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MUSEES
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LA HOLLANDE
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MUSÉE VAN DER HOOP, A AMSTERDAM ET MUSÉE DE ROTTERDAM
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MUSÉES D'AMSTEKDAM ET DE 1,A HAVE
BRUXELLES ET OSTENDE L1BRAIRIE DE FERDINAND CLAASSEN
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PARIS
V* JULES 1SENOUARD, L1BRAIRE-ÉDITEUH
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II parattqu'on nous a beaucoup roproché en France notie manie de reslitucr les noms ('trangers dons leurorthographe nationale. A Yétranijcr, au contraire, cette lidélité historique a été fort approuvée, oinsi que Ie oaractère cosmopolite de nos appréciations en général.
Nous persistons donc a écrire les noms, autant que possible, comme les artistes eux-mêmes etleurs conlemporains et compatriotes les ont ecrits. Nous avons l'ospoir qu'on (inira par nous suivre dans cette ré-forme, dont Ie catalogue du Louvre donne deja 1'exemple. Ce serait sans doute un avancement vers unc histoire europc'enne de Part.
Il y aurait mie chose bien utile a faire, etdont 1'initiative devrait étre prise par quelque directeur d'un des grands musées de 1'Europe. On réunit des meetings internationaux pour la propriëté littéraire, pour 1'éeonomie polilique et pour d'autres interets qui tourhent ii la collecti-vité des peuples. Si j'étais directeur du Louvre de Paris, ou de la Na­tional Gallery de Londres, ou du musée de Uerlin, je convoquerais un concile des conservateurs de musées, galeries et collections principales, des critiques accrédités, des érudits et amateurs compétents. dans toute 1'Europe. Ce congres aurait pour objet d'arrèter la forme des noms des artisles suivant Ie langage et la coutumc do chaque peuple et de chaque époque, de vérifler les dates apocryphes, de confronter des documents, de discutcr même Ie cadre d'unc histoire générale de Tart.
Une pareille assemblee, composée d'éléments très-divers, représen­tant toutcs les langues, toutes les traditions, tous les gënies des nations européennes, jetterait certainement dos lumiéres imprévues sur 1'his-toire des anciennes école;. VAle iixerüit, tout au moins, un systeme uni­forme pour Ie meilleurclassement possible des collections, pour la mcil-leure rédaction possible des eatalogues, dans tous les pays : deux mestircs qui faciliteraient singuliórement les études des artistes. Ce serait déja un rósultat positif, outre que les membres de ce meeting universel remporteraient chacun dans son pays une liste des points historiques et biographiques qu'il importc d'éclaireir, en France, en Italië, en Espagne, en Angloterre, en Ilollandc, en Belgique, en Alle-magne, en Scandinavië, en Pologne. en Kussie, partout.
Bruxdles. — Typ- 'ie Cu. Va^dbrauwbra, Montagiip-nnx Ucrbos-i'olag*?!'»')', 2'».
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INTttODÜCTlON
Le premier volume des Musées de la Hollande [Amsterdam et La Haye) annoncait que « peut-être cette publication serait suivie de publications ana-logues sur le Musée de Rotterdam, sur le Musée van der Hoop, a Amsterdam, sur les riches galeries particu-lières de la Hollande, etc. »
Voici toujours le second volume des Musées, suite et complement du premier.
Sans doute, beaucoup de villes hollandaises pos-sèdent de précieux tableaux dans leurs hotels civiques
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vi                                 1NTKODUCT[ON.
et autres établissement» sociétaires; quelques-unes out même fondé nominativement des musées, — qu'il reste a remplir. Mais on ne peut compter en Hollande aujourd'hui que les quatre collections pu-bliques, étudiées dans nos deux volumes.
A présent donc, j'ai parfait mon petit édifice a la hollandaise, —pour parodier 1'ambitieux mot latin : Exegi monvmentum. N'est-il pas debonne esthétique, que Ie style architectural se conforme aux temps el aux lieux? Dans Ie pays de Hobbema, on ne pouvait avoir la prétention d'ériger un noble et superbe mo­nument a colonnes, tel, par exemple, que la Bourse de Paris. Les héros de van Ostade y seraient mal a 1'aise, et Jan Steen s'en moquerait.
Il y aura néanmoins des dependances a cette pre­mière construction, centre d'une sorte de Commune artiste, oü 1'on finira par trouver réunies toutes les families et toutes les individualites de 1'école hollan­daise. Des galeries particulières s'élèveront a leur tour, bientót, avec des ornements photographiques, dont se chargera Ie soleil.
C'est a 1'cBuvre seulement que 1'ouvrier connait les difficultés de sou travail. Ces petits volumes n'ont 1'air de rien; mais, en conscience, ils nous ont coüté
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1NTR0DUCT10N.                                vu
bien des jours a regarder des tableaux, bien des nuits a lire des livres et de vieux papiers
Lorsque nous avons commencé ces études, épou-vanté des ténèbres qui couvrent encore 1'histoire de 1'art hollandais, intérieurement nous accusions notre propre ignorance, et nous avions 1'espoir secret que, si nous pouvions arriver a savoir tout ce que saven t les autres, alors nous verrions des lumières a la place des ombres.
Petit a petit, et par entrainement passionnel, nous avons interrogé tout, a peu pres, — qu'on nous per-mette de Ie dire, — musées et collections de presque tous les pays, livres d'art, anciens et nouveaux, dans presque toutes les langues. Et toutes ces recherches n'ont guère abouti qu'a constater les contradictions ou les réticences des historiens, biographes et cri-tiques, sur les faits et les dates, sur la personnalité même et Ie caractère des artistes hollandais.
Ce que nous avons appris, assez certainement, c'est que les autres n'en savent pas long, et que nous ne sommes pas beaucoup plus avance que les autres.
Cependant nous nous sommes fortifié dans cette idee, qu'en continuant a étudier partout les oeuvres meines, a consulter leurs rapports et analogies, a re-
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vtii                              INTRODUCT10N.
lever les signatures et les dates, on finiraitpar r^ssus-citer a la fois la biographie individuelle des iuaitres et 1'histoire générale de 1'école.
Mais que d'embarras ne rencontre pas en ces études un simple criüque, a qui manquent les res-sources des traditions conservées dans les musées et galeries, des archives conservées parlesmunicipalités, les gildes ou les vieilles families! Et surtout cornment examiner des tableaux pendus quelquefois a des hau-teurs désespérantes, ou égarés dans des coins sombres!
Dans les musées, grace a 1'obligeance des direc­teurs, encore avons-nous pu généralement faire dé-crocherles peinturesqu'ünous intéressaitderegarder de pres et en bonne lumière. Mais, dans les collec-tions privées, qui, en Hollande, ne sont souvent qu'un luxe de 1'habitation du propriétaire, on ne saurait troublerl'economie de ces objets décoratifs, ni dresser des echelles contre des tentures de damas. Il faudrait mème souvent déranger des meubles, des consoles chargées de vases du Japon et de bouquets de tulipes!
Aussi, que de 1'autes, erreurs et omissions, nous nous reprochons déja dans Ie premier volume de ces Musées, et même dans celui-ci, avant qu'il ait paru!
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1NTR0DUCTI0N.                                ix
A peine une feuille est-elle tirée, que Ie moindre dé­tail nouvellement découvert nécessiterait des recti-ücations ou adjoiictions! Tout cela est noté a mesure, avec soin, sur des exemplaires oü les pages manus-crites sont plus nombreuses que les pages imprimées! Tout cela trouvera place dans une nouvelle édition qui, plus tard, réunira en un seul volume compacte les quatra Musées de la Hollande.
Nous avons cependant encore gagné ceci, au cours de nos études persévérantes sur 1'école liollandaise depuis cinq a six ans, nous avons gagné de com-prendre plus intimement Ie caractère de eet art ori-ginal et si 1'on peut dire excentrique a 1'art des autres peuples européens.
Par un mirage singulier, toutes les fois que nous pensons a Rembrandt et aux Hollandais, aussitót Raphaeletles Italiensnous apparaissent, en contraste aux artistes du Nord. Durant des atmées, nous avons donc vécu presque sans cesse, moitié avec les Italiens etRaphael, moitié avec nos Hollandais et Rembrandt qui jamais ne nous quitte. Ces morts illustres, notre seule compagnie danslasolitude,iiousonttourmonté, Ie jour et la nuit, en nous proposant sans cesse leurs énigmes si divergentes.
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x                                  INTRODUCTION.
Un matin, trouvant dans un magazine a images les portraits de Raphaël et de Rembrandt, nous nous mimes a les decouper machinalement pour les ac-crocher avec une épingle a la muraille, comme font les plébéiens, les enfants et les artistes. Raphaël est tourné a gauche, Rembrandt a droite. Impossible de les attacher face a face : ca aurait 1'air d'une doublé ironie. Naïvement, nous les accolames dos a dos, et, au-dessus des deux têtes rapprochees a rebours et a contre-poil, nous écrivimes :
JANUS
accompagnant Ie nom mystique du monogramme des deux maitres ainsi disposé : ÜR.
Tel fut Ie resumé instinctif de toutes nos élucubra-tions sur ces deux grands génies.
A eux deux, en effet, ne sont-ils pas Ie Janus de 1'art? Raphaël regarde en arrière; Rembrandt regarde en avant. L'un a vu 1'humanité abstraite, sous les symboles de Vénus et de Vierge, d'Apollon et de Christ; 1'autre a vu directement, et de ses propres yeux, une humanité réelle et vivante. L'un est Ie passé, 1'autre 1'avenir.
Nous dirious encore volontiers quo Ie grand art
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INTRODUCTION.                                xi
italien est 1'épanouissement suprême d'une société toute développée et qui allait se faner; que Ie petit art hollandais est Ie germe d'une société encore la­tente et qui doit pousser et verdir; — que Raphaël est une fleur, et Rembrandt une racine.
Lorsque Giotto et ses successeurs s'écartèrent au-dacieusement des types orthodoxes et traditionnels du Moyen-Age, les purs catholiques byzantins, d'une part, protestèrent contre eet abandon de 1'idéal con-sacré, contre cette recherche grossière d'un natura­lisme scandaleux. Et, d'autre part, un ancien Grec raffiné qui eüt vu les bonshommes de Giotto n'eüt pas manqué certainement de leur appliquer Ie mot de Louis XIV a propos des paysans de Teniers.
Giotto était une racine, qui a poussé avec Masaccio, qui a fleuri en Léonard, en Raphaël, en Corrége, en Titien.
Chez les Grecs, l'art éginétique n'avait-il pas été aussi ie rudiment de l'art de Phidias et de Praxitèle? La Renaissance italienne est absolument Ie pen­dant de la Renaissance grecque, et la France est a 1'Italie moderne absolument ce que fut 1'Empire ro-main a la Grèce antique.
La Grèce avait été longtemps Ie champ de bataille oü se balancaient les destinées du monde, jusqu'a ce
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xn                                INTRODUCTION.
que Rome 1'eüt absorbée. Pareillenient, 1'Italie a été Ie champ de bataille de 1'Europe, jusqu'a ce que « Ie siècle deLouisXIV»succédatau« siècle de Léon X,» comme Ie « siècle d'Auguste » avait succédé au « siècle de Périclès. »
Dans ces prodigieuxdéplacements dela civilisation, 1'art grec antique et 1'art italien moderne s'évanoui-rent 1'un et 1'autre, et il ne se produisit plus que des imitations chez les deux peuples fataleme.nt héritiers de la tradition glorieuse. Les Romains s'imaginèrent pourtant avoir un art comparable a celui de la Re­naissance grecque, leur prototype; et, sous Louis XIV, Le Brun et Mignard furent comparés, de bonne foi, a Michel-Ange et a Raphaël. Mais, dans le monde moderne comme dans le monde antique, la tige de 1'art, transplantée, dépérit, et elle ne donne plus de fleurs.
C'en est donc fait — il faudrait le reconnaitre — de la Renaissance italienne. L'art du seizième siècle n'est plus qu'un souvenir historique comme 1'ancien art grec. La Madone de Saint-Sixte demeurera, au même titre que la Vénus de Milo, une des plus su-blimes inventions d'un certain art correspondant a une certaine époque, etl'immortel enseignement des artistes futurs. Mais les deux éléments au milieu des-
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INTHODUCTION.                              xm
quels ces deux divinités ont été créées, a dix-huit siècles de distance, ont également disparu du monde actuel.
Pourquoi donc, en effet, les criüques constatent-ils, a chaque exposition, que la peinture, dite reli-gieuse, est désormais impossible, que la peinture my-thologique et héroique tourne au ridicule, mais que la peinture de mtüurs et le paysage eiivahissent tout? et quels sont donc les peintres contemporains le plus universellement recherches ? Les analogues des mal-tres hollandais, comme sujet et comme exécution
Tous les signes plastiques et tous les signes intel-lectuels s'accordent a présager une transformaüon de 1'art européen. Et le principe nouveau, dans cette raétempsycose irrésistible, est précisément le prin­cipe de 1'art hollandais : Faire ce qu'on voit et ce qu'on sent. Le reste dépend du génie. Le génie, c'est de voir et de sentir, par sa propre virtualité, autre-ment et mieux que tout le monde, ce qui'est beau, ou ce qui est bon et vrai : trois mots qui sont un.
Ah! si Rembrandt, avec son génie libre et original, ressuscitait dans un pays comme 1'Italie, — eet eter-nel pays de la Beauté,—a quelles créations superbes il conimuniquerait la lumière.'
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xiv                               IÏSTKODUCTION.
Ah! si Jan Steen, avec sa causticité perspicace, avec sa mimique expressive, ressuscitait en France, — ce pays de 1'Esprit, — la bonne comédie profon-dément humaine qu'il jouerait sur ses toiles!
Les Hollandais ont peint a la perfection leurs compatriotes. Ce que Yesthêtique leur reproche, ce n'est que leur sincérité : la première qualité de 1'art cependant, qu'il s'applique a quoi que ce soitl C'était la qualité de Raphaël apparemment, quand il peignait Ie portrait de Léon X avec les cardinaux; c'était celle de Titien, de Yelazquez et de van Dyck, dans leurs portraits de monarques ou de gentils-hommes. Seulement les Hollandais, au lieu de repré-senter des papes et des princes, eurent pour modèles derudes marins, de braves arquebusiers, desbourg-mestres sans faeon, d'honnêtes et gais travailleurs, la foule, tout Ie monde, en un pays d'égalité. Et sans doute leurs personnages sont aussi vivants que n'im-porte quel prince en peinture. Toute la critique qu'on en pourrait faire, par comparaison a la peinture d'apparat, reviendrait donc a signaler les différences de castes. De même qu'en comparant leurs'compo-sitions simples et naïves aux compositions idéales et allégoriques, toute la critique n'accuserait que des dissidences d'opinions philosophiques et autres.
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INTHODUCTION.                                xv
II y a déja longtemps qu'on a écrit: A société nou­velle, art nouveau. La société contemporaine n'est plus celle de 1'Italie du seizième siècle : pourquoi l'art contemporain resterait-il indéiinimentala suite de Ia vieille école italienne? C'est un anachronisme et une hérésie.
Or, l'art hollandais est Ie premier qui ait renonce 'a toute imitation du passé, et qui se soit tourné vers du neuf. C'est la sa valeur essentielle, outre son adresse technique, son naturel et sa clarté.
W. B.
Bruiellcs, mai 1860.
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MUSÉE
VAN DER HOOP
Les étrangers, amateurs de peinture, allaient autrefois visiter la galerie particuliere de M. van der Hoop, une des plus célèbres d'Amsterdam. M. A. van der Hoop, de 1'ancienne maison de com-merce Hope et C% était un homme très-aimable et très-simple de moeurs, malgré son immense fortune. Il se plaisait a montrer aux connaisseurs ses tableaux distribués dans les pièces de sa confortable maison sur Ie Keizersgracht. Nous avons eu nous-mème 1'honneur de voir ainsi avec lui, il y a une douzaine d'années, toute sa collection, depuis les ehefs-d'oeu-vre du dix-septième siècle hollandais jusqu'aux ta­bleaux de 1'école moderne, que Ie propriétaire, a notre grande surprise, paraissait estimer autant que les anciens. Mais, s'il patronnait généreusement les artistes ses contemporains et compatriotes, il n'en était pas moins toujours disposé a donnerdes milliers
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de florins pour la peinture des vieux maitres. Smith et Nieirwenhuys avaient été ses fournisseurs attitrés, et c'est d'eux que viennent les merveilles de la col-lection : de Smith, Ie Rembrandt, Ie Both, Ie van Dyck; de Nieuwenhuys, 1'Adriaan van de Velde, Ie Philips Wouwerman, Ie Metsu, etc, etc.
Ancien membre de la première Chambre des états, membre du Conseil de ville d'Amsterdam, commandeur de 1'ordre du Lion nóerlandais et de 1'ordre de Sainte-Anne, M. van der Hoop mourut a Amsterdam, Ie 15 mars 18o4, agéde soixante-quinzc ans. Ne laissant point d'héritiers directs, il avait légué sa collection a la ville d'Amsterdam, — aux mêmes conditions que 1'Institut ïeyler de Haarlem, et a charge par la ville d'acquilter les droits de suc­cession. Peu s'en fallut que la donation ne fut pas acceptée, a cause de 1'énormité des droits a payer : 50,000 florins. Cependant un comité provoqua une souscription publique qui produisit 20,000 florins, la ville s'engagea pour 12,000 florins, et quelques généreux amateurs, MM. Jacob de Vos Jacobsz, C. J. Fodor et autres, complétèrent la somme. L'ac-ceptation du legs fut donc régularisée, et la col­lection installée dans les batiments de 1'Académie des Beaux-Arts.
Telle est 1'origine du nouveau musée public qui porte Ie nom de M. van der Hoop.
Les deux pièces oü sont ranges les tableaux — dans 1'une les anciens, dans 1'autre les modernes —
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MUSÉE VAN DER HOOP.                        3
sont des espèces d'ateliers, éclairés d'en haut, situés au fond des batiments de 1'Académie, et peu dignes de contenir une pareille collection. La taxe d'entrée, attribuée aux pauvres, conformément a une des clauses du testament, est 25 cents, un peu plus de 50 centimes.
Il faut espérer que bientót cette collection, tout en conservant Ie nom du testateur, sera réunie au mu-sée d'Amsterdam. Car il est question, depuis quel-que temps déja, d'élever dans un emplacement con-venable un édifice consacré aux arts, oü 1'on puisse voir enfin en belle lumière la Ronde de nuit et les aulres tableaus du musée, oü 1'on puisse exhiber aussi les grandes et magnifiques compositions histo-riques, entassées obscurémcnt dans les salles et les greniers du nouvel hotel de ville.
Quand ce projet de construction monumentale sera réalisé, peut-être mème obtiendrait-on de plusieurs établissements particuliers la cession, moyennant finance, de certains chefs-d'oeuvre qu'ils emprison-nent sans profit pour 1'art, sans gloire pour la nation. La gilde des chirurgiens n'a-t-elle pas vendu ses deux Rembrandt, la Lecon d'anatomie du docteur Tulp et Ie pendant, la Lecon du docteur Deyman?
Ah! dans ce palais central de 1'art, dans ce Louvre de la Hollande, —en fait de collections d'art, du moins, la centralisation est une excellente chose, —-si 1'on pouvait rassembler aussi les grandes peintures des hotels de ville de Leyde, de La Haye, de Haar-
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lem : Lucas de Leyde et sonmaitre Engelbrechtsen, JanLievens et son maitre van Schooten, qui fut pro-bableraent aussi un des maitres de Rembrandt, Jan van Ravestein, Frans Hals, etc.! Si 1'on pouvait y transporter mème la collection royale de La Haye, trop mal éclairée dans sa petite maison! Alors la Hollande montrerait de ses artistes nationaux la plus belle et la plus complete collection du monde.
Quelle fète pour les artistes ! Quels enscignements pour 1'histoire de 1'art!
Rembrandt aurait sa salie spéciale et on pourrait Ie suivre depuis Ie petit portrait, probablement Ie sien, antérieur, suivant moi, a 1630, depuis Ie Si-méon de 1631, depuis son premier chef-d'oeuvre la Lecon d'anatomie, jusqu'a la Ronde de nuit, Ie vrai type de son génie,—jusqu'aux Syndics, Ie chef-d'oeu­vre de sa troisième maniere, — jusqu'au tableau du musée van der Hoop, Ie dernier peut-être qu'il ait peint.
Et, dans les salles voisines, on verrait, ranges en ordre chronologique, d'un cöté ses précurseurs, de 1'autre ses sectateurs. Dans d'autres salles, ses rivaux ou, pour mieux dire, ses parallèles, tels que van der Helst. Ailleurs, la série des petits maitres, plus ou moins indépendants du grand révélateur qui domine tout, — la petite Hollande, comme 1'appelle je ne sais quel écrivain,— tous ces artistes naïfs, spiri­tuels, adroüs, si originaux, mème relativement les uns aux autres.
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MUSÉE VAN DER HOOP.                            5
Ce rapprochement des ceuvres danstoute Ia lignée d'une école est Ie procédé Ie plus instructif pour les artistesetpour les amateurs. On ne connait bien que ce qu'on a étudié depuis 1'origine jusqu'a la fin.
La Hollande, qui, par sa constitution sociale et re-ligieuse, par sa situation géographique, aussi par ses moeurs et son caractère, a 1'heureuse chance .d'ètre actuellement étrangère aux révolutions politiques, devrait faire chez elle cette petite révolulion artiste, toute pacifique et si glorieuse! Il ne s'agit que de comprendre et de vouloir.
Dans la richc et libre Hollande, comme dans la riche et libre Angleterre, presque tout se fait par association, bij voluntary contribution. Siunedou-zaine des généreux amateurs du pays se meltaient a la tète d'une société pour la fondation d'un musée central dans des proportions grandioses, véritable Musée du royaume, ainsi que s'appelle très-impro-prement aujourd'hui Ie musée d'Amsterdam [Bij/e's Museum), Ie projet réussirait avec Ie tetnps, et ils auraient fait beaucoup pour Ie progrès de 1'art et pour 1'honneur de leur nation.
Supposez alors un beau catalogue général,rédigé, pour la partie descriptive et documentale des tableaux comme Ie nouveau catalogue d'Amsterdam et ceux de Paris, de Berlin, de Londrcs,—pour les renseignc-ments biographiqucs comme Je minuiïëux catalogue d'Anvers, — 1'histoire de 1'école hollandaise, encore si obscure, ne serait-elle pas déja vivement éclairée?
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fi                           MIJSÉE VAN DER HOOP.
A cette oeuvre vraiment patrioüque, et bien inte­ressante aussi pour Ie reste de 1'Europe, il ne fau-drait que Ie concours des archivistes, historiens, érudits, amateurs et curieux, qui, dans les diverses localités, fouillent les archives des hotels de ville, des gildes et corporations, tels que MM. Scheltema a Amsterdam, Backhuisen van der Brink a La Haye, Kramm a Utrecht, et tant d'autres, auxquels on doit déja des dccouvertes précieuses. Si leursefforts, isolés jusqu'ici, tendaient a nn but commun, avec des points de recherche déterminés, 1'histoire de 1'art en llollande serait bientót faite, aulant, du moins , qu'elle peut 1'ótre.
Ces réflexions sembleraient peut-être une utopie ailleurs qu'ici, oü il s'agit d'un legs valant aujour-d'hui plusieurs millions, généreusement laissé par un simple citoyen a son pays.
Le musée van der Hoop se compose de d 98 ta-bleaux : 41 modernes, dont nous dirons quelques mots a la fin, et 137 anciens, tous de 1'école hollan-daise, sauf 10 flamands, 1 espagnol et 3 copies de 1'école italienne.
Le catalogue (1855) —il y en a une édition en francais — n'a pas plus de vingt pages pour les 198 numéros. Chaque tableau est désigné par son titre seulement, sans description, sans indication des si-gnatures, ni des provenances, ni des dimensions, sans renseignement quelconque; le nom du maitre n'est accompagné, pour toute notice biographique, que
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REMBH.VNDT.                                    7
des dates approximatives de sa naissance et de sa mort.
Et justement, cette coüecUon, formée au hasard, par un amateur, sans projd d'un musée public, offre beaucoup de inaitres dont les oeuvres et la vie sont presque également inconnus. Elle nécessiterait donc, plus qu'une collection uniquement choisie parmi les peintres célèbres, des explications sur les tableaux, — et sur leurs auteurs des éclaircissements biogra-phiques.
C'est pourquoi nous aurons encore a faire ici cc que nous avons du faire pour les musées d'Amster-darn et de La Haye, dont ce travail estune suite et un complement : a autlientiquer les tableaux, a les décrire, a les cntourer des documents qui s'y rap­portent, et en même temps a rectitier des biographies ou a les esquisser a nouveau, soit d'après les maté-riaux dispersés dans les publications hollandaises, bel ges, allemandes et anglaises, soit a 1'aide de la critique comparative des ocuvres elles-mènies.
Rembrandt. — « N° 98. Paulus ' Rembrandt van Rijn, né en 1608, mort en 1669. Tableau connu sous la dénomination de : la Fiancéejuive. »
Deux figures, debout, de grandeur naturelle, jus-
1 Le catalogue, qui a pris dans la brochure de M. Schel-tema les dales exactesde la naissanceelde la mort, auraitdü supprimer ce Paulus, dont il n'y a tracé dans aucun docu­ment écrit, dans aucune signature autlieutique des lableaux,
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8                           MUSÉE VAN DER HOOP.
qu'aux genoux : une jeune et belle femme, riche-mentparée, etun homme d'au moins cinquante ans. La femme est presque de face, tranquille et radieuse. Elle a les traits bien modelés, Ie teint fleuri, d'abon-dants cheveux bruns. Corsage et robe rouges, d'un ton superbe ; pèlerine et manches blanches. Elle est toute couyerte de bijoux : peigne, boucles d'oreilles, collier, grande chaine pendante, bracelets, baguesen pierres précieuses et en perles. L'homme, tourné de trois quarts a droite, s'avance vers elle comme pour 1'embrasser, lui met une main sur 1'épaule gauche et de 1'autre main touche la chaine d'or contre Ie sein. Elle, desa main gauche, rencontre la main un peu égarée et elle abaisse sa main droite -vers ses flancs. On soupconne qu'il pourrait ètre temps de la marier.
Est-ce ce vieux gentleman qui 1'a séduite? est-ce a lui qu'elle doit ses bagues ólincelantes et ses riches parures? Il a 1'air très-galant, en effet, et très-em-pressé. La tête est étonnante d'expression : de la ten-dresse, de la bienveillance, de la volontó. Il porte une longue perruque dont les boucles tombent sur
caux-fortes et lettres de Rembrandt. Il faut croire que les pre­miers inventeurs de ce prénom Paul ne savaient pas que Rem­brandt étaitun prénotn.— La brochurehollandaise de M. Schel-tema, publiée a Amsterdam en 1853, a été traduite en fran­cais, avec des notes de W. B. On trouve des exemplaires de cette traduction, in-8° de 88 pages, chez Claassen, a Bruxelles.
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REMBRANDT.                                    9
ses épaules, et il n'a pas de barbe, — c'est la mode après 1660. Une grande toque noire s'élale sur la perruque. Tout Ie costume est jaune : pourpoint, larges manches brodées et petit manteau. Cet amou-reux fait songer a 1'Arnolphe de Molière dans l'Écok des femmes.
La figure entière de la fiancée, tête, mains, — Ia droite surtoutestadmirable,—ajustements etbijoux, est absolumcnt terminée, même avec amour et avec un extreme bonheurd'exécution. La tète de 1'homme aussi est travaillee jusque dans les derniers accents du modclé. Elle rappelle un peu, comme ampleur de pratique, certaines têtes des Syndics, et tout a fait, comme profondeur de physionomie et comme ton, la tète de Jan Six dans 1'incomparable portrait de la galerie Six van Hillegom. Mais Ie vètement jaune semble a 1'état de brusque et grossicre ébau-che, et la manche jaune est maconnée lourdement avec une pate en relief, que Rembrandt se proposait sans doute de gratter pour n'en conserver que des dessous vigoureux. Car ce tableau n'est pas fini, et Ie fond est demeuré a 1'état fantastique. On y devine, a gauche, de 1'architecture avec des feuillages et un vase de fleurs, et en avant, au milieu d'ombres a peine frottées et un peu surglacées, la forme vague d'un chien; a droite, .une indication d'arbustes et de murailles. C'est sans doute un fond de pare qui se serait débrouillé et éclairé dans ces préparations indécises.
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10                          MUSÉE VAN DER HOOP.
Mais que eet état imparfait du tableau est interes­sant pour les peintres, et quel enseignement il leur offre! et comme il révèle bien la maniere de procé-der de Rembrandt! Ah! donc il enlevait d'abord ses personnages, les faisait sortir du néant, les modelait, les caressait dans leurs traits principaux, les ani-mait, leur donnait la vie, occupé seulement de sa création humaine, bien sür d'harmoniser ensuite avec ces êtres vivants tous les accessoires de 1'entou-rage. Le fond indéfini demeurait en arrière comme un voile frotté seulement au ton convenable pour faire éclater les têtes et la tournure caractóristique de 1'ensemble. Puis, sur ces espèces de limbes neutres, le maitre trouvait n'importe quoi, des masses d'ar-bres, quelque palais féerique dans les profondeurs, et tout a coup Fair et l'espace étaient créés autour des personnages.
Alors le tableau était fait et parfait.
Ce n'est pas ainsi que procèdent les peintres con-temporains, sauf quelques exceptions. En général, ils conduisent un tableau tout d'une "venue, poussant les fonds en même temps que le sujet central, cher-chant a mettre la réalilé aux quatre coins de la toile, semant le détail jusque dans les lointains, donnant a un accessoire insignifiant la même valeur qu'aux figures qui sont le vrai motif de la composition. — Résultat infaillible : pornt d'effet.
Quoique laissé inachevé, ce curieux Rembrandt est signé et date confusément, dans les pénombres
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REMBRANDT.                               U
du premier plan, en bas a droite. On déchiffre en-core, avec assez de peine, un 1 et un 6, et, a la suite du 6, on apercoit quelque tracé des deux derniers chiffres, qui ont été effacés, probablement par quel­que precedent propriétaire du tableau, au temps oü la date dé la mort de Rembrandt n'était pas connue. Houbraken, qui aurait du être mieux renseigné par son maitre Samuel van Hoogstraeten, élève de Rem­brandt, avait fixé d'abord la date 1674. Puis, de Piles avait proposé 1G68. Puis, au commencement de ce siècle, quand on eut découvert les pièces de la Boe­delkamer (Chambre des insolvables), Iosi en avait erronément conclu la date 1665. Puis, Immerzee], croyant avoir trouvé dans Ie regislre mortuaire de 1'église Saint-Antoine la note officielle du décès de Rembrandt, avait affirmé 1664.
Or, la date inscrite sur Ie tableau van der Hoop est assurément postérieure a 1664 et 1665, peut-être même a 1668. Elle devait donc sembler un argu­ment contre 1'originalité du tableau. L'ePfacement de cette date précieuse est un sacrilége de 1'ignorance.
Pour moi, la peinture est de la dernière année de Rembrandt, de 1669 : c'est Ie 8 octobre de cette an-née-la qu'il mourut. Aussi n'ai-je jamais regarde ce tableau sans un profond attendrissement, m'imagi-nant que ce povivait être la dernière oeuvre du grand artiste, qu'il y avait peut-ètre touche encore d'une main mourante et toujours virile; car soixante ans, ce n'est pas la vieillesse pour les hommes bien
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12                         MUSÉE VAN DER HOOP.
constitues comme Rembrandt. Le portrait d'bomme de la galerie van Brienen et le portrait de Jan Six ne sont-ils pas aussi de cette époque suprême, oü le style et l'exécution du maitre ont plus d'ampleur et de vaillance que jamais!
Le titrc : la Fiancée juive n'est pas beaucoup jus-tifié par le caractère des figures, par la conformation des traits de la femme, assez éloignés du type juif, quoiqu'elle ait la chevelure foncée. Smith, qui avait acheté le tableau en 1823, de M. Vaillant, a Am­sterdam, pour cinq mille florins seulement, 1'intitule : the birth-day Salutation (les Complimentsdujourde naissance). Pour lui aussi, cette peinture « est évi-demment de la fin de la vie de 1'artiste, qui ne parait pas 1'avoir terminée. » II en fait naturellement le plus grand éloge, — très-juste assurément, — puis-que c'est lui qui 1'avait vendue a M. van der Hoop : ... « Exécuté avec une liberté étonnantc, avec prodigalité de couleur etéclat de teintes... te mai­tre a rarement produit quelque chose de plus fin en portraiture que lecaractère et l'expression du gentle­man... etc. » — La toile a 5 pieds 5 pouces de large sur 4 pieds de haut.
C'est 1'unique Rembrandt du musée van der Hoop; mais les élèves de Rembrandt y sont en nom-bre : d'abord Gerard Dov, puis Jacob Backer, Fer-dinand Bol, van den Eeckhout, Nicolaas Maes, Jan Victor, Samuel van Hoogstraeten; et aussi les disci-ples indirects ou sectateurs de Rembrandt, Pieter de
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GERARD DOV.                                  13
Hooch et Nicolaas Koedijk, son élève, un de Keij-ser? et même — peut-être? — Jan van der Meer de Delft.
Gerard Dov. — II a deux tableaux : «N° 32, une niche dans laquelle se trouve une vieille Femme te­nant un dévidoir,» et « n° 33, un Ermite en médita-tion; » — sur bois tous les deux.
La vieille au dévidoir est coiffée d'un chapeau rond a la mode des hommes; elle a une pèlerine noire et des manches jaunes. Le modelé est ferme, 1'exécu-tion sans petitesse, ni maigreur; conditions excep-tionnelles chez Gerard, qui n'eut qu'un moment cette ampleur relative. Nous en avons signalé un exemple au musée d'Amsterdam dans les portraits d'homme et de femme ajoutés sur un paysage de Berchem'. Nous en rencontrerons d'autres a la gale­rie van Loon, d'Amsterdam, et a Ja galerie Steen-gracht, a La Haye. lei nous avons une date fixant 1'é-poque de cette maniere, trop passagere, malheureu-sement. La femme au dévidoir est signée : Gdov, le n accolé au G, comme toujours,—et datée 1653. Cette date, qui suit le nom, est même répétée sur le bord de la niche, en chiflres romains : MDCLIII.
UErmite doit être fort admiré sans doute, car il est rare de voir une peinture plus minutieusement ftnie. On compte les poils et les rides du petit homme
1 Musèes de la Hollande, I, p. 84 et süivantes.
2
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14                         MUSÉE VAN DER HOOP.
représenté a mi-corps sur un panneau large de 6 pouces. La tête chauve est de trois quarls a gau-che; barbe blanche; des lunettes ;• capuchon ra-battu; grand froc. Les mains jointes tiennent un crucifix. Il y a encore un livre ouvert, un chapelet, un sablier, un bidon et un panier, — Ie pain et Ie vin, pour méditer a loisir, — et d'autres menus ac­cessoires. A droite, un tronc d'arbre, et, pour fond, des arcades, Ie cloitre sans doute. C'est mignon et précieux au possible. Trop. Nous croirions plutót cette peinture de van Staveren que de Gerard Dov.
Jan Adriaan van Staveren a d'ailleurs la aussi un autre Ermite, bien authentique, et mème signé, a droite, contre la bordure, qui cache trois lettres du nom écrit sur deux lignes, et laisse lire seulement :
JSta
(I'S entortillé sur Ie J.)
II E
Une copie d'après Gerard Dov : « Scène domesti-que, femme avec des enfants,» est portee au nom de Dominicus van Tol; bonne peinture pour van Tol, sielle est de lui.
Jacob Backer. — II y a plusieurs Backer' au dix-septième siècle en Hollande et a Anvers. Jacob,
1 Backer ou Bakker, voulant dire boulanger, est un nom assez communen Hollande et dans les Flandres. En tout pays, les noms propres viennent généralementdes professions, quand ils ne viennent pas des lieux d'habitation, ou des aptitudes personnelles, ou des excentricités de caractère : van Rijn, du
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JACOH BACKER.                                 lo
né a flarlingem en 1608, mérite place parmi les maitres qui ont peint en Hollande de larges composi-tions avec figures de grandeur naturelle. C'est lui, je pense, que les catalogues de Gerard Hoet appel-lent quelquefois Backer Ie vieux. Adriaan, son ne-veu, né a Amsterdam en 1643, mort dans la même ville en 1686, a fait aussi beaucoup de grands ta-bleaux : un Jugement dernier a 1'ancien hotel de ville d'Amsterdam, aujourd'hui Ie Palais; un ta­bleau allégorique, au musée d'Anvers (n° 430); un Enlèvement des Sabines, autrefois a la galerie de Salzthal, etc.
Jacob Backer travaillait a Leeuwaarden, chez Ie docteur mennonite, peintre assez célèbre, Lambert Jakobsen, quand Ie jeune Govert Flinck, de Clèves, y vint aussi prendre des lecons. lis habitèrent une même chambre, se lièrent de vive amitié et quittè-rent bientöt Ie docteur arliste pour aller ensemble a Amsterdam étudier chez Rembrandt1. C'était de
Rhin; Brouwer, brasseur ; van Eyck, de Maas-Eyck; van der Weyden, de la Pdture, et eest sous ce nom que les Tournai-siens réclament Rogier van der Weyden, comme étant né et ayant demeuré dans leur ville; Rubens, rouge, flamboyant; van Dyck, de la Digue; van derMeulen, du Moulin; Le Brun, Mignard, Boucher, de la Croix, de la Roche, Rousseau; Sanzio, Allegri, del Piombo, del Sarto, Tintoretto, Veronese, etc, etc. 1 Voir Govert Flinck, par le docteur Scheltema, avec des notes de W. B., Revue universelle des Arts, t. VI, p. 501 et suivantes.
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16                           MUSÉE VAN DER HOOP.
1635 a 1638'. Jacob Backer a peint 1'histoire, 1'allé-gorie, beaucoup de portrails et plusieurs grandes compositions civiques avec des arquebusiers; on en voit encore deux au nouvel hotel de ville d'Amster-dam. Le musée de Dresde 2 possède trois portraits peints par lui, dont un portrait de femme, de profil, très-original. Son propre portrait, enregistré dans le catalogue de la galerie de Salzthal, se retrouve au-jourd'hui a la galerie de Brunswick, avec un por­trait de femme, un grand tableau de Nymphes en-dormies sous des arbres et surprises par un berger, qui est encore le portrait de Tartiste, — et un autre tableau de Nymphe, également surprise dans son sommeil. On Yoit aussi, au même musée, le tableau d'Adriaan Backer, de l'ancienne galerie de Salzthal, VEnlèvement des Sabines, signé : Adriaan Backer fee. 1671.
Le Backer du musée van der EIoop : « N° 7, une pièce avec des portraits de personnages de distinc-tion, » réunit six hommes, a mi-corps, de grandeur
1 La nouvelle édilion hollandaise du catalogue d'Amster-dam (1859), par M. P. L. Dubourcq, donne la précieusedate 4 638 a la suite de la signature sur le tableau de Flinck, haao bénissant Jacob (n° 85), peinture absolument imitée de Retn-brandt, comme composition et comme pratique. Govert Flinck, agé de vingt trois ans, et Jacob Backer, êgé de trente ans, travaillaient donc certainement alors chez Rerabrandt.
* Lo catalogue de Dresde se trompe en inscrivant 1641 comme date de mort de Jacob Backer. C'esten 1651 que Jacob Backer mourut, a Amsterdam.
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FERDINAND BOL.                                 17
naturelle, en conférence sur les affaires de quelque Corporation. C'est un de ces nombreux tableaux que les gildes faisaient exécuter pour conserver Ie souve­nir de leurs régents, et qu'elles accrochaient dans leur salie commune. Peinture savante, largement dessinée, mais assez froide, un peu rouge dans les chairs et lourde de couleur. Les mains sont très-belles. L'aspect général n'a rien d'original, ni de rembranesque. Si 1'on jugeait Jacob Backer sur cette seule oeuvre, on pourVait presque aussi bien Ie pren-dre pour un élève de van der Helst que pour un élève de Rembrandt.
Ferdinand Bol. — Le plus fort des disciples de Rembrandt dans la grande peinture est assurément Ferdinand Bol. Mais il faut le voir dans sa première maniere, quand il est encore inspiré par le maitre, jusque vers 1650. Plus tard, entrainé sans doute par 1'abondance des portraits qu'on demandait a son ta­lent, il devint trop expéditif et souvent très-vulgaire.
Il est singulier que la plupart des élèves de Rem­brandt, une fois séparés de lui, aient rapidement dé-gringolé et- changé de style, au point qu'on ne les reconnait plus du tout, a moins d'ètre initié a leurs métempsycoses. Flinck n'a-t-il pas fini par s'italiani-ser, a la suite des Carrache? Van den Eeckhout n'a-t-il pas pastiche divers maitres? Nicolaas Maes n'est-il pas tombe dans une maniere molle et commune? Ainsi de plusieurs autres.
2.
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18                        MUSÉE VAN DER HOOP.
Rembrandt leur avait bien enseigné Ie métier, mais il n'avait pu leur communiquer les dons qu'on tient de la nature seule, 1'inspiratiou et 1'originalité.
Oü Ferdinand Bol est de premier ordre, c'est au Leprozenhuis1 d'Amsterdam, ancien hópital, comme 1'indique son nom (maison des lépreux), aujourd'hui sorte de béyuinage ou de phalanstère, dans lequel vivent retirées de vieilles femmes. (Iet établissement curieux, appartenant aux Juifs et situé dans leur quartier, n'est pas très-aceessible, et c'est bien mal-heureux pour Ferdinand Bol, qui a la son cbef-d'ceu-vre. Le tableau, large de 8 pieds, haut de 6, repré­sente une scène de la léproserie : les Régents de {'établissement, parmi lesquels le bourgmestre Hofdt et le receveur d'Amsterdam, Pieter van Uitenbo-
1 On trouve au Leprozonhuis quantité de tableaux curieux : la Place du Dam, avec des figures innombrables, par W. van Nievlant, 1584-1635; une composition avec portraits, signée Sanlvoort 1643 (c'est lo Santvoort du n° 477 du Louvre, date 1633); une autre, signée Karel de Moor 1649 (qui est ce peintre? Ie chevalïer Karel de Moor, très-célèbre en son temps, est né a Leyde en 1656, a ce qu'on dit); une autre, toujours avec portraits de personnages de i'établissement, signée Uch-tervcldt 1674, bien surprenante pour ce maitre, a cause de la proportion des figures qui sont de grandeur mi-naturelle; une Assemblee de Régents, par A. Boonen, 1745, etc, etc. On conserve religieusement au Leprozenhuis tous les papiers relatifs a ces peintures; et, d'après une rapide insppction, nous avons pu nous convaincre qu'ils renferment beaucoiip d'indications prócieuses sur les artistes du dix-septióme siècle.
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FERDINAND BOL.                             10
gaard, 1'ami de Rembrandt. Tous en noir, avec de grands chapeaux, sont assemblés autour d'une table a tapis persan, et Ie custos leur amène un petit lé-preux, iête nue. Les figures, en pied, sont de gran­deur naturelle. Elles ont la distinction des person-nages de van üyck, et en même temps la solidité et la profondeur des peintures de Rembrandt. Le clair-obscur est merveilleux.
Ce chef-d'oeuvre, un de ceux que le musée du royaume devrait conquérir a tout prix, est signó F. Bol fecit et date 1649, de la mème année que eet autre superbe tableau, appartenant a M. Thomas Baring et exposé a Manchester, dans lequel le disci-ple de Rembrandt a seulement suivi d'un peu trop pres une composition de son maitre : la Femme du bourgmestre Pancras, de Buckingham Palace1.
I  Catalogue de Buckingham Palace, par W. B., Revue universelle des Arts,'U VII, p. 337-39.
On me pardonnera de me citer moi-même a tout propos, comme si j'avais entrepris de refaire, a moi tout seul, et sans précédents, 1'histoire des maitres hollandais. C'estun peu cola, pourquoi ne pas 1'avouer? et il est facile de voir que, dans ces écrits successifs, je poursuis un seul et même travail, 1'é-claircissement de 1'art en Hollando.
Voici comme la chose m'est arrivée, en toute ingénuité, et sans parti pris d'avance :
II  y a bien longtemps que j'étudie la peinture, mais il n'y a pas très-longtemps que je me suis apercu que je n'en savais presque rien. J'avais toujours eu pourtant une passion extreme, un ceil vii et sür, un instinct presque infaillible, et néan-
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Le Leprozenhuis possède encore une autre pein-ture, d'un grand caractère, par Ferdinand Bol : trois
moins je n'avais guère d'autre certitude que eet instinct seu-lement. Pourquoi? C'est que, d'ordinaire, je n'avais étudié chaque tableau que pour ses qualilés particulières, sans me tourmenter des circonstances oü il avait été peint, ni de son classement chronologique dans 1'ceuvre du maitre, ni de Ia biographie du maitre lui-même.
Lorsque de longs voyages m'ont permis d'examiner a loisir la plupart des collections de 1'Europe et d'étudierè fond celles de quelques pays, j'ai percu confusément la série des ceuvres de chaque mailre, objet de mon inquiétude spéciale; j'aieom-pris que, pour pénétrer le caractère d'un artiste, il fallait reconstruire 1'ensemble de son ceuvre, et que c'était dans la peinture même qu'on retrouverait les éléments perdus de Ia biographie du peintre.
J'ai donc procédé a nouveau, comme un homme ne sachant rien du tout et oubliant ce que les autres croyaient savoir; et, « allant avec simplicitó du connu a linconnu, » ainsi que je le dis dans la próface des Musées d'Amsterdam et de La Ilaye, j'ai rapproché successivement, Fes uns des autres, les tableaux a mesure que je les voyais. Peu a peu la lumière s'est faite, et aujourd'hui je sais mes principaux Hollandais, de leur origine a leur fin, — pour quelques-uns, année par année, sans interruption, depuis leurs premiers essais d'écolier, sous 1'iiifluence de tel ou tel maitre, jusqu'a leurs ultièmes produc-tions.
Si je raconte ces choses personnelles, c'est pour recomman-der le mème procédé aux amoureux de 1'art, órudits, critiques ou colleclionneurs. C'est aussi pour justifier le rappel que je suis obligé de faire souvent d'une de mes publications anté-rieures, retournant, pour exposer ce que j'ai appris, le procédé qui me sert a apprendre, c'est-a-dire renvoyant le lecteur —
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FERDINAND BOL.                             21
dames patronnesses de 1'établissement, assises autour
d'une table; une, de face, en corsage noir et robe de
satin blanc, brode d'or; a gauche, une autre, en
noir, tenant une plume; au milieu, derriere la table
a tapis rouge, la troisième femme, presque de face,
en corsage noir. Quand on a vu cela, et surtout Ie
grand tableau des Régents avec Ie petit lépreux, on
tient Ferdinand Bol pour supérieur a van der Helst
lui-même, et Ie second de la grande école hollan-
daise, après Rembrandt. Mais, dans certaines de ses
eaux-fortes aussi, n'a-t-il pas tellement approché de
Rembrandt, que Gersaint, Bartsch et autres, les ont
cataloguées comme originaux du suprème graveur?
Après j660, Ferdinand Bol enfle son style, et il
tourne, ainsi que Govert Flinck, a la décadence ita-
lienne. Scs grands tableaux du Palais (ancien hotel
de villc sur Ie Dam), Fabricius dans Ie camp de
Pyrrhus, YÉlection des Septante dans Ie camp
d'Israël, un Moïse, sont précisément de la categorie
de ceux dont Govert Flinck avait été chargé par les
bourgmestres d'Amsterdam et que sa mort 1'empê-
cha d'exécuter.
Mais la Ilollande elle-même ne perdait-elle pas déja, vers la fin du dix-septième siècle, son caractère autochthone? Elle allait chercher des grands hom­mes chez les Romains, quand jusque-la elle avait
de « l'inconnu au connu, » — de 1'oeuvre qu'il faut expliquer a 1'oeuvre déja expliquée et comprise.
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trouvé dans son propre sein des Fabricius ou des Curtius a célébrer. Le mouvement national, trop concentré peut-être, mais spontane et puissant, allait s'arrêter. La vraie Hollande finira avec Ie dix-sep-tième siècJe. Chaque peuple n'a ainsi qu'un moment d'apogée.
Le Ferdinand Bol du musée van der Hoop est un portrait a mi-corps, de 1'amiral do Ruijter; belle peinture, franche et solide, avec une signature etune date. Les musées d'Anisterdam et de La Haye ont aussi cbacun un portrait du célèbre amiral par le mème peintre.
Van den Eeckhodt. — Qui le devinerait, a son tableau du musée van der noop? « N° 39. Un Chas­seur dans un bots, et deux lévriers. » Le chasseur, en veste rouge, est assis sur des terrains gris; la figure n'a pas 1 pied de haut. Fond sombre, en mas-sifs d'arbres, sans aucune percée sur le ciel. Ton général entre le marron d'Inde et le chocolat. Très-mesquinement travaillé et fini. C'est très-habile cependant, mais froid. Ce qu'il y a surtout d'intéres-sant, c'est une belle signature, avec plusieurs lettres fioriturées : G. V. Eeckhout F., sans date; maisRem-brandt est fort oublié. Mettons vers 1670. La toile a environ 60 centimètres de large sur 40 de haut. Il en a fait bien d'autres dans ce style, el dans la ma­niere des peüts maitres hollandais.
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NICOLAAS MAËS.                          23
Nicolaas Maes. — Nous tenons un de ses chefs-d' oeuvre.
Je connais presque tous les tableaux de Maes dans
sa première maniere adhérente a Rembrandt. Le
plus extraordinaire est la Laitière, de la galerie van
Loon, a Amsterdam. Par je ne sais quelle confusion,
Immerzeel, et Smith aussi, 1'attribuent a cc Victor. »
Mais le tableau est parfaitement de Maes, et très-
correctement signé N. M/ES, 1'M, 1'A et 1'E accolés.
Yiennent ensuite une Fileuse, de la collection Dup-
per, a Dordrecht, avec unc signature absolument
semblable a celle de la Laitière, et la vieille Fileuse
du musée van der Hoop. Ces trois peintures pour-
raient être mises, ma foi, presque sur la ligne des
Rembrandt.
Du même temps a peu pres, et du mème style,
mais de moindre perfection, on en citerait une ou
deux douzaines, la vieille Liseuse, nouvellement
acquise pour le musée de Bruxelles; une vieille Cou-
seuse, de la collection de Kat, a Dordrecht; la
Femme descendant un escalier (datée 1655), de la
galerie de Buckingham Palace; une Femme endor-
mie pres du berceau de son enfant, de la collection
Baring, a Londres; YÈcouteuse (datée 1656) et
YOuvrière en dentelles, a M. Labouchère; la Cou-
seuse, de Bridgewater Gallery '; le Toast, de la ga-
1 Ces trois derniers tableaux étaient exposés a Manchester. Trésors d'art, p. 254 et suivantes.
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24                        MUSÉE VAN DER HOOP.
lerie Six, a Amsterdam, date 1637, et quelques autres.
Toutes ces merveilles sontde la première jeunesse de Maes, de sa vingtième a sa vingt-cinquième an­née. Peut-ètre était-il encore a 1'atelier de Rem­brandt, car, dans la Liseuse du musée de Bruxelles, et dans Ie portrait d'homme dalé 1656, de la galerie d'Arenberg ', il y a au fond une tête de statue anti-que,qui doit être prise des collections de Rembrandt, inventoriees a la fin de juin de cette année 16S6 et vendues plus tard.
Avant cette série excellente et qui suffit a la gloire de Nicolaas Maes, il avait fait, directement sous la main du mattre, des études parmi lesquelles on doit signaler la Rêveuse, — buste de jeune fille, de gran­deur naturelle, accoudée a une fenêtre, — du musée d'Amsterdam, un chef-d'oeuvre de naturel, de grace et de couleur, signé en grosses capitales : N. MAAS, orthographe qu'on trouve parfois dans ses premiers temps. Mais, vers 1660, il s'abandonne unpeu,lache son dessin, éparpille son effet, amollit sa couleur. On rencontre plusieurs tableaux de cette transi-tion : au musée de Rotterdam, par exemple, un por­trait de jeune garcon. Puis, après une éclipse (du moins je ne connais point de Maes dates autour de 1665 et de 1670), tout a coup on trouve quantité de portraits, quelquefois de grandeur naturelle, Ie plus
1 Galerie d'Arenberg, p. 24 et suivantcs.
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N'ICOLAAS MAES.                                 25
souvent mi-nature, toujours signés : N. Maes, mais dans une forme différente, l'N du prénom faisantmo-nogiamme avec 1'M initial, et les dates 1676, 78, 80, 82, etc. Ces dernières oeuvres sont si différentes des premières, de la periode rembranesque, qu'on hésite presque a les croire de la même main.
Je me suis demandé s'il ne fallait point dédoubler ce Maes', si Ie Maes, élève de Rembrandt, n'était pas mort jeune, et si la date de mort, 1693, que tous les biographes lui appliquent, ne s'appliquait point a un second Maes, bien inférieur au premier. Le cheva-lier Camberlyn, de Bruxelles, aussi savant qu'il est indépendant dans ses opinions sur les arts, pretend même qu'il a entendu parier en Ilollande de deux
7 J'ai dépouillé, avec cette préoccupation, les Catalogues de Gerard Hoet. Dans les deux premiers volumes — 1676-1752, Nicolaas Maes n'est pas mème nommé; c'est bien étonnant! On ne trouve qu'un Jan Maas, auteur de Chasses, lequel, suivant van Eynden et van der Willigen, aurait peint quel-quefois dans le gout de Nicolaas,—et Dirk Maas, 4656-1715, 1'élève de Mommers. Dans le troisième volume, publié par Terwesten en 1770, on retrouve Dirk et Jan, plus un Gerard, auteur d'un Martyre de saint George, haut de 6 pieds (ce n'est donc pas Gerard le paysagiste, cité de conüance d'après Hou-braken par le catalogue du Louvre; je croirais plutót qu'on a confondu ce Gerard avec un des Godfried Maes d'Anvers), et enfin Nicolaas, pour deux n°* seulement: dans une vente a Utrecht 4755, deux portraits vendus ensemble 43 florins; et dans une vente a Leuven 1765, portraits de familie, les person-nages assis pies d'une table. Sur bois, hauteur 19 pouces, largeur 15 pouces. Vendu 17 florins.
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"kunsthistorisch instituut
RSITEIT UTRECH
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Nicolaas Maes. Cependant, comme il est certain que Ie Maes de Rembrandt a étó dcmeurer a Anvers, oü mème il devint ami de Jordaens, comme on suit d'ail-leurs une transformation sensible dans son oeuvre peint vers 1660, il est probable que son talent se sera métamorphosé sous l'influence de l'école flamande, déja bien dégénérée en ce temps-la.
Il faut remarquer que Ie beau temps de l'école flamande—sauf exceptions, et entre autres Jordaens, 1'ami de Maes précisément, — se resserre dans la première moitié du dix-septième siècle. Rubens et van Dyck n'étaient-ils pas morts déja, 1'un en 1640, 1'autre en 1641 ? Snyders ne mourut-il pas en 1657, bien vieux alors, soixante-dix-huit ans? Dès Ie mi­lieu du dix-septième siècle, il n'y avait presque plus, de la grande école, que des imitateurs hatifs, tombes dans un maniérisme débile. On brossait vite, sans plus regarder la nature, sans plus soigner Ie dessin, se contentant d'une apparence de grandeur facile et d'un effet de couleur fallacieuse.
Le Maes des portraits autour de 1675-80-85 a ces caractères de la queue de l'école de Rubens, avec aussi certains contrastes d'onibres et de lumières, certaines qualités de clair-obscur, certains effets fan-tastiques, ressouvenirs éloignés de la tradition rem-branesque. Tenons-nous-en donc jusqu'a plus ample information ',aun seul Nicolaas Maes, tres-différent a ses deux bouts, c'est vrai.
1 Peut-être M. Genard, M. le chevalier do Burburect les
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NICOLAAS MAES.                                27
La vieille Fileuse de la galerie van der Hoop est assise pres de son rouet; elle a une coiffure noire, de belles manches rouges; elle s'enlève en plein sur un fond de mur vivement éclairé. Ces lumières sont très-empatées, ainsi que Ie personnage. M. Decamps scrait fou de ce chef-d'ceuvre, qui n'a que 11/2 pied de large sur 1 pied 3 3/4 pouces de haut. C'est, je pense, Ie n° 18 de Smith, a brilliant and very mas-tcrly production, dit-il, et qui, a 1'époque de la pu-blication de son IVe volume (1833), faisait partie de la collection Goll van Frankenstein. Smith ne men-tionne aucune signature, mais il y en a une pourtant, sur Ie pot, adroite, parterre : JNLES, 1'A et FE acco-lés, comme dans les signatures de ses chefs-d'oeuvre des galeries van Loon et Dupper.
Si ce Maes du musée van der Hoop était transporté au Louvre, ah ! quel enthousiasme il exciterait parmi les artistes! Ce talent vigoureux, naïf et profond, cette accentuation du dessin et de la charpente des personnages avec une incomparable couleur, cette touche hardic et juste, 1'adresse du pinceau dans les accessoires, la transparence des fonds et 1'éclat des lumières, 1'effet saisissant de 1'ensemble, feraient placer tout de suite Maes a la droite de Rembrandt.
Il n'y a jamais eu de Maes au Louvre, et Ie cata-logue de M. Villot ne renseigne pas beaucoup sur ce
autres infatigables porquisitcurs d'Anvcrs, finiront-ils par trouver quelque document sur Ie séjour do Nicolaas Maes a Anvers, parmi les maitres tlamands.
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peintre, qui se trouve mcntionné en deux lignes dans la notice sur Aart Maas de Gouda, auteur du n° 276 : « II (Nicolaas Maes) abandonna Ie genre historique pour Ie portrait, » dit seulement Ie rédac­teur du catalogue. « Genre historique » ne convient pas très-exactement a de vieilles Liseuses ou a de jeunes Laitières.
Ni Berlin, ni Dresde, ni "Vienne, ni Anvers non plus, ne possèdent dans leurs musóes des ceuvres de Maes. Munich en a deux, Darmstadt une; encore sont-ce des portraits, de Ia seconde maniere par con­séquent, et sans grand intérêt. Le catalogue de la ga­lerie grand-ducale a Carlsruhe enrcgistre aussi un paysage au nom de « Nicolaus Johann van Maas, né a Dordrecht en 1632, mort en 1693. » Ces dates feraient croire qu'il s'agit de notre Nicolaas Maes; mais il ne parait pas cependant qu'il ait eu le prénom de Jan, ni qu'il ait peint des paysages. Mettons que le rédacteur du catalogue a confondu Nicolaas avec le Jan, peintre de Chasses, mentionné dans 1'ouvrage de Gerard Hoet.
Le catalogue van der Hoop attribue encore a Ni­colaas Maes un portrait en buste, grandeur naturelle, de Cornelis de Witt. Cette peinture est si haut et si mal placée, qu'il est impossible de s'assurer de son originalité. Elle parait très-faible. — Les frères de Witt ayantété massacrésen 1672, le portrait, s'ilest de Maes, serait probablement de vers 1670, c'cst-a-dire du commencement de sa mauvaise maniere.
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Les Victor. — Sans ce nom de Yictor, porté au catalogue, on ne remarquerait gucre deux pendants, assez grossièrement peints et relégués au second étage de la rangée des tableaux. lis représentent: 1'un, un Charcutier, entouré de plusieurs personnages lourds et trapus; 1'autre, un Charlatan dentiste, éga-lement avec une dizaine de figures. Les toiles peu-v^nt avoir 3 pieds dclarge au moins sur 2 pieds de haut; les figures environ 1 pied.
Le charcutier est de face, au milieu du tableau, devant un quartier de porc, frais coupé. Une femme lui apporte un verre a boire. Un petit garcon, coiffé d'un grand cbapeau, casaque a manches jaunes, tire son couteau pour aider le maitre a 1'ouvrage; a droite, un autre petit garcon, assis sur une barrique, gonfle une vessie; une peiite fille le regarde avec un sourire. En arrière, un homme monte a une échelle contre une grange. A gauche, un jeune garcon age-nouillé lave un.jambon dans un baquet, et une femme, penchée de face en raccourci, apporte un plat. Quelques maisons du même cóté : c'est une rue de village. Sur une pancarte, en bas a gauche : Jan Victors fc. 1648.
Le pendant est un peu plus faible d'exécution. A droite, pres d'une tahle sur laquelle est dressé, en maniere de tente, un grand parapluie rose au haut d'un manche, le charlatan arrachc une dent a un paysan assis; un homme et une femme debout regar­dent faire 1'opération. A gauche, trois enfants, un
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paysan qui se retourne et rit de bon coeur, et une femme qui porte des légumes sur sa tète. En avant, deux chiens se disputent un os. Dans Ie fond, deux figurines et Ie clocher du village, signé : Jan Victoors fc. 1654.
Qu'est-ce que ce Victors ou Victoors? Est-ce Ie mème qui signe ailleurs Victor, ou Fictoor, comme au n° 1G0 du muséede Paris?"Est-ce Ie mèmc Victor qui a peint dans la maniere de Rcmbrandt et dans celle de Rubens, qui a fait des sujets bibliques avec Jigures de grandeur naturelle, des paysanneries avec des figurines et des animaux, des portraits, des oiseaux, etc. ?
Ce Victor ou plutót ces Victor sont, ainsi que les van der Meer, les Koninck, les de Keijser et autres, ' de ceux que je tiens a débrouiller, — avec Ie temps; car Ie nom de Victor cache plusieurs vrais bons pein-tres. Je ne serais pas embarrassé pour les dfstinguer tout de suite par la diilérence caractéristique de Icurs ceuvres, ce qui est, a mon sentiment, la maniere la plus certaine; mais, auparavant, il est bon derepas­ser ce qu'en disent les biographies et les catalogues.
Prenons d'abord la grande et savante histoire de van Eynden et van der Willigen (La Haye, 181G), qui resumé les éerivains antérieurs, depuis Carel van Mander et Arnold Houbraken, et qui a été suivie en partie par Immerzeel, lequel est suivi en général par les rédacteurs des catalogues de 1'Europe : « On ne trouve aucun renseignemeut biographique sur Jan,
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Jacomo et Law ou Lauwrens Victor... On doiten-tendre par Jan ou Jacomo, aussi nommé den ouden (Ie vieux) Yictor, Ie Victor élève de Rubens suivant quelques donnécs, mais que nous prenons plulöt pour un élève ou un sectateur de Rembrandt, car on rencontre de lui des conipositions historiques que les plus fins connaisseurs prendraient pour des ceuvres de Rembrandt. Il a peint aussi des sujets modernes et plaisants, avec moins d'expression et d'esprit que Jan Steen, mais qui ont une certaine analogie avec les compositions de ce maitre.— Lauw ou Lauwrens était peut-ètre un fils de ce Jan Victor, et vraisem-blablement sont de ce Lauw Victor de très-belles et vigoureuses peintures d'oiseaux... On pense qu'il demeurait en Zeeland, mais on n'en a aucune preuve, et nous n'avons vu que des signatures : J. Victor, sans date... »
Maintenant, Immerzeel : « Jean Victor : on Ie croit disciple de Rembrandt; Pilkington fixe 1'é-poque de sa vie de 1600 a 1670. Ses tableaux repré-sentent souvent des sujets de 1'Ancien Testament, mais on en trouve avec de pctits sujets de la vie fa-milière. — Lauw ou Lauwrens Victor : on trouve des tableaux d'oiseaux d'un certain Victor qui a porté ce prénom... »
Ainsi, pour van Eyndcn et pour Immerzeel, Jan et Jacomo ne font qu'un seul peintre, élève de Rem­brandt ou de Rubens, qui a traite les sujets bibliques on grand et aussi les sujets familiers en petit. Mais
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il y aurait un second Victor, avec le prónom de Lauw, auteur de peintures d'oiseaux.
Le catalogue de Paris n'est pas moins embarrassó que les biographes hollandais : « Jan Fictoor ou "Victoor travaillait en 1640. On n'a pas de rensei-gnements positifs sur eet artiste... Michel le fait naitre a Anvers et le dit élève de Rubens'. Immerzeel pense, au contraire, qu'il est Hollandais et élève de Rembrandt. Fictoor a peint 1'histoire, le portrait, le genre, et ses tableaux sont assez rares. »
Ainsi, pour le catalogue de Paris, qui ne semble pas connaitre le peintre d'oiseaux, il n'y a qu'un Fictoor ou Yictoor, élève soit de Rembrandt, soit de Rubens, et qui a peint non-seulemcnt les tableaux d'histoire, mais aussi les tableaux du genre familier.
Les autres notes qu'on pourrait extraire des bio-graphies2 ne sont ni plus explicites ni plus claires.
1 Histoire de la vie de Rubens, etc, par J. F. M. Michel, Bruxelles, 177). Dans ce livre, Michel cite parmi les « prin-cipaux élèves du chevalier Rubens : Jean Victor, natif tf An­vers. » C'est tout.
* Dans son Guide des amateurs, etc, Gault de Saint-Ger-main, comme van Eynden et van der Willigen, classe Victoors parmi les analogues de Jan Steen. Et ailleurs : « Victoors ou Fictoors (FranfOis), savant artiste qui réunit dans ses talents 1'expression, lo pittoresque, le gout, l'ingénuité, la gaieté et la fraicheur de Jan Steen.,. Il a laissé des chefs-d'ceuvre aussi rares que précieux... Lebrun les estime 5,000 fr.., Il a peint 1'histoire, le portrait et le genre... : un Laban, vente Con-gtantin ;—une Guinguette, collection du chevalier Francottay;
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Rassemblons maintenant les indications de ta­bleaux éparses dans les divers catalogues anciens et modernes, sous la raison collective Victor.
Les catalogues de Hoet et Terwesten offrent une vingtaine de tableaux portés soit a Victor tout court, soit a J. Victor, soit a Jacomo Victor, et même un, un seul, a Louiv (sic) Victor, dans une vente de 1749.
Tous les Jacomo représentent des oiseaux, poules, coqs, poussins, oies, canards, pigeons, même un chat sauvage peint d'après nature, — et se vendent tous a peu pres Ie même prix, de 20 a 50 florins.
Parmi les tableaux dont Ie prénom de 1'auteur n'est indiquó que par la capitale ,T., il y en a de deux espèces : Esaü et Jacob, très-énergiquement peint par J. Victor ; Ie sujet indique 1'école de Rem-brandt; — puis, une Marchande de karengs, par J. Victor, petit tableau haut de 9 pouces seulement;
  une Auberge de paysans..., etc.
De même, dans les tableaux attribués a Victor sans prénom, deux sortes de sujets : par exemple, une Réjouissance de paysans eiAchille au milieu de jeunes filles.
Quelques autres peintures encore, cataloguées sous Ie nom de Victor tout seul ou avec la simple ini-
— une Femme a la fenêtre de sa chambre, accoudée sur un coussin, regarde ce qui se passé dans la me; vente a Paris 1817; — la Bohémienne, avec cabaret, forge, paysans, etc; vente Carré 1817, etc. »
C'est toujours la memo histoire : un seul Victor, a tout faire.
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tiale J. du prénom, et représentant des oiseaux de
basse-cour, se rapportent sans aucun doute a Jacomo.
A Fancienne galerie de Salzthal (Catalogue par Eberlein 1776), trois tableaux de Jean Victor, sans autre renscignement : Esther et Aman, David et Samnel, Dalila et Samson. lis sont aujourd'hui a la galerie de Brunswick, nos 194, 127 et 493, toiles de (i a 7 pieds de large, avec des figures de grandeur naturelle. L''Esther est signé: Jan Victors;\e David, qui a beaucoup d'analogie avec l''Isaac du Louvre (n° 168), est signé : Jan Victors fc. 1653.
Dans les autres musées de 1'Allemagne on trouve : a Munich ', Ie vieux Tobie et sa familie rendant grdce de sa guérison...; 6 pieds 4 pouces de large; date 1631, suivant Ie catalogue, qui écrit Ie nom Victoors ou Fictor, censé né en 1600 et mort eu 1670; — a Francfort-sur-Mein, un tableau, haut de 2 pieds seulement, Ruth et JJoos..., signé : Jan Victorsfc.; — a Dresde, un Moïse enfant, sauvé des eaux, toilede7 pieds de large, signé : Jan Victorsfc.
1 M. Viardot parle ainsi do cü tableau, dans ses Musées d'Allernagne, Paris, 1844, p. 72 : « Quoiqiie plus jeune de six ans que Jean Victoors, qu'on appelle aussi Fictor (1600-1670), Rembrandt Ie compta dans son école... Le Tobie rendant grdce a Dieu quand il a recouvré la vue, de Victoors,... deux portraitsdoMaas... sont des pages excellentes, que Rembrandt n'eüt pas désavouées... Quant a Victoors, il serait, dans son Tobie, 1'égal de Rembrandt, s'il n'était son imitateur; mais cst-ce un faible mérjto que celui d'imiter ainsi? »
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1653 (la date un peu douteuse); la Découverte de la coupe dans Ie sac de Benjamin, signé: Johanes Vic-tors fc, sans date; et un grand tableau d'oiseaux, catalogué comme du même Jan Victors, avec un point d'interrogation toutefois, mais qui est incon-testablement de Jacomo'.
Au musée de Copenhague : David et Salomon... —- Toujours Ie disciple de Rembrandt.
En Angletcrre, a Bridgewater Gallery: la Familie de Tobie, trois figures, Ie vieux père assis devant la cheminée, la vieille mère a son rouet, Ie fils dc-bout... — Encore une composition de 1'école de Rembrandt.
En Belgique, a la galerie van den Schrieck, a Louvain, la Prophétesse Anne, a mi-corps, de gran­deur naturelle, signé : J. Victor. 1643.—Rembrandt, toujours.
En Hollande, au musée d'Amsterdam, Ie Joseph expliquant ses songes, signé : Johanes Victors fc. 1648;—au musée van der Hoop, les deux tableaux ci-dessus mentionnés; — au musée de Rotterdam, trois tableaux absolument différents: un portrait de vieille femme, une paysannerie avec animaux et paysages, et des oiseaux, portés a Jacomo que Ie catalogué dis-tingue avec raison de Jan; — dans la collection de
1 Lo savant rédacteur du catalogué, M. J. Hübner, qui a bien voulu me chercher les deux signatures Jan et Johanes Victors, n'a trouvé aucun monogrammo sur lo Jacomo.
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Kat, a Dordrecht, un paysage jaunatre, mêmes style et exécution que Ie paysage du musée de Rotterdam, avec quatre vaches, une ferme, des arbres, et, en avant, dans un bateau, un garcon et une fille, signé : Jan Victórs;—dans la collectionde M. Blokhuyzen, a Rotterdam, une Halte d la porie d'une auberge; un jeune garc_on, costumé en vert, embrasse une jeune fille qui parait a la fenctre de la maison sur la droite; un autre couple est assis sur un banc en avant. A gauche, deux chevaux: 1'un, blanc, vu en rac-courci, mange dans une auge; un bonhomme debout leur coupe du pain. Trois autresfigurines, un chariot avec personnages, etc, signé : Johanes Vietors fc.;
— dans la collection deM. Six van Hillegoni, a Am­sterdam, un Marché aux légumes, mentionné par Smith, t. VII, p. 254, et payé a une vente de 1734 (voir Gerard Hoet) plus de 150 guinées. A droite, une boutique, deux paniers de fruits, des légumes entassés, etc, et un groupe de sept personnes; a gauche, un vieux paysan a barbe, qu'on retrouve dans un des tableaux du musée van der Hoop, porte a son bras un panier et montre un canard qu'il ba-lance en 1'air; trois figurines au second plan, etun village au fond, signé : Jan Victoors fc. 1634; de la même année que notre Charlatan.
Enfin, au musée du Louvre, Ylsaac et Jacob, et la Jeune fille d la fenètre, signé : Fictoob F. 1G40;
— On dit qu'il y a aussi un portrait par Victor au musée de Caen.
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Ce n'est pas tout cependant: Descamps (Voijage en Flandre, 1769) mentionne encore une Visita-tion, par Johanes Victor, dans 1'église Saint-.Tacques d'Anvers, la seconde chapelle après celle du tombeau de Rubens. Eh bien, ce tableau y est encore, a la même place, et souvent jel'avais admiré, sans m'en-quérir du nom de 1'auteur, mais trouvant que 1'oeu-vre se rapprochait au possible de Rubens et que cette charmante peinture devait être d'un de ses meilleurs élèves, après van Dyck. Les figurcs, en pied, sont de grandeur naturelle. A droite, la Vierge, de profil,
— c'est Ie portrait de la seconde femme de Rubens; a gauche, sainte Élisabeth , mi-prosternée, embrasse les flancs arrondis de la jeune épouse mystique; un peu en arrière, dans la demi-teinte, deux têtes; et, a gauche, en haut, perché sur un fragment d'arcbi-tecture, un paon. La: ge exécution, belles draperies, couleur fraiche et fleurie dans les lumières, forte et transparente dans les ombres. Composition, dessin, coloris, tout accuse un souvenir du volet de la Des-cente de croix, oü la Vierge visitée par Élisabeth est précisément aussi Ie portrait d'une des femmes de Rubens, de la première, d'Isabelle Brant.
Yoila donc d'abord un Victor, incontestablement de 1'école de Rubens, — la peinture ne trompe pas,
— et absolument différent de tous les autres. Il n'a rien de commun avec 1'école hollandaise. C'est Ie Yictor de Michel et de Descamps.
Reste a retrouver la biographie de eet artiste. Mais
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ce ne doit pas être impossible a Anvers, oü se sont conservées si heureusement les archives de l'ancienne gilde de Saint-Luc, oü les archives des églises et celles de la ville sont si riches.
Justement, un des rédacteurs du catalogue du mu-sée d'Anvers, M. Théodore van Lerius, marguillier-secrétaire de 1'église Saint-Jacques, a publié en 1855, « d'après des documents authentiques, » une Notice sur les ceuvres 6!art de cette église. Il doity être question du peintre de la Visitation. — Oui vraiment! 1'artiste se nomme Yictor Wolfvoct, et il est, en effet, élève de Rubens, et son tableau de Saint-Jacques est de 1639 environ, car la chapelle de la Visitation de Notre-Dame fut fondée en 1636 par les héritiers de Francois Lopez Franco, consul de Por­tugal, donateur du tableau, pour orncr 1'autel de marbre exécuté vers 1639 par Ie tailleur de pierres, Jacques Des Enfants Ie vieux '.
Yictor est donc un prénom , et Ie nom de familie est Wolfvoet (pied de loup).
1 Notice des ceuvres d'art de 1'église Saint-Jacques a An­vers, par T. van Lerius, 1855, p. 129 et 130, oü on lit: « Vers 1639. — Victor Wolfvoet, élève de Pierre-Paul Rubens. La Visitation de Notre-Dame ■■ la figure de la sainte Yierge rappelle les traits d'Hélène Fourment. Toile d'uno belle cou­leur etqui renferme d'autres bonnes qualités. Nous devons è notre confrère, M. Pierre Moons van der Straelen, la connais-sance du nom de 1'artiste, qui est presque partout fautive-ment indiqué, et qu'a découvert notre savant concitoyen, feu M. J. B. van der Straelen, beau-père de M. Moons... »
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La-dessus, pour completer les renseignements sur Victor Wolfvoet, élève de Rubens, nous avons inter-rogé un autre des rédacteurs du catalogue du musée d'Anvers, un des chercheurs les plus actifs de la Bel-gique, M. P. Genard, qui a trouvé ceci : Victor Wolfvoet Ie jeune, baptisé a Notre-Dame d'Anvers (la cathédrale) Ie 4 raai 1612, était fils de Victor Wolfvoet Ie vieux, peintre , lequel, comme maitre de la gilde, avait recu, en 1599 , un élève nommó Elie Mennens. La femme de Wolfvoet Ie vieux se nommait Brigitte Voorwercx; elle avait eu déja une fille, Élisabeth , baptisée dans la mème église Ie 13 jüillet 1608. Wolfvoet Ie jeune — notre Victor — avait sans doute étudié d'abord chez son père. Il fut recu a la maitrise de Saint-Luc en 1644.
La personnalité est bien constatée, même avec 1'entourage de la familie.—Un de sóparé déja sur Ie Victor collectif, qu'on supposait tantót élève de Rembrandt, tantót élève de Rubens.
Secondement, il faut séparer tout de suite, et en pleine certitude, Jacomo Victor, Ie peintre d'oi-seaux, Hollandais sans aucun doute, aussi savant et mème plus original que Melchior de Hondecoeter. De celui-la je connais plusieurs signatures, en toutes lettres, notamment une superbe signature : Jacomo Victor. 1672 , sur un grand tableau d'oies et de ca-nards, qui vient de passer dans la vente publique du baron Minutoli de Berlin (Bruxelles, 1859). Comme Jacomo a signé parfois l'initiale seule de son pré-
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nom J., et que cette lettre, barree vers Ie milieu a la facon de 1'F., ressemble au J. de Jart Victor, quand lui aussi n'écrit pas son prénom en toutes lettres, on a confondu , sur cette ressemblance sans doute, Jan et Jacomo, malgré la différence des sujets qu'ils trai-tent, malgré la spécialité bien tranchée de Jacomo. M. Julius Hübner peut donc frès - hardiment, au n° \ 459 de son catalogue du musée de Dresde, mettre: Jacomo "Victor, au lieu de dcrselbe (Ie même) avec un point d'interrogation, qui se rapporte a « Jan Vic-toor, » auteur des Fils de Jacob et du Moïse.
Quant au Lauw, ou Lauwrens , ou mème Louw, de Hoet, de van Eynden et d'Immerzeel, nous n'en avons jamais rencontre tracé, et c'est probablement Ie Jacomo, peintre d'oiscaux, dont Ie prénom aura été mal lu par Ie propriétaire du tableau qui a passé dans la ven te de 1749. Que Jacomo soit un fils de Jan, ce serait possible, puisque nousavonsde Jacomo une date authentique 1672, tandis que toutes les dates relatives a Jan sont de 1640 a 1654.
Et de deux, savoir :
1° Victor Wolfvoet Ie jeune, d'Anvers, sectateur de Rubens, auteur de la Visitation dans 1'église Saint-Jacques;
2° Jacomo Victor, Hollandais, peintre d'oiseaux vivants, de grandeur naturelle.
Troisièmement, vient Jan Victor, Hollandais, élève de Rembrandt, et dont Smith dit que « beau-
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coup de ses peintures sont tellement pres des pein-turesdu maltre, qu'on en a vendu souvent comme originaux de Rembrandt dont elles continuent a por-ter Ie nom. » C'est Tauteur de la Jeune fille d la fe-nêtre et de Ylsaac du Louvre, gravé plusieurs fois sous Ie nom deSalomon Conning (Koninck), un des plus habiles sectateurs de Rembrandt.
Il n'y a pas a s'y tromper pour cc tableau A'Isaac, qui parait même avoir été fait en vue d'un concours ouvert entre les élèves de Rembrandt, selon la re-marque judicieuse de M. Scheltema ', a propos du sujet analogue peint par Govert Flinck, et aussi par Ferdinand Rol et par van den Eeckhout.
Jan Victor aurait donc été chez Rembrandt au même temps que Rol, né vers 1610, que Flinck, né en 1616, que van den Eeckhout, né en 1621.
C'ctait certainement, comme Ie montre d'ailleurs aussi la Jeune fille a la fenctre, c'était de 1635 a 1640, époque a laquelle Flinck 2 était dans 1'atelier de Rembrandt, qu'il quitta avant 1644.
Cette pléiade valeureuse — Rol, Flinck, van den Eeckhout, Philip Koninck, Jan Yictor, — est en quelque sorte la seconde génération de Rembrandt, éclose a peu pres en même temps que son vrai chef-d'ceuvre, la Monde de nuit, tandis qu'unc première pléiade, dont Gerard Dov faisait partie, s'est formée
1 Govert Flinck, article de M. Schellema, annoté par W. B., Revue uniuerselk des Arts, t. VI, p. 501. * Voir la note, p. 16.
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sous 1'influcnce de Ja première maniere du maitre, et date du Siméon et de la Lecon d'anatomie. Cela ex-plique la différence de leurs styles.
NicolaasMaesest d'une troisième génération posté­rieure, qui ne marque qu'après 1650.
Lorsqu'en 1656 Rembrandt se fut retiró sur Ie Roosengracht, il ne parait pas qu'il y ait eu des élèves; du moins, — sauf peut-ètre de Gelder, encore n'est-il pas sur qu'il soit un disciple direct, — on n'en cite pas qui aient étudié chez lui autourde 1660. Et puis, si son atelier eüt continue d'être ouvert aux artistes, les dernières années de sa vie ne fussent pas demeu-rées si longtemps enveloppóes de ténèbres.
La Jeune /ilIe d la fenêtre, avec sa date 1640, nouvelle preuve que Jan Victor alors mème était dans 1'atelier de Rembrandt; car ce tableau est en­core, selon moi, une oeuvre de concours, une étude que Je maitre se plaisait a faire faire par ses élèves , pour les habituer a Ja recherche de la nature pour-suivie jusqu'a une extreme réalité.
Rembrandt aussi n'a-t-il pas peint ' plusieurs fois ce sujet d'une femme a la fenètre , par exemple la Crasseuse (Smith , 506), de la collection Rlondel de Gagny;—la Lady qui écarté un rideau (Smith, 549); — la Jeune fille, de Dulwich Gallery* (Smith, 532),
1 On trouve aussi cemotif dans plusieurs de ses eaux-fortcs.
Il est singulier que M. Waagen, qui connaït et qui aime
Rembrandt, n'accepte pas comme un tableau original cette
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datée 1G45 et gravée par Geyzer; — Ie plus beau de tous ses portraits de femme en buste, la Lady d l'éventail, de Buckingham Palace, encadrée dans Ie cintre d'une fenêtre et accotant sa petite main gau-che au pilastre latéral.
Tout Ie monde connait I'bistoire — ou la fable — du tableau baptisé la Crasseuse, représentant la ser-vante de Rcmbrandt en train de fermer Ie volet d'une fenêtre ; cette pcinture ayant été placée sans doute a la facade de la maison sur la rue fit illusion aux pas-sants , qui prirent pour une pcrsonne naturelle la figure peinte. — Ainsi parle la chronique.
Ce motif d'une femme paraissant a une fenêtre qu'elle va fermer semble avoir été indiqué souvent par Rembrandt a ses élèves, qui devaient avoir con-
belle fille de Dulwich Gallery : « Parmi les peintures qui por­tent Ie nom de Rembrandt (a cette galerie de Dulwich) se trouvent quelques bons ouvrages de son école, mais aucun qui puisse ètre de lui. » {Kunstiverke, etc, t. II, p. 188.) — A la vérité, les autres tableaux attribués a Rembrandt dans la collection très-précieuse, mais un peu mélée, de Dulwich College ne sont pas du maitre, mais la Girl at a window, n° 206 du catalogue, est parfaitement originale, et même su-perbe. M. Passavanl 1'admire beaucoup, et, contrairement a M. Waagen, il la vante, dans son ffunstreise in England, comme une « peinture vivante et parlante, d'une grande exé-cution et d'un grand charme de couleur. » Seulement, il se trompe en prenant cette fillette pour la célèbre Crasseuse, aujourd'hui perdue, et qui n'étaitqu'une « vieilleet très-ordi-naire personne, i selon les termes de Smith.
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naissance des tableaux analogues peints par leur mai-tre et qui les imitaient de souvenir, plus ou moins, en travaillant d'après nature, dans leurs petits ate­liers séparés, en haut de la maison de la Breestraat. Jan Victor faisait donc en 1640 sa Fille a la fe-nêtre; plus tard, Ie jeune Maes fit aussi la sienne, presque dans Ie même mouvement pour fermer son volet, et c'est ce tableau de Maes que conserve Ie musée d'Amsterdam sous Ie titre:la Rèveuse (n° 188). 11 est remarquable que la signature de ce Maas est écrite en très-grosses lettres capitales romaines; la signa­ture de Jan Fictoor aussi, sauf errcur de mémoire ';
1 Combien ne serait—il pas désirable que les catalogues des musées et collections donnassent toujours en fac-simile les signatures des tableaux qu'ils possèdent! Le nouveau catalo-gue d'Amsterdam (1859) a réalisé ce perfectionnement, vers lequel s'étaitdéja hasardé le catalogue de Vienne (1855), mais avec timidité et d'une facon très-incomplète. Le catalogue d'An-vers donne bien quelques pages de fac-simile de signatures, monogrammes et dates, a la fin du volume, mais c'est a la suite de chaque tableau qu'il faudrait la griffe de 1'auteur. Dans le catalogue de Berlin et dans celui de Paris, toutes les marques sonl relevées avecsoin, mais elles sont reproduitesen caractère typographique courant, ce qui ne permet pas d'en tirer toutes les révélajions qu'elles recèlent. Espérons que, dans une nouvelle édition, impatiemment attendue par 1'Eu-rope artiste, le catalogue de Paris, dont le plan est presque parfait, publiera, gravés sur bois, les signes de toute sorte attachés aux tableaux du Louvre. C'est précieux pour 1'his-toire.
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ces signatures ne ressemblent guère a celles que les deux peintres apposaient sur leurs oeuvres ordinai-res, dans lasimple intention d'en garantir 1'aulhenti-cité. lei, 1'on dirait plutót que les noms sont inscrits en maniere d'enseigne. Je croirais bien que ces deux tableaux, si pareus de style et d'exécution, doivent avoir appartenu a une mème serie qui restait peut-être exposée dans les ateliers du maitre, comme les académies conservent les tableaux de concours de leurs disciples, ou les tableaux de reception de leurs membres.
Quoi qu'il en soit, Jan Victor travaillait, sans au-cun doute, chez Rembrandt vers i 640 , et par con­séquent il serait difficile qu'il fut né vers 1600 , comme l'a supposé Pilkington et comme l'ont répété les autres biographes. On n'a pas vu souvent un écolier de quarante ans chez un maitre de trente-deux ans.
Autre observation, que suggère, en passant, la Jeune fille du Louvre : 1'auteur de cette peinture, si intimement adhérente a Rembrandt, composition, naturel et simplicité, caractère du dessin ferme et naïf, touche et couleur surtout, n'avait jamais ap­partenu auparavant a 1'école de Rubens. Tous les praticiens peuvent en acquérir la conviction, d'après lemoindre examen des procédés techniques, sans par-Ier du style si accentué. Or, Rubens mourait préci-sémenten cette année 1640. L'auteur de la Jeune fille du Louvre n'a donc jamais travaillé chez Rubens, ni
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avant ni après 1'exécution de ce tableau. Cette simple remarque aurait dü suffire pour démontrer qu'il y avait au moins deux Victor.
A présent que nous tenons Ie pur diseiple de Rem-brandt et que nous Ie suivons, pas bien longtemps! mais avec cerütude, de 1640 (la Jeune fille du Lou-vre) al6S3 (Ie David du musée de Brunswick), il n'est pas difficile de lui restituer les Esther, les Da-lila, les Jacob, les Moïse, les Joseph, les Tobie, la prophétesse Anne, etc., des musées de Brunswick, de Drcsde, de Munich, de Copcnhague, d'Amster-dam, de la galerie Bridgewater a Londres, de la ga­lerie "van den Schrieck a Louvain, etc.
Reste seulement la bizarrerie des signatures : Jan Fictoor (Paris), Jobanes Victors (x\msterdam), Jan Victors (Brunswick), J. Victor (galerie van den Schrieck), etc. Mais, de la plupart des autres maitres hollandais du dix-septième siècle, n'avons-nous pas des variantes de signatures très-authentiques et abso-lument incontestables : Rembrant, Rembrand et Rembrandt; Maas et Macs; Ruisdael et Ruijsdael; Berchem et Berghem, etc. Puisque Ie c et Ie g s'em-ploient indifféremment, pourquoi pas aussi Ie F et VF, qui sont la mème lettre dans toules les langues? Puisque l'i et Va se doublent, pourquoi pas aussi l'o? Ces diversités d'orthographe n'ont rien d'inusité et ne méritent pas qu'on s'y arrète.
Jusque-la tout va assez bicn : trois Victor distinc-tement reconnus et séparés, Victor Wolf voet de la
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LES VICTOR.                                   47
Visitation d'Anvers, Ie Yictor des oiscaux et Ie Victor de maitre Rembrandt.
Mais les paysanneries, sujets faniiliers, figurines et animaux dans des paysages, les tableaux des col-lections Six, Blokhuyzen, de Kat, Ie paysage du musée de Rotterdam, notre Charlatan et notre Char-cutier du musée van der Hoop, etc, de quisont-ils?
lis ne sont pas de l'élè\e de Rubens, ni du peintre des poules.
Seraient-ils ausside 1'élèvede Rembrandt, de 1'au-teur des sujets bibliques, arec figures de grandeur naturelle, du peintre de la Jeune fille a la fenètre, du musée du Louvre?
Toutes ces paysanneries ne portent-elles pas des dates dumème temps a peu pres, de 1640 a 1654 ? Ie nom n'y est-il pas écrit aussi avec lesmêmes variantes, etavec ccts final, qui d'aborddonne a réfléchir : car il scmbleraitètrerindication du génitif, etl'on pourrait supposer qu'il aurait été employé par Ie fils:— Vic-tors... Victorsz... \ ictorszoon, comme: Palamedes... Palamedess... Palamedeszoon, etc. Mais comment alors I's se trouve-t-il aux signatures de 1'élève de Rembrandt et a celles du peintre des paysanneries?
Je me suis tourmenté longtemps sur cette ques-tion, qui tourmentait également Smith'. Est-il pos-
1 « C'est une question de savoir si 1'auteur des grands ta­bleaux historiques est Ie móme artiste qui a peint des sujets pris de la vie familière, en petit, représentant des marchés, des villageois, etc. S'ils sont de la même raain, ils doivent
Jf
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sible que 1'auteur du Charcutier de la galerie van der Hoop soit 1'auteur de la Jeune fille du Louvre et des grandes et belles compositions bibliques des muséesdeDresde, de Brunswick, d'Amsterdam,etc?
Les particularités de 1'exécution, non moins que les sujets et Ie caractère du style, semblent manifes­ter des procédés, des tendances, des qualités — et des défauts, tout a fait divergents. Le Yictor de Rem-brandt est tres-brave et très-énergique, mais, quelle que soit sa force, il est sobre et léger dans les demi-teintes, transparent dans les ombres, obtenues sou­vent avec de simples frottis, selon la methode de 1'école. Il a même parfois, pour donner avec des riens toute la valeur de 1'cffet, des adresses d'escamo-tage dont Rembrandt presque seul possédait le secret. Nous en verrons un exemple précieux au musée de Rotterdam, dans le portrait de vieille femme, presque aussi extraordinaire qu'un Rembrandt.
Le Victor rustique est, au contraire, assez pesant de touche, assez grossier de dessin, égal de coloris, peu initié au clair-obscur. Ses personnages épatés n'ont guère de tournure ni d'esprit. Il a quelque chose d'archaïque, qui trahirait une ócole moins avancée. Van Eynden compare ses compositions a celles de Jan Steen, mais il y a, des unes aux autres, la même distance qu'entre les tableaux de Teniers le
avoir été produils en une dernière periode du maitre, car ils sont très-éloignés de Ia manierede Rembrandtt» (Smith, t. VII, p. 254.)
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vieux et ceux de Teniers Ie jeune, qu'entre ceux du père Cuijp et ceux de son fils Aalbert.
Ne serait-ce point a lui que s'appliquerait, par op-position au Victor de Rembrandt, ou au Victor des oiseaux, 1'épithète den ouden (Ie vieux), hasardée dans van Eynden? N'est-ce point lui qui serait né vers 1600, et ne serait-il point un frère ainé, ou peut-être Ie père, du second Jan, ou de Jacomo?
La contemporanéité des dates, sur les tableaux rembranesques et sur les paysanneries vulgaires, qui semble d'abord prêter a la confusion des deux Jan Victor, ne prouverait-elle point justement 1'inverse? Si ces ceuvres, diflerentes de style et de pratique, étaient séparées par un certain temps, a vingt ans de distance les unes des autres, on pourrait admettre, •*— bien difficilement encore, et peut-être a condition que les sujets grossiers et grotesques fussent anté-rieurs aux peintures marquées de 1'influence de Rem­brandt, — on pourrait admettre que 1'auteur ait métamorphosé sa pratique et son style au contact du grand maitre. Encore, ce changement si complet serait-il presque inexplicable.
Ainsi je me faisais des raisons a perte d'esprit, quand j'aipris Ie parti d'aller revoir les paysanneries du Victor rustique, pour y chercher les signes de 1'école de Rembrandt. Eh bien, ils y sont parfaite-ment, surtout dans les tableaux deM. Blokhuyzen et de M. Six van Hillegom. Seulement, 1'auteur avait deux styles, comme on a deux costumes, un habit
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pour aller en ville, une blouse pour aller a la cam­pagne. Mais, sous Ie déguisement, l'homme est Ie mème. Le peintre, Ie praticien, 1'ouvrier, Ie dessina-teur, le coloriste, est le mème aussi dans ses villa-geois et dans ses patriarches, dans ses Jaeob et dans ses Charlatans.
Et il n'y a point a supposer, comme le faisait Smith, que les sujets familiers soient d'une dernière periode du maitre : car, si le Charlatan du musée van der Hoop et le Marché aux légumes de la galerie Six sont dates 1654 (la dernière date constatée), les grands tableaux AeDavid et de Moïse, aux muséesde Bruns­wick et de Dresde, ne sont-ils pas dates 1633? Le Charcutier ne porte-t-il pas la mème date précisé-ment que le Joseph du musée d'Amsterdam?
Résignons-nous donc a admettre que les tableaux historiques et les tableaux de genre, signés Victor, quelles que soient les variantes du nom, sont du mème artiste, et peints dans la mème periode.
Et ce Jan Victor est ólève de Rembrandt.
Ca fait trois Victor en tout.
Pour completer eet apercu sur les trois Victor, et pour opérer désormais avec assurance la séparation de leurs personnalités, il y aurait encore a faire un travail très-intéressant : rassembler, comparer et étudier tout ce qui peut avoir été gravé d'après cux, ou mème par eux'. L'élève de Rembrandt doit s'ètre
1 Leurs dessins, quand on en trouve, seraient encore des
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SAMUEL VAN HOOGSTRAETEN.                   51
essayé a 1'eau-forte dans Ie genre de son maitre, comme y ont si bien réussi Ferdinand Bol, Salomon Koninck, Jan Lievens et autres. Je ne serais pas étonné non plus que Jacomo eüt gravé a 1'eau-forte des oiseaux, — canards ou poules, — car dans sa peinture il a parfois des accents vifs qui annonce-raient presque un certain usage de la pointe.
La-dessus nous faisons appel aux iconographes, aux conservateurs de collections publiques et aux possesseurs de collections privées. La moindre in-scription sur une estampe, une date, un indice de pays et d'ccole, peuvent souvent jeter une vive lu-mière sur les points les plus obscurs de la biographie ou de 1'histoire.
Samuel van Hoogstraeten. — II a du se trouver chez Rembrandt au mème temps a peu pres que Vic-tor, car il y entra après avoir perdu son père, Dirk van Hoogstraeten, mort a Dordrecht en 1640 '. 11 était tout jeune encore, puisqu'il est né en 1 627, et son talent, comme celui de Nicolaas Maes, se trouva formé de très-bonne heure. Dès 1652, il court déja
renseignements précieux. Les amateurs hollandais rloivent en avoir. M. Suermondt, d'Aix-la-Chapelle, en possède un, très-bon, de Jan Victor, dans son style familier : mi-paysage et mi-marine; huit figures; des pècheursqui offrent leur poisson a une familie de seigneurs [Galerie Suermondt, p. 111 et 112). 1 Houbraken. — On peut croife Houbraken bien renscigné sur Samuel van Hoogstraeten, qui fut son maitre.
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Ie monde et il patronne a Vienne son frère puiné, devenu son élève. Je crois bien que ses meilleures ceuvres sont aussi celles de sa première maniere. Il a fait alors quelques portraits, assez magistralement peints, par exemple un portrait d'homme, de gran­deur naturelle, vu jusqu'aux genoux, avec un fond de marine, appartenant a la collection de M. Dupper, de Dordrecht, et qu'on prendrait pour un Ferdinand Bol.
Son tableau du musée van der Hoop est excellent. Il représente une jeune femme malade et son méde-cin, et il rappelle beaucoup, comme composition, les tableaux analogues de Jan Steen et de Metsu.
La jeune malade, toute pale et la tcte penchée, est assise, de face, Ie coude gauche appuyé sur une table couverte d'un tapis rouge, avec un linge blanc, une fiolc et un pot. Ses deux mains se joignent contre la taille, et ses petits pieds reposent sur une chauffe-rette. Elle a une cornette blanche , un caraco jaune, largement bordé d'hermine,unjupon bleu-perse, un tablier blanc. Derriere Ia table, Ie médecin, debout, presque de profil a gauche, toque noire et costume noir, ses gants dans une main, tient dans Fautre main un flacon qu'il exhausse en 1'air pour bien voir au jour la liqueur révélatrice et diagnostiquer en toute certitude.
La médecine, a cette époque, était déja, comme on sait, une science infaillible. Il ne s'agissait que de re-garder dans la bouteille a la science. Ce médecin-la
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ARNOLD HOHBRAKEN.                         53
pourtant n'est pas si subtil que les médecins de Jan Steen, et il y a ehance qu'il ne devine pas la maladie.
Au fond de la chambre, onapercoit Ie lit, chaste-ment voile de rideaux verts; a gaucbe, quelques de-grés conduisant a une enfilade de pièces, avec des effets d'intérieur dans Ie genre de ceux de Pieter de Hoocb.
Signé: S. v. II., sans date apparente.
Les figurines, d'environ 1 pied de haut, sont très-finement dessinées. L'harmonie générale de la cou­leur est étrange, distinguée, originale. Il y a destons paille, des tons perle, des tons argentés, très-heu-reux de rapprochement, une habile distribution de la lumière , et dans les ombres de la légèreté. Sur eet exemplaire de son talent, on estime bien plus Samuel van Hoogstraeten que sur son grand tableau de la galerie de La Ilaye', lequel a pourtant de fortes qualités.
Arnold Hodbraken. — Qui a vu des tableaux du peintre-biographe, Arnold Houbraken, élève de Samuel van Hoogstraeten, et mêmc, selon Descamps,
1 Sur ce tableau de La Have (1" volume des Musées de la Ho'lande, p. 222 et suivantes) nous avons négligé de donner plusieurs renseignements qui ont leur importance : il était en 1770 dans la galerie du prince d'Orange, qui Pavait payé A i 5 florins a la vente van Oostrum, 4 765. — H. 7 pieds 8 pou-ces. L. 5 pieds 8 pouces. — II est signé, comme celui de la galerie van der Hoop, des initiales S. v. H. — D'autres fois, Samuel employait un monogramme formé des trois lettres,
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de Jacques La Vecq, condisciple de Samuel chez Rembrandt ? Iloubraken était donc issu doublement de Rembrandt, au second degré il est vrai, et il au-raitpresquepuleeonnaitre, puisqu'ilest né en 1660; ce qui ne 1'a pas empêche de publier sur Ie grand maitre les f'ables les plus ridicule». Oh! Ie vilain homme, avec sa longue perruque, son nezen biseau, son air prétentieux et rusé! Et ce sont ses belles in-ventions de biographe qui ontsauvéson nomdel'ou-bli. Car ses ceuvres d'artiste, oü sont-elles? Et pour-tant il avait fait quantité de mythologiades, que les amateurs hollandais payèrent très-bien. Une Hélène monta, en vente publique, jusqu'a 600 florins, quand on avait, en cetemps-la, des Rembrandt et des Cuijp pour un prix dix fois moindre. Le gout hollandais était un peu égaré dès le commencement du dix-huitième siècle.
A la vente d'Arnold Iloubraken, après sa mort, en 1720 , il y avait trente tableaux de lui : Jupiter, Vénus, Narcisse, Didon, Diogène , Scipion , Abra­ham, Moïse, madame Putiphar, le prophete Élie, saint Jean-Raptiste, des Parnasse, des Saintes Fa­milies et des Bergères, — tont ce qu'on peut imagi-ner de mieux. Que sont devenus tant de chefs-d'ceu-vre ?'Ses toiles barbouillées de couleur n'ont pas dure aussi longtemps que ses feuilles de papier barbouil­lées de noir.
I'S entortillé sur le premier jambage de 1'H, dont la barre horizontale inférieure est iufléchieet apointie en un petil v.
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ARNOLD HOUBRAKEN.                          53
Le musée van der Hoop possède de Houbraken un tableau, —le seul que j'aie jamais vu de lui, — une petite Scène datelier, qu'on trouve probablement peu decente, puisqu'on 1'a dissimulée dans 1'ombre, derriere la porte de la salie oü sont ranges les mo-dernes. Une femme nue, de dos, et courbéeen avant, pose, sous lalumièred'unefenêtreouverte a gauche. Le peintre est a son chevalet, et derriére luiun ama­teur contemple le modèle féminin dans sa position delicate.
Cela rappelle un peu lc conte du Moyen de par-venir, oü de vieux seigneurs en goguette, après avoir déshabillé une jeune innocente, s'amusent a lui faire ramasser par terre des semis de roses.
Je soupconne Houbraken d'avoir exploité, outre lessujets mythologiques et religieux, — comme ma­dame Putiphar, — les sujets érotiques qui avaient porté malheur a Torrentius dont les ceuvres furent brülées. Car on rencontre encore dans la vente mor-tuaire de Houbraken une Femme prise en adultère et des Bergères suspectes. Ces libertés hasardeuses s'accordentaRembrandt, qui, Dieu merci, ne s'en est pas privé; mais les mauvais peintres devraient se contenter des Scipion et des Saint Joseph.
J'ajouterai que ce pitoyable opuscule de Houbra­ken m'a assez réjoui, et, si j'étais directeur du musée van der Hoop, je le mettrais en belle lumière a cöté Ae\aFiancéejuivede Rembrandt, entre un intérieur de Pieter de Hooch et un paysage de Hobbema, deux
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artistes obscurs, sur qui Ie savant biographe Hou-braken ne savait rien du tout et ne nous a pas trans-mis la moindre historiette du gout de celles qu'il raconte sur Adriaan Brouwer et Jan Steen.
Le continuateur et rectificateur d'Arnold Hou-braken, Jan van Gooi, a aussi un tableau au musée van der Hoop : « Paysage avec du bétail. » Je con­signe ici cette production de décadence, seulement a cause du nom de 1'auteur de la Nouvelle histoire des ■peintres néerlandais.
Pieter de Hoocii. — Nous avons été heureux de trouver, dans 1c catalogue allemand de la galerie Suermondt ', que M. Waagcn partage notre senti­ment sur les adhérences de Pieter de Hooch a Rem-brandt. Nous avions déja risqué de dire {Musée d'Amsterdam) qu'on découvrirait peut-être un jour que Pieter de Hooch s'est formé chez Rembrandt lui-même. La date de la naissance de Pieter, 1643, pro-posée par Descamps, Pilkington et autres, mais con-tredite d'ailleurs par des signatures trop rapprochées
a Raisonnirender Catalog der Gemaelie-Samrnlung des Herrn Barlhold Suermondt, zu Aachen (Catalogue raisonné de la colleotion de tableaux deM. B. S. a Aix-la-Chapdle), par le DrG. F. Waagen, etc; Aix-la-Chapelie, (859; in-8° de 84 pages; avec une préface et une table; 131 numéros. Nous avons donné la Iraduction de ce cataloguedansnotre livre sur la Galerie Suermondt, in-8° de 200 pages. Bruxelles, Ferdi-nand Claassen, 1860.
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de cette date apocryphe, semblait un obstacle chrono-logiqueacequ'il e ut frequente 1'atelier de Renibrandt, ferme aux élèves après les désastres de 1656. Mais voila que Pieter de Hooch serait né quinze ans avant 1643! Du moins, M. Christiaan Kramm, dans sa suite a Immerzeel [de Levens en werken, etc, Amsterdam, 1839), cite une note du Nederlandsche Kunstspiegel (Miroir de 1'art hollandais), d'aprèsla-quelle « Pieter de Hooge est né vraisemblablement en 1628. » II lui parait certain aussi que Pieter était Voncle de Romein de Hooghe, Ie graveur, né en 1638. Si, en effet, Pieter est né vers 1628, rien ne s'oppose plus a ce qu'il ait travaillé chez Rembrandt, et ce dut être a peu pres au même temps que Nicolaas Maes : autour de 1650. Cela expliquerait a la fois son style et sa technique rembranesques, et ses analogies avec Maes.
Le musée van der Hoop possède quatre tableaux de Pieter de Hooch : trois intérieurs d'appartement et un effet de plein air.
N" 54. Une « Mère et son enfant. » La femme, assise sur une chaise, est tournee a droite et éclairée parunepetite fenêtre haute. Elleaun serre-tète noir, un caraco rouge, bordé de fourrure blanche, un ju-pon bleu foncé. Sa petite fille, en corsagegris et jupe d'un vert a reflets d'or, se penche sur elle. Ce que la mcre fait a 1'enfant est mystère de toilette... elle lui nettoie la tête et les cbeveux. En arrière de ce groupe, un lit enfermé dans une alcöve de bois, a rideaux
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Terts; une bassinoire est suspendue contre Ie panneau de 1'alcove. A droite en avant, une petite chaire, sur laquelle est la gignature. Vers la gauche, par une porteouvcrte, Ie regard pénètre dans une autre pièce, dont Ie battant supérieur de la porie extérieure est ouvert aussi et laisse voir une cour avec échappée de paysage. ïrois plans successifs delumière différente! C'est la qu'excelle Pieter de Hooch. Un petit chien noir, vu de dos, est couché sur Ie parquet a carreaux rougeatres, devant la premièreportu, surmontée d'un tableau sonibre.
Belle qualité du maitre. Couleur rayonnante. Le panneau, de formc presquecarrée,aenviront pied 1/2 de haut.
N" SS. C'est le plus beau. Une merveille! bicn difficile a décrire, car la valeur superlative de cette peinture est dans 1'effet lumineux.
Balzac avait 1'habitude de commencer ses romans par une topograpbie minutieuse des localités oü de-vait se passer le drame. Il créait d'abord son milieu, a la facon du Père Éternel plantant d'arbres et de fleurs son paradis terrestre,avant d'y mettre 1'homme et la femme. Dis-moi oü tu es, je te dirai ce que tu y feras. Si Ève a cueilli la pomme, c'est qu'il y avait la des pommiers en fruit.—Une fois entre dans la mai-son du père Grandet de Saumur, on connait 1'avaro et 1'on devine que sa fille Eugénie sera bientöt araou-reuse du premier venu, pour se désennuyer dans cette triste cage.
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Le procédé topographique de Balzac est souvent ntile pour donner une idee des tableaux de Pieter de llooch, oü 1'intérieur domestique, le home des An-glais, avec tous ses charmes, a tant d'importance. Ce n'est pas que les personnages y soient un accessoire, mais ils en sont inséparables. Tout cela est créé pour eux, surtout la lumière qui les anime et les égaye. Tout cela n'est qu'un milieu barmonieux oü quel-qu'un va vivre comme chez soi, y faire quelque chose, peu de chose, peut-être rien du tout.
Nous sommes dans une chambrc dont la porte, au fond a gauche, est grande ouverte sur le quai d'un canal; une fille passé le long du trottoir; puis on voit un arbre, un troncon du canal, et sur le bord opposé une autre rue, frappée de soleil, oü deux pe-tits bonshommes en manteaux sont arrètés devant une maison. C'est prodigieux de lumière et de per-spective.
On connait le caractère des villes hollandaises, avec leurs innombrables canaux bordes d'arbres et leurs maisons multiformes et multicolores, rien qu'a jeter un coup d'ceil par cette percée largo comme la main.
Au-dessus de la porie, légèrement cintrée, une fenê-tre; a droite, une grande croisée a petits carreaux et a quatre compartiments, dont un est entr'ouvert. Sous le rayon de la croisée, dans 1'angle de la pièce, est assise une jeune fille en corsage bleu et tablier blanc; elle tourne la tête vers un jeune homme qui arrive par
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une portede biaisau premier plan, touta fait a droite; d'une main,il tient son chapeau, et de 1'autre main il présente un billet. Ce sera une distraction pour la belle rêveuse. Tout ce coin-Ia rappelle Ie fond chatoyant du délicieux tableau du Louvre (n° 224), oü une jeune personne et un cavalier causent mystérieuse-ment dans la pénombre. Il n'y a rien dans la cham-bre que les deux personnages, et un gros chien noir, qui allait sortir par la porte et qui se retourne aussi vers Ie page au billet.
La signature est entière : P : d'hoech(sic) ; mais, outre que les lettres ne sont pas en caractères ro-mains, selon 1'habitude du maitre, 1'e au lieu du second o et 1'apostrophe après Ie d ne semblent pas une bonne garantie d'authenticité. Il se pourrait cependant que cette signature fut vraie. — Peint sur toile. Hauteur, environ 60 centimètres ; la lar-geur un peu moindre.
N° 56. Celui-ci est plus ordinaire. Il est singulier qu'il ait aussi une signature écrite avec 1'E, mais en lettres romaines, — et sans apostrophe. Nous ne nous souvenons pas d'avoir rencontre cette apostro­phe dans les signaturescertaines, assez rares entoutes lettres, 1'artiste se contentant des trois initiales PDH, quelquefois d'un monogramme oü Ie D est formé dans 1'intérieur de 1'H, comme sur son portrait du musée d'Amsterdam, quelquefois—peut-être—d'un mono­gramme oü, a 1'intérieur de l'II, c'est un P au lieu d'un D. Est-ce que M. van der Hoop tenait a avoir
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des tableaux signés, et s'arrangeait-on pour Ie servir a son gout? Les Hollandais écrivent d'ailleurs plus volontiers : de Hooge, que : de Hooch. Du reste, 1'originalité de ces signatures avec un e serait faeile a vérifier pour qui pourrait examiner la peinture sous une lumière convenable.
Ce tableau n° 56 offre un effet de soleil qui plai-sait a Pieter de Hooch, aussi, je pense, a van der Meer de Delft, et que M. Decamps a employé dans une École turque, du Salon de 1846, réexposée a la dernière exhibition d'Amsterdam.
Une fenêtre de gauche, au-dessus d'une table a tapis turc, se silhouette en vive lumière au bas du lambris opposé, pres d'une cheminée. Devant la cheminée une servante est occupée a balayer. Une autre femme, assise, presque de face, en caraco de velours bleu et jupon rouge, tient un baby en robe jaune ; a son cöté, Ie berceau de 1'enfant. Derriére elle, une porte ouverte sur une cour, et un apercu de ville. Le reste du fond est une muraille grise, avec un tableau. Il y a aussi un tableau au-dessus de la cheminée. Le panneau est large d'environ 40 a 30 centimètres, et un peu moins haut.
L'effet de plein air, catalogué (n° 37) : « Un sei­gneur et une dame assis devant une maison de cam­pagne, » est une rareté dans 1'ceuvre de Pieter1.
1 La galerie van Loon, a Amsterdam, possède aussi un effet de plein air, supérieur a celui-ci comme qualité.
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Smith (n°64) 1'appelle « unc admirable production» et Tintitule : les Amoureux (the Lovers). Ces amou-reux semblent se taquiner pour Ie moment. La gentille femme, mi-détournée et vue de profil perdu, presse un citron au-dessus d'un verre. Assis en face d'elle, et Ie coudc appuyé sur la table, lc jeune homme la regarde avec un fin sourire. Y aurait-il quelque malice symbolique dans la pression du citron ? Les costumes sont très-élégants : la femme en caraco rose et jupon paille ; 1'homme en pour-point grenat, hauts-de-chausses écarlates, bas blancs plissós sur la cheville; il a la tête nue et de longs cheveux, une belle perruque sans doute. Ce petit seigneur est vraiment exquis, avec sa physionomie spirituelle, sa pose sans facon et sa pipe a la main ballante. Il a, sauf la pipe, quelque chose des mar-quis de Molière.
Ce tête-a-tête a lieu dans une espèce de cour, pré-cédant une maison a toit en tuiles rouges; Ie tuyau de la cheminée est rouge; une fenètre a des volets rouges. C'est trop rouge. L'harmouieux Pieter de Ilooch, adorable dans son petit groupe des amoureux, est un peu dur de ton dans cette batisse, qui, d'ail-leurs, a trop d'importance. Mais peut-être Ie tableau a-t-il été nettoyé en cette partie claire, et les glacis enlevés. ïout Ie reste est excellent et juste de lu-mière. A la porte de la maison, une femme, debout et de face, tient un verre. Contre la fenêtre, une ser-vante fourbit un chaudron au-dessus d'une barrique.
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K0ED1JK.                                   63
A droite, une barrière en planches et une ouverture surune plantationd'arbres, espèce de pare; a gauche, autre clóture, vue en raccourci. La toile a 2 pieds de haut sur 1 pied 6 pouces de large. Le tableau était en 1832 dans la collection de M. O'Neil.
Koedi.tk.— II peut passer pour un élève de Pieter de Hooch, quoiqu'il soit né trop tard pour avoir étudié directement sous ce maitre, a moins que Pieter ne soit mort vieux vers le commencement du dix-huitième siècle, ce qui n'est guère probable, car la dernière date connue sur ses tableaux est, je crois, 1680. Il parait certain que Koedijk est né en 1681, a Zaandam, tout pres d'Amsterdam, sur 1'autre rivage de 1'IJ, dans ce village oü vécut Pierre le Grand et oü 1'on montre encore sa demeure, — Saardam, comme disent les vaudevillistes francais, trop francais pour accepter la géographie étran-gère.
Du prénom de Koedijk, on n'est pas très-sür. Nicolaas peut-être? C'est presque accepté, et les cata-logues du musée d'Amsterdam et du musée van der Hoop n'bésitcnt point. Cependant son nom se trouve dans quelques auteurs avec la siinple initiale D pour prénom. De sa vie, sauf ses rapports avec le czar Pierre de Russie, personne ne dit rien. Basan, Dic-tionnaire des graveurs, le cite comme ayant gravé d'après Metsu et autres, mais Bartsch n'en parle point. Je n'ai jamais eu occasion de voir des gravures
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de Koedijk, s'il en a fait. Ses tableaux doivent être extrêmement rares, puisqu'aucun musée de l'Europe n'enregistre même son nom. De ceux qui peuvent être en Hollande', je ne connais qu'un Intérieur (dans la belle galerie van Loon) avec une femme, vue de dos, assise devant un piano, et un petit garcon, debout pres d'elle. Au fond, une fenètre; a gauche, une cheminée ; a droite, une armoire et une chaise. C'est superbe, comme Pieter de Hooch a peu pres, mais plus brun.
Nous avons recherche dans les anciens catalogues de ventes : même rareté. Les catalogues de Gerard Iloet ne citent qu'une peinture,« extra-belle, »vendue 31 florins, a La Haye, en 1730. Le catalogue de la collection Lormier(1752) contient bien deuxtablcaux attribués a Koedijk : un Chirurgien qui bande la jambe a un paysan, avec beaucoup d'accessoires, — et un Intérieur; mais ils ne se retrouvent plus a la vente publique de cette collection en 1763.
A lacélèbre venteBraamcamp, Amsterdam, 1771, il y avait deux Coedyk {sic sans prénom) : 1° un In­térieur de chambre, avec un escalier en vis, d'oü descend un homme ; dans une seconde chambre, on apercoit une femme assise pres d'une table; 2° un autre intérieur, intitulé VEscalier; dans une galerie,
1 On lui attribue, au musée d'Amsterdam, un excellent petit portrait en pied, place liaut, en mauvaisu lumière, et qu'ü est difficile de juger.
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KOEDIJK.                                          C5
nn homme et une femme sont assis a une table; au fond de la galerie, deux femmes causent pres d'une porte ouverte. — lis furent achetés par Ie mêrne ac-quércur, M. A. van den Bogaarde, Ie premier 4,300 üorins, Ie second 1,700 florins; c'était prodigieux pour 1'époque. Que sont-ils devenus depuis bientót un siècle?
Immerzeel citc qiielques autres tableaux qui ont passé dans des ventes plus récentes : a une vente a Amsterdam, 1817, deux Intérieurs; 1'un avec un seul homme et beaucoup d'accessoires, 940 florins; 1'autre, un Homme qui pèse de l'or, une femme assise pres de la cheminée oü un domes-tique fait du feu, 510 florins; — vente Brentano, 1822, un Intérieur, 105 florins; —vente Dirk Ver­steeg, 1823, un Effet de lumière, 51 florins.
Je n'ai pas la collection des catalogues francais, qui peut-être offriraientquelquesindications. Je sup-pose aussi qu'il pourrait bien y avoir des Koedijk en Russie, puisque Pierre Ie Grand fut Ie protecteur et Yami du peintre.
Le tableau du musée van der Hoop est une belle et large peinture, simple et harmonieuse, toujours dans le style de Pieter de Hooch. 11 est intitulé : « N° 66. Une dame jouant du clavecin, etc. Sur toile. » La femme, en cornette et pèlerine blanche, caraco de velours rouge, bordé d'hermine, jupon rouge, est assise dans une chaise en bois, sur le dos­sier de laquelle est jetée une draperie violette; le
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corps est de profil, la tète retournée de trois quarts. A sa droite, devant Ie piano, un homme, debout et de dos, 1'accompagne en pincant d'une guitare dont on ne voit que Ie manche. Il a une grande robe noire a reflets bruns, une *avalanche de chevelure rousse (toujours la perruque sans doute); son chapeau noir est jeté a ses pieds sur la dalle grise. A gauche, est ouverteune fenêtre donnantsur un intérieur de "ville; au fond, une espèce de bibliothèque voilée d'une dra­perie verte; entre la fenêtre et la bibliothèque est accrochée une glacé dans laquelle on apcrcoit de face Ie buste du joueur de guitare. — Sur Ie rebord infé­rieur de la fenêtre, la signature en toutes lettres, asscz grandes.
Koedijk est Ie dernicr peindre de la tradition rem-branesque, et même Ie dernier bon peintre de la llol-lande. De son temps régnaient Gerard de Lairesse, Schalcken, les van der Werff, Limborch, Ie digne élève du chevalier Adrien ; Nicolaas Verkolije, 1'in-digne fils de Jan; et la misérable dynastie du vieux Frans Mieris. Détournons nos yeux de cette cor-ruption.
De Kevser ? — Le catalogue attribue a « Willem de Keiser, né vers 1647, mort en 1692, un portrait de vieillard ayant un livre a la main; sur bois. » Nous renvoyons pour ce Willem,assez fantastique, a l'article sur les de Keijser dans les Musées de la Hol-lande (I, p. 231 - 239), en attendant qu'une autre
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galerie' nous fournisse occasion d'ajouter quelques nouveaux renseignements. La peinture, assez forte d'ailleurs, ne parait pas ètre d'un Keijser ou Keyser quelconque, car, sur le livre que le vieillard feuil-lette de sa main -droite, on découvre une sorte de marque en forme de cceur, surmonté d'une croix a doublé barre transversale, et dans lequel sont in-scritesles initiales I B.—Aqui elles peuvent se rap-porter, je ne sais. L'homme est a mi-corps, debout, la main gauche sur la hanche; il a les cheveux blancs, la barbe taillée a la mode Louis XIII; vète-ment noir, col plat. Fond neutre. Beaucoup de sim-plicitc et de caractère.
Van der Meer de Delft. — Encore le sphinx! «N° 71. Un interieur avecune femme en robe bleue; sur toile. » La femme est debout, de profil a gauche, vue jusqu'ala cheville ; elle lit une lettre; elle a un long caraco bleu-clair, du même ton que la draperie bleue dans le buste de femme de la galerie d'Aren-berg, et un jupon gris-tendre. Devant elle, une table et une chaise a dossier bleu; en arrière, une autre
1 Par exemple la collection de M. Dubus de Gisignies, a Bruxelles, sur laquelle nous préparons un travail. Il y a la deux petits portraits de Tlieodor de Keijser, un homme et une femme, qui sont de première qualité. Le portrait d'homme a une belle signature en toutes lettres : TDKeijser f. 4639, les trois capitales formant monogramme. Le portrait de femme n'a que le monogramme, avec la date 1640.
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chaise bleue. Décidément, van der Meer de Delft af-fectionnait Ie bleu ciel. Le fond est un lambris pale, clair de lune toujours, et le buste se découpe sur une carte géographique, un peu teintée de bistre et ac-crochée a ce lambris.
L'exécution de cette peinture singuliere est très-délicate, presque mince, la pate très-lcgère, la cou­leur faible et mème un peu sèche. Il est vrai quece tableau est très-frotté. D'habitude, au contraire, van der Meer de Delft a la touche franche et la pate grasse et abondante, même exagérée dans sa Vue de Delft, au musée de La Haye; une incomparable fer-meté de dessin et de modelé dans la Laitière de la galerie Six van Hillegom; un coloris extrêmement chaud et harmonieux dans la Facade d'une maison hollandaise, mème galerie.
Ces différcnces de pratique nous ont fait hcsiter longtemps sur l'originalité de la Liseuse du musée van der Hoop. Cependant la physionomie de cette femme est d'une finesse exquise; les bras nus, la main qui tient le papier, sont dessinés a merveille; 1'ensemble a beaucoup d'étrangeté ; et puis, cette lu-mière pale, ces bleus tendres, tout cela accuse Delftsche van der Meer.—Ce diable d'artiste a eu sans doute des manières diverses.
Le tableau avait même une signature, sur un livre ouvert sur la table, et quoique les lettres en soient presque effacées, on y devine encore: Meer. Il a d'ail-leurs une tradition que nous avons retrouvee : dans
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Ie catalogue, rédigé par A. Paillet et H. Delaroche , d'une vente faitc a Paris en 1809, il est décrit ainsi : «N° 85. L'intérieur d'un appartement oü 1'onvoitau milieu une jeune femme dans un déshabillé du ma-tin. Elle est debout et occupée a lire une lettre atten-tivement; une table, des chaises et une carte de géo-graphie forment des accessoires rendusavecbeaucoup de vérité. Cette production, quoique très-simple, est remarquable par l'expression naïve de la figure et 1'effet de lumière, mérite ordinaije des ouvrages de ce peintre. Hauteur 17 pouces; largeur 14. » (C'cst bien la dimension du tableau van der Hoop.)
— Vendu 200 francs.
Il reparait en 1825, a la seconde vente Lapeyriëre, catalogue rédigé par Henry, sous Ie titre : la Toilette (n° 127), et avec une description un peu différente.
— Payé 1060 francs par Berthaud.
La Liseuse du musée van der Hoop doit donc être ajoutée a la courte liste des ceuvres authentiques de vandor Meer, déjacitées Galerie d'Arenberg, savoir:
1. La Vue de Delft, musée de La Haye ;
2 et 3. La Lat tier e et la Facade d'une maison hol-landaise, galerie Six van Hillegom, a Amsterdam;
4.  Le Portrait de femme, galerie d'Arenberg, a Bruxelles;
5.  La Jeune femme écrivant une lettre, collection Dufour, a Marseille. Nous n'avonspasvu ce tableau, queM. L. Lagrange a bien voulu nousindiquer dans la Gazette des Beaux-Arts; mais, d'après la gravure
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au trait publiée en 1809, par Lebrun ', 1'authenti-tité n'est pasdouteuse. —Le tableau fut payé 600 fr. a laventede 1809.
6. Le prétendu Pieterde Hooch, galerie Czernin, a Vienne. Nous ne 1'avons pas vu non plus; mais, d'après des témoignagcs très-compétents, eest un Delftsche ineontestable.
Depuis un an, nous avons continue nos recher­ches, nous avons vu de nouvelles peintures de van der Meer et nous avons recueilli sur lui quantité de docuinents nouveaux.
Ses ceuvres d'abord :
Dans une galerie hollandaise, que nous n'avions pas cu occasion de visiter jusque-la, chez M. Blok-huyzen a Rotterdam, qui a des tableaux très-inté-ressants, nous avons rencontre la Dentelière, déli-cieuse petite peinture, haute de 9 pouces, large de 8.
1 A propos de cetle peinture, Lebrun juge mêine assez bien 1'auteur : «Ce Vander Meer, dont leshistoriensn'ontpoint parlé, mérite une altention particuliere. C'est un très-grand peintre dans la maniere de Metsu. Ses ouvrages sont rares, et ils sont plus connus et plus appréciés en Hollandoque partout ailleurs. On les paye aussi cher que ceux de Gabriel Metsu. II parait que Vander Meer s'est particulièrement attaché a bien rendre les eifels du soleil; et il y aréussi au point de faire quelque-fois illusion.
« Le tableau ici gravó est un des plus capitaux de ce maftre; imitateur fidele de la nature, il 1'a rendue par une couleur vraie et une exécution moelleuse. Cet ouvrage est de 1'eflet le pluspiquant.»
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Cette jeune fille, de trois quarts a droite, la tète bais-sée et vue en raccourci, travaille agilement de ses deux mains sur son métier a longs fuseaux; ces pe-tites mains en action sont dessinées avec une adresse et une élégance merveilleuses. Sur Ie métier, il y a du bleu et du rose pales; a gauche, un coussin bleu, avec du rouge et du blanc et des franges rouges, et un coin de tapis a grand es pal mes.
Le corsage de la fillette est jaune citron , autre couleur affectionnée de van der Meer ; un col blanc en guipure est rabattu sur le beau ton clair du cor­sage. Une partie du visage est voiléc d'une douce et légere pénombre; mais les cheveux d'un blond ten-dre, séparés par une raie horizontale au-dcssus du front et tombant en boucles délicates, sont en lu-mière. Le fond est un gris perle, très-clair. Signé, comme le tableau d'Arenberg', mais en plus petites lettres : Meer, avec un I, pour Jan, dressé au-dessus du v intérieur de 1'M.
La Dentclière, que M. Blokhuyzen tient, je crois, de la vente Nagel a La Haye, a passé dans la pre­mière ventc Lapeyrière, Paris 1817, catalogue rédigé par M. Pérignon, qui en donna la dcscription sui-vante : «N° 30. Un Tableau peint avec leplus grand art et oü le peintre a su , dans une maniere large , rendre le fini de la nature, la différence des objets,
1 Voir le fac-similede cette signature et de celle du tableau de La Haye: Galerie d'Arenberg, p. 35 et 36.
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Ie soyeux des étoffes, par lajustessede ses teintes et de 1'effet. Il représente une jeune femme, occupée a faire de la dentelle, et entource de divers accessoi­res convenables a cette occupation. Les tableaux de eet artiste sont extrèmement rares et recherches. » — Adjugé a 501 francs.
C'est Ie tableau cité par Gault de Saint-Gcrmain dans sa curieuse notice sur « Meer (Jcan Van der), dit de Delft, néa Schonove, et, selond'autres,aHar-lem en 1628, mort dans cette dernière ville en 1691; élève de Jean Broers et de Berghem...»— Schonove est la pour Schoonhaven oü naquit un autre Aan der Meer, élève de Berchem en effet, et que Gault con-fond avec Ie van der Meer dit de Delft, a qui il at-tribue « marines et paysages, » et aussi les historiettes d'un voyage en Italië et autres, qui se rapportent au van der Meer de Schoonhaven.
Dans une galerie, sur laquelle nous venons de pu-blier un volume, chez M. Barthold Suermondt a Aix-la-Chapelle, encore un van der Meer, catalogue comme Philip Koninck parM. Waagen. On 1'avait précédemment attribué a Hobbema, même a van Ruijsdael, et sansdoute a Pieter de Hooch. Paysage, cette fois, un petit prodige de lumière et de couleur1.
Mais il y avait un tableau qui nous tourmentait depuis longtemps, pour en avoir remarqué i'indica-tion dans Ie catalogue de l'ancienne galerie de Salz-
1 Galerie Suermondt, p. 34 et suiv.
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thal, ou Salzdablum (par Eberlein, 1776), oü il est attribué a Jean van der Meer (tout court), ainsi qu'un paysage sablonncux. Comme la galerie de Salzthal, formée par les ducs de Brunswick, a passé tout entière au musée actuel de la ville de Brunswick, nous avons été voir ce musée, et nous y avons trouvé, sous Ie nom de Jacob van der Meer (tout court), un chef-d'ceuvre de nolre Jan van der Meer de Delft. Le « paysage sablonneux » y est aussi, sous le nom de « Johann van der Meer, senior; » excellente peinture, signée, en eflet, du Jan de Schoonhaven. Le nouveau catalogue du musée de Brunswick (1859) donnc cette signature et même celle de van der Meer de Delft, avec l'I surmontant 1'M, comme dans la signa­ture a la galerie d'Arenberg.
Ce tableau de Brunswick est encore tout autre de style, de composition et de pratique, que les tableaux mentionnés précédemment. Il contient trois person-nages, dans un intérieur très-élégant. La toile a 2 pieds 8 pouces de haut sur 2 pieds 3 pouces de large. Les figurines ont la dimension de celles de Terburg et de Metsu.
On dirait une des plus charmantes scènes d'un de ces maitres. Une jeune Hollandaise, assise,^Ie trois quarts a gauche, tenant de la main droite un long vidercome, son autremain finement allongée sur son jupon de soie rose tendre, se retourne vers le spec-tateur, en riant. Pourquoi rit-elle? c'est qu'un galant gentleman, place de 1'autre cóte d'une table a tapis
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gros bleu, sur laquclle sont un plat d'argent, deux citrons dont un pelé, une petite amphore de porce-laine bleuatre et un linge blanc, lui soulève délica-tement Ie bras pour 1'exciter a boire. IJ est penché en avant, et de sa main aussi en raccourci, on ne voit presque que Ie bout des ongles. Il n'y a que Rem-brandt pour avoir enseigné a van der Meer ce tour d'adresse. Les costurnes sont d'une distinction très-aristocratique : Ie corsage de la femme est rose du Bengale, comme son ample jupon, mais les manches, jaunes jusqu'au coude, sont brochées d'or. L'homme a un petit manteau gris souris et un grand col blanc. De longscheveux bouclés — la perruque du temps, sans doute, — encadrent son visage animé par la plus vive passion. Est-il amoureux? il réussira.
Cependant, a 1'autre angle de la table, sur la gauche et dans la pénombre, est un troisième per-sonnage, qui fait semblant de dormir, suivant lades-cription du catalogue. Il boude, c'est sur. Il est tourné presque de profil, son bras droit accoudé a la table, sa tête appuyée sur la main. Il a un pourpoint gris verdatre, richement brode.
La lumière vient d'une fenctre, mi-ouverte a gauche mk au milieu des compartiments de verre, sont des armoiries coloriées, surmontées d'une madone, également en vitraux de couleur. C'est sur un bar-reau inférieur de cette fenêtre qu'est la belle signa-ture en toutes lettres.
Au lambris du fond est accroché un portrait
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d'homme, assez sombre, et produisant 1'effet d'un Rembrandt. A droite, Ie fond devient d'un gris très-clair, sur lequel se silhouette Ie dossier de la chaise oü est assise la femme. Le parquet est dallé, comme dans la plupart des tableaux de Pieter de Hooch.
Je ne connais pas de plus délicieux tableau de genre dans toute 1'école hollandaise du dix-septième siècle, y compris Terburg, Metsu, Jan Steen et les meilleurs. lei, van der Meer n'est plus le peintre brusque de son paysage du musée de La Haye; ce qu'il eherche, ce n'est plus Ia fermeté et le caractère de la Laitière de la galerie Six ; c'est la suprème elégance dans cette coquette aux formes fines et al-longées, a la physionomie attrayante, voluptueuse, spirituelle. L'exécution est sobre, serrée, sans empa.-tements, si ce n'est quelques petites touches de rehaut dans les clairs et les accessoires. Terburg n'est pas plus léger de pinceau et de coloris.
Une fois a la poursuite de van der Meer jusqu'a Brunswick, nous avons poussé jusqu'a Drcsde, in-quiet d'un renseignement que donne M. Waagen, dans une brochure sur le musée de Dresde'.
Le n° 1484, attribué a Pieter de Hooghe, Jeune fille lisant une lettre pres d'une fenêtre, scrait de ce « maitre si excellent et si rare, que les Hollandais appellcnt Dclftsche van der Meer. »
1 Einige Bemerkungen über die Aufstellung, Beleuchtung und Catalogisirung der Koeniglichen GemaelJegallerie zu Dresden (Beriin, 1858), p. 35 et 36.
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Oui, en effet, M. Waagen, qui s'est trompé a la galerie Suermondt, en attribuant a Philip Koninck 1'adorable paysagc de van der Meer, a parfaitement raison ici de restituer h Delftsche Ie prétendu Pieter deHooch.
Cette autre Liseuse, tenant son papier de ses deux mains, est vue de profil a gauche, presque jusqu'aux genoux, derriere une table a tapis turc en grosse laine, sur laquelle sont des pommes et des pêches dans un plat japonais bleuté. Elle a des cheveux d'or relevés a la chinoise sur Ie front, avec de longues boucles anglaises tombant sur Ie cou; un fichu blanc dans un corsage jaune bariolé de lignes noires; un jupon vert sombre. Sa figure se mire vaguement dans les vitres de la fenètre mi-ouverte devant elle. Cette fenètre rappelle celle du tableau de Brunswick, moins les vitrauxde couleur. Dans 1'angle que forme son battant ouvert, un dossier de chaise brunatre. Sur Ie haut du chassis pend un rideau rouge. Lc fond est gris, très-clair derriere Ie dos de la femme, et 1'on y devine 1'ombre tremblotante de la fenètre. A droite, du haut en bas, un rideau verdatre, pendu a une tringle.
Comme maniere, c'est bien plus dans la touche et dans Ie ton de la Laitière de la galerie Six, que dans la fine pratique de la Coquette du musée de Bruns­wick.
Mais voici bien un autre chef-d'ceuvre de van der Meerde Delft, — a ce même musée de Dresde, sicé-
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lèbre, et que toute l'Europe artistedoit connaitre sans doute! un tableau de plus de 5 pieds de haut, sur 4 pieds 7 pouces de large, avec quatre figures de gran­deur naturelle! Et ce tableau est exposé au plus bel endroit, dans la vaste salie des Hollandais, précisé-ment au-dessus d'un des plus précieux tableaux de toute la collection, du portrait de « Rembrandt te­nant sur ses genoux sa femme Saskia ! » Et il y fait a merveille ! Et personne, apparemment, n'a été in-trigué par ce « Jacob van der Meer, né d Utrecht, » a qui la peinture est attribuée dans Ie catalogue! Ce Jacob d'Utrecht a toujours été confondu avec Ie Jan de Schoonhaven, et pour moi je ne connais point ses oeuvres. S'il était 1'auteur de ce tableau deDresde, il mériterait place parmi les premiers maitres de 1'école hollandaise.
La scène se passé sur une espèce de terrasse ou de balcon, a la tombée de la nuit. Contre la balustrade, une table a gros tapis de laine brochée de dessins roüges et jaunes sur fond gris. C'est Ie premier plan du tableau, comme dans les Staaimeesters de Rem­brandt au musée d'Amsterdam. En arrière de la table, a droite, est assise une jeune femme, vue jus-qu'a la coupure de la taille, presque de face. Déli-cieux visage, charmante physionomie sous une grande cornette blanche. Le corsage et les manches sont du jaune citron, particulier a van der Meer; petit col blanc rabattu sur le haut du corsage, un peu entr'ouvert. De la niain gauche, elle tient une
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coupe de forme antique, appuyée sur la table, pres d'un gentil pot en grès, a lincaments bleus et avec une anse. Son bras droit est avance et la niain s'ou-vre nonchalamment pour recevoir une pièce d'orque lui présente un homme debout derriere elle, un peu penché sur elle, Ie bras gauche passé autour de son cou, et la main posée a plein sur 1'avant du corsage jaune. Il a un pourpoint rouge camélia, du ton du manteau que porte Jan Six dans son portrait par Rembrandt, a la galerie Six van Hillegom, — un cha­peau de feutre gris, a larges bords, avec des plumes vertes et jauncs; sa tête en est tout ombragée; ses longs cheveux pendent sur son épaule droite. Cos-tume et tournure des raffinés du temps.
Tout a fait a gauche, un autre homme assis, pres-que de dos, retourne sa tête souriante, également ombrée par un grand chapeau noir, un peu retroussé en avant. Son pourpoint est noir; sa collerette rabat-tue est richernent dentelée en guipures; ses man­ches sont a crevés. De la main droite, il tient une guitare, de la gauche un hanap de vin. Son man­teau est jeté négligemment derriere lui sur la balus­trade.
Entre les deux hommes, une tête de vieille femme, encapuchonnée de noir, se penche en souriant, avec une curiosité avide, pour voir si la belle courtisane accepte l'offrande de 1'amoureux a chapeau empana-ché.
Le fond a droite paralt êlre un pan d'architecture
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grise, neutre, toute simple; mais, a gauche, au-dessus de la lête de l'homme a la guitare, il y a une percée de ciel, avec un reste de soleil couchant.
Le corsage jaune de la courtisane est peint a pleine pate et par paquets drus, sans huile, comme les écorces de citron dans lus tableaux des de Heem, et c'est devenu un email profond. La force et 1'har-monie de la couleur, le naturel des attitudes, 1'esprit des physionornies, la puissance et la biznrrerie de Teffet, tout indique Jan van der Meer de Delft.
J'ai commencé pnr affinner 1'attribution; après quoi, ayant obtenu de la complaisance de M. Hüb-ner, un des membres de la commission du musée et le rédacteur du calalogue, la haute faveur de mon­ter a une échelle, j'ai découvert, au coin du bas a droite, une grande et magnifique signature : Meer, le premier jambage de 1'M, surmonté d'un point, et portant a son extrémité inférieure un petit v; soit Ian van der Meer. Et, ce qui est plus interessant, une date sous le nom! la date 1656; la premiere qu'on puisse signaler sur une peinture de Delftsché. Elle permet d'en tirer bien des déductions, et d'é-claircir un peu Ia biographie du sphinx.
Mettonsque van der Meer soit né en 1632, comme on le suppose. Le voila en 1656, a vingt-quatre ans, aussi fort que les maitres. Et d'oü sort-il? Il sort de cbez Rembrandt. Ce tableau de Dresde sufiirait scul a le prouver. L'homme a la guitare est tout a fait rembranesquc. L'audace des tons francs combines
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avec des degradations prodigieuses de clair-obscur, la sincérité profonde des expressions, la pose de la pate ferme dans les lumières, les frottis transparents dans les ombres, c'était Rembrandt qui enseignait ces secrets-la. — 1656 ! C'était juste aussi la bonne époque de Nicolaas Maesf avec qui van der Meer a beaucoup d'analogie; c'est encore 1'époque oü com-mencait Pieter de Hooch, eet autre sosie de van der Meer. Pour moi, il n'y a plus de doute que Jan van der Meer de Delft n'ait travaillé chez Rembrandt, de 1650 a 1653, en même temps que Nicolaas Maes, et probablement que Pieter de Hooch.
Quoi qu'il en soit, nous voila arrivés pour l'oeuvre de van der Meer presque a la douzaine : six déja cités, plus la Dentelière de la collection Blokhuyzen, de Rotterdam, Ie paysage de la galerie Suermondt, a Aix-la-Chapelle, la Coquette du musée de Bruns­wick , la seconde Liseuse et la Courtisane du mu­sée de Dresde.
Encore pourrait-on ajouter, mais sous toute ré­serve, une Femme d sa toilette, du musée de Bruxelles, cataloguée comme étant de « Jean-Bap-tiste Weenix, mort en 1660. » Elle a beaucoup de van der Meer, surtout dans les fonds gris oü éclate un rayon de soleil venant par une fenêtre de gauche. Nous avions souvent remarque que Ie tableau portait une date cachée en partie sous la bordure. Ayant obtenu de Ie voir désencadré, nous avons constaté la date0thentique 1670, dix ans après la mort du
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peintre a qui Ie catalogue 1'attribue! Il semble même qü'il y avait, avant les chiffres, un nom ou un monogramme, illisible aujourd'hui.
Je croirais bien aussi qu'il doit y avoir des van der Meer en Angleterre, quoique je n'en aie jamais découvert dans les nombj^uses collections que j'y ai visitées. Mais un grand connaisseur de mes amis se rappelle en avoir vu un, a 1'exposition de 1'Institut Britannique, vers 1850.
Maintenant, rassemblons les notes que nous avons extraites de quelques vieux livres.
Dans sa Description de la ville de Delft [Beschrij­ving der stad Delft), van Bleijswijck parle de « Johannes Vermeer de Delft. » Vermeer est assu-rément une contraction ou abréviation de van der Meer. Selon van Eynden et van der Willigen, dans leur Histoire des maitres hollandais, van der Meer vivait dans sa ville natale (Delft), et y travaillait en-core en 1667, mais il était mort en 1696, comme Ie prouve la date de sa vente faite a Amsterdam Ie 16 mai de cette année-la.
Le détail de cette vente est consigne dans Naam­lijst van schilderijen (Liste de peintures), etc, de Gerard Hoet, t. ler, et c'est le document le plus pré-cieux sur les ceuvres de van der Meer. On y trouve le titre de vingt et un tableaux de lui, savoir : « N° 1. Une jeune femme qui pèse de 1'or dans une petite cassette... par Jan van der Meer de Delft (voila le nom authentique); peint avec un art et une pujpsance
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extraordinaires; 155 florins. — 2. Une servante qui verse du lait (c'est la Laitière de la collection Six); excellemment bon; 175 fl. —3. Le portraitde Ver­meer (voila la variante dn nom), dans une chambre, avec plusieurs accessoires; peint par lui-mème; extraordinairement bien; 45 fl. — 4. Une jeune femme jouant de la guitare; 70 fl. — 5. Un seigneur dans une chambre; adroit et rare; 95 fl. — 6. Une jeune femme jouant sur le clavecin dans une cham­bre, avec un monsieur (sic) qui 1'écoute; 80 fl. — 7. Jeune femme prenant une lettre d'une servante (c'est le tableau appartenant aujourd'hui a M. Du-four, de Marseille); 70 fl. — 8. Une servante ivre, dormant pres d'une table; 62 fl. — 9. Société joyeuse dans une chambre...; énergique et bon; 73 fl. — 10. Un monsieur et une jeune femme faisant de la musique dans une chambre; 81 11. — 11. Un soldat avec une fillette [meijsje) qui rit; très-beau; 44 fl. — 12. Une jeune demoiselle {juffertje) qui travaille a 1'aiguille (c'est la Dentelière de la collection Blok-huyzen, a Rotterdam); 28 11. — 13. La ville de Delft en perspective, vue du cóté du sud (c'est le vigoureux tableau du musée de La Haye '); 200 fl.
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1 Dans le 1" volume des Musées de la Hollande, en parlant de ce tableau du musée de La Haye, nous avons omis d'eii donner une descripticm détaillée et d'y ajouter certains docu-ments traditionnels.
Au premier plan, une bande de terrain, puis un canal, de tr&vers en travers, avec des bateaujs, puis un quai le long des
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— 14. Vue d'une maison a Delft (c'est Ie second tableau de la collection Six van Hillegom); 72 fl. 10 st. — 15. Vue de quelques maisons (serait-ce Ie paysage, avec deux maisons, de la galerie Suer-
batiments de la ville, une vieille porte en arcade, des maisons de diverse architecture, des murs de jardin avec des aibres, et un ciel gris argentin, qiü rappelle l'hilip Koninck, ainsi que Ie ton de 1'eau. Sur Ie terrain en avant, vers la gauche, deux figurines de femmes debout; 1'une, de dos, en noir, fichu et bonnet blanrs; 1'autre, presque de face, panier au bras, les deux mains sous son tablior bleu foncé, corsage et manches citron, fichu blanc a deux pointes, bonnet blanc. Prös du bateau, tout a gauche, deux citoyens a grand chapeau, 1'un tout en noir, de dos, 1'autre en brun, causent avec une femme en caraco et bonnet noirs; un peu plus loin, une servante qui porte un baby. Ces deux groupes sont les principaux; mais, outre ces six personnages, il y a encore, de 1'autre cóté do 1'eau, sepl a huit figurines, adroitemeUt tournees, donl une femme en caraco rouge et un homme sortant de la porte de ville. L'hai'monie de cos tons rouges, verts, bruns, jaunes, noirs et gris, est merveilleuse.
Smitli, au n° 59 du calalogue de Hubbema, donne les ren-seignements suivants: « Le Delftsche van der Meer, du muséo de La Have, fut acheté de la familie Kopps, en 1816 (avec la Vue du ckdteau de Brederode de Hobbema, date 1667, figures par Lingelbach, trois canards et deux oies par Wijntranck, aujourd'hui chez Robert Peel), par M. Thomas Emmorson, pour 8,000 florins, a condition qu'ils passeraient a la vente qu'on faisait alors des biens de la familie; en quelle occasion le Hobbema fut acheté 7,500 florins par un gentleman hollan-dais (payé plus tard, 1825, par Nieuwenhuys, 22,000 fr.), et le van der Meer de Delit, 3,700 florins, par le roi de Hollandc, »
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mondt?); 48 fl. — 16. Jeune femme écrivant; très-bon; 63 fl. — 17. Jeune femme qui se pare (ne se­rait-ce point la Femme d sa toilette, du musée de Bruxelles?); très-beau; 30 fl. — 18. Jeune femme jouant au clavecin; 42 fl. 10 st. — 19. Un portrait, en costume antique; extrêmement adroit; 36 fl. — 20. Encore un dito Vermeer, 17 fl. — Et 21. Le pendant, 17 fl. »
La même année, 1696, dans une autre vente a Amsterdam, on trouve « une nature morte [Stille­ven, nature tranquille), par Vermeer; 4 fl. S st. »
— Est-ce du peintre delftois? Ou ne serait-ce point plutöt du van der Meer, a nous inconnu, qui a signé un tableau de fruits au musée de Vienne (p. 90 du catalogue) : B. v. der Meer. 1659?
Puis, en 1699 : « Une femme assise, avec beau-coup d'emblèmes (beteekenisse), représentant le Nouveau Testament, par Vermeer de Delft; vigou-reusement et chaleureusement peint; 400 fl. »
En 1701 : « Une Peseuse d'or (sans doute le n° 1 de sa vente en 1696), de Vermeer de Delft; 113 fl.;
— et une Laitière (le n° 2 de la même vente), très-énergiquement peinte; 320 fl. »
En 1705, 1706, 1708, 1712, on rencontre divers tableaux par Jan van Meer, Jan van der Meer, Jan Vermeer, Vermeer le vieux; mais ce sont tous des paysages, probablement par les autres van der Meer, dont le nom, comme on voit, est aussi écrit indiffé-remment: Vermeer, ou van der Meer.
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En 1712 : « Une peltte femme qui lit dans une chambre (est-ce la Liseuse du musée de Dresde, ou notre Liseuse du musée van der Hoop ?), par van der Meer de Delft; 110 fl. »
En 1713, Rotterdam : « Un savant Mathémati-cien, par van der Meer (tout court, mais, au sujet et au prix, on doit supposer que c'est du Delftois); — un dito, par Ie même; — ensemble : 300 fl. »
En 1714 : « Un Joueur de clavecin dans une chambre, par Vermeer de Delft; habilement peint; 53 fl. »
En 1718 : «La femme symbolisant Ie Nouveau Testament (c'est Ie tableau vendu 400 fl. en 1699), par Vermeer de Delft, 500 fl. »
En 1719 : «La cêlèbre Laitière (encore Ie n° 2 des ventes de 1696 et de 1701, et qui passa, plus tard, dans la collection Jacob de Bruijn), par Ver­meer de Delft; 126 fl. »
En 1720 (vente Hendrik Sorgh) : « Un Astrolo-gue, par Vermeer de Delft; extra-beau; — et Ie pen­dant (sont-ce les deux Mathématiciens de la vente de 1713?), non moindre;— ensemble: 160 fl. »
En 1729 : « Deux Astrologues (encore les mêmes, probablement); magistralement et habilement peints, par Delf ze van der Meer; 104 fl. »
En 1730, Rotterdam : « Jeune femme assise a écrire une lettre, pendant qu'une servante, debout, attend, par van der Meer; 155 fl.» — Quoiqu'il n'y ait pas Ie öe//foctacaractéristique, ce tableau est cer-
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tainement Ie n° 7 de la vente de 1696, aujourd'hui chez M. Dufour, a Marseille. — Cette fois, nous avons, de plus, les dimensions en mesure hollan-daise; H. 2 pieds 3 pouces. L. 1 pied 11 pou-ces 1/2.
En 1735 : «Une chambre oü est une petite femme représentant Ie Nouveau Testament; très-habilement peint par Delfsch van der Meer; 53 fl. » —II est dif-fieile de croire que ce soit Ie même tableau vendu 400 fl. en 1699 et 500 fl. en 1718. Le peintre au-rait donc fait deux fois le même sujet?
En 1736, a Dulft (coUection J. van Loon) : « Une petite femme assise qui boit et un homme debout, par van der Meer (sans plus); II. 2 p. 2 p. L. 2. p. 6p.; 52 fl. »
En 1749 : « Une dame dans sa chambre, faisant ses dévotions, avec beaucoup d'accessoires, par Delfse van der Meer; aussi bon qu'un Eglon van der Neer (je le crois bien ! et sans doute beaucoup meilleur); H. 4 p. lp. L. 3. p. 3p.; 70 fl. »
En 1765 : « Une petite Cuisinière, avec beaucoup d'accessoires (c'est peut-être encore la Laitière de la galerie Six); puissant de lumière et d'ombre, éner-giquement peint, par Delfse van der Meer; sur bois; H. 17 p. 1/2. L. 15 p. 1/2; 560 fl. »
En 1770, dans la colleclion de Hendrik van Slin-gelandt, bourgmestre de la Ilaye : « Une jeune femme qui écrit, par J. v. d. Meer de Delft (c'est encore le tableau de la collection Dufour, comme le
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prouvent les dimensions données par Ie catalogue); H. 27 p. L. 24 p. »
Des catalogues plus récents fournissent encore d'au-tres indications.
A la vente du célèbre cabinet de Jan Danser Ny-man, dirigée par Ploos van Amstel, Jan Yver et autres, Amsterdam, 1797, il y avait trois van der Meer!
« N° 167. Intérieur avec un philosophe assis a une table couverte d'un tapis; devant lui, quelques livres. De la main droite, il touche a un globe céleste pose sur la table. Artistement et naturellement peint. H. 20 p. L. 17 p. Sur toile. » — Vendua Pitde-meester, 270 11.
« JN° 168. Intérieur. Pres d'une fenètre vitree, devant une table couverte d'un tapis et sur laquelle est étendue une carte géographique, un homme te­nant de la main droite un compas, la gauche ap-puyée sur la table; au fond, sur une bibliothèque pleine de livres, est un globe. Artistement et magis-tralement peint. Mèmes dimensions, sauf 1 pouce de plus en largeur. » — Vendu a Josje, 133 florins.
Ces deux tableaux sont sans doute les Philosophes ou Astrologues des ventes de 1713,1720, 1729.
« N° 169. Une jeune femme jouant au clavecin (sans doute Ie nu 18 de la vente de 1696). Au lambtïs sont accrochés des tableaux. Très-beau d'exécution. II. 20 p. L. 17. Sur toile. » —Vendu a Berg, 19 fl.
A la vente Lebrun, 1809, était la Jeune femme
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qui écrit (aujourd'hui collection Dufour); mais, a une vente précédente, 28 septembre 1806, Lebrun avait un autre van der Meer : « N° 94. L'intérieur d'une charabre, oü 1'on voit un jeune homme assis, vêtu de noir dans Ie costume espagnol, ócrivant une lettre sur une table couverte d'un tapis de Turquie, placée devant une croisée ouverte; dans Ie fond, sur la muraille, 1'on voit un tableau représentant un paysage et des animaux, qui semblent être de van der Does. Une lumière ferme et piquante, une cou­leur riche, rappellent les beaux ouvrages de Metzu. Quelques personnes ont attribué ce tableau a Pierre de Hogcjer. H. 20 p. L. 15 1/2. » — Vendu 480 fr.
Enfin, a la vente Brentano, dirigée par de Vries, Brondgeest,etc., Amsterdam, 1822 : «N°209. Dans un intérieur bourgeois, une femme occupée a peler des navets; pres d'elle, un enfant au berceau; de 1'autre cóté, un homme assis et lisant. Naturel de ton et largement peint. Surbois. H. 5 palmes 9 pou-ces. L. 4 palmes 9 pouces. » — Acheté par de Vries, 701 florins.
Outre la douzaine de van der Meer, aujourd'hui authentiqués, en voila donc encore une ou deux dou-zaines a reconnaitre. Si incomplets que soient les documents susindiqués, encore peuvcnt7ils aider a retrouver ces oeuvres égarées. Bon courage aux déni-cheurs de raretés!
van de Veldk. — Nous nous sommes
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laissé entrainer par la série des arlistes qui adhèrent plus ou moins a Rernbrandt, quand nous aurions du parier tout d'abord d'un chef-d'osuvre incomparable, Ie plus précieux et Ie plus cher du musée van der Hoop. A lui seul il payerait les fameux frais de succession qui furent si difficiles a parfaire. Oui, 50,000 florins! 4,000 livres sterling; il vautcelaet davantage. On ne manque pas de millionnaires qui en donneraient cette somme, et je leur souhaiterais de transmuter toutes leurs richesses fictives, — par une alchimie très-spirituelle, — en réels trésorsd'art comme Ie « paysage dans lequel se trouvent les por-traits d'Adriaan van de Velde et de sa femme » (n° 126 du catalogue).
C'est vers 1'automne, par la sérénité d'une belle soiree. Il fait bon, après Ie travail de 1'atelior, aller respirer Ie grand air dans une campagne oü il y a des bois, des collines, de l'eau et des prairies. Adriaan van de Velde, qui aime tant la nature, est venu par la. — on dirait les charmants environs de Haarlem, — en promenade avec sa femme. 11 est debout, de face, très-simplement, mais élégamment vêtu de brun, avec un rabat blanc, son chapeau sous Ie bras gauche, la main droite appuyée sur sa haute canne, a la mode dn tcmps. 11 a les cheveux chatains, assez longs, une petite moustache, la bouche bienveillante et d'une expression fine, Ie nez droit, l'oeil bleu clair, extrêmement doux et intelligent, Ie globe de la pru-nelle bombé, Ie front pas très-haut, mais modelé en
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relief autour des sourcils; la tête de ceux qui voient bien et qui sont adroits a faire. Un gentil garcon, dé-licat, nerveux, distingué; une organisation un peu féminine, qu'on aime tout de suite; et si généreux de son talent avec ses confrères! donnant aux uns et aux autres ses cavaliers et ses chasseresses, ses voya-geurs et ses bergers, ses carrosses et ses charrettes, scs vaches fauves et ses chèvres blanches.
Sa femme aussi a une bonne figure, naïve et fran-che, Ie front arrondi, I'ceil bien ouvert, Ie nez un peil retroussé et malin, — a la Roxelane, comme on disait, je crois, jadis. Elle est debout, presque de face, a la gnuche de son mari. Sa toilette coquette a beaucoup de sans-facon : une petite cornctte en ar-rière sur Ie chignon, un fichu blanc noué autour du cou, une mantille noire, ]e corsage brun argentin, la robe, d'un rouge vif, mi-retroussée sur un jupon cramoisi; des gants longs, de couleur eendree, et les deux mains croisées contre la taille.
Oh! les braves gens, calmes et harmoniques, et contents d'ètre au monde, ensemble, et avec leurs enfants! ils en ont deux, quoiqu'Adriaan soit encore bien jeune : vingt-huit ans1; sa femme est du même
1 Je n'avais jamais étó bien sur, quant a moi, que la date de naissance d'Adriaan, universellement acceptée, 4 639. fut exacte, carjeconnaisdelui deux tableaux signéset dates 165ö: 1'un au muséc de Rotterdam, et il en sera parlé dans l'étude sur ce musée; 1'autre au musée de Berlin, paysage avec ani-raaux, n° 903 a. Adriaan n'avait donc alors queseizeans;
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age a peu pres. Leur petit garcon, d'environ sept ans, vélu absolumcnt comme le père, est debout, de face, un peu en avant. II tient en laisse un chien de chasse, bel épagneul blanc marqué de roux, qui veut boire a une fontaine. Son chapeau souple est jeté par terre entre ses picds et ceux de la rnère. L'autre en­fant, une toute petiie fille, portee par sa nourrice assise sur un tronc d'arbre renverse au premier plan a gaucbe, joue avec des fleurettes. Cette servante, vue presque de dos, la tète de profil, a un corsage jaune serin, un jupon bleu et un tablier blanc. Autour d'elle, des souches et des broussailles; un peu plus loin, une espèce de haie qui borde la route,
cela se peut. Mais voici qui est plus étonnant: parmi les eaux-fortes d'Adriaan, il y en a plusieurs et d'importantes, avec la date 1653 (voir Catalogue Rigal, par Regnault-Delalande, Paris, 1817). Il aurait rionc gravé a quatorze ans; cela se peut encore. Lucas de Leydè était un grand artiste avanl d'avoir atteint eet ège-la. Cependant on n'a pas conservé beaucoup de peint.ures et de gravures par des boys de quatorze a quinze ans. Le portrait du musée van der Hoop est d'autant plus pré-cieux, qu'il rassure sur les doütes relatifs a 1'époque de la nais-sance d'Adriaan. La (late 4 639 est probable, quand on voit son air de jeunesse en 1667. Sans regarder aux chiffres inscrits sur la peinture, on dirait tout de suite du personnage: c'est un homme de vingt-huit a trente ans. Ainsi, la date exacte de la naissance, si elle n'était pas 1639, ne s'écarterait pas beau­coup de cette année-la. Ce charmant artiste a donc été uu enfant prodige, faisant déja de petites merveilles avec la pointo et le pinceau, a 1'age de quatorze, quinze et seize ans.
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au pied de terrains montueux et sablonneux, cou-ronnés de grands arbres.
Sur Ie chemin, au second plan, derriere Adriaan qui occupe Ie milieu, est la voiture qui les a amenés, sorte de char découvert, a quatre roues et a dossiers rouges, et attelé de deux bons chevaux blancs pom-melés, dont un domestique habillé de gris arrange les harnais. Sur Ie mème plan, tout a fait adroite, un berger couché sur 1'herbe, une douzaine de moutons et une chèvrc. Tout ce cóté droit du paysage est assez uni et plein de lumière. Au dela du cbemin vague oü est la voiture, on apercoit des prairies, avec de petits troupeaux, les sinuosités d'une rivière, une maison presque cachée par des bois et une bande lointaine d'horizon.
'La signature A. V. Velde, 1667, est au bas a gau-che. La toile a 4 pieds 8 1/2 pouces de haut, sur 5 pieds 7 pouces de large; Adriaan n'a jamais fait que deux ou trois tableaux de cette proportion'. Les figures principales ont plus d'un pied de haut. Payé 10,500 florins a la vente van der Pais, Rotterdam 1824, par M. Nieuwenhuys, qui, a sa vente a Lon-dres en 1833, Ie retira au prix de 1,310 guinées et Ie vendit ensuite a M. van der Hoop. Les bons ta­bleaux ont bien augmenté depuis pres de trehte ans. A la vente du cardinal Fesch déja, Ie marquis de Hertford a payé environ 50,000 francs l1'Êmigration
1 Trésors d'art, p. 308 et suivantes.
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ADHIAAN VAN DE VELDE.                      93
de Jacob, qui est lom de valoir ce tableau avec les portraits du maitre et de sa familie.
La plupart des peinlures d'Adriaan, exécutées sur des préparations foncées, ont poussé au noir dans les ombres et bleui dans les feuillages. Celle-ci est très-claire et Ie ton général ne parait pas avoir beaucoup changé. Il avait pris sans doute ses précautions pour sauver son chef-d'ceuvre, travaillé avec un amour scrupuleux. Le paysage a les fines délicatesses de Wijnanls, qu'il rappelle beaucoup dans ses meilleurs tableaux, mais avec plus d'ampleur et d'harmonie. Les figures sont exquises. Smith (n° 100), malgré sa concurrence avec INieuwenhuys, est obligé de faire un éloge enthousiaste de cette « production, la plus capitale du maitre, incontestablement. »
Le musée van der Hoop possède un autre Adriaan van de Velde, d'égale qualité a peu pres, quoique de moindre importance. C'est, je crois, le Rendez-vous de chasse qui a passé dans plusieurs collections cé-lèbres: Randon de Boisset, 1777, 5,000 fr.; duc de Chabot, 1787, 3,981 fr.; prince Galitzin, 1825, 16,001 fr.; M. Francillon, 1828, 10,000 fr. Il était en 1830 dans la galerie du baron Verstolk van Zoelen, de La Haye; je n'ai pas recherche combien il a été payé a sa vente. C'est de la sans doute que le tenait M. van der Hoop. Si c'est le même tableau, Smith (n° 32) en donne une description inexacte et se trompe aussi sur la date, qui n'est pas 1662, mais 1669; du moins je 1'ai toujours lue ainsi, ala
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suite d'une magnifique signature en toutes lettres. La toile a 2 pieds de large sur 1 pied 1/2 de haut.
On va partir pour la chasse : de la grille d'un pare, a gauche, sort iin piqueur avec la meute. Un grand palefroi alezan vif, a selle verte brodée d'argent, tourné de profil a droite, esttenu par un valet dont on ne voit qu'une partie de la livrée rouge et les jambes; un peu plus Ioin, un cheval gris, avec une housse de velours écarlate, vient presque de face, conduit par un autre valet. A droite sont assis deux hommes, 1'un en rouge, 1'autre en brun; devant eux, un gros chien, bigarré de blanc et de fauve; un autre chien, ds grande taille, va sentir un os, au premier plan, a gauche. Fond de pays boisé et acci-denté. Ce tableau est d'une richesse de composition, d'une finesse de couleur, inalgré tant de rouge, d'une conservation et d'une pureté,extraordinaires. Seule-ment, les feuillages ont bleui.
Le troisième van de Velde représente un sujet pastoral : une vache blonde et blanche, d'un ton délicieux, debout de profil, en pleine lumière; une vache noiratre, vue de croupe en raccourci; a gau­che, des moutons, une chèvrc, un petit berger, quel-quesarbres; adroite, des terrains, assezmoiivementés. Ces terrains sombres et les bouquets d'arbres parais-sent usés et repeints en certaines parties. Sur toile, hauteur 1 pied 2 pouces, largeur 1 pied 3 pouces. Provenant de la collection Jeronimo de Vries, en 1833. Smilh, n° 19.
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JAN BOTH.                              98
Jan Both. — II a aussi son chef-d'ceuvre au mu-sée van der Hoop, et qui, comme Ie chef-d'ceuvre d'Adriaan van de Velde, ofiVe Ie porlrait de 1'artiste lui-même, et celui de soa frère Andries. Smith 1'acheta, en 1834, de M. Thomas Hamlet, qui 1'avait payé 1,260 £ en 1833, et il Ie revendit a M. van der Hoop 1,179 £13 s. 6p. Laissons a Smith Ie soin de décrire et de vanter cette « splendide oeuvre d'art», très-célèbre en Angleterre, a juste titre, car c'est la plus belle peinture du maitre que j'aie jamais vue.
« L'Artiste étudiant d'après nature. Cette magni-fique peinture représente un site de vaste étendue et d'une rare beauté... A gauche, des rochers, et, au fond, les Apennins... Pres d'un grand chêne, sur un fragment de roe, en avant, groupe de quatre personnes : Jan Both lui-même, assis, vu de dos, ayant un livre de croquis ouvert devant lui, et cau-sant avec un berger; son frère Andries est assis en face, et Ie quatrième personnage lui indique du geste un objet a quelque distance... Effet d'une belle ma­tinee d'été... Sur toile. llauteur 6 pieds 1 pouce. Largeur7 pieds 10 pouecs. »
Jan Both, a ce qvie je suppose d'après ses pein-tures, a Ie plus souvent composé de fantaisie ses paysages, en s'inspirant du souvenir de Claude Lor-rain. La supériorité du'tableau van der Hoop tient a ce qu'il a été, très-probablement, étudié d'après nature, avec 1'idée d'en faire une O3uvre précieusft
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qui conservSt Ie portrait des deux frères. Il est en-tendu que les figures sont d'Andries.
Smith avait déja vendu, en 1833, 160 guinées seulement, a M. van der Hoop, un autre Both, haut d'environ 40 centimètres: Vue d'Italie, Ie matin, en été; des montagnes a 1'horizon, sur lagauche; en avant, a droite, des arbres; plusieurs figurines sur un chemin. Ce tableau, très-fin et très-lumineux, a passé dans les collections Destouches, 1794, 352 fr.; Talleyrand, 1817 (acheté avec 1'ensemble de la gale­rie par MM. Gray et Allnutt), 4,000 fr.; Pourtalès, 1826, 205 guinées; dans une vente a Bath, 1828, 230 guinées.
Philips Woüwerman. — Restons dans la série des chefs-d'oeuvre. Tous les amateurs connaissent par la gravure de J. Moyreau (n° 6) XAbreuvoir, possédé autrefois par la comtesse de Verrue. Sa tra-dition est des plus nobles. Il figure a la vente Montri-blond, en 1784; a la vente de Galonne, en 1788, 6,400 fr.; a la vente de Benjamin West, lepeintre anglais, en 1820, 700 guinées; a la vente Joseph Barchard, en 1826, 630 guiuées; a la vente du che-valier Féréol Bonnemaison, en 1827,20,000 fr. Il avait été exposé a la British Institution a Londres, en 1824. Il est peint sur bois et n'a que 18 pouces de haut sur 24 de large.
Il est impossible, même chez Wouwennan, qui est si spirituel et si adroit, de voir une composition
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PHILIPS WOUWERMAN.                       97
plus riche, plus animée, plus variée, plus brillante. Il y a de tout: un ciel d'argent, avecdes nuages illu-minés par Ie doux éclat du matin, des lointains a perte de vue, un gentil cottage sur une colline, des groupes d'arbres, des terrains oü des femmes ont étendu du linge ablanchir, et surtout une grande et belle rivière qui est Ie centre du tableau; des enfants s'y baignent, un bac avec personnages et animaux y passé, de petites barques y circulent, et c'est Ie mo­ment oü les grooms et les paysans y amènent boire leurs chevaux. Ces petits groupes équestres sont dé-licieux : ici, un homme conduit deux chevaux, dont 1'un rue contre un chien qui aboie; la, d'autres che­vaux s'agitent au bord de 1'eau; quelques-uns y sont entrés jusqu'au poitrail. Il y a, je crois, huit che­vaux, dont un blanc, superbe, et une vingtaine de figures, y compris des laveuses et les enfants. C'est clair, lumineux, dans une gamme de gris bleuté, analogue aux reflets de la perle fine. C'est « du meil-leur temps de 1'artiste, » qui malheureusement, dit Smith (n° 172), n'a pas date cette petile merveille. Mais il l'a signée de son doublé monogramme, celui du prénom portant un bel S très-distinctement.
Les deux autres Wouwerman du musée van der Hoop sont encore excellents : 1'un, paysage avec de 1'eau, est assez singulier et apparlient a la première époque du maitre, quand il adhérait a la maniere de Wijnants; ce n'est pas Ie plus mauvais style de Wou­werman, a notre avis; 1'autre, un Camp, est rempli
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de cavaliers et de personnages a tous les plans; on remarque, entre autres, un cavalier tourné a droite, sur un cheval pie, blanc et café. — Le paysage a plus de 2 pieds et demi de large; le Camp, pres de 2 pieds.
Point de tableaux de Pieter, ni de Jan Wouwer­man, les frères de Philips.
Adriaan van Ostade. — Première beauté ! C'est une des peintures que choisirait un artiste, dans toute la collection, avecle Rembrandt, leNicolaasMaes, le Pieter de Hooch, 1'Adriaan van de Velde, et quel-ques autres dont nous parlerons tout a 1'heure : Metsu, Jan Steen, Ilobbema, van Ruijsdael, etc.
Cet Intérieur d'Ostade a d'aussi nobles titres que YAbreuvoir de Philips : il est cité par Descamps, comme étant, a son époque, dans la collection Lor-mier; a la vente Lormier, 1763, il fut payé 1,000 florins; a la vente du duc de Choiseul, 1772, 8,800 fr.; vente Dubarri, 1777, 7,230 fr.; Tolozan, 1801, 7,035 fr.; enfin, a la vente de la duchesse de Berry, 800 £; il est gravé dans la Galerie Choiseul, n° 16; il est mentionné comme un cbef-d'ceuvre par Smith (n° 49), par Nieuwenhuys, par Immerzeel et autres. Est-ce assez? On commence a voir que M. van der Hoop recherchait les tableaux de qualité et ne regardait pas au prix.
Quoique le panneau n'ait que 14 pouces de haut sur 18 de large, il contient une douzaine de figures.
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ADRIAAN VAN OSTADE.                         99
Devant une grande cheminée, a gauche, un homme debout, de profil, en veste bleue et chapeau gris, tient un pot oü il va boire; en vis-a-vis, un homme assis, de profil, bourre sa pipe; il a unmanteau bleu et un chapeau blanc. A 1'autre coin de la cheminée, un vieux, accroupi, rèje dans 1'ombre; un peu en arrière, une vieille femme est assise sur un banc auquel s'appuie un bonhom me a toque bordce de fourrure et tenant sa pipe a la main. Tout a fait a gauche, contre une croisée coupée par la bordure, une petite fille mange la soupe sur un billot trépied, en s'amusant avec un petit chien blanc et noir, qui la regarde. Ce sont la les personnages principaux. Muis, sur la droite, dans un enfoncement de la pièce, au second plan, pres d'une fenètre ouverte, il y a encore un groupede cinq hommes, troisautourd'une table, qui fument, boivent et causent, et deux autres dübout.
En bas a droile est Ie monogramme, mi-caché sous Ie cadre, avec la date 1661, qu'on croirait lire 1664.
Un second Adriaan van Ostade, « Intérieur avec deux figures, » est accroché très-haut et parait insi-gnifiant.
Isack, plus rare en Hollande que son frère, n'a qu'un « paysage avec maison rustique et figures; » oeuvre très-forte; mais cependant ce n'est point ici qu'il faut juger Isack.
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Gabriel Metsu. — Toujours des merveilles. Ce Metsu encore est de haute qualité. Provcnant des collections Choiseul, Conti, Calonne, etc, il fut achelé 13,330 florins ', a la vente Goll van Fran-kenstein, 1833, par M. Nieuwenhuys, qui Ie reven-dit a M. van der Hoop.
On s'imagine généralement que Terburg et Metsu sont les peintres de la haute bourgeoisie hollandaise dans sa vie intérieure, elegante et tranquille. C'est vrai jusqu'a un certain point; cependant la plupart de ces charmantes conversations, comme on a sou­vent nommé leurs tableaux, révèlent plutöt, selon moi, les mystères du demi-monde, plus amusant et plus pittoresque que 1'autre, les aventures d'une galanterie parfumée, sans doute, mais un peu excen-trique. Il est vrai que ca se passé, d'habitude, en des salons, — des boudoirs, —richement décorés, oü les femmes sont vêtues de satin, oü les hommes portent la plume au chapeau, Ie pourpoint brode d'argent et la longue épée battant Ie revers de leurs bottes en chamois; mais qu'y fait-on? 1'amour, presque tou­jours. Les joueurs de cartes sont des amoureux qui font un intermède. Quand un'jeune cavalier léve en 1'air son verre, on croit 1'entendre dire tout bas : Sine Baccho friget Amor. Si une blonde jeune fille écrit sur sa table a tapis japonais, a qui écrit-elle? et
1 C'est Ie chiffre écrit par Nieuwenhuys dans son livre anglais. Peut-être y eomprend-il des droits de vente, car Immerzeel donne Ie chiffre 12,400 florins.
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GABR1EL METSU.                             101
ce billet qu'on lui apporte, d'oü vient-il? Si quelque couple converse a 1'écart derriere un rideau, que se racontent-ils a 1'oreille? Et que représentent les tableaux accrochés aux lambris dans la pénombre, ou les statucttes dressées sur des bahuts sculptés? — En y regardant bien, on découvre que 1'amour est toujours de la partie.
lei, nous avons Cupidon lui-même, qui sourit sur un raeuble au fond de la pièce doucement éclairee par une fenêtre de gauche, dont 1'ample rideau, de couleur bronzine, est tiré. Contre la fenêtre, une table, avec un tapis rouge a dessins capricieux. Pres de la table est assise une jeune femme, de face. Un large tablier blanc, d'un ton exquis, couvre tout son giron sur lequel repose un petit coussin vert avec une broderie ou dentelle qu'elle tient de sa main gauche. Son caraco, bordé d'hermine, est de la nuance incar-nadine que Metsu affectionnait. Pensez la charmante harmonie qu'il a trouvée dans ces roses tendres, ces blancs mats et ce vert d'émeraude. A droite de la femme, un vieux gentleman assis, son grand cha-peau a plumes de toutes couleurs sous Ie bras, lui présente une perdrix. Il revient de la chasse sans doute, car son bel épagneul, blanc et marron, est pres de lui, et par terre sont étalés une carnassière, un fusil, un canard mort. Quel costume galant pour un chasseur! pourpoint feuille d'automne, hauts-de-chausses et bas gris perle. La jeune femme ne tra-vaille plus, et de sa main droite elle joue avec ua
o.
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petit king-charles grimpé sur la table. Derriére Ie gentleman, on apercoit un escalier tournant, dont la statuelte de 1'Amour semble montrer Ie chemin.
A gauche est la signature G. Metsu, presque efla-cée, car Ie tableau est un peu frotté, — c'est son seul défaut. Sur toile, de 30 centimètres au plus, en carré. Smith, n" 92. .
Geraru Terbdrg. — Le Terburg n'est pas si inte­ressant que le Metsu. Il ne compte même pas dans son oeuvre et Smith ne le mentionne point. Petit panneau large de 7 pouces sur 1 pied de haut. On pourrait 1'intituler : YEcolier. Mais notre écolier, au lieu d'écrire sa lecon dans le cahier déposé avec un encrier sur une table couverte d'un mauvais tapis grisatre, s'occupe de ses deux mains a cpucer un chien épagncul qu'il tient entre ses genoux. Il est assis, de face, la tête abaissée. Il a une casaque violette et des Las bleutés. Devant lui, son chapeau gris sur un petit banc de bois. Fond neutre, tont uni, assezclair. L'exécution, un peu froide, est très-correcte. L'air circule bien partout. Terburg, soit. Mais il faut aller admirer ce maitre dans les autres collections hollan-daises.
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Divers. — Je rassemblerai ici divers petits pein-tres qui tiennent aux précédents.
Ga.spar Netscher, élève de Terburg, a un portrait, lort ordinaire, et Constantin, fils de Gaspar, les por-
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DIVERS.                                 103
traits en pied de óuillaume III, roi d'Angleterre, et de la reine Marie.
Michiel van Musscher, élève de Metsu, est 1'auteur d'un « tableau de familie, » excellent pour ce mai-tre-Ia. L'homme, debout, tient un verre; la mère est assise, avec un enfant sur ses genoux; une petite fille est assise par terre. Beaucoup d'accessoires, tables, tapis, paniers, pots, etc, et un petit épagneul. La peinture a de 1'effet et de la vigueur et eherche autant Pieter de Hooch ou Jan Steen que Metsu. Environ 70 centimètres de haut sur 50 de large.
Brekelenkamp a aussi parfois des analogies avec Metsu, quoique, suivant moi, il se rapproche davan-tage d'Adriaan van Ostade. Le catalogue van der Hoop attribue mème u. a Brekelenkamp ou a Metsu : une Poissarde (n° 731) », qui n'est ni de 1'un ni de 1'autre; on nommerait plutót Uchtervelt, quand sa couleur tourne au rougcatre. On découvre d'ailleurs sur ce panneau une signature devenue prcsque illi-sible et offrant a peu pres : cD....nowijn. Quel nom faire avec ces lettres? je ne sais.
Mais le musée van der Hoop possède deux vrais Brekelenkamp, dont 1'un a quelque chosede Metsu et aussi de Nicolaas Maes dans certains rouges profonds: petit panneau ovale; une femme en caraco noir et jupon rouge « doune la bouillie a son enfant. »
L'autre tableau, une Boutique de tailleur, est des meilleures ceuvres du maitre. Le tailleur, longue chevelure et bonnet fourré, est assis sur sa table
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d'ouvrage, a droite; il parle a uné femme en caraco noir et jupon rouge (ce rapprochement de tons plait au peintre), portant un seau de fer-blanc. A gauche, contre Ia fenêtre, qui éclaire un petit garcon, de face, tête nue, — un jeune ouvrier, vu de dos, avec un vaste chapeau et de longs cheveux, travaille, assis pareillement au coin de la table, sur un coussin. Dans Ie fond, un tableau, des hardes sur une planche. Peinture très-forte, très-sobre, très-savante, très-juste de mouvement et d'effet. Analogie avec Pieter de Hoocb, mais un peu plus sec. Malheureusement il y a quelques repeints dans la figure du tailleur et dans les fonds a droite. Environ 30 pouces de haut sur 20 de large. Signé du monogramme Q. B.,et date 1661. Un des deux Brekelenkamp du musée de Francfort-sur-Mein porte cette mème date. Un des deux du musée d'Amsterdam est date 1664. Dans Ia galerie du palais Lazienki, a Varsovie, il y a aussi un Solitaire, — peut-être dans la maniere de Gerard Dov, chez qui Brekelenkamp est censé avoir étudié d'abord, — avec la date 1653 et Ie monogramme Q. v. B. On peut donc fixer 1'époque de ce peintre, dont la biographie est a faire, entre 1650 et 1670.
Cornelis Bega, élève d'Adriaan van Ostade : « In­térieur avec des gens faisant la prière, » ou Ie Bene-dicite. Une jeune femme, les mains jointes, est assise a table; de 1'autre cöté de la table, a gauche, dans 1'ombre, un vieillard. Un pot sur une fenêtre. En avant, un réchaud par terre. Bon tableau, un peu
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WILLEM VAN MIERIS.                          10S
rouge de ton, comme il arrivait trop souvent a Bega. Signé : C. bega, 1663. Le musée de Francfort-sur-Meiri a aussi deux tableaux dates de cette même an-née qui précède celle de la mort dupeintre.
Jan Miense Molenaer, qui parait être également un sectateur des Ostade, n'est pas cité dans le catalo— gue du Louvre. On ne le trouve point non plus aux musées d'Amsterdam et de La Haye; mais, au musée de Rotterdam, il a trois tableaux. lei, au musée van der Hoop : un Benedicite, assez fin, peu important. Un de ses tableaux est gravé dans la Stafford Gal-lertj, aujourd'hui Bridgewater Gallery.
Hendrik Martensz. Zorg se rattache encore a la pléiade dont Adriaan van Ostade et Adriaan Brouwer sont les initiateurs. Son Marché aux poissons, avec vingt-huit figures, est une peinture très-ferme, très-simple, un peu froide seulement pour ce coloriste chaleureux. Signé : M. Sorg. f.
Le catalogue porte au nom de Agama, sans autre désignation, deux Intérieurs, un peu sombres, mais qui paraissent assez forts et rappellent, de loin, plu-sieurs maitres, les van Ostade, Jan Steen, Pieter de Hooch. Je ne sais qui est eet Agama, et, comme ses tableaux sont accrochés a une rangée supérieure, impossible d'examiner s'ils offrent quelque mono-gramme ou quelque date.
Wiixem van MiEius. — M. van der Hoop, a qui ne déplaisait point la mignonne peinture moderne,
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avait naturellement recueilli des Mieris et des van der Werff. Frans van Mieris Ie vieux, a la bonne heure! c'est un mattre délicieux dans ses ouvrages choisis, et comparable a Metsu. Ce n'est pas sa faute si les faux connaisseurs Ie rendent souvent responsa-ble des maigres pastiches de son fils dénaturé. Nous n'avons rien de lui, malheureusement, sauf, peut-être, un petit panneau, place tout en haut, que Ie catalogue lui attribue : « Une dame avec une cage d'oiscau. » Mais, de Willem, quatre tableaux, sur hois : deux pendants, une Boutique d'épicier et un Chimiste; un paysage arcadien, sujet mythologi-que; et « une dame assise, ayant une pomme dans la main, et un seigneur a cöté d'elle. » Le tout, cru, froid, mince et bete au possible.
Arie de Vois a souvent imilé Frans van Mieris. Un petit tableau de lui, sur panneau ovale : Paysan, fumant sa pipe, est assez grassement peint.
Adriaan van der Werff. — Quatre chefs-d'ceu-vre de 1'illustre chevalier! On aurait bien du les vendre avec les quatre Willem Mieris, pour aider a payer les frais de succession. Cela vaut beaucoup d'argent encore aujourd'hui. Les amateurs de mau-vais gout n'ont jamais manqué et ne manqueront jamais aux peintres de mauvais style.
Van der Werff est peut-être le peintre qui s'est le mieux soutenu dans les ventes depuis un siècle et demi, comme le montrent les catalogues de Gerard
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Hoet et de Terwesten et toute la série des catalogues jusqu'a nous. Seulement, il est arrivé que les vrais grands artistes, dont les ceuvres se vendaient quel-ques dizaines de florins au milieu du dix-huitième siècle, ont monté prodigieusement. Tel tableau de Rembrandt, de Cuijp, de Hobbema, payé alors 20, 30, 50 florins, vaut maintenant20, 30,50,000 fr., et davantage. Le chevalier van der Werffn'a pas eu, du moins, cette progression. Sa cote, exorbitante autre-lbis, esttoujours restée la même: autour de 6,000 fr. La valeur des produits industriels ne saurait avoir les fluctuations chanceuses des créations du génie.
Nous sommes en pleine mythologie : YEnfance d'Hercule et YEnfance de Bacchus, deux petits pen-dants sur bois. Que celte peinture de porcelaine va bien auxdeux fils de Jupiter! Puis, un paysage avec des faunes et des nymphes, sorte de bacchanale, oü le chevalier s'est permis des libertés fabuleuses, pour rébattcment des princes et des richcs bourgeois, ses admirateurs. Le quatrième tableau est intitulé : «une Mère avec deux enfants.» J'ai eu le bonheur de réus-sir a ne jamais le voir et je ne sais pas ce que c'est.
Jan Steen . — De tous les peintres hollandais, je crois bien que c'est Jan Steen qui, en France et même dans le reste de 1'Europe, est le moins appré-cié selon son mérite. Je ne parle pas de quelques demi-inconnus, tels que Theodor de Keijser, Nico-laas Maes, les Koninck, van der Meer de Delft, etc.
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Jan Steen est bien connu de nom, et mêrae par un certain nombre de ses tableaux répandus partout. Mais il ne viendra jamais a 1'idée des ai'tistes et ama­teurs de Ie citer en première ligne, sur Ie mcme rang qu'Ostade on Metsu, entre autres.
C'est pourquoi j'insisterai surlecaractère du génie de Jan Steen, toutes les fois que nous rencontrerons de ses chefs-d'ceuvre.
La comédie est apparemment un genre littéraire et artistique égal a la tragédie et aux autres formes de 1'imagination humaine. Molière vaut Racine sans doute, et Rabelais pourrait bien être plus grand que Bossuet. Il ne semble pas cependant qu'en peinture on rende la même justice au génie comique. C'est peut-être que ce genre n'a pas trouvé, dans les diver-ses écoles picturales, des expressions aussi complètes que dans les littératures.
Quels sont les peintres de comédie dans les écoles italiennes? il n'y en a point. La peinture y eut toujours des tendances tragiques, épiques, élégia-ques, ou bien historiques, et surtout mytholo-giques et allégoriques. Le Jugement dernier, de Michel - Ange, est une épopée religieuse, YÉcole d'Athcnes, de Raphaël, une épopée philosophique, {'Apotheose de Charles-Quint, du Titien, une épo­pée historico-fantastique. Les Madones sont'des allé— gories, les Madeleines des élégies. Au-dessous de ces grands genres, c'est a peine si 1'on rencontre même parfois 1'églogue ou la pastorale, toujours transpo-
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JAN STEEN.                              109
sées d'ailleurs dans des régions antiques et fabu-■leuses, avecdes satyres velus et des Amours ailés.
En Espagne aussi, la peinture est surtout tragique et mystique,— ou splendidement naturaliste. Mais la peinture cspagnole n'a point eu de Ccrvantes.
La France, si spirituelle et si caustique dans les lettres, n'a jamais eu non plus, dans les arts, son Rabelais, &on Molière, son Voltaire, son Le Sage, son Diderot, son Balzac. Ou sont Panurge, Sgana-relle, Pangloss, Gil Bias, leNeveu de Rameau, Vau-trin, en peinture? Je vois bien en France quelques graveurs comiques, ('allot, Abraham Bossc; un peinire de ballets et de i'êtes galantes, Watteau. Mais Ia comédie humaine n'y a jamais eu de peintres. Pourquoi donc, aux temps de Rabelais, de Molière et de Voltaire, le génie francais nc se développait-il pas dans les arts de la même facon que dans les lettres?
L'AUemagne est tragique et fantastique. Albrecht Dürer, avec sa Mélancolie et son Coursier de la Mort, la représente tont entière. Point de comédie dansses arts.
L'Angleterre a eu Hogarth, comme 1'Espagne aussi eut Goya, comme la France a Daumier, trois satiristes des mceurs locales et passagères; mais cc n'est point la comédie éternelle de l'humanité, a la facon de Molière.
Dans les Flandres, il y a quelques peintres de co­médie, le vieux Brvegel, ïeniers. Mai le splendide
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génie de Rubens, influencé par 1'Italie, maintient 1'école sur les hauteurs allégoriques, ou dans les sujets de religion et d'histoire. Rubens est Ie peintre des dieux et des héros. La Destinée de la reine Marie de Médicis, n'est-ce pas une épopée ?
Chose singuliere, que ce bon peuple hollandais, si simpleetsigrave en apparence, soit Ie seulquiait eu une véritable école de peintrcs de comédie. Lucas de Leyde avait déja eet instinct. Et, quand 1'esprit hollan­dais se trouva complétement émancipé par la liberté religieuse et politique, tout a coup il éclate en une immense moquerie, impitoyable pour les préjugés et les pruderies fausses. Je ne connais personne qui ressemble autant a Panurge que Brouwer, autant a Sganarelle que Jan Steen.
Pendant que Rembrandt, avec un naturel profond et sublime, exprime Ie cöté sérieux de la vie, la science, Ie travail, Ie patriotisme, Ie dévouement, quelquefois même les passions, a la maniere de Sha-kespeare, — d'honnêtes et placides artistes, comme Adriaan van Ostade, ou de gais ribauds, comme Brouwer et Jan Steen, s'abandonnent a la raillerie etprennent 1'existence par soncótéburlesque. Est-ce qu'ils ne seraient pas dans Ie giron de 1'art, aussi bien que Raphaël, Carrache et Poussin?
Sans doute, a de certaines époques, quand la so-ciété a la conscience de sa destinéo et en accomplit d'ensemble lescommandements, il n'y a point a rire. Les fortes actions et les hautes pensees peuvent se
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refléter dans l'art et la littérature et lui imposer un ton héroïque. La comédie est, si 1'on veut, un genre qui n'appartient qu'aux temps de transition. Avec ses airs enjoués, le génie comique n'est qu'un assas-sin. Il vient tuer, sans qu'on y prenne garde, des moeurs qui doivent périr. Molière est un aussi cruel destructeur que Richelieu, et Pangloss n'est pas étranger a la Révolution francaise. Puisque « tout est mal dans le plus mauvais des mondes, » pour-quoi n'essayerait-on pas de le changer? 89 cbercha simplement la conclusion des prémisses que Voltaire avait posées en badinant.
Il n'y avait point a faire en Ilollande, au dix-sep-tième siècle, de l'art mystique ni de l'art épique. La plupart des artistes tournèrcnt donc a la peinture familière. Et, parmi eux, celui qui a mis le plus d'humanité foncière, dans un certain genre, inférieur sans doute au genre héroïque, c'est, après Rem-brandt, c'est Jan Steen. On peut même dire que, dans aucune autre école, aucun artiste n'a pcint plus intimcment et avec plus d'exprcssion les caractères et les episodes qui en résultent.
Le musce van der Hoop possède plusieurs chefs-d'ocuvre de Jan Steen, excellents a la fois comme es­prit et comme peinture : une scène de médecin et une scène d'orgie, entre autres.
De toute la Faculté de médecins créée par Jan Steen, ce docteur-ci est le plus admirable'. Nous
1 II y a aussi, dans la collection du baron Steengracht è
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n'avons point affaire a un charlatan de carret'our, mais a un homme réfléchi qui inspire confiance. Il nous dira tout de suite la maladie de cette jeune femme languissamment assise dans un fauteuil a dossier rouge, la tète affaissée sur un oreiller pose expres au coin de sa table a tapis d'Orient, Ie bras gauchc abandonné Ie long des plis de pon jupon en soie jaune, bouffant sous les basques d'un caraco de velours lilas, bordé d'hermine. Qu'a-t-elle donc cette bonne grosse commère, si gentille avec sa petite fan-chon blanehe? Elle sourit, mais ses ycux humides sont fatigués, ses narines roses sont gonflées, elle res-pire avec peine, son sein bondit et son petit pied tré-pite dans sa pantoufle bleue. Ah! que Ie brave doc-teur tate vite Ie pouls de ce beau bras nu qii'elle avance nonchalamment!
Le docteur, a courte barbe grise, est debout, de profil; il porie une toque noire et un costume noir, sauf le petit manteau violet. Son attitude est solen-nelle et sa physionomie pensive :
— Hum! vous ètes bien agitée... [A part.) Voila une malade qui n'est pas tant dégoütante, et je tiens qu'un homrae bien sain s'en accomrnoderait assez...
—  Ah! docteur, je me sens mourir! etc. Onaurait toujours envie de dialoguer les tableaux
de Jan Steen, tant ses personnages sont expressifs et bien en situation. Mettons que la consultation finit
La Haye, quelques médecins de Jan Steen, d'une rare qualité.
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par cette sentence, que 1'artiste a (juelquefois écrite sur ses peintures analogues :
Hier baat geen medicijn, Want het is minne pyn.
(lei aucune médecine ne sert de rien,' Car c'est tourment d'amour.)
L'intérieur oü se passé cette scène est la chainbre a coucher, un peu en désordre; sur le plancher, en avant, un bougeoir et une chaufferette; pres d'un lit a baldaquin, qu'on voit au fond a gauche, un chan-delier et — un vase en étain, — qui devrait ètre ca-ché derriere les rideaux verts de la couchette. Est-ce que notre docteur noir se livrerait aussi a 1'alchimie aquatique? Le reste du fond est tout uni, d'un ton gris très-simple. Au lambris est accrochée une gui-tare, et, sur la droite, une horloge.
Ce petit tableau ', qui n'a pas 2 pieds de bauteur sur 1 pied et demi de large, est de la grande pein-ture, par larges plans, et d'une exécution si ample et si serrée en mèine tenips, d'un dessin si savant, d'une mimique si jusle, d'une couleur si profonde, qu'il rappelle les figures de grandeur naturelle par les maifres vénitiens! Le docteur ferait aisément sapartie dans une composition de Titien ou de Giorgione; car ici, Jan Steen, qui n'est pas toujours distingué,
1 C'est, jo crois, Ie n° 120 de Smith : la Malade iVamour. 11 porte le n° 19 dans Ie catalogue de M. van Westrheene, de La Haye.
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touche au vrai style. — II n'y a pas de maitre plus complexe et plus varié que Jan Steen.
Le voici dans une de ses peintures les plus effron-tées et les plus originales, que nous intitulcrons VOrgie. Le catalogue du musée van der Hoop donne un titre néutre : « Intérieur avec figures, » et Smith, qui a aussi sa décence anglaise, appelle ca : le Toast (n° 196). Toast, soit,aVénus impudiqueetaSilene. Que le sujet principal soit scabreux, assurément. Mais, dans le fond du tableau, le vertneux Jan Steen a in­troduit la morale en opposition au dévergondage du premier plan. Et, après tont, Jan Steen n'est qu'un homrpp. ayant le courage d'abattre « le mur de la vie privce. » Qui pourrait voir a travers les murs verrait souvent de hauts et respectés personnages sacrifiant aux rnèmes divinités que les libertins de Jan Steen. Pourquoi défendrait-on encore de jouer Tar tuf e, ou de peindre un débauché?
Le personnagc principal est une grande belle fille, presque endormie, couchée de son long sur un banc, en travers du tableau, avec une tournure qu'aecepte-rait la statuaire antique pour un bas-reliefde baccha-nale. Sa jambe droite allongée a perdu sa mule, tombée sur le parquet. Sa robe noire mi-retroussée laisse voir un jupon violet et des bas rouges; le cor-sage est dégrafé et le sein a 1'aise. Sa main droite abandonnée tient une pipe. Sa tcte est renversée sur le bcros de 1'orgie, un vieillard presque chauve, assis au bout du banc, la poitrine débraillée, les bas sur
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JANSTEEN.                               HS
les talons et les jambes nues. De la main gauche, il soulève un pot en métal, pose sur une barrique. De la raain droite il exhausse un verre plein, et il rit dans son ivresse. S'il porte un toast, ce n'est pas a Vénus Victrix, car la grande fille est. vaincue par Bacchus,
Cette gentille courtisane a sans doute pose sou­vent pour Jan Steen; on la retrouve dans plu-sieurs de ses tableaux, notamment dans la Jeune malade au Ut, de la galerie Steengracht, a La Haye.
Je veux bien que Ie sujet soit un peu leste. Mais, a propos, Ie grand philosophe Poussin, Ie maitre consacré par la morale académique, qu'a-t-il donc peint d'affection ? Des baccbanales, oü des êtres mi-hommes, mi-bêtes, tout nus et velus sur leurs jambes de bouc, oü des femmes toutes nues, Ie sein en 1'air, Ie veutre en avant, la chevelure éparse sur l'écliine, comme une crinière, oü des enfants, mêltJs a 1'entrainement orgiaque, bondissent et hurlent tous ensemble, se roulent parmi des panthères, et eélèbrent avec fureur, dans une promiscuité déli-rante, 1'amour sensuel et Ie jus divin.
C'est la un thème favori de toute la Renaissance latine, a 1'imitation de 1'Antiquité grecque et romaine. Léonard, Raphaël, ïitien, Carrache et les autros,tout cniaisant des Madones, des Saintes Families et des Martyrs, ont continue Ie culte d'Aphrodite. Danaé Léda, Omphale, Europe — el Ganymède aussi! voila
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qui est orthodoxe! Serait-ce la complete nudité des personnages qui sauve la vèrtu de ces nobles artistes? Pour glorifier Vénus, faut-il lui óter ses voiles? Jan Steen aurait-il eu tort de laisser un bas rouge a sa courtisane et de ne pas lui enlever son cotillon? Oui, c'est cela sans doute qui accuse rimmoralité.
Sérieusement, puisque tout est permis a Yidêal et al'allégorie, laissons tranquilles, sur Ie pointmoral, ces braves Hollandais qui ne se soucient guère des hiéroglyphes de la mythologie païenne ou catholi-que, et qui peignent tout simplement la vie hu-maine.
Jan Steen cependant, plus sévère que Poussin, qui exhibe ses orgies sans évoquer dans Ie ciel quel-que divinité courroucée et vengeresse, Jan Steen a pris soin de venger la vertu blessée par Ie désordre. Tandis que sa Vénus et son Silene festoient sans ver-gogne et en pleine lumière, la punition est dans l'ombre, au fond du tableau. Des musiciens, — 1'un tenant une basse, 1'autreun violon, —quiont amuse Ie couple affolé, s'en vont, en grimacant, par une porte ouverte vers Ie milieu, et une femme de la bande dérobe un manteau pendu a des planehes. Contre ces planches, au-dessus de la tète du vieux débauché, est fixée une pancarte sur laquelle on dis-tingue un hibou, des lunettes, une chandelle et deux lignes de petits caractères microscopiques, renfer-mant un bel apophthegme, digne du sage roi Sa-lomon :
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JAN STEEN.
Wat baeter karts of' bril, Als den vijl niet sten wil?
(A quoi servent chandelle et lunetles, Puisquc lc hibou ne veut pas voir ?)
Sur Ie devant aussi, panni les débris de 1'orgie semés a terre, — des pipes cassées, un fourneau ren-versé, un morceau de citron, — pas loin d'un lit qui est défait, un chat, gravement accroupi, confem-ple en philosophe la fille étalée.
Cette produetion magistrale, « masterly produc­tion, » dit Smith, a couru Ie monde avant de recevpir dans la collection van der Hoop une hospitalité deve-nue définitive. Elle avait été importée par M. Cha-plin, dans la gaie Angleterre, merry England, qui, toutefois, n'osa pas 1'adopter, et en 1833 elle était, suivant Smith, chez M. Noé, a Munich. Le panneau n'a que 1 pied 9 pouces de haut sur 2 pieds 2 pouces de large, et pourtant les figures, celle de la fille surtout, sont dessinées et modelées comme les grandes figures du Caravage dans ses tableaux de courtisanes buvant et chantant avec des soldats.
Quand il y aura sur le continent une exhibition d'ceuvres d'anciens maitres, comme fut celle de Man­chester, si 1'on me permettait de choisir a cettc in-tention une douzaine de tableaux de Jan Steen, — le Médecin et VOrgie du musée van der Hoop en se-raient, — je crois bien que les vrais artistes qu i iraient voir cela arriveraient au mêrne sentiment que
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moi sur Jan Steen et Ie mettraient au premier rang des originaux de toutes les écoles, après les sept grands dieux de la peinture.
Dans un troisième tableau, « une Société faisant de la musique, « n° 112, c'est Ie cóté jordanesque de Jan Steen qui éclate. Il s'agit du proverbe hollando-flamand, familier a ces deux maitres :
Zoo de ouden zongen, Zoo piepen de jongen.
(Quand les vieux chantent, Les jeunes sifflent.)
qui est inserit en toutes lettres sur la peinture.
On ne saurait faire de bonne musique sans man-ger et sans boire. Sur la tablea tapis turc, recou verte d'une nappe, un jambon, du pain, des bouteilles. Au milieu est assise, de face, la femme de Jan Steen, tenant son baby et riant avec une vieille a sa droite, qui chante sur un papier de musique. A gauche, assis sur une haute chaire de bois, Ie vieux père a barbe grise braille, en balancant de la main gauche son hanap plein. Derriere lui parait a une fenètre ouverte un jeune garcon qui tient un cornet en cui-vre et qui fume. Plus loin, un autre joue de la corne-muse. Vers la droite, un jeune homme, en belle to-que rouge et manteau rouge, mi-couché sur un large banc de bois, la jambe allongée sur Ie banc, joue de la (luie; et, tout a fait au coin droit, devant la che-minée, une jeune femme assise et vue de dos, une
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JAN STEEN.                                   119
pipe a la main, se retourne en riant. Chanter, rire et boire, c'est la devise de ces families patriarcaTcs.
Cette toile assez grande, environ 4 pieds de large sur 3 pieds 1/2 de haut, est signée : J. Steen, I'S entortillé sur le J, et datée 1668. C'est de la plus vaillante qualité dans cette maniere large et libre.
Il parait que Jan Steen a peint deux fois cette même composition. Celle-ci vient de la colleclion Nieuhoff, Amsterdam, 1777, et de la vente Hems-kerk,1770, SSS florins. Smith, n°162, décritl'autre, « pleinede caractère et d'expression humoristique, » qui fut vendue 300 guinéeschezM. O'Niel, en 1828, et qui était, en 1833, dans la collection de M. Charles Brind.
Autre festin : le Jour des Rois, n° 110, mais en haüteuret depluspelite proportion; environ 15 pou-ces de large; sur bois. Presque les mêmes person-nages, mais plus jeunes : toujours Margarita van Goijen, vue de dos, cctle fois, et qui se renverse, la tète de profil en 1'air; elle a nn caraco de velours bleu, bordé d'hermine, et un jupon rouge. Üix au-tres figures, dont le vieux père et le peintre lui-mème qui fume, a droite. Délicieux de couleur et de viva-cité.
Le cinquième tableau de Jan Steen est censé son portrait et celui de sa femme. La femme, assise de profil a droite et vue jusqu'aux genoux, mouchoir blanc noué autour de la tête, caraco bleu sombre, jupe rouge, tablier blanc, boit dans un verre a pied.
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L'homme, un peu en arrièrc a droite, tout vètu de uoiryla regarde et lui parle; il tient de sa main gauche Ie pot en grès d'oü il vient de lui verser a boire. Il parait avoir au moins quarante ans, et la jeune femme guère plus de vingt. Différence d'age qui prouve que les personnages ne sauraient être Ie couple qu'on suppose, car Jan Siteen s'est marie en ■1649, tout jeune, environ vingt-trois ans, et Marga-rita, qu'il avait d'abord séduite dans 1'atelier de mai-tre van Goijen, devait être assez drue déja. Et puis, vraiment, quoique eet homme ait bien un peu Ie nez en biseau comme Steen, on n'a jamais vu mai-tre Jan si sérieux, surtout pres d'une femme, füt-ce la sienne, surtout quand il verse a boire.
Diuk Hals. — Ce maitre est si rare, que nous ne saurions citer de lui aucun autre tableau que la pe-tite « Femme jouant du clavecin,» au musée van der Hoop. Elle rappelle assez Palamedes, qui doit avoir travaillé dans la même école, et elle a aussi quelque analogie avec Pieter de Hoocb, mais 1'exécution est plus sèche. Le monogramme de Dirk : un grand H avec un D formé intérieurement sur le premier jam-bage, ne s'y trouve point.
Dirk était le frère puiné du grand Frans Hals, et, comme lui, originaire de Malines, a ce qu'on dit. Probablementil le suivit a Haarlem, et il y est mort en 1656, dix ans avant Frans. On trouve, je pense, dans le regislre de la gilde de Haarlem, des rensei-
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KRANS HALS.                                  121
gnements sur lui, ainsi que sur ses neveux, Frans Franszoon, Jan, Willem, etc. Quelqucs-uns de ses tableaux sont cités dans les Catalogues de ventes de Gerard Hoet. On rencontre aussi,"dans 1'Inventaire de Rembrandt, « une petite peinture par Hals Ie jeune, » et, dans la vente de Jordaens, en 1734, « une Société de Hals Ie jeune. » Cette désignation se rap-porte-t-elle a Dirk ou a un des fils de Frans?
Frans Hals. — Frans lui-même a un portrait au musée van der Hoop : vieille femme assise dans un fauteuil, presque de face, de grandeur naturelle. Elle est vêtue de velours noir, avec une fraise blan-cbe. De la main droite elle tient un Jivre a fermoir d'argenl; la gauche, admirable, est appuyée sur Ie bras du fauteuil. Fond neutre. Portrait superbe, de première force. On lit, au-dessous d'un écusson a armoiries : Aitatis suce 64. A°. 1639.
C'est la belle époque de ce maitre vaillant et ori-ginal, qui doit ètre considéré comme Ie véritable précurseur de Rembrandt, et qui 1'égala presque, après avoir agrandi son style quand il eut vu des ceuvres du jeune peintre établi a Amsterdam. On peut, du moins, supposer cette influence de Rem­brandt sur la seconde periode de Frans Hals, dont la transformation est évidente après 1630.
Ses grands tableaux de l'hótel de ville de Haarlem, représentant des officiers du S. Joris Doeleii (tir de Saint-George), sontbien précieux, ccmme types pré-
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cisément de ses deux manières : 1'un est de la mème année que ce portrait du musée van der Hoop, 1639: dix-neuf fignres, de grandeur naturelle, vuesjus-qu'au-dessous des genoux; ce sont les arquebusiers de la compagnie du colonel Johan "van Loo, groupés autour de lui; Hals en est, Ie deuxième a gauche, vers lesommet. Tenez que c'estun des chefs-d'cauvre de la haute école hollandaise. Une maestria incom-parable, un dessin accusé, solide, grandiose et libre, comme dans Ie Tintoret, a qui on a souvent envie de comparer Frans Hals. Il connait la peinture de Rem-brandt alors, et cette jeune concurrence sans doute 1'a poussé a une couleur plus profonde, a une expres­sion plus intime des physionomies, a un effet plus harmonieux et plus tranquille, tout en conservant la brusquerie énergique de 1'cxécution.
Dans un autre tableau de 1'hótel de ville, c'est la première maniere, toute franche, un peu grincée de touche, un peu maigre relativement a sa peinture de 1639 ; car celle-ci est de 1627 : Rembrandt était en-core a son moulin de Leyde. Cette fois, c'est Ie colo­nel Druijvestein avec onze officiers de sa compagnie du même doele de Saint-George, tous gaillardement campés dans les plus fières attitudes. Cela fait songer aussi, comme tournures et mouvements, aux figures soldatesques du Caravaggio. Le jaune chamois, par­ticulier a Frans Hals, domine partout, même un peu trop. 11 y a trois porte-drapeau magnifiques, dont un, celui du milieu, avec un chapeau a larges bords,
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MICH1EL MIEREVELD.                         123
ressemble encore a l'artiste lui-même et a l'homme que peint Brouwer dans Ie tableau du Louvre attri-bué a Craesbeck (n° 97 du cat. de Paris).
Les autres Hals a 1'hótel de ville de Haarlem, —a laJMaison des \ieillards (Oudemannenhuis),portraits de régents et de regentes de 1'établissement, — a 1'hópital Saiute-Élisabelh, offrant aussi les portraits des régents en 1641,— et quelques grands tableaux a 1'hótel de ville d'Amsterdam, a Delft et ailleurs, mériteraient une étude spéciale, pour faire apprécier Ie talent de ce maitre dont on ne connait, hors de la Ilollande, que des portrails détachés.
Michiel Miereveld. — II compte également dans la première pléiade des maitres hollandais après 1'af-franchissement, lesquels ne liennent plus a aucune tradition, et recommencent a nouveau une école au-tochthone et indépendante. Simple portraitiste, il est vrai, mais a sa guise, et, ce qui est un mérite réel, avec beaucoup de sincérité, de naturel et de caractère.
Il a deux portraits au musée van der Hoop : 1'un, du poëte Jacob Cats, qu'il a peint plusieurs fois; nous en avons déja rencontre un, très-beau, signé en toutes lettres et date 1634, au musée d'Am­sterdam (n° 197 du nouveau catalogue); celui-ci n'est pas de pareille qualilé et ne rappelle même pas la tète du poëte populaire; — 1'autre portrait, tout petit, 10 pouces de haut sur 6 de large, mais excel­lent, représente aussi, a mi-corps, un personnage
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124 MUSÉE VAN DER HOOP.
dont Ie musée d'Amsterdam possède deux portraits,
Pieter Corneliszoon Hooft, bailli de Muiden.
Van der Helst. — Son générateur fut un peu Miereveld, plus serre que lui cependant, et plus grave, mais praticien moins habile. Ou il faut voir van der Helst, c'est au musée d'Amsterdam, dans son Banquet d'arquebusiers, et dans quelques autres grandes toiles. Il ne marque pas ici, avec un seul portrait « d'homme de guerre, » en buste, assez bon. mais sans rien de saillant. Passons.
Abraham van den Tempel. — II fut Ie contem­porain de van der Helst et un peu son rival; peut-être f ut—i 1 Ie condisciple de Rembrandt, car il se forma chez Ie célèbre peintre (bien inconnu aujour-d'hui hors de la Hollande), Joris van Schooten, — ou Verschooten, de Leyde, chez qui Rembrandt pourrait bien avoir étudié, comme 1'insinuent timi-dement quelques biographes. Jan Lievens, 1'ami de Rembrandt, fut aussi 1'élève de ce George van Schooten, qui entendait supérieurement la grande peinture; ses tableaux d'arquebusiers qu'on voit en-core a 1'hótel de ville de Leyde ont conservé 1'irré-cusable térnoignage de son talent. Il étaib né a Leyde en 1387 et fut élève du portraitiste Koenraed van der Maas. II avait donc trente-cinq a quarante ans a 1'époque.oii Rembrandt s'initiait au métier de peintre, et comme il jouissait alors d'une grande
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ABRAHAM VAN DEN TEMPEL. 12Ü
réputation, Rembrandt a pu suivre son atelier, aussi probablementquel'atelier de van Swanenburg, dont il nc reste plus tracé aujourd'hui. Van Schooten a peint durant toute la première moitié du seizième siècle, et un de ses meilleurs tableaux de 1'hótel de ville de Leyde, représentant six officiers du doele d'arquebuse, est signé V. Schooien fecit, et date 1650, tand is qu'un autre porte, je crois, la date 1612.
Van den Tempel est un très-beau maitre dans Ie portrait, et nous trouverons de lui, au inusée de Rot­terdam, deux pendants, 1'homme et la femme, qui rivalisent avec deux des chefs-d'ceuvre de Jacob van Loo, eet autre peintre de grande pratique, qu'on connait seulement en France par Ie superbe portrait de Michel Corneille, recteur de 1'Académie de pein-ture (n° 274 du catalogue du Louvre), et par la femme nuc et vue do dos, debout, de grandeur natu­relle, gravée par Porporati sous Ie titre : Ie Coucher, tableau digne des Vénitiens, qui a passé dans quel-ques collections francaises et qu'on voyait encore a Paris, il y a une quinzaine d'années; je ne sais oü il est aujourd'hui.
Ce qu'il y a de singulier, c'est que eet Abraham van den Tempel, qui peignait si largement,— peut-être au sortirde 1'atelier de Joris van Schooten,—fut 1'éducateur de plusieurs petits peintres, souvent mai-gres, secs et durs, d'Arie de Vois, qui tourne parfois a Mieris, de van Musscher, qui devint sedateur de Metsu, du chevalier Karel de Moor, qui s'essaya
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aussi, en certaines occasions, a la peinture de grande dimension, mais qui finalement est un triste prati-cien, malgré ses titres, sa haute renommée et ses succes prodigieux.
Van den Tempel, comme son maitre van Schooten, a fait quelques grandes compositions avec des por-traits de personnagcs des gildes ou des établisse-ments publics, par exemple les régents de la Maison des orphelins a Leyde. Il mourut en i672.
Ses deux portraits du musée van der Hoop ont des qualités, sans être aussi remarquables que ceux du musée de Rotterdam. L'un représente « une Dame en habit antiquc, » dit Ie cutalogue (n° 118); en buste; assez rapproché de van der Helst; — 1'autre est, suivant Ie catalogue, Ie portrait de II ugo de Groot (Grotius), mort en 1645; s'il a étépeintd'a-près nature, Abraham van den Tempel devait être encore jeune, et il setnble qu'il cherchait alors la finesse et la distinction de van Dyck. Ca ne se trouve pas sous nn caillou du Rhin. Mais, en cherchant van Dyck, ou tont autre, il a fini par se trouver lui-mème; ce qui vaut mieux.
Les Paysagistes. — Nous avons déja pris a part de la série des paysages les chefs-d'oeuvrè d'Adriaan van de Velde, de Philips Wouwerman et de Jan Both, a cause de 1'importance des personnages qu'ils contienncnt. Parmi les purs paysagistes, les deux plus grands de 1'école hollandaise, Ilobbema et Jacob
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LES PAYUGISTES.                      m
van Ruijsdael, ont aussi des chefs-d'oeuvre au musée van der Hoop.
Hobbema, deux tableaus : « N° 51. Moulin a eau, entouré d'arbres. — N° 32. Petit paysage, avec maison rustique, arbres, etc. .» Tous deux sur bois. Le premier a 2 pieds 9 pouces de large sur 2 pieds de haut; le second, 1 pied 5 pouces sur 1 pied.
Les musées d'Amsterdatn et de La Haye ne possè-dent point de Hobbema. Nous en rencontrerons seu-Jemenl un petit au musée de Rotterdam. Les deux dij musée van der Hoop, ainsi rapprochés 1'un de 1'antre, sont donc bien interessants pour les artistes, quoiqu'ils n'aient pas une valeur egale aux grands et superbes paysages des collections particulières du baron van Brienen, de M. Six van Ilillegom, de madame Hogdson, a Amsterdam, de MM. de Kat et Dupper, a Dordrecht, etc.
Le Moulin d eau du musée van der Hoop, acheté autrefois de M. Wil Ham Smith, par le chevalier Bonne-maison, retiré a 305 £ dans une vente par M. Philips, 1822, passaaussi dans la venteLafontaine, 1824, oüil ful encore retiró a480 guinées. En 1831, il fut payé, aux enchères, chez M. Robin, 182 guinées. Ce n'é-tait guère. Il faudrait décupler aujourd'hui.
La maison du moulin, en planches, et couverte de tuiles rougeatres, est au milieu. Des troncs d'arbres, creusés en rigoles et perchés horizontalement sur de hauts madriers en bois gris, conduisent 1'cau au-dcs-
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sus de la roue et eo tombant la font tourner. L'eau occvape presque tout Ie premier plan, avec une sou­che d'arbre. Deux canards barbotent parmi les joncs. Derriére la maison, des arbres. Sur la droite, de-vant-la porte, oü parait dans 1'ombrc une figurine d'homme, se dresscun grand arbre; une femme en corsage rouge, vivement éclairée, lave du linge dans un cuvier. Tout a fait a droite, vient un paysan vêtu de brun, donnant la main a un petit garcon en bon­net rouge. Bouquets d'arbres et halliers, aux plans reculés. Ciel indécis, avec des nuages entre lesquels glissent des rayons de soleil sur les verdures. Il y a de très-beaux tons olivatres et des gris très-fins. En bas , a gauche, la signature, suivie d'une apparence de date. Mais cette signature parait apocryphe.
On voit que la composition est presque la mème que celle du Ilobbema payé 27,000 florins par lord Hertford, a la vente du roi Guillaume II de Hol-lande, et exposé a Manchester en 1857'. C'est Ie même moulin, certainement, et je crois qu'on Ie retrouve encore dans plusieurs autres tableaux du maitre. Hobbema avait une douzaine de sites d'affec-tion qui servirent a presque toutes ses oeuvres, et il est étonnant que Ie caracière si bien marquc de ces paysages n'aide pas a retrouver Ie paysl-! du il a peint
1 Trésors d'art, p. 288 et suivantes.
8 Ce pays de Hobbema, qui ne ressemble point a la Nord-Holland oü Hobbema est consé avoir habitó, puisque les pein-tres d'Ainsterdam et de Elaarlem ont certainement fait des
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LES PAYSAGISTES.                            129
d'habitude., oü il demeurait, et oü peut-ètre il est né. Ces découvertes se feront quelque jour, — par ha-sard, — il faut 1'espérer, puisque toutes les recher­ches préméditées n'ont abouti a rien jusqu'ici. Un artiste qui en aurait Ie temps devrait parcourir a pied toute la Hollande, pour Ie moins la Frise et la Guel-dre, oü il est Ie plus probable que Ilobbema a tra-vaillé, — jusqu'a ce qu'il ait rencontre les moulins, les cottages, les ruisseaux et les étangs du mysté-rieux amant de la nature. Tous les fanatiques du maitre iraient ensuite en pèlcrinage, rever dans les mêmes endroits oü sans doule il a si souvent rèvé, admirer les blondes lumières sur les prairies ver-
rtgures dans ses paysages, j'ai presque cru Ie retrouver, 1'autre jour, en revenant d'Allemagne, sur Ie parcours du chemin de fer de Dortmund a Düsseldorf. Les maisons, construites abso-lument comme celles de Hobbema, ont des toits rouges, du même ton absolument. Le pays aussi est Ie même: de petits cours d'eau, avec des passerelies enbois, des mares, avec des joncs et des saulaies, de ces arbres au feuillago roux, particu-liers a Hobbema. Il doit y avoir eu beaucoup de moulins, rem-placés sans doute aiijourd'hui par les machines de la grande industrie qui couvre toute cette contrée, sans lui avoir pour-tant óté son caractère. Seulement il y a, par-ci par-lè, des collines boisées et un mouvement très-pittoresque du terrain. De 1'autre cóté du Rhin, sur la rive gauche, de Düsseldorf è Gladbach, par exemple, c'est encore le paysagede Hobbema, et mèmebien mieux, car le pays est plat, sans aucune ondula-tion. Hobbema aurait-il remonté le Rhin jusque dans ces parages? On a supposé quelquefois qu'il avait habité la West-phalie.
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doyantes, voir couler ces eaux vives et y pêcher des goujons.
Le petit paysage est encore supérieur de qualité au Moulin d eau. Une maisonnette et une grange, sur la droite; deux figurines devant la maison, un homme debout, en noir, une femme courbée, en rouge; un grand orme touffu, puis un groupe d'ar-bres, puis une haie qui se découpe sur le ciel. Et tout cela se mire en brun dans une pièce d'eau éta-lée sur le premier plan. Les reflets des arbres a 1'envers dans 1'eau sont exquis de couleur. Tout ce mirage merveilleux qui semble trembloter est obtenu par des frottis transparents; le reste est peint a pleine pate, d'une touche süre, aussi juste que spirituelle. Les petites flgures excellentes sont toujours de ce maitre indeviné jusqu'ici, qu'on appelle erronémcnt Abraham Storck, et qui a sou­vent illustré aussi les paysages de Jacob van Ruijs-dael. La signature, cette fois avec 1'initiale M du prénom accolée en monogramme a ril du nom écrit en toutes lettres, n'est pas non plus d'une authen-ticité incontestable. Comme les vraies signatures des Hobbema avaient été effacées a 1'époque oü les spé-culateurs présentaient ses tableaux sous le nom de Ruijsdael, il faut croire qu'on en a remis beau-coup depuis que Hobbema est remonté aü premier rang; car rien n'est plus commun que les fausses signatures sur des ceuvres parfaitement originales du maitre.
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Smith, n° 111, vante beaucoup, avec raison, ce petit bijou, qui provient de la vente Goll van Fran-kenstein, 1833, oü il ne fut payé que 1,325 florins.
Rien des imitateurs ou sectateurs de Hobbema, qui sont plus rares en Hollande qu'on ne pense. Au musée de Rotterdam, nous trouverons seulement une très-belle peinture de Jan van Kessel, et nous aurons alors occasion de débrouiller un peu Ie groupe de paysagistes qui approchent plus ou moins du maitre typique. Ce ne sera pas de trop. Car il ne semble pas que les imitateurs de Hobbema soient très-bien connus par les amateurs et mème par ceux qui pretendent leur servir de guides. Gault de Saint-Germain , dans son Guide des amateurs de ta-bleaux, etc, indique, comme sectateur de Hob­bema :« Théodore Rombouts, né a La Haye en 1597, mort en 1640 ! » Autant d'erreurs que de mots '.
Théodore Rombouts n'a rien de commun avec Hobbema; il est né a Anvers, et non a La Haye; il n'est pas mort en 1640, mais en 1637. G'est Ie grand peintre flamand qui fut doyen de la gilde d'Anvers,
1 Fiez-vous a ces guides, que pourtant 1'on consulte encore en France, è ce qu'on dit. Ce serait rendre un grand service aux collectionneurs, aux artistes et a tous ceux qu'intéresse 1'histoire de 1'art, que de démolir une bonne fois tous les bou-quins acceptés en France comme des autorités, depuis Des-camps et Dargenville jusqu'a Landon et Gault de Saint-Ger-main, etc, etc. Mais les vieilleries ne disparaissent jamais que lorsqu'elles ont été remplacées par des nouveautés.
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de 1028 a 1630, qui avait étudié d'abord en Italië et qui devint presque un rival de Rubens. Et com-ment, d'ailleurs, un peintre mort « en 1640 » au-rait-il pu se consacrer a imiter Hobbema qui, cer-tainement, était encore tout jeune alors et ne pouvait avoir aucune célébrité ?
Le Rontbouts, imitateur de Hobbema, a travaillé autour de 1660, et ses dates de naissance et de mort paraissent ètre 1617-1676; du moins ce sont celles adoptóes par Smith, qui écrit, a tort, le nom : Rombout ou Ilombourg, car le musée de Berlin pos-sède un paysage boisé (n° 888 a), signé : Rontbouts, sans prénoms et sans date. Le musée de Gotha cata-logue aussi deux paysages de ce maitre, rnais avec un simple monogramme Rb. Quant a son prénom, Smith donne Nicholas; M. Waagen, dans le cata-logue de Berlin, les initiales A. V.; M. Lamme, dans le catalogue du musée de Rotterdam : J.—Nous trou-verons, dans ce dernier musée, un vrai Rontbouts, très-intércssant. 11 y en avait un aussi a la vente Stolberg, récemment faite a Hanovre, avec la signa-ture Rb, comme au musée de Gotha.
Sur les quatre Ruijsdael, très-différents de sites et de maniere, il y en a un qu'on peut classer parmi ses ceuvres les plus extraordinaires, a cöté de,la superbe Tempête du Louvre (n° 471). Il doit être du même temps, car il a la mème originale grandeur d'exécu-tion et la même profondeur de sentiment.
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Quel malheur que van Ruijsdael n'aii presque jamais date ses tableaux! C'est la un obstacle a faire 1'histoire sériée de ses productions, sans quoi, a mon avis, on ne saurait jamais bien comprendre intime-ment un maitre.
Ce Ruijsdaelétrange est presqu'unemarine,comme Ie tableau du Louvre. La vue, dit Ie catalogue, est prise a Wijk, pres Duurstede (Wijk sur la cote de la nier du Nord, entre Haarlem et Alkmaar?). Au pre­mier plan et sur toute la gauche, 1'eau, avec une barque a voiles; un grand navire dont on apercoit les mats est retiré dans une petite anse vers Ie milieu. A droiie, sur une langue de terre avancée, bordée de pieux et de fascines, un moulin u vent; en arrière, une maison, et, a 1'horizon, Ie haut d'une tour d'église; un peu a gauche du moulin, a un plan éloigné, un chateau a tourelles. En avant du mou­lin, sur Ie chemin qui y conduit, vont trois paysannes en tablier blanc, 1'une avec une coiffe blanche, les deux autres avec des coiffes jaunes. On distingue encore quelques autres figurines du cölé de la petite anse oü est réfugié Ie vaisseau. Le ciel est gris, avec des nuages gris, tout du mème ton, incomparable. La signature est a droite en bas.
La toile peut avoir 3 pieds 1/2 de large sur en-viron 3 pieds de haut.
La terre, 1'eau, le ciel, tout est si bien ensemble, dans une harmonie si forte et si dominatrice, si simple et pourtant si grandiose, qu'on est saisi par
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eet effet unique, presque terrible, gans qu'on sache pourquoi. Finalement, il n'y a la qu'un moulin grossier, avec sa base en tour ronde, a la mode du pays, qu'un bout de terrain défendu contre 1'inva-sion des eaux, et trois femmes qui reviennent du vil-lage. Ce n'est pas de quoi émouvoir 1'imagination. Et cependant on regarde fa avec je ne sais quelle irré-sistible mélancolic. Le caractère de la nature et a la fois le caraetère du peuple y sont si fermement mar-qués, qu'on est arraché a soi-mème et transporté de force au coeur de la création de 1'artiste. On ne songe point tout de suite a la peinture, — si énergique et si accentuée. C'est 1'esprit qui est impressionné d'a-bord. — Suprème résultat de 1'art, et bien rare, sur-tout en paysage.
L'arliste lui-même sans doute a été commandé par son idee, et 1'exécution s'est faite toute seule. Ce n'est qu'après le premier étourdissement qu'on ad-mire la pratique magistrale de cette oeuvre d'un seul jet. Ah ! le grand poëte que Ruijsdael, puisqu'il communiqué la poésie avec un moulin a vent, une pointe de clocher et quelques vagues qui minent sourdement une haie de pilotis!
Une fois revenu a moi-même, — a 1'état d'étudiant de 1'art, de critique curieux, — ce sont les trois femmes a tablier blanc qui m'ont tourmenté ! Je n'ai jamais vu nulle part de plus braves figurines, plus bravement et plus lestement animées a leur place. Elles sont encore de ce même inconnu qui en a peint
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LES PAYSAGISTES.                            13b
tant d'autres dans Ruijsdael et dans Hobbema, et qui s'est accusé ici avec toute son adresse et vraiment tout son génie. C'est peu de jeter un bon homme ou une bonne femme dans un paysage. Mais c'est tout, s'ils sont parfaits, — et ils Ie sont.
Non vraiment, ce figuriste n'est pas Storck. Abra­ham Storck n'a pas cette désinvolture, ni cette faculté inexplicable, de créer une figure vivante et remuante, par trois ou quatre touches qui y mettent Ie néces­saire. Qui est-ce donc? Et pourquoi ne trouve-t-on pas des tableaux entiers qui ressemblent a la peinture de ces petites merveilles? Adriaan van de Velde, qui prêtait souvent a son ami van der Heijden et aux paysagisles, a van Ruijsdael et a Hobbema, ses fins personnages, en faisait de pareils dans ses propres compositions. De même pour Philips Wouwerman, Nicolaas Berchem, Lingelbach et autres étoffeurs de profossion ou d'occasion. On les reconnait aussi bien chez eux que chez leurs voisins. Mais je défie les baptiseurs émérites de monlrer dans les tableaux de Storck lui-même des figurines analogues a celles qu'ils disent ètre de lui dans les paysages de Hobbema et de van Ruijsdael.
Les trois femmes a tablier blanc m'ont fait songer a... je Ie risque, sauf a passer pour un maniaque... a ceDelftsche van der Meer qui me poursuit. J'ai été revoir les pelites figurines de 1''Extérieur d'wie mai-son de Delft, dans la collection Six van Hillegom; j'ai même été expres a La Ilaye revoir Ie paysage du
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musée, oü justement deux petites femmes debout, ein-patées de quelques coups de blanc et de jaune citron, causent ensemble sur Ie bord de l'eau; puis je suis revenu devant la triade du Ruijsdael van der Hoop; il y a vraiment bien des analogies dans la maniere de poser la piite, dans la qualité du ton, dans 1'éclat lumineux. Si ce van der Meer de Delft avait été col­laborateur de Ruijsdael — et de Hobbema ! ce n'est pas celui-ei qui aiderait a deviner 1'autre! Deux mystères accouplés!
A présent que c'est lancé, comme un mot en 1'air, pour qu'on saute après, n'en parlons plus, et oublions nos trois commères qui s'en vont au moulin.
Un second Ruijsdael représente encore un moulin, mais avec une roue dans l'eau et non avec des ailes au vent. Sur la droite, travaillent des bücherons. Forte peinture, mais un peu sombre.
Nous avons maintenant deux Cascades, 1'une de première importance et de très-grande dimension, 1'autre, Site de Norwége , sous 1'inlluence directe d'Allart van Everdingen.
La grande Cascade — G pieds de large sur 4 de haut — parait être composée avec divers éléments pris sur la nature. L'eau bondit et écume sur tout Ie premier plan, de travers en travers de la toile. Au-dessus de ce large torrent, la moitié droite est occu-pée par de grands arbres, sous lcsquels quatre figu-rines. A gaucbe, en avant de bouquets d'arbustes, dans 1'ombre, un troupeau de moutons passé Ie ruis-
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seau. Au fond, après des prairies, un clocher a 1'horizon. C'est très-vigoureux, très-riche et tres— beau. %
Le Site de Norwége est aussi un grand tableau, large d'environ 5 pieds. Le torrent caracole parmi de petites roches. A gauche, sur des bloes de pierre, une maison, des groupes d'arbres et un grand arbre isolé, qui se détache seul au premier plan. Habile-ment peint, mais la composition n'est pas heureuse. Le véritable accent de Ia nature y manque. Car il est certain que Ruijsdael n'a jamais été en Nor­wége et qu'il s'est livré aux cascades et aux rochers par simple camaraderie avec van Everdingen dont les paysages abrupts, si étrangers a la Hollande, surprirent et enthousiasmèrent les Ilollandais.
C'est, je pense, de 1645 a 1650 que van Ever­dingen avait eu occasion d'étudier la nature norwé— gienne et qu'il en avait rapporté une quantité prodi-gieuse de dessins, qui défrayèrent son talent toute sa vie, en peinture et a 1'eau-forte, et qui séduisirent lc jeune Ruijsdael. On arrivera peut-être a prouver que les Cascades rocheuses de Ruijsdael, simulant un pays qu'il n'avait jamais vu, sont toutes de sa pre­mière maniere. Le musée de Berlin en possède une (n° 893) signée et datée, — ce qui est extrêmement rare, — et la date est 1653. Ruijsdael n'avait que vingt-cinq a trente ans. Plus tard encore sans doute, il a utilisé les cascades et les chutes de ruisseaux, qu'il avait appris a si bien faire, mais pour aviver et
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égayer des sites moins sauvages que ceux de Everdingen, et étudiés en partie sur la nature de son pays. Toujours, cependant, ses compositions a cas­cades sont un peu maniérées, et, malgré leur répu-tation consacrée, elles sont inférieures, suivant nous, a ses intérieurs de forêt, a ses patu rages boisés, avec des mares ou des ruisseaux, a ses vues de pays plat qu'il a peintes parfois sous Ie magnetisme de Rem-brandt, a ses vues de cótes et a ses marines.
Everdingen lui-même a un beau paysage au mu-sée van der Hoop, — sans cascade, cette fois, bien qu'il y ait de 1'eau et des rochers. Les terrains en avant sont très-vigoureux. La toile a pres de 4 pieds de haut.
Abraham Verboom ressemble souvent aRuijsdael, sans néanmoins ètre de sa suite; il était, je pense, plus agé que lui et il peut bien avoir deviné Ie même paysage, en s'assimilant Ie caractère du pays. Nous avons vu au musée d'Amsterdam un de ses chefs-d'opuvre, date 1653. Son paysage au musée van der Hoop est encore de la bonne peinture.
Pieter Jansz. van Asch appartient aussi a cette première génération des paysagistes hollandais. Il élaitné, dit-on, en 1603, ce qui ne 1'empêcbe pas de rappeJer tout de même Ruijsdael. Mais' les grands mailres ont Ie privilege d'absorber et d'effacer leurs prédécessairs et leurs contemporains. Les musées
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d'Amsterdam, de La Haye, de Rotterdam, n'ont point de tableaux de van Asch. Le musée van der Hoop n'en a qu'un : «paysage boisé, » très-savant et très-vigoureux.
Autre adhérent a Ruijsdael : Jan van der Hagen, né a La Haye vers 1633. Celui-ci a donc pu se for-mer d'après Ruijsdael, et il le cherche bcaucoup dans un grand paysage qui n'est pas sans talent.
Le vieux Wijnants a quatre tableaux : un paysage dans les dunes, avec des chasseurs; un paysage tout petit, très-fin; signé a gauche; et deux petits pen-dants, avec figurines par Adriaan van de Yelde; le n° 152, «paysage sablonnenx,» est signé: /. Wij­nants, 1669; 1'autre aussi; maisladate, qui est sans doute la même, est cachée sous le cadre. 1 pied de haut, tout au plus.
Un paysage de Moucheron, Site d'Italië, vide et froid, a également des figures et des animaux par Adriaan van de Velde : un patre a cheval, deux vaches, des moutons, etc. C'est son seul mérite.
Jan Hackaert a peint dans des manières très-difïé-rentes. Son « paysage montagneux, » signé en bas a gauche : Hackaert, offre des qualités de finesse et de lumière et rappelle un peu Wijnants dans 1'exé-cution; mais la nature y est arrangée, sous rinlluence des pseudo-ltaliens. Point d'originalité. Hackaert est parfait quand il est naïf et quand il s'inspire du
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caractère et du style de son pays. — On désapprend quelquefois en voyageant.
De Dirk van Bergen, nous avons, au contraire, un de ses meilleurs tableaux, très-important pour ce maitre secondaire, qui imita Adriaan van de Velde, en songeant aussi a Berchem : « Paysage boisé avec bestiaux. » — II paraitrait d'ailleurs, d'après les catalogues de Gerard Hoet, que Dirk van Bergen eut l'honneur de peindre parfois des animaux dans les paysages de Ilobbema.
Nicolaas Berchem est ordinaire dansun Site d'Ita­lië, décoré de montagnes a l'horizon, et dans un pe-tit paysage avec figures et animaux; mais il est très-curieux dans un grand tableau haut de (5 pieds, avec une quinzaine de personnages au tiers de gran­deur naturelle a peu pres, dimension de ceux du Poussin; la plupart sont nus, les autres bellement drapés a la grecque : divinités sur des nuages, nym-phes, fleuves, etc; car il s'agit d'une « Représenta-tion allégorique d Voccasion du dernier agrandisse-rnent d'Amsterdam. » Tel est Ie titre donné par Ie catalogue. Ce n'était pas l'affaire de Berchem, qui s'entend mieux aux patres qii'aux dieux de 1'Olympe. Il est plus facile de peindre un paysan couvert d'une peau de mouton, qu'une figure de femme nue.
Nous trouvons aussi Karel du Jardin égaré dans « la grande peinture » : « Portrait d'un Seigneur
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avec un chieu et un lièvre mort. » Le plus mort des trois n'est pas Je lièvre, et, si le lièvre n'était pas mort, ce n'est pas le chien qui pourrait courir après, ni le seigneur après le chien. Ce seigneur en fer-blanc, comme toujours, est découpé de grandeur naturelle, jusqu'aux genoux, sur un fond de ciel sombre. Les mains sont ce qu'on appelle bien des-sinées, mais il n'y a pas apparence qu'elles pour-raient se remuer.
Karela, de plus, un paysage; mais, par malheur, cette peinture, d'ailleurs usée et restaurée, est très-noire et peu agréable. Ajoutons une copie d'un Site d'Italië, « enrichi de figures et d'un cheval blanc. » M. van der Hoop n'avait pas réussi avec ce maitre, — excellent quand il est bon.
Le talent d''Asselijn est mieux représenté par un paysage, très-vrai, très-important, mais un peu vide. A gauche, un pont. Fond de montagnes bleu-tées. Il y a aussi des ruines italiennes, naturellement, et des muletiers d'occasion. Signé du monogramme JA accolés.
Autre paysage Halten, avec roehes et cascade, par Adam Pijnacker, presque dans la maniere de Both. De la finesse et de la lumière, mais 1'exécution trop détaillée tombe dans la sécheresse.
Lingelbach a imité Wouwerman, dans un Départ pour la chasse, aussi heureusement qu'on peut imi-
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ter quelqu'un. Maïs tout véritable artiste est inimi-table.
Bartholomeus Breenbergh n'a guère d'individua-lité non plus, ordinairement, et il a souvent tatonné Ie pastiche. lei, par hasard, son paysage « orné de trois portraits en pied » a du naturel et de la force. Les petites figures surtout sont excellentes.
De Herman Saftleven, une Rivière et beaucoup de figurines. Sans rivière, lui et son élève Jan Griffier n'auraient pas su faire un tableau.
Jan Beerstraaten aimait l'hiver et il l'a peint très-bieii. Il signait et datait presque toujours ses oeuvres1; cependant je n'ai remarqué aucune date sur sa « Vue cThiver pres d'un village. » II doit avoir travaillé sur­tout de 1630 a 1670. Mais, d'après les catalogues hollandais et celui de Berlin, il ne serait mort qu'en 1687.
Aart van der Neer a fait aussi un paysage d'hiver, avec quantité de patineurs. C'est un vrai bon peintre que celui-la, aussi adroit que pas un, et grand colo-riste. Il ne faut pas Ie voir seulement au clair de hine; il commande également très-bien a la lumière du plein jour. Ses tableaux a effets de lune sont
1 II a trois tableaux signés au musée d'AmSterdam; un au rausée du Louvre et un a la galerie Suermondt, dates tous deux de 1662; un au musée de Berlin, date de 4664, etc.
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même parfois un pen conventionnels, et 1'on doit croire qu'il avait fini par les peindre de routine.
Le talent Ie plus robuste se fatigue a répéter tou-jours une même impression. Mais, dans ses effets d'hiver, dans ses marines, dans ses paysages rusti-ques, oü souvent Aalbert Cuijp a mis des figures, il s'inspire de la nature directement et il en traduit la physionomie avec sentiment et sincérité. Outre son tableau d'Ifiver, il a un paysage boisé : de grands arbres, a droite, et des maisons, derriere; a gauche, un étang, au bord duquel un chasseur. Le panneau a environ 2 pieds 1/2 de large, sur pres de 2 pieds de haut. Ce paysage et YHiver, excellents tous les deux, sont signés du doublé monogramme habituel : AV. DN. entre-croisés.
Les Anglais ont si bien accaparé Aalbert Cuijp, au commencement de ce siècle, qu'on ne le trouve plus guère en Hollande dans sa haute qualité. Je suppose que M. van der Hoop eüt volontiers donné quelque vingt mille florins pour un grand chef-d'oeuvre de Cuijp. Mais on ne saurait plus en avoir, même pour 2 a 3,000 livres sterling, car les principaux sont désormais immobilisés a la National Gallery , a Buckingham Palace, a Bridgewater Gallery, dans les collections Peel, Baring, Hertford, etc.
Il y a pourtant au musée van der Hoop un vigou-reux morceau de Cuijp, un des meilleurs types de sa première maniere dans la peinture des animaux : sur panneau large d'environ 2 pieds, haut de IS a
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18 pouces. Un grand bceuf rouge a tête blanche, de-bout, de profil a gauche, tient la moitié du tableau; un peu en arrière, un boeuf noir, couché, la tête vue de face; ils se dessinent tous deux sur Ie mur d'une vaste chaumière grisatre. En avant des pieds du bcEuf rouge, trois adorablespigeons, finement et fer-memenl ciselés, picotent par terre. A gauche, per-cées sur des paturages, oü sont couchés, au second plan, un boeuf fauve et un boeuf brun. Au fond, a 1'horizon, un des clocbers de Dordrecht et quelques arbres. Le ciel est superbe, dans dus tons gris pleins. La gamme générale du tableau est d'une harmonie roussatre, oü éclatent comme des veines d'or. Point de signature apparente ; mais les deux initiales a. c. doivent être quelque part, selon la coutume du maitre a cette époque de sa carrière, — autour de 1640.
Une composition presque analogue, de la même qualité a peu pres, et du même temps, avec ces ini­tiales pour signature, se trouve dans la colleclion de M. Dubus de Gisignies, a Bruxelles.
Deux autres tableaux sont catalogués comme Aal-bert Cuijp : un grand cheval noir, qui pourrait bien être de Gerrit, le père d'Aalbert, et un porlrait « d'homme de guerre, » dont 1'exécution, toujours sa van te, est assez froide et sèche.
Mais une peinture que le catalogue n'ose pas at-tribuer positivement a Cuijp, une espèqe de marine, « désignée sous le nom de Cuijp, » n° 31, est du maitre, sans aucun douie, a notre avis. Elle repré-
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sente un des aspects de la ville de Dordrecht, vue de 1'autre cóté d'une grande étendue d'eau, la Meuso peut-être, occtipant tout Ie premier plan de la toile. C'est une largc ébauche, magistralement enlevée sur des frottis roux, par de beaux accents de touche aux reliëfs des objets et aux lumières. L'eau en avant est merveilleuse. Quelques indications de barques, les plans de la rive, les silhouettcs de maisons et d'arbres sur Ie ciel, tout est a 1'eflet dans cette es-quisse qui pourrait bien avoir été prise d'après na­ture, ou qui certainement aété jctée de premier coup sur la toile, dans un moment d'inspiration.
C'est peut-être cette liberté — cette grossièreté — d'exécution qui excite les scrupules et 1'hésita-tion du catalogue. Mais les maitres se permettent ces facons-la, qui ébouriffent les demi-connaisseurs. Cette ébauche a mcmequelquc chose de Rembrandt dans Ie procédé et dans Ie ton; quelque chosc aussi de van der Meer de Delft, tel qu'il apparait dans son superbe et singulier paysage du musée de La Haye. Nous avons vu d'autres Cuijp ressemblant a celui-ci, par exemple un ilot de terrains marécageux, oü des canards et leurs petits s'ébattcnt parmi les joncs et les plantes aquatiqucs, tableau exposé a Manchester, et qui appartenait a M. Edward Loyd. Les oeuvres de ce style sont, d'ailleurs, de la première maniere du grand artiste.
A défaut de Cuijp importants, M. van der Hoop
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avait réuni trois « paysages avec bétail » d'un imi-tateur du maitre, d'Aalbert Klomp, sur lequel les biographes ne disent rien. Immerzeel cite seulement de Klomp un paysage date 1632. Aalbert Cuijp alors n'était agé que de vingt-sept ans : il aurait donc eu des sectateurs des sa jeunesse? Les vrais Klomp ne sont pas communs, ce qui est peu regret-table, car ce peintre est souvent lourd et noir. Au musée de Bruxelles, une Scène rurale, n° 122, porte la signature : A Klomp fecit, 1'A de forme anglaise, a peu pres comme 1'initiale d'Asselijn.
Sur les trois Klomp du musée van der Hoop, deux se font pendanls. lis ont aussi la signature en toutes lettres : A Klomp f., et des dates devenues illisibles. Outre 1'influence de Cuijp, on y constate encore 1'in-fluence lointaine d'Adriaan van de Velde et de Paul Potter.
Les Paul Potter du musée van der Hoop comptent a peine dans son oeuvre. Deux petits pendants sur bois (H. 10 pouces. L. 1 pied), qui inspirent plus de curiosité que d'admiration. Travail de jeunesse, déja très-fort sans doute, déja savant et marqué d'un caractère propre; Ie grand peintre d'animaux s'y révèle déja; mais ce qui domine, c'est Ie défaut dont Paul Potter ne se défit presque jamais absolument, la sécheresse de la touche et la crudité de la lumière.
« Paysage avec des chevaux.» Un cheval noir, de profil a droite, contre une barrière sur laquelle est
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la signature : Paulus Potter F. 1643. Ilavait vingt ans. Le musée d'Amsterdam possède aussi un ta­bleau de la mème année. Au second plan, a gauche, un étalon blanc, la tête de face. Derriere lui, un groupe d'arbres. A droite, de lointaines prairies oü paissent de petits troupeaux, et a 1'horizon une ville.
Paul Potter lui-même a grayé a 1'eau-forte cette composition. Gravce aussi par Aubertin. Collection Goll Yan Frankenstein, 1833,-2,300 florins. Smith, n°84.
Pour pendant : quatre vaches dans un paturage; trois debout, une blanche, a taches blondes, une brune, une fauve; la quatrième, couchée. Pres unis. Fond de ciel sombre : il va pleuvoir. Date 1646. Mcme collection. Smith, n° 83. — Le tableau des vaches ne vaut pas celui des chevaux.
Le catalogue attribue encore a Paul Potter un Epagneul dans un paysage; 5 pouces en carré. Hor-rible copie, moderne, effrontérnent signée et datée 1653. L'original est, je pense, a la galerie van Loon.
Ce n'est pas tout: une « Nature morte » est cata-loguée Paul Potter. Si 1'attribution est fausse, la dé-signation de 1'objet est juste cette fois. L'objet est une tète de mort, très-largement peinte, ce qu'on appelait dans le temps une Vanitas. Beaucoup de peintres du dix-septième siècle en ont fait; Rem-brandt lui-móme; mais Paul Potter, je ne le crois pas. La peinture n'a rien, d'ailleurs, de sa pratique. C'est son père, Pieter Potter, qui a fait des Vanités,
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et la galerie de M. Barthold Suermondt • en pos-sède une, signée : P. Potter. 1636. La Vanité du musée van der Hoop pourrait donc bien être de Pie-ter. Elle porte cependant une signature presque impossible a déchiffrer, qui, a la vérité, ne saurait faire Ie nom Potter. Il y a beaucoup de lettres con-fuses, puis : Ft, puis encore un mot de six lettres, suivi de la date 1642. Mais ce barbouillage peut avoir été ajouté par une main étrangère.
Les oeuvres de Pieter Potter sont presque introu-vables, et je ne sais pas si 1'on pourrait citer de lui, même en Hollande, quelque autre peinture authen-tique que la Vanitas de la galerie Suermondt. Le catalogue du musée van der Hoop ferait donc bien, après vérification sérieuse, d'enlcvcr cette cc Nature mortc » a Paulus, pour la restituer a Pieter, — si elle est de lui. Ne donnons pas a Paul ce qui est a Pierre.
Marine, Architecture, Nature morte. — Les quatre Willem van de Velde sont d'une qualitó ex­quise.
C'est d'abord une Vue de la cöte de Scheveningue. A droite, les dunes de sable, au-dessus desquelles on apercoit la flèche d'une église. A gauche, lamer; effet de calme, sous une belle lumière du soir. Un pêcheur s'avance avec des ülets; on charge une bar-que; une autre barque, échouée sur le sable; au loin,
1 Voir Galerie Suermondt, p. 18 eH9.
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MARINE, ARCHITECTURE, ETC.                 149
de petits bateaux de pêche. En avant, groupe de trois hommes. La mer, les dunes, les figurines, tout est parfait: clair, simple, extrêmement fin de cou­leur. II. 1 pied 4 pouces. L. 1 pied 6 pouces. Smith, n° 162.
Aulre marine, par un effet de brise. Plusieurs embarcations, dont une frégate et quatre petites bar-ques. On devine, a 1'horizon, une ligne de cótes. Peinture très-claire qui a passé dans la collection Haldiman. 31. van der Hoop la tcnait de Smith (n° 139). II. 1 pied 8 pouces. L. 1 pied 6 pouces 3/4. Sur bois.
« Un grand navire faisant des salves » et un Calme (signé : VVVelde), avcc divers batiments de commerce ou de pêche, montrent encpre 1'incom-parable habileté de Willem van de Velde a dessiner les vaisseaux et tous leurs agrès, et a épandre la lu-mière sur 1'étendue des eaux tranquilles. C'est dans les effets de mer calme qu'excelle surtout Willem et qu'il est supérieur a tous les marinistes de toutes les écoles. Mais, pour les effets d'orage, pour les gran-des luttes du ciel contre la mer, Jacob van Ruijs-dael est plus dramatique et plus terrible.
Backhuizen a aussi de la réputation pour ses mers agitces; réputation surfaite, a notre avis. S'il est quelquefois assez habile, comme dans un Effet de bourrasque sur Tanden lac de Haarlem (n° G), il est souvent détestable, comme dans sa Vue du port
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ISO                       MUSÉE VAN DER HOOP.
d'Amsterdam (n° 5), enrichie d'un grand nombre de figures, qu'il faisait très-maladroitement. Signé, en lettres fioriturées : L. Backh., avec un paraphe a la suite de ïh.
Un élève de Backhuizen, Hendrik Dubbels, est 1'auteur d'un grand tableau, large de plus de 6 pieds : « Mer houleuse, avecun möle et différents navires.» Peinture froide et vide, dans une certaine harmo­nie pale. Troisième ordre. Elle a passé, en 1806, a la vente Crawford, 240 guinées, et c'est de Smith que M. van der Hoop 1'avait achetée.
Selon Smith et selon Bryan Stanley, Ie prénom de Dubbels serait Jan, et Ie catalogue du Louvre suit en cela les auteurs anglais. Immerzeel, qui d'ailleurs ne donne ni dates ni renseignements sur ce peintre, Ie nomme Hendrik, et, dans les catalogues de Gerard Hoet, on trouve, en effet, parmi les peintres de marine, Hendrik Dubbels, et un Dirk Dubbels ; point de Jan. Mais la colleetion Moltke a Copenhague possède une marine signée H. Dubbels. Il faut croire que Hendrik Dubbels aura travailló en Danemark ou en Suède; car il y a encore de lui une marine au musée de Christiansborg, a Copenha­gue, et deux au musée de Stockholm. Le tableau du musée van der Hoop, très-correetement signé: Dub­bels, au coin du bas, a droite, ne porte aueune initiale de prénom.                                     ,
Un imitateur de Willem van de Velde, Lieve
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MARINE, ARCHITECTURE, ETC.                ÏSI
Verschuur, quialla ensuite en Italië étudier d'autres maitres, a signé une « Marine avec des batiments. » Dans les fonds, dans les petits navires, dans Ie ciel, il cherche Willem; mais la mer tapotée ressemble a une verroterie.
Quoique Abraham Stork soit très-estimé en Hol-lande, ses deux marines du musée van der Hoop sont assez insigniflantes. Il est plus fort dans ses vues de monuments, par exemple dans une Vue du Dam et de l'ancien hotel de ville d'Amsterdam, aujourd'hui Ie Palais. La toile a pres de 6 pieds de large, et Ie peintre a pu ainsi étudier en détail et représenter fidèlementla grande construction, alorstrès-récente, que des fanatiques ont baptisée : « la huitième mer-veille du monde! »
Gerrit Berkheijden aussi a la trois Vues de l'an­cien hotel de ville: 1'une, prise de la place du Dam, en face; une autre, prise de cóté; la troisième, prise Ie long du Marché aux fleurs. On dirait que les figures sont de Lingelbach. C'est un peu sec, mais savant et solide. Sa Vue de 1'intérieur de 1'ancicnne Bourse d'Amsterdam (n° 17) offre quelque analogie avec 1'excellent tableau de son frère Job a la galerie d'Arenberg, et il est probable que les deux pein-tures sont du mème temps : celle de Job est datée 1678 et signée en toutes lettres; celle de Gerrit, sans date ni signaturc. L'effet en est simple et juste, Gerrit cependant ne vaut pas son frère ainé.
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IS*                       MÜSÉE VAN DER HOOr.
Il n'a pas fait souvent des paysages: en voici un, avec personnages et animaux. Sur Ie devant, une charrette attelée d'un cheval blanc, une vache, deux moutons, une chèvre, qui passent un gué. Dans la charrette, une femme allaitant son baby, et, tout auprès, un paysan et une paysanne. Le style et rexécution de cette peinture sont asscz particuliers, et 1'on chercherait peut-être a qui 1'attribuer, si ellc n'était signée : G. Berk Heijde; sans date apparente. Que ces Hollandais du dix - scptième siècle sont capricieux dans 1'orthographe de leurs noms ! Sur son tableau du musée d'Amsterdam, Gerrit signe : Berck.; et Job, qui, a la galened'Arenberg, signe: Berckeyde, signe, au musée de Berlin (n° 845 a) : BerkAeyde.
Les autres architecturistes', au musée van der
1 Nous nous sommes déja permis souvent d'écrire : les tnarinistes. Pourquoi ne ferions-nous pas, suivant le mème procédé de formationonomatologique, le mot: architecturiste? Cette genese est très-régulière, puisqu'on dit: paysage, paysa-giste ; portrait, portraitiste; miniature, miniaturiste, etc.— M. Théophile Gautier a introduit dans la langue des ciitiques francais lo mot : animalier, peintre d'animaux. En bonne syntaxe, le mot serait : animaliste, s'il ne prêtait pas a plu-sieurs sons. Mais encore un solécisme est-il a risquer, quand on simplifie le langage.
Ce qui devrait bien aussi êtro réformé, — reformé, trans-formé, — c'est cette absurde locution Irancaise : peintre de nature morte. Tous les pouples du Nord, Allemands, Hollan­dais, Flamands, Anglais, disent: vie tranquilk. C'est mieux,
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MARINE, ARCHITECTURE, ETC.              153
Hoop, sont: Ie vieux Pieter Saenredam : Vue inté-rieuse de 1'église d'Assendelft (oü il est né), peinture étrange, primitive, sans clair-obscur, et pourlant as-sez juste d'effet; — Emmanuel de Witte, van der Heijden et un peintre du dix-huitième siècle, Jan ten Compe, dont Ie tableau n'a d'autre mérite que de montrer, sur une Vue du Keizersgracht, « la maison qu'habitait feu Ie sicur A. van der Hoop » (n° 27).
Le petit van der Heijden, « Vue sur la ville d'Amersfoort, » n'est pas de première qualité, mais il est illustré de cbarmanles figurines par Adriaan van de Velde.
L'Intérieur d'église, par de Witte, peut compter comme un des chefs-d'ccuvre du rival d'Aalbert Cuijp en ce genre. Il rappelle Cuijp, en effet, par 1'ampleur de 1'exccution, le ménagement de la lumière et des ombres, et aussi par la tournure des personnages. Tableau capital, haut d'un mètre et demi environ.
Les peintres de fleurs et de fruits, de gibier mort, d'oiseaux, ne sauraient manquer dans une collection hollandaise. Nous avons donc un beau Melchior de Hondecoeter;—trois Jan Weenix : « une Oie blanche et autre volaille, » dit le catalogue; grand tableau,
ot plus conforme a 1'histoire naturelle. Majs comment fairo un seul mot de : peintro de la vie tranquille, ou peinlre des objets immobiles?
KUNSTHISTORISCH lrJ3TI~i v- • DER f-,            I1VERSITEITUTRECH
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Irès-admiré, mais un peu froid; un portrait d'hommc en pied! et un Lévrier; — des Fruits, d'Abra-ham Mignon; — des Fruits et des Fleurs, deux pendants de la plus One pratique,parvan Huijsum, et qui ont du coüter cher, plus qu'ils ne valent, malgré leur belle signature : Jan Van Büijsum fecit, avec des capitales dignes du calligraphe Backbuizen; — et deux a pièces de fleurs, » par Rachel Ruisch. Un de ces morceaux, puisque pièce il y a, est signé : R. Ruys l fee, avec une date qu'on croirait lire 1659? Ce doit ètre 1689. Mais, malgré 1'étrangeté de celte signature, les morceaux n'en sont pas moins bons et parfaitement authentiques.
Enfin, parmi les maltres inconnus est cataloguée, comme de 1'école hollandaise, une grande et belle Vue de la place de Haarlem.
Les Flamands. — lis ne sont pas nombreux. Comptons-les. Il faut d'abord écarter un prétendu Graasbeck [sic) : « trois paysans dansants, » que je n'ai jamais pu découvrir, et qui, par conséquent, ne sont pas de Craesbeck, 1'élève et 1'ami de Brouwer a Anvers; puis, il faut restituer, je pense, a Frans Francken Ie jeune — celui qui signait D° F. F., parce qu'on l'appelait Don Francisco a son retour d'Italie, — une très-bonne peinture, la Parabole de
1 On trouve qdelquefois Ie nom écrit ainsi flans les anciens livres hollandais, parexemple dans Weyerman.
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Les flamands.                     iss
1'enfant prodigue, avec des grisailles tout autour, at-tribuée par Ie catalogue a « Sebastiaan Francken, né en 1573. » Après quoi il ne reste plus que quatre peintres, mais avec des oeuvresdistinguées : Rubens, van Dyck, Teniers et van Utrecht, qui est né a Anvers, malgré 1'apparence hollandaise de son nom.
Rubens a peint quantité de portraits de sa belle grosse Helena Fourment. Celui du musée van der Hoop a beaucoup de charme. Elle est en buste, de face, ses cheveux crèpés en touffes sur les oreilles, —haute et ferme collerette en éventail montant der­riere la tête, — la gorge mi-nue, repoussant un cor-sage de satin, — colliers et pierreries.
On a bien fait de ne pas mettre a cóté d'elle 1'autre portrait attribué a Rubens : Marie de Médicis, aussi en buste, et tenant de la main droile un bouquet. Les yeux ne sont pas ensemble, la bouche est mes-quine , les cheveux sont maladroitement travaillés. Faiblereproduction, d'aprèslaquelleondevinecepen-dant que 1'original de Rubens devait être splendide.
Le portrait par van Dyck est un chef-d'oeuvre dans sa maniere flamande. En haut est écrit: Johannes Bapt. Franck, celatis suco XXVIII '. Buste de trois quarts a droite. Tête nue, cheveux blonds, mousta-
• Smith s'est trompé en donnant 1'age de 32 ans (n° 827 de son catalogue). Il avait pourtant possédé le tableau en 1831, et il en demandait alorg 300 guinées.
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ches et barbe pointue. Manteau noir, drapé a beaux plis. La main gauche, une merveille de couleur, sort d'une blanche manchette. Le ton de la chair dans cette main et dans le visage est flamboyant. C'est peint a pleine pate, avec une certitude toute magistrale. Sur toile. II. 2 pieds 5 pouces et demi. L. i pied 11 pouces. Gravé a 1'eau-forte, lorsqu'il était dans la collection Lucien Bonaparte; gravé aussi par Mougeot dans le Musée francais.
Ce J.B.Franck est-il un fils de Sebastiaen?—Van Dyck a fait aussi le portrait de Sebastiaen Franck, on mieux Yrancx ', gravé par Bolswert. — Et oü sont les peintures de J. B. Franck, sectateur de Rubens, probablement? On ne trouve guère son nom dans les catalogues de 1'Europe. Au musée de Dresde, on lui attribue un buste de 1'apötre Simon; — a 1'höpital Saint-Jean de Bruges , un Calvaire et une Vierge aux Anges ; — au musée de Bruxelles, une Décollation de saint Jean, et, suivant le catalogue
1 Le nom est écrit ainsi sur la gravure de Bolswert, et le maltre lui-même avait pour monogramme un V sur lequel s'entortille un S. On trouve ce monogramme SV, ou le Vrancx en toutes lettres, aux musées de Yienne, de Bruns­wick, de Hanovre, et même è celui de Rotterdam. Sebastiaen Vrancx était-il de la familie des Francken? Le nouveau cata­logue d'Anvers ne le cile qu'en passant et ne mentionne point le Jean-Baptiste, censó fils de Sebastiaen. On y trouve seulc-ment le « Jean-Baptiste , né en <6<I8, fils de Frans le jeune. • —Voir, pour quelques éclaircissements sur Sebastiaen Vrancx, au Musée de Rotterdam, paragraphe des Flamands.
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LES FLAMANDS.                              457
de ce musée,« Jean-Baptiste Franck, fils et élève de Sébastien, est né a Anvers, en 1600, et mort en 1653.» Le portrait peint par van Dyck serait donc de 1628. Le caractère de la peinture s'accorde bien avec cettc date.
Trois Teniers: Une grande Kermesse flamande, un Intérieur avec des joueurs aux dés, largement peint, et un « paysage avec une maison rustique, » qui occupe la moitié de la toile, du haut en bas. Ce défaut de composition óte beaucoup de valeur au tableau, dont les figures ont environ 10 pouces: un jardinier debout, sa pelle a la main, parle a la fer-mière assise a sa porte et tenant sur ses genoux un enfant. A gauche, par terre, des légumes, des pots et autres ustensiles de ménage. Adroite, coup de soleil sur un paysage gris verdatre, lestement brosse a la facon des peintures qu'on appelle des déjeuners de Teniers. Pour ma part, j'aime autant Teniers dans ce style unpeu décoratif que dans sestableauxtrès-finis.
Adriaen van Utrecht n'est pas cité dans le catalo-gue du Louvre. Il y a quelques chefs-d'ceuvre de lui dans les musées allemands : a Dresde, a Cassel, a Brunswick; — dans la galerie du prince Leuchten-berg, autrefois a Vienne, aujourd'hui en Russie;
—  a la galerie de Cristiansborg, a Copenhague;
— a Madrid aussi. Mais il est assez rare dans son pays. Le musée d'Anvers n'a qu'un Cygne morf, au milieu d'autres oiseaux, de fruils et d'acces-
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soires; rien au musée de Bruxelles; au musée de Gand, une Échoppe de marchand de poisson, avec trois figures de grandeur naturelle, et un fond de ciel a gauche; dans la collection de M. Dubus de Gisignies, a Bruxelles, une grande et belle compo-sition. Rien dans les musées de la Hollande, excepté un tableau de moyenne proportion, au musée de Rot­terdam , et celui que nous rencontrons ici. Toile de 8 a 10 pieds de large. Abondance et richesse. Des patés, des jambons, un homard, des raisins, des pê-ches, des citrons sur une table. A gauche, par terre, des instruments de musique; sur une chaise, des vases d'or; en haut, un perroquet; a droite, un grand bassin ciselé, un petit épagneul blanc; au milieu, un singe jouant avec des fruits renversés d'une corbeille. Exécution très-vigoureuse. Van Utrecht doit prendre place après Snyders et Jan Fyt, presque a coté d'eux , quoiqu'il soit moins élé-gant que 1'un et moins fin coloriste que 1'autre.
Il était né Ia même année que van Dyck, 1599, Ie 12 janvier; en 1614, il commencait ses études chez Herman de Ryt, et en 1625 il était recu, comme fils de maitre, dans la gilde de Saint-Luc d'Anvers. En 1628, il épousait la fille du peintre et poëte Willem van Nievlant, et, la même année, une de ses soeurs épousait Ie peintre Simon de Vos. Tous ces artistes de la grande époque flamande se tenaient par les liens du sang ou par des alliances, outre leur so-lidarité dans la gilde de Saint-Luc et les autres asso-
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DIVERS.                              159
ciations. Sa femme, Constance, était poëte au9si, comme Ie père Nievlant. Il en eut douze enfants, et, pour finir comme Ie bon catalogue d'Anvers, qui s'intéresse si familièrement a 1'histoire intime des artistes anversois, — il mourut riche.
Écoles diverses. —Le catalogue n'enregistre que trois tableaux italiens: un prétendu Garofolo, Sainle Familie dans un paysage, qui est une copie flamande; une autre Sainte Familie, d'après le Titien ; et une Femme en manteau rouge, copie d'un maitre ita— lien.
Mais, de 1'école espagnole, par grand hasard, nous avons un superbe portrait d'homme a cheval. C'est grandiose et fier comme une belle statue équestre. Le cheval est blanc, l'homme est en noir, et de la main droite il tient son chapeau a larges bords; sou écuyer debout, a la tète du cheval, est aussi en noir; il projette en 1'air sa main gauche; sa tête, vive-ment retournée, est frappée de lumière. Terrains et fonds tout simples. Ciel sombre. Vaillante peinture, de 1'école de Velazquez.
Tableaus modernes. — On peut juger, par les 41 tableaux de 1'école néerlandaise contemporaine, que le gout du riche et généreux collectionneur s'é-garait volontiers sur — la mauvaise peinture. Plusieurs de ces productions eurent de la célébrité : par exemple, \'Assemblee des poëtes néerlandais,
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ICO                        MUSÉE VAN DER HOOP.
« Neerlands Dichlerenrij, » de M. J. A. Kruseman, Tanden protégé du roi Guillaume II, qui lui payait ses tableaux des sommes folies; — par exemple, des cc effets de chandelle, » par M. Petrus van Schendel. Mais cependant il n'y a pas un seul de ces tableaux modernes qu; mérite place dans une collection pu-blique. Ileureusement que les visiteurs du musée van der Hoop orit assez de chefs-d'oeuvre a admirer dans la belle série des anciens maitres.
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MUSÉE
DE
ROTTERDAM
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MUSÉE
ROTTERDAM
Comme Ie musée van der Hoop a Amsterdam, Ie musée de Rotterdam est aussi Ie résultat d'une dona-tion particuliere.
En 1847, un Rotterdamois, mort a Utrecht Ie 19 juillet, M. Frans Jacob Otto Boymans, avait légué a sa ville natale ses tableaux, dessins, estampes, pote-ries et objets d'art. MM. Lamme, père et fils, furent chargés de mettre de 1'ordre dans ces collections tres-mélangées. — Premier fonds du musée public, qui s'est accru successivement par d'autres générosités civiques et par quelques achats.
Le local du musée, édifice a fronton et a colonnes, surmonte d'un aigle portant une couronne, était pré-cédemment la « Maison des directeurs de 1'endigue-ment du pays de la Schie » {Schieland). Il est ouvert tous les jours, — sauf le lundi, — de dix a quatre heures. Prix d'entree, conformément a une des
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clausesdu testament deM. Boymans, 5 cents (un peu plus de 10 centimes) Ie dimanche (de onze heures a trois, parexception) et Ie mercredi; 25 cents les autres jours. La commission, composée de sept membres nommés par Ie conseil communal, est présidée par Ie bourgmestre.
Le conservateur, M. J. A. Lamme, Ie fils, vientde publier (1859) un nouveau catalogue', comprenant 455 2 tableaux : 398 des écoles hollandaise, flamande et allemande, 8 de 1'école italienne, 2 de 1'école espa-gnole, 5 de 1'écolc francaise, 42 sans attributions. Ce catalogue, en hollandais, est assez interessant pour certaines indications biographiques. mais mal-heureusement il ne renseigne point sur les prove-nances, et il ne reproduit ni signatures, ni dates, ni monogrammes ou marques quelconques.
Il y a aussi un catalogue des dessins (1832, en hollandais), au nombre de 2962! 1184 des écoles hollandaise, flamande et allemande, jusqu'au dix-huitième siècle, 829 des mèmes écoles, depuis lü dix-huitième siècle jusqu'aux artistes contemporains, 347 de 1'école italienne, 276 de 1'école francaise, 14 de 1'école anglaise, et 363 sans attributions.
3000 dessins et pres de 500 tableaux! comment
' La première édition, 1849, ne comprenait que 372 nu-méros. Un Supplément postérieur porta ce nombre a 444.
1 Le musóe d'Amsterdam n'en a que 432 en tout; le mu-sée de La Haye, que 274; lemusée van der Hoop, que 157, ou 198 avec les modernes.
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MUSÉE DE ROTTERDAM.                       165
donc Ie musée de Rotterdam, quoique recent, n'a-t-il encore aucune réputation?
C'est qu'il ne contient guère d'oeuvres hors ligne, et mème, il faut en convenir, c'est que la plupart des pcintures les plus saillantes ont été irouvées en mau-■vais état dans la colleclion Boymans, et sont ou usées, ou restaurées.
Or les artistes et amateurs qui visKent un musée aiment a y admirer de belles choses intactes : c'est tout naturel. Et les critiques qui écrivent sur un musée aiment a parier de belles choses, prêtant a 1'enthousiasme et a la tirade littéraire : c'est très-légitime. Il ne parait pas que beaucoup de curieux étudient un musée pour y apprendre 1'histoire de 1'art : on la cherche ordinairement dans les livres plutót que dans les productions des artistes mêmes.
Le musée de Rotterdam n'a que ce mérite : d^oflri|L quantité de documents sur des pcintres secondaires, assez rares dans les autres galeries publiques. On voit ailleurs Rembrandt et les premiers maitres hol-landais dans toute leur spiendeur. Au musée de Rotterdam, on apprend a connaitre la série inférieure de 1'école, les artistes qui eurent peu d'originalité et qui se mirent a la suite des chefs. Encore cependant on y rencontre van der Helst, Gerard Honthorst, Frans Hals, Govert Flinck, et mème Gerard Dov; Paulus Potter, Adriaan van de Yelde, Pietcr de Hooch, Jan Steen, et même Hobbema et Jacob van Ruijsdael; sans compter une dizaine d'Aalbert
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Cuijp^ qu'il faut avoir yus pour apprécier la première maniere du savant maitre de Dordrecht.
Quant a nous, qui poursuivons 1'étude de 1'art hollandais, non-seulement dans ses types illustres, mais dans son ensemble significatif, nous nous plai-sons a interroger cette plèbe de 1'école, ces indivi-dualités plus ou moins obscures. N'est-ce pas en se ïnêlant au menu peuple qu'on s'initie au génie pro-fond et aux mceurs d'un pays? Nous Yenons de fre­quenter une aristocratie glorieuse aux musées d'Amsterdam, de La Haye, van der Hoop; condui-sons-nous galamment avec la foule qui occupe, presque seule, Ie musée de Rotterdam. De temps en temps, d'ailleurs, nous y aviserons quelque haute figure de la première classe, et nous y ferons aussi de nouvelles connaissances assez distinguées.
Rembrandt. — Nous commencerons encore par lui, quoiqu'il se soit évanoui du musée d'Amsterdam depuis la publication du nouveau catalogue. C'est une histoire assez curieuse, que nous avons racontée ailleurs'. Suffit que « Ie très-beau portrait d'un homnie très-laid, par Rembrandt » (Louis Yiardot,
1 Galerie Suermondt, pag. 25 et suiv.: i ... Il y a, au musée de Rotterdam, un « portrait d'homme, tête nue, avec de longs cheveux, » peinture extrèmement originale et saisissante, enregistrée comme Rembrandt au catalogue de 1849, qui se vendait encore 1'an dernier dans 1'établissement. Une signature, et même une date, presque indéchiffrables, il
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REMBRANDT.                                 167
Musêes.... de flollande, etc, p. 218, éd, de 1855), qui « valait seul Ie yoyage de Ilollande » (Maxime
rst vrai, se remarquaiênt sur Ie fond a gauche, derriére la tète du personnage.
Tous les artistes et critiques, qui ont visite la collertion dopuis dix ans, sr sont extasiés devant ce Rembrandt incom-parable, — et assez singulier, en effet, dans 1'oeuvre du niaitre. M. Théophile Gautier en a dit les plus belles choses du monde dans Ie Moniteur francais de 1857. Dans la Revue de Paris, è la même époque, M. Maxime Ducamp Ie (Jécrit avec enthousiasme : « J'arrive a la perle de ce musée, qui est un Rembrandt... C'est franc et solide a n'y rien compren-dre; il n'y a la ni ficelle ni trompe-l'ceil... C'est violent comme les plus violents Ribeira {sic)... Chef-d'oeuvre sans prix... etc. »
Or il se trouve que ce « chef-d'oeuvre de Rembrandt» est unFabritius, et maintenant enregistré comme tel dans la nouvelle édition du catalogue (1859). C'est M. A, J. Lamme, lo rédacteur du catalogue et Ie directeur du musée, qui a fait la découverte, et il m'a raconté comment.
Son père, un fin connaisseur, avait toujours eu peine a ac-eepter ponr Rembrandt cette peinture lorsqu'elle fut léguée a la ville avec 1'ensemble de la collection Boymans. M. Lamme fils avait toujours douté aussi , et, récemment, il se décida a enlever quelqnns ropeints maladroils sur Ie fond, et a tater la signature Remhrandt, qui spmblait pou catholique. La si-gnature s'évapora avec les retouches, et Ie fond primitif re-parut lumineux et ferme. Mais, pour cette opóration, Ie tableau avait dü être óté de sa bordure, et, en reluquant du haut en bas la toile, voila que M. Lamme apercut,a 1'endroit qui jusque-la avait été recouvert par Ie bord supérieur du caiire, un nom brusquement gravé dans la pète, avec Ie man­che pointu de la brosse, comme avec un burin :—Fabritius!
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Ducamp, Revue de Paris), a été restitué a Fabritius; nous en parlerons tout a 1'heure. Reste seulement a Rembrandt un petit lambeau de toile, dont on est parvenu a refaire une espèce de tableau, en rcntoilant cette loque et en badigeonnant l'entourage d'une tête qui fut un beau portrait de femme par Rembrandt, dans sa première maniere vers 1632. C'est Ie n° 271 du nouveau catalogue : « Ruste de femme, tête nuc et longs cheveux.... »
Elle est de trois quarts, tournee a gauche, Ie visage en pleine lumière, Ie teint rose pale, Ie cou et la poi-
II n'y avait plus a douter, et force fut de rendre a co chef-d'oeuvre Ie nom de son auteur.
M. Lamme a bien voulu mo faire désencadrer Ie tableau , et nous avons examiné ensemble les caractères de cette signa-ture sans prétention , griffonnée en haut d'une étude d'après Ie modèle, comme fait un éludiant, du bout de sa brosso a 1'envers, quand il a fini de barbouiller sa toile destinée a êtro accrochée toute nue au lainbris d'un atelier. Mais peut-êtro bien que eet atelier était celui de Rembrandt, et que, sous ses yeux, Fabritius a peint ce modèle d'une si rude couleur; peut-ètre bien même que Ie maitre aura donné la quelques coups de griffe, pour enseigner a son disciple la maniere do s'en servir.
Quoi qu'il en soit, c'est superbe, et la signature, bien au-thentique malgré sa bizarrerie, est précisément écrite en let­tres très-allongées et élégantes comme celles des deux autrrd signatures que nous connaissons. Seulement 1'F, très-fiori-turé dans la signalure du tableau Camberlyn, est simple ici, et du mème caractère a peu pres que les lettres qui Ie sui Vent... »
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REMBRANDT.                                 169
trine clairs. Ses cheveux, d'un blond si eendre que M. Ducamp y a vu des « cheveux grisonnants, » frisottent en avant du front et sur les cótés flottent en longues mèches. Tout cela, dépouillé de ses glacis et usé jusqu'a la corde, n'a conservé que des dessous d'une pate émaillée. C'est ce qui produit cette cou­leur étrange, fantastique, indéfmissable, surtout Ie fond original étant reraplacé par un replatrage très-lourd. Au cou, un collier de perles devenues frustes dont Ie ton se mêle aux tons de chair. Un fichu plat, en riche guipure, fixé a la naissance du sein par un noeud de ruban, s'étalait sur un corsage sombre. La tête a toujours un grand caractère : front bas, nez busqué, menton ferme; une courtisane peut-être? On devine que cette peinture a été superbe dans la qualité argentine de la Lady de Bridgewater Gallery (n° 189 du catalogue de la galerie et n° 507 de Smith), datée 1632, et gravée dans Stafford Gallery.
Deux tableaux au musée d'Amsterdam, la Ronde de nuit et les Syndics, — cinq au musée de La Haye, la Lecon d'anatomie, Ie Siméon, la Suzanne, et deux portraits de jeunes hommes, — un au musée van der Hoop, la Fiancée juive, — et ce débris de portrait au musée de Rotterdam; c'est donc tout ce que la Hollandc a pu garder de Rembrandt dans ses galeries publiques, quand des musées infréquentés comme celui de 1'Ermitage a Saint-Pétersbourg et celui de Cassel ont réuni, 1'un 43 Rembrandt, Fautre29! quand lc musée de Dresde en possède 20, Ie musec
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de Munich 18, Ie Louvre 16, la National Gallery de Londres 11, Ie musée de Yienne 10, Ie musée de Berlin 8, autant que les quatre musées hollandais ensemble'. Il est vrai que la Ronde de nuit est Ie principal trésor de I'o3uyre. Et puis, heureusement, nous retrouverons encore Rembrandt dans les gale­ries particulières d'Amsterdam, de La Haye et de Dordrecht, chez MM. Six et van Loon surtout. Nous décrirons aussi, quelque jour, ses beaux dessins des collections de Vos et Fodor. lei même, nous n'en avons pas fini avec lui, puisque douze de ses dessins sont catalogués dans la collection publique de Rot­terdam.
Fabritics. — C'est un grand honneur pour ce peintre inconnu, que son portrait d'homme ait été admiré, pendant dix années, comme un Rembrandl de haute qualité. Cette peinture est saisissante, en effet, et vraiment magistrale. L'homme, un homme du peuple, inculte et énergique, et très-fier dans sa rudesse, est en buste court qui s'arrête au-dessous des épaules. Tête nue, de trois quarts a droite. Che-veux très-bruns, drus et mal peignés, tombant en avalanches aux deux cótés du visage. Un front bizar-
1 Si les Rembrandt ont quitte la Hollande, c'est bien la fante flu gout dégradó des amateurs hollandais au xvme siècle. Les Rembrandt se payaient alorsen vento publique (voir lesCatalo-gues de Gerard Hoet) 20 florins! mais les van der Werff et les Lairesse montaient a 3 ou 4,000 florins !
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FAtalTlUS.                          171
rement charpehté, des arcades sourciiieres proföndes, la bouche grossière, les lèvres fortes et mouvantes, petite moustache et petite mouche, Ie menton carré et solide. La chemise ouverte laisse voir Ie cou et une poitrinc velue. Veste brun-savoyard. Le fond, net-toyé de ses repeints, est d'un verdatre assez clair niaintenant.
Caractère, touche, couleur, tout en est sauyage et fait songer a Ribera, a Murillo dans sa maniere ferme, presque autant qu'a Rembrandt. Le Rem-brandt qui peut-être ressemble le plus, comme cou­leur et comme exécution, a cette vaillante étude peinte d'après nature, est la Jeune fille d la fenêtre (Girl at a windoio) de Dulwich Gallery, datée de 1645. Serait-ce vers cette époque-la que Fabritius travaillait chez Rembrandt?
Tout reste a deviner sur ce Fabritius, qui ne s'ap-pelait point Carel mais Bernart, et qui n'cst point mort en 1654 ' a 1'explosion du magasin a poudre de Delft, puisqu'il a date un tableau de -1669. Si uh Carel Fabritius est mort a Delft en 1654, ce n'est point notre Fabritius, le prodigieux imitateur de Rembrandt. 11 faudra pourtant débrouiller cette dua-litó du Carel et du Bernart, du peintre mort dans le désastre de Delft et du peintre qui travaillait encore
1 Dans son nouveau catalogue de 1859, ii. i. A. Lamme applique a son Fabritius, qui est bien assurément le Bernart du musée da Francfort et de la collection Camberlyn, les (624-1654 du Carel d'Immerzeel,
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en. 1669. L'auteur du portrait rembranesque au musée de Rotterdam \aut la peine qu'on fasse pour lui ce que nous faisons, depuis quelques annéesdéja, pour van der Meer de Delft, qui justement est censé clève de Carel Fabrilius: qu'on recherche ses ceuvres, qu'on les authentique, et qu'on rcssuscite sa person-nalité.
Combiendonc peut-on citer aujourd'hui de Fabri-tius? les deux de Francfort-sur-Mein ; portrait de jeune homme avec chapeau rond et manteau rouge, signé B. Fabritius 1650, et la Naissance de Jean-Bapliste, signé Bernart Fabritius 1669; — Ie Go­liath de la collection Camberlyn a Bruxclles, signé B. Fabritius 1657 (ou 59); — ce portrait de Rotter­dam, signé Fabritius, sans initiale de prénom et sans dale; —Ie portrait d'homme, de la galerie Suermondt a Aix-la-Chapelle (n° 39 du catalogue), sans signa-ture ni date; — Ie Saint Pierre dans la maison de Cornelius, de 1'ancienne galerie de Salzdahlum' (ou Salzthal), aujourd'hui au musée de Brunswick, n° 57, sous Ie nom de Carl Fabritius; — la Présentation au temple, cataloguée Carl Fabritius, avec la date 1668, dans la notice (1857) de la galerie royale de Christianborg a Gopenhague; saus garantie de notre
1 Dans Ie Catalogue de la galerie dueale de Salslhalen (sic), par C. N. Eberlein, Brunswic, 1776, il y a memo deux Fabritius : Saint Pierre — et un « buste de jeune homme en cuirasse, et avec un casque sur la lèle. To> e. L. 1 pied 9 pou-ces. II. 2 pieds. »
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FABRIT1US.                                   173
part, car nous n'avons pas visite cette galerie; — ajoutons pour mémoire' Ie Chasseur en repos, gravé dans les Annales du Musée, de Landon (t. IV, pi. 59), comme étant de Karle Fabritius de Delft. A en juger par la mauvaise gravure du Musée Landon, cette peinture semble être, en effet, du disciple de Rem-brandt; qu'est-elle devenue?
Suivant nous, il faut ajouter aussi YHèrodiade recevant la tête de saint Jean-Baptiste, attribuée maintenant a Drost au musée d'Amsterdam (n° 69), après avoir été attribuée longtemps a Rembrandt lui-même. Nous n'avons point contesté cette attribution a^Drost dans notre premier volume des Musées de la Hollande (p. 31), ne connaissant guère alors ni Drost, ni Fabritius. Depuis, ayant comparé cette Eé-rodiade a la Madeleine du musée de Cassel, Ie seul Drost peut-être qui soit bien authentique 2, — la comparant aussi aux autres Fabritius incontestables,
1 Pour mémoire aussi: dans Ie catalogue de la collection Hausmann (4 831), achetée depuis par Ie roi de Hanovre, on attribiiait a « C. Fabritius, élève de Rembrandt, » un Incendie de ville (n° 4 44), qui ne se retrouve plus dans Ie nouveau catalogue de 4 857. J'ai vu récemment cette collection et je n'y ai point remarquó de Fabritius. Cet Incendie de ville serait-il Ie tableau attribué aujoiird'hui a Daniel van Huil et portant précisément Ie même numero 141 ?
s Les deux tableaus du musée de Dresde, nos4256 et 4257, un Vieillard faisant Ure unpetit garcon et Arguset Mercure, catalogués « Gerhard Drost, élève de Rembrandt, et vivant vers 4070, » ne se rapprochent pas beaucoup de Rembrandt, et,
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nous avons acquis la conviction que la terrible pein-ture du musée d'Amsterdam est de l'auteur du rude portrait de Rotterdam.
Le rédacteur du catalogue d'Amsterdam, M. Du-bourcq, et le conservateur de la galerie, M. Engel -berts, ont bien voulu faire décrocher cette grande toile et 1'examiner avec nous, pour y chercher quel-que signature ou monogramme. Nous n'avons rien apercu, c'est vrai. Le tableau ayant été autrefois accepté comme Rembrandt, la marque a pü être effacée, et cette absence de signature ne contrarie point notre attribuüon.
Voici un rapprochement qui nous vient en aide : on rencontre dans les catalogues de Gerard Hoet utie demi-douzaine de Fabritius, et le premier qui passé en vente a Amsterdam, a la vente précisément de van der Meer de Delft, en 1696, c'est — la Dé collation de saint Jean. Il est regrettable que lc catalogue ne donne ni mesure ni description. Mais cependant cette identité du sujet — et mème le Utre plus juste — porte a croire que le tableau du musée d'Amsterdam doit ètre le Fabritius de la vente de 1696, outre que les analogies de st'yle, de pate et de couleur, désignent Fabritius plutót que Drost, dont le nom fut substitué légèremcnt a celui de
ce qui est singulier, ils ne se ressorablent même point 1'un a 1'autre. lis n'ont d'ailleurs ni signature, ni maique quclcon-que, qui puissent aider a constater leur authenticité.
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FABRITIUS.                               175
Rcmbrandt, sur une simple fantaisie très-hasardeuse de feu Brondgeest 1'expert, lors de la révision du catalogue, il y a quelques années seulement'.
Il serait curieux que ce tableau, officiellement baptisé Rembrandt dans les anciens catalogues du musee d'Amsterdam, tout comme notre portrait d'homme a été baptisé Rembrandt dans Ie premier catalogue du musée de Rotterdam, finit encore par être reconnu Fabritius. Peut-être y découvrira-t on aussi sous Ie cadre quelque griffonnage gravé du manche de la brosse!
Si notre supposition vient a être justifiée, on devra inférer, de 1'attribution a Bernart Fabritius, qu'il travaillait chez Rembrandt vers 1638, car la vieille femme a gauche du bourreau de saint Jean est Ie même modèle que la vieille Rebecca du tableau de Flinck, date 1638, haac bénissant Jacob. Fabritius ne serait donc pas né en 1624, date de naissance ap-pliquée par Immerzeel a son Carel censé disparu dans la fumée de la poudre en 16S4.
Smith mentionne Drost parmi les élèves ou imi-tateurs de Rembrandt, mais point Fabritius, et il ne
1 Dans les Recherches et indications, ajoutées par M. Ar-mengaud a la biographie de Rembrandt par M. Charles Blanc (Histoire des peintres de toutes les écoles, sans date), on compte encore cette Dêcallation de saint Jean parmi les Rem­brandt du musée d'Amsterdam. Smith lui-même 1'a catalo-guée (n° 120) comme original, mais sans 1'avoir vue et seu­lement d'après la gravure de Claessens (« described from the print»).
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scmble pas qu'il 1'ait connu, car certainement il 1'aurait cité.
Si quelqu'un a vu d'autres Fabritius que ceux sus-indiqués, nous faisons ici Ie même appel que nous fimes, apropos de van der Meer de Delft, dans notre travail sur la galerie d'Arenberg, et qui produisit a la publicité un tableau de plus a ajouter au catalogue de van der Meer. Quelques Fabritius de plus, mis en lumière, renseigneraient sans doute sur ,1a bio-graphie ' de eet habile contrefacteur de Rembrandt.
Govert Funck. — La commission du musée a
1 A notre avis, c'est par 1'étude des ceuvres, qu'on peut ob-tenir les éclaircissements sur les biographies de peintres peu connus. Toutes les spéculations d'après do vieux textes ne mènenta rien, etaugmentent mème souvent la confusion. C'est ainsi que M. Kramm , d'Utrecht, Ie très-savant continuateur d'Immerzeel, embrouille encore plusqu'auparavant les Fabri­tius dans son nouveau Dictionnaire biographique des ar-tistes (en cours de publication a Arasterdam). Il distingue quatre Fabritius :
1° Fabritius (sans prénom), avec les tableaux portés a ce Fabrilius tout court (entre autres la Décollation de saint Jean,— du musée d'Amsterdam?) dans les catalogues de Ge-rard Hoet.
2° Johan Fabritius, censé auteur d'un tableau vendu a La Haye, en 1765 (Catalogues publiés par Terwesten, a Ia suite des deux volumes de Gerard Hoet).
3° Le Karl d'Immerzeel, dont Samuol van Hoogstraeten parle aussi dans Inleidung lot de Hoogcschool der schil­derkunst (Introduction d la haute école de l'arl de peindre), Rotterdam, 1C78, pag. 274. Fiorillo l'apprécio très-bien,
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GOVEUT FLINCK.                             177
acheté en 1854 un très-beau Flinck, du meilleur temps, d'une conscrvation parfaiie et d'une propor-tion assez rare, a^ec deux petites figures cntières, de la grandeur des figures habituelles du Poussin, a peu pres. Une femme en noir est assise sur un tertre, au pied d'un arbre. Elle donne affectueuse-ment la main a un homme debout, costumé de noir. Au premier plan, des terrains jaunatres. Pour fond,
suivant M. Kramm, qui vante « Ie beau tableau pris par les armées francaises, et catalogué dans Ie Musée Napoléon, ii° 305 : Saint Pierre dans la maison de Cornelius » c'est Ie tableau du musée de Brunswick, mentionné ci-dessus). Aco Karl,M. Kramm rapporte un paysage du musée deVienne, parfaitement catalogué (édition de 1855), et a bon droit : « Kilian Fabritius, paysagiste allemand, qui vivait a Dresde vers 1660, » et dont lo musée de Darmstadt enregistre aussi un paysage.
4* Martinus Fabritius, originaire de Frise, qui a signé un tableau : Martinus Fabritius, Frysius invenlor et pinxit, A° 1617. Et peut-ètre, ajoute M. Kramm,serait-ce ace Marti­nus qu'appartiennent les tableaux du Fabritius sans prénom, dans les catalogues de Gerard Hoet.
C'est tout. Et Ie Bernart Fabritius du musée de Francfort n'est point mentionné.
Cependant, autant qu'on peut Ie deviner par les ceuvres, Ie Fabritius sans prénom, Ie Johan de Terwesten et Ie Karel d'Immerzeel ne font a eux trois qu'un seul et memo peintre : Bernart — puisqu'il a signé de ce prénom ses tableaux de Francfort et de la collection Camberlyn—Fabritius, 1'élève de Rembrandt et 1'auteur du portrait d'homme au musée de Rotterdam. Restent ensuite Ie Martinus de 1617, que je ne connais point, et Ie Kilian, qui est allemand.
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un paysage avec des arbrcs a gauche et des maisons ;l droite dans Ie lointain.
Ce sont des portraits, élégants de tournure et vivants de physionomie. L'influence de Rembrandt y est dominante comme' naturel et simplicité, comme pratique libre et puissance de couleur. Aussi Ie tableau est-il signé : O. Flinck, 1646.
Le disciple avait quitte Ie maitre depuis quelques années seulement, mais il était déja cclèbre, et ses ocuvres recommandables sont de cette periode, par exemple ses tableaux d'arquebusiers, conservés a Amsterdam, salie du bourgmestre a 1'bótel de ville (date 1642), au Cabinet de curiosités (date 1645),et au musée (date 1648). Dans leurs poésics, Yondel, dont il a fait plusieurs portraits, et Jan Vos van-taient son talent. Il était lié avec les principaux per-sonnagcs d'Amsterdam, qu'il avait sans doute connus chez Rembrandt, avcc Uitcnbogaard et Jan Six entre autres. Bientöt mème, recu bourgeois d'Amsterdam (1632) et marie a la iille d'un ancien directeur de la Compagnie des Indes orientales (16S6), il mena une grande existence, et il réunit de pré-cieuses collections de marbres antiquus, de tableaux et d'objets d'art. Par malheur, en collectionnant ses tableaux italiens, le gout italien 1'avait pris, et sa dernière maniere touche au pastiche des Bolonais. Le vrai Flinck hollandais ne dure guère que dix ans, de 1640 a 1650.
Deux portraits en buste et de grandeur naturelle
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jan vicTOn.                        m
montrent encore Govert Flinck dans son premier style : portrait d'homme, asscz fort, un peu froid; portrait de femme, a large fraise et robe noire, un peu vulgaire d'exécution.
Jan Victor. — Dans lc catalogue de Rotterdam, M. Lamme, qui a séparé Jan et Jacob Yictor, a eu raison encore de ne pas adopter 1600-1670 comme dates de la naissance et de la mort de Jan Victor; il s'est contenté de consigner que Jan Victor, « élève de Rembrandt', vivait dans la première moitié du dix-septième siècle. » C'est plus prudent, car il est probable que ce Yictor est né de 1613 a 1620. Pour M. Lamme aussi,—et c'est une autorité, — Ie pein-tre de paysanneries et de scènes familières est Ie même que Ie peintre de grandes figures. puisque Ie paysage hollandais avec animaux et Ie portrait de femme sont catalogués au mème nom.
Ce portrait de vieille femme, a mi-corps, de trois quarts a gauche, est on ne peut plus saisissant. Le visage est pale, triste, profondémcnt expressif. Dans le sentiment et dans la couleur, sinon dans la struc-ture des traits, il y a quelque chose du portrait de femme , nouvellement au Louvre, provenant, je crois, de la succession d'Ary Scheffer, et qu'on attri-bue au Titien.
Une corneüc blanche, une grande fraise tuyautée, une robe de soie noire ouvragée, avec une bande de fourrure sombre, un mouchoir blanc dans les deux
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mains pales croisées contre la taille, — du blanc et du noir, — sur un fond neutre, voila tout. Encore ne voit-on que cette tête blcme et ces deux mains fines, nerveuses, dont les doigts maigres sont entre-croisés; clles rappellent, pour 1'extrème adresse du dessin et du modelé avec presque rien du tout, les mains si étonnantes de Jan Six mettant son gant, dans Ie portrait de la galerie Six van Ilillegom. Et c'est d'un ton si étrange et si distingué!
Dans la Jeune fille a la fenêtre du Louvre, un chef-d'oeuvre en son genre, Yictor est un peu rouge et presque un peu lourd; ici, il est couleur de nacre, et léger comme dans 1'csquisse la plus subtile, quoi-que 1'eflet soit exact et complet.
Ce portrait de femme est peut-être une des pein-tures qui constate Ie micux avec quelle générosité Rembrandt communiquait a ses élèves son génie d'exécution et ses procédés les plus inexplicables en apparence.
Singulier artiste que ce Victor! c'est lui pourtant qui a fait ce paysage grossier (n° 337), sans cboix et sans gout, comme il a fait Ie Charcutier du muséo van der Hoop; il faut bien 1'y reconnaitre, malgré Ia distance des deux styles et la difïérence des deux pratiques. Dans ce grand paysage, il n'y a qu'un chemin, très-banal, qui faitcoude, a angle droit, sur la gauche contre la bordure ; dans Ie carré cernó par cette ligne cadastrale, je ne sais quel champ point pittoresque et des maisons; au premier plan,
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LES KONJNCK.                            !81
un paysan qui cause avec une paysanne occupée a traire une vache; sur 1'avenue en retour, conduisant a la ferme, un troupeau de gros bélail et un patrc. Les figures peuvent avoir un pied de haut. C'est maconné a pleine brosse, jusqu'a être pesant d'effet; c'est jaunatre et sans air. En y regardant de pres, on devine cependant Ie maitre dans la dégradation du clair-obscur et dans certains accents de la touche.
En bas a gauche est la signature en toutes leltres, sans date.
L'autre Yictor, Jacob, dcsormais séparé de Jan, Tiendra dans la categorie des peintres d'oiscaux, oü il tient Ie premier rang.
Les Koninck. — Jusqu'ici, les Koninck n'ont pas été mieux distingués 1'un de l'autre — Salomon de Philip — que les Victor. M. Lamme lui-même, un des connaisseurs de 1'école hollandaise les plus expé-rimentés, confondant Salomon et Philip, catalogue au nom de Philip de Koning {sic), outre deux pay-sages qui appartiennent a ce maitre, deux tableaux qui sont assurément de Salomon. La même confu-sion ' est faite d'ailleurs dans plusieurs musées, a Dresde, a Darmstadt, a Brunswick , oü 1'on attribue
1 C'est peut-être Immerzeel qui est la cause première de ces erreurs, car il dit que « Philip de Koning a suivi la ma­niere de Rembrandt dans Vhisloire, Ie portrait et Ie paysage,» et il lui attribue un portrait du poöte Vondel, qui doit étre de Salomon.
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également a Philip des oeuYrcs de Salomon. Il y a pourtant, dans quelques musées de 1'Allemagne, de vrais Salomon inscrits comme tcls, par exemple trois au musée de Berlin'.
Bien plus, avec les dcux»Koninck, sectateurs de Rembrandt tous les deux, — Salomon, Ie pcintre de figures en grand et en petit, et Philip, Ie pay-sagiste, — on confond aussi parfois un Jacob Koning de Haarlem, ólève d'Adriaan van de Velde, et mème David de Coninck d'Anvers, élève de Jan Fyt! par exemple au musée de Bruxclles (n° 54, édition de 1844, et n° 125, édition de 18S7).
On n'en sait pas long, il est vrai, de la biographie de nos deux Koninck, mais, du moins, quelques oen-Tres authentiques de l'un et de l'autre sont la pour les faire apprécier comme pcintres.
Salomon est né, probablement, en 1609, et fut élève, dit-on, de Nicolaas Moyaart. Dès 1G30, il était membre de la gilde des peintres d'Amsterdam et il signait un peut tableau conservé a Bridgewater Gal-lery, a Londres; puis, soit qu'il entre dans 1'atelier du jeune Rembrandt ou qu'il s'inspire de ce nouvel art, il se fait rembranesque jusqu'a tromper de fins
1 Au musée de Francfort-sur-Mein, il y a un Salomon et un Philip, bien attribués tous les deux. — A la galerie royale de Christianborg, a Copenhague, un buste de Guerrier turc, al-tribué a Philip, doit ètre de Salomon. — De mème pour Ie « portrait de deux inconnus, » attribué a « Felipe Coning, » au musée de Madrid, etc, etc.
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LES KONINCK.                               183
experts dans ses compositions bibliques' et histo-riques, et surtoutdans ses portraits et têtes d'étude.
Philip Koninck est né a Amsterdam, en 1619, probablement, et il a étudié chez Rembrandt, vers 1G40, au milieu de la pléiade illustrc, Bol, Flinck, Jacob Backer, van den Eeckhout et autres. Per-sonne ne s'est approprié mieux que lui Ie style pa-noramique de Rembrandt dans Ie paysage, et ses vues de Hollande, souvent signées, détachent son individualité de tout mélange avec une autrc. Nous pourrions citer une vingtaine de ses paysages parfai-tement incontestables, dont une dizaine peut-ètro avec signatures ou monogrammes, et même avec dates. Il est eertain pour nous qu'il n'a jamais peint que Ie paysage, et nous défions qu'on montre de lui un tableau a figures, avec un signe quelconque2, nom ou monogramme, qui prouve 1'attribution.
Restituons donc a Salomon Koninck Ie portrait de vicille femme (n° 164) et Ie petit Yieillard a barbc
1  Le superbe Nabuchodonosor exposé a Manchester comme Rembrandt, et toujours accepté pour tel, est un Salomon Ko­ninck , au jugement de M. Waagen, qui semble n'avoir point tort. Il y a sans doute bien d'autres Salomon qui passent pour des Rembrandt!
2  M. Ruhl, a Cologne, possède un Jésus chassant les mar-chands du Tempte, oü il croit avoir vu la signature de Philip Koninck; si elle y est, elle est fausse, car le tableau est do Salomon, et même excellent, avec ses quinzo a vingt figurines mouvementées et expressives comme dans une composition de Rembrandt.
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(n° 163), inscrits comme Philip de Koning au musée de Rotterdam.
La vieille femme est de grandeur naturelle, en buste, de profil a droite, coiffée d'une cornette blan-che. Superbe peinture — autrefois! car toutes les parties ombreuses sont entièrcment restaurées; il ne reste de l'original que la pleine pate dans les clairs, et ces lumières rappellent beaucoup Rembrandt.
Le Yieillard, a mi-corps et de petite proportion, est vu presque de face, le coude appuyé sur une table; fond neutre. Bonne touche et bonne cou­leur.
Les deux paysages de Philip sont excellents, sur-tout le plus petit (n° 162), avec des premiers plans très-rembrancsques et un ciel d'un gris fin et pro-fond. On peut connaitre le maitre d'après cette pein-= ture. L'autre paysage, assez grand, Vue du Rhin, a fitó aussi de belle qualité, maïs il est alourdi par des restaurations. — Ni 1'un ni l'autre ne sont signés'.
Nicolaas Maes.— Son portrait de jeune garcon, au musce de Rotterdam, est curieux, nous 1'avons déja dit, en ce qu'il sert de jalon important dans son oeuvre, qu'il dénote une transition de maniere
1 Pour plus d'infoi'mations sur Philip Koninck, nous ren-voyons a Trésors d'art exposés a Manchesier, p. 253, a Mu-sées de la flollande , I, p. 221, a Galerie d'Arenberg, p. 22, a Galerie Suèrmondt, p. 37.
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NICOLAAS MAES.                              185
et aide ainsi a comprendre et a expliquer comment Ie grand pcintre de la Laitière et de quelques autres tableaux primitifs est tombe jusqu'a ses portraits de pacotille, souvent mous et vulgaircs.
Saufdes études d'après nature, particulièrement dans 1'atelier de Rembrandt, comme 1'adorable fil-lette a sa fenêtre, du musée d'Amsterdam, Maes n'avait guère fait jusque-la que des figures de petite proportion, arrangées en tableaux d'intérieur. Le jeune garcon du musée de Rotterdam est de gran­deur naturelle, a mi-corps, debout pres d'une ba­lustrade sur laquelle est perché un perroquet. Il a les cheveux bruns, un beau costume gris a raies blanches, des noeuds de rubans rouges et blancs a la ceinture. De la main gauche il tient ses gants rouges; de la droite il présente au perroquet une branche de cerises. Sa tète se dessine sur un rideau 'rouge a droite. C'est trop de rouge pour jouer avec des blancs et des gris. Au-dessous du rideau, un fond de ciel sombre.
Nous en sommes venus aux portraits composés, avec balustrades, rideaux, échappées de soleil cou-chant, avec des accessoires et des prétextes a combi-naisons décoratives. De la simplicité rembranesque, nous allons aux recherches élégantes de van Dyck, a la somptuosité emphatique des Flamands. Est-ce que Macs avait déja été a Anvers des cette époque? ifJtiO, c'est la date inscrite a la suile de la signature JN : MAES, toujours en grandes eapitales, laquelle se
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métamorphosera bientót en lettres ordinaires, avec l'N du prénom rattaché en monogramme a l'M du nom.
Comme exécution, cc portrait, d'ailleurs habile et vigoureux, laisse déja pré"voir les imperfcctions carac-téristiques de la maniere postérieure. Le peintre a perdu 1'onctuosité harmonicuse de sa couleur, la transparence de ses ombres, sa limpidité dans lus tons clairs. Dans les lumières il est sec, dans les demi-teintes il est lourd. La fureur du contraste 1'é-gare. Il exagère ses rouges et ses blancs, presque sans notes intermédiaires, si bien que la tète semble pierreuse sur ces fonds poussés a outrance. Ces blancs et ces rouges, considérés isolement, sont encore d'une rare qualité, comme Maes savait les faire dans'sa pe­riode originelle, sous un reflet de la couleur de Rem-brandt; mais bientót ses rouges deviendront violets et ses blancs se pervertiront avec du jaune ou du-bleu. Sa décadence future est déja dcvinable en ce portrait, aussi bien comme couleur que comme com-position.
Nicolaas Maes n'avait pourtant que trente-cinq ans en 1660. Un autre peintre va succéder au premier. Le Maes rembranesque ne compte, comme Covert Flinck, qu'une dizaine d'années, — de 1650 a 1660.
Jürriaan Ovens. — II n'est guère connu comme élève de Rembrandt, pcut-ètre parce qu'il a travaillé surtout hors de la Hollande. La célèbre collection du
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JURRIAAN OVENS.                          187
comte d'Arundel, vendue en 1684, contenait dix-huit de ses tableaux : est-ce qu'il aurait habité 1'An-gleterre? 1'ancienne galerie de Salzdahlum, dix (oü sont-ils? Ie musée de Brunswick n'en a plusqu'un), qui provenaient sans doute du ducbé de Holstein, oü il a passé, dit-on, les dernières années de sa vie.
Il était né en 1620, et ce doit être vers 1640 qu'il aurait frequente 1'atelier de Rembrandt. Sa maniere n'est pas d'ailleurs très-rapprochée de cclle du mai-tre. Praticien habile sans doute, il ne semble pas vivement impressionné par la nature et il n'en tra­duit que les accents vulgaires. Un des bons portraits que nous connaissions de lui est un portrait d homme a mi-corps, signé J, Ovens, dans la collection Blok-huyzen a Rotterdam.
Les deux portraits du musée, homme et femme, de grandeur naturelle, jusqu'aux genoux, sont bien peints, mais sans attrait particulier. (Ja resscmble un peu a tous les portraitistes du temps, et aux meilleurs, a Jacobvan Loo, a van den Tempel, a van der Helst; mais cependant, puisqu'il y manque l»originalité, on aimerait, du moins, a y retrouver quelque signe eclatant de 1'école a laquelle Ovens est censé tenir.
Leonard Bramer. — Imitateur, et non pas proba-blementdisciple de van Rijn qui était plus jeune'que lui, il n'en a saisi que des apparences, — des ficelles, on dirait en terme d'atelier, — pour tortiller ses per-sonnages et ses compositions. Au musée de Dresde,
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sa Reine de Saba, Ie Salomon dans Ie temple, Ie Christ insulté dans leprctoirc, sont tapotés et minces de stjle. Sa Desccnte de croix, au musée de Rotter­dam , n'est qu'un pastiche tourmenté et trop noir. Sauf un grand Siméon dans Ie temple, au musée de Brunswick, ses tableaux sont toujours en petites figures : deux autres au mème musée, les trois de Drcsde, deux allégories, signées, au musée de Vienne, uiie Hécube et un Abraham, au musée de Madrid, etc.
Quand Rembrandt composait en figurines ses drames de la Passion, tels que ceux qu'il a peints pour Frédéric-llenri (musée deMunich), ellesavaient la grandeur et la tournure de personnages yivants et terribles. Chez Bramer, cc sont des marionnettes agitécs convulsivcment par un moteur externe.
Un second tableau de lui cherche encore a calquer Rembrandt dans ce sujet affectionné du maitre : vieux Philosophe lisant ou méditant. Le petit sorcier de Bramer est assis devant un üvre, dans un intérieur sombre. La touche en est vive et assez spirituelle, mais trop accusée; le clair-obscur assez savant.
Van den Eeckhout.—Le cataloguelui attribue un portrail d'enfant, de grandeur naturelle, en buste, presque de profil, blafard et jaunatre, faible de rno-delé. Peinture fatiguée, éteintc, qui rappellerait peut-ctre Aart de Gelder, autant que Gerbrand van den Eeckhout.
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GEHARD DOV.                               180
Gekard Üov et ses continuateurs. — Passons a la petite écele batarde, issue de la première maniere de Renibrandt, et qui lui ressemble si peu, et qui aboutit a êfre préeisément son antithese.
Il se trouve que Ie Gerard Dov du musée de Rot­terdam est d'une facture assez large, de cettc qualité que nous avons signalée dans un tableau du musée d'Amsterdam, oü Gerard Dov a illustré de figurines un paysage de Berchem. On,estime davantage, bien atort, son style maigre et ses ouvrages qu'il faut examiner a la loupe.
La jeune Dentelière de Rotterdam, vue presque jusqu'aux pieds, est assise sur une chaise, de trois quarls a droite, son métier a dentelle sur ses genoux. Gentillc cornette sur la tète, modeste guimpe au cou, manches jaunes, jupon rosatre. Point d'accessoires; un fond gris uni, très-fin de ton, ainsi que les cou-leurs du costume. Les petites mains qui travaillent et la tète sont bieri modelées, d'un pinceau froid, mais pas trop pointu. Sur Ie métier a dentelle est la signature : Gdov, Ie nom, en petites capitales, accolé, comme d'ordinaire, au G, grande capitale, du pré-nom. Quoique ce tableau soit un peu frotté, c'est assurément un des petits trésors de la galerie.
Nous avons aussi un portrait de Gerard par un de ses imitateurs, Dominicus van Tol, oeuvre notable pource petit peintre : Gerard, tout jeune, moustache naissante, longs cheveux blond-chatain, est accoudé a une fenêtre qui forme une espèce de niche ou d'en-
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cadremcnt, selon les habitudcs de cette école. Sa main est posée sur une tête de mort. Il porte un.chapeau noir et un costumc violet. Tourné de trois quarts a droite, il se dessine sur un ample rideau vert bleuté, qui pend dans l'intéricur de la niche, masque Ie fond et laisse seulement apercevoir, par une ouverture, au dela de quelques degrés, 1'intérieur d'un atelier vide. Sous 1'appui de la fenètre, un bas relief d'enfants jouant avec des chèvres.
Il se pourrait que 1'original de ce portrait fut de Gerard lui-même, et je crois me rappeler qu'il est gravé comme tel : van Tol n'a pas du connaitre Ie Gerard de vingt ans. Mais, simplement a titre de reproduction, cette jolie petite image est encore inte­ressante, puisqu'elle représente un célèbre artiste.
Deux autres van Tol se fontpendants : un^ieillard qui allume sa pipe dans un réchaud, et une Yieille femme qui achète un hareng; tous deux également encadrés dans une niche fenestrale; pastiches assez heureux de Gerard Dov, quoique froids et mesquins.
A Frans van Mieris Ie vieux est attribué un mau-vais petit tableau qu'on doit restituer a son nis Wil-lem : Vieillard faisant des mines a une jeune femme vètue de satin.
De la secte de Gerard Dov, viennent encore God-fried Schokken, un portrait d'homme et un Moine en prière;—Matthijs Neveu, un Bonhomme avec sa pipe, assis pres d'une table; — Karel de Moor, une grande Fuite en Egypte et une O ff ronde;— B. Mat-
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PFETER LASTMAN.                               191
ton, un Ermite. — ïout cela est bete et commun. Arie de Vois tient aussi, indirectement, a cctte école, mais parfois, du moins, il se rappelle les ensei-gnements de Tan den Tempel, qui fut un de ses maitres. Son petit portrait d'homme vaut a pen pres ceux du \ïeux Mieris, qui avait aussi étudié chezvan den Tempel, et il se rapproche presque de Metsu. L'homme, de trois quarts a gauche, tètenue, che-veux bruns, séparés sur Ie front et tombant sur les épaules, cravate blanche négligemment nouce au cou, pourpoinl brun a larges manches, est d'une physionomie très-éveillée et très-fine. Signé, sur Ie fond gris neutrc : ADVois, les trois grandes lettres
Pikte» Lastman. — Après Jes disciples de Rem-brandt, un de ses maitres, Lastman, qui subit, lui aussi, 1'influence de son ancien élève, quant a 1'eau-forte, sinon quant a la peinture. Son eau-forte de Juda et Thamar dans un paysage (Bartsch 74), signée de son monogramme PL (Ie P sur Ie jam-bage vertical de 1'L), n'est-elle pas tout a fait rem-branesque comme style, comme maniement de la pointe et comme cffet ?
Vraiment ce fut la conversion la plus étonnante, opérée par la magie de Rembrandt, que celle de ce pur académiste, formé chez les Romains et les Bolo-nais. Lastman avait deviné lc style de 1'école de Da-vid deux siècles a 1'avance. Il fut moins Ie précurseur
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de Rembrandl que de Guérin. Rembrandt ne trouva rien a prendre de lui, si ce n'est pcut-être une certaine initiation a la dégradation des ombres. 11 avait cependant quelques peintures de Lastman dans sa collection inventoriée en 163 6.
Lastman a été Ie maitre de Rembrandt, comme Guérin a été Ie maitre de Géricault et d'Eugène Delacroix.
On rencontre assez souvent des tableaux de Lastman dans les Catalogues de Hoet a des ventes de 1693, 1695, etc, oü ils ne se vendaient pas cher, quoique la peinture prétentieuse fut alors en faveur, mais Lastman était trop sévère pour les adorateurs du che-valier van der Werff. Aujourd'hui ses oeuvres ont presque disparu et, parmi les musées de 1'Europe, il n'y a guère que Rerlin et Brunswick qui en possèdent: Berlin, deux, de petite proportion, et signées du mo-nogramme : Ie Baptême du Maure, date 1608, et Ie Repos de la SainteFamiliedurant sa fuiteen Egypte; — Brunswick, trois, provenant de l'ancienne galerie de Salzthal: un Massacre des Innocents, Uhjsse et Nausicaa, date 1609, aveclemonogramme, et David dans Ie temple, signé : Pietro Lastman 1613. Que ce Pietro va bien au maitre de Rembrandt! — Dans la collection Moltkc a Copenhague, on trouve encore un Tobie, signé et date 1618.
Sur les quatre musées hollandais, Ie musée de Rotterdam est Ie scul qui ait sauvé un Lastman : Composition historique de trois figures. Froide imi-
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MIEREVELT.                               193
tation des Italiens, comme ses autres tableaux de Berlin et de Brunswick.
Dans les collections particulières de la Hollande, aucun Lastman dont j'aie souvenir.
Les fkécürseubs.— Pendant que Lastman et bien d'autres, a la fin du seizième siècle et au commen-cement du dix-septième, allaient encore étudier 1'art en Italië, il s'était déja formé en Hollande un art indigène, par la vertu de la révolution qui avait donné au pays la liberté.
La pléiade de ces précurseurs de la grande école qui illustre Ie milieu du dix-septième siècle est re -marquable au musée de Rotterdam : Mierevelt, Moreelse, yan Ravestein, Frans Hals, et aussi Ge-rard Honthorst, et aussi un excellent artiste que nous n'avons pas eu encore occasion d'étudier, car il n'a point de tableaux dans les autres musées hollandais, saul un sujet satirique, très-mal place au musée d'Amsterdam , — Esaias \an de Velde, oncle d'A-driaan et de Willem Ie jeune.
Mierevelt est 1'auteur d'un beau portrait du chc-valier Albert Joachimi, ambassadeur en Angleterre, — et d'un portrait d'homme avec les armoiries de la iamille lleeckeren; — on lui attribue aussi un Phi-lippe de Nassau, dont 1'authenticité n'est pas incon-testable.
Mais je ne connais pas de galerie oü 1'on puisse
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KUNSTHISTORISCH INSTITU' DER RIJKSUNIVERSITEIT UTRE
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mieux qu'a Rotterdam apprécicr Moreelse : il y est au grand complet, sept portraits, dont un en pied, trois sujets religieux et deux Bcrgères.
Le portrait en pied, donné récemmcnt au musée par M. Ebeling, représente J. P. Coen, gouverneur général des Indes hollandaises, le fondateur de Ba-tavia. Debout, de grandeur naturelle, fièrement tourné, avec le superbe costume du temps. Large exécution, ferme et sobre. C'est de la force des grands maitres dans le portrait: plus grave que van Dyck, male comme le Caravaggio. Un chef-d'oeuvre de ce peintre secondaire sans doute, mais qui avait été a la bonne école de Mierevelt, et qui vivait' a une époque de vrais hommes, —de grands hommes dont le caractère se traduisait dans leur désinvolture et leur physionomie, — et qui était lui-même un liomme assez considérable dans sa rille d'Utrecht, comme membre du conseil chique. Peintre, magis-trat municipal, il fut encore architecte, et une des portes d'Utrecht a été construite d'après ses dessins. Pcut-ètrc même a-t-il été graveur?—Pointde signa-ture sur ce beau portrait de Coen.
Jan van Olden Barnevelt est la aussi en buste. De sa femme, Maria d'Utrecht, Moreelse a fait égale-ment un portrait, date 1613 et conservé au musée d'Amsterdam. Un portrait de guerrier, — un Jeune homme devant une table a tapis turc, sur laquelle est un livre, sont encore de sa bonne facture. Puis un excellent portrait de femme, une plume a la
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JAN VAN RAVESTEIN.                        195
main, et deux portraits de jeunes femmes. Puis deux Saintes Families, dont une au centre d'un medaillon entouré d'une guirlande de fruits peints par Adriaen van Utrecht, et une Madone avec 1'enfant Jésus. Enfin, les Berger es qu'affectionnait Moreelse. Une de ces fraiches campagnardes est coiflëe d'un cha-peau depaille, couronné de fleurs; Fautre, en petit, tient a la main une branche de rosier.
Nous n'avons encore rencontre Jan van Raves-tein qu'au musée d'Amsterdam, — deux portraits ordinaires; il n'a rien au muséc de La Haye ni au musée van der Hoop. Il n'est pas moins rare dans les musées de 1'Europe. Rien au Louvre, et son nom ne parait même pas dans tout Ie cours du catalogue; rien a Madrid ni en Italië; rien au musée de Vienne. A Munich, deux portraits; a Gotha, un buste d'homme; a Berlin, un beau portrait d'homme; a la galerie royale de Christianborg (Copenhague), un portrait de jeune homme. Mais, a Brunswick, il a un chef-d'oeuvre : Familie hollandaise, de dix per-sonnes, Ie père, la mère, trois fils et cinq filles, de grandeur naturelle et jusqu'aux genoux; la toile a plus de 7 pieds de large sur 5 de haut. Cela va de pair avec les meilleurcs peintures et se tiendrait ferme a cóté de Hals et même de Rembrandt.
Arnold, fils et élève de Jan, a aussi deux bons portraits au musée de Cassel.
Plusieurs fois nous avons mentionné les superbes
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compositions de Jan a 1'hótel de ville de La Haye. La, en effet, on Ie voit dans toute sa puissance sévère et magistrale. La, c'est Ie peintre civique, expression de la Hollande nouvellement régénéréc après son affranchissement.
Frans Hals, qui airaait Ie mouvement et 1'éclat des armes, excella surtout a représenter les arque-busiers avec leurs écharpes multicolores, leurs cha-peaux empanachés, leurs étendards flottants. Jan van Ravcstein est Ie traducteur des assemblees munici-pales, oü de graves citoyens, tout en noir, assis au-tour d'une table, règlent tranquillemeut les affaires du pays.
Il a fait aussi cependant, et avec unc egale supé-riorité, des compagnies de la garde bourgeoise. A La Haye même, sur ses quatre grands tableaux de 1'hótel de ville, deux représentent des arquebusiers : 1'un, six officiers de la compagnie du drapeau blanc; chaque compagnie avait ses couleurs; — 1'autre, vingt-cinq arquebusiers, y compris les chefs; il est signé : I VRavestein, les trois capitales accolées en monogramme, et date 1610 '. L'un et 1'autre vien-nent du Tir nommé Ie Nouveau Doek.
Le troisième tableau — Ie grand chef-d'ceuvre — 15 a 20 pieds de large sur 8 de haut — représente
1 Immerzcel donno la dato 1616. Nous avons lu 1610. Y au-rait-il un trait prolongé au-dossus du 0 pour faire un 6? C'est a vérifier.
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JAN VAN HAVESTE1N.                        197
vingt-six membres du Magistrat de la ville (conseil municipal), assis a la table de délibération. lis por­tent Ie rigide et noblc costume du seizième siècle, dont la mode continuait encore au commencement du dix-septième (Ie tableau est de 16i8) : chapeaux noirs a haute forme et a bord assez étroit, fraises cmpesées et droites, avec broderies et dentelures, des pourpoints noirs.
Il faut dire son sentiment : Dans cette peinture, Ravestein est plus fort que van der Helst, dont l'hótel de ville de La Haye possède aussi une oeuvre capitale et très-belle, avec seize personnages en pied.
Le quatrième Ravestein est encore une assemblee du Conseil de ville : quinze hommes, a mi-corps, au tour d'une table a tapis vert et se dessinant sur un fond vert, avec leurs vètements noirs et leurs grands chapeaux. L'harmonie de ces noirs et de ces verts, les seules couleurs du tableau, sauf les tons de chair, est surprenante. Le coloriste s'est tour-menté de son cffet, peut-être en songeant au jeune peintre d'Amsterdam qui venait de se révéler dans la Lecon d'anatomie, et qui menacait d'effacer les vieux maitres illustres. Rembrandt faisait déja du bruit en 1636, date inscrite a la suite d'une signa-ture en toutes lettres : Joannes V (ou A?) Ravesteijn. Aurait-il aussi influencé Ravestein, comme il a cer-tainement influencé Frans Hals?
Jan van Ravestein commencait a être vieux en
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1636, —cinquante-quatre ans, — mais cependant il a vécu longtemps encore, et sa signature se ren-ontre au bas d'une pièce de 1635, oü les kunstschil­ders (pcintres d'art) et autres artistes demandent a la Régence de la ville {Stadregering) leur sépara-tion d'avec les kladschildcrs (peintres barbouil-leurs), admis avec eux jusque-la dans la gilde de Saint-Luc. Il parait que Ravestein mourut peu après, en 1657, a ce qu'on dit.
Le musée de Rotterdam posscde deux portraits de lui: un buste d'homme avecune chaine d'or au cou, et un autre buste d'homme avec un ample col a guipures. lis pourraient figurer partout, entre des van Dyck et des Tintorct, comme une sorte de mi­lieu entre ces deux maitres si diiïórents.
Le catalogue attribue aussi a Jan van Ravestein un Intérieur, avec une femme et un jeune gareon pres d'un berceau, et un homine qui fume sa pipe contre la cheminée. Je m'étonne de n'avoir aucun souA'enir de ce tableau, dont le sujet est singulier pour 1'au-teur, et qui mériterait d'ètre étudié. On peut d'ail-leurs s'en fier généralement a M. Lamme, aussi consciencieux qu'il est éclairé.
Quel bijou quele petit Frans Hajós! Ce hardi bros-seur de larges compositions patriotiques, comme celles des hotels de ville d'Amstcrdam et de Haar­lem, ou de vaillants portraits en pied, comme celui du musée de Brunswick, peinturc étrange et gran-
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FRANS HALS.                                199
diose, comparable aux chefs-d'ceuvre de Rembrandt, de Velazquez et de Titien,—eet artiste fougueux, qui couvrait en un jour une toile immense, Ie voici portraitiste en miniature! Il lui prenait parfois de ces fantaisies,—bienheureuses! A la galerie van Brienen d'Amsterdam, on admire un petit portrait dans lequel Frans Hals a réalisé ee phénomènc, assez familier a la sculpture antique et a certains maitres de la Renais­sance, de faire paraitre plus grandes que nature des figurines d'une proportion réduite. C'est Ie contraire du résultat de Gerard Dov et des artistes trop finis-seurs.
ld, aRotterdam, Frans Hals a renferme son homme dans un medaillon ovale, haut de 22 centimètres; Ie buste seulement, mais avec une main. C'est 1'histo-ricn Pieter Bor Christiaanszoon (flls de Christiaan) a 1'age de soixante-quinze.ans : JEtatis 75, A° 1634, inscription qu'on lit a droite sur un fond gris-clair. Sa moustache et sa barbichc sont toutes blanches; sur sa tète chauve une petite calotte noire; costume de soie noire ouvragée et large fraise. La main, en pleine lumière, tient une plume. Physionomie vive etex-pressive. Tout cela est d'une adresse, d'une science, d'une libertó, d'un esprit! Adriaan Brouwer a attrapé cela de son maitre, a peu pres, et c'est de lui que Téniers avait appris sa touche si vantée. Mais que Ténicrs est mince, comparé a Brouwer, moins solide lui-mème que Frans Hals! Chose imprévue! cc petit portrait fait penser a Watteau, Ie délicieux peintre,
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si subtil dans sa pratique, si spirituellement juste dans ses accents lumineux, Ie plus vraiment peintre de toute 1'école francaise.
Gerard IIonthorst est plus connu par sa maniere italienne et ses cffets de nuit que par sa maniere hol-landaise. Il est pourtant bien préférable dans sa pre­mière periode, quand il cherche sincèrement la na­ture, au lieu de pastichcr les Italiens et d'ambitionner des effets baroques.
On ne saurait dire a quellc date il passa en Italië. Est-ce avant ou après la visite que Rubens lui fit a Utrecht, en 1627, comme a un des maitres impor-tants de la Ilollande? Je croirais bien que ce fut un peu plus tard. Le Concert, du Louvre (n° 216), date 1624, tient encore au style de son pays. Dans cette peinture, comme dans la Femme jouant du luth (n° 220, même musée), datée 1614, comme dans le Joyeux Musicien du musée d'Amsterdam (n° 149), il ressemble beaucoup a Moreelse, en tant que cou­leur et expression, même aussi un peu a Frans Hals. 11 s'inspire des Bergères de 1'un, des Chanteurs de 1'autre. Il est épanoui, naïf, eclatant de vie. Ca vaut mieux que le Pilate (n° 213 duLouvre) avec son faux effet de lumière.
Un tableau qui caractérise supérieuremcnt sa ma­niere hollandaise1 estlc n° 133 du musée de Rotter-
1 On en voit aussi des échantillon; au muséo de Brunswick,
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GEUARD HONTHORST.                       2ol
dam : nous 1'intitulerons Ie Tête-d-tcte; composition dans Ie genre de celles que Terburg, Metsu, Pieter de Hooch peignirent en petit,—mais avec des figures de grandeur naturelle, coupées aux genoux. 3 pieds de large sur 3 pieds et demi de haut.
Deux personnages seulement: un gentilhomme en costume militaire et sa maitresse. Il est assis, de face, Ie bras gauche accoudé a une table couverte d'un ta-pis vert sur laquelle sont des fruits, ün beau Yase en métal, et son sabre. Il a un pourpoint en chamois gris-glacé, un col rabattu ariches guipures, deshauts-de-chausses rouges et des bottes molles. Il s'est mis a 1'aisc, jambes écartóes, chemise entr'ouverte sur la poitrine, la main droitc appuyée sur sa cuisse; de 1'autre main il tient une coupe pleine, et il léve sa tcte un peu fatiguée et ses yeux tendres yers la jeune femme debout, qui s'appuie sur son épaule et se pen-che en lui próscntant une pipe. Elle aussi n'est pas très-soigneusement ficelée: Ie corsage est desserré, la gorge mi-nue. Qu'elle est gentille avec son bonnet blanc et sa pèlerine blanche! Pardonnons-lcur tout ce sans-facon, puisqu'ils s'aiment.
qui possède six lableaux de Gerard Honthorst, et au musée de Dresde, qui en a quatre; un cinqtiième tableau que Ie ca-talogue de Dresde attribuo encoro a Gerard Honthorst et qui précédemment avait étó attribuo a Rembriindt, puis a Ferdi-nand Bol, la Fille du Pharaon trouvant Ie pelit Moïse, est de Pieter de Grebber et porte même lo monogramme de ce maitre.
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Je ne sais pas si Ie tableau a une signature et une date, mais il doit être antérieur a rémigration de Gerard. C'est franc de tournure et d'exécution, très-correct de dessin, fort et simple dans la couleur. C'est peint par largcs plans, comme pcignait Frans Hals, mais sans emportcment. Plus tard, Govert Flinck, dans ses figures d'arquebusiers, aura quelqucfois de 1'analogie avec ce style primitif de Honthorst.
Une autre peinture de Honthorst: Guerrier assis devant une table et allumant sa pipe aune lampe, est de la periode italienne et rappelle un peu Ie Cara-vaggio.— Un petit portrait d'homme a barbe grise porte Ie monogramme Gil accolés, et une date 164 ., Ie dernier chiflre illisible.
Mais il faut encore Toir Gerard Honthorst dans un superbe portrait d'hoinme a mi-corps, de trois quarts a droite, une main sur la hanche, 1'autre, tenant des gants, appuyée en avant sur une tablc. Pourpoint noir, fraise a larges tuyaux. La tète, a cheveux courts et a barbe rousse, est énergiquement accentuéc, dans un type qui rappelle les rudes traits de Michel-Ange. On dirait un de ces fiers portraits qu'Antonie Mor sculptait sur la toile.
Honthorst est rarement de cette force-la. On Ie trouve froid, vide, assez vulgaire, dans ses nombreux portraits ' au Pavülon du bois a La Ilaye, et dans
1 Gerard Hotithorst a fait aussi un grand nombre de por­traits et de compositions de toutc sorte en Angleterre, oü il
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ESAIAS VAN DE VELDE.                     203
ses compositions a la Salie d'Orange. PcUt-ètre plu-sieurs de ces portraits sont-ils de Willem et non de Gerard; les deux frères ont beaucoup peint en colla-boration.
Le musée de Rotterdam possède aussi un grand portrait en pied, par ce Willem : Maria, femme de Guillaume II, prince d'Orange, debout, de trois quarts a droite, sur un balcon, en robe jaune a queue. Les mains sont très-belles. La figure se des-sine sur un fond de ciel.
La nombreuse familie des van de "Velde est pro-bablement originaire de Haarlem, et, suivant van Eynden, Esaias van de Velde était—probablement — fils d'un célèbre maitre d'écriture, ei té par Sch revel ius dans son Harlemias. Cela expliquerait comment Willem van de Yelde le vieux, — frère d'Esaias, toujours probablement, — étant fils de ealligrapbc, dessinait de préférence a la plume avec une facilité et une habilité si mervcilleuses. Willem le vieux cependant était né a Leyde, a ce qu'on dit, Esaias aussi, et mème aussi lc troisième frère Jan. D'après Walpole, il y avait encore un quatrième frère, Cornelius van de Velde, peintre de marines comme les Willem père et fils, et qui fut employé en Angleterre par Charles II.
resta longtemps et oü il fut le peintre altilró de la reine de Dohême, fille de Jacquesl",
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La date supposée de la naissance d'Esaias est 1597; mais peut-être est-il né plus tot, car une de ses eaux-fortes est datce, je crois, de 1614 '. Il est vrai qu'il a pu graver a l'age de dix-sept ans, puisque son neveu Adriaan a bien gravé a l'age de quatorze ans2. Ce qui est sur, c'est que son talent était tout formé avant 1620.
J'ai sous les yeux un paysage d'hiver, peint sur un disque de bois, de 18 centimètres, et signé E. V. Velde 1619. Ce petit chef-d'ceuvre, appartenant a mon ami M. Charles De Brou, contient une cen-taine de figurines, Ia plupart microscopiqucs, dis-persées sur la glacé d'une rivière, patineurs et pro-meneurs. Il a beaucoup d'analogie avec les deux petits tableaux d'Adriaan van der Venne dans la galerie Suermondt, et aussi avec les deux petits van Goijen de la mème galerie. Les van der Venne sont de 1614, les van Goijen de 1620. Voila, pour la peinture dite de genre et pour Ie paysage, les pré-curseurs, les véritables initiateurs de la spirituello et charmante école qui brilla au milieu du dix-sep-tième siècle.
Les tableaux d'Esaias van de Velde sont devenus très-rares, quoiqu'il en ait passé un certain nombrc dans les ventcs hoUandaises dont Iloet et Terwestcn ont publié les catalogues. On n'en citerait pas une
1 Huber et Rost ne citent que qualre de ses eaux-forte3, non datées, paysages, dontdeux portent les initiales EVV. * Voir la note èlap.91.
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ESAIAS VAN DE VELDE.                      203
demi-douzaine dans tous les musées de 1'Europe: a Brunswick, un Combat de cavaliers, signé E. Velde, et provenant de 1'ancienne galerie de Salztha-lum '; — a Vienne, un Combat de cavalerie, sans signature; — dans la galerie Moltke, a Copenhague, un paysage signé et date 1620. Nous en avons vu quelques autres encore dans des collections parti-culières : grand hasard! Aussi Ie maitre, presque inconnu, ne compte-t-il guère dans 1'école hollan-daise, bien qu'il soit un artiste extrêmement dis-tingué, non-seulement comme inventeur mais aussi comme fin coloriste, comme dessinateur très-élégant, d'une touche adroite et süre.
Le musée de Rotterdam a deux tableaux de lui: Un Incendie de vil lag e, la nuit, ayec quantité de figurinesa piedeta cheval, signé E v VeLDE, 1623. Van der Poel, dont on ne sait point les origines, sort un peu de la sans doute; du moins, ses Ineen-dies nocturnes, qu'il a si souvent répétés, sont une imitation flagrante de ce tableau d'Esaias, qui d'ail-leurs a beaucoup souffert et semble tapoté par des restaurations.
Un Cavalier sur cheval qui se cabre. Ce gentil-homme en costume espagnol, chapeau a grandes ailes, manteau gris, hautes bottes molles, est vu de
J Le catalogue de Satzthalum, parEberlein, enregistre un 6econd Esaias qui ne se retrouve plus a Brunswick : Paysage, avec une forêt oü des voleurs attaquent un carosse (sic).
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dos, un peü tourné a droite, faisant une claire sil-houette sur un fond de ciel argentin, dans les tons de Velazquez et de van Dyck, avec un horizon perdu et rectiligne. Les terrains du premier plan, que fou-lent Ie3 pieds solides du beau cheval couleur cha-mois, sont largement et sobrcment frottés, comme dans une peinturc monumentale. C'est ce qui donne tant de grandeur et de relief a cette figure équestre, modelée et mouvementée sur un panneau de 38 cen-timètres! Elle rappelle beaucoup, par 1'élégance de la desinTolture et la liberté magistrale de 1'exécu-tion, une adorable étude de van Dyck a Buckingham Palace ' : trois cavaliers, Ie même modèle vivement esquissé par dcvant, par derriere et de cóté. Et, comme ce van Dyck ressemble a un Velazquez, voila décidément notre Esaias en noble camaraderie.
Oui, c'est un très-brave peintre qu'Esaias van de Velde, et, pour renseignement sur lui, nousrecom-mandons ce petit tableau égaré dans 1'angle d'une première salie du muséc de Rotterdam.
La aussi, tout auprès, est une Vue de rivière, attribuée a Hendrik van Avercamp, surnommé Ie Muet de Kampen, autre avant-courcur des petits rnaitres hollandais, et dont avons nous parlé dans la Galerie Suermondt, oü 1'on voit un de ses bons tableaux; celui du musée de Rotterdam est cntiè-
1 N° 50 du catalos^ue publié par W. Burger, dans la Revue universetle des Arts, novembre 1858.
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VAN GOIJEN.                                207
rement perdu et dénaturé, — s'il a été de lui jadis. Esaias van de Velde pourrait bien s'ètre un pen développé sous 1'inüuence du grand Frans Hals; si l'on ne peut assurer qu'il ait étudié dans sa jeunesse a Haarlem, du moins il y demcurait en \ 626. Il a de Frans Hals beaucoup de qualités : la hardiesse et la vivacité de la touche, la tournure cavalicre, même les tons de couleur dans des jaunes verdatrcs. Il a transmis cela, en diminutif, aux deux Palamedes, qui continuèrent ses Chocs de cavaliers et ses Pil— lages de hameaux. Mais il est aussi lc génóratcur d'une succession d'artistes plus renommés. On dit qu'il a été un des maitres de van Goijen, qui, en effet, lui ressemble beaucoup. Et n'est-ce pas van Goijen qui enfanta Salomon van Ruijsdael? et Salo-mon genuit Jacob, et Hobbema est Ie frère de Jacob van Ruijsdael, et tous deux sont les pères d'une foule de paysagistes qui remplissent la fin du dix-septième siècle. — Genealogie glorieuse dont Esaias est Ie premier chainon.
Van Goijen devait être a peu pres du même age qu'Esaias, car il est né, presque certainement, en 1596. Peut-ctre fut-il sculement son compagnon, comme Adriaan van Ostade avec Brouwer. Dès 1620, ils ont beaucoup d'analogies ensemble. En 1630, nous les retrouvons tous deux habitant Leyde, oü Esaias mourut en 1648. Van Goijen eut la chance de travailler bien plus longtcmps : de 1630 a 1660,
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il fait encore d'excellente peinture, plus corsée mcme que dans ses premiers temps; a son tour il était ex-cité par ceux qu'il avait lancés dans 1'art; témoin un vigoureux paysage de la collection Dubus de Gisignies a Bruxelles, date 1655, et quclques au-tres tableaux de cette periode, dans les collections de Kat et Dupper, a Dordrecht; on les prendrait presque pour des Ruijsdael. En 1664, il peignait une Vue d'hiver, animée de figurincs par J. Steen, son gcndre et signée de leurs deux noms, suivant, van Eynden qui la possédait. C'est seulemcnt en 1666 qu'il mourut, et non pas en 1656, date in-scrite par M. Villot dans son catalogue du Louvrc, et aussi dans les catalogues de Berlin, de Drcsde, de Yienne, mcme de Rotterdam, mcme dans 1'excellent catalogue d'Amsterdam.
Deux Vues de rivière, par van Goijen, au musée de Rotterdam : 1'une, asscz grande, avec une digue et un villagc aux plans éloignés, n'a rien de no-table; 1'autre, 1 pied de haut seulement, est de sa belle maniere. L'cau, les bateaux, Ie ciel, tout s'bar-monise dans une gamme simple, mais vigoureuse, qu'on remarque souvent chez les Ruijsdael. Le ta­bleau, signé du monogramme VG. accolés, porte la date 1643 : Salomon était déja un habile paysa-giste, mais Jacob n'était encore qu'un écolicr.
Van Goijen signait le plus souvent de ce simple monogramme V G., même les ceuvres dont il devait étre fier, comme le paysage du musée de Yienne,
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AALBERT CUIJP.                             209
peint en collaboration avec Philips Wouwerman. Quand il écrit son nom en toutes lettres, il ne met parfois qu'un seul i et point de j. Cependant lc n° 184 du Louvre serait signé avec un y, selon Ie catalogue, quidoit avoir omis deux points sur son y, pour faire ij. Le vrai nom est d'ailleurs van Goijen, et le peintre a signé ainsi, au musée de Berlin, un beau petit paysage, date 1636.
Herman Sa ft leven, élève de van Goijen, et Jan van Bunnik, d'Utrecht, élcvede Saftleven, ontcha-cun un paysage. Nous les glissons a la suite du mai­tre de Leyde, mais nous réservons pour le paragra-phe des Paysagistes son autre descendance, la lignée légitime : Salomon van Ruijsdael et Jacob.
Aalbert Cuijp et ses sectateurs. — Aalbert Cuijp est aussi un maitre de la première heure, mais qui cependant trouva dans son père Gerritsz. Cuijp un guide déja cxpérimenté. Ce père Gerritsz. Cuijp, assez sauvage comme artiste, avait presque deviné certains cótés de Rembrandt. Avec un pareil pré-cepteur et la passion de la nature, Aalbert fut tout de suite un vrai bon peintre.
A l'exhibition éphémère de Manchester ', mieux que dans aucun musée du monde, on a pu admirer le Claude hollandais dans les grands paysages lu-
i Trésors iVarl, p. 265-272.
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mineux de sa troisième maniere, expression défi-nitive de son génie. « L'Allemagne et la France réunies, disait alors M. Waagen, n'auraient pas pu rivaliser avec Manchester pour .Cuijp. » Aucunc galerie ne pourrait rivaliser non plus avec Ie musée de Rotterdam pour les Cuijp de la première ma­niere. Il y en a onze, de sujets très-différcnts, quoi­que de la mème époque : trois Stilleven (nature morte), un Intérieur d'écurie avec chcvaux, uno etude de Tête de vache, un paysago, deux portraits d'homme, un Hommc dormant, magniiique étude terminée d'après nature, une esquisse de Paysanne avec son enfant et deux moutons, enfin un Coq et une poule, donné tout récemment (1860) par M. J. van der Hoop, et que je n'ai point vu. Tous ces ta-bleaux sont religieusement rasscmblés sur le.même lambris d'une des petites salles, assez bien éclairée, quoique la lumière venant de droite frappe la pein-ture a contre-sens.
Les trois nature morte sont de haute qualité. —■ N" 63 : de grosses pèches dans un plat; grappes de raisin; feuilles de vignc et de pecher dans rombre; des cerises en avant, sur Ie bord de la table. Signé des initialcs a. c. — N° 65 : sur une table, des pèches, des raisins, des feuillages. — N° 66 : un licvre, un coq, des pigeons, un martin-pêcheur, de petits oiseaux, quclques plumes détacbées, qui s'en-voleraient au vent aussi bien que les « plumes flot-tantes, » peintcs par Melchior dg Hondecoeter.
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AALBERT CUIJP.                             211
Aalbert Cuijp est certainement Ie premier des peintres pour rcprésenter les oiseaux morts, les fruits et les objets inanimés. Son chef-d'oeuvre en ce genre est sans conteste Ie grand tableau (5 pieds de large!) avec un homard et des pèches, dans la précieuse col-, lection de M. de Wildt a Amsterdam, collcction pres-que inconnue, oü 1'on rencontre deux portraits en pied, de grandeur naturelle, par Theodor de Keijser, et des portraits par Rembrandt, Ferdinand Bol, Santwoort, Nicolaas Maes, Anton Palamedes, Aal­bert Guijp, etc, toutes pciutures qui sont venues de 1'atelier des artistes dans la familie de Wildt et n'ont jamais été nettoyées. Il faut remarquer que ce fa-meux Homard est signé aussi des initiales en petites capitales et séparées.
Dans VIntérieur d'écurie sont deux gros chevaux pommelés, tournés a gauche, un chien rouge, un groom et quelques accessoires. Fond sombre. C'é-taient ces chevaux d'Aalbert Cuijp qui empèchaient Géricault de dormir! —Toujours les initiales a. c.
La tête de vache est un lambeau d'étude, presque de grandeur naturelle. Largement peint atoute brosse.
Le paysage est intitulé Vue de rivière. L'eau coule au pied d'une colline; sur un bout de terrain en avant, deux patres et des animaux assez faible-ment dessinés. La composition n'est pas heurcuse, mais les fonds a gauche sont pleins de lumière. La lumière papillote trop cependant sur les feuillages du premier plan et sur les terrains. On distingue
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encore, au bas a droite, un petit c, qui était sans doute précédé de 1'a.
LaPaysanne en corsage rouge, avec son enfant sur ses genoux, a été léguée au musée par Ary Scheffer, en 1858.
Les deux portraits d'homme, en buste, grandeur naturelle, un peu secs d'exécution , surtout Ie por-trait de vieillard (n° 67), ont beaucoup de carac-tère.
Mais Ie tableau curieux, et véritablemcnt rare dans cette interessante série, c'est Y Homme qui dort. Peut-être est-il mort? entre la mort et Ie sommeil il n'y a guère que la différence de la durée. Il semble que cette étude si profondément sentie ait du ètre faite pour conserver Ie souvenir de quelque vaillant homme qu'on avait perdu. Tout 1'arrange-ment donne plutót 1'idée d'un hommc sur son lit de mort que d'un homme endormi. La tète encadrée de longs cheveux chatains, et vue presque de face, mais en raccourci, repose en pleinc lumicre sur un vaste oreiller qui fait tout Ie fond, sauf un pan étroit de rideau tombant a droite et un angle sombre a gau-che en haut. Les blancs de la chemise dont on aper-coit Ie col et les épaules, les blancs du drap supé­rieur, étendu de travers en travers du tableau, se confondent presque avec les blancs de 1'oreiller, si bien que la tète est comme détachée au milieu de cette auréole de tons clairs. Une couverture de ve­lours noir, jetée en avant sur Ie drap, fait seulemcnt
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repoussoir et aide a comprendre que 1'homme dont on voit lc visage, dont on devine Ie torse sous Ie drap de lit, est couché horizontalement. C'est déja un tour d'adresse que eet effet de perspective, d'au-tant que la toile n'a que 41 centimètrcs de haut sur 64 de large. Et quel sentiment sérieux dans la tête, etquelle magistrale exécution, large et simple, juste cc qu'il faut, rien de plus; mais 1'effet est rendu.
Sur Ie coin du drap blanc, tout a fait a 1'angle du bas a droite, sont encore les initiales a. c.
Nous insistons sur cette forme de la signature, parce que M. Lamme et d'autres amateurs de Rot­terdam , qui considèrent Cuijp comme un de leurs concitoyens (Dordrecht est tout voisïn de Rotterdam) et qui Ie connaissent bien, ne sont pas convaincus comme nous que la marque a. c. indique la première époque du maitre.
Il est certain d'abord qu'on ne la trouve jamais sur les grands paysages lumineux, tels que ceux qui font 1'honneur des collections anglaises, la National Gallery, Ruckingham Palace, Rridgewater Gal-lery, etc, tels que Ie paysage du Louvre, n° 104, tels que ceux de certaines collections hollandaises, chez MM. Six , van Loon, van Rrienen, etc. ïous ces chefs-d'ceuvre, — peints a une periode assez avancée de la carrière de 1'artiste, sans aucun doute, quoiqu'ils ne soient pas dates, — sont signés uni-formément: A. cuijp, VA du prénom, élancé dans Ie genre de 1'écriture anglaise,—Ie c, de même gran-
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deur que les autres lettres du nom, — Vu, surmontó d'un accent presque horizontal, — IV et Ie/, rappro-cliés en y, portant chacun son point.
Au contraire, tous les tablcaux de nature morte, et 1'on s'accorde a les croire du commencement, sont signés a. c, quand ils ont unc marque. Quel-qu'un en a-t-il jamais yu avec Ie nom en toutes lettres?
Ensuite, les petits Intérieurs d'ócurie, avec che-vaux et des fonds sombres, tels que celui de Rotter­dam , les petites compositions avec un groupe d'ani-maux, sans beaucoup de paysage, les Intérieurs d'église, ne sont-ils pas encore de la première pe­riode, assez longue si 1'on veut, durant laquelle Ie grand praticien tout formé cherchait ccpendant les sujets qui eonviendraient Ie mieux a son génie? Eh bien, ils sont aussi, d'habitude, signés des sim­ples initiales.
Assurémcnt, lc petit paysage de Rotterdam n'est pas de la belle époque du paysagiste, et c'est pourquoi il n'a que Ie c. tout court.
Les portraits, en général, appartiennent encore a la periode primitive, et \oila que cette superbe tête de dormeur est correctement marquée de Ta. c.
Tenons donc pour très-probablc que la signa-ture par les initiales du prénom et du nom est une indication caractéristique de la première maniere d'Aalbert Cuijp.
Ce qui semblcrait s'opposer a cette classification de
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ABRAHAM VAN BORSSUM.                     213
ses oeuvres, c'est que dès lors il est aussi habile qu'il Ie sera plus tard. Sans doute, mais dans un autre genre, avec des tendances différentes et un style autre. Dans quelques écrits précédents, nous avions déja noté ces observations, que fortifie 1'ctude des pré-cieux tableaux de Cuijp, réunis au musée de Rot­terdam.
De 1'ami de Cuijp, Aart vander Neer, un pctit Clair de lune sur un village, très-fin et très-juste, et un Incendie nocturne.
Cc sont probablement ces peintures de van der Neer, outre celles d'Esaias Tan de Velde, qui dé-cidèrcnt chez van der Poel la passion des Incendies. Ce qu'il a brülé de villes, de villages et de chau-mières est incalculable. Fureur singuliere, dans un pays oü il y a tant d'cau. Heureusement que Ie feu prend toujours sur 1c bord de quelque canal qui peut servir a l'éteindre et qui, du moins, sert au peintre a faire refléter ses Hammes. Enregistrons donc un Incendie de plus par E. van der Poel; mais il ne s'agit, cette nuit, que d'une maison ruslique.
Abraham van Borssum, que nous avons déja rencontre a la galerie d'Arenberg ', imitant Aalbert
' Culerie d'Arenberg, p. 55.
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Cuijp, comme il 1'a imité dans un excellent tableau d'animaux (cité par Smith) a la galerie "van Loon, cherche ici les effets d'Aart van der Neer. Il a cher-ché quelqnefois Rembrandt, et peut-êtrc d'autrcs maitres encore! Aussi n'a-t-il point trouvé 1'origi-nalité, ni la renommée. C'cst pourtant un peintre habile, d'une touche ferme, et vrai coloriste. Son Clair de lune, au musée de Rotterdam, avec un vil-lage, de 1'eau, etquelques personnages, est signé, sans date : AVBorssum, les trois capitales ac-colées comme dans la signature de la galerie d'A-renberg.
Il paratt qu'un P. van Noort et un J. B. Wol-fart, dont on ne sait rien, si ce n'est qu'ils pei-gnaient en Hollande au dix-septième siècle, furent aussi des sectateurs d'Aalbert Cuijp. Yan Noort lui ressemble, de loin, dans un tableau assez largement peint,mais usé, représentant un Chat qui contemple des poissons morts. — 'Wolfart est 1'auteur d'un paysage avec animaux, dont il n'y a rien a dire.
Plus d'un siècle après sa mort, Aalbert Cuijp eut encore, dans sa ville mème de Dordrecht, un imitateur qui a fait des pastiches presque trom-peurs : Jacob van Strij, né en 1756, mort en 1815. Le musée de Rotterdam ne pouvait manquer d'avoir un van Strij : paysage montagneux, avec patre et troupcau; effet de soir. Il a même aussi un tableau
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LES PORTRAITISTES.                        217
de genre, par Abraham van Strij, frère, je crois, de Jacob, et mort seulement en 182o.— Reprenons Men vite la série de nos vrais maitres du dix-sep-tième siècle!
Les Portraitistes.—Nous avons déjaexaminé les portraitistcs primitifs, nés vers Ie temps de la Sépa-ration,— Miereveld, Moreelse, van Ravestein, Frans Hals, — et ceux de la plóiade rembranesque, — Fa-britius, Flinck, Victor, Salomon Koninck, Nicolaas Maes, Ovens, Bramer, van den Eeckhout, etc. Voici maintenant une foule d'autres artistes qui peignirent de grands portraits a la même époque que Rembrandt, sans dépendre directement de lui.
Le portrait fut une des principales applications de 1 art en Hollande, comme en Allemagne, comme en Angleterre, et en général dans les pays protestants, oü 1'individualité a son importance reconnue, oü 1'homme existe par lui-même, aussi bien qu'un pape et un empereur. Dans les pays catholiques, Ie portrait fut réserve pour les souverains de la terre et du ciel.
L Italië, si féconde en images ecclésiastiques, n'a point songé a nous transmettre des portraits bien autbentiques de Galilée, de Colomb et de ses grands bommcs, qui vivaient pourtant a la belle époque de la Renaissance, aü temps oü le jeune et divin Ra-phaël se préparait a immortaliser la tête de loup du pape Jules II et le miracle mystique de la Messe de
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Bolsène. Mais l'Allemagnc a conservé des centaines de portraits de Luther, un simple hérétique.
Qui a fait en France Ie portrait de Molière, valet de chambre de Louis XIV? on ne sait trop. Mais la Hollande a conservé quantité de portraits de son poëte populaire, Jacob Cats.
Lc peintre du Banquet des arquebusiers a 1'occa-sion de la paix de Munster, vak der Helst, une des gloires du musée d'Amsterdam, montre aussi main-tenant au musée de Rotterdam un de ses chefs-d'oeuvre, grand tableau large de 7 pieds, haut de 8, rassemblant les portraits de Rijklof van Goens, gou­verneur général des Indes hollandaises, de sa femme JacobenaBartholomeusz, de leurs deux fils, 1'un agé de quatorze ans, 1'autre de douze. Figures de gran­deur naturelle, coupées a mi-jambes.
L'homme est debout, de face, coiffé d'un grand chapeau noir par-dessus sa perruque, pourpoint ci-tron, riche baudrier brode d'or, hauts-de-chausses gris. Il prend la main gauche de sa femme, assise sur une chaise et superbement vètue de noir, avec une large guimpe blanche. L'autre main de la femme, nonchalamment abandonnée sur Ie velours noir, est d'une finesse de ton délicieuse. Devant eux, presque de profil, tourné vers la mère, leur plus jeune üls, avec de longs cheveux, un galant costume couleur de perle et un grand chapeau noir. A droite, Ie fils ainé, son chapeau gris a la mam,
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VAN DER HELST.                            219
présente une lettre. Il porte déja 1'épée, une arme de luxe, toute dorée , pendue au baudrier, en-jolivé de noeuds de rubans. Derriere les maitres, un Javanais, tète nue, debout dans la pénombre, tient Ie manteau rouge et la longue canne du gou­verneur.
Nous sommes a Batavia, il ne faut pas 1'oublier. On ne s'en douterait guère a la qualité de la lumière, a la température de 1'air, a la couleur de la terre et du ciel. Van der Helst, qui n'est jamais sorti de la ilnllande aquatique, brumeuse et froide, n'était pas obligé de connaitre la couleur du temps a Java. C'est cependant la rade de Batavia, la plage javanaise et la mer des Indes, qu'on apercoit la-loin, derriere un premier fond d'arehitecture avec un gros fut de co­lonne, quelque terrasse ou péristyle de 1'habitation, probablement. Et sur cette mer censée tropicale, on distingue même des navires qui s'en vont transférer au Nord les richesses du Sud.
Cette peinture de premier ordre, signée : B. van der Helst f. 1656, a été donnée récemmentaumusée public, par M. Nottebohm* qui possède lui-même a Rotterdam une riche collection de tableaux mo-dernes : Decamps, Marilhat, Horace Vernet, Ary Scheffer, Gudin, Meissonier, Gallait et Wappers, Achenbach et Lessing, etc. Il a aussi quelques peintures anciennes : un Gerard Honthorst, date 1624 ; des Hondecoeter; un Hendrik van Steenwijck Ie jeune, avec des figures a mi-corps, de grandeur
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naturelle, ee qui est curieux, et, ce qui est plus in­teressant encore, avec la date 1644. La dernièredate constatée sur des ceuvres de II. van Steenwijck Ie jeune, dont on ignore la date de mort en Angleterre, était, jusqu'ici, 1642'.CeSteenwiickauraitdoncvécu cinquante-cinq ans, pour Ie moins.
Il parait que 1'honnète nabab de Batavia paya son portrait 2,000 florins a van der Helst. Si ce n'é-tait guère pour un gouverneur général des lndes, c'était terriblement cher a Amsterdam en ce temps-la. Mais van der Helst avait sur ses rivaux 1'avantage d'obtenir de hauts prix de ses oeuvres . « C'était, dit M. Schcltema2, la conséquence naturelle du genre spécial qu'il avait choisi. Il peignit exclusivement des tableaux de portraits [portret-stukken); ses tra-vaux étaient donc toujours commandés; ils étaient tout a fait dans Ie gout des bourgeois les plus nota­bles, et ils se payaient certainement très-cher. Rem-brand, au contraire, ne pcignait pas seulement des portraits, mais il produisit par Ie pinceau et Ie burin krJtes sortes de compositions, dont Ie prix vénal était plus variable et Ie débit" incertain. Il est connu que van der Helst recevait cent dueats d'un portrait jus-qu'aux genoux; les prix que Rembrand pouvait ob-tenir réellement de ses oeuvres étaient insignifiants,
1  Voir sa notico au catalogne du Louvre.
2  Notice sur van der Helst, annotée par W. B., dans la Revue universelle des Arts, t. V, p. 193.
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PIETER NASON.                              221
en comparaison des sommes élevóes qu'on y consacre de nos jours'. Van der Helst put donc vivre dans 1'aisance, et, en mourant, laisser de grands biens a sa femme et a ses enfants, tandis que Rembrand tomba dans 1'indigcnce et dut ceder a ses creanciers tout ce qu'il possédait... »
Ce contraste entre \an der Helst et Rembrandt, tracé par M. Scheltema, est de 1'histoire uurverselle et perpétuellc. En tout pays et en tout temps, les portraitistes accrédités ont fait fortune; mais combien de grands artistes in-venteurs sont morts dans la misère!
Van der Helst a encore deux autres portraits au musée : un Amiral et un Vieillard, tenant d'une main son chapeau et de 1'autre ses gants; acbeté par la direction en 1834.
Pieter Naso, ou JNason, est censé son disciple. Deux pendants, un portrait d'homme et un portrait de femme, de grandeur naturelle, a mi-corps, avec les mains, ne manquent pas de qualités. Les ceuvres de ce Nason peu connu ne se retrouvent plus guère; on les attribue probablement a d'autres maitres. Il y a pourtant de lui, au musée de Berlin, un portrait
1 « En 1640, un petit tableau de Rembrand, représentant un homme en lunettes, fut vendu 31 florins 40 stuivers... La vente de Rembrand , oü il n'y avait pas moins de quarante tableaux de lui, n'a produit que 4,964 florins 3 stuivers. » (note de M. Schellema).
KUNSTHISTORISCH INSTITUU" RUKSUNIVERSITElT-UTteC
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d'homme, signé : P. Nason f. lGb'8, et rnênie un tableau de nature morte, pareillement signé, mais sans date. Le catalogue de la collection Moltke, a Copenhague, enregistre aussi deux portraits signés et dates 1648.
Nous avons déjanoté, au rausée d'Amsterdam, des portraits par Ludolf de Jong, qu'on dit élève d'An-ton 1'alamedes, de Cornclis Saftleven, et de Jan Bij-lert, dont Rotterdam possède un tableau. Mais de Jong n'cn est pas moins un sectateur de van der Helst, quoiqu'ils fussent tous deux a peu pres du même age. Il a fait aussi, comme van der Helst, outre des portraits détachés, de grandes compositions avec des arquebusiers, qui, a la vérité, sont eneore des portraits. Un de ces tableaux de Doek, représen­tant les officiers du Tir de Rotterdam, et peint pour leur association, est aujourd'hui au musée; les per-sonnages, de grandeur naturelle, sont rassemblés devant l'ancien hotel de ville; on apercoit a distance la tour de 1'église francaise. L'exécution en est large et savante; van der Helst lui-même ne faisait pas beaucoup mieux; et cette grande toile de Ludolf de Jong prendrait place, sans dommage, dans la belle série de représentations eiviques que les artistes de ce tcmps-la ont léguée a la Hollande.
A cöté de van der Helst se rangent aussi Abra­ham van den Tempel et Jacob van Loo, portrai-
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JACOB VAN L00.                             223
tistes très-distingués tous les deux, tels tru'on les voit au musée de Rotterdam.
L'homme et la femme, en pendants, par van den Tempel, sont assis et vêtus de noir. Pareillement, l'homme et la femme, de Jacob van Loo, sont assis et en noir, mais les figures sont entières, tandis qu'elles sont coupées aux genoux dans les portraits de van den Tempel. Chez 1'un et chez 1'autre, les mains sont bellement modelées, les physionomies vivantcs, selon leur caraetère hollandais. Van Loo, qui aimait Ie rouge, a rehaussé ses noirs par Ie con-traste de tapis rouges et de grands rideaux rouges. Comme Ie clair-obscur est bien ménage et Ie ton local gras et harmonieux, eet etalage de deux cou-leurs presque seules a réussi.
Il est étonnant que cc praticien abondant ait pu faire de petits personnages dans les paysages du vieux Wijnants et même du jeune Ilobbcma, comme on Ie dit. Pour Hobbema surtout, ca semble impossible: car il doit être né de 1625 a 1630, et il ne se mani­feste guère comme grand paysagiste que vers 1660; ses ocuvres supérieures datent memejde 1660 a 1670. Or, Jacob van Loo fut recu bourgeois d'Amsterdam Ie '24 janvier 1632, — c'est sa belle époque, — et vers 1660 il passait en France, ou, s'étant fait natu-raliscr, il entra a 1'académie de Paris, Ie 6 janvier 1663. L'académicien francais n'est pas revenu faire des bonshommes dans les paysages du Hobbema plus ou moins célèbre, et sans doute il n'en avait
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pas fait auparavant, alors que Hobbema commencait sa profession.
Les deux portraits de van Loo, achetés par la di-rection, en 18S2, sont signés : J. van Loo, 1653. Ceux de van den Tempel n'ont ni signature, ni date.
Le cataloguc du Louvre attribue a Jacob van Loo, outre le portrait de Michel Gorneille, une étude de femme presque nue (n° 275), la main droite sur le sein. Nous croirions plutót cette peinture, très-belle sans doute, de Cesar van Everdingen, le frère ainé d'Allart le paysagiste. 11 aimait ces femmes nues, a mi-corps, ou en buste, occupées a peigner leur che-velure ou a se mirer. Le ton de chair, un peu pale, rappelle son coloris mieux que le coloris de van Loo. Les deux maitres d'ailleurs se ressembleiit assez sou­vent, quoique van Everdingen — aurait-il été en Italië? — tourne parfois au gout ultramontain; van Eynden assure même qu'on a vendu de ses dessins pour des originaux de récole italienne.
Les grandes oeuvres de Cesar van Everdingen sont a Alkmaar, oü habitaient les deux frères, et, sui-vant Houbraken, un troisicme frère, Jan, qui aurait peint des nature morte. Au Pavillon du bois, a La Haye, dans la salie d'Orange, Cesar a signé aussi des compositions allégoriques.
Le portrait de femme, qu'on lui attribue au musée de Rotterdam, est assez analogue a une autre jeune femme qu'on lui altribue au musée de Bruxelles.
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JANSON VAN GEULEN.                        225
Au lieu d'aller en Italië apprendre leur métier, plusieurs artistes hollandais allèrent Ie pratiquer en Angleterre dans la première moitié du dix-septième siècle. C'ótaient surtout des portraitistes, attirés par la cour.
Un des plus illustres de cette petite bande d'émi-grés volontaires est Cornelis Janson van Geulen. N'était sa longue expatriation, nous 1'eussions classé avec les précurseurs de 1'école hollandaise, car il naquit a la fin du seizième siècle, en 1590, a Am­sterdam . Probablement d'origine allemande, — son nom 1'indiquerait : van Ceulen, de Cologne, — son talent est néanmoins tout hollandais d'abord, puis mèlé de flamand, après qu'il eüt peint huit années a cóté de van Dyck, a la cour de Charles Ier.
C'est sous Ie règne de Jacques I"r, en 1618, qu'il passaen Angleterre, et il y demeura jusqu'cn 1048. L'exhibition de Manchester ' offrait dix de ses por-traits, plusieurs avec des dates, 1624, 1627, etc. Walpole en cite un dato de 1618, 1'année même oü Ie peintre arriva a Londres. Toutes les ceuvres de cette periode anglaise, représentant les plus hauts person-nages, sont restées naturellemcnt dans les families aristocratiques de 1'Angleterre, et Ion n'en trouve-rait pas une seule sur Ie continent.
1 Le catalogue de Manchesier 1'appelle simplement Jansen (Cornelius); M. Waagen aussi, dans son catalogue de Berlin : « Cornelis Jansens, 4665, » sans plus. Du reste, ses portraits peintsen Angleterre sont, d'habiludo, signés C, J.,seulement.
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Mais Janson avait peint avant son départ, et Ie musée de Dresde, par exemple, possède deux beaux portraits, homme et femme, en pendants, signés : Cors Janson van Geulen fee. An. 1615 '. Il a sur-tout peint beaucoup après son retour. Le musée de Brunswick a de lui deux pendarits, homme et femme, signés : C. J. V. Ceulen fee. 16SS. Ratbgeber cite aussi, comme étant a Schwerin, un portrait signé : C.J. van Keulen, 1600. Car Janson n'est pas mort en 1656, date indiquée par le catalogue du Louvre, sur la foi de Nagler, et reproduit^ également dans les catalogues de Dresde et de Brunswick. Il est mort en 1665, non pas a La Haye, mais a Amsterdam.
Le musée de Rotterdam a réuni quatre portraits de Janson van Ceulen. Les trois autres musées pu-blics de la Hollande n'en ont point.
Un portrait d'homme (n° 54) et un portrait de femme (n° 56) sont assez ordinaires; un portrait de Guillaume II, prince d'Orange, a mi-corps, de gran­deur naturelle, est simple et fort; le quatrième por­trait, un Vieillard a barbe et cheveux gris, large lVaise molle retombant sur un costume noir, est extrèmement saisissant. Il y a du fantastique dans le
1 Le catalogue de Dresde supposo que van Ceulen est né a Londres, et, quoiqu'il donne la signature, il ócrit le nom par unK; le catalogue de Brunswick aussi. Les AUemands écrivent d'aillcurs quelquefois Koeln pour Coeln, Cologne. Et il parai-trait, d'après 1'indication de Ratligeber, ci-dessus reproduite, que lü peintre lui-raème aurait signé parfois : Heulen.
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HANNEMAN.                                  227
caractèrc de cette tète pale et éprouvée. Qa ferait un beau pendant a la Vieille femme de Jan Victor, car Ie Vieillard de van Ceulcn rappelle a la fois llem-brandt par 1'originalité de 1'effet, et van Dyck paria facilité elegante de 1'exócution.
Un autre de ces courcurs de fortune en Angle-terre, Adriaan Hanneman, est 1'autcur d'un portrait de Jan de Witt, date 1652. Le cataloguo inscrit, comme date de naissance du peintre, 1601; interver-sion des deux derniers chiffres, sans doute, au licü de 1610. Hanneman avait étudié d'abord chez van Ravestein, puis il alla travailler sous Danicl Mijtens, a Londres, s'éprit du style de van Dyck qu'il imita, et, après seize années de résidence en Anglcterre, il revint a La Haye, oü il mourut, en 1669 suivant M. Lamme, en 1680 suivant le catalogue du musée de Brunswick, qui possède trois tableaux de Hanne­man, autrefois a la galerie de Salzthal.
Une grande peinture a portraits, datée 1653, est rangée parmi les Inconnus (n° 399). Elle représente cinq Régents d'une corporation quelconque, trois as-sis, deux debout, tous en noir. Figures entières, de grandeur naturelle-, la toile a 2 mètres 69 de large, sur 2 mètres 7 de haut. C'cst un de ces tableaux, si communs en Hollande, que les gildes faisaient faire pour conserver le souvenir de leurs principaux membres et pour orner leurs établissemcnts. Mais
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de qui est cette peinture large et savante, sans ètre de premier ordre? Elle tient assez de Jacob Backer. M. Lamme la croit de A. Mijtens.
Cc A. Mijtens existe dans quelques biographics, sans qu'on sache précisément son prénom, et sans qu'on Ie distinguc bien nettement des autres Mijtens. Car cette familie, très-nombreuse, est encore de cel­les qu'il faudrait débrouiller. Les papiers écrits jus-qu'ici ne peuvent guère y servir. Van Eyndcn, par exemple, n'est pas clair sur les Daniel, A. et Arnold, Isaak, Jan, les Martinus, et autres Mijtens, Vil y en a '. C'est par la constatation des ceuvres, comme toujours, qu'on arriverait a reconnaitre les indivi-dualités. Nous indiquerons sommairement ici ce que nous en savons pour Ie moment.
Daniel Mijtens Ie vieux, d'abord. Celui-la n'est pas difficile a éclaircir. Ses portraits abondent en Angleterre, et 1'cxhibition de Manchester en a mon-tré six, dont un signé en or : Anno 1624. D. Mij­tens f et. Daniel était né a Lallaye en 1590. Le voila des 1624, hautement patronné en Angleterre. L'an-née suivante, a 1'avénement de Charles Icr au tröne, il fut, par la protection de M. Endymion Porter nommé peintre du roi. De Charles I" et de la familie royale, il a fait quantité de portraits en grand et en
1 Les Mijtens ne doivent pas être connus en France, car ils n'ont point de tableaux au Louvre, et aucun d'eux n'est mème oité dans le catalogue de ce musée.
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LES MIJTENS.                                2'29
petit. — Par parentbèse, les petits portraits de Char­les Ier et de sa femme, Henriette Marie, avec fonds d'ar-chitecturede Hendrik van Steemvijck Ie jeune, cata-log'ués au musce de Dresde (nos 265 et 2G6) comme Gonzalcs Coques, sont parfaitement de Daniel Mij— tens, ainsi que 1'ont déja noté Smith et M. Waagen. — Il troiiTa aussi Ie temps d'exécuter de belles copies des sept cartons de Raphaël, que Charles Icr venait de conquérir pour 1'Angletcrre, et qui sont encore a Hampton Court. Les copies de Mijtens appartien-nent aujourd'hui a la duchesse de Dorset.
Lorsque, en 1632, van Dyck arriva triomphant a Londres pour y demeurer, Daniel se crut perdu. Mais bientöt les deux artistes furent bons amis, et 1'illustre Flamand fit même Ie portrait du Hollan-dais. Cependant, presque tout de suite, en 1633, Daniel quitta 1'Angleterre et reparut dans sa ville natale, oü, bien longtemps après, il peignit un pla­fond a 1'hótel de ville, en 1656 suivant Houbraken et Immerzeel, en 1658 suivant Smith.
Puisqu'on appelait ce Mijtens Daniel Ie vieux, il faut donc qu'il y ait eu un Daniel Ie jeune. En effet, un Daniel Mijtens, « célèbre a La Haye en 1667, comme peintre de portraits, » était né dans cette ville en 1636, selon van Gooi, et il y mourut en 1688. N'était—il point un fils de notre Daniel Ie vieux, revenu d'Angleterre en 1633?
Van Dyck a fait aussi Ie portrait d'Isack Mijtens, gravé, ainsi que celui de Daniel, dans la série des
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Portraits d'artistcs nóerlandais. Puisque van Dyck 1'a peint, il existe certainement. Je connais d'ail-leurs un portrait signé de lui, au musée de Berlin : I. Mcytens 1606. Isack doit êtrc un frère ainé de Daniel Ie bon.
Weijerman cite, comme excellent peintre de por­traits , un Martinus Mijtens, « frère et disciple d'Isack, » et inscrit en 1667 sur la liste de la gilde des peintres de La IJaye. Cette date, 1667, pourrait bien trahir une confusion avec Ie Daniel junior de van Gooi. —- II y a encore un Martinus II (si toute-fois ce n'est pas Ie mème que Martinus I"), peintre a la cour de Suède, et un Martinus III, son petit-fils, né en 1693, a Stockholm, peintre de Marie-Thérèse d'Autriche, et mort a Vienne, en 1770, lesquels descendent, dit-on, des Mijtens de La Haye.
Quant au Jan Mijtens, c'est probableitient un mythe, quoiqu'on trouve ce prénom dans un cata-loguede vente, La Haye 1740. Peut-être a-t-oii pris 1'initiale d'Isack pour 1'initialc de Ian. VanEynden so doute de cettc méprise, et il rappelle que la mème invention a cté commise au sujet d'un fabuleux Thomas de Keijser, « auteur d'un portrait du poëte Vondel, » et qui n'est autre que Theodor de Keij­ser, Ie grand peintre, d'ailleurs si peu connu hors de la Hollande. L'ancien catalogue d'Amsterdam attribuait aussi a ce fantastique « Johanncs Mijtens, né a Bruxclles en 1612, suivant Immerzeel, » deux portraits, signés en róalité : AMijtens F : A° 1668,
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LES MIJTENS.                            231
VA formé au moyen d'une barre, entre les deux pre-miers jamLages de VM; Ie nouveau catalogue donne maintenant Ie fac-simile décisif de ces deux signa*-tures.
\7oila Ie A. Mijtens a qui M. Lamme attribuerait volontiers les portraits de Régents, du musée de Rotterdam, Iloubraken et van Gooi ne Ie mention-nentpoint. Mais on connait de lui diverses peintures, d'après lesquelles on suppose qu'il a vécu a La Haye, de 1G12 a 1G60. Etait-il un frère de Daniel Ie vieux? N'est-il point Ie père de Daniel Ie jeune, qui serait ainsi Ie neveu et non Ie fils du célèbre peintre de Charles Ier?
Restc un autre A. Mijtens plus ancien: Arnold, qui travaillait en Italië, qui vint « visiter un de ses frères a La Haye,» selon van Mander,et qui mourut a Rome en l(iO2; il parait qu'il était né en 1340. Le musée de Cassel possède de lui un « Jupiter caressant la nymphe Calisto, » qui prouve, en effet, que 1'auteur s'était italianisé. — Mais quel était ce frère qu'Ar-nold vint visiter a la fin du seizième siècle? N'était-ce point le père de 1'autre A. Mijtens? ou bien de notre grand Daniel 1'Anglais? Peut-être le père des deux, qui peut-être étaient frères?
Que de peut-être et de probablement, que de points d'infenogation il faut employer, quand on cherche a éclaircir 1'histoire de cette ancienne école hollandaise! pas si ancienne cependaut: deux siècles! — Qu'est-ce donc, quand on s'enfonce dans 1'his-
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toire des maitres primitifs du quinzième sièele!
Un descritiques francais les plus érudits, M. J. Re-nouvier, dans la Revue universelle des Arts, re-proche a 1'auteur du Musée d'Amsterdam de négli-ger les artistes qui peignaient en Hollande au teinps des van Eyck. En conscience, il y a déja de quoi ab-sorber la vie d'un homme, rien qu'a débrouiller 1'école de Rembrandt, Ie beau ténébreux. Si la pein-ture des maitres du dix-scpticme siècle est lumi-neuse, leur biographie ne 1'est guère. Mais, du moins, on a leurs oeuvres pour s'éelairer. Tandis que les ceuvres authentiques des Aalbert van Ouwater, des Gerard de Saint-Jean et de leurs contemporains, 011 sont-elles? — Quelques vieux panneaux sur les-quels se disputent nos amis les docteurs allemands.
De tous les maitres hollandais, antérieurs a la Sé-paration de 1579, j'avoue que je n'en connais guère qu'une demi-douzaine, et Ie peu que j'en sais, c'est parce que j'ai vu de leurs peintures incontestables : Dirk Stuerbout, Cornelis Engelbrechtsen, Lucas de Leyde, van Schoorl, Antonie Mor. lis suffisent pour faire une introduetion a 1'école de la Hollande alï'ran-chie, et c'est cette éeole-la qui inspire tant d'intérêt, a cause de sou caractère nouveau, de son originalité tout exceptionnelle, contrastant avec les antiques écoles plus ou moins catholiques et monarchiques, et même avec les écoles qui lui furent contemporaines dans les autres pays oü subsistèrent Ie despotisme et la superstition.
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P0RTRA1T1STES.                              23ii
II ne reste plus guère a montionner en portrai-tistes, au musée de Rotterdam, que les ouvriers de la décadence a la fin du dix-septième siècle, les van der Wcrff, Adriaan et son frcre Pieter, Jurriaan Pool, mari de Rachel Ruijsch, Arnold Boonen, élève de Schalcken; puis, une série de portraits qui n'appartiennent plus a 1'art véritable, mais qui rap-pellent des hommes d'une notoriété quelconque en Hollande, au dix-huitième siècle, au commencement du dix-neuvième, et jusqu'a nos jours.
Le portrait peint par Jurriaan Pool, né en 1666, mort en 174u, est celui du père de sa femme, de Frederik Ruijsch, professeur d'anatomie a Amster­dam. — Don de M. Lamme a son musée, en 1858.
Arnold Boonen, né en 1669, mort en 1729, a fait, comme ses prédécesseurs, de grands tableaux ras-semblant des portraits de directeurs de corpoi'ations. Nous en avons déja cité un (p. 18), qui est conservé au Leprozenhuis d'Amsterdam. Ses deux tableaux au musée de Rotterdam sont peu de chose : un petit portrait d'hornme, et un Vieillard occupé d lire.
Un grand portrait équestre de Guillaume III, le prince d'Orange devenu roi d'Angleterre, est date 1683, et sans doute signé : ïheodor van de Wuier.
Jan Stolkcr, 1724-1785, a peint les Rérjents de la (jilde des marchands de viti k Rotterdam, et un por-
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trait d'homuie;—Jurriaan Andricssen, 1742-1819, Ie por trait de J. Kobelld'Utrecht; — J, A. Bauer, de Ilarlingen, Ie portrait du donateur de la collection avec laquelle on a commencé Ie musée, M. Boymans; — enfin, Jan Baptist Scheffer, Ie portrait du dessinateur Dirk Langendijk,
J. B. Scheffer, né a Hambourg, mort a Amster­dam en 1809, est, comme on sait en France saus doute, Ie père de M. Ary Scheffer. 11 avait étudié chez Tischbein, et il peignit d'abord de pelits ta-bleaux de genre, dont on voit même, au musée de Rotterdam, un exemplaire : Cuisinière qiri préparé des choux. Il épousa la fille du peintre Arij Lamme, grand-père du directeur actuel du musée. Madame J. B. Scheffer aussi était artiste, et peignait adroite-ment la miniature. — DeM. Ary Schefler lui-même, il y a au musée de Rotterdam un tableau donné par sa fille, madame Marjolin : Tète de Faust, étude.
Parmi les tableaux de peintres inconnus, on ren­contre encore divers portraits interessants, du moins par la qualité des personnages qu'ils représentent : Érasme, Louise de Coligny, Ie roi Charles I" d'Aii-gleterre et sa femme, Guillaume Ier et Guillaume V, princes d'Orange, etc.
Paulus Potteu et ses adhérents. — Lo seul Paul Potter du musée a été une belle peinture, tres—fati—
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guée aujourd'hui, malheureusement. Unbuuuf blanc, debout, tourné a droite, se détache en clair sur un ciel sombre. Paulus aimait ces contrastes entre les animaux tranquilles et la nature menacante, et il y réussissait a rnerveille. En arrière du boeuf est un simple tronc de saule, bien maigre et bien triste, et Ie paysage n'est qu'une bande de paturagc plat. Il parait qu'on a quelqucfois désigné ce tableau sous Ie titre : YAmant de la belle Europe! « O mythologie! s'écrie M. Yiardot, dans son analyse du musée de Rotterdam, c'est un boeuf qu'on prend pour Jupiter enlevant la fille du roi de Phénicie, la mère de Minos et de llhadamante! » — Si encore c'était Ie jeune Taureau du musée de La Ilaye, les amateurs de 1'art mythologique n'auraient point a se scanda-liser.
Voici bien une autre affaire : une espèce de paysage, représentant une plage avec des pêeheurs, des promeneurs et une voiture attelée de deux chevaux blancs, peinture assez grossière, mais vigoureuse de ton, est signée P. Potter, et datée 1662! Serait-clle de Pieter, Ie père de Paulus? Mais Pieter, né a Enkbuizen en 1587, mourut vers 1642 : on Ie dit, je n'en sais rien. Peut-ètre a-t-il vécu longtemps en­core après son fils, mort si jeune, et, en 1662, il n'auraitcu que soixante-quinze ans. Peut-être aussi Ie troisième ehiffre, qu'on prend pour un 6 dans cette signature, est-il un 4, et alors la dak; 1642 n'a
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rien d'étonnant, et Pieter pourrait ètre 1'auteur de la peinture. — Nous yoila retombés dans les peut-ètre, les mais, les si, les pourquoi, les conditionnels et les abhnes d'interrogations!
Mais n'y eut-il point d'autres peintres du nom de Potter que Ie célèbre Paulus et son père?
A propos d'un paysage de la galerie d'Arenberg, nous avons déja signalé un singulier tableau de la col-leetion du vicomte Dubus de Gisignies a Bruxelies, lequel, quoique signé:P... Potter, ne ressemble guère aux osuvres de Paul.
Il y a aussi, a l'hotel de ville de Haarlem, un tableau qui nous a toujours lort intrigué : des Oiseaux morts, de grandeur naturelle, superbes de couleur, a\ec une signature F. Potter! Le nom est parfaite-ment lisible; seulement 1'initiale du prénom peut faire un P aussi bien qu'un F, ces deux lettres ayant beaueoup d'analogie dans 1'espèce d'écriture anglaise adoptée par ce F. Potter, comme par Paulus et Pieter. En tout cas, ces Oiseaux de Haarlem sont peints avec l'ampleur de Cuijp ou de Fyt, tout au rebours de 1'exécution sobre et serrée de Paulus.
Dans les catalogues de Gerard Hoet, nous trou-vons encore une indication bien surprenante : a une Yentepublique, Amsterdam 1706, un paysage, vendu 150 florins, représente « le Bois de La Haye, par Paulus Potter, ètoff'è par Adriaan van de Velde! » Quand le glorieux Paul Potter quitta La Haye, pour aller inourir, un ou deux ans après, a Amsterdam,
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PAULUS POTTER.                         237
Adriaan avait treize ans! il était trop petit vraiment, — quoiqu'il ait peint et gravé bien jeune, — pour prêter son ètoffagc au « Raphaël des animaux. » Sans doute, les rédacteurs de catalogues y met­tent ce qu'ils vculent, et spécialement les catalogues reproduits par Gerard Hoet fourmillent d'erreurs et de bouffonneries. Néanmoins, en 1706, a Amster­dam, oü Adriaan venait de mourir, trentc-quatre ans auparavant, on devait encore savoir s'il avait collaboré avec un Potter quelconque.
Paulus aurait-il eu un frère, comme Ie suppose van Eynden ? Toujours parait-il certain qu'il eut des enfants durant ses quatre années de mariage. Nous avons cité, au musce de La Haye (p. 243), Ie curieux tableau de van Tilborg, oü, suivant Ie catalogue, « Ie peintre Potter, avec sa femme et ses enfants, se trouve parmi les eonvives d'un repas chez Adriaan van Ostade. » Les savants directeurs du musée de La Haye ne peuvent pas avoir inventé cette progéni-ture d'un artiste si populaire, qui demeura dans leur ville, —chez un boucher! Ie peintre d'animaux avait bien choisi son établissement! — et qui épousa la fille d'un de leurs concitoyens, de 1'architecte Bal-kenende. Pourquoi un de ces enfants, un fils, ne se-rait-il pas devenu peintre comme son père et son grand-père? Ce ne serait pas lui, cependant, qui pourrait avoir fait Ie tableau de Rotterdam, date 1662, car il n'aurait eu alors que dix a douze ans. Mais il pourrait avoir travaiüé avec Adriaan van de
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Velde, et surtout il pourrait ètre Ie F. Potter des Oiseaux de Haarlem.
Tout cela ne nous éclaire pas sur 1'auteur du paysage date 1662, et, si la date est irrécusable et point falsifiée, on peut seulement finir par supposer que Ie vieux Pieter Potter, père de Paulus, n'est pas dé^-cédé en 1642, et qu'il aurait encore travaillé huit ans après la mort de son flls. Ainsi soit-il.
Avec les Cami-iiuijsen va recommencer une autre antienne non moins discordante!
L'auteur de ces pércgrinations aventureuses dans un passé obscur, Ie chercheur presque isolé parmi de vieilles toiles et de vieux papiers, craint, bien souvent, qu'on ne s'intéresse guère a ses invesüga-tions obstinées, et même a ses trouvailles de hasard. La belle avance de savoir que Fabritius, 1'élève de Jlembrandt, n'a pas sauté avec Ie magasin a poudre de Delft, qu'un autre Delftois, nommó van der Meer, peignit très-bien des maisonnettcs a volets verts, qu'il y a trois Yictor, que Philip Kouinck n'a pas fait les figures de Salomon, que Ie nom de Ruisdael est pré-cédé d'un van, qu'xYalbert Cuijp a deux signatures pour ses deux periodes, que Jan Steen n'est pas né en 1636, ou que Ie père Potter pourrait bien «'ètre pas mort en 1642! C'est vrai, pourtant, que Ie sort de 1'Europe n'en sera point modifié! La grande con-quète, qu'un peu de luinière sur les ceuvres d'un petit groupe d'hommes, en un petit pays, en une
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courte durée de tcmps déja loin de nous! Ilélas! ver-rons-nous ainsi plus clair dans Ie présent? Peut-être, — toujours Ie mot de Montaigne et 1'idée de Shake-speare!—peut-ctre,du moins relativement aux arts.
On cite un homme qui eut la manie de consacrer son existence a 1'étude du hanneton. Peut-ètre avait-il 1'espoir et eut-il la chance d'af river ainsi a comprendre parfaitement l'histoire naturelledans sonuniversalité.
Connaissez-vous les Camphuijsen? Il y avait une fois un Dirk Raphaelsz. Camphuijsen, fils de chirür-gien, et qui se fit peintre. Neen 1586, il mourut en 1626, certainement. Il passé néanmoins pour un des maitres de Paul Potter, né en 1623 ; c'est diffi-cile a croire, malgré la précocité de Paulus. Certains biographessontd'avis, au contraire, qu'il fut « élève et imitateur de Paul Potter; » c'est plus fort! il est Vrai qu'ils ne savaient pas la date de sa mort. Smith, par exemplc, Ie supposant a mort a un agc avance, » 1'enregistre parmi les « sectateurs, » et il lui attribuc Ie grand et fameux tableau d'animaux, considéré comme original de Paul Potter au musée de Cassel.
Suivant Ie dernier des biographes hollandais, M. Christiaan Kramm, d'Utrecht, dans sa suite a Immerzeel, c'est Herman Camphuijsen, probablc-mentfils de Dirk Raphaelsz., qui auraitétéI'élèvede Paul Potter. Herman, selon Fusely, aurait eu un fils, qui fleurit de 1650 a 1670; et enfin il y aurait un J. C. Camphuijsen, de qui encore pourraient être les peintures a 1'imitation de Potter.
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Il faut ajouter un P. T. Camphuijsen, découvert ou inventé par Ie catalogue de la galerie royale de Christianborg (a Copenhague), comme auteur d'un tableau conservé dans cette collection, que nous n'a-vons pas visitée.
Au vieux Dirk Raphaelsz., « mort en 1626, « Ie catalogue du musée de Rotterdam attribue une cc Halte de villageois en voiture a la porte d'une auberge de campagne, » et M. Yiardot note aussi cette « Scène de village, de Raphaël Camphuysen, connu seulement parce qu'il fut Ie maitre de Paul Potter. y>
Cette peinture offre, en effet, certaines analogies avec Ie style de Paul Potter, surtout dans Ie modelé du cbcval attelé a la charrette, et dans quelques accents du paysage. Mais elle est assez lourdement empatée et d'une couleur assez monotone, tirant sur la suie. On y sent, toutefois, un praticien savant et énergique. La composition, Ie groupcment des per-sonnages, la facture des arbres, rappellent un peu Isack van Ostade.
C'est d'un Camphuijsen assurément, mais non pas de Dirk Raphaelsz., puisque 1'influence de Paul Pot­ter s'y découvre. Et c'est du même Camphuijsen qui a peint Ie grand chef-d'ceuvre attribue a Paul Potter au musée de Cassel; car Smith et Bryan Stanley, qui, comme lui, a contesté 1'attribution, ne se sont trompés que sur Ie prénom du véritable auteur. Les vieux amateurs de Paris peuvent se souvenir
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d'avoir vu au Louvrc, en 1814, cette toile de 8 pieds 8 pouces de large, sur 6 pieds 6 pouces de haut, représentant, de grandeur naturelle, une vache brune, debout, une vache noire et blanche, couchée, un rnouton debout et un mouton couché, et, en ar-rière, un paysan qui badine avec une paysanne por-tant deux seaux. La dimension du tableau est déja sans doute assez surprenante pour Paul Potter; cependant n'a-t-il pas fait, trois fois en sa vie, des animaux grands comme nature : les ours, les che-vaux et les chiens de la monstrueuse Chasse, du musée d'Amsterdam, — le cheval de son portrait équestre de Dederick Tulp, dans la collection Six van Ilillegom,—et lecélèbre Taureau, du musée de LaHaye, dont ces grandes vaches semblentune sorte de contre-partie? Composition, caractère et pratique, tout est si bien imité de Paul Potter, dans le tableau de Cassel, qu'on a pu le lui attribuer, sans invrai-semblance. — Mais ce n'est pas de lui. — Ce n'est pas non plus de Dirk Raphaehz. Camphuijsen, qui n'a jamais pastiche ainsi Paul Potter, puisqu'il est mort vingt et un ans avant la date (1647) du Tau­reau.
Ce qu'il y a de curieux, c'est que le musée de Cas­sel possède un autre tableau, paysage montagneux, catalogué « Theodor Kamphuysen; » — Theodor est la pour Dirk' (Dirk Raphaelsz.), comme le prouve
1 Theodor est la traduction franeaise du Dirk hollandais.
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la date de naissance 1586, ajoutée après Ie nom de 1'artiste. Et cette peinture est bien de Camphuijsen, non pas de celui quiapour prénom Dirk Raphaelsz., mais de celui qui a peint les grandes vaches.
Je connais encore quelques autres tableaux du móme Camphuijsen, — dont Ie prénom reste a trou-ver, — par exemple un excellent Intérieur de chau-fnière, avec un homme, une femme et deux vaches, en petite proportion, bien entendu, chez M. Ruhl, a Cologne, lc possesseur d'un petit SalomonKoninck, dont il a été question précédcmment.
S'il y a quelque part de véritables ceuvrcs de Dirk Raphaelsz. Camphuijsen, je n'cn ai jamais vu pour ma part, pas plus que des oeuvres du Herman ni du J. C, mentionnés par M. Kramm.
Mais notre tableau de Rotterdam est signc, et même en très-grosses lettres qui sautent aux yeux!
Ces traiispositions de prénoms d'une langue dans une autfü langue ont occasionné bien des embrouillements assez grotes-ques ; par exemple relativement a Stoop, 1'habile peintre et graveur, originaire de Dordrecht, qui travailla en Portugal et en Angleterre. Son prénom Dirk ayant été traduit Thierry ou Théodore, et en Portugal Roderigo, lui-même ayant signé, en Hollando D. Stoop, en Portugal Et. Stoop, et peut-être quel-quefois T. Stoop, plusieurs biographes ont fait trois peintres avec eet unique Dirk Stoop, moins connu qu'il nemóriterait do l'être, carses eaux-fortes sont excellentes, et plusieurs de ses tableaux, a une certaine periode de sa vie, sont comparables aux meilleures productions de 1'école liollandaise.
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LES CAMPHUIJSEN.                           243
II est signé du nom entier, précédé d'une initiale:
—  G. Camphuijsen!
L'auteur de tous les tableaux attribués a Dirk Raphaelsz., l'auteur des grandcs vaches de Cassel, 1'irnitateur assurément, sinon 1'élève, de Paul Pot­ter, Ie Camphuijsen dont on veut parier générale-ment, quand on cite une peinture sous ce nom, avait donc un prénom commencant par G!
G. ne peut pas faire Herman et ne s'accommode pas non plus avec les initiales J. C. de M. Kramm, ni avec celles P. T. de Christianborg.
Comment ce G. Camphuijsen, qui peut-ctre a signé pareillement ses autres tableaux, y compris ceux de Cassel, comment a-t-il échappé aux bio-graphes acharnés sur Ie vieux Dirk Raphaelsz.! Il est impossible cependant qu'on n'en trouwe pas tracé en cherchant bien.
Nous avons cherché, et, dans la liste des peintres recus bourgeois a Amsterdam, vers Ie milieu du dix - septième siècle, liste précieuse publiée par M. Scheltema, dans sa brochure sur Rembrandt, nous avons trouvé : « Govert Camphuijsen, de Gorcum, recu bourgeois d'Amsterdam, Ie 16 mars 1650.»
Gorcum est justement la patrie de Dirk Raphaelsz. Govert serait-il un des fils de Dirk? Ie fils qui aurait travaillé chez Paul Potter, et que M. Kramm désigne
— crronément? — sous Ie nom de Herman? Quoi qu'il en soit, l'auteur du tableau de Rotter-
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damestG.Camphuijsen,—probablement Govert, de Gorcum; la date de sa réception dans la bourgeoisie d'Amsterdam s'accorde très-bien avec 1'époque appa-rente des peintures de Rotterdam et de Cassel.
Un autre imitateur de Paul Potter, — Aalbert Klomp,— n'exige qu'une mention pour un paysage avec animaux, oeuvre lourde et commune, qui ne vaut pas celles du mème artiste au musée van der Hoop.
De mème que Cuijp eut encore, a la fin du dix-huitième siècle, un sectateur passionné,—van Strij,
— de mème Potter, un siècle et demi après sa mort, fut encore pastiche par Jan Kobell, fils de Hendrik Kobell, Ie mariniste, né a Rotterdam en 1751.
Jan naquit en 1782, et il eut du moins cela de commun avec Paul Potter, qu'il mourut très-jcune,
— a 1'age de trente-deux ans. Courte vie, mais grande renommée, — qui ne devait pas ètre tres-longue hors de son pays. Cependant Kobell est tou-jours très-estimé des amateurs hollandais, et ses ceuvres sont casées dans les collections les plus choi-sies. Il a, au musée de Rotterdam, un paysage avec trois vaches et des moutons, et un autre paysage avec deux boeufs. Le roi qui fut imposé un moment a la Hollande, Louis JNapoléon, parle avec éloges de Jan Kobell, dans un roman intitulé : Marie, ou les peines de Famour'.
1 Van Eyndci), II, p. i81.
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JAN LE DUCQ.                               245
Jan le Ducq. — On veut absolument que Jan Ie Ducq, né a La Have en 1636, ait été élève de Paul Potter', et qu'il ait peint des paysages avec de petits animaux. Smith n'en croyait rien, et il déclare qu'il n'a jamais vu de tableaux de Jan le Ducq dans ce genre-la. Ou seraient-ils, s'il en existe? Tous ceux qui sont catalogués dans les galeries de l'Europe, a Munich, a Carlsruhe, a Gotha (six tableaux), a Dresde, a Berlin, a Copenhague, représentent inva-riablement des scènes de soldatesque, des intérieurs avec figurines.
A Darmstadt seulement, le catalogue, distinguant deux le Ducq, attribue a « J. A. le Dück, né 1636, il671, élève de Paul Potter, un Intérieur avec un lionune et une femme jouant au trictrac, » et a « JohannleDucq, né 1636, i1672 (sans indicationde maitre), un Baiuf blanc et rouge, une vache brune et des mout ons dans un paysage... Signè du nom.y> Voila qui est admirable, que de ces deux le Ducq, dont le nom ne s'écrit pas de mème, dont la date de mort n'est pas la mème, et dont l'un avait été élève de Paul Potter, précisément ce ne soit pas celui-ci qui ait peint les animaux au paturage!
1 Eu tout cas, il n'eüt pas ètudié longtemps chez le grand artiste, qui abandonna La Haye en 1652 pour aller habiter Amsterdam. Jan le Ducq n'avait alors que seize ans, et, a supposor que, tout enfant, il eüt reru quelques lerons du maitre, rien d'étonnant a ce qu'il n'eu ait pas suivi lo style et aduptó lts bujels.
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Il est regrettable aussi que lc nom signé sur ce tableau n'ait pas élé reproduit, pour voir.... Nous n'avons jamais vu une signature d'un Jan Ie Ducq quelconque, élève ou non de Paul Potter. Le vrai Jan le Ducq des scènes de soldatesque et des Con-versations galantes ne prenait jamais la peine de signer, a ce qu'il semble. Sauf pourtant sur deux eaux-fortes, l'une signée Joh : leDucq. Fecit i6(il, 1'autre : /. Le Ducq fe. 1662; et ces eaux-fortes, il est vrai, représentent des Chiens. Ces chiens suffi-sent-ils pour rattacher le capitaine le Ducq au pein-tre des vaches et des taureaux ?
Et qu'est-ce encore, dans le catalogue de Darm-stadt, que ces doubles initiales J. A. des prénoms du premier « le Dück »? évidemment, il y a la une con-fusion de J. le Ducq avec un certain A. Duc, qui a signé ainsi un tableau du musée de Vienne, et que 1'on rencontre deux fois, en 1737 et en 1734, dans les Catalogues de GerardHoet, oü le nom estécrit de deux manières différentes: A. l'e Ducq et A. le Duck.
Outre ce A. Duc, oublié aujourd'hui, etdont, mal-gré le tableau du musée de Vienne, 1'existence est mème assez problématique, on confond parfois avec Jan le Ducq un Jacob Duc ou Duck, inscrit en 1626 comme maitre dans la gilde de Saint-Luc, a Utrecht; il y demeurait encore en 1646. Dans les archives d'Utrecht', son nom est toujours orthographié :
1 Christiaan Kramm.
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JAN LE DUCQ.                               247
Duck, mais lui a signé une eau-forte d'études pour 1'Adoration des mages : I. Duc Fecit et excudit, et une autre eau-forte d'homme debout: I. D. inve. f. A". 1664. —Le A. Duc du musée de Vienne ne serait-il point tout simplement ce Iacob Duc' de la gilde d'Utrecht?
Jacob Duc, comme Jan le Ducq, peignait ordinai-rement des scènes familières. Les biographes hollan-dais se sont demandé si Jan n'était pas le fils et 1'élève de Jacob. Van Eynden supposait que le peintre d'Utrecht, après sa réception dans la gilde en 1626, pouvait avoir été vers 1630 habiter La Haye, oü Jan naquit en 1636. A quoi M. Kramm répond qu'il tient son homme jusqu'en 1646 au moins, dans sa ville d'Utrecht. ïrès-bien, et peu importe : on est toujours sur d'être le fils de quelqu'un, et Jan se passera du père Jacob.
Le musée de Rotterdam possède un chef-d'oeuvre de Jan le Ducq, ce qui est rare, car ce petit peintre, très-babile sans doute, est souvent assez vulgaire; oui, un tableau comparable a ceux de Terburg, aussi fin de ton, aussi léger de touche, aussi spirituel d'ex-pression, aussi elegant de tournure, un peu plus mince de style, seulement. Jan le Ducq a d'ailleurs imité très-heureusement ïerburg dans beaucoup de
1 Le catalogue du musóo do Vienne dit, pour tout rensei-gnement, que « A. Duc florissait vers 1652. » Cette date con-viendrait assez bien a Jacob.
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dessins recherches par les amateurs hollandais.
On fait une partie de cartes. Cinq personnages. Au milieu, une jeune femme, assise de profil a droite, tête nue, boucles de cheveux blonds, robe noire, tient son jeu. Derriere elle, et la main fami-lièrement appuyée sur son épaule, un gentil garcon, en chapeau gris et manteau gris, lui donne conseil. Le partenaire de la femme, en pourpoint gris, con-sulte aussi un autre gentleman, vu de dos, assis et accoté contre le lambris, avec un manteau doublé de velours écarlate, trainant sur le parquet, un pour­point de soie et un grand col brode, chapeau noir a larges ailes, bottes molles. Au-dessus de sa tète, un petit tableau accroché a la muraille. En arrière, de-vant la cheminée, un jeune homme dcbout boit un verre de vin. Fond gris, tout uni. Ces gris d'argent qui courent sur les fonds et sur les costumes sont ex­quis et domiucnt dans 1'harmonie générale, oü s'éteint délicatement, par le ménagement des demi-teintes, même le rouge du grand manteau. — Le tableau a aussi le mérite d'ètre pur et bien conservé.
Cette composition rappelle, on le voit, la fameuse Partie de cartes, de Terburg, aujourd'hui dans la collection van Loon a Amsterdam, et le charmant Intérieur hollandais, de Pieter de llooch, n° 224 du musée de Paris. Entre ces deux chefs-d'ceuvre, le tableau de Jan le Ducq fcrait encore son effet. Tous ces Hollandais du dix-septième siècle étaient si adroits praticiens et si üns coloiistes, qu'il peutarriverad.es
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JACOB OCHTEHVELT.                         249
peintres secondaires de s'élever presque a la hau-teur des maitres les plus éminents dans 1'école.
Le catalogue attribue au même Jan Ie Ducq un tableau avec des constructions «. italiennes, » — est-ce que notre artiste a jamais été en Italië? — avec un troupeau de bétail, avec deux mulcts et leur muie­tier. Tiendrions-nous, cette fois, 1'élève de Paul Pot­ter? Des mulets, cependant! Paul Potter ne connais-sait point eet animal hybride et exotique, chéri d'Asselijn, de Both, de Karel du Jardin et de Ber-chem. Maïs, d'ailleurs, le paysage italien dont il s'agit ne rappelle ni Paul Potter, ni même Jan le Ducq, tel du moins qu'on est habitué ale voir. Sans doute 1'attribution est fort hasardée.
Et pourquoi donc aussi le catalogue inscrit-il 1671 comme date de la mort de le Ducq, errcur perpétuée égalcment dans le catalogue d'Amsterdam et dans ceux de Berlin, de Carlsruhe, etc? Jan le Ducq, élu doyen dela gilde des peintresde La Hayc, le 20 octo-bre 1G70, continuait encore a la diriger en 1672, et c'est en cette dernière annóe que l'artiste se fit soldat pour defendre sa patriecontre les Francais. Entre au service comme enseigne ou porte-drapeau, on le re-trouve capitaine en 1692 et 1693. Tous ces faits sont éclaircis a présent', et la date de mort paralt ctre 1693.
Jacob Ociitebvelt. — Autre Par tic de cartes, en face de celle de Jan le Ducq, dans la grande salie oü
1 Kristiaan Kramm.
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sont ranges les meilleurs tableaux du musée. La peinture de Jan Ie Ducq nous rappelait Terburg; celle de Jacob Ochtervelt rappelle Metsu. lei ce-pendant, comme dans la plupart de ses oeuvres, Ochtervelt est plus rouge que Metsu, moins distin-guéde couleur, un peu vulgaire dans ses types. Mais sa touche est grasse, et les physionomies de ses per-sonnages sont vivantes. Il est encore de ceux qui, parfois, touchent aux maitres de premier rang.
Les partenaires du jeu, assis pres d'une table en bois de chêne, dans un intérieur elegant, sont, a gauche un cavalier, de profil perdu, et a droite une dame, en robe bleue et vue de face, L'homme jette ses cartes, et la femme montre en riant ses deux as: ce n'est pas sa faute si elle a gagné : c'est la faute du hasard, qui protégé les dames. Une grande belle ülle, debout et vue de dos, la tête de profil, les regarde; ayec son jupon jaune et son ample caraco rouge, bordé de fourrure Manche, elle se détache sur 1'avant du tableau, et.attire surtout Ie regard par son cos-tume eclatant. Cette excellente peinture est assez ana-logue a un autre Ochtervelt de la galerie Six, égale-nient composé de trois figures, et notre grande fille en rouge se retrouve aussi dans un tableau de la collection de Kat a Dordrecht.
Job Berkheijden.—II estconnu surtout, ainsi que son frere Gerrit, par ses vues architecturales, et un de ses chefs-d'ceuvre en ce genre, VIntérieur de l'an-
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JOB BERKHEIJDEN.                           231
cienne bourse dAmsterdam, est a Ia galerie d'Arcn-berg, n° 6*
Le yoici maintenant dans les Conversations ga-lantes, a la maniere de Terburg et de Metsn, si ce n'est que la conversation devient un peu libre et tourne aux déréglements que maitre Jan Steen se permet dans sesorgies —en peinture.
Il faut bien le raconter : nous sommes chez une courtisane. Elle, coiffée d'une mignonne fanchon blanche, est assise de face, précisément sous un vif rayon lumineux qui glisse d'en haut et zèbre la cbambre. Pour ne rien refuser a cette lueur descen­dant du ciel, 1'artiste a dégrafé le corsage rose de la coquette jeune femme, et le soleil, qoi a ses préfé-rences, éclate sur un sein demi-nu. On dirait que c'est la femme elle-même qui rayonne, et 1'ceil en est d'abord ébloui, et l'on a peine a distinguer autour d'elle les formes et les couleurs.
Quand on vient de regarder fixement une flamme trcs-ardente, on ne voit plus bien dans leur réalité les objets environnants : durant quelques secondes, tout semble comme une fantasmagorie vague qui danse dans le vide. Le, tableau de Berkheijden fait absolument eet effet-la.
Frottons-nous les yeux, pour discerner ce qui remuc dans les demi-teintes, très-transparentes après un éblouissement passager. Il y a du monde dans la chambre, et aussi une table couvertc d'un tapis turc, et sur la table un vase a liqueur, un verre, un cou-
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teau, un citron. Il y a un homme qui se modèle de dos dans la pénombre, mais dont une main s'égare du cöté du soleil, au-dessus du corage rose. De son autre main, il donne un pot k deux musiciens,. un joueur de viclle et un joucur de violon, groupés vers la gauche. Derriére la courtisane, une jeune camé-riste debout lui offre a boire.
Il est singulier que 1'Epo; hollandais n'aille jamais sans Bacchus! — Dans les boudoirs de Watteau et de Boucher, s'il y a des pots, ils sont de fleurs; s'il y des flacons, c'est pour y prendre des parfums.
Cette composition tient donc a peu pres Ie milieu entre Ie Tète-d-Tête de Gerard Honthorst (p. 201) et Ie Toast de Jan Steen, au musée van der Hoop (p. 114). Elle est signée du monogramme I1B acco-lés, 1'H pour Ie prénom Hiob ou Job.
G'était, bien sur, aux grands magiciens de 1'école hollandaise, a Rembrandt, a van der Meer de Delft, a Pieter de Hooch, que Berkheijden songeait ce jour-la, en peignant son coup de soleil sur la courtisane.
Pieter de Hooch. —II a lui-mème une oeuvre importante, au centre d'un des lambris de la grande salie. Si ce tableau était bien conservé, il vaudrait cber! Hélas! ce n'est plus qu'une ruine. Le maitre si brillant est tout assombri sur cette vieille toile rava-gée par le temps et par la main des hommes; elle a 1 rnètre 24 ccntimètres de large sur 1 mètre 3 centi-mètres! Je ne crois pas que Pieter de Hooch ait jamais
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PI ETER DE HOOCH.                            233
peint un plus grand tableau. Quel malheur! 11 y avait la neuf personnages de haute distinction, en train de faire de la musique, et sans doute un peu d'amour; les femmes si éveillées et les hommes si galants! lis y sant encorc, fuisant toujours ce qu'ils faisaient autrefois; les mêmes, avec leurs mêmes pa­rures, mais bien changés; les yeux ont perdu leurs flammes et les visages leur fraicheur; les broderies d'or ont noirci et les costumes se sont usés, — en deux siècles!
Au milieu, en avant d'une table servie, une jeune femme, assise de face, corsage bleu, brode d'or, jupe de satin blanc, un cahier de musique ouvert sur ses genoux, la main gauche contre Ie sein, tend, de sa main droite, un long verre de Bohème a son amou-reux qu'elle regarde avec tendresse, et qui lui verse, de haut, un vin petillant. Le jeune homme, debout, de profil, longs cheveux, son chapeau noir a la main, porte une écharpe dorée sur un pourpoint noir. A ses pieds, sur le parquet, est couché un grand chien brun, tigré de feu et de blanc.
Au coin gauche de la table, une femme en caraco jaune et jupon rouge, debout et presque de dos, accorde une guitare. Son cavalier, —on va presque toujours par couples dans ces tableaux dits de Conver-sation,— assis dans la demi-teinte, de 1'autrc cölé de la table, ouvre un cahier de musique. Derriere lui, a droite, sous 1'ombre d'une vaste cheminée surmontée d'un tableau, un vieux gcntilhomme, — un impair,
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— all urne sa pipe. Que faire, quand on est vieux ! Peut-être, néanmoins, fera-t-il tout a 1'heure sa par-tie de chant dans Ie concert déja commencé. Car, a eet angle du tableau, ou une chaise garnie de vert et une table a tapis oriental occupent Ie premier plan, une jeune fille pince de la guitare, et un jeune garcon joue de la clarinette.
Un quatrième couple s'est écarté un moment de la compagnie musicale, pour converser en liberté, sous une arcadea 1'entrée d'un jardin; on apercoit, par cette ouverture a gauche, un bout de maison et une statue en vive lumière.
Le fond de la pièce est une riche tenture a grandes raies verticales. Au plafond pend un lustre en cuivre.
Il y a encore de bien belles parties dans cette large et autrefois splendide composition. Mais toutes les ombres ont poussé au noir, — Pieter de flooch pei-gnait le plus souvent sur des préparations foncées, —toutes les demi-teintes ont été alourdies sans doute par des retouches successives, et, même dans les lumières, la touche primitive, frottée jusqu'au grain de la toile, a presque disparu.
Ce tableau, si capital pour le maitre, doit avoir une tradition connue. Malheureusement, le cata-logue n'indique pas les provenances; on les trouve-rait dans Smith, oü nous pensons que le tableau est décrit.
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L. BOURSSE.                                 255
L. Boursse. — C'est un sectateur, peut-être un élève de Pieter de Hooch. Il n'a guère de notoriété hors de la Hollande, et en Hollande même, ou son lalent est justement apprécié, on ignore jusqu'a son prénom. Uien de sa biographie, ni 1'indication de sa demeure, ni les dates de sa naissance et de sa mort. Et ses ceuvres ne sauraient aider a reconstituer sa personnalité, car elles ont circulé d'ordinaire sous la marque de Pieter de Hooch. Les signatures origi-nales en ont été enlevées, pour y substituer de faus-ses signatures, comme il est arrivé aux ceuvres de Hobbema.
On trouve donc rarement des tableaux de Boursse sous son nom. Dans les collections hollandaises, nous n'avons vu de lui qu'une femme en bonnet blanc, assise de profil, chez madame Hogdson (a Amster­dam), oü 1'on admire un Willem van de Yelde, de si line qualité, un paysage de Hobbema, un portrait de van Dyck, un curieux Paul Potter, date 1554,1'année de sa mort, dans une maniere toute rembranesque, et Ruiedael, et Gerard Dov, etc.
Le sujet du tableau de Rotterdam touche aussi a la galanterie, comme le scabreux Berkheijden. Seu-lement, nous sommes au lendemain de la fête, a Vaprès, qui est aussi l'avant; car, un episode fini, • c'est toujours a recommencer.—Se scandaliserait-on de ces peintures de moeurs, dans le pays de Watteau et de Boucher, de M. Vidal et de M. Gavarni?— Nous sommes au petit lever et a la toilette, dans la
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chambre a coucher, décorée de babioles gentilles et de tableaux appropriés aux mceurs de 1'endroit: une Léda, un Cerf, un paysage avec des bergères qui, passant un gué, se gardent bien de mouiller leurs cottes. La demoiselle, assise devant son miroir, au saut du lit, se met du rouge. Est-ce qu'ellc se sent paliedepuis hier soir?
Au fond de la chambre, a droite, une jeune ser-vante naïve regarde curieusement dans Ie lit et s'ap-prète a remettre tont en ordre. Ce coin du tableau serait digne de Pieter de Hooch, comme justesse de ton, dans une harmonie simple et vigoureuse.
La figure principale est d'un dessin plus faible, plus rond, plus moutonné. Il y a des poupées qui ressemblent a cettc petite... ah! si 1'on voulaitper-mettre Ie vrai mot, qui est synonyme de poupée dans Ie langage des enfants du peuple! — Sauf cela et quelques repcints, il n'est pas surprenant que ce tableau aitpu être baptisé l'ieter de Hooch. Aussi, la signature a-t-elle étópresqueeffacce. On en découvre cependant encore des traces suffisantes pour attester 1'attribution a Boursse.
Gerard Terbuug.—II est convenu, en général,
• que ce n'est pas au musée de Rotterdam qu'il faut
chercher les grands maitres hollandais dans leurs
bcaux exemplaires. Soyons contents si nousen tenons
des échantillons, niênie détériorés.
Les deux petits portraits de Terburg, l'homme et
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GASPAR NETSCHER.                         257
la femme, debout, en pied, peuvent avoir été par-faits dans leur temps. On perd, avec 1'age. L'homme, de trois quarts a droite, avec sa longue perruque et son rabat de guipures, a une assez.bonne tête; la femme, tournee en regard, est d'un type peu sédui-sant. C'étaient tout de inême gens de qualité, car ils sont vètus de noir, et, sous sa robe, la dame laisse entrevoir un jupon de satin blanc, finement ouvragé en fils d'or. Tous deux se découpent sur un fond neutre, de ton grisatre, dans une chambre nue, si ce n'est que Terburg y a mis sa table a tapis rouge et sa chaise couverte de velours rouge, meubles d'occa-sion qui lui ont servi souvent dans ses peintures, et sur lesquels il déposait tantót une draperie quel-conque, tantèt un vase ou une cassette ciselée. Nous n'avbns ici que Ie vaste chapeau noir du genülüomme a perruque.
Tout cela, il faut prcsque Ie deviner, a la hauteur oü sont places les deux tableaux, très-restaurés pro-babli in: nt, sans quoi M. Lamme n'eut pas manquó de les montrer dans la grande salie, a portee du regard.
De Gaspar Netscher', élève de Terburg, Ie mu-
1 A propos de Gaspar Netscher, Ie catalogue du Louvre a laissé échapper quelques inexactitudes : ce serait, dit-il, « a l'age de vingt et un ans,» que Gaspar Netscher aurait quitte Ia Hollaude pour aller en Italië, et qu'il s'arrêla a Bordeaux, « oü il s'est marie en 1559,» et oü Theodor est né en 1661. — Gaspar étant nó a Heidolbcrg, en 1639, n'avait pas encore
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séc de Rotterdam possède un portrait d'homme, de grandeur naturelle; ce n'est pas commun, et 1'ocuvre n'est pas mauvaise. Cependant Netscher est meülcur, et même très-bon, — c'est encorc assez rare, — dans un petit portrait de femme habillée en satin bleu, et qu'il a signé de 1'année précédant sa mort: CNetschcr Fee, 1683, Ie Cpour Caspar (on écrit encore ainsi son prénom en Hollande), accolé au premier jam-bagede VN.
Suivent ses deux fils, Thcodor, né a Bordeaux, et Constantin, né a La Haye, après Ie retour du père dans sa patrie adoptive. Tous deux cherchèrcnt a imiter Gaspar, et Constantin y réussit un pen mieux que son frère ainé. Mais il est rond, mou et lourd, a cöté du pèrc, qui n'est pas déja très-ferme, ni très-serré. Son portrait du princc d'Orange, devenu Guillaume UI, roi d'Angleterre, n'a d'autre intérêt que Ie personnage qu'il représente.
Le petit portrait en pied, par Theodor, parait être le portrait d'un acteur francais, et il est signé T. Netscher Pinxit, Parisi, 1681. Sans cette signa-ture authentique, on pourrait le prendre pour une atrocc copie. Il est vrai que Theodor n'avait alors que vingt ans et qu'il yenait seulement d'arriver a Paris.
Miehiel van Musscher, qui imite ordinairement
vingt ans a son depart pour 1'ltalie.— II parait certain anssi qu'il a travaillé en Angleterre, du moins selon Walpole (t. III, p. 92).
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ADRIAAN VAN DE VELDE.                   259
Metsu et van Ostade, ressemble beaucoup aux Net-scher dans un tableau très-vulgaire, oü trois enfants s'amusent a tresser des guirlandes de fleurs. Cette peinture estsignée: M. v. Müsscher Pinxit, 1690.
Adriaan van *de Velde. — Ses deux tableaux du musée de Rotterdam sont extrèmement interessants, comme oeuvres de son adolescence, comme indication de son point de départ.
C'est d'abord un paturage, avec une vache cou­leur safran, debout, de profil, très-bien dessinée et modelée, d'un ton exquis; derriere clle, un mouton couché, et une vache grisatre, couchée, vue de croupe et retournant Ie mufle de face. A gauche, des loin-tains, de petits troupeaux, quelques maisonnettes et des arbres. Très-beau ciel, fin et profond. Il n'y a point encore de bergers ni de paysans dans ce pre­mier essai de pastorale, signé en toutes lettres : A. V. Velde F. et date 1655. L'artiste, agé de seize ans, ne se risquait pas encore dans les figurines; mais il sait déja ses animaux; mieux que les arbres, qui sont très-enfantins. Il apprendra tout ce qu'il faut.
Le tableau du musée de Berlin, date de la mêrne année, offre a pcu pres la mème composition : une vache brune qui pait et une vache grise qui se repose; mais il est en hauteur : 10 pouces sur 8; celui de Rotterdam a les mêmes dimensions, a 1'inverse.
Cette date 1655 n'est pas irrécusable, nous devons le dire, sur le tableau de Rotterdam : le demier S,
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examiné de travers, a 1'air d'avoir au sonimet une espèce de boucle qui en ferait un 8.
Le second tableau d'Adriaan est justement de cette date 1658, bien nettement lisible, cette fois, a la suite de la signature entière, sur la droite. On pour-rait 1'intituler le Maréchal ferrant, ou le Cheval pommelé. La scène a lieu devant 1'atelier d'iin ma­réchal, qui bat le fer, a sa porte, dans 1'ombre sur la droite; pres de lui, sa femme, vue de dos. Au ïni-lieu, un jeune gars, a grand chapeau gris et veste brune, appuyé sur son baton, tient par un licou le beau cheval pommelé, en lumière; sans doute il a aussi amené 1'ane, poste modestement en arrière. Pour fond, des murs, d'un ton neutre, et, a gauche, une indication d'arcadc, précédée de quelques marches.
Le cheval et 1'ane sont très-bons; les figurines sont faibles encore, surtout dans le dessin des mains et des picds; c'est la qu'on juge les maitrcs. Adriaan cependant faisait déja des personnages dans les ta-bleaux de peintres alors célèbres, par exemple dans un Intérieur d'Anton de Lorme, date 1657, a la ga­lerie Six van llillegom.
Plusieurs de ses élèves ou imitateurs ont dos ta-bleaux estiinablesau musée de Rotterdam: Dirk van Bergen, un paysage, a\ec des vaches, des moutons, un cheval et de petits bergers; — Simon van der Does, une large ébauche, avec un boeuf et trois moutons dans un paysage italien, suivant le catalogue; je ne
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ADRIAAN VAN OSTADE.                        261
crois pas que van der Does ait été chercher par la ses troupeaux; — Pieter van der Leeuw, cinq paysages avec animaux, peintures très-rapprochées d'Adriaan. Pieter van der Leeuw était Ie jeune frère de Gabriel van der Leeuw, imitateur de Rosa de Tivoli, et dont nous avons a Rotterdam deux paysages italiens: toute cette génération, née au milieu du siècle seulement, n'a plus fait que pasticher ses prédécesseurs. Pieter fut recu, en 1669, dans la gilde des artistes de Dor­drecht, et, en 1678, il en était Ie directeur. Il y a de ses habiles pasliches qui ont passé et passent encore pour des originaux d'Adriaan van de Velde.
Adisiaan van Ostade. — Je prends Ostade comme tète d'une file assez ldhgue qui a processionné en Hollande, durant Ie dix-septième siècle, a travers les moeurs populaires, dans les hótelleries et les caba­rets, dans les rues de village et par les grands che-mins, dans les intérieurs de familie et les ateliers de travail. Ce n'est pas que lui-même, Adriaan, attire l'aUention au musée de Rotterdam. Il n'a qu'un petit tableau d'une seule figure, car on ne peut en conscience accepter comme original un autre tableau qu'on lui attribue : Joueur de vielle et joueur de vio-lon, arrètés devant une porte et entourés de gamins. Si par hasard c'a été de lui autrefois, il faut qu'on ait óté, ou caché, tout ce qu'ü y avait mis.
Le petit tableau qui est vrai, et móme de bonne qualité, représente une sorte de vieux philosophe,
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assis dans son cabinet d'étude et lisant, appuyé contre une table a tapis turc, sur laquelle sont des livres et des papiers.
Il se trouve que Jan Steen a peint Ie même bon-homme, assis devant sa table pareillement, presque dans la même attitude, mais occupé a tailler sa plume. Au lieu de lire, il va écrire. Ce personnage, reproduit par les deux grands artistes, pourrait bien être quelque savant dont on découvrirait Ie nom en feuilletant les recueils iconographiques. Il a une tête intelligente et fine, assez narquoisc dans sa bonho-mie. La signature de Jan Steen est sur un des papiers qui encombrent la table.
Une remarque, en passant : dans les innombra-bles tableaux des très-nombreux peintres hollandais qui travaillaient au même temps et en mêmes lieux, les memes modèles ne reparaissent jamais chez des artistes différents. On ne se prêtaitpas des poseurs de profession, types banals, roulant d'atelier a atelier, après avoir rouló dans les ruelles, sortes de manne­quins vivants, bons a tout faire, déguisés tantöt en alchimiste, tantót en Wrogne, tantót en musicicn, en fumeur d'estaminet ou en berger de pastorale. Brouwer, les van Ostade, Jan Steen, et aussi Terburg, Metsu, Pieter de Hooch et tous les autres, prenaient de vrais personnages sur la nature, acteurs habituels des scènes que 1'artiste voulait représenter. Les buveurs et les balailleurs de Brouwer, les paysans
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de van Ostade, les ribauds de Jan Steen, ne sont point des masques de carnaval, mais des individualités réelles et caractérisées. Voila une des raisons pour­quoi la peinture hollandaise a tant de naturel et de justesse.
Les Italiens de la Renaissance faisaient des Vénus ou des Madones indifféremment avec leurs mai-tresses. Dans Ie grand art mythologique et allégo-rique, il n'y a point, en effet, de réalité a saisir sur la nature. Vénus n'cst-elle pas dans 1'Olympe, et la Vierge dans Ie Paradis ? Les modèles de tous ces per-sonnages fantastiqucs ne descendent point sur la terre a 1'évocation des peintres. Force est donc de les composer avec des éléments approximatifs. Voila pourquoi la peinture italienne est souvent creuse et fausse, pourquoi elle devait tomber,- et elle est tom-bée dans la routine, Ie poncis et Ie stéréotypage.
En ces derniers temps, et surtout par 1'influence de l'école académique qui a régné au commencement du dix-neuvième siècle, les artistes n'employèrent même plus des beautés choisies et distinguées, comme étaient les compagnes des grands Italiens, la supcrbe Margarita de flaphael, ou la puissante matrone d'Andrea del Sarto, mais de misérables créatures payées a 1'heure pour se déshabiller a 1'antique ou s'affubler de vieux costumes, tirer la jambe en arrière et étendre la main en avant, ouvrir la bouche et rou-ler les yeux. On demande une sainte en extase ou une nymphe en amour? Faites venir la petite qui attcnd
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chez Ie marchand de vin la bonne fortune d'une séance chez Ie peinlre. On demande Ie Grec Léonidas ou Ie Romain Brutus? Qu'on appelle Ie grand Alexandre, occupé a pêcher sous les arches du pont Neuf! — Si les ceuvres des peintres modernes vont a la postérité, ellc sera bien étonnée de retrouver la tête d'un Christ dans une bataille ou dans une orgie.
N'est-ce pas la une des raisons de la décadence des arts contemporains?
Rubens aussi, comme les Italiens, faisaitdes déesses avec ses femmes; mais il les copiait naturellement, et, sous prétexte de Junon, de Vénus ou de Diane, il n'a peint en réalité que les déesses Isabelle et Helena, devraies Flamandes, en chair eten os, plus de chair que d'os.
Jordaens aussi a mis dans ses compositions sa grosse Catherine; mais, oü il 1'a mise,-elle est a sa place, et 1'on ne saurait trouver mieux : dans les fêtes des Rois, dans les banquets et les concerts, bu-vant, chantant de bon coeur.
Et maitre Steen lui-même, n'a-t-il pas prodigué aussi sa femme, la gaillarde fdle de van Goijen? Oui, comme la Catherine de Jordaens, elle fait a merveille sa partie les jours de Saint-Nicolas et tous autres jours oü il s'agit de s'amuser. Elle n'estpointencore trop déplacée parmi des compagnies plus folies, avec un brin de galanterie, — s'il faut en croire les pro­pos lestes qui coururent sur elle dans Ie tenips. — Et pour ce qui est de la propre image de J:in Steen, qui
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remplit dans ses tableaux toutc espèce de röles excen-triques, c'est que personne n'eüt pose un meilleur modèle dans Ie caractère de 1'emploi.
Terburg encore a utilisé sa füle, je pense, dans ses petites scènes musicales, naïves et prudes, d'ordi-naire, etoü mademoisclle Terburg n'était point com-promise. Mais il ne 1'a point prêtée a ses confrères.
Ainsi, dans les tableaux hollandais, c'est quelque-fois 1'artiste lui-même, sa femme ou sa fille, sa ser-vante ou les gens de son intimité, qui peuvent avoir pose des personnages, quand ils convenaient a la mise en scène. Encore ne füt-ce que par exception, la nature étant presque toujours prise directement sur Ie fait, avec des acteurs qui ne s'en doutaient pas et s'abandonnaient a leur franche originalité, s'oc-cupant de vivre a leur guise, et non pas de se contorsionner pour obéir a 1'idéc du peintre. Et c'est cette absence de modèles patentés qui explique com-ment les maitres hollandais n'ont jamais répété l'un de 1'autre les mêmes personnages.
Puisque nous venons de rencontrer Jan Steen, — on Ie rencontre partout en Hollande, diable merci! — expédions ses trois autres tableaux, plutot curieux que recommandables par leur qualité.
Une Saint-Nicolas, avec sept figures : la mère, deux fillettes, deux garcons, Ie grand-père et la grand'mère. Beaucoup de gaieté, toujours; de 1'es-prit; une niimique juste et expressive. « Charmante scène de familie, oü Ton voit Ie palron des enfants
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leur apporter des bonbons ou des verges, » dit M. Viardot. Nous n'avons pas vu sur Ie tableau ce patron des enfants, Ie bon saint Nicolas, qui sans doute reste dans la cheminée, et ne se montre pas plus aux marmots hollandais que Ie « petit Noël» ne se montre aux enfants parisiens.
IJ Extraction du caillou. Scène comique, d'un homme qui s'imagine avoir une pieri*e dans la tête, et du docteur qui risque 1'opération. Dans cette tète lourde, il doit y avoir, en effet, quelque quartier de roe, ou un moellon, pour Ie moins. L'habile chirur-gien-prestidigitateur se contente de faire semblant d'en extraire un petit caillou, qu'il laisse glisser dans un bassin tenu par une vieille femme. Les specta-teurs, de rire. La farce est jouée, et Ie maniaque est gucri.
Une Scène de 1'Ancien Testament, c'est plus fort! avec un ange! par Jan Steen ! 1'ange Raphaël, assis-tant a une opération non moins miraculeuse que celle de 1'extraction du caillou : Ie jeune et pieux Tobio ouvre les yeux de son vieux père, par la vertu d'un poisson vraiment céleste, si 1'on ose ainsi dire. lei, les spectateurs ne rient pas, mais leur sérieux a sa bouffonnerie, qui était assurément 1'intention de Jan Steen, Ie bon catholique, au milieu de la Hollande protestante!
Dans cette fantaisie biblique, Ie peintre a voulu faire aussi son miraele, en óclairant la pièce par des lumières différentes : une chandelle, des lampes, du
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PIETER QUAST.                           J67
feu dans la cheminée. Mais il n'a pas été heureux dans sa tentative a la Gerard Dov, avee son combat de lumières factices. — Le tableau est assez grand, pres d'un mètre en largeur; une douzaine de person-nages, — sans compter 1'ange!
Pief er Quast, le connait-on en Franco? Son nom n'est pas dans le catalogue du Louvre. C'est un bon peintre, et de la première génération; il a signé des tableaux avant que Jan Steen eüt seulement touche la brosse : 1632. On dit qu'il s'est forrné d'après Adriaan van der Venne, mais il rappelle bien davantage les deux autres Adriaan : Brouwer et van Ostade; Brouwer surtout, qui serait peut-être son maitre, — s'il avait eu des élèves; du moins, c'est a Brouwer«jue ressemblent le plus lesquelques tableaux de Pieter Quast, a nous connus : le musée de Brunswick en possède deux petits. Il parait que Pieter Quast eut une certaine réputation, car P. Nolpe, S. Savrij et H. Hondius ont gravé d'après lui. Il a laissé beaucoup de dessins, et il aurait mème gravé aussi, selon van Eynden.
Son Chirurgien de village, opérant une vieille femme en présence d'un vieillard qui tient une tête de mort, est a la fois de la bonne comédie et de la bonne peinture. Un caractère dclibcré, une touche vive et«pirituelle; des fonds lestement frottés, dans la maniere de Brouwer. Le panneau, presque carré, n'a que 25 centimètrcs de haut. Signé des deux Iet-
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tres initiales du nom et du prénom, en un mono-gramme qui parait avoir une prétention de rebus, et qu'on ne saurait se permettre d'expliquer. Peut-être cependant 1'artiste n'y a-t-il point songé? Fatale ono-matopée! dirait Odry, s'il n'était pas mort. Ce ma-lencontreux monogramme aurait de quoi brouiller « les honnêtes gens » avec ce petit peintre si brave, mais apparemment très-mal élevé.
Cornelis Saftleven a souvent aussi quelque chose d'Adriaan Brouwer, par exemple dans son petit ta­bleau oü des enfants s'amusent autour du feu.
JanMiense Molenaar est encore du même groupe inspiré par Brouwer et les van Ostade; il doit êtrc né au commencement du dix-septième siècle, car un de ses tableaux a Brunswick est date 1630 (?). Plus tard, il trahit quelque influence de Jan Steen, et c'est parmi les sectateurs de Steen que Smith Ie range. On constate, en effet, un mélange des trois maitres ci-dessus indiqués, dans un excellent Intérieur avec des paysans dont un joue de la clarinette; ce musi-cien campagnard semble un peu volé a Brouwer. Dans une Ècole de village, c'est Ie souvenir d'Isack van Ostade qui domine. Un troisième tableau repré­sente un Intérieur avec des paysans qui chantent et une femme qui pince de la guitare.
Nicolans Molenaar, coufondu quelquefois avec un Cornelis Molenaar, d'une générution antérieure, —
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RENIER BRAKENBUlKitl.                      269
parce qu'il signe son prénom C. ou K. (Claas ou Klaas, pour Nicolaas), et que cette initiale peut être prise pour celle de Cornelis ou Kornelis, — encore un sectateur des Ostade, d'Isack surtout, dans scs paysages d'hiver. Nous en avons un, au musée de Rot­terdam, avec une rivière gelee et des patineurs; plus, une Blanchisserie, pres d'un hameau; peinture so­lide, qui rappelle Dekker; signée, Ie nom en toutes lettres, Ie prénom par un monogramme oü 1'on peut supposer un A accolé au C de Claas.
Les tableaux de ces deux Molenaar ne sont pas rares dans les collections hollandaises de second ordre.
Renier Brakenburgh parait avoir été directement élève d'Adriaan van Ostade. Il n'est pas cité au Lou-vre. Il aurait vécu quatre-vingt-dix-sept ans, sclon Ie catalogue de Rotterdam : 1605-1702! Probable-ment 1605 est une faute typographique pour 1650, date adoptée par van Eynden et M. Kramm, maisqui est erronée, car un Brakenburgh important, de la collection Dupper a Dordrecht, est date 1665.—Nous répéterons qu'il signe toujours avec un h final, sur ce tableau de Dordrecht comme sur les deux de Vienne, dates 1690, comme sur celui de Brunswick, date 1689, comme sur les deux de flanovre, dates 1694. On ne découvre pas la signature sur celui de Rotterdam : Intérieur, scène de médecin et de jeune malade, dans la maniere de Jan Steen.
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Brekelenkamp ' n'est pas notablo au muséc de Rotterdam comme au musóe van der Hoop. Nous avons dit que, sans posséder aucun renseignement sur sa biographie, on Ie suit néanmoins par les dates de scs oeuvres, pendant pres de vingt ans, depuis 1653, YErmite de la galerie Lazienlci a Varsovie, jusqu'a 1069, la Souricière de la collection Dapper a Dordrecht. Le petit Fumeur de Rotterdam n'étant pas date ne nous apprend rien de nouveau.
Il n'est pas dilficile de rattacher Willem Kalf &ux Ostadc, car il fut élève de Hendrik Gerritsz. Pot, le faniilier de Frans Hals2, de qui sort Adriaan Ostade. Dans son tableau de Rotterdam , Intérieur de paysans, Kalf se montre, comme toujours, excellent
'• Sur un tableau du musée de Drcsde (n° 1öbö), la signa-ture est écrito : Breklenkamp, sans le sccond e. Mais, comme d'autres signatures ont eet e, plus corrormo a une orthograpbe logique, nous adopterons Brekelenkamp, avec les catalogues d'Amsterdam, de Rottordam, etc,
2 H.G. Pot fut, de 1633 a 1639, lieutenant des arquebu-sieis du tir Saint-George a Haarlem, et son portrait se trouve, selon van Eynden, dans un des tableaux de Frans Hals, autre­fois au Sint Joris Doele, maintenant a 1'hótel de ville (voir précédemment, p. \ 21). Il a dumeuré en Angleterre, selon Wal-pole, et, en effeC, le délicieux potit portrait de Charles Ier, n° 398 du Louvre, doit avoir été peint d'après nature. Ce iableau était autrefois clans la galerie des princes d'Ürange a La Haye, et Reynolds, dans sun Tour in Ilo^and, en parle, iomme 1'ayant vu la, en 1781.
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HENDRIK MARTENSZ. SORGH.                 271
coloriste; mais cette peinture a beaucoup soulfert et elle est dénaturée par des retouches. — Willem Kalf ne doit pas être né en 1030, ainsi que Ie supposent les catalogues de Rotterdam, d'Amsterdam, de Paris, de Dresde, etc, car il a, au musée de Francfort, un tableau signé : W. Kalf, avec la date 1643.
Le tableau de Hendrik Martensz. Sorgh au musée de Rotterdam est assez surprenant : Ruste de vieil-lard, grandeur naturelle, avec une collerette blan-che; très-bien peint. On sait la facilité de touche que Sorgh avait apprise de Teniers peut-ctre. Le père Marten était, a ce qu'il parait, « voiturier d'eau, » suivant la dróle d'expression employee par le cata-logue du Louvre, — mettons batelier sur la Meuse, et faisant un service de transport par eau entre Rot­terdam et Anvers. Hendrik aura pu ainsi frequenter 1'atelier de Teniers. Son surnom hóréditaire viendrait du mot hollandais zorg, qui veut dire soin, le bate­lier Marten étant estimé pour son exactitude de com-missionnaire. Mais, néanmoins, ce qu'il y a de sur, c'est que Hendrik le peintre signe toujours : Sorgh, précédé du monogramme des prénoms : HM, VII formé dans YM, par une petite barre horizontale. Nous avons constaté cette signature au musée de Brunswick sur deux tableaux, dont 1'un est date 1665; chez M. Dubus de Gisignies, a Bruxelles, sur une excellente Part ie de cartes; sur le Marché aux poissons du musée van der Hoop, etc. Le cata-
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logue de la galerie Lazienki a Varsovie la mentionne pareillement, avec la date. 1643, sur un Intérieur de cuisine. On en citerait bien d'autres encore avec YS en tête du nom; mais nous n'en avons jamais vu commeueant par Z.
Les Wijck, Thomas et son fils Jan, écrivent tou-jours leur nom avec un c. Le catalogue de Rotter­dam et le catalogue du Louvre, qui cite une fois Jan comme maitre de van Huchtenburgh, ont donc tort d'écrire : Wijk, ou Wyk. —Thomas a trois tableaux très-différents : un Intérieur avec une femme enton-rée de ses enfants, une Vue de rivage et un paysage italien; car il a fait un peu de tout, non pas avec une egale habileté. lei, comme toujotirs, il est inoins fort dans le paysage et le plein air que dans la peio-ture d'intérieur, ou cepeïidant il exagère tiop les contrastes d'ombre et de lumière.
On considère Barend Gael comme un sectateur de Philips Wouwerman, qu'il cherche, eneffet, dans la tournure de ses petits chevaux et dans 1'arrangement de ses groupes. Mais, dans sa pratique, il a souvent plus de rapport avec Isack Ostade, par exemple dans ses deux petits tableaux du musée de Rotterdam : une Paysanne faisant des gatcaux a la porte de sa chaumière, et un Cavalier descendu de son cheval, pour causer avec des campagnards; 1'un est trop ta-poté de touche; 1'autre, plus sobre, quoique vigou-
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GERRIT LUNDENS.                             273
reux de couleur, pasliche un peu Pieter Wouwer-man, en mème temps qu'Isack van Ostade. Tous deux sont signés : B. Gael, sans date. — Nous n'avions pas encore rencontre ce peintre dans les musées de la Hollande.
Autre nouvelle connaissance, qui n'a jamais fait de bruit a 1'étranger : Gerrit Lundens. C'cst aussi la première fois que nous ayons a en parier dans ces études sur 1'art hollandais. Les catalogues de 1'Eu-rope ne Ie mentionnent point, si ce n'est Dresde, sous Ie nom de Gerrits Lunders, et Hanovre, pour un Intérieur, date de 1660. M. Blokhuyzen, a Rotter­dam, possède deux tableaux de lui, signés et dates, 1'un de 1637, l'aut< 3 de 1667. Le musée en a deux aussi, petits pendani., ou sont groupés des villageois en goguetle. Toutes ces peintures, sujet et style, sont une sorte d'amalgame de van Ostade et de Jan Steen.
Gerrit Lundens est plus original, et mème bon praticien, dans un tableau que nous avons vu chez M. Lamme, et qui est destiné au musée : un Arque-busier, en pourpoint couleur chamois et chapeau jaunatre, a plumes flottantes. Debout sur un quai, il tient son arquebuse et la fourche servant de point d'appui pour le tir. Le long du quai, une rangée d'arbres; au fond, a gauche, des maisons. Belle si-gnature : Glundens, 1'l formant monogramme avec le grand G du prénom.
Cette figure assez fièrement tournee, qui s'enlève
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sur des fonds en légers frottis, Ie style du dessin et la couleur, feraient supposer que Lundens a touche par-fois, — de loin, — aux grandes écoles, peut-être a Frans Hals, peut-ètre a Rembrandt, car il a quelque chose d'Anton Palamedes, de Willem de Poor­ter, et mème de Nicolaas Maes, en certains tons moelleux et rompus. Finalement, c'est un talent de troisième ordre. Maïs encore est-il bon de se rensei-gner sur ces artistes médiocres, dont on peut trouver, par hasard, des oeuvrcs dans la circulation.
Philips Wouwerman. — A son tour, Philips Wouwerman nous servira pour railier les peintres de pctites batailles et de chevauchées quelconques.
Ses trois tableaux sont bien usés. Le plus impor­tant était un Pillage par des gens de guerre; cava­liers et soldats qui maltraitent des paysans; au loin, le villageenflammes. Dans un autre, de sa première maniere, deux hommes et un cheval blanc sontarrètés pres d'une cabane. Le plus petit offre seulement un gentil cavalier au milieu d'un paysage sablonneux. C'était très-fin ettrès-spirituel, maisil n'enreste guère.
De Pieter Wouwerman, une vaste toile : l mètre et demi de large sur i mètre de haut! Aussi la com-position est-clle un peu vide. Sujet militaire; un camp dans une contrée niontagneuse; des tentes et des équipages de guerre, des chevaux qui se cabrent, quantité de personnages. — Un second Pieter Wou­werman, tout petit, représente deux enfants jouant
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DROOCH SLOOT.                              276
avec une chèvre et un chien, dans un paysage. Nous avons aussi 1c troisième frère, Jan Wouwer­man. Rareté bien précieuse, qu'un tableau de lui! Nous Ie retrouverons dans la categorie des paysa-gistes.
Joost Cornelisz. Drooch Sloot avait précédé de beaueoup les Wouwerman dans Ie genre des mêlées soldatesques, des cavaliers a 1'aventure, des kermes-ses et fêtes populaires. Car, dès 1610, il était recu maltre dans la gilde d'Utrecht, suivant Hoevenaar, reproduit par van Eynden '. On cite un de ses ta-bleaux date 1618; Ie musée de Yienne en a un, si-gné en toutes lettres, et date 1630; Ie musée de Brunswick, une grande toile, large de 5 pieds 1/2, — YÈtang Bethseda, oü se piongent des malades, des infirmes et des vieillards, signé aussi en toutes lettres et date 1643; Ie musée de Berlin, ce mcme sujet, emprunté a 1'Évangile de saint Jean, avec Ie doublé monogramme* seulement, et sans date; Ie tableau du Louvre (n° 132) est date 164iï; celui du musée de Rotterdam, 1649, avec la signature en-tière : Je (Ie c appliqué sur Ie milieu du grand J), Drooch Sloot, ces deux mots séparés, bien entendu, ]c premier terminé par ch au lieu d'un g qui serait plus regulier : Droog Sloot (fossé desséché). Toutes
1 Van Eynden possédait « un portrait de Drooch Sloot peint par lui-même, date 4630, et oü i'artiste semblait avoir environ cinquante ans. »
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les signatures a nous connues sont disposées et orUio-graphiées de la même facon.
Le tableau de Drooch Sloot a Rotterdam compte assurément dans son oeuvre, surtout a cause de sa dimension (1 m. 63 c. de large sur 1 m. 10 c. de haut). Dans cette vaste Kermesse, comme dans plu-sieurs autres de ses compositions, le peintre hollan-dais semble chercher les Teniers. Peut-être s'était-il formé d'abord a 1'imitation de Teniers le vieux, son contemporain.
Jan van Huchtenburgh est issu de Philips Wou-werman, au second degré, par 1'intermédiaire de Jan Wijck, disciple du grand Philips. Il est vrai qu'il se modifia ensuite, durant ses études a Rome avecson frère Jacob, et a Paris sous van der Meulen. Sa première maniere est la meilleure; plus tard, il devient vide et mélodramatique. Son Marché aux chevaux, du muséc de Rotterdam, est peut-être un de ses chefs-d'ceuvre : devaut une porte de ville, groupes de chevaux et beaucoup de monde; a droite, le paysage et un horizon lointain. Exécution facile et adroite, belle couleur. — Ses deux autres tableaux sont bien inférieurs : un Choc de cavaliers et un paysage hollandais.
Dirk Maas, son élève, 1'imite dans une vue de Camp, avec des cavaliers en avant d'une tente; il a aussi un paysage italien, avec des personnages de Lingelbach.
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LES PSEUDO-lTALlblNS.                        277
Lingelbach! 11 faut bicn en arriver a ces peintres métis, qui croyaient trouver encore Ie secret de 1'art en Italië, au dix-septième siècle!
Les pseudo-Italiens. — Cette fureur d'imiter 1'Italie avait pris toute 1'Europe, comme on sait, vers Ie commencement du seizième siècle ; Ie Nord aussi bien que Ie Midi. Dans les Pays-Bas, la glorieuse tradition des van Eyck était délaissée, et tous les ar-tistes des Flandres et de la Hollande, constituant alors un mêmc État, s'encoururent au dela des Al-pes. Cettc émigration, qui fut générale au seizième siècle, continua en Hollande, même après la Sépara-tion de 1579, même encore « sous Ie règne » de Rembrandt, et jusqu'a la fin du dix-septième siècle, — jusqu'a la mort de 1'école hollandaise.
Il y a ainsi, durant deux siècles, une chaine inin-terrpmpue de Hollandais dénationalisés, qui aboutit a des van der Ulft, exécutant Ie sujet italien, paysages italiens, villes italiennes, personnages italiens, — sans avoir jamais vu 1'ltalie!.. ades Polydor (Glau-ber), Ie digne associé du Poussin hollandais (Gerard de Lairesse), qui n'était pas Hollandais, mais Wal-lon de Liége!— Lastman, dont nous avons déja parlé, et qui était en Italië a la même époque que Poelenburg, dit Satiro, se rattache au milieu de la chaine. — Jan van Schoorl en est Ie premier anneau.
Cc fut un très-grand artiste que van Schoorl, en
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son temps, et dont on admire encore des oeuvres extrêmement magistrales, a 1'hötel de ville d'Utrecht, au musée et a Saint-Sauveur de Bruges, au musée d'Anvers, au musée de ICologne, a ceux de Darm-stadt, de Municli et de Vienne. Il faut a\'ouerqueles érudits ne s'accordent point a reconnaitre 1'authenti-cité de la plupart de ces peintures, notamment du fameux triptyque de 1'ancienne collection Boisserée, aujourd'hui a Municli, la Mort de la Vierge, que M. Passavant' restitue a un peintre colonais dont Ie nom n'est pas troiwé. Mais, du moins, quelqucs-uns de ces tableaux sont incontestables 2, et ils suffisent a montrer Ie style de van Schoorl, son profond senti­ment, son dessin correct, son entente de la composi-tion, du mouvement des figures et de 1'arrangement des draperies.
1 Catalogue du musée de Francfort-sur-Mein (Stddeische Kunst-Insiüuf), n° 117, p. 77, a propos d'un tableau du même raaltre colonais, tableau également attribué autrefois è van Schoorl.—M. Michiels, dans son Histoire de la peinture (la-mande et hollandaise, a donné, d'aprèsJohanna Schopenhauer, une longue et enthousiaste description de cette Mort de la Vierge, censée Ie type des oeuvres de van Schoorl. La biogra-phie de van Schoorl et Ie eatalogue de ses tableaux, au nombro de 51 ! occupent 38 pages dans 1'ouvrage de M. Michicls, t. III, p. 165-203.
8 Par exemple plusieurs de ceux qui sontconservés a 1'hótcj de ville d'Utrecht. Encore est-il probable que certains portraits des Croisês ont <Hé ppints par Antonio Mor, ólève de van Schoorl.
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VAN SCHOORL.                               279
Le musée de Rotterdam pretend avoir trois van Schoorl. Il en a un, parfaitement authentique; c'est déja très-curieux : le Baptême du Christ par saint Jean, figures presque de grandeur naturelle, fond de paysage. Ce tableau, — cité par Karel van Mander, — fut peint a Haarlem, pour Simon Saan, commandeur de 1'ordre de Saint-Jean'. Il est signé très-lisiblement : JScorel Pïgebat, 1525, le J du prénom en monogramme avec I'S. L'artiste, alors agé de trente ans, était déja revenu de ses aventu-reux voyages en Allemagne, en Italië, en Oriënt; tout transformé — on s'en apercoit — par 1'étude des maitres romains et florentins.
Hélas! sur ce grand panneau2 si précieux, il ne reste presque plus rien du maitre illustre qui éduqua 1'excentrique Marten van Heemskerk et Antonie Mor, un des meilleurs portraitistes issus de la Hol-lande. Lc bois était presque a nu, sans doute, et les
1  « Simon Saan fit a van Schoorl un gracieux accueil : il aimait beaucoup la peinture et le chargea de plusieurs travaux. Quelques-unsde ces tableaux ornaient encore la cité hoUandaise ^ilaarlem), a 1'époque de Karel van Mander : il en parle avec de grandséloges, principalement d'un Baptéme du Christ, oü l'on voyait de charmantes femmes au doux visage, peintes a la maniere de Raphaël et levant les yeux vers le Sainl-Esprit, qui doscemlait sous la forme d'une colombe; puis, dans Ie lointain, un paysage et dos figures nuos. » — Michiels, t. III, p. 185.
2  2 mètres 13 cenlimètres de haut, sur < mètre 44 centi-mètres de large.
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repeints qu'on a du ajouter ont détruit Ie caractère primitif de 1'oeuvre; il faut maintenant deviner ce qu'elle fut autrefois, comme tournure et surtout comme exécution; car, si les ligncs générales y sont encore a peu pres, la couleur et la touche de 1'ha-bile praticien n'y sont plus.
Les deux autres tableaux attribués a van Schoorl, une singuliere Madone avec F Enfant et une Ado­ration des Mages, très-détériorés aussi, ont égale-ment perdu leurs accents caractéristiques, et ils n'ont pas, comme Ie Baptême du Christ, 1'avantage d'une tradition certaine et d'une signature.
L'attribution a Marten van Heemskerk d'une autre Adoration des Mages et d'un sujet allégoriquc n'est pas non plus très-justifié';. On n'y retrouve guère la bizarrerie de composition et la bravoure de dessin qui lui étaient habituelles; car il a de 1'énergie et de la science', tel qu'on Ie voit au muséc de Berlin par exemple, dans un tableau signé : Martinus van Heemskerk Inventor, 1561, oü sont rassemblés Mo-mus, Minerve, Vulcain et Neptune.
Au musée de Yienne, il a signé une Bacchanale, d'après Jules Romain : Martinus Hemskerkius Pin-gebat. Scs ceuvres ne sont pas rares en Allemagne : Ie musée de Munich en possède onze; la collection de Moritz Capelle, a Nuremberg, quatre; Ie musée
1 Rembrandt avait dans ses collections, invontoriées en \ 656, « un carton plein de gravures, oeuvre complet de Heemskerk.»
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POKLENBURG.                               281
de Darmstadt, deux, etc. M. Miehiels, dans son Ilistoire, en a catalogué 129 !
Quoiqu'il latinise son nom et qu'il soit converti a la mythologie, ce Hemskerkius y met encore du sien, et il n'a pas absolument abjuré toutes les qualitésde sa race : l'homme du Nord transparait du moins sous Ie déguisement móridional. Cornelis wan Haar­lem, qui vient un 'demi-siècle après lui, n'est plus qu'un simple copiste de 1'art italien, dès lors en dé-cadence. Contemporain des Carrache, il singe 1'école bolonaise, qui singeait 1'école romaine, qui, elle-mème, imitait 1'antique. Quelle dégringolade!
Un seul tableau de van Haarlem, heureusement : Bacchus jeune, signé du monogramme, Ie C accolé contre Ie premier jambage de l'II, et date 1008. Nous avons vu que Ie Massacre des Innocents et 1''Adam et Ève du musée d'Amsterdam, peints dans toute la ferveur du pastiche italien, sont dates 1590 et 1592. Une Bethsabée et une sorte de Banquet mythologique, au musée de Berlin, sont dates 1617 et 1618. Il parait que Ie musée de Stockholm possède sept tableaux de Cornelis van Haarlem! Je les aime mieux la qu'au Louvre,—qui n'en a point.
Poelenburg et sa petite bande. Peu d'artistes, si ce n'est Ie chevalicr van der Werff, ont eu autant de succes que Poelenburg, dit Satiro. Penser que llu-bens avait deux paysages de lui dans sa collection,
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que van Dyck a fait de lui un portrait, gravé par de lode, que Charles I" d'Angleterre voulait Ie garder a sa cour, que ses tableaux sont partout et fort esti— més, que son nom est encore un des plus universel-lement célèbres de 1'école hollandaise, avec ceux de Gerard Dov, des Mieris, et du chevalier van der Werff!—II est très-adroit, sansdoute, et ses figurines ressemblent a celles de la fabrique de Sèvres, pour orner des pendules ou des étagères.
Deux tableaux de son répertoire : un « paysage arcadien, » avec des Nyraphcs au bain, et un paysage, non moins mythologique, avec une Nymphe endor-mie et un Amour, épiés par un berger.
Ses élèves : Daniel Ver tang en, né a La Haye, oü il mourut en 1637 : Ie petit Moyse sauvé par la fille du Pharaon; — Jan van der Lijs, né a Breda, en 1600, mort a Rotterdam, en 1657 : paysage boisé et montagneux, avec des Nymphes qui se baignent; son monogramme est composé des quatre lettres IVDL; — Jan van Bronkhorst, né a Utrecht, en 1603, mort vers 1680 : un paysage italien, avec de 1'eau et des ruines; il parait que ce van Bronkhorst a fait aussi quelquefois de la « grande peinture, » car, au musée de Brunswick, un tableau large de 7 pieds 8 pouces, avec des figures entières, de gran­deur naturelle, est signé : Jo. Bronkorst Fecit. Il fut recu bourgeois d'Amsterdam en 1652, dans Ie même mois que Ferdinand Bol, Govert Flinck, Asselijn, Jacob van Loo, etc.
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JAN BOTH.                               283
Nous ren^jntrons ici la pléiade qui fourmillait a Rome vers Ie milieu du dix-septième siècle : Both et les autres imitateurs de Claude Lorrain, Berchem et sa nombreusc suite, Karel du Jardin, et Jan Bap­tist Weenix , et Pijnacker, et Lingelbach, et Hen­drik Verchuring, et Frederik Moucheron! que sais-je? il n'y manque guère, pour commencer, que Ie Bamboccio et Ie Krabbetje, Asselijn, Ie petit bossu aux mainscrochucs,quieut la chance d'être portrai-turé par Rembrandt! Mais, pour finir, nous aurons Polydor, dit Glauber, Ie noble poursuivant des Pous-sin, dans les contrées féériqucs de 1'Arcadie!
Ces associés de la Bande académique ne sont pas, en général, les plus mauvais au musée de Rotter­dam, oü, par exemple, Karel du Jardin a un vrai petit bijou, avec un cavalier, un berger et trois va-ches traversant un ruisseau, fond de montagnes illu-minées par Ie soleil; peinture claire, fine, égayante, harmonieuse et très-ferme; toutes les qualités natu­relles aux maitres hollandais, quoique Ie site soit censé italien. Karel acette singularité : qu'il est excellent, quand il n'est pas détestable, comme dans ses figures de grande dimension. — La date de sa naissance — nous croyons 1'avoir prouvé a propos de son portrait au musée d'Amsterdam — n'est pas 1633, mais 1625 cnviron, et Ie catalogue de Rotterdam fera bien de changer son chiiïre 3 pour Ie chiffre 2.
Les tableaux de Jan Both sont aussi très-nota-
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bles : une belle et libre étude de paysage, d'après nature, avec un vieux saule au bord de 1'eau, deux patres et des chèvres;— un effet de soir sur un paysagü -talien, avec une ville et la mer a 1'horizon ; des boeufs attelés a un chariot s'en vont Ie longd'une route conduisnnt a une vieille tour; beaucoup de lumière et d'harmonie.
Willem de Heusch, élève de Jan Both,et Jacob de Heusch, élève de son oncle Willem, ont une demi-douzaine de paysages, tous arcadiens! Deux des Willem, ornés de cascades, se rapprochent assez de Both; ils sont signés : GDHeusch f., les grandes lettres formant monogramme, Ie G pour Ie prénom, changé, par habitude italienne, de Willem en Gu-glielmo (Guillaume). — On ne sait pas exaetement quand mourut Willem de Heusch. La dernièrc date que nous connaissions sur une de ses oeuvres est 1696, au musée de Brunswick.
Le tableau de Herman van Swanevelt, élcve direct de Claude Lorrain, paysage arcadien tou-jours, avec un satyre, une femme et un enfant, offre aussi 1'intérct d'une signature en toutes lettres : hvswanevëlt f. a. woerden. 1647 (ou peut-être 67?), 1'h, le v et I's en monogramme, et 1'a dunom, accolé au w qui le précède. Woerden est la petite ville, — voisine d'Utrecht, — oü naquit 1'artiste.
Passons une espèce de marine, avec une cöle ro-cheuse, par Adam Pijnacker, —un paysage italien,
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VAN DER MEER DE JONGE.                     285
par J. B.Weentx,—deux idem, par Lingelbach,— un paysage, une plage et un excellent petit tableau de genre, Maréchal ferrant un cheval, par Hendrik Verschuring, une Conversation, par son fils Willem, — un grand paysage montagneux, par Frederik Moucheron, et une Vite de Rome, par son fils Isack.
Le paysage de Frederik Moucheron est étoffé de figures et d'animaux par Jan van der Meer de Jonge (/e jeune), qui n'a rien de commun avec notre Jan van der Meer de Delft. Le musée de Rotterdam pos-sède aussi un tableau, paysage et troupeaux, par van der Meer de Jonge, avec la date 1688. — Le tableau du musée d'Amsterdam est date 1078. Sur les trois tableaus du musée de Bcrlin, deux sont dates, 1'un 1G79, 1'autre 1680. Quelques eaux-fortes (catalogue Rigal) portent la date 168S. La signaturc est tou-jours la mème : Ivder Meer de Jonge, et se trouve sur presque tous ses tableaux; ellc doit être sur les deux paysages du musée de Dresde (n03 1361 et 1362) attribués au van der Meer, né a Schoonha-ven, en 1628, et qui sont assurément de van der Meer de Jonge.
Quand est né ce van der Meer de Jonge? Balkema dit en 1665, a Utrecht; c'est impossible, puisque nous avons un tableau date 1678; le catalogue du Louvre dit 1650, a Haarlem; le catalogue d'Amster-dam dit 1646, a Utrecht; le catalogue de Rotterdam nc dit rien. Et nous restons seulement avec les dates desceuvres : 1678 a 1688.
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Le talent de eet artiste , probablement élève de Berchem, n'a d'ailleurs rien de séduisant; au con­traire, il est mou et lourd, sans lumière comme sans esprit. Il semble que van der Meer de Jonge peint avec la laine de ses moutons. Si nous avons rassem-blé ces quelques renseignements sur lui, c'est afin qu'on n'emmèle point cette personnalité insignifiante avec celle de notre grand mystérieux, Jan van der Meer le Delftois.
Pour Berchem, ce n'est pas a propos de ses deux pastorales du musée de Rotterdam qu'on peut s'oc-cuper de lui; elles ne comptent pas dans son oeuvre, Men qu'elles aient plusieurs de ses qualités banales. Suffit qu'il y a berger et bergere, un ane et un cheval blanc, des vaches et des agneaux; les mêmes qui sont habitués a traverscr le mème gué et a se reposer a la même ombre.— Berchem nous fait toujours penser a ces rubriquesdu théatre, oü, pour simuler du monde, des défilés et des foules, les mêmes comparses revien-nent sans cesse après avoir fait un tour derriere la toile, passent et repassent, quelquefois avec un autre manteau et un autre attirail, ou groupés différemment. Chez Berchem, bêtes etgens sont des comparses qui sautent d'une toile sur une autre, pour s'y livreraux mèmesexercices.—Une douzainede figurants, équi-pés de casques et de lances, représentent, au moyen de mana'uvres habiles, une armee innombrable sur une petite scène du boulevard. Avec un patre cqu-
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ABRAHAM BEGEIN.                            287
vert d'une peau de mouton, une bergere a jupon bleu, une vache jaune et une vache blanche, un éne toujours gris, une chèvre bigarrée, un chien fauve et trois ou quatre brebis, Berchem a peuplé la cam­pagne romaine, si déserte, — et 1'Arcadie! Quel étonnant magicien! — N'empêche que certaines ceuvres de Berchem ne soient de premier ordre dans 1'école hollandaise.
Ses élèves sont nombreux et bons a étudier au musée de Rotterdam.
La pcrsonnalité d'Abraham Begein est fort em-brouillée par les biographes, et son nom même est transfiguréen celui de Bega par Ie cataloguedu Lou-vre, très-embarrassé aussi sur les prénoms, comme sur les dates de naissance et de mort. Pour les prénoms, c'est Nicolaï qui a raison; pour la naissance et la mort, c'est Weijerman qui donne les dates approxi-matives. Le musée de Bruxelles possède un tableau (n° 10) qui nous éclaire un peu sur tout cela, par une seule signature : une Marine des environs de Naples est signée : C A Begein, 1659, les trois pre­mières lettres en un beau monogramme très-élégam-ment combine. Begein, ou Begeijn, comme il signe au musée de Berlin (n° 971a), avait donc deux pré­noms : Cornelis, Abraham; il était donc en Italië, peintre tout formé, en 1639, et il doit donc être né vers 1630, sans doute un peu après Berchem dont il procédé évidemment, et non pas en 16S0, comme le suppose le catalogue de Rotterdam.
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Voila notre liomme presque reconstitué, au moyen d'tine simple signature! L'étude des oeuvres est vrai-ment secourable pour 1'histoire des artistes et de 1'art!
Abraham Begein a trois tableaux au musée de Rotterdam : un paysage, avec deux femmes, dont une sur un mulet, et un troupeau de bétail; — un berger couché pres de ses moutons; — une paysanne qui trait une chèvre; \igoureuse étude d'après na­ture, a mi-grandeur; la femme, en corsage rouge et jupon bleu bicn drapé, est assise par terre, de face. Paysage tout simple, a largcs plans, seulement pour servir de fond a la figure. Je crois que ce tableau est signé; il faudrait Ie descendre de sa haute rangée et rcxaminer de pres.
Hendrik Mommers n'est pas au Louvre; il est a Rotterdam, en deux bons exemplaires, paysagesavec animaux, donl 1'un est signé : HMommer, 1'H formé sur 1'M par une barre horizontale, I's final, s'il y en a un, imperceptible.
Point de J. F. Soolmaker au Louvre, non plus; a Rotterdam, un paysage avee une traversée de gué; aussi bon qu'un mauvais Berchem. Le musée de Bruxelles montre encore une signature précieuse de ce peintre assez rare sur un paysage orné d'une fontainc : J. F. Soolmaker ff. Voila le nom tel que le maitre 1'écrit, quoiqu'il semblat plus correct de le commencer par un Z (faiseur de semelles).
Viennent cnsuite Jan van der Bent : paysage
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IIÜBBEMA.                                    289
italien, avec un cheval blanc, des vaches, une chèvre, et trois figurines; — Michiel Carrée : un paysage, assez grossier, comme toujours; — et M. Blinkvliet, qu'on dit sectateur de Berchem et de Jan Both : un paysage italien, avec une dame sur un mulet et un patre conduisant un ane. —C'est a peu pres tout, de la longue succession des pseudo-Italiens.
Eh bien! et Polydor qui devait clore la série? Johannes Glauber, dit Polydor, a naturellement deux paysages du pays fabuleux, dit YArcadie, avec des bergers de la-bas, qui dansent et qui se compor-tent a la grecque, comme il convient; oeuvres «tont a fait semblables a celles de Gaspard Poussin, » dit M. Viardot. En effet, Polydor n'a plus rien de lui-■ même, — rien de la nature, ni de 1'art.
Les paysagistes. — Ceux, du moins, qui ne sont pas entrés déja dans d'autres catégories.
Hobbema, Ie premier. Cest une bonne fortune pour un musée encore pauvre comme celui de Rot­terdam que d'avoir un Hobbema, même de petite di-mension ', même un peu fatigué. La composition d'ailleurs en est charmante : un étang, ou pèchent deux hommes, 1'un, debout, de face, vêtu de rouge, 1'autre, assis et vu de dos. Les reflets du paysage dans 1'eau sont très-justes — et très-fantastiques. De 1'autre cóté de 1'étang, vers la gauche, une mai-
1 63 centimètres de large sur 49 de haut.
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sonnette ombragée de grands arbres et un petit bon-homine rose, en lumière. Plus a gauelic, tout au bord du panneau, un chemin sur lequel viennent deux figurines. Les premiers plans sont entièrement dansl'ombre, mais la lumière éclatc dans les lointains, dans les pereces, et par-ei par-la. C'est très-beau de ton, quoique la peinture, frottée en plusieurs en-droits et un pcu éteinte, n'ait plus son grain primitif.
La signature M. Hobbema, assez douteuse, au premier aspect, est cependant originale, a cc que je crois.
Nous aurons occasion de reprendre Ilobbema et de 1'étudier a fond dans un travail sur les collections particulières de la Hollande.
lei, nous avons, en superbe qualité, un de ses sectateurs, Jan van Kessei, d'Amsterdam, qui ne semble pas appartenir a la nombreuse familie des van Kessei d'Anvers. On lcdit né en 1648 et mort en 1698. A ma connaissance, il n'ya~yü«s un seulAc ses tableaux dans aucun des mnsécs de 1'Europe. Aussi a-t-on souvent baptisé ses oeuvres du grand nom de Ilobbema, et de fins amateurs peuvent s'y trom per; non pas en Hollande cependant, oü quelques collec-tions possèdent des types purs et excellents de son style, adhérant, de très-près, tanlöt a Hobbema, tantót a Jacob van Ruisdael.
(Ihez M. Dupper par exemplc, a Dordrecht, on admire une Entree de forèt, avec un grand chêne,
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JAN VAN KESSEL.                            291
au pied duquel sont assis une paysanne en caraco rouge et un petit garcon. A droite, sur un chemin, arrive un petit cavalier. A gauche, au loin, deux fi-gurines. Fond boisó; ciel gris. C'est un mélange de Ilobbema et de Ruisdael, mais néanmoins avec uno originalité personnelle. La signature est entière : ƒ, van Kessel.
Chez M. Ruhl, a Cologne, on voit aussi un beau paysage plat, dans le genre de Philip Koninck, 1'é-lève de Rembrandt, ayec la signature JvKessel, les trois premières lettres en monogramme, selon la forme la plus habituelle au maitre.
Il parait que plusieurs peintres asscz cclèbres oiit collaboré avec Jan van Kessel, notamment Abraham Stoik, auteur des figures dans un grand tableau, Vue du Dam et de l'hotel de ville d'Amsterdam, payé 104 florins, a une vente publique, Amsterdam 1GÜ6. Les Catalogues de Hoet et Terwesten indijiiei t, encore quelques paysages, « attribués a Ferdinand van Kessel d'Anvers, » mais qui doivent être du Jan d'Amsterdam, par exemple une « Vue du bots de La Haye, tel qu'il était en 1674. »
Le eatalogue du Louvre dit avec raison que Jan van Kessel a peint des effets de neige et d'hiver; nous en avons vu quelques-uns, oü alors c'est 1'influeoce de Ruisdael qui domine. Selon M. Kramm, Jan au-rait aussi gravé a 1'eau-forte; ses gravures, s'il y en a, doivent ètre a la fois bien accentuées et très-spiri-tuelles.
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Donc voici a Rotterdam un des chefs-d'ceuvre de ce van Kessel, et d'après lequel on peut être initié a son talent : Vue dune des écluses d'Amsterdatn; l'eau de travers en travers au premier plan, avec un bateau dans'la demi-teinte; 1'écluse, un peu en ar-rière',au milieu, avec son pont-levis, sur lequel pas­sent plusieurs petits personnages; a droite eta gauche, un bout de quai, avec des arbres brunatres; tout Ie fond, dans la vapeur; mais on y distingue Ie clocher de la vieille église (oudekerk) d'Amsterdam.
Ce qui saisit dans cette peinture, c'est son unité, un grand parti pris d'ensemble, une harmonie simple et forte dans une gamme rousse, avivée par des gris d'argent. Le ciel a la puissance de ton parti­culiere a ces paysagistes privilegies, Ruisdael et Ilob-bema, Philip Koninck. Van Kessel n'est pas sans avoir étudié aussi ce Koninck, issu de Rembrandt; il est vrai que Ruisdael s'en était déja approprie lui— même les profondes qualités de coloriste.
Signature comme au tableau de Cologne : Jv. Kessel, sans date, malheureusement.
Le second tableau est une étude &'Intérieur de forêt, d'après nature sans doute : des troncs d'arbres, très-fermement modelés, des échappées de lumière olivatres sur des broussailles ou des gazons, des flaques d'eau, au premier plan, avec des reflets pres-tigieux; une conscience de détail singuliere, et, malgré cela, une touche libre et de larges accents de couleur. Hobbcma toujours, — a peu pres: la diffé-
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J. ROMBOUTS.                                 293
rence est que Hobbema fouille plus profondément
ses feuillages et qu'il répand 1'air partout, qu'il est plus fin de ton dans ses clairs et dans certaines cou-leurs brisées, telles que ses gris et ses rouges, vrai-ment inimitables et mème innommables, quoiqu'on essaye de les indiquer approximativement par Ie terme banal d'une couleur franche.
Il se trouve que Ie tableau de Rombouts est aussi un petit chef-d'oeuvre, comme YÉcluse de van Kessel; mais il ne ressemble point du tout a Hobbema: peut-être cela tient-il au sujet, c'est-a-dire au site choisi, ce jour-la, par Ie paysagiste. Il ne s'agit point de forêts, ni d'étangs, avec des pècheurs a la ligne. Nous sommes au bord de la mer, qu'on apercoit, pas loin, au bout d'une plage; a droite, des éminences de dunes; a gauche, des maisons de — pècheurs, mais de pècheurs maritimes. Pas Ie moindre arbre; ni buisson, ni verdure. Le sable, 1'eau et Ie ciel. Beau-coup de petits personnages sur les dunes et pres des cabanes. Les premiers plans très-vigoureux, lesfonds très-fins, le ciel d'un gris rembranesque. Perspec-trve aérienne, ton local, harmonie générale, — c'est parfait.
Et si original, pour eet artiste censé un imitateur! mais il faut dire que Rombouts, pas plus que van Kessel, ne sont point du tout des faiseurs de pas-^ tiches :. ils ne se proposent point du tout d'imiter Hobbema ou Ruisdael. Ils travaillent, devant la na-
2S.
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294                      MUSÉE DE HOTTEHÜAM.
ture, de plein coeur, et au courant de la brosse. Seu-lement, comme ils avaient un sentiment analoguc au sentiment de Hobbema et de Ruisdael, comme ils tenaient d'eux sans doute leurs procédés et toute leur éducation artistique, comme ils étaient impression-nés par Ie même pays, Ie mème ciel, les mêmcs effets pittoresques, il arrivait,, lorsqu'ils peignaient un site pareil a ceux que leurs initiateurs avaient peint, il arrivait que 1'initié ressemblait a 1'inventeur de génie. Et c'est justement parce qu'ilsne chercbaient point a produire des copies trompeuses, quecertainsde leurs tableaux peuvent ètre pris pour des ceuvres authen-tiques des maitres typiques; car ils n'ont point Ie ca-ractère timide et les tatonnements d'un pastiche, mais, au contraire, la franchise et la sincérité d'une pratique indépendante.
Hobbema n'a jamais fait de marine avec desdunes, que je sache, ni les écluses des canaux d'Amsterdam. Rombouts et van Kessel ne pensaient donc point a lui en représentant ces vues toutes naïves; ni a lui, ni a personne autre. Aussi les amateurs étrangers a la llollande hesiteraient certainement pour nommer 1'auteur de VÉcluse, et surtout 1'auteur du paysage aux dunes. UÉcluse ferait songer peut-être a Dekker, ou a Naiwjncx, quand on connait la peinture de ce maitre si rare. Le paysage aux dunes... qui rappel-lerait-il ? un peu Salomon Ruisdael, dans ses ceuvres de haute qualité.
Ce tableau de Rombouts est d'une conservation
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J. ROMBOUTS.                                295
étonnante, la pate serrée ayant fait email sur Ie pan-neau. Il a une signature microscopique, mais très-régulicre et immaculée. Les lettres en sont si petites, si petites, que nous ne les avions jamais lues distinc-tement, lorsque la première partie de ce "volume (Ie Musóe van der Hoop) a été imprimée. Nous avons donc a nous reprocher quelques inexactitudes dans l'alinéa rclatif a Rontbouts, page 132. Depuis Ie ti-rage de ces premières feuilles, nous avons étudié avec une loupe la gentille signature, et nous en avons na fac-simile, que nous regrettons bien de ne pas montrer ici : plus tard, si nos biblicules sur les musées de la Hollande ont la chance de nouvelles éditions, nous ne manquerons pas de publier les fac-simile de tent de signatures précieuses que nous avons relevées avec grand soin. La moindre gravure sur bois vau-drait inüniment mieuxque toutcs nos traductions par des caractères typographiques et par des mots.
Le nom est en toutes lettres: Rombovts, 1'R ayant de 1'analogie avec celui des signatures de Ruisdael, et portant de même en monogramme un grand J, et peut-être un V ; il semblerait, de plus, qu'un S t?t formé avec la boucle supérieure de FR. Ce n'est pas tout: Ym — parait certain , mais encore pourrait-il faire n t. Cela explique coinment sur la signature du tableau de Berlin on lit Ro?itbovts, et aussi comment M. Waagen, dans'la table alphabétique terminant son cutalogue, donne pour initiales desprénoms : V. S. '.
1 Après avoir donné A. V., dans 1'arücle mème relatif a Rora-
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Quant au prénom Nicholas, proposé par Sraith, — écarté définitivement. Le J est incontestable, si lc V et I'S sont douteux. Nous nous en tiendrons donc a J. Rombouts, sauf a completer le prénom, si vient la veine.
D'oü était Rombouts? Smith dit : de Gand; c'est impossible : J. Rombouts est un Hollandais very ge-nuine; d'autres supposent qu'il était de Zélande, parce qu'on aurait trouvé de ses oeuvres dans cctte province. Ce qu'il y a de probable, c'est qu'il demeu-rait a Haarlem, ou peut-ètre a Amsterdam, dont Haarlem est tont proche, car Adriaan van de Velde, qui habitait Haarlem, a été son collaborateur : la galerie Six possède un tableau qu'ils ont peint de concert, Rombouts le paysagc, Adriaan les person-nages et les animaux; c'est une Entree de forêt, avec un chcmin au milieu, et sur le ehemin quatre vaches, un patre et d'autres figurines. Cette fois Rombouts ressemble tout a fait a Ruisdael, — qui demeurait aussi a Haarlem. Et ou demeurait donc Hobbema, l'autre prototype de Rombouts? a Haarlem encore, probablement; du moins, il a travaillé dans les en-
bouts et au tableau, n° 888 a; et ce sont ces initiales que nous avons reproduites page 132, sans avoir remarqué la va­riante dans la table alphabétique du catalogue. Nous ne nous rappelons point, malheureusement, la signature du paysage de Berlin. Il faut croire que les initiales sur lesquelles hésite M. Waagen sont aussi rattachóes assez confusément en mono-gramme avec 1'R, comme dans notre signature de Rotterdam.
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J. ROMBOUTS.                                297
virons, puisque ses tableaux ont été également illus-trés par Adriaan van de Velde et autres artistes fixés a Haarlem ou a Amsterdam. Notre paysage aux dunes povirrait bien lui-même avoir été emprunté aux environs de Haarlem, dont Ie grand lac, desséché depuis sur une vaste étendue et metamorphose en terre ferme par 1'industrie magique du peuple hol-landais, étaitalors une véritable mer intérieure.
A propos de Rombouts et de van Kessel, c'est en-corc Ie cas de remarquer, — comme a propos de Ie Ducq, — que les peintres hollandais de second ordre, a peine connus de nom hors de la Hollande, ont produit — par hasard? — des tableaux aussi bons que ceux des premiers maitres. Donc il faut arriver a connaitre ces habiles ouvriers sans réputa-tion, pour ne pas toujours attribuer leurs oeuvres aux chefs de file, ainsi qu'on a coutume de faire dans les collections d'amateurs peu éclairés. Un vrai Rom­bouts ' constaté est plus interessant qu'un faux Hob-bema contesté.
Tout cela dit ne change rien, d'ailleurs, a la hië­rarchie de 1'école: malgré Ie mérite de leurs tableaux au musée de Rotterdam, Jan van Kessel et J. Rom­bouts n'en sont pas moins des médiocrités et ils de-
1 II y avait un paysage de Rombouts dans la célèbre col-lection Verstolk van Zoelen, vendue a La Haye, en 1847. Il y en a un dans la collcction Moltke a Copenhague. Le Rom­bouts do la collection Stolberg, que nous avons citó page 132, a été vendu 245 thalcrs, soit 918 fr. 75 e.
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meurcront des obscurités, si 1'on peut ainsi dire. Il
•  en est bien autremcnt de certains artistes, également jgnorés hors de la Ilollande, mais dont la place hié-rarchique doit être bouleversée, et qui doivent mon­ter au premier rang; tels, par exemple, ïheodor de Keijser et van der Meer de Delft, 1'un qui va de pair avec Frans Ilals et van der Helst, 1'autre avec Pieter de Ilooch et Metsu pour les intérieurs, avec Cuijp et Hobbema pour Ie paysage.
Deux autres imitateurs de Hobbema, Jan Loten et Edouard Dubois, sont morts tous deux en Angletcrre, Ie premier en 1G80, Ie second en 1699. Jan Loten, ou Looten, était probablement d'Amsterdam, et dans ses paysages Lingelbaeh a peint des personnages, dans un tableau de la galerie de Christianborg (a Copeahague) par exenij)le. Edouard Dubois était né a Anvers en 1622, et c'est après avoir visite 1'Italie, qu'il s'élait établi, sous Ie règne de Charles II, en
•   Angleterrc, oü il aurait fait non-seulement ses paysa­ges dans Ie slyle de Hobbema, mais des portraits.
Je raconte ces histoires d'après Smith et autres, déclarant que je n'en sais rien personnellement, ni mêmc si ces deux peintres ont imité Hobbema. J'ai bien vu de Dubois quelques paysages assez rappro-chés de la maniere de Ruisdael, un, entre autres, dans une collection particuliere d'Anvers. 11 n'a rien au musée de Rotterdam. Jan Loten a un paysage boisé, très-sombre; cane sul'üt pas pour ressembler a Ilob-
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J. VAN RUISDAEL.                             299
bcma, qui oppose a des ombres fortes une vive lu-mière, la vraie lurnière du soleil.
Coenraet Dekker encore adhère a cc petit groupe. S'il n'était pas trop noir, monotone de couleur, quel-quefois pesant de touche, il aurait beaucoup de Hobbema, et il Ie rappelle dans un tableau de sa meilleure facture : Habitation rustique, sous de grands arbres, au bord de 1'eau.
On ne s'attendrait guère a trouver de beaux Ruis-dael au musée de Rotterdam, qui en a trois ccpen-dant, et d'une qualité distinguée : une grande ' Vue du chdteau de Bentheim, que lc maitre a représenté plusieurs fois ; « admirable tableau fait avec un soin prodigicux et d'une parfaite conservation, » dit M. Viardot;—lc Champ de blè, avcc un grand arbre sur une éminencc a droite, et a gaucho un fond de marine; un coup de soleil blondit les bles déja pres-que mürs; eet effet de lumière capricieuse, la cou­leur du ciel, la solidité des terrains, Ie caractcre tout entier de cc paysage décoiivert, tiennent de Rem-brandt; cc petit chef-d'oeuvre doit avoir été pcint au moment 011 Jacob van Ruisdael se lourmentait du prodigicux artiste d'Amsterdam et suivait ses traces, presque dans Ie même sentiment que Philip Ko-ninck ; la Blanchisseried'Overveen, répétée en triple,
1 t metro S7 centiraètres de largo, sur \ mètre 02 centi-mètres de haut.
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au musée de La Haye, dans les collections Dupper, a Dordrecht, et Suermondt, a Aix-la-Chapelle, est de la même periode; notre Champ de blé, ainsi que la Vue du chdteau de Benthdm, est signé : Ruisdael, 1'R portant, comme d'habitude, Ie grand J et Ie petit v; — un Chemin, nous intitulerons tout simplement ainsi Ie troisième tableau; pourquoi pas? on appel Ie bien un des chefs-d'oeuvre de Ruisdael au Louvre : Ie Buisson, tout court. Ce pctit chemin sablonneux, glacé d'un ton gris sur la nappe de sable, s'en va de travers, entre des arbres, du cöté oü rayonne Ie soleil h 1'horizon: il y a nn peu d'eau en avant. C'est tout, mais c'est très-poétique pourtant, et d'une finesse exquise.
Le c&talogue de Rotterdam a tort de conserver 1635 pour la date de naissance de Jacob van Ruis­dael. 1630 serait plus pres de la vérité. Le catalogue du Louvre cite un tableau date 1645. La collection Hausmann (cédée au roi de Hanovre pour constituer un musée) en possède un, tres-curieus comme exemplaire des débuts du grand artiste : Collines sablonneuses au bord de la mer, avec une belle signa-ture et une belle date 1648; c'est déja très-fortet très-original. L'auteur ne pouvait pas être un petit boy de treize ans. Mettons qu'il avait dix-huit ans au moins. Le nouveau catalogue d'Amsterdam, si atten-tif a restituer la biographie des artistes, ne s'est pas corrigé non plus sur ce point, et il enregistre encore cette fausse date 1635; mais il a adopté le van pré-
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S. VAN BUISDAEL.                            30)
cédant Ie nom : il suffit, en effet, de bien regarder Ie monogramme, pour s'assurer qu'un petit v est greffé extérieurement sur Ie premier jambage de 1'R.
C'est un préjugé admis, que Salomon vanRuisdael aurait imité son jeune frère Jacob. Tout prouve, au contraire, que c'est lui qui 1'a formé. Il est 1'inter-médiaire entre Ie précurseurvan Goijen et Ie glorieux réalisateur Jacob. Que Jacob ait ensnite réagi sur Ie talent de Salomon et même sur Ie talent de van Goijen, c'est incontestable. — Rcmbrandt eut bien une certaine influence sur son vieux maitre Pietcr Lastman !
La preuve que Salomon fut un des éducateurs de son frère, cc sont ses tableaux peints alors que Jacob était encore enfant, par exemple un grand el supevbe paysage avec un canal couvert de bateaux, au musée de Berlin; la signature en toutes lettres est suivie de la date 1642.
Son tableau au musée de Rotterdam représente une Rivière avec diverses embarcations et des vaches qui entrent dans 1'eau. C'est aussi magistral qu'une oeuvre de Jacob. Les lointains perdus, les petites voiles a 1'air, extrèmement fins de couleur, s'harmo-nisent sur un beau ciel argentin.
Pieter Molijn Ie vieux, comme Salomon van Ruisdael, tient a van Goijen. Il a de la naïveté et quelquefois de la force. En général, il vaut mieux dans ses petites compositions que dans les grandes,
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qui sont vides et trop abandonnées. Une chaumièrc, au milieu, et deux ou trois paysans, — un tronc d'arbre, a gauche, et des terrains jaunatres,— une haie, a droite, et quclques broussis, — ne font pas un tableau. Avec cela seulement, il n'a produit sur sa toile, large de S pieds, qu'unc pochade très-vigou-rcuse.
P. J. van Asch et Abraham Verboom, étaient en-core de leurs contemporains. Nous avons dit par errcur, page 138, que van Asch n'avait point de tj-bleaux a Rotterdam : il en a deux, avec de grands arbres. Abraham Verboom en a un, très-bon : elfet de soir; pays boisé; des chasseurs se reposent, au second plan.
Renier van Vries semblc bien, lui, formé direc-tement a Técole de Ruisdael ou de Hobbema; il les serre d'assez pres dans une bonne peinture qui rap-pelle aussi Dekker, par 1'arrangement et par 1c ton : Canal bordé de batiments et d'arbres; deux hommes en bateau pêchent.
Le plus grand paysage du musée est une Entree de bois, par van der Hagen. 1 mètre 77 centimètres de large. Peinture décorative, signée J. Hagen, assez magistrale, ainsi qu'un second paysage montagneux élégamment composé.
L'ami de Ruisdael, Allart van Everdingen, 1'in-venteur des Cascades, nous en montre une, stiperbe
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JAN WOUWERMAN.                           303
par sa sauvagerie. — Oü 1'on peut surtóut étudier van Everdingen, c'est au musée de Dresde, dans cinq de ses paysages, très-difïerents les uns des autrcs.
Une rareté! Jan Wouwerman, Ie frère de Philips et de Pieter. Ses oeuvres s'ont presque introuvables, peut-être parce qu'il est mort assez jeune, en 1666, a Haarlem. Lc catalogue du Louvre dit qu'il était né en 1629. Mais cette date n'est pas absolument certaine, et Ie catalogue de Rotterdam n'ose pas la doimer. Je croirais bien que Jan naquit plus tard, car il parait s'être formé d'après la dernière maniere que Wijnants avait adoptée vers 1660.
Quoi qu'il en soit^ et n'eüt-il vécu que trente ans, il avait eu Ie temps, sans doute, de faire une cen-laiiie de tableaux. Que sont-ils devenus? Probable-ïncnt ils auront été attribués a d'autres maitres, a Wijnants surtout, non-seulemeut a cause de la res-scmblance du style, mais a cause de la resscmblance du monogramme employé par les deux artistes: J. W.
Le tableau de Rotterdam a 1'avantage d'ctre signé en toutes lettres : J. Wouwerman. C'est la seule signature entière qu'ait jamais vue M. Lamme, fort expérimcnté sur son école hollandaise. Chez M. de Kat, a Dordrecht, un superbc petit paysage n'a que le monogramme, aiusi que le petit paysage au cava­lier, de la galerie d'Arenberg, a Bruxclles.
Ce qu'on admire dans le paysage de Rotterdam, c'est rextrèine fermeté de la touche et l'énergie de la
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couleur. Wijnants est mou a cöté, et Philips est maigre. Ruijsdael en ses commenccments a cctte so-lidité, qui va jusqu'a la dureté, par exemple dans son tableau de 1648 a llanovre.
Le site représenté par Jan Wouwerman prête d'ailleurs a cette apreté sauvage, car c'est un simple morceau de terrains montueux, couvert de brous-sailles, avec du sable par-ci par-la, et des plantes drucs et courtes. Les habitués des bords de la mer y recounaitraient le caractère de certaines dunes isolées dans des parages infréquentés. C'est très-mélanco-lique, et presque terrible, d'autant que le ciel aussi est farouche et sombre. CEuvre vaillante, en resumé, et qui cause uneprofonde impression, du même genre a peu pres que le petit Buisson de Ruisdael au Louvre.
Voici justement Wijnants lui-même dans cette dernière maniere oü son talent avait gagné comme ampleur, mais oü il avait perdu son exquise finesse et sa douceur harmonieuse. En certaines parties des arbres, il tourne mème décidément a la froideur et a la sécheresse. Le maitre y est toujours cependant, bien sur de son terrain, car c'est la ce qu'il excelle a peindre, les mouvements du sol et les plans succes-sifs du paysage.
Les personnages sont de Lingelbach, dans ce ta­bleau dont nous parlons : cavaliers, chasseurs avec leurs chiens, paysans, etc. Nous avons déja fait re-mart) uer ailleurs que Lingelbach n'a guère illustré
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F. MANS.                                    305
de ses figuriues que les dernières reuvres de Wij-nants, après que Ie vieux paysagiste eut perdu ses deux élèves, ses deux collaborateurs d'affcction, Phi­lips Wouwerman et Adriaan van de Velde.
Un autre paysage, avec un tronc d'arbre dépouillé en avant, est assez faible, et probablement très-res-tauré. Le troisième, tout petit, en hauteur, est excel­lent et très-vigoureux.
Pourquoi donc encorc le catalogue de Rotterdam suppose-t-il que Wijnants est mort en 1670, quand il y a, au musée de La Haye, — ce n'est pas loin de ■ Rotterdam, — un Wijnants signó en toutes lettres, et date 1675?
Nous n'avions jamais vu d'oeuvre de Jan Sonje, mort a Rotterdam en 1691, et que van Eynden dit avoir été sectateur de Karel du Jardin et qiielquefois de Herman Saftleven. Le musée de Rotterdam mon-tre de eet artiste un paysage montagneux, sillonné par une rivière. On y devine la bonne école, quoique 1'exécution soit assez grossière. Ce qui nous en a le plus intéresse, eest la siguature : J Sonje f., I'S eutortillé sur le grand J du prénom.
Il y a au musée de Vienne un Paysage d'hiver, catalogue : T. H. Mans; au musée de Dresde, un autre Paysage d'hiver, catalogue : E. H. Mans; au musée de Berlin, un Canal hollandais, porté a F. H. Mans. Ces trois tableaux sont du mème peintre, et ces trois Mans, distingués par des iuitiales de pre-
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nom diöërentes ne font qu'un. Ces embrouilleinents viennent sans doute de ce qu'on a mal lu la signature du tableau de Vienne : FMans; YF du prénora aura été pris pour un T d'écriture anglaise, et, comme il est très-rapproché de VM, sa petite barre mitoyenne, toucbant au jainbage de VM, semble faire un H. La­dessus, M. Krafft, de Vienne, a inscrit ses initiales du prénom: T. II.; M. Waagen', de Berlin, lisant mieux Ie prétendu ï, a inscrit: F. II.; et M. Ilübner, de üresde, ajoutant un trait inférieur a 1'F, a inscrit : E. II. Nous regrettons bien qu'il n'y ait pas de Man£ au Louvre : on aurait vu ce qu'eüt fait M. Villot.
Au musée de Rotterdam, deux bons petits lableaux de ce Mans, Vues de plages maritimes, sont propre-ment signés : FMans, et dates 1673. F, et non pas T, ni E; et point d'H. Le musée de Gotha offre la mème signature sur un Paysage d'hiver, date 1605. Le tableau de Vienne est date 1687. On peut donc constater dès a présent que F Mans, dont la biogra-phie est a remplir, travaillait de 1605 a 1687.
L'babile eau-fortiste, Antonie Waterloo, a fait aussi de la peinture. Il n'est pas si bon avec la brosse qu'avec la pointe. Ses paysages peints sont rares. Le musée de Rotterdam en a un, avec un petit chasseur au premier plan.
1 Le plus curieux est que M. Waagcn donno la signuturo aveo un A! et que, a la table, il inscrit les initiales J. 11!
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LES MAHINISTES.                            307
Après avoir nominé Dirk Daelens, 1659-1088, ce sera fini pour les paysagistes du dix-septième siècle; muis la série ne s'arrête point la, dans 1'honnète mu-sée de Rotterdam, vraiment trop hospitalicr. Elle continue au dix-huitième siècle, avec d'horribles barbouilleurs comme 1'Allemand Philipp Hackert, devenu peintre du roi de Naples, et qu'on osa com-parer, en son temps, a Claude Lorrain! Elle passé par M. Andreas Schelfhoiit, né a La IJaye en 1787, et vivanl encore aujourd'bui; — un quart d'heure après sa mort, il ne sera plus en vie; pour parodier Ie mot lapalissieu sur Ie grand Marlborough. Elle arrive jusqu'a M. Barend Gofnelis Koekkoek, fils et élève de J. II. Koekkoek, — un nom enfantin, qu'on a toujours envie de prononceren chantant. M. B. C: Koekkoek, qui n'est pas né a Amsterdam, comme Ie dit Ie catalogue de 1'Exposition Univcrselle de 1855, maisa Middelbourg (Zélande), en 1803, réside tou­jours a Clèves. Ce chevalier du Lion néerlandais, de la Légion d'honneur et de 1'ordre de Léopold, pour Ie moins, est, ainsi que M. Sclielfhout, très-apprécié en Hollande et ailleurs, sous prétexte qu'ils out res-suscité l'ancienne et glorieuse école des Wijnants, des Ruisdael et des van de Velde. La pléiade, des paysagistes francais commence cependant a leur faire du tort auprès des amateurs de la saine et forte pein-ture.
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Les marinistes. — A défaut de Willem van de
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Velde, nous avons au musée de Rotterdam deux maitres qui lui ressemblent beaucoup et qui 1'égalcnt a peu pres, Renier Zeeman et Jan van de Capelle.
Zeeman était né a Amsterdam longtemps avant Willem, et ce n'est pas de lui qu'il tient son habileté a peindre la mer; quelques-unes de ses eaux-fortes sont datées de 1630, et 1'époque de sa grande pro­duction est entre 1650 et 1660.
Van de Capelle' aussi était plus agé que Willem , et il parait s'être formé principalement sous 1'in-fluence de Cuijp, d'Aart van der Neer, de Salomon Ruisdael.
La marine de Zeeman représente un effet de calme, avec plusieurs navires a la mer, et, au pre­mier plan, des pêcheurs en bonnet rouge.
Celle de van de Capelle, un calme pareillement, avec des bateaux de pêche, amarrés sur Ie sable.
Ces deux pelits tableaux, très-fins et très-vigou-reux a la fois, brilleraient dans n'importe quelle col-lection.
Un Port italien, par Jan Beerstraaten, est encore de bonnc qualité. Reerstraaten avait été en Italië, mais il n'y parait pas trop dans sa peinture. Comme date de sa mort, Ie catalogue de Rotterdam inscrit 1687.
Un autre Port italien et son pendant sont signés 1 Voir sur van do Capelle : Galerie d'Arenberg, p. 57.
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BACKHÜ1ZEN.                                309
de A. Stork, auteur d'un troisième tableau : Vue d'Amsterdam, prise de 1'IJ, ou de 1'Y, — bras de mer intérieure, baignant la tête d'Amsterdam et cor-respondant avec Ie Zuiderzee.
Tous les biographes disent que Stork est né en 1650 : ils doivent se tromper, car nous corinaissons de lui, dans la collection Dubus de Gisignies, a Bruxelles, un grand tableau, représentant uneEcluse, d'Amsterdam sans doute, avec la date 1667. Il n'est pas très-croyable que cette peinture savante et forte soit 1'ceuvre d'un jeune garcon de dix-sept ans. Ne dit-on pas aussi qu'il a souvent fait des figures dans les paysages de Hobbema, dates de 1660 a 1670? Ce n'est pas très-sur, a la vérité; mais son tableau de 1667 suffit peut-être pour infirmer la date supposée de sa naissance.
Jan Stork, qui vivait au commencement du dix-huitième siècle, est sans doute un descendant d'A-braham. Sous son nom est cataloguée une Vue de randen port de Rotterdam, du cóté de la rivière.
A Jan Willaerts, un des nis d'Adam qui fut doyen de la gilde d'Utrecht, on attribue unc Vue de rivière, avec beaucoup de petites barques.
Mais Backhuizen ne saurait manquer a Rotter­dam : il y est avec deux marines, dont une assez importante et très-riche de composition. Et voici, entre autres de ses élèves, Wigerus Vitrincja, nó a Lceuwaarden, en 1657. et Jan Claasz. JRietschonf,
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né en 1678, suivant Ie catalogue de Rotterdam, en 1652 selon celui d'Amsterdam; je crois que c'est Amsterdam qui a raison, car Jan Claasz eut un fils, Hendrik, déja peintrc a la fin du dix-septième siècle, dans Ie style de Backhuizen, comme son père.
La série des marinistes, de mème que la plupart des autres, est terminée par des pcintres de notre temps. Ce sont ici les Schotel, Johannes Christianus, Ie père, et Petrus Johannes, Ie fils, né a Dordrecht, en 1808.
Les auchitecturistes. — Trois bons peintrcs d'architecture, ou plutót d'intérieurs déglises et de monuments, se rencontrent au musée de Rotterdam : Emmanuel de Witte, Dirk van Delen et Hendrik van der Vliet, tous trois nés presque au mème mo­ment, Emmanuel et Dirk en 1607, Hendrik en 1608.
L''Intérieur d'un temple protestant, parefc Witte, ofire les qualités habituelles de 1'artistc, qui semble s'ètre formé d'après Aalbert Cuijp, quoiqu'il aitétu-dié chez Evert van Aalst : une perspective savante, une touche ferme, une couleur profondc.
Hendrik van Streek, qu'on dit un de ses élèves, a aussi un tableau analogue, mais de grande proportion.
Avec van Delen, il nc s'agit plus d'une froide église, mais d'une salie elegante, oü dix personnages font de la musique. Ces figurines sont, je crois bien, de Palamedes, qui a souvent collaboré avec van De-
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D. VAN DELEN.                       . 311
len, par exemple dans Ie précieux tableau du mu-sée de La Ilaye. Notre Salie de concert est signée : nvDEMSN, 1036. D'autres signaturcs sont écrites : Deelen, par exemple au musée de Brunswick : D. van Deelen'fee, 1633.
Il est étonnant qu'Immerzeel et plusieurs biogra-phes aient eneore embrouillé la date de naissance de ce peintre, quoiqu'il ait eu Ie soin de laisser sur ses ceuvres tant de dates authentiques : au musée de Paris, d'abord, 1628; 1629 sur deux tableaux, 1'un, a Utrecht, 1'autre, pres de Nimègue, cités par M. Kramm; 1635 a Brunswick; 1636 a Rotterdam ; 1640 a Vicnne; 1647aBerlin; 1651,probablement, a La Haye, etc, etc.
Quant a la date de sa mort, elle n'est pas exactc-ment connue; « on sait seulemcnt qu'il vivait après 1651, » dit Ie catalogue du Louvre, copiant Immer-zeel ; a quoi Ie nouveau catalogue d'Anvers répond par ce renseignement, découvert dans les registres de la chambre de rhétorique du Rameau d'Olivier [Olijftak), a Anvers, au milieu des cornptes, allant du 18 septcmbre 1668 au 18 septembre 1669 : ... « Payé aux comestibles et a la boisson, lorsqueM. lc bourgmestre van Delen a fait placer son tableau dans la chambre.... etc. » II s'agit d'un tableau allégo-rique, — avec figures de Théodore Boeyermans, — que Ie bourgmestre (d'Arnemuiden) van Delen of-frait a la gilde de Saint-Luc, et qui est aujourd'hui au musée d'Anvers (n° 408). — 1669! voila donc
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dix-huit ansde gagnés pour la vie du peintre-bourg-mestre Dirk van Delen!
Aucun des van Vliet, ou van der Vliet, n'est cité dans le catalogue de Paris. Willem, né a Delft, en 1584, était un excellent portraitiste, a pcu pres de la force de Miereveld, a qui il ressemble beaucoup. Le musée de Bruxellcs possède de lui un superbe portrait d'homme, signé en toutes lettres : W. van der Vliet, ƒ., avec une date, malheureusement cachée par le cadre.
Hendrik, estimé surtout pour ses Intérieurs, était fils ou — nsTeu? — detyillem. On ne dit pas si Jan George van Vliet, 1'eau-fortiste et pcintre, sectateur de Rembrandt, appartenait a cette familie de Villem et de Hendrik.
De même qu'Emmanuel de Witte, Hendrik approchc souvent de Cuijp, par cxemple dans son grand' Intérieur de temple protestant, animé par beaucoup de personnages, et date 1656. Il a encore, au musée de Rotterdam, un autre bon petit tableau avec un effet de soleil.
La date de sa mort reste aussi a trouver. La der-nière date que je connaisse sur une de ses oeuvres est 1666, danslacollection deM. de Kat, a Dordrecht.
N'avons-nous point déja parlé de van der Vlfl, a 1 1 mètre de haut, sur 84 cenliinèlresde large.
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A. HONDIUS.                                 313
propos des amants de l'Italie? Il faut cependant qu'il revienne avee les architecturistes, car c'est celui-la qui avait une vraie vocation pour 1'architecture! non pas pour les effets de lumière dans 1'intérieur d'un édi-fice, mais pour la construction même du monument extérieur, pour 1'arrangement des pierres dans un ordre irréprochable, d'après des plans géométriques dressés par des 'hommes de la profession. Comment a-t-il pu rebatir les villes italiennes, sous les brouil-lards de la Hollande! avec des dessins et des gra­vures, sans doute, combinées,amalgarnóes, métemp-sycosées, au moyen d'unc sorte d'inarénieuse alchimie. Aussi dit-on qu'il était chimiste, — plus qu'artiste, probablement.
Son tableau du musóe de Rotterdam, « richement etoffe, » représente... eh bien! il représente « une Ville italicnne avec de grands édifices, » — con-struits au fond d'un atelier hollandais.
Peintres de chasses et d'oiseaux vivants. — II parait que Ie nom d'Abraham Hondils est « entière-ment inconnu hors de la Hollande1. » A la vérité, les musées de 1'Europe ne montrent aucune de ses ceuvres, si ce n'est Ie musée de Dresde, oü un petit Combat de cavaliers, pres dun village, est catalo-gué (n"998) sous Ie nom d'Abraham Hond'1,
1  M. Louis Viardot.
2  C'est, en effet, Ie nom original, qui vent dira ohien, et qui a été iatinisé : Hondius.
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en 1638 a Rotterdam, mort a Londres, en 1691, dates qui s'appliquent bien au « cólèbre peintre d'ani-maux, très-connu dans 1'histoire de l'art, » suivant les expressions du Hollandais van Eynden1. La collection des comtes de Brabeck et de Stolberg, vendue a Ha-novre, au mois de noyembre dernier, renfermait aussi deux petits Hondius : un Chien faisant lever une cigogne et un Chien faisant lever un héron, signés en toutes lettres et dates 1670, et qui ont été adjugés ensemble, au prix de 194 thalers.
Après cela, en effet, on ne saurait guère oü signa-ler des tableaux d'Abraham Hondius. En Angleterre peut-être, oü ce grand artiste a résidé quelque temps et ou il est mort. Un pareil talent convenait a la dé-coration des chateaux, et les Chassesde Hondius, s'il y en a dans les demeures de 1'aristocralie anglaise, doivent y faire de bcaux pendants aux Chasses de Snyders. L'exposition de Manchester ne nous a pas renseigné la-dessus. Mais est-ce que Walpolc et les autres historiographes de l'art en Angleterre ne par-lent point de Hondius?
Donc Ie musée de Rotterdam est très-favorisé avec sa grande2 Chasse, oü une laie delend ses petits mar-
1 Van Eynden cependant ne sait pas si ce « célèbre » Abra­ham était do la fumille des graveurs bion connus, par exem-ple de Hendrik Hondius , qui a supérieuremunt gravé d'après van Dyck, Titien et autres.
! 2 mètros 78 centimètres de largo, sur 2 mètres 21 centi-mètres de ha ii
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JACOB VICTOR.                               315
cassins contre une meute de chiens terribles. C'est plus sauvage que les Chasses de Snyders, aussi mou-vementé, aussi habile de dessin, mais pas si fin de couleur, ni si eclatant de lumière. Un chef-d'oeuvre, tel que c'est, et la Chasse aux ours, de Paul Potter, toute repeinte, il est vrai, n'aurait pas bonne mine auprèsi
La signature est entière, nom et prénom, avec les lettres initiales bellement fioriturées. — Le musce doit ce trésor a M. Jacobson, propriétaire lui-móme d'une magnifique collection de tableaux modernes.
A la suite de Hondius vient un autre grand tableau de Chasse, par Jan Beeldemaker, né a La Ilaye en 1630. J'avoue, a mon tour, que je ne connaissais point Beeldemaker, mais je suis bien aise d'avoir fait sa connaissance : il a de 1'ampleur et il n'est point commun; on hésite pour deviner a quels maitres il se rattache. Ses deux chasseurs avec leurs trois chiens sont de grandeur naturelle, dans un paysage accidenté, dont les fonds resplendisscnt de soleil. — Encore un présent fait au musée en 1853.
Qu'est-ce que « J. Kooll, qui vivait au dix-sep-tième siècle ? » II est 1'auteur d'une Chasse au cerf dans un paysage boisé. Je ne me rappelle pas ce Kooll, et probablement il ne vaut pas la peine qu'on s'en souvienne.
Nous retrouvons enfin notre Jacomo Victoh, « le
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peintre des poules. » J'aime mieux son tableau qu'une Mater dolorosa des Bolonais. C'est plus sim-ple et moins trompeur. Il y a une mère, vraiment! une grosse poule jaune, qui porte deux poussins sur son dos! lis ont eu la fantaisie de se poser la, sur ce chaud tapisde plume, pendant qu'elle continue a pi-coter dans la basse-cour, sans faire semblant de rien; mais n'ayez peur qu'elle se secoue brusquement! Oui! j'aime autant ca que Ie tableau de je ne sais plus quel académicien, avec Ie vert galant, Henri IV, servant aussi de monture a ses petits, quand tout a coup vient Ie surprendre 1'ambassadeur de quelque fier monarque.
Derriere la bonne poule rustique, quatre autrcs poussins s'essayent a la vie, égratignant la terre de leurs petits crgots, pour y chercher quelque trésor, ou becquetant un fétu, d'un air victorieux. Tout a 1'heure, elle étendra ses ailes comme une tcnte de soie, et ils viendront tous s'y mettre a 1'abri.
Tableau de familie, oü manque seulement Ie père, occupé ailleurs sans doute; les coqs ont d'autres affaires que d'éduquer les poussins. Mais il y a deux pigeons, que cette scène touchante fait réfléchir et qui semblent se préparer a un excellent ménage. .
Comme praticien, Jacomo Victor est au moins 1'égal de Melchior de Hondecoeter. Il est plus moelleux, plus ample, plus coloriste. Melchior est souvent uii peu sec, un pen froid, égal dans ses lumières, peu raf-finé danslestransitionsduclair-obscur. Jacomo peint
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NATURE MORTE.                             317
ses poules presque comme Rembrandt peint ses hommes, franchement et de vive impression. Les oiseaux de Melchior ont parfois l'air de poser dans un jardin zoologique. Ceux de Jacomo sont abandon-nés a la simple nature et ils ne soupconnent point que des promeneurs et des curieux puissent les re-garder.
Le tableau, presque carré, — 87 centimèlres de haut sur 81 de large, — est signé : Jacomo Victor; sans date, malheureusement.
Point de tableau de Melchior. Mais nous rencon-trerons tout a 1'heure un autre Hondecoeter, avec des oiseaux morts, étalés sur une table.
Peintres d'objets quelconques. — Nous avons beau nous débattre contre cette méchante appellation de : nature morte, nous ne savons, jusqu'ici, com-ment la remplacer par un terme qui comprenne a Ia fois le gibier mort, animaux et oiseaux, le poisson,— on n'a pas souvent peint le poisson dans 1'eau,—les fleurs et bouquets, les fruits, les vascs et ustensiles, armes et instruments de musique, bijoux et orne-ments divers, draperies et costumes, et les mille ob-jets qu'on peut grouper pour en faire le prétexte d'une reprcseutation colorée, amusante, sous le coup de la lumière.
Nature morte est absurde.
Est-ce que les fleurs ne vivent pas? E lies ont leur
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respiration et leur santé; clles sont gaies et brillantes, ou tristes et ternes; clles s'agitent sans cesse, quoique presque imperceptiblement, se tournent vers la lu-mière, s'écartent pour laisser passer des branches perfides, s'infléchissent sous 1'influence de la séche-resse, se gonflent et s'épanouissent sous la caresse d'un rayon. Les fleurs ne sont pas de la nature mortel II n'y a point de nature morte.
Tout vit et tout remue, tout aspire ou expire, tout se métamorphose a chaque instant. Tout prend ou donne quelque chose autour de soi, modifiant avec une persévérance irrésistible son entourage, en même temps que sa propre existence. Tout communiqué avec tout et participe a la vie solidaire. Il n'y a point de nature morte!
Le vin qui est dans ce verre de cristal s'évapore au soleil et s'en va dans 1'invisible. — Cette cassette d'or s'use au contact du tapis oriental sur lequel olie est posée. — Cette lame de Damas attire des atomes humides et s'en fait une enveloppe rouilleuse, et, avec le temps, ce fourreau de rouille dévorera la lame d'acier. — Si ces deux vases se heurtaient trop étourdiment, la pierre dure lancerait des étincclles.
Tout agit et róagit dans le tourbillon continu de 1'univcrs. Tout est a la fois une chose et un être, une (Buvre et un ouvrier. Il n'y a point de nature morte! —Omnia mutantur, nil interit.
Les trois de Heem sont rassemblés au musée de
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RACHEL RUIJSCH.                            319
Rotterdam: David Ie vieux, Jan Davidsz. et Cornelis, fils de Jan Davidsz.; il ne manque que Jan II, frère de Cornelis.
David Ie vieux : une Guirlande de fleurs et de fruits autour d'une coupe a vin du Rhin.
Jan Davidsz., un grand1 tableau tres-important : sur une table a tapis de velours vert, des fruits, des crevcttes et des crabes, une écrevisse, un jambon, un plat de porcelaine, une coupe en argent, etc.
Cornelis : une Guirlande de fruits.
Mignon, élève de Jan Davidsz. : une Grappe de raisin et des fruits dans une niche.
Autre élève des de Heem, Elias van den Broeck, né a Anvers (il est donc Flamand d'origine) en 1657, mort a Amsterdam en 1711; c'est sans doute un descendant de Crispin van den Broeck, assez célèbre a Anvers au seizièine siècle: des Fleurs, sur un socle de pierre.
Willem van Aalst, élève de son oncle Evert : des Fleurs, dans un vase en argent. Il parait que Willem a résidé quatre ans en France et sept ans en Italië.
Rachel Ruijsch, élève de Willem van Aalst : des Fleurs entortillées autour d'une souche d'arbrc; en avant, sur des mousses, divers insectes. Signé et
1 4 metro 05 centimètres de largo, sur 7ö centimetros de ha ut.
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date 1685. Rachel avait vingt et un ans, et ce n'est que dix ans après qu'elle épousa Jurriaan Pool, déja mentionné parmi les portraitistes. Le catalogue dit que ce tableau fut donné par Rachel a Ludolf Backhuizen, alors dans toute sa célébrité.
La Hollande, qui eut eet instinct particulier de peindre les nioindres êtres et les moindres objets de la nature, avait produit, bien avant Rachel, des ar-tistes consacrés a glorifier 1'insecte, le papillon, cccette fleur qui vole, » et tout le menu peuple qui circule parmi les herbettes, sur les feuilles ou dans le plein air. Heda, un grand peintre de bagatelles, qui doit coinpter parmi les initiateurs de 1'école, et dont nous aurons occasion de parier ailleurs, avait commencé cette exploration de la petite nature entremêlée par-tout dans la splendide fête de la vie. Lé premier, il eut l'idée de faire boire le papillon a la coupe de métal orfévri. Il parait même que ces fantaisies ne déplu-rent point au magnifique Rubens, qui évoquait sur ses immenses toiles de bien autres acteurs; car, dans la collection inventoriée après sa mort, il y avait deux cc pièces » de Heda.
Mais c'est surtout a la familie Withoos qu'appar-tient Ie papillon, a Mathias, né en 1627, a ses trois fils, Jan, Pieter et Frans, et a sa fille Alida.
Nous tenons le père au musée de Rotterdam, a moins que ce ne soit un de ses fils, ou miss Alida peut-être; car ils se ressemblent tous dans la familie,
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LES WITHOOS.                               321
et ce n'est pas nioi qui me chargerai de faire la diffé-rence entre la fille et les garcons, entre les enfants et lc père. Je m'en rapporte a la perspicacité de M. Lamme, qui attribue « a Mathias » : des Papil­lons et une couleuvre1, pres d'un chardon. — Ce chardon, aöectionné des Withoos, on s'attendrait plutót a Ie trouver chez Karel du Jardin et chez Berchem, au bord du gué oü les bergères passent d poil, pour ne pas mouiller leurs pieds mignons.
Les Withoos ne sont guère connus en France sans doute; on y rencontre néanmoins de leurs ceuvres2, assez souvent mal attribuées, quoiqu'ils aient une maniere très-distinctive.
lis peignent avec beaucoup de pate partout, n'em-ploient point les frottis et peu les glacis, reviennent encore sur ces préparations solides avec de nou-velles touches franches, quelquefois jusqu'a ma-conner des reliëfs; si bien que leurs tableaux font 1'effet d'une tranche d'agate veinée, sur laquelle on devine des dessins quelconques, tout ce qu'on veut. Et jamais de clair nulle part; tout, sombre; jamais de ciel, ni de percée lumineuse, ni Ie vague de 1'air! C'est curieux pour des peintres de papillons!
Aussi leurs papillons, modelés en granit et émaillés de tons extrêmement énergiques et brillants, ont
1 II y a aussi quelquefois des lézards, souvent des coquil-lages, dans les tableaux des Withoos.
* II y en avait une autrefois dans la colleclion de M. Bar-roilhet, de 1'Opéra.
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1'air de bijoux fabriqués avec les pierres les plus pré-cieuses, et fixés expres sur un fond vert-noir, afin que les rubis et les topazes jettent d'autant mieux leur éclat.
Il semble que, si 1'on était peintre de papillons, la manie serait, au contraire, de ne faire qu'un ciel sur sa toile, point de nuages même, 1'air pur et subtil, 1'éther, et un papilion volant, au beau milieu. Quelque chose rappelant, pour la noblesse et la proibndeur de la composition, César mort dans Ie vide,—avec cette différence que Ie papilion serait vivant.
Si c'était bien fait, peut-être ce Papillon — tel serait Ie titre du tableau — aurait-il du succes au Salon de Paris.
Le tableau aux papillons, du musée de Rotterdam, n'est pas peint du tout dans ce sentiment-la, et il nous a causé le même plaisir, très-vif, qu'un mor-ceau de rocher aux mille couleurs, comme on en voit dans les montagnes de la Suisse.
Les poissons encore sont pour le coloriste un mer-veilleux prétexte a chatoiement de nuances infiniment variées. Beaucoup de nobles peintres s'y sont amuses, Velazquez par exemple, comme M. Eugène Delacroix s'est amuse a peindre des fleurs. Un des grands mai-tres du poisson est Snyders, chez les Flamands. Chez les Hollandais, chacun, naturellemunt, a su faire son poisson: Adriaan van Ostadc et même Metsu, aussi bien que les specialistes. Jan Steen a fait un
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DE HONDECOETER.                           323
hareng! le plus beau du monde. Je ne me rnppclle pas de poissons par Rembrandt, mais bien des oi-seaux, — et même unc coquille, la célèbre cau-forte, — sans parier des lions et des tigres.
Un des plus excellents peintres dans la spécialitó est Jacob Gillig ', très-rare et presque inconnu hors de la Hollande. Nous ne 1'avons pas au musée de Rotterdam, mais nous avons un de ses rrvaux, moins fin certainement, sans être moins coloriste, Aalbert van Beijeren : deux tableaux de poissons, dont un, large de 3 a 4 pieds.
Glissons de 1'écaille a Ja plume : grande2 compo-sition de Jan Wecnix, assez faible, avec un paon suspendu a une branche d'arbre, d'autres oiseaux morts et des fruits; il y a même un singe en yie. Le singe a ce privilege, que la peinture ne 1'a jamais representé mort.
A « Gillis de Hondecoeter, qui travaillait au com-mencement du dix-septième siècle, » le catalogue attribue un superbe tableau d'oiseaux morts3. N'é-tait-ce pas le grand-père de Melchior, qui se nom-mait Gillis? Le tableau ne saurait ctre de lui, car il est
1 Voir sur Jacob Gillig : Galerie Suermondt, pag. 67-69. La Galerie Suermondt possède aussi un tableau de van Beijeren, date 1661, et un tableau de Willem van Aalst, date 4667.
1 1 raètre 81 centimètres de haut, sur 4 mètre 56 centi-mètres de large,
3 1 mètre 30 centim. de large, sur 85centim. de haut.
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date, jecrois: 16J55. Lecatalogtie voudrait-ildesigner Gisbert, le père de Melchior? Mais Gisbert est mort, dit-on, en 1653. Du quel des Hondecoeter peut donc otre cette peinture, si vigoureusc et si magistrale? Je ne sais, mais elle porte une signature que nous n'a-vons pas bien lue, et qui aiderait sans doute a 1'exac-titude de 1'attribution.
Le fameux van Huijsum ne manque point a Rot­terdam, du moins en sa qualité de paysagiste — arca-dique. Deux pendants, Vues d'Italië, oïi Jan van Jluijsum n'avait jamais voyagé, pas plus que van der UI ft. Ses paysages ne valent pas sesfleurs,—qui n'ont guère plus de parfum que le fer-blanc ou le carton.
Mais nous avons des fleurs par un de scs imitateurs posthumes, Gregorius Jacobus Johannes van Os, rien que cela! Ce G. J. J. van Os était fils et élève de Jan van Os, né a Middelharnis en 1744. Son frère ainé, Pieter Gerardus, faisait des paysages : Rotter­dam a le malheur d'en posséder trois.
Peintkes divers. — II n'y a point de filet si serre, d'oü n'échappe quelque fretin. Dans les mailles de nos catégories, nous n'avons pas pu pêcher divers peintres, obscurément tapis en des recoins de 1'école hollandaise. 11 faudrait les prendre a la Jigne, un a un, avec la patience des petits pêcheurs de Hobbema, tranquillement assis au bord d'une mare; encore ne voit-on pas que les bonshommes de Hobbema soulè-
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PEINTRES DIVEKS.                           32ö
vent jamais leur ligne, et qu'ils attrapent Ie moindre vairon.
Quelques-uns de ces artistes nous sont inconnus, par exemple Andreas Gbetting, (est-ce un Alle­mand?) auteur d'un tableau mythologique, Diane et Actéon, date 1607 ; — II. Bollongie, « \ivant au dix-septième siècle, » d'après Ie catalogue; — « Jan van Beylert, né a Utrecht en 1603, » qui est sans doute Ie mème que « Johann Bylert, né en 1620, » dont on rencontre un tableau au musée de Cassel. D'autres ne se rattachent a aucun groupe, comme Hendrik Goltzius, mort a Haarlem en 1617, auteur d'une grande composition mythologique, large de deux mètres. D'autres sont tellement en dehors de 1'école, qu'il faudrait les classer avec les étrangers, par exemple Gerard Hoet, quoiqu'il soit né en 1648, et qu'il ait encore vécu a cóté des maitres du bon temps; il a trois tableaux a Rotterdam : Pyrame et Thisbé... Thisbé et Pyrame... je ne sais quoi. C'est Ie père de Gerard Hoet, peintre également, et publi-catcur des deux volumes de catalogucs, auxquels Terwesten en ajouta un troisième.
Puis viennent certains artistes de la décadence, fort célèbres tout de même a leur époque, et qui assuré-ment ne manquent pas de talent : Jacob de Wit, 1695-1754, dont la spécialité fut de peindre en gri­saille des apparences de bas-reliefs : il en a fait au Pavillon du bois a La Haye et surtout a 1'ancien hotel de ville d'Amsterdam, aujourd'hui Ie Palais;
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il en a deux, — sujets allégoriques,— au musée de Rotterdam, et un Couronnement de sainte Catherine, petile esquisse assez adroite; — Cornclis Troost, 1697-1750, sorte de caricaturiste, surnommé — par patriotisme Ie Hogarth hollandais.
Puis... 1'école hollandaise, la vraie, 1'originale, est finie. C'est assez d'avoir dure presque un siècle, Mais cependant une siiccession de peintres — qui ne comptent plus — arrive jusqu'a nous. Voici, pour les curieux, une nomenclature de noms; les collec-tionneurs de tableaux modernes y trouveront sans doute des artistes de leur connaissance, et dont les ceuvres paraissent quelquefois dans les ventes pu-bliques :
Hendrikus van de Sande Bakhuizen, né a La Haye en 1795; Nikolaas Baur, 1767-1820; Arnoldus Bloemers, né a Amsterdam en 1792; George Gillis Haanen, né a Utrecht en 1807; Bartholomeus Jo-hannes van Hove, né a La Haye en 1790 ; Jan Huls-wit, 1766-1822; Adriaan Meulemans, né a Dor­drecht en 1766; Louis Moritz, né a La Haye en 1773; J. H. Prins, 1759-1805; James de Rijk, nó a Hil­versum en 1806; \Yillem Hendrik Schmidt, 1809-1849; Johannes Josephus Ignatius van Straaten, 1766-1808; Bruno van Straten, né a Utrecht en 1786; Frans Swagers, 1756-1836; Jan Hendrik Verheyen, 1778-1846; Hendrik Yoogd, 1766-1839; George Pietcr Westenberg, né a Nimègue en 1791; PieterÜiristoffel Wonder, né a Utrechten 1780.
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Les Flamands. — Cette fois, du moins, nous avons des Flamands en quantité, et mêtne quelques-uns de qualité.
Le precedent catalogue attribuait a Memmelinck l un Jean l'apoealyptique, attfibué maintenant, dans
I  M. Viardot, qui publiait ses notes sur les Musèis de Hol-latide a 1'époqueöu le tableau était encoreatlribué a Memlihg hii-même, en parle ainsi: « Saint Jean écrivant l'Apocalypse, par Hemling, ou Memmelink. Derriére 1'apótre se tient la diable, quijette son écritoire de dópit. Très-fin, très-soigné, ce petit tableau est peint a 1'huile. Il faut donc le donner non a rilemlinsj de Bruges, mais a 1'Hemling de Munich (voir aux Musées d'Allemagne, p. 39etsuiv.). » — Dans ses Musèes d'AUemagne, en effet, et aussi dans les Musées de Belyique, au paragraphe sur Bruges, M. Viardot distingue deux Hem­ling, 1'un Allemand, 1'autre Flamand, et, selon lui, 1'Hemling de Bruges ne peignait point a 1'huile, mais a la détrempe : la fameuse Chdsse de sainle Ursule, et tous les tableauxde 1'hó-pital Saint-Jean seraient peints « a 1'eau, en employant pour flxer les couleurs la gornme ou le blanc d'oeuf. » Toute 1'ar-gumentation de M. Viardot pour établir 1'existence de deux Hemling, repose sur cette supposition : que les tableaux de Bruges ne sont pas peints è 1'hiiile.
II   n'y a qu'un malheur : c'est que la Chdsse de sainte Ursule et toiis les tableaux de 1'hópital Saint-Jean sont parfai-tement peints 9.1'huile, et ils tl'ont même aucune apparence de peihture a 1'eau, avec oli sans blanc d'oeuf. On ne devine pas ce qui a pu faire naltre une pareille imaglhation dans 1'esprit très-sensé de M. Viardot. Du reste, je crois que ce n'estpas a lui qu'appartient la première invention des deux Hemling, mais a un critique, aujourd'hai déja très-oublié, a
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Ie catalogue de 1859, a « Rogier van der Weide, né a Bruxelles en 1480, mort en 1S29. » Qui est ce van der Weyden ? Ce n'est pas Rogier Ie vieux, mort en 1464, ainsi que 1'a prouvé M. Wauters, 1'archiviste de Bruxelles. Serait-ce un Rogier Ie jeune, censé élève du vieux, et censé auteur de la magnifique Descente de croix du musée de Berlin, datée 1488. Ce Rogier Ie jeune, suivant M. Waagen, qui semble un peu 1'avoir inventé, serait mort en 1329 ; mais, s'il a date de 1488 Ie chef-d'ceuvre conservé a Berlin, il n'est pas né en 1480. Allons, il faut que les diffé-rentes personnalités de cette familie van der Weyden, Rogier Ie Vieux, Rogier Ie jeune, Goswin,etc, soient encore éclaircies.
Pour ce qui est de Rogier Ie vieux, 1'affaire est faite, sauf pourtant a vérifier s'il ne serait point Ie même que Ie « Rogelet de la Pasture, natif de Tour-nay, » découvert par M. Dumortier dans Ie registre de la gilde des peintres tournaisiens. Que Rogier, au-trefois de Bruges, soit de Bruxelles ou de Tournay, il
feu M. Fortoul, auteur d'un livre amphigourique sur VArt en Allemagne.
Il faut donc renoncer aux deux Hemling et en revenir au seul Memling ou Memmelinghe, comme les érudits de Bruges et d'Anvers veulent maintenant écrire ce nom, d'après des documents plausibles. Il faut surtout tenir pour certain que tous les Memling de 1'hópital Saint-Jean sont peints a 1'huile. — Voir, si 1'on veut, pour plus ample information, la Galerie du roi de Hollande, par M. Nieuwenhuis, pag. 52.
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n'en est pas moins, dans 1'histoire de la première école flamande,l'anneau intermediaire entre les van Eycket Memling. Encore n'est-il pascertain, ni que Rogier ait été élève direct des van Eyck, ni que Memling ait été élève direct de Rogier! — On ne peut jamais avoir toute satisfaction avec ces maitres primitifs!
Deux autres van der Weyden ont leur existence prouvée dans Ie fameux Liggere d'Anvers : 1'un fut recu franc-maitre de la gilde de Saint-Luc, a Anvers, en 1528, et il y recut un élève en 1536; 1'autre, prénommé Goswin, parait ètre né vers 1465 ; il est doyen de la gilde en 1514 et en 1530; il y recoit des élèves a plusieurs époques; il peint en 1535 un trip-tyque pour 1'abbaye de Tongerloo.
Ces renseignements donnés par Ie catalogue du musée d'Anvers ne disent rien sur Ie Rogier Ie jeune de M. Waagen, sur 1'auteur de la Descente de croix datée 1488, etqui serait mort en 1529. Était-il Ie fils de Rogier Ie vieux? était-il Ie père de Goswin, ou de 1'autre van der Weyden recu franc-maitre en 1528? —Reste a débrouiller cette dynastie.
En tout cas, revenant a notre Saint Jean de Rotterdam, 1'attribution est aussi fantastique que Ie maitre. Le tableau est d'ailleurs de 1'école de Memling, probablement, car 1'écrivain de 1'Apo-calypse est le même a peu pres que celui du volet droit du Mariage de sainte Cathcrinc, a 1'hö-pital Saint-Jean de firuges. Seulement, la tête et les mains sont loin de la perfection du grand artiste et
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indiqucnt un sectateur éloigné. Le paysage, les fines fleurs et les herbettes ont quelque chose de Patenier, qui imita Memling comme paysagiste, quoiqu'il n'ait élé recu maitre de la gilde d'Anyers qu'en 1S15* seize ans après la mort de Memling.
Yers ce temps-la, dans la partie flamande des Pays-Bas, aussi bien que dans la partie devenue depuis la Hollande, commencait 1'imitation des Italiens. Au Raphael flamand, Barend van Orleij, de Bruxelles, est attribuée une Jeune femme pincant de la guitare. il n'est pas impossible que ce soit de lui.
Au contraire de van Orley, le grand Quentin Massys, ou Matsys, ou Metsys, demcura le continua-teurdesvan Eyck, de Rogier yan der Weyden et de Memling. A son nis Jan, recu maitre de la gilde d'An-vers en 1531, on attribue une Danaé, tres-belle figure de femme modelée en clair et dontlestylerappelle un pen celui desFlorentins. Il ne parait pourtant pasque Jan Massys ait jamais été en Italië, et ses deux tableaux authentiques du musée d'Anvcrs ', signés et dates, 1'un de 1558, 1'autre de 1564, ne trahissent point la même influence.
Pieter Povrbvs ne devrait pcut-ètre pas être range
1 Le musée de Paris possède aussi uno Bethsabèe, signée loanes Massiis, et datée 1562. Offre-t-elle quolquc analogie avec le style italien?
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parmi les Flamands, quoiqu'il ait vécu longtemps a Bfuges, et qu'il y soit mort; car il est né a Gouda et son style est resté hollandais. Il a, au musée de Rot­terdam , un superbe portrait de femme, couvert dö repeints, malheureüsement.
Nous passerons vite sur la première génération de la grande école qui] illustre Ie commencement du dix-septième siècle : van Balen : Sainte Claire sur son Ut de mort; — Peter Neefs Ie vieux : un Inté­rieur d'église catholique; —Brvegel de Velours : un Christ avec la Madeleine; les figures par J. B. Francken, suivant Ie catalogue; — Frans Francken Ie jeune : une Compagnie de musiciens dans une grande salie ; on dirait que 1'architecture est de van Delen, avec des personnages de Palamedes; -— mais Frans Francken Ie jeune pourrait bien être 1'auteur des figures dans un Intérieur de temple protestant, par van Bassen; ce peintre presque inconnu n'était-il point Hollandais ' ? Van Eynden Ie cite, sans plus; tout ce que j'en sais, pour ma part, c'est qu'il a si-gné, au musée de Berlin, un autre Intérieur d'église : J. B. van Bassen 1624, et que Ie tableau porteaussi la signature : F. Frank figuravit; van Bassen a donc travaillé a Anvers avec les Flamands.
Un autre Francken a été partagé en deux dans Ie
1 Nous 1'avons range avec les Ilollandais au musée de La Have, torn. I" des Musées de la Hollande, pag. 276.
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catalogue de Rotterdam : une Madone, entourée d'anges faisant de la musique, est inscrite sous Ie nom de « Sebastiaan Francken, né a Anvers en 1575, mort en 1636; » ce petit tableau, très-ordinaire, n'est pas signé. Puis, sous Ie nom de « Sebastiaan Vrancx, né a Anvers en 1573, mort en 1647, » sont inscrits trois tableaux : un Village pillé par des gens de guerre, signé, en effet : S. Vrancx; et deux petits pendants, 1'un avec des costumes flamands, 1'autre avec des costumes hollandais; celui-ci, gravé, comme S. Vrancx, par P. de Iode.
Sebastiaen Vrancx et Sebastiaen Francken ne se-raient-ils donc point un seul et même peintre? Ou M. Lamme a-t-il trouvé ces dates différentes pour la naissance et pour la mort de ses deux Sebastiaan ?
Van Mander, Cornelis de Bie, Iloubraken, Weyer-man, tous les anciens écrivains s'accordcnt a en faire unscul artiste, né vers 1673, élève d'Adam van Noort, et pèrc de Jan Baptist Francken.
Bien que les lettres F et V soient employees pres-que indifféremment dans Ia langue flamande, et même dans la plupart des autres langues, il est singulier cepcndant que ce Sebastiaen ait toujours signé : Vrancx, quand les autres de la nombreuse familie Franckenont toujours signé par un F;—que son nom, comme doyen de la gilde de Saint-Luc en 1612, soit ccrit Vrancx dans Ie Liggere, qui écrit Franken et Francken quand il s'agit de Frans Ie vieux, de Frans Ie jeune, de Gabriel, également doyens a d'autres
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époques;—que son portrait, gravépar S. A. Bolswert, d'après van Dyck, porte lc nom Vrancx, quand Ie por­trait de Jan Baptist, censé son fils,—également gravé d'après van Dyck,—porte Ie nom Francken;—que Ie catalogue d'Anvers, qui a publié des documents pré-cieux sur tous les Francken, et en particulier sur les enfants de Frans Ie vieux, dont Sebastiaen est censé Ie fils, ne parle point de ce Sebastiaen, si ce n'est par hasard ', en affectant d'écrire Ie nom Vrancx, quoi-qu'il écrive toujours les noms de tous les autres par unF!
Il est singulier que, sur les inscriptions tumulaires, empruntées par M. Christiaan Kramm au manuscrit de 1775 du conseiller xMols, Ie nom commence encore par uu V. et finisse par un x: « Sépulture de: Hono-
1 Deux fois, a propos de la peinture d'un Blason emblema-tique, que S..Vrancx, van Balen, Brvegel de Velours et Frans Francken Ie jeune exécutèrent, en 1618, pour un concours ouvert par la Chambre de rhétorique, dite lo Rameau d'oli-vier, et qui valut Ie prix a la Chambre de rhétorique, dite la Violette, dont ils faisaient partie. Ces Chambres de rhéto­rique étaient des espèces do gildes littéraires et dramati-ques, annexées a la gilde des peintres ; — une troisième fois, a propos de la coupe qu'Abraham Grapheus, Ie messager de la Corporation de Saint-Luc, tient a la main dans son beau portrait par Cornelis de Vos, au musée d'Anvers, n° 303. Le modèle de cette coupe avait été dessiné par «Sébastien Vranc&x, en 1612, 1'année de son décanat, et 1'intérieur du couvercle portait la belle devise de 1'artiste : de deucht gaet sonder vrees (la vertu marche sans crainte). »
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rable Sebastiaen Vrancx, artiste peintre et doyen de la Violette, quartinier ', capitaine de la garde bour-geoise, mort Ie 10 mai 1647; — Honnête dame Maria Pamll, son épouse légitime, morte Ie 19 avril 1639; — Honnête Barbara Vrancx, leur fllle chérie, morte Ie 19 mai 1639. » — Et, a la base du monument : « lei repose Pieter Vrancx, marchand de soieries [coopman in zijde laeken), mort Ie 18 mai 1577, et dame Élisabeth van Elsbeke, alias van der Hagen, sa légitime épouse, morte Ie 19 février 1569. »
Ce Pieter Vrancx, qui se trouve la inscrit sur Ie même tombeau de familie sans doute, et qui n'était pas artiste, mais marchand, n'est-il point Ie père de Sebastiaen? 11 est vrai que « sa légitime épouse, » madame van Elsbeke, est morte avant la date présn-mée de la naissance de Sebastiaen, qu'on suppose né vers 1573 : vers 1573 pourrait être 1568 ou 1569. Et puis encore, Pieter Vrancx ne pouvait-il pas avoir cu, entre les années 1569 et 1577, une seconde femme, mère de Sebastiaen?
De plus, M. Kramm, d'après Ie même manuscrit du consciller Mols, donne une pièce de quatorze vers composés par S. Vrancx, écrits de sa main en tête du registre de la Violette, et signés S. Vrancx; mais il paraitrait que, dans lc registre de la gilde de Sairtt-Luc, on troüverait de ses signatures avec l'F, aussi
Wyckmêester, maitre de quartier, quartinier ou quarte-nier, fonction d'édilité dans la ville.
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bien qu'avec Ie V. Le conseiller Mols d'ailleurs, et a sa suite I\l. Kramm, ticnnent pour sur que S. Vrancx et S. Franck ou Francken sont Ie même. Nous 1§ voulons bien; mais cependant les preuves ne sont pas décisives, et c'est encore la petite pléiade d'érudits anversois qui poürrait dire la-dessus le dernier mot. Quoi qu'il en soit, Sebastiaen Vrancx, un fier homme dans le beau porfrait de van Dyck, et dont la franche et male physionomie concorde bien ayec la devise qu'il avait adoptée, le seul Sebastiaen que nous connaissions par des oeuvres signées, est un habile peintre, adroit, savant, bon coloriste.
Est-ce qu'il y aurait un Rubens ? — « portrait de F. van der Linden, » — au musée de Rotterdam? Nous ne 1'avons jamais vu, mais nous le rencontrons (n° 275) dans le catalogue de 1859', oü la petite notice qui accompagne le nom du grand peintre est assez curieuse : « Né a Cologne..., a étudié d'après Tintoretto.» C'est cependantun Hollandais, M. Back-huizen van der Brinck, 1'archiviste de La Haye, qui a prouvé, aux Anversois et aux Colonais se disputant le berceau de Rubens, que Rubens était né a Sicgen, dans le comté de Nassau. Et, quant a ce rapproche-
1 II nV avait point de Rubens dans le precedent catalogue, et assurément il n'y en a point au musée. Est-ce que ce ta­bleau , attribuó maintenant k Rubens, serait quelqu'une des mauvaises copiesde son ócole, classées précédemment parmi les fiuonnus ?
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ment du Tintoret, cité tout seul comme un des for­mateurs de Rubens, il est a la fois très-original et très-juste. Rubens est plus Italien que ne Ie ci'oient les Flamands : par 1'abondance de son génie, par la spiendeur de son coloris, il est Vénitien, en effet; et, par Ie mouvement un peu exagéré de ses tournures, oui, il procédé du Tintoretto; la Ckute des anges de Rubens et Ie Paradis du Tintoret ontbien des analo­giesdans la recherche du style et dans les contorsions du dessin.
De van Dyck nous n'avons qu'une petite esquisse pour Ie grand tableau dont 1'original est a Windsor et dont Ie duc de Richmond possédait une répétition autrefois a la galerie d'Orléans : Charles Ier d'Angle-terre, sa femme et deux de ses enfants. Un pied de haut, pas davantage, au douzième de 1'exécution en grand. Le fond n'est seulement pas couvert et les figurines sont campées par quelques touches lumi-neuses et spirituelles sur de légers frotlis. C'est dé-licieux!
Pourquoi donc le nouveau catalogue ócrit-il main-tenant le nom de van Dyck a la hollandaise, avec ij au lieu de Yy? Chaque peuple devrait garder son ortho-graphe nationale, mais aussiaccepter celle des autres peuples, pour les noms et les mots qui lui sont étrangers.
Le Jordaens est une acquisition faite en 1852,
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magnifique peinture', aussi eclatante que les plus beaux Rubens : sujet mythologique par son titre, mais 1'aspect du tableau n'est point grec du tout: une grande et grosse femme nue, belle Flamande de la pleine campagne, si ce n'est qu'il lui manque son cotillon rouge, s'est accroupie pour traire une vache; un enfant nu, parmi des monceaux de fruits et des gerbes de fleurs, attend son vase de lait. Ce qui prouve que ce bambino est tout simplement « Jupi-ter élevé par les Corybantes, » c'est qu'il y a sur la droite un vieux satyre et une vieille femme qui peut être ou avoir été une bacchante.
Le Snyders a été donné au musée en 18S7; il doit compter parmi les ceuvres importantes du maitre, comme dimension2 et comme qualilé. Un cygne, un paon et d'autres oiseaux sont étalés sur une table a tapis vert. Des paniers de fruits, des bottes de lé-gumes, un perroquet, des chiens, tout le contingent de ces grandes compositions décoratives y est. — Snyders aussi, comme van Dyck, est écrit a tortdans le catalogue avec Yij hollandais.
\an Utrecht n'a pas fait souvent des tableaux d'oiseaux en yie. Cette fois, il rivalise avec notre Ja-
1  1 mètre 85 centimètres de haut, sur 2 mèlres 3 cenli-mèlres de large.
2  2 mètres 64 centimètres de large, sur \ mètre 90 centi­mètres de haut.
2')
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como Victor, Ie Hollandais. Son tableau, de propor-tion moyenne pour lui', représente un coq, une poule et des poussins, effrayés a 1'approche d'un épervier. Signé en toutes lettres et date 1627.
Autre excellent peintre, plus jeune que Snyders et que -van Utrecht, qui coqtribuèrent, au moins par leurs ceuvres, a former son talent, Jan Fyt. Mais cc n'est pas a Rotterdam qu'on peut Ie juger sur un petit tableau d'oiseaux morts.
Le catalogue dit que Jan Fyt est né en 1606, et il ne sait pas la date de mort. 1606 vaut toujours mieux que le 1623 du catalogue de Paris et de la plupart des catalogues de 1'Europe. Il faudrait 1609. Nous avons restitué aillcurs2 la biographie de ce maitre, d'après quelques documents empruntés a ses ceuvres mêmes et surtout d'après le catalogue d'xVnvers.
Gryef encore; mais celui-la est bien inférieur aux trois précédents. Il a de la finesse néanmoins, et il est rare : deux qualités. Son petit tableau avec des chiens et des oiseaux est entièrement repeint.
Quelques sectateurs de Rubens : Cornelis Schut, ólève direct du maitre : des Enfants qui joucnt au milieu d'un paysage; les figurines sont copiées de
1  4 mètre 17 centiraètres de haut, sur 1 mètre 30 centi-mètros de large.
2  Galerie Suermondt, pag. 128-126.
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Rubens et Ie paysage ressemble assez a Brvegel de Velours; — Gerard Zegers, élève de van Balen et d'Abraham Jansens, mais c'est Rubens qu'il chcrche a imiter : Vénus et Adonis, petites figures dans un paysage; — Érasme Qucllin, ou Quellinus^ élèvo de J. B. Verhacghe, et aussi de Rubens rY Enfant prodigne en joyeuse compagnie et une Assomption de la Vierge, qui parait n'ètre qu'une mauvaise petite copie.
On peut admirer Gaspar de Crayer au musée de Rotterdam, dans une Descente de croix1, signée dcbayer.fe., Ie c accolé au d, et même dans un petit Calvaire, sorte d'esquisse très-libre, oü Ie Christ rappelle van Dyck. La Descente de croix est une de ces innombrables peintures que de Crayer confec-tionnait, très-magistraleinent d'ailleurs, pour les églises et les abbayes; on en retrouve encore, par centaines, dans Ie Brabant et dans les Flandres. Le tableau de Rotterdam a de fortes qualités, sans être cependant « tout a fait capital dans 1'ocuvre du bou-langer fait petntre, » comme dit M. Via*rdot, qui, sans doute, confond Crayer, le familier de 1'archi-duc Ferdinand, avec Craesbeck, 1'ami d'Adriaan Brouwer.
Sur la date de naissance de Crayer, nous avon3
1 4 mètre 96 centiraètres de haut, sur 2 mutres &7 centi-mètres de large.
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une observation a soumettre aux rédacteurs du sa-vant et consciencieux catalogue d'Anvers, qui, soit dit en passant, ne devraient pas écrire : Craeyer, puisque toutes les signatures originales du maitre portent simplement : Crayer.
lis ontr trouvé 1'acte de baptême a la cathédrale d'Anvers : 18 novembre 1585. C'est précieux. Mais il ne s'ensuit pas nécessairement que de Crayer soit né dans cette année-la, et 1'on a cru longtemps qu'il était né en 1582, date adoptée d'instinct par Ie cata­logue de Rotterdam. Le catalogue de Paris bésite entre 82 et 85. Le catalogue d'Anvers, appuyé sur sa date baptismale, n'a pas hésité a inscrire définiti-vement 1585.
Eh bien! Anvers a tort, et c'est Rotterdam qui a raison.
Gand, oü mourut de Crayer en 1669, a conservé dans son musée1, assez pauvre d'ailleurs, dix ta-
1 II n'y a point de collection, si pauvre qu'elle soit, oü 1'on n'apprenne quelque chose sur 1'histoire de 1'art. Le musée de Gand possède d'ailleurs plusieurs belles peintures, outre celles de de Crayer : un grand Rubens, Saint Francais recevant les stygmates, peint vers 1632 et gravé par Vorsterman; le Lou-vre en a un dessin terminé pour le graveur probablement; — un van Utrecht, de premier ordre, et que nous avons cité pag. 150, a propos de celui qui est au musée van der Hoop; — un Jugement dernier, de Michel van Coxcyen ; — un Mar­tin de Vos, signé et date; —plusieurs ceuvres de Nicolas de Liemaekere, dit Roose, coloriste étrange, qu'on ne rencon­tre guère que dans les églises flamandes; — quelques ta-
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bleaux du célèbre maitre, entre autres un chef-d'ceu-vre, Ie Jugement de Salomon; plusieurs sont signés comme d'habitude; mais, sur un Martyre de saint Blaise évêque, composition gravée par F. Pilsen, voici la signature, parfaitement pure et authentique, en lettres et chiffres très-correctement dessinés : G DCrayer (Ie C pose sur Ie D et faisant mono-gramme) 1668. JE. 86.
En 1668, Gaspar de Crayer avait donc quatre-vingt-six ans : JEtatis 86! il a pris soin de Ie con-stater lui-même, de sa propre main, comme avait fait Ie père de son maitre précisément, Ie vieux Mi-chel van Coxcyen, sur son Calvaire de Sainte-Gu-
bleaux rares, comme un Peter Boel, d'Anvers : du Gibier mort; —comme un excellent Heda : une Table avec des vider-comes, des fruits, et un fond de ciel; etc.
On récolte aussi dans Ie musée de Gand des signatures plus ou moins utiles pour certaines biographies, celle-ci, parexem-ple, qui intéressera Ie rédacteur du catalogue du Louvre : F. Duchastel fecit A° 1668, sur Ie chef-d'ceuvre du maitre, gravé par L. Vorsterman et par R. Collin : Cavalcadepour l'i-nauguration de Charles II, roi d'Espagne, comme comte de Flandre, en 1666 ; immense composition avec des milliers do figures et plusieurs centaines de portraits des principaux per-sonnages assistant a la cérémonie. Le Louvre a un tableau, non signé.de « Francois Duchatel, dont.la date de mort est inconnue. » On voit, par la signature de la Cavalcade de Gand, que le nom doit s'écrire avec un s, et que eet artisto était bien vivaut en 1668: c'est un jalon pour aller jusqu'a la date de sa mort.
L
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dule a Bruxclles, peint a l'age de quatre-vingt-quinze ans! On parlede lavieillesse du glorieux Titien. C'é-taient tout de même de rudes hommes aussi que cca artistes flamands des quinzième, seizième et dix-septième siècles!
Gaspar de Crayer est donc né, incontestablement, en 1582. S'il n'a été baptisé que trois ans après, c'est un petit malheur, qui ne 1'empècha pas de faire ses tableaux religieux — aussi bien qu'on- pouvait les faire après les déchirements spirituels de la Rófor-mation. Et ce sont probablement ces longs troubles religieux de la fin du seizième siècle, au moment de la Séparation des provinces septentrionales des Pays-Bas, qui expliquent Ie retard du baptème de notre brave pctit Gaspar, dcstiné d'ailleurs a une si longue vie, durant laquelle il aurait encore eu Ie temps de se procurer, avec la protection des pieux gouverneurs du pays, Ie sacrement essentiel du chrétien.
Un élève de Gaspar de Crayer, qui alla s'ótablir a Gand avec son maitre, et dont Ie musée de Gand "possède aussi beaucoup de tableaux, Jan van Cleef, montrc au musée de Rotterdam un Joseph avec l'en­fant Jésus.
A présent, nous n'avons plus que les petits Fla­mands : Teniers et ses disciples, quelques égarés dans la Bande académique de Home, et deux Bruxel-lois, dont 1'un mème se rattache a 1'écolc francaise,
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van der Meulen, Ie peintre officiel des fameuses ba-tailles de Louis XIV.
Les Teniers sont : ün vieux Joueur de vielle, insi-gnifiant; et un Intérieur rustique, avec huit petits personnages; sur la droite, un chien couché, mais bien éveillé, a Ie museau plus spirituel que celui de tous cesfumeurs, buveurs et fainéants. Teniers com-prenait et exprimait mieux 1'ame des chiens que celle des hommes. Simple et large peinture, qui n'est pas cependant de la qualité recherchée.
,1e crois bien que, de tous les contrefacteurs de Te­niers, undes plus trompeurs est Ferdinandtwi ^4 te­noren, et que quantité de Teniers consacrés sont de lui. 11 n'y a que les hommes d'un vrai talent qui puissent faire illusion complete en pastichant les autres, et Abtshoven est un vrai peintre, très-adroit praticien, et même très-personnel, quand il Ie veut, dans la mitnique et la physionomie de ses héros. Il élait d'ailleurs intimement lié avec la fa­milie et tont 1'entourage de Teniers. On peut voir, par les baptêmes, si religieusement consignes dans Ie catalogue d'Anvers, — Ie baptême se trouve avoir été une institution très-utile pour 1'éclaircissement de 1'histoire de 1'art; n'est-ce pas grace au baptème des enfants du bon Jan Steen Ie catholique, qu'on a pu rectifier la date de sa naissance, de son mariage et de sa mort? — on peut voir que Abtshoven, les Teniers, Jes Brvegel, les van Kessel, étaient presque tous al-liés les uns des autres. Par exemple, Ferdinand van
kunsthistorisch instituut der rijksuniversiteit utrect
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Abtshoven tient sur les fonts de baptème, avec Anne Brvegel, femme de David Teniers, Ie premier en­fant de Jan van Kessel 1'Anversois, qui avait épousé Marie van Abtshoven, la soeur de Ferdinand van Abtshoven probablement.
Les tableaux d'Abtshoven sont très-rares, — peut-être parce qu'ils sont devenus des Teniers. Rien a Anvers, ni dans les musées de Belgique; rien au Louvre, rien a Berlin, Dresde, Vienne, Munich, etc. Dans les musées de la Hollande, un seul tableau, celui de Rotterdam, aussi bon qu'un Teniers : Inté­rieur villageois; vieillard courtisant une jeune fille; beaucoup de menus accessoires, lestement peints et bien a leur place.
A David Rijckaert on attribue un petit Fumeur qui n'est pas de lui.
David Ryckaert, fils de Merten Ryckaert (?), et beau-frère de Gonzales Coques, qui avait épousé une Catharina Ryckaert, est censé élève de Te­niers, son ainé de trois ans seulement; mais il ne lui ressemble que de loin. Il s'était formé chez son père sans doute, et il se perfectionna, comme Teniers lui-même, sous 1'influence d'Adriaan Brouwer. Il fut doyende la gilde de Saint-Luc, en 1651. C'est a peu pres la date de son meilleur style : a Vienne, deux de ses grands tableaux sont dates de 1648 et de 1649; au musée de Bruxelles, un excellent Alchimiste est date aussi de 1648. Dans les collections particulières,
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en Belgique, on rencontre assez souvent de ses ta-blcaux, par excmple un de ses chefs-d'ceuvre chez M. Belly, a Anvers. Il na rien au Louvre.
Mathieu van Hellemont n'est que de la seconde fournée, plus froide, et, lorsqu'il étudia chez Teniers, Ie vieux maitre avait environ la septantaine. Il ne figure pas non plus dans Ie catalogue de Paris, ni dans ceux d'Anvers et de Bruxelles; mais la galerie d'Arenberg possède une de ses grandes compositions: Kermesse de village, avec de nombreux person-nages. A Brunswick, un de ses Intérieurs est signé: M. V. Hellemont. Son tableau de Rotterdam, Chi-miste dans un laboratoire, est assez faible.
Enfin, Theobald Michan, qui enjambe jusqu'a la moitié du dix-huitième siècle : paysage avec des chaumières et quelques gens de la campagne.
Après les magots de Teniers et de son école, deux Romains : Jan Miei, dit Giovanni delle vite, mem-bre de la noble Académie de Saint-Luc a Rome, et peintre officiel de la cour de Savoie; Johannes Fran-ciscus, van Bloemen, dit Orizonte, membre aussi de 1'Académie de Saint-Luc et imitateur du Guaspre, imitateur du Poussin. Ce ne sont pas ces Latins qui manquent jamais au musée de Paris : il a accaparé cinq tableaux de Miei et six de XOrizonte.
Miei et van Bloemen, séparés par un demi-siècle,
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n'ont d'ailleurs de cómmun que leur titre d'acadé-micien. L'un conserve, dans ses petils tableaux, un certain caractère particulier qui Ie fait reconnaitre; 1'autre se confond dans la longue queue du Poussin, cette comète incotnparable, selon les savants calculs des astrologues de la critique francaise.
Le musée de Rotterdam a deux pendants de Jan Miei : un paysage italien avec des cavaliers et une Halte a la porte d'iine auberge italienne; — deux pendants de van Bloemen : sortes de pastorales ar-cadiques, avec bergers et troupeaux.
Ce doit être vers 1665, a 1'a.ge d'environ trente ans, que van der Meulen fut attaché au service de Louis XIV, et ses représentations des hauts faits du roi commencent, dans la série du Louvre, a 1667; le plus curieux est que cette série ne se termine qu'en 1092, au Siége de Namur (n° 313), que van der Meulen aurait peint deux ans après sa mort.
Le tableau de van der Meulen au musée de Rot­terdam, petit paysage montagneux, avec des cava­liers escortant un convoi, offre eet intérêt qu'il est date de la première periode de 1'artiste : 1661, avant son engagement a la suite du belliqueux monarque qui donnait tant de besogne a ses historiographes sur toile ou sur papier. L'élève de Snayers s'en tenait alors aux fines petites compositions, oü il arrangeait ses troupes selon les caprices de la strategie artiste, purement et simplement. Quand il fallut faire des
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porlraits de courtisans en chapeau a trois cornes, et des housses a véritables armoiries, et des plans de terrain au lieu de paysages, il devint froid et vide : ce n'est pas sa faute, et peu de peintres ont mieux réussi dans ce genre de narration officielle.
Les batailles sont aussi périlleuses pour les artistes qui s'y hasardent que pour les soldats exposés au feu. Combien de peintres ont succombe sur Ie champ de Waterloo! Combien sont enterrés en Algérie ou en Crimée!
Un élève de van der Meulen? Anton Frans Boude-tuyns, né a Bruxelles? en 1660? — Que de points d'interrogation avant de noter son petit paysage, avec des cavaliers, des paysans et des troupeaux!
Deux portraits, dates 1729, sont attribués a « Guillaume Vereist, » sans autre indication. C Guillaume est sans doute de la familie de Simon Vereist, né a Anvers et mort en Angleterre, oü il a laissé beaucoup de portraits : un portrait de Mary de Modène, femme de Jacques II, signé : S. Vereist, était exposé a Manchester.
La grande école flamande a fini plus tot même que la grande école hollandaise, puisque Rubens et van Dyck étaient morls dója en 1640 et 1641. Jor-daens, Gonzales et Teniers, dans leurs genres diffé-rents, la soutinrent encore jusque vers la fin du siè­cle. Eux disparus, il n'y a plus rien. Seulement, un
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siècle oprès, en Belgique comme en Hollande, une génération de peintres assez habiles, qui se mirent a copier les anciens maitres, fit croire a une espèce de renaissance. La Hollande eut les van Strij, les Ko-bell, les van Os, les Schootel; la Belgique eut Bal-thazar Ommeganck et quelques autres. Il faut en prendre son parti : Ommeganck est désormais un peintre consacré, et ses oeuvres se rangeront dans les collections publiques. Le musée du Louvre en a déja deux; le musée de Rotterdam en a quatre, et même un paysage par Maria Jacoba Ommeganck, sceur et imitatrice du célèbre Balthazar.
Les Allemands. — Albrecht Dürer! Il n'est pas commun, même dans le Nord. Portrait d'Érasme, qui fut de ses amis. Mais, hélas! c'est une ruine.
Érasme est en buste, au quart de nature, a peu pres. Il a une toque noire, un vêtement noir, garni de fourrures. Il se découpe sur un fond verdatre, d'un ton exquis, ainsi que les noirs. La physiono-nomie, les yeux surtout, sont prodigieux de finesse et d'expression. En haut, a droite, le monogramme du peintre, avec une inscription : Erasmus, etc.
A présent, on dirait que cette peinture, entière-ment dépouillée, est une ébauche, avec des prépara-tions en 1'rottis pour les couleurs qui doivent devenir fortes... une première ombre du portrait a terminer par des accents décisifs. Mais c'est encore très-beau, même dans eet état de délabrement, et ca nous a
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rappelé Ie superbe portrait du père de 1'artiste, ap-partenant au duc de Northumberland et exposé a Manchester, lequel précisément est resté en ébauche avancée. — On assure que c'est un restaurateur de tableaux qui a commis ces dégradations sur 1'Érasme de Rotterdam!
Un élève de Dürer, Georg Pencz, parait ètre 1'au-teur d'une peinture représentant un Philosophe dans son cabinet de travail, Ie doigt pose sur une tête de mort. Tout tableau oü quelque philosophe médite sur une tête de mort est invariablement attribué a Pencz, de même qu'on attribué a Quentin Massys tous les Avares pesant de 1'or. lei, l'attribution a Georg Pencz est assez justifiée par Ie caractère du dessin et la franchise, un peu sèche, de la couleur dans les rouges de la toque et du vêtement. Une fenêtre ouverte a droite laisse apercevoir un fond de paysage. En haut, sur un cartouche, est une in-scription : Homo bvlla, etc. Nous n'y avons pas re-marqué Ie monogramme de 1'artiste.
L'attribution a Heinrich Aldegrever, autre élève d'Albrecht, d'une Mise au tombeau, est plus que douteuse.
Adam Elzheimer, quel peintre singulier! Cet Al­lemand, établi a Rome, et qui n'appartient a aucun école, a aucun système, et qui ne fut jamais un grand artiste, eut pourtant de rinfluence sur les plus grands maitres. Rubcns avait dans sa collec-
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tion quatre tableaux d'Elzheimer, auquel il semble avoir songé en peignant sa Fuite en Egypte, par un effet de nuit, n° 430 du Louvre. Et Rembrandt ne fit—il pas des eaux-fortes « dans Ie style d'Elzhei­mer! » Et n'est-ce pas a 1'école d'Elzheimer que travaillèrent en Italië beaucoup de Flamands et de Hollandais, entre autres Ie vieux Teniers, et peut-être Lastman et Pinas, qui se trouYaient a Rome dans Ie mème temps, et qui plus tard communiquè-rent a Rembrandt tout ce qu'ils pouvaient y avoir appris?
Il a de 1'originalité vraiment, ce Romain de Franc-fort; il a une certaine fierté dans ses petites figures, une couleur puissante et de 1'efFet. Oui, Rembrandt avaitvu sans doutedes peintures d'Elzheimer comme celle qui est au musée de Rotterdam : Ie Chris t dans Ie Jardin des Oliviers. C'est un peu grossier, mais point vulgaire, et presque terrible. Très-empaté dans les reliëfs, très-sombre partout. De première impression, on attribuerait volontiers ce tableau a quelque ólève de Rembrandt, surtout a Bramer; il est vraique Bramer, né en 1596, pouvait bien avoir connu Elzheimer, mort en 1620, et peut-être avons-nous tort de rattacher Bramer a 1'école rembra-nesque : peut-être, au contraire, est-ce lui qui, d'I-talie oü il avait passé toute sa jeunesse, rapporta au jeune Rembrandt des caux-fortes d'Elzheimer.
Presque tous les calalogues allemands, de mème
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que les catalogucs de Rotterdam et d'Amsterdam, donnent 1604 comme la date de naissance de Jo-han Rottenhammer : Dresde, Cassel, Gotha, etc; Berlin donne 1608; Yienne aussi, ajoutant, avec un point d'interrogation, 1622, qui, suivant Ie cata-logue de Munich, est la vraie date, « confirmée par les registres mortuaires de la cathédrale d'Augs-bourg; » Ie catalogue de Paris, s'appuyant des mêmes regis tres mortuaires, et Ie catalogue de Brunswick, donnent 1623. Munich n'est pas si loin d'Augsbourg que Paris, et probablement la bonne date est 1622. Qu'importe d'ailleurs, puisqu'il s'agit d'un peintre insignifiant? Nous ne nous arrêterons pas a regarder sa Madone avec 1'enfant Jésus et Ie petit saint Jean.
Passons donc a... Grands dieux! nous tombons sur Denner, sur une horriblc petite tête de fllle coif-fée de bleu! Ce Denner rcndrait méchant, quand on pense que ses oeuvres ont du succes auprès d'un certain monde, et que Ie musée de Paris a acheté récemment un Denner 18,900 francs ! Voila de 1'ar-gent bien employé, quand il manque tant de vrais maitres a la collection du Louvre!
De Denner en Dietrich! Encore, celui-ci, dans ses pastiches, est-il un reflet, bien éteint, de quel-ques maitres de qualité. — Finissons la.
Au dix-huitièmc siècle, il n'y avait plus d'école allemande; il n'y en avait même plus au dix-sep-
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tième. L'école allemande n'a eu qu'un moment, 1'é-poque de Cranach, de Dürer et de Ilolbein, trois grands artistes qui suffiraient seuls a illustrer un pays.
Italiens, Espagnols, Fiunqais.— Les Flamands et les Allemands sont mêlés aux Hollandais, dans Ie catalogue de Rotterdam. Les Italiens, les Espagnols, — et les Francais, intermédiaires entre lc Nord et Ie Midi, — sont classes a part. Cette division de 1'art septentrional et de 1'art méridional, qui avait été adoptée a 1'exhibition de Manchester, est approu-Yable; les ordonnateurs de cette exhibition en tirè-rent même des effets très-instructifs, en montrant face a face, sur les deux cótés opposés des salles , les deux grandes families d'artistes, dans leur dévelop-pement parallèle.
lei, comme dans les autres collections publiques ou particulières de la Hollande, il n'y a presque rien des gracieuses écoles méridionales, et Ie paragraphe ne sera pas long.
Des Ruines, de Pannini, — deux paysages de Lo-catelli, — une petite figure de Madeleinc, vive et spirituelle esquisse de Benedetto Lutti, — une Sainte Catherine du Napolitain Niccolö Lozel di Simon, — une pochade assez grossière, dans Ie stylc de Salvator, — et un Saint Joseph portant Ie petit Jésus, attribué a Guido Reni.
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LES INCONINUS.                              353
Deux faux Espagnols : un Vieillard d barbe blan-che, très-laid, censé de Ribera; de petits Mendiants, copie d'après Murillo; Ie fond de ciel est peint avec une assez bonne pate.
Cinq tableaux francais : Port italien, au clair de lune, par Joseph Vernet; — Entree de temple, par Hubert Robert; — une charmante esquisse, a peine frottée, Jeune femme avec un enfant sur son sein, par Greuze; — Jeune fille appuyée a une table, sur laquelle des pommes et un morceau de pain; ce ta­bleau, catalogué comme original de Vindrier, imita-teur de Greuze , a bien 1'air d'être tout simplement une copie d'après Greuze lui-même;—enfin, une Agar, dans un paysage montagneux, par Fran-cois-Xavier Fabre, 1'élève de David et Ie fondateur du musée de Montpellier.
M. Ary Scheffer ayant été classé parmi les Hol-landais a cause de son origine, nous avons déja men-tionné précédemment sa Tête de Faust.
Les Inconnus. — Point de trouvailles a y faire. Nous en avons déja extrait Ie grand tableau de Ré-gents, date 1653, et qui pourrait être de Mijtens, au sentiment de M. Lamme; nous en avons cité aussi quelques portraits de personnages célèbres. Toul Ie reste est sans intérct. Beaucoup de copies des écoles de Rubens et de Teniers, d'autres d'après des maitres italiens, un bon portrait de 1'école de Holbein, une grande pochade, très-vigoureuse, dans Ie style d'Isack
30.
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van Ostade, une belle Madone avec 1'Enfant (n° 424), des saints peu catholiques, un Achilles, vulnérable ailleurs qu'au talon, une Danaé sur verre, quelques allégories mythologiques et quelques panneaux by-zantins, etc.
Sculptüre. — Une tête d'enfant et deux bustes, en marbre; cinq ou six bustes, en platre : Rubens, van Dyck,Paul Potter; deux sculptures en bois, du quinzième siècle; une Madone en pierre, du qua-torzième, découverte a Arnheim, derriere 1'église Saint-Waldburg; une Vénus, sortant du bain, pré­sent de M. Mimaut, consul de France a Rotterdam en 1849; ce marbre a été trouvé, dit Ie catalogue, a Zifthé, pres des ruines d'Athribis : je ne sais pas oü c'est, mais, a en juger par les noms, 1'endroit ne doit pas être mauvais.
Dessins. — II a fallu des années pour mettre en ordre et cataloguer cette collection de trois mille pièces, et il n'y a pas longtemps qu'on peut en mon-trer des cartons aux amateurs recommandés. Je dé-clare donc que je suis bien loin de 1'avoir étudiée tout entière, ni seulement d'en avoir vu les pièces principales. Je n'ai vu que les chefs-d'oeuvre expo-sés dans une salie, et quelques cartons rclatifs a mes études particulières sur Rembrandt et son école. Je n'ai même lu tout lc catalogue que récemment, a 1'occasion de mon travail sur les tableaux.
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DESSINS.                                    3S5
Effrayé alors des richesses annoncées dans cette collection cm abonderaient les grands Italiens, aussi bien que les Hollandais et les Flamands, j'avais ré-solu de consacrer quelques semaines a examiner en détail ces trésors, — uniqnement pour ma propre instruction; car Ie compte rendu de trois mille des­sins scrait impossible, sinon en plusieurs in-folio : Ie catalogue, extrêmementsuccinct, contient cent pages in-8°. —Par malheur, on est en train de réparer 1'aile du Mtiment oü sont les dessins, et cette partie du musée ne sera rouverte que dans quelques mois.
Nous nous bornerons donc a rapporter ici simple-ment une espèce de statistique très-abrégée, ajoutant tout au plus une note a certaines raretés.
Écoles du Nord. — On trouve en quantité les maitres suivants : Backhuizen (14, dont plusieurs excellents, a 1'encre de Chine), Brvegel de Velours, Hendrik Goltzius, van Huijsum (19, au pastei ou a 1'aquarelle, très-beaux), Willem van Mieris, Rotlenhammer, les deux Saftleven, van der Ulft, de Vadder, Cornelis Visscher, Waterloo (16), J. B. Weenix (très-belles études de chiens), Jacob de Wit (30), etc.
Douze Adriaan van de Velde! et vingt et un Wil-lcm, parmi lesquels des chefs-d'ceuvre : une superbe Bataillc navale, a la plume et a 1'encre de Chine, de grandes études de riches navires, de petites marines très-fines, etc.— Douze Berchem, a 1'encre de Chine
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ou a la mine de plomb, quelques-uns de belle qualité.
Dix Rubens! dont quelques chefs-d'ceuvre. — Six van Dyck, dont une merveille : Ie portrait du mar-quis de Sainte-Croix, léger dessin au crayon noir. — Six Jordaens, dont un dessin capital : Silene monté sur un ane, accompagnée de deux satyres; au fusain sur papier gris. — Neuf Snyders, dont quelques Oiseaux morts, colorés comme une pein-ture.
Autres maitres rares, ou de premier ordre : Aal-bert Cuijp et son père Gerritsz; Dirk Hals, Ie frère de Frans; Jan van Kessel d'Amsterdam (cinq paysa-ges); quatre Adriaan van Ostade et quatre Isack; Paulus Potter; trois Jacob van Ruisdael et un Salo-mon; van Schoorl; Gesina Terburg, la soeur de Gerard; Esaias van de Velde; Philips Wouwer­man, etc.
Un Martin Schön, deux Holbein, portrait d'homme et portrait de femme, a la pointe d'argent; six Albrecht Dürer, parmi lesquels trois têtes, d'un grand caractère.
Rembrandt, douze! Quelques sujets de la Bible : Abraham et les anges, Ruth et Booz, une Sainte Familie, une Résurrection de Lazare; un Cavalier; une étude de boeuf; quelques portraits; et un chef-d'ceuvre : Ie bon Samaritain; au milieu, Ie blessé,
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torse nu, en lumière, transporté par des hommes; Ie cheval est tu presque de croupe; sur la droite, a la porte de la maison, deux personnages qui causent. A la plume et a la sepia très-foncée, avec des fonds violents, sombres, magnifiques!
De Fécole de Rembrandt: Jacob Backer, Bramer, Gerard Dov, van den Eeckhout, Samuel van Hoog-straeten, Philip Koninck, Lievens, Nicolaas Maes, e* vingt-cinq Roghman.
En artistes modernes, — depuis Ie dix-huitième siècle jusqu'a présent, — on remarque : Jan Kobell (23), M. Koekkoek (6), Langendijk (21), M. Leys, d'Anvers, M. Madou, dcBruxelles, Ommeganck (8), P. G. van Os (19), M. Schelfhout, de La Haye (15), J. G. Schootel (25), J. van Strij (14), Cornelis Troost (4), J. B. Scheffer, père d'Arij, etc, etc.
Les Anglais ont aussi leur categorie : Morland, Smirke, et une douzaine d'autres.
Écoles italiennes. — La nomenclature des Ita-liens est encore bien plus étonnante : Niccolö del Abbate, Albane, Andrea del Sarto, Bandinelli, des Carracheen quantité (sept Annibal), Corrége! Ribera, douze Guerchin, quatre Guide, Jules Romain, deux Michel-Ange! Paolo Veronese, Perugino, trois Ra-pha'el! Salvator Rosa, Schidone, Tintoretto, Titiano! deux Giovanni da Udine, Dominiquin, Vasari,
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Daniel de Volterre, etc, etc.!! Je n'ai vu aucun de ces Italiens. Mais je suis bien curieux de voir les .Raphael, les Michel-Ange, et Corrége, et André del Sar te, et Titien!
École franqaise. — Tont ce qu'il y a de mieux : Trois Boucher, une Chasse au cerf, de Callot, cinq Chardin, trois Clouet, un Jean Cousin, quatre Fra-gonard, dont un dessin d'après la Ronde de nnit, de Rembrandt, — Lebrun, Mignard, Robert Nanteuil, Puget, six Nicolas Poussin, sept Claude Lorrain! Oudry, les van Loo, deux Wille Ie graveur, un Wat-teau, quatre Greuze. et David, et Gérard, etc, etc.
N'est-ce pas a confondre toutes les idees qu'on pouvait se faire d'une collection encore inconnue, et qui cependant égalerait celles de bien des musées distingués, qui les surpasserait mème en dessins hollandais, — si Ie catalogue n'est point trompeur. Nous devons dire que tout ce que nous avons vu — des Flamands et des Hollandais, seulement, — est vrai et bon. Cela suffit-il pour juger du reste? Je crois qu'on peut s'en fier a M. Lamme sur 1'article de ses Hollandais, sur les Flamands encore et sur les Allemands. Quant aux Raliens, aux Raphael et aux Corrége, Ie doute est permis : il faudrait voir. Met-tons que Ie rédacteur du catalogue se soit égaré sur les trois quarts des Italiens, et même sur la moitié des artistes du Nord : ce n'est pas probable. Toujours
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resterait-il un millier d'oeuvres authentiques, plus ou moins curieuses!
Cette collection de dessins vaudrait déja, a elle seule, « Ie voyage de Rotterdam, » — sans compter la collection de tableaux, oü il y a tant a apprendre sur la généralité de l'école hollandaise.
FIN.
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TABLE DES ARTISTES
CITÉS DANS CE VOLUME.
Bassen (J. B. van), 331. Bauer (J. A.), 234. Baür (N.), 326. Beeldemakeb (Jan), 315. Beerstraaten (Jan), 142, 308. Bega (Covnelis), 101. Begein (Abraham), 287. Beijeren (Aalhert van), 323. Bent (Jan van der), 288. Berchem (Nicolaas), 140, 286,
355.
Bergen (Dirk van), 140, 260. Berkheijden (Gorrit), 151. Berkheijden (Job), 250-252. Bijlert (Jan van), 325. Blinkvubt (M.), 289. BloTembn (J. F. van}, 345. Bloembrs (A.), 326. Bol (Ferdinand), 47-22. Bollongie (H.), 323.
3!
Aalst (Willem van), 319. Abbate (Niccolö del), 357. Abtsiioven (Ferdinand van),
343.
Acama, 105. Albani (Francesco), 3ü7. Aldegrever (Heinrich), 349. Andkiessen (Jurriaan), 234. Asch (P. J. van), 438, 302. Asselijn, 4 41.
Backer (Adriaan), 46. Backer (Jacob), 14-17, 367. Backhuizen (H. van de Sande),
326. Backhuizen (Ludolf), 149, 309,
335.
Balen (H. van), 331. Bandinelu (Baccio), 357.
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362 MUSÉES VAN DER HOOP ET DE ROTTERDAM.
Boonen (Arnold), 233. Borssum (Abraham van), 24ö. Both (Jan), 95, 283. Botjcher (Francois), 358. BotTDBWTNS (A. F.), 347.
Boürsse (L.), 255. Brakenburgh (Renier), 269. Braker (Leonard), 187, 387. Breenbergh, 112. Brekelencamp (Quirijn), 103,
270.
Broeck (Elias van den), 319. Bronckhorst (Jan van), 282. Brun (Charles Ie), 358. Brvegel (Jan) de Velours, 331,
355. Buonarroti (Micliel-Ange),357.
Dakiel de Volterre, 338. Davjd (Louis), 358. Dekker (Coenraet), 299. Delen (Dirk van), 310. Dekkek (B.), 351. Dietbich (C. W. E.), 351. Does (Simon van der), 260. Dominiqüin, 357. Dov (Gerard), 13, 189, 357. DroociiSloot (Joost Cornelisz),
275.
Dubbels (Hendrik), 150. Dubois (Édouard), 298. Duchastel (Frans), 341. Ducq (les Ie), 245-249. Durer (Albrecht), 348, 356. Dyck (van), 155, 336, 356.
EECKiiouT(G.vanden), 22,188,
357.
Elzheimer (Adam), 349. Everdingen (Allart van), 138,
302. Everdingen (Cesar van), 224.
Callot (Jacques). 358. Camphuijsen (les), 238-214. Cappelle (Jan van de), 308. C*rkache (les), 357. Carrée (Michiel), 289. Chakdin, 358. Cleef (Jan van), 342. Clouet (Jan), 358. Compe (Jan ten), 153, Correggio, 357. Cousin (Jean), 358. Ckaesbeck (Joost van), 154, Crater (Gaspar de), 339-42. Ctotp (Aalbert), 143-145, 209-
215, 356. Cuijp (Gerritsz), 356.
Faere (F. X.), 353. Fabritiüs (Bernart), 166-168,
170-176.
Fltnck (Govert), 176-179. Fragonard (II.), 358. lrRA>TCKEN(F.)lejeune, 154,331. Francken (J. B.), 155,331. Ftt (Jan), 338.
Gael (Barend), 272.
Daeless (Dirk), 307.
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363
ÏABLE.
Honthorst (Willem), 203. Hooch (Pieter de), 56-63, 252. IIooostraeten (Samuel van),
51-53, 337.
Hoübraken (A.), 53-56. Hove (B. J. van), 326. Huciitenburgh (Jan van), 276. Huijsum (Jan van), 454, 324,
355. Huls-wit (Jan), 326.
Garofolo, 159. Gellée (Claude), 3S8. Gérabd (Ie baron), 358. Gillig (Jacob), 323. Giovasnida Udine, 357. Glauber (Johannes), dit Poly-
dor,289.
Goijen (Jan van), 207-209. Goltzius (Hendrik), 325,355. . Götting (Andreas), 325. Gbetjze(,T. B.), 353, 358. Gkyef, 338. Guekciiin, 357.
Jabdin (Karel du), 140, 283. Janson (Cornelis) van Ceulen,
225.
Jonq (Ludolfde), 222. Jordaens (Jacob), 336, 356. Jules Romain, 357.
Haanen (G. G.), 326. Hackaert (Jan), 139. Hackert (Philipp), 307. Hagen (Jan van der), 139, 302. Hals (Dirk), 420,356. HAi>s(Frans), 124-123,498-200. Hanneman (Adriaan), 227. Heda ("W. C), 320. Heem (les de), 318. Heemskerk (Marten van), 280. Heijden (Jan van der), 453. Hellemont (Mathieu van), 345. Helst (Bartholomeus van der),
124,218-221. Heusoh (Willem de), 284. Hobbema (Meindert), 127-432,
289.
Hoet (Gerard) Ie père, 325. Holbein (Hans) Ie jeune, 356. Hondecoetek (Gillis de), 323. HoNDECOETER(Melcli i or de), 153. Hondiüs (Abraham), 313-345. Hohihorsi (Gerard), 200-203.
Kalf (Willem), 270.
Keijser (les), 66.
Kessel (Jan van) d'Amsterdam,
434,290-293, 356. Klomp (Aalbert), MG, 244. Kobell (Hendrik), 244. Kobell (Jan), 244, 357. Koedijk, 63-66. Koekkoek (B. C), 307, 357. Koninck (les), 481-484, 357. Kooll(J.), 315. Kruseman (J. A.), 160.
Langendijk (Dirk), 357. Lastman (Pieter), 491-493. Leeuw (Gabriel van der), 261. Leeuw (Pieter van der), 264.
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364 MUSÉES VAN DUR
Leys (Henri), 357. Lievens (Jan), 357. Lijs (Jan van der), 282.
LlNGELBACH (Jan), 'UI,
285, 304.
Locatelli (A.), 352. Loten (Jan), 298. Loo (Jacob van), 223. Loo(lesvan), 358. Lozel di Simon (Niccoló), Lündens (Gerrit), 273. Lutti (B.), 352.
HOOP ET DE ROTTERDAM.
Molenaar (Nicolaas), 268. Molijn (Pieter) Ie vieux, 301. Mommbes (Hendrik), 288. 77, Moor (Karel de), 190. Mokeelse (Paulus), 194. Moritz (L.), 326. Morland (George), 357. Mouchkron ( Frederik), 139,
285.
352. Moucheron (Isack), 285. Muriiao (B. E.), 353. MüSSCHER (Michiel van), 103, 258.
Maas (Dirk], 276.
Madoü(J. B.), 357.'
Maes (Nicolaas), 23-28, 184 -
186, 357. Mans (F.), 305. Massys (Jan), 330. Matton, 191. Meer (Jan van der) de Delft, 67-
88. Meer (Jan van der) de Jonge,
285.
Mejiling (Hans), 327. Metsu, 100-102. Meui.emaks (A.), 326. MetjI/EN (A. F. van der), 316. Michau (Theobald), 345. Miel (Jan), 345.
MlEBEVELD, 123, 193.
MiERis(les), 105, 190, 355.
MlGNAKD, 358.
Mignok (Abraham), 154, 319. Mijtens (les), 228-231. Molenaar (Jan Miense), 105, 268.
Nantedil (Kobert), 358. Nason (Pieter), 221. Neefs (Peter) Ie vieux, 331. Neer (Aart van der), 142, 215. Netscher (Constantin), 258. Netscher (Gaspar), 102,257. Netscher (Theodor), 258. Neveü (Matthijs), 190. Noort(P. van), 216.
OCHTEKVELT (Jacob), 249. Ommeoanck (Balthazar), 318,
357.
Ommegaüg (Maria Jacoba), 348. Orley (Barend van), 330. Os (G. J. J,), 324. Os (P. G.), 324, 357. Ostade (Adriaan van), 98, 261 ,
356.
Ostade (Isaek van), 356. Oüdrv, 358. Ovens (Jurriaan), 186.
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TABLE.                                      36!»
Rübens, 155, 335,356. R.uijsch (Rachel), 154, 319. Ruisdael (Jacob van), 132-138,
299-301, 356. Ruisdael (Salomon van, 301,
356. Ryckaert (David), 344.
Palamedks (Antoie), 310. Pannini (G.), 352. Pencz (Georg), 349. Perugino (Pietro), 357. Pijnackeb (Adam), UI, 284Poel (Egbert van der), 215. Poelenbürg (Cornelis), 281
Pool (Jurrian), 233. Pot (Hendrik), 270. Potter (Paulus), 146, 234-238,
356.
Potter (Pieter), 117,235. Pourbüs (Pieter), 330. Poussin (Nicolas), 358. Pkins (J. H.), 326. Puget (P. P.), 358.
Saenredam (Pieter), 153. Saftleven (Cornelis), 268, 355. Saptleven (Herman), 142,209,
355. Sarto (Andrea del), 357.
SCHALCKEN (G.), 190.
Scheffer (Ary), 234. Sciieffer (J. B.), 234, 337. Scheffer (madame J. B. ),
234. Schelfhout (Andreas) , 307 ,
357.
Schendel (Petrus van), 160. Schidone, 357. Schmidt(\V. H.1, 326. Schön (Martin), 356. Schoorl (Jan van), 277-280,
356.
Schotel (J. C), 310, 357. Schotel (P. J.), 310. ScHDT(Cornelis),338. Smirke jR.), 357. Sntders (Frans), 337, 356. Sonje (Jan), 305.
SOOLMAKER (J. F.), 288.
Sorgh(H. M.), 105,271. Staveren (J. van), 14. Steen (Jan), <07-120, 262-267.
QtiAST (Pieter), 267. Qüellin (Erasm), 339.
Raphael Santi, 357. Ravestejn (Arnold van), 195. Ravestein (Jan van), 445-
198. Rembrandt van Rijn, 7-13 ,
166-170,356. Reni (Guido), 352, 357. Ribera (J.), 353, 357. Rietschoof (Jan Claasz), 309. Rijk (J. de). 326. Rohert (Hubert), 3S3. Roghman (Roelandt), 357. Rombouts(J.), 132, 293-298. Rosa (Salvator), 352, 3S7.
RoTTENHAMMER ( J. ) , 351 ,
355.
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366 MUSÉES VAN DER HOOP ET DE ROTTERDAM.
Stolker (Jan), 233. Stokk (Abraham), 151, 309. STORK(Jan), 309. Straaten (J. J. I. van), 326. Straten (B. van), 326. Streck (Hendrik van), 310. Stbij (Abraham van), 217. Strij ( Jacob van), 316,
357.
Swagers (Frans), 326. Swasevelt ( Herman van ) ,
284.
Velde (Willem van de), 148,
3oö. Verboom ( Abraham ) , 138 ,
302.
Verelst (Guillaume), 347. I Verheyen(J. H.), 326. i Vernet (Joseph), 353. | Veronese (Paolo), 337. Verschuur (Lieve), 151. Verschuuing (Hendrik), 285. Verschcring (Willem), 285. ! Vertangen (Daniel), 282. Victor (les), 29-41, 179-181, 315-317.
| VlNDRIER, 353,
Visscher (Cornelis), 355. Vitringa (Wigerus), 309. Vliet (les van der), 312. Vois(Arie do), 106, 191. Voogd (H.), 326. Vrancx (Sebastiaen), 155, 331-
335. Vries (Eenier van), 302.
Tempel (Abraham van den),
424-126, 222. Teniers (David) Ie jeune, 157,
343.
Terburg (Gerard), 102, 256. ÏERBURG (Gesina), 356.
TlNTORETTO, 357.
Titien, 159, 357.
Tol (Dominieus van), 189.
Troost (Cornelis), 326, 357.
Wateri.oo (Antonie), 306,
355.
Watteau (A.), 358. Weenix (Jan), 153, 323. Weenix (Jan Baptist), 285, 355. Werff (les van der), 106,
233.
Wetden (les van der), 328. Wessenberg (G. P.), 326. Wijck (Thomas), 272. WUNANT8 (Jan), 139, 304. Willaerts (Jan), 309. Wille, 358,
Ulft (J. van der), 312, 355. Utrecht (Adriaen van), 157-459, 337.
Vadder (L. de), 355. Vasari (Giorgio), 357. Velazquez, 159. Velde (Adriaan van de), 88-
94, 259, 355. Velde (Esaias van de), 203-
207, 356.
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367
TABLE.
Wrr(Jacob de), 325, 355. WiTHOos(les), 320-322.
Wouwermau (les), 96-98, 274, 303,356.
Witte "(Èmmanuel de), 153 , | Wdier (Theodor van de), 233;
310.
Wouart (J. B.), 216. Wonder (P. C), 326.
Zeeman (Renier), 308.
j Zegers (Gerard), 339.
< .
FIN DE LA. TABLE.
Paris. — Imprimerie de P.-A. BOURDIER et C", 30, rue Mazarine.
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Librairie de V« R3N0UARD, 6, rue de Tournon
EXTRAIT DU CATALOGUE
BEAUX-ARTS
HISTOIRE DES PEINTRES
DE TOTJTES LES ÉCOLES
I'KI'I In II REHlISSiSCE JISQC'A SOS jnrns Teile par M. Ch.irles lil.Wf. ancien directeur d« Bram *r«
ET PAR DIVERS KClUVAlïVS SPECIAÜX
llluttratioiis par les plas habiles artistes dessinateurs et graveurs,
qui ont obtenu, ainsi que les imprimeurs et éditeurs,
des medailles d'honneur de lre et de 2e elasse a TExpusition universellc
de 1855.
SOUSCBIPTION PERMANENTE
PREMIER PROSPECTUS
L'hisloiro de la peinlure est inconnue, etpourtant, quoi de plus charmant & raconter et a lire? Non-seulement 1'existence des grands artistos est toute remplie de romans et de drames, mais elle se rattache encore par mille liens a tont ce qui nous émeut et nous captive Ie pius : la politique, 1'amour, les actions héroïques, la physionomie des personnages fameux, les mceurs des divers peu-ples, leurs usages, leurs costumes. Peut-on écriro la vie de Gros, par exemple, sans rappeler les batailles de 1'Empire; Ia vie de Léonard de Vinci, sans pénétrer a la cour de Francois ler; la vie du Titien et celle d'Albert Durer, sans faire revivre les grandes figures de Luther et de Charles-Quint? Il y a un moment oü I'his-toire de 1'art, soulevant des tapisseries auxquelles on na pas en­core touche, nous introduit par une porte secréte auprès de la grande histoire, et nous y fait rencontrer Holbein entre Anne de Boulen et HenriVIH, Vélasquez a cóté de son ami Philippe IV, Rubens en compagnie de Marie de Médicis, et Philippe de Cham­pagne dans les appartements de Richelieu.
Les livres d'art ont été jusqu'a ce jour des livres sans aucun charme, et par conséquent sans aucun art. Ëcrits, pour la plupart, d'un style sec et décoloré, ils ont résolu ce singulier problème de nous ennuyer en nousparlant de ce qui doitnous ravir, la beauté. Qu'est-ce donc que lapeinture, si ce n'est Ie monde vu par son cöté Ie plus charmant, par Ie cóté qui intéresse 1'espritet piait aux regards? Considérée d'ailleurs en elle-même, 1'histoire des pein-tres, si on la suit pas a pas dans chacune des personnalités qui la
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_ 2 __
oomposent, depuis Ia Renaissance, jusqu'a Prudhon ou Léopold Robert, jusqu'a Reynolds ou Goya, et, si 1'on veul, jusqu'a M. In­gres; celto liistoire, disons-nous, a un attrait particulier, indépen-danl de 1'afflmté des tableaux avec les temps et les modéles, et cela parce que la pluparl des peintres eurenl une existence pleine d'intérèt, et furent, comme les liéios de toute soile de romans, tanlöt gracieux, tantöt palliéhques et terribles. Qu'on prenne au hasard la vie de Ribera, celles de Rembrandt, do Watteau, de Herghem : on y verra, soit un rlrame domestii|ue aussi émouvant que les 1/orli/rcs du peintre espagnol, soit Ie développement d'un caraclère fanlasque, rèveur et personnel, soit les mobiles éniotions dun poëte amoureux, soit un modèle de tranquille et riante plii-losopliie De sorle que, en deliors tnème de leurs sujets favoris, les peintres ont presque tous une vie interessante, colorée, pleine d'accidents, comme cela doit naturellement arriver aux. bommes fails pour senlir.
Kcrire dans la langue francaise, la plus parlée aujourd'hui de loutes les langues de 1'Europe, l'histoire des sept grandes écoles de peinture : réunir ainsi en un livre d'un forma! elegant et facile tant de documenls ignorés, non traduits, épars dans les ouvrages hollandais, italiens, Damands, espagnols, anglais..., n'est-ce pas rendre un service ras amateurs de tous les pays, saluer dans elia-que nalion ce qui l'honore, et faire admirer a chacune d'elles ce qui fait la gloire des autres?
Combien d'ouvrages, coüteux, incomplets, éeritsd'un style bar-bare, dénués de toule poésie, seronl rendus inutiles par un livre qui en reprodtiira la subsiance. mais non la pesanleur, qui en rec-tifiera les errements, en relèvera les contradictions et les faules, et en extraira pourtautce qu'ils ont d'ntile. a savoir : les faits in-contestables. les indicalions précieuses, et enfin, parmi tant de jugements, ceux qui móritent d'ètre discutés ou conservés.
Une lelie hisloire des peinlres s'adresse a tous les genres de leeteurs. Elle oltVe aux gens du monde un nouveau domaine de jouissances, u«i moyen denricbir leur conversalion, de vériiier, pour ainsi dire, par l'histoire de l'arl, ce qu'ils savent déja de la liitéralure, des mosurs, de la géograplue des nations et de leurs idees. Greuse sera la palette de Diderot; Wouwermans dira les habitudes des chasseurs; Fan Dyck nous relracera les pbysiono-inies de 1'Anglelerre au temps du second Stuart; Rapliaël nous livrera les clefs du Vatican. el saura nous inilier aux secrets de la papauté, a la maniere dont elle entendait s'emparer, par les sens, du gouvernement de Tunivers. Lorsque lesvisileurs seront grou-pés autuur d'une table de salon . que pourra-t-on étaier devant leurs J'eux, sous les clartés de la lampe , qui vaille l'HUloire dei Peinlres? (JupI livre magnifiquement illustré, quel ouvrage de luxe pourra egaler Ie charme et 1'ifflportance de celui qui renfermera les ceuvres les plus variées et les plus belles des grands maitres, un album oü Lawrence aura mis un de ses'élégants portrails; llembrandt, sa Itinide de nitU; Holbein , sa üanse des Mortê; Ter-burg, Nelicher ou Metsu, quelque scène d'inlérieur remplic de grace, de mystére et de modestie; Joseph Vernet, une marine; Ruysdael, un paysage; Van der Neer. un clair de luno; Greuse, une familie de frais enfants el de belles jeunes lilles; Van Huy-
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— 3 —
sum, un bouquet de fleurs...? Et si 1'on permet a 1'écolier de par-courir d'une main prudente une aussi précieuse galerie, que de cboses viendront se classer d'elles-mêmes dans son esprit, que dinslruction ne puisera-l-il pas dans cette histoire de la peinlure, qui n'est, aprés tout, que la peinture de l'bistoirel On conviendra facilemcnt que tout 1'esprit du monde, dépensé a 1'illustration de tel ou tel livre a la mode, ne saurait être aussi profltable aux jeu­nes gens qu'un ouvrage oü seront reliés, pour ainsi dire, les mu­sées de Florence, de Dresde, d'Amslerdam, de Madrid, de l'Ermi-tnge et du Louvre. (;elui qui médite un voyage en Italië saura d'avance ce qu'il faut aller voir au Vatican; ce qui 1'attend a Na­ples, dans la sacrislio des Chartreux; a Milan, dans Ie musée de 1'Ambroisienne; a Parme, sous lacoupole de Saint-Jean.
Ainsi comprise, l'histoire des peintres sera pour les futurs voya-geurs un itinéraire, et pour cenx qui ont déja parcouru 1'Europe, un recueil abondant de souvenirs.
Quant aux artisles, ce livre est fait pour eux, avec 1'amour de leurs ouvrages, a la gloire de lcurs devanciers et d'eux-mêmes. Quand ils y auront lu Ie passé de leur art, si plein d'enseigne-menls, do nobles exemples et de grandeur, ils nous auront peut-ölre quelque reconnaissance pour avoir ainsi popularisé Ie gout de la peinture, el leur avoir cherché etformé dans 1'Europe en-tiére une clientèle d'admirateurs.
Cliaque livraison conlient un texle de huil pages Irès-grand in-i", sur papier supérieur, imprimé avec Ie plus grand luxe; quatre ou cinq gravures représentant les plus beaux tableaux de toutes les écoles; ponraits, fac-simile; calalogues des ceuvres; prix des ta­bleaux dans les ventes, elc. —iti» franc la livraison.
W. Iliirger. — Trésors d'art, exposés a Manchester en 1857, et provenant des collections royales, des collections publiques et des colleclions particulières de la Grande-Brelagne. 1 vol. in-18 anglais.                                                                          3 fr. 50
Ce travail est Ie plus complet et Ie plus exact qui ait paru en France et même dans les autrcs pays. Réuni en un volume, il conservera dans les bi-bliothèques d'art Ie souvenir de cette grande solennité artistique. Les ama­teurs, les collectioniieurs, les artistes, les écrivains, tons ceux qui se préuc-cupent de l'bistoire de I art, apprécieront Ie livre de M. Biirgerj que la protae fran(;aise, anglaise ctallemandf, a jugé très-favorahlement.
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Haye. 1 vol. in-18 jésus, papier collé.                           3 fr. 50
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de Rotlerdam. 1 vol. in-18 jésus, papier collé.               3 fr. 50
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IM1IIU 1IH(\8
»ro«(Joseph), de 1'Académie francaise et de 1'Académie des scien-
ces morales et politiques. — Application de la moraie a la poli-
tique. 1 vol. in-8°.                                                               3 fr.
Ce üvre, écrit il y a vingt-cinq ans, parait s'appliquer surtout au temps
oü nous vivons. Ou a souvent cité les chapitres inlituléa : Des rêvolulions
entreprises pour Ia iibertéj Des nwyens de prévenir les révolutions, etc;
mais l'anteur a écrit quclque part : ■ Le sage apporte des himières, et ce
tont des passions qu'on demande, »
------Economie politique ou Principes de la science des richesses.
2* édition. 1 vol. in-8°.                                                       5 fr.
------ Le tnême. 1 vol. in-18angl., augrnenté d'une introduction
par M. Miclicl Chevalier.                                                       3 fr. 50
Ce üvre, coticis et substantiel, exposé avoc la plus grande simplicité les vrais principes d'une science dont les théorics douteusea out donné [ieu a de graves erreurs. L'Économie politiijue de J. Droz, devenue classique, est tra-duite dans loutes les langues de l'Europe, sans compter les contrefacmis dans lesquelles on n'a pas craint d'altérer te texte original. dernière injure réser-Tée a la propriété littéraire.
------Essai sur l'art d'être heureux, suivi de l'F.loge de Montaigne.
8» édit , augmentéc d'une notice, par M. Mignet, de 1'Académie frangaise. J vol. in-18 angl. avec portrait gravé sur acier, et d'une exucution typograpliique irès-soignée.                   3 fr. 50
.....Qu;iiil1 on a ainsi vécu sur la terre, on entre avec confiance dans
1'éternité, mais on laisse derriere soi un grand vide et de longs regrets. La gênération <|ui s'agite unaintenaut dans le monde avec tant d'efForts et au sein de si profondes ténèbres, a besoin d'avoir sous les yeux des caractères tels que celui de M. Droz. » (Guizot, Discours prononcé aux funérailles de }. Droz.)
------Hisloire du règne de Louis XVI pendant les années oü 1'on
pouvait prévenir on diriger la Róvolution francaise, précédée
d'une notice sur la vie de l'auteur, par M. Kmile de Bonneehose.
Ouvrdge ailoplé par l'Université. Édit. nouv., 18B0. 3 vol. in-18
angl. d une exécution typograpliique Irès-soignée. 10 fr. 50
« .... L'homme eminent dont nous célébrons la mémoire a été le type de
ce mouvement rêgénératcur qui peut et qui doit nous sauver. Il a traverse
la pbilosophie, 1'économie politique et la politique pour aboutir au christia-
nisme; \\ a substitué au culte de l'égalitë celui de la vérité; il n'a désavoué
ni la raison ui la liberté, mais il a compris que 1'une et 1'autre ont besoin de
sanction, de barrière et d'appui, et qu'un f rein n'esl pas une eutrave. ■ (De
Montalembert, Discours a 1'Académie frangaise.)
------CEuvres morales, contenant: De la Pliilosopliie morale. —
Application de la morale a la politique. — Essai sur l'art d'être heureux. — Etudes sur le beau dans les arts, etc. 2 forts vol. in-8°, avec portrait.                                                            8 fr.
------Pensces sur le Christianisme, preuves de sa vérité; suivies
des A\eux d'un philosophe chrétien. Kouv. édit., augmentée de
lettres de plusieurs évêques et archevêques de France. 1 vol.
in-18 jésus, orné de gravures.                                      3 fr. 50
-----Pensees sur le Christianisme, preuves de sa vérilé; suivies
-ocr page 387-
des Aveux d'un philosophe chrétien. Edition diamant, sur pa­pier superfm. 1 vol. in-32 jésus.                                    1 fr. 25
------Pensees sur Ie Christianisme, preuves de savérité. Ëdition
populaire. 1 vol. in-18.                                                      50 c.
« Je voudrais dissiper 1'erreur de ceux qui supposent que la reiigion na­turelle suffit pour nous guider, et qui croiraient s'abaisser en s'élevant au christianisme.
«Je n'ai puint cepeudant !a prétention d'enseigner et d'instniii e. Puissé-je inspirer è quetques tecleurs Ie dósir de converser avec des hommes capobles de les ëclairer ! {L'auteur.)
o......Volre ccrit, Monsieur, sera, je n'en doute pas , très-utile a uue
foule de persomies, surtout a celles qui sont dcja d'uu age niur, et qui ont besoin de trouver la vérité degpgée de longues discussions et d^1 toute espèce
de ftubtilités.......i (M. Denis AfTre , archevèque de Paris, a l'auteur, Ie
8 décembre 1843.)
------De la Philosophie morale, ou des différents systèmes sur la
science de la vie. 5' édit. 1 vol. in-18.                                3 fr.
geiler. — La Reiigion prouvée par la philosophie, ou accord des écrivains de tous les temps sur les vérités de la reiigion et de la morale. 1 vol. in-12.                                                       2 fr.
niorenll (L.-J.-A. de). — Dictionnaire des chancelleries diplo-matiques et consulaires, a 1'usage des agents poliliques francais et étrangers, et du commerce maritime, réiligé d'après les lois, ordonnances, instructions et circulaires ministérielles. et com-plété au moyen des ducumcnls officiels. Nouvelle édition aug-mentée d'un supplément, 1859. '2 vol. in-8°.                      16 fr.
Ouvrage indispeusable dans toules les chancelleries diplomatiques ou cou-
sulaires.
Cuibert (Adrien), — Diclionnaire géographique et slalistique ré-digé sur un nouveau plan. Ouvrage autorisé par 1'Université. Nouveau tirage donnant la population de la France en 1856. et les changements inlroduils dans son oiganisation intérieure de-puis Ie rétablissementde 1'Empire. 1 tres-fort vol. gr. in-8". 20 fr. Demi-ieliure chagrin.                                                    24 fr.
Oéranilo (Ie baron de). —Cours normal des insliluteurs pri— maires, ou directions relalives a 1'éducalion physique, morale et intellectuelle, dans les écoles primaires. Ëdition nouvelle, 1860. 1 vol. in-12.                                                          2 fr. 50
Ouvrage adopté par Ie Conseil de 1'Instruction puhlique.
Ei. Mcinlère», recleur émérile. — L'économie, ou remede au pau-
périsme. Ouvrage couronné par 1'Académie franeaise. 2" édit.
1 vol. in-18 anglais.                                                        2 fr. 50
" VEloge de Vêconomie, dans la methode simple et piquante, avec une
instructiou très-vraie , rappelle un peu ces petits livres moranx de Franklin,
délassement d'un homme de génie. lu& et goütés par tout Ie monde. La, ce
qu'il y a de science, emprunté aux meilleures sources, est acquis au bon sens
général, et rendu plus persuasif et par conséquent plus utile par une expres-
sion toujours précise et juste.... » (Villemain, Rapport d l'Acodémw fran-
)
-ocr page 388-
nufati. — Essai sur la science de la misère sociale. 1 vol. in-18
jésus.                                                                             2 fr. 50
Le nouveau travail de M. Duf au, aussi bien pensé que bien écrit, atteste
lahaute expérience de l'auteur dans tontes les questions relatives au soula-
bH.nent des c!as*es laborïeuses et souffrantes, et sera le manuel des personties
qui se livrent a 1'étude de ces questions si essentieHement liées a 1'avenir
mème de la société.
clef de In science (la), ou les Phénomènes de tous les jours
expliqués; par le docteur Brewer. 3e édilion, revue, corrigée et
augmentée par M. 1'abbé Moigno. —1860. — l vol. in-18 anglais,
avec fipf.                                                                         3 fr. 50
Demi-reliure chagrin.                                                      5 fr.
ii .... C'est un ouvrage fait pour répandre agréablement des notions pré-rises la ou tant de traites soï-disant populaires augmentent la masse d'un demi et faux savoir. ■ Berlin, le 7 octobre 1858. (H. de Humboldt, Lettre a l'abbc Moigno.)
o .... En resumé, traite comme il Ta été par 1'honorable et savant rédac­teur en chef du Cosmos, le plan du docteur Brewer a fourni a Tenseignement de tous les jours, aux legons familières, aux enlretiens sérieux, de la jeunesse et mème aux hesoins des geus du inonde, curieux de savoir la raisou de tant de choses, un excellent petit livre destiné a prendre sa place "dans les biblio-thèques usuelles de tous les salons, de toutes les salles d'étude et du cabinet deplusd'un homme sérieut. n (Giratid Tenlon, Gazette mcdicale.)
«... Voici maintrnant un ouvrage auquel nous sommes lieureux de don-ner une approbation saus réserve. C'est la troisiètne édition franchise, édi-tion qui en a fait presque un livre tont nouveau , de l'ouvrage du docteur anglais E.-C. Brewer, intitulé : La Clef de la science, ot* les Phénomènes de tous les jours eorpliquês.... Dépouillé de tont appareil scientifique et de toute phraséologie prétentieuse, cc livre renferme, on p<*ut i'ariïrmcr, la so-lution de bien des difficultés pour lesquelles on consulterait en vain les meil-leurs et les plus vantés traites dé physique et de chimie. Uu mérite de plus, qu'on rencontre sssei habituellement dans les livres de science populaire chez nos voisins, et qui cht'z nous est trop rare, c'est que l'auteur ne négligé ja­mais de faire apparaitre le nom de Dieu dans ces pages, chaque fois que Poccasion s'en offre naturellement. La Clef de la science s'adresse a tous; les professeurs spécialement y trouveront de riches tnatériaux pour rendre les cours plus interessants, n (.1. Chantat, L'Univers.)
.... Deux ou trois ligues du docteur Brewer font plus pour nous décou-vrirlacause iles phénomènes familiers que d'énormes in-folio. ■ {The Times.)
•  .... Ce livre pourrait ètre intitulé » la Chiinïe popularisée, » car il reud un nombre incroyable de faits les plus interessants de la chimie et de la phi-losophie naturelle accessibles a 1'intelligence mème d'un petit enfant.... » {The Examiner.)
a .... M. Tabbé Moigno, en revisant la deruière édition: La Clef de la science^ s'est appliqué a populariser un grand nombre de faits, de théories, d'explications que Ttiabitudt: ou la routine tiendrout longtemps encore a la porte des ouvrages classiques.... » (Hfft)tt6 photographique.)
Paris.— Typ. de P.-A. Bourdieret C^ rue Mazarine , 30.