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L A V I E
DES
PEINTRES
FLAMANDS,
ALLEMANDS ET HOLLANDOIS*
A V E C DES PO.RTRAJTS
Graves en raille-douce, une mdïcation de leur»
principaux Ouvrages, & des Réflexions fur
leurs différentes manières.
ParM.J. B. DesüAMFS, Peintre, Membre ie ['Aca-
démie Royale des Sciences3 Belles-Lettres & Arts dt
Bonen j & Profejjeur de 1'Ecole du DeJJin de la mems
T O M E PREMIER.
A PARIS,
Chez Charles-Antoine JoüBirt , Libraire du Roi
pour 1'Artillerie & Ie Génie , rue Dauphine, d
1'image de Notre-Dame.
RI I)CC UU,
APPRO34TION ET PRiyZLECE DU ROI.
-ocr page 2-
E XPLlC^. TIO N DU FROJST TISPI CE.
* - 4 Peinture assise sur Tes débris d'une frise Corz'nm
thienne
, tient d*une ma in la palette; et de faut re etle
icrit la vie. des Peintres. Trots génies lui Jont voir- les
cup ra ges des art'istes
, pendant qu'un de ces genius y tjui
est ce.uide la p&£n**tre
, luidécauvre /es beautésde chaque
tableau^ et luidicte l* jugement qu'elle place
<J la suite de
chaque vie. Au bas est un génie quilit les auteurs , tandis
qu'un autre écrit des eactraits des mémoires dont eet ou-
vrage est compos-é ; un autre tire de l'obscurité fes me-
daillons sur lesqttefs sont gravés les portraits des grands
hommes; il les o'~ne de guirlandes de f eurs et va /es at~
tacheraupoitiqeie du temple de Mémoire, qu'on reconnoit
au portrait dn fteros, qui est p/acé dans Ie fronton. Un
nuage qui avnit lo?ig-tems caché ó. Ia France la »>ie de ces
peintres ha bil es , se dissipe ptu apeu^ è. mesure que eet
ouvrage s'avaticr. Les medailles et les chaines sont fes
marques honorabies dont plusieurs Princes ont décoré les
grands hommes.
[Cet ouvrage se trouve actuellement
A PARIS,
Chez BeJlih junior* libraire , me du F
-ocr page 3-
ladf.
A MONSEIGNEUR.
CLAUDE-ALEXANDjRE DE VITXENEUVï
CüMTE DE VENCE,
MARhCHALDES CAMPS ET ARMÊES
DU ROY,
COLONEI.-L1EUTIN ANT DU REGIMENT ROYAl,
INFANTERIE-ITALIENNE-CORSI.
Monseigneur,
Apeine ai-je eu l'honneur dt
vous communiquer mon projetctécrirc
aij
-ocr page 4-
'Wt
la Vie des Peintres F'lamands, que y
non content de m'enhardir a cette
entreprife
, vous ave^Jait naitrc mes
réjlexions
, vous ave^ éclairé nies
doutes
, vous m'ave^ aidé de vos
avis
, vous mave^ ouvert la porte de
la canière. Qid pouvoit, en effet,
■plus fürement que vous
, MON-
SEIGNEUR , meguider dans ces
fentiers difficiles ? Enfignalant votre
valeur dans les armées, vous ave%_
contenté votre gout pour la peinture,
Après avoir contribui au gain des
bataüles
, a laptife des villes ? vous
vifitie^ hs cabinets des curieux &
les ateliers des plus célèbres artifles
;
&en achetantd grandprix leursplus
-ocr page 5-
heaux ouvrages de peimure, vous
ennchijjiei Paris
( * ) des chefs-
d'czuvres jlamands, Cejl leur Hif~
toirt que je vous retrace.
; cejl la
gloire de leurs auteurs
, que je tdche
defoutenir; cefont les hontés 1 dont
vous mhono.re^
, que je publie. Si
ce foible hommage ne peut vous
marquer toute ma reconnoijfance j
( * ) M. Ie Comte de V e n c e a orné
fon cabinet de plufieurs tableaux j dont les
auteurs font a peine connus a Paris. Il a joint
a ces richefles de la Flandre , des morceaux
précieux d'Italie 6c de France. On y admire
cntr'autres deux beaux tableaux de M. Pierre ,
premier Peintre de M. Ie Duc d'Orléans j Sc
Profefleur de 1'Académie Royale. Ils font places
a cóté d'un tableau du Rimbrant} ils s'y fou-
tiennent pour la couleur 3 mais ils font grand tori
a celui duflamandj du cóté de. la corre<2ion &
de 1'élégance du deflin.
• • •
au;
-ocr page 6-
il vous afjurera du moins du pro'
fond rejpecl avtc lequel jefuis
,
MONSEIGNEUR,
Votre très-humble & ttès-obéiflant
Serviteuc ^ J. B. DJESCAMPS,
-ocr page 7-
AFERTISSEMENT.
ÜNne connoiiïoit avant la dernière
guerre qu'une partie des Peintres Fla-
mands, Allernands & Hollandqi--. Le
féjour que nos troupes ont fait en
Flandres, a donné lieu aux amateurs
d'étendre leurs connoiffances & de
rechercher les tableaux des plus cé-
lebres maitres ; mais il manquoit peut-
être a la France , un livre qui tit con-
noitre entièrement la vie & les ou-
vrages du plus grand nombre.
Monfieur Fèliblenvi^ fait que nom-
mer les Peintres Flamands; ii n'a écrit
la vie que de très-peu d'artiftes. M. de
Piles
s'eft borné a 1'hiftoire de 81
peintres , encore n'avoit-il pas puifé
a la fource. Il n'eut pour guide dans fes
recherches que Sandraert, peintre Al-
lemand , qui avoit été lui-même copifte
peu exacl: de Carle van Mander, & de
quelques autres écrivainsqu'il a fuivis,
ians examiner les faits ni vérifier les
a iv
J
-ocr page 8-
viij AVERTISSEMENT.
ciates. FlorentleComte aécritdepuis les
n êmesauteurs un plus grand nombre de
Vies; mais il eft moins inflruftif, moins
fuivi & moins intéreffant que M. de
•Pi/es.
Les deux volumes & Ie fupplé-
mént de M d'Argenville, ont mérite 1'é-
loge d'undenos meilleurs journaliftes;
& rien n'eft plus flateur que Ie fuffrage
des perfonnes dignes elles-mêmes de
louanges. Mais 1'ouvrage que j'an-
nonce eft d'une plus grande étendue.
Il y a pres de quinze ans que j'ai com-
mencé a faire des notes fur la vie des
Peintres Flamands. J'ai comparé dans
ces notes les auteurs les uns avec les
autres; j'ai démêlé , autant qu'il m'a
été poffible j Terreur d'avec la vérité.
Mon ouvrage augmentoit ïnfeniible-
ment; jen fis part a quelques amis éclai-
Jfés., & a des perfonnes diftinguées par
leur rang & par leurs connoilTances,
qui m'engagèrent a Ie pourfuivre & a
raffembler en corps ces difFérentes par-
ties. Les Flamands mémes , peu con-
tens de ieurs écrivains , me promirent
de m'aider de leurs fecours, & m'ont
engagé dans une carrière qui m'a offert,
en la parcourant, des dfifficultés que
je n'avois pas prévues. L'auteur qui a
-ocr page 9-
AFERTISSEMENT. ix
conduit laplupart de ceux qui m'ont
précédé eft Ie célebre Carle van Man-
der
, peintre & hiftorien Flamand; il a
écrit depuis 1'origine de la peinture a
Thuile, c'eft-a-dire , depuis envirort
1366 , jufqu'en ï 604. Il mérite afïuré-
ment notre eftime & notre reconnoif-
fance pour fon exa&itude; mais il auroit
été a fouhaiter qu'il eütmis dans (es écrits
lesgraces&la précifion qu'on admire
dans fes tableaux. Il eft trop difïus : ce
n'a pas été fans une attention pénible ,
qu'il m'a fallu débarraffer Jes faits inté-
reffans d'avec une multitude de dé»
tails qui ne Ie font pas. Cornille de
Bie
a moins fait 1'hiftoire de quelques
jpeintres de la même nation, que leurs
eloges en vers ; ils font tous , a 1'en-
tendre, des artiftes admirables, ils n'ont
pas Ie moindre défaut: il n'étoit pas fa-
cile de faifir la vérité a travers des hy-
perboles qui la couvrent.
Arnold Houbraeken, peintre Hollan-
dois &continuateur de Carle van Man-
der
, eft eftimable pour fes talens &
pour fes moeurs. Il eut 1'avantage de
voir les tableaux dont il a fait la defcrip-
flon j & de connoitre les peintres dont
il a fait 1'hiftoire; mais on défireroit
-ocr page 10-
x AVERTISSEMENT.
qu'il fe fut plus étendu en quelques
endroits & reirerré en d'autres. Ses
dates font placées coniufément, fans
chronologie, fans aucun ordre. Nous
avons trois volumes in-4J de Camp o
Jf^eyermans
, autre peintre Hoilan-
dois. Il a compilé Houbraeken qu'il a dé-
figuré ;ila remplifes écrits d'ordures ,
d'impiétés& decalomnies;ilacondam-
né 1'ordre & la lageiTe qui règnentdans
les ouvrages de M de Piles, au lieu de
s'efforcer de lesimiter.
Johan van Gooi vient de publier
deux volumes in-8° furlamêmema-
tière; Ie premier en 1751, & Ie fecond
en 1752. Il n'aque Ie mérite de 1'exac-
titude : il ne porte aucun jugement fur
les tableaux dont il parle ; il ne lui
échappe pas la moindre réflexion fur
les manieres difFérentes des peintres.
Son ouvarge n'eft qu une compilation
de faits & une lifte de tableaux ; il
furcharge & interrompt , comme les
autres, (es narrations de vers déplacés,
qui ne marquent ni fon jugement ni
fon gout.
Tous ces écrivains, qui fe contre-
difent fouvent, ne pouvoient êtredes
guides fiïrs. Il m'a fallu puifer dans
d'autres fources : j'ai lu les hiftoriens
-ocr page 11-
AVERTISSEMEN7. xj
des villes dont j ai eu occafion de
parier ; je n'ai point négligé les poeres
qui ont vécu du temps des peintres
qu'ils ont loués ; j'ai tranfcrit les regif-
tres de diverfes compagnies; j'ai tiré
les dates des épitaphes, des extraits
raortuaires, & d'autres monumenspu-
pjics Les cabinets des curienx m'ont
été ouverts ; des titres de plufieurs fa-
milies m'ont été confiés: on m'a en-
voyé de différens pays des inftruc-
tions de toutes efpèces, écrites en di-
verfèslangues que j'ai Ie bonheur d'en-
tendre J'ai eu des relations intimes &
descorrefpondances particulières avec
desfavans & d'habiles artiftes. Quand
tous ces fecours ne fuffifoient point ,
je me fuis tranfporté fur les lieux pour
éclaircir les faits obfcurs : enfin j'ai
paffe ma jeuneffe en Flandres , ma pa-
tne, ou j'ai vécu au milieu des rares
produftions que je fais connoitre.
Plein d amourpour mon art, j airéflé-
chi fur les grands modèles qui m'en-
tpuroient ; j en ai étudié 1'efprit ; j'ai
taché d'en faifir les caraöères. Il ne
iuffit pas de marquer la maniere d'un
peintre ■ Ü faut la développer, ü 1'on
peut parier ainfi, ia comparer avec celle
-ocr page 12-
xij AVER TI SS E ME NT.
d'unautre. Les comparaifons font des
lumières qui donnent a 1'objet un éclat
plus v if. Ce n'eft pas par des termes fa-
vans qu'on fe fait Ie tnieux entendre ;
c'eft par une expofition détaillée de
toutes les parties du tableau: cette ex-
pofition les doit préfenter a 1'efprit
telles qu'elles s'offrent aux yeux , &
met fouventlesmoins cannoifleurs en
ctat d'en juger; aufiin'ai-je employé ,
autant qu il m'a été poflible , les termes
confacrésa laPeinture , que quand la
langue ne m'en fourniffoit pas d'autre,
ik
j'ai eu foin de les expliquer dans des
notes.
Cet ouvrage commence en 1366,
par la vie des frères van Eyck , inven-
teurs de la peinture a 1'huile , & conti-
nue jufqu'a notre fiècle. L'ordre chro-
nologique s'y foutient d'un bout k
1'autre. Les dates font marquécs a,la
tête de chaque hiftoire ; quand eiles
font inconnues , je les indique- a peu
pres, iur les conje&ures que je tire du
temps ou Ie père , Ie maitre ou les con-
temporains du peintre dom j'écris la
vie ont vécu ; j'ai recours aüx années
marqaées fur les tahieatix cju'il a peints;
& fouvent les plus petites circonf-
-ocr page 13-
AVERT1SSEMENT. xiij
tances, mêlées a 1'hiftoire d'autres
peintres, m'ont conftaté Ie tempsa peu
pres ou il a vécu.
L'ordre que je me fuis prefcrit ,
comme Ie plus clair&le plus fimple ,e{t
de faire connoitre 1'année , la ville ou
Ie peintre a recu Ie jour. J'expofe (on
extra&ion, je Ie fuis chez (es maitres &
dans les pays ou ii voyage, j'en raconte
des événemens, lorfqu'ilsontquelque
rapport avec fon talent, & je marque
Ie temps de fa mort. Lorique (es ouvra-
ges me font bien connus, je défigne
ion genre & je tached'apprécier fon mé-
rite; mais lorfquejene connois point
par moi-même fes tableaux, j'indique
oü ils font: j'en fais mie efpèce de cata-
logue, eniorte que 1'on fait en quel en-
droit un tableau étoitautrcfois , a qui
il a appartenu, & dans quei cabinet il a
été tranfporté. C'eft par cette route
inftruftive que j'arrive jufqu'aux cabi-
nets de nos Francois curieux , pieins
de connoilTances & de gout, quipof-
fèdent les plus précieux tableaux de
Hollande & de Flandres.
Pres de deux cents portraits, gravcs
par les mcilleurs artiftes de Paris, & pla-
ces a la tête de la vie óes plus grands
,-*
-ocr page 14-
xiv AVERTISSEMENT.
Peintres, font les pius beaux ornemens
de eet ouvrage. Ces portraits cara&é-
rifent par les vignettes qui les entou-
rent, les talens particuliers de chaque
maitre , enforte qu il fuffit de voir ces
attributs, pour juger quel étoit legenrc
du Peintre.
La clarté du flyle, 1'ordre des faits, la
rapidité de la narration , beautés effen-
tielles aux éloges hiftoriques , font
celles que j aurois bien voulu répandre
dans mon livre. Etranger &artifte , je
crains bien de n'en avoir eu que la
volonté. J'abandonne a la critique
quelques exprefiïons négligées, quel-
ques tours hafardés ; mais j ofe repré-
fenter, que dans un ouvrage tel que
celui-ci, qui fe fouttent & intéreffe par
lui-même , on doit avoir, fuivant Ie
précepte deQuintilien,moins d'atten-
tion pourles mots que pourleschofes.
N'avancer rien que devrai ouconnu
pour tel,par rapport aux événemens
de lavie de chaque peintre ; donner
pour douteux ce qui Teft ; rejetter ce
qui eft licencieux, de mauvais exemple,
peu agréable, peu intéreffant; n'attri-
buer a chaque artifte que les ouyrages
qu'il a faits; lui óter ceux dont il n'eft
-ocr page 15-
AVERTISSEMENT. xv
pasl'auteur; les rendrea qui ils appar-
tiennent; en porterunjugement que
l'on croit équitable., & toujours fondé
fur celui du Public éclairé: voila ce que
j'ai fait, ou taché de faire.
La plupart desPeintres ne mettent
fur leurs tableaux que les lettres ini-
itales de leurs noms. On fait avec
quelle différence les Franc.ois, les Fla-
mands & les Hollandois écrivent les
inêmes noms de baptême. Pour préve-
nir eet inconvénient, j'ai mis tour. au
long Ie nom & Ie furnom de 1'artiile
dans les deux différentes langues; par
exemple, page i i,Hans(jean)Memme->
linck. Hans
eft Ie nom flamand, qui
fignifie Jean en francois, &c.
On va voir les révolutions que la
Peinture a éprouvées en Flandres & en
Hollande; elle a fuivi Ie fort detous les
A
rts. Quand les Princes 1'ont protégée,
elle aeu de grands fuccès; quand ils 1'ont
abandonnée, elle adégéneré. Le Prince
Charles de Lorraine , gouverneur des
Pays-Bas, commence aujourd'hui a la
tirer de la langueur oü elle étoit depuis
quelques années. LEcole Flamande
reprend de la réputation ; mais il lui
manque encore bien des avantages qui
diftingxient celle de Paris. Elle doit être
-ocr page 16-
xvj AVERT1SSEMENT.
regardée par 1'ordre qui y règne , par
rinftruftion quis'y donne , par t'émula-
tion & les récompenfes, comme Ie
modèle de toutes les academies de Funk
vers.Ilyapeud'artiftes dans Ie monde
qui égalent ceux dont elle eit compofée;
un grand nombre d'entr'eux joignent au
géniedupinceaule talent d'une plume
elegante ; & a 1'art de faire des chefs-
d'ceuvres, Ie don d'en bien juger.
Je dois untémoignage public de ma
reconnoiffance a quelques illuftres amis
qui m'ont aidé dans eet ouvrage. M.
mathieu de Vifch ,Peintre & Direfteur
de l'Académie de Bruges , malgré fes
occupations importantes , m'afait part
de fes favantes recherches. Je dois un
remereïment a M. Elfen , peintre Fla-
mand , & Affocié de l'Académie de
Rouen, qui pendant mon abfence a
bien v oulu fe charger de conduire Ie bu-
rin des plus habiles graveurs de Paris ,
pour les portraits qu il a embellis en
partie de fes ingénieufes compofitions.
Le fecond volume va paroitre ince£
famment; il commencera par la vie de
van Dyck: les autres le fuivront, fans
autre interruptionque cellequi fera né-
ceffaire pour achever le grand nombre
ide portraits auxquels ontravaille.
HUBERT
-ocr page 17-
HUBERT ET JEAN
VAN EYCK,
ÉLEVES DE LEUR PERE.
Vj kst a la petite ville de Maafeyk, fituée-
fur les botds de la Meufe., que nous devons
Ie fecret de la peinture a. 1'huile, que les
anciens ne connoiflbient pas , & auquel les
moderwes doivent la confervation de leurs
diefs - d'cEuvres. Cette ville donna Ie jour a
iiubert Fan Ëyck Sc i Jtan fon Frèie. Le
Aomc ƒ„
                                          A
■■
-ocr page 18-
Ü                    La Vle des Peintres
______premier naquit en 136$ , & Ie fecond en
^ lis étudièrent & fuivirent tous deux les principes
de leur père. Cette familie fembloit être née pour
la peinture : Marguerite leur focur fut célèbre
dans eet art; elle refufa de »fe maner pour
pouvoir s'y livrre toute entière.
Quoique Jean fut élève d'Hubert fen frère aiuéj.
il lc^furpafla. Il étoit non-feulement bon peintre ,
maïs il avoit une inclination décidée pour d'autres
fciences, Sc fur-lout pour la chymie. En cher-
chant Ie moyen de puriner fes couleurs pour les
rendre plus durables, il avoit trouvé un vernis qu'il
appliquoit fur fes tableaux, Sc qui les rendoit lui-
fans Sc pleins de force. La recherche de ce vernis
avoit occupé tous les peintres d'Itahe pendant
plufieurs années. Comme ce vernis ne fe féchoit
point de lui-même, Sc que Ie peintre étoit obli-
gé de 1'expofer a 1'ardeur du foleil, un hafard
procura a. la peintiue ü« faccès dont nous jouif-
fons. Jean van Eyck ayant pofé au foleil un tableau
' qui lui avoit coücé beaucoup de foin , ce tableau,
qui étoit fur bois, fe fépdra en deux. La douleur
de voir ainfi détruire Ie fruit de fes travaux, lui
fit avoir recours ala chymie , pour tenter fi, par Ie
moyen deshuilescuites, ilnepourroitpas trouver
celui de faire fécherfon vernis fans Ie fecours du
foleil ou du feu : il fe fervit des Huiles de noix &
de lin, comme les plusJiccadves; Sc en lesfaifant
cuire avec d'autres drogues, il compofa un vernis
beaucoup plus beau que Ie premier. Il éprouva-
de plus que les couleurs fe mêloient plus facile-
ment avec i'huile qu'avec la colle ou 1'eau d'oeuf,
dont il s'étoit jufqu'alors fervi; ce qui détermina
notre artifte a fuivre cette nouvelle methode. Ses
-ocr page 19-
Flamands% Alïetnands & Boilandois. $
coulciirs, fans s'emboire ( i ), confervöient leiirs
niéraes tons, & n'avoient pas befoin de vernis:
elles fe féchoient promptement; &il fautajouter
encore qu'il trouva plus de facilité a les melen
Tous ces avanrages lui firent abandonner la colle
& 1'eau d'ceuf, pöut fe mettre dans 1'ufage des
couleursa 1'buile, ouil acquit, ainfi que fon fxèrej
une grande répuiation» lis eurent aufli tous deux
grand foin de cacher bttl fecret.
Lears principaux tableaux font ceux qu'ils
firent a Gand en Flandre. Parmi les plus con-
fïdérables , on admire celui de Saint- Jean, qu'ils
peignirent pour Phiüppe Ie Bon, duc de Bour-
gogne , comte de Flandres. On y voit fon portrait
fur un des volets (2)1 il y eft peiut a cheval.
Lededans du tableau icpréfente les Vieillards qui
adorent 1'Agneausfujettiré de 1'apocalypfe.C'eft
un prodige que la quancité d'öuvrage & que Ie
fini dont il tft. On y compce 350 têtes, fans y
en trouver deux qui fe refTèmblent. On voit fur
Ie volet droit, Adam & Eve repréfentés avec
beaucoup de noblefTe Sc de décence j fur 1'autre
volet eft une Sainte-Cécile & quelques autres
figures de cavaliers avec leulrs chevaux. Les deux
freres fc font peints aux cótés: Hubert, comme
fainé, eft a la droite; illéparoït mêm« par la
phyfionotnie : il a fur la tête un bonnet fourré,
.(1) Un tabfeau estembu, lorsquel'huileétantentree
3ans la toile, laisse les cculeurs mattes. Les toiles
nouvellement imprimées, sont sujettes a ernboire
les couleurs.
(2) Les anciens étoient dans 1'usage de fermer
ïeurs tableanxavec des volets, pour consewer 1'éclat
de teurs couleuts.
A z
-ocr page 20-
4                     ■£<* Vit des PeiMrtS
'------mais d'une forme fingulière' & retroufle paf
i}66. devznt:Jean vanEyck eft alagauche, coiffé eu
bonnet de la forme d'un turban} il eft vêtu d'une
robe no.'re \ il a un chapelet rouge a la main, avec
une medaille pendante au bas. Les attitudes font
belles & bien deffinées j les têtes pleines d'éxpref-
fions d'advniration , de dévotion 8c de candeur ;
les cheveux, les poils des barbes font d'un détail
& d'un fini fingulier. Il en eft de même des crins
des chevaux. Le payfage eft agréable j les arbres,
les plantes du pays & étrangères , font bien deffi-
nés Sc d'une grande vérité. La compofition du
tout enfemble eft fans embarras &.pleine d'efprit.
Les figures font drapées dans le gout d'Alben
Durer
: les couleurs principales, les rouges, les
pourpres & les bleues, font auffi belles & aufll
f raïehes que fi on venoit de les appliquer : auffi ne
voit-on que rarement ce tableau *, il eft toujours
fermé,&: ne s'ouvre qu'a certains jours de fetes, ou
a la demande des gens de confidération. PhUippc .
Premier
_, Roi.d'Efpagne, n'ayant pu obtenit ce
tableau , en fit faire une copie par Michel Coxcie,
peintre de Malines, laquelle fut très-bien rendue j
on lui reprocha feulement d'avoir pris troj» de
licence dans q»elques changemens , fur-tout dans
la Sainte-Cécile , qui regarde derriére elle fan«
iaifoii.Il employadans la robe de la Vierge pour
31 ducats de bleu qae le Titien envoya d'ltalie
par les ordres de ce prince. La copie lui coüt»
pres de 4000 florins : le peintre y avoit employé
deux années de travail.
Brugcs & Ypres pofsèdent deux tableaux de
Jean van Eyck. Celui d'Ypres eft dans le chceur
de S. Martin. On y voit le portrait de' 1'abbc
-ocr page 21-
Ftamands , Allemands & Hotlandois. 5
Priamo. Les volets n'ont point été finis^ Jls font----------
remplis d'emblêmej qui onc rapport au myftère de 13 <>£.
la Sainte Vierge. La vérité dont eft rendue chaque
chofe, momre qu'il s'étoit attaché a imiter tout
d'aprèsnature. Il faifoitbienle portrait, & ornoit
fes fonds de payfages agréables.
Carle van Mander ( 1 ) dit avoir vu chez
Lucas de Heere, fon maïtre , Sc peintre a Gand,
un portrait de femme, ébauché avec autant de
correófcion & de fraïcheur que les plus finis qui
aient jamais été faits par d'autres peintres. Marie,
veuve du Roi d'Hongrie, fit la découvertc d'un
tableau précieux du même auteur : il repréfentoit
deux jeunes perfonnes qui font a la veillede s'unir
par les nceuds du mariage. Ce morceau fingulier
fut trouvé dans la boutique d'un perruquier, qui
rec.ut en échange de la princefle, une charge qui
ïappertoit 100 florins par an.
Apirès avoir rlni fon gcand tableau a Gand ,
Jean retourna iïxer fa demeure a Bruges, qui pour
lors étoit la plus brillame viile de 1'Europe pour
Ie commerce : a. peine pouvoit-il fuffire a 1'em-
preiïèment des feigneurs du pays & étrangers,
qui achetèrent fes produftions. Elles faifoientl'ad-
miration des aitiftes & des connoiiïèurs.Frédéric
duc d'Urbin eut de lui un beau tableau , repré-
fentant un bain. Laurent de Médicis lui fit faire
plufieurs ouvrages, entr'autres un S. Jéróme. La
réputation de ce peüitte fit tant de bruit en
(1) Carle van Mander, peintre etpoëie, aécrit
la vie des peinlres italiens, flamands, hollandoi.9
et allemands , jusqu'a 1'année 1604. Nous avons du
mëme un traite en vers sur la p»inture, très-esUuié,
et une explication des fables ü'Qvide.
-ocr page 22-
6                    la Fit des Pet nerts
Italië, que qnelqires négocians da Ftörencs Ïh*
atfietèrent un tableau, dont ils firenc préfent .i
Alphonfe roi de Naples , qui i>e celfa d'admirec
cettemerveiüe& Ie iecret de cetre efbècede pein*
ture. Antaneilo, on Anto'me de Mejpne, peintre»
qui étoic pour-lors a Naples pour des affaires
m>me(tiquesi, quitra tout, 6c fut chercher 1'auteur
dans 1'intention de décpuvrir fon fecrer. Anïvé
a Bruges , il Bt affiduement fa cour a van Eyck;
& par bien des préfens, &c fur-tou: par de beai7X
deflirw d'Italie, (c'eftainiiquelesartiftesdcivent
commercer enfemble ), il gagm Tannine &
la confian.ce du Fiamand ,|qui lui enfeigna fa pré •
paration des couleurs a l'huile, qu'Antonello porti
chezles Italiens quidepuisl'ont renduepublique.
lis méritoieiit de routes manières de po/Téder ce
fecret admirable,
Ces deux frères, Hubert & Jean va"i Eyck,
ont tcwjours vécu dans une grande union. lis onr
été fort eftimés de Pkl/ippe^ duc de Bourgogne,
qui confid#r&ic les taleos & la foliciité de 1'efprit,
de Jean. 111'honora d'une place dans fon conleit
Huben efl: mort & enrerré i Gsnd, ou Ton voir
qu'il eft décéde* Ie 18 feptembre 14KJ, agé de
60 ans. Jean eft mort depuis fort agé: il eft enterra
a Bruges en Flandre.
Lebeau fini des ouvrages des frères van Eyck ,
§c leuv foin a conferver leurs couleurs pures, juf-
ques dansles ombres, auroit augmenré Ie prix de
leurs tableaux , s'ils avoient ofé facrifier quelques
tons de couleurs, fouvent trep aigus (. 1 ), <%
(1) Trop ar'gvt. Danslepremipr temps <*e la peinfur^
on ae connoissoit pas 1'union des couleurs. On voty.
__„_
JÜHIiSiiil.....iniim^
-ocr page 23-
Tlamanisj Allemands & ïtollahdoli. 7_______
aprefque jamais affèz dégradés , alnfi qu un gout , J(J <j
«ie deffin pen elegant. Un voile épais leur avoit
dérobé les graces que 1'andque feul peut enfei-
gner, & que certe école n'a connües que long-
temps après. Mais ils ont Ie mérite d'avoir trouvé
Ie fecret de préparer les couleurs a. 1'huile j & c'en
eft afTez pour les rendre immortels, & mériter en
tout temps notre admiration & notre reconnoif»
fance.
On conferve avec diftinftion dans Ie cabinet
du duc d'Orléans, deux tableaux; Tun eft Ie
portrait des deux frères, 1'autre 1'adoration des
Mages, peints par Jean van Eyck.
ROG E R,
SURNOMMÉ DE B RU GES,1
ÉLEVE DE JEAN VAN EYCK.
oger, natifdeBroges, élève de Jean van
Eyck,
a bien imité fon maïtre. Il eft un ^es
fremiers qui aient peint a 1'huile après van Eyck.
1 peignoit en grand ,5c defïlnoitbien fes figures.
Van Mander Ie regarde comme un bon artifte:
il dit avoir vu de lui plufieurs grands morceaux
a la colle Ie a 1'eau d'ceuf, qui, felon 1'ufage du
rles couleurs enlïères, placées I'une pres de 1'autre ,
foujoursbrillantesjlebleu, Ie rouge, Ie jaune, leverd
et ] e pourpre sont conservés avec toüt leur éclat, ce quï
rend leurs ouvrages comme des découpuressans har-»
mooie.
A 4
V
-ocr page 24-
La Vu des Peintres
"~t«ns, fervóieat de tapifleries dans les apparte-
i}66. mens» Les églifes de Bruges étoient ornées de
fes ouvrages: fa maniere de peindre eft gracieufe,
fon deifin ailez correft 3 &fes compofitions fpiri-
tuelles.
HUGUES
TANDER G O E S ,
ÉLEVE DE JEAN VAN EYCK.
vander Goës , autre élève de Jean
van Eyck,
eft natif de Bruges. Son génie élevé
brille dans fes ouvrages : il peignoit auffi i
1'huile : on voit de fes produdtionj avant & après
1480. Van Mander loue beaucoup fes tableaux^
il nons a laiflTé la defcription de plulieurs, entr'au-
tres d'un petit, qui eft piacé dansl'éghfe de Saint-
Jacques a Gand, 8c qui orne 1'épitapne de Wouter
Gaultier.
Le dedans repréfente la Sainte Vierge:
la tête eft belle & gracieufe, d'une excellente pro-
prcré & d'un grand fini: le fond, la terrafle, les
herbes & l?s petits caillous font bien imités. On
voit dans la même ville, chez le fieur Weytens, un
tableau repréfentant Abigaïl qui vient au-devant
de Pavid. On ne fauroit afTez admirer la noblefTc
êc la modeftie dei femmes qui y paroiffenc.
David eft repréfente a cheval avec fa fuitc : la
eompofition du toui eft ingénieufe. La ville de
Bruges pofTédoit un grand nombre des ouvrages
d? Hugo.es. KIe confervoit encore dans Téglife
1                         /
-ocr page 25-
Flamandsj Allemands & Hollandois. 9
de S. Jacques un tableau d'aucel. Dans Ie temps
des révolutions & de la deftrüïfcion des églifes,
ce tableau fut épargné , mais gaté par 1'ignorance
d'un barbouilleur , qui Ie choifit pour écrire en
l«ttres d'or les tables de la loi de Moïfe. Mal-
gré eet accident, Ie tableau a été nettoyé avec
précautian j & par Ie fecret d'enlever Ie mordant
de k couleur d'or, on 1'a réchappé. Le tempi de
la mott de Hugues eft ignoré , ainfi que le lieu
de fa fépulture.
A L B E R T
VAN OUWATER,
yj. lbert van Ouwatcr, né en la ville d'Harlem;
a peint un des premiers a l'huile dans cettc
ville, du temps même des van Eyck, ou peu
après. Il peignit dans la principale églife, a cóté
du grand autel, un tableau pour la chapelle dei
pélerins , repréfentant S. Pierre Sc S. Paul:
les figures font grandes comme nature. Il avoit
tracé au-deflbus de ce tableau, un payfage oü 1'on
voyoit des pélerins, les uns fe livrant au repos &
les aarres faifant un repas champêtre: le tout étoit
bien traite, tant pour le deflin que pour la cou-
leur. Les extrémités font très-finies & les drape-
ries afTez bien rendues, le payfage fur-toutpafloit
pour le meilleur du temps ^ & felon le rapport dei
pemtres anciens, ceux * d'Harlem ont été les pre-
miers payfagiftes de bon gout. Albert a peint
■ .
-ocr page 26-
10                   La f ie des Peintres
êncore la réfurredion du Lazare : Van Manief
en a vn une copie ébauchée , Sc a jugé que la
figure étoit bien defünée pour Ie cemps, quoique
mte ; Ie fond étoit d'une belle archite&ure, & les
aporres 8c les femmes d'une belle expreflion.
Hemskerck a fouvenc été voir Sc admirer ce
trfbtem avecfon fils, fon élève.fans pouvoir s'en
rafTiner. LesEfpagnots en enievèrent furtivement
i'originat, nind qu-e d'autres morceaux auffi pré-
cieux, !orf!]ii'ils eurent pris la ville d'Harlem.
GUERAPlD
E SAINT-JEAN,
ÉLEVE D'OUWATER.
x\.t.BSRT d'ömvatsr joint a la gloire d'avoir
cxceüé dans fon art, celle d'avoir fait un élèva
du
plus grand mérite. Il fut nommé Guerard
d'Harlem
j parce qu'il naquit en certe ville, on
Guerard de S. Jean , parce qu'il demeurott dans
un couvam de ce nom, fans avoir été de eet
ordre. Il étoi: né peintre; 8c quoiqu'n n'aitvécu
que 18 ans, il a égalé fon maia-e, Sc il 1'a même
furpafTé dans rordonnance de fes fujets, dans !e
deiiln&dans rexvn-e.llon. Il fit dansl'églrfedeS:
Jean, au grand autel, un tableau dont Ie fujet
eft Notre Seigneur crucifié. Il avoit peiut une
defcente de croix fur un des volets, & fnr 1'aiure
un fujet différent. Il n'échappa a !a fnreur du
fo'dat, dans 1'affaut de la ville d'Hai'em , qu«
-ocr page 27-
Flamandj., Allemands & Hottattdóls0 }
volets de ce tableau , qui font chez Ie com-
nttanc, dans Ie nouveau batiment. Celui qui ' "
repréfente la defcente de croix eft d'une grande
beauté^ tour y eft furprenant peur les expreffions.:
la douleur y eft peinte fur les phyfipaomies des
Marïes& des Apótres , a.vecbeaucoup d'art & de
vérité. Les arciftes du temps regardoient eet
ouvrage comme Ie plus beau tableau du i'ècle.
L'aureur favoit bien la perfpedtive. Il avoit peint
1'églife d'Harlem , de facon a tromper 1'ceil par
i'effet; aufil Alben Durer, qui fut a Harlem pout
voir ces ouvrages ? dit tont haut qu'il jalloit être
favorifé de la nature pour en venir a ce point de
perfeüion.
DIRK
(THIERRl) D'HARLEM.
jtj.ARi.EM donna encore Ie jour a Dirk, II
fut contemporain de Guerardj qvtelques - uns
cifent qu'il vécut avant lui. Il ctoit habile peiutra
pour te temps. Quo'iquAlbert Durcr foit plus
moderne que lui, la maniere de Thierri eft aufii
finie que celle de ce peintre : elle eft beaucoup
moins sèche & moins tranchée (i) , (ï nous en
''i) Ttitwlh. Ie défaut des anciens peinlresétoft
d'apprnther snHterrprit les clairs contre les ombre«.
Les couleurs de chair coupoient sèchement sur les
fonds , sans mêler moëlleusement les bords. C«
déiiiut rend leurs ouvrages plats et sans rondeur.
-ocr page 28-
il                  La Vu desPeintres
---------croyons van Mander; il dit avoir vu de lui il»
1449. tableau d'autel, ayec deur volets, dans la ville de
Leyden.Le dedans repréfentoit Notte Sauveurjon
voyoit fur 1'un des volets S. Pierre, 8c fur 1'autre
S. Paul. Les têtes font de grandeur naturelle; les
cheveux &c les barbes en fo«t bien terminés. Ce
tablea» fut fait en 1461. L'auteur demeura
quelque temps a Louvain. Le temps de fa mort
eft ignoré, ainfi que celle de Guerard.
HANS(JEAN)
HEMMELINCR.
-------- \, ARLE van Mander, dans fon hiftoire des
1458. peintres , page 117 > dit que dès les premiers,
temps de la peinture a l'huile j la ville de Bruges
donna le jour a Hans Memmeünck ,
&c.
Cet écrivain fe trompc; Jean Hemmdinck efl
lï véritable nora de cetartifte, qui naquit dans
5a petite ville de Damme, a une lieue de Bruges.
Il eft probable qu'il a vécu du temps des frères
van Eyck, ou a peu pres, puifque nous avons de
fes ouvrages avant 1479.
On ne fait rien de fes premières années, 8c on
ignore fon maïtre. On dit qu'il s'enrók par liber-
tinage en qaahté de fimple foldat, & que fe voyant
reduit i la dernière misère dans 1'hêpital de SaJnt-
Jean de Brnges, comme s'il n'eüt pas eu plus de
reflburce que fe dernier de fes camarades, il
ouvrit les yeux f»r le dérangement de fa conduite.
-ocr page 29-
TUmands 3 Allemands & Holtandois'. i j'
ïl eft rare qu'un homme d« génie refte long-temps
dans Ie défordre. Dès qu'il fut convalefcent, il
peignit quelques petits tableaur pour fe récréer
& pour fe procurer un peu d'argent. Il n'en falloit
pas davantage pour Ie faire connoitre. Quelques
firères de eet hópital, furpris de la beauté des
ouvrages du malheureux peintre, publièrent la
découverte qu'ils venoient de faire , & Hemme-
linck fut bientöt reconnu pour Ie plus habile de
fon fiède. On obtint fon congé , & il fit un
tableau poiuThopital, en reconnoiirance des foins
que 1'on avoit eus de lui pendant fa snaladie. Ce
tableau a deux volets. Il a peint au milieu la
naifïance de Notre Seigneur & les bergers en
adoration. Une architecture ruinée 8c de fort bon
gout j repréfente 1'étable de Bethléem; on apper-
c,oit par quelques ouvertures du batiment 3 des
montagnes & des lo'mtains a perte de vue. A tra-
vers une fenêtre, on voit Ie portrait du peintre,
repréfente aveclarobe des malades. Sur un des
Volets, il a peint des anges qui adorent 1'enfant
Jéfus dans la crèche , & fur 1'antre volet la pré-
fentation au temple. On lit fur la bordure, en
gros caraótères, OPUS JOHANNfS HEM-
MELINCK, M. CCCC. LXXIX.
avec fa
marque ordinaire.
Ce tableau fixa Hemmelinck a Bruges; Sc
c'eft dans ce temps qu'il peignit la cnaffèoii
reliquairecjuife conferve danslemême hópital^de
S. Jean ^ avec plufieurs compartimens dans lef-
quels il a rendu la vie 8c Ie martyre de Sainte-
Urfule & des onze mille vierges.
Dans Ie même hopital on voit encore uti
tableau de ce peintre. Il a deux volets, a 1'aneie»
*'
-ocr page 30-
Lx Vit des Fèlntrei
g, pour Ie conferver. La Vierge, i*«nfaöf
ui» Sainte-Catherine, Sainte-Barbe & Saint-
1450. Jean-Baptifte, Saint-Jeanl'évangélifte & des anges
qui joiiunc ele différens inftrumens > font bien
rcpréfentés Air ce tableau. Sur 1'un des volets,
on voit Ie martyre de Saint-Jean-Baptifte , & fur
Tautte, Saiut-Jean 1'évangélifte dans 1'ifle de
Patmos > éciivant fon apocaJypfe.
'Dans la falle des dke&euts de 1'hópital de S.
Julién, en la même ville , on voit un grand
tableau de Hemrnelinck■$ repréfcntant St-Chrif-
tophe qui porte 1'enfant Jéius en paflant une
rivière. Sur les deux volets qui renferment ce fujet,
font peints les portraiss de quel^ues frcres hofpi-
taliers.
Dans 1'églifc paroiffiale dè Saint-Sauveur eft Ie
martyre d'un faint écartelé par quatre chevaux.
Chez M. Libouton, on voit tin Chrift , avec la
Vierge & Sauu-Jean au bas de la croix.
Hemmelinck avoit un meilleur gout de deffin
que les peintres de ce temps-la 5 il groupo.it (es
ügures avec plus d'ordre; fes fujets font bien
difpofés. Il y a une dégradation fenfible dans fes
couleurs j il a fait uil aflèz bon choix dans 1'ar-
chitefture, Sc oü apper^oit qu'il en favoit très-
bien les régies, ainu que de la perfpedtive. Cet
artifte a au moins égalé les frères van Eyck,
& dans quelques parties il les a furpafles- On
s'étonne que les tableaüx de ce peintre ne foient
qu'a 1'eau d'ceuf (1) j fans doute qu'il étoi t attaché»
(1) Le mélange des couleurs, avant la décou-
verie de 1'nsage de peindre a 1'huile, se faisoit a la
col Ie, a la gomme, et commujiétnent avec une eau qui,
se tiroit du blanc d'oeuf..
-ocr page 31-
TÏ&fn&nds 3 Alkmands & Uollqndols. i J
paf préjugé» a ce genre de peinture, Sc cju'il
£üioic peu de cas de la peinture a l'hiule , donc ^'}
1'ufage étoit établi depuis 80 ans. Il ae pouvoit en
ignorei
le fecret trouvé dans la ville óu il faifoit
ia demeure. D'ailleurs, rien u'eft plus beauui plus
frais que ce qui ïious refte de lui & que nous avons
cué. On peut anfli ajouter que rien u'eft garde
avec
plus de foin. Le reliquaire de l'hópital de
S. Jean eft enfermé dans une autre artriöire defti-
née a le conferver. On a fóuvent offert mie chaire
de la même grandetrr en argent, éc on a toujours
          ,
refufé 1'échange. Le reliquaire? éft ouvert tol»
les ans pendant 1'octave de Sainre-Urfule. Il cfi;
peu de tableaux a 1'eaa d'csuf qui foienc rnieux,
& ce font autant de monumens précieux de lx
maniere dont on peignoit alors dans ce genre. On
n'a rien fu de la mort de Hemmclinck, nï A\i
lieu de f,i fépulturö.
GUERA.RD
VANDER MEIRE.
c
\J u 1 r a n. o naquit a Gand , Sc fut un des
premiers p^intres a 1'huile après van Eyck.
Tous fes ouvrages font d'un beau fini, On voyoit
en Hollande , dans le cabinet de M. Jacques
Ravard,
une Lucrèce peince par vander Meire,
II colorioit bien , & fon deffin eft afiez corre£, *
-ocr page 32-
frS La. Vit des Peintres Flamands &c.
J É A N
MANDYN.
"           JVIandyn de la ville d'Harlem , aimoit i
1450. peindre des fujets plaifans & grotefques, dans lc
gout de Jérèrne Bos. Il eft mort a Anvers, pen-
fionné de la ville.
»——■————^mmmmmm*mm1— 1 1
V O L C K A E R T.
Voukaert , fils de Nicolas , naquit a
Harlem. La maifon de ville pofsède de lui plu-
fieurs ouvrages en détrempe, d'une grand» ma-
niere. Il deffinoit dans Ie gout de Tantique; il
compofoit avec facilité. Il a beaucoup defliné peut
les peintres fur verre.
QUINTIN
-ocr page 33-
Q U I N T I N
MESS IS.
IL naquit dans la ville d'Anvers. On 1'appelle ■ ,. _
quelquefois Ie Maréchald'Anvcrs,^>vccef\ui\ avoit J4J°»
exercé ce pénible métier jufqu'i l'age de 20 ans.
Une longue & dangereufe maladie Ie mie
hors d'état de pouvoir ^agner Ta vie Sc celle
defamèrc, chezquiii demeuroit. Ils'en plaignoic
a ceux quivenoient levifiter. On rapporto qu'unö
proceffion anciennement éwblic pour les iepreux ou
aucresmalrides,danslaquelleondifli":bucit des im»
ges de confféries, gravées enbois, lui douua li*¥t de
Terne I.
                                        ij
-ocr page 34-
18                   La Fle des Peintres
-connoitrefon talent. Il lui comba entre les mains
I4J0< une de ces images, qu'on lui confeilla de copier
pour fe défennuyerj ce qu'il fit avec tant d'ardeur
Óc de difpofition , qu'il continua depuis & devin:
bon peintre. Cet échange du marteau contre le
pinceau fe raconte encore autrement. Il devint,
dit-on, amoureux d'une fille qui étoit deftinée i
un peintre. Quintin en étoit aimé j & defiroit de
s'unirielle par les liens du manage j maiss'étant
appercu que fon métier étoit un obftacls i fes
delirs, il Ie quitta, & f e mit a étudier la peintu.re
avec une application extreme. L'amour fut fon
maitre , & avec une difpofition naturelle il réufllt.
Cette dernière hiftoire n'eft recue &c appuyée que
fur les vers que Lampforiius a mis au bas de ion
portrait. La première eft plus cornmunémenC
adoptée, & fur-tout par van Mander {on hifto-
rien. ( Je fouhaiterois que la dernière fut vraie ,
j'en faurois gré a l'amour. ) Quoi qu'il en foit,
il devint bon peintre pour Ie fiècle oü il vivoit.
Un de fes plus beaux tableaux , eft une Defcente
«Ie Croix, qu'il fit pour Ie corps des menuifiers
d'Anvers: ce tableau fut place dans 1'églife de
Notre-Dame. Le Chrift eft fort beau, ainfi que
les Maries: fur un des volets qui ferment ce ta-
bleau, eft Ie Martyre de S. Jean, dans une chaudière
d'huile bouillante j fur 1'autre volet eft Hérodias
danfant devant Hérode: pour le prix de la danfe
elle .recoit la rête de Saint-Jean. Philippe II, roi
d'Efpagne , a fouvent offert de ce tableau des
fommes confidérables, fans pouvoir 1'obtenir. Ce
corps de métief , dans un befoin , 1'expofa ea
venteen 1577j les magiftrats 1'achetèrent, pat
le coüfeil ds Martin Devos ,1500 florins, Quintin
-ocr page 35-
Flamands s Alkmands & Hollandois. 19
a fait plufïeurs autres tableaux 3 difperfés dans les
cabinets , oü ils font confervés avec une eonfidé-
ration particuliere: chez l'éle&eur Palatin, deux
tableaux , dom 1'un repréfente laVierge & 1'En-
fant Jéfus, 1'autre un Chnft & fa Mère. Il a fait
beaucoup de portraits tres - finis: fa maniere eft
tranchante. Il mourut a Anvers tres - vieux en
1519. Il a laifïe un fils nommé Jean Mejjis, aulli
peintre , qni, \\ fuivi, fans changer de gout. On
voit beaucoup de fes ouvrages j parmi fes plus
beaux qui fetrouvent a Amfterdam, on remarque
celui de quelques banquiers occupés a compter
de 1'argent.
Les ouvrages de Quintin Meffis étoient autre-
fois fingulièrement eflimés. L'Angleterre s'en
procura a très-grand prix. La fingularité de fon
hiftoire fit d'abord & fait encore la même im-
preflion. Cependant, i\ 1'on en excepte leur fini ,
aufli froid que fee , on ne peut comparer (es ta-
bleaux qu'a ceux du premier temps de la peinture
a 1'huile , & on nedoit en placer Tauteur qu'après
van Eych. Me/lis ne fut jamais en Italië, quoi qu'en
dife Florent Ie Comte, Sec.
JEROSME BOS.'
J f. r o m e Bos niquit a Bois-1 JJpitc. Quoiqu'il
ait été un des premiers peintres a 1'huile , fa ma-
niere eft moins dure & fes drapenes font de meil-
leur gout j les plis font plus fimples ie moins
répétés que ceux de fes contemporain-,. Ses fujets
étoient terribles, & il femble qu'il fe plaifoit ï
B x
-ocr page 36-
La FiedesPeintres
peindre PEnfer.Il peignoit tout au premier coup,
fans que fes tableaux aient jamais changé. Sa
maniere eft libre & prompte: Pimpreffion de fes
panneaux étoit blanche, & il favoit ménager des
tons tnnfparens > qui ont rendu fes tableaux
chauds de couleur. Ses ouvrages font difperfés
dans les églif.s & lescabinets. Ii y en a quelques-
uns en Eipagne j les églifes de Bois le-Duc en
confervent beaucoup. Van Manier loue fort une
Fuite de la Vierge en Egypte , oü S. Jofeph de-
mande aun payfanle chemin. Le fond du payfage
eft fingulier : dans le lointain on voit une efpèce
de rocher efcarpé, au pied duquel on découvre une
auberge-, on y voit auffi une quantité de peuple
'450.
3
ui regarde une danfe d'ours. On parle encore
*tin autre tableau , oü notie Seigneur poree fa
croix. Cet ouvrage tient raoins que les autres de
1'exrraorünaire defon génie. Il a peiut un Enfer,
-oü le Sei?nenr délivre les anciens patnarches. Ce
tableau eft d'une imagination origmale\ le feu,
les flammes font d'une grande vérité j les diables
prennent Judas par le cou , le renrent de 1'Enfer
& le vont pendre en 1'air. Dans le c.ibinet de
Jean Diétring a Harlem, on voyoit d'autres ou-
yrnges dece pe'ntre : le principal eft une difpute
entre un religieux & des hérétiqiies', !e religieux
offre pour dernière épreuve, de mettrede part&r
d'a'itreleurslivresau feu,&: leur faitentendre que
ceux qu^ne fe^P^ pointépnrgnés par les flammes
feront jugé■ mauvais: tous fjnt détruits , exrepté
le üvre du religie ix , qni eft rejetté par les fta.m-
roes. Plufieurs églifes deBois-le-Duc font iéco-
rées (\?s ouvrages cle re peintre. On en conferve
CnEfpagne a l'jEfcurial,quelqaes tableaux aves
-ocr page 37-
Flamands 3 Alkmands & Bollandoïs. % i
autant d'attention que ceux des plus grands maï--
rres.
                                                                  14J°-
La maniere de Jerome Bos eft ficile : tous fes
ouvrages piroiflent faits de ven; on y appercoit
rimpreffioii de fes panneaux& des tons de couleur
feulement glacés& heurtés avec efprir. C'eft bien
dommage qn'il n'ait jamais concu que des idees
monftrueufes Sc terribles: re quiftfrprend , c'eft:
que fes rableaux ont été fort rhers. A quel prij
auroient-ils donc été j s'il avoic traite des fujets
rians ?
JEAN-LOUIS
D E B O S.
C E peintre étoit aufll de Bois-'e-Duc: il excel-
loit a peindre des fruit» <k des fletirs d'un fini &
d'une vérité fingu ière. On ne puit £'ières aller
plus loin pour la propreté & la rrafcheur des
couleurs:ony remarque jufqu'aux gouttes de rnfée.
Les tranfpirens donnent une grande lé?èreté 1
tout ce qu'il a fait. Il mettoit dans tous fes bou-
quets, de petits infcftes qu'il falliit examirief a
la loupe. Il repréfentoit fouvent fes fle"r<; dms
un bocal de verre ou de rriftal. Van JW ander na
rïen découvert de particulier de fa vie.
B f
-ocr page 38-
'lx                   La Vie des Peirttres
ÉRASME.
\j-UERIT OM.Did.ier Erafmc , né a Pvoterdam Ie
18 ottobre 14É5 ou 1467 , nis de Guerard de la
ville de Gouda, aété eftimé des princes & admiré
des favans. Sa vie & fes ouvrages fonr trop con-
nus pour citer ici mon auteur , qui dit a - peu-
près la même chofe que Moreri. Voici ce que
nous apptend Dirch van Blayfwych, dans Ion
introdu&ion a la defcription de la ville de Delft.
Il dit que lorfque Erafme fe fut retiré dans Ie mo-
naftère d'Ernaüs ou Tenftééne , proche de Gouda,
qu'il avoit choifi pour la bibliothèque feulement,
qui étoit k plus belle du fiècle , il s'appliqua par
intervalle a la peinture, ou il réuffit, & fit les mêmes
progrès que dans fes autres études. Parmi une
quantité de tableaux qu'il avoit faits, Ie plus con-
fidérable étoit un Calvaire oü notre Seigneur eft
repréfenté dans 1'inftant qu'il fut crucifié : il étoit
confervé avec vénération dans Ie cabinet de Cor-
nille Mufcius
, prieur de la même maifon. Le
mérite de fes tableaux eft attefté par les artiftes
du temps ; mais 1'auteur ne croit pas qu'il en foit
échappé aucun dans la ruine de cette maifon ; a.
peine fait-on oü elle avoit été batie. Il mourut
a Bale d'une diffcnterie, le 17 juillet 153^, agé
de 70 ans & quelques mois. Ainfi la mémoire de
ce grand homme doit être auiTi précieufe aux
peintres quJa tous les favans.
-ocr page 39-
Flamands 3 A[Iemands & Holtandols. 23
C ORNILLE
ENGHELBRECHTSEN.
Vj o k. n 1 l l e vint au monde en 1468 dans Ia——tt
ville de Lcyden ; il prit pourguideles ouvrage, l^
de Jean van Eyck : il eft Ie premier qui ait peint
i 1'huile dans fa patné. Il étoit bon deffinateur
& il peignoic avec autant de force que de promp-
tituds en détrempe ( 1 ) comme a 1'huile. Ses
ouvrages échappés aux troublcsdu pays,& gardes
avec refpecl: par les bourgeois dans la mailon de
ville de Leyden , farent deux tableaux d'autel ,
avec les volets qu'on a vus depuis dans 1'églife de
Notre-Dame da Marais. L'un repréfente notre
Seigneur en croix entre leslarrons, 1'autre Ie Sa-
crifice d'Abraham, &un autre une Defcente de
Croix, entourée de petits tableaux qui repréfeotent
rafïlidtion Sc les douleurs de la fainte Vierge. On
conferve dans Ie même endroic une tenture en
détrempe, repréfentant 1'Adoration desRois: 1'or-
donnance en eft belle & les draperies riches &
bien jettées, les plis en font moins fecs. Lucas de
Leyden
s'eft formé fur cette maniere j mais Ie
plus bel ouvrage deCornille, felon notre hifto-
rien (z), eft un tableau d deux volets, deftiné
(1) Détrempe. Xe mélange de la couleur se fait avec
de la colle 011 de 1'eau gommée.
(2)  Carle van Mander.
___
-ocr page 40-
*4                 Let VU des Peintrts
§1""a enrïchlr I'épitaphe des feignears de Lockhorjt.
Il étoit dans leur chapelle dans 1'églife de Saint
Pierre de Leyden, & en 1604 a Utrecht chez
M. vanden Bogaert , gendrs de M- van Lockhorfi.
Le dedans repréfente' 1'Agreau de 1'Apocalypfe :
une muitirade de figures bien difpofées, les phy-
(ïcMiotnies nob'es & gracieufes, & la miniere dé-
lu'ate defon pinceau , onr fait rsgarder ce nbleau
cornmefon chef-d'cBiivre. Son génie le pirta X
faire une étude parcicuhere des mouvemens de
Time , qu'ii a i'i exprimer dans chaque phyfio-
nom.e. II fjt regarde nar les maïtres du temps
comme un des plus gr.inds peinrres. Il mourut
a Leyden en 15 5 j , agé de 6 5 ans.
ALBERT DURER;
É L Ê V E
DE MICHEL WOLGEM UT.
A-Ibert eft Ie premier Allemand qui ait ofa
)f réf->rmer le mauvais gout dans h patrie. II naquit
a JN"aremberg eh 1 470, & fut deftiné par ion
père , habi'e orfèvre > a fuivre la même profef-
fion ' maïs fo j inclination le portoit a graver &
a deflïiier. Il eut enfin le bonheur d'entrer chez
E'pfe. Martin , psintre & graveur. II y fit de
graüfls pr>grè, dan& la gravure, & commen^.i a
pei ndre. Il entra peu de temps aprcs chez Michel
Woïgcmut. C'cft chez ce dernier qii'il s'appliqua
» '
-ocr page 41-
Flamands } Allemanis & Hollandois. 15
plns particulitrement a la peinturc, & négligea---------
quelque temps la gravure. Ne fe contentant pas ï74°«
de la peinture feule, il étudia la perfpedive, 1'ar-
chiteclure rivile 5: militaire , fur iefquelles il
donna des traites.
Avant d'avoir quitte 1'école , quelques ou-
vrages difperfés Ie rirent connoJtre a la cour de
1'empereur Maximdien. Ce monarquc Ie fit de-
mander pour l'exécution de quelques grands pro-
jets. Un jour, en dsflïnant fur uae muraille trop
élevce, Vempereut, qui étoit piéfent, dit a un
gentilhomme de fe pclet de facon que Ie pcintre
püt fe fervir de lui pour s'élever ailez haut. Le
gentilhomme repréfenta hnmblemtnt qu'il étoit
pret aobcir, maïs qu'il trouvoit cette pofition trop
numihante., & qu'on ne pouvoitguèies plusavihr
la nobleiTe,qu'en la faifant fervir de mnrche-pied.
Cepemtre ( répondit 1'empereur )(?/?ƒ>/«.? que noblc
par fes talens : jepeux d'un pay fan faire un noble s
muis d'un noble je ne ferois jamais un tel artijle.
Alben fut ennobli par ce prince , qui lui donna
pour armes trois écuflbns d'argent, deux en chef
Sc un en pointe , fur un champ d'azur.
L'empereur Charles V', Sc Ferdïnand roi de
Hongrie & de Bohème., eurent pour .Albert la
même eftime. Il avoit une fïgure aimable, des
manières nobles , une converfation fpirituelle Sc
cnjouée : il vivoit avec les grands , fans méptifer
fes égaux. Accoutumé a louer les artiftes, il en
étoit adoré.
Quelques-uns des (es ouvrages portés en Italië,
lui ont mérité 1'eftime de Rapha'èl. Albert lui en-
vova fon portrair & quelques gravures de fa main:
11 obtint en reconnoniance pluiieur* deiiins avec
L :_________
-ocr page 42-
i6                la Vit des Peintres
Ie portrait de Raphaïl, qui, grand admirateur de
la finefle du burin d'Albert, fit voir ces eftampes
a fon graveur Mare Antoine , ainfi qua. Mare
dt Ravenne.
Le premier fit plufieurs tentatives
pour imicer notre Allemand; il copia rnême les 3 6
morceaux de la Paffion, en y mettant la marque
& le nom d'Albert Durer. Ce dernier, faché de
fe voir fi mal copié, fit expres Ie voyage de Venife,
& porta fes plaintes au fénat, qiii ordonna que
fa marque feroit efFacée , avec défenfes a tous
graveurs de copier les ouvrages d'Albert. Il
retourna chez lui avec cette légere fatisfadion, Sc
commenc.ade nouvsau a peindre & graver.
Alberts'étoit marie fort jeune. Son talent pou-
voit bien fuppléer anx dépenfes de fa femme, mais
tout fon efprit n'en pouvoit adoucir le caraótère :
il s'en éloigna & pafla en Hollande. Il s'arrêta
chez Lucas de Leyden. Ces deux grands hommes
s'ellimèrent, & une émulation digne d'exemple
fit toute la douceur de leur commerce. Us firent
leurs portraits alternativement, & fe féparèrent
avec regret.
Albert, de retour a Nuremberg , fut nommé
membre du confeil. Ces honneurs , ces richefTes
& 1'eftime du public, nele dédommagèrentpoint
du malheur d'avoir une femme difficile : il eti
mourut de chagrin le 8 avril 1518., a 1'age de
57 ans. Il fut enterré a Nuremberg, dans le cime-
tière de Saint Jean. On lic fur fa tombe cette üif-
cription:
ME:AL:DU:
Quicquid Albcrti Duren mortale fiat 3 fub hoc
conditur tumulo. Emigravit VIII. Idus Ali
M. D. XXFUL
.______________.__________,________
-ocr page 43-
Flamands j Allemands & Bollandols. 27
Le mérite d'Albert eft connu, non - feulement
par 1'éloge qu'en a fait Raphaël3 mais par Ie nom- *
bre d'Italiens quiont fuivi fa maniere. Quelques-
uns ont cru qu'il avoit étudié en Italië : on s'eft
trompé; lc voynge de Venife n'eft point a citer:
il n'y refta pas alïez de temps ponr méditer fur
les beautés de 1'antique. On Ie remarque d'ailleurs
dans fes ouvrages , puifqu'il lui man que ce qui
n'auroit point échappé a un génie comme Ie fien,
s'il avoit vu Rome. Il devoit tout a fon génie.
Quoique fupérieur aux peintres de fa nation, il
ne put éviter entièrement leurs défauts, tels que
la iécherefle (1) de fes contours, fes expreffions
fans choix, fes draperies boudinées (2), nuüe
dégradanon des couleurs : on ne nouve dans
aucuns de fes ouvrages, ni la perfpeóhve aënenne
(3), ni Ie cqftume (4) ; mais auili avoit-il beau-
(i)Séckeresse : défaut ordinaire de ce temps. On con-
noissoit pen ces contours ondoyans qui marquent si
bien les belles formes et 1'insertion des musclesjau
contraire, la nature paroissoit roide ou décharnée.
(2) Draperies bouainces : les belles forrnes du nud se
f rouvoient cachées sous des plis a 1'infini, sans choix
ni vérité.
(3)  La perspectivt a'êrienne est une dégraclation des
tons de couleurs , qui éloifrne les différens plans, k
mesure que Ie peinfre inlelligent sait y répandre do
la vapeur; et par-la nous force en quelque facon de
croire réel ce qui n'est qu'illusoire.
(4)  Costume. Le peintre, en représenlant quelque
Irait de 1'histoire, doit non-seulement êlre exact a
suivre le texte, mais il doit représenter le lieu oü
1'adion s'est passée, soit a Rome ou a Athènes, etc.
pres d'un fleuve ou sur les bords de la mer, dansun
palais ou dans une campagne, dans un paysfertileou
aride; il faut que les habillemens et les usages de
chaque peuple, soit en paix ou en guerre, distinguent
les Grecs et les Romains, etc.
-ocr page 44-
La Vu des Vcïntrti
-coup d'élévation & de jugement dans fes cottipo-
1470 fitions. Il finiiïbu fes tableaux avec une propreté
furprenante , & jamais homtne n'a plus produit.
Les premiers tableaux que nous connoifïbns de
lui, font Ie portraic de fa mèrej Sc celui qu'il a fait
d'après lui-même , a 1'age de 30 ans, peint en
1500. Il eft place dans la galerie de 1'empereura
Prague. On eftime beaucoup plufieurs tableaux;,
tels que les Mages, h Vierge avec des Anges qui
la couronnent de rofes; Adam & Eve de gran-
deur naturelle ; Ie Supphce de plufieurs martyrs.
Cedernier tableau cft date de 1508. Il s'y eft peint
lui-même , tenant ur petit drapeau dans lequel
on lit fonnom. Le plus beau tableau qu'il ait fait,
repréfente notre Seigneur fur la croix , envi-
ronné d'une gloire : au-deiïous Sc dans le bas
on voit 1111 grouppe de papes, de cardinaux &
d'empereurs , 8cc. Il y eft aufli repréfente
tenant un petit tableau fur lequel on lit : Al~
bertus Durer, Noricus, faciebat anno de Firginïs
Partu
ij 11. Tous ces tableaux étoient dans le
cabinet de rempereur & Prague. On en remar-
quoit un repréfentant notre Seigneur porunt fa
croix. Les principaux du confeil de Nuremberg
y étoient peints , parce quMs en avoient fait
préfent a 1'empereur. On vante encore de ce
peintre une Aflomption qui rapportoit un grand
profit aux religieux de Francfort _, qui exigeoient
toujours quelquc récompenfe pour ouvnr & fer-
mer lej volets du tableau.
On voit encore de lui a Nuremberg, dans hf
maifon du confeil, plulïenrs portraits d'empe-
reurs , quelques autres tableaux Sc les douze
Apotres.
-ocr page 45-
Flamands, Allemands & Uollandois', 19
Dans la galene du grand-duc, Adam & Eve,
les têtes de S. Phitippe, de S. Jacques & fon por- x47Ot
trait, font eucore des morceaux eitimés.
On connoït du même, chez l'éle&eur Palatin,
unefainte Familie & les dix mille Martyrs, troij
tentures de tapifleries dans les appartemens du
roi de France , le portrait d'un homme a demi-
corps, tenant un papier; uneNauvité; une Ado-
ration des Rois, & une Fuite en Egypte: ces trois
fujets ne font qu'un tableau dans la colle&ion du
du duc d'Orléans.
Ses tableaux répandus en Italië Sc par toute
1'Allcmagne font confidérables. Ses gravures fonc
en grand nombre. Voici celles de fon premier
temps : 1'eftampe d'après Jfraël de Mayence,
repréfente les Graces, & dans le ciel un globe fur
lequel on lic fon nom & la date 1497 : il avoit
pour lors 27 ans. Il y a cependant des sftampes
de lui avant ce temps-la, mais fans date. Le Sauvage
avec une tête de mort dans fon boucher, eft date
de 1503; Adam & Eve en 1504; les deux Che-
vaux en 1505 ; la Pafïïon de notre Seigneur,
gravée en cuivre, eft de différentes dates, en 15 07,
1508 & J51Z; le portrait du duc de Saxe en
15 ia ; Melanchthon en 15 %6. Ses autres gravures
en rmvre & en bois ne font que trop connues ,
ainfi que fes deffins qu'il a fini, quclquefois
fttitant que fes gravures.
Alberc Durer ne s'eft point borné a la fimple
pmtione de fon art : il en connoilloit les régies
par h rhéorie. Tl a écrit fur les proporrions du
corps hurr.ain. Outre ce traite, il en do na aufli fur
la geometrie, fur la perfp.dive & fur 1'architecr
ture civile & militaire.
-ocr page 46-
La Vu des Peintres
JEAN SWART.
--------J ean Swart j de la ville de Groningue en Oofl-
1480- frife , a fait honneur a fa patrie par la beauté de
fcm talent. Il peignoit également bien L'hiftoire &
Ie payfage: fa maniere approchoit beaucoup de celle
de Schoorcl. Il voyagea en Italië , & refta aiïez
long-temps i Venife. De retour en Hollande , il
fat uii de ceux qui réformèrent Ie gout, en y
apportant la belle maniere dJItalie. II demeura a
Tergoude en 1 5 n ou zj. Ses ouvrages font aflfez
rares. On voit d'après lui quclques gravures en
bois, repréfentant des Tucs a cheval, armés de
flèches & de carquois, & notre Seigneur dans un
bateau , prêchant Ie peuple. Tous ces fujets fonc
1 connoitre Ie bon gout de ce psintre.
DAVID JORISZ.
JL/a v 1 d Jorisz de Delft, & felon Moreri ,
de Gand ., étoit bon peintre fur Ie verre , plein
d'efprit, d'une figure aimable & d'un langage
fédutfant, mais enthoufiafte.il débitafesextrava-
gances en 1516. Ses difciples annoncèrent deux
faux prophètes Sc deux vrais ; Ie pape Sc Martin
Lutlwr
étoient les faux, Sc Jean de Leyden Sc
Davidjoris
les vrais. Joris fe difoit Ie vrai Meffie,
Ie trotiïème David , neveu de Dieu , non pas par
la chait , mais par 1'efprit. Je ne fuivrai poinc
-ocr page 47-
F lamanis 3 Allemaads & Hollandois. 31
Weyermans (1) dans tout ce qu'il rapporte de ces' 'T
rêveries : Moreri les raconte tout au long. Il I4ÖOt
mourut a Bale Ie 16 aoüt 1556 , fous Ie nom
AeJean van Broeckj nom qui Ie cachoit aux pour-
fuites de la juftice. Il fut enterré dans la princi-
pale églife. Moreri ditqu'il fut exhumé trois jours
après & brülé pour fes erreurs. On voit de fes def-
fms afTez correds chez les curieux. Jacob Moelaert
en pofsède quatre. On connoït de lui un Moyfe
fauvé par la fille de Pharaon , la Terre promife,
S. Pierre qui regoit de notie Seigneur les clefs du
Paradis, Sc Ie Centenier. Sa maniere tient beau-
coup de celle de Lucas de Leyden.
JOACHIM
PATENIER;
peintre étoit de la ville de Dinant dans
Ie pays de liége : il fut rec.u dans 1'académie
de peinture , a Anvers, en 15 15. Son talent étoic
depeindre Hes payfages , qu'il a fort bien traites.
Les petites figures font fpirituelles & les fonds
agréables: les arbresont de belles formes : il poin-
tilloit les feuilles artiftenient. Il étoit fort crapu-
leux , & 1'ivrognerie Ie perdit entièrement. Albcr
Durer,
pafiant par Anvers, vit fa maniere de
peindre, & en fiifoit grand cas; óVpour marquer
ion efhme , il deffina Ie portrait de ce payfagifte.
(1) "Wever-mans , peintre hollandois} a^crit la
vie des peintres, depuis Houbraken.
-ocr page 48-
jt                  %a T'le des Pelntres
"—T Les ouvrages de Patinier fe trouvent dans lei
*4 °' plus be.iux cabinets. Il a fait quelques batailles,
& il a eir pour élcve Framjois Mojlaert. Patenier
rendoit fes tabieaux reconnoilïables par un petit
•bon hommechianc, qu^il mettoit par-tout: c'étoit-
l.i Ie coin du peincie.
JEAN CRANSSE.
Cet artifte demeuroit a Anvers j oü il fut recu
dans Ie corps des Peintres, en 1515. On voyoit
autreLis de lui, dans Téglife de Notre - Dame,
natre Seigneur qui lavoit les pieds aux Apó:res.
Cp.rk van Mandcr !oue fort ce tableau.
HENRY DE BLES.
X1.ENRY de Bles : on lui donna ce nom pour
une tache blanche ou une portion de cheveux
blancs qu'il avoic fur la téte. Il naqiut dans
laville de Bovuie, procliede Dinant. Quoiqu'on
ne lui connoiiïe point de maïtre j la nature Ie
forma & Ie rendit pL:s habile payfagifte que Pa-
tenier.
Ses payfages f mu vanés & f.i touche fiere.
Ses ouvrages font ton recherches en Italië , fous
Ie nom de tableaux a la Chouette. Il fe plaifoit
& en peindre une dans chique tableau. La ville
d'Amllerdam pofiède un berin pnyfa^e ^e lui', on
y voit fius un arbre un Por".-balle enc'.ormi , pen-
dant qu'une .tr»upe de Singes s'emparent de fa
boutique
-ocr page 49-
Flamands j Allemands & Hollandois. } )
boutique , dont iLs ont foin d'étaltr les différens
bi/oux aux branches des arbres. On voyoit dans J4 Ol
la méme ville chez Melchior Moutherotij un petit
tableau orné d'un grand nonibre de figures,dont
Ie Chateau d'Emmaüs fait 1'objet principal ; les
deus péierins font a table : fur Ie premier plan &
dans Ie fond,laPaflion entière de noireSeigneur,
la ville de Jérufalem, Ie Calvaue , avec une mul-
titudedepeuple. Lecabinetde 1'Empereur pof»
sède de fort oeaux tableaux da meme peintre.
LUCAS-GASSEL
VAN HELMONT.
JLj u c a s excelle parmi les grands payfagifles
de Flandres : il demeuroit a Bruxellës. Van
Mander
en dit peu de chofes: il rapporte qu'il %
peu :ravaillé , mais qu'il étoit fort eftimc & grand
ami du favant Lampfonius.
ROGE
VANDER WEYDE.
p A N Msnder dit beaucoupde bien de Koger\
il Ie regarde comme celui qui a commencé a
perfedtionner Ie goür. Ce peintre naquit a Bru-
xelles: il fe fit une étude des cxpreffions de 1'ame:
Tome ƒ.
                                     C
-ocr page 50-
Ja FkdesPemtres
1480. ce 1ui a rendu fes fujets fenfibles. II peignit dans
les falles duconfeil de la ville de Bruxe)les,qaatre
tableaux quiont rapport a la juftice.Un de ceux qui
font Ie plu;> d'impi-eilion , reprefente un Vieillard
mouranc dans fon lit qni embralTe fon fils
convamcu d'un crime , & qui en même temps
1'égorge pour Ie punir. La tête du vieillard, quoi-
tjue mourante , eft terrible : il porte fur fa phy-
iionomiele cara&ère d'une ameoutrée de douleur
& de vengeance. Les autres tableaux , quoique
diftérens, font aufli remarquables. Roger fit une
Pefcente de croix pour 1'églife de Notie-Dame
de Louvain : elle eft retnplie de figures d'une ex-
preflion vraie. Ce tableau fut enVoyé en Efpagne
pour Ie roi: il échappa heureufement aux flots ,
quoique Ie vaifleau péntj&lefoin quel'onavoit
pris de Ie bien emballer, 1'empêcha d'être gaté.
Michel Coxcis en a fait une copie , qui efta Lou-
vain dans la place ou étoit l'original. Roger fit les
portraits de plufieurs Reines & autres perfonnes
diftinguées. Il étoit fort riche ,& il partagea fon
bien avec les pauvres. Il mourut dans la force de
fon age , d'une maladie épidémique , qu'on nom-
moit ïe mal Anglois , qui ravagea tout Ie pays
en
-ocr page 51-
F lammis 3 AHemands & Hollanlols. 3 5
R I C H A R D
AERTSZ,
ÉLÈVE DE JEAN MOSTAERT.
J\. brtszou Richard alajambe de bois ,
dejean Mojiaert _, doitfon talent a la perte d'une 11S4
|ambe. Il naquit dans Ie bourg de W^yck fur mer,
dans la province de Noort-Hollande , en 1481 ,
de pareus pauvres pêcheiirs.
Dans fa plus tendre jeune/Te , il eut Ie malheur
de fe brü'er la jambe. On 1'envoya a Harlem pour
fe faire guérir j mais, foit que la plaie eüt été né-
ghgéejou que Ie mal fut trop grand,oh fut obligé
de la lui couper. La nature, pour Ie dédommagcr
de cette perte , montra en lui on talent qui Ie
diftingua dans la fuite. Pendant qu'il étoit con-
damné a une ennuyeufe giiérifo::, aifis au coin du
feu, Ie charbon lui fervoita rcndre furla cheminée
& lesmurailles toutcequilui frappoicles yeux.On
lui demanda un jour fi la peinture feroit de fon
gout, & il marqua un grand defir de pouvoir
entrer chez quelque maïtre. Il fut place chez
Jcan Mojiaert } ou il fit voir en peu de temps ,
par des progrès rapides.ce qu'ildeviendroit dans
la fuite.
Il a peint deux volets au tableau d'autel des
porteurs de la ville d'Harlem : fur 1'un des deux,
les frères de Jofephqui viennentacherer des bleds
«n Egypte 5 & fur l'autre,Jofeph a/ïïs fur Ie trone.
-ocr page 52-
3 ij                  La Vit des Peintres
o Le dedans écoic pemt par Jacques de Harlem , mal-
tre de Mojiaert. ■
La plus grande partie de fes ouvrages étoient
en frtfe: mais ayant prefque tous été détruits , a
peme peut-on en trouv.er.
Il nxa fa demeure a. Anvers, & fut admis a
Tacadémie en 1510. Il fut eftimé autant pour fa
conduite que pour fes talens. 11 étoit d'un bon tem-
perament & d'une humeur fort enjouée. Il avoic
une belle t^te pitcirefque,que Floris a copiée pour
peindrer fon S.-Luc. Sur la fin de fes jours il de-
vintprefqii'aveugle. Ses par.neauxavoientquelquc-
fois FépaifTeur d'un pouce de couleur, ce qui les
rendoit moins a^gréables ^ il s'en facha : & quoi-
qu'il ne vit prefque point , il croyoit le pubhc
moins éclairé que lui. Aucun de fes enfans n'a été
peintre : ïl.mourut vers le mois de mai en 1577.»
agé de 95 ans.
■■                                     IIIIIIIIIÉMllllllilW tllMII IIWIIWI "f If «IIIMH ■ ■■^[■Illllll        MUI
LAMBERT
L O MBARD,
PEINTRE ET ARCHITEGTE.
\^j E favant artilte naquic dans la ville de Liége.
Il ne néoligea rien pour fe faire un grand nom
dans la peinture, 1'arcHteóture & la perfpedive.
Son talent 1'a fait admircr. Sa réputation s'eft en^
core établie par de cé'èbres élèves,tels queFr^n-
coïs Floris i W'ülcm Key 3 Hubert Goltyius } &c
quantité d'autxes. Il voyagea dans toute TAile-
-ocr page 53-
F lamanis ,Allcmand$ & Hollaniols. J7
magne & la France 3 avec beaucoup de fruift II o
puifa les principes de fon talent en France , en *
defimant les édifices ruines »par les ravages de la
guerre. Il fut enfuite en Italië : Rome fut I'éeolc
oü il fe perfèclionna. De retour a Liége, il y éu-
bht Ie bon gout du deffin en peinture: il fubftitua
1'antique au gothique. Un choix d'études & des
connoiffances acqtufes, prouvent afle-z qu il n'avoit
pomt étéoififdans fes voyages.Sa demeurectoit.
nors de la ville , oü étant peu diftrait, il s'appli-' .
quoit , après fon travail ordinaire , a 1'étude dés ,;
belies-lertres. Foere &c phiiofophe a la fois , fes
ouvrages en ce genre font d'un grand jngement. ;
On voit Ie même efprit dans fes tableaux,dontun
grand nombre eft gravé , entr'atitres Ia Cèné. '•
Cette compofition e(l belle Sc d'uu efFetadmirable.
Van Mander fïnit ici, & Ie loue comm; un des
premiers peintres de fon temps.
A R N O L D
É E R
D E
JL/ e B É i r. a pafTé pour bon peintre dans"
fon temps : il s'elr diftingué dans Ie deffin. Il M90-
demeura a Anvers, Sc fut re^u dans Ie corps des
peincres de la mème ville ea i 529.
-
C J
-ocr page 54-
BERNARD
VAN ORLEY,
Eleve de Raphael.
"\_j'est a la ville de Bruxelles que Van Oïley doit
Ie jour.. On ignore 1'année de fa naiflTance. Il fut
auili nommé Barent de Bruxelles.il cjuitta la Flan-
dre fort jeune , pourfe rendre en Italië ,oü il de-
vint élève du célébre Raphaél. Ce grand maure
exerca fon difciple a de très-grands tableaux , oü
il perfeótionnafes talens& acquit la belle maniere.
De retour en Brabanc, il s'adonna a peindre des
1490.
-ocr page 55-
La Vic des Peintfcs Flamattds ,
en grand , que Charles V aimoit beaucoup
i
                    Il                       l
& r
1490.
forêt de Soigmes , avec les plus belles vues des
environs , oü ce pnnce écoic repréfenté avec les
principaiix de fa cour. C'eft d'après ce tableau &
quelques aurres cartons de Van ürley , que les
belles tapilfenes ont été fakes pour l'empereur ,
potir les princes de la maifon d'Autriche, & pour
la duchefle de Parme. Il fit dans ce rcmps-la
a Anvers ce beau tableau du Jugement dernier s
quel'on voit dans la chapelle des aumóniers. C'eft
dans ce tableau oü il a cherché les beaux tranf-
parens , qui ont fi bien réuflï dans fon ciel. Pour
y parvenir 3 il fit dorer fon panneau , & c'eft de
cc fonds qu'il a nré les tons chauds & brillans
que 1'on y voit. Il peignit un autre tableau pour la
fociété des peintres de Alahnes. Il repréfente S.
Luc raifant Ie portrait de la Ste.-Vierge. Mi.chd-
Loxcis
a peinc les volets qu on y a ajoutes ponrie
conferver.
Ce grand homme fit depuis pour Ie pnnce do
Naiïau j prince d'Orange , feize cartons ou mo-
dcles, qui ont été exccutés en tapiflenes pour
fervir d'omemens au chateau de Breda. L'or Sc
1'argent y étoient artiftement mé!és arec la foie.
On craint que la plus grande partie ne foit con-
fondue avec les vols conddérables que la fille du
conciërge de ce chateau a faits. Chaque canon
compofoit deux figures, un cavalier & une dame
a cheval ,repréfentantlesdefcendans de la familie
de NaJfau."Le deflin étoit d'une grande correclion
& d'une iïerté digne de l'école dont ïi'forfoit. Ce
prince qui en counoifloit labeauté & qui Craignbk
oe ks perdre , donna ordre i Hans ( Jean )
C
-ocr page 56-
                 La Vit des Peintrcs
Jordaens d'Anvers ,peintrea.Delft, de les copier £
1'riuile , afin de les conferver pour la pofténté.
co R N i L L e
KUNST.
-iV. v n s t naquit a Leyden en 1495. Il étoit
^ & élè d C
                 lbfl\
1493.
en naiflanc les difpofitions propres a devenir un
grand peintre : aufll élève n'a jamais fait plus
d'honneur a fon maïcre. De fon temps il fut
regarde comme un des premiers peintres de fa
pacrie. Les troubles ayant enpartieruiné lavillede
Leyden , il alloit quelquefois aBruges j pc rlors
ville des plus riches par fon commerce. Les arts
y étoient recherches <Sb bien payés: il fin quantité
cle beauxtableaux,qui lui rapportèrent beaucoup
d'argenc,& Ie mirent fort a ion aife. Il en fitauifi
a Leyden en grand •nombre , chez M. van Son-
nevelt
, entr'autres notre Seigneur portantfa croix
au Calvaire , fuivi des larrons & d'une foule de
foldats Sc de penple. Les expreflions font belles
& couchanres : Ie tableau eft bien peint, & paffe
poi^r un de Ces plus beaux. On a auffi de lui une
Defcente de croix j morceau chaud de couleur Sc
ble»"» rendu , felon Ie fujet. Il fit encore plufienrs
bl
               I                d Ldd             h
de Leyden • rnnis ils ont été détruits ou enlevés
pendant la guerre. Il s'en troute dans les cabinets
de la mêrne ville , une quantité , fcftt i 1'huile
-ocr page 57-
£ lamanis , Allemanis & Hollandoïs. 41
011 en détrempe , principaletnenc chez Jacques
Vermy. Kan Mander
a vu chez la fille de CornilU
Kunjij,
Ie portrait de ce peintre , aflis dansfon
jardin avec fes deux femmes ; & dans Ie fond on
roit la ville 5c la poite aux Vaches , Ie tout bien
rendud'après nature. Ce peintre eft mort en 1544,
agé de 5 1 ans.
CORNILLE,
DIT LE CUISINIER,
KtÈVJDE SONPÈRE
CORNILLE ENGHELBKECHTSEN.
J. L érok frère de Comille Kunjl» de ]a même ville,
tous deux élèves &Kériciers des talens da Cornïlle
Enghdbrechtfen3\ewr
père. iteft furnomméle Cui-
Jin-.er ,
parce qu'éranc chargé d'une nombreufe
familie , & écant peu occupp a la peincare, pen-
dant la guerre, il fiit obligé d'être akernative-
nient peintre :"•< cuifïnier : mais il n*en étoit pas
moins boii peintre. Il prit enfin Ieparti dequitter
y             pgt c/f
roi d'-Atigleterre,pour lapeinture.il paffa a fa. cour
avec fa femme & nuit enfans. On n"*a depuis rien
appriscie!ui,ficen'eftc]u'on a vu un de fes tableaux
quï a ét« rapporté d'Anglecerre cnez je fienr Jcan
de. Hertagfr.
Il y nvoït beaucoup de fes ouvrages
dans Leyden , chez Ie fieur Knottery peintre Sc
amateur : piufïeurs morceaux en décrempe & *
-ocr page 58-
*                   La Vu des Peintres
140 2 l'huile,bien compofés & coloriés, fur-töut un petit
tableau repréfentant la Femme adultère. Chez
Jacques Vermy , on en voyoit auffi plufieurs en
détrempe. Lorfque Ie duc de Leicejlcr fut nom-
mé gouverneur de ce pays, les feigneurs Anglois
de fa fuite cherchèrent avec emprellement fes
ouvrages qui étoient fort effcimés en Angleterre.
L U C A S
DE LEYDEN,
ELEVE DE SON PERE HUGUES JACOBS.
j          JLu A nature a fouvcnt fait des miracles. Lucas de
Lcyden en eft une preuve. A peine étoit-il nédans
la ville de Leyden , a la fin de mai ou au commen-
cement de juin 1494, qu'on Ie vit peindre & gra-
ver. Il re9ut les principes de fon père Hugues
Jacobs
j qui étoit , .felon Van Mander 3 habile
peintre. Depuis il eui pour maitre Cornille Engei-
brechtfen.
Sa plus tendre enfance fut confacrée a
une étude opiniatre ^ & malgré les foins que fa
mère prenoitpourl'endétourner, ü paflbit les muts
a étudier. Il copioit la nature en tout, & fon juge-
ment lui fervoit de guide. Il ne voyoit d'autres
camaradesque ceux qui avoient la méme inclma-
tion. Avec des difpofuions fi heureufes , on fera
moins étonné d'apprendre qu'il au mis au jour
des fujcts compofés a. l'age de neuf ans. Tous les
genres de peinture lui étoient farni!isrs-,fur verre,
-ocr page 59-
Flamands, Allemands &Hollandois. 43
en détrempe& al'huile, Ie portrait&le payfage, i494.
il faifoit touc également bien : mais il étonna les
artiftes, lorfqu'agé de douze ans , il peignit en
détremperhiftoiiedeSt-HubertpourM.ZocAor/?,
qui lui donna pour récompenfe autant de pièces
d'orqu'il avoit d'années. Ilgravaa 14 ans Maho-
tnet
ivre qui égorge un religieux: cecte eftampe eft
dacéede 1508. Ilgravarannéefuivanteneuflujets
de la Padion, en rond, bien compofés: une Tenta-
rion de St-Antoine , ou Ie demon , fous la figure
d'unejolie femme , cherche a Ie féduire. Le fond
eft bien entendu & le burin d'une grande intelli-
gence. Dans la mêroe année on vit paroïcre de lui
une Converfion de St-Paul, conduit aDamas. Ce
morceau eft d'une expreffion vraie : les ajuftemens
de toutes fes figures font extraordinaires, ainfi que
leurs coërFures,qiupAoiirent convenablesaufujet.
Auffi Vasari lemet, en bien des chofes, au-deffus
ÜAlben Durer. « Lucas , dit-il, peut être égalé
» a ceux qui ont manie le burin avec fuccès : fes
» fujets d'hiftoire font d'une grande vérité \ il a
» évité la confufion. Auffi a-t-il furpafle Alben
» clans la compofition -, il avoit plus que lui ap-
» pi'ofondi les régies de lJart. A peine Iapemture
» pourroit-elle par fes tons de couleur', faire plus
■>■> valoir la perfpective aé'nenne. Les pemtres y
» ont puifé les principes de leur art. » Ce font les
tennes de Vaffarï. Il ajoute cependant que le
dellin A'Alben Durer eft plus correól. En 1510,3
1'age de 16 ans, il finit un Ecce Homo. On voit
dans eet ouvrage une multitude de peuple ; les
attitudes en font bien variées, les ajuftemenscon-
venables & les draperies bien jettées : 1'architec-
ture en eft difpofée felon les régies de la perfpsc-
-ocr page 60-
44                 *-a rie aes Peintres
tive : 1'efprit dans cette compofition 3 comme
dans lei autres , eft au-defïus de 1'age de
1'auteur. Dans Ie même temps il grava plu-
fïeurs planches , repréfentant un Payfan & une
Payfanne auprès de trois yaches: ce morceau eft
fort recherche j Adam &Éve chafTés du Paradis
terreftre; une Femme quicarefle un peut chien ,
& une grande quantité d'autres eftampes de la
même beauté.
Il avoit un foin particulier de fes épreuves ; une
feule tacheétoit capable de les lui faire rebuter.
Ses eftampes ont été vendues fort cher , de fon
temps même. Il n'eft jamais forti de FIaiulres.
fajjari s'eft trompé , lorfqu'iiacruqu'il avoicéc^
en Italië. On pretend qu'outre 1'amitié qui uniffoit
Lucas Sc Alben Durer, il régnoit entr'eux une
noble émulation , fans jaloftfie. lis ont fouvent
traicé les mêmes fujets,& fe font admirés l'Un
1'autre. Alben fat voir fon amiaLeyden, o{j üs
fe peignirent fur un mème panneau. Pouvojent_
ils fe donner des preuves plus marquées de ]eur
amitié & de leur cftime? Voila les feuls pr^fens
que peuvent fe faire ordinairement les peintfej^
Les tableaux de Lucas font bien peints & 4'une>
touche légere, quoique finie. Un de ceux O1^ t\
s'eft furpafle, a deux volets: il repréfente la K^ué-
rifon de 1'aveug'le de Jcricho. Golt-(ius l'acl\eta ^
Leyden untrès-grandprixen i6oi,&l'atoujours
regarde comme un des plus précieux de fon cat>i_
net. La couleur eft d'une grande fraïeheu^ g^
1'ordonnance riche Sc variée : Ie payfage, <J'line
touche légere , foutient agréablement Ie fo;ec
principal du tableau. Il cfc date de 15 51 , ^
croit que c'eft Ie dernitr quil ait pcint * 1
_
-ocr page 61-
Flamands, Allemands & Hollandois. 4 j
n'ayanc depuis vécu que deux ans. Les magiftrats--------*
de Leyden confervent dans leur maifdn de ville 1494.
JeJugement dernier. Ce tableau eft d'un détail
immenfe : la compofition en eft belle. On voi: a
quel point il avoit étudié la nature dans Ie nud de
fes figures: les femmes fur-tout for.r délicatement
peintes , les carnations vraies j maïs felon 1'ufage
du temps, elles tranchént trop avec leurs fonds ,
fur - tout du córé de la lumière. Sur Ie dehors des
volets, font deux figures affifes, Saint Pierre &
Saiat Paul, mieux coloriés & les draperies de meil-
leur gout que celles du dedans du tableau. Piufieurs
princes en ont ten vain offert uu grand prix, les
magiftrats ont toujours marqué la nobleue de leurs
fentimens, en préférant les chef- d'oeuvres du
génie a un vil intérêr.
Nous avons encore de ce peintre une Viergé
avec 1'enfant Jéfus , tenant une grappe de raifin.
L'harmonie de la couleur'en eftremarqiiable. Ce
tableau, avec fes deux volets, avoi» été fait pour
M. Franfois Hoogjlraeten, gentilhomme d'auprès
de la ville de Leyden. Il a depuis paffe dans lè
cibinet de 1'empereur. La date eft du 11, avec
fa marqué ordinaire.
On connoït encore de lui un autrcjtableau 3
Amfterdam, repréfentant Ie Veau d'or, une pëtite
Vierge d'une grande beauté , faite pour Ie fleur
Barth'Ferreris, peintre & amateur, un nombre
confidérable de portraits bienfinis & d'une grande
relfemblance. Il a laifls piufieurs grands fujets
d'hiftoire peints en détrémpe, a Leyden, cbex
M. Knotter : une Rebecca, oü Jacob pres de la
fontaine, lui demande a boire. Toures ces figu-
res font belles Si Ie payfage fort aeréab'c °-
-ocr page 62-
4$                La Vie des Peintres
de lui en la facriftie des Jéfuices de la rue Saint'
/ntoine a. Paris, une Defcente de croix, tableau
d'une grande compofmon \ Sc un autre au Val-
de-Grace, fur Ie même fujetj mais plus grand que
Ie precedent Sc aufïi eftimé. A Delft plufieurs
fujets de 1'hiftoire de Jofeph. Le nombre de ces
ouvrages en tout genre de peinture & de gra-
vure eft extraordinaire. On ne fait en quoi il a
le mieux réufli, en peinture fur verre, a 1'huile ou
en détrempe, en gravure au burin ou al'eau-forte.
On pretend qu'il apprit a graver chez un armu-
ner qui faifoit mordre a 1'eau-forte des ornemens
fur des cuirafTes, & qu'il fe perfeftionna depuis
chez un orfèvre.
Après avoir tant donné au public , il conc^ut le
defTein d'allcr vifiter les peintres I lamands & Hol-
landois, chez qui fa réputation faifoit grand bruit.
A 1'age de 3 3 ans il fit équiper un navire a fes
dépens, & fut a Middelbourg, voir Jcan de Ma~
bufe
, excellent peintre , qu'il admira. * I' donna i
fes dépens une ftte aux peintres de cette ville : il
en fit autant a Gand, a Malines & a Anvers, tou-
jours accompagné de Mabüfe. Chaque repas lui
coütoit Go flonns. Ces deux peintres, fort riches
par leurstalens, firent par-tout une belle figure;
Mabüfe rfabillé en drap d'or, & Lucas d'un ca-
melot de fcie jaune , qui avoit le même éckt. Ce
voyage, qui devoit lui fervir de délafllments, lui
coüta la vie. Le public & lui-même accusèrent
les peintres, jaloux de fa réputation , de 1'avoic
empoifonné. 11 eft vrai qu'il n'eut jamais, depuis,
un moment de fanté , & pendant fix annces il fut
prefque toujoursau lit: mais 1'opinion commune
attribue fes infkmité* a la foiblefle de fon tempé-
-ocr page 63-
Flamands, Allemanis & Hollandois. 47
rament, Scauneapphcation continuelle.Cetépm-'
fement, qui dégénéra en langueur, 11e 1'empêclu J494*
f>oinc de peindre ni de graver, quoique retenu au
it. Le dernier morceauqu'il grava, eftunePailas,
qu'il finit. Peude temps avant fa more, il demanda
avec inftance a voir le ciel, & fe fit tranfporter
hors de fa chambre. Il mourut deux jours après,
en 153$ , agé de 59 ans. Il s'étoit marie forc
jeune a une demoifellede la maifon deBoshuyJen,
de qui iln'eut qu'une fille, qui accoucha neuf jours
avant qu'il mourut. Ayant demandé le nom de
1'enfant, il parut avoir regret qu'on lui eut donné
le fien , difant qu'on ne cherchoit qu'a fe débar-
rafler de lui, puifqu'on lui avoit fubftitué un autre
Lucas. Ce dernier Lucas, fon petit-fils, eft mort
a Utrecht en 1604, agé de 71 ans, aiïez bon
peintre., ainfi que fon frère Jeande Hoey} peintre
a la cour de France. Le portrait de Lucas ds
Leyden,pemt &c
gravé par lui-même , a étérenda
public. Il eft repréfenré forr jeune, fans barbe,.
a demi-corps, un bonnet fur la tcte , avec des
efpèces d'ailerons , & une tête de mort eutre fon
habir £c fa poitrine.
J E A N
L'HOLLANDOIS.
p AN Mander rapporte peit de chofe de ce
peintre. Il y a quelque temps , dit - il, qu'on
yic paroicre les portraits gravés des plus habiles
-ocr page 64-
4 8                  Ja J-'ie des Peintres
"peintresj parmi lefqiiels fe trouve celui de Jean
l'Hollandoïs,
natif d'Anvers , célèbre payfagifte
en détrempe & a 1'huile. Il écoir fouvent a fa
fenêcrepour examhier lesdifFérens effets des nua-
ges, qui entroienr dans fes payfages. Il favoic
fe fervir du fond, foit du panneau ou de la toile,
avec fuccès: maniere que Breughel a bien imitée.
Sa femme fuivoit les marchés, oü elle expofoit
fes tableaux, qui font bien recherches encore. Il
eft mort a Anvers j on n'en fait point Ie temps.
H5H'
J A C Q U E S
CORNÉLLISZ.
I .A ville d'Amfterdam vantc beaucoup les
talents de Jacques Corneüs^ , né dans Ie bourg
d'Oofi-Sancn. Fan Mandcr ne peut exactemenc
marquer Ie temps de fa naifïance \ il dit feule-
ment , felon Ie rapport de Jean Schooréel, élève
de Cornelis\, qu' en 15 uil jouilToit déja d'unc
grande réputation. Son maïtre eft égalemenc
ignoré. Corrt£/w^avoitpeintdans 1'ancienne églife
d'Amfterdam une Defcente de croix , pour un
tableau d'autel : on 7 voyoir une Madelains
aflife au bas de la croix ^ on y reconnoiflbit la
nature , auffi ne faifoit-il rien fa«s la copier. On
voyoit de lui, dans la même églife, les (Euvrcs
de miféricorde j mais de tous ces rableaux , il en
eft peu qui aient échappé aux fureurs des guerres
de reügion de ce nemps - la; guerres qui onr
toujourc
-ocr page 65-
Flamands, Allemands & Hollandois. 49
toujours été funcftes aux arts. Ven Manier a vu *
a Harlem, chez Ccrmlle Suyker, une Orconnfion I454*
peinte en 1517. Il en fait 1'éloge, & dit qu'elle
eft dutempsoü lepeintre étou dans fa plus grande
force. Il parle encore d'uno Dcfcente de croix,
cjui étoic dans 'a-ville d'Akmner. Ce tableaa
étoit d'une belle compofinon j !e payfage étuit de
Schoorée/Cm e ève Fan Manier vante extreme-
ment les mouvement des bourreaux qui étendent
ave efFottnotre Seigneur fir la croix, & qui pa-
roiffent remuer, tant 1'adion elt bien rendue. Ce
peintre avoit tin frtre nomme Biys, qui a fair de
belles chofes,& vn fils non-.mé Lirck Jacob. Ce
de mier a bir pkilieurs beanx porrraits dans ley
Euttes ( () d'.Amirer<.!am. Il y mo'ir 't en 1567,
a 1 'age de 70 ans. Jatques Comüifc y efl mort
as'ffi dans un age av.incé. PluGeurs des ouvrages
de Jacques ont éré gravés en bois j neur en rondt
repréftntani la Paflion denotrt Seigneur, & une
ftconde P.iffio.i gravée auflien boi5^quoiquec:lle"
ei tütbien conipofee, on eftime plus neufplrnches
de 'ui j repréfentant des homines a cbevai. Llles
font finguhères.
(1) Buttesi lieux ou s'assemblenf les coirpngnies
de lamilicp bourgeoise ou les roiu'réries ('e dif*t»rens
exercicei, soit de 1'arc, de 1'aibaléte ou du mail, etc.
Tome I.                                    D
-ocr page 66-
J E A N
SCHOORÉEL,
ÉLEVE DE WILLEM
(GUILLAUME)CORNELISZ.
Jr r A n c Floris Ie nomme Ie flambeau des
peintres flamands. On Ie regarde comme Ie pre-
mier qui ait franchi les Alpes & porté en Flandre
Ie gout du bel antique. Jean Schooréel naquit Ie
premier d'aoüt 1495 , dans Ie bourg de Schooréel,
proche d'Alcmaer en Hollande. La perte de fon
père & de fa mère Ie mit, encore fort jeune,fous
-ocr page 67-
La Vu des Ptintres Flamands ,&c. J i
la tutelle de fes parens qui Ie firent étudier a
AIcmaer julqua lage de 14 ans. il apprit
facilement la langue latine j mais encraïne par
un talent qui devoit un jour !e diftinguei-j Ie
papier, Ie verre & jufqu'auxécritoires de corne,
tout devint fous fa main figures, animaux 8c
plantes. Il étoit Ie deffinateur gigé de tous fes
camarades. Des parens alTez raifonnables pour ne
rien perdre de ce que la nature annonc.oit dans
ce jeune homme, Ie placèrent chez Guillaumt
Cornelis\, peincre afFez méaiocre, qui ne voulut
engager Schooréel que pour trois ans. i.es parens
s'obligèrent même a payer une fornme 3 en cas
qu'il vïnc a quitter aVant Ie temps prcfcrit. I,e
jeune élève rapporta plus de cent florinsi i)clans fa
première année, au profit du maïïre qiu s'enivroii
fort fouvent. Il faiiic un de ces momens pour re-*
prendre 2 fon mnïcre eet engagement qu'il déchira.
iyc^oored/commencapourlorsictre plus übre. Les
fêtes & les dimanches, il alloit hors de la villejoü
il peignoit d'après nature des vues & c'es arbreS
qu'il touchoit déja d'une atitre maniere que ceux
qui peignoient de fon temps. Au bout de1; trois
années , il quuta ce maitre, & fut a -Amfterdam
chez Jacqucs Cornelis\, bon peinrre Sc bon deiïl-
nateur. Ce dernier eiubeaucoup d'attention pour
fon élève, 8i Ie regarda comme fon fils; Sc quoi-
que Schooréel étudiat chez lui j il lui donna une
penfion, & la liberté de faire des tableaux ponr
fon compte. Quelle difFérence enrre ces deux
(1) Le florin vaut 40 sous argent de France, oa
quelque chose cje plus, suivant Ie cours des espèces.
D
__ - -
-ocr page 68-
51                   La Vu des Peintres
maïtres! Cornelis^ avoit une fille agée de 11 ans;
» Schooréd 1'aima, & cette inclination 1'empècha
de fe fixer ailleurs dans fes voyages.
. Il quicta fon maïtre avec amitié & reconnoif-
fance, pour aller chercher Jean de Mabufe, qui
étoit a Utrecht au fervice de 1'évêque Phïlippe. de
Bourgogne.
Malgré les talens & la réputation
de ce peintre , Schooréd fut obligé de Ie quitter.
Les débauches & Ie libertinage du maitr.e avoient
trop fouvent expofé la vie de 1'élève II pafla par
Cologne, & s'arrêta a Spire,oü il étudia, fous uu
religieux j 1'architedure & la perfpeftive. Il
connnua fa route par Strasbourg, vifitant toujours
les peintres jufqu'a Bafle: il travailla par-tout.
Une maniere prompte & facilë Ie fit admirer &
eftimer. Il demeuraquelque temps a Nuremberg,
cliez Alben Durer} ou il feroit refté plus long-
temps, fi ce maïcre ne s'étok point trop ouver-
rement déclaré partifan de la réforme de Luther,
II.fut a Stiers en Carinthie, oü les premiers
de la ville 1'occupèrent. Un baron, grand ama-
teur, Ie logea chez lui, & fitce qu'il put pour fe
1'attacher : il lui propofa fa fille en manage, mais
Schooréel Ie refufa,& facnfia tout afa première in-
clination. Après avoir beaucoup gagné dans cette
ville, il parrit & fut & Venife, ou il fitconnoiflance
avecquelques peintres d'AnverSj & particulière-
ment avecun amateur nommé Bomberge. On ne
voyoitalorsaVenifeqaedesgens qui arnvoient de
tous cótéspour paflera laterre fainte.Un religieux
de la ville de Gouda en Hollande, engagea notre
peintre a 1'accompagner. Il s'embarqua , & s'oc-
cupa fouvent a deffiner les vues des différentes
ifles oü ils pafsèrent. Dans les ifles de CWypre &c
-ocr page 69-
Flamands, Allemands & Hollandois. j 3
de Candie, il deflma les chateaux , les villes &
autres vues fingulières. Arrivé a Jérufalem , agé
d'environ 15 ans, il fit connoiffance avec ie
gardien du couvent de Sion. lis vifitèrent en-
femble les bords du Jourdain , qu'il copioit cor-
reófcement a lapiume. Ces études a fon retour lui
fervirent beaucoup dans fes ouvrages. Ce même
gardien 1'invita a refter chez lui pour y peindrej
maïs prefle de retournër par Ie religieux de Gou-
da , il pnt fon parci, & promit de faire un tableau
pendant fon trajet j ce qu'il fit. Arrivé a Venife,
il 1'envoya au gardien. Le fujet étoitS. Thomas
ouimet fes doigcs dans la plaie de notre Seigneur.
On Ie voit encore aujourd'hüi dans lemêine cou-
vent. Schoor iel pe.'gnit, outre fes deflins, plufieurs
chofes d'après nature , comme la Ville de Jéru-
falem j leTombeau de notre Seigneur cjti'il termi-
na chez lui. Il y eft repréfenté lui-même avec une
troupe de chevaliers 8c autres voyagenrs. Du
temps de van Mander ce tableau étoic confervé
chez les Jacobins, ou a la cout des princes 4
Harlem.
Il quitta la terre fainte en 1510,6? pafTa par
1'ifle de Rhodesj environ trois ans avant que les
Turcs en fiflent la conquête : il y fut très-bien.
regu par le grand-maïtce qui étoit alleinand. II
peignit la ville de Rhodes Sc fes fortereffes.
Arrivé a Venife , il 7 refta long-ternps a tra-
vailler. Il vifita enfuite quelques villes d'Italie,
jufqu'a fon arrivée a Rome , oü il s'accacha parti-
culièrement a écudier 1'antique ■> les ouvrages de
Raphaël, de Michel Aixge 8c de quelqats autres
maïtres. Il deffina les tuines & *e» envitons da
Rome.
D 2
-ocr page 70-
54                    La Vie des Peintres
On élut dans ce temps-la a Rome Ie pape
149 f • Adrien VI, né a Utrecht. &chooréel fe fit connoïtre
de fa Sainteté qui lui donna la conduite du Bel-
védère j ou il üt plufieurs tab.eaux & ie portrait
du S. Poiuife en pied, grand comme nature. Ce
portrait fut envoyé au college de Louvain, après
la mort du pape qui 1'avoit fondé. Schooréel qaitta
Rome pour revenir en I landres. ArrivéaUtrecht,
il apprit avec douleur que fa maitrefle avoit épou-
fé pendant fon abfence un orfèvre a Amfterdam.
11 refta a Utrecht chez M. Lochorjl, un des plus
grands amateurs des Pays-Bas, pour qui il peignit
i 1'huile & en détrempe plufieurs tableaux : Ie
principal eft 1'entrée de Jéfus-Chrift dans Jérufa-
lem. Certe ville , qui fait Ie fond du tableau , y
eft repréfentée d'après nature j far 1'étudequ'il en
avoit faite : ce tableau avoit deux volets. Il a
depuis été donné par la familie de M. Lochorjl, a
la principale cglife d'Utrecht. Une faóbion qui
s'éleva dans cette ville entre 1'évêque &: Ie duc
de Gueldres j obligea notre peintre a la quitter.
Préférant Ie repos a 1'efprit de parti, il partit pour
Harlem , oü il fut très-bien recju par M. Simon
Sa'én
, commandeur de 1'ordre de S. Jean. Cet
amateur employa Ie pinceau du peintre. Ua
Baptême de S. Jean Ie fit connoitre pour imita-
teur de Raphaél. Les airs des têtes font pleins de
graces , de Ie fond , qui eft un beau payfage j en
foutient généralement la compofition. Alafin^
tourmenté par Ie grand nombre de ceux qui fe
préfentoient pour être fes élèves , il fut obligé de
fe fixer un établifTement. Il loua une maifon
fpacieufe, oü il peignic plufieurs tableaux,
entr'autres un Ghrift pour Ie grand autel d'Arn-
-ocr page 71-
Flamands, AUcmemds & Hollandois. 5 5
fterdam. Il répéta ce fujet pour lamème ville.
Les principaux de la collegiale fondée par
1'empereur Henn IV, lui firent peindre quatre
volets au grand autel. Le milieu du retable étoit
en fculpture. Sur le premier des volets il repré-
fenta la fainte Vierge tenant 1'enfant Jéfus , 6c
S. Jofeph a fon cóté j fur le deuxième, 1'Empereur
Sc 1'évêque Contardus, dans leurs habillemens de
cérémonie : un beau payfage en faifoit le fond.
Comme il ne pouvoit pas fi-tót finir les deux au-
cres, il peignit, en attendant, deux taBleanx en
détrempe de la même grandeur. Le fujet étoit
le Sacrificé d'Abraham, dont le fond étoit un beau
payfage. Ces morceaux furent achetés _, ainfi que
d'autres tableaux de Schooréel, par ordre du roi
d'Efpagne , lorfqu'i! fut a Utrecht en 1549. Cet
enlèvement,joint au malheur qui arriva en 1 $66,
lorfque fes plus beaux oflvrages furent elétrnits a.
Amfterdam, a Utrecht & a Gouda , nous privé
prefque de toutes fes meilleures produchons.
L'abbaye de Marchienne en Artois ent delui trois
tableaux, favoir j un Saint-Laurent; un autre avec
deux volets, repréfentant les onze mille Vierges;
le troifième, un tableau d'autel avec fix volets ,
repréfentant le Martyre de S. Etienne.
L'abbaye de Saint-Vaft a Arras eut auffi un
tableau d'autel avec des volets, deftiné pour une
chapelle derriére le checur.
L abbaye de Grooft-Ouwen > en Frife j lui fit
peiadre un tableau repréfentant la Cène. Toutes
les figures en font grandes comme nature, & les
têtes font prefque toutes des portraits véritables.
Le fleur Wïllem Pieters 3 banquier de la cour
de Rome, a Malmes, eut beaucoup de fes ou-
D 4
-ocr page 72-
5<J                        La Vïe des Pe'mtres
vrages : ils étoienc anus & avoient vécu enfemble
**' a Home. Il fit encore des tableaus fort eftimés
a Breda, pour Ie comce tiend de Na£au & Kené
de Chdlüns
, princes d'ürange.
Fan Mander loue fort une Préfentation au
temple , qu'il a vue a Ha riem, chez Ie fleur
Scoterbcfch.
Peu de temps après fon retour d'Itiiie} Francois
I.
invita Schooréd a venir en France , avec pro-
mefTe de lui donner de gros appointemens \ maïs
la vie tranquillc qu'il aima toujours , 1'eiigagea a
remercier ce grAnd prince. I.e Roi de Suède
re-gut, a farecommandation,un archite&e appellé
Cujlau , qui lui préfenta de la part du peintre 3
.une Vierge qui fut admirée a la cour. Le roi
lui fit préfent en échange d'un beau diamant, de
peaux «Ie martres , d'un craineau avec 1'équi-
p.ige du chev^l, qui fervoit otdinairement a ce
prince, d'un fromage de Suède de 100 1. pefant,
ie tont accoinpagné d'une lettre de fa majefté \
mais de ce beau préfent il ne pirvinr jitfqu'a lui
que cette lettre , encore avoit-on oté le fceau.
Schooréd a non-feu!ement faithonnenr a la pein-
mre,mais fon caradère doux & fociable le fit
généralement eftimer. Poëte , muücien, orateur,
il travailli dans difrerens genres, & compofaquel-
ques petites piëces comiques. Il parloit plufieurs
langues , le latin , le francois , Pitalien Sc
ï'aliemand} & il eut la réputation d'ètre des plus
habiles a tirer de 1'arc.
L'adïduité au travaille rendit infirme, & !a
gravelle nbrégea fes jours. Il mouriit a Utrecht
le 6 décembre i^6xt deux ans anrès qne fon
élève, Anto'me Moro, peintre du Roi d'Efpagnej
-ocr page 73-
Flamands, Alkmands & HoIIandois. 57
ent fait fon porcrait. On lit au bas ces vers
latins :
Addidit huic arti decus, huic ars ipfa decorum :
Quo moriente morï ejl 3 hxc quoque vifafibi.
Ant. Morus, Phi. Hfp. Regis picior, J. Schordiopic.
F. Aa. M. D. LX.
5
MICHEL COXCIE,
ÉLEVE DE VAN ORLEY.
(joxcie naqnit a Malines en 1497; & fort---------
jeune, il fut élève de van Orley. Les lecons du 1497-
maïtre Sc fon application contribuèrent beaucoup
a Ie renorebon peintre.
Il quirta fa patrie, & fut i Rome, oü il refta
long-temps a imiter les ouvrages de Rcpha'è1. Il
peignit une Réfurredion en détrempe, dans 1'an-
cienne églife de S. Pierre, & quelques autres dans
1'éghfe allemande de Sainte Marie della Pace.
Il fe inaria en Italië, & vint avec fa femme fe
fixer dans fa patrie. On voit beaucoup de fes
ouvrages a Haifenbergh , a z 011 5 lieues de
Bruxelles , 011 Ie tableau du grand autel, qui
repréfentoit notre Seigneur en croix, réunit les
fuffrages des artifte's & des amateurs. Ce ta-
bleau fut enlevé dans les troub'es du pays, &
rendu, avec plufieurs autres de ce peintre, au
cardinal Granvclles 3 par Thomas Wrerry, négo-
ciant de Bruxelles. L'l: fpac;ne les conferve tous.
L'éghfe de Sainte Gudule de cette dernière
-ocr page 74-
58                   La Vie des Peintres
----------ville, poflTédoit un tableau d'autel, repréfentant
r497- la more de la Sainte Vierge j mais ayanc été enlevé
dans Ie même cemps pour 1'Efpagne, il y fuc
vendu fort cher. On voyoit dans la même églife
une Cène fort eftimée.
L'églife de Malines a une chapelle de Saint
Luc j penite par van Orley. Mïchel Coxcie y ajou-
ta les deux volets qu'il peignit, & que Ie duc
Mathieu enleva en quittant les Pays-Bas.
Dans l'églife de Notre-Dame d'Anvers , il
avoit peint, pout la compagnie des archers 3 un
S. Sébaftien, un Crucifix & plufieurs portraits,
oü la nature écoit bien imitée., Sc dont 1'ex-
preflion étoit fort belle.
Dans la même églife il a peint, dans Ie tableau
du rétable de la chapelle de Sainte-Annc, une
Sainte Familie. Rubens a fouvent loué ce tableau.
Il a peint chez 1'Eleóteur Palatin la RéfurrecÜon
du Lazare.
On voyoit par-tout de fes ouvrages , parce
qu'il a beaucoup travaillé & vécu long-temps.
De venu fort riche, il fe fit faire dans Malines trois
maifons ou hotels qu'il enrichit de fes tableaux,
<jui font fort recherches & difEciles a a?oir.
Malgré fon grand talent, on foupc,onne Coxcie
d'avoir eu peu de génie pour la compofition. On
reconnoït Ie larcin dans tous fes ouvrages, 8c
particulièrement ce qu'il a pris de Raphael. Auffi
fut-il très-faché lorfque Jéfome Cock donna en
gravure , au public, 1'école de ce maïtre italien.
On prit Ie copifte fur Ie fait- Ainfi les traduóbions
des écrivains étrangers découvrent les vols fecrets
qu'ils nous font, & ceux que nous leur faifons a
notie tour.
-ocr page 75-
Flatnands 3 Alkmands & Hollandois-. 5 9
II favoit donner, ainfi que Raphaëi, bcaucoup ————
de grace a fes femmes, & il imitoic fa maniere X497*
yareScfuave de peindre.
Ayanc été appelé a Anvers pour orner la maifon
de ville de fes ouvrages, il fe laiffa tomberdans
1'efca'ier, & mourut peu de jours apiès cette
chüte, en 15pa , agéde 95 années.
-ocr page 76-
MARTIN
HEMSKERCK,
ÉLEVE DE SCHOORÉEL.
-------- La Hollande Pa regarde long-temps
1498. comme un de fes meilleurs peintres. Il naquic
en 1498 , dans Ie village d'Hemskerck. Son père,
Jacques Willems Vanvécn, macon , fit ce qu'it
put pour empêcher fon fils d'être peintre. Soit
que Vanvécn pensat que fon fils ne pourroit fe
rendre un jour hr.Mle dans la peinture, foit qu'il
fit peu de cas de eet art, il Ie retira de chez fon
-ocr page 77-
La Vit des Pcintres Flamands, &c. S\
maltre, malgré lui, & Ie deftina aux travaux les
plus vils de la campagne; mais Ie génie j ainfi que
ï'amour, fórce tous les obftacles. Hemskerck au
défefpoir imagina nn moyen qui lui réuffit. Un
Jour a fon ordinaire> chargé d'un feau plein de
laic, il donna contre une branche d'arbre, & cul-
butant Ie feau, Ie lait fut répandu par ten-e. Le
père, faché de cette pene, pourfuivit Ie fils qui
s'échappa, & pafTa la nuit fur un moneeau de
foin. Le lendemaia , a 1'infu de fon père , fa
mère le munit d'un petir paquet & de quelque
peu d'argent, qui le conduifit le même jour a
Delft. Il travailla chez Jean Lucas, oü ir s'a-
donna entière'ment au deflin , ainfi qu'a la pein*-
ture. Sa grande difpofition fe développa, & il
devint en peu de temps adez bon peintre. La
réputation de Schooréd faifost beaucoup debruit;
on ne parloit que de fa nouvelle maniere & de
fon habileté. Hemskerck quirta Lucas pour cher-
cher Schooréd. 11 fit tant auprès de ce maïtre,
qu'il fut adnus parmi fes élèves. Il imira ce
i;
eintre, au point que Schooréd en fut jaloux, &
fit fornr de chez lui.
11 fe retira chez Pierre~Jean Fopfen, qui 1'em-
ploya. Il peignit dans un des appartemens, un
Apollon & une Diane de grandeur naturelle,
ainfi qu'Adam & Eve. Il fit encore quelques
ouvrages pour Jofeph Cornelis^ , orfèvre.
Avant que de partir pour Rome, il donna en
firéfent aux pemtres de Harlem, pour l'autel de,
eur ch?pelle , un tableau repréfentanr Saint-Lüc
qui fait le porrrait de la Sainte Vierge, tenant
Tenfant Jéfiis fur fes genoux. I! étoit peint dans
la maniere de Schooréd, a ne pouvoir pas le diftin-
-ocr page 78-
7
6 x                    La Vie des Peintres
guer. La tête de la Vierge & celle de 1'enfanc
1498. Jéfus étoient fort belles, eelle de Saint-Luc d'une
belle expreffion, II marque dans fon air une grande
attention a imirer 1'original qu'il copie. Derriére
S. Luc, efl: une figure couronnée de lierre, que
Ion croic être ie portrait de Hemskerck. On
remarquoit encore dans ce tableau un Ange te-
nant un flambeau j & un Perroquet dans fa cage.
Le fond étoit d'une architecture vague. On y
lifoit fur un feuillet une infcription en vers, que
Martin Hemskerck avoit eompofée en Thonneur
de S. Luc, Sc ou il étoit dit qu'il avoit fait pré-
fent de ce tableau a fes confrères. Il le finit le
x 3 mai 15} 1, agé de 3 4 an$. Ce même tableau
eft encore garde par les magiftrtats de Harlem,
dans 1'appartement du Sud, a la cour des princes.
Hemskerck quitta fa patrie 5c fut a R®me avec
des lettres de recommandation. Il y fut bien
re^u. Un cardinal lui donna fa table. L'antique
& les ouvrages de Michel Ange furent fa prin-
cipale étude. Il copia les ruines des environs de
cette capitale. Un Italien obfervant un jour le
moment qu'il étoit forti, entra dans fa chambre,
enleva tous fes deflïns , avec deux tableaux
qu'il arracha de defTus les chaffis. Hemskerck de
retour, fort affligé de cette perce , foupconna le
voleur, fut chez lui, & fe fit rendrela plus grande
partie de fes études. Mais la peur le faifit; &
craignant que eet homme n'employat contre lui
quelque violence , il quitta Rome, après trois an*
nées de féjour, & revint dans fi patrie, avec une
provifion d'études & d'argent. Il arrivoit a Dort,
muni d'une lettre d'un jeune compatriote aufll
étudiaat a Romej qui Tadreflöic dans une au-
-ocr page 79-
Flatnands, Allemands & Hollandois. 6 j
berge de Dorc, oü il fut invite a fouper j mais
heureufement pour lui il fut obligé Ie foir même
de s'etnbarquer. L'hóte & les domeftiques furent
arrêtés par la juftice : on trouva dans 1'auberge
une cave remplie de cadarres.
Hemskerck, de retour chez lui, fe mit a peindre.
Sa maniere étoit changée depuis fon départ: quel-
ques-uns aimèrent mieux celle qu'il avoit abandon-
née , c'eft-a-dire, celle de Schooreel, avec cette
différence que les bords de fes contours étoient
moins tranchants.On s'appercut dece changement
dans un tableau d'autel qui fe voyoit a la cour
des princes. Le fujet étoit la Naiflance de notre
Seigneur & 1'Adoration des Rois, d'une belle
compofition. II y avoit plufieurs portraits d'après
nature ayec Ie fien. Sur le dehors des volets de
eet autel ,on voyoic une Annonciation. La Vierge
étoit belle, la draperie de 1'Ange bien jettée;
clle étoit d'une couleur de pourpre , Sc avoit écé
peinte par Jacques Rauwaert, qui demeuroit chez
Hemskerck. Le fond étoit d'une belle architecture,
Sc qui fentoit biea les études de Rome.
II fit plufieurs grandi ouvrages pour la ville
d'Amfterdam; entr'autres,dans 1'ancienne églife,
deux volets pour uu autel. Le dedans repréfen-
toit des fujets de la Paffion de notre Seigneur, &
les dehors une Réfurre&ion en couleur debronze.
Cet ouvrage augmenta beaucoup fa réputatiorj.
Ces volets renfermoient un beau Chrift en croix,
par Schooreel.
Martin fit pour le maïtre-autel de la grande
églife d'Alcmaer, un Chnft. Sur les deux volets
étoit la Paflion de notre Seigneur, au-dedans^ Sc
au dehors le Martyre de S. Laurent.
-ocr page 80-
64                    ta Vit des Peintres
Dans les églifes de Delf: on voyoit beaucoup
1498. de fes tableaux. Dans celle de Sainte-Agathe,
ui» tableau d'autel , repcéfentant les trois Rois.
Il étoit compofé de facon que fur chaque volet &
fur Ie milieu fe trouvoit un des mages j Ie dehors
étoit peint en camaycu , & avoit pour fujet Ie
Serpent d'airain. Ce tableau lui valut ioo florins
par an^ il fe fit par ce moyen beaucoup de rentes
viagères.
Dans Ie bourg d'Eertfvjout, au nord d'Hol-
lande, il peignit les deux volets d'un grand, au-
tel. Les dedans repréfentoient la vie de notre
Seigneur, & les dehors celle de S. Boniface.
Il fit a Medenblick Ie tableau du maïtre-
autel *, & pour M. Ajjenvelt deux volets au tableau
d'autel de la chapelle qui appartient a la familie \
& un autre tableau d'une grande beauté, oü
Ton voit les quatre fins de 1'homme, la Mort,
Ie Jugementjl'Enfer & Ie Paradis.Rien ne frappe
davantage que les expreflions difFcrentes, la peur ,
la crainte j Ie défefpoir & la joie. On remarque
par-tout Ie fpirituel & Ie favant artifte. Ce
tableau fut fait pour fon élève Jacques Rauwaert y
grand amateur & en état de Ie bien récompenfer.
Il paya fon maure d'une facon peu commune ,
en lui comptant des doubles'ducats fi long-temps
& en fi grand nombre, que Ie peintre étonné
s'écria plufieurs fois} en voila a(Tez.
Van Mander a vu chez Ie fieur Kcmpenaer,
Sc
depuïs chez Ie fieur Melchior Wyntgis, une
Bacchanale de lui qui a écé gravée. On regarde
ce morceau comme Ie plus beau qu'il ait fait après
fon retour de Rome.
On conferve deux tableaux de ce maïtre dans
lc
-ocr page 81-
F lamanis t Allcmands & Hollandois. 6<
Ie cabinet de ÏEleSeur Palatin ; 1'un eft le-
iauveur du monde , & 1'autre Mars & Vénus
iurpns par Vulcain.
Sa maniere de deffiner eft facile & favante. Il
manioit très-bien la plume, & compofoit bien fes
iu/ets : il étoit bon architedte , comme on Ie peut
voir dans les fonds de fes tableau* , & ü peignoit
da»s tous les genres. On lui reproch» cependant
d etre un peu fee Sc tranche dans fes figures nues.
tn confidérant fes tableaux, on defire dans fes
phyfionomies, cette grace touchante qui donne
tanc de prix a la compofition. Il a rempli les ca-
bmets & les porte-feuilles de fes ouvrages, & il
a compofé pour Ie favant Coornhert, une cjuan-
tite d'emblêmes gravés par plufieurs artiftes da
temps , & fur-tout par Coornhert. Il a gravé lui-
même les Batailles de Charles F3 excepté celle de
Pavie j ou Francois I fut fait prifonnier : elle a
étégravée par Corn'dleBos.
Quelques années apres fon retour de Rome
il éponfa Marie Jacobs, une des plus belles filies
de la ville , qui, au bout de 18 mois , mouruten
couche.
Apvès avoir fini a la cour des princes d'Har-
lem , les deux volets qui renferment Ie MafTacre
des Innocens, par Cornille Cornelifo, il époufa
en fecondes noces une fille agée, mais très-riche.
Elle avoit pour défaut une envie infatiable d'a-
mafler du bien , & même injuftement: ce qui
déplut fort au peintre, qui dédommagea tous ceux
a qui fa femme avoit fait tort a fon infu. Il avoit
lui - même grand foin de s'enrichir , mais avec
honneur. Il craignoit de manquer du néceiïaire
dans fa vieillefle. On trouva après fa mort fon
Tome I.
                                        £
-ocr page 82-
'66                 la Vit des Peintres
" ' ■- habit garni de pièces d'or, qu'il avoit coufues dan»
1498. la doublure.
Il étoit naturellement fort timide, & il redou-
toit fur-tout les armes a feu. On 1'a vu monter
fur une tour pour voir palfer la marche des ar-
quebufiers , & a peine fe croyoit - il a 1'abri du
danger, quoiqu'il fut dans un lieu fort élevé. Le
magiftrat 4'Harlem lui permit de fortir de la ville,
lorlqu'elle fut afliégée par les Efpagnols (1). Il fe
retira chez fon élève Rauwaert, a Amfterdam.
Après la prife de la ville d'Harlem en 157J ,
les Efpagnols enlevèrent pluiieurs de fes ouvrages.
La plus grande partie ayant été détruite , ils ïont
devenus rares dans fa patrie même.
Se voyant a la fin de fes jours , fans poftérité ,
ïl fit plufieurs legs extraordinaires. Il a laiiTé une
terre dont le revenu fert a marier tous les ans
quelques jeunes filles, aux conditions que le ma-
tiage fe fera fur fon tombeau : ce qui fe pratique
encore aujourd'hui.
Il fit élever a Hemskerck, fur celui de fon pèrc,
un obélifque de pierre bleue. Le portrait de fon
père y eft taille en haut : un enfant met le feu a
un morceau d'o(Temens, & femble s'appuyer fur
fon flambeau. ' 'n y volt encore quelques autres
attributs de peinture , avec fes araies : 1'infcrip-
rion en eft laiine & allemande. On lit fous une
tête de mort, cogïta mor'u II eft marqué que fi
cette pyramide ne fe trouvoi: point entreteuue
(i)Siégemémoi-abledela ville d'Harlem en 157a ,
qui dura huit mois : elle fut défenclue par Hiperdu ,
gouverneur sous le prince d'Orange, et attaquéa
pav Ferdéric ? fiU du duc d'Albt.
-ocr page 83-
Flamaiids , Allemands & Hollandois. 67
dans Ie même état, les parens pourront rentrer
dans Ie fonds qu'il avoit conftitué pour eet en- 1498.
tretien.
.Après avoir fait ces legs , & donné beaucoup
aux pauvres, ïi moutut a Harlem en 1574 , agé
de 76 ans \ & il fut enterré dans la grande églife
dont il avoit été tl ans marguillier.
Van Mander a vu a Alcmaer, chez Vandef
Heek,
des porrraits A'Hemskerck a 1'huile.» Sc
peints a. différens ages.
AEET ( ARNAUD )
CLAESSON,
ELEVE
DE CORNILLE ENGELBRECHTSEN.
J.L eft communément appe^lé Aertgcn, 8c na-
quit dans la ville de I evden en 1498. Il fit, )uf-
qu'a 1'age de 16 ans Ie métier de fon père , qui
étoit celui de fou'on; c'eft pour cela que quelques-
uns 1'ont appellé Aertgen T'oulon. Il fe déclara bien-
tót pour la peinture, & devint élève de Cornille
Encelbrechtf.n en 15 i<J. Son applicanon Ie rendit
en peude tempspeintrehabile. Il faifoitpeu de cas
des fujets de h&ion ou de la fable. Tous fes ta-
bleaux font tirés de 1'ancien &c du nouveau tefta-
ment, ou d'hiftoires connues : il recommandale
roême choix a fes éièves. Ses ^compofitions font
belles, mais fa maniere de peindre n'eft point
E 1
__
-ocr page 84-
&S                   Ia Vu des Pelntrèt
Vagréable. D'abord fon deffin fut dans Ie gout de
• fon maïtre, mais il changea cette maniere, lorf-
qu'il vit des ouvrages de Schooréel. Il imita celle
de Hemskerck dans 1'architeófcure, dont il a joint
les ornemens a. fes oavrages ; ce qui rendit fes
compofitions grandes & favantes. Ce jugementell
de Franc-Flore même, qui, ayant été mande pour
faire un Crucifix dans une des principales églifes
de Delft, s'écarta de fa route pour voir Aertgen j
& ayant demandé fa demeuie , il fut fort furpris
qu'un fi bon peintre fut logé dans une petite
maifon proche les remparts. Le maïtre n'y étoit
point, mais fes élèves 1'introduifirent dans fon
atelier, qui étoit un grenier. Fioris prit un char-
bon, & tra<ja, fur un bout de muraille blanchie,
la Tête de faint Luc 3 une Tète de b<Euf, & les
Armes de la peinture. Si-tot qu'il eut fini fon def-
fin , il retouma a fon auberge. Aertgen de re-
tour , fut averti, par les traits hardis du charbon,
qu'un étranger étoit venu. Cette avanture eft fem-
blable a celle d'Apelles & de Protogênes. Aertgen
n'eut pas plutot confidéré le deffin , qu'il s'écria :
C'eft Franc-Flore, ce ne peut être que lui; ce grand
malere s'eft donné la peine de me venir voir. Il
ne put fe déterminer a lui rendre fa vifite: il étoit
fi timide qu'il n'étoit jamais a fon aife qu'avec fes
élèves. Il paflbit avec eux tous les lundis au ca-
baret, non pas comme ivrogne , mais par habi-
tude. Il s'eftimoit pen •, il avoit grande opinion
des autres. Fioris 1'invita a 1'aller voir ; il s'en dé-
fendit toujours, difant qu'il ne méritoit pas de fe
trouver avec un fi grand homme. Le hafard les
fit rencontrer, & Fioris profita de ce moment pour
smirer Aertgen > dans 1'intention de lui faire ven-
-ocr page 85-
Ftdmands, Alhmanis & Hollandois. £
dre fes ouvrages ce qu'ils valoient 3 puifque, mal- ■
gré fon travail conrinuel, il ne gagnoic que de
quoi vivre tres médiocrement. Les remontrances
du peintre d'Anvers ne firent fur lui aucun effet:
il répondit que fa vie obfcure & tranquille dans
fa petite bicoque, lui étoic plus chère que cello
d'un r®i dans les grandeurs de fa cour, 8c qu'il
ne chamgeroit jamais de fituation.
Il compofoit avec une faciiité étonnante. Plus
ftirifuel que favant, fouvent peu correct, tantót
fes figufés fontgigantefques, & tantötlourdes: ü
faifoit beaucoup de deflins pour les peintres fur
verre, & ne recevoit jamais plus de 7 fous pour un
deflin d'une feuille de papier. Aniïï n'a-t-on guè-
res vu de peintres qui en aient produit en fï grande
quantité. Il favoit donner un tour a fes figures ,
8c les grouppcr avec beaucoup d'art ^ mais Ie peu
de gain lui faifoit facrifier la correötion.
On voyoita Leyden, chez Ie fieur Buytenwegk,
ftois de fes plus beaux tableaux , & d'une grande
expre/ïïen. Le premierrepréfentoit notre Seigneur
entre les deux Larrons, lafainte Vierge avec les
Difciples, & laMagdelainequi embrauoit lacroixj
le fecond , norre Seigneur qui portoit fa croix ,
fuivi des Maries & d'mi peuple nombreux ; le
troifième, Abraham qui conduifoit fon fils Ifaac
chargé du bois deftiné au facrifice. A Leyden,
la veuve de M. Wajfenaer, bourguemcftrc (1) Sc
receveur des rentes de laville, pofiedoit un au-
tre tableau repréfentant la NaifTance de irotreSei-
gneur: ce tableau eft fort eftimé pour fa com-
(1) Les bourguemtfira en Hol lande et en F land re,
lont des maires de villes.
E $
-ocr page 86-
7o La Fie des Pelntrts Flamands , &c.
----!-----pofition , quoique peint avec moins de foin que
1498. les autres. Il y a encore de ce peintre , chez ie
fieur Knotur 3 des tableaux en détrempe lur toi-
le (.)•• Ie plus beau eftune Vierge avec des Anges
qui forment un concert. On voit de la meme
xnain, chez Ie fieur Jean Dirck de Montfort, un
autre tableau avec deux volets; il repréfente Ie
Jugement dernier :fur un des volets eft Ie portrait
de Dirck (Thierrv ) & de Jacques de Montjort,
frères du peintre du mème nom.
On voyoit de lui a Harlem , chez H. Golc<wt
Ie paffage de la Mer Ronee: Gotofiusm faifoit
grand cas. La variété des figures, les dopenei ,
la ftc,on fingulière de compofer fes coëffures , &
lesbonnets en fbrme de turban , font furprenans.
Aertgen avoit une fa^on de faire prix pour fes
tableaux J il menoir au cabaret ceux qui trauoient
avec lui; & fans penfer a regagnei fon gite ,
il pafToit Ie refte de la nuit a fe promener dans les
mes, en jouant d'une efpèce de flute. Il lui arnva
quelquesavantures qui ne purent jamais Ie guenr
d'une fi mauvaife habitude : a la fin il y perdit 1*
vie. Ayant fait un jour Ie Jugemeni de Salomon
pour Ie fieur Quirinck Claïs, ils furent enfemble
au Cabaret, pour Ie paiement du tableau; ils s y
quittèrent fort tard. Aertgen, au-lieu de rentree
chez lui , continua fa promenade nodurne ; & Ie
trouvant preffé d'unbefoin, ilfepla^a fur lesbordi
d'un canal : après avoir óté fon habit, dans la
crainte de Ie gater , il Ie mit furie talut; maïs
quand il voulut Ie reprendre, fans doiite, il tomba
daos 1'eau , & fe noya en 15<J4> *& de 66 ans'
(1) Les couleurs employees a la colle ou 1'eau
gommée sont en ditnmpc.
-ocr page 87-
J E A N
H O L B E E N ,
ÉLÈVE DE SON PÈRE.
£e u d'artiftes ont joui d'une olus grande té-
ptitation. Son père Jean Holbéen, peintre -mé-
diocre , quitta Ausboarg, lieu de ia naifTance,
& alla demeurer a Balie en Suifle, oü naquic
Jean Holbéen en 145)8. Il étudia fous fon père»
qu'il furpafla bientór. Né avec d'heureufes dif-
poütioas , il fe perfedtionna de lui-même. Ses
talens fiirent employés, & on vit fortir de &.
i d'excelieiu ouviages répandut chez les
E4
-ocr page 88-
7*                      La Vie des Peintrej
__—i-------particuliere. On lui confia auffi des ouvrages
o publics, tels que la Danfe villageoife , qu'on
voit a la Poifïbnnerie j la fameufe Danfe des
morts , qui eft au cimetière de S. Pierre, &
les tableaux de la maifon de ville.
Era/me, demeurant a Bafle , trouva ce peintre
digne de fon amitié : il lui fit faire fon portrait j
& lui confeilla d'aller en Angleterre. Il quitta
fans peine Ie lieu natal, ou 1'humeur impérieufe
defa femme lui caufoic quelques dégoüts. Arrivé
a Londres, il préfenta au chancelier Morus des
lettres & le portrait d'Erafme. Ce miniftre , tou-
che de larefiemblancede fon ami, & de la beauté
du pinceau , teqnz Ie peintre chez lui avec diftinc-
tion; il Ie garda ainfi trois ans , lui faifant faire
plufieurs ouvrages. Morus ayant invite Ie roi
Henri VIII a un feftin , il expofa aux yeux de
ce prince les chefs-d'oeuvres AHolbéen, qui frap-
pèrent Ie roi par leur beauté Sc la parfaite reffèm-
blance de plufieurs portraits : Morus pria Ie roi
de les accepter.
Le Monarqne demanda s'il ne lui feroit pas
poflïble d'avoir 1'artifte a fon fervice. Morus le
fit encrer & le préfenta au roi, q<ii le nomma
fon peintre, & répondit a fon miniftre : « Je vous
laifTe avec plaifir les préfens que vous venez de me
faire, puifque vous me procurez 1'auteur ». Holbécn
commenca ponr le roi de beaux ouvrages , qui
feront nommés avec les autres. Une avanture ex-
traordinaire nous fait voir a quel point ce prince
1'aimoit. Ce peintre s'étant un jour enfermé dans
Ion atelier, un des premiers comtes d'Angle-
cerre voulut le voir travailler. Holbcen s'excufa
polimant j mais ce feigneur croyant qu'on devoit
-ocr page 89-
Ftamands, Alltmands & Hollandois. 7 J
tout a fon rang, perfiftaj & voulut fbrcer la porte. ~"
L'artifte , irrité, jetta Ie comte du haut de 1'ef- lW '
calier en bas, & fe renferma d'abord dans fon
appartement \ mais pour échapper a lafureur du
ieigneur Sc de fa fuite, il fe fauva par une fenê-
tre dans une petite cour, & fut fe jetter aux pieds
du roi, en lui demandant fa grace, fans dire fon
crime. Il 1'obtintdu monarque, qui lui marqua fa
furprife loifqu Holbéen lui eut raconté ce qui
s'étoit paffe, & lui dit de ne pas paroitre que cette
affaire ne fut terminée. Oa apporta bientot Ie fei-
neur anglois tout meurtri Sc enfanglanté. Il fit
fa. plainte au roi, qui chercha a Ie calmer , en ex-
cufant la vivacité de fon peintre. Le comte, piqué
alors ,ne ménageapoint £es termesj &le roi, peu
accoutumé a fe voir manquer de refpeö:, lui dit:
Monjieur ,je vous défends, fur votre vie, d'attenter
h celle de mon peintre. La difference quily a entre
vous deux eftfi grande
, que de fept payfans je peux
faire fept comtes comme vous
, maïs defept comtes
je ne pourrois jamais faire un Holbéen.
La fermeté
du roi Sc quelques autres menaces firent peur
au feigneur anglois, qui demanda pardon au roi,
Sc promit fur fa tête de ne tirer aucune vengeance
de 1'outrage que lui avoit fait Holbéen.
Holbéen3 étant devenu tranquille, ne j'appliqua
plus qu'a mériter cette prote&ion. Il acquit 1'efti-
me de toute la cour 3 Sc fit dans ce temps ce beau
portrait du roi en pied, qu'il a copié plufieurs
fois. Le grand fut place a Witehal ainfi que cèux
du prince Edouard, & des princeflès Marie Sc
Elifabeth.
Les portraits des grands Sc des dames de la
cour augraent£rcnt la réputation Sc fa fortune :
-ocr page 90-
f
74                 La Fie des Peintres
Outre Ie portrait, oü il excella, Halbeen fit plu«
145)8. fieurs grands tableaux a 1'huile & en détrempe.
Uu des plus confidérables eft celui qu'il exécuta
pour Ie corps des chirurgiens. On y voic Henri
yilliiïis lat
un tróne , a[iii donne de la main
droite les privileges accordés au corps, que lei
chefs rec,oivent a genoux. On croit que ce tableau
n'a été fiiu qu'après la mort du peintre , qui n'a-
voit pu achever fon ouvrage ^ cependant on ne
peut pas décider que Ie tableau fok de deux main*
différentes. La maifon d'Onent a Londres con-
ferve deux grands tableaux en détrempe du même
auteur ; ils paroifTent peints pour des plafonds.
Le premier repiéfenteleTriomphede la Richefle,
& 1 autre celui de la Pauvreté : les draperies &
le métal font rehau(Tés en or, avec une propreté
& un art infinis. Ces tableaux, outre le mérite de
1'exécution , intéreiïent encore par le génie poëti-
que du peintre.
André de Loo , grand amateur a Londres,
rechercha avec foin tout ce qu'il put acheter des
ouvrages d'Holbérn, dont il fe forma un cabinet.
On y voyoit un beau portrait avec des inftrumens
de mathématiques, repréfenrant maitre Nicolas,
allemand de nation , ailronorne du roi; celui
de Thomas Cromwel, qui eftpréfentementau Pa-
lais-Royal , a Paris j celui d'Erafme Sc celui de
Yarchevêque de Cantorbery • une grande compo-
fition en détrempe , oü les portraits du chance-
lier Morus, de fa femme & de fes enfans étoient
raflfemblés. Ce tableau , un des plus beaux d'Hol-
béen
, fut acheté fort cher après la mort & André
de Loo
, par ordre du nevéu de Morus.
On voyoit a Amfterdam le poittaic d'une rein*
-ocr page 91-
Flamands , Alkmands & Uollandols. 75
d'Angleterre, dont 1'habillement de drap d'argent■
furprenoit par Ie brillant & la grande vérité.
Dans Ie cabinet du duc de Florence font les
portr.irs d'Holléen , de Luther, de Morus & de
Richard Southwal.
A DufTeldorp on admire une femme en Bao
chante, un payfage Sc un autre portrair.
Dans Ie cabinet du roi de France on trouve
les p^nraits de Fatchevéque de Cantorbcry, du
mathématicien maïtre Nicolas , de leanne de
C/èves
, femme d'Henri VIII, d'Hoiléen,ü'Eraf~
tne ,
de Morus 3 d'un homme tenant une tere de
mort, Sc lefacrifice d'Abraham.
Au Palais-Royal font les portraitsd'une femme
habdlée en noir, de Morus en robe noire 3 de
Gcorge Gifcn, négociant, Sc de Thomas Cromwd,
habillé en dodreur.
A Balie, fa patrie.onvoit laDanfe des Fayf.ns
dans la Poiflonnerie, la Danfecles Morts fur 'es
murs du cimetière de falnt Pierre : 'es rois , las
bergers , les riches , les pauvres , les jeunes Sc
les vieux forment une efpèce de danfe avec la
mort. Ce morceau d'allégorie a fouvent mérité
les éloges de Rukens. Dans la maifon de ville de
Bafle eft la Paffion de nocre Seigneur, en buit
compartimens.
Holbéen peignoir a 1'huile , en détrempe & h
gouafTcj il acquit cedernier talent en Angleterre,
ou il fit connoiffance avec un habile peuitre, nom-
xné Lucas, qu''Holbéen a furpafle.
Frédéric Zucchero éïant a Londres environ en
1574 , éleva Ie mérite du peintre de Bafle jufqu'a
1'égaler a Rapha'él. Il copia a !a plume & a 1'encre
de la Chine, les tableaux de la Richeflè & de la
-ocr page 92-
6              La Vu des Peintrts
Pauvreté. Ce qui étonna le plus eet Italien, fut le
portrait en pied de la comtefle de Pembrock ; elle
étoit habillée de fatin noir. Zucchero, de retour i
Rome, dit a Gotf[ius que l'-Italie n'avoit point de
plus grand maïtre qa Holbéen. C'eft une exagé-
ration qui ne doit ni augmenter , ni diminuer Ia
eloire d'Holbéen. Le ridicule de cette cornparai-
ion ne tombe que fur celui qui l'a faite: il y a des
places honorables au-deflbus du grand Raphaël. Le
peintre de Balie avoit des talens pour ce temps-la.
On admire la fralcheur de fa couleur , & la viva-
cité Sc le fini de fes tableaux j mais fes draperies
fbnt de mauvais gout Sc les plis boudinés. Il
finifïbit les cheveux Sc les poifs des barbes fans
fécherefle. Il a compofé plufieurs ouvrages pour
les orfèvres , les graveurs en cuivre & en bois,
êc pour les antiquaires. Il deffinoitavec une extre-
me propreté a la pointe d'argent & a la plume ;
il peignoit & deffinoit de la main gauche. Il avoit
tin frère ainé nommé Sigifmond Holbéen , peintre
médiocre. Jean Holbéen a fait un bon élève,
Chrijlophle Hamberger, natif d'Ausbourg, auteur
de beaucoup d'ouvrages a 1'huile Sc a fraifque (1)
en Allemagne. Holbéen mourut de la pefte a Lon-
dres en 15 < 4, agé de 5 6 ans, comblé de gloire
& de biens.
(1) Fraifque: les couleurs mêlées avec 3e 1'eati,
s'appliquent sur un enduit de. mortier tont frais ; la
durée de cette espèce de peinture consiste en ce
qu'elle s'incorpore dans eet enduit, h mesure qu'il
se
sèche.
-ocr page 93-
Flamands, Allemands & Hollaniols. 77
GUERAR D
HOREBOUT.
Jfjf orebout naquitaGand; il jouifïoit dans-
fon temps d'une grande réputacion \ il peignir
dans 1'éghfe de S. Jean , deux volets qui ren-
fermoient un retable d'aurel en fculpture. Sur
un de ces volets il a peint la Flagellation de norre
Seigneur ; fur 1'autre une Defcente de Croix. Ces
tableaux échappèrent aux ravages de la guerre j
les foldats les vendirent a un amateur de Bruxel-
les appellé Martin Bierman, qui les rendit pour
Ie même prix. On conferve encore quelques
tableaux de ce peintre dans la même ville.
Henri VIII, roi d'An^leterre, nomma Horebout
fon premier peintre; il fut confidéié par ce prince
Sc par les grands du royaume. La proteclion qu'il
accorda a Holbéen & a Horebout cara&érife la
goüc de ce monarque.
1498.
JEAN MOSTAERT,
ÉLÈVE DE JACQUES D'HARLEM.
xL naquit a Harlem en 1499 , d'une famille-
illuftre. Il hérita diinom de Mojlaert 3 dont voki
l'origine. Un de Ces ancêtres ayanr été a la fuite
de l'einpereut Frédtrie 8c du comtc Floris, aux
-ocr page 94-
78                  la Vit des Peintres
croifadesde 1'Oriènt Sc a la prife de Damictte, il y
fit des prodiges de valeur. Uu jour il rompit trois
fabres, en comb.utant contre les infidèles, fous les
yeux de 1'empereur , qui, pouv inarque de diftmc-
tioiij lui donna dans fes armes trois fabres d'or
fur uu champde gueules. On 1'appelloit, a caufede
fa valeur , fort comme moutarde. Il ne falloit pas
moins qu'une hiftoire pour expüquer cette com-
paraifon, imaginée fans doute par quelque bel
efprit hollandois.
Jean Mojiaert, dès fa ren c'.re jeune (Te, apprit i
peindre chez Jacques d'Harletn, aflez bon pein-
tre. On avoic cie !ui dans la grande égiife, un
tableau d'autel très-cftimé. Mojiaert étoit d'une
£<rare aimable \ la nobleiTt; de fe- fennmens & un
langage poli jointafon talent, lui acquirent 1'efti-
nie des grands. Il devint premier peintre de ma-
dame Marguerite , foeur de Pkiiippe I, roi d'Efpa-
one; il fiuvit toujours cette pnnceiïe & refta a fon
fervice pendant dix-huit années. Il fit plufieurs
^rands ouvrages & une quantité de portraits des
dames & feigneurs de la première condition.
Comblé de richefles & d'honneurs , il fe retira a
Harlem, oü il fut très-employé •, il avoit prefque
tous les jours chez lui les plus grands feigneurs du
pays, & étoit fi fam;lier avec eux , que Ie comte
de Bunrtj accompagné de qitelques feigneurs,
faifoit des parties de fouper chez Ie peintre ,
qui les traitoit avec nobleife & fnns profufion.Son
atelier fervoit de falle a mangér; Poeil y étoit
auffi fatisfait que Ie gout. I es tableaux de Mof-
taert
ont décoré les principe les églifes Sc autrei
édifices. On voyoit aux Jacohins a Harlem une
JSfaiflancede Jéfus-Chrift. La beauté de ce tableau
-ocr page 95-
f lamanis, Allemands £• Hollandoisi j*>
fit grand bruit. On connoit encore de ce peintre
un Ecce Homo, grand comme nature , avec plu-
fïeurs figures a demi-corps } un Feftin des Dieux ,
ou la Difcorde jectela pomme : lc dieu Mars y eft
pret a tircr 1'epée. Ce tableau eft d'un grand mé-
rite , & les figures en font d'une belle exprelïion.
On connoit un payfageou quelques vues des Indcs,
ou 1'on voit un roe her & quelques maifons j Ie tout
d'un gout fingulier. Quelques grouppes de figures
nues font la principale p.utie du tableau, qui eft
refté fans être fini. On a les portrairs du comre
& de la comtefTe de Borsèle, ainfi que Ie fien, qui
eft un de fes derniers ouvrages : Ie fond repré-
fente un payfage^ On p?.rloit aufli avec é'.oge d'un
autre tableau , oüle bon Sc Ie rmuvais Anges plai-
dent leur caufe dans Ie ciel devant notre Seigneur.
Ces tableaux étoient du temps de Van Mander,
chez Ie fieut Nicolas Suycher Ecoutet d'Harlem ,
& petit-fils de Mofiaert. On voyoit a Amfterdam
chez Jacques Rauwaert , une familie de fainte
Anne ; & chez M. Nicolas Scoterbofch , confeiller
a la Haye, Abraham & Sara , Agar & Ifmaèl 5
les habillemens en font obfervés felon Ie cofiume..
Jean Clae\, peintre & élève de Cornille Cornelifi,
avoit un faint Chnftophe., tableau grand en tout5
& un faint Hubert qui fe voit encore a la cour
des princes.
On rematque, outre les beautésqui dépendent
de la peinture, qu'i! avoit fait des recherches dans
les phyfionomies différentes, & fcrupuleufernent
obfervé les régies du cofiume. Une partie de fes
ouvrages a été brülée dans 1'incendie d'Harlem ;
il n'échappa rien de ce qui étoit dans fa maifon.
,$on efprit 8c fon jugement ont fait dirc a Hemf-
-ocr page 96-
o                 La Vit des Peintres
kerck qu'il avoic furpaflë les anciens. Jean de Ma-
*f ^>^ f f            * &                 d
I499-
1'abbaye de Middelbourg; mais il s'excufa étant
au fervice de la princefle , qui Ie nomma fon gen*
tilhomme. Il mourut en 1555, agé de 56 ans.
J E A N
VAN KALCKER,
ÉLÈVE DU TITIEN.
peintre a rendu fon nom célèbre dans
toute 1'Italie j il étoit né a Kalcker, ville du
pays de Clèves. Oo ne connoït ni fon premier
maïtre, ni 1'annéede fa naiflfance. Il avoit en 15 3 6,
environ 3 7 ans j il demeuroir pour lors a Venife,
oü il s'étoit retiré avec une fille de Dordrecht j qui
fuivit cepeintre, afin d'éviter les fupplices quefes
parens fouffrirent pour des meurtres commis
chez fon père , comme nous avons dit dans la yie
d'Hemskerck. Kakker devint un des principaal
élèves du Tuien ; il a fuivi ce maïtre de fi pres ,
qu'il eft impoffible de diftinguer leurs ouvrages.
Golt^ius, étant a Naples, prit, en préfence de plu-
lieurs peintres , les portraits de Kakkerpom ceux
du Tuien. Il auroit eu beauconp de peine a fe dé-
tromper, fi on ne lui en avoit montré d'autres aufli
beaux, & pourtant de Kalcker. Vafary qui 1'a connu
a Naples, dit qu'il étoit impoflible d'appercevoir
dans fes tableaux les moindres traces du goüc
flamand. Tous les portraitj des peintres, frulp-
tcuxi
-ocr page 97-
Flamands, Allemanis & Hollandois. 11
teurs Sc archite&es 3 dont Vafan a écrit la vie ,—,
font aafïï de/finés p.ir Kakker , ain/i q.ie ks 0- I^
res d'anatomie i!e Vefale : 011 peut juger ü ion
deiïïn tenoit e fou pays. Il inanioit forc bien Ie
crayon & fur-0 ;t la plame , dans la m nièie du
Titien. Rubens
confervoir dans ion cabinct unö
Nativité de Kakker. La lumière du tableau ve-
noic de 1'enfint Jéfns Après la mort de Rubens■,
Sandrart acheta ce tableau Sc Ie revendit a l'em-
peretir Ferdmand, qui en faiioic beaucoup de cas.
Cepeintremourutencore jeune, a Naples,en 154^.
ALDEGRAEF
o u
ALDEGREVER,
lieu de fa nailïance n'eft poinf connu; on
Ie croit né a Souft, a 8 lieues de Munfter parce
que c'eft Tendroit oii il a Ie plus travaillé. Les
églifes font ornees de fes tableaux. Dans 1'an-
cienne églife de cette ville, on voit de lui une
Naiflance de notre Seigneur : ce tableau eft forc
eftimé. Nuremberg a du mème pinceau deux
Volets qui renferment un tableau d'Jlbert Durer.
I! ne manquoit a ce peiutre que d'avoir vu Rome.
Ses draperies font de maüvais gout; une multitude
de replis diftingue fa maniere. La gravure devint
ft principale occupation : il y réu/Iïc. Sou
uuiin eft net, quoiqu'un peu fee. Il a gravé une
Suzanne , les Travaux d'Hercule, douze J
Tome /.                                    F
-ocr page 98-
11 La Vu des Peintres Flamanis, bc.
Danfeurs & feize petits en i $3» ,. comme on Ie
voKpai- les dates d/fes eftampes , ainfi que beau-
coupPde hgures nues,& d'autres fingaLctement
drapées. ITmoutut a Souft, & fut ente.re fans
c émonie. Un peintre de fes amts, de Munfter,
fit plTcerune tombe far fa foflè, avecune mfcnp-
eftampes.
1499-
-ocr page 99-
J E A N
\
DE MA BUS E.
i-L naquit d Maubeuge > ville de Hainaut, &.
tut contemporain de Lucas de Leyden. Malgré fa
v'e hbertine, Jean de Mabufe hit un excellent
Pemtre. Ses ouvrages font d'une proprété Sc d'un
«ni pen commun. Il avoit étudié la nature pen-
aam fa jeuneffe 3 & il s'étoit fait une maniere
Vraie.H voyagea, mais 1'Itaiie Ie fixa quelque
temps. Ce fut lui qui, a fon retour de cétte école
du gout, appofta Ie premier en Flandres la
namere de traiter Ie nud 3 & de fe fervir de
1 auegone pour 1'hiftoire. Sur fa rémitation Ie
F x
-ocr page 100-
8 4                 -t« Vie des Peintres
"marquis de Veren Ie prit en qualité de fon
X499'
peintre. Malgré fa pauion pour Ie vin > il fit
„ chez ce feigneur de fort belles chofes. Ce mar-
quis , averti que 1 empereur Charles V devoit
pafll-r chez lui , n'épargna rien pour Ie bien
reccvoir. Il fit habiller toute fa maifon , & par
diftincYion fes officiers principaux , en damas
blanc. Mabufe étoit du nombre des derniers, &
lorfque Ie tailleur vint pour prendre fa mefure ,
il lui demanda Tétofte , fous prétexte d'imaginer
un habillement fingulier. Il vendit cetie étoffe
pout beire", &,lorfqu'il fallut paroïtre, il fe fit faire
une robe en papier blanc , qu'il peignit en beau
damas. Lorfque la marche hu réglée , ils pafsè-
rent tous fous un balcon oü étoit 1'empereur avec
la cour. Mabufe palTa a fon tour , entre un philo-
fophe & un poète, auffi penfionnaires du marquis.
La beauté du damas frappa tous les yeux. Ma-
bufe
, qui fervok a table comme les autres gentils-
hommes, étoit attentivement examiné par 1'em-
pereur _, jufqu'au moment que Ie marquis, inf-
truit par quelqu'un de la rufe du peintre, Ie fit
approcher de 1'empereur, qui en fut extrêmement
furpris; & lorfque Ie fait lui fut raconté } il en rit
beaueoup.
Ses tableaux font admirables. Un des princi-
paux étoit un tableau d'autel a. Middelbourg,
repréfentant uneDefcente de croix. Alben Durtt
étant a Anvers, fit un voyage expres pour voir
ce tableau , qu'il loua beaueoup: il a été détruit,
ainfi que Téglife, par Ie feu du ciel. Middelbourg
confervoit du temps de Van Mander 3 un grana
nombre de fes ouv rages. On voyoit encore une
I
-ocr page 101-
F lammis , Allemands & Hotlandois. 8 ƒ
Defcente de croix , chez M. Magnus. Les figurer
font d'une belle compofition & d'un deflin cor- ""
red. On admiroit une Lucrèce chez Ie fieur
Wingtis a Amfterdam; un Adam & Eve chez
Martin Papenbroeck ; les figures en font grandes,
& paroilTent vivantes. Ce tableau a fouvent été
marchandé, & même a grand prix. Un des plus
frappans de fes ouvrages, eft un tableau en ca-
mayeu,& prefque fans couleur, repréfentant une
Décolation de S. Jacques. Lorfque Mabufe étoit
aufervice du marquisde Vtrcn3 il rit une Vierge:
La tête de la Vierge & de 1'Ünfant Jéfus font
d'après celle de la marquife & de fon fils \ la
draperie bleue étoit bien jetée & bien renduë; Ie
ïefte de 1'ouvrage furpafle tour ce qu'il a fait. Ce
tableau a depuis pafTé entre les mains du feigneur.
Frofmont. On voit encore en Angleterre des por-
traics de la main de Mabufe. Ses débauches lui
firent perdre la liberté j il fut mis en prifon a Mid-
delbourg. Il ne laifla pas que de travailler quoi-
qu'enfermé. Van Mander"a vu de lui beaucoup de
delllns au crayon noir, qu'il trouvoit fort beaux.
Il mourut en 1 \ 61.
CORNILLE
A N T O N I Z O.
vjoRNHLE Antonizo d'Amfterdam eut 1111
falent pour repréfenter des villes : on voit de
'ui celle d'Amfterdam, peinte dans Ie vrai, Sc
teüequ'elle étoit en ij}6. Ce tableau eft fur 1»
F
-ocr page 102-
8d                   la Vu des Pe'mtres
-tnuraille de la tréforerie de la même ville. Cor-
M99* mik écoit pour lors arbalêcrier : il fut re^u dans
Ie confcil en 1547. Il a depuis «lonné l'ancien
Amfterdam avcc fi»s égiifes & fes principaux édi-
fices en douze planches, gravées en bois , & dé-
diées a rempereur Charles f. On les trouve en-
core chez les curieux.
JEAN CORNILLE
VERMEYEN.
I f oo. XL étoit de la petite ville de Bewervyck , a peu
de diftance d'Harkm. Il naquit en 1500. Il
eft fils du célèbre Cornillc j autre peintre: fon mai-
tre eft ignoré ainfi que les premiers progtèsdefes
études , jufqu au temps oü il fut peintre de 1'em-
pereur Charles ^qui en faifoitunc grande eftime.
Il fuivit ce prince dans toutes fes conquêtes. Les
fièges j les batailles de eet empereur furent def-
finës & peints en p.irtie fur les lieux , Sc ont fervi
«Ie modèles pour les fapifferies. En 1535 il fut i
Tunis j lorfque 1'empereur aflïégea ie prit cette
ville, & il en fit les deflms, ainfi que ceux du
campement & des autres acT;ions mémorables:Les
tapilfenes rendront un témoignage de fon talent.
Il étoit bon géomètre, & il a fouvent été employé
cemme tel. L'abbaye de Saint-Vsft d'Arras pof
sède plufïeurs.de fes tableanx qui font admirés
ppur leur beauté. L* ville de Bruxelles avoit de
lui une quaatité de tableaux d'autels ainfi que
-ocr page 103-
Flatnands „ Alkmanis & Hollandois. 87
tles portraits \ mais une partie a été détruite ou----------
enlevée dans les ravages de la guerce. Il fit la Naif- r5O8-
fancedu Seigneur & unChriftnud, tenant la main
fur la poitrine > pour 1'égltfe de Saint-Gorick a
Bruxelles j ces tablcaux font d'une grande beauté.
Dans fon portrait il s'eft: repréfenté environné de
garde par quelques foldats, pendant qu'il dellïne
la ville de Tunis: ce tableau fe voyoit du temps
de van Mander, a Middelbourg , chez la veuve
Cappoen , fille de l'auteur, ainn que fon portraic
Si celui de fa belle-mère, feconde femme de Vcr-
meyen,
toutes deux habillées en turques, Lorfque
fon fils,habilc orfèvre, demeuroit a Prague au fer-
vice du même empereur, il avoit chez lui une
Réfurredhon que/^cr^ejenavoitdeftinée pour être
jointe a fon épitaphe , qui fut réellement pbcée
dans la même égliic de Saint-Gorick a Bruxeües;
mais ce tableau ayant été furtivement enlevé , fon
filsdécouvtït Ie vol, 5c repritTouvrage. Vertncyen
peignit encore une fète. marine , oü 1'on voyoit
plufieurs figures nues bien deflïnées. Il fut ami
imime de Jean Schooréel. Sa taille étoit fort gran-
clej Sc fa barbe fi longue, qu'elle traïnoit a terre,
quoiqu'il fe tint debout; Charles /^s'efl: fouvent
diverti a marcher defllis. Il eut auffi Ie nom de
Jean i la Barbe. Il mourut a Bruxelles en 15 5 9 >
agé de 5 9 ans. Il eft enterré dans 1'églife oü avoit
été fon épitaphe.
-ocr page 104-
38                   La Vie des Peintres.
PIERRE KOECK,
ÉLÈVE DE 13ERNARD VAN ORLEY.
JLj e s legons & la grande maniere de Parent de
' ' Btuxelles, ou van Orley, onc beaucoup aidé a
développer Sc a former Ie grand genie de Pierre
Koeck.
La ville d'Ae'ft fe vante de 1'avoir vu
naitte. En quitrant van Orley (on maïtre , fc
Bruxelie<;,il hit feperfc&ionner pendant 'cjnelques
années en Jtalie , ou il puifi dans 1'antique les
talens que Ion remarque dans fes ouvrages. A
ion recour, on chercha a Ie fixer dans fa ville
natale, & en Ie nomina peintre & architeóte,
avec penhon : il s'y truria, & nV reftaquepeu de
temp;. Devenu vcu£, il retournaa Bruxelles j oü
il Fut eng.igé i peiudre des modèles pour une
compagnie de marchands} qiu étabhrenc a Conf-
tantinople une manufai9:ur.e de tapifferies: Koeck
fut choifi ppur en diriger & conduire lesouvriers;
Ce projer échoua, & les beaux patrons du peintre
«e touchèrentpoint Ie Grand-Seigneur Après une
année d'abfence, ils revinrent fans aucim fuccès,
épuifés dedépenfes& de fatigues. Ce peintre avoit
appris la langue turque } Sc avoit deffiné la ville
de Conframinople êc fes environs : il fit encore
fept morceaux des mo2urs de ces peuples; la Mar-
che du Grand-Seigneur avec fes Jannitraires, fa
Suite a la promenade; une Noce turque , avec
les ornemins & les danfes du pays; la Facon d'en-
terrer leurs mom hors la ville \ leurs Fcces de la
-ocr page 105-
Flamunds, Allemands & Jiollandois. 89
nouvelle lunej Ieurs difïérens ufages «lans Ieurs--------
rep.is: ieurs voyages, Sc la fagon dont ils fe com- * 500"
portent a la guerre : toutes ces flgures font ha-
billées felon Ieurs modes; les phyfionomies de ces
femmes font choines Sc agréables \ les fonds de
ces tableaiix foutiennent Sc donnent une grande
idee de i'auteur. Toutes ces conipo/Itions ont été
gravées en bois en fepr p!anches:il s'eft repréfenté
dans la dernière,hatnlié en turc, Sc tenant unarc
a la main.
De retour dans les Pays-Bas, il époufa en fecon-
cles nores Marie Verhüljl ou Bejjemmers: II eut
d'ellc une rille , qui depuis fut mariée a Pierre
Breughel {on élève. En 15,49 il mit au jour plu-
liturs volumes d'architefture, de geometrie Sc
de ptrfpedlive. Il traduifit de lTtahen enFlamand
les oeuvres de Sébajlien Serlio. Ce qu'il y a de /in-
guher, c'eft qu'il a traduit fidellement,& qu'il efl:
Beaucoiip plus dair que fon original. Il donna
auffi , avec bien de la prérifion , la traduction de
Vitruvc , Sc 011 vit tout d'un coup l'architeécure
prendre Ie bon gout.
Il fit une quanticé de tableaiix d'autels Sc de
cabinets, amfi que iiombre de portrairs. II mou-
ftu X Anvers , peintre de 1'empereur Charles V,
en 1553. Sa femme donna, après fa mort, lafuite
de fes ouvrages fur l'architeclure.
Il eut nn flls naturel, nommé Paul van Aeljl,
^ui copioit fort bien les ouvrages de Jean de
Mabufc, Sc
qui peignoir d'une extreme propreté
^es bouquets de fleurs dans des vafes de verre.
Il mourtrr au/H a. Anvers , Sc fa veuve s'eft rema-
«»ée a Gilles de Coninxloo.
-ocr page 106-
$c»                 La. Vie des Peintres
HANS ( J E A N )
HOOGHENBERG.
--------±1 ooghenberg, Allemand de nation , na-
1500. qUlc vers 1'année 15 00. Il exer^a fon talent a Ma-
lines , oü il eft mort en 1544. Il peignoit bien
1'hiftoire : pluileurs églifes confervent de fes
ouvrages. Il compofoit facilement. I .'entree de
1'empereur dans Boulogne eft de ce peintre : elle
eft alTez connue des amateurs.
F R A N g O I S
CRABETH.
F rancois Crabeth peïgnoit en détrempe avec
autaat,de force que s'il ent peint a 1'huile. H
rit j pour les Récolets de Malines, Ie tsbleau
du grand autel : Ie milieu repréfentoit notre Sei-
gneur attaché fur la croix j fur les volets, on voyoit
des fiijets delaPafllon.Tous fes öuvrages, exceptf
s les têtes , qu'il faifoit dans Ie gout de Quinto
McJJis
j font dans la maniere de Lucas de Ldtf
11 mourut fort riche a. Malines en a 548.
-ocr page 107-
Flamanis, Allemanis & Hollandols. 91
J E A N
BAMESBIER,
ÉLÈVE DE LAMBEB.T LOMBARD.
Jjamesbiu, Allemand de nation j 3c élève'
de Lambcrt Lombard j étoit bon peintre. Il a fait *
plufieurs beaux ouvrages ; maïs il devmt mé-
diocre pouc s'être trop livré a la débauche. Il
mouriua Amfterdam, ayant vécu pres de 100 ans.
CHARLES
VD'Y P R E S.
IL ccoit né dans la ville dont il porte Ie nom j
Ie temps de fa naiflance eft ignoré : ©n ne fait
pas non plus de qwi il étVit élève. Il fit beaucoup
d'ouvrages dans Ypres Sc aux environs. Api'ès
fon retour d'Italie ,il peignoit a frefque & aThuile."
Sa maniere approchoic de celle du T'mtoret, fur-
tout dans une Réfurreétien qu'ontrouveaTour-
"ay , & dans un Jugement dernier , fait pour
1'égüfe d^Ooghlede, entre Bruges & Ypres \ Fan
Mander
en a vu Ie deffin entre les maïns de fa
veuve •, il étoit a la plnme & lavé a 1'encre de la
Chine: il en loue fort la compofition Sc la cot-
refldon.j il egde 1'autear aiix meilleurs peiatres
-ocr page 108-
91                 La Vu des Peintres.
-Flamands de fon temps. Il fit grand nombre de
IS°°* deffins pour les peintres fur verre: On voit en-
core de fes ouvrages aux envirom d'Ypres. Mal-
gré fon embonpoint il étoit d'une foible fanté: il
époufa une fort belle femme , dont il n'eut poinc.
d'enfans, ce qui lui attira quelquefois des plai-
fanteries de la part de {es amis j maïs , foit qu'il
eüt 1'efprit foible, foit qu'il fut jaloux, il fe donna
un jour, éttnt avec eux , un coup de couteau ,
dont il mourut quelque temps après, en 1563 ou
64. D'aiitres difent qu'il avoit époufé unc femme
en Italië , & qu'ayant abandonné cette femme,
il regardoit comme une pumtion divine Ie cha-
grin de n'avoir point eu d'enfans avec la dernière;
ce qui caufa fon défefpoir ou fa folie.
J E A N
VAN ELBURCHT,
Surnommé PETITJEAN.
Je*n van Elburcht naquit a Elhourg , pres de
Campen j
envirom Pan 1500. On ne connoït pas
fes maitres. Il s'établit a. Anvers, & fut admis
dans Ie corps des peintres en 1535. On voit en-
core de lui , dans Péglife ds Notre-Dame de
cette ville , Ie tableau d'autel de la chapelle des
marchands de poiflan ; il repréfente la Pêche
miraculeufe. On voit trois autres petits tableaux
derriére les chandeliers, dans lefquels il a peint
des fujets tirés de 1'Evangile. Ce peintre enten*
-ocr page 109-
Tlam&nds } Alkmands & Hollandöis. f$
<3oit bien la figure, Ie payfage, & repréfentoit---------
bien une mer orageufe.                                        1500.
MATHIEU ET JÉROME
K O C K.
(_jf.ï deux frères étoient de la ville d'Anvers.
Mathieu fut un excellent payfagifte , & un de
ceux qui réformèrent Ie gout en introduifant
celui d'Italie ; il favoit imiter la nature & la
vnner agréablement : il peignit également en
détrempe & a 1'huile. Jéróme quitta la pein-
ture pour faire Ie commerce , & devint fort
riche. Il gravoit bien a Feau-forte. O;i recherche
encore 11 payfages gravés d'après fon frère. Il
compofojt liu-même Ie payfage , qu'il gravoit
après. Il étoit aflTez bon peintre , & mourut long-
temps après fon frère, en 1570.
G R É G O I R E
B E E R I N G S.
IL naquit a Malines envïron Fan 15 00. Il voya-
gea fort jeune, & fut a Rome pour fe forti-
fier dans fon art : il y eut de la réputation. On
ne connoït de lui que des oiivrages en détrempe,
qui fe fentent «Ie la grande école oü il avoir
-ocr page 110-
94                    La. V'ic des Peineres
réformé fa première maniere. Bcerings airhoit I«
15CO" plaifir , & fouvent a négligé fa rortune. Etant un
jour fans argent, & fe voyant prefle par quelques
créanciers, il peignit fur une grande toile Ie Dé-
luge : on n'y voyoit que Ie ciel, 1'eau & 1'arche.
Il répondoit a ceux qui luidemandoient pouiquoi
il n'avoit pas traite ce fujet comme les autres
peintres, qu'il aveit peint Ie Déluge dans Ie
temps que tout étoit fubmergé , & qu'on verroit
a(Tez de cadavres quand 1'eau feroit rentree dans
fon lit. Cette plaifanteiie lui valut beaHCoup : il
fut chargé par plufieurs perfonnes de faire des
copies de ce Deluge.
LANSLOOT
BLONDÉEL;
Jjlondéel naquit a Bruges. Il étoit macon dans
fa jeune(Te. On recoanoit fes ouvrages a une
truelle qu'il y mettoit pour marque.
Il avoit un vrai talent pour peindre des mines
Sc d'autres fujets d'architedture : il aimoit aulli
a repréfenter des incendies. Pierre Porbus époufa
fafille.
-ocr page 111-
Flamands , Allemands & Hollandois. 95
H A N S (J E A N)
SINGHER,
Suknommé L'ALLEMAND.
0 E pe'mtre naquit dans le pays de Heffe. Il----------
peignoit très-bien en détrempe le payfage 5 fes I5IOt
arbies étoient variés 5 on en diftingnoit T'efpèce
par leurs formes. Il fit la plupart des patrons
pour les tapiflenes de ce temps-la. Tl s'établit a
Anvers, & fut admis dans le corps des peintres
6111545.
PIERRE PORBUS.
Xierre Porbus , peinrre & géographe, né a
Gouda en Hollande , a fait plufieurs beaux
tableaux. Il s'établit a Bruges en Flandres , &
époufa la fille de Lanjloot. Il a peint quelques
tableaux d'autel dans cette ville. Le plus beau
3u'il ait fait eft dans la grande églife de Gouda :
repréfente Saint-Hubert, & quelques autres
fujets. Le dehors eft en camayeu : les volets onc
cté depuis portés i Delft. j\près avoir leve le
plan des environs de Bruges , il peignit ce plan
en détrempe fur une grande toile. Le dernier
ouvrage de ce peintre, dont pade v«n Mander,
-ocr page 112-
9&                     laVie desPeintres
-—-eft Ie portraït du duc d'Jlencon , qu'il fit * Air-
i '
vers; il pooit dans ce genre pour Ie plus beau du
temps. Ce peintre mourut environ en 158 ?.
ff^^-——r—i-m m—^^m—■
HANS ou JEAN
VEREYCKE.
Je A n Fercycke, furnommé Pet'u ~ Jean, naquic
a Bruges : il peignoir bien Ie payfagc. 11 etoic
agréable dans Ie choix «5c l'ordonnance des fitua-
tions, & naturel dans la maniere de les repréfen-
ter. Ses tabieaux étoient ordinairement des fujets
tirés de la vie de la Sainte Vierge. Il eut de la ré-
putation pour Ie Portrait. Carle van Mander nous
vante beauroup un tableau de familie qa'il a peint:
on Ie conferve dans Ie chateau Bleu , pres de
Bruges.
LI E VIN DE WITTE.
L étoit de la ville de Gand. Dewkte excelloït
a
v
peindre lurchite&ure & les peifpedives. Il
eignoit aullï l'Uiftoire , Sc on parie avec éloo-e
de fon tableau repréfeucant la Femme adultèfe.
Ses ouvrages font rares Ze peu connus; 011 voit
dans 1'égli'fe de S.iint-Jean pluiïeurs vitrts pein-
tes d'après fes deffins.
JACQUES
-ocr page 113-
Flamands 3 Alltmands & Hollandois. 97
n—,i, i,r ■ -i 1              1             mi                                                                                                                                      M 1                     - B 1             ,,aT
JACQÜES
G R I M M ER,"
ÉLÈVE DE KOCK ET QUEBURGH.
I
L commencja fous Mathieu Koek, Sc depuis_
chez Chrejlien Queburgh, Le payfage a été fon
talent. Il a parfaitement réuffi a imitet la nature: lS °'
fes
lointaiiT- & fes cie'<: font d'un ton de couleur
& d'une legerere admirables. Outre la touche des
arbres , il entendoit très-bien les fabriques. Sa
maniere étoit fort prompte. Il copiatous les envi»
rons d'Anvers , Sc y fut regu a 1'académie
en 154(3. Il étoit bon poëte & grand comé«
dien. Il eft mort dans cette ville j on ignore ea
quelle année.
AD R I E N
DE WEERDT,
ÊLEVE DE CHREST1EN QUEBURGH.
I /e Weerdt deBruxelles con^men^a a étudiet
la peinture a Anvers , chez Chrejlien Que
burgh ,
fort bon payfagifte , père de Daniel,
peintre de Son Excellence a la Haye. De retour
Tome I.
                                        G
-ocr page 114-
8                  La Vu des Peintres
■ i Bruxelles , il s'appliqua a 1'étude de fon talent.
Enfermé dans fa petite chambre, nullement dif-
trait par les amufemens de fon age, mais occupé
a réfléchir fur les mamères dirfërentes de chaque
maicre, il en devint un lui-même. Son payfage
étoit d'abord dans Ie gout de Francois Mqflaert,
avant qu'il fut en Italië j oü il étudia particulière-
ment la maniere du Parrnefan. Il 1'a non-feule-
ment imitée , mais très-bien fuivie. De retour a
Bruxelles en 1566, pour éviter les troubles de la
guerre , il fe retira avec ü mère a Cologne. 11
donna dans cette villeplufieurs de fes ouvrages au
public, gravés par un des plus habiles artiftes. Le
Lazare, Booz& Ruth avec des petits fonds agréa-
bles ; la Vie de la Sainte Vierge, mie Naillance
de notre Seigneur, desEmblêmes de Coornhcrt,
Jes quatre Chafles fpirituelles : tous ces fujets
font dans le gout du Parmcfan , au point de s'y
tromper. De Weerdt mourut a Cologne fort jeune.
ANTOINE MORO ,
ÉLÈVE DE JEAN SCHOOREEL.
V 01 ei un de ces peintres fameux , dont les
honneurs ont égalé les riche(Tes. Il naquit a
Utrecht, & fut élève de JeanSchooreel. Son appli-
cation, fous un maitre aufli habile, ne tarda point
a développer les talens que la nature luiavoit don-
nés: il en devint un excellent imitateur. Le car-
dinal Granvelks
le fit entrer au fervice de 1'em-
peteuj: Charles V, qui l'envoya en Portugal pojir
-ocr page 115-
Flamands , Alkmands & Hollandois. 99
faire les portraits du roi Jean , de la reine , foeur---------
de l'empereur, & de la princefle leur fille, depuis 1 rib.
reine d'Efpagne : ces trois portraits lui furenc
payés 600 ducuts. Onjoignit derichespréfensa fes
penfions, & les Portugais lui donnèrent _, en leur
nom, une chaïne d'or de la valevir de 1000 rlorms.
Il fit les portraits d'un grand nombre de feigneurs
a. 100 ducats chacun; il recut auffi quelques
bijoux d'or des principaux de la cour. L'empereur
1'employa a pluiieurs autres ouvrages, & 1'envoya
en Angleterre , oü il fit Ie portrait de la reine
Marie, depms ieconde femme ie Philippe, roi
d'Efpagne. II eut encore pour récompenfe une
chaïne d'or, & 100 hv. flerlings de pennon. Cette
prmceffe étoit fort belle } il fit pluiieurs copies de
ce portrait, qu'il vendit fort cher aux Anglois.
Il en donna une a fon protedleur, Ie cardinal
Granvelles, & a 1'Empereur, qui lui fit donner 200
florins , Sc felon d'autres 1000. La paix étanc
faite entre 1'Efpagne & la France, Moro retourna
en Efpagne , ou il re^ut chaque jour de nou-
veües marques de la bonté du roi Sc de toute
la cour. Ce prince poufïa fi loin la familiarité
avec ce peintre , qu'elle penfa lui être funefte,
êc fut caufe de fa feparation. Il frappa un jour
Moro fut 1'épaule en badinant: Moro indifcret-
tement en fit autant avec fon appui-main ('i)fur
1'épaule du roi. Les inquifaeurs méditoient de
Je faire arrêter, lorfqu'un feigneur inftruifit Moro
du danger prochain qui Ie menacoit. Le peintre
ayant prétexté quelques affaires de conféquence ,
(1) Appui-main, baton 011 baguefte qui sert è ap*
puyer la main du peinlre en travaillant.
G x
-ocr page 116-
roo La Vit des Ptintres Flamands, &c.
obtint un congé avec promefle de revenir. Il s'en
alla auxPays-BaSj oü peu de temps après le roi
d'Efpagne lui écrivit pour le faire fouvenir de fa
promeHe j mais Moro, échappé du pénl, fit naï-
tre des obftades a fon retour , a proportion des
inftances qu'on lui faifoit pour le hater. Le duc
d'Albe*
d'un autra cóté , arrêta les lettres , dans
la crainte da le perdre. Il 1'avoit piis a fon fetvice,
& lui fit peindre a Bruxelles toutes fes maïtreiTes.
Le toi d'Efpagne gratifia tous les enfans du
peintre j il donna des charges honorables aux
uns , & aux autres des canonicats. Le duc d'Albc
lui demanda un jour fi fes enfans étoient pourvus\
il répondit qu'ils 1'étoient, excepté fon gendre,
qui avoit beaucoup d'efprit, & qui étoit capable
« exercer un cmploi. Le duc lui donna fur-le-
champ la recette générale d'Oueft - Flandres ,
une des plus belles & des plus lucratives de
la province.
Moro a non-feulement fait le portrait 011 il
«xcelloit j mais plufieurs tableaux d'hiftoire. On
connoit de lui une RéfinreiStion , un S. Pierre
& S. Paul, II fit pour le roi d'Efpagne des
copies de quelques femmes diftinguées , d'après le
Talen, & il balan^a les beautés des originaux.
Son coloris étoit admirable: il avoit puifé la cor-
re<ftion du deflin en Italië , oü il avoit voyagé
dans fa jeunefle. Son dernier ouvrage eft refté-
imparfait; c'étoit une Circoncifion pour la cathé-
drale d'Anvers.
On voit de lui a Paris j dans la colleclion du
duc d'Orléans , deux beaux portraits, celui de
Grotius j Sc 1'autre d'un Homme qui a la maia
sppuyée fur un dogue.
-ocr page 117-
PIERRE
BREUGHEL,
ÉLEVE DE PIERRE KOECK.
Jl ierre BreugheIj fils d'un payfan, eftnéa.--------
Breughel, village aux environs de Breda. Il 15 io.
conferva Ie nom de fon village , ainii que fes
defcendans. Il fut place chez Pierre Koeck d'Aelil:
de fon élève il devint dans la fuite fon gendre.
.Après avoir appris la peintwra chez ce maïtre , il
fut travailler chez Jcrómc Koek, & de - la il
G }
-ocr page 118-
ioi              La Vie des Peintres
voyagea en Fr.mce & en Italië. Il defllna les
j „0> plus belles vues des pays ou il pa(Ta, & particuliè-
rement celles des Alpes. A la fin , il travailloit
dans Ie genre de rome Bofch. Comme il étoit
auffi comique que fon maïtre dans fes compo-
fïtions , il fat furnommé Pierre Ie Dróle.
De retour d'Jtaüe , il choilit Anvers pour fa
deraeure, & fut regu dans 1'académie de cette
ville en 1551. Ses rableanx plurent beaucoup ,
ie il travailla long-temps pouf Ie fleur Jean Franc-
kaert,
négociant, qui ne pouvoit fe féparer du
peintre. lis fe déguisèrent fouvent enfemble pour
fuivre ies nóces ou fètes de village. Breughel, en
fe divertitTaht de leürs danfes & de leurs aucres
uf;iges , ne perdoit rien de leurs aifhons. ( 'eft
ainii que Moliète copioit de tous cótés les origi-
naux de fes pièces. Breughel faifoit cles études
dans ces fètes , qu'il peignoit aclmirablement a
1'huile & en détrempe. Né pour ces fortes de
fujets, il auroit remporté Ie prixdefon art fans
Teniers. Ses compofitions font bien entendues j
fon dêiliii correót , les habillemens de choix ,
les tèces, les mains font touchées fpirituellömeiit;
il avoit obfervé généralement les aóhons , les
danfes & les mauières des villageois.-
Ses principaux ouvtages , du tèmps de van
Mander ,
étoient dans Ie cabinet de 1'empereur.
On y voyoit un grand tableau repréfencanc la
Tout de Babylone , il étoit dun travail imtnenfej
& Ie même fujet en plus petst; notra Seigneur
qui porte fe croix j un Malïacre cles innocens,
oü fa maniere eft prefque changée , ma:s les ex-
preffions font d'une grande vén té j_ uneConver-
fion de faint Paul, oü 1'on découvre, du haut des
-ocr page 119-
Tlamanis 3 Allemands & Hollandols. 103
montagnes, une grande étendue de pays, des
villes , des bourgades , dont quelques-unes font
prefque cachées par des nuages rranfparens : c'eft *
dans ce tableau qu'on remarque qu'il s'eft uti-
lement fervi des études qu'il avoit fakes dans
les Alpes.
A Amfterdam , chez Ie fieur Willem Jacobs,
on voit une Kermeffi 011 Fête de village , une
Nóce de campagne repréfentant Ie moment ou
Ion fait les préfens a la nouvelle mariée : on y re-
marque un vieillard des plus confidérables de la
bande , avec une petite böurfe pendant au cou ,
comptant 1'argent qu'il deftmeadonner. Quoique
ce tableau ne foit qu'en détrempe , il cft plein
de mérite; on voit que Teniers 1'a pris pour
modèle dans
fes précieux tabkaux.
Dans la même ville , chez Ie lieur Hermann
Pïlgrims ,
eft une Nóce de village : rien n'eft
plus ingénieux, ni plusplaifant. Les tons de chairs
font bien vanés , & chauds de couleur. Cc
tableau eft peint a 1'huile.
Il a peint aufli la Difpute entre Ie carême Sc
Ie carnaval. Le burlefque de cette compofition
caracT:érife fon auteur.
Il vivoit depuis long-temps a Anvers avec une
gouvernante qu'il auroit époufée, ü elle avoit pu
fe contraindre pendant quelque teraps a ne point
mentir.
Cette habimde déplut au peintre: il jeta
les yeux fur la fille de Pierre Koeck ; il en fit la
propofitton a la veuve de fon maitre , qui ku
donna fa fille , a condition qu'il quitteroit
Anvers pour Bruxelles,oü eliesdemeuroient. C'eft
dans cette ville qu'il a compofé une partie des
ouvrages mentionnés ci-JciTus, ainfi que beau-
G 4
-ocr page 120-
104                La Vu des Ptintres
----------coup d'autres. Breughel a fait auffi beaucoup d'em-
1510. blêraes fingulièrement compofés s qu'il a donnés
au public j fans ceux qu'il croyoit trop libres j &
qu'il ordonna de brüler avant fa mort. Il lailTa
deux fils , Pierre & Jean Breughel , qui auront
leur place parmi les autres artiftes.
J O S E P H
VAN C L É E F.
*J oseph, furnommé Cléef Ie Fou , naquit dans
la ville d'Anvers : on ignore Ie temps de fa
naiffance. Les regiftres de 1'académie de pein-
ture de cette ville rapportent , qu'en 1 511 elle
avoit admis un nommé Jofeph de Cléef, qui avoit
fait beaucoup de tableaux de la Vierge , avec des
Anges afTez eftimés j mais en 151 8 , la même
académie recut dans fon corps Willem de Cléef,
peintre & père de celui dont nous parlons. Van
Mander
foutient que ce Jofeph de Cléef, recju en
15 11, n'étoit point de la même familie.
Jofeph., furnommé Ie Fou-, avoit une fort belle
maniere de peihdre : il eft regarde comme Ie
meilleur colorifte du temps , Sc fouvent fes 011-
vrages furent égalés a ceux des plus fameux pein-
tres d'Italie. Le tableau place fur 1'autel des
chirurgiens , dans 1'églife de Noire-Dame d'An-
vers , repréfentant S. Cóme& S. Dnmien, eft de
lui j il eft plus dans Ie gout de 1'école de Rome
cjne de celle de Flandres. On voyoic de lui 3. Mid-
-ocr page 121-
Flamands i Allemands & Hollandois. 105
delbourg, chez Ie fieur Wyntgis, une fort belle "" -
Vierge j Ie fond eft un payfage fort beau de Pat- 15ÏOt
taücr. On trouve a Amfterdam, chez Ie fieur Sion
Lus
, un gros Bacchus a chevelure grife : Ie pein-
tre a voulu faire entendre , par ce gtifon , que
1'excès du vin avan$oit la vieillefTe. Ce tableau
eft tres - bien peint & colorié. Il y a d'autres
ouvrages de ce peintre difperfés dans les cabinets.
Le principedefafolie nelui venoitque d'amour?
propre. 11 avoit une ft grande opinion de lui-
même , qu'en Efpagne , ayant été préfenté au roi
par fon peinrre Antoïnc Moro, il fouffroit de voir
qu'on préféroit , quoiqu'avec juftice, quelques
tableaux du Tuien a fes ouvrages ; il devint
furieux, Sc dit tant d'injures i Moro,qua. la fin ce
peintre l'abandonna. Sa folie augmenta toujours ,
Sc on le vit courir par les rues avec un habit ver-
nis de térébenthine , fort luifant. Il fit encore
d'autres extravagances ; maïs les plus facheufes
furent qu'a mefure qu'il put retrouver de fes
tableaux , il les retrancha & les gata. Il peignoit
fes panneaux des deux cótés , afin qu'en retour-
nant les tableaux on ne vit rien de défagréable.
Sa familie le fit enfenner. L'époque de fa mort
eft ignorée. Il eut un nis qui Fa égalé , mais non
pas en folie. Il y avoit, felon van Mander., un
autre Jofeph de Cléef Sc un Cornille, tous deux
bons peintres.
-ocr page 122-
La Vit des Vdntrts
HENRI et MARTIN
DE CLËEF.
Vv e s deux frères font nés a Anvers. Henri
étoic excellent payfagifte j il voyagea long-
temps en Italië. I.es études qu'il fit dans tous les
endroits oü il pafTa , lui ont fervi dans la compo-
fition de fes tableaux. Il nous relïe de lui des
ruines antiques , qui ont été gravées. Il eut d'un
nommé Melchior Lorch, qui avoit long-temps
demeuré a Conftantinople , un gr.uid nombre de
deilins; ce qui lui épargna la peine de voyager.
>Ce peintre a foavent travaillé les fonds des
tableaux de Franc-Flore avec tant d'incelligence ,
qu'il écoit impoffible de foupgonner ces tableaux
d'étre de deux mams différentes. Il peignoit tres-
bien Ie payfage. Une touche légere , joiute a une
belle harmonie de couleur , faifoit Ie mérite de
fes tableaux. Il fut rec^i a 1'académie de pain-
ture d'Anvers en 1533.
Son frère Martin, élève de Franc-Flore, com-
pofoit d'abcrd en grand, mais fon génie Ie porta
a peindre en peut : il a bien entendu ce genre.
Son frère a faic les fonds de quelques-uns de fes
ouvrages. Plufieurs excellens payfigiftes 1'cm-
ployèrent a peindre les figures de leurs tableaux 3
entr'autres Ie Coniaxloo. Martinne forntjamais
de fa patne \ contmuellement tourmentc de la
goutte , il mourut a 1'age de cinquante ans.
-ocr page 123-
F lamanis i Jüemands & Uoltandois. 107
1Tilkm(' Guillaume ) de Ctéefleut frère , pei-______
gnoit fort bien en grand : il mourut jeune.
Martin ent quatre hls , tous bons peintres :
Gilles j Martin _, Georges Sc Nicoias. Gilles ie
Georges mourureut jeunes. Le premier peignoit
bien en pet:t, & fes tableaux , comme ceux de
fon père , {out très-eftimés. Il étoit fort dérangé,
& aimoit trop les femmes p- nr vivre long-ttmps.
Martin fat long-temps en Efpagne , & de-la aux
Indes. Nicolas vivoit encore a Anvers du temps
de van Mander, en 1604.
C O R N IL L E
VAN GOUDA;
ÉLÈVE D'HEMSKERCK.
e naquit a Gouda. Martin d'IIems-
kcrck
fut fon makre; il étoit uu des meilleurs'
élèves cle cette école. Déja connu dans le monde
par fon talent, le vin devint fa paffion dominante;
il dégcnéra. Il fit regretter fes bonnes quahtés,
ik il furvécut a fon mérite.
-ocr page 124-
io8               La Vit des Peintres
PIERRE AERTSEN ,
surnommé PIERRE-LE-LONG,
ÉLÈVE D'ALAERT CLAESSEN.
---------\_J E la viile d'Amfterdam y il naquit en i $ 19.
IJ19. Il étoit fils d'un fabricant de bas, qui n'avoit
d'autre ambition que de voir fon fils en état
de Ie remplacer un jour ; mais la peinture fixa
l'inclinarion du jeune Aertfen. Il fut place chez
Alacn Claejjsn , peintre de réputation , & de qui
on voit encore des portraits dans les buttes de la
même ville. Il fe fit, dès fa plus tendre jeunefTe,
une maniere hardie &: fiere, qui n'appartenoit qu'a
lui: c'eft a cette maniere qu'il doit en partie fa
célébrité. Une difpofition heureufe , fous les yeux
d'un bon maitre , en fit un peintre dès 1'age de
17 ou 18 ans. Il entendit parler<iu riche cabinet
de la maifon de Bojfu en Hainaut. Muni d'une
lettre de recornmandation de YEcoutet d'Amfter-
dam , il fut admirer & étudier les ouvrages des
grands maïtres qui formoient cette colleótion.
De-Ia il vint a Anvers, oü il demeura avec Jean
Maniïn
, peintre. L'académie de cette ville 1'ad-
mit peu de temps après fon mariage. Il s'étudia
particnlièrement a peindre des cuifines & leurs
uftenfiles , avec une vérité a trompcr : perfonne
n'a mieux colorié que lui. Il eft même étonnant
qu'après avoir choifi cc genre, oü il a excellé, il
ait pcint 1'hiftoire au point de fe faire admirer.
-ocr page 125-
Flamands j Allemands & Hollandois. 109
Le fleur Ra.uwa.ert a Amfterdam avoic beau-
coup de fes tableaux ; emr'autres , un fort beau
qui repréfentoit une Cuifine , le tout d'un tra-
vail immenfe. Il y avoit peint fonfecond Hls Pierre
Aertfen.
Le dedans du tableau que la ville d'Amfter-
datn lui fit faire pour 1'églife de Notre-Dame,
repréfentoit la Mort de la fainte Vierge. Ce fujet
rempliilbit jufqu'aux volets \ on voyoit fur le
dehors 1'Adoration des Mages. On n'y retrouvoit
pas le peintre de cuifine j les figures en font
bien drapées, le nud favant, & la couleur chaudc
8c
vraie. Sandrart dit que ce tableau ne lui fut
payé que iooo couronnes.
On jetta les yeux fur lui pour le tableau du
grand autel de 1'églife neuve de la même ville;
maïs, avant de lui en faire la propofition , on
fit venir Mithd Coxcie de Malines, qui refufa de
travailler en voyant les tableaux d''Aertfen • 6c
furpris du prix modique que ce peintre en avoit
recu, il dkque quandon avoit un peintre de cette
efpèce, il n'étoit pas befoin d'en faire venir d'ail-
leurs. Ce tableau avoit ejuatre volets j les fuiets
en-dedans repréfentoient 1'Aniionciation, la Naif-
fance de notve Seigneur, 1'Adoration des Rois,
Sc la Circoncificn j & en-dehors , le Martyre de
fainre Catherine. Ce morceau avoi: une force
extraordinaire; iln'en relte que les cartons, de la
grandein des tableaux qui ont été détrtuts dans
les troubles de la guerre. Il avoit peint a Delft
un Chrift & la Naifence de notre Seigneur j fur
les dedans des volets & fur les dehors , om voyoit
les quatre Evangéliftes. On admiroit dans la
nouvelle églife de la même ville, rAdoration
.
-ocr page 126-
11 b La Vie des Peintres Flamands 3 &c.
"des Mages & un Ecee Homo* Tous ces tableaux
ont eu Ie même fort que ceux de Louvain & de
Dieft \ il n'en eft échappé que les cartons , au
nombre'de 2.5.
Amfterdam a confervé plulieurs de fes ouvra-
ges. On trouve une fainte Marthe chez Ie iïeur
Kalraeven \ des figures en grand a la cour de
Hollande \ chez maïtre Nicolae's , Ie Chateau
d'Emmaiis , & quelques morceaux de la V ie de
Jofeph chez Jean Pieters Reaél. A Harlem } chez
CornïUe Corneli^, peintre _, une faince Marthe 8c
une efpèce de Kermejje, ou Fête de village en
petic ; mais il n'avoit pas Ie même mérite en ce
genre : fon génie étoit plus propre aux grandes
machines , ou la vigueur de fon génie étoit fou-
tcnue par celle de la couleur. Il entendoit bien
les fonds , 1'architecture & la perfpeéhve ; il
enrichilFoit fes compofiiions par des animaux ou
autres chofes qui pouvoient y avoir rapport. Il
étoit extraordinaire dans les drapenes & les ajuf-
temens de fes figures, qui reflembloient quel-
quefois a des mafques. Cette fingularité paroifloit
lui être propre.
Ce peintre vit de fon temps détruire une par-
tie de fes ouvrages. Jaloux de lailTer a la pofté-
rité de fes productions , il conyit beaucoup de
chagrm de cette injuftice ^ il en murmura fouvent
jufqu'a rindifcrétion. 11 meurut a Amfterdam Ie
2 juin 1573 , agé de 5 b ans.
-ocr page 127-
F R A N Q O I S
DE VRIENDT;
ou FRANC-FLORE,
ÉLEVE DE LAMBERT LOMBARD.
jl rancois de Vriendt, de fon temps appelé
Ie Rapkaël des Flamands _, naquit a Anvers en
1510, d'une familie d'artiftes. Son père Cor-
nille
étoit tailleur de pierres & fon oncle Claude
Flore,
excellent fculpteur. Franc avoit trois frères.
Cornille, 1'und'eux, étoit habile fculpteur 5c archi-
-ocr page 128-
11 x                La Vit des Peintres
■» — ■ -teéte. Les plusbeauxédifices d'Anvers font de lui,
i jzo. tels que la maifon-de-ville, YOoJler-huys ou maifon
d'Autriche, &c. Celui-ci mourut en i j 7 5. Jacquet
étoit bon peintre fur verre j & Jean s'eft fait une
réputation dans la fayence, qu'il peignoit bien. Il
mourut fort jeune en Efpagne, au iervice du roi
Ph'dippe, qui l'avoit attiré par une forte penfion.
Franc-Flore fut fculpteur fous fon oncle juf-
qu'a 1'age de 20 ans, qu'il fut demeurer a Liége.
Êntraïné par un penchant naturel, il abandonna
Ie cifeau pour la palette , 8c devint élève de Lam-
eert Lombard,
qu'il a toute fa vie imité , au point
que bien fouvent on a de la peinea les diftinguer.
Arrivé a ce degré de talent, il yoyagea en Ita-
lië j oü il étudia 1'antique , & particulièrement
tl'après les ouvrages de Michel Ange , qu'il def-
flna a la fanguine avec une touche libre 8c fiere.
Ses contours font favans , 8c fes deflms > quoi-
que hachcs , font bien moëlleux. Il revint a An-
vers , après avoir fait une annple nioiflon d'étu-
des , & il étonna les artiftes de fon temps par
un deffin plus corredt 8c un autre gout de compo-
fer. Ses ouvrages Ie firent rechercher des grands.
Le prince d'Orange , les comtes d'Hoorn &
d'Egmont ne ceflbient de le voir & d'eftimer en
lui le peintre & 1'homme d'efprit. Tant»d'avan-
tages ne purent le détourner de la paffion qu'il
avoit pour le vin : la crapule lui attira dans la
fuite le mépris des honnêtes gens. Son ami Coorn-
hert
lui écrivit une lettre en vers , ou il dit
« qu''Alben Durer lui avoit apparu en fonge fous
>j la forme d'un vieillard refpeótable, qui lui avoït
» beaucoup loué les talens de Floris , mais en
.» même temps blamé les exces honteux de fa vie.
-ocr page 129-
Fiamaftds, Alkmands &Hoilahdois. x1
II finit en lui difant: « Si ce fonge n'eft pas réel,.
» du moins je fouhaite que 1'avis vous i&it falu-
» taire. » Cet avis, ainli que les autres , furent
oubliés dans Ie vin.
Quelques-uns attribuent fon dérangernent a fa
femme, qui, a mefure qu'elle voyoic augmenrsr
les honneurs & les biensde fon mari, redoubioit
fon ambition.-EUe fuc caufe en effet d'une partie
de fa ruïne. Sa maifon , quoique fort beiie , lui
dépluc, & elle obhgea fon man rrop facile a en
baur une fut" les aeffins de fon frère. C'étoic
un palais orné de colonnes. La perce du temps
& la dépenfe exceflive 1'endeuèrent. Il y euc
regret, maïs trop tard. Il recomrnanda a fes
enfans & aies élcves de bien étudier, maïsfar-töuc
d'éviterles folies de fa vieillefle.illeur avouaqu'il
avoit eu 1000 liv. de rente , ioooo liv. placées a
la banque, & une belle maifon , ce qui faifoit.
beaucoupde bien dans ce temps-la;que tont avoic
été diflipé'par fon nouveau batimsnc, & qu'il
étoit la malheureufe vid:ime de fes créanciers. Je
paiTe fous filence fes paris extravagans. Il faifoic
gloire de boire extraordinairemënt. Maïs parkms,
de fes ouvrages.
Il fit pour la confrérie de Saint Michel den-
vers , Ie tableau d'autel de leur chapelle , dans
la cathédrale. Il repréfentoit laChüte de Lucifer.
Cette compofition eft belie & bien peinte. On
remarque 1'étude des ïnufdes dans les mouve-
mens forcés des corps utids des anges rebelles
qui font préeipités, ce qui donne une grande idee
du mérite de ce peintre. Il avoit feit dans la
rhême églife une Aflomption de la Vierge, peinté
fur coutil. Ce tableau ne cédoit en rien a 1'autre.
Tornt 1%                                          H
-ocr page 130-
ï 14               la Vit des Peintres
Les draperies en étoient bienjettées. Il fut détruie
pendant les troubles du pays. D'autres difenc
qu'il fut enlevé , 8c qu'il elt encore confervé avec
beaucoup de foin en Efpagne.
Il peignit Ie Jugement dernier pour tableau
d'autel d Bruxelles, & une Nativité pour 1'éghfe
de Notre-Dame d'Anvers. Il fit, par 1'ordre de
1'abbé Lucas , un tableau a. quatre doubles volets,
pour 1'églife de Saint Jean de Gand , dans la
chapelle de Saint Bavon. Ce tableau repréfentoit
en dedans & en dehors la Vie de S. Luc: van
Mander
en fait 1'éloge. Il fut mis en süreté
chez fon maitre Lucas de Heere, pendant les trou-
bles du pays, & fervit de modèle dans fon atte-
lier. La maniere de ce peintre, dit van Mander ,
eft inimitable. Ce tableau eft beau de pies, mais
de loin il eft incompréhenlible: on découvre &
mefure qu'on s'éloigne, de nouvelles beautés. Il
avoit 1'art de donner de la force & d'arrondirfes
ftijets. En un mot , fes ouvrages & fa maniere
femb:oient tenir de la magie. Il avoit une grande
faciüté a produire : .il en donna mie preuve k
l^ntrée de Charles V dans la ville d'Anvers.
Chargé de faire les arcs de triomphe , on lui
vit faire dans un feul jour fept figures grandes
comme nature : il n'employoit jamais que fept
henres.
Dans la même ville , lors de 1'entrée de Phi-
üppe j
roi d'Efpagne , il fit encore en un jout
un fort grand tableau fur toile: c'étoit laVictoire &
un strand nombre d'Efclaves enchainés au-defTous
d'elle, Les attributs de Bellone & ceux de Ia
Paix omoient cette compofition. Il a été gravé
& donné au public.
-ocr page 131-
Flamands 3 Alletnands & Hollandois, 11 5
II s'étoit diverci d peindre les dehors de fa mai- '
Con en bas-reliefs qui imkoieut Ie bronze.
Les tableaux qui lui ont fait Ie plus d'honnei'r
font ceux-ei, que van Mander a vas. Les neuf
Mufeschezlefieur Wyntgis, aMiddelbourg. Dans
la même ville un grand tableau fur toile repré-
fentant une Nóce marine. Les divinités de la
mer y préfident. On voit dans tous ces corps
nuds combienil avoit profitéa étudier(i'antique»
On admirou a Amfterdam j chez Ie fleur jean
van Endt
, un grand tableau ou notre Seigneur
appelie a lui des enfans 3 & leur donne fa béné-
didtion.
A Anvers chez Ie fieur Nicolas Jonghe/ingh ,
dans Ie fallond'un nouveau baument, lesTravaux
d'Hercuie en dix tableaux. Dans Ie fallon des
Arts, fept tableaux qui repréfentent les Arts.
Cornille Con les a gravés d'aprcs les deffins de
Simon-Jean Kies d'Amfterdam , élcve é'Hems-
kerck
& de Franc-Flore.
Ces derniers ouvrages étoient pour Ie grand-
prieur d'Efpagne. Chaque tableau avoit v- pieds
de haut. Le premier repréfentoit notre Seigneur en
croix, 8c 1'autre une Réfurreclion. Ces deux
tableaux furent prefqu'entièremenr finis^mais les
volets n'en étoient que foibiementébauchés. Fran-
gois Porbus 8c Crijpiaen les ont finis.
Il fut admis a Tacadémie d'Anvers en 1539,
& mourut en r 570 , agé de cinquante ans.
Il a lai/Té plufieurs enfans. Van Mander r'en
nommeque deux: Jean-Baptïfte Florls qui futafïaf-
finécrutllement parles Efpagnolsjiin atureappellé
Francois comme fon père _, qui a fort bien peinc
en petit. Le nombre des élèves de ce peintre
Hz
IJ ZO.
-ocr page 132-
i ï S La Vit des Peintres Fla.man.ds , &c.
eft confidérable. On en compte 150, parmi lef-
15ZO- quels il y en a qui trouveront leurs places dans
cecouvrage.
MARI N D E SEEU.
ON fait de ce peintre, né a Remerswalen,
qu'il vivoit du temps de Franc-Flore.
Sa maniere de peindre étoit facile & prompte.
Ou croit que la plupart de fes ouvrages font en
Zélande dans Middelbourg , chez Ie fieur Wynt-
gis.
On voyoit de lui dans fon cabinet Ie Finan-
cier , tableau richement compofé avec les attri-
buts de 1'Opulence. L'époque de la mort de ce
peintre n'eft point connue.
BENJAMIN
SAMELING.
ÉLÈVE DE FRANC-FLORE.
Sameling naquit en 1510, dans la ville
de Gand. Inftruit dans Técole de Franc-Flore,
il pafla pour un des bons élèves de ce maitre.
Il faifoit très-bien Ie porrrait. On voit dans
1'églife de Saint-Jean a Gand, plufieurs tableaux
de ce peintre, d'après les deflins de Lucas de
Meere.
-ocr page 133-
M A R T I
DE VOS,
ÉLÈVEDESONPERE.
artin de Vos naquit a Anvers , de Pierre
Vos,
afTez habile r»int-«-»» «-■>..- •"
X
_______
de Vos, afTez habile peinrre pour être recu a Ir20..
1'académie de cecte ville, en 1519. Martin
eut Ie bonheur d'étudiei' d'abord fous fon père.
Les attentions d'un père pour uu fils qui
embrafTe fa profelllon , font ordinairement plus
v^es, plus foutenues que celles d'un maitre
etranger. La véritable mère a plus de foin de fon
enfaut qu'une. nourrice. Ainfi notre jeune
-ocr page 134-
118                 La Vit des Peintres
' peintre fut heureufement commencé par fon
père. De cette éducation particuliere, il pafla,
a celle du célèbre Franc-Flore , dans l'école
duquel il trouva de jeunes élèves très-forts j,
qui excitèrent en lui cette émulation qui fut
toujours la mère des talens Sc des grands
hommes.
Le feu de 1'émulation $c de toutes les paffions
s'éteint quand elles n'ont plus rien a dehrer. Se
voyant au-defïiis de fes émules, il alla chercher
aillenrs de nouvelles difticultés a vaincre , d'au-
tres rivaux a furpafler, d'autres modèles a fuivre,
& de plus grands maïtres a imiter. Et ou pou-
voit-il mieux les trouver réunis que dans la
capitale des aits , a Rome ? Il y alla, il y étudia
leng-temps ; mats le génie des grands arnftes ne
peut demeurer tranquille , tant qu'il leur refte de
nouveaux progrès a faire.
Frappe du coloris de l'école vénitienne, il
vola a Veiiife. Il s'attacha au Tmtoret _, & il fut
bientöt digne de fon amitié & de fon euime ,
puifqu'il 1'employa a peindre le payfage de fes
tableaux. Sa facilitéaproduire plat au Tintoret.
L'Italien eut la générofité de découvrir au Fla-
mand tous les fecrets & toutes les régies de la
couleur , fans avoir la foibleffe de craindre d'en
être furpafTé. D'élève , de Vos devint maure ;
d'imitateur , original, fans cependant s'écarter de
fon modèle. Sa réputation s'étendit dans toute
1'Italie. Il a fait plufieurs portraits pour la maifon
de MedicisSc pour d'autres feigneurs. Ses tableaux
d'hiftoires , places en public , achevèrent de <j^
faire connoïtre.
Mais 1'amour de la patrie rappelle tous le
-ocr page 135-
Flamands 3 Allemands & Kollaniois. iio,
hommes. Un peu de gloire bornée dans Ie lieu _______,
ouils fontnés, les flatte plus qu'une plus eclatante ij-zo.
dans un pays étranget. Il retourna a Anvers ,
ou il débata par pluiïeurs tableaux d'autels qui
méntèrent de grands éloges, & Facadémie de
Ja même ville 1'admit avec diftindtion en 1559.
Ce fut pour-lors qu'il fut employé a peindre Sc
a compofer. Il gagna beaucoup de bien, & mou-
rut
en 1604, fort eftimé, & dans un age avance.
De Vos compofoit aifément , & la plupart de
fes ouvrages en grand ont de 1'élévation. Sa
maniere tenoit de celle du Tintoret. Son deifin
eft correcl:, fa couleur bonne , & fon exécution
facile. Il avoit Ie génie de fon maïtre, maismoins
de vivacité. S'il cionnoit moms de tour a fes
iigures , peut-êcre en étoit-il plus naturel. Il eft
un des peintres defontenips qui a Ie plus produit.
Les Sadelers, Colaert , &c. ont gravé beaucoup
d'après fes deffins, qu'il faifoit au crayon noir
& a la plume , tantot lavés au biftre , & tantót a
1'onere de la Chine.
Anvers pofsède fes plus beaux ouvrages en
peinture. On compte dans ia cathédrale 14
tableaux de ce maïtre , la plupart tableaux
d'autels. Dans la chapelle des boulaiigers , au
retable , on voit la Prlu'ciplication des pains, un
des plus beaux ouvrages de ce maïtre; dans
la chapelle des marchands de vin , la Nóce
de Cana , tableau d'autel j dans celle des pel-
leti.rs , S. Thomas I'incrédule. Ce tableau a
deux volets; fur 1'nn eft peint Ie Bapttme de
notre Seigneur , & fur 1'autre la Décollation de
Saint-Jean. Derriére les chandeliers , font !
ces deux petits tableaux de de Vos. Dans
H
-ocr page 136-
ito              La VudesPeintres
zatte chapelle, on voit un tableau d'autel du
même auteur avec deux volets \ au milieu* orc
admire la Tentation de S. Antoine. S. Roch eft
Eeint fur 1'uh des volets, & fur 1'autre S. Hubert.
'ans la chapel'e de la confrérie des arbalétriers ,
Ie tableau d'autel repréfente notre Seigneur
accompagné de S. Pierre, S. Paul, S. Georges &
Sainte Marguerite : fur un des volets ont voit Ie
Baptème de Tempereur Conftantin; fur 1'autre
volet, la ConnTuótion de 1'églife de S. Pierre
de Rome. Ces volets étant fermés , repréfen-
tent en dehors Sainte Marguerite , & S. Georges
monté fur un beau cheval. Trois autres petits
tabieaux du même font pofés derriére les chan-
deliers. La chapelle des Tirferands offire aux
curieux la PiéfurrecYion de notre Seigneur dans Ie
tableau de fautèl. la chapelle du Nom de
5éfus a pour fujer , dans Ie tableau d'autel ,
1'Adoration de ce faint nom. Dans 1'églife paroif-
fiale de S. Jacques, & dans la chapelle du S.
Sacrement , on voit la Cène dans Ie fond de
1'autel.
On trouve a Oudenarde, dans un couvent ,
plufieurs tableaux de ce pemtre , du nombre
defquels font 1'Adoration des Mages Sc une
Nativité.
A Florence , Ie grand-duc pofséde des por-
traits de la maifon de Médicis_, & un Paradis
terreftre , dans lequel les animaux Sc Ie payfage
font également bien traites.
A Paris, M. Ie ducd'Orléans a dit même deux
grands tableaux , dont Fun repréfente les prin-
Fleuves de 1'Afie & de 1'Airique , des
, des Tigres Sc des Crocodiles -y les
-ocr page 137-
Flamands l Allemanis & Hollandois. 111
figures font de grandeur naturelle. Sur 1'autre ,
Pan efl: arrêté par Syrinx, qui 1'empêche de com~
battre des tigres.
Chez M. Ie marquis deLaflay, eft unc Nati-«
vité.
Martin de Vos a eu plufieurs grands élèves ,
entre lefquels on diftingue fon neveu Guillaume
de Vos, fils de Pierre 3 Sc Koeberger, qui les a tous
furpafTés.
Pierre de Vos , frère de Martin , étoit habile
peintre. Son hiftoire & fes ouvrages nous font
inconnus.
ijio.
1AMBRECHT
VAN O O R T.
V an Oort naquix a Amersfoort vers 1'année
1520. Il étoit bon peintre Sc grand architecle.
fut admis dans Ie corps des peintres d'Anvers
en 1547.
MICHEL DE GAST.
O ne ^it Ci ce peintre n'a pas voyagé quel-
que temps en Italië. Tous fes tableaux repré-
ientent des débris de 1'ancieune Rome. Il ornok
fes ruines de figures & d'animaux. Il demeura
a Anvers , oü il fut admis dans Ie corps des
peintres en 1558.
-ocr page 138-
La Vie des Peintres
FRAN^OIS e t GILLES
MOSTAERT,
ÉLÈVES DE LEUR PÈRE.
Ces deux jumeanx étonnèrent tout Ie monde
par ieur exa&e reffemblance. Il n'étoit pas
poffible de les diftinguer. Il arriva un jour que
Jeitr père étant forti j après avoir laifle fa palette
far une cluife , Francais entra po.r exammer
1'ouvrage
de fon père , & s'allïc fu: la palette,
qu'il ne voyoit point. Le père, de retour,
faché de voir les couleurs de fa palette gatées,
appella fes enfans. Gilles monta Ie premier, il fut.
trouvé innocentj il Ie renvoya, & lui dit de faire
monter hrancois : celui-d n'ofant monter, donna
fon bontiet i' Gilles 3 qui parut une feconde fois
devant fon père , qui s'y trompa luj-mêm^- &
avant interrogé Gilles pour Francois, il ne Ie
trouva pas plus coupable.
lis naquirent tous deux dans la petice ville
d'Hulft, proche d'Anvcrs : ils defceudoient du
vieux Mojïaertj & ils ét >;ent originaires d'Hol-
lande. Ils furent avec leur pèredemeurer aAnvers,
011 ils recurenr de lui les premiers principes ;
mais ils changèrent d'école. Gilles fut rhez
Jean Mandin, & Francois chez Henri de Bles ;
ils «levinrent habiles dans ces ccoes : Francois
ëxcelioit dans Ie payfage, Sc Gilles dans les figures
3a quart de nature.
-ocr page 139-
Flamandsj Alkmands & Hollandois. 11 j
Francais faifoit d'abord peindre les figures de "
fes payfages j mais il apprit dans la fuite a fe paf-
fer de ce fecours. lis furent reegis a Tacadémie
d'Anversen 155 5. Francois mourut fubitement
fort jeune, dans Ie temps que fes ouvrages com-.
mencoient a faire du bruit.
Il eut plufieurs élèves. HansSo'éns eft celui qui
lui a fait Ie plus d'honneur. Rome Sc quelques
autres villes d'Italie pofsèdent de {es ouvrages.
Excellent payfagifte & peintre de figures en
petit, il fixa fa demeure a Rome, oü ilabeau-
coup rravaülé.
Gilles Moftaert peignoit bien l'hiftoire , 8c
entendoit parfaitement la difpofition de fes figu-
res. On a vu a Middelbourg, chez lefieur Wyntgis,
un grand tableau repréfentant MM. Schitfen _,
faifant , comme feigneurs du lieu , leur entree
a. Hoboke. Les payfans y font fous*les armes ,
& marquent leur joie par des attitudes & des
démonftrations auili variées que naturelles.
On voyoit encore de ce peintre deux autres
tableaux \ Ie Seigneur portant fa Croix , &S. Pierre
dans la prifon délivré par FAnge.
Un Efpagnol lui fit faire un tableau; mais Ie
pemtre lui ayant fait fentir dans la converfation
qu'il n'aimoit point 1'Efpagne , 1'Efpagnol, moins
par zèle peut-étre pour fa patn'e que par mau-
vaife foi, chercha des préiextes de rompre Ie
marché : il allégua que la gorge de la Yierge
étoit trop découverte ; & dans 1'efpérance d'avoir
Ie tableau pour rien , il ne balanca point de perdre
1'auteur. Il Ie dénonca au juge, comme un
artifte hcentieux & impie. Il conduifit chez
lui Ie vicomte Ernejl, pour faifir Ie peintre Sc
-ocr page 140-
't 14               La Vie des Pe'intres
----------Ie tableau. Moftaert, qui, pour fe venger de
1520. 1'Efpagnol , n'avoit peint qu'en détrempe cette
gorge un peu trop nue , avoit eu Ie temps d'y
paflér 1'éponge j 8c de 1'efFacerj Ie juge ne trouva
qu'une Vierge modefte Sc admirablemeat
peinte. Il réprimanda 1'Efpagnol, &c Ie for^ade
payer Ie prix que demandoit Ie peintre. Ce n'eft
pas la première fois que 1'avance & d'autres paf-
fions ont ofé fe cacher fous l'air refpe&able du
zèle 5c de la religion. Mqjlaert mourut fort
vieux en \6oi.
DIRCK (THIERRY)
E T
WOUTER (V A U T I E R)
CRABETE
Oarle van Mandbr ii'ea dit rien dans fon hif-
toire des peintres. Il y a lieu de penfer que ces
deux frèrer, Dirck Sc Wouter Grabeht, lui ont été
inconnus, ainfi que leur mérite. Si nous en croyons
leihiftoriensdeGoudajles unsdifent qu'ils étoient
originaires d'AUemagne: lesautres au contraire
les croient Fran^oisj mais leurs defcendans fou-
tiennent qu'ils étoient des Pays-Bas. Quoi qu'ilen
foit, écoutons van Mander. Cet hiftonen nous
parle d'un certaia Adrïcn Piecers Crabeth, qui fut
élève de Jean Zwarte ou Zwarte Jan, qui en peu
de temps furpafla fon maïtre. L'écnvain Almelo*
veen
croit nou - feulement Claude Crabeth père
è'Adritn Pieters Crabeth, mais auffi de Dirck Sc
-ocr page 141-
Flamands j Allemands & Hollandois. i1 j
W^outer. Il Ie prouve par Ie rapport du mêmenom, ~
& les évènemens du temps.
/^aariervifitalaFrance&l'Italie.Sonufageétoit
de laifler un earreau de vitres ou un chaflis peinc
defamain, dans-chaque ville oü il pafïbic. Les
connoifleurs conviennent tons que r'autïtr fur-
paflbit fon frère Dirck, en couleur 8c en deffin j
mais Dirck donnou plus de forcea fes ouvrages:
ce qui ht dire dans Ie temps, que Dirck étoit Ie
maitre dans les ouvrages oü il falloit de la force,
& /-^«nerdansceuxquidemandoientdes lumières
bnllanres.
lis écoient tous deux fort habiles & réuflïflbient
également en grand comme en petit, avec une
promptitude excraordinaire. Après. que V^auüer
eut livré fa première vitre pourla principale églife
de Gouda en 1560 , il fit 1'année fuivante la
grande vitre qui fut donnee a lamême églife par
Ja duchefle Marguerite en 33^4.11 peignit pour
la même la NailTance de notre Seigneur, a laquelle
ilajouta, en 156^, la belle compoiition de la Def-
tmetion du temple d'Héliodore. Ces 4 grandes
croiféesnelui ont coüté que fix annéesde travailj
mais Dirck plus prompt que lui, en fit en trois
années Cix de la plus grande forme, & d'une aufïï
grande rompofition que celles de fon frère. En
15 67 il fit une vitre admirable : Ie fujet étoit
non e Seigneur qui chaflè les vendeurs du Tem-
plej & 1'année fuivante la Mort d'Holoferne. C'eft
fon dernier ouvrage , il efl: dans 1'églife de Gouda.
Qnoique ces deux frères furTent amis , lis fe
cachoient leur ferret. Celui qui recevoit la vifite
de fon frère , csuvroit fon ouvrage. Il arriva que
1'un ayant demandé al'amre comment il s'y pre-
-ocr page 142-
La Vle des Peintres
"*------— noit pour réuffir dansce qui lui fembloic il diflicile
1 f2°' d trouver, il ne pur avoir d'autre réponfé que
celle-ci: Mon frère, j'ai trouvépar k travaïl ;
cherchc^ , & vous trouvera^ de même. lis fe con-
tentèrent a la fin de fe voir r*u, & de s'écnre
quand ïls avoient befoin de fetsmmuniquer leurs
affaires. lis fkent cant de recherches & tant de
frais dans leur art, qu'ils furent obligés de tra-
vailler comme de fimples vitriers , pour éviter
1'mdigence.
Dirck ne fe maria point$ mais Jrautier époufa
line rille de H familie de Proyen , dont il eut un
fils nomméPierre> qu) depuis a été bonrguemeftre,
& une fille qui fut mariée a Reynier Parfyn, gra-
veur, qui a rendu pubhcs les portraits de nosdeux
peintres. Wiüan Tomberoe pretend qu'a la mort
de ces deux frcres, nous avons perdu Ie fecret de
peindre fur verre ^ mais il fe trompe , puifqu'au-
jourd'huien Ailerriagne & en Angleterre Ie même
fe:ret ett en ufage, avec des couleurs , ala vérité,.
moins vives que celles de l'éghfe de Gouda. Si
1'ufage n'en eft plus fi frequent , c'eft qu'on s'eft
appercu que les vitres colonées coutentbeaucoup,
& rendent les é^lifes trop fombres. Voila , je
crois, la feule raifon qui a fak perdre ie fecret ,
comme 1'a cru Tomberge. Il étoit auffi peintre ,
mais médiocre fur verre : il eut pour rnaitre
Jf^efterfiout A'XJtrecht.Ce Tomberge eut ordre dans
la fuite de répraer ces belles vitres qui furent prëf-
que détruites par uu orage en i 574. On recon-
noït a leur méchocrité fes ouvrages & fes couleurs,
parmi les beautés quireftent de nos deux peintres»
II mourut en ï 67?.
C'eft dans Ie temps des frères Crabeth, fclon les
-ocr page 143-
Tlamands , Alkmands & Hollandoïs. i i-j
throniques de la ville de Gouda & la defeription
d'Harlempar SamuelAmpfing, que vécurentdeux
fort bons peintre-fur verre, W'illem ( Gmllaurne )
Thibout
& CornilU hbrantfche Ruffeus. Willem
moarut au mois de juin 15 cj<), & Ruffeus au mois
de mai 1 61 8. D. van Bleyfwick, dans fa defcrip-
tion de Delft, dit que Thibout en 1565 fit la belle
vitre qui eft dans 1'églife de Sainte Urfule de la
même ville. Philippe II, roi d'Efpagne j y eft
repréfentéavec fa femme Elifabethde P'alois , fille
aïnée A'Henrï II, roi de France. lis font en
habits royaux. On voit a leurs córés un Ange
gardien & les armes de ces deux maifons fouve-
raines. Au haut de la vitre, PAdoration des trois
röis, accompagnés d'une multitudé de peuple 3
eft bien deflïnée & bien peinte.
On voit encore aujourd'hui dans legrandfdlon
des premières butcesdefe ville de Leyden, tous
les portraits des comtes de Flandres, repréfeiités
en pied par les mêmes.
IJ2O.
i
L A U R E N T
V AN COOL
JLes connoiffeurs ont été très-fatisfaits de !a belle
vitre qui eft dans la chapelle du confeil privé du
pavs de Delft. Les portraits des confeillers y
font pe;nts grands comme nature & cuirafles
depuis ia tête jufqu'aux pieds, par Ie célèbre
Laurentyan Cool.
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H U B E R T
G O L T Z I U S.
ELEVE DE LAMBERT LOMBARD.
-----— 1 L eft né a Venlo , de pareus originaites de
ijzo. Wirtzbourg. Sa première jeuneffe fut em-
ployee aux" études des belles - lettres : dela,
entrainé par tm penchant naturel pour la pein-
ture , il choifit pour maïtre Lambert Lombard.
Il copia chez ce peintre beaucoup de deiïins
d'après 1'ant'nue , qui lui rirent naïtre 1'en-
vie d'aller fur les lieux , &c de les obfer-
ves lui - même. Rome lui ouvr.it une carrière
fort
-ocr page 145-
td Vie des Peintres Flamands 3 &c,
Fort ample, & fes érudes lui fbufnirenc les maté- —
riaux de plufieurs ouvrages qu'il accompagna de
notes hiftoriques Sc de remarques curieufes.
Iicommencaparmettreen ordre fes recherches,
& donna au public un grand volume, ccntenant
Ja Vie des empèreurs romains., depuis Jules CéJ'ar
jufqu'aux empèreurs Charles V 3c Ferdinar.d*
L'exaclitude raifoir en partie la beauté de eet ou-
vrage j il y avoit joint les porrraits de ces em-
pèreurs , tirés des medailles de leur temps. Ceux
qu'il n'avoit pu trouver étoient reftés en blanc. Ces
medailles étoient gravées en bois par un peintre
de Courtrai, appellé Jofeph Gïetleugken, l>abile
arcifte. Outre la reflemblance , Ie coftumé y étoit
obfervé. Il donna cec ouvrage en plufieurs lan-
gues. Il avoit chez lui une impnmene qu il di-
rigeoit lui-même. Son livre , dédié a rempereur
Ferdinand 3 parut en 15 65, en latin , fous Ie titre
de Caïus Jul'uis Cafar. Cet eflai 1'engagea a donner
plufïenrs autres ouvrages recherches depuis pas
lesfavans. En 1566 il en fit paroure un nouveau
fur les Fêtes & lesTriomphesdes Piomains, depuis
la fondation de Romejufqu'a la motto.'Augujïe.
Ce livre eft orné de medailles gravées par lui-
inême, fous letitre de F aflos. Il Ie dédia au fénat
de Rome, qui lui envoya la parente de noble
citoyen romain 3 avec toutes les franchifes Sc
honneurs dont Ie décail eft dans la lettre datée ea
1657. On ravoitimprimée dans Ie livre qui parut
en 1574, fous Ie titre de C&far Augujlus. Cet
ouvrage , divifé en deux parties , enrichi de mé-»
dailles Sc de leurs revers gravés» eft plein de
recherches.
En 157<J on vit eiicore de lui un volume , fous
Tome I.                                    I
-ocr page 146-
ijo                La Vïe des Peintres
---------Ie titre de Sicilia & magna Gr&cia, ou 1'Hiftoire
ijio. des Grecs & la defcription de leurs villes, avec
de belles medailles grecques. Ses obfervations lui
ont acquis l'eftime des favans. Il paroit qu'il
n'nvoit rien négligé poiir eendre fon travail utile
Sc agréable , par Ie fo'm de limpreflion & par
k
choix des caraftères.
Ses ouvrages en peinture font fort rares, quoi-
qu'il ait beaucoup travaülé. Il compofa a Anvers
la Conquête de la Toifon d'or, pour la maifon
d'Autriche. Hardi dans fes entreprifes & dans
rexécutioiijilnous refte cependant fort peu deta-
bleauï de lui. Pendant fon féjour a Bruges, il fuivit
exaótement les fermons d'un moine gris , nommé
frère Cornille , dont il fit Ie ponrait très-re(Tem-
blant. Van Mander a vu ce tableau qu'il loue fort.
Il époufa en premières noces la foeur de la femme
de Pierre Koeck , dont il eut plufieurs enfans, a qui
il donna des noms romains, tels que Marcellus,
Julius, &c. Il quitta fa femme pour revoir Rome,
& il feignit d'aller a Cologne. Devenu veuf, il fe
remaria, mais il y eut grand regret ^ fon efprit &
fa douceur ne purent rien fur la conduite de fa
femme. Il paya la folie de Tavoir époufée , par fa
mort qui arriva vers 1583, a Bruges. Il eut les
tnlens, les vernis & les chagrins domeftiques de
Socrate.
't'
-ocr page 147-
Flafnands > Allemanis & Holt'andcis,
S I M O N
JACOBS,
ÉLÈVE DE CHARLES D'YPRES.
Jacobs naqiut a Gouda: il fut éteve de
Charles d'Yprcs. L'appat du gain 1'engagej a
peintlre Ie portrr.it, ou il réuilic. On eftime un
porcrait qui fe voyoit a Harlem 3 & qu'il peignic
d'après Wilkm{ Gudlaums ) Thièaut, peimre
fur verre. On en cité encöreplufieursauncs qui
foutiennent fa réputation. Il faifoir bien reflèm-
bletr. Sa couleur, eft bonnej mais on vance par-
riculièrement Ie moëlleux de fon pinceau. Il fuc
tué au fiége d'Harlem, en 1572.
CORNILLE
DE VISCHER.
J.L flit bon pemtre de portrait. Sa vie feroJc
fbrt longue, h je ne m'étois pas bonié d écrire
fimplenient ce qiu a rapport a ia peinture. Cec
homme , qui nJavoit rien d'aiimble cjue fon
talent , périt dans Ie palTage d'Hambourg a
Amfterdam.
I 2
-ocr page 148-
La Vu des Pelntres
CLAES (NICO LAS)
ROGIER,
ET HANS (JEAN)
RAYNOT.
- 1 l s peignirent bien Ie payfage. Kaynot étoit
élève de Mathïeu Cock. Sa maniere eft dans Ie
gout de Patenier. Les ouvrages de 1'un & de
1'autre paflèrenc chez 1'étranger, & en furent
eftimés.
BERNARD
DE R I C K E.
XL naquit a Counrai. Sa maniere de peindre
eft grande. On peut jnger du talent de ce peintre
par un tableau d'autel de Téglife de S.Martin
de Ia rnéme ville. Ce tableau reprefente Notre
Seigneur qui porte fa croix : il eft d'une belle
compofition. Il changea depuis fa miniere ,
croyant mieux réuflir: effe&i /ement fes derniers
ouvrages ont leurs partifans. Il fut rees a 1'aca-
démie d'Anvers en 1561 , & fe fixa dans cette
vilie, oü il eft mort.
ij 20.
-ocr page 149-
Flamands _, Aüemands & Hollandois. 153
WILLEM (GUILLAÜME)
K E Y.
IL étoit de la viile de Breda, d'une fignre----------.
Sc d'un maintien agréables. Il aimoit les ajuf- ,„Oi
temens, 5c fa maifon fe reflenrok de ce gout aa-
defïlis de fon érat j elle étoit proche la bourfe ,
dans Ie plus bel endroit de la ville d'Anvers. Il"
fut élève de Lamhert Lombard , & camarade
d'école de Franc-Flore. Il ne dut fon talent Sc
fes richefTes qu'a fon affiduité Sc a fon economie.
Son talent étoit d'imiter Sc de faifir la nature.
Ses ouvrages furent plus recherches que ceux des
autres j par la douceur & Ie moëlleux de fon pin-
ceau. Ses compofitions font figes 8c pleines de
jugement : elles ont a la vérité moxns cte feu que
celles de Franc-Flore ; cela n'empêcha pas que
fes tableaux ne f uiTent fort eftimés & payés très-
clier.
Le tréforier Chriftophe Pruym lui fit faire ^
pour la maifon- de - ville d'Anvers j un tableau
repréfentant les portraits des Magiftrats de cette
viüe, en pied 3 grands comme nature : dans Ie
haut du tableau j Notte Seigneur Sc des Anges
dans une gloire j &c. Ce mêtne tableau pent
dans Fembrafement de certe maifon en 15 7^.
On voit encore aujourdJhui une épitaphe } fur
laquelle il a peint les portraits des Fondateurs dé
la chapéüe des maitres Selliers s dans la cathé-
drate d'Anvers j.ou eft place ce tableau.
I 7
_ .
____
-ocr page 150-
i ? 4.                 
Jl fit Ie portrait da cardin <1 Grandvelles dans
{<;- hibit de cardinal. Ce morceau fut fort efti-
mé , & rette Fminerce lm envoya s fans avoir
fit pm j 40 ry: 'sdaeUers (;\ Après avoir con-
fldérabiement tvr.aillé , ie »iuc d'Alke'e demanda
pó'7f lui faire fon ',x>rtrait. ¥.,n trav ullantj il en-
tendit j enrre les juger criminefs & Ie ducj eon-
certcr Ia mort du convc d'F.gmont 3c de q';el-
q"es aittresfei^ne:tts. Ce complot tyrannique lui
fit tam d'impreffion , que 3 de retour chezluij il
en tomba raalade 3 & mourut Ie mêrae jour de
l'exécution des comre<; d'h'gmont & de Hom } Ie
5 juilletj veilte de Ia Penteróte 1568. D'autres
difent qa'il étoit mort quelqaes jours avant; &
quelqnes-unsj qu'il mourut de frayeur en voyant
la phylïonomie dn duc d'Albe.
I! avoit été admisal'acadëmie dJAnvers en 1540.
AUGUSTIN JORIS
AuGüSTiN .Toris j fi!s de Jean } brafïeur de la
ville de Delft 3 né en 1515 j fit place chez Jac-
ques Mondt }
peintre médiocre. En trois ans d'é-
tudes ii firpaJ.i fon maitrëj & fut a Malines>
& de- ia a Paris. Il s'adrefTa a un graveur , a(Tez
bon pour Ie temps _, appelié Pierre de. la Cuffle.,
qut demeuroit avec fon frère > orfèvre, Augufiin
travaiila pour eux pendant cinq ans»
(1) Ry.'ksclaeïclers, écu rl'Hollande (Te Ia valeur
de 5o sous , vaut a peu pres 6 liv. en ïrance»
_
-ocr page 151-
Flamands j Alkmands & Hollandois. 13 j
De retour a Delft _, il fit cinq tableaux qui
établirent fa réputation. Il travailloit en grand }
& compofoit bien fes ouvrages. On voyoit dans
la même ville j cliez fon frèrej orfèvre j une
Famiile de la Vierge j ouvrage d'une grande
beauté. Ce peintre., en puifant de 1'eau pour né-
toyer fes brolfes 3 fe neya en 15 5 2 , a 1'age de
27 ans. Il a été fort regretté par les aniiles &
les amateurs.
JEAN FREDEMAN
DE VRIES.
JL/e Vries j né a Leeuwaerden en Frife > en _
15 ij j eut pour père un homme dont la pro-
feflïon étoit bien oppofée au repos que deman-
dent les arts. Ce père étoit originaire d'Alle-
magne., & canonmer dans 1'armée du général
Schenck. Le jeune de Vries obtint de lui ia per-
miflion d'appnndre le deffin. Il commenija dans
fa patrie ,, fous Renicr Gueritfen d'Amfterdam.
Après avoir été cinq ans chez ce mairrej il fut
a Campcn 3 ou il refta peu de temps; n'y trou-
vant perfonne qui put le perfeótionntr 3 il fut i
Malines j ou les peintres en détrempe 1'employè-
rent dans leurs ouvrages. De-la il fut appellé i
Awvers j oüil travaillaj avec les autres peintres >
aux arcs de triomphe pour 1'entrée de Charles V',
Sc
de fon fils Phüippe 3 roi d'Efpagne , en
1549. Après avoir fini eet ouvraga 3 il retourna
enfin j Sc alla a Collunij oü il eut occafïon de
I 4
-ocr page 152-
Yj'tf                La Vie des Peintres
--------copierj chez un menuifier j Serlio & V'uruve 3
i f27, publiés par Pierre Koeck. Non-content de cette
etude j il retouma a Malines j & fit pour Claude
JDoricij
pgiiitcej pluheurs tableaux d'architeftnre.
Doricï lui en fit finir un de cette efpècej com-
ftiencé par Cornille de V'iancn 3 affez bon peintre
dans ce genre, maïs auffi lourd dans fa compofi-
non que dans fa couleur. De Vries corngea les
faures de Vianen _, êc établit fa réputation par
ce tableau,
Arrivé i Anvers., il fit une Perfpective dans
Ie jardm de Guillaume' Key } auffi peintre \ elle
jrepréfencoit un beau Portique II fitencore j chez
Gilles Hofman, en face d'une potte d'entréej &
fur une muraille, une^efpèce dé claire-voie j ^
travers laquelle on croyoit voir un jardin. Plu-
lïeurs perfonnesj & mêrne ie prince d'Orange y
y out été trompées.
Il compofa j pour Jérome Kock3 une quantité
de fiijets d'Archicedure j dont 14 morceaux
repréfentoient des Ternplesj des Jardins _, des Sal-
Jonsj Sec. j tous en perfpedive \Sz 116 autres def-
fïns dans Ie même genre , en perfpective j a
vol d'oifeau & vus en-deiFous j & quelques-uns
en ovale pour les ébéniftes ou tabletiers.
Un autre livre de 24 feuilles _, pour Guerard'
de Jode
, repréfentoit des Tombsaux décorés,,
entre lefquels on en voit un orné de Fontaines.
Un livre des ordres d'architecture j oü chaque
ordre eit en cinq feuilles , fut fait pour Philippes
Gallesj
ainfi qirune colleclion de plans de Jardins,
tTAvenueSj deLabyrinthes.il adonnéj a. 1'ufage
«fes menuifier?, un autre livre de Mafquesj de
Bu&t-s j &c. Enfin il deffiuaj pour Pierre Balten^
-ocr page 153-
' F lamanis 3 Allemands & Hollandois. 137
les ordres d'architecturej fous Ie ticre de Thea-.
trum de vita humana.
Depms Ie Compofite juf- ?i-
qu'au Tofcan _, il y repréfenta les différens degrés
de la vieillefTe jufqu'a la mort.
Le nombre de fes ouvrages efi confidérable \
on compte 16 livres en tont. En 1570 3 la rille
de 1'empereur érant partie pour l'Éipagne 3 &
devant pafler par Anvers, les Allemands lui é!e-
vèrent un are de triomphej que de Vries fit en
cinq jours : il eut 60 rycksdaelders pour giati-
fication.
Il a fait encore un errand nombre d'ouvracres
en peinture & deffins a Parme 3 a Mons 3 d
jAusbourg & a Praguej qui trompent tous éga-
lemenc les yeux. Jl eut deux fils, Paul 8c Sa-
lomon de Vries,
qui ont eu 1'heureux don de bien
imiter leur père. Salomon mourut a la Hayeen
1^04. Ses deux fils ont beaucoup travaillé au
grand volume de 50 planches d'archicedture que
Jean donna en 1 (J04. L/époque de la mort du
père & du fils Pierre de Vries n'eft pas connne.
CORNILLE
ENGHELRAMS.
\. /uoique Enghelrams ne nous ait laifle que
tles tableaux peints en détrempe 3 il eft regarde
comme un peintre habile. Il naquit a Malines en
1527. Ses principaux ouvrages font dans 1'églife
de S. Rombout. Il a repiéfenté fur une grande
____ _____ ___________________
-ocr page 154-
j 8               La V'ie des Peintres
oiiej les QEuvres de Miféricorde. Une multi-
1527. tuoe de figures bien deiïïnées., font 1'objec de
certe grande compofmon. Il y a diftingué avec
efpric les pauvres qui meritent norre compafiion,
de ceux qui ne la méritent pomt.
Ses ouvrages font difperfés dans les principales
villes d'Allema»ne. A Hambourg , clans leglife
de Sainte-Catherine _, on voyoit de lui une cora-
pofoion grande & favante} qui repréfentdit la
Converfion de S. Paul. Il pcignit pour Ie prince
d'Orange
, dans Ie chateau d Anvers , riulloire de
David j d'après les defiins de Lucas de Heere.
De Vries
en avoit peint 1'archkeclure j les fnfes,
les termes 8c les autres ornemens: tout étoic
exécuté en détrempe. Enghelrams mourut en
1) 8 5 j agé de 5 6 ans.
MARC WILLEMS,
ÉLEVE DE MICHEL COXCIE.
VV x l l e m s naquit a Malines environ 1'an
1517. Il appric la peinture fous Mïchel Coxcie.
Il furpaflbït fes contemporains pour Ie genre &
la facilté de cornpofer. Il peignit la Décollation
de S. Jean: Ie bras racourci du bourreau j qiu
rient !a tcte du Saint j paroïc fornr du tableau.
On Ie voit dans 1'églife de Saint-Rombout. D.uis
la rnêroé églife il fit un autre tableau, repréfen-
rant Judith qui vieni de conper la tête d'HoIo-
ferne. A 1'entrée de Philippe j roi d'Efpagne,
-ocr page 155-
Flamandsj Allemands & Hpllando'is.
dans la ville de Malines en 1549 3 il fut chargé -
de peindre un are detriomphe, furlequelil repré- l517<
fenra 1'hiftoire de Didon. L'exécuuon de eet are &
fes autres ouvrages, lui ont mérité 1'eftime des con-
noifleurs. Il aimoit a obliger, & il étoit prefque Ie
compofiteur de tous les peintres} des tapiffiers &
des vitriersde (on temps. Willems j aimé pendant
fa vie, fut regretté a fa mort j qui arriva en 1561.
J A C Q U E S
DE POINDRE,
ÉLÈVE DE WILLEMS.
Ej natif de Malines, élcve & beau-
frère de Mare Willems , s'attacha au portrair.
Cependant il a réuflidans les fujets d'hiftoire. Jl
peignit un grand tab'eau repréfentant notre Sei-
gneur en croix: il y avoit beaucoup de figures
fur Ie devant, qui étoient tous portraits.
Après avoir fini celui d'un capitaine anglois,
nommé Pierre André, il s'appercut que Ie militaire
cherchoit pluüeurs décours pour avoir ce tableau
fans payer. Pour s'en venger , il fit pafTer latcte
de 1'anglois a travers une grille de rer qu'il pei-
gnit en détrempe, 6c placa ce portrait i fa fe-
nêtre. On y reconnijt 1'origmal qui, fe voyant ainfi
captif, fit redemander fon portrait , en payant
libéralement Ie peintre. Comme la grille n'écoit
qu'en détrempe j un covip d'éponge mit Tangloii
hors de prifon.
-ocr page 156-
'140                La V'ie des Peintres
Ce peintre voyagea dans Ie nord , 8c mourut
en Danemarck j en 1570.
JOACHIM
BEUCKELAER;
E L E V E
DE AERTSEN OU PIERRE -LE-LONG.
Jjeuckelaer d'it fon talent au nuriaga d'une
tante, qui époufa Pierre Aertfcn ou Pierre-lc-
Long. Il naquit dans la viile d'Anvers, & de-
vint élève de fon oncle. Malgié une difpoficion
marquée , il ne put dans fes piemières études fe
rendre bon colonfie: ïlne peignoicqu'avcc peine.
Son oncle lui fit colorier d\près nature ce qui fe
préfentoit, oifeaux, poiftons & autres animaux ,
neurs, fruits : tout ce qui méritoit d'être copié
n'échappa point au jeune peintre. L'envie de
devenir habile , diminua la peine qull eut dans Ie
commencement de fes études, & on Ie vit s'éle-
ver au-defllis de (es contemporains. Ses ouvrages
font d'un ton de couleur naturelle: tout y paroït
fait fans travail; fa touche eft légere , 8c Ie tout
enfeaibie harmonieux.
Malgré fon travail ficile , il fut fi mal payé de
fes ouvrages, qu'il eat d peine de quoi vivre. It
s'attac'ia a peindre des cuifines, avec leurs uften-
/i!es. On faifoit ü peu de cas de lui, qu'il fuc
obligé de rravailler comme uu ouvrier a jofous
t *
-ocr page 157-
F/amandSj Allemands & Hollando'is. 141
par jour, chez Antoine Moro. Trifte récompenfé---------*"""1
de tant de veilles '.                                               l5iCl''
II fit une Cuifine pour Ie direclreur de la mon- ■
noie d'Anvers , quide jour en jour lmfaifoit ajou-
ter de nouve&ux objets d'après nature. Plufieurs
animaux y étoient repréfentés; poifTons&r gibier,
rien n'y manquoit: maïs il ne put jamais, dans eet
ouvrage , gagner Ie pain qu'il mangeoit.
On voyoit autrefois , dans lacathédrale d'An-
f ers , un tableau de ce peintre : il repréfentoit la
Fête des Rameaux. Les connoifleurs du temps
eftimoient eet ouvrage qui a été détruit dans les
derniers troubles.
On a vu a Amfterdam, chez Ie fieur SionLu\ ,
un Marché au poiiron , & un Marché aux fruits,
avec des Figures bien peintes.
On voyoit chez Ie fieur Wyntgis, direóteur de
la monnoie a Middeibourg, une grande Cuifine
avec des Figures grandes comme nature , bien
coloriees, & des tons de couleurs chauds ; Sc un
autre tableau en camayeu , repréfentant la Fête
des Rameaux.
Van Mander a vu a Amfterdam _, chez Ie fieur
•Jacques Rauwaert, un tableau en petit qui re-
préfentoit un Marché, & dans Ie fond un Eccs
Homo.
Il parle de ce tableau comme de quelque
chofe de merveilleux.
Il y avoit a Harlem , chez Ie fieur Jean Vcf-
■iaen ,
deux de fes tableaux. Le premier repré-
fente un Evangélifte, & Tautre une fainteFamilie.
Les figures en fout de grandeur naturelle, & d'un
bon ton de couleur. Le nombre de fes ouvrages
.eft confidérable, fi on le compare a celui de fes
és. Il mourut a Anvers, agé de 40 ans, daas
~~
-ocr page 158-
La Fie des Peïntres
•Ie temps qu'il trivailloit pour un officier-général
i j}0. appellé Vïtello. Il dit en mourant qu'il regrettoit
d'avoirtoujours travailléa fi vil prix. Ses ouvrages
ont été vendus après fa more, ioin fois plus
que de fon vivant.
C R E S P I N
[VANDEN BROECKE,
ÉLEVE DE FRANC-FLORE.
V anden Brofxke , natif d'Anvers y élève de
Franc-Flore , avoit un beau génie. Il ne fe bortia
pas a la peinture , il fut anfli grand architecte.
il cherchoit toujours a placer dans fes tubleaux
des figures nues qu'il defiinoi: & peignoir bien
en grand. Il voyagea en Hollande oü il eft mort.
JACQUES
DE BACKER.
Ue Backer, de la ville d'Anvers } ent pour
père un aflez bon peintre , qui fut obligé de
fe retirer en France, oü il mourut après avoir
lenoncé a fon talent.
-ocr page 159-
Flamands , Allemands & Hollandois. 145
Jacques demeuroit chez un marchand de-------"""
tableaux nommt Pa/ermo, d oü il fat quelquefois 1J30*
appellé Jacques Palcrmo. Ce marchand tourmenta
extrèmement de Bucker, en Ie f,;rchargeant d'ou-
vrage. L'application Sc Ie tiavail allidu Ie firent
devenir grand peintre; les fetes & les dimanches
il deflinoit concinuellement & il modeloit, de
fac.on que tons les momens de fa vie n'étoienc
employés qu'a 1'étude. Palermo vendoit très-cher
fes ouvrages en France, & ailleurs j & malgré Ie
gain confidérable , il difoit contmueüement au
jeune peintre qu'il falloit faire mieux, qu'ilnepou-
voit plus fe défaire de fes ouvrages , ce qm Ie for-
«joita redoubler une application qui abrégea fes
jours. Il quitta eet homine ïnfatJable y 8c fut de-
meurer chez Henry Steenwyck. TiavailJant tou-
joursfans fe diflïper, il devnitlangüiffantj 5c tr.ou-
rut d'une efpèce de pulmonie, nepouvant fe con-
foler de mounr 11 jeune : il n'avoit en effet que
30 ans , qu'd avoit confumés dans Ie travail. Ses
ouvrages font dans fous les cabinets. Van Man~
der
a vu de lui a Middelbourg, chez Ie fleur Mel->
chior Wyntgis,
trois tableaux , Adam & Eve ,
une Charité Sc un Chrift en croix| & trois au-
tres chez Ie fieur Oppenbergh : Vénus, Junon 8c
Pallas ; car la peinture , ainfi que la pcefie , traite
également Ie facré & Ie profane. Il efl. ordinaire,
& cependant fïngulier, qu'un peintre repréfente
Vénus du mème pinceau dont il a peint im
Chrift. La difpofition dans tous les fujets éroic
belle; Ces draperies Sc £es fonds font très-biea
traites. On Ie regarde comme un des meilleuxs
coloriftes dJAnvers.
-ocr page 160-
Ï44            L& V'lt des Pcïntres
t-...............                       ' -—»
J E A N
VAN KUYCK.
V an Kuyck étoitbon peintre fur verre ;mais
■*55Om ayant été accufé pour fes erreurs fur la religion ,
il fut arrêté par la juftice j & détenu en prifon
dans la ville de Dort. Il fut long-temps dans les
fers j cependant Jean van Drenkwaert Boude-
win^e
j écoutet ou chef de la juftice, ayant em-
ployé tous les moyens pour obtenir fa grace , van
Kuyck,
en reconnoiffance, fit Ie Jugement de
Salomon pour ce juge. Il repréfenta fa figure
fous celle de Salomon j maïs Ie reproche que les
eccléfiaftiques firent a ce magiftrat, jufques dans
leurs fermons, de vouloir fauver Ie peintre pouc
s'ennchirde fesouvrages j forcèrentle jngeacon-
damner van Kuyck. Il fut brille vif fur Ie Nieu-
werek
a Dort, Ie 28 mars 1571. Il laifla tprès lui
une malheureufe veuve , une petite fille de fepc
ans, & la réputation d'avoir été un bon peintre»
Heureux s'il avoit été aiiffi bon chrétien!
MARC
-ocr page 161-
Flamavds, Allemands & Hoiïandois. 145
MARC
GUERARDS.
Van Mander ne msrque point Ie lieu de -
fanaifïance. Il dit feulement que parmi les grands
peintres de Bruges, Mare Guerards mérite d'avoic
fa place. Il étoit aniverfel ; li peiguoit 1'hif-
toire, Ie p.iyfage } l'accliueóture, 11 fut bon def-
fïnateur , graveur a 1'eau-forte, & enluraineur.
Laville de Bruges & celles des environs ont delui
de beaux tableaux. Il deffina beaucoup pour les
peintres fur verre ; il fe plaifou dans les pa>'~
fages a repréfenter une perite femme q«i piiïè,
foit furun petit pont ou aiileiirs: c'eft Ie pendant
du pent bon-homme du peintre Patenier.
Guerards compofa & grava a 1'eau - forte les
fables dJEfope: les différens auimaux fonc touches
avec beaucoup d'efprit.
Il grava, avant ce temps 3 la ville de Bruges
avec beaucoup d'intelligence. Il alla en Angleterre
oü il eft mort.
GILLES
C O I G N E T.
Cjoignet, natifd'Anvers, demeura chez An-
toinePalermo } jufqu'a ce qu'il partit pour 1'J talie
avec fon compagnon de voyage appellé Stella. lis
Tome I.
                                          K
-ocr page 162-
-------
La Vic des Peintres
ne tardèrent pas a être corcnus dans Pvome & aux
environs. lis travaillèrent enfemble a plufieurs
ouvrages dans la ville de Terny 3 entre Rome Sc
Lorecte. On y voic une grande chambre peinte
en grote/que, un autel a frefque, & beaucoup d'au-
tres dirïërens fujets. Stella fut tué fur Ie pont St-
Ange j par une fufée qui lui creva la poitriae 3 Ie
jour de la fête du Pape.
Coignet voyagea par toute l'Italie , a Naples 3
en Sicile, &c, & recourna a Anvers 011 il fut ad-
mis a 1'académie en ijtJi.A peine fut-il arrivé,
qu'il fe vit furchargé d'ouvrages, de tableaux
d'autels & autres pour les marchands étrangers.
Il fe fervoit fouvent de Corndlc Molenacr, fur-
nommé Ie Louche, pour pemdre fes fonds} foit Ie
fayfage ou 1'architeóture. Comme Ie prince de
'arme défoloitalors les Pays-Bas, notre peintre
alla chercher Ie repos fi néceflaire a 1'écude j ï\
s'établit a Amfterdam, Sc de-la a Hambourg , oü
il eft mort en 1600.
Ilétoit forr amufant dans la fociété. Il peignoit
avec promptitude & avec facilité. Tous les genres
différens, foir figures j foit payfages j lui ont
acquis de la réputation ; ila fait en petit dei fujets
a la lueur du flambeau & au clair de la lnne. On
lai reproche d'avoir fait copier par de élèves {es
©uvrages qu'ü recouchoit peu } & vendoit pour
ongmaux.
-ocr page 163-
Tlamands j 'Allemands & Hollandoh. 14/*'
DIRCK (THIERRY)
DE V R Y E.
Dl V r y e voyagea beaucoup. Il fut long-
tt mps occupé en France. Ce qu'il a fait de beau a
Gouda en 15 81, caraóténfe la f^gefle 6c la venu
des bourguemeftres, Sc les talens du peintre.
A D R ï E N
VANDER SPELT.
AjE hafard fit naïtre vander Spelt a Leyden. Sa
familie étoit de Gouda. Il eut Ie talent de peindre
des fleurs •, il s'attacha fort long - temps a la cour
de YElecleur de Brandebouig. De retour en Hol-
lande , il époufa une feirme d;fficile 3 qui fut
caufe de fa mort peu de temps après.
PIERRE BOM.
JBom, re^u dans Ie corps des peintres d'An-
vers en 15 <£o , pafTe pour un habile payfagifte ea
détrempe.
Ka
-ocr page 164-
148             La Vu des Peintres
J E A N
VAN D A E L E,
IL vécut a pen pres du temps de Bom ; il
avoit un talent fmgulier pour repréfenter des
lochcrs.
J O S E P H
VAN LI E R R E;
De Lierrb , natif deBruxelles, bon payfagifte,"
&c peintre de figares, fur-tout en détrempej fic
plufieurs patrons p»?.*.ir les tapilTenes, & quitta
Anvers pendant les troubles du pays, pour s'é-
tablir a Frankendel, ou la pénétration de fon
efprit Ie fit admectre parmi les membres du con-
feil. Attaché a la réforme de Calvin, il en de-
vint un grand prédicateur a. Swindrecht, dans Ie
paysdeWaes j ceuxd'Anversdelamême croyance
vinrent 1'entendre prêcher. II abnndönna la pein-
ture y & fes ouvrages , auffi beaux que rares >
iönt recherches avec empreffement. Il moutut a
Swindrecht vers 1583.
-ocr page 165-
Flamands j Allctnands & Kollkniois.
LUC AS et MARTIN
DE VALCKEMBURG.
ville de Malinesa euplufieurs grands peintres ---------
en détrempe : ces deux frères Lucas 6c Martin 1550*
ont ponfTé loin ce ralenr. lis excelloienc a pcindre
Ie payfage. Malines & Anvers font les deux en-
droits oü ils ont travaUlé jufqu'en 15 66, que les
troubles du pays lesfirent forrir, accompagnés de
Hans de Vries ( ou Jean de Vries). Ils furenc
enfemble a Aix-la-Chapelle & a Liége. Ils def-
iinèrent les plus belleï villes vóiiines de cette
demière , & Ie long de la Msufe.
Dès que Ie caltne ie fut rétabli dans leur pays-,
ils y cetournètent. Lucas excelloit non-feulemenc
dans Ie payfage , mais dans les pecites figures,
&'fui'-tout dans Ie portrait en petit, a 1'huile. Ce
dernier genre plut beaucoup an duc Matkieu 3 qin
smmena ce peinrre avec iui i Lintz, oü il rut
smployé fort long-temps. Il ne quirta cette vill'e
que lorfque Ie dnc encra en Hongrie ; en
retournant dans fa patrie , il mourut en chemin.
Fl laifTa pkifieurs fils qui ont eu de la réputation.
Martin mourut a Francfort , on ne fait paj
en quelle année.
-ocr page 166-
La Vu des Peintres
A N T O I N E
DE MONTFORT,
OU BLOCKLANT,
ÉLÈVE DE FRANC-FLORE.
.,....... D^ Montïort, iflu de familie noble ,
1532. des barons ou vicomtes de Montfort , étoit
fils de Cornille de Montfort, dit Blocklant,
écoutet de Montfort j qui y avoit pofledé la
belle charge de receveur des rentes des barons
de Moriamés. Antoine fon fils , né dans cette
ville en 15 5 X, fat nommé Antoine de Blocklant,
Ge furnom étoit celui d'un fief fictie entre Gor-
cum & Dordrecht, qui leur avoit appartenu ,
& qui leur revint par Ie teftament d'un neveu
qui, en mourant fans enfans , Ie légua au frère
du peintre _, fecrétaire de la même ville en 1571.
Blocklar,1: commenga la peinture a Delfc, fous
fon oncle Henry Ajfuerus 3 peintre médiocre,
mais qui faifoit aflez bien Ie portrait. Il fut 1111
des élèves de Franc-Flore. Entiarement appliqué
a copier ce maitre , & a étudier fouj fes yeux,
il furpaflTa en deux ans tous fes compagnons. Il
voyagea j & de retour a Montfort, agé de dix-
neuf ans, il époufa la fille du bourguemeftre.
Il alla demeurer a Delft, oü 1'étude de la pein-
tme devint fon unique occupation. Il deffrna t.ouï
-ocr page 167-
Flamands , 'Allemands & Hollandoisi 151
«Taprès nature, les hommest les femme*, Sc
donna beaucoup d'élégance a fes concours. Les
principes de fon maitre étoient fes guides • il
travailla dans fa maniere.
Il rendoit bien Ie nud,& fes draperies étoient
de bon gout; les extrémités étoient «u-redes ■
es tetes bien coifFées, & les barbes des vieil-
lards d une grande légèreté. Sa vivacité 1'empê-
cna de s actacber a peindre leportrait: on voit,
par ceux de fon père & de fa mère , qu'il auroit
encorc reuflï dans ce genre.
Les grandes compofitions, plus convenables
a Ion genie, 1'occupèrent tour entier : il ne nous
en refte qu'un très-jpetit nombre. La ville de
Uelft regrecte l&
          bl         d'l
ce e de Gouda la Décollation de S. Jacques. La
ville d Utrecht confervoit , du temps de van
Mander
,1a plus grande partie de fes ouvrages ,
pluiieiirs i-etr.bles avec leurs volets. L'un repré-
ientoit en dedans 1'Afïbmption de la Vierge, &
deux autres 1'Annonciation & la Naiflance de
notre Seigneur.
On yoyoit encore de lui la Paffion, dans les
butres de la ville de Dordrecht.
Etant fans enfans , & defoant extrêmement
de voyager en Italië; il partit avec un orfèvrc
ir a e" I57Z' mais A ne fL!C '•l"6 fix mois
abient. A fon retour, il demeura quelque temps
aMonrforr, & de-B il vint fe fixer a Utrecht.
Sa première femme y étant morte , il fe remar
na, & il eut trois enfans de la feconde.
Il rit a Utrecht la Vie de fainte Catherine
pour Bois-le-Duc , Sc plufieurs autres tableaux
«juioat en partie été gravés par Giuqius , &v'.
K4
-ocr page 168-
r5*                 La. f ie des Pcintres,
Sa compofition étoit grande , fes airs de têtes
nobles: fes piofils d# femmes approchoient de
ceux du Parm'fan.
La douceur de fon caractère augmenta Feftime
qu'on avoit pouv fes tcilens.
Il fit pluheurs bons élèves, reis quAdrien
Cluit
d'Alcmaer, grand peintre de portraics ,
mort en 1604; Sc un autre appellé Pierre , fils
d'un fameux orfèvre de Delft, qui a égalé fon
maïrre , & qui 1'auroit furpafle s'il n'étoit pas
mort jeune, michel Mirevelt, de Delft, eft ce-
lui qui a fait Ie plas d'honneur a fon école.
Biocklant mourut a Uttecht en 158 j ,a 1'age
de 40 ans.
LÜCAS DE H E E R E ,
ÉLÈVE DE FRANC-FLORE.
IL naquit dans la ville Gand en 1534. Son
père, Jean de Tléere , étoit Ie plas grand fculpteiïr
de fon tempsj & fort bon architedte. Sa rnère,
Anne Srnyurs avoit un talent particulier pour
peindre en détrempe ou gouafle. fan Mander
fait l'éloge d'un petit morceau dont cette femme
cft 1'autcur. Il repréfentoit un moulin a vent,
avec fes voiles tendues ; Ie meünier étoit chargé
d'un fac en montant 1'efcalier. On voyoit fur la
terrafle du moulin un cheval attelé a une char-
rette; & a. 1'oppofite, Ie chemin oü 1'on apper-
ceyoit des payfans. Ce tableau , fi fmi & li
-ocr page 169-
Flamands, AiUmands & Hollandois. 15}
remarquable par Ie travail & la force du pinceau ,"
étoir encore plus fingulier par fa pctitefle , puif--
qu'un grain de bied pouvoic en couvrir lafurface.
De Heer e ne pouvoit manquer d'étre un jour grand
peintre > étant né de parens qui lui en aroient
donné Ie gout, Ie ralenc Sc l'exemple. Son père
Ie mena toujours avec lui daas fex voyages. Il
copioit les vues de fa route ; il deffina beaucoup
de chateaax Sc de villes Ie Iohe; de la Meufe ;
il manioir fort proprement la plurae, Sc donnoit
beaucoup d'intelhgence a fes defïïns.
Ayantacquis, par ce travail & les le^ons de
fon père, une grande force de deffin &c beau-
coup de facilicé , Franc-Flore 3 ami de Con père,
Ie prit pour élèvc. Il ne tarda pas a régaler &
a Ie furpafler dans cette partie de la peinture au
deflin. Son maltre Ie fir compofer &: deflïner
long-temps pour les peintres fur verre. Ses def-
fins pafsèrent fous Ie nom de Franc-Flore.
Il quicta Franc-Flore pour voyager. 11 vint en
France, oü la reine-mère 1'employaa faire de»
deffins pour les tapifleiies. Il refta long - temps
a Fontainebleau pour écudier les antiques ou
tableaux de cett« maifon royale 5 & fans aller plus
loin, il revint dans fa pacrie pour y fixer fon éta-
blifTement. Il époufa Lécjnore Carbonnier, fille
du trétbrier de la ville de Veren, Sc s'atcacha
d'abord au portraic : ce talent lui donna beau-
coup de réputation. Sa mémoire étoit fi fidelle ,
qu'il faifoit un portrait après avoir vu une fois
une perfonne. Dans 1'égiife de S. Pierre a Gand,
il avoit repréfencé, fur les deux volets d'un au-
tel, la Defcenre du S. Efprit fur les Apotres. On
adraire let draperies Sc la fajou dont il traicoic
-ocr page 170-
154              La Vu des Peintres
-.....fes étoffes. Dans 1'églife de S. Jean on remarque
1J34- 'e "bleau d'une épnaphe , repréfentant la Ré-
futreótion. On voit , fur un des volets, notre
Seigneur avec les Maries ; & fur 1'autre, les Dif-
ciples d'Emmaüs. Il a fait beaucoup de tableaux
«Tautels , Sc autres grandes compofitions , quoi-
qu'il perdic beaucoup de temps avec les grands
feigneurs qui Ie recherchoient pour fes talens.
Plufieurs princcs Tont favorifé de leur eftime,
& gratifié de charges konorables.
Etant en Angleterre , 1'amiral Ie chargea de
lui repréfenter j dans une galerie } diverfes Na-
tions avec leurs habillemens. Il avoit peint les
Anglois a nud, avec toutes fortes d'étofFes auprès
d'eux, & les cifeaux d'un tailleur , pour mar-
quer, difoit-il 3 qu'il lui feroit impoflible d'ha-
billcr une natiën qui change tous les jours de
modes j & qui peut-être ne feroit plus connue
1'année fuivante. Cette critique plut beaucoup a
la cour.
La peinture ne fut pas Ie feul talent qui Ie
fit eftimer : il étöit un des plus beaux génies
de fon temps , favant chronologifte , &c fort
bon poëte.
Il a laifTé beaucoup d'ouvrages en vers ; en-
tr'autres Ie Jardin de la Poëfie , & plufieurs tra-
ducliions de Marot, Ie Templede Cupidon, Sec.
On a perdu la vie des peintres flamands qu'il
avoit écrite en vers.
Il mourut Ie 19 avril 1584 j agé de 50 ans.
-ocr page 171-
Flamands , Allemands & Hollandois. 155
DIRCK (THIERRY)
BARENTSEN,
ÉLÉVE DE SON PÈRE ET DU TITIEN.
JJarentsin naquit dans la ville d'Amfterdam"
en 1534: il étoit fils d'un peintre appel! é Bar ent
Ie Sourd.
Ce dernier a peinc , daas la maiibn
de ville d'Amiterdam , la Sédition d'une fecte
furieufe j qui ne cherchoic rien moins qu'a
détniire , par Ie fer &: Ie feu , cette grande ville
& fes habitans, en 1'année 1535.
Celui donc nous écnvons la vie , rec;ut de fon
père les principes de fon art, & a 1'age de z 1
ans il parcit pour 1'Icalie. Venife fut I'endroit ou
il chercha a fe perfeótionner. Une figure aima-
ble , & 1'étude des belles-lettres, ou il avoit
fait de grands progrès, lui attirèrent Tamitié du
Tuien , cjlu Ie recue chez hu avec la tendrefle
d'un père. Il eut la liberté d'y recevoir & d'jr
traiter fes compatriotes. L'eftime d'un tel maïtre
lui acquit celle des citoyens diftingués Sc des
favans de la rille : il les amufoit par fa con-
verfation fpirituelle. Aux talens de peintre , il
joignoit ceux de muficien. I! jouoit de pluiieun
ïnftrumens _; maïs ces amufemens ne lui firent
jamais négliger lapeinture, fon etude favorite.
Il fit connoiflance avec Ie feigneur d'Alde-
guondc
qui, depuis fon retour en Flandres j n'a
jamais cerTé d'être fon ami intime.
-ocr page 172-
'I j 6               La Vit des Pcintres
Aprèsfept années de féjour en Italië, il re-
tourna dans fa patrie , & époufa a Amfterdam
une demoifelle alliée aux ptincipales maifons de
cette ville.
La première chofe qu'il fit en arrivant, fut Ie
porcrait de fa femme & Ie fien, que 1'on a vus
depuis chez fa fille dans la même ville. Il corn-
pofoit d'une grande maniere. On a encore de
lui beaucoup de portraits , tous dans Ie gout
du Tuien.
On faifoit grand cas d'un tableau d autel qu il
fit a Amfterdam pour les arquebufiers : il re-
préfentoit la Chüte de Lucifer. Le nud y étoit
corredement rendu, & les paflions & les atti-
tudes violentes de la fureur & du défefpoir n'y
étoient pas moins bien exprimées. Ce tableau
a péri dans les guerres de religion : il n'en eft
échappé qa'im morceauqu'on voitdans les buttes
d' Amfterdam.
On conferve dans cette ville une Jadith, qu on
regarde comme fon chef- d'oeuvre : la légèreté
de fa touche s'y fait admirer.
Il fit a Leyden , chez le fieur Sybrant Bruys,
me Vénusj a Gouda, une NaiiTance de^notre
'eigneur j compofée & peinte dans le gout des
grands maitres d'Italie; a Amfterdam 3 chez Ie
fieur Ra^et 3 notre Seigneur en croix, 8c au bas
une Magdelaine.
On voit dans la même ville > chez Isbrant
Wilkms,
des portraits & plufieurs tableaux d'lnf-
toire du même auteur; dans les buttes dés arba-
lêtriers , une compagnie de plufieurs perfonnes,
■parmilefquclleseftunchaudronnierfiuguhèrement
caradérifé j un autre tableau dans le Clos da
-ocr page 173-
F Iemands, Allcmanis & Hollandols. IJ7
Mail, repréfente des gens a table } auxquels on
fert un poiflbn 3 appellé en Hollande Pors.
Dans fes buttes des archers , eft encore un
grand tableau , oü Ie peintre a rafTemblé une
afTez nombreufe compagnie. A la fin de fes jours
il étoir devenu fi gras qu'il ne lui étoit plus pof-
fible de vojrager. Il refta toujours a Amfterdam,
oü il eft mort a 1'age de 58 ans., en
HANS (ou JEAN)
BOL.
L perca la foule des peintres en détrempe.'
On comptoit alois , dans la ville de Malines ,
pluj de 150 ateliers. Jean 5o/naquit dans cette
ville, d'une fort bonne familie, Ie 16 décembre
1 534.Al'agede i4ansilcommen$aaapprendrela
peinture pendant cieux années fbus un maitre mé-
Siocre.il voyageaen Allemagnej il refta apeu pres
!e méme remps a étudier a1 Heidelbérg j &■
rerourna chez lui, oü fans autre maitre il s'ap»
pliqua au point qu'il devint excellent peintre. Il
inventoit öc ccmpofoit des payfages agréables j
fa touche & fes couleurs étoient d'une grande
Union: il avoit une manitre particuliere Sc vague
d'ébaucher. Van Mander loue beaucoup un de
fes ouvrages en détrtmpe, qui repréfentoit la
fable de Dédale & d'Icare ; il n'a rien vu ., dit-
il, de ü beau: du fein de la mer s'élevoit une
qiontagne efcarpée , qui portoit fur fon forames
-ocr page 174-
T 51                 La Vu des Peintres
-            un vieux chateau. Ce rocher peint de plufieurs
IJ34. couleurs; étoit d'une grande harmonie j les mouffes
öc les plantes étoient rendues avec Ie plus grand
art; fes fonds fur Ie devant avoient une force fin-
gulière. Ce payfage étoit orné de quelques
figures également bien taillées.
Il quitta Malines en 157Z j lorfque cette ville
fut ravagée par les geais de guerre ; ayant été dé-
pouillé de tout ce qu'il avoit, il vint plus que nud
a Anvers, oü il fut très-bien retju par Antoine
Couvreur , qui Ie fit habiller & mettre en état de
travailler. Entre plufieurs belles chofes qu'il fit a
Anvers j on cite un livre rare & eftimé, de toutes
fortes d'animaux terreftres 8c aquatiques, peints
a gouaiïè , d'après nature.
Il quitta entièrement fes grandes toiles en dé-
trempe , ayant remarqué que Ton copioit fes ou-
vrages, & que la copie fe vendoit également bien ;
il ne fit plus que de petits tableaux a 1'huile, oü
des figures a goualTe que Ton recherchoit beaa-
coup j & dans ce genre il étoit unique. Il fut obiigé
de quitter cette ville pour Ie mème fujet qu'il avoit
quitte Malines, & ilalla a Bergopzoom & a Dort,
oü ii refta pres de deux ans \ de-la. il vint a Delft,
Sc enfin a Amfterdam, oü fon talent fut fort re-
cherche & bien payé. Il peignit d'après nature la
ville d'Amfterdam , du coté de la terre & du cöté
de la mer. Les vaifTeaux , leur reflet dans 1'eau,
rout y étoit a admirer. Il fit encore d'autres vues
de villes & de bourgs avec Ie même fuccès : ces
ouvrages 1'enrichirent.
On voyoit de lui > chez Ie fieur Jacques Ra0.000000e+000t,
plufieurs beaux morccaux,& entr'autresunChrift
paflablement grand, richement compofé , oü les
-ocr page 175-
Flamands > Allemands & Hollandois. 159
fïgures, les étoffes j les chevaux & Ie payfage font
d'une grande beauté, &necèdéntenrienaux plus
frécieux tableaux de fon temps. Chez l'éle&eur
'alatin , un perit tableau repréfentant un Hiver.
Cet ouvrage fuffiroit pour montrer Ie mérite rare
de ion auteur.
On peut juger de la fertilité de fon génie pur
Ie nombre de, fes compofitions qui font gravées.
Il eft mort a .Amfterdam Ie 20 novembre 1585.
Il avoit époufé une veuve, dont il n^eut point
d'enfans. Elle avoit d'un premier manage un fils
nommé Francoïs BoëUj élève de Bol, qui a beau-
coup approché de fon rhaïtre dans Ie méme gout,
Sc qui ne lui a farvécu que de peu «Tannées.
Le meilleur élève de Bol étoit de Conrtrai : il
fe nommoit Jacques Savery ,üls d'un peinire mé-
diocre. Il avoit une patience extreme a finir fes
ouvrages: fon travail qui neparoïc nullememtpeiné
ni fee j étoit caché avec art. Ilmourutdela pefte
a Amfterdam en 160$. Son frère Roelant Sa-
very
fut queique temps a imiter ce genre j mais
il 1'abandonna pour peindrea 1'huile, comme il
fera dit ailieurs.
J E A N
STRADANUS.'
O tiadanus naquit en la ville de Br-ges en
153^ , d'une familie illuftre , fous le nom de
Straet. f es reftes de cette maifon, une des plus
auciennfcj de la piovince , furent éceints ou dif-
-ocr page 176-
I6o             La Vlc des Peintres
perfés. On les accufa d'avoir trempé dans Ie meur-
tre de Charles Ie Bon , treizième comte & dix-
neuvième foreftier deFlandres, qui futaflalïinéen
ii 27 dans 1'églife de fainc Donas. Revenons a
notre fujet. Jean de Straet on Stradanus commen-
ca a étudier fon art dans cette ville , Sc voyagea
fort jeune en Italië. Il choifit Florence ou il s'é-
tablit j il fit dans cette ville beaucoap de grands
ouvrages a frefque & a. 1'huile, & fut d'un grand
fecours a Vafary, a qui il aida a peindre les fallons
Sc autresapparcemens duduc.Ildevint, aprèstant
d'étudesjiindes plus grands maures defon temps.
On voit de lui dansTéglife de 1'Annonciation de
cette ville , notre Seigneur en croix j un des
bourreaux lui préfente 1'éponge trempée dans Ie
vinaigie. Cette compofition eft belle; elle a été
gravée par Philïppe Galle , ainii que la Pallion de
notre Seigneur 3 de deux fanons différentes. Il fit,
comme Hemskerck , les A&es des Apötres, Sc on
nombre d'autres hiftoires qui prouvèrent 1'éten-
due de fon talent. Il compofoit & deffinoitbien,
Sc pofledoit la bonne couleur. Il fut toujours
regarde comme un grand homme & comme un des
pnncipaux membres de 1'académiede peinture de
cette ville ; il y vivoit fort fimplement. Il doit
être mott vieux, paifque van Mander marque qu'il
feportoic encore fortbienen ^
'4$*
~*?*^
PIERRE
-ocr page 177-
JFlamands, Alkmands & Hollaniois. ïSi
PIERRE VLERICK,
ELEVE DE CHARLES D'YPRES,
V lerick naquit dans la ville de Courtrai ed
1539. Son père, qui étoit procureur j remarqua 1/39»
une inclination fïngulière dans fon fils pour Ie
deffin. Il Ie plac,a chez Wdltm Snellaert, peintre
en détrempe , oü il ne refta pas iong-temps.
^yant enten du vanier Charles d'Ypres pour 11
corre&ion du delTin & la maniere de pemdre, il
pritdefesle5ons& fe perfeciionna; maiscemaitre
<jui étoit auffi fou que diflïcile, par fes mauvais
trairemens 1'obligea de Ie quitter. Il retourna
chez hu : fon père naturellement dur3 lui donna
fieu d'argent j Sc Ie forc,a a chercher fortune ail-*-
eurs. Les grandes dirHcultés ne peuvent ébraniet
un hommebien déterminé. Vlerïck les franchit
toures. II fut a Malines, oü lespeintres en détreinpe
1'employèrent a peindre des cartouches pour des
infrriptions. Il y devint très-habile, mais il fentic
que ce talent étoit trop bomé : il quitta cette
ville pour s'inftruirefous les bons peintres d\An-
vers. Son débuta 1'hmlefut de copier un tableau
des Ifraëlires adrrant Is Serpent d'airam dans Ie
Défert. Il y réuflit au gré de fon maure. Après
qnelques autres ouvrages , il fat chez Jacaues
F/ore,
frtre de Francois. Mais ayant forme Ie
projet de voyager, il quitta fa patrie j Sc paffe par
la France pour aller en Italië. Venife lui paruc
propre a fon projet: il entr» chez Ie Tintoret,qal
Tomc I.                                            J-r
-ocr page 178-
•ïffl                La Fie des Pclnttei
fut charme de fa maniere de peindre, Sc qui airfta
fon caraóbjre. Il avoit même envie de Ie fixer, en
lui faifant époufer fa fiUe; m.üs, fok que Vlerick
füt trop attaché a fon pays natal, foit qu'il n'eüc
pointencorefatisfait fon gout fur les curiofités qu'il
s'étoit propofé de voir, il prit congé de ce grand
peimrej & pafla par toutes les villes oü il favoit
qu'd pourroit trouver a s'inftruire, & parvint juf-
qu'a Rome. Rien ne lui échappa dans cette ville
ni aux environs. Il defllna 1'antique , & toutes
les vues du cours du Tibre, a la plume, avec une
liberté approchant de la maniere d'Henri de Cléef.
Ce jugement eftdevanMander, qui avu plufieurs
fois fes defllns. Il fut auffi a Naples, & dedina
les plus belles vues de Puzzoli & fes environs. Il
compofa a Rome quelques tableaux a 1'huile &
endétrempe.Les figures quifont dansles payfages
de Jeróme Mut^iano , & qu'on voyoit a Tivoli
du temps dupontificat dePic//^, font de lui.
En quittant Rome il pafla par t'AUemagne, &
fe fixa enfin dans fa patrie, ou les peintres admï-
rèrent les progrès au'il avoit faits d \ns fes voya-
ges. Il peignit en détrempe Ie Serpent d'airain
fur ane grande toile , les quatre Evangéüftes, «ne
Judith qui coupe la rêce a Holopherne , un Cru-
cifix oü étoient la Sainte Vierge & Saint Jean. Il
changea la pontion du Chrift , que les peintres de
ce temps avoient jufques-la repréfenté debout fur
la croix. Il Ie peignit pendant par les bras, fans
aucun appui. Il excelloit dans 1 architedture & la
perfpe&ive^on reconnoit dans tour la maniere du
Tintoret
qu'il n'a pas quittée.
11 fut demeurer a Tournai vers 15 (ï8 ou 69. Il
eut beaucoup a fouffrir dans cette ville; il 7 èil
-ocr page 179-
Flamands > Allemands & ïïollaniois.
fait prifonnier j & après avoir vu mourir de la -
pefte deux ou rrois de fes filles, il fuccomba tui—
même fous cettemaladie en i 581 3 a lage de 44
ans Sc denii.
^2/2 Manier3 qui a été fon élève pendant une
année, rapporre que Vkrick avoit autant de mo-
deftie que <le mérite; qu'il lui difoit fouvent,y?
vous ne faifieipas mieux que mo'i un pur, je voui
confeïlleroisde qultter.
Ileftimoitbeaiicoup/vvzflc-
Flore, 8c tons les peintresd'Icalie. On lui connoït
un aurre éltve, LouisHémedeCoumzï, quiimic»
h manierede fonmaitredans 1'archiiedture.
N. FRANS.
X1 rans naquit a Malines en 1555? 011 40. Il
entra fort joune dans 1'ordre des Bécollets. Soa
maitredans a peintuie eft inconnui mais fes ouvra-
geslui ontfait beaucoupd'honneur.Frdr/zj peignit
desfujetsdej'£criture.T)ansréglifedeNotre-])ame
aMalines, en voit de lui une Fuite en Egypte;
& a Notre-Dame d'Hanswyck, pr«s de certe ville,
1'jAnnonciation Sc la Vifitation de la Vierde. Les
figures font de grandeur naturelle. II deflinoit Sc
colorioitbien.il peignoir dans fes fonds Ie payfage
avec beaucoup d'intelligence & de choix. Il avoii
un élcve nommé Francois Verbeeck, de Malines ,
qui peignoit a gouaiTe des fujets plaifans , dans
Ie gout de Jer 'me Bos: on en voit dans plufïeurs
églifes de la même ville. Les ouvrages de Ver»
bceckoxxt
unegrande propreté,fontd'une heureuf»
faciiité, & pleiiis d'efpritt
L x
-ocr page 180-
xf 4
VINCENT
GELDERSMAN:
—-------vteldersman, natif de Malines, peignoir bi«n
1539. Ie nud, & fur-tout les chairs des femmes, iron
deflin eft corredt} plus de choix embelliroit fes
tableaux. On a de lui l'hiftoire de Suzanne , une
Cléopatre , une Léda , une Defcente de croix
avec les Maries. Ce dernier tableau eft dans
Téglife de Saint Rombout. Il y a plus d'art
dans ces tableaux que dans ceux qu'il a compofés
depuis: il a mérité Téloge des aniftes de fo»
temps.
ISAAG NICOLAY:.
XL eft étonnant que la v'ille de Leydën n'aic
point tnarqué Ie jour de la naiflance de Nicolay ,
qui y vint au monde, &c qui fut depuis bourgue-*
meftre de la mêmeviüe. On voit mr Ie role des
pères du peuple, qu'il fut élu en 15 j6. C'eft de-
puis & même avant cette époque , que la ville do
Leyden conferve de lui des 'tableaux d'une belle
ordonnance & bien deffinés pour Ie temps. La
falledutribunal & quantitéd'autresendroitsfont
ornés de ks ouvrages. Il joignoit a une eftime
particuliere pour les grands peintr§s, un grand
-ocr page 181-
Flamands3 Allcmands & Hollandais. \6\
•amour pour leur talent. Il éleva fes trois nl< dans------------■
Ie même art. L'aïné Jacques - Ifaac Nicolay a 1539.
peint loMg-remps a Naples., oü il époufaune femme
«ju'il emmena dans la patrie en 1617. Apiès
avoir long-temps travaillé a Leyden j ilfe reurs
a Utrecht 3 oü il mouruten 16) 9. Il y eft enterrév
Nicolas-lfaac Nicolay, fon fecond fils, fe fixa
a Amfterdam,ou il fit grand nombre d'ouvrages.
Et ledernier, Willem-Ifaac Nicolay, graveur
eftimé, refta a Delft , oü il fat fait chef d'une.
compagnie d'arquebufiers «ie la ville. Il y mouruc
en 1611.
FRAN^OIS
P O R B U S,
ÉLÈVE DE FRANC-FLORE.
^ Porbus né a Bruges en 54
de fon père , Pierre Porbus , & depuis celui de
Franc - Flore, les a furpafles tous deux. Flore
difoit: cc jeune homme fera un jour mon mtitre^
Qnoique fon talent de peindre ie portrait Ie fit
particulièrement admirer,, il peignoir bien 1'hif-
toire & les animaux.
I/académie d'Anvers 1'admit en 15^4. L'en-
vie de voyager & de chercher d'autres modèies
que les peintres de fon pays , Ie difpofa a quittec
u gatriej mais 1'amour renverfa de ü beaux £rc>~-
i. h
___
-ocr page 182-
Za Vie des Peintres
---------jets. Il changea de deflein pour époufer la fille
l5YJt de Cornille Fiore, frcre de fon maïtre.
Ilfe mit apeindre plufieurs tableaus d'autel;
un dans Téglife de S. Jean a Gand , & un autre
porr Ie préfident Vigdus, Ce dernier tableau
repiéfentoit un Baptéme. Sur les volets étoisnt
(>eincs laCirconcifion & d'autresfujets. Il fit pour
e même beaucoup de portraits de familie. On a
de lui dins un convent d'Oudenarde, un autel
repréfentaat 1'Adoration des Mages, &c. Il fit a
Bruges chez fon père, Ie Martyre de S. Georges ,
pour ime confiérie de Dunkerque: on Ie voit
fouffnr Ie martyre; dans Ie milieu, percer Ie Dra-
gon \ dans Ie fond, rcfafer d'adorcr les idoles ;
• Fur les volets, il eft peint en dehors en camayeu,
lorfqu'il paroït devant les juges. On remarque
dans ce tableau Pexcellence du pinceau & une
couleur vraie. Le payfage eft d'une belle touche.
On voit aujourdnui dans la même chapelle ce
tableau , un peu endommagé par un Anglois
<]ui 1'a voulu nettoyer.
Onaencorede ce peintre un Paradis terreftre;
f'ar eet ouvrage on juge qu'il excelloit a peindre
es animaux & le payfage: fa touche eft belle 8c
décidée: on reconnoit le pommier, le poirier ,
le noyer , &c. par le feuillage.
La force Sc r harmonie de fa couleur, la touche
de fon pinceau, 1'ont £iit admirer dansleportrait.
Tont ce qu'il a fait eft d'une grande vénté j il
ne lui manquoit que le féjour de Romej pour
le perfedionner dans le gout du deflin.
La ville d'Anvers 1'avoit nommé enfeigne
dans' fa milice bourgeoife ; ce qui fut caufe de fa
mort. S'éunt for: échaufTéa jouer du drapeauj
-ocr page 183-
Flamands, Atlemands & Hollandois. i6y
2 filt fe repofer au corps-de-garde , pres duquel —'—-—
on venoicde vuider unégout. Il fetrouva incom- i j40.,
mode, tomba malade., & mourui très-prompte-
ment, agé de quarante arré, en 1 jSo.II laiflaun fi!s
nommé comme lui j fa veuve., en fecondes noces >
époufa depuis Hans ou Jean Jordaens, élève de
Martin Cle'ef. Ce Jordaens.dela ville dJ Anvers, fut
un des bons peintres de ion temps: Hiftoire ,
Payfage , Corps-de-garde , Fêtes de Villages K
Pêcheurs, Incendies, Clairs de Lune , tous les
genres lui étoient égaux. Il fut recu en 1'académie
d'Anvers en i579.IldemeuraaDelfte»Hollande..
On ne fait pas 1'année de fa moru
CHRISTOPHE
S W A R T S.
L
A ville de Munich fe vante de lui avoit
donné la nailFance. Il a décoré de fes tableaux
les églifes & les autres édifices publics. Celie des
Jéfuices pofsède fes principaux ouvrages. Il fut
peintre de l'éleéteur de Bavière. Sa compofition
eft grande & facile, & fa couleur fon bonne.
On voit beaucoup de fes produftions gravées
par Jean Sadler, entr'autres one Paflïon ®u.
notre Seigneur eft prefque roujours par terre.
Sa fa$on de compofer, quoique nouvelle, n'eft
pointdéfagréable.Go/qiwétiinïaMunich en rj^i,.
fit fon portrait en crayon. On voita Paris dans le;
cabinet de M. Ie comte <3e Vence , une têtfc
Swarts, II mouruten 155)4.
-ocr page 184-
i6S               La Vit des Vantres
PIERRE BALTEN.1
---------Dalten écoi't peintre de payfage : fa manièra
i CA.Q approchoit aflez de celle de Pierre Breughel. Il tou-
cnoit avec beaucoup de gouc les petites hgures ,
les foires ou kermefTes flimandes qui font
recl^erchées. II peignoir trts-bien a gouafle, &
dans 1'une & 1'autre maniere on admire fa grande
facilité. H avoit aulli un talent lingulier pouc
deifiner a la plume. Il fit pour 1'Empereur un pay-
fage avec un grand nombre de figures; Ie fujec
écoit la Prédicacion de Saint-Jean dans Ie Défert»
L'empereur ht peindre depuis un Eléphant au-
lieu du Saint-Tean ,de forte qu'il paroït que touc
ce peuple efta admirer 1'animal. Ce changement
a été iufqu'd ce jour une énigme.
Il fut admis a 1'académie d'Anvers en 1579.
Bon poëte & bon afteur, il étoit en correfpon-
dance avec Corridle Ketel, peintre & poëte a
Gouda. Il mourut a Anvers,
-ocr page 185-
Flamands, Allcmands & Ilollandois. 169
G O R N I L L E
MOLEN AE R,
OU
CORNILLE LE LOUCHE 7
ÉLEVE DE SON PERE.
E nom de Ncel Ie Louche lui fut donné a caufe
defondéfaut naturel. Elève de fon père & de
fon beau-père, également médiocres en peinture,
il devint un grand payfagifte. Sa débauche 1'ayant
mis fort mal a fon aife, il fut obligé de faire , a
)o foux par jour, les fonds des ubleauxdes autres
peintres. Il avoit une fi grande pratique, qu'il
peignoit un grand payfage dans un jour. Il ntf
ie fervoit point d'appui-main. Les peincres d'An-
vers fe fontprefque tous fervide lui pour peindre
les fonds de leurs tableaux: il en faifoit pour 6
ou 7 fous- Ses ouvrages font d'une vraie beauté ,
& eftimés fur-tout des artiftes. Il eftmortaAn-
vers , lieu de fa naifTance.
ARNOLT MYTENS.
IVLytens naquit dans la vüle de Bruxelles : il ■
porta famour de la peinture jufqu'au travaü Ie IHl-
plus rebutant. Non content de peindre Sc de
-ocr page 186-
17©                 La Vit des Peintret
— deflmer des objets ordinaires, il détacha furti-
IJ41. vement plus d'une fois des corps de pendus ,
pour en mouler les plus belles parnes. H quitta
de bonne-heure fon pays pour voyager en Italië,
oü il s'arréta quelque temps chez Antoine de
Santwoort:
il ne peignoir alors que des Vierges
* fur cjivre, & en petit. Ses premiers ouvrages
Ie firenr connoitre. Jean Spéekaert étoit fon ami
& fon compagnon d'étude a Rome. Notre
arnfte fut travailler enfuite a Naples, chez un
Flamand appelé Cornille Pyp. Il fe maria dans
cette ville, oü il a demeuic long-temps occupé
a faire des tableaux d'autels. Il ht aulTi grand
nombre de portraits, & il envoya daas les pays
étrangers plufieurs de fes ouvrages.
Sa femme mourut dans Ie temps qn'il étoit en
réputation; ce qui Ie détermina a voyager quel-
3ue temps en Flaudres. Il retourna a Naples -y
y
fit, pour une églife proche de cette ville,
un très-beau tableau repréfentant uno Aftomp-
tion, avec plufieurs figures d'Apötres & d'Anges
plus grands que nature.
Il peignit dans Naples les quatre Evangéliftes \
un tableau d'aurel pour 1'églife de S. Louis, 5c
un autre qui«repréfentoit Notre-Dame de Bon-
Secours; la Vierge a fous fes pieds Ie Demon
qu'e'le écrafe avec une miflTue. Ce tableau effc
d'une grande beauté j & eftimé mêvne par les
Italiens.
Après avoir fini ces ouvrages; il fe retira avec
fes enfans dansl'Abbruze, & il emporta avec lui
un grand tableau fur toile qu'il avoit commencé:
il repréfentoit notre Seigneur couronné par les
Juifs i la !:,'?ur des flambeaux : les lumières
-ocr page 187-
Flamands 3 Alkmands & Uoüandois. 17 ï
fontbien rtpandues,& les tons de couleur chauds,
On voit aufll du mtme peintre, dans j^quila, un
grand tableau fur roile , qui remplit tout Ie fond
d'uneéglife jufqu'a la voute; c'eft un L.hrift avec
de grandes figures. Ce tableau furprend les artif-
tes \ la toile en ayant été maw ffle'e, Ie peintre
avoit été obligé, pour Ie peindre , de fe tenir
fur une échelle: ( pénible travail qnand il eft
long. )
Ayant été demandé pour faire des ouvrages
dans 1'églife de S. Pierre de Rome , il y fut avec
fa familie, emportanr toujours (on couronnement
de Jcfus-Chrift, que 1'on a vu depuis a Amfter-
dam chez Bernard de Somer fon gendre.
Arrivé a Rome, il y maria fa fille ainée a
Bernard de Somer, Sc mourut peu de temps après
dans cette ville en 1601.
•Les Iraliens ont fait 1'éloge d» ce peintre , Sc
ils voient tonjours fes^ ouvrages avec la rnème
admiration.
PIERRE
P I E T' E R S ,
ÉLEVE'üE SON PERE.
X ierre Pieters , élève de fon père Pierre Acrt-
fen
j imita fa maniere. Jl quitta depuis fon
genre pour prendre celuTdu porrrait. Il avoit
repréfenté, pour les boulangers d'Harlem , uu
Four ardent j qui fit regretter aux artiftes fa pre--,
-ocr page 188-
17*               la Vu des Pantres
mière maniere. Il mouruta Amfterdam en 16051
GILLES
DE COONINXLOO,
ELEVE DE LEONARD KROES.
Ajooninxloo naquït dans la villed\AnversIe 24
IJ44. janvier 1544. Són père Ie placa d'abord chez
Ie hls du vieux Pierre van Aelfi. Après quelques
années d etudes chez ce premier maïtre, il fut
chez Léonard Kroes , qui peignoit en détrempe
lhiftoire & Jepayfage, & enfuite il fe mi: quel-
que temps en penfion chez Gilles Mqftaert.
^
II voyagea fong-temps en France , Sc travailla
3. Pari; & a Oiléaiii. A la veille de partir pour
Rome_, on l'obligea de reto.irner a A'uvers pour
fe marier. Il travailla dans cette ville, malgré
les troubks du pays , qu'il ne quitta que lorfque
la ville fut afliégée. Son intention étoic de retour-
uer en France , foit pc:r y demeurer ou vendre
dubien^u'il y avoitacquisjmais ilfutenZélande,
& de-la il s'établit a Frankendal en Allemagne ,
ou il refta pres de dix ans , & revint a Anvers
avec toute fa familie. Sa réputation augmenta
de jour en jour. Il Jk un grand tableau pour
le roi d'Efpagne; uff payfage de feize pieds de
longueur pour une maifon 'pres d'Adivers : ce
dtrüier tableau paffe entre les mains de Jacquos
-ocr page 189-
Flamands, Ailemands & Hollaniols. 17$
Roleants, avocat. II compofa encore plufieurs
tableaus pour 1'empereur. Ses ouvrages furenc
difperfés par-tout; les rmrchauds étrangers ne
Jur laifsèrenr prefcjue pas Ie temps de fatisfaire
* rempreiïement des curieux de fa patrie. Oa
voyoit a Amfterdam, thez MM. Abraham Demares
& Jean Ycket, des payfages fort beaux , avec
des figurei de Martin van Cléef. Ces payfages
font d'une couleur agréabie , & d'une touche
Jégère ; fes fonds toujours variés montrent la
fécondité de fon génie. A Nacrden , chez Ie
iieur Claet^ , on voyoit un grand payfage , avec
des fignres & des animaux par de Cléef; un
autre a Middelbourg^ fur bois, chez Ie fleur Mel-
chior Wyntgis , en grand fur toile; & deux en
forme ronde a Amfterdam , chez Herman Pïlerim
Sc
Henri van Os. Il y en a encore pkifieurs antres
dans dirTérens cabmets. Cooninxloo , Ie plus
grand payfagifte de fon temps 5 fut imire par les
meilleurs artiftes. Il vivoit a Anvcrs en 1604.
On n'a pufavoir Ie temps de fa mort.
HIERONIMUS fJEROSME),
FRANgOIS E t AMBROISE
F R A N C K ,
ÉLEVES DE FRANC-FLORE.
V_jes trois frères, nés a Herentals, étoienr Bis
de Nicolas Franck, que 1'on croit avoir été
peintre. Jérómt y Francois 3c Ambroife apprirenr
-ocr page 190-
L& Vlt des Peintres
.....la peinturc chez Franc - Fiore. Jérome Tranck
quitta fon maïtre & voyagea en France. Deja
connu comme bon peintie d'hiftoire &: de por-
trait, il fut employé a Paris. Ses ouvrages furenc
eftimés au point quHenri ///Ie choifit pour fon
peintrede portraits. A pres la mort de Franc- f-loret
les élèves de ce maïtre quittèrent leur patrie pour
étudier fous Jérome Franck. Tant d'avantages ne
purent Ie fixer^ il remercia Ie roi, quitta Paris 3
& paffa quelque temps en Italië: enfin il rerourna
a Anvers, oü il mourut dans un age très-avancé ,
après avoir beaucoup travaillé.
La maniere de Jérome tenoit a(Tez de celle de
fon maitre j fon voyaged'Italie Ie charigea peu :
on appercoit, dans fes grands tableaux , plus
d'ordre dans la difpofr.ion de fes grouppes , &
plus «d'intelligence que dans fes petits tableaux
qu'il compofoit d'après 1'écriture - fainte , ou
1'hiftoire rovname. On diftingae celui qui eft au
retable d'autel de la chapelle des Fendcurs de
•bois, dans 1'églife de Notre-Dame a Anvers. Le
fujet eft S. Gomer, qui rejoint enfemble les
deux parties d'un arbre fendu en deux. Ce
tableau eft date de Tannée 1607 , & marqué
HF. F. &inv.
Le tableau du grand autel des Cord?!i?r<; d
Paris, repréfentant la Nativité , eft de Jérome
Franck,
& fut fait en 1585.
-ocr page 191-
Flamands, Alltmands & Ilollandois. 17JI
f r a n g o 1 s
FRANCK,
APPELLÉLE VIEUX.
X* RANCois Franck fit dans fa jeunefTe plufieurs ' *"
rableaux qui lui ont mérité de la réputation. On * 544*
fait peu de chofe de fa vie. On ne doute pas que
Francois Franck , appellé Ie jeune , ne foit fon
fils, mais on foupconne que Sébajlien Franck
1'eft auffi.
Francois Franck fut admis parmi les peintres
d'Anvers en 15^1 , 8c mourut dans Ja même
ville Ie 3 odtobre 1666. Plufieurs ouvrages de
Franck Ie vieux fe confervent en Flandres, Sc
principaJement fon chef-d'oeuvre dans 1'églife de
Notre-Dame a Anvers: il repréfente notre Sei-
gneur au milieu des do&eurs. Ce tableau, &
les volets qui Ie renferment, font fut 1'autel des
maltres d'école de la même ville.
-ocr page 192-
La Vu des Peintrés
A M B R O I S E
F R A N C K ,
Li PI.US JEUNE DES TROIS                  ,
FILS DE. NICOLAS'
ET ÉLEVEDEFLORE.
Ambroise Franck furpaffa fes trois frères dans
la peinture. L'évèque de Tournai, chez qui il
demeura plufieurs années, employa long - temps
ion pinceau. Sonprincipal talent étoit de peindre
1'hiftoire. Plufieurs grands ouvrages d'Ambroife
nous font regretrer de favoir fi peu de chofe d«
fa vie. Deux tableaux fuffiiont a conft'ter fon
mérite j on les voit dans 1'églife de Notre-Dame
d'Anvers. Le premier repréfente Ie Martyre de
S. Crefpin & de S. Ctefpinien, dans la chapelle
des cordonniers.
L'autre eft un des volets qui renferment Ie
tableau oü S. Luc fait le portrait de la Vierge ,
ouvrage deMartinde Vos. L'autte volet eft peint
par Ottavcnius.
JOSEPH
-ocr page 193-
Flamands j Alkmands & Hoüandoisi, tjf
} O S E P H
VAN WINGHJEN.
Van WiNGHfeN jiiatif de la ville deBruxelles,----------
en 1544, quitta fort jeune fa patrie pourvoya- Ji44;
ger. Arrivé a Rome , il s'attacha a un cardi-
nal,chez qui il refta quatré ans a fe former Ie
goikd'après les beaucésconfervéesdatis cerre ville.
Au bout de temps > il retoutnaa Bruxelles,
ou fes grands talens furent connus. Il en tra au
fervice du prince de Parme en qualité de fon
premier peintre. Parmi fes prmcipauxouvrages ,
bn remarqiie un tableau pour 1'autel de S. Goelen,
Sc felon d'autres, pour les frères de la Chanté.
Ce tableau représente Ia Cène. L'architedure
du fond eft de Paul de Fries : van Mander en
fait un grand élogé.
Ce peintre aimoit a voyager. Il quitta Ie printe
de Parme , qui donna fa place a Ottovenius.
Wingken
fut s'ér.iblir ï Francfört envirpn 1'an
1584. Il fit dans cette ville un tableau, ou ïègne
amant d'invention que d'art. Il irepréfente 1'Allc-
magne erfrayée, fous la forme d'une femme hue
encliamëe a un rócher; tu-deiTus d'elle vole Ie
Temps, qui vient la fayver & la délivrei' de fes
chaines. ön voit a coté la Tyranhie föns Ia forme
d'un honime de guerfe armé, qui foule aux
pieds la Religion avec fes attributs. C'eft une
allufion aux malheurs du pays ^ ou la religioa
M
,
-ocr page 194-
ï78               La Vit Jes Pemtret
'-------~& les loix furent outtagées par les tyrans. Le?
Ji44' crrands évcnemens d'un fiècle devroient ctre ainfi
confervés a la poftéi-ité paï la peinuire^ cc icroienc
autant de mouurneus pour fkittoire & pout la
Voki encore les fiijets de plüfieurs de fes ta-
"blenux : Apeiles, qi.u en peiguaut Gampafpe en
dtvienc aiuuureux \ ce mocceau eft dans Ie tabinet
de 1'Empereur. Ie tableau de Samfon, pris par
Jes Philisftins dar* les bras de DaUia, chec 1'élec-
teur Palaun.
A FtancforE, cliez nn médecin, 1'on voyoic
«ne Andromcde, & quelqiies ponraits du même-.
Cornille vander Voort avöit de Itu a Amftcrdam,
wne Juftice qui protégé l'innocence opptimée.
On a beaucoüp gravé d'après fes campofitions.
Quelques-nnes onc été exccutéesen capifleries.
Il eft mort a. Francfort en 1605, agé de foi-
xante-un ar.s. Ses ouvrages .connus font en petit
notnbre j quoiqu'il ait vécu afiez long-teiv.ps \
mais ii y en a beanconp de perdus.
On fait q'i'il eut ponr élcve, fon fils Jércmic
Wmghen.
A l';v.7e de dix-haii ans,-en 1604, il
étoit déja bon colorrfte, & il ent depuis pouc
maiire Francais Badens , a Amftcrdam,
- ■
-ocr page 195-
Tlamands > Allémands & EoÜandois. ï 79
HANS ( J E A N )
SNELLINCK.
Van Manber parle de ce peintre dans Ia----—-
vie d'Otto-Fenïus, On voït ( dic-il ) h Anvcrs j UiU
les ouvrages d'un excellent peintre de Malines,
otednaquiten i^Saellmck
pcigr.ok tiès-bien
rhiftoire & les batailles : il fut fouveM emoloyé
dans ce dernier genre par des princes. Ila'peint
plufieurs batailles des Pays-Bzs On obferve qu'il
avoit un talent particulier pour imirer la fumce
•de la poudrej il favoit répandre un brouülard
léger parmi les combattans. Cette ma^ie de la
vapeur aërienne a rendu fes tableaux trèi-harmo-
ineux. Fan Dyck,cLm eitimoit ce peintie, afait
fon portrait pour Ie placer parmi ceux du pre-
jnier ordre j ce tableau orne Tépitaphe du peintre
«Ie batailles, qui fe voit dans reglifc paroiffiale
ée Saint-Jacques a Anvers, fur laquelle on lit •
Ci-gït Ie célcbre Jcon Sndlïnch , peintre de'
ï'archiduc Alben & JfabeHe, & de ion exrel-
ïence lecomte de M-enfvelt, &c. mort Ie pre-
mier odobre MÏ38 3 agéde 94ans-, 8c PauOne
Cuypers
fa femme, morte Ie 6 odobre 163S
amh que leur fils André Sndlinck, mort Ie 10
feptembre 1653.
___ ___              _. . _ ___ __ ___:__
-ocr page 196-
la Vii des Püntrei
JEAN DE HOEY.
Jean dr Hoey, néa Leyden en 1545, quitta
& patrie, & felon Flortnt Ie Comte, dans la
deuxïbnepartiedefon Caiinet d'Architecture,&c.
il
vinc en Francej & s'atcaclu au fervice d'Heari
IV',
qui lui donna 1'inlpeftion des tableaux de
la comonne j '&c Thonora de la charge de valec
de chambre ordinaire. 11 mottrut comblé d'hoa-
nems dans fa foixantc-dixième année , en 1615.
G E O R G E S
HOEFNAEGHEL.
• il oEFNAEGHtL naquit dans la ville d'An vers
en 1546 , d'un marchand de diamans .> puiflam-
menc riche, qni deftmoit fon fils a ce corametce.
Il s'y prêta qiielque temps avec répngnance,
& il ne trouva Ie moyen de fe dédommager
de 1'ennui qu'illui caufoit, qu'en deffinant. Dant
les écoles ou en fe promenant -3 au défaut de papier,
il tra^oit furie fAble : tan: il eft vrai que Ie génie
1 emporte toujours, &c ttiomphe de tous les obf-
tacles. Son père chercha i Ie détourrier de cette
ïnclioation , ■& lui -défcndit Ie deffin; mais certe
défcnfe augmenta en lui Ie defir d'appr«ndïe. Il
fe voyoit pourjamaiséloignéde eet art qui faifoit
fes plus grands plaifirs, lorfque par hafard une
main qu'il avoit deffiaée fur une planche,d'après
-ocr page 197-
Flam.it.nis > Allemmnds & Hollandols. 181
la Ctenne, fut vue par un ambafladeur de Savoye,.-
qui regarda la violente qu'on £ufoit au jeune
peintre, comme une violente qu'on faifoit a Li
nature. Il en fit ces reproches. aupère^q^i permic
a fon fï!s de defliner dans, fes heures pc-rdues:. il
s'apphqua auili aux belles-lettres, & devini un des
favans & des plus. grands potites de ion tenips»
II commenca tort jeune a voya^et; il defljna
les vues., les villes, les fortincations, les rubil-
lemens des peuples qu'il reucontta £ir £x route,
Sc il en fit un volume qu'il donna au public.
Toutes ces planches font dans un gahtputorefque.
Etant en Efpagne , un peintre Hamand lui
donna 1'kiée de penidre d gouafjc/y ce fat pai: ce.
genre de peintnre quil comme.nca. 11 conónua
d'imiterd'après nature,desanim.mx , des p'anres
&c des arbres. De retour en Flandres, il pric des
le^ons de Jeaa Bol pour fe perfeiflionner : alorjs
il égala les pl'-'.s grands pelnt.res. cq cc, genre*
A 1'art agcéable de ia pejnturs, il joignit Ie
commerce utile des diamans. Il Ie fi: avec fon,
père, maïs une Je.ule nuk les mina- On fe fpu-r.
viendra touj.outs dans Anvers de la fusie des
Efpagnols 5 les tré-foi's de notre pciatrö ck de iba
flère étoient cachés danj terre, & torent trouvés:
es foldats vicioneux oblig^vient; la femme & la,
fervante d'IIeejnaegheld&lss.leiiï ■découvriri
Ce fut; alors que r.pire- peintiie. recaunuE que
les talens font des FeiTc)iirces plus afliirées que les,
ricIxeiTes. Il pstit avec Ortelius. pous; Ye,nife. lis
furent bien cecus a, Ausbounj ches fes medleurs.
Fo:tckers%,. qui ie.uï doiiuè.rent fte$, fetïes pour
i'électeur de B.ivFère. Capdoce leur montra toutes..
fes, quxioiké.s.de fa cour» efpérant bien que, !e
-ocr page 198-
ï 8 2                JLa Vu des Pelntrts
■peintrc auroit de quoi le payer de fa complal-
fance. Il ne fut pas trompé : Hoefnaeghel lui fit
voir fon portrait & celui de fa première femme >
avec quelques animaux & des arbres peints fut
difFérens morceaux de vélin,
L'éieóceur les admira,& envoya le lendemam
demander a les acheter. Notre pemtre n'avoic
point encore été dans le cas d'apprécier fes ou-
vrages: il étoit accoutumé a les donner. Sa déli-
catefle fut blamée par fen ami qm demanda cent
écus d'or, qu'il rec_ut dans l'inftaat. L'éleCteuf
folhcin notre ptintre de refter penfionnaire a. fa
cour. Il 1'accepta» a condition. que ce ne feroit
tju'après avoirvoyagé. Lepnnce envoya ala femme
du peinrre deux cents écus d'or, pour venir demeu-
rer a Munich, en attendant !e retour de fon mari..
Hoefnaeghel écant arrivé a Venife, & ne croyant
pas *ue fes talens pulfent fuflire a fa fubfiftance,,
prit le p.irti de fe faire courtier ; mais le cardi-
nal Farnefe, inftruit par Ortdius des talens fupé-
nenrs de fon ami, dernanda a voir quelqu'un de
fes ouvrages. Il fut furpiis de leur beauté, Sc
lui offnt mille florms par an pout fe 1'attacher,,
cequ'il refufa; il avoir donné fa parole a 1'élec-
feur de Bavière. I! quitta Rome & Venife, fort
regretcé , & fut rejoindre fa femme a Munich >
oü 1'éledfceur , outre fa penfion , lui faifoit préfent
tous les ans de velours & d'étofFes pour fes habil-
lemens.
Les plus grands princes eurent la gloire de le
protéger. Ferdlnard, duc d'lnfpruck, 1'engagea.
dans fa cour avec 1'agrément de l'ékcleiir de-
Bavicre , pendant buit ans , a huit cents florinv
de peiiilon. 11 employa C£ temps a. orner un rnill'el
-ocr page 199-
Flamands TAlkmands & Hollandoïs. 183
de lettres grifes & de vignettes qui avoient rap- "
port au fbjet: fi eet ouvrage furprend par fon 1
étendue & fon précieux fini., il fait houneur i
1'imagmation dü pemtre. Ce duchu donna > oucre
fa penfion , deux mille conronnes d'or, êc unc
ehame du même métal, qui en vr.lc.u cent.
11 fit pour i'enipereur Rodolphe qnatte livres
aanimanx. Cetoiwr.ige lui valut mille écus d'or
avec une penfion anniiellccie ce prince, qui Ie
pric a fon ferviee. Il ajouta dans Ie méme temps
un cinquitme livre a fes qnatre premiers. Tant
d'ouvrages Ini flequirent de grands biens & une
plus grande réputanon.
On voii: peu d'ouvrages de ce printte chez les
particuüers. Amftesdam confervoit dans Ie cabi-
ner du fleur Jacques Ra^ct un'feul mor-ceau de lui.
Comme ee peintre fags & phiibfophe aimoic
Ierepos»ilqaiTta ia cour pour demeurer a Viennej.
il confacroit k joue i fon art, & la nuit a la peëfie
I.itine. Cette langue lui étoit .iuiii familière que
Ia fienn-e propre. Il eft mort en 1600 , agé de 5 5
ans , comL"H d'lronneurs & c!e richeffes qu'it
avoit mérite?, par fes talons Sc par fes vernis ,
ïl laifla un f lis <jUi, eonime foapère,, fut un boa
peintre.
. jj^fc^ ^. ~..
-ocr page 200-
B A R T H O L O M É
S PR A N G E R,
ÉLÈVE DE JEAN MADYN.
~-------uprahger eft uil de ces hommes races que,
s . g la nature fe plak a former. Elevé au milieu des
nche/Tes de 1'antique , il n'a jamais voulu fnivre,
les anciens j ni les copiet; & c© qu'il y a d'admi-
rable, c'eft qu'il a réuffi fans leur fecours: exem-
ple dangereux pouj ceux qui n'auioienc pas fon,
geme.
il uaquit daas la ville d'Anvers, Ie 1,1. maft
-ocr page 201-
la Vit des Pdntres Flamands, &c. 19 J
5, d'une familie diihnguée danslecommerce.
Son père , appellé Jpachim Spranger, & fa mère
«^/7«<r Roelantjirmc, s'appercurent de bonne heure
que l'inclinanon de leur troifième fils ne penchoic
point vers leur profeflion. Le père trouvoit fes
livres de comptes remplis de figures de caprice j
il 1'en blama fouventj maïs voyant fa vocation
Uécidée pourla peintare, il le plac,a cliez fon amt
Jean Mddyn, peintre d'Harlem. Si ce père ent
contraint ies inchnations de fon fils,, ir en auroit
fait peut-êfre un médiocrenégociant, & ilfuc au
bon peinrre. Madyn peignoit dans le goot de Cor-
tlïIU Bos. Spranger
ne refra que 18 mois a. cette
école:Madynmoazut.il eucenpeude tempsdeux
autres mairres, Francais Moflacn & Cornille van
Dalem
, chez lequef il avanc.a peu j c'étoit un,
genrilhomme riche, qui ne peignoit que pour fön
plaiiifj & qui ne s'occupoit guères a inftruire cec
clève pendant quatre a'ns qu'il pafla chez lui.
Spranger , plus attaché a lire les niitoriens & les
poê'tes, quJa exercer le talent pour lequel il étoic
ïié , s'étant apper^u que van Dalem, quoique bon
payfagijle, étoic obhgé d'avotr recours a Moftat,rty
óu Beukclaer, pour orner fes payfages de figures,
pric la réfblutión d'apprendie a les. deltiner l.ui-
mÊme.
Jaaques Wickran , aHemand , fön amj & élève
de Boxberger, confirma Spranger dans cette idee \
jnais le temps qu'il devoit donner ace pcintre;
étant fini, ilemmena fon carnaradea Paris en
i$6}. Spranger s'y pl-aca chez Mare, peincre
de la reine-mère , anez-efti'mé , quoiqu'il ne tra*
raillat qu'en détrempe. Quand on eft né pour
er, ©ofelalTe eieai^ d'uae Xil ii
-ocr page 202-
J $<>                 La Vu des Peintres
---------tion. Spranger, ennuyé de copier les portraits.
,i;4<3. d'aprèsfon nouveau maitrejs'en dédornmageoic
par des deflins de fon imagination : il en remplic
, qq
grande. Mare,fmgtté, ou peut-étrc jaionxd'un tel
élève, lui confeilla d'entrcr chezun peintre d'h:f-
toire. Ce peintre encove plus médiocre que Ie pre-
cedent, achevadcdégoüter^ran^cTde laFrancej.
ri d'
t
il fut a Lyon, oü malgré la quanrité d'ouv rages
qu'on lui propofa, il refta peu. Son génie 1'appel-
loit en Italië ; il fut a Milan; mais la fortune ne
paye pas toujours Ie talent a pointnommé. Spranger
ne fachant ni la langue do pays, ni peinclre autre-
ment qu'a 1'huile » fe trouva fans refïource au
milieu d'im hyver fort rude j 1! quittn Milan fans
Ie regretter, & s'engagea a Panne, chcz Bcrnard
Suwary,
élève du Corrégc.Une difpace fort vive
qu'il ent avec Ie fils de ïaimifon, Tobligea a la
quitter au bout de trois mois. Il regagna arec
beaucoup de peine fa denieure, accablé par la,
maladie -y il fe guénr Sc lutta centre la misère, en
travaillant quelquetemps chezun peintre médio-
cre, a faire des arcs de aiomphe pour 1'entrée
de la princeiïede Portugal. Il partit pour Rome „
eu il s'attacha bientota Michel Joncquier, peintre-
de Tournai, malgré Ie parn avantageux que lui
offroit 1''archevcque de Maxirr.i.PluGeuïs payfages,
un entr'autres oü 1'on vovoit une aflemblée de
Magiciennes au milieu des raines d'un cnlifée,
Ie firent connoitre. Le cardinal Far/jè/è 1'engagea;
a paffer trois ans dans fon hotel. II fit pour ce
protecteur de tres - beaux payfages. a frefque >.
dans fa maifon de campagne de Caprarole. Le
cardinal , le préfenta. au pape Pk F , cjui lie.-
-ocr page 203-
Ftamands, Alkmanis & Bollcndois. 187
nomma fon peintre , & Ie logea au Belvédère.
Ilypeignit un Jugementdernierfurune plaque de
cuivre delix piecis de ham. Ce tableau, ouToü
compte cinq cents tétesj & dom 1'exécucioii eft
immenfe, ne coüta au pemtre cue quatorze mois
de travail; on ie voit enccre au mcnaftère au
Bois, entre Pavie & A lexandrie, & il feit d'crne-
tneiit au tombeau de Pie V. Vcfarï avcit voulu
mdifpofer fa fainteté cuntre Ie jeune peintre,
en difant qu'il étoit parefTeux. Sprarger ne fe
vengea de cette calorinie , c]uJen faifant éclater
fon amour peur Ie travail: il fit en pcu de jours,
fur un niorceau de cuivre c!e la grandeur d'une
feuille de papier, un tableau de NotFe Seigneur
clans lejai'din desOhviers 'y il leprefenta lui-méme
au pape, qui en fut h faiisfait, qu'il lui ordonna
de tiaiter cous les fi:jets c!e la Pafiion} maïs Ie
pnpe lui en demanda les deffins avant, ponr en
voir Ferlet. Il jetca Spranger dans un grand em-
barras, il n'étoit acroutumé qu'a croquerfee idees
au charbon & a la craiej il fe trouva forcé de
defliner a la plume fur du papier bleu, avec un
lavis rehaulTe de blanc. Il vamqiut ces difficultés,
& fit douze morceaux qui furent bien reens \ Ie
dernier, qui étoit la PiéfurrecHon de Notre Sei-
gneur, n'étoit pasachevéquand Ie pape mourut.
La plus grande partie de ces deffins font dans
la collecTtion de 1'Empereur j van Mander qui les
a vus, en dit beaucoup de bien.
La mort de fa fainteté empêcha 1'exécutioa
des projets de Spranger: fon poüt naturel a pcindre
r 1 r ' mi -i                            i" ir j
en grand ie reveilla: 11 comeïen^a pnr I egiiie de
Saint Louis a Rome, oü il peignit a 1'lmile fur les
murs > ua Saint Autoiue, un Saint Jean-Baptifte,
-ocr page 204-
la Vu des Pcïntres
une Sainte Elifabeth ; on voit dans Ie ham Ia
\ierge emouree d'anges.
Il • peignic encore a 1'hui'e Air toilej pour Ie
grand amel de I'églife de b. Jean-Porte-Latine %
ie Martyre de ce iaint.
Il fit dans lc mème temps un tableau d'autel
pour une petite egliie proche la fontainc de 1 rèves.
Ce tableau qui repréfentou les Couches de Sainte
Arme , étoit fingulièrement compoféj tl a depuis
été gaté, les figures en font a peu pres de grandeur
naturelle. Ce font la les grands ouvjcages qu'il fit
a Rome, mais Ie nambre des petics eft confidé-
rable. Après avoir été au fervice du pip e pendant
vingt-deux mois, il fe livra au plaihr avec un
tiche négociant des Pays-Bas, cliez lequel il
demeuroit a Rome ^ il ne travailloit qu'autanjt
3ue Ie befoin Ie preflbit. S'il eüt étudié les beautés
e cette capitale des arts 3 on auroic trouvé dans
fes ouvrages ce qui y manque ; mais on ne croit
pas qu'il ait jamais fait un deflïn d'après 1'an-
tique. Quand £es anus lui en faifoient des repro-
ches , il répondok que rien ne lui étoit éehappé,
q
o
u'il avoi: tout dans fa mémoire. ]1 eft difficile
e décider fi ce- don de la nature eft plus avanta-»
geux que funefte aux artiftes i fi elle leur rend
préfens les grands modèles, e!le les trompeanfii
quelquefois : ils prenaent leur imagiuation pour
une rcminifcenee , & ne fuiyent fouvent, que des
chimères. Quoi qu'il en fuic > notie peintre fu,t
plus excufable qu'un autre «Ie compteï fiir fa
ék ll i diblLdhr''
(>erg eiwit aRoine, il fit pour uu genïiihommek
ie portraif d'une des dames de la fuite de la
ducheffe x foxz re0e,i^b)antj. quoiqu';!. ijs l'ejüt
.
-ocr page 205-
»■ Flamands, AlUmands & HoKandois. 189
'L'Èmpereur Maximilien II fit demander au
célèbre Jean de Bologne, natif de Gand, & fcul-
pteur du duc de lrlorence, deux habilss aruftes,
I'un peintre & 1'autre fculpteur. Bologne choifit
fout- peintre Spranger, qu'il avoit connu a Piome,
&: Jean Mont, fon élève, pour {culjpteuuSpranger
acc«pca cvvec difficulté, ayant deiTein de ne jamais
quitcer Home. D'autres difent qu'il avoit projecé
d'étudier 1'antiquej rruis enfin il fe détermma ,
ayant fait réflexion qu'il ne pouvoit manquec
d'éuïdes ctant avec han Mont, & il crut qu'il
auroK toujours occafion de fe diftinguer par fes
talentSj en exéciuant les grands projecs de 1'Em-
pereur.
Us quittèrent Rome en 1575 , & fufent a
Vienne en Autriche. L'Èmpereur, a fon retour de
Regensèorgk j oü il avoit alfifté au couronneraent
tle [<m nis Rodolphe //, roi des Romains, ordonna
au peintre de £iice des deffins & des efquiffes,
& au fculpteur des modèles, qui futent approuvés.
lis commencèrent a cravailler I'un «Sr 1'autre,
pour orne-r Ie nouveau cliateau de Fafangarten ,
a peu d-e diftance de Vienne.
Pendant ces grandes occupations, Spranger fit
tin petit tableau fur cuivre en long. Le fujet
«ft Notre Seigneur élevé & attaché a la Croix,
& un -autre tableau repréfentant la R.éfurredtion.
Ce dernier morceau fert a une épitaphe dans
1'hópital de Vienne.
Rodolphe fnt couronné empereuf, 6c Maxi-
milien
mourut au mois d'odlobre fuivanten 157*».
Nos deux ardftes étoient dans lè fort de leurs
ouvrages; Spratigef avoic fait de «rattdês figures
dejiuc, 8c d'autres aThuile, de huit pieds de
-ocr page 206-
190          La Vit les Péntrti
~ "hauteur •, d'autres plus petites, & plufieurs tableanx
ll' d'hiftoire pöitr décerec Fafangcerun. La mort de
1'JBmpereur leut donna de 1'inquiécude \ maïs fon
fuccedeur leur envoya ordre de continuer.
Spranger fit un tableau ou Mercare préfente
Pfy-ché au confeil des Dieux^un antre iur cuivre»
tepréfentawc Rome fous la figure d'une femme,
avec Ie Dieu du Tibre, la louve & les deux en-
fans qa'ellc alaire; & un uoiiième , dont Ie fujet
«ft la Vierge avec piafieurs Anges, bisn coloriés.
11 fat tlmgé, ainïi que ion ami Jean Mont,
par les tïiagiftrats de la ville, de conftruire un
Are de triomphe pour I'entrée de 1'Empereur -y
tont cohfidérable que fut eet ouvrage, qui fur-
paflök en hauteur les plus grandes maifons de la
ville, il fut fini en vingt-huit jours. Fan Mander
en fait une defcription fort étendue , & loue
beaucoup 1'architedure, qui étoit d'après les def-
fins du iculpreur. Cet écrivain y avoit travaillé
lui-même,
I/Empereur, dans Ie commencement, paruc
négliger les arts j mais ayant fu que Spranger &
Mont étoient a la veille de retouraer a Rome,
il donna ordrë au'fculpteur de fiuvre la cour £
Lintz , & au peinue de refter a Vienne jufqu'au
moment qu'il Ie feroit avertir de fe tranfporter
ailkursi La cour fut a. Prague, ou Ie fculpteur
s'appercutdejour e,njourcombien il étoit négligé 5
il partit fans prendre congé de 1'Empereur. Les
artiftes & la cour regrettèrent un homme d'un
fi beau génie , & Ie plus grand fculpteur de
fon fièclei On- a £u long-temps après qu'il s'étoit
retiré ei Conftantinople, ou il cft more mahor
métan..
                                uu so ;. .
-ocr page 207-
Flamands _, Allcman&s & HoUcmdois. 191
Spranger quitta le fcrvice de l'Empereur,
outré de la perte de fon ami , & fe mit a peindre 1
pour les feigneurs & aucres particuliers, qui 1'acca-
blèrent de travailj car iis n'nvoient pu obcenir
de fes onvrages pendant le temps qu'il avoit été
attaché a la cour.
Monfi&ur Roitjf, premier valet-de-chambre de
1'Einpereur, apprit enarrivant aVienne, le chan-
gement du pemtre; il fut encore 1'arrêter de la
part de fon malere, en lui faifant de grandes pro-
.melles. Peu de temps après, S'pranger fut appellé
a Prague, oü il fat engagé de nouveau, mais
avec plus de diitinchon qa'auparavant. Le priace,
pourlu! marquer fon eftime, demanda pour lui
■en manage,la hllcd'unrichejoailLier qusSpranger
aimoit. Le père fe garda bien de refufer l'£mpe-
reur \ il obtint feulement deux ar.néss de délai
avanr la confoir-ination , la fille n'ayant que
<jnatorze ans, & ces deux années fe réduifirent
a dix mois.
Sprcnger n'ayant plus rien a defirer, & pou-
vant cfpérer une grande fortune., s'appliqna a
fon art avec une nouvelle ardeur. Il commenca
a peindre le dehors & le dedans de fa maifon j c?
3ui fe voit encore a Prague. Il fit, poür l'églife
e S. Gilles dans la viiieneuve, un tableau d'épi-
taphe : il repréfentoit Notre Seigneur qui foule
aux pieds la Mort & le Demon. Il compofa, pour
1'églife de S. Thomas, le Martyre de S. SébalHen,
avec beaucoup de hgures de quatre pieds de
haut. L'Empereur fit préfent de ce tableau i
l'élefteur de Bavière ,& donna ordre a Spranger
d'en frane
un autre pour la mên*e églife
Ce peimre repréfenta la Juftice, avec &s
-ocr page 208-
taP"u des Peintrts
atttibuts , & en fit préfent aux magiftrats. Il
peignit une Aflbmpriön , avec les Apotres, pour
léglife des Jéfuites j & dans 1'ancienne ville,
pour 1'églife de S. Jacques ± ee méme faint avec
S. Eraune , tous deus dans leurs lubillemens
d'évêque.
On regarde comme un des plus beaux tableaiiXj
celui de la petitc églife de S. Jean j c'eft la Refur-
rection de Notre Seigneur, dont 1'épit.tphe dé
fon beau-ptre eft ornée.
L'Empereur prit tant de piaifir dans la conver-
fation de fon pemtre & dans fes ouvrages, qu'il
lui ordonna de ne travailler qu'auprès de lui :
fori attelier étoit 1'appartement oü ce prince
rienoit fes délafleraens. Sprakger fuivoit par-tout
Ia conr: il n'ctoic plus poilible d'avoir de fes
ouvrages; II travailla pendant dix-fepn ans dans
ce genre, honoré de 1'eftime du prmce & des
grands. Il auroit été beaucoup plus riche , s'il
avoit été plus ambitieux; mais il ne demanda
jamais tien pour lui, mais fouvent pour fes
amis»
. En 1588, 1'Empereur 1'ennobüt lui &c fes deC-
cendans; & Ie prince étant a table j il mit lui-
même au cou du peintre, en préfence de touté
fa cour , uhe chaine d'or a trois rtngs, avec ordre
de la porter toute fa vie^ & il ajouta a fon nora
celui de vanden Schilde, que fes defeendans ont
confervé long-tsmps.
Après avoir fait pour fonbienfaiteur nombre
d'ouvrages en tous genres, il rc^ut de lui Ie plus
grand des bienfaits, la hbertë : il lui ordonna
cepenclant de faire encore de temps en temps
ls tableaux pour lui.
Spranger
-ocr page 209-
Flamands, 'Allemands & Bollandois.
Spranger ayatit été trente-fep: ans abfenr de fa ■
patne , profiua de ce repos pour aller voir fa
familie Sc les artiftes des Pays-Bas: 1'Empereur
lui £t préfent de 1000 flotins (1) pour ics frais
de fon voyage. Il fuc rec,u par-tout avec ia dif-
tindHon qui lui étoit due. La ville d'Anafterdaru
lui préfenta Ie vin d'honneur. Il fut traite par
les artiftes d'Harlem , qu'il traita a fon tour. La
chambrc de Rhetorica (1) compofa Sc repréfenta
pour lui une pièce qui avoit pour titre les Hon~
neurs de la Peinture.
Mais ce qui tnit Ie comble a
fon bonheur, il re^ut les mêmes faveurs dans fa
ville natale., & par-tout ou il pafla jufqu'a fon
retour a Prague. La fe trouvant feul, après la
mort de fa femme ie de fes enfans, il ne travailla
pius que pour s'amufer. Il mourut a Prague dans
un age avance.
On voit qa'il a fouvent changé ou corrigé fa
maniere de peindre, &: que fes derniers ouvrages
fontlcsmsilieui:s&rlesplusnaturellementcoloriés.
Goltqius, qui a beaucoup gravé d'après ce
peiutre, faifoit grand cas de fes deffins, fur-
tout de ceux qu'il a faits a la plume. On pourroic
cependanc lui reprocher d'avojr prefque toujours
éreoutré, tant dans {e$ contours que dans fes
pofitions.
(1) Deux mille Hvres enargent de France.
(a) Société littéraire eaforoje d'académie.
Tornt 1.'
-ocr page 210-
C H A R t E S
VAN MANDER,
ÉLÈVE DE LUCAS DE HEERE.
Nous écrivons la vie d'un grand peintre, d'un
bon poëte, d'un favant éclairé , d'un fage crici-
quej & qui plns eft , d'un homme de bien. Il
naquit a Meulebeke a pen de diftance de Cour-
trai, au mois de mai 15 48 , d'une familie hono-
rable & aifée. Il eut pour parens des évêques,
des ambafladeurs, 3c d'autres perfonnes de
-ocr page 211-
La Vit des Pe'intrts Piafnands , &c. 195
, qui n'ont point rehaufle fon mérite.' T~"
Son père Cornille van Mander, öc fa mère Jeanne ■*
yander Eéke, n'éparpnèrent rien pour 1'éducation
de ce fils. Il fut place a 1 hielt avec fon frère
Cornille , pour apprendre la langue latine, & dela
a Gand , dans une écolc fran90ifc.Il ent de bonne
Leure ie génie porté a la poëfie, Sc ne fit dans
cette dernière ville, que des vers & des deflins.
X/arnour de la peinture 1'occupant de jour en
jour , il fut place a Gand chez Lucas de Héere,
bon peintre ik bon poëte, ou il fit des progrès
dans 1'un & 1'autre genre. Son père Ie rttira de
chez ce maïtre pour Ie placer chez Pierre Vlerick ,
peintre a Courtrai, oü il demeura pres d'un an*
L>'ennui de fe voir tourmenté par les ftéquens
déménagtmens de Vlerick , qui étoir tantóc a
Tournai , Sc rantot ailleurs , pour éviter les
troubles de la guerre, Ie détermma a retourner
chez lui, oü il fe livra entièrement a la peëfie
pendant quelque temps. Ce fut pécifémenr,
pour lui j comme pour notre du Frefnoy, que
la poëfie Sc la peinture furent feurs. Il com-
pofa des tragédies 8c des comédies, qui furent
jouées avec applaudifTemens; il en peignoit Iui-
roême les décorations- II fit des tableaux d'cglifes
Sc quelquc« aurres. .Après avoir compofé cinq ou
fix pièces de théatre, il obtint de fon père la
permiilion de voyager, & partit en 1574. Il
vit, dans toutes les villes de fa route, les artiftes
Sc leurs produébions : il arriva a Rome, oü il
refta trois ans : il y trayailla beaucoup, tant
a fraifque qu'a 1'huile , & fit plufieurs payfages
pour des cardinaux & autres feigneurs : Ie pape
lui donna, par diftmdbon, la permiilion qc
N x
-ocr page 212-
13 5                'La P"ie des Vantres
potter 1'épie. Erant érroitement-Hé avec Sprangtr
leur b o rui 2 conduite & leurs talens les firent conu-
<lérsr. C'eft dans ce temps que 1'on trouva aux
•cnvirons de Rome, en fouillantla terre, quel-
ques débris de temples & de ftatues antiques.
Va.n Manier étoit eontinuellement occuoé A
■deflmec ces reftes précieux : ü perfonne n'en a
faic plus d'études y il eft aufli U premier qui ait
peinc des Grotefqucs.
Il fit dans la petite ville de Term en Italië,'
tin tableau repréfentant Ie Maflacre de la S. Bar-
thelemy : on y voit jetter par les fenêtres Ie corps
de 1'amiral Coligny. Il paflbitfon temps avec des
artiftes italiensj & fut pardculièrement lié avec
Gafpard de Puglia , élève du Grantifco. Rien ne
lui eft échappé de 1'antique: il copia tout, 8c
travaüla eontinuellement jufqu'en 1577, qu'il
quitta 1'Italie pour retourner dans fa patrie. Il
s'arrêta quelque temps a Bafle en SuifTe, oü il fit
plufieurs tableaux' fort eftimés, felon Ie rapport
de Sprangerj qui 1'engagea a. quitcer cette ville,
& aailer a Vienne, pour travailler aux ares de
triomphe avec Jean Mondt. Maigré tout ce que
ces artiftes purent faire pour 1'engager au fervice
de l'Empereur, il fe fépara d'eux, enrichi des
études qu'il avoit faites a Rome & ailleurs , 8c
retóurna chez luij oü il fut rec^i avec autant de
joie de fes parens que de fes compatriotes, qui
furent au-devant de lui. Dès quJil fut arrivé,
il fit uu tableau d'Adam & d'Eve dans Ie para-
dis terreftre : les deux figures étoient bien def-
ilnées Sc bien colonées^ Ie payfage & les ani-
trianx , tour étoit également bien rendu. Co
tableaufut fuivid'unautrerepréfentautleDéluge,
-ocr page 213-
'Ttamands j Alkmands & Röïlandois. 197
Ce fujet frappa tout Ie monde par les expref-
         Z~~~
fions de douleur & de défefpoir qu'il avoic ré- '
jandues dans ccttecompontion. Continuellcmenc
occupé dans la maifon de fon pèrej fait d lire,,
foit a peindre, il goüta les plailits de 1'étude &r
de la tranquillité. il époufa dans ce tetnps una
Jeune fille fort johe j agée de dix-huitansj Sc
bientot après ils fe trourèrent obügés de fortir du
pays, qui écoit défolé par les gens degnerre : il y
perdit non-fenlcment fon bien, mais il fut volé
êc dépouillé, ainfi que f* femme & un enfant.
En fuyant, ils furent a Brnges a pied 3 non lans
c'anger d'ètre mafTacrés fur la route par les déta-
ehemens. Il étoit forti de chez lui avcc plufieurs
chariots chargés de meubles , pour fauver les
rcftes de fa fortune: il fut rencontre par un parti,
^ui óta la vie d fes domeftiqueSj >5c qui 1'attacha
lui-mêmea un arbrej la corde au col. Dans cette
trifle fituatiorij pies d'expifer, il vit palTcr un
cff.cier, qu'il crut rcconnoirrc; il lui paria ita-
hen, & lui demanda du fecours: 1'ofiicier étonné
de l'entendre , attaqua avec fa fuite ceux qui vcu-
loient étranglei ce malheureux, & Ie tira de Ieurs
mains.
Van Mander fe fit connoitre a fon libératenr;,.
quJiI avoit vu particulièrement aRome, & qui
avoit été un de fes anijs. Il tenta vainement de lui
faire rendre ce qui lut avoit été pris: tout ce que
put faire 1'officier, fut de Ie conduirs en licu de
süreté.
.Arnvé a Eruges 3 denué de rent, fans avoir
perdu] fa gaieté naturelle, il fit des vers fnr ion
état j& fe mit a peindre avec beauconp de cou»
^è s'être procuré 3 par fon travail affidu»
N j,
-ocr page 214-
i<>8               La Vu des Pelntres
d'autres harcles & d'autres meubles , 5c ayant
amalTé une forame pour voyager , il quitta cette
ville, menacée p:ir les ennemis & par la pefte,
Sc ils'embirqua avec fa femme & fes enfaos pour
la HoHande. Il s'ctablit a Harlemj oü il fat fur-
chargé d'ouvrages, tantpour la peincure que pour
Ie deffin. Il fit connoifTance avec Golt^ïus Sc
Cornille
: ïls établirent cntr'cux une academie j
van Manier y fut introduite Ie goüc italien. On
peut s'appercevoir du nouveau gout de Golt^ius
dans fes Me;ainorphofes d'Ovide. Van Manier
fit quelques tableaux en camayeu fort eftimés,Ia
Pallion de Notre Seigneur en douze tableaux,
une Fèce Flamande, & Saint Tean prêchant dans
Ie Défert, David &: AgiJsaïl, Jephté, & beaucoup
d'autres fujets. On eftnne entre fes plus bcaux, Ie
Seigneur portant faCroix, 1'AdorationdesMages,
Jarob, &c. Il a peint plufieurs beaux payf.iges:
fes arbres font d'un aflfez bon choix, la couleur
. en eft bonne ainiï que celle de fes figures; il
compofoit avec cfpntj mus il devint fur la fin
un peu maniere dans quelqaes-unes de fes com-
pofinons.
Le nnmbre de fes t3bleaux e(l confidérable s
indépendammenc de la quantité de deflias qu'il
fit pour le fimi Spirinx , tapiiïier , qui tous ont
été cxécutés. Sa p >ciie & fes ouvrages en profe
conciennent plafieurs vol;imes.
Outre 1-7 Vit des Peintres, anciens Itallens <S»
Flarnands j qu^il a écrite jufqu'en 1604 , on a de
lui nn<i explication de la Fable , &c des comédies.
Toates ces produólions ont fait regardercetartifte
conme un des- plus grands hommes de fan fiècle.
Ilallaenióo4demeurcraAmftcrdamjOU deux
-ocr page 215-
Flamands, Aüemands & Hollandois. 199
ans après il tomba malade. Sa maladie j d'abord
légere, devint dangereufe par 1'ignorance du
médecin en qui il avoit trop de confiance : ce
charlatant traita Pinquiétude de fes amis de folie ,
& fa mort juftifia trop leur défiance. Il mourut
enire les bras de fon ami Rauwaert, Ie 11 mal
1 606 {1) , & lïifla fa veuve avec fept enfans.
L'afné , Charles, a fuivi de pres les traces de fon
père , 6c a acquis de la réputation a Delft, ou il
s'étoit établi, Sc felon Sandrart, a la cour de.
Danemarck.
Van Mander a. fait de bons élèves ; parmi les
premiers font Jacques de Molhero, 'Jacques Macr-
tcns, Cornille Enghelfcn
, Francois Hals, Everfrd
Krins >Henri CerretSj
indienj Sc Francois tenant,
fans ceux qui nous font inconnus : les talens du
inaitre fe font perpétués dans fes élèves. Les juge-
mens qu'il porte des peinrres dont il a écnt la.
vie, font des monumens précieux du gout de fon
fiècle, & des régies süres pour Ie nótre.
CORNILLE KETEL
ÉLÈVE DE BLOCKLANDT.
naquit dans la ville de Gouda en 1548.
Charme j dès 1'age de douze ans, de tout ce qui
étoit deilin ou pemturej il commena fous fon
oncle., aflez bon peintre, qui Pinftruifit mieax
cependant des belles-lettres que de la peintiirè. IL"
(1) Sandrart se trompe lorsqu'il dit que van Manier
est mort en 1607.
K
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ico           la Vu des Vdntrts
entra a cüx-huit ans chez Blocklanit a Delfc} ou
1548. il refta un an; de la il alla a Paris. Il apprit dans
cetre capitale que Jércme Franck 3 Franfen de
Mayer
& Deriis a Utrecht travailloient enfemble
au chateau de Fontainebleauj il alla les joindre :
il fut recu parmi eux , & fe mie a peindre : fes
progres étonnèrent fes cornpatriores. La cour
étant venue a Font&iaebleau , il rec,ut ordre de
tout qaitter: il revinta Paris, oü il refta très-peu ,
Ie roi ayant ordonné aax fujets du roi d'Efpagne
Sc anx; autres réfugiés de forcir du royaume : il
xetourna dans fa patrie, avec 1'intennon de revenic
en France a iffi-rót que les troubles feroient cefTés.
#11 relta pres de fix ans a Gouda s oü fe voyant
peu ocevpé p.ir Ie malheur des gnerres qui'acca-
bloient les provmeesj il s'ernbarqua pour Lon-
dres. Il y fiitbien 1x511 par un fculprcur-architecle,'
ami.'e fononcle^ilporraavecluiquelques tabléaux
de fa fa^on qui furentfort recherches. Il fut bien-
t&t farcliargé d'ouvrages, & futpatticulièrement
occupé a faire Ie porcrait. En 1578, Ketel pei^nic
Ja Reine } ie comte d'Üxfort, Sc les-principaux
feigneuirs & dames de la cour & leurs enfans j
fouvent en pied , êc toujours de grandeur natu-
relle. Il fit un grand tableau repréfentant la Force
domptée par la Sage (Te, qui fut donné par Ie
propriétwre a M. Crijlophe Katten ( depuis mort
chancelier.)
En 1581 il retourna a Amfterdam oü il couti-
nua de peindre Ie portrr.it. Il nt une compagnie
d'arquebufiers entïèrejtous en pied 3 avec leurs
armes & leur capitaine Herman Rodenborgh Beths
a leur tête. Il s'y eil peint lui-même de profil. Ce
tableau eft non-feulement beau par la vcnté Sc la
-ocr page 217-
Flamands 3 Alkmands & Holtandois. »or
reflemblance j mais les étoffes différentes en font "
bien imitées 3 & 1'ordonnance en eft fort fiche :
il fut place dans la galerie da Mail. En 1589J il
entrepnt encore un autre tableaua peu pres dans
Ie mêmö-gcüt , pour la compagnie de Saint-
Sébaftien : on y voit auffi leur capitaine Dïd'ur
Rofcncrans.
Celui-ci ne céda en rien au premier ;
quoique Ie nombre des portraits foit coniidérable,
ce tableau n'eft ni confus ni froid, ( défaut ordi-
naire de ces fortes de compo{it:ons.)
Sous les figures de Notre Seigneur & des douze
apotres,nous avons de lui les portraits des artiftes
& amateurs de fon fidele , entre lefquels celui de
xlcnri de Keyfer tient Ie premier tang.
Maïs voici une maniere de peindrej dont il
n'y a point d'exemple dans les fai}es de Ia pein-
ture: en mil cinq cent quatre-vingt-dix-neiif\, il
fe mit a peindrs avec les doigts fans pinceaux } &c
commenca par fon portrau. Il en fit plufienrs
danj ce genre avec un fuccès extraordmaire : ils
étoient parfaitement coioriés & d'unepureté éton-
nante. 11 fic pour Ie ficur Hcnri van Os d'Amiler-
daim , un Démocrite & un Héraclite : Ie premier
étoit fon portrait, & 1'autrc celui de M. Morojini;
apparemment que ce Af. Morojïnï, digne de por-
ter fon nóm, reilcmbloit au trifte Héraclite. he
duc de Nemours , qui peignoit lui-même, furpns
d'admiration, acheta de lui eet Héraciice. Notre
peintre fitd'autresprodiges plus finguliers encorej
les doigts de fa main gauche êc de fes pieds lui
tenoient lieu de brolFe Sc de pinceau j dont il fai-
foit rarement ufage.
Il faifoit en grand & en petit l'hiftoire j !e
porcrait, rarchitediuej &c: il modeloit en terre
-ocr page 218-
lol               La Vit des Peintres
& en eire. Comme tl étoit poëte, il a fouvent
1J48. orné fes rableaux d'emblêmes Sc d'infcriptions :
il difoit qu'il s'étoit mis a peindre fans pinceaux,
pour monrrer que tout fèrvoit d'outilj avec Ie
fecours du génie. Cette remarque eft jufte, ce-
pendant il a eu plus d'admirateurs que d'imita-
teurs : aucun de fes élèves n'a fuivi fa nouvelle
methode.
Dès qu'on peut mieux peindre avec Ie pinceau
qu'avec fes pieds & fes mains, pourquoi aban-
donner un ufage plus facile Sc plus sür ? Le but
d'un artifte étant de faire le mieux qu'il eft poffi-
ble, on doit préférer la maniere de bien faire faci-
lement, a celle de mal faire difHcilement. Voila
pourquoi les poëtes ont renonce aux fonnets , aux
acroltiches Sc aux bouts-rimés j de beaux vers,
dans une mefure libre, font au-deflus de ceux qui
n'ont d'autre mérite que la difficulté.
On ne lui connoit d'autre élève qu'Ifaac Oferyn
de Copenhague, qui refta trois anschezluij &
qui de la fut a Venife & a. Rome) il mourat fort
jeune au fervice du roi de Danemarck} n'ayant
pas même eu le temps de finir le portrait de ce
prince. On voit par les eftampes gravées d'après
Ketel, que fes ouvrages font remplis d'efprit, &
qu'un meilleur gout de deflTm auroit rendu fes
tableaux plus dignes d'être recherches. Il vivoit
encore en 1600, lorfque van Mandcr a écrit fa.
▼ie.
-ocr page 219-
Flamands j Allemands & Hollandols. io$
PIERRE
DE WITT E.
JLes difïerens pays oü lesartiftes s'établifTent, font
que fouvenc on change leur nom & Ie lieu de
leur naiirance. M. de Piles noinme Pierre de
?Pi«eCANDiTO,parce que fes eftampesfont mar-
quées fous ce ncm. Il Ie dit né a Munich : il eft
vrai qu'il y a demeuré long-temps _, Sc lJon croit
même qu'il y eft mort; mais il eft certain qu'il
naquit a Bruges en Flandres vers 1'an 1548, II
peignoit égalementbicnafraifque&ai'huilej&: il
avoic Ie ralenc de bien modeier en terre. üabeau-
coup travaillé avec Fajarï dans Ie palais du pape:
il fit a Florence pour Ie grand duc plufieurs
patrons de tapiiienes, 8c quelques aucres ouvra-
ges. Le duc de Bavière Ie prit a fon ferviee.
Sadeler Sc quelques autres enc gravé d'apiès fes
tableaux.
CORNILLE
DE WITTE.
IL étoit frère du précécent, Sc fut recu officier
dans la garde deTéleóteur de Bavière. Quoiqu^il
fe fut avifé tard de manier Ie pinceau , il fit alTte.
bien le payfage.
-ocr page 220-
404 La. Vu des Pemtrês Flamands ,
HENRI
VAN STÉENWICK,
ÉLÈVE DE JEAN DE VRIES.
naquit a" Stéenwick environ Fan 1550,
Son maicrej Jean de Vries, qui excelloit dans la
perfpeclive , rendk fon élève habiie dans la méme
faence. Stéenwick s'appliqua donc particulière-
menc a l'archkeóture : il débuta par quelques.
petits tableaux, & eet efTai fut un coup de malere.
De Vries publia par-toat les talcns de fon élève ,
tjui vendit fort cher fes tableaux : il croyoit joair
tranquillemenf de fa réputation, lorfque la guerre
vint défoler fon pays. Aprcs avoic erré long-
temps, il fe fixa aFrancfort fur Ie Mem: la , dans
la crainte de Ie perdre, on lui prop >fa un établif-
fement avantageux : il y trouva Ie loifir de fe per-
fëdfcionner. Il vécut aimé Sc eftuné pour fes talensj
Sc mourut fort regretté en 1604. Il laiffa un fitj
habiie peintre, & deux élèves diftingués j les Neefs
père & fils.
A Paris, chez M. Ie comte de Vence , on voit
1'intérieur d'une églife5peint ^XïHenri Stéenwick
ta
1604.
-ocr page 221-
VENCESIAUS ■
KOEBERGER,
ÉLÈVE DE MARTIN DE VOS.
XLQoit natif d'Anvers , on n'a pu décou-
vrir Ie temps de fa naiflance. Martin de Vos lui
enfeigna la peinture; fon génie & fa conduite
plurent a fon maïtre, qui ne négligea rien pour
l'avancer. Il refta quelques années a fe former
dans cetteécole; amoureuxdelafilledeak Vost il
•üt tout ce qu'il put pour 1'obrenir. Son indif-
férence pour lui Ie détcrmina a yoyager pour
-ocr page 222-
io<?                 La F ie des Pelntres
•oublier fa p.i/ïïon , & chercher a diflïper fa
mélancolie.
Arrivé a Rome, il étudia les beautés répatv
dues dans fon enceinte3 & aux environs: il fut
de Li a Naples, & fe reniit chez un peintre
flamand apptlé Franco , qui avoit une grande
réputation. A peiney fuc-il entre, que la fille de
franco ( qui paflbit pour la plus belle de Naples )
fit fur lui la même impreffion que celle de de Vos.
Il fut plus heureux dans fon nouvelamour; efti-
mé du père, aimé de la fille , il 1'époufa.
Ce hen l'arrêta plus long-temps en Italië j maïs
fi réputation fe répandit en tous heux. La Flan-
dre vit avec chagrm 1'éloignement de eet artifte :
ceux d'Anvers lui écnvirent plufieurs fois pour
1'engager arevenir, & lui ordonneren! un tableau
pour la confréne de S. Sébaftien. Il difFéra fon
retour, & fit le tableau qui repréfentoit le patron
de cette compagnie, & le leur envoya. Dès qu'il
fut place j les peintres , les amateurs d'Anvers Sc
des environs vinrent en foule pour le voir; tous
1'admirèrent & le louèrent. Le beau irrite fbu-
vent ceux niêmes qui 1'admirent: on vit quelques
jours après deux têtes de femmes 3 qui étoient
peintes fur le devant, conpées & emportées. Les
recherches qu'on en fit furent fans effet -y on n'a
jamiis pu découvrir 1'auteur de ce dommage.
La difficulté de les réparer, obligea de renvoyer
le tableau a Naples a Koeberger, qui le racom-
moda au point qu'on ne s'appercut pas de 1'ou-
trage qu'on avoit fait a ce tableau. Il eft dans
1'cglife de Notre-Dame d'Anvers^ on ne cefTe
d'en admirer routes les parties, le deflin, le colo-
ris & la difpofaion du tout enfemble. Koeberger,
-ocr page 223-
Flamands l Allemands & Hollandols. 107
toujoursperfécuté pour fon retour,quitta 1'ItaLe
Sc arriva a Anvers; il fut dela s'étabür a Bruxelles,
Sc fut nommé peintre de 1'archiduc Albert d'Aa-
triche , qui 1'eftima de plus en plus 3 non-feule-
fnent pour fes talens de grand peintre, maïs pour
fon habileté dans la poëfie & dans les recherches
de 1'antiquité. Un peintre, ainfi qu'iin poëte,
pour excellerdans leur art, doiventfavoir plus que
leur art même.
Nicolas-Claude-Fabri Peïrefc_, fi célèbre parmï
les antiquaires , vint a Bruxelles pour s'entretenir
avec Koeberger. Ce dernier lui montra fon cabinct
de curiofités, & fur-tout fon beaumédaillier, con-
tenant une fuitedepuis^/ej-C^ar.Il apprita Pei-
refc que ce que 1'on prendordinairement pour une
pièce de monnoie,n'eftfouvent qu'une medaille
qui défigirè les évènemens du règne de chaque
prince. Peïrefc, très-fadsfait des entretiens du
peintre, en profita. Il régna depuis entr'eux une
érroite liaifon : tous les grands hommes font faits
pourètre amis.
Koebergerexcelloit en architecture: rien ne lui
paroifloitdifficilej ce génie heureux ne trouva pas
plus de bornes dans fes études que dans fes fuc-
cès. L'archiduc lui donna laconduite des fontaines
Sc des autres embellifiemens du chateau de Ter-
vure proche Bruxelles : il y a furpaflë 1'attente
de ceux qui connoiflbient fon génie.
Il batit 1'églife de Notre-Dame de Montaigu
dans la forme de Saint-Pierre de Rome, & quel-
ques autres, fans les chapelles qu'on voit fut fes
deiliiw : il les orna de ies tableaux.
-ocr page 224-
io8                La Vit des Pcintres
ADRIEN CRABETH;
ÉLÈVE DE JEAN SWART.
(jrabkth écoic é'ève de Jean Swart. Il fut
adtiiir4 dans fon temps pour fa grande difpofi-
.                       .             '\ r        rr r           »         Tl •
non : encore jeune, il lurpalia ion maitre. II vint
en France avec Ie projec d'aller a. Rome \ mais il
fut ari'êté pour quelques ouvrages dans la ville
d'Autun. Il j mouruc au grand regret des ama-
teurs. Ce qu'il faifoit étoic furprenant, n'ajrant
jamais vu Rome.
MATHIEU ET PAUL
B R I L^
É LÈ V E S
DE DANIEL VORTELMANS.
G e s deux frères naquirentdansla ville d'AnverSj
Mathieu en 1550, Sc Paul, felon van Mander,
en 1 556. Mathieu alla de bonnc-heurea. Rome,
oü il fut employé au palais du Pape, dans les gale-
ries Sc dans les falons: on y voit de lui de beaur
payfages a fraifque. Il mourut dam cette capi-
tale, en 1584, agé de trente-quatre auj.
Paul
-ocr page 225-
Plamands i Alkmands & Hollandois. i.09
Peul apprenoit a peindre chez Daniel Wond-
mans-,
ce dernier, quoique médiocl-edans fon are,
Re laifla pas d'avancer fon elève , qui, a l'&ae de
«juarorze ans j fut employé a pemurt des clave-
cins a gouaflè. Il qukta Anvers puur aiier a Bre-
da, ou il rs(k quelque temps. De retour chez
lui ,fur la réputacion que fon frtre avoit a Rome,
il forma Ie deiTein d'aller Ie joindre. Cbligé cie
cacher Ion départ d fes parens , il partlc fans faire
ti'adieux: il traverfala trance j& demeutu queU
que temps a Lyon ; dela il fut a Rome j oti il
trouva fon frère occupé au Vacican, fon? Ie ponti-
ficar de Gri'goireXIII. Il devinrélcve de Mathku^
Sc
quoique médiocre dans fa jeunefiè , il furpafla
depuis fon alné. .Après fa more il fut chargé des
ouvrages qui leur éroient deftinés a tous deux } Sc
il eut la penfion de fon frère*
Ses principaux ouvtages font prefque tous topo-
graphiques. Dans Ie falon d'été du pape il avoit
repréfenté en fix tableaux les fix couvens prin-
cipaux du domaine de fa fainteté ; il en choific
les fituations les plus agréables , & les pei^nic
d'après nature.
Il fi: des payfagej pour orner un falon chez Ie
cardinal Mathku } & pour Ie frère de fon émi^
nence 3A}drukal Matkieu, & ih autres payfa^es
repréfentant fix rhateanxde ce catdinalj & leurs
environs. Töus ce;ir cifönrpeintsa Phuile.
II a örné plufieurs éelifes de fes Ouvrages ï
celles des Jéfuites cv des Théatins. Son principal
tableau eft dans Ie falon nouveau du paps ; il eft
peinti ftaifq'-ie; il a <JS pieds de longj & eiï fort
élevé. Le pïvfage eft d'une grande beauté: les
figures reptéfentent Saint Clement attaché a une
Tornt I,
                                          O
-ocr page 226-
X i o                   La Vit des Peintres
—-------ancre & précipïté dans 1'eau j & dans Ie hauc i
i j jo. une gloire avec des Anges.
üutre ces grands ouvrages j il a peint beau-
coup de tableaux de chevalet en pctir y fouvent
fur cuivre. lis font fort recherches. Ses figures
font fpirituelles & bien deffinées: il fomfia fa
maniere fur celle du Tltïen. Ses tableaux onc
beauconp de force _, quoiqu'un pea verds. Son
payfage a des lomcams admirables; une touche
légere termine les malles des arbres qu'il plac.oit
avec choix.
Le t.ibleau de Campo Vacclano eft de fon
meilieur cemps. I! appartenoit au fieur Henri
van Os,
& fe crotive préfentemeutdans lecabinet
du roi
de France , qui pofiède encore üouze
tableaux de ce peintre , dont voici la lifte : Diane
&CalixtOj Pan & Sinax _,des Payfans dépouillés
par des voleursj une Chafle au cerf} autre Chniïe,
une 1'empêtej vue d'un Port de mer, Rebecca j
Oiphée entouré dJanimaux, line Dryade jouant
du tambour, S. Jéróme dans le Défert , S. Jean
ie fon agneau , un payfage oü font des Pêcheurs,
un autre avec des Moutons, 8c une Fuite en
Egypte.
On a de lui au Palaic-Royal une Sainte Familie,
un payfage avec des chèvres , une Ghaiïe aux
canards, une Marine j &: une Danfede Nymphes
& d'enfans j avec des Satyres.
Il Üineint dans la galene <lu duc de Florence ,
un payfage fur marbrej chez l'éleAeur Palatin ,
nn payfage a,vec figures.
On voit du même peintre a Paris j chez M.
le comte de Vence, un Port de mer avec figures;
chez M. le marquis
de Lajjey t trois payfages,
-ocr page 227-
Flamands j Allemands & Bollandoïs. 111
«vee des figures peintes par Ie chevalier Jofepin j
chezM. Ie corate de Choifeul j deux payfages ,
avec des figures par Rottcnhamer; chezM. Blondd
de Gagny
_, quane payfages avec figures, un de
ceux-la reprefente la cafcade de Tivoli; chez
M. Pafquier, député du commerce pour la ville
de Rouen , un payfage avec deux groupes de
figures, un de Carracheöt Fautrede BoullogneVai-
né j chez M. de Julunne3 deux tableaux de deux
pieds & detni fur dix-huit pouces de haut, dont
run eftuneFoire ou un Marché, avec unenvière
chargée debateaux & beaucoup de figures; 1'aucre
efl: un Pare, avec des figures & des animaux. On
Voir chez eer habile connoiiïeur trois autres
Cableaux du même, avec payfage , architecture Sc
figures. M. Ie Noir a de ce peintre deux pen-
dans de deux pieds quatre pouces j fur un pied
dix pouces de haut. L'un eft un Berger qui faic
fortir d'une étable un troupeau de rhèvresj Ie
payfage du fond eft très-beau; trois figures font
fur Je devantj avec un morceau d'architcdlure 5
des maifons &: des viilageois ornent Ie fecond
plan. L'autre tableau efl; un payfage 5 on y voit
les difciples d'Emmaüs & des bergers qiu font paï-
treleurs troupeaux. I.es figures & les animaux
font du Carracke:\e payfage eftdumeilleurtemps
de P- Bril. hl. Iempereur enpofsède un très-beau
payfage, avec des chütes dJeau & des rochers qui
produifent des effets furprenans ; des fatyres y
occupent Ie premier plan. Ce tableau a trois pieds
de largefur deux & denu de haut.
Lesélèves qui om Ie plus fuivi la maniere de
ce maitre, font Bahha^ar Louvers & Gu'ülaume
Nieulant
d=Anvers. Ce dernier a gravé plufienrs
O x
-ocr page 228-
La Vu des Peintres
.
morceaux d'apiès P. Bard, ainfique Sadeler, Sic*
Pauleü.
more a Rome en 1616, agé de 7®
ans.
F R A N g O I S
M E N T O N,
ÉLÈVE DE FRANC-FLORE.
JMenton naquit a Alcmaer, Sc fut élève de
Franc - Flore. Il devint lui - même un maitre
habile. Il avoit beaucoup d'efprit. Toutes fes
compodtions font marquées au bon coin. Il defïi-
noit & peignoit bien. Il s'enrichit a faire Ie
portrait. Il gravoit avec gout & finefle. Sa répu-
•tation lui procura un grand nombre d'élèves. On
ne fait pas Ie temps de fa mort, mais il vivoit
encoreen 1^04.
ARNO LD PIETERS.
lLétoit frère de Pierre Pieters ; quöique très-
cap.;ble de peindre 1'hiftoire} il s'appliqua au
portrait. &r paffi pour_un grand peintre en ce
genre. Fan Mander dit qu'en 1604 il étoit 4
peu pres agé de 5 4 ani.
-ocr page 229-
Tlamands 3 Alhtnands & Edlandois. 11J .
LOUIS TOEPt/t;
ille de Malmes fe glonfie d*avoir donné■
v
Ie jour a cepeintre: on ne fait rien de particulier i f ;o.
de lui, fi ce n'eft qu'il demeuroit a Venife, & cjue
1'on a vu de lui des Foiresj des Marchés & des
Cuifmes, Ie touc bien pe.;nt & bien difïiné. Le
payfage qu'il trmtoit avec une belle touche &
une couleur chaude , lui a donné beaucoup de
réputation. I! demeuroit a Dervifo pres de Venife.
Il paffe aufll pour un des mei'.leurs poëtes de
fon temps. Il v ivoit encore en 11J04.
J O S E P H
DE BEER,
ÉLEVE DE FRANC-FLORE.
_LJe Beer naquit a Utrecht. Franc-Flore fut
fon maure. S'étant rendu habile dans fon art,
i-I pafTa cjuelque temps a 1'évêché dsTourHai,&
ds retour dans fapatris^ il y mouri
-> -j
-ocr page 230-
La Vu des Pcintres
P I E R R E
STEEVENS.
■Öteevens naquit a Malines. Il étoit, du temps
de van Mander j au ievvice de l'empereur , en
qualité de peintre de la cour. Il demeuroit i
Prague. Il fut grand peintre dliiftoire & favant
deffinateur.
g a s p a r d
H E U V I C K:
JTIeuvick naquit a Ondenarde , environ 1'an
1550. On connoït fort peu de fes ouvrages j
cxcepté en Itahe, oü 1'on croit qu'il eft mort.
Heuvick demeura quelqne temps chez Cofte,
peintre du duc de Mantoue. Il fe retira dans la
Pouille , chez 1'évêque de Barry 3 oü il fit plu-
fieurs grands ouvrages j mais il augmenta fa for-
cune en Itahe, dans Ie commerce de bied qii'il
fit pendant une année de difette. Van Mandcr
loue fort ïon talent.
-ocr page 231-
Flamandsy Altcmands & Hollandois. 115
HERD ER.
Hlerder fut contemporain de Curie van Mander.----------
Cer ecrivain Ie viu a Rome. Il vante beaucouples 1 ƒ50.
ouvrages d1Herder, qui mourut a Groningue fa
patrie.
CORNILLE FLORIS.
_T loris natif d'Anvers, fils de Cornille Floris ,
vivoit en 1604. Il avoit la réputation de bon
peintre.& de bon fciilpteur. On voit encore beau^
coup de fes ouvrages : on ignore Ie temps de fa
mort.
KRISTIAEN ouCHRESTIEN
J E A N
VAN BIESELINGHEN.
V an Biesf.linghen, contemporain de\Nieulants
étoitné a Delft j on ignore 1'année de fa naiflance.
Il paffbit déja pour bon peintre en 15S4. ün
O 4'
-ocr page 232-
La Vit des Peintres*
■——-—— dit que , malgré la défenfe des Etats-généraux^
XS,S°' <\al ne vouloient point qu'on peignit Guillaume I,
Prince d'Orange, qui fut, tué par Baltayir Guerards,
de peur, que fon portrait ne tombat entre les mains
des ennemis & ne fut infulté , van Biefelinghen
ayant vu ce prince infortuné dans fon cercueil, il
fe relïou-vint fi bien de fes traits j quil Ie def-
lïna parfjitement. Guerit Pot préféra ce portrait
a tous ceux quJon avoit faits du prince d'Orange >
&. s'en fervit pour faire fon grand tableau- qu'on
il place en i<Jiod^as la maifonde villede Delft.
Van Biefdinghen defllna dans la prifon Ie meur-
trier du prince \ Sc ce portrait en deflin a été vu
4epuis a Dorr , ^ans fe cabinet de David' Flud.
Van Biefdinghen,
fa femme & fes deux enfans»
ayant conduic quelques amis qui s'embarquoieat
j>our 1'Efpagne , ils montèrent avec eux dans Ie
vaifleau. Le vin ,. qui augmente quelquefois 1'a-
mitié, donna anotre artifte un fi grand regret da
cjuitter fes amis_, qu'ils k déterminèrent a quitter-
jfa patrie. Il paffa avec eux en Efpagne, oü lfe.
roi, prévenu de fon mérite, le nomma fon pein-
tre. Il y refta jufqu'a la mort de fa femme ^"& il
retourna enfuite en Hollande. Il fe remaria j Sc
£it
demeurer a Middelbourg en Zcelande, oy. Ui
jjwirut agé de 41 ans..
-ocr page 233-
Flamands 3 Allemands & ftollandois. lij
GUALDORP
GORTZIUS,
DIT GELDORP,
ÉLÈVE DE FRANCOIS PORBUS.
VJuAi.DOR.PHaquhiLouvain en Brabant en i 553.-------
A I'agedei7 oude 18 ans ilquicta cetteville pour T f..
aller a Anvers chercher d'autres tnaitres, & entra
chez Francois Franck d'Herentals j qui mourut
peude tempsaprès. Ilfucdepuis éiève de Francois
rorbus.
Sous eet habile imitateur de la nature _,
il ent la réputation d'un des meilleurs de fon
temps. Il ne fortit de chez Porbus que pour entree
au fervice du duc de Terra nova 3 avec lequel il
fut s'établir a Cologne. Le pomait n'efl pas Ie
feul talent qui 1'aitfaitadmirer, il peignoit égale-
ment Thiftoire : on voyoit chez le fieur Jean
Meerman j
a Cologne, une Diane; chez le fieur
Jaback, une Suzanne , une tête de Chnft & cel'e
de la Vierge. Ces deux têtes font eitimées par
cjuelques connoifTeursj autant que celles du Giddc,
Crifpin Depas
les a gravées.
Georges Haecka confervé de Gua'dorp unE/an-
gélifte d'une grande beauté. Ceux qui ont le plus
chéri les ralens de ce peiwtre } font deux artiftes
de la même, viiie, Francois Franck & Jaeques
Mlli
-ocr page 234-
i 18              Ia Vit des Pcintres
Le fieur Gortfen de Hambourg pofledoir encore
1555' de lui un tableau d'une belle compofïtion, repré-
fentant EJlher Sc Affu&us.
Lenombredes tableaux de Gualdorp, 8c prin-
cipalement de fes portraits , eft coniidérable. Il
étoit en 1604 dans une grande réputation. On
ne fait rien de lui depuis.
HANS (ou JEAN)
S O E N S,
ÉLÉVE DE GILLES MOSTAERT.
ooens naquit a Bois-le-Uuc vers Tannée 1555.
Il vint fort jeune a Anvers chez Jacques Boon ,
& dela chez Gilles Mofiacrt. Il fit de grands pro-
grès dans la manièie de ce peintre, qu'il n'a point
cjuittéej mais dans la fuite il devint un des plus
habiles payfagiftes de Flandres. '.„hez Henri Lou-
vers
a Amfterdam, on avu de fes premiers ouvra-
ges egaler ceux des grands maitres. Il peignoit
également en grand Sc en petit. On eftime de lui
plufieurs petits tableaux d'un beau fini, & peints
iur cuivre. Il euakta fon pays pour aller a Pvome ,
oü fes ouvrages furent Fort recherches. On voit
beaucoup de fes petits tableaux qui furent achetés
fort cher.
Il fut employé dans le palais du pap« a pein-
dre de très-grands payfages a fraifque dans les
frifes. Sa maniere eft prompte & pleine de feu.
-ocr page 235-
Flamands , Allemands & Hollandois. 219
Une belle entente de couleurs fait fentir la dé- ■
gradanon de fes plans. Ses ouvrages effacent ceux
cjui fe crouvent places auprès des iicns.
Il couchoitj dans fes petits tableaux , les figures
avec beaucoup d'efprit. Il pafTa au fervice du
duc de Panne, & on croit qu'il y refta jufqu'au
temps de fa mort, qui eft inconnu. On ne fait
pas non plus s'il a fait des élèves.
D I R C K ( ou T H I E R R Y )
P I E T E R S.
v/étoit Ie troifième fils de Pierre Aertfen. Il
s'établit a Fontainebleau > ou il fut aïralfiné.
L'aïné des trois frères lailfa un fils y qui fut
bon peintre. Il approche beaucoup de la maniere
& de la force de fon père.
J E A N
VAN ACHEN,
ELEVE DE GEORGES ou JERRIGFL
Van Achen naquit en 1556 , dans la ville
de Cologne 3 de parens aifés qui Tenvoyèrent
fort jeune a 1'école. La rliyne lui fervoit autant
a deÜiner qu'a écrire \ mais ce qui étomu les
-ocr page 236-
't x o               La Vu des Pdntrts
. artiftes, ce fut Ie portrait très-refTemblant qu'il!
fit d'une duchelfe qui paffe par la ville. Il étoit
pour-lors agé de dix a onze ans: on confeilla a
ion père den faire un peintre , ce qu'il fit \
8c
après avoir palTé quelque temps chez uu
maitre médiocre, il fut place chez Georges ou
Jerrigh , qui peignoit fort bien Ie portrait. En
fïxaunées van Achen devint bon penure} il excel-
loit fur - tout i peindre une tête d'après nature.
Il s'appliqua depuis a defliner d'après les ouvrages
de Spranger.
Agé de vir.gt-deux ans , il voyagea en Italië ,
Sc fut adreffé a Venife chez un peintre Flamand
nommé Gajpard lieims Celui-ci Uu demandad'oü
il étoit; & air Ie feul nomd"Allemand., fans voir
fes ouvrages, il Ie jugea très-médiocre: il 1'envoya
chez uu Italien appellé Moretti, peintre de nom ,
qui attiroit chez lui les pauvres artiftes, parce
qu'il brocantoit leurs ouvrages. Van Achen rit
quelquescopiesquiplurentbeaucoup^maisn'ayant
pas perdu de vue la t:\con dont Gajpard 1'avoit
re^Uj il réfolut de fe peindre dansun miroir _, &c
fe repréfenta riant. Il avoit mis tout fon art a
peindre cette tét&j il 1'envoya a Gafyard Reims,
qui avoua n'avoir jamais rien vu de plus beau : i!
vint s'excufer de fon imprudence , Sc prit van
Achen
chez lui. Il a toute fa vie conlervé ce por-
trait j qui fut admiiéde toits les connoilTeurs.
Van Achtn quitta Venife & fut a Rome. Son
premier ourrage dans cette grande ville , fut la
NailTance du Seigneur pour 1'églife des Jéfuites.
Ce tableau étoit peint a Fhuile fur une plaque
d'étain ou de plomb. Il fut deftiné pour une de
]«urs chapelies. Ce peintre fit encore fon pottrait j
-ocr page 237-
Tldmands 3 'A'demards & Hoilandois. 411
il tient en riant une co;jpe de vm. On voitprès de
lui une femme fort connuequi jouoit du luth ,
nommée Madona Venufia. On regarde ce tableau
comme Ie plus beau qu'il ait fait. De Rome il alla
ü Florence , Sc üt Ie portrait de Aladona. Laura j
<jui excelloit en poefie.
Il retourna a Venife, ou il a fait une quantité
de tabieaux pour un négociant cïe Maftricht y
entr'aurresnotr e Seigneur enrre les mams des Juifs,
une Danaé grande comme nature } & un Juge-
menr de Paris pour un négociant de Cologne.
Tous ces tabieaux , & en partie ceux qu'il rit a
Ja cour de Bavière, onr été gravés par R. Sadcler.
pendant fon fejour a Yenife , 1'éledreur de
Bavière chargea Ie grand - mr.itre de fa maifon t
Ie comte Otto Jicnry de Swartftnbourg,
d'engager
van Achen d'aller a Munich , oü il peigni t Ie tableau
d'autel deftiné a la chapelle du tombeau de ce
prince. Il étoit ftir bois , & les figures étoient
de demi-grandeur naturelle; Ie fujet repréfentoit
la découverte de la vraie Croix ; on en admira
& la compoiltion & la couleur. Son deflin eft
correcTrj & fes airs de têtes tiennent fouvent du
gout du Corrége.
Le duc de Bavière fut fort fatisfait de ce tableau;
il lui fit faire fon portrait, celui de la ducheffe
êc des deux jeunes princes leurs enfans, de gran-
deur naturelle, places tous dans le même tableau.
Après avoir été bien récompenfé, il recut pour
préfent une chaine d'or de zoo flerins. (i)
L'Empereur ayant v I? portrait de Jean de
Boullognc 3
celèbre fculpreur Hamand , peint par
(i) Environ 400 liv. de France.
-ocr page 238-
au La Vu des Peintres Vlamanis., &d
Achcn , fit demander cepeintre pendant qua-
d fif
          i         éïi 1'i
i 556. tre années de fuite, fans avoir pu réuiïir a 1'atti-
rer. A la fin il lui envoya tin feigneur de diftinc-
tion , pour 1'engager a aller a Prague ou étoit la
cour. Kan Achcn y fut, & commenca par un
tableau repréfentant Vénus & Adonis. Sa nou-
velle maniere de peindre & de difpofer fes figu-
res, fes airs de têtes pleins de graces, plurent
infinimeot a ce prince. On ne fait pomt Ie motif
qui 1'engageaa quitterTEmpereui" pourretournëc
a Munich, oü il fit pour les Jéfuites un Saint-
Sébaftien fort eftimé , & depuis gravé par Jean
Muller
d'Amfterdam.
Il fit dans ce temps les portraits de meflïeurs
Fouchers d'Ausbourg, II époufa la fille du célèbre
Laffo , l'Orphée de fon temps, & retournaaPra-
gue une feconde fois , a. la demande de 1'Empe-
reur jqui con(jutpour lui une eftime particuliere.
Tous les palais font ornés de fes ouvrages. On
voyoit de lui a Amfterdam un beau tableau ,
avec plulieurs figures grandes comme nature. La
principale eftune femme repréfentant laPaix; les
Arts 1'environneat. Ce fujet d'une compofition
noble eft parfaitcme.nt pemt.
Van Achcn moutut aufervice de 1'Emperenr,
fort regretté de fon maïtre , & fur-toutdesartif-
tes. Jamais il ne paria mal de perfonne & ne fut
plus content que lorfqu'il put obliger.
L'éledteut Palatin pofsède un tableau de van
jichen
j il repréfente notre Seigneur dans fon
tombe au.
-ocr page 239-
O C T A V I O
VAN VEEN,
o u
OTTOVENIUS.
Ljzs grands talens de ce peintre l'onr fait admi-
rer. La Flandre lui doit l'mtelligence du claïr-
obfcur , dont il avoit donné les régies & les prin-
cipes. Il y a , un des premiers, introduit Ie bon
gout. C'étoitce qu'on devoic attendre du maitre
du célèbre Rubens.
Ottovenius naquit a Leyden en 15 5 6 j d'une
familie diftinguée.Son père étoit bourguemeftre ,
&famère Cornetia, d'une des principales maifon*
-ocr page 240-
Ia Vu la Pdntrtt
---------d'Amfterdam. Il pafTa fa première jeunefle dans
l , ^ les écoles latincs, Sc étudia. Ie deflin chez Ifaac
Nïcolas:
quelques dégoüts ralentirent fes progrès.
Son père 1'envoya a Liége a 1'age de quinze ans t
il y fut re^u avec amitié par Ie cardinal de Graefi
bec,
ou Groojbcck, pour-lors évêque & prince de
cette ville. C'eft a 1'amitié de ce cardinal qu'ii
fut redevable des moyens qu'il eut d'étudiei* la
peinture: il en recut des lettres de recomman-
dation pour Ie cardinal Maducio a Rome j qui
concut pour lui 1'eftime due a fes ralcns. L'école
de Frédéric Zucherc fut celle oü il s'attacha entiè-
rement, & enpeu de temps il donna des marques
de fonhabileté. Il quittal'Italië après feptannées
d'étude j il vint en Allemagne & refta au fervice
de 1'Empereur. Il fut a la cour de Vienne , a
celle de l'éleóleur de Bavière 3 Sc déla chez 1 é-
lecteur de Cologne. L'amour pour fa patrie 1'ei-n-
poita fur les honneurs Sc fur les penfions qu'oa
lui offrit. Les Pays-bas efpagnols , dont pouc
lors Ie prince de Parme étoit gouverneur ,
fixèrent Vcnius. Ce prince Ie reipt avec une fin-
gulière bonté , & ne fut pas long-temps a connoï-
tre fon efprit Sc fon génie: il l'hoiiora du titre
d'ingénieur en chef, & de jpeintre de la cour
d'Efpagne. Ottovenius remplit ces deux places
avec honneur. Son mérite perfonnel Ie fit autanc
admirer qu'eftimet des feigneurs de cette cour ,
& fes belles qualités leur firent même rechercher
fon amitié.
La mort du duc de Parme 1'obligea de changer
de demeure. Il choifit Anvers, oü il exerija fon
génie & fon pinceaua orner les églifes Sc les plus
beaux édifices de fes tableaux, qui y font encore
admirés
-ocr page 241-
------
Flamands , Alhmands & Hollandois. 225
'admïrés aujourd'hui. La ville d'Anvers lechargea
dans Ie même temps des deiïins & de la direc-
tion des arcs de triomphe qui furent élevés a
1'entrée publique de 1'archiduc Alben. Ce prince
fut furpris de Fordonnance ingénieufe qui régnoit
dans cesdécorations: 1 enius ree, ut de lui des mar-
ques utiles de proteótion. Il 1'appella a Bruxelles,
& Ie fit intendant de la monnoie : ce nouvel
cmploi ne 1'empêcha point de peindre& d'écrire.
Il fit les portraits de 1'archiduc Sc de 1'infante
Ifabelle en grand j& qui furent envoyésa Jacques
I
, roi d'Anglecerre.
Louis XIII voulut attirer ce peintre a fa cour j
maïs les plus flatteufes promeifes ne purent jamais
Ie détacher du fervice de 1'archiduc. Il refufa
même de faire quelques defllns pour les tapifle-
ries du Louvre, &c mourut a Bruxelles en i<j^4,
agé de 78 ans. Il laiiïa deux filles _, qui fe font faic
une réputation dans la peinture, Gertrude Sc Cor-
nélie.
La dernière époufa depuis un riche négo-
ciant d'Anvers. Gertrude a fait de fon beaux
tableauxj entr'autres Ie portrait de fon père, qui
eft gravé, &' qui fut orné de ces vers par Ie favant
Ericius Puteanus :
Artis fu.& miraculo felix Pater
£ Filidjam plenus &vo nafcitur
,
Vidurus omni, clarus at avis Battavis,
TiHor, Po-ca, Philofophus
, Cajhenfium
Callens matkematum, orbita dii ingeni
Ter aha vtBus rerum , & ima £i intima
Scientiarum
, aocta v*na
Tome I,
-ocr page 242-
La Vie des Peintres-
Le chev.ilier Bulart _, qui a écrit la vie d'Or-
tovenius 3 faic fon élcge, & lui donne le nom
d'hiftonen & de poëte : il cicë iin grand ncmbre
de fesouvrages, 1'Hiftoire de laGuerre des Bata-
ves contre Claudius Cïvilis & Cenalïs 3 tirée des
quatrième&: cinquième livres de Corneille Tacite.
Cet ouvrage eft enrichi de quarame eftampes.
Les Emblèmes dTIoracej avec des'obfervations
latines, franc,oifes, italiennes & flamandes j la Vie
de S. Thomas d'Aquin 3 ornée de trente-deux
planches ; plufieuis Ëmblêmes fur I'amour divin
&: profane : il dédia ce dernier ouvrage a rinfante
Ifabelle,qui touchéedefabsautéjengagea Vcnius
a faire les Emblèmes de 1'Aniour divin , ouvrage
rempli d'art & de favoir.
On a de lui d'autres ouvrages remplis d'une
belle érndition , & qui out mérité le luffrage de
Lip/ius.
Ottovenius eut deux frères 3 Gisbert, graveur,
Sc Pierre : ce dernier ne peignott que pour fon
plaifir : les connoifTeurs ont regretté qu'il n'en
ait pas fait fon unique talent, tant il ayoit de
difpontion Sc de génie.
Les principaux ouvrages de ce peïntre fe con-
fervent dans les églifes de Flandres. La cathé-
drale d'Anvers nous offre dans la chapelle de S.
Nicolas, Notre Seigneur au milieu des pêcheurs
convercis j c'eft le tableau d'autel : celui de la
chapelle du Saint Sacrement repréfente la Cène.
On voit dans la chapelle des peintres un tableau
de Martin de Vos, avec deux volets, dont un eft
peint par Venius. Le tableau du grand autel
de la paroifTe de Saint-André, repréfentant 1»
martyre de ce faint, eft de la même main, ainfi
-ocr page 243-
—^—
Flamands t AHemands & Hollandols'.
«que Ie tableau de la Madelaine atix pieds de
!Notre Seigneur, chez Simon Ie Pharifien. Mais
ce dernier moixeau eft a Bergues, dans Ie réfec-
toire de l'abbaye de §. Vinox.
\
JEAN DE WAEL.
JL/ e "Wa e t, élève de Francois Franck, mérita
de la confidération dans fon art : il étoit né ï
Anvers , oü il mourut jeune. Il fut admis dans la
compagnie des peintres de la mêmc ville.
:
r
:
i J .
(ij ?ÏJV
-ocr page 244-
ADAM
VAN OORT,
ELÈVE DE SON PÈRE.
C e u x qui ont écrit la vie des peintres, ne par-
lent A'Adam van Oort que pour lui reprocher fej
exces. Il étoit originaire d'Amersfort, & naquit
a Anvers en i $ 57 : il fut élève de fon père Lam-
ben van Oort,
aflez diftingué dans la peinture Sc
l'archite&ure, & admis parmiles peintres d'An-
vers en 1547.
Adam auroit eu Ie génie Ie plus heureux, su
-ocr page 245-
La Vie des Peintres Flamands y &e.
avoit été plus modéré dans fes paffions. Il négli- ■ *=
gea les beautés de la nature, ou peut-être ne les 1S57'
a-t-il jamais connues. Cependant il eut une
réputation confidérable, & fit plufïeurs grands
ouvrages dont il fut bien payé. Il pouvok encore,
après ion mariage, fe rendre un des plus grands
peintres de fon temps; maïs il s'éloigna de toute
fociété :fa brutalité Ie rendit dangerenx & infup-
portable, & il perdit fes amis & fes élèves ( du
nombre defquels étoit Rubens. ) Jacques Jorda'éns
fut Ie feul qui s'accommoda du génie de fon
tnaïtre , peut-être parce qu'il aimoit fa filie, qu'U
époufa fort jeune.
Van Oort devint maniere & négligea la nature r
il ne regardala peinture que comme un moyen de
s'enrichir. L'amour de fon art diminua a mefure
«ju'il s'abrntit dans la débauche. Ses derniers ou-
vrages n'ont d'autre méiite qu'une exécution
Eicile & une bonne couleur. Dans fon bon temps
il avoit compofé avec plus de choix } & fon def-
fin étoit plus correct. Rubens difoit que cepeintre
auroit furpafTé fes contemporains, s'il-avoit vu
Rome, & s'il avoit cherché a fe former fur
les bons modèles. Malgré ces défauts 3 il fut bon
artifte, & fes tableaux font vus avec plaifir dan«
plufieurs églifes de Plandres.. Il mourut a Aravers
en 1641 j agé de quatre-vingt-quatre ans.
Les principaux élèves de ce peintre furent
Rubens, Jacques J'ordaéns, Ie Francky & Hertri va»
Balen.
-ocr page 246-
H E N R I
GOLTZIÜS,
ÉLÈVE DE SON PÈRE
JEAN GOLTZIÜS.
G-oltzius fortoir d'une familie diftinguée
dans les arts: fes grands pères & fes oncles étoient
tous fculpteurs ou peintres, ainfi que Bubert dont
il a été^arlé ci-devant. Il naquit au mois de
février 1558, dans Ie bourg de Mulbratk, pres
de Venloo dans Ie duché de Juliets, Son père
-ocr page 247-
La Vie des Peuttres f lamanis, &c. xy
peignoir bien fur verre : il donna les premiers .
principes du deffin afon fiis 3 en qui il avoit re-
connu un penchant décidé j dès Tage de fept on
huit ans , il tracoit routes fortes de figures fur les
murailles de la maifon : on a vu des deffins de eet
age qui ont furpris. Occupé a deffiner fur Ie verre
pour fon pèrej ilne lui étoit guères poflible d'étu-
dier j il en marqua du chagrin, & s'adonna de
lui-même a la gravure : ayant fait plufieiirs deffini
pour Coornhert, celui-ci propofa au père de Ie
prendre avec lui pour deux ans r Ie jeune Henri
ne voulut point s'engager, il étudia lui feul la
gravure; il ik de fi grands progrès ,que Coornherty
furpris de fon talent, 1'employa, non pas en éco-
lier, mais en maïtre. Il 1'engagea lui & fa familie
a Ie fuivre en Hollande, & ils furenc s'établiri
Harlem.
Gokhuis travailla pour Coornhert & pour Phi-
lippe Gulle.
Il époufa une veuve qui avoit un
fils nommé Jacques Mathan , duquel il fit dans la
fuite un habile graveur.
Quelques réflexions un peu tardives far fón
état, fur ce qu'il fe trouvoit inané a 1'age de vingt-
nn ans,& dans la nécelïïté de ronencer ?.u voyage
critaÜe, chagrinèrent fi fort Goh-^ius qu'il-toniba-
dangereufement malade. Il cracha du fang pen-
dant trois ans , & fut abandonné des médecins :
cependant, quoique fcible 6c langui0ant, il fe
détermina $ voyager- pour voir rAnnqiie, difant.
que, puifqu'il fallait périr, du moms il vouloit
auparavant avoir la confobtion de voir les beautés
de Rome.
En 1590, il s'embm-qua a Amftcrdam pour
Hambourgj accompagné d'tin domeftique, SC
P 4
-ocr page 248-
Xj i            La Vie des Peintres
laiflant chez lui fes élèves & fon imprimeur. Il
parcourut routes les villes d'AUem.igne, & vifita
pai-tout les artiftes fous Ie nom d'un marchand
de fromages. Quelquefoiü fon valet pafToit pour
Ie maicre; & , fous ces déguifemens, il eut la
fatisfaótion d'entendre parier librement de fes
ouvrages, lui préfent, comme s'il n'y avoit point
été. Ie changement d'air & la fatigue changèrent
fon temperament, & lui rendirent la fanté. Il
paffe par Venife, Bologne, Florence \ & enfin
Ie io janvier 1591 il arriva aRome, oü il refta
long-temps fans vouloir être connu t il s'y cacha
fous unhabillementgroffier& fous Ie nomiï Henri
Bracht.
Son admiration vis-a-vis tant de merveilles
fufpendit prefque toutes les fon&ions extérieures
de fon ame, & 1'abforba j il avoit 1'air d'un im-
bécile.
L'Italie étoit alors affligée par deux fléaux pref-
qu'inféparables, la famine & la mortalité: il fem-
bloit que de fes fens il ne fut refté k Golf(ius que
celui de fes yeux : on 1'a vu plus d'une fois def-
finer l'Antique au milieu de radavres corrompus,
fans s'en appercevoir.
Un amufement qu'il mit bien a profit dans fes
heures peidues, fut de fe mèler fouvent avec
ceux qui achetoient & vendoient des eftampes.
Il vit Ie cas particulier que 1'on faifoit de fes gra-
vures , mais il entendoit ce qu'on y trouvoit a
blamer : il proficoit des louanges & des critiques.
A la fin d'avril de la même année , il panit pour
Naples, mais fans fe raire connoitre, avec Jean Ma-
thijjerij,
orfèvre, & ungentilhomme deBruxelles,
nommé Philippe van Winghen, favant antiquaire.
lis fe mirent en route fort mal vêtus, dans la
...
i
-ocr page 249-
Flamands j Alhmands & Hollandois.
Cïainte d'être affaffinés par des brigands qui infef-
toient ces contrées. Etant arrivés a Villetri, van
Winghen,^ïcs
Ie fouper, leur montra des lettres
qu'il venoit de recevoir de fon pays, une entre
autfes du favant Orulius, qui lui marquoit que
Gokhuis étoic en Italië : il défignoit Goltqius par
fes principaux traits , & par une bruiure qui lui
avoit ellropié la main droite. A ce pomait, Ma-
thijfcn
s'écria: Voici Golt^ius, voila biea fon por-
trait. Van Winghen neputlecroire : quoilce grand
homme auroit pu fe cacher fi long-temps parmi
nous ? Non, dir-il, vous n'êtes pas Gohyius, Notre
graveur eut beaucoupde plaifir de leur embarras :
il tira fa main droite j en riant, 8c dit: Voilala main
qui doit me faire reconnoitre. Enmême temps il
leur montra fur fon linge la marque de fes eftam-
pes H. G. lis embrafsèrent avec joie ce compa-
triote, déja leur ami par fon caradère j üs lui
firent des reproches tendres qui ne firent que ref-
ferrer davantageles ïiacuds de leur union.
Après avoir vu a Puzzoly les miracles de la
nature, a Naples ceux de Tart, & après avoit
copié Ie vigoureux Herculedansle palaisdu vice-
roi, Golf(ius s'embarqua fur les galères du pape
pour étudier les mouvemens des mufcles des ef-
claves, qui rament, Ie corps nu: il débarqua, a
caufe du mauvais temps, a Gayeta 3 & de-!a fut a
pied a Rome , ou les Jéfuites Sc les artiftes Ie
reconnurent/: il deflïna au crayon prefque tous les
grands hommes: il en fit autant a Venife, a Flo-
rence & en Allemagne.
lis quittèrent Rome Ie troifième d'aout 1591,
fon ami Mathijfen & lui, pour retourner chez eus:
ils prirent leur route par Bologne 6c Venife, en
-ocr page 250-
iJ4               &* Vu des Peintres
faifant toujours quelque fejour dans chaque viüe
pour y voir les artiftes. Goltnus vouliu revenir
par 1'Allemague, & s'arréter a Munich ( oü il
avoit ci-devant joué Ie róle de valet.) II fut auffi
vifiter tous ceux qui 1'avoient vu fous eet habic:
tous en rirent avec lui, excepté ceux qui j ne Ie
connoilFant pas, avoient dit du mal de fes talens.
De )a il fut droit chez lui. On y fut furpris du ré-
tabliffement de fa fanté , maïs elle ne fut pas de
longue durée } fo:t que 1'air du pays ne lui con-
vïnt point,foit chagrins domeftiques, il retomba
dans un état pire qae jamais. Van Mander, qui
a écritfa vie , & qui 1'a beauconp connu , en attri-
bue la caufe afon affiduité au travai!. Tous les fe-
crets de la médecine ne purent'nenopérer fur lui: il
fut reduit quelques années au laitde chèvre,&a.Ia
fin au lait de femme. Fatigué de tant de remèdes
qui ne faifoient qu'achever d'éteindve un refte de
vie , il prit la-réfolution de fe promener bca'jccup
& de travailler pciij par ce moyen, il rétablit
encore fa fanté : il mourut enfin a Harlem en
1617, agé de cinquante-neuf ans.
Son bun» , aufii facile que fon génie fécondj a
beaucoup produit j perfonne na plus delimé dans
Rome en auffi peu de temps j il grava a fon re-
tour plufieurs de fes dellins. Il imira tous les
genres, tantót celui <i'Hcmskerck, de Fran^ois
Floris ,
de Blocklandt, de Fredertc 8c de Spran-
ger
: il grava , d'après ce dernier, Ie beau tableau
du Feftin des Dieux.
Piqué d'entendre dire que fes ouvrages n'ap-
prochoieut pas de la beauté de ceux A'Alben
Durer
, il fit ouelques eftampes dans Ie gout de
eet allemand, une entr'autres qui repréfentoit h
-ocr page 251-
Flamands,Allcmanis & Hollandois. 2$ 5
Circoncifion, oü il fe repréfenta lui-même : il
eut grand foin de ne laiiler voir aucune de fes
épreuves: il les laifla enfumer, brüla la marque
de Ion nöm , & fit colier du papier fur la place. A
la foire de Francfort, les connoifteurs furpns de
la beauté de cette eftampe qu'ils n'avoient point
vue, & qu'ils crurenc mancjuer a la fjite des
ouvrages ÜAlben, 1'achctèrent Sc la trouvèrenc
au-deflus des autres. Cet aveu divertic Golt-(ms
qui fe fit connoitre, & les confondit en leur mon-
trant la planche qu'il avoitgravée : cette avcnture
ouvrit les yeux des amateurs fur Ie compte de
notre illuftre graveur.
On fut étonné de Ie voir commencer a peindre
a lage de quarance-deux ans: il débuta par un
pent tableau fur cuivre , repréfentant Motre Sei-
gneur fur la Croix, la Samte-Vierge & Saint
Jean aux deux cótés : ce tableau étoic pur &
renipli de beaucoup d'ouvrage.
Quoiqu'il ait commencé fort tard 3 Ie nombre
de fes tableaux eft conddérable. Le cabinet de
rEmpereiir & beaucoup d'autres confervent quan-
tité de fes tableaux : il avoit une maniere de
glacer qui lui étoit propre, & il donnoit enfuite
des touches qui faifoient un grand effet. IJ a fait
aufli fort bicn le portran, maïs on cice de lui fur-
tout une Danaé; a cóté d'elle on voit Mercnre
& une vieille femme : le nu eft favant peur les
contours , & la couleur eft fort naturelle.
Il étoit habile a la peinture a 1'huile & a la
gravure. Il fit des prodiges fur le verre.
On conferve de lui des efpèces de deffinj en
forme de camayeu , qu'il deflïnoit a la pl«me fur
de grandes toiles : ces deffins hachés comme la
gravure, font un grand efFet.
-ocr page 252-
116 La Vie des Peintres Flamands, &e.
II eut plufieurs bons élèves, tels que Jacques
Mathan
de Gheyn & Pierre de fode, d'Anvers.
REMI
VAN RHENI.
—"----- Van Rh ent , n?tif de Bnixelles, fut grand
imitateur de la nature : les ouvrages qu'il fit pour
Henri comte de Volfes, en AUemagne, de qui il
étoit peintre penfionnéen ïóoo, ont mérité 1'ef-
time des connoifleurs. Le chateau oü réfidoit Ie
comte Henri, ayant été détruit & brulé par les
SuifTes j Remi retourna a Bruxelles oü il eft mort.
*—..... -■ ■■ -- i- ■... -                 j-.-...------------------------..... ^^-!TrT.TT^TÜM^^JT?
LOUIS
DE VADDER,
V adder, auffi né a Bruxelles , étoit grand
payfagifte: il eut foin d'obferver fouvent dans les
campagnes le lever du foleil écartant les vapeurs
& les brouillards, & développant peu a peu les
lointains. Ses tableaux font d'une grande vérité :
il a fu donner la vapeur de 1'air a fes ciels dans
fes ouvrages. Ses arbres font de bon gout, bien
touches, & agréablement réfléchis dans les ruii-
feaux dom il a ernbelli fes payfages.
-ocr page 253-
.....'f
11-v
:■/■!'
H E N R I
VAN B A L E U,
ÉLÈVE D'ADAM VAN OORT.
H
£NRi van Balen naqnit a Anvers : il fut
élève èüAdam van Oort^ qu'il quitta de bonne
heure ponr voyager en Itahe, oü il fit de grands
progrès d'après 1'antique Sc les ouvrages des der-
niers maatres : il y fut très-etnployé, Sc revint a
Anvers, riche d'argent 8c d'études.
Ses tableaux font en affèz grand nombre: il
peignoit 8c deffinoit bien Ie nu qu'il aimuic i
-ocr page 254-
15 8                La Vit des Peintres
repréfenter dans fes figures. Ses compofitions font
' grandes : il fe fervoit de Jean Breughel pour faire
fes fonds. Les deux tableaux qui lui font beau-
coup d'honneur, font ceux dont Houbraken (i)
fait la defcription \ Ie premier repréfente Ie Feftin
des Dieux : on y voit un grand nombre de figares
bien deffinées & bien colonées; Ie fond de ce
premier tableau eft de Breughel, ainfi que celui
du fecond, qui repréfente Ie Jugement de Paris :
les figures peintes avec une grande hafrnonie de
couleur paroiflent rondes & fortant du tableau:
ileftfur cuivre. Ce bon peintre fut Ie premier
maitre d'un plus grand peintre que lui, d'Antoine
van Dyck , Sc
de Francois Sneyders.
Van Balen tient fa place paimi les meilleurs
peintres flamands j il compofoit bien, il favoit
donner un tour agréable a fes figures: la fineiïe &
1'élégance fe trouvent dans fon deflin, & fa bonne
couleur a été louée par les plus grands maitres.
Henri van Balen Sc Marguerïte Bries fa femme,
font enterrés dans l'églife de Saint Jacques a. An-
vers.' On y voit fon épitaphe qu'il a ornéa de fon
portf ait &c de celui de fa Femme; tous deux fant
peints en forme ovale. On lit au bas :
Chrifto refurgentifacr... Integra vit& viro, Pittori
eximio
, Hennco van Balen, cujus virtutem pr.udens
imitdbitur pqfleritas
, penïcillum mirabitur longior
atas. Margarita
Bries conjugi 17. Jul. 163a., di-
nato pojf. & obiit
23 Oct. anno 1638. Horum,
tuique
, te memorem vult 3 benigne leclor, beatafpes
mortalium.
1
-
(1) Houbraken,peintre hollandois, a écrit la vie
des peintres depuis van Minder.
-ocr page 255-
Flamands, Allemands & Hollandols.
Un des plus beaux tableaux de van Balen eft
dans 1'églife de Notre-Dame d'Anvers : il repré-
fente Saint Jean qui prêcht dans Ie Défert: il orne
Ie retable de la chapelle des menuifïers. L'épita-
phe de la familie de MM. Humfen eft placée con-,
tre un «les piliers de cecte égliie : la Vierge, 1'en-
fant Jéfus & Saint Jofeph, occupent Ie milieu, Sc
fur les volets on voit des anges qui jouentde dif-
férens tnftrUmens: Ie fond eft un payfage; ily
a des fleurs fur Ie devant qui font peintes par
Breughel de V'lour,
Les Jacobins de la même ville ont un tableau
de van Balen, repréfentant 1'Annonciarion. L'é-
giife de Saint -Sauveur a Gand , pofsède fept
tableaux du même: Ie premiers 1'Ange qui an-
nonce a Saint Jofeph en fonge, 1'arnvée du Fils
de Dieu j Ie fecond repréfente ia NaifTance de Jéfus-
Chrift y Ie troifième 1'Adoration des Mages; Ie
quatnème la Purification au Temple ^ Ie cinquiè-
me la Fuite en Egypte; Ie fixième Jéfus-Ghrift
au milieu desDodteurs; Ie feptième, Jéfus-Ghrift,
la Vierge & Saint Jofeph qiu travaillent de leurs
mains. Ces tableaux de moyenne grandeur font
places dans la chapelle de Saint Jofeph.
On voit du même a Gand, chez M. de Schamps,
deux jolis tableaux d'un grand fini.
l
-ocr page 256-
Vit des Pe'intres
CORNILLE
C O R N E L I S,
É L È V E
DE PIERRE LE LONG LE JEUNE.
Vj o rn EiiSj natif d'Harlem en 1561, donna
1562. dès fa plus tendre jeuneiTe, des marques d'une
grande inclination pour la peinture : il tailloit
avec Ie couteau des figures de toutes fortes de
formes. Sesparens avoient quitcé la ville du temps
des troubles de la guerre-, mais de retour chez
euxj ils placèrent Ie jeune Cornille chez Pierre
Ie Long
Ie jeune , qui avoit de la réputation.
L'élève fe forma en peu de temps j & fut fur-
nommé Cornille Ie Peintre. Il a toujours confervé
ce nom. Il a furpafle de beaucoup fon maïtre : il
quitta fa patrie a 1'age de dix-fept ans, efpérant
de paflfer par la France , & d'aller en Italië. Il dé-
birqua a Rouen, & quitta bientót cette ville a
caufe de la pefte : il retourna en Flandres , & fut
a Anvers attiré par la réputation des grands pein-
tres qui habitoient cette ville. Il entra chez Fran-
cois Porbus, ik
enfuite chez Gilles Coignet,
il refta un an. Il corrigea fa maniere de peindre
qui étoit crue, & fon pinceau devint plus moël-
leux & plus agréable.
Avant de retourner chez lui, il laiffa a fon maï-
tre un tableau oü il y avoir plufieurs figures de
femmes nues, bien deffinées & d'un bon ton de
couleur j
-ocr page 257-
Flamands} Allemands & Eollandols. 241
couleur : il fit auill un pot de fleurs, ü artifte-
ment touche Sc d'un li beau fïm, que Coignet
n'z
jamais pu fe déterminer a Ie vendre , tant il
eftimoit ces fleurs peintes d'après nature. Cornü/e,
de retour a Harlern, débuta par un grand ta-
bleau pour les Buttes des Arquebufiers : il y avoit
.repréfenté les portraits des principaux de cette
compagnie. Ce tableau fut place en 15 S $ ^
1'année que van Mander alla s'étabiir dans cette
ville : il fut furpris de la beauté de ce tableau ,
&il avouaqu'iln'auroit jamais cru trouver a Har-
Jem un peintre de cette force.
En efïet dans ce chef-d'ceuvre, outre les per-
feéfcions del'artj les couleurs font excellentesj
1'ordonnaBce belle, les mains d'un beau deffin ,
les expreffions nobles : ce ne font cependant que
des portraits , mais tracés par Ie génie propre aux
tableaux d'hifteire. Comme un poë'te peut im-
mortaljfer fa plume par des éloges particuliers »
un peintre peut éterniier fon pinceau par des por-
traits : 1'un Sc 1'autre doivent intéreflêr autant
Je public, que ceux qu'il repréfenté. Comme
notre artifte nJavoit point vu l'anrique, il en
amafla des platres ou autres précieux modèles ,
fur lefquels il fe forma Ie gout. La nature étoic
fidellemenr imitée dans fes ouvrages : fon goüc
de deffin n'eft nullement maniere.
Il fit un grand tableau en long 3 repréfentanc
Ie Déluge , pour Ie comte de Leycefier: il répéta
Ie même fujet pour Ie fieur Ferreris a Leyden.
Lenu, les différens agesfont très-bien rendus. Le
nombre de fes tableaux eft confidérable en grand
Sc en petit : il faifoit bien le portrait 3 quoiqu'il
Ji'aimac pas ce genre. Peu depeiutres ontétéplu^
Tome l.                                 Q
.
-ocr page 258-
14*               La Fit des Peintres
------— loués. Houbraken dit que Cornille refufa 60 flo-
i$6i. rins d'un pied ü bieu repréfenté dans un de fes
tableaux , qu'on peut juger que 1'ouvrage en en-
tier devoit être fans pnx , ii tout y égaloit la
beauté de ce pied. Ce tableau eft place dans la
même ville a la cour des princes. Lorfqu'ifou-
brakens. voulu relever Ie mérite de quelques pein-
tres } il 1'a égalé a CornelifJ'cn.
Ses tableaux , quoique nombreux , font diffi-
ciles a trouver , par Ie cas que les connoifleurj
en font, particulièrement les Flamands. Il eut
plufieurs élèves qui ont foutenu fa réputation ,
tels que les Gaard Pieten de Delft , Cornille ,
Jacobs 3 Cornille , Enghelfens , Gerard Nop t
Zacharie
d'Alcmaer. Quoique Cornille travaillat
continuellement j il mourut dans un age aflez
avance en 1638 , agé de foixante-feize ans , 8c
illaifla après luiun grand nom, des élèves fameux
êc des tableaux admirés. Que pourroit-on ajouter
a fa gloire ?
PIERRE
L A S T M A Nt
ELEVE DE CORNILLE CORNELIS.
Latsman naquit a Harlem en 1561. Tout
ce qu'on fait de lui, c'eft qu'il étoit élève
de Cornille. Van Mander, en écrivant la vie
des peintres en 1604 } dit qu'il étoiEalorsaRome,
-ocr page 259-
Flamatlds , Allemands & Hotlandols. 24 j
& qu'il promettoic beaucoup. Les hiftoriens rap-
portent plufieursmorceauxdepoëfies afalouange ;
j'auroii mieuxaimé voirde lui-quelques tabieaux ;
xmis les éloges font fuppofer qu'il les avoit
mérités. La rareté de fes ouvrages ou Ie hafard
m'en ont privé. Je puis dire feulement qu'il pafle
dans fon pays pout avoir bien compofé Sc bien
peint.
J E A N
ROTTENHAMER;
ÉLÈVE DE DONOUWER.
R ottinhambr naquit a Muftich en
15 64. Il re$ut les premiers principes de Do-
nouwer
, peintre médiocre. L'élè ve s'appetc, ut bien-
tótqu'un tel makre contribuéroit peu a fon avan-
cement \ & n'ayant ni fecours ni modèle dans fa
patrie, il prit leparti de les aller cherchera Rome.
Il commen^a a compofer & a peindre de petits
fujets fur cuivre \ mais il accrut fa fortune en
donnant au public un grand tableau repréfentanc
lagloiredes Saints.Tous ceux qui connoiflbient Ie
peuitre, furent étonnés de voir changer tout-a-coup
ia maniere. L'encouragement porta fes idees plus
lom : il fut a Venife pour y apprendre a coloner;
il copia d'abord Ie Tint»r$t, qu'il a toujours fuivi,
tant pour Ie coloris que pour la pofition de fes
figures. Il faifoit de petits tabieaux fur cuivre
qu'ilvendoit fort ener, fans négliger 1'occafion
-ocr page 260-
244                 La Vie des Pe'mtres
— <le traiter de grands fujets. 11 fit une Annoncia-
tion pour 1'églife de S. Barthelemy de la nation
allemande, 8c un« Sainte Frabonie pour celle des
incu-rables.
Ro ttenkamer k mznziV eriifc }8c aprèsy avoir
long-temps travaillé, il re:eurna en Allemagne &
ie nxa a Ausbourg. Il peignit en grand & en
petic. Il fit un grand tableau pour Ie maitre autel
de 1'églife de Sainte-Croix, repréfentant la gloire
des Saints: ce tableau, dont Ie fujet avoitdéja été
traite par notie artifte, eft fupérieur al'autre. La
compofition en eft belle j il y a fu vaner fes
figures, fans rien outrer.La couleur & 1'intelligence
ont fait confidérer ce ïableau comme Ie meilleur
<le fes ouvrages.
Quoique ce peintre eüt fait un long féjour en
Italië, il conferva toujours un refte du gout de
fa nation, mais plus elegant & plus gracieux que
ne font la plupart des peintres allemands. Il de-
vint rnaniéré dans quelques-uns de fes ouvrages:
les meilleurs approchent de la maniere du Tin-
toret.
Ses airs de têtes font gracieux. On s'apper-
^oit par-tout qu'il aimoit a peindre Ie nu : dans
la plupart de fes fujets , il repréfentoit des nym-
phes: ü donnoitde la grace a fes petites figures ,
qu'il touchoit avec bien de la nnefle. Il étoit
fecouru par deux habiles artiftes , Ie Breughel 8c
Paul Bril,
qui peignoient les fonds & les payfages :
fes petits tableaux font les plus eftimés & les plus
connus en France.
Pendant fon féjour a Ausbourg, il peignit pour
rempereur Rodolphe , Ie Banquet des Dieux : ce
grand tableau a'e mérite de fes meilleurs ouvrages,
ainfi que Ie Bal des Nymphes , qu'il fit pour
ferdinand, duc de Mantoue.
-ocr page 261-
Flamands j Allemands & Hollandois. 24c
La ville d'Utrecht eut de lui dans Ie même ~
temps une Aflbmptioa de la Vierge, & un autre
tableau repréfentant Diane Sc A&éon.
On voit de lui dans Ie cabinet de l'éle&eur
palatin , Ie Jugement dernier , la Naiflance de
norre Seigneur, les Noces de Cana, Ie Jugemenc
de Paris, Ie Bain de Diane. A Gand , dans Ie
cabinet de M. J. B. du Bois, notreSeigneur
dans Ie jardin des Olives. Dans Ie cabinet du
roi de France , notre Seigneur portant fa croix:
il eft peint fur cuivre. Au Palais-royal 3 deux
tableaux fur cuivre, un Cbrift mort fur les ge-
noux de la Vierge, &Danaé couchée fur un [ïu
A Paris , chez 1VL Blondcl de Gagny, un petin
tableau repréfentant Ie Feftin des Dieux : Ie
payfage eft de Brcughel de Vlour. Chez M. de la
Bouexiere
, Ie Feftin des Dieux en grand, & Ie
Bain de Diane en petit :1e payfageeft de Breughel
de Vlour.
Chez M. de Julienne, chevalier de
Saint-Michel , un petit tableau de Diane au bain:
ie payfage eft de Brcughel de Vlour.
Rottenhamcr, malgré tant de produóHons, étoit
continuellementdans uneforte d'indigence : pro-
digue & diffipateur, il mourut pauvre, & fesamis
fiirejit obligés de fe cotifer pour Ie faire enterrer,.
_________.__________^:'_—_____:----------------------- -----------
-ocr page 262-
ABRAHAM
BLOEMAERT.
BtoEMAERT naquit, felon Houhraken l
,______ en 15 64 , & felon Sandraert Sc van Mander y
1564. en 1567 , dans la ville de Gorcum. Dès 1'ea-
fance il copia des deflitts de Franc-Flore , avec
une extreme application : il ne dut fon talent
qu'a la nature , n'ayant eu pour maitres que des
artiftes médiocres. Son père Ie mit chez un bar-
bouilleur, qui lui fit peindre quelques figures
pour un maïtre en fait d'armes. L'élève faifoit
moins de cas du maïtre , que Ie maïtre n'en
faifoit de 1'élève. II Ie quitta pour aller chez
Jüfeph de Beer, élève de Flore, qui demeuroic
__
-ocr page 263-
la Vie des Peintres Flamands, &c. 147
aufli 3. Utrecht : ce dernier- n'avoit d'autre mé- "~ 7~
nte que de pofleder de grands modèles, tels *
que eeux de Blocklant. Bloemaert retta quel-
que temps a les copier. Son père lui fit avoir
dans la fuite de bons tableaux. On eftimeune
copie d'après Langen Pier} dont Ie fujet étoic
grote/que , maïs bien rendu : c'étoit une cuifine s
avec fes uftenfiles. Jl travailla depuis chez van
Heel,
quiaii-heu d'en faire un élève , 1'employoic
ddes foncYions viles. Peu fatisfait de fa condition ,
fon père Ie pla^a chez flcnri Wythotck } oü il'au-
roit pu profiter , fans la femme du maitre , qui
1'obligea de quitter , dans la crainte que par fon
talent il ne décréditat celui de fon man. Fatigué
de fa mauvaile fortune, Bloemaert quitta fa patrie.
a 1'age de 15 011 16 ans , & fut a Paris: il s'adrelfa.
a Jean Bajjat & a maïtre Hery y tous deux
peintres médiocres: il ne refta avec eux que trois-
jwois, dedinatit Sc peignant toujburs de génie. II-
quitta cetce dernière ville pour retounier dans la-
patrie : il pafTa d'Utrecht a Amfterdain avec fon
père , qui y fut recu archirede , 8c gratifié d'une
penfion. Abraham exerca fon talent dans cette
ville 3 & y fit entr'autres tableaux , Niobé &1
fesenfanspercésde flèches par Apollon &Dïane».
Les figures font grandes comme nature, & la
compofoion en eft belle ; il a répété ce même
tableau pour 1'empereur Rcdolphe, qui parut
frappe de la beauté du premier. On voit de lui un
Feftin desDieux, peintdans Ie même temps pour
Ie comte de la Lippc : les Plaifirs & les Ris y
font caradténfés, & la difpoGtion générale touche ■
Je fpeébatenr. Tous les genres de peindre lm étoienï-
familiets ^hors celui du portrait. Son génie ne-
-ocr page 264-
i4^                   ■£« Vit des Pe'mtres
~ potivoit s'arrêter long-temps a imiter un feul ob-
J^ 4* jet. Il faifoit encore crès-bien les coquillages &
les monftres marins: pour rendre ces chofes in-
téreflanteSj il ajoucoit dans les fonds une Andro-
mède , ou quelque figure qni eüc rapport au fujet.
Bloemaert, avec toutes les qualités d'un grand
peiiitre, euttrop deconfiance en fon propre génie:
fes compofitions plaifent, parce qu'il fut y
répandre des gracesj mais il intérefie peu les
artiftes par Ie gout maniere de fon deflln. Ses
draperies fesnt d'afTez bon gout, & feroient plus
fimples 4 fi la nature avoit été confultée. Il colo-
rioitbién & connoiffbit les avantages du clair-ob-
fcur, dont il a fu tirer parti. Tous fes tableaux
portent Ie caraótère d'une produétion facilej ils
font peu connus en France : la Hollande , la
Flandre & 1'AUemagne pofsèdent en partie tout
ce qu'il a fait.
Après la mort de fonpère, il retourna aUtrecht,
ou il eft mort en 1647 , agé de plus de 80 ans.
Il fe maria deux fois & laifla trois fils, Henri ,
Adrien & Cormlle. Le bonheur qu'il a eu de
devoir fes talens a fon génie, l'a dédommagé du
malheur d'avoir eu de mauvais maïtres.
Le duc d'Orléans a un tableau d''Abraham •
c'eft un Sainc-Jean qui prêche dans ledéfert.
-ocr page 265-
Flamands, Aücmands & HoUandoïs. 149
*~——                      """ ' —-—■—......■-..........<•"*•■*—*
J A C Q U E S
DE G H E Y N,
ELEVE DE SON PER.E JEATST DE GHEYN.
De Gheyn , naquit a Anvers en 1565, de Jean ——-—
de Gheyn, fort bon peintre fur verre & en 1 $ $'
détrempe : il peignoir, vers la fin de fes jours,
fes cartons a 1'huile fur des toiles: fes portrairs
a goiiafle étoient auffi affez eftimés. Il mourut
agé de cinquante ans. Il laifla un fils agé de dix-
fept ans, & ü bien inftruit dans Ie talent de fon
père,qu'il futchargéde finirfesouvrages.Comme
il avoit graré avec aflez de fuccès, fous les yeux
de fonpère,il lui confeilla en mourant, d'aban-
donner !e pinceau pour Ie burin : il ne laifïa ce-
pendant pas de peindre fur verre & de graver
altcrnauvemenr.
Les liaifonsqu'il eut avec lesjeunes gens de fon
age, lui firent négliger fes études : il fe mariadans
l'intention de fe livrer plus tranquille;nentafon
arr. Toute fon envia étoit d'étudier la nature :
il fentoit bien qu'il ne pouvoit la pofféder , qu'en
s'exer^ant a peindre 5 car on fait que la gravure
'eft auprèsde lapeinture , ce que la copie eft au-
près de fon original.
Il abandonna 1'une pour 1'autre, & il regretta
Ie temps qu'il avoit perdua graver. N'ayant point
de maitre pour 1'inftruire dans les différens tons
de couleur, il imagina lui-même une methode
-ocr page 266-
15 o              La. Vie des Peintres
aflez fingulière : il prépara une grande plaiiche,'
qu'il divifa en cent petits quarrés , peincs dans
une différente combinaifon de couleurs : il donna
les ombres & les lumièresa chaquepetitquarré ,
& diftingua les couleurs amies d'avec celles qui ne
s'accordoient pas: chaqne quarréétoit numéroté ,
& il eutfoin detranfcrire dans un petit hvre fes
obfervations & fes remarques.
C'eft de cecte maniere qu'il apprit apeindre a
1'huile. Il commenca aufii-tót un vafe plein de
fleurs, d'après nature : ce premier tableau , qui
a furpris les peintres, étoit dans Ie cabinet de M.
van Os a Amfterdam.
Le fecond étoit un grand Bocal avec des
fleurs : ce morceau étoit traite parement & bien
touche il'Empereur le fit acheterayecunrecueil
de fleurs & d'mfedtes, peints a. gouafTe d'après
nature parlemême auteur.
Ses tableaux ont été admirés de fon temps j
6c quelques-uns ont un mérite réel: du pinceait
dont il peignoit le cheval du prince Maurïce a
la tète de fon armee., il trac.oit Vénus & 1'Amour.
Il a fait de bons élèves en gravure , tels que
Jean Sanredam & Dolendo : ce dernier mourut
jeune; un autre appellé Robcrt 3 & Corniik
pafTa en France.
-ocr page 267-
Tlamands} Allemands & Hollandois, 151
J E A N D A C H.
JD ach, élève de Barthelemy, naquit a Cologne
en 1566. Il quitta fa patrie pour voirllraliej
en revenant chez lui, il paffa par 1'AUetnagne,
oü 1'empereur Rodolphe II con^ut une eftime
particuliere pour lui & pour fes talens : il
fe prit a fon fervice, & Ie renvoya en Italië pour y
defllner les plus belles antiques. On voit de fes
deflïns en Angleterre : les contours en font fer-
mes & élégans,& Ie crayon artiftement manie\ il
a fait beaucoup de beaux tnbleaux peur la cour
de Vienne , oü il niourut fort agé, comblé
d'honneurs & de richefles.
TOBIE VERHAEGT.
V erhaegt, de la ville d'Anvers , naquit
en 1566. Il s'eft diftingué dans Ie payfage \
il en diftribuoit les parties avec un gout qui lui
étoit particulier: ilfavoit agrandir fes fonds par
Tintelligence des tons aè'riens: tout paroiilöir
d'une grande étendue. Les ruines & les monta-
enes lui ont fervia interrompre fes plans : fes ar-
bres ont une forme choiiie & naturelle \ tout étoit
harmonieux & intéreflant dans fes tableaux.
Avec cette réputation il voyagea en Italië: Ie
Grand-duc de Florence fit tbeaucoup de cas de
foii talent j Sc Rome même admira la Tour de
-ocr page 268-
151                   La Vie des Pelntres
Babvlone , ouvrage immenfe dans fes détails,
l$ '
que Verhaegt y peignic pour fe faire connoitre.
Cornille dcBie(i) dit qu'il fit Ie même fujet trois
ouquatre foisdepuis.La villede Lière enconferve
uu des quatre: les figures en ont étépeintespar
Franck. Verhaegt quitta enfin l'Italie & vint s'é-
tabiir a Anvers j 011 il mourut en 1631, agé de 6 5
ans. Carle van Mander en parle, dans la vie
d'Ottovenius , comme d'un excellent payfagilte.
JOACHIM
UYTENWAEL,
ELEVE DE JOSEPH DE BEER.
U ytenwael naqu:t a Utrecht en \^6G.
Son pèra peignoit fur verre. Il étoit petir-
fils , clu cóté de fa mère , d'un afTez bon peintre
appellé Joachim van Schuych. Uytenwael fut
vitrier& peintre fur verre jufqu'a 1'age de iS ans.
Dégouté ennèrement de ce métier, il entra chez
Jofeph de Beer _, peintre médiocre , 011 il apprit a
peindre environ deux années , après lefquelles il
prit la route d'Jtalie. Il refta iPadoue, Sc fit con-
noiflance avec 1'évêque de S. Malo : il voy3gea
par toute l'Italie & demeura quatre années avec
ce prélat, dont il pafla deux ans en France : il
employa ce temps a peindre pour ce Mécène, Sc
retourna a Utrecht 3 oü il a toujours demeuré»
(1) Peintre flamand, a écrit la visdespeintresjcn vert.
-ocr page 269-
Flamands j Allemands & Hollandois. 153
On ne fait s'il faifoit mieux en grand ou en petit,
tant il favoit rendre fes tableaux piquans : une x*
bonne couleur & une compofiuoa facile ne laif-
fent rien a defirer dans fes ouvrages. Son deffin
eft aflez corredt y mais maniere j fes airs de
têtes , toujours les mêmes _, font dans Ie goütde
Spranger jou quelquefois de Bioemaerc ; les poiï-
tions de fesfigures font outrées, & fes maius for-
cées en forme de crochet.
Peu attaché au coftume, il drapoit de fan-'
taifie , fans examiner Ie vrai. Indépendamment
de 1'hiftoire a laquelle il réufliiTbit aiFez bien, il
entendoit encore a peindre les cuifines de leur?
uftenfiles qu'il rendoit d'après nature. On a vu
chez un amateur italicn,a Anvers, un tableau de
dix pieds fui fix de hauteur , oü Loth & fes lilles
font repréfentées : ce morceau a paffe pour
un de fes plus beaux j Ie nu étoit bien peint, 5c
la compofition grande & d'un meüleuc gout de
deiïin qu'a fon ordinaire.
Van Mander cite de lui un petit tableau fur
cuivre repréfentant Ie Feftin des Dieux : ce
tableau eft préfentement chez l'éleéteur Palatin.
Le même hiftonen parle aufll avec éloge d'tin
autre du mêmej repréfentant Vénus & Mars: ce
fujet a été répété. Uytenwael fuc eftimé comme
Un des bons peintres flamands.
-ocr page 270-
V"u des Pe'intrts
HENRI CORNILLE
VROOM,
É L E V E
de CORNILLE HENRICKSEN,
SON BEAU-PEB.E.
ij66. Vroom naquit a Harletn en 1566. Il per-
dir fort jeune fon pcre appellé Henn Vroom ,
bon failpteur, & excellent pour la coupe des
pierres: la inère époufa depms Cornille Hcnrickfen,
petntre en fayance , qui lui enfeigna fon talent,
il quitta la maifon de fon beau-père, qui Ie traitoic
avec trop de dureté. -Après avoir voyigé en
Efpagne & en Italië, & s'ètre échappé d'un nau-
fiage , fon penchant Ie porta a peindre des ma-
rines & des vaifleaux : c'eft fur fes deflïns que
Francois Spirinxs fit des tapilleries pour Milord
Hauwart,
amual d'Angleterre : il y avoit repré-
fenté Ie combat naval de 15S8, entre la flotte
d'Efpagne & ctlle d'Angleterre.
Sa réputation augmentoic avec fes produc-
tions: il pafla quelque temps en Angleterre , oü
il fut bic-n re^u, & particulièrement de 1'amiral
Hauwart j qui lui fit préfent de 100 florins.
A fon retour, il fit un tableau repréfcntant
Ie feptiètne jour delabatailleentreles dciixflottes
d'Angleterre & d'Efpagne : ce tableau pluc
beautoup au comce Maurice Sc a Tamiral Jujiin.
-ocr page 271-
Flamands, Alltmanis & Hollandols. 255
II peignit Ie départ de la flotte de Zélande , Sc~
Ie combat prochede la ville deNieuportjilles fit
graver, & les préfenta aux Etats & aux principales
villes dom il recut des préfens confidérables.
Il mourut fort eftimé & très-riche. Son talent
ctoit de peindre des combats fur mer , des pay-
fages 9 des chateaux , des ifles , &c.
PIERRE CORNILLE
VAN R Y C K,
ÉLEVE DE JACQUES WILLEMS.
De Ryck naquit a Delft vers 1'an 1566. Il
fut place chez Jacques Willcms , oü il ne refta
que deux mois., Sc ennz chez Huèert Jacobs, bon
peintre de portraits, dans la même ville : il paffe
enfuite en Italië avec fon maïtre, oü il exerca pen-
dant quinze ans fon pinceau a copier les grands
modèles & aétudier. Il travailla fous la conduite
des meilleurs de fon temps j& fut employé par
pJufieurs princes & prélats. Il retourn» s'établir
a Delft. Il peignoitégalement a 1'huile Sc i fraif-
que : fa maniere eft belle j il paroït qu'il a parti-
culièrement étudié Ie BajJ'an ; fes figures & fes
anixnaux font dans Ie même gout.
-ocr page 272-
MICHEL
M IR E V E LT,
ÉLÈVE DE BLOCKLAND.
— ■' JU eft regarde comme un des plus fameux peintres
1568. depottraits:il naquic en i5<J8j dans la ville de
Delft, d'une familie aifée. Son père , habile or-
fèvre, cultiva fa jeunefTe: s'étant apperc^i des gran-
des difpofitions de fon fils , par les progrès qu'il
faifoit dans 1 écntnre , il Ie pla9a chez Jerómc
Wierinx
, fort bon graveur. Son application Ie
mit en état de mettre au jour plufieurs planches
de
-ocr page 273-
La Vit des Peintres Flamands , &c.
'de fa compofiron , & qu'ii grava dès 1'age de
onze oij dquze ans. 'Mats ion inchnatidn pour la
peintme lui fit quirtei Wisrinx pour lemettre fous
Blockiandt. Il abandonna le burin pour le pin-
ceau ,& eet échangehit heureux , comme il parut
■dans la fuite. Perfonue n'a mieux fuivi fon
maïtredans la difpofition de fes fujets j dans l'har-
monie de la couleur j & dans l'imitation de fa
maniere. Sa répiitation le fit connoïtre des érran-
gers. Charles I, roi d'Angleterre, voulut 1'attirec
a fa cour pour fe faire peindre avec la reine
Hcnriette de Bourbon , fille de Henri IV ^ mais la
pefte qui défola Londres j fut caule que Mirevele
refufa eet honneur. Ilnequittoit la ville.de Delft
qu'en failant de temps en temps quelques voyages
a la Haye, pour peindre lesprinces de la mailon
de Nafiau, ou quelques autres feigneurs. Le duc
Albert employa aufli le pinceau de Mircvelt. Il
hu fit une penden ; & afin de fe 1'attacher , il lui
laifTa la hbtrté de ronfeience a fa cour : grace
d'autant plus finguhère , qu'il étoit Mennonitc, Sc
qu'alors on pourfuivuitvigoureufernentcfcttefeóte
redoutable.
Le nombre de fes portraits eft ii confidérable ,
qu'il pafTe dix mille. ;l s'en faifoitbitn payer. Ses
tableaux de fonne o'.dinaiit étoitnt a 150 flo-
rins 3 & ceux des aucres <:r no urs a proportion.
Il a fait qutlaues tableaux repréfei-iant des cui-
fïnes. Il finidoit bien fes tctes : les iievenx &
les poils tenoient aiïlzde la touche d'Holteen. On
peut connoïtre le taknede ce peintre par les por-
traits que fon beau-f rere W ülem ( Gnillaumc )
Delft a gravés. Son nature! doux&pohle nt efti-
mer 3 & le rendit agréable dans la fociété. Il
Tomel.                                          R
-ocr page 274-
La Vie desPeintrcs
mourut dans la ville de Delft Je 17 aoüt 1641 ,
Ij68. agéde7jans. Il laiiïa deux hls: 1'aïné 3 Pierre
Mirevelt, a foucenu la réputation de fon père j il
travaiüa dans fon genre, Sc approcha beaucoup de
fa maniere. Le talent du fils Ie remarque dans Ie
tableau qu'il fit dans la chambre des chirurgiens
de la ville de Delft. Tous {es portraits font
vrais & bien finis. Michel Mirevelt a fait de fort
bons élèves : Paul Moreel^e s Pierre Gueerrk^
Montforty Nicolas Cornelis, Pierre Dirck> KLuyt>
& bien d'autres qui font honneur a fon école.
E V E R A R D
KR Y N S ,
ELEVE DE VAN MANDER PERE.
K.R.YNS demeuroit a Ia Haye en 1^04. Il
avoit voyagé long-tempj > & particulièremenc
en Italië, ou il avoit étudié les grands maïtres.
Sa maniere de peindre ctoit agréable 8c facile.
L'hiftoire & Ie portrair nc oécé égalemenc bien
traites par cec arcifle.
-ocr page 275-
Flamands, Allemands &Hollandoisi
] E A N
NIEULANT.
JNihulant , natifd'Anvers, recut les premiers
principes de la peinrure de Pierre FranJ\. Ce
dernier naqiut a Helvezor dans Ie Sund, en
1569 : fa familie éioit d'Harlem. Il fka fa
demeure d Amllerdam, oü Jean Nieulant avoic
fuivi fa familie j pour fe dérobec aux cruautés
des Efpagnols qui ravagèrent les Pfl/s-Bas. Il
fut depuis élève d_- Francois Badens, aufli d'An-
yers, & refugié dans cette ville des 1'age de cinq
ans , oüil vinten 15^0 pour éviter les troubles
de fon pays. Nieulant étoit fort bon pemtre en
petit; il compofoit bien les fjjets de la Bible ,
& faifoit bien Ie payfage. On ne fait point 1'aa-
née de fa mort.
PIERRE ISACS,
ELEVE DE JEAN VAN AKEN.
J.S.ACS j né a Helvezor en 1569, commenga Ia
peinture a Amfterdam chez C. Ketel. Après un
an 5c demi, il Ie quitta pour aller che? van Achen,
avec qui il voyagea en Aiiemagne Sc par t >ute
1'Italie. Quoiqu'il aic fait plufiéurs rableaux , il
s'attacha particulièrement au portrait: il y exceila.
R %
-ocr page 276-
La Vie des Peintrts
On voit a Amfterdam nn grand nombre de fes
ij5>5>." portraitsjilpeignoitune tête d'une grande reflem-
blance,& les mams étoient parfaiftfinaut deflmées.
Il imitoit les fatins 8c les autres étofFes avec une
grandejérité. On ne fait ni Ie lieu 3 ai Ie temps
de fa morr.
J O S E P H
'S W I T S E R ,
OU LE SUISSE,
'A.USSIELEVEDEVAN ACHEN.
——— Owitser écoit de Berne eny Suifle : fon père,
*57Ot architedle de la niême ville , concrü ua beaucoup
a rendre Jofeph artifte.
Il fut a Rome , fans avoir prefqu'aucune pra-
tique de la peinture. Il n'avoit fait que deffiner :
van Achcn Ie re$ut chez lui ; & Ie difciple , par
fon appücation , devint bon peintre en peu d'an-
nées. Il deflina tont ce qui lui parut remarquable
dans Rome & aux environs: il s'étoit fait une
maniere facile Sc fpirituelie a deffiner a la plume,
avec un lavis a 1'encre de la Chine.
L'Empereur admira fes ouvrages , Sc fur-tout
fes deffins. Il en fit de beaux fur 1'antique a
•Rome, par ordre de ce prince. On Ie croit more
a fon fervice.
-ocr page 277-
Flamands, Alkmands & Hollandois 2.61
ABRAHAM
JANSSEN S.
\_J N n'a pu favoir précifément Ie temps de
la naiflance eie JanJJens. Il éioit d'Anvers , Sc
fut contemporain de Rubens. II a égalé ce
dernier dans bien des parties } Sc peut-être 1'au-
rou-il furpaflé, s'il eüt continue la peinture au-
lieu de la négliger. Tiop jaloux de la gloire de
ce grand peintre., il donna dans des écarts. Ce
fut lui, comme il feia dit dans la vie de Rubens^
qui propofa nn déri a ce peintre.
Ses tableaux d'hiftoire , tant pour les églifes
que pour les maifons royales & les cabinets ,
ftxrent recherches Sc eftimés par les princes & les
grands feigneurs. Plnfïeurs Pélevèrent au-deflus
«ie Rubens, & laflaterie Ie perdir. Il auroit eu
befoind'amislnicères quilnieulïèntdonné uneplus
jnfte idéc de fes talens & de cenx de fon nval.
Il mie Ie comhle a fes folies , en époufant une
femme jolie Sc jeune, qui ne lui apporta d'aurre
dot cju'un grand penchanr a la diffipation & a la
prodigalité. A peine !e vit-on alors travaillcr deux
heures par jour. Toute occafion de plaifir fuc
fiiifie: il perdit un temps précieux dans les pro-
rnenades. Les guinguettes lui fervoient d^atte-
Uer. Il devinc pauvre ; mais fa misère ni fa vanité
n'ont point obfcurci fon merite. Il falloit qu'il
en eut beaucoup.
R 3
-ocr page 278-
La Vit des Peintres
Janfjens
avoit une belle maniere ; fes compo-
fitions ont Ie feu des plas grands rmïtre;, 0011
deflin eft plein de gout, h touche facüe & r -uW
tie ; fes draperies font jeuées 8c pliées avec choix.
Une difpofition admirable dans fes fujets, & fou«
tenue par une entente fivante du clair-obfeur ,
donnmt de la force a fes tableaux , Sc lui étoit
particuliere. Il étoic fur - tont grand colonfte.
C'eft avec des talens de cette efpèce, qu'il a
mérité d'ètre égalé aux plus habiles peintres
flammds. Il aimoitirepréfeiKer desfiJets écbirés
au flambeau. IJ aitnoit cette extremité du clair
au grand brun. Sans ètre noir dans £es ombies,
on eft furpns de 1'éclat qu'il a donné a ce qui eft
éclairé.Dejx grands tableaux dece maure,expofés
au public & places dans Téglife des Carmes a
Anvers , porteront fa réputation plus loin que
nos eloges. En entrant dans cecte églifeonvoit
Ie premier a la drnite j il repréfente notre Sei-
gneur mis au tombeau: 1'autre a la gauche ,
repréfente la Vierge qui tient 1'Enfant Jéfus.
Ony voitauffi Sainte Catherine, Sainte Cecile
& plufieurs Vierges avec des Anges. Ces deux
tableaux d'une compofition fort riche , tiinfi que
leurs figures plus grandes que nature , font d'ura
beau choix de deflin & d'un excellent coloris.
On y trouve tontes les belles parties de 1'art raf-
fembléesavec jugement. On connok encore de
lui deux autres tableaux dans Féglife de Saint
Bavon cathédrale de la ville de Gand. Le pre-
mier eft place au delTus de la table des pauvres ;
& 1'autre eft une belle Defcente de Croix,
tableau d'autel dans une chapelle. Il a peint dans
Une autre chapelle de 1'églife de Saint Nicolas, ua
L
-ocr page 279-
Flamands 3 Allemands & Hollandois.
Saint Jérómel, & dans laparoiiïede Saint Pierre,
Ie tableau d'aute qui repréfente la Vierge cou-
ronnéedans Ie Ciel.
Il eft peu d'églifes en Flandres, oü 1'on ne voye
quelques tableaux de ce maatre. Mais Ie chef-
d'ceuvre de Janjfens eft la Réfurreótion du Lazare.
Ce tableau , 1'objet de l'admiration des connoif-
feurs , eft dans Ie cabinet de 1'éledeur Palatin.
G ER RIT (GUERARD)
NOP.
JN o p naquit a Harlem vers 1'an 1570 : il--------
voyagea en Allemagne , &: paffa plufieurs 1570.
années en Italië , particulièrement a Rome, On
ne nous apprend rien du genre de peinture dans
lequel il s'eft exercé. Van Mander ditfeulement
qu'a fon retour dans fa patrie , il fe vit en état de
donner des preuves de fon talent.
J E A N L Y S ,
ELEVEDEHENRI GOLTZIUS.
I L naquit a Oldembourg. Il quitta Ie lieu de
fa naifl~ance pcir entrer dans 1'école de Henri.
Golf(ius.
Né peincre , Sc inftniit des principes
par un habile honoie , il fe perfeótionna ca
R4
-ocr page 280-
l 6 4                La F ie des Peintres
peu de temps dans Ia maniere de fon maïtre.
bfè l i
               i
de
1370.
ne pouvoir aifément les diilinguer: les villes
d'A.mfterdam & d'Harleni confervent quelques
tableaux de ces premiers temps-la.
Le defir d'exceller dans ion talent Ie décerrnina
i voir les grands maïtres; il fut d Paris , dela a.
Venife &a Rome. Il changea de maniere dans
cette dermère vilkj & retourna & Veniië: les
tableaux qu'il y fic font en difFérens genres &
en nombre confid ;rabie , en grands & petits.
Daais 1'églife de Saint Nicoias de Tolentia;, il
fit Saint Jéróme dans le défert , une pi nnea la
main , écoutant avec efFroi ie fon de ia trompette
du jugement deraier. Ses tableaux en grand
eurenc de la réputation , ó<r ceux qu'il fit en pent
ne riirent pas moins recherches. Parmi ceux d'inf^
toire en pede , on regarde comme précieufe une
repréfencatlon d'Adam ik d'Eve qui pleurent la
mort d'Abel. Ses figures nsarquent bea-.icoup
d'efprit dans les expreffions. On vante de lui la
Chute de Phaëton , «lont le char & les chevaux
tombent du Ciel : un beau payfage en fait le
fond. On voit des Nymphes dans lc bas qui
paroiflent eflSrayées. Il a peint des Fêtes galantes,
de petits Concerts, des Bals ave.c des habits de
mode a la véuitienne, des Nóces de villageois
& leurs Danfes , ainfi que d'autres fujet, ou il a
fu mêler habilement les ajüftemensantique. avec
les modernes. Ces compofitions mixtes plurenc
amant que les autres.
On a aufll de lui pluiieurs fujets repréfentanc
les Tentations de Saint Antoine. Le nngulier &
1'efprit, joints a la couleur, 1'expreflion Sc la touche,
fonc le mérite de ces rableaux recherches.
-ocr page 281-
Flamands 3 Allemands & Hollandois. 16$
Son admiration pour 1'antique a toujours paru
lorfqu'il encourageoit fes élèves. Pour moi 1570.
( difoit-il) il eft trop tard de fuivre 1'antique \
mon gout de deflin eft trop éloigné; il m'en
coüteroitbien du temps pour y parvenir, & peut-
être n'approcherois-je jamais de la perfeótion que
je defke. Le Tuien, Paul Veronèfe 3 le Tintoret
Sc le Feu, font ceux que je prends pour modèles.
On voit effe&ivement qu'il s'eft fouvent méta-
morphofé; chaque genre que j'ai notnmé ci-deflus
tenoit de fes modèles. Il emprunroit de 1'un la
bonne couleur , de 1'autre la force & les graces »
& de lautre la déücateffe du pinceau.
Sandrart, qui a vécu avec lui, dit qu'il étoic
long-temps a penfer fur le fujet qu'il vouloit trai-
ter; mais le fujet une fois décidé dans fon imagi-
nation , il alloit de fuite \ rarement changeoit-il
fes compofitions.
Tant de talens ne purent le détourner d'une
intempérance qui le ruina de toutes manières. Il
pafloit fouvent deux ou trois nuits a boire , &
on ne revoyoit ce peintre que lorfque fa bourfe
comraenc,oit a fe vuider. De retour chez lui, il
accommodoit fa palette , peignoit jour & nuit,
& le tableau fini il retournoit au cabaret.
Il pei^nir en Flandres plufieurs tableaux d'hif-
toire & des Converfations ; mais n'y ayant point
d'académie pour fatisfaire 1'ardear qu'il avoit de
deflïner, il partit de nouveau pour Venifej ou il
mourut de la pefteen 1629 } dans le temps même
qu'il crovoit aller joindre Sandrart a Rome.
Houbraken 1'égale aux plus grands maïtres. Il
judique deux tableaux j favoir, 1'Enfant Prodi-
-ocr page 282-
166              La Vit des Peintres
•'......■ gue a Leyden , chez M. Hoogevéen3 1'autre chez
\t-ja, M. Schelling, d'un beau de/ïïa_, Scpe'mts comme
ceux de Rubcns 8c de van Dyck réunis.
Son deilïu eft quelquefois fort beau, fa cou-
leur toujoiirs vigoureufe, fon pinceau moelleux, &
fes compoficions pleines d'efprir.
L U C A S
ACHTS'CHELLING,
ELEVE DE LOUIS VADDER.
Achtschbiuns, de Bruxelles, fut
«ufli éiève de Louis Vadder} bon payfagifte. On
voit de lui beaucoup de tableaux a Bruxelles
& ailleurs. Sa maniere eft très-facile 8c large. Ses
arbres ont tousdu mouvement, font bien deflïnés
Sc bien feuillés 5 fes fonds font d'un beau fini &
de bonne couleur.
MARTIN
R Y K A E R T.
RykaeRT fut grand payfagifte. Sa maniere
tient beaucoup de celle de Jofeph de Monper.
Il entendoit bien a repréfenter des débris d'ar-
ehite&ure , des ruines remplies de mouflè ,
-ocr page 283-
Flamands 3 Allemsnds & Hollandois. 267
des Rochers , des Montagnes, des Chütes d'eau,          "
des Vallées a perte de vue. Beaucoup de fes ''
tableaux ont été enrichis des figuresdu Brtughelde
Vlour,
& pUifent fort aux amateurs.
A N D R É
VAN ARTVELT.
V  an Artvilt d'Anvers peignoir des marines
avec beaucoup de vérité. 'es orages font bien
reprefentés ; fes ubleaux ont une grande
force.
J A C Q U E S
VAN ES.
V  an ESjnatif d'Anvers, s'eft fait un nom en
pcignant des poiflbns j oifeaux, fleurs & routes
fortes de fruits. Il repréfentoitla nature avec tant
de vérité , que fes tableaux ont fouvent trorripé
la vue. On ne peut mieux copier Ie coquillage ,
les écrevifles, les crabes Sc autres poiflbns de cette
efpècc. Il réuffit aulli parfaitement en imitant les
fr aits. Sa légèretédans fes fleurs les rend d'un beau
tranfparentx& d'une belle couleur. Voilice qui
£.nt Ie mérite de fes tableaux : on voyoitles pepinj
dans fes raifins, a travers leur peau.
^catffiuiu
-ocr page 284-
2 68                La Vie des Peintres
GUILLAUME et GILLES
bareréel:
Oes deux frères, nés a Anvers 3 furent différens
IJ7O. dans leurs genres & dans leurs moe ars \ l'un
f>eignoit Ie payfage , 1'autre lafigure-, l'un aimoit
a. magnificence j & 1'autre la fimphcité ; l'un eft
mort a Anvers , & 1'autre a Rome.' lis ont écé
les defcendans habiles d'une familie confacrée
aux arts. Rome a toujours pofledé quelques
artiftes de ce nom \ s'il en partoit un , il y en
revenoit deux. Sandrart en a compté fepc a huit
dans Rome du même nom; tous avoient du mé-
rite , & tous aimoient Ie plaifir.
PIERRE
VANDER PLAS-
O N fait que ce peintre eft Hollandois, fans
favoir Ie nom de fa ville , pi Ie temps de fa
naifTance , ni celui de fa mort.
On connoit de lui plufieurs grandes compofi-
tions, qui Font fait regarder comme un grand
peintre. La ville de Bruxelles coaferve beau-
coup de fes ouvrages: il tnoufut dans cette ville
«u il a beaucoup travaillé.
-ocr page 285-
Flamands } Allemauds & Hollandois.
J A C Q U E S
DE GHEEST.
JJe Gheest , quoiqne grand peintre d'Anvers,
n'a laifle de traces de fon merite que dans les
poëfies du célèbre Vondel , qui 1'a comblé de
lonanges: mais quelques vers d'un poëte illuftre
affurent 1'immortalité.
*■                                                               .......-~~«~..........,..,.,,...,.. ...,..i i,
G U E R A R D
B A R T E L S.
T o u t ce qu'on fait de Bands , c'eft qu'il
finit fa vie malheureufement. Une pierre d'une
grofleur enorme écrafa ce peintre, qui fut très-
eftimé dans fon are.
PIERRE NÉEFS,
ELEVE DE HENRI STEENWYK.
Pierre Néefs, dont les ouvrages font fi nom-
brenx malgré leur grand fini , n'eft connu que
par fes tableaux. On ignore les particularités
de fa vie,, 1'année de fa naitfance & ceüe de
-ocr page 286-
La Vu des Pcintres
fa mort. Il naquit a Anvers j Sc fut élève d«
i f,o Stéenwyck 3 qu'il a toujoars pris pour modèle. Il
ne s ecarta pas d abord du principe do ion mai-
tre , qui étoit de n'avoir d'autre guide que la
nature. Il repréfentoitl'intérieur des églifes gothi-
ques avec tant d'exaótitude, qu'on reconnoït aifé-
ment toutes celles qu'il a peintes ou imitées, Sc
fouvent répétées.
Néefs, en habile artifte , a fu tirer avantage
de ce genre de talent. Il auroit pu devemr froid
& peu intéreflant} mais Ie génie eft fécond en
reffburces. Chaque tableau de ce mairre eft digne
de l'attention des connoilFeurs. On faic qu'une
feule lumière éclairant un baciment regulier , ne
peut produire les effets frappans qui rémltent des
oppofmons & des dégradations ienfibles; il a fu
y fuppléer. Tantót c'eft un Buffet d'orgue, tan-
tót un Maufolée qiii, place heureufement, inrer-
rompt la régularité j & donne roppofition des
ombres & des lumières. C'eft ainfi qu'il a rendu
piquant tout ce qu'il a peiat. Les tableaux clairs
de ce peintre (ont les plus eftimés, & 1'on voit
qu'il a cherché a fornr de la première maniere
obfeure de fon makre. Mais, quoiqu'il fütfoumis
a des régies ferviles, il ne faifoit jamais mieux que
quand il repréfentoit des nuits ou des églifes fom-
bres , puifqu'on y découvroit jufqu'aux plus petits
détails. Si les ombres, les lumicres & la bonne
couleur fonr répmdues dans fes ouvrages, on y
appergoit encore une vapeur dégradée qui fait
recaler les objets 8c diftinguer les degrés de dif-
tance eatra les chofes repréfeutées. Comme il ne
peignoit pas bien la figure , i! laiflbit cette partie
a remplir; les Franck, les Tenicrs, Breughel, van
-ocr page 287-
flamands, Alhtnands & Uoïlandois. ijl
Thulden, Sec. ont orné les tableaux de ce maï-"" •
tre.On en trouve encorequeloues-unsfans figuresj lS7°*
Toici lts principaux qui font connus dans Paris
& ailleurs.
Dans Ie cabinet de M. Ie duc d'Orléans, deux
tableaux fur cuivre \ 1'un repréfente Ie dedans
d'un églife vue de face. On y voit un prêtre
fous un dais, portant Ie viatique a un malade j
1'autre eft dans Ie méme gout : les figures font
üAbraham Teniers.
Dans Ie cabinet de M. Ie comte de Choifeul,
un tableau de 14 poucesde haut, fur 11 & demi
de large. C'eft Ie dedans d'une églife éclairée aux
flambeaux : on y voit un prétre a 1'autel, cele-
brant la mefle de mimik , & beaucoup de figures
peintes par Breughel de Vlour.
Dans Ie cabinet de Ni.de Julienne, cinq tableaux
repréfentant des églifes dans leur intérieur. Dans
un de ces tableaux , qui eft fort clair , on voit
un prédicartur en chaire , au milieu d'un audï-
toire nombreux. Il y en a deux autres petits en
ovale, bien nnis , & avec des figures.
Dans It cabinet'de M. Ie comte de Vence , Ia
repréfentation de 1'intérieur d'une grande églife*
Ce tabler.u eft en long, & 11 y a de;, figures.
Chez M. de Jully de la Live, 1'intérieur d'une
églife c'^nvers. Tableau en long, avec des figu-
res de Franck.
Chez M. ie Proir, une petite Églife très-cJaire,
avec figures; c\ ft du plus beau de ce maïtre. Ce
tableau eft de forme ovale , de quatre pouces Sc
demi de haut fur fept pouces de large.
A Gand, dans Ie cabinet de M. ƒ. B. du Boisf
font deux de ces tableaux en long, repréfentant
-ocr page 288-
y                   La Vu des Pe'inires
■ des églifes en dedans & vues de face, avec d«j
ÏJ70. figures. Tous deux font du bon temps de ce
maitre.
On voit du même , dans la même ville, chez
M. van Tyghem , trois tableaux repréfenrant
des églifes avec des figures. On en trouve encore
beaucoup dans d'autres cabinets de Flandres.
On fait quelquefois pafferfous fon nom plufisurs
tableaux de fon fils , Pierre Ne'efs, fon élève , qui
a finvi la même maniere _> maïs avec bien moins
de fuccès. On n'a rien appris de la vie ni de la mort
de ce peintre.
THÉODORE
B A B E U R.
Babeur, hoilandois , peignoit dans la maniere
de Pierre Kécfs. N'ayant rien vu de lui, je aeferai
que Ie nommer.
CHRISTÜPHE-JEAN
VANDER LAENEN
Vander Laenen peignoit ordinairement des
ftijets gaians , des aflemblées & des tabagies.
L'amour & Ie vin y dominent, & y prennent
quelquefois des libertés très-blamables. Au refte
il compofoit avec efprit.
v                                         HENRI
-ocr page 289-
Tlatnan&s 3 Allmianls & Hollandois, zjy
H E N R I
DE R L E R C K;
ÉLEVE DE MARTIN DE VOS.
De Klerck fut poëte &r peintre : fes ouvrages
font compofés avec efprit, ainfi que ceux du
         Q
peintre dont nous venons de parier. On en voit
tkns les és;!ifes de Bruxtlies , &c. ïl a fait des
camaïeux dans Ie gout de ceux de fon rruïtre, qui
font eftimés.
A N T O I N E
S A L A E R T;
SalaerTj natif de Bruxelles , a faït plufieurs
tableaux d'hiftoire , d'un bon gout de deflln
& de couleur , & bien entendus pour la partie
du clair-obfcur. Il eft mort dans la même vill»
oü il eft né: Ie tems n'en eft pas connu.
Tornt I.
-ocr page 290-
174
GUILLAUME
M A H U E.
---------3VI a h u e vivoit dans ce mème temps : né a
lS7Ot Bruxelles, oü il eft more, il a eu de la réputa»
tion pour Ie portraic
AUGUSTN BRUN,
et HANS (JEAN)
HOLSMAN.
C e s deux peintres ont été eftimés dans la
ville de Cologne, lieu de leur naiflance. C'en
eft aflez pour être cités: on nen. fait d'ailleurs
aucun détail.
FrédericBRENTEL,
et JACQUES
VANDER HEYDEN.
Ils font nés aStrasbourg; ils ont été confidé-
rés par plufieurs princes. N'eft-ce pas écre sür
iU on^ eu des wiens ?
-ocr page 291-
JFlamands j Allcmands & Bollandois. 175
D A N I E L
VAN ALSLOOT.
Van Atsloot fut peintre de 1'archiduc
Alben , gouverneur des Pays-Bas : c'eft 1'éloge
de eet artifte. Il falloit avoir du mérite pour
être diftingué par un prince qui pouvoit cho^fir
parmi tant d'habiles gens.
DAVID DE HAEN.
J_) aviddeHaen, néi Pvoterdam , voyagea
loiig-temps en Italië , & refta a Rome. Il étoic
bon peintre : on ne connoit ni fa vie ni fes
ouvrages.
ABRAHAM
MATHI S SENS.
Abraham Matmissens , d'Anvers, s'eft faitun
nom parmi les bons payfigiftes & peintres d'hif-
toire. Nous connoiffbns de ce peinrre deux
tableaux en public : un dans la cathédrale
d'Anvers, derriére Ie grand autel ; il y a peint
S a
-ocr page 292-
La ViedesPe'mtres
la mort de la Vierge : 1'autre, la Vierge , 1'Enfant
1570. Jéfus & S. Franqois : celui-ci orne fon épitaphe
aux Récollets de la mêmc ville.
& G I D I U S
VAN TILBURG;
O E peintre étoit auffi d'An vers: il avoit voyagé.
Il faifoit des foires , des fêtes de village d'une
compofition agréable : on n'en fait pas plus de
eet artifte.
JACQÜES
WILLE MS DELFT.
X o r t bon peintre de portrait. La ville de
Delft conferve dans fes Buttes les reftes d'un
tableau repréfentant les portraits d'une compa-
gnie d'Arquebufiers de fon temps : ce tableau,
bien peint & compofé artiftement j eut Ie ibic
de bien d'autres qui futent détruits par leboule-
verfement d'un magafin a poudre oü Ie feu avoit
pris. Cependant il fut réparé par les foins de fon
petïc-fils Jacques Delft, qui en réunit foigneufe-
ment lesdébris. Ce peintre éleva fes trois fils dans
la peinture,& les nourrit: dans l'amour qu'il avoit
pour eet art. L'aïné, Cornilk Delft, prit lesprin-
-ocr page 293-
Flamands j Aüemands & Hollandois. tyj.
cipes fous fon pète , & devint fort bon peintre ~
fous Cornille Cornelis d'Harlem. Le fecond, Roch l f7°«
Delft, étoit anfll bon peintrede portrait. Le plus
jeune W Mem ( Guülaume ) Delft s'attacha a la
gravure : il époufa la fille de Mïchel Mirevele,
excellent peintre de portrait, dont il eft parlé
ci-devant. Il a gravé les principauxportraits de
fon beau-père, qui font encore confervés dans
les porte-feailles des curieux.
f r a n g o i s
PORBUS.
I L étoit fils de Francols Porbus, Sc élève da
fon pèrc,qu'ila, felon quelques-uns, furpaffé.
ïleftcertaindumoins qu'ü 1'aégalédans bien des
parties : 1'hiftoire 8c le portrait ont été fes prin-
cipaux talens. Il voyagea long-temps 3 & fe fixa
a Paris ,.oü il fut très-employé a peindre le por-
trüt: on en voit une quantité dans les cabinets
des curieiix.Ontrouvedans ceUü du duc de Flo-
rence , le porcrait du peintre , fait par lui-tnème ;
dans celui du roi c!e France,les portraits d^Henri
IV , armé & fans armes; celui de Marie de
Médicis , & celui do la paix entre la Hollande
& 1'Archiduc, dont le fond cfi: un payfage : au
Pa'ais-royal on voit le portrait d'Henri ÏV , de
qtiatorze pieds de haut, peint fur bots.
Hans la maifon de ville de Paris font deux
tableanx de la minorité de Louis XIII. Dans
le premier, le roi encore enfanc, efl: affis fur for»,
S3
______
-ocr page 294-
478                La Vu des Peintres
----------tróne : a fes genoux paroilTenc Ie prevot dej
IJ7°» marchand-s & les échevins ,tous peintsd'après na-
ture^ 1'autre tableau repréfeate la majonté du roi:
la couleur vraie & la belle fimplicité des drape-«
ries font oublier un refte du goüi de fon père.
Le tableau d'autel de 1'églife de S.Leu eft; de
lui , ainhque deux autres tameaux d'autel 3 dans
deux chapelles de 1'églife des Jacobins, rue S.-
Honoré \ Pun eft une Annonciation, & 1'autre un
S.-Fran^ois.
A Toumai, dans Péghfe de 1'Abbaye de S.-
Martin , on y voir notre Seigneur en croix entre
les Larrons : beau tableau du même auteur
II fut a Parii) contemporain de Freminet } Sc
ne lui furvécut que de trois ou quatre années :
il mourut dans cettevillc en 16 • i , & fut enairré
aux Petits-Auguftins du fanbourg S.-Germain.
WOUTER (VAUTIER)
CRABETH,
ÉLÈVE DE 'CORNILLE KETEL.
Orabeth naquit dans la ville de Gouda:
il étoit petir-fils de Vautïcr Crabtth , fi fameiix
par fa peinture fur verre.
Vautier, élève de Cornille Ketel, avoit furpafTé
dans cetteécole fes autres contemporains. A peine
fut-il le mélange des couleurs , que, cédant
a 1'envie de voyager, il parcourut toutes les
villes de France, & pafla dela en Italië: il y etudia
-ocr page 295-
Flamands, Allemands &Hollandois. 179
tout ce qui fe trouvoit de Tanden & du nouveau
gout. Rome 1'arrêta pendant treize ans a copier "
ce qui lui parut propre i Ie perfeclionner. Il eft
peu de grands peintres, de grands poëtes, de
grands pnilofophes qui n'aient voyagé.
De retour a Gouda en \6 8 , il y époufa
Adrienne Vrïefen. Après eet établiflement, il
peignit plufieurs tableaux d'hiltoire & de por-
traits , difperfés & eftimés par-tout.
Dans lesbuttesdeS. George a Gouda 3 011 voit
de lui un tableau en grand , repréfentantles prin-
cipaux officiers de la compagnie de ce temps-la.
On a encore de lui une AfTomption de la Vierge
dans une chapelle. Il tenoit plus de 1'école d'Ita-
lie que decelle de fon pays. Sa mort eft ignqrée.
PAUL MOREEL ZE.
Ci E pe'mtre naquit a Utrecht en 1571 : il fut
élève de Michd Mirevelt : fon talent étoit
Ie portrait. Carle van Mander en parle comme
d'un excellent peintre. Il a fait quantité de
portraits d'une grande vérité & d'une belle ma-
niere : entre fes plus beaux, font ceux du comte
& de la comtefTe de Kuylemberg en pied , &
grands comme nature; on cite aufli celui de Mada-
me Cnotter. Il futaRome pour apprendreapein-
dre 1'hiftoire, mais fon talent pour Ie portrait fut
fi décidé & 1'employa tint , qu'a peine il put y
fufEre \ ainfi Ie portrait feul 1'a prmcipalement
occupé. On juge cependant qu'il étoit capable
de faire autre chofe par un emblême 011 tabieai*
-ocr page 296-
i8o                La Vit des Peintres
——— allégorique qu'il a peint aux environs d'Utrechr
lj7i. Il étoit bon architecte : U porte de Sainte-
Catherine de la même ville en eft unepreuve:
ce morceau d'archite&ure eft d'une belle com-
pofition. Il mourut en 1638 , agé de foixante*
lepe ans j fort confidéré, & revêtu de la charge
de confeiller 3c de bourguemeftre de la ville
d'Utrecht. Il y fut enterré avec les plus grandes
marques de diftin&ion.
F R A N g O I S
B A D E N S ;
9 ÉLÈVE DE SON PERE.
XL naquit a Anvers en 1571 : il fut élève de
fon père , qui n'étoit qu'un pc'mtre médiocre.
Dela il fut en Italië avec Jacques Mathleu. Il y
fit des progrès ü rapides, qu'apt'ès quatre ans do
féjour, il mérita a fon retour a Amfterdam Ie
nom du pc'mtre hallen. En effer, il avdit faifi
parfaitement Ie goiit de compofer & de colorier
aes grands artiftes de ce pays, fi vanté a jufte
tirre. Son pinceau flou Sc d'une touche fiere, fa
couleur chaude & dorée , lui ont acquis lagloire
d'être Ie premier qui ait introduit Ie bon gout du
coloris : il a réuffi également dans 1'hiftoire 5c
dans ie portrait. Il nous refte de lui d«s fujets
-ocr page 297-
Flamands , Allcmznis & HoUandois.
de(i) converfation , & des modes du iïècle ou 1C71.
il a véciij peintes dans la grande maniere. Sa
mort eft ignorée.
SÉBASTIEN
F R A N C K.
ON ne fait f\ Sébaftien Franck eft fils de ' "
Jérèmc , d'Arnbroife ou de Francois Franck : 1 f73.
on Ie croit ftère aïné ds Francois Franck Ie
jeune, & c'eft alTez !e fentiment commun. Voicï
ce qu'en die Van Mander : Sébajlien Franck s'eft
ijjftruit de la peinuue chez Adam van Oort:
il peut avoir préfentemenr (1 ^04) envjron trente-
un ans, ainfi il eft né vers 1) 73 , «re. Le génie
de ce peincre étoitde peindre des Bacailies 8c les
fiijets ou il réuffiflbit parfaitcment a repréfentec
des chevanx. Le payfage ne iat pas un; des mom-
Jres parties defon talen: :n!ie bonne couleur Cc
v.ne
rouche légere en font le mérire pnncipal. La
maniere dece peinrre a érc copiée par plufïcurs;
leur médiocricé empêche de $'y méprendre. On
ne fait fi ce peintre eft mbi 1 a /invers j oü il a.
demewré long-temps. Deux tableaux ds Sébajlien
fe trouvent places avec diilinftion chez Pélecieur
Palatia : 1'un repréfente les (Euvrcs demiféri-
corde , Sc 1'autre une AfTemblée de feigneurs&
de dames.
(1) On appellc en Flandres un pein tre de (onverfa-
tion,
quand il représente des assemblees galante* 3
comme celles de ip^attaa, Pater, etc.
-ocr page 298-
i8z La Vu des Peintres Flamqfids , &c.
l u c a s
F R A N Q O I S.
Lücas Francois , contemporain A'Adam
El^heimer, &c
né la même année en 1574
dans la ville de Malines , fut plus heureux : il ne
tarda point a percer la foule. Pendant les fix années
qu'il exenja fon pniceauen qualitéde peintre de
la cour de France & du roi d'Efpagne, il gagna
beaucoup de bien. Il étoit également bon peintre
«Thiftoire & de portrait. Les églifes, les falles
de confréries , les cabinets de Malines font
garans de fa réputation. De retour dans fa
ville natale oü il travailla quelque temps , il y
mouruc Ie 16 feptembr,e 1643 , comblé d'hon-
nenrs & de richeües, & au milieu de fa fortune.
Il laiiïadeux fils qui réuffirent dans fon art : je
les placerai dans leur temps.
-ocr page 299-
ADAM
ELZHEIMER.
JIilzmeimer prit naiiïance a Francfort en 1574. ■
Sonpère étoit tailleur d'habits: s'écant appergu de x574*
1'inclinarion de fon fils pour la pcinture, il Ie placa
chez Philippe Offenhach, bon peintre de la même
ville. L'élève furpafTa Ie maitre en peu de temps:
mai1; voyant que l'A llemagne ne lui rourniflbit rien
qui fut capable del'avancer dans fon art, il prit Ie
cliem'mdeRome,oüilfit connoiflanceavee Pierre
Laflman,JeanPinas
d\Amfterdam, JacquesEneJl
Thoman, 8c
gwelques autres célèbres artiftes. Il fe
-ocr page 300-
it4                La Vie des Peintres
----------fit avec eux une maniere de peindre& definirett
* J74* pet'c»(3ui UJi abien réuffi: il tut lemeiileur defon
ïiècledansce genre. 11 peignit toutd'après nature :
une mémoire rare lui fit faire des chofes fïngu-
lières. Ilpeignit très-fidellement/<z f'igne Madame
de fouvemr j les arbres Sc leurs formes, les
mafles principales, jufqu'aux accitlèns ordinaires
des ombres , rien ny étoit oubÜé. Mais ee qui
devoit faire fa formne , fut en partie caufe de fa
misère :1e tempsqu'ilemployoitafinirfes tableaux
étoit trop long pour Ie prix qa'il en recevoit.
Il époufa unejolie perfcnne a Rome, dont il
eutunenombreufefamilie:cetce.fécondité, joiute
alamédiocrité de fon revenu ,1e découragea:
il devint fauvase, 8c n'eut bientót d'autre féjour
que les ruines des environs de Rome. Accabié de
dectes 3 ilne s'occupoit plus qu'a éviter fes créan-
ciers. Il fut arrêté & mis en p'rifon : il ne laifTn.
pas de travailler dans ce trifte état; il y mouruc
enfin delangueur , fous Paul V , en 1610, agé
de cinquante-fix ans , & digne d'un fort plusheu-
reiax. Sestableaux, quoiquepetits^ font fort chers
depuis fi mort: il auroit été a fouhaiter qu'ils
reuifent été pendant fa vie.
Le mérite des onvmges A'Èfykeimer confifte fur-
toat dans Ie gout du deflin , dans une diftribution
adrnirable de fes fajets , & dans une rouche fpi-
rituelle : excellent colorifte , toujoms précieux&:
piquant , fa maniere a fait bten de<: imitaceurs.
Tkoman&c le comtede Gaud ont ftiivi ce grand
makrej David Tenicrslt père Sc BambochcXonx.
éuidié , & c'eft d'aptès lui qu'ils ont excellé dans
leur genre. Ses tableaux les plns confidérables
font lc jeune Tobie ronduit par 1'Ange , & fuivi
-ocr page 301-
Flamandi 3 Alhmanii & Hollandoïs. 18 j
d'un petit chien qui parok fauter d'une pierre a-----*"""""
une autre, & qui eft arriftement éclairé du foleil. 1574»
Ila peintune Latoneavec fes enfans : despayfans
changés en grenouilles , femblent troubler
1'eau par leurs mouvemens. Un autre tableau
admirable eft Procris blefTée : Céphale tache de
guérir fa plaie avec des herbes. On voit dans Ie
fond des Satyres avec des Dryades qui font du
feu a 1'entrée d'un bois. On connoït auffi un S.-
Laurent nu devant Ie juge qui Ie condamne 3
mort, furie refus qu'il fait d'adorer fes faux dieux.
Ce tableau appartient au comte de NafTau Saer-
brugge , & fê voit dans Ie chateau d'Idftein. On
a du même peintre un fecond St.-Laurent en
habit d'éghfe, il fut fait pour Ie neveu de Joa-
chim Sandrart: ce martyr tient d'une main Ie
gril, Sc de 1'autre une branche depalmierj un
payfage ome Ie fond du tableau j un foleil cou-
chant y fait beaucoup d'effèt fur des eaux qui s'y
trouvent agréablement répandues : la figure du
Saint eft peucorrecte; mais ficedéfaut étoitcaufé
par 1'habitude de faire trop en petit, on fent ce-
pendantpar fa faciiité qu'il auroit réuffi en grand ,
&■ on Ie remarque dans quelques-uns de fes autres
tableaux.
On voyoit en 1666 ,aFrancfort chez M. du
Ëay
1 du même Ehheimer, un tableau de génie
& d'irnagination: il repréfentoit leDefir & 1»
Jouiflance fous deux jolies figures : au-de(Tus dans
un ciel étoit Jupiter la foudre a la main j & fur
la terre des hommes 8c des femmes de tous états ,
livrés al'objet de leurs differentes paflions. Les ca-
radères font bien rendus fur les phyfionomies J
les yertus Sc les vices font 1'objct de cecce com*
-ocr page 302-
iS<>                 la Vit desPeintres
pofition. Ce tableau a touche tous les curieus l
Sc
donne une grande idee de 1'efprit de fon
auteur.
El\heimer a peint d'une plus grande forme Ia
finte de la Vierge en Egypte avec l'Enfant Jéfus
fur fes genoux. S.-Jofeph conduit 1'ane pendant la
nuit a. travers une rivièreornée de toutes fortes de
plantes aquariqiies : il tient dans la main gauche
une branche de pin allumée qui lui fert de flam-
beau. On voit dans Ie lointain un grouppe de ber-
gers qui fe chauffeur auprèsd'un feu , fur les bords
d'une mare , oü ils gardent leurs troupeaux: ils
paiflent auprès d'une épaiiïe forêt : Ie ciel eft
lempli d'étoiles; la voie laftée un peu au-deffus
de f horifon , éclaire la plaine & fes objets avec
une fingulière vérité. Ce tableau paffe pour fon
chef-d'ceuvre: il a été gravé par M. de Gaud , gen-
tilhomme d'Utrecht, qui en a gravé plufieurs au-
tres. Ce feigneur étoit un des principaux bien-
faiteurs óïEl\heimer : il acheta tous fes ouvrages
& les paya plus cher qu'on ne les vendoit alors j
il adoucit fa prifon en lui fournilTanr de 1'argent,
mais Ie mal étoit trop grand pour y pouvoir re-
médier. M. de Gaud fe fit une manierede peindre
fur les tableaux qu'il avoit achetés d'£/^eiOTcr,
Sc qui lui fervoient de modèle , au point
qu'il peignit dans Ie même gout. Après la mort du
malheureux peintre , il revint a Utrecht , & ter-
mina fes jours par un accident: une dame con-
$ut tant d'amour pour lui, qu'elle lui fit prendre
un breuvage qui eut un effet contraire a fes de-
firs. En 1614 il perdit la mémoire , & eut 1'ef-
prit aliéné jufqu'dla fin de fes jours : la peinture
feule lui donna des intervalles de xaifon, & il
-ocr page 303-
FlamandS) Allcmands &Hollandois. 187
n'eut de jugement que pour ce talentjufqu'a fa
mott : on ne connoit de lui que fept planches
gravées d'après El\heimer. La veuve Sc quelques
enfans de ce peintre, vivoient encore en 1632. Les
ouvrages du père font difperfés dans 1'Europe. A
Dufleldorp chez 1'éleóteur palatin, on voit quatre
tableaux de cemaïtré :Enéeavecfon pèreAnchifej
un Saint Jean-Baptifte dans un beau payfage j
un autre Payfage avpc des figures , & Ie fu rifice
d'Iphigénie. Dans lé cabinet du duc d'Orléarts,
au Palais-royal, deux tableaux du même , dont
1'un repréfente une nuit, ou des gens qui fc
chauffent au bord de 1'eau ; 1'autre repréfente un
beau payfage éclairé de la lune.
N I C O L A S
DE LIEMAECKER,
SURNOMMÉ ROOSE,
ÉLÈVE D'OTTOVENIUS.
Liemaecker , né a Gand en 15 7 5 , fut place fort
jeune chcz Mare Gueraert, bon peintre d'hif-
toire : il appnt fous lui les principes de ion
art. La more de ce peintre lui donna quelques
inquiétudes ponr fon avancement; mais il répara
cette perte , en prenant des lecons d'Ottovenius.
Ce dernier s'attacha a Roofe , avec une affe&ion
qui lui pro 'ira depuis fa fortune: 1'école de Venius
étoit pour lors la meillcure de la Flandre , Sc la
plupart de ceux qui la compofoient ont étc de
-ocr page 304-
188                    La Vle des Pcintrés
1 grands artiftes': Rubens étoit du nombre des élè-
IS7S- ves. L'amuié de Rubens Sc les le^ons du maicre
tcndirenc Ie jeune Roofe Ie digne rival de Rubens
Sc
un des premiers élèves de i^enïus.
Après avoir pafle plufieurs années dans cette
école , Sc mérité Ie nom de bon peintre, fon
maitre l'envoya au prince évêque de Paderborn ,
avec une lettre de recommandaüon : il y fut bien
recu, & employé par Ie prince Sc les principaux
feigneurs. Son talent fut admiré, & Tartifte y
fut comblé de gloire &: de bienfaits ; mais Ie cli-
mat étant contraire a fa fanté , il tomba malade
d'une fièvre continue j qui fit craindre pour fa
vié. Ilquitta cette cour pour reprendre 1'air natal,
& fut s'établir a Gand, oü il adepuis travaillé &
peint plufieurs beaux tableaux. Rubens,de retour
de Liüe oü il venoit de faire Ie tableau d'autel
de Sainte-Catherine, fut demandé par ceux de
la confrairie de S.-Michelde Gand, pour peindre
au retable de leur autelj un tableau repréfentant
la chüte des Anges : Rubens leur confeilla d'em-
ployer Ie pinceau de Roofe , en leur difant: Mef-
fieurs , quand on pofsède une rofe fi belle, on peut
Hen fe pajfcr defieurs étrangères.
L'éloge d'un fi
crand peintre fe foutient dans les ouvrages que
'Roofe nous a laifles. Il compofa ce tableau que
Rubens refufa de faire : il pafle pour un de [es
chef-d'ceuvres , & ne cède en rien aux plus beaux
de fon fiècle.
Roofe peignit Ie plafond de Ia Chapelle de 1'é-
vêque j dans 1'églife de S. Bavon , Sc un tableau
d'autel, oül'on voit la Vierge & 1'Enfant Jéfus
dans une gloire entourée de Saints. Ce tableau
»ft d'une grande ordonnance j 1'efFer répond aux
^utre
_
-ocr page 305-
i 'Allematlds & ïtotlandois. 28^
aütres belles parties de i'art: il eft en face dans
cette chapelle. On remarque plüfieurs tableaux
du même artifte qui ornent les piliers.
Dans 1'églife paroiflïale de S. Nicolas, on voit
Ie tableau de la Chüte des Anges, dont j'ai parlé:
& dans la chapelle des chiturgiens, Ie Samaritain
blefféi Le grand tableau d'autel de la même
églife, repréfente S. Nicolas qu'on élève a 1'épif-
copat. J'ajouterai ici une fimple énumération des
tableaux de Roofe.
Dans 1'églife de S. Jacques 3 le tableau d'autel
de la chaptlle des tonneliers : dans la chapelle
de S. Ambroife, le dernier Jugement, compofi-
tion confidérable, oü le genie de 1'auteur eft fans
bornes. Dans 1'églife de S. Sauveur, contre les
piliers , douze grands tableaux repréfentant le
jBaptême de Notre Seigneur, z Jefus-Chrift tenté
dans leDéfert. j Notre Seigneur pendant la tem-
pête réveille par fes Difciples. 4 La Réfurrection
du Lazare. 5 Le Miracle de 1'Aveugle né. 6 Les
Vendeurs chaffës du Temple. 7 La Transfigu-
ration. 8 Le Demon chafle du corps d'un poiïedé.
y La Samaritaine. 10 Jefus-Chrift qui guérit plu-
fïeurs malades. 11 La Pêche miraculeufe , oü.
Notre Seigneur fe promène fur les eaux. 12 L'en-
trée de Jefus-Chrift dans Jerufalem.
Dans la chapelle de la Sainte-Trinité , le tableau
repréfente ce Saint Myftère : il eil auffi bien- colo-
rié que s'il étoit de Rubens.
Dans 1'églife des Auguftins, huit tableaux re-
préfentant 1'hiftoire du Sacrilége de plüfieurs hof-
ties qui furent volées & difperfées avec impiété.
Dans 1'églife des Dominicains, 1'Apparition de
la Sainte Vierge i Sainc Dominique. Danj la
Tornt 1.
                                        T              J
-ocr page 306-
190                La Vit des Peintres
1 '          chapelle de Saint Pierre & de S. Paul, de la même
*57S' égüfe, ces deux faints repréfentés avec Saint
Thomas d'Aquin , tableau d'autel.
Dans 1'églife du petit enclos des Béguines, la
Préfentation au Temple, tableau d'autel.
Dans 1'églife des religieufes Bernardines , la
Sainte Vierge & 1'Enfant Jefus dans une gloire
célefte j entourée de Saints j & au haut du ciel,
■la Sainte Trinité, tableau d'autel. La multiplicité
des figures ne rend point cette compofition con-
fufe : Ie 'bon gout du deffin & la facilité du pin-
ceau s'y font admirer, comme dans tous les ou-
vrages du même artifte.
Dans 1'abbaye des dames de Nieuweii-Boflche
-( ou -Nouveau Bois ) ) on voit encore plufieurs
tableaux deRoofe; la NaiiTance de Notre Seigneur
adoré par les Anges, tableau du grand autel :
S. Benoït qui dit la MefTe al'intention des ames
du Purgatoire j Ie tableau des Anges qui appor-
tent au Saint Ie plan du monaflère^ 1'appari-
tion de la Sainte Vierge & de Sainte Humbhne a
5.   Benoït; dans la même égüfe 3 deux autres
grands tableaux.
A Brnges , chez les Dominicains , dans Ia cha-
pelle de la Vierge, 1'apparition de la 5ainte Vierge
a S. Dominique.
On voit encore dans les villes deFlandres plu-
fieurs tableaux Ae Roofe. Il en faifoit peu de che-
valet; la grande facilité 8c Ie feu de fon imagina-
tion Ie portoient plus a traiter fes fujets en grand
qu'en petit : fes figures font toujours grandes,
6. paroiffent mêmecoloflales, mais elles fontd'un
bon gout de deffin. C'eft a fa grande pratique
que Ion actribue quelquefois fa couleur froide,
-ocr page 307-
1
'flamakds i Allèmatids & Tiollandois. ifl
"tkant fur Ie nóir, prmcipalement dans fes ombres. ■
Ses couleurs de cfuur font fouvent rouges &: peu *57S'
agréables. Ces défauts ne font pas dans tous fes
ouvrages y & plufieurs de fes tabléaux font co->
loriés comme ceux de Rubens; la Chüce des An-
ges en eft une preuve. ïl defïlnoit bien Ie nu,
il aimoit a Ie repréfenter , & rarement a-t-il man-
qué 1'occafion de 1'introduire dans fes ouvrages^
Roofe n'a eu qu'une fille, morte en i (J77, reli-
gieufe dans 1'abbaye de Nieuwen-BofTche» II fit
plufieurs tabléaux qu'il donna pour fa dot. On
ne fait pas pourquoi il fut appellé Rooft : ce
nom lui fut donné dans fa j.eunefïè. Il fut élu
chef 011 doyen des peintres de Gand en \6x% Sc
i6}6,
il fut aimé pour fes mceurs & la fagefTe de
fa conduite , Sc fort regretté a fa mort qui arriva
en 1^49 : il étoit agé de 71 ans. On Ie croit en-
terré aux Auguftins a Gand.
WA ERNAERT
yANDËN* VALKAERT,
ÉLÈVE D'HENRI GOLTZIUS.
VV A e R n a e r t étoit d'A mfterdam : la date de
1'année i<»2j,qu'on lit au bas d'un de fes plus
beauxouvragesjfaitcroire} avecaflfez de vraiiem-
blance, qu'il naquit vers la fin du quinzicmefiècle:
ce tableau repréfente Saint Jean dans Ie Défert.
Parmi une multitude de figures qui peuplenc
Ie payfage , quelques-unes des principales fur
T 2.
-ocr page 308-
-----
aj>t -k* Vu des Pelntres Flamahds, &d
Ie devant, font des porcrairs : il s'y eft peint
lui-même; Ie S. Jean eft d'une belle proportion>
bien peint &c dans Ie gout de fon maïtre : toutes
ces figures font grandes comme nature.
JEAN BADENS,
ÉLÈVE DE SON PÈRE.
Jean Baden s, frère de Francais Badens ;
naquit a Anvers Ie 18 novembre i$y6,&c fut
élève de fon père, qu'il quitta de bonne heure
pour voyager , particulièrement en Italië, oü il
fit de bonnes études : il excella au point que les
Allemands ne purent fe raflafier de les ouvrages \
les plus grands feigneurs excrcèrent fon pinceau.
Il gsgna beaucoup de biens \ & retournant chez
lui, il futpillé & maltraité par des gens deguerre:
ne pouvant fe confolec de cette perce , il moumt
de langueur en 1605.
,
-ocr page 309-
R O L A N T
SAVERY.
XVoi a nt Savery naqnit aCourtrai en i$7<>.-
II étoit fils deJacques Savery, peintre médiocre j
qui lui apprit les premiers élemens de la peinture,
&l'exercaa peindre desanitnaux, desoifeaux,
des poiiïons, &c. Il imita la maniere de fon frère
aïné, peintre en détrempe : mais cette partie pa-<
rut trop bornée a Kolant, il s'artacha au payfage
3u'il a rortbien traite. Il aimoit beaucoup les vues.
u Nord, des tochers, des chutes d'eau qu'it
-ocr page 310-
i* des Peintres
ornoit avec des fapins. L'empereur Rodolphe Ie
i jj6. prit a fon fervice, a la feiüe infpeóüon d'un de fes
tableaux : il 1'envoya deflïner les vues fingulières
du Tirol. Ce peintie employa fon temps a copier
d'après nature > & en deux années il rapporta uu
rrès-grand livre rempli de beaux deflins, en partie
dellinés a la plume & lavés, & les auctes au
charbon. Il s'eft fervi toute fa vie de fes études
dans fes tableaux : il orna la galene de Prague
en Bohème de fes payfages qu:'jf gidius Sadeler
a gravés. On regarde comme un de fes principaux
tableaux, un payfage d'une étendtie immenfe de
pays j avec un S. Jeróme dans fa pénitence : il a.
été gravé par Ifaac Major, élève de Sadelerj qut
Ta ren du public.
Après la mort de Pempereur Rodolphc en 16\ 2,
Savery revint a Utrecht oü il fit plufieurs tableaux
en grand «Sc en petit: il foutenoit fon application
par une diffipiition agréable \ les matinees étoient
eniièrcment employees a peindre avecfcn neveu,
Jean Savery, aiiffi penitre de payfages, 8c les
après-dinéesiuifervoientde délanernenr. Un choix
d'amis, eomme lai fans: engagemens, lui faifoit
goüter Ie plaifir qu'on trouve dans tine iociété
enjiouée; c'eft ce qui n'a pas peu contribué a Ie
faire vivre auffi long-temps qu'il a vécu : il rnoit-
rut a Utrecht en 16 3 55, agé de ^3 ans. On lit
fous fou portraitj peint par Henri Lamben Rog-
man.
Rolant Savery, peintre de Rodolphe & de Ma*
thieu
j empereurs rcmains.
Savery avoit le.fini de Paul Bril Sc de Breughcly
on remarque dans quetques-uns de fes tableam
un peu de. fech.er.efle dans fa toucht?: fes idees.
-ocr page 311-
Flamands, Allemands & Hollandolsl
font grandes , fes diftributions agréables, Sc ü y
aun grand art dans fes oppulltions : la couleur
bleue domine dans fes tableaux : quelques-uus
même en font moins eftimés. Ce peimre a bien
fait les petkes figures & les animaux qu'il delli-
noit & qu'il touchoit avec efpiit. La plupart des
ouvrages de Savery font en Allemagne: on en
trouve auffi , mais en petit nombre, dans les cabi-
nets d'Hollande & de Flandre, &c.
Houbraken vante un tableau de ce maitre, re-
préfentant Orphée quij par les fons de fa lyre ,
attire autour de lui une mukitude d'animaux : Ie
payfage en eft très-beau.
Weyermans fait auffi la defcription d'un ta-
bleau de ce maïcre , dans lequel il avoit voulu fe
furpaflTer ; c'eft une efpèce de Forêt, reraplie de
chevaux indomptés : les pofitions extraordinaires
& les mouvemens forcés dans chaque animal,
donnent une idee de la grande facilité de celui
qui les a repréfentés.
On voit de lui chez l'électeur Palatin deux
tableaux, dont 1'un eft un payfage avec des ani-
maux d'efpèces difFérentes,& 1'autre une Bataille,
avec beaucoup de figures & des animaux.
A Gand, chez M. van Tygfrem, eft un autre
tableau de Savery : c'eft probablement celui dont
Houbraken a donné la defcription j c'eft du moins
Ie même fujet, & on Ie regarde cornrne un des.
plus beaux de eet artifte.,
T
.
-ocr page 312-
x»)6 La Vic des Peintres Flamands, &c.
ADAM
WILLARTS
JNaquit dans la ville d'Anvers en 1577. La
peinture Sc la poéfie furent alternativemeni exer-
eées par Adam. De la première, il avoit fait fon
talent dominant, & 1'autre lui fervoit de délaiïe-*
ment. Il excelloit a peindre, fur-tout des rivières
avec de petits bateaux; des rivages Sc petites
marines; des barques de pêcheurs remplies de
petites figures fpirituellement touchées & natu-»
rellement repréfentées. Il mourut a. Utrecht oü
il avoit fixé fa dëmeure. On voit deux tableaus
de ce peintre a Paris, chez M. Ie comte da
Vence
:. 1'un repréfente une marine j & 1'autrs
la vue d'une rivière.
AART (ARNOLT)
JANSSE DRUYVESTEYN.
Vjarie van Mander rapporte qu'il a vu
a Harlem un jeune homtne j excellent peintre
de payfages, avec de petites figures, nommé
j/iartjanjje Druyvefleyn,, qui n'exerc,oit fon talent
<jue pour fon amufement. Favorifé d'une fortune
lionnête , il ne peignoit que pour fon plaifir. Il eft
inpié parmi les bourguemeftres de cette ville A
fut. élu ancien de Téglife éfé
-ocr page 313-
PIERRE-PAUL
R U B E N S.
<J donnant la vie du prince des peintres'
flamands, nous avons a faire connoitre dans
eet illuftre artifte , Ie favant , Ie politique &
l'homme du monde.
Pierre-P aul Ruhens étoit fils de Jean Rubens
Sc
de Marie Pipelings , tous deux d'une très-
bonne familie. Son père, profefleur endroit Sc
échevin de la ville d'Anvers , abandonna eet
emploi pour fe mettre a couvert des calamités
4e la guetre civile qui ravageoit alors Ie Bra-:
_
-ocr page 314-
Zd Vit des Peintres
m------<■ bant. II fe retira dans la ville de Cologne. C'eft-
IJ77. ^ <Iue Rubens recut Ie jour Ie 2.8 juin 1377. Sa.
première jeunefle fut cultivée avec loin, Sc il
repondit a cette éducation par les plus heureufes
difpofitions. Il s'attacha avec fuccès aux belles-
lettres , & il fit des progrès rapides dans la lan-
gue latine. Ainfi les grands hommes annoncent
d'ordinaire, dès leurs premiers années , ce qu'ils
doivent être dans la fuite.
Le duc de Parme ayant remis la ville d'An-
vers fous la domination de 1'Efpngne , Rubens Ie
père, qui avoit quitte Cologne jpour Utrecht,
retourna dans fa patrie, y repric fes charges. Son
üls étoit d:unefigureaimable, il le plaga chez la
comteflè de Lalain, en qualicé de page. La vie
licentieufe de fes camarades n'étantpas du gout de
ce jeune homme bien né, il follicita, mais en vain,
fes parens de le rappeller auprès deux. Son père
étant mort , Rubens fe retira chez fa mère , Sc lui
fitconnoure le defir qu'il avoit de fe livrer a la
peinture. On le pla5a d'abord chez TobicVerhaejl,
habile payfagifte , & enfuite chez Adam van Oort.
La conduite crapuleufe & libertine de ce dernier,
jointe afon humeur brutale > deplut a Rubens: il
lequittapour aller chez Ottovenius, qui étoit alors
le Raphaël flamand. Le difciple s'appliqua non-
feulement a imiter la beauté du pinceau de ce
nouveau maïtre qu'il égala j mais il fe fit un
modèle de fa conduite, de fes mceurs, defapoli-
teiïè & de fon application a 1'étude. Vers 1'age
de vingt trois ans, Rubens fe crut en état d'eflayec
de voler de fes propres ailes. I/habitude de vivre
dans. le grand monde , lui donna acces chez les
pnnces. Ils'y fit remarquer par "fa fageffe& fóa
-ocr page 315-
Flamands, Allemands & Hollando'is.
génie. Quelques-uns difent,& entr'autres San-
drart,
qu'Albert, archiduc d'Autriche, envoya Ie l $77*
jeune Rubens a Vincent de Gon^ague^ duc de Man-
touë, qui Ie recut favorablement, & Ie pric a fon
fervice en qualité de gentilhomme \ il y refta pen-
dant fept ans, plus occupé aétudier fon art d'a-
près les grands maures, qu'a fuivre les amnfemens
frivoles de ceux avec qui il vivoit. On raconte que
Rubens j ayant un jour a peindre Ie combat de
Turnus & d'Enée, & fe croyant feul, récitoit,
pour échauffer fon génie , ces vers de Virgile:
llle etiam patriïs agmcn ciet , &c.
Le duc qui 1'avoit écouté , entra en riant j Sc
lui paria en latin , croyant 1'embarraffer Sc qu'il
n'entendoit pas cette lafigue ; mais quelle fut fa
furpnfe, lorfquecepeintre lui réponclit en cermes
dignes du fiécle de Giceron! Il ceGTa d'êtte étonné
de fon érudinen, lorfque P.ubens lui eut appns
quelle étoitfa familie. Sa naiffance., festalens&fes
vertus aimables , lui acqiurcnt tant de confidéra-
tion dans 1'efprit du prince, qu'ille nommafon
envoyé a la cour de Phlüppe III 3 roi d'Ef-
pao-ne. Rubens partit chargé de riches préfens
pour le duc de Lerme , un des principaux
favoris. Ces préfens fnrent ofFerts avec des
graces qui en augmentèrent le prix, Sc qui ajou-
tèrent au mérite de l'envoyé. Il fat eftimé du
roi & de route la cour II y fit une quantité
de portraits & de tab!e;ux d'hifl-oire, qui lui
valurent des fommes immenfes. La réputation de
Rubens fit tant de bruit, que Jean duc de Bra-
gance {
depuis roi de Portugal) , proteóteur des
-ocr page 316-
joo               La Vu desPeintrrs
""fciences & des arts, écrivit a un feigneur de
lJ77'
Madrid, pour engager notre peintre a venir a
Villaviciok , oü Ie duc faiioit fa réfidence. Ru-
bens
accepta eet honneur, & fe mit en chemin
avec un train fi confidérable , que Ie duc effrayé
de la dépenfequ'untelhocepourroitoccafionner,
dépécha un gentilhomme au-devant de 1'artifte ,
qui ri*etoit plus qu'a une journée de fa cour ,pour
Ie prier de remettre fa vijite a un autre temps.
Ce
complimentétoit accompagné d'unebourfede 50
piftoles , pour dédommager Rubens de fadépenfe
& du temps qu'il avoit petdu. Rubens répondit
qu'ilne recevroit pas cepréfent j qu'iln'étoitpoint
venu pour peindre, mais pour s'amufer hu'u ou dix
jours a Fdlaviciofa
, & qu'il avoit apporté avec
lui mille piftoles pourles depenfer pendant fonféjour.
Unefi vapide fortune fit voir dans ce jeune peintre
autant de conduite que de talens , & fa réponfe
autant denobleffe que dedéfintérefTement.
De retour a Mantouë , Ie duc 1'envoya a Rome
pour y copier les principaux tableaux des grands
maïtres, & ces copies valoient prefque les ori-
ginaux. Rubens obcint enfuite la permiilion de
ïuirrel les études qu'il s'étoit propofé de faire en
quittant fa patrie. Les ouvrages du Titien & de
Paul Véronéfc 1'attirèrent a Venife. Ce fut dans
cette excellente éco'.e du colons qu'il en puifa les
régies süres , dont il ne s'eft jamais écarté. Il refta
long-rernps dans cette ville a réfléchir fur Ia ma-
niere de chaque maitre, & en pratiquant d'après
leurs chefs-d'oeuvres, il s'en fit une qui lui étoit
propre 3 & qui approche peut-être autant de la
nature. Notre illuftre artifte retourna dela a
Rome^ & y fit quelques tableaux d'autel, qui
-ocr page 317-
Flamands, Allemands & Jiollandois. jol
prouvèrent aux connoiffeurs combien ie féjour de
Venife lui avoit été utile.
Rubens quitta Rome & fut a Gènes, ou des
tableaux d'hiftoires Sc des portraits 1'occupèrenc
long-temps. L'églife des Jefuites fut ornée de
fes ouvrages. Les p'rmcipaux de cette ville
employèrenc fon pinceau. Rubens leva Ie plan des
plus beaux édifices, & deffinalui-méme ieséléva-
tions qu'il fit graver 3 ce qui compofa un tres-*
grand volume, qui fut fi bien rec,u du public
qu'il en parut deux édmons de fuite.
Notre jeune peintre étoit dans Ie fort de tas
ouvrages j & comblé chaque jour de nouvelle*
tnarques d'eftime,lorfqu'il fetrouva forcéde touc
quitter. La nouvelle de la maladie dangereufe de
fa mère Ie fit partir a la hate j mats, quelque dili-
gence qu'il püc faire 3 il n'eut point la fatisfaclion
de la trouver en vie. Il fut pénétré de la plus vive
aflflióHon. L'abbaye de S. Michel d'Anvers fut
fa recraite. Il n'y vit perfonne : la peinture euc
feule Ie drou de faire quelquefois diverfion a fa
triftelTe. Kubens joignit la vertu d'un bon fils a
tant d'autres vertus.
Dès que fa douleur fat un peu calmée, il ne
fongea plus qu'a fuir les lieux qui la lui retra<-
«joient. Il forma Ie projetde retourner aMantouë:
mais 1'archidnc Alben en étant informé, lui té^
moigna combien il étoit mécontent de ce départ.
Il lui fit dire qu'il ne foufiriroit qu'avec pcine,
que Mantouë enlevat a la Flandr-e efpagnole fon
plus précieux ornement. Ces raarques de bonté
& de diftin<5tion , toutes flatteufes qu'elles étoient
de la part de fon prince, n'euiïent peut - être
point été capables de retenir Rubens, Ci 1'amour
-ocr page 318-
301                  La Vic des Peintres
ne fe fut mis de la partie. Les charmes d'Elifabeth
l$77» Brants
Tarrêtèrent; il l'époufa.
Quelque temps après il batir une maifori, on
plutót un palais \ il Ie fit pemdre en dehors& en
oedans. Son cabinet j formé en rotonde & éclairé
par en haut, fut orné de vafes de porphyre Sc
d'agate les plus recherches , de buftes antiques
Sc modernes les mieux travaillés , d'un riche
médailler, & des tableaux les plus prédeux detou-
tes les écoles. Cette collecÜon étoit plutöt celle
d'un prince que celle d'un particulier. Le duc da
Bouquingham la vir, & en eut envie. Ilpna inrtam-
mentRubensde vouloirbienluien ceder dumoins
une partie. Il lui envoya Michel le Blond, hornme
de gout, avec 6bocoflonns(i) pour achever de
le déterminer. Malgré cette fomme confidérable,,
Rubens ne confentlt qu'avec Ie plus grand regret
a fe détacher de eet amas rare qui faifoit fon amu-
fement, maisil ne put réfiiter aux inftances réité-
réesdufeigneur anglois, qui de fon coté ne crut
pouvoir payer lefacrifice que lui avoit kit Rubens,
que par la proteclrion la plus marquée & l'amitié
la plus tendre. Le Blond choifit en connoifTeur, &
fit pafTer en Angleterre la plas belle partie de ce
magnifique cabinet.
Rubens commenca a jouir tranquillement de fa
réputation & de fa fortune; & s'il concinua de
peindre, ilfembloit que c'étoit plus pour conten-
ter fon gout, & par complaifance pour les curieux
qui montroientleplusvif emprefiement aobtenir
quelques - uns de fes ouvrages, que par intérêt.
Ses biens étoient tres - confidérables, & cette
(i) 120000 livres de France.
-ocr page 319-
Tlamands j Aliemands & Hollandois. $0$
Complaifance les rendit immenfes.
Rubens imaginoit facilemenc 3 8c exécutoit de
tnême : il pouvoit travailler long-temps fans alté-
rer fa fanté. Mais pour fuflire aux difFérentes
fortes de cennoifFances dont fon efprit étou avide ,
il avoit mis un ordre_, que nen ne changeoit, dans
1'emploi de fontemps. Ses heures étoient réglées,
Sc ne prenoient jamais nen les unes furies autres:
maïs il favoit cependant adrnettre emfemble les
occupations qui n'étoient pas oppofées. Il ne pei-
£noit jamais fans fe faire lire quelque morceau
d'hiftoire facrée ou profane 3 de morale ou depoé-
jfie. Les auteurs de chaque nation lui étoient fami-
liers , par 1'ufage qu'ii avoit des langues : il en
parloit fept difFérentes. Cet amas de fciences avoit
cnrichi de connoifllinces Ie génie du peirure , &
orné de faits & d'agrémens l'efprit de Thommedu
monde. Rubens employa utilement tous fes mo-
mensj il ne fut jamais oifif. Il appelloit fes heures
de récréation celles qu'il confacroit aux belles *
lettres j il veilloit& s'endormoit avec les mufes.
Le nombre de fes tableaux eft auffi confidé-
rable qu'ils font exquis. Les quatre Evangéliftes
des jacobins d'Anvers, la fameufe Defcente de
Croix de la cathédrale , font de fa main.Toutes
les villes des Pays-bas fe difputèrent a 1'envi
1'honneur de pofleder quelques-uns de fes chefs-
d'oeuvres j les villes d'Italie montrèrent auffi le
même emprelTement. Gènes , Bologne , Milan
n'obrinrent que par uneefpèce de faveur untrès-
petit nombre de fes tableaux, & on les y pla$a
au rang des merveilles del'Italie.
A la fin, furchargé d'ouvrages , Rubens prit le
parïi d'employerfesplushabiles élèves. Il les fai^
-ocr page 320-
~~
'364               La Vu des Peintrtt
»„_____ foit travailler fur fes deflins, & ne faifolt que
ï j66. tetoucher, mais fi favammentj qu'il faut être très-
fin connoifleur pour ne pas s'y méprendre. Wüdens
Sc van Uden
peignoient Ie payfage ; Sneydcrs, les
firuits, les fleurs & les animaux. Rubens préfidoit,
Sc favoit accorder avec tant d'art les manières dif-
férentesj qu'il fembloit qu'une feule main y eüt
travaillé.
Une réputation f\ générale & fi mérirée ne pou-
voit manquer d'exciter 1'envie. Rubens , doux &
affable , bienfaifant, protedeur des arts _» fe viï
attaque par les artiftes mêmes qu'il avoit Ie plus
aidés. On ofa dire qu'il auroit été incapable de
réuffir dans tous ces différens genres de pein-
ture, fans Ie fecours des peintres dont il employoit
les talens. Rubens ne répondit a ces critiques 3
ou plutót a ces calomnies, que comme il fied aux
grands hommes d'y répondre } en produifant de
nouveaux miracles.Il fit feul plufieurs beaux pay-
fages: Ie plus remarquable étoit celui dans lequel
il repréfentoit fa maifon de campagne entre Mali-
nes Sc Anvers. Tousont été gravés.
La honte qui en retomba mr fes ennemis, que
Rubens convainquoit d'impofture , ne fit que les
acharner de plus en plus contre lui. Janjfens Sc
Rombouts ,
quiétoienta la tête, levèrent Ie maf-
que Sc fe déclarèrent ouvertement. Janjfens eut la
témérité de propofer a Rubensun défi de peinture.
Rubens, aullï modéré qu'habile 3 fit dire qu'il
accepteroit ce défi quand Janjfens prouveroit par
fes ouvrages qu'il pouvoit être fon concurrent.
Vers ces temps-la un alchymifte Anglois nommé
Srendel, fut trouver Rubens, 8c lui promit de
partager avec lui les tréfors dont rafliiroit fon art,
s'il
_
-ocr page 321-
JFlamands, Allemandt & Jiollandols. j © e
s'il vouloit feulement conftruire un laboratoire           "
& payer quelques pecits frais néceiraires. Rubens, 1577'
après avoir écouté patiemment les extravagances
dufouffieur, Ie mena dans fon attelier : Vous étes
Venu , lui dit- ily vingt ans trop tard ; car, depuis
ce temps, j'ai crouvé la pierre phiiofophale avec
cette palette 8c ces pinceaux.
La gloire de Rubens parut dans tout fon éclat
Vers 16 zo , lerfque Marie de Médicis, de retour
a Paris, Ie choifit pour peindre dans une des ga-
leries du palais du Luxemboiarg, les pnncipaux
évènemens de fa vie, depuis fa naiflance jufqu'a
raccommodemenr qu'elle avoit £vt a Angoulcmo
avec Louis XIII, fon fils. Rubens vint, compofa
fes fujets, en fit les efquiffès, que M. Felibien a
vues chez l'abbé de Saint-Ambroife.
Cette galerie contiene 24 tableaux . 10 de cha-
que cóté entre les croiféés, un fur la cheminée,
deux a rocé & un au fond de la galerie, en face
de cette cheminée. On pretend que notre peintre
avoit eu ordre de repréfenter \,\ vie cYHenri If
dans une autre galerie , & qu'il en avoit déja faic
quelques efquines : on n'a cependant jamais nen
vu de ce dernier projet. On peut regarder ces
24 tableaux conimi un poëme épique en peni-
ture , & compofé avec autant de fagede que
d'efprit : les allésones en font ingénieufes fans
être trop chargées, 8c la fnïcheur de ces ta-
bleaux continue d'y ftire 1'éloge du coloris ad-
tnirable de 1'auteur. Ce grand ouvrage fut exé-
cuté en entier, a Anvers, excepté deux des ta-
bleaux cjui furent faits a Paris , car la ttine avoit
marquéaiuantdeplaifiras'entretenir avec Rubens,
qu'a ie voir peindre. Il fit dans ce temps plufieurs
Tornt. I.
                                        V
-ocr page 322-
La Vie des Peintres
portraits de cette princefle & quelques autres des
pnncipaux feigneurs de la cour.
Les talens fupérieurs de Rubens dans la pein-
ture , ne lui ont pas feuls mérité 1'eftime des fou-
verains de 1'Europe ; fon inclination pour les
fciences & les arts y a beaucoup contnbué ; il
ne fe borna point a les effleurer, il les approfon-
dit: pénétrant & folide, 1'ufage qu'il avoit du
monde &le féjourqu'il avoit fait dans différentes
cours de 1'Europe, lui avoient donné une con-
noiflance très-étendue de la politique 8c des inte-
rets des princes. L'infantelfabelle, dans quelques
entretiens qu'elle eut avec lui fur la fituation des
affaires du Pays-Bas, Ie reconnut très-propre au
deflTein qu'elle avoit de communiqucr au roi d'Ef-
pagne, l'état préfent du gouvernement du Bra-
bant. Rubens recue les inftructions nécefTaires, 8c
paffe i la cour d'Efpagne : il eut plufieurs confé-
rences avec Ie roi, Ie ducd'Oüvare^êc Ie marquis
de Spinola , qui furent tous fatisfaits , non-feule-
rnent de la maniere dont il avoit exécuté fa com-
miffion, mais des avis qu'il avoit propofés lui-
même, 8c qui furent fuivis. Le roi Ie fit traiter
avec une grande diftincTrionj il fut conduit a 1'Ef-
curial,oü les tableaux d'Italie fixèrent toute fou
attention : il en copia quelques-uns d'après Ie
Titien.L.e duc d'OIivare^ chargea Rubens de com-
miflions fecrettes , & lui donna de la part du roi
tin diamant de grand prix, llx beaux chevaux
£c la charge de fecrétaire du confeil privé j avec
Ie brevet de la furvivance de cette charge pour
fon fils. De retour en Flandres, il fut très-bien
re^u par 1'infante Ifabelle , qui 1'employa de
nouveau en Hollandc, uu il paiTa fous précexte
-ocr page 323-
Flamands , Allemands & Hollandois. 307
de fes propres affaires. Le véritable motif de            '-
ce voyage, étoic de propofer une trêve entre * 577 •
1'üfpagne & les Provinces - Unies. Cccce négo-
cianon fut bien conduite , & alioit avoir un plein
fuccès, quand elle fut interrompue par ia mort de
Maurke prince de NalFau.
Le roi d'Efpagne, par le confeil du duc d'öli-
yc.re^
, qui nt entenure a ce prince coinbietl
Rubens étoit propre a propofer au roi d'Angle-
terre des condiuons pacifiques, par lïtroite ami-
tié qui régnoit entre le duc de Bouquingham 8c ce
peintre j le roi, dis-je, le chargea de cette com-
iniflion, d'autant plus delicate , qu'il ne lui étoic
permis de faire fes propofitions, qu'apiès avoir
ibndé les difpofitions ae la Grande - Bretagne
pour la cour d'Efpague. Rubens pafla en Angle-
terre comme voyageurj il eut lnonneur d ctre
préfenté au roi, qui le recut avec bonté: ce prince
parut charme de fa converfation , & ce fut dans
un de ces entretiens particuliers, que des chofes
indifrerentes Rubens pa(Tj a de plus féneufes. Il
gliiïa adroitement qu'il le pouvoit que le roi d'Ef-
f)agne ne fut pas éloigne de conlermr a la paix :
e roi d'Angleterre lui demanda s'il avoit ordre
«Ten parier, & lui lailFa entrevoir que les propj-
fkions n'en feroient pas mal recues. Rubens faific
le moment 3 il montra fes iectres de créance,
avec les intentions du roi fon maïtre \ la fagefle
de Rubens parut dans cette affaire j & lui attira
une eftime générale. Le roi lui donn; une pretive
convaincante de ia fiennc , en le décorant dans
1'inftant du coidon de fon ordre Sc d'un riche
diamant. Ce traite fut conelu pendant les mois
de novembre <3t decembre en 1630. Milord
Vi
-ocr page 324-
3oS            La Vie des Peintres
*-—------- Francois Cottington fut envoyé en Efpagne pour
*S77- Ie radrier, & dotn Carlos Colonne vint pour Ie
même fujet en Angleteirc.
Ainfi, Rubens eut TadreflTe & la gloire de con-
clure une paix devenue fi necelFaire a l'Elpagne ,
depuis que les Anglois 1'avoient faite avec la
France, Sc de plaire au roi d'Angleterre, auquel
il la demandoit. Ce prince fut fi content du négo-
ciateur, qu'après 1'avoir créé chevalier en plein
parlement, il lui donna la même épée avec la-
quelle il avoit fait la cérémonie : il joignit a cette
marque de diftinctionj Is préfent d'un fervice
complet de vaifTelle d'argent, de la valeur de
douze mille florins.
On fait que la reine Marie de Médicis Sc
Monfieur ,
fortant de France , s'étoient redres 2
Bruxelles; l'infante chargea Rubens de les inftruire
de fes prétentions & de celles de la cour d'Ef-
pagne. Il fe tira avec habilité de cette commiffion
dilficile. Il ne s'acquitta pas moins bien de celle
que Ie marquis dJyetone lui donna anprès des
Ètats-Généraux : il s'agifloit de les amufer pa*
des propofitions de paix de la part de Ia cour
d'Efpagne, & il y réuffit. Il contribua beaucoup
a faire rentrer les Provinces-Unies fous la domi-
nation de cette cour. Ce fut a peu pres dans ce
temps-la (1) que Rubens époufa en fecondes noces
Helene Forman : elle étoit d'une rare beauté, &lui
fervit fouvent de modèle pour les têtes de femmes.
On la voit très-bien repréfentée dans Ie tableau
qu'il fit pour la chapelle oü il eft enterré, dans
1'églife de Saint-Jacques.
(1) Rubens perdit sa première femme en 1636.
-ocr page 325-
Flamands , Allemands & Holland'ois. 309
Rubens au milieu des honneurs & des richefles,'
fentant déja les infirmités de la vieillefTe, fe dé- 1577*
roboit peu a peu au tumulte du monde qui Ie
cherchoit.
Affligé depuis quelque temps d'un tremble-
ment de mains & de la goutte, il fe renferm»
dans fa belle maifon , Sc ne peignit plus que des
tableaux de chevalet: dans ce travail, 1'appui-
main lui procuroit Ie foulagement dom il avoit
befoin. Il compofa cependant encore quelques
grands ouvragesj tels que les arcs de triomphe
pour 1'enrrée de Ferdinand, cardinal in fant d'Ef-
pagne; mais il eut Ie chagrin de ne pouvoir affifter
a cecte entree. Theodore van Thuldena.gca.ve a l'eau
forte ces arcs de triomphe : c'eft un volume in-
folio
avec de favantes obfervations latines de M.
Géevaerts, hiftoriographe du roi d'Efpagne. La
caducité de Rubens augmenta de plus en plus 5 il
mourut Ie 30 mai 1640 : il fut enterré avec de
grandes marques d'honneur. On porta devant fou
cercueil un carreau de velours noir, fur lequel
ctoit une couronne dorée: la principale nobleffe,
Ie clergé , les artiftes & les amateurs s'emorefsè-
rent a lui rendre les derniers 'evoirs : il fut inhu-
mé dans la chapelle derriére Ie chceur, en 1'églile
paroiffiale de S. Jacques a Anvers.
Le chevahcr Bullart a compofé pour lui cetcc
épitaphe:
Ipfa ft/os Iris, ded'a ipfa Aurora colores j
JSox , umbras, Titan , numlna clcira tibi.
Das tu Rubenius vitam
, mentetnque Jrguris,
Et per te vivit lumen, & umbra, co/or.
Quid te, Rubeni
, nigro mors funere volvit?
Viivicla tuo,picla colcrerubet*
—<!■••
-ocr page 326-
1 o                La Vic des Peintres
Rubens lailla après lui, fa veuve, une fille Sc
lS77'
deux fiis j 1'ainéj Alben 3 occupa la charge de
fecretaire du confeil privé; & paffe pour un des
beaux génies de fon temps.
Les ouvrages de Rubens font en grand nombre.
La France, 1'Italie, 1'Anglete: re & la Flandre en
font remplies: nous en indiquerons les principaux,
apres avoir fait quelques réflexions fur fa maniere,
Bien des auteurs ie font contentés dedire que
1'on voit per. de tableaux entièrement: de lui, 3c
qu'il ne faifoit fouvei;t que recoucher ceux de fes
élèves j c'eft uue erreur: les tableaux de fes élèves
qiu onr été retouches, fonc aifés a. reconnoïtre :
on n'y trouve pas les tranfparents dunt ce grand
peintre nroit ü bien parti : ceux qui font de van
JDyck
embarrafTent Ie plus; mais encore raremenc
peut-on s'y tromper. La touche de van Dyck
e.il: plus tendre j elle n'eft ni fi facile, ni fi large
cjue celle de fon maitre. Il femble que dans les
tableaux de Rubens, les mafles privées de lumière
11e foient prefque point chaigécs de couleur:
c'étoit une des critiques de fes ennemis , qui
prétendoient que fes tableaux n'étoient point
affez empdtés, & n'étoiem: prefque qu'un ver-
nis colorié.a.ufli peu durable que 1'artifte. On
voit a préfent que cette prédidtion éioit très^mal
fondée. Tout n'avoit d'abord , fous Ie pinceau de
Rubens, que 1'apparence d'un glacis; maïs quoii
qu'il tirat fouvent des tons de 1'impreffion de fa
toile, elleétoit cepqndant entièrement couvertede
couleur : il a connu parfaitement celle qui n'alté-
roit ni la v'vacité, ni la durée de 1'autre. Une
des maximes principales qu'il répétoit Ie pjus
foijvent datis fon école fur Ie coloris, étoitj,
-ocr page 327-
Flamands , Allemands 6' Hollandois. 511
cju'il étoit très-dangereux de fe fervir du blanc ~------•
& du noir. Commcncc^ , difoit-il, a peindre légere.- * ƒ77*
ment vos ombres; garde^-vous d'y laiijer g'iQer du
blanc
j c'e/i Ie poijon d'un tableau , exceptê dans les
lumières • Jl Ie blanc émoujje une fois cette pointe
brillante & dorée j votre couleur ne f era plus chaudey
mais lourde & grif e.
Après avoir démontré cette
précaution fi néceiraire pour les ombres, & avoir
défigné les couleurs qui peuvent y nuire , il con-
tinue ainfi: Iln'en efipas de mime dans les lumières;
on peut charger fes couleurs tant que l'on Ie ju ge a
propos : elles ont du corps ■ il faut cependant les
tenir pures : on y réuffu en placant chaque teinte
dans fa place
j & pres l'une de l'autre, enforte que
d'un léger melange fait avec la broffe ou Ie pinceauy
on parvienne u Iesfondre en les paffant l'une dans
l'autre fans les tourmenter, & alors on peut retour-
ner fur cette préparation & y donner des touches
décidées % qui font toujours les marques diftinclives
des grands maltres,
Voila quelcjucs-uns des principes de Rubens t
on les reconnoït dans fes ouvrages: fa couleur eft
tendre , vive x fraïche 8c naturelle : il avoit une
fingulière faeilité a opérer, & par-la il cachoit fa
palette (\) dans tout cc qu'il a produit. Il tcnoit
eet artifice de 1'examen des ouvrages du Titien ,
de Paul Veronèfe & du Corrège, &c. S'il a cepen-
dant moms fondu fes couleurs, il nous laifle la
'route plus frayée que ces maïtres italiens, qui nous
déguifent leur marche pas; une fonte prefqu'in*
(1) Expression en peihture: on dit les couleuri
sonl trop enies, elles sentent la pahtte ,i:'cst-a-dira
qu\lles n'iiniteot point assez celles de la nature.
v
-ocr page 328-
31 i               La Vie des Peintres
fcnfible. Nous pouvons donc Ie regarder comme
l577' un tnaïtre aufli bienfaifintqu'habile., qui vetu bien
nous ré veler les myftères de cette forte de magie
{\ difficile a devincr , & dans laquel'e il n'a pas en-
core été furpafle. Quel avantage n'a-t-il pas nré
du clair obfcur? avec quelle induftrie a-t-il fa
lier fes grouppes , répandre & fourenir les grandes
malles de lumières par celles des ombres? Un
fénie fi élevé &c fi lavant dans l'hiftoiie &c les
.Hes-lettres étoit auffi digne d'être admiré cjue
ca")able d'inftruire. Abondant & facile dans fes
produ&ions, varié dans fes attitudes auffi fimples
que naturelles , & toujours contraftées , fans être
oiitrées; jufte dans fes expreilïons , ncble &
exa»^: dans 1'expofinon, & plein de jugement
quand il a fair ufage de 1'allsgorie, fes draperies
font convenables aux fujets; les étoffes groilidres
ou légères font jetées avec art. Il n'y a ninle affec-
tation dans les plis qui font amples, Sc fous lef-
quels fe dtffine Ie nu : on y reconnoit diflindre-
mem la foie, la laine& Ie lin. Rubens a peut-être
manqué quelquefois a 1'élégance 8c au choix de
la belle nature : il cft même quelquefois maniere,
fur-tout dans fes extrémité.s& les emmanchemens
de fes fieuresj maisce défaut ne lui eft point ordi-
naireril a nès-fouvent faifi dans la nature des
beautés qui lui étoient échappées dans les auti-
ques j ou plutót qui ne s'y trouvoient point. S'il a
quelquefois négligé la corredion du de/Tin j il eft
iouvent dans cette partie égal aux plus grands
tnaitres : 1'éloge que nous ferons de la plupart de
fes élèves, doit encore ajouter a fa gloire.
/ ulens peignoir 1'hiftoire , Ie portrait, Ie pav^.
fage, les fruitSj les fleurs & lesanimaux, &
-ocr page 329-
Flamands, Allemands & Hoüandois, 31 y
dans chaque genre il étoit habiie j il avoit tant de .
refTources dans Ton génie qu'il a compofé jufqu'i 1 577.
trois ou quatre fois Ie même fujet dans Ie même
inftant, lans qu'il y euc nen de relTemblant. Nous
avons plufieurs efquifles de lui, faites pour Ie
même tableau. On en connoic trois en France du
tableau d'autel des Auguftins d'Anvers, une chez
JV1. de foyer d'Argenfon , 1'autre chez M. de
JuIUnne
, & la troifième a Rouen, très-fmie, chez
1'auteur de eet ouvrage. Toutes ces efquifles
étoient fur Ie panneau, la toile ou Ie papier huilé :
il favoit y répandre la même intelligence que dans
un tableau ceimint.1! en étoit de même des études
particulières qu'il faifoit avec beaucoup de feu :
quand il ne peignoit pas fes efquiifes ou fes études,
il les faifoit au crayon noir, au crayon rouge ou
charbon huilé, reliauflë de blanc, fouvent avec
un lavis d'encre de la Chne Sc d'antros coulecr?
a la gonmie. On voit dans (es deflins toure la
fone & toure la vigueur d'un tableau : auflï font»
ils fort recherches & payés rrès-ciier.
On Ie chargea a Rome de peindre un S. Gre-
goire entoiué de faints Sc faintes : ce tableau fe
trouva trop petit pour fa place. On pretend que
la tête d'une Samte Catherine de ce tableau,
étoit d'après celle d'une courtifanne fort belle Sc
fort connue. C'eft ainfï que Santeuil a quelquefois
dérobé les traits dont le.s poëees profanes ontpeint
leurs héroïnes, pour tracer les faintes qu'il a célé-
brées. Il fit un autre tableau furie même fujec,
& Ie premier fut envoyé a Anvers j oü il fe voit
encore a 1'abbayedeS. Michel, mais emièrement
gaté par 1'ignorance de celui qui Ta voulu nettoyer.
Rubens ie vit imité de pres dans quelques com-
-ocr page 330-
314                 L<? Vie des Pcïntres
-pofitions de David Teniers. Il vouli.it s'e'gayer i
lbn tour dans les bambochades de ce grand inuta-
teur, & il fit quelques tableaux dans fon genre.
Le plus beau &le plus confidérable ie vóit a Gand
dans le cabinet de M. Lucas de Schamps: c'eft
une Aflemblée de payfans qui boivent Sc jouenc
aux cartes, Sec. Les figures out environ neuf
pouces de hauteur. Rubens s'y eft fi bien caché
fous le mafque de Teniers, que les plus habiles
ont cru Teniers auteur de een excellent morceau.
Noiispourrions rapporter plufieiirs autrestraits de
la vie de eet admirable arnfte _, maïs nous nous
bornerons a ceux-ci qui fuffifent pour le faire
connoïtre. Nous nous contenterons même dJindi-
querfesprincipaux ouvrages^ 5c d'ailleurs, Rubens,
tour grand qu'il eft , n'eft pas le feul dont il nous
rel'te a parier.
On voit en France dans le cabinet du roi, fept
tableaux de ce grand maitre: une Fuite en Egypte,
la Vierge dans une Gloire environnée d'Anges,
une Noce de Village , I.ot & fes filLes, le portrait
d'Anne d'Autriche, la Reine Thomiris j & un
Pxyfage fous le titre d'Arc-en-Ciel.
Chez le duc d'Orléans, douze efquifles de
Thiftoire de Conftantin, la reine Thomiris qui
regarde plonger la tête de Cyrus dans un vafe
remplidefangj la Continence deScipion, Diane
revenant de la Chafle, 1'hiftoire de S. Georges,
le Jugement de Paris, Mars ëc Vénus, 1'Enlè-
vement de Ganymède , & 1'Aventure de Philo-
pemen.
La galerie du Luxembourg eft enrichie de
yingt-quatre tableaux de eet artifte : ils contien-
Jienc les principaux évènemens de la vie de Marie
-ocr page 331-
Flamands, Allcmands & Hoiïandois. 515
de Médicis 3 reine de France. Le premier repré-------—
fente les Parques qui filent fes jours fous les yeux 1J77-
de Jupiter & de Junon : le fecond, fa Naiflancej
le croilième, fon Education • le quatrième, Henri
IV,
lorfqu'il décide fon manage avec cette
princefle \ le cinquième , ce même Mariage \ le
iixième, le Debarquemenc de la Reine au Port
de Marfeille -y le feptième, la Ville de Lyon
lorfqu'elle va au-devant d'elle j le huiuème, la
Naiifance de Louis XIII, fon nis ; le neuvième,
le Départ d'Henri IVpom Ï'A llemagnej le dixième,
le Couronnement de la Reine j le onzième ,
1'Apotliéofe d'Henri If ; le douzième, le Gouver-
nement de Marie de Médicis j le treisième, fon
Voyage au Pont-de-Cé^ le quatorzième, Téchange
qui fe fait des deux Puncdïes, cjuand Anne
d'Aurnche, infante d'Efpagne, vient en France
époufer Louis XIII, & quEüfabeth, fceur du roi,
va en Efpagne époufer 1'Infant, depuis Pk'dippe
IV;
le quinzième, le Bonheur du Pcuplc ious
la régence de la Eeinei le feizième, la Majoritó
de Louis XIII; le dix-feptième, la Reine fuyant
de la ville de Blois; le dix-huitième, fon zele
pour la Paix j le dix-neuvième, la conclufion
de la Paix j le vingtième , la Paix ratifiée dans
le Cielj le vmgt-unième, le Temp? qui découvre
la Vérité; le vingt-deuxièmej Marie de Médicis
fous la forme de Pallas \ le vingt-rroifième, le
Grand duc deTofcane, Francois I, père de cette
princefle j le vingt-quatnème , Jeanne d'Autriche%
ducheiïe de Tofcane, fa mère.
Dans les principaux cabinets de Paris, on con-
ferve avec diftinétion les Ouvrages de Rubens.
Le Prïnce de Monaco pofsède un tableau repré-
-ocr page 332-
3 i                La V'ie des Pcintrcs
_ fentant un Enfant qui joue fur une tablc. M. Ie
comte de Vence a du méme un tableau piquant,
c'eft la repréfentanon d'une Lamère. M.le mar-
quisde P'oyerzdtax tableaux AeRubensj dans 1'un
on voit quatre Enfans, panni lefquels on remar-
que une petite iïlle qui careiïe un mouton : les
fruits dont ce tableau eftorné, font peints par
Sneyders. L'autre eft une efquifie du tableau qui
fe voit aux Auguftins d'Anvers. M. Ie comte de
Choifeuïl
a aufli une efquiffe tenrunée de ce
maïrre , une Suzanne furprife par les Vieillards.
On trouve chez M. de la Bouexière, trois ta-
bleaux j les Grarcs font peintes dans Ie premier,
& des Tctes en fonne ovale dansles autres. M.
de Juiïcnnez de Rubcns trois excellens morceaux ,
un beau Payfage, Ie portrait de la femme de ce
peintre Sc tine belle efquilfe flnie. Chez M. Ie
marquisc/e Lajfay, un Payfage admirable,dont Ie
fujet principal eft une Charrette ernbourbée. Chez
M.le duc de Tallard, cinq tableaux du même
peintre, Ie portrait d'un homme tenant un livre,
Méléagre préfentant une hure de fanglier a Atha-
lante, Sainte Cécile jouant de 1'orgue &: envi-
ronnée de plufieurs enfans, un beau Payfage de
1'Adoration des Rois. Chez M. Paquier, député
du commerce pour la villc de Rouen, fix tableaux
de Rubens, Re'mus & Romu/us, Orphée & Euridïce,
Perfee
& Andromcde, un homme Sc une femme
repréfentés a mi-corps, Sc un autre en forme
de portrait. Chez M. de la Lyvc de Jully, une
femme peinte de profil, qui litj un autre grand
tableau , une femme tenant un enfant fur fes
genoux, & un autre enfant a cöté cl'elle : ce ta-
bleau qui n'eft qu'une ébauche, excepcé les têtes
____
-ocr page 333-
Flamands, Alhmanis & JJoüandois. 5 1 f
Sc les mains, a toute 1'harmonie d'un tableau---------
terminé. On y découvre la marche de ce grand 1S77*
piaïtre , & on eft furpns des eftets finguhers qu'il
fait, quoiqu'il ait coüté peu de travail a 1'auteur :
les beaux tranfparens & Ie faire de ce tableau en
généralj eft une grande lecon pour ceux quipeu-
vent Ie voirfouvent.
Le cabinet de 1'élecbeur Palatin eft orné de
quarante-fept tableaux du mème peincre, donc
voici les difrerens fujets : la Chüte des Anges,
tableau de 14 pieds 10 pouces de hauc, fur 9
pieds 10 pouces de large 5 1'AlIbmption de h
Vierge, tableau de 1$ pieds 11 pouces de haut,
fur 9 pieds j une Vierge avec 1'Enfant Jéfus fuc
fes genoux; Latone dans* 1'Ifle de Délos , les
Payians changés en grenouilles y Saint Chriftophe
qui potte 1'Enfant Jéfus fur fes épiules •, une T'ête
de femme; le portrait de Ruitens & celui de fa
première femme, Elifabeth Brants\ un Crucifix
peint fur bois j une Challe au Sanglier, les ani-
maux font peints par trancou Sncydtrs; la Ren-
contre de Jacob Sc d'Efaü ; la Fète de laPente-
cote ou la Defcente du Saint Efpriï fur les Apó-
tres; le portrait d'Helene Forman 3 feconde fem-
me de Rubens; la Pompe funèbre de Germanicus,
fils de Drufus & d'Antonla ; un Payfage avec un
Arc-en-Ciel ; Samfon furpris par les Philiftins
dans les bras de Dalila; la Mort de Séuèque au
au milieu de fes amis; le Dieu Silene , ivre 8c
'porté en triomphe par des Bacchantes; Marsou
la Vigilance couronnée par la Renommée; des
Enfans au nombre de fept qui fe jouent, avec
différens fruits qui font pemts par Sntyders \ la
Sainte Vierge entoucée d'onze enfans, les fleur»
-ocr page 334-
'
} 18               La V'ic des Peintrei
"" — & Ie Payfage font peints par Breughel de Klour;
les fupphces des Réprouvés condamncs au feu de
1'enfer; Ie Cardinal Infant a cheval, de grandeur
naturelle. On voit dans Ie fond du tableau la
batailledeNordlinguej deux Femmes nues violées
par deux Romains \ les Pècheurs convertis aux
pieds de notre Seigneur j Ie Jugemenc dernter j Ie
Venïte Benedicli j laConverfion de Saint-Paul j la
Paix entre les Piomains & les Sabins', leMartyre
de S. Laurent j la Naiflance de Notre Seigneur j
la Bataille des Amazones j la Défaite de 1'Armée
du roi Sennacherid , oü 1'Ange détruit 185000
hommes 5 Saül facré par Ie pvophète Samuel j
Diane ik fes Nymphes endonnies; un Satyre qui
examine toutes ces beautés abandonnées a fes re-
gards avides; Ie Payfage, Ie gibier & les chiens
font peints par Breughel de Vlour^ des Soldats qui
pillent des Pay fans; Diogêne la Ian terne alamainj
Vénus qui fait fes efforts pour empêcher Adonis
d'aller a lachalTe; les portraics du roi & de la
reine de Pologne, Ie roi eft aflis fur fjn trqne^ te
portrait de Philippe II, roi d'Efpagne, & celui
de la reine fa femme; Ie portrait cte Thuldeus,
doóleur en théologie; Silene avec detixBacchantes
Sc un tigrej Ie portraic du Général d'un Ordre
religieux j Ie portraic du cardinal infant^ Ie Juge-
ment dernier, tableau tle vingt pieds de haut
fur quinze pieds cinq pouces de large , il eft
capital \ cV enfin Silene ivre avec deux fatyres.
L'Empereur pofiède a Vienne une Bacchanale
de Rubens.
L'électeur de Bavicre une ChafTe au lion, avec
des chevaux barbes.
Il y a a Neubourg fur Ie Danube j cinq ta-
-ocr page 335-
Flamands , Allemands & Hollandoïs. 319
bleaux du tnême artiftej Ie Jugement dernier j
une Nativité, une Pentecote , la Chuce des
mauvais Anges.» Saint Michel qui tue Ie dragon»
Dans l'égfife de Sainte Croix a Ausbourg, une
Aflomption de la Vierge.
Dans la galerie du duc de Modène 3 Saint
Jérome avec un lion.
A la Vénerie pres de Turin, quatre fujets de
ChalTe & un Saint Jéi'ême.
A Gênes, dans 1'égliie de Saint Ambroife des
Jéfiutes , Saint Ignace qui guérit les Infirmes &
les Eftropiés, Sc une Cxrconcifion.
En Elpagne , au palais Della-Torre Della-
Parada , plulïeurs delTus de portes, oü Rubcns
a repréfenté des fujets tirés des Métamorphofes \
Sneyders
a peiat les animaux , les fruits & les
fletirs. Dans 1'églife appellée 1'Hópital des Fla-,
mans a Madrid j Ie Martyre de Saint André ,
Saint Auguftin <Sc Sainte Monique fa mère, au
pied d'nn Chnft.
Au palais de la tnême ville, plufieurs beaux
Portraits de la Maifon royale j l'Enlèvemenr.
des Sabines, Sc Ie Combat des Sabins Sc d*s
Romains.
A Fefaldana , pres Valladolid 3 un tableau de
la Conception, chez les Religieufts du méme
nom.
Au palais ds Buen-Retiro, Ie Jugement da
Paris. Dans la facriftie de 1'Efcunal , S. Jérome
en grand, Sc les Pélei'ins d'Emmaüs. Dans Ie cha-
pitre de la mêfne i-naiion, une Sainte Familie;
au même couvenc 5 dans Tappartement du roi,
la Vierge, 1'Enfant Jéfus, & pluiieurs Figures ,
tableau précieujc peipt fur cuivre.
-ocr page 336-
51 o              La Vu des Peirures
Dans Ia vilte de Lorcïies , chez les Carmes
déchaufles, qtiatre Cartons d'après lefquels on
a fait des Tapifleries.
l.a ville d'Anvers qui eft fi ricf?<? en tableaux,
nous en offre trente-(ix du pnèm • auteur, qui
font expofés en public , fans coropter ceux qui
font chez des p^rticuliers. L'églife de Notre-
Dame pofsède fon chef-d'oeuvre, dont noms avons
déja parlé> c'eft Ie tableau de 1'Hótel de la Con-
frérie du Mail : il a deux volets, Ie milieu repré-
fente une Defcente de Croix ^ fur un des volets
(>aroït la Vifitation de la Vierge , & fur 1'autre
a Préfentation au Tcmple : au dehors des vo-
lets , Saint Chriftophe portant 1'Enfanc Jéfus, Sc
un Hermire qui conduit ce faint la lanteme a la
main. Un tableau, Jéfus-Chrift mort, placecontre
un des piliers de Téglife Notre-Dame , ome
1'épitaphe de la familie de MM. Michielfens :
on appercoit fur un des volets la Vierge Sc TEn-
fant Jéfus, Sc fur 1'aurre Samt-Jean-1'Evangé-
lifte: les volets fennés font volt Notre Seigneur
&■ la Vierge.
Dans l'églife paroiffiale de Saint-Walburge ,
Ie grand autel eft orné d'un tableau capital, c'eft
Notre Seigneur attaché fur U Croix,que les Bour-
feaux élèvent pour la planter; les volets repré-
ientent Sainte Catherine Sc Saint Eloi: <e même
autel a éré réedifié en 17-57 par Ie fculpteur
Kercks Ie jeune. Ona fupprimé plufieurs tableaux
de Rubens , qui étoient auparavant deux An^es
peints fur bois & découpés -y une image de Dieu
Ie père qui étoic au-de(ïus de 1'autel, Notre Sei-
gneur en croix, la mort de S. Walburge, & les
Anges qui enlèvent Ie Corps de ce Saint: il ne
refte
-ocr page 337-
Flamands j Alkmands & Hollandois. 3 i i
refte plus que le tableau d'autel, & fes volets ,
lesautres ayant été vendns ïur laBourfe en 1737.
Le chcEur eft décoré d'une épitaphe & d'un beaa
rableau de ce malere , notre Seigneur iffis fur fon
tombeau , au milieu de trois Anges, foulant aux
pieds la mort. Ce rare tableau "sft prefque perdu
par la négligence deceux auxquels tl a été confié.
Dans ï'églife paroifliale de Saint Jacques, on
voit laChapelie dans laquelle eft enterré Rubens,
Sc pour fon épitaphe un tableau capital , ou il
s'eft peint lui-mt;me& fes femmes. On en admire
la compohrion & la couleur , maïs ce tableau eft
peint plus crument que fes autresouvrages.
Les religieufes Annonciades confervent un
petit tableau qui repréiente le fmnt-enfaiit Juf-
tus décollé. On le voit marcheravecfa tcte dans
fes maitis j deux autres figures font a cóté de lui j
& des cavaliers paroilTenc dans le lointain.
L'éghfe de 1'abbaye de Saint-Michel pofsède
1'Adoration des rois, tableau précieux qui n'a
occupé Rubens que treize jours. Saint Norbei t eft
peint fur 1'autel qui porte fon nom-. On aflure que
                          »
ce dernier tableau a été fait aRome; maisce 1'au-
teur chargea, pour des raifons qui nefont pa^ <;o!i-
nues , Saint Philippe de Neri en Saint Norbert.
Il a fait encore un tableau qui erne 1'épitaphe
d'un abbé de Saint Michel.
Notre Seigneur j la foudre a la main , menace
Ie monde , dans un tableau du maïtrc-autel des
Dominicains de la ïnème ville ; la Vierge & plu-
{ieurs Saints intercèdent pour les pécheurs : ce
tableau eft un des beaux de Rubens. On voit dans
la crupelle du Saint-Sacrement ,un ConcileCEcu-
ménique , ou fe trouve un grand nombre de Pré-;
Tome L                                 X
-ocr page 338-
3-ii                    £<z Vk des Peïntrcs
- lats en habits pontificaux : ce morceau eft d'una
1577> riche compofition. On voit encore pres de 1'autel
du rofaire & vis-a-vis de la chaire , une Naif-
fance de Jéfus-Chrift , dont les figures font plus
grandes que nature. En face de la chaire plufieurs
artiftes y ont peint les quinze Myftères : une Fla-
gellation de Rubens en fait Ie prmcipal ornemenr.
Aux Récollets , legrand autel eft décoré d'un
beau tableau de ce peintre , notre Seigneur en
croix entre les larrons. L'efquiiïe de cette belle
production eft confervée dans la même maifon j
a la charabre des Hótes. Notre Seigneur mon-
trantfes plaies a Saint Thomas, eft peint derriére
Ie chffiur , fur 1'épitaphe du bourguemeftre
Roekokx: ce magiftrat & fa femme font vus fur
les volets. Dans la chapelle du tiers-ordre , on
trouve un Crucifix de trois pieds de hauteur j
d'un beau fini j en pent une efquiOe de la Def-
cente de croix de la cathédrale j tableau de quatre
pieds de haut; un autre Crucifix , grandeur de
nature ; Sc leCouronnement de la Vierge dans
la chapelle qui porte fon norh.
Le grand autel de i'égl'tfe des Jéfuites a été
bati fur les defiïns de Rubens : on en conferve
J'efquifle dans la même maifon. Quatre grands
tableaux, deux de Rubens } font places 1'un après
ï'autre fur eet autel : 1'un des deux de Rubens re-
préfente Saint Ignace qui chafle le demon du
corps d'un pofTédé; 1'iutre , Saint Xavier quiref-
fufcite un hommemort : la compofition decelui-
ci eft immenfe & pleine d'art : les deux efquifles
font a cóté de eet autel. Le tableau d'autel de la
chapelle de Saint Jofeph , repréfente la Vierge 5c
Saint Jofeph. Uae Aiïbmption, autre tableau
-ocr page 339-
Ftamands, Alleman&s & Hollandois'.
admirable , pare 1'autel de la chapelle de la Vier-
ge j eet autel eft de marbre. Cn y voit encore
un grand tableau de fleurs , peint par Ie frère
Seghers ; Rubcns a peint au milieula"Vierge, VKri-
fant Jéfus & plufieurs Chérubins : et dans la con-
grégation d'en bas , fe voit Ie tableau d'autel
cjiii repréfente une Annoneiation, & qui fait la
gloire de Rubens.
Il peignit avant fon voyage d'Italie, 1'Adoration
«les Rois 3 petit tableau d'autel ., fous Ie jubé de
1'églife desCarmesj c'eft notre Seigneur etendu
mort fur les genoux Ae fon père: lesAnges y
portent les iriftrumens de la paffion.
Les Carmes déchauffés pofsèdent ,(a cóté du
grand autel, unChrift mort, quieftétendufur les
genoux de fa mère. Le tableau d'autel de la
Sainte Vierge, repréfente Sainte Anne Sc SainE
Joachim, avecdesanges qui font dans le ciel j no-
tre Seigneur qui apparoït a Sainte Thérèfe , 8c
plufieurs autresfignresj au-defïbus un Purgatoire,
tableau fort eftimé. L'églife des Capucins con-
ferve le Crucifiement de notre Seigneur entre les
deux larrons , avec les Manes & beaucoup d'au-
tres figures : ce tableau eft place au maitre au-
tel. La Vierge , 1'Énfarit Jéfus & Saint Fran^ois
' font un tableau d'autel dans la chapelie de ce
Saint.
Ün remarque dans 1'églife des Auguftins , un
tableau capitai , qui repréfente plufieurs Saints
&Saintesj au haut eft la Vierge avecTEnfant
Jéfus qui donne 1'anneau A Samte Catherine ;
derriére la Vierge eft Saint Jofeph; a fa gauche ,
Saint Jean prêchant dans le défert; a fa droice ,
Saint Pierre Sc Saint Paul; au bas Saint Georges
-ocr page 340-
La Vit des Peintres
______ tenant un étendard & écrafarit un monftre;
t          Saint Sébaftien t Saint Auguftin , Saint Laurent,
Saint Paul 1'hermite., &c. & plufieurs anges :
Kubens a cherché dans ce tableau a réunir routes
les grandes parties de la peinture, la coippofition ,
Ie dcflin, Ie coloris, I'in-telligence; c'eft un gr'and
modèle a imiter : ce tableau eft prefque peint
de rien, on voit par-tout la toile , & il eft brillanc
pour fa boane couleur & fes tranfparens. Ce
grand maitrea fait plufieurs efquiflespourcefujet:
M. Ie marquis de Foyer en a une qui ne paroïc
que foufflée j je pofsède une efquifTe très-finie du
même fujet. Ce tableau eft place au grand autel
de 1'églife des Auguftins.
On voit chez M. Lundens un trcs-beau payfage:
c'eft une vue de Laeken pres de Bruxelles ; il y a
divers animaux & plufieurs figures: dn y diftingue
une Femme qui porte fur fa tête un pot au lak ^
decuivre,fuivantl'ufagedupays. Un autre beau
tableau , eft Ie portrait d'une demoifelle Lundens :
la tête eft couverte d'un chapeau qui y porte
1'ombre 3 enforte que cette tête n'eft éclai-
«ée que par la réflexion des lumières qui 1'en-
vironnent. Ona dit que Tamour conduifit alors Ie
pinceau de Rubens, & qu'il avoit voulu époufet
cette aimable perfonne.
Neuf beaux tableaux fe trouvent expofés en
public , dans la ville de Gand , dans la Cathé-
drale de S. Bavon \ on y voit S. Liévin avecbeau-
coup de figures. Ce tableau confidérable étoic
autrefois place au grand autel, mais eet autel fuc
fait en fculpture en 1719 , Sc depuis il fert i l*au-
tel d'une chapelle de la même églife.
Paos 1'égUic des Jéfuices, Ie tableau du gcajui
-ocr page 341-
Flamtnds, Allemands & Hollandois. 51$
«utel exprime Ie martyre de S. I.iévin, patron de _nmmmm
Gand: il eftchangé pendant quelqnesmoisderan- 1577.
née,&:on Ie remplace par uneDefcentedecroix,
beau tableau de Crayer.
L'églifedes Récollets eftenrichiedetroisbeaux
tableaux de notre grand peintre: celui du maïtre
autel repréfente notre Seigneur irrité, tout prêc
alancer la föudre&aanéantir 1'univers \ laVierge
arrête d'une main ce bras vengeur, & de 1'autre
montre fon fein; S.Franc.ois les yeux levés au ciel ,
adrefTea Dieu des prières ferventes,& couvre de
fon manteau Ie globe du monde : cette allegorie
très-in^énieufe eft bien caradtérifée, parl'efprit
qui règne dans cette compofirion.il y aencore un
S. Francois qui re^oitles ftygmates 3 tableau d'au-
tel; & une Magdelaine enextafe,foutenuepardes
Anges , a coté du grand autel.
ChezM. Deyne , on voit deux beaux portralts
du même auteur.
A Tournai, dans 1'églife cathédrale, on admire
un Purgatoire & des Anges qui en retirent les ames;
ce morceau eft place au retable du grand autef :
il eft prefque perdu par la négügence de ceux qui
auroient du veiller afa confervation. Le tableau
d'autel dans la chapelle derriére le chceur, re-
préfente le martyre des Machabées: ces tableaux
font admirables.
Aux Capucins de Tournai , le tableau princi-
pal de leur églife , eft une Adoration des Mages:
compofition d'une grande richeffe.
Dans 1'églife principale de Berg-Saint-Vinox j
au trrand autel fe voit une Adoration des Rois s,
tableau peint dans une belle maniere.
-ocr page 342-
La Vie des Peintrcs
.
               A Namur, dans 1'églife des Jéfuitesj Rubens
1577" a repréfenté la vie de la Vierge.
Et chez les mêmes pères a Lille j S. Michel
Archange qui renverfe les Anges rebelles. Cette
ville nous offire encore du méme peintre Ie
Martyre de Sainte Catherine , au grand aucel
de I'éghfe qui porte fon nom j & aux Capucins ,
une belle Defcente de croix, placée au maïtre
autel.
Dans la ville d'Alft , on voit auflï un S. Roch
au milieu despeftifbrés : beau tableau dans 1'églife
de S. Martin j trois autres petits tableaux du
méme , environnent eet autel.
L'Angleterre pofsède un nombre de tableaux
de Rubens j nous ne citerons ici que ceux deBan-
queting-Houffe : la chapelle a un fort beau pïa-
rond , orné de neuf tableaux pleins d'allégories
relanvesa laviede Jacquesl Cesmorceauxappar-
tenoient autrefois a la falle d'audience do 1'ancien !
paUis de Wtiitehal.
Et dans lafameufe colledtion du duc d'Hamïltoriy
en EcofTe, on diftingue fur-tout un grand tableau
de Rubens-y c'eft Daniel clans lafofTe aux lions.
MARTIN PEPIN.
Qüoique ce peintre fbit né a Anvers , il n\i
pas été poffible de favoir aucune particula-
rité ni de fa vie ni de fa mort: on fait peu de
cbofes auffi de fes talens,& je n'ai rien vu de fes
ouvrages. On peut feulement en jager par Ie rap-
port de Rubens, qui étoit contemporain de Pepin*
Ce dernier alla fort jeune a Rome, oü il étoit re-
__
-ocr page 343-
Flamands , Allemands <S' Hcdlandoïs: 317
gaf dé comme un grand peinrrc, &oüfeso.uvrages_____
furent recherches. Sur Ie bruit qu'il alloit t ■*%
quitter cette capitale pour defcendie dans les
Pays-Bas , Rubens en témoignade 1'inquiétude j
mais pea de tems après ayant appris que Pepin
s'y étoit marie , & qu'il étoit détermmé d y finit
fes jours , il lui échappa de dire qu'il ne craignoit
f'lus perfonne qui pik lui difputex fa gloire dans
es Pays-Bas.
Weycrmans ditavoir vu beaucoupde tableanx
de notre artifte, d'une grande beauté, &c p?.rti-
culicrement une Defcente de croix , d'une belle
compofitïem , d'un beau deflïn , d'un grand gout
de couleur & d'une belle harmonie ; & ponr fi—
nir fon éloge d'un feul mot , il ajome que Pcjiin
égaloit mème Rubens..
D a v I D
VINCKEKBOOMS;
EtIVE DE SONPERE
PHtLIPPE VINCKENBOOjRtS,
lNaquit. a. Malines en 1578..11 pafTa fort jeune
a Anvers avec fon père , & de la a j^mfitr-
dam : \\ apprit fous lui b peinture. D*abord il
ne peignoirqu'en détrempe ,mais fon pt^re étant
mort, il fe mit de lui-même a peindte a 1'huile \
il V "Suflit, fur-tout en petit : fes figufgs font
A'xin bon eoüt de deflïn-yic fes tableaus olaifenu,
0                              -v        -1
.....__         ,          __________ __            ■»-^"-""'"-
-ocr page 344-
3 iS                  La Vie des Peintres
On effcime pour uh de fes plus beaux celui
• de Fhopitaldes vieux hommes d'Amfterdam: il
repréfLme un Tirage de loterie : 1'aéfcion eft de
nuit, & on y voit une fonle de peuple éclairé
par des lanternes, &c. Ce tableau a huit pieds
de haut fur quatorze de long. Ses petits tableaux
repréfernent des Fêtes de village ou des Noces *,
il a tiré quelques fajets de TEcriture Sainte , $c a
mérité Ie nom debonpeintre, quoiqu'il n'ait eu
d'autre niaitreque fon père, peintre en détrempe.
Il peignoir fnr verre a gouaflè , & giravoit fort
bien. On voit pïufïeurs de fes eftampes gravées
ie lui _, & par d'autres d'après lui. I[ a fait Ie
Payfage avec fuccès. On trouve feulement que
fes oppofitions deviennent quelquefois dures Sc
tropprécipitées. Il manque dans les tableaux de
ce peincre cette vapeur fi vantéedans Sacht-Léven
&" Wouwermans ; inais on y trouve d'autres belles
part'es , bonne couleur } ure touche légere , 8c
des nV.iirinnes avecdelacorredrion & de Tefprit.
F.ottenkamer a fouvent orné les payfages de Vlnc-
kenboorris
avec de folies figures. A Paris chez
M. Blondel de Gagny , on voir de ce peJntre un
payfige , avec des figures pir Rottenhnrner.
Et cfiezPéle&eur Palatin , notre Seigneur por-
tantfa trroix rune mulritude de figures bien ren-
due.s foiit admirer ce tableau.
L'auceiJir de eet ouvrage pofsède un tableau
de W~irzckenbooms, avec des figures du chevalier
Charles &reydel: Ie payfage eft de fort bonne cou-
leur , z((ex dans la maniere de Save'ry. H vivoit
encore
-ocr page 345-
Flamands 3 jillemands & Hollandois.
SAX. O M O N
DE B R A Y.
ce peintre mérite d'être place patmi '
les autres, il paroït que ceux qui ont écrit la. 1570.
vie Ie louent plus pour avoir eu deux fils qui
font devenus habiles fous lui, que pour fes autres
ouvrages. Celui-ci naquit a Harlem en 1579 ,
fon fils Jacques efï Ie feul dont nous parlerons ,
ne fachant rien de 1'autre.
Jacques eft regarde comme un des plus habiles
peintres dJHarlern. Il pejgnoit bien Thiftoire
Sc Ie portrait. On voit de lui David jouant
de la harpe devant l'arche, avec une nombreufe
fuite de Prêtres Sc deLévites, &c. Ce tableau
eft d'un beau delïïn Sc d'uii pinceau pur & plein
d'art. Il eft dans Ie cabinet de M. van Halen , 4
/imfterdam, auflï frais que s'il fortoit des mains
du peintre.
Il deffincit avec une touche fiere & des con-
toursfavans, t^ntot fi'r Ie papier, tantot fur Ie
vélin; les crayons rouges Sc noirs font bien mêlés
enfembie. La plu part fotjt dans les norte-feuilles
du fieutlfaac Velcourt^ grc.nd amateur.
Salomon de Eray mourtit dès Ie mois de mai
1^64. Son fils Jacques jnourut dans Ie mois
d'aviil j ciuelques fginaines avant fonpère.
Il laifla un fils qui peignoit les fleurs j &• quï
dans la fuite fe fït moine. Le poëte Rixtel ie
fouviert de JacqUcs ds. JBray dans fes poëfies
venes.
..                                            - -____________                -______-_____                            ----------------------------------■—h ■-
-ocr page 346-
F R A N
O I S
S N E Y D ERS,
ELEVE DE HEKÏH
BALEN.
)niyders naquit a Anvers en 1579 , &■
5"T9* aPPllt 'a pemture fous ilenrï van Balen. Il
mérica déja les éloges de fola maure , lorfqa'il
fe mit a peindre des £iruus 5^ enfmte les ani-
maux , en quoi il farpriffi ceijix qui avoient été
avant lui & fes conteniporains. Rubens fat Ie
premier a vanter les ta'ens de Sneydcrs , 5c il
.
-ocr page 347-
La Vic des Peintrcs Flamanis , &c, $ j i
commenca par fe fervir de fon pinceau pour-
peindre les fruits & les animaux dans fes ouvrages.
On vit auffi les tableaux de Sneyders avec des
figures peintes par Rubens, 011 Jordaens. 11 n'étoit.
pas facile de oiftinguer deux maïtres dans leurs
tableaux ; la correóhon. , Ie feu de 1'ordonnance
«ïcne & variée , foutemie par une couleur vigou-
*eufe & une touche fiere , rendoit d'accord tout
ce qui fortoit de leurs mains.
Un tableau repréfcntant une Onaffe au cerf,
fit la fortune a Sneyders. Le roi d'Efpagne Pkl-
lifpe III V
avant vu , ordonna a Sneyders de lm
peindr^ plufieurs grands fujets de chaiïes & de
batailles. 'Tout réuflït a eet habile arcifte. L'ar-
chidnc tïlbert , gouverneur des Pays-Bas, Ie
nomiTiafon premier peintre. Sa fortune étoit aiïu-
rée ainfi cjtie fa gloire. On vit Sneyders peindre
des ChafTès de jifférens animaux, des Fruits de
différentes flaifons j des C uifines avec leurs uften-
üles: tout étoit nne injiration exade de la nature.
On eft étonné de voir avec quel feu il favoit pofer'
Sc defïmer les animanx, tantót morts , tantfit
vivans, tantot tranquilles, &' d'autres dans la rage
& la fiireut. Chaque repréfentation faifit d'éton-
nement , & on finit par admirer. On voit des
tableaux rle ce peintre oülesfruits trompent, tant
ils font bien tmités; des combats d'animaux qui
effraient. lei c'elt unfanglier abattu j nttaquépar
des chiens : quelques- uns font la vidlime de ce
monftrueux antmal; la c'eft un combat de lions j
de tigres , Sec. Tout y efl: foutenu par de beaux
fonds de payfages oü il excelloit. Sa couleur eft
chaudeSc dorée, fa touche eft favante & fiere,
-ocr page 348-
La Vie des Peintres
Sc ü propre a repréfenter la foie, Ie poïl , lalaine
&laplume des diffirens anitnaux qu'il introdui-
foic dans fes tableaux.
La ville d'Anvers étoit lademeure de ce pein-
tre, & il ne la quitta que parordredel'archiduc,,
pour demeurerquelque temps aBruxelles , oiiil a
travaillé pour ceprince, & ou il afaitplufieursgran-
descompofitions. Il a fait de temps en temps des
rableaux de chevaiet , & les plus eftimés font
ceax
ou Kubcns Sc Jordaens ont peinc les figures.
Pouvoic-il mieuxêtreguidé ? &qael niocifd'cmu-
lation que celui de travailler de concert avec ces
grands hommes !
Sneyders eft mort fort vieux , environ i ^57. H
a laiiTè' a la poftirité des tableaux admirables ,
Sc des élèves diftingués dans la peintuce. Nous
avons de ce pemtre quelques gravures i 1'eau
forte, qui nou> font regretcer qu'il en ait £iic fi peu.
Les tableaux de ce pemtre font moins répan-
das dans Ie public que ceux d'autres arciftes _, a
caufe de leur grandeur , Sc parce que la plupart
furent faits paur des maifons royales. L'Efpagne
en pofsède un très-grand nombre , 8c 1'électeur
Palatin a cinq tableaux de Sneyders ; un grand
payfage avec un charnot & quelques /eigneurs
a cheval ^ une écrevilFe de mer cuite, & un gobelet
fur une table; une quantité de firmts , d.u gibier
Sc des oifeaux morts ; une Chafle au fanglier ,
beaucoup de chiens qui pourfuivent 1'animal,
tableaucapital;& Ie portrait de Sneyders peintpar
lui-même.
A Paris, a l'hotel de Bouillon j on conferve
quatre grands tableaux de Sneyders; Hu&ens 8c
Jordaens en
ont peint les figures.
-ocr page 349-
Ftamands 3 Allemands & TJoltando'is.
A Bruges j on voit a 1'archevêché, quatre " ■'"
g                        q p                                    >
tous les animaux & les fruits qui onc rapport au
fujet s'y trouvent repréfentés. Lesfigures de gran-
deur naturelle font peintes par Kubens. On jr
remarque une belle femme enceinre qui touche
quelques fruits dont elleaeuvie : 1'expreffion do
1'avidké en eft admirable.
*J73*
FRANCOIS
f                                                               *
G R O B B E R,
ELEVE DE SAYERY.
Francois Grobber. j fils de Pierre j naquit ■
a Harlem : il fut élève de Savery. Van Mandèr
dit que ce peintre excelloit a peindre Ie portraic
en grand & en petit 3 & qu'il traicoit bie»
. 1'hiftoire.
BERNARD et PA U t
VAN SOMEREN.
Ces deux frères naquirent a Anvers. Bernard
voyagea & refta quelque temps en Italië , od
il époufala 611e $Arnold Mytens, <{n% r~
-ocr page 350-
des Pe'mtres
a Amfterdam, oü il s'établit avec fon frère. Ber-i
nard
hr Ie portrait. Il étoit facile & heureux dans
lapofition Sc la reffemblance. Il compofoit inge-
nieufement de petits fujets.
Paul n'étoit pas moins eftimé , 8c les fuccès de
fon frère n'empêchètent pas qu'il ne fut également
recherche pour Ie portrait.
F R A N g O I S
FRANCK,
DIT LE JEUNE,
ELEVE DE SÓN PER E.
J? rancois Franck , nis de Fran^ois Franck
-Ie vieux j naquit en 1580. Elève de fon père _,
' il a fuivi fa maniere en grand & en petit. Il voya-
gea en Italië j Venife fut 1'endroit qu'il crut Ie
" plus propre a fes études. Il y prit pour maïtres
les plus grands coloriftes. On fut étonné de voir
ce peintre s'attacher plus a peindre les folies
du carnaval & d'autres fujets de cette efpèce j
..ou'a traiter 1'hiftoire en grand 3 mais il s'y livra
'tout entier dans ia fuite.
De retour a Anvers , il y travailla beaucoup ,
& fut adttiis parmi les peintres de cette ville era
1^05. La réputation de Franck Ie jeune ne fut
. bien étabiie quelorfqu'il eut fini un tableau avec
" fes deux yoletSj pour la chap'elle des quatre Cou-
rocnés 3 dans 1'églife de Notre-Dame d'Anvers.
-ocr page 351-
Flamanis , Allcmands & Hollandols. j j 5'
Le fujet eft tiré des adres des apótres. Il traita
depuis d'autres fujecs d'après Tanden Sc le nou-
veau Teftament} & d'après 1'Hiftoire Romaine.
On reproche a ce peintre d'avoir compofé avec
trop peu d'ordre : il avoit d'ailleurs une bonne
couleur , 5c touchoit fes ouvrages avec beaucoup
Je fineffe.
Corn'dlc de Bie dit qu'il eft mort a invers en
1642, & qu'il eft enterréa Saint André.
i
J
-,4. ■*' ;....
.
T
EST j                       ...                                                '
■ \                       * .
-ocr page 352-
.1 E A N
WILDENS
, IN aqtjit a Anvers , on ne fait en quelle
1580. année. Il étoit contemporain de Rubens ^ 8c a>
peu-près du même age.
Wildens faififloit toutes les occafions d'étu-
dier la nature, fur-tout dans les campagnes ou
elle eft plus admirable & plus variée que dans
les villes. Le fpe&acle de la terre & des cieux
fe retrace dans fes tableaux , les rend vrais
Sc intéreflans , enforte que les plus petits
détails occupent 1'cfprit dans fes oumges,
pan
-ocr page 353-
La Vu des Pelntrcs Flamanis, &c.
par la comparaifon continuelle qu'il fait de la na----------"
ture avec fon peintre.                                            1580.
Uu peintre 8c un poëte voient la nature avec
d'autres yeux que Ie vulgaire. Celui-ci l'admire
ftupidement: ceux-la 1'etudicnt & 1'imitent j Ie
premier n'y appercoit qu'un fpeciade uniforme
qui 1'ennuie : les autres y découvrent a chaque
inftant des nouveautés qui les ïnftruiient, ïls trou-
venr toujours a réformer ou a embellir leurs ta-
bleaux fur les ficns.
Les.talens fhpérieursde Wildens lui méritèrent
1'eftime & la conSance de Ru'jens. Celui-ci acca-
blé d'ouvrages fe fervoi: ^é]i du pinceau de van
Uden
j pour peindre Ie fond des tableaux oü il
failoic du payfage. Il fe fcrvit aufii de Wddens
cjui avoit pius de hberré que van Uden dans Ie
grand, & qui favoi:, comme Ie premier j faire
les fond.s harmonieux &c foutenir les accords des
figures. Chaque ton de couleur étoit relatif ou
oppoféjfa touche étoit légere & vagae, &, quand
il Ie falloit, prononcóe & décidée.
C'eft line gro/Iière unpofture q:?e de faire dire
a Wlldens qu'il devoitpartageriagloiredeA'«ie«j,
piyfqu'il ne pouvoit fe pafler de nu poi?r peindre
fes payfages, & d^.jouter encore que Rubens, pour
confondrel'orgueil de notre peintre , après avoir
rracé quelques payfagesj les lui avoit fair voir,
én lui difant qu'il n'étoit qü'un ijTnoranr : mais
Wlldens étoit finccrement attaché a la gloire de
Rubens. Habile payfagille, rien ne lui pouvoic
donner de la jalonfie contre un cu'and pemtre qui
ne peignoir pas dans Ie même genre. Ce furent
Janjfens & Rombouts qui prétendoient que Rubens
avoit befoin d'eux; & c'eft a eux que ce prand
Tomc L
                                      Y
-ocr page 354-
«3 8                la Fïc des Peintres
----------homme tint les propos dont nous venons de 'pat*-
1.580. Ier , comnrte on Ie yoit dans fa vie. W^ildens avoit
tous les talens de fon genre, un génie heurcux
clans Ie choix de la nature, une exécmion facile,
une bonne couleur, une grande légèreté dans les
ciels & les lointains. Il peignoit & deilïnoit bien
la Figure. On a avance -qu'il avoit pemt Ie Por-
trait^maisü ne peignoit des ligures que dans
fes Payfages, & bien fouvent il les faifoit faire
par d'autres peintres.
Ruh&ns adit de Wildens, qu'aucun peintre n'en-
tendoit mieux qae lui i accorder les fonds qu'if
peignoit av«c Ie princip,al fujet, fans détruire 1'har-
moni-e générale, enforte que les ornemens fera-
bloient toujours places par la néceflïté. Deux ta-
bleaus fuftifent pour conftater fon mérite; on les
voit a Anversdans 1'égUfe des Rdigiëufes appel-
léesFackes; 1'un-repréfente la Fuite en Egypte,
& 1'autre Ie Repos de la Vierge. On y voit des
Anges qni paroilTent fervir des rafrakhiiremens.
Ces figures font peintes par Lanjen Jan. Le pay-
fage furpalTetout ceque nous connoilTons de Wil-
dens
, & le? figures paroiflent être peintes par
van Dyck. Ges grands payfages font places dans
la chapelle de S. Jofeph de la même églife. •
-ocr page 355-
Flamands 3 Allemands & HoUandois. 3 j 9
G U E R A R D
P I E T E Pi S ,
ÉLÈVE DE COB.NILLE CONEUSSEïü".
PiETER.s,né a Amftexd mj& frère ducélèbre----------
organifte Jcan Pieters , commen^a a érudier 1'art 1580.
de la peinture fous Jacques Lenards , qui excel-
loic a peindre fur verre d'une maniere facile &
qui Uu étoic particuliere : Lenards avan^a fon
élève au point qu'illui confeilla bientó: de cher-
cher un maïtre plus habiic que lui. Pieters trouva
p^
qui Ie fit enrrec chez Cornille Corneiiffen : il fut
Ie premier élève de ce peinrre , & devint un
de fes meilleurs. Après deux années de rravail,
il étudia encore trois ans a H irlem. Van Mandcf
dit que de fots temps on 1'eft'moir comme un des
plus habiles des Pays-Bas pour peindre Ie nu. II
chérüToit fon talent, & difoit (ouvent qu'il ai-
moit mieux être peïntre qne prince : :1 taut avoir
une haute idee de fon art pour y exce'ler. Il fuc
d'HarlemaAnvers , 5c dela aRome oü il demeu-
ra long-temps. Il retourn.i enfin dans fa patrie , 8c
fe fixa a .Amfterdam. On regrette fort de ne
point avoir de lui de grands tableaux; on ne lui
laifla pas Ie temps d'en faire. Il faifoit Ie por-
trait en perit, des fujets de converfatïon ou des
aflemblées bien finies & d'une yrande vérité. Il
eut pour élève Govarts, bon payfagifte, qui tou-
-ocr page 356-
'5 4* La Vit des Pelntres Flamands, &c.
----------choit bien les petites figures, & qui moiuuc fort
ij8o. jeune.
Pierre Lafiman travailla fous lui. Onignore Ie
temps de la mort de Guerard Pieters.
A D R I E N
STALBEMT,
^i atif d'Anvers, Ie iz juin 1580. Né peintre,
il donna de bonne heure des marques de fon habi-
leté. Son talent étoit de peindre Ie payfage qu'il
ornoit avec de petites figures j & qu'il favoit finir
avec autant de délicateiïe que de gout. Il fut
appellé a la cour d'Angleterre oü il a beaucoup
travaillé. Son talent étoit autant payé que recher-
che j il retourna riche a Anvers 3 011 il peignoit
encore avec la même force a Tage de 80 ans.
A Paris j chez M. Ie comte de Vence, on voit
«n joli payfage avec des figures } par Stalbemt.
-ocr page 357-
J E A N
VAN RAVESTEIN.
Van Man der dit dans la Vie desPeintres,
page 215: «Je ne dois pas oublier Ie peïntre
» Ravefiein , demeurant a la Haye , oü il excelle
» a peindre Ie portrait. » II ne dit rien de plus.
Houbrakentk Wcyermans ne font que répéter les
mêmes termes, & Johan van Gooi (1) nous ap-
prend ce qui fuit r
Ravefiein naquita la Haye environl'an 1580.
(ï).Tokm van Gooi, peinlrehollandois,a publiédeo»
Volumessurla Vie des Peintres,ea 1750 et 1751.
T g
-ocr page 358-
La Vic des Peirares
~
Son maicre eft inconnu : on ne fait a qui il doit fa
ij8o. belle maniere j ayantfurpaflfé tous ceux qui 1'ont
précédé. Son hillorien ne connok depuis lui que
van Dyck , vander Helft, & Covacrt FUnck , qui
aient pu Pégalerou lefutpafltr. Les trois tablcaux
qui déonenr les iallons du jardmde Tarquebufe
a. la Haye j feront roujours des monumens dignes
de notre admitation.
Le premier tableau eft place dans la falle du
Feftin,oü les officiers des bourgeois de la ville
s'affemblcnt. On y voit repreitntés trois capi-
taines & les lieutenans , & uu nombre des prm-
cipanx bourgeois arquebnfiers. Tous ces porcraits
très-rePcmblans parci(Tenc en aclions& mouve-
mens: il a fii cacher les pofictons ferviles. Ce
tableau eft dsté de i(>i<j, les figiires peintss
l'afqa'aa genoa , font de grandeur natu-
relle.
Dans le mêtne appartement il a peint un ta-
bleau de 15 pieds de long : il y a repréfenté les
magiftrars de!?. Hsye, nüis a 1'entonr d'une table
cjnarrée plus lonkte que brgc. Un viei lard rei-
pe<ft?b!c , bourgeois ciiftingné, préfenre une re-
ciutte au majre van Cuillaumt Qutshoom, qui a
1'air de la répenrke. Baveflein s'tfl peint dans le
mêtne taHep'i. Cfi br.nqueï eft entouré par les
officiers des bo'ir^cois. Un vienx mngiftrat pré-
fenre un grand v rreple'.n de vin du Rhin au capi-
taine c!u dr.-i,peau d'ürange. Ce tibleau contieut
vingt-fix ügures de grandeur naturelle, 6c eft date
de i'année tGi'S. Les noms des principaux qui
s*y trouvent peints , font les bourguemeftres
MM. Jacques Cornillcvan W^ouWjJean Quartdaer
& Covaert yanDuirun ; & les échevins,MM Jean
-ocr page 359-
Flamands 3 AUemands & ïïollandois. $43
tirolf, Jacques Dichs, Jean Nohel , Ewaldus
Schrevelfen , Hcari Schuwen,
& Jofeph Dedel;
Ie fecrétaire Philippe Doublet 8c Ie penfionnaire
Pierre van Veen.
Dans Ie troifième tableau place dans Ie même
cndroitj, il a irepréfenté fix officiers du drapeau
blanc.
Dans 1'hótel-de-viïle , il a peint un aatre ta-
bleau repréfentant les magiftrats en charge en
1'année i6$6. lis font aflïs a une table couverte
d'un tapis verd. Quintin de Veer occiipe Ie haut
bout comme maire. Pres de lui j les bourgue-
meftres MM. Nicaife Hanneman, Albert Bofch ,
& Arnold Quartelaeryêc
les échevius, MM. Henri
van Schlitht-Eorjl 3 Conrard Houttuin 3 Cornille
Zoutlantj. Adrien van AJjendeljt, Ewald Brandt
Sc Jacques Sels }
& Ie fecrétaire Philippe Doublet.
RaveRein étoit a la tête des 48, tant peintres
<jue fculpteurs 8c amateurs, oi'i ptéfentèrent leur
requête en 1655, psur ie ftpdrer des peintres ;i
labrofleou barbonilleurs, ceaui leurfuraccordé :
& on vit alor^ les «ais aniftffs iz diftingaer des
finiples oiivriers.
On ne fait rien de plusfet !t» vie de re peintre:
il fut dans» fan tt-mps fort employé au poftr&i'dj
on juge (ut ceux dont nous avons parié ci-cie(Tus,
qu'il avoit routes les parties d un grand maiire.
Ses compofitions font pieines de feu & de juge-
ment: il favoit donncr des poluions agreabies &:
variées : tont parok tn mouvement. L entenaolt
bien la perfpedive aérienne& Ie melange harmo-
nieux dans fes couleurs. Ses. lumièix-s& fes ombres.
font ré^mdues ave^ art. Cetre rlemièrc intelli--
gence fe fait rcm»cc|HBr dans fes onvrages 5 d'une
* 4.
-ocr page 360-
5 44                La Vie des Pèlntres
—-------fa^on a furprendre. Sa couleur eft bonhe, & f*
x j8o. touche lsrge.
Ravefidn eft mort agé, mais on ignore Tannée.
J A N S O N S
VAN KEULEN;
U n tableau pofé a' coté de ceux de RaveJIein y
dans 1'Hótel-de-Ville de la Haye , nous fera
parier de Janfons van Keulen. Ce peintre^ fans
favoir d'ou il eft, ni qui étoit fon malere, a paffe
une partie de fa vie a la cour de Londres, pen-
dant Ie règne du roi Charles I. Tous ies avantages
qu'il put avoir dans ce royaume, n'etnpêchèrent
pas qu'il ne préférat une vie tranquille a celle de
voir un royaume continuellement déthiré inté-
rieuremenr. Il qiutta tout& fut s'étabhra la Haye.
Il fut chargé par Ie magiftrat de cette ville, de
de faire un tableau pareil a ceux de Raveflein y
c'eft-a-dire, qui repréfentat les boMr^it-cnieftres
Sc les échevins de ce temps-Ll : il eft date de
1'année 1647, & compofé de quatorzefigures en
pied , de grandeur naturelle. Ce tableau, quoique
beaiij cède la palroe a. ceux de Raveftein. Un
autre voifin pouc van.Keukn aurojt moins laille
a defïrer au talent de eet artifte , qui avöit d'ail"
leurs du mérite.
- ■                                                                                                                                                                  . ■                                                 ' :
f .                       .         »■"•'
-ocr page 361-
Flamands) Allemands & Hollandois, 345
COENIIIE
VANDER VOORT.
lLeftnéa Anvers, environ 1'an 1580. Il quitta
Ie Brabant & fut s'établir a Ainfterdam , oü il
fut fort recherclié pour peindre Ie portrait. Sa
maniere eft belle : il colorioit avec beaucoup de
fraicheur j & fes portraits reiremblans font en-
core eftimés.
J A C Q U E S
H EUGERS BLOK,
JL)E la ville de Gouda, fut de bonne heure
fe perieótionner en Italië. Il étudia la peinture &
les hautes fciences. Les mathématiques Ie por-
tèrent a peindre l'architefture & des perfpecVives.
Rubens j en voyageant, luirendit plnfieurs vifites.
Il dit tout haut, qu'il n avoit jamais connu parmi
les Flamands, un pelntrc plus f avant a reprcfenter
l'architecture & les perfpeclives.
Il entendoit bien l'architeclure militaire, ce
qui porta Ie roi de Pologne a lui donner une
diredion dans les fortifications. Le crédit de
.B/Wauprès du priixce , donna de la jaloufie aux
-ocr page 362-
La F ie des Peintres
--------- courtifans, qui mediteren: fa peice; il en fut
1580. averti , & obtint fon congé. A peine fiic41 de
retour chez lui, que Ie général Percival Ie choifit
pour fon makre de mathématiquts. L'archiduc
Lcopold fit tant d'inftances, qu'il Tobtint a fon
fervice : il lui donna une penfion conlïdérable; il
J'emmenaavec lui dans touies fes campagnes, &c lui
donna , outre fa penfion , fept (1) fluiuis par jout
pour fa dépenfe \ il ne quitta jamais l'archiduc qui
1'honoroit de fon amicié. Blok a la ccre cie qutl-
quesmakres, pour obferver les fortincations.de
Berg-Saint-V inox , en paifant un petit nulFeau ,
deflus une planche , tomba en bas ae fon cheval
qui avoit fait un faux pas. Tous ies ioms & Lus
regrets de 1'archiduc ne purent lui fauver la vie.
Ii mourut& fut enterrédans 1'égüfe des Jacobias
de la méme ville. vSon hls Ie rempla^a; mais il fut
bleffc peu de temps après, & mourut de fes bief—
fures. Sa veuve retourna dans Ie Brabant avec
une penfion que 1'archiduc hu aflïgna jufqu'a fa
mort.
N I C O L A S
VANDER HECK,
ÉLÈVE DE JEAN NAEGHEL.
Van Mander parle peu de vander Heek.
Boübraken
& Veyermans nous apprennent de cc
bon peintre ce qui fuic.
(i) Eaviron quatorze francs.
-ocr page 363-
j AlUmands & Hollandois. 347
Vander Heek, élève de Jean Naeghel,ett. un ^
des defcendans de Martin Hemskerck. Il étoic ■>
bon peintre d'biftoire & plus grand payfagifte. On
voit a la maifon de ville d'Alcmaeï, dans la
chambre des échevins , trois beaux tableaux de
lui. Le premier repréfente Ie Jugement de mort
pronoiué contre lt bailiï de Zu^t-Holland , qui
fut décollé pour ayoir volé une vache a un payfan.
Cette extLUtion fut ordonnée par le comte Guil-
lavme III,
furnommé U Bon, Le fecond eft le
JuguTient terrible du roi Cambyfe •, & le troi-
ficme repréfente le Jugement de Salomon. ^
II a fait plufieurs autres tableaux d'hiftoire &
de très-beaux payfages. Sa maniere de compofer
ef' grande & lavante; il colorioit bien, Sc enten-
do it le clair-obfeur. Il eft un de ceux qui contri-
buèrent a é'ever un e fociété de peintres dans la ville
d'A lcmaer en 16 31. On ne fait oü il eft mort, ni
en quelle année.
D E O D A E T
D E L M O N T
JNaquit a S. Tron en 1581 , d'une familie
noble, qui lui donna dans fa jeuneiTe 1'éducation , g.
néceflaire a fa condition. Oiure les langues qu'il
pofTédoit, il étoit grand géomètre & bon aftro-
nome. ( De Bie pretend qu'il avoit 1'art de pré-
dire , & qu'il avok annonce Tannée de fa more
Sc long-temps avant. )
-ocr page 364-
£ V des Peintres
Je pafTe légèiement fur ce qu'il dir a cette
occafionj pour rappeller les honneurs que foii
beau génie tui a attirés. Il avoit pafTé beaucoup
de temps a la cour du duc de Neubourg & avoic
été dans fa jeunefTe , chargé de quelques commif-
fïons du roi d'Efpagne , en quahcé d'ingénieurj
il fut confidéré de ces deux puifTances, il en re^ut
plufieurs gratifications & d'autres récompenfes
nonorables.
Aniiintime de Rubens, il devint fon élcve Sc
compagnon de voyage dans toute 1'Itaiie. Tant
de talens, un bon guide & 1'amouf de la peinture
lui ont danslafuite acquis Ie nom de bon peintre.
Plufieurs belles produclions de fa main font
répandues dans toas ies pays.
On voit de lui trois beaux tableaux dans la viüe
d'Anvers: uh tableau d'autcl chez les religieufes
appeüées Facons} lequel repréfente l'Adoratioh
des Rois. L'autre eft la TransfiguratK>n de notre
Seigneur, dans Péglife de None Dame; & Ie
troiiième orne i'églife des Jéfuices: c'eft notre
Seigneur qui porre fa Croix.
Ce peintre mourut a Anvers Ie 25 novembre
1634, forc regferté poar fes belles qualités Sc fa
douceurdans la focieté.
Sa coippofition eft noble 8c élevée , fon delliti
correct, fa couleur & fa touche fort belles. Il a
mérité les éloges de Rulens qui fuffifent bien pouE
mériter Ie notre.
.......                                (
-ocr page 365-
Flamands ^Allcmands & Hollandois. 349
DAVID TENïEPlS
L E VIEUX,
E L È V E DE RÜBENS,
JNaquit dans la ville d'Anve^s en 1'annpc
15S1. Le choix qu'il rit de prendre Bakens pour
ïrsaïcre, lui a réufll : il refta dans cette grande
école, jufqu'au temps qu'il fe crut en état de
voyager. 11 alla direclement a Home , oii il fit
coanoiiïance avec hl^hchncr. La maniere de ce
peintre lui plut, 8c fans abandonner le grand, il
peignoit le peut qu'il adopcadans la fuite. Il de-
meura dix :.;\s dans Rosne avec Efyhcimer, com-
ponint & imitanc coutöï les difierentes manières.
De retour chczlui, il hc plufieurs tableaax en
grand, & d'autres dans le gpdt d'EI-{heanerj niais
en plus petit; il repréfentok des Fètes de Flan-
dres, qu'il traitoit avec efprit, des eftaminées de
Buvenrs, des Chymifl.es: ce hirent les fujets qu'il
aimoica peindre. Il ïTioarut a invers en KJ49.
Ses tableaux foncvpleins d'efprit, & plurent
beaucoup , parnculièrement a fes deux fllsj
David Sc Abraham} qui ontfuivi la méme ma-
nière , avec cette difFérence, que David Yj. fur-
pafle.
Nous avons en France plufieurs tableaux de
Teniers le père. M. da Gaignat a Paris, pofsède
une Noce de vülage; c'eft le plus capita] de ce
peintre.
-ocr page 366-
--
GASPARD
DE CRAYER.
ELÈVE DE RAPHAEL COXCIE.
- DeCrayer naquita Anvers en 158*. Onne
Ij8i. fait pas précifément s'il commen^a la peinture
dans cetteville, mais on cft cerraip qu'il a tra-
vaillé fous Raphaël Coxcie 1 Bruxelles. Ce jeune
artifte donna des marques certaines de la beauté
de fon génie, en furpaffant fon maitre, avatic
-ocr page 367-
la VkdcsVimtrts Tlamands, 6c, 551
même de Ie quitter. Sans forrii- de Bruxelles , il "
fit un choix des plus beaux tableaux expofés en
public j & prenant avec eux la nature pour guide,
ü forma fa belle maniere. Crayerfous on mairre
médiocre& prefoue dénuc c!e iccours étiungersj
nelaifla poincde briller aveele plus grand fuccèsj.
ce qui nous proiive eju'une étude réflichic & un»
prarique conftante , peur dans un génie heureux
ïemplacer routes ces ïeilources.
Crayer fut chargé de peindre qnelqnes grands
tableaux, qui portèrenc fon nom jufqu'd la cour
de lirnxeües. Il y fit quelques portraits qui lui
procurètent la cohhance du cardinal Fcrdwand,
qui fe fit peindre par lui. Ce beau portrait en
pied & de grandeur de nature, fut envoyé au roi
d'Efpagne, frère de fon éminence. Touie la cour
loua cc tableau , fk Ie roi envoya an peintre uns-
chp.Jne & une medaille d'or, avec uneforte pen-
fion. La fbrtunefut des plus favovablesa ce peintre:
on ne parloit que de lui : Rubens fit hii-même Ie
voyage d'Anvers pour voir notre artiftej &en Ie
voyanr faire ce beau tableau du réfedoire de 1'ab-
baye d'Arïïeghem , il dit toi.it haut«: Crayer,
Crayer, perfonnc ne vousfurpajjera. Cec éloge judi-
cieux étoitfenl capable de ramenet rous les fuf-
frages en fa faveur. On'chercha dans Bruxelles a
nrrêter ce grand homme pour toujours, 8c on Ie
décora d'ur e charge honorablc-Cemoyenfi propre
a fixér tout autre, eut un effet contraire chez lui:
a mefuie que 1'on cherchoit a Ie combler d'hon-
nenrs, il croyoir devoir refufer tous ceux qu'i! ae
tiroit pas de fon propre talent j & pour 1'angmen-
ter, il fe déroba au grand monde, qui lui faifoit
perdre Ie plus précieux de fon temps. Sans rien
-ocr page 368-
351            La Vu des Peïntres
---------dire a perfonne, excepté a fon ami & fon élève
1582. Jean van Cleef, il fit louer une maifon fpacieufe
a Gand j ou il fe retira abandonnant la cour 8c
1'emploi donc on 1'avoit gratifié : il tronvoit,
difoit-il, dans ce repos, 1111 bien dont il n'avoit
joui depuis long-temps.
A peine fuc-il en état de travailler, qu'il s'ap-
per$ut qu'il s'étok bien dérobé a la vie tumul-
tueufe, mais que fon éloignement n'avoit rien
diminué de 1'éclat de fon uom. La ville de
Bruxelles lui demanda beaucoup de tableaus, &
celle de Gand feule eut tont de fuite de fa main
vingt-un grands tableaux d'autcl: c'eft dans cette
ville oü il a Ie plus travaillé. Toutes celles de la
Flandre &: du Brabant occupèrent fon ptneeau.
Le.nombre d'ouvrages qu'il a("ai:s eftprodigieux.
Voi( i ce qui arriva a de Cray er pendant fa de-
meure a. Gand.
Van Dyck, dans Ie premier voyage qu'il fit en
Flandres , pendant fon féjour en Angleterre 3
pafla par Gand pour y vifiter fon ami de Crayer,
Sc
voir en même remps les progrès de fon talent
& de fa fqrtune. Dès Ie lendemain de fon arrivée
il fat chez^e Cray er, & pour ne Ie. pas manquer,
il etit envie de Ie furprendre au Ut; comme il étcit
très-matin , Ie domeftique ne voulut point éreiller
fon maïtre. Van Dyck infiita, & for^a Ie valet
d'aller avertir notre peintre que van Dyck étoit a
Gand, & qu'il 1'attendoit a faporte.Ce nom frap-
f&dc Crayerj qui faura dulit ,& un bras feulement
dans fa robe de chambre, il courut au devant
de van Dyck, qui éclata de rire de Ie voir dans
un il plaifant déshabillé : Je veuXj dit-il, vous
peindre.
.
-ocr page 369-
Flamands , Alkmands & Hollandols. $ 5 j
peindre dans cedéfordreficonvenableauxartiftes
quand il eft arrangé avec gout; il lui tint parole ,
maïs cependant dans un habillement decent. C'eft
d'aprcs Ie portrait qu'il en fit que nous avons pris
celuiqui fevoit ia,lequel tientun rang diftingué
parmi ceux des grands artiftes que van Dyck a
ïmmoi tailles par fon pinceau.
De Cray er travailla fans relache; fa vie réglée lui
procura une longue vieiileffe , pendant laquellefon
pinceau fe foutint avec toute la force qu'il avoit
dans fon age ie pias floiiiïant: c'cft ce qu'on voit
avec admiration dans Ie Martyre de S. Blaife fait
a §6 ansjil neputl'achever, puifqu'ilmourut Ie 27
janvier 1669 j & eft enterré dans la chapelle de
Saiure Iloole aux dominicains, 011 eft fon dernier
tableau qui fut fini a la fin de 166S. On croit que
ce peintre a toujours vécu dans Ie célibat. 11 avoic
avec lui une fcEur:onne fait (1 elle lui a furvécu.
On comparele mérite de de Cray er a celui des plus
habiles FJamands.il avoit moins de feu queRubens,
mxis fon dellin eft quelquefois plus correcl. Ses
compofitions font fages & d'un pttic nombre de
figures ; il évitoitles détails fuperflusj & ne s'at-
tachoit qu'aux grandes parues qu'il finifloit routes
avec ie plus ^rand foin. Il grouppoit fes figures
avec art j & les expreffionsont toute la vénté de
Ja nature; fes draperies font variées & pliées avec
fïmplické. Quant a la couleur , il pofledoit cette
partie de la peinture très-bien, Sc fur-tout d avoic
une fonte de couleur admirable. Il eft de tous les
peintres celui que 1'on peut comparer a van Dyck.
Ses tableaux d'hiftoire ont Ie fini & la fonte des
portraits de ce grand peintre, & fon éloge ne peut
ctre miaix coiiltaté que par la difticuité que Ton
Tome 1.
                                          Z
-ocr page 370-
J54                  La Vïc des Peïntres
.----------a qtielquefois adiftmguer ces devix maïtres , parti-
i f82 culièrement dansqiieiqiies portraits qnede Cray er
a faits avec Ie plus grand fuccès, quoique foti
principal talent fut de peindre des fujets faints.
Nous allons mdiquer quelques-uns de fes ouvrages.
Nous avons de liii dans la cathédrale de Samc
Bavon a Gand, la Décollation de S. Jean-Baptifte,
tableau d'autel dans une croifée pres du Jubcj
Sainte Barbe, tableau d'autel dans la chapcile
de cette.Sainte; Job fur ie fumier. tableau dans la
mênie chapelle ■, rAflbinption , tableau döi'autel
delaVierge; & Saint Macaire , tableau d'autel.
Dans 1'églife patoifliale de S. Michel, la Def-
cente du S. Efpritj tableau d'autel de la cha-
pelle des pauvres. Sanite C:\therine enlevée au
ciel j tableau d'une nnagmation iingulière &
d'une grande beauté , dans la chapelle de cettc
Sainte.
Dans 1'églife des Jéfuites, une Defcente de
Croix , tableau du grand autel: dans quelques
jours de 1'année on 1'óte de fa place pour y en
mettre un de Rubens , qui repréfente Ie Martyre
de S. Lievin, La Rifurrection de notre Seigneurj
tableau d'autel des irères de la charité: de Crayer
avoit fait ce tableau pour être place au-deiïus de
fon épitaphe , mais ces religieux en firent l'ac-
quifition après fa mort. C'eft un des plus beaux
tableaux qu'il aitpeints \ il s'y eft repcéfenté fous
Ia flgure d'un garde.
Dans Tégüfe des Auguftins,le couronnement
<le plufieurs Saints, tableau d'autel a 1'entrée du
clioeur. Saint Nicolss de Tolentin diftnBuaiit
les pains-benits aux pauvres & aux maladcs ,
tableau d'autel-
_1
-ocr page 371-
Flamands, Allanands & "Bollandois. 355
Dans 1'églife des Carmes , trois tableaux en
ovale places au-defïus de la potte; 1'un repré-
fente S. Simon Stock qui recoit Ie fcapulaire de
la Sainte Vierge; 1'autie , les Ames délivrées du
purgatoire par Ie fcapulaire j & Ie troifième j Ie
pape qui coniirme ï'mrciuition du fcapulaire.
Dans 1'églife paroiffiale de S. Jacques, la Sainte-
Trinité, tableau d'autel 5 on voit au bas de ce
tableau Ie rachat des captifs chrétiens. Dans la
chapelle des douleurs , la Sainte Vierge dans Ie
ciel , qui intercède pour les pauvres infirmes
repréfentés au bas du tableau. Ce grouppe eft bien
diftnbué ; 011 y voit des boueux, des aveuglesj
des paralytiques, des peftiférés, &c. Les caraclè-
res y font parfaitement bien rendus.
Dans 1'éghfe paroiiliale de Notre-Dame fur
Ackerghem , plufieurs beaux tableaux. En la
chapelle de Sainte Croix, Ie Crucifiement du Sei-
gneur, tableau d'autel. Une Mater dolorofa fou-
tenue par des Anges: la mère de Dieu y efc repié-
fentée dans un abattement de d<juleur _, dont 1'ex
preflion efï frappante ; au haut du tableau _, on
voit une Gloire de chérubins.Le tableau du grand
auteldans la même éghfe j repréfente la réfuc-
redrion
de notrc Seigneur ; les gardes & les fol-
dats au bas du tableau font un effet admirable.
Dans 1'églife paroiffiale de Norre-Dame, fur la
montagne de S. Pierre j on voic derriére Ie grand
aurel 3 un tableau qui repréfente l'Afcenfion.
Dans une chambredejunfdidiondeGand , on
voit un grand tableau qui repréfente Ie Juge-
ment de Salomon.Il eft p!acé fur une cheminée.
Dans Ie réfe&oire de 1'abbaye d'Afflegliem fe
voit un
tableau qui tienc toute la largeur du
Z x
:
-ocr page 372-
i 5 6                   La Vie des Peintres
ba,timent;ilr«préfeate leCencenierquidefcendde
cheval pour fe profterner aux pieds de Jéfus-
ChrÜl: cJe(l ce tableau que j'aidéja dit avoir méri-
té les éloges de Rubens. La multitude du peuple
Dealtere nullement 1'accord de ce tableau.
Daas lamême abbaye un autre tableau repré-
sentant un fujec tiré de la vie de S. Benoit :
1'efquifle de ce beau tableau eft dans la maifoa
de défunt N. van Sufter.
A Courtrai, dans 1'éghfe de Notre-Dame 3 un
tableau de la Sainte Trinité, & un autre repré-
fèntant Ie Martyre de Sainte Catherine. Ces deux
tableaux étoient deftinés a van Dyck. On verra
dans fa vie ce qui 1'empêcha de les faire.
Dans Péglife des capucins de Bruges on voit
Ie tableau du grand autel j ou les Juifs diefTent
la croix fur laqueile notre Seigneur eil attaché!
Dans la chapeile de S. Nicolas unc belle Def-
cente de Croix.
Les amateurs de la ville de Gand confervenc
avec eftime beaucoup d'autres tableaux de de
Crayer.
Le nombre en eft très-grand , fans ceux
que pofsèdent les autres villes de la Flandre.
-ocr page 373-
Flamands, Alkmands & llollandois.
H E N R I
VANDER BORGT,
E t E V E
DE GILLES VAN VALKENBORG,
Jl, s t né a Bmxelles en 1583. Les troubles--------
de la guerre obligèrent fon père Sc fa mère 1385.
a fuir & a ie retirer en Allemagne. Hcnri avoit
a peme trois ans.
Dès qu'il commenca a penfer , -il chercha ^
deffiuer. Sur cette envie, lepere Ie placa chcz
Gilles van Jralkenborg, oiti il avanca au pomt
qu'il fut bientóc en état de voyager. 11 refta plu—
fieurs antiées a Rome a étudier les ouvrages Hes
grands maïtres. En quittant ITtalie il voyagea
par toute 1'AUemagnc, & s'établit a Frankenaal,
& en 162.7 il vint fe fixer a Francfbrt fur Ie
Mcin.
S'il avoit la réputatien de bon pcintre3 il avoit
cncore celle du plus favant antiquaice de fon
tefnps. On Ie confultöit fur toutcs les fingulari-
tés , & fouvent il a donné fon jugement iur de3
antiquités Grecques & Romaines, qui embar-
rafloient les favans de fcn temps. Le comte
d'Arondd avoit pour lui uae üngulière eftime t
ainfi que les favans i\nglois.
On nefak oü il eftmortni en qticl temps.
Z
-ocr page 374-
5 5 •>                      La Fïe des Pe'mtres
J A C Q U E S
WOUTERS VOSMEER,
.———. JU E l'ancienne familie des Vofmetr 3 eft ns
1784- •*■ Delfc environ 1584. Dans les commence-
mens il peignoir Ie payfage _, & fut en Italië
exercer fon pinceau.Il y changea de gout, & quicca
Ie payfage ponr peindre des flcurs & des fruits.
Il retourna aDelfcen i£>o8,ao;éde pres de z^ans,
&décoréj<juoique jeune j du nom de bonpeintre.
Ses tableaux font eftimés & pleins de mérite.
Il moururdans ce"te ville 3 major des bourgeoisy
en 1641.
PIERRE yALKS
JN aquit en 1584 dans la ville de Lewarde j
en Frife. Son père étoit orfévre , & vit avec
plaifir fon fils fe porter a la peincure. L'envie
d'être peintre lui fervic de maicre. Il étudia >
de lui-même , d'après les ouvrages & Abraham
Bloemaert.
Il s'apper^ut enfuite qu'il lui falloit
plus d'un guide. Déja en état de faire choix des
plus belles parties , il ne lui manquoit que les
beaux onginaux.
                                           *
II parcourut Tltalie jufqu'a Rome, oü II pafla
plufieurs annces a fe perfeélionner d'après 1'an j
tique & les grands maicres.
-ocr page 375-
Flamands j Allemands & Hollartdoïs. 559
De retour chez lui, oü il s'employa a pein-
dre 1'hiftoire & Ie payfage , il y acquit de la
réputation , ainfi que dans Ie portrait.
11 décora la cour des princes a Lewarde ; on
y voit encore la plus grande partie de fes portraits,
tableaux d'hiftoire & payfages.
Il s'étoit mané peu après fon retour de Rome ,
& eut deux fils dont un fut peintre. Ces deux
frères voyagèrent enfemble en Italië , oü ils
furent malheureufetnent vendu» par un Génois
qui, ayant promis de les paffer d'un endroit a un
autre, les livra pour une iomme aux Ccrfaires
de Barbaiïe , d'oü ils ne font jamais revenus.
i
z4
-ocr page 376-
FR A N .Q O I S
HAL
S.
GE grand peintre de portrait naquit en 1584,
dans la ville de Maiines. On ne fait prefque
rien de particulier de ce maitre.
Van Dyck a fürpafTé Francois Hals a peindre
Ie portrait; mais peu d'autres* 1'ont égalé. Loif-
que van Dyck fut déterminé a paflTer en Angle-
terre , ij fut expres a Harlem pour y voir
Hals. Inutilement fuc-il fouvent chez lui ; il
étoic les trois quarts de fa vie au cabaret.
Le peintre denvers lui fit dire que quel-
-ocr page 377-
la Vu des T'tintres Flamands, &c.
qu'un 1'attendoit chez lui , pour fe faire -
peindre. Dès que Hals fut arnvé , van Dyck
lui dit qu'il étoit étranger ,• qu'il vouloit fon
f)ortrait _, mals qu'il n'avoit que deux heines a
ui donner.
Hals prit la première toile venne,
arrangea fa palette affez mal , & cemmenea a.
peindr»: peu de temps après il dit a van Dyck
qu'il Ie pnoit de fc lever, pour voir ce qu'il avoit
fait; Ie modèle patut fort centent de la copie,
& après avoir caufé fur des chofes mdWtérentes,
van Dyck lui dit que la peincute lui paroifioit
a(fez aifée , & qu'il vouloit a fon tour effayer.
Il pric une autre toile, & pria Hals defe mettre
a la place qu'il venoit de quitter. Celui-ci, quoique
furpris ne tarda pas a s'appercevoir qu'il avoit
affaire a quelqu'un qui connoifloit la palette & fon
ufage. peu de temsaprès, van Dyck Ie pria de fe
lever a fon tour. Quelle fut fa fürprife! Vous êtes
van Dyck _, s'écria-r-il en 1'embraffant; il n'y a
que lui qui peut fiiire ce que vous avez fait.
Van Dyck voulnt 1'engager a Ie fuivre en ^n-
gleterre ; il lui promit une forrune bien au-deflus.
de Ion état, qui étoit affez miférable ; il ne put
rien gagner.Abruti parle vin_, Hals réponditqu'il
étoit heureux
, & qu'il nedéfiroit pas un meilleur
forr.
lis fefcparèrent avec regret. Van Dyck fit enle-
vcr fon portrait que Hals venoit de faire , après
avoir répandu dans les mams des enfahs du
peintre quelques f^uinces , que lepere prit a fon
•rour , pour les répandre dans lesguinguettes. Hals
peignoit Ie portrnit d'une grande refTetrjbi.ince.,
Sc d'une belle maniere , pleine d'art. Il ébau-
chou fes portraits avec précifiou 3 fes cóuleurs
. _
-ocr page 378-
3 6-                La Vie des Peintres
étoient mêlées cendrement: mais avec un pinceau
hardi ilfavoit leur donnerde la force. Il en fiifoit
de méme pour les lumières ,& difoir a ceux qui
lui demandoienc raifon de cetce prariquej c'eft
que je travaille pour mon nom. Le maitredoic
cacher 1'ouvrage fervile& pinible de lJexa6ütude
que demande Ie portrait.
                         .
Van Dyck répctok fouvent que /fa/jauroitété
Ie plus grand penitre de portraits, s'ilavoitpu
rendre fa^oulenr plus tendre. Il ne connoiilbit,
dlj ali
                   l ïdf i
Auffi fes tableaux onc-ils une grande force,
fes porcraits une vive expreffion : ces derniers
font en grand nombre, & fur-tout dans les villes
d'Harlem & de Delft. Dans cetre dernière il y
a un tableau au Mail, oüfont repréféntésenpied
les principaux de cette compagnie, (1) clegratv-
deur naturelle. La vie efl: répandue dans chaque
figure.
Son frcre Dirck ( 011 Thierry ) Hals , peignoir
fort bien des converfations èc des animaux en
petit. Il mourut avant 1'autre en 1656.
Francois mourut agé de pres de 80 ans, Ie
20 aoüt 1666.. Il laifTa plufieurs enfans qui ont
tousété peintres ou muficiens, & dat vécu com-
me Ie père.
Ses principaux élèves , font Adritn Brauwer ,
Thierry van Balen , Sec. M. Ie Comce de Vence pof-
fède un tableau de Hals ■ c'eft un fou qui nent
une marotte.
(1) La Hollande et la Flandre sont remplies do
toutes sortes de sociétés, sous Ie nom de compagnies:
ils ont des statuts et dps règlemens comme une troupij
militaire. Cello du Mail est sur Ie mème pied que
1'Arbalête, 1'Arc et 1'Arquebuse. Los salles oü iis
s'assemblcnt se nomment Butes.
-ocr page 379-
Flamands j Allemands & TloIIandois. 3 63
GU1LLAUME
NIEULANT,
ELEVE DE ROLAND SAVERY,
JN aquit dans la ville d'Anvers- en 1584.----------
lls'engagea de boime heure avec Roland Savery 1584.
poiir apprendie la pêititure. Capable de pro-
duire de liu-même, il voyagea en Italië, Sc
demeura trois ans a Rome avee Paul Bril. On
voir quelques-uns de fes ouvrages dans la ma-
niere de ce dernier maïtre ; mais il la changea ,
Iorfqu'il fat de retour en Hollands & fe fixa a
Amfterdam , oü fes ouvrages lui ont acquis 1'ef-
time des connoifTeurs. Ses tableaux rcpréfentent
des Arcs de tnomphe , des Ruines , des Bains ,
des Maufolées. Tout cc que Ie temps a épargné
des anciens monumens, faifoit fon étude. Il gra-
voit aufli au burin Sc a l'e,au-fotte. Plufieurs de
fes compofitions font gravées de fa mam ; & 011
eftime fes deilins qu il faifoit ' avec beaucoup
d'intelligence Sc defineffe: il étoit aufli bon poëte.
Il mourina Auifterdam en KJ3 5 , agé de j 1 ans.
-ocr page 380-
164 La. V'ie dis Peintres F lamanis, &c2
f ILLEM(GUILLAÜME)
VAN VLIET,
——-----D E 1'ancienne 8c noble familie de Vander
IJ04. Poort, naquit a Delft en 1584. Il avoit mie
grande maniere de peindre. Sa touche étoic fer-
me & facile. Dans fon premier remps il peignsïc
l'hiftoire , & finit par Ie portraitou il réuffit.
Il mourut agé de 58 ans, en 1642.
HENRI VAN VLIET,
ELEVE DEGUILLAUME VLIET,
i4 u t long-temps fous la conduite de fon oncle
Gidllaume Vliet : il peignoit rhiftoire , des
clairs de lune & des perfpeftives. Ilfemit, a
I imitation de fon oncle, a faire Ie portrait; il fe
perfedionna dans cegenre , foas Ie célcbre Mire-
velt.
Ses portraitsfont bonsj mais, au-lieu de faire
des perfpecflives, des dedam d'églifes qu'il ornoit
ds joüesfiguresdansle gout d''Emmanuel de Wit,
1'intérêt 1'engagea a nous laifler des portraits
communs, au-lieu des excellens tableaux qnt au-
roient mérité des places diftinguées dans les
cabinets des criiieux.
-ocr page 381-
CORNILLE
POELENBURG
JNaqhit a Utrecht en 1586, & commenga la
peinture fous Abraham Bloemaert _, qu'il quitta
pour voyager en Italië. Arnvé a Rome, il s'at»
tacha d'abord a h ma.nïtved'E/^keimer qui lui pluc
beaucoup, & enfuite a ceJle de Raphcel qui fé-
duifoit Ie jeune peintre par fa douceur & fts gra-
ces: il a étudié dans ce grand maitrequelques par-
lies j mais il a négligé la principale , qui pft Ie
dettixi, Sc oui rendroit fes ouvrages plus précieux.
1586.
-ocr page 382-
La Vicdes Peintres
_J_____. Ses tableaux plurent aux R.omains. Il en fiV
„, quelques-uns pourdes cardmaux o ui pnrent plai-
i j06. / v /              r- j ti r c                        ■ -
J lir a Ie voir peindre. 11 Ie rorma une maniere ten-
dre, & s'attachmt a imiter la nature, ii Timita
roujonrs agréablement \ il fut aufll Ie pemtre Ie
plus laborieux de fon temps.
Il quitca avec peine 1'Itahe pour retonmer a
Utrecht , & il parfa par Florence oü Ie Grand-
duc lui lït beauco'ip de careiïes, & voulut Ie re-
tenir \ mais il ne put jamais 1'arrêter. Il lui fit
peindre plufieurs tableaux , après qtioi Vodenburg
retourna chez lui, honoré de 1'eftime des Italiens.
Arrivé a Utrecht , fes ouvrages en petit lui
ürent bsaucoup d'honneur: tous les connoifleurs Ie
loirèrent. Rubens, dans Ie voyagequ'il fit en Flan-
dres , refta quelque temps chez Poclenburg. Non
feixlement il accorda fon eflime aux tableaux de
ce peintre , mais il lui en fit f <ire plufieurs dont
il oma fon cabinet. L'eftime de Rubens achève
1'éloge de Poelenburg.
CharlesI, roi d'Angleterre, appella eet artifte
a fa cour , & 1'ernploya a peindre plufieurs ta-
bleaux qu'il paya fort cher. Il voulut même 1'at-
tacher afon fervice. Po denburg y auroitjoui d'une
aufli grande forrune que van Dyck qui y fixoit
fon féjour, maisl'exemple de ce peintre ne Ie tenta
point : il préféra fa patrie a une cour étrangère :
il retourna a Utrecht oü il jouit d'une fortune qui
ne dimiuua point, puifqu'il pcignit jufqu'au der-
nier jour de fa vie. Il mourut en 1660 , agé de
74 ans.
La maniere de Poelenburg efl: fuave Sc légere :
la nature eftrepréfentée dans tout ce qu'il a peint j
tou: yetï vagueSc raiïde pea de travail.Ses malles
-ocr page 383-
F lam ands, Al Iemands & Hollandois.
font
larges : il aimoit a. retoucher fes ouvrages ,.
lorfqu'ils étoient faits. Untravail
léger les fimiioit.
Ufavoit choillr des lointains agiéabics qu'il tm-
bellillbic de petits édiiices lïtués aux environs de
Rome. Ses fonds fur ledevant fourenoient 1'har-
monie de fes tableaux: )1 entendoit bien Ie clair-
obfcur jles petitesfigures
qu'il faifoit fouvent nues
font bien colonées; ü fe piaifojc fur-tout a. peindre
des femmes. Sa touche étoit pleine d'efprit, mais
Ie deflin en elt rarement correct; il lui manquoic
en ce genre cette finefTe qu il avoit dans Ie pinceaii.
Il y a de joiis payfagesde Poelenburg , dont les
figures & les animaux ne font pas de lui. Plufieurs'
ptintres en güc fait , particuhèrement Berghcm:
A y en
a deux clans Ie cabinet de M. Ie comtc
de Vencc a Paris , dans 1'un defquels les animaux
& les figures font peiots par Berghcm.
Jacques Mcyers , négociant a Roterdam , avoit
une belle collecïion de ce peintre. Weyennans dit
qu il avoit un pent cabinet tout rempii des ou-
vrages du méme auteur.
On eftim^, comme Ie plus beau de fes ta.-
bleatix,laNaiiTauce
de Notre Seigneur,dans Ie
cabinet de M. Grenier , a Micldelbourg.
Ses tableaux en pent font les plus recherches:
Ie nombreen eft confidérable. On ne doit cepen-
dant pas les confondre avec ceux de (es élèvcs
<]Ui ont imité fa manier?.
Poelenburg a gravé a 1'eau-forte avec bien du
fuccès, maïs les épreuves en font plus rares que
fes tableaux : ceux-ci fe trouveiit dans les cabi-
netsles mieux choiiis.
Le roi de France pofsède quatre tableaux de
cepeincrej deux vues du Campo Vacciano ,
-ocr page 384-
3 <5"S                  La Vit des Peintres
une Diane au bain 3 Sc Ie Martyre de Saint
Etienne.
Dans Ie cabinec du duc d'Orléans, il y a quatre
tableaux du tnêrae. Céphale & Procris: un Pay-
fage avec dei ruines d'architedfcure: un autre
Payfage avec des Vaches, & un avec des Nym-
phes ik des Faunes. Chez M. de la Bouxière, eft
un Bain de Diane , 1c fxmd eft un payfage très-
fini. Chez M. Pafquier, une Diane au bain avec
fes nytnphes, «Sc une Fuite en Egypte. M. Blondd
de Gagny
a cmq tableaux de Poelenburg des plus
finis: 1'un eft Loc & fes iiilesj lesautres^ Dian;
revenanc de la chalFe , &c cette DéefFe endormie
dans une caverne, entouréede fes nympnes: deux
aurres pecics Payfages avec figures. Dans Ie ca-
biiiec deM. de Jullienne, on trouve deux petits
tableaax de Poelenburg avec figures. M. d'Argen-
vïüe
a dans fa colleclion cinq tableaux du mêtne,
parmi lefquels on voit une Sainte Familie & des
Nymphes qui fe baignent. Et chez M. Ie Noir,
il y aauili de notce peintre deux petits tableaux
très-finis : on y trouve Payfage , Architecture,
Figures & Animaux.
A DufTeldorp, chez l'életteur palatin, on voit
deux rableaux du mêvne fujet : la Naiflance de
notre Seigneur, Lot & fes filles : maïs un des
ouvrages de notre aniftedes plus dignes d'admi-
ration, eft Ie tableau de la Familie electorale de
Frédérïc V.
DIRK
-ocr page 385-
F lamanis s Allemanis & Hoiïandois.
DIRK-THÉODORE-RAPHAEL
KAMPHUIZEN,
ELEVE DE THIERE.YGOVERTZ.
JLL étoit né dans la ville de Gorkum en 1586:
fon père, Raphael Kamphuizen , d'une familie
noble , pafloit dans fon temps pour un des plus
célèbres chirurgiens. Il eut Ie malheur de perdre
fa mère a l'age de 8 ans & fon père peu de temps
après. Son état dépendoit de fon frère.ainé, auffi
chirurgien, qui avoit prls la tnaifon de fon père,
&qiu appercut quelqnes difpofitions pour la pem-
ture dans fon cadet : il Ie placa chez Thierry
Goverts
, bon peintre, qu'il égala bientot Sc
furpafla dans la fuite.
Son talent étoit de peindre des Pay fages en petit,
avecdes mafures, des écuries, des peutes figures,
chevaux, vaches, &c. qu'il touchoit tous avec
, bien de 1'intelligence. houbraken } qui a écrit fa
vie, a vu de fes ouvrages, qu'il loue beaucoup.
Ayant exercé la peinture jufqu'a l'age de 18
ans, il fut confeillé par fes amis de s'adonner aux
fciences : il apprit plufieurs langues favantes &
la théologie, oü 1'efprit de parti Ie détermina a
être prédicateur : il faifoit par fon éloquence
beaucoup de profélytes. A la fin , pourfuivi par
toutes les autres fecles,il fut fugitif& errant, on
ne fait point fa mort. Il eut un fils j aufli peintre,
mais qui n'a pas fait grand bruit.
Torn e I.                                        Aa
-ocr page 386-
3 7°               La Vie des Peintres
g e o r g e s
VAN SCHOOTEN,
ELEYE DE KOENE.AET VANDER. MAES.
IL étoit né a Leyden «11587. La nature ex-
15S7. cita en lui 3 dès fa jeuneffe, l'amour de la
peincure : Ie papier fur lequel il apprenoit a
écrire , refTembloit plutöt a celui d'un élève deffi-
nateur , qu'a celui d'un apprentif écrivain. Les
menaces & les reprimandes ne fervirent quJa lui
faire tracer un peu plus de lettres que defigures.,
Sc peut-être a augmenter en lui l'amour de 1'ait
pour lequel il étoit né.
Un des amis de fon père, amateur des beaux
arts, obnnt de Ie faire entrer chez un peintre: il
fut place , a l'age de 14 ans, chez Kocnraet vander
Maes
qui excelloit dans leportrait. Il fit entrois
années des portraits furprenans pour fon age &
pour Ie peu de temps qu'üy employoit. Deux ou
trois ans après ,1'envie de voir 1'Italie & 1'AUe-
magne lui fit tout quitter \ mais fes parens trou-
vèrent Ie moyen de 1'anéter en Ie mariant. Il a
toujours refté a Leyden, oü les tableaux d'hiftoire
& Ie portrait ont occupé alternativement fonpin-
ceau. On y voit encore de fes poïtraits chez
quelques particuliers', & on trouve dans les butes
ou falles publiques, des compofitions ingénieufes
dp eet artifte.
-ocr page 387-
Flamcnls 3 Allemands & Hollandois. 371
HENRI
TERBRUGGEN,
ELEVE D'ABRAHAM BLOEMAERT,
^
5
Sc de Bie fe font trompés fur fon nom & Ie ijSS-
lieu de fa naiflance , qu'ils difent être Utrecht. Je
ne fais a quoi atttibuer Terreur du nom^ ils 1'ap-
pellent Verbruggen-^ maispourcelledefanaiflance,
ce qui aura pu y donner lieu , c'efl que Ie père de ■
Henri fe fauva a Utrecht, avec fa familie , pour
éviter les troubles dont fon pays étoitagité. Il
demeura, il eft vrai, dans cette ville : mais fon
petit-fils Henri Terbruggen^ fit depuis fa réfidence
a la Haye.
Lorfque Henri, celui dont nous parlons , eut
appris a peindre fous Abraham Bloemaert, Sc qu'il
fut capable de fe produire lui-même par fes ou-
vrages j il voyageaquelque temps & fut en Italië,
oüiïrefta dix ans.
La répatation de grand peincre Ie fit confidérer
dans Rome : il fit quantité de grands tableaux
d'hiftoires, qui furent difperfés. On en voit de
lui un fort beau dans une des principales égüfes
de Naples : la compofition Ik. la fierté de fon
pmceau fuppléent afon nom qu'il ne mettoit point
fur fes tableaux.
On voit de lui un tableau admirable chez M.
vander Streng , a Middelbourg : il repréfente un
Aa z
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57*                La vie des Peintres
™ Feftin, avec des figures grandes comme nature»
J II y en a un autre a Delf:, chez Ie fieur Verbruggen,
bijoutier.
Ces deux tableaux firent dire a Rubens (lorfqu'il
voyageoit en Flandre) qu'il étoi: un des grands
peintres de la Flandre : 1'eftime de ce maitre
vaut celie de tous les connoifTeurs.
Il mourut a Utrecht Ie premier Novembre
agé de pres de 42 ans.
J A C Q U E S
ERNEST THOMAN,
lM aquit en 1588, dans Hagelftein. Il etit a
17 ans la réputation de bon peuure : il quitta
alors fa pame pour voir 1'Italie, oü il a refté
15 ans aétudier Ie beau & la nature. Rome, Naples
Sc Gênes furent les villes oü. il exer^a fes talens.
Il fut afTocié a Adam El\heimer, a Pierre Latfman
Sc
a Jean Pinas. Dans les mêmes études ils con-
fidéroient avec attention tous les phénomènes
qui accompagnent Ie lever 8c Ie coucher du foleil,
rien ne leur échappoit dans la uature:c'eft Ie livre
des peintres. La maniere &El\heimer eft celle
qu'il a imitée. On a de la peine a diftinguer ces
deux maitres, quoique la touche du dernier foit
plus fine : des connoifTenrs y ont été trompés.
Il n'autoit jamais quitte Rome fans la mort
èiElyheimer. La douleur de la perte de eet ami
Ie détermina a retourner dans fa patrie.
Il mourut a Landau .au fervice de 1'empereur.
-ocr page 389-
Flamands j Allemands & Hollandols. 373
PIERRE
F E D D E S.
Xl                 a place Feddes parmi les grands
peintres , fur Ie témoignage de ion portrait gravé
avec une palette , & cette infcription , Petrus
Feddes piÊor.
On ne fait pas s'il peignoit fut Ie
verre ou a l'hui'.e j il étoit natif d'Harlingen. On
voit de lui des eftampes gravées a 1'eau-forte,
marquées P. Harlitigmfa.
PIERRE
BRONKHORST.
JN aquit a Delft Ie \G mai 1588. S'il n'a
point pris en peinture Ie genre Ie plus agréable,
il a fuivi Ie plus pénible. Son tulent étoit de
peindre les vues d'églifes & des temples , tant
en dehors qu'en dedans. quoiqu'il eut celui de
traiter bien fes fujets, ils étoient intéreflans par
des traits d'hiftoires qui rendoient fes tableaux
moins froids & plus agréables.
Sa réputation eft décidée par deux tableaux de
lui : Ie premier eft dans la maifon de ville de
Delft. Ce tableau eft grand & d'une belle com-
Aa 3
-
-ocr page 390-
3 74                    La Vie des Peintres
pofition d'architedure j il repréfente Ie temple
ou Salomon prononce fon premier jugemenr.
L'autre ell Ie temple ou notre Seigneur chaiïe
les vendeurs. On Ie voyoit chez la veuve de fon
fik.
Ses tableaux font d'un beau fini. Il entendoit
l'arcnite&ure a fond, & peignoit bien fes petites
figures & de bonne couleur.
Il mourutle 22 Juin 1661.
A D R I E N
VANDER VENNE,
ELEVE DE JÉROME VAN DIEST.
_____- IL eft né a t)elft en 1589, d'une familie con-
0_ fidérab!e,quirenvoya fort jeune a Leydenpour
15 y' y faire fes études. La langue latine lui fit naitre
1'envie de lire les poëtes anciens : ils firent fur
fon efprit des impreffions qu'il chercha a rendre
fur Ie papier. Il compofa lui-même des deffins :
non content de ce qu'il faifoit , il eut recours a
un orfévre appellé Simon de pralck , qui exenjoit
atiili la peintute. H commenc.a fous lui aapprendre
Ie denm:de-la il fut chez Jérome 'van Dieji,
bon peintre 3 particulièrement en ca-maïeu. Il
fit chez ce dernier tant de Progrès dans la pein-
turej qu'en peu de temps il fut en étatde travailler
feul. Son application augmenta ces fuccèsdejour
en jour. Ses Ouvragos furent recherches pac Ie
—'
-ocr page 391-
Flamands , Allemands & Eollandois. 375
roi de Dannemarck, Ie prince d'Ol'ange & plu-----------
fieurs feigneurs.                                                     1589.
Ses tableaux font en fi grand nombre qu'il
feroit trop long de les rapporter. Il peignoit,
comme fon maïtre , en camaïeu : il Ie furpafla
& fur-tout en richefTe de compofition. On vante
beaucoup un tableau qu'il fit pour un comte
polonois : ce tableau avoit 12 aunes de longueur,
xl repréfentoit une Bataille de Flandres.
On a de lui plufieurs fujets allégoriques. Il com-
pofoit des vignettes pour les imprimeurs. On
recherche encore celles qu'il fit pour 1'édition des
(Euvres du chevalier Cats , poëte hollandois.
Il fut un des meilleurs poëtes de fon temps &
il écrivit beaucoup. Ses ouvragés les plus connus
font fes emblèmes : 1'Etincelle fur la tourbe
hollandoife , Ie Rêve fur la nouvelle fagefTe., la
Folie du vieux maréchal italien ., ïn-doinp 3 avec
lc Tableau du monde ridicule , 1^35 ,in-quarto.
Aa 4
-ocr page 392-
J E A N
BREUGHEL,
o U
BREUGHEL DE VLOUR,
ELEVÉ D;E GOE-KINDT.
- J ean Bkeughel naquit a Bruxelles,environ l'an
i62i): il étoit fils de Pierre Breughel, qu'il perdit
fort jeune, Sc il fut élevé chez fa grand-mère,
veuve de Pierre van Aelfi. Il apprit chez ei/e a
peindre en détrempe, & fut place chez Pierre
-ocr page 393-
La • V'ie des Peimres Flamands j &c. 377
Goe-Kindt, oü il commenc.a a peindre a 1'huile.
La commodité de copier en réfléchifïant furies
tableaux de différens maïtres, chez Goe-Kindt,
fortifia Ie jeune Breygkel dans fon art. Il quitta
ce maïtre & fut a Cologne, oü il étudia long-temps
les beaux effets de la nature. Attaché uniquement
a peindre des fleurs & des fruits , fes tableaux
furent déja regardes comme des prodiges, qui
portèrent par-tout fa réputation. De Cologne il
pafïa en Italië, oüil vit fes ouvrages recherches.
Il eut occa/ion de peindre quelques Payfages dans
jRome. Le plaifir de repréfenter de belles vues,
lui fit abandonner les fruits & les fleurs, qui ne
lui ont fervi dans la fuite qu'a orner les fonds de
fes tableaux.
Ilobferva la richefTe & Fétendue des plus belles
contrées, & il avoit toujours 1'efprit occupé de
celles qu'il ne pouvoit alors deffiner : voiLi. pour-
quoi nous voyons de lui tant de tableaux d'un
gout fi varié.
Après avoir beaucoup travaillé en Italië, il re—
tourna chez lui oü tout d'un coup on vit forrir
plufifurs beaux tableaux de fon pineeau : on ne
pouvoit être plus laborieux ni plus fertile a pro-
duire1 Son mérite fut attefté par les plus grands
peintres. Il peignoit le payfage qu'il ornoit de pe-
tites figures touchées avec finefTe & d'un bon gout.
Breughel avoit le talent de faire les fonds de
payfages aux tableaux des plus habiles peintres,
reis que Rubens, van Balen & Rottenhamer: il
faifoit avec le méme fuccès les figures dans les
ouvrages de Steenvick ■, Momper _, &c.
On ne peut voir unplus beau tableau que celui
qu'il fit, de concert avec Rubens : il repréfente
-ocr page 394-
La vie des Peintres
le Paradis terreftre. Si Rubens a pris plaifir a peindre
d'un grand fiui Adam & £ve, Breughel a cher-
ché a rendre ce tableau digne de la production
de ces deux grands maitres. Ce payfage eft varié
a l'inrini; les arbres , les planten font d'un beau
choix & d'une couleur vraie j les animauxj les
infectes font au même degré de beauté : ce ta-
bleau eft regarde comme Ie plus précieux qu'il
air fait : il a pafte du cabinet de M. de Bie (Ie
Mécène de Girard-Douw) dans celui de M. de la
Court Vander Voort,
a. I eyden.
Notre arcifte enrichi par fes ouvrages aimoit
la magnificence. Ses habits d'hiver étoient de ve-
lours j & c'eft dela que Ie nom de Breughel de
Vtour
lui fut donné , comme Breughel d'Enfer k
fon frère _, pirce qu'il repréfentoit ordinairement
1'Enfer ou des Incendies.
Houbraken a vu vendre un tableau de Breughel'a
Amfterdam en 171 3 : il avoit quatre pieds de large
fur trois de haut. Il rapporte que tous les connoif-
feurs furent faifis d'admiration , en Ie voyant:
il fait fur-tout remarquer unFiguier qui étoit au
milieu. La nature, dit-il, ne produit nen de plus
beau ; auiïi ce tableau fut-il vendu 28x5 flonns
d'Hollande: les deux figures dans ce tableau font
peintes par Rubens, & repréfentent Vertumne &
Pomone.
Le pendant fut vendu Ie même jour 1875 fl.
il repréfentoit une Nymphe endormie avec un
Satyte qui admire fa beauté. Ces figures font
auffi de Rubens.
Ses ouvrages font en grand nombre ; on ne
peut toucher le payfage avec plus d'efpnt : les
arbres y foac d'une belle forme , les fonds fur
-ocr page 395-
Flamands s Allemands & Hollandoïs. 579
Ie devant d'une grande richefTe , les plantes, les---------
fleurs & les fruits admirablement finis. Tantot il 1589.
repréfente un Moulin , tantot un petit Pont, on
Village furie bord d'une rivière, qu'ilornedequel-
ques Bateauxa la voile ou autres objcts ^de V01-
tures dans les routes, avec nombrede penteshgu-
res toujours variées , toujours précieufes & d un
bon gout: fa couleur eft excellente, qaelquetois
un peu bleue dans les lointains.
Sa mort eft ignorée par les écrivains flamands.
M. Felibicn croit qu'il eft mort en i64z. Ses ta-
bleaux font recherches dans les plus beaux cabi-
nets*del'Europe. Nous indiquerons feulement les
plus connus.
Dans Ie cabinet du roi de France on voit
fept tableaux de Breughd : une femme qm careüe
un chien , la Bataille d'Alexandre contre Danus,
la Bataille de Prague , Orphée aux enfers, une
Rivière chargée de bateaux „ une Tempête , &
une Halte de chafle a la porte d'une hotellene; &
chez M. Ie duc d'Orléans cinq tableaux du même:
la Tranfmigration de Babylone , les Paflagets, Ie
Chariot , une Marine avec des?êcheurs , Ie même
fujet avec beaucoup de Póilïbns. Dans la ga-
lerie de 1'Archevêché de Milan on admire une
Chafle remplie de beaucoup de figures , & Saint-
Jéróme dans Ie défert; les payfages y font beaux,
la figure eft peinte par Gio-Baüfta Crefpi. Vmgt
tableaux de Breughd, fe voient dans labibho-
thèque Ambrofianne jfavoir ,Danieldans la fofle
aux Lions , Ie ded*ans de la grande éghfe d'An-
vers , les quatre élémens. Ce tableau repréfente
tous les objets qu'on peut peindre dans la
nature : on y admire Ie fini, la couleurj tout y eft a
-ocr page 396-
380              La Vie des Peintres
~ furprendre.Les autres font 1'incendie deGomorre,
li°9- pluheurs Vafes avec fleurs & fruits , une Vietge
peinte par Rubens: Breugkelapemtane Guirlande
de fleurs au même tableau. Deux petites plaques
en ivoire en forme ovale : fur la première eft
reprefenré un Crucinement rempli d'une multi-
tude de Figures, & fur 1'autrela vifite de Sainte-
Elifabethjle refte de fes tableauxfontde fortbeaux
Payfages. L'Eleóieur palatin poiïède 3 7 tableaux
confidérables de Jean Breughel, dó*nt voici la lifte :
Ie Baptême de 1'Eunuque de la reine de Candace,
dans un beau payfage ; la. Vierge avec onze petits
en fans qui font environnés de fleurs j la Ptédi-
cation de notre Seigneur fut les bords de la mer :
une multitude de petites figures, desanimaux &
desPoiflons rendent ce tableau un des prmcipaux
Ïu'il ait fait j un Payfage oü il a repréfenté une
)anfedepayfans; un Port de mer avec beaucoup
de figures; S. Jérómedans un défert; un CarofTe,
deux Chanots & beaucoup de figures Sc des Am-
maux dans une grande campagne; un beau Payfage
oü Flore fe troiive couronnée par une Nymphé: les
figures font peinte^ par Rubens j les quatre Saifons
en quatre tableaux f les figures par Benrï van
Balen
; Ie Paradis terreftre : Adam & Eve font
peints par Ie Klerck; deux ports de mer avec des
Vaifleaux & des figures; un Village en pleine
campagne avec nombre de Figures \ 1'Adoration
des Rois, beaucoup de Figures a leur fuite j Scipion
1'Africain a la tête d'une multitude depeuplesj un
Payfage oü les figures font d'Renri van Balen , &
repréfentant une Fête de Bacchus', notre Sei-
gneur crucifié ; quatre petits Payfages j une Maf-
carade fïngulièrement compofée, autre Fête de
_~>
-ocr page 397-
Flamands j Allemands & Hollandois. 381
Bacchus j dont les figures {ontd'.Henri van Balen j -
S. Jean qui prêche dans Ie défert au milieu d'un
nombreux auditoire j un Pa/fage & Ie rivage de
la mer ; un Payfage dans lequet on voit un Mou-
lin a vent j an tableau avecplufieurs Oifeauxpeïnts
avec une extreme flneflej un Payfage avec un
Chariot & beaucoup de Figures; un Payfageavec
figures de van Balen, repréfentant Diané & fes
Nymplies qui prennent Ie divertiflement de la
Pêche j un tableau de fleurs , 8c , pour finir, un
Rivage de la mer avec des Vaifleaux & quantité
de Figures.
Dans les riches cabinetsde Paris on a de Breughel
plufieurs beaux tableaux. On en admire deux
chez M. lemarquis de Voyer • Ie premier eft une
Foire ou Féte de village fur Ie confluant du Rupel
& de 1'Efcaut \ plus de deux cent cinquante
figures s'y trouvent dans un payfage clair & pi-
quant; Fautre eft un Camp nombreux. M. Ie
comte de Vence a du même une vue de Scheve-
linghe, payfage avéc beaucoup de figures.
1589.
-ocr page 398-
J E A N
TORRENTIUS.
_ IL naquit a Amfterdam en 15 89. Si fes ouvra°es
enpetit , mais d'un beau fini, n'étoient pas
aufficonnusque fes mauvaifes mceurs , je neparle-
rois pas de lui. La fineiïe de fon pinceau ajoutoit
beaucoup a fes fujets lafcifs 3 qu'elle mettoit dans
un plus grand jour ,& auxquels elle donnoit plus
de foi-ce& d'expreffion. Les fujets de fes tableaux
enchérirent be'aucoup fur ceux cCAréün & Pétrone:
Les libercins mém* avoient horreur de fes com-
pofwions. Il fit des afTemblées d'impies comme
i;89.
-ocr page 399-
La Vu des Peintres Flamands 3 &c. 383
lui, ou de ceux qu'il avoit corrompus : il y en-
feignoit tous les crimes, il y foutenoit que Jéfus- 1 ƒ89.
Chnft n'étoit poinc exempt du péché originel,
qu'il ne falloit faire aucun cas des loix divines
& humaines, que les hommes & les femmes
étoient nés pour vivre eri commun. Je pafïè fous
fflence les autres abominations. Averti queles Ma-
giltrats indignés cherchoient Ie chefde ces afTem-
blées , il n'en fit que rire, prétendant en ètre
quitte pour nier tout.
Il fut enfin arrêté & condamné par la juftice
d'Harlem a fubir la queftion. Les tourmens ne
firent fur lui aucun efFet \ il nia toujours. Il fut
condamné a 20 années de prifon ; mais a la fclli-
citationdes Grands , & particulièrement de 1'am-
bafladeur d'Anglecerre, il eut la liberté de pafïèr a
Londres , oü fon habileté lui ent acquis beaucoup
d'eftime, fi fes mauvaifes mceurs ne lui eufTent
pas attiréle mépris d'une nation qui chérit autant
la vertu que les talens. Torrentius retourna a
Amfterdam, Sc y demenra caché jufqu'a fa mort
qui arriva en KJ40 } agé de 51 ans. Ses puvrages
furent recherches , & ceux que 1'on put décou-
vrir,brülés paria main du bourreau. Les peintres
& les poëtes excellens 3 lorfqu'ils font nnpies ,
font d'autant plus dangereux qu'ils prêtent des
attraits aux crimes.
Théodore Schrevelius dans fon hiftoire d'Har-
lem , nous écrit ainfi la vie & la fin de Torrentius.
Houbraken Sc VTeyermans
difent que ce peintre
eft mort dans les. tourmens de la queftion. Nous
nous en rapporterons au récit du premier qui a
écrit d'rprès les aftes publics.
               
-ocr page 400-
H E N R I
STEENWICK,
L E F I L S.
—-------- X o v s les auteurs fe font trompés , en écri-
1580. vant lavie de ce peintre : on 1'a confondu
avec fon père, ou avec N. Steenwick, dont
il fera parlé.
Henri Steenwick , Ie fils ', étudia fous fon
père. Jl a fuivi fa maniere , 8c 1'a fouvent
iurpafle. Van Dyck , qui eftimoit fes ouvrages,
Ie fit connoïtre a la cour d'Angleterre. Le
roi
-ocr page 401-
La Vie des Peintres Flafhands j &c. $Ê f
toi occupa ce peintre long-temps. Il quitta có -
qu'il avoit de fombre dans la fac^on de peindrè
qu'il tenoir de fon père _, de peignit 1'intérieur des
éghfes & des palais. Il a quelquefois peint les
fonds d'architecture aux portraits que faifoit van
Dyck.
Oa en connoic deux en France (1 ): ce
font les portraits du roi & de la reine d'An-
gleterre (i), peints en 1(337 : lesdeux figuresfont
debout, & ontenviron unpied de hauteur. Jamais
van Dyck n'a fini avec autant de foin. On peut
egaler ces deux portraits aux plus précieux de
Mirh : Ie, fond du tableau eft fort clair & re-
Jjréfepte une fa^ade de quelque maifon royale ,
d'une belle architecture. Cet ouvrage eft d'Henri
Steenwick Ie fds; c'eft ce même Steenwick peint
par van Dyck, & qui fe trouve a la fuite des artiftes
que 1'on a gravés. Sandrart 8c d'autres écrivains
depuisj 1'ont toujours pris pourlepère , qui niou~
rut en 11J04, lorfque van Dyck n'avoir que cinq
ans:ainiiil n'a pu lepeindre ni travailler avec lui*
L'abus de Ie nommer Nico/as Steenwick ne vient
que dela relTemblance de nom avec celui qui naj
quit en KJ40, & que les auteurs nomment iV.
Steenwick,pzïceqm fon nom de baptéme eft ignoré»
Steenwick Ie fils fit fortuneen Angleterre , out
il mourut encore jeune :fa veuvequi avoitappris
a peindre des perfpectives , retourna dans fa pa-
trie, Sc demeura a Amfterdam , oü fes ouvrages
furent aflez eftimés.
On peut cornparer Ie mérite du fils a celui du
(1) A Paris dans lecabinet de M, de ia Bouex'ere,
Fennier-général.
(2) Charles I et Henrietfe de Bourbon, soeur de
Louis XIII.
                 .            -
Tome L                                    B b
-ocr page 402-
La Vit des Pelhtrti
_____ père : quelques-uns 1'eftiment plus, parceque fei
, f g tableaux font fort clairs: ils font affez rares. Il
ne travailloit que pour Ie roi d'Angleterre : on
en trouve chez quelques particuliers a Londres
&: en Flandres } mais nous ne connoiflons de lui
en France} que ceux qui font dans Ie beau ca-
binet de M. de la Bouexiere.
GÜERAHD
SEGHERS.
Güerard Seghers naquit a Anvers, vers
1'an 1589.: il eft Ie frère aïné de Dariiei
Seghers ,
peintre de fleurs. Guerard fut place chez
Hcnri van Balen. Encore jeune il pafTa a Rome:
la au milieu de tant de chef-dJQBUVi"es Seghers ne
put fe déterminer a prendre aucun maïtre pout
guide. Il copia toutes les manièves différentes, &
quand il compofa lui-mème on ne lui reconnut
aucunes de celles qu'il avoitimitées- A la fin _, plus
touche de celle du Manfrsdi , il s'y attacha fi bien
que fes imitations embarrafsèrent les connoilTeurs
d'Italie. Szghc s nepenfaplus qu'a retourner dans
fa patrie, & crut y faire fortune avec fes ouvra-
ges. Les premieis qu'il fit a. Anvers fufErent pour
Ie dêtromper. Oa aimoit mieux les tableaux clairs
de Rubens que les fiens, qui tenoient un peu de
1'école du Carravage. Notre artifte en habile hom-
me, prit un milieu entre la maniere du Manfredi
Sc
celle de Rubens , & alors il fut employé a dé-
corer les églifes d'Anvers, &c. Ce peintre avok
-ocr page 403-
JFamands j Alltmands & Hollandois. 387
Ie caradère doux & aimable : il futua des grands *"
iamis de Rubens8cde van Dyck ; la jaloufie ne put
jamais les féparer. Scghers gagna beacoup de
bien&mourut a Anvers en 1651 , agé de 6z
ans : on ne lui connoit qu'un fils, qui fut aufli
peintre.
Les tableaux d'hiftoire de ce peintre font bien
compofés, fon deflln correób; & fa couleur chaude
& vigoureufes eft foutenue par une belle entente
du clair-obfcur. On a dit qu'il employoit trop
de jaune dans fes clairs \ mais fes ouvrages Ie
juftifient & font tomber cette critique : nous
allons indiquerlesprincipaux.
On voit de lui, dans 1'églife de S. Jacques a
Anvers , deux tableaux d'autel : Ie premier
repréfente S. Yve,& 1'autre, Saint Roch. Dans
1'églife des religieuies appellées Fackes, trois au-
tres grands rableaux : fur 1'un on voit S. Jofeph
endormi, a qui 1'ange ordonnede fuir en Egypie ;
fur 1'autre, la naiflance de notre Seigneur j &*le
troifième eft un tableau d'autel , oü il a peint
1'enfant Jéfus, Marie & S. Jofeph. Dans l'eglife
des Jéfuites, notre Seigneur attaché fur la croix
que les bourreaux élèvent, tableau ennèrement
aansla manitre du Tintoret, deftinéaêtre place
quelques mois de l'année au grand autel, avec
<eux de Rubens & de Schut. Deux autres tableaux
de lui , auffi dans la maniere d'Italie, font places
dans la même éghfe: les fujets font tirés de la
vie de notre Seigneur. Au-deflus de la porte de
la facnftie de la congrégation de ces ptres , on
voit un Chrift très-beau, par Seghers, Sc un Saint
Igrtace a cóté de 1'autel. Un tableau d'autel
■de ce maitre fe remaique pat fa fingularité J il
Bbi
-ocr page 404-
33S               La Vie des Peintres
eft fi fort dans Ie gout de Rubens qu'on 1'a cru
"de ce dernier: il orne Ie maitre-autel des Carmes.
Mais Ie clief-d'oeuvre de ce peintre eftle Mariage
de Ia Viergé , compofoion immenfe : il eft place
au grand autel des Carmes-déchaufTés.
Dans 1'églife cathédrale de Gand, Seghers a
peint Ie Martyre de S. Liévin , évêque, tableau
d'autel pres de la facriftie. Six grands tableaux
de la vie de ce faint, par Ie même peintre, font
places dans la nef de 1'églife des Jéfuites. Le
cabinet de M. Deyne eft enrichi d'un tableau
afTez connu dans le monde, puifque Vorjlcrmans
1'a rendu public : le fujet eft S. Pierre reniant le
Seigneur, au milieu d'une troupe de foldats: tout
y eft éclairé au flambeau, 8c c'eft la première
maniere de Seghers a fon retour de Rome. On
voit un beau tableau de lui a Dunkerque, place
a 1'autel de la Viergé, dans la grande égliie: il
repréfente la Viergé, 1'Enfant Jéfus debout fusr
fes genoux, Sc pluneurs autres faints.
-ocr page 405-
¥ lamanis j Allcmands & Hollandois. 3 8 £
d a v 1 d
BA I L L Y,
EL E V E
DE CORNILLE VANDER VOORT,
Natif de Leyden, & nis de Pierre Bailly , ~
aflezbon peintre, qui vit de bonne heure Ie pen-
chant de fon fils pour la peinture. Sans lui donner
de le^ons , il lc lailFa grinonner d'après des deilins
Sc des eftampes. Il eiu occafion de voir Jacques
de Gheyn
, graveur, chez qui il s'exeixa au burin
pendant un an , maïs il préféra la peinture. Le
père, pour le fatisfaire, le p'aca chez Adrien
Verbught
, &c dö-la chez CornUte Vander Voott\
peintre de portraic , eftimé a Amfterdam. Les
le^ons du maitre & les bons tableaux qu'il
eut occafion de copier chez lui , entr'autres, un
de SteenTfick, que 1'auteur même n'auroit fu
diftmguer d'avec 1'original, engagèrent Bailly a
pafler fix afis chez vander Voort. Il fut d'Amfter-
dam a Leyden _, ou il refta peu de temps. 1'envie
de voyager le fit pafler a Hambourg, de-la a
Francfort, Nuremberg, Ausbourg, par le Tirol,
a Vemfe & enfin a Rome, oü il comptoit refter
pour profiter de tous les beaux modèlesque cette
capitale renferme^ mais quelques raiions inconnues
le firent retourner a Venife , oü il travailla plus
long-temps. En revenant par 1'Allemagne, il fuc
bien re^u par le duc de Brunfw'tck, qui lui fit;
ofFre d'une penfion annuelle qull refufa.
Bb 3
ij 90.
-ocr page 406-
La Vie des Pe'intres Ftatnands3 &c'.
De retour a Leyden en i<> 13 , après cinq;
iS9o- années d'abfence, il fe mit a peindre jufqu'en
161$ qu'il quitta la palette pour Ie delfin. It
avoit 1'art de deffiner des portraits a la plume,
avec un petit travail au pinceau, qui plurent beau«
coup, & ou il fut fort employé.
Simon LcuWen, hiftorien de Leyden , parle
dans ce mème temps d'un bon peintre de
payfages, appellé Jean Annts.
-ocr page 407-
D A N I E L
S E G H E R S ,
JÉSUITE,
ELEVE DE JEAN BREUGHEL,
OU BREUGHEL DE VLOÜR.
IL rec,ut Ie jour a Anvers en 15 90. Il commenc.a
a étudier la peinture fous Breughel de Vlour,
qui peignoit en ce temps-la les fleurs qu'il quitta
aans la fuite pour Ie payfage. Seghers s'appli-
qua , fous ce maïtre , a étudier 1'harmonie des
couleurs, dans cette belle nature qu'il cherchoic
i imiter.
Bb4
-ocr page 408-
? J1 CIi;ra de bonne heöre chezles Jéfuites ;
.^^«deftèr^quoiquil fut toujours oom-
me Ie pere Seghers.) Son noviciat flni, il reprit
Ja palette , & orna 1 eglife des Jéfuites d'Anvers :
il rut envoyé a leur maifon de campagne , oü il
fitpour lenr eglife plufieiirs payfages avec des
lujets de la vie de qüelques faints è& 1'ordre.
Cestableaux font auptii-d'hui places ,: au-defllis
«es confeiüonaux.,.
                            ;;
, II obSj&rfe pêrmiffioii d'aüer k Rome: il v
etudia les dedans & lés\dehors de cette capitale J
avec bèaucoup d'afliduité. Après avoir fait uine
nche moiflon d'étüdès s il revint a Anvers.'
On s'apper^ut aifément combien ce voyage
lui avoit été .profitable; fes tableaux n'eurent
preique point deprix : les particuliers ne purent
pomt y atteindre.
La réputation de Seghers pafTa par-tout. te
}>nnC€ d'Orange dépêcha fon premier peintre
Thomas WÜUborts, pouravpir un tableau de lui.
Il compofa un bouquet dans un bocal de fleurs ,
accompagnées detoutesfortesd'infedes qu'il finit
avectant d'art, que les artiftes de fon temps , ne
ceiToient de 1'admirer. Il envoya ce tableau en
préfent, au nom de fon ordre , au prince qui Ie
re5ur avec un extreme plaifir: il ne put aflez admi-
rer ce tableau. Le prince répondit I ce préfent paf
une efpèce de chapelef compofé de dïx grains ,
quirepréfentoientdix.órangesrichementémail.lées
en or, & une palette èc des antes (1) dep'mcezax
(i) Ante ou manche, pe(it baton au bout duquel on
ante lepiuoeüu
                                    ' ' <
-ocr page 409-
Flamands j Allcmands & llollandois. 395
de cette précieufe matière , Je tout accompagné <
(Tune lettre pleine de reconnoiflance.
II fit nn fecond tableau: il avoit amalTé dans
un beau vafe toutes les fleurs du printemps ,
plufieurs branches avec des fleurs d'orange,&
quelques oranges encore vertes. .Ces fleurs êc ces
fruits artiftement diftribués avec des infeótes de
toutes efpèces, faifoient 1'ornementde ce tableau.
Il en fit préfent a la pnncefle dJ0rauge , qm fut
touchée de fa beauté \ elle ne voulut point ceder
en généroLité au prince fon époux. Êlle envoya
aux Jéfuites d'Anvers, 1111 Crucifix d'or j émaiilé
artiftement&pefant une livrej avecun paflë-port
ou fauf-conduit pour voyager dans les Pays-Bas ,
Sc y veiller aux interets de leurs maifons.
Ces deux tableaüx' pafTent pour fes princi-
paux. Le feu du ciel en a détruit de fort beaux
de lui , dans 1'églife d'Anvers , pnncipalement
un grand , ou Rubens avoit peint S. Ignace. Ce
Saint étoit couronné &c entouré dé guirlandes de
fleurs. Ces tableaüx , dans la gajerie & dans les
chapelles , étoient autant de témoignages de 1'ha-
bilité de ce peintre.
On en compte deux des plus précieux de fon
temps, un a la Haye , chez le baron de Bree ,
& 1'autre a Amfterdam, chez le fleur JeanStaxts ,
courtier.
Il avoit' un talent particulier a peindre les lis
blancs & les rofes rouges, & tout ce qui étoic
tiges ou feuilles, particulièrement le houx. La
belle couleur, les tranfparens, les feuilles minces
6c légères 3 les infecles , tout eft bien fait: fa tou-
che eft large. Il avoit tout ce qu'il falloit pour
inériterl'idée que les grands peintres ont eue de lui.
-ocr page 410-
3 94                La Vie des Pelntres
—------II mourut e:i 1660 agé de 70 ans. Il- fait voic
lS9°' 1ua ^es Jéfuires ont eu auffi de grands hommes
dans la peinture.
On voit dans l'églife des Jéfuites d'Anvers Ie
chef-d'oeuvre du frère Seghers s c'efl: une guir-
lande de fleurs : tout ce qu'on peut voir dans la
nature , dans 1'une & 1'autre fiifon , fe trouve ra-
jm(Té avec choix dans ce tableau; fleurs, fruits,
infe&es, tout y eft du plus grand fini. Rubens a
peint au milieu la Vierge Sc 1'Enrant Jéfus.
Chezl'éled^ur Palatin ,une autre guirlande pat
Ie même , au milieu beaucoup de figures repréfen-
tant une Fête bachique: &a Rouen, chez 1'auteur
de eet ouvrage , deux tableaux : ce font deux
vafes de criftal 3 avec des fleurs & des infectes
peints fur cuivre.
A D R I E N
VAN LINSGHOOTEN;
ELEVE DE SPANJOLET.
ÏL prit naifTance dans la ville de Delft en 1590.
Le nom de fon makre eft contefté , mais Ie
plus grand nombre dit que ce futle Spanjolet.
Sa vie étoit auffi peu réglée que celle de Brau-
wer;
cela ne diminue rien de la beauté de fes
tableaux, qui, quoiqne bien payés , n'auroient
jamais fauvé 1'auteur d'une grande misère, fi deux
fcEursnereulTent prévenue par leur mort; devenu
héritier, il fe vit fort i fon aife.
- -;^^:^_____---
-ocr page 411-
Flamands , 'silkmands & Hollandoïs. 395
En 1634 il fut dans le Brabant, oü il époul'a-
une petite fille jolie & fans bien, avec qui il eut
deux enfans. Au bout de quelques années de ré-
fïdence dans ce pays, il alla detneurer a la Haye ,
oü il aété fort employé.
On vante de lui en Hollande un tableau qui
repréfente S. Pierre devant la fervante de Pilat».
Un eccléfiaftique , touche des expreflïons qu'il
avoit données a fes figures, lui demanda pour
pendant, le Repentir du méme faint, oü il réuflit
également. Le peintre lui dit, d'un ton railleur,
tant d'impiétés, que le prêtre en eut horreur &
s'en alla fans vouloir le tableau.
On voyoit de lui un Chymifte, a Delft, chez
M. van Heul j entrepreneur de poudrea Canon.
Ce tableau eft bien compofé Sc plein de génie :
la figure principale bien peinte & deflinée. Dans
la même ville Sc ailleurs on voit beaucoup
d'aurres tableaux de lui.
Ildoit être mort vieux: on Fa vu travaillerdans
cette ville a Fage de 87 ou 88 ans : on ne fait
pas précifément le temps de fa mort.
-PIERRE
S O U T M A N,
ELEVE DE RUBENS.
vje Peintre , quoiqu'il n'ait point été uri^des
moindres de ceüx qui font fords de 1'école de
Rubens, on ne fait cependant ri.en de particulier,
-ocr page 412-
La V"ie des Peintres
ni du lieu de fa naiflance, ni de celui de fa mort.
™ ' dmpfing, hiftorien de la ville d'Harlem, dit, en
faifant fon éloge, qu'il avoit été peintre de
1'éleóteur de Brandebourg : il avoit auflï pafïe
quelque temps a la cour de Pologne, oü il fut fort,
eftimé.
IJ peignoit 1'hiftoire Sc Ie poctrait, & il étoit
également recherche dans 1'un Sc 1'autre genre.
ESAIE (ou ISAIE)
VAN DE VELDE.
xsaie Fan de Velde^i en Hollande,s'eft très-
diftingué a peindre 4e5 Batailies; tantót il repré-
fentoit des rencontres de cavaliers, tantót des
attaques de voleurs: Ü nabilloir fes figures a 1'ef-
pagnole. En 1.6.16 t\ deme^roit a Harlem & en
1650 aLeyden. Ses:®uvrages eftanés furentpayés
cher: il faifoitfouventtles.figures dans les tableaux
d'autres peintres.On croit ^i//t77z(ouGuill?.ume}
van de Velde, frère de eelui-ci.
3 n
-ocr page 413-
Flumands , Alkmands & JJoüandois. J 97
J E A N
ROODTSEUS;
ELEVE DE PIERRE LASTMAN.
Jban Rootseus, fils A'Albert, apprit'
la peinture fous Pierre Laftman. Le portrait en
grand fut fon principal talent. Queques-uns 1'onc
voulu egaler én mérite a Bartholomé vander Helfi :
s'il n'a poinc égalé ce dernier, il a fait plufieurs
beaux portaits. Dans les buttes anciennes & nou-
velles de la ville d'Hoorn en Hollande , fe voit
repréfentés en grand les Officiers des bourgeois :
ces tableaux ont le mérite de ceux qiu ont excellé
dans ce genre : il fit ces trois tableaux a 1'age
de 40 ans.
Roodtfeus étoit infatigable au travail, peudiffi-
pé & d'une conduite fort reguliere. Il eut un fils
appellé Jacques _, qui fut élève de Jean-David de
Hèem3
qui Pimita de fort pjcs. Ses ouvrages re-
.cherchés lui ont procuré beaucoup de biens.
-ocr page 414-
CORNILLE
SCHUT,
atit de laville d'Anvers& élèvedeRubens,
i
ƒ90. étoit bon poëte. Nous avons de lui des ouvrages
oü brille 1'allégorie. 11 étoir habile peintre d'hif-
toire & fur-tout propre aux grandes machines.
On voit de lui la Coupole de Notre-Daine
d'Angers, Sc dans la même églife plufieurs
autres ouvrages.
Le frère Seghers, jéfuite, s'eft souvent fervi du
pinceau de Schut pour peindre des camaïeux &
«utres iïgures dans fes guirlandes de fleurs : il
-ocr page 415-
La Vie des Peintres Flamatids, &c. 399
gxava auffi a 1'eau-forte, On a de ce peintre plu- — '
Beurs eftampes d'après fes tableaux & fes com- IJJ>°*
pofitions : auffi fécond qUe fon maïtre , quoique
moins correct, il avoit Un feu txtraordinaire ,
mais fouvent il donnoic dans Ie gris. Il y a ce-
pendant de fes tableaux bien coloriés Sc peints
avec force.
Van Dyck a fait fon portrait qui fe voit dans
Ie nombre des artiftes peints par ce maïtre.
Voici les principaux tableaux de Schut. On voit
Ie MartyredeS. Georges , place a 1'aurel de la
confrérie de Tarbalête, dans la cathcdrale d'An-
vers; Jéfus-Chrift mort, tableau au-de(Tus d'une
épitaphe dans 1'églife S. Jacques : ce fujet fe
trouve répéré ponr une épitaphe dans la même
é^life;dans legüfe des Pécollets un tableau
d'autel: lefujct eft tiré de la vie d'un faint de
1'ordre S. Francoisj dans 1'églife des Jéfuites
deux beaux tableaux j Ie premier repréfente une
Aflon-'ption : re grand tableau eft un des quatre
qui font pofés alternr tivement au grand autel ,
ie 1'autre eft 1?. IS'aiflance de notre Seigneur ; il
eft place au-deflus des confeflionnanx. On voit
a Gand , dans 1'églife des Jéfuites, une AiTomp-
4 beau tableau par Schut.
-ocr page 416-
400 ,. La Vie des Pelntrei
ALEXANDRE
RIERINGS.
■-------- Kj E grand peintre en payfages n'eft prefque
i ƒ90. . connu qu'en Hollande. Nous avons pen de fes
tableaux en France ; excepté celui qui eft dans
3e cabinet de M. Ie comte de Vence, & un chez
M. Blondel de Gagny , je ne crois pas qu'il s'en
trouve beaucoup d'autres.
Kïerings vanoit peu fes payfages , il fe con-
tentoi: de copier exa&ement tout d'après nature,
& finir avec une extreme panence jufqu'aux fibres
du bois & les écorces des arbres. Il y ghflbit dif-
férens toiis de couleurs qui fe trouvent dans la
nature , & qui ne s'appenpiventque quandon eft
habile. Ce fidele imitateur avoit une maniere qui
lui étoit propre pour tsucher la feuille de fes
arbres ; on y connoifibit chaqueefpèce : fes fonds
fur Ie devant font piquans , & Ie grand fini n'y
donne point de la féchereffè. Ce peintre eut re-
cours a Poelenburg pour orner fes payfages de
quelques figures : & dans tous ceux que j'ai vus
de Kïerings , les figures étoient de Poelenburg.
LUCAS DE WAEL
ELEVE DE JEAN BREUGHEL,
----------NÉ i Anvers en 1591 , étoit fils d\in peintre
icoi. appellé Jean de Wad. Il marqua dès fa jeu-
nelFe 1'inclination qu'il avoit pour la peinture.
Soa
-ocr page 417-
F/ama/ids, Allemands & Hollandois'. 40il
Son père lui donna les premiers principes., Sc
il fe perfe&ionna fous Jcan Breughel , qu'if a
fuivi de fort pres dans fa maniere.
Il voyagea en France Sc en Italië öö il fit de
grands & beaux ouvrages a fraifque Sc a 1'huile.'
Son principal calent écoitde reprefenter dans fes
payfages des Rochers efcarpês, desCnütes d'eau,
des Soleils levafis Sc couchans t des -Orag«s 5' '
des Eclairs. Tous.ces fiijers , bien-nacuielJement•■'•;
imités j approchoienc de la maniere defbfrmajrréY
On Ie dit mort a Anvers, mais oa. nV pai
marque Je temps.
                      - - - •
.                                ■• . • «•..><
.7»' ■                          m »***^J"1S*_____m
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:       i
v * i. *, > -
•1
V
X
.
Tornt J.
-ocr page 418-
O N nfcdit point en^uejle viH& de-Frife il prit
naiffance : il étóït peintre d'hiftoire , & fort
éftimé par fes contemporains. Il paffa plufieurs
années eu Italië , & fur-tout a Rome oü il a
beaucoup travaillé : il fut nommé par les peintres
de cetteville,le nobleFrifois, tant ils eftimoient
fes talens. On peut jager de fon exaiLtitude dans
fes études de Rome, par Ie livre intitulé Cabinei
'des Statues,
imprimé a Amfterdam en i7°i- Les
figures & les piédeilaux y font copiés *vec beau-.
_ I__
-ocr page 419-
La Vie des Peintres ¥ lamanis, &c. 40 j
coup de foin : on y reconnoïc Ie gout de chaque
maïtre. On indicjue dans Ie même ouvrage ies
endroits oü ils font places.
Son petit-fils Wy brand de Ghéefi exenja auflï la
peinture , & fat éiève d'Jntoine Coxcie.
GUERARD
HONT HORST,
ÉLÈVE D'ABRAHAM BLOEMAERT,
JNaquit en 155)2. dans la ville d'Utrecht. Il
appnc les prmnpes de fon art fous Abraham
Bloemaert
, & fut a Rome oü il a travaille pour 1592.
pludeurs cardinaux & autres perfonnes de dif-
tinótion. Tous Ces ouvrages ne lont point diftrait
ni empéché d'étndier Ie beau. A yant pairéplufieurs
années en Iralie , il fut en Av,g eterre , oü Ie roi
lui ordonna plufieurs tableaux qu'il fit avec ap-
plaudillement.
Sa conduite fage lui donna entree chez les
grands •, il fit les portr 'lts des princes, enfans de
la remede Boicnie, celui du prin~eRobert£c de
l'Eleóteur Palati'.. Ces tnble-aux furent envoyés
en Angleterre a leur oncle Charles JL 11 enfeigna
a dediner a la princefTe Sophie & a 1'abbede de
Maubuiffon. II fit auili Ie porrrai: de la reine
Marie de Médicis, & plufieurs tableaux pour Ie
roi de Dannemark ; & il fe fixa enfin a la Haye
avec Ie titre de peintre du prince d'Crrfnge, pOur
qui il travailla beaucoup dans fes maifons fc
Cc 1
-ocr page 420-
404              L* W' des Peintrcs
(hareaux , particulièrement dans celui au Bois :
jl y travailloit encore en 1662.
Sa maniere eft belle & fcn deflin correft. Il a
mérité Ie nom de grand peinrre, & fes tableaux
places dans les plus beaux cabinets , font foi de
I'eftime due a 1'auteur.
On voit dans Ie cabinet de M. Ie duc d'Orléans
une Judith peintepar G. Honthorjl j chez 1'élec-
teurPalatin, 1'Enfant Prodigue parmi les Prof-
tituées i un S. Sébaftien dans la cathédrale de
Gand, 8c une Defcente de Croix, oü 1'on voit
Notre Seigneur fur les genoux de fa ;Mère,
tableau d'autel qui décore la chapelle de 1'Évêque
dans la même égiife.
H E N R I
BLOEMAERT.
t
Henri, élève de fonpère, médiocre peintre,
d'un génie lourd, n'a nen laifTé digne des Bioe-
maert.
Adrien Bloemaert. fecond fils & Abraham , s'eft
fait une répatation \ il voyagea en Italië, 011 il
profita beaucoup : il qnitra Rome & fut a Salfe-
bourg; on y voit de fort bearix tableaux de lui
chez les BénédiótiiT-.Dans un duel qu'il eut contre
qn érudiant, il re^ut un coup d'épée dont il mou-
jrut fur la place.
Corniiie Bloemaert, troifième fils, après avoir
peint pendant quelque temps, quitta la peinture
pour la gravure : Crefpin JDepas fut fon makre
-ocr page 421-
Flamands , Aüemands & Hollandois. 40 J
dans cedernier talent: fa réputation augmentoit de -
jour en jour : il donna au public les deflïns de
fon père & de quslques aurres bons peïntres. II
cjuitta fa patrie pour fe rendre a Paris, & de-la en
Italië oü il grava une quantité de planches d'après
les plus beaux tableaus de Rome. Son abfenca
caufa du chagrin a fon père , qui, fe voyant tres—
agé , Ie rappella plufieurs fois, mais inutilement:
Corn'dle avoi.t de la peine a séloigner de la lource
du beau Comme il étoit pret a partir 3 il rec,ut
la nouvelle de la mort de fon père, ce qui Ie
déterrnina a refter en Italië , oü il eft mort dans
un age avance, très-efthné pour fon talent, &
fort recherche par les amateurs.
PIERRE SNAYERS.
On ayers naquit a Anvers en 159}. On Ie croit -
élève d'Henri van Balen, Sc c'eft tout ce que
nous avons appns de fon premier temps. On ne
fait s'il fut a. Rome, mais on eft certain qu'il a
voyagé. Snayers étoit fibien fondé dans les régies
& la pratique de fon art, qu'on Ie vit exceller en
même temps a peindre 1'hiftoire , des batailles >
Ie payfage & Ie portrait. L'archiduc Albert 1'ap-
pela a. Bruxelles, Ie nomma fon peintre avec une
bonne penfion , & lui procura Ie moyen d'exercer
fon génie & fon pinceau. Les églifes & les piin-
cipales maifons de Bruxelles Sc des environs
furent enrichies de fes ouvrages. Rubens Sc van
Dyck
louèrent fes talens : Ie dernier fit fon por-
trait pour être place parmi les grands hommes de
Cc 3
-ocr page 422-
'406               la Vie des Pcintrcs
fon temps. Quelques ^tableaux de Snayers furent
envoyés a la cour d'Efpaene: Üs y portèrenc fa
répntation au point qu'on lui en fit faire beaucoup
d'autres, & que Ie cardinal Infant Ie nomma dans
la fuite (ön premier peintre. Il fut auili un des
plus heureux de fon temps: eftimé des grands,
aimé par fes égaux, il a vécu fort long-temps,
puifqu'il travailloit encore en 1661. Pour donner
une jufte idee de fes talens, on doit 1'éga'er aux
bonspeintres d'hiftoire, aux meilleurs payfagiftes,
êc a. ceux qui ont Ie mieux peint les batailles & Ie
portrait. Ildefliiiabieiij&quelquefois il colonoit
comme Rubens. On trouve peu de fes ouvrages
en France. M. Ie comte de Vence a de Snayers Ie
portrait d'un peintre payfigifte.
ADRIEN DE BIE,
ÉLÈVE DE WOUTER (VAUTIER) ABÏS,
IN atif de Lière en 15 94. Il comtnenca la, peinture
1/SM* fous Vautïer Aks, peintre médiocre. L'Élève fur-
parfa fon maïtre en peu de temps : il fut a Paris a.
1'age de 18 ans, oü il refta deux ans chez Rudolf
Schoof j
peintre de Louis XIII. L'application fous
ce maïtre Ie fortifia beaucoup: il partit pour Rome
ot' il a refté huit années de fmte a copier & étu-
dier les grands maitres. Il fut employé par les
principaux de la cour de Rome 5c par les étran-
gers : plufieurs cardinaux 1'engagèrent a peindre,
fut des plaques d'or & d'argent j fur des pierres
précieufes; la pureté avec laquelle il faifoit ces
petits fujets eftpeu commune.
-ocr page 423-
Flamands, Allemands & Hollandois. 407
En 1613 , de retour a Lière , il fit beaucoup;
de bons tableaux & de portraits. On regarde
comme le plus beau celui qu'il fit pour le corps
de métier des maréchaux & ferruriers, repréfen-
tant S. Eloy, place dans 1'églife de S. Gommer
de la même ville.
Sa mort eft ignorée : il laifla a la poftérité un
grand nom. Son fils, Corn'dle de Bie, a écrit fur la
peinture , & fait 3a Vie des Peintres, én vers, fous
le titre de Gulde Cabinet der Edele ScKdder-K.on.fl.
CORNIHI
1
'm:
D E W A E L,
ÉLÈVE DE SON PÈRE JEAN DE WAEL,
jN aquit a Anvers en 1594. Iletoit fils de Jean
de Waelèc
frère de Lucas : il eut les principes de
fon père, & travailla fous plufieurs maïtres. ll-rfif-
parier de lui de bonne heure. Le duc A'Arfchot Je
demanda a fa cour, le nomma fon premier pein-
tre : il fit pour ce même fergnexir plufieurs beaux
tableaux en Efpagne, ainfi que pour le roi Phi-
üppe III.
Il paflaquelques années dans les-Pays-
Bas; on ne fait point 1'endroit oü il a demeiué :
on fait feulement qu'il étcit excellent peintrë de■. ''
batailles. Perfonne n'a mieux repréfenté les aitn-
buts de Bellone } les fiéges, les attaques ? 'les
déroutes: il imitoit tous ces genres également
bienjl'effiroi régnoit par-tout ,1'horreurétoit mar-
quéefur les phyfionomiesj Sc la douleur furie»
blefles.
Cc 4
s
-ocr page 424-
IÜCAS
iVA'N UDEN,
ÉLÈVE DE SON PÈRE.
V an Uden naquit a Anvers Ie 18 ocftobre i 595.
^on P^e étoit auffi peintre j Bc donna des le^ons
a fon fils qui Ie furpafïa bientót. En état de fe
former lui-même , il eut recours a la nature, &
dès Ie lever de I'aurore il parcourut les cam-
pagnes, toujours Ie crayon a la main. Il médita
liir les effets difFérens qu'il eut occadon de remar-
quer dans 1'inftant que le/bleil diilipe les vapeurs
%$•}.
-ocr page 425-
•;
v
La Vie des PeintresFlamands3 &c. 409
de la terre, jufqu'au moment que eet aftre fe perd
dans Thonfon. Ainfi , guidé par un fi beau modèle,
il mit en exécution fes études & Ie fruit de fes
réflexions.
Quelques tableaux de van Uden lui méritèrent
J'eftime de Rubens. Ce grand peintre 1'aida de fes
avis, il orna même plufieurs de fes payfages avec
de jolies figures : ce feivice mit au grand jour Van
Uden 8c
fes talens, & fit acheter cher fes tabieaux;
c'eft ici Ie temps de fes grandes entrepnfes. La
ville de Gand lui commanda plufieurs payfages
pour orner les chapeiles de 1'églife cathédrale de
S. Bavon j & on vit dans les plus beaux cabinets
les produdrions de ce maïtre. On ne fait autre
chofe de fa vie \ il mourut agé, mais on ignore
1'année de fa more
Pour faire 1'éloge de ce peintre 3 il fuffit pref-
que de dire que Rubens nous force a 1'admirer ,
puifqu'il s'eft fervi du pinceau de ce payfagifte
pourpeindre, de concert avec lui, plufieurs de
ïes ouvrages. Ses payfages font intéreflans; des
cieux & des tamtams ciairs, une étendue de pays,
des arbres variés: une touche légere donne du
mouvement a fon feuillé. Sa couleur eit naturelle,
tantót tendre & quelquefois vigoureufe : fin Sc
piquant dans fes petits tableaux, large Sc décidé
dans Ie strand j on peut Ie mettre au rang de ceux
qui ontle mieux peint la figure. Il fera toujours
place avec difhnótion d cóté des plus grands mai-
tres : il a ce rang dans bien des cabinets. Nous
nous contenterons d'indiquer ceux qui font les
plus connus.
A Paris, dans Ie cabinet de M. Ie comte de
Vence,
onvoitdelui un beaupayfage avec figures.
-ocr page 426-
'410 La. Vu des Peintres FSaffiands, &c.
" Dans celui de M. Blondel de Gagny, deux payfages
avec figures, 1'un repréfentant 1'Hiver.
Dans 1'églife cathédrale de S. Bavon, a. Gand,
dans les chapelles a 1'entour du chaeur, plufieurs
grands payfages avec figures. Cestableaux paflenc
pour les plus beaux de ce peintre. 1 )ans la même
rille, chez M. Jean-Bapüjle Dubois , deux petits
payfages avec fignres , très-piquans:, & dans Ie
cabinet de M. JDeyne, feigneur de Lievergem,
un payfage, grand tableau avec les figures da .
D. Teniers.
-ocr page 427-
DIRCK (THIERRY)
VAN
HOOGSTRAETEN.
J. hierry naquit en 1596, dans la ville d'An-
vers. Son père fut s'établir en Hollande dans Ie
temps des calamités qui Ie forcèrent a quicter fa
patrie. Ce père ne penfa alors qu'a élever fon fils
dans une profeflion honnête : il Ie plac.a cliez un
orfèvre habile, oü il apprit Ie deffin & la gravure.
-ocr page 428-
4ii                La Vle des Pelntres
-           On futfurpris desprogrès qa'il fit.Encore jeune,
1796. il deffina &grava un EcceHomo. Certe peute ef-
tampe eft encore eftimée. Il 11'en falloit pas davan-
tage pourle diftinguer parmi ceux de fon temps ,
qui travailloient a 1'orfévrerie. Hoogflraeten vit
avec chagrin, que les orfèvres d'Alleimgne 1'em-
portoient de beaucoup fur ceux da fon pays po ut
la doture fur 1'argent; il en paria a fes parens &
obcint Idrpermilllon de voyager, dans 1'efpérance
d'apporter ce fecret cliez lui.
En arnvant dans une des pnncipales villes im-
périales , il y trouva quelques-uns de fes compa-
triotes& particulièrement des peintres. Le plaifir
de les voir travailler augmenta a mefure qu'il
vivoit avec eux, Sc enfin quelques clluiis le déter-
ïninèrent k prendre la palette & ■ hanger de talent.
Il y réuflit a éconner ceux qui lui donnèrent des
lec^ons, puifqu'illes furpaflajmais un evenement
le forc.a a quitter 1'Allemagne 8c a retourner chez
lui. Alors fon père qui n'étoit point inftruit du
changement qu'il avoit fait, lui propofa un éta-
bhiTement, & voulut le faire paner maitre orfè-
vre. Vous avez fans doute, lui dit-il, dans vos
voyagesj appris ce que vous vous étiez propofé
d'apprendre. Non , répondit Ihïerryz fon père:
je m'étois bien propofé de m'inftruire dans 1'orfé-
vrene; maïs j'ai eu occafion d'apprendre la pein-
turequejeneconnoiflbis pas,& je me fuisreconnu
pour eet art un talent fi décidé, que je ne le
cjuitterai jamais. Il eft devenu bon peintre dans
la fuite, & nous difons après Houbraken j que
fon deflln eft bon & fa couleur raaturelle. Thierry
eft mort a Dort le 20 décembre 164o. Il eut
deux fils peintres, Samuel Sc Jean, qui parokront
-ocr page 429-
Flamands, Allemanis & Hollandois. 41 j
dans eet ouvrage. 1/aïné Samuel qui a écrit fur la
peinture, page 107 , dans l'introdu&ion de YEcole
de la Peinture ,
dit en parlant defon père , « qu'il
« ïmitoit la nature avec une grande intelligence
« & bien de la vérité. » Les ouvrages de ce
peintre ne nous font pas affez connus pour en
dire davantage.
JACQÜES
FRANQUAERT.
peintre favant a fait honneur a la ville de
de Bruxelles, lieu defanaifTince. Dès fon enfance
on Ie vit briller dans Jes études latines, travail
péniblepotu les enfans }Sc qui ne leur laifleaucun
vide. Franquaert feul , croyoit avoir bien du
temps de refte, après avoir rempli les devoirs preC
critspar fes maiires.Letemps dont il pouvoitdifpo-
fer, foit pour Ie jeu on pour la promenade, il 1'em-
ploya auxfeiences les plus abftraites. Les mathé-
manqnesqu'ilentendoitdéja fort bien, Ie condui-
fïrent a en chercher 1'application: il apprit de lul—
même 1'architedture.
Infenfiblement il obtint un maïtre de deffin,
& alors il reconnut Ie talent qui devoit un jour
1'élever aux plus grands honneurs. Lejeune élève
intérefTafon maïtre qui Ie vit avaucera grands pas.
Il refta peu dans cette école ( dont Ie maïtre ne
nous eft pasconnu ) & pritla route d'Italie. C'eft
dans Rome ou il fe forma j il y étudioit avec Ie
-ocr page 430-
es Pelntres
mème fuccès la peinture, l'archice&ure, Sc il fit
des progres dans la poene Le commerce qu n eut
dans cette ville avec les favans, lui donna auflï
1'entrée des premières maifons d'Italie : c'eft ainfï
<ju'ilpa(ïa plulieurs années dans Rome. Franquaert
crut pouvoir paroitre dans fa patrie , oü fa répu-
tation étoit déja établie. Il retourna a Bruxelles,
oü 1'archiduc Alben, inftruit de fes grandes qua-
lités, le nomma fon peintre & fon architedte. Il
remplit ces deux places avec beaucoup de diftinc-
tion : fa maniere de vivre fagement & fa conver-
fation fpintuelle lui donnèrent entree chez 1'ar-
chiduclieffe, lors même qu'elle étoit défendue
aux grands de fa cour. Il eut 1'honneur de s'entre-
teniren particulier avec cette grande princefTe,
qui pnt beaucoup de plaifir a 1'entendre. Honoré
de l'efl:ime& comblé des bienfaits de ces illuftres
protecteurs, des ofFres av^ntageufesnel'ont jamais
détaché de leur fervice, qu'il ne quitta qu'a la
mort de fon Mécène. Il éleva a fa mémoire une
Chapelle ardente dans 1'églife de SainteGndule,
oü il a épuifé {es talens pour fe furpafler. Il jol—
gnoit fes regrers a ceux du peuple inconfolable de
cette perte : il y a un hvre entier qui contient la
defcription de cette pompe funèbre.
Franquaert fut auffi fort eftimé du prinre de
Barbanfon.
Il fit conllruire plufieurs ouvrages fur
fes deflins, dans le chateau de fon nom 3 Sc on ad-
mire la chapelle qu'il y fit faire. Il enfeigna la
peinture a Anne-Prancoife de Bruins, mère da
chevalier Bullart: elle palfoit pour la plus hnbile
de fon remps dans eet art. Il la préfenta a Tarchi-
duchefle qni !a recut avec diftincirion. Wcyermans
dit axl/aieile lui commanda les myftères dut
-ocr page 431-
Flamands } Alkmands & Hollandois. 415
rofaire, dont elle fit préfent au pape. Houbraken,
au contraire, dit que ces tableaux font faits par
Franquaert. L'archiduchefTe en fut très-fatisfaite,
ainfi que fa fainteté. Ses tableaux Tont eftimés
comme tout ce qu'il a fait en architecture. L'églife
des Jéfuites de Bruxelles eft un de fes plus beaux
morceaux. On voit de lui encore des reftes de
fortifications faites fous fa conduite. Savant mathé-
maticien & poëte eftimé, il quitta a la fin de fes
jours tous ces travaux j fe üvra a la culture d'un
beau jardin, oü il cultiva des fleurs de toutes ef-
pèces. C'eft dans eet innocent amufement qu'il
termina fes jours y on ne fait pas au jufte 1'année.
-
:
■ f t
I
-ocr page 432-
7 .Jft(J.
1ENARD
B R A M E R
v
JN aquit a Delft en 15 96. Ayant étudié les prin-
cipes de fon art, il pafTaal'agede 18 ans par
Arras, Amiens & Paris ou il refta quelque temps,
& fut de fuite par Marfeille & Gènes d Rome.
Appliqué pendant pliüïeurs années a copier 5c
étudier routes les beautés renfermées dans cette
vüle,il devint habile&fefit connoïtre par un
grand «ombre de tableaux.
Il en fit plufienrs en grand & en petit pour Ie
prince Marie Farnèfe, duc de Panne , qui lui
attiïerent
-ocr page 433-
F/amands j Allemands & Hollandóis. 41^
attirtrem une grande réputation. Il acquit beau
coup .tcgloire dans piniieurs ourr^ges qu'ïl iïc a
Venife , Florence, Mantoue, Naples & Padoue.
Farmi Ie nombre confidérable de tableau* qu'il
peignit errltali€,au gre des connöiireurs, on en
dittingue deux : Ie premier til ia Réfurrection dit
Lazare,quieicd>unegrdimecompofir!on,& rempü
de figures plcmes d'expreffiond'mi bon gout Sc
de bonne couleur; & 1'autre repréfence un Saint
Pierre qui iv-nie Nctre Seigneur. I,es expreffions
dans les rigures rendent ces tableaux fltperieurs a
fes autres ouvrages. Il furpaiïbit fes contenipo-
rains en Italië, d peindre des vafes d'argent,
d'or, de bronze ou de marbre. Une imitarion
fervile n'a rien diminué de la touche légere qu'if'
avoit acquife pour ce genre particulier.
De retour enFlandies, il fixa fa demeurei
Delft, oü il donna ües preuves qu'il n'avoit pas
perdu fon temps pendant fon abfence, &' qu'une
application conftante aétudier les grands hommes
& la nature, lui avoit acquis des talens (i juftemenc
confidérés par les vrais connoiflèurs.
Il compofoit facilementj fécond a produire,
on voit de lui un grand nombre de deflins & plu—
fiéurs fujers differemment trairés. SeS ouvrages
font rerher«"hi's par les curieus. On s'eft plaiut
fouvent qu'il épargnoit tr p Ie papier; rarement
voit-on un deffin de lui fans êrre tracé des deiïX
£Ótés.
Il fitde beauxouvrages pour la maifon de Ryf~
vyck ; fes tablea 1 en pent cuivre fonr ingénieu-
fement compofés. Te poëte Smids a fait en vers
1'éloge d'iui rableaurepréfentantPyrame&rT hisbé'-'
Ce peintre moumt^cin neiaic enqu " i
Tornt h                                134
-ocr page 434-
418 La Vle des Peintres Flamandsj &c.
Bramer peignoit bien en grand, comme nous
1'avons dit \ mais la plupart de fes petits tableaus
font des Nuits, des Incendies, des Cavernes &
des Souterrains éclairés aux flambeaux. Les petites
figures font fpirituelles & touchées avec bien de
la fineflè. Sa couleur eft naturelle & vigoureufe 3
c'eft ce qui a fait croire qu'il étoit élève de Rim~
bram.
On voit un tableau de ce peintre a Paris,
dans Ie cabinet de M. Ie comte de Vtnce : il re-
préfente deux doókeurs qui difpucenc.
-ocr page 435-
J E A N
yAN GOYEN,
ÉLÈVE DE WILLEM GERHITS.
Jean van Go yen, fils de Jofeph } naquit a
Leyden. en 1596. Son père, amateur de pein-
ture & de deflin, fe détermina a lui faire ap-
prendre cec are. Il fut d'abord place chez Schil-
peroort)
payfagifte , qu'ü quitta pour entrer chez
M. Jean Nicolaï, bourguemeftre & bon peinrre.
Le jeune van Goycn panit être difficile a flxerj il
buicca biencóc fon nouveau makre, pour entrer
Dd 2
-ocr page 436-
4io               La Vie des Peintres
fuctselnVement chez de Man , chez Henri
Kick,
&enhn chez Wil'cm ( Gu.illav.me ) Gerrits,
demeurant i Hoorn : celui-la fut 1'arrêter deux
ans. Pendant ce temps qu'tl cmploya a érudier ,
il avanca au point qu'il fecru: en état de travaiüer
feul: il retourna chez fon père, oüil continua a étu-
dier jufqu a 1'age de 19 ans, que 1'envie de voyager
lui prir. Il parcourat toutes les prmapales villes
de France , oü il exerc,a fon talent & particuliè-
rement a Paris j & fans aller plus loin , il retourna
chez lui, oü fon pcre, qui étoit bon juge, Ie
trouva fort avance, & crut qu'il ne lui falloit
?u'un grand maitre pour en faire un de fon fils.
Is pardrent enfemble pour Harlem, oü il Ie pla5a
chez Ifaïe vanden Velde : ce célcbre payfagifte
\\z avcc plaiiir fon élève en un an devenir grand
peintre.
Il retourna fe fixer a Leyden, oü il fe maria
peu de temps après fon retour : fes tableaux furent
recherches. Il travailh affidument jufqu'en 1631
qu'il quitta Leyden pour des raifons que les au-
teurs ne rapporteur pas, & demeura depuis ai la
Hayejufqu'aGmonquiarrivaalafind'avril $
Ses payfages font variés, & repréfentent ordi-
nairement des rivières avec de petits bateaux
de pêcheurs, ou d'autres remplis de payfans qui
reviennent du marché. On y voit toujours dans les
lointains, foit un petit village , ou un petitbourg.
Il y régne par tont une touche facile Sc expédi-
tive. Tout ce qu'il a fait eft naturel, auffi n'a-t-il
prefque rien fait fansl'avoir defliné d'après nature.
Ses deffins aflez nombreux au crayon noir &
blanc, font recherches par les curieax. Ses tableaux
tiennent tous un peu du gris 9 ce qui ne dépend
-ocr page 437-
Flamands, Allemands & Holiandols. 411
pas de fa maniere d'opérer \ iis n'étoient pas de
même fortant de fa main : 1'ufage d'un bleu qui
étoit pour lors forta la mode (appellé bleu d'Har-
lem) qui en a trompé d'autres que lui j en eft la
feule cnufe. Tout ce qa'il a peint eft fait de peu de
chofe; quelques tableaux de lui ont été regardes
pour être p.eints par Davïd Teniers. Il avoit une
facilité peu commune a opérer. Hoo°jlraeten dans
Ie quatrième livre defon Ecole de Peinmie, nous
rapporte quevö/z Goyen, Knipbcrgken & Parodies
ont fait une gageure a qui fcroit mieux un tableau
dans Ie jour, & cela en préfence d'autres artiftes
leurs amis. Van Goyen furprit tout Ie monde dans
fa manoeuvre: ilpritfon panneau,& fansdeffiner
defllis, il frotta par-tout du clair, du brun plus
ou moins j enforte qu'on ne favoit ce que cela
produiroit. Alors on Ie vit retourner fur fes pas j
6c on voyoir. fortir de ce cahos un ciel léger, des
lointains, avec de petites maifons : un refte de
fortifications s'ofrroit fur Ie fecond plan , avec une
porte d'eau qui laillbit voir pres de la une chüte
con^dérable , une rivière avec des vaiffeaux , des
bateaux pleins de petites figures j & fur Ie devant
<lu tableau, des malTes larges & oinbrées qui
donnoient la pcrfedlion a ce tableau, heurtéavec
efprit Sc d'une excellente couleur. Knipberghen
commen^a fur une grande toile un autre payfage :
il paroidbit que celui-ci prenoit fur fa palette des
ciels , des lointains, des rochers , des ruiffeaux &
des arbres tout faits, qü'il ne faifoit que les appii-
quer fur la toile j il eft certain qn'on ne peut allee
plus vite : ce bon tableau fut auffi fini avant !e
temps. Mais Parcelles démonta ceux qui Ie virent
commencer: il prit fa palette Sc fes pincaaux, &c
Dd|
-ocr page 438-
4**                La Vit des Peintres
---------refta long-temps devant fa toile a réfléchlr fur ce
I ƒf>(. <luü alloit faire _, & il paroifïoit que ce peintre ne
finhoit jamais, lorfquetout d'un coup il commen-
c,a avec une extreme vitelïe j il eut auffi fini pour
Ie temps : c'étoic une marine qui enleva tous les
fuffirages. Ce tableau étoit produit avec réflexion ,
1'auteur 1'avoit conc.u avant de Ie faire, pendant
que les autres n'avoient penfé qu'en faifant. Celui
de van Goyen & de Kniphcrghcn étoient faits avec
cfprit Sc pleins de r^out; mais Parcel/es avoit pouc'
lui toutes ces parnes, & de plus la vérité d'une
étude d'apiès nature. 11 ne dut donc Tavantage
qu'a la réflexion. C'eft bien Ie principe général,
qu'il faut penfer avant que «l'agir: qui pourra
tependant dire que les deux autres n'avoient point
également concu leurs tableaux avant de les faire?
Parce qu'ils ont été moins ce temps a réflécliir,
ne pouvoit-il point arriver qu'ils penfaflent plus
vite?
On voit a Paris, chez M. Lempereur, trois pay-
fages de van Goyen, deux en forme ovale; & a
Rouen, che? l'auteur de eet ouvrage 3 un p»yfage
repréfentant une petite rivière chargée de pecits
bateaux,avec figures, un village dans Ie fond , &
fur Ie devant des mafures & des arbres j il eft du
bon ternps de ce peintre.
-ocr page 439-
F lamanis 3 Alhmands & Hollandois. 413
PIERRE DE NEYN,
ÉLÈVE D'ISAIE VANDEN VELDE.
O N fera toujours étonné en voyant les ouvrages---------
de ce peintre, fur-tout lorfqu'on fera attention 15-07,
a la difficulté & au peu de temps qu'il employa
pour réuffir dns fon art.
Il naquit a Leyden Ie 16 janvier 1597, de pa-
rens peu a leur aife. Son père, Pierre de Neyn,
tailleur de pierre, deftina ce fits, feulement agé
de 11 ans, a ce métier pénible qu'il exer^a pen-
dant quelques années. Son génie,au-deiïusde eet
art mécariique, fe porta a des connoiflances abf-
traites, fans aucun fecours que de ce qu'il pouvoit
ménagerjournellement fur fon travail: ill'employa
a 1'achat de livres, Sc il apprit les mathéma-
tiques , l'architeóture & la perfpedtive au poinc
que les artiftes Ie confultoient, & qu'a la fin il
enfeigna publiqnement ces fciences.
Parmi fes élèves, il eut Ifaïe vanden Velde ,
qui paflbit pour un des meilleurs peintres dans fon
genre; il 1'enfeigna fous condition qu'il lui prète-
roit des deflins, qu'il copioit a furprendre : après
quelque temps, il lui donna des le^ons pour Ie
mélange des couleurs, quelques bons tableaux a.
copier ,& enfin on Ie vit auffi-tót makre qu'élève.
Il abandonna la pierre pour la palene ^ fes tableaux
plurent; chaque jour on les voyoit augmentet en
tien: on ne padoit que de ce prodige.
En 1639 , fon mérite connu par les principaux
■Dd 4
-ocr page 440-
414 La. Vie des Peintres F lamanis, &c.
*--------de Leyden lui fit donner la charge d'archite&e
ï J97? de la ville. Il remplic cette place di^nement, tou-
jours en exercant la peinrure jufcju'a l'année de fa
.fnort qui arriva en
R O E L A N T
R O G M A N
a Amfterdam en 1597. Son ulent
ptoit d.e peindre Ie payfage : il avoit beaucoup
d'intelligence, mais fes ouvrages font crus: on y
voit, a ;ela prèsj beaucoup de vérité : tour ce
qu'il faifoit étoit d'après des deflins copiés fur la
nature. On voic en Hollande plufieurs eftampes
gravées d'après lui, repréfentant la plus grande
partie des cnateaux & des débris de fortiiïcations :
fes dellins font eftimés par les artiftes.
I! étoit ïntime ami de vanden Lechkout 6c de
Kimbrant. Il vivoit encore a l'age de 88 ans, &
inourut peu de temps après: on ignore en quelle
année.
-ocr page 441-
.//■/.
'/"■'•■- ■■""H
THEODORE
ROMBOUTS,
ÉLÈVE DE JA NS SE NS.
peintre, élève de Janjfens, hérita du génie--------
de fon malere j de fon envie contre Rubens, &c de 1597.
la folie ambition de vouloir 1'égaler.
Il naquic dans la ville d'Anvers en 1.597. II
étudia fous Janjfens3 oüfes progrès rapides an-
noncèrent ce qu'il devint dans la fuite. En 1617.,
étant en étar alors de voir les beautés des grands
maïeres, il partir pour 1'Italie. Quelques. ouvrages
lui procurèrent la connoifTance d'un gentilhomme
-ocr page 442-
La Vie des Peintres
qui lui commanda douze tableaux de 1'ancien
Teftament. lis firent connoitre ce jeune peintre
dans Rome: on ne parloit que de lui j chacun
voulut un tableau de fa main. Le grand duc tle
Tofcane le rit appelera fa cour j il exerca le genie
& le pinceau de liombouts. Plulieurs grands
tableaux d'hiftoire qui plurent au prince , lui
méntèrent fon eftime : il en écoit aimé \&c avanc
fon retour en Flandres, il le gratifia de préfents,
outre 1'argent qu'il lui avoit donné pour fes oa-
vrages.
A peine fut-il arrivé a Anvers, qu'il fit éclater
fa jaloufie contre Rubens ; on 1'entendoit toujours
contredireceuxqui difoient du bien de ce peintre.
Parbleu, il ne peut rien manger, difoit-il ,fans le
partager avec moi.
Cette exprellion bafle hgnifie
que Rubens devoit partager fa gloire avec lui.
On aflure qu'il ne pcignoit jamais mieux, que
lorfqu'il éto.it animé contre ce peintre & fes ou-
vrages» On pent juger de ce feu pat les beaux
tableaux qu'il fit alors , tels que S. Fran^ois qui
re§oit les Stigmares; Abraham pret a immoler
fon nis; Thémis & fes attributs : ce deniier fe
voit dans la falle de juftice a Gand. Ce tableau
étonna Rubens même : il y a des parnes ou 1'on
pretend qu'il avoit furpafTé ce grand peintre :
c'efl: beaucoup dire. Il mérita, a tous egards, le
nom de graad artifte. On regrette le temps qu'il a
paiTé a peindre des décorations de théaires, fou-
vent des fujets de cabarets & de tabagies, des
boutiques de charlatans; il y étoit porté par le
gnin. hes figuresfont prefque grandes comme na-
ture , Sc font d'un beau dcffin, d'une expreflïon
, d'une couleur chaude Sc fiere ,
------ _
-ocr page 443-
Flamands j Allemands & Hollandois. 417
ie d'une touche de pinceau large & facile. -
Non content de vouloir egaler Rubens dans la
peinuu'ejilpouiTa la vamtéjufqu'a. vouloir atteindre
afa magnincence. Comme il gagnoitbeaucoup, il
forma Ie projet de batir un palais, & Ie mu en
exéciuion. Il paroït qu'il n'avoit fait Ie devis qu'un
peu tard.- A peine fon hotel étoit-il a moitié, qu'il
apperejut que tous fes fonds étoient épuifés. La
guerre lui èta les moyens de remplacer cette dé-
penfe : il vit fa folie, & il en ent regret: il 'pré-
texta que Ie duc de Tofcane Ie demandoit avec
mftance pour peindre de grands ouyrages , & par-
la il crut cacher la néceiïlté oü il étoit d'aban-
donner fa maifon. Il fe préparoit a partir jmais Ie
chagrin .ruina fafanté, ilmouruta.Anvers,felon
Weyertnans , en 1640 , & felon Houbrahen , .en
ÏÖ37. Il fut enterré dans 1'églife des Carmélites
de la même ville.
Ou voit a Gand , dans 1'églife cathédrale de
S. Bavon, nne Defcente de Croix, tableau d'autel
compofé & peint dans la maniere des plus grands
maitres. Et chezM. Dcyne, feignenr de Lievergem,
un autre tableau repréfentant plufieurs foldats
qui jonent aux cartes. Les figures font grandes
comme nature. Plufieurs églifes & cabinets fe
rrouvent décorés par ce peintre.
JEAN PARCELLES ,
ELÈVE D'HENRI VROOM.
^               néa Leyden , on ne fait pas 1'année;
on Ie place aupiès de Pinas j environ 1'an 1597.
-ocr page 444-
41 $                   La Vit des Peintres
II eft élève d'Henri Vroom; il peignoit ordi-
nairement des mannes. Les tableaux ru il a re-
préfenté la mer dans fon calme_, font beauxj on y
voit une foule de peuples, de pêcheurs ou mate-
lots étendre ou jeterleurs filets. Toutcs ces figures
font d'une jolie touche pleine d'efprit j chaque
petit tableau eft agréable par la repréfsncanon
vraiequ'il a lui -même étudiéed'après nature. Mais
ceuxoü il excelloit, font les orages, les mers agi-
tées, les naufrages oü Ie ciel eft confondu avec la
mer, les éclairs, toutes les horreurs d'une tem-
pête*, des vaifleaux brifés ou prêts a être englou-
tis : ces fortes de fujets font très-bien rendus : on
ne peut les imaginer fans les voir d'après nature :
ilfaifitaufll toutes les occafions,fouventavec pérü.
Il mourut a Leyerdorp , & laifTa ün fils appellé
Jules Parcelles , qui 1'a fuivi de pres dans Ie même
genre. Les connoiireurs les ont quelquefois con-
fondus : d'ailleurs, leurs tableaux font également
marqués d'un /. P.
JEAN et JACQUES
PINAS,
F R È R E &
C«es deux frères font nés dans la ville d^Harlem.
lis peignoient tous les deux également bien la
ügure Sc Ie payfage. Jean Pinas a furpafle fon
ftère: il demeura long-temps en Italië avec Pierre
-ocr page 445-
Flamands 3 Allemanis & Hollandois. 419
tajlman. Ses ouvrages y furent répandus dans les
maifons èc cabinets. Sa maniere un peu rem-
brunie ne laifla pas que d'avoir des partifans: on
dit généralement qu elle plaifoit a Rimbrant, &
qu'il a fonné la fienne d'après Pinas. On vante
un tableau de Jean j representant Jofeph vendu
par fes frères. On ne fait rien de plus de leurs
vies, finon que leurs ouvrages furent eftimés.
PIERRE MOLYN,
Aussi d'Harlem,& contemporain des frères
Pinas. Molyn étoit bon payfagtfte. Ses cieux Sc
lointains font d'une grande légèreté, &fes fonds
fur Ie devant de bonne couleur.
Fin du premier Tome.
-ocr page 446-
TABLE ALPHABÉTIQUE
"DES
NOMS DES PEINTRES
CONTEN.TJS
DANS CE PREMIER VOLUME.
Earentfen , Dirck ( Tliier-
r )                         '55
Kartels, Gterard, 269
Jx. c H e N , Jean van ,
Page 2I9
Achtfchelling, Lucas , 16
Aertfen , Pierre
            io8
Aercz, Rickard,             5 5
Aldegraef ou AHegrever, M
Alfloot, Da'ieiva/i, xjs
Antonizo, Corniïe, Sj
Arents , jean ,
              390
Artvelt, jindré van , i6j
Beer, A'iioid ue ,
Beer, /o/i, A de ,
Beerings, Gregoire,
37
213
93
BeukeiJir, j cachim , > ^o
Bit, /drien ac ,
            406
Biefeliurhen, CiueftUn van,
Bnc, i't-.ri de,
B!o.-k, / cq Rcugers ,
Bockiand: , Antoin
de Moti'foit,
B'oercïtrt, Airskam
:-<■
ivo
,246
440
94
'57
M7
'9
2.1
357
•Dabeur , Tkïodore, 272
Backer, Jacjucs de, 142.
Badens, Franfois, 280
Badtns, Jean,
              Z92
Bai'li, David ,             389
Bakeree! , Guillsume
& Gilles,                268
Balen , i/fnri van , 237
Balten, Pierre,
            lü%
Bamesbier, Jean;          yi
Blcndeel , Lcnsioot ,
Bo', fiiuu ( Jean )
Bom, Pierre,
Bos , Jtromt,
Bos . j'aii-louis ,
Borgt j Henri • ander3
Braeraer, Ltnard,
Bray , Sa'omon de ,
liientclfFrédéric,
274
-ocr page 447-
TA B
Breugliel, Jean ,          376
Z E.                    43»
Druyveft«yn, Arnoltjanjfe,
Breuglir-I, Pierre, 101
Bril, Mathieu & Paul, 208 Durer, Alben,
Broecke, Crifpin vanden,
142                     E
Bronckhorft, Pierre > j*73
E
LBRUCHT, Jean van, yz
Brun, AuguJUn , 274
Elzheimer, Adam , 2§j
Englielbfechcfen, Cornilie,
Enghelrams, Cornille, 137
Erafnie, Diaier,
          22
Es , Jmques van ,        z.6j
Eyck, Huben &c Jean var.,
L»L AESSOON, Aert
( Arnaud )                67
Cléef, Joeph van, 104
Cléef, l/c/z/v ü Martin, de,
Coignet, Gilles           147
Cocl, Laurent van, 1 27
Cooninxloo , Gilles de ,
172
Cornelis, Corni'le, 240
Corne'ifz., Jacques, 48
Coruilie, af/t /t Cuijlnier,
Coxcie, Mickel,            57
Crabec , : ^>cA & Wouter
( Vautier )
             j 24
Craberh , Franfois , 90
Crahtrh , siarien , 208
Crabetli, Wouter\Vautier)
-T EDDES , Pierre, 273
Florr , Franc ( Franfois de
grindt)
             in
Floris, Cornille,
21 f
Frans, AT.
Franck , Jéróme ,
& Ambroife ,
Franck , Franfois ,
Franck, A-ubioife,
Franck , Sébaftien ,
7^
176
3^4
^                ,        282
Fiancquaerc, Jacques ,41}
CranfTe , Jean ,              32
Crayer , Gufpard d: , 350
D
JL'aïi.e , J«a^ va», 148
Lkch, Jean ,
              2 f t
DaÜCj Jacques WiLUms ,
276
Delmont, Deodaet, 347
CjA s t, Mickel de, 111
GeJ?ietfniaii, Vincent, 164
Gheeft, J.,cques de, i6<)
GbetÜ, Wybrand de ,
402
Gheyn , Ja, :'ues de, 249
Goes, Hugues vander , 8
Goltzius, Huben, 128
-ocr page 448-
TAÈLE*
341
Goltzius , Henri ,
Gortzius , Gualdorp
dit Ge/dorp,
Gouda, Cornille van,
Goyea , Jean van ,
Grimmer, Jacques,
Grobber, Franfois,
230
Janflens, Alraham ,
26ï
Jean,
Guerard de S.
10
217
Joris
, David ,
i©7
Joris,
Auguftïn ,
134
419
Ifacs,
, Pierre ,
259
97
333
K
Guerards, Mare,          14J
H
xl A EN , David dt, 275
Hals, Franfok,            360
Harlem , Dirck ( Thierri)
11
Heek, Nicolasvander, 346
Heere, Lucas ie , I52
Helmont, Lucas-Gajfel 12
Ml
Hemmelinck, 2£a«.t ( J«an")
van,
                           33
Hemskerck , Martin , 60
Herder,
                       215
Heu vick , Gafpard, 214
Heyden, Jacques vander,
Hoefnaeghel, Georges, iS©
Hoey, Jean de,
            180
Holbetn , Jean ,            7T
Hollandois, Jean l', 47
Hollman, Hans {Jcan), 274
Honthorit, Guerard, 403
Hooghenberg, üanf {Jean)
Hoogftraeren , DzVd:
Tkierri ) rj.i,          411
Horebout, Guerard, 77
JValgker , Jean van , 80
Kamphuyfen, Dirck-Tkéo-
dore Raph.e'l,          \6<)
Kavnoi.-, Nicolas j Roger
öc Jean,                    132
Ketel, Conille,           199
Keulen , Janjons van , 344
Key, IViltem ( GuiUaume )
133
Kierings , Alexandre , 40W
Klerck , Henri de,
        27 5
Koeberger. F~ nce/l.iusyl<>$
Koeck , Pierre ,             8S
Koek, Mathieu Sc Jéróme ,
93
Kryns, Everard,          2J5
Kunfl, Cornille,           
Kuyck , /«as van, I44
J-iAENEN, Chriftophe-Jean
vander,                    X72.
Laftman, Pierre,         242
Leyden, Lucas -van, 42
Lietnaclfe1 .'•■i.oias d" ,
furnonmé Rooft, 2§'7
Lierre, Jojeph v n , 1^$
Linscliooten , Adrien van ,
394
Lombard , Lambert, $6
Lys, Jean,                  263'
Mandyn ,
J ACOBS! Simon, 131
-ocr page 449-
TJBLE.
Ottovéniu»
43j
OéJavio van
M
veen,                         2.23
Ouwater, Albtrt van, 9
Labüse , Jeande , 85
iiiie , Gnillaume, 174
Mander, Cark ( Charles )
van ,                         194
M;i :dyn , Jean ,            16
Mathilfens, Abraham, 275
Mrire, Guerardvander, ij
Men ton , Franfois , 112
M-flls, Quintin,
          17
Mirevelt, Michel, 2J<»
Molenaer, Cornille, 169
Molyn , Pierre ,
          429
Montfort, Antoine Blotk-
lant,                         150
Moreelze, Pau/, 279
Moro , Antoine,
            98
Moftaert, Jean ,            77
MolLerr , Franfois
& Gilles ,                 121
Mycens , Amoli,          169
-t atenier, Joachim,
Parcelles, /<ran,
Parcelles , Jules,
Pepin , fllartin,
Piece-s , Pierre,
Pitters, Amold,
Pieters , Oïrck,
Pieters , Guerard,
Pinas, Jean,
4*7
4iS
326
171
nx
219
330
41S
Plas, Pi rrt vander, 26$
Poelenbarg , Cornille, $6$
Poindre, J.icques de, 11><)
Porbus, Pierre ,
             £)ƒ
Po bus, Franfois ,
Porbus, franfois ,
^77
R
N
-LLavesteyn, /fö/z v*n ,
Rh -ni, Remi van , 236
Rkke, Bernard de , ijl
J-NeEïs, Pierre,
269
Neyn, Pierre de, ^_ ,
Nicolay, Ifaac,
            164
Nieulanc, Jean,          2 f 9
Nieulanr, Guillaume, 363
Nop, Gernt ,             2Ój
O
Uort, hambrecht van^
III
Oorc, .A&zrn ra» , 228
Orlejr, Bernard van , 38
Rogman, Rolant, 424
Rsmbouts, Tkeodore, 42c
Roodcfeus, Jean, 39-7
Roofe, Nicola< de Liemac-
cker,
                        287
Rottenhamer, ƒ«««, 243
Rubens, Pierre Paul ,207
RyGk, Pierre Cornille van ,
Ryka«rtj Martin, z6i
E e
-ocr page 450-
454             TABLE.
S                      Tilburg , JEgidius van .
:,Antoinet 273    Toeput, Louis, 213
Sameüng, Benjamin , 116    Torrenrius, Jean, 382
Savery, Roland, 293                     V
Schooréel, Jean , 50   tt
Schóoten , Gcorges van,     V ADDER, Louis de, 1$6
370    Valckemburg, Lucas
Schut, Cornille, 39S       & Martin , 149
Sétu , Marin de, 116    Valcks, Pierre , 358
Seghers, Guerard,' 386    Valkaert, IVaernaert van-
Segher? , Daniel, UJ'rere       den, 2<)l
Jé'uite, 391    Veen, OÜivio van ( 0«o-
*«Bgher , i&M (Jean) 9J       venius) 223
t^yers , Pierre, 40ƒ    Velde , JT/aiV:, 396
Sntllinck, /fünj C Jean )    Venne , yJ^'«ra vander,
179                                     374
Sneyders , Franfois, 230    Vereycke, iï<z«J ( Jtan }
Soens , iïanj ( Jean ) 218                                      9^
Someren , Eernard & Pfl«/   Verhatgt, T»bie , 25'
van , 333    Vermeyen , Jean Cornille ,
Soucman, Pierre, 395                                      S"
Spilr, Adrien vander, 147    Vinckenbooms , David ,
SpraDget, Bartholomé, 184                                    3*7
Stalbemt, Adrien\ 340    Vifcher, Cornille de, 131
Steevens, Pierre,' . ZI4    Vlerick , Pierre, 161
Steenwick , Henri, 240   Witt, Willem (Guillaume)
Sreenwyck, Henri, 384       vi«, 364
Scradamus , Jean, IJ9    Vliet, Henri van, 364
Swart ,Jean, 30    Volckaen, li
Swarts, Chriftophe, 167    Yqok , €orr.ille vander ,
Switfer, yc/ipA. 260                                    345
Vos, Mertin de,         117
Vofmer , J^cques Wouters,
T                                                   .358
^,                                     Vrie , P/re* ( Thierri ) <k
X zmï*.s,David,levieux,                                    147
349   Vriendt, Franfois de Franc-
Terbrngghen , Henri, 371       f/ore, III
Thoawu , J»equcs-Erncft,    Vlies , Jean Freieman ie ,
-ocr page 451-
TAB IE.
Vroom, Htnri CornilU , Wty4e, Rêgcrvander,
2J4 Wildens, Jean,
          3
U                      Willaerts, Adam,          9
UWillems, Mare,          138
den , Lucas van, 408 Winghen, Joftpk van j 177
XJytCQvcael, Joachim, ijl Witte , Lievin de, 96
Witte , Pierre de ; aoj
W
                     Witte, CornilU de, 28j
W ael, Jeande,       217                      Y
Wad , Lucas de,         400 -yr
Wael, Cornille de ,     407 I MUS „Ckarlts d' JB
Weerdt, Adrien de, 98
Fin de la Table. .
Ee
-ocr page 452-
TABLE
DE S PEINTRES
AVEC PORTRAIT.
Gove/ij Jean van,
B '<■■'■'
TJ            tt .                          H
JLJ ALEN j Henn van, ■»- j-
^ 57             gj
Bloematrtj Abraham,   Hemsherck _, Martin, ó'o
24^   Holhcen j ]ezn, 71
Braemer3 Lenard ,"410   Hoogjlraeten _, Dirck
Breughel, Pierre, 101        (Thierri) 411
Breusheli Jean, 376*
K
C_£V OEBERGlRj Veil-
s/rE^j Gafpard ceflaiis,           zoj
de,                   350
E                             M
j Jean, %}
é ±$i    Mander, Carle ( Char-
Eyck j Hubert £" Jean       les ) van , 194
van j 1    Mcjfis 3 Quincin, 17
G                     Mireveltj, Michei, i$6
\j-HEESTj Wybrand,                     q
401    ^
'Golf£ws3 Hubert, 128    %^/ORTj Adam van,
Golf(iusj Henri,                                            S
-ocr page 453-
TABLE.                4?7
0rley3 Beraard van, 3 8 Spranger, Bartholomé,
184
P                       Steenviick 3 Henri ,384
OELENBURGjCoï-
mlle, 3*5    T
R                                                    382
j /ean                    '
t,^' rr. ,341    fziKjOetAviovan;
Rombouts j Theodore 3       ( Ottovenius) 213
» 1 ü- P4V    rojj Martin de, 117
Rubais, Pierre-Paul,   Friendt ^an^oii de,
197         (Franc-Flore) til
j Rolant ,              -
Z9i    [JdjeNj Lucas van?
Schooréel 3 Jeanj 50                               408
Schut j Cornillej 398                  ^-
•y^AerjjDaniel, Ie frère     ~fW7~
Jéfuice, 391    ff lLDEXS,Jean,
Sneiders, Fran^ois, 330                                        3 J ^
Fin de la Table des Portraits.
-ocr page 454-
A P P R O B A T I O N.
J
*Ailu,par ordre de Monfeigneur Ie Chanceliw, im
Kfanufcrit intiruié : La VU des Peintrcs Fiamands ,AHt-
mands & Hollandois ,
ouvrage d'urie grande recherche,
exécuté avec autant de fagefle & de gout qu'il eft inté-
retTant dans fon objet, & qui m'a paru très-digne de
flmpreflïon. A Paris, ce vingt-neuf juin nul fept cent
cinqusnte-deux. Signé, ROUSSELET.
PRIVILEGE D U R O I.
■"oüi's , par la grace de Difii, roi de France & de
Navarre : A nosamés & fiaux Confeillersles Gens tenant
nos Cours de Parlement, Maitres des Requêtes ordinaires
ie notre Hó^el, Grand Confeil, Pri^vót de ,Paris, Baillifs.
Sén^chaux, leurs Lieutenans Civils & autres nos Jufticieti
ip'il appartiendra , Salut. Notre amé Ie fieur Descamps
Nous a fait expofer qu'il dtfireroit faire imprimer Sc don-
ner au Public un ouvrage qui a pour titre : La Vit des
Pezntres Fiamands , Allemands & Hollandois,
t'il nous
plaifoit lui accorder nos Lettre? de Privilege pour ce né-
cefTaires : A ces causes, voulant favorablement traiter
J'Expofant, nous lui avons permis & permettons par ces
prefentes, de faire imprimer ledit ouvrage en un ou p!u-
lïeurs volumes & autant de fois que bon lui femblera, &
de Ie faire veadrei£ débiier par-toutnotre royaume, pen-
dant Ie temps de quinze années confécutives, a compter du
jout de la date des Préfentet. Faifons défenfes a tous im-
primeurt, Libraires 8c autres petfonnes de quelque qüalité
& condition qu'elles foient, d'en introduire d'impreflioa
étrangère dans aucun lieu de notre obéiffance : comme
auffi d'imprimer ou faire .imprimer, vendre , fa're vendre,
(Jcbirer ni conttefaire ledit ouvrage, ni d'en faire aucun
extrait, fons quelque prérexte que ce foit, d'aagmenta-
tioa, cetrettiou, changement ou autres, fans la peraiiflloo
-^— -
-ocr page 455-
par éetit du<3it eipofanc ou de ceux qui ayrontdrott
de lui, a pcine de confifcation des exemplaires con-
ttefaics , de trois mille lirres d'amende contre cliacun des
contrevenarcs, donc «n tiers i nous, uu tiers a 1'Hotel-
Dieu de Paris & Pautre tiers audir. expofantoua celui qui
aura droit de lui, & de tous dépess , dommages & inte-
rets : a la charge que ces préfentes feront enregiftrées tout
au long fur Ie regiftre de la commuuauté des impritneuts
Sc libraires de Paris, dans trois mois de la date d'icelles j
«jue 1'impreffïon dudit ouvrage fera faire dans notre royau-
me &non ailleurs, en bon papier & beaux caradères, con-
formément a !a feuilie imprimée , attachée pour modèl^
fous Ie contre-fcel des préfcntis; que 1'impérrant fe con".
fótmera en tout aux régleme^s de la librairie, & notam-
Kient a celui du 10 avril 1715 ; qu'avant de 1'expofer en
vente , Ie raanufcrit qui aura fervi ds copie i 1'impreliloa
dndir ouvrage, fera remis dans !e même érac ou 1'appro-
bation y aura ité donnée, h mains de norre tres ~ che^ 5c
féal ch«valier, chancelier de Trance , Ie fieur de la Mbi-
gnon , & qu'il en fera enfuite rrmis deux exemplaires daljs
notre bibltothèque pubiique, un dans celle de notre cha^
teau du Louvre, un dans celle de notredit très-cher Sc
féa! cbevalier , chancelier de France, Ie (ïeur de la Moi-
gnon, & un dans celle de notie très-cbet & ftal rhevalier,
garde des fceaux de France, Ie fieur de Machault, com-
mandeur de nos ordres, 1c touv a peine de nullité des pré-
fentes ; du contenu defquel'es yous man jons & enjoignons
de faire jouit ledic expofant & fes ayans-caufe, pleine-
ment Sc paifiblement, fans foufFrir qu'il leur foic fait au-
cun trouble ou empêchement. Voulons que la copie des
préfentes , qui fera imprimée tout au long au commence-
ment eu 3. la fin dudit ouvrage, foit tenue pour duement
fignifiëe,& qu'aux copies coüationn^es par 1'un de nos
amés & féaux confeillevs fecrétaires, foi foit ajoutéa
comme kl'original. Cornrnandons au premier notre huif-
fier ou ferg«nt fut ce requis, de faire pour 1'exe'cu'ioa
i'icelles , toHS actes requi1; & nécefTaires , fans demander
autre permiflion, & nonobftant clameur de ba'o, charte
normaiide 8c lettres a ce contraires ; car tel est notre
plaisir. Donné a Compifgne , Ie qainzième jour du
mois de juiüet, 1'an de gtace mil ftpt cent ciuquame-deux
-ocr page 456-
& ie notre tégnt Ie treau-feptirme. Par Ie roi en fon
confeil. S/£^, SAINSON , avec grille & paraphe.
Regiftréfur Ie regiftre XIII de la chambre royale des
ftbraires & imprimeurs de Paris,
nö. 16 fol. 17,conforme-
ment au reglement de
1715 , quifait défenft, article IV,
a toutes perfonnts de quelque qualiré & conditïon qu'ellel
foient, autre^queles libraires & imprimeurs, de vendre,
débiter Sc faire afficher aucuns livres pour les veadre en
leuts noms, foit qu'ils s'en difent les auteurs ou autrement,
& a la charge de fournir neuf exemplaires a la fufdite
ckambrt, prefcritspar l'article
ic8 du. même réglemmt, A
Paris, Ie Urfeptembrc
1751. Signé, J. HER1SSANT,
cdjtint.
De 1'impriraerie d'ABRAHAM VIRET, imprimeur ordi-
naire de l'Hötel-de-Ville & de 1'académie royale des
fciences, belles^ettxes & arts de Rouen, rue Sénécaui,
prèi S. Martin fut Renelle, 17;!.