’il penfoit eftre agréables àfon oncle. Cefait il le partit de Ait' dcjpour fuiure fon themia droit au pais de Perfe.
. Les ^omejps de Cynts auec fa Jîepublitjue, euwe il print à fem me la fille de Cyaxare, ^ retournant en Babylone enuiyi des Satrapes aus nadans. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;chap, vu''
Quand
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Vand il furatnue furies frontières de Perfe^ il lailîà en arriéré le gros de l’armée, amp;nbsp;auec fes amis s’auança d’aller à la cite, faifant mener des belles pour facrifier,amp; receuoir à banquet folen* nellement tousles Perfes. Ilfitaufsi aporter de très beaus dons à fon pere,famere,amp; autres amis, eur dinîte, ans Magillrats, amp;nbsp;plus aneics perfofi-quot;■iges de renom, amp;nbsp;fpecialement à tous les Homotimes delà ville. Plusàtoiisles Perfes hommes femmes donna certeins prefens, S’''font par coutume encore auiourd’hui donnez par le Roy quad •IvaenPerfe.Toutes fes feiles amp;nbsp;celebritcz acomplies,Cambyfefit äffeinbler les anciens amp;nbsp;les Magiftrats, qui ont charge des plus gnns afaitçj delà ville, amp;nbsp;en la prefence de Cyrus, leur dit ainfi:
J-îaran^ue de Camby/ê.
i'^^^Omme il foit ainfi,mes amis Perfes, amp;nbsp;vous Cyrus mom ; fils, que levons porte telle amour, qu’il conuient au ®-®y porter à fes fuietz, amp;nbsp;au pere à fon fils,il ell raifon-nable que ie vous confeille les chofes que ie conois élire profitables à tous deus. Eten premier lieu il ell certein que vous auez au commencement augmente la puilTance de Cyrus:car vous lui donnâtes vue armee, «Scie fites Capiteinc en chef de votre puif-fance,amp; de celà il eft tenu â vous. Depuis,ó Perfes,par la bonté des Dieiis,mon fils vous ha ennehiz, reduz louables fur tous les hommes du monde, aquis vne louenge amp;nbsp;honneur fur tous les peuples d’ A.fie, amp;nbsp;particulièrement augmenté de biens,. non feulement les Homotimes,qui ont guerroyé fous lui, mais aufsi le menu populaire,auquel il donne gages amp;nbsp;moyen deviure. Aufurplus en créant vnegendarmerie Perfique il vous ha inuelliz amp;nbsp;mis en poUefsion de beaucoup de biens, amp;nbsp;de ce vous cllestenuz àldi. Parquoyil vous faut recônoitreôc confefler q vous elles obligez l’vn à l’autre, amp;nbsp;elles caufe réciproquement de votre félicité ramp; vous aujfe,que fi vous Perfes à l’auenir voulez porter à mon filz vne mefme obeïf-fance, amp;nbsp;pareille afeccion , vous viurez en vne langue amp;nbsp;heureufe profperité. Mais fivous, Cyrus, deuenu fier amp;nbsp;arrogant pour le comble de vos bonnes fortunes, amp;nbsp;llimule de quelque coimoitife defraifonnable, cômencez à vfer de mefme contreintc amp;nbsp;Tyrannie fus eus,cQme fur cens que vous auez fubiuguezrou bien que vous, Moyens,efmuz d’enuiefur fa puiHance vous efforcez d’abatrefon Emput, foyez ali lirez, que vous tomberez incontinenten ruïne, amp;nbsp;donnerez empefehemét l’vn à l’autre deparucniràlaiomilance.
G de.
-ocr page 270-154 nbsp;nbsp;' Î L A C Y R O P E D I E
lt;gt;'’‘‘^/gt;,-é^ femme.
Qrw entfilze les Satrapes ans »actens.
de toute félicité. A fin Hong d’euiter ces inconuenicns, amp;nbsp;quclcî tiens s’augmentent de iour en jour, ie fois d’auis que par facrifict publiq, amp;nbsp;en la prefence des Dieus qui feront témoins j vous fanc2 vn acord enfemble en la façon qui s’enfuit ; premiercmerjVousCyrus, fi quelque edrager moimoit la guerre ansPerfes, ou s’efforçoit de rompre les loix de ce pars, promettez de donner fecours à votrf patrie de toute votre puiflancc : Pareillement vous, Perfes, fiq«''' qu’vu pourchafloit par trahifon,ou autrcment,priuer Cyrus defo“ Empiregt;faire nouueauté, ou rebellion contre lui, iurerez lui aydô amp;nbsp;obéir en tout ce qu’il vous commandera : An demourant tant q ie vin ray, ie demoureray Roy en Perfe,apres ma mort, le Royaume viendra à Cyrus.Lequel venant au païs,(s’il vous maintientfry amp;nbsp;promefle) fera les mefmes facrifices queiefais maintenant pour votre profpcritc. Mais quand il aura fini l’ordinaire cours de nature,il me femble que ce fera votre grand bien , de prendre par cleo cion le meilleur amp;nbsp;plus Vertueus Prince de la lignee, pour fairelô facrifices ans DicuSjainfi que ie les ay ordonez : Ayant Camb’lr fini fon parler, Cyrus amp;nbsp;les Perfes aprouuerent fou confeil,fi fatquot;' fièrent amp;nbsp;apelerent leurs Dieus à témoins deleurs promefles,^ comme pour lors ils inreret amp;nbsp;acorderent, le Roy amp;nbsp;les Perfes ont coutume d’en vfer auiourd’hui. Ces chofes faites,Cyrus retourna’ fon Royaumeen Babylone,amp;payant par laMcde,cfpoufa du coC' fentement de fes parens la fille de Cyaxare, laquelle on ditenfur de notre tems auoir efté merucilleufement belle amp;nbsp;gracieufe-'Co®' bien qu’aucuns auteurs vcullent afermer, qu’il efponfa lafeur’^t fa mere, laquelle véritablement ne ponuoit eure ienne en ce ^^’^^’ ains fort vieille.Si tôt qu’il l’eut efpoufee,il l’emmena hors deMe-de, amp;nbsp;comme il arrma en Babylone, il fut reçu à trefgrand’ fefttamp; magnificence. Apres celà il délibéra d’ennoyer des Satrapes ausna-cions, qu’il auoit fubinguees. Et premièrement ne voulut pastil's Capiteincs dp mille hommes,. ou autres gouuerneurs qu’il auoit mis en garnifon ans forterefies, ou pour garder quelque pais, puquot; tafient obéifiance à autre qu’à lui.-Ce qu’il fit à bône raifon,difcoü-rant furies incôueniens qui en ponuoient aiienir,amp;àfin que fi aucun des Satrapes deuenu mfolent par fa richefie amp;nbsp;puillance,s’eftor çoit dercuolter.il trouuall en Jamelme region des aucrfaircsamp;hai-neus pour lui refifter,il vfa de telle afluce: Il aflembla fes principalis amis, amp;nbsp;les infirnifit de ce qu’ils deuroict faire en leur prouinces,a fin q s’ils eftoient enuoyez fans élire inflruirsjU’cltimalicnt fes g.ir-nifons auoir elle retenues pour foupfon de leur infidélité : A cette caufe leur dit amfi; Mes amis^nous auons laifsé dedens nos villes gagn«’
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gagnées ,amp; places forces des garnifons amp;nbsp;des Capiteines pour les tenir en monnom.-aufcjuels en partant iefis commandement de ne penferà autre chofe, qu’à bien garder les places. Et combien que ic fois délibéré d’enuoyer d’autres Satrapes furies prouinecSjpourti-ter le tribut amp;nbsp;en payer les foldats, amp;nbsp;fournir aus autres chofes nc-edTaires/outefois à fin qne perfonne ne s’abufeje ne veus pas oter les Capiteincs qui y font ^ pource qu’ils ont fait leur deuoir enuers tHoy.Êt me femble bon que tous cens que i’enuoycray pourtraiter quelque afaire aus’nacioSj ayent des terres amp;nbsp;des maifons propres à Wspourylogeramp;demourer, afin qJesfuietznouspuiflentapor-terletribut, amp;nbsp;eus allans là,ne demourent en des maifons emprun tees ouprifes à louage. Ces paroles dites il dôna à plufieurs de fes amis desmaifons, amp;nbsp;des fuietz es villes par lui fubiuguees, lefquel-1^5font encor'à leurs defeendans en diners liens, combien qu’ils f®wit toiifiours à la court du Roy. Il ordonna aufsi que les Satrapes ^goiiucmeurs qu’il mettroit en chacune prouince feroient te-*’*S2cleluienuoYcrcertein tribut, amp;nbsp;partie des plus belles amp;pre-deufes richeffes de chacune terre,à fin qu’il fuß participant de leurs tiens, pourautaut qu'il foutenoir la charge des plus graues amp;nbsp;im-portans afaires. Tôt après,ayant diligemment regardé à la.vertu de cens qui aiioict enuie d’aller dehors, il enuoya des Satrapes aus na cions les plus vertu eus amp;nbsp;plus fages perfonnages de fa court.Mc* gabyfe fucennoyé pour Gouuerneur amp;nbsp;Satrape fur toute la pro-uinccd’Arabier Artabate en CapadocetArtacame en la graef Phry gie : Chryfante en Lydie amp;nbsp;Ionie :Cadufe en Carie :ainfi qu’ils auoient demandé. En la Phrygie procheine à rHeHefpontjÔt l’Eo-liàc.Phamuche. Maïs en Cihcie,Cyprc,amp; Paphlagonie,n’enuoya point de Satrapes Perfes, à caufe que de leurfranche volonté ils a-uoient guerroyé fous lui à l’entrcprife de Babylonc.Toutefois leur commanda d’aporter le tribut comme les autres, amp;nbsp;entretenir les garnirons en leurs forterelTes telles qu’ilplutau Roy yenuoyer, lefquelles ont toufiours depuis elle gardees amp;nbsp;entretenues, tout ainfî qu’elles furet par Cyrus indituees, amp;nbsp;les Capiteines de toutes les gamifons y font mis par le Roy amp;nbsp;enrôliez en Peftat de fa court. Aufurplus enchargea à tous fes Satrapes de viure en la fàçon,qu’ils l’auoientvùviure. Premièrement qu’ils euftent vue compagnie de gendarmes à cheual tant des Perfes qui iroient là,.corne des allez, amp;certeiii nombre de chariots armez pour la guerre. Pareillement H'i’ds ordonnadent aus foldats amp;nbsp;gentishommes de leur charge,, ’’’dnienaet cens qui tiendroient terres amp;nbsp;maifons par don du Roy’, .^f ft tenir toufiours à la porte du palais du Satrape,comme en vue
G a efeoiç
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l^eutte Jes Mctos pour faire yne ar mee fous let tins.
efcolc d’honncftctc amp;modeftie y traitans toutes enures He vertu) amp;nbsp;fe motrans prefts à lui obeïr en toutes chofeSjamp; que leurs enfans folTcnt nourriz à la court comme ils eftoient près de lui.Si leuren' chargea aufsi de mener leurs foldats à la chaflcj amp;nbsp;qu’eus amp;nbsp;leurs gens s’exercitaflent au fait de la guerre, promettat d’honorer coffle bons amis amp;nbsp;gardiens de fon Empire ceus,qui lui.enuoyeroientfr' Ion leur puiffance,grand nombre de bons bornes d’armes, amp;bons chariots. Et leur dit, qu’à la court d’vn Satrape faloit que les gens d’aparence fuflent au premier degré d’honneur,ajnfi qu’ils eftoient en la fienne. Q^i’ils tiufient table femblable à la fienne, qui fuß(“' fifante pour nourrir les feruiteurs, amp;nbsp;honorable pour feftoyerki amis : amp;nbsp;donaftent toufiours quelque recôpenfeà cens qui Croient quelque ade de vertu.Si leur eômanda aufsi de faire des partspom nourrir force belles, ne manger iamais fanS auoir trau aille, amp;nbsp;nef dôner aus cheuaus.fans l’aiioireagnc. Carienefaurois,difoitil,tl* toute puiflance humaine,ellantfeul,côfcruer les biens de tous met fuietz : mais il faut que moy eftant bon aûcc l’ayde de bons follets fois prell pour vous fecourir : amp;nbsp;vous pareillement ellans gens d* bien aneevos fuietz bienapris foutcniez votre Prince de toutevO' tre puilTance. Et vous prie de penfer que ie ne vous comande point chofes balles amp;nbsp;fcruiles:mais ie m’eflorceray de les mettre moymt^' me en effet, amp;nbsp;tout ainfi que ie vous prie de prendre exemple^“* moy, aufsi faut il enfeigner à vos fuietz de vous enfuiure en colite accions.Parainli non feulement les gardes des Satrapes durent en' core de notre tems en la façon qu’elles furent inllituees, nVPîVf^ courts amp;nbsp;maifons publiques amp;nbsp;priuees, grades amp;nbsp;petites,fontsinii frequentees : les gens fages y font preferez , amp;nbsp;principalement aus fieges amp;nbsp;honneurs , amp;nbsp;marchent par païsdemefme ordonnanett brief chacun ha beaucoup de choies à faire,' combien quelesgou-uerneurs foient en petit nombre. Ces enfeignemens dônez,Cyms dcclairant particulièrement quelle pmllanceil leur depart oit, Ift eniioya à leurs nations ; leur commandant fe mettre en ordre po^f l’annee d’après, en laquelle il fe dchberoit d’aller en expedition,^ faire vne tenue de tousles hommes, cheuaus, armes, amp;nbsp;chariots de guerre de fon Empire.Nous auons aufurplus confiderc vnelouabk coutume inftituec par Cyrus,qui dure encor’ de notre tems : c’etq tous les ans vn,grâd Capiteine fort du pais de Perfe auec vnefranche armee, pour reconnoitre amp;nbsp;vifiter le gonuernemet de chacune prouincc. Si aucun des Satrapes fe trouuc prefsé, il eft preftahn donner fecours : s’il fe reuolce,ou aprefte à faire quelque infolence, il eft en point pour le reprimer : fi quelque cité refufe la taille, 1^ garni
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garnirons, le labeur des terres, ou autre chofe raifonnable, il y va pour les contreindre amp;nbsp;reformer:ou s’il n’eft aflez puiflânf pour ce fairCjfait lcraport au Roy : qui, après aiioir confultc del’afaire, il y donne ordre ainfi que bon lui femble.De là vient le commun bruit ^ni court fouuent en ce pais,par lequel on dit:Voicilefils du Roy, le frere du Roy, l’œil du Roy, qui marché par païs,amp; le plus fonuct onnelevoitpoint.Cefont les Cômiftaires amp;Preuots du Roy,qui peuuct eftre mis amp;nbsp;otez quand il lui plait. Outre,nous auons apris vnemenieilleufe inuencion de Cyrus,pour la grandeur de fon Empire, afin d’eftre auerti enpeudetems des afàires de chacune nation, encor’ qu’elle fuft fort eflongnee.Car ayant regardé combien de chemin vn cheualde courfepouuoit faire par iourfans l’outrer, ilfitfairedej eOahles diftans autant d’efpacel’vne de l’autre,auf-quellesiljfjjj-Jçj cheuaus de pofte, amp;nbsp;des cheuaucheurs pour en ”ioirJa charge : aufurplus y mit des Courriers feurs amp;nbsp;feables, amp;nbsp;f^tpour receuoir fes paquets, comme pour les porter amp;nbsp;bailler à r^3iitres, amp;nbsp;derechef en prendre au retour,amp; pour ce faire receuoir Jtscheuaus amp;: hommes laflez,amp; enuoyer d’autres tous frais. Et dit 011 que bien fouuent les nuits ne font point exemptes de cette peine, ains qu’au cheuaucheur qui court la pofte deiour, fuccede vn autre courrier qui va toute nuititellemct qu’aucuns tiennent pour certein cette façon de courir eftre plus legere amp;nbsp;plus vifte, que le vol des Grues.Et fi celà n’eft vray,à tout le moins il eft certein, que c^et la plus grand’ diligence que les hommes fâchent faire par terre. Leprofitquien prouient eft grand : car, comme chacun afaire eft plus tôt entendu,aufsi y ha Ion plus tôt pouruii.
L'auldftl^^
Inuenaon ties po/ies,
les exfedicions queßt Cyrm durant fon rêne, (2^ comme il re
niât mourir en Perfe.
CHAP. IX.
?^^' Annce d’après Cyrus afTembla tout fon oft en J BF^^^Ï Babylonejamp;(conirnclondit)enfaifantlainon-tre il fe trouua aiioir plus de fix vints4nille hommes de chenal,enuiron deus mille chariots armez de faills, amp;plus de fix cens mille hommes de pic. __Lequel oft fi grand amp;nbsp;terrible, (quand il fut tout af[emhlcamp; en ordre^ il mit incontinent à la capagne, lt;Sc auec cette, belle armee Cyrus fubiuga toutes les nacrons habitables, depuis ïentree de Syrie iufques au boutdelamerErithree. Apres ces vi-^bues, il drelTa fon armee contre l’Egypte amp;nbsp;la conquit en peu de fcJBs.Parainfi les limites de fon Empile furent d’vue fi grade eften-
G 3 due.
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t^S
naît la mer Je Perfi le s irafJA^ ra^ie, ptal.
ileßejcrit tn lopph et
lamer ran due,quc du cote d’Orient la mer Rouge terminoit fa puiftance: ® ^e ^utsafe coté de Septentrion,la mer Euxine;deuers Occident,Cypreamp;Eg/ laitaußfErf pte:deuers Midi,rEthiopie.Et de ces frótieres,les vncs font difieik’ three,tante- à habiter pour le froit : les autres pour le chaut : amp;nbsp;des deus autre* les deus bouts, ou pour les eaus ou pour la feieberefle font malaifeZ pour la vie des hommes. Mais Cyrus viuant au milieu de toutes ce* nations, demouroit les fept mois qui font alétour derynerenB®* bylone,à caufe que le ciel eft fort dous amp;nbsp;atrempé:les trois mois du printems en la ville de Sufe : amp;nbsp;les deus mois des grandes chaldit* il paffoit en la cité d’Ecbatane. Tellement que par ce clxingenient de païs (quelque faifon de l’année qu’il fift) il fe trouuoit toufiouf* en vn tems femblable à la Prime vere. Au demourant tous les b®®’ meseftoient fibien afeétez enuers lui ^ que chacune naejo-m’effi' moit malhenrenfe,s’elle ne lui enuoyoit ou donoit la plus preofi^ fe chofe qui full trouueejnourriejOu forgee en tout fon pais.Partit lenient toutes les villeSjCitez,amp; hommes priuez, s’'elhmoient Je»^ nir riches amp;nbsp;heureus de lui dóner quelque prefent.Car en receiiJi’t d’eus les chofes dont ils auoient abodance, il leur rendoit des bie®® dont ils auoient indigence.Quand Cyrus eut longuement vefcue® cette mani«re,eftant défia fort auancé fur raaze,il s’en retournât® Perfe, la fetticme annee de fon paifible Rene, que fes pere óemW® eftoient grand piece auparauant trefpalTez. A cette caufe il fit ftsf® crifices folcnnels ordonnez par les loix de fon pere, amp;nbsp;menante®® autres, i]H fl danfefacree comme vue procefsion Perfienne à la mode dupa^ rena ymt donna tresbeaus dons à tous les Perfes ainfi qu’il auoit acoutume. i^Jeus ans Quand il fe fut retiré en fon palais Royal pour dormir, ileut^ne fini, ajat re ^-gijg yjßon :I11ui fut auis devoir quelqu’vn plus grand que ne font »e deus ans nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lUdirmî
auec Cyaxa fre en £4^)1-lone.
u vn plus grand que ne font les homes par nature,qui lui difoit: Aprefte toy,o CyruSjil eft tenu quç tu ailles aus Dieus.Auquel fonge Cyrus s’efueilla incontinent amp;nbsp;connut à peu pres que fa fin edoit procheine. Parquoy prenant incontinent des viftimes j femit à facrifier auDieu lupitcrdefo# pais, au Soleil, amp;nbsp;autres Dieus au plus haut des montagnes ^ai®^
que les Perfcs ont coutume d’adorer,amp; pria en cette façon:
O Jupiter Dieu de cette terre 10 Soleil! amp;nbsp;tous les Dieus immet telz! receliez demoy ces derniers facrifices,corne le comble Jetant de belles amp;grandes accions parmoy faites, amp;nbsp;corne les dousdegra ce que levons rens,pour m’auoir toufiours donne certeins auertif femens de ce qu'il me fàloit faire ou non faire,amp; m’auez montre ce qui m’eftoit vtile,ou dommageable, nonfeulemct parlesfacrifices amp;nbsp;fines celefles : mais aufsi par les augures amp;nbsp;renommées coranm* nés. Parquoy ie vous reas graces autant qu’il m’ed pohible, de ce qui
-ocr page 275-DE XENOPHON. LIVRE VlH. ija queparvotre bonté ôc douceur, i’ay connu les fecrets de votre pro-uidence,amp; qu’en mes grandes profperitcz, ne m’auez laifsé efleuer plus que ne doit vn homme mortel.Ie vous fupli’ donq de donner à mes eufans, à ma femme, à mes amis, amp;nbsp;patrie, longue félicité : amp;nbsp;à moy vne mort condecente à ma vie. Ces chofes faites il retourna à fon Palais, ou il fe repofa doucemct amp;nbsp;à grand plaifir. Depuis il démolira toufiours couché, amp;nbsp;quand l’heure du louper s’aprocha, fes Chambellans levindrent prier de felauer,mais il refpondit,qu’il ne vouloir troubler fondons repos. Derecheflesgentishommesfer-uans lui aporterent à fouper à l’heure acoutumee, mais il n’auoic point d’apetit de manger : il eut bien foif, amp;nbsp;but à grand plaifir. Quand il eut fait le femblable les deus iours enfuiuans, amp;nbsp;qu’il fe trouuafoible par la défaillance de fa force naturelle, il apela fes cn-fâusgiiiefl.Qjgj^(. venuz en Perfe auec lui, enfemble fit venir tous f^samis amp;nbsp;magiftrats des Perfes, amp;nbsp;en la prefence de tous corn-®f^{a à parler en la manière cy apres contenue.
Orai^n ^ teßäment de Cyrus à /es enfans deuant fa mort.
CHAPITICE X.
Es trefchers fils, amp;nbsp;vous mes amis qui elles pre-fens,la fin de ma vie eft venue,come'‘ie l’ay connu par plufieurs fines euidens : parquoy vous con-uiét apres que feray trefpafsé, faire amp;nbsp;dire toutes chofes de moy comme d’vn homme tresheureus, | qui ha pafsé fa vie en perpétuelle félicité. Caren mon enfance i’ay reçu le fruit de toutes les chofes belles amp;honeftes qui font defirables en tel aage, en ma ieunefle i’ay fait le femblable, au terns de ma virilité amp;nbsp;force d’homme i’ay acôpli les enures efti-mees vertuenfes amp;nbsp;honeftes entre les hommes, en procédant outre furi’aage, i’ay toufiours tronué mes forces augmentées, tellement que ie n’ay iamais fentu ma vieillelîe plus que ma ieunefle afoiblic. le n’ay iamais defiré ny entrepris chofe, qui ne me foit auenne : ie voy mes amis enrichiz amp;nbsp;renduz heurens, mes ennemis abatnz amp;nbsp;renduz fiiietz par ma force:Et qui plus efl,mon païs (qui aupar-auant n’anoit ny bruit ny renom en Àfie) ie le laifle ennobli amp;nbsp;honore fur tous les autres du monde, amp;nbsp;n’ay iamais perdu place que i euffe conquife,ny pris terre que ie n’aye gardce:brief i’ay pafsé ma comme i’auois defiré: fors que Iapeur,qui toufiours m’a acom-P^o^dene voir àPanenir, nyouir, ou endurer chofe qui me full ^‘’we, ha refréné maconcupifcence : amp;nbsp;m’a tellement reprimé, que
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que ie n’ay fu deuenir orguiJleus ny infuportable, amp;nbsp;nc m’alaifsc parfaitement refentir ny librement efiouir de ma profperitc. Mais maintenant que la fin de ma vie ert procheine, ieme trouuetref-content de ma fortune .•puis qu’auecques les autres conimoditeZ ie vous laifTe en vie mes enfans ^ qui m’ont elle douez par les Dicns immortelz,amp; vous mes amis amp;nbsp;citoyes en grand’ profperité.Poiir-quoydonques neferay ie eftimé heureus à toufiourfmais ? Pool-quoy ne prifera Ion ma vie louable amp;nbsp;profpere, puis q tant d’heurs me font auenuz ? l’eftime donq que non fans caufe Ion aura longuement mémoire demoy apres ma mort. Dautrepart afiuq»' pour la fuccefsion de mon Empire ne fe lieue aucune diflencioa entre vous, il eft raifonnable que ie deelaire lequel d’entre vous K veus lailTer mon fuccefieur. Et à la vérité,mes enfans, ie vous aynn tous deus egalement : toutefois la preeminence de tenir le coufel d’eftre Chefamp; Signeur, amp;nbsp;autres prerogatiues, i’ordonne qu’elle feront du premier ne, qui pour raifon de l’aage doit eure plus prudent amp;anoir expérimente plus d’afaires. C’et la loy natureller'^ toutes les nacions, mefmes fay elle inflitué par les loixde note' commune cité, non feulement de ne m’auancer de parler, ny coO' feiller,ny afioir pluftot que mes plus anciens freres amp;nbsp;parens :nwi’ aufsi de faire place ans citoyens, qui n’efioient reuerez finonpoUf leur vieillefle : amp;nbsp;vous ay enfeignez des la première enfance qn* vous lionorifsiez les plus viens, amp;nbsp;fufsiez honorez des plusie«»*^ que vous. A cette caufe vous deuez receuoir mon ordônancetouchant cette difpoficion, comme chofe légitimé, ancienne, amp;-icon' tumee en notre République. Parquoy, Cambyfe, vous aur ez la preeminence amp;nbsp;le tiitre d’Empereur, que vous tiendrez pat 1^'^°“ des Dieus amp;nbsp;de moy, en tant que faire i’ay pu. A vous Tanaoxare, ie donne les. Satrapies des Medes,Hyrcaniens,amp; Cadufiens.Ceamp;-faut ie m’eRime auoir tresbien départi mes biens, amp;nbsp;combienqW i’aye donné plus de Signeuries à Rayné, toutefois, ie vousay bih“’ vnephis affuree amp;nbsp;moins facheufe félicitée Carienevoy points“ quoy vous puifsiez ertre priué d’aucune ioye humaine , ainsvo« aurez en abondance toutes les richefles, qui penuent ans homme donner plaifir amp;nbsp;contentement. Au demourant le defir des choies trefdifîciles, le grand maniment des afaires fans receuoir aucun repos, l’emulacion des vidoires amp;nbsp;conqueftes par moy faites, drenst iiouuclles entrcprifes,brader des rrahifons,amp; dire fuiet à icelles,amp; toutes les autres peines amp;; rrauaus,apartiennentplusàrEmper£iir, qu’à vous: chofes (corne vous fauez)qui donnent grand empefehe-meut à celui, qui veut receuoir le comble de fes plaifirs. Quan» vous,
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, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;vous,mon fils Gambyfc, vous deuez fauoir aufsi,quc ce n’eft pas ce
fceptre d’or qui confer ne l’Empire, mais beaucoup amp;nbsp;de bons amis
J font le vray amp;nbsp;trefleur fceptre amp;nbsp;moyen pour défendre le Royau-' me d’vn Prince. N’eftimez pas, mon fils, que les bornes foient fidc-^ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1« de nature : car s’il eftoit ainfi, ils fe montreroient également fi-
1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;deles vers vn chacun,comme il aillent ans autres chofes naturelles,
' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;quifont leur opération toufiours d’vnemefme façon: mais il vous
faut à la longue aquerir leur amour amp;nbsp;fidelité. Or elle ne s’aquiert 1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;iamais par force, mais par beneficence. Si vous voulez vous pour-
' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;uoitd’hommes fideles pour vous aydcr à garder votre Empire, en
C nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;premier lieu conuient commencer à ceus qui font de votre fang amp;
» nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lignée. Car ordinairement les citoyens font plus familiers amp;nbsp;plu s
« nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;fidèles que les edrangers : ceus qui font nourriz en vue mefme tar
I nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;bb.queles inconnuz. Et à plus forte raifon vous deuez préférer amp;
) nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;tftimer plus fideles ceus qui font fortiz de mefme fang, alaitez de
1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;mefme niere,efleuez en vne mefme chambrc,aymez de mefmes pa-
' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;tens,amp; qui n’ont qu’vn pere amp;nbsp;vne mere,que toutes autres perfon-
1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nés eftrangeres.Ne vucillez donqucs,mes cnrans,r€ndreinutiles les
i nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;biens que Dieu amp;nbsp;Nature vous ont donnez,pour entretenir votre
' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;amitié: mais pliiftot aioutez y les autres euiires de parfais amis,
’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;afin que votre amiable fraternité deuienne infuperable. Car qui
! nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;pouruoit à fon frere, pouvuoit amp;nbsp;ayde foymefme. A qui doit faire
t nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;plus debien vn grâd Signcur ,qu’à fon frere? Qui pourra aufsi miens
' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;honorer vn homme trefpuilïant, que fon frere’Qui creindralon de
• nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;pluftot ofenfer, que le frere d’vn grand Signcur? Parquoy vous ne
• nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;deuez permettre qperfonne obeilic plus prontement à votre frere,
1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;que vous, ou qui fe prefente à fon befoin de meilleur courage : car
1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;lesbiens amp;nbsp;les mans d’iceluivous touebet de plus près, qperfonne
1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;du mode. Veniez derechef en vous mefme, à qui pouuez vous faire
fetuice ou plaifir dont puifslez efperer vne grande tecompenfe, qu’à votre frere? A qui pourriez vous dôner fecours, ou vous puif-! fiez auoir vn compagnon de guerre, qui vous foit plus fidele Ôc vail laut qlui? Y ha il thofe plus deshonnefte que de n’ aymer fon frercï S ouplushonnefte que de le préférer? Sachez , Cambyfe, que le fcul 4 frere cil fans enuie de tout le monde honoré de fon frere. V arquoy 4 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;levons prie par nozDieus,mestrefchers enfans .honorez vous Vvn
y nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;l’autre, fi vous auez enuie de me faire plaifir apres ma mort. Car ic
4 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;«0^, que vous n’eftimez pas , que le ne fois rien du tout amp;nbsp;qmon
amefort anéantie, quand ï auray pafse cette vie mortelle : car aufsi (1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ptûvo'jçz vous maintenat mou ame , q vous ferez après ma mort,
y nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Biais Uulemcnt par les enures extérieures la connoiftez. Et pour
» nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;H vous
-ocr page 278-i4a nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;LA C Y R .0 P E D I Ï
Vous montrer que les e/prits viiient apres le corps j ConfiJevezto ames de cens qui ont cité iniuftemént occiz ^ quels troubles amp;nbsp;elpouuentcmens elles aportent aus voleurs amp;nbsp;parricides ? quelles afliecions amp;nbsp;tourmens elles donnent par vengeance à cens gulles ont iniuriez ? Penfez vous que les bôneurs des grans hommeseizf-fent tant duré après leur mort^ ß leurs ames n’culTenr eu auenne puifiance ou vertu?Iamais ie n’eu telleperfuafionj mes enfans^amp;ae put onq entrer en mon entendementj que les ames vefquifient faut feulement dedens les corpSjamp; mourufienthors d’iceus. Carievo’ que Fame vinifie amp;nbsp;dônemouuement au corps (quot;qui defoy eUnio!' tel) tant qu’elle y demeure. Ny pareillement ay jamais ediiné, ^‘ l’elpritfoit Üupide amp;nbsp;ignorât^ partant d’vn corps lourd amp;nbsp;infea^^ aijis fà mon iugement) quand il fort pur amp;nbsp;net de quelqueHfJ mortel , il doit lors edre plus vifamp;:prudent. A la diüoluciott'^‘ l'homme. Ion voit elerement comme chacune partie fe réduità^o’‘ ' femblable, fors l'efprit feulement, qui nepeut edre vu ^ ny quio^^ part,ny quandil demeure. Danantageconfiderez, commeilnt^^ chofeplus femblable à la mort que le fommeil : toutefois enicci^^ l’efprit de l’homme aparoit plus diuin qu’en autre terns : carilp^‘' noit founent les chofes futures, àcaufe que pour le dormirid^^ rendu plus libre amp;nbsp;exempt des enures amp;nbsp;accions de nature. P^' quoy,s’il edaind cornelemeperfuade,amp;: quel’efprit fait vif(jii3tgt;^ il laide le corps, dautantplus,mes enfans, ayans quelque creime^ reuerence à mon ame, vous deuez faire ce queie vous requieti^ ordonnc.Mais,s’il n’ed aind,^ queTefprit meure eafembleaaecb chair, à tout le moins ervingnez les Dieus qui ne meurentiaaiais, qui voyent tout, qui penuent tout, qui tiennent l’ordre detoufes chofes en leurs mains, amp;nbsp;le rendent certein, immortel, Stinbalible, dont la beauté 6c grandeur ne peut edre exprimee:amp;pourbreue-pence d’iceus, gardez vous de faire ou depenfer aucune chofetad-chante,iniude,ou malheureufe. Apres les Dieus,creingnez eng^ neral tous les hommes, qui par la generacion naturelle ticnnenttn ordre perpétuel de leur edence. Car les Dieus ne vous ontpoittt logez en tenebres, mais vous ont colloquez en lieu plus haut^ manifede, a lin que vos euures fudent eleres amp;:aparentesàtoiitlt monde. Lefquelles,edans pures amp;nbsp;fans faire tort au procheia,vous rendront trefpuidans amp;nbsp;louables entre les hommes : mais ft elles fontinindes lt;Sc mefehantes, vous rendront infames deiadinesde foy. Qui fe voudra jamais fier en vous, en cor’que vous voiihifsiez garder la foy, fi vous faites tort à celui qui edle plus dme d’edre ayméè' Parquoy, fi mes enfeignemeas foatfußfans à vous rendre ' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;tds
-ocr page 279-DE XENOPHON. LIVRÉ VIH. i4j tels que deuez crtrc, i’en feray trefaife:mais fi ic ne vous ay fiififim-ment enfeignez,à tout le moins aprenez a ce faire de cens qui ont efté déliant nous(quiefivnetresbonne façon de dourine) dont la plufpart ontperfeueré en amitié, les peres auec les enfans,les frerès 3uecqiies les freres : amp;nbsp;pource qu’il y en ha en qui ont fait le contraire, difeourez en vous mefmes lefquels penuet auoir miens pro-foc,amp;lesenfiiiuez.C’et allez parlé touchât cet afaire. Au demou-f3nt,tries enfans, quant à mon corps, nerenchaflez point en or ny ’tgoit, ny l’enfermez en aucune chofe precieufe:mais le rendez incontinent à la terre,ten ans pour ceitcin,qu’il n’y ha rien plus faint ’pres la mort, que d’cflre bien tôt meflé auec ce qui produit amp;nbsp;»ourrit toutes les plus belles amp;nbsp;precieufes chofes du monde. Carie Wî fois toujours efiitné mortel, amp;nbsp;comme i’ay parcideuanterté ^™ain(S^ non ingrat enuers cens qui m’ont fait plaifir,aufsi main-^^'’^ntiereceuray grand contentement de retourner à celle, qui ^^tantde biens aus hommes. Mais le coeur me commece à faillir, c^JiUncveut fortir des parties dont elle ha acoutumé delailîcrles f’Ôines: Parquoy,fi aucun dç vous ha enuie de me toucher la main, 011 contempler mes yeus deuant le trefpas, qu’il s’aproche de moy: *11315 après que l’ame fera partie du corps, ie vous pri’, mes enfans, ^neperfonneue puideplus voirny toucher mon corps, ne vous aufsi. MaisncfaiHez d'econuieràmes obfeques tous les Perfes amp;z nosconfederez,a fin qu’ils s’efiouiflent auec moy,de ce queie feray incontinent en lieu trefleur, foit que ie ne foufre plus aucun mal, foit quc i’aille aus Diens,ou que ie fois réduit à néant. A fous ceus qui viendront vfez de telle beneficence, qu’il couient à la mémoire d’vu home tresheureus : Et retenez cecy de moy pour vne derniere doftwie, q fi vous elles überaus amp;nbsp;humains à vos amis,vous pour* rezaisement abatre amp;nbsp;châtier vos ennemis. A dieu donq,mes trefehers enfans,amp; dites à votre mere à Dieu de par moy:Et à Dieu tous mes amis prefcns,amp; abfens.
Comme après la moit de Cyrm toutes fes ordonnances furent corrompues ^ réduites à mefclianceté, ç^ le difeours de hutheur fur le ^ouuernem^nt des llois de Perfe qui ont efé depuis Cyrus. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a p-. x i.
Près que Cyrus eut achené fon parler, il tendit la main à tous fes amis, «Schien tôt apres fermant les ycus trefpalla. Au demourant il cflcler à connoltrc, que fon Empire fut le plus grand amp;nbsp;le plus beau, que deRoy qui fut onq enAfie : car il eftoit limité corn*
me
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mcnousauons ditj deucrs Orient, delà merErithrec:deuersSeptentrion j de PEuxine r du cote d’Occident j de Cypre amp;nbsp;Egypte; du Midi, de l’Ethiopie. Et cet Empire E grand amp;nbsp;de telle eftendue, /ëgouuernoit à la volonté d’vn feid homme^ qui honoroit fesfu-ietz amp;nbsp;les aymoit comme fes enFans : les Fuietz aufsi IiiiportoicDt reuerence corne à leur pere. Mais apres que Cyrus eut fini l’ordinaire cours de natitrej Fes enFans commencèrent à difeorder en- i Femhle, conFequennnent les villes Menacions àFereuoltet,amp;toü- f tes choFes à Fe tourner de mal pis. Et pour montrer ce queiedj j eüre veritable/ie Feray vn petit diFeours Fur la comparadon du tems de Fon rene Ôc de Fes FuccefFeurs, amp;nbsp;commenceray anschoFes diurnes. Car premièrement i’ay conFideré en moymeFme,qu'au- / parauantnon Feulemet le Roy,mais tous les homespriuez audicnt l coutume de garder Edelement amp;nbsp;condamment leurFoy, Fidi endi- 1 rant, ou en touchant la main, meFmes à cens qui auoient coma}! ƒ quelque cas dine de mort.Et à la vérité, s’ils n’eurent donc par du J telle opinion deleurFoyjiamaisperFonneneFcFu[lEéeneus,Bigt;o / plus quelon Fait auiourd’hui, depuis que leur mefchancetcamp;iad j dice ha ede par tout manifedee. Et plut à Dieu, que les Capitéats I qui Fuiuirent Cyrus (le mineur) ne lui eudent non plus précède dance, que lon Fait maintenant ans autres. Car tous ceusqmsf edoient fiez, fuinant l’ancienne fidelité du rems de Cyrus, ont en par le cômandement duRoyArtaxerxe, la tede trenchee:mefinff pludeurs Barbares ôc foldats edrangers qui auoientguerroyékiK lui, atirezpar diuerfes promedes à Ferendre au Roy, enplußctiß fortes ont edé ruinez. Et en celà cens de notre tems font encor’ plusmefchans que les autres : Car auparauant d quelqiivn s’edoir nus en dager pour le Roy, fubiugué quelque nacion, pris vne ville, I y o^^fnit quelque grand ade de vertu,le Roy l’extoloitamp;mettoit en l
Afit rj fe honneur: mais maintenant feulement les traytres(commeMthr)' * letim/ré/re. date qui trahit Ariobarzane fon pere, ou Leomithre quilaidifes femme, en fans, amp;nbsp;amis pour otages au Roy d’Egypte, amp;nbsp;fous couleur défaire quelque profit fauda legrand ferment qu’il auoit fid) amp;nbsp;ceus qui pour fe mettre enlagrace du Roy ne tiennent nyfof nypromede aucune, font les plus edimez amp;:qui viiient denote tems en grand honneur auprès du Roy des Perfes.A l'exemple dd-quels tous les habitans d’Afie, fefontlaiffez efcouler en toutein-indice amp;nbsp;impieté. Car tout aind corne viuen t les Princes, am fi foui i le plus fouuct les fuietz. En apres ils font pour le iourd'huiplusu-bandonez à toute licêce de mal faire,plus anares amp;nbsp;conuoiteusdut gent amp;nbsp;par confequent plus iniudes,que iamais ne furent. Car non feuleiu
-ocr page 281-DE XENOPHON. LIVRE VIII. 14 feulement ils rançonnent amp;nbsp;cotreingnent à payer de l’argent, cens ^iii font coupables de crimes ou grans meffaits:mais aiifsi cens qui u’ont fait aucun afte iniufte ou deshonnefte. Dont il anient que non feulement les malfaiteurs j mais les plus riches font en continuelle creintCj amp;nbsp;ne fe veulent redre aus plus puinans,amp; ne s’ofent ’procher ny fier du Roy, ny entrer en fes ordonnances ou aller à la guette fous lui. Au moyen dequoy il eftplus qucloifiblc à cens qui hutfontlaguerre de fourrager lt;Sc butiner leur pais fans combat,amp; lus peuples de fe reuolter fans creintc de punicion, tant pour leur “npieteenuers les Dicus, que pour leurinluftice entiers les hom-'’’'s lctreuiie aufsi,qu’ils font plus lafehes de coeur amp;nbsp;de plus mau-Uîifevolonté, qu’ils ne furent onques : Car ils n’entretiennent au-twiifcyijj^e Je corps ny d’efprit,amp; ont laifsé perdre la façon de qyj JeurcRoit comandee, amp;nbsp;toute reiglc de bien viurc, ^°‘’’®tiecleduiray cy apres. Car auparanant il y auoit vne loy en-'^®ö)de ne cracher ny fe moucher iamais, laquelle n’eftoit faite P^iJf leur faire efpargner amp;nbsp;retenir les humeurs dedens le corps: ®Wafin que par exercitacion toutes les humeurs fiiflcnt confu-^^«jàeuirentle corps plus frais amp;nbsp;robufte. Or la coutume de ne ^facher nyfe moucher dure toufiours : mais de prendre trauail ou txercitacion quelconque, il n’en eft point de nouuelle. Dauantage ilsauoicnt vne loy de ne manger qu’vue fois par iour,à fin d’aupir ledemourant du tems franc pour l’eraploier aus afaircs amp;nbsp;labeurs acoutumez: maintcnant,aufsi ils ne mangent qu’vue fois, mais ils commencent de bon matin, amp;nbsp;font durer le repas à boire amp;nbsp;gour-mander iufques au foir que lonfe va coucher.Ils auoient vne parti-fuhetecoutume entr’eus de ne porter des coupes aus banquets,iu-g'^ansque s’ils fegardoient de boire leurs corps amp;nbsp;leurs efprits ne fc troubicroient fi aisément : mais maintenant combien qu’ils gardent encor’la loy de n’y porter des coupes : toutefois ils y boiuent fant, qu’en lieu d’y aporter quelque chofe, il les faut eus mefmes emporter, pource qu’ils ne fepenuent tenir droits pour s’en aller. Ils vfoient auparanant d’vue coutume de ne boire,manger, ny faire ce que Ion efteontreint par nature en prefence de leurs copagnons qnandils alloicnt par les chams : mais maintenant combien qu’ils gardent encor’ celà, neanmoins ils font les iournees fi petites, que cen’eftpasmcrueille, s’ils s’en abftiennentpour fi peu. Ils alloient auparanant fi fouuent à la chafle, que celà fufifoit pour les mettre a^aieine amp;nbsp;leurs cheuaus aufsi:mais depuis que le Roy Artaxerxe £ les familiers fe font adonez au vin,ils ont laifsc d’aller à la chafTe, feulement font dçuenuz negligens de ce fairc:mais portent
H 3 enuie
-ocr page 282-240' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;l'A CYROPEDIE
emn'e ans amateurs de vertu amp;nbsp;de fraiiail, qui cha/Tentprnicmcnt aiiecleurs gcntishommeSjamp;nmis^Sdes hayent morteJIcmenf coin jue les mefehans hayent les bons. Danantage l’inliitacion des en-tans,de freqnenterla court du Roy^diirc tonCioursnnaïs la difàpli' ne de piquer les cheuaus, Sc voltiger.eH: entièrement edeintexarils lie von t point aus heus ou ils puiiTent aquerir louenge. Et comme i parle parse les enfans aprenoient la indice, voyans iugerles cailles f félon droit ôc raifon^maintenant celà ed totalement aboli: car ion ne voit plus gagner procès,dnon à cens qui donnent plus d’atgeim j Auparauant ils aprenoient les vertuz des herbes, amp;nbsp;à conoitreies chofes quiprouiennent de terre, pour vier des bonnes amp;nbsp;eviterks mauaaifesemais de notre tems,ils ne les aprennent,rinon poiirèire beaucoup de maussteUemet qu ’il n ’y ha pais au monde, ou il meute ou fegate tant de gens par poifon, qu’eu Per{c.lls fontaufsi beaucoup plus gourmans amp;nbsp;adonnez à leurs dclices, que du valant^ ; Cyrus.Carpourlorsilsvfoicntenleurviuredela difeipUneamp;coH ! tinence Perrique,feulement portoient l'habit amp;nbsp;magniheence igt;lf f dique : mais maintenant ils laident edeindre amp;nbsp;mourir la conHaa- i ce des Perles, amp;nbsp;gardent curieufement ladelicatelTe desMedes-k * veus aufsi deelairer en partie leurs delices.Enpremier licu,ilneleut fulit pas de faire trefmolement faire leurs lits : mais au fsi ils paient lespiez des lits fur des tapiz,à fin quelepauéneleur refideouhee bruit, mais que les tapiz obedient âc s’acommodent à leur repm-Les feruices delà table,Scies chofes ejni auoieutedé tromieespont la maguihcence duRoy, tant s’en faut qu’elles ayent edéabolies, , qu’au contraire Ion en aSoute danantage, amp;nbsp;trouiiclonnouucaus mets, Sc nounelles friandifes Sc dclices tous les iours:carlon achète bien cher les apredeurs de toutes viades nounelles. Enyuerneleut ,'J fußt pas d’auoir la tede, le corps, amp;nbsp;les piez comierts :iuaispoi'- .lt; tent des gans doubles amp;: forts, de des grans anneaus eu leursdoigs. En edé,non feulement ne fe contentent des ombres desarbrâ'-^ des pierres : mais ont des hommes auprès d’eus qui leur iiiuent^^‘ des ombres eaedranges façons pour les refrefehir. Ils fc glotiè^tit aufsi grandement d’auoir force belles coupes amp;. vaificauspourboire, de ne tiennent point a déshonneur de les auoiraquisparmd-chaucetc,pouraiitaut que l’anarice amp;nbsp;dedr de gain deshönedcrciio parmi eus Leur ancienne coutume edoir d’aller toujours à cheud amp;nbsp;ne marcher iamais àpié, à En qu’ils deuindentboushommecht-mes : mais maintenant ils ont plus de tapiz plus de bardes furieux cheuaus que fur les lits, amp;nefe foucientpas tant du fait de cheun-lene, comme d’edre afsis à leur aife. Comment don q feroitilpofsi-
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tie, qu’ils ne fuflent plus lafchcs amp;nbsp;efféminez au fait de la guerre, qu’ils n’eftoient auparanant ? Car lors c’eftoit la coutume du païs, aceus qui tenoient des terres de fournir les hommes à chenal, amp;nbsp;hseniioyer en expedicion : pareillement de donner bonne fouldc ausgarnifons, quand il eftoit queftion de defendre leurs terres: Maisaiiiourd’hui les Portiers, CuiGniers,Roulcngcrs, Echanfons, Sommeliers,Valets de bains,Seruiteurs de table,Efculers,ccus qui ’portent amp;raportent les viandes, les Valets de chambre pour cou-fSerScpourleuer, Fardeurs,Frotcurs,Barbiers,Pcintres, amp;nbsp;autres quot;^^fois meftiers, font cens que les riches enuoyct aniourd’hui pour Ijonimedarmes à la guerre,à fin qu’ils leur raportet la paye. Or c’et ’bvtntévne multitude grande,mais elle efl inutile au combat : ce quolonpeui- elerement iuger par ce qu’en leur pats mefme,les amis P^'^Wgâtent beaucoup plus que leurs ennemis. Cyrusanoit ’“^’'ote la façon de côbatre au dart amp;nbsp;au trit, amp;nbsp;les ayant armez ''Urs dieuaus de forte maille, auec vn iauelot en la main, les ’uoit acoutumez à combàtre de près amp;nbsp;venir ans prinfes : mais au-'’urd’hui ils ne combatent ny de loin ny de près. Pareillement les ô^usdepicportent lesbouclierSjpongnars,amp; cymetcrres,cjue Cy-fusauoit infiituez: mais ils n’ofent venir ans aproches nonplus que les autres : amp;nbsp;n’vfenrplus des chariots armez que Cyrus auoit ■nuentez : car ilhonoroit amp;nbsp;par bienfaits redoit les Chartons vail-hns,amp;par ce moyen trouuoit des hommes qui vouloient mettre hurvie en danser. Mais les Perfes de maintenant ne connoiflent point leurs Charretiers, amp;nbsp;leur eft tout vn d’auoir des bons ou des ^dduns, des hommes exercitez ou qui ne le font point. Et n’ont pusperdu la coutume de courir amp;nbsp;aller à la guerre; mais deuant quf venir au combat s’efcoulent du chariot en terre, ou ils en for-’^^ontpoiirleurplaifirjtelleracnt queles chariots defgarniz de com-^utans,leplus fouuent nuifent plus à leurs amis,qu’ils n’efionnent bsennemis.Et pour vray dire,ils fe montrent ainfi lafehes amp;nbsp;failliz de cœur, connoillans les mauuaifes recompenfes qu’on leur don-nc.Aumoyen dequoy fentans en eus mefmes leur lafchetc,ne font plus expedicion fans les Grecs, foit qu’ils vcullent faire guerre en leurs pais,ou queles Grecs les afiaillent, eflimans nepouuoir vein-ere fans leur fecours : amp;nbsp;qui plus efl, s’aydent des, Grecs mefmes ïmoiuioir guerre contre les Grecs. Or eft il déformais heure de ®vtttefinàmon euure, puis que i’ay (cerne fcmble) acompli ce 'l'’^'’.uois des le commencement promis. Au demourant ie fuis de ^^^l^f opinion, que les Perfes amp;nbsp;leurs fuietz amp;nbsp;allez font auiour-d’hul
-ocr page 284-*4* nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;: nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;\
d’hui moins religieus amp;nbsp;deuots cnucrs les Diens,plus mefchas con j tre leurs parens, plus iniuftes aus autres homes, amp;nbsp;plus lafehes au fait de la guerre, qu’ils ne furent iamais. Auquel mien nuis fl quelqu’vn eftaucunement contraire,ie lepriecon* • fiderer diligemment leur vie amp;: difeourir fur nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ƒ
leurs faits, amp;nbsp;fuis alluré qu’il trou-
opinion amplement confirmée amp;
vérifiée.
*
Fin Jn huitième ^ Jernier llnre.
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PITRES.
DV PREMIER LIVRE.
^(licoutumedes Pet-fa ait^uuemementde leurs Citoyens,^com-we CyriK fut infitue en fa ieuneße en la difctpline de Dertu auec ^Citnfns de fon aage, ans efcoles publiques^ c H ap. i. Pfi^- 3
^lt;‘niKCyrtKTgt;int en Mede auec laJieynefa mere,ouil ddnaplußeurs
(tontine Jßyage, par le confeil de Cyrus,eut -»ne -»iédoire fur les ^ßy WRj,lt;j«iefoient yenw^courir furfesterres. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1111.
l.tnmmencement de la guerre dei .ji^yriensy^ des Modes, ^py des ^ensque Cyrus leua en Perfe pour yenir au fecoursdu Roy de Mede fn oncle.. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;_ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;''^^’ Hircgue de Cyrus a fes principaus fldats.i^ Capitaines de fon camp^ \w les inciter 4 entreprendre cette guerre de weiUenr courage..
y les bons enfivnemens que Cahife donoit a fon fis Cyrus touchant Îen \ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;twprife des^jÇ(]jrie5,ef corne Tm bon Cdptteine fe doit codwire auec
' fonmee en plt;tïs efrage,t:iT f /^‘»quot;e ‘tytner d’yn chacun, v 111.24 Comme un Prince fe doit f^ire obéir de fes gens, -feinere les ennemis, amp;nbsp;Â(|«erir le bruit d’homme prudent ^'vertuens.. ix. 30 D V 11- L 1 V K E . Comme CyiwdrriiM en Mede auec fes gens, Oquot; le s ft tous armer par C^dxdre fononcle. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;t- 3^ Comme CyuspArk nus Cdpiteines de toute pi gendarmerie ,poMr in-otterteurs folddts a prendre les barnow epue C^uxare duoit preparex^ 'W.ïerfes. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^t. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;3'^
^otUcion de C^riwnfon of , pour les faire armer des nouueausVidr
I nok
-ocr page 286-»0(1 ^ue le/toy Cyaxareauoitprepare^ , pour la^ucrre.' m, jÿ J.es ordonnances que Cyr(ii ßtpour exerciter Jes^em amp;nbsp;les tenir eu toute obeijjànce. ' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Hij. ^o
Corne Cyrui deui/oitgracieußment auec fes Capiteines, ç^des comtes qu’ils lut firent par ioyeu/ete'pour lui donner plaifitr. nbsp;nbsp;nbsp;v. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;4 ;
Ze ConJèil de Cyrus auec fis ^ens, s’il fialoit recompenfier les fillets e^alementjou filon le merite d’-un chacun. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;vi. fi
7Jaren^ue de Cyrus à toutfon cap,^ rauh de Cryfiante^de fenatle, fir ce que Cyrus auoit proposé,^ ce qui enjut coclu. vu. .ji Les firata^emes que les Capiteines de Cyrusfiaifiient en exerdtis^ • leurs bendes aus armes. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;vm. P
Comme Cyaxare ouit les £mhaJJ~adeurs du £oy des /ndes en laprefi ce de Cyrus,pu(s les enuoya T^ers le £oy d’.Xfiyrie. ix. fi ' Comme Cyrus délibérant auec fim oncle de Jés afaires pour Misd j de l’argent, entreprint la guerre contre le £oy d’Amseaif s efioit rebelle. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;x h ’
£roqgt;os de Cyrus a fis Capiteines, et à chryfintepour drejfir tnte dS^ che,^ corne elle fut executec cotre le J{ey d’.^rmenie. X s- f^
D V 1 1 I. LIVRE,''
Corne Cyrus print le £oy d’fi^rmenie ^fis trefirsfiins cdbatre:amp;'‘^^‘ ^fiosirs qu’il fit auec 7y^ane fin fils pour fi deliurance. j. ^'^ Corne Cyria deliura le £oy d’^Xrmenle C^ Jes enfinspar lt;rrantit^gt;^' manite, t^ apres auoirpris rencon leua bon nombre d^'^tasafi , amp;quot;nbsp;it chenal d .y^rmeniepour la lt;ruerre. a; ji. 6i ' Comme Cyrus mena Jï^ane auecJ^, 0^ alla afiiHir les CaUees fi / les montagnes. . i- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i j^i, C6i \
Comme Cyrus enuoya Q'nej£mbajjâde aus /ndes ,,^ retours^i^” _ ^^ede,deliberad’ajjaillirles\fiffÿriens. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;iiu. fi
//espropos que Cyrus eut auec Cyaxare pour aller faillir les 0^’
Comme S’y rus umt planter fin camp près des c^firlens, (^ s’fitfi i pourliurerla'bataille. - nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.„ vf, f^
£nhortemèi' de Cyrus à fis Capiteines, pour les fifie entrer de meiHti^ courage a la bataille. '■ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, ,vii. 1^
Comment le £oy d fijjyrie firtit du camp en bataille ^ baren^/uff^ ^^ens, puis entreront en bataille ou les ,fijfiriensfi/rent deJcûiifi-‘
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D V I I I I. LIVRE.’'
Come le Jioy d ^AJJÿrie mourut en bataille, le Jioy Crefi^ ^ les ^^ries s enfuirent, (^ Cyrus délibéra de lesJuiure. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;i. S/
i ofnion de Cyaxare ^lour diuertir Cyrus de fuiure la Tfiéloire 11.87 (honnie Cyrus tmpetra fntrtte des Medes de Cyaxare,ç;ylt; aucc eus ^ les Hyrcaniens rendue à lut,pourfuiuit les ^fjyriens. 111. * 8 9 ^^m'tdcion de Cyrusàtous fes gens pour les inciter à la pourfuste i^^ ennemis auec la caualerie des Aiedes. ■gt;{ nbsp;nbsp;nbsp;' 111 i. 92
lt;i'‘”une Cyrus T/einsjuit derecwfles ^f/ÿriens,^ print des Aoys‘^ •^x^res Signeurs j^ foldats en grand nombre,igy^ l'ordre qu’il donna i'^^^tnui^cr incontinent des l'iures fans confusion. ’y. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;93
^tww de Cyi^j ^fnçf. p^f Centeniers, pour les rendre fobres ^ faire ^^leurs compaignons qui efioieist à la pourfuite, et comme ils ^yngrand butUn d’hommes, femmes ^ richeffes v 1. 9/ J'^cim de Cyrus auec fes Centeniers pour mettre fesgens de ^'[‘‘fheual,!^ dreffer -ynegendarmerie Perßque des cheuaus h nia guerre. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;vu. 98
linnniepur [^ deliberacion des plus fages} Cyrus ordonna -une o-endarrime enfon cap des cheuaus des .yiffyrïens, f^debbera de mettre (n liberté tous lespri/onniers. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;V 111. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;99
Cnnime Cyrus parla aus ^Affyriens prifonniers eéy'‘ les mit en liberté
ix. loi Cyaxare fut enuieus de la gloire de Cyrus courroucé eon. ^^^ les Medes ; de la reßonje que lui fit Cyrus, eéy l’Embalfade l'^denuoyaen Perfe. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;x. 103
Çjw a Cyaxare, Salut. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;x 1. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;106
Conaonde Cyrus pour en feigner fes gens corne ils deuoient faire le de-t^f^ement du butin,1^ çorne il mit les Perfes à cheual. xi 1.107 ^^yttOobriefe-nint rendre à Cyrus, Cy- lui raconta ta calamité ^finfls,^yequit l'engeance de la mort de fon fils contre le ^’^y d AJfyrie, ce que Cyrus lui promit. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;x 111. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;110
D V V. L I V R E.
Arafie eut en garde la beüe Panthee , en deuint amou-''iin,amp;‘la députe d entre Cyrus lt;^ lui,l’amour ef Toluntaire ou ^ontreint.
Com • nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;» n nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c H A p. i. 113
«e C)^ sejtantaffuré des Medes ^ autres alie:^, alla iufques ^‘^l7^9°^^‘^s^delamagnificéced’icelui. n. 11.6
I 2 Comme
-ocr page 288-Comme Cyrui délibéra d’a^ciUir la grâ»d'cttédeBabylone,fJ‘h difeours lt;j»il en fit auec le prince a Hyrcanie et Gobrie. 111. ni Propos de Cyrus à Gobrie,fur l’entreprife deBabylone. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;113
Corne Cyrus fimma le Boy de Babylane de T/enir à bataille,et de lafià-fant aUacesauectjues Gadate,print les forterejfes de la frontière,amp;“ au^m enta fon camp d enuiron lt;juarante miüle hommes,^ corne b Boyd’^ffirie voulut prendre les places de Gadate. 1111. l'^i Comme Cyrus enhorta fesgens pour donner tout le butin à Gadiite,amp; comme il ordonnaitfes batailles,tant pour combatre que pour mû' cher de nuit. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;y, ni
Conffiiracion faite contre Gadate , ^ bembuche du Boy d.^'
fyrie, ou il y eut^ande défaite, ^ comme Cyrus fauua Gâlgt;^',
VI.
U»
Les bonnes remontrances de Cyrus fur les fautes du Prince Cddup' CT' le traité pour le bien du peuple auec le Boy d’^fyne, qm ^ 1 guerre ne fe ferait point contre les Laboureurs, mau feules^ i entre Soldats. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;vu. iji '
Comme Cyrus repaffa par deuant Babylane pour retourner en M‘^^’ CP^ furprint quelques places fur la frontière. vm. '’^ Comme Cyrus retourna fur les frontières de Mede,et s'efforça il’dflt;^^^ le courrons de Cyaxare,^ la rejfionfe qu’il lui fit. i x. '^' C^mme Cyrus rendit les Medes à fon oncle, e^feingnit mettre tlt;^^^’ liberacion de rompre le camp pour celle annee. x. ’4^
D V V I. L I V R E. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;I
Le confeil que tint Cyrus, pour rompre le camp de celle annth^^ i aprets qu’ilfit pour l'annee d’apres. Les machines qu’il imit^^f^ 1 rompre murailles, les chariots arme^s^de fauls G^ detonrSiff“^ Chameaus qu’il prépara pour la guerre. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;c h a p. !• ^\ Comme Cyrus enuaya^Araffe pour efiion en Lydie,feingnat de stuf pour l'outrage qu’il auoit T/oulu faire à Panthee. H. * V Comme Panthee fit -yenirfan mari à Cyrus, ^ l’âpre fi qu’il fit pgt;^^ guerre, C^ des façons inuenteespour charrier ClB tondnif^ profes machines. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;111- nbsp;nbsp;nbsp;^^[
Comme le Boy des Indes enuoya faire alliance auecques CynUir renuaya les Embaffadeurs d’icelui,pour effiler les afairesdeiJf' rtens,^ les nouueUes qu’ils en raporterent. im- ' 1^ Harengue de Cyrus pour oter la crainte à fes gens ^ l ef’onnemf
-ocr page 289-T* '^iMoient eudes»ouueUes de Idguerre. y. i^Q '‘j^l»eme»t de Cyrus'afesCd{)ttdines, tant pour lu façon de Viure deifoldats, que pour la conduite d’^ne armee par pa^ ordre des t’tonnterS)marchands,ouurters,^ municionnaires, v i. 162 '‘Dime Cyrui yint tronuer les auerfaires en Lydie,^ la façon dont il y^foita camper,^ marcher auec toute r armee. nbsp;nbsp;nbsp;vu. 164
’'«We .AraJfc reuint à Cyrus ^ lui raconta toute l’ordonnance des ^»»emu , ^ les aprets d icelui pour mettre fes gens en ba^ J“^' nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Vitu nbsp;nbsp;166
’gt;'»K Panthee arma fon mari, ^ Cyrus s'aprefia pour Uurer la ^^^^amp;- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;tx. nbsp;nbsp;nbsp;^7 0
D V VIL LIVRE.
^‘’’^OwK fe prefenta en camp auec fon armee, ^ s'aprocha du ^^Crefus, pour Uurer bataille, ^ la façon dont les deus camps '^hoitpour combatre à leur auantage. c h a P. i. 173
^'^^iie bataille etoccifon des Lydies,ou le Jîoy Crefus ^ fesalie:^;^ furent defeonfts,^ les Egypciens fe rendirent a Cyrus 11. 177
^'gt;rnine Cyrus fuiuant la Diitoire print la igt;iüe de Sardes cpy^ le Jîoy ^refusdes d fours qu’il eut auec lui fur l’oracle d’.yîpollon,et corne d le remit en liberté,^ fauua la -ville d’efire facagee. 11 1. 181
^»fort dyAbradate,de la belle Panthee, zl^ des Eunuches,^ tomme Cyrus leur ft drejfer quot;vn tresbeau monument en perpétuelle ’»^»foire. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ï 111, nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;18 ƒ
honnie Cyrus fubiuga les Carient, par la prudence de Cadufe : print là ^oy de Phrygie : ^ donta les Cappadociens clT“ ^rabes,^_^ toutes ^tinacions d'alentour en peu de tems,puis dre fa fes gens d’ordon-”‘‘»te,iufques à quarante mille hommedarmes,^ s’aprocha de Ba ^- nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;V. 18 8
Comme Cyrus afiegea la -ville de Babylone, cl^ la print par -vne m er-»oiHeufefnefe.Comme le Boy d’yljfyric ft tué auec fes gens,t;^ la fiHtprife ^Jacagee, les forterefes rendues à Cyrus, v i. 191 Comme Cyrus efablit fon rené en Babylone, ^ infitua l’honneur des
Pou, ^ py{„f Jf J Eunuches pour le feruice de fa maifon , i;^ des Portes pour la garde de fa perjonne. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;vu. 196
^’»cio» Je Cy,.n^ ^Çg^ principaus amis Homotimes, ^ Capiteines de
I«ilt;l(e:^^ confederc'x;^, pour les induire à -vertu ,^à entrete-’quot;'’^t fit des armes en fon Royaume, auec plufteurs beaus enfei-
I 3 gnemens
-ocr page 290-^neme»spo'ir les refjJré daus'i^ yerfi/eas ■• - ^ vni^ ' ’ ïol
. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;, D V V I I I. LIVRE. ‘ nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;?
Comme Cyms ordonna l e/lat de p^ maifon, ^ truelle inßitticio» de -gt; ^wre tl donnä aus ^ens de fa court, ^ la fapndont il -ufoit jmur I , leur enfeihier à i'iure felon Dieu , ^.} sexereker en teute vei- j tuamp;^'‘ttfodèfiiey^ * - nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;■ j c«.4P..^.L... 204 '
C omme Cynts ordona lefait d ürmes enfaa 2ioyau»ie,l£s gfeiersdefo court,c^ de fa magnificence ^^ humanité'. i j. . 210 Veffireuue que fie Cyrw de fiamow' de fies amis, C!^ 'comme il difir ihuoit fies richefies pour efire miens ayme'd’ens,qu’ils ne sentfS} moient l’un l'autre^ 't’ 1 JL .117 va m. 214 la pompe du Jioy Cyrus au fiortir de fion palais, ^ la courfe da ' cheuausouilfufveincueur.-, -•.v-«i. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1111.3, 217 I i^a libéralité dont y fa Feraule à celui qui lui auoit donné le bes» f - cheual ,^ le beau difeours fur ce qui peut rendre yn homUf I heureus çjyt content. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.1 nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;y.«. 222 ' ^arquel moyen le Jtoy,Cyrus honorait fies amis, ç^ du mariage de b fille de Gobrie auecHyf a/pefi fin de fes^ans Capiteines. y j. ni Comme Cyrus renuoya les aliesii dtfiribua le butin, ^ retoutnäes Perfi : ^ comme il ordonnait fim camp:^arriua en Medeofif Poy Cyaxare luipromit fit fille en mariage ^ lui dona le Flt;yi^‘ ; me de,Medepour le dot. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;' yjj. 22^
Les promefiès de Cyrus auec fia République, comme ïlprtntàfi^gt;^^ la fille de,Cyaxare, ^ retournant en.^abylone enuoya des Siitrtt-- pesans nadans.' . ƒ j vni. ’ Liarengue de Camby/ê. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;gt;-t . ..vu ‘’^^ Les expedicions que fit Cyrus durant fôn réne,'^ coinmeil reiiini mourir en Perfie. nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;” nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ix. “il Oraifian et tefiament de Cyrus afiesenfiansdeuantfit mort. x. äJ9 Cemme après la mort de Cyrus toutes fis ordonnaces furent compta ■ Û^ réduites à mefichacpté,et le difiours de l’autheur fiur legoHKa-nement des Rois de Perfie qui ont efiédepuis Cyrus, xl- i4Î
Fin de h Tablé. J -
Î ORV nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;t . nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1
-ocr page 291-privilege DV ROY.
P • par la grace de Dieu R oy de France,à noz amez I^IH l amp;nbsp;feaus le Preuot de Pans, Senefclial de Lion, amp;nbsp;tous noz autres Ballifs,Senefcliaus ou leurs licucciians amp;nbsp;à chacun deus, Salut. Reçue auons l’humble fupli-cacion de Ian de Tournes Imprimeur amp;nbsp;Libraire de notre ville de Lion, contenant que pour eure remboursé des grans fraiz amp;nbsp;defpens qui lui conuiendra frayer amp;nbsp;tipoucr a limprehion d’un hure intitulé la cyropeoie de xn-
” ° ’ » 0 N, translatée de Grec en François par laques des Comtes de Vinte-™\®) Confeillier en la court de Parlement de Dijon, reunë amp;nbsp;corrigée lt;'tanient;i[ defireroit eftre par nous permis à lui léul,imprimer ou (aire im-vendre ledit hure tant de fois que Vpn luifenÂlera : auec inhibi-®Wamp;defenfesà tous autres Imprimeurs amp;nbsp;Libraires dene l’imprimer, Attendre fans fon congé amp;nbsp;licence, durant certein terni qu'il pourra eftre ranboursé defd.ts fraiz,fi c’eftoit notre bon plaifir ce, lui ottroycr. Pour-t6eftil,qQe nous ce confideré, auons permis amp;nbsp;pérmetons audit de Tournes (“pliant, imprimer ou faire imprimer,amp;veridre ledit hurç de la cy/.o-’ E D i e ù g X B M'o P H o N, amp;nbsp;icelui expofer en vetetapt dé fois que bon luifembleraifaifant par nous inhibicions amp;nbsp;defenfesatousautres Imprimeurs amp;nbsp;Libraires, de n’imprimer ne faire imprirncr , vendre rty diftribuer tnnoz pais,Terres,amp;Signeuriés,le Volumtdudithurede l'a c y r o-ftoiE DE XENOPHON,, autres que ceus qu’aura fait imprimer le ;it de Tournes fupliant : durant le terns amp;nbsp;terme de dix ans, à commencer du iour amp;nbsp;date que fera paracheué ledit hure, fur peine de confifcacion defdits liures, amp;nbsp;d’amende arbitraire à nous aplicable. Si vous man-d^ns,commandons amp;nbsp;enioingnons par ces prel’entés, que de noz prefens ®Bmy,permifsion,concefsion amp;nbsp;Priuilege , vous faites, foufrez amp;nbsp;lailïcz louiramp;vfer ledit de Tournes,pleinement amp;nbsp;paifiblement fans aucun deftour bicr,ou empefehement. Lequel, fi fait, mis, ou donné lui eftoit au contraire, vous le faisiez incontinent amp;nbsp;fans delay, réparer amp;nbsp;remettre en fon premier eftatamp;deu, félon la forme amp;nbsp;teneur de notredit Priuilege. Cartel eft notre plaifir. Nonobftant quelconques ordonnances, reftrinccions,mandemens, deftnfes amp;nbsp;lettres à ce contraires. Donné à Ennet le 1111. iour de Decébre Lan de grace mil cmq cens cinquantecinq,amp; de notre regne le neuuieme.
Tar le Roy, 'pouiprepna.
De Lomenie.
•eichene ^imf rimer le z i^, leur de Décembre 1551.
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