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L A V I E
DES
PEINTRES
FLAMANDS,
ALLEMANDS ET HOLLANDOIS*
A V E C DES PO.RTRAJTS
Graves en raille-douce, une md�cation de leur»
principaux Ouvrages, & des R�flexions fur
leurs diff�rentes mani�res.
ParM.J. B. Des�AMFS, Peintre, Membre ie ['Aca-
d�mie Royale des Sciences3 Belles-Lettres & Arts dt
Bonen j & Profejjeur de 1'Ecole du DeJJin de la mems
T O M E PREMIER.
A PARIS,
Chez Charles-Antoine Jo�Birt , Libraire du Roi
pour 1'Artillerie & Ie G�nie , rue Dauphine, d
1'image de Notre-Dame.
RI I)CC UU,
APPRO34TION ET PRiyZLECE DU ROI.
-ocr page 2-
E XPLlC^. TIO N DU FROJST TISPI CE.
* - 4 Peinture assise sur Tes d�bris d'une frise Corz'nm
thienne
, tient d*une ma in la palette; et de faut re etle
icrit la vie. des Peintres. Trots g�nies lui Jont voir- les
cup ra ges des art'istes
, pendant qu'un de ces genius y tjui
est ce.uide la p&�n**tre
, luid�cauvre /es beaut�sde chaque
tableau^ et luidicte l* jugement qu'elle place
<J la suite de
chaque vie. Au bas est un g�nie quilit les auteurs , tandis
qu'un autre �crit des eactraits des m�moires dont eet ou-
vrage est compos-� ; un autre tire de l'obscurit� fes me-
daillons sur lesqttefs sont grav�s les portraits des grands
hommes; il les o'~ne de guirlandes de f eurs et va /es at~
tacheraupoitiqeie du temple de M�moire, qu'on reconnoit
au portrait dn fteros, qui est p/ac� dans Ie fronton. Un
nuage qui avnit lo?ig-tems cach� �. Ia France la »>ie de ces
peintres ha bil es , se dissipe ptu apeu^ �. mesure que eet
ouvrage s'avaticr. Les medailles et les chaines sont fes
marques honorabies dont plusieurs Princes ont d�cor� les
grands hommes.
[Cet ouvrage se trouve actuellement
A PARIS,
Chez BeJlih junior* libraire , me du F
-ocr page 3-
ladf.
A MONSEIGNEUR.
CLAUDE-ALEXANDjRE DE VITXENEUV�
C�MTE DE VENCE,
MARhCHALDES CAMPS ET ARM�ES
DU ROY,
COLONEI.-L1EUTIN ANT DU REGIMENT ROYAl,
INFANTERIE-ITALIENNE-CORSI.
Monseigneur,
Apeine ai-je eu l'honneur dt
vous communiquer mon projetct�crirc
aij
-ocr page 4-
'Wt
la Vie des Peintres F'lamands, que y
non content de m'enhardir a cette
entreprife
, vous ave^Jait naitrc mes
r�jlexions
, vous ave^ �clair� nies
doutes
, vous m'ave^ aid� de vos
avis
, vous mave^ ouvert la porte de
la cani�re. Qid pouvoit, en effet,
■plus f�rement que vous
, MON-
SEIGNEUR , meguider dans ces
fentiers difficiles ? Enfignalant votre
valeur dans les arm�es, vous ave%_
content� votre gout pour la peinture,
Apr�s avoir contribui au gain des
bata�les
, a laptife des villes ? vous
vifitie^ hs cabinets des curieux &
les ateliers des plus c�l�bres artifles
;
&en achetantd grandprix leursplus
-ocr page 5-
heaux ouvrages de peimure, vous
ennchijjiei Paris
( * ) des chefs-
d'czuvres jlamands, Cejl leur Hif~
toirt que je vous retrace.
; cejl la
gloire de leurs auteurs
, que je tdche
defoutenir; cefont les hont�s 1 dont
vous mhono.re^
, que je publie. Si
ce foible hommage ne peut vous
marquer toute ma reconnoijfance j
( * ) M. Ie Comte de V e n c e a orn�
fon cabinet de plufieurs tableaux j dont les
auteurs font a peine connus a Paris. Il a joint
a ces richefles de la Flandre , des morceaux
pr�cieux d'Italie 6c de France. On y admire
cntr'autres deux beaux tableaux de M. Pierre ,
premier Peintre de M. Ie Duc d'Orl�ans j Sc
Profefleur de 1'Acad�mie Royale. Ils font places
a c�t� d'un tableau du Rimbrant} ils s'y fou-
tiennent pour la couleur 3 mais ils font grand tori
a celui duflamandj du c�t� de. la corre<2ion &
de 1'�l�gance du deflin.
� � �
au;
-ocr page 6-
il vous afjurera du moins du pro'
fond rejpecl avtc lequel jefuis
,
MONSEIGNEUR,
Votre tr�s-humble & tt�s-ob�iflant
Serviteuc ^ J. B. DJESCAMPS,
-ocr page 7-
AFERTISSEMENT.
�Nne connoii�oit avant la derni�re
guerre qu'une partie des Peintres Fla-
mands, Allernands & Hollandqi--. Le
f�jour que nos troupes ont fait en
Flandres, a donn� lieu aux amateurs
d'�tendre leurs connoiffances & de
rechercher les tableaux des plus c�-
lebres maitres ; mais il manquoit peut-
�tre a la France , un livre qui tit con-
noitre enti�rement la vie & les ou-
vrages du plus grand nombre.
Monfieur F�liblenvi^ fait que nom-
mer les Peintres Flamands; ii n'a �crit
la vie que de tr�s-peu d'artiftes. M. de
Piles
s'eft born� a 1'hiftoire de 81
peintres , encore n'avoit-il pas puif�
a la fource. Il n'eut pour guide dans fes
recherches que Sandraert, peintre Al-
lemand , qui avoit �t� lui-m�me copifte
peu exacl: de Carle van Mander, & de
quelques autres �crivainsqu'il a fuivis,
ians examiner les faits ni v�rifier les
a iv
J
-ocr page 8-
viij AVERTISSEMENT.
ciates. FlorentleComte a�critdepuis les
n �mesauteurs un plus grand nombre de
Vies; mais il eft moins inflruftif, moins
fuivi & moins int�reffant que M. de
�Pi/es.
Les deux volumes & Ie fuppl�-
m�nt de M d'Argenville, ont m�rite 1'�-
loge d'undenos meilleurs journaliftes;
& rien n'eft plus flateur que Ie fuffrage
des perfonnes dignes elles-m�mes de
louanges. Mais 1'ouvrage que j'an-
nonce eft d'une plus grande �tendue.
Il y a pres de quinze ans que j'ai com-
menc� a faire des notes fur la vie des
Peintres Flamands. J'ai compar� dans
ces notes les auteurs les uns avec les
autres; j'ai d�m�l� , autant qu'il m'a
�t� poffible j Terreur d'avec la v�rit�.
Mon ouvrage augmentoit �nfeniible-
ment; jen fis part a quelques amis �clai-
Jf�s., & a des perfonnes diftingu�es par
leur rang & par leurs connoilTances,
qui m'engag�rent a Ie pourfuivre & a
raffembler en corps ces difF�rentes par-
ties. Les Flamands m�mes , peu con-
tens de ieurs �crivains , me promirent
de m'aider de leurs fecours, & m'ont
engag� dans une carri�re qui m'a offert,
en la parcourant, des dfifficult�s que
je n'avois pas pr�vues. L'auteur qui a
-ocr page 9-
AFERTISSEMENT. ix
conduit laplupart de ceux qui m'ont
pr�c�d� eft Ie c�lebre Carle van Man-
der
, peintre & hiftorien Flamand; il a
�crit depuis 1'origine de la peinture a
Thuile, c'eft-a-dire , depuis envirort
1366 , jufqu'en � 604. Il m�rite af�ur�-
ment notre eftime & notre reconnoif-
fance pour fon exa&itude; mais il auroit
�t� a fouhaiter qu'il e�tmis dans (es �crits
lesgraces&la pr�cifion qu'on admire
dans fes tableaux. Il eft trop dif�us : ce
n'a pas �t� fans une attention p�nible ,
qu'il m'a fallu d�barraffer Jes faits int�-
reffans d'avec une multitude de d�»
tails qui ne Ie font pas. Cornille de
Bie
a moins fait 1'hiftoire de quelques
jpeintres de la m�me nation, que leurs
eloges en vers ; ils font tous , a 1'en-
tendre, des artiftes admirables, ils n'ont
pas Ie moindre d�faut: il n'�toit pas fa-
cile de faifir la v�rit� a travers des hy-
perboles qui la couvrent.
Arnold Houbraeken, peintre Hollan-
dois &continuateur de Carle van Man-
der
, eft eftimable pour fes talens &
pour fes moeurs. Il eut 1'avantage de
voir les tableaux dont il a fait la defcrip-
flon j & de connoitre les peintres dont
il a fait 1'hiftoire; mais on d�fireroit
-ocr page 10-
x AVERTISSEMENT.
qu'il fe fut plus �tendu en quelques
endroits & reirerr� en d'autres. Ses
dates font plac�es coniuf�ment, fans
chronologie, fans aucun ordre. Nous
avons trois volumes in-4J de Camp o
Jf^eyermans
, autre peintre Hoilan-
dois. Il a compil� Houbraeken qu'il a d�-
figur� ;ila remplifes �crits d'ordures ,
d'impi�t�s& decalomnies;ilacondam-
n� 1'ordre & la lageiTe qui r�gnentdans
les ouvrages de M de Piles, au lieu de
s'efforcer de lesimiter.
Johan van Gooi vient de publier
deux volumes in-8° furlam�mema-
ti�re; Ie premier en 1751, & Ie fecond
en 1752. Il n'aque Ie m�rite de 1'exac-
titude : il ne porte aucun jugement fur
les tableaux dont il parle ; il ne lui
�chappe pas la moindre r�flexion fur
les manieres difF�rentes des peintres.
Son ouvarge n'eft qu une compilation
de faits & une lifte de tableaux ; il
furcharge & interrompt , comme les
autres, (es narrations de vers d�plac�s,
qui ne marquent ni fon jugement ni
fon gout.
Tous ces �crivains, qui fe contre-
difent fouvent, ne pouvoient �tredes
guides fi�rs. Il m'a fallu puifer dans
d'autres fources : j'ai lu les hiftoriens
-ocr page 11-
AVERTISSEMEN7. xj
des villes dont j ai eu occafion de
parier ; je n'ai point n�glig� les poeres
qui ont v�cu du temps des peintres
qu'ils ont lou�s ; j'ai tranfcrit les regif-
tres de diverfes compagnies; j'ai tir�
les dates des �pitaphes, des extraits
raortuaires, & d'autres monumenspu-
pjics Les cabinets des curienx m'ont
�t� ouverts ; des titres de plufieurs fa-
milies m'ont �t� confi�s: on m'a en-
voy� de diff�rens pays des inftruc-
tions de toutes efp�ces, �crites en di-
verf�slangues que j'ai Ie bonheur d'en-
tendre J'ai eu des relations intimes &
descorrefpondances particuli�res avec
desfavans & d'habiles artiftes. Quand
tous ces fecours ne fuffifoient point ,
je me fuis tranfport� fur les lieux pour
�claircir les faits obfcurs : enfin j'ai
paffe ma jeuneffe en Flandres , ma pa-
tne, ou j'ai v�cu au milieu des rares
produftions que je fais connoitre.
Plein d amourpour mon art, j air�fl�-
chi fur les grands mod�les qui m'en-
tpuroient ; j en ai �tudi� 1'efprit ; j'ai
tach� d'en faifir les cara��res. Il ne
iuffit pas de marquer la maniere d'un
peintre ■ � faut la d�velopper, 1'on
peut parier ainfi, ia comparer avec celle
-ocr page 12-
xij AVER TI SS E ME NT.
d'unautre. Les comparaifons font des
lumi�res qui donnent a 1'objet un �clat
plus v if. Ce n'eft pas par des termes fa-
vans qu'on fe fait Ie tnieux entendre ;
c'eft par une expofition d�taill�e de
toutes les parties du tableau: cette ex-
pofition les doit pr�fenter a 1'efprit
telles qu'elles s'offrent aux yeux , &
met fouventlesmoins cannoifleurs en
ctat d'en juger; aufiin'ai-je employ� ,
autant qu il m'a �t� poflible , les termes
confacr�sa laPeinture , que quand la
langue ne m'en fourniffoit pas d'autre,
ik
j'ai eu foin de les expliquer dans des
notes.
Cet ouvrage commence en 1366,
par la vie des fr�res van Eyck , inven-
teurs de la peinture a 1'huile , & conti-
nue jufqu'a notre fi�cle. L'ordre chro-
nologique s'y foutient d'un bout k
1'autre. Les dates font marqu�cs a,la
t�te de chaque hiftoire ; quand eiles
font inconnues , je les indique- a peu
pres, iur les conje&ures que je tire du
temps ou Ie p�re , Ie maitre ou les con-
temporains du peintre dom j'�cris la
vie ont v�cu ; j'ai recours a�x ann�es
marqa�es fur les tahieatix cju'il a peints;
& fouvent les plus petites circonf-
-ocr page 13-
AVERT1SSEMENT. xiij
tances, m�l�es a 1'hiftoire d'autres
peintres, m'ont conftat� Ie tempsa peu
pres ou il a v�cu.
L'ordre que je me fuis prefcrit ,
comme Ie plus clair&le plus fimple ,e{t
de faire connoitre 1'ann�e , la ville ou
Ie peintre a recu Ie jour. J'expofe (on
extra&ion, je Ie fuis chez (es maitres &
dans les pays ou ii voyage, j'en raconte
des �v�nemens, lorfqu'ilsontquelque
rapport avec fon talent, & je marque
Ie temps de fa mort. Lorique (es ouvra-
ges me font bien connus, je d�figne
ion genre & je tached'appr�cier fon m�-
rite; mais lorfquejene connois point
par moi-m�me fes tableaux, j'indique
o� ils font: j'en fais mie efp�ce de cata-
logue, eniorte que 1'on fait en quel en-
droit un tableau �toitautrcfois , a qui
il a appartenu, & dans quei cabinet il a
�t� tranfport�. C'eft par cette route
inftruftive que j'arrive jufqu'aux cabi-
nets de nos Francois curieux , pieins
de connoilTances & de gout, quipof-
f�dent les plus pr�cieux tableaux de
Hollande & de Flandres.
Pres de deux cents portraits, gravcs
par les mcilleurs artiftes de Paris, & pla-
ces a la t�te de la vie �es plus grands
,-*
-ocr page 14-
xiv AVERTISSEMENT.
Peintres, font les pius beaux ornemens
de eet ouvrage. Ces portraits cara&�-
rifent par les vignettes qui les entou-
rent, les talens particuliers de chaque
maitre , enforte qu il fuffit de voir ces
attributs, pour juger quel �toit legenrc
du Peintre.
La clart� du flyle, 1'ordre des faits, la
rapidit� de la narration , beaut�s effen-
tielles aux �loges hiftoriques , font
celles que j aurois bien voulu r�pandre
dans mon livre. Etranger &artifte , je
crains bien de n'en avoir eu que la
volont�. J'abandonne a la critique
quelques exprefi�ons n�glig�es, quel-
ques tours hafard�s ; mais j ofe repr�-
fenter, que dans un ouvrage tel que
celui-ci, qui fe fouttent & int�reffe par
lui-m�me , on doit avoir, fuivant Ie
pr�cepte deQuintilien,moins d'atten-
tion pourles mots que pourleschofes.
N'avancer rien que devrai ouconnu
pour tel,par rapport aux �v�nemens
de lavie de chaque peintre ; donner
pour douteux ce qui Teft ; rejetter ce
qui eft licencieux, de mauvais exemple,
peu agr�able, peu int�reffant; n'attri-
buer a chaque artifte que les ouyrages
qu'il a faits; lui �ter ceux dont il n'eft
-ocr page 15-
AVERTISSEMENT. xv
pasl'auteur; les rendrea qui ils appar-
tiennent; en porterunjugement que
l'on croit �quitable., & toujours fond�
fur celui du Public �clair�: voila ce que
j'ai fait, ou tach� de faire.
La plupart desPeintres ne mettent
fur leurs tableaux que les lettres ini-
itales de leurs noms. On fait avec
quelle diff�rence les Franc.ois, les Fla-
mands & les Hollandois �crivent les
in�mes noms de bapt�me. Pour pr�ve-
nir eet inconv�nient, j'ai mis tour. au
long Ie nom & Ie furnom de 1'artiile
dans les deux diff�rentes langues; par
exemple, page i i,Hans(jean)Memme->
linck. Hans
eft Ie nom flamand, qui
fignifie Jean en francois, &c.
On va voir les r�volutions que la
Peinture a �prouv�es en Flandres & en
Hollande; elle a fuivi Ie fort detous les
A
rts. Quand les Princes 1'ont prot�g�e,
elle aeu de grands fucc�s; quand ils 1'ont
abandonn�e, elle ad�g�ner�. Le Prince
Charles de Lorraine , gouverneur des
Pays-Bas, commence aujourd'hui a la
tirer de la langueur o� elle �toit depuis
quelques ann�es. LEcole Flamande
reprend de la r�putation ; mais il lui
manque encore bien des avantages qui
diftingxient celle de Paris. Elle doit �tre
-ocr page 16-
xvj AVERT1SSEMENT.
regard�e par 1'ordre qui y r�gne , par
rinftruftion quis'y donne , par t'�mula-
tion & les r�compenfes, comme Ie
mod�le de toutes les academies de Funk
vers.Ilyapeud'artiftes dans Ie monde
qui �galent ceux dont elle eit compof�e;
un grand nombre d'entr'eux joignent au
g�niedupinceaule talent d'une plume
elegante ; & a 1'art de faire des chefs-
d'ceuvres, Ie don d'en bien juger.
Je dois unt�moignage public de ma
reconnoiffance a quelques illuftres amis
qui m'ont aid� dans eet ouvrage. M.
mathieu de Vifch ,Peintre & Direfteur
de l'Acad�mie de Bruges , malgr� fes
occupations importantes , m'afait part
de fes favantes recherches. Je dois un
remere�ment a M. Elfen , peintre Fla-
mand , & Affoci� de l'Acad�mie de
Rouen, qui pendant mon abfence a
bien v oulu fe charger de conduire Ie bu-
rin des plus habiles graveurs de Paris ,
pour les portraits qu il a embellis en
partie de fes ing�nieufes compofitions.
Le fecond volume va paroitre ince�
famment; il commencera par la vie de
van Dyck: les autres le fuivront, fans
autre interruptionque cellequi fera n�-
ceffaire pour achever le grand nombre
ide portraits auxquels ontravaille.
HUBERT
-ocr page 17-
HUBERT ET JEAN
VAN EYCK,
�LEVES DE LEUR PERE.
Vj kst a la petite ville de Maafeyk, fitu�e-
fur les botds de la Meufe., que nous devons
Ie fecret de la peinture a. 1'huile, que les
anciens ne connoiflbient pas , & auquel les
moderwes doivent la confervation de leurs
diefs - d'cEuvres. Cette ville donna Ie jour a
iiubert Fan �yck Sc i Jtan fon Fr�ie. Le
Aomc ��
                                          A
■■
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                    La Vle des Peintres
______premier naquit en 136$ , & Ie fecond en
^ lis �tudi�rent & fuivirent tous deux les principes
de leur p�re. Cette familie fembloit �tre n�e pour
la peinture : Marguerite leur focur fut c�l�bre
dans eet art; elle refufa de »fe maner pour
pouvoir s'y livrre toute enti�re.
Quoique Jean fut �l�ve d'Hubert fen fr�re aiu�j.
il lc^furpafla. Il �toit non-feulement bon peintre ,
ma�s il avoit une inclination d�cid�e pour d'autres
fciences, Sc fur-lout pour la chymie. En cher-
chant Ie moyen de puriner fes couleurs pour les
rendre plus durables, il avoit trouv� un vernis qu'il
appliquoit fur fes tableaux, Sc qui les rendoit lui-
fans Sc pleins de force. La recherche de ce vernis
avoit occup� tous les peintres d'Itahe pendant
plufieurs ann�es. Comme ce vernis ne fe f�choit
point de lui-m�me, Sc que Ie peintre �toit obli-
g� de 1'expofer a 1'ardeur du foleil, un hafard
procura a. la peintiue �« facc�s dont nous jouif-
fons. Jean van Eyck ayant pof� au foleil un tableau
' qui lui avoit co�c� beaucoup de foin , ce tableau,
qui �toit fur bois, fe f�pdra en deux. La douleur
de voir ainfi d�truire Ie fruit de fes travaux, lui
fit avoir recours ala chymie , pour tenter fi, par Ie
moyen deshuilescuites, ilnepourroitpas trouver
celui de faire f�cherfon vernis fans Ie fecours du
foleil ou du feu : il fe fervit des Huiles de noix &
de lin, comme les plusJiccadves; Sc en lesfaifant
cuire avec d'autres drogues, il compofa un vernis
beaucoup plus beau que Ie premier. Il �prouva-
de plus que les couleurs fe m�loient plus facile-
ment avec i'huile qu'avec la colle ou 1'eau d'oeuf,
dont il s'�toit jufqu'alors fervi; ce qui d�termina
notre artifte a fuivre cette nouvelle methode. Ses
-ocr page 19-
Flamands% Al�etnands & Boilandois. $
coulciirs, fans s'emboire ( i ), conferv�ient leiirs
ni�raes tons, & n'avoient pas befoin de vernis:
elles fe f�choient promptement; &il fautajouter
encore qu'il trouva plus de facilit� a les melen
Tous ces avanrages lui firent abandonner la colle
& 1'eau d'ceuf, p�ut fe mettre dans 1'ufage des
couleursa 1'buile, ouil acquit, ainfi que fon fx�rej
une grande r�puiation» lis eurent aufli tous deux
grand foin de cacher bttl fecret.
Lears principaux tableaux font ceux qu'ils
firent a Gand en Flandre. Parmi les plus con-
f�d�rables , on admire celui de Saint- Jean, qu'ils
peignirent pour Phi�ppe Ie Bon, duc de Bour-
gogne , comte de Flandres. On y voit fon portrait
fur un des volets (2)1 il y eft peiut a cheval.
Lededans du tableau icpr�fente les Vieillards qui
adorent 1'Agneausfujettir� de 1'apocalypfe.C'eft
un prodige que la quancit� d'�uvrage & que Ie
fini dont il tft. On y compce 350 t�tes, fans y
en trouver deux qui fe refT�mblent. On voit fur
Ie volet droit, Adam & Eve repr�fent�s avec
beaucoup de noblefTe Sc de d�cence j fur 1'autre
volet eft une Sainte-C�cile & quelques autres
figures de cavaliers avec leulrs chevaux. Les deux
freres fc font peints aux c�t�s: Hubert, comme
fain�, eft a la droite; ill�paro�t m�m« par la
phyfionotnie : il a fur la t�te un bonnet fourr�,
.(1) Un tabfeau estembu, lorsquel'huile�tantentree
3ans la toile, laisse les cculeurs mattes. Les toiles
nouvellement imprim�es, sont sujettes a ernboire
les couleurs.
(2) Les anciens �toient dans 1'usage de fermer
�eurs tableanxavec des volets, pour consewer 1'�clat
de teurs couleuts.
A z
-ocr page 20-
4                     ■�<* Vit des PeiMrtS
'------mais d'une forme finguli�re' & retroufle paf
i}66. devznt:Jean vanEyck eft alagauche, coiff� eu
bonnet de la forme d'un turban} il eft v�tu d'une
robe no.'re \ il a un chapelet rouge a la main, avec
une medaille pendante au bas. Les attitudes font
belles & bien deffin�es j les t�tes pleines d'�xpref-
fions d'advniration , de d�votion 8c de candeur ;
les cheveux, les poils des barbes font d'un d�tail
& d'un fini fingulier. Il en eft de m�me des crins
des chevaux. Le payfage eft agr�able j les arbres,
les plantes du pays & �trang�res , font bien deffi-
n�s Sc d'une grande v�rit�. La compofition du
tout enfemble eft fans embarras &.pleine d'efprit.
Les figures font drap�es dans le gout d'Alben
Durer
: les couleurs principales, les rouges, les
pourpres & les bleues, font auffi belles & aufll
f ra�ehes que fi on venoit de les appliquer : auffi ne
voit-on que rarement ce tableau *, il eft toujours
ferm�,&: ne s'ouvre qu'a certains jours de fetes, ou
a la demande des gens de confid�ration. PhUippc .
Premier
_, Roi.d'Efpagne, n'ayant pu obtenit ce
tableau , en fit faire une copie par Michel Coxcie,
peintre de Malines, laquelle fut tr�s-bien rendue j
on lui reprocha feulement d'avoir pris troj» de
licence dans q»elques changemens , fur-tout dans
la Sainte-C�cile , qui regarde derri�re elle fan«
iaifoii.Il employadans la robe de la Vierge pour
31 ducats de bleu qae le Titien envoya d'ltalie
par les ordres de ce prince. La copie lui co�t»
pres de 4000 florins : le peintre y avoit employ�
deux ann�es de travail.
Brugcs & Ypres pofs�dent deux tableaux de
Jean van Eyck. Celui d'Ypres eft dans le chceur
de S. Martin. On y voit le portrait de' 1'abbc
-ocr page 21-
Ftamands , Allemands & Hotlandois. 5
Priamo. Les volets n'ont point �t� finis^ Jls font----------
remplis d'embl�mej qui onc rapport au myft�re de 13 <>�.
la Sainte Vierge. La v�rit� dont eft rendue chaque
chofe, momre qu'il s'�toit attach� a imiter tout
d'apr�snature. Il faifoitbienle portrait, & ornoit
fes fonds de payfages agr�ables.
Carle van Mander ( 1 ) dit avoir vu chez
Lucas de Heere, fon ma�tre , Sc peintre a Gand,
un portrait de femme, �bauch� avec autant de
corre�fcion & de fra�cheur que les plus finis qui
aient jamais �t� faits par d'autres peintres. Marie,
veuve du Roi d'Hongrie, fit la d�couvertc d'un
tableau pr�cieux du m�me auteur : il repr�fentoit
deux jeunes perfonnes qui font a la veillede s'unir
par les nceuds du mariage. Ce morceau fingulier
fut trouv� dans la boutique d'un perruquier, qui
rec.ut en �change de la princefle, une charge qui
�appertoit 100 florins par an.
Apir�s avoir rlni fon gcand tableau a Gand ,
Jean retourna i�xer fa demeure a Bruges, qui pour
lors �toit la plus brillame viile de 1'Europe pour
Ie commerce : a. peine pouvoit-il fuffire a 1'em-
prei��ment des feigneurs du pays & �trangers,
qui achet�rent fes produftions. Elles faifoientl'ad-
miration des aitiftes & des connoii��urs.Fr�d�ric
duc d'Urbin eut de lui un beau tableau , repr�-
fentant un bain. Laurent de M�dicis lui fit faire
plufieurs ouvrages, entr'autres un S. J�r�me. La
r�putation de ce pe�itte fit tant de bruit en
(1) Carle van Mander, peintre etpo�ie, a�crit
la vie des peinlres italiens, flamands, hollandoi.9
et allemands , jusqu'a 1'ann�e 1604. Nous avons du
m�me un traite en vers sur la p»inture, tr�s-esUui�,
et une explication des fables �'Qvide.
-ocr page 22-
6                    la Fit des Pet nerts
Itali�, que qnelqires n�gocians da Ft�rencs �h*
atfiet�rent un tableau, dont ils firenc pr�fent .i
Alphonfe roi de Naples , qui i>e celfa d'admirec
cettemervei�e& Ie iecret de cetre efb�cede pein*
ture. Antaneilo, on Anto'me de Mejpne, peintre»
qui �toic pour-lors a Naples pour des affaires
m>me(tiquesi, quitra tout, 6c fut chercher 1'auteur
dans 1'intention de d�cpuvrir fon fecrer. An�v�
a Bruges , il Bt affiduement fa cour a van Eyck;
& par bien des pr�fens, &c fur-tou: par de beai7X
deflirw d'Italie, (c'eftainiiquelesartiftesdcivent
commercer enfemble ), il gagm Tannine &
la confian.ce du Fiamand ,|qui lui enfeigna fa pr� �
paration des couleurs a l'huile, qu'Antonello porti
chezles Italiens quidepuisl'ont renduepublique.
lis m�ritoieiit de routes mani�res de po/T�der ce
fecret admirable,
Ces deux fr�res, Hubert & Jean va"i Eyck,
ont tcwjours v�cu dans une grande union. lis onr
�t� fort eftim�s de Pkl/ippe^ duc de Bourgogne,
qui confid#r&ic les taleos & la foliciit� de 1'efprit,
de Jean. 111'honora d'une place dans fon conleit
Huben efl: mort & enrerr� i Gsnd, ou Ton voir
qu'il eft d�c�de* Ie 18 feptembre 14KJ, ag� de
60 ans. Jean eft mort depuis fort ag�: il eft enterra
a Bruges en Flandre.
Lebeau fini des ouvrages des fr�res van Eyck ,
§c leuv foin a conferver leurs couleurs pures, juf-
ques dansles ombres, auroit augmenr� Ie prix de
leurs tableaux , s'ils avoient of� facrifier quelques
tons de couleurs, fouvent trep aigus (. 1 ), <%
(1) Trop ar'gvt. Danslepremipr temps <*e la peinfur^
on ae connoissoit pas 1'union des couleurs. On voty.
__�_
J�HIiSiiil.....iniim^
-ocr page 23-
Tlamanisj Allemands & �tollahdoli. 7_______
aprefque jamais aff�z d�grad�s , alnfi qu un gout , J(J <j
«ie deffin pen elegant. Un voile �pais leur avoit
d�rob� les graces que 1'andque feul peut enfei-
gner, & que certe �cole n'a conn�es que long-
temps apr�s. Mais ils ont Ie m�rite d'avoir trouv�
Ie fecret de pr�parer les couleurs a. 1'huile j & c'en
eft afTez pour les rendre immortels, & m�riter en
tout temps notre admiration & notre reconnoif»
fance.
On conferve avec diftinftion dans Ie cabinet
du duc d'Orl�ans, deux tableaux; Tun eft Ie
portrait des deux fr�res, 1'autre 1'adoration des
Mages, peints par Jean van Eyck.
ROG E R,
SURNOMM� DE B RU GES,1
�LEVE DE JEAN VAN EYCK.
oger, natifdeBroges, �l�ve de Jean van
Eyck,
a bien imit� fon ma�tre. Il eft un ^es
fremiers qui aient peint a 1'huile apr�s van Eyck.
1 peignoit en grand ,5c def�lnoitbien fes figures.
Van Mander Ie regarde comme un bon artifte:
il dit avoir vu de lui plufieurs grands morceaux
a la colle Ie a 1'eau d'ceuf, qui, felon 1'ufage du
rles couleurs enl��res, plac�es I'une pres de 1'autre ,
foujoursbrillantesjlebleu, Ie rouge, Ie jaune, leverd
et ] e pourpre sont conserv�s avec to�t leur �clat, ce qu�
rend leurs ouvrages comme des d�coupuressans har-»
mooie.
A 4
V
-ocr page 24-
La Vu des Peintres
"~t«ns, ferv�ieat de tapifleries dans les apparte-
i}66. mens» Les �glifes de Bruges �toient orn�es de
fes ouvrages: fa maniere de peindre eft gracieufe,
fon deifin ailez correft 3 &fes compofitions fpiri-
tuelles.
HUGUES
TANDER G O E S ,
�LEVE DE JEAN VAN EYCK.
vander Go�s , autre �l�ve de Jean
van Eyck,
eft natif de Bruges. Son g�nie �lev�
brille dans fes ouvrages : il peignoit auffi i
1'huile : on voit de fes produdtionj avant & apr�s
1480. Van Mander loue beaucoup fes tableaux^
il nons a laiflT� la defcription de plulieurs, entr'au-
tres d'un petit, qui eft piac� dansl'�ghfe de Saint-
Jacques a Gand, 8c qui orne 1'�pitapne de Wouter
Gaultier.
Le dedans repr�fente la Sainte Vierge:
la t�te eft belle & gracieufe, d'une excellente pro-
prcr� & d'un grand fini: le fond, la terrafle, les
herbes & l?s petits caillous font bien imit�s. On
voit dans la m�me ville, chez le fieur Weytens, un
tableau repr�fentant Abiga�l qui vient au-devant
de Pavid. On ne fauroit afTez admirer la noblefTc
�c la modeftie dei femmes qui y paroiffenc.
David eft repr�fente a cheval avec fa fuitc : la
eompofition du toui eft ing�nieufe. La ville de
Bruges pofT�doit un grand nombre des ouvrages
d? Hugo.es. KIe confervoit encore dans T�glife
1                         /
-ocr page 25-
Flamandsj Allemands & Hollandois. 9
de S. Jacques un tableau d'aucel. Dans Ie temps
des r�volutions & de la deftr��fcion des �glifes,
ce tableau fut �pargn� , mais gat� par 1'ignorance
d'un barbouilleur , qui Ie choifit pour �crire en
l«ttres d'or les tables de la loi de Mo�fe. Mal-
gr� eet accident, Ie tableau a �t� nettoy� avec
pr�cautian j & par Ie fecret d'enlever Ie mordant
de k couleur d'or, on 1'a r�chapp�. Le tempi de
la mott de Hugues eft ignor� , ainfi que le lieu
de fa f�pulture.
A L B E R T
VAN OUWATER,
yj. lbert van Ouwatcr, n� en la ville d'Harlem;
a peint un des premiers a l'huile dans cettc
ville, du temps m�me des van Eyck, ou peu
apr�s. Il peignit dans la principale �glife, a c�t�
du grand autel, un tableau pour la chapelle dei
p�lerins , repr�fentant S. Pierre Sc S. Paul:
les figures font grandes comme nature. Il avoit
trac� au-deflbus de ce tableau, un payfage o� 1'on
voyoit des p�lerins, les uns fe livrant au repos &
les aarres faifant un repas champ�tre: le tout �toit
bien traite, tant pour le deflin que pour la cou-
leur. Les extr�mit�s font tr�s-finies & les drape-
ries afTez bien rendues, le payfage fur-toutpafloit
pour le meilleur du temps ^ & felon le rapport dei
pemtres anciens, ceux * d'Harlem ont �t� les pre-
miers payfagiftes de bon gout. Albert a peint
■ .
-ocr page 26-
10                   La f ie des Peintres
�ncore la r�furredion du Lazare : Van Manief
en a vn une copie �bauch�e , Sc a jug� que la
figure �toit bien def�n�e pour Ie cemps, quoique
mte ; Ie fond �toit d'une belle archite&ure, & les
aporres 8c les femmes d'une belle expreflion.
Hemskerck a fouvenc �t� voir Sc admirer ce
trfbtem avecfon fils, fon �l�ve.fans pouvoir s'en
rafTiner. LesEfpagnots en eniev�rent furtivement
i'originat, nind qu-e d'autres morceaux auffi pr�-
cieux, !orf!]ii'ils eurent pris la ville d'Harlem.
GUERAPlD
E SAINT-JEAN,
�LEVE D'OUWATER.
x\.t.BSRT d'�mvatsr joint a la gloire d'avoir
cxce�� dans fon art, celle d'avoir fait un �l�va
du
plus grand m�rite. Il fut nomm� Guerard
d'Harlem
j parce qu'il naquit en certe ville, on
Guerard de S. Jean , parce qu'il demeurott dans
un couvam de ce nom, fans avoir �t� de eet
ordre. Il �toi: n� peintre; 8c quoiqu'n n'aitv�cu
que 18 ans, il a �gal� fon maia-e, Sc il 1'a m�me
furpafT� dans rordonnance de fes fujets, dans !e
deiiln&dans rexvn-e.llon. Il fit dansl'�glrfedeS:
Jean, au grand autel, un tableau dont Ie fujet
eft Notre Seigneur crucifi�. Il avoit peiut une
defcente de croix fur un des volets, & fnr 1'aiure
un fujet diff�rent. Il n'�chappa a !a fnreur du
fo'dat, dans 1'affaut de la ville d'Hai'em , qu«
-ocr page 27-
Flamandj., Allemands & Hottattd�ls0 }
volets de ce tableau , qui font chez Ie com-
nttanc, dans Ie nouveau batiment. Celui qui ' "
repr�fente la defcente de croix eft d'une grande
beaut�^ tour y eft furprenant peur les expreffions.:
la douleur y eft peinte fur les phyfipaomies des
Mar�es& des Ap�tres , a.vecbeaucoup d'art & de
v�rit�. Les arciftes du temps regardoient eet
ouvrage comme Ie plus beau tableau du i'�cle.
L'aureur favoit bien la perfpedtive. Il avoit peint
1'�glife d'Harlem , de facon a tromper 1'ceil par
i'effet; aufil Alben Durer, qui fut a Harlem pout
voir ces ouvrages ? dit tont haut qu'il jalloit �tre
favorif� de la nature pour en venir a ce point de
perfe�ion.
DIRK
(THIERRl) D'HARLEM.
jtj.ARi.EM donna encore Ie jour a Dirk, II
fut contemporain de Guerardj qvtelques - uns
cifent qu'il v�cut avant lui. Il ctoit habile peiutra
pour te temps. Quo'iquAlbert Durcr foit plus
moderne que lui, la maniere de Thierri eft aufii
finie que celle de ce peintre : elle eft beaucoup
moins s�che & moins tranch�e (i) , (� nous en
''i) Ttitwlh. Ie d�faut des anciens peinlres�toft
d'apprnther snHterrprit les clairs contre les ombre«.
Les couleurs de chair coupoient s�chement sur les
fonds , sans m�ler mo�lleusement les bords. C«
d�iiiut rend leurs ouvrages plats et sans rondeur.
-ocr page 28-
il                  La Vu desPeintres
---------croyons van Mander; il dit avoir vu de lui il»
1449. tableau d'autel, ayec deur volets, dans la ville de
Leyden.Le dedans repr�fentoit Notte Sauveurjon
voyoit fur 1'un des volets S. Pierre, 8c fur 1'autre
S. Paul. Les t�tes font de grandeur naturelle; les
cheveux &c les barbes en fo«t bien termin�s. Ce
tablea» fut fait en 1461. L'auteur demeura
quelque temps a Louvain. Le temps de fa mort
eft ignor�, ainfi que celle de Guerard.
HANS(JEAN)
HEMMELINCR.
-------- \, ARLE van Mander, dans fon hiftoire des
1458. peintres , page 117 > dit que d�s les premiers,
temps de la peinture a l'huile j la ville de Bruges
donna le jour a Hans Memme�nck ,
&c.
Cet �crivain fe trompc; Jean Hemmdinck efl
l� v�ritable nora de cetartifte, qui naquit dans
5a petite ville de Damme, a une lieue de Bruges.
Il eft probable qu'il a v�cu du temps des fr�res
van Eyck, ou a peu pres, puifque nous avons de
fes ouvrages avant 1479.
On ne fait rien de fes premi�res ann�es, 8c on
ignore fon ma�tre. On dit qu'il s'enr�k par liber-
tinage en qaaht� de fimple foldat, & que fe voyant
reduit i la derni�re mis�re dans 1'h�pital de SaJnt-
Jean de Brnges, comme s'il n'e�t pas eu plus de
reflburce que fe dernier de fes camarades, il
ouvrit les yeux f»r le d�rangement de fa conduite.
-ocr page 29-
TUmands 3 Allemands & Holtandois'. i j'
�l eft rare qu'un homme d« g�nie refte long-temps
dans Ie d�fordre. D�s qu'il fut convalefcent, il
peignit quelques petits tableaur pour fe r�cr�er
& pour fe procurer un peu d'argent. Il n'en falloit
pas davantage pour Ie faire connoitre. Quelques
fir�res de eet h�pital, furpris de la beaut� des
ouvrages du malheureux peintre, publi�rent la
d�couverte qu'ils venoient de faire , & Hemme-
linck fut bient�t reconnu pour Ie plus habile de
fon fi�de. On obtint fon cong� , & il fit un
tableau poiuThopital, en reconnoiirance des foins
que 1'on avoit eus de lui pendant fa snaladie. Ce
tableau a deux volets. Il a peint au milieu la
naif�ance de Notre Seigneur & les bergers en
adoration. Une architecture ruin�e 8c de fort bon
gout j repr�fente 1'�table de Bethl�em; on apper-
c,oit par quelques ouvertures du batiment 3 des
montagnes & des lo'mtains a perte de vue. A tra-
vers une fen�tre, on voit Ie portrait du peintre,
repr�fente aveclarobe des malades. Sur un des
Volets, il a peint des anges qui adorent 1'enfant
J�fus dans la cr�che , & fur 1'antre volet la pr�-
fentation au temple. On lit fur la bordure, en
gros cara�t�res, OPUS JOHANNfS HEM-
MELINCK, M. CCCC. LXXIX.
avec fa
marque ordinaire.
Ce tableau fixa Hemmelinck a Bruges; Sc
c'eft dans ce temps qu'il peignit la cnaff�oii
reliquairecjuife conferve danslem�me h�pital^de
S. Jean ^ avec plufieurs compartimens dans lef-
quels il a rendu la vie 8c Ie martyre de Sainte-
Urfule & des onze mille vierges.
Dans Ie m�me hopital on voit encore uti
tableau de ce peintre. Il a deux volets, a 1'aneie»
*'
-ocr page 30-
Lx Vit des F�lntrei
g, pour Ie conferver. La Vierge, i*«nfa�f
ui» Sainte-Catherine, Sainte-Barbe & Saint-
1450. Jean-Baptifte, Saint-Jeanl'�vang�lifte & des anges
qui joiiunc ele diff�rens inftrumens > font bien
rcpr�fent�s Air ce tableau. Sur 1'un des volets,
on voit Ie martyre de Saint-Jean-Baptifte , & fur
Tautte, Saiut-Jean 1'�vang�lifte dans 1'ifle de
Patmos > �ciivant fon apocaJypfe.
'Dans la falle des dke&euts de 1'h�pital de S.
Juli�n, en la m�me ville , on voit un grand
tableau de Hemrnelinck■$ repr�fcntant St-Chrif-
tophe qui porte 1'enfant J�ius en paflant une
rivi�re. Sur les deux volets qui renferment ce fujet,
font peints les portraiss de quel^ues frcres hofpi-
taliers.
Dans 1'�glifc paroiffiale d� Saint-Sauveur eft Ie
martyre d'un faint �cartel� par quatre chevaux.
Chez M. Libouton, on voit tin Chrift , avec la
Vierge & Sauu-Jean au bas de la croix.
Hemmelinck avoit un meilleur gout de deffin
que les peintres de ce temps-la 5 il groupo.it (es
�gures avec plus d'ordre; fes fujets font bien
difpof�s. Il y a une d�gradation fenfible dans fes
couleurs j il a fait uil afl�z bon choix dans 1'ar-
chitefture, Sc o� apper^oit qu'il en favoit tr�s-
bien les r�gies, ainu que de la perfpedtive. Cet
artifte a au moins �gal� les fr�res van Eyck,
& dans quelques parties il les a furpafles- On
s'�tonne que les tablea�x de ce peintre ne foient
qu'a 1'eau d'ceuf (1) j fans doute qu'il �toi t attach�»
(1) Le m�lange des couleurs, avant la d�cou-
verie de 1'nsage de peindre a 1'huile, se faisoit a la
col Ie, a la gomme, et commuji�tnent avec une eau qui,
se tiroit du blanc d'oeuf..
-ocr page 31-
T�&fn&nds 3 Alkmands & Uollqndols. i J
paf pr�jug�» a ce genre de peinture, Sc cju'il
��ioic peu de cas de la peinture a l'hiule , donc ^'}
1'ufage �toit �tabli depuis 80 ans. Il ae pouvoit en
ignorei
le fecret trouv� dans la ville �u il faifoit
ia demeure. D'ailleurs, rien u'eft plus beauui plus
frais que ce qui �ious refte de lui & que nous avons
cu�. On peut anfli ajouter que rien u'eft garde
avec
plus de foin. Le reliquaire de l'h�pital de
S. Jean eft enferm� dans une autre artri�ire defti-
n�e a le conferver. On a f�uvent offert mie chaire
de la m�me grandetrr en argent, �c on a toujours
          ,
refuf� 1'�change. Le reliquaire? �ft ouvert tol»
les ans pendant 1'octave de Sainre-Urfule. Il cfi;
peu de tableaux a 1'eaa d'csuf qui foienc rnieux,
& ce font autant de monumens pr�cieux de lx
maniere dont on peignoit alors dans ce genre. On
n'a rien fu de la mort de Hemmclinck, n� A\i
lieu de f,i f�pultur�.
GUERA.RD
VANDER MEIRE.
c
\J u 1 r a n. o naquit a Gand , Sc fut un des
premiers p^intres a 1'huile apr�s van Eyck.
Tous fes ouvrages font d'un beau fini, On voyoit
en Hollande , dans le cabinet de M. Jacques
Ravard,
une Lucr�ce peince par vander Meire,
II colorioit bien , & fon deffin eft afiez corre�, *
-ocr page 32-
frS La. Vit des Peintres Flamands &c.
J � A N
MANDYN.
"           JVIandyn de la ville d'Harlem , aimoit i
1450. peindre des fujets plaifans & grotefques, dans lc
gout de J�r�rne Bos. Il eft mort a Anvers, pen-
fionn� de la ville.
»��■����^mmmmmm*mm1� 1 1
V O L C K A E R T.
Voukaert , fils de Nicolas , naquit a
Harlem. La maifon de ville pofs�de de lui plu-
fieurs ouvrages en d�trempe, d'une grand» ma-
niere. Il deffinoit dans Ie gout de Tantique; il
compofoit avec facilit�. Il a beaucoup deflin� peut
les peintres fur verre.
QUINTIN
-ocr page 33-
Q U I N T I N
MESS IS.
IL naquit dans la ville d'Anvers. On 1'appelle ■ ,. _
quelquefois Ie Mar�chald'Anvcrs,^>vccef\ui\ avoit J4J°»
exerc� ce p�nible m�tier jufqu'i l'age de 20 ans.
Une longue & dangereufe maladie Ie mie
hors d'�tat de pouvoir ^agner Ta vie Sc celle
defam�rc, chezquiii demeuroit. Ils'en plaignoic
a ceux quivenoient levifiter. On rapporto qu'un�
proceffion anciennement �wblic pour les iepreux ou
aucresmalrides,danslaquelleondifli":bucit des im»
ges de conff�ries, grav�es enbois, lui douua li*�t de
Terne I.
                                        ij
-ocr page 34-
18                   La Fle des Peintres
-connoitrefon talent. Il lui comba entre les mains
I4J0< une de ces images, qu'on lui confeilla de copier
pour fe d�fennuyerj ce qu'il fit avec tant d'ardeur
�c de difpofition , qu'il continua depuis & devin:
bon peintre. Cet �change du marteau contre le
pinceau fe raconte encore autrement. Il devint,
dit-on, amoureux d'une fille qui �toit deftin�e i
un peintre. Quintin en �toit aim� j & defiroit de
s'unirielle par les liens du manage j maiss'�tant
appercu que fon m�tier �toit un obftacls i fes
delirs, il Ie quitta, & f e mit a �tudier la peintu.re
avec une application extreme. L'amour fut fon
maitre , & avec une difpofition naturelle il r�ufllt.
Cette derni�re hiftoire n'eft recue &c appuy�e que
fur les vers que Lampforiius a mis au bas de ion
portrait. La premi�re eft plus cornmun�menC
adopt�e, & fur-tout par van Mander {on hifto-
rien. ( Je fouhaiterois que la derni�re fut vraie ,
j'en faurois gr� a l'amour. ) Quoi qu'il en foit,
il devint bon peintre pour Ie fi�cle o� il vivoit.
Un de fes plus beaux tableaux , eft une Defcente
«Ie Croix, qu'il fit pour Ie corps des menuifiers
d'Anvers: ce tableau fut place dans 1'�glife de
Notre-Dame. Le Chrift eft fort beau, ainfi que
les Maries: fur un des volets qui ferment ce ta-
bleau, eft Ie Martyre de S. Jean, dans une chaudi�re
d'huile bouillante j fur 1'autre volet eft H�rodias
danfant devant H�rode: pour le prix de la danfe
elle .recoit la r�te de Saint-Jean. Philippe II, roi
d'Efpagne , a fouvent offert de ce tableau des
fommes confid�rables, fans pouvoir 1'obtenir. Ce
corps de m�tief , dans un befoin , 1'expofa ea
venteen 1577j les magiftrats 1'achet�rent, pat
le co�feil ds Martin Devos ,1500 florins, Quintin
-ocr page 35-
Flamands s Alkmands & Hollandois. 19
a fait pluf�eurs autres tableaux 3 difperf�s dans les
cabinets , o� ils font conferv�s avec une eonfid�-
ration particuliere: chez l'�le&eur Palatin, deux
tableaux , dom 1'un repr�fente laVierge & 1'En-
fant J�fus, 1'autre un Chnft & fa M�re. Il a fait
beaucoup de portraits tres - finis: fa maniere eft
tranchante. Il mourut a Anvers tres - vieux en
1519. Il a laif�e un fils nomm� Jean Mejjis, aulli
peintre , qni, \\ fuivi, fans changer de gout. On
voit beaucoup de fes ouvrages j parmi fes plus
beaux qui fetrouvent a Amfterdam, on remarque
celui de quelques banquiers occup�s a compter
de 1'argent.
Les ouvrages de Quintin Meffis �toient autre-
fois finguli�rement eflim�s. L'Angleterre s'en
procura a tr�s-grand prix. La fingularit� de fon
hiftoire fit d'abord & fait encore la m�me im-
preflion. Cependant, i\ 1'on en excepte leur fini ,
aufli froid que fee , on ne peut comparer (es ta-
bleaux qu'a ceux du premier temps de la peinture
a 1'huile , & on nedoit en placer Tauteur qu'apr�s
van Eych. Me/lis ne fut jamais en Itali�, quoi qu'en
dife Florent Ie Comte, Sec.
JEROSME BOS.'
J f. r o m e Bos niquit a Bois-1 JJpitc. Quoiqu'il
ait �t� un des premiers peintres a 1'huile , fa ma-
niere eft moins dure & fes drapenes font de meil-
leur gout j les plis font plus fimples ie moins
r�p�t�s que ceux de fes contemporain-,. Ses fujets
�toient terribles, & il femble qu'il fe plaifoit
B x
-ocr page 36-
La FiedesPeintres
peindre PEnfer.Il peignoit tout au premier coup,
fans que fes tableaux aient jamais chang�. Sa
maniere eft libre & prompte: Pimpreffion de fes
panneaux �toit blanche, & il favoit m�nager des
tons tnnfparens > qui ont rendu fes tableaux
chauds de couleur. Ses ouvrages font difperf�s
dans les �glif.s & lescabinets. Ii y en a quelques-
uns en Eipagne j les �glifes de Bois le-Duc en
confervent beaucoup. Van Manier loue fort une
Fuite de la Vierge en Egypte , o� S. Jofeph de-
mande aun payfanle chemin. Le fond du payfage
eft fingulier : dans le lointain on voit une efp�ce
de rocher efcarp�, au pied duquel on d�couvre une
auberge-, on y voit auffi une quantit� de peuple
'450.
3
ui regarde une danfe d'ours. On parle encore
*tin autre tableau , o� notie Seigneur poree fa
croix. Cet ouvrage tient raoins que les autres de
1'exrraor�naire defon g�nie. Il a peiut un Enfer,
-o� le Sei?nenr d�livre les anciens patnarches. Ce
tableau eft d'une imagination origmale\ le feu,
les flammes font d'une grande v�rit� j les diables
prennent Judas par le cou , le renrent de 1'Enfer
& le vont pendre en 1'air. Dans le c.ibinet de
Jean Di�tring a Harlem, on voyoit d'autres ou-
yrnges dece pe'ntre : le principal eft une difpute
entre un religieux & des h�r�tiqiies', !e religieux
offre pour derni�re �preuve, de mettrede part&r
d'a'itreleurslivresau feu,&: leur faitentendre que
ceux qu^ne fe^P^ point�pnrgn�s par les flammes
feront jug�■ mauvais: tous fjnt d�truits , exrept�
le �vre du religie ix , qni eft rejett� par les fta.m-
roes. Plufieurs �glifes deBois-le-Duc font i�co-
r�es (\?s ouvrages cle re peintre. On en conferve
CnEfpagne a l'jEfcurial,quelqaes tableaux aves
-ocr page 37-
Flamands 3 Alkmands & Bollando�s. % i
autant d'attention que ceux des plus grands ma�--
rres.
                                                                  14J°-
La maniere de Jerome Bos eft ficile : tous fes
ouvrages piroiflent faits de ven; on y appercoit
rimpreffioii de fes panneaux& des tons de couleur
feulement glac�s& heurt�s avec efprir. C'eft bien
dommage qn'il n'ait jamais concu que des idees
monftrueufes Sc terribles: re quiftfrprend , c'eft:
que fes rableaux ont �t� fort rhers. A quel prij
auroient-ils donc �t� j s'il avoic traite des fujets
rians ?
JEAN-LOUIS
D E B O S.
C E peintre �toit aufll de Bois-'e-Duc: il excel-
loit a peindre des fruit» <k des fletirs d'un fini &
d'une v�rit� fingu i�re. On ne puit �'i�res aller
plus loin pour la propret� & la rrafcheur des
couleurs:ony remarque jufqu'aux gouttes de rnf�e.
Les tranfpirens donnent une grande l�?�ret� 1
tout ce qu'il a fait. Il mettoit dans tous fes bou-
quets, de petits infcftes qu'il falliit examirief a
la loupe. Il repr�fentoit fouvent fes fle"r<; dms
un bocal de verre ou de rriftal. Van JW ander na
r�en d�couvert de particulier de fa vie.
B f
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'lx                   La Vie des Peirttres
�RASME.
\j-UERIT OM.Did.ier Erafmc , n� a Pvoterdam Ie
18 ottobre 14�5 ou 1467 , nis de Guerard de la
ville de Gouda, a�t� eftim� des princes & admir�
des favans. Sa vie & fes ouvrages fonr trop con-
nus pour citer ici mon auteur , qui dit a - peu-
pr�s la m�me chofe que Moreri. Voici ce que
nous apptend Dirch van Blayfwych, dans Ion
introdu&ion a la defcription de la ville de Delft.
Il dit que lorfque Erafme fe fut retir� dans Ie mo-
naft�re d'Erna�s ou Tenft��ne , proche de Gouda,
qu'il avoit choifi pour la biblioth�que feulement,
qui �toit k plus belle du fi�cle , il s'appliqua par
intervalle a la peinture, ou il r�uffit, & fit les m�mes
progr�s que dans fes autres �tudes. Parmi une
quantit� de tableaux qu'il avoit faits, Ie plus con-
fid�rable �toit un Calvaire o� notre Seigneur eft
repr�fent� dans 1'inftant qu'il fut crucifi� : il �toit
conferv� avec v�n�ration dans Ie cabinet de Cor-
nille Mufcius
, prieur de la m�me maifon. Le
m�rite de fes tableaux eft atteft� par les artiftes
du temps ; mais 1'auteur ne croit pas qu'il en foit
�chapp� aucun dans la ruine de cette maifon ; a.
peine fait-on o� elle avoit �t� batie. Il mourut
a Bale d'une diffcnterie, le 17 juillet 153^, ag�
de 70 ans & quelques mois. Ainfi la m�moire de
ce grand homme doit �tre auiTi pr�cieufe aux
peintres quJa tous les favans.
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Flamands 3 A[Iemands & Holtandols. 23
C ORNILLE
ENGHELBRECHTSEN.
Vj o k. n 1 l l e vint au monde en 1468 dans Ia��tt
ville de Lcyden ; il prit pourguideles ouvrage, l^
de Jean van Eyck : il eft Ie premier qui ait peint
i 1'huile dans fa patn�. Il �toit bon deffinateur
& il peignoic avec autant de force que de promp-
tituds en d�trempe ( 1 ) comme a 1'huile. Ses
ouvrages �chapp�s aux troublcsdu pays,& gardes
avec refpecl: par les bourgeois dans la mailon de
ville de Leyden , farent deux tableaux d'autel ,
avec les volets qu'on a vus depuis dans 1'�glife de
Notre-Dame da Marais. L'un repr�fente notre
Seigneur en croix entre leslarrons, 1'autre Ie Sa-
crifice d'Abraham, &un autre une Defcente de
Croix, entour�e de petits tableaux qui repr�feotent
raf�lidtion Sc les douleurs de la fainte Vierge. On
conferve dans Ie m�me endroic une tenture en
d�trempe, repr�fentant 1'Adoration desRois: 1'or-
donnance en eft belle & les draperies riches &
bien jett�es, les plis en font moins fecs. Lucas de
Leyden
s'eft form� fur cette maniere j mais Ie
plus bel ouvrage deCornille, felon notre hifto-
rien (z), eft un tableau d deux volets, deftin�
(1) D�trempe. Xe m�lange de la couleur se fait avec
de la colle 011 de 1'eau gomm�e.
(2)  Carle van Mander.
___
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*4                 Let VU des Peintrts
§1""a enr�chlr I'�pitaphe des feignears de Lockhorjt.
Il �toit dans leur chapelle dans 1'�glife de Saint
Pierre de Leyden, & en 1604 a Utrecht chez
M. vanden Bogaert , gendrs de M- van Lockhorfi.
Le dedans repr�fente' 1'Agreau de 1'Apocalypfe :
une muitirade de figures bien difpof�es, les phy-
(�cMiotnies nob'es & gracieufes, & la miniere d�-
lu'ate defon pinceau , onr fait rsgarder ce nbleau
cornmefon chef-d'cBiivre. Son g�nie le pirta X
faire une �tude parcicuhere des mouvemens de
Time , qu'ii a i'i exprimer dans chaque phyfio-
nom.e. II fjt regarde nar les ma�tres du temps
comme un des plus gr.inds peinrres. Il mourut
a Leyden en 15 5 j , ag� de 6 5 ans.
ALBERT DURER;
� L � V E
DE MICHEL WOLGEM UT.
A-Ibert eft Ie premier Allemand qui ait ofa
)f r�f->rmer le mauvais gout dans h patrie. II naquit
a JN"aremberg eh 1 470, & fut deftin� par ion
p�re , habi'e orf�vre > a fuivre la m�me profef-
fion ' ma�s fo j inclination le portoit a graver &
a defl�iier. Il eut enfin le bonheur d'entrer chez
E'pfe. Martin , psintre & graveur. II y fit de
gra�fls pr>gr�, dan& la gravure, & commen^.i a
pei ndre. Il entra peu de temps aprcs chez Michel
Wo�gcmut. C'cft chez ce dernier qii'il s'appliqua
» '
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Flamands } Allemanis & Hollandois. 15
plns particulitrement a la peinturc, & n�gligea---------
quelque temps la gravure. Ne fe contentant pas �74°«
de la peinture feule, il �tudia la perfpedive, 1'ar-
chiteclure rivile 5: militaire , fur iefquelles il
donna des traites.
Avant d'avoir quitte 1'�cole , quelques ou-
vrages difperf�s Ie rirent connoJtre a la cour de
1'empereur Maximdien. Ce monarquc Ie fit de-
mander pour l'ex�cution de quelques grands pro-
jets. Un jour, en dsfl�nant fur uae muraille trop
�levce, Vempereut, qui �toit pi�fent, dit a un
gentilhomme de fe pclet de facon que Ie pcintre
p�t fe fervir de lui pour s'�lever ailez haut. Le
gentilhomme repr�fenta hnmblemtnt qu'il �toit
pret aobcir, ma�s qu'il trouvoit cette pofition trop
numihante., & qu'on ne pouvoitgu�ies plusavihr
la nobleiTe,qu'en la faifant fervir de mnrche-pied.
Cepemtre ( r�pondit 1'empereur )(?/?�>/«.? que noblc
par fes talens : jepeux d'un pay fan faire un noble s
muis d'un noble je ne ferois jamais un tel artijle.
Alben fut ennobli par ce prince , qui lui donna
pour armes trois �cuflbns d'argent, deux en chef
Sc un en pointe , fur un champ d'azur.
L'empereur Charles V', Sc Ferd�nand roi de
Hongrie & de Boh�me., eurent pour .Albert la
m�me eftime. Il avoit une f�gure aimable, des
mani�res nobles , une converfation fpirituelle Sc
cnjou�e : il vivoit avec les grands , fans m�ptifer
fes �gaux. Accoutum� a louer les artiftes, il en
�toit ador�.
Quelques-uns des (es ouvrages port�s en Itali�,
lui ont m�rit� 1'eftime de Rapha'�l. Albert lui en-
vova fon portrair & quelques gravures de fa main:
11 obtint en reconnoniance pluiieur* deiiins avec
L :_________
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i6                la Vit des Peintres
Ie portrait de Rapha�l, qui, grand admirateur de
la finefle du burin d'Albert, fit voir ces eftampes
a fon graveur Mare Antoine , ainfi qua. Mare
dt Ravenne.
Le premier fit plufieurs tentatives
pour imicer notre Allemand; il copia rn�me les 3 6
morceaux de la Paffion, en y mettant la marque
& le nom d'Albert Durer. Ce dernier, fach� de
fe voir fi mal copi�, fit expres Ie voyage de Venife,
& porta fes plaintes au f�nat, qiii ordonna que
fa marque feroit efFac�e , avec d�fenfes a tous
graveurs de copier les ouvrages d'Albert. Il
retourna chez lui avec cette l�gere fatisfadion, Sc
commenc.ade nouvsau a peindre & graver.
Alberts'�toit marie fort jeune. Son talent pou-
voit bien fuppl�er anx d�penfes de fa femme, mais
tout fon efprit n'en pouvoit adoucir le cara�t�re :
il s'en �loigna & pafla en Hollande. Il s'arr�ta
chez Lucas de Leyden. Ces deux grands hommes
s'ellim�rent, & une �mulation digne d'exemple
fit toute la douceur de leur commerce. Us firent
leurs portraits alternativement, & fe f�par�rent
avec regret.
Albert, de retour a Nuremberg , fut nomm�
membre du confeil. Ces honneurs , ces richefTes
& 1'eftime du public, nele d�dommag�rentpoint
du malheur d'avoir une femme difficile : il eti
mourut de chagrin le 8 avril 1518., a 1'age de
57 ans. Il fut enterr� a Nuremberg, dans le cime-
ti�re de Saint Jean. On lic fur fa tombe cette �if-
cription:
ME:AL:DU:
Quicquid Albcrti Duren mortale fiat 3 fub hoc
conditur tumulo. Emigravit VIII. Idus Ali
M. D. XXFUL
.______________.__________,________
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Flamands j Allemands & Bollandols. 27
Le m�rite d'Albert eft connu, non - feulement
par 1'�loge qu'en a fait Rapha�l3 mais par Ie nom- *
bre d'Italiens quiont fuivi fa maniere. Quelques-
uns ont cru qu'il avoit �tudi� en Itali� : on s'eft
tromp�; lc voynge de Venife n'eft point a citer:
il n'y refta pas al�ez de temps ponr m�diter fur
les beaut�s de 1'antique. On Ie remarque d'ailleurs
dans fes ouvrages , puifqu'il lui man que ce qui
n'auroit point �chapp� a un g�nie comme Ie fien,
s'il avoit vu Rome. Il devoit tout a fon g�nie.
Quoique fup�rieur aux peintres de fa nation, il
ne put �viter enti�rement leurs d�fauts, tels que
la i�cherefle (1) de fes contours, fes expreffions
fans choix, fes draperies boudin�es (2), nu�e
d�gradanon des couleurs : on ne nouve dans
aucuns de fes ouvrages, ni la perfpe�hve a�nenne
(3), ni Ie cqftume (4) ; mais auili avoit-il beau-
(i)S�ckeresse : d�faut ordinaire de ce temps. On con-
noissoit pen ces contours ondoyans qui marquent si
bien les belles formes et 1'insertion des musclesjau
contraire, la nature paroissoit roide ou d�charn�e.
(2) Draperies bouainces : les belles forrnes du nud se
f rouvoient cach�es sous des plis a 1'infini, sans choix
ni v�rit�.
(3)  La perspectivt a'�rienne est une d�graclation des
tons de couleurs , qui �loifrne les diff�rens plans, k
mesure que Ie peinfre inlelligent sait y r�pandre do
la vapeur; et par-la nous force en quelque facon de
croire r�el ce qui n'est qu'illusoire.
(4)  Costume. Le peintre, en repr�senlant quelque
Irait de 1'histoire, doit non-seulement �lre exact a
suivre le texte, mais il doit repr�senter le lieu o�
1'adion s'est pass�e, soit a Rome ou a Ath�nes, etc.
pres d'un fleuve ou sur les bords de la mer, dansun
palais ou dans une campagne, dans un paysfertileou
aride; il faut que les habillemens et les usages de
chaque peuple, soit en paix ou en guerre, distinguent
les Grecs et les Romains, etc.
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La Vu des Vc�ntrti
-coup d'�l�vation & de jugement dans fes cottipo-
1470 fitions. Il finii�bu fes tableaux avec une propret�
furprenante , & jamais homtne n'a plus produit.
Les premiers tableaux que nous connoif�bns de
lui, font Ie portraic de fa m�rej Sc celui qu'il a fait
d'apr�s lui-m�me , a 1'age de 30 ans, peint en
1500. Il eft place dans la galerie de 1'empereura
Prague. On eftime beaucoup plufieurs tableaux;,
tels que les Mages, h Vierge avec des Anges qui
la couronnent de rofes; Adam & Eve de gran-
deur naturelle ; Ie Supphce de plufieurs martyrs.
Cedernier tableau cft date de 1508. Il s'y eft peint
lui-m�me , tenant ur petit drapeau dans lequel
on lit fonnom. Le plus beau tableau qu'il ait fait,
repr�fente notre Seigneur fur la croix , envi-
ronn� d'une gloire : au-dei�ous Sc dans le bas
on voit 1111 grouppe de papes, de cardinaux &
d'empereurs , 8cc. Il y eft aufli repr�fente
tenant un petit tableau fur lequel on lit : Al~
bertus Durer, Noricus, faciebat anno de Firgin�s
Partu
ij 11. Tous ces tableaux �toient dans le
cabinet de rempereur & Prague. On en remar-
quoit un repr�fentant notre Seigneur porunt fa
croix. Les principaux du confeil de Nuremberg
y �toient peints , parce quMs en avoient fait
pr�fent a 1'empereur. On vante encore de ce
peintre une Aflomption qui rapportoit un grand
profit aux religieux de Francfort _, qui exigeoient
toujours quelquc r�compenfe pour ouvnr & fer-
mer lej volets du tableau.
On voit encore de lui a Nuremberg, dans hf
maifon du confeil, plul�enrs portraits d'empe-
reurs , quelques autres tableaux Sc les douze
Apotres.
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Flamands, Allemands & Uollandois', 19
Dans la galene du grand-duc, Adam & Eve,
les t�tes de S. Phitippe, de S. Jacques & fon por- x47Ot
trait, font eucore des morceaux eitim�s.
On conno�t du m�me, chez l'�le&eur Palatin,
unefainte Familie & les dix mille Martyrs, troij
tentures de tapifleries dans les appartemens du
roi de France , le portrait d'un homme a demi-
corps, tenant un papier; uneNauvit�; une Ado-
ration des Rois, & une Fuite en Egypte: ces trois
fujets ne font qu'un tableau dans la colle&ion du
du duc d'Orl�ans.
Ses tableaux r�pandus en Itali� Sc par toute
1'Allcmagne font confid�rables. Ses gravures fonc
en grand nombre. Voici celles de fon premier
temps : 1'eftampe d'apr�s Jfra�l de Mayence,
repr�fente les Graces, & dans le ciel un globe fur
lequel on lic fon nom & la date 1497 : il avoit
pour lors 27 ans. Il y a cependant des sftampes
de lui avant ce temps-la, mais fans date. Le Sauvage
avec une t�te de mort dans fon boucher, eft date
de 1503; Adam & Eve en 1504; les deux Che-
vaux en 1505 ; la Paf��on de notre Seigneur,
grav�e en cuivre, eft de diff�rentes dates, en 15 07,
1508 & J51Z; le portrait du duc de Saxe en
15 ia ; Melanchthon en 15 %6. Ses autres gravures
en rmvre & en bois ne font que trop connues ,
ainfi que fes deffins qu'il a fini, quclquefois
fttitant que fes gravures.
Alberc Durer ne s'eft point born� a la fimple
pmtione de fon art : il en connoilloit les r�gies
par h rh�orie. Tl a �crit fur les proporrions du
corps hurr.ain. Outre ce traite, il en do na aufli fur
la geometrie, fur la perfp.dive & fur 1'architecr
ture civile & militaire.
-ocr page 46-
La Vu des Peintres
JEAN SWART.
--------J ean Swart j de la ville de Groningue en Oofl-
1480- frife , a fait honneur a fa patrie par la beaut� de
fcm talent. Il peignoit �galement bien L'hiftoire &
Ie payfage: fa maniere approchoit beaucoup de celle
de Schoorcl. Il voyagea en Itali� , & refta ai�ez
long-temps i Venife. De retour en Hollande , il
fat uii de ceux qui r�form�rent Ie gout, en y
apportant la belle maniere dJItalie. II demeura a
Tergoude en 1 5 n ou zj. Ses ouvrages font aflfez
rares. On voit d'apr�s lui quclques gravures en
bois, repr�fentant des Tucs a cheval, arm�s de
fl�ches & de carquois, & notre Seigneur dans un
bateau , pr�chant Ie peuple. Tous ces fujets fonc
1 connoitre Ie bon gout de ce psintre.
DAVID JORISZ.
JL/a v 1 d Jorisz de Delft, & felon Moreri ,
de Gand ., �toit bon peintre fur Ie verre , plein
d'efprit, d'une figure aimable & d'un langage
f�dutfant, mais enthoufiafte.il d�bitafesextrava-
gances en 1516. Ses difciples annonc�rent deux
faux proph�tes Sc deux vrais ; Ie pape Sc Martin
Lutlwr
�toient les faux, Sc Jean de Leyden Sc
Davidjoris
les vrais. Joris fe difoit Ie vrai Meffie,
Ie troti��me David , neveu de Dieu , non pas par
la chait , mais par 1'efprit. Je ne fuivrai poinc
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F lamanis 3 Allemaads & Hollandois. 31
Weyermans (1) dans tout ce qu'il rapporte de ces' 'T
r�veries : Moreri les raconte tout au long. Il I4�Ot
mourut a Bale Ie 16 ao�t 1556 , fous Ie nom
AeJean van Broeckj nom qui Ie cachoit aux pour-
fuites de la juftice. Il fut enterr� dans la princi-
pale �glife. Moreri ditqu'il fut exhum� trois jours
apr�s & br�l� pour fes erreurs. On voit de fes def-
fms afTez correds chez les curieux. Jacob Moelaert
en pofs�de quatre. On conno�t de lui un Moyfe
fauv� par la fille de Pharaon , la Terre promife,
S. Pierre qui regoit de notie Seigneur les clefs du
Paradis, Sc Ie Centenier. Sa maniere tient beau-
coup de celle de Lucas de Leyden.
JOACHIM
PATENIER;
peintre �toit de la ville de Dinant dans
Ie pays de li�ge : il fut rec.u dans 1'acad�mie
de peinture , a Anvers, en 15 15. Son talent �toic
depeindre Hes payfages , qu'il a fort bien traites.
Les petites figures font fpirituelles & les fonds
agr�ables: les arbresont de belles formes : il poin-
tilloit les feuilles artiftenient. Il �toit fort crapu-
leux , & 1'ivrognerie Ie perdit enti�rement. Albcr
Durer,
pafiant par Anvers, vit fa maniere de
peindre, & en fiifoit grand cas; �Vpour marquer
ion efhme , il deffina Ie portrait de ce payfagifte.
(1) "Wever-mans , peintre hollandois} a^crit la
vie des peintres, depuis Houbraken.
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jt                  %a T'le des Pelntres
"�T Les ouvrages de Patinier fe trouvent dans lei
*4 °' plus be.iux cabinets. Il a fait quelques batailles,
& il a eir pour �lcve Framjois Mojlaert. Patenier
rendoit fes tabieaux reconnoil�ables par un petit
�bon hommechianc, qu^il mettoit par-tout: c'�toit-
l.i Ie coin du peincie.
JEAN CRANSSE.
Cet artifte demeuroit a Anvers j o� il fut recu
dans Ie corps des Peintres, en 1515. On voyoit
autreLis de lui, dans T�glife de Notre - Dame,
natre Seigneur qui lavoit les pieds aux Ap�:res.
Cp.rk van Mandcr !oue fort ce tableau.
HENRY DE BLES.
X1.ENRY de Bles : on lui donna ce nom pour
une tache blanche ou une portion de cheveux
blancs qu'il avoic fur la t�te. Il naqiut dans
laville de Bovuie, procliede Dinant. Quoiqu'on
ne lui connoii�e point de ma�tre j la nature Ie
forma & Ie rendit pL:s habile payfagifte que Pa-
tenier.
Ses payfages f mu van�s & f.i touche fiere.
Ses ouvrages font ton recherches en Itali� , fous
Ie nom de tableaux a la Chouette. Il fe plaifoit
& en peindre une dans chique tableau. La ville
d'Amllerdam pofi�de un berin pnyfa^e ^e lui', on
y voit fius un arbre un Por".-balle enc'.ormi , pen-
dant qu'une .tr»upe de Singes s'emparent de fa
boutique
-ocr page 49-
Flamands j Allemands & Hollandois. } )
boutique , dont iLs ont foin d'�taltr les diff�rens
bi/oux aux branches des arbres. On voyoit dans J4 Ol
la m�me ville chez Melchior Moutherotij un petit
tableau orn� d'un grand nonibre de figures,dont
Ie Chateau d'Emma�s fait 1'objet principal ; les
deus p�ierins font a table : fur Ie premier plan &
dans Ie fond,laPaflion enti�re de noireSeigneur,
la ville de J�rufalem, Ie Calvaue , avec une mul-
titudedepeuple. Lecabinetde 1'Empereur pof»
s�de de fort oeaux tableaux da meme peintre.
LUCAS-GASSEL
VAN HELMONT.
JLj u c a s excelle parmi les grands payfagifles
de Flandres : il demeuroit a Bruxell�s. Van
Mander
en dit peu de chofes: il rapporte qu'il %
peu :ravaill� , mais qu'il �toit fort eftimc & grand
ami du favant Lampfonius.
ROGE
VANDER WEYDE.
p A N Msnder dit beaucoupde bien de Koger\
il Ie regarde comme celui qui a commenc� a
perfedtionner Ie go�r. Ce peintre naquit a Bru-
xelles: il fe fit une �tude des cxpreffions de 1'ame:
Tome �.
                                     C
-ocr page 50-
Ja FkdesPemtres
1480. ce 1ui a rendu fes fujets fenfibles. II peignit dans
les falles duconfeil de la ville de Bruxe)les,qaatre
tableaux quiont rapport a la juftice.Un de ceux qui
font Ie plu;> d'impi-eilion , reprefente un Vieillard
mouranc dans fon lit qni embralTe fon fils
convamcu d'un crime , & qui en m�me temps
1'�gorge pour Ie punir. La t�te du vieillard, quoi-
tjue mourante , eft terrible : il porte fur fa phy-
iionomiele cara&�re d'une ameoutr�e de douleur
& de vengeance. Les autres tableaux , quoique
dift�rens, font aufli remarquables. Roger fit une
Pefcente de croix pour 1'�glife de Notie-Dame
de Louvain : elle eft retnplie de figures d'une ex-
preflion vraie. Ce tableau fut enVoy� en Efpagne
pour Ie roi: il �chappa heureufement aux flots ,
quoique Ie vaifleau p�ntj&lefoin quel'onavoit
pris de Ie bien emballer, 1'emp�cha d'�tre gat�.
Michel Coxcis en a fait une copie , qui efta Lou-
vain dans la place ou �toit l'original. Roger fit les
portraits de plufieurs Reines & autres perfonnes
diftingu�es. Il �toit fort riche ,& il partagea fon
bien avec les pauvres. Il mourut dans la force de
fon age , d'une maladie �pid�mique , qu'on nom-
moit �e mal Anglois , qui ravagea tout Ie pays
en
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F lammis 3 AHemands & Hollanlols. 3 5
R I C H A R D
AERTSZ,
�L�VE DE JEAN MOSTAERT.
J\. brtszou Richard alajambe de bois ,
dejean Mojiaert _, doitfon talent a la perte d'une 11S4
|ambe. Il naquit dans Ie bourg de W^yck fur mer,
dans la province de Noort-Hollande , en 1481 ,
de pareus pauvres p�cheiirs.
Dans fa plus tendre jeune/Te , il eut Ie malheur
de fe br�'er la jambe. On 1'envoya a Harlem pour
fe faire gu�rir j mais, foit que la plaie e�t �t� n�-
ghg�ejou que Ie mal fut trop grand,oh fut oblig�
de la lui couper. La nature, pour Ie d�dommagcr
de cette perte , montra en lui on talent qui Ie
diftingua dans la fuite. Pendant qu'il �toit con-
damn� a une ennuyeufe gii�rifo::, aifis au coin du
feu, Ie charbon lui fervoita rcndre furla chemin�e
& lesmurailles toutcequilui frappoicles yeux.On
lui demanda un jour fi la peinture feroit de fon
gout, & il marqua un grand defir de pouvoir
entrer chez quelque ma�tre. Il fut place chez
Jcan Mojiaert } ou il fit voir en peu de temps ,
par des progr�s rapides.ce qu'ildeviendroit dans
la fuite.
Il a peint deux volets au tableau d'autel des
porteurs de la ville d'Harlem : fur 1'un des deux,
les fr�res de Jofephqui viennentacherer des bleds
«n Egypte 5 & fur l'autre,Jofeph a/��s fur Ie trone.
-ocr page 52-
3 ij                  La Vit des Peintres
o Le dedans �coic pemt par Jacques de Harlem , mal-
tre de Mojiaert. ■
La plus grande partie de fes ouvrages �toient
en frtfe: mais ayant prefque tous �t� d�truits , a
peme peut-on en trouv.er.
Il nxa fa demeure a. Anvers, & fut admis a
Tacad�mie en 1510. Il fut eftim� autant pour fa
conduite que pour fes talens. 11 �toit d'un bon tem-
perament & d'une humeur fort enjou�e. Il avoic
une belle t^te pitcirefque,que Floris a copi�e pour
peindrer fon S.-Luc. Sur la fin de fes jours il de-
vintprefqii'aveugle. Ses par.neauxavoientquelquc-
fois F�paifTeur d'un pouce de couleur, ce qui les
rendoit moins a^gr�ables ^ il s'en facha : & quoi-
qu'il ne vit prefque point , il croyoit le pubhc
moins �clair� que lui. Aucun de fes enfans n'a �t�
peintre : �l.mourut vers le mois de mai en 1577.»
ag� de 95 ans.
■■                                     IIIIIIIII�MllllllilW tllMII IIWIIWI "f If «IIIMH ■ ■■^[■Illllll        MUI
LAMBERT
L O MBARD,
PEINTRE ET ARCHITEGTE.
\^j E favant artilte naquic dans la ville de Li�ge.
Il ne n�oligea rien pour fe faire un grand nom
dans la peinture, 1'arcHte�ture & la perfpedive.
Son talent 1'a fait admircr. Sa r�putation s'eft en^
core �tablie par de c�'�bres �l�ves,tels queFr^n-
co�s Floris i W'�lcm Key 3 Hubert Goltyius } &c
quantit� d'autxes. Il voyagea dans toute TAile-
-ocr page 53-
F lamanis ,Allcmand$ & Hollaniols. J7
magne & la France 3 avec beaucoup de fruift II o
puifa les principes de fon talent en France , en *
defimant les �difices ruines »par les ravages de la
guerre. Il fut enfuite en Itali� : Rome fut I'�eolc
o� il fe perf�clionna. De retour a Li�ge, il y �u-
bht Ie bon gout du deffin en peinture: il fubftitua
1'antique au gothique. Un choix d'�tudes & des
connoiffances acqtufes, prouvent afle-z qu il n'avoit
pomt �t�oififdans fes voyages.Sa demeurectoit.
nors de la ville , o� �tant peu diftrait, il s'appli-' .
quoit , apr�s fon travail ordinaire , a 1'�tude d�s ,;
belies-lertres. Foere &c phiiofophe a la fois , fes
ouvrages en ce genre font d'un grand jngement. ;
On voit Ie m�me efprit dans fes tableaux,dontun
grand nombre eft grav� , entr'atitres Ia C�n�. '�
Cette compofition e(l belle Sc d'uu efFetadmirable.
Van Mander f�nit ici, & Ie loue comm; un des
premiers peintres de fon temps.
A R N O L D
� E R
D E
JL/ e B � i r. a pafT� pour bon peintre dans"
fon temps : il s'elr diftingu� dans Ie deffin. Il M90-
demeura a Anvers, Sc fut re^u dans Ie corps des
peincres de la m�me ville ea i 529.
-
C J
-ocr page 54-
BERNARD
VAN ORLEY,
Eleve de Raphael.
"\_j'est a la ville de Bruxelles que Van O�ley doit
Ie jour.. On ignore 1'ann�e de fa naiflTance. Il fut
auili nomm� Barent de Bruxelles.il cjuitta la Flan-
dre fort jeune , pourfe rendre en Itali� ,o� il de-
vint �l�ve du c�l�bre Rapha�l. Ce grand maure
exerca fon difciple a de tr�s-grands tableaux , o�
il perfe�tionnafes talens& acquit la belle maniere.
De retour en Brabanc, il s'adonna a peindre des
1490.
-ocr page 55-
La Vic des Peintfcs Flamattds ,
en grand , que Charles V aimoit beaucoup
i
                    Il                       l
& r
1490.
for�t de Soigmes , avec les plus belles vues des
environs , o� ce pnnce �coic repr�fent� avec les
principaiix de fa cour. C'eft d'apr�s ce tableau &
quelques aurres cartons de Van �rley , que les
belles tapilfenes ont �t� fakes pour l'empereur ,
potir les princes de la maifon d'Autriche, & pour
la duchefle de Parme. Il fit dans ce rcmps-la
a Anvers ce beau tableau du Jugement dernier s
quel'on voit dans la chapelle des aum�niers. C'eft
dans ce tableau o� il a cherch� les beaux tranf-
parens , qui ont fi bien r�ufl� dans fon ciel. Pour
y parvenir 3 il fit dorer fon panneau , & c'eft de
cc fonds qu'il a nr� les tons chauds & brillans
que 1'on y voit. Il peignit un autre tableau pour la
foci�t� des peintres de Alahnes. Il repr�fente S.
Luc raifant Ie portrait de la Ste.-Vierge. Mi.chd-
Loxcis
a peinc les volets qu on y a ajoutes ponrie
conferver.
Ce grand homme fit depuis pour Ie pnnce do
Nai�au j prince d'Orange , feize cartons ou mo-
dcles, qui ont �t� exccut�s en tapiflenes pour
fervir d'omemens au chateau de Breda. L'or Sc
1'argent y �toient artiftement m�!�s arec la foie.
On craint que la plus grande partie ne foit con-
fondue avec les vols condd�rables que la fille du
conci�rge de ce chateau a faits. Chaque canon
compofoit deux figures, un cavalier & une dame
a cheval ,repr�fentantlesdefcendans de la familie
de NaJfau."Le deflin �toit d'une grande correclion
& d'une i�ert� digne de l'�cole dont �i'forfoit. Ce
prince qui en counoifloit labeaut� & qui Craignbk
oe ks perdre , donna ordre i Hans ( Jean )
C
-ocr page 56-
                 La Vit des Peintrcs
Jordaens d'Anvers ,peintrea.Delft, de les copier �
1'riuile , afin de les conferver pour la poft�nt�.
co R N i L L e
KUNST.
-iV. v n s t naquit a Leyden en 1495. Il �toit
^ & �l� d C
                 lbfl\
1493.
en naiflanc les difpofitions propres a devenir un
grand peintre : aufll �l�ve n'a jamais fait plus
d'honneur a fon ma�cre. De fon temps il fut
regarde comme un des premiers peintres de fa
pacrie. Les troubles ayant enpartieruin� lavillede
Leyden , il alloit quelquefois aBruges j pc rlors
ville des plus riches par fon commerce. Les arts
y �toient recherches <Sb bien pay�s: il fin quantit�
cle beauxtableaux,qui lui rapport�rent beaucoup
d'argenc,& Ie mirent fort a ion aife. Il en fitauifi
a Leyden en grand �nombre , chez M. van Son-
nevelt
, entr'autres notre Seigneur portantfa croix
au Calvaire , fuivi des larrons & d'une foule de
foldats Sc de penple. Les expreflions font belles
& couchanres : Ie tableau eft bien peint, & paffe
poi^r un de Ces plus beaux. On a auffi de lui une
Defcente de croix j morceau chaud de couleur Sc
ble»"» rendu , felon Ie fujet. Il fit encore plufienrs
bl
               I                d Ldd             h
de Leyden � rnnis ils ont �t� d�truits ou enlev�s
pendant la guerre. Il s'en troute dans les cabinets
de la m�rne ville , une quantit� , fcftt i 1'huile
-ocr page 57-
� lamanis , Allemanis & Hollando�s. 41
011 en d�trempe , principaletnenc chez Jacques
Vermy. Kan Mander
a vu chez la fille de CornilU
Kunjij,
Ie portrait de ce peintre , aflis dansfon
jardin avec fes deux femmes ; & dans Ie fond on
roit la ville 5c la poite aux Vaches , Ie tout bien
rendud'apr�s nature. Ce peintre eft mort en 1544,
ag� de 5 1 ans.
CORNILLE,
DIT LE CUISINIER,
Kt�VJDE SONP�RE
CORNILLE ENGHELBKECHTSEN.
J. L �rok fr�re de Comille Kunjl» de ]a m�me ville,
tous deux �l�ves &K�riciers des talens da Corn�lle
Enghdbrechtfen3\ewr
p�re. iteft furnomm�le Cui-
Jin-.er ,
parce qu'�ranc charg� d'une nombreufe
familie , & �cant peu occupp a la peincare, pen-
dant la guerre, il fiit oblig� d'�tre akernative-
nient peintre :"�< cuif�nier : mais il n*en �toit pas
moins boii peintre. Il prit enfin Ieparti dequitter
y             pgt c/f
roi d'-Atigleterre,pour lapeinture.il paffa a fa. cour
avec fa femme & nuit enfans. On n"*a depuis rien
appriscie!ui,ficen'eftc]u'on a vu un de fes tableaux
qu� a �t« rapport� d'Anglecerre cnez je fienr Jcan
de. Hertagfr.
Il y nvo�t beaucoup de fes ouvrages
dans Leyden , chez Ie fieur Knottery peintre Sc
amateur : piuf�eurs morceaux en d�crempe & *
-ocr page 58-
*                   La Vu des Peintres
140 2 l'huile,bien compof�s & colori�s, fur-t�ut un petit
tableau repr�fentant la Femme adult�re. Chez
Jacques Vermy , on en voyoit auffi plufieurs en
d�trempe. Lorfque Ie duc de Leicejlcr fut nom-
m� gouverneur de ce pays, les feigneurs Anglois
de fa fuite cherch�rent avec emprellement fes
ouvrages qui �toient fort effcim�s en Angleterre.
L U C A S
DE LEYDEN,
ELEVE DE SON PERE HUGUES JACOBS.
j          JLu A nature a fouvcnt fait des miracles. Lucas de
Lcyden en eft une preuve. A peine �toit-il n�dans
la ville de Leyden , a la fin de mai ou au commen-
cement de juin 1494, qu'on Ie vit peindre & gra-
ver. Il re9ut les principes de fon p�re Hugues
Jacobs
j qui �toit , .felon Van Mander 3 habile
peintre. Depuis il eui pour maitre Cornille Engei-
brechtfen.
Sa plus tendre enfance fut confacr�e a
une �tude opiniatre ^ & malgr� les foins que fa
m�re prenoitpourl'end�tourner, � paflbit les muts
a �tudier. Il copioit la nature en tout, & fon juge-
ment lui fervoit de guide. Il ne voyoit d'autres
camaradesque ceux qui avoient la m�me inclma-
tion. Avec des difpofuions fi heureufes , on fera
moins �tonn� d'apprendre qu'il au mis au jour
des fujcts compof�s a. l'age de neuf ans. Tous les
genres de peinture lui �toient farni!isrs-,fur verre,
-ocr page 59-
Flamands, Allemands &Hollandois. 43
en d�trempe& al'huile, Ie portrait&le payfage, i494.
il faifoit touc �galement bien : mais il �tonna les
artiftes, lorfqu'ag� de douze ans , il peignit en
d�tremperhiftoiiedeSt-HubertpourM.ZocAor/?,
qui lui donna pour r�compenfe autant de pi�ces
d'orqu'il avoit d'ann�es. Ilgravaa 14 ans Maho-
tnet
ivre qui �gorge un religieux: cecte eftampe eft
dac�ede 1508. Ilgravarann�efuivanteneuflujets
de la Padion, en rond, bien compof�s: une Tenta-
rion de St-Antoine , ou Ie demon , fous la figure
d'unejolie femme , cherche a Ie f�duire. Le fond
eft bien entendu & le burin d'une grande intelli-
gence. Dans la m�roe ann�e on vit paro�cre de lui
une Converfion de St-Paul, conduit aDamas. Ce
morceau eft d'une expreffion vraie : les ajuftemens
de toutes fes figures font extraordinaires, ainfi que
leurs co�rFures,qiupAoiirent convenablesaufujet.
Auffi Vasari lemet, en bien des chofes, au-deffus
�Alben Durer. « Lucas , dit-il, peut �tre �gal�
» a ceux qui ont manie le burin avec fucc�s : fes
» fujets d'hiftoire font d'une grande v�rit� \ il a
» �vit� la confufion. Auffi a-t-il furpafle Alben
» clans la compofition -, il avoit plus que lui ap-
» pi'ofondi les r�gies de lJart. A peine Iapemture
» pourroit-elle par fes tons de couleur', faire plus
■>■> valoir la perfpective a�'nenne. Les pemtres y
» ont puif� les principes de leur art. » Ce font les
tennes de Vaffar�. Il ajoute cependant que le
dellin A'Alben Durer eft plus corre�l. En 1510,3
1'age de 16 ans, il finit un Ecce Homo. On voit
dans eet ouvrage une multitude de peuple ; les
attitudes en font bien vari�es, les ajuftemenscon-
venables & les draperies bien jett�es : 1'architec-
ture en eft difpof�e felon les r�gies de la perfpsc-
-ocr page 60-
44                 *-a rie aes Peintres
tive : 1'efprit dans cette compofition 3 comme
dans lei autres , eft au-def�us de 1'age de
1'auteur. Dans Ie m�me temps il grava plu-
f�eurs planches , repr�fentant un Payfan & une
Payfanne aupr�s de trois yaches: ce morceau eft
fort recherche j Adam &�ve chafT�s du Paradis
terreftre; une Femme quicarefle un peut chien ,
& une grande quantit� d'autres eftampes de la
m�me beaut�.
Il avoit un foin particulier de fes �preuves ; une
feule tache�toit capable de les lui faire rebuter.
Ses eftampes ont �t� vendues fort cher , de fon
temps m�me. Il n'eft jamais forti de FIaiulres.
fajjari s'eft tromp� , lorfqu'iiacruqu'il avoic�c^
en Itali�. On pretend qu'outre 1'amiti� qui uniffoit
Lucas Sc Alben Durer, il r�gnoit entr'eux une
noble �mulation , fans jaloftfie. lis ont fouvent
traic� les m�mes fujets,& fe font admir�s l'Un
1'autre. Alben fat voir fon amiaLeyden, o{j �s
fe peignirent fur un m�me panneau. Pouvojent_
ils fe donner des preuves plus marqu�es de ]eur
amiti� & de leur cftime? Voila les feuls pr^fens
que peuvent fe faire ordinairement les peintfej^
Les tableaux de Lucas font bien peints & 4'une>
touche l�gere, quoique finie. Un de ceux O1^ t\
s'eft furpafle, a deux volets: il repr�fente la K^u�-
rifon de 1'aveug'le de Jcricho. Golt-(ius l'acl\eta ^
Leyden untr�s-grandprixen i6oi,&l'atoujours
regarde comme un des plus pr�cieux de fon cat>i_
net. La couleur eft d'une grande fra�eheu^ g^
1'ordonnance riche Sc vari�e : Ie payfage, <J'line
touche l�gere , foutient agr�ablement Ie fo;ec
principal du tableau. Il cfc date de 15 51 , ^
croit que c'eft Ie dernitr quil ait pcint * 1
_
-ocr page 61-
Flamands, Allemands & Hollandois. 4 j
n'ayanc depuis v�cu que deux ans. Les magiftrats--------*
de Leyden confervent dans leur maifdn de ville 1494.
JeJugement dernier. Ce tableau eft d'un d�tail
immenfe : la compofition en eft belle. On voi: a
quel point il avoit �tudi� la nature dans Ie nud de
fes figures: les femmes fur-tout for.r d�licatement
peintes , les carnations vraies j ma�s felon 1'ufage
du temps, elles tranch�nt trop avec leurs fonds ,
fur - tout du c�r� de la lumi�re. Sur Ie dehors des
volets, font deux figures affifes, Saint Pierre &
Saiat Paul, mieux colori�s & les draperies de meil-
leur gout que celles du dedans du tableau. Piufieurs
princes en ont ten vain offert uu grand prix, les
magiftrats ont toujours marqu� la nobleue de leurs
fentimens, en pr�f�rant les chef- d'oeuvres du
g�nie a un vil int�r�r.
Nous avons encore de ce peintre une Vierg�
avec 1'enfant J�fus , tenant une grappe de raifin.
L'harmonie de la couleur'en eftremarqiiable. Ce
tableau, avec fes deux volets, avoi» �t� fait pour
M. Franfois Hoogjlraeten, gentilhomme d'aupr�s
de la ville de Leyden. Il a depuis paffe dans l�
cibinet de 1'empereur. La date eft du 11, avec
fa marqu� ordinaire.
On conno�t encore de lui un autrcjtableau 3
Amfterdam, repr�fentant Ie Veau d'or, une p�tite
Vierge d'une grande beaut� , faite pour Ie fleur
Barth'Ferreris, peintre & amateur, un nombre
confid�rable de portraits bienfinis & d'une grande
relfemblance. Il a laifls piufieurs grands fujets
d'hiftoire peints en d�tr�mpe, a Leyden, cbex
M. Knotter : une Rebecca, o� Jacob pres de la
fontaine, lui demande a boire. Toures ces figu-
res font belles Si Ie payfage fort aer�ab'c °-
-ocr page 62-
4$                La Vie des Peintres
de lui en la facriftie des J�fuices de la rue Saint'
/ntoine a. Paris, une Defcente de croix, tableau
d'une grande compofmon \ Sc un autre au Val-
de-Grace, fur Ie m�me fujetj mais plus grand que
Ie precedent Sc auf�i eftim�. A Delft plufieurs
fujets de 1'hiftoire de Jofeph. Le nombre de ces
ouvrages en tout genre de peinture & de gra-
vure eft extraordinaire. On ne fait en quoi il a
le mieux r�ufli, en peinture fur verre, a 1'huile ou
en d�trempe, en gravure au burin ou al'eau-forte.
On pretend qu'il apprit a graver chez un armu-
ner qui faifoit mordre a 1'eau-forte des ornemens
fur des cuirafTes, & qu'il fe perfeftionna depuis
chez un orf�vre.
Apr�s avoir tant donn� au public , il conc^ut le
defTein d'allcr vifiter les peintres I lamands & Hol-
landois, chez qui fa r�putation faifoit grand bruit.
A 1'age de 3 3 ans il fit �quiper un navire a fes
d�pens, & fut a Middelbourg, voir Jcan de Ma~
bufe
, excellent peintre , qu'il admira. * I' donna i
fes d�pens une ftte aux peintres de cette ville : il
en fit autant a Gand, a Malines & a Anvers, tou-
jours accompagn� de Mab�fe. Chaque repas lui
co�toit Go flonns. Ces deux peintres, fort riches
par leurstalens, firent par-tout une belle figure;
Mab�fe rfabill� en drap d'or, & Lucas d'un ca-
melot de fcie jaune , qui avoit le m�me �ckt. Ce
voyage, qui devoit lui fervir de d�lafllments, lui
co�ta la vie. Le public & lui-m�me accus�rent
les peintres, jaloux de fa r�putation , de 1'avoic
empoifonn�. 11 eft vrai qu'il n'eut jamais, depuis,
un moment de fant� , & pendant fix annces il fut
prefque toujoursau lit: mais 1'opinion commune
attribue fes infkmit�* a la foiblefle de fon temp�-
-ocr page 63-
Flamands, Allemanis & Hollandois. 47
rament, Scauneapphcation continuelle.Cet�pm-'
fement, qui d�g�n�ra en langueur, 11e 1'emp�clu J494*
f>oinc de peindre ni de graver, quoique retenu au
it. Le dernier morceauqu'il grava, eftunePailas,
qu'il finit. Peude temps avant fa more, il demanda
avec inftance a voir le ciel, & fe fit tranfporter
hors de fa chambre. Il mourut deux jours apr�s,
en 153$ , ag� de 59 ans. Il s'�toit marie forc
jeune a une demoifellede la maifon deBoshuyJen,
de qui iln'eut qu'une fille, qui accoucha neuf jours
avant qu'il mourut. Ayant demand� le nom de
1'enfant, il parut avoir regret qu'on lui eut donn�
le fien , difant qu'on ne cherchoit qu'a fe d�bar-
rafler de lui, puifqu'on lui avoit fubftitu� un autre
Lucas. Ce dernier Lucas, fon petit-fils, eft mort
a Utrecht en 1604, ag� de 71 ans, ai�ez bon
peintre., ainfi que fon fr�re Jeande Hoey} peintre
a la cour de France. Le portrait de Lucas ds
Leyden,pemt &c
grav� par lui-m�me , a �t�renda
public. Il eft repr�fenr� forr jeune, fans barbe,.
a demi-corps, un bonnet fur la tcte , avec des
efp�ces d'ailerons , & une t�te de mort eutre fon
habir �c fa poitrine.
J E A N
L'HOLLANDOIS.
p AN Mander rapporte peit de chofe de ce
peintre. Il y a quelque temps , dit - il, qu'on
yic paroicre les portraits grav�s des plus habiles
-ocr page 64-
4 8                  Ja J-'ie des Peintres
"peintresj parmi lefqiiels fe trouve celui de Jean
l'Hollando�s,
natif d'Anvers , c�l�bre payfagifte
en d�trempe & a 1'huile. Il �coir fouvent a fa
fen�crepour examhier lesdifF�rens effets des nua-
ges, qui entroienr dans fes payfages. Il favoic
fe fervir du fond, foit du panneau ou de la toile,
avec fucc�s: maniere que Breughel a bien imit�e.
Sa femme fuivoit les march�s, o� elle expofoit
fes tableaux, qui font bien recherches encore. Il
eft mort a Anvers j on n'en fait point Ie temps.
H5H'
J A C Q U E S
CORN�LLISZ.
I .A ville d'Amfterdam vantc beaucoup les
talents de Jacques Corne�s^ , n� dans Ie bourg
d'Oofi-Sancn. Fan Mandcr ne peut exactemenc
marquer Ie temps de fa naif�ance \ il dit feule-
ment , felon Ie rapport de Jean Schoor�el, �l�ve
de Cornelis\, qu' en 15 uil jouilToit d�ja d'unc
grande r�putation. Son ma�tre eft �galemenc
ignor�. Corrt�/w^avoitpeintdans 1'ancienne �glife
d'Amfterdam une Defcente de croix , pour un
tableau d'autel : on 7 voyoir une Madelains
aflife au bas de la croix ^ on y reconnoiflbit la
nature , auffi ne faifoit-il rien fa«s la copier. On
voyoit de lui, dans la m�me �glife, les (Euvrcs
de mif�ricorde j mais de tous ces rableaux , il en
eft peu qui aient �chapp� aux fureurs des guerres
de re�gion de ce nemps - la; guerres qui onr
toujourc
-ocr page 65-
Flamands, Allemands & Hollandois. 49
toujours �t� funcftes aux arts. Ven Manier a vu *
a Harlem, chez Ccrmlle Suyker, une Orconnfion I454*
peinte en 1517. Il en fait 1'�loge, & dit qu'elle
eft dutempso� lepeintre �tou dans fa plus grande
force. Il parle encore d'uno Dcfcente de croix,
cjui �toic dans 'a-ville d'Akmner. Ce tableaa
�toit d'une belle compofinon j !e payfage �tuit de
Schoor�e/Cm e �ve Fan Manier vante extreme-
ment les mouvement des bourreaux qui �tendent
ave efFottnotre Seigneur fir la croix, & qui pa-
roiffent remuer, tant 1'adion elt bien rendue. Ce
peintre avoit tin frtre nomme Biys, qui a fair de
belles chofes,& vn fils non-.m� Lirck Jacob. Ce
de mier a bir pkilieurs beanx porrraits dans ley
Euttes ( () d'.Amirer<.!am. Il y mo'ir 't en 1567,
a 1 'age de 70 ans. Jatques Com�ifc y efl mort
as'ffi dans un age av.inc�. PluGeurs des ouvrages
de Jacques ont �r� grav�s en bois j neur en rondt
repr�ftntani la Paflion denotrt Seigneur, & une
ftconde P.iffio.i grav�e auflien boi5^quoiquec:lle"
ei t�tbien conipofee, on eftime plus neufplrnches
de 'ui j repr�fentant des homines a cbevai. Llles
font finguh�res.
(1) Buttesi lieux ou s'assemblenf les coirpngnies
de lamilicp bourgeoise ou les roiu'r�ries ('e dif*t»rens
exercicei, soit de 1'arc, de 1'aibal�te ou du mail, etc.
Tome I.                                    D
-ocr page 66-
J E A N
SCHOOR�EL,
�LEVE DE WILLEM
(GUILLAUME)CORNELISZ.
Jr r A n c Floris Ie nomme Ie flambeau des
peintres flamands. On Ie regarde comme Ie pre-
mier qui ait franchi les Alpes & port� en Flandre
Ie gout du bel antique. Jean Schoor�el naquit Ie
premier d'ao�t 1495 , dans Ie bourg de Schoor�el,
proche d'Alcmaer en Hollande. La perte de fon
p�re & de fa m�re Ie mit, encore fort jeune,fous
-ocr page 67-
La Vu des Ptintres Flamands ,&c. J i
la tutelle de fes parens qui Ie firent �tudier a
AIcmaer julqua lage de 14 ans. il apprit
facilement la langue latine j mais encra�ne par
un talent qui devoit un jour !e diftinguei-j Ie
papier, Ie verre & jufqu'aux�critoires de corne,
tout devint fous fa main figures, animaux 8c
plantes. Il �toit Ie deffinateur gig� de tous fes
camarades. Des parens alTez raifonnables pour ne
rien perdre de ce que la nature annonc.oit dans
ce jeune homme, Ie plac�rent chez Guillaumt
Cornelis\, peincre afFez m�aiocre, qui ne voulut
engager Schoor�el que pour trois ans. i.es parens
s'oblig�rent m�me a payer une fornme 3 en cas
qu'il v�nc a quitter aVant Ie temps prcfcrit. I,e
jeune �l�ve rapporta plus de cent florinsi i)clans fa
premi�re ann�e, au profit du ma��re qiu s'enivroii
fort fouvent. Il faiiic un de ces momens pour re-*
prendre 2 fon mn�cre eet engagement qu'il d�chira.
iyc^oored/commencapourlorsictre plus �bre. Les
f�tes & les dimanches, il alloit hors de la villejo�
il peignoit d'apr�s nature des vues & c'es arbreS
qu'il touchoit d�ja d'une atitre maniere que ceux
qui peignoient de fon temps. Au bout de1; trois
ann�es , il quuta ce maitre, & fut a -Amfterdam
chez Jacqucs Cornelis\, bon peinrre Sc bon dei�l-
nateur. Ce dernier eiubeaucoup d'attention pour
fon �l�ve, 8i Ie regarda comme fon fils; Sc quoi-
que Schoor�el �tudiat chez lui j il lui donna une
penfion, & la libert� de faire des tableaux ponr
fon compte. Quelle difF�rence enrre ces deux
(1) Le florin vaut 40 sous argent de France, oa
quelque chose cje plus, suivant Ie cours des esp�ces.
D
__ - -
-ocr page 68-
51                   La Vu des Peintres
ma�tres! Cornelis^ avoit une fille ag�e de 11 ans;
» Schoor�d 1'aima, & cette inclination 1'emp�cha
de fe fixer ailleurs dans fes voyages.
. Il quicta fon ma�tre avec amiti� & reconnoif-
fance, pour aller chercher Jean de Mabufe, qui
�toit a Utrecht au fervice de 1'�v�que Ph�lippe. de
Bourgogne.
Malgr� les talens & la r�putation
de ce peintre , Schoor�d fut oblig� de Ie quitter.
Les d�bauches & Ie libertinage du maitr.e avoient
trop fouvent expof� la vie de 1'�l�ve II pafla par
Cologne, & s'arr�ta a Spire,o� il �tudia, fous uu
religieux j 1'architedure & la perfpeftive. Il
connnua fa route par Strasbourg, vifitant toujours
les peintres jufqu'a Bafle: il travailla par-tout.
Une maniere prompte & facil� Ie fit admirer &
eftimer. Il demeuraquelque temps a Nuremberg,
cliez Alben Durer} ou il feroit reft� plus long-
temps, fi ce ma�cre ne s'�tok point trop ouver-
rement d�clar� partifan de la r�forme de Luther,
II.fut a Stiers en Carinthie, o� les premiers
de la ville 1'occup�rent. Un baron, grand ama-
teur, Ie logea chez lui, & fitce qu'il put pour fe
1'attacher : il lui propofa fa fille en manage, mais
Schoor�el Ie refufa,& facnfia tout afa premi�re in-
clination. Apr�s avoir beaucoup gagn� dans cette
ville, il parrit & fut & Venife, ou il fitconnoiflance
avecquelques peintres d'AnverSj & particuli�re-
ment avecun amateur nomm� Bomberge. On ne
voyoitalorsaVenifeqaedesgens qui arnvoient de
tous c�t�spour paflera laterre fainte.Un religieux
de la ville de Gouda en Hollande, engagea notre
peintre a 1'accompagner. Il s'embarqua , & s'oc-
cupa fouvent a deffiner les vues des diff�rentes
ifles o� ils pafs�rent. Dans les ifles de CWypre &c
-ocr page 69-
Flamands, Allemands & Hollandois. j 3
de Candie, il deflma les chateaux , les villes &
autres vues finguli�res. Arriv� a J�rufalem , ag�
d'environ 15 ans, il fit connoiffance avec ie
gardien du couvent de Sion. lis vifit�rent en-
femble les bords du Jourdain , qu'il copioit cor-
re�fcement a lapiume. Ces �tudes a fon retour lui
fervirent beaucoup dans fes ouvrages. Ce m�me
gardien 1'invita a refter chez lui pour y peindrej
ma�s prefle de retourn�r par Ie religieux de Gou-
da , il pnt fon parci, & promit de faire un tableau
pendant fon trajet j ce qu'il fit. Arriv� a Venife,
il 1'envoya au gardien. Le fujet �toitS. Thomas
ouimet fes doigcs dans la plaie de notre Seigneur.
On Ie voit encore aujourd'h�i dans lem�ine cou-
vent. Schoor iel pe.'gnit, outre fes deflins, plufieurs
chofes d'apr�s nature , comme la Ville de J�ru-
falem j leTombeau de notre Seigneur cjti'il termi-
na chez lui. Il y eft repr�fent� lui-m�me avec une
troupe de chevaliers 8c autres voyagenrs. Du
temps de van Mander ce tableau �toic conferv�
chez les Jacobins, ou a la cout des princes 4
Harlem.
Il quitta la terre fainte en 1510,6? pafTa par
1'ifle de Rhodesj environ trois ans avant que les
Turcs en fiflent la conqu�te : il y fut tr�s-bien.
regu par le grand-ma�tce qui �toit alleinand. II
peignit la ville de Rhodes Sc fes fortereffes.
Arriv� a Venife , il 7 refta long-ternps a tra-
vailler. Il vifita enfuite quelques villes d'Italie,
jufqu'a fon arriv�e a Rome , o� il s'accacha parti-
culi�rement a �cudier 1'antique ■> les ouvrages de
Rapha�l, de Michel Aixge 8c de quelqats autres
ma�tres. Il deffina les tuines & *e» envitons da
Rome.
D 2
-ocr page 70-
54                    La Vie des Peintres
On �lut dans ce temps-la a Rome Ie pape
149 f � Adrien VI, n� a Utrecht. &choor�el fe fit conno�tre
de fa Saintet� qui lui donna la conduite du Bel-
v�d�re j ou il �t plufieurs tab.eaux & ie portrait
du S. Poiuife en pied, grand comme nature. Ce
portrait fut envoy� au college de Louvain, apr�s
la mort du pape qui 1'avoit fond�. Schoor�el qaitta
Rome pour revenir en I landres. Arriv�aUtrecht,
il apprit avec douleur que fa maitrefle avoit �pou-
f� pendant fon abfence un orf�vre a Amfterdam.
11 refta a Utrecht chez M. Lochorjl, un des plus
grands amateurs des Pays-Bas, pour qui il peignit
i 1'huile & en d�trempe plufieurs tableaux : Ie
principal eft 1'entr�e de J�fus-Chrift dans J�rufa-
lem. Certe ville , qui fait Ie fond du tableau , y
eft repr�fent�e d'apr�s nature j far 1'�tudequ'il en
avoit faite : ce tableau avoit deux volets. Il a
depuis �t� donn� par la familie de M. Lochorjl, a
la principale cglife d'Utrecht. Une fa�bion qui
s'�leva dans cette ville entre 1'�v�que &: Ie duc
de Gueldres j obligea notre peintre a la quitter.
Pr�f�rant Ie repos a 1'efprit de parti, il partit pour
Harlem , o� il fut tr�s-bien recju par M. Simon
Sa'�n
, commandeur de 1'ordre de S. Jean. Cet
amateur employa Ie pinceau du peintre. Ua
Bapt�me de S. Jean Ie fit connoitre pour imita-
teur de Rapha�l. Les airs des t�tes font pleins de
graces , de Ie fond , qui eft un beau payfage j en
foutient g�n�ralement la compofition. Alafin^
tourment� par Ie grand nombre de ceux qui fe
pr�fentoient pour �tre fes �l�ves , il fut oblig� de
fe fixer un �tablifTement. Il loua une maifon
fpacieufe, o� il peignic plufieurs tableaux,
entr'autres un Ghrift pour Ie grand autel d'Arn-
-ocr page 71-
Flamands, AUcmemds & Hollandois. 5 5
fterdam. Il r�p�ta ce fujet pour lam�me ville.
Les principaux de la collegiale fond�e par
1'empereur Henn IV, lui firent peindre quatre
volets au grand autel. Le milieu du retable �toit
en fculpture. Sur le premier des volets il repr�-
fenta la fainte Vierge tenant 1'enfant J�fus , 6c
S. Jofeph a fon c�t� j fur le deuxi�me, 1'Empereur
Sc 1'�v�que Contardus, dans leurs habillemens de
c�r�monie : un beau payfage en faifoit le fond.
Comme il ne pouvoit pas fi-t�t finir les deux au-
cres, il peignit, en attendant, deux taBleanx en
d�trempe de la m�me grandeur. Le fujet �toit
le Sacrific� d'Abraham, dont le fond �toit un beau
payfage. Ces morceaux furent achet�s _, ainfi que
d'autres tableaux de Schoor�el, par ordre du roi
d'Efpagne , lorfqu'i! fut a Utrecht en 1549. Cet
enl�vement,joint au malheur qui arriva en 1 $66,
lorfque fes plus beaux oflvrages furent el�trnits a.
Amfterdam, a Utrecht & a Gouda , nous priv�
prefque de toutes fes meilleures produchons.
L'abbaye de Marchienne en Artois ent delui trois
tableaux, favoir j un Saint-Laurent; un autre avec
deux volets, repr�fentant les onze mille Vierges;
le troifi�me, un tableau d'autel avec fix volets ,
repr�fentant le Martyre de S. Etienne.
L'abbaye de Saint-Vaft a Arras eut auffi un
tableau d'autel avec des volets, deftin� pour une
chapelle derri�re le checur.
L abbaye de Grooft-Ouwen > en Frife j lui fit
peiadre un tableau repr�fentant la C�ne. Toutes
les figures en font grandes comme nature, & les
t�tes font prefque toutes des portraits v�ritables.
Le fleur W�llem Pieters 3 banquier de la cour
de Rome, a Malmes, eut beaucoup de fes ou-
D 4
-ocr page 72-
5<J                        La V�e des Pe'mtres
vrages : ils �toienc anus & avoient v�cu enfemble
**' a Home. Il fit encore des tableaus fort eftim�s
a Breda, pour Ie comce tiend de Na�au & Ken�
de Chdl�ns
, princes d'�range.
Fan Mander loue fort une Pr�fentation au
temple , qu'il a vue a Ha riem, chez Ie fleur
Scoterbcfch.
Peu de temps apr�s fon retour d'Itiiie} Francois
I.
invita Schoor�d a venir en France , avec pro-
mefTe de lui donner de gros appointemens \ ma�s
la vie tranquillc qu'il aima toujours , 1'eiigagea a
remercier ce grAnd prince. I.e Roi de Su�de
re-gut, a farecommandation,un archite&e appell�
Cujlau , qui lui pr�fenta de la part du peintre 3
.une Vierge qui fut admir�e a la cour. Le roi
lui fit pr�fent en �change d'un beau diamant, de
peaux «Ie martres , d'un craineau avec 1'�qui-
p.ige du chev^l, qui fervoit otdinairement a ce
prince, d'un fromage de Su�de de 100 1. pefant,
ie tont accoinpagn� d'une lettre de fa majeft� \
mais de ce beau pr�fent il ne pirvinr jitfqu'a lui
que cette lettre , encore avoit-on ot� le fceau.
Schoor�d a non-feu!ement faithonnenr a la pein-
mre,mais fon carad�re doux & fociable le fit
g�n�ralement eftimer. Po�te , mu�cien, orateur,
il travailli dans difrerens genres, & compofaquel-
ques petites pi�ces comiques. Il parloit plufieurs
langues , le latin , le francois , Pitalien Sc
�'aliemand} & il eut la r�putation d'�tre des plus
habiles a tirer de 1'arc.
L'ad�duit� au travaille rendit infirme, & !a
gravelle nbr�gea fes jours. Il mouriit a Utrecht
le 6 d�cembre i^6xt deux ans anr�s qne fon
�l�ve, Anto'me Moro, peintre du Roi d'Efpagnej
-ocr page 73-
Flamands, Alkmands & HoIIandois. 57
ent fait fon porcrait. On lit au bas ces vers
latins :
Addidit huic arti decus, huic ars ipfa decorum :
Quo moriente mor� ejl 3 hxc quoque vifafibi.
Ant. Morus, Phi. Hfp. Regis picior, J. Schordiopic.
F. Aa. M. D. LX.
5
MICHEL COXCIE,
�LEVE DE VAN ORLEY.
(joxcie naqnit a Malines en 1497; & fort---------
jeune, il fut �l�ve de van Orley. Les lecons du 1497-
ma�tre Sc fon application contribu�rent beaucoup
a Ie renorebon peintre.
Il quirta fa patrie, & fut i Rome, o� il refta
long-temps a imiter les ouvrages de Rcpha'�1. Il
peignit une R�furredion en d�trempe, dans 1'an-
cienne �glife de S. Pierre, & quelques autres dans
1'�ghfe allemande de Sainte Marie della Pace.
Il fe inaria en Itali�, & vint avec fa femme fe
fixer dans fa patrie. On voit beaucoup de fes
ouvrages a Haifenbergh , a z 011 5 lieues de
Bruxelles , 011 Ie tableau du grand autel, qui
repr�fentoit notre Seigneur en croix, r�unit les
fuffrages des artifte's & des amateurs. Ce ta-
bleau fut enlev� dans les troub'es du pays, &
rendu, avec plufieurs autres de ce peintre, au
cardinal Granvclles 3 par Thomas Wrerry, n�go-
ciant de Bruxelles. L'l: fpac;ne les conferve tous.
L'�ghfe de Sainte Gudule de cette derni�re
-ocr page 74-
58                   La Vie des Peintres
----------ville, poflT�doit un tableau d'autel, repr�fentant
r497- la more de la Sainte Vierge j mais ayanc �t� enlev�
dans Ie m�me cemps pour 1'Efpagne, il y fuc
vendu fort cher. On voyoit dans la m�me �glife
une C�ne fort eftim�e.
L'�glife de Malines a une chapelle de Saint
Luc j penite par van Orley. M�chel Coxcie y ajou-
ta les deux volets qu'il peignit, & que Ie duc
Mathieu enleva en quittant les Pays-Bas.
Dans l'�glife de Notre-Dame d'Anvers , il
avoit peint, pout la compagnie des archers 3 un
S. S�baftien, un Crucifix & plufieurs portraits,
o� la nature �coit bien imit�e., Sc dont 1'ex-
preflion �toit fort belle.
Dans la m�me �glife il a peint, dans Ie tableau
du r�table de la chapelle de Sainte-Annc, une
Sainte Familie. Rubens a fouvent lou� ce tableau.
Il a peint chez 1'Ele�teur Palatin la R�furrec�on
du Lazare.
On voyoit par-tout de fes ouvrages , parce
qu'il a beaucoup travaill� & v�cu long-temps.
De venu fort riche, il fe fit faire dans Malines trois
maifons ou hotels qu'il enrichit de fes tableaux,
<jui font fort recherches & difEciles a a?oir.
Malgr� fon grand talent, on foupc,onne Coxcie
d'avoir eu peu de g�nie pour la compofition. On
reconno�t Ie larcin dans tous fes ouvrages, 8c
particuli�rement ce qu'il a pris de Raphael. Auffi
fut-il tr�s-fach� lorfque J�fome Cock donna en
gravure , au public, 1'�cole de ce ma�tre italien.
On prit Ie copifte fur Ie fait- Ainfi les tradu�bions
des �crivains �trangers d�couvrent les vols fecrets
qu'ils nous font, & ceux que nous leur faifons a
notie tour.
-ocr page 75-
Flatnands 3 Alkmands & Hollandois-. 5 9
II favoit donner, ainfi que Rapha�i, bcaucoup ����
de grace a fes femmes, & il imitoic fa maniere X497*
yareScfuave de peindre.
Ayanc �t� appel� a Anvers pour orner la maifon
de ville de fes ouvrages, il fe laiffa tomberdans
1'efca'ier, & mourut peu de jours api�s cette
ch�te, en 15pa , ag�de 95 ann�es.
-ocr page 76-
MARTIN
HEMSKERCK,
�LEVE DE SCHOOR�EL.
-------- La Hollande Pa regarde long-temps
1498. comme un de fes meilleurs peintres. Il naquic
en 1498 , dans Ie village d'Hemskerck. Son p�re,
Jacques Willems Vanv�cn, macon , fit ce qu'it
put pour emp�cher fon fils d'�tre peintre. Soit
que Vanv�cn pensat que fon fils ne pourroit fe
rendre un jour hr.Mle dans la peinture, foit qu'il
fit peu de cas de eet art, il Ie retira de chez fon
-ocr page 77-
La Vit des Pcintres Flamands, &c. S\
maltre, malgr� lui, & Ie deftina aux travaux les
plus vils de la campagne; mais Ie g�nie j ainfi que
�'amour, f�rce tous les obftacles. Hemskerck au
d�fefpoir imagina nn moyen qui lui r�uffit. Un
Jour a fon ordinaire> charg� d'un feau plein de
laic, il donna contre une branche d'arbre, & cul-
butant Ie feau, Ie lait fut r�pandu par ten-e. Le
p�re, fach� de cette pene, pourfuivit Ie fils qui
s'�chappa, & pafTa la nuit fur un moneeau de
foin. Le lendemaia , a 1'infu de fon p�re , fa
m�re le munit d'un petir paquet & de quelque
peu d'argent, qui le conduifit le m�me jour a
Delft. Il travailla chez Jean Lucas, o� ir s'a-
donna enti�re'ment au deflin , ainfi qu'a la pein*-
ture. Sa grande difpofition fe d�veloppa, & il
devint en peu de temps adez bon peintre. La
r�putation de Schoor�d faifost beaucoup debruit;
on ne parloit que de fa nouvelle maniere & de
fon habilet�. Hemskerck quirta Lucas pour cher-
cher Schoor�d. 11 fit tant aupr�s de ce ma�tre,
qu'il fut adnus parmi fes �l�ves. Il imira ce
i;
eintre, au point que Schoor�d en fut jaloux, &
fit fornr de chez lui.
11 fe retira chez Pierre~Jean Fopfen, qui 1'em-
ploya. Il peignit dans un des appartemens, un
Apollon & une Diane de grandeur naturelle,
ainfi qu'Adam & Eve. Il fit encore quelques
ouvrages pour Jofeph Cornelis^ , orf�vre.
Avant que de partir pour Rome, il donna en
fir�fent aux pemtres de Harlem, pour l'autel de,
eur ch?pelle , un tableau repr�fentanr Saint-L�c
qui fait le porrrait de la Sainte Vierge, tenant
Tenfant J�fiis fur fes genoux. I! �toit peint dans
la maniere de Schoor�d, a ne pouvoir pas le diftin-
-ocr page 78-
7
6 x                    La Vie des Peintres
guer. La t�te de la Vierge & celle de 1'enfanc
1498. J�fus �toient fort belles, eelle de Saint-Luc d'une
belle expreffion, II marque dans fon air une grande
attention a imirer 1'original qu'il copie. Derri�re
S. Luc, efl: une figure couronn�e de lierre, que
Ion croic �tre ie portrait de Hemskerck. On
remarquoit encore dans ce tableau un Ange te-
nant un flambeau j & un Perroquet dans fa cage.
Le fond �toit d'une architecture vague. On y
lifoit fur un feuillet une infcription en vers, que
Martin Hemskerck avoit eompof�e en Thonneur
de S. Luc, Sc ou il �toit dit qu'il avoit fait pr�-
fent de ce tableau a fes confr�res. Il le finit le
x 3 mai 15} 1, ag� de 3 4 an$. Ce m�me tableau
eft encore garde par les magiftrtats de Harlem,
dans 1'appartement du Sud, a la cour des princes.
Hemskerck quitta fa patrie 5c fut a R®me avec
des lettres de recommandation. Il y fut bien
re^u. Un cardinal lui donna fa table. L'antique
& les ouvrages de Michel Ange furent fa prin-
cipale �tude. Il copia les ruines des environs de
cette capitale. Un Italien obfervant un jour le
moment qu'il �toit forti, entra dans fa chambre,
enleva tous fes defl�ns , avec deux tableaux
qu'il arracha de defTus les chaffis. Hemskerck de
retour, fort afflig� de cette perce , foupconna le
voleur, fut chez lui, & fe fit rendrela plus grande
partie de fes �tudes. Mais la peur le faifit; &
craignant que eet homme n'employat contre lui
quelque violence , il quitta Rome, apr�s trois an*
n�es de f�jour, & revint dans fi patrie, avec une
provifion d'�tudes & d'argent. Il arrivoit a Dort,
muni d'une lettre d'un jeune compatriote aufll
�tudiaat a Romej qui Tadrefl�ic dans une au-
-ocr page 79-
Flatnands, Allemands & Hollandois. 6 j
berge de Dorc, o� il fut invite a fouper j mais
heureufement pour lui il fut oblig� Ie foir m�me
de s'etnbarquer. L'h�te & les domeftiques furent
arr�t�s par la juftice : on trouva dans 1'auberge
une cave remplie de cadarres.
Hemskerck, de retour chez lui, fe mit a peindre.
Sa maniere �toit chang�e depuis fon d�part: quel-
ques-uns aim�rent mieux celle qu'il avoit abandon-
n�e , c'eft-a-dire, celle de Schooreel, avec cette
diff�rence que les bords de fes contours �toient
moins tranchants.On s'appercut dece changement
dans un tableau d'autel qui fe voyoit a la cour
des princes. Le fujet �toit la Naiflance de notre
Seigneur & 1'Adoration des Rois, d'une belle
compofition. II y avoit plufieurs portraits d'apr�s
nature ayec Ie fien. Sur le dehors des volets de
eet autel ,on voyoic une Annonciation. La Vierge
�toit belle, la draperie de 1'Ange bien jett�e;
clle �toit d'une couleur de pourpre , Sc avoit �c�
peinte par Jacques Rauwaert, qui demeuroit chez
Hemskerck. Le fond �toit d'une belle architecture,
Sc qui fentoit biea les �tudes de Rome.
II fit plufieurs grandi ouvrages pour la ville
d'Amfterdam; entr'autres,dans 1'ancienne �glife,
deux volets pour uu autel. Le dedans repr�fen-
toit des fujets de la Paffion de notre Seigneur, &
les dehors une R�furre&ion en couleur debronze.
Cet ouvrage augmenta beaucoup fa r�putatiorj.
Ces volets renfermoient un beau Chrift en croix,
par Schooreel.
Martin fit pour le ma�tre-autel de la grande
�glife d'Alcmaer, un Chnft. Sur les deux volets
�toit la Paflion de notre Seigneur, au-dedans^ Sc
au dehors le Martyre de S. Laurent.
-ocr page 80-
64                    ta Vit des Peintres
Dans les �glifes de Delf: on voyoit beaucoup
1498. de fes tableaux. Dans celle de Sainte-Agathe,
ui» tableau d'autel , repc�fentant les trois Rois.
Il �toit compof� de facon que fur chaque volet &
fur Ie milieu fe trouvoit un des mages j Ie dehors
�toit peint en camaycu , & avoit pour fujet Ie
Serpent d'airain. Ce tableau lui valut ioo florins
par an^ il fe fit par ce moyen beaucoup de rentes
viag�res.
Dans Ie bourg d'Eertfvjout, au nord d'Hol-
lande, il peignit les deux volets d'un grand, au-
tel. Les dedans repr�fentoient la vie de notre
Seigneur, & les dehors celle de S. Boniface.
Il fit a Medenblick Ie tableau du ma�tre-
autel *, & pour M. Ajjenvelt deux volets au tableau
d'autel de la chapelle qui appartient a la familie \
& un autre tableau d'une grande beaut�, o�
Ton voit les quatre fins de 1'homme, la Mort,
Ie Jugementjl'Enfer & Ie Paradis.Rien ne frappe
davantage que les expreflions difFcrentes, la peur ,
la crainte j Ie d�fefpoir & la joie. On remarque
par-tout Ie fpirituel & Ie favant artifte. Ce
tableau fut fait pour fon �l�ve Jacques Rauwaert y
grand amateur & en �tat de Ie bien r�compenfer.
Il paya fon maure d'une facon peu commune ,
en lui comptant des doubles'ducats fi long-temps
& en fi grand nombre, que Ie peintre �tonn�
s'�cria plufieurs fois} en voila a(Tez.
Van Mander a vu chez Ie fieur Kcmpenaer,
Sc
depu�s chez Ie fieur Melchior Wyntgis, une
Bacchanale de lui qui a �c� grav�e. On regarde
ce morceau comme Ie plus beau qu'il ait fait apr�s
fon retour de Rome.
On conferve deux tableaux de ce ma�tre dans
lc
-ocr page 81-
F lamanis t Allcmands & Hollandois. 6<
Ie cabinet de �EleSeur Palatin ; 1'un eft le-
iauveur du monde , & 1'autre Mars & V�nus
iurpns par Vulcain.
Sa maniere de deffiner eft facile & favante. Il
manioit tr�s-bien la plume, & compofoit bien fes
iu/ets : il �toit bon architedte , comme on Ie peut
voir dans les fonds de fes tableau* , & � peignoit
da»s tous les genres. On lui reproch» cependant
d etre un peu fee Sc tranche dans fes figures nues.
tn confid�rant fes tableaux, on defire dans fes
phyfionomies, cette grace touchante qui donne
tanc de prix a la compofition. Il a rempli les ca-
bmets & les porte-feuilles de fes ouvrages, & il
a compof� pour Ie favant Coornhert, une cjuan-
tite d'embl�mes grav�s par plufieurs artiftes da
temps , & fur-tout par Coornhert. Il a grav� lui-
m�me les Batailles de Charles F3 except� celle de
Pavie j ou Francois I fut fait prifonnier : elle a
�t�grav�e par Corn'dleBos.
Quelques ann�es apres fon retour de Rome
il �ponfa Marie Jacobs, une des plus belles filies
de la ville , qui, au bout de 18 mois , mouruten
couche.
Apv�s avoir fini a la cour des princes d'Har-
lem , les deux volets qui renferment Ie MafTacre
des Innocens, par Cornille Cornelifo, il �poufa
en fecondes noces une fille ag�e, mais tr�s-riche.
Elle avoit pour d�faut une envie infatiable d'a-
mafler du bien , & m�me injuftement: ce qui
d�plut fort au peintre, qui d�dommagea tous ceux
a qui fa femme avoit fait tort a fon infu. Il avoit
lui - m�me grand foin de s'enrichir , mais avec
honneur. Il craignoit de manquer du n�cei�aire
dans fa vieillefle. On trouva apr�s fa mort fon
Tome I.
                                       
-ocr page 82-
'66                 la Vit des Peintres
" ' ■- habit garni de pi�ces d'or, qu'il avoit coufues dan»
1498. la doublure.
Il �toit naturellement fort timide, & il redou-
toit fur-tout les armes a feu. On 1'a vu monter
fur une tour pour voir palfer la marche des ar-
quebufiers , & a peine fe croyoit - il a 1'abri du
danger, quoiqu'il fut dans un lieu fort �lev�. Le
magiftrat 4'Harlem lui permit de fortir de la ville,
lorlqu'elle fut afli�g�e par les Efpagnols (1). Il fe
retira chez fon �l�ve Rauwaert, a Amfterdam.
Apr�s la prife de la ville d'Harlem en 157J ,
les Efpagnols enlev�rent pluiieurs de fes ouvrages.
La plus grande partie ayant �t� d�truite , ils �ont
devenus rares dans fa patrie m�me.
Se voyant a la fin de fes jours , fans poft�rit� ,
�l fit plufieurs legs extraordinaires. Il a laiiT� une
terre dont le revenu fert a marier tous les ans
quelques jeunes filles, aux conditions que le ma-
tiage fe fera fur fon tombeau : ce qui fe pratique
encore aujourd'hui.
Il fit �lever a Hemskerck, fur celui de fon p�rc,
un ob�lifque de pierre bleue. Le portrait de fon
p�re y eft taille en haut : un enfant met le feu a
un morceau d'o(Temens, & femble s'appuyer fur
fon flambeau. ' 'n y volt encore quelques autres
attributs de peinture , avec fes araies : 1'infcrip-
rion en eft laiine & allemande. On lit fous une
t�te de mort, cog�ta mor'u II eft marqu� que fi
cette pyramide ne fe trouvoi: point entreteuue
(i)Si�gem�moi-abledela ville d'Harlem en 157a ,
qui dura huit mois : elle fut d�fenclue par Hiperdu ,
gouverneur sous le prince d'Orange, et attaqu�a
pav Ferd�ric ? fiU du duc d'Albt.
-ocr page 83-
Flamaiids , Allemands & Hollandois. 67
dans Ie m�me �tat, les parens pourront rentrer
dans Ie fonds qu'il avoit conftitu� pour eet en- 1498.
tretien.
.Apr�s avoir fait ces legs , & donn� beaucoup
aux pauvres, �i moutut a Harlem en 1574 , ag�
de 76 ans \ & il fut enterr� dans la grande �glife
dont il avoit �t� tl ans marguillier.
Van Mander a vu a Alcmaer, chez Vandef
Heek,
des porrraits A'Hemskerck a 1'huile.» Sc
peints a. diff�rens ages.
AEET ( ARNAUD )
CLAESSON,
ELEVE
DE CORNILLE ENGELBRECHTSEN.
J.L eft commun�ment appe^l� Aertgcn, 8c na-
quit dans la ville de I evden en 1498. Il fit, )uf-
qu'a 1'age de 16 ans Ie m�tier de fon p�re , qui
�toit celui de fou'on; c'eft pour cela que quelques-
uns 1'ont appell� Aertgen T'oulon. Il fe d�clara bien-
t�t pour la peinture, & devint �l�ve de Cornille
Encelbrechtf.n en 15 i<J. Son applicanon Ie rendit
en peude tempspeintrehabile. Il faifoitpeu de cas
des fujets de h&ion ou de la fable. Tous fes ta-
bleaux font tir�s de 1'ancien &c du nouveau tefta-
ment, ou d'hiftoires connues : il recommandale
ro�me choix a fes �i�ves. Ses ^compofitions font
belles, mais fa maniere de peindre n'eft point
E 1
__
-ocr page 84-
&S                   Ia Vu des Pelntr�t
Vagr�able. D'abord fon deffin fut dans Ie gout de
� fon ma�tre, mais il changea cette maniere, lorf-
qu'il vit des ouvrages de Schoor�el. Il imita celle
de Hemskerck dans 1'archite�fcure, dont il a joint
les ornemens a. fes oavrages ; ce qui rendit fes
compofitions grandes & favantes. Ce jugementell
de Franc-Flore m�me, qui, ayant �t� mande pour
faire un Crucifix dans une des principales �glifes
de Delft, s'�carta de fa route pour voir Aertgen j
& ayant demand� fa demeuie , il fut fort furpris
qu'un fi bon peintre fut log� dans une petite
maifon proche les remparts. Le ma�tre n'y �toit
point, mais fes �l�ves 1'introduifirent dans fon
atelier, qui �toit un grenier. Fioris prit un char-
bon, & tra<ja, fur un bout de muraille blanchie,
la T�te de faint Luc 3 une T�te de b<Euf, & les
Armes de la peinture. Si-tot qu'il eut fini fon def-
fin , il retouma a fon auberge. Aertgen de re-
tour , fut averti, par les traits hardis du charbon,
qu'un �tranger �toit venu. Cette avanture eft fem-
blable a celle d'Apelles & de Protog�nes. Aertgen
n'eut pas plutot confid�r� le deffin , qu'il s'�cria :
C'eft Franc-Flore, ce ne peut �tre que lui; ce grand
malere s'eft donn� la peine de me venir voir. Il
ne put fe d�terminer a lui rendre fa vifite: il �toit
fi timide qu'il n'�toit jamais a fon aife qu'avec fes
�l�ves. Il paflbit avec eux tous les lundis au ca-
baret, non pas comme ivrogne , mais par habi-
tude. Il s'eftimoit pen �, il avoit grande opinion
des autres. Fioris 1'invita a 1'aller voir ; il s'en d�-
fendit toujours, difant qu'il ne m�ritoit pas de fe
trouver avec un fi grand homme. Le hafard les
fit rencontrer, & Fioris profita de ce moment pour
smirer Aertgen > dans 1'intention de lui faire ven-
-ocr page 85-
Ftdmands, Alhmanis & Hollandois. �
dre fes ouvrages ce qu'ils valoient 3 puifque, mal- ■
gr� fon travail conrinuel, il ne gagnoic que de
quoi vivre tres m�diocrement. Les remontrances
du peintre d'Anvers ne firent fur lui aucun effet:
il r�pondit que fa vie obfcure & tranquille dans
fa petite bicoque, lui �toic plus ch�re que cello
d'un r®i dans les grandeurs de fa cour, 8c qu'il
ne chamgeroit jamais de fituation.
Il compofoit avec une faciiit� �tonnante. Plus
ftirifuel que favant, fouvent peu correct, tant�t
fes figuf�s fontgigantefques, & tant�tlourdes: �
faifoit beaucoup de deflins pour les peintres fur
verre, & ne recevoit jamais plus de 7 fous pour un
deflin d'une feuille de papier. Ani�� n'a-t-on gu�-
res vu de peintres qui en aient produit en f� grande
quantit�. Il favoit donner un tour a fes figures ,
8c les grouppcr avec beaucoup d'art ^ mais Ie peu
de gain lui faifoit facrifier la corre�tion.
On voyoita Leyden, chez Ie fieur Buytenwegk,
ftois de fes plus beaux tableaux , & d'une grande
expre/��en. Le premierrepr�fentoit notre Seigneur
entre les deux Larrons, lafainte Vierge avec les
Difciples, & laMagdelainequi embrauoit lacroixj
le fecond , norre Seigneur qui portoit fa croix ,
fuivi des Maries & d'mi peuple nombreux ; le
troifi�me, Abraham qui conduifoit fon fils Ifaac
charg� du bois deftin� au facrifice. A Leyden,
la veuve de M. Wajfenaer, bourguemcftrc (1) Sc
receveur des rentes de laville, pofiedoit un au-
tre tableau repr�fentant la NaifTance de irotreSei-
gneur: ce tableau eft fort eftim� pour fa com-
(1) Les bourguemtfira en Hol lande et en F land re,
lont des maires de villes.
E $
-ocr page 86-
7o La Fie des Pelntrts Flamands , &c.
----!-----pofition , quoique peint avec moins de foin que
1498. les autres. Il y a encore de ce peintre , chez ie
fieur Knotur 3 des tableaux en d�trempe lur toi-
le (.)�� Ie plus beau eftune Vierge avec des Anges
qui forment un concert. On voit de la meme
xnain, chez Ie fieur Jean Dirck de Montfort, un
autre tableau avec deux volets; il repr�fente Ie
Jugement dernier :fur un des volets eft Ie portrait
de Dirck (Thierrv ) & de Jacques de Montjort,
fr�res du peintre du m�me nom.
On voyoit de lui a Harlem , chez H. Golc<wt
Ie paffage de la Mer Ronee: Gotofiusm faifoit
grand cas. La vari�t� des figures, les dopenei ,
la ftc,on finguli�re de compofer fes co�ffures , &
lesbonnets en fbrme de turban , font furprenans.
Aertgen avoit une fa^on de faire prix pour fes
tableaux J il menoir au cabaret ceux qui trauoient
avec lui; & fans penfer a regagnei fon gite ,
il pafToit Ie refte de la nuit a fe promener dans les
mes, en jouant d'une efp�ce de flute. Il lui arnva
quelquesavantures qui ne purent jamais Ie guenr
d'une fi mauvaife habitude : a la fin il y perdit 1*
vie. Ayant fait un jour Ie Jugemeni de Salomon
pour Ie fieur Quirinck Cla�s, ils furent enfemble
au Cabaret, pour Ie paiement du tableau; ils s y
quitt�rent fort tard. Aertgen, au-lieu de rentree
chez lui , continua fa promenade nodurne ; & Ie
trouvant preff� d'unbefoin, ilfepla^a fur lesbordi
d'un canal : apr�s avoir �t� fon habit, dans la
crainte de Ie gater , il Ie mit furie talut; ma�s
quand il voulut Ie reprendre, fans doiite, il tomba
daos 1'eau , & fe noya en 15<J4> *& de 66 ans'
(1) Les couleurs employees a la colle ou 1'eau
gomm�e sont en ditnmpc.
-ocr page 87-
J E A N
H O L B E E N ,
�L�VE DE SON P�RE.
�e u d'artiftes ont joui d'une olus grande t�-
ptitation. Son p�re Jean Holb�en, peintre -m�-
diocre , quitta Ausboarg, lieu de ia naifTance,
& alla demeurer a Balie en Suifle, o� naquic
Jean Holb�en en 145)8. Il �tudia fous fon p�re»
qu'il furpafla bient�r. N� avec d'heureufes dif-
po�tioas , il fe perfedtionna de lui-m�me. Ses
talens fiirent employ�s, & on vit fortir de &.
i d'excelieiu ouviages r�pandut chez les
E4
-ocr page 88-
7*                      La Vie des Peintrej
__�i-------particuliere. On lui confia auffi des ouvrages
o publics, tels que la Danfe villageoife , qu'on
voit a la Poif�bnnerie j la fameufe Danfe des
morts , qui eft au cimeti�re de S. Pierre, &
les tableaux de la maifon de ville.
Era/me, demeurant a Bafle , trouva ce peintre
digne de fon amiti� : il lui fit faire fon portrait j
& lui confeilla d'aller en Angleterre. Il quitta
fans peine Ie lieu natal, ou 1'humeur imp�rieufe
defa femme lui caufoic quelques d�go�ts. Arriv�
a Londres, il pr�fenta au chancelier Morus des
lettres & le portrait d'Erafme. Ce miniftre , tou-
che de larefiemblancede fon ami, & de la beaut�
du pinceau , teqnz Ie peintre chez lui avec diftinc-
tion; il Ie garda ainfi trois ans , lui faifant faire
plufieurs ouvrages. Morus ayant invite Ie roi
Henri VIII a un feftin , il expofa aux yeux de
ce prince les chefs-d'oeuvres AHolb�en, qui frap-
p�rent Ie roi par leur beaut� Sc la parfaite reff�m-
blance de plufieurs portraits : Morus pria Ie roi
de les accepter.
Le Monarqne demanda s'il ne lui feroit pas
pofl�ble d'avoir 1'artifte a fon fervice. Morus le
fit encrer & le pr�fenta au roi, q<ii le nomma
fon peintre, & r�pondit a fon miniftre : « Je vous
laifTe avec plaifir les pr�fens que vous venez de me
faire, puifque vous me procurez 1'auteur ». Holb�cn
commenca ponr le roi de beaux ouvrages , qui
feront nomm�s avec les autres. Une avanture ex-
traordinaire nous fait voir a quel point ce prince
1'aimoit. Ce peintre s'�tant un jour enferm� dans
Ion atelier, un des premiers comtes d'Angle-
cerre voulut le voir travailler. Holbcen s'excufa
polimant j mais ce feigneur croyant qu'on devoit
-ocr page 89-
Ftamands, Alltmands & Hollandois. 7 J
tout a fon rang, perfiftaj & voulut fbrcer la porte. ~"
L'artifte , irrit�, jetta Ie comte du haut de 1'ef- lW '
calier en bas, & fe renferma d'abord dans fon
appartement \ mais pour �chapper a lafureur du
ieigneur Sc de fa fuite, il fe fauva par une fen�-
tre dans une petite cour, & fut fe jetter aux pieds
du roi, en lui demandant fa grace, fans dire fon
crime. Il 1'obtintdu monarque, qui lui marqua fa
furprife loifqu Holb�en lui eut racont� ce qui
s'�toit paffe, & lui dit de ne pas paroitre que cette
affaire ne fut termin�e. Oa apporta bientot Ie fei-
neur anglois tout meurtri Sc enfanglant�. Il fit
fa. plainte au roi, qui chercha a Ie calmer , en ex-
cufant la vivacit� de fon peintre. Le comte, piqu�
alors ,ne m�nageapoint �es termesj &le roi, peu
accoutum� a fe voir manquer de refpe�:, lui dit:
Monjieur ,je vous d�fends, fur votre vie, d'attenter
h celle de mon peintre. La difference quily a entre
vous deux eftfi grande
, que de fept payfans je peux
faire fept comtes comme vous
, ma�s defept comtes
je ne pourrois jamais faire un Holb�en.
La fermet�
du roi Sc quelques autres menaces firent peur
au feigneur anglois, qui demanda pardon au roi,
Sc promit fur fa t�te de ne tirer aucune vengeance
de 1'outrage que lui avoit fait Holb�en.
Holb�en3 �tant devenu tranquille, ne j'appliqua
plus qu'a m�riter cette prote&ion. Il acquit 1'efti-
me de toute la cour 3 Sc fit dans ce temps ce beau
portrait du roi en pied, qu'il a copi� plufieurs
fois. Le grand fut place a Witehal ainfi que c�ux
du prince Edouard, & des princefl�s Marie Sc
Elifabeth.
Les portraits des grands Sc des dames de la
cour augraent�rcnt la r�putation Sc fa fortune :
-ocr page 90-
f
74                 La Fie des Peintres
Outre Ie portrait, o� il excella, Halbeen fit plu«
145)8. fieurs grands tableaux a 1'huile & en d�trempe.
Uu des plus confid�rables eft celui qu'il ex�cuta
pour Ie corps des chirurgiens. On y voic Henri
yillii�is lat
un tr�ne , a[iii donne de la main
droite les privileges accord�s au corps, que lei
chefs rec,oivent a genoux. On croit que ce tableau
n'a �t� fiiu qu'apr�s la mort du peintre , qui n'a-
voit pu achever fon ouvrage ^ cependant on ne
peut pas d�cider que Ie tableau fok de deux main*
diff�rentes. La maifon d'Onent a Londres con-
ferve deux grands tableaux en d�trempe du m�me
auteur ; ils paroifTent peints pour des plafonds.
Le premier repi�fenteleTriomphede la Richefle,
& 1 autre celui de la Pauvret� : les draperies &
le m�tal font rehau(T�s en or, avec une propret�
& un art infinis. Ces tableaux, outre le m�rite de
1'ex�cution , int�rei�ent encore par le g�nie po�ti-
que du peintre.
Andr� de Loo , grand amateur a Londres,
rechercha avec foin tout ce qu'il put acheter des
ouvrages d'Holb�rn, dont il fe forma un cabinet.
On y voyoit un beau portrait avec des inftrumens
de math�matiques, repr�fenrant maitre Nicolas,
allemand de nation , ailronorne du roi; celui
de Thomas Cromwel, qui eftpr�fentementau Pa-
lais-Royal , a Paris j celui d'Erafme Sc celui de
Yarchev�que de Cantorbery � une grande compo-
fition en d�trempe , o� les portraits du chance-
lier Morus, de fa femme & de fes enfans �toient
raflfembl�s. Ce tableau , un des plus beaux d'Hol-
b�en
, fut achet� fort cher apr�s la mort & Andr�
de Loo
, par ordre du nev�u de Morus.
On voyoit a Amfterdam le poittaic d'une rein*
-ocr page 91-
Flamands , Alkmands & Uollandols. 75
d'Angleterre, dont 1'habillement de drap d'argent■
furprenoit par Ie brillant & la grande v�rit�.
Dans Ie cabinet du duc de Florence font les
portr.irs d'Holl�en , de Luther, de Morus & de
Richard Southwal.
A DufTeldorp on admire une femme en Bao
chante, un payfage Sc un autre portrair.
Dans Ie cabinet du roi de France on trouve
les p^nraits de Fatchev�que de Cantorbcry, du
math�maticien ma�tre Nicolas , de leanne de
C/�ves
, femme d'Henri VIII, d'Hoil�en,�'Eraf~
tne ,
de Morus 3 d'un homme tenant une tere de
mort, Sc lefacrifice d'Abraham.
Au Palais-Royal font les portraitsd'une femme
habdl�e en noir, de Morus en robe noire 3 de
Gcorge Gifcn, n�gociant, Sc de Thomas Cromwd,
habill� en dodreur.
A Balie, fa patrie.onvoit laDanfe des Fayf.ns
dans la Poiflonnerie, la Danfecles Morts fur 'es
murs du cimeti�re de falnt Pierre : 'es rois , las
bergers , les riches , les pauvres , les jeunes Sc
les vieux forment une efp�ce de danfe avec la
mort. Ce morceau d'all�gorie a fouvent m�rit�
les �loges de Rukens. Dans la maifon de ville de
Bafle eft la Paffion de nocre Seigneur, en buit
compartimens.
Holb�en peignoir a 1'huile , en d�trempe & h
gouafTcj il acquit cedernier talent en Angleterre,
ou il fit connoiffance avec un habile peuitre, nom-
xn� Lucas, qu''Holb�en a furpafle.
Fr�d�ric Zucchero ��ant a Londres environ en
1574 , �leva Ie m�rite du peintre de Bafle jufqu'a
1'�galer a Rapha'�l. Il copia a !a plume & a 1'encre
de la Chine, les tableaux de la Richefl� & de la
-ocr page 92-
6              La Vu des Peintrts
Pauvret�. Ce qui �tonna le plus eet Italien, fut le
portrait en pied de la comtefle de Pembrock ; elle
�toit habill�e de fatin noir. Zucchero, de retour i
Rome, dit a Gotf[ius que l'-Italie n'avoit point de
plus grand ma�tre qa Holb�en. C'eft une exag�-
ration qui ne doit ni augmenter , ni diminuer Ia
eloire d'Holb�en. Le ridicule de cette cornparai-
ion ne tombe que fur celui qui l'a faite: il y a des
places honorables au-deflbus du grand Rapha�l. Le
peintre de Balie avoit des talens pour ce temps-la.
On admire la fralcheur de fa couleur , & la viva-
cit� Sc le fini de fes tableaux j mais fes draperies
fbnt de mauvais gout Sc les plis boudin�s. Il
finif�bit les cheveux Sc les poifs des barbes fans
f�cherefle. Il a compof� plufieurs ouvrages pour
les orf�vres , les graveurs en cuivre & en bois,
�c pour les antiquaires. Il deffinoitavec une extre-
me propret� a la pointe d'argent & a la plume ;
il peignoit & deffinoit de la main gauche. Il avoit
tin fr�re ain� nomm� Sigifmond Holb�en , peintre
m�diocre. Jean Holb�en a fait un bon �l�ve,
Chrijlophle Hamberger, natif d'Ausbourg, auteur
de beaucoup d'ouvrages a 1'huile Sc a fraifque (1)
en Allemagne. Holb�en mourut de la pefte a Lon-
dres en 15 < 4, ag� de 5 6 ans, combl� de gloire
& de biens.
(1) Fraifque: les couleurs m�l�es avec 3e 1'eati,
s'appliquent sur un enduit de. mortier tont frais ; la
dur�e de cette esp�ce de peinture consiste en ce
qu'elle s'incorpore dans eet enduit, h mesure qu'il
se
s�che.
-ocr page 93-
Flamands, Allemands & Hollaniols. 77
GUERAR D
HOREBOUT.
Jfjf orebout naquitaGand; il jouif�oit dans-
fon temps d'une grande r�putacion \ il peignir
dans 1'�ghfe de S. Jean , deux volets qui ren-
fermoient un retable d'aurel en fculpture. Sur
un de ces volets il a peint la Flagellation de norre
Seigneur ; fur 1'autre une Defcente de Croix. Ces
tableaux �chapp�rent aux ravages de la guerre j
les foldats les vendirent a un amateur de Bruxel-
les appell� Martin Bierman, qui les rendit pour
Ie m�me prix. On conferve encore quelques
tableaux de ce peintre dans la m�me ville.
Henri VIII, roi d'An^leterre, nomma Horebout
fon premier peintre; il fut confid�i� par ce prince
Sc par les grands du royaume. La proteclion qu'il
accorda a Holb�en & a Horebout cara&�rife la
go�c de ce monarque.
1498.
JEAN MOSTAERT,
�L�VE DE JACQUES D'HARLEM.
xL naquit a Harlem en 1499 , d'une famille-
illuftre. Il h�rita diinom de Mojlaert 3 dont voki
l'origine. Un de Ces anc�tres ayanr �t� a la fuite
de l'einpereut Fr�dtrie 8c du comtc Floris, aux
-ocr page 94-
78                  la Vit des Peintres
croifadesde 1'Ori�nt Sc a la prife de Damictte, il y
fit des prodiges de valeur. Uu jour il rompit trois
fabres, en comb.utant contre les infid�les, fous les
yeux de 1'empereur , qui, pouv inarque de diftmc-
tioiij lui donna dans fes armes trois fabres d'or
fur uu champde gueules. On 1'appelloit, a caufede
fa valeur , fort comme moutarde. Il ne falloit pas
moins qu'une hiftoire pour exp�quer cette com-
paraifon, imagin�e fans doute par quelque bel
efprit hollandois.
Jean Mojiaert, d�s fa ren c'.re jeune (Te, apprit i
peindre chez Jacques d'Harletn, aflez bon pein-
tre. On avoic cie !ui dans la grande �giife, un
tableau d'autel tr�s-cftim�. Mojiaert �toit d'une
�<rare aimable \ la nobleiTt; de fe- fennmens & un
langage poli jointafon talent, lui acquirent 1'efti-
nie des grands. Il devint premier peintre de ma-
dame Marguerite , foeur de Pkiiippe I, roi d'Efpa-
one; il fiuvit toujours cette pnncei�e & refta a fon
fervice pendant dix-huit ann�es. Il fit plufieurs
^rands ouvrages & une quantit� de portraits des
dames & feigneurs de la premi�re condition.
Combl� de richefles & d'honneurs , il fe retira a
Harlem, o� il fut tr�s-employ� �, il avoit prefque
tous les jours chez lui les plus grands feigneurs du
pays, & �toit fi fam;lier avec eux , que Ie comte
de Bunrtj accompagn� de qitelques feigneurs,
faifoit des parties de fouper chez Ie peintre ,
qui les traitoit avec nobleife & fnns profufion.Son
atelier fervoit de falle a mang�r; Poeil y �toit
auffi fatisfait que Ie gout. I es tableaux de Mof-
taert
ont d�cor� les principe les �glifes Sc autrei
�difices. On voyoit aux Jacohins a Harlem une
JSfaiflancede J�fus-Chrift. La beaut� de ce tableau
-ocr page 95-
f lamanis, Allemands �� Hollandoisi j*>
fit grand bruit. On connoit encore de ce peintre
un Ecce Homo, grand comme nature , avec plu-
f�eurs figures a demi-corps } un Feftin des Dieux ,
ou la Difcorde jectela pomme : lc dieu Mars y eft
pret a tircr 1'ep�e. Ce tableau eft d'un grand m�-
rite , & les figures en font d'une belle exprel�ion.
On connoit un payfageou quelques vues des Indcs,
ou 1'on voit un roe her & quelques maifons j Ie tout
d'un gout fingulier. Quelques grouppes de figures
nues font la principale p.utie du tableau, qui eft
reft� fans �tre fini. On a les portrairs du comre
& de la comtefTe de Bors�le, ainfi que Ie fien, qui
eft un de fes derniers ouvrages : Ie fond repr�-
fente un payfage^ On p?.rloit aufli avec �'.oge d'un
autre tableau , o�le bon Sc Ie rmuvais Anges plai-
dent leur caufe dans Ie ciel devant notre Seigneur.
Ces tableaux �toient du temps de Van Mander,
chez Ie fieut Nicolas Suycher Ecoutet d'Harlem ,
& petit-fils de Mofiaert. On voyoit a Amfterdam
chez Jacques Rauwaert , une familie de fainte
Anne ; & chez M. Nicolas Scoterbofch , confeiller
a la Haye, Abraham & Sara , Agar & Ifma�l 5
les habillemens en font obferv�s felon Ie cofiume..
Jean Clae\, peintre & �l�ve de Cornille Cornelifi,
avoit un faint Chnftophe., tableau grand en tout5
& un faint Hubert qui fe voit encore a la cour
des princes.
On rematque, outre les beaut�squi d�pendent
de la peinture, qu'i! avoit fait des recherches dans
les phyfionomies diff�rentes, & fcrupuleufernent
obferv� les r�gies du cofiume. Une partie de fes
ouvrages a �t� br�l�e dans 1'incendie d'Harlem ;
il n'�chappa rien de ce qui �toit dans fa maifon.
,$on efprit 8c fon jugement ont fait dirc a Hemf-
-ocr page 96-
o                 La Vit des Peintres
kerck qu'il avoic furpafl� les anciens. Jean de Ma-
*f ^>^ f f            * &                 d
I499-
1'abbaye de Middelbourg; mais il s'excufa �tant
au fervice de la princefle , qui Ie nomma fon gen*
tilhomme. Il mourut en 1555, ag� de 56 ans.
J E A N
VAN KALCKER,
�L�VE DU TITIEN.
peintre a rendu fon nom c�l�bre dans
toute 1'Italie j il �toit n� a Kalcker, ville du
pays de Cl�ves. Oo ne conno�t ni fon premier
ma�tre, ni 1'ann�ede fa naiflfance. Il avoit en 15 3 6,
environ 3 7 ans j il demeuroir pour lors a Venife,
o� il s'�toit retir� avec une fille de Dordrecht j qui
fuivit cepeintre, afin d'�viter les fupplices quefes
parens fouffrirent pour des meurtres commis
chez fon p�re , comme nous avons dit dans la yie
d'Hemskerck. Kakker devint un des principaal
�l�ves du Tuien ; il a fuivi ce ma�tre de fi pres ,
qu'il eft impoffible de diftinguer leurs ouvrages.
Golt^ius, �tant a Naples, prit, en pr�fence de plu-
lieurs peintres , les portraits de Kakkerpom ceux
du Tuien. Il auroit eu beauconp de peine a fe d�-
tromper, fi on ne lui en avoit montr� d'autres aufli
beaux, & pourtant de Kalcker. Vafary qui 1'a connu
a Naples, dit qu'il �toit impoflible d'appercevoir
dans fes tableaux les moindres traces du go�c
flamand. Tous les portraitj des peintres, frulp-
tcuxi
-ocr page 97-
Flamands, Allemanis & Hollandois. 11
teurs Sc archite&es 3 dont Vafan a �crit la vie ,�,
font aaf�� de/fin�s p.ir Kakker , ain/i q.ie ks 0- I^
res d'anatomie i!e Vefale : 011 peut juger � ion
dei��n tenoit e fou pays. Il inanioit forc bien Ie
crayon & fur-0 ;t la plame , dans la m ni�ie du
Titien. Rubens
confervoir dans ion cabinct un�
Nativit� de Kakker. La lumi�re du tableau ve-
noic de 1'enfint J�fns Apr�s la mort de Rubens■,
Sandrart acheta ce tableau Sc Ie revendit a l'em-
peretir Ferdmand, qui en faiioic beaucoup de cas.
Cepeintremourutencore jeune, a Naples,en 154^.
ALDEGRAEF
o u
ALDEGREVER,
lieu de fa nail�ance n'eft poinf connu; on
Ie croit n� a Souft, a 8 lieues de Munfter parce
que c'eft Tendroit oii il a Ie plus travaill�. Les
�glifes font ornees de fes tableaux. Dans 1'an-
cienne �glife de cette ville, on voit de lui une
Naiflance de notre Seigneur : ce tableau eft forc
eftim�. Nuremberg a du m�me pinceau deux
Volets qui renferment un tableau d'Jlbert Durer.
I! ne manquoit a ce peiutre que d'avoir vu Rome.
Ses draperies font de ma�vais gout; une multitude
de replis diftingue fa maniere. La gravure devint
ft principale occupation : il y r�u/I�c. Sou
uuiin eft net, quoiqu'un peu fee. Il a grav� une
Suzanne , les Travaux d'Hercule, douze J
Tome /.                                    F
-ocr page 98-
11 La Vu des Peintres Flamanis, bc.
Danfeurs & feize petits en i $3» ,. comme on Ie
voKpai- les dates d/fes eftampes , ainfi que beau-
coupPde hgures nues,& d'autres fingaLctement
drap�es. ITmoutut a Souft, & fut ente.re fans
c �monie. Un peintre de fes amts, de Munfter,
fit plTcerune tombe far fa fofl�, avecune mfcnp-
eftampes.
1499-
-ocr page 99-
J E A N
\
DE MA BUS E.
i-L naquit d Maubeuge > ville de Hainaut, &.
tut contemporain de Lucas de Leyden. Malgr� fa
v'e hbertine, Jean de Mabufe hit un excellent
Pemtre. Ses ouvrages font d'une propr�t� Sc d'un
«ni pen commun. Il avoit �tudi� la nature pen-
aam fa jeuneffe 3 & il s'�toit fait une maniere
Vraie.H voyagea, mais 1'Itaiie Ie fixa quelque
temps. Ce fut lui qui, a fon retour de c�tte �cole
du gout, appofta Ie premier en Flandres la
namere de traiter Ie nud 3 & de fe fervir de
1 auegone pour 1'hiftoire. Sur fa r�mitation Ie
F x
-ocr page 100-
8 4                 -t« Vie des Peintres
"marquis de Veren Ie prit en qualit� de fon
X499'
peintre. Malgr� fa pauion pour Ie vin > il fit
� chez ce feigneur de fort belles chofes. Ce mar-
quis , averti que 1 empereur Charles V devoit
pafll-r chez lui , n'�pargna rien pour Ie bien
reccvoir. Il fit habiller toute fa maifon , & par
diftincYion fes officiers principaux , en damas
blanc. Mabufe �toit du nombre des derniers, &
lorfque Ie tailleur vint pour prendre fa mefure ,
il lui demanda T�tofte , fous pr�texte d'imaginer
un habillement fingulier. Il vendit cetie �toffe
pout beire", &,lorfqu'il fallut paro�tre, il fe fit faire
une robe en papier blanc , qu'il peignit en beau
damas. Lorfque la marche hu r�gl�e , ils pafs�-
rent tous fous un balcon o� �toit 1'empereur avec
la cour. Mabufe palTa a fon tour , entre un philo-
fophe & un po�te, auffi penfionnaires du marquis.
La beaut� du damas frappa tous les yeux. Ma-
bufe
, qui fervok a table comme les autres gentils-
hommes, �toit attentivement examin� par 1'em-
pereur _, jufqu'au moment que Ie marquis, inf-
truit par quelqu'un de la rufe du peintre, Ie fit
approcher de 1'empereur, qui en fut extr�mement
furpris; & lorfque Ie fait lui fut racont� } il en rit
beaueoup.
Ses tableaux font admirables. Un des princi-
paux �toit un tableau d'autel a. Middelbourg,
repr�fentant uneDefcente de croix. Alben Durtt
�tant a Anvers, fit un voyage expres pour voir
ce tableau , qu'il loua beaueoup: il a �t� d�truit,
ainfi que T�glife, par Ie feu du ciel. Middelbourg
confervoit du temps de Van Mander 3 un grana
nombre de fes ouv rages. On voyoit encore une
I
-ocr page 101-
F lammis , Allemands & Hotlandois. 8 �
Defcente de croix , chez M. Magnus. Les figurer
font d'une belle compofition & d'un deflin cor- ""
red. On admiroit une Lucr�ce chez Ie fieur
Wingtis a Amfterdam; un Adam & Eve chez
Martin Papenbroeck ; les figures en font grandes,
& paroilTent vivantes. Ce tableau a fouvent �t�
marchand�, & m�me a grand prix. Un des plus
frappans de fes ouvrages, eft un tableau en ca-
mayeu,& prefque fans couleur, repr�fentant une
D�colation de S. Jacques. Lorfque Mabufe �toit
aufervice du marquisde Vtrcn3 il rit une Vierge:
La t�te de la Vierge & de 1'�nfant J�fus font
d'apr�s celle de la marquife & de fon fils \ la
draperie bleue �toit bien jet�e & bien rendu�; Ie
�efte de 1'ouvrage furpafle tour ce qu'il a fait. Ce
tableau a depuis pafT� entre les mains du feigneur.
Frofmont. On voit encore en Angleterre des por-
traics de la main de Mabufe. Ses d�bauches lui
firent perdre la libert� j il fut mis en prifon a Mid-
delbourg. Il ne laifla pas que de travailler quoi-
qu'enferm�. Van Mander"a vu de lui beaucoup de
delllns au crayon noir, qu'il trouvoit fort beaux.
Il mourut en 1 \ 61.
CORNILLE
A N T O N I Z O.
vjoRNHLE Antonizo d'Amfterdam eut 1111
falent pour repr�fenter des villes : on voit de
'ui celle d'Amfterdam, peinte dans Ie vrai, Sc
te�equ'elle �toit en ij}6. Ce tableau eft fur 1»
F
-ocr page 102-
8d                   la Vu des Pe'mtres
-tnuraille de la tr�forerie de la m�me ville. Cor-
M99* mik �coit pour lors arbal�crier : il fut re^u dans
Ie confcil en 1547. Il a depuis «lonn� l'ancien
Amfterdam avcc fi»s �giifes & fes principaux �di-
fices en douze planches, grav�es en bois , & d�-
di�es a rempereur Charles f. On les trouve en-
core chez les curieux.
JEAN CORNILLE
VERMEYEN.
I f oo. XL �toit de la petite ville de Bewervyck , a peu
de diftance d'Harkm. Il naquit en 1500. Il
eft fils du c�l�bre Cornillc j autre peintre: fon mai-
tre eft ignor� ainfi que les premiers progt�sdefes
�tudes , jufqu au temps o� il fut peintre de 1'em-
pereur Charles ^qui en faifoitunc grande eftime.
Il fuivit ce prince dans toutes fes conqu�tes. Les
fi�ges j les batailles de eet empereur furent def-
fin�s & peints en p.irtie fur les lieux , Sc ont fervi
«Ie mod�les pour les fapifferies. En 1535 il fut i
Tunis j lorfque 1'empereur afl��gea ie prit cette
ville, & il en fit les deflms, ainfi que ceux du
campement & des autres acT;ions m�morables:Les
tapilfenes rendront un t�moignage de fon talent.
Il �toit bon g�om�tre, & il a fouvent �t� employ�
cemme tel. L'abbaye de Saint-Vsft d'Arras pof
s�de pluf�eurs.de fes tableanx qui font admir�s
ppur leur beaut�. L* ville de Bruxelles avoit de
lui une quaatit� de tableaux d'autels ainfi que
-ocr page 103-
Flatnands � Alkmanis & Hollandois. 87
tles portraits \ mais une partie a �t� d�truite ou----------
enlev�e dans les ravages de la guerce. Il fit la Naif- r5O8-
fancedu Seigneur & unChriftnud, tenant la main
fur la poitrine > pour 1'�gltfe de Saint-Gorick a
Bruxelles j ces tablcaux font d'une grande beaut�.
Dans fon portrait il s'eft: repr�fent� environn� de
garde par quelques foldats, pendant qu'il dell�ne
la ville de Tunis: ce tableau fe voyoit du temps
de van Mander, a Middelbourg , chez la veuve
Cappoen , fille de l'auteur, ainn que fon portraic
Si celui de fa belle-m�re, feconde femme de Vcr-
meyen,
toutes deux habill�es en turques, Lorfque
fon fils,habilc orf�vre, demeuroit a Prague au fer-
vice du m�me empereur, il avoit chez lui une
R�furredhon que/^cr^ejenavoitdeftin�e pour �tre
jointe a fon �pitaphe , qui fut r�ellement pbc�e
dans la m�me �gliic de Saint-Gorick a Bruxe�es;
mais ce tableau ayant �t� furtivement enlev� , fon
filsd�couvt�t Ie vol, 5c repritTouvrage. Vertncyen
peignit encore une f�te. marine , o� 1'on voyoit
plufieurs figures nues bien defl�n�es. Il fut ami
imime de Jean Schoor�el. Sa taille �toit fort gran-
clej Sc fa barbe fi longue, qu'elle tra�noit a terre,
quoiqu'il fe tint debout; Charles /^s'efl: fouvent
diverti a marcher defllis. Il eut auffi Ie nom de
Jean i la Barbe. Il mourut a Bruxelles en 15 5 9 >
ag� de 5 9 ans. Il eft enterr� dans 1'�glife o� avoit
�t� fon �pitaphe.
-ocr page 104-
38                   La Vie des Peintres.
PIERRE KOECK,
�L�VE DE 13ERNARD VAN ORLEY.
JLj e s legons & la grande maniere de Parent de
' ' Btuxelles, ou van Orley, onc beaucoup aid� a
d�velopper Sc a former Ie grand genie de Pierre
Koeck.
La ville d'Ae'ft fe vante de 1'avoir vu
naitte. En quitrant van Orley (on ma�tre , fc
Bruxelie<;,il hit feperfc&ionner pendant 'cjnelques
ann�es en Jtalie , ou il puifi dans 1'antique les
talens que Ion remarque dans fes ouvrages. A
ion recour, on chercha a Ie fixer dans fa ville
natale, & en Ie nomina peintre & archite�te,
avec penhon : il s'y truria, & nV reftaquepeu de
temp;. Devenu vcu�, il retournaa Bruxelles j o�
il Fut eng.ig� i peiudre des mod�les pour une
compagnie de marchands} qiu �tabhrenc a Conf-
tantinople une manufai9:ur.e de tapifferies: Koeck
fut choifi ppur en diriger & conduire lesouvriers;
Ce projer �choua, & les beaux patrons du peintre
«e touch�rentpoint Ie Grand-Seigneur Apr�s une
ann�e d'abfence, ils revinrent fans aucim fucc�s,
�puif�s ded�penfes& de fatigues. Ce peintre avoit
appris la langue turque } Sc avoit deffin� la ville
de Conframinople �c fes environs : il fit encore
fept morceaux des mo2urs de ces peuples; la Mar-
che du Grand-Seigneur avec fes Jannitraires, fa
Suite a la promenade; une Noce turque , avec
les ornemins & les danfes du pays; la Facon d'en-
terrer leurs mom hors la ville \ leurs Fcces de la
-ocr page 105-
Flamunds, Allemands & Jiollandois. 89
nouvelle lunej Ieurs dif��rens ufages «lans Ieurs--------
rep.is: ieurs voyages, Sc la fagon dont ils fe com- * 500"
portent a la guerre : toutes ces flgures font ha-
bill�es felon Ieurs modes; les phyfionomies de ces
femmes font choines Sc agr�ables \ les fonds de
ces tableaiix foutiennent Sc donnent une grande
idee de i'auteur. Toutes ces conipo/Itions ont �t�
grav�es en bois en fepr p!anches:il s'eft repr�fent�
dans la derni�re,hatnli� en turc, Sc tenant unarc
a la main.
De retour dans les Pays-Bas, il �poufa en fecon-
cles nores Marie Verh�ljl ou Bejjemmers: II eut
d'ellc une rille , qui depuis fut mari�e a Pierre
Breughel {on �l�ve. En 15,49 il mit au jour plu-
liturs volumes d'architefture, de geometrie Sc
de ptrfpedlive. Il traduifit de lTtahen enFlamand
les oeuvres de S�bajlien Serlio. Ce qu'il y a de /in-
guher, c'eft qu'il a traduit fidellement,& qu'il efl:
Beaucoiip plus dair que fon original. Il donna
auffi , avec bien de la pr�rifion , la traduction de
Vitruvc , Sc 011 vit tout d'un coup l'archite�cure
prendre Ie bon gout.
Il fit une quantic� de tableaiix d'autels Sc de
cabinets, amfi que iiombre de portrairs. II mou-
ftu X Anvers , peintre de 1'empereur Charles V,
en 1553. Sa femme donna, apr�s fa mort, lafuite
de fes ouvrages fur l'architeclure.
Il eut nn flls naturel, nomm� Paul van Aeljl,
^ui copioit fort bien les ouvrages de Jean de
Mabufc, Sc
qui peignoir d'une extreme propret�
^es bouquets de fleurs dans des vafes de verre.
Il mourtrr au/H a. Anvers , Sc fa veuve s'eft rema-
«»�e a Gilles de Coninxloo.
-ocr page 106-
$c»                 La. Vie des Peintres
HANS ( J E A N )
HOOGHENBERG.
--------±1 ooghenberg, Allemand de nation , na-
1500. qUlc vers 1'ann�e 15 00. Il exer^a fon talent a Ma-
lines , o� il eft mort en 1544. Il peignoit bien
1'hiftoire : pluileurs �glifes confervent de fes
ouvrages. Il compofoit facilement. I .'entree de
1'empereur dans Boulogne eft de ce peintre : elle
eft alTez connue des amateurs.
F R A N g O I S
CRABETH.
F rancois Crabeth pe�gnoit en d�trempe avec
autaat,de force que s'il ent peint a 1'huile. H
rit j pour les R�colets de Malines, Ie tsbleau
du grand autel : Ie milieu repr�fentoit notre Sei-
gneur attach� fur la croix j fur les volets, on voyoit
des fiijets delaPafllon.Tous fes �uvrages, exceptf
s les t�tes , qu'il faifoit dans Ie gout de Quinto
McJJis
j font dans la maniere de Lucas de Ldtf
11 mourut fort riche a. Malines en a 548.
-ocr page 107-
Flamanis, Allemanis & Hollandols. 91
J E A N
BAMESBIER,
�L�VE DE LAMBEB.T LOMBARD.
Jjamesbiu, Allemand de nation j 3c �l�ve'
de Lambcrt Lombard j �toit bon peintre. Il a fait *
plufieurs beaux ouvrages ; ma�s il devmt m�-
diocre pouc s'�tre trop livr� a la d�bauche. Il
mouriua Amfterdam, ayant v�cu pres de 100 ans.
CHARLES
VD'Y P R E S.
IL ccoit n� dans la ville dont il porte Ie nom j
Ie temps de fa naiflance eft ignor� : ©n ne fait
pas non plus de qwi il �tVit �l�ve. Il fit beaucoup
d'ouvrages dans Ypres Sc aux environs. Api'�s
fon retour d'Italie ,il peignoit a frefque & aThuile."
Sa maniere approchoic de celle du T'mtoret, fur-
tout dans une R�furre�tien qu'ontrouveaTour-
"ay , & dans un Jugement dernier , fait pour
1'�g�fe d^Ooghlede, entre Bruges & Ypres \ Fan
Mander
en a vu Ie deffin entre les ma�ns de fa
veuve �, il �toit a la plnme & lav� a 1'encre de la
Chine: il en loue fort la compofition Sc la cot-
refldon.j il egde 1'autear aiix meilleurs peiatres
-ocr page 108-
91                 La Vu des Peintres.
-Flamands de fon temps. Il fit grand nombre de
IS°°* deffins pour les peintres fur verre: On voit en-
core de fes ouvrages aux envirom d'Ypres. Mal-
gr� fon embonpoint il �toit d'une foible fant�: il
�poufa une fort belle femme , dont il n'eut poinc.
d'enfans, ce qui lui attira quelquefois des plai-
fanteries de la part de {es amis j ma�s , foit qu'il
e�t 1'efprit foible, foit qu'il fut jaloux, il fe donna
un jour, �ttnt avec eux , un coup de couteau ,
dont il mourut quelque temps apr�s, en 1563 ou
64. D'aiitres difent qu'il avoit �pouf� unc femme
en Itali� , & qu'ayant abandonn� cette femme,
il regardoit comme une pumtion divine Ie cha-
grin de n'avoir point eu d'enfans avec la derni�re;
ce qui caufa fon d�fefpoir ou fa folie.
J E A N
VAN ELBURCHT,
Surnomm� PETITJEAN.
Je*n van Elburcht naquit a Elhourg , pres de
Campen j
envirom Pan 1500. On ne conno�t pas
fes maitres. Il s'�tablit a. Anvers, & fut admis
dans Ie corps des peintres en 1535. On voit en-
core de lui , dans P�glife ds Notre-Dame de
cette ville , Ie tableau d'autel de la chapelle des
marchands de poiflan ; il repr�fente la P�che
miraculeufe. On voit trois autres petits tableaux
derri�re les chandeliers, dans lefquels il a peint
des fujets tir�s de 1'Evangile. Ce peintre enten*
-ocr page 109-
Tlam&nds } Alkmands & Holland�is. f$
<3oit bien la figure, Ie payfage, & repr�fentoit---------
bien une mer orageufe.                                        1500.
MATHIEU ET J�ROME
K O C K.
(_jf.� deux fr�res �toient de la ville d'Anvers.
Mathieu fut un excellent payfagifte , & un de
ceux qui r�form�rent Ie gout en introduifant
celui d'Italie ; il favoit imiter la nature & la
vnner agr�ablement : il peignit �galement en
d�trempe & a 1'huile. J�r�me quitta la pein-
ture pour faire Ie commerce , & devint fort
riche. Il gravoit bien a Feau-forte. O;i recherche
encore 11 payfages grav�s d'apr�s fon fr�re. Il
compofojt liu-m�me Ie payfage , qu'il gravoit
apr�s. Il �toit aflTez bon peintre , & mourut long-
temps apr�s fon fr�re, en 1570.
G R � G O I R E
B E E R I N G S.
IL naquit a Malines env�ron Fan 15 00. Il voya-
gea fort jeune, & fut a Rome pour fe forti-
fier dans fon art : il y eut de la r�putation. On
ne conno�t de lui que des oiivrages en d�trempe,
qui fe fentent «Ie la grande �cole o� il avoir
-ocr page 110-
94                    La. V'ic des Peineres
r�form� fa premi�re maniere. Bcerings airhoit I«
15CO" plaifir , & fouvent a n�glig� fa rortune. Etant un
jour fans argent, & fe voyant prefle par quelques
cr�anciers, il peignit fur une grande toile Ie D�-
luge : on n'y voyoit que Ie ciel, 1'eau & 1'arche.
Il r�pondoit a ceux qui luidemandoient pouiquoi
il n'avoit pas traite ce fujet comme les autres
peintres, qu'il aveit peint Ie D�luge dans Ie
temps que tout �toit fubmerg� , & qu'on verroit
a(Tez de cadavres quand 1'eau feroit rentree dans
fon lit. Cette plaifanteiie lui valut beaHCoup : il
fut charg� par plufieurs perfonnes de faire des
copies de ce Deluge.
LANSLOOT
BLOND�EL;
Jjlond�el naquit a Bruges. Il �toit macon dans
fa jeune(Te. On recoanoit fes ouvrages a une
truelle qu'il y mettoit pour marque.
Il avoit un vrai talent pour peindre des mines
Sc d'autres fujets d'architedture : il aimoit aulli
a repr�fenter des incendies. Pierre Porbus �poufa
fafille.
-ocr page 111-
Flamands , Allemands & Hollandois. 95
H A N S (J E A N)
SINGHER,
Suknomm� L'ALLEMAND.
0 E pe'mtre naquit dans le pays de Heffe. Il----------
peignoit tr�s-bien en d�trempe le payfage 5 fes I5IOt
arbies �toient vari�s 5 on en diftingnoit T'efp�ce
par leurs formes. Il fit la plupart des patrons
pour les tapiflenes de ce temps-la. Tl s'�tablit a
Anvers, & fut admis dans le corps des peintres
6111545.
PIERRE PORBUS.
Xierre Porbus , peinrre & g�ographe, n� a
Gouda en Hollande , a fait plufieurs beaux
tableaux. Il s'�tablit a Bruges en Flandres , &
�poufa la fille de Lanjloot. Il a peint quelques
tableaux d'autel dans cette ville. Le plus beau
3u'il ait fait eft dans la grande �glife de Gouda :
repr�fente Saint-Hubert, & quelques autres
fujets. Le dehors eft en camayeu : les volets onc
ct� depuis port�s i Delft. j\pr�s avoir leve le
plan des environs de Bruges , il peignit ce plan
en d�trempe fur une grande toile. Le dernier
ouvrage de ce peintre, dont pade v«n Mander,
-ocr page 112-
9&                     laVie desPeintres
-�-eft Ie portra�t du duc d'Jlencon , qu'il fit * Air-
i '
vers; il pooit dans ce genre pour Ie plus beau du
temps. Ce peintre mourut environ en 158 ?.
ff^^-��r�i-m m�^^m�■
HANS ou JEAN
VEREYCKE.
Je A n Fercycke, furnomm� Pet'u ~ Jean, naquic
a Bruges : il peignoir bien Ie payfagc. 11 etoic
agr�able dans Ie choix «5c l'ordonnance des fitua-
tions, & naturel dans la maniere de les repr�fen-
ter. Ses tabieaux �toient ordinairement des fujets
tir�s de la vie de la Sainte Vierge. Il eut de la r�-
putation pour Ie Portrait. Carle van Mander nous
vante beauroup un tableau de familie qa'il a peint:
on Ie conferve dans Ie chateau Bleu , pres de
Bruges.
LI E VIN DE WITTE.
L �toit de la ville de Gand. Dewkte excello�t
a
v
peindre lurchite&ure & les peifpedives. Il
eignoit aull� l'Uiftoire , Sc on parie avec �loo-e
de fon tableau repr�feucant la Femme adult�fe.
Ses ouvrages font rares Ze peu connus; 011 voit
dans 1'�gli'fe de S.iint-Jean plui�eurs vitrts pein-
tes d'apr�s fes deffins.
JACQUES
-ocr page 113-
Flamands 3 Alltmands & Hollandois. 97
n�,i, i,r ■ -i 1              1             mi                                                                                                                                      M 1                     - B 1             ,,aT
JACQ�ES
G R I M M ER,"
�L�VE DE KOCK ET QUEBURGH.
I
L commencja fous Mathieu Koek, Sc depuis_
chez Chrejlien Queburgh, Le payfage a �t� fon
talent. Il a parfaitement r�uffi a imitet la nature: lS °'
fes
lointaiiT- & fes cie'<: font d'un ton de couleur
& d'une legerere admirables. Outre la touche des
arbres , il entendoit tr�s-bien les fabriques. Sa
maniere �toit fort prompte. Il copiatous les envi»
rons d'Anvers , Sc y fut regu a 1'acad�mie
en 154(3. Il �toit bon po�te & grand com�«
dien. Il eft mort dans cette ville j on ignore ea
quelle ann�e.
AD R I E N
DE WEERDT,
�LEVE DE CHREST1EN QUEBURGH.
I /e Weerdt deBruxelles con^men^a a �tudiet
la peinture a Anvers , chez Chrejlien Que
burgh ,
fort bon payfagifte , p�re de Daniel,
peintre de Son Excellence a la Haye. De retour
Tome I.
                                        G
-ocr page 114-
8                  La Vu des Peintres
■ i Bruxelles , il s'appliqua a 1'�tude de fon talent.
Enferm� dans fa petite chambre, nullement dif-
trait par les amufemens de fon age, mais occup�
a r�fl�chir fur les mam�res dirf�rentes de chaque
maicre, il en devint un lui-m�me. Son payfage
�toit d'abord dans Ie gout de Francois Mqflaert,
avant qu'il fut en Itali� j o� il �tudia particuli�re-
ment la maniere du Parrnefan. Il 1'a non-feule-
ment imit�e , mais tr�s-bien fuivie. De retour a
Bruxelles en 1566, pour �viter les troubles de la
guerre , il fe retira avec � m�re a Cologne. 11
donna dans cette villeplufieurs de fes ouvrages au
public, grav�s par un des plus habiles artiftes. Le
Lazare, Booz& Ruth avec des petits fonds agr�a-
bles ; la Vie de la Sainte Vierge, mie Naillance
de notre Seigneur, desEmbl�mes de Coornhcrt,
Jes quatre Chafles fpirituelles : tous ces fujets
font dans le gout du Parmcfan , au point de s'y
tromper. De Weerdt mourut a Cologne fort jeune.
ANTOINE MORO ,
�L�VE DE JEAN SCHOOREEL.
V 01 ei un de ces peintres fameux , dont les
honneurs ont �gal� les riche(Tes. Il naquit a
Utrecht, & fut �l�ve de JeanSchooreel. Son appli-
cation, fous un maitre aufli habile, ne tarda point
a d�velopper les talens que la nature luiavoit don-
n�s: il en devint un excellent imitateur. Le car-
dinal Granvelks
le fit entrer au fervice de 1'em-
peteuj: Charles V, qui l'envoya en Portugal pojir
-ocr page 115-
Flamands , Alkmands & Hollandois. 99
faire les portraits du roi Jean , de la reine , foeur---------
de l'empereur, & de la princefle leur fille, depuis 1 rib.
reine d'Efpagne : ces trois portraits lui furenc
pay�s 600 ducuts. Onjoignit derichespr�fensa fes
penfions, & les Portugais lui donn�rent _, en leur
nom, une cha�ne d'or de la valevir de 1000 rlorms.
Il fit les portraits d'un grand nombre de feigneurs
a. 100 ducats chacun; il recut auffi quelques
bijoux d'or des principaux de la cour. L'empereur
1'employa a pluiieurs autres ouvrages, & 1'envoya
en Angleterre , o� il fit Ie portrait de la reine
Marie, depms ieconde femme ie Philippe, roi
d'Efpagne. II eut encore pour r�compenfe une
cha�ne d'or, & 100 hv. flerlings de pennon. Cette
prmceffe �toit fort belle } il fit pluiieurs copies de
ce portrait, qu'il vendit fort cher aux Anglois.
Il en donna une a fon protedleur, Ie cardinal
Granvelles, & a 1'Empereur, qui lui fit donner 200
florins , Sc felon d'autres 1000. La paix �tanc
faite entre 1'Efpagne & la France, Moro retourna
en Efpagne , ou il re^ut chaque jour de nou-
ve�es marques de la bont� du roi Sc de toute
la cour. Ce prince pouf�a fi loin la familiarit�
avec ce peintre , qu'elle penfa lui �tre funefte,
�c fut caufe de fa feparation. Il frappa un jour
Moro fut 1'�paule en badinant: Moro indifcret-
tement en fit autant avec fon appui-main ('i)fur
1'�paule du roi. Les inquifaeurs m�ditoient de
Je faire arr�ter, lorfqu'un feigneur inftruifit Moro
du danger prochain qui Ie menacoit. Le peintre
ayant pr�text� quelques affaires de conf�quence ,
(1) Appui-main, baton 011 baguefte qui sert � ap*
puyer la main du peinlre en travaillant.
G x
-ocr page 116-
roo La Vit des Ptintres Flamands, &c.
obtint un cong� avec promefle de revenir. Il s'en
alla auxPays-BaSj o� peu de temps apr�s le roi
d'Efpagne lui �crivit pour le faire fouvenir de fa
promeHe j mais Moro, �chapp� du p�nl, fit na�-
tre des obftades a fon retour , a proportion des
inftances qu'on lui faifoit pour le hater. Le duc
d'Albe*
d'un autra c�t� , arr�ta les lettres , dans
la crainte da le perdre. Il 1'avoit piis a fon fetvice,
& lui fit peindre a Bruxelles toutes fes ma�treiTes.
Le toi d'Efpagne gratifia tous les enfans du
peintre j il donna des charges honorables aux
uns , & aux autres des canonicats. Le duc d'Albc
lui demanda un jour fi fes enfans �toient pourvus\
il r�pondit qu'ils 1'�toient, except� fon gendre,
qui avoit beaucoup d'efprit, & qui �toit capable
« exercer un cmploi. Le duc lui donna fur-le-
champ la recette g�n�rale d'Oueft - Flandres ,
une des plus belles & des plus lucratives de
la province.
Moro a non-feulement fait le portrait 011 il
«xcelloit j mais plufieurs tableaux d'hiftoire. On
connoit de lui une R�finreiStion , un S. Pierre
& S. Paul, II fit pour le roi d'Efpagne des
copies de quelques femmes diftingu�es , d'apr�s le
Talen, & il balan^a les beaut�s des originaux.
Son coloris �toit admirable: il avoit puif� la cor-
re<ftion du deflin en Itali� , o� il avoit voyag�
dans fa jeunefle. Son dernier ouvrage eft reft�-
imparfait; c'�toit une Circoncifion pour la cath�-
drale d'Anvers.
On voit de lui a Paris j dans la colleclion du
duc d'Orl�ans , deux beaux portraits, celui de
Grotius j Sc 1'autre d'un Homme qui a la maia
sppuy�e fur un dogue.
-ocr page 117-
PIERRE
BREUGHEL,
�LEVE DE PIERRE KOECK.
Jl ierre BreugheIj fils d'un payfan, eftn�a.--------
Breughel, village aux environs de Breda. Il 15 io.
conferva Ie nom de fon village , ainii que fes
defcendans. Il fut place chez Pierre Koeck d'Aelil:
de fon �l�ve il devint dans la fuite fon gendre.
.Apr�s avoir appris la peintwra chez ce ma�tre , il
fut travailler chez Jcr�mc Koek, & de - la il
G }
-ocr page 118-
ioi              La Vie des Peintres
voyagea en Fr.mce & en Itali�. Il defllna les
j �0> plus belles vues des pays ou il pa(Ta, & particuli�-
rement celles des Alpes. A la fin , il travailloit
dans Ie genre de j�rome Bofch. Comme il �toit
auffi comique que fon ma�tre dans fes compo-
f�tions , il fat furnomm� Pierre Ie Dr�le.
De retour d'Jta�e , il choilit Anvers pour fa
deraeure, & fut regu dans 1'acad�mie de cette
ville en 1551. Ses rableanx plurent beaucoup ,
ie il travailla long-temps pouf Ie fleur Jean Franc-
kaert,
n�gociant, qui ne pouvoit fe f�parer du
peintre. lis fe d�guis�rent fouvent enfemble pour
fuivre ies n�ces ou f�tes de village. Breughel, en
fe divertitTaht de le�rs danfes & de leurs aucres
uf;iges , ne perdoit rien de leurs aifhons. ( 'eft
ainii que Moli�te copioit de tous c�t�s les origi-
naux de fes pi�ces. Breughel faifoit cles �tudes
dans ces f�tes , qu'il peignoit aclmirablement a
1'huile & en d�trempe. N� pour ces fortes de
fujets, il auroit remport� Ie prixdefon art fans
Teniers. Ses compofitions font bien entendues j
fon d�iliii corre�t , les habillemens de choix ,
les t�ces, les mains font touch�es fpirituell�meiit;
il avoit obferv� g�n�ralement les a�hons , les
danfes & les maui�res des villageois.-
Ses principaux ouvtages , du t�mps de van
Mander ,
�toient dans Ie cabinet de 1'empereur.
On y voyoit un grand tableau repr�fencanc la
Tout de Babylone , il �toit dun travail imtnenfej
& Ie m�me fujet en plus petst; notra Seigneur
qui porte fe croix j un Mal�acre cles innocens,
o� fa maniere eft prefque chang�e , ma:s les ex-
preffions font d'une grande v�n t� j_ uneConver-
fion de faint Paul, o� 1'on d�couvre, du haut des
-ocr page 119-
Tlamanis 3 Allemands & Hollandols. 103
montagnes, une grande �tendue de pays, des
villes , des bourgades , dont quelques-unes font
prefque cach�es par des nuages rranfparens : c'eft *
dans ce tableau qu'on remarque qu'il s'eft uti-
lement fervi des �tudes qu'il avoit fakes dans
les Alpes.
A Amfterdam , chez Ie fieur Willem Jacobs,
on voit une Kermeffi 011 F�te de village , une
N�ce de campagne repr�fentant Ie moment ou
Ion fait les pr�fens a la nouvelle mari�e : on y re-
marque un vieillard des plus confid�rables de la
bande , avec une petite b�urfe pendant au cou ,
comptant 1'argent qu'il deftmeadonner. Quoique
ce tableau ne foit qu'en d�trempe , il cft plein
de m�rite; on voit que Teniers 1'a pris pour
mod�le dans
fes pr�cieux tabkaux.
Dans la m�me ville , chez Ie lieur Hermann
P�lgrims ,
eft une N�ce de village : rien n'eft
plus ing�nieux, ni plusplaifant. Les tons de chairs
font bien van�s , & chauds de couleur. Cc
tableau eft peint a 1'huile.
Il a peint aufli la Difpute entre Ie car�me Sc
Ie carnaval. Le burlefque de cette compofition
caracT:�rife fon auteur.
Il vivoit depuis long-temps a Anvers avec une
gouvernante qu'il auroit �pouf�e, elle avoit pu
fe contraindre pendant quelque teraps a ne point
mentir.
Cette habimde d�plut au peintre: il jeta
les yeux fur la fille de Pierre Koeck ; il en fit la
propofitton a la veuve de fon maitre , qui ku
donna fa fille , a condition qu'il quitteroit
Anvers pour Bruxelles,o� eliesdemeuroient. C'eft
dans cette ville qu'il a compof� une partie des
ouvrages mentionn�s ci-JciTus, ainfi que beau-
G 4
-ocr page 120-
104                La Vu des Ptintres
----------coup d'autres. Breughel a fait auffi beaucoup d'em-
1510. bl�raes finguli�rement compof�s s qu'il a donn�s
au public j fans ceux qu'il croyoit trop libres j &
qu'il ordonna de br�ler avant fa mort. Il lailTa
deux fils , Pierre & Jean Breughel , qui auront
leur place parmi les autres artiftes.
J O S E P H
VAN C L � E F.
*J oseph, furnomm� Cl�ef Ie Fou , naquit dans
la ville d'Anvers : on ignore Ie temps de fa
naiffance. Les regiftres de 1'acad�mie de pein-
ture de cette ville rapportent , qu'en 1 511 elle
avoit admis un nomm� Jofeph de Cl�ef, qui avoit
fait beaucoup de tableaux de la Vierge , avec des
Anges afTez eftim�s j mais en 151 8 , la m�me
acad�mie recut dans fon corps Willem de Cl�ef,
peintre & p�re de celui dont nous parlons. Van
Mander
foutient que ce Jofeph de Cl�ef, recju en
15 11, n'�toit point de la m�me familie.
Jofeph., furnomm� Ie Fou-, avoit une fort belle
maniere de peihdre : il eft regarde comme Ie
meilleur colorifte du temps , Sc fouvent fes 011-
vrages furent �gal�s a ceux des plus fameux pein-
tres d'Italie. Le tableau place fur 1'autel des
chirurgiens , dans 1'�glife de Noire-Dame d'An-
vers , repr�fentant S. C�me& S. Dnmien, eft de
lui j il eft plus dans Ie gout de 1'�cole de Rome
cjne de celle de Flandres. On voyoic de lui 3. Mid-
-ocr page 121-
Flamands i Allemands & Hollandois. 105
delbourg, chez Ie fieur Wyntgis, une fort belle "" -
Vierge j Ie fond eft un payfage fort beau de Pat- 15�Ot
ta�cr. On trouve a Amfterdam, chez Ie fieur Sion
Lus
, un gros Bacchus a chevelure grife : Ie pein-
tre a voulu faire entendre , par ce gtifon , que
1'exc�s du vin avan$oit la vieillefTe. Ce tableau
eft tres - bien peint & colori�. Il y a d'autres
ouvrages de ce peintre difperf�s dans les cabinets.
Le principedefafolie nelui venoitque d'amour?
propre. 11 avoit une ft grande opinion de lui-
m�me , qu'en Efpagne , ayant �t� pr�fent� au roi
par fon peinrre Anto�nc Moro, il fouffroit de voir
qu'on pr�f�roit , quoiqu'avec juftice, quelques
tableaux du Tuien a fes ouvrages ; il devint
furieux, Sc dit tant d'injures i Moro,qua. la fin ce
peintre l'abandonna. Sa folie augmenta toujours ,
Sc on le vit courir par les rues avec un habit ver-
nis de t�r�benthine , fort luifant. Il fit encore
d'autres extravagances ; ma�s les plus facheufes
furent qu'a mefure qu'il put retrouver de fes
tableaux , il les retrancha & les gata. Il peignoit
fes panneaux des deux c�t�s , afin qu'en retour-
nant les tableaux on ne vit rien de d�fagr�able.
Sa familie le fit enfenner. L'�poque de fa mort
eft ignor�e. Il eut un nis qui Fa �gal� , mais non
pas en folie. Il y avoit, felon van Mander., un
autre Jofeph de Cl�ef Sc un Cornille, tous deux
bons peintres.
-ocr page 122-
La Vit des Vdntrts
HENRI et MARTIN
DE CL�EF.
Vv e s deux fr�res font n�s a Anvers. Henri
�toic excellent payfagifte j il voyagea long-
temps en Itali�. I.es �tudes qu'il fit dans tous les
endroits o� il pafTa , lui ont fervi dans la compo-
fition de fes tableaux. Il nous rel�e de lui des
ruines antiques , qui ont �t� grav�es. Il eut d'un
nomm� Melchior Lorch, qui avoit long-temps
demeur� a Conftantinople , un gr.uid nombre de
deilins; ce qui lui �pargna la peine de voyager.
>Ce peintre a foavent travaill� les fonds des
tableaux de Franc-Flore avec tant d'incelligence ,
qu'il �coit impoffible de foupgonner ces tableaux
d'�tre de deux mams diff�rentes. Il peignoit tres-
bien Ie payfage. Une touche l�gere , joiute a une
belle harmonie de couleur , faifoit Ie m�rite de
fes tableaux. Il fut rec^i a 1'acad�mie de pain-
ture d'Anvers en 1533.
Son fr�re Martin, �l�ve de Franc-Flore, com-
pofoit d'abcrd en grand, mais fon g�nie Ie porta
a peindre en peut : il a bien entendu ce genre.
Son fr�re a faic les fonds de quelques-uns de fes
ouvrages. Plufieurs excellens payfigiftes 1'cm-
ploy�rent a peindre les figures de leurs tableaux 3
entr'autres Ie Coniaxloo. Martinne forntjamais
de fa patne \ contmuellement tourmentc de la
goutte , il mourut a 1'age de cinquante ans.
-ocr page 123-
F lamanis i J�emands & Uoltandois. 107
1Tilkm(' Guillaume ) de Ct�efleut fr�re , pei-______
gnoit fort bien en grand : il mourut jeune.
Martin ent quatre hls , tous bons peintres :
Gilles j Martin _, Georges Sc Nicoias. Gilles ie
Georges mourureut jeunes. Le premier peignoit
bien en pet:t, & fes tableaux , comme ceux de
fon p�re , {out tr�s-eftim�s. Il �toit fort d�rang�,
& aimoit trop les femmes p- nr vivre long-ttmps.
Martin fat long-temps en Efpagne , & de-la aux
Indes. Nicolas vivoit encore a Anvers du temps
de van Mander, en 1604.
C O R N IL L E
VAN GOUDA;
�L�VE D'HEMSKERCK.
e naquit a Gouda. Martin d'IIems-
kcrck
fut fon makre; il �toit uu des meilleurs'
�l�ves cle cette �cole. D�ja connu dans le monde
par fon talent, le vin devint fa paffion dominante;
il d�gcn�ra. Il fit regretter fes bonnes quaht�s,
ik il furv�cut a fon m�rite.
-ocr page 124-
io8               La Vit des Peintres
PIERRE AERTSEN ,
surnomm� PIERRE-LE-LONG,
�L�VE D'ALAERT CLAESSEN.
---------\_J E la viile d'Amfterdam y il naquit en i $ 19.
IJ19. Il �toit fils d'un fabricant de bas, qui n'avoit
d'autre ambition que de voir fon fils en �tat
de Ie remplacer un jour ; mais la peinture fixa
l'inclinarion du jeune Aertfen. Il fut place chez
Alacn Claejjsn , peintre de r�putation , & de qui
on voit encore des portraits dans les buttes de la
m�me ville. Il fe fit, d�s fa plus tendre jeunefTe,
une maniere hardie &: fiere, qui n'appartenoit qu'a
lui: c'eft a cette maniere qu'il doit en partie fa
c�l�brit�. Une difpofition heureufe , fous les yeux
d'un bon maitre , en fit un peintre d�s 1'age de
17 ou 18 ans. Il entendit parler<iu riche cabinet
de la maifon de Bojfu en Hainaut. Muni d'une
lettre de recornmandation de YEcoutet d'Amfter-
dam , il fut admirer & �tudier les ouvrages des
grands ma�tres qui formoient cette colle�tion.
De-Ia il vint a Anvers, o� il demeura avec Jean
Mani�n
, peintre. L'acad�mie de cette ville 1'ad-
mit peu de temps apr�s fon mariage. Il s'�tudia
particnli�rement a peindre des cuifines & leurs
uftenfiles , avec une v�rit� a trompcr : perfonne
n'a mieux colori� que lui. Il eft m�me �tonnant
qu'apr�s avoir choifi cc genre, o� il a excell�, il
ait pcint 1'hiftoire au point de fe faire admirer.
-ocr page 125-
Flamands j Allemands & Hollandois. 109
Le fleur Ra.uwa.ert a Amfterdam avoic beau-
coup de fes tableaux ; emr'autres , un fort beau
qui repr�fentoit une Cuifine , le tout d'un tra-
vail immenfe. Il y avoit peint fonfecond Hls Pierre
Aertfen.
Le dedans du tableau que la ville d'Amfter-
datn lui fit faire pour 1'�glife de Notre-Dame,
repr�fentoit la Mort de la fainte Vierge. Ce fujet
rempliilbit jufqu'aux volets \ on voyoit fur le
dehors 1'Adoration des Mages. On n'y retrouvoit
pas le peintre de cuifine j les figures en font
bien drap�es, le nud favant, & la couleur chaudc
8c
vraie. Sandrart dit que ce tableau ne lui fut
pay� que iooo couronnes.
On jetta les yeux fur lui pour le tableau du
grand autel de 1'�glife neuve de la m�me ville;
ma�s, avant de lui en faire la propofition , on
fit venir Mithd Coxcie de Malines, qui refufa de
travailler en voyant les tableaux d''Aertfen � 6c
furpris du prix modique que ce peintre en avoit
recu, il dkque quandon avoit un peintre de cette
efp�ce, il n'�toit pas befoin d'en faire venir d'ail-
leurs. Ce tableau avoit ejuatre volets j les fuiets
en-dedans repr�fentoient 1'Aniionciation, la Naif-
fance de notve Seigneur, 1'Adoration des Rois,
Sc la Circoncificn j & en-dehors , le Martyre de
fainre Catherine. Ce morceau avoi: une force
extraordinaire; iln'en relte que les cartons, de la
grandein des tableaux qui ont �t� d�trtuts dans
les troubles de la guerre. Il avoit peint a Delft
un Chrift & la Naifence de notre Seigneur j fur
les dedans des volets & fur les dehors , om voyoit
les quatre Evang�liftes. On admiroit dans la
nouvelle �glife de la m�me ville, rAdoration
.
-ocr page 126-
11 b La Vie des Peintres Flamands 3 &c.
"des Mages & un Ecee Homo* Tous ces tableaux
ont eu Ie m�me fort que ceux de Louvain & de
Dieft \ il n'en eft �chapp� que les cartons , au
nombre'de 2.5.
Amfterdam a conferv� plulieurs de fes ouvra-
ges. On trouve une fainte Marthe chez Ie i�eur
Kalraeven \ des figures en grand a la cour de
Hollande \ chez ma�tre Nicolae's , Ie Chateau
d'Emmaiis , & quelques morceaux de la V ie de
Jofeph chez Jean Pieters Rea�l. A Harlem } chez
Corn�Ue Corneli^, peintre _, une faince Marthe 8c
une efp�ce de Kermejje, ou F�te de village en
petic ; mais il n'avoit pas Ie m�me m�rite en ce
genre : fon g�nie �toit plus propre aux grandes
machines , ou la vigueur de fon g�nie �toit fou-
tcnue par celle de la couleur. Il entendoit bien
les fonds , 1'architecture & la perfpe�hve ; il
enrichilFoit fes compofiiions par des animaux ou
autres chofes qui pouvoient y avoir rapport. Il
�toit extraordinaire dans les drapenes & les ajuf-
temens de fes figures, qui reflembloient quel-
quefois a des mafques. Cette fingularit� paroifloit
lui �tre propre.
Ce peintre vit de fon temps d�truire une par-
tie de fes ouvrages. Jaloux de lailTer a la poft�-
rit� de fes productions , il conyit beaucoup de
chagrm de cette injuftice ^ il en murmura fouvent
jufqu'a rindifcr�tion. 11 meurut a Amfterdam Ie
2 juin 1573 , ag� de 5 b ans.
-ocr page 127-
F R A N Q O I S
DE VRIENDT;
ou FRANC-FLORE,
�LEVE DE LAMBERT LOMBARD.
jl rancois de Vriendt, de fon temps appel�
Ie Rapka�l des Flamands _, naquit a Anvers en
1510, d'une familie d'artiftes. Son p�re Cor-
nille
�toit tailleur de pierres & fon oncle Claude
Flore,
excellent fculpteur. Franc avoit trois fr�res.
Cornille, 1'und'eux, �toit habile fculpteur 5c archi-
-ocr page 128-
11 x                La Vit des Peintres
■» � ■ -te�te. Les plusbeaux�difices d'Anvers font de lui,
i jzo. tels que la maifon-de-ville, YOoJler-huys ou maifon
d'Autriche, &c. Celui-ci mourut en i j 7 5. Jacquet
�toit bon peintre fur verre j & Jean s'eft fait une
r�putation dans la fayence, qu'il peignoit bien. Il
mourut fort jeune en Efpagne, au iervice du roi
Ph'dippe, qui l'avoit attir� par une forte penfion.
Franc-Flore fut fculpteur fous fon oncle juf-
qu'a 1'age de 20 ans, qu'il fut demeurer a Li�ge.
�ntra�n� par un penchant naturel, il abandonna
Ie cifeau pour la palette , 8c devint �l�ve de Lam-
eert Lombard,
qu'il a toute fa vie imit� , au point
que bien fouvent on a de la peinea les diftinguer.
Arriv� a ce degr� de talent, il yoyagea en Ita-
li� j o� il �tudia 1'antique , & particuli�rement
tl'apr�s les ouvrages de Michel Ange , qu'il def-
flna a la fanguine avec une touche libre 8c fiere.
Ses contours font favans , 8c fes deflms > quoi-
que hachcs , font bien mo�lleux. Il revint a An-
vers , apr�s avoir fait une annple nioiflon d'�tu-
des , & il �tonna les artiftes de fon temps par
un deffin plus corredt 8c un autre gout de compo-
fer. Ses ouvrages Ie firent rechercher des grands.
Le prince d'Orange , les comtes d'Hoorn &
d'Egmont ne ceflbient de le voir & d'eftimer en
lui le peintre & 1'homme d'efprit. Tant»d'avan-
tages ne purent le d�tourner de la paffion qu'il
avoit pour le vin : la crapule lui attira dans la
fuite le m�pris des honn�tes gens. Son ami Coorn-
hert
lui �crivit une lettre en vers , ou il dit
« qu''Alben Durer lui avoit apparu en fonge fous
>j la forme d'un vieillard refpe�table, qui lui avo�t
» beaucoup lou� les talens de Floris , mais en
.» m�me temps blam� les exces honteux de fa vie.
-ocr page 129-
Fiamaftds, Alkmands &Hoilahdois. x1
II finit en lui difant: « Si ce fonge n'eft pas r�el,.
» du moins je fouhaite que 1'avis vous i&it falu-
» taire. » Cet avis, ainli que les autres , furent
oubli�s dans Ie vin.
Quelques-uns attribuent fon d�rangernent a fa
femme, qui, a mefure qu'elle voyoic augmenrsr
les honneurs & les biensde fon mari, redoubioit
fon ambition.-EUe fuc caufe en effet d'une partie
de fa ru�ne. Sa maifon , quoique fort beiie , lui
d�pluc, & elle obhgea fon man rrop facile a en
baur une fut" les aeffins de fon fr�re. C'�toic
un palais orn� de colonnes. La perce du temps
& la d�penfe exceflive 1'endeu�rent. Il y euc
regret, ma�s trop tard. Il recomrnanda a fes
enfans & aies �lcves de bien �tudier, ma�sfar-t�uc
d'�viterles folies de fa vieillefle.illeur avouaqu'il
avoit eu 1000 liv. de rente , ioooo liv. plac�es a
la banque, & une belle maifon , ce qui faifoit.
beaucoupde bien dans ce temps-la;que tont avoic
�t� diflip�'par fon nouveau batimsnc, & qu'il
�toit la malheureufe vid:ime de fes cr�anciers. Je
paiTe fous filence fes paris extravagans. Il faifoic
gloire de boire extraordinairem�nt. Ma�s parkms,
de fes ouvrages.
Il fit pour la confr�rie de Saint Michel den-
vers , Ie tableau d'autel de leur chapelle , dans
la cath�drale. Il repr�fentoit laCh�te de Lucifer.
Cette compofition eft belie & bien peinte. On
remarque 1'�tude des �nufdes dans les mouve-
mens forc�s des corps utids des anges rebelles
qui font pr�eipit�s, ce qui donne une grande idee
du m�rite de ce peintre. Il avoit feit dans la
rh�me �glife une Aflomption de la Vierge, peint�
fur coutil. Ce tableau ne c�doit en rien a 1'autre.
Tornt 1%                                          H
-ocr page 130-
� 14               la Vit des Peintres
Les draperies en �toient bienjett�es. Il fut d�truie
pendant les troubles du pays. D'autres difenc
qu'il fut enlev� , 8c qu'il elt encore conferv� avec
beaucoup de foin en Efpagne.
Il peignit Ie Jugement dernier pour tableau
d'autel d Bruxelles, & une Nativit� pour 1'�ghfe
de Notre-Dame d'Anvers. Il fit, par 1'ordre de
1'abb� Lucas , un tableau a. quatre doubles volets,
pour 1'�glife de Saint Jean de Gand , dans la
chapelle de Saint Bavon. Ce tableau repr�fentoit
en dedans & en dehors la Vie de S. Luc: van
Mander
en fait 1'�loge. Il fut mis en s�ret�
chez fon maitre Lucas de Heere, pendant les trou-
bles du pays, & fervit de mod�le dans fon atte-
lier. La maniere de ce peintre, dit van Mander ,
eft inimitable. Ce tableau eft beau de pies, mais
de loin il eft incompr�henlible: on d�couvre &
mefure qu'on s'�loigne, de nouvelles beaut�s. Il
avoit 1'art de donner de la force & d'arrondirfes
ftijets. En un mot , fes ouvrages & fa maniere
femb:oient tenir de la magie. Il avoit une grande
faci�t� a produire : .il en donna mie preuve k
l^ntr�e de Charles V dans la ville d'Anvers.
Charg� de faire les arcs de triomphe , on lui
vit faire dans un feul jour fept figures grandes
comme nature : il n'employoit jamais que fept
henres.
Dans la m�me ville , lors de 1'entr�e de Phi-
�ppe j
roi d'Efpagne , il fit encore en un jout
un fort grand tableau fur toile: c'�toit laVictoire &
un strand nombre d'Efclaves enchain�s au-defTous
d'elle, Les attributs de Bellone & ceux de Ia
Paix omoient cette compofition. Il a �t� grav�
& donn� au public.
-ocr page 131-
Flamands 3 Alletnands & Hollandois, 11 5
II s'�toit diverci d peindre les dehors de fa mai- '
Con en bas-reliefs qui imkoieut Ie bronze.
Les tableaux qui lui ont fait Ie plus d'honnei'r
font ceux-ei, que van Mander a vas. Les neuf
Mufeschezlefieur Wyntgis, aMiddelbourg. Dans
la m�me ville un grand tableau fur toile repr�-
fentant une N�ce marine. Les divinit�s de la
mer y pr�fident. On voit dans tous ces corps
nuds combienil avoit profit�a �tudier(i'antique»
On admirou a Amfterdam j chez Ie fleur jean
van Endt
, un grand tableau ou notre Seigneur
appelie a lui des enfans 3 & leur donne fa b�n�-
didtion.
A Anvers chez Ie fieur Nicolas Jonghe/ingh ,
dans Ie fallond'un nouveau baument, lesTravaux
d'Hercuie en dix tableaux. Dans Ie fallon des
Arts, fept tableaux qui repr�fentent les Arts.
Cornille Con les a grav�s d'aprcs les deffins de
Simon-Jean Kies d'Amfterdam , �lcve �'Hems-
kerck
& de Franc-Flore.
Ces derniers ouvrages �toient pour Ie grand-
prieur d'Efpagne. Chaque tableau avoit v- pieds
de haut. Le premier repr�fentoit notre Seigneur en
croix, 8c 1'autre une R�furreclion. Ces deux
tableaux furent prefqu'enti�remenr finis^mais les
volets n'en �toient que foibiement�bauch�s. Fran-
gois Porbus 8c Crijpiaen les ont finis.
Il fut admis a Tacad�mie d'Anvers en 1539,
& mourut en r 570 , ag� de cinquante ans.
Il a lai/T� plufieurs enfans. Van Mander r'en
nommeque deux: Jean-Bapt�fte Florls qui futaf�af-
fin�crutllement parles Efpagnolsjiin atureappell�
Francois comme fon p�re _, qui a fort bien peinc
en petit. Le nombre des �l�ves de ce peintre
Hz
IJ ZO.
-ocr page 132-
i � S La Vit des Peintres Fla.man.ds , &c.
eft confid�rable. On en compte 150, parmi lef-
15ZO- quels il y en a qui trouveront leurs places dans
cecouvrage.
MARI N D E SEEU.
ON fait de ce peintre, n� a Remerswalen,
qu'il vivoit du temps de Franc-Flore.
Sa maniere de peindre �toit facile & prompte.
Ou croit que la plupart de fes ouvrages font en
Z�lande dans Middelbourg , chez Ie fieur Wynt-
gis.
On voyoit de lui dans fon cabinet Ie Finan-
cier , tableau richement compof� avec les attri-
buts de 1'Opulence. L'�poque de la mort de ce
peintre n'eft point connue.
BENJAMIN
SAMELING.
�L�VE DE FRANC-FLORE.
Sameling naquit en 1510, dans la ville
de Gand. Inftruit dans T�cole de Franc-Flore,
il pafla pour un des bons �l�ves de ce maitre.
Il faifoit tr�s-bien Ie porrrait. On voit dans
1'�glife de Saint-Jean a Gand, plufieurs tableaux
de ce peintre, d'apr�s les deflins de Lucas de
Meere.
-ocr page 133-
M A R T I
DE VOS,
�L�VEDESONPERE.
artin de Vos naquit a Anvers , de Pierre
Vos,
afTez habile r»int-«-»» «-■>..- �"
X
_______
de Vos, afTez habile peinrre pour �tre recu a Ir20..
1'acad�mie de cecte ville, en 1519. Martin
eut Ie bonheur d'�tudiei' d'abord fous fon p�re.
Les attentions d'un p�re pour uu fils qui
embrafTe fa profelllon , font ordinairement plus
v^es, plus foutenues que celles d'un maitre
etranger. La v�ritable m�re a plus de foin de fon
enfaut qu'une. nourrice. Ainfi notre jeune
-ocr page 134-
118                 La Vit des Peintres
' peintre fut heureufement commenc� par fon
p�re. De cette �ducation particuliere, il pafla,
a celle du c�l�bre Franc-Flore , dans l'�cole
duquel il trouva de jeunes �l�ves tr�s-forts j,
qui excit�rent en lui cette �mulation qui fut
toujours la m�re des talens Sc des grands
hommes.
Le feu de 1'�mulation $c de toutes les paffions
s'�teint quand elles n'ont plus rien a dehrer. Se
voyant au-def�iis de fes �mules, il alla chercher
aillenrs de nouvelles difticult�s a vaincre , d'au-
tres rivaux a furpafler, d'autres mod�les a fuivre,
& de plus grands ma�tres a imiter. Et ou pou-
voit-il mieux les trouver r�unis que dans la
capitale des aits , a Rome ? Il y alla, il y �tudia
leng-temps ; mats le g�nie des grands arnftes ne
peut demeurer tranquille , tant qu'il leur refte de
nouveaux progr�s a faire.
Frappe du coloris de l'�cole v�nitienne, il
vola a Veiiife. Il s'attacha au Tmtoret _, & il fut
bient�t digne de fon amiti� & de fon euime ,
puifqu'il 1'employa a peindre le payfage de fes
tableaux. Sa facilit�aproduire plat au Tintoret.
L'Italien eut la g�n�rofit� de d�couvrir au Fla-
mand tous les fecrets & toutes les r�gies de la
couleur , fans avoir la foibleffe de craindre d'en
�tre furpafT�. D'�l�ve , de Vos devint maure ;
d'imitateur , original, fans cependant s'�carter de
fon mod�le. Sa r�putation s'�tendit dans toute
1'Italie. Il a fait plufieurs portraits pour la maifon
de MedicisSc pour d'autres feigneurs. Ses tableaux
d'hiftoires , places en public , achev�rent de <j^
faire conno�tre.
Mais 1'amour de la patrie rappelle tous le
-ocr page 135-
Flamands 3 Allemands & Kollaniois. iio,
hommes. Un peu de gloire born�e dans Ie lieu _______,
ouils fontn�s, les flatte plus qu'une plus eclatante ij-zo.
dans un pays �tranget. Il retourna a Anvers ,
ou il d�bata par plui�eurs tableaux d'autels qui
m�nt�rent de grands �loges, & Facad�mie de
Ja m�me ville 1'admit avec diftindtion en 1559.
Ce fut pour-lors qu'il fut employ� a peindre Sc
a compofer. Il gagna beaucoup de bien, & mou-
rut
en 1604, fort eftim�, & dans un age avance.
De Vos compofoit aif�ment , & la plupart de
fes ouvrages en grand ont de 1'�l�vation. Sa
maniere tenoit de celle du Tintoret. Son deifin
eft correcl:, fa couleur bonne , & fon ex�cution
facile. Il avoit Ie g�nie de fon ma�tre, maismoins
de vivacit�. S'il cionnoit moms de tour a fes
iigures , peut-�cre en �toit-il plus naturel. Il eft
un des peintres defontenips qui a Ie plus produit.
Les Sadelers, Colaert , &c. ont grav� beaucoup
d'apr�s fes deffins, qu'il faifoit au crayon noir
& a la plume , tantot lav�s au biftre , & tant�t a
1'onere de la Chine.
Anvers pofs�de fes plus beaux ouvrages en
peinture. On compte dans ia cath�drale 14
tableaux de ce ma�tre , la plupart tableaux
d'autels. Dans la chapelle des boulaiigers , au
retable , on voit la Prlu'ciplication des pains, un
des plus beaux ouvrages de ce ma�tre; dans
la chapelle des marchands de vin , la N�ce
de Cana , tableau d'autel j dans celle des pel-
leti.rs , S. Thomas I'incr�dule. Ce tableau a
deux volets; fur 1'nn eft peint Ie Bapttme de
notre Seigneur , & fur 1'autre la D�collation de
Saint-Jean. Derri�re les chandeliers , font !
ces deux petits tableaux de de Vos. Dans
H
-ocr page 136-
ito              La VudesPeintres
zatte chapelle, on voit un tableau d'autel du
m�me auteur avec deux volets \ au milieu* orc
admire la Tentation de S. Antoine. S. Roch eft
Eeint fur 1'uh des volets, & fur 1'autre S. Hubert.
'ans la chapel'e de la confr�rie des arbal�triers ,
Ie tableau d'autel repr�fente notre Seigneur
accompagn� de S. Pierre, S. Paul, S. Georges &
Sainte Marguerite : fur un des volets ont voit Ie
Bapt�me de Tempereur Conftantin; fur 1'autre
volet, la ConnTu�tion de 1'�glife de S. Pierre
de Rome. Ces volets �tant ferm�s , repr�fen-
tent en dehors Sainte Marguerite , & S. Georges
mont� fur un beau cheval. Trois autres petits
tabieaux du m�me font pof�s derri�re les chan-
deliers. La chapelle des Tirferands offire aux
curieux la Pi�furrecYion de notre Seigneur dans Ie
tableau de faut�l. la chapelle du Nom de
5�fus a pour fujer , dans Ie tableau d'autel ,
1'Adoration de ce faint nom. Dans 1'�glife paroif-
fiale de S. Jacques, & dans la chapelle du S.
Sacrement , on voit la C�ne dans Ie fond de
1'autel.
On trouve a Oudenarde, dans un couvent ,
plufieurs tableaux de ce pemtre , du nombre
defquels font 1'Adoration des Mages Sc une
Nativit�.
A Florence , Ie grand-duc pofs�de des por-
traits de la maifon de M�dicis_, & un Paradis
terreftre , dans lequel les animaux Sc Ie payfage
font �galement bien traites.
A Paris, M. Ie ducd'Orl�ans a dit m�me deux
grands tableaux , dont Fun repr�fente les prin-
Fleuves de 1'Afie & de 1'Airique , des
, des Tigres Sc des Crocodiles -y les
-ocr page 137-
Flamands l Allemanis & Hollandois. 111
figures font de grandeur naturelle. Sur 1'autre ,
Pan efl: arr�t� par Syrinx, qui 1'emp�che de com~
battre des tigres.
Chez M. Ie marquis deLaflay, eft unc Nati-«
vit�.
Martin de Vos a eu plufieurs grands �l�ves ,
entre lefquels on diftingue fon neveu Guillaume
de Vos, fils de Pierre 3 Sc Koeberger, qui les a tous
furpafT�s.
Pierre de Vos , fr�re de Martin , �toit habile
peintre. Son hiftoire & fes ouvrages nous font
inconnus.
ijio.
1AMBRECHT
VAN O O R T.
V an Oort naquix a Amersfoort vers 1'ann�e
1520. Il �toit bon peintre Sc grand architecle.
fut admis dans Ie corps des peintres d'Anvers
en 1547.
MICHEL DE GAST.
O ne ^it Ci ce peintre n'a pas voyag� quel-
que temps en Itali�. Tous fes tableaux repr�-
ientent des d�bris de 1'ancieune Rome. Il ornok
fes ruines de figures & d'animaux. Il demeura
a Anvers , o� il fut admis dans Ie corps des
peintres en 1558.
-ocr page 138-
La Vie des Peintres
FRAN^OIS e t GILLES
MOSTAERT,
�L�VES DE LEUR P�RE.
Ces deux jumeanx �tonn�rent tout Ie monde
par ieur exa&e reffemblance. Il n'�toit pas
poffible de les diftinguer. Il arriva un jour que
Jeitr p�re �tant forti j apr�s avoir laifle fa palette
far une cluife , Francais entra po.r exammer
1'ouvrage
de fon p�re , & s'all�c fu: la palette,
qu'il ne voyoit point. Le p�re, de retour,
fach� de voir les couleurs de fa palette gat�es,
appella fes enfans. Gilles monta Ie premier, il fut.
trouv� innocentj il Ie renvoya, & lui dit de faire
monter hrancois : celui-d n'ofant monter, donna
fon bontiet i' Gilles 3 qui parut une feconde fois
devant fon p�re , qui s'y trompa luj-m�m^- &
avant interrog� Gilles pour Francois, il ne Ie
trouva pas plus coupable.
lis naquirent tous deux dans la petice ville
d'Hulft, proche d'Anvcrs : ils defceudoient du
vieux Moj�aertj & ils �t >;ent originaires d'Hol-
lande. Ils furent avec leur p�redemeurer aAnvers,
011 ils recurenr de lui les premiers principes ;
mais ils chang�rent d'�cole. Gilles fut rhez
Jean Mandin, & Francois chez Henri de Bles ;
ils «levinrent habiles dans ces ccoes : Francois
�xcelioit dans Ie payfage, Sc Gilles dans les figures
3a quart de nature.
-ocr page 139-
Flamandsj Alkmands & Hollandois. 11 j
Francais faifoit d'abord peindre les figures de "
fes payfages j mais il apprit dans la fuite a fe paf-
fer de ce fecours. lis furent reegis a Tacad�mie
d'Anversen 155 5. Francois mourut fubitement
fort jeune, dans Ie temps que fes ouvrages com-.
mencoient a faire du bruit.
Il eut plufieurs �l�ves. HansSo'�ns eft celui qui
lui a fait Ie plus d'honneur. Rome Sc quelques
autres villes d'Italie pofs�dent de {es ouvrages.
Excellent payfagifte & peintre de figures en
petit, il fixa fa demeure a Rome, o� ilabeau-
coup rrava�l�.
Gilles Moftaert peignoit bien l'hiftoire , 8c
entendoit parfaitement la difpofition de fes figu-
res. On a vu a Middelbourg, chez lefieur Wyntgis,
un grand tableau repr�fentant MM. Schitfen _,
faifant , comme feigneurs du lieu , leur entree
a. Hoboke. Les payfans y font fous*les armes ,
& marquent leur joie par des attitudes & des
d�monftrations auili vari�es que naturelles.
On voyoit encore de ce peintre deux autres
tableaux \ Ie Seigneur portant fa Croix , &S. Pierre
dans la prifon d�livr� par FAnge.
Un Efpagnol lui fit faire un tableau; mais Ie
pemtre lui ayant fait fentir dans la converfation
qu'il n'aimoit point 1'Efpagne , 1'Efpagnol, moins
par z�le peut-�tre pour fa patn'e que par mau-
vaife foi, chercha des pr�iextes de rompre Ie
march� : il all�gua que la gorge de la Yierge
�toit trop d�couverte ; & dans 1'efp�rance d'avoir
Ie tableau pour rien , il ne balanca point de perdre
1'auteur. Il Ie d�nonca au juge, comme un
artifte hcentieux & impie. Il conduifit chez
lui Ie vicomte Ernejl, pour faifir Ie peintre Sc
-ocr page 140-
't 14               La Vie des Pe'intres
----------Ie tableau. Moftaert, qui, pour fe venger de
1520. 1'Efpagnol , n'avoit peint qu'en d�trempe cette
gorge un peu trop nue , avoit eu Ie temps d'y
pafl�r 1'�ponge j 8c de 1'efFacerj Ie juge ne trouva
qu'une Vierge modefte Sc admirablemeat
peinte. Il r�primanda 1'Efpagnol, &c Ie for^ade
payer Ie prix que demandoit Ie peintre. Ce n'eft
pas la premi�re fois que 1'avance & d'autres paf-
fions ont of� fe cacher fous l'air refpe&able du
z�le 5c de la religion. Mqjlaert mourut fort
vieux en \6oi.
DIRCK (THIERRY)
E T
WOUTER (V A U T I E R)
CRABETE
Oarle van Mandbr ii'ea dit rien dans fon hif-
toire des peintres. Il y a lieu de penfer que ces
deux fr�rer, Dirck Sc Wouter Grabeht, lui ont �t�
inconnus, ainfi que leur m�rite. Si nous en croyons
leihiftoriensdeGoudajles unsdifent qu'ils �toient
originaires d'AUemagne: lesautres au contraire
les croient Fran^oisj mais leurs defcendans fou-
tiennent qu'ils �toient des Pays-Bas. Quoi qu'ilen
foit, �coutons van Mander. Cet hiftonen nous
parle d'un certaia Adr�cn Piecers Crabeth, qui fut
�l�ve de Jean Zwarte ou Zwarte Jan, qui en peu
de temps furpafla fon ma�tre. L'�cnvain Almelo*
veen
croit nou - feulement Claude Crabeth p�re
�'Adritn Pieters Crabeth, mais auffi de Dirck Sc
-ocr page 141-
Flamands j Allemands & Hollandois. i1 j
W^outer. Il Ie prouve par Ie rapport du m�menom, ~
& les �v�nemens du temps.
/^aariervifitalaFrance&l'Italie.Sonufage�toit
de laifler un earreau de vitres ou un chaflis peinc
defamain, dans-chaque ville o� il paf�bic. Les
connoifleurs conviennent tons que r'aut�tr fur-
paflbit fon fr�re Dirck, en couleur 8c en deffin j
mais Dirck donnou plus de forcea fes ouvrages:
ce qui ht dire dans Ie temps, que Dirck �toit Ie
maitre dans les ouvrages o� il falloit de la force,
& /-^«nerdansceuxquidemandoientdes lumi�res
bnllanres.
lis �coient tous deux fort habiles & r�ufl�flbient
�galement en grand comme en petit, avec une
promptitude excraordinaire. Apr�s. que V^au�er
eut livr� fa premi�re vitre pourla principale �glife
de Gouda en 1560 , il fit 1'ann�e fuivante la
grande vitre qui fut donnee a lam�me �glife par
Ja duchefle Marguerite en 33^4.11 peignit pour
la m�me la NailTance de notre Seigneur, a laquelle
ilajouta, en 156^, la belle compoiition de la Def-
tmetion du temple d'H�liodore. Ces 4 grandes
croif�esnelui ont co�t� que fix ann�esde travailj
mais Dirck plus prompt que lui, en fit en trois
ann�es Cix de la plus grande forme, & d'une auf��
grande rompofition que celles de fon fr�re. En
15 67 il fit une vitre admirable : Ie fujet �toit
non e Seigneur qui chafl� les vendeurs du Tem-
plej & 1'ann�e fuivante la Mort d'Holoferne. C'eft
fon dernier ouvrage , il efl: dans 1'�glife de Gouda.
Qnoique ces deux fr�res furTent amis , lis fe
cachoient leur ferret. Celui qui recevoit la vifite
de fon fr�re , csuvroit fon ouvrage. Il arriva que
1'un ayant demand� al'amre comment il s'y pre-
-ocr page 142-
La Vle des Peintres
"*------� noit pour r�uffir dansce qui lui fembloic il diflicile
1 f2°' d trouver, il ne pur avoir d'autre r�ponf� que
celle-ci: Mon fr�re, j'ai trouv�par k trava�l ;
cherchc^ , & vous trouvera^ de m�me. lis fe con-
tent�rent a la fin de fe voir r*u, & de s'�cnre
quand �ls avoient befoin de fetsmmuniquer leurs
affaires. lis fkent cant de recherches & tant de
frais dans leur art, qu'ils furent oblig�s de tra-
vailler comme de fimples vitriers , pour �viter
1'mdigence.
Dirck ne fe maria point$ mais Jrautier �poufa
line rille de H familie de Proyen , dont il eut un
fils nomm�Pierre> qu) depuis a �t� bonrguemeftre,
& une fille qui fut mari�e a Reynier Parfyn, gra-
veur, qui a rendu pubhcs les portraits de nosdeux
peintres. Wi�an Tomberoe pretend qu'a la mort
de ces deux frcres, nous avons perdu Ie fecret de
peindre fur verre ^ mais il fe trompe , puifqu'au-
jourd'huien Ailerriagne & en Angleterre Ie m�me
fe:ret ett en ufage, avec des couleurs , ala v�rit�,.
moins vives que celles de l'�ghfe de Gouda. Si
1'ufage n'en eft plus fi frequent , c'eft qu'on s'eft
appercu que les vitres colon�es coutentbeaucoup,
& rendent les �^lifes trop fombres. Voila , je
crois, la feule raifon qui a fak perdre ie fecret ,
comme 1'a cru Tomberge. Il �toit auffi peintre ,
mais m�diocre fur verre : il eut pour rnaitre
Jf^efterfiout A'XJtrecht.Ce Tomberge eut ordre dans
la fuite de r�praer ces belles vitres qui furent pr�f-
que d�truites par uu orage en i 574. On recon-
no�t a leur m�chocrit� fes ouvrages & fes couleurs,
parmi les beaut�s quireftent de nos deux peintres»
II mourut en � 67?.
C'eft dans Ie temps des fr�res Crabeth, fclon les
-ocr page 143-
Tlamands , Alkmands & Hollando�s. i i-j
throniques de la ville de Gouda & la defeription
d'Harlempar SamuelAmpfing, que v�curentdeux
fort bons peintre-fur verre, W'illem ( Gmllaurne )
Thibout
& CornilU hbrantfche Ruffeus. Willem
moarut au mois de juin 15 cj<), & Ruffeus au mois
de mai 1 61 8. D. van Bleyfwick, dans fa defcrip-
tion de Delft, dit que Thibout en 1565 fit la belle
vitre qui eft dans 1'�glife de Sainte Urfule de la
m�me ville. Philippe II, roi d'Efpagne j y eft
repr�fent�avec fa femme Elifabethde P'alois , fille
a�n�e A'Henr� II, roi de France. lis font en
habits royaux. On voit a leurs c�r�s un Ange
gardien & les armes de ces deux maifons fouve-
raines. Au haut de la vitre, PAdoration des trois
r�is, accompagn�s d'une multitud� de peuple 3
eft bien defl�n�e & bien peinte.
On voit encore aujourd'hui dans legrandfdlon
des premi�res butcesdefe ville de Leyden, tous
les portraits des comtes de Flandres, repr�feiit�s
en pied par les m�mes.
IJ2O.
i
L A U R E N T
V AN COOL
JLes connoiffeurs ont �t� tr�s-fatisfaits de !a belle
vitre qui eft dans la chapelle du confeil priv� du
pavs de Delft. Les portraits des confeillers y
font pe;nts grands comme nature & cuirafles
depuis ia t�te jufqu'aux pieds, par Ie c�l�bre
Laurentyan Cool.
-ocr page 144-
H U B E R T
G O L T Z I U S.
ELEVE DE LAMBERT LOMBARD.
-----� 1 L eft n� a Venlo , de pareus originaites de
ijzo. Wirtzbourg. Sa premi�re jeuneffe fut em-
ployee aux" �tudes des belles - lettres : dela,
entrain� par tm penchant naturel pour la pein-
ture , il choifit pour ma�tre Lambert Lombard.
Il copia chez ce peintre beaucoup de dei�ins
d'apr�s 1'ant'nue , qui lui rirent na�tre 1'en-
vie d'aller fur les lieux , &c de les obfer-
ves lui - m�me. Rome lui ouvr.it une carri�re
fort
-ocr page 145-
td Vie des Peintres Flamands 3 &c,
Fort ample, & fes �rudes lui fbufnirenc les mat�- �
riaux de plufieurs ouvrages qu'il accompagna de
notes hiftoriques Sc de remarques curieufes.
Iicommencaparmettreen ordre fes recherches,
& donna au public un grand volume, ccntenant
Ja Vie des emp�reurs romains., depuis Jules C�J'ar
jufqu'aux emp�reurs Charles V 3c Ferdinar.d*
L'exaclitude raifoir en partie la beaut� de eet ou-
vrage j il y avoit joint les porrraits de ces em-
p�reurs , tir�s des medailles de leur temps. Ceux
qu'il n'avoit pu trouver �toient reft�s en blanc. Ces
medailles �toient grav�es en bois par un peintre
de Courtrai, appell� Jofeph G�etleugken, l>abile
arcifte. Outre la reflemblance , Ie coftum� y �toit
obferv�. Il donna cec ouvrage en plufieurs lan-
gues. Il avoit chez lui une impnmene qu il di-
rigeoit lui-m�me. Son livre , d�di� a rempereur
Ferdinand 3 parut en 15 65, en latin , fous Ie titre
de Ca�us Jul'uis Cafar. Cet eflai 1'engagea a donner
pluf�enrs autres ouvrages recherches depuis pas
lesfavans. En 1566 il en fit paroure un nouveau
fur les F�tes & lesTriomphesdes Piomains, depuis
la fondation de Romejufqu'a la motto.'Auguj�e.
Ce livre eft orn� de medailles grav�es par lui-
in�me, fous letitre de F aflos. Il Ie d�dia au f�nat
de Rome, qui lui envoya la parente de noble
citoyen romain 3 avec toutes les franchifes Sc
honneurs dont Ie d�cail eft dans la lettre dat�e ea
1657. On ravoitimprim�e dans Ie livre qui parut
en 1574, fous Ie titre de C&far Augujlus. Cet
ouvrage , divif� en deux parties , enrichi de m�-»
dailles Sc de leurs revers grav�s» eft plein de
recherches.
En 157<J on vit eiicore de lui un volume , fous
Tome I.                                    I
-ocr page 146-
ijo                La V�e des Peintres
---------Ie titre de Sicilia & magna Gr&cia, ou 1'Hiftoire
ijio. des Grecs & la defcription de leurs villes, avec
de belles medailles grecques. Ses obfervations lui
ont acquis l'eftime des favans. Il paroit qu'il
n'nvoit rien n�glig� poiir eendre fon travail utile
Sc agr�able , par Ie fo'm de limpreflion & par
k
choix des caraft�res.
Ses ouvrages en peinture font fort rares, quoi-
qu'il ait beaucoup trava�l�. Il compofa a Anvers
la Conqu�te de la Toifon d'or, pour la maifon
d'Autriche. Hardi dans fes entreprifes & dans
rex�cutioiijilnous refte cependant fort peu deta-
bleau� de lui. Pendant fon f�jour a Bruges, il fuivit
exa�tement les fermons d'un moine gris , nomm�
fr�re Cornille , dont il fit Ie ponrait tr�s-re(Tem-
blant. Van Mander a vu ce tableau qu'il loue fort.
Il �poufa en premi�res noces la foeur de la femme
de Pierre Koeck , dont il eut plufieurs enfans, a qui
il donna des noms romains, tels que Marcellus,
Julius, &c. Il quitta fa femme pour revoir Rome,
& il feignit d'aller a Cologne. Devenu veuf, il fe
remaria, mais il y eut grand regret ^ fon efprit &
fa douceur ne purent rien fur la conduite de fa
femme. Il paya la folie de Tavoir �pouf�e , par fa
mort qui arriva vers 1583, a Bruges. Il eut les
tnlens, les vernis & les chagrins domeftiques de
Socrate.
't'
-ocr page 147-
Flafnands > Allemanis & Holt'andcis,
S I M O N
JACOBS,
�L�VE DE CHARLES D'YPRES.
Jacobs naqiut a Gouda: il fut �teve de
Charles d'Yprcs. L'appat du gain 1'engagej a
peintlre Ie portrr.it, ou il r�uilic. On eftime un
porcrait qui fe voyoit a Harlem 3 & qu'il peignic
d'apr�s Wilkm{ Gudlaums ) Thi�aut, peimre
fur verre. On en cit� enc�replufieursauncs qui
foutiennent fa r�putation. Il faifoir bien refl�m-
bletr. Sa couleur, eft bonnej mais on vance par-
riculi�rement Ie mo�lleux de fon pinceau. Il fuc
tu� au fi�ge d'Harlem, en 1572.
CORNILLE
DE VISCHER.
J.L flit bon pemtre de portrait. Sa vie feroJc
fbrt longue, h je ne m'�tois pas boni� d �crire
fimplenient ce qiu a rapport a ia peinture. Cec
homme , qui nJavoit rien d'aiimble cjue fon
talent , p�rit dans Ie palTage d'Hambourg a
Amfterdam.
I 2
-ocr page 148-
La Vu des Pelntres
CLAES (NICO LAS)
ROGIER,
ET HANS (JEAN)
RAYNOT.
- 1 l s peignirent bien Ie payfage. Kaynot �toit
�l�ve de Math�eu Cock. Sa maniere eft dans Ie
gout de Patenier. Les ouvrages de 1'un & de
1'autre pafl�renc chez 1'�tranger, & en furent
eftim�s.
BERNARD
DE R I C K E.
XL naquit a Counrai. Sa maniere de peindre
eft grande. On peut jnger du talent de ce peintre
par un tableau d'autel de T�glife de S.Martin
de Ia rn�me ville. Ce tableau reprefente Notre
Seigneur qui porte fa croix : il eft d'une belle
compofition. Il changea depuis fa miniere ,
croyant mieux r�uflir: effe&i /ement fes derniers
ouvrages ont leurs partifans. Il fut rees a 1'aca-
d�mie d'Anvers en 1561 , & fe fixa dans cette
vilie, o� il eft mort.
ij 20.
-ocr page 149-
Flamands _, A�emands & Hollandois. 153
WILLEM (GUILLA�ME)
K E Y.
IL �toit de la viile de Breda, d'une fignre----------.
Sc d'un maintien agr�ables. Il aimoit les ajuf- ,�Oi
temens, 5c fa maifon fe reflenrok de ce gout aa-
def�lis de fon �rat j elle �toit proche la bourfe ,
dans Ie plus bel endroit de la ville d'Anvers. Il"
fut �l�ve de Lamhert Lombard , & camarade
d'�cole de Franc-Flore. Il ne dut fon talent Sc
fes richefTes qu'a fon affiduit� Sc a fon economie.
Son talent �toit d'imiter Sc de faifir la nature.
Ses ouvrages furent plus recherches que ceux des
autres j par la douceur & Ie mo�lleux de fon pin-
ceau. Ses compofitions font figes 8c pleines de
jugement : elles ont a la v�rit� moxns cte feu que
celles de Franc-Flore ; cela n'emp�cha pas que
fes tableaux ne f uiTent fort eftim�s & pay�s tr�s-
clier.
Le tr�forier Chriftophe Pruym lui fit faire ^
pour la maifon- de - ville d'Anvers j un tableau
repr�fentant les portraits des Magiftrats de cette
vi�e, en pied 3 grands comme nature : dans Ie
haut du tableau j Notte Seigneur Sc des Anges
dans une gloire j &c. Ce m�tne tableau pent
dans Fembrafement de certe maifon en 15 7^.
On voit encore aujourdJhui une �pitaphe } fur
laquelle il a peint les portraits des Fondateurs d�
la chap��e des maitres Selliers s dans la cath�-
drate d'Anvers j.ou eft place ce tableau.
I 7
_ .
____
-ocr page 150-
i ? 4.                 -�
Jl fit Ie portrait da cardin <1 Grandvelles dans
{<;- hibit de cardinal. Ce morceau fut fort efti-
m� , & rette Fminerce lm envoya s fans avoir
fit pm j 40 ry: 'sdaeUers (;\ Apr�s avoir con-
fld�rabiement tvr.aill� , ie »iuc d'Alke'e demanda
p�'7f lui faire fon ',x>rtrait. �.,n trav ullantj il en-
tendit j enrre les juger criminefs & Ie ducj eon-
certcr Ia mort du convc d'F.gmont 3c de q';el-
q"es aittresfei^ne:tts. Ce complot tyrannique lui
fit tam d'impreffion , que 3 de retour chezluij il
en tomba raalade 3 & mourut Ie m�rae jour de
l'ex�cution des comre<; d'h'gmont & de Hom } Ie
5 juilletj veilte de Ia Penter�te 1568. D'autres
difent qa'il �toit mort quelqaes jours avant; &
quelqnes-unsj qu'il mourut de frayeur en voyant
la phyl�onomie dn duc d'Albe.
I! avoit �t� admisal'acad�mie dJAnvers en 1540.
AUGUSTIN JORIS
AuG�STiN .Toris j fi!s de Jean } braf�eur de la
ville de Delft 3 n� en 1515 j fit place chez Jac-
ques Mondt }
peintre m�diocre. En trois ans d'�-
tudes ii firpaJ.i fon maitr�j & fut a Malines>
& de- ia a Paris. Il s'adrefTa a un graveur , a(Tez
bon pour Ie temps _, appeli� Pierre de. la Cuffle.,
qut demeuroit avec fon fr�re > orf�vre, Augufiin
travaiila pour eux pendant cinq ans»
(1) Ry.'ksclae�clers, �cu rl'Hollande (Te Ia valeur
de 5o sous , vaut a peu pres 6 liv. en �rance»
_
-ocr page 151-
Flamands j Alkmands & Hollandois. 13 j
De retour a Delft _, il fit cinq tableaux qui
�tablirent fa r�putation. Il travailloit en grand }
& compofoit bien fes ouvrages. On voyoit dans
la m�me ville j cliez fon fr�rej orf�vre j une
Famiile de la Vierge j ouvrage d'une grande
beaut�. Ce peintre., en puifant de 1'eau pour n�-
toyer fes brolfes 3 fe neya en 15 5 2 , a 1'age de
27 ans. Il a �t� fort regrett� par les aniiles &
les amateurs.
JEAN FREDEMAN
DE VRIES.
JL/e Vries j n� a Leeuwaerden en Frife > en _
15 ij j eut pour p�re un homme dont la pro-
fefl�on �toit bien oppof�e au repos que deman-
dent les arts. Ce p�re �toit originaire d'Alle-
magne., & canonmer dans 1'arm�e du g�n�ral
Schenck. Le jeune de Vries obtint de lui ia per-
miflion d'appnndre le deffin. Il commenija dans
fa patrie ,, fous Renicr Gueritfen d'Amfterdam.
Apr�s avoir �t� cinq ans chez ce mairrej il fut
a Campcn 3 ou il refta peu de temps; n'y trou-
vant perfonne qui put le perfe�tionntr 3 il fut i
Malines j ou les peintres en d�trempe 1'employ�-
rent dans leurs ouvrages. De-la il fut appell� i
Awvers j o�il travaillaj avec les autres peintres >
aux arcs de triomphe pour 1'entr�e de Charles V',
Sc
de fon fils Ph�ippe 3 roi d'Efpagne , en
1549. Apr�s avoir fini eet ouvraga 3 il retourna
enfin j Sc alla a Collunij o� il eut occaf�on de
I 4
-ocr page 152-
Yj'tf                La Vie des Peintres
--------copierj chez un menuifier j Serlio & V'uruve 3
i f27, publi�s par Pierre Koeck. Non-content de cette
etude j il retouma a Malines j & fit pour Claude
JDoricij
pgiiitcej pluheurs tableaux d'architeftnre.
Doric� lui en fit finir un de cette efp�cej com-
ftienc� par Cornille de V'iancn 3 affez bon peintre
dans ce genre, ma�s auffi lourd dans fa compofi-
non que dans fa couleur. De Vries corngea les
faures de Vianen _, �c �tablit fa r�putation par
ce tableau,
Arriv� i Anvers., il fit une Perfpective dans
Ie jardm de Guillaume' Key } auffi peintre \ elle
jrepr�fencoit un beau Portique II fitencore j chez
Gilles Hofman, en face d'une potte d'entr�ej &
fur une muraille, une^efp�ce d� claire-voie j ^
travers laquelle on croyoit voir un jardin. Plu-
l�eurs perfonnesj & m�rne ie prince d'Orange y
y out �t� tromp�es.
Il compofa j pour J�rome Kock3 une quantit�
de fiijets d'Archicedure j dont 14 morceaux
repr�fentoient des Ternplesj des Jardins _, des Sal-
Jonsj Sec. j tous en perfpedive \Sz 116 autres def-
f�ns dans Ie m�me genre , en perfpective j a
vol d'oifeau & vus en-deiFous j & quelques-uns
en ovale pour les �b�niftes ou tabletiers.
Un autre livre de 24 feuilles _, pour Guerard'
de Jode
, repr�fentoit des Tombsaux d�cor�s,,
entre lefquels on en voit un orn� de Fontaines.
Un livre des ordres d'architecture j o� chaque
ordre eit en cinq feuilles , fut fait pour Philippes
Gallesj
ainfi qirune colleclion de plans de Jardins,
tTAvenueSj deLabyrinthes.il adonn�j a. 1'ufage
«fes menuifier?, un autre livre de Mafquesj de
Bu&t-s j &c. Enfin il deffiuaj pour Pierre Balten^
-ocr page 153-
' F lamanis 3 Allemands & Hollandois. 137
les ordres d'architecturej fous Ie ticre de Thea-.
trum de vita humana.
Depms Ie Compofite juf- ?i-
qu'au Tofcan _, il y repr�fenta les diff�rens degr�s
de la vieillefTe jufqu'a la mort.
Le nombre de fes ouvrages efi confid�rable \
on compte 16 livres en tont. En 1570 3 la rille
de 1'empereur �rant partie pour l'�ipagne 3 &
devant pafler par Anvers, les Allemands lui �!e-
v�rent un are de triomphej que de Vries fit en
cinq jours : il eut 60 rycksdaelders pour giati-
fication.
Il a fait encore un errand nombre d'ouvracres
en peinture & deffins a Parme 3 a Mons 3 d
jAusbourg & a Praguej qui trompent tous �ga-
lemenc les yeux. Jl eut deux fils, Paul 8c Sa-
lomon de Vries,
qui ont eu 1'heureux don de bien
imiter leur p�re. Salomon mourut a la Hayeen
1^04. Ses deux fils ont beaucoup travaill� au
grand volume de 50 planches d'archicedture que
Jean donna en 1 (J04. L/�poque de la mort du
p�re & du fils Pierre de Vries n'eft pas connne.
CORNILLE
ENGHELRAMS.
\. /uoique Enghelrams ne nous ait laifle que
tles tableaux peints en d�trempe 3 il eft regarde
comme un peintre habile. Il naquit a Malines en
1527. Ses principaux ouvrages font dans 1'�glife
de S. Rombout. Il a repi�fent� fur une grande
____ _____ ___________________
-ocr page 154-
j 8               La V'ie des Peintres
oiiej les QEuvres de Mif�ricorde. Une multi-
1527. tuoe de figures bien dei��n�es., font 1'objec de
certe grande compofmon. Il y a diftingu� avec
efpric les pauvres qui meritent norre compafiion,
de ceux qui ne la m�ritent pomt.
Ses ouvrages font difperf�s dans les principales
villes d'Allema»ne. A Hambourg , clans leglife
de Sainte-Catherine _, on voyoit de lui une cora-
pofoion grande & favante} qui repr�fentdit la
Converfion de S. Paul. Il pcignit pour Ie prince
d'Orange
, dans Ie chateau d Anvers , riulloire de
David j d'apr�s les defiins de Lucas de Heere.
De Vries
en avoit peint 1'archkeclure j les fnfes,
les termes 8c les autres ornemens: tout �toic
ex�cut� en d�trempe. Enghelrams mourut en
1) 8 5 j ag� de 5 6 ans.
MARC WILLEMS,
�LEVE DE MICHEL COXCIE.
VV x l l e m s naquit a Malines environ 1'an
1517. Il appric la peinture fous M�chel Coxcie.
Il furpaflb�t fes contemporains pour Ie genre &
la facilt� de cornpofer. Il peignit la D�collation
de S. Jean: Ie bras racourci du bourreau j qiu
rient !a tcte du Saint j paro�c fornr du tableau.
On Ie voit dans 1'�glife de Saint-Rombout. D.uis
la rn�ro� �glife il fit un autre tableau, repr�fen-
rant Judith qui vieni de conper la t�te d'HoIo-
ferne. A 1'entr�e de Philippe j roi d'Efpagne,
-ocr page 155-
Flamandsj Allemands & Hpllando'is.
dans la ville de Malines en 1549 3 il fut charg� -
de peindre un are detriomphe, furlequelil repr�- l517<
fenra 1'hiftoire de Didon. L'ex�cuuon de eet are &
fes autres ouvrages, lui ont m�rit� 1'eftime des con-
noifleurs. Il aimoit a obliger, & il �toit prefque Ie
compofiteur de tous les peintres} des tapiffiers &
des vitriersde (on temps. Willems j aim� pendant
fa vie, fut regrett� a fa mort j qui arriva en 1561.
J A C Q U E S
DE POINDRE,
�L�VE DE WILLEMS.
Ej natif de Malines, �lcve & beau-
fr�re de Mare Willems , s'attacha au portrair.
Cependant il a r�uflidans les fujets d'hiftoire. Jl
peignit un grand tab'eau repr�fentant notre Sei-
gneur en croix: il y avoit beaucoup de figures
fur Ie devant, qui �toient tous portraits.
Apr�s avoir fini celui d'un capitaine anglois,
nomm� Pierre Andr�, il s'appercut que Ie militaire
cherchoit plu�eurs d�cours pour avoir ce tableau
fans payer. Pour s'en venger , il fit pafTer latcte
de 1'anglois a travers une grille de rer qu'il pei-
gnit en d�trempe, 6c placa ce portrait i fa fe-
n�tre. On y reconnijt 1'origmal qui, fe voyant ainfi
captif, fit redemander fon portrait , en payant
lib�ralement Ie peintre. Comme la grille n'�coit
qu'en d�trempe j un covip d'�ponge mit Tangloii
hors de prifon.
-ocr page 156-
'140                La V'ie des Peintres
Ce peintre voyagea dans Ie nord , 8c mourut
en Danemarck j en 1570.
JOACHIM
BEUCKELAER;
E L E V E
DE AERTSEN OU PIERRE -LE-LONG.
Jjeuckelaer d'it fon talent au nuriaga d'une
tante, qui �poufa Pierre Aertfcn ou Pierre-lc-
Long. Il naquit dans la viile d'Anvers, & de-
vint �l�ve de fon oncle. Malgi� une difpoficion
marqu�e , il ne put dans fes piemi�res �tudes fe
rendre bon colonfie: �lne peignoicqu'avcc peine.
Son oncle lui fit colorier d\pr�s nature ce qui fe
pr�fentoit, oifeaux, poiftons & autres animaux ,
neurs, fruits : tout ce qui m�ritoit d'�tre copi�
n'�chappa point au jeune peintre. L'envie de
devenir habile , diminua la peine qull eut dans Ie
commencement de fes �tudes, & on Ie vit s'�le-
ver au-defllis de (es contemporains. Ses ouvrages
font d'un ton de couleur naturelle: tout y paro�t
fait fans travail; fa touche eft l�gere , 8c Ie tout
enfeaibie harmonieux.
Malgr� fon travail ficile , il fut fi mal pay� de
fes ouvrages, qu'il eat d peine de quoi vivre. It
s'attac'ia a peindre des cuifines, avec leurs uften-
/i!es. On faifoit peu de cas de lui, qu'il fuc
oblig� de rravailler comme uu ouvrier a jofous
t *
-ocr page 157-
F/amandSj Allemands & Hollando'is. 141
par jour, chez Antoine Moro. Trifte r�compenf�---------*"""1
de tant de veilles '.                                               l5iCl''
II fit une Cuifine pour Ie direclreur de la mon- ■
noie d'Anvers , quide jour en jour lmfaifoit ajou-
ter de nouve&ux objets d'apr�s nature. Plufieurs
animaux y �toient repr�fent�s; poifTons&r gibier,
rien n'y manquoit: ma�s il ne put jamais, dans eet
ouvrage , gagner Ie pain qu'il mangeoit.
On voyoit autrefois , dans lacath�drale d'An-
f ers , un tableau de ce peintre : il repr�fentoit la
F�te des Rameaux. Les connoifleurs du temps
eftimoient eet ouvrage qui a �t� d�truit dans les
derniers troubles.
On a vu a Amfterdam, chez Ie fieur SionLu\ ,
un March� au poiiron , & un March� aux fruits,
avec des Figures bien peintes.
On voyoit chez Ie fieur Wyntgis, dire�teur de
la monnoie a Middeibourg, une grande Cuifine
avec des Figures grandes comme nature , bien
coloriees, & des tons de couleurs chauds ; Sc un
autre tableau en camayeu , repr�fentant la F�te
des Rameaux.
Van Mander a vu a Amfterdam _, chez Ie fieur
�Jacques Rauwaert, un tableau en petit qui re-
pr�fentoit un March�, & dans Ie fond un Eccs
Homo.
Il parle de ce tableau comme de quelque
chofe de merveilleux.
Il y avoit a Harlem , chez Ie fieur Jean Vcf-
■iaen ,
deux de fes tableaux. Le premier repr�-
fente un Evang�lifte, & Tautre une fainteFamilie.
Les figures en fout de grandeur naturelle, & d'un
bon ton de couleur. Le nombre de fes ouvrages
.eft confid�rable, fi on le compare a celui de fes
�s. Il mourut a Anvers, ag� de 40 ans, daas
~~
-ocr page 158-
La Fie des Pe�ntres
�Ie temps qu'il trivailloit pour un officier-g�n�ral
i j}0. appell� V�tello. Il dit en mourant qu'il regrettoit
d'avoirtoujours travaill�a fi vil prix. Ses ouvrages
ont �t� vendus apr�s fa more, ioin fois plus
que de fon vivant.
C R E S P I N
[VANDEN BROECKE,
�LEVE DE FRANC-FLORE.
V anden Brofxke , natif d'Anvers y �l�ve de
Franc-Flore , avoit un beau g�nie. Il ne fe bortia
pas a la peinture , il fut anfli grand architecte.
il cherchoit toujours a placer dans fes tubleaux
des figures nues qu'il defiinoi: & peignoir bien
en grand. Il voyagea en Hollande o� il eft mort.
JACQUES
DE BACKER.
Ue Backer, de la ville d'Anvers } ent pour
p�re un aflez bon peintre , qui fut oblig� de
fe retirer en France, o� il mourut apr�s avoir
lenonc� a fon talent.
-ocr page 159-
Flamands , Allemands & Hollandois. 145
Jacques demeuroit chez un marchand de-------"""
tableaux nommt Pa/ermo, d o� il fat quelquefois 1J30*
appell� Jacques Palcrmo. Ce marchand tourmenta
extr�mement de Bucker, en Ie f,;rchargeant d'ou-
vrage. L'application Sc Ie tiavail allidu Ie firent
devenir grand peintre; les fetes & les dimanches
il deflinoit concinuellement & il modeloit, de
fac.on que tons les momens de fa vie n'�toienc
employ�s qu'a 1'�tude. Palermo vendoit tr�s-cher
fes ouvrages en France, & ailleurs j & malgr� Ie
gain confid�rable , il difoit contmue�ement au
jeune peintre qu'il falloit faire mieux, qu'ilnepou-
voit plus fe d�faire de fes ouvrages , ce qm Ie for-
«joita redoubler une application qui abr�gea fes
jours. Il quitta eet homine �nfatJable y 8c fut de-
meurer chez Henry Steenwyck. TiavailJant tou-
joursfans fe difl�per, il devnitlang�iffantj 5c tr.ou-
rut d'une efp�ce de pulmonie, nepouvant fe con-
foler de mounr 11 jeune : il n'avoit en effet que
30 ans , qu'd avoit confum�s dans Ie travail. Ses
ouvrages font dans fous les cabinets. Van Man~
der
a vu de lui a Middelbourg, chez Ie fleur Mel->
chior Wyntgis,
trois tableaux , Adam & Eve ,
une Charit� Sc un Chrift en croix| & trois au-
tres chez Ie fieur Oppenbergh : V�nus, Junon 8c
Pallas ; car la peinture , ainfi que la pcefie , traite
�galement Ie facr� & Ie profane. Il efl. ordinaire,
& cependant f�ngulier, qu'un peintre repr�fente
V�nus du m�me pinceau dont il a peint im
Chrift. La difpofition dans tous les fujets �roic
belle; Ces draperies Sc �es fonds font tr�s-biea
traites. On Ie regarde comme un des meilleuxs
coloriftes dJAnvers.
-ocr page 160-
�44            L& V'lt des Pc�ntres
t-...............                       ' -�»
J E A N
VAN KUYCK.
V an Kuyck �toitbon peintre fur verre ;mais
■*55Om ayant �t� accuf� pour fes erreurs fur la religion ,
il fut arr�t� par la juftice j & d�tenu en prifon
dans la ville de Dort. Il fut long-temps dans les
fers j cependant Jean van Drenkwaert Boude-
win^e
j �coutet ou chef de la juftice, ayant em-
ploy� tous les moyens pour obtenir fa grace , van
Kuyck,
en reconnoiffance, fit Ie Jugement de
Salomon pour ce juge. Il repr�fenta fa figure
fous celle de Salomon j ma�s Ie reproche que les
eccl�fiaftiques firent a ce magiftrat, jufques dans
leurs fermons, de vouloir fauver Ie peintre pouc
s'ennchirde fesouvrages j forc�rentle jngeacon-
damner van Kuyck. Il fut brille vif fur Ie Nieu-
werek
a Dort, Ie 28 mars 1571. Il laifla tpr�s lui
une malheureufe veuve , une petite fille de fepc
ans, & la r�putation d'avoir �t� un bon peintre»
Heureux s'il avoit �t� aiiffi bon chr�tien!
MARC
-ocr page 161-
Flamavds, Allemands & Hoi�andois. 145
MARC
GUERARDS.
Van Mander ne msrque point Ie lieu de -
fanaif�ance. Il dit feulement que parmi les grands
peintres de Bruges, Mare Guerards m�rite d'avoic
fa place. Il �toit aniverfel ; li peiguoit 1'hif-
toire, Ie p.iyfage } l'accliue�ture, 11 fut bon def-
f�nateur , graveur a 1'eau-forte, & enluraineur.
Laville de Bruges & celles des environs ont delui
de beaux tableaux. Il deffina beaucoup pour les
peintres fur verre ; il fe plaifou dans les pa>'~
fages a repr�fenter une perite femme q«i pii��,
foit furun petit pont ou aiileiirs: c'eft Ie pendant
du pent bon-homme du peintre Patenier.
Guerards compofa & grava a 1'eau - forte les
fables dJEfope: les diff�rens auimaux fonc touches
avec beaucoup d'efprit.
Il grava, avant ce temps 3 la ville de Bruges
avec beaucoup d'intelligence. Il alla en Angleterre
o� il eft mort.
GILLES
C O I G N E T.
Cjoignet, natifd'Anvers, demeura chez An-
toinePalermo } jufqu'a ce qu'il partit pour 1'J talie
avec fon compagnon de voyage appell� Stella. lis
Tome I.
                                          K
-ocr page 162-
-------
La Vic des Peintres
ne tard�rent pas a �tre corcnus dans Pvome & aux
environs. lis travaill�rent enfemble a plufieurs
ouvrages dans la ville de Terny 3 entre Rome Sc
Lorecte. On y voic une grande chambre peinte
en grote/que, un autel a frefque, & beaucoup d'au-
tres dir��rens fujets. Stella fut tu� fur Ie pont St-
Ange j par une fuf�e qui lui creva la poitriae 3 Ie
jour de la f�te du Pape.
Coignet voyagea par toute l'Italie , a Naples 3
en Sicile, &c, & recourna a Anvers 011 il fut ad-
mis a 1'acad�mie en ijtJi.A peine fut-il arriv�,
qu'il fe vit furcharg� d'ouvrages, de tableaux
d'autels & autres pour les marchands �trangers.
Il fe fervoit fouvent de Corndlc Molenacr, fur-
nomm� Ie Louche, pour pemdre fes fonds} foit Ie
fayfage ou 1'archite�ture. Comme Ie prince de
'arme d�foloitalors les Pays-Bas, notre peintre
alla chercher Ie repos fi n�ceflaire a 1'�cude j �\
s'�tablit a Amfterdam, Sc de-la a Hambourg , o�
il eft mort en 1600.
Il�toit forr amufant dans la foci�t�. Il peignoit
avec promptitude & avec facilit�. Tous les genres
diff�rens, foir figures j foit payfages j lui ont
acquis de la r�putation ; ila fait en petit dei fujets
a la lueur du flambeau & au clair de la lnne. On
lai reproche d'avoir fait copier par de �l�ves {es
©uvrages qu'� recouchoit peu } & vendoit pour
ongmaux.
-ocr page 163-
Tlamands j 'Allemands & Hollandoh. 14/*'
DIRCK (THIERRY)
DE V R Y E.
Dl V r y e voyagea beaucoup. Il fut long-
tt mps occup� en France. Ce qu'il a fait de beau a
Gouda en 15 81, cara�t�nfe la f^gefle 6c la venu
des bourguemeftres, Sc les talens du peintre.
A D R � E N
VANDER SPELT.
AjE hafard fit na�tre vander Spelt a Leyden. Sa
familie �toit de Gouda. Il eut Ie talent de peindre
des fleurs �, il s'attacha fort long - temps a la cour
de YElecleur de Brandebouig. De retour en Hol-
lande , il �poufa une feirme d;fficile 3 qui fut
caufe de fa mort peu de temps apr�s.
PIERRE BOM.
JBom, re^u dans Ie corps des peintres d'An-
vers en 15 <�o , pafTe pour un habile payfagifte ea
d�trempe.
Ka
-ocr page 164-
148             La Vu des Peintres
J E A N
VAN D A E L E,
IL v�cut a pen pres du temps de Bom ; il
avoit un talent fmgulier pour repr�fenter des
lochcrs.
J O S E P H
VAN LI E R R E;
De Lierrb , natif deBruxelles, bon payfagifte,"
&c peintre de figares, fur-tout en d�trempej fic
plufieurs patrons p»?.*.ir les tapilTenes, & quitta
Anvers pendant les troubles du pays, pour s'�-
tablir a Frankendel, ou la p�n�tration de fon
efprit Ie fit admectre parmi les membres du con-
feil. Attach� a la r�forme de Calvin, il en de-
vint un grand pr�dicateur a. Swindrecht, dans Ie
paysdeWaes j ceuxd'Anversdelam�me croyance
vinrent 1'entendre pr�cher. II abnnd�nna la pein-
ture y & fes ouvrages , auffi beaux que rares >
i�nt recherches avec empreffement. Il moutut a
Swindrecht vers 1583.
-ocr page 165-
Flamands j Allctnands & Kollkniois.
LUC AS et MARTIN
DE VALCKEMBURG.
ville de Malinesa euplufieurs grands peintres ---------
en d�trempe : ces deux fr�res Lucas 6c Martin 1550*
ont ponfT� loin ce ralenr. lis excelloienc a pcindre
Ie payfage. Malines & Anvers font les deux en-
droits o� ils ont travaUl� jufqu'en 15 66, que les
troubles du pays lesfirent forrir, accompagn�s de
Hans de Vries ( ou Jean de Vries). Ils furenc
enfemble a Aix-la-Chapelle & a Li�ge. Ils def-
iin�rent les plus belle� villes v�iiines de cette
demi�re , & Ie long de la Msufe.
D�s que Ie caltne ie fut r�tabli dans leur pays-,
ils y cetourn�tent. Lucas excelloit non-feulemenc
dans Ie payfage , mais dans les pecites figures,
&'fui'-tout dans Ie portrait en petit, a 1'huile. Ce
dernier genre plut beaucoup an duc Matkieu 3 qin
smmena ce peinrre avec iui i Lintz, o� il rut
smploy� fort long-temps. Il ne quirta cette vill'e
que lorfque Ie dnc encra en Hongrie ; en
retournant dans fa patrie , il mourut en chemin.
Fl laifTa pkifieurs fils qui ont eu de la r�putation.
Martin mourut a Francfort , on ne fait paj
en quelle ann�e.
-ocr page 166-
La Vu des Peintres
A N T O I N E
DE MONTFORT,
OU BLOCKLANT,
�L�VE DE FRANC-FLORE.
.,....... D^ Mont�ort, iflu de familie noble ,
1532. des barons ou vicomtes de Montfort , �toit
fils de Cornille de Montfort, dit Blocklant,
�coutet de Montfort j qui y avoit pofled� la
belle charge de receveur des rentes des barons
de Moriam�s. Antoine fon fils , n� dans cette
ville en 15 5 X, fat nomm� Antoine de Blocklant,
Ge furnom �toit celui d'un fief fictie entre Gor-
cum & Dordrecht, qui leur avoit appartenu ,
& qui leur revint par Ie teftament d'un neveu
qui, en mourant fans enfans , Ie l�gua au fr�re
du peintre _, fecr�taire de la m�me ville en 1571.
Blocklar,1: commenga la peinture a Delfc, fous
fon oncle Henry Ajfuerus 3 peintre m�diocre,
mais qui faifoit aflez bien Ie portrait. Il fut 1111
des �l�ves de Franc-Flore. Entiarement appliqu�
a copier ce maitre , & a �tudier fouj fes yeux,
il furpaflTa en deux ans tous fes compagnons. Il
voyagea j & de retour a Montfort, ag� de dix-
neuf ans, il �poufa la fille du bourguemeftre.
Il alla demeurer a Delft, o� 1'�tude de la pein-
tme devint fon unique occupation. Il deffrna t.ou�
-ocr page 167-
Flamands , 'Allemands & Hollandoisi 151
«Tapr�s nature, les hommest les femme*, Sc
donna beaucoup d'�l�gance a fes concours. Les
principes de fon maitre �toient fes guides � il
travailla dans fa maniere.
Il rendoit bien Ie nud,& fes draperies �toient
de bon gout; les extr�mit�s �toient «u-redes ■
es tetes bien coifF�es, & les barbes des vieil-
lards d une grande l�g�ret�. Sa vivacit� 1'emp�-
cna de s actacber a peindre leportrait: on voit,
par ceux de fon p�re & de fa m�re , qu'il auroit
encorc reufl� dans ce genre.
Les grandes compofitions, plus convenables
a Ion genie, 1'occup�rent tour entier : il ne nous
en refte qu'un tr�s-jpetit nombre. La ville de
Uelft regrecte l&
          bl         d'l
ce e de Gouda la D�collation de S. Jacques. La
ville d Utrecht confervoit , du temps de van
Mander
,1a plus grande partie de fes ouvrages ,
pluiieiirs i-etr.bles avec leurs volets. L'un repr�-
ientoit en dedans 1'Af�bmption de la Vierge, &
deux autres 1'Annonciation & la Naiflance de
notre Seigneur.
On yoyoit encore de lui la Paffion, dans les
butres de la ville de Dordrecht.
Etant fans enfans , & defoant extr�mement
de voyager en Itali�; il partit avec un orf�vrc
ir a e" I57Z' mais A ne fL!C '�l"6 fix mois
abient. A fon retour, il demeura quelque temps
aMonrforr, & de-B il vint fe fixer a Utrecht.
Sa premi�re femme y �tant morte , il fe remar
na, & il eut trois enfans de la feconde.
Il rit a Utrecht la Vie de fainte Catherine
pour Bois-le-Duc , Sc plufieurs autres tableaux
«juioat en partie �t� grav�s par Giuqius , &v'.
K4
-ocr page 168-
r5*                 La. f ie des Pcintres,
Sa compofition �toit grande , fes airs de t�tes
nobles: fes piofils d# femmes approchoient de
ceux du Parm'fan.
La douceur de fon caract�re augmenta Feftime
qu'on avoit pouv fes tcilens.
Il fit pluheurs bons �l�ves, reis quAdrien
Cluit
d'Alcmaer, grand peintre de portraics ,
mort en 1604; Sc un autre appell� Pierre , fils
d'un fameux orf�vre de Delft, qui a �gal� fon
ma�rre , & qui 1'auroit furpafle s'il n'�toit pas
mort jeune, michel Mirevelt, de Delft, eft ce-
lui qui a fait Ie plas d'honneur a fon �cole.
Biocklant mourut a Uttecht en 158 j ,a 1'age
de 40 ans.
L�CAS DE H E E R E ,
�L�VE DE FRANC-FLORE.
IL naquit dans la ville Gand en 1534. Son
p�re, Jean de Tl�ere , �toit Ie plas grand fculptei�r
de fon tempsj & fort bon architedte. Sa rn�re,
Anne Srnyurs avoit un talent particulier pour
peindre en d�trempe ou gouafle. fan Mander
fait l'�loge d'un petit morceau dont cette femme
cft 1'autcur. Il repr�fentoit un moulin a vent,
avec fes voiles tendues ; Ie me�nier �toit charg�
d'un fac en montant 1'efcalier. On voyoit fur la
terrafle du moulin un cheval attel� a une char-
rette; & a. 1'oppofite, Ie chemin o� 1'on apper-
ceyoit des payfans. Ce tableau , fi fmi & li
-ocr page 169-
Flamands, AiUmands & Hollandois. 15}
remarquable par Ie travail & la force du pinceau ,"
�toir encore plus fingulier par fa pctitefle , puif--
qu'un grain de bied pouvoic en couvrir lafurface.
De Heer e ne pouvoit manquer d'�tre un jour grand
peintre > �tant n� de parens qui lui en aroient
donn� Ie gout, Ie ralenc Sc l'exemple. Son p�re
Ie mena toujours avec lui daas fex voyages. Il
copioit les vues de fa route ; il deffina beaucoup
de chateaax Sc de villes Ie Iohe; de la Meufe ;
il manioir fort proprement la plurae, Sc donnoit
beaucoup d'intelhgence a fes def��ns.
Ayantacquis, par ce travail & les le^ons de
fon p�re, une grande force de deffin &c beau-
coup de facilic� , Franc-Flore 3 ami de Con p�re,
Ie prit pour �l�vc. Il ne tarda pas a r�galer &
a Ie furpafler dans cette partie de la peinture au
deflin. Son maltre Ie fir compofer &: defl�ner
long-temps pour les peintres fur verre. Ses def-
fins pafs�rent fous Ie nom de Franc-Flore.
Il quicta Franc-Flore pour voyager. 11 vint en
France, o� la reine-m�re 1'employaa faire de»
deffins pour les tapifleiies. Il refta long - temps
a Fontainebleau pour �cudier les antiques ou
tableaux de cett« maifon royale 5 & fans aller plus
loin, il revint dans fa pacrie pour y fixer fon �ta-
blifTement. Il �poufa L�cjnore Carbonnier, fille
du tr�tbrier de la ville de Veren, Sc s'atcacha
d'abord au portraic : ce talent lui donna beau-
coup de r�putation. Sa m�moire �toit fi fidelle ,
qu'il faifoit un portrait apr�s avoir vu une fois
une perfonne. Dans 1'�giife de S. Pierre a Gand,
il avoit repr�fenc�, fur les deux volets d'un au-
tel, la Defcenre du S. Efprit fur les Apotres. On
adraire let draperies Sc la fajou dont il traicoic
-ocr page 170-
154              La Vu des Peintres
-.....fes �toffes. Dans 1'�glife de S. Jean on remarque
1J34- 'e "bleau d'une �pnaphe , repr�fentant la R�-
futre�tion. On voit , fur un des volets, notre
Seigneur avec les Maries ; & fur 1'autre, les Dif-
ciples d'Emma�s. Il a fait beaucoup de tableaux
«Tautels , Sc autres grandes compofitions , quoi-
qu'il perdic beaucoup de temps avec les grands
feigneurs qui Ie recherchoient pour fes talens.
Plufieurs princcs Tont favorif� de leur eftime,
& gratifi� de charges konorables.
Etant en Angleterre , 1'amiral Ie chargea de
lui repr�fenter j dans une galerie } diverfes Na-
tions avec leurs habillemens. Il avoit peint les
Anglois a nud, avec toutes fortes d'�tofFes aupr�s
d'eux, & les cifeaux d'un tailleur , pour mar-
quer, difoit-il 3 qu'il lui feroit impoflible d'ha-
billcr une nati�n qui change tous les jours de
modes j & qui peut-�tre ne feroit plus connue
1'ann�e fuivante. Cette critique plut beaucoup a
la cour.
La peinture ne fut pas Ie feul talent qui Ie
fit eftimer : il �t�it un des plus beaux g�nies
de fon temps , favant chronologifte , &c fort
bon po�te.
Il a laifT� beaucoup d'ouvrages en vers ; en-
tr'autres Ie Jardin de la Po�fie , & plufieurs tra-
ducliions de Marot, Ie Templede Cupidon, Sec.
On a perdu la vie des peintres flamands qu'il
avoit �crite en vers.
Il mourut Ie 19 avril 1584 j ag� de 50 ans.
-ocr page 171-
Flamands , Allemands & Hollandois. 155
DIRCK (THIERRY)
BARENTSEN,
�L�VE DE SON P�RE ET DU TITIEN.
JJarentsin naquit dans la ville d'Amfterdam"
en 1534: il �toit fils d'un peintre appel! � Bar ent
Ie Sourd.
Ce dernier a peinc , daas la maiibn
de ville d'Amiterdam , la S�dition d'une fecte
furieufe j qui ne cherchoic rien moins qu'a
d�tniire , par Ie fer &: Ie feu , cette grande ville
& fes habitans, en 1'ann�e 1535.
Celui donc nous �cnvons la vie , rec;ut de fon
p�re les principes de fon art, & a 1'age de z 1
ans il parcit pour 1'Icalie. Venife fut I'endroit ou
il chercha a fe perfe�tionner. Une figure aima-
ble , & 1'�tude des belles-lettres, ou il avoit
fait de grands progr�s, lui attir�rent Tamiti� du
Tuien , cjlu Ie recue chez hu avec la tendrefle
d'un p�re. Il eut la libert� d'y recevoir & d'jr
traiter fes compatriotes. L'eftime d'un tel ma�tre
lui acquit celle des citoyens diftingu�s Sc des
favans de la rille : il les amufoit par fa con-
verfation fpirituelle. Aux talens de peintre , il
joignoit ceux de muficien. I! jouoit de pluiieun
�nftrumens _; ma�s ces amufemens ne lui firent
jamais n�gliger lapeinture, fon etude favorite.
Il fit connoiflance avec Ie feigneur d'Alde-
guondc
qui, depuis fon retour en Flandres j n'a
jamais cerT� d'�tre fon ami intime.
-ocr page 172-
'I j 6               La Vit des Pcintres
Apr�sfept ann�es de f�jour en Itali�, il re-
tourna dans fa patrie , & �poufa a Amfterdam
une demoifelle alli�e aux ptincipales maifons de
cette ville.
La premi�re chofe qu'il fit en arrivant, fut Ie
porcrait de fa femme & Ie fien, que 1'on a vus
depuis chez fa fille dans la m�me ville. Il corn-
pofoit d'une grande maniere. On a encore de
lui beaucoup de portraits , tous dans Ie gout
du Tuien.
On faifoit grand cas d'un tableau d autel qu il
fit a Amfterdam pour les arquebufiers : il re-
pr�fentoit la Ch�te de Lucifer. Le nud y �toit
corredement rendu, & les paflions & les atti-
tudes violentes de la fureur & du d�fefpoir n'y
�toient pas moins bien exprim�es. Ce tableau
a p�ri dans les guerres de religion : il n'en eft
�chapp� qa'im morceauqu'on voitdans les buttes
d' Amfterdam.
On conferve dans cette ville une Jadith, qu on
regarde comme fon chef- d'oeuvre : la l�g�ret�
de fa touche s'y fait admirer.
Il fit a Leyden , chez le fieur Sybrant Bruys,
me V�nusj a Gouda, une NaiiTance de^notre
'eigneur j compof�e & peinte dans le gout des
grands maitres d'Italie; a Amfterdam 3 chez Ie
fieur Ra^et 3 notre Seigneur en croix, 8c au bas
une Magdelaine.
On voit dans la m�me ville > chez Isbrant
Wilkms,
des portraits & plufieurs tableaux d'lnf-
toire du m�me auteur; dans les buttes d�s arba-
l�triers , une compagnie de plufieurs perfonnes,
■parmilefquclleseftunchaudronnierfiuguh�rement
carad�rif� j un autre tableau dans le Clos da
-ocr page 173-
F Iemands, Allcmanis & Hollandols. IJ7
Mail, repr�fente des gens a table } auxquels on
fert un poiflbn 3 appell� en Hollande Pors.
Dans fes buttes des archers , eft encore un
grand tableau , o� Ie peintre a rafTembl� une
afTez nombreufe compagnie. A la fin de fes jours
il �toir devenu fi gras qu'il ne lui �toit plus pof-
fible de vojrager. Il refta toujours a Amfterdam,
o� il eft mort a 1'age de 58 ans., en
HANS (ou JEAN)
BOL.
L perca la foule des peintres en d�trempe.'
On comptoit alois , dans la ville de Malines ,
pluj de 150 ateliers. Jean 5o/naquit dans cette
ville, d'une fort bonne familie, Ie 16 d�cembre
1 534.Al'agede i4ansilcommen$aaapprendrela
peinture pendant cieux ann�es fbus un maitre m�-
Siocre.il voyageaen Allemagnej il refta apeu pres
!e m�me remps a �tudier a1 Heidelb�rg j &■
rerourna chez lui, o� fans autre maitre il s'ap»
pliqua au point qu'il devint excellent peintre. Il
inventoit �c ccmpofoit des payfages agr�ables j
fa touche & fes couleurs �toient d'une grande
Union: il avoit une manitre particuliere Sc vague
d'�baucher. Van Mander loue beaucoup un de
fes ouvrages en d�trtmpe, qui repr�fentoit la
fable de D�dale & d'Icare ; il n'a rien vu ., dit-
il, de beau: du fein de la mer s'�levoit une
qiontagne efcarp�e , qui portoit fur fon forames
-ocr page 174-
T 51                 La Vu des Peintres
-            un vieux chateau. Ce rocher peint de plufieurs
IJ34. couleurs; �toit d'une grande harmonie j les mouffes
�c les plantes �toient rendues avec Ie plus grand
art; fes fonds fur Ie devant avoient une force fin-
guli�re. Ce payfage �toit orn� de quelques
figures �galement bien taill�es.
Il quitta Malines en 157Z j lorfque cette ville
fut ravag�e par les geais de guerre ; ayant �t� d�-
pouill� de tout ce qu'il avoit, il vint plus que nud
a Anvers, o� il fut tr�s-bien retju par Antoine
Couvreur , qui Ie fit habiller & mettre en �tat de
travailler. Entre plufieurs belles chofes qu'il fit a
Anvers j on cite un livre rare & eftim�, de toutes
fortes d'animaux terreftres 8c aquatiques, peints
a gouai�� , d'apr�s nature.
Il quitta enti�rement fes grandes toiles en d�-
trempe , ayant remarqu� que Ton copioit fes ou-
vrages, & que la copie fe vendoit �galement bien ;
il ne fit plus que de petits tableaux a 1'huile, o�
des figures a goualTe que Ton recherchoit beaa-
coup j & dans ce genre il �toit unique. Il fut obiig�
de quitter cette ville pour Ie m�me fujet qu'il avoit
quitte Malines, & ilalla a Bergopzoom & a Dort,
o� ii refta pres de deux ans \ de-la. il vint a Delft,
Sc enfin a Amfterdam, o� fon talent fut fort re-
cherche & bien pay�. Il peignit d'apr�s nature la
ville d'Amfterdam , du cot� de la terre & du c�t�
de la mer. Les vaifTeaux , leur reflet dans 1'eau,
rout y �toit a admirer. Il fit encore d'autres vues
de villes & de bourgs avec Ie m�me fucc�s : ces
ouvrages 1'enrichirent.
On voyoit de lui > chez Ie fieur Jacques Ra0.000000e+000t,
plufieurs beaux morccaux,& entr'autresunChrift
paflablement grand, richement compof� , o� les
-ocr page 175-
Flamands > Allemands & Hollandois. 159
f�gures, les �toffes j les chevaux & Ie payfage font
d'une grande beaut�, &nec�d�ntenrienaux plus
fr�cieux tableaux de fon temps. Chez l'�le&eur
'alatin , un perit tableau repr�fentant un Hiver.
Cet ouvrage fuffiroit pour montrer Ie m�rite rare
de ion auteur.
On peut juger de la fertilit� de fon g�nie pur
Ie nombre de, fes compofitions qui font grav�es.
Il eft mort a .Amfterdam Ie 20 novembre 1585.
Il avoit �pouf� une veuve, dont il n^eut point
d'enfans. Elle avoit d'un premier manage un fils
nomm� Franco�s Bo�Uj �l�ve de Bol, qui a beau-
coup approch� de fon rha�tre dans Ie m�me gout,
Sc qui ne lui a farv�cu que de peu «Tann�es.
Le meilleur �l�ve de Bol �toit de Conrtrai : il
fe nommoit Jacques Savery ,�ls d'un peinire m�-
diocre. Il avoit une patience extreme a finir fes
ouvrages: fon travail qui neparo�c nullememtpein�
ni fee j �toit cach� avec art. Ilmourutdela pefte
a Amfterdam en 160$. Son fr�re Roelant Sa-
very
fut queique temps a imiter ce genre j mais
il 1'abandonna pour peindrea 1'huile, comme il
fera dit ailieurs.
J E A N
STRADANUS.'
O tiadanus naquit en la ville de Br-ges en
153^ , d'une familie illuftre , fous le nom de
Straet. f es reftes de cette maifon, une des plus
auciennfcj de la piovince , furent �ceints ou dif-
-ocr page 176-
I6o             La Vlc des Peintres
perf�s. On les accufa d'avoir tremp� dans Ie meur-
tre de Charles Ie Bon , treizi�me comte & dix-
neuvi�me foreftier deFlandres, qui futaflal�in�en
ii 27 dans 1'�glife de fainc Donas. Revenons a
notre fujet. Jean de Straet on Stradanus commen-
ca a �tudier fon art dans cette ville , Sc voyagea
fort jeune en Itali�. Il choifit Florence ou il s'�-
tablit j il fit dans cette ville beaucoap de grands
ouvrages a frefque & a. 1'huile, & fut d'un grand
fecours a Vafary, a qui il aida a peindre les fallons
Sc autresapparcemens duduc.Ildevint, apr�stant
d'�tudesjiindes plus grands maures defon temps.
On voit de lui dansT�glife de 1'Annonciation de
cette ville , notre Seigneur en croix j un des
bourreaux lui pr�fente 1'�ponge tremp�e dans Ie
vinaigie. Cette compofition eft belle; elle a �t�
grav�e par Phil�ppe Galle , ainii que la Pallion de
notre Seigneur 3 de deux fanons diff�rentes. Il fit,
comme Hemskerck , les A&es des Ap�tres, Sc on
nombre d'autres hiftoires qui prouv�rent 1'�ten-
due de fon talent. Il compofoit & deffinoitbien,
Sc pofledoit la bonne couleur. Il fut toujours
regarde comme un grand homme & comme un des
pnncipaux membres de 1'acad�miede peinture de
cette ville ; il y vivoit fort fimplement. Il doit
�tre mott vieux, paifque van Mander marque qu'il
feportoic encore fortbienen ^
'4$*
~*?*^
PIERRE
-ocr page 177-
JFlamands, Alkmands & Hollaniois. �Si
PIERRE VLERICK,
ELEVE DE CHARLES D'YPRES,
V lerick naquit dans la ville de Courtrai ed
1539. Son p�re, qui �toit procureur j remarqua 1/39»
une inclination f�nguli�re dans fon fils pour Ie
deffin. Il Ie plac,a chez Wdltm Snellaert, peintre
en d�trempe , o� il ne refta pas iong-temps.
^yant enten du vanier Charles d'Ypres pour 11
corre&ion du delTin & la maniere de pemdre, il
pritdefesle5ons& fe perfeciionna; maiscemaitre
<jui �toit auffi fou que difl�cile, par fes mauvais
trairemens 1'obligea de Ie quitter. Il retourna
chez hu : fon p�re naturellement dur3 lui donna
fieu d'argent j Sc Ie forc,a a chercher fortune ail-*-
eurs. Les grandes dirHcult�s ne peuvent �braniet
un hommebien d�termin�. Vler�ck les franchit
toures. II fut a Malines, o� lespeintres en d�treinpe
1'employ�rent a peindre des cartouches pour des
infrriptions. Il y devint tr�s-habile, mais il fentic
que ce talent �toit trop bom� : il quitta cette
ville pour s'inftruirefous les bons peintres d\An-
vers. Son d�buta 1'hmlefut de copier un tableau
des Ifra�lires adrrant Is Serpent d'airam dans Ie
D�fert. Il y r�uflit au gr� de fon maure. Apr�s
qnelques autres ouvrages , il fat chez Jacaues
F/ore,
frtre de Francois. Mais ayant forme Ie
projet de voyager, il quitta fa patrie j Sc paffe par
la France pour aller en Itali�. Venife lui paruc
propre a fon projet: il entr» chez Ie Tintoret,qal
Tomc I.                                            J-r
-ocr page 178-
��ffl                La Fie des Pclnttei
fut charme de fa maniere de peindre, Sc qui airfta
fon cara�bjre. Il avoit m�me envie de Ie fixer, en
lui faifant �poufer fa fiUe; m.�s, fok que Vlerick
f�t trop attach� a fon pays natal, foit qu'il n'e�c
pointencorefatisfait fon gout fur les curiofit�s qu'il
s'�toit propof� de voir, il prit cong� de ce grand
peimrej & pafla par toutes les villes o� il favoit
qu'd pourroit trouver a s'inftruire, & parvint juf-
qu'a Rome. Rien ne lui �chappa dans cette ville
ni aux environs. Il defllna 1'antique , & toutes
les vues du cours du Tibre, a la plume, avec une
libert� approchant de la maniere d'Henri de Cl�ef.
Ce jugement eftdevanMander, qui avu plufieurs
fois fes defllns. Il fut auffi a Naples, & dedina
les plus belles vues de Puzzoli & fes environs. Il
compofa a Rome quelques tableaux a 1'huile &
end�trempe.Les figures quifont dansles payfages
de Jer�me Mut^iano , & qu'on voyoit a Tivoli
du temps dupontificat dePic//^, font de lui.
En quittant Rome il pafla par t'AUemagne, &
fe fixa enfin dans fa patrie, ou les peintres adm�-
r�rent les progr�s au'il avoit faits d \ns fes voya-
ges. Il peignit en d�trempe Ie Serpent d'airain
fur ane grande toile , les quatre Evang��ftes, «ne
Judith qui coupe la r�ce a Holopherne , un Cru-
cifix o� �toient la Sainte Vierge & Saint Jean. Il
changea la pontion du Chrift , que les peintres de
ce temps avoient jufques-la repr�fent� debout fur
la croix. Il Ie peignit pendant par les bras, fans
aucun appui. Il excelloit dans 1 architedture & la
perfpe&ive^on reconnoit dans tour la maniere du
Tintoret
qu'il n'a pas quitt�e.
11 fut demeurer a Tournai vers 15 (�8 ou 69. Il
eut beaucoup a fouffrir dans cette ville; il 7 �il
-ocr page 179-
Flamands > Allemands & ��ollaniois.
fait prifonnier j & apr�s avoir vu mourir de la -
pefte deux ou rrois de fes filles, il fuccomba tui�
m�me fous cettemaladie en i 581 3 a lage de 44
ans Sc denii.
^2/2 Manier3 qui a �t� fon �l�ve pendant une
ann�e, rapporre que Vkrick avoit autant de mo-
deftie que <le m�rite; qu'il lui difoit fouvent,y?
vous ne faifieipas mieux que mo'i un pur, je voui
confe�lleroisde qultter.
Ileftimoitbeaiicoup/vvzflc-
Flore, 8c tons les peintresd'Icalie. On lui conno�t
un aurre �ltve, LouisH�medeCoumz�, quiimic»
h manierede fonmaitredans 1'archiiedture.
N. FRANS.
X1 rans naquit a Malines en 1555? 011 40. Il
entra fort joune dans 1'ordre des B�collets. Soa
maitredans a peintuie eft inconnui mais fes ouvra-
geslui ontfait beaucoupd'honneur.Frdr/zj peignit
desfujetsdej'�criture.T)ansr�glifedeNotre-])ame
aMalines, en voit de lui une Fuite en Egypte;
& a Notre-Dame d'Hanswyck, pr«s de certe ville,
1'jAnnonciation Sc la Vifitation de la Vierde. Les
figures font de grandeur naturelle. II deflinoit Sc
colorioitbien.il peignoir dans fes fonds Ie payfage
avec beaucoup d'intelligence & de choix. Il avoii
un �lcve nomm� Francois Verbeeck, de Malines ,
qui peignoit a gouaiTe des fujets plaifans , dans
Ie gout de Jer 'me Bos: on en voit dans pluf�eurs
�glifes de la m�me ville. Les ouvrages de Ver»
bceckoxxt
unegrande propret�,fontd'une heureuf»
faciiit�, & pleiiis d'efpritt
L x
-ocr page 180-
xf 4
VINCENT
GELDERSMAN:
�-------vteldersman, natif de Malines, peignoir bi«n
1539. Ie nud, & fur-tout les chairs des femmes, iron
deflin eft corredt} plus de choix embelliroit fes
tableaux. On a de lui l'hiftoire de Suzanne , une
Cl�opatre , une L�da , une Defcente de croix
avec les Maries. Ce dernier tableau eft dans
T�glife de Saint Rombout. Il y a plus d'art
dans ces tableaux que dans ceux qu'il a compof�s
depuis: il a m�rit� T�loge des aniftes de fo»
temps.
ISAAG NICOLAY:.
XL eft �tonnant que la v'ille de Leyd�n n'aic
point tnarqu� Ie jour de la naiflance de Nicolay ,
qui y vint au monde, &c qui fut depuis bourgue-*
meftre de la m�mevi�e. On voit mr Ie role des
p�res du peuple, qu'il fut �lu en 15 j6. C'eft de-
puis & m�me avant cette �poque , que la ville do
Leyden conferve de lui des 'tableaux d'une belle
ordonnance & bien deffin�s pour Ie temps. La
falledutribunal & quantit�d'autresendroitsfont
orn�s de ks ouvrages. Il joignoit a une eftime
particuliere pour les grands peintr§s, un grand
-ocr page 181-
Flamands3 Allcmands & Hollandais. \6\
�amour pour leur talent. Il �leva fes trois nl< dans------------■
Ie m�me art. L'a�n� Jacques - Ifaac Nicolay a 1539.
peint loMg-remps a Naples., o� il �poufaune femme
«ju'il emmena dans la patrie en 1617. Api�s
avoir long-temps travaill� a Leyden j ilfe reurs
a Utrecht 3 o� il mouruten 16) 9. Il y eft enterr�v
Nicolas-lfaac Nicolay, fon fecond fils, fe fixa
a Amfterdam,ou il fit grand nombre d'ouvrages.
Et ledernier, Willem-Ifaac Nicolay, graveur
eftim�, refta a Delft , o� il fat fait chef d'une.
compagnie d'arquebufiers «ie la ville. Il y mouruc
en 1611.
FRAN^OIS
P O R B U S,
�L�VE DE FRANC-FLORE.
^ Porbus n� a Bruges en 54
de fon p�re , Pierre Porbus , & depuis celui de
Franc - Flore, les a furpafles tous deux. Flore
difoit: cc jeune homme fera un jour mon mtitre^
Qnoique fon talent de peindre ie portrait Ie fit
particuli�rement admirer,, il peignoir bien 1'hif-
toire & les animaux.
I/acad�mie d'Anvers 1'admit en 15^4. L'en-
vie de voyager & de chercher d'autres mod�ies
que les peintres de fon pays , Ie difpofa a quittec
u gatriej mais 1'amour renverfa de beaux �rc>~-
i. h
___
-ocr page 182-
Za Vie des Peintres
---------jets. Il changea de deflein pour �poufer la fille
l5YJt de Cornille Fiore, frcre de fon ma�tre.
Ilfe mit apeindre plufieurs tableaus d'autel;
un dans T�glife de S. Jean a Gand , & un autre
porr Ie pr�fident Vigdus, Ce dernier tableau
repi�fentoit un Bapt�me. Sur les volets �toisnt
(>eincs laCirconcifion & d'autresfujets. Il fit pour
e m�me beaucoup de portraits de familie. On a
de lui dins un convent d'Oudenarde, un autel
repr�fentaat 1'Adoration des Mages, &c. Il fit a
Bruges chez fon p�re, Ie Martyre de S. Georges ,
pour ime confi�rie de Dunkerque: on Ie voit
fouffnr Ie martyre; dans Ie milieu, percer Ie Dra-
gon \ dans Ie fond, rcfafer d'adorcr les idoles ;
� Fur les volets, il eft peint en dehors en camayeu,
lorfqu'il paro�t devant les juges. On remarque
dans ce tableau Pexcellence du pinceau & une
couleur vraie. Le payfage eft d'une belle touche.
On voit aujourdnui dans la m�me chapelle ce
tableau , un peu endommag� par un Anglois
<]ui 1'a voulu nettoyer.
Onaencorede ce peintre un Paradis terreftre;
f'ar eet ouvrage on juge qu'il excelloit a peindre
es animaux & le payfage: fa touche eft belle 8c
d�cid�e: on reconnoit le pommier, le poirier ,
le noyer , &c. par le feuillage.
La force Sc r harmonie de fa couleur, la touche
de fon pinceau, 1'ont �iit admirer dansleportrait.
Tont ce qu'il a fait eft d'une grande v�nt� j il
ne lui manquoit que le f�jour de Romej pour
le perfedionner dans le gout du deflin.
La ville d'Anvers 1'avoit nomm� enfeigne
dans' fa milice bourgeoife ; ce qui fut caufe de fa
mort. S'�unt for: �chaufT�a jouer du drapeauj
-ocr page 183-
Flamands, Atlemands & Hollandois. i6y
2 filt fe repofer au corps-de-garde , pres duquel �'�-�
on venoicde vuider un�gout. Il fetrouva incom- i j40.,
mode, tomba malade., & mourui tr�s-prompte-
ment, ag� de quarante arr�, en 1 jSo.II laiflaun fi!s
nomm� comme lui j fa veuve., en fecondes noces >
�poufa depuis Hans ou Jean Jordaens, �l�ve de
Martin Cle'ef. Ce Jordaens.dela ville dJ Anvers, fut
un des bons peintres de ion temps: Hiftoire ,
Payfage , Corps-de-garde , F�tes de Villages K
P�cheurs, Incendies, Clairs de Lune , tous les
genres lui �toient �gaux. Il fut recu en 1'acad�mie
d'Anvers en i579.IldemeuraaDelfte»Hollande..
On ne fait pas 1'ann�e de fa moru
CHRISTOPHE
S W A R T S.
L
A ville de Munich fe vante de lui avoit
donn� la nailFance. Il a d�cor� de fes tableaux
les �glifes & les autres �difices publics. Celie des
J�fuices pofs�de fes principaux ouvrages. Il fut
peintre de l'�le�teur de Bavi�re. Sa compofition
eft grande & facile, & fa couleur fon bonne.
On voit beaucoup de fes produftions grav�es
par Jean Sadler, entr'autres one Pafl�on ®u.
notre Seigneur eft prefque roujours par terre.
Sa fa$on de compofer, quoique nouvelle, n'eft
pointd�fagr�able.Go/qiw�tiin�aMunich en rj^i,.
fit fon portrait en crayon. On voita Paris dans le;
cabinet de M. Ie comte <3e Vence , une t�tfc
Swarts, II mouruten 155)4.
-ocr page 184-
i6S               La Vit des Vantres
PIERRE BALTEN.1
---------Dalten �coi't peintre de payfage : fa mani�ra
i CA.Q approchoit aflez de celle de Pierre Breughel. Il tou-
cnoit avec beaucoup de gouc les petites hgures ,
les foires ou kermefTes flimandes qui font
recl^erch�es. II peignoir trts-bien a gouafle, &
dans 1'une & 1'autre maniere on admire fa grande
facilit�. H avoit aulli un talent lingulier pouc
deifiner a la plume. Il fit pour 1'Empereur un pay-
fage avec un grand nombre de figures; Ie fujec
�coit la Pr�dicacion de Saint-Jean dans Ie D�fert»
L'empereur ht peindre depuis un El�phant au-
lieu du Saint-Tean ,de forte qu'il paro�t que touc
ce peuple efta admirer 1'animal. Ce changement
a �t� iufqu'd ce jour une �nigme.
Il fut admis a 1'acad�mie d'Anvers en 1579.
Bon po�te & bon afteur, il �toit en correfpon-
dance avec Corridle Ketel, peintre & po�te a
Gouda. Il mourut a Anvers,
-ocr page 185-
Flamands, Allcmands & Ilollandois. 169
G O R N I L L E
MOLEN AE R,
OU
CORNILLE LE LOUCHE 7
�LEVE DE SON PERE.
E nom de Ncel Ie Louche lui fut donn� a caufe
defond�faut naturel. El�ve de fon p�re & de
fon beau-p�re, �galement m�diocres en peinture,
il devint un grand payfagifte. Sa d�bauche 1'ayant
mis fort mal a fon aife, il fut oblig� de faire , a
)o foux par jour, les fonds des ubleauxdes autres
peintres. Il avoit une fi grande pratique, qu'il
peignoit un grand payfage dans un jour. Il ntf
ie fervoit point d'appui-main. Les peincres d'An-
vers fe fontprefque tous fervide lui pour peindre
les fonds de leurs tableaux: il en faifoit pour 6
ou 7 fous- Ses ouvrages font d'une vraie beaut� ,
& eftim�s fur-tout des artiftes. Il eftmortaAn-
vers , lieu de fa naifTance.
ARNOLT MYTENS.
IVLytens naquit dans la v�le de Bruxelles : il ■
porta famour de la peinture jufqu'au trava� Ie IHl-
plus rebutant. Non content de peindre Sc de
-ocr page 186-
17©                 La Vit des Peintret
� deflmer des objets ordinaires, il d�tacha furti-
IJ41. vement plus d'une fois des corps de pendus ,
pour en mouler les plus belles parnes. H quitta
de bonne-heure fon pays pour voyager en Itali�,
o� il s'arr�ta quelque temps chez Antoine de
Santwoort:
il ne peignoir alors que des Vierges
* fur cjivre, & en petit. Ses premiers ouvrages
Ie firenr connoitre. Jean Sp�ekaert �toit fon ami
& fon compagnon d'�tude a Rome. Notre
arnfte fut travailler enfuite a Naples, chez un
Flamand appel� Cornille Pyp. Il fe maria dans
cette ville, o� il a demeuic long-temps occup�
a faire des tableaux d'autels. Il ht aulTi grand
nombre de portraits, & il envoya daas les pays
�trangers plufieurs de fes ouvrages.
Sa femme mourut dans Ie temps qn'il �toit en
r�putation; ce qui Ie d�termina a voyager quel-
3ue temps en Flaudres. Il retourna a Naples -y
y
fit, pour une �glife proche de cette ville,
un tr�s-beau tableau repr�fentant uno Aftomp-
tion, avec plufieurs figures d'Ap�tres & d'Anges
plus grands que nature.
Il peignit dans Naples les quatre Evang�liftes \
un tableau d'aurel pour 1'�glife de S. Louis, 5c
un autre qui«repr�fentoit Notre-Dame de Bon-
Secours; la Vierge a fous fes pieds Ie Demon
qu'e'le �crafe avec une miflTue. Ce tableau effc
d'une grande beaut� j & eftim� m�vne par les
Italiens.
Apr�s avoir fini ces ouvrages; il fe retira avec
fes enfans dansl'Abbruze, & il emporta avec lui
un grand tableau fur toile qu'il avoit commenc�:
il repr�fentoit notre Seigneur couronn� par les
Juifs i la !:,'?ur des flambeaux : les lumi�res
-ocr page 187-
Flamands 3 Alkmands & Uo�andois. 17 �
fontbien rtpandues,& les tons de couleur chauds,
On voit aufll du mtme peintre, dans j^quila, un
grand tableau fur roile , qui remplit tout Ie fond
d'une�glife jufqu'a la voute; c'eft un L.hrift avec
de grandes figures. Ce tableau furprend les artif-
tes \ la toile en ayant �t� maw ffle'e, Ie peintre
avoit �t� oblig�, pour Ie peindre , de fe tenir
fur une �chelle: ( p�nible travail qnand il eft
long. )
Ayant �t� demand� pour faire des ouvrages
dans 1'�glife de S. Pierre de Rome , il y fut avec
fa familie, emportanr toujours (on couronnement
de Jcfus-Chrift, que 1'on a vu depuis a Amfter-
dam chez Bernard de Somer fon gendre.
Arriv� a Rome, il y maria fa fille ain�e a
Bernard de Somer, Sc mourut peu de temps apr�s
dans cette ville en 1601.
�Les Iraliens ont fait 1'�loge d» ce peintre , Sc
ils voient tonjours fes^ ouvrages avec la rn�me
admiration.
PIERRE
P I E T' E R S ,
�LEVE'�E SON PERE.
X ierre Pieters , �l�ve de fon p�re Pierre Acrt-
fen
j imita fa maniere. Jl quitta depuis fon
genre pour prendre celuTdu porrrait. Il avoit
repr�fent�, pour les boulangers d'Harlem , uu
Four ardent j qui fit regretter aux artiftes fa pre--,
-ocr page 188-
17*               la Vu des Pantres
mi�re maniere. Il mouruta Amfterdam en 16051
GILLES
DE COONINXLOO,
ELEVE DE LEONARD KROES.
Ajooninxloo naqu�t dans la villed\AnversIe 24
IJ44. janvier 1544. S�n p�re Ie placa d'abord chez
Ie hls du vieux Pierre van Aelfi. Apr�s quelques
ann�es d etudes chez ce premier ma�tre, il fut
chez L�onard Kroes , qui peignoit en d�trempe
lhiftoire & Jepayfage, & enfuite il fe mi: quel-
que temps en penfion chez Gilles Mqftaert.
^
II voyagea fong-temps en France , Sc travailla
3. Pari; & a Oil�aiii. A la veille de partir pour
Rome_, on l'obligea de reto.irner a A'uvers pour
fe marier. Il travailla dans cette ville, malgr�
les troubks du pays , qu'il ne quitta que lorfque
la ville fut afli�g�e. Son intention �toic de retour-
uer en France , foit pc:r y demeurer ou vendre
dubien^u'il y avoitacquisjmais ilfutenZ�lande,
& de-la il s'�tablit a Frankendal en Allemagne ,
ou il refta pres de dix ans , & revint a Anvers
avec toute fa familie. Sa r�putation augmenta
de jour en jour. Il Jk un grand tableau pour
le roi d'Efpagne; uff payfage de feize pieds de
longueur pour une maifon 'pres d'Adivers : ce
dtr�ier tableau paffe entre les mains de Jacquos
-ocr page 189-
Flamands, Ailemands & Hollaniols. 17$
Roleants, avocat. II compofa encore plufieurs
tableaus pour 1'empereur. Ses ouvrages furenc
difperf�s par-tout; les rmrchauds �trangers ne
Jur laifs�renr prefcjue pas Ie temps de fatisfaire
* remprei�ement des curieux de fa patrie. Oa
voyoit a Amfterdam, thez MM. Abraham Demares
& Jean Ycket, des payfages fort beaux , avec
des figurei de Martin van Cl�ef. Ces payfages
font d'une couleur agr�abie , & d'une touche
J�g�re ; fes fonds toujours vari�s montrent la
f�condit� de fon g�nie. A Nacrden , chez Ie
iieur Claet^ , on voyoit un grand payfage , avec
des fignres & des animaux par de Cl�ef; un
autre a Middelbourg^ fur bois, chez Ie fleur Mel-
chior Wyntgis , en grand fur toile; & deux en
forme ronde a Amfterdam , chez Herman P�lerim
Sc
Henri van Os. Il y en a encore pkifieurs antres
dans dirT�rens cabmets. Cooninxloo , Ie plus
grand payfagifte de fon temps 5 fut imire par les
meilleurs artiftes. Il vivoit a Anvcrs en 1604.
On n'a pufavoir Ie temps de fa mort.
HIERONIMUS fJEROSME),
FRANgOIS E t AMBROISE
F R A N C K ,
�LEVES DE FRANC-FLORE.
V_jes trois fr�res, n�s a Herentals, �toienr Bis
de Nicolas Franck, que 1'on croit avoir �t�
peintre. J�r�mt y Francois 3c Ambroife apprirenr
-ocr page 190-
L& Vlt des Peintres
.....la peinturc chez Franc - Fiore. J�rome Tranck
quitta fon ma�tre & voyagea en France. Deja
connu comme bon peintie d'hiftoire &: de por-
trait, il fut employ� a Paris. Ses ouvrages furenc
eftim�s au point quHenri ///Ie choifit pour fon
peintrede portraits. A pres la mort de Franc- f-loret
les �l�ves de ce ma�tre quitt�rent leur patrie pour
�tudier fous J�rome Franck. Tant d'avantages ne
purent Ie fixer^ il remercia Ie roi, quitta Paris 3
& paffa quelque temps en Itali�: enfin il rerourna
a Anvers, o� il mourut dans un age tr�s-avanc� ,
apr�s avoir beaucoup travaill�.
La maniere de J�rome tenoit a(Tez de celle de
fon maitre j fon voyaged'Italie Ie charigea peu :
on appercoit, dans fes grands tableaux , plus
d'ordre dans la difpofr.ion de fes grouppes , &
plus «d'intelligence que dans fes petits tableaux
qu'il compofoit d'apr�s 1'�criture - fainte , ou
1'hiftoire rovname. On diftingae celui qui eft au
retable d'autel de la chapelle des Fendcurs de
�bois, dans 1'�glife de Notre-Dame a Anvers. Le
fujet eft S. Gomer, qui rejoint enfemble les
deux parties d'un arbre fendu en deux. Ce
tableau eft date de Tann�e 1607 , & marqu�
HF. F. &inv.
Le tableau du grand autel des Cord?!i?r<; d
Paris, repr�fentant la Nativit� , eft de J�rome
Franck,
& fut fait en 1585.
-ocr page 191-
Flamands, Alltmands & Ilollandois. 17JI
f r a n g o 1 s
FRANCK,
APPELL�LE VIEUX.
X* RANCois Franck fit dans fa jeunefTe plufieurs ' *"
rableaux qui lui ont m�rit� de la r�putation. On * 544*
fait peu de chofe de fa vie. On ne doute pas que
Francois Franck , appell� Ie jeune , ne foit fon
fils, mais on foupconne que S�bajlien Franck
1'eft auffi.
Francois Franck fut admis parmi les peintres
d'Anvers en 15^1 , 8c mourut dans Ja m�me
ville Ie 3 odtobre 1666. Plufieurs ouvrages de
Franck Ie vieux fe confervent en Flandres, Sc
principaJement fon chef-d'oeuvre dans 1'�glife de
Notre-Dame a Anvers: il repr�fente notre Sei-
gneur au milieu des do&eurs. Ce tableau, &
les volets qui Ie renferment, font fut 1'autel des
maltres d'�cole de la m�me ville.
-ocr page 192-
La Vu des Peintr�s
A M B R O I S E
F R A N C K ,
Li PI.US JEUNE DES TROIS                  ,
FILS DE. NICOLAS'
ET �LEVEDEFLORE.
Ambroise Franck furpaffa fes trois fr�res dans
la peinture. L'�v�que de Tournai, chez qui il
demeura plufieurs ann�es, employa long - temps
ion pinceau. Sonprincipal talent �toit de peindre
1'hiftoire. Plufieurs grands ouvrages d'Ambroife
nous font regretrer de favoir fi peu de chofe d«
fa vie. Deux tableaux fuffiiont a conft'ter fon
m�rite j on les voit dans 1'�glife de Notre-Dame
d'Anvers. Le premier repr�fente Ie Martyre de
S. Crefpin & de S. Ctefpinien, dans la chapelle
des cordonniers.
L'autre eft un des volets qui renferment Ie
tableau o� S. Luc fait le portrait de la Vierge ,
ouvrage deMartinde Vos. L'autte volet eft peint
par Ottavcnius.
JOSEPH
-ocr page 193-
Flamands j Alkmands & Ho�andoisi, tjf
} O S E P H
VAN WINGHJEN.
Van WiNGHfeN jiiatif de la ville deBruxelles,----------
en 1544, quitta fort jeune fa patrie pourvoya- Ji44;
ger. Arriv� a Rome , il s'attacha a un cardi-
nal,chez qui il refta quatr� ans a fe former Ie
goikd'apr�s les beauc�sconferv�esdatis cerre ville.
Au bout de c� temps > il retoutnaa Bruxelles,
ou fes grands talens furent connus. Il en tra au
fervice du prince de Parme en qualit� de fon
premier peintre. Parmi fes prmcipauxouvrages ,
bn remarqiie un tableau pour 1'autel de S. Goelen,
Sc felon d'autres, pour les fr�res de la Chant�.
Ce tableau repr�sente Ia C�ne. L'architedure
du fond eft de Paul de Fries : van Mander en
fait un grand �log�.
Ce peintre aimoit a voyager. Il quitta Ie printe
de Parme , qui donna fa place a Ottovenius.
Wingken
fut s'�r.iblir Francf�rt envirpn 1'an
1584. Il fit dans cette ville un tableau, ou ��gne
amant d'invention que d'art. Il irepr�fente 1'Allc-
magne erfray�e, fous la forme d'une femme hue
encliam�e a un r�cher; tu-deiTus d'elle vole Ie
Temps, qui vient la fayver & la d�livrei' de fes
chaines. �n voit a cot� la Tyranhie f�ns Ia forme
d'un honime de guerfe arm�, qui foule aux
pieds la Religion avec fes attributs. C'eft une
allufion aux malheurs du pays ^ ou la religioa
M
,
-ocr page 194-
78               La Vit Jes Pemtret
'-------~& les loix furent outtag�es par les tyrans. Le?
Ji44' crrands �vcnemens d'un fi�cle devroient ctre ainfi
conferv�s a la poft�i-it� pa� la peinuire^ cc icroienc
autant de mouurneus pour fkittoire & pout la
Voki encore les fiijets de pl�fieurs de fes ta-
"blenux : Apeiles, qi.u en peiguaut Gampafpe en
dtvienc aiuuureux \ ce mocceau eft dans Ie tabinet
de 1'Empereur. Ie tableau de Samfon, pris par
Jes Philisftins dar* les bras de DaUia, chec 1'�lec-
teur Palaun.
A FtancforE, cliez nn m�decin, 1'on voyoic
«ne Andromcde, & quelqiies ponraits du m�me-.
Cornille vander Voort av�it de Itu a Amftcrdam,
wne Juftice qui prot�g� l'innocence opptim�e.
On a beauco�p grav� d'apr�s fes campofitions.
Quelques-nnes onc �t� exccut�esen capifleries.
Il eft mort a. Francfort en 1605, ag� de foi-
xante-un ar.s. Ses ouvrages .connus font en petit
notnbre j quoiqu'il ait v�cu afiez long-teiv.ps \
mais ii y en a beanconp de perdus.
On fait q'i'il eut ponr �lcve, fon fils J�rcmic
Wmghen.
A l';v.7e de dix-haii ans,-en 1604, il
�toit d�ja bon colorrfte, & il ent depuis pouc
maiire Francais Badens , a Amftcrdam,
- ■
-ocr page 195-
Tlamands > All�mands & Eo�andois. 79
HANS ( J E A N )
SNELLINCK.
Van Manber parle de ce peintre dans Ia----�-
vie d'Otto-Fen�us, On vo�t ( dic-il ) h Anvcrs j UiU
les ouvrages d'un excellent peintre de Malines,
otednaquiten i^Saellmck
pcigr.ok ti�s-bien
rhiftoire & les batailles : il fut fouveM emoloy�
dans ce dernier genre par des princes. Ila'peint
plufieurs batailles des Pays-Bzs On obferve qu'il
avoit un talent particulier pour imirer la fumce
�de la poudrej il favoit r�pandre un brou�lard
l�ger parmi les combattans. Cette ma^ie de la
vapeur a�rienne a rendu fes tableaux tr�i-harmo-
ineux. Fan Dyck,cLm eitimoit ce peintie, afait
fon portrait pour Ie placer parmi ceux du pre-
jnier ordre j ce tableau orne T�pitaphe du peintre
«Ie batailles, qui fe voit dans reglifc paroiffiale
�e Saint-Jacques a Anvers, fur laquelle on lit �
Ci-g�t Ie c�lcbre Jcon Sndl�nch , peintre de'
�'archiduc Alben & JfabeHe, & de ion exrel-
�ence lecomte de M-enfvelt, &c. mort Ie pre-
mier odobre M�38 3 ag�de 94ans-, 8c PauOne
Cuypers
fa femme, morte Ie 6 odobre 163S
amh que leur fils Andr� Sndlinck, mort Ie 10
feptembre 1653.
___ ___              _. . _ ___ __ ___:__
-ocr page 196-
la Vii des P�ntrei
JEAN DE HOEY.
Jean dr Hoey, n�a Leyden en 1545, quitta
& patrie, & felon Flortnt Ie Comte, dans la
deux�bnepartiedefon Caiinet d'Architecture,&c.
il
vinc en Francej & s'atcaclu au fervice d'Heari
IV',
qui lui donna 1'inlpeftion des tableaux de
la comonne j '&c Thonora de la charge de valec
de chambre ordinaire. 11 mottrut combl� d'hoa-
nems dans fa foixantc-dixi�me ann�e , en 1615.
G E O R G E S
HOEFNAEGHEL.
� il oEFNAEGHtL naquit dans la ville d'An vers
en 1546 , d'un marchand de diamans .> puiflam-
menc riche, qni deftmoit fon fils a ce corametce.
Il s'y pr�ta qiielque temps avec r�pngnance,
& il ne trouva Ie moyen de fe d�dommager
de 1'ennui qu'illui caufoit, qu'en deffinant. Dant
les �coles ou en fe promenant -3 au d�faut de papier,
il tra^oit furie fAble : tan: il eft vrai que Ie g�nie
1 emporte toujours, &c ttiomphe de tous les obf-
tacles. Son p�re chercha i Ie d�tourrier de cette
�nclioation , ■& lui -d�fcndit Ie deffin; mais certe
d�fcnfe augmenta en lui Ie defir d'appr«nd�e. Il
fe voyoit pourjamais�loign�de eet art qui faifoit
fes plus grands plaifirs, lorfque par hafard une
main qu'il avoit deffia�e fur une planche,d'apr�s
-ocr page 197-
Flam.it.nis > Allemmnds & Hollandols. 181
la Ctenne, fut vue par un ambafladeur de Savoye,.-
qui regarda la violente qu'on �ufoit au jeune
peintre, comme une violente qu'on faifoit a Li
nature. Il en fit ces reproches. aup�re^q^i permic
a fon f�!s de defliner dans, fes heures pc-rdues:. il
s'apphqua auili aux belles-lettres, & devini un des
favans & des plus. grands potites de ion tenips»
II commenca tort jeune a voya^et; il defljna
les vues., les villes, les fortincations, les rubil-
lemens des peuples qu'il reucontta �ir �x route,
Sc il en fit un volume qu'il donna au public.
Toutes ces planches font dans un gahtputorefque.
Etant en Efpagne , un peintre Hamand lui
donna 1'ki�e de penidre d gouafjc/y ce fat pai: ce.
genre de peintnre quil comme.nca. 11 con�nua
d'imiterd'apr�s nature,desanim.mx , des p'anres
&c des arbres. De retour en Flandres, il pric des
le^ons de Jeaa Bol pour fe perfeiflionner : alorjs
il �gala les pl'-'.s grands pelnt.res. cq cc, genre*
A 1'art agc�able de ia pejnturs, il joignit Ie
commerce utile des diamans. Il Ie fi: avec fon,
p�re, ma�s une Je.ule nuk les mina- On fe fpu-r.
viendra touj.outs dans Anvers de la fusie des
Efpagnols 5 les tr�-foi's de notre pciatr� ck de iba
fl�re �toient cach�s danj terre, & torent trouv�s:
es foldats vicioneux oblig^vient; la femme & la,
fervante d'IIeejnaegheld&lss.leii� ■d�couvriri
Ce fut; alors que r.pire- peintiie. recaunuE que
les talens font des FeiTc)iirces plus afliir�es que les,
ricIxeiTes. Il pstit avec Ortelius. pous; Ye,nife. lis
furent bien cecus a, Ausbounj ches fes medleurs.
Fo:tckers%,. qui ie.u� doiiu�.rent fte$, fet�es pour
i'�lecteur de B.ivF�re. Capdoce leur montra toutes..
fes, quxioik�.s.de fa cour» efp�rant bien que, !e
-ocr page 198-
� 8 2                JLa Vu des Pelntrts
■peintrc auroit de quoi le payer de fa complal-
fance. Il ne fut pas tromp� : Hoefnaeghel lui fit
voir fon portrait & celui de fa premi�re femme >
avec quelques animaux & des arbres peints fut
difF�rens morceaux de v�lin,
L'�ie�ceur les admira,& envoya le lendemam
demander a les acheter. Notre pemtre n'avoic
point encore �t� dans le cas d'appr�cier fes ou-
vrages: il �toit accoutum� a les donner. Sa d�li-
catefle fut blam�e par fen ami qm demanda cent
�cus d'or, qu'il rec_ut dans l'inftaat. L'�leCteuf
folhcin notre ptintre de refter penfionnaire a. fa
cour. Il 1'accepta» a condition. que ce ne feroit
tju'apr�s avoirvoyag�. Lepnnce envoya ala femme
du peinrre deux cents �cus d'or, pour venir demeu-
rer a Munich, en attendant !e retour de fon mari..
Hoefnaeghel �cant arriv� a Venife, & ne croyant
pas *ue fes talens pulfent fuflire a fa fubfiftance,,
prit le p.irti de fe faire courtier ; mais le cardi-
nal Farnefe, inftruit par Ortdius des talens fup�-
nenrs de fon ami, dernanda a voir quelqu'un de
fes ouvrages. Il fut furpiis de leur beaut�, Sc
lui offnt mille florms par an pout fe 1'attacher,,
cequ'il refufa; il avoir donn� fa parole a 1'�lec-
feur de Bavi�re. I! quitta Rome & Venife, fort
regretc� , & fut rejoindre fa femme a Munich >
o� 1'�ledfceur , outre fa penfion , lui faifoit pr�fent
tous les ans de velours & d'�tofFes pour fes habil-
lemens.
Les plus grands princes eurent la gloire de le
prot�ger. Ferdlnard, duc d'lnfpruck, 1'engagea.
dans fa cour avec 1'agr�ment de l'�kcleiir de-
Bavicre , pendant buit ans , a huit cents florinv
de peiiilon. 11 employa C� temps a. orner un rnill'el
-ocr page 199-
Flamands TAlkmands & Hollando�s. 183
de lettres grifes & de vignettes qui avoient rap- "
port au fbjet: fi eet ouvrage furprend par fon 1
�tendue & fon pr�cieux fini., il fait houneur i
1'imagmation d� pemtre. Ce duchu donna > oucre
fa penfion , deux mille conronnes d'or, �c unc
ehame du m�me m�tal, qui en vr.lc.u cent.
11 fit pour i'enipereur Rodolphe qnatte livres
aanimanx. Cetoiwr.ige lui valut mille �cus d'or
avec une penfion anniiellccie ce prince, qui Ie
pric a fon ferviee. Il ajouta dans Ie m�me temps
un cinquitme livre a fes qnatre premiers. Tant
d'ouvrages Ini flequirent de grands biens & une
plus grande r�putanon.
On voii: peu d'ouvrages de ce printte chez les
particu�ers. Amftesdam confervoit dans Ie cabi-
ner du fleur Jacques Ra^ct un'feul mor-ceau de lui.
Comme ee peintre fags & phiibfophe aimoic
Ierepos»ilqaiTta ia cour pour demeurer a Viennej.
il confacroit k joue i fon art, & la nuit a la pe�fie
I.itine. Cette langue lui �toit .iuiii famili�re que
Ia fienn-e propre. Il eft mort en 1600 , ag� de 5 5
ans , comL"H d'lronneurs & c!e richeffes qu'it
avoit m�rite?, par fes talons Sc par fes vernis ,
�l laifla un f lis <jUi, eonime foap�re,, fut un boa
peintre.
. jj^fc^ ^. ~..
-ocr page 200-
B A R T H O L O M �
S PR A N G E R,
�L�VE DE JEAN MADYN.
~-------uprahger eft uil de ces hommes races que,
s . g la nature fe plak a former. Elev� au milieu des
nche/Tes de 1'antique , il n'a jamais voulu fnivre,
les anciens j ni les copiet; & c© qu'il y a d'admi-
rable, c'eft qu'il a r�uffi fans leur fecours: exem-
ple dangereux pouj ceux qui n'auioienc pas fon,
geme.
il uaquit daas la ville d'Anvers, Ie 1,1. maft
-ocr page 201-
la Vit des Pdntres Flamands, &c. 19 J
5, d'une familie diihngu�e danslecommerce.
Son p�re , appell� Jpachim Spranger, & fa m�re
«^/7«<r Roelantjirmc, s'appercurent de bonne heure
que l'inclinanon de leur troifi�me fils ne penchoic
point vers leur profeflion. Le p�re trouvoit fes
livres de comptes remplis de figures de caprice j
il 1'en blama fouventj ma�s voyant fa vocation
U�cid�e pourla peintare, il le plac,a cliez fon amt
Jean Mddyn, peintre d'Harlem. Si ce p�re ent
contraint ies inchnations de fon fils,, ir en auroit
fait peut-�fre un m�diocren�gociant, & ilfuc au
bon peinrre. Madyn peignoit dans le goot de Cor-
tl�IU Bos. Spranger
ne refra que 18 mois a. cette
�cole:Madynmoazut.il eucenpeude tempsdeux
autres mairres, Francais Moflacn & Cornille van
Dalem
, chez lequef il avanc.a peu j c'�toit un,
genrilhomme riche, qui ne peignoit que pour f�n
plaiiifj & qui ne s'occupoit gu�res a inftruire cec
cl�ve pendant quatre a'ns qu'il pafla chez lui.
Spranger , plus attach� a lire les niitoriens & les
po�'tes, quJa exercer le talent pour lequel il �toic
�i� , s'�tant apper^u que van Dalem, quoique bon
payfagijle, �toic obhg� d'avotr recours a Moftat,rty
�u Beukclaer, pour orner fes payfages de figures,
pric la r�fbluti�n d'apprendie a les. deltiner l.ui-
m�me.
Jaaques Wickran , aHemand , f�n amj & �l�ve
de Boxberger, confirma Spranger dans cette idee \
jnais le temps qu'il devoit donner ace pcintre;
�tant fini, ilemmena fon carnaradea Paris en
i$6}. Spranger s'y pl-aca chez Mare, peincre
de la reine-m�re , anez-efti'm� , quoiqu'il ne tra*
raillat qu'en d�trempe. Quand on eft n� pour
er, ©ofelalTe eieai^ d'uae Xil ii
-ocr page 202-
J $<>                 La Vu des Peintres
---------tion. Spranger, ennuy� de copier les portraits.
,i;4<3. d'apr�sfon nouveau maitrejs'en d�dornmageoic
par des deflins de fon imagination : il en remplic
, qq
grande. Mare,fmgtt�, ou peut-�trc jaionxd'un tel
�l�ve, lui confeilla d'entrcr chezun peintre d'h:f-
toire. Ce peintre encove plus m�diocre que Ie pre-
cedent, achevadcd�go�ter^ran^cTde laFrancej.
ri d'
t
il fut a Lyon, o� malgr� la quanrit� d'ouv rages
qu'on lui propofa, il refta peu. Son g�nie 1'appel-
loit en Itali� ; il fut a Milan; mais la fortune ne
paye pas toujours Ie talent a pointnomm�. Spranger
ne fachant ni la langue do pays, ni peinclre autre-
ment qu'a 1'huile » fe trouva fans ref�ource au
milieu d'im hyver fort rude j 1! quittn Milan fans
Ie regretter, & s'engagea a Panne, chcz Bcrnard
Suwary,
�l�ve du Corr�gc.Une difpace fort vive
qu'il ent avec Ie fils de �aimifon, Tobligea a la
quitter au bout de trois mois. Il regagna arec
beaucoup de peine fa denieure, accabl� par la,
maladie -y il fe gu�nr Sc lutta centre la mis�re, en
travaillant quelquetemps chezun peintre m�dio-
cre, a faire des arcs de aiomphe pour 1'entr�e
de la princei�ede Portugal. Il partit pour Rome �
eu il s'attacha bientota Michel Joncquier, peintre-
de Tournai, malgr� Ie parn avantageux que lui
offroit 1''archevcque de Maxirr.i.PluGeu�s payfages,
un entr'autres o� 1'on vovoit une aflembl�e de
Magiciennes au milieu des raines d'un cnlif�e,
Ie firent connoitre. Le cardinal Far/j�/� 1'engagea;
a paffer trois ans dans fon hotel. II fit pour ce
protecteur de tres - beaux payfages. a frefque >.
dans fa maifon de campagne de Caprarole. Le
cardinal , le pr�fenta. au pape Pk F , cjui lie.-
-ocr page 203-
Ftamands, Alkmanis & Bollcndois. 187
nomma fon peintre , & Ie logea au Belv�d�re.
Ilypeignit un Jugementdernierfurune plaque de
cuivre delix piecis de ham. Ce tableau, ouTo�
compte cinq cents t�tesj & dom 1'ex�cucioii eft
immenfe, ne co�ta au pemtre cue quatorze mois
de travail; on ie voit enccre au mcnaft�re au
Bois, entre Pavie & A lexandrie, & il feit d'crne-
tneiit au tombeau de Pie V. Vcfar� avcit voulu
mdifpofer fa faintet� cuntre Ie jeune peintre,
en difant qu'il �toit parefTeux. Sprarger ne fe
vengea de cette calorinie , c]uJen faifant �clater
fon amour peur Ie travail: il fit en pcu de jours,
fur un niorceau de cuivre c!e la grandeur d'une
feuille de papier, un tableau de NotFe Seigneur
clans lejai'din desOhviers 'y il leprefenta lui-m�me
au pape, qui en fut h faiisfait, qu'il lui ordonna
de tiaiter cous les fi:jets c!e la Pafiion} ma�s Ie
pnpe lui en demanda les deffins avant, ponr en
voir Ferlet. Il jetca Spranger dans un grand em-
barras, il n'�toit acroutum� qu'a croquerfee idees
au charbon & a la craiej il fe trouva forc� de
defliner a la plume fur du papier bleu, avec un
lavis rehaulTe de blanc. Il vamqiut ces difficult�s,
& fit douze morceaux qui furent bien reens \ Ie
dernier, qui �toit la Pi�furrecHon de Notre Sei-
gneur, n'�toit pasachev�quand Ie pape mourut.
La plus grande partie de ces deffins font dans
la collecTtion de 1'Empereur j van Mander qui les
a vus, en dit beaucoup de bien.
La mort de fa faintet� emp�cha 1'ex�cutioa
des projets de Spranger: fon po�t naturel a pcindre
r 1 r ' mi -i                            i" ir j
en grand ie reveilla: 11 come�en^a pnr I egiiie de
Saint Louis a Rome, o� il peignit a 1'lmile fur les
murs > ua Saint Autoiue, un Saint Jean-Baptifte,
-ocr page 204-
la Vu des Pc�ntres
une Sainte Elifabeth ; on voit dans Ie ham Ia
\ierge emouree d'anges.
Il � peignic encore a 1'hui'e Air toilej pour Ie
grand amel de I'�glife de b. Jean-Porte-Latine %
ie Martyre de ce iaint.
Il fit dans lc m�me temps un tableau d'autel
pour une petite egliie proche la fontainc de 1 r�ves.
Ce tableau qui repr�fentou les Couches de Sainte
Arme , �toit finguli�rement compof�j tl a depuis
�t� gat�, les figures en font a peu pres de grandeur
naturelle. Ce font la les grands ouvjcages qu'il fit
a Rome, mais Ie nambre des petics eft confid�-
rable. Apr�s avoir �t� au fervice du pip e pendant
vingt-deux mois, il fe livra au plaihr avec un
tiche n�gociant des Pays-Bas, cliez lequel il
demeuroit a Rome ^ il ne travailloit qu'autanjt
3ue Ie befoin Ie preflbit. S'il e�t �tudi� les beaut�s
e cette capitale des arts 3 on auroic trouv� dans
fes ouvrages ce qui y manque ; mais on ne croit
pas qu'il ait jamais fait un defl�n d'apr�s 1'an-
tique. Quand �es anus lui en faifoient des repro-
ches , il r�pondok que rien ne lui �toit �ehapp�,
q
o
u'il avoi: tout dans fa m�moire. ]1 eft difficile
e d�cider fi ce- don de la nature eft plus avanta-»
geux que funefte aux artiftes i fi elle leur rend
pr�fens les grands mod�les, e!le les trompeanfii
quelquefois : ils prenaent leur imagiuation pour
une rcminifcenee , & ne fuiyent fouvent, que des
chim�res. Quoi qu'il en fuic > notie peintre fu,t
plus excufable qu'un autre «Ie compte� fiir fa
�k ll i diblLdhr''
(>erg eiwit aRoine, il fit pour uu gen�iihommek
ie portraif d'une des dames de la fuite de la
ducheffe x foxz re0e,i^b)antj. quoiqu';!. ijs l'ej�t
.
-ocr page 205-
»■ Flamands, AlUmands & HoKandois. 189
'L'�mpereur Maximilien II fit demander au
c�l�bre Jean de Bologne, natif de Gand, & fcul-
pteur du duc de lrlorence, deux habilss aruftes,
I'un peintre & 1'autre fculpteur. Bologne choifit
fout- peintre Spranger, qu'il avoit connu a Piome,
&: Jean Mont, fon �l�ve, pour {culjpteuuSpranger
acc«pca cvvec difficult�, ayant deiTein de ne jamais
quitcer Home. D'autres difent qu'il avoit projec�
d'�tudier 1'antiquej rruis enfin il fe d�termma ,
ayant fait r�flexion qu'il ne pouvoit manquec
d'�u�des ctant avec han Mont, & il crut qu'il
auroK toujours occafion de fe diftinguer par fes
talentSj en ex�ciuant les grands projecs de 1'Em-
pereur.
Us quitt�rent Rome en 1575 , & fufent a
Vienne en Autriche. L'�mpereur, a fon retour de
Regens�orgk j o� il avoit alfift� au couronneraent
tle [<m nis Rodolphe //, roi des Romains, ordonna
au peintre de �iice des deffins & des efquiffes,
& au fculpteur des mod�les, qui futent approuv�s.
lis commenc�rent a cravailler I'un «Sr 1'autre,
pour orne-r Ie nouveau cliateau de Fafangarten ,
a peu d-e diftance de Vienne.
Pendant ces grandes occupations, Spranger fit
tin petit tableau fur cuivre en long. Le fujet
«ft Notre Seigneur �lev� & attach� a la Croix,
& un -autre tableau repr�fentant la R.�furredtion.
Ce dernier morceau fert a une �pitaphe dans
1'h�pital de Vienne.
Rodolphe fnt couronn� empereuf, 6c Maxi-
milien
mourut au mois d'odlobre fuivanten 157*».
Nos deux ardftes �toient dans l� fort de leurs
ouvrages; Spratigef avoic fait de «rattd�s figures
dejiuc, 8c d'autres aThuile, de huit pieds de
-ocr page 206-
190          La Vit les P�ntrti
~ "hauteur �, d'autres plus petites, & plufieurs tableanx
l5�l' d'hiftoire p�itr d�cerec Fafangcerun. La mort de
1'JBmpereur leut donna de 1'inqui�cude \ ma�s fon
fuccedeur leur envoya ordre de continuer.
Spranger fit un tableau ou Mercare pr�fente
Pfy-ch� au confeil des Dieux^un antre iur cuivre»
tepr�fentawc Rome fous la figure d'une femme,
avec Ie Dieu du Tibre, la louve & les deux en-
fans qa'ellc alaire; & un uoiii�me , dont Ie fujet
«ft la Vierge avec piafieurs Anges, bisn colori�s.
11 fat tlmg�, ain�i que ion ami Jean Mont,
par les t�iagiftrats de la ville, de conftruire un
Are de triomphe pour I'entr�e de 1'Empereur -y
tont cohfid�rable que fut eet ouvrage, qui fur-
pafl�k en hauteur les plus grandes maifons de la
ville, il fut fini en vingt-huit jours. Fan Mander
en fait une defcription fort �tendue , & loue
beaucoup 1'architedure, qui �toit d'apr�s les def-
fins du iculpreur. Cet �crivain y avoit travaill�
lui-m�me,
I/Empereur, dans Ie commencement, paruc
n�gliger les arts j mais ayant fu que Spranger &
Mont �toient a la veille de retouraer a Rome,
il donna ordr� au'fculpteur de fiuvre la cour �
Lintz , & au peinue de refter a Vienne jufqu'au
moment qu'il Ie feroit avertir de fe tranfporter
ailkursi La cour fut a. Prague, ou Ie fculpteur
s'appercutdejour e,njourcombien il �toit n�glig� 5
il partit fans prendre cong� de 1'Empereur. Les
artiftes & la cour regrett�rent un homme d'un
fi beau g�nie , & Ie plus grand fculpteur de
fon fi�clei On- a �u long-temps apr�s qu'il s'�toit
retir� ei Conftantinople, ou il cft more mahor
m�tan..
                                uu so ;. .
-ocr page 207-
Flamands _, Allcman&s & HoUcmdois. 191
Spranger quitta le fcrvice de l'Empereur,
outr� de la perte de fon ami , & fe mit a peindre 1
pour les feigneurs & aucres particuliers, qui 1'acca-
bl�rent de travailj car iis n'nvoient pu obcenir
de fes onvrages pendant le temps qu'il avoit �t�
attach� a la cour.
Monfi&ur Roitjf, premier valet-de-chambre de
1'Einpereur, apprit enarrivant aVienne, le chan-
gement du pemtre; il fut encore 1'arr�ter de la
part de fon malere, en lui faifant de grandes pro-
.melles. Peu de temps apr�s, S'pranger fut appell�
a Prague, o� il fat engag� de nouveau, mais
avec plus de diitinchon qa'auparavant. Le priace,
pourlu! marquer fon eftime, demanda pour lui
■en manage,la hllcd'unrichejoailLier qusSpranger
aimoit. Le p�re fe garda bien de refufer l'�mpe-
reur \ il obtint feulement deux ar.n�ss de d�lai
avanr la confoir-ination , la fille n'ayant que
<jnatorze ans, & ces deux ann�es fe r�duifirent
a dix mois.
Sprcnger n'ayant plus rien a defirer, & pou-
vant cfp�rer une grande fortune., s'appliqna a
fon art avec une nouvelle ardeur. Il commenca
a peindre le dehors & le dedans de fa maifon j c?
3ui fe voit encore a Prague. Il fit, po�r l'�glife
e S. Gilles dans la viiieneuve, un tableau d'�pi-
taphe : il repr�fentoit Notre Seigneur qui foule
aux pieds la Mort & le Demon. Il compofa, pour
1'�glife de S. Thomas, le Martyre de S. S�balHen,
avec beaucoup de hgures de quatre pieds de
haut. L'Empereur fit pr�fent de ce tableau i
l'�lefteur de Bavi�re ,& donna ordre a Spranger
d'en frane
un autre pour la m�n*e �glife
Ce peimre repr�fenta la Juftice, avec &s
-ocr page 208-
taP"u des Peintrts
atttibuts , & en fit pr�fent aux magiftrats. Il
peignit une Aflbmpri�n , avec les Apotres, pour
l�glife des J�fuites j & dans 1'ancienne ville,
pour 1'�glife de S. Jacques ± ee m�me faint avec
S. Eraune , tous deus dans leurs lubillemens
d'�v�que.
On regarde comme un des plus beaux tableaiiXj
celui de la petitc �glife de S. Jean j c'eft la Refur-
rection de Notre Seigneur, dont 1'�pit.tphe d�
fon beau-ptre eft orn�e.
L'Empereur prit tant de piaifir dans la conver-
fation de fon pemtre & dans fes ouvrages, qu'il
lui ordonna de ne travailler qu'aupr�s de lui :
fori attelier �toit 1'appartement o� ce prince
rienoit fes d�lafleraens. Sprakger fuivoit par-tout
Ia conr: il n'ctoic plus poilible d'avoir de fes
ouvrages; II travailla pendant dix-fepn ans dans
ce genre, honor� de 1'eftime du prmce & des
grands. Il auroit �t� beaucoup plus riche , s'il
avoit �t� plus ambitieux; mais il ne demanda
jamais tien pour lui, mais fouvent pour fes
amis»
. En 1588, 1'Empereur 1'ennob�t lui &c fes deC-
cendans; & Ie prince �tant a table j il mit lui-
m�me au cou du peintre, en pr�fence de tout�
fa cour , uhe chaine d'or a trois rtngs, avec ordre
de la porter toute fa vie^ & il ajouta a fon nora
celui de vanden Schilde, que fes defeendans ont
conferv� long-tsmps.
Apr�s avoir fait pour fonbienfaiteur nombre
d'ouvrages en tous genres, il rc^ut de lui Ie plus
grand des bienfaits, la hbert� : il lui ordonna
cepenclant de faire encore de temps en temps
ls tableaux pour lui.
Spranger
-ocr page 209-
Flamands, 'Allemands & Bollandois.
Spranger ayatit �t� trente-fep: ans abfenr de fa ■
patne , profiua de ce repos pour aller voir fa
familie Sc les artiftes des Pays-Bas: 1'Empereur
lui �t pr�fent de 1000 flotins (1) pour ics frais
de fon voyage. Il fuc rec,u par-tout avec ia dif-
tindHon qui lui �toit due. La ville d'Anafterdaru
lui pr�fenta Ie vin d'honneur. Il fut traite par
les artiftes d'Harlem , qu'il traita a fon tour. La
chambrc de Rhetorica (1) compofa Sc repr�fenta
pour lui une pi�ce qui avoit pour titre les Hon~
neurs de la Peinture.
Mais ce qui tnit Ie comble a
fon bonheur, il re^ut les m�mes faveurs dans fa
ville natale., & par-tout ou il pafla jufqu'a fon
retour a Prague. La fe trouvant feul, apr�s la
mort de fa femme ie de fes enfans, il ne travailla
pius que pour s'amufer. Il mourut a Prague dans
un age avance.
On voit qa'il a fouvent chang� ou corrig� fa
maniere de peindre, &: que fes derniers ouvrages
fontlcsmsilieui:s&rlesplusnaturellementcolori�s.
Goltqius, qui a beaucoup grav� d'apr�s ce
peiutre, faifoit grand cas de fes deffins, fur-
tout de ceux qu'il a faits a la plume. On pourroic
cependanc lui reprocher d'avojr prefque toujours
�reoutr�, tant dans {e$ contours que dans fes
pofitions.
(1) Deux mille Hvres enargent de France.
(a) Soci�t� litt�raire eaforoje d'acad�mie.
Tornt 1.'
-ocr page 210-
C H A R t E S
VAN MANDER,
�L�VE DE LUCAS DE HEERE.
Nous �crivons la vie d'un grand peintre, d'un
bon po�te, d'un favant �clair� , d'un fage crici-
quej & qui plns eft , d'un homme de bien. Il
naquit a Meulebeke a pen de diftance de Cour-
trai, au mois de mai 15 48 , d'une familie hono-
rable & aif�e. Il eut pour parens des �v�ques,
des ambafladeurs, 3c d'autres perfonnes de
-ocr page 211-
La Vit des Pe'intrts Piafnands , &c. 195
, qui n'ont point rehaufle fon m�rite.' T~"
Son p�re Cornille van Mander, �c fa m�re Jeanne ■*
yander E�ke, n'�parpn�rent rien pour 1'�ducation
de ce fils. Il fut place a 1 hielt avec fon fr�re
Cornille , pour apprendre la langue latine, & dela
a Gand , dans une �colc fran90ifc.Il ent de bonne
Leure ie g�nie port� a la po�fie, Sc ne fit dans
cette derni�re ville, que des vers & des deflins.
X/arnour de la peinture 1'occupant de jour en
jour , il fut place a Gand chez Lucas de H�ere,
bon peintre ik bon po�te, ou il fit des progr�s
dans 1'un & 1'autre genre. Son p�re Ie rttira de
chez ce ma�tre pour Ie placer chez Pierre Vlerick ,
peintre a Courtrai, o� il demeura pres d'un an*
L>'ennui de fe voir tourment� par les ft�quens
d�m�nagtmens de Vlerick , qui �toir tant�c a
Tournai , Sc rantot ailleurs , pour �viter les
troubles de la guerre, Ie d�termma a retourner
chez lui, o� il fe livra enti�rement a la pe�fie
pendant quelque temps. Ce fut p�cif�menr,
pour lui j comme pour notre du Frefnoy, que
la po�fie Sc la peinture furent feurs. Il com-
pofa des trag�dies 8c des com�dies, qui furent
jou�es avec applaudifTemens; il en peignoit Iui-
ro�me les d�corations- II fit des tableaux d'cglifes
Sc quelquc« aurres. .Apr�s avoir compof� cinq ou
fix pi�ces de th�atre, il obtint de fon p�re la
permiilion de voyager, & partit en 1574. Il
vit, dans toutes les villes de fa route, les artiftes
Sc leurs produ�bions : il arriva a Rome, o� il
refta trois ans : il y trayailla beaucoup, tant
a fraifque qu'a 1'huile , & fit plufieurs payfages
pour des cardinaux & autres feigneurs : Ie pape
lui donna, par diftmdbon, la permiilion qc
N x
-ocr page 212-
13 5                'La P"ie des Vantres
potter 1'�pie. Erant �rroitement-H� avec Sprangtr
leur b o rui 2 conduite & leurs talens les firent conu-
<l�rsr. C'eft dans ce temps que 1'on trouva aux
�cnvirons de Rome, en fouillantla terre, quel-
ques d�bris de temples & de ftatues antiques.
Va.n Manier �toit eontinuellement occuo� A
■deflmec ces reftes pr�cieux : perfonne n'en a
faic plus d'�tudes y il eft aufli U premier qui ait
peinc des Grotefqucs.
Il fit dans la petite ville de Term en Itali�,'
tin tableau repr�fentant Ie Maflacre de la S. Bar-
thelemy : on y voit jetter par les fen�tres Ie corps
de 1'amiral Coligny. Il paflbitfon temps avec des
artiftes italiensj & fut pardculi�rement li� avec
Gafpard de Puglia , �l�ve du Grantifco. Rien ne
lui eft �chapp� de 1'antique: il copia tout, 8c
trava�la eontinuellement jufqu'en 1577, qu'il
quitta 1'Italie pour retourner dans fa patrie. Il
s'arr�ta quelque temps a Bafle en SuifTe, o� il fit
plufieurs tableaux' fort eftim�s, felon Ie rapport
de Sprangerj qui 1'engagea a. quitcer cette ville,
& aailer a Vienne, pour travailler aux ares de
triomphe avec Jean Mondt. Maigr� tout ce que
ces artiftes purent faire pour 1'engager au fervice
de l'Empereur, il fe f�para d'eux, enrichi des
�tudes qu'il avoit faites a Rome & ailleurs , 8c
ret�urna chez luij o� il fut rec^i avec autant de
joie de fes parens que de fes compatriotes, qui
furent au-devant de lui. D�s quJil fut arriv�,
il fit uu tableau d'Adam & d'Eve dans Ie para-
dis terreftre : les deux figures �toient bien def-
iln�es Sc bien colon�es^ Ie payfage & les ani-
trianx , tour �toit �galement bien rendu. Co
tableaufut fuivid'unautrerepr�fentautleD�luge,
-ocr page 213-
'Ttamands j Alkmands & R��landois. 197
Ce fujet frappa tout Ie monde par les expref-
         Z~~~
fions de douleur & de d�fefpoir qu'il avoic r�- '
jandues dans ccttecompontion. Continuellcmenc
occup� dans la maifon de fon p�rej fait d lire,,
foit a peindre, il go�ta les plailits de 1'�tude &r
de la tranquillit�. il �poufa dans ce tetnps una
Jeune fille fort johe j ag�e de dix-huitansj Sc
bientot apr�s ils fe trour�rent ob�g�s de fortir du
pays, qui �coit d�fol� par les gens degnerre : il y
perdit non-fenlcment fon bien, mais il fut vol�
�c d�pouill�, ainfi que f* femme & un enfant.
En fuyant, ils furent a Brnges a pied 3 non lans
c'anger d'�tre mafTacr�s fur la route par les d�ta-
ehemens. Il �toit forti de chez lui avcc plufieurs
chariots charg�s de meubles , pour fauver les
rcftes de fa fortune: il fut rencontre par un parti,
^ui �ta la vie d fes domeftiqueSj >5c qui 1'attacha
lui-m�mea un arbrej la corde au col. Dans cette
trifle fituatiorij pies d'expifer, il vit palTcr un
cff.cier, qu'il crut rcconnoirrc; il lui paria ita-
hen, & lui demanda du fecours: 1'ofiicier �tonn�
de l'entendre , attaqua avec fa fuite ceux qui vcu-
loient �tranglei ce malheureux, & Ie tira de Ieurs
mains.
Van Mander fe fit connoitre a fon lib�ratenr;,.
quJiI avoit vu particuli�rement aRome, & qui
avoit �t� un de fes anijs. Il tenta vainement de lui
faire rendre ce qui lut avoit �t� pris: tout ce que
put faire 1'officier, fut de Ie conduirs en licu de
s�ret�.
.Arnv� a Eruges 3 denu� de rent, fans avoir
perdu] fa gaiet� naturelle, il fit des vers fnr ion
�tat j& fe mit a peindre avec beauconp de cou»
^� s'�tre procur� 3 par fon travail affidu»
N j,
-ocr page 214-
i<>8               La Vu des Pelntres
d'autres harcles & d'autres meubles , 5c ayant
amalT� une forame pour voyager , il quitta cette
ville, menac�e p:ir les ennemis & par la pefte,
Sc ils'embirqua avec fa femme & fes enfaos pour
la HoHande. Il s'ctablit a Harlemj o� il fat fur-
charg� d'ouvrages, tantpour la peincure que pour
Ie deffin. Il fit connoifTance avec Golt^�us Sc
Cornille
: �ls �tablirent cntr'cux une academie j
van Manier y fut introduite Ie go�c italien. On
peut s'appercevoir du nouveau gout de Golt^ius
dans fes Me;ainorphofes d'Ovide. Van Manier
fit quelques tableaux en camayeu fort eftim�s,Ia
Pallion de Notre Seigneur en douze tableaux,
une F�ce Flamande, & Saint Tean pr�chant dans
Ie D�fert, David &: AgiJsa�l, Jepht�, & beaucoup
d'autres fujets. On eftnne entre fes plus bcaux, Ie
Seigneur portant faCroix, 1'AdorationdesMages,
Jarob, &c. Il a peint plufieurs beaux payf.iges:
fes arbres font d'un aflfez bon choix, la couleur
. en eft bonne aini� que celle de fes figures; il
compofoit avec cfpntj mus il devint fur la fin
un peu maniere dans quelqaes-unes de fes com-
pofinons.
Le nnmbre de fes t3bleaux e(l confid�rable s
ind�pendammenc de la quantit� de deflias qu'il
fit pour le fimi Spirinx , tapii�ier , qui tous ont
�t� cx�cut�s. Sa p >ciie & fes ouvrages en profe
conciennent plafieurs vol;imes.
Outre 1-7 Vit des Peintres, anciens Itallens <S»
Flarnands j qu^il a �crite jufqu'en 1604 , on a de
lui nn<i explication de la Fable , &c des com�dies.
Toates ces produ�lions ont fait regardercetartifte
conme un des- plus grands hommes de fan fi�cle.
Ilallaeni�o4demeurcraAmftcrdamjOU deux
-ocr page 215-
Flamands, A�emands & Hollandois. 199
ans apr�s il tomba malade. Sa maladie j d'abord
l�gere, devint dangereufe par 1'ignorance du
m�decin en qui il avoit trop de confiance : ce
charlatant traita Pinqui�tude de fes amis de folie ,
& fa mort juftifia trop leur d�fiance. Il mourut
enire les bras de fon ami Rauwaert, Ie 11 mal
1 606 {1) , & l�ifla fa veuve avec fept enfans.
L'afn� , Charles, a fuivi de pres les traces de fon
p�re , 6c a acquis de la r�putation a Delft, ou il
s'�toit �tabli, Sc felon Sandrart, a la cour de.
Danemarck.
Van Mander a. fait de bons �l�ves ; parmi les
premiers font Jacques de Molhero, 'Jacques Macr-
tcns, Cornille Enghelfcn
, Francois Hals, Everfrd
Krins >Henri CerretSj
indienj Sc Francois tenant,
fans ceux qui nous font inconnus : les talens du
inaitre fe font perp�tu�s dans fes �l�ves. Les juge-
mens qu'il porte des peinrres dont il a �cnt la.
vie, font des monumens pr�cieux du gout de fon
fi�cle, & des r�gies s�res pour Ie n�tre.
CORNILLE KETEL
�L�VE DE BLOCKLANDT.
naquit dans la ville de Gouda en 1548.
Charme j d�s 1'age de douze ans, de tout ce qui
�toit deilin ou pemturej il commena fous fon
oncle., aflez bon peintre, qui Pinftruifit mieax
cependant des belles-lettres que de la peintiir�. IL"
(1) Sandrart se trompe lorsqu'il dit que van Manier
est mort en 1607.
K
-ocr page 216-
ico           la Vu des Vdntrts
entra a c�x-huit ans chez Blocklanit a Delfc} ou
1548. il refta un an; de la il alla a Paris. Il apprit dans
cetre capitale que J�rcme Franck 3 Franfen de
Mayer
& Deriis a Utrecht travailloient enfemble
au chateau de Fontainebleauj il alla les joindre :
il fut recu parmi eux , & fe mie a peindre : fes
progres �tonn�rent fes cornpatriores. La cour
�tant venue a Font&iaebleau , il rec,ut ordre de
tout qaitter: il revinta Paris, o� il refta tr�s-peu ,
Ie roi ayant ordonn� aax fujets du roi d'Efpagne
Sc anx; autres r�fugi�s de forcir du royaume : il
xetourna dans fa patrie, avec 1'intennon de revenic
en France a iffi-r�t que les troubles feroient cefT�s.
#11 relta pres de fix ans a Gouda s o� fe voyant
peu ocevp� p.ir Ie malheur des gnerres qui'acca-
bloient les provmeesj il s'ernbarqua pour Lon-
dres. Il y fiitbien 1x511 par un fculprcur-architecle,'
ami.'e fononcle^ilporraavecluiquelques tabl�aux
de fa fa^on qui furentfort recherches. Il fut bien-
t&t farcliarg� d'ouvrages, & futpatticuli�rement
occup� a faire Ie porcrait. En 1578, Ketel pei^nic
Ja Reine } ie comte d'�xfort, Sc les-principaux
feigneuirs & dames de la cour & leurs enfans j
fouvent en pied , �c toujours de grandeur natu-
relle. Il fit un grand tableau repr�fentant la Force
dompt�e par la Sage (Te, qui fut donn� par Ie
propri�twre a M. Crijlophe Katten ( depuis mort
chancelier.)
En 1581 il retourna a Amfterdam o� il couti-
nua de peindre Ie portrr.it. Il nt une compagnie
d'arquebufiers ent��rejtous en pied 3 avec leurs
armes & leur capitaine Herman Rodenborgh Beths
a leur t�te. Il s'y eil peint lui-m�me de profil. Ce
tableau eft non-feulement beau par la vcnt� Sc la
-ocr page 217-
Flamands 3 Alkmands & Holtandois. »or
reflemblance j mais les �toffes diff�rentes en font "
bien imit�es 3 & 1'ordonnance en eft fort fiche :
il fut place dans la galerie da Mail. En 1589J il
entrepnt encore un autre tableaua peu pres dans
Ie m�m�-gc�t , pour la compagnie de Saint-
S�baftien : on y voit auffi leur capitaine D�d'ur
Rofcncrans.
Celui-ci ne c�da en rien au premier ;
quoique Ie nombre des portraits foit coniid�rable,
ce tableau n'eft ni confus ni froid, ( d�faut ordi-
naire de ces fortes de compo{it:ons.)
Sous les figures de Notre Seigneur & des douze
apotres,nous avons de lui les portraits des artiftes
& amateurs de fon fidele , entre lefquels celui de
xlcnri de Keyfer tient Ie premier tang.
Ma�s voici une maniere de peindrej dont il
n'y a point d'exemple dans les fai}es de Ia pein-
ture: en mil cinq cent quatre-vingt-dix-neiif\, il
fe mit a peindrs avec les doigts fans pinceaux } &c
commenca par fon portrau. Il en fit plufienrs
danj ce genre avec un fucc�s extraordmaire : ils
�toient parfaitement coiori�s & d'unepuret� �ton-
nante. 11 fic pour Ie ficur Hcnri van Os d'Amiler-
daim , un D�mocrite & un H�raclite : Ie premier
�toit fon portrait, & 1'autrc celui de M. Morojini;
apparemment que ce Af. Moroj�n�, digne de por-
ter fon n�m, reilcmbloit au trifte H�raclite. he
duc de Nemours , qui peignoit lui-m�me, furpns
d'admiration, acheta de lui eet H�raciice. Notre
peintre fitd'autresprodiges plus finguliers encorej
les doigts de fa main gauche �c de fes pieds lui
tenoient lieu de brolFe Sc de pinceau j dont il fai-
foit rarement ufage.
Il faifoit en grand & en petit l'hiftoire j !e
porcrait, rarchitediuej &c: il modeloit en terre
-ocr page 218-
lol               La Vit des Peintres
& en eire. Comme tl �toit po�te, il a fouvent
1J48. orn� fes rableaux d'embl�mes Sc d'infcriptions :
il difoit qu'il s'�toit mis a peindre fans pinceaux,
pour monrrer que tout f�rvoit d'outilj avec Ie
fecours du g�nie. Cette remarque eft jufte, ce-
pendant il a eu plus d'admirateurs que d'imita-
teurs : aucun de fes �l�ves n'a fuivi fa nouvelle
methode.
D�s qu'on peut mieux peindre avec Ie pinceau
qu'avec fes pieds & fes mains, pourquoi aban-
donner un ufage plus facile Sc plus s�r ? Le but
d'un artifte �tant de faire le mieux qu'il eft poffi-
ble, on doit pr�f�rer la maniere de bien faire faci-
lement, a celle de mal faire difHcilement. Voila
pourquoi les po�tes ont renonce aux fonnets , aux
acroltiches Sc aux bouts-rim�s j de beaux vers,
dans une mefure libre, font au-deflus de ceux qui
n'ont d'autre m�rite que la difficult�.
On ne lui connoit d'autre �l�ve qu'Ifaac Oferyn
de Copenhague, qui refta trois anschezluij &
qui de la fut a Venife & a. Rome) il mourat fort
jeune au fervice du roi de Danemarck} n'ayant
pas m�me eu le temps de finir le portrait de ce
prince. On voit par les eftampes grav�es d'apr�s
Ketel, que fes ouvrages font remplis d'efprit, &
qu'un meilleur gout de deflTm auroit rendu fes
tableaux plus dignes d'�tre recherches. Il vivoit
encore en 1600, lorfque van Mandcr a �crit fa.
▼ie.
-ocr page 219-
Flamands j Allemands & Hollandols. io$
PIERRE
DE WITT E.
JLes dif�erens pays o� lesartiftes s'�tablifTent, font
que fouvenc on change leur nom & Ie lieu de
leur naiirance. M. de Piles noinme Pierre de
?Pi«eCANDiTO,parce que fes eftampesfont mar-
qu�es fous ce ncm. Il Ie dit n� a Munich : il eft
vrai qu'il y a demeur� long-temps _, Sc lJon croit
m�me qu'il y eft mort; mais il eft certain qu'il
naquit a Bruges en Flandres vers 1'an 1548, II
peignoit �galementbicnafraifque&ai'huilej&: il
avoic Ie ralenc de bien modeier en terre. �abeau-
coup travaill� avec Fajar� dans Ie palais du pape:
il fit a Florence pour Ie grand duc plufieurs
patrons de tapiiienes, 8c quelques aucres ouvra-
ges. Le duc de Bavi�re Ie prit a fon ferviee.
Sadeler Sc quelques autres enc grav� d'api�s fes
tableaux.
CORNILLE
DE WITTE.
IL �toit fr�re du pr�c�cent, Sc fut recu officier
dans la garde deT�le�teur de Bavi�re. Quoiqu^il
fe fut avif� tard de manier Ie pinceau , il fit alTte.
bien le payfage.
-ocr page 220-
404 La. Vu des Pemtr�s Flamands ,
HENRI
VAN ST�ENWICK,
�L�VE DE JEAN DE VRIES.
naquit a" St�enwick environ Fan 1550,
Son maicrej Jean de Vries, qui excelloit dans la
perfpeclive , rendk fon �l�ve habiie dans la m�me
faence. St�enwick s'appliqua donc particuli�re-
menc a l'archke�ture : il d�buta par quelques.
petits tableaux, & eet efTai fut un coup de malere.
De Vries publia par-toat les talcns de fon �l�ve ,
tjui vendit fort cher fes tableaux : il croyoit joair
tranquillemenf de fa r�putation, lorfque la guerre
vint d�foler fon pays. Aprcs avoic err� long-
temps, il fe fixa aFrancfort fur Ie Mem: la , dans
la crainte de Ie perdre, on lui prop >fa un �tablif-
fement avantageux : il y trouva Ie loifir de fe per-
f�dfcionner. Il v�cut aim� Sc eftun� pour fes talensj
Sc mourut fort regrett� en 1604. Il laiffa un fitj
habiie peintre, & deux �l�ves diftingu�s j les Neefs
p�re & fils.
A Paris, chez M. Ie comte de Vence , on voit
1'int�rieur d'une �glife5peint ^X�Henri St�enwick
ta
1604.
-ocr page 221-
VENCESIAUS ■
KOEBERGER,
�L�VE DE MARTIN DE VOS.
XLQoit natif d'Anvers , on n'a pu d�cou-
vrir Ie temps de fa naiflance. Martin de Vos lui
enfeigna la peinture; fon g�nie & fa conduite
plurent a fon ma�tre, qui ne n�gligea rien pour
l'avancer. Il refta quelques ann�es a fe former
dans cette�cole; amoureuxdelafilledeak Vost il
��t tout ce qu'il put pour 1'obrenir. Son indif-
f�rence pour lui Ie d�tcrmina a yoyager pour
-ocr page 222-
io<?                 La F ie des Pelntres
�oublier fa p.i/��on , & chercher a difl�per fa
m�lancolie.
Arriv� a Rome, il �tudia les beaut�s r�patv
dues dans fon enceinte3 & aux environs: il fut
de Li a Naples, & fe reniit chez un peintre
flamand apptl� Franco , qui avoit une grande
r�putation. A peiney fuc-il entre, que la fille de
franco ( qui paflbit pour la plus belle de Naples )
fit fur lui la m�me impreffion que celle de de Vos.
Il fut plus heureux dans fon nouvelamour; efti-
m� du p�re, aim� de la fille , il 1'�poufa.
Ce hen l'arr�ta plus long-temps en Itali� j ma�s
fi r�putation fe r�pandit en tous heux. La Flan-
dre vit avec chagrm 1'�loignement de eet artifte :
ceux d'Anvers lui �cnvirent plufieurs fois pour
1'engager arevenir, & lui ordonneren! un tableau
pour la confr�ne de S. S�baftien. Il difF�ra fon
retour, & fit le tableau qui repr�fentoit le patron
de cette compagnie, & le leur envoya. D�s qu'il
fut place j les peintres , les amateurs d'Anvers Sc
des environs vinrent en foule pour le voir; tous
1'admir�rent & le lou�rent. Le beau irrite fbu-
vent ceux ni�mes qui 1'admirent: on vit quelques
jours apr�s deux t�tes de femmes 3 qui �toient
peintes fur le devant, conp�es & emport�es. Les
recherches qu'on en fit furent fans effet -y on n'a
jamiis pu d�couvrir 1'auteur de ce dommage.
La difficult� de les r�parer, obligea de renvoyer
le tableau a Naples a Koeberger, qui le racom-
moda au point qu'on ne s'appercut pas de 1'ou-
trage qu'on avoit fait a ce tableau. Il eft dans
1'cglife de Notre-Dame d'Anvers^ on ne cefTe
d'en admirer routes les parties, le deflin, le colo-
ris & la difpofaion du tout enfemble. Koeberger,
-ocr page 223-
Flamands l Allemands & Hollandols. 107
toujoursperf�cut� pour fon retour,quitta 1'ItaLe
Sc arriva a Anvers; il fut dela s'�tab�r a Bruxelles,
Sc fut nomm� peintre de 1'archiduc Albert d'Aa-
triche , qui 1'eftima de plus en plus 3 non-feule-
fnent pour fes talens de grand peintre, ma�s pour
fon habilet� dans la po�fie & dans les recherches
de 1'antiquit�. Un peintre, ainfi qu'iin po�te,
pour excellerdans leur art, doiventfavoir plus que
leur art m�me.
Nicolas-Claude-Fabri Pe�refc_, fi c�l�bre parm�
les antiquaires , vint a Bruxelles pour s'entretenir
avec Koeberger. Ce dernier lui montra fon cabinct
de curiofit�s, & fur-tout fon beaum�daillier, con-
tenant une fuitedepuis^/ej-C^ar.Il apprita Pei-
refc que ce que 1'on prendordinairement pour une
pi�ce de monnoie,n'eftfouvent qu'une medaille
qui d�figir� les �v�nemens du r�gne de chaque
prince. Pe�refc, tr�s-fadsfait des entretiens du
peintre, en profita. Il r�gna depuis entr'eux une
�rroite liaifon : tous les grands hommes font faits
pour�tre amis.
Koebergerexcelloit en architecture: rien ne lui
paroifloitdifficilej ce g�nie heureux ne trouva pas
plus de bornes dans fes �tudes que dans fes fuc-
c�s. L'archiduc lui donna laconduite des fontaines
Sc des autres embellifiemens du chateau de Ter-
vure proche Bruxelles : il y a furpafl� 1'attente
de ceux qui connoiflbient fon g�nie.
Il batit 1'�glife de Notre-Dame de Montaigu
dans la forme de Saint-Pierre de Rome, & quel-
ques autres, fans les chapelles qu'on voit fut fes
deiliiw : il les orna de ies tableaux.
-ocr page 224-
io8                La Vit des Pcintres
ADRIEN CRABETH;
�L�VE DE JEAN SWART.
(jrabkth �coic �'�ve de Jean Swart. Il fut
adtiiir4 dans fon temps pour fa grande difpofi-
.                       .             '\ r        rr r           »         Tl �
non : encore jeune, il lurpalia ion maitre. II vint
en France avec Ie projec d'aller a. Rome \ mais il
fut ari'�t� pour quelques ouvrages dans la ville
d'Autun. Il j mouruc au grand regret des ama-
teurs. Ce qu'il faifoit �toic furprenant, n'ajrant
jamais vu Rome.
MATHIEU ET PAUL
B R I L^
� L� V E S
DE DANIEL VORTELMANS.
G e s deux fr�res naquirentdansla ville d'AnverSj
Mathieu en 1550, Sc Paul, felon van Mander,
en 1 556. Mathieu alla de bonnc-heurea. Rome,
o� il fut employ� au palais du Pape, dans les gale-
ries Sc dans les falons: on y voit de lui de beaur
payfages a fraifque. Il mourut dam cette capi-
tale, en 1584, ag� de trente-quatre auj.
Paul
-ocr page 225-
Plamands i Alkmands & Hollandois. i.09
Peul apprenoit a peindre chez Daniel Wond-
mans-,
ce dernier, quoique m�diocl-edans fon are,
Re laifla pas d'avancer fon el�ve , qui, a l'&ae de
«juarorze ans j fut employ� a pemurt des clave-
cins a gouafl�. Il qukta Anvers puur aiier a Bre-
da, ou il rs(k quelque temps. De retour chez
lui ,fur la r�putacion que fon frtre avoit a Rome,
il forma Ie deiTein d'aller Ie joindre. Cblig� cie
cacher Ion d�part d fes parens , il partlc fans faire
ti'adieux: il traverfala trance j& demeutu queU
que temps a Lyon ; dela il fut a Rome j oti il
trouva fon fr�re occup� au Vacican, fon? Ie ponti-
ficar de Gri'goireXIII. Il devinr�lcve de Mathku^
Sc
quoique m�diocre dans fa jeunefi� , il furpafla
depuis fon aln�. .Apr�s fa more il fut charg� des
ouvrages qui leur �roient deftin�s a tous deux } Sc
il eut la penfion de fon fr�re*
Ses principaux ouvtages font prefque tous topo-
graphiques. Dans Ie falon d'�t� du pape il avoit
repr�fent� en fix tableaux les fix couvens prin-
cipaux du domaine de fa faintet� ; il en choific
les fituations les plus agr�ables , & les pei^nic
d'apr�s nature.
Il fi: des payfagej pour orner un falon chez Ie
cardinal Mathku } & pour Ie fr�re de fon �mi^
nence 3A}drukal Matkieu, & ih autres payfa^es
repr�fentant fix rhateanxde ce catdinalj & leurs
environs. T�us ce;ir cif�nrpeintsa Phuile.
II a �rn� plufieurs �elifes de fes Ouvrages �
celles des J�fuites cv des Th�atins. Son principal
tableau eft dans Ie falon nouveau du paps ; il eft
peinti ftaifq'-ie; il a <JS pieds de longj & ei� fort
�lev�. Le p�vfage eft d'une grande beaut�: les
figures rept�fentent Saint Clement attach� a une
Tornt I,
                                          O
-ocr page 226-
X i o                   La Vit des Peintres
�-------ancre & pr�cip�t� dans 1'eau j & dans Ie hauc i
i j jo. une gloire avec des Anges.
�utre ces grands ouvrages j il a peint beau-
coup de tableaux de chevalet en pctir y fouvent
fur cuivre. lis font fort recherches. Ses figures
font fpirituelles & bien deffin�es: il fomfia fa
maniere fur celle du Tlt�en. Ses tableaux onc
beauconp de force _, quoiqu'un pea verds. Son
payfage a des lomcams admirables; une touche
l�gere termine les malles des arbres qu'il plac.oit
avec choix.
Le t.ibleau de Campo Vacclano eft de fon
meilieur cemps. I! appartenoit au fieur Henri
van Os,
& fe crotive pr�fentemeutdans lecabinet
du roi
de France , qui pofi�de encore �ouze
tableaux de ce peintre , dont voici la lifte : Diane
&CalixtOj Pan & Sinax _,des Payfans d�pouill�s
par des voleursj une Chafle au cerf} autre Chni�e,
une 1'emp�tej vue d'un Port de mer, Rebecca j
Oiph�e entour� dJanimaux, line Dryade jouant
du tambour, S. J�r�me dans le D�fert , S. Jean
ie fon agneau , un payfage o� font des P�cheurs,
un autre avec des Moutons, 8c une Fuite en
Egypte.
On a de lui au Palaic-Royal une Sainte Familie,
un payfage avec des ch�vres , une Ghai�e aux
canards, une Marine j &: une Danfede Nymphes
& d'enfans j avec des Satyres.
Il �ineint dans la galene <lu duc de Florence ,
un payfage fur marbrej chez l'�leAeur Palatin ,
nn payfage a,vec figures.
On voit du m�me peintre a Paris j chez M.
le comte de Vence, un Port de mer avec figures;
chez M. le marquis
de Lajjey t trois payfages,
-ocr page 227-
Flamands j Allemands & Bollando�s. 111
«vee des figures peintes par Ie chevalier Jofepin j
chezM. Ie corate de Choifeul j deux payfages ,
avec des figures par Rottcnhamer; chezM. Blondd
de Gagny
_, quane payfages avec figures, un de
ceux-la reprefente la cafcade de Tivoli; chez
M. Pafquier, d�put� du commerce pour la ville
de Rouen , un payfage avec deux groupes de
figures, un de Carrache�t Fautrede BoullogneVai-
n� j chez M. de Julunne3 deux tableaux de deux
pieds & detni fur dix-huit pouces de haut, dont
run eftuneFoire ou un March�, avec unenvi�re
charg�e debateaux & beaucoup de figures; 1'aucre
efl: un Pare, avec des figures & des animaux. On
Voir chez eer habile connoii�eur trois autres
Cableaux du m�me, avec payfage , architecture Sc
figures. M. Ie Noir a de ce peintre deux pen-
dans de deux pieds quatre pouces j fur un pied
dix pouces de haut. L'un eft un Berger qui faic
fortir d'une �table un troupeau de rh�vresj Ie
payfage du fond eft tr�s-beau; trois figures font
fur Je devantj avec un morceau d'architcdlure 5
des maifons &: des viilageois ornent Ie fecond
plan. L'autre tableau efl; un payfage 5 on y voit
les difciples d'Emma�s & des bergers qiu font pa�-
treleurs troupeaux. I.es figures & les animaux
font du Carracke:\e payfage eftdumeilleurtemps
de P- Bril. hl. Iempereur enpofs�de un tr�s-beau
payfage, avec des ch�tes dJeau & des rochers qui
produifent des effets furprenans ; des fatyres y
occupent Ie premier plan. Ce tableau a trois pieds
de largefur deux & denu de haut.
Les�l�ves qui om Ie plus fuivi la maniere de
ce maitre, font Bahha^ar Louvers & Gu'�laume
Nieulant
d=Anvers. Ce dernier a grav� plufienrs
O x
-ocr page 228-
La Vu des Peintres
.
morceaux d'api�s P. Bard, ainfique Sadeler, Sic*
Paule�.
more a Rome en 1616, ag� de 7®
ans.
F R A N g O I S
M E N T O N,
�L�VE DE FRANC-FLORE.
JMenton naquit a Alcmaer, Sc fut �l�ve de
Franc - Flore. Il devint lui - m�me un maitre
habile. Il avoit beaucoup d'efprit. Toutes fes
compodtions font marqu�es au bon coin. Il def�i-
noit & peignoit bien. Il s'enrichit a faire Ie
portrait. Il gravoit avec gout & finefle. Sa r�pu-
�tation lui procura un grand nombre d'�l�ves. On
ne fait pas Ie temps de fa mort, mais il vivoit
encoreen 1^04.
ARNO LD PIETERS.
lL�toit fr�re de Pierre Pieters ; qu�ique tr�s-
cap.;ble de peindre 1'hiftoire} il s'appliqua au
portrait. &r paffi pour_un grand peintre en ce
genre. Fan Mander dit qu'en 1604 il �toit 4
peu pres ag� de 5 4 ani.
-ocr page 229-
Tlamands 3 Alhtnands & Edlandois. 11J .
LOUIS TOEPt/t;
ille de Malmes fe glonfie d*avoir donn�■
v
Ie jour a cepeintre: on ne fait rien de particulier i f ;o.
de lui, fi ce n'eft qu'il demeuroit a Venife, & cjue
1'on a vu de lui des Foiresj des March�s & des
Cuifmes, Ie touc bien pe.;nt & bien dif�in�. Le
payfage qu'il trmtoit avec une belle touche &
une couleur chaude , lui a donn� beaucoup de
r�putation. I! demeuroit a Dervifo pres de Venife.
Il paffe aufll pour un des mei'.leurs po�tes de
fon temps. Il v ivoit encore en 11J04.
J O S E P H
DE BEER,
�LEVE DE FRANC-FLORE.
_LJe Beer naquit a Utrecht. Franc-Flore fut
fon maure. S'�tant rendu habile dans fon art,
i-I pafTa cjuelque temps a 1'�v�ch� dsTourHai,&
ds retour dans fapatris^ il y mouri
-> -j
-ocr page 230-
La Vu des Pcintres
P I E R R E
STEEVENS.
■�teevens naquit a Malines. Il �toit, du temps
de van Mander j au ievvice de l'empereur , en
qualit� de peintre de la cour. Il demeuroit i
Prague. Il fut grand peintre dliiftoire & favant
deffinateur.
g a s p a r d
H E U V I C K:
JTIeuvick naquit a Ondenarde , environ 1'an
1550. On conno�t fort peu de fes ouvrages j
cxcept� en Itahe, o� 1'on croit qu'il eft mort.
Heuvick demeura quelqne temps chez Cofte,
peintre du duc de Mantoue. Il fe retira dans la
Pouille , chez 1'�v�que de Barry 3 o� il fit plu-
fieurs grands ouvrages j mais il augmenta fa for-
cune en Itahe, dans Ie commerce de bied qii'il
fit pendant une ann�e de difette. Van Mandcr
loue fort �on talent.
-ocr page 231-
Flamandsy Altcmands & Hollandois. 115
HERD ER.
Hlerder fut contemporain de Curie van Mander.----------
Cer ecrivain Ie viu a Rome. Il vante beaucouples 1 �50.
ouvrages d1Herder, qui mourut a Groningue fa
patrie.
CORNILLE FLORIS.
_T loris natif d'Anvers, fils de Cornille Floris ,
vivoit en 1604. Il avoit la r�putation de bon
peintre.& de bon fciilpteur. On voit encore beau^
coup de fes ouvrages : on ignore Ie temps de fa
mort.
KRISTIAEN ouCHRESTIEN
J E A N
VAN BIESELINGHEN.
V an Biesf.linghen, contemporain de\Nieulants
�toitn� a Delft j on ignore 1'ann�e de fa naiflance.
Il paffbit d�ja pour bon peintre en 15S4. �n
O 4'
-ocr page 232-
La Vit des Peintres*
■��-�� dit que , malgr� la d�fenfe des Etats-g�n�raux^
XS,S°' <\al ne vouloient point qu'on peignit Guillaume I,
Prince d'Orange, qui fut, tu� par Baltayir Guerards,
de peur, que fon portrait ne tombat entre les mains
des ennemis & ne fut infult� , van Biefelinghen
ayant vu ce prince infortun� dans fon cercueil, il
fe rel�ou-vint fi bien de fes traits j quil Ie def-
l�na parfjitement. Guerit Pot pr�f�ra ce portrait
a tous ceux quJon avoit faits du prince d'Orange >
&. s'en fervit pour faire fon grand tableau- qu'on
il place en i<Jiod^as la maifonde villede Delft.
Van Biefdinghen defllna dans la prifon Ie meur-
trier du prince \ Sc ce portrait en deflin a �t� vu
4epuis a Dorr , ^ans fe cabinet de David' Flud.
Van Biefdinghen,
fa femme & fes deux enfans»
ayant conduic quelques amis qui s'embarquoieat
j>our 1'Efpagne , ils mont�rent avec eux dans Ie
vaifleau. Le vin ,. qui augmente quelquefois 1'a-
miti�, donna anotre artifte un fi grand regret da
cjuitter fes amis_, qu'ils k d�termin�rent a quitter-
jfa patrie. Il paffa avec eux en Efpagne, o� lfe.
roi, pr�venu de fon m�rite, le nomma fon pein-
tre. Il y refta jufqu'a la mort de fa femme ^"& il
retourna enfuite en Hollande. Il fe remaria j Sc
�it
demeurer a Middelbourg en Zcelande, oy. Ui
jjwirut ag� de 41 ans..
-ocr page 233-
Flamands 3 Allemands & ftollandois. lij
GUALDORP
GORTZIUS,
DIT GELDORP,
�L�VE DE FRANCOIS PORBUS.
VJuAi.DOR.PHaquhiLouvain en Brabant en i 553.-------
A I'agedei7 oude 18 ans ilquicta cetteville pour T f..
aller a Anvers chercher d'autres tnaitres, & entra
chez Francois Franck d'Herentals j qui mourut
peude tempsapr�s. Ilfucdepuis �i�ve de Francois
rorbus.
Sous eet habile imitateur de la nature _,
il ent la r�putation d'un des meilleurs de fon
temps. Il ne fortit de chez Porbus que pour entree
au fervice du duc de Terra nova 3 avec lequel il
fut s'�tablir a Cologne. Le pomait n'efl pas Ie
feul talent qui 1'aitfaitadmirer, il peignoit �gale-
ment Thiftoire : on voyoit chez le fieur Jean
Meerman j
a Cologne, une Diane; chez le fieur
Jaback, une Suzanne , une t�te de Chnft & cel'e
de la Vierge. Ces deux t�tes font eitim�es par
cjuelques connoifTeursj autant que celles du Giddc,
Crifpin Depas
les a grav�es.
Georges Haecka conferv� de Gua'dorp unE/an-
g�lifte d'une grande beaut�. Ceux qui ont le plus
ch�ri les ralens de ce peiwtre } font deux artiftes
de la m�me, viiie, Francois Franck & Jaeques
Mlli
-ocr page 234-
i 18              Ia Vit des Pcintres
Le fieur Gortfen de Hambourg pofledoir encore
1555' de lui un tableau d'une belle compof�tion, repr�-
fentant EJlher Sc Affu&us.
Lenombredes tableaux de Gualdorp, 8c prin-
cipalement de fes portraits , eft coniid�rable. Il
�toit en 1604 dans une grande r�putation. On
ne fait rien de lui depuis.
HANS (ou JEAN)
S O E N S,
�L�VE DE GILLES MOSTAERT.
ooens naquit a Bois-le-Uuc vers Tann�e 1555.
Il vint fort jeune a Anvers chez Jacques Boon ,
& dela chez Gilles Mofiacrt. Il fit de grands pro-
gr�s dans la mani�ie de ce peintre, qu'il n'a point
cjuitt�ej mais dans la fuite il devint un des plus
habiles payfagiftes de Flandres. '.�hez Henri Lou-
vers
a Amfterdam, on avu de fes premiers ouvra-
ges egaler ceux des grands maitres. Il peignoit
�galement en grand Sc en petit. On eftime de lui
plufieurs petits tableaux d'un beau fini, & peints
iur cuivre. Il euakta fon pays pour aller a Pvome ,
o� fes ouvrages furent Fort recherches. On voit
beaucoup de fes petits tableaux qui furent achet�s
fort cher.
Il fut employ� dans le palais du pap« a pein-
dre de tr�s-grands payfages a fraifque dans les
frifes. Sa maniere eft prompte & pleine de feu.
-ocr page 235-
Flamands , Allemands & Hollandois. 219
Une belle entente de couleurs fait fentir la d�- ■
gradanon de fes plans. Ses ouvrages effacent ceux
cjui fe crouvent places aupr�s des iicns.
Il couchoitj dans fes petits tableaux , les figures
avec beaucoup d'efprit. Il pafTa au fervice du
duc de Panne, & on croit qu'il y refta jufqu'au
temps de fa mort, qui eft inconnu. On ne fait
pas non plus s'il a fait des �l�ves.
D I R C K ( ou T H I E R R Y )
P I E T E R S.
v/�toit Ie troifi�me fils de Pierre Aertfen. Il
s'�tablit a Fontainebleau > ou il fut a�ralfin�.
L'a�n� des trois fr�res lailfa un fils y qui fut
bon peintre. Il approche beaucoup de la maniere
& de la force de fon p�re.
J E A N
VAN ACHEN,
ELEVE DE GEORGES ou JERRIGFL
Van Achen naquit en 1556 , dans la ville
de Cologne 3 de parens aif�s qui Tenvoy�rent
fort jeune a 1'�cole. La rliyne lui fervoit autant
a de�iner qu'a �crire \ mais ce qui �tomu les
-ocr page 236-
't x o               La Vu des Pdntrts
. artiftes, ce fut Ie portrait tr�s-refTemblant qu'il!
fit d'une duchelfe qui paffe par la ville. Il �toit
pour-lors ag� de dix a onze ans: on confeilla a
ion p�re den faire un peintre , ce qu'il fit \
8c
apr�s avoir palT� quelque temps chez uu
maitre m�diocre, il fut place chez Georges ou
Jerrigh , qui peignoit fort bien Ie portrait. En
f�xaun�es van Achen devint bon penure} il excel-
loit fur - tout i peindre une t�te d'apr�s nature.
Il s'appliqua depuis a defliner d'apr�s les ouvrages
de Spranger.
Ag� de vir.gt-deux ans , il voyagea en Itali� ,
Sc fut adreff� a Venife chez un peintre Flamand
nomm� Gajpard lieims Celui-ci Uu demandad'o�
il �toit; & air Ie feul nomd"Allemand., fans voir
fes ouvrages, il Ie jugea tr�s-m�diocre: il 1'envoya
chez uu Italien appell� Moretti, peintre de nom ,
qui attiroit chez lui les pauvres artiftes, parce
qu'il brocantoit leurs ouvrages. Van Achen rit
quelquescopiesquiplurentbeaucoup^maisn'ayant
pas perdu de vue la t:\con dont Gajpard 1'avoit
re^Uj il r�folut de fe peindre dansun miroir _, &c
fe repr�fenta riant. Il avoit mis tout fon art a
peindre cette t�t&j il 1'envoya a Gafyard Reims,
qui avoua n'avoir jamais rien vu de plus beau : i!
vint s'excufer de fon imprudence , Sc prit van
Achen
chez lui. Il a toute fa vie conlerv� ce por-
trait j qui fut admii�de toits les connoilTeurs.
Van Achtn quitta Venife & fut a Rome. Son
premier ourrage dans cette grande ville , fut la
NailTance du Seigneur pour 1'�glife des J�fuites.
Ce tableau �toit peint a Fhuile fur une plaque
d'�tain ou de plomb. Il fut deftin� pour une de
]«urs chapelies. Ce peintre fit encore fon pottrait j
-ocr page 237-
Tldmands 3 'A'demards & Hoilandois. 411
il tient en riant une co;jpe de vm. On voitpr�s de
lui une femme fort connuequi jouoit du luth ,
nomm�e Madona Venufia. On regarde ce tableau
comme Ie plus beau qu'il ait fait. De Rome il alla
� Florence , Sc �t Ie portrait de Aladona. Laura j
<jui excelloit en poefie.
Il retourna a Venife, ou il a fait une quantit�
de tabieaux pour un n�gociant c�e Maftricht y
entr'aurresnotr e Seigneur enrre les mams des Juifs,
une Dana� grande comme nature } & un Juge-
menr de Paris pour un n�gociant de Cologne.
Tous ces tabieaux , & en partie ceux qu'il rit a
Ja cour de Bavi�re, onr �t� grav�s par R. Sadcler.
pendant fon fejour a Yenife , 1'�ledreur de
Bavi�re chargea Ie grand - mr.itre de fa maifon t
Ie comte Otto Jicnry de Swartftnbourg,
d'engager
van Achen d'aller a Munich , o� il peigni t Ie tableau
d'autel deftin� a la chapelle du tombeau de ce
prince. Il �toit ftir bois , & les figures �toient
de demi-grandeur naturelle; Ie fujet repr�fentoit
la d�couverte de la vraie Croix ; on en admira
& la compoiltion & la couleur. Son deflin eft
correcTrj & fes airs de t�tes tiennent fouvent du
gout du Corr�ge.
Le duc de Bavi�re fut fort fatisfait de ce tableau;
il lui fit faire fon portrait, celui de la ducheffe
�c des deux jeunes princes leurs enfans, de gran-
deur naturelle, places tous dans le m�me tableau.
Apr�s avoir �t� bien r�compenf�, il recut pour
pr�fent une chaine d'or de zoo flerins. (i)
L'Empereur ayant v I? portrait de Jean de
Boullognc 3
cel�bre fculpreur Hamand , peint par
(i) Environ 400 liv. de France.
-ocr page 238-
au La Vu des Peintres Vlamanis., &d
Achcn , fit demander cepeintre pendant qua-
d fif
          i         ��i 1'i
i 556. tre ann�es de fuite, fans avoir pu r�ui�ir a 1'atti-
rer. A la fin il lui envoya tin feigneur de diftinc-
tion , pour 1'engager a aller a Prague ou �toit la
cour. Kan Achcn y fut, & commenca par un
tableau repr�fentant V�nus & Adonis. Sa nou-
velle maniere de peindre & de difpofer fes figu-
res, fes airs de t�tes pleins de graces, plurent
infinimeot a ce prince. On ne fait pomt Ie motif
qui 1'engageaa quitterTEmpereui" pourretourn�c
a Munich, o� il fit pour les J�fuites un Saint-
S�baftien fort eftim� , & depuis grav� par Jean
Muller
d'Amfterdam.
Il fit dans ce temps les portraits de mefl�eurs
Fouchers d'Ausbourg, II �poufa la fille du c�l�bre
Laffo , l'Orph�e de fon temps, & retournaaPra-
gue une feconde fois , a. la demande de 1'Empe-
reur jqui con(jutpour lui une eftime particuliere.
Tous les palais font orn�s de fes ouvrages. On
voyoit de lui a Amfterdam un beau tableau ,
avec plulieurs figures grandes comme nature. La
principale eftune femme repr�fentant laPaix; les
Arts 1'environneat. Ce fujet d'une compofition
noble eft parfaitcme.nt pemt.
Van Achcn moutut aufervice de 1'Emperenr,
fort regrett� de fon ma�tre , & fur-toutdesartif-
tes. Jamais il ne paria mal de perfonne & ne fut
plus content que lorfqu'il put obliger.
L'�ledteut Palatin pofs�de un tableau de van
jichen
j il repr�fente notre Seigneur dans fon
tombe au.
-ocr page 239-
O C T A V I O
VAN VEEN,
o u
OTTOVENIUS.
Ljzs grands talens de ce peintre l'onr fait admi-
rer. La Flandre lui doit l'mtelligence du cla�r-
obfcur , dont il avoit donn� les r�gies & les prin-
cipes. Il y a , un des premiers, introduit Ie bon
gout. C'�toitce qu'on devoic attendre du maitre
du c�l�bre Rubens.
Ottovenius naquit a Leyden en 15 5 6 j d'une
familie diftingu�e.Son p�re �toit bourguemeftre ,
&fam�re Cornetia, d'une des principales maifon*
-ocr page 240-
Ia Vu la Pdntrtt
---------d'Amfterdam. Il pafTa fa premi�re jeunefle dans
l , ^ les �coles latincs, Sc �tudia. Ie deflin chez Ifaac
N�colas:
quelques d�go�ts ralentirent fes progr�s.
Son p�re 1'envoya a Li�ge a 1'age de quinze ans t
il y fut re^u avec amiti� par Ie cardinal de Graefi
bec,
ou Groojbcck, pour-lors �v�que & prince de
cette ville. C'eft a 1'amiti� de ce cardinal qu'ii
fut redevable des moyens qu'il eut d'�tudiei* la
peinture: il en recut des lettres de recomman-
dation pour Ie cardinal Maducio a Rome j qui
concut pour lui 1'eftime due a fes ralcns. L'�cole
de Fr�d�ric Zucherc fut celle o� il s'attacha enti�-
rement, & enpeu de temps il donna des marques
de fonhabilet�. Il quittal'Itali� apr�s feptann�es
d'�tude j il vint en Allemagne & refta au fervice
de 1'Empereur. Il fut a la cour de Vienne , a
celle de l'�le�leur de Bavi�re 3 Sc d�la chez 1 �-
lecteur de Cologne. L'amour pour fa patrie 1'ei-n-
poita fur les honneurs Sc fur les penfions qu'oa
lui offrit. Les Pays-bas efpagnols , dont pouc
lors Ie prince de Parme �toit gouverneur ,
fix�rent Vcnius. Ce prince Ie reipt avec une fin-
guli�re bont� , & ne fut pas long-temps a conno�-
tre fon efprit Sc fon g�nie: il l'hoiiora du titre
d'ing�nieur en chef, & de jpeintre de la cour
d'Efpagne. Ottovenius remplit ces deux places
avec honneur. Son m�rite perfonnel Ie fit autanc
admirer qu'eftimet des feigneurs de cette cour ,
& fes belles qualit�s leur firent m�me rechercher
fon amiti�.
La mort du duc de Parme 1'obligea de changer
de demeure. Il choifit Anvers, o� il exerija fon
g�nie & fon pinceaua orner les �glifes Sc les plus
beaux �difices de fes tableaux, qui y font encore
admir�s
-ocr page 241-
------
Flamands , Alhmands & Hollandois. 225
'adm�r�s aujourd'hui. La ville d'Anvers lechargea
dans Ie m�me temps des dei�ins & de la direc-
tion des arcs de triomphe qui furent �lev�s a
1'entr�e publique de 1'archiduc Alben. Ce prince
fut furpris de Fordonnance ing�nieufe qui r�gnoit
dans cesd�corations: 1 enius ree, ut de lui des mar-
ques utiles de prote�tion. Il 1'appella a Bruxelles,
& Ie fit intendant de la monnoie : ce nouvel
cmploi ne 1'emp�cha point de peindre& d'�crire.
Il fit les portraits de 1'archiduc Sc de 1'infante
Ifabelle en grand j& qui furent envoy�sa Jacques
I
, roi d'Anglecerre.
Louis XIII voulut attirer ce peintre a fa cour j
ma�s les plus flatteufes promeifes ne purent jamais
Ie d�tacher du fervice de 1'archiduc. Il refufa
m�me de faire quelques defllns pour les tapifle-
ries du Louvre, &c mourut a Bruxelles en i<j^4,
ag� de 78 ans. Il laii�a deux filles _, qui fe font faic
une r�putation dans la peinture, Gertrude Sc Cor-
n�lie.
La derni�re �poufa depuis un riche n�go-
ciant d'Anvers. Gertrude a fait de fon beaux
tableauxj entr'autres Ie portrait de fon p�re, qui
eft grav�, &' qui fut orn� de ces vers par Ie favant
Ericius Puteanus :
Artis fu.& miraculo felix Pater
� Filidjam plenus &vo nafcitur
,
Vidurus omni, clarus at avis Battavis,
TiHor, Po-ca, Philofophus
, Cajhenfium
Callens matkematum, orbita dii ingeni
Ter aha vtBus rerum , & ima �i intima
Scientiarum
, aocta v*na
Tome I,
-ocr page 242-
La Vie des Peintres-
Le chev.ilier Bulart _, qui a �crit la vie d'Or-
tovenius 3 faic fon �lcge, & lui donne le nom
d'hiftonen & de po�te : il cic� iin grand ncmbre
de fesouvrages, 1'Hiftoire de laGuerre des Bata-
ves contre Claudius C�vilis & Cenal�s 3 tir�e des
quatri�me&: cinqui�me livres de Corneille Tacite.
Cet ouvrage eft enrichi de quarame eftampes.
Les Embl�mes dTIoracej avec des'obfervations
latines, franc,oifes, italiennes & flamandes j la Vie
de S. Thomas d'Aquin 3 orn�e de trente-deux
planches ; plufieuis �mbl�mes fur I'amour divin
&: profane : il d�dia ce dernier ouvrage a rinfante
Ifabelle,qui touch�edefabsaut�jengagea Vcnius
a faire les Embl�mes de 1'Aniour divin , ouvrage
rempli d'art & de favoir.
On a de lui d'autres ouvrages remplis d'une
belle �rndition , & qui out m�rit� le luffrage de
Lip/ius.
Ottovenius eut deux fr�res 3 Gisbert, graveur,
Sc Pierre : ce dernier ne peignott que pour fon
plaifir : les connoifTeurs ont regrett� qu'il n'en
ait pas fait fon unique talent, tant il ayoit de
difpontion Sc de g�nie.
Les principaux ouvrages de ce pe�ntre fe con-
fervent dans les �glifes de Flandres. La cath�-
drale d'Anvers nous offre dans la chapelle de S.
Nicolas, Notre Seigneur au milieu des p�cheurs
convercis j c'eft le tableau d'autel : celui de la
chapelle du Saint Sacrement repr�fente la C�ne.
On voit dans la chapelle des peintres un tableau
de Martin de Vos, avec deux volets, dont un eft
peint par Venius. Le tableau du grand autel
de la paroifTe de Saint-Andr�, repr�fentant 1»
martyre de ce faint, eft de la m�me main, ainfi
-ocr page 243-
�^�
Flamands t AHemands & Hollandols'.
«que Ie tableau de la Madelaine atix pieds de
!Notre Seigneur, chez Simon Ie Pharifien. Mais
ce dernier moixeau eft a Bergues, dans Ie r�fec-
toire de l'abbaye de §. Vinox.
\
JEAN DE WAEL.
JL/ e "Wa e t, �l�ve de Francois Franck, m�rita
de la confid�ration dans fon art : il �toit n�
Anvers , o� il mourut jeune. Il fut admis dans la
compagnie des peintres de la m�mc ville.
:
r
:
i J .
(ij ?�JV
-ocr page 244-
ADAM
VAN OORT,
EL�VE DE SON P�RE.
C e u x qui ont �crit la vie des peintres, ne par-
lent A'Adam van Oort que pour lui reprocher fej
exces. Il �toit originaire d'Amersfort, & naquit
a Anvers en i $ 57 : il fut �l�ve de fon p�re Lam-
ben van Oort,
aflez diftingu� dans la peinture Sc
l'archite&ure, & admis parmiles peintres d'An-
vers en 1547.
Adam auroit eu Ie g�nie Ie plus heureux, su
-ocr page 245-
La Vie des Peintres Flamands y &e.
avoit �t� plus mod�r� dans fes paffions. Il n�gli- ■ *=
gea les beaut�s de la nature, ou peut-�tre ne les 1S57'
a-t-il jamais connues. Cependant il eut une
r�putation confid�rable, & fit pluf�eurs grands
ouvrages dont il fut bien pay�. Il pouvok encore,
apr�s ion mariage, fe rendre un des plus grands
peintres de fon temps; ma�s il s'�loigna de toute
foci�t� :fa brutalit� Ie rendit dangerenx & infup-
portable, & il perdit fes amis & fes �l�ves ( du
nombre defquels �toit Rubens. ) Jacques Jorda'�ns
fut Ie feul qui s'accommoda du g�nie de fon
tna�tre , peut-�tre parce qu'il aimoit fa filie, qu'U
�poufa fort jeune.
Van Oort devint maniere & n�gligea la nature r
il ne regardala peinture que comme un moyen de
s'enrichir. L'amour de fon art diminua a mefure
«ju'il s'abrntit dans la d�bauche. Ses derniers ou-
vrages n'ont d'autre m�iite qu'une ex�cution
Eicile & une bonne couleur. Dans fon bon temps
il avoit compof� avec plus de choix } & fon def-
fin �toit plus correct. Rubens difoit que cepeintre
auroit furpafT� fes contemporains, s'il-avoit vu
Rome, & s'il avoit cherch� a fe former fur
les bons mod�les. Malgr� ces d�fauts 3 il fut bon
artifte, & fes tableaux font vus avec plaifir dan«
plufieurs �glifes de Plandres.. Il mourut a Aravers
en 1641 j ag� de quatre-vingt-quatre ans.
Les principaux �l�ves de ce peintre furent
Rubens, Jacques J'orda�ns, Ie Francky & Hertri va»
Balen.
-ocr page 246-
H E N R I
GOLTZI�S,
�L�VE DE SON P�RE
JEAN GOLTZI�S.
G-oltzius fortoir d'une familie diftingu�e
dans les arts: fes grands p�res & fes oncles �toient
tous fculpteurs ou peintres, ainfi que Bubert dont
il a �t�^arl� ci-devant. Il naquit au mois de
f�vrier 1558, dans Ie bourg de Mulbratk, pres
de Venloo dans Ie duch� de Juliets, Son p�re
-ocr page 247-
La Vie des Peuttres f lamanis, &c. xy
peignoir bien fur verre : il donna les premiers .
principes du deffin afon fiis 3 en qui il avoit re-
connu un penchant d�cid� j d�s Tage de fept on
huit ans , il tracoit routes fortes de figures fur les
murailles de la maifon : on a vu des deffins de eet
age qui ont furpris. Occup� a deffiner fur Ie verre
pour fon p�rej ilne lui �toit gu�res poflible d'�tu-
dier j il en marqua du chagrin, & s'adonna de
lui-m�me a la gravure : ayant fait plufieiirs deffini
pour Coornhert, celui-ci propofa au p�re de Ie
prendre avec lui pour deux ans r Ie jeune Henri
ne voulut point s'engager, il �tudia lui feul la
gravure; il ik de fi grands progr�s ,que Coornherty
furpris de fon talent, 1'employa, non pas en �co-
lier, mais en ma�tre. Il 1'engagea lui & fa familie
a Ie fuivre en Hollande, & ils furenc s'�tabliri
Harlem.
Gokhuis travailla pour Coornhert & pour Phi-
lippe Gulle.
Il �poufa une veuve qui avoit un
fils nomm� Jacques Mathan , duquel il fit dans la
fuite un habile graveur.
Quelques r�flexions un peu tardives far f�n
�tat, fur ce qu'il fe trouvoit inan� a 1'age de vingt-
nn ans,& dans la n�cel��t� de ronencer ?.u voyage
crita�e, chagrin�rent fi fort Goh-^ius qu'il-toniba-
dangereufement malade. Il cracha du fang pen-
dant trois ans , & fut abandonn� des m�decins :
cependant, quoique fcible 6c langui0ant, il fe
d�termina $ voyager- pour voir rAnnqiie, difant.
que, puifqu'il fallait p�rir, du moms il vouloit
auparavant avoir la confobtion de voir les beaut�s
de Rome.
En 1590, il s'embm-qua a Amftcrdam pour
Hambourgj accompagn� d'tin domeftique, SC
P 4
-ocr page 248-
Xj i            La Vie des Peintres
laiflant chez lui fes �l�ves & fon imprimeur. Il
parcourut routes les villes d'AUem.igne, & vifita
pai-tout les artiftes fous Ie nom d'un marchand
de fromages. Quelquefoi� fon valet pafToit pour
Ie maicre; & , fous ces d�guifemens, il eut la
fatisfa�tion d'entendre parier librement de fes
ouvrages, lui pr�fent, comme s'il n'y avoit point
�t�. Ie changement d'air & la fatigue chang�rent
fon temperament, & lui rendirent la fant�. Il
paffe par Venife, Bologne, Florence \ & enfin
Ie io janvier 1591 il arriva aRome, o� il refta
long-temps fans vouloir �tre connu t il s'y cacha
fous unhabillementgroffier& fous Ie nomi� Henri
Bracht.
Son admiration vis-a-vis tant de merveilles
fufpendit prefque toutes les fon&ions ext�rieures
de fon ame, & 1'abforba j il avoit 1'air d'un im-
b�cile.
L'Italie �toit alors afflig�e par deux fl�aux pref-
qu'inf�parables, la famine & la mortalit�: il fem-
bloit que de fes fens il ne fut reft� k Golf(ius que
celui de fes yeux : on 1'a vu plus d'une fois def-
finer l'Antique au milieu de radavres corrompus,
fans s'en appercevoir.
Un amufement qu'il mit bien a profit dans fes
heures peidues, fut de fe m�ler fouvent avec
ceux qui achetoient & vendoient des eftampes.
Il vit Ie cas particulier que 1'on faifoit de fes gra-
vures , mais il entendoit ce qu'on y trouvoit a
blamer : il proficoit des louanges & des critiques.
A la fin d'avril de la m�me ann�e , il panit pour
Naples, mais fans fe raire connoitre, avec Jean Ma-
thijjerij,
orf�vre, & ungentilhomme deBruxelles,
nomm� Philippe van Winghen, favant antiquaire.
lis fe mirent en route fort mal v�tus, dans la
...
i
-ocr page 249-
Flamands j Alhmands & Hollandois.
C�ainte d'�tre affaffin�s par des brigands qui infef-
toient ces contr�es. Etant arriv�s a Villetri, van
Winghen,^�cs
Ie fouper, leur montra des lettres
qu'il venoit de recevoir de fon pays, une entre
autfes du favant Orulius, qui lui marquoit que
Gokhuis �toic en Itali� : il d�fignoit Goltqius par
fes principaux traits , & par une bruiure qui lui
avoit ellropi� la main droite. A ce pomait, Ma-
thijfcn
s'�cria: Voici Golt^ius, voila biea fon por-
trait. Van Winghen neputlecroire : quoilce grand
homme auroit pu fe cacher fi long-temps parmi
nous ? Non, dir-il, vous n'�tes pas Gohyius, Notre
graveur eut beaucoupde plaifir de leur embarras :
il tira fa main droite j en riant, 8c dit: Voilala main
qui doit me faire reconnoitre. Enm�me temps il
leur montra fur fon linge la marque de fes eftam-
pes H. G. lis embrafs�rent avec joie ce compa-
triote, d�ja leur ami par fon carad�re j �s lui
firent des reproches tendres qui ne firent que ref-
ferrer davantageles �iacuds de leur union.
Apr�s avoir vu a Puzzoly les miracles de la
nature, a Naples ceux de Tart, & apr�s avoit
copi� Ie vigoureux Herculedansle palaisdu vice-
roi, Golf(ius s'embarqua fur les gal�res du pape
pour �tudier les mouvemens des mufcles des ef-
claves, qui rament, Ie corps nu: il d�barqua, a
caufe du mauvais temps, a Gayeta 3 & de-!a fut a
pied a Rome , ou les J�fuites Sc les artiftes Ie
reconnurent/: il defl�na au crayon prefque tous les
grands hommes: il en fit autant a Venife, a Flo-
rence & en Allemagne.
lis quitt�rent Rome Ie troifi�me d'aout 1591,
fon ami Mathijfen & lui, pour retourner chez eus:
ils prirent leur route par Bologne 6c Venife, en
-ocr page 250-
iJ4               &* Vu des Peintres
faifant toujours quelque fejour dans chaque vi�e
pour y voir les artiftes. Goltnus vouliu revenir
par 1'Allemague, & s'arr�ter a Munich ( o� il
avoit ci-devant jou� Ie r�le de valet.) II fut auffi
vifiter tous ceux qui 1'avoient vu fous eet habic:
tous en rirent avec lui, except� ceux qui j ne Ie
connoilFant pas, avoient dit du mal de fes talens.
De )a il fut droit chez lui. On y fut furpris du r�-
tabliffement de fa fant� , ma�s elle ne fut pas de
longue dur�e } fo:t que 1'air du pays ne lui con-
v�nt point,foit chagrins domeftiques, il retomba
dans un �tat pire qae jamais. Van Mander, qui
a �critfa vie , & qui 1'a beauconp connu , en attri-
bue la caufe afon affiduit� au travai!. Tous les fe-
crets de la m�decine ne purent'nenop�rer fur lui: il
fut reduit quelques ann�es au laitde ch�vre,&a.Ia
fin au lait de femme. Fatigu� de tant de rem�des
qui ne faifoient qu'achever d'�teindve un refte de
vie , il prit la-r�folution de fe promener bca'jccup
& de travailler pciij par ce moyen, il r�tablit
encore fa fant� : il mourut enfin a Harlem en
1617, ag� de cinquante-neuf ans.
Son bun» , aufii facile que fon g�nie f�condj a
beaucoup produit j perfonne na plus delim� dans
Rome en auffi peu de temps j il grava a fon re-
tour plufieurs de fes dellins. Il imira tous les
genres, tant�t celui <i'Hcmskerck, de Fran^ois
Floris ,
de Blocklandt, de Fredertc 8c de Spran-
ger
: il grava , d'apr�s ce dernier, Ie beau tableau
du Feftin des Dieux.
Piqu� d'entendre dire que fes ouvrages n'ap-
prochoieut pas de la beaut� de ceux A'Alben
Durer
, il fit ouelques eftampes dans Ie gout de
eet allemand, une entr'autres qui repr�fentoit h
-ocr page 251-
Flamands,Allcmanis & Hollandois. 2$ 5
Circoncifion, o� il fe repr�fenta lui-m�me : il
eut grand foin de ne laiiler voir aucune de fes
�preuves: il les laifla enfumer, br�la la marque
de Ion n�m , & fit colier du papier fur la place. A
la foire de Francfort, les connoifteurs furpns de
la beaut� de cette eftampe qu'ils n'avoient point
vue, & qu'ils crurenc mancjuer a la fjite des
ouvrages �Alben, 1'achct�rent Sc la trouv�renc
au-deflus des autres. Cet aveu divertic Golt-(ms
qui fe fit connoitre, & les confondit en leur mon-
trant la planche qu'il avoitgrav�e : cette avcnture
ouvrit les yeux des amateurs fur Ie compte de
notre illuftre graveur.
On fut �tonn� de Ie voir commencer a peindre
a lage de quarance-deux ans: il d�buta par un
pent tableau fur cuivre , repr�fentant Motre Sei-
gneur fur la Croix, la Samte-Vierge & Saint
Jean aux deux c�t�s : ce tableau �toic pur &
renipli de beaucoup d'ouvrage.
Quoiqu'il ait commenc� fort tard 3 Ie nombre
de fes tableaux eft condd�rable. Le cabinet de
rEmpereiir & beaucoup d'autres confervent quan-
tit� de fes tableaux : il avoit une maniere de
glacer qui lui �toit propre, & il donnoit enfuite
des touches qui faifoient un grand effet. IJ a fait
aufli fort bicn le portran, ma�s on cice de lui fur-
tout une Dana�; a c�t� d'elle on voit Mercnre
& une vieille femme : le nu eft favant peur les
contours , & la couleur eft fort naturelle.
Il �toit habile a la peinture a 1'huile & a la
gravure. Il fit des prodiges fur le verre.
On conferve de lui des efp�ces de deffinj en
forme de camayeu , qu'il defl�noit a la pl«me fur
de grandes toiles : ces deffins hach�s comme la
gravure, font un grand efFet.
-ocr page 252-
116 La Vie des Peintres Flamands, &e.
II eut plufieurs bons �l�ves, tels que Jacques
Mathan
de Gheyn & Pierre de fode, d'Anvers.
REMI
VAN RHENI.
�"----- Van Rh ent , n?tif de Bnixelles, fut grand
imitateur de la nature : les ouvrages qu'il fit pour
Henri comte de Volfes, en AUemagne, de qui il
�toit peintre penfionn�en ��oo, ont m�rit� 1'ef-
time des connoifleurs. Le chateau o� r�fidoit Ie
comte Henri, ayant �t� d�truit & brul� par les
SuifTes j Remi retourna a Bruxelles o� il eft mort.
*�..... -■ ■■ -- i- ■... -                 j-.-...------------------------..... ^^-!TrT.TT^T�M^^JT?
LOUIS
DE VADDER,
V adder, auffi n� a Bruxelles , �toit grand
payfagifte: il eut foin d'obferver fouvent dans les
campagnes le lever du foleil �cartant les vapeurs
& les brouillards, & d�veloppant peu a peu les
lointains. Ses tableaux font d'une grande v�rit� :
il a fu donner la vapeur de 1'air a fes ciels dans
fes ouvrages. Ses arbres font de bon gout, bien
touches, & agr�ablement r�fl�chis dans les ruii-
feaux dom il a ernbelli fes payfages.
-ocr page 253-
.....'f
11-v
:■/■!'
H E N R I
VAN B A L E U,
�L�VE D'ADAM VAN OORT.
H
�NRi van Balen naqnit a Anvers : il fut
�l�ve ��Adam van Oort^ qu'il quitta de bonne
heure ponr voyager en Itahe, o� il fit de grands
progr�s d'apr�s 1'antique Sc les ouvrages des der-
niers maatres : il y fut tr�s-etnploy�, Sc revint a
Anvers, riche d'argent 8c d'�tudes.
Ses tableaux font en aff�z grand nombre: il
peignoit 8c deffinoit bien Ie nu qu'il aimuic i
-ocr page 254-
15 8                La Vit des Peintres
repr�fenter dans fes figures. Ses compofitions font
' grandes : il fe fervoit de Jean Breughel pour faire
fes fonds. Les deux tableaux qui lui font beau-
coup d'honneur, font ceux dont Houbraken (i)
fait la defcription \ Ie premier repr�fente Ie Feftin
des Dieux : on y voit un grand nombre de figares
bien deffin�es & bien colon�es; Ie fond de ce
premier tableau eft de Breughel, ainfi que celui
du fecond, qui repr�fente Ie Jugement de Paris :
les figures peintes avec une grande hafrnonie de
couleur paroiflent rondes & fortant du tableau:
ileftfur cuivre. Ce bon peintre fut Ie premier
maitre d'un plus grand peintre que lui, d'Antoine
van Dyck , Sc
de Francois Sneyders.
Van Balen tient fa place paimi les meilleurs
peintres flamands j il compofoit bien, il favoit
donner un tour agr�able a fes figures: la finei�e &
1'�l�gance fe trouvent dans fon deflin, & fa bonne
couleur a �t� lou�e par les plus grands maitres.
Henri van Balen Sc Marguer�te Bries fa femme,
font enterr�s dans l'�glife de Saint Jacques a. An-
vers.' On y voit fon �pitaphe qu'il a orn�a de fon
portf ait &c de celui de fa Femme; tous deux fant
peints en forme ovale. On lit au bas :
Chrifto refurgentifacr... Integra vit& viro, Pittori
eximio
, Hennco van Balen, cujus virtutem pr.udens
imitdbitur pqfleritas
, pen�cillum mirabitur longior
atas. Margarita
Bries conjugi 17. Jul. 163a., di-
nato pojf. & obiit
23 Oct. anno 1638. Horum,
tuique
, te memorem vult 3 benigne leclor, beatafpes
mortalium.
1
-
(1) Houbraken,peintre hollandois, a �crit la vie
des peintres depuis van Minder.
-ocr page 255-
Flamands, Allemands & Hollandols.
Un des plus beaux tableaux de van Balen eft
dans 1'�glife de Notre-Dame d'Anvers : il repr�-
fente Saint Jean qui pr�cht dans Ie D�fert: il orne
Ie retable de la chapelle des menuif�ers. L'�pita-
phe de la familie de MM. Humfen eft plac�e con-,
tre un «les piliers de cecte �gliie : la Vierge, 1'en-
fant J�fus & Saint Jofeph, occupent Ie milieu, Sc
fur les volets on voit des anges qui jouentde dif-
f�rens tnftrUmens: Ie fond eft un payfage; ily
a des fleurs fur Ie devant qui font peintes par
Breughel de V'lour,
Les Jacobins de la m�me ville ont un tableau
de van Balen, repr�fentant 1'Annonciarion. L'�-
giife de Saint -Sauveur a Gand , pofs�de fept
tableaux du m�me: Ie premiers 1'Ange qui an-
nonce a Saint Jofeph en fonge, 1'arnv�e du Fils
de Dieu j Ie fecond repr�fente ia NaifTance de J�fus-
Chrift y Ie troifi�me 1'Adoration des Mages; Ie
quatn�me la Purification au Temple ^ Ie cinqui�-
me la Fuite en Egypte; Ie fixi�me J�fus-Ghrift
au milieu desDodteurs; Ie fepti�me, J�fus-Ghrift,
la Vierge & Saint Jofeph qiu travaillent de leurs
mains. Ces tableaux de moyenne grandeur font
places dans la chapelle de Saint Jofeph.
On voit du m�me a Gand, chez M. de Schamps,
deux jolis tableaux d'un grand fini.
l
-ocr page 256-
Vit des Pe'intres
CORNILLE
C O R N E L I S,
� L � V E
DE PIERRE LE LONG LE JEUNE.
Vj o rn EiiSj natif d'Harlem en 1561, donna
1562. d�s fa plus tendre jeuneiTe, des marques d'une
grande inclination pour la peinture : il tailloit
avec Ie couteau des figures de toutes fortes de
formes. Sesparens avoient quitc� la ville du temps
des troubles de la guerre-, mais de retour chez
euxj ils plac�rent Ie jeune Cornille chez Pierre
Ie Long
Ie jeune , qui avoit de la r�putation.
L'�l�ve fe forma en peu de temps j & fut fur-
nomm� Cornille Ie Peintre. Il a toujours conferv�
ce nom. Il a furpafle de beaucoup fon ma�tre : il
quitta fa patrie a 1'age de dix-fept ans, efp�rant
de paflfer par la France , & d'aller en Itali�. Il d�-
birqua a Rouen, & quitta bient�t cette ville a
caufe de la pefte : il retourna en Flandres , & fut
a Anvers attir� par la r�putation des grands pein-
tres qui habitoient cette ville. Il entra chez Fran-
cois Porbus, ik
enfuite chez Gilles Coignet, o�
il refta un an. Il corrigea fa maniere de peindre
qui �toit crue, & fon pinceau devint plus mo�l-
leux & plus agr�able.
Avant de retourner chez lui, il laiffa a fon ma�-
tre un tableau o� il y avoir plufieurs figures de
femmes nues, bien deffin�es & d'un bon ton de
couleur j
-ocr page 257-
Flamands} Allemands & Eollandols. 241
couleur : il fit auill un pot de fleurs, artifte-
ment touche Sc d'un li beau f�m, que Coignet
n'z
jamais pu fe d�terminer a Ie vendre , tant il
eftimoit ces fleurs peintes d'apr�s nature. Corn�/e,
de retour a Harlern, d�buta par un grand ta-
bleau pour les Buttes des Arquebufiers : il y avoit
.repr�fent� les portraits des principaux de cette
compagnie. Ce tableau fut place en 15 S $ ^
1'ann�e que van Mander alla s'�tabiir dans cette
ville : il fut furpris de la beaut� de ce tableau ,
&il avouaqu'iln'auroit jamais cru trouver a Har-
Jem un peintre de cette force.
En ef�et dans ce chef-d'ceuvre, outre les per-
fe�fcions del'artj les couleurs font excellentesj
1'ordonnaBce belle, les mains d'un beau deffin ,
les expreffions nobles : ce ne font cependant que
des portraits , mais trac�s par Ie g�nie propre aux
tableaux d'hifteire. Comme un po�'te peut im-
mortaljfer fa plume par des �loges particuliers »
un peintre peut �terniier fon pinceau par des por-
traits : 1'un Sc 1'autre doivent int�refl�r autant
Je public, que ceux qu'il repr�fent�. Comme
notre artifte nJavoit point vu l'anrique, il en
amafla des platres ou autres pr�cieux mod�les ,
fur lefquels il fe forma Ie gout. La nature �toic
fidellemenr imit�e dans fes ouvrages : fon go�c
de deffin n'eft nullement maniere.
Il fit un grand tableau en long 3 repr�fentanc
Ie D�luge , pour Ie comte de Leycefier: il r�p�ta
Ie m�me fujet pour Ie fieur Ferreris a Leyden.
Lenu, les diff�rens agesfont tr�s-bien rendus. Le
nombre de fes tableaux eft confid�rable en grand
Sc en petit : il faifoit bien le portrait 3 quoiqu'il
Ji'aimac pas ce genre. Peu depeiutres ont�t�plu^
Tome l.                                 Q
.
-ocr page 258-
14*               La Fit des Peintres
------� lou�s. Houbraken dit que Cornille refufa 60 flo-
i$6i. rins d'un pied bieu repr�fent� dans un de fes
tableaux , qu'on peut juger que 1'ouvrage en en-
tier devoit �tre fans pnx , ii tout y �galoit la
beaut� de ce pied. Ce tableau eft place dans la
m�me ville a la cour des princes. Lorfqu'ifou-
brakens. voulu relever Ie m�rite de quelques pein-
tres } il 1'a �gal� a CornelifJ'cn.
Ses tableaux , quoique nombreux , font diffi-
ciles a trouver , par Ie cas que les connoifleurj
en font, particuli�rement les Flamands. Il eut
plufieurs �l�ves qui ont foutenu fa r�putation ,
tels que les Gaard Pieten de Delft , Cornille ,
Jacobs 3 Cornille , Enghelfens , Gerard Nop t
Zacharie
d'Alcmaer. Quoique Cornille travaillat
continuellement j il mourut dans un age aflez
avance en 1638 , ag� de foixante-feize ans , 8c
illaifla apr�s luiun grand nom, des �l�ves fameux
�c des tableaux admir�s. Que pourroit-on ajouter
a fa gloire ?
PIERRE
L A S T M A Nt
ELEVE DE CORNILLE CORNELIS.
Latsman naquit a Harlem en 1561. Tout
ce qu'on fait de lui, c'eft qu'il �toit �l�ve
de Cornille. Van Mander, en �crivant la vie
des peintres en 1604 } dit qu'il �toiEalorsaRome,
-ocr page 259-
Flamatlds , Allemands & Hotlandols. 24 j
& qu'il promettoic beaucoup. Les hiftoriens rap-
portent plufieursmorceauxdepo�fies afalouange ;
j'auroii mieuxaim� voirde lui-quelques tabieaux ;
xmis les �loges font fuppofer qu'il les avoit
m�rit�s. La raret� de fes ouvrages ou Ie hafard
m'en ont priv�. Je puis dire feulement qu'il pafle
dans fon pays pout avoir bien compof� Sc bien
peint.
J E A N
ROTTENHAMER;
�L�VE DE DONOUWER.
R ottinhambr naquit a Muftich en
15 64. Il re$ut les premiers principes de Do-
nouwer
, peintre m�diocre. L'�l� ve s'appetc, ut bien-
t�tqu'un tel makre contribu�roit peu a fon avan-
cement \ & n'ayant ni fecours ni mod�le dans fa
patrie, il prit leparti de les aller cherchera Rome.
Il commen^a a compofer & a peindre de petits
fujets fur cuivre \ mais il accrut fa fortune en
donnant au public un grand tableau repr�fentanc
lagloiredes Saints.Tous ceux qui connoiflbient Ie
peuitre, furent �tonn�s de voir changer tout-a-coup
ia maniere. L'encouragement porta fes idees plus
lom : il fut a Venife pour y apprendre a coloner;
il copia d'abord Ie Tint»r$t, qu'il a toujours fuivi,
tant pour Ie coloris que pour la pofition de fes
figures. Il faifoit de petits tabieaux fur cuivre
qu'ilvendoit fort ener, fans n�gliger 1'occafion
-ocr page 260-
244                 La Vie des Pe'mtres
� <le traiter de grands fujets. 11 fit une Annoncia-
tion pour 1'�glife de S. Barthelemy de la nation
allemande, 8c un« Sainte Frabonie pour celle des
incu-rables.
Ro ttenkamer k mznziV eriifc }8c apr�sy avoir
long-temps travaill�, il re:eurna en Allemagne &
ie nxa a Ausbourg. Il peignit en grand & en
petic. Il fit un grand tableau pour Ie maitre autel
de 1'�glife de Sainte-Croix, repr�fentant la gloire
des Saints: ce tableau, dont Ie fujet avoitd�ja �t�
traite par notie artifte, eft fup�rieur al'autre. La
compofition en eft belle j il y a fu vaner fes
figures, fans rien outrer.La couleur & 1'intelligence
ont fait confid�rer ce �ableau comme Ie meilleur
<le fes ouvrages.
Quoique ce peintre e�t fait un long f�jour en
Itali�, il conferva toujours un refte du gout de
fa nation, mais plus elegant & plus gracieux que
ne font la plupart des peintres allemands. Il de-
vint rnani�r� dans quelques-uns de fes ouvrages:
les meilleurs approchent de la maniere du Tin-
toret.
Ses airs de t�tes font gracieux. On s'apper-
^oit par-tout qu'il aimoit a peindre Ie nu : dans
la plupart de fes fujets , il repr�fentoit des nym-
phes: � donnoitde la grace a fes petites figures ,
qu'il touchoit avec bien de la nnefle. Il �toit
fecouru par deux habiles artiftes , Ie Breughel 8c
Paul Bril,
qui peignoient les fonds & les payfages :
fes petits tableaux font les plus eftim�s & les plus
connus en France.
Pendant fon f�jour a Ausbourg, il peignit pour
rempereur Rodolphe , Ie Banquet des Dieux : ce
grand tableau a'e m�rite de fes meilleurs ouvrages,
ainfi que Ie Bal des Nymphes , qu'il fit pour
ferdinand, duc de Mantoue.
-ocr page 261-
Flamands j Allemands & Hollandois. 24c
La ville d'Utrecht eut de lui dans Ie m�me ~
temps une Aflbmptioa de la Vierge, & un autre
tableau repr�fentant Diane Sc A&�on.
On voit de lui dans Ie cabinet de l'�le&eur
palatin , Ie Jugement dernier , la Naiflance de
norre Seigneur, les Noces de Cana, Ie Jugemenc
de Paris, Ie Bain de Diane. A Gand , dans Ie
cabinet de M. J. B. du Bois, notreSeigneur
dans Ie jardin des Olives. Dans Ie cabinet du
roi de France , notre Seigneur portant fa croix:
il eft peint fur cuivre. Au Palais-royal 3 deux
tableaux fur cuivre, un Cbrift mort fur les ge-
noux de la Vierge, &Dana� couch�e fur un [�u
A Paris , chez 1VL Blondcl de Gagny, un petin
tableau repr�fentant Ie Feftin des Dieux : Ie
payfage eft de Brcughel de Vlour. Chez M. de la
Bouexiere
, Ie Feftin des Dieux en grand, & Ie
Bain de Diane en petit :1e payfageeft de Breughel
de Vlour.
Chez M. de Julienne, chevalier de
Saint-Michel , un petit tableau de Diane au bain:
ie payfage eft de Brcughel de Vlour.
Rottenhamcr, malgr� tant de produ�Hons, �toit
continuellementdans uneforte d'indigence : pro-
digue & diffipateur, il mourut pauvre, & fesamis
fiirejit oblig�s de fe cotifer pour Ie faire enterrer,.
_________.__________^:'_�_____:----------------------- -----------
-ocr page 262-
ABRAHAM
BLOEMAERT.
BtoEMAERT naquit, felon Houhraken l
,______ en 15 64 , & felon Sandraert Sc van Mander y
1564. en 1567 , dans la ville de Gorcum. D�s 1'ea-
fance il copia des deflitts de Franc-Flore , avec
une extreme application : il ne dut fon talent
qu'a la nature , n'ayant eu pour maitres que des
artiftes m�diocres. Son p�re Ie mit chez un bar-
bouilleur, qui lui fit peindre quelques figures
pour un ma�tre en fait d'armes. L'�l�ve faifoit
moins de cas du ma�tre , que Ie ma�tre n'en
faifoit de 1'�l�ve. II Ie quitta pour aller chez
J�feph de Beer, �l�ve de Flore, qui demeuroic
__
-ocr page 263-
la Vie des Peintres Flamands, &c. 147
aufli 3. Utrecht : ce dernier- n'avoit d'autre m�- "~ 7~
nte que de pofleder de grands mod�les, tels *
que eeux de Blocklant. Bloemaert retta quel-
que temps a les copier. Son p�re lui fit avoir
dans la fuite de bons tableaux. On eftimeune
copie d'apr�s Langen Pier} dont Ie fujet �toic
grote/que , ma�s bien rendu : c'�toit une cuifine s
avec fes uftenfiles. Jl travailla depuis chez van
Heel,
quiaii-heu d'en faire un �l�ve , 1'employoic
ddes foncYions viles. Peu fatisfait de fa condition ,
fon p�re Ie pla^a chez flcnri Wythotck } o� il'au-
roit pu profiter , fans la femme du maitre , qui
1'obligea de quitter , dans la crainte que par fon
talent il ne d�cr�ditat celui de fon man. Fatigu�
de fa mauvaile fortune, Bloemaert quitta fa patrie.
a 1'age de 15 011 16 ans , & fut a Paris: il s'adrelfa.
a Jean Bajjat & a ma�tre Hery y tous deux
peintres m�diocres: il ne refta avec eux que trois-
jwois, dedinatit Sc peignant toujburs de g�nie. II-
quitta cetce derni�re ville pour retounier dans la-
patrie : il pafTa d'Utrecht a Amfterdain avec fon
p�re , qui y fut recu archirede , 8c gratifi� d'une
penfion. Abraham exerca fon talent dans cette
ville 3 & y fit entr'autres tableaux , Niob� &1
fesenfansperc�sde fl�ches par Apollon &D�ane».
Les figures font grandes comme nature, & la
compofoion en eft belle ; il a r�p�t� ce m�me
tableau pour 1'empereur Rcdolphe, qui parut
frappe de la beaut� du premier. On voit de lui un
Feftin desDieux, peintdans Ie m�me temps pour
Ie comte de la Lippc : les Plaifirs & les Ris y
font caradt�nf�s, & la difpoGtion g�n�rale touche ■
Je fpe�batenr. Tous les genres de peindre lm �toien�-
familiets ^hors celui du portrait. Son g�nie ne-
-ocr page 264-
i4^                   ■�« Vit des Pe'mtres
~ potivoit s'arr�ter long-temps a imiter un feul ob-
J^ 4* jet. Il faifoit encore cr�s-bien les coquillages &
les monftres marins: pour rendre ces chofes in-
t�reflanteSj il ajoucoit dans les fonds une Andro-
m�de , ou quelque figure qni e�c rapport au fujet.
Bloemaert, avec toutes les qualit�s d'un grand
peiiitre, euttrop deconfiance en fon propre g�nie:
fes compofitions plaifent, parce qu'il fut y
r�pandre des gracesj mais il int�refie peu les
artiftes par Ie gout maniere de fon deflln. Ses
draperies fesnt d'afTez bon gout, & feroient plus
fimples 4 fi la nature avoit �t� confult�e. Il colo-
rioitbi�n & connoiffbit les avantages du clair-ob-
fcur, dont il a fu tirer parti. Tous fes tableaux
portent Ie cara�t�re d'une produ�tion facilej ils
font peu connus en France : la Hollande , la
Flandre & 1'AUemagne pofs�dent en partie tout
ce qu'il a fait.
Apr�s la mort de fonp�re, il retourna aUtrecht,
ou il eft mort en 1647 , ag� de plus de 80 ans.
Il fe maria deux fois & laifla trois fils, Henri ,
Adrien & Cormlle. Le bonheur qu'il a eu de
devoir fes talens a fon g�nie, l'a d�dommag� du
malheur d'avoir eu de mauvais ma�tres.
Le duc d'Orl�ans a un tableau d''Abraham �
c'eft un Sainc-Jean qui pr�che dans led�fert.
-ocr page 265-
Flamands, A�cmands & HoUando�s. 149
*~��                      """ ' �-�■�......■-..........<�"*�■*�*
J A C Q U E S
DE G H E Y N,
ELEVE DE SON PER.E JEATST DE GHEYN.
De Gheyn , naquit a Anvers en 1565, de Jean ��-�
de Gheyn, fort bon peintre fur verre & en 1 $ $'
d�trempe : il peignoir, vers la fin de fes jours,
fes cartons a 1'huile fur des toiles: fes portrairs
a goiiafle �toient auffi affez eftim�s. Il mourut
ag� de cinquante ans. Il laifla un fils ag� de dix-
fept ans, & � bien inftruit dans Ie talent de fon
p�re,qu'il futcharg�de finirfesouvrages.Comme
il avoit grar� avec aflez de fucc�s, fous les yeux
de fonp�re,il lui confeilla en mourant, d'aban-
donner !e pinceau pour Ie burin : il ne laif�a ce-
pendant pas de peindre fur verre & de graver
altcrnauvemenr.
Les liaifonsqu'il eut avec lesjeunes gens de fon
age, lui firent n�gliger fes �tudes : il fe mariadans
l'intention de fe livrer plus tranquille;nentafon
arr. Toute fon envia �toit d'�tudier la nature :
il fentoit bien qu'il ne pouvoit la poff�der , qu'en
s'exer^ant a peindre 5 car on fait que la gravure
'eft aupr�sde lapeinture , ce que la copie eft au-
pr�s de fon original.
Il abandonna 1'une pour 1'autre, & il regretta
Ie temps qu'il avoit perdua graver. N'ayant point
de maitre pour 1'inftruire dans les diff�rens tons
de couleur, il imagina lui-m�me une methode
-ocr page 266-
15 o              La. Vie des Peintres
aflez finguli�re : il pr�para une grande plaiiche,'
qu'il divifa en cent petits quarr�s , peincs dans
une diff�rente combinaifon de couleurs : il donna
les ombres & les lumi�resa chaquepetitquarr� ,
& diftingua les couleurs amies d'avec celles qui ne
s'accordoient pas: chaqne quarr��toit num�rot� ,
& il eutfoin detranfcrire dans un petit hvre fes
obfervations & fes remarques.
C'eft de cecte maniere qu'il apprit apeindre a
1'huile. Il commenca aufii-t�t un vafe plein de
fleurs, d'apr�s nature : ce premier tableau , qui
a furpris les peintres, �toit dans Ie cabinet de M.
van Os a Amfterdam.
Le fecond �toit un grand Bocal avec des
fleurs : ce morceau �toit traite parement & bien
touche il'Empereur le fit acheterayecunrecueil
de fleurs & d'mfedtes, peints a. gouafTe d'apr�s
nature parlem�me auteur.
Ses tableaux ont �t� admir�s de fon temps j
6c quelques-uns ont un m�rite r�el: du pinceait
dont il peignoit le cheval du prince Maur�ce a
la t�te de fon armee., il trac.oit V�nus & 1'Amour.
Il a fait de bons �l�ves en gravure , tels que
Jean Sanredam & Dolendo : ce dernier mourut
jeune; un autre appell� Robcrt 3 & Corniik
pafTa en France.
-ocr page 267-
Tlamands} Allemands & Hollandois, 151
J E A N D A C H.
JD ach, �l�ve de Barthelemy, naquit a Cologne
en 1566. Il quitta fa patrie pour voirllraliej
en revenant chez lui, il paffa par 1'AUetnagne,
o� 1'empereur Rodolphe II con^ut une eftime
particuliere pour lui & pour fes talens : il
fe prit a fon fervice, & Ie renvoya en Itali� pour y
defllner les plus belles antiques. On voit de fes
defl�ns en Angleterre : les contours en font fer-
mes & �l�gans,& Ie crayon artiftement manie\ il
a fait beaucoup de beaux tnbleaux peur la cour
de Vienne , o� il niourut fort ag�, combl�
d'honneurs & de richefles.
TOBIE VERHAEGT.
V erhaegt, de la ville d'Anvers , naquit
en 1566. Il s'eft diftingu� dans Ie payfage \
il en diftribuoit les parties avec un gout qui lui
�toit particulier: ilfavoit agrandir fes fonds par
Tintelligence des tons a�'riens: tout paroiil�ir
d'une grande �tendue. Les ruines & les monta-
enes lui ont fervia interrompre fes plans : fes ar-
bres ont une forme choiiie & naturelle \ tout �toit
harmonieux & int�reflant dans fes tableaux.
Avec cette r�putation il voyagea en Itali�: Ie
Grand-duc de Florence fit tbeaucoup de cas de
foii talent j Sc Rome m�me admira la Tour de
-ocr page 268-
151                   La Vie des Pelntres
Babvlone , ouvrage immenfe dans fes d�tails,
l$ '
que Verhaegt y peignic pour fe faire connoitre.
Cornille dcBie(i) dit qu'il fit Ie m�me fujet trois
ouquatre foisdepuis.La villede Li�re enconferve
uu des quatre: les figures en ont �t�peintespar
Franck. Verhaegt quitta enfin l'Italie & vint s'�-
tabiir a Anvers j 011 il mourut en 1631, ag� de 6 5
ans. Carle van Mander en parle, dans la vie
d'Ottovenius , comme d'un excellent payfagilte.
JOACHIM
UYTENWAEL,
ELEVE DE JOSEPH DE BEER.
U ytenwael naqu:t a Utrecht en \^6G.
Son p�ra peignoit fur verre. Il �toit petir-
fils , clu c�t� de fa m�re , d'un afTez bon peintre
appell� Joachim van Schuych. Uytenwael fut
vitrier& peintre fur verre jufqu'a 1'age de iS ans.
D�gout� enn�rement de ce m�tier, il entra chez
Jofeph de Beer _, peintre m�diocre , 011 il apprit a
peindre environ deux ann�es , apr�s lefquelles il
prit la route d'Jtalie. Il refta iPadoue, Sc fit con-
noiflance avec 1'�v�que de S. Malo : il voy3gea
par toute l'Italie & demeura quatre ann�es avec
ce pr�lat, dont il pafla deux ans en France : il
employa ce temps a peindre pour ce M�c�ne, Sc
retourna a Utrecht 3 o� il a toujours demeur�»
(1) Peintre flamand, a �crit la visdespeintresjcn vert.
-ocr page 269-
Flamands j Allemands & Hollandois. 153
On ne fait s'il faifoit mieux en grand ou en petit,
tant il favoit rendre fes tableaux piquans : une x*
bonne couleur & une compofiuoa facile ne laif-
fent rien a defirer dans fes ouvrages. Son deffin
eft aflez corredt y mais maniere j fes airs de
t�tes , toujours les m�mes _, font dans Ie go�tde
Spranger jou quelquefois de Bioemaerc ; les poi�-
tions de fesfigures font outr�es, & fes maius for-
c�es en forme de crochet.
Peu attach� au coftume, il drapoit de fan-'
taifie , fans examiner Ie vrai. Ind�pendamment
de 1'hiftoire a laquelle il r�ufliiTbit aiFez bien, il
entendoit encore a peindre les cuifines de leur?
uftenfiles qu'il rendoit d'apr�s nature. On a vu
chez un amateur italicn,a Anvers, un tableau de
dix pieds fui fix de hauteur , o� Loth & fes lilles
font repr�fent�es : ce morceau a paffe pour
un de fes plus beaux j Ie nu �toit bien peint, 5c
la compofition grande & d'un me�leuc gout de
dei�in qu'a fon ordinaire.
Van Mander cite de lui un petit tableau fur
cuivre repr�fentant Ie Feftin des Dieux : ce
tableau eft pr�fentement chez l'�le�teur Palatin.
Le m�me hiftonen parle aufll avec �loge d'tin
autre du m�mej repr�fentant V�nus & Mars: ce
fujet a �t� r�p�t�. Uytenwael fuc eftim� comme
Un des bons peintres flamands.
-ocr page 270-
V"u des Pe'intrts
HENRI CORNILLE
VROOM,
� L E V E
de CORNILLE HENRICKSEN,
SON BEAU-PEB.E.
ij66. Vroom naquit a Harletn en 1566. Il per-
dir fort jeune fon pcre appell� Henn Vroom ,
bon failpteur, & excellent pour la coupe des
pierres: la in�re �poufa depms Cornille Hcnrickfen,
petntre en fayance , qui lui enfeigna fon talent,
il quitta la maifon de fon beau-p�re, qui Ie traitoic
avec trop de duret�. -Apr�s avoir voyig� en
Efpagne & en Itali�, & s'�tre �chapp� d'un nau-
fiage , fon penchant Ie porta a peindre des ma-
rines & des vaifleaux : c'eft fur fes defl�ns que
Francois Spirinxs fit des tapilleries pour Milord
Hauwart,
amual d'Angleterre : il y avoit repr�-
fent� Ie combat naval de 15S8, entre la flotte
d'Efpagne & ctlle d'Angleterre.
Sa r�putation augmentoic avec fes produc-
tions: il pafla quelque temps en Angleterre , o�
il fut bic-n re^u, & particuli�rement de 1'amiral
Hauwart j qui lui fit pr�fent de 100 florins.
A fon retour, il fit un tableau repr�fcntant
Ie fepti�tne jour delabatailleentreles dciixflottes
d'Angleterre & d'Efpagne : ce tableau pluc
beautoup au comce Maurice Sc a Tamiral Jujiin.
-ocr page 271-
Flamands, Alltmanis & Hollandols. 255
II peignit Ie d�part de la flotte de Z�lande , Sc~
Ie combat prochede la ville deNieuportjilles fit
graver, & les pr�fenta aux Etats & aux principales
villes dom il recut des pr�fens confid�rables.
Il mourut fort eftim� & tr�s-riche. Son talent
ctoit de peindre des combats fur mer , des pay-
fages 9 des chateaux , des ifles , &c.
PIERRE CORNILLE
VAN R Y C K,
�LEVE DE JACQUES WILLEMS.
De Ryck naquit a Delft vers 1'an 1566. Il
fut place chez Jacques Willcms , o� il ne refta
que deux mois., Sc ennz chez Hu�ert Jacobs, bon
peintre de portraits, dans la m�me ville : il paffe
enfuite en Itali� avec fon ma�tre, o� il exerca pen-
dant quinze ans fon pinceau a copier les grands
mod�les & a�tudier. Il travailla fous la conduite
des meilleurs de fon temps j& fut employ� par
pJufieurs princes & pr�lats. Il retourn» s'�tablir
a Delft. Il peignoit�galement a 1'huile Sc i fraif-
que : fa maniere eft belle j il paro�t qu'il a parti-
culi�rement �tudi� Ie BajJ'an ; fes figures & fes
anixnaux font dans Ie m�me gout.
-ocr page 272-
MICHEL
M IR E V E LT,
�L�VE DE BLOCKLAND.
� ■' JU eft regarde comme un des plus fameux peintres
1568. depottraits:il naquic en i5<J8j dans la ville de
Delft, d'une familie aif�e. Son p�re , habile or-
f�vre, cultiva fa jeunefTe: s'�tant apperc^i des gran-
des difpofitions de fon fils , par les progr�s qu'il
faifoit dans 1 �cntnre , il Ie pla9a chez Jer�mc
Wierinx
, fort bon graveur. Son application Ie
mit en �tat de mettre au jour plufieurs planches
de
-ocr page 273-
La Vit des Peintres Flamands , &c.
'de fa compofiron , & qu'ii grava d�s 1'age de
onze oij dquze ans. 'Mats ion inchnatidn pour la
peintme lui fit quirtei Wisrinx pour lemettre fous
Blockiandt. Il abandonna le burin pour le pin-
ceau ,& eet �changehit heureux , comme il parut
■dans la fuite. Perfonue n'a mieux fuivi fon
ma�tredans la difpofition de fes fujets j dans l'har-
monie de la couleur j & dans l'imitation de fa
maniere. Sa r�piitation le fit conno�tre des �rran-
gers. Charles I, roi d'Angleterre, voulut 1'attirec
a fa cour pour fe faire peindre avec la reine
Hcnriette de Bourbon , fille de Henri IV ^ mais la
pefte qui d�fola Londres j fut caule que Mirevele
refufa eet honneur. Ilnequittoit la ville.de Delft
qu'en failant de temps en temps quelques voyages
a la Haye, pour peindre lesprinces de la mailon
de Nafiau, ou quelques autres feigneurs. Le duc
Albert employa aufli le pinceau de Mircvelt. Il
hu fit une penden ; & afin de fe 1'attacher , il lui
laifTa la hbtrt� de ronfeience a fa cour : grace
d'autant plus finguh�re , qu'il �toit Mennonitc, Sc
qu'alors on pourfuivuitvigoureufernentcfcttefe�te
redoutable.
Le nombre de fes portraits eft ii confid�rable ,
qu'il pafTe dix mille. ;l s'en faifoitbitn payer. Ses
tableaux de fonne o'.dinaiit �toitnt a 150 flo-
rins 3 & ceux des aucres <:r no urs a proportion.
Il a fait qutlaues tableaux repr�fei-iant des cui-
f�nes. Il finidoit bien fes tctes : les iievenx &
les poils tenoient ai�lzde la touche d'Holteen. On
peut conno�tre le taknede ce peintre par les por-
traits que fon beau-f rere W �lem ( Gnillaumc )
Delft a grav�s. Son nature! doux&pohle nt efti-
mer 3 & le rendit agr�able dans la foci�t�. Il
Tomel.                                          R
-ocr page 274-
La Vie desPeintrcs
mourut dans la ville de Delft Je 17 ao�t 1641 ,
Ij68. ag�de7jans. Il laii�a deux hls: 1'a�n� 3 Pierre
Mirevelt, a foucenu la r�putation de fon p�re j il
travai�a dans fon genre, Sc approcha beaucoup de
fa maniere. Le talent du fils Ie remarque dans Ie
tableau qu'il fit dans la chambre des chirurgiens
de la ville de Delft. Tous {es portraits font
vrais & bien finis. Michel Mirevelt a fait de fort
bons �l�ves : Paul Moreel^e s Pierre Gueerrk^
Montforty Nicolas Cornelis, Pierre Dirck> KLuyt>
& bien d'autres qui font honneur a fon �cole.
E V E R A R D
KR Y N S ,
ELEVE DE VAN MANDER PERE.
K.R.YNS demeuroit a Ia Haye en 1^04. Il
avoit voyag� long-tempj > & particuli�remenc
en Itali�, ou il avoit �tudi� les grands ma�tres.
Sa maniere de peindre ctoit agr�able 8c facile.
L'hiftoire & Ie portrair nc o�c� �galemenc bien
traites par cec arcifle.
-ocr page 275-
Flamands, Allemands &Hollandoisi
] E A N
NIEULANT.
JNihulant , natifd'Anvers, recut les premiers
principes de la peinrure de Pierre FranJ\. Ce
dernier naqiut a Helvezor dans Ie Sund, en
1569 : fa familie �ioit d'Harlem. Il fka fa
demeure d Amllerdam, o� Jean Nieulant avoic
fuivi fa familie j pour fe d�robec aux cruaut�s
des Efpagnols qui ravag�rent les Pfl/s-Bas. Il
fut depuis �l�ve d_- Francois Badens, aufli d'An-
yers, & refugi� dans cette ville des 1'age de cinq
ans , o�il vinten 15^0 pour �viter les troubles
de fon pays. Nieulant �toit fort bon pemtre en
petit; il compofoit bien les fjjets de la Bible ,
& faifoit bien Ie payfage. On ne fait point 1'aa-
n�e de fa mort.
PIERRE ISACS,
ELEVE DE JEAN VAN AKEN.
J.S.ACS j n� a Helvezor en 1569, commenga Ia
peinture a Amfterdam chez C. Ketel. Apr�s un
an 5c demi, il Ie quitta pour aller che? van Achen,
avec qui il voyagea en Aiiemagne Sc par t >ute
1'Italie. Quoiqu'il aic fait plufi�urs rableaux , il
s'attacha particuli�rement au portrait: il y exceila.
R %
-ocr page 276-
La Vie des Peintrts
On voit a Amfterdam nn grand nombre de fes
ij5>5>." portraitsjilpeignoitune t�te d'une grande reflem-
blance,& les mams �toient parfaiftfinaut deflm�es.
Il imitoit les fatins 8c les autres �tofFes avec une
grandej�rit�. On ne fait ni Ie lieu 3 ai Ie temps
de fa morr.
J O S E P H
'S W I T S E R ,
OU LE SUISSE,
'A.USSIELEVEDEVAN ACHEN.
��� Owitser �coit de Berne eny Suifle : fon p�re,
*57Ot architedle de la ni�me ville , concr� ua beaucoup
a rendre Jofeph artifte.
Il fut a Rome , fans avoir prefqu'aucune pra-
tique de la peinture. Il n'avoit fait que deffiner :
van Achcn Ie re$ut chez lui ; & Ie difciple , par
fon app�cation , devint bon peintre en peu d'an-
n�es. Il deflina tont ce qui lui parut remarquable
dans Rome & aux environs: il s'�toit fait une
maniere facile Sc fpirituelie a deffiner a la plume,
avec un lavis a 1'encre de la Chine.
L'Empereur admira fes ouvrages , Sc fur-tout
fes deffins. Il en fit de beaux fur 1'antique a
�Rome, par ordre de ce prince. On Ie croit more
a fon fervice.
-ocr page 277-
Flamands, Alkmands & Hollandois 2.61
ABRAHAM
JANSSEN S.
\_J N n'a pu favoir pr�cif�ment Ie temps de
la naiflance eie JanJJens. Il �ioit d'Anvers , Sc
fut contemporain de Rubens. II a �gal� ce
dernier dans bien des parties } Sc peut-�tre 1'au-
rou-il furpafl�, s'il e�t continue la peinture au-
lieu de la n�gliger. Tiop jaloux de la gloire de
ce grand peintre., il donna dans des �carts. Ce
fut lui, comme il feia dit dans la vie de Rubens^
qui propofa nn d�ri a ce peintre.
Ses tableaux d'hiftoire , tant pour les �glifes
que pour les maifons royales & les cabinets ,
ftxrent recherches Sc eftim�s par les princes & les
grands feigneurs. Plnf�eurs P�lev�rent au-deflus
«ie Rubens, & laflaterie Ie perdir. Il auroit eu
befoind'amislnic�res quilnieul��ntdonn� uneplus
jnfte id�c de fes talens & de cenx de fon nval.
Il mie Ie comhle a fes folies , en �poufant une
femme jolie Sc jeune, qui ne lui apporta d'aurre
dot cju'un grand penchanr a la diffipation & a la
prodigalit�. A peine !e vit-on alors travaillcr deux
heures par jour. Toute occafion de plaifir fuc
fiiifie: il perdit un temps pr�cieux dans les pro-
rnenades. Les guinguettes lui fervoient d^atte-
Uer. Il devinc pauvre ; mais fa mis�re ni fa vanit�
n'ont point obfcurci fon merite. Il falloit qu'il
en eut beaucoup.
R 3
-ocr page 278-
La Vit des Peintres
Janfjens
avoit une belle maniere ; fes compo-
fitions ont Ie feu des plas grands rm�tre;, 0011
deflin eft plein de gout, h touche fac�e & r -uW
tie ; fes draperies font jeu�es 8c pli�es avec choix.
Une difpofition admirable dans fes fujets, & fou«
tenue par une entente fivante du clair-obfeur ,
donnmt de la force a fes tableaux , Sc lui �toit
particuliere. Il �toic fur - tont grand colonfte.
C'eft avec des talens de cette efp�ce, qu'il a
m�rit� d'�tre �gal� aux plus habiles peintres
flammds. Il aimoitirepr�feiKer desfiJets �cbir�s
au flambeau. IJ aitnoit cette extremit� du clair
au grand brun. Sans �tre noir dans �es ombies,
on eft furpns de 1'�clat qu'il a donn� a ce qui eft
�clair�.Dejx grands tableaux dece maure,expof�s
au public & places dans T�glife des Carmes a
Anvers , porteront fa r�putation plus loin que
nos eloges. En entrant dans cecte �glifeonvoit
Ie premier a la drnite j il repr�fente notre Sei-
gneur mis au tombeau: 1'autre a la gauche ,
repr�fente la Vierge qui tient 1'Enfant J�fus.
Ony voitauffi Sainte Catherine, Sainte Cecile
& plufieurs Vierges avec des Anges. Ces deux
tableaux d'une compofition fort riche , tiinfi que
leurs figures plus grandes que nature , font d'ura
beau choix de deflin & d'un excellent coloris.
On y trouve tontes les belles parties de 1'art raf-
fembl�esavec jugement. On connok encore de
lui deux autres tableaux dans F�glife de Saint
Bavon cath�drale de la ville de Gand. Le pre-
mier eft place au delTus de la table des pauvres ;
& 1'autre eft une belle Defcente de Croix,
tableau d'autel dans une chapelle. Il a peint dans
Une autre chapelle de 1'�glife de Saint Nicolas, ua
L
-ocr page 279-
Flamands 3 Allemands & Hollandois.
Saint J�r�mel, & dans laparoii�ede Saint Pierre,
Ie tableau d'aute qui repr�fente la Vierge cou-
ronn�edans Ie Ciel.
Il eft peu d'�glifes en Flandres, o� 1'on ne voye
quelques tableaux de ce maatre. Mais Ie chef-
d'ceuvre de Janjfens eft la R�furre�tion du Lazare.
Ce tableau , 1'objet de l'admiration des connoif-
feurs , eft dans Ie cabinet de 1'�ledeur Palatin.
G ER RIT (GUERARD)
NOP.
JN o p naquit a Harlem vers 1'an 1570 : il--------
voyagea en Allemagne , &: paffa plufieurs 1570.
ann�es en Itali� , particuli�rement a Rome, On
ne nous apprend rien du genre de peinture dans
lequel il s'eft exerc�. Van Mander ditfeulement
qu'a fon retour dans fa patrie , il fe vit en �tat de
donner des preuves de fon talent.
J E A N L Y S ,
ELEVEDEHENRI GOLTZIUS.
I L naquit a Oldembourg. Il quitta Ie lieu de
fa naifl~ance pcir entrer dans 1'�cole de Henri.
Golf(ius.
N� peincre , Sc inftniit des principes
par un habile honoie , il fe perfe�tionna ca
R4
-ocr page 280-
l 6 4                La F ie des Peintres
peu de temps dans Ia maniere de fon ma�tre.
bf� l i
               i
de
1370.
ne pouvoir aif�ment les diilinguer: les villes
d'A.mfterdam & d'Harleni confervent quelques
tableaux de ces premiers temps-la.
Le defir d'exceller dans ion talent Ie d�cerrnina
i voir les grands ma�tres; il fut d Paris , dela a.
Venife &a Rome. Il changea de maniere dans
cette derm�re vilkj & retourna & Venii�: les
tableaux qu'il y fic font en difF�rens genres &
en nombre confid ;rabie , en grands & petits.
Daais 1'�glife de Saint Nicoias de Tolentia;, il
fit Saint J�r�me dans le d�fert , une pi nnea la
main , �coutant avec efFroi ie fon de ia trompette
du jugement deraier. Ses tableaux en grand
eurenc de la r�putation , �<r ceux qu'il fit en pent
ne riirent pas moins recherches. Parmi ceux d'inf^
toire en pede , on regarde comme pr�cieufe une
repr�fencatlon d'Adam ik d'Eve qui pleurent la
mort d'Abel. Ses figures nsarquent bea-.icoup
d'efprit dans les expreffions. On vante de lui la
Chute de Pha�ton , «lont le char & les chevaux
tombent du Ciel : un beau payfage en fait le
fond. On voit des Nymphes dans lc bas qui
paroiflent eflSray�es. Il a peint des F�tes galantes,
de petits Concerts, des Bals ave.c des habits de
mode a la v�uitienne, des N�ces de villageois
& leurs Danfes , ainfi que d'autres fujet, ou il a
fu m�ler habilement les aj�ftemensantique. avec
les modernes. Ces compofitions mixtes plurenc
amant que les autres.
On a aufll de lui pluiieurs fujets repr�fentanc
les Tentations de Saint Antoine. Le nngulier &
1'efprit, joints a la couleur, 1'expreflion Sc la touche,
fonc le m�rite de ces rableaux recherches.
-ocr page 281-
Flamands 3 Allemands & Hollandois. 16$
Son admiration pour 1'antique a toujours paru
lorfqu'il encourageoit fes �l�ves. Pour moi 1570.
( difoit-il) il eft trop tard de fuivre 1'antique \
mon gout de deflin eft trop �loign�; il m'en
co�teroitbien du temps pour y parvenir, & peut-
�tre n'approcherois-je jamais de la perfe�tion que
je defke. Le Tuien, Paul Veron�fe 3 le Tintoret
Sc le Feu, font ceux que je prends pour mod�les.
On voit effe&ivement qu'il s'eft fouvent m�ta-
morphof�; chaque genre que j'ai notnm� ci-deflus
tenoit de fes mod�les. Il emprunroit de 1'un la
bonne couleur , de 1'autre la force & les graces »
& de lautre la d��cateffe du pinceau.
Sandrart, qui a v�cu avec lui, dit qu'il �toic
long-temps a penfer fur le fujet qu'il vouloit trai-
ter; mais le fujet une fois d�cid� dans fon imagi-
nation , il alloit de fuite \ rarement changeoit-il
fes compofitions.
Tant de talens ne purent le d�tourner d'une
intemp�rance qui le ruina de toutes mani�res. Il
pafloit fouvent deux ou trois nuits a boire , &
on ne revoyoit ce peintre que lorfque fa bourfe
comraenc,oit a fe vuider. De retour chez lui, il
accommodoit fa palette , peignoit jour & nuit,
& le tableau fini il retournoit au cabaret.
Il pei^nir en Flandres plufieurs tableaux d'hif-
toire & des Converfations ; mais n'y ayant point
d'acad�mie pour fatisfaire 1'ardear qu'il avoit de
defl�ner, il partit de nouveau pour Venifej ou il
mourut de la pefteen 1629 } dans le temps m�me
qu'il crovoit aller joindre Sandrart a Rome.
Houbraken 1'�gale aux plus grands ma�tres. Il
judique deux tableaux j favoir, 1'Enfant Prodi-
-ocr page 282-
166              La Vit des Peintres
�'......■ gue a Leyden , chez M. Hoogev�en3 1'autre chez
\t-ja, M. Schelling, d'un beau de/��a_, Scpe'mts comme
ceux de Rubcns 8c de van Dyck r�unis.
Son deil�u eft quelquefois fort beau, fa cou-
leur toujoiirs vigoureufe, fon pinceau moelleux, &
fes compoficions pleines d'efprir.
L U C A S
ACHTS'CHELLING,
ELEVE DE LOUIS VADDER.
Achtschbiuns, de Bruxelles, fut
«ufli �i�ve de Louis Vadder} bon payfagifte. On
voit de lui beaucoup de tableaux a Bruxelles
& ailleurs. Sa maniere eft tr�s-facile 8c large. Ses
arbres ont tousdu mouvement, font bien defl�n�s
Sc bien feuill�s 5 fes fonds font d'un beau fini &
de bonne couleur.
MARTIN
R Y K A E R T.
RykaeRT fut grand payfagifte. Sa maniere
tient beaucoup de celle de Jofeph de Monper.
Il entendoit bien a repr�fenter des d�bris d'ar-
ehite&ure , des ruines remplies de moufl� ,
-ocr page 283-
Flamands 3 Allemsnds & Hollandois. 267
des Rochers , des Montagnes, des Ch�tes d'eau,          "
des Vall�es a perte de vue. Beaucoup de fes ''
tableaux ont �t� enrichis des figuresdu Brtughelde
Vlour,
& pUifent fort aux amateurs.
A N D R �
VAN ARTVELT.
V  an Artvilt d'Anvers peignoir des marines
avec beaucoup de v�rit�. 'es orages font bien
reprefent�s ; fes ubleaux ont une grande
force.
J A C Q U E S
VAN ES.
V  an ESjnatif d'Anvers, s'eft fait un nom en
pcignant des poiflbns j oifeaux, fleurs & routes
fortes de fruits. Il repr�fentoitla nature avec tant
de v�rit� , que fes tableaux ont fouvent trorrip�
la vue. On ne peut mieux copier Ie coquillage ,
les �crevifles, les crabes Sc autres poiflbns de cette
efp�cc. Il r�uffit aulli parfaitement en imitant les
fr aits. Sa l�g�ret�dans fes fleurs les rend d'un beau
tranfparentx& d'une belle couleur. Voilice qui
�.nt Ie m�rite de fes tableaux : on voyoitles pepinj
dans fes raifins, a travers leur peau.
^catffiuiu
-ocr page 284-
2 68                La Vie des Peintres
GUILLAUME et GILLES
barer�el:
Oes deux fr�res, n�s a Anvers 3 furent diff�rens
IJ7O. dans leurs genres & dans leurs moe ars \ l'un
f>eignoit Ie payfage , 1'autre lafigure-, l'un aimoit
a. magnificence j & 1'autre la fimphcit� ; l'un eft
mort a Anvers , & 1'autre a Rome.' lis ont �c�
les defcendans habiles d'une familie confacr�e
aux arts. Rome a toujours pofled� quelques
artiftes de ce nom \ s'il en partoit un , il y en
revenoit deux. Sandrart en a compt� fepc a huit
dans Rome du m�me nom; tous avoient du m�-
rite , & tous aimoient Ie plaifir.
PIERRE
VANDER PLAS-
O N fait que ce peintre eft Hollandois, fans
favoir Ie nom de fa ville , pi Ie temps de fa
naifTance , ni celui de fa mort.
On connoit de lui plufieurs grandes compofi-
tions, qui Font fait regarder comme un grand
peintre. La ville de Bruxelles coaferve beau-
coup de fes ouvrages: il tnoufut dans cette ville
«u il a beaucoup travaill�.
-ocr page 285-
Flamands } Allemauds & Hollandois.
J A C Q U E S
DE GHEEST.
JJe Gheest , quoiqne grand peintre d'Anvers,
n'a laifle de traces de fon merite que dans les
po�fies du c�l�bre Vondel , qui 1'a combl� de
lonanges: mais quelques vers d'un po�te illuftre
affurent 1'immortalit�.
*■                                                               .......-~~«~..........,..,.,,...,.. ...,..i i,
G U E R A R D
B A R T E L S.
T o u t ce qu'on fait de Bands , c'eft qu'il
finit fa vie malheureufement. Une pierre d'une
grofleur enorme �crafa ce peintre, qui fut tr�s-
eftim� dans fon are.
PIERRE N�EFS,
ELEVE DE HENRI STEENWYK.
Pierre N�efs, dont les ouvrages font fi nom-
brenx malgr� leur grand fini , n'eft connu que
par fes tableaux. On ignore les particularit�s
de fa vie,, 1'ann�e de fa naitfance & ce�e de
-ocr page 286-
La Vu des Pcintres
fa mort. Il naquit a Anvers j Sc fut �l�ve d«
i f,o St�enwyck 3 qu'il a toujoars pris pour mod�le. Il
ne s ecarta pas d abord du principe do ion mai-
tre , qui �toit de n'avoir d'autre guide que la
nature. Il repr�fentoitl'int�rieur des �glifes gothi-
ques avec tant d'exa�titude, qu'on reconno�t aif�-
ment toutes celles qu'il a peintes ou imit�es, Sc
fouvent r�p�t�es.
N�efs, en habile artifte , a fu tirer avantage
de ce genre de talent. Il auroit pu devemr froid
& peu int�reflant} mais Ie g�nie eft f�cond en
reffburces. Chaque tableau de ce mairre eft digne
de l'attention des connoilFeurs. On faic qu'une
feule lumi�re �clairant un baciment regulier , ne
peut produire les effets frappans qui r�mltent des
oppofmons & des d�gradations ienfibles; il a fu
y fuppl�er. Tant�t c'eft un Buffet d'orgue, tan-
t�t un Maufol�e qiii, place heureufement, inrer-
rompt la r�gularit� j & donne roppofition des
ombres & des lumi�res. C'eft ainfi qu'il a rendu
piquant tout ce qu'il a peiat. Les tableaux clairs
de ce peintre (ont les plus eftim�s, & 1'on voit
qu'il a cherch� a fornr de la premi�re maniere
obfeure de fon makre. Mais, quoiqu'il f�tfoumis
a des r�gies ferviles, il ne faifoit jamais mieux que
quand il repr�fentoit des nuits ou des �glifes fom-
bres , puifqu'on y d�couvroit jufqu'aux plus petits
d�tails. Si les ombres, les lumicres & la bonne
couleur fonr r�pmdues dans fes ouvrages, on y
appergoit encore une vapeur d�grad�e qui fait
recaler les objets 8c diftinguer les degr�s de dif-
tance eatra les chofes repr�feut�es. Comme il ne
peignoit pas bien la figure , i! laiflbit cette partie
a remplir; les Franck, les Tenicrs, Breughel, van
-ocr page 287-
flamands, Alhtnands & Uo�landois. ijl
Thulden, Sec. ont orn� les tableaux de ce ma�-"" �
tre.On en trouve encorequeloues-unsfans figuresj lS7°*
Toici lts principaux qui font connus dans Paris
& ailleurs.
Dans Ie cabinet de M. Ie duc d'Orl�ans, deux
tableaux fur cuivre \ 1'un repr�fente Ie dedans
d'un �glife vue de face. On y voit un pr�tre
fous un dais, portant Ie viatique a un malade j
1'autre eft dans Ie m�me gout : les figures font
�Abraham Teniers.
Dans Ie cabinet de M. Ie comte de Choifeul,
un tableau de 14 poucesde haut, fur 11 & demi
de large. C'eft Ie dedans d'une �glife �clair�e aux
flambeaux : on y voit un pr�tre a 1'autel, cele-
brant la mefle de mimik , & beaucoup de figures
peintes par Breughel de Vlour.
Dans Ie cabinet de Ni.de Julienne, cinq tableaux
repr�fentant des �glifes dans leur int�rieur. Dans
un de ces tableaux , qui eft fort clair , on voit
un pr�dicartur en chaire , au milieu d'un aud�-
toire nombreux. Il y en a deux autres petits en
ovale, bien nnis , & avec des figures.
Dans It cabinet'de M. Ie comte de Vence , Ia
repr�fentation de 1'int�rieur d'une grande �glife*
Ce tabler.u eft en long, & 11 y a de;, figures.
Chez M. de Jully de la Live, 1'int�rieur d'une
�glife c'^nvers. Tableau en long, avec des figu-
res de Franck.
Chez M. ie Proir, une petite �glife tr�s-cJaire,
avec figures; c\ ft du plus beau de ce ma�tre. Ce
tableau eft de forme ovale , de quatre pouces Sc
demi de haut fur fept pouces de large.
A Gand, dans Ie cabinet de M. �. B. du Boisf
font deux de ces tableaux en long, repr�fentant
-ocr page 288-
y                   La Vu des Pe'inires
■ des �glifes en dedans & vues de face, avec d«j
�J70. figures. Tous deux font du bon temps de ce
maitre.
On voit du m�me , dans la m�me ville, chez
M. van Tyghem , trois tableaux repr�fenrant
des �glifes avec des figures. On en trouve encore
beaucoup dans d'autres cabinets de Flandres.
On fait quelquefois pafferfous fon nom plufisurs
tableaux de fon fils , Pierre Ne'efs, fon �l�ve , qui
a finvi la m�me maniere _> ma�s avec bien moins
de fucc�s. On n'a rien appris de la vie ni de la mort
de ce peintre.
TH�ODORE
B A B E U R.
Babeur, hoilandois , peignoit dans la maniere
de Pierre K�cfs. N'ayant rien vu de lui, je aeferai
que Ie nommer.
CHRIST�PHE-JEAN
VANDER LAENEN
Vander Laenen peignoit ordinairement des
ftijets gaians , des aflembl�es & des tabagies.
L'amour & Ie vin y dominent, & y prennent
quelquefois des libert�s tr�s-blamables. Au refte
il compofoit avec efprit.
v                                         HENRI
-ocr page 289-
Tlatnan&s 3 Allmianls & Hollandois, zjy
H E N R I
DE R L E R C K;
�LEVE DE MARTIN DE VOS.
De Klerck fut po�te &r peintre : fes ouvrages
font compof�s avec efprit, ainfi que ceux du
         Q
peintre dont nous venons de parier. On en voit
tkns les �s;!ifes de Bruxtlies , &c. �l a fait des
cama�eux dans Ie gout de ceux de fon rru�tre, qui
font eftim�s.
A N T O I N E
S A L A E R T;
SalaerTj natif de Bruxelles , a fa�t plufieurs
tableaux d'hiftoire , d'un bon gout de deflln
& de couleur , & bien entendus pour la partie
du clair-obfcur. Il eft mort dans la m�me vill»
o� il eft n�: Ie tems n'en eft pas connu.
Tornt I.
-ocr page 290-
174
GUILLAUME
M A H U E.
---------3VI a h u e vivoit dans ce m�me temps : n� a
lS7Ot Bruxelles, o� il eft more, il a eu de la r�puta»
tion pour Ie portraic
AUGUSTN BRUN,
et HANS (JEAN)
HOLSMAN.
C e s deux peintres ont �t� eftim�s dans la
ville de Cologne, lieu de leur naiflance. C'en
eft aflez pour �tre cit�s: on nen. fait d'ailleurs
aucun d�tail.
Fr�dericBRENTEL,
et JACQUES
VANDER HEYDEN.
Ils font n�s aStrasbourg; ils ont �t� confid�-
r�s par plufieurs princes. N'eft-ce pas �cre s�r
iU on^ eu des wiens ?
-ocr page 291-
JFlamands j Allcmands & Bollandois. 175
D A N I E L
VAN ALSLOOT.
Van Atsloot fut peintre de 1'archiduc
Alben , gouverneur des Pays-Bas : c'eft 1'�loge
de eet artifte. Il falloit avoir du m�rite pour
�tre diftingu� par un prince qui pouvoit cho^fir
parmi tant d'habiles gens.
DAVID DE HAEN.
J_) aviddeHaen, n�i Pvoterdam , voyagea
loiig-temps en Itali� , & refta a Rome. Il �toic
bon peintre : on ne connoit ni fa vie ni fes
ouvrages.
ABRAHAM
MATHI S SENS.
Abraham Matmissens , d'Anvers, s'eft faitun
nom parmi les bons payfigiftes & peintres d'hif-
toire. Nous connoiffbns de ce peinrre deux
tableaux en public : un dans la cath�drale
d'Anvers, derri�re Ie grand autel ; il y a peint
S a
-ocr page 292-
La ViedesPe'mtres
la mort de la Vierge : 1'autre, la Vierge , 1'Enfant
1570. J�fus & S. Franqois : celui-ci orne fon �pitaphe
aux R�collets de la m�mc ville.
& G I D I U S
VAN TILBURG;
O E peintre �toit auffi d'An vers: il avoit voyag�.
Il faifoit des foires , des f�tes de village d'une
compofition agr�able : on n'en fait pas plus de
eet artifte.
JACQ�ES
WILLE MS DELFT.
X o r t bon peintre de portrait. La ville de
Delft conferve dans fes Buttes les reftes d'un
tableau repr�fentant les portraits d'une compa-
gnie d'Arquebufiers de fon temps : ce tableau,
bien peint & compof� artiftement j eut Ie ibic
de bien d'autres qui futent d�truits par leboule-
verfement d'un magafin a poudre o� Ie feu avoit
pris. Cependant il fut r�par� par les foins de fon
pet�c-fils Jacques Delft, qui en r�unit foigneufe-
ment lesd�bris. Ce peintre �leva fes trois fils dans
la peinture,& les nourrit: dans l'amour qu'il avoit
pour eet art. L'a�n�, Cornilk Delft, prit lesprin-
-ocr page 293-
Flamands j A�emands & Hollandois. tyj.
cipes fous fon p�te , & devint fort bon peintre ~
fous Cornille Cornelis d'Harlem. Le fecond, Roch l f7°«
Delft, �toit anfll bon peintrede portrait. Le plus
jeune W Mem ( Gu�laume ) Delft s'attacha a la
gravure : il �poufa la fille de M�chel Mirevele,
excellent peintre de portrait, dont il eft parl�
ci-devant. Il a grav� les principauxportraits de
fon beau-p�re, qui font encore conferv�s dans
les porte-feailles des curieux.
f r a n g o i s
PORBUS.
I L �toit fils de Francols Porbus, Sc �l�ve da
fon p�rc,qu'ila, felon quelques-uns, furpaff�.
�leftcertaindumoins qu'� 1'a�gal�dans bien des
parties : 1'hiftoire 8c le portrait ont �t� fes prin-
cipaux talens. Il voyagea long-temps 3 & fe fixa
a Paris ,.o� il fut tr�s-employ� a peindre le por-
tr�t: on en voit une quantit� dans les cabinets
des curieiix.Ontrouvedans ceU� du duc de Flo-
rence , le porcrait du peintre , fait par lui-tn�me ;
dans celui du roi c!e France,les portraits d^Henri
IV , arm� & fans armes; celui de Marie de
M�dicis , & celui do la paix entre la Hollande
& 1'Archiduc, dont le fond cfi: un payfage : au
Pa'ais-royal on voit le portrait d'Henri �V , de
qtiatorze pieds de haut, peint fur bots.
Hans la maifon de ville de Paris font deux
tableanx de la minorit� de Louis XIII. Dans
le premier, le roi encore enfanc, efl: affis fur for»,
S3
______
-ocr page 294-
478                La Vu des Peintres
----------tr�ne : a fes genoux paroilTenc Ie prevot dej
IJ7°» marchand-s & les �chevins ,tous peintsd'apr�s na-
ture^ 1'autre tableau repr�feate la majont� du roi:
la couleur vraie & la belle fimplicit� des drape-«
ries font oublier un refte du go�i de fon p�re.
Le tableau d'autel de 1'�glife de S.Leu eft; de
lui , ainhque deux autres tameaux d'autel 3 dans
deux chapelles de 1'�glife des Jacobins, rue S.-
Honor� \ Pun eft une Annonciation, & 1'autre un
S.-Fran^ois.
A Toumai, dans P�ghfe de 1'Abbaye de S.-
Martin , on y voir notre Seigneur en croix entre
les Larrons : beau tableau du m�me auteur
II fut a Parii) contemporain de Freminet } Sc
ne lui furv�cut que de trois ou quatre ann�es :
il mourut dans cettevillc en 16 � i , & fut enairr�
aux Petits-Auguftins du fanbourg S.-Germain.
WOUTER (VAUTIER)
CRABETH,
�L�VE DE 'CORNILLE KETEL.
Orabeth naquit dans la ville de Gouda:
il �toit petir-fils de Vaut�cr Crabtth , fi fameiix
par fa peinture fur verre.
Vautier, �l�ve de Cornille Ketel, avoit furpafT�
dans cette�cole fes autres contemporains. A peine
fut-il le m�lange des couleurs , que, c�dant
a 1'envie de voyager, il parcourut toutes les
villes de France, & pafla dela en Itali�: il y etudia
-ocr page 295-
Flamands, Allemands &Hollandois. 179
tout ce qui fe trouvoit de Tanden & du nouveau
gout. Rome 1'arr�ta pendant treize ans a copier "
ce qui lui parut propre i Ie perfeclionner. Il eft
peu de grands peintres, de grands po�tes, de
grands pnilofophes qui n'aient voyag�.
De retour a Gouda en \6 8 , il y �poufa
Adrienne Vr�efen. Apr�s eet �tabliflement, il
peignit plufieurs tableaux d'hiltoire & de por-
traits , difperf�s & eftim�s par-tout.
Dans lesbuttesdeS. George a Gouda 3 011 voit
de lui un tableau en grand , repr�fentantles prin-
cipaux officiers de la compagnie de ce temps-la.
On a encore de lui une AfTomption de la Vierge
dans une chapelle. Il tenoit plus de 1'�cole d'Ita-
lie que decelle de fon pays. Sa mort eft ignqr�e.
PAUL MOREEL ZE.
Ci E pe'mtre naquit a Utrecht en 1571 : il fut
�l�ve de Michd Mirevelt : fon talent �toit
Ie portrait. Carle van Mander en parle comme
d'un excellent peintre. Il a fait quantit� de
portraits d'une grande v�rit� & d'une belle ma-
niere : entre fes plus beaux, font ceux du comte
& de la comtefTe de Kuylemberg en pied , &
grands comme nature; on cite aufli celui de Mada-
me Cnotter. Il futaRome pour apprendreapein-
dre 1'hiftoire, mais fon talent pour Ie portrait fut
fi d�cid� & 1'employa tint , qu'a peine il put y
fufEre \ ainfi Ie portrait feul 1'a prmcipalement
occup�. On juge cependant qu'il �toit capable
de faire autre chofe par un embl�me 011 tabieai*
-ocr page 296-
i8o                La Vit des Peintres
��� all�gorique qu'il a peint aux environs d'Utrechr
lj7i. Il �toit bon architecte : U porte de Sainte-
Catherine de la m�me ville en eft unepreuve:
ce morceau d'archite&ure eft d'une belle com-
pofition. Il mourut en 1638 , ag� de foixante*
lepe ans j fort confid�r�, & rev�tu de la charge
de confeiller 3c de bourguemeftre de la ville
d'Utrecht. Il y fut enterr� avec les plus grandes
marques de diftin&ion.
F R A N g O I S
B A D E N S ;
9 �L�VE DE SON PERE.
XL naquit a Anvers en 1571 : il fut �l�ve de
fon p�re , qui n'�toit qu'un pc'mtre m�diocre.
Dela il fut en Itali� avec Jacques Mathleu. Il y
fit des progr�s rapides, qu'apt'�s quatre ans do
f�jour, il m�rita a fon retour a Amfterdam Ie
nom du pc'mtre hallen. En effer, il avdit faifi
parfaitement Ie goiit de compofer & de colorier
aes grands artiftes de ce pays, fi vant� a jufte
tirre. Son pinceau flou Sc d'une touche fiere, fa
couleur chaude & dor�e , lui ont acquis lagloire
d'�tre Ie premier qui ait introduit Ie bon gout du
coloris : il a r�uffi �galement dans 1'hiftoire 5c
dans ie portrait. Il nous refte de lui d«s fujets
-ocr page 297-
Flamands , Allcmznis & HoUandois.
de(i) converfation , & des modes du i��cle ou 1C71.
il a v�ciij peintes dans la grande maniere. Sa
mort eft ignor�e.
S�BASTIEN
F R A N C K.
ON ne fait f\ S�baftien Franck eft fils de ' "
J�r�mc , d'Arnbroife ou de Francois Franck : 1 f73.
on Ie croit ft�re a�n� ds Francois Franck Ie
jeune, & c'eft alTez !e fentiment commun. Voic�
ce qu'en die Van Mander : S�bajlien Franck s'eft
ijjftruit de la peinuue chez Adam van Oort:
il peut avoir pr�fentemenr (1 ^04) envjron trente-
un ans, ainfi il eft n� vers 1) 73 , «re. Le g�nie
de ce peincre �toitde peindre des Bacailies 8c les
fiijets ou il r�uffiflbit parfaitcment a repr�fentec
des chevanx. Le payfage ne iat pas un; des mom-
Jres parties defon talen: :n!ie bonne couleur Cc
v.ne
rouche l�gere en font le m�rire pnncipal. La
maniere dece peinrre a �rc copi�e par pluf�curs;
leur m�diocric� emp�che de $'y m�prendre. On
ne fait fi ce peintre eft mbi 1 a /invers j o� il a.
demewr� long-temps. Deux tableaux ds S�bajlien
fe trouvent places avec diilinftion chez P�lecieur
Palatia : 1'un repr�fente les (Euvrcs demif�ri-
corde , Sc 1'autre une AfTembl�e de feigneurs&
de dames.
(1) On appellc en Flandres un pein tre de (onverfa-
tion,
quand il repr�sente des assemblees galante* 3
comme celles de ip^attaa, Pater, etc.
-ocr page 298-
i8z La Vu des Peintres Flamqfids , &c.
l u c a s
F R A N Q O I S.
L�cas Francois , contemporain A'Adam
El^heimer, &c
n� la m�me ann�e en 1574
dans la ville de Malines , fut plus heureux : il ne
tarda point a percer la foule. Pendant les fix ann�es
qu'il exenja fon pniceauen qualit�de peintre de
la cour de France & du roi d'Efpagne, il gagna
beaucoup de bien. Il �toit �galement bon peintre
«Thiftoire & de portrait. Les �glifes, les falles
de confr�ries , les cabinets de Malines font
garans de fa r�putation. De retour dans fa
ville natale o� il travailla quelque temps , il y
mouruc Ie 16 feptembr,e 1643 , combl� d'hon-
nenrs & de riche�es, & au milieu de fa fortune.
Il laii�adeux fils qui r�uffirent dans fon art : je
les placerai dans leur temps.
-ocr page 299-
ADAM
ELZHEIMER.
JIilzmeimer prit naii�ance a Francfort en 1574. ■
Sonp�re �toit tailleur d'habits: s'�cant appergu de x574*
1'inclinarion de fon fils pour la pcinture, il Ie placa
chez Philippe Offenhach, bon peintre de la m�me
ville. L'�l�ve furpafTa Ie maitre en peu de temps:
mai1; voyant que l'A llemagne ne lui rourniflbit rien
qui fut capable del'avancer dans fon art, il prit Ie
cliem'mdeRome,o�ilfit connoiflanceavee Pierre
Laflman,JeanPinas
d\Amfterdam, JacquesEneJl
Thoman, 8c
gwelques autres c�l�bres artiftes. Il fe
-ocr page 300-
it4                La Vie des Peintres
----------fit avec eux une maniere de peindre& definirett
* J74* pet'c»(3ui UJi abien r�uffi: il tut lemeiileur defon
�i�cledansce genre. 11 peignit toutd'apr�s nature :
une m�moire rare lui fit faire des chofes f�ngu-
li�res. Ilpeignit tr�s-fidellement/<z f'igne Madame
de fouvemr j les arbres Sc leurs formes, les
mafles principales, jufqu'aux accitl�ns ordinaires
des ombres , rien ny �toit oub��. Mais ee qui
devoit faire fa formne , fut en partie caufe de fa
mis�re :1e tempsqu'ilemployoitafinirfes tableaux
�toit trop long pour Ie prix qa'il en recevoit.
Il �poufa unejolie perfcnne a Rome, dont il
eutunenombreufefamilie:cetce.f�condit�, joiute
alam�diocrit� de fon revenu ,1e d�couragea:
il devint fauvase, 8c n'eut bient�t d'autre f�jour
que les ruines des environs de Rome. Accabi� de
dectes 3 ilne s'occupoit plus qu'a �viter fes cr�an-
ciers. Il fut arr�t� & mis en p'rifon : il ne laifTn.
pas de travailler dans ce trifte �tat; il y mouruc
enfin delangueur , fous Paul V , en 1610, ag�
de cinquante-fix ans , & digne d'un fort plusheu-
reiax. Sestableaux, quoiquepetits^ font fort chers
depuis fi mort: il auroit �t� a fouhaiter qu'ils
reuifent �t� pendant fa vie.
Le m�rite des onvmges A'�fykeimer confifte fur-
toat dans Ie gout du deflin , dans une diftribution
adrnirable de fes fajets , & dans une rouche fpi-
rituelle : excellent colorifte , toujoms pr�cieux&:
piquant , fa maniere a fait bten de<: imitaceurs.
Tkoman&c le comtede Gaud ont ftiivi ce grand
makrej David Tenicrslt p�re Sc BambochcXonx.
�uidi� , & c'eft d'apt�s lui qu'ils ont excell� dans
leur genre. Ses tableaux les plns confid�rables
font lc jeune Tobie ronduit par 1'Ange , & fuivi
-ocr page 301-
Flamandi 3 Alhmanii & Hollando�s. 18 j
d'un petit chien qui parok fauter d'une pierre a-----*"""""
une autre, & qui eft arriftement �clair� du foleil. 1574»
Ila peintune Latoneavec fes enfans : despayfans
chang�s en grenouilles , femblent troubler
1'eau par leurs mouvemens. Un autre tableau
admirable eft Procris blefT�e : C�phale tache de
gu�rir fa plaie avec des herbes. On voit dans Ie
fond des Satyres avec des Dryades qui font du
feu a 1'entr�e d'un bois. On conno�t auffi un S.-
Laurent nu devant Ie juge qui Ie condamne 3
mort, furie refus qu'il fait d'adorer fes faux dieux.
Ce tableau appartient au comte de NafTau Saer-
brugge , & f� voit dans Ie chateau d'Idftein. On
a du m�me peintre un fecond St.-Laurent en
habit d'�ghfe, il fut fait pour Ie neveu de Joa-
chim Sandrart: ce martyr tient d'une main Ie
gril, Sc de 1'autre une branche depalmierj un
payfage ome Ie fond du tableau j un foleil cou-
chant y fait beaucoup d'eff�t fur des eaux qui s'y
trouvent agr�ablement r�pandues : la figure du
Saint eft peucorrecte; mais ficed�faut �toitcauf�
par 1'habitude de faire trop en petit, on fent ce-
pendantpar fa faciiit� qu'il auroit r�uffi en grand ,
&■ on Ie remarque dans quelques-uns de fes autres
tableaux.
On voyoit en 1666 ,aFrancfort chez M. du
�ay
1 du m�me Ehheimer, un tableau de g�nie
& d'irnagination: il repr�fentoit leDefir & 1»
Jouiflance fous deux jolies figures : au-de(Tus dans
un ciel �toit Jupiter la foudre a la main j & fur
la terre des hommes 8c des femmes de tous �tats ,
livr�s al'objet de leurs differentes paflions. Les ca-
rad�res font bien rendus fur les phyfionomies J
les yertus Sc les vices font 1'objct de cecce com*
-ocr page 302-
iS<>                 la Vit desPeintres
pofition. Ce tableau a touche tous les curieus l
Sc
donne une grande idee de 1'efprit de fon
auteur.
El\heimer a peint d'une plus grande forme Ia
finte de la Vierge en Egypte avec l'Enfant J�fus
fur fes genoux. S.-Jofeph conduit 1'ane pendant la
nuit a. travers une rivi�reorn�e de toutes fortes de
plantes aquariqiies : il tient dans la main gauche
une branche de pin allum�e qui lui fert de flam-
beau. On voit dans Ie lointain un grouppe de ber-
gers qui fe chauffeur aupr�sd'un feu , fur les bords
d'une mare , o� ils gardent leurs troupeaux: ils
paiflent aupr�s d'une �paii�e for�t : Ie ciel eft
lempli d'�toiles; la voie laft�e un peu au-deffus
de f horifon , �claire la plaine & fes objets avec
une finguli�re v�rit�. Ce tableau paffe pour fon
chef-d'ceuvre: il a �t� grav� par M. de Gaud , gen-
tilhomme d'Utrecht, qui en a grav� plufieurs au-
tres. Ce feigneur �toit un des principaux bien-
faiteurs ��El\heimer : il acheta tous fes ouvrages
& les paya plus cher qu'on ne les vendoit alors j
il adoucit fa prifon en lui fournilTanr de 1'argent,
mais Ie mal �toit trop grand pour y pouvoir re-
m�dier. M. de Gaud fe fit une manierede peindre
fur les tableaux qu'il avoit achet�s d'�/^eiOTcr,
Sc qui lui fervoient de mod�le , au point
qu'il peignit dans Ie m�me gout. Apr�s la mort du
malheureux peintre , il revint a Utrecht , & ter-
mina fes jours par un accident: une dame con-
$ut tant d'amour pour lui, qu'elle lui fit prendre
un breuvage qui eut un effet contraire a fes de-
firs. En 1614 il perdit la m�moire , & eut 1'ef-
prit ali�n� jufqu'dla fin de fes jours : la peinture
feule lui donna des intervalles de xaifon, & il
-ocr page 303-
FlamandS) Allcmands &Hollandois. 187
n'eut de jugement que pour ce talentjufqu'a fa
mott : on ne connoit de lui que fept planches
grav�es d'apr�s El\heimer. La veuve Sc quelques
enfans de ce peintre, vivoient encore en 1632. Les
ouvrages du p�re font difperf�s dans 1'Europe. A
Dufleldorp chez 1'�le�teur palatin, on voit quatre
tableaux de cema�tr� :En�eavecfon p�reAnchifej
un Saint Jean-Baptifte dans un beau payfage j
un autre Payfage avpc des figures , & Ie fu rifice
d'Iphig�nie. Dans l� cabinet du duc d'Orl�arts,
au Palais-royal, deux tableaux du m�me , dont
1'un repr�fente une nuit, ou des gens qui fc
chauffent au bord de 1'eau ; 1'autre repr�fente un
beau payfage �clair� de la lune.
N I C O L A S
DE LIEMAECKER,
SURNOMM� ROOSE,
�L�VE D'OTTOVENIUS.
Liemaecker , n� a Gand en 15 7 5 , fut place fort
jeune chcz Mare Gueraert, bon peintre d'hif-
toire : il appnt fous lui les principes de ion
art. La more de ce peintre lui donna quelques
inqui�tudes ponr fon avancement; mais il r�para
cette perte , en prenant des lecons d'Ottovenius.
Ce dernier s'attacha a Roofe , avec une affe&ion
qui lui pro 'ira depuis fa fortune: 1'�cole de Venius
�toit pour lors la meillcure de la Flandre , Sc la
plupart de ceux qui la compofoient ont �tc de
-ocr page 304-
188                    La Vle des Pcintr�s
1 grands artiftes': Rubens �toit du nombre des �l�-
IS7S- ves. L'amui� de Rubens Sc les le^ons du maicre
tcndirenc Ie jeune Roofe Ie digne rival de Rubens
Sc
un des premiers �l�ves de i^en�us.
Apr�s avoir pafle plufieurs ann�es dans cette
�cole , Sc m�rit� Ie nom de bon peintre, fon
maitre l'envoya au prince �v�que de Paderborn ,
avec une lettre de recommanda�on : il y fut bien
recu, & employ� par Ie prince Sc les principaux
feigneurs. Son talent fut admir�, & Tartifte y
fut combl� de gloire &: de bienfaits ; mais Ie cli-
mat �tant contraire a fa fant� , il tomba malade
d'une fi�vre continue j qui fit craindre pour fa
vi�. Ilquitta cette cour pour reprendre 1'air natal,
& fut s'�tablir a Gand, o� il adepuis travaill� &
peint plufieurs beaux tableaux. Rubens,de retour
de Li�e o� il venoit de faire Ie tableau d'autel
de Sainte-Catherine, fut demand� par ceux de
la confrairie de S.-Michelde Gand, pour peindre
au retable de leur autelj un tableau repr�fentant
la ch�te des Anges : Rubens leur confeilla d'em-
ployer Ie pinceau de Roofe , en leur difant: Mef-
fieurs , quand on pofs�de une rofe fi belle, on peut
Hen fe pajfcr defieurs �trang�res.
L'�loge d'un fi
crand peintre fe foutient dans les ouvrages que
'Roofe nous a laifles. Il compofa ce tableau que
Rubens refufa de faire : il pafle pour un de [es
chef-d'ceuvres , & ne c�de en rien aux plus beaux
de fon fi�cle.
Roofe peignit Ie plafond de Ia Chapelle de 1'�-
v�que j dans 1'�glife de S. Bavon , Sc un tableau
d'autel, o�l'on voit la Vierge & 1'Enfant J�fus
dans une gloire entour�e de Saints. Ce tableau
»ft d'une grande ordonnance j 1'efFer r�pond aux
^utre
_
-ocr page 305-
i 'Allematlds & �totlandois. 28^
a�tres belles parties de i'art: il eft en face dans
cette chapelle. On remarque pl�fieurs tableaux
du m�me artifte qui ornent les piliers.
Dans 1'�glife paroifl�ale de S. Nicolas, on voit
Ie tableau de la Ch�te des Anges, dont j'ai parl�:
& dans la chapelle des chiturgiens, Ie Samaritain
bleff�i Le grand tableau d'autel de la m�me
�glife, repr�fente S. Nicolas qu'on �l�ve a 1'�pif-
copat. J'ajouterai ici une fimple �num�ration des
tableaux de Roofe.
Dans 1'�glife de S. Jacques 3 le tableau d'autel
de la chaptlle des tonneliers : dans la chapelle
de S. Ambroife, le dernier Jugement, compofi-
tion confid�rable, o� le genie de 1'auteur eft fans
bornes. Dans 1'�glife de S. Sauveur, contre les
piliers , douze grands tableaux repr�fentant le
jBapt�me de Notre Seigneur, z Jefus-Chrift tent�
dans leD�fert. j Notre Seigneur pendant la tem-
p�te r�veille par fes Difciples. 4 La R�furrection
du Lazare. 5 Le Miracle de 1'Aveugle n�. 6 Les
Vendeurs chaff�s du Temple. 7 La Transfigu-
ration. 8 Le Demon chafle du corps d'un poi�ed�.
y La Samaritaine. 10 Jefus-Chrift qui gu�rit plu-
f�eurs malades. 11 La P�che miraculeufe , o�.
Notre Seigneur fe prom�ne fur les eaux. 12 L'en-
tr�e de Jefus-Chrift dans Jerufalem.
Dans la chapelle de la Sainte-Trinit� , le tableau
repr�fente ce Saint Myft�re : il eil auffi bien- colo-
ri� que s'il �toit de Rubens.
Dans 1'�glife des Auguftins, huit tableaux re-
pr�fentant 1'hiftoire du Sacril�ge de pl�fieurs hof-
ties qui furent vol�es & difperf�es avec impi�t�.
Dans 1'�glife des Dominicains, 1'Apparition de
la Sainte Vierge i Sainc Dominique. Danj la
Tornt 1.
                                        T              J
-ocr page 306-
190                La Vit des Peintres
1 '          chapelle de Saint Pierre & de S. Paul, de la m�me
*57S' �g�fe, ces deux faints repr�fent�s avec Saint
Thomas d'Aquin , tableau d'autel.
Dans 1'�glife du petit enclos des B�guines, la
Pr�fentation au Temple, tableau d'autel.
Dans 1'�glife des religieufes Bernardines , la
Sainte Vierge & 1'Enfant Jefus dans une gloire
c�lefte j entour�e de Saints j & au haut du ciel,
■la Sainte Trinit�, tableau d'autel. La multiplicit�
des figures ne rend point cette compofition con-
fufe : Ie 'bon gout du deffin & la facilit� du pin-
ceau s'y font admirer, comme dans tous les ou-
vrages du m�me artifte.
Dans 1'abbaye des dames de Nieuweii-Boflche
-( ou -Nouveau Bois ) ) on voit encore plufieurs
tableaux deRoofe; la NaiiTance de Notre Seigneur
ador� par les Anges, tableau du grand autel :
S. Beno�t qui dit la MefTe al'intention des ames
du Purgatoire j Ie tableau des Anges qui appor-
tent au Saint Ie plan du monafl�re^ 1'appari-
tion de la Sainte Vierge & de Sainte Humbhne a
5.   Beno�t; dans la m�me �g�fe 3 deux autres
grands tableaux.
A Brnges , chez les Dominicains , dans Ia cha-
pelle de la Vierge, 1'apparition de la 5ainte Vierge
a S. Dominique.
On voit encore dans les villes deFlandres plu-
fieurs tableaux Ae Roofe. Il en faifoit peu de che-
valet; la grande facilit� 8c Ie feu de fon imagina-
tion Ie portoient plus a traiter fes fujets en grand
qu'en petit : fes figures font toujours grandes,
6. paroiffent m�mecoloflales, mais elles fontd'un
bon gout de deffin. C'eft a fa grande pratique
que Ion actribue quelquefois fa couleur froide,
-ocr page 307-
1
'flamakds i All�matids & Tiollandois. ifl
"tkant fur Ie n�ir, prmcipalement dans fes ombres. ■
Ses couleurs de cfuur font fouvent rouges &: peu *57S'
agr�ables. Ces d�fauts ne font pas dans tous fes
ouvrages y & plufieurs de fes tabl�aux font co->
lori�s comme ceux de Rubens; la Ch�ce des An-
ges en eft une preuve. �l def�lnoit bien Ie nu,
il aimoit a Ie repr�fenter , & rarement a-t-il man-
qu� 1'occafion de 1'introduire dans fes ouvrages^
Roofe n'a eu qu'une fille, morte en i (J77, reli-
gieufe dans 1'abbaye de Nieuwen-BofTche» II fit
plufieurs tabl�aux qu'il donna pour fa dot. On
ne fait pas pourquoi il fut appell� Rooft : ce
nom lui fut donn� dans fa j.eunef��. Il fut �lu
chef 011 doyen des peintres de Gand en \6x% Sc
i6}6,
il fut aim� pour fes mceurs & la fagefTe de
fa conduite , Sc fort regrett� a fa mort qui arriva
en 1^49 : il �toit ag� de 71 ans. On Ie croit en-
terr� aux Auguftins a Gand.
WA ERNAERT
yAND�N* VALKAERT,
�L�VE D'HENRI GOLTZIUS.
VV A e R n a e r t �toit d'A mfterdam : la date de
1'ann�e i<»2j,qu'on lit au bas d'un de fes plus
beauxouvragesjfaitcroire} avecaflfez de vraiiem-
blance, qu'il naquit vers la fin du quinzicmefi�cle:
ce tableau repr�fente Saint Jean dans Ie D�fert.
Parmi une multitude de figures qui peuplenc
Ie payfage , quelques-unes des principales fur
T 2.
-ocr page 308-
-----
aj>t -k* Vu des Pelntres Flamahds, &d
Ie devant, font des porcrairs : il s'y eft peint
lui-m�me; Ie S. Jean eft d'une belle proportion>
bien peint &c dans Ie gout de fon ma�tre : toutes
ces figures font grandes comme nature.
JEAN BADENS,
�L�VE DE SON P�RE.
Jean Baden s, fr�re de Francais Badens ;
naquit a Anvers Ie 18 novembre i$y6,&c fut
�l�ve de fon p�re, qu'il quitta de bonne heure
pour voyager , particuli�rement en Itali�, o� il
fit de bonnes �tudes : il excella au point que les
Allemands ne purent fe raflafier de les ouvrages \
les plus grands feigneurs excrc�rent fon pinceau.
Il gsgna beaucoup de biens \ & retournant chez
lui, il futpill� & maltrait� par des gens deguerre:
ne pouvant fe confolec de cette perce , il moumt
de langueur en 1605.
,
-ocr page 309-
R O L A N T
SAVERY.
XVoi a nt Savery naqnit aCourtrai en i$7<>.-
II �toit fils deJacques Savery, peintre m�diocre j
qui lui apprit les premiers �lemens de la peinture,
&l'exercaa peindre desanitnaux, desoifeaux,
des poii�ons, &c. Il imita la maniere de fon fr�re
a�n�, peintre en d�trempe : mais cette partie pa-<
rut trop born�e a Kolant, il s'artacha au payfage
3u'il a rortbien traite. Il aimoit beaucoup les vues.
u Nord, des tochers, des chutes d'eau qu'it
-ocr page 310-
i* des Peintres
ornoit avec des fapins. L'empereur Rodolphe Ie
i jj6. prit a fon fervice, a la fei�e infpe��on d'un de fes
tableaux : il 1'envoya defl�ner les vues finguli�res
du Tirol. Ce peintie employa fon temps a copier
d'apr�s nature > & en deux ann�es il rapporta uu
rr�s-grand livre rempli de beaux deflins, en partie
dellin�s a la plume & lav�s, & les auctes au
charbon. Il s'eft fervi toute fa vie de fes �tudes
dans fes tableaux : il orna la galene de Prague
en Boh�me de fes payfages qu:'jf gidius Sadeler
a grav�s. On regarde comme un de fes principaux
tableaux, un payfage d'une �tendtie immenfe de
pays j avec un S. Jer�me dans fa p�nitence : il a.
�t� grav� par Ifaac Major, �l�ve de Sadelerj qut
Ta ren du public.
Apr�s la mort de Pempereur Rodolphc en 16\ 2,
Savery revint a Utrecht o� il fit plufieurs tableaux
en grand «Sc en petit: il foutenoit fon application
par une diffipiition agr�able \ les matinees �toient
enii�rcment employees a peindre avecfcn neveu,
Jean Savery, aiiffi penitre de payfages, 8c les
apr�s-din�esiuifervoientde d�lanernenr. Un choix
d'amis, eomme lai fans: engagemens, lui faifoit
go�ter Ie plaifir qu'on trouve dans tine ioci�t�
enjiou�e; c'eft ce qui n'a pas peu contribu� a Ie
faire vivre auffi long-temps qu'il a v�cu : il rnoit-
rut a Utrecht en 16 3 55, ag� de ^3 ans. On lit
fous fou portraitj peint par Henri Lamben Rog-
man.
Rolant Savery, peintre de Rodolphe & de Ma*
thieu
j empereurs rcmains.
Savery avoit le.fini de Paul Bril Sc de Breughcly
on remarque dans quetques-uns de fes tableam
un peu de. fech.er.efle dans fa toucht?: fes idees.
-ocr page 311-
Flamands, Allemands & Hollandolsl
font grandes , fes diftributions agr�ables, Sc � y
aun grand art dans fes oppulltions : la couleur
bleue domine dans fes tableaux : quelques-uus
m�me en font moins eftim�s. Ce peimre a bien
fait les petkes figures & les animaux qu'il delli-
noit & qu'il touchoit avec efpiit. La plupart des
ouvrages de Savery font en Allemagne: on en
trouve auffi , mais en petit nombre, dans les cabi-
nets d'Hollande & de Flandre, &c.
Houbraken vante un tableau de ce maitre, re-
pr�fentant Orph�e quij par les fons de fa lyre ,
attire autour de lui une mukitude d'animaux : Ie
payfage en eft tr�s-beau.
Weyermans fait auffi la defcription d'un ta-
bleau de ce ma�cre , dans lequel il avoit voulu fe
furpaflTer ; c'eft une efp�ce de For�t, reraplie de
chevaux indompt�s : les pofitions extraordinaires
& les mouvemens forc�s dans chaque animal,
donnent une idee de la grande facilit� de celui
qui les a repr�fent�s.
On voit de lui chez l'�lecteur Palatin deux
tableaux, dont 1'un eft un payfage avec des ani-
maux d'efp�ces difF�rentes,& 1'autre une Bataille,
avec beaucoup de figures & des animaux.
A Gand, chez M. van Tygfrem, eft un autre
tableau de Savery : c'eft probablement celui dont
Houbraken a donn� la defcription j c'eft du moins
Ie m�me fujet, & on Ie regarde cornrne un des.
plus beaux de eet artifte.,
T
.
-ocr page 312-
x»)6 La Vic des Peintres Flamands, &c.
ADAM
WILLARTS
JNaquit dans la ville d'Anvers en 1577. La
peinture Sc la po�fie furent alternativemeni exer-
e�es par Adam. De la premi�re, il avoit fait fon
talent dominant, & 1'autre lui fervoit de d�lai�e-*
ment. Il excelloit a peindre, fur-tout des rivi�res
avec de petits bateaux; des rivages Sc petites
marines; des barques de p�cheurs remplies de
petites figures fpirituellement touch�es & natu-»
rellement repr�fent�es. Il mourut a. Utrecht o�
il avoit fix� fa d�meure. On voit deux tableaus
de ce peintre a Paris, chez M. Ie comte da
Vence
:. 1'un repr�fente une marine j & 1'autrs
la vue d'une rivi�re.
AART (ARNOLT)
JANSSE DRUYVESTEYN.
Vjarie van Mander rapporte qu'il a vu
a Harlem un jeune homtne j excellent peintre
de payfages, avec de petites figures, nomm�
j/iartjanjje Druyvefleyn,, qui n'exerc,oit fon talent
<jue pour fon amufement. Favorif� d'une fortune
lionn�te , il ne peignoit que pour fon plaifir. Il eft
inpi� parmi les bourguemeftres de cette ville A
fut. �lu ancien de T�glife �f�
-ocr page 313-
PIERRE-PAUL
R U B E N S.
<J donnant la vie du prince des peintres'
flamands, nous avons a faire connoitre dans
eet illuftre artifte , Ie favant , Ie politique &
l'homme du monde.
Pierre-P aul Ruhens �toit fils de Jean Rubens
Sc
de Marie Pipelings , tous deux d'une tr�s-
bonne familie. Son p�re, profefleur endroit Sc
�chevin de la ville d'Anvers , abandonna eet
emploi pour fe mettre a couvert des calamit�s
4e la guetre civile qui ravageoit alors Ie Bra-:
_
-ocr page 314-
Zd Vit des Peintres
m------<■ bant. II fe retira dans la ville de Cologne. C'eft-
IJ77. ^ <Iue Rubens recut Ie jour Ie 2.8 juin 1377. Sa.
premi�re jeunefle fut cultiv�e avec loin, Sc il
repondit a cette �ducation par les plus heureufes
difpofitions. Il s'attacha avec fucc�s aux belles-
lettres , & il fit des progr�s rapides dans la lan-
gue latine. Ainfi les grands hommes annoncent
d'ordinaire, d�s leurs premiers ann�es , ce qu'ils
doivent �tre dans la fuite.
Le duc de Parme ayant remis la ville d'An-
vers fous la domination de 1'Efpngne , Rubens Ie
p�re, qui avoit quitte Cologne jpour Utrecht,
retourna dans fa patrie, y repric fes charges. Son
�ls �toit d:unefigureaimable, il le plaga chez la
comtefl� de Lalain, en qualic� de page. La vie
licentieufe de fes camarades n'�tantpas du gout de
ce jeune homme bien n�, il follicita, mais en vain,
fes parens de le rappeller aupr�s deux. Son p�re
�tant mort , Rubens fe retira chez fa m�re , Sc lui
fitconnoure le defir qu'il avoit de fe livrer a la
peinture. On le pla5a d'abord chez TobicVerhaejl,
habile payfagifte , & enfuite chez Adam van Oort.
La conduite crapuleufe & libertine de ce dernier,
jointe afon humeur brutale > deplut a Rubens: il
lequittapour aller chez Ottovenius, qui �toit alors
le Rapha�l flamand. Le difciple s'appliqua non-
feulement a imiter la beaut� du pinceau de ce
nouveau ma�tre qu'il �gala j mais il fe fit un
mod�le de fa conduite, de fes mceurs, defapoli-
tei�� & de fon application a 1'�tude. Vers 1'age
de vingt trois ans, Rubens fe crut en �tat d'eflayec
de voler de fes propres ailes. I/habitude de vivre
dans. le grand monde , lui donna acces chez les
pnnces. Ils'y fit remarquer par "fa fageffe& f�a
-ocr page 315-
Flamands, Allemands & Hollando'is.
g�nie. Quelques-uns difent,& entr'autres San-
drart,
qu'Albert, archiduc d'Autriche, envoya Ie l $77*
jeune Rubens a Vincent de Gon^ague^ duc de Man-
tou�, qui Ie recut favorablement, & Ie pric a fon
fervice en qualit� de gentilhomme \ il y refta pen-
dant fept ans, plus occup� a�tudier fon art d'a-
pr�s les grands maures, qu'a fuivre les amnfemens
frivoles de ceux avec qui il vivoit. On raconte que
Rubens j ayant un jour a peindre Ie combat de
Turnus & d'En�e, & fe croyant feul, r�citoit,
pour �chauffer fon g�nie , ces vers de Virgile:
llle etiam patri�s agmcn ciet , &c.
Le duc qui 1'avoit �cout� , entra en riant j Sc
lui paria en latin , croyant 1'embarraffer Sc qu'il
n'entendoit pas cette lafigue ; mais quelle fut fa
furpnfe, lorfquecepeintre lui r�ponclit en cermes
dignes du fi�cle de Giceron! Il ceGTa d'�tte �tonn�
de fon �rudinen, lorfque P.ubens lui eut appns
quelle �toitfa familie. Sa naiffance., festalens&fes
vertus aimables , lui acqiurcnt tant de confid�ra-
tion dans 1'efprit du prince, qu'ille nommafon
envoy� a la cour de Phl�ppe III 3 roi d'Ef-
pao-ne. Rubens partit charg� de riches pr�fens
pour le duc de Lerme , un des principaux
favoris. Ces pr�fens fnrent ofFerts avec des
graces qui en augment�rent le prix, Sc qui ajou-
t�rent au m�rite de l'envoy�. Il fat eftim� du
roi & de route la cour II y fit une quantit�
de portraits & de tab!e;ux d'hifl-oire, qui lui
valurent des fommes immenfes. La r�putation de
Rubens fit tant de bruit, que Jean duc de Bra-
gance {
depuis roi de Portugal) , prote�teur des
-ocr page 316-
joo               La Vu desPeintrrs
""fciences & des arts, �crivit a un feigneur de
lJ77'
Madrid, pour engager notre peintre a venir a
Villaviciok , o� Ie duc faiioit fa r�fidence. Ru-
bens
accepta eet honneur, & fe mit en chemin
avec un train fi confid�rable , que Ie duc effray�
de la d�penfequ'untelhocepourroitoccafionner,
d�p�cha un gentilhomme au-devant de 1'artifte ,
qui ri*etoit plus qu'a une journ�e de fa cour ,pour
Ie prier de remettre fa vijite a un autre temps.
Ce
compliment�toit accompagn� d'unebourfede 50
piftoles , pour d�dommager Rubens de fad�penfe
& du temps qu'il avoit petdu. Rubens r�pondit
qu'ilne recevroit pas cepr�fent j qu'iln'�toitpoint
venu pour peindre, mais pour s'amufer hu'u ou dix
jours a Fdlaviciofa
, & qu'il avoit apport� avec
lui mille piftoles pourles depenfer pendant fonf�jour.
Unefi vapide fortune fit voir dans ce jeune peintre
autant de conduite que de talens , & fa r�ponfe
autant denobleffe que ded�fint�refTement.
De retour a Mantou� , Ie duc 1'envoya a Rome
pour y copier les principaux tableaux des grands
ma�tres, & ces copies valoient prefque les ori-
ginaux. Rubens obcint enfuite la permiilion de
�uirrel les �tudes qu'il s'�toit propof� de faire en
quittant fa patrie. Les ouvrages du Titien & de
Paul V�ron�fc 1'attir�rent a Venife. Ce fut dans
cette excellente �co'.e du colons qu'il en puifa les
r�gies s�res , dont il ne s'eft jamais �cart�. Il refta
long-rernps dans cette ville a r�fl�chir fur Ia ma-
niere de chaque maitre, & en pratiquant d'apr�s
leurs chefs-d'oeuvres, il s'en fit une qui lui �toit
propre 3 & qui approche peut-�tre autant de la
nature. Notre illuftre artifte retourna dela a
Rome^ & y fit quelques tableaux d'autel, qui
-ocr page 317-
Flamands, Allemands & Jiollandois. jol
prouv�rent aux connoiffeurs combien ie f�jour de
Venife lui avoit �t� utile.
Rubens quitta Rome & fut a G�nes, ou des
tableaux d'hiftoires Sc des portraits 1'occup�renc
long-temps. L'�glife des Jefuites fut orn�e de
fes ouvrages. Les p'rmcipaux de cette ville
employ�renc fon pinceau. Rubens leva Ie plan des
plus beaux �difices, & deffinalui-m�me ies�l�va-
tions qu'il fit graver 3 ce qui compofa un tres-*
grand volume, qui fut fi bien rec,u du public
qu'il en parut deux �dmons de fuite.
Notre jeune peintre �toit dans Ie fort de tas
ouvrages j & combl� chaque jour de nouvelle*
tnarques d'eftime,lorfqu'il fetrouva forc�de touc
quitter. La nouvelle de la maladie dangereufe de
fa m�re Ie fit partir a la hate j mats, quelque dili-
gence qu'il p�c faire 3 il n'eut point la fatisfaclion
de la trouver en vie. Il fut p�n�tr� de la plus vive
aflfli�Hon. L'abbaye de S. Michel d'Anvers fut
fa recraite. Il n'y vit perfonne : la peinture euc
feule Ie drou de faire quelquefois diverfion a fa
triftelTe. Kubens joignit la vertu d'un bon fils a
tant d'autres vertus.
D�s que fa douleur fat un peu calm�e, il ne
fongea plus qu'a fuir les lieux qui la lui retra<-
«joient. Il forma Ie projetde retourner aMantou�:
mais 1'archidnc Alben en �tant inform�, lui t�^
moigna combien il �toit m�content de ce d�part.
Il lui fit dire qu'il ne foufiriroit qu'avec pcine,
que Mantou� enlevat a la Flandr-e efpagnole fon
plus pr�cieux ornement. Ces raarques de bont�
& de diftin<5tion , toutes flatteufes qu'elles �toient
de la part de fon prince, n'eui�ent peut - �tre
point �t� capables de retenir Rubens, Ci 1'amour
-ocr page 318-
301                  La Vic des Peintres
ne fe fut mis de la partie. Les charmes d'Elifabeth
l$77» Brants
Tarr�t�rent; il l'�poufa.
Quelque temps apr�s il batir une maifori, on
plut�t un palais \ il Ie fit pemdre en dehors& en
oedans. Son cabinet j form� en rotonde & �clair�
par en haut, fut orn� de vafes de porphyre Sc
d'agate les plus recherches , de buftes antiques
Sc modernes les mieux travaill�s , d'un riche
m�dailler, & des tableaux les plus pr�deux detou-
tes les �coles. Cette collec�on �toit plut�t celle
d'un prince que celle d'un particulier. Le duc da
Bouquingham la vir, & en eut envie. Ilpna inrtam-
mentRubensde vouloirbienluien ceder dumoins
une partie. Il lui envoya Michel le Blond, hornme
de gout, avec 6bocoflonns(i) pour achever de
le d�terminer. Malgr� cette fomme confid�rable,,
Rubens ne confentlt qu'avec Ie plus grand regret
a fe d�tacher de eet amas rare qui faifoit fon amu-
fement, maisil ne put r�fiiter aux inftances r�it�-
r�esdufeigneur anglois, qui de fon cot� ne crut
pouvoir payer lefacrifice que lui avoit kit Rubens,
que par la proteclrion la plus marqu�e & l'amiti�
la plus tendre. Le Blond choifit en connoifTeur, &
fit pafTer en Angleterre la plas belle partie de ce
magnifique cabinet.
Rubens commenca a jouir tranquillement de fa
r�putation & de fa fortune; & s'il concinua de
peindre, ilfembloit que c'�toit plus pour conten-
ter fon gout, & par complaifance pour les curieux
qui montroientleplusvif emprefiement aobtenir
quelques - uns de fes ouvrages, que par int�r�t.
Ses biens �toient tres - confid�rables, & cette
(i) 120000 livres de France.
-ocr page 319-
Tlamands j Aliemands & Hollandois. $0$
Complaifance les rendit immenfes.
Rubens imaginoit facilemenc 3 8c ex�cutoit de
tn�me : il pouvoit travailler long-temps fans alt�-
rer fa fant�. Mais pour fuflire aux difF�rentes
fortes de cennoifFances dont fon efprit �tou avide ,
il avoit mis un ordre_, que nen ne changeoit, dans
1'emploi de fontemps. Ses heures �toient r�gl�es,
Sc ne prenoient jamais nen les unes furies autres:
ma�s il favoit cependant adrnettre emfemble les
occupations qui n'�toient pas oppof�es. Il ne pei-
�noit jamais fans fe faire lire quelque morceau
d'hiftoire facr�e ou profane 3 de morale ou depo�-
jfie. Les auteurs de chaque nation lui �toient fami-
liers , par 1'ufage qu'ii avoit des langues : il en
parloit fept difF�rentes. Cet amas de fciences avoit
cnrichi de connoifllinces Ie g�nie du peirure , &
orn� de faits & d'agr�mens l'efprit de Thommedu
monde. Rubens employa utilement tous fes mo-
mensj il ne fut jamais oifif. Il appelloit fes heures
de r�cr�ation celles qu'il confacroit aux belles *
lettres j il veilloit& s'endormoit avec les mufes.
Le nombre de fes tableaux eft auffi confid�-
rable qu'ils font exquis. Les quatre Evang�liftes
des jacobins d'Anvers, la fameufe Defcente de
Croix de la cath�drale , font de fa main.Toutes
les villes des Pays-bas fe difput�rent a 1'envi
1'honneur de pofleder quelques-uns de fes chefs-
d'oeuvres j les villes d'Italie montr�rent auffi le
m�me emprelTement. G�nes , Bologne , Milan
n'obrinrent que par uneefp�ce de faveur untr�s-
petit nombre de fes tableaux, & on les y pla$a
au rang des merveilles del'Italie.
A la fin, furcharg� d'ouvrages , Rubens prit le
par�i d'employerfesplushabiles �l�ves. Il les fai^
-ocr page 320-
~~
'364               La Vu des Peintrtt
»�_____ foit travailler fur fes deflins, & ne faifolt que
j66. tetoucher, mais fi favammentj qu'il faut �tre tr�s-
fin connoifleur pour ne pas s'y m�prendre. W�dens
Sc van Uden
peignoient Ie payfage ; Sneydcrs, les
firuits, les fleurs & les animaux. Rubens pr�fidoit,
Sc favoit accorder avec tant d'art les mani�res dif-
f�rentesj qu'il fembloit qu'une feule main y e�t
travaill�.
Une r�putation f\ g�n�rale & fi m�rir�e ne pou-
voit manquer d'exciter 1'envie. Rubens , doux &
affable , bienfaifant, protedeur des arts _» fe vi�
attaque par les artiftes m�mes qu'il avoit Ie plus
aid�s. On ofa dire qu'il auroit �t� incapable de
r�uffir dans tous ces diff�rens genres de pein-
ture, fans Ie fecours des peintres dont il employoit
les talens. Rubens ne r�pondit a ces critiques 3
ou plut�t a ces calomnies, que comme il fied aux
grands hommes d'y r�pondre } en produifant de
nouveaux miracles.Il fit feul plufieurs beaux pay-
fages: Ie plus remarquable �toit celui dans lequel
il repr�fentoit fa maifon de campagne entre Mali-
nes Sc Anvers. Tousont �t� grav�s.
La honte qui en retomba mr fes ennemis, que
Rubens convainquoit d'impofture , ne fit que les
acharner de plus en plus contre lui. Janjfens Sc
Rombouts ,
qui�toienta la t�te, lev�rent Ie maf-
que Sc fe d�clar�rent ouvertement. Janjfens eut la
t�m�rit� de propofer a Rubensun d�fi de peinture.
Rubens, aull� mod�r� qu'habile 3 fit dire qu'il
accepteroit ce d�fi quand Janjfens prouveroit par
fes ouvrages qu'il pouvoit �tre fon concurrent.
Vers ces temps-la un alchymifte Anglois nomm�
Srendel, fut trouver Rubens, 8c lui promit de
partager avec lui les tr�fors dont rafliiroit fon art,
s'il
_
-ocr page 321-
JFlamands, Allemandt & Jiollandols. j © e
s'il vouloit feulement conftruire un laboratoire           "
& payer quelques pecits frais n�ceiraires. Rubens, 1577'
apr�s avoir �cout� patiemment les extravagances
dufouffieur, Ie mena dans fon attelier : Vous �tes
Venu , lui dit- ily vingt ans trop tard ; car, depuis
ce temps, j'ai crouv� la pierre phiiofophale avec
cette palette 8c ces pinceaux.
La gloire de Rubens parut dans tout fon �clat
Vers 16 zo , lerfque Marie de M�dicis, de retour
a Paris, Ie choifit pour peindre dans une des ga-
leries du palais du Luxemboiarg, les pnncipaux
�v�nemens de fa vie, depuis fa naiflance jufqu'a
raccommodemenr qu'elle avoit �vt a Angoulcmo
avec Louis XIII, fon fils. Rubens vint, compofa
fes fujets, en fit les efquiff�s, que M. Felibien a
vues chez l'abb� de Saint-Ambroife.
Cette galerie contiene 24 tableaux . 10 de cha-
que c�t� entre les croif��s, un fur la chemin�e,
deux a roc� & un au fond de la galerie, en face
de cette chemin�e. On pretend que notre peintre
avoit eu ordre de repr�fenter \,\ vie cYHenri If
dans une autre galerie , & qu'il en avoit d�ja faic
quelques efquines : on n'a cependant jamais nen
vu de ce dernier projet. On peut regarder ces
24 tableaux conimi un po�me �pique en peni-
ture , & compof� avec autant de fagede que
d'efprit : les all�sones en font ing�nieufes fans
�tre trop charg�es, 8c la fn�cheur de ces ta-
bleaux continue d'y ftire 1'�loge du coloris ad-
tnirable de 1'auteur. Ce grand ouvrage fut ex�-
cut� en entier, a Anvers, except� deux des ta-
bleaux cjui furent faits a Paris , car la ttine avoit
marqu�aiuantdeplaifiras'entretenir avec Rubens,
qu'a ie voir peindre. Il fit dans ce temps plufieurs
Tornt. I.
                                        V
-ocr page 322-
La Vie des Peintres
portraits de cette princefle & quelques autres des
pnncipaux feigneurs de la cour.
Les talens fup�rieurs de Rubens dans la pein-
ture , ne lui ont pas feuls m�rit� 1'eftime des fou-
verains de 1'Europe ; fon inclination pour les
fciences & les arts y a beaucoup contnbu� ; il
ne fe borna point a les effleurer, il les approfon-
dit: p�n�trant & folide, 1'ufage qu'il avoit du
monde &le f�jourqu'il avoit fait dans diff�rentes
cours de 1'Europe, lui avoient donn� une con-
noiflance tr�s-�tendue de la politique 8c des inte-
rets des princes. L'infantelfabelle, dans quelques
entretiens qu'elle eut avec lui fur la fituation des
affaires du Pays-Bas, Ie reconnut tr�s-propre au
deflTein qu'elle avoit de communiqucr au roi d'Ef-
pagne, l'�tat pr�fent du gouvernement du Bra-
bant. Rubens recue les inftructions n�cefTaires, 8c
paffe i la cour d'Efpagne : il eut plufieurs conf�-
rences avec Ie roi, Ie ducd'O�vare^�c Ie marquis
de Spinola , qui furent tous fatisfaits , non-feule-
rnent de la maniere dont il avoit ex�cut� fa com-
miffion, mais des avis qu'il avoit propof�s lui-
m�me, 8c qui furent fuivis. Le roi Ie fit traiter
avec une grande diftincTrionj il fut conduit a 1'Ef-
curial,o� les tableaux d'Italie fix�rent toute fou
attention : il en copia quelques-uns d'apr�s Ie
Titien.L.e duc d'OIivare^ chargea Rubens de com-
miflions fecrettes , & lui donna de la part du roi
tin diamant de grand prix, llx beaux chevaux
�c la charge de fecr�taire du confeil priv� j avec
Ie brevet de la furvivance de cette charge pour
fon fils. De retour en Flandres, il fut tr�s-bien
re^u par 1'infante Ifabelle , qui 1'employa de
nouveau en Hollandc, uu il paiTa fous pr�cexte
-ocr page 323-
Flamands , Allemands & Hollandois. 307
de fes propres affaires. Le v�ritable motif de            '-
ce voyage, �toic de propofer une tr�ve entre * 577 �
1'�fpagne & les Provinces - Unies. Cccce n�go-
cianon fut bien conduite , & alioit avoir un plein
fucc�s, quand elle fut interrompue par ia mort de
Maurke prince de NalFau.
Le roi d'Efpagne, par le confeil du duc d'�li-
yc.re^
, qui nt entenure a ce prince coinbietl
Rubens �toit propre a propofer au roi d'Angle-
terre des condiuons pacifiques, par l�troite ami-
ti� qui r�gnoit entre le duc de Bouquingham 8c ce
peintre j le roi, dis-je, le chargea de cette com-
iniflion, d'autant plus delicate , qu'il ne lui �toic
permis de faire fes propofitions, qu'api�s avoir
ibnd� les difpofitions ae la Grande - Bretagne
pour la cour d'Efpague. Rubens pafla en Angle-
terre comme voyageurj il eut lnonneur d ctre
pr�fent� au roi, qui le recut avec bont�: ce prince
parut charme de fa converfation , & ce fut dans
un de ces entretiens particuliers, que des chofes
indifrerentes Rubens pa(Tj a de plus f�neufes. Il
glii�a adroitement qu'il le pouvoit que le roi d'Ef-
f)agne ne fut pas �loigne de conlermr a la paix :
e roi d'Angleterre lui demanda s'il avoit ordre
«Ten parier, & lui lailFa entrevoir que les propj-
fkions n'en feroient pas mal recues. Rubens faific
le moment 3 il montra fes iectres de cr�ance,
avec les intentions du roi fon ma�tre \ la fagefle
de Rubens parut dans cette affaire j & lui attira
une eftime g�n�rale. Le roi lui donn; une pretive
convaincante de ia fiennc , en le d�corant dans
1'inftant du coidon de fon ordre Sc d'un riche
diamant. Ce traite fut conelu pendant les mois
de novembre <3t decembre en 1630. Milord
Vi
-ocr page 324-
3oS            La Vie des Peintres
*-�------- Francois Cottington fut envoy� en Efpagne pour
*S77- Ie radrier, & dotn Carlos Colonne vint pour Ie
m�me fujet en Angleteirc.
Ainfi, Rubens eut TadreflTe & la gloire de con-
clure une paix devenue fi necelFaire a l'Elpagne ,
depuis que les Anglois 1'avoient faite avec la
France, Sc de plaire au roi d'Angleterre, auquel
il la demandoit. Ce prince fut fi content du n�go-
ciateur, qu'apr�s 1'avoir cr�� chevalier en plein
parlement, il lui donna la m�me �p�e avec la-
quelle il avoit fait la c�r�monie : il joignit a cette
marque de diftinctionj Is pr�fent d'un fervice
complet de vaifTelle d'argent, de la valeur de
douze mille florins.
On fait que la reine Marie de M�dicis Sc
Monfieur ,
fortant de France , s'�toient redres 2
Bruxelles; l'infante chargea Rubens de les inftruire
de fes pr�tentions & de celles de la cour d'Ef-
pagne. Il fe tira avec habilit� de cette commiffion
dilficile. Il ne s'acquitta pas moins bien de celle
que Ie marquis dJyetone lui donna anpr�s des
�tats-G�n�raux : il s'agifloit de les amufer pa*
des propofitions de paix de la part de Ia cour
d'Efpagne, & il y r�uffit. Il contribua beaucoup
a faire rentrer les Provinces-Unies fous la domi-
nation de cette cour. Ce fut a peu pres dans ce
temps-la (1) que Rubens �poufa en fecondes noces
Helene Forman : elle �toit d'une rare beaut�, &lui
fervit fouvent de mod�le pour les t�tes de femmes.
On la voit tr�s-bien repr�fent�e dans Ie tableau
qu'il fit pour la chapelle o� il eft enterr�, dans
1'�glife de Saint-Jacques.
(1) Rubens perdit sa premi�re femme en 1636.
-ocr page 325-
Flamands , Allemands & Holland'ois. 309
Rubens au milieu des honneurs & des richefles,'
fentant d�ja les infirmit�s de la vieillefTe, fe d�- 1577*
roboit peu a peu au tumulte du monde qui Ie
cherchoit.
Afflig� depuis quelque temps d'un tremble-
ment de mains & de la goutte, il fe renferm»
dans fa belle maifon , Sc ne peignit plus que des
tableaux de chevalet: dans ce travail, 1'appui-
main lui procuroit Ie foulagement dom il avoit
befoin. Il compofa cependant encore quelques
grands ouvragesj tels que les arcs de triomphe
pour 1'enrr�e de Ferdinand, cardinal in fant d'Ef-
pagne; mais il eut Ie chagrin de ne pouvoir affifter
a cecte entree. Theodore van Thuldena.gca.ve a l'eau
forte ces arcs de triomphe : c'eft un volume in-
folio
avec de favantes obfervations latines de M.
G�evaerts, hiftoriographe du roi d'Efpagne. La
caducit� de Rubens augmenta de plus en plus 5 il
mourut Ie 30 mai 1640 : il fut enterr� avec de
grandes marques d'honneur. On porta devant fou
cercueil un carreau de velours noir, fur lequel
ctoit une couronne dor�e: la principale nobleffe,
Ie clerg� , les artiftes & les amateurs s'emorefs�-
rent a lui rendre les derniers 'evoirs : il fut inhu-
m� dans la chapelle derri�re Ie chceur, en 1'�glile
paroiffiale de S. Jacques a Anvers.
Le chevahcr Bullart a compof� pour lui cetcc
�pitaphe:
Ipfa ft/os Iris, ded'a ipfa Aurora colores j
JSox , umbras, Titan , numlna clcira tibi.
Das tu Rubenius vitam
, mentetnque Jrguris,
Et per te vivit lumen, & umbra, co/or.
Quid te, Rubeni
, nigro mors funere volvit?
Viivicla tuo,picla colcrerubet*
�<!■��
-ocr page 326-
1 o                La Vic des Peintres
Rubens lailla apr�s lui, fa veuve, une fille Sc
lS77'
deux fiis j 1'ain�j Alben 3 occupa la charge de
fecretaire du confeil priv�; & paffe pour un des
beaux g�nies de fon temps.
Les ouvrages de Rubens font en grand nombre.
La France, 1'Italie, 1'Anglete: re & la Flandre en
font remplies: nous en indiquerons les principaux,
apres avoir fait quelques r�flexions fur fa maniere,
Bien des auteurs ie font content�s dedire que
1'on voit per. de tableaux enti�rement: de lui, 3c
qu'il ne faifoit fouvei;t que recoucher ceux de fes
�l�ves j c'eft uue erreur: les tableaux de fes �l�ves
qiu onr �t� retouches, fonc aif�s a. reconno�tre :
on n'y trouve pas les tranfparents dunt ce grand
peintre nroit bien parti : ceux qui font de van
JDyck
embarrafTent Ie plus; mais encore raremenc
peut-on s'y tromper. La touche de van Dyck
e.il: plus tendre j elle n'eft ni fi facile, ni fi large
cjue celle de fon maitre. Il femble que dans les
tableaux de Rubens, les mafles priv�es de lumi�re
11e foient prefque point chaig�cs de couleur:
c'�toit une des critiques de fes ennemis , qui
pr�tendoient que fes tableaux n'�toient point
affez empdt�s, & n'�toiem: prefque qu'un ver-
nis colori�.a.ufli peu durable que 1'artifte. On
voit a pr�fent que cette pr�didtion �ioit tr�s^mal
fond�e. Tout n'avoit d'abord , fous Ie pinceau de
Rubens, que 1'apparence d'un glacis; ma�s quoii
qu'il tirat fouvent des tons de 1'impreffion de fa
toile, elle�toit cepqndant enti�rement couvertede
couleur : il a connu parfaitement celle qui n'alt�-
roit ni la v'vacit�, ni la dur�e de 1'autre. Une
des maximes principales qu'il r�p�toit Ie pjus
foijvent datis fon �cole fur Ie coloris, �toitj,
-ocr page 327-
Flamands , Allemands 6' Hollandois. 511
cju'il �toit tr�s-dangereux de fe fervir du blanc ~------�
& du noir. Commcncc^ , difoit-il, a peindre l�gere.- * �77*
ment vos ombres; garde^-vous d'y laiijer g'iQer du
blanc
j c'e/i Ie poijon d'un tableau , except� dans les
lumi�res � Jl Ie blanc �moujje une fois cette pointe
brillante & dor�e j votre couleur ne f era plus chaudey
mais lourde & grif e.
Apr�s avoir d�montr� cette
pr�caution fi n�ceiraire pour les ombres, & avoir
d�fign� les couleurs qui peuvent y nuire , il con-
tinue ainfi: Iln'en efipas de mime dans les lumi�res;
on peut charger fes couleurs tant que l'on Ie ju ge a
propos : elles ont du corps ■ il faut cependant les
tenir pures : on y r�uffu en placant chaque teinte
dans fa place
j & pres l'une de l'autre, enforte que
d'un l�ger melange fait avec la broffe ou Ie pinceauy
on parvienne u Iesfondre en les paffant l'une dans
l'autre fans les tourmenter, & alors on peut retour-
ner fur cette pr�paration & y donner des touches
d�cid�es % qui font toujours les marques diftinclives
des grands maltres,
Voila quelcjucs-uns des principes de Rubens t
on les reconno�t dans fes ouvrages: fa couleur eft
tendre , vive x fra�che 8c naturelle : il avoit une
finguli�re faeilit� a op�rer, & par-la il cachoit fa
palette (\) dans tout cc qu'il a produit. Il tcnoit
eet artifice de 1'examen des ouvrages du Titien ,
de Paul Veron�fe & du Corr�ge, &c. S'il a cepen-
dant moms fondu fes couleurs, il nous laifle la
'route plus fray�e que ces ma�tres italiens, qui nous
d�guifent leur marche pas; une fonte prefqu'in*
(1) Expression en peihture: on dit les couleuri
sonl trop enies, elles sentent la pahtte ,i:'cst-a-dira
qu\lles n'iiniteot point assez celles de la nature.
v
-ocr page 328-
31 i               La Vie des Peintres
fcnfible. Nous pouvons donc Ie regarder comme
l577' un tna�tre aufli bienfaifintqu'habile., qui vetu bien
nous r� veler les myft�res de cette forte de magie
{\ difficile a devincr , & dans laquel'e il n'a pas en-
core �t� furpafle. Quel avantage n'a-t-il pas nr�
du clair obfcur? avec quelle induftrie a-t-il fa
lier fes grouppes , r�pandre & fourenir les grandes
malles de lumi�res par celles des ombres? Un
f�nie fi �lev� &c fi lavant dans l'hiftoiie &c les
.Hes-lettres �toit auffi digne d'�tre admir� cjue
ca")able d'inftruire. Abondant & facile dans fes
produ&ions, vari� dans fes attitudes auffi fimples
que naturelles , & toujours contraft�es , fans �tre
oiitr�es; jufte dans fes expreil�ons , ncble &
exa»^: dans 1'expofinon, & plein de jugement
quand il a fair ufage de 1'allsgorie, fes draperies
font convenables aux fujets; les �toffes groilidres
ou l�g�res font jet�es avec art. Il n'y a ninle affec-
tation dans les plis qui font amples, Sc fous lef-
quels fe dtffine Ie nu : on y reconnoit diflindre-
mem la foie, la laine& Ie lin. Rubens a peut-�tre
manqu� quelquefois a 1'�l�gance 8c au choix de
la belle nature : il cft m�me quelquefois maniere,
fur-tout dans fes extr�mit�.s& les emmanchemens
de fes fieuresj maisce d�faut ne lui eft point ordi-
naireril a n�s-fouvent faifi dans la nature des
beaut�s qui lui �toient �chapp�es dans les auti-
ques j ou plut�t qui ne s'y trouvoient point. S'il a
quelquefois n�glig� la corredion du de/Tin j il eft
iouvent dans cette partie �gal aux plus grands
tnaitres : 1'�loge que nous ferons de la plupart de
fes �l�ves, doit encore ajouter a fa gloire.
/ ulens peignoir 1'hiftoire , Ie portrait, Ie pav^.
fage, les fruitSj les fleurs & lesanimaux, &
-ocr page 329-
Flamands, Allemands & Ho�andois, 31 y
dans chaque genre il �toit habiie j il avoit tant de .
refTources dans Ton g�nie qu'il a compof� jufqu'i 1 577.
trois ou quatre fois Ie m�me fujet dans Ie m�me
inftant, lans qu'il y euc nen de relTemblant. Nous
avons plufieurs efquifles de lui, faites pour Ie
m�me tableau. On en connoic trois en France du
tableau d'autel des Auguftins d'Anvers, une chez
JV1. de foyer d'Argenfon , 1'autre chez M. de
JuIUnne
, & la troifi�me a Rouen, tr�s-fmie, chez
1'auteur de eet ouvrage. Toutes ces efquifles
�toient fur Ie panneau, la toile ou Ie papier huil� :
il favoit y r�pandre la m�me intelligence que dans
un tableau ceimint.1! en �toit de m�me des �tudes
particuli�res qu'il faifoit avec beaucoup de feu :
quand il ne peignoit pas fes efquiifes ou fes �tudes,
il les faifoit au crayon noir, au crayon rouge ou
charbon huil�, reliaufl� de blanc, fouvent avec
un lavis d'encre de la Chne Sc d'antros coulecr?
a la gonmie. On voit dans (es deflins toure la
fone & toure la vigueur d'un tableau : aufl� font»
ils fort recherches & pay�s rr�s-ciier.
On Ie chargea a Rome de peindre un S. Gre-
goire entoiu� de faints Sc faintes : ce tableau fe
trouva trop petit pour fa place. On pretend que
la t�te d'une Samte Catherine de ce tableau,
�toit d'apr�s celle d'une courtifanne fort belle Sc
fort connue. C'eft ainf� que Santeuil a quelquefois
d�rob� les traits dont le.s po�ees profanes ontpeint
leurs h�ro�nes, pour tracer les faintes qu'il a c�l�-
br�es. Il fit un autre tableau furie m�me fujec,
& Ie premier fut envoy� a Anvers j o� il fe voit
encore a 1'abbayedeS. Michel, mais emi�rement
gat� par 1'ignorance de celui qui Ta voulu nettoyer.
Rubens ie vit imit� de pres dans quelques com-
-ocr page 330-
314                 L<? Vie des Pc�ntres
-pofitions de David Teniers. Il vouli.it s'e'gayer i
lbn tour dans les bambochades de ce grand inuta-
teur, & il fit quelques tableaux dans fon genre.
Le plus beau &le plus confid�rable ie v�it a Gand
dans le cabinet de M. Lucas de Schamps: c'eft
une Aflembl�e de payfans qui boivent Sc jouenc
aux cartes, Sec. Les figures out environ neuf
pouces de hauteur. Rubens s'y eft fi bien cach�
fous le mafque de Teniers, que les plus habiles
ont cru Teniers auteur de een excellent morceau.
Noiispourrions rapporter plufieiirs autrestraits de
la vie de eet admirable arnfte _, ma�s nous nous
bornerons a ceux-ci qui fuffifent pour le faire
conno�tre. Nous nous contenterons m�me dJindi-
querfesprincipaux ouvrages^ 5c d'ailleurs, Rubens,
tour grand qu'il eft , n'eft pas le feul dont il nous
rel'te a parier.
On voit en France dans le cabinet du roi, fept
tableaux de ce grand maitre: une Fuite en Egypte,
la Vierge dans une Gloire environn�e d'Anges,
une Noce de Village , I.ot & fes filLes, le portrait
d'Anne d'Autriche, la Reine Thomiris j & un
Pxyfage fous le titre d'Arc-en-Ciel.
Chez le duc d'Orl�ans, douze efquifles de
Thiftoire de Conftantin, la reine Thomiris qui
regarde plonger la t�te de Cyrus dans un vafe
remplidefangj la Continence deScipion, Diane
revenant de la Chafle, 1'hiftoire de S. Georges,
le Jugement de Paris, Mars �c V�nus, 1'Enl�-
vement de Ganym�de , & 1'Aventure de Philo-
pemen.
La galerie du Luxembourg eft enrichie de
yingt-quatre tableaux de eet artifte : ils contien-
Jienc les principaux �v�nemens de la vie de Marie
-ocr page 331-
Flamands, Allcmands & Hoi�andois. 515
de M�dicis 3 reine de France. Le premier repr�-------�
fente les Parques qui filent fes jours fous les yeux 1J77-
de Jupiter & de Junon : le fecond, fa Naiflancej
le croili�me, fon Education � le quatri�me, Henri
IV,
lorfqu'il d�cide fon manage avec cette
princefle \ le cinqui�me , ce m�me Mariage \ le
iixi�me, le Debarquemenc de la Reine au Port
de Marfeille -y le fepti�me, la Ville de Lyon
lorfqu'elle va au-devant d'elle j le huiu�me, la
Naiifance de Louis XIII, fon nis ; le neuvi�me,
le D�part d'Henri IVpom �'A llemagnej le dixi�me,
le Couronnement de la Reine j le onzi�me ,
1'Apotli�ofe d'Henri If ; le douzi�me, le Gouver-
nement de Marie de M�dicis j le treisi�me, fon
Voyage au Pont-de-C�^ le quatorzi�me, T�change
qui fe fait des deux Puncd�es, cjuand Anne
d'Aurnche, infante d'Efpagne, vient en France
�poufer Louis XIII, & quE�fabeth, fceur du roi,
va en Efpagne �poufer 1'Infant, depuis Pk'dippe
IV;
le quinzi�me, le Bonheur du Pcuplc ious
la r�gence de la Eeinei le feizi�me, la Majorit�
de Louis XIII; le dix-fepti�me, la Reine fuyant
de la ville de Blois; le dix-huiti�me, fon zele
pour la Paix j le dix-neuvi�me, la conclufion
de la Paix j le vingti�me , la Paix ratifi�e dans
le Cielj le vmgt-uni�me, le Temp? qui d�couvre
la V�rit�; le vingt-deuxi�mej Marie de M�dicis
fous la forme de Pallas \ le vingt-rroifi�me, le
Grand duc deTofcane, Francois I, p�re de cette
princefle j le vingt-quatn�me , Jeanne d'Autriche%
duchei�e de Tofcane, fa m�re.
Dans les principaux cabinets de Paris, on con-
ferve avec diftin�tion les Ouvrages de Rubens.
Le Pr�nce de Monaco pofs�de un tableau repr�-
-ocr page 332-
3 i                La V'ie des Pcintrcs
_ fentant un Enfant qui joue fur une tablc. M. Ie
comte de Vence a du m�me un tableau piquant,
c'eft la repr�fentanon d'une Lam�re. M.le mar-
quisde P'oyerzdtax tableaux AeRubensj dans 1'un
on voit quatre Enfans, panni lefquels on remar-
que une petite i�lle qui carei�e un mouton : les
fruits dont ce tableau eftorn�, font peints par
Sneyders. L'autre eft une efquifie du tableau qui
fe voit aux Auguftins d'Anvers. M. Ie comte de
Choifeu�l
a aufli une efquiffe tenrun�e de ce
ma�rre , une Suzanne furprife par les Vieillards.
On trouve chez M. de la Bouexi�re, trois ta-
bleaux j les Grarcs font peintes dans Ie premier,
& des Tctes en fonne ovale dansles autres. M.
de Jui�cnnez de Rubcns trois excellens morceaux ,
un beau Payfage, Ie portrait de la femme de ce
peintre Sc tine belle efquilfe flnie. Chez M. Ie
marquisc/e Lajfay, un Payfage admirable,dont Ie
fujet principal eft une Charrette ernbourb�e. Chez
M.le duc de Tallard, cinq tableaux du m�me
peintre, Ie portrait d'un homme tenant un livre,
M�l�agre pr�fentant une hure de fanglier a Atha-
lante, Sainte C�cile jouant de 1'orgue &: envi-
ronn�e de plufieurs enfans, un beau Payfage de
1'Adoration des Rois. Chez M. Paquier, d�put�
du commerce pour la villc de Rouen, fix tableaux
de Rubens, Re'mus & Romu/us, Orph�e & Eurid�ce,
Perfee
& Andromcde, un homme Sc une femme
repr�fent�s a mi-corps, Sc un autre en forme
de portrait. Chez M. de la Lyvc de Jully, une
femme peinte de profil, qui litj un autre grand
tableau , une femme tenant un enfant fur fes
genoux, & un autre enfant a c�t� cl'elle : ce ta-
bleau qui n'eft qu'une �bauche, excepc� les t�tes
____
-ocr page 333-
Flamands, Alhmanis & JJo�andois. 5 1 f
Sc les mains, a toute 1'harmonie d'un tableau---------
termin�. On y d�couvre la marche de ce grand 1S77*
pia�tre , & on eft furpns des eftets finguhers qu'il
fait, quoiqu'il ait co�t� peu de travail a 1'auteur :
les beaux tranfparens & Ie faire de ce tableau en
g�n�ralj eft une grande lecon pour ceux quipeu-
vent Ie voirfouvent.
Le cabinet de 1'�lecbeur Palatin eft orn� de
quarante-fept tableaux du m�me peincre, donc
voici les difrerens fujets : la Ch�te des Anges,
tableau de 14 pieds 10 pouces de hauc, fur 9
pieds 10 pouces de large 5 1'AlIbmption de h
Vierge, tableau de 1$ pieds 11 pouces de haut,
fur 9 pieds j une Vierge avec 1'Enfant J�fus fuc
fes genoux; Latone dans* 1'Ifle de D�los , les
Payians chang�s en grenouilles y Saint Chriftophe
qui potte 1'Enfant J�fus fur fes �piules �, une T'�te
de femme; le portrait de Ruitens & celui de fa
premi�re femme, Elifabeth Brants\ un Crucifix
peint fur bois j une Challe au Sanglier, les ani-
maux font peints par trancou Sncydtrs; la Ren-
contre de Jacob Sc d'Efa� ; la F�te de laPente-
cote ou la Defcente du Saint Efpri� fur les Ap�-
tres; le portrait d'Helene Forman 3 feconde fem-
me de Rubens; la Pompe fun�bre de Germanicus,
fils de Drufus & d'Antonla ; un Payfage avec un
Arc-en-Ciel ; Samfon furpris par les Philiftins
dans les bras de Dalila; la Mort de S�u�que au
au milieu de fes amis; le Dieu Silene , ivre 8c
'port� en triomphe par des Bacchantes; Marsou
la Vigilance couronn�e par la Renomm�e; des
Enfans au nombre de fept qui fe jouent, avec
diff�rens fruits qui font pemts par Sntyders \ la
Sainte Vierge entouc�e d'onze enfans, les fleur»
-ocr page 334-
'
} 18               La V'ic des Peintrei
"" � & Ie Payfage font peints par Breughel de Klour;
les fupphces des R�prouv�s condamncs au feu de
1'enfer; Ie Cardinal Infant a cheval, de grandeur
naturelle. On voit dans Ie fond du tableau la
batailledeNordlinguej deux Femmes nues viol�es
par deux Romains \ les P�cheurs convertis aux
pieds de notre Seigneur j Ie Jugemenc dernter j Ie
Ven�te Benedicli j laConverfion de Saint-Paul j la
Paix entre les Piomains & les Sabins', leMartyre
de S. Laurent j la Naiflance de Notre Seigneur j
la Bataille des Amazones j la D�faite de 1'Arm�e
du roi Sennacherid , o� 1'Ange d�truit 185000
hommes 5 Sa�l facr� par Ie pvoph�te Samuel j
Diane ik fes Nymphes endonnies; un Satyre qui
examine toutes ces beaut�s abandonn�es a fes re-
gards avides; Ie Payfage, Ie gibier & les chiens
font peints par Breughel de Vlour^ des Soldats qui
pillent des Pay fans; Diog�ne la Ian terne alamainj
V�nus qui fait fes efforts pour emp�cher Adonis
d'aller a lachalTe; les portraics du roi & de la
reine de Pologne, Ie roi eft aflis fur fjn trqne^ te
portrait de Philippe II, roi d'Efpagne, & celui
de la reine fa femme; Ie portrait cte Thuldeus,
do�leur en th�ologie; Silene avec detixBacchantes
Sc un tigrej Ie portraic du G�n�ral d'un Ordre
religieux j Ie portraic du cardinal infant^ Ie Juge-
ment dernier, tableau tle vingt pieds de haut
fur quinze pieds cinq pouces de large , il eft
capital \ cV enfin Silene ivre avec deux fatyres.
L'Empereur pofi�de a Vienne une Bacchanale
de Rubens.
L'�lecteur de Bavicre une ChafTe au lion, avec
des chevaux barbes.
Il y a a Neubourg fur Ie Danube j cinq ta-
-ocr page 335-
Flamands , Allemands & Hollando�s. 319
bleaux du tn�me artiftej Ie Jugement dernier j
une Nativit�, une Pentecote , la Chuce des
mauvais Anges.» Saint Michel qui tue Ie dragon»
Dans l'�gfife de Sainte Croix a Ausbourg, une
Aflomption de la Vierge.
Dans la galerie du duc de Mod�ne 3 Saint
J�rome avec un lion.
A la V�nerie pres de Turin, quatre fujets de
ChalTe & un Saint J�i'�me.
A G�nes, dans 1'�gliie de Saint Ambroife des
J�fiutes , Saint Ignace qui gu�rit les Infirmes &
les Eftropi�s, Sc une Cxrconcifion.
En Elpagne , au palais Della-Torre Della-
Parada , plul�eurs delTus de portes, o� Rubcns
a repr�fent� des fujets tir�s des M�tamorphofes \
Sneyders
a peiat les animaux , les fruits & les
fletirs. Dans 1'�glife appell�e 1'H�pital des Fla-,
mans a Madrid j Ie Martyre de Saint Andr� ,
Saint Auguftin <Sc Sainte Monique fa m�re, au
pied d'nn Chnft.
Au palais de la tn�me ville, plufieurs beaux
Portraits de la Maifon royale j l'Enl�vemenr.
des Sabines, Sc Ie Combat des Sabins Sc d*s
Romains.
A Fefaldana , pres Valladolid 3 un tableau de
la Conception, chez les Religieufts du m�me
nom.
Au palais ds Buen-Retiro, Ie Jugement da
Paris. Dans la facriftie de 1'Efcunal , S. J�rome
en grand, Sc les P�lei'ins d'Emma�s. Dans Ie cha-
pitre de la m�fne i-naiion, une Sainte Familie;
au m�me couvenc 5 dans Tappartement du roi,
la Vierge, 1'Enfant J�fus, & pluiieurs Figures ,
tableau pr�cieujc peipt fur cuivre.
-ocr page 336-
51 o              La Vu des Peirures
Dans Ia vilte de Lorc�ies , chez les Carmes
d�chaufles, qtiatre Cartons d'apr�s lefquels on
a fait des Tapifleries.
l.a ville d'Anvers qui eft fi ricf?<? en tableaux,
nous en offre trente-(ix du pn�m � auteur, qui
font expof�s en public , fans coropter ceux qui
font chez des p^rticuliers. L'�glife de Notre-
Dame pofs�de fon chef-d'oeuvre, dont noms avons
d�ja parl�> c'eft Ie tableau de 1'H�tel de la Con-
fr�rie du Mail : il a deux volets, Ie milieu repr�-
fente une Defcente de Croix ^ fur un des volets
(>aro�t la Vifitation de la Vierge , & fur 1'autre
a Pr�fentation au Tcmple : au dehors des vo-
lets , Saint Chriftophe portant 1'Enfanc J�fus, Sc
un Hermire qui conduit ce faint la lanteme a la
main. Un tableau, J�fus-Chrift mort, placecontre
un des piliers de T�glife Notre-Dame , ome
1'�pitaphe de la familie de MM. Michielfens :
on appercoit fur un des volets la Vierge Sc TEn-
fant J�fus, Sc fur 1'aurre Samt-Jean-1'Evang�-
lifte: les volets fenn�s font volt Notre Seigneur
&■ la Vierge.
Dans l'�glife paroiffiale de Saint-Walburge ,
Ie grand autel eft orn� d'un tableau capital, c'eft
Notre Seigneur attach� fur U Croix,que les Bour-
feaux �l�vent pour la planter; les volets repr�-
ientent Sainte Catherine Sc Saint Eloi: <e m�me
autel a �r� r�edifi� en 17-57 par Ie fculpteur
Kercks Ie jeune. Ona fupprim� plufieurs tableaux
de Rubens , qui �toient auparavant deux An^es
peints fur bois & d�coup�s -y une image de Dieu
Ie p�re qui �toic au-de(�us de 1'autel, Notre Sei-
gneur en croix, la mort de S. Walburge, & les
Anges qui enl�vent Ie Corps de ce Saint: il ne
refte
-ocr page 337-
Flamands j Alkmands & Hollandois. 3 i i
refte plus que le tableau d'autel, & fes volets ,
lesautres ayant �t� vendns �ur laBourfe en 1737.
Le chcEur eft d�cor� d'une �pitaphe & d'un beaa
rableau de ce malere , notre Seigneur iffis fur fon
tombeau , au milieu de trois Anges, foulant aux
pieds la mort. Ce rare tableau "sft prefque perdu
par la n�gligence deceux auxquels tl a �t� confi�.
Dans �'�glife paroifliale de Saint Jacques, on
voit laChapelie dans laquelle eft enterr� Rubens,
Sc pour fon �pitaphe un tableau capital , ou il
s'eft peint lui-mt;me& fes femmes. On en admire
la compohrion & la couleur , ma�s ce tableau eft
peint plus crument que fes autresouvrages.
Les religieufes Annonciades confervent un
petit tableau qui repr�iente le fmnt-enfaiit Juf-
tus d�coll�. On le voit marcheravecfa tcte dans
fes maitis j deux autres figures font a c�t� de lui j
& des cavaliers paroilTenc dans le lointain.
L'�ghfe de 1'abbaye de Saint-Michel pofs�de
1'Adoration des rois, tableau pr�cieux qui n'a
occup� Rubens que treize jours. Saint Norbei t eft
peint fur 1'autel qui porte fon nom-. On aflure que
                          »
ce dernier tableau a �t� fait aRome; maisce 1'au-
teur chargea, pour des raifons qui nefont pa^ <;o!i-
nues , Saint Philippe de Neri en Saint Norbert.
Il a fait encore un tableau qui erne 1'�pitaphe
d'un abb� de Saint Michel.
Notre Seigneur j la foudre a la main , menace
Ie monde , dans un tableau du ma�trc-autel des
Dominicains de la �n�me ville ; la Vierge & plu-
{ieurs Saints interc�dent pour les p�cheurs : ce
tableau eft un des beaux de Rubens. On voit dans
la crupelle du Saint-Sacrement ,un ConcileCEcu-
m�nique , ou fe trouve un grand nombre de Pr�-;
Tome L                                 X
-ocr page 338-
3-ii                    �<z Vk des Pe�ntrcs
- lats en habits pontificaux : ce morceau eft d'una
1577> riche compofition. On voit encore pres de 1'autel
du rofaire & vis-a-vis de la chaire , une Naif-
fance de J�fus-Chrift , dont les figures font plus
grandes que nature. En face de la chaire plufieurs
artiftes y ont peint les quinze Myft�res : une Fla-
gellation de Rubens en fait Ie prmcipal ornemenr.
Aux R�collets , legrand autel eft d�cor� d'un
beau tableau de ce peintre , notre Seigneur en
croix entre les larrons. L'efquii�e de cette belle
production eft conferv�e dans la m�me maifon j
a la charabre des H�tes. Notre Seigneur mon-
trantfes plaies a Saint Thomas, eft peint derri�re
Ie chffiur , fur 1'�pitaphe du bourguemeftre
Roekokx: ce magiftrat & fa femme font vus fur
les volets. Dans la chapelle du tiers-ordre , on
trouve un Crucifix de trois pieds de hauteur j
d'un beau fini j en pent une efquiOe de la Def-
cente de croix de la cath�drale j tableau de quatre
pieds de haut; un autre Crucifix , grandeur de
nature ; Sc leCouronnement de la Vierge dans
la chapelle qui porte fon norh.
Le grand autel de i'�gl'tfe des J�fuites a �t�
bati fur les defi�ns de Rubens : on en conferve
J'efquifle dans la m�me maifon. Quatre grands
tableaux, deux de Rubens } font places 1'un apr�s
�'autre fur eet autel : 1'un des deux de Rubens re-
pr�fente Saint Ignace qui chafle le demon du
corps d'un pofT�d�; 1'iutre , Saint Xavier quiref-
fufcite un hommemort : la compofition decelui-
ci eft immenfe & pleine d'art : les deux efquifles
font a c�t� de eet autel. Le tableau d'autel de la
chapelle de Saint Jofeph , repr�fente la Vierge 5c
Saint Jofeph. Uae Ai�bmption, autre tableau
-ocr page 339-
Ftamands, Alleman&s & Hollandois'.
admirable , pare 1'autel de la chapelle de la Vier-
ge j eet autel eft de marbre. Cn y voit encore
un grand tableau de fleurs , peint par Ie fr�re
Seghers ; Rubcns a peint au milieula"Vierge, VKri-
fant J�fus & plufieurs Ch�rubins : et dans la con-
gr�gation d'en bas , fe voit Ie tableau d'autel
cjiii repr�fente une Annoneiation, & qui fait la
gloire de Rubens.
Il peignit avant fon voyage d'Italie, 1'Adoration
«les Rois 3 petit tableau d'autel ., fous Ie jub� de
1'�glife desCarmesj c'eft notre Seigneur etendu
mort fur les genoux Ae fon p�re: lesAnges y
portent les iriftrumens de la paffion.
Les Carmes d�chauff�s pofs�dent ,(a c�t� du
grand autel, unChrift mort, quieft�tendufur les
genoux de fa m�re. Le tableau d'autel de la
Sainte Vierge, repr�fente Sainte Anne Sc SainE
Joachim, avecdesanges qui font dans le ciel j no-
tre Seigneur qui apparo�t a Sainte Th�r�fe , 8c
plufieurs autresfignresj au-def�bus un Purgatoire,
tableau fort eftim�. L'�glife des Capucins con-
ferve le Crucifiement de notre Seigneur entre les
deux larrons , avec les Manes & beaucoup d'au-
tres figures : ce tableau eft place au maitre au-
tel. La Vierge , 1'�nfarit J�fus & Saint Fran^ois
' font un tableau d'autel dans la chapelie de ce
Saint.
�n remarque dans 1'�glife des Auguftins , un
tableau capitai , qui repr�fente plufieurs Saints
&Saintesj au haut eft la Vierge avecTEnfant
J�fus qui donne 1'anneau A Samte Catherine ;
derri�re la Vierge eft Saint Jofeph; a fa gauche ,
Saint Jean pr�chant dans le d�fert; a fa droice ,
Saint Pierre Sc Saint Paul; au bas Saint Georges
-ocr page 340-
La Vit des Peintres
______ tenant un �tendard & �crafarit un monftre;
t          Saint S�baftien t Saint Auguftin , Saint Laurent,
Saint Paul 1'hermite., &c. & plufieurs anges :
Kubens a cherch� dans ce tableau a r�unir routes
les grandes parties de la peinture, la coippofition ,
Ie dcflin, Ie coloris, I'in-telligence; c'eft un gr'and
mod�le a imiter : ce tableau eft prefque peint
de rien, on voit par-tout la toile , & il eft brillanc
pour fa boane couleur & fes tranfparens. Ce
grand maitrea fait plufieurs efquiflespourcefujet:
M. Ie marquis de Foyer en a une qui ne paro�c
que fouffl�e j je pofs�de une efquifTe tr�s-finie du
m�me fujet. Ce tableau eft place au grand autel
de 1'�glife des Auguftins.
On voit chez M. Lundens un trcs-beau payfage:
c'eft une vue de Laeken pres de Bruxelles ; il y a
divers animaux & plufieurs figures: dn y diftingue
une Femme qui porte fur fa t�te un pot au lak ^
decuivre,fuivantl'ufagedupays. Un autre beau
tableau , eft Ie portrait d'une demoifelle Lundens :
la t�te eft couverte d'un chapeau qui y porte
1'ombre 3 enforte que cette t�te n'eft �clai-
«�e que par la r�flexion des lumi�res qui 1'en-
vironnent. Ona dit que Tamour conduifit alors Ie
pinceau de Rubens, & qu'il avoit voulu �poufet
cette aimable perfonne.
Neuf beaux tableaux fe trouvent expof�s en
public , dans la ville de Gand , dans la Cath�-
drale de S. Bavon \ on y voit S. Li�vin avecbeau-
coup de figures. Ce tableau confid�rable �toic
autrefois place au grand autel, mais eet autel fuc
fait en fculpture en 1719 , Sc depuis il fert i l*au-
tel d'une chapelle de la m�me �glife.
Paos 1'�gUic des J�fuices, Ie tableau du gcajui
-ocr page 341-
Flamtnds, Allemands & Hollandois. 51$
«utel exprime Ie martyre de S. I.i�vin, patron de _nmmmm
Gand: il eftchang� pendant quelqnesmoisderan- 1577.
n�e,&:on Ie remplace par uneDefcentedecroix,
beau tableau de Crayer.
L'�glifedes R�collets eftenrichiedetroisbeaux
tableaux de notre grand peintre: celui du ma�tre
autel repr�fente notre Seigneur irrit�, tout pr�c
alancer la f�udre&aan�antir 1'univers \ laVierge
arr�te d'une main ce bras vengeur, & de 1'autre
montre fon fein; S.Franc.ois les yeux lev�s au ciel ,
adrefTea Dieu des pri�res ferventes,& couvre de
fon manteau Ie globe du monde : cette allegorie
tr�s-in^�nieufe eft bien caradt�rif�e, parl'efprit
qui r�gne dans cette compofirion.il y aencore un
S. Francois qui re^oitles ftygmates 3 tableau d'au-
tel; & une Magdelaine enextafe,foutenuepardes
Anges , a cot� du grand autel.
ChezM. Deyne , on voit deux beaux portralts
du m�me auteur.
A Tournai, dans 1'�glife cath�drale, on admire
un Purgatoire & des Anges qui en retirent les ames;
ce morceau eft place au retable du grand autef :
il eft prefque perdu par la n�g�gence de ceux qui
auroient du veiller afa confervation. Le tableau
d'autel dans la chapelle derri�re le chceur, re-
pr�fente le martyre des Machab�es: ces tableaux
font admirables.
Aux Capucins de Tournai , le tableau princi-
pal de leur �glife , eft une Adoration des Mages:
compofition d'une grande richeffe.
Dans 1'�glife principale de Berg-Saint-Vinox j
au trrand autel fe voit une Adoration des Rois s,
tableau peint dans une belle maniere.
-ocr page 342-
La Vie des Peintrcs
.
               A Namur, dans 1'�glife des J�fuitesj Rubens
1577" a repr�fent� la vie de la Vierge.
Et chez les m�mes p�res a Lille j S. Michel
Archange qui renverfe les Anges rebelles. Cette
ville nous offire encore du m�me peintre Ie
Martyre de Sainte Catherine , au grand aucel
de I'�ghfe qui porte fon nom j & aux Capucins ,
une belle Defcente de croix, plac�e au ma�tre
autel.
Dans la ville d'Alft , on voit aufl� un S. Roch
au milieu despeftifbr�s : beau tableau dans 1'�glife
de S. Martin j trois autres petits tableaux du
m�me , environnent eet autel.
L'Angleterre pofs�de un nombre de tableaux
de Rubens j nous ne citerons ici que ceux deBan-
queting-Houffe : la chapelle a un fort beau p�a-
rond , orn� de neuf tableaux pleins d'all�gories
relanvesa laviede Jacquesl Cesmorceauxappar-
tenoient autrefois a la falle d'audience do 1'ancien !
paUis de Wtiitehal.
Et dans lafameufe colledtion du duc d'Ham�ltoriy
en EcofTe, on diftingue fur-tout un grand tableau
de Rubens-y c'eft Daniel clans lafofTe aux lions.
MARTIN PEPIN.
Q�oique ce peintre fbit n� a Anvers , il n\i
pas �t� poffible de favoir aucune particula-
rit� ni de fa vie ni de fa mort: on fait peu de
cbofes auffi de fes talens,& je n'ai rien vu de fes
ouvrages. On peut feulement en jager par Ie rap-
port de Rubens, qui �toit contemporain de Pepin*
Ce dernier alla fort jeune a Rome, o� il �toit re-
__
-ocr page 343-
Flamands , Allemands <S' Hcdlando�s: 317
gaf d� comme un grand peinrrc, &o�feso.uvrages_____
furent recherches. Sur Ie bruit qu'il alloit t ■*%
quitter cette capitale pour defcendie dans les
Pays-Bas , Rubens en t�moignade 1'inqui�tude j
mais pea de tems apr�s ayant appris que Pepin
s'y �toit marie , & qu'il �toit d�termm� d y finit
fes jours , il lui �chappa de dire qu'il ne craignoit
f'lus perfonne qui pik lui difputex fa gloire dans
es Pays-Bas.
Weycrmans ditavoir vu beaucoupde tableanx
de notre artifte, d'une grande beaut�, &c p?.rti-
culicrement une Defcente de croix , d'une belle
compofit�em , d'un beau defl�n , d'un grand gout
de couleur & d'une belle harmonie ; & ponr fi�
nir fon �loge d'un feul mot , il ajome que Pcjiin
�galoit m�me Rubens..
D a v I D
VINCKEKBOOMS;
EtIVE DE SONPERE
PHtLIPPE VINCKENBOOjRtS,
lNaquit. a. Malines en 1578..11 pafTa fort jeune
a Anvers avec fon p�re , & de la a j^mfitr-
dam : \\ apprit fous lui b peinture. D*abord il
ne peignoirqu'en d�trempe ,mais fon pt^re �tant
mort, il fe mit de lui-m�me a peindte a 1'huile \
il V "Suflit, fur-tout en petit : fes figufgs font
A'xin bon eo�t de defl�n-yic fes tableaus olaifenu,
0                              -v        -1
.....__         ,          __________ __            ■»-^"-""'"-
-ocr page 344-
3 iS                  La Vie des Peintres
On effcime pour uh de fes plus beaux celui
� de Fhopitaldes vieux hommes d'Amfterdam: il
repr�fLme un Tirage de loterie : 1'a�fcion eft de
nuit, & on y voit une fonle de peuple �clair�
par des lanternes, &c. Ce tableau a huit pieds
de haut fur quatorze de long. Ses petits tableaux
repr�fernent des F�tes de village ou des Noces *,
il a tir� quelques fajets de TEcriture Sainte , $c a
m�rit� Ie nom debonpeintre, quoiqu'il n'ait eu
d'autre niaitreque fon p�re, peintre en d�trempe.
Il peignoir fnr verre a gouafl� , & giravoit fort
bien. On voit p�uf�eurs de fes eftampes grav�es
ie lui _, & par d'autres d'apr�s lui. I[ a fait Ie
Payfage avec fucc�s. On trouve feulement que
fes oppofitions deviennent quelquefois dures Sc
troppr�cipit�es. Il manque dans les tableaux de
ce peincre cette vapeur fi vant�edans Sacht-L�ven
&" Wouwermans ; inais on y trouve d'autres belles
part'es , bonne couleur } ure touche l�gere , 8c
des nV.iirinnes avecdelacorredrion & de Tefprit.
F.ottenkamer a fouvent orn� les payfages de Vlnc-
kenboorris
avec de folies figures. A Paris chez
M. Blondel de Gagny , on voir de ce peJntre un
payfige , avec des figures pir Rottenhnrner.
Et cfiezP�le&eur Palatin , notre Seigneur por-
tantfa trroix rune mulritude de figures bien ren-
due.s foiit admirer ce tableau.
L'auceiJir de eet ouvrage pofs�de un tableau
de W~irzckenbooms, avec des figures du chevalier
Charles &reydel: Ie payfage eft de fort bonne cou-
leur , z((ex dans la maniere de Save'ry. H vivoit
encore
-ocr page 345-
Flamands 3 jillemands & Hollandois.
SAX. O M O N
DE B R A Y.
ce peintre m�rite d'�tre place patmi '
les autres, il paro�t que ceux qui ont �crit la. 1570.
vie Ie louent plus pour avoir eu deux fils qui
font devenus habiles fous lui, que pour fes autres
ouvrages. Celui-ci naquit a Harlem en 1579 ,
fon fils Jacques ef� Ie feul dont nous parlerons ,
ne fachant rien de 1'autre.
Jacques eft regarde comme un des plus habiles
peintres dJHarlern. Il pejgnoit bien Thiftoire
Sc Ie portrait. On voit de lui David jouant
de la harpe devant l'arche, avec une nombreufe
fuite de Pr�tres Sc deL�vites, &c. Ce tableau
eft d'un beau del��n Sc d'uii pinceau pur & plein
d'art. Il eft dans Ie cabinet de M. van Halen , 4
/imfterdam, aufl� frais que s'il fortoit des mains
du peintre.
Il deffincit avec une touche fiere & des con-
toursfavans, t^ntot fi'r Ie papier, tantot fur Ie
v�lin; les crayons rouges Sc noirs font bien m�l�s
enfembie. La plu part fotjt dans les norte-feuilles
du fieutlfaac Velcourt^ grc.nd amateur.
Salomon de Eray mourtit d�s Ie mois de mai
1^64. Son fils Jacques jnourut dans Ie mois
d'aviil j ciuelques fginaines avant fonp�re.
Il laifla un fils qui peignoit les fleurs j &� qu�
dans la fuite fe f�t moine. Le po�te Rixtel ie
fouviert de JacqUcs ds. JBray dans fes po�fies
venes.
..                                            - -____________                -______-_____                            ----------------------------------■�h ■-
-ocr page 346-
F R A N
O I S
S N E Y D ERS,
ELEVE DE HEK�H
BALEN.
)niyders naquit a Anvers en 1579 , &■
5"T9* aPPllt 'a pemture fous ilenr� van Balen. Il
m�rica d�ja les �loges de fola maure , lorfqa'il
fe mit a peindre des �iruus 5^ enfmte les ani-
maux , en quoi il farpriffi ceijix qui avoient �t�
avant lui & fes conteniporains. Rubens fat Ie
premier a vanter les ta'ens de Sneydcrs , 5c il
.
-ocr page 347-
La Vic des Peintrcs Flamanis , &c, $ j i
commenca par fe fervir de fon pinceau pour-
peindre les fruits & les animaux dans fes ouvrages.
On vit auffi les tableaux de Sneyders avec des
figures peintes par Rubens, 011 Jordaens. 11 n'�toit.
pas facile de oiftinguer deux ma�tres dans leurs
tableaux ; la corre�hon. , Ie feu de 1'ordonnance
«�cne & vari�e , foutemie par une couleur vigou-
*eufe & une touche fiere , rendoit d'accord tout
ce qui fortoit de leurs mains.
Un tableau repr�fcntant une Onaffe au cerf,
fit la fortune a Sneyders. Le roi d'Efpagne Pkl-
lifpe III V
avant vu , ordonna a Sneyders de lm
peindr^ plufieurs grands fujets de chai�es & de
batailles. 'Tout r�ufl�t a eet habile arcifte. L'ar-
chidnc t�lbert , gouverneur des Pays-Bas, Ie
nomiTiafon premier peintre. Sa fortune �toit ai�u-
r�e ainfi cjtie fa gloire. On vit Sneyders peindre
des ChafT�s de jiff�rens animaux, des Fruits de
diff�rentes flaifons j des C uifines avec leurs uften-
�les: tout �toit nne injiration exade de la nature.
On eft �tonn� de voir avec quel feu il favoit pofer'
Sc def�mer les animanx, tant�t morts , tantfit
vivans, tantot tranquilles, &' d'autres dans la rage
& la fiireut. Chaque repr�fentation faifit d'�ton-
nement , & on finit par admirer. On voit des
tableaux rle ce peintre o�lesfruits trompent, tant
ils font bien tmit�s; des combats d'animaux qui
effraient. lei c'elt unfanglier abattu j nttaqu�par
des chiens : quelques- uns font la vidlime de ce
monftrueux antmal; la c'eft un combat de lions j
de tigres , Sec. Tout y efl: foutenu par de beaux
fonds de payfages o� il excelloit. Sa couleur eft
chaudeSc dor�e, fa touche eft favante & fiere,
-ocr page 348-
La Vie des Peintres
Sc � propre a repr�fenter la foie, Ie po�l , lalaine
&laplume des diffirens anitnaux qu'il introdui-
foic dans fes tableaux.
La ville d'Anvers �toit lademeure de ce pein-
tre, & il ne la quitta que parordredel'archiduc,,
pour demeurerquelque temps aBruxelles , oiiil a
travaill� pour ceprince, & ou il afaitplufieursgran-
descompofitions. Il a fait de temps en temps des
rableaux de chevaiet , & les plus eftim�s font
ceax
ou Kubcns Sc Jordaens ont peinc les figures.
Pouvoic-il mieux�treguid� ? &qael niocifd'cmu-
lation que celui de travailler de concert avec ces
grands hommes !
Sneyders eft mort fort vieux , environ i ^57. H
a laiiT�' a la poftirit� des tableaux admirables ,
Sc des �l�ves diftingu�s dans la peintuce. Nous
avons de ce pemtre quelques gravures i 1'eau
forte, qui nou> font regretcer qu'il en ait �iic fi peu.
Les tableaux de ce pemtre font moins r�pan-
das dans Ie public que ceux d'autres arciftes _, a
caufe de leur grandeur , Sc parce que la plupart
furent faits paur des maifons royales. L'Efpagne
en pofs�de un tr�s-grand nombre , 8c 1'�lecteur
Palatin a cinq tableaux de Sneyders ; un grand
payfage avec un charnot & quelques /eigneurs
a cheval ^ une �crevilFe de mer cuite, & un gobelet
fur une table; une quantit� de firmts , d.u gibier
Sc des oifeaux morts ; une Chafle au fanglier ,
beaucoup de chiens qui pourfuivent 1'animal,
tableaucapital;& Ie portrait de Sneyders peintpar
lui-m�me.
A Paris, a l'hotel de Bouillon j on conferve
quatre grands tableaux de Sneyders; Hu&ens 8c
Jordaens en
ont peint les figures.
-ocr page 349-
Ftamands 3 Allemands & TJoltando'is.
A Bruges j on voit a 1'archev�ch�, quatre " ■'"
g                        q p                                    >
tous les animaux & les fruits qui onc rapport au
fujet s'y trouvent repr�fent�s. Lesfigures de gran-
deur naturelle font peintes par Kubens. On jr
remarque une belle femme enceinre qui touche
quelques fruits dont elleaeuvie : 1'expreffion do
1'avidk� en eft admirable.
*J73*
FRANCOIS
f                                                               *
G R O B B E R,
ELEVE DE SAYERY.
Francois Grobber. j fils de Pierre j naquit ■
a Harlem : il fut �l�ve de Savery. Van Mand�r
dit que ce peintre excelloit a peindre Ie portraic
en grand & en petit 3 & qu'il traicoit bie»
. 1'hiftoire.
BERNARD et PA U t
VAN SOMEREN.
Ces deux fr�res naquirent a Anvers. Bernard
voyagea & refta quelque temps en Itali� , od
il �poufala 611e $Arnold Mytens, <{n% r~
-ocr page 350-
des Pe'mtres
a Amfterdam, o� il s'�tablit avec fon fr�re. Ber-i
nard
hr Ie portrait. Il �toit facile & heureux dans
lapofition Sc la reffemblance. Il compofoit inge-
nieufement de petits fujets.
Paul n'�toit pas moins eftim� , 8c les fucc�s de
fon fr�re n'emp�ch�tent pas qu'il ne fut �galement
recherche pour Ie portrait.
F R A N g O I S
FRANCK,
DIT LE JEUNE,
ELEVE DE S�N PER E.
J? rancois Franck , nis de Fran^ois Franck
-Ie vieux j naquit en 1580. El�ve de fon p�re _,
' il a fuivi fa maniere en grand & en petit. Il voya-
gea en Itali� j Venife fut 1'endroit qu'il crut Ie
" plus propre a fes �tudes. Il y prit pour ma�tres
les plus grands coloriftes. On fut �tonn� de voir
ce peintre s'attacher plus a peindre les folies
du carnaval & d'autres fujets de cette efp�ce j
..ou'a traiter 1'hiftoire en grand 3 mais il s'y livra
'tout entier dans ia fuite.
De retour a Anvers , il y travailla beaucoup ,
& fut adttiis parmi les peintres de cette ville era
1^05. La r�putation de Franck Ie jeune ne fut
. bien �tabiie quelorfqu'il eut fini un tableau avec
" fes deux yoletSj pour la chap'elle des quatre Cou-
rocn�s 3 dans 1'�glife de Notre-Dame d'Anvers.
-ocr page 351-
Flamanis , Allcmands & Hollandols. j j 5'
Le fujet eft tir� des adres des ap�tres. Il traita
depuis d'autres fujecs d'apr�s Tanden Sc le nou-
veau Teftament} & d'apr�s 1'Hiftoire Romaine.
On reproche a ce peintre d'avoir compof� avec
trop peu d'ordre : il avoit d'ailleurs une bonne
couleur , 5c touchoit fes ouvrages avec beaucoup
Je fineffe.
Corn'dlc de Bie dit qu'il eft mort a invers en
1642, & qu'il eft enterr�a Saint Andr�.
i
J
-,4. ■*' ;....
.
T
EST j                       ...                                                '
■ \                       * .
-ocr page 352-
.1 E A N
WILDENS
, IN aqtjit a Anvers , on ne fait en quelle
1580. ann�e. Il �toit contemporain de Rubens ^ 8c a>
peu-pr�s du m�me age.
Wildens faififloit toutes les occafions d'�tu-
dier la nature, fur-tout dans les campagnes ou
elle eft plus admirable & plus vari�e que dans
les villes. Le fpe&acle de la terre & des cieux
fe retrace dans fes tableaux , les rend vrais
Sc int�reflans , enforte que les plus petits
d�tails occupent 1'cfprit dans fes oumges,
pan
-ocr page 353-
La Vu des Pelntrcs Flamanis, &c.
par la comparaifon continuelle qu'il fait de la na----------"
ture avec fon peintre.                                            1580.
Uu peintre 8c un po�te voient la nature avec
d'autres yeux que Ie vulgaire. Celui-ci l'admire
ftupidement: ceux-la 1'etudicnt & 1'imitent j Ie
premier n'y appercoit qu'un fpeciade uniforme
qui 1'ennuie : les autres y d�couvrent a chaque
inftant des nouveaut�s qui les �nftruiient, �ls trou-
venr toujours a r�former ou a embellir leurs ta-
bleaux fur les ficns.
Les.talens fhp�rieursde Wildens lui m�rit�rent
1'eftime & la conSance de Ru'jens. Celui-ci acca-
bl� d'ouvrages fe fervoi: ^�]i du pinceau de van
Uden
j pour peindre Ie fond des tableaux o� il
failoic du payfage. Il fe fcrvit aufii de Wddens
cjui avoit pius de hberr� que van Uden dans Ie
grand, & qui favoi:, comme Ie premier j faire
les fond.s harmonieux &c foutenir les accords des
figures. Chaque ton de couleur �toit relatif ou
oppof�jfa touche �toit l�gere & vagae, &, quand
il Ie falloit, prononc�e & d�cid�e.
C'eft line gro/Ii�re unpofture q:?e de faire dire
a Wlldens qu'il devoitpartageriagloiredeA'«ie«j,
piyfqu'il ne pouvoit fe pafler de nu poi?r peindre
fes payfages, & d^.jouter encore que Rubens, pour
confondrel'orgueil de notre peintre , apr�s avoir
rrac� quelques payfagesj les lui avoit fair voir,
�n lui difant qu'il n'�toit q�'un ijTnoranr : mais
Wlldens �toit finccrement attach� a la gloire de
Rubens. Habile payfagille, rien ne lui pouvoic
donner de la jalonfie contre un cu'and pemtre qui
ne peignoir pas dans Ie m�me genre. Ce furent
Janjfens & Rombouts qui pr�tendoient que Rubens
avoit befoin d'eux; & c'eft a eux que ce prand
Tomc L
                                      Y
-ocr page 354-
«3 8                la F�c des Peintres
----------homme tint les propos dont nous venons de 'pat*-
1.580. Ier , comnrte on Ie yoit dans fa vie. W^ildens avoit
tous les talens de fon genre, un g�nie heurcux
clans Ie choix de la nature, une ex�cmion facile,
une bonne couleur, une grande l�g�ret� dans les
ciels & les lointains. Il peignoit & deil�noit bien
la Figure. On a avance -qu'il avoit pemt Ie Por-
trait^mais� ne peignoit des ligures que dans
fes Payfages, & bien fouvent il les faifoit faire
par d'autres peintres.
Ruh&ns adit de Wildens, qu'aucun peintre n'en-
tendoit mieux qae lui i accorder les fonds qu'if
peignoit av«c Ie princip,al fujet, fans d�truire 1'har-
moni-e g�n�rale, enforte que les ornemens fera-
bloient toujours places par la n�cefl�t�. Deux ta-
bleaus fuftifent pour conftater fon m�rite; on les
voit a Anversdans 1'�gUfe des Rdigi�ufes appel-
l�esFackes; 1'un-repr�fente la Fuite en Egypte,
& 1'autre Ie Repos de la Vierge. On y voit des
Anges qni paroilTent fervir des rafrakhiiremens.
Ces figures font peintes par Lanjen Jan. Le pay-
fage furpalTetout ceque nous connoilTons de Wil-
dens
, & le? figures paroiflent �tre peintes par
van Dyck. Ges grands payfages font places dans
la chapelle de S. Jofeph de la m�me �glife. �
-ocr page 355-
Flamands 3 Allemands & HoUandois. 3 j 9
G U E R A R D
P I E T E Pi S ,
�L�VE DE COB.NILLE CONEUSSE��".
PiETER.s,n� a Amftexd mj& fr�re duc�l�bre----------
organifte Jcan Pieters , commen^a a �rudier 1'art 1580.
de la peinture fous Jacques Lenards , qui excel-
loic a peindre fur verre d'une maniere facile &
qui Uu �toic particuliere : Lenards avan^a fon
�l�ve au point qu'illui confeilla bient�: de cher-
cher un ma�tre plus habiic que lui. Pieters trouva
p^
qui Ie fit enrrec chez Cornille Corneiiffen : il fut
Ie premier �l�ve de ce peinrre , & devint un
de fes meilleurs. Apr�s deux ann�es de rravail,
il �tudia encore trois ans a H irlem. Van Mandcf
dit que de fots temps on 1'eft'moir comme un des
plus habiles des Pays-Bas pour peindre Ie nu. II
ch�r�Toit fon talent, & difoit (ouvent qu'il ai-
moit mieux �tre pe�ntre qne prince : :1 taut avoir
une haute idee de fon art pour y exce'ler. Il fuc
d'HarlemaAnvers , 5c dela aRome o� il demeu-
ra long-temps. Il retourn.i enfin dans fa patrie , 8c
fe fixa a .Amfterdam. On regrette fort de ne
point avoir de lui de grands tableaux; on ne lui
laifla pas Ie temps d'en faire. Il faifoit Ie por-
trait en perit, des fujets de converfat�on ou des
aflembl�es bien finies & d'une yrande v�rit�. Il
eut pour �l�ve Govarts, bon payfagifte, qui tou-
-ocr page 356-
'5 4* La Vit des Pelntres Flamands, &c.
----------choit bien les petites figures, & qui moiuuc fort
ij8o. jeune.
Pierre Lafiman travailla fous lui. Onignore Ie
temps de la mort de Guerard Pieters.
A D R I E N
STALBEMT,
^i atif d'Anvers, Ie iz juin 1580. N� peintre,
il donna de bonne heure des marques de fon habi-
let�. Son talent �toit de peindre Ie payfage qu'il
ornoit avec de petites figures j & qu'il favoit finir
avec autant de d�licatei�e que de gout. Il fut
appell� a la cour d'Angleterre o� il a beaucoup
travaill�. Son talent �toit autant pay� que recher-
che j il retourna riche a Anvers 3 011 il peignoit
encore avec la m�me force a Tage de 80 ans.
A Paris j chez M. Ie comte de Vence, on voit
«n joli payfage avec des figures } par Stalbemt.
-ocr page 357-
J E A N
VAN RAVESTEIN.
Van Man der dit dans la Vie desPeintres,
page 215: «Je ne dois pas oublier Ie pe�ntre
» Ravefiein , demeurant a la Haye , o� il excelle
» a peindre Ie portrait. » II ne dit rien de plus.
Houbrakentk Wcyermans ne font que r�p�ter les
m�mes termes, & Johan van Gooi (1) nous ap-
prend ce qui fuit r
Ravefiein naquita la Haye environl'an 1580.
(�).Tokm van Gooi, peinlrehollandois,a publi�deo»
Volumessurla Vie des Peintres,ea 1750 et 1751.
T g
-ocr page 358-
La Vic des Peirares
~
Son maicre eft inconnu : on ne fait a qui il doit fa
ij8o. belle maniere j ayantfurpaflf� tous ceux qui 1'ont
pr�c�d�. Son hillorien ne connok depuis lui que
van Dyck , vander Helft, & Covacrt FUnck , qui
aient pu P�galerou lefutpafltr. Les trois tablcaux
qui d�onenr les iallons du jardmde Tarquebufe
a. la Haye j feront roujours des monumens dignes
de notre admitation.
Le premier tableau eft place dans la falle du
Feftin,o� les officiers des bourgeois de la ville
s'affemblcnt. On y voit repreitnt�s trois capi-
taines & les lieutenans , & uu nombre des prm-
cipanx bourgeois arquebnfiers. Tous ces porcraits
tr�s-rePcmblans parci(Tenc en aclions& mouve-
mens: il a fii cacher les pofictons ferviles. Ce
tableau eft dst� de i(>i<j, les figiires peintss
l'afqa'aa genoa , font de grandeur natu-
relle.
Dans le m�tne appartement il a peint un ta-
bleau de 15 pieds de long : il y a repr�fent� les
magiftrars de!?. Hsye, n�is a 1'entonr d'une table
cjnarr�e plus lonkte que brgc. Un viei lard rei-
pe<ft?b!c , bourgeois ciiftingn�, pr�fenre une re-
ciutte au majre van Cuillaumt Qutshoom, qui a
1'air de la r�penrke. Baveflein s'tfl peint dans le
m�tne taHep'i. Cfi br.nque� eft entour� par les
officiers des bo'ir^cois. Un vienx mngiftrat pr�-
fenre un grand v rreple'.n de vin du Rhin au capi-
taine c!u dr.-i,peau d'�range. Ce tibleau contieut
vingt-fix �gures de grandeur naturelle, 6c eft date
de i'ann�e tGi'S. Les noms des principaux qui
s*y trouvent peints , font les bourguemeftres
MM. Jacques Cornillcvan W^ouWjJean Quartdaer
& Covaert yanDuirun ; & les �chevins,MM Jean
-ocr page 359-
Flamands 3 AUemands & ��ollandois. $43
tirolf, Jacques Dichs, Jean Nohel , Ewaldus
Schrevelfen , Hcari Schuwen,
& Jofeph Dedel;
Ie fecr�taire Philippe Doublet 8c Ie penfionnaire
Pierre van Veen.
Dans Ie troifi�me tableau place dans Ie m�me
cndroitj, il a irepr�fent� fix officiers du drapeau
blanc.
Dans 1'h�tel-de-vi�le , il a peint un aatre ta-
bleau repr�fentant les magiftrats en charge en
1'ann�e i6$6. lis font afl�s a une table couverte
d'un tapis verd. Quintin de Veer occiipe Ie haut
bout comme maire. Pres de lui j les bourgue-
meftres MM. Nicaife Hanneman, Albert Bofch ,
& Arnold Quartelaery�c
les �chevius, MM. Henri
van Schlitht-Eorjl 3 Conrard Houttuin 3 Cornille
Zoutlantj. Adrien van AJjendeljt, Ewald Brandt
Sc Jacques Sels }
& Ie fecr�taire Philippe Doublet.
RaveRein �toit a la t�te des 48, tant peintres
<jue fculpteurs 8c amateurs, oi'i pt�fent�rent leur
requ�te en 1655, psur ie ftpdrer des peintres ;i
labrofleou barbonilleurs, ceaui leurfuraccord� :
& on vit alor^ les «ais aniftffs iz diftingaer des
finiples oiivriers.
On ne fait rien de plusfet !t» vie de re peintre:
il fut dans» fan tt-mps fort employ� au poftr&i'dj
on juge (ut ceux dont nous avons pari� ci-cie(Tus,
qu'il avoit routes les parties d un grand maiire.
Ses compofitions font pieines de feu & de juge-
ment: il favoit donncr des poluions agreabies &:
vari�es : tont parok tn mouvement. L entenaolt
bien la perfpedive a�rienne& Ie melange harmo-
nieux dans fes couleurs. Ses. lumi�ix-s& fes ombres.
font r�^mdues ave^ art. Cetre rlemi�rc intelli--
gence fe fait rcm»cc|HBr dans fes onvrages 5 d'une
* 4.
-ocr page 360-
5 44                La Vie des P�lntres
�-------fa^on a furprendre. Sa couleur eft bonhe, & f*
x j8o. touche lsrge.
Ravefidn eft mort ag�, mais on ignore Tann�e.
J A N S O N S
VAN KEULEN;
U n tableau pof� a' cot� de ceux de RaveJIein y
dans 1'H�tel-de-Ville de la Haye , nous fera
parier de Janfons van Keulen. Ce peintre^ fans
favoir d'ou il eft, ni qui �toit fon malere, a paffe
une partie de fa vie a la cour de Londres, pen-
dant Ie r�gne du roi Charles I. Tous ies avantages
qu'il put avoir dans ce royaume, n'etnp�ch�rent
pas qu'il ne pr�f�rat une vie tranquille a celle de
voir un royaume continuellement d�thir� int�-
rieuremenr. Il qiutta tout& fut s'�tabhra la Haye.
Il fut charg� par Ie magiftrat de cette ville, de
de faire un tableau pareil a ceux de Raveflein y
c'eft-a-dire, qui repr�fentat les boMr^it-cnieftres
Sc les �chevins de ce temps-Ll : il eft date de
1'ann�e 1647, & compof� de quatorzefigures en
pied , de grandeur naturelle. Ce tableau, quoique
beaiij c�de la palroe a. ceux de Raveftein. Un
autre voifin pouc van.Keukn aurojt moins laille
a def�rer au talent de eet artifte , qui av�it d'ail"
leurs du m�rite.
- ■                                                                                                                                                                  . ■                                                 ' :
f .                       .         »■"�'
-ocr page 361-
Flamands) Allemands & Hollandois, 345
COENIIIE
VANDER VOORT.
lLeftn�a Anvers, environ 1'an 1580. Il quitta
Ie Brabant & fut s'�tablir a Ainfterdam , o� il
fut fort rechercli� pour peindre Ie portrait. Sa
maniere eft belle : il colorioit avec beaucoup de
fraicheur j & fes portraits reiremblans font en-
core eftim�s.
J A C Q U E S
H EUGERS BLOK,
JL)E la ville de Gouda, fut de bonne heure
fe perie�tionner en Itali�. Il �tudia la peinture &
les hautes fciences. Les math�matiques Ie por-
t�rent a peindre l'architefture & des perfpecVives.
Rubens j en voyageant, luirendit plnfieurs vifites.
Il dit tout haut, qu'il n avoit jamais connu parmi
les Flamands, un pelntrc plus f avant a reprcfenter
l'architecture & les perfpeclives.
Il entendoit bien l'architeclure militaire, ce
qui porta Ie roi de Pologne a lui donner une
diredion dans les fortifications. Le cr�dit de
.B/Waupr�s du priixce , donna de la jaloufie aux
-ocr page 362-
La F ie des Peintres
--------- courtifans, qui mediteren: fa peice; il en fut
1580. averti , & obtint fon cong�. A peine fiic41 de
retour chez lui, que Ie g�n�ral Percival Ie choifit
pour fon makre de math�matiquts. L'archiduc
Lcopold fit tant d'inftances, qu'il Tobtint a fon
fervice : il lui donna une penfion conl�d�rable; il
J'emmenaavec lui dans touies fes campagnes, &c lui
donna , outre fa penfion , fept (1) fluiuis par jout
pour fa d�penfe \ il ne quitta jamais l'archiduc qui
1'honoroit de fon amici�. Blok a la ccre cie qutl-
quesmakres, pour obferver les fortincations.de
Berg-Saint-V inox , en paifant un petit nulFeau ,
deflus une planche , tomba en bas ae fon cheval
qui avoit fait un faux pas. Tous ies ioms & Lus
regrets de 1'archiduc ne purent lui fauver la vie.
Ii mourut& fut enterr�dans 1'�g�fe des Jacobias
de la m�me ville. vSon hls Ie rempla^a; mais il fut
bleffc peu de temps apr�s, & mourut de fes bief�
fures. Sa veuve retourna dans Ie Brabant avec
une penfion que 1'archiduc hu afl�gna jufqu'a fa
mort.
N I C O L A S
VANDER HECK,
�L�VE DE JEAN NAEGHEL.
Van Mander parle peu de vander Heek.
Bo�braken
& Veyermans nous apprennent de cc
bon peintre ce qui fuic.
(i) Eaviron quatorze francs.
-ocr page 363-
j AlUmands & Hollandois. 347
Vander Heek, �l�ve de Jean Naeghel,ett. un ^
des defcendans de Martin Hemskerck. Il �toic ■>
bon peintre d'biftoire & plus grand payfagifte. On
voit a la maifon de ville d'Alcmae�, dans la
chambre des �chevins , trois beaux tableaux de
lui. Le premier repr�fente Ie Jugement de mort
pronoiu� contre lt baili� de Zu^t-Holland , qui
fut d�coll� pour ayoir vol� une vache a un payfan.
Cette extLUtion fut ordonn�e par le comte Guil-
lavme III,
furnomm� U Bon, Le fecond eft le
JuguTient terrible du roi Cambyfe �, & le troi-
ficme repr�fente le Jugement de Salomon. ^
II a fait plufieurs autres tableaux d'hiftoire &
de tr�s-beaux payfages. Sa maniere de compofer
ef' grande & lavante; il colorioit bien, Sc enten-
do it le clair-obfeur. Il eft un de ceux qui contri-
bu�rent a �'ever un e foci�t� de peintres dans la ville
d'A lcmaer en 16 31. On ne fait o� il eft mort, ni
en quelle ann�e.
D E O D A E T
D E L M O N T
JNaquit a S. Tron en 1581 , d'une familie
noble, qui lui donna dans fa jeuneiTe 1'�ducation , g.
n�ceflaire a fa condition. Oiure les langues qu'il
pofT�doit, il �toit grand g�om�tre & bon aftro-
nome. ( De Bie pretend qu'il avoit 1'art de pr�-
dire , & qu'il avok annonce Tann�e de fa more
Sc long-temps avant. )
-ocr page 364-
� V des Peintres
Je pafTe l�g�iement fur ce qu'il dir a cette
occafionj pour rappeller les honneurs que foii
beau g�nie tui a attir�s. Il avoit pafT� beaucoup
de temps a la cour du duc de Neubourg & avoic
�t� dans fa jeunefTe , charg� de quelques commif-
f�ons du roi d'Efpagne , en quahc� d'ing�nieurj
il fut confid�r� de ces deux puifTances, il en re^ut
plufieurs gratifications & d'autres r�compenfes
nonorables.
Aniiintime de Rubens, il devint fon �lcve Sc
compagnon de voyage dans toute 1'Itaiie. Tant
de talens, un bon guide & 1'amouf de la peinture
lui ont danslafuite acquis Ie nom de bon peintre.
Plufieurs belles produclions de fa main font
r�pandues dans toas ies pays.
On voit de lui trois beaux tableaux dans la vi�e
d'Anvers: uh tableau d'autcl chez les religieufes
appe��es Facons} lequel repr�fente l'Adoratioh
des Rois. L'autre eft la TransfiguratK>n de notre
Seigneur, dans P�glife de None Dame; & Ie
troiii�me orne i'�glife des J�fuices: c'eft notre
Seigneur qui porre fa Croix.
Ce peintre mourut a Anvers Ie 25 novembre
1634, forc regfert� poar fes belles qualit�s Sc fa
douceurdans la fociet�.
Sa coippofition eft noble 8c �lev�e , fon delliti
correct, fa couleur & fa touche fort belles. Il a
m�rit� les �loges de Rulens qui fuffifent bien pouE
m�riter Ie notre.
.......                                (
-ocr page 365-
Flamands ^Allcmands & Hollandois. 349
DAVID TEN�EPlS
L E VIEUX,
E L � V E DE R�BENS,
JNaquit dans la ville d'Anve^s en 1'annpc
15S1. Le choix qu'il rit de prendre Bakens pour
�rsa�cre, lui a r�ufll : il refta dans cette grande
�cole, jufqu'au temps qu'il fe crut en �tat de
voyager. 11 alla direclement a Home , oii il fit
coanoii�ance avec hl^hchncr. La maniere de ce
peintre lui plut, 8c fans abandonner le grand, il
peignoit le peut qu'il adopcadans la fuite. Il de-
meura dix :.;\s dans Rosne avec Efyhcimer, com-
ponint & imitanc cout�� les difierentes mani�res.
De retour chczlui, il hc plufieurs tableaax en
grand, & d'autres dans le gpdt d'EI-{heanerj niais
en plus petit; il repr�fentok des F�tes de Flan-
dres, qu'il traitoit avec efprit, des eftamin�es de
Buvenrs, des Chymifl.es: ce hirent les fujets qu'il
aimoica peindre. Il �Tioarut a invers en KJ49.
Ses tableaux foncvpleins d'efprit, & plurent
beaucoup , parnculi�rement a fes deux fllsj
David Sc Abraham} qui ontfuivi la m�me ma-
ni�re , avec cette difF�rence, que David Yj. fur-
pafle.
Nous avons en France plufieurs tableaux de
Teniers le p�re. M. da Gaignat a Paris, pofs�de
une Noce de v�lage; c'eft le plus capita] de ce
peintre.
-ocr page 366-
--
GASPARD
DE CRAYER.
EL�VE DE RAPHAEL COXCIE.
- DeCrayer naquita Anvers en 158*. Onne
Ij8i. fait pas pr�cif�ment s'il commen^a la peinture
dans cetteville, mais on cft cerraip qu'il a tra-
vaill� fous Rapha�l Coxcie 1 Bruxelles. Ce jeune
artifte donna des marques certaines de la beaut�
de fon g�nie, en furpaffant fon maitre, avatic
-ocr page 367-
la VkdcsVimtrts Tlamands, 6c, 551
m�me de Ie quitter. Sans forrii- de Bruxelles , il "
fit un choix des plus beaux tableaux expof�s en
public j & prenant avec eux la nature pour guide,
forma fa belle maniere. Crayerfous on mairre
m�diocre& prefoue d�nuc c!e iccours �tiungersj
nelaifla poincde briller aveele plus grand fucc�sj.
ce qui nous proiive eju'une �tude r�flichic & un»
prarique conftante , peur dans un g�nie heureux
�emplacer routes ces �eilources.
Crayer fut charg� de peindre qnelqnes grands
tableaux, qui port�renc fon nom jufqu'd la cour
de lirnxe�es. Il y fit quelques portraits qui lui
procur�tent la cohhance du cardinal Fcrdwand,
qui fe fit peindre par lui. Ce beau portrait en
pied & de grandeur de nature, fut envoy� au roi
d'Efpagne, fr�re de fon �minence. Touie la cour
loua cc tableau , fk Ie roi envoya an peintre uns-
chp.Jne & une medaille d'or, avec uneforte pen-
fion. La fbrtunefut des plus favovablesa ce peintre:
on ne parloit que de lui : Rubens fit hii-m�me Ie
voyage d'Anvers pour voir notre artiftej &en Ie
voyanr faire ce beau tableau du r�fedoire de 1'ab-
baye d'Ar��eghem , il dit toi.it haut«: Crayer,
Crayer, perfonnc ne vousfurpajjera. Cec �loge judi-
cieux �toitfenl capable de ramenet rous les fuf-
frages en fa faveur. On'chercha dans Bruxelles a
nrr�ter ce grand homme pour toujours, 8c on Ie
d�cora d'ur e charge honorablc-Cemoyenfi propre
a fix�r tout autre, eut un effet contraire chez lui:
a mefuie que 1'on cherchoit a Ie combler d'hon-
nenrs, il croyoir devoir refufer tous ceux qu'i! ae
tiroit pas de fon propre talent j & pour 1'angmen-
ter, il fe d�roba au grand monde, qui lui faifoit
perdre Ie plus pr�cieux de fon temps. Sans rien
-ocr page 368-
351            La Vu des Pe�ntres
---------dire a perfonne, except� a fon ami & fon �l�ve
1582. Jean van Cleef, il fit louer une maifon fpacieufe
a Gand j ou il fe retira abandonnant la cour 8c
1'emploi donc on 1'avoit gratifi� : il tronvoit,
difoit-il, dans ce repos, 1111 bien dont il n'avoit
joui depuis long-temps.
A peine fuc-il en �tat de travailler, qu'il s'ap-
per$ut qu'il s'�tok bien d�rob� a la vie tumul-
tueufe, mais que fon �loignement n'avoit rien
diminu� de 1'�clat de fon uom. La ville de
Bruxelles lui demanda beaucoup de tableaus, &
celle de Gand feule eut tont de fuite de fa main
vingt-un grands tableaux d'autcl: c'eft dans cette
ville o� il a Ie plus travaill�. Toutes celles de la
Flandre &: du Brabant occup�rent fon ptneeau.
Le.nombre d'ouvrages qu'il a("ai:s eftprodigieux.
Voi( i ce qui arriva a de Cray er pendant fa de-
meure a. Gand.
Van Dyck, dans Ie premier voyage qu'il fit en
Flandres , pendant fon f�jour en Angleterre 3
pafla par Gand pour y vifiter fon ami de Crayer,
Sc
voir en m�me remps les progr�s de fon talent
& de fa fqrtune. D�s Ie lendemain de fon arriv�e
il fat chez^e Cray er, & pour ne Ie. pas manquer,
il etit envie de Ie furprendre au Ut; comme il �tcit
tr�s-matin , Ie domeftique ne voulut point �reiller
fon ma�tre. Van Dyck infiita, & for^a Ie valet
d'aller avertir notre peintre que van Dyck �toit a
Gand, & qu'il 1'attendoit a faporte.Ce nom frap-
f&dc Crayerj qui faura dulit ,& un bras feulement
dans fa robe de chambre, il courut au devant
de van Dyck, qui �clata de rire de Ie voir dans
un il plaifant d�shabill� : Je veuXj dit-il, vous
peindre.
.
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Flamands , Alkmands & Hollandols. $ 5 j
peindre dans ced�fordreficonvenableauxartiftes
quand il eft arrang� avec gout; il lui tint parole ,
ma�s cependant dans un habillement decent. C'eft
d'aprcs Ie portrait qu'il en fit que nous avons pris
celuiqui fevoit ia,lequel tientun rang diftingu�
parmi ceux des grands artiftes que van Dyck a
�mmoi tailles par fon pinceau.
De Cray er travailla fans relache; fa vie r�gl�e lui
procura une longue vieiileffe , pendant laquellefon
pinceau fe foutint avec toute la force qu'il avoit
dans fon age ie pias floiii�ant: c'cft ce qu'on voit
avec admiration dans Ie Martyre de S. Blaife fait
a §6 ansjil neputl'achever, puifqu'ilmourut Ie 27
janvier 1669 j & eft enterr� dans la chapelle de
Saiure Iloole aux dominicains, 011 eft fon dernier
tableau qui fut fini a la fin de 166S. On croit que
ce peintre a toujours v�cu dans Ie c�libat. 11 avoic
avec lui une fcEur:onne fait (1 elle lui a furv�cu.
On comparele m�rite de de Cray er a celui des plus
habiles FJamands.il avoit moins de feu queRubens,
mxis fon dellin eft quelquefois plus correcl. Ses
compofitions font fages & d'un pttic nombre de
figures ; il �vitoitles d�tails fuperflusj & ne s'at-
tachoit qu'aux grandes parues qu'il finifloit routes
avec ie plus ^rand foin. Il grouppoit fes figures
avec art j & les expreffionsont toute la v�nt� de
Ja nature; fes draperies font vari�es & pli�es avec
f�mplick�. Quant a la couleur , il pofledoit cette
partie de la peinture tr�s-bien, Sc fur-tout d avoic
une fonte de couleur admirable. Il eft de tous les
peintres celui que 1'on peut comparer a van Dyck.
Ses tableaux d'hiftoire ont Ie fini & la fonte des
portraits de ce grand peintre, & fon �loge ne peut
ctre miaix coiiltat� que par la difticuit� que Ton
Tome 1.
                                          Z
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J54                  La V�c des Pe�ntres
.----------a qtielquefois adiftmguer ces devix ma�tres , parti-
i f82 culi�rement dansqiieiqiies portraits qnede Cray er
a faits avec Ie plus grand fucc�s, quoique foti
principal talent fut de peindre des fujets faints.
Nous allons mdiquer quelques-uns de fes ouvrages.
Nous avons de liii dans la cath�drale de Samc
Bavon a Gand, la D�collation de S. Jean-Baptifte,
tableau d'autel dans une croif�e pres du Jubcj
Sainte Barbe, tableau d'autel dans la chapcile
de cette.Sainte; Job fur ie fumier. tableau dans la
m�nie chapelle ■, rAflbinption , tableau d�i'autel
delaVierge; & Saint Macaire , tableau d'autel.
Dans 1'�glife patoifliale de S. Michel, la Def-
cente du S. Efpritj tableau d'autel de la cha-
pelle des pauvres. Sanite C:\therine enlev�e au
ciel j tableau d'une nnagmation iinguli�re &
d'une grande beaut� , dans la chapelle de cettc
Sainte.
Dans 1'�glife des J�fuites, une Defcente de
Croix , tableau du grand autel: dans quelques
jours de 1'ann�e on 1'�te de fa place pour y en
mettre un de Rubens , qui repr�fente Ie Martyre
de S. Lievin, La Rifurrection de notre Seigneurj
tableau d'autel des ir�res de la charit�: de Crayer
avoit fait ce tableau pour �tre place au-dei�us de
fon �pitaphe , mais ces religieux en firent l'ac-
quifition apr�s fa mort. C'eft un des plus beaux
tableaux qu'il aitpeints \ il s'y eft repc�fent� fous
Ia flgure d'un garde.
Dans T�g�fe des Auguftins,le couronnement
<le plufieurs Saints, tableau d'autel a 1'entr�e du
clioeur. Saint Nicolss de Tolentin diftnBuaiit
les pains-benits aux pauvres & aux maladcs ,
tableau d'autel-
_1
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Flamands, Allanands & "Bollandois. 355
Dans 1'�glife des Carmes , trois tableaux en
ovale places au-def�us de la potte; 1'un repr�-
fente S. Simon Stock qui recoit Ie fcapulaire de
la Sainte Vierge; 1'autie , les Ames d�livr�es du
purgatoire par Ie fcapulaire j & Ie troifi�me j Ie
pape qui coniirme �'mrciuition du fcapulaire.
Dans 1'�glife paroiffiale de S. Jacques, la Sainte-
Trinit�, tableau d'autel 5 on voit au bas de ce
tableau Ie rachat des captifs chr�tiens. Dans la
chapelle des douleurs , la Sainte Vierge dans Ie
ciel , qui interc�de pour les pauvres infirmes
repr�fent�s au bas du tableau. Ce grouppe eft bien
diftnbu� ; 011 y voit des boueux, des aveuglesj
des paralytiques, des peftif�r�s, &c. Les caracl�-
res y font parfaitement bien rendus.
Dans 1'�ghfe paroiiliale de Notre-Dame fur
Ackerghem , plufieurs beaux tableaux. En la
chapelle de Sainte Croix, Ie Crucifiement du Sei-
gneur, tableau d'autel. Une Mater dolorofa fou-
tenue par des Anges: la m�re de Dieu y efc repi�-
fent�e dans un abattement de d<juleur _, dont 1'ex
preflion ef� frappante ; au haut du tableau _, on
voit une Gloire de ch�rubins.Le tableau du grand
auteldans la m�me �ghfe j repr�fente la r�fuc-
redrion
de notrc Seigneur ; les gardes & les fol-
dats au bas du tableau font un effet admirable.
Dans 1'�glife paroiffiale de Norre-Dame, fur la
montagne de S. Pierre j on voic derri�re Ie grand
aurel 3 un tableau qui repr�fente l'Afcenfion.
Dans une chambredejunfdidiondeGand , on
voit un grand tableau qui repr�fente Ie Juge-
ment de Salomon.Il eft p!ac� fur une chemin�e.
Dans Ie r�fe&oire de 1'abbaye d'Afflegliem fe
voit un
tableau qui tienc toute la largeur du
Z x
:
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i 5 6                   La Vie des Peintres
ba,timent;ilr«pr�feate leCencenierquidefcendde
cheval pour fe profterner aux pieds de J�fus-
Chr�l: cJe(l ce tableau que j'aid�ja dit avoir m�ri-
t� les �loges de Rubens. La multitude du peuple
Dealtere nullement 1'accord de ce tableau.
Daas lam�me abbaye un autre tableau repr�-
sentant un fujec tir� de la vie de S. Benoit :
1'efquifle de ce beau tableau eft dans la maifoa
de d�funt N. van Sufter.
A Courtrai, dans 1'�ghfe de Notre-Dame 3 un
tableau de la Sainte Trinit�, & un autre repr�-
f�ntant Ie Martyre de Sainte Catherine. Ces deux
tableaux �toient deftin�s a van Dyck. On verra
dans fa vie ce qui 1'emp�cha de les faire.
Dans P�glife des capucins de Bruges on voit
Ie tableau du grand autel j ou les Juifs diefTent
la croix fur laqueile notre Seigneur eil attach�!
Dans la chapeile de S. Nicolas unc belle Def-
cente de Croix.
Les amateurs de la ville de Gand confervenc
avec eftime beaucoup d'autres tableaux de de
Crayer.
Le nombre en eft tr�s-grand , fans ceux
que pofs�dent les autres villes de la Flandre.
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Flamands, Alkmands & llollandois.
H E N R I
VANDER BORGT,
E t E V E
DE GILLES VAN VALKENBORG,
Jl, s t n� a Bmxelles en 1583. Les troubles--------
de la guerre oblig�rent fon p�re Sc fa m�re 1385.
a fuir & a ie retirer en Allemagne. Hcnri avoit
a peme trois ans.
D�s qu'il commenca a penfer , -il chercha ^
deffiuer. Sur cette envie, lepere Ie placa chcz
Gilles van Jralkenborg, oiti il avanca au pomt
qu'il fut bient�c en �tat de voyager. 11 refta plu�
fieurs anti�es a Rome a �tudier les ouvrages Hes
grands ma�tres. En quittant ITtalie il voyagea
par toute 1'AUemagnc, & s'�tablit a Frankenaal,
& en 162.7 il vint fe fixer a Francfbrt fur Ie
Mcin.
S'il avoit la r�putatien de bon pcintre3 il avoit
cncore celle du plus favant antiquaice de fon
tefnps. On Ie confult�it fur toutcs les fingulari-
t�s , & fouvent il a donn� fon jugement iur de3
antiquit�s Grecques & Romaines, qui embar-
rafloient les favans de fcn temps. Le comte
d'Arondd avoit pour lui uae �nguli�re eftime t
ainfi que les favans i\nglois.
On nefak o� il eftmortni en qticl temps.
Z
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5 5 �>                      La F�e des Pe'mtres
J A C Q U E S
WOUTERS VOSMEER,
.���. JU E l'ancienne familie des Vofmetr 3 eft ns
1784- �*■ Delfc environ 1584. Dans les commence-
mens il peignoir Ie payfage _, & fut en Itali�
exercer fon pinceau.Il y changea de gout, & quicca
Ie payfage ponr peindre des flcurs & des fruits.
Il retourna aDelfcen i�>o8,ao;�de pres de z^ans,
&d�cor�j<juoique jeune j du nom de bonpeintre.
Ses tableaux font eftim�s & pleins de m�rite.
Il moururdans ce"te ville 3 major des bourgeoisy
en 1641.
PIERRE yALKS
JN aquit en 1584 dans la ville de Lewarde j
en Frife. Son p�re �toit orf�vre , & vit avec
plaifir fon fils fe porter a la peincure. L'envie
d'�tre peintre lui fervic de maicre. Il �tudia >
de lui-m�me , d'apr�s les ouvrages & Abraham
Bloemaert.
Il s'apper^ut enfuite qu'il lui falloit
plus d'un guide. D�ja en �tat de faire choix des
plus belles parties , il ne lui manquoit que les
beaux onginaux.
                                           *
II parcourut Tltalie jufqu'a Rome, o� II pafla
plufieurs annces a fe perfe�lionner d'apr�s 1'an j
tique & les grands maicres.
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Flamands j Allemands & Hollartdo�s. 559
De retour chez lui, o� il s'employa a pein-
dre 1'hiftoire & Ie payfage , il y acquit de la
r�putation , ainfi que dans Ie portrait.
11 d�cora la cour des princes a Lewarde ; on
y voit encore la plus grande partie de fes portraits,
tableaux d'hiftoire & payfages.
Il s'�toit man� peu apr�s fon retour de Rome ,
& eut deux fils dont un fut peintre. Ces deux
fr�res voyag�rent enfemble en Itali� , o� ils
furent malheureufetnent vendu» par un G�nois
qui, ayant promis de les paffer d'un endroit a un
autre, les livra pour une iomme aux Ccrfaires
de Barbai�e , d'o� ils ne font jamais revenus.
i
z4
-ocr page 376-
FR A N .Q O I S
HAL
S.
GE grand peintre de portrait naquit en 1584,
dans la ville de Maiines. On ne fait prefque
rien de particulier de ce maitre.
Van Dyck a f�rpafT� Francois Hals a peindre
Ie portrait; mais peu d'autres* 1'ont �gal�. Loif-
que van Dyck fut d�termin� a paflTer en Angle-
terre , ij fut expres a Harlem pour y voir
Hals. Inutilement fuc-il fouvent chez lui ; il
�toic les trois quarts de fa vie au cabaret.
Le peintre denvers lui fit dire que quel-
-ocr page 377-
la Vu des T'tintres Flamands, &c.
qu'un 1'attendoit chez lui , pour fe faire -
peindre. D�s que Hals fut arnv� , van Dyck
lui dit qu'il �toit �tranger ,� qu'il vouloit fon
f)ortrait _, mals qu'il n'avoit que deux heines a
ui donner.
Hals prit la premi�re toile venne,
arrangea fa palette affez mal , & cemmenea a.
peindr»: peu de temps apr�s il dit a van Dyck
qu'il Ie pnoit de fc lever, pour voir ce qu'il avoit
fait; Ie mod�le patut fort centent de la copie,
& apr�s avoir cauf� fur des chofes mdWt�rentes,
van Dyck lui dit que la peincute lui paroifioit
a(fez aif�e , & qu'il vouloit a fon tour effayer.
Il pric une autre toile, & pria Hals defe mettre
a la place qu'il venoit de quitter. Celui-ci, quoique
furpris ne tarda pas a s'appercevoir qu'il avoit
affaire a quelqu'un qui connoifloit la palette & fon
ufage. peu de temsapr�s, van Dyck Ie pria de fe
lever a fon tour. Quelle fut fa f�rprife! Vous �tes
van Dyck _, s'�cria-r-il en 1'embraffant; il n'y a
que lui qui peut fiiire ce que vous avez fait.
Van Dyck voulnt 1'engager a Ie fuivre en ^n-
gleterre ; il lui promit une forrune bien au-deflus.
de Ion �tat, qui �toit affez mif�rable ; il ne put
rien gagner.Abruti parle vin_, Hals r�ponditqu'il
�toit heureux
, & qu'il ned�firoit pas un meilleur
forr.
lis fefcpar�rent avec regret. Van Dyck fit enle-
vcr fon portrait que Hals venoit de faire , apr�s
avoir r�pandu dans les mams des enfahs du
peintre quelques f^uinces , que lepere prit a fon
�rour , pour les r�pandre dans lesguinguettes. Hals
peignoit Ie portrnit d'une grande refTetrjbi.ince.,
Sc d'une belle maniere , pleine d'art. Il �bau-
chou fes portraits avec pr�cifiou 3 fes c�uleurs
. _
-ocr page 378-
3 6-                La Vie des Peintres
�toient m�l�es cendrement: mais avec un pinceau
hardi ilfavoit leur donnerde la force. Il en fiifoit
de m�me pour les lumi�res ,& difoir a ceux qui
lui demandoienc raifon de cetce prariquej c'eft
que je travaille pour mon nom. Le maitredoic
cacher 1'ouvrage fervile& pinible de lJexa6�tude
que demande Ie portrait.
                         .
Van Dyck r�pctok fouvent que /fa/jauroit�t�
Ie plus grand penitre de portraits, s'ilavoitpu
rendre fa^oulenr plus tendre. Il ne connoiilbit,
dlj ali
                   l �df i
Auffi fes tableaux onc-ils une grande force,
fes porcraits une vive expreffion : ces derniers
font en grand nombre, & fur-tout dans les villes
d'Harlem & de Delft. Dans cetre derni�re il y
a un tableau au Mail, o�font repr�f�nt�senpied
les principaux de cette compagnie, (1) clegratv-
deur naturelle. La vie efl: r�pandue dans chaque
figure.
Son frcre Dirck ( 011 Thierry ) Hals , peignoir
fort bien des converfations �c des animaux en
petit. Il mourut avant 1'autre en 1656.
Francois mourut ag� de pres de 80 ans, Ie
20 ao�t 1666.. Il laifTa plufieurs enfans qui ont
tous�t� peintres ou muficiens, & dat v�cu com-
me Ie p�re.
Ses principaux �l�ves , font Adritn Brauwer ,
Thierry van Balen , Sec. M. Ie Comce de Vence pof-
f�de un tableau de Hals ■ c'eft un fou qui nent
une marotte.
(1) La Hollande et la Flandre sont remplies do
toutes sortes de soci�t�s, sous Ie nom de compagnies:
ils ont des statuts et dps r�glemens comme une troupij
militaire. Cello du Mail est sur Ie m�me pied que
1'Arbal�te, 1'Arc et 1'Arquebuse. Los salles o� iis
s'assemblcnt se nomment Butes.
-ocr page 379-
Flamands j Allemands & TloIIandois. 3 63
GU1LLAUME
NIEULANT,
ELEVE DE ROLAND SAVERY,
JN aquit dans la ville d'Anvers- en 1584.----------
lls'engagea de boime heure avec Roland Savery 1584.
poiir apprendie la p�ititure. Capable de pro-
duire de liu-m�me, il voyagea en Itali�, Sc
demeura trois ans a Rome avee Paul Bril. On
voir quelques-uns de fes ouvrages dans la ma-
niere de ce dernier ma�tre ; mais il la changea ,
Iorfqu'il fat de retour en Hollands & fe fixa a
Amfterdam , o� fes ouvrages lui ont acquis 1'ef-
time des connoifTeurs. Ses tableaux rcpr�fentent
des Arcs de tnomphe , des Ruines , des Bains ,
des Maufol�es. Tout cc que Ie temps a �pargn�
des anciens monumens, faifoit fon �tude. Il gra-
voit aufli au burin Sc a l'e,au-fotte. Plufieurs de
fes compofitions font grav�es de fa mam ; & 011
eftime fes deilins qu il faifoit ' avec beaucoup
d'intelligence Sc defineffe: il �toit aufli bon po�te.
Il mourina Auifterdam en KJ3 5 , ag� de j 1 ans.
-ocr page 380-
164 La. V'ie dis Peintres F lamanis, &c2
f ILLEM(GUILLA�ME)
VAN VLIET,
��-----D E 1'ancienne 8c noble familie de Vander
IJ04. Poort, naquit a Delft en 1584. Il avoit mie
grande maniere de peindre. Sa touche �toic fer-
me & facile. Dans fon premier remps il peigns�c
l'hiftoire , & finit par Ie portraitou il r�uffit.
Il mourut ag� de 58 ans, en 1642.
HENRI VAN VLIET,
ELEVE DEGUILLAUME VLIET,
i4 u t long-temps fous la conduite de fon oncle
Gidllaume Vliet : il peignoit rhiftoire , des
clairs de lune & des perfpeftives. Ilfemit, a
I imitation de fon oncle, a faire Ie portrait; il fe
perfedionna dans cegenre , foas Ie c�lcbre Mire-
velt.
Ses portraitsfont bonsj mais, au-lieu de faire
des perfpecflives, des dedam d'�glifes qu'il ornoit
ds jo�esfiguresdansle gout d''Emmanuel de Wit,
1'int�r�t 1'engagea a nous laifler des portraits
communs, au-lieu des excellens tableaux qnt au-
roient m�rit� des places diftingu�es dans les
cabinets des criiieux.
-ocr page 381-
CORNILLE
POELENBURG
JNaqhit a Utrecht en 1586, & commenga la
peinture fous Abraham Bloemaert _, qu'il quitta
pour voyager en Itali�. Arnv� a Rome, il s'at»
tacha d'abord a h ma.n�tved'E/^keimer qui lui pluc
beaucoup, & enfuite a ceJle de Raphcel qui f�-
duifoit Ie jeune peintre par fa douceur & fts gra-
ces: il a �tudi� dans ce grand maitrequelques par-
lies j mais il a n�glig� la principale , qui pft Ie
dettixi, Sc oui rendroit fes ouvrages plus pr�cieux.
1586.
-ocr page 382-
La Vicdes Peintres
_J_____. Ses tableaux plurent aux R.omains. Il en fiV
�, quelques-uns pourdes cardmaux o ui pnrent plai-
i j06. / v /              r- j ti r c                        ■ -
J lir a Ie voir peindre. 11 Ie rorma une maniere ten-
dre, & s'attachmt a imiter la nature, ii Timita
roujonrs agr�ablement \ il fut aufll Ie pemtre Ie
plus laborieux de fon temps.
Il quitca avec peine 1'Itahe pour retonmer a
Utrecht , & il parfa par Florence o� Ie Grand-
duc lui l�t beauco'ip de carei�es, & voulut Ie re-
tenir \ mais il ne put jamais 1'arr�ter. Il lui fit
peindre plufieurs tableaux , apr�s qtioi Vodenburg
retourna chez lui, honor� de 1'eftime des Italiens.
Arriv� a Utrecht , fes ouvrages en petit lui
�rent bsaucoup d'honneur: tous les connoifleurs Ie
loir�rent. Rubens, dans Ie voyagequ'il fit en Flan-
dres , refta quelque temps chez Poclenburg. Non
feixlement il accorda fon eflime aux tableaux de
ce peintre , mais il lui en fit f <ire plufieurs dont
il oma fon cabinet. L'eftime de Rubens ach�ve
1'�loge de Poelenburg.
CharlesI, roi d'Angleterre, appella eet artifte
a fa cour , & 1'ernploya a peindre plufieurs ta-
bleaux qu'il paya fort cher. Il voulut m�me 1'at-
tacher afon fervice. Po denburg y auroitjoui d'une
aufli grande forrune que van Dyck qui y fixoit
fon f�jour, maisl'exemple de ce peintre ne Ie tenta
point : il pr�f�ra fa patrie a une cour �trang�re :
il retourna a Utrecht o� il jouit d'une fortune qui
ne dimiuua point, puifqu'il pcignit jufqu'au der-
nier jour de fa vie. Il mourut en 1660 , ag� de
74 ans.
La maniere de Poelenburg efl: fuave Sc l�gere :
la nature eftrepr�fent�e dans tout ce qu'il a peint j
tou: yet� vagueSc rai�de pea de travail.Ses malles
-ocr page 383-
F lam ands, Al Iemands & Hollandois.
font
larges : il aimoit a. retoucher fes ouvrages ,.
lorfqu'ils �toient faits. Untravail
l�ger les fimiioit.
Ufavoit choillr des lointains agi�abics qu'il tm-
bellillbic de petits �diiices l�tu�s aux environs de
Rome. Ses fonds fur ledevant fourenoient 1'har-
monie de fes tableaux: )1 entendoit bien Ie clair-
obfcur jles petitesfigures
qu'il faifoit fouvent nues
font bien colon�es; � fe piaifojc fur-tout a. peindre
des femmes. Sa touche �toit pleine d'efprit, mais
Ie deflin en elt rarement correct; il lui manquoic
en ce genre cette finefTe qu il avoit dans Ie pinceaii.
Il y a de joiis payfagesde Poelenburg , dont les
figures & les animaux ne font pas de lui. Plufieurs'
ptintres en g�c fait , particuh�rement Berghcm:
A y en
a deux clans Ie cabinet de M. Ie comtc
de Vencc a Paris , dans 1'un defquels les animaux
& les figures font peiots par Berghcm.
Jacques Mcyers , n�gociant a Roterdam , avoit
une belle collec�ion de ce peintre. Weyennans dit
qu il avoit un pent cabinet tout rempii des ou-
vrages du m�me auteur.
On eftim^, comme Ie plus beau de fes ta.-
bleatix,laNaiiTauce
de Notre Seigneur,dans Ie
cabinet de M. Grenier , a Micldelbourg.
Ses tableaux en pent font les plus recherches:
Ie nombreen eft confid�rable. On ne doit cepen-
dant pas les confondre avec ceux de (es �l�vcs
<]Ui ont imit� fa manier?.
Poelenburg a grav� a 1'eau-forte avec bien du
fucc�s, ma�s les �preuves en font plus rares que
fes tableaux : ceux-ci fe trouveiit dans les cabi-
netsles mieux choiiis.
Le roi de France pofs�de quatre tableaux de
cepeincrej deux vues du Campo Vacciano ,
-ocr page 384-
3 <5"S                  La Vit des Peintres
une Diane au bain 3 Sc Ie Martyre de Saint
Etienne.
Dans Ie cabinec du duc d'Orl�ans, il y a quatre
tableaux du tn�rae. C�phale & Procris: un Pay-
fage avec dei ruines d'architedfcure: un autre
Payfage avec des Vaches, & un avec des Nym-
phes ik des Faunes. Chez M. de la Bouxi�re, eft
un Bain de Diane , 1c fxmd eft un payfage tr�s-
fini. Chez M. Pafquier, une Diane au bain avec
fes nytnphes, «Sc une Fuite en Egypte. M. Blondd
de Gagny
a cmq tableaux de Poelenburg des plus
finis: 1'un eft Loc & fes iiilesj lesautres^ Dian;
revenanc de la chalFe , &c cette D�efFe endormie
dans une caverne, entour�ede fes nympnes: deux
aurres pecics Payfages avec figures. Dans Ie ca-
biiiec deM. de Jullienne, on trouve deux petits
tableaax de Poelenburg avec figures. M. d'Argen-
v��e
a dans fa colleclion cinq tableaux du m�tne,
parmi lefquels on voit une Sainte Familie & des
Nymphes qui fe baignent. Et chez M. Ie Noir,
il y aauili de notce peintre deux petits tableaux
tr�s-finis : on y trouve Payfage , Architecture,
Figures & Animaux.
A DufTeldorp, chez l'�letteur palatin, on voit
deux rableaux du m�vne fujet : la Naiflance de
notre Seigneur, Lot & fes filles : ma�s un des
ouvrages de notre aniftedes plus dignes d'admi-
ration, eft Ie tableau de la Familie electorale de
Fr�d�r�c V.
DIRK
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F lamanis s Allemanis & Hoi�andois.
DIRK-TH�ODORE-RAPHAEL
KAMPHUIZEN,
ELEVE DE THIERE.YGOVERTZ.
JLL �toit n� dans la ville de Gorkum en 1586:
fon p�re, Raphael Kamphuizen , d'une familie
noble , pafloit dans fon temps pour un des plus
c�l�bres chirurgiens. Il eut Ie malheur de perdre
fa m�re a l'age de 8 ans & fon p�re peu de temps
apr�s. Son �tat d�pendoit de fon fr�re.ain�, auffi
chirurgien, qui avoit prls la tnaifon de fon p�re,
&qiu appercut quelqnes difpofitions pour la pem-
ture dans fon cadet : il Ie placa chez Thierry
Goverts
, bon peintre, qu'il �gala bientot Sc
furpafla dans la fuite.
Son talent �toit de peindre des Pay fages en petit,
avecdes mafures, des �curies, des peutes figures,
chevaux, vaches, &c. qu'il touchoit tous avec
, bien de 1'intelligence. houbraken } qui a �crit fa
vie, a vu de fes ouvrages, qu'il loue beaucoup.
Ayant exerc� la peinture jufqu'a l'age de 18
ans, il fut confeill� par fes amis de s'adonner aux
fciences : il apprit plufieurs langues favantes &
la th�ologie, o� 1'efprit de parti Ie d�termina a
�tre pr�dicateur : il faifoit par fon �loquence
beaucoup de prof�lytes. A la fin , pourfuivi par
toutes les autres fecles,il fut fugitif& errant, on
ne fait point fa mort. Il eut un fils j aufli peintre,
mais qui n'a pas fait grand bruit.
Torn e I.                                        Aa
-ocr page 386-
3 7°               La Vie des Peintres
g e o r g e s
VAN SCHOOTEN,
ELEYE DE KOENE.AET VANDER. MAES.
IL �toit n� a Leyden «11587. La nature ex-
15S7. cita en lui 3 d�s fa jeuneffe, l'amour de la
peincure : Ie papier fur lequel il apprenoit a
�crire , refTembloit plut�t a celui d'un �l�ve deffi-
nateur , qu'a celui d'un apprentif �crivain. Les
menaces & les reprimandes ne fervirent quJa lui
faire tracer un peu plus de lettres que defigures.,
Sc peut-�tre a augmenter en lui l'amour de 1'ait
pour lequel il �toit n�.
Un des amis de fon p�re, amateur des beaux
arts, obnnt de Ie faire entrer chez un peintre: il
fut place , a l'age de 14 ans, chez Kocnraet vander
Maes
qui excelloit dans leportrait. Il fit entrois
ann�es des portraits furprenans pour fon age &
pour Ie peu de temps qu'�y employoit. Deux ou
trois ans apr�s ,1'envie de voir 1'Italie & 1'AUe-
magne lui fit tout quitter \ mais fes parens trou-
v�rent Ie moyen de 1'an�ter en Ie mariant. Il a
toujours reft� a Leyden, o� les tableaux d'hiftoire
& Ie portrait ont occup� alternativement fonpin-
ceau. On y voit encore de fes po�traits chez
quelques particuliers', & on trouve dans les butes
ou falles publiques, des compofitions ing�nieufes
dp eet artifte.
-ocr page 387-
Flamcnls 3 Allemands & Hollandois. 371
HENRI
TERBRUGGEN,
ELEVE D'ABRAHAM BLOEMAERT,
^
5
Sc de Bie fe font tromp�s fur fon nom & Ie ijSS-
lieu de fa naiflance , qu'ils difent �tre Utrecht. Je
ne fais a quoi atttibuer Terreur du nom^ ils 1'ap-
pellent Verbruggen-^ maispourcelledefanaiflance,
ce qui aura pu y donner lieu , c'efl que Ie p�re de ■
Henri fe fauva a Utrecht, avec fa familie , pour
�viter les troubles dont fon pays �toitagit�. Il
demeura, il eft vrai, dans cette ville : mais fon
petit-fils Henri Terbruggen^ fit depuis fa r�fidence
a la Haye.
Lorfque Henri, celui dont nous parlons , eut
appris a peindre fous Abraham Bloemaert, Sc qu'il
fut capable de fe produire lui-m�me par fes ou-
vrages j il voyageaquelque temps & fut en Itali�,
o�i�refta dix ans.
La r�patation de grand peincre Ie fit confid�rer
dans Rome : il fit quantit� de grands tableaux
d'hiftoires, qui furent difperf�s. On en voit de
lui un fort beau dans une des principales �g�fes
de Naples : la compofition Ik. la fiert� de fon
pmceau fuppl�ent afon nom qu'il ne mettoit point
fur fes tableaux.
On voit de lui un tableau admirable chez M.
vander Streng , a Middelbourg : il repr�fente un
Aa z
-ocr page 388-
57*                La vie des Peintres
� Feftin, avec des figures grandes comme nature»
J II y en a un autre a Delf:, chez Ie fieur Verbruggen,
bijoutier.
Ces deux tableaux firent dire a Rubens (lorfqu'il
voyageoit en Flandre) qu'il �toi: un des grands
peintres de la Flandre : 1'eftime de ce maitre
vaut celie de tous les connoifTeurs.
Il mourut a Utrecht Ie premier Novembre
ag� de pres de 42 ans.
J A C Q U E S
ERNEST THOMAN,
lM aquit en 1588, dans Hagelftein. Il etit a
17 ans la r�putation de bon peuure : il quitta
alors fa pame pour voir 1'Italie, o� il a reft�
15 ans a�tudier Ie beau & la nature. Rome, Naples
Sc G�nes furent les villes o�. il exer^a fes talens.
Il fut afToci� a Adam El\heimer, a Pierre Latfman
Sc
a Jean Pinas. Dans les m�mes �tudes ils con-
fid�roient avec attention tous les ph�nom�nes
qui accompagnent Ie lever 8c Ie coucher du foleil,
rien ne leur �chappoit dans la uature:c'eft Ie livre
des peintres. La maniere &El\heimer eft celle
qu'il a imit�e. On a de la peine a diftinguer ces
deux maitres, quoique la touche du dernier foit
plus fine : des connoifTenrs y ont �t� tromp�s.
Il n'autoit jamais quitte Rome fans la mort
�iElyheimer. La douleur de la perte de eet ami
Ie d�termina a retourner dans fa patrie.
Il mourut a Landau .au fervice de 1'empereur.
-ocr page 389-
Flamands j Allemands & Hollandols. 373
PIERRE
F E D D E S.
Xl                 a place Feddes parmi les grands
peintres , fur Ie t�moignage de ion portrait grav�
avec une palette , & cette infcription , Petrus
Feddes pi�or.
On ne fait pas s'il peignoit fut Ie
verre ou a l'hui'.e j il �toit natif d'Harlingen. On
voit de lui des eftampes grav�es a 1'eau-forte,
marqu�es P. Harlitigmfa.
PIERRE
BRONKHORST.
JN aquit a Delft Ie \G mai 1588. S'il n'a
point pris en peinture Ie genre Ie plus agr�able,
il a fuivi Ie plus p�nible. Son tulent �toit de
peindre les vues d'�glifes & des temples , tant
en dehors qu'en dedans. quoiqu'il eut celui de
traiter bien fes fujets, ils �toient int�reflans par
des traits d'hiftoires qui rendoient fes tableaux
moins froids & plus agr�ables.
Sa r�putation eft d�cid�e par deux tableaux de
lui : Ie premier eft dans la maifon de ville de
Delft. Ce tableau eft grand & d'une belle com-
Aa 3
-
-ocr page 390-
3 74                    La Vie des Peintres
pofition d'architedure j il repr�fente Ie temple
ou Salomon prononce fon premier jugemenr.
L'autre ell Ie temple ou notre Seigneur chai�e
les vendeurs. On Ie voyoit chez la veuve de fon
fik.
Ses tableaux font d'un beau fini. Il entendoit
l'arcnite&ure a fond, & peignoit bien fes petites
figures & de bonne couleur.
Il mourutle 22 Juin 1661.
A D R I E N
VANDER VENNE,
ELEVE DE J�ROME VAN DIEST.
_____- IL eft n� a t)elft en 1589, d'une familie con-
0_ fid�rab!e,quirenvoya fort jeune a Leydenpour
15 y' y faire fes �tudes. La langue latine lui fit naitre
1'envie de lire les po�tes anciens : ils firent fur
fon efprit des impreffions qu'il chercha a rendre
fur Ie papier. Il compofa lui-m�me des deffins :
non content de ce qu'il faifoit , il eut recours a
un orf�vre appell� Simon de pralck , qui exenjoit
atiili la peintute. H commenc.a fous lui aapprendre
Ie denm:de-la il fut chez J�rome 'van Dieji,
bon peintre 3 particuli�rement en ca-ma�eu. Il
fit chez ce dernier tant de Progr�s dans la pein-
turej qu'en peu de temps il fut en �tatde travailler
feul. Son application augmenta ces fucc�sdejour
en jour. Ses Ouvragos furent recherches pac Ie
�'
-ocr page 391-
Flamands , Allemands & Eollandois. 375
roi de Dannemarck, Ie prince d'Ol'ange & plu-----------
fieurs feigneurs.                                                     1589.
Ses tableaux font en fi grand nombre qu'il
feroit trop long de les rapporter. Il peignoit,
comme fon ma�tre , en cama�eu : il Ie furpafla
& fur-tout en richefTe de compofition. On vante
beaucoup un tableau qu'il fit pour un comte
polonois : ce tableau avoit 12 aunes de longueur,
xl repr�fentoit une Bataille de Flandres.
On a de lui plufieurs fujets all�goriques. Il com-
pofoit des vignettes pour les imprimeurs. On
recherche encore celles qu'il fit pour 1'�dition des
(Euvres du chevalier Cats , po�te hollandois.
Il fut un des meilleurs po�tes de fon temps &
il �crivit beaucoup. Ses ouvrag�s les plus connus
font fes embl�mes : 1'Etincelle fur la tourbe
hollandoife , Ie R�ve fur la nouvelle fagefTe., la
Folie du vieux mar�chal italien ., �n-doinp 3 avec
lc Tableau du monde ridicule , 1^35 ,in-quarto.
Aa 4
-ocr page 392-
J E A N
BREUGHEL,
o U
BREUGHEL DE VLOUR,
ELEV� D;E GOE-KINDT.
- J ean Bkeughel naquit a Bruxelles,environ l'an
i62i): il �toit fils de Pierre Breughel, qu'il perdit
fort jeune, Sc il fut �lev� chez fa grand-m�re,
veuve de Pierre van Aelfi. Il apprit chez ei/e a
peindre en d�trempe, & fut place chez Pierre
-ocr page 393-
La � V'ie des Peimres Flamands j &c. 377
Goe-Kindt, o� il commenc.a a peindre a 1'huile.
La commodit� de copier en r�fl�chif�ant furies
tableaux de diff�rens ma�tres, chez Goe-Kindt,
fortifia Ie jeune Breygkel dans fon art. Il quitta
ce ma�tre & fut a Cologne, o� il �tudia long-temps
les beaux effets de la nature. Attach� uniquement
a peindre des fleurs & des fruits , fes tableaux
furent d�ja regardes comme des prodiges, qui
port�rent par-tout fa r�putation. De Cologne il
paf�a en Itali�, o�il vit fes ouvrages recherches.
Il eut occa/ion de peindre quelques Payfages dans
jRome. Le plaifir de repr�fenter de belles vues,
lui fit abandonner les fruits & les fleurs, qui ne
lui ont fervi dans la fuite qu'a orner les fonds de
fes tableaux.
Ilobferva la richefTe & F�tendue des plus belles
contr�es, & il avoit toujours 1'efprit occup� de
celles qu'il ne pouvoit alors deffiner : voiLi. pour-
quoi nous voyons de lui tant de tableaux d'un
gout fi vari�.
Apr�s avoir beaucoup travaill� en Itali�, il re�
tourna chez lui o� tout d'un coup on vit forrir
plufifurs beaux tableaux de fon pineeau : on ne
pouvoit �tre plus laborieux ni plus fertile a pro-
duire1 Son m�rite fut atteft� par les plus grands
peintres. Il peignoit le payfage qu'il ornoit de pe-
tites figures touch�es avec finefTe & d'un bon gout.
Breughel avoit le talent de faire les fonds de
payfages aux tableaux des plus habiles peintres,
reis que Rubens, van Balen & Rottenhamer: il
faifoit avec le m�me fucc�s les figures dans les
ouvrages de Steenvick ■, Momper _, &c.
On ne peut voir unplus beau tableau que celui
qu'il fit, de concert avec Rubens : il repr�fente
-ocr page 394-
La vie des Peintres
le Paradis terreftre. Si Rubens a pris plaifir a peindre
d'un grand fiui Adam & �ve, Breughel a cher-
ch� a rendre ce tableau digne de la production
de ces deux grands maitres. Ce payfage eft vari�
a l'inrini; les arbres , les planten font d'un beau
choix & d'une couleur vraie j les animauxj les
infectes font au m�me degr� de beaut� : ce ta-
bleau eft regarde comme Ie plus pr�cieux qu'il
air fait : il a pafte du cabinet de M. de Bie (Ie
M�c�ne de Girard-Douw) dans celui de M. de la
Court Vander Voort,
a. I eyden.
Notre arcifte enrichi par fes ouvrages aimoit
la magnificence. Ses habits d'hiver �toient de ve-
lours j & c'eft dela que Ie nom de Breughel de
Vtour
lui fut donn� , comme Breughel d'Enfer k
fon fr�re _, pirce qu'il repr�fentoit ordinairement
1'Enfer ou des Incendies.
Houbraken a vu vendre un tableau de Breughel'a
Amfterdam en 171 3 : il avoit quatre pieds de large
fur trois de haut. Il rapporte que tous les connoif-
feurs furent faifis d'admiration , en Ie voyant:
il fait fur-tout remarquer unFiguier qui �toit au
milieu. La nature, dit-il, ne produit nen de plus
beau ; aui�i ce tableau fut-il vendu 28x5 flonns
d'Hollande: les deux figures dans ce tableau font
peintes par Rubens, & repr�fentent Vertumne &
Pomone.
Le pendant fut vendu Ie m�me jour 1875 fl.
il repr�fentoit une Nymphe endormie avec un
Satyte qui admire fa beaut�. Ces figures font
auffi de Rubens.
Ses ouvrages font en grand nombre ; on ne
peut toucher le payfage avec plus d'efpnt : les
arbres y foac d'une belle forme , les fonds fur
-ocr page 395-
Flamands s Allemands & Hollando�s. 579
Ie devant d'une grande richefTe , les plantes, les---------
fleurs & les fruits admirablement finis. Tantot il 1589.
repr�fente un Moulin , tantot un petit Pont, on
Village furie bord d'une rivi�re, qu'ilornedequel-
ques Bateauxa la voile ou autres objcts ^de V01-
tures dans les routes, avec nombrede penteshgu-
res toujours vari�es , toujours pr�cieufes & d un
bon gout: fa couleur eft excellente, qaelquetois
un peu bleue dans les lointains.
Sa mort eft ignor�e par les �crivains flamands.
M. Felibicn croit qu'il eft mort en i64z. Ses ta-
bleaux font recherches dans les plus beaux cabi-
nets*del'Europe. Nous indiquerons feulement les
plus connus.
Dans Ie cabinet du roi de France on voit
fept tableaux de Breughd : une femme qm care�e
un chien , la Bataille d'Alexandre contre Danus,
la Bataille de Prague , Orph�e aux enfers, une
Rivi�re charg�e de bateaux � une Temp�te , &
une Halte de chafle a la porte d'une hotellene; &
chez M. Ie duc d'Orl�ans cinq tableaux du m�me:
la Tranfmigration de Babylone , les Paflagets, Ie
Chariot , une Marine avec des?�cheurs , Ie m�me
fujet avec beaucoup de P�il�bns. Dans la ga-
lerie de 1'Archev�ch� de Milan on admire une
Chafle remplie de beaucoup de figures , & Saint-
J�r�me dans Ie d�fert; les payfages y font beaux,
la figure eft peinte par Gio-Ba�fta Crefpi. Vmgt
tableaux de Breughd, fe voient dans labibho-
th�que Ambrofianne jfavoir ,Danieldans la fofle
aux Lions , Ie ded*ans de la grande �ghfe d'An-
vers , les quatre �l�mens. Ce tableau repr�fente
tous les objets qu'on peut peindre dans la
nature : on y admire Ie fini, la couleurj tout y eft a
-ocr page 396-
380              La Vie des Peintres
~ furprendre.Les autres font 1'incendie deGomorre,
li°9- pluheurs Vafes avec fleurs & fruits , une Vietge
peinte par Rubens: Breugkelapemtane Guirlande
de fleurs au m�me tableau. Deux petites plaques
en ivoire en forme ovale : fur la premi�re eft
reprefenr� un Crucinement rempli d'une multi-
tude de Figures, & fur 1'autrela vifite de Sainte-
Elifabethjle refte de fes tableauxfontde fortbeaux
Payfages. L'Ele�ieur palatin poi��de 3 7 tableaux
confid�rables de Jean Breughel, d�*nt voici la lifte :
Ie Bapt�me de 1'Eunuque de la reine de Candace,
dans un beau payfage ; la. Vierge avec onze petits
en fans qui font environn�s de fleurs j la Pt�di-
cation de notre Seigneur fut les bords de la mer :
une multitude de petites figures, desanimaux &
desPoiflons rendent ce tableau un des prmcipaux
�u'il ait fait j un Payfage o� il a repr�fent� une
)anfedepayfans; un Port de mer avec beaucoup
de figures; S. J�r�medans un d�fert; un CarofTe,
deux Chanots & beaucoup de figures Sc des Am-
maux dans une grande campagne; un beau Payfage
o� Flore fe troiive couronn�e par une Nymph�: les
figures font peinte^ par Rubens j les quatre Saifons
en quatre tableaux f les figures par Benr� van
Balen
; Ie Paradis terreftre : Adam & Eve font
peints par Ie Klerck; deux ports de mer avec des
Vaifleaux & des figures; un Village en pleine
campagne avec nombre de Figures \ 1'Adoration
des Rois, beaucoup de Figures a leur fuite j Scipion
1'Africain a la t�te d'une multitude depeuplesj un
Payfage o� les figures font d'Renri van Balen , &
repr�fentant une F�te de Bacchus', notre Sei-
gneur crucifi� ; quatre petits Payfages j une Maf-
carade f�nguli�rement compof�e, autre F�te de
_~>
-ocr page 397-
Flamands j Allemands & Hollandois. 381
Bacchus j dont les figures {ontd'.Henri van Balen j -
S. Jean qui pr�che dans Ie d�fert au milieu d'un
nombreux auditoire j un Pa/fage & Ie rivage de
la mer ; un Payfage dans lequet on voit un Mou-
lin a vent j an tableau avecplufieurs Oifeauxpe�nts
avec une extreme flneflej un Payfage avec un
Chariot & beaucoup de Figures; un Payfageavec
figures de van Balen, repr�fentant Dian� & fes
Nymplies qui prennent Ie divertiflement de la
P�che j un tableau de fleurs , 8c , pour finir, un
Rivage de la mer avec des Vaifleaux & quantit�
de Figures.
Dans les riches cabinetsde Paris on a de Breughel
plufieurs beaux tableaux. On en admire deux
chez M. lemarquis de Voyer � Ie premier eft une
Foire ou F�te de village fur Ie confluant du Rupel
& de 1'Efcaut \ plus de deux cent cinquante
figures s'y trouvent dans un payfage clair & pi-
quant; Fautre eft un Camp nombreux. M. Ie
comte de Vence a du m�me une vue de Scheve-
linghe, payfage av�c beaucoup de figures.
1589.
-ocr page 398-
J E A N
TORRENTIUS.
_ IL naquit a Amfterdam en 15 89. Si fes ouvra°es
enpetit , mais d'un beau fini, n'�toient pas
aufficonnusque fes mauvaifes mceurs , je neparle-
rois pas de lui. La finei�e de fon pinceau ajoutoit
beaucoup a fes fujets lafcifs 3 qu'elle mettoit dans
un plus grand jour ,& auxquels elle donnoit plus
de foi-ce& d'expreffion. Les fujets de fes tableaux
ench�rirent be'aucoup fur ceux cCAr��n & P�trone:
Les libercins m�m* avoient horreur de fes com-
pofwions. Il fit des afTembl�es d'impies comme
i;89.
-ocr page 399-
La Vu des Peintres Flamands 3 &c. 383
lui, ou de ceux qu'il avoit corrompus : il y en-
feignoit tous les crimes, il y foutenoit que J�fus- 1 �89.
Chnft n'�toit poinc exempt du p�ch� originel,
qu'il ne falloit faire aucun cas des loix divines
& humaines, que les hommes & les femmes
�toient n�s pour vivre eri commun. Je paf�� fous
fflence les autres abominations. Averti queles Ma-
giltrats indign�s cherchoient Ie chefde ces afTem-
bl�es , il n'en fit que rire, pr�tendant en �tre
quitte pour nier tout.
Il fut enfin arr�t� & condamn� par la juftice
d'Harlem a fubir la queftion. Les tourmens ne
firent fur lui aucun efFet \ il nia toujours. Il fut
condamn� a 20 ann�es de prifon ; mais a la fclli-
citationdes Grands , & particuli�rement de 1'am-
bafladeur d'Anglecerre, il eut la libert� de paf��r a
Londres , o� fon habilet� lui ent acquis beaucoup
d'eftime, fi fes mauvaifes mceurs ne lui eufTent
pas attir�le m�pris d'une nation qui ch�rit autant
la vertu que les talens. Torrentius retourna a
Amfterdam, Sc y demenra cach� jufqu'a fa mort
qui arriva en KJ40 } ag� de 51 ans. Ses puvrages
furent recherches , & ceux que 1'on put d�cou-
vrir,br�l�s paria main du bourreau. Les peintres
& les po�tes excellens 3 lorfqu'ils font nnpies ,
font d'autant plus dangereux qu'ils pr�tent des
attraits aux crimes.
Th�odore Schrevelius dans fon hiftoire d'Har-
lem , nous �crit ainfi la vie & la fin de Torrentius.
Houbraken Sc VTeyermans
difent que ce peintre
eft mort dans les. tourmens de la queftion. Nous
nous en rapporterons au r�cit du premier qui a
�crit d'rpr�s les aftes publics.
               
-ocr page 400-
H E N R I
STEENWICK,
L E F I L S.
�-------- X o v s les auteurs fe font tromp�s , en �cri-
1580. vant lavie de ce peintre : on 1'a confondu
avec fon p�re, ou avec N. Steenwick, dont
il fera parl�.
Henri Steenwick , Ie fils ', �tudia fous fon
p�re. Jl a fuivi fa maniere , 8c 1'a fouvent
iurpafle. Van Dyck , qui eftimoit fes ouvrages,
Ie fit conno�tre a la cour d'Angleterre. Le
roi
-ocr page 401-
La Vie des Peintres Flafhands j &c. $� f
toi occupa ce peintre long-temps. Il quitta c� -
qu'il avoit de fombre dans la fac^on de peindr�
qu'il tenoir de fon p�re _, de peignit 1'int�rieur des
�ghfes & des palais. Il a quelquefois peint les
fonds d'architecture aux portraits que faifoit van
Dyck.
Oa en connoic deux en France (1 ): ce
font les portraits du roi & de la reine d'An-
gleterre (i), peints en 1(337 : lesdeux figuresfont
debout, & ontenviron unpied de hauteur. Jamais
van Dyck n'a fini avec autant de foin. On peut
egaler ces deux portraits aux plus pr�cieux de
Mirh : Ie, fond du tableau eft fort clair & re-
Jjr�fepte une fa^ade de quelque maifon royale ,
d'une belle architecture. Cet ouvrage eft d'Henri
Steenwick Ie fds; c'eft ce m�me Steenwick peint
par van Dyck, & qui fe trouve a la fuite des artiftes
que 1'on a grav�s. Sandrart 8c d'autres �crivains
depuisj 1'ont toujours pris pourlep�re , qui niou~
rut en 11J04, lorfque van Dyck n'avoir que cinq
ans:ainiiil n'a pu lepeindre ni travailler avec lui*
L'abus de Ie nommer Nico/as Steenwick ne vient
que dela relTemblance de nom avec celui qui naj
quit en KJ40, & que les auteurs nomment iV.
Steenwick,pz�ceqm fon nom de bapt�me eft ignor�»
Steenwick Ie fils fit fortuneen Angleterre , out
il mourut encore jeune :fa veuvequi avoitappris
a peindre des perfpectives , retourna dans fa pa-
trie, Sc demeura a Amfterdam , o� fes ouvrages
furent aflez eftim�s.
On peut cornparer Ie m�rite du fils a celui du
(1) A Paris dans lecabinet de M, de ia Bouex'ere,
Fennier-g�n�ral.
(2) Charles I et Henrietfe de Bourbon, soeur de
Louis XIII.
                 .            -
Tome L                                    B b
-ocr page 402-
La Vit des Pelhtrti
_____ p�re : quelques-uns 1'eftiment plus, parceque fei
, f g tableaux font fort clairs: ils font affez rares. Il
ne travailloit que pour Ie roi d'Angleterre : on
en trouve chez quelques particuliers a Londres
&: en Flandres } mais nous ne connoiflons de lui
en France} que ceux qui font dans Ie beau ca-
binet de M. de la Bouexiere.
G�ERAHD
SEGHERS.
G�erard Seghers naquit a Anvers, vers
1'an 1589.: il eft Ie fr�re a�n� de Dariiei
Seghers ,
peintre de fleurs. Guerard fut place chez
Hcnri van Balen. Encore jeune il pafTa a Rome:
la au milieu de tant de chef-dJQBUVi"es Seghers ne
put fe d�terminer a prendre aucun ma�tre pout
guide. Il copia toutes les mani�ves diff�rentes, &
quand il compofa lui-m�me on ne lui reconnut
aucunes de celles qu'il avoitimit�es- A la fin _, plus
touche de celle du Manfrsdi , il s'y attacha fi bien
que fes imitations embarrafs�rent les connoilTeurs
d'Italie. Szghc s nepenfaplus qu'a retourner dans
fa patrie, & crut y faire fortune avec fes ouvra-
ges. Les premieis qu'il fit a. Anvers fufErent pour
Ie d�tromper. Oa aimoit mieux les tableaux clairs
de Rubens que les fiens, qui tenoient un peu de
1'�cole du Carravage. Notre artifte en habile hom-
me, prit un milieu entre la maniere du Manfredi
Sc
celle de Rubens , & alors il fut employ� a d�-
corer les �glifes d'Anvers, &c. Ce peintre avok
-ocr page 403-
JFamands j Alltmands & Hollandois. 387
Ie carad�re doux & aimable : il futua des grands *"
iamis de Rubens8cde van Dyck ; la jaloufie ne put
jamais les f�parer. Scghers gagna beacoup de
bien&mourut a Anvers en 1651 , ag� de 6z
ans : on ne lui connoit qu'un fils, qui fut aufli
peintre.
Les tableaux d'hiftoire de ce peintre font bien
compof�s, fon deflln corre�b; & fa couleur chaude
& vigoureufes eft foutenue par une belle entente
du clair-obfcur. On a dit qu'il employoit trop
de jaune dans fes clairs \ mais fes ouvrages Ie
juftifient & font tomber cette critique : nous
allons indiquerlesprincipaux.
On voit de lui, dans 1'�glife de S. Jacques a
Anvers , deux tableaux d'autel : Ie premier
repr�fente S. Yve,& 1'autre, Saint Roch. Dans
1'�glife des religieuies appell�es Fackes, trois au-
tres grands rableaux : fur 1'un on voit S. Jofeph
endormi, a qui 1'ange ordonnede fuir en Egypie ;
fur 1'autre, la naiflance de notre Seigneur j &*le
troifi�me eft un tableau d'autel , o� il a peint
1'enfant J�fus, Marie & S. Jofeph. Dans l'eglife
des J�fuites, notre Seigneur attach� fur la croix
que les bourreaux �l�vent, tableau enn�rement
aansla manitre du Tintoret, deftin�a�tre place
quelques mois de l'ann�e au grand autel, avec
<eux de Rubens & de Schut. Deux autres tableaux
de lui , auffi dans la maniere d'Italie, font places
dans la m�me �ghfe: les fujets font tir�s de la
vie de notre Seigneur. Au-deflus de la porte de
la facnftie de la congr�gation de ces ptres , on
voit un Chrift tr�s-beau, par Seghers, Sc un Saint
Igrtace a c�t� de 1'autel. Un tableau d'autel
■de ce maitre fe remaique pat fa fingularit� J il
Bbi
-ocr page 404-
33S               La Vie des Peintres
eft fi fort dans Ie gout de Rubens qu'on 1'a cru
"de ce dernier: il orne Ie maitre-autel des Carmes.
Mais Ie clief-d'oeuvre de ce peintre eftle Mariage
de Ia Vierg� , compofoion immenfe : il eft place
au grand autel des Carmes-d�chaufT�s.
Dans 1'�glife cath�drale de Gand, Seghers a
peint Ie Martyre de S. Li�vin , �v�que, tableau
d'autel pres de la facriftie. Six grands tableaux
de la vie de ce faint, par Ie m�me peintre, font
places dans la nef de 1'�glife des J�fuites. Le
cabinet de M. Deyne eft enrichi d'un tableau
afTez connu dans le monde, puifque Vorjlcrmans
1'a rendu public : le fujet eft S. Pierre reniant le
Seigneur, au milieu d'une troupe de foldats: tout
y eft �clair� au flambeau, 8c c'eft la premi�re
maniere de Seghers a fon retour de Rome. On
voit un beau tableau de lui a Dunkerque, place
a 1'autel de la Vierg�, dans la grande �gliie: il
repr�fente la Vierg�, 1'Enfant J�fus debout fusr
fes genoux, Sc pluneurs autres faints.
-ocr page 405-
� lamanis j Allcmands & Hollandois. 3 8 �
d a v 1 d
BA I L L Y,
EL E V E
DE CORNILLE VANDER VOORT,
Natif de Leyden, & nis de Pierre Bailly , ~
aflezbon peintre, qui vit de bonne heure Ie pen-
chant de fon fils pour la peinture. Sans lui donner
de le^ons , il lc lailFa grinonner d'apr�s des deilins
Sc des eftampes. Il eiu occafion de voir Jacques
de Gheyn
, graveur, chez qui il s'exeixa au burin
pendant un an , ma�s il pr�f�ra la peinture. Le
p�re, pour le fatisfaire, le p'aca chez Adrien
Verbught
, &c d�-la chez CornUte Vander Voott\
peintre de portraic , eftim� a Amfterdam. Les
le^ons du maitre & les bons tableaux qu'il
eut occafion de copier chez lui , entr'autres, un
de SteenTfick, que 1'auteur m�me n'auroit fu
diftmguer d'avec 1'original, engag�rent Bailly a
pafler fix afis chez vander Voort. Il fut d'Amfter-
dam a Leyden _, ou il refta peu de temps. 1'envie
de voyager le fit pafler a Hambourg, de-la a
Francfort, Nuremberg, Ausbourg, par le Tirol,
a Vemfe & enfin a Rome, o� il comptoit refter
pour profiter de tous les beaux mod�lesque cette
capitale renferme^ mais quelques raiions inconnues
le firent retourner a Venife , o� il travailla plus
long-temps. En revenant par 1'Allemagne, il fuc
bien re^u par le duc de Brunfw'tck, qui lui fit;
ofFre d'une penfion annuelle qull refufa.
Bb 3
ij 90.
-ocr page 406-
La Vie des Pe'intres Ftatnands3 &c'.
De retour a Leyden en i<> 13 , apr�s cinq;
iS9o- ann�es d'abfence, il fe mit a peindre jufqu'en
161$ qu'il quitta la palette pour Ie delfin. It
avoit 1'art de deffiner des portraits a la plume,
avec un petit travail au pinceau, qui plurent beau«
coup, & ou il fut fort employ�.
Simon LcuWen, hiftorien de Leyden , parle
dans ce m�me temps d'un bon peintre de
payfages, appell� Jean Annts.
-ocr page 407-
D A N I E L
S E G H E R S ,
J�SUITE,
ELEVE DE JEAN BREUGHEL,
OU BREUGHEL DE VLO�R.
IL rec,ut Ie jour a Anvers en 15 90. Il commenc.a
a �tudier la peinture fous Breughel de Vlour,
qui peignoit en ce temps-la les fleurs qu'il quitta
aans la fuite pour Ie payfage. Seghers s'appli-
qua , fous ce ma�tre , a �tudier 1'harmonie des
couleurs, dans cette belle nature qu'il cherchoic
i imiter.
Bb4
-ocr page 408-
? J1 CIi;ra de bonne he�re chezles J�fuites ;
.^^«deft�r^quoiquil fut toujours oom-
me Ie pere Seghers.) Son noviciat flni, il reprit
Ja palette , & orna 1 eglife des J�fuites d'Anvers :
il rut envoy� a leur maifon de campagne , o� il
fitpour lenr eglife plufieiirs payfages avec des
lujets de la vie de q�elques faints �& 1'ordre.
Cestableaux font auptii-d'hui places ,: au-defllis
«es confei�onaux.,.
                            ;;
, II obSj&rfe p�rmiffioii d'a�er k Rome: il v
etudia les dedans & l�s\dehors de cette capitale J
avec b�aucoup d'afliduit�. Apr�s avoir fait uine
nche moiflon d'�t�d�s s il revint a Anvers.'
On s'apper^ut aif�ment combien ce voyage
lui avoit �t� .profitable; fes tableaux n'eurent
preique point deprix : les particuliers ne purent
pomt y atteindre.
La r�putation de Seghers pafTa par-tout. te
}>nnC� d'Orange d�p�cha fon premier peintre
Thomas W�Uborts, pouravpir un tableau de lui.
Il compofa un bouquet dans un bocal de fleurs ,
accompagn�es detoutesfortesd'infedes qu'il finit
avectant d'art, que les artiftes de fon temps , ne
ceiToient de 1'admirer. Il envoya ce tableau en
pr�fent, au nom de fon ordre , au prince qui Ie
re5ur avec un extreme plaifir: il ne put aflez admi-
rer ce tableau. Le prince r�pondit I ce pr�fent paf
une efp�ce de chapelef compof� de d�x grains ,
quirepr�fentoientdix.�rangesrichement�mail.l�es
en or, & une palette �c des antes (1) dep'mcezax
(i) Ante ou manche, pe(it baton au bout duquel on
ante lepiuoe�u
                                    ' ' <
-ocr page 409-
Flamands j Allcmands & llollandois. 395
de cette pr�cieufe mati�re , Je tout accompagn� <
(Tune lettre pleine de reconnoiflance.
II fit nn fecond tableau: il avoit amalT� dans
un beau vafe toutes les fleurs du printemps ,
plufieurs branches avec des fleurs d'orange,&
quelques oranges encore vertes. .Ces fleurs �c ces
fruits artiftement diftribu�s avec des infe�tes de
toutes efp�ces, faifoient 1'ornementde ce tableau.
Il en fit pr�fent a la pnncefle dJ0rauge , qm fut
touch�e de fa beaut� \ elle ne voulut point ceder
en g�n�roLit� au prince fon �poux. �lle envoya
aux J�fuites d'Anvers, 1111 Crucifix d'or j �maiil�
artiftement&pefant une livrej avecun pafl�-port
ou fauf-conduit pour voyager dans les Pays-Bas ,
Sc y veiller aux interets de leurs maifons.
Ces deux tablea�x' pafTent pour fes princi-
paux. Le feu du ciel en a d�truit de fort beaux
de lui , dans 1'�glife d'Anvers , pnncipalement
un grand , ou Rubens avoit peint S. Ignace. Ce
Saint �toit couronn� &c entour� d� guirlandes de
fleurs. Ces tablea�x , dans la gajerie & dans les
chapelles , �toient autant de t�moignages de 1'ha-
bilit� de ce peintre.
On en compte deux des plus pr�cieux de fon
temps, un a la Haye , chez le baron de Bree ,
& 1'autre a Amfterdam, chez le fleur JeanStaxts ,
courtier.
Il avoit' un talent particulier a peindre les lis
blancs & les rofes rouges, & tout ce qui �toic
tiges ou feuilles, particuli�rement le houx. La
belle couleur, les tranfparens, les feuilles minces
6c l�g�res 3 les infecles , tout eft bien fait: fa tou-
che eft large. Il avoit tout ce qu'il falloit pour
in�riterl'id�e que les grands peintres ont eue de lui.
-ocr page 410-
3 94                La Vie des Pelntres
�------II mourut e:i 1660 ag� de 70 ans. Il- fait voic
lS9°' 1ua ^es J�fuires ont eu auffi de grands hommes
dans la peinture.
On voit dans l'�glife des J�fuites d'Anvers Ie
chef-d'oeuvre du fr�re Seghers s c'efl: une guir-
lande de fleurs : tout ce qu'on peut voir dans la
nature , dans 1'une & 1'autre fiifon , fe trouve ra-
jm(T� avec choix dans ce tableau; fleurs, fruits,
infe&es, tout y eft du plus grand fini. Rubens a
peint au milieu la Vierge Sc 1'Enrant J�fus.
Chezl'�led^ur Palatin ,une autre guirlande pat
Ie m�me , au milieu beaucoup de figures repr�fen-
tant une F�te bachique: &a Rouen, chez 1'auteur
de eet ouvrage , deux tableaux : ce font deux
vafes de criftal 3 avec des fleurs & des infectes
peints fur cuivre.
A D R I E N
VAN LINSGHOOTEN;
ELEVE DE SPANJOLET.
�L prit naifTance dans la ville de Delft en 1590.
Le nom de fon makre eft conteft� , mais Ie
plus grand nombre dit que ce futle Spanjolet.
Sa vie �toit auffi peu r�gl�e que celle de Brau-
wer;
cela ne diminue rien de la beaut� de fes
tableaux, qui, quoiqne bien pay�s , n'auroient
jamais fauv� 1'auteur d'une grande mis�re, fi deux
fcEursnereulTent pr�venue par leur mort; devenu
h�ritier, il fe vit fort i fon aife.
- -;^^:^_____---
-ocr page 411-
Flamands , 'silkmands & Hollando�s. 395
En 1634 il fut dans le Brabant, o� il �poul'a-
une petite fille jolie & fans bien, avec qui il eut
deux enfans. Au bout de quelques ann�es de r�-
f�dence dans ce pays, il alla detneurer a la Haye ,
o� il a�t� fort employ�.
On vante de lui en Hollande un tableau qui
repr�fente S. Pierre devant la fervante de Pilat».
Un eccl�fiaftique , touche des exprefl�ons qu'il
avoit donn�es a fes figures, lui demanda pour
pendant, le Repentir du m�me faint, o� il r�uflit
�galement. Le peintre lui dit, d'un ton railleur,
tant d'impi�t�s, que le pr�tre en eut horreur &
s'en alla fans vouloir le tableau.
On voyoit de lui un Chymifte, a Delft, chez
M. van Heul j entrepreneur de poudrea Canon.
Ce tableau eft bien compof� Sc plein de g�nie :
la figure principale bien peinte & deflin�e. Dans
la m�me ville Sc ailleurs on voit beaucoup
d'aurres tableaux de lui.
Ildoit �tre mort vieux: on Fa vu travaillerdans
cette ville a Fage de 87 ou 88 ans : on ne fait
pas pr�cif�ment le temps de fa mort.
-PIERRE
S O U T M A N,
ELEVE DE RUBENS.
vje Peintre , quoiqu'il n'ait point �t� uri^des
moindres de ce�x qui font fords de 1'�cole de
Rubens, on ne fait cependant ri.en de particulier,
-ocr page 412-
La V"ie des Peintres
ni du lieu de fa naiflance, ni de celui de fa mort.
� ' dmpfing, hiftorien de la ville d'Harlem, dit, en
faifant fon �loge, qu'il avoit �t� peintre de
1'�le�teur de Brandebourg : il avoit aufl� paf�e
quelque temps a la cour de Pologne, o� il fut fort,
eftim�.
IJ peignoit 1'hiftoire Sc Ie poctrait, & il �toit
�galement recherche dans 1'un Sc 1'autre genre.
ESAIE (ou ISAIE)
VAN DE VELDE.
xsaie Fan de Velde^i en Hollande,s'eft tr�s-
diftingu� a peindre 4e5 Batailies; tant�t il repr�-
fentoit des rencontres de cavaliers, tant�t des
attaques de voleurs: � nabilloir fes figures a 1'ef-
pagnole. En 1.6.16 t\ deme^roit a Harlem & en
1650 aLeyden. Ses:®uvrages eftan�s furentpay�s
cher: il faifoitfouventtles.figures dans les tableaux
d'autres peintres.On croit ^i//t77z(ouGuill?.ume}
van de Velde, fr�re de eelui-ci.
3 n
-ocr page 413-
Flumands , Alkmands & JJo�andois. J 97
J E A N
ROODTSEUS;
ELEVE DE PIERRE LASTMAN.
Jban Rootseus, fils A'Albert, apprit'
la peinture fous Pierre Laftman. Le portrait en
grand fut fon principal talent. Queques-uns 1'onc
voulu egaler �n m�rite a Bartholom� vander Helfi :
s'il n'a poinc �gal� ce dernier, il a fait plufieurs
beaux portaits. Dans les buttes anciennes & nou-
velles de la ville d'Hoorn en Hollande , fe voit
repr�fent�s en grand les Officiers des bourgeois :
ces tableaux ont le m�rite de ceux qiu ont excell�
dans ce genre : il fit ces trois tableaux a 1'age
de 40 ans.
Roodtfeus �toit infatigable au travail, peudiffi-
p� & d'une conduite fort reguliere. Il eut un fils
appell� Jacques _, qui fut �l�ve de Jean-David de
H�em3
qui Pimita de fort pjcs. Ses ouvrages re-
.cherch�s lui ont procur� beaucoup de biens.
-ocr page 414-
CORNILLE
SCHUT,
atit de laville d'Anvers& �l�vedeRubens,
i
�90. �toit bon po�te. Nous avons de lui des ouvrages
o� brille 1'all�gorie. 11 �toir habile peintre d'hif-
toire & fur-tout propre aux grandes machines.
On voit de lui la Coupole de Notre-Daine
d'Angers, Sc dans la m�me �glife plufieurs
autres ouvrages.
Le fr�re Seghers, j�fuite, s'eft souvent fervi du
pinceau de Schut pour peindre des cama�eux &
«utres i�gures dans fes guirlandes de fleurs : il
-ocr page 415-
La Vie des Peintres Flamatids, &c. 399
gxava auffi a 1'eau-forte, On a de ce peintre plu- � '
Beurs eftampes d'apr�s fes tableaux & fes com- IJJ>°*
pofitions : auffi f�cond qUe fon ma�tre , quoique
moins correct, il avoit Un feu txtraordinaire ,
mais fouvent il donnoic dans Ie gris. Il y a ce-
pendant de fes tableaux bien colori�s Sc peints
avec force.
Van Dyck a fait fon portrait qui fe voit dans
Ie nombre des artiftes peints par ce ma�tre.
Voici les principaux tableaux de Schut. On voit
Ie MartyredeS. Georges , place a 1'aurel de la
confr�rie de Tarbal�te, dans la cathcdrale d'An-
vers; J�fus-Chrift mort, tableau au-de(Tus d'une
�pitaphe dans 1'�glife S. Jacques : ce fujet fe
trouve r�p�r� ponr une �pitaphe dans la m�me
�^life;dans leg�fe des P�collets un tableau
d'autel: lefujct eft tir� de la vie d'un faint de
1'ordre S. Francoisj dans 1'�glife des J�fuites
deux beaux tableaux j Ie premier repr�fente une
Aflon-'ption : re grand tableau eft un des quatre
qui font pof�s alternr tivement au grand autel ,
ie 1'autre eft 1?. IS'aiflance de notre Seigneur ; il
eft place au-deflus des confeflionnanx. On voit
a Gand , dans 1'�glife des J�fuites, une AiTomp-
4 beau tableau par Schut.
-ocr page 416-
400 ,. La Vie des Pelntrei
ALEXANDRE
RIERINGS.
■-------- Kj E grand peintre en payfages n'eft prefque
i �90. . connu qu'en Hollande. Nous avons pen de fes
tableaux en France ; except� celui qui eft dans
3e cabinet de M. Ie comte de Vence, & un chez
M. Blondel de Gagny , je ne crois pas qu'il s'en
trouve beaucoup d'autres.
K�erings vanoit peu fes payfages , il fe con-
tentoi: de copier exa&ement tout d'apr�s nature,
& finir avec une extreme panence jufqu'aux fibres
du bois & les �corces des arbres. Il y ghflbit dif-
f�rens toiis de couleurs qui fe trouvent dans la
nature , & qui ne s'appenpiventque quandon eft
habile. Ce fidele imitateur avoit une maniere qui
lui �toit propre pour tsucher la feuille de fes
arbres ; on y connoifibit chaqueefp�ce : fes fonds
fur Ie devant font piquans , & Ie grand fini n'y
donne point de la f�chereff�. Ce peintre eut re-
cours a Poelenburg pour orner fes payfages de
quelques figures : & dans tous ceux que j'ai vus
de K�erings , les figures �toient de Poelenburg.
LUCAS DE WAEL
ELEVE DE JEAN BREUGHEL,
----------N� i Anvers en 1591 , �toit fils d\in peintre
icoi. appell� Jean de Wad. Il marqua d�s fa jeu-
nelFe 1'inclination qu'il avoit pour la peinture.
Soa
-ocr page 417-
F/ama/ids, Allemands & Hollandois'. 40il
Son p�re lui donna les premiers principes., Sc
il fe perfe&ionna fous Jcan Breughel , qu'if a
fuivi de fort pres dans fa maniere.
Il voyagea en France Sc en Itali� �� il fit de
grands & beaux ouvrages a fraifque Sc a 1'huile.'
Son principal calent �coitde reprefenter dans fes
payfages des Rochers efcarp�s, desCn�tes d'eau,
des Soleils levafis Sc couchans t des -Orag«s 5' '
des Eclairs. Tous.ces fiijers , bien-nacuielJement�■'�;
imit�s j approchoienc de la maniere defbfrmajrr�Y
On Ie dit mort a Anvers, mais oa. nV pai
marque Je temps.
                      - - - �
.                                ■� . � «�..><
.7»' ■                          m »***^J"1S*_____m
... , ^
■ ■
■ ■�■               " "ff/ ■ * *
:       i
v * i. *, > -
�1
V
X
.
Tornt J.
-ocr page 418-
O N nfcdit point en^uejle viH& de-Frife il prit
naiffance : il �t��t peintre d'hiftoire , & fort
�ftim� par fes contemporains. Il paffa plufieurs
ann�es eu Itali� , & fur-tout a Rome o� il a
beaucoup travaill� : il fut nomm� par les peintres
de cetteville,le nobleFrifois, tant ils eftimoient
fes talens. On peut jager de fon exaiLtitude dans
fes �tudes de Rome, par Ie livre intitul� Cabinei
'des Statues,
imprim� a Amfterdam en i7°i- Les
figures & les pi�deilaux y font copi�s *vec beau-.
_ I__
-ocr page 419-
La Vie des Peintres � lamanis, &c. 40 j
coup de foin : on y reconno�c Ie gout de chaque
ma�tre. On indicjue dans Ie m�me ouvrage ies
endroits o� ils font places.
Son petit-fils Wy brand de Gh�efi exenja aufl� la
peinture , & fat �i�ve d'Jntoine Coxcie.
GUERARD
HONT HORST,
�L�VE D'ABRAHAM BLOEMAERT,
JNaquit en 155)2. dans la ville d'Utrecht. Il
appnc les prmnpes de fon art fous Abraham
Bloemaert
, & fut a Rome o� il a travaille pour 1592.
pludeurs cardinaux & autres perfonnes de dif-
tin�tion. Tous Ces ouvrages ne lont point diftrait
ni emp�ch� d'�tndier Ie beau. A yant pair�plufieurs
ann�es en Iralie , il fut en Av,g eterre , o� Ie roi
lui ordonna plufieurs tableaux qu'il fit avec ap-
plaudillement.
Sa conduite fage lui donna entree chez les
grands �, il fit les portr 'lts des princes, enfans de
la remede Boicnie, celui du prin~eRobert�c de
l'Ele�teur Palati'.. Ces tnble-aux furent envoy�s
en Angleterre a leur oncle Charles JL 11 enfeigna
a dediner a la princefTe Sophie & a 1'abbede de
Maubuiffon. II fit auili Ie porrrai: de la reine
Marie de M�dicis, & plufieurs tableaux pour Ie
roi de Dannemark ; & il fe fixa enfin a la Haye
avec Ie titre de peintre du prince d'Crrfnge, pOur
qui il travailla beaucoup dans fes maifons fc
Cc 1
-ocr page 420-
404              L* W' des Peintrcs
(hareaux , particuli�rement dans celui au Bois :
jl y travailloit encore en 1662.
Sa maniere eft belle & fcn deflin correft. Il a
m�rit� Ie nom de grand peinrre, & fes tableaux
places dans les plus beaux cabinets , font foi de
I'eftime due a 1'auteur.
On voit dans Ie cabinet de M. Ie duc d'Orl�ans
une Judith peintepar G. Honthorjl j chez 1'�lec-
teurPalatin, 1'Enfant Prodigue parmi les Prof-
titu�es i un S. S�baftien dans la cath�drale de
Gand, 8c une Defcente de Croix, o� 1'on voit
Notre Seigneur fur les genoux de fa ;M�re,
tableau d'autel qui d�core la chapelle de 1'�v�que
dans la m�me �giife.
H E N R I
BLOEMAERT.
t
Henri, �l�ve de fonp�re, m�diocre peintre,
d'un g�nie lourd, n'a nen laifT� digne des Bioe-
maert.
Adrien Bloemaert. fecond fils & Abraham , s'eft
fait une r�patation \ il voyagea en Itali�, 011 il
profita beaucoup : il qnitra Rome & fut a Salfe-
bourg; on y voit de fort bearix tableaux de lui
chez les B�n�di�tiiT-.Dans un duel qu'il eut contre
qn �rudiant, il re^ut un coup d'�p�e dont il mou-
jrut fur la place.
Corniiie Bloemaert, troifi�me fils, apr�s avoir
peint pendant quelque temps, quitta la peinture
pour la gravure : Crefpin JDepas fut fon makre
-ocr page 421-
Flamands , A�emands & Hollandois. 40 J
dans cedernier talent: fa r�putation augmentoit de -
jour en jour : il donna au public les defl�ns de
fon p�re & de quslques aurres bons pe�ntres. II
cjuitta fa patrie pour fe rendre a Paris, & de-la en
Itali� o� il grava une quantit� de planches d'apr�s
les plus beaux tableaus de Rome. Son abfenca
caufa du chagrin a fon p�re , qui, fe voyant tres�
ag� , Ie rappella plufieurs fois, mais inutilement:
Corn'dle avoi.t de la peine a s�loigner de la lource
du beau Comme il �toit pret a partir 3 il rec,ut
la nouvelle de la mort de fon p�re, ce qui Ie
d�terrnina a refter en Itali� , o� il eft mort dans
un age avance, tr�s-efthn� pour fon talent, &
fort recherche par les amateurs.
PIERRE SNAYERS.
On ayers naquit a Anvers en 159}. On Ie croit -
�l�ve d'Henri van Balen, Sc c'eft tout ce que
nous avons appns de fon premier temps. On ne
fait s'il fut a. Rome, mais on eft certain qu'il a
voyag�. Snayers �toit fibien fond� dans les r�gies
& la pratique de fon art, qu'on Ie vit exceller en
m�me temps a peindre 1'hiftoire , des batailles >
Ie payfage & Ie portrait. L'archiduc Albert 1'ap-
pela a. Bruxelles, Ie nomma fon peintre avec une
bonne penfion , & lui procura Ie moyen d'exercer
fon g�nie & fon pinceau. Les �glifes & les piin-
cipales maifons de Bruxelles Sc des environs
furent enrichies de fes ouvrages. Rubens Sc van
Dyck
lou�rent fes talens : Ie dernier fit fon por-
trait pour �tre place parmi les grands hommes de
Cc 3
-ocr page 422-
'406               la Vie des Pcintrcs
fon temps. Quelques ^tableaux de Snayers furent
envoy�s a la cour d'Efpaene: �s y port�renc fa
r�pntation au point qu'on lui en fit faire beaucoup
d'autres, & que Ie cardinal Infant Ie nomma dans
la fuite (�n premier peintre. Il fut auili un des
plus heureux de fon temps: eftim� des grands,
aim� par fes �gaux, il a v�cu fort long-temps,
puifqu'il travailloit encore en 1661. Pour donner
une jufte idee de fes talens, on doit 1'�ga'er aux
bonspeintres d'hiftoire, aux meilleurs payfagiftes,
�c a. ceux qui ont Ie mieux peint les batailles & Ie
portrait. Ildefliiiabieiij&quelquefois il colonoit
comme Rubens. On trouve peu de fes ouvrages
en France. M. Ie comte de Vence a de Snayers Ie
portrait d'un peintre payfigifte.
ADRIEN DE BIE,
�L�VE DE WOUTER (VAUTIER) AB�S,
IN atif de Li�re en 15 94. Il comtnenca la, peinture
1/SM* fous Vaut�er Aks, peintre m�diocre. L'�l�ve fur-
parfa fon ma�tre en peu de temps : il fut a Paris a.
1'age de 18 ans, o� il refta deux ans chez Rudolf
Schoof j
peintre de Louis XIII. L'application fous
ce ma�tre Ie fortifia beaucoup: il partit pour Rome
ot' il a reft� huit ann�es de fmte a copier & �tu-
dier les grands maitres. Il fut employ� par les
principaux de la cour de Rome 5c par les �tran-
gers : plufieurs cardinaux 1'engag�rent a peindre,
fut des plaques d'or & d'argent j fur des pierres
pr�cieufes; la puret� avec laquelle il faifoit ces
petits fujets eftpeu commune.
-ocr page 423-
Flamands, Allemands & Hollandois. 407
En 1613 , de retour a Li�re , il fit beaucoup;
de bons tableaux & de portraits. On regarde
comme le plus beau celui qu'il fit pour le corps
de m�tier des mar�chaux & ferruriers, repr�fen-
tant S. Eloy, place dans 1'�glife de S. Gommer
de la m�me ville.
Sa mort eft ignor�e : il laifla a la poft�rit� un
grand nom. Son fils, Corn'dle de Bie, a �crit fur la
peinture , & fait 3a Vie des Peintres, �n vers, fous
le titre de Gulde Cabinet der Edele ScKdder-K.on.fl.
CORNIHI
1
'm:
D E W A E L,
�L�VE DE SON P�RE JEAN DE WAEL,
jN aquit a Anvers en 1594. Iletoit fils de Jean
de Wael�c
fr�re de Lucas : il eut les principes de
fon p�re, & travailla fous plufieurs ma�tres. ll-rfif-
parier de lui de bonne heure. Le duc A'Arfchot Je
demanda a fa cour, le nomma fon premier pein-
tre : il fit pour ce m�me fergnexir plufieurs beaux
tableaux en Efpagne, ainfi que pour le roi Phi-
�ppe III.
Il paflaquelques ann�es dans les-Pays-
Bas; on ne fait point 1'endroit o� il a demeiu� :
on fait feulement qu'il �tcit excellent peintr� de■. ''
batailles. Perfonne n'a mieux repr�fent� les aitn-
buts de Bellone } les fi�ges, les attaques ? 'les
d�routes: il imitoit tous ces genres �galement
bienjl'effiroi r�gnoit par-tout ,1'horreur�toit mar-
qu�efur les phyfionomiesj Sc la douleur furie»
blefles.
Cc 4
s
-ocr page 424-
I�CAS
iVA'N UDEN,
�L�VE DE SON P�RE.
V an Uden naquit a Anvers Ie 18 ocftobre i 595.
^on P^e �toit auffi peintre j Bc donna des le^ons
a fon fils qui Ie furpaf�a bient�t. En �tat de fe
former lui-m�me , il eut recours a la nature, &
d�s Ie lever de I'aurore il parcourut les cam-
pagnes, toujours Ie crayon a la main. Il m�dita
liir les effets difF�rens qu'il eut occadon de remar-
quer dans 1'inftant que le/bleil diilipe les vapeurs
%$�}.
-ocr page 425-
�;
v
La Vie des PeintresFlamands3 &c. 409
de la terre, jufqu'au moment que eet aftre fe perd
dans Thonfon. Ainfi , guid� par un fi beau mod�le,
il mit en ex�cution fes �tudes & Ie fruit de fes
r�flexions.
Quelques tableaux de van Uden lui m�rit�rent
J'eftime de Rubens. Ce grand peintre 1'aida de fes
avis, il orna m�me plufieurs de fes payfages avec
de jolies figures : ce feivice mit au grand jour Van
Uden 8c
fes talens, & fit acheter cher fes tabieaux;
c'eft ici Ie temps de fes grandes entrepnfes. La
ville de Gand lui commanda plufieurs payfages
pour orner les chapeiles de 1'�glife cath�drale de
S. Bavon j & on vit dans les plus beaux cabinets
les produdrions de ce ma�tre. On ne fait autre
chofe de fa vie \ il mourut ag�, mais on ignore
1'ann�e de fa more
Pour faire 1'�loge de ce peintre 3 il fuffit pref-
que de dire que Rubens nous force a 1'admirer ,
puifqu'il s'eft fervi du pinceau de ce payfagifte
pourpeindre, de concert avec lui, plufieurs de
�es ouvrages. Ses payfages font int�reflans; des
cieux & des tamtams ciairs, une �tendue de pays,
des arbres vari�s: une touche l�gere donne du
mouvement a fon feuill�. Sa couleur eit naturelle,
tant�t tendre & quelquefois vigoureufe : fin Sc
piquant dans fes petits tableaux, large Sc d�cid�
dans Ie strand j on peut Ie mettre au rang de ceux
qui ontle mieux peint la figure. Il fera toujours
place avec difhn�tion d c�t� des plus grands mai-
tres : il a ce rang dans bien des cabinets. Nous
nous contenterons d'indiquer ceux qui font les
plus connus.
A Paris, dans Ie cabinet de M. Ie comte de
Vence,
onvoitdelui un beaupayfage avec figures.
-ocr page 426-
'410 La. Vu des Peintres FSaffiands, &c.
" Dans celui de M. Blondel de Gagny, deux payfages
avec figures, 1'un repr�fentant 1'Hiver.
Dans 1'�glife cath�drale de S. Bavon, a. Gand,
dans les chapelles a 1'entour du chaeur, plufieurs
grands payfages avec figures. Cestableaux paflenc
pour les plus beaux de ce peintre. 1 )ans la m�me
rille, chez M. Jean-Bap�jle Dubois , deux petits
payfages avec fignres , tr�s-piquans:, & dans Ie
cabinet de M. JDeyne, feigneur de Lievergem,
un payfage, grand tableau avec les figures da .
D. Teniers.
-ocr page 427-
DIRCK (THIERRY)
VAN
HOOGSTRAETEN.
J. hierry naquit en 1596, dans la ville d'An-
vers. Son p�re fut s'�tablir en Hollande dans Ie
temps des calamit�s qui Ie forc�rent a quicter fa
patrie. Ce p�re ne penfa alors qu'a �lever fon fils
dans une profeflion honn�te : il Ie plac.a cliez un
orf�vre habile, o� il apprit Ie deffin & la gravure.
-ocr page 428-
4ii                La Vle des Pelntres
-           On futfurpris desprogr�s qa'il fit.Encore jeune,
1796. il deffina &grava un EcceHomo. Certe peute ef-
tampe eft encore eftim�e. Il 11'en falloit pas davan-
tage pourle diftinguer parmi ceux de fon temps ,
qui travailloient a 1'orf�vrerie. Hoogflraeten vit
avec chagrin, que les orf�vres d'Alleimgne 1'em-
portoient de beaucoup fur ceux da fon pays po ut
la doture fur 1'argent; il en paria a fes parens &
obcint Idrpermilllon de voyager, dans 1'efp�rance
d'apporter ce fecret cliez lui.
En arnvant dans une des pnncipales villes im-
p�riales , il y trouva quelques-uns de fes compa-
triotes& particuli�rement des peintres. Le plaifir
de les voir travailler augmenta a mefure qu'il
vivoit avec eux, Sc enfin quelques clluiis le d�ter-
�nin�rent k prendre la palette & ■ hanger de talent.
Il y r�uflit a �conner ceux qui lui donn�rent des
lec^ons, puifqu'illes furpaflajmais un evenement
le forc.a a quitter 1'Allemagne 8c a retourner chez
lui. Alors fon p�re qui n'�toit point inftruit du
changement qu'il avoit fait, lui propofa un �ta-
bhiTement, & voulut le faire paner maitre orf�-
vre. Vous avez fans doute, lui dit-il, dans vos
voyagesj appris ce que vous vous �tiez propof�
d'apprendre. Non , r�pondit Ih�erryz fon p�re:
je m'�tois bien propof� de m'inftruire dans 1'orf�-
vrene; ma�s j'ai eu occafion d'apprendre la pein-
turequejeneconnoiflbis pas,& je me fuisreconnu
pour eet art un talent fi d�cid�, que je ne le
cjuitterai jamais. Il eft devenu bon peintre dans
la fuite, & nous difons apr�s Houbraken j que
fon deflln eft bon & fa couleur raaturelle. Thierry
eft mort a Dort le 20 d�cembre 164o. Il eut
deux fils peintres, Samuel Sc Jean, qui parokront
-ocr page 429-
Flamands, Allemanis & Hollandois. 41 j
dans eet ouvrage. 1/a�n� Samuel qui a �crit fur la
peinture, page 107 , dans l'introdu&ion de YEcole
de la Peinture ,
dit en parlant defon p�re , « qu'il
« �mitoit la nature avec une grande intelligence
« & bien de la v�rit�. » Les ouvrages de ce
peintre ne nous font pas affez connus pour en
dire davantage.
JACQ�ES
FRANQUAERT.
peintre favant a fait honneur a la ville de
de Bruxelles, lieu defanaifTince. D�s fon enfance
on Ie vit briller dans Jes �tudes latines, travail
p�niblepotu les enfans }Sc qui ne leur laifleaucun
vide. Franquaert feul , croyoit avoir bien du
temps de refte, apr�s avoir rempli les devoirs preC
critspar fes maiires.Letemps dont il pouvoitdifpo-
fer, foit pour Ie jeu on pour la promenade, il 1'em-
ploya auxfeiences les plus abftraites. Les math�-
manqnesqu'ilentendoitd�ja fort bien, Ie condui-
f�rent a en chercher 1'application: il apprit de lul�
m�me 1'architedture.
Infenfiblement il obtint un ma�tre de deffin,
& alors il reconnut Ie talent qui devoit un jour
1'�lever aux plus grands honneurs. Lejeune �l�ve
int�refTafon ma�tre qui Ie vit avaucera grands pas.
Il refta peu dans cette �cole ( dont Ie ma�tre ne
nous eft pasconnu ) & pritla route d'Italie. C'eft
dans Rome ou il fe forma j il y �tudioit avec Ie
-ocr page 430-
es Pelntres
m�me fucc�s la peinture, l'archice&ure, Sc il fit
des progres dans la poene Le commerce qu n eut
dans cette ville avec les favans, lui donna aufl�
1'entr�e des premi�res maifons d'Italie : c'eft ainf�
<ju'ilpa(�a plulieurs ann�es dans Rome. Franquaert
crut pouvoir paroitre dans fa patrie , o� fa r�pu-
tation �toit d�ja �tablie. Il retourna a Bruxelles,
o� 1'archiduc Alben, inftruit de fes grandes qua-
lit�s, le nomma fon peintre & fon architedte. Il
remplit ces deux places avec beaucoup de diftinc-
tion : fa maniere de vivre fagement & fa conver-
fation fpintuelle lui donn�rent entree chez 1'ar-
chiduclieffe, lors m�me qu'elle �toit d�fendue
aux grands de fa cour. Il eut 1'honneur de s'entre-
teniren particulier avec cette grande princefTe,
qui pnt beaucoup de plaifir a 1'entendre. Honor�
de l'efl:ime& combl� des bienfaits de ces illuftres
protecteurs, des ofFres av^ntageufesnel'ont jamais
d�tach� de leur fervice, qu'il ne quitta qu'a la
mort de fon M�c�ne. Il �leva a fa m�moire une
Chapelle ardente dans 1'�glife de SainteGndule,
o� il a �puif� {es talens pour fe furpafler. Il jol�
gnoit fes regrers a ceux du peuple inconfolable de
cette perte : il y a un hvre entier qui contient la
defcription de cette pompe fun�bre.
Franquaert fut auffi fort eftim� du prinre de
Barbanfon.
Il fit conllruire plufieurs ouvrages fur
fes deflins, dans le chateau de fon nom 3 Sc on ad-
mire la chapelle qu'il y fit faire. Il enfeigna la
peinture a Anne-Prancoife de Bruins, m�re da
chevalier Bullart: elle palfoit pour la plus hnbile
de fon remps dans eet art. Il la pr�fenta a Tarchi-
duchefle qni !a recut avec diftincirion. Wcyermans
dit axl/aieile lui commanda les myft�res dut
-ocr page 431-
Flamands } Alkmands & Hollandois. 415
rofaire, dont elle fit pr�fent au pape. Houbraken,
au contraire, dit que ces tableaux font faits par
Franquaert. L'archiduchefTe en fut tr�s-fatisfaite,
ainfi que fa faintet�. Ses tableaux Tont eftim�s
comme tout ce qu'il a fait en architecture. L'�glife
des J�fuites de Bruxelles eft un de fes plus beaux
morceaux. On voit de lui encore des reftes de
fortifications faites fous fa conduite. Savant math�-
maticien & po�te eftim�, il quitta a la fin de fes
jours tous ces travaux j fe �vra a la culture d'un
beau jardin, o� il cultiva des fleurs de toutes ef-
p�ces. C'eft dans eet innocent amufement qu'il
termina fes jours y on ne fait pas au jufte 1'ann�e.
-
:
■ f t
I
-ocr page 432-
7 .Jft(J.
1ENARD
B R A M E R
v
JN aquit a Delft en 15 96. Ayant �tudi� les prin-
cipes de fon art, il pafTaal'agede 18 ans par
Arras, Amiens & Paris ou il refta quelque temps,
& fut de fuite par Marfeille & G�nes d Rome.
Appliqu� pendant pli��eurs ann�es a copier 5c
�tudier routes les beaut�s renferm�es dans cette
v�le,il devint habile&fefit conno�tre par un
grand «ombre de tableaux.
Il en fit plufienrs en grand & en petit pour Ie
prince Marie Farn�fe, duc de Panne , qui lui
atti�erent
-ocr page 433-
F/amands j Allemands & Holland�is. 41^
attirtrem une grande r�putation. Il acquit beau
coup .tcgloire dans piniieurs ourr^ges qu'�l i�c a
Venife , Florence, Mantoue, Naples & Padoue.
Farmi Ie nombre confid�rable de tableau* qu'il
peignit errltali�,au gre des conn�iireurs, on en
dittingue deux : Ie premier til ia R�furrection dit
Lazare,quieicd>unegrdimecompofir!on,& remp�
de figures plcmes d'expreffiond'mi bon gout Sc
de bonne couleur; & 1'autre repr�fence un Saint
Pierre qui iv-nie Nctre Seigneur. I,es expreffions
dans les rigures rendent ces tableaux fltperieurs a
fes autres ouvrages. Il furpai�bit fes contenipo-
rains en Itali�, d peindre des vafes d'argent,
d'or, de bronze ou de marbre. Une imitarion
fervile n'a rien diminu� de la touche l�gere qu'if'
avoit acquife pour ce genre particulier.
De retour enFlandies, il fixa fa demeurei
Delft, o� il donna �es preuves qu'il n'avoit pas
perdu fon temps pendant fon abfence, &' qu'une
application conftante a�tudier les grands hommes
& la nature, lui avoit acquis des talens (i juftemenc
confid�r�s par les vrais connoifl�urs.
Il compofoit facilementj f�cond a produire,
on voit de lui un grand nombre de deflins & plu�
fi�urs fujers differemment trair�s. SeS ouvrages
font rerher«"hi's par les curieus. On s'eft plaiut
fouvent qu'il �pargnoit tr p Ie papier; rarement
voit-on un deffin de lui fans �rre trac� des dei�X
��t�s.
Il fitde beauxouvrages pour la maifon de Ryf~
vyck ; fes tablea 1 en pent cuivre fonr ing�nieu-
fement compof�s. Te po�te Smids a fait en vers
1'�loge d'iui rableaurepr�fentantPyrame&rT hisb�'-'
Ce peintre moumt^cin neiaic enqu " i
Tornt h                                134
-ocr page 434-
418 La Vle des Peintres Flamandsj &c.
Bramer peignoit bien en grand, comme nous
1'avons dit \ mais la plupart de fes petits tableaus
font des Nuits, des Incendies, des Cavernes &
des Souterrains �clair�s aux flambeaux. Les petites
figures font fpirituelles & touch�es avec bien de
la finefl�. Sa couleur eft naturelle & vigoureufe 3
c'eft ce qui a fait croire qu'il �toit �l�ve de Rim~
bram.
On voit un tableau de ce peintre a Paris,
dans Ie cabinet de M. Ie comte de Vtnce : il re-
pr�fente deux do�keurs qui difpucenc.
-ocr page 435-
J E A N
yAN GOYEN,
�L�VE DE WILLEM GERHITS.
Jean van Go yen, fils de Jofeph } naquit a
Leyden. en 1596. Son p�re, amateur de pein-
ture & de deflin, fe d�termina a lui faire ap-
prendre cec are. Il fut d'abord place chez Schil-
peroort)
payfagifte , qu'� quitta pour entrer chez
M. Jean Nicola�, bourguemeftre & bon peinrre.
Le jeune van Goycn panit �tre difficile a flxerj il
buicca bienc�c fon nouveau makre, pour entrer
Dd 2
-ocr page 436-
4io               La Vie des Peintres
fuctselnVement chez de Man , chez Henri
Kick,
&enhn chez Wil'cm ( Gu.illav.me ) Gerrits,
demeurant i Hoorn : celui-la fut 1'arr�ter deux
ans. Pendant ce temps qu'tl cmploya a �rudier ,
il avanca au point qu'il fecru: en �tat de travai�er
feul: il retourna chez fon p�re, o�il continua a �tu-
dier jufqu a 1'age de 19 ans, que 1'envie de voyager
lui prir. Il parcourat toutes les prmapales villes
de France , o� il exerc,a fon talent & particuli�-
rement a Paris j & fans aller plus loin , il retourna
chez lui, o� fon pcre, qui �toit bon juge, Ie
trouva fort avance, & crut qu'il ne lui falloit
?u'un grand maitre pour en faire un de fon fils.
Is pardrent enfemble pour Harlem, o� il Ie pla5a
chez Ifa�e vanden Velde : ce c�lcbre payfagifte
\\z avcc plaiiir fon �l�ve en un an devenir grand
peintre.
Il retourna fe fixer a Leyden, o� il fe maria
peu de temps apr�s fon retour : fes tableaux furent
recherches. Il travailh affidument jufqu'en 1631
qu'il quitta Leyden pour des raifons que les au-
teurs ne rapporteur pas, & demeura depuis ai la
Hayejufqu'aGmonquiarrivaalafind'avril $
Ses payfages font vari�s, & repr�fentent ordi-
nairement des rivi�res avec de petits bateaux
de p�cheurs, ou d'autres remplis de payfans qui
reviennent du march�. On y voit toujours dans les
lointains, foit un petit village , ou un petitbourg.
Il y r�gne par tont une touche facile Sc exp�di-
tive. Tout ce qu'il a fait eft naturel, auffi n'a-t-il
prefque rien fait fansl'avoir deflin� d'apr�s nature.
Ses deffins aflez nombreux au crayon noir &
blanc, font recherches par les curieax. Ses tableaux
tiennent tous un peu du gris 9 ce qui ne d�pend
-ocr page 437-
Flamands, Allemands & Holiandols. 411
pas de fa maniere d'op�rer \ iis n'�toient pas de
m�me fortant de fa main : 1'ufage d'un bleu qui
�toit pour lors forta la mode (appell� bleu d'Har-
lem) qui en a tromp� d'autres que lui j en eft la
feule cnufe. Tout ce qa'il a peint eft fait de peu de
chofe; quelques tableaux de lui ont �t� regardes
pour �tre p.eints par Dav�d Teniers. Il avoit une
facilit� peu commune a op�rer. Hoo°jlraeten dans
Ie quatri�me livre defon Ecole de Peinmie, nous
rapporte quev�/z Goyen, Knipbcrgken & Parodies
ont fait une gageure a qui fcroit mieux un tableau
dans Ie jour, & cela en pr�fence d'autres artiftes
leurs amis. Van Goyen furprit tout Ie monde dans
fa manoeuvre: ilpritfon panneau,& fansdeffiner
defllis, il frotta par-tout du clair, du brun plus
ou moins j enforte qu'on ne favoit ce que cela
produiroit. Alors on Ie vit retourner fur fes pas j
6c on voyoir. fortir de ce cahos un ciel l�ger, des
lointains, avec de petites maifons : un refte de
fortifications s'ofrroit fur Ie fecond plan , avec une
porte d'eau qui laillbit voir pres de la une ch�te
con^d�rable , une rivi�re avec des vaiffeaux , des
bateaux pleins de petites figures j & fur Ie devant
<lu tableau, des malTes larges & oinbr�es qui
donnoient la pcrfedlion a ce tableau, heurt�avec
efprit Sc d'une excellente couleur. Knipberghen
commen^a fur une grande toile un autre payfage :
il paroidbit que celui-ci prenoit fur fa palette des
ciels , des lointains, des rochers , des ruiffeaux &
des arbres tout faits, q�'il ne faifoit que les appii-
quer fur la toile j il eft certain qn'on ne peut allee
plus vite : ce bon tableau fut auffi fini avant !e
temps. Mais Parcelles d�monta ceux qui Ie virent
commencer: il prit fa palette Sc fes pincaaux, &c
Dd|
-ocr page 438-
4**                La Vit des Peintres
---------refta long-temps devant fa toile a r�fl�chlr fur ce
I �f>(. <lu� alloit faire _, & il paroif�oit que ce peintre ne
finhoit jamais, lorfquetout d'un coup il commen-
c,a avec une extreme vitel�e j il eut auffi fini pour
Ie temps : c'�toic une marine qui enleva tous les
fuffirages. Ce tableau �toit produit avec r�flexion ,
1'auteur 1'avoit conc.u avant de Ie faire, pendant
que les autres n'avoient penf� qu'en faifant. Celui
de van Goyen & de Kniphcrghcn �toient faits avec
cfprit Sc pleins de r^out; mais Parcel/es avoit pouc'
lui toutes ces parnes, & de plus la v�rit� d'une
�tude d'api�s nature. 11 ne dut donc Tavantage
qu'a la r�flexion. C'eft bien Ie principe g�n�ral,
qu'il faut penfer avant que «l'agir: qui pourra
tependant dire que les deux autres n'avoient point
�galement concu leurs tableaux avant de les faire?
Parce qu'ils ont �t� moins ce temps a r�fl�cliir,
ne pouvoit-il point arriver qu'ils penfaflent plus
vite?
On voit a Paris, chez M. Lempereur, trois pay-
fages de van Goyen, deux en forme ovale; & a
Rouen, che? l'auteur de eet ouvrage 3 un p»yfage
repr�fentant une petite rivi�re charg�e de pecits
bateaux,avec figures, un village dans Ie fond , &
fur Ie devant des mafures & des arbres j il eft du
bon ternps de ce peintre.
-ocr page 439-
F lamanis 3 Alhmands & Hollandois. 413
PIERRE DE NEYN,
�L�VE D'ISAIE VANDEN VELDE.
O N fera toujours �tonn� en voyant les ouvrages---------
de ce peintre, fur-tout lorfqu'on fera attention 15-07,
a la difficult� & au peu de temps qu'il employa
pour r�uffir dns fon art.
Il naquit a Leyden Ie 16 janvier 1597, de pa-
rens peu a leur aife. Son p�re, Pierre de Neyn,
tailleur de pierre, deftina ce fits, feulement ag�
de 11 ans, a ce m�tier p�nible qu'il exer^a pen-
dant quelques ann�es. Son g�nie,au-dei�usde eet
art m�cariique, fe porta a des connoiflances abf-
traites, fans aucun fecours que de ce qu'il pouvoit
m�nagerjournellement fur fon travail: ill'employa
a 1'achat de livres, Sc il apprit les math�ma-
tiques , l'archite�ture & la perfpedtive au poinc
que les artiftes Ie confultoient, & qu'a la fin il
enfeigna publiqnement ces fciences.
Parmi fes �l�ves, il eut Ifa�e vanden Velde ,
qui paflbit pour un des meilleurs peintres dans fon
genre; il 1'enfeigna fous condition qu'il lui pr�te-
roit des deflins, qu'il copioit a furprendre : apr�s
quelque temps, il lui donna des le^ons pour Ie
m�lange des couleurs, quelques bons tableaux a.
copier ,& enfin on Ie vit auffi-t�t makre qu'�l�ve.
Il abandonna la pierre pour la palene ^ fes tableaux
plurent; chaque jour on les voyoit augmentet en
tien: on ne padoit que de ce prodige.
En 1639 , fon m�rite connu par les principaux
■Dd 4
-ocr page 440-
414 La. Vie des Peintres F lamanis, &c.
*--------de Leyden lui fit donner la charge d'archite&e
� J97? de la ville. Il remplic cette place di^nement, tou-
jours en exercant la peinrure jufcju'a l'ann�e de fa
.fnort qui arriva en
R O E L A N T
R O G M A N
a Amfterdam en 1597. Son ulent
ptoit d.e peindre Ie payfage : il avoit beaucoup
d'intelligence, mais fes ouvrages font crus: on y
voit, a ;ela pr�sj beaucoup de v�rit� : tour ce
qu'il faifoit �toit d'apr�s des deflins copi�s fur la
nature. On voic en Hollande plufieurs eftampes
grav�es d'apr�s lui, repr�fentant la plus grande
partie des cnateaux & des d�bris de fortii�cations :
fes dellins font eftim�s par les artiftes.
I! �toit �ntime ami de vanden Lechkout 6c de
Kimbrant. Il vivoit encore a l'age de 88 ans, &
inourut peu de temps apr�s: on ignore en quelle
ann�e.
-ocr page 441-
.//■/.
'/"■'�■- ■■""H
THEODORE
ROMBOUTS,
�L�VE DE JA NS SE NS.
peintre, �l�ve de Janjfens, h�rita du g�nie--------
de fon malere j de fon envie contre Rubens, &c de 1597.
la folie ambition de vouloir 1'�galer.
Il naquic dans la ville d'Anvers en 1.597. II
�tudia fous Janjfens3 o�fes progr�s rapides an-
nonc�rent ce qu'il devint dans la fuite. En 1617.,
�tant en �tar alors de voir les beaut�s des grands
ma�eres, il partir pour 1'Italie. Quelques. ouvrages
lui procur�rent la connoifTance d'un gentilhomme
-ocr page 442-
La Vie des Peintres
qui lui commanda douze tableaux de 1'ancien
Teftament. lis firent connoitre ce jeune peintre
dans Rome: on ne parloit que de lui j chacun
voulut un tableau de fa main. Le grand duc tle
Tofcane le rit appelera fa cour j il exerca le genie
& le pinceau de liombouts. Plulieurs grands
tableaux d'hiftoire qui plurent au prince , lui
m�nt�rent fon eftime : il en �coit aim� \&c avanc
fon retour en Flandres, il le gratifia de pr�fents,
outre 1'argent qu'il lui avoit donn� pour fes oa-
vrages.
A peine fut-il arriv� a Anvers, qu'il fit �clater
fa jaloufie contre Rubens ; on 1'entendoit toujours
contredireceuxqui difoient du bien de ce peintre.
Parbleu, il ne peut rien manger, difoit-il ,fans le
partager avec moi.
Cette exprellion bafle hgnifie
que Rubens devoit partager fa gloire avec lui.
On aflure qu'il ne pcignoit jamais mieux, que
lorfqu'il �to.it anim� contre ce peintre & fes ou-
vrages» On pent juger de ce feu pat les beaux
tableaux qu'il fit alors , tels que S. Fran^ois qui
re§oit les Stigmares; Abraham pret a immoler
fon nis; Th�mis & fes attributs : ce deniier fe
voit dans la falle de juftice a Gand. Ce tableau
�tonna Rubens m�me : il y a des parnes ou 1'on
pretend qu'il avoit furpafT� ce grand peintre :
c'efl: beaucoup dire. Il m�rita, a tous egards, le
nom de graad artifte. On regrette le temps qu'il a
paiT� a peindre des d�corations de th�aires, fou-
vent des fujets de cabarets & de tabagies, des
boutiques de charlatans; il y �toit port� par le
gnin. hes figuresfont prefque grandes comme na-
ture , Sc font d'un beau dcffin, d'une exprefl�on
, d'une couleur chaude Sc fiere ,
------ _
-ocr page 443-
Flamands j Allemands & Hollandois. 417
ie d'une touche de pinceau large & facile. -
Non content de vouloir egaler Rubens dans la
peinuu'ejilpouiTa la vamt�jufqu'a. vouloir atteindre
afa magnincence. Comme il gagnoitbeaucoup, il
forma Ie projet de batir un palais, & Ie mu en
ex�ciuion. Il paro�t qu'il n'avoit fait Ie devis qu'un
peu tard.- A peine fon hotel �toit-il a moiti�, qu'il
apperejut que tous fes fonds �toient �puif�s. La
guerre lui �ta les moyens de remplacer cette d�-
penfe : il vit fa folie, & il en ent regret: il 'pr�-
texta que Ie duc de Tofcane Ie demandoit avec
mftance pour peindre de grands ouyrages , & par-
la il crut cacher la n�cei�lt� o� il �toit d'aban-
donner fa maifon. Il fe pr�paroit a partir jmais Ie
chagrin .ruina fafant�, ilmouruta.Anvers,felon
Weyertnans , en 1640 , & felon Houbrahen , .en
��37. Il fut enterr� dans 1'�glife des Carm�lites
de la m�me ville.
Ou voit a Gand , dans 1'�glife cath�drale de
S. Bavon, nne Defcente de Croix, tableau d'autel
compof� & peint dans la maniere des plus grands
maitres. Et chezM. Dcyne, feignenr de Lievergem,
un autre tableau repr�fentant plufieurs foldats
qui jonent aux cartes. Les figures font grandes
comme nature. Plufieurs �glifes & cabinets fe
rrouvent d�cor�s par ce peintre.
JEAN PARCELLES ,
EL�VE D'HENRI VROOM.
^               n�a Leyden , on ne fait pas 1'ann�e;
on Ie place aupi�s de Pinas j environ 1'an 1597.
-ocr page 444-
41 $                   La Vit des Peintres
II eft �l�ve d'Henri Vroom; il peignoit ordi-
nairement des mannes. Les tableaux ru il a re-
pr�fent� la mer dans fon calme_, font beauxj on y
voit une foule de peuples, de p�cheurs ou mate-
lots �tendre ou jeterleurs filets. Toutcs ces figures
font d'une jolie touche pleine d'efprit j chaque
petit tableau eft agr�able par la repr�fsncanon
vraiequ'il a lui -m�me �tudi�ed'apr�s nature. Mais
ceuxo� il excelloit, font les orages, les mers agi-
t�es, les naufrages o� Ie ciel eft confondu avec la
mer, les �clairs, toutes les horreurs d'une tem-
p�te*, des vaifleaux brif�s ou pr�ts a �tre englou-
tis : ces fortes de fujets font tr�s-bien rendus : on
ne peut les imaginer fans les voir d'apr�s nature :
ilfaifitaufll toutes les occafions,fouventavec p�r�.
Il mourut a Leyerdorp , & laifTa �n fils appell�
Jules Parcelles , qui 1'a fuivi de pres dans Ie m�me
genre. Les connoiireurs les ont quelquefois con-
fondus : d'ailleurs, leurs tableaux font �galement
marqu�s d'un /. P.
JEAN et JACQUES
PINAS,
F R � R E &
C«es deux fr�res font n�s dans la ville d^Harlem.
lis peignoient tous les deux �galement bien la
�gure Sc Ie payfage. Jean Pinas a furpafle fon
ft�re: il demeura long-temps en Itali� avec Pierre
-ocr page 445-
Flamands 3 Allemanis & Hollandois. 419
tajlman. Ses ouvrages y furent r�pandus dans les
maifons �c cabinets. Sa maniere un peu rem-
brunie ne laifla pas que d'avoir des partifans: on
dit g�n�ralement qu elle plaifoit a Rimbrant, &
qu'il a fonn� la fienne d'apr�s Pinas. On vante
un tableau de Jean j representant Jofeph vendu
par fes fr�res. On ne fait rien de plus de leurs
vies, finon que leurs ouvrages furent eftim�s.
PIERRE MOLYN,
Aussi d'Harlem,& contemporain des fr�res
Pinas. Molyn �toit bon payfagtfte. Ses cieux Sc
lointains font d'une grande l�g�ret�, &fes fonds
fur Ie devant de bonne couleur.
Fin du premier Tome.
-ocr page 446-
TABLE ALPHAB�TIQUE
"DES
NOMS DES PEINTRES
CONTEN.TJS
DANS CE PREMIER VOLUME.
Earentfen , Dirck ( Tliier-
r )                         '55
Kartels, Gterard, 269
Jx. c H e N , Jean van ,
Page 2I9
Achtfchelling, Lucas , 16
Aertfen , Pierre
            io8
Aercz, Rickard,             5 5
Aldegraef ou AHegrever, M
Alfloot, Da'ieiva/i, xjs
Antonizo, Corni�e, Sj
Arents , jean ,
              390
Artvelt, jindr� van , i6j
Beer, A'iioid ue ,
Beer, /o/i, A de ,
Beerings, Gregoire,
37
213
93
BeukeiJir, j cachim , > ^o
Bit, /drien ac ,
            406
Biefeliurhen, CiueftUn van,
Bnc, i't-.ri de,
B!o.-k, / cq Rcugers ,
Bockiand: , Antoin
de Moti'foit,
B'oerc�trt, Airskam
:-<■
ivo
,246
440
94
'57
M7
'9
2.1
357
�Dabeur , Tk�odore, 272
Backer, Jacjucs de, 142.
Badens, Franfois, 280
Badtns, Jean,
              Z92
Bai'li, David ,             389
Bakeree! , Guillsume
& Gilles,                268
Balen , i/fnri van , 237
Balten, Pierre,
            l�%
Bamesbier, Jean;          yi
Blcndeel , Lcnsioot ,
Bo', fiiuu ( Jean )
Bom, Pierre,
Bos , Jtromt,
Bos . j'aii-louis ,
Borgt j Henri � ander3
Braeraer, Ltnard,
Bray , Sa'omon de ,
liientclfFr�d�ric,
274
-ocr page 447-
TA B
Breugliel, Jean ,          376
Z E.                    43»
Druyveft«yn, Arnoltjanjfe,
Breuglir-I, Pierre, 101
Bril, Mathieu & Paul, 208 Durer, Alben,
Broecke, Crifpin vanden,
142                     E
Bronckhorft, Pierre > j*73
E
LBRUCHT, Jean van, yz
Brun, AuguJUn , 274
Elzheimer, Adam , 2§j
Englielbfechcfen, Cornilie,
Enghelrams, Cornille, 137
Erafnie, Diaier,
          22
Es , Jmques van ,        z.6j
Eyck, Huben &c Jean var.,
L»L AESSOON, Aert
( Arnaud )                67
Cl�ef, Joeph van, 104
Cl�ef, l/c/z/v � Martin, de,
Coignet, Gilles           147
Cocl, Laurent van, 1 27
Cooninxloo , Gilles de ,
172
Cornelis, Corni'le, 240
Corne'ifz., Jacques, 48
Coruilie, af/t /t Cuijlnier,
Coxcie, Mickel,            57
Crabec , : ^>cA & Wouter
( Vautier )
             j 24
Craberh , Franfois , 90
Crahtrh , siarien , 208
Crabetli, Wouter\Vautier)
-T EDDES , Pierre, 273
Florr , Franc ( Franfois de
grindt)
             in
Floris, Cornille,
21 f
Frans, AT.
Franck , J�r�me ,
& Ambroife ,
Franck , Franfois ,
Franck, A-ubioife,
Franck , S�baftien ,
7^
176
3^4
^                ,        282
Fiancquaerc, Jacques ,41}
CranfTe , Jean ,              32
Crayer , Gufpard d: , 350
D
JL'a�i.e , J«a^ va», 148
Lkch, Jean ,
              2 f t
Da�Cj Jacques WiLUms ,
276
Delmont, Deodaet, 347
CjA s t, Mickel de, 111
GeJ?ietfniaii, Vincent, 164
Gheeft, J.,cques de, i6<)
Gbet�, Wybrand de ,
402
Gheyn , Ja, :'ues de, 249
Goes, Hugues vander , 8
Goltzius, Huben, 128
-ocr page 448-
TA�LE*
341
Goltzius , Henri ,
Gortzius , Gualdorp
dit Ge/dorp,
Gouda, Cornille van,
Goyea , Jean van ,
Grimmer, Jacques,
Grobber, Franfois,
230
Janflens, Alraham ,
26�
Jean,
Guerard de S.
10
217
Joris
, David ,
i©7
Joris,
Auguft�n ,
134
419
Ifacs,
, Pierre ,
259
97
333
K
Guerards, Mare,          14J
H
xl A EN , David dt, 275
Hals, Franfok,            360
Harlem , Dirck ( Thierri)
11
Heek, Nicolasvander, 346
Heere, Lucas ie , I52
Helmont, Lucas-Gajfel 12
Ml
Hemmelinck, 2�a«.t ( J«an")
van,
                           33
Hemskerck , Martin , 60
Herder,
                       215
Heu vick , Gafpard, 214
Heyden, Jacques vander,
Hoefnaeghel, Georges, iS©
Hoey, Jean de,
            180
Holbetn , Jean ,            7T
Hollandois, Jean l', 47
Hollman, Hans {Jcan), 274
Honthorit, Guerard, 403
Hooghenberg, �anf {Jean)
Hoogftraeren , DzVd:
Tkierri ) rj.i,          411
Horebout, Guerard, 77
JValgker , Jean van , 80
Kamphuyfen, Dirck-Tk�o-
dore Raph.e'l,          \6<)
Kavnoi.-, Nicolas j Roger
�c Jean,                    132
Ketel, Conille,           199
Keulen , Janjons van , 344
Key, IViltem ( GuiUaume )
133
Kierings , Alexandre , 40W
Klerck , Henri de,
        27 5
Koeberger. F~ nce/l.iusyl<>$
Koeck , Pierre ,             8S
Koek, Mathieu Sc J�r�me ,
93
Kryns, Everard,          2J5
Kunfl, Cornille,           
Kuyck , /«as van, I44
J-iAENEN, Chriftophe-Jean
vander,                    X72.
Laftman, Pierre,         242
Leyden, Lucas -van, 42
Lietnaclfe1 .'�■i.oias d" ,
furnonm� Rooft, 2§'7
Lierre, Jojeph v n , 1^$
Linscliooten , Adrien van ,
394
Lombard , Lambert, $6
Lys, Jean,                  263'
Mandyn ,
J ACOBS! Simon, 131
-ocr page 449-
TJBLE.
Ottov�niu»
43j
O�Javio van
M
veen,                         2.23
Ouwater, Albtrt van, 9
Lab�se , Jeande , 85
iiiie , Gnillaume, 174
Mander, Cark ( Charles )
van ,                         194
M;i :dyn , Jean ,            16
Mathilfens, Abraham, 275
Mrire, Guerardvander, ij
Men ton , Franfois , 112
M-flls, Quintin,
          17
Mirevelt, Michel, 2J<»
Molenaer, Cornille, 169
Molyn , Pierre ,
          429
Montfort, Antoine Blotk-
lant,                         150
Moreelze, Pau/, 279
Moro , Antoine,
            98
Moftaert, Jean ,            77
MolLerr , Franfois
& Gilles ,                 121
Mycens , Amoli,          169
-t atenier, Joachim,
Parcelles, /<ran,
Parcelles , Jules,
Pepin , fllartin,
Piece-s , Pierre,
Pitters, Amold,
Pieters , O�rck,
Pieters , Guerard,
Pinas, Jean,
4*7
4iS
326
171
nx
219
330
41S
Plas, Pi rrt vander, 26$
Poelenbarg , Cornille, $6$
Poindre, J.icques de, 11><)
Porbus, Pierre ,
             �)�
Po bus, Franfois ,
Porbus, franfois ,
^77
R
N
-LLavesteyn, /f�/z v*n ,
Rh -ni, Remi van , 236
Rkke, Bernard de , ijl
J-NeE�s, Pierre,
269
Neyn, Pierre de, ^_ ,
Nicolay, Ifaac,
            164
Nieulanc, Jean,          2 f 9
Nieulanr, Guillaume, 363
Nop, Gernt ,             2�j
O
Uort, hambrecht van^
III
Oorc, .A&zrn ra» , 228
Orlejr, Bernard van , 38
Rogman, Rolant, 424
Rsmbouts, Tkeodore, 42c
Roodcfeus, Jean, 39-7
Roofe, Nicola< de Liemac-
cker,
                        287
Rottenhamer, �«««, 243
Rubens, Pierre Paul ,207
RyGk, Pierre Cornille van ,
Ryka«rtj Martin, z6i
E e
-ocr page 450-
454             TABLE.
S                      Tilburg , JEgidius van .
:,Antoinet 273    Toeput, Louis, 213
Same�ng, Benjamin , 116    Torrenrius, Jean, 382
Savery, Roland, 293                     V
Schoor�el, Jean , 50   tt
Sch�oten , Gcorges van,     V ADDER, Louis de, 1$6
370    Valckemburg, Lucas
Schut, Cornille, 39S       & Martin , 149
S�tu , Marin de, 116    Valcks, Pierre , 358
Seghers, Guerard,' 386    Valkaert, IVaernaert van-
Segher? , Daniel, UJ'rere       den, 2<)l
J�'uite, 391    Veen, O�ivio van ( 0«o-
*«Bgher , i&M (Jean) 9J       venius) 223
t^yers , Pierre, 40�    Velde , JT/aiV:, 396
Sntllinck, /f�nj C Jean )    Venne , yJ^'«ra vander,
179                                     374
Sneyders , Franfois, 230    Vereycke, i�<z«J ( Jtan }
Soens , i�anj ( Jean ) 218                                      9^
Someren , Eernard & Pfl«/   Verhatgt, T»bie , 25'
van , 333    Vermeyen , Jean Cornille ,
Soucman, Pierre, 395                                      S"
Spilr, Adrien vander, 147    Vinckenbooms , David ,
SpraDget, Bartholom�, 184                                    3*7
Stalbemt, Adrien\ 340    Vifcher, Cornille de, 131
Steevens, Pierre,' . ZI4    Vlerick , Pierre, 161
Steenwick , Henri, 240   Witt, Willem (Guillaume)
Sreenwyck, Henri, 384       vi«, 364
Scradamus , Jean, IJ9    Vliet, Henri van, 364
Swart ,Jean, 30    Volckaen, li
Swarts, Chriftophe, 167    Yqok , �orr.ille vander ,
Switfer, yc/ipA. 260                                    345
Vos, Mertin de,         117
Vofmer , J^cques Wouters,
T                                                   .358
^,                                     Vrie , P/re* ( Thierri ) <k
X zm�*.s,David,levieux,                                    147
349   Vriendt, Franfois de Franc-
Terbrngghen , Henri, 371       f/ore, III
Thoawu , J»equcs-Erncft,    Vlies , Jean Freieman ie ,
-ocr page 451-
TAB IE.
Vroom, Htnri CornilU , Wty4e, R�gcrvander,
2J4 Wildens, Jean,
          3
U                      Willaerts, Adam,          9
UWillems, Mare,          138
den , Lucas van, 408 Winghen, Joftpk van j 177
XJytCQvcael, Joachim, ijl Witte , Lievin de, 96
Witte , Pierre de ; aoj
W
                     Witte, CornilU de, 28j
W ael, Jeande,       217                      Y
Wad , Lucas de,         400 -yr
Wael, Cornille de ,     407 I MUS �Ckarlts d' JB
Weerdt, Adrien de, 98
Fin de la Table. .
Ee
-ocr page 452-
TABLE
DE S PEINTRES
AVEC PORTRAIT.
Gove/ij Jean van,
B '<■■'■'
TJ            tt .                          H
JLJ ALEN j Henn van, ■»- j-
^ 57             gj
Bloematrtj Abraham,   Hemsherck _, Martin, �'o
24^   Holhcen j ]ezn, 71
Braemer3 Lenard ,"410   Hoogjlraeten _, Dirck
Breughel, Pierre, 101        (Thierri) 411
Breusheli Jean, 376*
K
C_�V OEBERGlRj Veil-
s/rE^j Gafpard ceflaiis,           zoj
de,                   350
E                             M
j Jean, %}
±$i    Mander, Carle ( Char-
Eyck j Hubert �" Jean       les ) van , 194
van j 1    Mcjfis 3 Quincin, 17
G                     Mireveltj, Michei, i$6
\j-HEESTj Wybrand,                     q
401    ^
'Golf�ws3 Hubert, 128    %^/ORTj Adam van,
Golf(iusj Henri,                                            S
-ocr page 453-
TABLE.                4?7
0rley3 Beraard van, 3 8 Spranger, Bartholom�,
184
P                       Steenviick 3 Henri ,384
OELENBURGjCo�-
mlle, 3*5    T
R                                                    382
j /ean                    '
t,^' rr. ,341    fziKjOetAviovan;
Rombouts j Theodore 3       ( Ottovenius) 213
» 1 �- P4V    rojj Martin de, 117
Rubais, Pierre-Paul,   Friendt ^an^oii de,
197         (Franc-Flore) til
j Rolant ,              -
Z9i    [JdjeNj Lucas van?
Schoor�el 3 Jeanj 50                               408
Schut j Cornillej 398                  ^-
�y^AerjjDaniel, Ie fr�re     ~fW7~
J�fuice, 391    ff lLDEXS,Jean,
Sneiders, Fran^ois, 330                                        3 J ^
Fin de la Table des Portraits.
-ocr page 454-
A P P R O B A T I O N.
J
*Ailu,par ordre de Monfeigneur Ie Chanceliw, im
Kfanufcrit intirui� : La VU des Peintrcs Fiamands ,AHt-
mands & Hollandois ,
ouvrage d'urie grande recherche,
ex�cut� avec autant de fagefle & de gout qu'il eft int�-
retTant dans fon objet, & qui m'a paru tr�s-digne de
flmprefl�on. A Paris, ce vingt-neuf juin nul fept cent
cinqusnte-deux. Sign�, ROUSSELET.
PRIVILEGE D U R O I.
■"o�i's , par la grace de Difii, roi de France & de
Navarre : A nosam�s & fiaux Confeillersles Gens tenant
nos Cours de Parlement, Maitres des Requ�tes ordinaires
ie notre H�^el, Grand Confeil, Pri^v�t de ,Paris, Baillifs.
S�n^chaux, leurs Lieutenans Civils & autres nos Jufticieti
ip'il appartiendra , Salut. Notre am� Ie fieur Descamps
Nous a fait expofer qu'il dtfireroit faire imprimer Sc don-
ner au Public un ouvrage qui a pour titre : La Vit des
Pezntres Fiamands , Allemands & Hollandois,
t'il nous
plaifoit lui accorder nos Lettre? de Privilege pour ce n�-
cefTaires : A ces causes, voulant favorablement traiter
J'Expofant, nous lui avons permis & permettons par ces
prefentes, de faire imprimer ledit ouvrage en un ou p!u-
l�eurs volumes & autant de fois que bon lui femblera, &
de Ie faire veadrei� d�biier par-toutnotre royaume, pen-
dant Ie temps de quinze ann�es conf�cutives, a compter du
jout de la date des Pr�fentet. Faifons d�fenfes a tous im-
primeurt, Libraires 8c autres petfonnes de quelque q�alit�
& condition qu'elles foient, d'en introduire d'impreflioa
�trang�re dans aucun lieu de notre ob�iffance : comme
auffi d'imprimer ou faire .imprimer, vendre , fa're vendre,
(Jcbirer ni conttefaire ledit ouvrage, ni d'en faire aucun
extrait, fons quelque pr�rexte que ce foit, d'aagmenta-
tioa, cetrettiou, changement ou autres, fans la peraiiflloo
-^� -
-ocr page 455-
par �etit du<3it eipofanc ou de ceux qui ayrontdrott
de lui, a pcine de confifcation des exemplaires con-
ttefaics , de trois mille lirres d'amende contre cliacun des
contrevenarcs, donc «n tiers i nous, uu tiers a 1'Hotel-
Dieu de Paris & Pautre tiers audir. expofantoua celui qui
aura droit de lui, & de tous d�pess , dommages & inte-
rets : a la charge que ces pr�fentes feront enregiftr�es tout
au long fur Ie regiftre de la commuuaut� des impritneuts
Sc libraires de Paris, dans trois mois de la date d'icelles j
«jue 1'impreff�on dudit ouvrage fera faire dans notre royau-
me &non ailleurs, en bon papier & beaux carad�res, con-
form�ment a !a feuilie imprim�e , attach�e pour mod�l^
fous Ie contre-fcel des pr�fcntis; que 1'imp�rrant fe con".
f�tmera en tout aux r�gleme^s de la librairie, & notam-
Kient a celui du 10 avril 1715 ; qu'avant de 1'expofer en
vente , Ie raanufcrit qui aura fervi ds copie i 1'impreliloa
dndir ouvrage, fera remis dans !e m�me �rac ou 1'appro-
bation y aura it� donn�e, h mains de norre tres ~ che^ 5c
f�al ch«valier, chancelier de Trance , Ie fieur de la Mbi-
gnon , & qu'il en fera enfuite rrmis deux exemplaires daljs
notre bibltoth�que pubiique, un dans celle de notre cha^
teau du Louvre, un dans celle de notredit tr�s-cher Sc
f�a! cbevalier , chancelier de France, Ie (�eur de la Moi-
gnon, & un dans celle de notie tr�s-cbet & ftal rhevalier,
garde des fceaux de France, Ie fieur de Machault, com-
mandeur de nos ordres, 1c touv a peine de nullit� des pr�-
fentes ; du contenu defquel'es yous man jons & enjoignons
de faire jouit ledic expofant & fes ayans-caufe, pleine-
ment Sc paifiblement, fans foufFrir qu'il leur foic fait au-
cun trouble ou emp�chement. Voulons que la copie des
pr�fentes , qui fera imprim�e tout au long au commence-
ment eu 3. la fin dudit ouvrage, foit tenue pour duement
fignifi�e,& qu'aux copies co�ationn^es par 1'un de nos
am�s & f�aux confeillevs fecr�taires, foi foit ajout�a
comme kl'original. Cornrnandons au premier notre huif-
fier ou ferg«nt fut ce requis, de faire pour 1'exe'cu'ioa
i'icelles , toHS actes requi1; & n�cefTaires , fans demander
autre permiflion, & nonobftant clameur de ba'o, charte
normaiide 8c lettres a ce contraires ; car tel est notre
plaisir. Donn� a Compifgne , Ie qainzi�me jour du
mois de jui�et, 1'an de gtace mil ftpt cent ciuquame-deux
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& ie notre t�gnt Ie treau-feptirme. Par Ie roi en fon
confeil. S/�^, SAINSON , avec grille & paraphe.
Regiftr�fur Ie regiftre XIII de la chambre royale des
ftbraires & imprimeurs de Paris,
n. 16 fol. 17,conforme-
ment au reglement de
1715 , quifait d�fenft, article IV,
a toutes perfonnts de quelque qualir� & condit�on qu'ellel
foient, autre^queles libraires & imprimeurs, de vendre,
d�biter Sc faire afficher aucuns livres pour les veadre en
leuts noms, foit qu'ils s'en difent les auteurs ou autrement,
& a la charge de fournir neuf exemplaires a la fufdite
ckambrt, prefcritspar l'article
ic8 du. m�me r�glemmt, A
Paris, Ie Urfeptembrc
1751. Sign�, J. HER1SSANT,
cdjtint.
De 1'impriraerie d'ABRAHAM VIRET, imprimeur ordi-
naire de l'H�tel-de-Ville & de 1'acad�mie royale des
fciences, belles^ettxes & arts de Rouen, rue S�n�caui,
pr�i S. Martin fut Renelle, 17;!.