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L A V I E
PEINTRES
FLAMANDS,
ALLEI/IANDS ET HOLLANDOIS,
AVEC DES PORTRAITS
Gravés en Taille-donce, wne inrlication de leurs
principaux Ouvrages, 8c des Réflexions fur
leurs différentes manieres.
Par Mr. j n T)KS_C 4MPS Pe:/!tre> Membre de
V'AcadémieImperialeFranciscienhe, de celle des Sciences,
Belles-Ijetlres et Ai ts de Honen, et Professeur de PEcole ■
du Dessein de la ménie Ville.
T O M E TROISIEME:
A PARIS,
DssiiKret S-iit-LiST rue ^e S# Jean de Beauvais,
rue du Foin.
Chez
M DCC LX.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE PU ROL
.-,
-ocr page 2-
A MONSIEUR
DE LA LIFE DE JULLY,
INTRODUCTEUR
DES AMBASSADEURS,
HONORAIRE
DE L'AGADÉMIE ROYALE
DE PEINTURE & DE SCULPTÜRE.
ONSIEUR,
Les Ouvmges qui parlent des
Artijlcs & des Arts, ne pcuvent
ai ij parou
-ocr page 3-
----
paroitre fous de meilleurs aiifpices
que fous les noms de ceux qui les
cultlvent y qui les honorent, & qui les
protégent comme vous. La Peintiire
& la Gravure font vos amufeménts,
MONSIEUR, (a) & c'eflau
milieu
(a) M. de la Live peint en minia-
turc, et il a gravé pres de cent Pïanefees,
que les meilleurs Artistes ne désavoue-
roient pas. Tout Ie monde connoit son
Cabinet de Tableaux des Ecoles Flamande
et Hollandoise. En Amateur instruit, il a
formé encore un Cabinet uniquement de
nos Maitres Franc;ois, anciens et moder-
nes; il y a ajouté les terres cuites des ré-
ceptions des Sculpteurs qui composent
1'Académie Royale, et d'autres morceaux
aussi précieu^ : ensorte que ce seul Cabi-
net renferme une partie des chef-d'ceuvres
^deJ'Eedle Fransoise, et justitie 1'estime de
1'Europe pour elle.
-ocr page 4-
vij
milieu des produclions des plus célé-
bns Artifles que vous vous fakes un
plaifir de recevoir ceux qui viennent
pour les admirer & les imker: Et
vous ne fakes cette immenfe collec-
tion avec tant de dépenfe & de choix,
que pour Ie pro fit des Arts , & de
ceux qui cherchent a parcourir cette
carrière longue & difficile, dans la-
quelle vous leur ferve^ pour ainji
dire, de guide, en leur procurant des
modeles rares en tous genres. Je fe-
rois trop heureux,MONSIEUR,
Ji èclairè & 0.000000e+000lé comme vous Vetes t
vous daignie^m'accorder uneparde
a iv de
-ocr page 5-
----
viij
de cette ejiime qui ejl Ji propre a
encourager ceux qui s9occupent des
beaux Arts.
Jefuis avec
MONSIEUR,
Votre très-humble & très-obéiiïant
Serviteur, J. B. DESCAMPS.
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Tij
AVERTISSEMENT.
Crire la Vie des Peintres de
Flandre, d'Hollande et d'Al-
lemagne, c'est écrire en partie
1'histoire générale de la Peintu-
re, et 1'histoire particuliere de 1'Ecole Fla-
mande. Comparer les Ouvrages des Ar-
tistes qui ont vécu depuis 1 époque heu-
reuse de la Peintm^e a 1'huile, c'est-a-dire
depuis les freres van Eyck jusqu'a nous,
c'est tracer 1'origine et les progrès, les ré-
volutions et les changements, et alternati-
vement la chute et la renaissance de cette
célébre Ecole.
Voila quel a été mon dessein dans eet
utile Ouvrage, dont les deux premiers vo-
lumes sont la premiere partie. On a du re-
marquer dans presque tous les grands hom-
mes, dont j'ai donné la vie, qu'ils ont eu
Ie même objet, qui est de représenter la
nature, mais qu'ils ont presque toujours eu
des manieres différentes de la représenter :
on voit notre Art changer continuellement
-ocr page 7-
x          AJ^ER TISSEME1S T.
depuis les freres van Eych jusqu'a Ru-
hens
, et se perfectionner par degrés.
Estimables par leurs soins dans la recher-
clie des couleurs, nos premiers Peintres n'a-
voient d'autre mérite que celui d'une imita-
tion froide de la nature, mais sans ehoix
et sans gout. La couleur presque toujours
sans harmonie, n'offre jamais que Ie mëme
éclat dans les lumieres et dans les ombres ;
elles nc changent pas méme par la réflexion
des couleurs que doivent rendre les corps
voisins. Les tableaux sans dégradation sont
privés d'air, 1c dessein est sans véiïté et, sans
finesse; les tètesont quelquefois de 1'expres-
sion, mais Ie reste de la figure est inanimé.
Il est assez rare de trouver des composi-
tions qui plaisent; lesgrouppes séparés sans
plan, sans ordre, sans liaison, donnent a
peine a ces compositions une supériorité
réelle sur des découpures; les draperies sont
presque toujours ridicules, des plis boudi-
nés et trop multipliés, peu naturels, ont
encore Ie défaut de dérober a la vue 1'cx-
pression du nu.
Quand nos Artistes eurent apportés d'Ita-
lie lc gout qu'ilsy avoient puisé, cettc séche-
resse disparut insensiblcment; et ce n'est
qu'au temps d' OtLovenius que nous remar-
quons une süreté dans la distribution des
----^                                                    j
-ocr page 8-
AJ^ERTISSEMENT.          xj
ombres et des luraieres. Cet Artiste spiri-
tuel avoit saisi dans la nature une vérité
qu'il communiqua bientöt a son éleve jRu-
bens.
Celui-ci a enchéri sur sonMaitre, en
fixant les regies du clair obscur} qu'il a
transmises a son Ecole, jadis célébre, mais
dont il n'existe presque plus que Ie nom.
L'Académie d'Anvers, en perdant son
Protecteur, [a) se vit abandonnée de ses
Maitres et de ses Eleves; les Peintrcs mé-
diocres remplacercnt ceux que leur mérite
enleva dans les Cours étrangeres, et ce fut
alors que Ion substitua la belle couleur ala
vraie. Cettc contagion fut presque univer-
selle 5 les Artistes étoient esclaves du mau-
vais gout des Amateurs, et de 1'avidité du
gain. Les Flamands ne francbissoient plus
les Alpes pour atlcindre au degré de mé-
rite de leurs Maitres, dont les ouvrages ne
les toucboient pas même assez pour les cor-
riger. La vraie couleur étoit un secret
connu a peine de quelques bons Peintres,
trop babiles pour se laisser cntrainer par
la multitude.
C'est au zèle de ceux-ci et de quelques
Amateurs éclairés, que cette Ecole doit
son existence. Les premiers se sont prètés
(a) Maximilien, Duc de Baviere.
-ocr page 9-
xij        AVERTISSEMENT.
a 1'instruction de la jeunesse, les autres 3
couronner les succes : cependant ce travail
pénible et continuel d'enseigner restoitsans
récompensc, et n'étoit soutenu que par Ie
plaisir que goüte Ie vrai Citoyen, lorsqu'il
peut être titile a sa Patrie; ce plaisir auroit
même suffit, s'il n'étoit pas démontré que
tout corps, sans proteclion et sans autori-
té, ne peut subsister long-temps.
Telle étoit 1'ombre de 1'ancienne Acadé-
mie d'Anvers, lorsqu'en i^5ó Son Altesse
Royale Ie Prince Charles de Lorraine,
Gouverneur des Pays-Bas, touche du sort
des Arts qu'il aime, fit son entree dans
1'Académie, s'en déclara Ie Protecteur, dis-
tribua des prix aux Eleves dans les diffé-
rens concours, et accorola des Privileges a
tous ses Membres. Cette Ecole a pris un
nouveau lustre sous un Protecteur aussi
éclairé; les Eleves s'y multiplient ; plusieurs
d'entr'eux donnent de grandes espérances
de voir renaitre des hommes égaux a ceux
qui ont rendu 1'ancienne Ecole si recom-
mandablc.
La Hollande a joui plus long-temps de
sa réputation; ellea produit jusqu'a présent
des Artistes célébres : il est vrai que Ie
grand nombre ne s'est distingué que dans
un petit genre, dun précieux fini: peuont
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AVERTISSEMETSIT. xiij
osé s'élever au stile sublime de 1'histoire;
mais si nous en jugeons par quelques ou-
vrages de ceux qui s'y sont exercés, et qui
sont publics, nous pouvons assurer que la
Fe
upart y auroient réussi. Ce qui a persuadé
s Hollandois de peindre en petit, et ce
qui a forcé leur patience a finir leurs Ta-
bleaux, c'est qu'étant d'un volume peu con-
sidérable, ils sont plus aisés a transporter,
plus séduisants aux yeux des Amateurs,
plus faciles a distribuer dans les apparte-
ments, et a orner les cabinets des Curieux :
avantage que ne peuvent avoir les ïableaux
d'histoire en grand, si ce n'est dans les Egli-
ses et dans les Palais.
L'opulence de la Hollajnde toujours sou-
tenue et ranimée par son commerce, et par
1'affluence des Ministres étrangers qui y at-
tirent de toutes parts des Artistes, par 1'es-
pérance de s'enrichir de leurs productions,
eet encouragement y fait toujours fleurir
les Arts qu'elle a enlevés a la Ville d'An-
vers avec son Commerce.
L'Allemagne conserve toujours sa gloï-
re; plus voisine de 1'Italie que la Flandre
el la Hollande, elle peut envoyer plus ai-
sément ses Eleves étudier les anciens et les
modernes a Rome, a Venise, etc. : aussi
voit-on régner dans leurs ouvrages un gout
-ocr page 11-
xiv AVER TI SS E MENT.
sage pris dans la nature, et déterminé par
les modeles antiques, ces modeles qni gui-
dent les Artistes, et les empêchent d'adop-
ter des nouveautés inventées par Ie raau-
vais gout. Elle compte un grand nombre
d'Académies, protégées par des Souve-
rains et des Princes, et ceux qiü les coni-
posent sont employés a embellir les Pa-
lais, et a les enricbir de collections précieu-
ses.
Ce n'est pas seulement aux AHemands
célébres que leurs Princes accordent des
faveurs et des distinctions; on verra plu-
sieurs fois dans cette Histoire les Princes
inviter encore les Peintres Flamands et
Hollandois par des pensions et par des hon-
neurs. L'Empereur vient de donner des
preuves de son estime pour les Arts, en
comblantl'Académie Impériale d'Ausbourg
de francbises, de privileges, de titres hono-
rables; mais Ie plus glorieux de tous, est
celui de porter son nom. (6)
Je n'ai fait que parcourir rapidement ces
différentes Ecoles, et qu'indiquer leurs
principaux cbangements; mais cette His-
toire pourra suppleer a un plus long dé-
(b) Les Lettres-Patent es sont du 3 Juillet 1755,
données a Vienne. Voyez Ie Jonrnal étranger
du mois de Juillet 1756, page 119.
-ocr page 12-
AVER TSISEMENT.          xv
tail, et portera une lumiere plus süre et plus
eclatante sur les mérites différents des Mai-
tres et des Eleves.
J'espere obtenir pour cette seconde Par-
tie la même indulgence que Ie Public m'a
                           j
accordée pour la premiere; encouragé par
plusieurs Académies célébres, et sur-tout
par celle de Paris; éclairé des lumieres des
meilleurs Artistes dans les jugements que
je porte des Peintres et de leurs ouvrages,
je dois assurer encore que je n'ai rien écrit
au hazard; que je ne me suis point fié aux
traductions ni aux récits suspects; que j'ai
vérifié moi-même les faits et les dates que
je cite, soit en consultant les originaux,
soit en voyageant sur les lieux; et j'aurois
voulu pouvoir faire mieux pour mériter son
approbation.
Le quatrieme Volume ne tardera pas a.
suivrc celui-ci; plusieurs Portraits sont déja
gravés, et on ne sera pas long-temps a finir
les autres.
-ocr page 13-
XV)
ERRATA.
JT Age 12, ligne i,PVauwermans,lisezFFouwermans.
Page 18, ligne 1 o, un, lisez une.
Page 49, ligne 34, ees lisez ces,
Page i8o,ligue 33, Marie, lisez Marye.
Page i85, ligne 9, Vendyck, lisez Vandyck.
Page 198, ligne 34, TVauwermans^ lisez TVouwermans.
Page 2^9, ligne 20, Dominicus Gqfridus, lisez Domi-
nus Godfridus.
Page 298, ligne, 19, mouvements, lisez monuments.
Page 327, ligne 6, nature, lisez7a nature.
Page 348, ligne 2, Duven, lisez Douven,
Page 381 , ligne 21 , au dessus, lisez au dessous.
Page 35a, ligue 38, capuleux, lisez crapuleux.
ANTOINE-
-ocr page 14-
ANTOINE-FRANgOIS
V A N D E R
M E U L E N,
Ê L E V E
DE PIERRE SNATERS.
ANDER MEULEN a fait
autant d'honneur a la Peinture
qu'a la Ville de Bruxelles, oü il
naquit en 1634. Ses parents, ri-
ches etpleins de gout, fe preferent
a faire valoir fes grands talents; ils
confierentfon intruftion a Pierre Snayers, Pein-
tre estimé de Batailles. Les progrès de Vander
Tornt III.
                             A Meuten
-ocr page 15-
La Fie des Peintres
. Meulen furent fi rapides, que fes premiers effais
passerent pour d'assez bons Tableaux. Il pei-
gnoit, comme fon Maitre, des Paysages et des
Batailles, et il Tégaloit avant que de sortir de
fon Ecole. Ses dispositions naturelles, et une
étude affidue fortifïerent fa maniere, et on lui
remarque dès ces commencemens cette touche
facile et légere, qui cara&érise fes Ouvrages.
Quelques Tableaux de F'anderMeulen portés
en France furent la cause de fa fortune. M. Col-
bert
lui commanda quelques Ouvrages que Ie
Brun jugea dignes d'entrer dans la colle&ion
de ce Ministre : il lui conseilla même d'attirer Ie
Peintre Flamand a Paris. M. Colbert, qui n'a-
voit d'autres vues que la gloire du Roi, charme
d'avoir trouvé un Artiste capable de transmet-
tre a la postérité les a&ions mémorablcs de ce
grand Prince, fit faire des offres a Pander Meu-
7en3
qui Ie déterminerent a quitter Bruxelles.A
fon arrivée il fut logé aux Gobelins, et on lui
afïïgna une penfion de 2OOO liv. indépendamment
du prix de fes Ouvrages. Il eut depuis 1'honneur
de fuivre S. M. dans toutes (es campagnes; de
recevoir d'Elle-même chaque jour fes ordres,
et fut défrayé par-tout.
Jamais Peintre, depuis les fiecles d'Alexandre
et de César, n'eut plus d'occafions de fe distin-
guer. La vi&oire qui vola par-tout au devant
du Monarque, donnoit fi rapidement a Vander
Meulende
nouveaux fujets a traiter, qu'il avoit
a peine Je temps de les observer et de respirer.
Il deffinoit aflidüment et avec la plus grande
exaftitude, les campemens, les attaques, les
batailles, les marches de 1'armée, et les vnes
diffé-
-ocr page 16-
Flamands, Allemands et Hollandois. 3
différentes des lieux oü les troupes du Roi
s'étoient iïgnalées; les Villes investies, leurs
fiéges et leurs prifes. On fcait avec quelle ra-
pidité tout fut foumis a Louis XIV. Notre Ar-
tiste n'a eu a faire, pour s'immortaliser, qu'a
laisser a la postérilé des copies fidelles des vic-
toires du Roi.
Vander Meuten composa fesTableaux d'après
ces études fi exactes et faites fur les lieux mêmes:
il étoit étroitement lié avec Ie Brun, qui de fon
cóté travailloita embellir lesPalaisdeVersailles
et du Louvre, &c. Tous deux pleins du defir de
mériter les bontés d'un fi grand Maitre, cher-
cherent a fe furpasser, et Ie chercherent de
bonne foi. lis ne fe cacherent rien de leur art;
et cette noble émulation , fondée fur Ie mérite,
les unit tellement, que Ie Brun donna fa niece
en mariage a Vander Meulen devenu veuf. Sa
fortune doja très-assurée par les seuls Ouvrages
qu'il faisoit pour Ie Roi, ne pouvoit qu'aug-
menter par la nouvelle faveur que lui donnoit ce
fecond mariage. Il eut cependant quelques fujets
de chagrin qui balancerent les honneurs et les ri-
chesses dont il jouissoit. Les Ecrivains Hollan-
dois, Houbraken & FVeyermans, attribuent fes
peines a 1'inconduite de fa derniere femme. Quoi
qu'il en foit, il mourut a Paris en 1690, agé de
56 ans, et fut inhumé dans 1'Eglise de S. Hyppo-
lite fa Paroisse; il laissa trois enfants, deux filles
et un gar9on qui embrassa 1'Etat Ecclésiastique.
Vander Meulen avoit un frere appellé Pierre
Vander Meulen
, qui a eu de la réputation dans
la Sculpture; il passa avec fa femme en Angle-
terre en 1670, oü Pierre van Bloemen & Lar-
gilliere
Ie fuivirent.
                       A z On
-ocr page 17-
4                       La Vie des Peintres
~~~---- On peut regarder V^ander Meulen comme un
I°34' imitateur exaft de la nature; fa couleur est ex-
— cellente, fon Paysage, fes lointains et fes ciels,
tout est clair et fuave, rien n'y est outré Quoi-
que fes figures foient habillées felon la mode du
temps, il les disposa fi bien au profit de la Pein-
ture, il les grouppa fi heureusement, que fesTa-
bleaux font toujours un très-grand efïet: fon des-
sein est correö et fa touche fpirituelle. Il avoit
1'art de répandre fes lumieres fi a propos, et de
leur opposer fi avantageusement fes ombres,qu'on
est fnrpris des prestiges de cette magie dans quel-
ques-uns de fes Tabieaux, et fur-tout dans ceux
dont les plans uniformes avoient besoin de eet
artifice. Comme la plupart des Ouvrages de eet
Artistefont gravés, nous ne nous étendrons pas
davantage fur fa maniere, qui est connue. Voici
une liste des plus considérables de fes Tabieaux.
On voit au Chateau de Marly vingt neuf Ta-
bieaux peints fur toile; les prises de Luxembourg,
de Dinan, deDouay, de Lille, de Valencien-
nes, de Mastrick, deTournay, de la Citadelle
de Cambray, d'Oudenarde, de Dole, de Cour-
tray, de Naerden, de Leuve, de Charleroy,
de Salins, de Joux, d'Ypres, de Condé et de
Besancon; une autre vue de Luxembourg; Ie
Roi passant fur Ie Pont-Neuf; 1'entrée de la
Reine dans Arras; les vues des Chateaux de
Fontainebleau, de Vincennes, de Saint Ger-
main, de Versailles; trois Batailles; les qnatre
conquêtes qui font peintes fur les murs du grand
escalier de Versailles, représentent les prises de
Valenciennes, de Cambray, de Saint Omer, et
la bataille de Mont-Cassel. Les conquêtes du
Hoi
-ocr page 18-
Flamands, Allemands et Hollandois. 5
Roi font dans lestrois Réfedoires desinvalides.
On voyoit du même a Paris, chez M. de la
Bouexiere
un beau Paysage, Louis XIV y e*t.
dans un carrosse, fuivi dun nombre considéra-
ble des principaux de la Cour.
Chez M. de la Live de Jully, Louis XIV
dans fon carrosse; plufieurs Seigneurs accompa-
gnent ce Prince.
Chez M. Lempereur, une Bataille fur Ie pas-
sage d'une riviere.
Chez M. de Julienne, une etnbuscade dans une
Forêt, oü Louis XIV commande en personne.
Chez M. d'Argenville, Maitre des Comptes,
Monsieur, frere unique du Roi, allant au Siége
de Saint Omer.
A Bruxelles, chez Ie Prince Charles de Lor-
raine, cinq Batailles du bon temps de Vander
Meulen.
BERNARD SGHENDEL.
ON fcait fi peu de la vie de ce Peintre né a
Harlem, qu'il ne fera cité que pour avoir
vu un de fes Tableaux en Hollande : il repré-
sente une fête bachique bien deffinée et bien co-
loriée. On vante beaucoup les Ouvragcs de eet
Artiste qui a formé de bons Eleves.
A 3 CORNILLE
-ocr page 19-
La Vie des Peintres
CORNILLE KICK.
—7— 17" IC K auroit fait une grande fortune par fon
35' JVpinceau, s'il n'avoit eu inalheureusement
----' une indolence plus forte encore que fon talent.
Il répondoit a fes amis, qui fouvent la lui re-
prochoient, qu'il croyoit qu'il n'y avoit qu'une
femme et un ménage qui pussent Ie rendre plus
vigilant. Il fe maria et n'en fut pas moins pares-
seux. Il naquit a Amfterdam en 163 5; Houbra-
Teen
pretend que fon pere étoit Peintre, Weyer-
mans
assure qu'il étoit Sculpteur. Quoi qu'il en
foit, on ne fcait qui lui a appris a peindre; mais
il commenca par une grande réputation dans Ie
Portrait; fes Ouvrages font du plus beau fini.
La jalousie qu'il eut de la perfeöion des Ta-
bleaux de fleurs de Dehéem, lui fit essayer ce
même genre, et il y réuffit; il abandonna Ie Por-
trait, et fes Tableaux de fleurs eurent tant de
vogue, et furent vendus fi chers, qu'il Je mirent
a portee de trouver un très-bon parti: il épousa
la fille de M. Spaaroog, homme considérable et
tevctu d'une Charge honorable au Mont de Pié-
{a). Enfr'autres biens, Kick en eut en dot un
très-beau jardin, qu'une recherche curieuse de
fleurs
(a) C'est un endroit oü 1'on prête sur gage avec un
trcs-petit intéiêt. Il s'en trouve oü 1'on prête sans in-
téiéi, il y a uu temps fixe pour retirer ses effet : ce
temps passé on vend publiquement ce qui n'a point e'té
retiié ; on vous rend Ie surplus de la vente, c'est-a-
dire, ce qui excéde ce que 1'on a donné en pret.
e L__
-ocr page 20-
Flamands, Allemands et Hollandois. 7
fleurs rendoit pour lui un fonds inépuisable de
richesses, s'il avoit f511 en tirer parti; mais fa
paresse 1'empêcha d'en profiter. Plein de génie,
il passa presque fa vie a ne rien faire; il lui étoit
plus agréable d'admirer la nature que de 1'imi-
ter; il crra de maison en maison, de Ville en
Ville, et revint enfin a Amfterdam, oü il mou-
rut fans qu'on ffache en quelle année.
Il peignit admirabletnent les fleurs, et sur-
tout les Tulipes et les Hyacinthes. Son peu
d'amour pour le travail, qui lui fut fi nuifible
pendant fa vie, a rendu fes Ouvrages très-rares
et très-chers après fa mort.
Sa maniere est facile, fa couleur fraiche, fon
pinceau flou, qualités requises pour ce genre
de peinture. Il est fingulier qu'avec un fond in-
corrigible de paresse , il eüt une patience incon-
cevable a bien terminer. Ses Ouvrages font efti-
més et recherches dans toute la Hollande; mais
a peine font-ils connus en France.
CORNILLE BRISÉ
ET N. BLEKERS.
VO n d E l , Poëte Hollandois très-connu,
a célébré dans ses vers Brizé & Blekers; le
premier eut un talent supérieur a représenter des
objets inanimés, tels que des bas-reliefs, des
inftruments de Musique, &c. Le morceau le plus
surprenant de ce Peintre dans ce genre, est
nn amas de Registres, de liasses de papiers en
forme detrophées, que Ion voit dans un Hotel
A 4 de
-ocr page 21-
8                  La Vie des Peintres
1635. de Ville enHollande; il sembleque 1'air enfafle
——^remuer et tourner les feuillets, tant la nature
est bien saisie. II ne réuffit pas moins bien a pein-
dre des cuirasses, des piques, des carquois, des
boucliers, &c. Il faut que ses Tableaux rendent
bien parfaitement ce qu'ils représentent, puis-
qu'ils sont tres-recherches, malgré la petiteffe
de sujets, tant ia nature eft précieuselorsqu'elle
eft imitée.
Blekers , natif d'Harlem, eft connn pour un
bon Peintre d'Hiftoire. On trouve dans .ses O11-
vrages du feu, du génie et un?1 grande correc-
tion de deffein. Vondel a fait des vers sur la
Danaë de Blekers, peinfe pour M. van Halte-
ren.
Son plus beau Tableau étoit Ie triomphe
de Vénus; il Ie fit pour Ie Prince d'Orange. On
ne f^ait rien de plus de eet Artifte eftimé.
FRANgOIS POST,
ÊLEVE BE SON P E RE JE AN POST.
FflAN^Ols Post, issu d'une familie d'Ar-
tiftes, naquit a Harlem de Jean Post, Pein-
tre sur verre; il commenca sous son Pere. On
ne connoit pas Ie Maitre qni Ie perfeöionna. II
avoit un frère Archite&e du Prince Maurice qui
Ie fit connoitre. Quelques tableaux procuré-
rent au Peintre une Penfion de la part du Prin-
ce qui même peu de temps après 1'admit a sa
suite dans son Voyage aux Indes en 1647. Fran-
$ois Post
y resta plusieurs annés avec son Pro-
tedeur; il y avoit defliné les vues les plus fin-
gulieres
-ocr page 22-
Flamands, Allemands et Hollandois. <)
-
gulieres de cette contrée, et a son retour il en 1635.
fit des Tableaax qui furent places dans la mai- -ma*—
son de Ryksdorp, pres de Wassenaer. Un de
ses principaux dontparle Houbraken, ornoit la
maison cTHonstaardyk, et rien n'est plus agréa-
ble que ses Paysages. Un choix heureux des fi-
tuations, un etnploi fcavant des arbres, des plan-
tes el des terrasses de ces lieux sauvages et in-
connus; une grande variété, une bonne couleur
une légéreté admirable dans la touche, flrent la
réputation et la fortune de Francois Post : il
mourut a Harlem Ie 17 Février 1680. Il eft sur-
prenant que Ie génie de nos Peintres se borne a
I'Europe, que leur pinceau semfaleavoir épuisée.
La peinture devroit a son tour étendre ses con-
quêtes aux deux Indes, et prendre possession
d'une nature ü dirTérente de Ia nötre : il ne de-
vroit être permis qu'a la Religion et aux Arts
de faire des conquêtes.
JAGQÜES RÜISDAAL.
RU 1 S D A A L naquit a Harlem. Son pere, qui
étoit Ebénifte, voulut placer son fils dans un
état plus élevé. Ruisdaal fit assez de progrès
dans les Ecoles latines; il étudia la Médecine et
la Chirurgie. Si nous en croyons Houbraken ,
Ruisdaal s'étoit déja diftingué par plusieurs
opérations brillantes et heureuses, avant que
de commencer la Peinture, oü il a acquis un nom
qui nest point équivoque. Il est certain qu'il y
a des Tableaux de lui qu'il a faits a l'age de
douze ans, qui surprendront tous les Artistes.
Les
-ocr page 23-
La fie des Peintres
n>
J63 ?. Ouvragesdei?ergAe/n,compatriote deRuisdaal,
■■■■■ii 1"i plurent beaucoup, il sembloit même qu'il y
avoit quelque rapport entre leur génie; il fut Ie
chercher a Amfterdam, et lui fit part de 1'ex-
trême envie qu'il avoit de peindre. On ne dit pas
que Berghem fut son Maitre, mais on assure
qu'ils devinrent étroitement lies d'amitié. C en
est assez pour nous faire croire que cette union
intime a contribué a l'avancement de Ruisdaal.
Un soupcon devient certitude quand, en exa-
minant ses Ouvrages, on reconnoït la touche et
la couleur de celui qui a été son guide. Ruisdaal
deflina daprès nature des vues qu'il a placées
dans ses Tableaux; il peignoit d'après eux-mê-
mes des arbres, des plantes et des ciels: c'eil une
attention et une étude, sans lesquelles il n'y a
jamais de grands succès.SesTableaux furent ache-
tés chers, et places parmi ceux des Peintres les
plus renommés. Ruisdaal & Berghem, toujours
lies d'amitié, ne copierent que les environs
d'Amfterdam, et n'ont jamais sorti de leur pays,
malgré certains Ecrivains qui les ont promenés a
Home. Mais pour ceux qui s'en tiennent au Pay-
sage, dira-t-on que les voyages sont assez inu-
tiles, qu'il y a par-tout des terrasses,des plan-
tes, des arbres, des eaux et des montages : il
faut cependant convenir que la difFérence des
ciels pour leur touche, les fituations difFérentes,
des fits plus riches par de belles fabriques, et
sur-tout par les ruines des Palais, des amphi-
théatres et des anciens monumens, enrichissent
1'imagination du Peintre et ses Tableaux, de
facon qu'a talent égal on distinguera toujours
celui qui a vu beaucoup de choses et de gran-
des,
-ocr page 24-
Flamands, Allemands et Hollandois. il
■ ■ i ■
des, de celui qui n'a regarde que son canton. 1635.
Ruisdaal a mérité, outre Ie nom de bon Pein- -«—
tre, celui de Fils estimable; il eut Ie plus grand
soin de son pere pendant sa vieillesse; ce fut
peut-être Ie motif qui l'empêcha de se marier.
Cet habile Artiste a vécu trop peu pour ses ta-
lents et pour sa vertu; il alla demeurer a Har-
lem, oü il mourut peu de temps après, Ie 16
Novembre 1681.
Nous ne ferons que citer Salomon Ruisdaal,
frere ainé de Jacques de pres de 20 ans. Salo-
mon
étoit un froid imitateur de van Goyen et de
Schoeft: ses Paysages ne seront jamais compa-
rés a ceux de son frere, fi ce n'eft par des demi-
Connoisseurs qui n'achetent que les noms; celui-
ci possédoit une composition ressemblante au
Marbre; elle 1'égaloit en dureté, et étoit propre
a recevoir Ie poli: il eft mort avant son cadet
en 1670.
Jacques Ruisdaal peignoit Ie Paysage et des
Marines; il fcavoit imiter la nature , mais il
ajoutoit a la vérité un grand éclat par des oppo-
fitions de lumiere bien contraftées; sa couleur
eft chaude et dorée, la touche de son pinceau
eft fine et décidée, et représente et termine bien
Ie feuillé des arbres, Presque tous ses Tableaux
représentent des Ports et des Rivages de la Mer.
Il y a dans la pluparc de ses Paysages un canal
ou quelque ruisseau : étoit - ce par Ie rapport
quun courant d'eau avoit avec son nom, qui
fignifie en Francois chute bruyante? Si c'étoit-la
son idee, il falloit, pour la suivre, des casca-
des, des cours rapides, des torrens. Comme il
ne peignoit pas bien la figure, il empruntoit la
main
-ocr page 25-
12            La Vie des Peintres, etc.
1646. main des Wauwermans, de Vanden Velde, &c.
qui n'y garoient rien. Ses Tableaux commencent
a être connus en France, oü ils sont auffi efti-
més qu'en Hollande. On voit de lui dans Ie Ca-
binet de M. Ie Comte de Vence, a Paris , un
Tableau très-piquant; il représente un Paysage
et un moulin a vent, au bas duquel est un ca-
nal, &c.
Chez M. Lempereur, un Rivage de Ia Mer,
avec beaucoup de figures, et deux autres Paysa-
ges du même.
Chez Ie Prince de Hesse, en Hollande, un
beau Paysage avec figures.
A la Haye, chez M. van Slingelandt, Con-
seiller, une Chute d'eau dans un Paysage.
Chez M. Lormier un Paysage, dans lequel eft
un pont sur un canal, et dans Ie lointain eft une
écluse. Chez M. Henri Verschuring, une vue
d'Harlem dans Ie fond d'un Paysage; un Pay-
sage avec une eau courante; quatre autres Pay-
sage dans lesquels est une Chute d'eau. Chez
M. van Brémen, un beau Paysage.
A Amfterdam, chez M. Braamkamp, Ie de-
dans d'une Eglise, avec des figures de Philippes
Wouwermans;
deux autres Paysages, dont 1'un
représente un Hy ver.
A Roterdam, chez M Bisschop , un Paysage
avec des figures par Adrien Vanden Velde.
Et chez M. Horutner Ie jeune, a Rouen, un
Paysage avec une eau calme, un Clocher et
deux Moulins.
FRANCOIS
-ocr page 26-
MIERI S,
É L E V E
DE GERARD DAUJV.
I E R I S fi connu, fi célébre "
par sa maniere de peindre, s'est,
immortalisé, quoique dans un
petit genre; il a surpassé par un
beau fini, ceux-mêmes qui ont
eu la noble et pénible ambition
de bien terminer leurs Ouvrages.
Franqois Mieris illuftra la Ville de Delft par
sa
-ocr page 27-
i4                La Fie des Peintres
1635. sa naissance Ie 16 Avril (a) 163 J. Il naquit de
' parens riches qui lui donncrent une bonne édu-
cation : son pere étoit Orfévre et Lapidaire; il
destinoit son fils a sa Profession, mais entrainé
par un penchant invincible, ce fils ne put se con-
tenir dans les bornesoü 1'on vouloitl'assujettir.
On Ie vit bientöt couvrir les murailles de la
maison de figures d'hommes et d'animaux,mais
avec plus de gout que n'en ont les essais infor-
mes des enfants. On fit entendre au pere que
les plus grands Peintres s'étoient ainsi annonces;
ilcéda, en apparence, a eet inftinót de son fils
pour Ie dessein; mais il pensoit au fond, qu'en
Ie laissant se perfe&ionner dans eet Art, il n'en
seroit que plus propre a son Métier. 11 Ie placa
chez Abraham Toornevliet, Peintre habile sur
verre, et Ie meilleur Dessinateur du pays. Les
progrès de 1'Eleve furent fi rapides, et sa voca-
tion pour Ie pinceau conlinuad'être fi décidée,
que son pere, enfin convaincu, Ie livra tout en-
tier et sans reftriction a son génie. GerardDauw
fut choisi pour son Maitre; ce fut lui qui Ie nom-
ma Ie Piince de ses Eleves. On craignit ensnite
de réduire a de petits sujets un jeune homme
qu'on voyoit capable des plus grands, et réel-
lement la facilité et la fermeté de la touche s'ac-
quierent plutót en traitant THiftoire. On Ie mit
donc chez Adrien Taanden Tempel, mais Mieris
avoit déja choisi sa maniere. Celle de Gerard
Dainv
étoit celle qu'il aimoit, et la plus con-
forme
(a) Houbraken fixela naissance AeMieris au ïGAvril,
et Weyermans qui a écrit depuis, Ie croit né ie i o Avril
i635 : très-petite et très-peu importante diffe'rence.
-ocr page 28-
Flamands, Allemands et Hollandois. i5
forme a son génie : il rentra dans cette Ecole, 1635.
et il ne la quitta que quand il n'eut plus rien a xa«r
apprendre que de la nature.
Sorti de chez son Maitre, a peine Mieris eut-
il montré quelques-uns de ses Ouvrages, qu'ils
furent admirés et recherches. MM. Vredenburg,
Gerard,
et Ie Professeur Silvius , marquerent
entr'autres Ie plus d'empressement; Ie dernier
même, pour éviter toute concurrence, oirrit
non-seulement de prendre tous lesTableaux que
feroit Mieris, mais de les prendre au prix que
1'on y mettroit. Gette hardiesse, de la part d'urt
Connoisseur, fit ouvrir lesyeux, et redoubla
l'émulation des Acheteurs; mais loin de donner
a l'Artifte cette présomption fi contraire aux
progrès des talents, elle redoubla en lui 1'atten-
tion et les soins de mériter de plus en plus cette
eftime générale. Silvius d'admirateur de Mieris
devint son ami; il eut la delicatesse, pour la
gloire duPeintre, de ne pas vouloir posséder
seul ses Ouvrages; et dans la vue d'étendre sa
réputation, il lui fit faire pour FArchiduc un
Tableau dont voici Ie sujet: Une jolie Mar-
chande dans sa boutique, développe des étoffes
de soie a un homme bien mis; on voit que s'il
les regarde, il eft moins occupé de leur beauté
que des graces de celle qui les lui présente.
LArchiduc, enchanté de 1'Ouvrage, fit payer
mille florins a TArtifte, lui proposa un établifle-
ment a Vienne, un prix considérable de chacun
de ses Tableaux, et de plus une pension de mille
Rixdaelers. Mieris remercia lePrince, et s'ex-
cusa sur 1'attachement qu'avoit sa femme pour
Ie pays de sa naissance.
Les
-ocr page 29-
i6                La Jf'ie des Peintres.
i6">c. Les Hollandois, touches de ce sacrifice, en
*^—ar marquerent plus de confidération a leur com-
patriote, et lui procurerent toutes sortes d'agré-
ments: il vécut familierement avec les gens les
plus qualiflés et les plus riches du pays; et cette
société, en lui faisant honneur, lui procura aufli
un débit très-avantageux de ses Tableaux.
M. Cornille Poots lui fit peindre Ie Portrait
de sa femme; Mieris y travaiüa long-temps, il
y épuisa tout son Art : c'eft peut-être Ie plus
prccieux de ses Tableaux. Il entreprit pour Ie
même un snjet très-piquant; il représente une
jeune Dame évanoiiie, un Médecin pres d'elle
qui cherche a la ranimer par ses remèdes, tan-
dis qu'une vieille femme en pleurs semble de-
mander du secours. Mieris fut payé un ducat
par heure pendant Ie teraps qu'il y travailla, et
il couta quinze cents florin.s Le Grand Duc de
Florence étant pour lors en Hollande, en offrit
3COOflorins, sans pouvoir 1'obtenir. Ce Prince
honora souvent notre Artifte de ses visites, et
lui fit finir pour lui un Tableau, dont 1'ébauche
1'avoit extrêmement frappe : c'est une Femme
très-jolie qui est debout, et qui tient un Luth;
son habit est de satin blanc; derriere elle est
un fauteuil de velours verd, dans lequel est
une autre Dame dans un deshabillé galant, qui
consiste en un petit manteau de velours, de cou-
leur de pourpre, doublé d'hermine : elle tient
un verre qu'elle porte a sa bouche; un Domes-
tique attend avec un plat d'argent pour recevoir
le verre vuide; un jeune Homme en manteau
de velours nuir eft pres d'une table couverte d'un
beau tapis; il s'y amuse a voir un Singe qui man-
ge
-ocr page 30-
Flamands) Allemands et Hollandois. f]
ge des confirures qui sont sur cette table; un ri-
deau de soie entr ouvert décuvre au fond d
Tableau une galerie d'une b< lle archirefture,
dans laquelle un homme et une femme s'eutre-
tiennent a 1'écart.
Le Grand Duc fut fi content de ce Tableau,
qu'il le paya mille Rixdaelers, et lui en corrt-
manda plusieurs autres. Mieris lui envoya son
Portrait en grand; il y tient un petit Tableau qui
représente un Maïtre de Clavecin, qui donne
lecon a une jeune personne:ce Poitrait futrec,u
froidement etsans récompense. Mieris, peuins-
truit des intrignes des Cours, se trouva sacrifié
pour avoir refusé de peindre un Courtisan avant
son Maïtre; il soutint cette mortification avec
assez de philosophie; il n'en marqua aucune al-
tération, et bientöt ses talents supérieurs le mi-
rent a l'abri des brigues: mais s'il fcavoit se met-
tre au dessus des injustices, il ne (ut pas assez
en garde conlre un amusement dangereux.
Le plaisirqueMzm^prenoit a entendre Jean
$léen(bon
Peintre, conteurplaisant, maiscra-
puleux) manqua de le perdre. Il aimoit tant a
vivre avec lui, qu'il lesuivoit dans des débau-
ches, qu'ils pousserent souvent a 1'excès; il
passoit des nuits a 1'écouter et a boire. Cette
mauvaise habitude fit bien perdre du temps a
Mieris, et pent-être abrégea ses jours; cependant
il amassa de grands biens; et, ce qu'on ne peut
concevoir sans avoir connu les contradiflions
dont le coaur humain est capable, c'est que Mie-
ris
débauché lui-même, ne pouvoit soufFrir ce
vice dans les autres. Il retira son fils de chez
Lairesse, grand Peintre d'Histoire, qu'il crutca-
Tome III.                                B pable?
-ocr page 31-
l8                La Vie des Peintres
pabie de lui donner un fi manvais exemple. Jean
Slcen
fut a sesyeux ü sévéres d'ailleurs, Ie seul
privilegie : on ne peut expliqner cette bizarre-
rie, qu'en disant que Mieris avoit plus d'amitié
pour Steen, que de gout pour son vice.
Je ne puis m'etnpêcher de mettre ici une aven-
ture que ce commerce oocasionna; elle est maus-
sade, mais elle n'est pas hors de place, par-
ce qu'elle donne une idee du talent et du carac-
tère de Mieris. En quittant Jean Steen par une
nuit fort obscure,il tomba dans un cloaque que
des Macons avoient laissé ouvert : il y auroit
péri, fi un Savetier et sa femme qui travailloient
dans une boutiquo voisine, ne reussent entendu
se plaindre : on Ie tira, on Ie lava, on Ie mit
dans un lit bien chaud, et on Ie ranima avec un
coup d'eau-de-vie. Le lendemain Mieris s'ha-
bille et sort, mais non sans bien remarquer la
maison oü on lui avoit rendu un fi grand ser-
vice. Il s'enferma chez lui, et travailla a ua
petit Tableau qu'il porta un soir a ses Libéra-
teurs; c'est, leur dit il, de la part dun hom-
me que. vous avez tiré nne nuit du plus vilain
pas oü il se soit trouvé de sa vie; s'il vous prend
fantaisie de vous en défaire, portez-le a M.
Paats qui vous en donnera un bon prix. La bon-
ne femme, qui avoit plus de confiance en son an-
cien Maitre, le Bourguemestre Jacques Maas,
fut lui montrer le lendemian le Tableau, et lui
conta toute 1'aventure : il reconnnt Mieris a son
Ouvrage; et assura sa protégée qu'elle ne devoit
pas ceder ce morceau a moins de huit cents flo-
rins; et réellement on les lui compta sur le
champ. Ce trait fait, ce me serable, honneur
au
-ocr page 32-
Flamands t Allemands et Hollandois. 19
#li talent et a la générosité deMieris. Quel au-
tre que lui pouvoit donner un Tableau li pré-
cieux, etqui valoit une Lettre de change? Peut-
on avoir plus de delicatesse dans sa libéralité,
que de faire un présent ficonsidérable, sans mê-
me vouloir être connu ï Mieris se corrigea, me-
na une vie plus rangée, mais ne survécut gueres
a eet accident: il mourut Ie 12 Mars 1681, a
peine agé de 46 ans. Il fut enterré a Leyden,
dans 1'Eglise de Saint Pierre. Ses deux fils Jean
& Guillaume furent du nombre des grands Ele-
ves qu'il a formés : il en sera fait mention dans
Ja suite de eet Ouvrage.
Mieris a surpassé Gerar Douw son Maitre;
il dessinoit mieux et avoit plus de finesse; sa
touche est très-spirituelle, sa couleur avec plus
de fraicheur est moins tourmentée, et ses Ta-
bleaux ont plus de force. Comme il peignoit sou-
vent en plus petit que Gerard Douw, ses com-
positions dans Ia même espece sont d'une plus
grande étendue, ses plans sont plus vagues, et
on se promene a 1'entour des objets qu'il a re-
présentés. Il copioit, comme lui, ses modèles
avec Ie verre Concave, sans se servir des car-
reaux pour les dessiner.
Uoubraken & ffejermans ont fait la des-
cription de plusieurs Tableaux de Mieris, et
entr'autres une Sainte Familie qui étoit destinée
au Marquis de Bethume, par Ie prix de ijoo
florins: elle étoit a Leyflen, chez M. Desoubrie.
Ce Tableau n'étoit pas fini a la mort de Mieris,
Guillaume son fils y peignit 1'Enfant Jésus, ce
qui fut cause que Ie Marquis de Bethume refusa
de Ie prendre au même prix, Les Ouvrages de
B 2 Mieris
-ocr page 33-
ïo                La Vie des Peintres
1635. Mieris sont recherches et payéstrès-cher; on en
trouve dans les plus beauxCabinets en France;
mais ils sont en plus grand nombre en Hollande.
Dans la riche collettion du Roi de France, on
en voit trois d'une grande beauté •■, une Dame a
sa toilette; un jeune Homme faisant des bou-
teilles de savoii; et un Marchand de volaille et
de gibier.
Chez M. Ie Duc d'Orléans, une Femme qui
mange des huitres qu'un Homme lui présente;
elle est habillée d'un manteau d'Ecarlate doublé
d'hermine, et assise pres d'une table couverte
d'un tapis de Turquie: une Bacchanale de deux
Femmes nues, et de deux Satyres qui jouent de
la flüte; un Chymifte; un Enfant qui fait des
bouteilles de savon; et Ie Rotisseur.
Chez M. Ie Comte de Vence, Ie Portrait de
Mieris peint par lui-même en 1674.
Chez M. de Julienne, Chevalier de S. Mi-
chel, un Tableau représentant la Mélancolie
auprès d'une figure de marbre, et des instru-
mens de musique.
Chez M. de la Bouexiere, un Tableau ou
Mieris est dans son attelier assis devant son
chevalet, peignant Ie Portrait d'une Dame (c'eft
sa femme) qui se tient debout habillée en satin
blanc.
Chez M. de Gaignat, un Fumeur et une fem-
me avec un Perroquet.
Chez M Ie Marquis de Vojer, une femme a
sa toilette, pres d'elle est un Maure.
Chez l'Ele&eur Palatin, une Femme qui ca-
resse un Chien; une Femme évanouie, pres
d'elle est une vieille er deux jeunes Filles qui
paroissent
-ocr page 34-
Flamands, Allemands et Hollandois. 21
paroissent inquietes, tandis qu'unMédecinexa- 1635.
mine 1'urine de la malade; un Officier tenant ^mmr
une pipe; la Fuite en Egypte; un Villageois
Hollandois qui fume et qui tient une bouteille
de liqueur; deux Figures pres d'une table, sur
laquelle est uneBarbue; Ie Portrait de Mieris
et celui de sa Femme.
Chez Ie Prince Charles, a Bruxelles, une con-
versation oü se trouve Ie Portrait du Peintre;
un autre Sujet a la lueur du flambeau.
Chez Ie Prince de Hesse, un Tableau avec
deux Figures et deux Marchandes de légumes.
A la Haye, chez M. van Slingelandt, Rece-
veur général de la Hollande, notre Peintre dans
son attelier; sa Femme est assise pres de lui,
elle agace un jeune Chien que la mere veut
défendre : Ie Portrraitdun Professeur enBota-
nique. Chez M. Fagel, GrefEer, un petit Por-
trait; un Oiseau dans sa cage. ChezM. Ie Lor-
mier.
Ie Portrait d'un Seigneur assis, et auprès
de lui un Negre et un Chien; une Dame a sa
toilette, une Negresse lui verse de 1'eau avec
une aiguiere d'argent; une Femme avec son en-
fant et un petit Chien; Lucréce mourante, une
vieille Femme consternée auprès d'elle; Ie reste
du Tableau est fort riche : une Musicienne qui
joue de la Guittare, plusieurs figures dans Ie
fond éclairées par un flambeau; une Madeleine
pénitente. Chez M. Benjamin d'Acosta , un
Homme et une Femme qui boivent; son Pen-
dant est une jeune Femme qui lit la gazette, un
Homme écoute la lefture, et un Domestisque est
dans Ie fond.
Chez M. Braamkamp, a Amfterdam, lePor-
B 3 trait
-ocr page 35-
                La Vie des Peintres
trait d'un Homme; et un autre d'une Femme,
Chez M. Lubbeling, un Concert d'Amateurs de
Musique de fix Figures, avec des détails assor-
tissants. Ce Tableau est un des plus considéra-
bles de ce Peintre.
A Middelbourg,chezM. Cauwerven, la Ma-
deleine pénitente; et une Dame qui écrit une
Lettre qu'un Domestique attend.
JEAN VAN NES,
ÊLEVE DE MIEREFELT.
JEan VANNESeftundes Eleves diftingués
du célébre Mierevelt. Quelques Portraits
par 1'Ecolier faits sous les yeuxdu Maitre fa-
rent d'abord si goütés du Public, quon les mit
au dessus de tous les Portraits qonnus;mais dans
1'age oü l'amour propre est si écouté, van Nes,
se défia sagement de ces louanges excessives.
Mierevelt aussi habile dans Fart de persuader
ses Eleves, que dans celui delesformer, luicon-
seilla d'aller étudier la nature a Rome, a Veni-
se, &c. La nature est une beauté modeste, lui
disoit il, elle ne découvre ses charmes secrets
qu'a cenx qui ont assez de courage et de per-
sévérance pour la forcer de les leur montrer.
L'Eleve,profltant desavis de son Maitre, voya-
gea en France et dans toute 1'Italie, oü il se
distingua par la douceur de son caracrere et la
beauté de ses talents. Il est seulement a regret-
ter que, capable de traiter 1'Histoire, il les ait
bornés au Portrait; il dessinoit correftement,
il
-ocr page 36-
Flamands, Allemands et Hollandois. 2 3
il colorioit bien, et il faisoit bien ressembler. 1635.
LaHollande admire encore ses Ouvrages. >■—■»
PIERRE FRIÏS.
PTerre Frits, contemporain de van
Nes,
après avoir voyagé long temps en Ita-
lië et dans plusieurs Cours de 1'Europe , revint
s'établir a Delft, oü il peignit avec plus de ta-
lent que de succes. Ses Tableaus, quoique quel-
qïiefois composés avec assez de sagesse, sont
trop souvent bizarres. Gette singularité ienoit
de son génie plus hardi que judicieux. Il ai-
moit a peindre des sujets extraordinaires, sans
s'embarrasser s'ils plaisoient au Public; aussi
finit-il par Ie commerce de Tableaux et d'Es-
tampes, oü il paroit qu'il gagna beaucoup d'ar-
gent (foible ressource pour ceux qui renoncent
a la gloire.) 11 est mort a Delft, sans qu'on ic,a-
che en quelle année.
THIERRY VAN DELEN,
ÊLEFE DE FRANQOIS HALS.
VAn Delen vivoit a peu pres en ce temps,
il naquit a Heusden, et fut instruit dans l'E-
cole de Frangois Hals, oü il apprit a peindre *.
mais entrainé par son gout dominant pour 1'Ar-
chitefture, il en étudia les plus belles parties;
B 4 &
-ocr page 37-
»4                La Vie des Peintres
1635. &pour unir ces deux talents, ilsemlt a peindre
' des Eglises et des Edifies publics, et des Sal-
lons ornés de p^igures. Comïlle de Bie, qni con-
noissoit particulierement les Ouvrage de eet
Artiste, en a fait Ie plus grand éloge; bier»
loin de Ie contredire, nous souhaitons que ses
Tab'eaux rares en France y deviennent com-
muns, pour qu'on en puisse juger en connois-
sanco de cause.
No.ns ne feavons rien de plus de eet Artiste,'
sinon q i'il se re/ira dans un age mür a Armui-
den en Zélande, ou il fut élu Bourguemeftre,
et oü vraisemblablement il esl mort.
Voici une note sur quelqucs uns de ses Ta-
bleaus qui sont places avec distin&ion dans les
Cabinets les plus recherches.
On voit a Rouen, chez M. Ribard, ancien
Juge-Consnl, iine Grande Eglise, avec des Fi-
gures d'un beau fini.
A la Haye , chez M. Fagel, on voit un Tem-
ple d*un bon gout d'Archite&ure.
Ch^z M. Bmamkamp . a Amsterdam, Ie de^
dans d'une Eglise, avec Figures.
Chez M. Léender de Neufville, tine Galerie
oü 1'on voit une assembKe nombreuse, exécu-
tant et écoutant un concert, Ie Portrait de Ru-
bens
et celui de sa Femme.
Chez M. Bisschop, a Roterdam, 1'intérieur
d'une Eglise, avec des Figures; 1'intérienr d'un
Sallon, oü 1'on voit beaucoup de personnes a
table : c'est une espece de nóce; dans un autre
Tableau, des Joueurs d,e cartesdans unsuperba
Appartement.
JEAN
-C*»iï*-^^
-ocr page 38-
Flamands, Allemands et Hollandois. 2 5
JEAN VAN HAGEN.
CE Peintre habile a eu tort de se servir de
couleurs qui n'ont pu transmettre ses Ta-
bleaux jusqu'a nous. Son Paysage et ses Ciels
sont devenus noirs : il peignoit tout a la eendre
bleue. Ses Tableaux eurent, en sortant de sa
main, 1'harmonie et la douceur qui se voient
dans la nature, mais ils sont a présent dur.s et
sombres, et pen recherches. On a acheté, en
revanche, fort cher les Desseins qu'il faisoit d'a-
près les campagnes entre Cléves et Nimegue: il
les lavoit sur Ie crayon avec plusieurs couleurs.
C'est un des plus habiles dessinateurs d'après na-
ture; la plupart et les meilleurs de ses Desseins
sontceux qu'il a faits depuis i6jo jusqu'en 1662.
On fcait, a n'en pas donter, qu'il eft né a la Haye,
mais on ignore oü il eft mort, et en quel temps.
JEAN
-ocr page 39-
J E A N
STEEN
ÉLEVE
DE VAN GOYEN.
EAN STEEN naquit a Ley den
en 1636, il eut pour pere un
Brasseur de Bierre, homme assez
sensé pour chercher a se:onder la
disposition et Ie gout qu'il remar-
qua dansson fils pour laPeinture;
il Ie mit d'abord chez Kxwfft r, Peintre a Utrecht,
ensuite chez Brauwer, et enfin chez van Goyen,
Paysagiste d'une grande réputation. L'Eleve par
son
-ocr page 40-
La Vie des Peintres, etc            17
son cara&ere badin et par ses saillies, plut tartt 1636.
a ce dernier Maitre, qu'il lui donna Marguerite ^wggr-
van Goren sa flUe en mariage. Jean Steen, quoi-
qu'avec un talent déja assez connu par des Ou-
vrages estimés, n'osa pourtant s'y fier, pour se
flatter d'en pouvoir vivre commodément: il ac-
cepta donc la proposition que lui fit son pere,
de 1'établir dans une Brasserie a Delft; Ie profil
qu'il en eüt tiré, s'il avoit f511 prendre garde a
ses affaires, suffisoit pour faire aller honnête-
ment sa maison, et il auroit pu trouver Ie temps
de s'amuser a peindre, et de faire de nouvelles
études et de plus grands progrès dans un Art
pour lequel il paroissoit né : mais 1'aisance qui
lui offroit ces avantages, fut cause de sa perte;
il en abusa et se livra a une telle crapule, et a
une dissipation fi folie, qu'au bout de 1'année
mème il fut ruiné; son pere Ie rétablit plus d'une
foissans Ie corriger, et 1'abandonna. Enfin, de
Brasseur Jean Steen devint Cabaretier : ce fut
encore pis, il trouvoit chez lui ce qu'il alloit
chercher par la Ville, c'étoit lui qui buvoit Ie
plus de son vin; quand la cave étoit vuide, il
ótoit 1'Enseigne, il s'enfermoit chez lui, pei-
gnoit a force, ef de quelques Tableaux qu'il
vendoit bien, il achetoit du vin qu'il buvoit en-
core : tous les Hóteliers n'ont pas cette ressour-
ce.On ne concoit pasaisément comment un hom-
me,le plus souvent ivre,pouvoit produire d'aufli
belle choses; mais au défaut d'application y et
sans presqu'aucune étude, son génie lui en te-
noit lieu; il sembloit qu'il eüt deviné les regies
de son Art: personne n'en parloit si bien et ne
les mettoit mieux en pratique. On ne sera pas
étonné,
-ocr page 41-
a8                La Vie des Peintres
1636. étonné, qu'avec la maniere de trafiquer, pres»
^——y que tous les ouvrage de ce Peintre fussent alors
chez des Marchands de vin. Jean Steen perdit
sa femme, dont il lui étoit resté six enfants,
et il épousa une veuve qui en avoit deux : ce
ne fut qu'un surcroit de misère, dont sont Art
auroit pu aisément Ie tirer, s'il avoit pu se con-
traindre. Il mourut en 1689, agé de f3 ans.
Parmi ses enfants, on ne connoit d'autre Ar-
tiste que Thierrj Steen, Ie plus jeune de ceux
qu'il eut de sa seconde femme : ce Thierrj s'eft:
distingué dans la Sculpture, et eut une pension
dans une Cour d'AHemagne.
La plupart des sujets des Tableaux de Jean
Steen
sont bien conformes ason gout dominant:
ce sont des Gens ivres dans des Tabagies. Peu
de Peintre ont mieux caraftérisé leurs compo-
sitions, et donné plus de vie a leurs Figures :
on reconnoit en tout qu'il a eu la nature pour
guide; il traita auffi avec succes quelques mor-
ceaux d'Hiftoire, oü il n'a manqué ni de no-
blesse ni de sentiment. Les plus habiles de ses
Contemporains lui accordoient les plus heureu-
ses dispositions; son dessein eft correft et sa
couleur eft bonue.S'il s'eft démenti quelquefois,
et s'il a peint un peu noir, on doit s'en prendre
a quelques bouteilles de vin bues de irop; mais
en général, ses Ouvrages sont marqués au coin
d'un pinceaufacile, et d'une touche pleine d'ex-
pression.
On commence a connoitre ce Peintre en
France.
M. Ie Comte de Vence en possede a Paris un
Tableau; ceft une Familie assiseala porte d'une
belle
____
-ocr page 42-
Flamands] Allemands et Hollandoisi 29
belle maison, Ie fond représente la vue d'une 1636.
Ville d'Hollande.
                                       «g»
J'ai vu du même, chez M. de la Bouexiere,
une Collation oü plufieurs personnes a table
boivent et mangent.
Chez M. de Gaignat, un Homme qui pré-
sente une pipe a une Femme.
Je vais parier de ceux que je connois en Hol-
lande.
Chez Ie Prince de Hesse, ala Haye, plu-
fieurs Personnes qui jouent a un jeu appellé les
trois Rois. Chez M. Ie Comte de Wassenaer 3
une Femme endormie, pres d'elle sont deux au-
tres Figures; une Fête de Village. Chez M. van
Slingelandt,
Receveur général de la Hollande,
un Médecin visite une Femme malade, pres
d'elle sont plusieurs Figures. Chez M. van Slin-
gelandt,
Bourguemestre de la Haye, David et
Bethsabée. Chez M. Lormier, des Joueurs d'é-
checs; une Femme qui présente des oeufs a son
Mari, et d'autre Figures; une Mere avec sa
Fille, qui sont auprès d'un Enfant malade dans
son lit; un Maitre d'Ecole entouré d'Enfants;
plufieurs personnes qui font battre des coqs;
une Assemblee de jeunes Gens et de Vieillards
qui se réjouissent; dans un Tableau, un Repas
oü respire la joie, il y ades Hommes,des Fem-
mes et des Enfants; dans un autre, un Médecin
tate Ie pouls d'une jenne Personne d'une main ,
et de 1'autre main il écrit son Ordonnance, oü
1'on lit: 11 ne fautpoint de remede, car c'est
une maladie d'amour^
Moyse qui frappe Ie
Rocher, Tableau bien peint dans Ie gout de
l'antique; une Collation de plufieurs Parson-
nes;
- -- - _
- . . ._
-ocr page 43-
3 o                  La Fie des Peintres
1636. nes j Jean Steen lui-même qui mange des hui-
^mmm tres, sa femme lui présente un verre de vin; un
Arracheur de dents entouré de beaucoup de Fi-
gures; un Operateur sur un théatre, Tableau
piquant et capital. Chez M. van Hét eren, un
Tableau représentant la S. Nicolas; ce jour les
peres et meres mettent dans les souliers des en-
fants toutes sortes de joujoux et de confitures :
trois Joueurs d'échecs; une Femme avec son Do-
mestique, etun jeune Garcon quidonne a man-
ger a un Perroquet. Chez M. Halfwassenaer ,
la mort d'Ananie et Saphira. Chez M. Benjamin
d'Acosta,
un Tableau représentant la Vie hu-
maine, les Figures sont a Ja moderne. Chez M.
Verschuring, deux bons Tableaux: 1'un repré-
sente une Maison de débauche, oü des Filles et
des Hommes jouent aux cartes; leur but paroit
êtrede volerl'argent d'unPaysan; les uns jouent
et les autres montrent dans un miroir Ie jeu de
celui qu'ils cherchent a friponner: 1'autre elt une
Assemblee oü l'on joue et l'on boit. Chez M. van
Brémen,
une Compagnie fortgaie; un autre Ta-
bleau dont Ie sujet est singulier, on enleve la
tnarque qui a été donnée a un Voleur; des Vil-
lageois qui dansent a la porte d'un Cabaret; cinq
Tableaux représentant les sens; une Assemblee
de la S. Nicolas; la moitié de ce Tableau est
peinte par Brakenbourg. A Dort, chez M. Van-
der Linden, van Slingelandti une Femme ja-
louse qui trouve son Mari dans une Guinguette,
elle est derriére un rideau oü elle épie ce qu'il
fait avec une Servante a qui il présente un verre
de vin; il y a dans la même salie plusieurs Mu-
siciens qui jouent des inftruments; 1'Apparte-
ment
■•■■wrV ■
-ocr page 44-
Flamands, Allemands et Hollandois. 3l
ment d'une jeune Femme en couche, la Nour-
rice préparé la bouillie pour l'Enfant qui est sur
les bras d'un Vieiliard qui s'en dit Ie pere; Jean
Steen
s'eft peint a coté, mettant par derriére ses
deux doigts au haut de la tête du bon Homme:
autre Tableau oü Steen joue ëncore un róle, il
avoit mené un Artisan avec lui au Cabaret, la
Femme les trouve, elle tient son Mari par les
cheveux, et Ie frappe avec sa savate, un petit
Enfant pleure, et Jean Steen eft pamé de rire.
Chez M. Braamkamp, a Amsterdam, la Nais-
sance de S. Jean; un Maitre d'Ecole au milieu
de 29 Enfants; une Femme sortant de son lit et
chaussant ses bas; plusieurs jeunesGensqui font
cuire une espece de galette. Chez M. Lubbeling,
des Joueurs de tri&rac; un Paysan qui boit du
vin avec sa Femme, un autre lui présente une
galette.
ChezM. Zeers., aRoterdam, une composition
piquante; des Joueurs de tri&rac; un Charlatan
faisant une opération; une Assemblee de Pay-
sans; et une Nöce de campagne, on ramene la
Bru. Chez M. Bisschop, une Assemblee ou Ker-
messe de Vil lage; et leRoi boit.
A Middelbourg, chez M. Gauwerven, S. Jean
qui prêche dans ie Désert; et une Marchande
de légumes.
JEAN
-ocr page 45-
3 ft                   La Vie des Peintres
JEAN BÉELDEMAKER,
ET FRANgOIS CARRËE.
tEan BÉeldemaker naquit a la Hiye
il en 1636, et Frangois Carrée dans la Frise en
la même année: Ie premier peignoir des Chasses
au cerf et au sanglier; ses Ouvrages eurent une
grande vogue. Il fit quelque Tableaux de Ca-
binet; mais plus occupé a orner des Apparte-
ment, Ie plus grand nombre de ses O.ivrnges
ne peut être transporté hors de son pays, c'eft
pourquoi il efl peu connu ailleurs. Sa facilité et
un bon gout de couleur lui ont donné de la cé-
lébrité. II a fait beaucoup d'Eleves, parmi les-
quels on compte ses deux fils qui paroitront dans
eet Ouvrage.
On voit de lui a Dort une belle Chasse au
cerf, dans Ie cabinet de M. f^ander Linden,
van Slingelandt:
ce Tableau a beaucoup de feu
et une bonne touche.
Carrée étoit fort avance dans 1'étude des Lan-
gues, et se deftinoit a entrer dans une Commu-
nauté Religieuse; mais un gout décidé pour la
peinture Ie retint dans Ie monde : on ne con-
noit pas son Maitre. Son habileté lui acquit la
place de premier Peintre du Prince Guillaume-
Frédéric Stathouder de la Frise; il eut Ie bon*
heur de plaire par ses Ouvrages a son Maitre,
aux Artiftes et au Public : moyen certain de se
faire un nom, et de fixer sa fortune. A la mort
du Prince, Carrée fit conflruire un catafalque
magnifique
-ocr page 46-
Ftamands, AllemanAs et Hollandois. 33
magnifique sur ses de.^seins, et i! grava a 1'eau
forte ce monument de son attachement : cette
Estampe fait assez connoitre son mérite. Il avoit
bien dn génie, il a bien réussi a peindre des Fê-
tes de Village; il eut deux fils , Henri & Michel
Carré
, qui trouveront ici leur place a leur tour.
Francois Carré, après avoir perdu son Protec-
teur, resta au service de la PrincesseDouairiere
Albertine. et fut depuiss'établir a Amsterdam,
oü il est mort en 1669.
JEAN LE DÜC,
ÉLEVE DE PAUL POTTER.
JEaN le DüC, né a la Haye en TÓ36, fut
Eieve de Paul Potter, si connu par ses ex-
ceiienres produdions. Le plus grand éloge qu'on
puisse donner a 1'Ecolier, c'e.st qu'il imita la ma-
niere de son Maitre, a s'y méprendre : il eut et
la facilité de son pinceau, et la finesse de son
dessein. LesTalileaux et les Desseins d'animaux
de le Duc sont fort recherches; la seule diffé-
rence qu'il y eut entr'eux fut dans le caractere.
Pot/er ne quitta jamais la Peinture qui le fa-
vorisoif; et le Duc, par une ingratitnde mar-
quée, abandonna sa Bienfaiftrice pour prendre
le pa: ti des armes : il eut uno place d'Enseigne,
et devint Capitaine^ on pretend même qu'il ac-
quit le titre de brave, mais il ne dessina ni ne
peignit plus, et c'est ce qui cause nos regrets.
Il fut Directeur de 1'Académie de Peinture de
Tome 111.                                    C la
-ocr page 47-
3A                   La Vie des Peintres
1636. 'a Haye en 1671 , oü il avoit vécu long-temps:
^m^m on ne fcait point 1'année de sa mort.
Le Duc a gravé a 1'eau forte avec un grand
succes : ses Tablcaux ne sont point connus a
Paris; j'en ai vu un très-beau a la Haye, chez
M. van Héteren; il représente plusieurs Cava-
liers avec des Femmes dans un Corps-de-Gar-
de, ere.
DANIEL HARING.
V\ N G o o L qui a écrit la vie de Daniel
Haring,
conjeclure qu'il étoit né vers 1'an-
née 1636, et 1'Historien se fonde sur ce qu'en
commencant a étudier le dessein a 1'Académie
en 1703 , Haring étoit fort agé. Quoi qu'il en
soit, Haring exerca la Peinture a la Haye , oii
il fut nommé plusieurs fois Direfteur de 1'Aca-
démie. Il peignoit bien IePortrait en grand; et
quoiqu'infërieur a Netscher, il lui fut souvent
préféré par ceux qui ne vouloient pas mettre
un prix si excessifau plaisir d'avoir leur ressem-
blancc II avoit de la réputation autant qu'on
en peut avoir, quand on n'est pas Ie premier;
il s'en falloit bien qu'il ne fut riche. Une Ecole
de Dessein, très-fréquentée, qu'il tenoit chez,
lui, et quclques Portraits, lui formoient par an
un revenu assez considérable pour vivre honnê-
tement avec une nombreuse familie; il n'avoit
qu'a continuer, et il se seroit soutenu jusqu'a
la fin; mais il se dérangea, et s'étant émancipé
a suivre trop souvent a la chasse les Comtes de
Bentheim
, ses Eleves, il négligea son Art et
son
~^-------
-ocr page 48-
Flamands , Allemands et Hollandois. 35
son Ecole, rjui demandoient de 1'assiduité: il 1636.
mouruttrès pauvre en 1706. Ce nVst pointaux ^mmmm
Ai tistes a vivre familierenient avec les Grands,
a moinsqu'ils ne s ient aussi Artistes qu'eux.
Ses Portraits sont estimés, il n'y a guere de
Families considérables en Hollande, oü Ton
n'en voie de sa main.
DANIEL MYTENS.
MYtevs fait honneur au lieu desa naissan-
e, et il ne tint pas a ia nature qu'il ne lui
en ut davanlage : il n iquit a la liaye en 1636.
On ne conoit pas son Maitre; il rut a Rome
encore fort jeune- on croit qu'il y étudia avec
Doudyns et V^ander 5j4uur.admirateur éclairé,
jamais rassasié des chefs-d'ueuvres antiques et
modernes, att.iché a son Arl par son gout natu-
rel , et par la société des grands Artistes C ulo
Mara/tictÓQ Carfo Lothi
Possesseurd'ungrand
bien dans .sa patrie, maitre de se fixer a son gré,
il resta long temps dans cette grande Ville, il
y fit les pius grands progrès dans Ia Peniture;
mais la nobie ambition de se distinguer dans
son Art. céda bientöt a la pptite vanité de bril-
ler par Ie luxe, la dépense et Ie plaisir; ce qui lui
attira de la part de la Bande Academir\ue, ou
de ses Compagnons d'étude, Ie nom satyrique de
lu Corneille Bigarrée,
a cause apparemment de
la recherche et de la qiumtité de ses habits.
Après avoirdemeun* plusieursannées en Italië,
il revint a la Haye en 1664; il y fut admis avec
C a applau-
-ocr page 49-
36                La Fie des Peintres
\6\6. applaudissement dans 1'Académie de Peinture :
mmjmt' il en fut plusieurs fois Dire&eur, et fut nommé
Enseigne d'une Compagnie Bourgeoise. Cette
petite marque de distin&ion de la part de ses
Compatriotes, n'est rien auprès del'admiration
générale que dans ses commencements lui mé-
rita son pinceau. Il réussit et dans 1'Histoire et
dans Ie Portrait : mais bientöt ce premier pen-
chant pour Ie plaisiret pour la dépense, qn'on
luiavoit reproché dans sa jeunesse, prit Ie des-
sus, lui fit négliger son talent, et Ie plongea
dans la débanche, qui détruisit et sa fortune et
sa santé. Il muurutgarcon Ie lo,Mars 1688,agé
de 52 ans.
Sans ces défauts, Mytens auroit été un des
plus grands Peintres. 11 avoit de si heureuses
dispositions, que tant qu'il les seconda dans sa
jeunesse, il fit de très-belles choses : il avoit de
1'imaginafion, et composoit bien; son dessein
était exaft et facile, son coloris tres agréable.
On cite son bon temps a son retour de Rome :
c'étoit alors un Peintre distingué •, quelques an-
nées avant sa mort, ce n'étoit plus qu'un Peintre
ordinaire. Je puis justifier ce jugement par Ie pla-
fonds de la salie de Peintres a la Haye, qu'il
ébaucha a son arrivée : il lui acquit la plus gran-
de réputation; malheureusement il ne Ie termi-
na que plusieurs années après, et il eut bien
mieux valu, pour sa gloire, qu'il ne 1'eüt jamais
fini. Ce n'étoit alors plus qu'un Peintre ordinai-
re, parce qu'il regardoit moins la Peinture com-
me un moyen d'acquérir de la gloire, que com-
me une ressource dans Ie besoin.
DAVID
-ocr page 50-
Flamandi, Jllemands et Hollandois. 37
DAYID DE CONINCK,
ÉLEFE DE FYT.
LE s Ecrivains Flamands et Hollandois n'ont
fait aucune mention de ce Peintre, qui ne
méritoit cependant pas d'être oublié; j'ai eu be-
soin d'avoir recours a d'autres sources, pour y
puiser ce que j'en vais exposer.
Il naquit a Anvers : on ne fgait pas précisé-
ment en quel mois ni en quelle année. On n'est
gnere mieux informé des détails de sa premiere
éducation, on est seiilement assez sur qu'il fut
admis dans 1'Ecole de Jean Fyt, qu'il y fut assez
long-temps, et qu'il y fit d'assez grands progrès
sous ce Maïtre pour lui donner de la jalousie;
et réellement leursOuvrages ont été pris les uns
pour les autres, et souvent achetés Ie même prix
dans les ventes des Cabinets.
Arrivé a ce point de perfeöion, de Coninck
voyagea en France et en Allemagne, et par-tout
fut employé par les grands Seigneurs; mais Ie
but de tous ses voyages étoit 1'Italie. Il vint a
Rome en 1668,'et y fut rec,u des Artistes et des
Amateurs , comme il Ie méritoit. Il fut invite
d'entrer dans la Bande Académique, dont nous
avons parlé plus d'une fois dans Ie cours de eet
Ouvrage, et on lui donna Ie nom de Romme-
laer
, mot qui fait allusion aux lapins qu'il se
plaisoit a mettre dans tous ses Tableaux.
De Coninck sentit bientót ce que les visites
C 3 et
-ocr page 51-
38                La F ie des Peintres
1630. et les amusement.'lui faisoient perdre du temps
^■gjr que 1'on pet mieux employer. tl s'eoferma chez
lui. n'en sortit plus qu avec im ou deux Ta-
bieaux qui étoient payés avant même que d'être
finis. La vogue des ses Ouvrages fut tel ie qu'il
gagna plus que les plus hnbJes Peintres d'His-
toire. II avoit bien Ie projet de retourner dans
sa patrie, mais Ie d 'sir dachever ses Ouvrages
commencés, retarda son voyage : on croit qn'il y
mourut riche, sdn* doute, puisqu'i] y fit toujours
une assez belle figure, et d'autint plusraison-
nable, qu'elle n'interrompit point un travail qui
lui procura son aisance.
LesTableaux de de Coninck sont assez dans
la maniere de Fytson Maitre : comme lui, il pei-
gnit des animaux vivants et morts, des fleurs et
des fruits. Comme Fyt, il excella a peindre les
oiseaux; sa touche est ferme et facile, sa cou-
leur naturelle et vigoureuse. La supériorité de
Fyt
sur de Coninck sera cependant toujours sen-
tie par les flus Connoisseurs. Les Ouvrages du
dernier sentent toujoiirs plus la palette que ceux
du premier. J'ai eu 1'occasion de voir leurs Ou-
vrages, a cóté les uns des autres, et de les com-
parer; et 1'avantage restoit au M.utre snr 1'Ele-
vp, qui sera cependant toujours regarde comme
un grand Peintre.
Les deux plus beaux morceaux que je connois-
se de de Coninck sont a Bruges, dans Ie Cabi-
net de yi.TVaepenatr , Con^eillcr au Franc de
Bruges : on y voit des Cygnes vivants du Gi-
bier et des Poissons grands comme nature.
Un autre Tableau du même, merite 1'atten-
tion j dans Ie Cabinet du Prince Charles, a Rru-
xelles;
-ocr page 52-
Flamands f Allemands et Hollandois. 3g
xelles; il représente quantité d'Oiseaux vivants
et morts.
On voit encore de la même main, chez M.
Baut, Chanoine a Gand, un grand Tableau
d'Animauxde toutes les especes; et il y a autant
de profit a faire a l'examiner, que de plaisir.
JEAN HAKKERT.
ON croit Jean HaJckert né a Arasterdam, il
étoit Peintre de Paysages. Il a voyagé en
Allemagne et en Suisse : c'est dans ce pays de
montagnes qu'il fit les études de ses Tabieaux.
On Ie trouvoit au milieu des rochers, a 1'entrée
des cavernes, a copier les efFets de Ia nature,
tantót agréables , tantót bizarres, raais toujours
interessants par leur ressemblance.
Un jour occupé a dessiner sur une des monta-
gnes de la Suisse, il fut appercii par quelques
Ouvriers qni travailloient dans les environs; ils
furent d'abord étonnés de voir quelqu'un qui
regardoit toujours au même endroit, et qui
leur sembloit écrire sur du papier; ils s'appro-
chent, mais n'y ayant appergu au lieu de let-
tres qu'un griffonage de crayon, ils ne douté-
rent plus que ce nefussent des cara&eres et des
signes magiques; ils 1'accablerent d'injures, sans
qu'il put en deviner la raison. Il céda cependant
a leur colere, et croyant qu'elle venoit de ce
qu'il étoit trop pres d'eux, il fut se placer plus
loin; ils 1'observerent, a peine eut-il repris son
crayon et son papier, et fut-il assis, que la mê-
C 4 me
-ocr page 53-
4o                La Vie des Peintres
mr troupe 1'ayant encore apptrcu, 1'investit et
Ic sai'it. Ii eut betai vouloir leur faire entendre
raison, et se jnsnfier, on ne 1 écouta pas, et il
fut conduit a la Ville au milieu d'une foule qui
augmenta toujours. Arrivés chez Ie premier Ju-
ge, ils dénoncerent un Magi/ien qn'ils avoient
trouvé fai>ant des sortiléges coutr'eux et leur
pays dans les Montagnes. Le Magistrat recoonut
Ie Peintre, il appaisa le peuple, ot leur ayant
apprisqu'un desseinn'étoitqn'une imitationplus
agréable que dangereuse, il les renvoya et don-
na au prétendu Sorcier la liberté de sa personne,
et d'aller dessiner oii bon lui sembleroit.
De retour eu Hollande, il peignoit de très-
beaux et tres- singuliere Paysages d'après ses
Desseins. Il fut étro]tementliéavec^cf/-z'e« ban-
den Velde, qui peignit les Figures dans la plu-
part des Tableaux d''Hakker. Cette association
de talents a rendu les Ouvrages d'Hakker phis
précieux. Ii est mort en Hollande, on ne fcait
en que ie annce : ses Tableaux ne sont ;>as con-
nusen France: on les estime dans son pays, oii
ils sont la plupart.
J. W E Y E R M A N.
OM n'est pas bien sur si pfet erman n'étoit
;>a.s de la familie de Carnpo Weyerman,
Ptintre et Auteur de trois volumes de la Vie des
Peintres Hoilandois. Tous deux ctoient instruits,
bons Artiites, et ont eu a peu pres les mêmes
défauts.
J. Wererman
-ocr page 54-
Flamands, Allemands et Hollandois. 4l
J. PFeyerman avoit, sans doute, fait Ie voya- 1636.
ge de Rome. puisqu'il fut nommé par la Bande ^—
Académique Compaviva. Il paroit qu'il avoit eu
une excellente éducation. On pretend qu'il en-
tendoit très-bien sept langues; il avoit Ie don de
conter agréablement, et Ie talent dangereux de
rire aux dépens de ceux qui prenoient plaisir a
1'entendre. Il peignoit bien des fruits et des
fleurs : c'est ce que nous tenons d'Houbraken.
Je n'ai jamais rien vu de lui, et n'ai pu fcavoir
oü il est mort, ni en quel temps.
PIERRE GYZEN,
ÊLEVE DE BREUGIIEL DE FELOUR.
PIerre Gyzen, natifd'Anvers, fut Ele-
ve de Jean Breughel, On ne dit rien de sa
vie, on ne fait que louer son talent; il auroit
égalé son Maatre, s'il avoit pu mêler davantage
ses couleurs, qui sont trop crues : Ie beau verd,
Ie beau rouge, Ie beau jaune dominent dans ses
Tabieaux; au lieu de donner de 1'éclat a ses Ou-
vrages, ces couleurs tranchantes en ótent tout
1'accord. Sans 1'harmonie, qu'est ce que c'est
que la Peinture? Les petits Paysages de Gyzen
sont finis comme ceux de Breughel, les Figures
sont tonchées avec esprit et sans sécheresse.
Nous avons de lui quelques Tabieaux assez dans
Ie gout de Zaft-Leven, et qui sont autant re-
cherches. Nous ne pouvons marquer avec cer-
titude 1'année de sa mort.
Les
-ocr page 55-
42                La Vie des Peintres
1636. Les Ouvrages de ce Peintre ne sont pas bien
'connus en France; on les trouve plus commu-
nément en Hollande : en voici un petit nombre.
Il y a dans Ie Gabinet du Prince de Hesse un
joli Paysage, entierement dans la maniere de
Breughel. A la Haye, chez M. d'Acosta, un
Paysage très-fin avec desFigures. ChezM. Vers-
churing,
un Paysage : on y voit une Chasse,
beaucoup de figures, du Gibier mort et vivant.
Chez M. van Brémen, un Paysage oü il a re-
présenté une Riviere rapide.
DROST, YAN TERLÉE,
POORTER, GELLIG ET SPALTHOF.
CE s cinq Artistes ont vécu dans Ie même
tomps. Drost avoit appris a peindre dans
1'tcole de Rembrant.XJn assez long séjour a Ro-
me lui avoit donné un meilleur gout de dessein
que n'avoii son Maitre. Houbraken a vu un Ta-
bleau de Drost; il représentoit S. Jean prêchant
dans Ie Désert. Cet Ecrivain assure que Ie colo-
ris et Ie Dessein étoient dignes d un grand Maï-
tre. Je n'ai vu aucun de ses Ouvrages.
Van Terlée, selonlemèmeHoubraken,pzi-
grioit bien 1'Histoire : un Enlevement d'Europe
a fait Tadmiration de notre Ecrivain.
Poorter, aussi Peintre d'Histoire, a mérité ce
nom du même Historiën; il en connoissoit un
Tableau qui représentoit la Reine de Saba.
ó/m/^o/peignoit 1'Histoire et d'autres sujets.
-ocr page 56-
Flamands, AUemands et Hollandois. 43
II a fait Ie voyage de Rome trois fois : ses Ta- 1636.
bleaux y furent recherches; il ne traitoit pres- <—
que d'autres sujets que des Places publiques de
Rome, des Marché« de Flandres, oü il intro-
duisoit beaucoup de Figures bien dessinées et
bien peintes.
MELGHIOR
-ocr page 57-
MELCHIOR
HONDEKOETER,
ÉLEVE BE SON PERE.
Elchior Hondekoeter, issu
d'une Familie noble , naquit a
Utrecht en 1636:11 estFils etEle-
ve de Gisbrecht Hondekoeter, et
petit fils de Gilles Vinkenbooms
et de Savery.
Le jeune Hondekoeter étudia sous son pere
jusqu'a l'age de 17 ans; il apprit de lui a peindre
toutes sortes d'oiseaux, et particulierement des
poules, des coqs, &c. La mort de son pere, qui
arriva en 1653,1e laissa entierement a lui-même;
il
-ocr page 58-
La Vie des Peintres] etc.           4^
il eut recours a la nature et aux avis de J. B. 1636.
PVeeninxs son oncle. Il surpassa bientót
pere. Melchior joignit a ce talent une qualité
encore bien plus essentielle, une sagesse exem-
plaire, et une étude approfondie etméditée de
sa Religion. Il pronouc,a dans l'Eglise de S. Jean
un Sermon si pieux, si fcavant et si eloquent,
qu'on tacha de Ie déterminer a quitter la Pein-
ture pour se faire Ministre.
Quile croiroit! Gette vie réglée se changea de-
puis en une crapule abominuble; il eut Ie malheur
d'épouser une méchante femme, dont les soeurs
ne valoient guere mieux. Il employa d'abord la
douceur pour les ramener, et toute sa raison pour
leur résister; maisil neput vaincre leur humeur
insociable. Et ne trouvant d'autre asyle contre
leur fureur que Ie Cabaret, et d'autre consola-
tion que dans la débauche, il s'y livra tout en-
tier ; Ie plus sobre et Ie plus sage de tous les hom-
mes en devint, par la persécntion de sa femme,
Ie plus intempérent et Ie plus déréglé.
Conservant, au milieu de sa débauche, un
fond de piété, ses remords et ses exces abrege-
rent ses jours, et terminerent bientöt une mal-
heureuse vie a Utrecht en 169$.
Presque tous les Tableaux de ce Peintre .sont
d'oiseaux, la plupart vivants : personne n'avoit
jusqu'a lui mieux peint des poules, des coqs,
des paons, &c. Il avoit accoutumé un coq a
se tenir pres de son chevalet, aussi long-temps
et de telle facon qu'il Ie vouloit. Ce animal
obéissoit au moindre mouvement de 1'apui main,
et étoit si au fait de eet exercice, qu'il auroit
detneuré dans la même attitude des heures en-
tieres
-ocr page 59-
46           La Vie des Peintres, etc.
1636. tieres sans se déranger. Hond' koet ravoit une
■•■■■^ touche particuliere pour imiter les plumes, et
une fort bonne couleur; il ornoit de plus ses
fonds de Paysages bien flnis, et dont rh;rmo-
nie augmentoit Féciat des Sujets qui faisoient la
principale partie de son Tableau.
On en voit un de ce Maitre, a Paris , dans Ie
Cabinet de M. Bhndelde Gagny, il représente
deux Perdrix mortes.
M. Léers, a Roterdam, a de lui pïusieurs
Coqs qui se battent, &c. Et M.Bissc/iop, des
OiseaiiK de riviere dans un beau Paysage.
JEAN VAN NECK
ÊLEVE DE JACQUES DE BAKKER.
JEaN Van NecK, fils d'un Mtdecin, na-
quït a Narden, et ent pour Maitre dans la
Peinture Jacques de Bakker; il apprit d'abord
a bien copier les Ouvrages de Bakker, et il a
fini par s approprier sa maniere, au point qu'il
btilance les snffrages. Ses commencements an-
noncerent des dispositions. heureuses, et furent
des marques d'un génie élevé.
Il peignit des Tableaux <1 Histoirp. Houbra-
ken
fait 1 éloge d'une belle composition de van
Neck
:elle représente,dit cetHisloi ien, Siméon
dans Ie Temple, tenant 1'Enfant Jésus sur ses
bras. Ce Tableau très-bien peint et très-bien
dessiné est a Amfterdam, dans 1'Eglise Romaine
de la Nation Francoise. Il a peint aussi, avec un
grand succes, des Nymphes et autres Figures
d'un tres beau coloris. Il est mort a Amsterdam
en 1714.
                                       HEYMAN
-ocr page 60-
HEÏMAN
DULLAERT,
ÉLEVE DE REUBRANT.
U L L A E R T annori9a son j6i6.
talent dès sa plus tendre jeuneffe; ■<^**
il barbouilloit de figures les mu-
railles de fa maison. Son pere,
fj Marchand de Tableaux, voyoit
avec plaifïr 1'inftinft de fon flls fe
développer infenfiblement pour l'Art qui faifoit
fa fortune; auffi fe hatoit-il de Ie placer chez
Rembrani: 11 fit tant de progrès fous ce Maitre,
que Ie génie de 1'un pafla dans 1'autre. En ef-
fet, il ne s'eft jamais écarté de la maniere dont
Rembrant
<-.:„>"->t~£i*"
_______________
-ocr page 61-
48                 La Fie des Pemtres
i6ï6. Retnbrant colorioit & difpofoit fes Tableaux.
*«w De même Houbraken & Wej errnan nous af-
furent qu'ilsy ont été trompés; Ie dernier cite un
petit Tableau repréfentant un Hermite a ge-
noux, qui étoit fi bien dans la maniere de Rem-
brant,
quil auroit paffe pour être de ce Maïtre,
ü on n'y avoit trouvé Ie nom de l'Eleve écrit
deffiis. Dans une vente publique a Amfterdam,
on vendit un Tableau de Dullaerf, pour être
de Hembrant, il représentoit Mar;> en cuirafle.
Ceci fuffit pour indiquer la maniere & Ie mérile
de notre Artifte. Il avoit de 1'esprit, et il joi-
gnoit a une connoiffance profonde de la Mu-
fique, Ie don brillant d'une belle voix. Né a
Roterdam en 1636, il mourut Ie 6 Mui 1684.
JEAN YANDER HEYDEN,
"«r Ander Heyden, né en 1637 a Gor-
» kiun, n'eut pour Maitre qu'un Peintre sur
verre, peu 011 point connu : aussi eut-il tant de
dispcsition pour la Peinture, quil parvint seul,
avec tres peu de secours, a un très-haut degré
de perfe&ion.
La nature, qui seule 1'avoit fait bon Peintre,
fut aussi toujours son unique objet; il sembloit
qu'elle ne Tinspiroit que pour elle-même, c étoit
avec elle qu'il s'instruisoit, qu'il parvenoit a la
copier, ou plutót c'étoit par lui qu'elle se re-
produisoit.
f^ander ffeyden commenqa par dessiner très-
exa&ement les Chateaux anciens et modernes,
des
_____
-ocr page 62-
Flamands, Allemands et Hollandois. 49
des Eglises, des Palais, &c. II porta ses études
sur U toile et Ie panneau, et
tion de les terminer d'après nature, mais avec
tant de préciiion qu'on compteroit presque les
briques, les pierres et les plus petits détails.
Ses Tableaux furent regardes comme des pro-
diges de patience, on les acheta un grand prix :
ce fut pour lors qu'il peignit des Sujets plus con-
sidérables, tels que I Hotel de Vilie d'Amfter-
dam , qu'il représenta de différents cótés; la
Bourse de la même Ville; Ie Bureau du Poids
public; 1'Eglise neuve; la Bourse de Londres;
son Mont Calvaire est une vue de Cologne, &c.
La plupart des vues furent ornées d'un nombre
de Figures par Adrien Vanden Velde, qui aug-
mentent de prix les Tableaux de Vander Hey-
den.
II se plaisoit encore, pour se délasser, a
peindre, et a représenter des Sujets inanimés. Il
avoit la même patience a finir les plus petits
détails; les Auteurs citent comme surprenant,
un Tableau dans ce genre : on y voit une Bible
entr'ouverte, qui n'a que 4011 J pouces de hau-
teur, et dans laquelle on lit exeëtement Ie texte
comme s'il etoit imprimé.
Cet habile Artiste ne borna point ses recher-
ches a la seule perfeöion de son Art, il avoit en
vue de s immortaliser, et il y parvint en perfec-
tionnant les Pompes a inoendies. 11 ne fut pas
1'Inventeur do ces Pompes, comme 1'avancent
les Ecrivains Hollandois, mais il augmenta leur
produit, leurs forces, et en diminua les frotte-
ments :il les rendit même plus commodes a trans-
porter. Les Magistrats d'Amfterdam n'eurent
pas plutot reconnu les effets de ces Pompes,
TomelIL                             D qu'ils
-ocr page 63-
So                La Fie des Peintres
cp'üs gratifïerent 1'Auteur d'une pension, avec
Ie titre de Dire&eur des Pompes a incendies. Il
fit depuis moins de Tableaux; mais ceux qu'il
a faits après sont auffi finis. Quoiqu'on ait lieu
de regretter que Ie temps qu'il étoitobügé d'em-
ployer aux fonöions de sa Charge, nous ait privé
de quantité de beaux Tableaux, que vraisem-
blablement nous aurions de plus, on en est de'-
dommagé par la perfe&ion qu'il a donnée a ces
machines utiles; car enfin 1'utile l'emportera tou-
jours, aux yeux de la raison, sur 1'agréable, et
Ie nécessaire sur Ie beau. Après avoir mérité la
considération et des Citoyens et des Amateurs
de la Peinture, il mourut a Amflerdam Ie z8
Septembre ijfl, agé 75 an?.
Ce qu'ü y a de plus surprenant dans les Ou-
vrages des Vander Heyden, c'est Ie détail mi-
nutieux des matériaux, et de tant de petites par-
ties distinöement apperc,ues. Sans nuire a 1'ac-
cord du tout ensemble, et sans être peiné ou
sec, sa touche est précise et pourtant pateuse.
Un travail, en apparence servile, devient aux
yenx facile et précieux. Il poussoit l'exa&itude
jusqu'a la diminution des briques, des murailles,
suivant les régies de la perspeftive; des tons
gris et roussatres , mêlcs ensemble, produisent
des masses, tantöt vigoureuses, tantöt vapo-
rées et toujours dorées. L'intelligence de la cou-
leur et du clair obscur est observée dans tout ce
qu'il a peint. J'ai vu des Tableaux de lui, oü il
n'y avoit pour tout qu'une petite Maison , et on
ne se lassoit point d'examiner par quelle magie
il avoit fait valoir un fond de Paysage, dont Ie
plan uniforme n'avoit nul intérêt; c'étoit un
local
-ocr page 64-
Flamands t Allemands el Hollandois.
local exaft, auquel on n'auroit pu rien ajouter; 167
ce n'étoit qu'un chemin 011 quelqu'objet auffi peu *i—
frappant, et sous son pinceau la représentation
n'en est point froide : il a fi. bien f911 répandre
la lumiere, et opposer en même temps les om-
bres , que ces oppositions font Ie même effet que
s'il y avoit plusieurs plans; une Prairie a diffé-
rentes couleurs dans la nature, mais il faut un
grand talent pour les rendre, et lui óter cette
verdeur monotone qui choque dans une imita-
tion médiocre.
Vander Heyden deflïnoit bien, il mettoit
beaucoup de teraps a faire des études qu'il finis-
soit la plupart autant que ses Tableaux. Voici
les plus connus.
A Paris, chez M. Ie Comte de Vence, on voit
au bord d'un canal, une jolie Maison et des Figu-
res pur A. Vanden Velde.
Chez M. Ie Comte de Choiseul; une vue de
la Ville de Cléves, et des Figures et des Ani-
maux, par A. Vanden Velde.
Chez M. de Julienne, un Tableau agréable:
c'est un Village pres duquel passé une riviere ,
sur laquelle est un Pont, &c.
Chez M. de la Bouexiere, la vue d'une rue
d'une Ville d'Hollande, et deux autres vues ,
avec beaucoup d'Architefture.
Chez M. Blondelde Gagny, trois TabSeaux;
1'un est la vue de la Ville de Delft; 1'autre, 1'en-
trée de la Ville de Cologne; et Ie troisieme, Ie
Chiteau de Rolindal. Les Figures et les Ani-
maux sont de A. Vanden Velde.
A Dusseldorp, chez l'Ele&eur Palatin, une
vue de Rome.
D 2 A
-ocr page 65-
5 a                 La Vie des Peintres
1637. A Amsterdam, chez M. Jacques Bierens, la
«——> vue du Marché-Neuf, et de la Maison du Poids
public.
Chez M. Léers, a Roterdam, une vue de plu-
sieurs Eglises. Et chez M. Bisschop, un Paysa-
ge; et dans Ie fond une Portede la Ville d'Ara-
fterdam.
ABRAHAM MIGNON,
ÉLEFE DE DAFID DE HEEM.
MTgnon naquit a Francfort d'un pere qui
eut Ie malheur de perdre tont son bien
dans Ie commerce. Cette disgrace priva son fils
des commodités fi nécessaires a ceux qui veu-
lent étudier les Arts. Il retrouva ce que la for-
tune lui avoit öté, dans la générosité de Jac-
ques Murel,
Peintre de fleurs. Gelui-ci prit Ie
jeune Mignon chez lui, quoiqu'il n'eüt encore
que sept ans. Il lui donna des lecons, et il Ie
garda chez lui dix sept années. Murel faisoit
commerce de Tableaux, et dans un voyage qu'il
fit en Hollande, il engagea David de Heem de
se charger de Mignon : c'étoit Ie moment de lui
donner un Maitre de ce mérite. L'affiduité et les
progrès de 1'Eleve redoublerent les attentions et
Tamitié du Maitre. Mignon acquit bientót de
la réputation, et ses Ouvrages commencerent a
être recherches. Il ne lui falloit plus, pour se
perfettionner, que de consulter la nature. Il la
consulta depuis dans des détails qui ne sont pe-
tits qu'aux yeux du vulgaire des Peintres; et
ce
-ocr page 66-
Flamands, Allemands et Hollandois. 53
ce fut la derniere et la plus grande obligation 1637.
qu'il eut a de Heem, que de 1'avoir bien con-«——
vaincu de cette excellente maxime.
Mignon, parvenu a mériter 1'estime des Con-
noisseurs, quitta son Maitre pour partageravec
sa mere une fortune naissante, qui augmenta sou
affiduité et son application au travail. Il s'éta-
blit a Wedzlar oü sa mere demeuroit, et ne la
quitta qu'a sa mort. II s'y maria et vécut estimé
par son talent, et aimé pour sa douceur dans la
société; il fut un des plus habiles dans son genre.
Il mourut en 1679, et laissa deux filles.
Ce Peintre est un de ceux qui ont Ie plus joui
pendant leur vie de leur talent; Ses Ouvrages
furent bien payés, et auroient augmenté de nos
jours, ü van Jluysum n'avoit pas fait voir qu'il
étoit poffible de Ie surpasser. Mignon colorioit
avec véricé et chaleur les fruits et les plantes»
Ses fleurs ont la fmicheur de la nature: sa tou-
che facile leur donne de la legéreté. Il faut
avouer qu'il n'a pas eu les ressources dont van
Hujsum
nous a donné 1'idée. La lumiere n'est
pas toujours répandue avec autant d'harmonie
que dans les Ouvrages de ce dernier; 1 accord des
couleurs opposées moins bien entendues, a di-
minué Ie mérite de quelques-uns des Tableaux
de Mignon, fi dignes d'ailleurs d'entrer dans les
meilJeures collecitions.
On voit de luien France, dans Ie Cabine! du
Roi, deux beaux morceaux : l'un représente un
Bouquet de fleurs dans un bocal de verre ; 1'au-
tre, plusieurs Plantes différentes, des Poissons,
et un Nid d'oiseaux.
D 1 Chez
-ocr page 67-
La Vie des Peintres, etc.
1637. Chez M. Ie Duc 0" Orléans, un amas de fleurs,
^—w sur lesquelles sont qaelques Inse&es.
Deux chezM. de Julienne, dont 1'un repré-
sente un Panier avec des Fruits; et 1'autre un
Vase et des Fleurs.
A Dusseldorp, chez l'Ele&eur Palatin, une
Table sur laquelle sont des Huïtres, des Lima-
9ons, des Perdrix et du Pain.
Chez Ie Prince de Hesse, deux Pendants oü
ne sont que des Fruits.
Chez M. Fagel, a la Haye, un Tableau de
Fruits.
Chez M. Lormier, des Animaux, des Oiseaux,
des Fleurs et des Plantes 5 et un Tableau de
Flenrs.
Chez M. d'Acosta, un Tableau oü 1'on voit
des Couleuvres et des Souris qui rongent des
fruits.
A Roterdam, chez M.Bisschop, une Corbeille
de Fruits; Ie fond est un Paysage fort clair.
PVeyerman, qui a vu beaucoup de Tableaux
de Mignon, nous en cite un comme Ie plus pré-
cieux : il étoit dans Ie Cabinet de M. de la Court
Vander Voort,
a Leyden, et portoit, par dis-
tin&ion, Ie titre de Tableau de Mignon au Chat;
un Chat de Chypre renversoit un vase rempli
de fleurs qui étoient dispersées sur une table de
marbre; 1'eau qui sortoit du vase étoit fi bien
représentée, et avcc tant de vérité, qu'on crai-
gnoit d'en être mouillé.
JACQUES
-ocr page 68-
JACQCES
VAN OOST,
ÉLEVE DE SON PERE.
ACQUES VAN OOST,
surnommé Ie Jeune, parce quil
est fils deJacques van Oost, dont
il est parlé dans Ie second volume.
VanOost Ie jeune naquitPeintre,
et dès qu'il eut la liberté d appren-
dre Ie dessein, il abandonna tout ce qui auroit
pu 1'en distraire : il fut 1'exemple de TEcole,
et par son ardeur a s'instruire, il redoubla celle
de son pere a 1'avancer dans ses études. Il est
D 4 rare
-ocr page 69-
56
La Vie des P§intres
1637. rare d'avoir une fi viveancünation fans talent;
—°™- et avec l'un et 1'autre on eft für du progrès. Van
Oost
acquit donc de bonne heure de la répu-
tation; il defira et obtint la permiffion d'aller a
Rome; il prit fa route par Paris, oix il demeura
deux ans, et de!a futc'i Rome. Il copia les Anti-
ques, il étudia la maniere de chaque Maitre, et
toiijours avide d'apprendre, il fit chaque jour
de nouveaux progrès, parce qu'il ne perdit pas
un feul jour. Après plufieurs années ü bien em-
ployees, il quittaavecregret l'Italie, (cetasyle
de tous les Arts) pour revoir fa Patrie. Arrivé
a Brtiges chez fon pere, il fit qiïelques Tableau*,
et malgré 1'envie que 1'on eut de 1'y fixer, il
préféra Paris qui éioit pour lors, comme a pré-
ïent, la premiere Ville du monde, par Ie gout
pour les Arts, et par Ie grand nombre de ceux
qui y excellent.
Van Oost, en paflant par Lille, s'arrêta a y
voir quelques amis Artiftes, mais ils lui donné-
rent 1'occafion de peindre plufieurs Portraits,
qui eurent tant de fuccès, que les premiers de
Ja Ville 1'engagerent a abandonner Ie projet d'al-
ler a Paris. Il n'y auroit peut-être pas renonce,
mais les Ouvrages qu'on lui proposa fe fuccé-
derent au point qu'il y auroit eu de la folie de
quitter Ie certain pour 1 incertain. Il fe détermi-
na donc a refter a Lille; il y épousa Mademoi-
felle Marie Bourgeois, et il demeura 41 ans dans
cette Ville qu'il n'auroit pas quittée fans la mort
de fa femme. Van Oost devemi veuf,reiourna a
Brnges, oü il mourut peu de temps après, Ie 29
Décembre 1713, agé de 76 ans. Il eft enterré
dans 1'Eglise des Jacobins. Il laiffa après lui un
fils
-ocr page 70-
Flamands, Allemanis et Hollandois. 5^
fils qui portoit fon nom, mais qui n'a jamais été 1637.
un grand Peintre.
                                               i»i «
La maniere de Van Oost Ie jeune approche
de celle de fon pere; il eft c 'pendant plus pa-
teux; et sa touche eft plus franche; il drapoit de
plus grande maniere; fes compofitions ne font
pas abondantes, mais réfléchies; fes flgnres font
correftes et exprefllves; fon gout de deflein tient
de la grande Ecole; fa couleur eft bonne et pro-
duit de beaux efFets. Comme fon pere. il pei-
gnoit très-bien Ie Portrait; quelques Partisants
zelés or.t osé comparer quelques-uns de fes Ta-
bleaux de ce genre a ceux de van Dyck. La com-
parai,«on eftoutrée, mais il étoit Ie meilleur de
fon pays dans fon temps.U n'a jamais aimé lesTa-
bleaux de chevalet. On ne trouve de fes grands
Ouvrages que dans les Eglises ou dans les Pa-
lais : Voici les principaux.
A Lille, dans 1'Eglise de S. Etienne, Ie Mar-
tyre de Siinte Barbe, Tableau d Autel dans la
Chapelle du même nom. On Ie regarde comme
ie plus beau de eet Artifte.
Dans 1'Eglise de S. Sauveur, une Transfigura-
tion au Maitre Autel.
La Résurreöion du Lazare, au Grand Autel
de 1'Eglise de la Madeleine.
Autre Tramfis;iiration, Tableau d'Autel dans
Ie Cho2iir de 1 Eglise deS.André.
Dans 1'Eglise des Carmes, fïx grands Ta-
bleaux, trois d'un cóté, représentant la Vie de
S. Jean d cruce; et les autres la Vie de Sainte
Thérese.
Aux Capucins, plufieurs morceaux dans leur
Eglise; Ie plus beau eft dans Ie Chceur : on y
voit
-ocr page 71-
58                 La Vie des Peintres
j/j, voit 1'Enfant Jésus a qui on présente les Inftru-
mmm ments de la Paffion; lesautres font de fon der-
nier temps, et marquent la foibleffe de fon age.
Une Sainte Familie dans 1'Eglise de Saint
Maurice.
A Bruges, dans 1'Eglise des Récollets, dans
la Chapelle de Sainte Marguerite, cette Sainte
tenant un Dragon enchainé. Dans 1'Abbaye aux
Dunes, Ie Portrait d'un Abbé:c'eftun tres beau
Tableau.
MINDERHOUT.
MInderhout naquit a Anvers : on ne
fgait a qui il a du. fon inftruftion, et on ne
connoit que très-peu de particularités de fa vie.
Il fut admis a 1'Académie d'Anvers; on y voit
encore fon Tableau de réception : c'eft une belle
Marine; il efi place entre les croisées, dans la
Salie de TAcadémie, et fert de pendant au Ta-
bleau de réception de Rubcns.
On na pas fc.u pourquoi ce Peintre a quitte
fon pays natal, oü 1'on recherchoit fes Ouvra-
ges. Il eft certain qu'il alla s'établir a Bruges,
oü il entra dans la Société des Peintres en 1662.
Il a fini fes jours dans la mome Viile, fans qu'il
ait été poffible de foavoir en quelle année.
Minderhout fe plaisoit a représenter des Ports
de Mer, des Baffins remplis de Vaiffeanx : il a
peint plufieurs fois la Ville et Ie Port d'Anvers,
et plus fouvent la Ville et Ie Baffin de Bruges.
On juge de 1'étude particuliere qu'il avoit faite
des
^
___
-ocr page 72-
Flamands, Allemands et Hollandois. 5g
,1111 M.
des Vaiffeaux, de leurs formes, de leurs agrès, 1637.
par fa maniere vraie de les rendre.
                       ■»——
Ses compofitions font abondantes, et toujours
avec de grands effets et de belles oppofitions.
Quefejtiefois fes Ouvrages mérirent de grands
éloges; quelquefois ils font faits avec tant de
facilité et de promptitude, qu ils paroiffent n'ê-
tre que des ébauches; ies Figures, dont il y a
par-tout grand nombre, n'ont pas Ie même mé-
rite; fesCiels font médiocres et fans légéreté.Ses
Ouvrages font très-peu connus en France; on
voit cependant a Paris, deux bonsTableaux de
ce Peintre, chez M. Ie Marquis de la Bour-
donnaye,
Conseiller d'Etat, etci-devant Inten-
dant de Rouen : 1'un eft un Port de Mer du Le-
vant; et 1'autre la Ville et leBaffin de Bruges.
A Rouen, chez feu M. Ie Comle de Varne-
ville,
Ie Baffin de Bruges, Sujet qu'il a fouvent
répété.
Dans la Salie de 1'Académie d'Anvers, un
Port de Mer, avec beaucoup de Vaiffeaux; ce
fut fon Tableau de réception.
A Malines, dans TEglise des Religieuses de
Leliendael, une belle Marine, mais retouchée
par Huysmans.
A Bruges, dans TEglise Collegiale de S. Sau-
veur, une autreMarine, avec beaucoup deVais-
feaux, paffe pour être un ex voto; il eft dans la
Chapelle de Notre Dame de Lorette. C'eft dans
cette Ville qu'on trouve Ie plus d'Ouvrages de
ce Maitre.
Et a la Haye, chez M. Verschuuring, un Port
d'Italie, d'une riche compofition.
NICOLAS
-ocr page 73-
6o            La Vie des Peintres, etc.
NICOLAS RYCKX.
N croit avec quèlqu'apparence ffiwolas
Ryckx
flls de Jean Ryckx, né a Bruges;
fon Maitre eft inconnu; jeune encore il voyagea
& parcourut une partie de 1'Orient. Son plus
grand féjour & fes études furent a Jérufalem &
aux environs: il deffina les lieux les plus connus
& les plus propres a entrer dans fes Tableaux;
il obferva avec foin les caravannes & les habii-
lementsdes Habitants du pays.De retour a Bru-
ges; il fut admis dans la Société des Peintres Ie
9 Septembre 1667. C'efl: tout ce qu'on a pu dé-
couvrir de la vie de ce Peintre.
Quant a fes Ouvrages, ils font connus & efti-
més en Flandres : il peignoit avec une grande
facilité; fa maniere tient de celle de Vander Ka-
bel.
Il eft cependant plus clair & plus vague ,
fon Payfage eft de bon gout. Prefque tous (es
Tableaux repréfentent des Caravannes & des
Vues de la Paleftine. Sa compofition eft abon-
dante, les Figures, les Chameaux, les Che-
vaiix, &c. font deffinés & touches avec efprit.
fa couleur eft fort bonne; en général, c'eft un
bon Peintre, & dont en Flandres on fait cas avec
juftice.
JOSEPH
-ocr page 74-
J O S E P H
W E R N E R,
É L E V E
DE MATHIEU MERIAN.
OSEPH WERNER naqnit a
Berneen 1637, Son Pere, Pein-
tre estimé, eut la satisfa&ion
de voir son fils montrer la plus
forte inclination pour tout ce qui
étoit art ou fcience; il lui donna
les principes du Dessein, mais sans négliger ses
autres dispositions. Et comme il remarquoit qu il
avoit un attrait décidé vers les fciences, il leut
habilement
-ocr page 75-
62                 La Vie des Peintres
i6V7. habilement en faire lobjet deses henres de ré-
.
         création. Cet aimable Eleve fut envoy.'- a Balie,
sous les Professeurs distingué.s, qui depuis long-
temps rendoient célébre cetre illustre Ecole : et
au bout de deux ans il surpassa tous ses Condis-
ciples, et n'eut presque plus besoin de ses Mai-
tre.s: de la on Ie mit chez Mathieu Merian, Ie
premier Peintre de Francfort.
TVerner, dont 1'esprit solide et pénétrant ne
visoit jamais a moins qu'a la perfection dans ce
qu'il étudioit, éronna bientöt son Maitre par ses
questions, par ses observations fries de la natu-
re, et par ses progrès rapides dans 1'art de 1'imi-
ter. Il est certain que si les grands succes dans la
Peinture, ainfi que dans tous les Arts, peuvent
être attribués a la maniere donf un Maitre en
donne des lecons, ce talent d'instruire seroit
presque a pure perte, sans les dispofitions et
l'application de 1'Ecolier. Il se formoit presque
seul, semblable a ces terrains naturellement fer-
tiles, qui doivent plus leurfécondité a leur pro-
pre fond qu'a la main qui les cultive.
Merian frappe des dispofitions du jeune Wer-
ner,
non-seulement lui inspira la curiofité de
voyager en Italië, mais voulut lui en procurer
la commodité et les moyens; il saifit 1'occafion
de Ie présenter a M. Muller, homme riche et
plein de gout, qui étoit prêta partir pourRome.
La complaisance de M. Muller, en se char-
geant de ce jeune homme, qui étoit fort aima-
ble, devint bientót une estime tendre; non-seu-
lement il Ie défraya, mais il 1 aida de ses con-
seils, et lui commoniqua les connoissances et Ie
gout qu'il avoit lui-uiême pour son Art. AicJé
de
___
-ocr page 76-
Flamands, Allemands et Hollandois. 63
de sessecoiirs, rien néchappa a PVerner de ce 1637.
qui méritoit son attention, et il rut toutle temps ~^—w
et toute la commodité d'en profiter. Dans ce pays
oü chaque lieu, chaque instant pré,sentent de
nouveaux modeles, fVerner ne fut pas un mo-
ment oisif; il dessina, il copia avec une telle fa-
cilité et une fi grande promptitude, qu'il étonna
par la quantité de desseins et de ïableaux qu'il
fit en fi peu de temps. Il Iravailla quelques Ou-
vrages a fresque; mais la nécessité oü 1'on eft
de les terminer tres vite, et Ie gout décidé qu'il
avoit pour Ie beau fini, Ie dégouterent de cette
maniere de peindre. Il quitta la fresque el 1'huile
pour se livrer tont entier a la Miniature; et par
Ie degré oü il la porta, il fut depuis aisé de con-
noitre qu'il avoit suivi, en la préférant, son in-
clination et son véritable talent.
S'il réussit a parfaitement traiter Ie Portrait,
il traita également bien 1'Histoire; et on fgait a.
quel point il est difficile de conserver, dans un
fi petit cspace, la dégradation des Plans, la pro-
portion des Figures , l'expres>ion vive des Pas-
sions, et tout 1'efFet d'un grand Tableau.
La recherche que firent de ces morccaux les
Connoisseurs et lesCurieux, Teftime dts Itaüens,
furent une preuve convainquante du mérite de
ses Ouvrages.
La réputation de 1'Artiste s'étendit jusqu'a
Paris, deja Ie rendez-vous des Arts; et 1'honneur
que fit a PVerner Ie Prince de l'Univers. qui
avoit Ie plus de gout ( Louis Ie Grand) de 1'ap-
peller a sa Cour, acheva sa célébrité. Il ne fal-
loit pas moins qu'un ordre fi glorieux, et qu'un
pays aussi renommé que la France, pour dé-
dommager
-ocr page 77-
64                La Vie des Peiulres
J637. dommager Werner de la peine qu'il a eue a quit-
' ter Rome.
Arrivé a Versailles, il fit plufieurs Portraits
du Roi, et tous ceux de la Cour. Ce n'étoit en-
core qu'une des preuve.t frappantes d'un talent
qui n'est pas tres-rare, celui de faire ressembler;
il Ie rendoit supérieur par celui de parfaitement
peindre. Il montra son esprit par des Sujets allé-
goriques, bien composéa, et a la louange de
Louis XIV.
Entre plufieurs amis, tous fcavants ou grands
Artistes, avec lesquels il s'étoit lié, il Ie fut plus
intimement avec Quinaut; il fit pour lui qnan-
titéde jolis Tableaux, dont voici quelques Su-
jets principaux : Les Muses sur leParnasse; des
traits de la Mythologie concernant Pallas, Ju-
non, Diane, Flore; la mort de Didon; Arthé-
mise avalant les cendres de son mari; les restes
du Colisée; les Monstres que vainquit Cad-
mws, &c.
Infatigable dans Ie travail, JVerner en fut
souvent récompensé par la présence du Roi. qui
prenoit plaisir a voir ses compositions ingénieu-
ses, et Ie soin qu'il se donnoit de les bien ren-
dre. Louis XIV voulut se 1'attacher comme tant
d'autres Etrangers qui, attirés par les libéralités
de ce grand Prince, et retenus par ses bontés,
contribuoient a orner la France.
Les uns pretendent que W^erner céda a son
amour invicible de la Patrie, qui est si puis-
sant sur la plupart des hommes, et que pour
retourner dans son pays, il refusa les avantages
de Phonneur et de la fortune que lui offroit un
Roi magnifique, dans la Cour la plus brillante;
d'autres
-ocr page 78-
Flamands, Allemands et Ilollandois. 65
dautres croyent que ce furent la jalousie et les 1637-
intrigues de Ie Brun, premier Peintre du Roi, ^mmp
qui obligerent Werner a sortir deFrance. Quel-
qu'envieux que Ton suppose te Brun, lestalents
de ces deux Peintres étoient d'un genre ü diffé-
rent, qu'on ne peut guere se prêter a croire que
Ie Brun ait pu en concevoir de l'ombrage. Wer-
ner
avoit beau exceller dans ses petits Ouvra-
ges, et y mettre la finesse de Fallégorie, les ren-
dre précieux par un beau fini; tous ces mérites
approchent-ils de ce feu poétique qui fait admi-
rer les riches et grandes compositions de Ie Bruxü
II y avoit entr eux 1'inégalité qu'il y aura tou-
jours entre la delicatesse de 1'esprit, et lasubli-
mité du génie.
^Ftfraerallas'établir en Allemagne, il épousa
a Ausbourg en 1667, Mademoiselle Suzanne
Meyer. Il travailla d'abord pour 1 Archiducheffe
de Baviere; il fit pour cette Princeffe sept Ta-
bleaux tirés de la vie de la Vierge, qui lui furent
payés7OOducats.Malgré laquantiléprodigieuse
de Portraits qu'il ne put se dispenser de faire, il
trouva Ie temps de se livrer quelquefois a son
Ouvrage de prédile&ion, a ces jolis petits Ta-
bleeiux d'imagination, et ils lui furent toujours
payés Ie prix qu'il y voulut affigner.
Il ne put se défendre de ceder aux instances
de la Cour d'Inspruck; il y fit Ie Portrait de
1'Archiducheffe, qui fut envoyé a 1'Empereur :
eet Ouvrage lui valut récompense et honneur,
une somme considérable, une Medaille et une
Chaine d'or.
Vers ce temps il se remit a peindre a 1'huile
qu'il avoit abandonnée, et il réuffit ü parfaite-
Tome III.                              E ment,
-ocr page 79-
66                La Vie des Peintres
1637. ment, que ce morceau mérira d'être place dans
mum**- Ie richc Cabinetde 1 Eleftour de Baviere qui Ie
demanda. Ce grand Tableau représentoit Thétis
dans son char sur la mer, et 1'Amour en 1'air qui
Ie précédoit. Cette facilité heureuse a passer de
la Miniature a 1'htiile, prouve que qui possede
Ie fond de son Art, Ie fcait mettre en oeuvre de
toutes les manieres.
L'inquiétude d'esprit naturelle a eet Artiste
lui fit encore quitter la considération très-lucra-
tive qu'il s'étoit attirée dans les Cours d'Alle-
magne. Pour revoir sa Patrie, il partit d'Aus-
bourg en 1682, et revint a Berne avec sa fa-
milie; mais il eut bientöt lieu de s'en repentir,
1'indirTérence et la froide réception de ses com-
patriotes lui firent sentir vivement la folie de
son retour. Plus de loisir et de tranquilité ponr
se livrer a son Art chéri, furent son seul dé-
dommagement. Il se présenta cependant une oc-
casion de faire connoitre ce qu'il valoit, et il la
saifit ïl peignit pour 1'HÖtel de Villo un grand
Tableau, oü il rendit de la facon la plus ingé-
nieuse 1'union nécessaire de la Justice avec la
Prudence.
Son peu d'occupation lui laissa bienrót beau-
coup de temps; il n'en vouloit point perdre, et
il ne ernt pouvoir mieux 1'employer, par re-
connoissance pour la Peinture, que de lui for-
mer des Eleves. Il établit dans sa maison une
Ecole, oü il rassembla des jeunes gens et des
gens de gout. André Morell, Antiquaire eélé-
bre, fut Ie seul des citoyens de Berne quicher-
cha a distraire Werner de sa mélancolie. Cet
ami sentoit trop qu'elle étoit causée par Ie des-
ceuvremenï
-ocr page 80-
Flamands , Allemands et Hollandois. 67
oeuvremenf. et la solitude, pour ne pas saifir 1637.
1'occafion qui se présenta de Ten tirer.
              >wr
Frédéric III. Ele&eur ck- Brandebourg, et pre-
mier Roi de Prusse, a la sollicitation é'/Éngus-
tin Terwesten,
son premier Peintre, établit une
Académie de Peinture et d'Architeclüire; et Ter-
westen,
parce que lui-même étoit surchargé
d'Ouvrages, en fit nommer Professeur Werner.
Dankelman,
premier Ministre de Prusse, a qui
Tf^erner avoit été recommandé par Ie célébre
Spanheim, lui en expédia *ur Ie champ la Pa-
tente,sous Ie titre dedire&eur perpétuel de cette
naissanle Ecole, avec une peniion de 1400 ifot-
daelers.
FF'erner partit sur Ie champ, et transporta sa
familie a Derlin: c'étoit en 1696. Il forma cette
Académie sur Ie plan de l'Académie Royale de
Peinture de Paris; maïs quelquc-tcmps après,
quand eet établissement commencoit a prospérer,
la disgrace du premier Ministre occasionna celle
de Werner son protégé,dont la pension et la place
de Directeur furent suprimées. Les Artistes du
pays, jaloux qu'un Etranger fut a leur tête, firent
entendre au nouveau Ministre, Ie Président
Kclb de Wartemberg, que ïFerner n'en étoit
pas digne. Cette direaion devintannuelle et al-
ternative entreux, et l'Académie, a peine éle-
vée, tomba bientót: ce ne fut que lorsque Ter-
westen
en fut uniquement chargé, qu'elle acquit
une consistance durable et un nouveau lustre.
JVerncr eut de quoi se consoler un peu de Ce
facheux evenement, par une augmentatfon de
bien que lui procura une succession a Munich;
il y envoya son ülsJoseph Wernerla recueillir,
E z &
-ocr page 81-
68                 La Vie des Peintres
i6\h. & seretiradanssaPatrie, oüil mourut en 17Io»
■ agé de 73 ans.
L'e.sprit changeant de Werner, 1'imprudence
qiül ent de ne pouvoir se fixer dans les heux
qui lui offroient fortune et distinftion, un peu
de hauteur dans Ie caractere qui lui faisoit peu
ménagcr ses Confrères, contribuerent aux trou-
bles et aux disgraces de sa vie; ce furent ses
torts, nriis qui n'obscurcissent point aux }Teux
justes son esprit et son Uilenr.il a laissé des preu-
ves du premier par ses compositions; et du se-
cond par la maniere de les mettre en oeuvre.
Ses Ouvrages a Thuile sont peu nombreux.
M. Fuesly, Peintre habile, qui nous a donné
cette vie, assure que Ie plus beau Tableau a
1'huile de Werner, est a Bafle, dans la collec-
tion de M. Jean Lucas Hrffman : il représente
Adam et Eve dans la Paradis Terrestre; Ie
dessein en est correft et la couleur tres-natu-
relle.
La familie de Grafenrie/te conserve auffi plu-
fieurs de ses Ouvrages, tant a Thuile qu'en mi-
niature : c'est dans ce dernier genre qu'il a mé-
rité une d^s premières places parmi les Artistes.
THEODORE ROOS,
ÉLEVE D'ADRIEN DE BIE.
—-----nnHÉODORE Roos, frere de Jean-Henrl
1630. JL j{oos } naquit a Wezel au mois de Septem-
? bie 1638. Deux mois de dessein dans 1'Ecole
iïAdnen de Bie, lui parurent suffire pour com-^
meneer
-ocr page 82-
Flamands, Allemands et Hollandois. 6$
meneera peindre. Deux ans après il refourna
chez son pere, oü il renconfra fon frerequi avoit
de la réputation; il prolita de fes avis, et ils tra-
vaillerent enfemble. Quelques Portrait de leurs
mains portés a la Cour de Heffe , y flrent for-
tune, et Ie Landgrave engagea les freres Roos
a fe rendre auprès de lui. lis y furent employés
a de grands Ouvrages, et y peignirent beauconp
de Portraits pendant les trois années qu'ils y
demeurerent.
Théodore fut a Manheim, lorsqu'il vit fon
frere en 1^57 parvenu a un établiffement avan-
tageux, il voulut effayer de voler de ses pro-
pres ailes, et il y réuffit. Il débuta dans cette
Cour par un grand Tableau, oü il avoit repré-
fenté les Officiers en chef de trois Régiments de
la Milice Bourgeoise. On Ie voit encore dans
la Salie du Conseil. L'Elefteur Palatin trouva
ces Por traits fi reffemblants, qu'il combla d'élo-
ges l'Artifte; il lui fit donner des préfents et Ie
choisit pour peindre Ie Duc d'Orléans et la Prin-
cefle Palatine, qui venoient d être mariés en-
femble. Roos fe furpaffa, il fut richement ré-
compensé et gratifié d'une Chaine et d'nne Me-
daille d'or, qui portoit 1'empreinte du Duc et
de la Ducheffe d'Orléans.
Les Cours de Birkenfeld, de Bade, de Ha-
nau et de Nafïau, chargerent notre Artifte de
plufieurs Ouvrages; Ie Duc de Wirtemberg lui
commanda huit grands Tableaux, dont tous les
fujets étoientpris dans 1 Hiftoire. Cesbeaux Ou-
vrages lui valurent Ie titre de premier Peintre
de chaque Conr.
On ne f^ait par quel hazatdThéodore fe trouva
E 3 a
-ocr page 83-
70                 La Vie des Peintres
1638. a Strafbourg, lorsque les Franc,ois en fïrent la
^■1111 1- conquête. Cette Nation, qui n'a jamais fait la
guerre aux Arts, donna des marques senfibles
de fon eftime a notre Peintre; on Ie traita avec
diftin&ion, il eut des Sauve-gardes, et il fut
exempt de logement de Gens de guerre, et de
toute autre contribution. Les plus grands Sei-
gneurs Ie vifiterent; il en avoit peint pluneurs,1
et ceux qui n'avoient pas de (es Ouvrages, s em-
preflerent d'en obtenir. Il acq ut, par fes talents,
une grande fortune, et la réputution plus flat-
tenfe dun Artifte célébre : on ignore Ie lieu et
1'année de sa mort.
Ce Peintre avoit une maniere facile et large,
fa couleur eft vigoureufe. S'il avoit vécu quel-
que-temps a Rome, il auroit peut être furpaffé
ceux de fon fiecle; maïs il n'étoit pas aufli bon
Deffinateur que grand Colorifte: on en peut at-
tribuer la caufe au pen de ternps qu'il employa
au Deflein. Il n'efl que trop ordinaire aux jeu-
nes Artiftes, et sur-tout ceux qui ont du génie,
de s'impatienter des Eléments. Ebiouis par 1'é-
clat de la Peinture, 1'étude pénibJe du Deffein
leur paroit minutieufe et ennuyeufe. Ses compo-
fitions font pleines de génie. Il étoit fort eftimé
en Allemagne, oü font prefque tous fes Ouvra-
ges, fur-tout pour les Portraits qu'il faisoit par-
faitement reflemblants.
GUILLAUME
-ocr page 84-
Flamands, Allemands et Hollandois. •) i
GÜILLAÜME DE HEUS,
ÊLEVE DE JEAN BOTH.
DE Heus naquit a Utrecht. Il alla de bon-
ne heure en Italië pour y étudier la Pein-
ture Jean Bol/ie, fut son Maitre,et ce fut lui
qui lui apprit a voir la nature, et a la repréfen-
ter fi agréablement. Son Eleve réufïit dans fa
maniere; fesTableaux furent recherches et ven-
dus cher,ce qui Ie détermina a rester long-temps
a Rome, pour y finir Ie grand nombre d'ouvra-
ges qu'il avoit entrepris; il revint cependant
finir fes jours a Utrecht, oü il a vécu fort agé.
Ses Tabieaux font d'une très-bonne couleur.
Il peignoit presque toutes fes vues d'après natu-
re, (bonne et excellente methode) auffi Ton
reconnoit bien fes Tablcaux : ce font des vues
du Rhin, on autres prefque toujours frappan-
tes. Il fcut choifir les endroits cü les oppofitions
fe trouvoient comme placées expres; il ornoit
fes Payfages de jolies Figures, de Chaffes, de
Fêtes ou de Moiffons. Ses Tableaux font plus
coinmuns en Italië que par-tout ailleurs. Voici
les plus connus.
On voit chezl'Ele&eur Palatin, quatre jolis
Paysages, avec fignres et animaux.
Chez M. Fagel,A la Haye, un Paysage re-
présentant une vue dn Rhin.
Chez M. Ver schuuring, un Payfage avec
des Chaffeurs a cheva : un autre Payfage pres
d'une chute d'eau; des Bergers y conduifent leurs
troupeaux.
                             E 4 ADRIEN
-ocr page 85-
ADRIEN
VANDEN VELDE,
ÉIEVE
DE JEAN WINANTS.
E L O N les Auteurs Hol.'an-
dois, Vanden Joelde composoit
des Tableaux, avant même que
d'avoir eu des Maitres. Il for$a,
pour ainsi dire, son Pere a Ie
faire Peintre; car comment con-
trarier la vocation d'un Enfant qui, malgré les
menaces, a toujours Ie Charbon a la main, et
barbouille de la cave au grenier les murail-
les
-ocr page 86-
La Vie des Peintres, etc.             7 3
les d'une Maifon. Non-seulement cette fureur 1639.
de grifFonner indiqiioit un penchant bien déci-
dé; mais ce qu'il y a de fingulier, c'eft que fon
acharnement a tracer les mêtnes objets,mon-
troit a n'en pas douter, Ie genre dans lequel il
excelleroit. Il deflinoit déja avec goiit, et par
préférence des Chevres, des Moutons, des Va-
ches, &c. Wynants en fut étonné; il Ie prit
dans fon école, bien für de fon fuccès : de fi ra-
res difpcfitions ne font guere trompeufes. La
Femme de Wynants fut encore plus hardie
dans fes conje&ures, et voyant tous les deffeins
de Panden Velde, eUe dit a fon mari : Vous
croyez avoir un Ecolier, ce fera votre Maitre :
la fuite a vérifié fa prédi&ion.
Wynants étoit un des nvilleurs Payfngifles
dHollande; il joignoit a ce talent une bonne
foi que la crainte dv former un Rival n'admet
guere. Il ne cacha rien de fon Art a font Eleve;
il lui révéla fon grand fecret; c'éroil d'imiter en
tout la nature. Le jeune Artifte en profita, et
ne s'en départit jamais. Il n'y eut point de jour,
depuis, quil n'al'at dans la Campagne peindre
ou deffiner des Vues, des Nnages, des Arbres,
des Animaux, &c. Les idees les plus heurenfes
du plus beau génie, n'ont jamais la variété,
1'abondance ni Ta vérité de ces richeffes quétale
a nos yeux une belle fitualion.
L,es progrès que fit Fanden Velde, par cette
route fi abrégée et fi füre, lui faisoient fentir
de plus en plus les obligations qu'il avoit a Wy-
nants,
de la lui avoir indiqnée, et le mirent
bientöt a portee de s'en acquitter. Il avoit remar-
qué avec autant d'étonnement que de peine,
que
-ocr page 87-
74                 La Vie des Peintres
n'ie fon Maitre étoit reduit a avoir recours a
Wouwermans pour orner fes Payfages de figu-
res. Il offayad'en faire: fa reconnoiflance et fon
application rendirent fes tentatives fi heurenfes,
que ïfjnantó n'eut plus besoin de s'adreffer a
d'autres qu a lui. Fanden loeide rendit ce même
fcrvice a Vander Heide,i, a Hobbema, et a
Moucheron. &c.
Fanden F Ide & Wynants, fe féparerent
également obligés 1'un a l'autre; mais on ne
s'attendoit pas qu un Payfagifte, en fortant de
Fattelier d'un Peintre de même genre pafferoit
tout de fuite a des Tableaux d'Hiftoire, et pein-
droit pour une des Eglifes Romaine d'Amfter-
dam, une Defcente He Croix, Tableau d'Autel
eftimé. II traita fans interruption , et avec fuo
cès, plufieurs autres Sujets tirés de la Paffiort
de Notre-Seigneur. On juge par fes compofitions,
que s'il s'étoit livré a THiftoire, il y auroit ex-
cellé, comme il a fait dans Ie Payfage. Des ta-
lentsfi décidés, joints a desmoeurs, et aux qua-
lités aimables de la fociété, ne firent qu'augmen-
ter les regrets de fa mort prématurée. On Ie per-
dit Ie 21 Janvier 1671, a peine agé de 33 ans.
Nous parlerons dans la fuites de eet Ouvrage,
de Thierry van Bergen, fon meilleur Eleve.
Le mérite des Payfages de Fanden Velde,
confifte en une couleur excellente, en une ex-
preflion vive qui rend to 11 jours certains effets
aufli frappans que finguliers, et ingénieufement
faifis dans la Nature. Ses Giels pétillants, bril-
lent a travers les arbres; fa touche eft franche,
et termine les formes avec fineffe; fon feuillé eft
pointu, et dun grand travail.
1 i
-ocr page 88-
Flamands, Allemands et Hollandois. 7!»
II régne un flou et une chaleur rare dans tous 1639.
fesTableaux, et c'eft peut-être dans cettepartie ■^■w»
qu il n'a point été furpafle. Ses figures font bien
deflinées; il n'y a rien a defirer pour la correc-
tion de fes chevaux, des chevres et des moutons;
ils font coloriés avec beaucoup de vérité; ils
répandent de la gaieté, du mouvement et de
la viedans tout ce que nous avons de lui. Des
Ouvrages d'un fi beau fini et fi nombreux, font
juger, par Ie peu qu'il a vécu, de l'affiduité et
de la facilité avec lefquelles il travailloit.
On voit a Paris, chezM. de Julienne, qua-
tre Payfages, avec des animaux.
Chez M. Ie Marquis de Vorer, des petites
vaches, et un fond de Payfage
Chez M. Blondel de Gagni, un Tableau ca-
pital, Payfage avec des figures et des animaux;
et un autre payfage, avec figures.
A Dusseldorp, chez TElefteur Palatin, un
Paysage, avec des figures et des animaux : un
autre Payfage; on y voit des bergers et des ber-
geres qui ménent paitre leurs troupeaux; Ta-
bleau précieux et agréable.
Chez Ie Comte de Wassenaer, a la Haye;
deux jolis Payfages, avec des figures, des va-
ches et des moutons.
Chez M. van S Un gelandt, Conseiller a Ia
Haye; plufieurs animaux dans un Payfage.
Chez M. Fagel, un Payfagp, un autre de
Fander Heyden et de Vanden Velde.
Chez M. Ie Lormier, huitbeaux Tableaux,
donr un Payfage avec des mafures et des ani-
maux différenrs; un autre Payfage, avec des
animaux, et un jeune homme qui paffe un
ruif-
-ocr page 89-
76                La Vie des Peintres
1639. 'iiiffeau; un autre Payfage avec des fïgures et
**■■«?• et des vaches couchées parmi d'autres animaux;
un Payfage dans lequel on voit deux figures et
plufienrs animaux; une Chaffe; un autre Pay-
fage fort étendu, avec figures et animaux, et
un aulre fort clair avec figures, &c.
Chez M. van Héteren, une femme a cheval,
et un homme monté fur une bourrique; quel-
ques autres figures conduifent des animaux dans
un Payfage.
Chez M. Halfwassenaar, une Place de Ro-
me, dans laquelle eft une foule de peuples, et
des animaux de toutes espéces; c'eft un Marché.
Chez M. d'Acosta, un beau Payfage avec
des figures et des animaux.
Chez M. P^erschuuring, un Tableau repré-
fentant un homme qui conduit avec fon chien
des boenfs dans un Payfage fort étendu; et un
autre Payfage, avec figures et animaux.
Chez M. van Brémen, trois Tableaux avec
figures et animaux; Ie Payfage eft de Wynants
fon Maitre.
A Amsterdam, chez M. Braamkamp, cinq
Tableaux, dont les figures, fon de taanden Vel-
de,
et les fonds de Vander Heyden; un autre
d une femme, on y voit figures et animaux; un
autre oü font des mafures et un payfage (1'été )
il y a beaucoup de figures; un autre eft un hiver
avec des figures ; et un autre du même fujet.
Chez M. Léender de Neunlle. Jacob qui
quitte Laban; Tableau capital, il y a plus de
cent animaux.
Chez M. Lubbeling, des bergers qui condui-
fent différens animaux; et un autre Payfage
d'animaux.
                                             Chez
-ocr page 90-
Flamands, Allemands et Hollandois. 77
ChezM. Bierens, deux beauxPaysages, avec 1670.
des figures et des animaux.
                                -^—■»
A Roterdam, chez M. Leers, trois Paysages
ornés de figure«.
Chcz M. Bisschop, trois Paysages avec des
figures et des animaux.
GASPARD
-ocr page 91-
GASPARD
NETSCHER
AQUIT a Heyddbergen 1639;
il étoit fils de JeanNelscher,Scv\-
pteur, qu'un enchainement mal-
heureux de circonstances rédui-
sit presque continuellement, a
errer de Ville en Ville, pour évi-
ter les calamités de la Guerre. Après sa mort,
sa Familie se trouva encore dans cette facheuse
situation; sa Veuve obligée de quitter Hei-
delberg avec quatre enfants, et de se retirer
dans un Chateau fortifié, eut la douleur de
voir deux de ses fils mourir de faim dans ses
bras : mais cette horrible perte ne fit que re-
doubler
-ocr page 92-
La Fie des Peintres, etc.            79
doubler fa tendreffe pour ce qui lui reftoit d en- 1639.
fants. Elle eut 1'adrefle et Ie courage de fe fauver w
avec fa petite fïlle et fon fils Gafpard qui n'a-
voit que deux ans; une nuit obfcure la déroba
a la famine et aux yeux des ennemis, dont Ie
CMteau étoit environné. Aprèsbien des crain-
tes et des fatigues, elie arriva a Arnheim , oü
elle ne trouva de fecours que dans lacharité de
quelquos perfonnes.
La figure aimable de notre p^tit Netfcher,
toucha Ie Médecin Tullekens qui étoit fort ri-
che: 1'efprit qu'il lui découvrit, 1 attacha fi fort a
eet enfant, qu'il 1'adopta pour fon fils. II n'en ef-
péroit pas moins que de Ie rendre capable un jour
de Ie remplacer. Il lui donna lesmeilleurs Maï-
tres; les progrès rapides que fit Netscher, dans
les éléments de la langue latine, juftifioient les
vues favorables que Ie Médecin avoit fur lui;
mais bientöt fon attachement opiniatre au def-
fein, malgré les défenfes réitérées qu'on lui fai-
foit, de perdre ainfi fon temps, décela fon gé-
nie pour eet Art, et prouva qu'il étoit plus né
pour imiter les objets, que pour apprendre les
langueset la médecine.
Ce penchant fi différent de celui que Tu/le-
liens
eut voulu lui infpirer, n'altéra point les
fentiments tendres qu'il avoit congus pour Ie jeu-
neNetscher, plus né pour être Pcintre que pour
être Médecin; il auroit cru faire une injuftice
que de s'opposer a uneinclination auffi décidée.
Dès qu'il Tent affez éprouvé, pour s'en affu-
rer, il Ie placa chez Koster, dont un des talents
principaux étoit de peindre des OifeauK et du
Gibier. Netscher fut admis dans cett Ecole, a
la
___ .
-ocr page 93-
8o                La Vie des Peintres
1639. 'a recomma»dation d'un Parent de Terburgh ;
^■y Bonrguemeftrede Deventer; ladouceur et Tha-
bileté du Maitre redoubla 1'ardeur de Netscher:
il furpaffa bientót fes compagnons, et bientót
Koster lui même n'eut plus de le^ons a lui don-
ner. L'Eleve réuffit fur-tout dans Timitation des
Draperies, des Etoffes de foie.
Au fortir de cette Ecole, Netscher travailla
qnelque tems pour les Marchands de Tableaux;
mais fentant qu'il étoit leur dupe, et par Ie peu
qu'il recevoit de fes Ouvrages, et parce que
cette fervitude rétréciffoit fon génie, il résolut
de paffer en Italië : il s'embarqua dans un Vaif-
feau qui alloit a Bordeaux; il y lia connoiffance
avec un Liégeois, nommé Godjn; fa rille lui
plut, il 1'époufa en 1659, et au lieu de paffer
les Alpes, il s'étabüt dans cette Ville. Il y a
apparence qu'il y fut refté, fi les Proteftants,
de la Religion defquels il étoit, n'y ouffent pas
été inquiétés; fon départ n'en fut retardé que
par les couches de fa femme qui lui donna
un fils. Il retourna en Hollande, et fixa fon
féjour a la Haye : il s'y attacha d'abord a com-
pofer des petits fujet qui furent fort recher-
ches , mais toujours trop peu payés pour Ie
temps qu il y emploj-oit. Le befoin de fubvenir
a une familie de jour en jour plus nombreufe,
lui fit préférer un genre qui eft plus prompt et
plus lucratif; il fe mit a faire le Portrait, et il
eut bientót a peindre tous les Ambaffadeurs et
les Princes Etrangers, dont la Haye eft le rejx-
dez-vous.
M. Temple, chargé alors des affaires d'Angle-
tcrre, fit a notre Artifte des propoütions de la
part
,_._„
-ocr page 94-
Flamandsy Allemands el Hollandois. 81
part de Charles II son Maitre, pour 1'engagcr 1639.
a s'établir a Londres. La mauvaise santé de "^—'
Netscher, jointe peut-être a 1'amour de sa Pa-
trie, les lui fit toutes refuser; et la premiere de
ses excuses n'étoitque trop bonne,puisqueiVeA?-
cher fut reduit bientót a garder Ie lit: il a même
peint plufieurs Portraits dans cette incomaode
fituation.
Dès sa jeunesse il avoit été attaque de la gra-
velle : sa vie réglée n'avoit pu Ie guérir d'une
maladie ü cruelle; la goute dont il fut fort tour-
menté, acheva de 1'accabler; il rnourut a la
Haye, Ie 15 Janvier 1684, agé seulement de
45 ans. Il laissa après lui sa Veuve et neuf En-
fants, dont deux, Thiodore & Constantin, fu-
rent Peintres; j'en ferai nipntion. Sa succession
montoit a pres de 83 mille florins. Sa Veuve
épousa un Maitre en fait d'armes, qui la rendit
malheureuse.
Netscher peignoit dans Ie genre de Koster son
Maitre, et de Mieris. 11 a fort bien traite quel-
ques sujets de 1'Histoire Romaine et de la Fable;
c'étoit Ie genre qu'il aimoit Ie mieux; il ne s'at-
tacha a celui du Portrait que pour gagner plus
de bien : encore la pkipart sont histories 011
enrichis de quelques figures épisodiques, qui
aident a faire d'un sujet froid une compofition
agréable et riche. Il avoit un meilleur gout
de dessein que son Maitre, et plus de génie;
sa touche est moëlleuse et fondue, sa couleur
naturelle et dorée : il a surpassé l^s Peintres de
son pays dans Timitation des étoffes, etsur-tout
du satin blanc; il en a fi bien rendu Ie luisant et
les tons argentins, qu'on croit les toucher, et
Tome III.                             F qu'on
-ocr page 95-
82                 La Vie des Peintres
qu'on est surpris de 1'illufion; ses flgures ont uu
air fimple, souvent de la grace, et toujours une
expression naturelle; ce qui environne 1'objet
principal de ses Tableaux. est très-fini, êt fait
avec Ie plus grand soin. II peignoit très-bien
les Animaux, les Fruits e( les Fleurs : il y en a
dans presque tous ses Tableanx. Il ne peignoit
gnere que des flgures distinguées, ce qui donna
a tout ce qu'il a fait, une certaine élévation;
ses drapen'es sont jettées en piis larges. Comme
la Nature fut toujours son modele, il n'a jamais
1'air maniere \ on trouve par-tout du gout et un
beau choix. Quoique Netscher peigt it ordinai-
rement en petit, il a fait quelques Portrails en
grand, qui ne sont pas sans mérite, raais ils sont
inférieur* a ceux d'une moinHre grandeur; en
général ses ouvrages ont Ie mérite d'une grande
intelligence du clair obscur. Voici une partie
de ceux que nous connoissons de ce grand Maï-
tre.
On en voit deux dans la fameuse colle£tion
du Roy deFrance; Ie premier est un Muficien,
qui montre a une Dame a jouer de la Basse de
Viole; Ie second, un Muficien qui joue du
Luth.
Chez M. Ie Duc d'Orléans, Ie Portrait de
Netscher, peint par lui-même; Ie fond da Ta-
bleau est un sallon en arende : une femme qui
inontre a lire a une jeune fiile ; a cóté d'elle est
un petit gai-^on: Sara qui présente Agara Abra-
ham; on y voit une table couverte d'un riche
tapis, avec un bassinet. une «iguiere: Ie fond
est un Pay vige: une jeune fille richement vitue
avec une Viellc, dans un appartement, regar-
de
-ocr page 96-
Flamands f Allemands et Hoïlandois. 83
de un jeune garcon; derriere lui est un petit 1639.
enfant; Ie fond est un Paysage : deux enfants , ',
qui se jouent avec un oiseau, dans un Paysage,
1'amour a cöté de Vénus sur un piédestal orné
de bas-reliefs; au bas sont trois femmes a ge-
noux, Ie fond est un Paysage.
Chez M. VEmpereur, a Paris, une petite
femme qui tricote des bas : peint en 1666.
Chez M. de Juiienne, une mere qui montre
a lire a ses enfants; et une petite Dentelliere.
Chez M. Ie Marquis de Foyer, deux Tableaux
1'un représente une femme qui tient sa mon-
tre ; 1'autre un enfant qui fait des bouteilles de
savon.
Chez feu M. Ie Marquis de Lassai, Ie Portrait
de Netscher, par lui-même.
Chez M. Blondel de Gagny, une jeune fille
qui se nettoie les dents.
Chez M. Ie Comte de Vence, Ie Portrait du
Peintre, ceux de sa femme et de ses deux filles;
et Ie plus beau qu'il y ait peut-être de lui en
France, est une Cléopatre piquée par 1'aspic;
dans Ie fond est une Suivante en pleurs, quica-
che son visage de douleur; c'est une belle et ri-
riche composition oü tout est également pré-
cieux, belle tête, belles mains, étoffe de satin
bien rendue, fruits et meubles, tout y est fini,
et d'un bel accord.
A la Haye, chez M. van Slingelandt, Rece-
veur général de la Hol'ande, Netscher, sa fem-
me et une autre figure.
Chez M. Fagel, Vertumne et Pomone; un
Portrait de femme a l'italienne.
Chez M. k Lormier, Ie Portrait d'une Prin-
F 2 cesse
-ocr page 97-
84           La Vie des Peintres, etc.
1639 cesse d'Orange, Reine d'Angleterre; un Sei-
gnenr qui fait voir une Medaille d'or a deux
Dames; Tune habillée en satin blanc est assise;
1'autre avecune espece de mantelet de velours
doublé de peau, est debout; une Nymphe nue
et endormie surprise par un Satyre; deux en-
fants faisant des boules de savon.
Chez M. van Héteren, une femme très-jolie
habille 011 coëfle deux enfants; une servante
apporte de 1'eau dans une aiguiere; on y voit
un chat : Ie fond est un bel appartement bien
meublé.
Chez M. Hafïwassenaar, deux Portraits de
femmes en pied dans un petit Tableau, avec un
chicn: Ie fond est un jardin.
Chez M. cFjlcosta, deux enfants qui font
des boules de savon; une petite couturiere.
Chez M. Verschuuring, une jeune femme a sa
toilette, et un enfant qui se mire dans son miroir.
Chez M. van Dreinen, la femme de Netscher,
qui donne a tetter a son nis ainé: Ie Portrait de
Marie Stuart.
Chez M. Lubbeling, a Amsterdam, une belle
femme dan son appartement bien décoré : au-
tre Tableau de méme.
Chez M. Bisschop, k Roterdam, une Dame
donnant a manger a un perroquet; pres d'elle
est un jeune cavalier, Tableau richement orné.
A Dusseldorf, chez 1'Elefteur Palatin, un
berger et une bergere dans un Paysage; deux
hommes et deux femmes qui font de la musi-
que; une petite fïlle que se joue avec un perro-
quet, &c.
JEAN
-ocr page 98-
JEAN
RUDOLF WERDMÜLLER.
A Familie de Werdmuller est très-
distinguée dans les Arts et dans
les Sciences; beaucoup se sontil-
lustrés dans la Peinture; d'autres
ont protégé les Artiste.'.Du notn-
bre des derniers est Georg s
TVerdmuller ,feld-Capitaine,
Colonel des In-
génieurs de l'Elefteur Palatin, Colonel au Ser-
vice de la Répnbiique de Venise; enfin nommé
Général d'Artillerie par ses compatriotes, chez
lesquels il se fixa dans laVille de Zurich,il en for-
tifia 1'enceinte, et inventa une machine hydrau-
lique, qui porte les eaux a 11 J pieds de hauteur,
depuis la riviere de Z-wza^ 'nisqu au Linden Hof
F 3 II
-ocr page 99-
La Vie des Peintres
86
1639. Il invenra aussi une Pompe pour les incendies,
ij—r qui donnoit de 1'eau a 8opieds de hauteur, et
plusieurs antres machines hydrauliques, &c. Ce
bon Officier partageoit ses études entre la Pein-
ture et les Sciences: il s'étoit fair construire une
galerie, dans laquelle il avoit amassé les Ou-
vrages des plus habiles Peintres anciens et rao-
dernes. Il ne se borna pas a acheter des Ta-
bleaux; il devint Ie Ptre et Je Prote&eur de Ar-
tistes : ce fut lui qui fixa long-temps. avec une
bonne pension, Ie célébre Jean Hakaert, Pay-
sagisre Hollandois. La Vil Ie de Zurich conser-
ve avec Je plus grand soin les Ouvrages de ce
Maitre.
C'est de ce Général d'Artillerie, et SAnne
TVerdmuller
(de la même familie) que naquit
en 1639, dans la Vilie de Zurich, Jean Rudolf
TVerdmuller.
11 fut, avec son frere ainé, confié
aux meilleurs Maitres: ils convinrent tous qu'ex-
cepté Ie De,ssein, les antres exercices ne tou-
choient pas assezleur Eleve pour qu'il s'y ap-
pliquat. Son pere ne balanca pas un instant a
cultiver son gout; et pour Ie mettre a proflt,
lui mit sous les yeux une colleftion de Desseins
et d'Estampes; il lui paria souvent de la néces-
ité de dessiner, et fut lui-même son Maitre pen-
nt trois ans: il ie fit aussi essayer d'après na-
ture. On conserve des desseins Ju jeune Werd-
muller
qu'il fit dans ce temps, et qui ne sont pas
a mépriser. On confia ce jeune Artiste aux ins-
tru&ions de Conrard Meyer, très-bon Peintre,
homme d'esprit et d une grande vertu. Encore
trois ans dans cette Ecole Ie mirent en état de
suivre la nature et son génie. Il copia dans Ie
Cabinet
r-
-ocr page 100-
Flamands, Allemands et Hollandois. 87
Cabinet de son pere, une Suzanne de Paul Ve-
roneze;
un beau Paysage; 1'Histoire de Ciicé
et celle de Mercure. On npperc,ut tant de faci-
lité dans ses copies, que 1'on auroit plutöt soup-
c.onné qu'il les avoit composées en imitation
de Ja maniere des Maitres qu'il avoit eus en
vue.
Un nombre de Portraits et de Tableaux de
fruits, beaucoup de Paysages d'après nature,
dans lesquels il avoit introduit des rochers,
des chutes d'eau, des débris d'Archite&ure;
tout fut d'abord dessiné sur les lieux. Ces Ta-
bleaux étoient des Vues locales 011 d'autres,
composées avec des études dont il fit choix,
et qu'il fc.ut unir ensemble. Lorsque son pere fut
nommé Bailli de Waedenschwcil, il y peignit
tous les Sous-Baillis de ce Bailliage; la vue du
Vieux-Chateau, et Ie Sac de Zurich. Plusieurs de
ces Portraits se voient encore chez M. Ie Bailli
Lovater, a Zurich. II ne négligea, ni 1'Architec-
ture civi'e . ni la militaire.
L'envie de voir les Pays-Bas, les Maitres et
leurs Ouvrages, lui fit demander la pormission
d'y aller, qu'il obtint. Francfort 1'arrêta pen-
dant l'hyver auprès de Morell, bon Peintre de
Fleurs. Après la Foire de Paques, il accompa-
gna plusienrs Négociants a leur retour a Am-
fterdam. L'air de ce pays étoit contraire a sa
santé; il essuya une maladie qui lui öta l'usage
des sens pendant quelques mois : enfin revenu
a une meilleure santé, il retourna chez son
pere, oü il copia un beau Paysage de Claude
Ie Lor min;
il modela en terre les Bustes d'Apol-
lon et de Pallas; Milon de Crotone en grand, et
F 4 une
i)
-ocr page 101-
88                La Fie des Peintres
1639. une Sirene, figure dfstinée a uneFontaine pu-
^■■■rblique pour jetter 1'eau en 1'air. On nous assure
que ces morceaux étoient d'une grande perfec-
tion. Il fit, a 1'imitation de son pere, une Pom-
pe pour éteindre les incendies, d'une invention
simple et ingénieuse. Voilases délassements; Ia
Peinture a l'huile et en détrempe faisoient son
occupation capitale : tont son esprit ne se por-
toit que vers eet Art.
Ce fut en 1668 qu'il fit des efforts pour aller
visiter les Artistes et les Arts en France. Sa
maladie en Hollande donna trop d'inquiétude
a sa familie, on s'opposa a cette résolution.On
craignit encore que Ie Service militaire n'eüt
quelques appas pour lui, par Ie succes qu'il
avoit eu, et les applaudissemenrs que les In-
génieurs lui avoient donnés de ses projets de
fortifications, &c. qui avoient été admis et ap-
prouvés. Son temperament délicat n'étoit nul-
ïement propre au Service, et il ne paroft pas
qu'il y ait pensé. Ce refus ne fit qu'augmenter
son envie; il ne put fuir sa malheurensedestinée.
Résolu de partir, sans dire adieu a personne,
il voulut profiter du retour de Bernard JTerd-
muller,
Capitaine au Service de France : mais
ce parent prudent ne voulut point s'y prêter,
il partit. Notre Peintre monta a cheval, suivi
de son domestique, résolu d'atteindre son pa-
rent dans la route. Il Ie suivit Ie lfindemain, et
a la veille de 1'atteindre, tonjours occupé de son
évasion et du chagrin que cela occasionneroit a
ses parents, son devoir 1'emporta sur tout; il
retourna sur ses pas. Accablé de sommeil vers
les onze heures de nuit, il descendit de cheval
et
<t
-ocr page 102-
Flamandi, Allemah&s et Hollandois. 89
et Ie fit conduire devant lui par son domesti- i
que. A l'approche de la nviere de Sihl, qui *crt -
a flotter des bois vers la Ville, Pl^ercfmul/er
endormi ne pensoil pas être si pres de 1 eau : il
vit cepcndant son cl'eval liane un.peu devoot,
au lieu d'enfïler Ie Pont il prit a cóté, et se
précipita clans 1'eau : il appella a son secours,
mais i'obscurité Ie fit périr, Cette nouvelle se
répandit par-tout et affligca se familie, et tous
ceux qui 1'avoient connu. Son Enterrement suf-
fit pour montrer a quel point il étoit regretré;
les Premiers de la Ville, et ceux des environs,
de tous lesEtats, .s'empresserent a lui reudre les
derniers devoirs.
Ceux qui ne 1'avoient pas connu, vegretté-
rent dans sa Ville cette mort, parce qti'a cel'e
du pere, qui arriva Je 25 Oftobre 1Ó7B on
vit disperser son beau Cabinet. La fin trag'que
de notre jeune Peintre on 1668, a l'age de 29
ans, nous fait voir qu'il auroit été Ie premier
de son siècle, s'il avoit vécu pius long remps.
Tous ses Ouvrages en differents genres pubüent
sont mérite : bon Coloriste. bon Dessinateur,
il ne lui manqnoit qu'une carrière plus longue»
Ce Peintre avoit encore troisfreces, Jac(]ues}
Henri &c Conrad,
tous Peintres et Architeöes.
Le dernier s'est immortalisé par sa défense cou-
rageuse dans Ie Fgrt Hutten, dont il étoit Com-
mandant.
DOMINIQUE
M____
-ocr page 103-
go                La Vie des Peintres
DOMINIQUE NOLLET.
OLLET naqnit a Bruges, vers 1'an 1640,'
et fut re^u (ians |a soci .te des Peintres de
même Ville Ie 19 Juin 1687. Sa réputation
Ie fit choisir par Maximilien Duc de Baviere,
pour son premier Peintre, avec une forte pen-
sion. Le Duc de Baviere ctoit pour lors Gouver-
neur des Pays - Bas; il fit rechercher dans ce
pays natal de la Peinttire a i'huile les plus beaux
Tab^eaux qu il put trouver a vendre, et les
acheta. Nollel fut nommé, comme Artiste et
co urne Connoisseur, Sur Intendant du Cabinet
des Arts du Prince.
Ce Peinlre rtst<< totijours atfaché au Service
de Maximilien- il le suivit même dans ses dis-
graces, et fut üvec lui a Paris. II retourna en Ba-
viere , lorsque l'Eledeur rentra dans ses Erats,
et ne le quitta plus. Après la mort de ce Prince,
Nollet retomna a Paris, oü il mourut en 1736,
agé de 96 ans.
Cet Artiste peignoit lHistoire, le Paysage
et des Batailles. Il paroit que ce dernier genre
est celui oü il a le mieux réussi; ses Paysages
sont tres variés, les arbres sont touches et de
fort bonne couleur; ses Batailles, ses Campe-
ments, ses Siéges de Villes, ses Marches d'armées
sont traites avec feu et avec une grande vérité.
On nepeut avoir plus de facilité,il semble de pres
que quelques uns de ses Tableanx ne soient qu'a
moitié faits. A peine la toile ou le panneau sont-
ils couverts de couleur; mais a une certaine
distance
-ocr page 104-
Flamarids, Zillemands et Hollandois. 91
distance on est frappe de ('harmonie et de la
chaleur qui régnent partout.Son Dessein est cor-
reót et spirituel; sa maniere approche de celle
de Vander Meulen. Quant au merite de 1'idée
et de 1'exécution, il y a peu de différence entre
Vander Meulen & Nollet: je donnerai cepen-
dant la palme au premier. Quoique Nollet ait
demeuré long-temps a Paris, la plupart de ses
Ouvrages sont en Baviere , en Allemagne et en
Flandres : il est peu connu en France; on ne
croit pas même qu'il y ait travaillé depuis son
retour de Baviere, a cause de son grand age.
Voici les principaux Tableaux que je connois
de Nollet: dans 1'Eglise Paroissiale de S. Jac-
ques, a Bruges, plusieurs morceaux en petit,
dont lesSujets sont tirésdu Nouveau Testament.
Tous sont encadrés dans du Marbre noir et blanc.
Le plus estimable de ses Tableaux représente
une bataille, et est si bien dans la maniere de
Vander Meulen, que 1'on peut y êtretrompé.
Dans 1'Eglise des Carmes, un Tableau fort bien
composé, qui représente S. Louis re^u par Jes
Religieux Carmes, en débarquant a la Terra
Sainte, &c.
ABRAHAM
-ocr page 105-
ABRAHAM
G E N O E L S,
É L E V E
DE JACQUES BAKERÉEL.
A Ville d'Anvers vit naitre en
1640 Abraham Genoefs.Jac-
ques Bakeréel
fut son premier
Maitre; il resta chez lui depuis
onze ans jusqu'a l'agedequinze.
Son ambition d'abord sebornoit
a peindre Ie Portrait; mais encouragé par quel-
ques essais, il s'appliqua au Paysage : c'étoitce
genre auquelle destinoit la nature.Il aimoit sur-
tout
-ocr page 106-
La Vie des Peintres', etc.            g3
tout a orner Ie devani de ses Tableauxde la vue 1640.
d'un grand chemin, ou de quelque vue de cam- "—^
pagne; et il traita bien ces sortes de morceaux
qui, bien entendus, amusent Ie spectateur, a
qui ils donnent la curiosité d'examiner et de
chercher oü menent ces chemins, et oü ils abou-
tissent. Enfin, déterminé a se consacrer unique-
ment au Paysage, Genoels fut trouver Firelans
de Bois le-Duc, qui passoit pour Ie plus habile
de son temps dans la Perspeöive; il l'apprit de
lui aussi bien que les Mathématiques; il Ie sur-
passa bientót, et Ie quitta.
Muni de bons principes, capable de réfle-
xions justes, qui rendent les études encore plus
utiles, il songea a visiter les grandesEcoles,
et a suivre les Artistes célébres pour se perfec-
tionner.
Paris étoit déja 1'Ecole du monde, les Pous-
sins
, les lc Brun, les Mignards, &c. y étoient
a la tête des Arts: c'étoit oü Genoels vouloit se
fixer. La guerre entre 1'Espagne et la France
Tempêcha de partir sur Ie champ; peu après il
se rendit a Amsterdam, oü il s'embarqua pour
Dieppe sur une Flotte marchande, escortée par
des vaisseaux de guerre. Il arriva enfin a Paris,
il y trouva Laurent Franck, son neveau, et
Francisque Milé. La même envie d'étudier et
d'avancer les lia étroitement; ils ne connois-
soient de plaisir que celui de se communiquer
leurs réflexions et leurs découvertes. Genoels
fut bientót connu, et ses Ouvrag»s furent esti-
més. De 5epe,Peintre de TAcadémie, chargé de
faire les modeles pour les Tapi-^series de M. de
Louvois, se fitaider par Genoe/s, qui peis;nit 'e
Paysage
-ocr page 107-
94                La Vie des Peintres
1640. Paysage de buit grands Tableatix, dans lesquels
^—r il y avoit des jtux d'enfant>. Il travailla au
Temple, oü Ie Grand Prieur lui avoit denné un
Appartement et un Attdier; il y fut visite par
les principaux Artistes. Il peignoit des Paysa-
ges pour la Princesse de Condé«t pour 1'Am-
bassadeur d'Angleterre; le.s Jurés de l'Acadé-
mie de S. Luc voulurent Ie forcer a se faire re-
cevoir parmi eux. lis joignirent des menaces a
ces prétendues marques d'estime; mais leur ja-
lousie ne servitqu'a son avancement Genocls
inquiet et crnignant qu'on en vint aux efFets, en
porta ses plaintes a de Seve, qui en paria a Ie
Brun.
Ce grand Peintre demanda a voir des Ou-
vrages de Genoeh; il en fut si satisfait, qu'il
lui conseilla de se présentera l'Académie Roya-
le, et linvita a travailler aux Gobelins.
Genoels fut re$u a l'Académie : c'étoit une
distindion a laquelle il n'auroit jamais osé pré-
tendre sans Ie Brun, qui y ajouta celle de Ie
présenter lui-même. Plusieurs Acedémiciens
employerent lepinceau de notre Paysagiste dans
leurs Ouvrages, et Ie Brun lui fit faire les fonds
de plusieurs de ses Batailles d Alexandre.
Ze Brun aussi plein d amitié que d'estime
pour Genoels, en paria si favorablement, qu'on
Ie nomma pour aller dessiner Ie Chateau de Ma-
rimont
pres de Bruxelles, II fut accompagné
dans ce voyage par Huchtenburg, Peintre de
Batailles, et par Boudcuyns. S'ils parrageoient
la gloire de sa commission, du moins avoit-il Ie
plaisir de paroitre dans sa Patrie décoré du ti-
tre honorable de Membre de l'Académie Roya-
le de Peinture de Paris, et de venir travailler
pour
_______________—
-ocr page 108-
Flamands, Allemands et Hollandois. g5
pour Ie Roi. Il dessina Ie Chateau de Mari-
mont
de troiscótés, et fut a Anvers, oü -ses
arais et les Artistes Ie recurent avec une gran-
de distinöion : c'étoit en 1669 ou en 1670. Bar-
tholet Flemaël
quitta Liege pour voir son ami;
il eut beau vouloir 1'engager a fixer sa demeure
a Liége, Genoels revint a Paris, et peignit
d'après ses Desseins Ie Cbateau de Marimonts
pour être exécuté en Tapisserie. Mais bientót,
malgré les honneurs et les conditions avan-
tageuses qu'onluioffroitenFrance, 1'amour de
sa Patrie 1'emporta, il retourna a Anvers; son
dessein étoit d aller dela en Italië, il en fut mê-
me vivement sollicité; mais Ie Comte de Mon-
tereï,
Gouverneur des Pay-Bas, lui ordonna
plusieurs Tableaux pour être imités en Tapisse-
ries, et Genoels ne put Ie refuser. Cependant
plein de son projet et pour être plutót en état
de faire son voyage, il y employa a 1'Ouvrage
qu'il avoit entrepris plnsieurs bons Artistes,
tels que Baptiste Munojer, pour les fhurs; Ie
vieux Bod & Nicasius, pour les animaux;
BoiLé, pour les bas reliëfs; Furmi et trois au-
tres pour les ornemenf». II présida a ce grand
travail, qui fut torminé avec succes, et qui lui
fit honneur. Il fit présent a 1'Académie d'An-
vers dun beau Tableau : ce fut son dernier et
son adieu.
Le 8 Septembre 1674. il partit pour Rome
accompagné de Pierre Ferbwg >en . Sculpteur
habile, de C/ovel, Graveur, de Marsefis Libre-
chts
de Francais Afoens, $A'braliam VcrnJen
Heuvel,
Négociant Nanolitain: de 'o/danio,
Négociant Vénitien, et d'un Chanoine de Liere.
Leur
____
-ocr page 109-
t)6                La Vie des Peintres
Leur route fut très-agréable en aussi bonne conl*
pagnie : il 1'assure dans une de ses Lettres.
Ii étoit connn a Rotno, et fut bientöt visite
par les Amateurs er les Artistes. Le 3 Janvier
suivant, il fut inscrit dans la Bande Académi-
que ei Tiommé Archimede, parce qn'il étoit
habile Mathématicien. II se tira bientöt de cette
dissipation et decegr.'ind monde, pour suivre
son projet et son hut, cjui étoit d'étudier les
grands Maïtres et la nature. Il passa, tous les
ans rrois mois a la campagne, oü il a fait quan-
tité de beaux Desseins et grand nombre d'étu-
des. Ii paroit quil étoit plus curieux de se per-
feftionner que de gagner, car il ne fit que peu
d'Ouvrages a Rome: ils se bornerent a deux
grands Tableaux et nn moindre pour le Cardi-
nal Jacomo Rospigliosi, et au Portrait de cette
Eminence. L'Ambassadeur d'Espagne Marchese
del Corpio
j ne put obtenir de lui que deux Ta-
bleaux.
Les plus grands trésors, aux yeux de Genoets,
qu'il emporta de Rome, furent les morceaux
qu'il avoit faits dans les campagnes, d'après na-
ture : il les encaissa très-soigneusement avec ses
desseins, et les envoya, par 1'occasion de plu-
sieurs moules sur Tantique, et quelques figu-
res de marbres, &c. destinés pour la France. Ils
furent embarqués; il en prit aussi la route par
terre le 25 Avril 1682. Arrivé a Paris, il y
resta jusqu'a 1'arrivée de ses ballots; ses caisses
débarquées, il fit présent a M. Colbert d'un beau
Paysages, et d'un autre a le Brunj et quoi qu'on
put lui offrir pour le retenir, il retourna a An-
vers oü il se fixa le 8 Décembre 1682. Il y est
mort
-ocr page 110-
Flamands, Allemands et Hollandois. 97
mort fort agé. Il aima tant soa Art, qu'étanf 164O.
hors d'état de travailler , il donna, par amuse- ^——
ment, des lecons gratuites de Perfpedive, de
Geometrie et d'Architecture.
L'éloge des talents de Genoe/s seroit suffisam-
ment établi par Ie choix que lê Brun cftant
d'autres Maitres célébres firent de lui pour tra-
vailler a leurs Oiivrages. Les compofitions qui
nous restent de lui, sont d'un homme de gé-
nie : on s'appercoit aisément a la vérité de ce
qu'il a représenté, qu'il n'a jamais rien fait que
d'après nature; il (gat seulement enchérir sur les
détails, lorsque Ie local ne lui en fournissoit pas
assez, industrie nécessaire aux Artistes, et en-
core plus a un Paysagiste qu'a tout autre Imita-
teur. Sa couleur est naturelle et vigoureuse, fa-
cile dans 1'exécution. On découvre aisément,
dans sa touche réfléchie, qu'il ne devoit pas
tant a ceux qui lui ont servi de modele, qu'au
génie qui fcait se plier, quand il examine cha-
cune des formes que présente la nature. Il n'é-
toit point maniere, chaque touche de son pin-
ceau est différente selon la diversité des objets.
Il fut bien au-dessus du médiocre dans Ie
Portrait, mais bien meüleur Paysagiste. C'est
par ce dernier genre qu'il est Ie plus considéré;
ses études sont la plupart a 1'encre de la Chine,
avec des touches a la plume d'une facilité éton-
nante; les efFets de la lumiere bien entendus
rendent interessants les Desseins qu'il nous a
laissés: quelques-uns ont Ie précieux et la finesse
des plus grands Maitres.
Ses Oiivrages sont communément en grand,
et assez connus, pour ne pas les indiquer par-
Tome III.                              G ticu-
-ocr page 111-
La Fie des Peintres
1640. ticulierement, et pour que ce que nous venons
^bbmt d'en dire ne suffise pas.
SAMÜEL BOTSGHILD.
SAmuel Botschild , originaire de Sanger-
hausen
en Saxe, parvint a être nommé
Peintre de la Cour, et Inspe&eur de la Galerie
de Dresde.Dotschild, aimoit tantson Art, qu'il
établit chez lui une petite Académie pour son
instru£tion et celle de ses Eleves. Il enseigna la
Peinture a son cousin Fehllng, qui 1'accompa-
gna en Italië.
Ce Peintre avoit Ie génie élevé; ses compo-
«itions sontd'un bon stiJe et noble, les Plafonds
du grand Jardin de Dresde sont de sa main.
PIERRE
YAN SLINGELANDT,
ÉLEVE DE GERARD DOU.
PIERRE VAN SLINGELANDT, fils de
Cornille et de Catherine Polane, naquit Ie
20 Oöobre 1640, dans la Ville de Lejde. Voila
lont ce qu'on peut dire de certain sur la vie
de ce Peintre. Il fut Eleve de Gerar Dou,
qu'il a snrpassé en patience, et peut-ctre en mé-
rite. Il prit si bien la maniere de son Maitre,
que 1'on se méprenoit a leurs Ouvrages, avant
même qu'il quittat son Ecole. On I'engagea a
se
-ocr page 112-
Flama7ids} Allemands et Hollandois. 99
se retirer et a travailler ponr son compte. 11 fut 1640.
surchargé d'Ouvrages sans faire beaucoup de -mamm
Tableaux, puisqu'il employa trois années de
suite, sans discontinuer, a peindre la Familie
de Meerman, et qu'il fut un mois entier a faire
un rabat de Dentelle. Cette froideur n'annonce
pas un grand génie, sur-tout quandon s'attache
a une espece de fini, qui tient moins de 1'esprit
que de la patience : ses Ouvrages ont tous les
défauts de la gêne et de la roideur; Houbraken
fait un éloge du travail singulier de deux Ta-
bleaux de Slingelandt: 1'un représente une jeu-
ne rille qui tient une Souris par la queue, et
qu'un Chat cherche a prendre; on distingne les
poils du Chat et de la Souris: 1'autre est un
Matelot, qui a sur la tête un bonnet tricoté,
dont on compte les mailles, &c.
Slingelandt fut admiré de son temps, comme
ses Ouvrages Ie sont encore : mais il fut si long-
temps a achever ses Tableaux, que, quoique
bien payés, Ie gain fut toujoim très-médiocre.
Sa vie tranquille et sedentaire lui fit passer 51
ans en ce monde sans être connu : il mourut Ie 7
Novembre 1691.
Slingelandt borna ses vues a bien finir; il
imita bien la nature, maispresqne tout ce qu'il
a fait est roide et sans finesse. Il cnmposoit assez
bien, et sa couleur est bonne:son dessein est sans
gout. Malgré ces défauts, on doit Ie considérer
comme un Peintre precieux et rare, et qu'il est
difficile de surpasser. Ses Ouvrages sont presque
sans prix, et ne sont pas eticore communs en
France : voici ceux qui sont les plus connus.
Chez Ie Duc dOrléans, un enfant qui cher-
G 2 che
-ocr page 113-
ioo          La Vie des Peintres, etc.
l64o. che a prendre un oiseau sur un chevre-feuille,
<mmmm un Laquais tient une aige ouverte derriere Ie
jeune homme.
Dans Ie Cabinet duPrince de ffesse, on voit
un enfant dans son berceau : Tableau piquant.
Dans un aiitre, une femme pres d'un berceau,
dans lequel un enfant dort: Ie fond est une cui-
sine.
Chez M. Fagel, a la Haye, une femme qui
fait de la Musique.
Chez M. Ie Lormier,une femme debout, deux
hommes assis, et trois enfants sur la porte qui
regardent dans la rue; un jeune homme pêche
un poisson.
Chez M. van Héteren, une femme qui éplu-
che des herbes; un homme joue du violon, et
d'autres se réjouissent: Ie fond est une cuisine.
Chez M. d'Acosta, un homme qui examine
sa montre.
A Dort, chez M. van Slingelandt, une Dame
qui donne de l'argent a sa cuisiniere pour faire
la dépense : on remarque dans ce Tableau pré-
cieux un tapis de Turquie en bas pres d'une ta-
ble: il est surprenant pour Ie n"ni.
Chez M. Braamkamp, a Amsterdam, trois fi-
gures dans une cuisine.
ChezM. BierenS) une Dentelliere, auprès de
laquelle sont deux enfants.
Et chez M. Cauwerven, a Middelbourg, un
Négociant dans sön comptoir.
GERARD
-ocr page 114-
GERARD
DE LAIRESSE,
ÉLEVE DE SON PERE
RENIER DE L A1RESSE.
AIRESSE mérita d'être assez gé- ~~Z
néralement nommé Ie Poussin de mi,,,,,'
sa Nation. C'est un grand éloge,
maïs souvent justifié par ses Ou-
vrages. Il naquit a Liége en 1640;
il est fils de Renier de Lairesse,
bon Peintre au service du Prince deLiége, pour
lequel il travailloit avec Bartholet. La fagon
d'opérer de ce dernier étoit plus agréable; sa
G 3 couleur
-ocr page 115-
103                La. f ie des Peintres
164O. couleur étoit plus fondue; et c'est Ie seiil avan-
^—^ fage ga il eut sur Renier.
Les Historiens sont assez partagés sur Ie pre-
mier Maiue de norre jeune Lairesse; les uns veu-
lent que ce fut son pere, et il y a assez d'apparen-
ce; les autres que ce fut Bartholet. et il est vrai-
semblable qu'il ent aussi des instructions de 1'arm
de son pere. Ce qui e.^t trèvcertain, eest que
Guerard profita des lumieres detousle.s deux; il
avaitdevant lui leurs Tablcaux: mais animé prin-
cipalement par la maniere savantc et agréable
dont Bartholet parloit des monuments antiques,
il sentit Ie besoin qu'il avoit d'exciter et de per-
feöionner son génie par la ledure de 1'Histoire,
et par l'étude des Medailles et des E<-tampes.
Les études de Bariho/el (ïnprès 1'antique et d'a-
près les ruines de Rome, son Recueil d'Estampes
choisies des Ouvrages du Poussin et de Pielre
Teste,
acheverent de déterminer la maniere de
Guerard de lairesse. 11 pril ces deux grands
Maitres potir modeles, et il les a toujours suivis
comme ses guides; il en ^uroit encore plus ap-
proché, s'il avoit été a Rome, et s'il eut eu da-
vant les yeux les Originaux mêmes.
Peu occupé a Liége, Lairesse crut mieux faire
d'alier h Utrecht; mais il y eut pour toute res-
source, de peindre des Enseignes et des Para-
vents. Un de ses amis, touche de sa malheureuse
Mtuation, Tengagea a faire deux Morceaux; ils
furent envoyés a Uytenburg, Marchand de Ta-
bleaiixa Amsterdam, qui, frappe de la beauté de
ces Ouvrages, les fit voir a Jean van Pee, et a
Grebber, qui peignoient pour lui, et les paya
cent flonns. Le Marchand fcut de la Femme
qui
-ocr page 116-
Flamands, Allemands et Hollandois, io3
qui les lui avoit aportés, I2 nom de leur Auteur $ 1640.
et ne voulant se fier qu'a lui-mcme, du soin d'a- ^aav
voir chez lui un Artiste de ce mérite, il s'embar-
qua lemême jour avec laCommissionnairepour
Utrecht, y vit Lairesse, et fit si bien par ses
louanges et par ses promesses, qu'il fammena
avec lui a Amsterdam.
Dès Ie lendemain de son arrivée, Lairesse
monta a 1'attelier chez Z/ylenburg, on lui pré-
sente une toile, des crayons et une palette; il
resta quelque-tempsdevant Ie chevalet sans par-
Ier ni remuer de sa place, et il surprit fort Uy-
lenburg, van Pée
& Grebbcr, quand, au lieu
de se mettre a dessiner et a peindre, il tira de
dessous son mantean un Violon avec lequel il
joua quelques airs; et ensuite saisis.sant Ie orayon
et les pinceaiiK, il ébaucha Ie sujet d'un Enfant-
Jésus dans la Crèche; il reprit son violon, et en
joua de nouveau; il cessa, reprit la palette, et
en deux heures il peignit la tête de 1'Enfant, de
Marie, de Saint Joseph et du bceuf, au premier
coup, et d'un si beau fini, qu'il laissa les Spec-
tateurs dans l'admiration de Ia facilité, et de la
beauté de son travail, et dans l'étonnement de
la maniere dont il s'y disposoit.
Il passa deux mois chez Uylenburg, et pen-
dant cetemps il lui fit une grande quantité d'Ou-
vrages, dont leMarchand tira unprofitconsidéra-
ble. Mais soit qu'on enviat au Marchand unHóte
qui lui avoit fait sa fortune, soit que Lairesse
eüt les yeux désiliés sur son propre mérite, par la
réputation qn'il se fit, il se retira de chez Uylen-
burg,
et devint enfin son maitre. Il profita lui-
mème de son talent, et de la rapidité de son
G 4 pinceau
__
-ocr page 117-
io4              La Vie des Peintres
1640. pinceau. On a peine a décrire et a croire tont
......'■ ce qu'il fut eapable d'exécuter en un temps as-
sez court; il peignit plnsieur.s grands plafonds;
il remplit les appartements et les cabinets de ses
Tableaux; il fit unequantité prodigieuse de Des-
seins au crayon et la vés; il grava un oeuvre com-
plet. Un seui exemple de son extreme facilité,
rend vraisemblable tout ce qu'ofi en raconle;
il fit Ia gageure de peindre en un jour, sur une
grande toile, Apollon et les Muses sur Ie Par-
nasse, et il en vint a bout; 011 ajoute rru-meque
FApollon étoit Ie Portrait très-ressemblant d'un
de ses amis.
Que! dommage que tant de génie et de ta-
lent tussent ob>-curcis par la plu.s honteuse cra-
pule! 11 donna dans tous les exces : il déponsoit
presqu'en entier chaque jour ce qu'il gn^noit,
quoiquecelafuttrès-considérable.Ce/u//<zjeu/e
et mul/ieureuse régularité qui resta dans sa
conduite. Il en fut bien puni par laffli&ion qu'il
épouva; il pcrdit la vue en 1690. Cet affreux
malheur ramena , maïs trop tard, 1'infbrtuué
Lairesse k lui-mêrae : il disoit souvent en pleu-
rant, qu'il ne voyoit clair sur ce qu'il auroit du
voir, que depiüs Ie temps qu'il étoit aveugle. En
perdant Ja facnlté d'exécuter les idees que lui
suggéroit son génie, il lui resta pour son Art ce
gout invincible, qui est la vraie marque du
grand talent. Le plaisir d'en parier fur sa ressour-
ce et sa consolation : c'en est une que de commu-
niqner ses connoissances, quand on est hors d'é-
tat d'en faire usage; il accorda un jour par semai-
ne aux Artistes et aux Amateurs pour 1'en-
tendre : i! mit de 1'ordre a ses conférences, et
11
-ocr page 118-
Flamands, Allemands et Hollandois. io5
it traita Tune après I'autre, toutes les parties 1640.
de la Peinture; il imagina, pour suppleer al'im- ■ _ ■
possibiüré oü il étoit d'écrire, de certains signes
plus aisésque lescara&eres, ponr exprimerdes
idees qu'il craignoitde perdre; il les tracoitsur
une grande toüe imprimée qu'on avoit placée
a cöté de lui: son fils, qu'il avoit instruit de la
valeur de ces signes, ent grand soin chaque jour
d'en écrire la sigtiification; et de ces lambeaux
et des lecons que Lairesse avoit diftés, furent
composcs et donnés au Public, après sa mort,
par la société des Peintres, deux volumes qui
étoicnt enrichis de Pianches. L'Auteur dans Ie
premier traite de tout ce qui a rapport au Des-
sein, et dans Ie second de tout ce qui concerne
la Peinture.
Lairesse cessa enfin d'être malheureux. Il fut
enterré a Amsterdam Ie ^8 Juillet 1711, agé de
71 ans. Il laissa trois fils; J'ainé Andrè prit Ie
parti du Commerce , et passa aux Indes, Abra-
ham
& Jean7 furent sesEIeves, ainsi que son
neven. Il ent aussi trois freres, Er nest, Jac-
ques
& Jean. Ernest étoitson ainé, il peignoit
les Animanx a gouasse, et passa quelques an-
nées en Italië; il est mort a 1'age de 4Oans au
service du Prince de Liége.
Jacques & Jean peignoient les fleurs et des
fïgures en bas-relief et en camaïeux : ils furent
s'établir a Amsterdam, oü étoit leur frere.
On donna a Lairesse, Ie titre flatteur du Pous-
sin
Hollandois, parceque dans ses compositions
il avoit beaucoup du génie, de la capacitéetde
la maniere de 1'illustre Peintre Francois ; maïs il
s'en fallut bien qu'il n'eiit la correttion de son
dessein,
-ocr page 119-
io6              La Vie des Peintres
1640. dessein, et la régularité de sa conduite : on a
^mgmm
même lieu de s'étonner que la dépravation de?
niceurs de Lairesse n'ait pas corrompu son gout.
A force de génie, il paroit dans ses Ouvrages
historiën sage et éclairé, et quelquefois SPoëte
sublime. 11 peut être comparé ;uix plus habiles
Artistes qui ont employé ['allegorie : il est sa-
vant, ingénieux et toujours tres - intelligible
dans ses idees; les figures principales de ses Ta-
bleaux sont toujours distinguées de la multitu-
de, et a 1'air, a 1'attitude, a la passion qui la
caraöérise, en reconnoit, sans s'y méprendre ,
Ie Horos ou Ie Dieu qu'il a représenté.
Quand Ie fond de son Tableau a demandé de
l'archite&ure, il 1'a traite en Maitre, et com-
me s'il avoit eu continiiellement sous les ypux
les restes d'Athénes et de Rome. Ses composi-
tions sont abondantes; chaque Sujet est orné et
embelli, selon qu'il 1'exige. La vérité de 1'His-
toire n'y est point alterée, il a f511 saisir les mo-
ments les plus interessants, il ne s'est point écar-
té des regies du Costume. Son Dessein, bienau-
dessous de celui du Poussin, est cependant quel-
quefois très-exaö; rnais de temps en temps on
regrette que plusieurs de ses Tableaux n'ayent
pas 1'élégance qu'on trouve dans Ie plus grand
nombre. 11 connoissoit a fond les mouvements
de I'ame; il les a exprimés dans la plupart des
Figures qui en étoient susceptibles; son gout
de draper est celui des bons Maitres d Italië;
ses plis sont amples, simples, et ne sont point
niciniérés. On s'appercoit par-tout quil fc,avoit
choisir dans 1'imitation; sa couleur est bonne,
dorée et vraie; une touche légere et ferme,
rend
-ocr page 120-
Flamands, Allemands el Hollandois.
rend aimable et précieux tout ce qu'il a peinr. [640.
Qnand Lairesse n'auroitpas e'té un aussi grand ^—■■
Peintre, il auroit mérité des éloges par ses gra-
vures ; il a gravé plusieurs de ses compositions
et beaucoup de Desseins d'après les composi-
tions des autres. On voit un Volume in-folio qni
compo.se son oeuvre, et dont la plupart des Su-
jets sont de sa main. Sa facon de graver est fa-
cile et large, elle donne une grande idee de sa
belle maniere. Voici les principaux Tableaux
que nous connoissons de eet habile Artiste.
1 A Paris, chez M. de Julienne, un Tableau
capital, représentant Achilles déguisé en Fille,
.vous Ie nom de Pyrrha a la Cour de Lycomede,
Ie fond est une belle Archite&ure.
Chez M. Blondel de Gagny, deux Tableaux
très-fini, représentant les Eléments.
Chez 1'Eleöeur Palatin, a Dusseldorp, la
Naissancede Jésus-Christ; Ulysse attaché au mat
d'unNavire, pouréchapper a renchantementdes
Sirenes; Ulysse reoonnu par sa Nourrice ; la Sa-
maritaine; la Vierge, 1'Enfant Jésus et un Ange.
ChezlePrincer/e Hesse, laMortd'Alexandre.
A laHaye, chez M. Ie Lormier, Moyse qui
foule une couronne sous les pieds devant Pha-
raon : Tableau capital et d'une belle maniere.
Chez M. van Héteren, Antiochus qui recoit
de son pere, Stratonica dont il étoit amoureux,
et si Couronn°. *
Chez M. Half Wassenaar, Alexandre et
Roxane dans la chanibre nuptiale.
Chez
* Nous avons vu ce même Sujet traite par Lairesse
a Paris, dans ]e Cabinet de M. de la Bouxiere.
-ocr page 121-
La Vie des Peintres
io8
IÓ4O. Chez M, Braamkamp, a Amsterdam, Abra-
»■ - ham visite par les Anges, Tableau piquant;
Notre-Seigneur couronné d'épines; un Sacrifice
a Saturne.
Chez M. Léender de Neufville, une Fête de
Bacchus; et un Sacrifice de Rome.
Chez M. Cauiverven, a Middelbourg, Paris
et Helene: belle et riche composition.
Houbraken nous a laissé une description fort
ample des Ouvrages que Lairesse avoit faits
pour décorer la maison de M. de Flines. C'est
1'Ouvrage d'un beau génie et d'un fcavant; il
suffiroit seul pour immortaliser son Auteur. Lal-
resse
a lui-même rendn compte de eet Ouvrage
dans son Traite de la Peinture, et il Ie regardoit
comme ce qu'il avoit fait de plus beau et de plus
considérable. Il a peint Ie Sallon du Chateau de
Socfdick,
en Hollande, et Ie nouveau Théatre
d'Amsterdarn.
On voit du même a Liége, dans 1'Eglise de
Sainte Ursule, la Pénitence de S. Augustin, et
son Baptême : ce sont deux grands Tableaux.
Le Martyre de Sainte Ursule, dans 1'Eglise de
ce nom,a Aix-la-Chapelle.
Voila a peu pres ce que je connois des Ta-
bleaux de ce grand Mailre.
Surf*
BERNARD APPELMAN.
APPELMAN naquit a Ia Haye en 1640. On
ne fcait presqn'aucune particularité de sa
vie; ila excellé, sur-tout, a représenter des Vues
d'Italie. Son Paysage est du meilleurgont3ainsi
que
-ocr page 122-
Flamands, Allemands et Hollandois. log
que les figures qu'il y a introduites. Estimé un
des plus habiles Peintres de son temps dans ce
genre, on ne fgaif par quellefatalité Appelman
ne fit point la fortune qu'il devoit f<*ire; on Ie
vit reduit a peindre la partie du Pajsage dans
les Tableaux des autres Maitres. Z>e Baan em-
ploya Ie pinceau d1'Appelman jusqu'a sa mort
qui arriva en 1686, agé de 46 ans.
Une Salie du Chateau de SoesdicJc, ornée de
Paysages avec des Figures, peintes en entier par
Appelman, a été de tout temps vantée par les
Connoisseurs, et suffit pour 1'éloge de son Au-
teur.
N. STEENWYK.
LA plupart des Ecrivains ont confondu Ie notn
de ce Peintre avec celui de Henri Steen-
ivyk
Ie fils, comme nous 1'avons fait remarquer
dans Ie premier volume de eet Ouvrage, pa-
ges 384 & 385.
N. Steenwyk, dont nous parJons, a passé sa
vie dans laVille de Breda : on nefcait s'il y est
né; son talent consistoit a peindre des sujets
inanimés. La plupart de ses Tableaux sont des
Emblêmes sur la mort: on y voit Ie plus sou-
vent des objets qui désignent Ie luxe auprès
d'une tête de mort, une bougie qui estpresqu'é-
teinte, des boules de savon, &c.
Ses allégories sont composées avec esprit;
mais ce qui fait voir combien les Ouvrages des
Artistes sont des garants peu silrs de leurs sen-
timents,
-ocr page 123-
11 o           La Vie des Peintres, etc.
1640. timents, ce Peintre si moral, si grave dans ses
- ■ ut pensees, étoit très-déréglé dans sa conduite.
Livré pendant toute sa vie a la crapule la plus
honteuse, il mourut dans la plus grande misere.
On estimoit amant ses Ouvroges de son vi-
vant, qu'on les estime aujourd hui.
CARLE
-ocr page 124-
C A R L E
D ü JARDIIf,
ÉLEVE DE N. BERGHEM.
OICI encore un de ces Artistes-------
qui font un grand honneur a 1640.
leurs Maitres. Carle dujardin ^K^"
naquit a Amsterdam vers 1'an-
née 1640. Il fut Eleve de Nico-
____ las Berghem, et il est, sans con-
tredit, Ie plus célébre qui soit sorti de eet Ecole.
Du Jardinalla de bonne heure en Italië, oii
il se livra alternativemeiit a l'étude et au plai-
sir. S'il ne manquoit pas une occasion d'etudier
et de copier Ie beau, il ne négligea pas une
assemblee
-ocr page 125-
La Vie des Peintres
III
1640. assemblee de la Bande joyeuse Académique; il
"■■yji y futnommé Barbe, deBouc. Tous les Tableaux
de du Jardin furent recherches dans Rome , et
payés fort cher. Les Itaüens estiinerent ses ta-
lents au-dessus de tous ceux de sa nalion; il
quitta cependant cette Ville si convenab'e a ses
goüts pour la Peinture, et pour les plasirs qu'elle
lui offroit.
Il retourna dans sa patrie: en passant a Lyon,
il trouva quelques amis quichercherent a 1'y fï-
xer. Il y fit beauconp d'Ouvrages; mais Ie gain,
quelque considérable qu'il fut, nesuffit point a
son excessive dépense; il se vit accablé de det-
tes, et pour y satisfaire, il fut reduit a épouser
sonHötesse déjaagée, mais riche. Revenu a lui-
même, et honteux de son mariage, i! partit pour
Amsterdam avecsa femme:on lerecut avec joie.
On Ie pressa de travailler, et on se disputa ses
Tableaux, dont il fixoit Ie prix a son gïé. Du
Jardin
n'auroit peut-être jamais quitte Amster-
dam, si cette vieille femme ne lui en avoit ren-
du Ie séjour désagréable.
Un Curieux, M. Renst, son ami et son voi-
sin, pdrtant pour voir 1'Italie, engagea du Jar-
din
a 1'accompagner jusqu'au Port du Texel, oü
il devoit s'embarquer pour Livourne : notre
Peintre 1'y suivit, et s'embarqua dans Ie même
Vaisseau. Il écrivit a sa femme qu'il reviendroit
bientöt, mais elle ne Ie revit plus.
De retour a Rome, du Jardin reprit sont mê-
me train de vie; il y trouva ses anciennes con-
noissances qui 1'engagerent dans les mêmes plai-
sirs; et les beanx Tableaux de sa facon qu'il y
avoit Iaissé. lui procurant beaucoup de nou-
veaux
,
-^
-ocr page 126-
Flamands, Allemands et Hollandois. 113
veaux Ouvrages, lui fournirent les moyens de 164O.
faire une tres-grande dépense. Son ami R
parcourut les Villes d'Italie, et au bout de qirel-
que temps revint a Rome pour reprendre da
Jardin,
et pour Ie ramener en Hollande; mais
du Jardin, sous Ie prétexte d'études encore a
faire, et de Tableaux a copier, et d'autres a ü-
nir, Ie chargea de complimenfs pour sa femme,
et Ie laissa partir.
Du Jardin passa de Rome a Venise, oü la
réputation de son talent l'avoit devancé, et avoit
disposé les esprits en sa faveur. Il y fut recu
avec accueil, et sur tout de la partd'un Négo-
ciant Hollandois, qui, espérantun grand profit
des Tableaux que feroit ce grand Peintre, et
qu'il lui céderoit, obtint qu'il logeroit chez lui.
J)u Jardin, sans pénétrer dans les vues inté-
ressées de cette proposition, préféra de demeu-
rer chez son compatriote; mais il y tomba pres-
qu'aussitót malade, et a peine commencoit-il a
se rétablir, qu'une indigestion l'enleva a la fleur
de son age, Ie 20 Novembre 1678. Si la Villede
Venise, célébre a si jaste titre par les grands
Peintres qu'elle a vlis naitre, et par les chefs-
d oeuvre de Peinture qu'elle possede, avoit re-
cu favorablement ce grand Artiste, elle lui don-
na encore des marques de son estime par ses re-
grets. Il fut honorablement enterré dans une
Ville Catholique, quoique Protestant.
Du Jardin a la louche et a la couleur de Berg-
hern,
son maitre si connu dans cette partie de
son Art, avoit ajouté une certaine force qui
distingue les grands Peintres de 1'EcoIe Italien-
ne; il semble que la plupart de ses Tableaux
Tome III.                           H emprun-
-ocr page 127-
114              tta Viè des Peintres
164O. empruntent la chaleur du soleil dans Ie plein
'w midi; la lumiere vive qui dore ses Ouvrages,
éblouit Ie spectateur -, des lumieres larges et des
ombres rendent ses Ouvrages pétillants : il y a
peu d'Ouvrage, quelques figures, quelques ani-
maux, un fond de Paysage, font Ie plus com-
munément Ie sujet de ses compositions; il en a
cependant fait de plus considérables et de plus
étendus, qui ne peuvent laisser douter de son
génie. Mais pour satisfaire a rempressement
qu'on avoit d'avoir des morceaux de sa main,
peut-être aussi par son gout pour la dissipation,
il ne s'assujettissoit pas volontiers a un travail
de longue haleine. Son dessein est de bon gout,
correft et spirituel; ses produ&ions sont aussi
recherchées que difficiles a acquérir. Voici quel-
ques-unes des plus connues.
A Paris, chez M. Ie Gomte de Vence, un
jeune Homme conduisant un ane; Ie fond est un
Payage : ce Tableau est très-agréable.
Chez M. de Julierme, un Homme couché,
pres de lui est un cheval et un chien.
Chez M. Blondel de Gagnj, des Charlatans
sur un théatre, environnésde peuples: Tableau
capital.
Chez M. SHngelandt, Receveur général de
Holland?, a la Haye, un Départ pour la chasse:
il y a des Cavaliers qui accompagnent des Da-
mes a cheval.
Chez M. Fagel, un Paysage avec des figu-
res, des vaches et des moutons.
Chez M. Ie Lotwier, trois Tableaux, un
troupeau de boeufs conduits par des hommes a
cheval; un Paysage ayec des figures et des
vaches;
-ocr page 128-
Flamands, Allemands et Hollandois. n5
vaches; un autre oü sont plusieurs fïgures, un 1640.
cheval blanc et des vaches, &c.
                          ~<mmmm
Chez M van Héteren, un Homme a cheval
devant une hötellerie, 3'hötesse lui verse a boire.
Chez M. d'Acostdf un Paysage avec diffé-
rents animaux.
A Amsterdam, chez M. Braamkamp, quel-
quesfïgures pres d'une boutique dans unPayfage.
Chez M. Léender de Neujville, deux Paysa-
ges; dans un des deux une femme qui passé dans
1'eau avec plusieurs animaux.
Chez M. Luóbeling, un Paysage avec fïgures
et animaux.
Et chez M. Bisschop, a Roterdam, quelques
animaux d^ns un Paysage, &c.
F R A N Q O I S
VAN
CÜYCK DE MIERHOP.
MI e r H O P issu d'une familie illustre de
Klandres, naquit a Bruges vers 1640.
Son éducation fut telle qu'elle convient a ceux
de sa qualité. Le Dessein et la Peinture qu'il
n'apprenoit d'abord que par amusement, furent
les seuls talents qui lefïxerent dans la suite, et
qui contribuerent a le faire vivre avec plus d'ai-
sance. Mais ne réfléchissant pas assez, combien
il est beau a la Noblesse indigente de culti-
ver les beaux Arts pour subsister, et que
bien loin qu'elle déroge, en se consacrant a ce
H 2 travail,
-ocr page 129-
1x6
La Vie des Peiittres
1640. travail, il semble au contraire qu'elle ajoute k
^My la noblesse de la naissance la noblesse plus réel-
le des talents et du mérite. Il eut la foiblesse
de rougir aux yeux de sa familie, d'avoir re-
cours a son Art pour se soustraire a l'indigence.
11 se retira a Gand, Ville plus considérable que
Bruges, et il eut lieu den être content. Admis
dans les meilleures compagnies, il vit bientöt
ses Tableaus recherches de ces nouveaux ci-
toyens et des Etrangers : il méritoit ces deus
tivantages, et pour son travail assidu et par sa
naissance.
Il est d'usage en Flandres que les Corps de
métier se choisissent un ChefouProtecteur par-
mi les principaux d'une Ville: cette éle&ion est
très-honorable; parce qu'elle suppose, dans Ie
Chef nommé, un esprit conciliant pour termi-
ner les différents des Particuliers, et de la con-
sidération pour soutenir leurs Privileges. Le
Corps des Bouchers choisit Mierhop. A cette
occasion il fit un grand Tableau, oü sont repré-
sentés les Doyens et les anciens Bouchers; il s'y
est peint lui-même de grandeur naturelle et en
pied. Il leur fit présent de ce Tableau, et il est
encore place dans la Chapelle de la Boucherie :
on voit écrit dessus, peint en 1678 par Fran-
cois van Cujck,
dit Mierhop, Chef de la Com-
munauté des Bouchers. Nous n'avons pu f§avoir
1 année de la mort de eet Artiste.
Son talent étoit de peindre les animaux, et
particulierement les poissons. Snejders 1'a sur-
passé, mais il faut être bien connoisseur pour
ne s'y pas méprendre : même facon de compo-
ser, même couleur, et a peu de chose pres, la
même
~~
-ocr page 130-
Flamands, Allemaiids et Hollandois. 117
meme touche. Plus de liberté dans les ouvrages
de Mierhop acheveroit 1'illusion. Il paroit que
la fignre n'étoit pas son talent, a en juger par
le Tableau qu'il fit pour la Chapelle des Bou-
chers; la couleur en est grise et lourde, les tein-
tes locales en sont fausses, son dessein est sans
choix. Nous ne Ie considérons que comme bon
Peintre d'animaux; et c'est a ce titre qu'il est
fait mention de lui dans eet Ouvrage.
Parrai les Tableaux de Mierhop, dans la
Ville de Gand, on en voit un tres - estimable
chez les Freres de la Charité: différents peissons
de mer, un panier de fruits et un beau chien,
bien grouppés, forment un bon Tableau, qui
passeroit facilement pour être de Frangois
Sneyders.
Il y a dans la même Ville, chez M. Ie Baron
van Huyssen, cinq grands Tableaux d'ani-
maux, de poissons et de fruits.
Et chez M. Vanden Henden, un autre Ta-
bleau de différentes sortes de poissons, de ce
même Artiste.
JEAN WYCK,
ÉLEVE DE SON PERE
THOMAS W YCK.
JE AN ?YCKétoit fils de Thomas Wyck.
Les lecons du Maitre firent tant d'effet sur
1 Eleve, qu'il eut une réputation singuliere. A
peine fcavoit-on qu'il étoit Peintre, qu'il pei-
H 3 gnoit
-ocr page 131-
La Vie des Peintrés
gnoit des Chasses au ceif, au sanglier et autres
êtes fauves. Ses Tableaux sont agréables; de
joiias femmes habillées en Amazones, des cava-
liers habülés aussi magnifiquemevit, tout y res-
pire la galanterie : son dessein et sa couleur,
surtout les chevaux sont très-bien; son Paysa-
ge est varié, ses arbres de choix et de bonne
couleur; ses ciels et ses loinrains sont légers et
vaporeux. Son talent le fit desirer a Londres ;
ce fuf lui qui f Vit choisi pour peindre le cheval
de bataiiie, sur lequel Kneller avoit peint le
Duc de Schomberg. On le voit gravé par Smith.
Jean WycTi
est mort a Londres.
ARY DE VOYS,
ÊLEVE DE VANDEN TEMPEL.
DEvoys, contemporain et ami de Slinge-
landt
, dut sa naissance a la Ville de Leyde
eu 1'année 1641 \ son pere étoit unOrganistecé-
lebre, qui eut d'abord une envie assez commu-
ne a tous les parents, de se voir remplacé par
son fils, dans un poste oü il avoit acquis de
la réputation. Le jeune de Foys montra si peu
de gout pour la Musique, et une si vive in-
clination pour la Peinture, que son pere, qui
ne vouloit pas le contraindre, 1'envoya chez
Knufer, Peintre habile d'Utrecht, et ensuite il
le pla^a chez abraham Fanden Tempel: de
Voys
s'y fit une maniere de peindre particulie-
re, et qui n'appartenoit qu'a lui seul. Naturel-
lement studieux, il ne s'étoit permis que la fré-
quenta-
-ocr page 132-
Flamandst Allemands et Hollandois. tig
i—mm
quentation de ceux qui, comme lui, étoient 1641.
uniguement occupés de leur talent. Il se fit par "*££*
cette appljcation, et la réputation d'un bon
Peintre et d'un homme sage; et ces deux qua-
lités lui valurent un établissement fort avanta-
geux. Une personne fort riche lVpousa; mais
sa bonne fortune lui tourna la tête. II ne tra-
vailla plus, il-se livra aux amusements et a
1'idéc trompeuse que Ie bien qu'on lui avoit ap-
porté ne pouvoit jamais lui manquer. Il Ie dis-
sipa; bientót la misere, qui Ie mena^oit, Ie ré-
veilla de ce dangereux assoupissement. Il est
honteux pour les Arts qu'on ne les cultive
presque toujours que par intérêr, comme si Ie
plaisir pur qu'ils inspirent, et la gloire qu'ils
procurent, n'étoient pas un motif suffisant] et
une assez grande récompense. Il n'est pas éton-
nantqu'avec des sentiments pareils, la plupart
de Artistes atteignent rarement au sublime. Il
n'avoit fait qu'un Tableau pendant treize ans
que dura sa paresse; et au grand étonnement
desConnoisseurs, ses Ouvrages nouveaux qu il
reprit avec ardeur, ne se sentirent point de ce
long intervalle qu'il avoit mis a ses étndes. En
homme qui sentoit sa faute, et qui vouloit la
réparer, il ne fut jamais si laborieux. II traita
1'Histoire et Ie Paysage avec succes; il y pla-
coit des petites figures nues, qui animoient des
fonds agréables par leur situation. Il vendoit
très-cher ses Tableaux; et malgré leur piix,
il n'en pouvoit assez faire pour ceux qui lui
en demandoient. On ne fcait point 1'année de
la mort de ce Peintre, ni Ie Hen de sa sépul-
twre.
H 4 Quant
-ocr page 133-
Ï20
La Vie des Peintres, etc.
1641. Quant a son talent, ce qui est plus intéres-
<vnpr sant, on est sur que de Voys fut un des meil-
""""" leurs Peintres d'Hollande; son dessein est cor-
te&, sa couleur tres-bonne, ses compositions
sont spirituelles: il imitoit tantót Poelembourg
tantöt Brauwer, souvent Teniers y maïs s'il
prenoit quelquefois leur maniere, c'étoit en Ar-
tiste plein de génie. On connoit peu ses bons
Ouvrages en France.
JACQUES
-ocr page 134-
JACQÜES
TORENVLIET.
ORENVLIET naquit a Leyde ——
en 1641. On ne ffait point Ie 1
nom de fon Maitre; on fcait seu- ^^
lement que fon pere Ie voyant
fenfible a l'éclat des habits et des
ajuftements, 1'engageoit au tra-
Vail, en flattant fon goütpour cette vanité, qui
fuppofe ordinairement auffi peu de foii-iité dans
1'espritque d'élévation dans 1'ame. » Quand je
» ferai un grand Peintre, difoit Ie jeune To-
» renvliet, aurai- je un bel habit, un phimet,
?> uneépée?» Oui3 mon fils, répondoit ce bon
pere :
-ocr page 135-
_____isa               La Vie des Peintres
1641. pere: il devoit ajouter, mais de plus, vous
'*C55r ferez eftimé des Artiftes, conlidéré des Grands,
et vous acquerrez une gloire immortelle.
L'envie d'être mis magnifiquement Ie porta
plus particulierement a peinrlre Ie Portrait,
parce que Ie profit en eft plus prompt et plus
für. Il y réuffit, fes Ouvrages eurent 1'avantage
fur ceux de plufieurs Artiftes de fon temps; il
travailla beaucoup et affiduement.
A mefure qu'il avancoit en age et en talents,
Ie gout des parures cédoit infenfiblement a 1'a-
mour de la gloire, et il devenoit peu a peu moins
fenfible a 1'intérêt qu'a 1'eftime. Il abandonna
bientót la Hollande pour Tltalie. Nicolas Ro-
sendael,
Peintre d'Hiftoire, fut fon compagnon
de voyage. Le motif d'étudier les grands Mai-
tres les conduifit a Rome; ceux qui 1'occnperent
le plus, furent Raphaely Paul Veronese & le
T'mtoret.
Il s'appliqua tant et fi heureufement,'
que fa réputation fe répandit dans lltalie. Il
paffa enfuite a Venife, oü il étudia encore plus
particulierement la couleur; il y demeura quel-
ques années. Son talent et fes manieres nobles
lui donnerent acces dans les bonnes maifons et
lui procurerent un mariage fort au deffus de ce
qu'il pouvoit efpérer. Il ramena fa femme dans
fa patrie: ce fut le feul avantage marqué qu'il re-
tira de fon voyage. Ses talents augmentés n'aug-
menterent point le prix de fes Ouvrages : on en
ignore la raifon; peut-être qu'a force d'imiter
ces grands Peintres, fa touche devenue plus cor-
recte, paroiffoit plus fervile et moins originale.
Il eft mort a Leyde en 1719, a 1'age de 78
ans. Torenvliet deffinoit facilement, il étoit au
deffus
-ocr page 136-
Flamanis] Zillemands et Hollandois. ia3
deflus du médiocre dans Ie Portrait, et peignoit 1641.
affez bien 1'Hiftoire. Tous fes Tableaux fe ref- ■ ■
fentent de 1'Ecole d'Iralie qu'il avoit frequen-
tie : une bonne couleur, de la curre&ion, et
une belle difpofition dans (es compofitions, ca-
ra&érifent aflez communément (es Ouvrages
peu connus en Fiance. Un de fes plus beaux
Tableaux eft un Portrait de la familie de Cor-
nille Schrevelius
, oü font repréfentés enfemble
Ie pere, la mcre et les enfants.
J E A N
VAN HAANSBERGEN,
ÉLEFE DE POELEMBURG.
HAansbergen, Eleve de Poelemburg,
naquit a Utrecht Ie 2 Janvier 1642. Ilapprit
pur 1'exemple et les difcours de fon Maitre,
que Ia nature feule peut inftruire un Peintre,
et c'eft la plus grande le^on qu il en peut rece-
voir. Le prix confidérable des Ouvmges de Poe-
lemburg,
augmenta le nombre de fes copiftes et
de fes imitateurs. Haansbergen fut un des plus
diftingués; il approchoit de fi pres de la maniere
de Poelemburg, que les plus fins Connoiffeurs
s'y méprenoiont; mais cette imitation fi par-
faite coütoit trop de temps a Haansbergen
pour 1'enrichir. Il fe mit a peindre le Portrait,
genre plus lucratif, et dans lequel, avec un«
touche aifée et un beau coloris, on eft prefque
für de réuffir. Houbraken dit, en parlant de ce
Peintre,
-ocr page 137-
'124          'ïo V'ie des Peintres] etc*.
1642. Peintre, que fes Portraits n'étoient que des lys
"vaar et des rofes. La fortune d Haansbergen augmen-
ta confidérablement, et il trouva Ie fecret de
la flxer, en faifantle commerce de Tableaux. Il
avoit choifi la Haye pour fa demeure en 1669;
il y mourut Ie ioJanvier 1705.
On a lieu de regretter, que Ia néceffité et
depuis l'avarice, ayent fait d'unbon Peintreun
Artifte médiocre, Ses premiers Ouvrages ont Ie
mérite de ceux de Polemburg, la même flneffe
de couleur et autant d'inteliigence. Il peignoit
fouvent comme fon Maïtre, des Nymphes nues,
et il ornoit fes fonds de Payfages agréables; il
compofoit avec génie THiftoire et la Fable. Il
a laiffé trop peu de Tableaux de fon bon temps,
et trop de ceux qui ont ccntribué a fa fortune.
On en trouve beaucoup en Hollande, et fort
peu en France.
J'en connois un chez M. van S Un ge landt,
Bourguemeftre a la Haye: il repréfente une Bai-
gneufe et deux autres d un beau fini. Chez M.
Bisschop, a Roterdam , 1'un repréfente une
Dame afa toilette; 1'autre un Enfant et fa Nour-
rice, avec quelqu'autres figures.
ARNOULD
-ocr page 138-
ARNOÜLD
DE V U E Z,
ÉLEVE BE FRERE LUC. \.
E VU EZ naquit a Oppenois,
pres de Saint Omer, Ie 10 Mars
1642. Son pere né a Vérone en
[talie, étoit un des plus habiles
Tourneurs en différents métaux;
mais fa débauche 1'avoit contraint
de s'engager foldat. Sa mifere étoit très-grande,
avec dix enfants, et obligé de fuivre fon Re-
giment, il ne trouvoit pas par-tout de 1'ou-
vrage pour s'occuper. Arnould étoit fon fils
ainé,
12.
-ocr page 139-
La Vie des Peintres
1642. ainé, il vouloit 1'élever dans fon talent de
>r Tourneur; mais Ie voyant deffiner, ii jugea que
Ie Deffein ne Ie rendroit que plus habile. Il Ie
pla^a a S. Omer, chez un Juif qui étoit affez
bon Peintre: en deux ans il marqua tant de dif-
polition, que fon Maitre lui confeilla d'aller a
Paris. Il y alla muni d'une Lettre de fon Maitre
qui Ie fit recevoir dans 1'Ecole du Frere Luc,
Récollet, qui avoit du mérite: en trois ans d'é-
tude, il montra qu'il étoit né Peintre.
Le defir de fe perfeftionner a Rome, joint
a celui de voir fes parents qu'il ne connoiffoit
pas, mais qu'il fc.avoit être en état de 1'aider
par leurs rieheffes, lui fit naitre le projet de
voyager en Italië, qu'il communiqua au Frere
Luc qui 1'applaudit. Il lui donna un Certificat
de fa conduite et de fon application a 1'étude.
Ainfi muni, il alla droit a Venife, oü il fut très-
bien recu par fon oncle, Chanoine de la Cathé-
drale. Cette réception le rnit au comble de fa
joie; il fit quelques Tableaux qui plurent, il en
fit auffi pour fon oncle; mais i'envie de voir
Rome fut approuvée de ce digne parent: il en
rec,ut des Lettres de recommaudation et une
bourfe de 50 ducat; fecours qui fit fa réputation
et fa fortune.
De Vuez, arrivé a Rome, fe vit tout a coup
frappe de tant de beaurés, que les premiers
jours il ne put faire autre chofe qne de rappel-
ler a lui fes fens étonnés. Revenu de fon enchan-
tement, il régla fes heures d'étude avec tant
d'ordre et fi peu d'intervalle, qua peine il don-
noit au fommeil le temps confacré au repos.
A mefure que les Tableaux iortoient de fes
mains,
-ocr page 140-
Flamands, Allemands et Hollandois. 127
tnains on decouvroit en lui de nouveaux pro- J642.
grès; et Ie premier prix qu'il remporta fit con- «v
cevoir de lui les plus grandes efpérances, fort
opiniaueté a 1'étude, une facilité inouie. Il fit
une copie de 1'Ecole d'Athenesd'après/?a/}Aaè7,
et il porta ce Tableau a Venife, pour marquer
fa reconnoiffance a fon oncle. Il en fut bien re-
511, (on Ouvrage loué et fuivi d'une bourfe de
cent dticats. Notre Peintre fatisfait, retourna a
Rome pour augmenter et fortifier fes talents. Il
étudia les Ouvrages de Raphaël, il copia d'a-
près 1'antique; tout ce qu'il put approcher fut
peint ou deffiné. Le Prince Pamphile^ Gou-
verneur de Rome, ne pouvoit quitter ce jeune
Flamand. il le recommanda et le fit connoï-
tre aux Princes et Cardinaux qui fe trouvoient
dans la Ville; on admiroit fes Ouvrages, et
encore plus les peines qu'il prenoitpour réuffirJ
II fut cité comme une exemple, et propofé com-
me un modele aux autres Artiftes : c'étoit le
perdre que de l'élevtr autant qu'il le méritoit.
Il avoit remporté le premier Prix de Deffein,
dès-lors il s'étoit attire une foule de jaloux; fes
progrès en augnentoient le nombre, et fa bon-
ne conduite les déiarmoit. I!s tramerent en-
tr'eux le complot le plus noir de fe défaire de
lui par 1'affaffinat, ou de ie forcer par menaces
ou par d'autres moyens de fortir de Rome.
La Providence qui veille ftir les hommes ver-
tucux, le fauva plufieurs fois des mains de fes
perfécuteurs. Contraint fouvent de ft battre,
il s'en tira toujours avec honneur; le malheur
voulut qu'il tua un de ces efpeces d'afTdfïïns.
Cette mort 1'obligea de fe cacher; on connoif-
foit
■ —-■•i»--J
-ocr page 141-
128               La Vie des Peintres
1642. kit ^a conduite, et on fcavoitaufli 1'injuftice
<m» de fes ennemis; enforte qu'il n'y eut point de
pourfnite. Il ne put cependant fe montrer en.
public, il auroit été affaffiné par tout oü ils au-
roient pu Ie joindre. Dans Ie moment qu'il fe
croyoir accablé par 1'envie. il reent la récom-
perfe que lui avoit attiré fon application et fa
bonne conduite.
Le Brun, premier Peintre de Louis XIV. fur-
chargé de travaux immenfes, aidé de grands
Artiftes de la France, fit venir de toutes parts
des grands Artiftes pour les pattager avec lui,
et remplir les vaftes projets qu'il avoit concus,
et qui ont éternifé fa mémoire. Le Brun qui
connoflbit les talents de de T^uez, 1'invita a ve-
nir a Paris, en 1'aflurant d'une penfion de S. M.
Une invitation auffi glorieufe le détermina a
quitter une Ville oü il avoit tout a craindre,
et dont il ne feroit jamais forti, s'il eüt été
moins habiie. Il prit congé fecrétement de fes
amis, et arriva en pofte a Florence, oü il par-
courut, pendant quelques jours, les excellentes
Peintures qu'on y conferve. Il en fit autcint a
Bologne, k Milan et a Lyon. Arrivé a Paris, il
fut très-bien reen par le Brun, qui le préfenta
au Hoi, et lui fit obtenir la penfion promife.
De Vuez acquit en le Brun un ami et un Pro-
tefteiir; il lui offrit une parente pour femme.
Cetre marque d'oftime fufEt pour faire 1'éloge
de de Vuez. Il n'accepta pas cette propofition,
il s'excufa fur fon peu davancement et fur fa
jeunefle. Ce refus ne diminua ni l'amitié, ni les
attentions de le Brun, lorfque le malheur, qui
fuivoit par tout notre Flamand, Téloigna en-
core
-ocr page 142-
Flamands, Allemands et Hollandois. 'i 29
core une fois d'une Cour oü il avoit les plus 1642.
belles efpérances.
                                                ^——'9
De P~uez fe trouva dans un CafFé, il fut in-
fulté par un Officier qui le forca a fe battre;
1'aggrefleur fut tué en préfence de vingt perfon-
nes qui attefterent 1'innocence du Peintre. La fa-
miJle du mort fit des pourfuites: cette affaire fut
portee au Roi. De Vuez partit pour Conftanti-
nople a la fuite da 1'Ambaffadeur de France; il
revint 1'année fuivante, rentra dans la place
qu'il avoit quittée, et continua (es travaux.
Une nouvelle Prote&rice fe déclara en fa fa-
veur; c'étoit la mere du Prince Eugene. Cette
Princefle lui fit faire plufieurs Ouvrages qui eu-
rent toujours les mêmes fuccès; elle poufla fa
bonté jufqu'a lui donner en mariage Mademoi-
felle Anne Degré, fille de Bertolphe Degré3
mort Gouverneur de Calais, et ci-devant Co-
lonel au fervice de France, qui avoit 1'honneur
d'appartenir par le fang a cette Princeffe. Ce
mariage augmenta le crédit du Peintre, le Mi-
niftre Louvois fe 1'attacha, il 1'envoya a Lille
pour y faire un Tableau, dont il fit préfent a
1'Eglife de lTIopital. Le peu de féjour qu'il fit
dans cette Ville, lui procura de grands Ouv-
rages de tous cótés. On le follicita vivement
pour y refter; il y foufcrivit, après en avoir écrit
au Miniftre. Il préféroit d'être le premier dans
une Ville oü les Arts étoient eftimés, a n'être
qu'au fecond rang a Paris. La réponfe du Mi-
niftre fut pleine de bonté, et lui laiffa toute
liberté, en 1'affurant de fa protettion dans toutes
les occafions.
De Vuez commen5a a travailler et a orner les
Tome III.                               I Egli-
-ocr page 143-
13o              La V\e 'des Peintres
164*. Eg'ifes de fes bons Tableaux. Laborienx etbien
payé, il foutint avec honneur un rang dans
cette Ville; il avoit un équipage et une maifon
oü ce qu'il y avoit de plus dilHngué fe trouvoit
admis avec déeence. Il fut nommé Marguillier
dans fa Paroifle, place de diflin&ion dans ce
canton, et élu Eclievin d'une voix unanime.
Après trois années d'exercice, apprenant qu'on
avoit deffein de Ie continuer, il remercia et
s'excufa fur fon grand age. I! mourut Ie 3 Avril
1724, agé de 8lans. Il fut enterré a S. André
fa Paroifle, dont il avoit élé Marguillier, et
dans laquelle il avoh füit faire quelque-temps
avant, un petitTombeau pour lui et fa familie.
De Vuez n'a eu qu'une fille de fon mariage, nde
en 1687, qiü époufa en secondes nóces M. de
Neuville,
Directeur de la Pofte a Bordeaux.
Ce Peintre a fait honneur a la Peinture, fa
conduite et fon efprit lui ont attiré 1'eftime de
ceux qui ont vécti avec lui. Il a joui de beau-
coupde gloire dans la Flandre, oü fes Üuvrages
font places avec diftinttion, a cöté de ceux des
plus grands Mtiitres du pays, et oti ils fe fou-
tiennent. L'Hiftoire en grand eft Ie genre oü il
a toujotirs été Ie plus occupé, et qni lui plaifoit
bien plus que Ie Portrait qu'il refufoit abfolu-
fnenr. Piqi.é cependant d'entendre dire qu'il au-
roit été incapable d'en faire, il fit tairc la cri-
tique en faifant quelques Portraits qni eurent
Ie plus grand fuccès. Toutes fes compolilions
marquent du génie et de Pefprit; il y a de 1'a-
bondance et de la variété dans fes figures, fon
deflein cft correö: i! avoit toute fa vie étudié
les compofuions de Raphaè'l, on s'en apper?oit
dans
-ocr page 144-
Flamands, Allemands et Hollandois. i3i
dansfes Ouvrages. Il ne faifoit rien fans conful- 1642.
ter la nature, il deffinoit toutes (es figures mies
         
qu'il drapoit enfuite; il en faifoit de mêmepour
les efquiffes, et a confervé cette methode judi-
cieufe jufqu'a la fin de fes jours. Sa couleur eft
médiocre, tantót {es chairs font trop rouges,
quelquefois grifes et froides; en général,une
couleur faufle et de pratique; Ie deffein et la
compofition fauvent fa couleur, lors même
qu'elle eft mauvaife et défagréable. Ses fonds
font riches d'architefture, qu'il fcavoit orner
agréablement, et accorder avecfes grouppes de
figures. II a peint dos bas-reliefs imitant Ie mar-
bre, a tromper; il a fait illufion en faifant quel-
ques figures de Ronde-bosse, aufïï en marbre.
Voici une partie de fes Ouvrages.
On voit a Lille, dans 1'Eglife de S. André,
quatre grands Tableaax, un qui représente les
Vieillards profternés devantl'Agneau,fujettiré
de PApocalypfe; une Réfurreöion de Notre-
Seigneur; Ie Martyre de S. André; et les Anges
qui adorent Ie S. Sacrement. Dans 1'Eglise de S.
Maurice, une Annonciation.
Saint Hubert facré Evêque, dans 1'Eglife de
S. Sauveur.
Une Sainte Cecile, dans 1'Eglife de S. Pierre.
A 1'Höpital ComteiTe et dans 1'Eglife, fe trou-
vent les Tableaux fuivants : la Préfentation de
la Vierge au Temple, au grand Aurel; les En-
fants d'Ifraël qui recueillent la manne; la Mul-
tiplication des pains; Elie qui re^oit la nour-
riture par un corbeau; la Vifion du Prophete
Daniel; Tobie aceompagné de 1'Ange; les Dif-
ciples d'Eminaiis; 1'OfFrande de Melchifedech;
I 1 Saint
__
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_         l3a               La Vie des Peintres
1642. Saint Jean dans 1'Ifle de Patmos, et la Vifion cfif
*^f» Prophete Ifaïe. Dans Ie Réfettoire de eet Höpi-
tal, font la Parabole de 1'habit des nóces j la
Foi; 1'Efpérance; la Charité; les Vierges.....la
Familie du Fondateur, oü il eft auffi repréfenté.
Dans la même maifon, la Pifcine; la Samari-
taine; 1'Aveugle né; la Femme guérie du flux
defang; laChananée; laVeuve de Naïm; etun
autre dans Tappartement de la Supérieure : on
voit deux Bas-reliefs imitant Ie marbre, 1'un Ie
feu du Ciel qui allume l'Ofïrande d'Elie; l'autre,
la Prédication de S. Jean.
A 1'Hötel de Ville, cinq grands Tableaux;
Ie Jugement de Salomon; Daniel dans la foffe
aux lions; Jéfus-Chrift et S. Pierre; Ie Juge-
ment dernier; et Notre-Seigneur attaché fur la
Croix.
Aux Récollets, dix grands Tableaux : les fu-
jets font pris dans la vie de S. Francois, de S.
Bonaventure et de S. Antoine de Padouë.
Dans rAbba)-e la Biette, une Annonciation
et la Naiffance de Jéfus Chrift.
AuxCarmes,dansleur Réfeöoire,Jéfus Chrift
chezSiméon, la Madeleine a fes piedsquipleure
fes péchés, &c. Dans Ie même endroit, cinq
aiitres Tableaux représentant des Saints de
1'Ordre.
Une belle Descente de croix aux Jacobins.
A Saint Erienne, trois Tableanx; une An-
nonciation; Sainte Catherine et Saint Nicolas
élu Evêque.
A 1 Abbave de Marcienne, pres de Lille, se
voient deux belles compofitions, 1'un la Manne;
et Moyse qui frappe Ie rocher.
A
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Flamands, AUamands et Hollandois. 133
A Annon, autre Abbaye pres de Lille, neuf 1642.
Tableaux : la Manne; Mojse qui frappe Ie ro- ~ygm/r
cher; Ie Sacrifïce de Melchisedech; llébéca;
Benjamin; la Terre promi^e décotiverte; Ie
vieux Elizaire; Notre Seigneur parmi les Doc-
teurs; S. Jean qui prêche dans Ie Desert.
A Cambray, dans 1'Eglise des Jésuires, douze
très-grandsTabltaiix, tous sujetstirésderEvan-
gile. Dans la Chapelle de 1'Archevêque, cinq
autresTableaux,aussi sujets tirés de TKvangile.
A Douay, dans 1'Eglise des Carmes, il a re-
présenté la Montagne da Thabor; Tableau in-
génieux.
Auk Minimes, !e Martyre de Sainre Barbe;
TAnge Gardien; et la Présentation au Temple.
Les Chartreux ont aussi huit grands Tableaux
de de Vuez : c'est la vie de S. Bruno.
A 1'Abbaye de "Warneton, S. Augustin qui
quitte Ie monde; un Calvaire; et la Conver-
sion de S. Augustin.
Nous pourrions en ajouter encore davantage,
mais cela deviendroit fort long: il nous suffit
d'avoir cité les principaux.
EGLON VANDER NEER.
ÊLEVE DE JACQVES VAN LOO.
EGlon vander Neer dut sa nais-
sance a la Ville d'Amsterdam en 1643 , fils
d'^érnould Vander Neer, bon Paysagiste,
time; sur-lout, pour ses clairs de lune, et de-
puis Major d'Arkel. Il re9iit des le§ons de son
I 3 pere
,
-ocr page 147-
134              La Vie des Peintros
perc; il aima cependant mieux peindre la figu-
re, et il obtint la permission de chercher un au-
tre Maitre. Il entra chez Jacques van Loo,
fort bon Peintre d'Amsterdam, sur-tout de figu-
res de femmes mies. Eglon ne s'efFraya pas des
grandes difEcultés de cette partie de la Peinture,
il étudia avec succes Ie dessein, la composition
et la couleur. Né avec de grandes dispositions
et conduit par un Artiste habile, il avanc.a a
grands pas dans la carrière.
Laréputation de 1'Ecole de France Ie fit par-
tir pour Paris : il avoit alors vingt ans. Ses Ou-
vrages, malgré sa grande jeunesse, Ie distin-
guerent. Le Comtede Dona, Gouverneur d'O-
range, 1'engagea a son service, et employa son
talent pendant trois ou quatre ans : ce fut le
terme de son séjour en France; il retourna en
Hollande.
A peine fut-il arrivé a Roterdam qu'il y épou-
sa Marie TVagenvelt, fille du Secrétaire du
Tribunal de Schielant; il en eutune dot con-
sidérable, mais qui fut dissipée en partie a plai-
der : il perdit cette femme et tout le bien qu'elle
lui avoit apporté, et il se trouva chargé de seize
enfants. Il al la demenrer a Bruxelles, oü ses Ou-
vrages furent recherches; il y contraöa un se-
cond mari^ge avec la fille du célébre Peintre du
Chalet.
EUe peignoit très-bien le Portrait en
miniature, et mourut en ne lui laissant que des
regrets et neuf enfants Une familie si nombreu-
se réduisit Vander Neer a travailler unique-
ment pour la soutenir.
Ge fut sur tout en lui que la nécessité devint
la mere des talents et de 1'industrie. Son génie
inépuir
-ocr page 148-
Flamands, Allemands et Hollandois. 135
inépuisable en ressources, ne négligea aucun 1643.
genre, 011 plutót osa s'élever a tous, et eut la wr
gloire extrêmement rare d'y réussir.
Il peignit des Paysages qui eurent un grand
succes, et qui ne lui couterent ni autant de
temps, «i autant de soin que ses Tableaux d'His-
toire.
Voisin d'un grand jardin qui étoit négligé,
il y trouva des plantes qu'il cultiva lui-même
pour les rendre plus belles; mais s'appercevant
qu'en les portant dans son attelier, elles per-
doient insensiblement de leur éclat, et que leurs
formes s'altéroient a mesure qu'elles se fanoient,
il fit son attelier de son jardin même; et s'é-
tant construit un petit cabinet portatif, dans
lequel il peignoit chaque plante et chaque fleur
sur sa tige, il prenoit réellement la nature sur
Ie fait, puisqu'il la peignoit d'après elle-même,
lorsqu'elle étoit, pour ainxidire, toute vivante;
ses fleurs, toujours fraiches, conservoient dans
ses Tableaux toule leur beauté, ou plutót ies
Tableaux étoient un vrai jardin.
On ne fcait point ce qui Ie conduisit a Dus-
seldorp; après cinq années de veuvage il épou-
sa en troisiémes nóces la fille deJeanSpi/berg,
Peintre de 1'Eledleur; ellelétoit veuve depuis
onzeans, duPeintre Bréekvelt; elle étoit très-
instruite dans Ja Peinture, et resta même, en
cette qualité, au service de I'Eledeur après la
mort (TEglon, qui arriva Ie 3 Mai 1703 , 6 ans
après leur mariage : il fut régretté et enterré
avec pompe.
Vander Neer fut un homme rare, il posse-
doit son Att au point qu'il en traitoit tous les
I 4 genres
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l36               LaViedesVeintres
1643. genres avec la même perfeftion. Ses Tableaux
-BTW d'Histoire sont bien composés, ses Portraits en
grand et en petit bien coloriés, touches avec
esprit et avec finesse; cesPaysages se ressentent
tous d'avoir été faits d'après nature; ses plans
sont variés; ses arbres ontun feuillé d'une jolie
touche, et d'une couleur naturelle : mais s'ilen-
richissoit ses Tableaux de ses plantes différen-
tes, dont nous parlions plus haut, il les finis-
soit avec tant de soin, que quelques-unes en ont
1'air froid, et ne sont point assez d'accord avec
Ie Tableau; mais Ie travail, séparément pris
en est admirable. On conc^it encore de lui un
autre genre, c'est celui de représenter des As-
semblees avec les habillements a la mode du
pays. Il imitoit, en ce genre, si bien Ie gout de
Teriurg, que 1'on pouvoit y être trompé.
Eglon aimoit la tranquililé, il ne voulwt ja-
mais aller en Espagne, quoique Ie Roi lui eut
envoyé la Patente qui lui donnoit Ie titre de
son Peintre. Ce Monarque avoit été charme du
Portrait du Prince de Neubourg, qu'avoit fait
Eglon. On ne doit pas oublier que ce Peintre fut
Ie Maitre du Chevalier Vanderwerf. Les Ta-
bleaux de Vander Neer sont peu connus en
Fr^nce : il y en a trois a Paris de son pere Ar-
nould Vander Neer,
deux chez M. Ie Comte
de Vence-, 1'un représente 1'hyver, et Tautre un
clair de lune : Ie troisiéme est chez M. Lempe-
reur,
et représente 1'hyver. M. Marye, Secré-
taire du Roi, en possede deux a Rouen. peints
par sirnould',• 1'un est un clair de lune, et 1'au-
tre Ie soleil couchant. Un autre clair de lune
chez M. de Ccuronne, Lieutenant-Général-Cri-
minel dans la même Ville.
                     Reve.
-ocr page 150-
Flamands, Allcmands et Hollandois. 187
Revenons a ceux d'Eglon, qui sont dans Ie 1643.
Pays étranger : voici les plus remarquables. ><"HP'
Dans la riche colle&ion dei'Elefteur Palatin,
cinq beaux Paysages. Dansun autre, -Agar dans
Ie Desert; un Paysage avec plusieurs figures et
des animaux; Ie Portrait d'une Douairiere d'Es-
pagne de la Maison Eleftorale, une belle femme
évanouie ; une Dame qui joue du luth; et un
autre beau Paysage.
Chez M. Fagel, a la Haye, Circé, fameuse
magicienne.
Chez M. Ie Lormier, une Assemblee : on y
joue aux cartes; il y a dans ce Tableau une jo-
lie femme accompagnée d'un page et d'un Né-
gre. Dans un autre, une Dame joue de la gui-
tarre. Dans un autre, un jeune homme porte
des citrons. Dans un autre, une jeune rilleassise
pres d'une table, se regarde dans un miroir. On
y admire aussi Ie Portrait d'Eglon, peint par
lui-même, celui de sa femme; une tentation de
Saint Antoine y mérite toute 1'attention des
Connoisseurs, ainsi qu'un tres - beau Paysage,
dont les prinoipales figures sont une Bergere qui
rend a un jeune Prince la couronne qu'il vient
de lui offrir : on voit qu'elle préféré son Berger.
On a de ce Peintre, chez M. van Héterent
Venus, Adonis et 1'Amour, dansun Paysage
orné de fleurs et de plantes; un Sacrifice au
Dieu Pan, Ie fond est un Paysage; et un Pay-
sage avec figures et animaux.
Chez M. Verschuuring, une Dame avec la
femme de chambre qui tient un perroquet.
A Dort, chez M. J^ander Linden van Slin~
gelandt,
un Tableau singulier et d'un beau fini :
c'est
-ocr page 151-
l38          La Vie des Peintres, ete.
1643. c'est une jeune Dame habillée en satin blanc
>—iw qui se lave les mains, et a qui un Page verse
de 1'eau avec une aigniere d'argent. Dans un
autre Tableau, une femme en déshabillé, sor-
tant du lit, cherche a se cacher derriere les ri-
deaux, parce qu'elle apper5oit un jeune homme
qui entre dans la chambre, malgré la femme de
chambre qui Ie menace d'un soufflet: Ie fond est
une chambre a coucher, bien menblée : tous les
détails ensont bien amenés et bien rendus.
Et chezM. van Schroei de Wilryck, a An-
vers, un joli Tableau représentant des hommes
qui se baignent.
GODEFRO
-ocr page 152-
GODEFROY
SCHALKEN,
ÉLEVE DE GERARD DOUW.
ODEFROY SCHALKEN-T—
naquit a Dort en 1643, son pere i643-
y étoit Retour du College, et ^^
enseigna a son fils la Langue
Latine. Le jeune Schalken étoit
--------déja bien avance dans cette étu-
de, lorsqu'il quitta les Lettres pour la Peinture.
oamuelVan Hoogstraten fut son premier Mai-
te, et ensuite Gerard Douw acheva de le per-
fethoner. Schalken étoit déja capable d'imiter
assez bien la maniere de ce dernier Maitre, lors-
q« il le quitta.
                                  Schalken
-ocr page 153-
La Vie des Feintres
Schalken, après avoir imité et admiré quel-
qnr temps les Ouvrages de Rembrant, se lassa
de 1'imiter et de 1'admirer; son amour propre en
étoit trop humilié: il crut pouvoir, dansles
grands effets de la lumiere, passer ce coloriste
hardi et presqu'inimitable. Il peignit des sujets
éclairés par les rayons vifs et tranches d'un flam-
beau, ou du soleil: ce fut sa maniere favorite,
et jusqu'a ses Portraits, tous ses Ouvrages s'en
ressentent.
Bientót les Portraits en petit, qui lui attiré-
rent de la réputation, et qui furent chercment
payés, lui firent abandonner les sujets de fan-
taisie.
Son nom passa la mer, et Ie fit appeller en
Angleterre, oii cependant il ne trouva pas tont
raccomplissement des promesses qui 1'y avoient
attiré; mais ce fut un peu sa faute : il y éprou-
va que l'amour propre qui ne tend pas moins
qu'a Tuniversalité des talents, est un guide trom-
peur. Schalken étoit, sans contredit, Ie pre-
mier Arriste de Londres dans les petits Ouvra-
ges, soit Tableaux, soit portraits: il voulutlut*
ter contre les Tableaux en grand, des Kneller,
de Kloosterman, de Daahl, de Laroen ,- mais
il eut un désavantage humiliant dans cette con-
currence.En vain murmura-t-il, en vain voulut-
il appeller de ces jugoments, il resta constant
dans Ie public que ses grands morceaux ctoient
plats, sans force et sans vérité. La décision de
ses Partisants abaissa son orgueil, et 1'amour du
gain fit sur son esprit 1'effet qu'auroient du faire
son propre jugement et les conseils de ses amis.
Il reprit la maniere de ses jolis Tableaux de che-
valet
-ocr page 154-
Flatnands, Allemands et Hollandois. \[\ i
valet et des Portraits en petit, et il recouvra ses 1643.
chalands et sa premiere réputation.
                  —■
Si nous en croyons la médisance, ennemie
née des grands talents, et quelqiies anecdotes
pen siires qu'elle a fait passer jusqu'a nous, il
avoit pen d'usage du monde. Une Dame An-
gloise qui avoit les mains fort belles, et qui,
sans doute, Ie (cavoit bien, voyant sa tête finie,
lui demanda s'il avoit besoin de voir ses mains
pour les peindre; il lui répondit qu'il s'en pas-
seroit, et qu'il étoit dans 1'usage de peindre
toutes les mains d'après celles de son valet.
On croit prouver son peu d'intelligence dans
les bienséances pittoresques par cette composi-
tion. Dans Ie Portrait qu'il fit de Guillaume III.
Roi d'Angleterre, ce Prince est éclairé d'une
bougie qu'il tient; et Ie Peintre a eu la mal-
adresse de faire tomber des gouttes brülantes de
cette bougie sur la main du Roi.
Au reste, ces deux historiettes ne nous ont
été transmises que par Ie seul Weyerman, qui
lestenoit, peut-être, de Peintres jaloux du mé-
rite er de la répulation de Schalken.
Il est constant qu'il gagna beaucoup de bien
a Londres. II choisit cependant la Haye pour y
finir ses jours. A son retour en Hollande, oü
sa réputation 1'avoit précédé, ce fut a qui au-
roit de st'S Ouvrages. Cette mode qu'il avoit
f?u leur donner, les rendit tres chers. Il avoit,
de plus, acquis une faeilité a opérer, qui, loia
dennire au beau fini dont il avoit conirafté 1'ha-
bitucle, leur donnoit une certaine libertédans
Ie faire qui en augmentoit Ie mérite. Il mou-
rut a la Haye Ie 16 Novembre 1706, agé de
63
-ocr page 155-
l4ï              La Viedes Peinires
1643. ^3 ans' Malgré ses défauts, il avoit plus lieu de
<■—■m remercier Ja nature que de s'en plaindre. Il fut
toujours dans 1'aisance et toujours consid^ré.
Le premier mérite des Ouvrages de Schalken
consiste dans le beau fini et dans une exa&itude
singuliere a imiter la nature, presque dans ses
plus petits détails; sa couleur est dorée et assez
vraie. Il regardoit les effets de la lumiere et des
ornbres comme 1'objet principal du Peintre; la
lumiere d'une bougie ou celle de la lampe lui
servirent a faire ses études, et la plupart de ses
Tableaux représentent la nuit. Quelqncs-uns
sont éclairés au soleil, et sont aussi piquants :
j'en citerai pour exemple celui cm une jeune
personne se cache le visage avec *on éventail,
qui recoit la lumiere a travers du papier ou
d'un taffetas colorié; et une autre femme dans
nn appartement pres d'une fenêtre, un rideau
cramoisi dérobe la plus grande partie de la lu-
miere; mais les rayons qui passent a travers ce
rideau, vont éclairer la figure et produisent des
tons singuliers : cette pratique suffit a prouver
combien notre Artiste avoit éti^dié les différents
eff'ets de la lumiere dans les différtnts accidents.
Il a négligé le dessein, et il ne fcavoit pas non
plus faire un beau choix dans son modele; ses
figures sont roides, ses mains lourdes, ses bras
décharnés, nulle finesse dans ses contours; ses
compositions ne décelent ni 1'homme d'esprit,
ni le grand génie; il a fait cependant de bons
Eleves : le plus di.stingué est de Dort. Ce fut
Arnould Boonen y il a approché de pres de son
Maïtre.
Voici les principaux Tableaux de Schalleen.
A
-ocr page 156-
Flamands, Allemands et Hollandois. i|3
A Paris, chez M. Ie Duc d'Orléans, au Palais 1647.
Royal, un homme qui donne une bague a sa ^y
femme, sujet éclairé au flambeaii; un petif gar-
gon qui joue de Ja guitarre; la Bohémienne et
plnsieurs figures; et une femme qui mange de Ja
soupe.
Chez M. Ie Comte de Vence, une femme
éclairée a la bougie, attentive au mouvement
d'une montre; une Chanteuse accompagnéepar
un homme qui joue du théorbe.
Chez M. de Julienne, un Tableau, Portrait
de familie; une jeune rille qui fume, et pres de
laquelle sont deux autres figures éclairées d'un
flambeau.
Chez M. Blondeldefiagny, une jeune fllle
qui pele un citroa; un homme représentant un
Traband ; un autre homme qui tient un grand
verre.
Chez M. Je Comte de Wassenaar, a la Haye,
une femme qui dresse un jeune chien; une au-
tre femme pres d'un barril de hareng.
Chez M. van Slingelandt, Receveur Général
des Etats, une Vénus, avec des colombes.
Chez M. van Slingelandt, Conseiller a la
Cour d'Hollande, une femme qui mange dessu-
creries; un autre Tableau de femme devant un
miroir.
Chez M. Fagel, une femme pres d'une fon-
taine; une autre qui pesedes bijoux.
Chez M. Ie Lormier, la Vierge etl'Enfant
Jésus sur sesgenoux, et a cóté S. Joseph; Dia-
ne et des Nymphes; Vénus qui regarde 1'A-
tnour endornai, un petit garjon qui joue du
Rom*
-ocr page 157-
44                               Pcïntres
1643. Rommelpot;* et un autre qui chante avecune
'i' ■ petite fille; un Vieillard en prierej un Paysan
qui allume sa pipe a une chandelle; une petite
tête d'homme; la Vierge et 1'Enfant Jésus, S. Jo-
seph soufflé Ie feu; un Fumeur qui soufflé la fu-
mée au visage d'une jeune personne.
Chez M. van Béteren, une femme qui met
une cliandelle allumée dans sa lanterne, et un
jeune homme qui soufflé Ie feu; un jeune gar-
c,on qui fume, tandis qu'un autre Ie regarde,
une lnmiere a la main; quatre personnes qui
mangent des oeufs; un homme qui allume sa
pipe; dans Ie fond est un homme et une femme.
Chez M. d'Acosta, une Dame a sa toilette,
pres d'elle deux figures éclairées a la bougie.
ChezM. Verschuw'mg^ un jeune homme qui
mange un ceuf.
Chez M. Vander Linden van Slingelandt, a
Dort, Diane éclairée au soleil; un Tableau re-
présentant Ie néant des choses humaines, par un
enfant qui fait des boules de savon, par une tête
de mort, et un flambeau allume et pret a s'étein-
dre, &c.
Chfcz M. Lézrs, a Roterdam, des figures éclai-
rées au flambeau.
Chez
* Rommelpot: C'est une vaissie de porc ou autre,
bien tendur- sur un pot; dans Ie milieu est un petit
roseau attaché a la vessie ; les enfants mouillent ce ro-
seau avec de la salive; ils Ie font glisser avec force dans
leurs doigts; en appuyant ils comprimentl'air : 1'impul-
sion et la répulsiou font un bruit très-sonore. Cet usag«
est établi en Hollaude, en 1 Luidres, etc.
-ocr page 158-
Flamands, Allemands et Hollandois. i45
- —
Chez M. Bisschop, Diane a la chasse, ac- 1643.
compagnée de ses Nymphes.
                           ^Si»
Chez 1'Eleöeur Palatin, Nof re-Seigneur in-
sulté par les Juifs; quatre figures a demi-corps
de grandeur de nature, éclairées au flambeau;
une Madeleine en pleurs, éclairée d'une Iampe;
les cinq Vierges sages et les cinq Vierges fol-
ies; une Madeleine éclairée d'une gloire, jette
loin d'elle lesornements de la vanité, pour se
préparer a la pénitence; une jeune personne
qui tient sa main au devant d'une bougie que
son amant veut éteindre; deux autresTableaux
qui représentent la Vierge, 1'Enfant Jésus, S.
Joseph et un Ange.
Le Prince Charles possede a Bruxelles deux
Tableaux : 1'un et 1'autre représentent des con-;
versations.
Dans Ia Galerie du Grand Duc de Florence,
le Portrait de la fille de Schalken.
GABRIEL VANDER LEEUW,
Êleve de son Pere
SÊBASTIEN VANDER LEEUW.
GAbriel Vander Leeuw naquit è
Dort le 11 Novembre 1643, &e Sébastien
Vander Leeuw,
qui peignoit assez bien les ani-
maux, et qui abandonna la Peinture pour un
Emploi dans les Droits sur la Biere. Ce tort
qu'il faisoit a Ia Peinture fut réparé par ses deux
fils, Gabriel & Pierre. Tous deux recurent des
tefons de leur pere, et tous deux dans 1'art
Tome III.                               K du
-ocr page 159-
146               La Vie des Peintres
du pinceau 1'ont surpassé dans la Peinture.
Gabrielieyd habile crut saVillenatale rooins
propre a ses progrès et a sa fortune que la ca-
pitale. U fut bien rec.u et fort employé a Am-
fterdam; il y épousa, peu de temps après sou
arrivée, la soeur du Peintre Pander Plaats. Il
paroit que l'hymen contribua plus a déterminer
son voyage d'Italie, qu'a Ie fixer chez lui.
Les promesses d'un prompt retour lui firent
obtenir un congé de sa jeune épouse, mais qui
fut bien prolongé. Il ne revint qu'après 14 ans
d'absence, dont il en demeura 4 a Paris et a
Lyon, x a Turin, 7 a Naples, et un a Rome;
par-tout il fut employé, et ses Ouvrages payés
cher. Il avoit étudié la maniere de Casliglione
& de Boos, et il avoit de plus acquis la faci-
lité d'opérer du dernier. Enfin, notre Peintre
ne put résister plus long-temps a 1'envie de voir
ou sa femme ou sa patrie; il retournaen Hol-
lande.
Ses premiers Ouvrages furent d'abord enle-
vés rapidement; mais la quantité prodigieuse
qu'il en donna de suite, les diminua de prix,
et on finit par les moins rechercher. Gette es-
pece de mépris Ie découragea, et l'auroit con-
duit a la misere; mais il fcavoit qu'en France
et en Italië on étoit plus en état de distinguet
Ie mérite. Il prenoit ses arrangements pour re-
tourner a Paris, a Rome ou a Naples; et il étoit
allé a Dort dire adieu a sa mere, quand il mou-
rut Ie 3 Juin 1688.
Gabriei fut regretté; il avoit la figure aima-
ble, beaucoup d'esprit et une conversation qui
Ie fit rechercher des meilleures compagnies.
Son
-ocr page 160-
Flamands, Alleman As et Hollandois. J 47
Sn génie étoit abondant, il produisoit avec Ja f643.
plus grande facifité, et il peignoit de même : sa "*
couleur tenoit de 1'EcoIe de Rome; sa touche
étoit large et décidée. Cette fac,on de charger
la couleur n'étoit pointdu gout des Hollandois,
ils préféroient Ie beau fini, ouvrage de la pa-
tience, a 1'art de faire avec chaleur et avec
gout. Ses Tableaux sont pleins de troupeaux de
moutons, de boeufs et d'autres animaux, qu'il
imitoit d'après nature, avec une variété sur-
prenante.
ABRAHAM VAN KALRAAT,
ÊLEFE DES FRERES HULP.
RAlraat né a Dort Ie 7 Octobre 1643, fut
destiné a Ia Sculpture. Les Freres Ernile &
Samuel Hulp, habiles dans leur Art, lui en
donnerent les premières lec,ons. On ne f£ait
pourquoi Kalraat se mit a peindre a la mort de
son pere, aussi Sculpteur, qui apparemment ne
vouloit pas qu'il abandonnat sa premiere pro-
fession. Notre Peintre quitta Ie ciseau pour Ie
pinceaii. En Peinture, il fit assez bien la^-figu-
re, mais il fut plus distingué quand il traita les
fleurs et les fruits. Ses Ouvrages ont de la fraï-
cheur et de la légpreté : il composoit avec in-
telligence et beaucoup d'harmonie.
K x PIERRE
-ocr page 161-
ha Vie des Peintres
PIERRE MOLYN,
surnomm!
TEMPEEST ( Tempeste.)
N pourroit citer Pierre Molyn comme un
grand homme, si Papparence même du cri-
me n'obscurcissoit pas 1'éclat des talents les
plus brillants. Il naquit a Harlem de Pierre
Molyn
, appellé Ie Vieux; il fut regarde com-
me un prodige dans son pays. Il réussissoit pres-
qu'également dans tous les genres, et il auroit
remplacé Frangois Sneyder par son Art singu-
lier de peindre des Chasses au sanglier de gran-
deur naturelle, s'il n'avoit pas quitte laHol-
lande. L'envie de voir 1'Italie Ie fit voyager : il
fut a Rome oti il étudia long-temps. Dela sa
malheureuse étoile Ie eonduisit aGênes, oü ses
Ouvrages eurent une grande vogue : on ne
fijait pas positivement, s'il s'y étoit marie, ou
si celle avec qui il vivoit n'étoit que sa Mai-
tres^e: mais on n'est que trop sur qu'elle fut
assassinsée, et qu'il fut accusé d'avoir payé des
fcélèrat pour commettre ce crime. 11 tut ar-
rêté; et quoiqu'il restat un violent soup$on
qu'il avoit trempé dans ce crime, il n'y eut
point assez de preuves pour lui faire perdre la
vie, mais assez d'indices pour lui faire perdre
sa liberté. II fut condatnné a une prison per-
pétuelle, dont il ne sortit,au bout de ióans,
que par un hazard. Louis XIV. pour punir les
Génois,
^
-ocr page 162-
Flamands, 'Allemands et Hollandois. 14g
Gónois, fit bombarder leur Ville; Ie feu des 1643.
bombesmenacantGênesd'un incendie, Ie Doge^m
fit ouvrir les prisons: Moïyn se retira prompte-
ment a Placenza, dans Ie Duché de Parme. Ce
fut la que pleinement corrigé de ses passions
yiolentes qui 1'avoient entrainé dans Ie préci-
pice, il ne songea plus qu'a se livrer au travail.
»* Nous ne fcavons rien de sa mort. Jean Visse-
léer,
grand Artiste, et par conséquent Con-
noisseur, nous assure que Mofyn fut un Pein-
tre très-distingué" de son temps, qu'il avoit un
beau génie, lsaac Moucheron, autre bon Pay-
sagiste, qui vécut avec Molyn a Rome, en fait
aussi les plus grands éloges.
THEODORE FRERES.
FRerés fut un bon Peintre d'Histoire , né
a Enckhuysen en Hollande, en 1643. Issu
d'une familie ancienne et riche, les éléments de
la Peintnre entrerent dans snn édncatfon, et
bientót il s'y appliqua par gout. Il fit Ie voyage
d'Italio avec une commodité et une aisance,
dont il eut Ie bon esprit de ne pasabuser. Bien
loin de se livrer a une dépense qu'il pouvoit
faire, sans s'incommoder; bien loin de donner
dans la folie flatteuse et si commune a eet age,
de vouloir briller parmi les jeunes- gens de la
Bande Académique, il ne la fréquenta point,
et vécut assez retiré. Il préféra aux vains amuse-
m ents d'une vie dissipée et d'une compagnie peu
c hoisie, 1'étnde assidue des Ouvrages des grands
Maitres, et il partagea Ie temps de ses visites
K 3 entre
-ocr page 163-
15o               La Vie des Peintres
1643. entre les Scavants et la meiUeure compagnie de
«■vfiome. Il acquit parmi ceux-ci une p'us par-
faite connoissancedu grand monde; il s'instrui-
sit avec les premiers des finesses de son Art, et
des moyens qui font merker 1'ejtime qu'on ac-
corda depuis a ses Ouvrages. Cette conduite
sage, et eet emploi si raisonr.able de son loisir,
lui éleverent 1'ame, et lui donnerent une ma-
niere facile et nobie de dessiner et de compo-
ser, qui ont fait Ie caradtere principal de son
talent. Il remporta dans sa patrie 1'art d'un
Peintre distingué, et Ie ton des plushonnêtes
gens. De retour en Hollande, il commenc,a a s'y
faire connoitre par 1'exécution d'un plafond et
d'un sallon pour M. Roeters, d'Amsterdam. On
cite encore de eet Artiste plusieursautres entre-
prises d'une aussi vaste éfendue; sa derniere
étoit pour 1'Hótel de Ville d'Enckhuysen, et il
en achevoit les Tableaux a Amsterdam, lors-
qu'il fut attaque d'une maladie qui 1'empêcha
de les terminer. Sa santé étant un peu revenue,
il comptoit aller prendre 1'air natal, pour ache-
ver de la rétablir entierement au milieu de sa
familie; mais il mourut dans Ie tra jet en 1693,
agé de 50 ans.
Il avoit du génie; son dessein est elegant et
plein de finesse, mais il n'excella pas dans Ie
coloris : ses Ouvrages sont estimés, et on gar-
de avec soin ses desseins dans les portefeuilles
les plus curieux.
ADRIEN
-ocr page 164-
Flamands , Allemands et Hollandois. 151
ADRIEN BACKER.
LA Ville d'Amsterdam compte au nombre
;!es meilleurs Artistes qu'elle a vu naitre,
Adrien Backer, neveu de Jacques Backer,
dont nous avons parlé, Tomell, page 141. Les
Historiens ne nous apprennent presqu'aucun dé-
tail de sa vie. On présume qu'il a vécu en Ita-
lië, paria correttion et Ie bon gout du dessein
des figures nues qu'il introduisoit dans ses Ta-
bleaux. L'Ouvrage Ie plus conhidérable que l'on
connoisse de lui, représente Ie Jugement der-
nier : c'est une composition nombreuse qui sent
Ie grand Maitre. Ce Tableau est place a 1'Hó-
tel de Ville d'Amsterdam, au dessus de 1'entrée
de la salie des Plaidoyers. Backer mourut en
1686, dans la Ville oü il avoit pris naissance.
HORACE PAÜLYN.
ON ne fcait par quelle bizarrerie, desPein-
tres dévots et pieux, ont pu donner au
Public des Tableaux licentieux, et des nudités
icandaleuses. Seroit-ce que Ie sentiment n'entre-
roit quelquefois pour rien dans de bonsOuvra-
ges, et qu'une imagination vive pourroit être
susceptible d'impressions opposées, sans que Ie
coeur s'en milat, et qu'enfïn Ie génie suffiroit a
tout? Quoi qu'il en soit, Ie Peintre, dont nous
avons a parier, donna des preuves de la plus
K 4 grande
.
-ocr page 165-
15a              La Vie des Peintres
1643. grande dévotion, et en même-tempsmit au jour
^w des Tableaux capables de faire rougir les liber-
tins les plus décidés.
On ne fcait quel pays donna Ie jour a Paulyn,
ni en quel endroit il a flni sa vie; on fcait seule-
ment qu'il forma Ie projet et une société assez
nombreuse pour Ie voyage de la Terre sainte. Il
étoit Ie conduöeur de cette caravanne. Jean
Roie
étoit son second; ils furent d'abord en
Angleterre, et dela a Hambourg. Ils firent par-
tout sur la route beaucoup de prosélites; ils
avoient des cofFres remplis de Bannieres, de
Croix , &c. Plusieurs personnes vendirent leurs
efFets pour se joindre a eux, et la femme d'un
Boulanger passa Ie fanatisme , jusqu'a croire
faire une bonne oeuvre en volant 1'argenterie
desa maison, pour accompagner ces Pélerins.
L'évenement ne fut pas heureux, on leur dé-
roba leurs cofFres et leur argent. On n'a jamais
f511 depuis ce qu'étoit devenu. Paulyn.
Ce Peintre avoit des talents qui 1'auroient
. distingue , si Ie libertinage qui régnoit dans ses
Tableaux, en rendant leur prix excessif, n'en
avoit pas óté tout Ie mérite. On dit qu'il a sur-
passé en licence Ie (rès-licentieux Aretln. On
assure qu'il dessinoit bien, que sa couleur étoit
bonne, et qu'un pinceau délicat et moëlleux
n'étoit que trop capable de séduire en faveur de
ses Onvrages pernicieux. Il faut qu'un Peintre,
ainsi que tout autre Auteur, parle a 1'esprit, il
lui est permis même d'intéresser Ie coeur, mais
i\ lui est défendu de !e corrompre.
JOB
-ocr page 166-
Flamands, Allemands et Hollandois. i53
JOB ET GUERARD
BERKEYDEN.
ON peut citer ces deux freres comme 1'exem
p!e d'une union d'auiant plus rare qu'elle
asubsisté entre deux personnes qui prétendoient
a la gloire du même talent. lis naquirent tous
deux a Harlem. Job étoit 1'aïné, et fut place
chez un Relieur pour en apprendre Ie métier;
mais son application continuelle a dessiner, fit
connoitre a ses parents qu'i'1 étoit né ponr un
Art bien au dessus de la profession a laquelle on
1'avoit d'abord destiné. Son pere Ie placa chez
un Peintre, dont les Historiens ne disent point
Ie nom. On fgait qu'au bout de peu d'années
il fut en état de faire des Tableaux qui furent
estimés, et que ce furent ces succes de Job qui
exciterent dans 1'esprit de Guerard son cadet,
Ie desir de s'adonner aussi a la Peinture. Mais
en entrant dans la même carrière, leur riva-
lité ne fut pas capable de les désunir, elle ne
produisit dans leurs ames sensées et justes que
cette émulation qui tend a la supériorité; mais
sans les moyens bas qu'on emploie trop souvent
pour y parvenir. Us furent les modeles de cette
ardeur qui devroit animer les Freres et les
Artistes dans Ie chemin des talents et de la
vertu.
Qu'ü nous soit permirde parier de deux son-
ges de 1'ainé, puisque ces rêves eurent quelque
«pport aux a&ions de sa vie, et qu'on étoit
alors
-ocr page 167-
i54               La Vie des Peintres
1643. a'ors P^us superstitieux qu'on ne 1'est anjour-
■q/ d'hui. Job crut une nuit, pendant son sommeil,
s élever jusqu'au Ciel; et une autrefois ü s'ima-
gina être resté suspendu par ses chareux aux
branches d'nn arbre. Le premier de ces rêves
lui parut l'emblême des progrès qu'il pouvoit
faire dans son Art, et qui l'éleveroient au des-
sus du commun des Peintres; il crut que c'étoit
a lui de réaliser cette idee, il quitta son Maitre
et voulut voler de ses propres ailes a la perfec-
tion. Il s'appliqua plus qinj jamais a 1'imitation
des objets de la nature; il ne quitta plus les
campagnes ni les bords du Rhin; il étudia les
effets de la lumiere dans les ciels. dans les ar-
bres, dans le cours des eaux; il fit le Portrait
de tousceuxqui se présenterent; ilpeiguitpres-
que rous les passants, et pour le prix qui leur
convint. Il amassa beaucoup d'argent par eet
assemblage très-multiplié de petites sommes;
maïs sa principale acqnisition fut celle d'une
pratique facile et d'une grande connoissance de
son Art. De ces études il passa a la composi-
tion des Tableaux qui représentoient des Fêtes
de Villages dans le gout de David Teniers.
Job fut moins flatté de 1'interprétation qu'il
ctut devoir donner au second de ses songes; il
crut que cette aventure de se voir suspendu a
un arbre, lui pronostiquoit quelque désastre qui
l'arrêteroit au milieu de ses succes; et cette idee
le rendit d'une timidité singuliere. Il s'étoit uni a
Guerard son cadet qui réussissoit fort a peindre
des intéripurs de Villes et d'Eglises, et qui or-
noit ses Tableaux de figures joliment dessinées
d'après nature. lis arriverent ensemble a Colo-
gne,
j
-ocr page 168-
Ftamands, Allemands et Hollandois. 155
gne, il y firent quelques Portraits, et furent
ensuite a Heydelberg, oü étoit pour lors la -
Cour de l'Eleöeur Palatin. Ce fut la que la
crainte decond rêve les empêcha d'oser se
produire, et rerarda du moins de qnelque-temps
1'accueil honorable qui leur étoit du. Confon-
dus dans la foule, il virent si souvent passer
1'Eleöeur et sa suite ponr aller a la ehas<;e,
qu'il ne purent s'empêcher d'en faire l'objet de
leur travail. lis en firent donc ensemble une
représentation frès-agréable et très-bien exécu-
tée; on y reconnoisoit l'Ele&eur et les prin-
cipaux Seigneurs, a ne pouvoir s'y tromper.
lis hazarderent enfin d'exposer ce Tableau,
mais sans être apper^us, dans une galerie par
laquelle Ie Prince devoit passer; et dès qu'ils
eurent fait cette démarche, elle leur parut si
hardie, qu'ils balancerent a s'enfuir. Pendant
qu'ils délibéroient s'ils prendroient ce parti,
1'Elefteur vir Ie Tableau, s'y reconnut, 1'ap-
plaudit, et fit chercher 1'Auteur. lis avoient
été trahis : on les amene, et bien honteux ils
re^urent du Prince les éloges et les faveurs qu'ils
méritoient. A une somme considérable d'argent
il joignit pour chacun des deux freres une Me-
daille dor, un logement dans Ie Palais, la
permission de prendre des équipages poursui-
vre la Cour a la chasse, ce qu'ils firent, non
sans crainte d'être pendus par les cheveux a
quelqu'arbre de la Forêt- Job avoit toujours son
rêve devant les yeux, et il trembloit a ehaque
instant que cette espece d'horoscope ne s'ac-
complit.
Ils travaillerent encore quelque-temps a Ia
Cour
_____^____
-ocr page 169-
l56              La Vie des Peintres
1643. ^our ^e 1'Eleöeur, ou ils furent recherches, et
^■■ht oii ils gagnerent du bien; mais habiles a pein*
dre, et fort mal-adroits a lutter contre les intri-
gues qui augmenterent a mesure qu'ils avance-
rent en faveur, il leur parut plus aisé de quiter
la Cour que d'en prendre les manieres.
Ils obtinrent avec beaucoup de difficulté la
permission de retourner chez eux, après avoir
été comblés de présents par i'Ele&eur, et re-
vinrent dans leur patrie. Ils y vécurent tous
deux avec une de leurs soeurs; ils travaillerent
continuellement, ils alloient vendre leurs Ta-
bleaux a Amsterdam. Gucrard mourut Ie pre-
mier, Ie 23 Novembre 1693. Job toujours plai-
sant et conteur assez agréable, ne se dissipoit
que Ie soir du travail assidu du jour, et étoit
bien recu de ceux qu'il préféroit: on aimoit a
1'entendre. Il avoit atteint 1'age de 70 ans,
lorsqu'il périt malheureusement Ie nou 13 de
Juin en 1698 : il sortoit Ie soir d'un Cabaret,
et tomba dans Ie canal des Brasseurs oü il se
noya.
On regretta ces deux freres dont les talents
sont très-connus dans leur pays : 1'un et 1'autre
peignoient la Figure, l'Archite&ure, &c. 1'ainé
faisoit Ie Portrait. Je n'ai vu aucuns de leurs
Ouvrages en France : voici les principaux qui
sont en Hollande.
Dans Ie Cabinet de M. Henti van Slinge-
landty
Bourguemestre a la Haye, on voit une
Place publique avec un nombre de figures: Ie
fond est une porte Romaine peinte par Gue-
rard Berkheyden.
Chez M. /e Lormier, la grande Eglise d'Har-
lem,
-ocr page 170-
Flamands, Allemands et Ilollandois. 15j
lem, environnée de maisons et de figures, par
Ie mème. Chez M. Ver schuuring, une Femme
a cheval pres d'un puits. Chez M. Nicolas van
Bréemen
, une eau calme ornée de bateaux et
de figures, par Job Berkhejden.
Chez M. Vander Linden van Slingelandt,
a Dort, 1'intérieur d'une Eglise, avec figures,
par Ie même.
Et a Roterdam, chez M. Arnould Léers, une
autre vue de PEglise d'Harlem, du cöté de la
place, avec figures, par Guerard.
JEAN VOSTERMANS,
ÉLEFE D'HERMAN ZAFT LEVEN.
JEan Vostermans né a Bommel, étoit
fils d'un Peintre de Portraits, issu lui-même
d'une familie distinguée de Hollande, il donna
a son fils les premières lecons de son Art; mais
Ie Mairre, a qui notre jeune Eleve dut princi-
palement sa belle maniere de peindre, fut Her-
man Zaft Leven^
il étudia sous lui a Utrecht,
et en assez pen de temps, il fut Ie rival de celui
qui lui avoit appris a 1'égaler.
Vostermans avoiteu une éducation conforme
a sa naissance; il avoit de 1'esprit, et a ces deux
titres il étoit en société avec tout ce qu'il y avoit
de gens de distin&ion; mais trop de vanité lui fit
perdre Ie fruit de ces grands avantages. Ce qu'il
étoit, lui fit oublier ce qu'il avoit entrepris
d'être. Il y a grande apparence que s'il n'étoit
pas né au dessus du commun, il auroit été un
Artiste plus distingué.
                                 Il
___
-ocr page 171-
158               la Vie des Peintret
1643. ÏÏ passa en France avec Ie titre de Baron,
■n——* des habits très-riches et un grand nombre de
dotnesliques; il épuisa bientót la fortune que
son pere lui avoit laissée. Ce n'est pas qne ses
Ouvrages qui étoient très-recherchés n'eussent
pu Ie mettre en état de soutenir cette enorme
dépense, s'il eüt feu tirer parti de son talent;
mais par nn préjugé peu conséquent a sa ma-
niere de vivre, il crut indigne de lui de faire un
revenu d'un Art qui cependant étoit la seule
ressource pour son faste. Il ne vendit point ses
Tableaux, il en fit des présents; et ruiné par
cette générosiïé et cette prodigalité également
déplacées, il se vit bientót contraint d'abandon-
ner Paris. Il retourna dans sa patrie; et s'y re-
tira chez une sceur qui y demeuroit. Ses fausses
idees, l'y suivirent, il continua d'y frequenter
les plus distingués de la Ville, et d'y être de
toutes leurs parties de plaisir; et pour accorder
son orgueil et son luxe, il se vit reduit, quand
il manquoit d'argent, a prétexter des indisposi-
tions qu'il n'avoit point. Il s'enfermoit quelqu&;
temps chez lui, travailloit du matin au soir, et
faisoit vendre sous mains ses Tableaux a Am-
fterdam. Pour persuader qu'il ne tiroit aucun
profit de ses Ouvrages, il pelgnoitquelquefois,
comme par amusement, devant tous ceux qui
venoient chez lui, et donnoit publiquementces
morceaux de Peinture a ses amis, qui ne fca-
voient ni sa situation ni ses besoins.
En 1672, a 1'approche de 1'armée Francoise,
Vostermans se retira a Nimégue, chez une autre
soeurqui y étoit établie; il y sollicita une Com-
mission de Capitaine dans les Troupes des Etats
Générauxi
-ocr page 172-
FlamandSf Allemands et Hollandois, r 5g
Généraux; maïs fier, comme il étoit, il fut 1643.
bientot dégouté par Ie premier refus et par la ^ggggf
préférence qu'on donna a un Gentilhomme du
pays de Gueldre. Les Troupes de France étant
arrivées a Nimégue, Vostermans ne tdrda pas a
être connu et a être visite par les principaux de
1'armée. Le Marquis de Bethune fit cas des Ou-
vrages de notre Hollandois : il aimoit sa con-
versation; il 1'amena a Utrecht et dans les au-
tres Villes d'HolIande, oü il acheta sous ses yeux
et sur ses conseils, les plus beaux Tableaux
qu'il put trouver. Il essaya même de se 1'atta-
cher, et lui offrit d'être a Ia tête de sa mai-
son : on ne fc,ait ce qui empêcha notre Artiste
d'accepter un parti si avantageux. Il est vrai-
semblable qu'il crut cette proposition trop au
dessous de lui; il ne lui étoit cependant pas
possible de vivre plus long-temps sans fortune,
et avec une vanité qui ne faisoit qu'augmenter
ses besoins. Il chercha une ressource dans la
générosité des Anglois : ses Ouvrages étoient
bien payés a Londres; il y alla. Les Amateur»
le ree, urent avec distin&ion; on le chargea de
peindre un Tableau pour un des appartements
de Witheal: le sujet étoit la vue d'une des Mai-
sons Royales. Ce morceau fut si bien exécuté
qu'on y reconnoissoit, quoiqu'en petit, les Da-
mes et les Seigneurs qui étoient le plus souvent
dans les promenades. Le Roi et sa Cour don-
nerent a ce Tableau les plus grands applaudis-
sements: le Monarque en fit demander Ie prix
A 1'Auteur. Quelques-uns de ses amis lui con-
seillerent d'en faire présent, mais le plus grand
nombre vouloit qu'il se fit payer. Il suivit ce
dernier
-ocr page 173-
'ï6o              La Fie des Peintres
164?. dernier avis, il demanda deux cents livres ster-
' ling, somme exagérée, a la demande de laquelle
Ie Roi ne fit point de réponse. Vostermans ne
douta point qu'au bout de quelque-temps elle
ne lui fut accordée, et vécut magnifiquement sur
cette e^pérance; mais après avoir dépensé neuf
cents florins, il se trouva dans 1'impossibilité de
les payer, et fut mis en prison. Ii eut beau pré-
senter des Placets et faire solüciter, il n'obtint
rien et n'a jamais rien touche du paiement qu'il
avoit demandé. Il fut bientót oublié, et il auroit
couru Ie risque de mourir dans les fers, sans la
pitié qu'en eurent les Peintres, et sans Ie secours
qu'ils lui fournirent: ils se cotiserent et Ie firent
élargir.
Le Marquis de Bethunc, pour lors en Polo-
gne, ayant appris la triste siluation oü étoit
Vostermans, lui écrivit de s'y rendre, pour en-
trer au service du Roi. On croit que cette Lettre
n'est pas parvenue jusqu'a notre Artiste : d'au-
tres disent qu'il préféra suivre l'Ambassadeur
d'Angleterre a la Porie. L'Ambassadeur mourut
en route, et on n'a point fc,u ce que devint
Vostermans.
Il y a trop peu de Tableaux de ce bon Pein-
tre, et la plupart sont trop peu connus pour les
indiquer: une partie est passée chez I'Etranger,
et on en attribue plusieurs a Vostermans, qui
pourroient bien être de son Maitre; c'est même
quelquefois faire tort a 1'Eleve que de le com-
parer. Guerard Hoet nous assure que Voster-
mans
a surpassé Herman Zaft-Leven dans bien
des parties de son Art. Hoet étoit un grand
Peintre qui a connu Vostermans; son jugement
n'eft
=„
-ocr page 174-
Flamands, Allemands et Hollandois. 161
n'est point hazardé, il lui accorde plus de génie 1643.
et plus de facilité, une couleur vraie, et il dé ,
cide qu'un pinceau ferme et flou lui donnoit une
supériorité sur un grand nombre des Aristes de
son temps. Il n'a manqué a Vosttrmans que
d'être moins vain : il auroit vécu plus heureux,
et nous aurions plus de ses Ouvrages.
Le seul Tableau que j'ai vu de lui, est chez
M. Bisschop, a Roterdam : il représente une
vue du Rhin, et fait Pendant avec un autre de
son Maitre.
On ne connoït d'autre Eleve de Vostermans
que Jean Soukens, aussinatif de Bommel, dont
la vie n'e<-t pas plus interessante que les Ouvrages.
JEAN-BAPTISTE
CHAMPAGNE,
ÊLEVE DE SON ONCLE.
JEanBaptiste Champagne naquit a
Bruxelles en 1643. O° ne fcait s il avoit ap-
pris les principes de la Peinture dans s;i patrie;
mais on est bien certain qu il a dia son talent et
sa gloire a la mort du fils de son oncle Cham-
pagne}
dont nous avons parlé dans le second
volume.
Philippe accablé de la perre qu'il venoit de
faire, fit venir de Bruxelles Jean-Bapti.ste son
neveu; il eutla satisfaclion constante de levoir
répondre a ses vues : du génie, un grand amour
pour le travail, la meme douceur dans le carafte-
Tome III.                               L re,
-ocr page 175-
1Ö2                La Vie des Peintres
1643. re> lui mériterent que son oncle 1'adoptat. Le
"«■r jeune Eleve copia si bien ce Maitre tendre et
chéri; il se forma tellement sur sa maniere, et
eut par reconnoissance une prévention si dé-
cidée pour elle, qu'il ne la quitta jamais, malgré
son séjour de quinze mois en Italië. A son re-
tour a Paris, il vécut et travailla avec son oncle
a des Ouvrages pour le Roi; et il fut assez esti-
mé pour avoir 1'ordre d'achever, après la mort
de eet oncle fameux, ceux qu'il avoit commen-
cés. L'Académie Royale 1'admit parmi ses mem-
bres : il devint Professeur, et mouruten 1688,
agé de 45 ans.
Jean-Baptiste est inférieur a son oncle en mé-
rite, il fut son imitatenr, et s'il atteignit a quel-
ques-unes de ses perfe&ions, il ent aussi ses dé-
fauts. On trouve a Paris plusieurs de ses Ouvra-
ges dans les Eglises, &c.
PIERRE DE HOOGE,
ÈLEVE DE NJCOLAS BERGHEM.
E mérite de Pierre de Hooge dans son Art,
nous fait vivement regretter de n'avoir pu
découvrir presqu'aucune particularité de sa vie;
de ce qu'il 1'a passée en Hollande, on en con-
jefture avec assez de probabilité qu'il y avoit
pris naissance. Par sa maniere de peindre, il pa-
roit sür qu'il fut un des meilleurs Eleves de Ni-
colas Berghem.
Par ses premiers Tableaux on
juge, avec raison, qu'il étudiases principes dans
cette
-ocr page 176-
Flamands, \Allemands et Hollandois. i63
cette grande Ecole. Les Ouvrages qu'il fit de- 1643.
puis dans Ie gout de Metzu et de Miei is, prou- *
vent que Ia prévention fondée des Amateurs
pour ces illustres Artistes, détermina de Hooge
a les fmiter. Il réussit assez bien a marcher sur
les traces de Metzu, de Mieris, de Coques^ et
AeSlingelandt, mais sans les atteindre; ses têtes
et ses mains ont quelquefois la force de celles
de Vandick; sa touche est plus large que celle
de Mieris et de Metzu, mais ses Tableaux n'en
attrapent jamais Ie fini précieux : atissi nous
gardons-nous bien de les placer sur la même
ligne. De Hooge fut un imirateur qui n'est pas
a dédaigner au dessous du degré eminent de
Metzu et de Mieris, pour la finesse et la vé-
rité du coloris : il est encore des places disrin-
guées, et notre Artiste occupa une des premiè-
res. Son dessein est correct et de bon gout;
sa couleur est naturelle et même vigoureuse.
Tout Ie faire, en général, de ses Tableaux est
d'une grande facilité; ceux d'entre ses Ouvra-
ges qui lui ont mérité plus de réputation, re-
présente des conversations : les habillements
de ces personnages sont galants, et selon les
modes de son temps; on y remarque même un
choix conforme aux interets de la Peinture. S'il
peignoit un Officier, il Ie représentoit avec sa
veste de bufle, une cuirasse, une écharpe ou
une bandouliere, et ainsi des autres, dont il
choisissoit avec gout les attributs. Ses Tableaux
sont encore rares en France : M. Haillet de
Couronne,
Lieutenant-Général-Criminel, posse-
de a Rouen un Tableau de ce Maitre, ou deux
Officiers habillés de bufle et d'une cuiraffe, boi-
L 2 vent
-ocr page 177-
La Vie des Peintres, etc.
vent ensemble, un troisiétne hache du tabac a
fumer; 1'hótesse qui leur sert a boire, écoute
avec attention ce qu'ils se disent. Ce Tableau
est vigoureux de couleur, bien dessiné, et d'une
touche ferme et légere.
On voit du même, a la Haye, chez M. Ni-
colas van Brémen,
une assemblee oü 1'on pré-
sente un ambigu : Ce Tableau est très-galant et
très-piquant.
Chez M. EraamJcamp, a Amsterdam, il y a
du même Artiste un joli Tableau qui représente
Ie dedans de deux apparteraents, oü sont deux
figures.
JEAN
-ocr page 178-
J E A N
W É E N I N X,
ÉLEVE DE SON PERE
JEAN - BAPT1STE WÉENINX.
EAN WÊENINXné a——
Amflerdam en 1644, eft fils d'un j644-
Peintre habile Jean - Baptiste ^55®
Wéeninx : il apprit la Peinture
de fon pere, qu'il eut Ie malheur
de perdre lorfqu'il n'avoit que
feizeans; mais il étoit déja aflez avance pour
ne fe fervir d'autre Maitre que de la nature. Il
copia des Tableanx de fon pere a s'y méprendre;
L 3 enfuite
-ocr page 179-
l66               La Vie des Peintres
1644. en'llite *' ^ des imitations avec Ie même fuccès:
«1 ! FHiftoire. les animaux, Ie Payfage, les fleurs,
il étoit également habile; et ce qu'ily a de cer-
tain, c'eft que les Tableaux faits dans fon pre-
mier temps, ne fe diftinguent de ceux du pere,
que par les noms qui fe trouvent écrits deffus.
Il n'eft pas pofllble de trouver deux Artiftes qui
aient approché de fi près de la même maniere
et du même mérite.
Le jeune Wéeninx fe corrigea bientöt du dé-
faut qui fe remarque dans plufieurs Tableaux
de fon pere, d'un ton gris qu'il éloigna de tout
ce qu'il a fait. Cet excellent Artifte eft regar-
de comme un prodige, il peignoit en grand et
en petit, d'un fini furprenant. L'Ele&eur Pala-
tin , Jean Guillaume, le plus grand amateur de
fon fiecle, a la vue desOuvrages de Wèeninx,
demanda ce Peintre a fa Cour, lui fit une pen-
fion confidérable, et lui commanda desOuvrages
pour orner deux galeries au Ctaïteau de Bens-
berg:
dans Tune ce font des chaffes au cerfs;
dans 1'autre galene, des chaffes au fanglier : les
flgures, les animaux, le Payfage, toutdune mê-
me main et au même degré de mérite. II fut
long-temps employé dans cette Cour, toujours
avec applaudiffement.
On foupconne qu'il na quitta la Cour qu'a-
près la mort de ce Prince. Il retourna a Am-
fterdam, 011 les occupations augmenterent tous
les jours : c'eft a qui pouvoit obtenir de fes Ou-
vrages. On lui demandoit des Tableaux dans
tous les genres, c'étoit toujours un Maitre ha-
bile; il fembloit que chaque chofe étoit d'une
main différente. Il acquit le titre du plus grand
Peintre
-ocr page 180-
'
Flamands, Allemands et Hollandois.
Peintre et Ie plus univerfel. Il menoit unecon- X644.
duite eftimable, qui lui a mérité une vie longue ««»-—■
fans infirmités : il mourut Ie 20 Septembre 1719.
Jean TVéeninx a furpaffé fon pere déja célé-
bre. Les animanx de toute efpece, les Payfages,
les fleurs, il a tout repréfenté; la nature eft bien
rendue, il avoit une touche propre a chaque
genre, une couleur vraie, qui ne tenoit ni de
Maitre, ni de préjugé; il avoit la nature en vue
qui lui indiquoit tout, et qu'il ne faifoit que fui-
vre. Il peignoit les figures dans (es Ouvrages
avec Ie même mérite; fon deffein eft ferme,
quelquefois fcavant, mais jamais maniere. C'efl
encore un Arlifte furprenant, {es grands Ouvra-
ges ont la facilité et Ie large du Peintre d"Hif-
toire; (es petits Tableaux, la fineffe, Ie fini et
Ie précieux de Ia plus grande patience. Ses Ou-
vrages furent payés ener; on a vu vendre un
Tablraufur lequel étoitpeint un phaifan etquel-
que gibier, pour Ie prix de 300 florins.
On voit en Hollande plufieurs galeries en-
tierement de fa main. A Amflerdam, chez M.
Braamkamp, un Tableau bien compofé : on y
trouve un Jievre, un cigne, un phaifan, une
perdrix, tous morts; un pigeon vivant qu'un
petit chien agace; a cóté un vafeavec des rai-
fins, et entouré de fleurs : Ie fond eft un beau
Payfage.
L 4 PIERRE
-ocr page 181-
l68              La Vie des Peintres
PIERRE
VANDER LEEUW,
Éleve de son Pere
SÊBASTIEN L É E U W.
1644. T)^ERRE Vander leeuw, frere de ce-
^■ini Jl 'ui dont nous avons parlé, étoit auffi Eleve
de fon pere. Les Ouvrages de Gahriel ne piai-
foient point en Hollande: ceux de Pierre étoient
du gout de fa nation; mais il avoit 1 humeur fi
difficile, qu'a peine pouvoit-on Ie fouffrir dans
la fociété. Cette bizarrerie d'humeur écartoit les
curieux, et Ie forca de donner fes Ouvrages a
très-bas prix.
Le talent de Pierre étoit auffi de peindre des
Payfages, mais remplis de figures et d'animaux
dans Ie gout üAdrien Vanden Velde, dont il
avoit fuivi de fi pres la maniere, que l'on s'y
trompe en les comparant. II rie peignoit jamais
fans avoir a cóté de lui un Tableau de Vanden
Velde .
afin de ne point perdre de vue la fii^on
de colorier et de difpofer les plans de ks Ta-
bleaux ; fa couleur ell: naturelle et dorée, fon
pinc^au eft flou & facile. Cette prafique éfoit
négligée par fon frere , et auroit fait sa for-
tune , s'il Tavoit observée; comme celui-ci au-
roit fait la ficnne, s'il avoit en la douceur du
cara&ere et de 1'efprit de fon frere. L'on ne fcait
point 1'année de fa mort. On eftime fort les
Ouvrages de Vaader Lceuiv,
FRAN-
-ocr page 182-
Flamands, Allemands et Hollandois. 169
FRAN£OIS (Francisque) MILÉ,
ÊLEVE DE FRANCK.
FRANCISQUE MiLÉ,fi!s d'un h^i'e
Tourneur en ivoire, que Ie Prince de V.cr- --
dé £t venir de Dijon dans son Gonvernenvn* a
.Anvers . 011 i' donna naiffance au Peintre d<> t
nousécrivonsTHiftoire, en 1^44. Lepere feron-
da les dispofirions que fon fils raarqua peur la
Peinture, et Ie placa chez Franck. qni Ie fit
deffiner et peindre. Privé de loot fe> our* par
la mort de fon pere, Ie jeune El^ve femb'oit fe
fuffire a iui-même; fa grande appliration et fon
defir dav;incer, lui tinrert lieii de fout- Son
Maitre Temmenaavec lui a Paris, ou il euc oc-
cafion de voir les Ouvrages du Poufsin, qu'il
étudia, et qu'il f opia avec tant d'exad'tiKle que
ses Tableaux dans la fuite tenoient de Ja même
maniere. 11 eut dans Ie méme temps un émule
bien capable d'augmentrr fon ardeur |)our Ie
travail; c'étoit Abraham Genoels. Animé du
même rrotif, ils Iravaillereut enfen.ble avec la
même affichiité, la même envie de fe diflinguer
dans leur art; ils devoient même aller ensemble
en Italië, et prêts a fuivrc ce projet, Milé y
renon9a en époufant la fille de fon Maitre; il
n'avoit encore que 18 ans.
Rendu a Iui-même, el maitre de fon temps,
il travailla pour fatisfaire ceux qui recherche-
rent fes Tableaux; ils furerit portes dans tous
les pays, il alla recevoir des louanges. Dans Ie
voyage
-ocr page 183-
'170              La Vie des Peiiitres
1644. voyage qu'il fit, pour voir fes amis en Flandres,
>il paffa par la Hollande et 1'Angleterre. On ne
put 1'arrêter mille part; il revint a Paris char-
gé d'Ouvrages pour les endroits oü il avoit
paffe.
Peu de temps après 1'Académie de Peinture
Ie reciit dans fon Corps, et Ie nomma Profef-
feur. Cette diftin&ion rnit Ie fceau a fa réputa-
tion, et augmenta tellement Ie nombre de fes
envieux, qu'on aff^re qu'il mourut a Paris en
1680, a 36 ans- d'un poifon qui l'avoit rendu
fou. Il eft enterré a S. JNikolas-des-Champs. Il
a eu pluiieurs bons Eleves; dans ce nombre,
font fes deux fils, qui ont tous deux été en
Italië.
Sa mémoire étoit n fidelle, qu'après avoir vii
une feuie fois unTabléan,il s'en rappelloit long-
temps 1'Ordonnance avec autant d'exaftitude
que s'il avoit eu TOriginal devant les yeux : il
en étoit de même quand il copioit la nature; il
la deflinoit, mais il rendoit fes ciels et les tons
qu'il avoit remarqués, avecbeaucoup de vérité
et deforce. Ses Payfages font ordinairement de
fites convenables au fujet d'hiftoire qu'il repré-
fentoit par fes figures; et c'eft comme Peintre
d'Hiftoirequ'il mérita la place diftinguée dePro-
feffeur a l'Académie. Son deffein eft corred, et
fa touche fpirituelle.
Le Roi pofféde onze Tableaux de ce Maitre.
Son Morceau de réception a 1'Académie.
A Paris, dans 1'Eglise de S. Nicolas du Char-
donnet, deux grands Tableaux : le Sacrifice
d'Abraham: et 1'autre Elifée dans le défert; les
fonds font des Payfages.
Dans
-ocr page 184-
Flamands, Allemands et Hollandois. Ï71'
Dans Ie Cabinet du Prince Charles, aBru- 1644.
xelles, on voit quatre Payfages, avec figures. «ar
Chez TEle&eur Palatin, trois Payfages, avec
figures.
A la Haye, chez M. Half-TVassenaert un
Payfage, avec figures.
Chez M. d'Acosta, un Payfage, avec des
figures.
A Dort, chez M. Vander Linden van Slin-
gelandt,
un beau Payfage, avec des figures.
A Roterdam, chez M. Bisschop, un Payfage.
Et chez M. Cauwerven, a Middelbourg, un
bon Tableau représentant la Femme adultére.
ROBERT
-ocr page 185-
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ROBERÏ
D U V A L,
É L E V E
DE NICOLAS WIELING.
U V A L naquit a la Haye en
1644. En fortant de 1'Ecole de
Nicolas Wieling, Peintre d'Hif-
toire, il fut a Rome, oü la ban-
de Académique lui donna Ie nom
de la Fortune. Il demeure conf-
tant qu'il y employa fon temps a tout voir, et a
bien étudier. Venife renommée pour la couleur,
devint un objet de fa curiofité; il y profita des
bons
1644
-ocr page 186-
La Vie des Peintres, etc.          17 J
bons modeles. L'amitié d'un noble Vénitien lui 1644.
devint d'un grand fecours; il eut chez lui fa table *m*m
et 1'argent dont il avoit befoin pour étudier, et
fes entretiens: ceci auroit du doubler fes études.
11 étonna fes Compatriotes de ce qu'il ne leur
raportoit a fon retour ni defleins de lui, ni co-
pies d'après les autres. Il revint cependant ha-
bile : il avoit étudié d'après Ie Cortone, et en
tout temps fuivi la marche de ce Maitre.
L'amour manqua de perdre Duval: il épousa
la fille d'un Prédicateur Francois, nommé Des-
marès,
qui étoit fort attaché au Roi d'Angle-
terre, Guillaume III. Difgracié de ce beau pere
qui avoit été forcé de lui donner fa fille, il au-
roit été obligé de quitter Ie pays, mais Duval
fe cornporta de fa^on a faire oublier fes torts: on
lui pardonna; et cette haine fe changea en ami-
tié. Vesmarès qui pouvoit tout fur 1'efprit de
fon Maitre, lui préfenta fon Gendre; il obtint
pour lui la direftion de fon Cabinet, et la fur-
Intendance des Batiments du Monarque : la for-
tune ofFroit fes tréfors a notre Artifte. Il fe pré.
fenta une occafion d'exercer fes talents, et d'em-
ployer fous fa conduite les plus habiles de fon
temps, ce fut a la conftru&ion du Palais de Loo.
Il ne profita pas de cette occafion toujours ra-
re; foit vanité, foit pareffe, il per dit la plus
belle occafion qu'un Artifte puiffe avoir; lui qui
diftribuoit les Ouvrages aux autres, n'eut pas
Ie courage d'en exécuter une partie.
Le Roi envoya Duval en Angleterre pour
mettre en ordres les Cartons de Raphaël; et les
autres Tableaux qui avoient befoin d'être net-
toyés ou réparés: et enfuite les placer au Palais
d'Ham-
-ocr page 187-
■£* ^ie des Peintres] etcl
1644. d'Hamptoncourt. Il renouvella a Londres fon
ymmmm' ancienne connoiffance avec Kneller qu'il avoit
beaucoup vu en Italië; il en obtint fon Portrait.
Il ne paroit pas que Duval ait rien peint dans
cette Capitale.
De retour en Hollande, il fut nommé Direc-
teur de 1'Académie a la Haye, oü il avoit été
admis en 1682. Il a plufieurs fois rempli les pre-
mières places de cette compagnie. 11 eft mort Ie
22 Janvier 1732, agé de 88 ans. On regrette que
eet Artifte, avec de grands talents, ait ptoduit
fi peu d'Ouvrages. Son amour pour fon art s'eft
éteint par la fortune qui auroit du 1'exciter da-
vantage : fon deffein, fa couleur et fes compo-
fitions, font entiérement dans la maniere de
Pierre de Cortone. On peut voir Ie plafond de
la Salie de 1'Académie a la Haye, et 1'efcalier
a 1'Hötel du Comte de Vortlant, dans la même
Ville. On trouve encore de lui quelques Ta-
bleaux, mais en très-petit nombre.
JEAN
-ocr page 188-
J E A N
D U N Z.
EAN DUNZ, fils de Jean-Jac-
ques Dunz
et de Verona Ruiffi
naquitle 17Janvier 1645,dans
la Ville de Berne. Rien n'est
plus obscur que sa premiere
éducation; ses Maitres et ses
voyages nous sont inconnus; il peut être égalé
aux meilleurs Peintres de Portrait et de fleurs.
Ses amis seuls pouvoient prétendre a ses Ou-
vrages, parce qu'il étoit très-riche; il ne tra-
vailloit que pour son nlaisir, et on ne pouvoit
etre plus laborieux : il avoit une passion vive
pour son Art, et pour les Artiftes. Ses grands
biens
-ocr page 189-
Ï76               La Vie des Peintres
1645. biens ne lui fïrent pasméprtser les Peintres pau-
^
               ou médiocres; il les enourageoit, et il les
secouroit; il fut admiré pour ses vertus : il ai-
moit Ie repos; une vie réglóe, uu temperament
robusre , lui ont conservé la vigueur de la jeu-
nesse jiisqó'è prè< de 92 ansqu'il cessa de vivre
Ie 1 ) O&obre 1736. Il ne laissa après lui que
deux filles; et son nom est éteint avec lui.
Les Ouvrages de ce bon Peintre nous sont
inconnus.Un Artiste*,Hont la réputation est éta-
blie, nous a^sure que Dunz donnoit a ses Por-
traits de la res.se nblance; qu il colorioit bien;
que rien n'y étoit nég'igé: que ses Fableaux de
fleurs sont bien composéi, bien finiset précitux;
que sa to iche étoit légere et arrêtée; sa couleur
généralement belle et vraie.
ARENT {Arnould) DE GELDER,
ÊLEVE DE REMBRANT.
LE génie d'un Peintre d'Histoire en grand,
e reduit a lVtre en petit, pour plaire a
son siècle et au mauvais gout. Son exemple de-
vient contagieux. sa vogue éblouit au point
d'inspiror Ie gout des Ouvrages frivoles a ceux
qui sont nés avec de grands talents; tant Ie
caprice des modes a d infliience jusques sur les
meilleurs esprits. Les Artistes les plus originaux,
ont souvent de mauvais imitateurs, parce qu'il
est rare que la nature nous ait destinés a imiter
autre chose qu'elle même: témoin Arnould de
Gelder,
qui naquit aDort Ie 2ÓOftobre 1645.
Samuel
* M. Fuesli.
'
-ocr page 190-
Flamands, Aïlemands et Hollandois. 177
Samuel van Hoogstraten Ie recut dans son
école, oü il apprit a deflïner. Il vit les Ouvrages
deJRemórantse vendre un très-grand prix,il alia
étudfer sous lui a Amfterdam, il y fit de grands
progrés, Sc pluta Rembrant par ses progrcs mê-
mes, ou peut - être encore plus, parce qu'il
avoit a peu pres la tnéme fac on de penser. Deux
années sous sa conduite suffirent pour perfec-
tionner de Gelder, & Ie mettre en état de n'a-
voir plus befoin que d'étudier la nature qui eft
Ie plus parfait des Maïtres.
La Ville de Dort eft celle oü il se retira. Son
premier soin étoit d'acheter toutes sortes de
vieux habits, de drapeaux, d'écharpes, de bot-
tes, &c. C'étoient les meubles de son attelier
qui ressembloit fort a une boutique de Fripier.
Il avoit vu 1'attirail avec lequel son Maitre
ajustoit son Mannequin; il suivit la même me-
thode jufqu'a la fin de ses jours : il eft peut-être
Ie seul qui n'a pas changé la pratique de poindre
de Rembrant.De Gelder mourut subitement en
1727, en montant dans une Voiture pour faire
un voyage deplaisir avec quelques amis : il n'a-
voit jamais été marie.
De Gelder composoit 1'Histoire avec esprit,
maïs il ne scavoit pas que la science du Costume,
d'ailleurs facile , eft une partie effentieüe a ce
genre de composition, & a la perfedion : il ha-
billoit ses figures comrneles gens de son temps;
& comme son Maitre, il s'embarraflbit fort peu
que les connoifleurs critiquaftent des habits dif-
férents du siècle ou du pays des personnages
qu'il représentoit; il ne connoiflbit d'autres idees
que ses fantaisies. Pour les cara&eres, il eft sin-
Tome III.                              M gulier
___
-ocr page 191-
1-8               La Kie des Peintres
1645. gulier combien il scavoit les varier, & quelle
«—» expression il donnoit a ses figures; 1'esprit y
brille; 1'exempleen eftsensible dans un Tableau
qui représente la mort de David, oü Bethsabée
demande la Couronne pour son fils Salomon. On
remarque la même intelligence dans Ie Tableau
qui représente la bénédiftion du Patriarche Ja-
cob. Les Sujets qu'il a traites sont presque tous
tirés de 1'Ecriture Sainte. Son dernier Ouvrage
est la Passion de Notre-Seigneur, en 22 mor-
ceaux. Il peignoit très-bien Ie Portrait: Ie plus
distingnc eft celui du Sculpteur Henry Note-
man ;
1'Elefteur de Baviere en a offert 2OOlouis,
sans pouvoir 1'obtenir.
Il travailloit comme son Mattre, il chargeoit
comme lui ses Ouvragesde couleur; il la pla-
cht avec lepouceouavec Ie couteau de Palette;
1'ente d'un pinceau lui servoit a y faire quelques
trainees, dont TefFet étoit surprenant a une eer-
taine diftance; il y a de lui des franges et des
broderies en or, qui sont presqu'en relief. Sa
couleur eft excellente et dorée : il a des tons
pour imiter la nature, que lui seul pouvoit met-
tre en pratique. Peu de Tableaux peuvent sou-
tenir Ie voisinage des siens. Son talent est peu
connu en France, mais en Hollande on admire
dans les plus riches cabinets lesOuvrages de de
Gelder;
voici les principaux.
A la Haye, chez M. van Brem en, un Tableau
représentant un Temple des Juits, rempli d'un
grand nornbre de figures.
ChezM. Vavdcr Linden van Slingclandt, a
Dort,une fïgure en pied;c'eftla liberté quifoule
aux piecls la dependance, cara&érisées par leurs
attributs.
-ocr page 192-
Flamandsy Allemands et Hollandois. 179
attributs. Cette premiere fïgure est habillée a
1'antique , et porte une lance sur laqueile eft un
chapcau ou bonnet. Chez Ie même on voit Salo-
mon sur son tróne; qui donne ses ordresa un
Officier général, armé et entouré de Soldats.
Mais Ie chef-d'oeuvre de ce grand Peintre, eft
un David au lit de la mort, et Bethsabée qui de-
mande Ie sceptre pour son flls Salomon.
On voit du même, a Amfterdam, chez M.
Léender de Neufville, Lot enivré, et ses deux
filles.
ALBERT MEYERING,
ÉLEVE DE SON PEliE
FREDERIC MEYERING.
Ïi N 164^, la Ville d'Amfterdam vit naitre
j Albert Mejering, qui dut son talent a la
nature, & au courage conftant qu'il eut de par-
courir la France & Tllalie, pour y thercher des
Maitres, & pour étudier, malgré les dégoutsin-
séparables de la misere, &c.
Frederic Meyering étoit son pere, aussi Pein-
tre, mais qui n'aimoit son talent que comme
une ressource pour s'enrichir. Il faisoit peindre
ses deux fils Albert & Henry. Bon & mauvais,
tout lui étoit égal, pourvu qu'il fut venclu; c'é-
toient des paravents et d'autres Ouvrages pour
meubler les Appartenients on les Jardins. Albert
eut des idees plus élevées. A peine s^ut-il mê-
ler les couleurs , qu'il prit la route de Paris,
M 2 oü
-ocr page 193-
i 80           La Vie de Peintfe, etc]
ou*'travaillaque'que-tempspoi.rsubsister;del^
il passa a Rome, oü il ne craignit pas de mener
la vie la plus dure, pourvu qu'il s'en dédomma-
geat par 1'étude des Ouvrages des grands Hom-
mes. Tant de persévi;rance eut son efFet; il fit
de si grands progrèsa Rome, que les premiers
de cette Capitale occuperent son pinceau. Ac-
compagné de snn ami Glauber, ils visiterent
les Villes d'Italie, toujours en étudiant les ma-
nieres difFérentes et la nature. Il passa di k années
en Italië & en France, avant que de reparoïtre
dans son pays.
A son retour en Hollande, il fut chargé de
peindre plusieurs plafonds & des grands Ta-
bleaus dans des Sallons & d'autres Apparte-
ments de Maisons Royales de la Hollande. On
fut étonné de la promptitude avec laquelle il
exécuta, avec son ami Glauber, les Tableaux;
dans la Salie a manger du Chateau deSoestdyck,
pour Marie Keine d'Angleterre.
yifbert est mort tres vieux, Ie ryjulllet 1714;
il avoit tant de facilité qu'il produisit plusd'ou-
vrages qu'aucun Peintre. Son mérite eft conftaté
par ceux qu'il a laissés. Il sgavoit distribuer ses
Tableaux agréablement : rien n'est plus inte-
ressant que ceux oü il a représenté de vues de
Chateaux, avec des Bosquet-s &c. Plusieurs de
ses Tableaux sont remplis d'une quantité prodi-
gieus.e de figures. Il sont plus connus en Italië
qu'en France : Ils sont fort communs en Hol-
lande.
On voitdeux Paysages, Pun Ie matiti, & 1'au-
tre Ie soir, a Eouen, chez M. Mar ie, Secrétaire
du Roy.
MiCHEL
-ocr page 194-
MICHEL
VAN MUSSCHER.
'EXEMPLE de Michel
Musscher laisse fort indécis, si
ell: plus avantageux a un Peintre
détudier sous plusieurs Maitres ,
^^ ou de se fixer a la maniere d'un seul
que Ton auroit bien choisi. Par la premiere
édtication les connoissances de 1'Eleve seront
plus étendues; en s'en tenant aux le^ons du
méme attelier, 1'EIeve pt-urra plus atteindre a
la perfedion du genre auquel il se sera borné.
Parmi les génies les plus sublimes, il seroit
difficile d'en nomtner un seul qui ait excellé éga-
lement danstous les genres. Quel eft Ie Peintre
M 3 qui
-ocr page 195-
182               Ln Wie des Peintres
16 1 5. qui ait été a la fois, dans Ie dégré Ie plus émi-
■ nént, Peintre d Histoire, de Portrait & dePay-
sage. Heureux ceuri qui a pour Maitre Ja Nature,
& qui apprend d'elie précisément la maniere
pour laquelle il est né.
L'Artifte dont nous écrivons la vie. naquit a
Roterdam en 1645 ; il parcourut toutes les Eco-
les principales d'Hollandc; mais avec une rapi-
dité & une incnnftance qui Tempóchoient peut-
être de profite-r d'^uoune. Autant que sa grande
disposition sembloit Ie permettre, on Ie vit tour
a tour, & en assez peu d'années, chez Martin
Zaagmooleu .
chez Abraham Panden Tempel,
chez Gabriel Melzu, & chez Adrien Van Os-
tacfe.
Sil n égala pas ses Maitres, il acquit du
moins une partie de leurs talents; de celui-ci 1'ex-
cellence de la couleur, de celui-la un pinceau
délicat, & de 1'autre Ie plus beau fini. On a de lui
des morceaux assez eftimables, pour étre com-
parés aux Ouvrages de Mieris, de Metzu & de
Jeaa Steen, &c. Michel van Musscher se fit
d'abord connoitre par Ie Portrait oü il excella
par la vérité de la ressemblance, & par la beauté
du coloris; il fut surchargé d'Ouvrages, & gagna
beaucoiip a traiter ce genre. Comment n'auroitil
pas réussi? Il S5avoit flattersesmodeles. M. Wit-
zen
, curieux & riche, fut si charme de la maniere
de ce Peintre, en tous les genres, qu'il se char-
gea de prendre tous les morceaux qu'il pourrait
faire, & qui ne seroient pas de commande. Muss~
cher
essuya aussi quelquesTableaux dHistoire,
qui furent bien payés , & qui par conséquent
n'étoient pas médiocres: mais les sentiments des
Connoisseurs se réunissent a regarder comme son
meiileur
-ocr page 196-
Flamands, Allemands et Hollandois. 183
meilleur Ouvrage, Ie Tableau de sa familie, oü 1645.
il s'est peint, lui, sa femme et ses enfants. Si ■——
1'ordonnance n'en eft pas des plus sc.avantes, si
son dessein n'eft pas des plus correfts, une vé-
ritésurprenanfe,une grande fraicheur de coloris
répare ces défauts. On voit par-tout que, non
content d'avoir étudié sous tant de grands Mai-
tres, Musscher eut Ie bon esprit de croire qu'il
en eft un au dessus d'eux tous, & qu'il consulta
toujours, Ia nature. Il éleva bien ses enfants, &
leur laissaun bien honnête.La plus grande partie
de ses Portraits & de ses petits Tableaux de ca-
binets sont en Hollande.
Musscher mourut a Amfterdam Ie 10 Juin
1705, agé de 60 ans.
M 4 JEAN
-ocr page 197-
J E A N
DE BISKOP,
OU BISSCHOP.
A belle & nombreuse colleöion
i de Desseins que nous a laissés
Bisschop, & 1'estime oü elle eft
parmi les curieux de Hollande,
eussent peut-être fait mériter a
eet illustre Amateur d'être place
dans la lifte de nos Peintres Flamands; mais il
doif y figurer a plus jufte titre, puisqu'il fut
Artifte hii-même.
Il naquit k la Haye en 1646, & destiné a
1                                                                    des
-ocr page 198-
La Vie des Peintres, etc.           i85
cles Emplois dans la robe, il fit ses humanités,
son droit, & fut un très-habile Procureur a la
Cour de Hollande. Le dessein qu'il avoit appris
par gout dans ses heures de récréations, devint
bientót chez lui un amusement de préférence,
tui talent capital. Il copioit sur du papier blanc,
avec un lavis de plusieurs couleurs, des Ta-
bleaux du Tintoret, du Bassan, de Paul Vé-
roneze,
de Rubens, de Vandyck, &c. On re-
connoissoit la maniere de ces différents Maitres.
Il composa depuis dans le gout de ceux qu'il
n'avoit qu'imités. Il poussa plus loin 1'amour de
Ia Peinture, en gravant a 1'eau-forte des prin-
cipes de dessein d'après les Maitres dltalie. Il
inftruisoit par ce travail les Eleves en homme
éclairé, par des notes sc,avantes; il y faisoit
observer le bon gout & la finesse des meilleurs
modeles de Rome. Il auroit totalement achevé
ce projet aimable, fi la mort ne 1'avoit pas en-
levé a 1'age de 40 ans : il mourut en 1686.
Les Amateurs font grand cas des Desseins de
Bisschop
, ils sont corre&s & pleins de gout. On
eft toujours surpris qu'un homme fi occupé a des
objets fi différents, ait pu produire tant de Des-
seins & fi biens iinis.
ARNOULD
-ocr page 199-
ï86              La Vie des Pc in tres
ARNOULD VERBIUS,
OU VERBUIS.
1646. T7ERBUIS fut un bon Peintre de Portrait.
mtmmm^ V Ce talent Ie conduisit a la Cour de Frise, oü
il passa la plus grande partie de sa vie. Il trai-
toit auffi des sujets d'Hibtoire avec assez de faci-
lité; il avoit beancoup des parties d'un grand
Maitre, mais il aimoit trop Ie plasir. Ce gout
malheureiix deshonora son pinceau : il a fini par
peindre des objets qui font rougif la pudeur.
Les oiivrages de son dernier temps sont cachés
avec raison, & ne peuvent paroitre qu'auxyeux
des libertins.
Ceux qui peignent depareils Tableaux, sont
également méprisés des honnêtes gens & des
gens de gout. Si 1'art doit imiter la nature, c'eft
sur-tout dans Ie soin qu'elle prend de confier ses
charmes secrets a la pudeur, et de les couvrir
d'un voile également honnête et ravissant.
On ne nous apprend pas 1'année de sa mort,
& nous nous garderons bien de faire la descrip-
tion de ses Tableaux, ni d'ètre les complices
de 1'Auteur; il suffira de dire qu'ils passent pour
être composés avec esprit, bien ooloriés & tou-
ches avec art.
JEAN
-ocr page 200-
Flamands, Allemands et Tlollandois. 187
JEAN GLAÜBER,
ÊLEVE DE NICOLAS BERGHEM.
GL A u B E R efl un de ces Artiftes que les
'liflicultés ne font qu'encourager, pour qi
les obftacles se changent en moyens, & qui ne
vont jamais plus rapidement a rimmortahté,
que lorque tout semble s'opposer a leurs efforts.
Cette opiniatreté invincible, jointe a une ex-
treme facilité, eft Ie caractere diftinftif du gé-
nie. Tel fut celui de Glauber, originaire d'Al-
lemagne. Ilnaquit a Utrecht en 1646. Mais des-
tiné par son pere a un état bien opposé, il eut a
essuyer bien des contradidions de la part de ses
parents. Ce ne fut qu'a force de persévérance
qu'ïl obtint d'apprendre a dessiner par aoiuse-
ment. Glauber fit d'abord connoissance avec
d'autres Artiftes : tous lui donnerent des con-
seils. A Ie bien prendre , il fut son premier
Maitre. Glauber scavoit a peine dessiner et
connoitre les couleurs,quandil entra chezBer-
ghem,
oü il fit les progrès les plus rapides.
La nature avoit tellement disposé les organes
de eet Artifte, que dès qu'il eut vu des Ta-
bleaux, il fut attiré par Ie beau : les Ouvrages
mêmes du grand Berghem n'eurent plus de char-
mes pour lui, dès qu'on lui eut montré des Pay-
sages d'Italie. Il saisit 1'occasion d'en copier
plusieurs chez G. Uylenburg, qui faisoit Ie
commerce des Ouvrages des Maitres Italiens :
ce fut chez lui oü il entra, et oü il passa quel-
ques
-ocr page 201-
l88              La Vie des Peintres
ques années a copier et a étudier. II ne put
. rcster plus long temps en Hollande, il voulut
voir Rome : il pattit en (671 avec son f'rère a<jé
de IJ ans, ei les deux frères van Dooren. Il
resta un an a Paris che? Picart , Peintre de
fleurs, et deux ans a Lyon, chez Adti"n t^ati'
der Kabel.
Lhabileté de ce dernier i'auroit ar-
rèté plus long-temps, fi Ie concours du monde
qui ailoit pour voir 1'année du Jubiéa Rome,
ne 1'avoit déterminé a partir. Il prit ia route
d'Italie, toujours avec son frere et deux Pein-
tres Franc,ois. Apeine fut-il fix mois dansRoone
qu'il fut connu; les Peintres Fiamand- et Alie-
mands Ie soliiciterent de se faire inscrire dans
la Bande Académique, et il fut nommé Po-
lidor.
Gla,uber passa denx années a Rome, pen-
dant lesqueües il ne négligea rien de ce qui pou-
voit contribuer a sa perfeftion. Dela il fut avec
son frere et Robert DuvaL demeurer un an a.
Padouë et deux années a Venise. Cette Ville lui
fournit de fi grands modeles pour Ie coloris,
qu'elle fut Ie terme de ses voyages; ü ne crut
pas, avec grande raison, pouvoir trouverdans
lo monde rien de plus beau que ce qu'il avoit
sous les yeux.
Milgré eet enchantement, il ne put refifter a
1'envie de revoir sapatrie; il s'embarqua pour
Hambourg, oü il fut recu avec difliftion. Quel-
ques Ou vrages de sa main portés en Danemarck,
firent tant de plaisir au Vice - Roi, Gulden
Leeuw,
qu'il mit tout en usage pour attirer
TArtifte Glauber. II y fut, mais il ne refta que
fix mois a Coppenhague, et retourna a Ham-
bourg,
-ocr page 202-
Flamands, Allemands et Hollandois. 189
bnurg, oü il a demeuré, on ne scait pourquoi, ~77~7~
jusqu'a l'année 1684.
                                      - '
Glauber quitta enfin Hambourg, et choifit ——'
Amfterdam; ii y piit un logement chez Lai-
vesse.
Le même gout pour l'étude, la même
élévation de génie dans Ie travail, les unit fi
étroitement, que I on voit depuis ce temps-la
les Paysages charmants de Glauber, enrichis
des figures 1 légantes de Lairesse.
Nous avons dit dans la viede Lairesse, que
sa Miison étoit une espece d Académie, oii les
Artiftes s'assembloient pour y faire des obser-
vation sur leur Art. Ces conférences, don! Lai-
resse
étoit la principale lumiere, lurent encore
éclairées par les iéfbxions lumineuses de Glau-
ber.
I! avoit une sogacité dans i'esprit, qu'il efl:
aisé de remarqiier dans ses Ouvrages. Il fit alors
des Tableaux de Cabinet; et leur nombre quoi-
que grand, ne put jamais suffire a 1'avide curio-
sité des connoisseurs.
C'est dans ce tems qu'il peignit les Sallons du
Chateau de Soesdick. La salie a manger de la
Reine Marie d'Angleterre, eft ornée de sa tnairi
et de celle de Lairesse. Il fut tellement pressé
pour les appartements du floi Guilhmme UI.
qu'il fut obligé de se faire aider par AlbertMej-
ring
et Thierry Maas; ces morceauxsont des
Chasses. On voit dans unequantité d'autres Mai-
sonsd'AmfterdametdeK.oterdam,lesefFortsréu-
nio de ces deux amis, de Glauber et de 1. airesse.
Glauber irfatigable au travail, atteignit lage
de 80 ans. Il est mort en 1 Jl6; on ne dit pas s'il
a laissé des enfants : il avoit été marie a la
Soeur de l'Architedte f^ennekool.
On
.
-ocr page 203-
190              La Fie des Peintres
On ne peut rien ajoüter aux éloges que Lai-
resse
a donnés aux Ouvrages de son Associé.
Nous Ie regardons comme un des meilleurs Pay-
sagistes de Hoilande: sa maniere tient de 1'Ecole
d Italië; ses sites ont 1'air dêtre toujours pris
anx environs de Rome, et quelquefois vers les
Alpes; sa couleur est excellente, chaude et
vraie; ses Tableaux sontd'un fini précieux, et
ont, malgré cela, un air de facilité qui feroit
presque croire qu'ils ont coüté pen de peine.
Quant a sa touche, elle n'a point de maniere,
fi ce n'est celle de la nature : il a pris Ie feuillé
de chaque espece d'arbre qu'il a représenté; ses
plans sont raisonnés, et la vapeur répandue dans
1'air, fait sentir les distances. J'ai vu plusieurs
de ses Paysages assez dans Ie gout de ceux du
Poussin. Les figuresde Lalresse y ajontent un
grand prix; ils sont peu communs en France , et
bien recherches en Hollande et en Flandres.
J'ai vu chez M. P^erschuuring, a la Haye, un
très-beau Paysage de Glauber: les figures en
sont de Lairesse.
Un autre Paysage du même Auteur, se voit
a Amfterdam, chez M. Pierre Léender de Neuf-
ville;
il représente une Chasse.
Et deux jolis Paysages, avec des figures par
Lairesse, chez M. de TVaepenaert, Conseiller
au Franc, a Bruges.
JEAN
-ocr page 204-
Flamands, Allemands el Hollandois. 191
JEAN VAN CLÉEF,
ÊLEFE DE GASPudRD DE CRAYER.
JEan van ClÉef, tient un rang distingué
parrni les Peintres Flamands. Il naquit a Ven-
loo, dans le pays de Gueldres en 1646. Sa pre-
miere jeuneflè fut deftinée aux études ordinai-
res; mais malgré les menaces et les chatiments
qu'y employerent les Régents pnur corriger ce
jeune enfant de son griffonage, Van Clé'fnen
conünua pas moins de deffiner. Le Recleur du
College remarquant, dans eet acharnement de
Cléef, plutót un Elove de la pein'nre que de la
grammaire, détermina son pere a lui hüffer la
liberté de suivrc son penchant. Son Pere étant
mort, ses Tuteurs fuivirent ses intentions dans
1'éducation du jeune Cléef qui ne cherchoit qu'a
fe rendre habile. Il fut place chez Primo Gentil,
Peintre d'Histoire a Bruxelles : 1'humeur diffi-
cile de ce Maitre, degoüta TEleve qu'on fit entrer
chez Gaspard de Cray er. La quantité des grands
Ouvrages, dont eet Artiste célébre étoit chargé,
fut une occasion de beaucoup travailler pour
quelqu'un qui, comme ce jeune homme, na
cherchoit que les moyens de fe rendre habile.
Il craignitque de Crayer,en quittant 13ruxel-
les, pour avoir moins d'Ouvrage, et ponr vivre
plus tranquillement, ne le renvoyatlui, et tous
ses camarades; mais de Craycr le rafïura, et aufll
charme de son attachement pour lui, que de ses
grandes dispositions pour la Pcinture, il lui pro-
mit
-ocr page 205-
192              La Fie des Peintres
mit de Ie garder toujours. Il resta affez long-
p a Gand cbez de Cray er, et il en fcut tel-
lement profiter, qu'a la mort de son Maitre, van
Cléef*
fut digne d'achever ses Ouvrages,et entre
autres les cartons des Tapisseries qui se faisoient
a Anvers, par ordre de Louis XIV. L'Entrepre-
neur de ces Tapifleries, en les portant a Ver-
sailles, voulut faire connoitre celui qui en avoit
fini les modelles. Van Cléef 1'y accompagna
pendant trois mois qu'il resta a la Cour et a Pa-
ris : il eut lieu d'être content de son voyage;
les Artistes 1'accueillirent avec 1'amitié et la dis-
tinótion que mérite Ie vrai talent, et Ie Roi Ie
combla de louanges et de bienfaits.
11 fut trop occupé par la multitude des Ta-
bleaux qu'on lui proposoit de toutes parts, pour
songer a rechercher de 1'Ouvrage ailleurs. Il
amafla beaucoup de bien par son afliduité a son
attelier, et beaucoup de célébrité par les Ou-
vrages qui en sortirent; Ie nombreen estéton-
nant : la seule Ville de Gand en est remplie;
la plupart desTableaux d'Autel sont de sa main.
De neuf enfants qu'il eut, il ne lui resta que
deux filles. Il atteignit 1'age de 70 ans, et mou-
rutle r8deDécembrede fannée iyió.Son corps
est inhumé dans 1'Eglise Paroifliale de Saint-Mi-
chel de la même Ville.
De Cléef a. joui pendant sa vie, et jouit encore
après sa mort, d'une réputation très-méritée :
c'est Ie tribut que 1'on doit aux talents; mais ce
qui
* Van Cléef retourna a Gand en 1681, et y fixa son
établissement, en épousant Jeanne Fanden Driessche.
-ocr page 206-
Flamandt] Allemands et Hollandois. ig3
qui montra en lui 1'originalité et Ie génie, ce 1646."
fut que n'ayant presque point eu d'autre Maitre
que<tfe Crayerjl n'en conserva point la maniere:
il s'en fit une toute particuliere, et qui n'appar-
tient qu"a lui; elle est large et belle: son pinceau
estfacile et coulant; sa composirion approche
fort de celie des plus grands Mairres dTtalie i
ses
Sujet? bicn choisis, bien disposes, sont tou-
jours abondants, sans être jamais confus: Ie ju-
gement et Ie geut président a ses distributions :
Ie fond de ses Tableaux est riche par des mor-
ceaux d'Archiredure qu'il traitoit bien. Il étoit
plus grand Dessinateur que son Maitre, mais
moins bon coloriste. Plusieurs pensent qu'il a
surpassé tous les Flamands dans la tournure aisée
dont il drapoit ses figures : ses plis sont amples
et unis : on ne peut donner plus de grace que lui
aux têtes de femmes. Il dessinoit et peignoit les
enfants dans un des plus hauts points de perfec-
tion. Presque tous ses Ouvrages sont des pla-
fonds et des Tableaux d'Autels : il en faisoit des
esquisses si finies, qu'elles soutiennent dans les
cabinets, Ie voisinage des Tableaux les plus
terminés. J'ai vu la plupart des Ouvrages de ce
grand Peintre, dont je crois faire 1'éloge, en as-
surant que quelques-uns m'ont paru avoir tant
de rapport avec ceux du Poussin, qu'on pour-
roit quelquefois s'y méprendre. Il seroit trop
long de faire connoitre tant et de si grands mor-
ceaux; il suffira d'en indiquer les principaux.
On voit, a Gand, dans Ie Cloitre des Domi-
nicains, cinq Tableaux représentant des Saints
de 1'Ordre. Ces Tableaux sont de son premier
temps.
TomelIL                               N Dans
-ocr page 207-
Peintres
1646. Dans 1'Egiise Cathédrale de Saint Bavon;
^■■r Saint Pierre délivré de sa prison par un Ange.
A Saint Nicolas, la Madeleine aux pieds de
Notre Seigneur, Tableau d'Autel dans la Cha-
pelie des Epiciers.
Ainsi que tous les Tableaux différents qui
suivent.
Jésu'-Christ au milieu d'une gloire et des An-
ges, a 1'Autel de la Chapelle de Gemblours,-une
Circoncision dans la Chapelle des Menuisiers.
A Saint Michel, l'immaculée Conception; au
bas du Tableau, se voient Adam et Eve et des
Prophêtes , composition ingénieuse placée a
1'Autel de la Vierge : deux Martyrs délivrés
par des Anges des mains des Bourreaux, autre
Tableau d'Autel.
A Saint Jacques, dans la Chapelle au dessus
de la Sacristic, on voit deux autres Tableaux,
Ie Serpent d'airain, et la découverte de la vraie
Croix; Ie Tableau de Sainte Barbe, dans la
Chapelle qui lui est dédié; 1'Assomption de la
Vierge, grand Tableau derriere Ie Maitre Au-
tel : dans les deux Chapelles suivantes, est une
Sainte Familie; 1'Enfant Jésus au milieu d'une
gloire d'Anges, et au bas est Saint Pierre et Saint
Paul: dans la Chapelle de la Trinité, la Rédemp-
tion des Captifs, grand Tableau regarde comme
Ie chef-d'ceuvre de ce Maitre.
A Saint Martin d'Ackerghem, au dessus du
Saint Sépulcre, la Céne, petit Tableau d'Autel.
Dans 1'Eglise de Notre-Dame, Paroisse de
Saint Pierre, l'immaculée Conception, a 1'Autel
de la Vierge.
Aux Récollets, S. Joseph a qui 1'Ange ordon-
ne
-ocr page 208-
Flamands} Allemands et Hollandois. io,5
ne de fiiir en Egypte, orne 1'Autel de la Vierge.
A 1'Abbays de Baude/oo, Saint Bernard gué-
rissant plusieurs malades; la Vierge avec 1'En-
fant Jésus, Tableau d'Autel.
Dans l'Eglise des Dominicains, en la Ghapel-
le Sainte Catherine, cette Sainte qui confond
les Do&eurs Païens; a cöté de cette Chapelle,
deux autres beaux Tableaux, Ie corps mort de
la Madeleine enlevée par les Anges; la fuite en
Egypte : en la Chapelle de Saint Joseph, ce
Saint avec 1'Enfant Je'sus et la Sainte Vierge,
contemplent les instruments de la Passion; Ie
Martyre de SainteBarbe,autreTableau d'Autel.
Dans l'Eglise du petit enclos des Beguines,
Ie Tableau d'Autel représente la Sainte Vierge
et 1'Enfant Jésus.
Dans l'Eglise des Religieuses de Sainte Claire
(nommées les riches,) la Sainte Vierge levant
1'Enfant Jésus, et la Sainte Trinitó au milieu
d'une gloire, et des Anges au haut du Tableau.
Dans l'Eglise des Soeurs noires, dans Ie Ta*
bleau d'Autel, les Soeurs de cette Maison ren-
dent des secours aux malades qui sont attaques
de la peste; la Vierge et 1'Enfant Jésus, Saint
Augustin, Sainte Monique, Sainte Catherine
et Saint Roch, occupent Ie ciel au haut du Ta-
bleau; c'est Ie chef-d'oeuvre de van Chef. On
1'estime autant que les plus beaux de vanDyck.
Le dessein et la composition en sont admirables.
L'Hótel de Ville conserve du même deux pla-
fonds et deux grands Tableaux sur les cheminées.
M. le Chanoine Baut a de ce Peintre la con-
tinencedeScipion, belle et grande composition.
Dans la Ville d'Alost, en la Collegiale de Saint
N 2 Martin,
-ocr page 209-
196              La Vie des Peinlres
1646 Martin, deux Tableaux dAutel du mêmeMat-
tre : 1'un donné par les Boulangers; c'est Saint
Aubert qui distribue du pain aux pauvres: 1'au-
tre pour la Communauté des Tailleurs; c'est Ie
Martyre de Saint Cornille Pape.
ABruges, dans 1'Eglise Paroissiale de Sainte
Anne, est un beau Tableau qui représente No-
tre-Seigneur parmi les Do&eurs.
Ce léger détail d'une partie de sesOuvrages,
doit suffire pour donnerune grat.de idee de 1'es-
prit et du talent de eet Artiste célébre, sur les-
quelles lesbornes que je me suis prescrites, ne
me permettent pas de m'étendre davantage.
J E A N
VAN HUGTENBURGH.
JEan HuGTENBURCH,undes plus
grands Pcintres de bafaiües, de Hollande,
naquit a Harlem en 1646.On nest pas sur qu'il
fut fils dun Peintre; mais on est certain qu'une
liaison intime avec soncompatriote Jean Wjckt
contribua beaucoup a dévelnpper, dès sa plus
tendre jeunesse, les grandes dispositions qu'il
avoit pour la Peinture. Il eut de fréquentes
occasions de voir travailler fVyck, ce qui l'ex*
cita d'abord a dessiner: maisa peine eul-ilcom-
mencé a peindre, qu'il fit chaque jour les plus
rapides progrès. Son frere Jacques van Hugten-
burrh,
Elevc de Berghem qui vivoit a Kome,
détermina notre jeune Artiste a l'aller joindre
vers 1667. Il mit a profit les le$ons de son fre-
-ocr page 210-
Ftamands, Allcmands et Hollandois, 197
te, et les beaux modeles qu'il eut devant les 1
yeux. La mort de son f rere, a 1'age de 30 ans,-
dérangea ses etudes si utiles, et l'amena a Paris,
oü il resta quelque-temps chez Vander Meu-
len.
Ce nouveau Maitre, aussi bien intentionné
qu'habile, 1'encouragea et 1'instruisit si bien
des secrets de son Art, qu'il Ie mit en état de
faire plusieurs Tableaux qui furent tres goütés
des Amateurs. En 1670Huglenburch retourna
en Hollande.
Tous les Cabinets d'Hollande et d'Allema-
gne furent rempUs He ses Ouvrages : il opéroit
très-facilement. Le Prince Eugene Ie prit a son
service en 1708 ou 1709, et en 1711 l'EIe&eur
Palatin lui fit présent d'une Medaille et d'une
chaine dor. Le Prince Eugene lui envoyoit
exaöement les plans des Siéges et des Batniiles
de ses campagnes, avec des observations de sa
main. Hugtmburch exécutoit tres - fidelement
sur les Desseins qu'on lui faisoit tenir; mais
il dut sur-tout cette exaftilude aux entretiens
fréquents du Prince, qui l'honoroit souvent de
ses visites et de ses avis. Avec ces secours,
Hugtenburch eut la gloire de peindre ïes opé-
rations de guerre, et les vi&oires de ce grand
Capitaine. Ces Tableaux ont quatre pieds de
haut sur cinq de large, on les voiten partie gra-
vés par les Peintres roêmes, dans la description
des Batailles du Prince Eugene et du Duc de
Malbouroug.
Si Hugtenburch eut des occasions heureuses
d'exercer son génie et ses talents, en peignant les
conquêtes du Prince Eugene, il gagna beancoup
par le grand nombre de copies qu'on lui en
N 3 demanda
-ocr page 211-
198              La Vie des Peintres
1646. demanda : il en a retouche quelques-unes qui
r ont un vrai mérite. S'il eut J'honneur d'être em-
ployé par un Général habile, f ander Meuten
eutl'honneur de suivre un grand Roi dans toi>
tes les expéditions de la Flandre, de la Hol-
lande, &c. Les Héros forment les grands Pein-
tres comme les grands Poëtes, ils fournissent
aux uns et aux au tres de belles a&ions a repré-
senter.
Le Czar Pierre Ie Grand eut envie d'avoir
quelques Ouvrages de Jean Hugtenburch, mais
il vouloit des Marines, et il nVn peignoit point.
Hugtenburch gagna beaucoup de bien par ses
Ouvrages, et il l'augmenta par le commerce de
Tableaux. Son séjour le plus ordinaire fut a la
Haye, mais peu de temps avant sa mort il re-
tourna a A msterdam chez sa fille, oü il cessa de
vivre en 1733, agé de 87 ans.
Hugtenburch étoit aimable, spiritual et bien
instruit. La vivacité de son génie a passé dans
ses Tabieaux; il connoissoita fond les expres-
sions que produisent la douleur, le désespoir,
la fureur, la peur, &c. Ses physionomies étoient
différentes, Ie caraftere Turc n'étoit point le
même que celui des autres Nations. Il avoit
étudié les campements, les attaques, les siéges,
les déroutes. Il f^ut faire distinguer, par les
habillements et le maintien, les peuples diffé-
rents qu'il a représentés. Sa couleur est vraie et
vigoureuse; sa touche spirituelle donne de 1'es-
prit aux formes de son dessein qui est toujours
d'après la nature, dont il ne s'écarta jamais.
Quelques-uns de ses Tableaux ne cedent en rien,
pour le flou et la vapeur, a ceux de Tfauver-
mans.
-ocr page 212-
Flamandty Allemands et Hollandois. 199
mans. On connoit de lui beaucoup de Desseins
faits a Rome et ailleurs: ce sont des Tableaux
composés, arrêtés et finis; les uns a 1'encre de la
Chine, d'autres au bistre 011 a la mine de plomb.
Les Tableaux les plus connus de ce Maitre, dans
les Cabinets d'Hollande sont;
A la Haye, chez M. Fagel, Ie campement
d'une armee, Tableau plein d'art et de génie.
ChczM. Ver schuur ing, une chasse au cerf,
Ie Pa y sage est d'une couleur admirable.
A Amsterdam, chez M. Braamkamp, un
Marché de Rome, orné dun grand nombre de
figures. Chez M. Léender de Neufville} un Ta-
bleau de bataille. Chez M. Lubbeling, une Ba-
taille'près de la montagne nommée Schellenberg.
Et a Roterdam, chez M. Bisschop, deux Ta-
bleaus; ce sont aussi deuxBarailles.
On voit, a Rouen, chez M. Marye, Secré-
taire du Roi, un Tableau piquant de ce Maitre:
c'est une Armee qui entre dans un camp.
ir
N 4 MARIE
-ocr page 213-
MARIE-SIBYLLE
M E R I A N,
ÉLEVE
D'ABRAHAM M1GN0M
ARIE-SIBYLLE MERIAN
a mérité les louanges des Natu-
ralistes et des Peintres : elle na-
quit a Francfort Ie 2 Avril 1647,
de Mat/neu Merian, Graveur et
Géographe habile.
A l'age d'onze ans, Sibylle Merlan ne put se
déterminer a quitter Ie gout qu'elle avoit pOur
la Peinture, malgré les reproches de fa mere>
dont
-ocr page 214-
La Vie des Peintres", etc.          aoi
dont elle efluya même les mauvais traitements ~r—
avec une conftance qui ne s'eft jamais démentie. '
Ce fut a 1'opiniatreté qu'elle dut a Ia £n la per- -----
mifïïon d'abandonner raiguille pour Ie pinceau.
Son beau-pere Jacques Murel engagea la mere
de notre fijavante a la laifler fe livrer a un ta-
lent fi décidé par la nature. Cette obfHnation
de fa fille fit reflbuvenir la mere qu'étant en-
ceinte elle avoit reflenti une efpece de maladie,
qui étoit un defir conftant dVxaminer les infec-
tes et toutes les autres curiofités de la nature;
elle avoit fait un amas de chenilles, de papil-
lons, de coquillages, de pétrifications, &c.
fur-tout pen dant fa groffeffe, dont elle faisoit
fon plus grand amufetuent : c'eft, fi l'on veut,
un exempïe de plus de 1'impreffion des inclina-
tions des meres fur leurs enfants. Quoi qu'il en
foit, cette difpofition de Sibylle Merian vers
Fimitation des curiofités de la nature, fut pré-
cédée du penchant violent qu'eut fa mere vers
ces mêmes re cherches.
Mademoifelle Merian venoit de recevoir une
marque bien fenfible de 1'amitié de fon beau-
pere; il ajouta a cebienfait celui de luidonner
un Maitre. Ce fut Abraham Mignon, Eleve de
Murel, qui eut la gloire de former en peu de
temps une Eleve aufïï diftinguée. Des progrès
rapides fuivirent les éloges que l'on accorda aux
premiers Ouvrages de Mademoifelle Merian;
mais des louanges fi mérjtées ne l'aveuglerent
point fur ce qui manquoit encore a fa perfec-
tion, et ne flrent que 1'encourager a tacher d'y
atteindre. Avec tant de difpofition et un fi bon
efprit, elle parvint au degré Ie plus élevé du
genre
-ocr page 215-
~"
La Pie des Peintres
647. genre de Deffein et de Peinture qu'elle s'étoit
propofé.
Mademoifelle Merian. au milieu de fes vaftes
projets d'étude, fentit qu'il étoic indécent, dans
Ie célibat, de faire de certains progrèsdans fon
Art, et que Ie deffein du nud étoit, par les
loix de la bienféance, interdit a une rille : elle
époufa donr; en 1665 Jean Grajf, Peintre et
Archite&e habile de Nuremberg. Ce fut 1'a-
mour de la Peinture, qui vraifemblablement
lui mérita Ie choix de notre fcavante. On vit
depuis ces deux époux toujours occupés a étu-
dier enfemble; Ie motifde leur premiere liai-
fon lf-s unit conftamment dans leur travail, et
ils ménagerent fi bien Ie temps, que jamais Ie
foin de leurs enfants et de leur ménage, qu'ils
ne négligeoient pas, ne les dérangeat des heu-
res qu'ils avoient confacrées a leurs études or-
dinair es.
Le nom de Merian, fi célébre en Allema-
gne, fut celui qu'elle continua de porter; ainfi
nous l'appellerons toujonrs du nom de fon pere.
Son gout pour le Deffein et la Peinture devint
fa plus forte paffion. Après avoir lu le plus
grand nombre des Auteurs qui ont traite des
curiofités de la nature, peu contente fouvent
de leurs contradiftions et de leurs fentiments
oppofés, par fes propres obfervations , elle épia
de pres, avec une exaftitude finguliere, 1'ori-
gine, 1'accroiffement, la nourriture, la méta-
morphole et la deftruftion des chenilles, des
mouches, &c. et le temps marqué dans leurs
différents états ; et après des examens réfléchis
et des expériences réitérées, elle parvint a faire
un
-ocr page 216-
Flamands, Allemands et Hollandois. 2o3
un Ouvrage admiré également par les Scavants 164-7.
et par les Artiiles.
                                           ^^
Elle fif graver fesDefleins, aufquels elle joi-
gnit fesremarqnes, et Jes publia a Nuremberg
en 1679, fous ce titre : Origine des Cf/enilles,
leurs nourritures et leurs meiamorphoses. On
y voit leurs développemenrs, leurs aliments,
leurs fbrmes différentes; Ie temps ou ils naiffent
et les lieux, la propriété des vers, des papil-
lons, des moucherons, et de prefque tous les
autres infe&es.
La feconde partie de ce grand Ouvrage parnt
en 1683, et fut généralement eftimé. Les Sca-
vants de Hollande attirerent par leurs Eloges et
leurs offres Sibylle et fon époux chez eux. On
eil aflez für qu'elle ne confentit a quitter fa pa-
trie, que parce qu'elle n'avoit plusrien a y ob-
ferver; il lui falloit un autre pays et même un
autre monde, puifqu'elle eut Ie courage de fran-
chir tous les dangers et les incommodités de la
mer, pour chercherde nouveües connoiflances
dont elle a enrichi 1'Europe.
En 1698, Sibylle Merian accompagnée de fa
fille cadette, Dorothêe-Marie-Henriette Gr off",
s'embarqua pour Surinamj deux années entie-
res furent employees a peindre les infcftes, les
plantes, les fleurs et les fruifs qui leur fervoient
de nourriture. On fera toujours étonné, quand
on examinera Ie nombre prodigieux de fes Def-
feins, et l'exa&itude avec laquelle elle a tout
copid d'après nalure, non-feulement pour les
formes, mais encoro pour la grandeur vraie et
jufte de chaque objet. Les Naturaliftes les plus
inftruits
-ocr page 217-
4                               Peinlres
1647. "'ftfwits admirent avecquellepatienceet quelle
'mgmm/ fagacité notre S^avante a recherche et fuivi les
reptiles, les infe&es, les chenilles, les mou-
ches de toutes efpeces, les grenouilles, les cra-
pands, les araignées, les fourmis, les ferpents,
dans leur génération, et les formes et les états
différents par lesquels ils paffent. Ei Ie les a tous
peints fur Ie vélin; et par la vérité de ces ani-
maux, et la fraicheur des fruits et des fleurs,
elle a mérité rapplaudiffement général de tous
les Peintres.
Sibjlle Merian donna deux volurm-s de fon
grand Ouvrage; elle avoitdéja cinquanteplan-
ches préparées d'un troisieme, lorfque la mort
1'enleva a Amfterdam Ie 13 janvier 1717. Ses
deux filles peignoient auffi. très-bien a gouasse,
et Ton doit a Dorothée, qui Tavoit accompa-
gnée dans fes longs voyages, d'avoir rédigé,
arrangé er fini la troisieme partie de ce recueil,
auffi curieux qu'immenfe, et de 1'avoir publié,
comme 1'ouvrage pofthume de fa mere.
Jean Maret, Médecin d'Amfterdam, a tra-
duit en Francois ce chef-d'ceuvre d'Hiftoire na-
turelle, y a ajouté des planches avec leur expli*
cation, et des notes très-eftimées.
Il n'appartient qu'aux Sijavants de louer di-
gnement la fcience de Sibylle dans fes recher-
ches. Quant a la repréfentation des objets qui
concernent TArt de la Peinture, nous dirons,
avec les plus célébres Artiftes, quel'on ne peut
rien defirer dans eet Ouvrage, ni pour la cor-
reöion dudeffein, ni pour Ie beau fini du tra-
vail, ni pour la vérité et la fraicheur du coloris.
I_________________________________                                                                             ______
-ocr page 218-
[FlamandSy rAllemands et Hollandois.
Les originaux de ces admirables deffeins font 1647.
pour la plupart, en Hollande : c'eft du moins -*—ï*9
en ce feul pays que nous en avons vu.
MAÏHIEÜ NEVEU,
ÈLEVE DE GEKARD DOUW.
MAthieu Neveu né en 1647 dans la
Ville de Leyde, apprit a deflirter chez
Abraham Torenvliet. Les progrès rapides frap-
perent GerardDouw, et Tengagerent a Ie per-
feftionner: il ne fe trompa point dans fes con-
je&ures. Neveu, après avoir copié quelque-
temps les Ouvrages de fon nouveau Maitre,
compofa bientöt dans la même maniere, et y
réuffit: on flfait combien les Ttibleaux de Ge-
rend Douw,
plaifent par Ie choix des fujets, et
par Ie beau fini de leur exécution.
Les Tableaux de 1'Eleve, tout imirateur qu'il
fut, plurent prefque autant que ceux de fon
Maitre et de fon modele. II peignit des Affem-
blees do gens du monde, tantöt c'étoit un con-
cert, tantöt une collation, tanröt des ba!s maf-
qués et non mafqués. Il fii aufïi des morceaux
avec moins de perfonnages: une jeune femme,
parexemple, prenant fon thé, et autour quel-
ques Cavaliers. Quelquefois fes Tableaux ne re-
préfentent que des joueurs aux cartes, oude
triftrac.
Houbraken nous vante fort tous fes autres
Ouvrages; unTableau d'Hiftoire de Neven, qu'on
pourroit appeller les (Muvres de misericorde : il
«ft
____________________
-ocr page 219-
206          La Vie des Peintres, etc.
1647. e^ furprenant, dit eet Hiftorien, de voir avec
quel efprit, quel bel accord, quelle vérité de
couleur, quel fini précieux, il a difpofé et pla-
ce un nombre prodigieux de figures.
La demeure ordinaire de Neveu étoit a Amf-
terdam, oü il avoit la Charge d'Infpefteur du
Houblon; mais qui ne lui prenoit a peine que
Ie temps de fa récréation. On Ie croit mort dans
cette Ville, et cela dans un age avance, puif-
qu'il vivoit encore en 1719.
Les Tableaax que nous connoiffons de ce
Peintre, nous ont paru au deffbus de ceux de
fon Maitre, cependant affez bien finis, mais
avec plus de négligence; les airs de tête font
agréables. quelquefois pleins de fineffe, tou-
jours bien peints, bien coloriés, et d'un affez
bon gout de deflein; on en trouve dans les cabi-
nets d'Hollande, d'Allemagne et de Flandres :
je n'en ai pas encore vu en France.
JEAN
-ocr page 220-
J E A N
VOORHOUT,
É L E V E
DE JEAN VAN NOORT.
EAN VOORHOUT,
naquit Ie n Novembre 1647,
Jt pres d'Amfterdam. Son pere
i^-% Horloger de profefTion, Ie pla-
9a a Gouda, chez Consfanfin
Verhout,
affez bon Peintre de
Tableaux qu'on appelle des convorfations,
; aflemblées, 011 Ton a 1'occafïon de peindre
1 habillements, et les modes du fiecle et du
pays;
___Xi__
-ocr page 221-
ao8               La Fie des Peintres
1647. pays. Notre jeune Artifte y paffa fix années, et
jq        qu'il put entrer
tre plus capable de l'avaacer. Ce fut chez Jean
van Noon
, excellent Peintre d'Hiftoire et de
Portrait, que pendant cinq autres années, il
acheva de ie perfetYionner.
En fortant de eet attelier, Jean Voorhout
par ut en public avec un grand fuccès, et en 1670,
il époula une femme de très-bonne familie de
Norvége, avec laquelle, en 1672, et lors de la
conquète de la Hollande par les Francais, il Ie
fauva. a Frederik - Stadt. Les premiers de la
Ville étoient les parents de fa femme : ces al-
liances lui valurent des egards et de la confidé-
ration; mais fes talents personnels lux attirerent
une diftin&ion encore plus marquée et plus flat-
teufe. On vit fes Tableaux, et on les admira. Un
certain Jurien Ovens qui, jusqu'a 1'arrivée de
Foorhout, avoit été un Peintre paffable de Por-
trait, craignant une pareille concurrence, ta-
cha, mais fans fuccès, d'engager Voorhout a
travailler pour lui; mais ne pouvant 1'y déter-
miner, il 1'engagea a préférer Ie féjour de Ham»
bourg, comme celui d'une Ville plus grande,
plus commer§ante, et oü il feroit plus a portee
de fe faire connoitre et de s'enrichir. Voorhout
Ie crut; Ovens fe vit ainfi heureufement défait
d'un fi dangereux rival.
Voorhout,mit Ie prix qu'il voulut a fes Ouvra-
ges dans cette grande Ville, et efpéroit de faire
une grande fortune, quand fes parents, foit par
attachement pour lui, foit pourtoutautremotif,
hrent intervenir Ie crédit et 1'autorité du Réfi-
dent d'HollandeaHambourg pour Ie faire reve-
nir;
"*55?r
^w
-ocr page 222-
Flamands, Alleftian&s et Hollandoit. 209 ^^^^
nir; il céda a rempreffement de fa Patrie, et I 647.'
de fa Familie; et malgré les inftances des prin- T^*
cipaux de Hambourg poiir 1'y faire refter, il
partit pour Amfterdam, après trois années d'ab*
fence.
A fon retour il n'éprouva d'abord ni diminu-
tion d'eftime pour fon talent, ni diminution de
prix pour fes Tableaus : mais fon aflidnité au
travail, et fa facilité a peindre, les multiplia
iant que, fans avoir moins de mérite, ils eurent
pourtant a la fin moins de vaienr. Ils ont aug-
menté de plus de moitié après fa mort, dont on
ne fynt point l'année.
Cet Artifte mérite a jufte titre d'êfre mis au
rang des grands Peintres d'Hiftoire : il avoit du
génie, et l'ame élevée; prefque tous les fujets
qu'il a traites, font de l'Ecriture Sainte, et de
1'Hiitoire Grecque et Romaine. Ses Tableaus
font bien composés, et les moments en font bien
choifis.Sa réputafion fut fi grande, que plufieurs
des Poëtes Hollandois ont chanté la nobleffeet
la beauté de fon génie. Sinidt, entr'autres, cé-
lébre avec Ie plus grand éloge la compofition
pathétique de Voorhout ■> dans Ie fujet de la
mort de Sophanisbe.
Il y a plufieurs morceaux de ce Peintte dans
les cabinets d'Hollande; je n'en connois aucun
en France.
Tome 111.                                O JAC-
.. ._-
-ocr page 223-
aio               La Vie des Peintres
JACQÜES DENYS.
ïrv E N Y S peut être rnüs au rang des grands
ÏJ Peintres qui ont rendu célébre la Ville
d'Anvers. Nous n'avons pu découvrir au jufte,
ni 1'année de fa nahTance, ni la fituation de fa
Familie, ni Ie nom de fon Maitre : on fgait feu-
lement, et ce peu fuffit pour connoitre Ie mé-
rite intéreffant d'un Artifte, qu'il alla fort jeune
a Rome et a Venife, et qu'il eut affez de gout
pour choifir pour fes modeles, ceux qui font
plus dignes d'en fervir, Raphaël, Jules Ro-
main, le Guide, le Titien,
&c. Il s'appliqua a
copier les Ouvrages de ces grands Maïtres; et
c'eft fans contredit la meilleure étude que puiffe
faire un Peintre. Les Tableaux qu'il fit depuis
fe reflentirent de la grandeur et de l'efprit de
cette Ecole, puifque de 1'aveu des Italiens mê-
mes, qui en ont fait mention, Denys fut en état
de paroirre a cöté des plus habiles de fon temps.
Quoiqu'il ne fe deftinat d'abord qu'au Portrait,
il copia les antiques, et peignit les vues princi-
pales de tont ce beau pays, parce que fans doute
il fentoit en lui les germes heureux qui annon-
cent 1'homme de génie qui fe préparé a traiter
1'Hiftoire.
Le Duc de Mantone, fur la réputation que
fes Tabieaux lui avoient déja faite, fut le voir,
le carefler et le détermiera venir a fa Cour; le
grand Duc de Florence le demanda au Duc de
Mantoue. qui ne put le lui accorder que pour
peu de temps.
Denys
-ocr page 224-
jFiamands, Allemands et Hollandois. s 11
Denys fit a Florence les Portraits du Prince,
de fa Familie et de prefque tous les courtifans;
ces Ouvrages lui en faifoient demander beaucoup
d'autres; mais Ie temps fixé pour fon retour k
Mantoue étoit expiré, et il n'y eut pas moyen.
d'obtenir un plus long délai.
Le grand Duc Ie vit partir avec regret, et lui
donna une m;ignifique chaine d'or, et une me-
daille, avec une fomrae cónfidérable d'argent,
et une Patente qui annon9oit fon eftime pour
les talents, et la performe de 1'Artifte.
De retour a Mantoue, Denys ne s'occupa plus
que des projets qu'il avoit commencés, il orna
le Palais de ce Maitre aimable des Tdbleaux
d'Hiftoire qui, de nos jours encore, font grand
honneur a celui qui les a faits. Le travail ne lui au-
roit jamais manqué dans cette Cour, oü 1'on lui
propofoit tous les jours de nouveaux Ouvrages
pour 1'y retenir : mais après 14 ans de féjour en
Italië, 1'amour de fa Patrie le ratnena a Anvers,
comblé d'honneurs et de richefles par le Duc de
Mantoue, qui voulut bien même ajoüter a tant
de faveurs la permiflion flatteufe de lui écrire,
et la diftin&ion de recevoir de teraps en temps
des Lettres d'un Souverain.
Denys ne re^ut pas tnoins de preuves d'efti-
me de fon pays natal, qu'il en avoit obtenu
chez les Etrangers. Son entree dans Anvers fut
une efpece de triomphe que les Artiftes et les
Amateurs, fes compatriotes, lui décernerent:
ils furent au devant de lui en grand nombre, et
lui firent un cortége honorable jufques chez lui.
Il ne jouit pas long-temps de tant de bonheur,
et mourut bientót après, on ne fcait en quelle
i
                                           O 2 année,
___
-ocr page 225-
Sïa          La Fie des Peintres, etel
1647. année, riche, confidéré et regretté de tout Ie
*■—w monde.
La plupart de fes Onvrages font en Italië, et
fort rares même dans fa Patri<* : je n'en ai vu que
trois; mais qui font peints d'une maniere diffé-
rente, et qui fuffifent a donner une grande idee
de Fétendue de fes talents: 1'un eft un Ecce
Homo,
entierement dans Ie gout de Vandyck;
l'autreunPortraitd'une couleur tres vigoureufe,
mais peint fi large, et avec tant de faciiité, qu'il
paroït 1'Ouvrage d'un feul jour; Ie troifieme eft
un Portrait de Femme, orne de vafes de fleurs
et de fruits, et foignenfement terminé, &c.
En géncral fon deffein m'a paru fin et cor-
reö, fa couleur pateufe et fiere. Sa maniere
tient plus de 1'Ecole de Rome que de celle
d'Hollande.
DAVID
-ocr page 226-
D A V ID
VAN DER PtAS.
AVID VANDER PLAS
fut un des meilleurs Peintres de
Portrait de la Ville d'Amfterdam,
oü il naquitle li Décembre 1647.
Nous naurons point encore Ie
plaifir de marquer aucunes cir-
conftances de la vie d'un fi grand Peintre : il
avoit été en Italië, on Ie peut du moins foup-
^onner a fa maniere, tant elle approchoit de
eelle du Titien. Il excella dans Ie Portrait. il
peignit les principaux de la Hollande et plu-
fieurs Etrangers. Les Ouvrages qu'il fit dans ce
genre, quoique fait très-vite, eurent une grande
O 3 repu-
-ocr page 227-
214               La Fle des Peintres
róputation, et par conféquent furent payés fort
cher : celui dont on parle Ie plus, & qui Ie mé-
rire effedtiveiuent, eft Ie Portrait du Vice-Ami»
ral Tromp ; il renferme réellemenfles plus bel-
les parties d'un Tableau, vérité, deffein , colo-
ris et harmonie.
Pander Plas fut long-temps employé par
Pierre Martin, Libraire, a conduire les plan-
ches de la Bible. Il fut chargé de donner les ef-
fets aux Deffeins, et de conduire les Graveurs.
On fit contre lui, après fa mort, quelques Epi-
grammes et de miférables Ecrits. Ces fatyres in-
juftes font oubliées, et lesPortraits de Pander
Plas
feront fouvenir, tant qu'ils fublifteront,
qu'il mérita de fon vivant des éloges que la
poftérité leur confervera. Il mourut Ie 18 Mai
1704.
II deffinoit bïen les têtes et les mains, et fijut
faire un très-heureux ufage des couleurs, fans
les tourmenter. Sa belle fagon de peindre invi-
toit a Ie prendre pour modele, mais elle eft voi»
léé adroitement, et tres difficile £ ïmiter : un«
belle entente du clair obfcur, et|une vigueur
finguliere, 1'ont fait approchef du jpitien.
Comme prefqiie tous fes Ouvrages font des
Portraits, on n'en trouve guere? qu'en Hol-
lande 3 en Allemagne, et dans les plus graades
Families.
■;.,,,': : ■■
. 't. .'
\ ,
-ocr page 228-
Flamands , Allemands et Hollandois. ai 5
DANIEL SYDER.
DAmel Syder, ou Ie Cavalier Danielle, ,
iiaquif a Vienne en Autriche; d'autres di- ; *-
fent dans la Suiffe, et qu'il fut conduit a Vienne
encore jeune, oü il a été élevé. Je ferois plus
volontiers de la premiere opinion.
Quoi qu'il en foit, on ignore quel fut fon
premier Maitre : on fijait que eune encore il
alla a Venife, que lEcole de Car/o Lothi lui
fut ouverte, qu'il étudia dans cetteattelier, et
encore plus, en s'appliquant aux Ouvrages pu-
blics de tant de grands Artiftes qui compo-
foient l'Ecole Vénitienne. Parvinu au point de
tromper les yeux des Connoifleurs par (es co-
pies, il voulut enfin travailler de lui mcme,
mais il connoiffoit trop bien les difficuités et
1'étendue de fon Art, pour fe contenter de ce
qu'il avoit vu, dès qu'il lui reftoit tant de belles
chofes a voir.
Syder fut a Rome pour fe perfe&ionner dans
Ie deflein et dans les autres parties de la Pein-
ture. De tant d'habiles gens qui fe diftinguoient
dans cette capitale, Carlo Maratti lui parut
mériter la préférence. Cet Eleve, au dessus du
commun, profita quelque - temps des intruc-
tions de ce grand Maitre qui, flatté de cette
prédile&ion, et tcmoin de fon talent, voulut,
en Ie faiiant connoitre, et en Ie produifant, Ie
réeompenfer de fon attachement et de fon ap-
plication heureufea la Peinture. II Ie vanta au
Duc de Savoie qui, fur Ie témoignage de Carlo
O 4 Maratt
-ocr page 229-
216               La Vie des Peintrss
attira Ie jeune Syder a fa Cour. Ce
Prince lui envoj^a des Lettres de Nobleffe et Ie
Collier de fon Ordre, pour montrer apparem-
ment, par ces marques de diftin&ion, Ie cas
qu'il faifoit du fuffrage d'un tel Maitre, et du
mérite d'un tel Ecolier.
Syder venoit d'épouferla fille d'un Libraire,
et quitta Rome avec regret, mais il ne pouvoit
nepas déférer aux ordres d'un Prince qui 1'avoit
comblé d'honneur : il obéit, et fit en Savoie
plufieurs grands morceaux très-pftimés pour la
Cour et pour les Fglifes. Jiieutót les Romains,
pour 1'attirer fans doute a Rome, et pour avoir
queiques Ouvrages de plus de lui, lui deman-
derent deux grands fujets. Syder, qui déuroit
de retournpr a Rome, faifit cette oocafion, et
allégua au Prince, pour excufe de fon départ,
la npceflité indifpenfable oü il étoit de peindre
ces Tableaux fur Ie lieu même : 1'un repréfente
]a chute de la Manne dans Ie Defert; et 1'autre
la Cêne : les figures en font de grandeur de na-
ture. On les voit encore avec admiration a Chie-
sa Nuova,
autrement 1'Eglife de Saint Philippes
de Neri.
De retour a Turin, Syder continua de tra-
vailler a fes Ouvrages interrompus, et de temps
en temps pour fe délafler peignit quelques Por-
traits. Un jour, entr'autres, qu'il faifoit celui
de fon Mécene, ce Prince voyant que Syder étoit
embarraffe, parce qu'il avoit oublié fon appui-
main, lui ofFrit fa eanne, et Ie Peintre s'en fer^
vit. Il vouloit la rendre, mais un des Seigneurs
1'en empêcha, et elle lui refta. Cette canne étoit
garnie de diatnants d'un grand prix : jamais Ie
Prince
-ocr page 230-
Flamands, AllemanAs et Hollandois.
Prince ne la lui fit redetraru'er. Ce qnt- prête un 1647.
Souverain eft iin don. S\der la po a toujours'—■
dans Turin, et depuis dans Rome. oü il vivoit
encore en 1699 : on croit qu'il y eft mort.
Ce bon Peintre d'Hiftoire imita d'abord fi
parfaitement la maniere de Car/o Lothi, que
les Italiens s'y trompent en*-meines. S'i' chan-
gea depuiy, ce fut en ajoutanr a fes compofitions
pleines d'efprit, plus de corre&ion de deffein et
plus de force dans fon coloris. On voit, par (es
Ouvrages, qu'il avoit étudié profondément les
caraöeres, puifqu'il les rend fi parfaitement.
Ses Tableaux font prefque tous a Turin et en
Italië : on ne connoit en Flandres et en France
que fes Deffeins. Ceux que nous avons vus font
dans Ie gout de Maratti, et nous ont paru faits
jivec la plus grande facilité.
MATHIEU
-ocr page 231-
MATHIEU
WULFRAAT,
ÉLEVE DE DIEPRAAM.
ULFRAAT naquit la veille
du premier jour de 1'an 1648,
dans la Ville d'Arnheim, il étoit
fils d'un Médecin habile et très-
versé dans les Langues. Il envoya
d'abord Ie jeune Wulfraat aux
Ecoles latines, dans l'intention de 1'élever dans
sa profession; mais ce projet n'eut point de suc-
ces : 1'amour du Dessein 1'emporta sur celui da
toute autre étude. Wulfraat, incapable d'aucu-
ne autre application, et insensible aux retnon-
trances
-ocr page 232-
La fte des Peintres, etc
trances et aux menaces, se consoloit, en copiant 164Ö.
en cacheile des Estampes et des Desseins qu'il *r
achetoit de ses épargnes. Par bonheur pour son
avancement, Ie Peintre Diepraam passa quel-
que-temps a Arnheim, oii frappe des disposi-
tions du jeune Wulfraat, il lui donna quelques
principes qui achever^nt de Ie déterminer a
quitter entierement les autres études. Il fit sol-
liciter sonpere par ses parents et ses atois, de
lui permettre d'être 1'Eleve de Diepraam, et
enfin il 1'obtint.
P-u d'années suffirent pour convaincre Wul-
fraat
que la nature étoit Ie seul Maitre a con-
sulter: il s'y livra entierernent, et fut bientöt
en état de paroitre au grand jour. Amsterdam,
par son opulence, lui parut un théatre digne de
ses talents; il y débuta par quelques Tableaux
d'Histoire et des sujets piquants et agréables,
représentant des assemblees de personnes de
distinftion, qui lui acquirent une grande répu-
tation : il réussit également bien è. peindre Ie
Portrait en petit; il en fut surchargé dans son
passage a Francfort, oü il y avoit pour lors plu-
sieurs Etrangers de la premiere disrin&ion.
Son talent décidé, son esprit agréable, fa
conduite irréprochable et soutenue, lui valu-
rent les deux biens les plus estimables pour un
homme qui pense, une fortune honnête et une
considération générale : il mérita même d'être
bien venu des plus qualifiés. De Francfort il re-
vint a Arnheim, et dela il retourna a Amster-
dam, oü il n'a point cessé de travailler avec
succes, jusqu'è sa mort en 1727.
Les Tableaux de ce Maitre sont dispersés
en
-ocr page 233-
La Vie des Peintrcs
164%. en Hollandeet en Allemagne, oü il sont très-
■«■■r estimés.
N. PIETERS,
ÊLEFE DE PIERRE EYKENS.
PT eters naquit vers ce temps a Anvers;
je ne fc-ü si c'est Ie même qu'on a appellé
Jacqncs Peter, qui fut recu a TAcadémie de cette
Viile en 1695 : L'ignorance du nom de Baptême
de celui-ci empêche de décider cette question.
N. Pieters fut élevé dans 1'École de Pierre
EyJcens,
que de grands succes lui firent quitter
trop tot. L'espérance de faire une fortune ra»
pide Ie mena a Londres; mais ses Tableaux
d'Hisloire n'y furent seulement pas regardes.
Reduit a la derniere misere, quoiqu'avec un
mérite très-réel, il se vit reduit a entrer au ser-
vice du Cardinal Dada. A peine y fut-il recu,
qu'a la fin du jour même oü il étoit entre, il
renon^a a eet état humiliant pour un Artiste,'
et retourna reprendre sa palette. Il étoit dans
cette indigence lorsque Kneller vit par hazard
un de ses Tableaux; il i'engagea a peindre les
habillements et les autres accessoires des Por-
traits, dont il ne faisoit que les têtes. Pieters
surpassa tous ceux qui peignoient comme lui
pour Kneller; il dessinoit et colorioit avec une
supériorité qui Ie fit distinguer. Il passa ainsi
quelques années, mais rebuté de 1'avarice et de
quelques autres défauts de Kneller, il Ie quitta
dans 1'intention de se remettre a peindre 1'His-
toire;
-ocr page 234-
Flamands, 'Allemands et Hollandois. sar
toire; il n'y gagna pas plus, il n'y ent que les 1648.
Amateurs qui, profitant du discrédit injuste de **mm*
ses Tableaux, en eurent de très-beaux a tres-!
bon marché.
Il arriva cependant a Pieters ce qui ne man-
que gueres d'arriver aux gens de génie : si leur
mérite n'est point appercu d'abord par la mul-
titude, il n'échappe pas aux yeux des Connois-
seurs.
Plusieurs Peintres de Portrait de Londres,
informés que Pieters n'étoit plus engagé, Ie fu-
rent prier de leur rendre les mêmes services qu'il
avoit rendus d Kneller, d'habiller et d'orner les
figures de leurs Portraits. Pieters profitant, a
son tour, de ce concours, il taxa fort haut Ie se-
cours de son pinceau,sans les rebuter; il gagna
autant qu'eux, et ce n'étoit pas même assez: leurs
Ouvrages ne valoient que parce qu'il y ajoiitoit.
KneUer sentit Ie tort qu'il avoit eu de laisser
échapper un homme qui tiroit du néant plu-
sieurs de ses confrères. Notre Artiste n'eut pres-
que plus Ie temps de peindre 1'Histoire; il fit ce-
pendant quelques copies si belles d'après Ru-
bens,
que quelques unes ont été vendues pouc
des originaux,tant il avoit parfaitement imité la
touche et la couleur de ce grand Peintre. Ou
assure qu'il a fait des desseins d'après ce Maitre,
qui ont également trompé. Il ent 1'adresse de
peindre sur des Estampes de ce même Rubens,
avec des tons coloriés, et de les faire passer pour
des esquisses qui ont également trompé les Ama-
teurs, au point de les confondre avec les origi-
naux. Le peu de justice que l'on avoit rendu a
fon vrai talentle renditpeu délicat sur les mnyens
d'avoic
-ocr page 235-
ast              La Vie des Peintres
164Ü. d'avoir de l'argent. Voyant combien les Ouvra-
'ges des Peintres Flamands et Hollandois se ven-
doient cher a Londres, il fit trois ou quatre
voyages par an en Hollande, et a son retour en
Angleterre, vendit fort cher ce qu'il avoit payé
a très-bas prix a des inventaires. Cette habitude
basse de gagner 1'avoit rendu trop sensible è la
perte : il pensa mourir de chagrin de la banque-
route d'un Banquier de Londres, a qui il avoit
conflé cent louis pour les faire valoir. Pieters
vivoit encore en 1715. On ne fgait ni 1'année de
sa mort, ni Ie lieu de sa Sépulture.
Un seul de ses Tablcaux d'Histoire, que nous
avons vu, nous a donné la plus haute idee de
son talent qui, faute d'avoir été mis assez en
oeuvre, n'est point parvenu au degré de perfec-
tion a laquelle il pouvoit atteindre: mais la cor-
reftion de son dessein, la facilité et la franchise
de sa touche, sa fatniliarité avec Ie coloris de
Rubens, la marche libre de son Maitre, nous en
ont fait assez connoitre, pour nous faire penser
que si l'avarice n'avoit point avili Ie génie de
Pieters, il étoit né pour étre un des plus grands
Peintres de son siècle. II est du moins certain
que les draperies et autres accessoires, qui sont
de sa main dans plusieurs Tableaux deKneller,
en font Ie principal mérite.
JACQUES
-ocr page 236-
Flamands, Allemands et Itollandais.
JACQUES VANDER ROER,
ÊLEVE DE JEAN DE BAAN.
NOus ne parlerons ici de Vander Roer que
pour n'omettre aucun des Peintres du se
cond rang, qui sont venus a notre connoissan-
ce, et pour contenter la curiosité des Amateurs,
qui s'étend jusqu'a vouloir fcavoir Ie nom des
Eleves des Peintres dequelque réputation.quand
ce ne seroit que pour pouvoir apprécierlesTa-
bleaux dont ils décorent leurs Cabinets. Van-
der Boer,
Eleve de 1'Ecole de Jean de Baan,
ne quitta ce Maïtre que quand il eut appris de
lui a bien faire Ie Portr? it. La Ville de Londres,
par sa richesse et son gout décidé pour ce genre
de Peinture, présenta a son imagination un éta-
blissement très-lucratif: ily fut, mais la réputa-
tion de Kneller étouffoit toutes les autres : et
après avoir tutte en vain contre 1'obscurité et
la mauvaise fortune, Vander Roer rampa sous
Kneller qui 1'employa dans un coin de son at-
telier a draper quplques-uns de ses Portraits.
L'avarice de Kneller abusa vraisemblablement
du talent df Vander Roer, qu'on pretend avoir
été au dessus du commun. Il mouruc misérable
dans 1'Höpital de Dort.
-ocr page 237-
Za'Pie d&f Peintres, etc.
N. DE B A. G K E R.
LE notn du Maitre de de BacJcer est ignoré.
Né a AnverSjOÜ il avoit^étudié les principes
de son art, de Backer en savoit assez, pour
pouvoir voyager sur Ie produit de ses Ouvra-
ges. Nous ne pouvons entrer dans aucun détail
sur ce qui Ie concerne : il n'est connu que pout
avoir fait de très-beanx Portraits a Londres, et
c'en est assez pour en faire ici mention.
Il avoit peint long-temps dans cette grande
Ville, sous ld conduite et a la pension de üCneZ-
ler. Nous croyons de Backer, mort a Londres,
sans savoir en quelle année. On assure que plu-
sieurs de ses Portraits entiérement de sa main,
ne cedent en rien aux meilleurs de Kneller: ne
seroit-ce point une exagération ?
GODEFROT
-ocr page 238-
GODEFROY
K N E L L E R,
ÉLEVE DE REMBRANT.
NELLER est un du petit
nombre de ces grands hommes
heureux, qui ont joui de leur vi-
vant de leur fortune et de leur
gloire : sa Naissance fut obscur et
sa vie illustre. Il naquit a Liibeck
dans Ie Duché d'Holstein en 1648. Son éduca-
tion ne fut pas brillante: riïs d'un sous-Clerc de
Paroisse, il ne falloit pas moins que 1'éléva-
tion de son génie, pour faire oublier cette bas-
sesse d'extraöion. Il étudia la peinture, et eut
Tome III.                                P Ie
-ocr page 239-
aa6              La Vic des Peintres
1648. le bonheur d'être admis dans 1'Ecole de Rem-
         brant, qu'il ne quitta que pour celle de Ferdi-
nandBol.Wy a apparence qu'il resta assez long-
temps chez ce dernier, puisqu'il alla avec son
frere a Rome, sans autre secours que son talent.
Le Carrache & le Titien fixerent particuliere-
ment son admiration : il copia leurs Ouvrages;
dans 1'un, il étudia la corre&ion et la vigueur;
dans 1'autre, cette belle harmonie de couleur,
et la facon de disposer si naturellement ses airs
de tête. Ce choix de modeles, son application,
un travail assidu,ses grandes dispositions, lui
acquirent, en leperfe&ionnant, une facilité sur-
prenante.
Kneller voulut revoir sa Patrie : il traversa
TAllemagne, s'arrêta a Nuremberg, mais sans
trouver de 1'emploi. Hambourg lui ouvrit le
premier chemin vers la forlune. Jacques Del
Bod,
Banquier, se fit peindre, lui, sa femme et
ses enfants. La ressemblance, Tharmonie de la
couleur, et tous les agréments dont il avoit orné
ce Tableau de Familie, lui mériterent les plus
grands éloges, et bientóttant d'Ouvrages, qu'il
ne put satisfaire tous cenx qui lui demandoient
leurs Portraits. La difficulté d'en avoir, et plus
encore la maniere dont ils étoient rendus, les
fit augmenter considérablement de prix : et ce
profit dctermina ce Peintre a préférer ce genre
a celui de THistoire. UHistoire, (disoit-il
agréablement, )Jdit revivre les mor/s qui n&
m'en témoignent aucune reconnoissance,
mais quand je peins les vwants
, ils me Jont
viï>re par leur largesses.
Kneller, déja enrichi, voulut tenter une for-
tune
-ocr page 240-
Flamands, Allemands et Hollandois.
tune plus brillante; il forma Ie projet d'aller a
Londies, oü Lelj avoit acquis autant de bien
que de gloire : il quitta Hambourg avec des Let-
tres de recommandation pour Messieurs Banks,
Négociants a F,ondres;il Ht Jes Portraits de cette
familie. Le Duc de Montmouth, frappe de la
ressemblance, voulut aussi avoir le sien. Le
même succes fït connoftre Knel/er a la Cour.
Charles IT. voulant aussi son Portrait pourl'en-
voypr a son frere le L)uc d'Yorck, Lely fut char-
gé d'y travailler; mais la recommandation du
Duc de Montmouth procura a Kneller 1'hon-
neur den faire aussi un. Les deux Artistes com-
mencerent en même-temps. Le Roi s'érant leve
par curiosité pour fcavoir oü ils en étoient, vit
avec étonnement et plaisir sa tête presque n~nie,
et tres - ressemblante au Tableau de Kneller,
tandis que Lely avoit a peine ébauché la sienne.
Les Ducs d'Yorck et de Montmouth, et quan-
tité d'autres Seigneurs, applaudirent a cette
promptitude. La facilité de Kneller l'emporta
sur la supériorité de Lely, qui devint la vi&ime
d'une injustice a laquelle il ne put survivre.
Cette mort acheva la fortune de Knellery il
fut nommé premier Peintre du Roi Charles II.
qui 1'envoya en France pour peindre Louis XIV.
Cette commission honorable fit faire a cePeintre
de nouveaux efforts pour se surpasser : il n'eut
cependant pas le plaisir de faire voir ce Tableau
a son Prince; il le trouva mort-a son retour en
Angleterre.
Jacques II qui avoit succédé a son frere, et
qui connoissoit le mérite de eet Artiste, le
confïnna dans la même place. A 1'avénement
Pi de
-ocr page 241-
228                La Fie des Peintres
1648. de Guillaume III au ïróne,il fit les Portraits
m........1 de ce Monarque et de la Reine, et, par son or-
dre, il peignit au Congres de Riswiclc les Plé-
nipotentiaires qui s'y trouverent, et a son re-
tour il fut fait Chevalier.
La Reine Anne qui succéda a Guillaume, eut
les mêmes bontés pour Knel/er, il fit son Por-
trait et celui du jeune Duc de Cochester; et
cette Princesse en fut si contente, qu'elle Ie
grarifia de la Charge de Gentilhomtne de son
Cabinet. L'Archiduc Charles, dans Ie séjouc
qu'il fit a Londrcs, avant de partir pour 1'Es-
pagne, se fic peindre; et ce Portrait p!ut tant
a 1'Empereur Joseph, qu'il honora Ie Peintre
du titre de Chevalier héréditaire de 1 Empire,
et qui lui envoya une chaïne d'or avec une
Medaille, sur laquelle étoit la tête de son Bien-
faidteur.
Georges Premier achevoit de combler Knel-
ler
d'honneurs dans la grande Bretagne, en Ie
décorant du titre de Ba;ronnet, quand Ie Por-
trait du Czar Pierre , qu'il eut occasion de faire,
porta la gloire de son pinceau dans toute 1'Eu-
rope. Il éternisoit aux yeux de la postérité les
traits d'un Prince singulier, dont 1'admini.stra-
tion a instruit et poli la Moscovie : adininistra-
tion pleine de génie, dont 1'Histoire tracée,
comme on nous Ie promet, de la main de 1'illus-
tre M. de P~o/taire, conservera a jamais parmi
les hommes Ie plus précieux souvenir.
Favorisé par tant de Princes, orné de tant
de titres, si bien traite de la fortune, si bien
re5ii des Grands, accueilli de tous les Sgavants,
dont il mérita la faveur et 1'amitié par les gra-
ces
-ocr page 242-
Flamands} Allemands et Hollandois. aac)
ces de sa figute et de son esprit, chanté souvent 1648.
par un des plus grands Poëtes d'Angleterre, le
célcbre Pupe, dont on connoit les vers sur Ie
Portrait du Duc d'Órmont,fait par n&tre Peintre.
Il sembloit qu'il no restoit rien a désirer a
Knel/er; il eut cependant une petite mortifica-
tion du refus que lui fit Ie Lord Warthon, de
lui laisser copier deux Portraits de la galerie de
"Winsindon. Ces Porlraits étoient du nombre
de 32 de V^andyck, et 1'enthousiasme qu'avoit
Knel Ier ponr les Tableaux de ce grand Maïtre,
dont il avoit pris la maniere au point presque
d'en approcher, est garant du dépit qu'il eut
d'un pareille refus.
Le grand Duc de Florence demanda Ie Por-
trait de Kueller, pour y être place parmi les
hommes les plus illustres, dont il avoit fait la
plus belle colleftion; on y lit cette inscription
au bas : Dominicus Ga/Hdus Kneller de
Whiton, saai Romani Imperii et Magnm
Britannice Baronettus : nee non Serenissi/ni
Georgii, Mag. Brit. Reg- interioris Camerce
Aulicus, et Pictor princeps, etc.
S'il en faut croire la plupart de ceux qui ont
parlé de ce Peintre , sqn avarice a rendii sa pro-
bité même suspecte. 11 est vrai que pour éviter
les frais, il n'employoit, sur la fin de sa vie, que
des Artistes médiocres pour peindre les habil-
lements, les mains et les accessoires de ses Ta-
bleaux, parce qu'il payoit moins leurs travaux,
quoiqu'il ne diminuat rien du prix de ses Por-
trails. Ilavoit employéavant de tros grandsPein-
tres, tels que Pieters, et de Backer, tous deux
d'A n\ers;Jacoè VanderMoerdeVott, et les deux
P 3 freres
-ocr page 243-
a3o               La Vie des Peinlres
1648. freres Bing, Anglois. Le célébre Baptiste a long-
- mmu) temps peint les fleurs de ses Tableaiix, et après
sa mort, Vanzon & Jacques van Huyswn.
Par unautre trait davarice aussi méprisable',
Kneller étoit dans 1'usage de faire payer moitié
d'avance, en commensant un Portniit; 011 en
trouva chez lui, a sa mort, 500 de commencés.
Il cessa de vivre a Londres en 1726, agé de 78
ans : il laissa après lui une fille unique, et beau-
coup de bien.
Au milieu de tant de vogue, il en eut une
des plus flatteuses; les Dames prenoient plaisir
a se faire peindre de sa main, parce qu'il avoit
une couleur fraiche, et qu'il f«fut leur prêter eet
air simple, modeste etséduisant en même-temps,
dont elles se piquent dans cette Nation. Sa cou-
leur est vraie et naturelle; il avoit acquis une
facilité fcjavante a la Cour, et presqu'incroya-
ble; ce fut par-la qu'il s'étoit formé une tou-
che ferme, large et spirituelle. Son dessein qui
avoit 1'air de mener au grand, étoit maniere
trop quarrément sans vérité et sans finesse. Ses
Portraits ne devoient point être très-ressem-
blants, puisqu'ils ont entr'eux une sorte de res-
semblance; il paroit du moins que sa maniere
d'allonger 1'ovale de ses têtes, donne un air de
familie a tous ceux qu'il a peints.
Knellerplut si fort a la Nation, qne les Pein-
tres de Londres furent forcés de 1'imiter, sous
peine de manquer totalement d Ouvrages; aussi
prirent-ils jusqu'a ses défauts : c'est 1'ordinai-
re des imitateurs qui manquent de génie; ceux
qui en ont apprennent qu'après avoir copié
quelque - temps les grands Maitres, il ne
faut
-ocr page 244-
Flamands, Allemands et Hollandois. a 31
faut jamais quitter les objets que présente la 1648.
nature.
                                                           ' umm
Comme les Ouvrages de Kneller sont la plu-
part en Angleterre, nous n'indiquerons qu'un
seul beau Tableau de lui: il est place dans 1'Egii-
se de Notre-Dame, a Anvers, dans la Chapelle
des Pelletiers; c'est Ie Portrait de M. Koükx
Cantor.
P 4 GUE
-ocr page 245-
G ü E R A R D
H O E T,
É L E V E DE R Y S E N.
UERARD HOET a été,
sans contredit, un des plus
1 >-, ^B précieux Peintres d'Hollande.
Jf quent tous deux sa naissance
^ dans la Ville de Bommel: Ie
premier la fixe au 22 d'Aoüt, vieux style,
1648; Ie second 1'avance et la place au 12 Aoüt
de la même année.
GuerardHoet prit, dès son enfance, les pre-
mières le^ons de Dessein dans Fattelier de son
pere,
1648.
-ocr page 246-
La Vie des Peintres, etc.          a33
pere, qui peignoit sur verre; mais son gout et 1648.
ses heurcuses dispositions pour la Peinture, Ie ■■■■■■■
mirent bientót an dessus des instrudlions qu'il
pouvoit y recevoir. L'établissement de TVarnar
van Rysen
dans la même Ville, vint fort a pro-
pos, et procura au jeune Hoet un Maitre habile
et digne de son éleve, mais qui malheureuse-
ment, par la perte qu'il fit de son pere, ne put
profiter qu'iin an d'une ü bonne Ecole. L'attache-
ment qu'avoit Guerard Hoet a ses devoirs, lui
fit préfërer a son propre avancement, les services
qu'il pouvoit rendre a son frere, Peintre sur
verre; ce qui étoit la setile rcssource de sa fa-
milie. Guerard Hoet 1'aida très-long-temps, et
jusqu'en 1'année 1672, année fatale aux Arts en
Hollande : il se réfugia a la Haye pour éviter
les calamités de la guerre.
Si on veut se faire une juste idee du beau
naturel et du talent décidé de celui dont nous
écrivons 1'Histoire, qu'on serappelle qu'il com-
menca k étudier véritablement son Art a 16 ans,
sous Rysen; que par de facheuses circonstan-
ces cette instruftion ne lui dura qu'une année,
et que malgré cette interruption, en 1672 a
1'a^ede 24 ans, ses Ouvrages étoient déja esti-
més, du plus précieux fïni qu'il y eüt dans ce
temps-la; et on en conclura qu'il falloit que la
nature 1 eüt traite bien favorablement pour lui
faire deviner, presqu'en passant, les secrets et
les finesses d'un Artprofond, qui échappent au
commun des Ecoliers, dés qu'un Maitre habile
voudra les leur faire remarquer.
M .Salis, Officier Général au service de Fran-
ce; étoit en quartier a Bommel; et comme il étoit
connoisseur
-ocr page 247-
a34              La Vie des Peintres
1648. connoisseur en Tableaux, 011 Ie mena chez Ia
■yÊmm^r mere de Guerard Hoet: il y vit ses Ouvrages;
il en fut si charme qu'il les acheta tous; il fit ce
qu'il put pour engager cette mere a faire revenir
son nis, que la peur des Francois avoit éloigné;
il ne réussit point dans Ie moment a rassurer ni
la mere ni Ie nis. Bientót cependant la disci-
pline des Troupes, et les egards des Officiers,
guérirent les Hollandois de leur crainte et de
leur aversion pour les Francois. Guerard Hoet
alla trouver M. Salis qui étoit pour lors a Rees
dans Ie Duché de Cléves, et il en fut recu,
comme l'est un grand Peintre par un Amateur
de Peinture. Hoet trouvala Jean van Bunnick,
Juste de Nieuport
, & André de Wit, que Ie
gout de M. Salis pour les Arts y avoit attirés.
Tous marquerent a Hoet Ie cas qu'ils faisoient
de ses Ouvrages; mais sur-tout de Wit Ie feta et
Ie caressa singulieresient, pour obtenir de lui
des esquisses et des compositions qui ne coü-
toient que des instants an génie fécond de Hoet,
et des mois entiers a 1'esprit lent et stériledesau-
tres. Cette main prompte et créatrice de Hoet, Ie
mit dans une haute considération,et Ie fit appel-
Ier par ces Peintres, a la Haye, a Amsterdam et
a Utrecht, par M. Van Zuylen. Tl fit plusieurs
voyages dans ces Villes, pour fournir des es-
quisses peintes et au dessein : et celles que de
Wit
mit en Tableaux, firent sa réputation.
Hoet fut demandé en France, il y resta une
année sans grande vogue et sans Ouvrage : son
nom cependant lui fit quelques Prote&eurs,
mais sans aucune suite utile. Un grand Seigneur
eut quelque envie de se Tattacher. Le Prince
de
-ocr page 248-
Flamands, Allemands et Hollandois. a35
de Conti paria de lui donner une pension, et on 1648.
ne fcait ce qui 1'en empêcha. Enfin Ie malheu-'
reux Hoet se vit reduit a graver des Paysages
de Francisque Milé, au lieu d'avoir a faire de
beaux Tableaux dont il étoit très-capable.
Dans cette situation critique il écrivit a Vos-
tertnans
, en Angleterre, pour fcavoir si la
Peinture y étoit plus en honneur qu'en France.
Vostermans lui répondit que si la Cour de
Londres lui payoit ce quVlle lui devoit, il ne
balanceroit pas a venir travailier a Paris.
Il ne fut cjonc point a Londres et quitta Pa-
ris. En passant par Bruxelles , Ie paysagiste
Boudevjns lui conseilla de s'arreter dans cette
Ville, oü ses Ouvrages bien connus luiseroient
aus.ei bien payés qifa Anvers. Il resta huit mois
a Bruxelles, et vers 1'hiver il retourna a Bom-
mel, mais pour peu de temps. M, van Zuylen
1'invitoit a s'établir a Utrecht : il préféra Bru-
xelles, que les bruits de la guerre lui firent bien-
töt quitter, pour chercher enfin sa süreté a
Utrecht; il fut d'abord employé par M. Heem-
stede
, et s'y fixa en se mariant.
Hoet, toujoursoccupé de son art, avoit tou-
jours pensé qu'uneEcoïededessein, en formant
des Eleves dans un pays, perfe&ionnoit Ie Mai-
tre lui-même, en lui donnant 1'occasion conti-
nuelle de voir un modele, de corriger des des-
seins et de dessiner lui-même} il en dressa Ie plan
avec HenrySchook. Ce sont les plus habiles qui
pavent qu'il y a toujours a apprendre. Ce plan
fut présenté aux Magistrats au nom de la Com-
pagnie des Peintres. On se flattoit qu'en faveur
du bien public, les principaux de la Ville se
porte-
-ocr page 249-
2 36              La Vie des Peinlrcs
164H. porteroient a payer les frais de cette Ecole.
- —in Cette grace ne fut point obtenue, rnais Utrecht
n'y perdit rien. Hoet se chargea de la dépense
pendant pliisieiirs années, et ce qu'il gagna d'un
cöté par la Peinture, en exécutant des plafonds
et de grands ïableaux dans différents Hotels,
et chïïz lui en morceaux dechevalet, retourna
en partie au profit de la Peinture, a qui il f'or-
moil des Artistesj on sent combien il falloit
quM fut laborieux, pour suffire a faire de pareil-
les libéralités.
Voyant diminuer Ie nombre des acheteurs
dans la Ville d'Utrecbt, parce qoe toutes les
Bldisons en étoient pleines, et sachant que les
curieux de Ia Haye désiroient d'avoir de ses pro-
duftions, Iloel se détermina a y aller en 17^4.
Ses espérances ne furent point trompées; il fut
surchaigé d'Ouvrages, et quoiqu'agé déja de
66 ans, il fit têle a tout, et montra dans son
travail et dans ses compositions toute Taftivité et
tout Ie feu d'un jeune homme. Son flls Guerard
Hoet
y étoit établi, et y faisoit Commerce de
Tableaux et de curiosités. Hoet Ie pere ne crai-
gnit point ces pieces de comparaison des plus
grands Maitres : il vint a bout d'une entreprise
qui fut admirée : il représenta dans sept parties
d'une salie assez grande pour avoir servi de Sy-
nagogue, les vertus chrétiennes sous les figures
de belles femmes portées sur des nuages avec Ie
caraclere du visago et les attributs qui pouvoient
les designer; les fonds au dessous avoient des
Paysages excellents et d'une variété singuliere,
On vit avec étonnement, dans un age aussi
avance, la touche la plus facile et Ie génie de la
jeunesse.
                                                Tant
-ocr page 250-
Flamands, Allemands et Hollandois.
Tant de travaux cependant 1'épuiserent: un , 648.
an avant sa mort il ne put plus sortir, mais cctrc
foiblesse ne passa point jusqu'a son esprit : il
soutint eet état de privation avec la plus grande
fermeté. Son fïls et sa fille digne d'un tel pere,
en eurent Ie plus grand soin; enfin il succom-
ba Ie % Décembre 1733.
Les talents de Guerard Hoet sont connus de
tous les Amateurs de 1 Europe. Il composoit
avec beaucoup de génie : ses Ouvrages mon-
trent sa vaste érudition; il avoit particuliere-
ment étudié les usages et les coutumes des an-
ciens. Ses petits Tableaux ont beaucoup de fi-
nesse dans la touche; sa fonte de couleur et son
pinceau flou augmentent Ie précieux de tout
ce qu'il a fait dans ce genre. La facilité de ses
grands morceaux sembloit avoir du exclure !e
fini pénible et de patience des plus petits détails
de ses petits Tableaux qui sont assez dans la
maniere de Poelembourg et de CarleDujardin.
En voyant en Hollande, dans les Eglises et dans
les Hotels, des plafonds et des Tableaux im-
menses,on admire 1'Arti.stesublime qui s'est livrd
a une imagination vive, qui a possédé la belle
harmonie de couleur, quiaconnu parfaitement
1'art des opposition des lumieres et des ombre*.
A ces qualités réunies, on reconnoit Ie grand
Peintre. SidanslesCabinetson considere Ie beau
terminé de ses morceaux de chevalet, on re-
connoit Ie Peintre précieux. Ces deux mérile«,
en apparence presque opposes, font regnrder,
a juste titre, Guerard Hoef comme un 'les plus
complet» Artistes d'Hoilande, et ce 1 cvt pas
une louange mediocre. Un de ses talents fut
pres-
-ocr page 251-
a38               La F ie des Peintrej
presqu'un défaut : il ent 1'imagination si vive,
et la mémoire de tous les objets si présente qu'il
n'eut Ie plus souvent aucunbesoin de consulter
la nature; pratique d'un dangereux exemple.
Son génie lui en tenoitlieu; il imaginoit, il
composoit et finissoit en même temps un Ta-
bleau. Voici une liste abrégée de quelques-uns
de ses Ouvrages les plus connus.
M. Ie Chanoine Baut, a Gand, a de lui deux
Tableaux, avec beaucoup de figures Irès-finies.
A la Haye, M. Fagel, deux Tableanx du
même; 1'un est une Diane aux bains, et 1'autre
représente une Sainte. On voit chez M. Ie Lor-
mier
quatre autres Tableaux, 1'enlévement des
Sabines: la paix entre lesSabins et lesRomains;
Ie Sacrifice de Didon, et 1'Histoire de Séleucus.
Chez M. van Béteren, Alexandre épousant Ro-
xane : Cléofas accompagnée de ses femmes,
présentant du vin a Alexandre après la prise de
la Ville deMazaga ; dfins deux autres Tableaux,
il a peint des ruines d'Archite&ure et plusieurs
figures; M. Ver schuuring a du même une danse
de Villageois.
A Roterdam, M. Lèers en a deux Tableaux
avec figures: et M. Bisschop un Tableau repré-
sentant Clélie qui passé Ie Tibre a la nage.
JEAN
-ocr page 252-
Flamands, Allemands et Hollandois. a3g
JEAN BRONRHORST.
BRONKHORST néa Leyden en 1648, est
un exemple assez convaincant qu'un h
me né pour un Art, peut quelquefois y exceller
sans Maitre ni modele; que cette même nature
se montre aux uns a découvert avec tant de
prédile&ion qu'elle ne leur cache rien de ses
beautés, tandis que da utres la cherchent inuti-
lement, et ne parviendroient a obtenir aucune
de ses faveurs, sans Ie secours des Maitres, qui
leur apprennent a les mériter.
Bronkhorst, agéde 13 ans,eutle malheur de
perdre son pere; il fut place par sa mere chez
un de ses neveux, Patissier a Harlem, et dans
la vue de procurer a ce jeune homme une pro-
fession qui put Ie faire subsister.
Ce fut en 1670 que notre nouveau Patissier
se maria dans la Ville de Hoorn, oh il s'étoit
établi. Devenu son Maitre, et suivant son pen-
chant il se mit sérieusement a dessiner et a
peindre. Il paroit, suivant tous ceux qui ont
parlé de ce prodige, que sans autre guide que
son génie, il copia des oiseaux de toutes espe-
ces d'après nature, et que bientöt on les lui
vit peindre a gouasse. Il disoit, en plaisantant,
que s'il faisoit de la Patisserie pour vivre, la
Peinture étoit son unique amusement. Il est mis
par les Connoisseurs au rang des meilleurs Pein-
tres a gouasse; il a copié, d'après nature, tous
les oijeaux connus avec une vérité singuliere.
La finesse de son travail représente admirable-
ment
-ocr page 253-
24<>           La Vie des Peintres, etc.
ment la légéreté et Ie luisant des plumages. Un
des plus surprenants mérites de ses petits Ta-
bleaux, est une grande harmonie qui accorde
parfaitement ses fonds avec les objets qui sont
sur Ie devant.On connoit de ce Maitre un grand
volume plein de Desseins, parmi lesquels il y
en a de coloriés.
CORNILLE
-ocr page 254-
CORNILLE
HUYSMAWS,"
ÉLEVE
DE JJCQUES VAN ARTOIS.
U YFM A NS, surnommé Huysman-----
He i\ja/inrs, n;jqnit a Anvers en '640.
1648: il étoitfü.s d'nn Architede "
qui avoit de grancles < ntrcprise.s;
il Ie destina four Ie remplacer,
mais il perdit fort jenre son pere
et ?a mere. Son onele , qui prit ioin de lui. Je
pla^a chez Gaspard de Wit ; il .-ipprit ici a
Tome III.                           Q peindrq
-ocr page 255-
a_'|2               La Vie des Pcinlres
164P. peindrele Faysage. On croit qu'il s'avanca plus
Mm lui seul a copier la nature. Quolques Tablcaux
de Jacques vanArlois firent snr lui tant d'effet,
qu'il filla Ie chercher a Rruxelles. Il fut recu de
ce Maitre, etbientót employé ponr lul dessiner
des vues et des études dans la Forêt de Soi-
gnies
et dans les environs. Les Desseins qu'il fit
pour Artois lui out égaletnent servi : il devint
un bon Peintre.
Dans Ie voyage que VanderMeulen , Pein-
tre de Batailles, fit en Flandres, il ne put assez
louer Huysmans et ses Ouvrages; ils ne se qmt-
terent point; il fit les plus grands efforts pour
l'engager a Ie suivre a Paris; il lui ofFrit une
pension considérable et des honneurs. Vander
Meuten
fit encore des tentatives, étant a Paris,
pour l'engager a Ie joindre. Huysmans s'excusa
sur ce quil ne f^avctt pas la langue Francoise,
II fut s'établir a Malines, 011 il a toujours de-
meuré : il fut fort employé, et ses Tableaux
furent portés par-tont. 11 avoit toujours suivi
la maniere de son Maitre , et elle lui réus-
sit: mais il s'en forma une depuis bien supé-
rieure. Il travailla avec une grande assiduité,
lor^qu'au mois de Décembre 1726, il fut pris
d'une foiblesse : il tra?na depuis jusqu'au premier
Juin 1727, qu'il mournt agó de 79 ans.
Ce Peintre est place dans la classe des pre-
miers Paysagistes de la Flandre. Sa maniere est
dans !e gout d'Italie \ sa couleur est vigoureuse
et sa touche excellente. Tl peignoit, dans ses
Paysagcs, des figures et des animaux; ses fa-
briques, sesarbres, ses cieis,seslointains, tont
est
-ocr page 256-
Flamands, Allemands et Ilollandois. 243
est plein de mouvement et de vmté. Il a fait 1648.
des Paysages pour les fonds des Peintres d'His- t«—-r
toire, et dts figures pour les Paysagistes. Il a
rendu un plus gran.1 .service encore a d'autres
Artistes, il a retouche leurs Tableaux qui ne
sont plus reconnoissables: j'en ai vu de Minder*
hout. $Acht-SchtlUng
et de van ,-lrtois, qu'on
ne devine plus, etcependant d'uncgrande beau-
té. II avoit un talent particulier a rendre des
montagnes : on y croit voir la mousse et Ie
caillou se détaehrr. Il a une f.con de faire qui
n'est qu'a lui; les premiers plans ont plus de
rapport avec la couleur de Rembrant qu'avec
tont autre Peintre. Nous avons vu a Malines,
chez Ia fille de ce Peintre, un nombre de bcauX
Tableaux de lui, qui composent un Ccibinet en
entier. Voici nne courle Jiste de ceux que nous
connoissons de lui.
On trouve a Maliiles, dans 1'Eglise Collegiale
de Notre-Dame, les Disciples d'Émmaiis; deux
grands et beaux Paysages. Dans TEglise desRe-
ligieuses de Le/iendaef,, deux grands Pavsages,
un par Minderhout, 1'autre par Pan Artois t
tou.s deux bien retouches par Huysmans.
A Anvers, chez M. vanSchorelde Wilryckt
un grand et beau Pdysage, avec des figures.
A Gand, chez M. Harnerljnck , deux Paysa-
ges, avec figures et aninuiux-Chez M. vanTj-
g/iem,
deux Paysages, avec figures.
Dans Ie Cabinet du Prince Charles, a Bru-
xelles, deux Paysages, avec dis figures.
Chez M. Ie tortuur, a la Haye, deux Pay-
sages, avec des figures et des animaux.
Q 2 Chez
-ocr page 257-
a44          La Fie des Peintfes, etc.
1648 Chez l'Ele&eur Paiatin , on voit une assem-
^■y blée de personnes distinguées, dans un Paysage
agréable.
Et a üonen, chez 1'Auteur de eet Ouvrage,
tin grandPaysage, avec desfigures : eest la vue
du Mont Roussei, prèi de Louvain.
AUGÜSTIN
-ocr page 258-
AÜGUSTIN
T E R W E S T E N,
E L E V E
D E GU1L LAUME I) O UDYNS.
ERWESTEN naquit a la —----
Haye Ie 4 Mai ƒ649. Son incli- '"49-
nation pour leDessein se mani- ' —""
festa-, dès sa tendre jeuncsse,
parson application acopier des
Estampes,.' ans Ie recours de per-
11 dessina ensuite d'après des figures do
et enfin, il parvint a les modeier en
ne dut qu'a lui-même cette édtication
QX «
sonne.
platre;
eire. Il
-ocr page 259-
2 46                La Vic des Peintrés
1649. et ce progrès dans un Art difficile. Sa facilité a
*■—-m model'T Ie fit essayer de cizeler; il y réussit si
parfairement, que Ion lui confia a exécuter
des üuvrages de conséquence en or et en ar«
gent. Ce talent, en mêiue-temps lucralif, ne
laissüit pas son nom dans l'obscurité ; mais ce
n'étoit pas a.-sez pour lui, ógt'1 environ de 20
ans, il ne se contenta plus de formcr quelques
fïgures sur les métaux, il ent d'abord a essuyer
une grande contradicYion de la part de ses pa-
rents; ils lui objefierent en vain qu'il n'étoir pas
raisonnab'e de quitter un Art dans lequei il étoit
«n des premiers, pour un autre dans lequei il
n'étoit pas sur de réussir; mais s'il rtstoit Cize-
leur, il s'agissoit de Ie marier : et a son age il
aima encore mieux s'abandonner a son gout opi-
nialrepour la Peintnre, que de s'exposer si jeune
a devenir Ie pere d'une nombreuse familie. Il
fut donc pkicé chez v.n Peintre appellé W^ielingj
i! ne put rester que deux ans chezceMaïtre qui,
nommé Peir.tre de 1'Eleöeur de Rrandebourg,
partit pour se rendre en cette Cour. Deux au-
tres années que Terwesten passa dins l'Ecole de
Gu/llaitmc Doudyns, acheverent de Ie mettre
en état de travailler de lui-méme, et de voya-
ger: il travcrca 1'Allemagne et fut a Rome; il
y rtud'm Irois années avec la plus grande ap-
pücation. II passa dela a Venise,oü il séjourna
quelques ir.ois, avec la même attention et Ie
même fruit.
Très-peu content de cc qu'il avoit fait, et par
ce qu'il avoit vu. i! qnitta l'Italie 3 visita la
Francs et 1'Angleterre, el aprèssix années d'ab-
eence il retourna chez lui en 1678.
Tres-
-ocr page 260-
Flamands } Allemands et Hollandois. %^i
Tres capable de traiter 1'Histoire, il fut em- 1649.
ployéa peindrc d^s plafonds, des galeries et des v—«
appartement^; entr'autres on cite Ie beau sal'on
de vi. Baarthout van SHngelandt, a Dort: il
Ie rempüt de Ti'bleaux, dont Iessujots sontti-
rcs d'Ovide, et oü 1'Auteur a fait briller soa
génie abondant, et 1'exécution la plus facüe.
Uniquement ocenpé de son Art et des moyens
qm conduisent a la perfeöion, il eut a craindre,
un moment, la chtite prochaine de rAcadémie
de Peinture a la Haye; mais ses soins et son
arcleur, qn'il inspira pour Ie maintien de eet
établissement, lui rendirent sa premiere activité.
Tcnvesten étoit trop citoyen pour ne pas sen-
tir 1'émulation qui en résultoit pour les Eleves,
et irop instruit pour n? pas comprendre que
dans !a feience pénible d'imiter et de représen-
ter la nature, il y a continuellement a appren-
dre pour les plus habiles.
L'Eledeur de Brandebourg, depuis Roi de
Prnsse, demanda Tenvesten, et 1'honora de Ia
qualité de son Peintre : c'étoit en 169O. La
grande faciüté de peindre de eet Artiste plut tel-
lement a ce Prince et au premier Ministre Dan-
lelman,
qu'il re^ut de 1'un et de 1'autre, chaque
jour, de nouvelles marques de bienveillance.
Nous avons f.iit voir dans la viede/F"er;i(?r, que
ce dernier avoit óté nommé Diredteur perpétuel
tii 1'Académie , a la sollicitation de Tenves-
ten
, mais que Ie caradere inquiet de PVerner
lui avoit attiré des desagréments de la part des
Artistes, et avoit déplii au Roi et a son Minis-
tre K.olb de Wartenberg. Les vues d'une ambi-
tion déplacée firent écrouler nne fortiine que
Q 4 Werner
-ocr page 261-
148                 La Vic eJes Veintrei
164"•■■ fVerner ponvoit rendre stahle, s'il avoit eu
^biiiw moins de piétentions. Quoi q'i'il en soit, la gloire
d'é!evei et d'< tablir line Académie a 1'instar de
ceile de Peinture de Pans, int reservée a Ter-
vestev ;
;! ent les ordres d'en faire les de.vseins,
et de b tir les appartements convenables a eet
obj t : en voici la description.
Le premier appartement ervoit a faire copier
Ie des^ein aux commer^ants.
Le deuxieme ctoit destiné a dessiner d'après
la ronde bos^e.
Dans le troisieme, les Professeurs et les au-
trei Officiers s'a s^mb'oïent.
Le qnatrieme ctoit 1'Ecoie de l'Arcbi£lnre
civile et militaire, de la Geometrie et de la
Ferspt£tive.
D \:\^ le cinqnieme on enseigroit d'nprès le
irodcle vivani, et on monrroit le beau cnoix et
le jeu des piU des drnper ies : et un Professeur
particulier y donnoit des lecons d'Anatonue.
Le sixicme ctoit ]|n sa'lon très-spacieux de
forme ov;le, entouré de figu-esde platre posées
snr des piedi rnonvants, facties a tourner et a
tranrport^r pour a commodité des Eleves. Cette
colkétion, KOülée sur l'antique, avoit cté en-
voycg de Rome par E/in Tenre^ten, sonfrere,
bon PtintreHii-même, qni eloit in Italië, etqni
avoit d. hete pour 1 F.'efteur de Brandebourg le
beau (kabinet de Sculptiue de Pierre Bellori.
Cetédifico Hchtvé et tont mis cnordre danscha-
queSa le, le Prince bonora ce nouvel établisse-
ment de sa présence. [1 s'y i endit avec les princi-
paux de .«a Cour, le visita et en fut satisfait: il
nomma son premier Ministre, M. Danke.'man
Direöeur,
-ocr page 262-
Flamands, Allemandt et Hollandois. a4o
DireOeur, et Terwesien premier Professeur en 1649.
chef. On ne restoit qti'un certdn temps en cette •%—
place; ma's Terwesten qui s éloit concilie la fa-
veur des Grands, et l'amitié deses égaux, y fut
nommé trois fois pendant sa vie. Sa grande as-
siduité et son application, userent ses forces,
et avoncerent sa mort. Il décéda Ie 2r Janvier
171 r, singulierement regretté. C'est Ie prix du
talent el du mérite personnel. Ce Peintre avoit
iinbeau génie, et peut être égalé aux meilleurs
de fon temps pour FFJistoire; son dessein est
correft, et sa couleur naturelle. On ne peut être
plus facile qu'il Ie fut dans l'exécution; voici
un trait de sa promptitude de travail.
Houbraken accompagné de de Gelder Pein-
tre , et d'Henry Noteman Sculpteur, visiterent
un jour Tenvesten, dans Ie temps qu'il peignoit
Ie sallon de M. Baarthout van Slingelandt.
Après avoirvu sps Ouvragec, i!s voulurent 1'en»
gager a venir avec eux a ia promenade: il s'en
exensa sur ce qn'il avoit encore queique chose
a faire, et les pria de Ie prendre une heure après.
lis revinrent au temps marqué; mais qu'elle fut
leur surprise de voir entiérement ébauché un
grand Tableau, avec trois 011 quatre fl^ures,
dont 1'esquisse n'étoit encore qu'ii la craie, lors-
qu'ils 1'avoient quilté. Ce Peintre avoit un esprit
d'ordre qui suffisoit a tout: on Ie remarque dans
la réparfition qu'il avoit faite des Classes de
1'Académie, et dans !e choix de chacun de Jeurs
différents Profes^curs.
Mais ce qui fait I'éloge de sa modestie, et
de ia douceur de son caraciere, c'est que, mal-
gré la supériorité de sa place sur eux, il ne
leur
-ocr page 263-
. . La.Vie des Peinlres, etc.
' s, leur donna jamais aucun sujet de s'en apperco-
vo\v. II ne se distinguöit que par 1'assiduité et
Je zele d\in Professetir incapab'.e de manquer a
ses devoirs.
La pkpart des Ouvrages de ce Peintre sont
en Aliemagne, et homs avons indiqué plus haut
et dans un assez grand détail, les lieux les plus
connus oü 1'on les trouve.
JÉAN
-ocr page 264-
J E A N
VOLLEVEN S,
É L E V E
DE JEAN DE B A E N.
O L LEVENS, naquit a Ger- —
truidenberg
en 1649, et non Pas
en 1650, comme Ie mirque Hou- ^^
braken. Le premier Muitre de
Vol levens e ft Ntco/as Maas.
JeandeBeten
ent Ihonneurde le
former et de le rendre digne de !e remplacer. La
vogue du Maitre fit la fortune et la gloire de I'E-
leve : quelques copies qui réiuTirent, le mirent
en
-ocr page 265-
2 Sa                La Via des Peintres
IÓ40. er* efnt ^e peindre les habillements et les fonds
des Portraits de Baen. Jamais Maitre n'a re^'u
autant desecours de fon Eleve que celuici. Il
dotibloit p e-que Ie profit que pouvoit faire de
Enen
qui n'ctoit p;is fi labotieutque fon Eleve.
On vit enfin Voüev.ns presque égal a da
Baen.
avanl de quitterson Ecole.
F.n 1672, après avoir travaillé pros de hnit
annces chez </e Boen, il quitta ce M ilre pour
effr>yer de mériter nos é'oges par les bons Por-
traits qu'il a faits depuis. Le Prince de Cour-
lande fut uu des premiers qni cmploya fon pin-
ccau; tous les principaux Officiers de son Ré-
fÏTient fe fii enr aufTi peindro : fes fuccès lui
procurerent le.sPortraits du Gomte et de la Com-
teffe deNaffan; les Officiers de fon Regiment
fe firent peindre, ainfi que tous ceux du Két»ï-
nnent du Colonel Perzival, et du Génér.il de
Lanuoy. Volievens auroit peint une armee ea-
tiere. II. fit tous ces Portraits depuis 167J jus-
qu'en f685. En 16Ö6, 1 Envoyé d'Anglet<rre,
M. Schellen, fa femme et fes deux fl s fe firent
peindre en pied de grandeur de nature. Le Prin-
ce de Naffau, Sratouder des PiovincesdeViief-
landt et de Groeningue, out auffi fon Porrra't
en pied. On regrette encore ce'111 de Safomon
Parera,
qui étoit repréftnté a cheval et fon
Secrétaire qui lui remet urn1 Lettre, l^e beau
Tableau fut ród lit en eendre, aiuli que la belle
Maifon de ce Seigneur.
Nous ;ib.égeons beaucoup la lifle des Por-
traits qn'il fit a'ors, tant des principaux de la
Hollande que d.s Etrangers, qui ont porté fa
reputation dans 1'Europe, et qui ont auffi con-
tiibué
-ocr page 266-
Flamands, Allumands et Hollandois. 2 53
tribué a une fortune honnête, bien méritée par
fon affiduitéau travail, et fa bonne conduite. Il
avoit (;poufé Madcmoifelie Gezcl/e, iffued'une
ancienne familie bourgeoife , avec laquelle il
ent doux fils : 1'ainé, cncore vivant, appr^che
de pres du mérite de fon pere.
V~oliei>eiis eft mort a la Have en J7I0, agé
de 79 ans, aprèsavoir été tourmemé de l;i gra-
velie et de la pierre pendant bien des années.
CePeintre avoit 1'artdebien faire refleiï.bler;
fa grande faciiité a bien aidé a laiffer a fes On-
vrages une fraichenr qui en fait un mérite: fa
couleur elt naturelle, il favoit difpofer fes figu-
res avec avar.t:ige, et tous fes Ouvrages inJi-
q'ient, par les effcts qu'il avoit éiudiés dans les
grands Maitres,le principe de l'hannonie.
REINIER BRARENBÜRG,
ÉLEFE DE HOMMERS.
BTIakenburg a peint fes fujers comme
Bruinier, qui reffembloient parfjitemenr a
Ion caraöere, et.'i fa maniere de, vivre.Il naquit
dnns la Ville d'Haerlem en 1649; il eut pouc
Maïtre Mommevs bon Payfagifte. Houbrakcn
croit, après d'aurres , qu'il avoit auffi étudié
chez Bernard Schendél. Il eft conftant que sa
maniere ne tient d'aucun de ces deux Artiftes.
11 paroit qiril a eu en vtie les Ouvrages d'Os-
tade.
Il a même réuffi a faire des imitarions da
la maniere de ce dernier, qui onl mérité 1'efti-
me
-ocr page 267-
9.54                La Vie des Peinlres
iO-,y. me générale. Brakenburg avoitl'efprit enjoué;
il e ft compté partni les Poëtes de fon pays; il
étoit accablé d'Ouvrages qu'il vendit ener; il
gagna plus qu'aucün Peintre de fon temps; il
iainioit tous les plaifirs qui arïe&oicnt fes fens.
Nous i'avons peu d'évenements de fa vie : il y
a même lieu de croire, a voir fes Ouvrages,
que nous y perdons très-peii. Il a vécu dans la
Province de Frife, oü il cft mort, fans favoir
en quelle année.
Reuxier Brakenburg a exa£tement peint les
modes de fon temps. Ses Tableaux repréfen-
tent (les affemblées, tantöt de Payfans, rct plus
fouvent de families aisées. L'amour étoit tou-
jours de la parlie, et Ie vin; mais rarement
s'ett-il donné la peine de voiler ces plaifirs au-
tant qu'il convient a qiielqu'un dont les Ou-
vniges paffent dans Ie Public et a la poftérité.
Ses compofitions font ingénieufes, bien variées,
excepté les Adeurs qui paroiffent toujours les
mêmes. Ses grouppes, quoique nombreux, font
bien lies. U intéreffe les Artiftes a 1'examen de
fes Tableaux. S'il repréfentoit des appartements,
des campagne?, les détails y étoient, felon les
circonfbnces, et auffi étudiés que les figures.
Tont cft peint d'après la nature. Sa couleur eft
vigoureufe et naturelle, fon pinceuu flou, et fa
toucHe vive et pleine d'efprit. Il y auroit quel-
quefois a defirer un meilleur gout de deffeir.
Les Tableaux de fon dernier temps font fou-
vent ncgiigés. fur-tout les mains qu'il ne faifoit
que de pratique. Ce Peintre, bien au deffous
de Mie/is, aura cependant toujours une place
très-honorable dans la Peinture : voici quelques
Tableaux
-ocr page 268-
Flamands, Allemands et Hollandois. 2 55
Tableaux de lui, qui commencent a étre con- 1640.
nus en France.
                                                          ~^mm
On voit a Paris, dans Ie Cabinet de M. Ie
Comte de Vence, un Tableau repréfentant un
Savoyard qui montre la curiofké. On y décou-
vre une foule de monde de tous les ages : la
fcène eft dans la rue.
A Kouen, chez M. Haillet de Couronne,
Lieutcnant-Général-Criminel, deux petils Ta-
bleaux : 1'un repréfcnte une affe/nblée des deux
fexes, avec des fables de jeux; une Dame qui
entre dans lemême appartement. L'autre eft un
homme affis pres d'une jeune femme qu'il careffe
de pres : quelcjues figures dans Ie fond. Chez
M. Brochand, Auditeur de la Chambre des
Cornptes de Paris, deux Tableaux confidéra-
bles; 1'un repréfente une débauche entiere; Ie
vin a fait une vive impreffion fur toute 1'affem-
blée; la pudeur y fait place a la liberté : l'au-
tre eft a pen pres demême; les inftruments y
excitentles p'aifirs déja trop libres. Ce font les
plus abondants en figures que nous connoif-
fons de ce Maitre. Deux autres dans Ie même
genre , chez M. Horutner Ie jeune , Négo-
ciant.
A Ia Haye, chez M. van Jléteren, une aiTem-
blée de Payfans dans une cuiiine; un autre Ta-
bleau repréfenle 1 Enfant Prodigue gardant les
cochon<; ; Ie fond eft un Payfage. Chez M. H.
VerM huuring,
un Tableau repréfentant un Pein-
tre devant (on chevalet; pres de lui font des en-
fants. Dans ia même chambre eft une nouvelle
accouchée.
Chez M. Brctamkamp, a Amsterdam, une
Kermefle
-ocr page 269-
La Vie des Peintres, etc*
011 Fête de Village, avec beaucoup de
figures, &c.
Chez M. van Schorelde TVilryck, a Anvers,
deux Tableaux : ce font des converfations.
Et a Bruges, chez M. ds TV'aepenaert, Eche-
vin au Franc, deux jolis Tableaux très-fins.
JEAN
-ocr page 270-
-ocr page 271-
-ocr page 272-
__ ._.
JE A N
VERKOLIE.
E R K O L I E est a juste titre
!au nombre des grands Artistes
de la Ville d'AmsterdHm : il
naquit Ie 9 Février 16>O. Son
pere étoit Serrurier; et sansun
accident qui lui arriva dans sa
jeunesse, celui dont nous donnons 1'Histoire
auroit été élevé dans Ie Métier pénible de son
pere : agé de dix ans il fut piqué d'une aiguille
au talon; la douleiir médiocre qu'il en ressentit
lui fit négüger cette blessure légere en apparen-
ce, maisqui devinttrois mois après si st^rieuse,
qu'il pensa en perdre la iambe et la vie : H resta
Tome III.                             R pres
-ocr page 273-
2Ö0               La Vie des Peintres
pres de trois ans au lit. C'est dans ce temps d'en-
nui que Ton lui procura tout ce qui pouvoit
1'amuser, il n'y eut que les images qu'il copia;
et enfin, on lui donna des Estampes. Il retrouva
sa santé, et en même-temps il découvrit qu'il
étoit né Peintre.
11 ne se contenta plus de copier les Estampes,
il apprit seul, par Ie secoars des Livres, la pers-
pecYive en moins d'un mois. Ce fut alors qu'il
essaya de peindre a J'huile, sans Maitre, com-
me il avoit commencé Ie dessein. Il se proposa
pour modeles les Ouvrages de Guerard van
Zeyl,
connu sous Ie nom de Guerard. 11 épia
de si pres la marche de ce Peintre, que ses co-
piesont trompé quelques Amateurs. JNotre jeune
Eleve sentit qu'il perdoit du temps, en voulant
apprendre de lui-même des choses qu'un Maitre
peut montrer en peu de lec,ons , sur-tout en
ce qui n'est que de pratique. Il alla donc trou-
ver Jean Lievens, Peintre habile, et en fut
rec,u avec joie. Ce Lievens avoit acheté quel-
ques Tableaux ébauchés de Guerard, restés
après sa mort, et il trouvoit 1'occasion de les
faire finir par Verkulie qui avoit toute sa ma-
niere. Verkolïe fit une épreuve encore plus har-
die de son talent a imiter; i! composa un Ta-
bleau dans Ie gout du Maitre qu'il avoit déja si
heureusement copié. Cette imitation étoit si
bien faite, que Lievens ayant invite des curieux
a Ie venir voir, et élant sort'i un moment pour
affaires, ils dirert entr'eux et en pré<»ence de
P^erko/ie, cotnment sepeut-il que ce Tableau
soit ici} Guerard est mort, et cevtainement
Lievens est incapable dejaire ausii bien.
Cet
aveu
-ocr page 274-
Flamands, Allemands et Hollandois. 261
aveu apprit a Verkolie ce qu'il valoit, et re- \(,t0.
doubla son application. Il quitta Lievens après -
avoir appris de lui en six mois ce qu'il en pou-
voit apprendre.
En 1672 il se maria a Delft, oü il a toujours
demeuré. Il fut heureux, parce qu'il fut sage,
et qu'il ffut profiter d'un grand talent. Quelques
Portraits qu'il eut occasion de faire, lui en pro-
curcrent un si grand nombre, qu'il ne put pres-
que plus rien faire dans Ja maniere qu'il s'étoit
appropriée; inais par sa conduite il se procura
tant d'amis et tant de considération qu'on lui
donna d'une voix unanime Ia Charge d'Admi-
nistrateur des Pauvres.
Dans ses moments de loisir il composa quel-
ques sujets d'HLstoire : on ne les voit qu'avec
étonnement, quand on réfléchit au peu de temps
et de secours qu'il a eu pour apprendre, et com-
bien peu il a eu d'occasions d'étudier les gran-
des parties qui conviennent a un Peintre d His-
toires. On a de lui Ie Tableau de Vénus et Ado-
nis; d'une Pénitente a genoux, éclairée diine
lampe; d'un Berger et une Bergere, et un trom-
pette qui méritent 1'attention des plus connois-
seurs : il les a gravés de sa ma in, en ce qu'on
appelle maniere noire; talent qu'il s'étoit encore
donné de lui-même, et dans lequel il s'est dis-
tingué.
Il est mort très-jeune a Delft en 1693»'a'ssant
une veuve, trois filles et deux garcons. L'aïné
Nicolas sera cité parmi les bons Artistes: les au-
tres Eleves de ce Maitre sont Thomas Pander-
wilt,
Peintre de Portrait, de Delft; JeanVan-
fct,
aussi Peintre de Portrait, deDelfr,
R 3 mort
-ocr page 275-
La Vie des Peintres
1Ó50. mortaLondres; Albert Vanderburg, aussi de
>fir Delft, et Peintre de Portraif, H<nry Stèen-
tvinkel,
Copiste habile, et Guiliaume Vers-
chuuring. Verkolie
avoit une bonne couleur
et un pinceau flou; son dessein, sans finesse, a
pourtant assez de corre&ion; ses compositions
sont ingénieuses, et il aimoit a peindre des as-
semblees, des festins, ou des sujets galants, ainsi
que Guerard qui avoit été son modele. 11 pas-
sera toujours pour un Artiste singulier, qui a
tout vu, tont concu sans Maiire. Ses Tableaux
très-estime's se trouvent dans les Cabinet d'Hol-
lande et d'Allemagne.
JAGQUES KONING,
É L E V E
D'ADRIEN FANDEN VELDE.
KOning étoit Eleve d'^drien Vanden Vel-
de :
il a lon<ï-temps peint dans la maniere de
son Maitre; il faisoit Ie Paysage avec beaucoup
devérité,et des figurines et des animaux tou-
ches avec esprit.
Les succós dans ee genre Ie eondnisirent a
essay er de composer VHistoiie: il y réussit assez
bien, pour que sesOuvr.igesfuisent transportés
dans différent^ Pay . ï ,e R01 de Danemarck Vut-
tira a sa Cour : on ne fcait s'il y est mort. Nous
ne connoissons point ses Ouvrages, rien de plus
obscur; mais sur leur réputation, nous pouvons
assurer qu'ils ont mérité 1'estime des Connois-
seurs et des Artistes de son pays.
-ocr page 276-
Flamands, Allernands et Hollandois. a63
]N. DROOGSLOOT.
D ^OOGSLOOT est, selon les uns; né a 16 ?o.
Gorkum, et .«.elon d'autres, a Dort. On
lcait trop peu de détail de la vie de ce Pein-
tre, pour s'arrêter a déterminer ex;>&ement Ie
lieu de sa naissance. Nous connoissons assez ses
Ouvrages pour en dire notre xentiment; la plu-
part rtprésentent des vues de HoJlande, des
fêtes ou kermesses de Village, ou Ie local est
très-exaft : on 5- reconnoit les différents endroits
qu'il a représentés. Il a rendu ses Tableanx amu-
sants dans ces Foires, par une multitude de Mar-
chands et de spe&tateurs. Ses Tableaux sont as-
sez bien entendus pour la couleur; tnais un peu
de sécheresse dans ses figures en diminue Ie
prix. On ne ficait oü il est mort, ni en quelle
année.
M. Brochant, Auditeur de la Chambre des
Comptes de Paris, possede a Rouon, deux Ta-
bleaux de ce Maïtre : 1'un représente une fête
de Viilage; et 1'autre un Village pillé par des
Soldats.
R 3 JEAN
-ocr page 277-
264              lia Vle dos Peintres
JEAN VANDER BENT,
ÊLEVE DE WOTJWERMANS.
VAnder Bent naquit a Amsterdam : on
croit que ce fut en 1650. II mourut a 40
ans. Il eut pour Maitre Pierre Wouivcrmans ,
et depuis Vanden Velde, c'étoit Ie moyen d'être
un grand Peintre. Nous ne connoissons point ses
Ouvrv-ges, mais les Auteurs assurent qu'il com-
posoit dans leur même maniere, et qu'il avoit la
touche et la couleur de ces deux Maitres. Les
nommer tous deux, c'est faire son éloge.
Bent menoit une vie retirée; il ne se maria
point; il demeura chez un Hóte qui, dit-on,
lui vola 4000 florins; c'étoit Ie fruit de son
travaii. Cette perte qu'il auroit pu réparer par
ses talents, lui fut si sensible qu'il en mourut de
douleur en 1690, regretté de tous ceux qui
1'avoient connu.
MATHIEÜ WYTMAN,
ÊLEVE DE BYLAERT.
WYtman né en 1650, dans la Ville de
Gorkum, eut pour premier Maitre Henry
V~erschuuring,
et continua ses études sous Jean
Bylaert
qu'il alla trouver a Utrecht. Co dernier
Maitre fut surpris des progrès de son Eleve
en différents genres. FVyiman, ayant remar-
qué
-ocr page 278-
Flamands, Allemands et Hollandois. a65
qué que ceux-mêmes qui ne faisoient que bien i6?o.
copier Ks Ouvrage.s du cè\èbreNetscher. étoient •
sürs d'une assez grande fortune, s'y appliqua
et y réussit.
11 fit mitux, il composa dans la memo manie-
re; il fcnt en belür ses Tab'eaux par les fonds
agi éables de Paysages riants, qu'il finissoit
beaucoup, et avec urie couleur naturelle. Il se
mit a la fin a peindre des fleurs et des fruits : il
y a apparencc qu'il auroit surpassé ceux qui
avoient travaillé en ce genre , si la mort ne 1'a-
voit enlevé encore fort jeune en 1689. Ses Ou-
vrages, sans avoir Ie mérite de ceux des pre-
miers Maitres, ne font pas indignes des plus
beaux Cabinets, et lui ont mérité une place
parmi nos bons Arti>tes.
MARIENHOF.
M\rie\'HOF naquit a Gorkum en 1650 : on
:<e fcait quel fut son Maitre. Son talent
étoit de copier les Oiivrages de Rubens jusqu'a
tromper; et quoiqu'il y eut un mérite non mé-
diocre a imiter si parfaitement, qu'il n'eutgue-
res d'égaux, il ne seroit point mention de lui
dans eet Ouvrage, s'il n'avoit composé dans la
suite, en petit, entierement dans Ie gout du mê-
me Maitre. Je ne parle jamais de ceux qui n'ont
rien fait d'eux-mêmes, ils sont rares. Un Ar-
tiste, qui a pris Rubens pour son modele, qui
a saisi sa maniere, qui a deviné sa couleur, n'est
pas assurément indigne de trouver sa place par-
mi les Peintres.
R 4 II
-ocr page 279-
La Fie des Peintres
1650, U quitta Urrecht oü il demeuroit, et fut a
"muküv Bruxeües oü il s'est marie, et y mourut jeune,
sans qu'on fc. iche en quelle année.
PIERRE REÜVEN,
É L E V E
DE JJCQUES JORDAENS.
REuven se!on Hou braken, Ruyven sni-
vant TFeyerman, naquit en 1(050 : il ótoit
encore Peintre médiocre, lorsque Jacques Jor-
daens
se chargea de lui montrer les secrets de
son Art. Ii acquit une facilité presqu'incroya-
ble a composer et a peindre; les sujets d'His-
foire qu'i! a très-bien traites, lui ont mérité un
grand nom. La Maison Royale de Loo est em-
beiliede plusieurs beaux plafonds, et plusieurs
sallons de ce Paiais sont ornés de ses Tableaux.
Dans la maison de 1'Amateur, M. de la Court
Vandervoort
, a Leyden, il se voit un plafond
de Rcuvcn, composé avec feu, et d'une belle
fagon de faire.
On donne do grands éloges aux ares de triom-
phe qu'il composa, et qu'i! exécuta a la Haye,
lors de 1'entrée de Guillaume Iü Roi d'An-
gleterre. On marque la mort de eet Artiste en
1718.
Il avoit un génie très-fertile, ses compositions
variées et abondanfes. Tout ce qu'il a laissé an-
nonce 1'excellence de son coloris, et la liberté
de son pinceau,
JEAN
-ocr page 280-
Flamands, Allemands et Hollandois. 267
JEAN VANDER MÉÉR,
JE ne fcai pourquoi Ips Artistes d'Utrecht"
mettent au nombre de leurs Compatriotes,
Jean Vander Méér, quoique né a Schoonho-
ven, oü il a presque toujours demeuré. Cette
adoption eft honorable ponr lui de la part d'une
Ville célébre par tant dilluftres Artistes.
On ne nomme point son Maftre; on fgait
qu'il partit fort jeune pour 1'Italie, accompagné
de Lieven Verschuur. Vander Méér arrivé
a Rome, employa fon temps a 1'étude , sans
être diftrait par les inquiétudes que cuufent les
befoins et 1'indigence. Son grand pere payoit
fa penfion et Ie co^bloit de bienfaits. L'abon-
dance oü il vivoit ne fervit qu'a faire éclater
la bonté de fon coeur et la génerosité de son
ame. Il employoit utilement fon argent, foit
a vivre dans la bonne compagnie, fans perdre
Ie temps précieux qu'il devoif a fon Art, foit
a fecourir ceux de fes Confrères que la fortune
avoit traites inoins favorablement : auffi mé-
rita-t-il 1'eftime des Italiens, et 1'amitié de fes
Patriotes.
U qnitta Rome pour fa patrie,oü il eut Is
bonheur d'époufer une jeune veuve fort riche,
qui Ie rendit Maitre d'une Manufa&ure de blanc
de plomb fort accréditée.
Le changement d'état et d'occupation lui fit
quelque-temps négliger fon Art, pour fe livrer
aux agréments et a la diffipation d'une mai-
fon de campagne, Son bonhenr fut de courte
durée,
-ocr page 281-
a68               La Vie des Peintres
1650. durée, il perdit d'abord une femme qn'il ché-
-^m—r riffoit. Le fléau de la guerre en 1672IC mina; fa
riche Manufaöore fut détmire; fa maifon fut
pillée et brü ée. 11 < toit bien plus heureux avec
un médiocre bien, puisqu'il avoit joui de la con-
fidération des honnetes gens, et de la gloire de
fon pincean. Voyez la Vie de He Heem, tome
fecond, oü j'ai pané plus amplement des mal-
heurs de VavHt r Meer.
BERNAEKT
VAN KAL RAAT,
ÊLEFE D'J,LBERT KVYP.
LA Ville de Dort reclame parmi ses grands
Artistes Bernaert vanKalraat; il y naquit
le 28 Aoüt 1650. Son premier Maïtre pour le
Deffein fut fon frere ^ttbraham van Knlraat,
et pour la Peinture sllbeu Kmp, dont nous
avons parlé. 11 fuivit d'abord les Ou\ rages de
celui'Ci; mais fentant qinl eft dangerenx d'imi-
ter la maniere des autres pjr la ditficiiité de ies
furpaffer , et même de les egaler, et qu'il vaut
mieux fe faire un genre i\ foi, en puifant dans
le riche fond de la nature, ce qui peut convenir
a notre génie, et échauffer notre imagination.
Il fe forma a notre gout. H. Za ft-Leven avoit
peint quelques vues du Rhin , Kalraat les
avoit admirées : il étoit fur le lieu. Ses pro-
menades journalieres fur les bords de ce grand
fleuve 1'exciterent; il en exécuta quelque Pay-
iage*
-ocr page 282-
Flamands, Allemands et Hollandois. 269
fages d'un beau fini, et ornésde figures et d'ani-
rnaux. Ces morceaux eurent Ie plus grand fuc-
ces, et lui ont fait un nom. Ses Ouvrages, quoi-
qu'inferieurs a ceux de Zaft-Léven, méritent
cependant des louanges, et pour la verité de fa
touche, et pour la bonté de fa couleur. lis font
plus connus en Hollande qu'enFrance.
ROCH VAN VEEN.
VA N Veen étoit fils (TOttoveniusj d'au-
tres pretendent qu'il étoit son neveu. Il
quitta la Peinture a 1'huile pour peindre a
gouaffe.
On ne fcait pas trop pourquoi cette préfé-
rence, car cette premiere facon de rendre les
objets eft bien fupérieure pour la force a la
derniere. Il eut deux fils, dont il éleva 1'ainé
dans fon même talent. lis eurent, entr'autres
mérites , celui qui fait Ie bonheur personnel,
de vivre unis, fans ambition, et prefque fans
voir perfonne. On gagne toujours a cette con-
duite, d'exciter moins la jaloufie. Enfin , ils
produifirent dans Ie public leurs Ouvrages; ils
repréfentoient des oifeaux vivants dans Ie gout
de p. Holsteyn, mais bien plus finis. Leurs
Tableaux 1'emportent de tous points fur ceux
de ce Peintre. Les cuneux rechercherent a 1'en-
vie leurs Ouvrages, qui depuis et apres la mort
du dernier des van Veen, furent vendus fort
cher a Harlem en 1706. On y vit un grand
concours d'enchérifleurs pour les Cours étran-
geres.
Les
-ocr page 283-
La Vie des Peintres
1650. Les oifeaux vivants out été imités avec un
>—r- art infini par les van P^éen. Le beau fini fans fé-
chereffe, 1'éclat des couleurs,unelt;géreté dans
la touche qui imite celle des plumes mêmes,
feront toujours rechercher leurs Ouvrages.
ABRAHAM DE HEUSCH,
(ou Hens)
\ÈLEVE DE CHRESTIEN STRIEP.
Houbraken nomm^ ce Peintre Heusch, &
IVeyerman le norome ,rrc><s, nous avons vu
des Ouvrages de ce Maitre : 1 ec Ie nom écrit de
la premiere maniere, etc'eft, ce mekmble; une
raifon décifive pour 1'adopter.
Hcusch naqnit a Utrech;, il apprit la Pein-
ture chez Chrestien S/riep. 11 mériie de grands
éloges pour la pntience et la vénté avec lef-
quelles il repréfente toutes fortes do plant es et
d'infröes, dont il y en a de dégoutants dans
1'original, mais qui ceffent de 1'ètre clans leur
copie, qui fait plus fonger au mérite de Timita-
tion qu'a la laideur de 1'objet imité.
Ce talent fupérieur ue put le fixer, Devenu
veuf, il s'embarqua en rjualité de Lieutenant
fur un Brulot: il devint Gapitaine. Un fecond
mariage le ramena a fon talent et a fou état de
tranquillité; il fe retina a Leerdam, oü il vécut
de fon bien : il y eft mort Bourguemeftre. Ses
Ouvrages lui ont mérité une place diftinguée
parmi les Artiftes;on en rencontre cependant
moins
-ocr page 284-
Flamands, Allemands et Hollandois. 271
moins d;ms les Cabinets des curieux délicats,
que ceux de Mieris et des Berchem, &c.
En ces années vivoient plufieurs Artiftes dont
les Tableaux font connns et font leur éloge, de
la vie et des Onvrages desquels il n'eft point
parlé dans l'hiftoire. Je citerai du moins Ie nom
d'un feu!, et Ie genre dans lequel il a iravaillé.
C'eft Cornille Vander Meulert, Elevede Sa-
muelvan Hoogslraaten :
il a trèsbien peint Ie
Portrait.
JEAN STARRENBERG,
ET JACQ
V
ÜES DE WOLF.
NOus ne séparerons point deux Artistes,'
Starrenberg & Wolf, que 1'amitié avoit
«nis. On ne voit de raifons de leur liaifon, qne
d'être nés dans la même Vilie, et d'unefortune
femblable ou médiocre, et d'avoirfuivi la même
proftffion;car i! n'y eut jamais de caraöeres plus
opposés. Autant Starrenberg étoit vif, hardi,
gai, conteur agréable, autant Wolf étoit lent,
timide, taciturne et mifanlhrope atrabilaire.
Siarrenbergpe'ignoït en grand et avoit une belle
maniere: mais fes Ouvrages n'étant que heur-
tés, ne pouvoient plaire fur Ie chevalet, et ne
faifoient leur effet que dans des plafonds et a
une certaine diftance. [I avoit tous les talents
néceffaires pour ce genre d'Ouvrages, de !a vi-
vacilé et de la grandeur dans fes compofitions,
unefacilité etune promptitudedans fon travail,
qui Ie rendoit lucratif en pen de temps.
Wolf
-ocr page 285-
2 7*          &a Vie des Peintres, etc.
1650. Wolf peignoit bien aufli 1'Hiftoire, il étoit
^■—y tres - inÜtruit. et les Ouvrages en font foi; mais
toujours retiré, fauvage et mécontent, ni 1'Au-
teur, ni fes Ouvragp.s ne furent affez connus de
fon vivant. Tous deux étoient de Groningue,
tous deux y vécurent, et on croit que tous deux
y mournrent; mais leur vie et leur mort furent
aufli différentes que 1'avoient été leurs humeurs.
Starrenberg y paffa des jours heureux, et les
finit vraifemblablement au grand regret de ceux
dont il avoit mérité de fe faire aimer. Wolfmé-
prifant la fociété, et par conféquent méprifé
des hommes, déteftant leur injtiftice , parce
qu'il leur donnoit ufi tort qu'il avoit lui-même,
de ne pas eftimer affez fes Ouvrages, qu'il leur
cachoit. Wolf, de cette humeur noire, paffa au
défefpoir et a la fureur; il fe laiffa tomber a la
renverfe fur une bayonnette qu'il avoit plantée
dans un coin de fa chambre. On vit fes Ouvra-
ges, on leur applaudit, et on Ie regrette; mais on
leplaignit encore plus. Y-a-t-il une plus grande
folie que de ne pas employer fon talent a faire
fon bonheur?
JOANNE
-ocr page 286-
\F.wcn del■
JOANNE
KOERTEN BLOCK.
OANNE KOERTEN BLOCK
eft regardée parmi les Hollandois
comme une des femmes les plus
célébres de cette nation : il en
eft peu fur qui on ait tant écrit.
Cette femme illuftre naquit a
Amfterdam Ie 17 Novembre ifiyo. On entre vit
dès fa tendre jeuneffe ce qu'elle feroit dans fon
age mür. Elle apprit rapidement la Mufique,
a broder en foie et en fil; elle formoit les let-
tres de Técriture comme les Maitres ; elle mo-
dela en eire, et moula des figures et des fruits
qu'elle coula enfuite, et qu'elle fcut colorier.
Elle
-ocr page 287-
3^4              La fie des Peinlres
j6;o. Ellegravoitavec Ie diarrvmt fur lecryftal et fur
^■mp'e verre, avecune déhcalefle furprenante. Elle
ne regardoit tous ces talentsde la jeiinefle que
comme des amufements d'enfants : enfin, elle fe
mit a peinJre a gonafle, mais d'une maniere
nouvelle. Elle copia des Tableaux avec de la
foie et des couleurs qn'elle fcut mêler ü artifle-
ment, que 1'on ne les diftinguoit que très-difE-
cilement. Elle pouffa fi loin cette facon d'imiter,
qu'il y a apparence que fi elle s'y étoit unique-
mentoccupée, elle auroit égalé les grands Mai-
tres, tant elle avoit de difpofition, de courage
et de bon efprit; mais elle abandonna ce talent
fort fingulier, pour en fuivre un encore plus
extraordinaire, et qui lui a cependant mérité
une place affez dilHnguée parmi les grands Ar-
riftes do fa Nation.
On eft faifi d'étonnement, en voyant fes dé-
coupures; tont co que Ie Graveur exprimeavec
Ie burin, elle 1'a rendu avec fes cifeaux : elle
exécutoit des Payfages, des marines, des ani-
rnaux et des flcurs : elle furprir d'avantage,
lorsqu'elle fit des Portraits d'une reffemblance
parfaite. Cette nouvelle facon d'exprimer et
d'imiter les objets fur du p3pier blanc. fit beau-
coup de bruit, et excita même la curiofité de
toutes les Cours de 1'Europe. Lps Artirtes ne
purent affez admirer ce nouveau genre , et cette
furprife paffa dans Tefprit de tout Ie monde.
On n'arrivoit pas a Amfterdam fans vifiter
Mademoiselie Koerten IMock, et fes Ouvrages.
Le Czar Pierre Ie Grand, et plufieurs autres
perfonnes du premier rang, lui firent le même
honneur. L'Eledeur Palatin lui offrit mille flo-
rins
-ocr page 288-
Flamands, Allemands et Hollandois. 2^5
rins pour trois petites découpures, fans pouvoir
les obtetiir. 1,'Impératrice lui comniiinda in
trophée avec les ar mes de I EmpereurLéopold I,
on y voit des couronnes foutenues par des ai-
gles, et autoiir des guirlandes de fl-urs et des
ornements rclatifs au fujet. Ëlle recut pour ré-
compenfe de ce morcea'i qmtre mille fLrins.
El'e fït plus. e!'e déeou>a Ie Portrait de rk'rn-
pereur: il ('e voit encore dtins Ie Cabinet de Sa
Majefte Imperiale, a Vienne.
La Reine Marie d'Angieterre, enfin tous les
Princes et toutes les Princefl -s voukirent orner
leurs Cabinets de fes Ouvrages. Elie fit beau-
coup de Portrait^; ils font c trop grand nom-
bre pour les nommer ici. On foumiroit un pe-
tit volume des versfairsen Lalin, en Alicmnnd
et en Hollandois a fa lo'iange, ou pour mettre
au dcssons de ses découpures. Si céiébnté luia.
mérité rhonneur foi t fï'ig ilier, que les Prino-s
et les Princefles qui ont été !a voir, ont in'crit
leurs nums dans un Regiftre; 11 c'eft Ct- m -me
Regiftre curieux , dans lequel Ai ulas f^er-
knlie
a d^ffiné. a chaque fignature, b' Portrait
de la peilonne illuftre qui y avoit rcrit (on
nom. Cette dépenfe des Portraits fut faire par
sidrien B'orfc, époux de cette femme h bi e tl
a fait encore compofer, en forme de vignet-
tes - des embl'mes qui, dans Ie niême volume,
étoient a la g'oire de cette frmeufe Arrifte:
elle mourut Ie 28 Décembre 1715, ngée de
65 ans.
Comme perfonne n'a, avant elle, ni depuis,
imaginé ni continue ce genre de tinvatl : elle
eft original et uiiique. Ses Ouvrages font d un
Tome III.                                 S gout
-ocr page 289-
aj6               La Vie des Peintres
gout de deffein rrès correft: on ne peut mieux
le.s comparer qu'a la manierede graver dzMel-
lan.
En les collant fur du papier noir, Ie vuide
de ia coupe repréfente (es traits, comme ceux
du burin ou de la plume : ils sont tous net, dé-
cidés, hardis et fans confufion.
La mention que nous faifons de la vie et des
Ouvrages de cette femmo habile, devoit trouver
place dans un Livre qui traite des Artiftes de
1'un et de 1'autre fexe, qui ont repréfente avec
quelque diftinttion, les objets que nous offre la
nature.
GUILLAUME YAN INGEN,
È L E V E
D'ANTOINE DE GREBBER.
INgen le premier, (surnom qui lui fut
donné a Rome,) naquit a Utrecht, selon Hou-
brakenen
1651, et selon Weyermanzn 16JO.
Ii apprit les principes de la Peinture dans sa
Ville, et devintEleve üAntoine Grebbcr,qm
ravan^aassezpourtravailleravecle seul secours
de la nature. Mais étant bien convaincu qu'on
nela peut voir parfuitecnent que dansl'antique,
ilconcjn, comme la plupart des Artiftes Fla-
mands, le dcfir de jouir de ces reftes précieux
dans la Capitale des Arts : peut-être mêrr.e qu'il
entrat dans son dessein quelques vues d'intérêf.
Il se flattoit que le grand nombre de connois-
seurs que Rome rassembloit, étant plus capables
qu'a il-
-ocr page 290-
JFlamands, Allemands et Hoïlandois. 277
qu'ailleurs de juger du mérite de ses Ouvrages ,
seroient aussi p!us en état de les apprécier a leur
valeiir, et de ies acheler plus cher. On ent beau
lui représenter sa jeuntsse, et les difficultés qu'il
faut surmonter pour vivre dans une Ville oü les
Artistes abondent de toutes parts, et que la
quantité des Ouvrages, méme excellpnts, en
diminue Ie prix, rien ne put I'arrêter; Ie gout,
la g'oire, 1'Intérêtréunis ensemble, 1'enleverent
a sa Patrie. Sa conduite lui avoit acquis des
amis respe&ables. Un Evêque, Vicaire Général
des Pays-Bas, étant appelé a Rome, défraya Ie
jeune Ingen, et Je recommanda a Carlo Ma-
ratti,
qui 1'admit dans son Ecole; c'étoit en
1670. Il ne demeura qu'un an sous eet habile
Maitre, qui vanta son Éleve, et qui lui procura
de grands Ouvrages dans plufieurs Eglises de
Rome. Maratti, qui préfidoit a tout, vit avec
plaifir les succes d'un Artisfe aussi jeune. Il lui
conseilla d'aller a Venise : il respeftoit trop les
conseils d'un aufli grand homme pour les négli-
ger; il se disposoit pour partir, lorsqu'il luiar-
riva une aventure désagréable.
Les Artistes Flamands, Allemands et Hollan-
dois, formoient a Rome cette société connue
sous Ie nom de Bent, dont nous avons déja
parlé, Ingen, plus occupé des plaisirs de 1'é-
tudeque de ceux de la table, refusoit toujotirs
d'y entrer; mais étant pret de partir, il con-
sentit a se faire recevoir. Les Confrères en de-
voient faire la cérémonie dans un cabaret: iors-
qu'elle alloit commenccr, ii se vit tout d'un
coup conduit avec eux en prison, sous prétexte
qu'il étoit défendu a tous Etrangers de s'assem-
S 2 bier :
-ocr page 291-
a-j8              La Vie des Peintrei
1650, bler:mais ayant été interrogés, on leur rendit
^—■y la liberté. La société procéda de nouveau a sa
réception. Et comme il fut Ie premier élu depuis
cette aventure, on Ie surnomma, comme nous
1'avons déja dit, Ingen Ie premier.
Il partic pour Venise, les yeux fermés sur
tous les plaifirs qui pouvoient Ie distraire dans
cette Ville : il ne les ouvrit que sur les objets
qui pouvoient Ie perfe&ionner dans son Art. Il
purcourut tous les Ouvrages publics, en s'y
arrêtant autant qu'il falloit pour les éludier. Il
en copia beaucoup sous les yeux de Ie Febvre,
qui a gravé plusieurs Ouvrages de Paul Ve.ro-
ne^e.
De Veniso il alla a Naples oü il travailla
encore assez pour se faire connoitrc. Il ne pensa
plus qu'a retotirner dans sa Patrie : il préféra
Amsterdam a Utrecht. Il fut très-occupé a
peindre 1'Histoire en grand : on loue fort les
talencs de ce Peintre. Pour nous, nous n'en
jugerons point sur un seul Tableau que nous
avons vu , ilade très-belles parties; mais il faut
convenir que Ie dessein en est tel que nous ne
croirions pas qu'a eet égard ce Peintre dut avoir
une place dans cetOuvrage. On nous assure qu'il
est mort a Amsterdam, mais on ne dit pas
1'année.
NICOLAS DE VREE.
ON ne fcait quel est Ia Ville qui a donné
naissance a Nicolas de Vree. Il est impossi-
ble de donner des particularités de la vie d'un
homme qui fiiyoit tout Ie monde, et qui ne
paroissoit
-ocr page 292-
Flamands, Allemands et Hollandois. 279
paroissoit jamais en Public. Jean Lwken vivoit
quelquefois avec lui, parce qiiïls avoient em-
brassé la même opinion, c'est-a-dire, celle de
Jean Bohrn. Ds Vree vit rechercher ses Ta-
bleaux, il parut y être peu sensible, puisqu'il
quitta Amsterdam pour vivre encore plus retiré
a Alkmaer, oü il est mort en 1702.
Ce Peintre peut passer pour un bon Paysa-
giste, et pour bon Peintre de Fleurs. Ses ïa-
bleaux, dans ces deux genres différents, occu-
pent des places dans les cabinets distingués. Son
Paysage est d'une couleur naturelle, et ses
fleurs sont touchées avec légereté^ et d'un co-
lons qui a tant de fraicheur, qu'elles semblent
1 'inspirer et la répandre.
S 3 ABRAHAM
-ocr page 293-
Vuren M.
ABRAHAM
H O N D I U S.
EYERMAN ternit la mé-
moire de eet Artiste par les
Histoires désagréables de son
libertinage et de sa débauche,
dont nous ne salirons point no-
tre Ouvrage. Nous devons ou-
blier les viccs des grands Artistes, du moins après
leur mort, ou nous devons les leur pardonner en
faveur de leun- talents; et fi nous nous permet-
tons quelquefois d'en parier, c'est lorsque nous
pouvons faire remarquer a leursConfrères, com-
bien les vices du cceur, et les mauvaises mceurs
nuisent a leur gloire et a leur fortune.
Tout
-ocr page 294-
La Vie des Peintres, etc.          a8i'
Tout ce que nous {ifavons, c'est qu''HondLus i6*o.
né en 1650, peignoit Ie Paysage supérieure-'
ment bien : il fcut y répandre une vapeur qui
faisoit illusion; aussi a-t-il peint des chasses au
cerf, au vol, au sanglier, et d'autres Animaux
féroces. Il fcavoit orner ses Tableaux de jolies
figures qu'il dessinoit et colorioit fort bien. Il
faisoit aussi des Tableaux éclairés au flambeau,
de la plus grande vérité.
Ce Peintre est mort a Londres, oü il avoit
éte occupé a représenter des incendies, des chas-
ses et des animaux de toures especes. Il avoit
de la nature tout ce qu'elle peut accorder,
c'est-a-dire, des dispositions pour tout ce qu'il
vouloit faire : jamais il n'est médiocre; il est
quelquefois supérieur, et souvent il egale nos
meilleurs Artistes. Ses Tableaux peu connus en
France, ne nous occuperons pas long temps :
nous n'en citerons que deux bien différent1- poiir
Ie genre, mais d'une vériié et d'une variété di-
gnes d'être louées. L'un représene la Ville de
Troye en feu; et 1'autre Ie M irclic aux chiens
d'Amterdam. On y voyoit pres de (rente dif-
férentes especes de chiens bien dessinés et va-
riés avec 'eaucoup de vérité. Ce Tableau a .sur-
pris tous les Arlistes; une jiiatesse d'exprtssion
caradtérisoit en chaqueanimal, si Pon peut par-
Ier ainsi, sa passion dominante poiir tout ce
qu'il vouloit faire.
On voit chez M. van Schorel de Wilryk, a
Anvers, un Tableau de ce Maitre, représentant
les Animaux lorsqu'ils entrent dans Varene.
S 4 FRANCOIS
-ocr page 295-
a8a                La Vie des Peintres
FRANgOIS DANKS,
D1 NKS ''t né a Amsterdam. On sonpc,onne
qu'ii avo t voyagé en haiie, en consitlérant
' ses Ouvrages, et encure pa>ce qu il portoit Ie
nom de Tatue, que lui civoit donné la bande
.Acadéuiique de Kom'. Ce Peintre peigioit bien
1'Histoire, mms en petit : et ^esOuviag.*, ans
être du premier ordre meritent d'êir:- recher-
ches. Il a en du succes ,i peindre Ie Portr^it. Ce
Peintre modtlu.t a^ ez bien pn eire et en terre.
La figure du Temps -i'i'on voit en pierre sur Ie
Hécregrqft a Amster lam, est d'après un mo-
dcle fciit par Danks. Le reste de sa vie nous est
in co 11 mi
ABRAHAM S T O R K.
ABüaham Stohk naquit a Amsterdam.
On ne f^ait qni fut son Miitre: m iis il
esi un des bons P infes de Marine qu'ait pro-
duit la Hol:ande. 11 avoit une bonne couleur,
et un pincenu dont la touche étoit fine et t"ès-
spintueüe 11 touchoit et des-i oit les petites
figures qui fourmillent dan^ ses J.'ableaux, avec
une intelligenpe surprenantej il composoit bien.
On ne peut voir rien de plus agré.tble que
son Tabieau qui représente 1'entrée du Duc de
MalAourougsat 1'yJinsfl.
Ony voit une multi-
tude innombrahle de vaisseauK, de bateaux dé-
corés, et de chaloupes proprement ajustées,
chargécs
-ocr page 296-
Flamands, Allemands et Hollandois. a83
chargees de peuples habilhs seion Lur rang et 1650
leur iit.it. On est surpris du génie qui brille dans
cette compoiition, comme dans t<>us ses Ou-
vrages, qui mérirent la plupaa ime p ace dans
les meüleurs cabineis. Ses ouragins >nr la uur,
efFrayent pirla véiiti1 qui y p-i rolt, etsembient
nou* intéresser par i'iilusion qui .s"y troMV'f.
M. Bisschop a Rotcrdam , possede quatre Ta-
bleaux de Stoik, deux rcprescniant I.i nier dans
son calme avec des Vriis^eaiix : un amre, la mer
agitée, et des Vaisseaiix en danger de périr, 1«
dernier, une vued A nsterdam.
D A V I D G O L Y rs S.
DAvid COLYNS, n;t:f d'Amsterdnm,
■st cité ie 1 | our ses Tableaus en pet<t,
pieins de finesse et d''>prit: il repié^entoit f on -
jours des Sujets de la B.!> e : jamais i neréu-sit
micux qii' quand on '•njet demandoif beauco ip
de fi^ii'-e?. On fait 1 é'oge de celui on Muyse
frappe Ie iocher, lorsrjue les Israëlices recutil-
lent la manne. LesOuvrages de at Artiste nous
sont dUo^i ineonnus que i'année de sa mort.
BERNAEIIT
-ocr page 297-
Peintres
BERNAERT GAAL,
ET ISAAG KOENE.
Ig-0> p AAL, natif d'Harlem, et Eleve de Wou-
<^m»- yjtwermans, peignoit comme son Maitre, des
Batailles et des Maneges. Ses Tableaux eurent
cettevoguequeméritent lesOuvragesqtii inté-
ressent tout Ie monde; ils avoient d'ailleurs Ie
mérite de la bonne couleur, et assez de correc-
tion dans Ie dessein, puur imiter quelquefois
de pres ceux de son Maitre. Notre Peintre avoit
Ie défaut de ne pouvoir vivre avec personne;
cette singnlariré lui a lak tort.
lsaac Koene, Eleve de Ruisrlael, étoit bon
Paysügistf, et ami de Gaal. peut-être par hé-
cessité; parce que Koene avoit besoin de Gaal,
pour peindre des figures dans ses Vaysages. Ils
en ont fait un grand nombre en société, qui
furent transportés chez 1'Etranger.
Nous n'avons rien appris de leur mort, ni
en quel lieu ils ont fini leurs carrières.
N. PEÜTEMAN.
PEuteman né a tloterdam , y mourut
d'une maniere ëtrange. Un de ses Neveux,
qui en étoit Echevin, lui commanda un grand
Tableau, dans lequel il falloit représenter des
objets capables d'inspirer du mépris pour la vie
et
-ocr page 298-
Flamands, Allemands et Hollandois. 28 5
et pour les vains amusements des hommes; des
Instruments de musique, des livres, des têtes de
mort, &c. Etant entre dans un cabinet d'anato-
mie, il fut pris en dessinant d'un assoupissement
qui Ie plongea bientöt dans un profond som-
meil. Ayant été réveille tout d'un coup, il vit
avec frayeur remuer les têtes des squélettes qui
se frappoient les uns contre les autres; saisi
d'effroi, il se précipita du haut de 1'escalier, et
tomba dans la rue a demi-mort. Revenu un peil
a lui-mqme, il remarqua que eet evenement
étoit fort naturel, et qu'il n'étoit causé que par
les secousses du tremblement de terre qui arriva
Ie 18 Septembre 1692. La terreur avoit glacé
tellement ses esprits, qu'il mourut pen de jours
après.
Peuteman a peint des flgurés sur du bois
découpé, qui ont trompé les yeux les plus
éclairés, et des Tableaux qui représentoient des
sujets allégoriques sur les misères des vanités
humaines, et sur la brie vete de notre vie.
PIERRE
_ .
-ocr page 299-
PIERRE
E Y C K E N S,
SURNOMMÉ
L E VIEUX.
IERRE EYCKENS, natif
d'Anvers, occupe un rang distin-
gué parmi les grands Peintres de
cette Ecole. Leurs Ouvrages et la
nature ont été ses Maitres : il s'at-
tacha comme eux, a approfondir toutes les par-
ties de son Art. Pret a partir pour Rome, 1'a-
mour 1'arrêta, il se maria.
Ejckens bien connu par des Tableaux places
en
-ocr page 300-
La Vie des Peintres, etc.          287
en public, fut chargé de toutes part de grands 1650.
Ouvrages, pour orner des Eglises et des Palais;<
il comprit pour lors quil lui manquoit d'avoir
vu 1'Italie. Pour y suppleer, il se procura les
gravures d'après les Tableaux d'Italie, les ves-
tiges antiques , et les reliëfs en platre. J'ai sous
lesyeux, disoit-il, les compositions de ces hom-
mes rares; je voudrois voir leur touche, mais
pour la couleur, la nature me 1'apprendra beau-
coup mieux. Ainsi raisonnoit ce bon Artiste,
il avoit, 1'ame élevée et sensible; il composa
ses Tableaux toujours en grand et avec 1'exac-
titode la plus fcritpuleuse. Nous ne connoissons
plus rien de sa vie. Il aimoit son Art et la soli-
tude. Son assiduité au travail est connue par Ie
grand nombre de Tableaux qu'il nous a laissés :
1'année de sa mort nous est inconnue. L'Acadé-
mie d'Anvers Ie choisit pour Direfteur en 1689.
Charles Ejckens a rempli la même place en
1748.
Eyckens Ie Vieux composoit avec esprit: les
détails de ses Tableaux sont lies avec jugement;
rien ne paroit inutile ni déplacé. Son dessein est
correcl, sans maniere; les expressions justes,
et les carafreres réfléchis. Ses draperies bien plis-
sées et larges, ses fonds f^avants et enrichis d'ar-
chiteöure et de Paysages. Quant a sa couleur,
il étoit dans 1'usage de copier la nature, il la
représentoit exa&ement et agréablement; un
ton chaud et vigoureux, une touche facile et
ferme se trouve par-tout dans ses Tableaux :
voici les plus connus.
On voit a Anvers, dans 1'Eglise de Notre-
Dame, Sainte Catherinequi confond les Paiens,
Tableau
-ocr page 301-
a88               La Vie des Peintrcs
Tableau d'Autel dans la Chapelle des Fripiers.
Dans 1'Eglise Paroissiale de Saint André, Ie
Tableau d'Autel de la Chapelle de la Gommu-
nion représente la Gêne, composition ingé-
nieuse et savante.
Dans 1'Eglise des Religieus appelés Bogaer-
de;
Ie Tableau du Maitre Autel représente Saint
Jean prêchant dans Ie désert.
Dans 1'Eglise des Carmes, deux grands Pay-
sages par Spierinx; un autre par JVamps; les
figures sont par Eyckens.
Dans 1'Bglise des Augustins, quelques Ta-
bleaux du même.
EtchezM. vanSchorel, une nouvelle mariée.
Cette composition contient cinqfigures.
Dans 1'Eglise des Jésuites, a Malines, Saint
Xavier qui baptise un Roi idolatre; Je même
Saint qui ressuscite un mort, autre Tableau
bien composé.
ANT01NE
SGHOONJANS.
SChoonjans naquit a Anvers en 1650.'
On ne f^ait sous quel Maitre il avoit appris
la peinture. Encorejenne, il ai!a aRome, oü il
fut notnrné par la bande Acadcmique, Pha-
razius,
nom illustre qu'il mérita en Italië par
ses Ouvrages. Il fut appeilé a la Cour de Vien-
ne, et nommé Peintre de TEmpereur Leopold.
Il eut la gloire de peindre ld Familie Impériale
et les principaux de la Cour. Sa fortune étoit
décidée
-ocr page 302-
Flamands} Allemands et Hollandois. 289
décidée par son talent et par les agréments qu'il 1650.
avoit en vivant avec les Grands qui eurent au- ^t
tant de plaisir a Ie voir travailler, qu'a entendre
chanter sa femme qui avoit une belle voix, et
qui po.-sédoit parfaitement la musique. On ne
dit pas la canse de son départ de Vienne.
-Arrivé a la Haye, il y trouva des amis qu'il
avoit connus en Italië, entr'autres un Orfevre
nommé fyyk, qui eut la manie de devenir Pein-
tre, malgré son age avance. Il invita Schoonjans
a demeurer chez lui pour mieux étudier la pein-
ture sous ce Maitre. Le premier y trouva 1'a-
vantage de vivre avec sa femme et son domes-
1 ique aux dépens de la folie de Spyk, qui se mina
pour acquérir un talent auquel il ne devoitphis
pre'tendre, au lieu de perfeötionner celui qui
pouvoit augmenrer sa fortune. Enfin les soins de
15c/^Kw/a»>?étanttoiit-a-faitinutiles, ilsse quit-
terent, et après avoir demeuré quelque temps
encore a Ja Haye, il alla a Amsterdam 011 la
fortune ne le favorisa pas mieux. Alors il se
détermina a sortir de la HoÜande, et fut a la
Cour du Dusseldorp, ou il fut bien recu ; depuis
la mort de 1'Eledteur Jean Guillaumeen ijl6,
on ne fqi't plus rien de notre Peintre.
On accuse eet Artisle d une vanito insuppor-
table. Le titre de Peintre de rEmpereur lui
tourna la téte : nous <"ch vons certainement qu'il
étoit bon Peintre d'Histoire et de Portrait. Il
dessinoit très-bien une flgure d'après le modele
vivant.
THEODORE
-ocr page 303-
La Vie das Pcintres
THÉODORE MSSGHER,
ÉLEFE DE BERGHEM.
h E a n;'iquit a Haeriem , vers 1'an
1(550. 11 apprit son Art d<ms 1'Eco'e de
jt>eigficin : c'étoit assez ponr devenir un bon
Peintre. Son application et 1 ■ déssr d'apj;rcn-
dre, ie nnrent en état de satisfaire de bonne
heure, ,son envie de voyager; il tut ïecu a Ro-
me, sur Ie bruit qu'avoient fait quelques uns de
se.s Tabteaux. 11 vendit cher ceux qu'il fai.soit;
et il auroit fait une fottune honnête. sans Ie
penchant qu'il avoit a !a dissipation, et parti-
culicrement au vin. I,a bande Académique, oü
il étoit toujours un des premier Afteurs, Ie nom«
ma Sletnpop, rnot .synonime a celui d'ivrogne.
Il en avoit la réputdtion qu'il n'a cessé de mé-
riter. Il ne portoit jamais son a^gent dans ses
poches, maisbien dans la main,ensorte que Ion
f9avoit certainerocnt quand il en étoit mimi. Il
n'étoit point avare : Ie premirr qu'il rencon-
troit, ayant de 1'argent, il lui proposoit de Ie
dépenser au plus prochain Ciibtret. Son habil-
lement tenoit encore du caraftere crivrogne.il
n'avoit jamais qu'une veste, et par des^us un
vieux manteau qui avoit servi a .-on pere.
Mille aventures ridicules composcnt la vie
de eet homme. Nous Ie croyons mort a Home,
oü il vivoit encore en 1696 , et oü il avoit déja
demeuré pres de 25 ans.
Quant a; son talent, il peignoit supérieure-
ment
-ocr page 304-
Flamands, Allemands et Hollandois. 291
ment Ie Paysage et les .Animaux. Il ne quitta pas
la maniere de son Maitrc, excepté la touche qui
est plus négligée.
JEAN MOORTEL.
M Oor tel Peintre de fleurs et de fruits,
étoitsi habile qu'il faisoit illusion aux yeux
et même au gout. Ses fruits ont cependant plus
de delicatesse et de fraicheur que ses fleurs, qui
n'ont pas la légéreté de celles de Mignon et de
pan tïuysum. Mais quand il copioit de Heem,
et Mignon, il auroit pü tromper ces deux Mai-
ires mêmes, comme on trompeencore les Ama-
teurs avec ses copies.
Ce Peintre né a Leyden en 16JO, y demeura
toujours, et y est mort Ie 1J Octobre 1719,
agé de 65) ans.
ABRAHAM BEGYN.
BEgyn est né en iófo, mais on ignore la
Ville qui 1'a vu naitre. Persuadé que les
Arts ont entr'eux un rapport intime, et qii'on
ne peut exceller en Peinture qu'on n'ait étudié
1'architeöure et la perfpeflive, il posséda par-
faitement Tune et 1'autre, comme on Ie peut
voir dans ses Paysages, presque toujours ter-
minés par des vues. Ce n'est pas aflez que de
fc.avoir copier servilement la nature: ces Copis-
tes froids sont souvent aufli contraints, et peut-
Tome III.                             T être
-ocr page 305-
29a              La F ie des Peintres
être même aufli infideles que ceux qui tradui-
'rut trop littéralement les Auteurs. Quand on
n'a qu'effleuré les regies, on est souvent era-
barraffé dans 1'application qu'on en doit faire.
Sa maniere de peindre Ie Paysage est telle que
celle de Iierghem, et de la plus grande facilité:
aufli furent-ils recherches en Hollande, et sur-
tout a la Haye, oü il demeura long-temps.
En 1690 l'Ele&eur de Brandebourg, depuis
Roy de Prufle, 1'appella a sa Cour, et 1'honora
du titre de son Peintre. Il eut ordre du Prince
d'aller deffiner dans ses Etats, les Maisons Roya-
les, les Vues particulieres et les plus belles Cam-
pagnes ; ces deffeins firent Ie plus grand plaisir.
Il eut ordre de faire de grands Tableaus qui fu-
rent destinés a 1'ornement des galeries et des
fallons. Cet Ouvrage lui fit beaucoup d'hon-
neur. L'Elefteur avoit pour lors a sa Cour un
grand nombre de bons Artistes. Begjn l'emporta
dans son genre, sans se prévaloir de cette supé-
riorité. Il admiroit au contraire tous ceux qui
avoient des talents. C'est avec cette bonne con-
duite qu'il fcut gagner 1'estime de tous ceux qui
vivoient avec lui, et qui Ie regretterent a sa
mort qui fut très-subite.
Elle fit du bruit a la Cour, et fit voir par les
regrets finceres des Grands et de ses égaux, cora-
bien il avoit mérité d'être aimé. Il laiffa après
lui une veuve et une rille, une grande réputa-
tion comme bon Artiste, honnête homtne, et
homme aimable. Ses figures et fes animaux font
bien deflinés, et généralement fa couleur est
bonne : il a moins fait de Tableaux de chevalet
que de grands Ouvrages. On voit a la Haye,
un
-ocr page 306-
Flamandst Allemands et Hollandois.
un grand Appartement qui en est de'coré. Dans la
Maison qu'occupe M. Jssendelft, ce font des
vues tres étendues, avec des rivieres, de l'ar-
chite&ure, des fïgures et des animaux, tous très-
variés,etqui toiijoiirsontrairdetrefaits d'après
nature.
Dans la mêmc Vilre, chez M. Half Wasse-
naar,
une Bohémienne qui dit la bonne aven-
ture, dans un beau Payfage.
A Dort, chez M. Vander Linden van Slinge-
landt,
un beauPayfage, un Troupeau demou-
rons, et d'autres animaux que 1'on méne a Fa-
brevoir. Ce Tableau reflemble a ceux de Ber-
ghem.
JILLES (Gilles) DE WINTER,
ÉLEFE DE BRAKENBURG.
DE WINTER, qui naquit a Leuwaerden en
i6fO, est un des bons Eleves de Braken-
burg.
Il peignoit comme fon Maitre, des as-
semblees et des jeux de société; des bals oü la
jeunesse est représentee avec gentillefle et agré-
ment. Sa couleur est vive, et Ie caradere de
fon deflein afTez correft. Il avoit une reffource
dans fon génie affez rare, puisqu'il n'avoit ja-
mais befoin d'études; il composoit sur la toile
ou Ie panneau, sans consulrer la nature, défaut
qui se remarque dans fes jolis Tableaux qui font
en toutmaniérés, mais touches avec efprit. De
Winter
étoit fort Hé avec Greffiers pere et rils;
il a demeuré chez ce dernier.
Ta De
-ocr page 307-
ag4              La Vie des Peintres
1650. De Winter a presque toujours demeuré a
- Amsterdam, ou il est mort en 1720, a 1'age de
70 ans, estimé par fes Compatriotes \ fes Ta-
bleaux y font en grand nombre.
ELIE TERWESTEN,
ÉLEVE DE SON FRERE
AUGUSTIN TERWESTEN.
TT^ie TerweSTEN né a la Haye en 165 r,
Pj est fils d'un Orfevre, et devint Eleve de
fon frère aïné ^iugustin Tenvesten, dont il a
été parlé. Son talent étoit de peindre des fleurs
et des fruits. Ses ouvrages furent aulïi recher-
ches en Hollande, que 1'Auteur par sa conduite,
a la Cour du Stathouder. Il fut admis dans les
premières Maisons: on l'engagea a enfeigner Ie
deffein a quelques personnes de considération.
Tenvesten ne s'anêta pas en chemin : il voulut
voir 1'Ecole des grands Maitres; il alla a Rome
oü il s'est marie. Ses Tableaux y fïrent grand
plaisir, et 1'auroient mis tres a fon aise, fi fa
lenteur et fa pareffe pour Ie travail, n'avoient
pas été chez lui une paffion dominante; enfin
il changea tellement de coiiduite et de vie, que
fon frere ainé étant a Rome en 1696, ne put
y tenir davantage. Il avoit vu fon frere aima-
ble en Hollande, et il Ie vit, a fon grand regret,
misérable a Rome. Ce Peintre a vécu très-vieux,
puisqu'il vivoit encore en 1724; on n'a rien ap-
pris de lui depuis ce temps. La bande Acadé-
ie
-ocr page 308-
Flamands, Allemands et HoUandois. 295
mique 1'avoit nommé 1'Oiseau de Paradis; nous j
ne fcavons pourquoi. Ses Ouvrages nous font
inconnus.
PIERRE VANDER HULST.
PTerre Vander Hulst nèquit a Dort
Ie 18 Février i65i. Après avoir appris a
peindre chez différents Maitres, il fe détermina
a voyager. Son but étoit de voir Rome 011 il
arriva. Soit qu'il Te fentit incapable de tniiter
1'Histoire, foit que les Tableaux de fleurs de
Mario di Fiori lui donnaffent du gout pour
fon genie, il fit quelques Tableaux qui plurent
aux Artistes, et qui furent auffi-tot enlevés
par les connoiffeurs. La bande Académique ne
manqua pas de s'aflbcier un Artiste affez riche et
afTez généreux pour célébrer magnifiquement la
fête de fa réception. 11 fut nommé Tournesol,
parce qu'il introduisoit dans fes compositions
presque toujours cette fleur. Nous ne fcavons
en quelle année il est mort. Nous connoissons
fes Ouvrages qui font d'une bonne couleur,
d'une touche large et très-facile. Il avoit pris Ie
ftile des Peintres d'Italie. Ses Ouvrages font
moins finis que ceux de Mignon et de Heem ;
mais il y régne un génie plus fingulier, plus
d'humeur, et une forte de mouvement qui est
plus rare dans les Ouvrages des HoUandois,
qu'un précieux fini. Les compositions de Van-
der Hulst
étoient encore enrichies de plantes et
de reptiles. Il lui prit envie de faire quelques
Portraits qui ne méritent nullement d être ci-
T 3 tés,
-ocr page 309-
296          La Vic des Peintres, etc.
1652. tés; ils font médiocres, fans couleur et fans
"«■w harmonie.
JEAN RIETSGHOOF,
É L E V E
DE LOUIS BJKHUYSEN.
RIeTSCHOOF naquit a Hoorn en 1652,
appliqué dès s:>n enfance a la Peinture,
inslrnit par les lecons de Louis Bakhuisen,
dont il devint un des meilleurs Eleves; et fur-
tout entrainé par un amour ardent pour .son art,
il ne pouvoit manquer de devenir un de.s bons
Peintre.s de Marine parmi les Hollandois. Il s'é-
toit fait un devoir asscz pen pratiqué en tout
temps, c'éfoit de vanter beaucoup les Ouvra-
ges des autres, et de parier peu de.s fiens. Auffi
cette conduitel a fait aimer pendant fa vie, et
regretter après fa mort, qui arriva Ie 3 Novem-
bre 1719. Ce Peintre eut pour Eleve fon fils
Henry Rietschoof, qui naquit en 1678, et qui
af uivi la maniere de fon pere avec beaucoup
de Fiiccès.
                                   «
CORNILLE
-ocr page 310-
GORNILLE
DE BRÜYN;
E L E V E
DE THEOD ORE FANDER SCHUUR.
j f E B R U Y N également célébre —~"
I* par fes voyages et par fes ta- -iriJ
mi lents pour la Peinture, naquit
Q|è laHaye en 1652; il doit au-
tant fon gout extraordinaire
pour voyager, a 1 art de pein-
dre qu'a l'étude du latin, auquel il consacra fa
jeunesse. En effet, il ne mania Ie crayon et Ie
pinceau que pour copier les villes , les campa-
T 4 gnes,
-ocr page 311-
La Vie des Peintres
gnes, les monuments antiques, les modes étran-
getfes, les animaux, les plantes, qui s'offroient
a lui dans les diverses contrées de 1'univers.
Ayant quitte la Haye Ie premier O£tobre
1ÓJ4, il passa par l'Allemagne, etarriva a Ro-
me, oü il rencontra Robert Dwal qui Ie con-
duisit dès Ie même foir oü fe tenoit 1'Assemblée
des Artistes. Il fut admis dans la bande Acadé-
mique, et nommè Adonis. Deux années et de-
mie occuperent de Bruyn a dessiner les dedans
et les dehors de Rome. Il alla a Naples, oü il
ne négligea rien; tout y fut vu, dessiné et ob-
fervé. 11 revint a Home, et prit congé de fes
amis; et Ie 16 Juin 1677, il partit pour Livour-
ne; Pannéefuivante pour Smyrne. Il parcourut
1'Afie mineure, 1'Egypte et les Isles de 1'Archi-
pel. Son objet d'étude ne fe borna point a co-
pier la nature, comme Peintre; il dessina les
mouvements et les interruptions, comme fca-
vant; les inseftes, les plantes &c. comme natu-
raliste; les Villes, leurs habitants,leurs usages
et leurs modes, tout fut recueilli avec exafti-
tude. Les observations qu'il y a ajoutées ont
rendu fon livre aufli curieus qu'instruttif.
De retour d'Asie, il alla a Venise, oü il de-
meurahuit ans a fe perfeöionner dans la Pein-
ture, fous Ie célébre Carlo Lothi. Il voulut en-
fuite revoir fa Patrie, ou il arriva Ie 19 Mars
1Ó93. De Bruyn ne pensa plus qu'a peindre et
former un corps d'Ouvrage des observations
qu'il avoit faites dans fes voyages: il les publia
en 1698. Ce livre fut tellement applaudi et
recherche, qu'il résolut de voyager de nouveau,
muni de tout ce qui lui parut propre et néces-
saire
-ocr page 312-
Flamands, Allemands et Hollandois. 299
faire pour fon nouveau projet. Il fe mit en che-
min Ie 28 Mai 1701, et pritfa route par la Mos-
covie et la Perse. Dans les Indes il visita les
Isles de Ceïlan, Baiavia , Bantem , &c. toujours
en observant, en defïïnant et en faisant par-
tout des Ouvrages en Peinture. En Moscovie,
il fit les Portraits du Czar Pierre, et des trois
Princes; a Batavia, il peignit les Portraits des
deux Généraux Guillaume van Outs Hoorn y
et Jean van Hoorn j il ne fe contenta pas de
deffiner toutj il peignit plufieurs animaux, des
reptiles, des coquillages et des planres. Ce nou-
veau trésor Ie ramena encore nne fois chez lui
Ie 24 Oftobre 1708 : trois années fuffirent pour
publier eet Ouvrage. En 1711, il avoit demeu-
ré quelque-temps a Amsterdam, pourconduire
les Graveurs qui copierent fes desseins, pour
rendre fon livre plus interessant. Le fuccès de
eet ouvrage lui fuscita des envieux qu'il con-
fondit, et qui furent méprisés. Il vécut ensuite
traquillement a la Haye, soccupant de fon art
et des exercices de la fociété des Peintres a !a
Haye. M. van Mollem engagea de Bruyn a vi-
vre chpz lui a Utrecht. Il y mourut; on ne nous
dit point en quelle année.
Les Ouvrages en Peinture de eet Artiste font
bien coloriés; et d'un deflein correft. Ses voya-
ges font dans les mains du Public, il est fon
Juge; nous ne parlons de lui que comme bon
Peintre.
RICHARD
-ocr page 313-
,<■..;■„.;.
RICHARD
VAN ORLEY,
Ê L E V E
DE SON ONCLE RÉCO LLET.
ICHARD VAN ORLEY
naquit a Bruxelles en 1652, fils
de Pierre van Orlej, Paysagiste
médiocre, qui donna les princi-
pes a fon fils, et qu'il confia bien-
tot a fon frère Récollet. Ce frere
avoit plus de mérite, mais trop borné pour un
génie comme celui du jeune Richard, qui fur-
passa bientot fes deux Maitres. Agé de 16 ans,
il
-ocr page 314-
La Vie des Peintres, etc.           3oi
il s'appliqua a peindre en miniature, petit ta-
lent, mais ieduisant pour ceux qui réussissent
a peindre le Portrait. Il y fit ü bien que, fans
des vues pius qu'ordinaires, il fe feroit perdu.
Il n'eut point d'égard au gain, il étudia le des-
sein, et bienlót on vit paroitre des composi-
tions remplies de génie et d'esprit. Alors, arrivé
a ce poirt, il parut de lui des miniatures, dont
les sujets composés avec lp talent du plus grand
Peintre d'ILstoire, firent honneur a 1'Auteur.
Une grande quantité de compositions bien des-
sinées, assurerent fa réputation.
Son application a 1'Histoire et aux belles Let-
tres l'empêcherent de fe livrer dans le monde :
il en perdit 1'usage an point qu'il fuyoit ceux
qui chereboient a le distraire, en Ie mettant fnr
des conver.sations étrangeres a son talent. II vé-
cut honorablement dans le célibat. Une mort
fubite 1'enleva a Bruxelle le 26 Juin Irj}z, agé
de 80 ans. Il fut enterré avec pompe dans FÉ-
glise de Saint Gangeric, fous la tombe de Ber-
nard van Orley,
dont il a été parlé dans notre
premier volume.
Le nombre de Desseins et Tableaux fortis de
fa main est incroyable. Il en a gravé beaucoup
a 1'eau forte; autre talent oü il a réuflï. Il a gravé
la Chute des Anges d'après le Dessein que ion
frere avoit copié de Rubens; deuxautres d'a-
près Lucas Jordano, le Pastor Fido, com-
posé par lui, et plusieurs d'après ceux de son
frere. Voici quelques Ouvrages en Dessein com-
posés par lui; un Volume de 86 desseins a la
plume et a 1'encre de la Chine. L'accroissement
de Home en 68 Desseins. Bernard Picardpassa
huit
-ocr page 315-
3oa               La Vie des Peintres
huit joursaBruxelles pour examiner cette belle
fuite; il témoigna Ie plus grand defir de les gra-
ver. Le Pontifical Romain, autre Ouvrage gravé
par Bcrtram, ainfi que le Flave Josephe, par
Ie même. On passé le nombre de petits sujets
qui font fortis de fa main.
Son dessein est correft. A examiner ses com-
pofitions, on est tenté de croire qu'il a passé
fa vie en Italië : tantöt il a composé dans le gout
de YAlbane, de Pierre de Cortone, et tantöt
du Poussin. Ses fonds font d'une belle archi-
teöure, il entendoit très-bien la perspe&ive,
fes plans font décidés, fans embarras et fans
équivoques. Nous aurions eu bien plus d'Ou-
vrages encore de eet homme laborieux, fi fon
pere, qui étoit Receveur des Rentes de la Ville,
ne 1'avoit engagé a prendre la Charge de Con-
troleur, qui luivalut 2.000 livres de Rentes. Un
pareil revenu pouvoit bien le dédommager d'un
peu plus de gloire.
JEAN WITHOOS,
Éleve de son Pere
MAT Hl EU. TV ITII O OS.
LE Paysage fut le genre de ce Peintre. Son
pere et fon Maitre Matthieu TVithoos lui
conseilla d'aller puiser le bon gout dans fa four-
ce au centre de tant de précieux restes d'anti-
quité, et dans un pays oü la nature elle-mê-
me a cherché a s'embellir par des variétés qui
ne
-ocr page 316-
Flamands, Allemands et Hollandois. 3o3
ne fe trouvent presque nulle part réunies, com-
me aux environs de Rome. Ce fut-la oü Ie jeune
Wilhoos fe déle&a plulieurs années a tout voir,
a tout defliner, et s'il est permis de parier ainfi,
a rapporter tout avec lui dans fa Patrie. Ses pe-
tits Tableaus très-piquants passerent en Allema-
gne, et y flrent appelier 1'Auteur. Ge fut a la
Cour de Saxe Lauwenburg, oü il fut arrêté; il
y a vécu honorablement jusqu'a fa mort qui ar-
riva en 1685.
Il peignoit Ie Paysage a Gouasse, avec une
force furprenante; fa couleur est vraie : ce font
toujours des vues d Italië, tantót locales et fou-
vent composées.
CORNILLE HOLSÏEYN.
/iOrnille Holsteyn naquit a Harlem en
\j 1653; on croit fans être cependant certain,
qu'il a re^u les principes de fon pere qui pei-
gnoit a gouasse et fur Ie verre. On ignore quel fut
Ie Maitre qui Ie fit devejiir fi bon Peintre d'His-
toire : on cite un triomphe de Bacchus, rempli
d'un grand nombre de figures, des femmes et des
enfants bien deflinés, et d'une bonne couleur.
On voit de lui un Tableau qui fuffit pour fa
gloire, eest Licurgue qui déclare fon Neveu
héritier présomptif de fes biens, Tableau qui
orne la Salie des Orphelins d'Amsterdam.
Ce Peintre est mort iï fubitement que 1'on a
foupconné que fa mort n'étoit point naturelle.
SIMON
-ocr page 317-
3 o 4               La Vie des Peintres.
' -                                                                                                                                                       "                                                ------------------------ ■" -*j
SÏMON VANDER DOES,
Êleve de son Pere
JACQUES y AND ER DOES.
Qïmon Vander Donsnaquiten 1653.
O Eleve de fon pere qu'il égaia quelquefois,
il alla lorsqu'il leut perdu demeurer a la Haye,
chez une Tante oü il pouvoit exercer fon Art
avec tranquillité. Son inquiétude Ie fit voyager
en Frize et en Angletere : mais revenu dans fa
Patrie, il épousa contre 1'avis de fes parents,
une femme prodigue qui Ie ruina. et qui, après
avoir consommé tont la gain qu'il avoit fait
dans fon Art, ne lui laissa, en mourant, que
des dettes et de la misere. 11 auroit fuccombé
fous Ie poids du chagrin, fans Ie fecours de fes
amis, qui lui procurerent un logement dans
IHópital de la Haye, d'oü il partit deux 011
trois ans après pour Bruxelle.s. Honteux de fa
fituation, il fe retira en la Ville d'Anvers; il y
travailla beaucoup. Ses Onvrages furent répan-
dus dans toutes les Cours de 1'Europe par des
Marchands de Tableaux. Que d'Artistes ont du
leurs malheurs a des Mariages imprudemment
conlraöés! On ne fcait rien de fa mort. Son ta-
lent est dans Ie gout de celui de fon pere, et fes
Portraits font dans la maniere du vieux Nets-
her.
Ses Ouvrages tiennent leurs places dans les
cabinets, et sur-tout en Hollande.
Oa
-ocr page 318-
Flamands, Allemands et Hollandois. 3o5
On voit chez M. Ie Lormier a la Haye, un
joli Paysage, dans lequel fe trouvent deux en-
fants, des moutons et d'autres animaux. Et chez
M. Verschuuring, trois Paysages avec figures
et animaux.
THEODORE ET CHRISTOPHE
LÜBIENETZKI.
CEs deux freres iflus d'uneFamilienoble et
ancienne, fe font distingilés dans la Pein-
ture. Théodore naquit a Cracovie en 1653 ; et
Cristophe a Stetin en 1659. lis furent envoyés
aHambourg pour s'yformer aux exercices con-
venables a leur naissance. Jurian Stur fut choifi
pour leur Maitre de Deffein. Ce bon Peintre
crut dé/a voir que 1'intention de fes Eleves n'é-
toit pas d'apprendre a defliner seulement, mais
de fe distinguer dans 1'art de la guerre. lis quit-
terent Hatnbourg pour chercher d'autres Mai-
tres a Amsterdam.
Christophe entra dans 1'Ecole SAdrien de
Baker y
et Théodore dans celle de Gucrard de
Lairesse.
Après s'être appliqués a leur art avec
la plus grande affiduité, Christophe partit pour
1 Italië : on nefcait s'il resta dans Rome oudans
Venise; mais on est certain qu'il pafla quelque
temps a la Cour du Grand Duc de Toscane,
d'oü il fut appellé a celle de Brandebourg, oü.
lePrince 1'honora du litre de premier Gentil-
homme de la Chambre, et Direöeur de 1'Aca-
démie de Peinture. Tant d'honneur ne put arrê-
ter
-ocr page 319-
3o6              La Vie des Peintres.
, - ter notre Peintre; il voulut revoir fa Patrie,
* et jouir réellement de la confidération que lui
avoient acquis fes Ouvrages. Ce fut en 1706
qu'il pafla en Pologne, oü il eft mort.
Il paroit, fuivant les Auteurs Hollandois,
que Christophe n'a point quitte ce pays : du
moins il ne paroit pas qu'il ait voyagé avecfon
frere; et il est bien certain que Christophe a tou-
jours vécu a Atnfterdam, oü il avoit été nommé
a plufieurs charges honorables dans 1'Eglise Ré-
formée.
Les Ouvrages de Théodore font peu connus
ici, ayant toujours voyagé dans des cantons
trop éloignés, dont il eft difficile de les trans-
porter. Il avoit cependant une grande réputa-
tion dans fon temps, et les Artiftes fes confrè-
res, louerent généralement fes produftions.
Christophe nous eft plus connu: fes Tableaus
d'Hiftoire font bien composés et pensés : fon
dessein eft assez correft, et fa couleur eft géné-
ralement bonne. Les Portraits qu'il a faits, au-
roient pü faire fa réputation et fa fortune, s'il
n'avoit mérité un titre plus noble, celui de
Peintre d'Hiftoire.
FELIX
-ocr page 320-
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M E Y E R,
É L E V E D'E R M E L S.
E LIX MEYERnéa Winter-
ihnr Ie 6 Février 1653 , étoit fïls
d'un Ministre estimé, Prédicateur
célébre. et Camerierdii Chapitre.
La Peinture enleva encore au
jeune Meyer tous ses moments :
toutes ses dispositions se décelerent aux dépens
des autres exercices. Un Peintre en petit a
Nuremberg lui donna des lecons. Ce n'étoit
pas-la Ie genre destiné a faire sa reputation :
Ie Paysage étoit celui qiü avoit plus de rapport
Tome 111.                                V avec
-ocr page 321-
3o8               La Vie dts FeitiLres
1653. avec son génie. Ermels bon Paysagiste dêvinfc
x>w son Maitre, et c'tst celui qu'il a toujours suivi,
en comparant sa touche et sa couleur avec la
nature.Cest a Ermels que nous devons les bons
Ouvragcs de Meyer. Il est constant que ses pro-
grè^ lui acquirent l'estime de Bemel, Roos et
de Rugcndas Tous ce.s habiles gens rencoura-
gerent et lui conseillerent de suivre Ie projet
qu'il avnit de parcourir 1 It.ilie:il y alla avec la
révolution de s'y perleöioiiner; mais Ie climat
étoit .si contraire a s;t santé, qu'il fut forcé de
revenir cru-z lui. La Suisse et d'ailleurs Ie puys
Ie plus convenable pour former un P..ysagiste:
des vues variées, des plaines, des rochers, des
lacs, des rivieres , des chute.s d'eau, et des bois;
tout y est propre a exercer Ie plus beau g-nie,
et a enrichir la mémoire, et a lui fournir des
SU jets pour la composition: aussi en a-t-il tiré
une muititnde de desseins a la pluine ft ;i 1'en-
cre de Ia Chine. Meyer infatigable, franchissoit
les montagnes et les forets; on Ie voynit iou-
jours revenir chargé de desseins et d'études.
Cette bonne methode lui a procuré une grande
facilité dans la composition; nous en citcrons
quelques exemples. On rapporte plusieurs traits
de cette promptitude: un siaü iiiföt pour en don-
ner une idee.
L'Abbé de la fameuse Abbaye de S. Florian,
en Autneh ', se proposa de faire peindre deux
gr.;nds apnJirtcments, et d'y reptésenter des
Paysag-s a fresq^e sur les murailles; il fit ve-
nir un Peintre qui demanda 200 florins pour les
esqui-ses. Cet Artiste traina si long-temps,
qu'il degoüta 1'Abbé qui invita Meyer a s'y
rendre.
-ocr page 322-
Flamands, Allcmands et Hollandois. 3oc)
rendre. Il fut recu avec distindion; 1'Abbé lui
£t voir
les places, et lui demanda de quelle
maniere il comptoit peindre ces murailles. Alors
Meycr prit un baten fort long, attacha un char-
bon au bout, et commenca a des.«iner : ici,
disoit-il, je peindrai un grand arbre, plus lofn
une forêt, une ciinte d'e;ui qui tombe de ce ro-
cher, &c. A Ja fin du discours, 1'Abbé ne put
répondre d'étonnement, lorsqu'il vit un mur
dessiné avec intelligence er gout. Il demanda
a Meyer,s\\ se chargeroit de peindre ce qu'il
venoit de dessiner. Oui, repondit Ie Peintre, je
commencerai sur l'heure. On renvoja 1'autre
Peintre. Meyer n'employa pas plus que son Eté
pour les deux appartements; Ie premier Pein-
tre avoit mis amant de temps a faire les os-
quisses. Meyer avant de quitter, acheva enco-
re quelques ïableaux a 1'huile. Cet Onvrage
fut honorablement payé. Il retourna chez lui,
cette aventure avoit fait du bruit; sa répii-
tation vola par-tout. Ii fut encore chargé de
peindre des Paysages en grand pour la Ville
deGeneve : d'autres Villes l"employerent aussi.
Des Chateaux pour sa Province, et chez les
Etrangers, furent omes de sa main. Les Prin-
ces et les Grands Ie firent travailler a 1'envi.
On croit que Werner lui conseilla pour lors de
se faire une maniere plus expéditive et plus
agróable : consei! dangereux, car ses derniers
Tableaus ne portent que des marques d'unc? fa-
cilité acquise, a la vcrité, par 1'étude; mais,
oü Ie gout tenoit a peine lieu de 1'exaöitude
de la nature; et cette exa&itude n'étoit deve-
nue que maniere. Cette nouvelle methode lui
V 2 pro-
-ocr page 323-
3io
La yie des Peinlres
procura un gain considérable. Ses mauyais Ta-
blcaux sont la honte de sa fbiblesse, et nous
n'en parlerons pas davantage. Ses premiers Ou-
vrages sont a comparer a ceux des meilleurs
Paysagistes; ses Tableaus les plus recherches,
sont ceux ou Roos ou Rugendas ont peint les
fignres.■ Mejer n'étoit pas habile a peindre la
figure: il est même médiocre dans cette partie
de 1'Art. Ayant congu Ie dessein de voyager,
ses Compatriotes, pour ne pas Ie perdre de
vue, Ie nommerent membre du Grand Conseil.
Cette place Ie tlatta, sans doute, puisqu'il se
fixa pour toujours. En 1708 il rec.ut un autre
marque de considération, Ie Magistrat lui don-
na Ie Gouvernement du Chateau de Wyden,
pres d Jlusen. Ce fut ici oü il travailla avec
soin , dans Ie gout de sa premiere et bonne ma-
niere. Son dernier Tableau, qu'il ne put ache-
ver, représente Jésus-Christ qui commande aux
vents et a la mer de se calmer. Epuisé de tra-
vail et de foiblesse, il mourut Ie Lnndi de la
Pentecóte, en 1713, fort regretté et estimé
pour les Ouvrages de son bon temps. Onvante
ses gravures a 1'eau forte.
1653.
HENRY-
-ocr page 324-
Flamands, Allemands et Ilollandois 3ll
HENRI-CHRISTOPHE
FEHLING,
ÊLEVE DE SAMUEL BOTSCHILD.
Fril HL ING né a Sangerhausen, eut Ie ï on- x
heur d'avoir ponr Maitre un parent habile. ,,,, '
ó'amuelBotschi/t/,qm se chargea de son iastruc-
tion, er qui poussa plus loin .son amour pour
ravancetnent de son cousin; il i'accompagna
dans ses voyages d'Italie, et ne Ie quitta que
lor.squ'il Ie crut en état de lire dans les Ouvra-
ges des meilleurs Artistes. Fehling passa quel-
quesannéesa Rome,occupé de son avancement;
et de retour a Dresde, il fut nommé Peintre de
Ia Cour par l'Eletteur Jean-Georges IV. Le
feu Roi y ajouta la dire&ion de 1'Académie, et
après la mort de Botschi/d, en 1707, la fbnc-
tion de Peintre et d'Inspeöeur de la Galerie de
Tableaux. Il peignit aussi quelques plafonds au
Palais du grand Jardin de Dresde; d'autres pla-
fonds dans celui du Zwinger, et dans celui du
Prince Lubomirski. FeJrfing mourut en 1725 :
ses Eleves sont les freres Zlnck. Après la mort
de eet Artiste, M. de Silvestre * fut appellé
dans
* Louis de Silvestre, Peintre du Roi de Franee, mem-
bre de l'Acade'mie de Peinture : Cette Académie a vou-
lu justifier le choix que l'oa fit, en le nommanl ])our
succéder a Fehling. Après avoir passé nombre d'années
en Pologne, revenu a Paris, 1'Académie, dont il etoit
JVIembre, le choisit d'une voie mianime pour son Direc-
teur; place qu'il remplit avec dignité et avcc 1'applau-
dissement de toute sa Compagnie.
V3
-ocr page 325-
La V'ie des Peintres
]())*<, dans cette Cour, et nommé a la place de pre-
«wrggar mier Peintre du Roi de Pologne, et Dire&eur
de F Académie de Dresde.
JEAN HOOGZAAT,
ÈLEVE DE LAIRESSE.
HOoGZAAT-naquit a Amsterdam Ie il
Mars 1654. Elevé des sa jeunesse dans 1'E-
cole de Lairesse, on Ie regarda comme lc plus
h;ibile de ses Eleves. Ce Maitre lui confla de ses
Ouvrages qu'il auroit avoués pour être de lui,
tant il approchoit de «a maniere. Les éloges de
Lairesse justifierent Ie choix de ceux qui em-
ployerent Ie pinceau de i'Eleve. Guillaume III
Hoi d'Angleterre, lui fit faire plusieurs Ta-
bleaux pour Ie Chateau de Loo, qui lui firent
honneur, et lui procurerent de grands Tableaux
pour les Bom-guemestres d'Amsterdam, Jean
Trip, André f^elters
& Six, Echevins d'Ash
On lui ordonna pour lors Ie plafond de la .salie
Bourgeoise a riiótel de Ville d'Amsterdam :
c'est un sujet a'légorique, oü brillcnt 1'esprit et
Ie génie. Le Pemtre a manquó en ce que tont y
est trop flni pour un plafond si élcvé; ensorte
que les objets ne se distinguent qu'a peine. Au
reste, eet Ouvrage lui fera toujours honneur.,
comme tout ce qui est sorti de sa main. On ne
nous apprend point 1'année de sa mort.
Jó',4
JEAN
-ocr page 326-
Flamands, jtllcmancls et Tloïlandolt. 3i3
JEAN VAN BUNNIK,
ÊLEVE n'IIERMAX ZAFT-LEVEN.
JEan vav Bunnjk, qni naquit a Utrecht
;n 1654, ent potir Maftre Herman Zajt-
heven,
Paysagiste habile. II demeura dans cctte
Ecole trois années de suite, et ce fut assez pour
lui, puisqu'il se retira ciiezsoii pere, ou il pei-
gnit d'après !es desscins qu'i! avoit faits dans les
campagne;. SesTab'eauxfirent plaisiraux Ama-
teurs. Maïs étonné de ne poinr voir dans les
campagnes la nièine variété d'objets qu'i! ad-
miroit dans les Otivrages de ses Confrères, il
passa dans Ie pays de Gleves pour étendre ses
idees. A peine y fut-il arrivé, qu'il y fut em-
ployé par M. Sa/is, Officier Général au servi-
ce de France, qui aimoit les Ouvragos de Bun-
nik,
et qui voiilnt même se I'attacher; mais no-
tre Peintre ne se croyoit pas cncore digne d'a-
voir des Protefteurs. II al'a , toujours en dessi-
nant, a FrancFort sur Ie Meyn , a Heidelberg,
et a Spier. On 1'arrêta pour avoir d(> ses Ta-
bleaux: 1'Eledeur Palatin et d'autres Seigneurs
en obtinrent. Rien ne put l'arrêter davantage ,
il avoir toujours son objet envue, 1'étude; il
quitta encore cette Cour, passa par MÜan , et
fut a Gênes, Pierre Mo/jn, appellé Tempeste,
1'engageaa lui peindre qnelquesPaysages, avant
d'aller a Livourne, d'ou il s'échappa brusque-
mentpour aller a Kome. Genoels, Ferdinand
V 4 Voet
-ocr page 327-
La Vie des Peintres
1654. Voet Si Adrien JJooning, qui attcndoient Bun-
——r nik, Ie recurent avec joie. Carle Maratti, qui
avoit pour lui la plns tendre amitié , préféra
ses Ouvrages è ceux detous les Paysagistes. Il
l'accompagna dans les environs de Rome, et
prit plaisir a lui voirdessiner les plus belles vues.
JBunnik laissa Rome, et fut a Naples; il semble
qu'il étoit attendu par-tout, sa maison étoit
toujours remplie d'Artistes et d'Amateurs; il
fut fort employé, et, avant de quitter cette
Ville, il y avoit fait plusieurs Tableaux. 11 re-
tourna a Rome qiul quitta endere pour voir
Bologne, Ferrare, Venise et Modene : il fut
si bien accueilli du Duc, qu'il ne pnt passer
outre. Ses Ouvrages y furent si estimés, qu'ils
lui uiériterent le titre de premier Peintre de la
Cour, et une pension considérable. Il y demeu-
ra huit années, occupé a orner le Palais et les
Cbateaux. Le Duc de Modene fit un voyage a
Lorelte, oü Burmik l'accompagna , et repas-
sant par Rome, il fut inscrit clans la Bande
Académique, qui le nomma ia Timbale : c'étoit,
pour ainsidire, tont ce qu'il fit dans ce pas-
sage. Arrivé a Modene, sa patrie occupa telle-
ment son esprit, que tout ce qui s'opposoit a
son retour lui paroissoit insupportable. Il obtint
son congé , et il partit par Turin. Il inspira a son
ami Ferdinand Voet, son envie pour voir la
Hollande. Arrivé a Lyon, il ne put pcrsuader
ce voyage a Gilles Wéenix, Vander Kabel,
& P. van Bloem en :ilsse quitterent avec cette
estime réciproque qui sied si bien aux gens ha-
biles.
Ferdinand
-ocr page 328-
Flamands, Allemands et Hollandois. 3 15
JFerdinand Voet * resta a Anvers, sa Ville
na'ale, et Bumük en Hollande Guillaume JU
Roi d'Ang!eterre, a beaucoiip employé cePein-
tre a orner Ie Cli.'iteau de Loo. I! fit plusieurs
TableaiiKa f^oorst, pourleComted'^7£tf/na/7<?,
eta la Maison de Zeyst, poiir M. eow Odyk.
Bunnik surchargé d'Ouvrages gagna beau-
coiip; mais on nous apprend que ses Enfants Je
ruinerent: il mounit pauvre en '727.
Ce Peinfre est un des plus habiles Paysagistes
Hoilandois. L'estitne de Marattï pour ses Ou-
vrages, s'est transmise aux Artistes etaux Con-
noisseurs.
PIERRE WIÏHOOS,
Êleve de son Pere
M A T H I E U W I T II O O S.
PIkrre "VTlTHOOS a suivi les le^ons de son
pere, il peignoit a goua.^se drsfleurs, des
insedes et des piantes , avec beaucoiip d'art et
de vérité: un précieux fini en augmenre Ja beauté
et Je prix. Les Amateurs d'Hollande conscrvent
tous ses Ouvrages reliés en volumes qu'on ne
peut acquérir qu'a très-grand prix. Ge Peintre
est mort a Amsterdam en. 1693.
JACQUES
* Ferdinand Voet né a Anvers, ctoit un fort bon
Peintre d'Histoire, de Portrait et de Pajsage : on ne
connoit fjue ses Ouvrages esiimés, mais mille particula-
rite' de sa vie. On scail, pour certain, qu'il a demeure'
long-temps a Rome, et depuis k Turin, avant son re-
tour
a Anvers.
-ocr page 329-
316               La Vie des Peintres
JAGQÜES YANDER DOES,
ÉLEP'E DE CARLE DU JARDIN.
IL est peu d'Artistes qui aient recu autant
d'éloges que celui dcnt nous allons tracer
lHistoire. Commencé par son pere Jacques
Vander Does,
qu'il perdit de bonne heure, un
de ses parents, nommé de Graaf, 1'ayant pris
chez lui, lui donna pour second Maitre Curie du
Jardin,
ami de son pene et son Tuteur, sous
lequei il fit des progrès snrprenants, jusqu'a
surpasser tous ses Camarades. Du Jardin parti
pour Rome, Vander Does futinstruit par Gue-
rard Netscher,
qu'il quitta après deux années
pour prendre les lecons de Lairesse. Son pre-
mier Tableau fut 1'effet de sa reconnoissance : il
voulut off ir les prémices de ses talents a celui
a qui ii les devoit. Ce Tableau étoit rïni et admi-
ré de tuut Ie monde , excepté de son Auteur qui,
appercevant quelques défauts dans son Ouvra-
ge, Ie mit en pieces, parce qu'il ne Ie trouva ni
digne de lui, ni de son parent de Graaf, qui
avoit veillé sur son édueation. Il fit un autre
Tableau, dont onignore Ie sujet; il étoit inhni-
ment supérieur au premier: et de Graaf, admi-
rant aufant sa reconnoissance que son génie,
combla de présents Ie jeune Artiste, et lui pro-
cura une place de Gentilhomme a la suite de M.
Heemskerk, Ambassadeur d'Uollande a la Cour
de France. Vander Does charme de trouver uue
occasion de suivre ses études au milieu des
grand»
'
-ocr page 330-
Flamaiids, sfllcmands cl Hollandois. 3IJ
grands Arfistes de Paris, fut enievé par la mort
a 1'entree de Ia carrière la plus bnllante. Ses
Ouvrages, qui nous sont inconnus, furent sin-
gulierement vantés par ses Contemporains.
JEAN VAN GALL.
JEan van Call eut pour pere un Horloger
habile, bon Arpenteur et Fondeur célèbrc, J
qui avoit Ie secret, par un mélange ingénieux
de métaux, d'augmenter considérablement Ie
son des cloches, au point qu'avec pen de mé-
tal, elles rendoint un bruit plus eclatant que
celles qui en avoient une plus grande quantité.
Son pere flatté de 1'honneur que lui faisoit son
Art, auroit voulu lui transmettre ses talents;
mais Ie jeune van Callpréfrra 1'étude et Ia pra-
tique du dessein a In profession mécanique de
THorlogerie et de la Fonderie. Ses premiers es-
sais furent de copier les Paysages de Breu-
ghel,
de Paul Bril, de Nieu/ant, et lui ac-
quirent une réputation d'autant plus llatteuse ,
qu'il iie la dut qu'a lui-même , n'ayant en en-
core aucnn Maitre : il n'en eut pas plus pour
l'Architeclure et la Perspeöive. Les Livres lui
sutfirent, il avoit presque deviné la nature avant
que de 1'avoir vue; cependant craignant de s'y
méprendre, il parcourut les environs de Nimé-
gue, les bords du llhin et les vues les plus agréa-
bles, Ie crayon et la plume a la main: ils fu-
rent dessinés et lavés a Tencre de la Chine, et
achetés très-cher par lesConnoisseurs.Pouvant
se borner a ces succes qui faisoient sa fortune
et
-ocr page 331-
318          La Vie des Peinties, etc.
et sa gloire, il voyagea en Suisse et en Ttalie;
et enfin, il arriva a Rome, oü il recueillit une
moisson plus abondante que jamais, de desseins
de toutes especes, copiés d'après les belles cam-
pagnes de Rome, les Maisons de plaisance, les
Palais, les Payssges, et les restes précieux de
1'antiquité.
Comblé d'honneurs, de connoissances et.de
richesses, il retourna a la Haye par rAllema-
gne et par d'autres pays. Il grava dans cette
Ville plusieurs de ses Desseins a 1'eau f'orte; elle
offrit a ses talenfs beaucoup d'édifices , de mai-
sons, de jardins, de vues a dessiner, qui enri-
chirent ses recueils, et qui furent toujours avi-
dement achetés des Connoisseurs. Cet habile
Dessinateur né a Nimégue en 1655, mourut
a la Haye en 1703, agé seulement de 48 ans.
Il laissa quatre enfants, dont deux furent Ar-
tistes.
M. Henri van Slingelandt, Bourguemestre
a la Haye, possede une grande partie de ses
Desseins.
Call mérite une place distinguée parmi les
grands Dessinateurs. On nous assure qu'il étoit
aussi Peintre en Miniature. Nous ne connoissons
que ses Desseins, et cela nous suffit pour en
faire Téloge. Une touche spirituelle, et des effets
épiés dans la nature, feront toujours estimer et
rechercher ses Desseins. C'étoit en effet un pro-
dige que cet homme, puisque dans son genre
il avoit tout deviné, tout appris, tout perfec-
tionné, sans avoir d'autre Maitre que son gé-
nie, et, après son génie, la nature.
PHlLirPE
-ocr page 332-
P H I L I P P E
ROOS,
ÉLEVE DE SON PERE
HENRI ROOS.
HILIPPE ROOSeftle {e'
cond fils et Elcve de Jean Henri
Koos. Philippe
naquit a Franc-
fort en 165 ƒ. Né Peintre et sou-
tenu de 1'exemple et des le^ons
de fon pere, il obtint, encore j'eune, 1'estime
et la proteöion du Landgrave de Hesse-Caf-
fel, qui remarqiia une si grande vivacité dans
ce jeune Peintre, qu'il voulut ie lattacher; et
potir
-ocr page 333-
32o              La Vie des Ptinttes
1655. pour lui faciliter fon avancement, il 1'envoya
étudier a Rome, avec une bourfe plus que fuffi-
fante pour y travailler avec toutes les commodi-
tés, et anffi long-temps qu'il Ie jugeroit néceffai-
re, et enfuite rctourner a la Cour de ce Bienfaic-
teur. Mai.s Roos toucha la penfion, en profita,
et oublia eniuite Ie bienfait et Ie Bienfai&eur.
Son application a 1'étude étoit fans egale, il
étoit par-tout Ie premier et Ie dernier au travail;
il fut alors 1'exemplo que les plus affidus cher-
choient a imiter, etfa conduite Ie fit rechercher:
heureux s il avoit été toujours de même!
Cet acharnement au travail, a copier la na-
ture, lui mérita Ie titre du plus laborieux de
Home: il ent auffi une facilité incroyable. Le
Blond,
pour lors dans cette capitale, nous en
cite des traits : un jour, dit-il, que nous étions
a dcssiner des bas reliëfs vers Vare de Ves-
pasien , Roos passant par-ld, s'y arrêta, jrap-
pe de quelque objet qui luiparut pittoresque :
il pria le plus jeune de nous de luidonner du
papier et dueto.yon. Quellefut notre surprise?
En rnoins d'une demi-heure il avoitJini un
beau Dessein, termini avec la plus grande
Jinesse; il le donna d celui qui lui cwoit donné
le papier et le crajon, et nous quitta. Nous
nous attroupdmes pour l'admirer
/ un Gentil-
hornme vint nous voir, il ojfrit unepistole du
Desscin que notre camavadc rej'usa
/ il aima
mieux le garder.
Cette facilité donna occasion a une gageure
entre le Comte Martinetzt Arnbaffadeur de
1'Empereur, et un Général Suédois. Ce der-
nier ne voulut jamais croire tont ce qui le di-
foit
-ocr page 334-
Flamands, Allemands et Hollandois. 321
foit de merveüleux de ce Peintre. L'Ambaffa- 1655.
deur paria une fomme que Roos feroit un Ta-^
bleau pendant qu'ils joueroient aux cartes : la
partie 11e devoit durer qu'une demi heure. On
commenca de part et d'autre : Roos avoit flni
avant eux, il leur montra un Payfage avec une
figure, des moutons, &c. et généralement un
joii Tableau, et il partagea 1'argent qu'il avoit
fait gagner a rAmbafladeur.
Roos n'eft juscju'ici connu que commePeintre
excellent, prompt et facile : nous allons mainte-
nant Ie faire connoïtre par fon caraöere et fon
changement de conduite. Un jour deffinant des
animaux dans les campagnes de Rome, Hyacin-
the Brandi,
qui jouiiïbit pour lors d\ine gran-
de réputation, fe promenant dans foncaroffe,
vers 1'endroit oü deflinoit notre Artifte , il vit
fon Deffein qui Ie charma; après 1'avoir loué,
il engagea Ie jeune homme a 1'aller voir chez
lui. Roos ne manqua pas 1'occafion de voir un
auffi bon Peintre : dès Ie lendemain il fit fa vi-
fite, et fut recu très-bien, La converfation fpi-
rituelle de notre Aliemand attacha tellement a
lui Ie Brandi, qu'il lui fit promectre d'y retour-
ner bientót et fouvenr. Il prit congé, et vn fbr-
tant, il rencontra Mademoifelle Brandt, qui ne
faiioit que pafTer. Sa beauté i'rappa Roos, il en
devint éperdument amoureux; il regarda fes
chaïnes avec Ie plus grand défefpoir : il retour-
na chez lui rempii de douleur. Le nom di> Bra-i-
di.
fa richeffe, la beauté cle fa üllc; ia parrie,
fa religion , tout étoit contre lui, evcepté ü ü-
gure : on affiire qu'il étoit un des puis b^aus
hommes de Rome.
Il
-ocr page 335-
3'2 2               La Vie des Peintres
165 5. Il retourna bientót voir Brandi qui étoit 0C-
>ty cupé : il obtint des domeftiques la permiffion
d'attendre; et dès qu'il fut feul, U paffa dans Ie
jardin, promenant par-tout fes regards, pour
tlécouvrir l'appartement de celle qui faifoit fon
tourment. Le hazard ht paroitre Mademoifelle
Brandi a une fenêtre grilléej fans perdre le
moment, il fit, par des fignes, une déclaration
d'amour. Le temps étoit précieux et court : il
obtintde la belle Italienne qiielques efperances.
Cette pantomine dura plufieurs jours, il fut
hcureux; mais 1'amour qui ne veilie pas tou-
jours, les laifTa furprendre par ceux qui les ob-
fervoient. Brandi devint furieux, il mit fa fllle
au Convent, défendit fa maifon a Roos, et dit
qu'il n'avoit point élevé fa fille pour »n Pein-
tre d'animaux : nos amants furent défefpérés.
Roos, que la Bande Académique avoit nommé
Mercure, fit voir que ce nom lui étoit acquis;
1'amour fit plus que routes les instm&ions, i!
alla trouver le Cardinal V^icaire , et le pria de
lui donner quelqu'un pour le préparer a fe ren-
dre Catholique Romain. Son abjuration publi-
que fit du bruit, et fit fort avantageufe au pro-
jet qu'il avoit formé. Alors il déclara au Car-
dinal fon amour pour la jeune Brandi, et il per-
fuada aifément qu'il étoit aimé. Son Eminence
en paria au Pape Innocent XI. Sa Sainteté y
donna les mains, en confidérant qu'il n'y avoit
point de difproportion entre 1'état de 1'un et ce-
lui de 1'autre. Brandi fut forcé de confentir au
manage, et peut-être leur auroit-il pardonnéce
qu'ils avoient obtenu malgrc lui, fi Roos avoit
été moins extravagant.
Le
-ocr page 336-
Flamands, Allemands et Hollandois. 3 a 3
Le leudemain de la nöce, Ie jeune époux se i6?C.
leva le premier, prit toutes les hardes et les bi- ,.«j h_»»
joux, jiisqu'au linge de sa femme, et les renvoya
a son beau-pere, en faisant dire que Ie Peintre
d'animaux n'avoit pas be.«oin de ces meubles,
qu'il ne vouloit que la rille; faisant entendre
<jiic, quoique Peintre d'animaux, il étoit en état
d'entretenir sa femme. Cette conduite inconsi-
dérée et extravagante, acheva de !e perdre dans
1'esprit de Brandi, qui mourut de chagrin,
après avoir déshéritd sa fille; autre folie qui mit
le comble a son malheur : elle paya cher les ex-
travagances de son mari, dont elle fut la vi&ime
pendant le cours de sa vie.
Roos fut avec sa femme demeurera Tivoly;
il y occupoit une grande maison, oü il élevoit
toutes sortes d'animaux pour son étude. C'étoit
souvent la seule compagnie de la belle Brandt,
car Roos étoit quelquefois quinze jours absent,
soit a chasser du gibier pour le peindre, soit a
travailier ailleurs. Il sortoit a cheval accompa-
gné d'un Domestique, souvent sans argent; le
premier cabaret qu'il rencontroit devenoit son
atteli«r, il y faisoit un on deux Tableaux que le
Domestique alloit vendre encore tout frais par
les rues; ensuite il retournoit payer 1'écot du
Maitre, n'ayant mille part aucun crédit.
La facilite de Roos augmenta si fort le nom-
bre de ses Tableaux, que le prix en diminua a
proportion. Tous les Marchands de Rome en
étoient fournis, TEtranger neles connoissoit pas
encore, ainsi tout resta seulement dans Rome.
Il arriva que le Valet fut forcé de les rappor-
ter, parce qu'on en offroit trop peu : comme
Tome 1U.                               X il
-ocr page 337-
324              La Vie des Peintres
il falloit de l'argent, on vendoit, n'importe a
quel prix. Le Domestique eut assez de crédit
auprès de quelqu'un pour trouver de l'argent,
au lieu de courir les mes avec les Ouvrages de
son Maitre; il en fit un magazin, avec lesquels
il a fait depuis une fortune considérable.
Nous abrégeons beaucoup les extravagances
de eet habile Artiste. Tant de talents peuvent-
ils être réunis dans une ame aussi basse et aussi
ridicule? La crapule est un grand vice, mais
comrnent peut-on appeller 1'ingratitude qu'il
poussa trop loiu? Nous avons fait voir ce qu'a-
voit fait pour lui Ie Landgrave de Hesse, qui
1'avoit entretenu pendant qu'il faisoit ses études.
Il ne s'étoit jamais informé de son Proteöeur, ni
inquiété de la reconnoissance; et il tnontra, par
un dernier trait, combien il étoit incapable de
ce dernier sentiment. C'est l'ingratitude des Ar-
tistes qui dégoüte souvent les Grands de leur
libéralité, et qui les empèche de secourir le mé-
rite indigent, sous prétexte que leurs bienfaits
ne servent qu'a faire des ingrats.
Dans le voyage d'Italie, que fit le Land-
grave de Hesse en 1698 & 1699, il passa par
Rome, il s'informa avec bonté si Roos étoit
en vie ; on lui apprit sa conduite. Je lui par-
donne, dit le Landgrave, d'avoir changé de
iteligion, mais j'ai de la peine a comprendre
pourquoi et comment il ne m'a pas envoyé un
seul de ses Tableaus; j'aurois été enchanté de
le trouver reconnoissant. Roos évita ce digne
Protefteur avec autant de soin que 1'on en pre-
noit pour le découvrir; il falloit presque le for-
cer pour se présenter devant lui : il fut recu
avec
-ocr page 338-
Flamands, Allemands 6t Hollandois. 3a5
avec toute 1'amitié possible, et chargé de lui
faire quelques ïableaux, dont Ie Landgrave
fixa Ie prix bien au dela de celui qu'il recevoit
ordinairement de ses Ouvrages. Roos promit,
et n'eut jamais Ie courage de tenir son engage-
ment : il étoit fait pour manquer a ceux a quï
il devoit tout.
Sa pauvre femme vivoit dans la misere, aban-
donnée de son mari qui ne vivoit qu'au caba-
ret. Il ne peignoit que pour vivre, ainsi il étoit
souvent un mois absent. Mademoiselle Brandi
eut tont Ie temps de regretter sa faute. Roos est
mort a Rome vers 1'an 170 J.
Ce Peintre auroit vécu dans Ie plus grand
éclat, s'il n'avoit pas manqué par Ie coeur. Son
talent étoit de peindre des animaux; sa grande
facilité n'y diminue en rien Ie fini de ses Ou-
vrages : on y voit avec plaisir une exaóte vé-
rité, puisée dans la nature. Son dessein est cor-
reft, sa touche large et moëlleuse. Il composoit
ses grouppes avec jugement; ses fonds, ses ciels
et son Paysage en général, portent en tout Ie
earaöere d'un Maitre habile, et d'un homme
habitué a consulter la nature en tout. Ses Ou-
vrages recherches de son temps, ne diminuent
pas encore, tant il est vrai que Ie beau est en
tout temps recherche. Ses Tableaux sont bien
connus en Italië.
1
-1 ..
X 1 ROELOF
-ocr page 339-
326              La Vie des Peintres
ROELOF KOETS,
Ê h E V E
DE G U E R A R D TERBURG.
LE Portrait qui a fait !a fortune de tant de
bons Artistes, a aussi enrichi Roelof Koets,
né a Zwolle Ie 16 Janvier 165 5, fils d'un Peintre
qui lui donna quelques principes du dessein.
Guerard Terburg devint son Mattre, et bien-
töt il surpassa tout ses Camarades. Terburg en
convint malheureusement; la jalousie fut pons-
sée si loin par les autres Eleves , que Ie Maitre
en eut de la crainte : il conseilla Koets de Ie
quitter et de ne suivre que la nature; il n'avoit
pour lors que 18 ans. Il fit quelques Portaits
bien ressemblants, qui porterent Ie Comte de
Daluigh
a se faire peindre: tousles Officiers de
son Regiment en firent autant. Il réussit égale-
ment, et c'est ici 1'époque de sa fortune.
Le Comte de Dalwigh Ie présenta a la Cour
du PrinceHenri-Casimir, Stadhouder de laFri-
se; il fut très-bien re^u, etbientót cePrince
ne put se passer de lui. 11 se fit peindre plusieurs
fois, et la Princesse et ses enfants; toute la
Cour voulut a Tenvi, avoir son Portrait. On
parle ici avec des éloges de ce bon Artiste; on
vante sa grande facilité, son dessein, son choix
dans la nature, et les agréments qu'il fgut ré-
pandre dans ses Portraits par les accessoires.
Koets etoit aussi très-grand Musicien, ensorte
qu'il
-ocr page 340-
Flamands, Allemands et Hollandois. 827
qu'il fcavoit également amuser par ses Ouvrages
et par des concerts, &c.
Koets ne se borna pas dans cette Cour uni-
quement au plaisir : il fit des études. Chaque
Tableau étoit pour lui un sujet de recherche;
nature étoit par-tout un guide qu'il ne perdit
jamais de vue. Il pass;i dans Ie pays de Guel-
dres, oü sa róputatïon 1'avoit précédé. Le Com-
te de Portlant se fit peindre, et sa familie. Le
même succes lui proeura de faire Ie Porrrait du
Roi d'AngleterreGuillaumo III, celui du Comte
d'Essaix, et un grand nombre de Seigneurs An-
glois et Allemands, qui étoient a la Cour de
£00, pres du Roi.
On engagea Koets a passer a la Haye; ily
débuta par le Tableau de la familie de Pf^asse-
naer,
celui du Conseiller-PenMonnaire Hoorn-
beek,
et d'autres personnes de la premiere dis-
tinftion de tous les pays. C'est une chose singu-
liere d'apprendre qu'un seul homme air fait joco
Portraits, et tous bien terminés, sans le secours
de personne. Il est aussi cité pour le Peintre le
plus laborieux de son tenips. Il a travaillé jus-
qu'au dernier moment. En 1725 M. de Nu,
Bourguemestre a Deventer, se fit peindre par
notre Artiste; il se trouva mal, et pen de jours
après il mourut a Zwol 1 o le 25 Juin de la même
année, a 1'age de 7Oans. Il est regarde comme
un bon Peintre de Porirait. Cet éioge est d'a-
près les Artistes qui connoissent ses Ouvrages.
X 3 CHARLES
-ocr page 341-
n
CHARLES
DE MOOR,
É L E V E
D'ABRAHAM FANDEN TEMPEL.
apas
RL
JU
A Ville de Leyden se croit ho-
norée d'avoir donné Ie jour è
Charles de Moor, né Ie 22 Fé-
vrier 1656 ; il étoit fils d'un
Marchand de Tableaux, qui Ie
destina d'abord aux études; mais
les Tableaux qu'il avoit dcvant lesyeux, eu-
rent pour lui plus d'attraits que tout ce qu'on
lui promettoit, s'il devenoit un f^avant dans
le«
-ocr page 342-
La Vie des Peinlres, etc.          3sg
les langues. Ce futa son pere a qui il confia son i6«6.
dégoüt pour Ie latin, et son amour pour la Pein» «r
ture : on Ie placa chez Gerard-Douw. Il fit des
progrès, et bientöt plus porté pour une manie-
re plus large que celta de son Maitre, il alfa a
Amsterdam étudier sous Ie bon Peintre de Por-
traits, Abraham Vanden Tempel. La mort de
celui-ci en 167a, Ie ramena encore une fois a
Leyden, sous Ia conduite de Frangois Mieris ;
ensuite aDort, chez Godefroi Scalken. Il étoit
attiré chez ce dernier, par sa facon de peindre;
il dessinoit déja mieux que son Maitre, c'en
étoit bien assez pour faire de grands progrès ,
et paroitre en public avec ses propres Ouvra-
ges : il brilla par quelques Portraits qui 1'éle-
verent au-dessus de ceux de son temps. Le Ta-
bleau représentant Pyrame et Tisbé, fit tantde
bruit que les Etats lui ordonnerent un Tableau
pour être place dans la Salie du Conseil; il
avoit le choix du sujet, pourvu qu'il eut ra-
port avec la Justice. De Moor représenta le
jugement terrible oü Brutus fait punir de mort
ses deus fils : ce beau Tableau se voit encore
dans Ja même Salie; on y admire le Peintre et
1'homme instruit des différents mouvements de
1'a'me : ce Tableau est effrayant, tant la vérité
est exprimée par-tout. Il fit aussi un grand et
beau Tableau d'Aurel ponr 1'EgHse des Jaco-
bins a Leyden, et un grand nombre de Por-
traits.
Il peignoit aussi des petits sujets pris dans
la vie ordinaire 5 ceux-ci ont le précieux des
plus grands Maïtres. Sa réputation vola par-
tout : le Grand Duc de Toscane lui demanda
X 4 sou
-ocr page 343-
33o               La Vie des Peintres
1656. son Portrait. De Moor ne manqua pas une oc-
^p—^ casion si honorable , de se voir place parmi les
plus grands hommes; il envoya ce beau Por-
trait en 1701; il recu du Grand Duc une Me-
daille d'or du poids de deux marcs, et la chaine
du même métal.
L'Empereur lui fit demander par son Ambas-
sadeur, Ie Comte de Sinsendorf, les Portraits
du Prince Eugene et du Duc de Malbourough.
Il les repiésenta tous deux a cheval dans Ie mê-
me Tableau qui avoit quatre pieds. Il fit aussi
Ie Portrait de l'Ambassadeur; tout fut envoyé
a 1'Empereur qui fuf si salisfait, qu'après avoir
loué les talents du Peintre, il Ie créa Cheva-
lier du Saint Empire. Cette récompense hono-
rable, fit un plaisir singulier aux autres Artis-
tes, et ne faisoit qu'augmenrer leur émulation,
sans exciter leur jalousie. Les Portrails qu'il
fit grands comme nature et jusqu'aux genoux,
de M. et Madame van slersscn, celui de M.
Guillaume-Louis van Wassenaar et sa femme,
firent un effet bien singulier: 011 poussa 1'hypet-
bole au point de les élever au dessus de ceux
du Ti/icn. Il eut encore une occasion de s'im-
mortaliser; les Magistrats de la Haye se firent
peindre en pied, de la grandeur de demi-na-
ture. Ge beau Tableau fut fini en 1719, et fut
place oü on Ie voit présentement dans la Salie
des Bourguemestres a la Haye. On y voit re-
préseutés lesBourguemestres, Messieurs Eivout
Brand, Gjsbert van Kinschot,
et Messieurs
les Echevins, Paul van Assendelft, Adrien van
Spierinx Hoek; Guillaume Coinans, Guillau-
jne-Antoine Pietersqn : Jean ten JHovej
&
-ocr page 344-
Flamands, Allemands et Hollandois. 331
Jcan Stêenis; \es Secrétaires, Michel ten Ho- 1656.
ve & Jean Quarles, & leur premier Ci
Nico/as sJmerongen. Ce Tableau est vrajment
beau ; je souhaite a la Hollande des Peintres de
ce mérite,
Le C?ar Pierre Ie Grand admiroit les Ou-
vrage* de de Moor ; il se fit aussi peindre par
lui. Il aima ce Tab < au au point que chaque
fois que 1'on avoit peint d'après lui, il le ren-
fermoit de crainte qu'il n'y arrivat quelqu'ac-
cident avant qu'il fut fini. Le Peintre ent quel-
ques difficultés avec ce Prince. parce qu'il se
lai.soit attendre, et il ne voulut 1'achever qu'a-
près que TEmpereur lui ent promis d'être plus
exad pour se rendre aux heures qu'il avoit in-
diquées.
M. Verhamme fit orner une Salie dans sa
Maison a Harlem, placée sur le vieux fossé.
De Moor y composa un ordre d'archite&ure
avec des balustrades. On y voit des Bergers et
de jolies Bergeres ingénieusement grouppées.
Quoique eet Ouvrage soit de sa vieillesse, on
ne le soupconneroit jamais; c'est a ce que je
crois, un des Peintres qui a travaillé le plus
long-femps, sans diminuer de talent et de cha-
leur dans ses compositions et dans 1'exécntion.
Ses derniers Tableaux se reconnoissent par des
touches plus négligées qui n'en diminuent pas la
vigueur; mais on ne reconnoit pas cette mêrne
foute qui le caraöérise. II aimoit clans sa vieil-
lesse , beaucoup le séjour de la Campagne a
TVarmont, ou il mourut le 16 Février 1738,
a 1'age de 8z ahs. Il laissa un fils qui exerce
i la Peinturg.
-ocr page 345-
33a               La Vie des Peintres
1656. De Moor avoit eu toute sa vie une conduite
•■^—■r trèsréglée : il aimoit son art passionnémenf.
Sans être intéresse, il ne perdit point 1'occasion
de gagner,et elle se présenta souvent pour les
Portraits qu'il fit payer cher. S'il gagna moins a
peindre de jolis Tableaux, il paroit qu'il fai-
soit ces derniers avec plus de plaisir; il en a
fait un grand nombre, et nous regrettons qu'il
ait fait plus de Portraits, parce que ceux-ci
deviennent perdus pour les curieus. Les gran-
des families, pour lesquels il les avoit faits, ne
s'en déferont jamais, tandis que les Tabieaux de
cabinets se dispersent et changent de place. Ce
Peintre avoit une très-belle couleur, une belle
exécution dans Ie n"ni de ses Ouvrages, un bon
gout de dessein,et routes ses compositionsbien
disposees. Les Portraits de ce Maïtre sont d'une
grande beauté, il en a fait avec la vigueur de
Rembrant, et d'autres comme ceux de pan
Dyck.
Voici quelques Tableaux de lui, encore
rares en France.
On trouve dans Ie Cabinet de M. Julienne;
a Paris, un joli Tableau composé de trois figu-
res, on y joue aux échecs.
A la Haye, chez M. Fagel un petit pêeheur
et sa femme : un autre, une femme qui don-
ne de la bouillie a son enfant : chez M. Ie Lor-
mier,
Vertumne et Pomone; dans Ie même
Tableau, des fleurs dans un panier, un petit
chien &c. un autre, Armide et Renaud endormi,
et trois autres figures; un Hermite; un jeune
homme assis, et les accessoires; une petite fille
aussi assise, et un Berger qui joue de la flüte
pres de sa Bergere; chez M. van Hétcren, une
familie
-ocr page 346-
F/amands, Allemands et Hollandois. 333
familie de Villageois a fable, disant Ie bénédi- 1656.
cité; on voit dans Ie fond la vue de Leyden et •
de Warmont, Terre qu'habitoit Ie Chevalier
afe Moer; un jeune garcon qui se joue en sau-
tant, mie perite fïlle Ie regarde : chez M. Bik-
ker van Zwieten ;
un vieillard pres d'une jeune
Demoiselle; et une Madeleine.
Eta iMiddeibourg, chezM. Cauwerven, une
petite femme qui tient des plumes.
JEAN GOTLIEB GLAUBER.
S'Il est utile aux Artistes, ainsi qu'aux Plii-
losophes de voyager, ce n'est que quand
ils sont en état de bien voir les objets divers
que la nature offre a leurs yeux, et qu'ils ont
acquis, par l'expérience, assez de connoissance
pour en juger et en profiter. Glauber n'avoit
que quinze ans, lorsqu'il sortit de son pays avec
son frere ainé Jean Glauber, de qui il avoit
appris les principes de son Art. Jean Glauber
engagé par d'autres Artistes a aller a Lyon,
pensa que ses voyages étoient nuisibles aux pro-
grès de son Art. Son frerequi n'avoit pas encore
assez d'acquit pour profiter de tant difFérents
objets, Ie placa a Paris chez un Peintre d'Har-
lem, que 1'on nommoit JacquesKnyf, qui pei-
gnoit bien l'archite&ure, ou desports demer,
ornés de figures, &c.
Knyf avoit entrepris quelques Tableanx a sa
Campagne, pour Ie Chateau d'un Seigneur
Fran-
-ocr page 347-
334              La Vie des PeitUres
1656. Fran$ois;il fut obligé de s'absenter quelque-
■<T temps de Paris : a son retour, il congodia son
Eleve, sous Ie prétexte qu'on ne payoit pas
exaöement sa pension. Le jeune Glauber fut
rejoindre son frere a Lyon; il le suivit a Rome
et dans les autres Villes d'ltalie, et retourna
avec lui a Hambourg, jusqu'en 1684, quils se
quitterent. L'ainé fut a Amsterdam, et 1'autre
en AUemagne , oü plusieurs Princes exeicerent
son pinceau. Il resta quelques années a Vienne,
dela il alla a Prague, et enfin se fixa a Breslau,
oüil mita profit les connoissances infinies que
ses voyages lui avoient procurées. Il mourut
en 1703.
Les Tableaux de Glauher, dont nous venons
de parier, ne sont pas connus en France : on les
confond souvent avecceux de son fiere. L'Al-
letnagne possede presque tout ce qu'il a fait : je
n'en ai vu que deux; je joindrai a 1'éloge. que je
lui dois, le témoignage avantageux des Histo-
riens. Les Paysages dont les sites sont variés,
bien choisis et agréables, paroissent tous copiés
d'après nature. Les Italiens aimerent ses Ta-
bleaux, et il lui on donné le nom de Mirtillus,
a cause, sans doute, de 1'agrémcnt pasforal et
champêtre qu'il fcut répandre dans ses Paysa-
ges. Il représentoit aussi très-bien des ports de
Mer qu'il ornoit de figures bien dessinées et bien
entendues. Sa couleur est vraie et pleine de
chaleur; son dessein est correft dans les per-
sonnages et les animaux; il mérite a mon gré,
une place parmi les grands Artistes.
Les
-ocr page 348-
Flatnands, Allemands et Hollandois. 335
Les freres Glauber ont eu une soeur, Diane
Glauber,
qui a réussi dans Ie Fortrait et dans
quelques Tableaux d'Histoire. Elle demeuroit
a Hambourg : elle eut Ie malheur de perdre la
vue long-temps avant sa mort, dont Ie temps
n'est pas connu.
LOUIS
-ocr page 349-
LOUIS
DE DEYSTER,
ÉLEVE DE JEAN MAES.
OUIS DE DEYSTER, fils de
Louis et de Cornille van Heys-
choote,
de très-honnête et ancien-
ne familie bourgeoife, qui avoit
'I depnis 400 ans donné a la Ville
deBruges plufieurs de fes principaux Magiftrats,
et de fes plus fameux Négocians.
Louis de Deyster naquit dans cette Ville vers
1'an 1656, et fut conflé d'abord, en qualité d'E-
leye, a Jean Maes bon Peintre d'Hiftoire et
da
-ocr page 350-
La Vie des Peintres, etc.          337
de Portrait. Le voyage de Rome perfeöionna
les ralents de Desyter. Il paffe fix années, par-
tle dans cetteCapitale, partie a Venife, toujours
accompagné d'un ami fidele, dont par la fuite il
époufa la foeur. Cet ami étoit Antoine van
Eeckhoute,
tres-bon Peintre de fleurs et de
fruits. JL'un et 1'autre de retour a Bruges, leur
Patrie, vécurent dans une intimité dont il eft
peu d'exemples, même entre des freres : com-
bien font-ils plus rares entre gens^ de la même
profeffion ?
Les grands ralenrs de Deyster furent long-
teraps ignorés. Naturellement timide, ennemi
des rapports, occupé des devoirs de la piété, a
peine étoit-il connu dans fa Patrie. Son attelier
lui tenoit lieu du monde entier : on ne connoif-
foit que fes Ouvrages; on ne voyoit prefque ja-
mais fa perfonne. Les Artiftes font néanmoins
obligés de paroitre quelquefois, et il est rare
que la fortune aille d'elle-même chercher un
Protogéne ou tin Phidias dans 1'enceinte de fon
domeftique. Deyster étoit fi phjlofophe qu'il ne
craignoit ni 1'indigence ni le mépris; il auroit
vu ia mifere a\?ec toutes fes fuites, fans en être
effrayé, fans croire mériter un autre fort.
Cependant quelques Tableaux de conféquen-
ce attirerent les curieux et les Eleves. Deyster
ne put fe cacher plus long-temps; il fut obligé de
recevoir des marques d'eftime et de s'enrichir; il
fut peut-être alors moins heureux, parce que fes
foins et fes travaux fe multiplierent: c'eft 1'épo-
que de fes grandes entreprifes pittorefques. Il
fit 1'Hiftoire de Rebecca pres du puit oü elle
donne de 1'eau au Serviteur d'Abraham, celle
de
-ocr page 351-
338               La yie des Peinlres
1656. de Judith en plufieurs morceaux destinés a orner
^■■y un appartement. Il fe furpalïa lui-même dans un
Tableau repréfentant la mort de la Sainte Vier-
ge. On connut, a cette occafion, combien Deys-
ter
avoit étudió la nature, et combien il étoit
propre a traiter les grands fujets. Deux autres
pièces de ia même beauté furent, la Réfurrec-
tion de Notre-Seigneur, et fon apparition aux
trois Maries. On remarque dans ce dernier mor-
ceau, que Ie C hrift ne Ie céde ni pour la couleur
ni pour Ie deffeina ceuxd< Vandyck,
Un très-grand nombre d'autres belles entre-
prifes remplirent tous les moments de notre
Peintre, et Ie mirent maigré lui dans Ie monde.
Il fut recherche et goüté même pour fon mérite
pefonnel. Quoiqu'il fut philofophe et ami de la
folitude, fa converfdtion étoit fpititaelle, fa can-
deuret fa modeftieenchantoient, etelleslui ont
fait amant d'amis qu'il fe trouva de perfonnes a
portee de Ie connoitre. Ce genre de vie un peu
plus relatif aux ufages de lafociété, ne diminua
ni fon humilité, ni fon application a 1'étude.
Surchargé d'Ouvrages,il finiffoit avec Ie même
foin tout ce qu'il entreprenoit. Plnfieurs per-
fonnes ne pouvant en obtenir de Tableaux, fe
contentoient de fes efquiffes qti'il terminoit plus
qu'on ne termine d'01 dinaire ces fortes de pen-
fées, qui font Ie fruit d'un premier feu. On re-
marque qu'a fon retour de Rome, la Ville de
Bruges avoit peu d'amateurs, et encore moins de
connoiffeurs; mais par Témulation et Ie gout qu'il
répandit,on vit tout-d'un coup fe former desca-
binets avec beaucoup de dépenfe et de choix.
Deyster
-ocr page 352-
Flamands, Allemands et Hollandois. 33g
Deyster ètoxt chargé d'Ouvrages qu'il vendoit
trés-bien; et fa fortune ne pouvoit qu'aller en
croissant, s'il fe fut contenu dans les bornes de
fa profc/ïïon; mais comme il avoit du génie
pour tous les Arts, il fe livra a une rnultitude
d'occupations frivoles, a la ftru&'ire des cla-
vecins, d'orgues, et de violons, d'horloges, de
pendules, &c. 11 facrifïoit ainfi un talent oü il
excelioit, a 1'inconftynce de fon imagination;
et du rang des premiers Peintres de fon temps,
il defcendit a celui d'homme médiocre dans les
autres Arts. Ce défaut de conduite diffipa fon
temps, fes éleves, fes amis, fa fortune : il fut
obligé, pour fubMer, de vendre jufqu'a fes def-
feinSj et de faire enfuite des efquisses ou des Ta-
bleaux a la hate. Un ami, M. Roelof, gémiffoit
fur Ie fort de Deyster. Get ami eftimable miten
vain tont en oeuvre pour rappeller ce Peintre
de fes égarements : il fut Ie feul qui ne 1'aban-
donna point, et fa générofité 1'empêcha de périr
de mifere; mais qui ne Ie toucha pas aflez pour
en fupprimer la caufe. II mourut en 1711, agé
de y y ans, éprouvé par une longue maladie qui
n'altéra jamais fa conftance.
Deyster n'a eu que deux filles de fon Maria-
ge. La plus jeune, Anne Deyster, deffinoit et
peignoit bien dans Ie gout de fon pere. Ses
copies d'aprèslui, caufent quelquefois des in-
qniétudes et des difputcs parmi les Amateurs qui
confondent fouvent les copies avec les origi-
naux : elle a fait a l'aignille des Payfages qui
imitent très-bien la Peinture. Elle jouoit de
tous les inftruments , et elle s'accompagnoit
fupérieurement du clavecin. On affure que fes
Tome III.                            Y talents
-ocr page 353-
La F ie des PcitUres
i6s6- taients onf été caüfe des égarements du pere,
»r qui vouhit lui-même apprendrela mufique a i'age
de 50 ans. Anne Deyster rttourut en 1746; c'eft
d'eile que nous tenons la \ie de fon pere.
La maniere de Deysler eft grande et large;
il s'étoit formé un gout approchant des Italiens.
Il deffinoit et compoi'oit ;svec jugement: il don-
noit beaucoup de cara&eie a (es airs de tête,
a fes pieds et a fes mains; fes draperies font
fentir Ie nud; les püs y font ampies et formés
avecchoix; fa couleur est chaude et dorée :
il ne faifoh que glacer fes ombres avec du ftil
de grain et de 1h momie; on volt par-tout la
toile; mais auffi chargeoit-il beaucoup fes lu-
mieres : il avoit pour maxime de p'.acer dans
les chairs des demi teintes de terre verte un peu
outrées entre fes ombres et fes lumieres, ce qui
fait un grand et merveilleux effet, a une cer-
taine diftartce : fes teintes ne font nullement
tourmentées, il les mettoit dans leur place,
après quoi il les hachoit avec un grand pin-
ceau on la btoffe, les unes dans les autres,
toujours fans les matter; il revenoit la-dessus
avec des touches larges, chargeart de couleur
au point qu'on fent leur épaifieur a ia main fur
les dairs, et comme j'ai dit, il n'en mettoit
presque point dans les ombres. 11 facrifioit la
moitié de fes Tableaux , pour répandre ia lu-
miere fur 1'objet principai, et fouvent on a de
la peine a distinguer des figures entieres dans
les fonds, ce qui donne une force et une intelli-
gence de clair obfeur qu'ii a pouffé aufli loin
que les plus grands Maitres de Fiandres.
Tout ce qu'il a peint paroït en mouvement.
Ses
-ocr page 354-
Flamands, Allemands et ffollandois. 34*
Ses drapedés iloiteiH au gré de i'air : les étoffes
gro/fi res onr des plis plus larges, et {entent la
laine uu Ie lin. Deyslcr n'a jamais plu aux Da-
mes , pa-ce qu'il peignoit la nature telle qu'elle
étoit: fon piriceau réii/F.ffoitmieux a peindre un
Apótre qu'une Nymphe; ccpendant nous avons
de lui plufipurs fujets de femmes, mais elles font
plus belles quejolies.
On aura de Ja peine a croire que ce Peintre
étoit long. Ses Tableaux paroinrnt faits derien
et fort vïte; mais il eft conftant qu'il corapo-
foit plufieurs fois Ie même fujet; a la mine de
ploinb, on a 1'encre de ]a Chine. Son fujet trou-
vé, il deffinoit fur la toile ou fur Ie panneau,
avec une corre&ion que perfonne n'avoit en
Fiandres de fon temps; après qiioi il peignoit
et finifToit prefque toujours au premier coup.
Cet avantage feul fauva fa lenteur. On n'ofoit
jamais, en fa préfence, louer fes Ouvrages; il
regatdoit tont ce qui forroit de fa main avec
chagrin: Hen ne lui en plaifoit: cette délicateffe
venoit de ce qu'il avoit toujours devant les
yeux les grands Maitres d'Italie qu'il s'étoit
propofés pour modeles. Il a gravé en maniere
noire et a 1'eau forte. Sa pointe eft facile et né-
gligée : il ne cherchoit que l'efFet3 fouvent aux
dépeus de la corre&ion.
Voici une partie de (es Ouvrages.
Dans 1'Eglife de Saint Jacques, a Bruges, la
mort de la Vierge, Tableau furprenant pour la
compofition, ou 1'efprit de 1'Auteur fe décele
par-tout; Jéfus-Chriil è la Croixavec les Ma-
ries; et la Réfurreftion de Notre-Seigneur. M.
Roelof, ami et Mecene de Deyster fit faire ces
Y 2 Ta-
II.....
-ocr page 355-
34s              La yie des Peintres
1656. Tableaux a fes dépens, pour faire connoitre 1«
■uw Pcintre; exemple remarquable de Tamitié la
plus tendre. Il céda ces Tableaux depuis a cette
Eglife, dont il étoit Marguillier; mais quelques
difficultés entre les Marguilliers ont fait paffer
cette belle compofition dans 1'Eglife desCarmes
de la même Ville. On y voit encore fept autres
Tableaux.
Le premier repréfente Saint Siméon Stock,
qui rec,oit des careffes de l'Enfant Jéfus qui eft
fur les genoux de fa mere. Le haut eft une gloi-
re : ce Tableau eft d'une belle harmonie. Le deu-
xieme, 1'Affomption de la Vierge, une légion
d'anges et de chérubins qui entourent la Reine
du Ciel, flottent dans les nuages avec une lé-
géreté étonnante.
Le troifieme enfuite, Saint André de Corfini,
Evêque de Fiéfola, auffi de 1'Ordre de ces pe-
res: pendant qu'il dit fa Meffe, la Vierge appa-
roït au haut de 1'Autel; fujet ingrat, maïs bien
rendu.
Le quattierae repréfente Saint Angelus, du
même Ordte, retiré dans un défert, dépourvu
de nourriture : il eft en priere et dans 1'étonne-
rnent, lorfqn'il fe retourne, et voit un Ange
qui lui apporte du pain et de 1'ean. Ce Tableau
qui n'eft compofé que de deux figures eft fur;
prenant, et paffe certainement pour fon chef-
d'ceuvre,
Le cinquieme, eft Sainte Marie-Madeleine
de Pazzi, en extafe devant le crucifix; elle eft
foutenue par un Ange, et entourée de Chéru-
bins.
Deux autres Tableaux au cóté du grand Au-
tel:
-ocr page 356-
Flamanda , Jllemands et Hollandois. 345
tel: 1'un Notre-Seigneur en croix, la Vierge et 1656.
Saint Jean a ses cötés, 1'autre la Madeleine au -t-ttt—
pied de la croix. Ces deux derniers font foibles
en tout.
Dans 1'Eglife paroiffiale de Sainte Anne, il a
peint un Saint Sébaftien; lié, fufpendu a un ar-
bre, et percé de fléches; celui-ci eft auffi du
bon temps de Deyster, ainfi que Ie Martyre de
Saint Amand, dans la Chapelle confacrée a ce
Saint; et une Vifitation , Tableau du grand Au-
tel dans 1'Eglife des Beguines.
Chez M. Goormachtigh, Procureur, fe con-
ferve Ie Tableau que Deyster fit pourfon beau-
frere; on y voit la Déeffe Pomone endormip,
un Berger lui apporte des fleurs et des fruits: la
Déefle eftd'une beauté raviflante, elle semble
refpirer; les fruits et les fleurs font peints par
Vanden Eeckhoute. Ce Tableau paroit être
peint d'une même main.
Chez M. fFinkelman, Lucréce qui fe perce
Ie fein, et la punition d'Ozias, petits Tableaux
de chevalet touches avec finefle et esprit.
Chez M. van Overloop, a la Monnoie, autre
bonTableau repréfentant 1'adoration des Bergers.
Chez M. d Aquillo ancien Echevin, Notre-
Seigneur, auquel les Juifs font foufFrir Ie fup-
plice de la Couronne d'épines. Ce Tableau eft
dans la plus grande maniere, bien penfé et d'üne
belle exécution.
Chez M. Pullinx, Greffier, la Continence de
Scipion, figure prefque grande comme nature.
Chez M. Guillaume Acke, Echevin, Notre-
Seigneur et la Samaritaine; les Apötres, occu-
pent Ie fond du Tableau.
Y 3 Chei
-ocr page 357-
344               La Fie des Peintret
165b. ChezM. Salcns, la Madeleine pénitente, de
win» grandeur de nature.
Chez M. l'Eguillon , autre Couronnement
d'épines , auffi de grandeur naturelle.
M de Bie, Avocat, pofféde un des bons Ta-
bleaux de ce Maitre, il repréfente Notre-Sei-
gneur a la Colonne.
Voici les derniers Ouvrages de Deyster, ils
font places dans une Chapelle dédiée au Saint
Sacrement, dans la mème Ville de Brnges. En
1701, M. Roelof en eut la dire&ion; il la fit
décorer en dedans de rnarbre noir et blanc , et
laifla des compartiments pour y mettre fept Ta-
bleaux. Cet ami du Peintre penfoit toujours a
Ie foulager ; il lui commanda les Tableaux;
les figures grandes comme nature, repréfen-
tent :
Le premier, Notre-Seigneur qui quitte fa mere
avant fa Paffion.
Le deuxieme, Notre Seigneur au Jardin des
Oliviers.
Le troisieme, Notre-Seigneur trainé dans le
Cédron.
Lequatrieme, Notre-Seignenr qui rec,oit le
foufflet en préfence du Grand-Prêtre.
Le cinquieme, Notre Seigneur attaché a la
Colonne.
Le fixieme, le couronnement d'épines.
Le feptieme, la Réfurreftion de Notre-Sei-
gneur. Ce dernier Tableau eft peint par Joseph
Kerekhove.
On ne pouvoit jamais tirer ces Ta-
bleaux des mains de Deyster,• on y reconnoit
le même Maitre, mais négügés, les têtes ma-
niérées, et tout fon deffsin fans choix et fans
cor-
_________________________
-ocr page 358-
Flamands, Allemands et Hollandois. 345
corre&ion : les figuresfont coutres; en général
on y voit Ie déclin des dernieres années d 1'
tifte. Nous exceptons ie T.ibieau oii Notre-Sei-
gneur est dans Ie Jai din des Oliviers : celuici
eft digne de fon bon temps.
A i'Höpital de S. juiien, la Réfurreclion du
Lazare.
A Furnes, on y voit Ie Martyre de Sainte-
Barbe, Tableau d'Autel a la Paroiffe de Saint
Nicolas.
A Bergues, dans 1'Eglife de 1'Abbaye de S.
Winnox, 1'on trouve im des plus beaux Ta-
bleaux de Deyster; c'eft Saint Grégoire qui fe
lave les mains.
L'Auteur de eet Ouvrage poflede a Rouen une
Madeleine pénitente. Deyster a gravé ce petit
Tableau : un autre, des Vendangeurs aux envi-
rons de Rome, genre de Tableau que ce Pein-
tre a fait fouvent, en revenant d'Itaüe.
A N T O I N E
VANDEN EECKHOÜTE.
ANtoine vanden ëeckhoute, flls de
Michel, né a Bruges a peu pres dans Ie
temps de Deyster, fut son beau frere et son com-
pagnon de voyage : c'est tout ce que nous fca-
vons du premier teraps et de la jeunesse de ce
Peintre; son Maitre nous est même inconnu.
Pendant Ieséjour de vandenEeckhoute enltalie,
il pcignoit des Tableaux de concert avec Deys-
ter :
celui-ci faisoit les figures, et notre Artiste
Y 4 peignoit
-ocr page 359-
346               La Vie des Peintres
1656. peignoit les fleurs et les fruits. Cette union en-
<—t tr'eux se répandit sur tout ce qu'ils ont fait en-
semble, même couleur, même touche, &c.
Après deux années de retour en Flandres,
FandenEeckhou/eacheta laChargedeConseü-
ler-Orateur a la Prévóté Ecclésiastique, Char-
ge honorable qui porte avec elle Ie titre d'Eche-
vin y 1'Evêque de Bruges en est Ie Prévot. Tout
occupé qu'il étoit dans son état, la Peinture
remplit tous ses autres moments, et on vit sor-
tir presqu'autant de Tableaux de sa main, que
s'il n'avoit point eu d'autres devoirs a remplir.
Vanden Eeckhoute chéri dans sa patrie par son
esprit et .«es talents, eut 1'irgratitude de la quit-
ter, dabandonner sa familie, sa fortune, pour
courir des hazards, et éprouver les suites de la
jalousip.
Il s'embarqua pour l'Ifalie, Ie hazard Ie con-
dtiisit a Lisbonne, on ses Ouvrages furent en-
levés a grand prix, et gagna beaucoup. On nous
a caché Ie commencement de son élevation;
d'une belle figure. 1'esprit cultivé par une bon-
ne éducation, séduisant dans Ie monde; il n'a-
voit pas encore passé deux ans dans cette Ville,
lorsqu'il épousa une Demoiselle de qualité et
fort riche. Cette brillante fbrtune lui suscita des
rivaux et des jaloux d'on bonheur qu'il devoit
a 1'amour. Se promenant un jour dans son car-
rosse, il re^ut un coup de feu dont il mourut
dans 1'instant en 1695.1! nous a été impossible
et a ses parents de fcavoir qu'elle a été la suite
de eet assassinat, et d'en connoitre les Auteurs.
Il ve laissa d'autres héritiers que sa sceur, fem-
me de Louis Deyster.
Planden
_:.,__
-ocr page 360-
Flamands, Allemands et Hollandois. 347
/^a«üfeni'>cA//o«/epeignoitentierementdans 1656.
Ie gout des Italiens. Les études qu'il avoit faites *SSS*
des fruits et fleurs de cette contrée. étoient en
si grand nombre, qu'il s'en .servoit en tout
temps; il les a cependant variés a 1'infini. Sa
couleur est excellente, et sa fa^on de peindre,
pleine d'humeur, tient de la magie.
Les Tableaux de ce Peintre sont peu con-
nus, excepté en Italië.
JEAN-FRANC2OIS
D O ü V E N.
JEan-Fran^ois Douven naquit Ie 2
Mars 1656 clans la petite Ville de Roer-
raont, au Duché de Cléves, Son pere étoit Re-
ceveur du Ghapitre : il avoit voyagé, et son sé-
jour dans Rome lui avoit donné un gout parti-
culier pour la Peinture. Il éleva son fils dans Ia
même dispositfon, et fut au cotnble de sa joie,
quand il Ie vit por té d'inclination pour notre
Art : il mourut trop tot pour en voir Ie fruit.
Sa Riere, pour remplir Ie projet de son mari,
placa son fils chez Gabriel Lambertin, a Lié-
ge. Celui-ci avoit été long-temps a Rome, et
en avoit rapporté nombre de desseins et d'étu-
des. On ne dit rien de plus de ce Peintre qui
nous est inconnu d'ailleurs.Douven se vit bien-
töt en état de se passer de Maitre ; il refourna
chez lui bien résolu de travailler sans relache;
il y trouva heureusement Dom Juan Dellans
Felases}lntendant
desFinances pour Charles II,
Roi
-ocr page 361-
348            I*a Vie des Peintrcs
\6\6. Roid'Espagne.Ce Seigneur possédoit Ie plus ca-
^rieux Cabinet de son temps : c'etoit pour Dou-
ven
une mine dans laquelle il comptoit puiser
les conuoissances qui 1'occupoicnt pour lors. Il
fut rec,u par Ie Seigneur Espagnol, qui lui aban-
donna son Cabinet a copier. Les Tableaux pré-
cieux des Maitres d'ltalie Ie fixerent sur-tout ;
les bonnes copies qu'il fit d'après, porterent Ie
Propriétaire a s'attacher ce jeune nornme pen-
dans trois ans, uniquement pour Ie faire tout co-
pier. C'étoit ici oü Douven devint un Maitre
habile, lorsqu'il ne se croyoit iui-même qn'un
commencant. Le Duc de Nuremberg appella
Duwen a Dusseldorp; et ce qu'il y a de singu-
lier, c'es't qu'il débuta par ptindre Ie Portrait
du Duc et des Grands de la Conr : un succes, au-
quel il ne s'attendoif pas, lui fit redoubler ses
soins; agé de x8 ans, il fut nommé premier Pein-
tre de cette Cour.
Douven accompagna le Duc a la Cour de
Vienne : les Portraits de 1'Empereur, de 1'Im-
pératrice et des principaux Seigneurs, lui mé-
riterent des louanges, des richesses et une chai-
ne d'or, avec la. Medaille de même métal. Il
retourna a Dusseldorp pour y finir ses travaux,
lorsque la mort de lEleöeur Palatin fit reve-
nir ie Duc PhilipDes-Guillaume. qui devint
Eleöeur, et le fit changer de demeure de Neu-
bourg a Heideiberg. Dans le même temps Ma-
rie Sop'iie de Neubourg épousa le Roi de Por-
tugal. Douven fut chargé d'aller a cette Cour
pour y peindre le Roi et la Reine: une Me-
daille d'or fut ajoutée a d'autres récompenses.
L'Empereur Léopold 1'appella a Vienne, et le
nomina
_________ . ______________
-ocr page 362-
Flamands, Allemauds el Hollandois, 3/jQ,
nomma son premier Peintre. Le mari;jge de la 1656.
troihieme Princesse de N-'ubourg avec le Roi t
d'F.spagne, obligea Douven de quifter Vienne
pour peindre cette Princesse: ce Tableau étoit
destiné ponr envoyer en Espagne.
Ce Peintre remercia la Cour de Vienne, et
s'excusa sur Pair qui ne convencit point a sa
santé. li alla a Dusseldorp auprès de son Pro-
tefteur qui devint veuf, et peu de temps après
Eiectcur Palatin, par la mort de son pere Phi-
lippe-Guülaume. Douven rec.nt ordre de 1'Eni-
pereur d'aüer a la Cour de Danemarck, pour y
peindre la Princesse Charlotte, destinée a épou-
ser 1'Empereur Joseph : il peignit aussi le Roi
et la Reine. Sa commission finie, il retourna
bien récompensé, avec le présent d'une Me-
daille d'or. Ce mariage n'eut point lieu, il
re^ut ordre d'aller a Modene, pour y faire le
Portrait d'Amélie, Princesse d'Hanover; il la
peignit en pied, en grand comme nature , et de
même en petit. Ces Portraits furent envoyés a
V«enne , et la Prineesse épousa le Roi des Ro-
mains. De nouveaux ordres 1'obligerent de se
rendre en Toscane, oü il fit le Portcait du
Grand Duc pour sa rille rEleörice PaUuine. Il
eut, dans cette Cour, le plus grand plaisir, en
examinant la belle colleöion de Tableaux des
Maitres de toutes les Ecoles. l,e Grand Ducho-
nora ce Peintre de la plus grande distinöion; il
lui demanda son Portrait, qui fut place parmi
ceux des Artistes de 1'Europe, dont la répu-
tation a mérité cette distinöion. Il fut grati-
fié d'une riche chaine d'or, avec une Medaille
de même, qui portoit 1'empreinte du Prince.
En
-ocr page 363-
35o               La Vie des Peintres
1656. ^n arrivant a Dusseldorp, Douven^ fit Ie
-■Mway Portraic de 1'Archiduc Charles, qui alloit pren-
dre la Gouronne d'Espagne : il peignit peu de
temps après la Princesse Charlotte de Bruns-
wick, depuis Impératrice. Il eut occasion de
peindre les personnes de la plus grande distinc-
tion, qui venoient a cette Cour, 1'une des plus
brillantes de 1'Europe. L'Elefteur PaSatin, Ie
Mécene de Douven, étoit aussi Ie Prince qui
aimoit et qui favorisoir Ie plus les Arts. Il n'é-
pargna rien pour attirer les hommes célébres, il
avoit a sa pension Antoine Pelegrini, DomU
nique Zanetti, Adrien Vander Werf, Jean
Wéeninx , Antoine. Schoonjans, Eglon Van-
der Neer , Rachel Ruys, Guerard de Laires-
se, Antonio Bernardi de Bologne
, Peintre a
fresque, et deux autres dont les noms sont
ignorés; plusieurs Scnlpteurs qui eurent a leur
tête Ie Chevalier Grupello. On distingue enco-
re deux hommes rares, qui faisoient des figures
en ivoire, Antonio Leonino & Ignace van Eul-
hoffer,
Al Iemands. Dusseldorp étoit la petite
Rome : cette union entre les Artistes donna
Texemple aux autres, qui se rendirent de tous
cótés pour y exercer leurs talents.
On ne fgait rien de la mort de Douven, ni en
qnel temps elle arriva. Ce Peintre avoit Ie mé-
rite de bien peindre, de bien faire ressembler;
il avoit eu l'honneur de peindre, d'après nature.
troisEmpereurs, trois Impératrices, cinq Kois,
sept Reines, et plusieurs Princes et Princesses:
il eut Ie bonheur de réussir dans tous ses Ou-
vrages.
N.
-ocr page 364-
Flamands, Allemands et Hollandois. 35t
N. .KLOOSTERMAN.
KLOOSTERMAN naquit a Hanover en 1656 : jg g
sa jeunesse et ses Maitres nous sont incon- -gr-.
nus. Il étoit un des bons Peintres de Portraits
de son siècle; on Ie demanda a la Cour de Lon-
dres, oü il gagna beaucoup de bien. Ses Por-
traits furent transportés dans toutesles Cours et
admirés; Ie Roi dEspagne Ie demanda a Ma-
drid^ il y peignit ce Monarque, la Reine et la
plupart des Grands de cette Cour : il eut Ie
plus grand succes, et retourna a Londres enri-
chi d'argent et de présents. Il fut recu avec joie,
et pen de temps après il eut ordre de peindre la
Reine Anne : ce beau Tableau représente la
Princesse en pied et debout;dansune main elle
tient Ie sceptre, et dans 1'autre Ie globe. Ce Ta-
bleau bien eomposé et bien peint étoit frappant
pour la ressemblance, et séduisant pour 1'har-
monie; les étoffes d'or et d'argent trompent. Ce
beau Portrait est place a Guildhal, entre ceux
du Roi Guillaume III, et celui de la Reine son
épouse.
Kloosterman étoit d'une belle figure, il avoit
une bonne conduite, et quoique magnifique dans
ses ajustements et dans sa maison, il ne fit au-
cune dépense ruineuse; il étoit riche, et par
economie, il n'avoit avec lui qu'une gouver-
nante , qui avoit tellement sa confiance, que sa
maison étoit a sa disposition. Cette misérable
profita du moment que Ie Maitre étoit absent,
et elle lui enleva son argent, ses bijoux, ses
billet»
-ocr page 365-
35a               La Vie des Peintres
1656. billets de banque, et tout ce qu'il y avoit de
■in; in- précieux : il trouva sa maison vuide, sans qu'il
ait été possible d'apprendre aucune nouvelle de
celle qui lui avoit fait Ie vo!. Cette perte af-
feöa tellement notrebon Artiste, qu'il en per-
dit 1'esprit, et moumt peut de temps après a
Londres : nous n'avons pu fcavoir en quelle
annee. Il fut regrettó, et ses Ouvrages sont es-
timés autant que ceux des plus grands Maitres
qui aient été en Angleterre : ils nous sont in-
connus. On en voit beaucoup qui sont gravés
par Smith, &c.
JEAN GRIFFIER,
ÉLEFE DE ROELAND ROGAMN.
JE A N Griffier naquit a Amsterdam
en 1656; il essuya beaucoup de diflicultés,
avant de parvenir a la Peinture. D'abord desti-
né au métier de Charpentier, ie hazard lui fit
faire connoissance avec les enfants d'un Manu-
faöurier de carreaux en faïence. Au lieu d'alier
au chantier ou a l'Ecole, il aiia peindre chez
eet homme ; et lorsque ses parents s'en apercu-
rent, il étoit déja Ie plus habile de la Manufac-
ture. Alors Griffier pria son pere de Ie laisser Ie
maitre de sou sort; il entra chez un Peintre de
fleurs; c'étoit Ie plus grand ivrogne, et fhomine
Ie plus crapuleux de son temps; il occupoit
son Eleve a Ie conduire au cabaret, et a Ten
ramener. Gette conduite dégoüta Griffier qui
Ie quitta pour entrer sous Roeland Kogman.
Ce
-ocr page 366-
Flamands, Allcmands cl Hollandois. 353
Ce futenfin chez lui qu'il apprit a peindre : il
mérita Famitié de son Maitre et (lts amis qui al-
Jcient Ie voir; tels que Lingelbach , Adrien
Vanden Velde, Ruisdaelfk Rembrant;
il eut
la permi.ssion d'aüer voir travailler ces bons Ar-
tiste.s, de leur moiilrerses Ouvrag^s, et 1'avan-
tage de recevoir leurs avis, et d'en profiter. Ce
jeune homme fit tous ses efForts pour entrer
chez Rembrant; mais on lui r^pondit qu'étant
ami de soa Maitre- i! ne pouvoit recevoir un
de se» Eieves, sans mériter des reproches; qu'il
Ie verroit avec plaisir et ses Tableaux, et qu'il
ne lui refuseroif jamais ses coiiseüs. Griffier^ en
exarninant les Ouvrages des uns et des autres,
comprit très-bien que les Paysages devoient
plaire d'avaniage, lorsqu'ils étoient clairs , que
la nature étoit telle; il condamna ceux de son
Maitre qui devenoient fcristes, parce quil y ré-
gnoit un roussatre trop généra!. Il vit que Lin-
gelbach & Vanden Velde
au contraire don-
noient a leurs Tableaux eet air de fraicheur et
de vapeur, qui approche si bien de Ja vérité.
Rogtnan lui dit qnelquefois, avec une espece
d'envie; d votre Ouvrage je vois bien oü vous
avez é.'é,
pour faire entendre qu'il étudioit la
maniere (Je deux autres Maitres.
Alors il se détermina a vojager, il fut a
IiOndres oü Ton estimoit déja ses Tableaux. Il
peignoit des Paysages avec des ruines d'Italie,
comme s'il y avoit psssé une partie de sa vie;
il ne pouvoit fournit aux Amateurs, et il ga-
gna ainsi du bien. Il s'étoit marie en Angle-
terre; mais eet homme si estimé par ses tnlents
ne devoit gueres 1'être pour sa conduite. Son
incon-
-ocr page 367-
354               La ^ï* des Peintres
l6<6. incotistance, son amour pour ia nouveauté, et
■■._.- sa fureur pour les voyages, penserent leperdre.
En 1695, il acheta pour deux mille écus un
petit Vaisseau, dans lequel il s'embarqua avecsa
femme et ses enfants, oü il porta beaucoup de
Tableauxde prix, et toute sa fortune pour pas-
ser en Hol'ande.
Un orage furieus les mit a deux doigts de
leur perle Le vaisseau fut dématé, et enfin jet-
té sur un banc de sable, et y tut brisé : les ma-
telots sauverent le Peintre et sa familie qui per-
dit toute sa fortune. lis auroient été forcés de
mendier. si sa fille n'avoit garde quelques gui-
nées de ses épaignes, qu'elle avoit cousues dans
sa ceinture.
En arrivant a lloterdam, il y resta quelque-
temps : il y trouva quelqu'un qui lui vendit
un autre vaisseau a moitié usé, avec obliga-
tion de le payer aux termes fixés. Griffier fit
distribuer le dedans pour la commodité de sa
familie, se róservant un attelier poar peindre,
&c. Cette singuliere fac,on de vivre étoit dans
le caraöere du Peintre qui airnoit le changement.
On le voyoit camper, tantöt a Amsterdam,
tantót a Enkhuisen, a Hoorn ou a Dort. Il
manqua encore de périr devant ce port, peu au
fait des prolöndeurs; il passa sur un banc de sa-
ble, oü il resta huit jours; heureusement le flot
le débarrassa sans aucun danger. Il mena cette
vie long-temps, en peignant des jolies vues,
des villes, des marines , et sur-tout des Paysa-
ges avec des rivieres et beaucoup de figures.
On vit de ce Peintre des imitations de Rem-
brant,
de Poelembourg} ou de Ruisdael. Ses
Tableaux
-ocr page 368-
Flamands, Allemands et Hollandois. 355
Tableaux tromp .Jent les connoisseurs; il est 1656.
constant qu'a forces de les avoir copiés, il étoit *^—m>
parvenu a les décomposer, pour ainsi. dire. Ses
copies penvent a peine se distinguer des origi-
naux, lors même que 1'on sapplique a les com-
parer. Il a copié Teniers avec beaucoup de suc-
ces.
Après avoir parcouru les ports et les vues de
la Hollande pendant plufieursannées, i! forma
Ie projet de retourner en Anglererre : il se sou-
vint très^bien de ce qui lui étoit arrivé: et
pour ne pas courir les mêmes risques, il resta
dans sa Maison flottante, et fit em'mrquer sa
familie dans un autre navire. S'il arrive quel-
que malheur,
disoit-il,/'e n'aurai de l'inquiê-
tude que pour moi seul.
Il débarqua a Londrps
sans accident: ses Tabl aux y furent recher-
ches, comme par Ie passé. Le Duc de Beaufort
aimoit tant ses Ouvrages que, pour les avoir
tous, il ne permit presque pas que d'aulres que
lui en fissent faire; espece de tyrannie qui,
toute flatteuse qu'elle est pour un Artiste, est
souvent contraire a sa gloire.
Ce Peintre eut pour fils Roberf Griffier, qui
naquit en Angletetre en 1688, et qui devint
anssi habile q>ie lui en sa maniere, qui étoit k
peu pres eelle A'Herman Zaft Leven : ce sont
des vues du Rhin, avec de jolies figures : tout
y paroit en mouvement; ses Tablcaux sont ré-
pandus et fort recherches. Il passa a Amslerdam,
ou il fut fort employé.
Nous allons indiquer les Tableaux les plus
conmis du póre et du fils.
Tome III.                               Z On
-ocr page 369-
356               La Fie des Peintres
i6<)6. On voit a 1a Haye, chez M. Fagel, Greffier,
■*■—r une vue du Hhin.
Chez V]. Ie Lorrnier,une vue du Rhin, des mon»
tagnes. et la riviere chargée de bateaux et beau-
coup de figure-0ne autre vue du Rhin avec des
bateaux; on y voit une marche de Troupes de
Cavalerie et d'Infanterie. Chez M. van Héteren,
un homme qui fait emballer ses richesses, uue
femme et d'autres figures; la vue des Sept Cha-
teaux
en Allemagne, c'est un beau Paysage
avec une riviere, &c. Chez M. Henry Vers-
chuuring,
une vue du Rhin, Tableau capital.
A Amsterdam, chez M. Jacques Bierens,
deux Tableaux; ce sont des vues du Rhin. Chez
M. Jean Lubbeling, une vue du Rhin, et une
Kermesse ou fête Flamande.
A Roterdam, chez M. Arnold Léersy un
beau Paysage; chez M. Bisschop, deux vues du
Rhin, avec figures et animaux.
A Gand, chez M. Ie Chanoine 2?aw£ ,un beau
Paysage, avec figures.
Tableaux de Roberl Griffier.
A la Haye chez M. Ie Comte de Wassenaar',
un Paysage représentant un hiver; et deux au-
tres, des vues du Rhin. Chez M. Ie Lormier, un
hiver rempli de figures.
Et aRoterdam, chez M. Bisschop, une vue
du Rhin, avec figures et bateaux.
W1LLEM
-ocr page 370-
Fiamands, Allemands et Hollandois. 35t
WILLEM {Guillaume) WISSING,
ÉLEFE DE PIERRE LELT.
Wl SS x N G qui na^uit a la Haye en 1656,
dut sa fortune a fes ralents & fa mort a
1'envie. Son premier Maitre fut Girillaume Dou-
dyns;
il refta chez lui plufieurs aiinces, & s'y
avan^a dans Ie deflein & la Peinture. 11 fedé-
clara pour Ie genre du Portrait. Lely pour lors
confidéré comme Ie premier de son temps, fit
prendre Ie parti a TVissing de 1'aller trouver
pour fe perfedionner 11 fut admis dans l'Ecole
de ce Maitre, el il employa fi bieu fon temps,
qu'il Ie j emplaga dans la fuite. Il devint premier
Peintre du Roi Jacques II. 11 eut 1 honneur d'ê-
tre envoyé a la Haye, pour y peindre Ie Prince
d'Orange Guillaume IlI.Stadhouder, &laPrin-
ceffe Marie d'Angleterre qu'il venoit d'épouser.
Ces Portraits furent ïïdmirés, & d'une voix una-
nime il fut nommé Ie premier Peintre de fon
temps pour Ie Portrait. 11 étoit dans une fingu-
liere eftime parmi les Grands. & parmi les Ar-
tiftes; mais fon mérite augmenta tellement Ie
nombre des envieuv, qn'on a foup^onné qu'il
avoit été empoisonné; du moins les Anglois
Faffurprit. Il mourut chezle Comte d'Essex, Ie
ioFévrier ró8y,agé dejr ans. On lit au bas de
fon Portrait gi avé par Smith.
Immodicis brevis est cetas.
Z i JEAN
-ocr page 371-
358               La Vie des Peintres
JEAN-FRANgOIS
Y A N BLOEMEN
JEan-Fran^ois van Bloemen, eft
regarde comme un Peintre d'Italie, oü il a
toujours vécu , & oü il avoit étudié fon Art. Il
naquit a Anvers en 1656. Il eft impoflible de
dire a quel Maitre il devoit fa premiere éduca-
tion, & comment il a quitte fa patrie, pour ne
jamais y retourner. Il dit, en arrivant a Rome,
qu il regardoit les environs de la capitale comme
autant de Tableaux qu'il avoit vu copics par
les au tres Artiftes : c'étoit ctre habile que de
voir la nature ainfi; il fit voir, dès fes premiers
Tableaux, qn'il avoit déja pénétré bien avant
dans les fecrets de fon Art. La Bande Acadé-
mique Ie regut avec diftinttion, & Ie nomma
Horisont comme Payfagifte. Ce nom lui fut dé-
féré encore, parce qu'il avoit Ie talent de dé-
grader tous les plans de fon Tableau avec beau-
coup de jogement.
Les Etrangers, & principalement les Anglois,
enleverent tous fesOuvrages, même a bon prix.
Sa premiere maniere approchoit de cel!e de van-
der Kahel$
il choifit enfnire celle de la nature,
qui Vciloit beaucoup mieux, c'étoient des vues
de Tivoly Sc des environs: des chutes d'eau;
une vapeur d'eau bien repréfentée; un arc-en-
ciel qui s'entrevoyoitau travers des brouiilards,
ou d une pluie fine : ces temps ont été repré-
fentés a tromper. Ce Peintre & Elle Terwesten
ont
-ocr page 372-
"■
Flamands, uéillemands et Hollandois. 35g
ont furvécu tous ceux de la Bande Académique. j6?6.
Horison a été*le dernier; il eft mort a Rome —
vers 1'an 1740, fort agé, avec 1'eftime des Ita-
liens & des aiitres Artiftes. Ses Ouvrages bien
peints & bien coloriés, ont obteuu un rang dans
les cabinets des Curieux.
PIERRE VAN BLOEMEN.
PTerre van Bloemen, frere d'Ilorison,
naquit auffi a Anvers; 1'année nous eft in-
conniie. Il paffa avec fon frere long-temps en
Italië; il y fït de grandes études : la Bande Aca-
démique Ie nomma Slandaert ou étendarr. On
ne fcait pourquoi ce nom lui fut donné, c'eft,
dit-on, parce que ce Peintre repréfentoit fou-
vent des caravannes. Quoi qu'il en fok, eet Ar-
tifte laifla fon frere en Italië, & vint s'établir
dans fa patrie. L'Académie d'Anvers 1'admit
parmi (es Membres : il en fut nommé Directeur
en 1699. C'eft tont ce que nous avons appris de
ce bon Peintre : 1'année de fa mort nous eft in-
connue.
Ses Ouvrages font composés avec abondan-
ce & richeffe; ce font des batailles, des cara-
vannes, des Marchés aux chevaux, des fêtes
de Rome, &c. Son deffein eft correö, fes ha-
billemenrs font composés de gout, la plupart
comme ceux des Orientaux. Il a bien peint les
chevaux; fes fonds de Paysages font ornés de
débris d'architefture, de bas-reliefs, de ftatuës
mutilées & d'une bonne couleur. Quelques Ta-
bleaux de ce Peintre ont Ie défaut de fentir
Z 3 trop
-ocr page 373-
36o               La Vie des Pelntres
i6?6. iropla palette : ce font ceiiK qiii font moins ef-
'■im> timés. II régne une facilité dans tout ce qu'il a
fait, on y reconnoit la uiarche de quelqu'un
qui avoit bien choifi fes modeles. Le nombre
de Defleins qu'il avoit faits en Italië ont fervi
a composer fes Ouvrages. Ses Tableaux font ef-
timés dans fa patrie, en Hollande & en Angle-
terre : on en trouve en Allemagne & quelques-
uns en France.
Dans le Cabinet de M. Deyne, Seigneur de
Levergliem
, a Gand, on voit deux beaux Pay-
fages de cePeintre, avec des figures & des ani-
maux.
Et a Tlouen, chrz M. Horutner Ie jeune,
deux Tableau-c; ce font des caravannes avec
beaucoup de figures & des animaux de toutes
espèces.
HENRY CARRÉ,
É L E V E
DE JACqVES JORDAENS.
HEnry Carré naquit le l O&obre
656. * Francois Carré fonpere, mit fon
hl, au College, dans 1'intention de 1'élever a
la Chaire: on croit qu'il y auroit réuffi. LaPein-
ture lui fit fontfrir les chatimen-s & des me-
naces qui ne firent qu'augtnenter fes defirs. Il
apprit
* TVeyerman assure sa naissance en 1636,et Houbra-
hen
au contraire inarque 1'année i658.
-ocr page 374-
Flamands, Allemands et Hollandois. 361
apprit adeffiner jour & nuit; on Ie furprit enfin 165Ó.
déja avance; alors on Ie placa chez Juriaen Ja-*
coös,
enfuite chez Jacques Jardaens. En peu
d'années il devint lui-même un Maïtre, fur tout
lorfqu'il eut appris que la nature fenle devoit Ie
former; il étudia & avanca a grands paf. Il fut
recherche & fes Ouvrages, lorsque laPrinceffe
Albertine, veuvede Guillaume Frederic de Naf-
feau, lui donna une place d'Enseigne dans un
Regiment. Ebloui de cette grace, il abandonna la
Peinture; il étoit dans Groëningue, lors du Sié-
ge de 1672. Il y a lieu de croire que 1'amour de
la Peinture réveilla en lui fa premiere ardeur :
il renonca aux armes oü il avoit mérité des
éloges.
11 fut a Amfterdam exercer fon Art avec une
application finguliere.jTout luiréufliit, fes Ou-
vrages furent recherches & bien payés. Il fut
appellé a la Haye, ou il eut occafion de fe faire
connoitre de ceux qui pouvoient porter fes Ta-
bleaux dans les Cours étrangeres; & les payer
cher. Cet encouragement redoubla fes foins &
fon application. Il peignit au Chateau de Rif-
wiek des grands Paysages pour y orner une
chambre. Celui qui employa beaucoup Ie pin-
ceau de ce Peintre, fenommoit Flerens, Avo-
cat célébre, & grand Amateur : on nomme en-
core un riche Brasseur Vandjck. Ces deux
hommes occupererent eux feuls prefque tous
les moments du Peintre; autant il aimoit fon
talent, autant il aimoit la diffipation. Il eut
fept enfants, dont quatre galons ont été Pein-
tres, & feront cités dans cet Ouvrage. Henry
Carré
mourut Ie 7 Juillet 1721.
Z 4 Sa
-ocr page 375-
36a              La Fie des Peintres
Sa maniere de peindre eft agréable, il avoit
une bonne couleur, il peignoit des affemblées
de Paysans & des Paysages, avec des figures &
des animaux bien touches.
M. van Héteren; a la Haye, poflede de ce
Peintre un Tableau en ovale, oü Ton voit re-
préfentés des Paysans en bonne humeur. Un su-
jet hiftorique tiré du Poéte Cats, dans Ie Cabi-
net de M. van Bremen.
Et chezM. Bierens, a Roterdam, des vaches
& desmoutons bien représentés.
DIRK (Thierry) MAAS,
ÊLEVE BE BERGHEM.
MA A s naqnit a Harlem Ie 11 Septembre
1656; il eut pour premier Maitre Henri
J)lumrners
, qui peignoit bien des Marchés a
1'ltalienne, sur-tout avec des légumes & des
fruits. Maas n aimoit pas Ie genre de fon Mai-
tre; i! chercha a cntrer dans 1'Ecole de Btrghem.
Il y réuffit enfin, & il auroit peut-êtreremplacé
fbn Maitre, fi IJugtenburg, Peintre de batail-
les, ne lui avoit infpiré du gout pour ce genre.
Maas étudia les chevaux& leurs mouvements,
avec tant de foin, qn'il mérita Ie nom de bon
Peintre. 11 a repréfenté des biitailles, des chafles
& des promenades. Ses Ouvrages nous font in-
connus: on en trouve en Hollande. Nous ne fom-
mes pas plus inftrnits de 1'année de fa mort. L'é-
loge que nous en faisons, n'eft que d'après les
Artiltes qui en ont parlé.
MICHEL
-ocr page 376-
Flamands 7 Allemands et Hollandois. 363
MIGHEL CARRÉ,
É L E V E
DE SON FRERE HENRV CARRÉ.
M'chel Carré, frere cadet d'Henry,
uaquit a Amsterdam. Ayant commencé a
éludier son Art chez son frere,ilseperfectionna
dans 1'Ecole d(j Ntco/as Berghem. Mais après
avoir pris la maniere de ce Maitre, il préféra,
on nc fcair powquoi. celle de Fander Leeu,
qui n'étoit ni ii agféable, ni ü vraie. Sur le pro-
duit de ses Ouvrages, il entreprit le voyage de
Londres, il passa même plusieurs années dans
cette Ville; mais sesTableaux ayant peu de suc-
ces, sansdoute, parce qu'il avoit changé sa pre-
miere maniere, il fut forcé de quitter PAngle-
terre pour retourner chez lui. Le Roi de Priisse
le rit appelier a sa Cour pour y remplacer Abra-
ham Begyn,
qui venoit de mourir. Il y eut une
bonne pension, et ses Ouvrages bien payés. La
mort du Roi lui fit abandonner la Prusse, com-
me firent les autres Artistes, il choisit Amster-
dam pour sa demeure. Il mourut a Alkmar en
1728.
Ce Peintre avoit une grande facilité; il se
trompa fort, en suivant sa propre manere qui
étoit défeftueuse. Il vaut mieux quelquefois être
un excellent imitateur qu un médiocre original;
son imagination lui tenoit lieu de la nature qu il
ne consulta pas assez souvent. 11 aimnit a re-
,
                                       présenter
-ocr page 377-
364              La Vie des Peintres
1656. présenter des orages, des éclairs, et souvent Ie
tonnerre qui brisoit quelques batiments, ou qui
déchiroit quelques arbres. Les petits Tableaux
ne lui plaisoient pas non plus; il aimoit a orner
de grandes salles. On voit a la Haye, dans la
maison de M. van Leeuwen, Avocat, une salie
entierement peinte : le sujet représente la ren-
contre de Jacob et d'Esaii. Le paysage, la figure
et les animaux sont dignes de l'estime des bons
Artistes.
FRANgOIS PIERRE
YERHEYDEN.
TtErheyden naquit a la Haye en 1657.
y Son pere, Voiturier public de la Haye a
Amsterdam, et digne de la confiance de ces
deux grandes Villes, dont il transportoit 1'ar-
gent qui entre dans le commerce, étant mort
en 1664, le jeune Verheyden n'ayant aucun
gout pour le métier de son pere, s'attacha jour
et nuit au Dessein dès sa plus tendre enfance.
Il fut place chez Jacques Romans, Scnlp-
teur, et depuis Archite&e de Guillaume III. Hoi
d'Angleterre. Verheyden avanca avec rapidité,
il devint un très-bon Sculpteur : il fut du nom-
bre de ceux qui modelerent les figures et les
ornements aux arcs de triomphe , érigés en
1691 , a 1'entrée du Roi Guillaume a la Haye.
Il fut aussi chargé, avec Guillaume le Cocq,
babile Sculpteur, de décorer ensemble la Mai-
son Royale de Breda; ils y travaillerent jusqu'a
k
-ocr page 378-
Flamands, Allemanis et Hollandois. 365
Ia mort de la Princes^e Marie : la plupart des 16*7.
Artistes rurent congédiés, excepté f^erheyden -^mmp
et quelques bons Peintres avec lesquels il étoit
continuellement. Il avoit tellement épié leur
facon d'opérer, qu il fit de lui-même quelques
essais, qui ^urprirent géneralement: il aban-
donna Ie ciseau pour prendre la palette. L'é-
change ne fut approuvée de personne; aban-
donner un Art oü Ion se di.stingue, pour en
exercer un autre a 40 ans, c'étoit marquerune
jnconntance qui tenoit du prodige. Il ne fut pas
e'toni é d'entendre dans Ie monde blamer sa con-
duite. Il se mit a copier d'après Sneyders &
Hond<koeter, des animaux de toutes les espe-
ces; mais bientót ü surprit davantage, en com-
posant lui-même des Tableaux de dix pieds de
long, représentant des chassrs au cerf, au san-
glier, &c. une multitude de chiens exprimés
avec iin f.u singulier. Il réussit aussi très-bien a
peindre les animaux a plumes, dans la maniere
6.'Hondehoeter. Ses Ouvrages ont la touche
et la facilité d un Peintre exercé depuis l'en-
fance, et consommé. Les plnmes ont de la lé-
géfeté,les poils de la vérité; une bonne cou-
leur et unn grande harmonie se trouvent dans
ses Onvrages. Il auroit surpassë les plushabiles,
s'il eüt entre plutót dans la carrière. Il mourut
Ie 23 Septembre 17 ri : il laissa une veuve, c'é-
toit sa troisieme femme, et six enfants du pre-
mier lit. L'aïné, aussi Peintre et Sculpteur, mou-
rut cinq jours après son pere. Le plus jeune Ma-
thieu Vcmeydcn,
exerce encore la Peinture, et
demcure a la Haye.
JACQUES
-ocr page 379-
366               I^a Vie des Peintres
JACQÜES DE HEUS,
È L E V E
DE GUILLAUME DE HEUS.
: en
1657: il eut lebonheur d'être instruit par son
oncle Guillaume de Heus. Le Maitre surpassé
bientót par son Eleve, lui conseilla de voir Ro-
me, oii il avoit aussi étudié et demeuré long-
temps. Il partit et trouva, en arrivant, que son
nora étoit déja connu. Des Romains, qui ai-
moient les Tableaux de son oncle , convinrent
qu'il n'étoit pas possible d'approcher plus pres
de sa maniere qui trompoit tous les jours. C'est
a la ressemblance de ses Ouvrages avec ceux de
son Maitre, que la Bande Académique le nom-
ina la Contre-épreuve. * De Heus se mit a étu-
dier et a suivre exactement les lecons de la na-
ture aux Académies. Il devint un des meilleurs
Dessinateurs; il avoit une prédileftion décidée
pour les Ouvrages de Salvator Rosa. Il copia
quelques Tableaux de ce Peintre, et pour lors
il parcourut les environs de la Ville : les cam-
pagnes lui fournissoient des variétés a 1'innnie;
il en profita.
                                             De
* On appelle nne contre épreuve une feui'lle de papier
qui a été mise sur un dessein aucrayon, et ensuite passée
sous la presse; le papier enleve le crayon en partie, et
devient le même dessein qui a élé imprimé dessus, mais
plus foible de couleur, et représente le droit a gauche.
16S7.^mmimr
-ocr page 380-
Flamandf, Allemands et Hollandois. 367
l\e Heus étoit d'une belle figure : son esprit T7~
cultivé, lm procura des amis de consideratie. *7'
Par-tout ou il avoit vécu, il y avoit eu de 1'a- ----
grement. Lucatello, Secrétaire du Sénat a Ve-
mse, 1 arnioit si fort qu'il 1'accompagna par-tout
avec son Equipage. Il procura au Peintre une
demeure agréable dans sa maison de campagne
pres de Venise; de Heus demeura encore dans
dautres Ville d'Italie, considéré partout. Il re-
vmt a Utrecht, oü il ne resta pas long-temps :
on 1 engagea a se rendre a la Cour de Berlin, a
la solhatanon du Minstre Dankelman; mais il
arnva dans Ie moment de la disgrace de ce Sei-
gneur :: il retourna chez lui oü il se mit a pein-
dre. Lhose assez singuliere, les Italiens lui de-
jnanderent tant deTableaux qu'il ne trouva pas
Ie temps d en faire pour ceux de sa Patrie. II
aimoit a se dissiper de temps en temps; il voya-
geoit; Ie plus souvent il prenoit une vacance a
Amsterdam; oü il s'amusoit avec les Artistes,
et ou il voyoit un plus grand nombre de
Tableau*. Il fit ce dernier voyage au mois de
Mai en 1701. On raconte que sortant de sou-
per, et a pe.ne dans son lit, il fut pris de vomis-
sements, et que vraisemblablement ayant fait
des efforts il rendit Ie sang avec tant d'abon-
dance qu il pent ainsi. On attribue encore cette
mort a une chute qu'il avoit faite quelque peu
avant, et a ce qu'il avoit négligé les maux de
poitnne dont il avoit été accablé dans Ie mo-
ment même.
Ce bon Peintre a surpassé son oncle en mé-
nte: son Paysage a 1'agrément de tout ce qnï
represente la nature, bonne couleur, touche
faciie,
-ocr page 381-
368           La Vie des Peintres, etc.
"1657. facile, et toujours des sites choisis; ses figures,
Hiaar ainsi que ses animaux, sont dc-sincs avec esprit
et bien coloriés.
Dans Ie Cabinet de M. ie Lormïer, a la Haye,
on voit un Paysage avec des figures et des cini-
maux : un autre avec des chevaux; il y a une
chnte d'ean qui prodtiit nn grand effet.
Et chez M. Braamkamp a Amsterdam, TH6-
téls des Fermes de Rome; la même vue d'unau-
trë cóté, avec un nombre de figures.
WILLEM (Guill.) YERSCHUÜRLNG,
ÉLEVE DE JEAN FERKOLIE.
GUlLLAUME VerschuühinG naquit
en 1657, fils A'Henri f^erschuuring déja
cité \ il commenca sous son pere a de.ssiner et
a peindre : ensuite il alla a Delft ch.z Jean
f^erkolie,
oü il s'appüqua si bien qu'on vit de
joüs Tableaux de sa main. Il peignoit des as-
semblees et des conversations qui étoient esti-
mées; on ne fcait quelle a été la raison pour
laquelle il quitta la peinture ; nous ne connois-
sons point sont talent, il nous est vanté par des
Artistes.
PHILIPPE
-ocr page 382-
PHILIPPE
T I D E M A
iLEVE
DE GTJERARD DE LA1RESSE.
HILIPPE TIDEMAN a
fait honneur a Ia Ville d'Hambourg,
oh il naquit le iz Décembre i6<jj.
Issu d'une bonne familie et aisée,
on lui fit d'abord faire des études
propres a 1'élever dans un état convenable a
son nom. Le dessein I'occupoit plus que les lan-
gues pour lesquelles il n'eut que raédiocrement
du
-ocr page 383-
370              La Vie des Peintres
1657. du gout. Il essuya d'abord les menaces et bien
^Êgmm d'autres peines; mais on finit par Ie placer chez
un Peintre nommé Rae*; il y resta huit ans. Il
se retira pour étudier seul et prendre même des
Eleves; emploi dcnt il cut b foiblesse d'avoir
honte . comme si on devoit rougir de restituer
a des Eleves, ce qu'on a rec.u de ses Maitres. Il
vola a Am terdam pour y admirer Lairesse et
ses Ouvrages. II entra dans cette Ecole, alors
la plus certaine pour avancer. Après y avoir
passé six mois il se retira chfz lui, oü il fut
forteii'pIoyé.Lorsque Lairesse, surchargéd'Ou-
vrage, ramena chez lui eet Eleve habile. il lui
donna sa table et une forte pension. Lairesse
aima sa maniere de peindre, il 1'employa a des
plafonds et d'autres ornements dans les appar-
tements.
Mais 1'humonr et les vivacités de Lairesse
s'étant un peu retenties, parl'intérêtqu'il avoit
de ménager Tidcman* reprirent enfin Ie dessus,
etforcerentceliu ei de Ie quitter pour la seconde
fois. Il se maria et obtint ie droit de Bour-
geoisie. Les plafonds et les Tableaux d'Histoire
lui arriverent de toutesparts; il acquit un de-
gré d'estime qui durera toujours. En homme
d'esprit il composoit ingénieusernent les sujets
de la Fabies et les all gories. II peignit, dans
ce temps, les volets du buffet dOrgue de 1'an-
cienne Eglise Luthérienne; un sallon chez M.
Jean Droogenhorst, trois beaux plafonds et
des grandsTab'e;uix dans Ie pourtonr des salles.
Chez Ie Bourguemestres Verschuur , a Hoorn ,
il y avoit aussi représenté 1'Histoire d'Enée.
Rien n'est plus ingénieux que la fagon dont il
a
-ocr page 384-
Flamands, Allemands et Hollandois. 3yi
a traite ces sujets; tous les Ecrivains en ont 1657.
fait une longue description, et les Artïsres les .... _
ont proposés comme des modeles pour les Pein-
tres d'Histoire.
Tideman peignoit dans un sallon, aujardin
de plaisance de M. van Hoek, c'étoit dans 1'hy-
ver. Son envie de faire un tour a Amsterdam füt
arrêtée par la gêlée, qui empêchoit les voitures
de marcher; mais ne s'étant jamais servi de
patins sur la glacé, il se vit abandonné de tout
Ie monde. Un nommé Smith, qui donnoit ses
couches d'impression, habile Patineur, s'offrit
a Ie trainer, s'il vouloit s'envelopper dans quel-
que chose qui put Ie garantir du froid, et de
déchirer ses habits. Tideman fit une espece de
coussin de son manteau d'écarlate, sur lequel
il s'assit, et fut ainsi transporté, comme en rrai-
neau, jusques chez lui. C'étoit pour lui une
aventure plaisante, qui angmenta, lorsqu'il vit
son manteau déchiré et coupé par la glacé en
mille endroits. La conduite aimable de ce Pein-
tre, lui assura une fortune honnête pour lui,
pour fa femme et pour ses enfants : il mourut Ie
9 Juin I7O5.
Ce Peintre avoit un beau génie, il a laissé un
nombre de bons Tableaux et de plafonds, et
une qiiantité d'esquisses et de compositions. Ses
etudes et sa leerare lui ont donné Ie pas a cóté
des Peintres d'Histoire les plus ingénieux.
V
Tomellf.                         Aa ELIE
-ocr page 385-
3"ja              La Vie des Peintres
ELIE YANDEN BROER,
ÈLEVE DE MIGNON.
-------"|7 LlE Vanden Bro; K, natif d'Anvers, avoit
1657. Jt_j( étudié sous Abraham Mignon; il avoit ap-
**' pris de son Mnitre a bien colorier les fleurs, il
touchoit ses Ouvrages avec esprit, et il opéroit
facilement; mais il ne f?ut jamais donner a ses
fleurs cette légéreté qu'il convient, en repré-
sentant Ie transparent des feuillts, &c. II qnitta
Anvers et demeura depuis a Amsterdam , dans
un desF;tuxbourgs,ou il avoit un ]ardin cultivé
avec des fleurs de toutes les especes, el des in-
sedes, qu'il a également bien repréfentés. Ce
Peintre est mort en 1711.
Nous ne connoissons que très~peu de ses Ou-
vrages.
ERNEST STÜYEN,
ÈLEVE D'ABRAHAM MIGNON.
F.
STuven. avec ses talents, est peut-être Ie
plus extravagant et 'e plus détestable homme
qui ait paru : il naquit a Hambourg en 1657.
Son premier Mai re se nomme Hins. Agé de 18
ans, il fut a Amsterdam, ou il passa quelque-
temps dans les Eeoles, de Jean Voorhout, et
de Guillaurne van-j4alst. Les n»anieres différen-
tes de ces Maitres ne lui plurent pas autant que
celle
-ocr page 386-
Flamands f Allemdnds et Hollandois. 3 7 3
celle & Abraham Mignon. Son inclination pour 1657.
peindre des fleurs, 1'attacha au dernier, qui Ie ■——r
rec.utet Ie conduisit si bien, que 1'Eleve passa
dès-lors pour Ie premier après son Maitreé
II se maria, et se mit a peindre pour Ie Pu-
blic. Ses Tableaux furent portés par-rout et
bien payés. Sa bonne conduite, aussi-töt qu'il
quitta ses Maitres, se changea en un dérégle-
ment sans exemple. Tous les exces de débau-
che furent mis en pratique par eet Arriste; il
alla plus loin, il excita Ie peuple a insulter les
Magistrats, il se révolta contre la Justice : il
fut pris et mis dans une maison de force pour
y passer ses jours. Ou n'ose citer tout ce que
les Historiens rapportent de la conduite de ce
misérable. Il rrouva cependant des Amateurs
de ses ouvrages, qui solliciterent si vivement
pour lui, que sa prison perpétuelle fut com-
muee en six ans seulernent» Au bout de ce temps
il fut élargi, et condamné a un bannissement
de la Vüle. Il n'obéit point, resta a Amster-
dam, et commenfa de nouveaux a injurier pu-
bliquement la Justice, avec tant de scandale,
qu'il fut encore une fois mis dans sa premiere
prison. Il y fit plusieurs Tableaux qui excite-
rent la pitiéde ceux qui avoient déja parlé pour
lui. On Ie laissa sortir en Ie bannissant, avec
des menaces qui Ie forcerent a obéir. Il alla a
Harlem, chez Romeyn de Hooge, bon Pein-
tre, oü il fut si mal resu, qu'il fut se loger a
Roterdam; il y fit des Ouvrages qui plurent a
tout Ie monde. Un certain M. de Beer Ie prit
chez lui, Ie nourrit et lui donna encore un ducat
par jour, pour lui faire plusieurs Tableaux. Il
Aa 2 y
-ocr page 387-
Peintres
1657. y fit beaucoup d'Ouvrages, jusqu'a ce que la
>n—t mort délivra la terre d'un homme aussi mépri-
sable: nous n'avons point appris en quelle année.
Les Ouvrages de Stuvens sont estimés; les
fleurs qu'il a Teprésentées ont une bonne cou-
leur ; de la légéreté et bien composées : on les
trouve dans les Cabinets en Hollande.
PIERRE RYSBRAECK,
ÉLEVE DE FRANCISQUE MILÉ.
P Terre Rysbraeck, appellé par Weyer-
man, Rysbregts,
naquit a Anvers. Son
premier Maitre fut Francisque Milé, qu'il sui-
vit a Paris; il alla aussi a Lyon et dans d'au-
tres Villes de France. Rysbraeck vit combien
son Maitre étudioit la maniere du Poussin : il
en fit de même. Il demeure constant que des
Paysagesde notre Flamand ont été vendus pour
être du Poussin.
Rysbraeck avoit bien fait a Paris. Les plus
grands Artistes aimerent ses Ouvrages; ils ne
purent parvenir a fixer l'Auteur, qui étoit d'une
mélancolie et d'une timidité singuliere. II n'ai-
moit que son attelier et ses Tableaux. 11 retourna
a Anvers; mais un Artiste n'est jamais ignoré en
quelque lieu qu'il travaille; il perce toujours, et
ses Ouvrages sont bientöt connus. Il en fut ainsi
de ceux de notre Peintre : il fit des Tableaux
pour la France, pour 1'Allemagne et TAngle-
terre. L'Académie d'Anvers Ie choisit pour Di-
refteur en 1713 : on nous laisse ignorer 1'année
de sa mort.
                                               Les
-ocr page 388-
Flamands, Allemands et Hollandois.
Les Paysages de ce Peintre sont de bonne 1657.
couleur; il est quelquefois occupé de la maniere t
du Poussin, et souvent de celle de Milé. Il est
itnitateur de ces deux Maitres, mais il avoit tou-
jours la nature en vue. Il peignoit vite et de
bonne couleur; sa touche est ferme et facile;
ses arbres sont bien dessinés. Il peignoit très-
bien les figures dans ses Paysages; mais il étoit
si occupé, qu'il les fit peindre quelque-fois par
d'autres. On désireroit un peu plus de variété
dans ses Tableaux, peut-être avoit-il trop peü
de génie pour varier 1» quantité de Tableaux
qu'il a faits. On ne doit pas confondre ce Peintre
avec un autre Rysbraeck, Paysagiste médio-
cre, qui a travaillé a Bruxelles.
FRANgOIS WITHOOS,
ÉLEVE DE SON PERE
MATHIEÜ WITHOOS.
FRANGOIS étoit Ie plus jeune des enfants
de Mathieu, dont il fut aussi 1'Eleve. Les
fruits et les fleurs étoient parfaitement imités
par eet Artiste qui peignoit aussi a gouasse.
Son mérite lui attira, comme a ses freres, une
grande réputation , lorsque Tenvie de faire une
plus grande fortune Ie fit partir pour les Indes. Il
y trouva Ie Général Kamphuysen, qui 1'enga-
gea a dessiner et peindre les fleurs, les plantes
et les inseftes rares de ce pays. On ne fc,ait s'il
a réussi a augmenter sa fortune. A son retour ,
Aa 3 on
-ocr page 389-
La Vie des Peintres, ete.
1657 on Ie trouva dimirme du cócé des talents, et ce
^■gppn'est que pour ses premiers Ouvrages qu'il est
place ici : les derniers sont médiocres. Il mou-
rut dans sa palrie a Hoorn en 1705.
FHANgOIS VERNERTAM.
T7TlANq:ois Vernertam est r^é a Ham-
* bour8 le 6 Mars l658" ^ avance avant
d'aller a Rome , il étudia d'après les grands
Maitres dltalie , les plus belles parties dans
leurs Ouvrages Son but étoit de peindre 1'His-
toire, mais il ahandonna cette carrière, oü il
vit un espace trop immense a pyrcourir, et dans
laquelle il ne voulut point risquer de s'égarer.
Il s'attacha a peindre des fleurs, des fruits et des
animaux. Les Ouvrages de Carlo del Fiori le
guiderent d'abord, ensuite la nature. Une ré-
putation bien méritée fut la récompense des
peines et des soins qu'il se donna. On vantoit
ses talents.
MATHIEU
-ocr page 390-
M A T H I E ü
ELIAS,
ÉLEVE DE CORBÉEN.
ATHIEU ELIAS né au Vi!
lage de Péene, pres de Cassel,
en 1658, de parents très-paiivres,
éloit dei.tiné, par la Providence,
a s'élevcr par degrés. Sa mere,
qui étoit veuve, vivoit a la cam-
pagne du métier de Blanchisseiise; elle avoit
pour tont bien une vache que Ie jeune enfant
faisoit paltr^ Ie long des rues. Un jour Corbéen,
Paysagiste célóbre, et Peintre d'Histoire, allant
voir poser des Tableaux qu'il avoit faits pour
Aa 4 Cassel,
-ocr page 391-
La Vie des Peintres
1658. Cassel, en passant dans la route, il aperc.ut
—» ce jeune homme qui avoit fait une fortification
en terre, et des figurines en glaise, qui en fai-
soient l'attaque. Corbêen fut frappe de 1'ordre
et du gout qui régnoit dans 1'Ouvrage. Tl fit ar-
rêter sa chaise, et fit plusieurs questions a 1'en-
fant, dont les réponses augmenterent son éton-
nement. Une figure jolie 1'intéressa encore; il
lui demanda s'il vouloit demeurer aveclui, qu'il
essayeroit de faire son bonheur: 1'enfant dit qu'il
Ie vouloit bien, pourvu que sa mere y consen-
tit. Il fut arrêté que huit jours après il repasse-
roit, et qu'il n'avoit qu'a s'y trouver avec sa
mere.
Elias ne manqua pas de s'y rendre au jour
nommé, accompagné de sa mere; il vo!a au de-
vant de la chaise, et Corbéen dit a la femme
de lui amener son fils a Dunkerque, oü il de-
meuroit. L'enfant fut rec.11, et Ie Maitre Ie fit
instruire et étudier les Langues, sans Ie laisser
aller plus loin : il lui montra a dessiner et a
peindre. Cet Eleve surpassa ceux de 1'Ecole;
il acquit 1'estime du Public, et intéressa telle-
ment son Maitre pour lui, qu'il Ie fit partir a
1'age de 20 ans pour Paris. Elias envoya de ses
Ouvrages a son Maitre et a son Bienfaifteur.
Il avoit, avec cette douceur de cara&ere, la
bonne qualité d'être toujours reconnoissant; il
paya ainsi son Maitre, comme il Fa avoué lui-
même. Elias, après un assez long séjour a Pa-
ris , s'y maria. Il fit un voyage a Dunkerque
pour y voir son Maitre, et ce fut pour lors
qu'il y fit un Tableau d'Autel pour la Chapelle
de Sainte Barbe : il y représenta Ie Martyre de
cette
----^—-----------------------------— - --------.-------------,-----------------------.-------------------
-ocr page 392-
Flamands, Allemauds et Hollandois.
cetteSainte, Tableau pbien composé. De retour 1658-
a Paris, il fut nommé Professeur a Saint Luc; -^—w»
successivement il passa aux autres Charges. Il
eut assez de vogue, il composa quelqnes Theses
et plusieurs sujets tirés de la vie de B. H. Pere
Jean-Baptiste de la Barrière, Auteur de la Ré-
fbrme des Feuillants. Tous ces sujats ont été
peinis sur verre par Simpi & Michu; et sont a
1'entour du Cloitre.
Elias devenu veuf, fit un voyage en Flan-
dres pour se dissiper. Arrivé a Dnnkerque, la
Confrérie de Saint Sébastien 1'engagea a peindre
les principaux Confrères dans un même Ta-
bleau : il fit ce grand Tableau avec un nombre
de figures, de grandeur de nature et en pied. Le
Corps de métier des Tailleurs rit construire une
Chapelle dans la principale Eglise; Elias fut
chargé de peindre le Tableau d'Autel, jil y a
représenté Je Baptême de Norre-Seigneur; au
devant est S. Louis en priere, pour obtenir la
guérison des Malades.
Ce Peintre, a la veille de retourner a Paris,
fut si vivement sollicité pour rester dans sa pa-
trie, qu'il céda aux instances de plusieurs per-
sonnes. Il fut accablé d'Ouvrage, il peignit un
grand Tableau au maitre Autel de rÉgiise des
Carmes : c'est un Vceu du Corps de la Ville a
la Vierge. Ce Tableau est d'tine belle composi-
tion, d'une belle harmonie, et d'un ton de cou-
leur plus vrai et plus chaud que n'étoit ordincii-
rement la sienne: le Peintre s'y est aussi repré-
senté. On fit compliment a Elias sur le chan-
gement de sa couleur : ce fut un moyen pour
1'encourager a redonbler ses soins. Il fit pour
1'Eglise
-ocr page 393-
-----
38o               La Vie des Peintres
i'Eglise Paroissiale de Dunkerque, un Tableau
d'Autel de la Chapelle de Sainte Croix : Ie sujet
est rinvention de la Croix; il est place en face
de 1'Autel pour lequel il est destiné. Il fit une
Transfiguralion pour 1'Autel de 1'Eglise Parois-
siale de Builleul. Dans celle des Jésuites, a Cas-
sel, un Miracle de S. Franc,ois Xavier, &c.
L'Abbé de Rergues S. Winox,occupa long-
temps notre Artiste a décorer Ie réfe&oire de la
Maison; il fit entre ses grands Ouvrages quel-
ques Portraits d'une bonne maniere. Elias ne
changea pas de conduite, il menoit une vie ré-
glée: on ne Ie voyoit qu'a 1'Eglise et dans son
attélier, oü il n'admit qne rarement quelqu'un.
Il étoit très-estimé par sa douceur, ennemi des
r^pports. il ne connoissoit que ses devoirs, il n'ai*
moit point a faire des Eleves, il auroit plutot dé-
tourné les jeunes gens de cultiver un talent qui
lui donnoit tant de peino, qu'il ne les auroit en-
couragés : nous avons bicn connu eet Artiste
que nous pouvons citer pour modele, quant k
la conduite. Il a travaille jusqu'a la fin de ses
jours, qui arriva a Dunkerque Ie 21 Avril 1741,
agé de 82 ans. Il n'avot eu qu'un fils mort a
Paris, Dofteur en Sorbonne. On ne lui connoït
qu'un Eleve appelé Carlier encore vivant dans
la même Ville.
Ce Peintre en arrivant de Paris, avoit une
couleur crue et triviale. On peut voir encore
un Tableau de lui de ce premier temps : il est
place dans 1'Eglise de Notre-Dame de Paris,
en enlrant par Ie grand Portail dans un des bas
cotés a gauche. Il a acquis depuis une bon-
ne couleur j ses drapexies sont aussi plus lar-
gesi
-ocr page 394-
Flamands, Allemands et Hotlandois. 38 r
ges, et se sentent plus de la nature : son dessein 1658.
est assez correft; il composoit bien, mais avec
une peine étonnante; il étoit long a produire
une esquisse, et c'est pour cacher cette peine
qu'il ne vouloit avoirpersonne auprès de lui,
lorsqu'il travailloit. On voit des Portraits de
lui bien faits et bien ressemblants, exceptés
les femmes qn'il ajustoit sans choix et sans
gout. Ses Ouvrages, dix ans avant sa mort,
sont maniérés : les femmes, dans ses Tableaux
d'Histoire, sont mal coëffées et mal drapées.
On peut voir cette chute aux deux Tableaux
places dans l'Eglise des Carmes a Dunkerque,
1'un, S. Louis partant pour la Terre Sainte;
1'autre, 1'offrande d'Elie; voici encore quelques
Tableaux de ce Peintre, outre ceux que nous
avons cités.
A Dunkerque, on voit dans l'Eglise des Ca-
pucins, I'Ange gardien qui conduit un enfant,
et qui lui fait voir 1'horreur des vices qui sont
représentés au-dessus de lui; aux deux cótés du
grand Autel, 1'un la bénédi&ion des pains, et
1'autre la distribution. Le Tableau d'Autel des
pauvres Clairisses, représente I'Ange qui appa-
roït a S. Joseph en songe.
A Menin, Saint Felix qui ressuscite un en-
fant mort, Tableau place aux Gapucins.
A Ipres , dans l'Eglise des Carmélites, quatre
grands Tableaux représentant, 1'un la Manne;
1'autre Moyse qui frappe le rocher; la distribu-
tion des pains; et la résurredrion du Lazare.
Dans le réfe&oire de 1'Abbaye de Bergues S.
Winox, Notre-Seigneur attaché a la Groix;
la Madeleine aux pieds; a cóté le serpent d'ai-
rain,
-ocr page 395-
----
La Vie des Peintres, etc.
l6<8. rain» adoré par les Israëlites; de l'autre cóté la
-manne; S. Benoit et Totila; S. Winox distri-
buant du pain aux Pauvres; Ie Sacrifice d'A-
braham. Dans Ie quartier de l'Abbé, plusieurs
Portraits, et deux en pied et en grand. Celui de
l'Abbé Vander Haege, et celui de Rycke-
waert,
dernier mort.
ADRIEN
-ocr page 396-
"^
ADRIEN
VANDER WERF,
É L E V E
V'EGLON VINDER NÉERl
OIC I encore un Artiste dont
1'immortalité paroitbien assurée, -
c'est Adrien Vander Werf,
a Kralinguer-Ambacht, pres de
Roterdam, Ie il Janvier 1659,
issu d'une bonne et ancienne fa-
milie, mais a qui la fortune n'avoit pas été
favorable. Son pere occupoit a bail Ie Mou-
lin banal du Bourg oü il est né. On avoit en
vue
-ocr page 397-
384
La Fie des Peintres
l6<o. vue de lui procuier la même place : il fut mis a
1'école, et ce qu'il y a de singulier, c'est qu'a
1'age de 9 ans, il dessinoit au lieu d'écrire. Son
dessein ne ressembloit pas au gnffbnage des
enfants de eet age, il y avoit une sorte de gout,
qui porta Ie pere, par 1'avis d'un ami Peintre sur
Ie verre, de Ie placer a Roterdam chez Comille
Pi< olett
, Peintre de Portrait. Ce Jeune en-
fant fit les mêmes progrès que tous ceux dont
nous avons parlé, qui ont annonce de bonne
heure les dispositions les plus marquées pour
leur Art.
Vandcr Werf'avoit déja commencé a pein-
dre, lorsque son pere Ie rappela chez lui, bien
déterminé a Ie faire quitter pour lui succéder
un jour dans sa place. D'un autre cóté la mere
disoit qu'elle avoir demandé a Dieu que son fils
put parvenir a celle de Prédicateur. Le jeune
Peintre persécuta ses parents avec tant de cha-
leur, que le pere en demanda avis a son ami le
Peintre sur verre, et au Curé de sa Paroisse.
On arrêta dans ce conseil qu'il falloit le laisser
devenir Peintre : pour lors Eglon Vandcr Neer
fut choisi pour son Maitre.
A peine eut-il passé quelque temps dans cette
Ecole, qu'on apporta a celui-ci un Tableau de
Frangois Mièris pour le faire copier. Le beau
finiflatta 1'Eleve, il s'offrit pour le faire, mais
on n'eut pas assez de confiance en lui pour le
risquer. Un autre plus avance en fut chargé;
cdui-ci en fut effrayé,il n'osa le commencer.
Pour lors Vander Neer le donna a copier a
V"ander Werf, qui réussit si bien, que cette co-
pie a trompé depuis les Connoisseurs, et qu'il
mérita
______
-ocr page 398-
Flamands, Allemands et Hollandois. 385
mérita la confiance du Maitre, qui 1'employa i6«o.
depuis a peindre les draperies aux fïgures de___
ses Tableaux. Il mena son Eleve a Leyden et a
Amsterdam, oü il étoit appelé pour ses Ouvra-
ges. Vander Wer'fproüta. beaucoup, en visitant
les Cabinets : les beaux Ouvrages des grands
Artistes occuperent tout son esprit. Il fit avant
de quitter son Maitre, mi petit Tableau pour
lui, qui a été vendu depuis peu 800 florins : il
Ie donna a son pere pour obtenir Ie paiement
d'une demi annce de sa pension.
Agé de 17 ans, il quitta son Maitre et pei-
gnit son Portrait sur une Carte. Cornille Brau-
wer,
Amateur éclairé, et Eleve de Rembrant,
avoit fait connoissance avec Vander Werf; il
aimoit singulierement ses Ouvrages. Il alla Ie
voir souvent, lorsqu'il étoit chez son pere; il
lui demanda avec instances son petit Portrait,
qui fut trouvé si bien par les Curieus de lloter-
dam, qu'ils 1'engagerent a y prendre un appar-
tement. Avant d'y aller, il fit en dix jours un
joli Tableau d'aprèsun de ses petits freres; il Ie
montra a Vander Neer, qui en fut si épris,
qu'il pria son Eleve de Ie lui laisser, et lui paya
neuf ducatons. Le pere du jeune homme ne
pouvoit le croire; ce prix lui parut exorbi-
tant. Il ordonna a son fils d'aller a 1'Eglise, et
de donner un ducaton aux Pauvres. Cette ac-
tion louable marqtie en même temps leur cha-
rité et leur pen de connoissance : il lui dit aussi
de travailler assidument, sans vendre ses Ta-
bleaux, lui promettant 1'argent dont il auroit
besoin.
Il alla a Roterdam pour y peindre quelques
Portraits
,i
-ocr page 399-
386              La Vie des Peintres
i6ïQ. Portraits en petit, qui eurent un succes éton-
»—,rnant. Il fit pour M. Paats, Receveur de TAmi-
raulé, un petitTableau représentant des enfants;
il re^ut pour paiement 350 florins. Il en fit un
autre de même, pour M. Steen, Négociant a
Amsterdam. Ce dernier a fait sa fortune. L'E-
lefteur Palatin voyagea incognito a Amster-
dam, il vit ce Tableau, 1'acheta, Ie porta avec
hii, et ne perdit plus de vue Ie Peintre et ses
Ouvrages.
En 1687 il épousa Marguerite Rees, paren-
te de Govert Flink, et alliée des principaux
Magistrats de Roterdam. Il devint par-la étroi-
tement lié d'amitié avec M. Flink, fils de Go-
vert.
Cet ami étoit un curieus très-instruit, qui
avoit, outre des Tableaux, une colle£tion rare
de desseins et d'estampes des plus grands Mai-
tres, surtou't des Italiens. G'étoft dans cette
mine précieuse qu'il puisatous les jours de nou-
velles connoissances. Il avoua depuis, de la
meilleure foi, qu'alors il étoit si peu instruit du
beau, qu'il n'avoit eu aucun plaisir a voir les
Ouvrages de Raphaël. L'occasion de voir a
Amsterdam, dans la colleftion du Bourguemes-
tre Six, les beaux platres d'après Tantique, les
marbres copiés, les plafonds de Lairesse, tout
étoit pour lui une étude nouvelle; il dessina
avec soin d'après tout, il corrigea son gout pour
mieux imker la nature.
Ces avantages ne lui valoient pas autant que
les bons conseils de plusieurs amateurs qui
étoient eux - mêmes des Eleves des meilleurs
Maitres, il avoit encore Ie bon esprit de les
écouter, et d'ignorer qu'il étoit déja habile. Ce
cara&ere
-ocr page 400-
Flamands, Alletnands et Hollandois. 887
cara&ere doux et docile, lui procura des amis i6?o.
distingués par leur rang et leur mérite, et fka imm*m-
la fortune en sa faveur. Nous avons des exetn-
ples de grands hommes a qui la fortune a été
contraire i ort se plaint de cette injustice, sans
avoir examiné auparavant si leur conduite ou
leur caraftere n'a point été la premiere cause de
leur disgrace, et de l'éloignement de cette di-
vinité.
Ce changement dans ses études, lui fitessayer
a peindre en grand. Son début étoit pour son
ami Flink : il peignit dans un plafond, la Re-
nommée entourée de génies; les Arts étoient
représentés dans des medaillons en grisailles, et
Cerès et Flore avec les attributs de fruits et des
guirlandes de fleurs; c'étoit une découverte
dans les talents de ce Peintre : une belle exécu-
tion, les différents genres fendus comme s'il
n'avoit fait que chacun en particulier, porterent
son nom par-tout.
En 1696, l'Ele&eur Palatin vint avec sa
familie et une partie de sa Cour en Hollande :
il alla a Roterdam, y visita f^ander Werf, et
lui dit qu'il avoit acheté Ie Tableau qu'il avoit
fait pour M. Steen. Il lui commanda Ie Juge-
ment de Salomon, et son Portrait pour en-
voyer au Duc de Toscane,^et lui fit pro-
ttiettre.de lui porter ces deux Tableaux finis
a Dusseldorp* G'étoit un honneur qui flaltoit
trop 1'Artiste pour y manquer. L'année sui-
vante il fit Ie voyage; les deux Tableaux
furent recus et admirés par foute la Cour;
il reent 3000 florins pour payement. L'E-
leóteur voulut se 1'attacher entierement, il
Tome 111.                           Bb s'excu-
-ocr page 401-
----
388              La Vie des Peintres
s'excusa sur 1'envie qu'il avoit dêtrelibre, et
de pouvoir satisfaire ses amis curieux de ses
Ouvrages; il ne s'engagea que pour six mois de
1'année, moyennant 4000 florins de pension. Il
commcn^a lesPortraits en pied de l'Ele&eur et
de l'Ele&rice, sur une toile de deux pieds et de-
mi: il les porta pour les finir a Roterdam; il re-
51U en partant, un riche présent de Vaisselle
d'argent.
Il fit voir a ce Prince en 1690, un Ecce Homo
qui lui plut tant, qa'après 1'avoir bien payé, il
Ie gratifia d'une belle medaille dor, et d'une
chaine de même.
Les années 1701, 1702, il envoya plusieurs
Tableaux. Ce fut en 1703, qu'il alla lui-même
porter son chef-d'oeuvre qui représentoit Jésus-
Christ mis au Tombeau; 1'Elefteur en fut telle-
ment touche, qu'il lui commanda quinze Sujets
de la vie de Notre Seigneur, chaque Tableau
de 2 pieds et demi de haut sur 21 pouces de
large. L'Eleóteur obtint trois mois par an de
plus-, ensorte qu'il lui donna 6OOO florins pour
les neut mois, et Ie droit de prendre pour lui
les Ouvrages faits dans les autres trois mois, en
les payant Ie prix convenu avec les personnes
auxquelles ils étoient destinés. L'Elefteur vou-
lut encore ajouter a sa générosité des marques
honorables; il ennoblit la familie de t^ander
Werf,
celle de sa femme, et leurs clescen-
dants, il Ie crca Chevalier, et augmenta ses ar'
mes d'un quartier des Armes Eledorales; ces ti-
tres rurent expédiés dans une boite dargent;
et Ie Portrait du Prince, enrichi de diamants
d'un grand prix.
Quel
-ocr page 402-
Flamands, Allemands et Hollamlois. 38q
Qucl aiguillon pour un Artiste! Il retourna
chez lui, se mit a composer et peindre la vie de
Notre-Seigneur avec tour Ie soin possible. Son
attachement a l'Ele&eur étoit bien digne des
recompenses qu'ilavoit recues.En 1710, Ie Roi
Auguste de Pologne viita a Rolerdam notre
Pèintre : il vit Ie Porrrait en grand de 1'Artiste,
et en petit celui de sa femme et de sa fiile, un
des plus précieux qu'il ait faits : Ie Roi témoi-
gna la plus grande envie pour obtenir Ie der-
nier; Pander Werf\z relüsa : alors Ie Roi lui
en commanda deux. Je ne peux Tien promet~
tre
(disoit-il) d Votre Maje.sté, mon temps ap-
partient d VElecteur
.• Ie Roi lui répliqua qu'il
en écriroit lui - même, pour obtenir Ie temps
qu'il falloit; mais l'Ele&eur Palatin fit présent
au Roi de deux Tableaux de f^ander PF^erf,
faits dans son premier temps.
Pendant les trois mois qui lui resfoient libres,
il peignitDiane et Calisto. Ce joli Tableau avoit
18 pouces de haut, et étoit composé de huit
figures de femmes; il en fit présent a son épou-
se qui ne voulut jamais Ie mettre a prix, mal-
gré les ofFres qui lui en furent faites. Ce mor-
ceau fit tant de bruit, que TElr&eur en écrivit
a Madame Vander Werf, pour Ie lui ceder,
si elle étoit dans Ie cas de s'en défaire. C'étoit
une occasion de donner des marques de leurs
reconnoissances, et il n'y manquerent pas; ils
partirent ensemble, et prierent l'Elecïeur de re-
cevoir en présent un Tableau qu'elle n'avoit
voulu ceder pour aucun prix, qu'elle se croiroit
très-bien payée,s'il vouloit Ie recevoir de sa part.
Le Prince leur fcut bon gré de cette démarche.
Bb 2. II
-ocr page 403-
890               La Vie dea Peintres
II for^a Fander TVerj è recevoir pour récora-
pense de sa génerosité,ÓOOO florins: il me reste
encore a satisfaire(disoit il) a Madame Vander
Ti erf,
et j'ai donné des ordres pour que ce'a se
ias.se. Le lendernain elle recut une M gnifique
Toilette, composée de 31 pieces tout en ar-
gent, et encore deux aigiüeres aiKsi d'argent.
Le Duc de Wolffenbuttel visira notre Arttste
en 1709; il vit chezlui trois Tableauxdont il ne
vouloit pas se défaire.Le Duc marqua un regret
inflni de ne pouvoir emporter aucun de ses Ou-
vrages. Ce désir valut auprès de Vander Werf
plus que des offres en argent: il pensoit noble-
ment, et il pria le Duc de recevoir en présent
un des trois Tableaux, qui représentoit une Ma-
deleine Pénitente. Le Duc plein de joie, lui dit:
je suis un foyageur, de retour chez moi, je
répondrai d cette génerosité.
Il tira de sa po-
che une Montre d'or a répétition, de prix, et
pria Madame Vander Werf de la recevoir» A.
son retour chez lui, il envoya au Peintre son
Portrait garni en diamants.
Aucun Artiste n'a vu payer ses Ouvrages de
son vivant, a unsi haut prix. Dans la vente de
M. Paats, il vit acheter six de' ses Tableaux
IÓOOO florins; et un autre petit, Loth et ses
filles, 4ZOO florins. Nous allons citer encore
d'autres ext*mpies. Il fut très-sensible a la mort
de l'Eleöeur Palatin en 1716, non pas parce
que sa pension cessa dès-iors; il étoit plus en
état, étanf a lui, d'augmenter sa fortune; mais
par attachement pour la personne de ce Prince.
Il peignit des Tableaux a son choix qui plai-
soient beaucoup; il vendit en 1717 trois de ses
Tableaux
-ocr page 404-
Flamands , Allemands et Hollandois. 391
Tabieaux au Comte Czernin de Ckudeniz, nn 1659.
Ju^einent de Paris, pour 55000 florins, une '*****'
Sainte Familie, pour 25OOO: et une Madeleine
pour 2000. En 1718 il vendit un Jugement de
Paris autrement coxnposé que Ie premier, au
Duc d'Orléans, Kégent, 5000 florins, tout ar-
gent d'Hol lande.
Des Tableanx a ce prix, vendus publique-
ment, augmenterent tous les jours, parce que
l'Elefteur ayant occupé long-tcmps son temps,
il n'avoit pn travailler pour les Amateurs d'Hol-
lande et pour ceux d'autres pays. Il avoit pla-
ce lui-même, avant la mort de l'Ele&eur, les
Mysterps de la Vie de Notre Seigneur. Il lui
re«toit, après la mort de ce Princc, un Ta-
bleau allégorique; on y voyoit en medaillons
les Portraits de 1'Elefteur et de 1'Eleörice, que
des génies vont attacher a une pyramide : dans
Ie haut est la Piété qui les couronne; au bas
sont les Arts libéraux, qui rendent leurs hom-
miges a leur Mécene : la Peinture montre Ie
Portrait du Peintre représenté daus une forme
ovale. Comme il n'avoit pu remettre ce Ta-
bleau du vivant de son illustre Protetteur, il Ie
garda sans vouloir Ie vendre a personne. Le
nou vel Ele&eur le lui ayant demandé; il le
paya tout ce qu'il valoit, avec la même géné-
roiité.
11 vendit encore a M. van Schuilenburg un
Tableau, la Fuite en Egypte. Ce joli morceau
appartenoit a sa fille, il lui étoit destiné, ello
recut pour prix 4000 florins.
Nous serions trop longs a rapporter tout ce
qu'il a fait de suite : il avoit beaucoup d'ordre
Bb 3 et
-ocr page 405-
3yï               La F ie des Peintres
1Ó59 et nul penchant a la prodigalité. II dépensoit
»»peu,vivoit honorablement, visitant les Ama-
teurs qui venoient a leur tour s'entretenir avec
lui de la Peinture, et de tout ce qui pouvoit
tendre a sa perfeöion; et c'étoit avec la plus
grande douceur qu'il donnoit des avis aux jeu-
nes gens. It n'aimoit point un grand nombre
d'Eleves:on nelui en compte que troishabiles,
son frere Pierre Pander Werf, Henri van
Limbourg,
& Joan Chreticn Sperling, depuis
premier Peintre du Margrave d'Hanspagh.
Cette assiduité au travail, plus pénible en-
core par legrand fini, afFoiblissoit de jouren
jour eet excellent A rtiste: il mouru t Ie 12 Novem-
bre 1721, agé de 63 ans. Peu detemps avant, Ie
Chevalicr Sinserf\x\\venftit visite; et lui ache-
tapour Ie Chevalier GrégoirePage, Anglois,
dix Tableaux : Hercule et Déjanire; la Mere
de Dieu pres du Tombeau de Notre-Seigneur;
une Madeleine; la Naissance de Jésus-Christ;
Moyse tronvé; Seleucus qui accorde sa femme
Stratonica a son fils; un Berger et deux Ber-
geres; la Chasteté de Joseph, la Charité Ro-
maine; et Vénus et son fils : il rec.ut pour ces
dix Tableaux 33OOoflorins d'Hollande. Il laissa
des bien très-considérables a sa veuve, et une
seule rille qui avoit épousé M. Adrien Brouwer^
un des premiers de Roterdam, qui hérita des
richesses et des Tableaux qu'il n'avoit pas vou-
lu vendre. M. Brouwer céda depuis au Comte
de Plettenberg, un Tableau représentant 1'En-
fant Prodigue, pour Ie prix de 5 500 florins: deux
autres aussi a grand prix; Pun est un Berger et
ga Bergere qui dansent; 1'Incrédulité de Saint
Thomas,
-ocr page 406-
Flamands, stllemands et Hollandois. 3g3
Thomas, &c. Il ne garda que Ie Tableau de
familie, que Vander Werf avoit refuse au Roi
de Pologne, et depuis ai) Chavaiier Page, qui
ne put obtenir qu'une belle copie par Henri
Limbourg,
et qu'il paya même fort cher. L'Ori-
ginal est chez la petite fille de 1'Auteur, qui
avoit épousé M. Gevers, Négociant fort riche
a Roterdam. Ce Tableau est un legs qui doit
rester jusqu'au dernier de la familie, et qui ne
peut être vendu que dans une très-grande né-
cessité.
Le talent de ce Peintre est très-connu; ses
Ouvrages n'ont presque point de prix : c'est ce-
lui qui a pouffé le plus loin le précieux fini.
Il a peint 1'Histoire et des sujcts pris dans la
vieprivée, beaucoup de Portraits, quelques-
uns en grand; mais il n'aimcit pas le grand.
Plusieurs Portraits commencés n'ont jamais été
finis; il y auroit cependant bien réussi. Il y a
des sujets de lui d'un bon gout de dessein, mais
toujours sans finesse, et quelquefois roide. Sa
couleur, dans beaucoup de ses Ouvrages finis,
est froide et sent un peu 1'ivoire. Il ne connois-
soitpas assez les dessous de 1'Epiderme, pour
prononcer sürement les mouvements des mus-
des.
Il enveloppoit tout trop également, et
la longueur du travail lui faisoit perdre sa viva-
cité ordinaire, défaut qui n'est point dans tous
ses Tableaux. Ses draperies sont la plupart
bien pliées et larges, 1'harmonie ne manque pas
dans ses Ouvrages, ni la couleur, excepté le
nud, comme nous 1'avons remarqué. S'il avoit
été plus fcavant dans le dessein, 9'auroit été le
premier Peintre de son siècle et de son pays.
Bb 4 Persuadé
-ocr page 407-
3g4               La Fie des Peintres
Persuadé qu'on ne peut eire un grand Peintre
sans rétudc do 1'Architetture, il s"y étoit ap-
pliqué; il a compqsé pour ses amis plusieurs
facades de maisons d'une bonne Architefture; il
murmuroit toujours contre l"s mauvaises for-
mes; il bannissoit les petits ornements. Tout
ceque nous avons deluien cegenre, suHit pour
ramener Ie bon gout: ses plans sont beaux; il
avoit un soin singulier a ne point interrompre
les grandes masses; les petits objets devenoient
interessants par ses distributions. Le Magistrat
de Roterdam, déterminé a faire construire une
nouvelle Bourse, mit tout en oeuvre pour en-
gager Vander Werf a. en donner Ie dessein. Il
refiua d'abord, dans la crainte de nuire a 1'Ar-
chitette de la Ville, qui n'étoit cependant pas
très-capable. Il y consentit a la priere de son
gendre M. Brouwer, aussx Echevin. Il donna Ie
projet qui étoit tres beau, et qui existe avec
des changements qui ont été faits après sa mort;
mais qui sont autant de fautes.
Nous allons indiquer une bonne partie de ses
Ouvrages, et même les plus considérables.
A Paris, dans le Cabinet du Duc d'Orléans,
on trouve le Jugement de Paris, dont il a été
parlé, une Vendeuse de Marée, et un Marchand
d'ceufs.
Chez M. le Marquis de Koyer, 1'Enfant pro-
digue. Ce Tableau est composé de sept figures.
Chez M. de Julienne, un S. Jéróme : et chez
M. Blondel de Gagnj, une Sainte Marguerite
tenant un dragon.
A Dusseldorp, chez 1'Elefteur Palatin, une
Annonciation; la Visitation; une Nativité; la
Présentation
-ocr page 408-
Flamands, Allemands et Hollandois.
Présentation au -Temple ; Jésus-Christ parmi 1659.
les Do&eurs : Jésus-Christ dans Ie Jardin; la «t
Flagellation ; Ie Couronnement d'épines; Ie por-
tement de la Croix; leCrucifiement; la Descen-
te de la Croix; la Résurrettion; 1'Ascension;
la Descente duS. Esprit sur les Apörres; 1'As-
somption de la Vierge; un bain de Diane et de
Calisto; Agar chassée avec Ismaël; Ie Portrait
de l'Ele&eur Joseph Guillaume; celui d'Anne-
Marie-Louise Ele&rice; un Ecce Homo avec
beaucoup de figures; Sara, épouse d'Abraham,
lui présente sa servante Agar; une Madeleine
de grandeur de nature; une Sainte Familie;
Vénus et 1'Amour qui aiguise ses fléches ;
Adam et Eve chassés da. Paradis terrestre; une
jeune fille qui tient une cage, et un oiseau
que d'autres enfants cherchent a prendre; une
Madeleine : un jeu d'enfants pres d'une vieille
qui rit; ce sujet est peint a la lueur d'une chan-
delle:la Vierge et Saint Joseph, qui offrent
des cerises a 1'Enfant Jésus; Adam et Eve qui
pleurent la mort d'Abel; et Ie Tableau allégori-
que ou setrouvent les Portraits de 1'Elefteur,
de 1'Eleftrice et du Peintre; il a été cité ci-
devant.
A la Haye, chez M. Fagel, Ie triomphe de
Bacchus et Ariane. Chez M. Ie Lorrnier, la Sa-
maritaine; une femme qui tient un livre; deux
enfants nuds qui se jouent; Samson pres de
Dalila ; une Madeleine; deux autres par Ie
Chevalier et Pierre Fander Werf; une Sainte
Familie; Jésus - Christ mis au Tombeau. Chez
M. van Héteren, une jeune femme a sa toilette;
un Berger qui joue de la flutte, et la Bergere
danse,
-ocr page 409-
3<)($                La Vie des Peintres
l6<0. danse; et un Saint Jérome dans Ie désert, lisant
■■—^dans un livre. Ce Tableau est peint par les deux
freres. Chez M. van Brémen, un jeune garcon
qui se chauffe les mains.
A Dort, chez M. van Slingelandt, une belle
esquisse; on y voit la fille de Jephté qui vient
en dansant au devant de son pere. Vander
fferfaimoh
cette composition, il y a mis son
propre cachet derriere: un autre a la chandelle;
on y voit un jeune homme qui embrasse une
fille; on aperc,oit dans Ie fond, la lune qui
éclaire au dehors.
A Roterdam, chezM. Léers, un beau Por-
trait de femme. Chez M. Bisschop, Jésus-Christ
et Saint Thomas l'Apótre; Loth et ses filles,
par les deux freres. On doit voir dans la même
Ville, chez M. Gevers, Echevin, quia épousé
la petite filie du Chevalier Vander Werf, et
qui possede une partie des meilleurs Ouvrages
de cePeintre. A Gréenwich en Angleterre, a la
Maison de Campagne du Chevalier Page, on y
voit les Tableaux qui ont été cités et achetés
par Ie Chevalier Sinserf. On nous assure aussi
qne 1'on voit a Londres les Portraits qui ont
servi a 1'histoire de France par Larrey,
DIRK
-ocr page 410-
Flamands, Aïlemands et Hollandois.
DIRK (Thierry) DALENS,
Ê L E V E
DE GÜILLJV ME DALENS.
DAlens naquit a Amsterdam en 1659. Guil-
laume Dalens
son pere, Paysagiste mé-
diocre, lui donna les premières le§ons. Il fut
surpassé par son Eleve encore jeune, qui se
retira en 1672 a Hambourg, pour s'éloigner du
bruit de la guerre qui accabloit sa patrie. II y
rencontra J*an Voorhout qui la fuyoit aussï.
Il s'appliquerent ensemble a 1'étude; mais aus-
sitót que la Hollande fut délivrée du fléau de la
guerre, pan Dalens retourna a Amsterdam, oü
ses Tableaux furent estimés. Il y fut chéri pour
son talent; mais la mort Fenleva au printemps
de sa vie, a 1'age de 29 ans, en 1688.
On vante les talents de ce Peintre, dont les
Ouvrages nous sont inconnus.
Dans Ie beau Cabinet de l'Ele&eur Palatin,
on trouve un Paysage, un marais oü 1'on voit
des canards et des bécasses bien dans Ie gout
$ Hondekoeter.
Et chez M. Braamkamp, a Amfterdam, un
Paysage, et une Forêt avec des routes qui tra-
versent.
<§>
MICHEL
-ocr page 411-
398              La Vie des Peintres
MICHEL MADDERSTEG.
HOubraken nous affure que Maddersteg
eft Ie meilleur Eleve de Louis Bakhuysen.
Maddersteg
naquit a Amfterdam en 1659.On
ne peut mieux imiter son Maitre, ni peut-être
mieux entendre la conftruftion des Vaiffeaux et
les manoeuvres. 11 alla a la Cour de Berlin, pour
lors remplie dhabiles Artiftes: il y paffa nne
partie de fa vie. De retour a Amfterdam il quit-
ta la Peinture pour Ie Commerce; il en fut pu-
ni, et nefit pas fortune. Il eft mort en lyoo-.Ses
Oiivrages font pour la plupart en Pruffe et dans
d'autres Cours d'AHemagne.
JÜSTE VAN HUYSUM,
ÊLEVE BE BERGHEM.
JUSTE VAN HUYSUM naquit a Amfterdam
Ie 8 Juin 1659. Son inclination pour la Pein-
ture fut fecondée par les lesons de Berghem.
Encore jeune, il donna les plus grandes espé-
rances; mais fon génie ne pouvoit s'arrêter a une
feule partie : il composa 1'Hifloire, il fit Ie Por-
trait, des Batailles, des marines, des fleurs.
Ce qu'il y a de fingulier, c'eft que ce Peintre
exer§a tous les genres fans être médiocre. Les
fleurs font les Tableaux oü il a Ie mieux réuffi;
il a eu la gloire de former fon fils Jean van
Huysum,
et c'eft pour cela qu'il eft faitmen-
tion de lui. Juste mourut en Avril 1716.
N.
-ocr page 412-
FlamandSj Allemands et Hollandois. 399
N. VERENDAEL.
LA Ville d'Anvers compte parmi les bons x
Artiftes qu'elle a vu nairre, N. Verendaeh
Les Onvrages des meilleurs Peintres de fleurs,
ont été les guides qu'il a fuivis, et la nature
poiir fe perfe&ionner. Il fit plufieurs Tableaux
qui porterent fa réputation dans Ie pays, et
plus loin. Son grand talent lui tenoit, en quel-
que fa$on, lieu de tout; il étoit renferme vis-
a-vis des fleurs qu'il copioit, et les Tableaux
de Mignon, &c. On ne renconfroit nulle part
eet Artiste; et quoiqu'en dise Weyerman, il
n'étoit ni ftupide, ni fingulier; fon amour pour
fon art l'oocupa uniquement, et s'il étoit long
dans ses Ouvrages, leur fini exigeoit ce foin
de fa part. On aimoit alors ses Tableaux dans
Ie Brabant, on les aime encore, et on les tranf-
porte ailleurs. Il avoit tant de crainte d'altérer
la fraïeheur de (es couleurs, foit par la pouf-
fiere 011 antrement, qu'a mefure qu'il finiffoit
une fleur, il avoit foin de la couvrir avec du
papier.
Un jour la Princeffe de Simmeren, qui ai-
moit fes Ouvrages, fut Ie voir travailler au Ta-
bleau qu'elle lui faifoit faire; elle fut émerveil-
lée de fon exa&itude, et elle eut du plailir a Ie
voir découvrir chaque fleur pour en faire voir
1'effet ensemble. Ce Peintre au deflbus de Mi-
gnon
et de van Huysum, mérite une place dans
les Cabinets choisis: il eft mort a Anvers, sans
qu'on fache en queue aonée.
On
-ocr page 413-
4oo              La Vie des Peintres
1659. On trouve a Rouen, chez M. Brochant,
" ■"■."' Auditeur de la Chambre des Comptes de Pa-
ris , deux Tableaux de Verendael: ce font des
bouquets de fleurs dans des vafes, avec des
infe&es.
Chez M. Horutner Ie jeune, Négociant, un
grand Tableau repréfentant des guirlandes de
fleurs atlachées a des cartouches de pierre; une
multitude d'infe&es entourent les fleurs.
ChezM. Marye, Secrétaire du Roi, un joli
bouquet d'un grand fïni.
ChezM. Ribard, Négociant et Juge-Consul,
une guirlande de fleurs en bouquets , ome une
cartouche en pierre.
Chez Ie Prince Charles, a Bruxelles, deux
grands Tableaux, avec des fleurs de toutes les
efpeces.
A Gand, chez M. van Tyghem, un beau Ta-
bleau, avec des fleurs.
Et chez M. Ie Lormier, a la Haye, un Ta-
bleau de fleurs; un autre avec des fruits.
N. R O O S.
NROOS naquit a Francfort vers 1'an 1659. Il
. eft frere de Philippe Roos, et peut-être fon
Eleve. Il peignoit auffi, comme fon frere, des
animaux, avec cette différence, que Philippe
avoit un pinceau flou et agréable : au contrai-
re, celui-ci fembloit modeier avec dela couleur.
Ses Ouvrages ne plurent qu'aux Artiftes qui
y trouverent du génie, de la corre&ion, une
bonne
-ocr page 414-
Flamands, Allemands et Hollandois. 4O1
bonne couleur et un bel accord. PF~eyermanf
qui a connu ce Peintre, nous apprend qu'il oc-
cupoit une majfontrès-vafte, qu'il avoit 1'ambi-
tion de paroïtre un grand Seigneur, mais qu'il
étoit miferable par cette dépenfe ridicule. Il ne
marque point 1'année de fa mort.
NICOLAS PIEMONT,
É L E V E
DE NICOLAS MOLBNAER.
PTEMONT né a Amfterdam en 1659, eut
pour premier Maitre Martin Saagmdleni
Après y avoir paffe quelque-temps, il fut se
perfeótionner chez Nicolas Molenaer. Il eut
tout ce qu'il falloit pour devenir habile : il fur-
paffa fes deux Maitres a peindre Ie Payfage.
L'amour manqua de 1'arrêter en route, il aimoit
une jeune perfonne qui vouloit bien du Pein-
tre; mais un autre plus riche, détermina les Pa-
rents a la maner. Piemont étoit amoureux a en
devenir fol, au point de vouloir fe donner la
mort. Un ami Ie ramena et lui conseilla d'aller
en Italië pour augmenter fes talents : il parvint
a Ie perfuader et a Ie convaincre, que cette in-
clination qui lui avoit caufé ce défefpoir, étoit
contraire a fon bonheur.
Piemont part, et arrivé a Rome, il s'appli-
qua a 1'étude de fon talent; il ne tada pas a
faire une autre faute, il épousa fon höteffe.
Cette baffeffe Ie üt nommer par la Bande Aca-
démique
-ocr page 415-
4oa          La Vie des Peintres, etc.
i6?o. démique Opgang (ou élévation,) parce qu'il
<r étoit devenu de bon Peintre Cabaretier. Oa
nous affure qu'il devoit rant a cette femme,
oü il avoit demeuré depuis fon féjour, que fe
trouvant hors d'état de Ia payer, il 1'époufa.
II ne s'occupa que de fon Art, et ne paroif-
foit jamais dans fa Maifon que fa femme con-
duifoic feule. Il vécnt avec elle 17 ans dans
Rome : et après fa mort, il retourna avec une
petite fortune dans fa Patrir. Il y trouva fa pre-
miere Maitreffe veuve avec un bien honnête;
il 1'époufa et se retirerent enfemble a Vollen
Hoven,
oü il mourut quatre ans après, en
1709.
Ce Peintre a laïffé peu d'Ouvrages en Hol-
lande. Le temps qu'il a refté en Italië, nous
a privé d'un nombre de bons Payfages. 11 faifoit
peindre les rigures qu'il faifoit mal.
Fin du troisieme Tome.
-ocr page 416-
TABLE
ALPHABÉTIQÜE
DES NOMS
DES PEINTRES
CONTENUS
DANS CE TROISIEME VOLUME.
Botschild, Samuel, 98
Brakenburg, Reinier, 253
Brizé, Cornille,
             7
Broek , Elie vanden, 27a
Bronkhorst, Jean, 23g
Bruyn, Cornille de, 297
Bunnick, Jean van f 3i3
"1_Ppelman, Ber-
nard,
                     108
lAcker, Adrien, i5i
Backer, N. de,
          224
Beeldemaecker, Jean, 32
Begyn, Abraham, 291
Bent, Jean Vander, 264
Berckheyden, Job et Gue-
rard,                      153
Biskop ou Bisschop, Jean
de,                        iS4
Blekers, N.,                  7
Block, Joanne Koerten,
273
Bloemen, Jean-Francois
van,                      358
Bloemen , Pierre van ,
359
'Al, Jean van, 317
Carré, Francois,
         32
Carré, Henry,          36o
Carré, Michel,          363
Champagne, Jean - Ba
p
161
tiste,
Cleef, Jean van, igi
Colyns, David,
          a83
Couinck, David de, 3j
Cc
n
-ocr page 417-
T A B L E.
Glauber, Jean Gotlieb ,
333
Griflier , Jean ,           352
Gyzen , Pierre ,           41
H
[Agen, Jean van, 25
Haansbergen, Jean van,
123
Hakkert, Jean,           3g
Haring , Daniel,          34
Heus, Guillaume de , 71
Heus , Jacques de , 366
Heusch,Abraham <fe, 270
Heyden, Jean vander, 48
Heyden, Francois-Pierre
ver,
                        364
Hoet, Guerard,        232
Holsteyn, Cornille, 3o3
Hondekoeter, Melchior,
44
Hondius, Abraham , 280
Hooge, Pierre de, 167.
Hoogzaet, Jean , 3i2
Hugtenburgh, Jean van,
196
Huysum , Jus/e van, 398
Hulst, Pierre vander, 39
Huysmans, Cornille,
D
D
A l e n s , Thierry ,
( Dirck )              397
Danks, F'ancoü, 282
Delen, Thierry van, u3
Denys , Jacques, 210
Deysler , Louis de , 336
Does , Simon vander, 3i>4
Does, Jacques vander,
3i6
Douven , Jean Francais,
'347
Droogsloot, N.            a63
Drost,                           42
Duc, Jean Ie,              33
Dullaert, tfeyman , fa
Dunz, Jean,
              17S
E
J_j
Eckhoute , Antoine
vanden ,              345
Elias , Mathieu,          3yj
Eyckens, Pierre Ie Vieux,
286
F
L Ehling, Heniy Chris-
tophe,                      311
Freres, Theodore, J^g
Frits , Pierre ,              '23
G
(jAal, Bernard, a84
Gelder (Arent) Arnould
de,
                         f]G
Genot'ls, Abraham, 92
Gillig,                            4a
Glauber, Jean,          187
«jArdin, Carledu, m
Ingen , Guillaume van,
370
K
XV
AIraat, Abraham van,
47
Kalra;it, Bernardvan, 268
Kick, Cornille,
             6
-ocr page 418-
T A B L E.
Kloosterman, 2V. 35i                     N
Kneller, Godefroy, 225 TVT
Koene, Isaac,           284 ±\ ¥xk, Jean van, 46
Koets, Roelof,           3<i6 Neer, Eglon vander, 133
Koning, Jacques, 262 Nes, Jean van,           22
Netscher, Gaspard, 78
L
                     Neveu, Mathieu, ao5
LNollet, Dominique, ga
Airesse, Guerard de,
101                       O
Leeuw, Gabriel vander, s~\
i45 V_/Ost, Jacquesvan, 55
Leeuw, Pierre vander, Orley, Richardvan , 3oo
168
Lubieneizki, Tlieodore et                    P
Christophe,            3o5 T)
JL Aulin , Horace, i5i
d/
                    Peutmau,iV.             a84
MPiemont, Nicolas, 4°'
Aes, Thierry(Dirck), Pieters,iV.
                220
3Ö2 Plas, üavid vander, ai3
Maddersleg, Michel, 3g8 Poorter,                     42
Marienhof,                265 Post, Francois,            8
Meer, Jean vander, 267
Merian , Marie - Sibylle }
                     R
200 "O
Euven, Pierre,   266
vander, 1    Rietschoof, Jean,      296
Meyer , jPe/.;x,          307   Roer, Jacquesvander,ii3
Meyering, kliert, 179    Roos, Theodcre,        68
Mierhop, Francois van   Roos, Philippe,        3ig
Cuyckde, 115    Roos, 2V.                   4°°
Mieris, Francois, i3    Ruysdael, Jacques,       9
Mignon , Abraham, 52    Ruysdael, Salomon,     11
Mile, Francisque, 169   Ryckx, Nicolas,        60
Minderhout, 58    Rysbrack , Pierre,    874
Molyn, Pierre, 148
Moor, Charles de, 328 S
Moortel, Jean,         291    O
Musscher, Michel van ,    öChalcken , Godefroy ,
181                                  i39
Mytens, Daniel, 35   Schcndel, Bernard,      5
Cc 2
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~~~
T A B L E.
Schoon-Jans, Anloine,    Verkoüe, Jean, 25g
288    Vernertam, Francois, ó-]b
Slingelandt, Pierre van,   Verschuuring,GuiUaume
98       (Willem) 3o8
Spalthof, 4a    Visscher , Theodore, 290
Starenberg,/«rn, 271   Voys,Ande, 118
Steen, Jean , 26    Vollevens, /eara , 2Ï>i
Steenwyk,IV. 109    Voorhout, Je^K, 207
Storck , Abraham, 282    Vostermans, Jean, 107
Stuven, Ernest, 372    Vree, Nicolasde 278
Syder , DawieJ, 2i5    Vuez, Arnould de, 125
r                             W
TErlee, &   WEeninx Jean j65
Terwesten, Augustin, 245    Werdmuller, JeanRudolJ,
Terwesten, Elie ,294                y , . , a„,
Tideman,P/»"Vpe, 369    Werf, Adrien vander, 383
Torenvliet, Jacques, 121    Wemer , Joseph, 01
Weyerman, •/.           
^                    Winter, Gz7/e^ Je, ag3
_                                   Wissing, GuiUaume, 357
V Al Robcrt du, 172    Withoos, Jean, 3oa
Veen, Roch van, 169   Withoos, Pierre, 3j5
Velde , Adrien vanden,    Withoos, Francois, ó-]5
72    Wolf, Jacques de, 271
Verhuis, Arnould, 186   Wulfraat, Mathieu, 218
Verendael, ÜV. 399   Wyck , /ea« , 117
Verheyden , Francois-   Wytman, Mathieu, 204
Pierre, 364
Fin de la Table;
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T A B L E
DES PEINTRES
AVEC PORTRAITS.
B                           H
BlSSCHOP,Jean  t±Oet, Guerard,
de, 184                             232
Block, Joanne Koer-
   Hondekoeter , Mei-
ten, 273
       chior, 44
y Cornille de,
   Hondius, Abraham,
297
                             2.80
D
                 Huysmans, Cornille,
D
Eyster, Louis de,                  I
336 T
Dullaert,ïlejtmn,4j J Ardin, Carle du,
Duni, Jean, 175                          ui
K.
E               Jf
j-i                             XVNneller s Gode-
JliLias , Mathieu , ftoy,               225
377                  L
Eyckens , Pierre Ie j
Vieux,            286 LuAiresse, Guerard
de,                      IOI
G                                M
KTEnoels, Abraham, irJLErian, Marie Si-
92 bylle,              200
Meulen,
■»...-
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T A B L E.
T
>is Vander, i    rj-i
Mejer, Felix, 307    JL Erwesten, Augus-
Micris, Frangois, 13      tin, 245
Moor, Charles de, 328   Tidcman, Philippe ,
Musscher,\i'iche\v<m,                            369
181   Torenvliet, Jacques,
N                                                    121
N                                 V
J- T Estcher, Gaspard,    jy^
78    r Al, Robert du ,
O                                                 172
O                                                                     Velde, Adrien Van-
Ost, Jacques van,       den, 72
55   Ferkolie, Jean , 259
Orlej , Richard van,   Vollevevs, Jean, 251
300   Voorhouti Jean, 207
P                 Vuez, Arnould de ,
JL Las , David van-
der,
               [2.Ï3
R                 ^^ Eeninx, Jean,
x\Ooj,Philippe,3l9   Werdmuller , Jean
Rudolf,             85
S                  Werf, Adrien Vander,
c                                                383
<jChalckeny Gode-   Jferner, Jefeph, 61
froy, 139   Wulfraat, Mathieu,
Steen, Jean ,26                                      218
Fin de la Table des Portraits.
A ROUEN, de 1'imprimcrie de VI RET, fils.
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