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LA VIE
P E I NTR E S
FLAMANDS,
ALLEMANDS ET HOLLANDOIS,
AVEC DES P0RTRA1TS
Grav�s en Taille-douce, une indication de leurs
principaux Ouvrages, & des R�flexions fur
leurs difF�rentes manieres.
Par Mr. �. fi. DESCAMPS ,Pelntre da Rol, Membre
de l'Acad�itiie Royale de Peinture & de Sculpture , de
f Acad�mie Imp�riale Francifcienne , de celk des Sciences,
Belles-Lettres & Arts de Rouen
, & Profejfeur de PEcolt
du Dejfeln de la m�rne Vitte.
T O M E QUATRIEME.
A P A R ! S ,
C DisAiNT& Saillant.rue de S. Jean de Beauvais.
Chei' PissoT,Quai de Conty.
Du rand Ie Neven , me S- Jacques
de la rue du Platre.
au coin
M. D C C. LXIV,
AVEC APPROBATtON ET PRIVILEGE DU R01
-ocr page 2-
AVERTISSEMENT,
A n s ce quatrieme & dernier
| Tome j'effaye de faciliter aux
Francois la prononciation des
noms propres des Artiftes dont il eft
fait mention dans eet Ouvrage. Pour
y parvenir je mets en cara�tere romain
les noms comme les Peintres les �cri-
voient fur leurs Tableaux ou fur leurs
Deffeins, & entre deux parenthefes ces
mots tels qu'il faut les prononcer.
L'E en Flamand eft toujours muet, &
a peine fenfible; j'ai fupprim� eet E, o�
il eft tr�s-muet, en fubftituant a ia place
L'apoftrophe. Exemple, Vander} prononcez
-ocr page 3-
vj AFERTISSEMENT.
(Vand'r)» Vanden, prononcez (Vand'n)
Rubcns} prononcez (Rub'ns.)
De deux E enfemble on n'en prononcc
q u'un, mais ferme; ainfi Beeldemaecker,
prononcez ( B�ldemaqu'r.)
La diphthongue OE eft OU, comme
dans Bloemen, prononcez (Bloum'n.)
Le G a paru rude aux Flamands, ils
1'adouciffent en difant GUE; ainfi dans
Elliger, prononcez (Elligu'r.)
Le K eft comme le C, fans c�dille
devant les voyelles A, O, U, ou com-
me le QU. Exemples, Kakker, pronon-
cez ( Calqu'r ) ; Kaynot , prononcez
( Quaynot. )
Le W eft OU, ainfi TVaffer, pronon-
cez ( Ouaff'r.)
L'Y a le fon comme dans Paye ou dans
Taye.
L'H eft inutile dans la methode que
-ocr page 4-
JFERTISSEMENT. vi)
j'indique ; dans Hal, prononce^ (Al.)
J'ai place a la fuite de la Table de ce
Volume celles des Volumes pr�c�dens, o�
les noms font �crits felon ma methode,
& places entre deux parenthefes.
Avant deux ans je donnerai au Public
Ie Voyage Pittorefque des principales
Villes de Flandre & du Brabant; je ferai
connoitre les Ouvrages de Peinture, de
Sculpture & d'Archite�lure; j'y joindrai
quelques r�flexionsj j'indiquerai les Cabi-
nets, fans m'arr�ter aux d�tails, que je
r�ferve pour les Edifices publics, dont les
richefles de ce genre font rarement d�-
plac�es; il y aura des planches quand il
faudra donner une idee plus fenfible dts
chofes.
J'ai commenc� eet Ouvrage particulier
en �crivant la vie des Peintres; mais je ne
compte Ie faire paroitre qu'apr�s m'�tre
-ocr page 5-
v�j AVERTISSEMENT.
aflur� de nouveau fur les lieux de certains
faits, pour ne pas induire en aucune er*
reur ceux qui voudront bien prcndre mon
Livre pour guide.
ARNOLD
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A R N O LD
HOUBRAKEN,
�LEVE DE SAMUEL
H 00 G-S TRAE TEN.
OUBRAKENj bon Peintre &"
Hiftorien exadt, naquit a Dort <
!e 28 Mars 1660, d'une familie
aif�e, qui lui fit faire des �tudes
convenables jufqu'a ce qu'il mar-
quat une pr�diledtion particu-
liere pour la Peinture. Guillaume Drillenburg
fut fon premier Maitre ; Jacques Lavecq fon
fecond , mais la mort Ie lui enleva au bout de
Tome iVk                             A neuf
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La Vie des Peintres
1660.                    g$
'_ d'inftruire ce jeune Eleve; il fut 1'exemple de
1'Ecole, & il furpafla (es Camarades. En �tat
de fe perfe&ionner d'apr�s la nature, il quitta
fon Maitre : ce fut dans fa ville natale qu'il fit
1'eflai de fes talens; on y voit encore les Por-
traits qu'il y fit pour les principales families:
il efl: fingulier, fur-tout, de voir comment il
a traite & bien r�ufli dans Ie Tableau qu'il a
fait pour la Monnoie; tous les Officiers de ce
temps y font repr�fent�s : des Tableaux d'hif-
toire , & d'autres pour orner les fallons Sc les
appartemens lui r�ufl�rent: �galement. Un ama-
teur, M. Witfeti) prit tant de plaifir dans deux
petits Tableaux qa Houbraken venoitdelui faire,
qu'il mit tont en oeuvre pour 1'attirer a Amfterdam»
Notre Peintre » qui avoit �pouf� la rille
de Jacques Sasbout, Lithotomifte habile ,& qu�
eutd'elle une familie nombreufe, crut Amfter-
dam plus propre que Dort a 1'�ducation & a
1'�tabliffement de fes enfans.
CechangetnentdeVilleluifutd'unavantagecon-
fid�rable, malgr� lamort de fon M�cene Wilfen;
Houbraken
n �toit point encore connu, mais
les Libraires qui commencerent a 1'employer,
enrichirent la Typographie d'un nombre de jo-
lk.s Vignettes de fa compofition : un Hiftorio-
graphe Anglois lui fit des offres confid�rables
pour aller en Angleterre & y deffiner les Por-
traits des grands Hommes de cette Nation.
Houbraken y fut, paffa neuf mois a former
cette belle colleftion, & a fon retour en Hol-
lande , 1'Auteur Anglois Ie regut avec la plus
grande fatisfa&ion ; mais ea m�me-tcmps il Ie
trompa
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Flamands, Allemands & Hollandois. S
trompa, en quittant furtivement Ie Pays, fans
payer fes dettes ; Ie tort qu'il fit a notre Artifte,
en ne Ie payant pas plus que fes autres Cr�an-
ciers,nele rebuta point. Houbraken fe mit a
peindre des Tableaux, tous fujets d'Hifloire,
qui mirent ce Peintre a portee de Faire con-
noitre fes talens : il peignit pour M. van Hems-
kerk
, a la Haye , THiftoire d'Orefte & de
Pilade , Ie Sacriiice d'Iphig�nie , la Continence
de Scipion , &c.
Vers ce temps, les Artiftes & les Amateurs
1'engagerent a �crire la Vie des Peintres. Ani-
m� par la confiance de fes Confr�res , il fit
des recherches , & il fut fecond� par les talens
de fon fils , Graveur habile, qui grava tous
les Portraits. Ainfi Houbraken partagea fon
temps entre 1'Art de Peindre & celui d'Ecrire ;
ce travail lui fera toujours honneur ; fi la mort
ne 1'avoit furpris , il auroit angment� fon Ou*
yrage , qui eft quelquefois trop peu �tendu :
il ne vit paroitre de fon vivant que deux Vo-
lumes ; Ie troifieme parut apr�s fa mort, qui
arriva Ie 14 Oftobre 1719. Il laiffa fa veuve
avec plufieurs enfans , parmi lefquels on ditrin-
gue Jacgues Houbraken, Graveur de Portrait,
habile, encore vivant.
Houbraken Ie pere def�inoit affez bien ; fes
compofitions font dun homme d'efprit; il �toit
tr�s-inftruit, & un des bons Po�tes de fon temps;
fon pinceau eft d�licat, fa couleur un peu ou-
tr�e, tant�t trop rouge, & en g�n�ral peu
vraie ; fes draperies font pli�es avec nobleffe.
Peut-�tre une trop grande qnantit� d'�toffes
Yari�es de tons, emp�che de trouver, dans quel-
A1 ques-
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4                  La T'ie des Pcintres
uns de fes Tableaux , Ie repos qu'on remar-
r que dans la plupart de fes Ouvrages: il �toit
riche dans fes fonds : Un bon gout d'Archi-
tecture montre qu'il ("cavoit les loix du Coftume
dans cette partie , ainfi que dans les ajuftemens
de fes rlgures ; fes Ouvrages de Litt�ratiire font
affez r�pandus pour en laiffer juger Ie Public.
Nous avons parl� de fa Vie des Peintres dans
1'Avertiffement de notre premier Volume. Son
Ouvrage nous a beaucoup fervi: ce fut d'ailleurs
un honn�te homme , dont les moeurs ont �t�
lou�es par ceux qui ont �t� a portee de Ie con-
noitre & de lire fes �crits.
Le feul Tableau, que nous connoiffons de
ce Peintre en France , fe voyoit a Paris dans
le cabinet de feu M. le Cotnte de Vence , il
repr�fente le Sacrifice d'Iphig�nie.
BODEKKER,
�LEVE DE JEAN DE BA�N.
BOdekKER naquit en �66o, dans le pays
de Cleves ; fils d'un Muficicn c�lebre, qui
avoit fait long-temps les plaifirs de la Cour de
Berlin , il devint Muficien lui-mcme, mais fes
talens pour la Mufique ne furent pour lui q�'im
amui'ement, il s'occupa de la Peinture. Il fut
heureufement inftruit dans la bonne Ecole de
Jean de Ba�n, a la Haye, Si il ne la quitta
que lorfque le Ma�tre le jugea en �tat de fe pro-
curer , par fes Portraits, une fortune & un
nom
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Flamands, Allemands & Hollandois. 5
nom. Il pafla par Bois-le-Duc & Breda, o� il
fut fort employ� ; fes Portraits lui procurerent
de grandes prote&ions ; il revint a la Haye o�
il eut des perfonnes de confid�ration a peindre ;
il fut enfin appell� a Amfterdam, o� il fe fixa:
il fit cependant quelques voyages dans Ie Nord
de la Hollande ; la mort 1'enleva a 1'age de
foixante-dix ans, en 1727. Il fut inluun� a
Amfterdam : il laiffa , par fes Ouvrages , la
r�putation d'un bon Peintre de Portrait.
JACQUES VANDER SLUIS,
�LEFE DE SLINGELANDT.
LA ville de Leyd�n reclame ce Peintre
agr�able , qui naquit en 1660. Il fut �lev�
dans 1'H�pital des Orphelins , o� il fe diftin-
gua dans les exercices d'inftru�ions. Il fcut
captiver Tamiti� des Adminiflrateurs par la
douceur de fes moeurs; il fit connoitre de bon-
ne heure fon g�nie & fon goiit pour Ie Def-
fein.
Il eut pour premier Maitre Ari de Voys, &
enfuite Pierre van Slingelandt. Il copia d'abord
tr�s-bien ce Maitre , & finit par compofer de
fon propre g�nie. La maniere de Slingelandt
lui eft reil�e ; fes Tableaux font encore plai-
lir : ce font des fujets de mode, mais agr�a-
bles , des AfTembl�es , des Jeux & des Feftins :
la joie eft peinte dans fes figures, fon finij eft
f�duifant, mais fon deffein eft fans finefle; il
A 3                   y
-ocr page 11-
6              La Vie des Peintres, &c.
y a de l'harmonie dans fes Ouvrages. On les
aime, parce qu'ils font piquans. 11 a toujours v�-
cu dans fa Ville natale, o� il eft mort en 1736.
Nous n'avons aucune connoiflance des produc-
tions de ce Maitre : c'eft d'aprcs de bons Ar-
tiftes que nous avons fait eet �loge & cette petite
critique.
JEAN FILIUS^
�LEVE DE SLINGELANDT.
VOiCl encore un �leve de Sl�ngdandt;
Jean Films,
n� a Bois-le-Duc , a imit� fon
Maitre dans Ie beau hni de fes Ouvrages. La
rn�me couleur, un aflez bon gout de deflein
font encore rechercher fes Tableaux. Il choi-
fiffoit bien (es fujets; des Affembl�es & des
momens pns dans la vie priv�e , font les mode-
les qu'il a bien imit�s : nous ne connoiffons
point fes Ouvrages, ni en quelle ann�e il eft
mort.
BONAVENTURE
-ocr page 12-
BONAVENTURE
VAN OVERBEEK.
ONAVENTURE VAN OVERBEEK
naquit a Amfterdam en 1660,
I de parens riches, qui 1'�leverent
d'une facon convenable a leur
j fortune ; il fe diftingua au Col-
l�ge , & d�ja tr�s^avanc� dans
les Langues , il quitta tout pour la Peinture:
fon Maitre eft inconnu; on foup^onne que ce
fut LaireJJe. Quoi qu'il en foit, Overb�ek alla
a Rome, o� il s'appliqua avec tant d'ardeur,
qu'il fut regarde comme un des premiers ; fa
grande faqilit� lui laiffa Ie loifir de s'amufer:
A4           il
1660.
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8                La Vie dei Pemtres
"TT ' il aimoit Ie plaiiir, ma�s fans ie n�gliger. La
3 Bande acad�mique Ie nomma Romulus.
Overb�ek deffina tout ce qui pouvoit �tre
vu dans cette grande Ville : il acheta les pla-
tres moul�s fur les Antiques, & ceux que les
habiles Sculpteurs avoient copi�s. Non content
des Deffeins qu'il avoit faits, il fe procura ceux
des aurres a prix d'argent; c'�toit une colle&ion
tr�s-complette, & peut-�tre la plus nombreufe
qu'aucun Artifte ait apport�e d'Italie. A ion arri-
v�e en Hollande, tous les Amateurs Ie vifite-
rent, & fur-tout fes Confr�res. Lairejje, �ton-
n� de voir tant de richeffes, fut li fatisfait de
tout ce qu'il avoit vu, qu'il offnt fa maifon
& fa table a notre Romulus ; Ie m�mc penchant
pour Ie plaifir contribua auffi a les unir li �troi-
tement. Lairejje �tudia les DefTeins d'apr�s les
model-es antiques , fa maniere en devint encore
plus fcavante ; fes deffeins , fes compofitions &
fes tableaux �toient des preuves du gout que
produit 1'�tude de 1'Antique.
Overb�ek aimoit Ie plaifir , mais il aimoit
aufli fon Art ; ces deux go�ts fe combattoient
quelquefois & c�doient tour-a tour 1'un a 1'au-
tre : �toit-il las du plaifir ? 1'�tude repreaoit fes
droits. Ce fut dans un de ces heureux momens
que, r�fl�chiffant f�rieufement fur les dangers
que couroient (es talens, il s'arracha de la com-
pagnie du dangereux Lairejje , & qu'il partit
pour Rome, dans la ferme r�folution de renoncer
a la d�bauche; heureux s'il e�t pii s'y foutenir!
Il mena avec lui un Peintre nomm� Trooft, qui
peignoit bien a gouaffe, peur 1'aider a cbpier
Cxa�eraent des ruines & d'autres reftes de 1'an-
cienne
-ocr page 14-
Flamands , Allemands & H'ollandois. 9
cienne Rome. Ce Troojt p�rit dans ie Tibre en
fe baignant.
C'�toit une perte pour notre Artifte , parce
que ce fecours lui �toit n�ceffaire pour l� but
qu'il s'�toit propof�; mais la fagefie ne man-
qua pas de 1'ennuyer: la crapule reprit Ie deffus,
& les exces Ie mirent prefque au tombcau; en
�tant heureufcment r�chapp�, il Ie remit de
nouveau au travail. Cet Artifte pouvoit �tre
deux jours a ie r�jouir ; il pouvoit auffi paffer
trois 011 quatre jours & quatre nuits de fuite a
fa profeffion. Apr�s quatre ans de f�jour dans
Rome, il retourna en Hollande ; il.prit avec
lui pour compagnon de voyage Ckriftophe Le
Blon,
Peintre en mignature , qu'il d�fraya.
Apr�s avoir paffe quelque temps chcz lui,
il retourna pour la troifieme fois a Rome , pour
y recueillir ce qui lui parut manquer a fa col-
leftion : ce voyage dura encore deux ans.
Tout �toit fingulier dans fa conduite ; lorfqu'il
partoit pour Rome, il mettoit fes ef�ets, meu-
bles & bijoux, &c. dans des coffres, qu'il d�-
pofoit dans 1'endroit o� 1'on pr�te fur gages;
il diloit qu'il n'agiffoit ainfi que pour ne point
payer de loyer de maifon : il fe faifoit auffi faire
un habit qu'il portoit pendant tout le voyage,
fans prendre garde s'il �toit d�chir�, tach�, 011
m�me hors d'�tat d'�tre mis; on le connoiffoit
fur ce ton la ; il paroiffoit peu inquiet de la
raillerie.
Notre Obfervateur retourna avec fon Recueil
complet : il choifit la Haye pour fa demeure ;
il aimoit tant fon Art, qu'il deffinoit a 1'Aca-
d�mie d'apr�s le modele, tr�s-fouvent pour inf-
pirer
-ocr page 15-
�d               La Vie des Peintres
pirer a la Jeunefle Ie bon gout qu'il avoit ac-
quis en Itali�; il fut d'abord recu Membre dans
cette Socict�d�sl'ann�e 1685. LaHaye lui parut
un f�jour trop propre a Ie diftraire ; il �toit trop
foible auffi pour' r�fifter aux occafions. Il loua
une chambre a Scheveninge ; pour y monter
il n'y avoit qu'un marche-pied , qu'il tiroit apr�s
lui lorfqu'il ne vouloit pas �tre diflrait. Il v�-
cut ainfi quelque temps dans 1'exc�s de la d�-
bauche & du travail. Enfin, apr�s avoir �crit
fonLivre, fait graver & retouche lui-m�me les
planches, il fut a Amfterdam pour faire impri-
mer, lorfqu'une maladie d'�puifement Ie r�dui-
fit a 1'extr�mit� a la fleur de fon age; les M�-
decins, dans une confultation, apr�s avoir exa-
min� Ie Malade, fondoient leur efp�rance fur
fon age ; il leur dit en riant : Meflieurs, ne
comptc\pas fur mes quarante-J�x ans, il faut
doubler, /'ai v�cujour & nuk.
Il demanda fon
Neveu Michel van Overb�ek & fon H�ritier,
& lui dit de faire imprimer fon Ouvrage a fes
frais, de Ie d�dier a la Reine Anne d'Angle-
terre , & d'en remettre un Exemplaire a 1'Aca-
d�mie de Peinture de la Haye. Cet Ouvrage
fut donn� au Public en 1709, en trois Parties,
grand in-folio, fous ce Titre: Les Resies de Van-
cienne Rome.
Notre fingulier Artifle mourut en 1706, a
1'age de quarante lix ans ; il dit des chofes tr�s-
plaifantes en mourant. C'efl dommage qu^un
homme de ce m�rite ait donn� dans les exces
les plus crapuleux; il avoit une �rudition pro-
fonde, & 1'efprit Ie plus vif & Ie plus capable
d'application; il a peint avec b�aucoup de fuc-
c�s
-ocr page 16-
JFlamands, Jtllemands & Hollandois. 11
c�s rHiftoire: il deffinoit bien : fes Ouvrages 1660.
en Peinture nous font inconnus; on peut juger ■■ ,
par fon Livre, qi� eft �crit en Fran^is, qu'il
pofledoit bien les Langues.
JEAN MIERIS,
�LEVE DE SON PERE
FRANCOIS MIERIS.
Jean Mieris, fl!s ain� de Fran-
cols Mieris
, naquit a Leyden Ie 17 Juin
J��o. Son nom fut 1'heureux pr�jug� des ta-*
lens qu'il devoit un jour acqu�rir , 'puifqu'il
�toit excit� a la fois par la r�putation de fon
pere, & par les progr�s de fon frere Guillau-
me Mieris
, qui �toit plus jeune que lui; cepen-
dant il n'imita ni 1'un ni 1'autre dans leur gen-
re , il craignit de n'atteindre ni a la patience
de fon pere, ni au fini de fes Ouvrages ; &
voyant que fon jeune frere donnoit dans Ie
petit, il fe d�clara pour Ie grand : fon pere
n'en fut pas fach�; il Ie laiffa faire; il cher-
cha a Ie placer chez quelque Maitre habile;
il aimoit LaireJJe & fes Ouvrages, mais il m�-
prifoit fes d�bauches; &, dans la crainte d'ex-
pofer fon fils a des exemples dangereux, il fe
chargea de fon inflru&ion, en lui mettant de-
vant les yeux des modeles qu'il ffut copier,
& d'apr�s lefquels il a form� fa belle maniere.
Ce jeune Artifle �toit continuellement tour-
ment�
-ocr page 17-
.
i i                  La P~ie des Peintres
j66o. ment^ de la gravelle et de la pierre : cette
^==m cruelle maladie ne 1'emp�cha pas de travailler
aliiduement. Les M�decins lui ordonnerent de
fe tenir affis Ie moins qu'il pourroit, parce que
cette pontion lui �toit contraire. Il fe mit alors
dans 1'efprit que les voyages pourroient Ie fou-
. lager. Apr�s la mort de fon pere, il paffa en
Allemagne, o� il travailla quelque temps; il
voulut voir 1'Italie : arriv� a Florence, il y fut
par-tout bien recu. Le nom de fon pere, (lont
les Ouvrages y �toient connus, lui procure-
rent des Amis qui le pr�fenterent au Grand-
Duc ; il fut recu avec amiti�, & ce Prince
voulut fe 1'attacher. Mie ris, z�l� Proteftant,
crut �tre g�ne; il refufa cette place , & fut a
Rome, o� fon talent �toit d�ja connu, o� fes
Ouvrages enfuite le f�rent rechercher : cepen-
dant (on mal augmenta , parce qu'il travailloit
avec la m�me afliduit� ; il fut pris fi vivement
qu'il mourut a Rome, dans des douleurs tr�s-
aign�s, le 17 Mars 1690.
Ceft dommage que eet Artifte n'ait pu par-
courir une plus longue carri�re, il auroit �t�
auffi c�l�bre en grand , que fon pere 1'�toit
dans fes petits �uvrages. On nous vante deux
beaux Tableaux de lui, qui �toient dans le
Cabinet de M. de la Court, et le Portrait en
petit de ce Peintre, par lui-m�me, chez M. Vander
Marck
, a Leyden , & le m�me , de grandeur de
nature, chez Francois Mieris le jeune: ces deux
Tableaux , d'une maniere bien oppof�e , ont fait
croire qu'il feroit devenu un tr�s-grand homme,
il �toit d�ja un Maitre habile.
■f
PIERRE
-ocr page 18-
jillemands & H�llandois.
PIERRE BRANDEL,
�LEFE DE JEAN SCHROETER.
"D Randel naquit a Prague en 1660. A ,,
**
1'age de quinze ans il fut admis a 1'Ecole
de Jean Schroeter, Peintre de la Cour, & ~
Infpe&eur de la Galene de Prague; Ie Maitre
fe vit furpaffer par fon Eleve, apr�s quatre
ann�es d'�tude; ce fut peut-�tre un motif de
leur f�paration. Un jour 1'Eleve recut ordre de
peindre un petit Tableau d'Autel: Schroeter,
en entrant vers Ie foir , vit Brandel d�foeuvr�
a la fen�tre; il Ie gronda 3 fans avoir regarde
Ie Tableau d�ja n"ni. Brandel piqu� , faifit cette
occafion pour Ie quitter; il fe mit a travailler
pour fon compte : les Eglifes de Prague & de
Breflau furent orn�es de fa main; Ie Prince de
Ha\fdd lui paya cent ducats pour un Tableau
repr�fentant Saint J�r�me a demi-corps.
Son f�jour ordinaire �toit a Prague , il n'en
fortoit que pour placer fes Ouvrages : il fut por-
ter un Tableau d'Autel au Monaftere de J�iflau
en Sil�fie , & un autre dans 1'Eglife de Mac-
dling en Autriche. Ce fut alors qu'il eut occafion
de voir ce qu'il y a de beau a Vienne. Sa con-
duite finguliere & prodigue Ie fit mourir fi pau-
vre a Kuttenberg en 1739 , qu'il fut enterr�
par charit�.
On voulut honorer fa m�moire, il fut en-
terr� a fainte Barbe. Les Peres J�fuites & tous
les
-ocr page 19-
La Vie des Peintres
du Monaftere de Sedliz,del'Ordre
deCiteaux, furent a la foite du Corps, & trois
eens Freres Mineurs porterent des flambeaux.
Cette diftin&ion fait honneur au gout de ce
temps : On afl'ure encore que ce Peintre avoit
du g�nie; il confultoit la nature fans la char-
ger ; fa couleur eft naturelle, quelquefois fes
ombres tirent fur Ie noir : fon pinceau eft large
& facile.
GASPARD JACQUES
VAN OPSTAL.
VAn Opstal *, natif d'Anvers, eft un bon
Peintre d:Hiftoire, plus connu par fes
Ouvrages que par des �venemens particuliers
de fa vie; il avoit voyag� en France, mais on
ne fcait ni Ie temps qu'il y a demeur� , ni s'il
a �t� plus loin.
En 1704, il fut charg� de copier la fameu-
fe defcente de Croix de la Chapelie de la Con-
fr�rie du Mail, dans 1'Eglife de Notte-Dame*
a Anvers. Ce chef-d'oeuvre de Rubens, qui
confifte en cinq Tableaux, eft rendu avec la li-
bert�, la touche & la couleur de 1'original:
ces copies, faites pour Ie Mar�chal de Vilieroy,
pafferent en France ; elles nous font inconnnes,
mais
* On foupconne Gafpatd , Nereu de G�rarH van Opftal ,
Sculpteui. un des dou7.e qui ont commenc� r�tablilfcmcnt de
1'Acatitmic royale de Fcinturc de Paris, en 164S.
-ocr page 20-
Flatnands, Allemands & Hollandois. l5
ma�s elles font vant�es par tous ceux qui les - ■
loco.
ont vues.
                                                            «�»
Plufieurs Eglifes dans la Flandre furent or- "
n�es de fes Tableaux : il r�uffit aufll tr�s-bien
a peindre Ie Portrait. Les Peintres de fleurs lui
firent peindre des Nymphes & des G�nies,
auxquels ils ajouterent des fleurs & des friiits.
Ce Peintre compofoit avec g�nie, il �toit
affez corrett dans fon deffein, & bon colorifte;
peut-�tre eft-il un de ceux de fon temps qui
peignoit avec plus de facilit� , & qui avoit
encore la touche la plus brillante.
Nous ignorons 1'ann�e de fa mort: il a fait
de bons Eleves. Voici deux Tableaux que nous
connoiflbns de lui:
Dans la Salie de 1'Acad�mie royale de Peinture
d'Anvers, un beau Portrait d'un des Direc-
teurs : on Ie croit fon morceau de r�ception.
Et dans l'Eglife Cath�drale de Saint-Omer, les
quatre Peres de l'Eglife , grand & bon Tableau.
N. V R O M A N S.
VROMANS, furnomm� Ie Peintre de
Serpens, naquit en 1660, mais on ignore
en quelle Ville de la Hollande. Nous ne con<*
noiffons pas fes Ouvrages , qui ne font int�ref-*
fans que par une grande v�rit�, un beau fini
& une excellente couleur. Les Tableaux de ce
Peintre repr�fentent de belles plantes, des ron-
ces , des �pines qu'il m�loit de Grenouilles,
de Souris, de toutes fortes de Chenilles,
d'Araign�es,
-ocr page 21-
�6                La F^ie des Peintres
d'Araign�es, de Nids d'Oifeaux, &c. Rierl
de fi d�fagr�able que la nature qu'il imitoit ■,
car il faut la choifir , & rien de fi agr�able
que fes copies qu'on eftimoit beaucoiip de fon
temps, & que nous ne connoiffons point. Il
paroit que notre Artifte avoit la t�te un peu
folie: il s'avifa de conftruire une machine pour
Voler, & ne manqua pas de fe caffer la jambe
au premier effai : il fit plufieurs autres machi-
nes de cette efpece, au-lieu de faire de bons
Tableaux. On ne fcait point 1'ann�e de fa
mort.
BONSTANTIN FRANCK.
COnstantin Franck naquit k An-
vers en 1660, originaire d'nne familie
connue & diftingu�e dans la Peinture. On ne
dit rien de fes premi�res ann�es , on ne nomme
pas fon Maitre ; nous fcavons qu'il fut Direc-
teur de 1'Acad�mie de Peinture d'Anvers en
1695, ^on ta'ent �toit de peindre des Batail-
les : il dcffinoit bien la figure , & fur-tout les
Chevaux; mais il n'avoit pas, comme Vander
Meiden
& Hugtenburgh , ce flou & ce large-,
propre a ce genre d'Ouvrages ; Franck �toit
quelquefois froid & fee. Le plus beau Tableau
de ce Peintre repr�fente le Si�ge de Namur,
par Guillaume III, Roi d'Angleterre : la Ville
eft dans le lointain , & fur le devant du Ta-
bleau fe trouve ce Prince , donnant fes ordres ,
entour� de plufieurs Officiers G�n�raux tr�s-
resseta-
-ocr page 22-
Flamands, Allemantls & Hollandois. 17
�effembians > tels quOuvverkerk , ring�nieur
Koehoorn , &c. On voyoit encore 1'Arm�e des
Alli�s camp�e entre la Ville & Ie Roi qui com-
mande. Ce Tableau eft plein de m�rite , & fuffit
pour affurer la gloire de fon Auteur; tous ceux
qu'il a faits n'ont ni la couleur de la m�me v�-
rit� , ni la m�me libert� dans la touche, &
encore moins la m�me vigueur. C'eft toujours
un Peintre eftimable , dont les Ouvrages ne
font ni nombreux, ni communs ; s'�tant marie
richement, il n�gligea la Peinture : il en fut
puni , car il mourut pauvre.
GODEFROY MA�S,
�LEVE DE SON PERE
GODEFROY MA�S.
GOdefroy Ma�s naquit a Anvers en
1660. Son Pere fut fon Maitre & n'eil pas
connu, mais il avoit devant les yeux les Ouvra-
ges des meilleurs Artifles qu'il pouvoit copier
& �tudier dans les Eglifes & dans les Cabinets.
Il choifii�bit dans ces modeles, mais Ie Maitre
qui lui en a l� plus appris �toit la nature , par-
ce qu'elle feule ne donne point de maniere.
On Ie vit peindre plufieurs modeles pour �tr�
ex�cut�s en Tapifferies a Bruxelles. On fait fur-
tout un grand �loge des quatre parties du Monde:
Compofitions abondantes en figures, bien colo-
ri�es , bien deffin�es, & avec des expreffions
Tome IV.                              B vraies;
-ocr page 23-
i $                 La Vie des Peintres
i��cT vraies» on a �gal� (es Tableaux aux Ouvra-
■ ges m�mes de Rubens. VAcad�mie d'Anvers
1'admit au nombre de fes Membres , fur fon
morceau de R�ception , que 1'on voit encore
dans la grande Salie, il repr�fente les Arts li-
b�raux ; & en 1682, cette Compagnie Ie choifit
pour Dire&eur.
Ce Peintre fut furcharg� de grands Ouvrages
pour les Egtifes , pour les Palais & pour 1'E-
tranger ; il avoit une grande vogue , mais bien
m�rit�e. Il fit alors Ie Tableau d'Autel pour Ie
Corps de M�tier des Selliers & des Bourreliers ,
place dans TEglife de Notre-Dame d'Anvers. Il y
a tr�s-bien repr�fente Ie Martyre de Sainte Lu-
cie.
Il eut encore 1'occafion de fe diftinguer 1'an-
n�e fuivante. Il fit pour Ie Grand-Autel de 1'E-
glife paroifllale de Saint Georges, Ie Tableau
repr�fentant Ie Martyre de ce Saint; belle com-
pofition qui foutiendra fon nom. Il a fait beau-
coup d'autres grands Ouvrages avec la ra�me
facilit� & Ie m�me m�rite : nous ne fcavons,
point Ie temps de fa mort.
Ma�s eft un grand Peintre d'Hiftoire, & un
de ceux qui ont Ie plus compof� & Ie plus fait
dedeffeins. Mr. van Schorel, Bourgmeftre d'An-
vers , en poflede un tr�s-grand nombre , bien
compof�s , deffin�s & touches avec efprit &
correttion ; j'en ai fous les yeux du m�me
maitre, qui me font juger qu'il avoit �tudi�
les Ouvrages de Pierre de Cortone , & ceux du
PouJJin. Ses t�tes font bien co�ff�es, Ie coftume
y eft bien obferv� , fes fonds font enrichis
d'Archite&ure ou de Payfages , avec des d�bris
de
-ocr page 24-
Flamands, Allemands & Hollandois. tg
Aq 1'Antiquit�. On ne voitaucune maniere dans ](^~*
fon deflein : fes draperies font bien pli�es & *
toujours fimples. Sa couleur eft excellente, Fair
eft fenti dans tous fes Ouvrages; il avoit une
touche ferme & tr�sfacile, c'eft un des bons
Artiftes de TEcole d'Anvers. Il avoit compof�
les Fables d'Ovide, que fa Veuve a vendu 800
Florins apr�s fa mort. Il deflinoit au crayon
noir, a la mine de plomb , ou a 1'encre de
la Chine.
FER DINA ND
VAN RESSEL,
�LEVE DE SON PERE
J E A N VAN K E S S E L.
■CERDINA.ND VAN KESSEL naquit a Anvers
* en 1660. Eleve d'un Pere habile , dont il a �t�
parl� tom. 2, pag. 381; il employa fon temps
comme ceux qui apprennent par gout & non par
contrainte. Ses Tableaux, port�s par-tont, Ie fi-
rentconnoitre de Jean Sobieski, Roi dePologne,
qui aima tant fes Ouvrages, qu'il fit conftruire
un cabinet expres pour y placer ceux qui �toient
faits par lui. Ce Prince donna ordre a Molo
fon R�fident a Breda, d'engager van KeJJelk ne
travailler que pour lui. Van KeJJelrequt 1'ordre,
il ob�it & fe rendit a Breda.
Van Kejjel peignit d'abord fur cuivre les qua-
Bl         tra
-ocr page 25-
i#                "La Vi� dei Peintrei
CV,;.�, El�mens: 1'Air eft repr�ient� par un Enfant potte
«■■■■■■■ fur un Aigle, entour� d'un nombre infini d'Oi-
feaux de toutes les efpeces : la Terre eft repr�-
fent�e par un Enfant appuy� fur un Lyon:
toutes les principales plantes & les fleurs font
aupr�s de lui, ainfi que les fruits : Ie Feu eft
d�iign� par un Enfant qui admire des armes de
toutes les formes, des cuirafles richement dor�es
& cifel�es , des timbales , des drapeaux, des
�tendards, &c, un Singe y fume fa pipe &
tient un verre de liqueur ; 1'Eau eft un Enfant
appuy� fur une Conqtie marine, pres de la
mer; toutes fortes de coquilles, de branches
de Corail & de p�triflcations , &c., y font
tr�s-bien imit�es, ainfi que des Poiflbns en tr�s-
grand nombre & de toutes les fortes. Il com-
pofa une feconde fois les m�mes fujets , mais
avec plus d'�tendue, & un travail plus confi-
d�rable.
Il fit enfuite les quatre parties du Monde avec
beaucoup defigures, felon Ie coftume , les plan-
tes, les animaux, & exa&ement tout ce qui peut
int�reffer & indiquer les difF�rences de chaque
partie. Van KeJJel, aid� de la nature > n'auroit
pu y fuffire, s'il n'avoit encore eu devant les
yeux les �tudes & les recherches de fon pere.
On affure que l'on n'a jamais vu plus d'objets
repr�ient�s a la fois: ces Tableaux & quelques
autres, tous places dans un feul cabinet,
furent conium�s par les flammes , au grand re-
gret du Roi, qui envoya des ordres pour en-
gager TArtifte a r�parer Ie dommage, en fai-
fant de nouveau la r�p�tition des Tableaux
br�l�s; van ReJJ'elavoit toutes les compofitions
&
-ocr page 26-
Flamands, Allemands & Hollandois. a i
& les �tudes : il finit cette tache, qui fut tres- -��
bien recue & pay�e richement, avec des pr�- '66 O-
fens : Ie Roi de Pologne envoya une Patente
pour annoblir ce Peintre & fes defcendans , avec
une Lettre �crite de fa main , pour engager van
KeJJel
a paffer a fa Cour en qualit� de fon premier
Peintre. Notre Artilte eut Ie courage de pr�-
f�rer fa libert� a tant d'honneurs; il s'excufa
fur fes infirmit�s & fur fa foibleffe : ce refus ne
f�cha point Ie Roi, qui mourut quelque temps
apr�s, en 1696.
Van KeJJel tomba dans une faute qui ne Ie
perdit cependant point dans 1'efprit de Guil-
laume III, Roi d'Angleterre : ce Prince lui
ayant fait peindre un plafond au Chateau de
Breda, fon Intendant, qui �toit fort attach� a lat
Maifon d'Autriche, en donna 1'id�e a notre Pein-
tre, qui s'y pr�ta fans en foupconner la malice,
Le plafond fini, Ie Roi vit avec furprife un
Aigle dans toute fa gloire , entour� d'Oifeaux
qui lui rendent leur hommage comme � leur
fouverain : danslaCorniche,au pourtour, d'au-
tres animaux faifoient voir, fous autant d'em-
bl�mes fatyriques, que tous les Princes de 1'Eu-
rope �toient foumis a l'Empereur repr�fent� par
1'Aigle ; le Roi d'Angleterre , apr�s avoir tout
confid�r� , fe tourna vers 1'Intendant, & lui de*
manda/z'/' avoitaujj�donn� quelquesconfeilsdans
cette compojidon. De Wy\e
en fut quitte pour
nier; il dit au Roi que c'�toit la premiere fois
qu'il avoit vu 1'ouvrage : ce menfonge lui con-
ferva fon emploi \ TArtifte eut feulement ordre
de changer fon ouvrage.
Van, KeJJel, toujours infatigable, travailla
B y tres-
-ocr page 27-
32            La Vie des Peintres, &c.
"' ' tr�s-af��duement: ies Tabieaux furent port�s par
1660. toute 1'Europe, fort eftim�s & pay�scher. Mais
g-.." cruellement afflig� de la goutte, il mourut com-
me unMartyr On nefcait en quelle ann�e.
Ce Peintre, avoc moins de m�rite que fon
pere, en a approch� de plus pres qu'aucun au-
tre. Il peignoit bien Ie payfage, toutes les
plantes, les fleurs, les fruits & les animaux de
toutes les efpeces, qu'il deffinoit, qu'il colorioit
& qu'il finif�bit bien : & ce qu'il y a de fin-
gulier> c'eft que Ton ne congoit pas comment
il a pu faire autant de Tableaux auffi finis. Com-
me il ne r�ufliffoit pas bien a la figure, Ejkens ,
Ma�s, van Op/la' & Bifet lui ont rendu fou-
vent ce fervice. Voici quelques Tableaux de
lui bien eftim�s.
On voitchezrEle�eurPalatin, a Duffeldorp,
les quatre parties du Monde en quatre Tableaux:
on y admire les animaux,les plantes, les arbres,
les fleurs , &c. de chaque partie, les
for�ts, les rivieres & les cit�s, avec une mul-
titude d'objets fingu�erement bien finis. Un autre
efl un Tableau de fleurs avec trois flgures.
JEAN
-ocr page 28-
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J E A N
BRANDENBERG,
�LEVE DE SON PER E
THOMAS BRANDENBERG.
HOMAS BRANDENBERG---------.
avolt appris la Peinture dans !e 1660.
remps m�me qu'il excelloit d�ja ■■■".. '
dans une autre profefllon que Fon
ne nomme pas. Il mourut en
1688 ; il Jaifla un fik Jean tiran-
denbers
, qui fut auffi fon Eleve : celui-ci na-
quit a Zug en 1660. A la mort de fon pere,
il avoit d�ja un nom c�lebre, qu'il augmenta
B 4
-ocr page 29-
Peintres
> par fes veilles & fes propres difpofitions. Il fu*
a Infpruck chez Ie Tr�forier du Roi de Pologne,
appell� George Bembo: il y demeura deux ans, en
y tra vaillant & en fe fortifiant d'apr�s la nature.
Le Comte Ferari Ie mena avec lui a Mantoue,
o� les Ouvrages de Jules Romain attacherent
fingulierement Brandcnberg. Il copia prefque
tous ces Maitres, dont les Ouvrages avoient tant
d attraits pour lui, qu'il ne put a peine voir un
Tableau fans le copier en .peinture ou en def-
fein; c'elt ainfi qu'il forma cette grande & bon-
ne maniere, qui devint bient�t la fienne.
Il parcourut toutes les Villes dltalie, tou-
jours avec le projet de mettre a proflt fon temps,
& de voir la facon diff�rente de chaque Mai-
tre a repr�fenter la nature. Encourag� par des
fucc�s, il fe crut en �tat de retourner chez lui,
de s'y montrer honorablement : il y fut bien
accueilli, il s*y maria; mais il �prouva bien-
t�t que fa Ville natale ne ponvoit fournir a
1'entretien de fa familie, qu'on n'y �toit pas
aflez riche pour payer le prix & la valeur de
fes Ouvrages. Il ent un autre d�go�t j ce fut
d'�tre oblig� de peindre dans tous les genres j
les Eglifes et les Couvens occuperent fon pin-
ceau : il peignit auffi des Paftorales au plat-fond
de la Salie du Concert a Zurich. Ce Peintre
tr�s-laborieux, & g�n�ralement eftim� & ch�ri,
mourut le 26 Septembre 1729.
L'eftime publique confacra cette Epitaph© a-fa
gloire.
In tumulo lateat PiHoris dcxtra Joannis,
Quce pinxit nullo funere te&a manent :
Infpice templa t�h� > tabulata vel ipfa loqucntur.
PRr JcoDum nuntinus ejjh fi�punu
Bran-
-ocr page 30-
Flamands, Allemands & Hollandois. »5
Brandenberg avoit un beau g�nie pour 1'Hif-
toire : tous fes Ouvrages fe fentent des Maitres
qu'il a �tudi�s ; il prit une maniere de colorier
plus vigouretr'e : fon deffein eft de bon gout
& affez correft. Nous ne connoiffons point les
Tableaux de ce Peintre, c'eft d'apr�s un tr�s-
bon Juge, M. Fuefii, que nous faifons eet �loge.
Brandenberg a peint des Batailles qui font tr�s->
vant�es.
N. BOUDEWYNS,
FRANC01S BAUT ET DU PONT.
ON croit Boudevvyns n� a Bruxelles. Il eft
du moins certain qu'il y a v�cu quarante
ans, & qu'il y eft mort; fans que 1'on fcache
qui �toit fon Maitre , nous connoifibns affez
fes bons Payfages pour louer fa couleur, un
beau fini, & une grande vari�t� dans tont ce qu'il
a fait. Il deflinoit bien les arbres , il ornoit fes
fonds, fur Ie devant, d'une multitude de peti-
tesplantes, &c, qui augmentent 1'agr�ment de
fes Tableaux. On nous apprend que ce Peintre,
bien recherche pour fes Ouvrages, fut toujours
pauvre : on lui a connu deux fils Peintres, qui
ne m�ritent pas d'�tre compar�s a leur pere.
Franco�s Baut, ami de Boudevvyns, peignoit
la figure en petit, comme Breugle & Teniers :
il ornoit les Tableaux de fon ami Boudevvyns
defigures & d'animaux deffin�s avec diftinflion:
ils �tpient n�s 1'un pour 1'autre. Baut avoit Ie
g�nie
-ocr page 31-
a(5                  La Vie des Peintrcs
, , g�nie fertiie , & compofoit des F�tes de Villa-
' ge, des Aflembl�es, comme Ie Breugle de
Velour.
Ses petitcs figures font deffin�es avec la
plus grande corrcftion, colori�es agr�ablement,
touch�es avec efprit & une grande fineffe. On
ne voit gueres de Tableaux de Baut que Bou-
devvyns
n'ait embellis de fon pinceau.
Du Pont, furnomm� Point. �, vivoit dans Ie
m�me temps, & dans la m�me Ville; il pei-
gnoit TArchke�ture avec bien du m�rite : les
figurinesde Bautle fontencore plus rechercher;
1'annce de la mort de ces trois Artiftes eft igno-
r�e : Voici quelques Tableaux qui nous font
connus de ces Maitres.
On voit a Rouen, chez M. Ribard, N�gociant
& Ancien Juge-Conful, deux jolis Tableaux de
Boudevvyns & de Baur; 1'un eft un Payfage avec
des Fabriques : pres d'un Chateau �loign�, on.
trouve une foule de monde, la pl�part des
Chafleurs a cheval, une jo�e Femme au milieu
tenant un Oifeau fur Ie poing, &c. L'autre eft
auffiun Payfage, une Riviere yf�pare Ie premier
plan ; un grand nombre de Bateaux charg�s de
peuples, & beaucoup de figures vers les bords.
Sur Ie devant eft une Boh�mienne qui amufe
ceux qui font pres d'elle : beaucoup d'autres
perfonnages s'approchent de la foule pour 1'en-
tendre.
M. Horutner, N�gociant dans la m�me Ville ,
poffede deux jolis Payfages , avec des Figures &
des Animaux , des Rivieres, des Bateaux & des
Fabriques ou Mazures.
Dans Ie Cabine.t du Prince Charles, a Bru-
xelles, font feize Tableaux par Boudevvyns. Ce
font
-ocr page 32-
Flamands , Allemands & Hollandois* 17
font des i^ayUges^Ls Marais, &c, lapiupartavec
des figiires AeJBdut, qui repr�ientent desChaffes,
des Feres galames . dt:s AiTembl�es, &c.
Et chcz M. BJfchoi , a Rotterdam, un Hyver:
on y adinire une multitude de figures d'honrunes
& de femmes qui patinent, & qui fe divertiffent
fur la glac�.
N. TYSSENS.
NOus foupgonnons que N. TyJJens eft fils
de Pierre �yjjens , dont nous avons parl�
tom. 2, p. 363. Il naquit a Anvers , 1'an 1660.
Son Maitre nous eft inconnu, mais, encore jeu-
ne, il voyagea en Itali�; un Marchand de Ta-
bleaux Temploya long temps a Rome j il pafla
enfuite a Naples 6c a Venife : fes Tableaux ne
furent pas affez recherches par les Amateurs,
les Artiftes feuls les enleverent, a caufe de la
parfaite imitation & de la bonne couleur. De
retour en Flandre , tout ce qu'il put faire pour
engager a prendre fes Tableaux ne r�uflit pas
beaucoup mieux qu'en Itali�.
11 partit pour DiifTddorp , oii les Arts & les
Artiftes �toient fingulierement recherches, &
dans Ie temps que l'Ele&eur Palatin travailloit a
former un des plus beaux Cabinets de 1'Europe.
Le premier Peintre, Fiancois Douven,engagea
l'Ele&eur de choifir JjJJ'ens pour acheter les
plus beaux Tableaux du Brabant & de la Hollande.
L'Ele�eur Ie d�coia du titred'Agent de fa Cour.
Tyffens parcourut rapidement le Pays : il raf-
fembla
-ocr page 33-
a8                  La Vie des Peintrcs
fembla une fi grande quantit� de Tableaiix,qH'o«
eut un Cabinet complet plut�t que 1'on auroit
of� 1'efp�rer. Sa commiffion itii donna un luftre
a Anvers, qui auroit du faire fa fortune ; mais
il �poufa une Veuve qui n'avoir pas autant de
bien qu'on lui en avoit promis. Il remercia 1'E-
le�teur & pafla a Breda , c� il croyoit trouver
un plus grand d�bit de fes Tableaiix : il ne r�uf-
�t pas mieux. Ce fut alcrs qu'il Ie mit a peindre
des animaux & des fleurs qni eurcnt Ie fucc�s
qu'il s'�toit propof� ; ii paffa a Rotterdam &
enfin a Londres, o� .ious Ie croyons mort, du
moins on ne nous apprcnd plus ricn de lui de-
puis ce temps-la.
Son premier talent, qui Ie fait regarder com-
me un bon Artifte , coniifloit a repr�ienter des
Cuiraffes, des Boucliers, des Fufils, des Sabres,
Piques, Tambours, &c, toutes fortes de Tro-
ph�es qu'il compol'oit & colorioit bien. Ces fu-
jets triftes ne purent plaire a tout Ie monde:
il peignoit m�diocrement des fleurs , mais (es
Oifeaux avoient autant de m�rite que ceux de
Boel & de Hondekoeter. C'eft dans ce dernier
genre qu'il a continue de travailler, & les Ou-
vrages que nous avons vu de lui , fans m�riter
d'�tre compar�s a fes Troph�es, feront toujour*
recherches.
-ocr page 34-
p"�amdnds , Allemands & llolldndois.
N. PAULY.
PAulY naquit a Anvers 1'an 1660. On ne
dit rien de fa premiere jeuneffe , de fon
�ducation ni de fes Maitres : il peignoit fup�-
rieurement en mignature ; il avoit d'abord co-
pi� les Ouvrages de Jofeph IVerner ; c'eft, fans
doute, d'apr�s lui qu'il s'eft form� cette belle
maniere qui fe remarque dans tour. ce qui refle
de lui. Pauly demeuroit a Bruxelles , o� il vivoit
noblement & parmi les principaux de la Cour
qui occuperent fon talent. Il paroit qu'il a beau-
coup gagn�, beaucoup d�penf� ; on ne dit pas
qu'il ait laiff� une fortune confid�rable apr�s fa
mort, dont 1'ann�e nous eft inconnue , & nous
avons vu tr�s-peu de fes Ouvrages.
VIGOR ET GUILLAUME
VAN HEEDE.
CEs deux Freres, que nous croyons n�s a
Furnes vers Tan 1660, ont laifle tr�s-peu
de leurs bons Ouvrages dans leur Patrie ; on
nous affure qu'ils Ont voyag� en France , en
Allemagne & en Itali�, o� Guiilaume refta long-
temps, m�me apr�s Ie retour de Vigor a Fur-
nes. L'application de Guiilaumeaugmenta Ie prix
de fes Ouvrages, lui affura les �loges des grands
Artiftes,
-ocr page 35-
5o             ia Vie des Peintres , &C.
Artiftes, qui 1'�galerent aux plus habiles de fort
�.* temps: �loge peu fufpeft, quand on peut Ie juf-
tifier par Ie nombre de Tableaux qu'il fit alors
pour les plus diftingu�s de Rome , de Naples,
& de Venife ; fes Ouvrages, port�s par-tout,
lui m�riterent la gtoire d'�tre appell� a Vienne
pour orner Ie Palais de 1'Empereur , ceux des
autres Princes de 1'Empire & des diff�rentes
Cours o� il a paffe, fans qu'il fe foit voulu
arr�ter nulle part. Voila ce que nous avons ap-
pris de certain : quel dommage que nous ne
puiffions citer tous fes Tableaux ! Un feul peu
connu, mais que nous avons admir� plus d'une
fois , repr�fente Ie Martyre de Saint...... qu'on
peut regarder comme 1'�pitaphe des deux Fre-
res, on y lit cette infcription: Vigorvan Heede 3
Fits de Jean, mort Ie
8 Avril 1708,6" Gu�llaume
van Heede fon frere, mort Ie
10 D�cembre 1728.
C'eft 1'Ouvragede Gu�llaume van Heede; il eft
place au-deffus de 1'entr�e du Choeur, en face
de la Sacriftie, dansl'Eglife de Sainte Walburge,
a Furnes.
Ce Tableau eft compof� & deffin� dans la
maniere de LaireJJe : on y voit briller Ie g�nie*
& 1'efprit; la couleur eft vraie & dor�e , & lin*
telligence du clair obfeur y eft tr�s-exa&ement
obferv�e. Les Ouvrages de Vigor nous font in-
connus; & quoique ces deuxFreresayentdemeu-
r� affez long-temps dans Furnes, malgr� nos
recherches nous n'avons pu d�couvrir dans cette
Ville, ni dans les environs, aucun de leurs Ou-
vrages , ce qui donne a penfer qu'ils �toient
occup�s pour les Etrangers , qui connoiffoient
mieux Ie prix deleurs talens queleurs Compatrio-
tes mime.
                                   GR�GOIRE
-ocr page 36-
GR�GOIRE
BRANDMULLER,
�LEVEIDE CHARLES LE BRUN.
R�GOIRE BRANDMULLER
eft confid�r� en Allemagne comme
un Peintre du premier rang. Il na-
quit a Bafle, Ie 25 Ao�t 1661,
de Gr�goire BrandmuLler, &dM/z-
ne Polibe Stahelin ; fon peref �toit
Orfevre & homme de g�nie, qui fut �lev�
a la dignit� de Membre du Confeil. Une col-
leftion des bons Defleins & des Eftampes que
Ie jeune Brandmuller vit chez fon pere, d�ve-
loppa fon inclinatioti ', il les copia la pl�part,
&
1661.
-ocr page 37-
S�                 tti. Vie des Peintres
& devint bon Deffinateur fans Maitre. Cet atta-
chement pour la Peinture engagea fon pere a
"{---- Ie placer chez Gafpard Meyer, Peintre m�dio-
cre a Bafle ; c'en �toit affez pour notre jeu-
ne Eleve , la nature 1'avoit pourvu du gout
qui fuffit pour choifir les routes que les bons
Artiftes ont tenues. A Tage de dix-fept ans �,
il quitta fa Patrie pour aller a Paris, o� il fut
affez heureux pour entrer dans 1'Eeole de Ie
Brun.
Les travaux immenfes, dont ce beau
g�nie �toit charg� , pr�fentoient a fon Eleve
un champ vafte pour apprendre & fe perfe�tion*
ner; fes progr�s plurent au Maitre, qui char*
gea BrandmuUer de plufieurs Ouvrages fous fa
conduite.
Appell� a Prague , il y refta peu ; on croit
qu'il fut redemand� par It Brun ; ce qu'il y a
de certain , c'eft qu'il revint a Paris , il tra-
vailla avec fon Maitre au Chateau de Verfailles:
1'eftime de Ie Brun pour cet Artifte lui attira
des jaloux, qui ne purent cependant Ie perdre,
parce qu'il n'�toit occup� que de fon Art : fa
conduite irr�prochable Ie fauva des pi�ges de
l'envie. Il y auroit cependant fuccomb�, malgr�
fa douceur, s'il n'eiit pr�f�r� de retourner dans
fa Patrie, apr�s avoir remport� les premiers
Prix a 1'Acad�mie royale de Paris.
Alors fenfible a tout ce que fes Compatriotes
faifoient pour Ie fixer, il y r�pondit en �pou-
fant, Ie 19 Avril 1686, Anne-Catherine Hum-'
mei.
Les Cours de Wirtemberg, de Bade-Dour-
lac,&c. s'enrichirent de fes produ�ions : 1'Hif-
toire, Ie Portrait font les Tableaux qui lui ont
affur� une grande r�putation dans fa Fatrie;
fon
-ocr page 38-
Flamands, Allemands & Hollandois. 33
fon g�nie s'�toit fortifi� d'apr�s celui de fcn
         "
Maitre, mais son feu dans l'ex�curion, & fon 1661.
affiduit� au trnvail contribuerent ad�truirefon ■■■"■'
foible temperament; la mort Tenleva a 1'age
de vingt-neut' ans neuf mois , Ie 7 Juin 1691.
Il laifla deux fils , Gr�goire & Fr�d�ric. Per-
fonne n'a peut-�tre �t� autant regrett� que eet
Artifte: fa douceur lui fit des amis de tous ceux
dont il �toit connu.
Ce Peintreavoitun gout particulier pour 1'Hif*
toire. Ses fujets font noblement traites & pleins
de feu : fon deffein eft corre�, il avoit de 1'ef-
prit, & cela fe voit dans fes expreffions tou-
jours juftes; il y ajoutoit une tr�s-bonne cou-
leur & une fonte, fans tourmenter fes tein-
tes, qui en affure la dur�e ; fes Portraits bien
reffemblans , toujours histories, deviennent
int�reffans. Voici quelques Ouvrages de lui les
plus connus.
Une Defcente de Croix, les figures grandes
comme nature, dans 1'Eglise des Capucins, a
Dornach.
Une belle copie d'apr�s Ie Brun; c'eft la d�fai-
te de Darius.
Le Speclacle d'une courfeRomainej Tableau
abondant, chez M. Schvveighaufer, Confeiller-
Priv� ; & chez fon H�ritier , Ie Bapt�me de
Jesus-Chrift.
A Bafle, chez M. Blarer de Wartenf�e, Con-
feiller & Chef de la Maison commune de la
Ville; c'eft le Portrait de ce Magiftrat.
Plufieurs Tableaux de ce Peintre augmentent
les richefles du Palais du Prince de Bade-Dour-
lach,a Bafle.
Torne, IV.                               C JEAN
-ocr page 39-
34              �a �rie des Pe in tres
JEAN DE BOCKHORST,
�LEVE DE KNELLER.
O Oc K H O rst, n� a Deutekom en 1661.
i66t. *-* On nous apprend qu'il a paffe fort jeune a
"----- Londres, o� il fuivit les lecons de Kneller pen-
dant sept ann�es de (iiite. Ses Ouvrages eurent
plus de fucc�s que n'ont ordinairement ceux d'un
Eleve encore dansl'Ecolede fon maitre. Milord,
Pembrok
demanda lui-m�me Bockhorft kKneller,
ik
employa Ie g�nie de eet Artifte a peindre Ie
Portrait, des Tableaux d'Hiftoire & des Ba-
tailles; fes talens dans ces deux derniers genres,
qu'il n'avoit pas eu occafion d'exercer, furpri-
rent Kneller m�me, qui 1'engagea de continuer.
Apr�s avoir beaucoup peint pour M. Pembrok ,
il pafla en Allemagne; la Cour de Brandebourg
1'attira, c'�toit pour lors Ie f�jour de beaucoup
de bons Artistes; il en augmenta Ie nombre,mais
fes Portraits 1'en firent fortir pour aller dans les
dii�erens endroits o� il fut appell�.
Il arriva enfin dans Ie pays de Cleves; Ie nom-
bre de Portraits qu'il y a faits, & d'autres Ou-
vrages en Peinture, eft prodigieux. Son talent,
affur� par les louanges des Artiftes, lui donne
une place ici : fes Ouvrages nous font inconnus;
nous fommes certains que ce Peintre efl tnort
en 17x4.
NICOLAS
��
-ocr page 40-
Flamands > Allemands & Hollandois* 3$
w...... ......' '�.....                ....... ■■�..- ■., ..- i. . ■...... ■'"'■' *
N1COLAS RAVESTEYN,
�LEVE DE JE AS DE BAEN.
LE nom de Ravefleyn eft tr�s-connu dans les 'T
fastes de la Peinture. Plusieurs de cette fa- 1661.
mille ont �t� de grands Artistes. Nicolas Ravef-
teyn ,
n� a Bommel en 1661 , �toit fils d'Henry
Itave/Ieyn,
bon Peintre, mais qui mourut jeune,
lorsque fon fils �toit au College. L'ann�e de
1671 r�pandit la terreur en Ho�ande, & fit
quitter a pluileurs personnes leur demeure. Sa
raere �toit dans ce cas, & ce fut dans ce tenips
que fon fils, n'ayant point la commodit� de
fuivre fes �tudes, demanda a quitter pour ap-
prendre la Peinture. Il avoit eu de son pere
quelques le^ons du Deffein; il se rappelloit
que la Peinture avoit honor� fa familie &
enrichi la pl�part de fes parens, dont il avoit
h�rit�; ce motif engagea fa mere a Ie placer a
la Haye chez Guillaume Doudyns, enfuite chez
Jean de Ba�n. �l fuivit tous les Artiftes dans leurs
�tudes : eet amour pour fon Art Ie fit entrer par*
tout : ce furent ces Maitres m�me qui 1'engage-
rent a quitter 1'Ecole, & de continuer de pein-
dre d'apr�s la nature.
Il alla s'�tablir a Bommel. On n'eut pas plut�t
vu un de fes Portraits, que tons les premiers
du Pays fe flrent peindre; fon nom les fit venir
de toute part; bient�t il ne put fuffire au nom-
bre de perfonnes qui fe pr�fenterent. En 1694»
C 2          il
-ocr page 41-
36               La T'ie des Pcintres
il fut demand� a la Cour de A'uillenberg ponr
t_!' y peindre la Princeffe de IValdek apr�s fa mort,
elle dont aucun Peintre n'avoit pu faire un Por-
trait reffemblant; Ravefleyn r�uffit contre toute
attente, il avoit lui-m�me dout� du fucc�s. Le
Prince fe fit auffi peindre j il reent des pr�fens
de toute la Cour en retournant chez lui,
Quatre ans apr�s, il fit le Portrait du jeune
Prince de Waldek, du Comte de Erpach &
de fa familie; en 1702, le Prince Gu�llaume de
Heffe;
en 1707, le Prince de Saxe Hildeburghau-
fen,
en pied de grandeur de nature; enfuite le Baron
de Gand, & Ia Princeffe de Portugal fa femme,
& fes enfans; Ie General Macquay, fa familie,
& le Comte de K�e\ tous ces Portraits furent
envoy�s en Angleterre, ainfi que ceux du G�-
n�ral Ramfay, fa femme & fes enfans; le Baron
Pik, fa familie, & une infinit� d'autres Sei-
gneurs & Dames de toutes les Cours.
Nous avons parl� de fes Portraits, il peignoit
bien 1'Hiftoire, il avoit du g�nie & de 1'efprit;
on cite, comme les plus beaux de fa main, les
quatre parties du Monde. Ag� de quatre-vingt
ans, il fit les Portraits de fon Gendre Bruiflens ,
de fa femme & de fes enfans; ce Tableau n'a
aucune trac� de fa vieilleffe. Il eft mort le 9 Jan-
vier 1750, a 1'age de quatre-vingt-neuf ans; il
a laiff� apr�s lui une grande fortune, une r�-
putation de bon Peintre, & celle d'un hom-
me d'efprit, noble avec les grands» & affable
avec fes �gaux.
Il avoit un bon gout deDeflein, un pinceau
facile, & de la couleur; fes Portraits font la
pJiipart hiftori�s, & g�n�ralement bien pof�s;
on
-ocr page 42-
Flamands, Allemands & �lollandois.
aflure qu il faifoit tr�s-bien reffem
a faifoit rien fans confulter la na,
les plus petits objets ne lui ont point �chappcs.
N. LEYSSENS,
T EYSSENS naquit a Anvers 1'an 1661. Il
�*-Jalla fort jeune a Rome, o� fes Tableaux
eurent affez de fucc�s. 11 s'appliqua exa�ement
a tout ce qui pouvoit augmenter fes talens: la
Bande Acad�mique 1'admit & Ie nomma Ie Caf-
fenoix,
parce qu'il avoit Ie nez fort grand. Ce
Peintre n'aurait jamais quitte Fltalie , fans une
raifon tr�s-louable. Son peie �toit pauvre &
tr�s-vieux, il retourna pont Ie faire vivre &
en avoir foin; la Providence Ie r�compenfa
vifiblement, il eut plus d'ouvrageque tous les
Artiftes enfemble, qui fe produifoient dans Ie
monde, & qui ne manquoient point les occa-
fions de fe procurer du travail: au contraire,
Leyffens ne quittoit fon pere que pour aller a
1'Egiife, on ne Ie voyoit point ailleurs, on ne Ie
connoiffoit que chez lui, o� 1'on prenoit plaifir
a Ie voir travailler, & o� Ton admiroit fa ten-
dreffe & fon refpecl: pour fon pere; quoiqu'il
peignit bien l'Hiftoire , il fut beaucoup employ�
par les Peintres de fleurs Hardim� , Bo(f-
chaert, Verbruggen,
&c. a enrichir leur Ta--
bleaux de Nymphes, d'Enfans, de Buftes ,
&c. qu'il colorioit & qu'il deffinoit bien. Leyf-
fens
eft mort en 1710, laiffant apr�s lui la r�pu-
tationd'un affez bon Peintre, & d'un homme ver-»
C 3 TH�ODORE
^_____________
-ocr page 43-
TH�ODORE
NETSCHER,
�leve de son Pere
GASPARD NETSCHER.
H�ODORE NETSCHER eft
reclame par les Hollandois, quoi-
qu'il naquit a Bordeaux en i��r.
On f^ait que GafpardNetscher> d�-
termin� ?. faire Ie voyaged'Italie,
paffa par Bordeaux, o� il �poufa la
ni�ce d'un N�gociant. Engag� a flnir quelques
Tableaux, fa femme y accoucha de Tk�odore.
lis qi�tterent la France, & fe f�xerent en Hol-
hndc.
-ocr page 44-
La KIe des Peintres, &c.            39
lande. Th�odore, 1'ain� de neuf enfans, & Ie ~~^~,
premier Eleve de fon pere, avanca a grands pas
dans la carri�re de TArt, puifqu'a 1'age de dix-huit
ans il quitta la Hollande & vinta Paris avec Ie
Comte Davaux, Envoy� de France. I! ne pou-
voit �tre mieux vant� que par ce Seigneur, qui
lui procura quelques Portraits, dont Ie nombre
augmenta , a mefure que fes talens & fes manie-
res furent connus de plus en p'us. Il avoit Ie
talent de faire reflembler agr�ablement : auffi
peignoit-il les plus grands de la Cour , & fur-tor.t
les femmes; il avoit une figure aimable, de 1'ef-
prit, & ce qu'il falloit pour plaire dans Ie grand
monde qu'ilaimoit lui-m�me : il gagnabeaucoup,
& mena un train convenable pour frequenter
les Grands avec lefquels il neperdit pas un temps
toujours pr�cieux aux Artiftes.
JNetfcher paffa ainfi vingt ann�es de fuite a
Paris. La mort de fon pere ne Tavoit m�me pu
arracher d'une Ville o� il �toit eftim� & aim�.
Le plaifir 1'arr�ta encore. Apr�s la paix de Ryf-
^yck, M. Oudych, Ambaffadeur des Etats d'Hol-
lande a la Cour de France, fit connoiffance avec
Netfcher, il fe lia fi intimement avec ce Peintre,
qu'�tant pret de retourner en Hollande, il mit
tout en o?uvre ponr Temmener avec lui: il ne
r�ufiit qu'en lui prornettant d'obtenir des Etats
d'Hollande une commiffion honorable & lucrati-
ve pour le d�dommager du facrifice qu'il faifoit
en fa faveur.
C'eft a cette condition que Netfcher quittoit
Paris & le f�jour des Arts & des Plai�rs: f�-
jour d'antant plus agr�able que fon nom y �toit
fait, qu'il y gagnoit beaucoup , & que c'�toit
C 4 rifquet
-ocr page 45-
4o               La Vie des Peintres
rifquer tout que d'aller eflayer la fortune dans
looi. un pays qu'il connoiffoit peu, & oii il ne trou-
~~ veroit peut-�tre aucune reflburce. Arriv� a la
Haye, il fut recu avec diftincHon : les prin-
cipaux du Pays Ie connoiflbient d�ja, c'�tok a
qui pourroit fe procurer Ie plailir de traiter Ie
Peintre fplendidement. Il fut admis a la Cour
du Stathouder: ce premier abord avoit 1'aird'u-
ne
fortune d�cid�e, lorsque la mort du Roi Guil-
laume borna (es efp�rances; Ie cr�dit de M.
Oudyck cefla entierement. Netfcher, qui avoit
frequente la Cour, connoiffoit tr�s-bien la route
qu'il falloit tenir pour y parvenir : il fgavoit auf�i
que, quiconque n'a qu'un feul Protefteur, rif-
que trop; auffi avoit-il trouv� des amis tr�s-
pujffans. Il obtint la Recette pour les Etats
G�n�rauxdela ville d'Hulft^ en Flandrc; c'�toit,
a propreraent parier, un b�n�fice fimple; il
n'aimoit point fa r�fidence, il y mitunGornmis ,
pafla 1'hyver a la Haye, & 1'�t� a la Campagne :
jl ne peignoit m�me que des perfonnes de la
premiere diftin&ion. Cette eipece de folie aug-
menta totijours. On racontc que Fr�d�ric 1",
Roi de Pruffe, demanda a Netfcher ion Portrait:
ce Prince lui promit de lui donner Ie temps qu'il
refteroit a la Haye ; ce Portrait plut fort au Roi,
a 1'�bauche, & lui reflembloit bien: on ne fcait
pour quelle raifon il n'a jamais voulu Ie finir;
Ie Roi fit un voyage a la Haye , il s'abfenta la
veille:ce proc�d� fingulier donna a foupconner
que 1'habitude de vivre dans Ie grand monde lui
faifoit prefque regarder Ie talent qui 1'avoit fait
confid�rer, cptmme au-def�biis de lui.
Il avoit peint, peu de temps avant cettc fin-
gularit�,
-ocr page 46-
Flamahds , Allemands & Hollandois. 4l
gularit�, Ie Roi Guillaume. Ce Tableau e tl place
dans la Sak du Confeil des Etats-G�ii�raux : un ^
autre repr�fente la familie entiere Duivenvoor- '^=5�r
den: dans un m�me Tableau, YAmiudi-VaJJenaer,
& Ie Confeiller Penfionnaire Slingelandt, & Ie
Baron Suajfo.
En 171 5 , les Etats G�n�raux envoyerent en
Angleterre fix mille hommes au fecours du Roi
Geoi ges : Netfcher en fut nomm� Tr�forier. En
arrivant, il fit fa cour afliduement par-tout, il y
fut recu & traite fplendidement: les premiers de
Londres vivoient avec lui; il acquit la connoil-
fance du Chevalier Dekker, un des plus riches
N�gocians de fon temps, &n�a Amfterdarn. Ce
Compatriote avoit un tr�s-grand cr�dit a la Cour,
il aimoit Netfcher, il lepr�fenta au Roi & a la
Familie Royale. Le Prince de Galles vivoit fa-
mili�rement avec notre Artifte ; il paffa fix
ann�es a Londres: Cette Ville fut, en 1720,
un P�ron pour lui: toute la Cour fe fit une f�te
de lui prodiguer des Billets de Banque. Son ami
/Jekker lui en fit r�alifer pour cinquante mille
florins d'Hollande 5 c'eft tout ce qu'il a profit�
du temps qu'il a perdu a frequenter les Cours,
encore ne dut-il cette fortune qu'au hazard.
11 retourna en Hollande en 1722, il y raena
un train honorable, il avoit caroffe; jufqu'alors
ISetfcher n'avoit �prouv� aucun revers, lorf-
qu'on lui demanda compte, comme Receveur
de la Ville d'Hulft, d'une Comme qu'il avoit
pr�t�e a quelqu'un, & dont on ne voulut point
le tenir quitte a moins qu'il ne nommat la per-
fonne �, il le refufa, a la follicitation de la familie
du Debiteur, il aima mieux perdre fon Emploi.
Il
-ocr page 47-
                La Fie des Peintres
II pritla r�folution de quitter les Grands,& il fe
looi. retira a Huift qu'il avoit autrefois tant m�prif�,
TSS�f II placa vingt mille florins en rente viagere a
dix pour cent : tourrnent� de la goutte & des
infirmit�s de la vieiileffe, il devint fi retir� qii�l
ne voulut prefque voir perfonne. Le Chevalier
Dekker fit le voyage d'Hollande en 1727, il
1'engagea a le fuivre a Londres avec toutes les
inftances poffibles, il refufa abfolument & v�-
cut a. Huift, o� il eft mort en 1732, ag� de
foixante-onze ans. Il laiffa encore qiielques biens
a fes Neveux, les enfans de fon frere Conftantin
mort depuis long-temps.
Ce Peintre, avec bien des ta1ens,ne fut pasle
plus grand Peintre qu'ait produit la Hollande,
mais le plus heureux. Ses Portraits iont par-
tont : II a fait des Copies d'apr�s van Djck, qui
trompent par 1'imitation.
JEAN VAN SON,
�LEVE DE SON PERE
GEORGES VAN SON.
JEAN van Son naquita Anvers 1'an 1661;
il �toit fils & �leve de Georges van Son ,
dont il eft parl� tom. 2, pag. 328. Il adopta la
maniere de fon Maitre qu'il furpaffa; il ne fe
permit jamais rien fans avoir pour guide la
nature, d'apr�s laquelleil faifoit continuellement
fes �tudes: il copioit tout, & c'eft a cette bonns
habitude
-ocr page 48-
Flamands, Allemands & Ilollandois. 4-^
habitude que Ton appercoit dam les Ouvrages ,
cette abondance & cette v�rit� qui int�reffent
m�me ceux qui ne connoiffent nen a uotre
Art.
Apr�s avoir vu enlever fes Ouvrages dans les
diff�rentes Cours de 1'Europe , il crr.t que lei
Anglois les rechercheroient patticulierement ;
il pafla a Londres, ou il vit bient�t, par 1'ac-
cueil qui lui fut fait, qu'il ne s'�toit pas tromp�.
Sans perdre de temps, il fe mit a compoler des
Tableaux en grand & en petit, pour donner une
forte de fatisfa�ion au nombre d'Amateurs qui
l'employerent. Il �baucha toujours plu�eurs Ta-
bleaux avant d'en finir'un feul, & c'eft pour cela
qu'a fa mort on en trouva beaucoup de com-
menc�s que JVeyermans a finis fans grand fncc�s.
Sa r�putation augmenta tous les jours, & fon
talent fe fortifia , parce qu'il ne n�gligeoit rien
pour la perfe&ionde fes Ouvrages. Il avoit l'ufage
d'introduire dans fes grands Tableaux, desFleurs
& des Fruits, des Tapis de Turquie, des Ri-
deaux d'�toffes d'or & d'argent, &c. dont les
difF�rens efFets formoient un enfemble & une
harmonie qui ajoutoit encore a 1'�clat de fes
Fleurs & de fes Fruits. 11 foutint avec aflez de
courage la mort de fa femme, mais il ne put
fupporter celle de fa fille unique. Il mourut quel-
que temps apr�s a Londres : on ne dit pas en
quelle ann�e.
^ Ses compofitions en grand & en petit font
r�fl�chies , il ccnnoiffoit a fond la theorie &
la pratique de fon Art: fa touche eft ferme &
facile : fes Fleurs ont de la v�rit�, de la vari�t�
& de la l�geret�; perfonne ne Ta furpaff� a
peindrc;
-ocr page 49-
44           La Vie des Peintres, &c.
,. peindre les Raifins & les P�ches ; on y voit Ie
"� duvet & cette couleur vraie qui trompe 1'oeil:
fon Raifin eft tranfparent: on croit voir Ie pepin.
C'eft en tout un excellent artifte bien fup�rieur
a fon p�re. Ses �tudes tr�s-abondantes ont �t�
recherch�es apr�s fa mort, & n'ont point �chap-
p� aux curieux.
VILLEM
-ocr page 50-
WILLEM (Guillaume) VAN
M I E R I S,
�LEVE DE SON PERE
FRANCO IS FAN MIE RIS.
A. ville de Leiden, fi c�lebre par leS
grands hommes qu'elle a form�s & -
vu naitre , compte parmi les der- �'
niers Willem van Mieris, qui y
i66FildF
' Mieris & fon Eleve, il fit de grands
progr�s fons lui; il �toit d�ja un Maitre a l'age
de dix-neuf ans, lorfqu'il eut le malheur de le
perdre, Le jeune Mieris fentit alors combien il
lui
-ocr page 51-
46               La Vie des Peintres
lui reftoit a �tudier, il n'avoit plus ce guide (\
ol'
f�r, dont Ie fecours lui �toit fi n�ceffaire, a me-
fure que les difficult�s fe pr�fentoient. Sa ref-
fource �toit la nature qu'il avoit d�ja confult�e,
& dont il attendoit fon avancement & cette r�-
putation que fes Ou vrages lul on t m�rit�s.L'exem-
ple d'un p�re illuftre a fervi encore a augmen-
ter fon ardeur. Il avoit pris d'abord , comme fon
pere, des fujets dans la vie priv�e : lei, c'eft une
boutique de Modes, o� une jolie Marchande
vend fes ajuftemens; la, c'eft unegentille Pay fan-
ne qui vend des fruits & des l�gumes; on voit
a une fen�tre une jolie perfonne qui attire les
yeux des paffans; un bas-relief termine Ie bas
du Tableau , au-deflbus du bandeau de la croi-*
f�e, &c. tout eft peint d'apr�s nature : il ne fe
permettoit pas Ie plus petit d�tail, fans avoir
1'objet devant lui pour Ie copier. On nous fait
1'�loge d'un Tableau fait dans ce temps, il re-
pr�fente une Femme qui donne de la bouillie a
fon enfant, unautreenfantexcitelepetitamanger;
Ie Pere, affis pres du feu, regarde la malice de ces
petits enfans, Ie petit lit occupe une partie du
premier plan d'une chambre meubl�e, & repr�-
fent�eavecun art exquis. Ce joli morceaueutun
fucc�s infini & Ie combla d'honneur.
Mie/is, en voyant les Ouvrages de LaireJJe
& d'autres grands Maitres d'Hiftoires, voulut
effayer a porter fur Ie panneau quelques fujets,
o� 1'efprit peut �galement �tre occup� & fatis-
fait. Son M�cene, M. de la Court, 1'encouragea
beaucoup. Notre Peintre fit fon coup d'effai:
ce Tableau repr�fente Renaud endormi 8f appuy�
fur les genoux d'Armide, entour�e des Graces
&
-ocr page 52-
Flamands , Allemands & Hollandois. 4-7
& des Amours. Le fond eft un beau Payfage :
fur le devant font repr�fent�es des Fleurs & des
Plantes; ce beau Tableau fit fon effet, fon M�-
cene ne croyoit pouvoir affez le payer , tant il
lui fit de plaifir; il ne le garda pas long-temps,
le Comte de Wakkerbarth ne 1'eut pas plut�t
vu qn'il mit tont en ulage pour en devenir le
poffefleur; il ne put 1'obtenir que lorfque Mieris
eut promis de traiter ce fujet de nouveau avec
les changemens qu'il jugeroit convenables. Cette
r�p�tition obtint les fuffrages & un pr�fent, apr�s
en avoir recu le prix.
Mieris a r�p�t� encore ce fuiet pour 1'Envoy�
Meinershagen, avec cette diff�rence que Renaud
& Armide font les portraits de 1'Envoy� & de
fa femme. Le fond eft auffi un Payfage, les Fi-
gures principales font entour�es d'Amours, &c.
On nous parle auffi d'une fainte Familie de eet
Artifte, d'un Triomphe de Bacchus, dun Juge-
ment de Paris & de plufieurs autres.
Il peignoit auffi de jolis Payfages, des Figures
& des Animaux avec le m�me fini & la rn�me
v�rit�. Mieris avoit un autre talent, qui ne doit
pas �tre indifferent aux Peintres, c'eft de m�d�-
ler en terre & en eire : les grands Ma�tres dans
eet Art ont �t� furpris de voir a quel point il
a excell� dans ce genre, qui lui auroit feul accor-
d� un rang diftingu� parmi les Sculpteurs habiles.
Le m�me M. de la Court pofT�doit quatre Vafes ,
fur lefquels Mieris avoit mod�l� en bas-relief
des F�tes bacchiques; lesNymphes, les Satyres
& les Enfans y font rendus avec tout 1'Art poffi-
ble : Une touche fpirituelle feroit foupconner
wne longue pratique de 1'�bauchoir. Cet Ama-
teur
-ocr page 53-
48                  La P~ie des Peinlres
teur eftimable n'a jamais pu fe rcibudr a fd
1062. (J�fain; de ces quatre morceaux. On lui en a
fait en tout temps des offres confid�rables, fans
pouvoir les lui enlever.
Mieris vivoit paifiblement, fans s'aveugler ni
de fa gloire, ni de fa fortune : il partageoit fes
momens entre les foins de fes �tudes & de fa
familie : fa fagefle Ie rendit heureux & Ie fit efti-
mer pendant une longue vie. Il mourut a Leiden,
Ie 2.4 Janvier 1747 , ag� de quatre-vingt cinq
ans : il a laiff� un fils, Francois van Mieris *
qui eft fon Eleve, & qui marche fur fes traces.
Guillaume van Mieris finhToit, comme fon
pere, tous fes Ouvrages: la m�me harmonie
& Ie m�me foin pour rendre les plus petits d�-
tails ; fes Tableaux font prefque au m�me prix:
cependant nous les trouvons bien au-deflbus
pour Ie deffein, pour la f�nefle de la touche &
Ie piquant des etfets. Les Ouvrages du pere font
compof�s avec plus de fagefle: on y trouve la
m�me abondance, mais tout y eft group� avec
moins de confufion, ce qui n'emp�che pas que
lefilsnefoit, (anscontredit,un des bons Peintres
de la Hollande; voici quelques Ouvrages bien
connus.
A Rouen, chez M. Haillet de Couronne, Lieu-
tenant-G�n�ral Criminel^la Mufe de la Mufi-
que environn�e des inftrumens: Ie fond eft un
beau Payfage.
Dans Ie Cabinet du Prinee de HeJJe, une
Marchande de ^romage clans fa boutique.
A la Haye, chez Ie Comte de Wa(fenaer,
un Vieillard & une vieille Femme. Chez Mr
�agel, un Philolbphe dans fon Cabinet. Chez
M.
-ocr page 54-
r�amands ", Allemanis 6" Uollandois. 4-9
M. Lormier, une Cuifine hollandoife, avec TZZ7
des figures & des meubles n�ceffaires. Chez M.
         '
van H�teren, un jeune Homme co�fte d'un bon-
net avec des plumes; chez M. d'Acofta, Su-
zanne&les Vieillards qui cherchent a la feduire;
Ie fond efl un Jardin.
AAmfterdam, chez M. Lubbeling, Suzanne
infult�e par les Vieillards, autrement compof� :
un Berger pres d'une Bergere dans un beau
payfage.
AMiddelbourg,chezM. Cauvverven,une jeune
Fille qui tient un panier rempli de fruits ; une
Nymphe endormie : & un Soldat Suiffe tenant
un grand verre a la main.
ROBERT VAN
OUDENAERDE,
�LEVE DE CARLE MARATTI.
VAn Oudenaerde naquit a Gand Ie 30_____
Septembre 1663; il �toit fils de Pierre }(s(r,m
van Oudenaerde,
Maitre de Langues, qui lui -
enfeigna Ie Latin ; la Peinture cependant fut
lefeul talent auquel il fe livra en entier. Mierhop
fut fon premier Maitre, enfuite de Cl�ef, dont
la r�putation Temporta fuf tous ceux de fon
temps, lui montra fon Art jufqu'a 1'age de dix-
neuf ans qu'il fut envoy� a Tournay pour y
apprendre Ie Francois. Il y pafla trois ans chez
unPeintre inconnu. Oudenaerde obtint en 1685
Tome IV, D la
-ocr page 55-
5o                La Vie des Peintres
"T7T la permiffion d'aller a Rome : il eut des lettres
_' de recommandation qui aiderent a Ie faire con-
noitre. Carle hiaratti 1'admit dans fon Ecole ,
& bient�t il m�rita la confiance de ce Maitre:
un travail affidu, un jugement aflez certain, pour
ne fe pas m�prendre clans Ie choix duvraibeau,
Ie diftingua des autres Eleves ; fes progr�s dans
Ie Defiein & dans la Peinture augmenterent
chaque jour. Dans fes momens de repos il avoit
eflay� de graver a 1'Eau-forte, & ion d�but
manqua de Ie perdre pour toujours; une efquifle
dn Maitre repr�fentant Ie Manage de la Sainte
Vierge , parut a potre Eleve un objet bien di-
gne d'�tre grav�. Sans confulter fon Maitre,
fans croire faire un crime, il la grava & la donna
a fes amis : quelques �preuves difperf�es furent
port�es a un marchand d'Eltampes qui en gar-
nit fa boutique. Maraiti, en paffant par-la , vit
cette �preuve 5 furpris d'abord, il s'informa au
Marchand d'o� elle lui venoit, & voulut en
connoitre 1'Auteur : on lui dit tout, fans aucun
deflein de nuire. Maratti retourna chez lui fach�
de fe voir fi mal grav�, & d'�tre tromp� par
un hcrcme qu'il n'avoit pas m�me foupconn�
d'en �tre capable; il Ie renvoya fans vouloir
1'entendre. Si la colere du Maifre �toit fond�e,
jamais doulenr n'�gala celle de 1'Eleve; il ne
voulut ni retourner chez lui, parce qu'il �toit
aflez avance pour fcavoir qu'il lui reftoit encore
des �tudes a faire, ni entrer chez d'autres Mai-
tres, dans la crainte d'irriter davantage celui
dont il s'�toit attir� la colere. Enfin fix femai-
nes fe paflerent fans travail ni �tude, occup�
feulement de fon malheur , fe plaignant a tout
Ie
-ocr page 56-
Flamandsj Allemands & Hollandois. 5i'
�e monde de fon indifcr�tion & de fon innocence.
Elle n'�toit pas inconnue a fon Maitre, qui
�toit lui-m�me fach� d'avoir �t� fi rigoureux.
Le hazard les fit pai�er tous deux dans Ie m�me
temps fur la place Navone : 1'Eleve falua ref-
pe&ueufement le Maitre, fans ofer le regarder.
Maratti 1'appella & lui dit froidement: Grave^-
vousencorequelquesplanchesd'apr�smoipourles
vendrefans mon aveu?
L'innocence dans la con-
tenance d'Oudenaerde acheva de le juflifier; de-
puis ma difgrace, lui dit-il, tnon cher Mai-
tre , je n'ai eu aucune envie de graver ni de
peindre, & je fuis pret d'abandonner un talent
qui a cauf� mon malheur. Et moije vous exhorte
de cultiver i'un & Vautre ; mais je ne fuis pas
content de voirparoitre en public mes Ouvrages
�gratign�s, au-licu de les voir grav�s.
Maratti ramena fon Eleve chez lui, & depuis
ils ont toujours �t� �troitement lies. Oudenaerde
fe fortifla dans la Peinture & dans la Gravure :
Maratd le choifit alors pour donner au Public
fes principaux Ouvrages grav�s fous fes yeux,
& qui font aujourd'hui les d�lices des Amateurs.
Notre Flamand paffa quinze ann�es dans la plus
�troite amiti� avec fon Maitre, qui vantoit au-
tant fon cara&ere que fes Ouvrages ; il avoit
m�rit� le titre du premier Po�te latin de fon
temps : autre avantage qui lui donna un nom
diftingu� parmi les Scavans & les Acad�miciens
de Rome. Une r�putation auffi fo�ide porta le
Cardinal Barbarigo, Ev�que de V�rone , a le
choifir pour ex�cuter un Ouvrage entier fur fa
Familie , compof� de Portraits & d'Embl�mes ,
avec des Vers latins. La mort du Cardinal fut
D l caufe
-ocr page 57-
52                La< Vie des Peintrcs
~7l caufe que ce recueil n'a pas �t� plus confid�ra*
^' ble ; il eft cependant compof� de cent foixante-
' quinze planches grav�es , avec les vers du m�me
Oudenaerde. Les �loges des Artiftes & des gens
de Lettres lui f'urent prodigu�s. Le Cardinal ai-
moit �galement notre Peintre pour fes moeurs;
il avoit des vues pour fon avancement j il lui
donna les Ordres pour la Pr�trife , mais Oude-
naerde
, avant de fe confacrer a 1'Eglife, vou-
liit revoir fa Patrie : il obtint une ann�e pour
fon voyage. Vingt-deux ans qu'il avoit employ�s
a 1'ouvrage du Cardinal, & Ie temps qu'il avoit
paffe chez Maratti faifoient environ trente-fept
ans def�jour, fans qu'il eut vu fa Ville natale,ilne
put fe refufer a lui-m�me cette fatisfaftion : il
partit & arriva a Gand. Les premiers de la Ville
s'emprefferent de lui t�moigner le plaifir que leur
faifoit fa pr�fence ; on lui propofoit de refter;
on lui fit des offres bien capables de le d�dom-
mager des efp�rances que lui faifoit entrevoir
fon Prote&eur en Itali�. Oudenaerde avoit pro-
mis de retourner : mais, pret a partir, il apprit
la mort du Cardinal; n'ayant plus d'engagement,
il fe fixa a Gand , o� il peignoit 1'Hiftoire &
le Portrait ; il fut accabl� d'ouvrages , c'�toit
a qui en auroit des premiers. Les Eglifes & les
Palais furent embellis de fa main ; il ne grava
plus que des pctites Planches pour fe recr�er
& m�me peu. La Peinture ernploya tout fon
temps : il v�cut apr�s fon retour encore vingt-
un ans , & mourut le 3 Juin 1743 > ^ ^e
quatre-vingts ans. Il eft enterr� dans 1'Eglife Ca-
th�drale de Saint Bavon a Gand. On ne lui con-
noit qu'un feul Eleve, nomm� Francois P�fen,
Peintre
-ocr page 58-
Flamands , Allemands & Hollandois. 53
Peintre & Graveur, qui conferve 1'oeuvre com-
plet de fon Maitre : oeuvre trop rare & trop
peu connu.
La maniere de defliner & de peindre de van
Oudenaarde
tient entierement de celle de Ma-
rattu
Sa couleur eil vigoureufe, un pinceau
flatteur lui r�uffit dans Ie Portrait o� il avoit un
fucc�s �tonnant. Sa touche eft franche & facile:
fon deffein eft corre�t; quant a fa compofition,
la marche en eft belle, f�vere & fpirituelle. Ses
principaux Ouvrages , depuis fon retour > font
a Gand; les voici en partie.
Dans 1'Abbaye de Baudeloo, on voit de ce
Peintre un Tableau ing�nieux , ce font les Por-
traits des Religieux de ce temps , de grandeur
naturelle & tous bien vari�s. Dans cette m�me
Maifon fe confervent encore de lui deux beaux
Tableaux d'Hiftoire.
Au Grand-Autel des Chartreux , 1'Apparition
de Saint Pierre, qui emp�che ces Religieux de
quitter leur Maifon qu'ils avoient envie d'aban-
donner. Ce Tableau paffe, a jufte titre, pour
fon chef-d'oeuvre.
Dans 1'Eglife des B�guines, Notre-Seigneur
au milieu des Do&eurs.
Dans 1'Eglife de Saint Jacques , Ie Tableau
de la Chapelle de Sainte Catherine ; cette Sain-
te que l'on veut forcer d'adorer les faux Dieux.
Dans la Chapelle de la Boucherie, un grand
Tableau repr�fentant les piincipaux Bouchers.
D 3 NICOLAS
-ocr page 59-
54                La Vie des Peintres
NICOLAS HOOFT,
�LEVE D'AUGUSTIN TERJVESTEN.
y
^ d'une tr�s-bonne familie, dont il
tira tous les fecours qui lui �toient n�ceflaires
pour fuivre la paffion qui 1'entrainoit vers la
Peinture. On lui procura les trois plus habiles
Maitres qui �toient pour Iors a la Haye, Da-
nyel Mjtens, Doudyns
& Auguftin Tervveften :
ce fut ce dernier qui eut la gloire de former
Hooft. Matthieu Tervveften, qui �tudioit dans
ce m�me-temps fous fon Frere, rapporte que
Hooft leur �toit propof� comme un exemple
d'application & d'affiduit�. Hooft ayant h�rit�
d'un bien affez confid�rable de fon pere, il ne
cultiva plus la Peinture que par gout & par
amufement: il �toit Membre de la Soci�t� des
Peintres, & il fut fait Dire�eur de 1'Acad�-
mie. On nous aflure qu'il deffinoit bien & qu'il
peignoit bien l'Hiftoire. Cet Artifte pafla fa vie
agr�ablement, occup� de la Peinture , de la
Chaffe & de la P�che : ce furent (es trois paf-
i�ons dominantes jufqu'a fa mort, qui arriva Ie
21 de Janvier 1748, ag� de pres de quatre-vingt'
trois ans.
Ses Ouvrages nous font inconnns.
1664.
JEAN-
-ocr page 60-
Flamands, Allcman&s & Hollandois.
JEAN-ANTOINE
VANDER LEEP E.
JEAN-ANTOINE VANDER L�EPE,fils------
de Jean-Antowe vander L�epe ,Ecuyer, Con- 1664.
feiller a la Chambre des Comptes de Bruxelles, at�
& de Marie-EU^abetk Vanvelthoven. Ses parens
quitterent Bruxelles pour �viter les troubles de
la Gaerre, & s'�tablirent a Bruges, o� il naquit
en 1664. Les premiers foins que prit fon pere
furent ceux de fon �ducation : il fut envoy� a
Bruxelles pour y profiter des Maitres & des �tu-
des convenables a fa nobleffe & a fa fortune. On
raconte qu'encore enfant il alloit les jours de r�-
cr�ation voir une dame B�guine * qui brodoit
en petit-point : fon ufage �toit de peindre a
gouaffe les fujets qu'elle rendoit enfuite a T�-
guille. Notre jeune Ecolier abandonnoit fes ca-
marades & Ie jeu pour la voir peindre : bient�t
il demanda des couleurs & des crayons; il deffi-
noit d'apr�s des Eftampes, & copioit a gouaffe
les Ouvrages de celle qui lui fervoit de Maitre.
Il fit tr�s-bien tous fes exercices ; on lui pro-
mettoit pour r�compenfe de lui permettre de voir
peindre & de manier auffi Ie pinceau. Son gout
&
* C'eft une Communaut� de Filles qui vivent dans un m�me
endos, la pliipart s�par�es, ccpendanf foumifes a une Sup�rieure
*c a des Regies : elles fortent pout fe marier. Il y a beaucoup de
tes Communaut�s dans les gundes Villes de Vlandix.
D4
-ocr page 61-
56                 La Fie des Pcintres
*Y & fon travail fe foutinrent toiijours jufqu'a fa
fin de fes �tudes. Rappell� a Bruges , il d�clara
a fon pere fon amour pour la Peinture. On fut
�tonn� de fes pr'ogr�s , mais fa fant� fut un nou-
vel obftacle qui penfa faire �chouer fon projet ;
il lui fut d�fendu de peindre davantage , parce
que la mignature �toit nuifible a la d�licateffe
de fa poitrine : il obcit; mais un effai qu il fit
de peindre a 1'huile lui r�ui�it bien, qu'il quitta
fa premiere manierei la pofition n'�tant plus
nuifible , il s'y livra fi bien que les meilleurs
Artiftes ne purent lui cacher leur furprife & lui
refufer leur admiration.
Vander L�epe fut deffiner des Payfages dans.
les campagnes; il alla fur Ie bords de la mer
repr�fenter les Orages & la Mer dans fon cal^
me ; s'il voyoit un Ciel convenable pour fes
Tableaux , il Ie de/��noit avec du blanc fur Ie
papier colori�. On fera toiijours furpris, quand
on fcaura que fon d�but, d'apr�s de petits effais,
eft un grand Tableau de fept pieds fur huit &
demi de haut : c'efl un Payfage, dans lequel on
voit une grande �tendue de pays, qui contient
une portion de Ville & fes Remparts, des Ri-
vieres, des Arbres de bonneforme, bien feuiil�s,
avec des Plantes bien colori�es & bien touch�es
fur Ie premier plan, lc Ciel eft d'une grande leg�-
ret� : les figures qui repr�fentent la Fuite en
Egypte, font d'un de fes amis appell� Ramondt,
qui �toit auffi un des Magifirats de Bruges. Vander
L�epe plac,a ce Tableau dans 1'Eglife Paroifliale
de Sainte Anne.
Ce fucc�s Ie d�termina a fuivre fon projet
(faller �tudier en Itali�. Il fut arr�t� par fes
-ocr page 62-
Flamands, Allemands & Hollandois. 5 7
parens , qui ne voulurent jamais Je laifler par-
tir: on lui remontra qu'il ctoit Ie feul h�ritier
du nom & des biens de fa familie; il n'avoit
que dix-neuf ans lorfqu'on Ie maria \ il a regrett�
fouvent qu'on n'ait pas voulu Ie laiffer paffer
quelque temps a Rome.
Continuellement occup� de fon �rude , on
vit paroitre un grand nombre de fes Ouvrages ,
tnais on ne vouloit pas perdre de vue fa capa-
cit� pour d'autres emplois utiles a 1'Etat. L'Em-
pereur Ie nomina Controleur g�n�ral de fes
Fermes, & peu de temps apr�s Capitaine g�-
n�ral des Chafles de la Flandre. Il occupa fuc-
ceffivement d'nutres places dans la Magiftrature.
Toujours exad a rerr.plir avec honneur les de-
voirs des diff�rens �tats qni Tobligeoient i
veiller aux interets du Prince, a Tadminiftration
de la Juftice & au bien public, les feuls momens
dont il pouvoit difpofer, il les confacroit a la
Peinture : fa vigilance lui donnoit plus de temps
qu'aux autres, & il eft �tonnant combien il a
laiff� de Tableaux de fa main, quoiqu'il ne fut
excit� a la pratique de fon Art par aucune vue
d'int�r�t. Un N�gociant fort riche, nomm� Ie
Cerf}
n� a Paris , & pour lors demeurant a
Bruges, aimoit beaucoup les Ouvrages de vander
L�epe;
il voulut les faire voir en France, & il
obtint de lui quatre grands Payfages qu'il fit
parvenir a cette Cour; on nous aflure qu ils font
places dans une desMaifonsRoyales.
Son Attelier �toit une affembl�e de gens inf-
truits : On y parloit Sciences, Belles-Lettres,
toujours relativement a fon Art ; 'on ne pou-r
Yoit y �tre admis que fous Ia condition d'y lire
quelqu©
----------' ■"�«s^
-ocr page 63-
58               La Vie des Peinlrcs
"77ZT quelque paffage d'Hiftoire, de Po�'fie, &c. c'eft
' ainfi que eet Artifle fcut �carter les importuns:
il n'appella que ceux qui avroient Ie m�me defir
des'inrtruire; la lefture �toit fuivie d'obje�ions,
d'interpr�tations, en un mot, de conf�rences
utiles, o� 1'efprit acquiert toujours de laforce &
del'�tendue. Il aimoit les Artiites, recevoit leurs
avis avec docilit� , & leur en donnoit avec can-
deur : toute fa vie �toit r�gl�e fur Ie m�me ton ;
il recut une marque bien fenfible de l'eftime
qu'il avoit acqaife , lorfqu'en 1718, la Cour
accorda a fon fils unique la furvivance de fes
charges. Une trop grande application avoit al-
t�r� (a fant� , fans qu'il ftit temps d'y apporter
du remede. Il mourut d'une hydropifie en 1719
ou 20, & il fut enterr� dans Ie tombeau de fa
familie dans l'Eg�fe des Carmes, a Bruges.
VanderL�epe peut �tre regarde comme Peintre
n� , fans �tre forti de fa Patrie, fans autre Mai-
tre que cette dame B�guine \ on croiroit qu'il
auroit demeur� en Itali� , a en juger par fes
Tableaux. Ses Payfages font compoi�s dans la
maniere d1 Abraham Genoels, & quelquefoiscom-
me ceux du Poujjin ; il peignoit avec une faci-
lit� finguliere ; une touche tr�s-librc , fon Pay-
fage bicn feuill�, fa couleur affez bonne, ce-
pendant un peu grife, & propre a des Orages
& a des Temp�tes ; auffi on eftime fes Marines
encore plus que fes Payfages : il faifoit peindre
dans fes Tableaux les figures par de bons Ar-
tiftes. Mare van Duvcnede & A'. Kerkhove, &c.
ont orn� plufieurs de fes Ouvrages : voici les
plus connus.
On trouve un grand Payfage, avec des f�-
gures
-ocr page 64-
Flamands, Allemands & Hollandois. 0
gures par un Amateur nomm� Ramondr, il re- ~~77~
pr�fente Ia Fuite en Egypte. Ce Tableau eft place ^ ">J"
dans 1'Eglife Paroiffiale de Sainte Anne, a Bru-
ges; dans la m�me Ville, chez M. Foers, Tr�-
forier , plulieurs Tableaux qui ornent un appar-
tement ; chez MM. du Hamel, quatorze grands
& petits Tableaux , qui fervent de d�coration
dans une Salie; il y a des figures qui repr�ien-
tent des fujets de la vie de Notre-Seigneur ; elles
fontpeintes par N. Kerkhove. & Mare Duvenede;
chez M. Verplancke, deux Marines.
MATTHIEU MEELE,
� L E V E DE L E L Y.
MAt T H I E u M � E L e', n� en 1664 , fon
premier Maitre nous eft inconnu. Il paffa
a Londres, o� Ie m�rite de Pierre LeLy lui fit
chercher les moyens dedemeurerquelque temps
avec lui. Il y r�uffit, & il ne Ie quitta point qu'il
n'e�t acquis Ie nom de bon Peintre. 11 retourna
a la Haye o� fa r�putation lui fit faire un ma-
riage tr�s-avantageux, qui nous a priv� de beau-
coup de bons Portraits : il ne fit prefque plus
rien. Il �toit un des Chefs de 1'Acad�mie de
Peinture a la Haye. On nous vante beaucoup
un Portrait de lui , c'�toit celui de Mme van
l�oei.
Ce Peintre eft mort en 172.4 j il n'eft in-
diqu� ici que pour les Ouvrages de fa jeunefle ,
<jui font dignes d'�tre l�u�s.
VICTOR-
-ocr page 65-
Go                 La Trie des Peintres
VICTOR-HONOR�
J A N S S E N S.
An s s e N S eft un des bons Peintres de.Bru-
xelles, o� il naquit en 1664, fils d'un Tailleur.
Jl fut deitin� a fa profeffion : ma�s fa vocation,
carad�rif�e par un vif defir de peindre , 1'em-
porta fur Ie projet de fa familie. 11 fut 1'Eleve
de Volders, & apr�s fept ann�es d'application
dans cette Ecole, il parvint au point de fur-
pafler tous ceux de fon age. Ses Ouvrages de-
venus publics aflurerent fa fortune. Le IXic
d'Holftein lui ofFrit une penfion de huit eens flo-
rins, qu'il accepta.
JanJTens demeura quatre ans a la Cour d'Holf-
tein, oii , toujours attach� a fon talent, il ne
perdit point de vue le voyage d'ltalie fi n�cef-
�aire a fa perfedion : il fupplia le Duc de le lui
permettre pourfe rendre plus digne de fes bon-
t�s. Son g�n�reux Protefteur non-feulement le
lui permit, mais il lui fit donner une lettre de
change de feize eens florins : pr�fent pr�cieux
qui lui fervit a faire fes �tudes a Rome d'apr�s
les Tableaux de Rapha�l, les Antiques & les
Vues des environs de la ville. Les premiers Ha-
bitans de Rome employerent a 1'envi fon pinceau.
Tempefle , Peintre habile de Payfages & d'Ani-
maux, eut recours a lui pour peindre les figures:
ils ont �t� long-temps en foci�t� ; on croit que
c'eft la vogue de ces petits Tableaux qui a port�
Janjfens
1664.
-ocr page 66-
Plamands, Allemands & Hollandois. 6�
JanJJens a s'y borner : il prit pour guide les Ou-
yrages de YAlbane , nouveau genre , mais qu'il I�"4-
traita mieux que tous fes contemporains. On ------
ne pouvoit obtenir de fes Tableaux qu'apres les
avoir command�s long-temps auparavant. Onze
ann�es s'�coulerent fans qu'il put finir tous ceux
qu'il avoit entrepris pour retourner en Flandre ;
il ne trouva Ie moyen de Ie faire qu'en refu-
fant les Ouvrages que 1'on exigeoit de lui.
De retour a Bruxelles, fes Tableaux en pe-
titeurent un grand fucc�s. Il�poufaM11" Potter,
fille du Payeur de Rentes , dont il eut onze
enfans : norabre confid�rable, qui lui fit aban-
donner fa maniere de peindre en petit, pour
reprendre celle en grand, plus exp�ditive, plus
lucrative & plus conforme a fon g�nie.
Les Eglifes & les Palais furent d�cor�s par
fon pinceau , toujours conduit par fon efprit
& fon jugement. Sa promptitude dans 1'ex�-
cution parut dans Ie grand nombre d'Ouvrages
qui fe voient de nos jours a Bruxelles & aux
environs. Vers 1718, il fut nomm� Peintre de
1'Empereur : il partit pour Vienne ; trois ans
apr�s il paffa a Londres, & retourna a Bru-
xelles, o� il eft mort en 1739, & enterr� dans
1'Eglife de Saint Gaugeric.
Ce Peintre fut Ie plus habiie de fon temps
pour traiter 1'Hiftoire en petit : une fonte de
couleur agr�able & naturelle, un pinceau flou
& facile enlevent nos fuffrages. Ses airs de t�te
ont de la fineffe, de la nobleffe & de la beaut� ;
fon deffein eft correft, & fon g�nie marque de
la f�condit�. Ses grands Ouvrages font de m�me,
«nais fa couleur eft plus crue & fent trop la pa-
lette.
-ocr page 67-
62                La Vie des PeintreS
,, lette. Il r�uffit tr�s-bien a peindre des plafonds}
^* tous ceux qu'il a faits font traites dans les re-
~ gles & bien entendus pour les effets. Voici une
bonne partie de fes Tableaux places en public.
On voit a Bruxelles Ie Tableau d'Autel de
1'Eglife de Saint Nicolas, repr�fentant Saint
Roch : & la Pefte dont Dieu affligea les Juifs,
fous Ie regne de David, place dans la Chapelle
de laVierge.
Sur la porte d'entr�e de 1'Eglife des Capu-
cins , Ie Tableau qui repr�fente Notre-Seigneur
tourment� par les Juifs.
Dans 1'Eglife de la Madelaine, un Tableau
d'Autel pres du Choeur.
Jefus-Chrift mort, fur les genoux de fa Mere,
Tableau d'Autel dans 1'Eglife des Religieufes de
1'Ordre de Sainte Brigitte.
Cinq grands Tableaux dans la Salie de la Con-
fr�rie de Saint Georges, tous fujets tir�s de la
vie de ce Saint; & quatre deffus de portes,
ce font les Saifons. Ce Peintre avoit plus de
foixante-dix ans quand il les a faits.
Le Tableau du grand Autel de 1'Eglife des
Jacobins.
Trois grands Tableaux dans 1'Eglife des Carm�-
lircs du grand Couvent, places entre les croif�es;
& le Tableau d'Autel de la Chapelle de Saint
Charles Borrom�e. On y voit repr�fente ce Saint,
qui foulage les Peftif�r�s.^Deux Tableaux du
m�me dans la Salie des EpTciers. Dans la Salie
des Tailleurs , le Martyre de Sainte Barbe , le
Martyre de Saint Boniface & le Couronnerhent
de la ViergexTautresTableaux faits entre./a/2/7�«J
van Orley & Ejckens places dans la Salie des
Braffeurs.
                                                   Dans
-ocr page 68-
Flamands , Allemands & Hollanctois. 63
Dans celle de la Maifon Royale , fix Tableaux
de THiftoire de Sa�l, de David & de Salomon :
trois font peints par Janjfens , & trois par van
Orley.
Et dans la Salie de Saint Georges, neuf Ta-
bleaux : cinq fur la vie du Patron , & quatre
deffus de portes, qui font des All�gories fur la
Paix.
N. MOREL,
�LEVE DE VEREN DA�L.
ON croit que Morel eft n� a Anvers. Il eut
pour Maitre Verenda�l, bon Peintre de
Fleurs & de Fruits. Il apprit de lui a cultiver Ie
m�me genre, & a bien imiter la nature. Apr�s
avoir acquis de la r�putation k Anvers , il alla
s'�tablir a Bruxelles , oii �toit la Cour; il y
fut employ� de toutes parts. Ce Peintre aimoit
la magnificence; il a v�cu tr�s-vieux a Bruxelles
o� il eft mort; on ignore en quelle ann�e.
Morel compofoit bien fes Tableaux : une har-
monie de couleur fe trouve commun�ment dans
fes Ouvrages. Il avoit une maniere tr�s-large
qui d�celoit une grande facilit� : fa touche eft
fpirituelle & ferme: fa couleur eft vraie & con-
venable au genre qu'il a traite ; il furpafloit foa
Maitre en repr�fentant des Feuillages , ou quel-
ques Plantes. C'eft un bonPeintre, dont les Ou-
vrages plairont toujours.
On
-ocr page 69-
64            La T^ie des Peintres, Sc.
On trouve dans les Cabinets de la Flandr�
1604. |3eaUcoup de fes Tableaux.
11 a peint des Fleurs d'une grande maniere fur
des volets, qui confervent des Tapifleries an-
ciennes & pr�cieufes dans 1'Eglife de 1'Abbaye
de Saint Pierre a Gand.
RACHEL
-ocr page 70-
RACHEL RUISCH
VAN POOL,
�LEVE DE GUILLAUME
VAN A E L S T.
A Hollande place avec raifon cette------
Femme au rang des plus illuftres 1664.
d'Amfterdam, o� elle naquit en ~�y
1664. Elle �toitfille duProfeffeur
' Ruifch, fi connu parmi les Anato-
' miftes. Encore jeune, fans le^ons
& fans autre fecours que fon envie de deffiner ,
on la vit repr�fenter tout ce qui la frappoit en
Peinture & en Eftampes. Ce fut a des marques
Tomc IV.                                 E          fi
__
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66               La frie des Peintres
peu �quivoques que fon pere lui choifit pour
Maitre Guillaume van Aelfl, tr�s-c�lebre pour
fes Fruits & fes Fleurs.
En peu d'ann�es 1'Eleve fuivit de pres fon
Maitre & fe crut en �tat de n'en plus confulter
d'aurre que la nature. Elle en approcha pres ,
qu'elle fut regard�e comme un prodige, & com-
me Ia plus habile de fon fiecle.
Ses Fleurs & fes Fruits furpaflent ceux de la
nature par Ie beau choix qu'elle en faifoit, par
fa facon de les peindre, de les pofer & de les
faire fcavamment contrafter. Tandis que Ton
portoit dans toutes les Cours de 1'Europe fes
Tableaux , & fa r�putation renferm�e dans fon
Cabinet, el!e fuyoit Ie monde, de peur d'�tre
diftraite de fes �tudes: cependant elle ne put fe
cacher a l'Amour qui la d�couvrit & vint trou-
bler fon repos. Un Peintre aimable & jeune
nomm� Juriaen Pool, s'introduifit chez elle:
s'il n'e�t �t� qu'aimable & jeune, peut-�tre
n'auroit-il pasr�uffi , mais il �toit Peintre & bon
Peintre, & ilfutaim�.Il �pousa RachelRuijIhen
l6o.f. * Les foins dn Manage ne lui f�rent pas
perdre un inftant de (es �tudes. En 1701 la
Soci�t� acad�mique de la Haye admit ces deux
Epoux; elle donna pour fa Reception un Ta-
bleau tr�s-pr�cieux, qui repr�fentoit une Rofe
blanche,
*C'eftainfiqueM. yien, PeintreduRoi&Piofeffeurdel'Academie
reyale de Paris, parut devant Mlle Marit-Th�refc Rcboul; elle
n'aimoit que notte Art: Ie nom de M. yien , dans la Peinrure,
lui m�rita Ie caeur & la main de notre aimible Artifte ; elle s'�toit
d�ja immortalif�e dans l'imitation de Fleurs , d'Jnfeaes, & de
Coqnillages, mais 1'Acad�roie royale de Peinture vient d'afluiei i
1'Europe fes taknj, en la reccrant parmi ses Membres i�udres.
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Flamands, Allemands & Hollandois. (f]
blanche, une rouge, une plante de Chardons
&d'autres Fleurs
Sa r�putation eut Ie plus grand �clat dans
toute l'Europe. L'Ele�eur Palatin Jean-Guillau-
me lui envoya un Dipl�me date du 7 Ao�t
1708, qui la nomma Peintre de la Cour de
Dufleldorp;ce Princelui�crivit uneautre lettre
qu'il accompagna d'unc toilette complette en
argent, compof�e de vingt-huit pieces, a la-
quelle il ajouta fix flambeaux du m�me m�tal.
Le Prince lui promit d'�tre Parrain de ion pre-
mier enfant: peu de temps apr�s fes couches ,
elle porta fon fils a Duffeldorp; l'Ele&eur d�-
cora le col de eet enfant d'un ruban rouge au-
quel �toit attach�e une magnif�que medaille
en or.
Tous fes Ouvrages �toient pour fon M�cene,
qui, en les payant, y ajoutoit toujours des pr�-
fens honorables. En 1713 , elle fit encore le
voyage de Duffeldorp, o� elle fut recue avec
toutesles diftin�ions que m�ritoient fes grands
talens. L'Ele&eur, pour les faire connoitre, en-
voya quelques-unsdefesTableauxauGrand-Duc
de Tofcane , qui les admira beaucoup & les
placa parmi les Chef-d'oeuvres qui compofent fa
riche colle�ion : mais la mort lui enleva fon
M�cene en 1716. 11 fut pleur� ; cette Femme
illuftre regrettoit encore moins en lui Ion Bicn-
faiteur que le Prote�eur �clair� des Arts & leur
g�n�reux Reftaurateur: carelle vendoit tous fes
Onvrages le m�me prix qu'elle les avoit ven-
dus a Duffeldorp, & la Flandre & la Hollande
murmuroient de les voir enlever en Allemagne.
Ses talens fe font foutenus jufques dans une
E z extreme
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68               La Vie des Peintfes
1664. extreme vieilleffe , & fes Tableaux peints a qua-
^' "■ tre-vingts ans �toient aufli finis que ceux qu'elle
avoit faits a trente. C�toit toujours Ia m�me
maniere & la m�me perfe&ion; elle joignoit au
don du g�nie toutes les vertus du coeur. Refpec-
t�e des Grands, aim�e de fes Rivaux, chant�e
par tous les Po�tes, elle ne parcourut que fur
des fleurs fa longue carri�re, qui fut termin�e
Ie 12 O&obre 1750, a 1'age de quatre-vingt-
fix ans. Elle �toit veuve depuis cinq ans , apr�s
avoir �t� mari�e cinquante ans avec Juriaen
Pool.
C'eft une des plus c�lebres Artiftes que
nous ayorre a placer dans nos faftes. Ses Ta-
bleaux font bien compof�s & du plus grand fini,
d'une vigueur furprenante, & d'une couleur
auffi belle que vraie. Ses Fleurs, fes Fruits,
fes Plantes & fes Infe&es font comme la nature
m�me: on y feroit tromp� , fi on comparoit les
Chenilles & les Vers avec ceux qu'elle a cher-
ch� a imiter. Ses Ouvrages pr�cieux ne font
que peu connus en France par la difficult� de les
obtenir de ceux qui les pofledent en petit nom-
bre en Hollande.
On voit a Amfterdam, chez M. Lubbeling ,
quatre beaux Tableaux, les uns des Fruits &
des Fleurs : d'autres des Fleurs , &c.
L'Elefteur Palatin poflede un Tableau avec
des Fruits & des Fleurs : un autre avec des
Fleurs.
SIMON
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Flamands, Allemands et Hollandois.
SIMON VERELST.
SImon Verelst eft n� a Anvers, com- 1664.
me 1'aflurent ceux qui 1'ont vu a Londres. - , .....
Son Maitre nous eft inconnu , ainfi que les par-
ticularit�s de fa premiere jeuneffe. 11 �toit un
bon Peintre de Fleurs , loriqu'il fut a Londres,
o� fes Tableaux eurent la plus grande vogue:
il paffe du moins pour avoir mieux compof�
fes Ouvrages & pour avoir eu 1'art de les faire
valoir par 1'intelligence du clair obfcur. On rap-
porte que Ie Duc de Bukingham. & Ie Prince de
Cond�, lingulierement attach�sa ce Peintre pour
fes bons Ouvrages, furent la caufe de fa perte :
ils lui demanderent leurs Portraits; il avoit affez
de raifon de les refufer, puifqu'il n'en avoit ja-
mais fait: ces deux Tableaux eurent de la ref-
femblance , mais ils n'�toient point traites com-
me 1'exige ce genre : il en re$ut cent cinquante
guin�es ; la t�te lui en tourna, il eut la vanit�
de fe croire au-deffus de Vandyck & de Kneller,
&c. tandis qu'il n'�toit qu'habile a peindre des
Fleurs & des Fruits. Il d�daigna la Peinture , &
finit par des extravagances: on fut oblig� de
l'enfermer;il revint a lui, mais il n'avoit plus
les m�mes talens. Il eft mort a Londres, fans qu'il
nous foit poffible de dire en quelle ann�e.
Ce Peintre eft un des premiers dans fon genre.
Les Fleurs & les Fruits ont �t� peints avec la
plus grande fraicheur , & avec la plus grande
v�rit�. Ses Ouvrages font bien conferv�s en
E 3 Angleterre,
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7 o                  La Vie des Peintres
Anglcterre. On en trouve moins ailleurs. Le c�-
lebre Boe;have poff.-doit le chef-d'oeuvre deno-
tre Peintre: on ne icait oii il eft pr�fentement.
PIERRE VANDER WERF
�LEVE DE SON FRERE
ADRIEN VANDER WERF.
.j Ier re vander Werf, n� a Kralin-
1" ^' -* gerambacht, pres de Rotterdam , en 1665,
m apprit la Peinture de fon frere le Chevalier
vander Werf. Il copia d'abord bien lesOuvrages
de fon frere ; la m�me couleur, le m�me pr�-
cieux, mais il n'�toit encore que copifte. Le
Chevalier compofoit & deffinoit les Tableaux,
difpofoit les �tudes & les draperies fur le man-
nequin. Le jeune frere �bauchoit les Tableaux
que le Chevalier retouchoit a mefure; c'�toit
ainfi flu'il eut occalion de profiter. Pierre van-
^/�?Ter/compofaenfuiteluifeuldesfujets:beau-
coup ont �t� retouches par fon frere, & ce
font les meilleurs. Il traita quelques fujets d'Hif-
toire , mais plus fouvent des fujets pris dans la
vie priv�e. Il fut employ� apeindredesPortraits,
qii�l fit tr�s-bien. On connoit de lui un Tableau
a 1'H�tel de la Compagnie des Indes: il y a repr�-
fent� les Dire�eurs de ce temps-la. En 1695,
il �poufa Marie Bofman, qui �toit aufli Eleve
du Chevalier : fon talent lui m�ritoit d�ja des
applaudiffemens , mais elle le n�gligea depuis.
Vandcr
-ocr page 76-
Flamanch, Allemands & Hollandois. 71
Vander /^//nemenoitpas la conduite de fon 7"
frere Ie Chevalier. Celui-ci aimoit les Grands '605.
& la bonne compagnie ; Tantre, au contraire , 7-----r
aimoit Ie cabaret, plus par habitude que par
envie de boire : il ne fut pas poffible de Ie d�-
tourner de cette conduite; il finit par fuir la
foci�t� : on Ie vit toujours feul; il devint hypo-
condriaque , & croyoit toujours qu'on vouloit
rempoifonner. Cette nialadie Ie rendit difficile
a vivre , m�me avec fes parens; elle dura juf-
qu'a fa mort qui arriva en 1718.
Ce Peintre, fans avoir Ie m�rite de fon fre-
re, eft, apr�s tont, un Artifte habile, qui a
vu verdre fes Ouvrages bien cher, dans une
vente publique, a Rotterdam, en 1713. On
paya cinq eens cinquante florins un petit Tableau
de fa compofition , repr�fentant trois petites
Filles qui fe jouent avec des fleurs; un autre,
auffi trois Enfans au jeu , qui fut vendu trois
eens trente cinq florins: ces deux font de fa com-
pofition ; en 173 r, une fainte Familie qu'il avoit
copi�e d'apres fon frere, ftit achet�e , dans une
vente, huit eens florins. Le prixn'en diminuera
point, parce qu'ils font rares; nous en indique-
rons quelquesuns, qui font affez connus.
On voit dans le Cabinet du Prince de Hefle ,
un Tableau repr�fentant trois petites Filles, c'eft
peut-�tre le m�me dont nous avons parl�.
A la Haye , chez M. Fagei, une Madeleine
en priere: Tableau pr�cieux. Chez M. Lormier,
un Berger affis, deux petites Femmes, une dan-
fante; Notre Seigneur mis autombeau; une fainte
Familie: ces deux derniers Tableaux ont �t�
retouches par fon frere. Chez M. van B�teren,
E 4           un
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7 ft                    La Vie des Peintres
I(~ un petit Garcon & une jeune Fille qui deflinent
''_.?_* d'apr�s la V�nus antique; deux jeunes Filles
" attachent des guirlandes de fleurs a une petite
Statue de pierre; & un Saint J�r�me lifant dans
un grand livre : ce dernier a �t� retouche par Ie
frere. Chez M. i�Acofta, Loth & fes Filles:
ces deux derniers font retouches par fon frere.
A Rotterdam, chez M. L�ers, un Satyre pres
d'une Nymphe; & chez M. BiJJchop , Loth &
fes Filles, Tableau encore retouche par fon
frere.
JOACHIM-FRANgOIS
B E I C H.
BEiC H , n� a Ravensbourg en Suabe, en
l66j , �toit fils d'un G�ometre qui peignoit
par amufement. Il donna quelques principes a fon
fils. C'en fut affez pour en faire un Maitre habile
& lui m�riter 1'honneur d'�tre employ� a la Cour
de Baviere. Il fut charg� de peindre les BataiUes
que l'Ele&eur Maximilien-Emmanuel avoit li-
vr�es en Hongrie.
Pendant la Guerre occafionn�e par la fuccef-
fion d'Efpagne, 1'abfence de l'Ele&eur donna a
Beick Ie loifir d'aller en Itali� pour y avancer
fes �tudes & profiter des modeles des grands
MaJtres. 11 y laiffa de fes Ouvrages , qui ent m�-
rit� Tadmiration des plus habiles Peintres: il
fuffira de dire pour fon �loge, que leSolimene a
copi� plufieurs Payfages d'apr�s Beich.
On
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Flamands, Allemands & Hollandois. 7 3
On ne f<jait plus rien de ce Maitre , qui a
toujours demeur� a Munich, ou il eft mort Ie
16 O&obre 1748; il avoitperdu l'ouie peu de
temps auparavant.
On nous affure de bonne part qu'il changea
trois fois de maniere: la premiere eft rembru-
nie, la feconde plus claire & plus vraie, la
derniere eft plus claire, mais plus foible. Ses
fcites font pittorefques & toujours tr�s-piquans;
fa touche vive & facile, exprime les formes
dans fes compofitions, fouvent dans Ie gout du
Gafpre & de SaLvator Rofa. Il ne faifoit fes Fi-
gures que de peu d'ouvrage , mais avec efprit;
il gravoit a 1'eau-fort� Ie Payfage , il y finiffoit
(es Figures plus que dans fes Tableaux. On en
trouve, a Schleisheim en Baviere, de vingt-qua-
tre pieds de large , dont les fujets font des Ba-
tailles. Et dans la Colle&ion du Comte (THage-
dorn
, quatre payfages: deux, dont 1'un eft une
Grotte , & un Ruiffeau qui va fe perdre fous un
pont, & 1'aurre , des Rochers et des Montagnes
d'oii 1'eau fort & fe pr�cipite en cafcade; les
Figures font, dans 1'un, lejeuneTobieavecrAn-
ge; les deux autres repr�fentent les accidens du
Soleil qui paffe entre les montagnes & les fou-
terrains.
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74                La yie des Peintres
CORNILLE DU SART,
�LEVED'ADRIEN OS T AD E.
------T>U Sart, n� a Harlem en 1665 , fut
1665. �-** celui des Eleves d'Adrien Oftade qui a Ie
'===r plus approch� du m�rite de fon Maitre. Il �pioit
les Viliageois dans leursjeux, dans leurs querelles
& leurs plaifirs: il a rendu fes Tableaux plaifans
& agr�ables par cette v�rit� ; c'�toit un'prodige
pour la m�moire. Une figure originale qui Ie fra-
poit dans quelques F�tes, �toit renduelong-terops
apr�s dans fon Tableau, comme s'il en avoit fait
la copie fur lechamp d'apr�s la nature. Notre Ar-
tifle �toit d'une foible complexion ; fon appli-
cation aida auffi a avancer fes jours: il �toit
d'ailleurs fobre, & ne paroiflbit dans les Compa-
gnies que lorfque 1'on y parloit Peinture , Def-
feins ou Eftampes; il avoit lui-m�me une Col-
le&ion rare. Adam Dingemans fon ami, qui pof-
f�doit auffi un tr�s-grand nombre de Deffeins
& crEltampes, fe trouvoit toujours avec lui;
celui-ci venoit de quitter du Sart Ie 6 Odobre
)7O4,lorfqu'une demi-heupe apr�s il retourna
pour Ie voir, il Ie trouve mort dans fon lit, il
mourut auffi lui-m�me dans Ie jour. On les enterra
enfemble dans la m�me Eglife.
Du Sart efl un fort bon Peintre. Ses compo-
fitions ont un peu plus de noblefle que celles
de fon Maitre: ce font des F�tes flamandes ,
des Chymiftes dans leurs Laboratoires, des Bu-
vc-ttes,
-ocr page 80-
Flamands, Allemands &■ Hollandois. 7 5
vettes, des Jeux, &c., o� il regne plus d'efprit ^T
que dans celle i�Oftade, mais il eft au-deflbus ..,.,,■■.
de lui comme Peintre. La couleur de du San
tient de 1'Ecole o� il avoit appris. Ses Fleurs font
auffi eitim�es que fes jolis Deffeins au crayon
& a 1'encre de la Chine, & d'autres colori�s.
Voici des Tableaux de lui bien connus.
A Rouen, chez M. Ribard, N�gociant &
ancien Juge-Conful, deux Tableaux : 1'un re-
pr�fente l'int�rieur d'une Maifon o� 1'on diftri-
bue des Galettes aux enfans; 1'autre elt une Danfe
a la Guinguette.
Chez M. Lormier, a la Haye , un aflembl�e
de Villageois , & une autre dans une[Chambre.
Et chez M. vander Linden, van Slingelandt,
a Dort, un Tableau o� un Payfan joue du
Violon , un autre 1'accompagne au fon des Pin-
cettes, une Femme chante tenant un enfant fur
fes genoux : Ie fond eft une Chambre.
JEAN VANDER MEER,
�LEFE DE NICOLAS BERGHEM.
TEan vander M�EReft n� versletemps
* de du Sart. L'ann�e & Ie lieu nous font in-
connus. Il �toit fils d'im Peintre de Payfage qui
lui enfeigna fon Art: la mort l'enleva lorfqu'il
ne faifoit que commencer; il entra dans la bonne
Ecole de Nicolas Berghem. Au milieu d'un nom-
bre d'Eleves, vander M��r voulut fe diftinguer;
c'�toit d�ja r�uffir que de Ie youloir comme il
Ie
-ocr page 81-
ij 6                  La Vie des Peinlret
,, Ie vouloit; auffi joignoit-il tin travail opiniarre
^' a de grandes difpofitions: il �toit toujours oc-
cup� de fon Art, & il apprenoit de fon Maitre
a voir la nature , a la fuivre par-tout, a la fur-
prendre a chaque inftant, ayant toujours pour
guide la fagacit� & la r�flexion. Ce fut apr�s
plufieurs ann�es de travail & de bonnes le-
c,ons, qu'il fut regarde lui-m�me comme un
Maitre ; il �poufa la foeur de du Sart. Il peignit
de jolis Payfages avec des Figures & des Ani-
maux qui ont �t� vendus cher de fon temps. On
1'accufe d'inconduite & decrapule ; il eft certain
qu'il mourut a Harlem, pauvre: on affure que fa
Femme fit faire un enterrement magnif�que , o�
elle avoit fait inviter fes parens , & que pendant
quel'on portoitle corps a TEglife, elle fe retira
avec les meilleurs efFets du mort: au retour de
1'enterrement, on trouva la maifonvuide, les
parens furent oblig�s de payer tout; ce fut par
cette ridicule friponnerie qu'elle pretendit hono-
rer la m�moire de fon Man. Vander M��r eft
eftimable dans la pl�part de fesTableaux; quel-
ques-uns font faits fi vite, qu'on a de la peine
a y reconnoitre Ie m�me Peintre: nous ne Ie ci-
tons que pour fes bons Tableaux, qui font bien
inf�rieurs a ceux de fon Maitre, mais qui m�-
ritent une place dans les Cabinets. On recherche
fes Deffeins, fans qu'ils foient du premier m�rite,
& on les trouve en aflez grand nombre en Hol-
lande.
M. van Bremen, a la Haye, poffede de ce
Peintre une vue duRhin: c'eftun bon Tableau.
CORNILLE
-ocr page 82-
Flamands, Allemands & Hollandois.
CORNILLE VERELST.
NO U s croyons que Cornille Verelft eft Ie
Frere de Simon Verelft, & peut-�tre fon
Eleve. Il peignoit aufli des Fleurs & des Fruits,
qui furent recherches en Angleterre, o� il a
paffe fa vie, & o� nous Ie croyons mort; voila
tout ce que nous avons appris de ce Peintre,
dont les Ouvrages nous font inconnus.
GEORGES
-ocr page 83-
GEORGES-PHILIPPE
RUGENDAS.
UgendaS, n� Ie 27 Novembre
1666, dans la ville d'Angsbonrg,
eut pour pere un Horloger tr�s-
diftingu�. Ce Pere avoit d'abord
envie d'�lever fon Fils dans fon Art:
mais voyant que 1'inclination de
fon F�s n'y �toit point portee , & qu'il n'avoit
du gout que pour Ie deffein , il eut la fageffe
de feconder les intentions de la nature, en lui
chsnnantdes Maitres enDeffein & en Gravure.
Rugendas ayant �t�inconimod� de la main droite
& hors d'�tat de manier Ie burin , il fe borna
au
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La Vie des Peintres , &c.             79
au crayon & au pinceau, qui font plus faciles ~TT
a conduite.
                                                          "*
Notre jeune Eleve fut conf�� a Ifaac Fifches,
Peintre d'Hiftoire eftim�. Cinq ann�es de lecon
fous ce Maitre fuffirent pour d�cider fes talens
au point. de pouvoir compofer & choifir Ie genre
auquella nature 1'avoit deftin�. Il devint Peintre
de Batailles. Fifches, qui aimoit fon Eleve, fit
des efForts pour 1'avancer : il lui procura des
Tableaux du Bourguignon, de Lembke, & des
Eftampes de Tempefte qui venoient de paroitre.
C'�toit pour Ie g�nie de Rugendas une nourri-
ture dont il �toit avide, il les copioit, il les
deffinoit la nuk, il r�fl�chiflbit fur chaque
partie avec eet efprit d'�mulati�n qui. eft Ie
germe des grands talens.
Rugendas �toit au comble de fon bonheur,
il avoit des guides pour Ie conduire fur les pas
de la nature, & des Prote&eurs pour 1'encoura-
ger,lorfque fa main droite lui manqua tout-
d'un-coup au point qu'il ne put s'en fervir.
C'auroit �t� un coup mortel pour tout autre que
lui; mais de quoi n'eftpas capable une vocation
d�cid�e pour les Arts ? Il aflervit en pen de temps
fa gauche a fa profef��on, & elle lui rendit la
m�me feryice que fa droite: efpece de prodige
que nous avons vu fe renouveller dans rilluftre
Jouvenet.
Cet accident ainfi r�par� en partie, notre jeu-
ne Peintre voulut voir d'autres Maitres, d'au-
tres modeles pour s'inftruire; il obtint la per-
miffion de fes parens avec peine, & partit pour
Vienne; il refta deux ans dans cette Ville, o�.
il s'acquit un Protedeur en la perfonne de Hoff-
mann,
-ocr page 85-
8�                  La Vie des Peintres
,., mann, Graveur de la Cour, en Pierres & en M�-
* ' dailles; mais apr�s avoir perdu quelque temps 1'u*
----- fage de fa main droite, quel bonheur pour lui de Ie
recouvrer! un os prefque rong� par la carie tom-
ba, & la plaie fe gu�rit d'elle-m�me , fans autre
fecours que celui de la nature.Rugendas, au com-
ble de fa joie, munide lettres de recommanda-
tion (�Hoffmann , partit pour Venife Ie 13 Sep-
rembre 1692. Le c�lebre Molinaro, Peintre
d'Hifloire le prit en affe�ion, il lui donna des con-
feils & des lecons. Pendant le temps qu'il �tu-
dioit a Venife , il fit plufieurs Tableaux pour
les Nobles Mardinelli &c Pergonj�: mais le defir
de voir Rome 1'emporta fur ces diftin&ions flat-
teufes , il quitta Venife le 27 O&obre 1693. A
peine arriv� dans la Capitale d'Italie, il fe mit
a tout deffiner, & fuivant les traces de ceux
qui fe font rendus c�lebres dans les differentes
manieres, en prenant Fefprit de 1'un & de 1'au-
tre, il fe fortifia dans celle qu'il avoit puif�e
dans fon propre g�nie. Il ne put �chapper a la
Bande acad�mique qui le perf�cutoit, & il ne
fe d�barrafla d'eux qu'en fe faifant infcrire, il
fut nomm� Schild, en Francois, Bouclier, comme
Peintre de Batailles; il dut ce nom a la figure
qu'il employoitordinairement dans fes Tableaux.
On voyoit par-tout Rugendas deffiner tout, &
ne faire autre chofe: on ne connoit de lui que
deux Tableaux peints pendant fon f�jour a
Rome, 1'un pour Charles de Vogler, & 1'autre
pour M. Richter, Gouverneur d'un jeune Sei-
gneur.
La mort de fon pere lui fit quitter Rome;
les befoins de fa mere 1'appellerent pres d'elle:
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Flamands, Allemands & Hollandois. 81
il arriva a Augsbourg au mois de Juin 1695.
Ses anciens Amis & fes Prote&eurs Ie recurent
avec la plus grande joie , & lui firent des eom-
plimens fur les Ouvrages qu'ils avoient recus
de lui pendant fon abfence : on lui en comman-
da de nouveaux & en fi grand nombre qu'il fe
d�termina a fe fixer dans ia Patrie.
Il fe maria au mois de Mars en 1697, avec
Anne-Barbe Haidt. Il n'eut de ce mariage qu'une
fortune m�diocre , mais fes vertus lui tenoient
lieu de tout bien. Il eut Ie d�fagr�ment de fe
voir fans ouvrage, lorfque (es amis fe furent
fournis de fes Tableaux qu'ils avoient pay�s rai-
fonnablement: les autres Amateurs crurent Ie
forcer a en diminuer Ie prix; ils fe liguerent
de facon qu'ils auroient r�ufli, s'il n'avoit pas
trouv� dans fon g�nie des reflburces pour �chap-
per a leur artifice. En 1699, on vit paroitre des
Eftampes qu'il venoit de graver d'apr�s fes com-
positions. Les Cavaliers d�di�s a fon ami Hoff-
mann,
& quatre Efcarmouches plus grandes font
les premi�res gravures en maniere noire de notre
Artifte. Il grava auffi quelques Thefes.
Ayant a peindrela Bataille de Nerva o� Char-
les XII combattit contre Pierre Ie Grand, il
abandonna la gravure. Mais Ie Si�ge , Ie Bom-
bardement , la Prife & Ie Pillage d'Augsbourg
1'expoferent aux plus grands dangers. Plus occu-
p� de 1'�tude & de la gloire de fon Art que du
foin de fa fortune & de fa vie , il ofa voir de
pres ce qu'il n'avoit encore vu qu'en idee; on
Ie vit s'�chapper plulieurs fois de la Ville pour
confid�rer a loifir les effets des boulets & des
bombes, les attaques de llnfanterie & de la
Tome IV.                       F         Cavalerie,
-ocr page 87-
82               La Vis des Peintres
j666 Cavalerie, toutes les horreurs d'un Aflaut; les
' defliner de fang froid au milieu du carnage,
& en rapporter les deffeins ex�cut�s avec autant
de v�rit� que de g�nie. A mefure qu'il finiffoit
fes Tableaux, ils �toient enlev�s, jamais ex�cu-
tion ne fut plus prompte; malgr� tant d'obfta-
cles, la maifon fut tout-d'un-coup remplie de
Tableaux. M.MUlers d'Augsbourg enacheta cin-
quante, qu'il porta a Paris.
Un Marchand d'Eftampes fort riche qui fe
nommoit J�remie �^oZ/Jdemeurant a Augsbourg,
fe d�clara en faveur des Arts; il exhorta plu-
fieurs perfonnes de confid�ration de folliciter
avec lui les Magiftrats, afin d'obtenir T�tabliffe-
tnent folide d'une Ecole publique de Deffein;
1'Ecole fut �tablie en 1710, & Rugendas en fut
nomm� Directeur.
Ce fut a peu pres dans ce temps que 1'on de-
manda a ce Peintre la repr�fentation de la prife
du G�n�ral Steinbock., par les Troupes de Saxe
& de Ruffi�, auxiliaires du Roi de Danemark.
Il refufa de Ie faire, fous les pr�textes les plus
honn�tes ; mais on infifta , & fa familie avide
du grand prix qu'on lui propofoit, aida fort a
Ie d�terminer. Il entrepritce grand Tableau qu'il
n'acheva qu'en verfant des larmes. Il a regrette
toute fa vie de 1'avoir fait, tant il �toit attach�
a la Couronne de Suede, & fur-tout a la per-
fonneduRoi.
Rugendas ayant �t� occup� par plufieursPrin-
ces & Grands de TEurope , auroit tir� un profit
coniid�rable de fes Tableaux, fi la prife d'Augs-
bourg par les Francois & les Bavarois ne lui
e�t fait perdre Ie fruit de fon travail & de fon
economie,
-ocr page 88-
Flamands, Allemands & Hollandois. 83
economie. Une familie nombreufe ne lui permit         '
pas non-plus d'attendre les occafions de vendre 1666.
des Ouvrages faits, qui n'�toint point de com- ^s*
mande , il fe mit encore une fois a graver en
maniere noire, efp�rant que ce genre feroit plus
lucratif. Il repr�fenta des Maneges, des Atta-
ques, des Si�ges, &c. il pouffa Ie nombre de
fes Planches fort loin : mais comme il falloit,
pour augmenter Ie d�bit, tous les jours du nou-
veau ; il entreprit de graver des Thefes, aide
par deux de fes fils, il ne fit autre chofe de-
puis 1719 jufqucen 173 5. Il fcut ainfi entrete-
nir honorablement fa familie & fuffire aux d�-
penfes que lui canferent quelques-uns de (es en-
fansparleurinconduite.En I73$,s'�tantappercu
quefesforces diminuoient, il reprit la palette ,
dont Ie mauvais fucc�s Ie d�fefp�ra d'abord ;
mais ayant effay� de nouveau, il appella fes
enfans, & tranfport� de joie, il leur dit, je n'ai
rien oubli� ,jefuis encore Pe�ntre.
Il fit ufage du
pinceau jufqu'au dernier moment. Plufieurs atta-
ques d'apopl�xie annoncerent fa fin, qui arriva
Ie 10 Mai 1742., apr�s quatre jours de ma-
ladie.
Rugendasafolff�apv�s lui lar�putationd'hom-
me de bien, d'ami fincere & conftant; il par-
loit de fon Art avec efprit & jugement» Son amour
pour 1'�tude lui fit abandonner la compagnie des
Grands dont il �toit recherche; la folitude Ie
rendoit a lui-m�me ; il fe d�laffoit avec queb
ques amis, fans s'embarrafler de 1'�pithete d'hom-
me fingulier, qu'on lui donnoit injuflement, s'il
eft vrai qu'on prit une pareille fingularit� pour
un d�faut.
F 2           Nous
-ocr page 89-
84               La Vie des Peintres
Nous ne dirons rien de la Gravure, (es Ta-
bleaiix nous occuperont davantage. Son Deffein
eft ferme & correft, il m�rite un rang honora-
ble parmi les Peintres de Batailles : g�nie abon-
dant & cependant f�vere , il ne fe permettoit
de peindre que ce qu'il avoit vu dans la nature,
dont rien ne lui �chappoit. Il regne un ordre dans
fes plans , une vapeur qui d�grade les diftances,
les difpolitions font r�fl�chies, & fouvent fa cou-
leur eft tr�s-bonne. Tout ce qu'il a fait eft de
peu de travail & d�cele une grande facilit�. Il
avoitrang� lui-m�me fes Ouvragesen trois claf-
fes: mes premiers Tableaux , difoit-il , f�dui-
fent par la couleur & les touches de gout; Ie
deffein en eft m�diocre : dans Ie fecond age,
je me fuis attach� a la nature, jai n�glig� la
couleur. Le troifieme & Ie dernier temps, je me
fuis livr�a la jufteffe des expreffions , des pofi-
tions &des mouvemens vifs& paflagers. Cette
chaleur eft r�pandue dans la couleur m�me. Tout
cequ'ila peint depuis 1709 jufqu'en I7i6,eft
du dernier & bon temps : comme ce Peintre
tenoit un Regiftre exaft des Ouvrages qu'il fai-
foit pendant 1'ann�e, du prix & des noms de
ceux a qui il les vendoit, nous allons en rappor-
�n ter une partie.
1702. Deux Tableaux pour le Marquis de Brie ,
Envoy� de la Cour deTurin a celle de Vienne.
170I. Deux grands Tableaux pour le m�me ; 1'un
repr�fente le Si�ge deLandau , & 1'autre le Fort
de Kehl.
1705. Deux autres pour le Prince de Lichtenftein;
un pour le Colonel de Slnncr, plufieurs autres
pour le m�me.
                                          Une
-ocr page 90-
Flamands, Allemands & Hollandois. 85
Une Bataille pour M. R.ichtery a Prague, une
pour M. TUI, Joaillier de la Cour de Virtem-
berg, a Stutgard; une pour Ie Comte Francois-
Emmeric de Trautmanffdorf.
Quatre grands Tableaux pour l'EIe&eur de 1708.
Mayence ; quatre a utres pour Ie m�me en
1710.
Un pour M. Mayer,k Vienne, & plusieurs 1709.
pour M. Steiner a "NVinterrhur.
Un Tableau pour M. Grille, a Amfterdam.
Un autre pour Ie Margrave �Anfpach; un
pour Ie Prince de Lobkovvh\ & un pour Ie
Baron de Widemann.
Une BataiMe pour Ie Comte de Deiring.          1712.
Deux grands Tableaux pour Ie Duc Antoine- I7I^
Vlric de Wolffembuttel ;,en 1715 deuxautres de
m�me pour ce Prince, qui honora Rugendas
de fa bienveillance 3 lui rendit des vifites , &
lui commanda plufieurs Tableaux de m�rae
grandeur.
Un Tableau pour M. Hoffmann , a Lyon ; 1714.
un pour Ie Baron de Knorr, Envoy� d� Duc
de Brunfvvic Lunebourg.
Un pour Ie Comte de Hat^feld.                   i-rrj c.
Deux tr�s-grands Tableaux pour Ie Roi de 1-716.
Danemarck: 1'un repr�fente Ie Si�ge de la Ville
& Forterefle de Stralfund; Tautre , la reddition
de cette Forterefle.
On trouve beaucoup d'Ouvrages de ce Peintre
a la Cour de Suede.
A Rouen , dans Ie Cabinet de M. Brochant,
Auditeur en la Chambre des Comptes de Paris,
on voit deux Tableaux, 1'un eft un Tr�sorier
des Troupes, qui paie une Armee qui d�file
F 3 devant
-ocr page 91-
86        . La Vie des Peintres
devant lui au fortir d'une Ville. L'autre est une
Ville au-dehors, dont on fait Ie Si�ge.
On compte trente-huit planches grav�es a
leau-forte de fa main, & quatre-vingt de diff�-
rentes grandeurs en maniere noire.
Cinquante autres d'apr�s lui, grav�es par
Friederich ; Bodenehr, Engelbrecht & Corvinusy
tous Graveurs d'Augsbourg,
OTMAR ELLIGER,
�LEVE DELA1RESSE.
OTMAR ElliGER naquit a Hambourg
Ie 16 E�vrier 1666, Fils d'unPeintrehabile
qui �toit de ja Cour de FEle�eur de Brande-
bourg , Sc dont nous avons fait mention. Il apprit
de fon Pere les premiers �l�mens de la Pein-
ture; dela il fut a Amfterdam chez Mrchel van
MuJJcher.
Mais frap� de la beaut� des Ouvrages
de Laireffe, il parvint a entrer dans fon Ecole:
ce fut en 1686. On ne peut �tre plus exad que
Ie fut l'EIeve a fuivre les lecons de fon Maitre,
foit en copiant fes Ouvrages & ceux des autres ,
foit en copiant la nature. L'efpritdu jeunePein-
tre int�reffa LaireJJe: une annce de fes lecons
]e mit en �tat de compofer librement, fans
fuivre d'autre modele que la nature , & fans
avoir en vue la maniere de perfonne ; la fienne
eft grande & noble, fes fonds d'une belle Ar-
chite�ure : on y retrouve les reftes pr�cieux
des Egyptiens , des Grecs & des Romains. Si la
fcene
-ocr page 92-
Flamands, Allemands & Hollandois. 87
fcene de fa compoiition devoit �tre repr�ient�e
dans une de ces Contr�es , il introduisoit enco
re des bas-reliefs relativement au temps: c'�toit
un homme de g�nie & nn homme d'efprit, fes
Tableaux int�ressent Ie Peintre & Ie Scavant.
\\ peignit a Amfterdam plufieurs plafonts 8c
de grands fujets pour orner des Salons publics
& des Appartemens. L'Ele&eur de Mayence
prit tant de plaifir a la vue de fes Ouvrages ,
qu'il lui cornmandadeux tr�s-grands Tableaux;
1'un repr�fentoitla Mortd'Alexandre, 1'autre les
N�ces de Th�tis & de P�l�e; on vante ces deux
compoiitions nombreufes & d'une belle ex�cu-
tion. L'Ele&eur fut fi fatisfait, qu'il paya 1'Ar-
tifte , & lui fit en outre un riche pr�fent, il Ie
nomma fon premier Peintre : titre (\\iElliger
refufa ainfi que la penfion qui y �toit attach�e,
pr�f�rant la libert� a un honorable efclavage;
il retourna chez lui. La Typographie fut orn�e
de compoiitions ing�nieufes de ia main , mais
il en fut fi occup�, qu'il ne lui refta plus de
temps pour peindre de grands Ouvrages ; il fit
des Tableaux en petit, �galement dignes d'�tre
places dans les Cabinets : on vante encore de ce
bon Artifte Ie Feftin des Dieux, grand Tableau
qui fuffit pour Timmortalifer.
Mais eet homme ii aimable & fi eftim� tom-
ba bient�t dans la crapule & Ie m�pris. Ses Ou-
vrages ne reffemblent plus a fon premier temps;
mani�r�s de mauvaife couleur , & prefque tou»
m�diocres, ils nous apprennentque Ie g�nie ne
peut fe foutenir avec la d�bauche. Il eft mort
a 1'age de foixante-fix ans , Ie 14 Novembre
1732. On voit dans Ie Cabinet de M. Half-
F 4 WaJJenaer%
-ocr page 93-
88                La Vie des Peintres r
sss Waffenaer, a la Haye, un beau Tableau d'El-
x liger
repr�fentant Alexandre mourant.
ALBERT VAN SPIERS,
� L E V E
DE GUILLAUME VAN 1NGEN.
ALbert van Spiers naquit a Amfter-
dam en 1666. Il �toit un des bons Eleves
de van Ingen, & d�ja habile , lorfqu'il prit la
route de Rome, bien d�termin� a s'y former
d'apr�s Ie beau ; Raphael, Jules Romain & Ie
JDominicain, ont �t� les Maitres qu'il a �tudi�s
avec la plus grande application: ceux qu'il ne
put copier en Peinture furent deffin�s avec cette
corre�bion qui marque Ie gout & Ie deur de
profiter de tour. Il ne put �chapper a la Bande
acad�mique qui Ie re5ut & Ie nomina Pyramider
parce qu'il �toit grand ik maigre.
Il quitta Rome pour aller �tudier la couleur
a Venife. Paul Verpne^e fut encore Ie Maitre
qui flatta fon gout; il �pia dans FEcole de Carlo
Lothl
la marche de eet Artifte, qui �toit pour
lors dans Ie fort de fa r�putation; tous ceux qui
�toient dans ce temps a Venife, convinrent
que Spiers �toit tr�s-propre a faire honneur a
fon Pays: il y retourna en 1697.
Amfterdam lui fournit de grands Ouvrages ;
des Plafonds , des Appartemens furent entiere-
ment d�cor�s de fa main. Sa fortune & fa r�-
putation
-ocr page 94-
Flamands, Allemands & Hollandots. 89
putation 1'exciterent a redoubler fon affiduit�;
mais il fe ruina tellement la fant�, qu'il mourut
d'une maladiede langueuren 1718, ag� decin-
quante-deux ans.
Le m�rite de eet Arrifte eft tr�s-vant� par fes
Confr�res; il avoit de 1'imagination, de la
correftion , & la bonne facon de ne jamais nc-
gliger la nature, qui fut toujours fon premier
modele. Il ne quitta pas non plus la marche des
Maitres d'Italie, d'apr�s lefquels il s'�toit form�:
de maniere cependant qu'en fuivant toujours fon
g�nie , il ne les imitoit que quand ils imitoient
la nature.
JURIAEN
-ocr page 95-
JURIAEN POOL.
Uriaen PoOLnaquit a Amfter-
dam en 1666, il avoit �pouf� �a*
chelRuifch,{i c�lebre dans laPein-
ture. Poo/peignoitbienlePortraiti
il avoit joui des bienfaits de 1'Elec-
teur Palatin, qui aimoit les Ouvra-
ges de fa Femme & les fiens. Apr�s la mort de
1'Ele�eur, fon attachement a ce Prince lui fit
quitter la Peinture qu'il av�it tant aim�e, &
par laquelle il s'�toit fait un nom: il s'occupa
depuis du commerce des Dentelles, au grand
regret des Amateurs, & fans qu'il ait �t� pofli-
ble de f5avoir la raifon de ce changement. Il eft
mort a lage de quatre-vingt ans? en 1745.
N. VAN
-ocr page 96-
La Vie des Peintrcs, &c.                91]
N. VAN SCHOOR.
VAn Schoor naquit a Anvers vers 1'an
1666. Il deffinoit bien , il compofoit avec
g�nie & facilit� , & il colorioit agr�ablement.
Cet Artifte �toit fort occup� a faire des mode-
les pour les TapifTeries de la Ma nufaft ure d'An-
vers , & pour celle de Bmxelles, II peignoit
encore des Nymphes, des G�nies & des Jeux
d'Enfans pour Morel, Peintre de Fleurs, & pour
Rysbrack , Payfagifte. Il f<jut r�pandre tant de
grace dans fes figures, qu'elles furent fingulie-
rement recherch�es : ce Peintre a beaucoup
travaill� pour la Flandre & pour Ie Brabant.
On affure qu'il eft mort riche , c'eft tout ce
qu'on nous apprend de lui.
N. E D E M A.
CDema, que Ton croit n� dans la Province
■"-1 de Frife , eft un Payfagifte eftim�. Il paffe
a Surinam pour y copier les Infe&es & les Plan-
tes: ce genre lui ayant peut-�tre paru trop bor-
n�, il 1'abandonna pour deffiner des Vues, des
Arbres, &c. Il parcourut enfuite les Colonies
Angloifes dans rAm�rique, o� il deflina tout,
il y peignit m�me quelques Tableaux qu'il rap-
porta a Londres. Tout ce qui fortoit de fa main
�toit bien colori� & touche avec efprit. Ses
Tableaux
-ocr page 97-
              La Vie des Peintres
" Tableaux avoient, aux yeux des Anglois, Ie
1606. m�rite de leur repr�fenter des Vues d'un Con-
tinent qui les int�reflbit. Edema prof�ta de
cette vogue. Il fero�t mort plus riche, & il
aursit peut-�tre v�cu plus long-temps, s'il avoit
�t� plus fobre; mais on nous affure qu'il aimoit
trop Ie vin.
HENRI HERREGOUTS.
HErregouts naquit a Malines vers 1'an
1666. Le Maitre de eet Artifte nous eft
inconnu, mais il �toit n� Peintre & plein de
g�nie: les exemples des grands Maitres , &
1'�tude de la nature le formerent tellement, que
fon nom pafla dans toutes les Villes de la Flan-
dre , celles d'Anvers, Liere } Louvain, Bru-
ges,&c. occuperent tour-a-tour fon pinceau;
il quitta Malines, & fut demeurer a Anvers o�
il augmenta le nombre des bons Artiftes. Il y
eft mort, fans que 1'on fcache en quelle ann�e:
il a laiff� un Fils qui a fuivi de pres les talens
de fon Per e.
Herregouts, appell� le Vieux, avoit une
grande & belle maniere, il compofoit avec
g�nie & avec efprit, il deflinoit bien & colo-
rioit de m�me ; fes idees font nobles, fes �-
gures ont de 1'expreflion & du cara�ere, (es
draperies font bien pli�es & d'apr�s la nature.
Ce Peintre avoit acquis une grande facilit�,
la touche de fon pinceau eft ferme & tr�s-large.
Voici quelques Ouvrages qui nous font
connus
-ocr page 98-
Flamands, Allemands & Hollandois. 9 3
connus bien plus que les particularit�s de fa **■�
vie.
                                                               1066.
Dans la Chapelle des Tonneliers de 1'Eglife -�-~
de Notre-Dame d'Anvers, Ie Martyre de Saint
Matthieu, Patron de cette Communaut�.
Dans 1'Eglife des Jefuites a Anvers, il a re-
pr�fent� Saint Franc, oisXa vier, qui met en fuite
1'Arm�e des Idolatres, en leur pr�fentant un
Crucifix. Aux Carmes, des Payfages, par Lu*-
cas Francois ,
& d'autres par Herregouts:
des Payfages par AJJelin , o� il a peint les fi-
gures.
A Bruges, dans 1'Eglife de Notre-Dame ,
Saint Tryon, Tableau d'Autel.
Dans 1'Eglife Paroifliale de Sainte Anne,
au-deffus de la porre de 1'Eglife , eft un des
plus grands Tableaux connus; il repr�fente Ie
dernier Jugement. Les Figures fout deux fois
plus grandes que nature. On n'y peut rien d�-
firer pour la compolition & Ie deflein, c'eft
1'Ouvrage d'un homme de g�uie & d'un bon
Peintre ; il auroit pu voiler davantage Ie nud,
& on lui en auroit feu bon gr�.
Dans 1'Eglife des Jacobins, on voit Saint Do-
minique en Priere, & 1'Apparition de notre
Seigneur en Croix.
Dans 1'Eglife de 1'H�pital de la Madeleine,
la R�furre�ion de notre Seigneur , Tableau du
grand Autel j la Madeleine P�nitente, autre
Tableau d'Autel ; & notre Seigneur au tom-
beau, a c�t� du grand Autel.
Voici quelques Tableaux d''Herregouts Ie Filr,
places dans Bruges.
                (
Dans 1'Eglife Paroiffiale de Sainte Anne,
Ie
-ocr page 99-
P�mtres, &t.
Ie Tableau du maitre Autel repr�fentant te.
Vierge dans la Gloire.
Aux Carraes chaufles, une affembl�e de Car-
dinaux & d'Ev�ques , devant lefqiiels un Saint
de 1'ordre de ces Religieui pr�che.
Aux Carmes d�chauff�s, la Pr�fentation au
Temple: Ie Tableau du maitre Autel repj^�fem
te la Vierge, & d'autres Saints & Saintes qui
prient Dien de ne point d�truire Ie monde.
JEAN
-ocr page 100-
JEAN KUPETZKY,
�LEVE DE CLAUS.
IE cara&ere dejean Kupetqki fut ��
Iauffi fingulier que fes talens, 8r 1667.
Ifes avantures auffi m�l�es de prof- ^ssss»
I p�rit�s & de difgraces que fes pro-
Idu&ions furent in�gales en m�rite
& enfucc�s.
Jean Kupetfki, originaire de Boh�me, na-
quit en 1667 a Porfine, fur les frontieres de
la Hongrie, d'une familie obfcure qui ne put
lui donner une �ducation proportionnee a fon
g�nie; fon Pere Ie forca a faire fon m�tier de
Tifferand, qu'il fit effe�ivement avec un d�-
go�t
-ocr page 101-
96               La Vie des Peintres
gout invincible jufqu'a l'age de quinze ans. Alors
' d�termin� a tout ce qui pouvoit lui arriver de
plus facheux, il aima mieux quitter la maifon
de fon Pere que de continuer fon m�tier. Le
jeune homme qui avoit horreur d'�tre Tiffe-
rand, n'en eut pas de demander 1'aum�ne. Lorf-
qu'il alloit de porte en porre expofer fa mifere,
le hazard le conduifit au Chateau du Comte de
C^obor, o� �toit un Peintre de Lucerne, appell�
Claus. Kupet^kicon�d�ratoutavecfaplus grande
attention, & fans penfer qu'on 1'examinoit, il prit
un charbon & deffina furla muraille quelquesor-
nemens avec tant d'exa�itude & de feu, qu'il
furprit le Comte & le Peintre. Le premier lui de-
manda le nom de fon Maitre ? Je n'en ai point eu
d'autre, dit-il, que moi & mon gout pour la Pein-
ture. Le Comte le mit fous la conduite de Claus,
& lorfque celui-ci eut fini (es Ouvrages au Cha-
teau , le Comte lui donna g�n�reufement cent
�cus pour 1'inftru�ion de 1'Eleve qui fiiivit fon
Maitre a Vienne , & qui lui fut d un grand fe-
cours pour fes Ouvrages. Pendant fes heures
de repos il copia aufli les Tableaux de Carlo
Lothi,
donr il a toujours aim� la maniere. Cotn-
bien de jeunes gens , dont la mifere �touffe le
g�nie , & qui feroient devenus de grands hom-
mes , fi on eut cherch� a les d�couvrir!
Mais fa vocation pour la Peinture devoit�tre
encore �prouv�e. Il quitta Vienne & fon Maitre
apr�s trois ann�es d'�tude, dont il he tira d'au-
tre avantage que trois Copies qu'il avoit faites
d'apr�s Lothi, & une Lettre de recommanda-
tion pour le Chevalier L�bri , a Venife ; mais
ce Seigneur nelui rendit aucunfervice. Ses Ou
vrages
-ocr page 102-
Flamands, Allemands & Hollandois. 97
vrages n'eurent aucun fucc�s, il eut beau les
produire dans toutes les Villes d'ltalie & dans ' 7'
Rome m�me, perfonne ne vouloit employer -----
fon pinceau: la mifere & la faim Ie fuivoient
par-tont. Etant entre dans une Auberge pour de-
mander rAum�ne, un Peintre SuifTe appel�
FueJJU, ayant apprisde lui l'�tat d�plorable o�il
�toit reduit malgr� fes talens , eut compaffion
de fon confr�re, Ie conduifit chez un Artifte qui
Ie refufa: ma�s �tant place chez unautre, il fe crut
Ie plus heureux & Ie plus riche de tous les hom-
mes , pnifqu'il avoit de quoi vivre : fon Maitrene
lui demandoit que de la promptitude. Il acheva
dans un feul jour neuf t�tes de Papes a un demi-
�cu la piece. La nature accorde des talens,
mais la fortune n'y attach� pas toujours des ri-
cheffes. 11 fe fit des amis , & il perfe�ionna fes
talens , en fuivant les Acad�mies & en puifant
Ie fublimedans les Chefs-d'ceuvres du grand Ra-
pha�l.Agricola,Blendinger,Dam,Beich,FueJJIi,
Eichler, &c.,
auxquels il s'attacha particuliere-
ment, furent furpris de fes progr�s; fa fortune
& fa r�putation augmentoient de jour en jour ,
lorsqu'une maladie dangereufe Ie mit au bord
du tombeau; Ie M�decin de 1'Ambaffadeur Ten-
gagea d'aller fe r�tablir a Frefcati.
Quelques perfonnes de diftin�ion fe f�rent
peindre par lui, & fes Portraits flrent tant de
plaifir, que tous lui confeillercnt de travailler
pour Ie Public & pour fon propre compte ,
fans fe lier a un Marchand qui, en profitant
beaucoup fur fes Ouvrages, Ie preffoit trop &
lui �toit Ie temps de parvenir a la perfe&ion.
Il compofa quelques Tableaux d'Hiftoire;
Tome. IV.                               G           fes
-ocr page 103-
g8                  La F~ie des Peintres
~~Z (es r�flexions d'apr�s les Ouvrages des grands
'' Maitres & d'apr�s la nature lui ont indiqu� la
' bonne maniere: il revint cependant toujours
a celle de Lothi. Ses Tableaux lui furent enlev�s
par un Marchand, qui f<jut les vendre a grand
prix, fans nommer 1'Auteur, qu'il difoit �tran-
ger. Le Prince Stan�jlas Sobieski, pour lors a
Rome , acheta tous ceux que le Marchand lui
apporta, fans pouvoir d�couvrir celui qui les
avoit faits , quelque recherche qu'il f�t.
Jufqu'alors Kupet^ki hors d'�tat der�compen-
fer un M�decin qui 1'avoit enlev� a la mort,
avoit cru ne pouvoir mieux faire que de lui
donner un Tableau qui avoit paru lui faire plai-
fir; il repr�fentoit un pauvre Vieillard & un jeune
Enfant peint d'apr�s nature avec beaucoup de
v�rit� : le M�decin en fit pr�fent a rAmbaffa-
deur de 1'Empereur, qui le placa dans fon Ca-
binet. Sobieski ne 1'eut pas plut�t vu , qu'il re-
connut 1'Auteur qu'il cherchoit depuis long-
temps , il le fit venir & 1'engagea a ne peindre
que pour lui. Il commenca par le Portrait de
ce Prince ; il fit pendant deux ans plufieurs Ou-
vrages pour lui, qui furent toujours pay�s au-
dela du prix fix�. Devenu riche par fes Ou-
vrages & fes �pargnes, il voulut alors revoir
le c�lebre Guide, dont il �toit le plus grand
admirateur; il trouvoit 1'Ecole de Rome correc-
te pour le deffein, mais inf�rieure pour la cou-
leur. Son gout a eet �gard fut un sur garant de
fon g�nie, auffi le coloris fut-il fa perfe&ion do-
minante , & pour laquelle la nature 1'avoit fait
naitre.
Il alla a Bologne copier & �pier le Guide
dans
-ocr page 104-
Flamands , Allemands & Hollandois. 99
dans fa couleur, dans la touche & dans toutes ,,
les autres parties que ce Peintre avoit prefque ''
r�unies en lui feul. Il vifita Florence & Man- '
toue o� il copia auffi Ie Co rre ge ; & enfin arriv�
a Venife, Ie Titien acheva de lerendie Ie plus
grand Colorifte de fon temps. Les Portraits de
Kupet^ki fmentpr�f�r�s a ceux du Peintre Pom-
pelly :
Ie premier avoit une excellente couleur,
un pinceau plus large & une touche plus fpiri-
iuelle. Lorfqu'il fut bien connu, {es Tableaux
n'eurent plus de prix, les Princes fe les enle-
verent les uns aux autres. Celui de Meklenbourg
voulut fe 1'attacher; d'un autre c�t� Ie Prince
Adam de Lichtenflein, qui aimoit paffionn�ment
laPeinture, & qui payoitdespenfionsades Artif-
tes pour s'inftruire, engagea Ie n�tre a 1 aller trou*
ver a Vienne, Ville digne d'occup�r fes talens. Il
quitta 1'Italie apr�s vingt-deux ans de f�jour &
d'�tude ; il fut recu a Vienne chez Ie Baron de
Schotenflein, au FauxbourgL�opold; il fit lePor-
trait de ce Seigneur & de fa Familie* Ce Ta-
bleau fut recu avec rapplaudiffement de toute
la Ville, il fut regarde comme bien fup�rieur
a Stampan, Donauer & van Schappen, qui
�toient des hommes de m�rite.
Le Prince de Lichtenftein vifita Kupet^ki, &
lui dit, vene\ demeurer dans mort Fa/ais, vous
paffere^ agr�ablement vos jours au milieu des
chef-doeuvres des grands Maitres dontvous [ere\
entour�.
Son amour pour la libert�luifltrefufer
ces offres honorables;mais il futfi vivementfolli-
cit� qu'ilpaffa dans Tappartementquilui �toitde-
ftin� auPalais du Prince , qui fit faire fon Portrait
jufqu'aux genoux. Ce Tableau , vant� a la
G 2 Cour,
-ocr page 105-
loo                  La Vie des P e in tres
-          Cour , plut beaucoup a 1'Empereur & a rim-
1667. p�ratrice.
' J�' Le defir de revoir fon pere apr�s une lon-
gue abfence , auroit pr�cipit� fon d�part, s'il
n'e�r appris fa mort , dont il fut extr�mement
touche : ma�s ce qui le confola un peu, ce fut
d'apprendre que fon Pere lui avoit pardonn�,
avant de mourir , fa fuite & fa premiere pro-
feflion de Mendiant; il apprit auffi la mort d'un
antre Pere, qui devoit lui �tre auffi cher que
le premier, c'ctoit le Peintre Claus, fon Maitre,
qui laiffa en mourant une Fille extr�mement
jolie. Plein de reconnoiffance pour les bienfaits
du Pere, il crut, en �poufant fa Fille, s'acquit-
ter de ce qu'il lui devoit. Mais ce manage, dont
il fe repentit toute fa vie, fut pour lui la caufe
de beaucoup de peines: elle �toit Catholique ,
& il �toit Luth�rien z�l�; elle �toit jolie, il
�toit jaloux; il �toit laborieux & fage, elle �toit
prodigue & libertine: 1'inconduite de fa Femme
fit fur fon ame une imprei��on d'autant plus pro-
fonde, qu'il avoit l'efprit foible & fujet a des
�garemens qui tenoient de la d�mence & fou-
vent de la folie.
La mort de 1'Empereur Jofeph, en 1711, &
Tavenement de Charles III, Roi d'Efpagne,
qui vint prendre la Couronne Imp�riale, chan-
gea tout dans cette Cour, except� 1'ame de
Kupef{ki, qui, ne s'attachant a rien, �toit tou-
jours libre. Cette efpece de r�volution n'en fit
aucune dans fa fortune , il �toit tr�s-connu de
rimp�ratrice, la plus belle Princeffede 1'Europe,
qu'il avoit eu 1'honnenr de peindre. Il confer-
va, fous le nouvel Empereur, le m�me rang
qu'il avoit fous le precedent.
                         En
-ocr page 106-
Flamands, Allemands 6" Hollandois. i o i
En 1716, Ie Czar Pierre �tant arriv� a ~
Caarlsbad, vit quelques Tableaux de notre Pein- ?7*
tre , qu'il admira; il ordonna auffi tot a fon
Miniftre, r�fident a Vienne , de lui envoyer
Kupet^ki, qui lc refufa. Notre Peintre, qui avoit
peur de tout , craignoit la Cour, & fur-tout
Ie Czar. Ce Prince s'adreffa a 1'Empereur m�me.
11 fallut partir fur Ie champ: on lui donna un
cong� de fix mois avec une patente & Ie titre
de Peintre du Cabinet de FEmpereur.
Le Czar 1'attendoit avec impatience , on Ie
pr�vint fur les grimaces qu'il raifoit, & qui au-
roient pu �tonner le timide Kupetqki. L'Empe-
reur ne lui parut pas ii terrible , il s'entrete-
noit fouvent avec le Peintre en langue Boh�-
mienne , & s'en fit aimer au point que celui-ci
avoua depuis qu'il avoit ferm pour ce grand
Prince «ne admiration que perlonne ne lui avoit
encore infpir�e , mais il ne put fe r�foudre a
le fuivre.
Sollicit�, quelques ann�es apr�s, d'aller a
Petersbourg, il y envoya Donauer , qui y fit
une fortune brillante. Il ne put cependant finir
tous les Ouvrages command�s pendant le f�jour
du Czar a Caarlsbad. 11 fit venir Davld Hoyer,
Peintre de Leipfick , qui lui fit fes copies &
quelques habillemens..AT«^e�<[fcialla enfuite ache^
ver a Leipfick ce qu'il avoit entrepris; il y fut
recu avec diftin�tion ; il y peignit encore les
premiers du Pays : alors combl� de pr�fens &
d'argentil retourna a Vienne , o� il mena Hoyer:
il trouva fa Femme accouch�e d'un fils: il fut
re9u par-tont avec joie; c.'aurok �t� une f�li-
cit� pour lui, fi elle n'avoit �t� interrompue
G 3              par
-ocr page 107-
102                La Vie des Peintres
~7Z par rinconduile de fa Femme qui avoit du pen-
' chant pourle libertinage: il lui tomba par hazard
" des Lettres dans les mains �crites en Allemand: ne
fcjachant point la langue, il les fitinterpr�ter par
Hoyer: il y d�couvrit un commerce honteux de
fa Femme avec 1'Agent d'une Cour �trangere
qu'on ne nomme pas, qu'il avoit cru fon ami,
& a qui il avoit, pendant fon f�jour a Caarls-
bad, confl� fa Femme & fa maifon. Il d�fendit
fa maifon a PAgent & a fa Femme, qni s'avoua
coupable, demanda deux jours pour mettre ordre
a (es affaires avant de fe f�parer. Le temps
expir� , elle vint trouverfon Mari, & baign�e
de larmes, le nouveau Teftament en main, elle
lui fit des adieux tendres , lui recommanda fon
fils , & le remercia de lui avoir ouvert les yeux
fur la Religion , le priant de la faire inftruire
clanslaLuth�rienne. Cette perfldie eut fon effet:
notre Peintre, enthoufiafte ourr� , donna dans
le pi�ge , tout fut pardonn�. L'Aum�nier de
rAmbafTadeur de Danemarck fut charg� de
Tinflrn�ion : on fut tranquille pendant quelque
temps.
Le cara&ere aimable & bienfaifant de 1'Im-
p�ratrice lui avoit acquis 1'amour de fes Sujets.
Les premiers Seigneurs de la Cour de Vienne
ayant fuppli� 1'lmp�ratrice de vouloir bien accor-
der quelques momens au Peintre Kupei^ki pour
leur procurer fon Portrait: il eut 1'honneur de
peindre plufieurs fois cette aimable & bienfai-
iante Princeffe. Un jour qu'il finiflbit fa t�te ,
1'Empereur en fut fi fatisfait, qu'il lui dit, en
lui frappant fur 1'�paule : Kupet^ki, vous fere/,
notre Peintre; il y r�pondit par une profonde
inclination.
-ocr page 108-
Flamands, uillemands & Hollandois. io3
inclination. De retour chez lui, il fit fermer (j. .,
porte pour travailler plus tranqu�lement a ce j ]_ ^'
Portrait; a peine �toit-il mont�, qu'on vintlui
dire que Ie Comte �Althan demandoita lui par-
Ier de la part de rEmpereur ; on Ie laiffa mon-
ter avec peine: Je niefiime fort heureux , lui
dit-il, Monj�eurj que l'Empereur malt ckaiji
pr�f�rablement a toutautre, pour vous annoncer
qullvousa nomm� fon premier Peintre,qu'd
vous laijje le maitre defixer les conditions qui
vous ferontles plus avantageufes.
Voyant que
Kupet^ki ne r�pondoit point, il crut que la joie
pouvoit en �tre la caufe , & il lui dit: Que dois-
je dlre de votre part d l'Empereur ?
Sa r�ponfe
fut: Votre Excellence diraqueje Ie remercietr�s-
humblanent de cette grace, que je lui demande
pardon de ne la pouvoir accepter,parce que je
fuis entierement r�folu de ne d�pendre d'aucun
homme ; lafeule faveurque je dejire d'obtenirde
l'Empereur, c'efi qu�l daigne me prot�ger, ma
femme & monfils dans notie Religion.
Tout ce
que put faire Ie Comte ne fit point changer Ku-
petyki:
ils fe quitterent. Le Comte m�content
retourna a la Cour: l'Empereur, qui �toit avec
Ie Prince Eugene , demanda la r�ponfe du Pein-
tre ; elle fut fidelement rendue; le Monarque
en colere , dit, Kupet^kl eil un habile Peintre,
mais un fou.
Cette avanturefe r�pandit par-tout, chacun
en parloit fuivant fa facon de penfer. �l fut
blam� de tout le monde , except� du Prince
Eugene, qui lui dit apr�s , en fe faifant peindre :
» Tout fimple particulier que vous �tes, je vous
» trouve plus heureux que ces pr�tendusGrands,
G 4 » qui %
-ocr page 109-
La Vie des Peifitres
T7IZ" » q"i dans nne vie agit�e d'inqui�tudes , lont
i - » continuellernent expof�s aux attaques de 1'en-
» vie. »
Notre Artifte �prouva bient�t que les grands
talens y font auffi expof�s que les grandes pla-
ces. Ses enncmis employerent contre lui Ie pr�-
texte de la Religion, mais fans fruit. Un Peintre
Luth�rien , quiaffe�toit d'�tre 1'ami de Kupet\ki,
fit plus que les autres enfemble: il lui dit en
confidence que l'on avoit Ie projet de l'enlever,
fa femme & fon fils, pour Ie mettre a 1'Inqui-
fition, que Ie Clerg� �toit offenf� de 1'infrruc-
tion publique de fa femme dans la Religion Lu-
th�rienne.
Cette fauflet� fit fon effet: Kupef^ki, foible
& inquiet, crut ne trouver fa f�ret� que dans
la fuite; il porta fes vues vers Nuremberg , ovi
vivoit honorablement Ie Peintre Blendiger,qn'il
avoit connu en Itali� ; il lui �crivit pour lui de-
mander un logement honorable, & des amis
contre la perf�cution ; Ie Magiftrat de la Ville
en fut inform�, & on s'eftima heureux d'avoir
un homme de fa r�putation ; a peine recut-il
la r�ponfe , qu'il y envoya fon fils & fa femme ,
fous pr�texte d'un voyage a Caarlsbad , & lui
m�me s'�vada comme nn criminel, fans que l'on
fc�r dans Vienne la raifon de fa conduite , &
fans pouvoir obtenir fon retour; fes envieux
feuls en profiterent.
Arriv� a Nuremberg chez Blendiger, les prin-
cipaux de la Ville lui firent des vifites fr�quen-
tes. L'Eledeur de Mayence,le Duc de Gottha,
Ie Margrave d'Anfpach & 1'Ev�que de Wurtz-
bourg l'appel!erent a leurs Cours, mais il ne
rena
-ocr page 110-
Flamands, Allemands & Hollandois. io5
refta aupr�s d'eux que Ie temps qui lui �toitn�-
cei�kire pour faire leurs Portraits. Le Roi d'An-
gieterre , pour lors a Hannovre , envoya un
Seigneur aKupet^ki pour l'engagerd'aller aLon-
dres: il le refufa, auffi-bien que la Reine de Da-
nemarck qui 1'invita en 1733 , dans les termes
les plus honorables ; il s'excufa fur ion age &
la d�licateffe de fon temperament.
La mort de ion Fils, arriv�e le 6 Novembre
1733 , mit le comble a fes malheurs: ce Fils
unique �toit fa conlolation & tor.te fon efp�rance.
Ag� de dix-fept ans,il fcavoit le Latin, le Grec,
deffinoit & peignoit affez bicn pour faire efp�rer
qu'il remplaceroit un jour fon pere : cinq 011 fix
jours de tmladie Tenleverent. Kupet^ki fut dans
un �tatd�fefp�rant, il ne voulut point permettre
d'enterrer fon fils , quoique mort de la petite
v�role: on craignit qu'il ne perdit Tefprit. Son
Eleve& fon ami, M. Fueffli, en fit faire rentcr-
rement en fecret ; le temps qui confole de tout
auroitrendupeu-a-peuanotrePeintrefa tranquil-
lit� ,lorfque fa Femme penfa le d�fefp�rer. Le Ba-
ron de Stydtl, fon ami intime , qui connoiffoit
cette Femme & fes intrigues, confeilla a Kupet^ki
depayerle Pr�cepteurdefonFils, dele renvoyer
& de faire un Teltament en regie : tout fut fait
ainfi; mais cette Femme, qui ne pouvoit fe paffer
du Pr�cepteur , & qui ne trouvoitpas affez fon
int�r�t dans le Teftament, mena?a fon Mari
<rinftruire une grande Cour des paroles indif-
cretes qu'il avoit tenues contr'elle; s'il ne rap-
pelloit le Pr�cepteur, & s'il ne r�voquoit le
Teftament. I! fit 1'un & 1'autre. Une goutte re-
mont�e & une hydropi�e lui cauferent des dou-
leurs
-ocr page 111-
io6              La F"ie des Peintres
leurs inexprimables , qu'il fupporta avec la pa-
tience d'un vrai Chr�rien ; enfin la mort Ie d�-
livra de fes maux en 1740. On ne lui fit point
d'obfeques, il fut port� dans un carofle , &
a la pointe du jour enterr� dans Ie Cime-
tiere de Saint Jean: il fut mis dans une foffe
aupr�s de fon Fils. KupetTjci, perf�cut� pendant
fa vie, Ie fut encore apr�s fa mort. On pr�-
tendoit qu'il n'avoit jamais �t� d'accord fur Ie
culte ext�rieur de fa Religion , qu'il nefr�quen-
toit point les Eglifes , & qu'il ne s'�toit jamais
approch� de la fainte Table. M. Ie Comte
�.'Ha^edornn croit qu'il �toit de la Communion
des Hujj�tes. Quoiqu'il en fok, M. Fuefjl� *,
(on
Eleve , nous a donn� fa Vie, il Ie juftifie
affez par 1'extrait de fon Teftament que voici
en abreg�.
Il laiffa a fa Femme une rente viagere , qui
retourneroit apr�s fa mort a fes Freres & fes
Soeurs, dans Ie cas o� ils feroient reli�s attach�s
a la Religion Evang�lique : une partie aux R�-
fugi�s de Saltzbourg, &ad'autres perfonnes dans
la mif�re, y comprenant les pauvres Ecoles de
Nurenberg, &c.
Il avoit une fi grande confiance en M. Fiiefjli,
qu'il 1'avok charg� de mettre Ie prix a fes Ou-
vrages, dont il avoit orn� fon Cabinet, & de
les vendre a des gens dignes , par leur gout,
de les pofleder , enfuite de remettre les fonds
aux
M. Fuejfli, Peinrre habile a Zurich, nous a donn� Ia Vie des
Peintres Suifles, & de que'ques Allemands, en 5 vo!. Son Ou-
vrage , orn� de Portraits Sc do Vignettes, defl�n�es Sc pravces
par lui, eft un garant affez f�r de les talens pour la 1'eintu-
le, & ile Ton gout pour les Lsttrcs.
-ocr page 112-
Flamands , Allemands & Hollandois. Ier?
aux Executeurs teftamentaires; pourhonoraire,
il lui l�gua fes Efquifles & Defleins : pr�fent di-
gne d'un Maitre & d'un Ami,
C'eft encore d'apr�s Ie m�me Hiftorien que
nous allons donner une partie du jugement qu'il
porte fur (on cara&ere & fur fes Ouvrages,
avec une courte lifte de fes Tableaux.
On pourroit en partie Ie comparer a Rem-
brant
pour la couleur, a van Dyck pour les mains
de fes Portraits. Un Ecrivain �clair� dit qu'elles
�toient trop d�charn�es & les doigts trop courts.
M. Fuefjii aflure que ce d�faut ne lui eft point
ordinaire, & il 1'en juftifie ; cependant il dit
ailleurs que Kupet\ki reftoit a la fin long-temps
fur fes Ouvrages, qu'il les auroit gat�s fi on ne
les lui avoit pas retir�s. Il dit auffi qu'il n'eft tom-
be dans ce d�faut que dans fa vieilleiTe : ce Pein-
tre difpofoit bien fes Portraits , il ne finiffoit
gueres fes draperies ; il pr�tendoit, comme
Rembrant, que les t�tes m�ritoient feules les at-
tentions du Peintre; quant a la couleur, Ia force
& Tintelligence du clair-obfcur , on afTure que
perfonne ne Ta �gal� : il n'en eft pas ainfi du
choix ; la nature ne lui avoit pas donn� cette
fineffe & cette vivacit� de fentiment fi n�ceffaire
pour faifir fes beaut�s les plus fecrettes; la nature
�toit en lui plut�t un inftin�t qu'un fentiment
�clair� : il voyoit bien du premier coup d'oeil,
mais il voyoit fans r�flexion , fans examen , fans
critique. Ces d�faiits, au refte,tombentp!us fur
ion �ducation qui fut trop n�glig�e, que fur fon
g�nie qui fut admirable.
Ses occupations ne lui laifferent pas Ie temps
de faire 1'effai de (qs talens fur THiftoire. M.
Fueffd
-ocr page 113-
1C8                La Vie des Peintres
Fuefjli dit avoir vu des efquifles & des penf�es
fur Ie papier, compof�es avec efprit. L'Auteur
loue encore dans fon Maitre une compofition
afiez finguliere. KupetTjd, toujours occnp� de
fon Fils, 1'avoit vu dans un fonge affis dans Ie
Ciel, environn� d'une gloire. Cette heiireufe
idee , qu'il ne devoit quau d�rangement de fon
imagination, lui rendit fa tranqirillit�: il en com-
pofa un Tableau qu'il donna a 1'H�tel-de-Ville
de Nuremberg , fous condition expreffe qu'ils ne
pourroient 1'ali�ner qu'au profit des pauves de
la Ville.
Voici les principaux Tableaux raffembl�s par
Kupev^ki pour fon Fils, afin qu'il fe format d'a-
pr�s.
i. La Familie de Kupet\ki. Il eft affis pres
d'iin
chevalet, tenant fa palette. Pres de lui eft
fa Femme que fa Servante ajufte : entr'eux eft
leur Fils qui tient un livre, & de 1'autre main
prend un pinceau de fon Pere ; derriere lui eft
une bouteille de vin & un plat de r�ti.
2.  Saint Francois dans ie Raviffement & fon-
dant en larmes aupr�s d'un Crucifix, une t�te
de mort & un livre.
3.  Le Samaritain qui met Ie Bleff� fur fon
cheval.
Un Tableau repr�fentant trois Hermites ; la
principale tete & les habillemens font �nis , Ie
reite n'eft qu'�bauch�.
5. KupetsTJri. avec des Lunettes. Sa main gout-
teufe envelopp�e d'une �toffe blanche qui pofc
n�giigemment fur la table : un baton dans la
main gauche : pres de lui eft fon fils.
6.  Un Homme affis avec un petit Chien fur
le devant.
                                       7. L'Odorat:
-ocr page 114-
Flamands, Allemands & Hollandois. I op
7. L'Odorat : mie Femme a demi-nue , avec ��
une corbeille de Fleurs.
                                       1667.
8. DeuxPortraits, un Homme & une Femme ^=^
dans un habillement ancien, THomme tenant
fa fourriire, & la Femme un livre.
9.  Une Femme co�ff�e d'un voile & d'un cr�-
pon noir.
10. CePeintre broyant des couleiirs: derriere
lui fa petite rille d�funte, avec des fruits.
11.  Une Perfonne debout, on voit les deux
mains.
12.  Une autre debout en habit Hongrois.
13.  KupetTJd, fa Femme & fon Fils. Tableau
fup�rieur a tous : dans 1'Homme fe trouve la
magie du clair-obfcur ; dans la Femme, la fa-
cilit� dn pinccau, & la d�licateffe de Ia touche.
14. Kapet^ki Ie Fils, tonchant Ie Clavecin ;
derriere lui un homme bat la mefure.
15.  Une fainte Familie , la Vierge tient 1'En-
fant Jefus fur fes genoux, qui fe joue avec Saint
Jean; derriere eft Saint Jofeph.
i�. Kupef{ki tenant une tabariere.
17.   Un homme tenant d'une main une tafle
de caff� , & de 1'autre main une pipc a fumer :
ce Tableau eft �clair�de nuit.
18.   Un Eccl�fiaftique jufqu'aux genoux ,
avec deux mains.
19. LePortrait Ac Kupc�ijd. \ tous deux a!v;c
20. Celui de fa Femme.          J deux mains.
21. 22. Deux Payfages.
23. La Madeleine faifant fa priere, un livre
dans une main, & dans 1'autre une t�te de
mort.
Neuf autres Tableaux que nous nommerons ,
afin
-ocr page 115-
11 o            La Vie des Peintres, &C.
1667. a^n de faire connoitre cette ColletHon, que Ie
»�w Margrave de Brandebourg - Bareith s'eft procu-
r� pour 16000 florins d'Allemagne.
N° 24. La R�furreftion du Lazare , par
Guerchin.
25.  Loth & fesFilles, par Carlo Lothi.
26.  Un Payfage, par Ie Titien.
27,28. Deux PayfagesHollandois.
29,30,31, 32. Quatre Payfages, par Agri-
cola.
M. Fuefjli marque que Kupet\ki n'a eu que
deux Eleves qui lui ont fait honneur : Max
Handl,
Autrichien, bon Peintre de Portrait.
Il refta long-temps en Itali�.
Gabriel Muller, d'Anfpach, qui Ie fuivit de
Vienne a Nurenberg : toutes les draperies bien
jett�es dans les Ouvrages du Maitre font de
eet Eleve.
Nous ajoutons a ces deux Eleves un troifieme,
que la modeftie de M. Fuefjli veut cacher au
public, c'efl: lui-m�me.
-ocr page 116-
EL I E VAN
N I M E E G E N
I M E E G � N porte Ie ncm de la "TT""
Ville dans laquelle il naquit en
1667. La mort de ion pere, lorf- '
qu'il n'a voit encore que douze ans,
manqua d'�ter a. ce jeune homme
les moyens de percer : fon f'rere
a�i�, qui avoit recu quelques lecons d'un Pein-
tre de Portrait, & d'un autre affez habile a
peindre des Fleurs , fe chargea d'enfeigner {es
freres E/ie & Tobie : la mort leur enleva encore
cette reflburce ; la n�ceffit� toujours dangereufe
les contraignit tous deux d'entreprendre tout ce
qui
-ocr page 117-
112                La Vie des Peintres
f(. qui fe pr�fentoit dans les Campagnes & a la
]_ ?� Ville, afin de foucenir Ie refte de la familie.
Cependant on vit ces deux Artiftes, a force d'�-
tude & de veilles , fe diflingiier & furprendre
leiirs confr�res. lis s'appliquerent adeffiner, a
faire tout d'apr�s nature , & lorfque Ion ne s'at-
tendoit qu'a des effais , on vit paroitre leurs
Ouvrages a c�t� de cetix des grands Maitres.
Les plafonds, les bas-reliefs & les fleurs qu'ils
avoient ex�cut�s chez Ie Baron de IVacktendonk,
dans Ie pays deCleves, les firent connoitre;
on les chargea de peindre les Tableaux de 1'ap-
partementde la Princefl'e d'Orange, a la Cour de
Frife : un grand fucc�s & des r�compenfes m�-
rit�es mirent les deux Freres en �tat de pour-
fuivre leurs �tudes & leur fortune. Tobie fe ma-
ria & fut a la Cour de 1'Ele�enr Palatin aug-
menter Ie nombre des bons Artiftes qui y �toienr
pour lors employ�s.
Elie paffa a Rotterdam, o� il travailla a plufieurs
Ouvrages.Le Baron de IVachtendonk Ie demanda
de nouveau pour peindre chez lui plufieurs pla-
fonds avec des figures, des fleurs & d'autres or-
nemens. Il en fit autant a la Haye pour les Bour-
guemelhes Ruifch & de Bic, 6c enfuite il retour-
na a Rotterdam. MIS Nievelt & Schoonhoven lui
firent peindre des plafonds & d'autres Tableaux;
les Ouvrages lui vinrent enfbule ; il m�rita 1'a-
miti� de trois Hommes illuftres qui affurerent
fa fortune par leur cr�dit, c'�toient le Cheva-
lier vander TV erf\ Mts Paets & Flink, qui, par
leurs talens & leurs beaux cabinets, pov��doient
a jufte titre la confiance de toute la Ville pouf
la dire&ion de cc qui fe faifoif en Peinture.
Notre
-ocr page 118-
Flamands, Allemands & Hollandois. 113
Notre Peintre laborieux ne pouvoit suffire a
tant d'Ouvrages, il fut aid� par fon Neveu, &
bient�tparfon Fils: il donna au premier, apr�siix
ann�es de travail, fa fille en mariage; ilsembloit
que toutes les produ&ions d'une m�me familie
�toit de la m�me main : il eft vrai qu'Elie pr�-
fidoita tout, il avoitauprcs de lui trois Peintres
d'Ornemens qui n'�toient occup�s que de cette
feule partie, il conduisoit, par son g�nie , la
main de chaque Artifte. Une bonne conduite ,
de 1'affiduit� & des travaux en grand nombre
1'ont enrichi. Il eft mort tr�s-vieux, en 17... Son
Fils, fon Gendre, & fa Fille cadette qui peignoit
bien les fleurs , font fes Eleves.
Ce Peintre peignoit 1'Hiftoire, 1'Architecture,
Ie Payfage & les Fleurs g�n�ralement avec m�-
rite. Nous ne citerons point de fes Ouvrages ; Ie
grand nombre eft a Rotterdam dans les Maifons
des principaux Habitans de cette Ville.
N. VANDER LEUR.
VAnder Leur naquit a Breda en 1667.
Il partit fort jeune pour Rome , il y eut Ie
bonheur de plaire a un Cardinal qui Ie prot�-
gea & lui procura les plus beaux Ouvrages pour
les copier & les �tudier. Il �toit Ie premier Co-
pifte de Rome, & c'en fut affez pour eflayer
fon propre g�nie : il confulta tous les Maitres
& leurs produdions; il copia la nature , def��na
tout & toujours bien. Il fut admis dans les meil-
leures maifons, mais il n'y perdit pas fon temps,
Tome IV.                                 H          il
-ocr page 119-
114              La Vie des Peintres
------ il 1'employa bien , qu'il fut habile avant de
1667. quitter Rome. Il lui arriva une avanture affez
~----- finguliere: un foir, en fortant de fouper avec
quelques amis, il fe fentit faifir par Ie bras; on
lui demanda , Ie ftilet en main, la bourfe. Van-
der Leur
ob�it en donnant quelqu'argent: on Ie
laiffa paffer ; a peine avoit-il fait dix pas , que
Ie m�me voleur 1'arr�tant une feconde fois , lui
demanda s'il n'avoit pas de montre & une bourfe
d'or: vander Leur avoua qu'il avoit l'un& 1'au-
tre; Ie voleur fe mit a rire de tout fon coeur
& prit tout; il lui demanda encore ce qu'il fai-
foit a Rome: vander Leur dit qu'il �toit Hollan-
dois & Peintre , qu'il demeuroit a Rome pour
cultiver fon talent; Ie voleur fe mit encore a rire,
mais plus que jamais: notre Artifte ne f9avoit ce
que deviendroit cette fcene qui ne faifoit qu'aug-
menter fes inqui�tudes. Enfin Ie voleur lui dit
en riant, fi vous �tes un Peintre, je vous con-
feille de vous faire plut�t Frere lai, vous y �tes
plus propre qu'au talent que vousapprenez. V�-
tre poltronnerie me fait piti�:voila votre montre,
votre bourfe d'or & votre argent, allez en paix.
D�s Ie lendemain il conca fon avanture a plusieurs
de fes Camarades, qui fe mirent a Ie plaifanter,
& ils lui apprirent que ce voleur �toit Dom Juau
de Ravenne,
qui avoit �t� Peintre, mais que
n'ayant pu obtenir fa grace pour avoir tu� deux
personnes, il avoit men� depuis la vie de voleur,
mais qu'il n'avoit jamais rien vol� aux Peintres.
Vander Leur retourna dans fa patrie, o�il fit
des Ouvrages qui apprirent qu'il avoit plus �t�
occup� de fon Art, pendant fon f�jour a Rome,
que des plaifirs qui menent a la diflipation. Ce
Peintre
-ocr page 120-
Flamands, Allemands & Hollandois. 115
Peintre avoit une grande douceur, au rapport �■'
de fes Eleves , perfonne ne fe plaifoit, autant 1667.
que lui, a les inftruire ; il eftmort encore jeune '-----
d'une Phthifie, on ne f^ait en quel temps.
Cet Artifte �toit bon Peintre d'Hiftoire ;
mais s'il deffinoit & s'il colorioit bien , & s'il
entendoit la perfpe&ive, il avoit fi peu de g�nie
que c'�toit pour lui un fupplice quand il falloit
compofer un tableau; ilpeignoitbien Ie Portrait,
& il auroit �t� Ie premier de fon temps, s'il avoit
aim� ce genre autant qu'il y a r�uffi.Le Tableau
de 1'Eglife des R�collets , a Breda, eft de lui j
il eft aflez beau pour lui m�riter Ie nom d'un tr�s-
bon Artifte.
H x JACQUES
-ocr page 121-
JACQUE S-A N TO I N E
A R L A U D.
| Acques-Antoine Arlau�
augmente Ie nombre des grands
Hommes de la Ville de Geneve »
o� il naquit Ie 18 Mai 1668. Sa
|! premiere jeuneffe fe paflk dans 1'�-
tude des Langues: fes progr�s, fon
efprit & fa m�moire prodigieufe lui m�riterent
toujours Ie premier rang parmi fes condifciples;
on Ie deftinoit a la Chaire, fi fa fortune lui e�t
permis; mais comme il n'avoit befoin pour la
Peinture que de fes difpofitions naturelles, il
effaya la Mignature, genre affez lucratif dans
une
-ocr page 122-
La Vie des Peintres, &c.            117
une Ville o� Ton faifoit des bijoux de toute ef- "7777
p�ce qu'il failoit orner; deux mois lui fuffirent
pour fe pafler de Maitre. Ayant pris une ferme
r�folution de fe diftinguer dans ce genre, quoi-
que petit, il fe renferma trois ann�es pour s'y
appliquer uniquement, & fe trouvant fuffifam-
ment habile, il fe rendit a Paris a 1'age de vingt
ans , o� il redoubla de foins & de travaux jour
& nuit pour fortir de la m�diocrit� & parvenir
a la perfettion. Son application conftante &
fuivie lui acquit une facilit� furprenante, qui,
jointe a la corredion du deffein, & a la viva-
cit� de 1'efprit, Ie mit en �tat de faire un grand
nombre de Tableaux en mignature. Ces Tableaux
�toient toujours reflemblans & pof�s agr�able-
ment: il avoit la converfation enjou�e , de 1'ef-
prit & Ie ton du monde ; il amufoit de fes pro-
pos ceux qu'il peignoit; on affure que perfonne
ne s'eft ennuy� en fe faifant peindre par lui: ce
talent, n�ceffaire aux Peintres de ce genre, �toit
une partie qu'Arlaud poff�doit fup�rieurement.
Quelques Ouvrages d'Arlaitd, parvenus a la
vue du Duc d'Orl�ans R�gent, lui affurerent fa
r�putation & fa fortune. Ce Prince choilit ce
Peintre paur fon Maitre ; & pour �tre plus a
portee de Ie voir travailler , de 1'entendre par-
Ier de fon Art & de profiter de fes le^ons , il lui
donna un logement a Saint Cloud. Arlaud anim�
par une protettion fi brillante, fe furpaffa: il
eut 1'honneur de s'entretenir fouvent avec fon
Protefteur, & de jouir des Tableaux des grands
MaJrres, dont ce Prince ornoit fon Palais. Ce
fut dans ce temps que la riche colledion de la
Reine Chriftine de Suede paffa en France. Ar-
H 3              laud
-ocr page 123-
118                La P~ie des Peintres
l&id profita de tout & fe fortifia par fes r�fle-
xions fur tant de chef-d'oeuvres.
Arlaud eut aufli une prote&ion bien grande
en la perfonne de la Princeffe Palatine, mere
du R�gent. Elle donna au Peintre fon Portrait
enrichi de diamans; & ne bornant pas fes lib�-
ralit�s a cette distin&ion, dans Ie voyage qu'il
fit en Angleterre en 1721 ,elle lui accorda des
lettres de recommandation pour la Princeffe de
Galles, depuis Reine. Il y fut regu honorable-
ment, & fes beaux Ouvrages acheverent de
lui procurer tous les agr�mens dus afon m�rite.
Arlaud devint Tami des Grands & des Scavans:
Newton lui communiqua fes idees fur FOptique
que notre Peintre rendit fenfibles par les figu-
res; cette amiti� n'a pris fin qu'avec eux. Le
Portrait qu'il venoit de faire de la Princeffe de
Galles fit un plaifir infini: tous les Po�tes firent
des Vers a la louange de 1 Auteur: nous rap-
porterons feulement ceux du Comte d'/i-
milton.
Je le dirai fans complaifance,
Arlaud, pourquoi dif�imuler.
Les attraits que votr? Science
A nos regards vient d'�taler,
A ceux de la Princeffeont droit des'�galer;
Mais fi 1'Art avoit la puiffance
De faire aller la reffemblance
Aufli loin qu'elle peut aller,
II faudroit exprimer fes graces dans la danfe»
II faudroit la faire parlcr.
Arlaud prit cong� de la Cour de Londres,
on
-ocr page 124-
Flamands, ji.llem.ands & Hollandois. I IQ
on ne crut pas Ie payer affez, il fut combl� .,:;
de riches pr�fens, entrautres de plufieus tn�- ' &'
dailles dor; il revint a Paris. Un jour en vi-
fitant Ie cabinet de M. Cromelin, il y d�cou-
vrit un bas-relief de marbre blanc, par Michel
Ange,
il repr�fentoit une L�da & Jupiter chan-
g� en Cygne. Ce morceau, qui avoit environ
deux pieds de large, frappa tellemenr notre Ar-
tifte, qu'il Ie demanda a copier : on Ie lui per-
mitj il fe mit a 1'imiter fur du papier avec un
foin extreme, & 1'Ouvrage fini, tout Paris
connoiffeur fut frappe de 1'illufion. Cette super-
ficie plate devint en bofle, la vue pouvoit a
peine d�tromper les plus habiles Artiftes, Ie
vrai ton de couleur, les d�gradations, les om-
bres port�es, tout �toit rendu, ainf� que la fineffe
du deffein.
On aiTure que 1c Duc de la Force en avoit fait
Tacquifition pour donze mille livres, prix tr�s-
confid�rable, & que quelque changement dans
la fortune de ce Seigneur 1'obligea de rendre la
L�da au Peintre, en lui donnant trois mille li-
vres en d�dommagemcnt du temps qu'il 1'avoit
garde. Quoi qu'il en foit, Arlaud, apr�s avoir
v�cu quarante ans a Paris, & amafl� pres de
quarante mille �cus, retourna, en 1729, dans
fa Patrie pour y flnir fes jours: il emporta avec
lui de beaux Tabieaux des meilieurs Artiftes,
anciens et modernes, achetcs en France, par-
mi lefquels il fe trouvoit de beaux payfagcs de
Forefi3 dont il orna fon Cabinet; fa L�da y
tenoit la premiere place. Soit que notre Pein-
tre e�t la d�licatefl� de voir que sa L�da �toit
trop nue, ou peut-ctre qii'on lui en fit quelques
H 4                repro-
-ocr page 125-
120                  La F ie des Peintres
----■�reproches, ce joli Tableau difparut en 1738.
1668. Qn a {qix depuis qu'il Favoit coup� en morceaux,
■ de facon que les parties n'en ont point �t� ga-
t�es; un des principaux Magiftrats de Geneve
poflede la t�te, une Dame de Paris la main,
& une Dame Angloife Ie pied. Arlaud avoit
une grande v�n�ration pour cette mignature,
que son Porrrait par VArgiliere effc repr�fent�
en cravaillant a ce morceau: il peignit de m�me
fon Portrait avec la L�da, dont il enrichit la
Galerie de Florence; Ie Grand Duc lui envoya
en �change une medaille d'or.
Arlaud ne fit plus rien depuis fon retour de
Paris: il s'excufh fur un coup qu'ii avoit ree.ii
a la tempe qui 1'emp�choit de travailler : la vue
ne lui permettant plus de s'appliquer, il lifoit
continuellement, & partageoit fon temps,
1'�t� a la Campagne & 1'hyver a la Ville. Une
jolie maifon de campagne, fitu�e fur Ie Lac de
Geneve, o� il admit fes amis & les �trangers,
�toit pour lui un lieu d�licieux o� il voyoit
la belle nature & fes vari�t�s avec plaisir; un
de fes agr�mens encore, c'�toit la correfpon-
dance avec les Scavans de tous les Pays & dans
tous les genres. M. Varignon lui envoya, de la part
de Newton, fon en*ai fur 1'Optique : ce pr�fent
�toit accompagne d'une lettre pleine d'amiti� de
Ia part du fgavant Anglois: diflinftion d'au-
tant plus grande, que Nevvton dit lui-m�me
qu'il �crivoit peu de Lettres.
Apr�s avoir �t� pres de douze ans fans fe fervir
du pinceau, 1'amour de la Peinture fe r�veilla &
lui reprocha cette ina�tion; il effaya & trouva
heureufement que la main ob�iffoit encore a
la
-ocr page 126-
Flamands, Allemands 6* Hollandois. 121
la t�te, & que la pratique , qu'il croyoit enti�-
rement perdue, ne 1'�toit point. Il fe promit
bien de travailler de nouveau a la Campagne,
o� il fe rendit vers 1'�t� ; il alloit mettre la der-
niere main auPortrait dun de fes parens , lorf-
qu'une mort fubite nous 1'enleva Ie 25 Mars
1743- .
Il laifla, par fon teftament, une partie de
fon bien a fes bons amis j & a la Bibliotheque de
Geneve, plufieurs medailles d'or qu'il avoit re-
cues de diff�rensPrinces & grands Seigneurs, fon
Cabinet deTableaux, fa Bibliotheque compof�e
de Livres rares, & une ample colle�ion d'Ef-
tampes : ce beau pr�fent fe voit encore , & m�-
rite 1'�loge & 1'eftime de fes compatriotes.
Arlaud avoit un ordre dans fa vie jufques
dans fes plaifirs : il aimoit la d�cence, il avoit
du d�go�t pour Ie jeu, & quoique c�libataire,
on ne lui a jamais connu d'intrigues ; il �toit
libre & tr�s-franc avec fes amis. Il ne changea
point la fimplicit� de fes moeurs, quoiqu'il e�t
paffe fa vie au milieu d'une Cour brillante j mais
il avoit une foiblefle, affez excufable dans les
grands hommes, c'�toit celle de 1'amour-propre,
il fe mettoit fans facon, & cependant d'un ton
tr�s-modefte, au premier rang parmi les plus
grands Peintres.
Louis XIV ayant marqu� un jour a Arlaud
pour placer dans fon Cabinet fes meilleurs Ou-
vrages , Ie Roi les examina, & dit a 1'Artifte les
chofes les plus flatteufes : un Seigneur fut intro-
duit dans Ie Cabinet, Ie Monarque fit de nou-
veau 1'�loge de fes Ouvrages en pr�fence du
Seigneur qui aimoit 1'Auteur; ce Seigneur lui
dit:
-ocr page 127-
122                 La Vie des Peintres
,,q dit: Vous devez �rre bien fatisfait de voir vos
1 Ouvrages lou�s par Ie Roi. Sa Majeft�, r�pon-
T dit Arlaud, me fait beaucoup d'honneur, mals
clle me per mettra de dire que l" Academie eft en-
core un mcilleur juge.
Ce Seigneur s'�cria , en
lui frappantfurl'�paule :l'excellent R�publicain,
qui eft fi peu fenfible aux loiianges m�mes d'un
fi grand Monarque.
Arlaud a m�rit� les �loges du Duc d'Orl�ans
R�gent, qui dit, et Jufqu'a pr�fent les Peintres
■>■> en Mignature ontfait des Images, c'eft Arlaud
»
qui leur a appris a faire des Portraits. Sa
's Mignature a toute la force de la Peinture a
» 1'huile. » II �toit flatteur d'�tre lou� par Ie
Roi & par ce Prince ; les Artiftes lui ont rendu
la m�me juftice. Ses Ouvrages, r�pandus par-
tout, achevent fa gloire ; la Bibliotheque de
Geneve poffede du m�me deux Mignatures en
grand, ce font deux fujets d'Hiftoire, 1'un eft
une Sainte Familie, & Tautre la Madeleine p�~
nitente.
GASPAR D-P I E R R E
VERBRUGGEN.
LE nom de Verbruggen eft affez connu dans la
Peinture ; 1'Acad�mie d'Anvers en compte
quarre parmi fes Direfteurs. GafpardPierre Ver-
bruggen
naquit dans eette Ville en 1668 : on
peutfoupgonner qu'il eft Fils de Pierre Verbrug-
ga?
, Dircfteur de 1'Acad�mie de cette Ville
en
-ocr page 128-
Flamands, jillemands & Hollandois. 123
en 1659 , & peut-�tre fon Eleve. Celui dont
nous allons parier ent nne grande vogue dans
fa Ville, o� pour lors les Artiftes �toient en
grand nombre, & encourag�s par la prof.ee-
tion que Ie Duc de Baviere accordoit anx Arts.
Le d�part de ce Prince fut, pour ainfi dire,
1'�poque de leur chute & de la d�fertion des
Artifles.
Verbruggen pafia en Hollande vers 1706. Sa
r�putation 1'avoitdevanc� tTAcad�mie d'Anvers
Tavoitchoifi pour Dire&eur en 1691 , & c'�toit
confirmer 1'id�e que Ton avoit de les talcns : il
choifit la Haye pour demeure, o� il eut occa-
fion de s'exercer. M. Fagel occupa son pinceau
a orner de Fleurs les plafonds & les fales dans
FH�tel qu'il faifoit batir. Matthieu Tervveften,
bon Peintre d'Hiftoire, occupa long-temps notre
Peintre de Fleurs a travailler avec lui a tcn-
tes fes grandes entreprifes. La Soci�t� acad�-
mique de la Haye admit Verbniggen parmi fes
Membres en 1708. Sa grande facilit� lui fit ga-
gner beaucoup de bien , on ne peut aller plus
vite que ce Peintre ; dans les temps o� les Ou-
vrages le preflerent moins , Tervvefien lui pei-
gnoit quelques vafes de b^s-reliefs que Verbrug-
gen
ornoit de Fleurs & de Fruits ; il en auroit
rempli la Hollande , fi les Etrangers n'en avoient
enlev� une grande partie.
D�ja avance en iige & pcu occup�, il retour-
na a Anvers: fa figure aimable & fon attache-
�nent a la compagnie & au plaifir , lui a fait
"ppenfer promptement ce qu^il avoit fi facile-
ment gagn� ; il avoit le meme talent, mais il
peignoir la nuit & fe promenoit le jour : de
facon
-ocr page 129-
124            La Vie des Peintres> &C.
~ facon. que fes derniers Tableaux n'ont que de 1?
1668. facilit� & une couleur plus brillante que vraie.
ysssr II eft mort a Anvers en 1720.
Le talent de Vet bruggen avoit plus de rapport
avec celui de Baprifte Monoyer, qu'avec celui'
de van HuyJJum ; il y a une grande maniere dans
les Fleurs qu'il a peintes dans les plafonds &
dans les fales : il fcavoit les grouper & colorler
avec beaucoup d'art. Sa touche eft tr�s-facile &
propre a cegenre, elle donne de la l�g�ret� fans
travail ni peine. On voit qu'il auroit r�uffi a
rendre agr�ables des Tableaux de chevalet: nous
pouvons citer pour exemple un Tableau de fleurs
dont ce Peintre fit pr�fent a 1'Acad�mie, & plu-
f�eurs autres dans les Cabinets eftim�s.
On voit a la Haye,chez M. Fagel, un Ta-
bleau avec des Enfans , par 'Tervve.fl.en, & des
Fleurs, par Verbruggen. Chez M. Lorn�er, un
Tableau avec beaucoup de fleurs , particuliere-
ment des Tulipes de toutes les efpeces ; & chez
M. van Heteren, un Tableau o� des Enfans fou-
tiennent des fleurs en guirlande: autres Tableaux
par les m�mes Artiftes, ce font auffi des Enfans
qui fe jouent avec une guirlande de fleurs.
Dans ce mcme Cabinet fe voit un Tableau fur
lequel eft repr�fent� un Panier a 1'Angloife avec
des fleurs peintes par Henri Verbruggen, que 1'on
foupconne le Frere ain� de Gafpard; Henry fut
auffi Direfleur de 1'Acad�mie d'Anver&en 1688.
Les Ouvrages d'He/iry font au-deflbus de ceux
de Gafpard.
JEAN,
-ocr page 130-
JEAN-RUDOLF
H U B E R,
�LEVE DE GASPARD MEYER.
Ean-Rudolf Huber,Fils 1668.
d'Alexis Huber, Aubergifte & ------.
Membre du Grand - Confeil de
Bafle, & petit-fils de Rudolf Hu-
ber,
Bourguemeflxe de la m�me
Ville , y prit naiffance en 1668.
D�s l'age de dix ans fa paffion pour Ie Deffein
fut marqu�e, que fes parens lui en f�rent
apprendre les premiers principes pour 1'amufer;
niais lorfqu'ils Ie virent s'attacher de plus en
plus
ir- ■
-ocr page 131-
I2�                La Kie des P e in tres
T77Z plus a la Peinture, ils s'y oppoferent, fous
_' pr�texte dn peu de confid�ration qu'on avoit
pour elle a Rafle, mais les paffions, & fur-tout
celles qui ont les Arts pour objet, font au-deffus
de tous les obftacles : il fallut ceder, & en
1682 , il fut confi� a Gafprad Meyer, Peintre
m�diocre, qui a eu cependant la gloire de com-
mencer Huber & Brandmulier, les premiers Ar-
tiftes d'Allemagne. Huber ne tarda pas a fur-
pafler fon Maitre, que la mort enleva avant la
�n de fon engagement ; ce fut un bonheur pour
1'Eleve , qui paffa dans l'Ecole de Jofeph Wer-
ner.
Ce fut alors qu'il changea de maniere: les
platres des Antiques exercerent tellement ce
jeune homme , qu'il devint un Deffinateur fca-
vant; il apprit la perfpeftive; fes progr�s por-
terent Werner a lui confeiller de paffer en Ita-
li�. Ag� de dix-neuf ans, il alla a Mantoue o�
les Ouvrages de Jules Romain 1'arr�terent, II
deffina tout avant de vifiter fucceffivement les
Villes de Bergame, Vicence , V�rone & Ve-
nife, o� il �tudia particulierement la couleur dans
les Ouvrages du Tuien ; il ne paffe pas un jour
fans fuivre les inftrudions acad�miques, & fon
affiduit� �toit cit�e pour exemple aux jeunes
Artiftes. Pierre Tempefle , Payfagifte habile,
aima tellement Huber, qu'il Ie rec.ut chez lui
comme fon frere ; il peignoit en reconnoiffance
des figures dans les Tableaux de ce Payfagifte.
Les Tableaux du Tuien , du Bajfan, du Tinto-
ret
, de Paul V�ronefe, & les Portraits du Pom-
pelly
, furent la pl�part copi�s par notre jeune
Suiffe; il les obferva avec des yeux avides qui
caraft�rifent Ie gout & 1'�mulation. Enfin,
apr�s
___J
-ocr page 132-
Flamands, Allemands & Hollandois. 127
apr�s un f�jour de trois ans, Ie delir de voir------
Rome 1'enleva aux voeux de Tempefte, qui 1'ai- *668.
moit & qui auroit voulu Ie fixer aupr�s de lui: ------
on lui dit, avant fon d�part, qu'il avoit ap-
pris, pendant fon f�jour a Venife, tout ce qu'il
�toitpoffible d'apprendre ; louange dangereufe,
mais qui ne fit autre impreflion ifur Huber que
de redoubler fes veilles : les Villes de Parme,
Plaifance, Florence & Bologne n'�chapperent
point a fa curiofit� ; il voyagea ainfi, en defli-
nant, jufqu'a Rome.
Ce fut, pour ainfi dire , un nouveau monde
pour Huber. Les Ouvrages de Rapha�'l 1'occu-
perent long-temps. Les Carraches, Jules Romain
& Ie Guide furent les feuls objets qui 1'arr�te-
rent dans cette Ville. 11 ne refta pas long-temps
fans �rre connu. Carle Marat� qui aimoit fes
Ouvrages, prit foin de fon avancement; il fe
chargea d�s-lors d'aider de fes confeils un Ar-
tifte de cette vol�e. Il deflina d'apr�s 1'Antique ,
toujours tr�s-exaft aux heures d'�tnde & de 1'A-
cad�mie, & toujours tr�s-occup� non-feule-
raent les jours, mais les nuits m�me ; c'�toit
�tendre la carri�re de fa vie que de la remplir
ainfi. Maraui, Ie voyant donner dans Ie Portrait
en mignature, Ie d�tourna de ce petit genre,
en lui confeillant de m�nager fa vue pour des
Ouvrages plus dignes de lui; il profita de eet
avis, ainfi que de tous ceux qu'on lui donna fur
fo Art, & il quitta Rome apr�s fix ann�es de
ur en Itali�.
Avant de retourner en Suiffe , il voulut voir
la France en paflant par Lucerne, Geneve Sc
Lyon; il arriva a Paris: quelque plaifir qu'il
eut
-ocr page 133-
I28              La Vii des Peintres
�77�" e�t a y voir les bons Artiftes & les beaut�s qu�
_
          renferme cette Ville, il y refta peu & retourna
----- a Bafle en 1693, II �poufa , en arrivant, Ca-
therine F�fch : Tann�e fuivante il fut nomm�
Membre du Grand-Confeil. En 1695 , il peignit
dans un feul Tableau Ie Margrave de Bade-Dour-
lach, Fr�d�ric-Magnus & toute fa Familie. Ce
beau Tableau fe voit encore au Palais de ce
Prince, a Bafle; il m�rita a 1'Auteur reftime&
la proteclion de cette illuftre Maifon, & porta
fa r�putati�n par toute 1'Allemagne.
En 1696, il fut appel� a la Cour de Stut-
gard, Ie Prince Evrard-Louis Ie nomma fon pre-
mier Peintre. Des plafonds & de grands Ta-
bleaux d'Hiftoire lui donnerent occafion d'exer-
eer fon g�nie & fes talens: Wzrner, fon Mai-
tre & fon Ami, pour lors a Berlin , occup� a
former une Acad�mie , voulut attirer pres de
lui fon Eieve; il fut charg� par la Cour de Ber-
lin de lui offrir huit eens �cus d'Allemagne de
penfion, & les frais de fon voyage : tout ceci ne
put Ie tenter, heureufement pour lui, nous en
avons dit la raifon dans la vie de Werner; on
voulut attacher Huber pour toujours a cette
Cour: on lui propofa la fur-Intendance des Ba-
timens & uneforte penfion; 1'amour delaliber-
t� lui fit refufer une fortune certaine , car il
n'aimoit ni la Cour ni fes �cueils ; il rec,ut, en
quittant, un pr�fent du Prince : c'�toit une me-
daille d'or, & une chaine du m�me m�tal.
De retour a Balie, en 1700, il fut nornrac
fur-Intendant des Batimens & du Palais du Prince,
& du Territoire du Margraviat, avec la pen�on
annuelle; cette place honorable �toit une r�com-
penfe
-ocr page 134-
VUmanh; Attemands & Hollandoisi
penfe de fa patrie , qui ne Ie g�noit nullement; �■«■■.■-
jl pafla a la Cour de Dourlach ou il fit plufieurs 1668»
Ouvrages; de-la a celle de Bade : il y fit les �
Portraits du Margrave & de fon Epoufe, des
Princes �Oettingen , de Furtenberg , & d'au-
tres G�n�raux. Sa r�putatLon Ie fit appelier k
Heidelberg, �u �toit pour lors Ie Roi des Ro-
mains , fojeph. Il eut �'honneur de peindre ce
Prince & de r�uffir : a peine eut-il Ie temps de
jinir ces Tableaux , qu'il fe fauva pour �vitef
les malheurs de la Guerre qui approchoit, par
la prife d'UIms par l'Elefteur de Baviere; arriv�
a Bafle , il ne put y faire que peu d'Ouvrages;
fes amis 1'inviterent d'aller a Berne , il y fit
beaiicoup de Portraits ; Ie plus confid�rable fut
celui de la Familie de 1'Ambaffadeur d'Angle-
terre Derwarts,
En 1706 , Ie Comte de Trautmanfdorf 'invita
Huber de l'aller peindre a Bade o� il �toit; ce
Portrait fit Ie plus grand plaifir; ce Seigneur
achetoit beaiicoup de Tableaux & des DelTeins
des grands Maitres : il fe formoit une Collec-
tion avec gout & d�penfe : tont ce qu'il put
acheter de beau fut envoy� a Vienne , il avoit
m�me des Agens qui enleverent tout a grand
prix.
Huber retourna a Berne , ouil �toit attendu.
Il fe voyoit furcharg� d'Ouvrages , lorfque Ie
Comte Aletemicb ,R�iident de la Cour de Pruffe,
lui manda de fe rendre a Welfch - Neuenburg,
pour y peindre Fr�deric l" , Roi de Pruffe ,
Ie Comte & d'autres Seigneurs. Il alla encore
une fois a Berne pour y finir Ie nombre d'Ou-
yrages commenc�s, entr'autres Ie Portrait en pied
Terne IV,
                                                du
-ocr page 135-
tfO               La fie des Teintres
**�. du Margrave de Bade-Dourlach,quieft encor©
1668. dans Ie Palais de ce nom, a Bafle ,� il refta a Ber-
ne jufqu'a 1'ann�e 1713. Le Comte du Luc appella
Huber a Bade , ou �toient pour lors affembl�s
les Pl�nipotentiaires nomm�s pour terminer les
diff�rends, & qui conclurent la Paix. Notre Pein-
tre eut ordre de peindre dans unfeul Tableau les
Pl�nipotentiaires , de la part de la France. Le
Mar�chal de Fillars , M. de Saint Conteji , le
Comtcdu Luc ,&c Mr du Theil f Secr�taire d'Am-
baffade ; ceux de la part de 1'Empire �toient,
le Prince Eugene , les Comtes de Go�'s , deS«-
lern ,& M. de Bendenrieth , Secr�taire de L�ga-
tion. Ce bon Tableau fut envoy� a 1'Ev�que
d'Aix. Il alla finir a Berne des Portraits commen-
c�s , & d'autres qu'il entreprit de nouveau.
En 1738 , fatisfait de la gloire qu'il avoit ac-
cjuife, il voulut borner fa carri�re, aller vivre
a Bafle tranqiiillement, & jouir du repos qu'il
n'avoit jamais go�t�. En 1740 , ag� de 72 ans,
il fi.it �lu Confeiller de cette Ville ; il ne put fe
refufer a lui-m�me le plaifir d'obliger en gagnant
beaucoup de bien : c'eft a ce prix qu'il aban-
donna le projet de vivre tranquille ; on le vit
depuis 1742 , peindre 1'Adminiftrateur de Dour-
lach a cheval. Le Portrait de m�me du Direc-
teur des Communaut�s Rafchen , le Bourgue-
meftre Manan , 6c le Grand-Ma�tre des Com-
nmnaut�s Battiers ; il finit f on travail par le
Portmit de M. Marfchal, Capitaine Imp�rial j
fesforcesdiminuerent, &fon gout pour la Pein-
ture diminuoit auffi ; il ie pr�para a la mort.
Une fluxion de poitrine 1'enleva , apr�s avoir
garde huit jours le lit, le 8 F�vrier 1748, ag�
-ocr page 136-
Flamands, AllemAHds& Hollandois. tjt
�c 80 ans. Il fut enterr� dans 1'Eglife de Saint
Martin: il ne laiffa qu'une fille qui avoit �p�uf�
Vlnch Schellenberg , Peintre deWinterthur; on
fait un �loge bien m�rit� du Gendre & de la
Fille, qui quitterent leur demeure pourprendre
tous les foins poffibles de la vieilleffe & de la
maladie de leur pere. Son fils a�n� , Peintre,
apr�s avoir �t� en Itali� & en France, mou-
rut jeune. Huber a c�nferv� la vigueur de fort
efprit & de fa v�e jufqu'au moment de fa morti
Perfonne , je crois , ne 1'a furpaff� en nombre
d'Ouvrages fortis de fa main , fans compter fes
Tableaux d'Hiftoire. On conno�t de lui 3065
Portraits. Jamais il ne s'eft fait aider. Ce Pein-
tre eft appell� Ie Tintoret de la SuifTe : une cou-
leur vigoureufe , nn travail facile & une belle
touche fe trouv�nt dans fes bons Ouvrages :
lous ne font pas de m�me ; la n�ceffit� de fatis-
faire tous ceux qui 1'ont employ� , 1'a forc� de
laiffer des Ouvrages au-deflbus de lui, & m�me
m�diocres ; fa grande vivacit� 1'emp�choit quel-
iquefois de porter tous fes foins a finif un Ta-
bleau : c'efl: d'apr�s fes bons Tableaux que nous
avons jug� eet homme digne de tenir , dans
toutes les Ecoles, un rang honorable : fa maniere
de deiliner eft correfte ; il avoit �tudi� cette
belle partie de 1'Art dans Rome & d'apr�s la na-
ture. Ses efquifles fur Ie papier ont Ie feu d'une
imagination vive. Ses Ouvrages font par-tout
& en trop grand nombre pour les citer. Le Con-
feiller priv� Drollingcr a honor� la m�moire
�Huber d'un beau Po�me,
I 2
-ocr page 137-
j                  Xa Vte des Teintre�
IT�68. ,
N VAN HAL-
VAn Hal naquit en 1668 , dans la Villd
d'Anvers. Les Tableaux d'Hiftoire de ce
Maitre furent recherches dans fa jeuneffe pour
Ie g�nie qui y regne , la bonne couleur & la
correftion. Il peignoit auffi des Nymphes & des
G�nies aux Tableaux d'Hardime, & de plufietirs
autres qui ne peignoient que des Fleurs. Fan Hal
a fini par faire des Otivrages qui ne font ni efti-
m�s, ni recherches, & qui ne font nullement
� comparer avec ceux de fon premier temps»
Nous ne f^avons point Pann�e rle fa mort.
F R A N C O I S
B�ELDEMAKERi
�LEVE DE GVILLAUME
D O V D T N S.
�eldemaker ,n�a laHayeen 1669 J
X recut les premiers principes de fon pere fean
B�eldemaker ,
dont nous avons parl�. Le fils,
port� a un genre plus �lev� , quitta les chaffes
&c les animaux, & choifit 1'Ecole de Guillmme
Doudyns
, o� il s'appliqua fi bien , qu'il fe
trouva en �tat d'aller a Rome avec le fecours
-ocr page 138-
FUmAnds, AUemands & Ho�andois'. i j j'
�e fes talens. 11 s'y appliqua quelque temps
h 1'�tude. La haute opinion qu'il avoit de
lui-m�me Ie rendit infupportable a ceux m�-
me de fon Pays ; c'eft pour cela que l'on affure
que la Bande acad�mique lui donna Ie nom de
Singe. Quoiqu'il en foit, il retourna a la Haye ,
o� il d�buta par quelques Plafonds & d'autres
Ouvrages ; il fut �lu Membre de la Soci�t� des
Peintres a la Haye. Il ne s'y fit pas aimer, 6c
pour vivre plus tranquillement , il fe retira a
la campagne , pres de Rotterdam, dans Ie Pays
de fa Femme, oh il eft mort vieux, fans que
l'on (cache en quelle ann�e.
Les Ouvrages de ce Peintre nous font incon-;
nus. On en dit du biep.
1669.
5 th�odore;
-ocr page 139-
TH�ODORE
VAN P � E,
�LEVE DE SON PER
/ U S T E VAN P � E,
H�ODORE van P�E naquit
a Amfterdam en 1669. Il apprit de
fon pere les principes de fon Art:
il fut affez heureux pour r�uffir de
bonne heure; il peignoit 1'Hiftoire,
Ie Portrait en grand & en petit: 1'a-
mour du gain Ie porta a �tablir chez lui une efpece
de Manufacture qu'il ne faifoit que conduire : on
y peignoit des figures fur Ie bois d�coup� pour
lm
-ocr page 140-
LaVie des""Peintres, &cl '135
!es Jardins Sc pour les Appartemens. Le fucc�s,
dansle commencementdecetteentreprife , don-
na 1'id�e a d'autres de faire de m�me & a meil-
leur march�. Il voulut faire fortune , a quelque
prix que ce fut: il abandonna ie premier projet ;
il acheta des Tableaux des Ma�tres d'Italie, qu'il
porta en Angleterre , 6c qu'il fait vendre ener.
\Jn N�gociant fort riche , le Chevalier Bex ,
devint fon ami & un de ceux qui acheterent de
ees Tableaux Italiens : il lui commanda un
grand plafond pour un de fes Appartemens; de
retour en Hollande , il acheta de nouveau tous
les bons Tableaux qu'il put trouver, & il y pei-
gnit fon grand plafond: compofition qui devoit
le faire connoitre en Angleterre ; il y fut pour
le placer , porta avec lui un nombre de Ta-
bleaux , mena fa femme Sc toute fa maifon ,
bien r�folu d'y demeurer. Son Ouvrage y fut
bien recu , on lui accorda trois eens livres fter-
lings , pour payement , ma�s les �venemens
publics l'entra�nerent dans quelques pertes ; la
faillite du Chevalier T>ex , en 1720, lui fit per-
dre 100 livres fterlings. C'�toit une perte m�-
diocre pour lui qui avoit tant gagn� dans fon
commerce & par fes Ouvrages , §� qui �toit
reft� feul en Angleterre , fa femme �tant retour-
n�e en Hollande.
D�termin� a faire payer ^ d'autres ce qu'il pr�»
tendoit qu'on lui avoit vol�, il feignit d'�tre ma!a-
de& perclus, onlevoyoit marcher dans lesmes
comme un d�terr� ; il trompa tont le monde ,
entr'autres un nomm� de Hor, qni avoit un defir
extreme de poff�der trois de fes Tableaux, qu'il
ne voulut pas ceder au-deflbus de 300 livres fter-
I 4            lings:
-ocr page 141-
136           La Vte des Peintres , &cl
~'� lings : prix exorbitant; mais apr�s avoir touff�
* 9' & fait tous les mouvemens d'un expirant, il fit
entendre qu'il voyoit approcher fa fin , que fes
infirmit�s 1'emp�cheroient de travailler , qu'il
vouloit fe faire des rentes viageres de ce
qu'il lui reftoit. De Bor crut tenir les Tableaux
a tr�s-bas prix : il offrit 30 livres fterlings par
an : 1'Afte fut fait devant Notaire. Le Peintre
devint en huit jours en tr�sbonne fant� , &il
a joui 16 ans de la rente , au grand regret de
I'Acqu�reur.
Apr�s avoir demeur� fept ans a Londres, il
fe d�termina a retourner dans fa Patrie. Il fit
une Vente publique de fes Ouvrages & d'autr?s
Tableaux, fe r�fervant feulement ceux qu'il crut
pouvoir vendre plus cher en Hollande , o� i!
arriva. 11 eut encore Ie fecret d'attraper un Juif
fort riche , auquel il vendit plufieurs Tableaux
de lui, en rente viagere : il perdit fa femme,
& eut 1'adrefTe d'�pouier, tout vieux qu'il �toit,
line jeune veuve : on nous raconte plufieurs
tours de eet homme , qui ne penfoit qu'a lui
icul. II avoit une fille qu'il ne voyoit jamais»
-ocr page 142-
A R N O L D
O O N E N ,
�LEVE DE GODEFROY
SCHAL C K E N.
'H o nne u r , la gloire & Ia for- ____3
tune couronnerent Ie m�rite &Ar- 1669.
nold Bootten , n� a Dort, Ie 16 "
D�cembre 1669, & iflii d'une fa-
miile diftingu�e dans Ie commer-
ce. Ayant fini fes �tudes a 13 ans ,
fon g�nie qui paroiflbit d�ja propre a tous les
talens, fe d�cida pour la Peinture; il eut pour
Maitre Arnold Ferbuis , feintre d'Hiftoire &:
d
-ocr page 143-
j                 La Vie des Veintres
de Portrait, mais fon gout pour Ie libertinage J
q pffi jufques dans fes Tableaux , d�plut
tellement a fon Eleve, dans un age o� ce gout
eft fi f�duifant, qu'il eut Ie courage de Ie quit-
ter. Il prit pour Ma�tre un Artifte plus vertueux,
Godefroy Schalenen , qui perfe&ionna egalement
fes moeurs & fes talens. Apr�s fix ann�es d'ap-
plication , Schalcken avoua qu'il ne pouvoit plus
lui rien apprendre , quoiqu'il n'e�t encore que
vingt ans , 6c il lui confeilla de ne prendre
dor�navant pour Ma�tre que la nature ; auiS
1'�tudia-t'il avec tant de foin , & il la copia
avec tant de fid�lit� , que fa r�putation �toit
d�ja faite a 1'age de 25 ans.
Il fit fucceffivement les Portraits de la pre-
miere Nobleffe de Francfort, de 1'Elefteur de
Mayence , de fon Frere , & de toute fa Cour:
la reffemblance , Ie beau pinceau , la bonne cou-
leur , lui m�riterent les plus grands �loges ;
outre les deux Portraits de 1'EIefteur , dont 1'un
't;n grand & en pied , & 1'autre en petit, ce Prin-
ce lui commanda encore dix Tableaux , tous
fujets �claircs de nuit ; on ne parloit que de la
jeuneffe de 1'Artifte &c de la perfe�ion de fes
ouvrages, qui exciterent egalement 1'admiration
du public.
Tous fes Ouvrages furent bicn payes , &
1'Artifte , charg� de louanges & de pr�fens,
paffa a la Cour du Landgrave de Heffe-Darm-
ftad , qui Pavoit engag� a s'y rendre. Il y pei-
gnit plufieurs fois en grand & en petit Ie Prince
& la PrincefTe : ces Portraits furent g�n�rale-
ment admir�s & envoy�s dans dii�erentes Cours
de 1'Europe -f il paffa quatre mois a finir fes
Ouvrages,
-ocr page 144-
Tlamands, Allemands & Hollandois. 139
Ouvrages, & on Ie vit partir avec regret. Ses ......
rares talens Ie firent defircr dans fa Patrie : il 1669.
partit pour Dort , & Ie peu de tem ps qu'il y '�"
refta lui fit affez. connoitre qu'il y feroit une
fortune affez mcdiocre : perfuad� que les grands
talens font faits pour les grandes Villes, il porta
les fiens a Amfterdam , Capitalc de la Hollan-
ide, non-feulement par Ie rang qu'elle y tient ,
mais encore par fon commerce & fes richefles.
A peine y fut-il arrivc , que les Direfteurs de
la Maifon de Force , fc firent peindre en pied de
grandeur naturelle , &c dans Ie m�me Tableau ;
tout y �toit marqu� au coin de la v�rit� , &
finiavec Ie plus grand foin. Ce Tableau , �tant
place , attira les regards de tous les Habitans,
qui fe firent prefque tous peindre : on affurc
que jamais Arrifte ne fut plus charg� d'Ouvra-
ges que lui; les Etrangers vinrent en foule exer-
cer Ion pinceau , ou pour obtenir de fes jolis
Tableaux de Chevalet. En 1698 , Ie Roi de
Prufle fe fit peindre , & ce fut un des plus beaux
Tableaux qu'il ait fait ; Ie Monarque en fut fi
content , qu'il ne cefla de louer 1'Auteur. Ce
Portrait a �t� grav� , & eft tr�s-connu.
Il �poufa en 1703 , Anne-Marie Alattheus,
iffue d'une familie diftingu�e de Dort ; ce fut,
pour ainfi dire, affurer a fa Patrie qu'il ne la
quittcroit pas , malgr� les offres des autres Villes
de la Hollande & de 1'Allemagnc. Les Direfteurs
de la Monnoie de Dort, au nombre de vingt, fe
firent peindre en grand dans Ie m�me Tableau
qui eft place dansleur Sale d'Affembl�e: il femble
qu'il ait cherch� a fe furpaffer dans un autre
fiui devoit orner ime place publique dans la
Ville
-ocr page 145-
I4O                La Vis des Peintref
Ville qui lui avoit donn� la naiflance , tant I'a-i
mour de la Patrie peut animer & augmenter
les talens.
Il peignoit fucceflivement les Direfteurs de
toutes les Maifons de Force , des H�pitaux ,
des Confrairies : leur nombre eft trop confi-
d�rable pour les citer ici. En 1710, il peignit
en pied Ie Duc de Marlborough , & en 1717,
Ie Czar Pierre Ie Grand. L'Imp�ratrice de Ruf-
fie , &c plufieurs Seigneurs de fa fuite ; en 1721,
Ie Comte de Zolms ; en 1723 , Ie Baron de
Plettenburg , & Ie Prince d'Orange , qui n'avoit
pour lors que douze ans. Il fit dans la m�me
ann�e Ie Portrait de 1'Ev�que de Munflcr, de-
puis Elefteur de Cologne.
En 1727,dans un m�me Tableau, il repr�-
fenta la PrincefleDouairiered'Ora^^.SonFils,
Ie Prince Her�ditaire Stadthouderde la Province
de Frife, & la Princeffe fa Fille. Ce beau Ta-
bleau fut envoy� au Roi de Suede , & dans Ie
m�me-temps il peignit Ie Frince de Bade-Dour-
lach.
Il fit encore Ie Portrait du c�lebre van
Huyjfum
, qui Ie paya d'un Tableau de Fleurs du
plus beau fini; c'efl ainfi que les grands Artiftes
doivent commercer enfemble : commerce d'ef-
time & de confid�ration bien plus pr�cieux que
celui de 1'int�r�t.
Surcharg� de Portraits , efpece d'Ouvrages
qui ne font pas long-temps entre les mains des
Artiftes, il ne pouvoit multiplier , autant qu'il
Ie defiroit , fes Tableaux de chevalet ; mais
ce travail trop affidu , en Ie comblant de gloire
& de richeffes, avansa peut-�tre la fin de fa
carri�re. Ie % Oftobre 1729,
C�
-ocr page 146-
'VUmAnh', Alleman ds & Hollandoisl 141
Ce Peintre avoit une fonte de couleur excel-__�
lente : tous fes Portraits reffembloient bien , il 1669
avoit Ie talent de les bien difpofer. Sa couleur ""SS"
naturelle & 1'harmonie dans tout ce qu'il a fait ^
font dignes des �loges que les plus grands Artiftes
& Ie public lui ont donn�s dans Ion temps. Ses
petits Tableaux font entierement dans Ie gout
de ceux de fon Maitre. Boonen a fait plufieurs
bons Eleves, dont nous ferons mention , tels
que Quinkhart , Traojl �" van Dyk-
Nous pourrions bien citer un plus grand nom-
bre de fes Ouvrages ; mais , comme nous 1'a-
vons d�ja dit, les Sales de la pl�part des Com-
pagnies d'Amfterdam en font orn�es , & dans
les principales Families de la Hollande & de
1'AUemagne. L'Ele&eur Palatin poffede de ce
Peintre deux beaux Portraits.
JOSEPH VANDEN
KERCKHOVE,
E'LEVE DE'RAS ME QV1LLYN.
VAnden Kerckhove, n� a Bruges , &
�lev� dansl'Ecole d'Erafme Quillyn Ie Pere ,
�tonna fon Maitre par fes progr�s rapides & fa
grande application. Il voyagea de bonne heu-
re, mais il ne paffa pas la France , il fe for-
tifia dans 1'Ecole de Paris , o� il �toit confid�r� :
on f^ait qu'il y fut occup� a de grands Ouvra-
ges qu'on n'indique point. 11 peignit encore
dans d'autres Villes de ce Royaume.
            De
-ocr page 147-
�4I                La Vie de f Tel fit re f
L             De retour a Bruges , fes travaux �
}^2ir terent avec fes fucc�s au point qu'il ne put y
fuffire. On vit fucceffivement fortir de fa main
quinze Tableaux fur la vie de Notre-Seigneur,
qui font places dans 1'Eglife des Jacobins , a Bru-
ges ; le Tableau d'Autel dans la Chapelle de
Sainte Rofe. Le Plafond de 1'H�tel-de-Ville
d'Oftende ; cette grande & belle compofition
repr�fente Ie Confeil des Dienx; la difpofition
en eft fcavante , ing�nieufe & d'une belle exc«
cution. Quelques Portraits qu'il fit pour fes amis,
engagerent beaucoup de perfonnes des Villes
voifines de venir � Bruges lui demander leurs
Portraits : ce genre plus lucratif , mais moins
eftimable que celui de 1'Hiftoire , nous a priv�
de beaucoup de bons Tableaux qui auroient �t�
plus connus & plus admir�s : des Portraits de
familie font fouvent plus obfcurs que ceux qu'ils
repr�fentent; mais les Tableaux d'Hiftoire font
faits pour le Public, & pour d�corer les Temples
& les Palais.
Plus notre bon Peintre aimoit & cultivoit fon
Art, plus il �toit z�l� pour fes progr�s , plusil
vouloit en �tendre 6c perfeftionner le gout ;
il crut ne pouvoir mieux parvenir a fon but
qu'en �rablifTant une Acad�mie de Peinture : if
communiqua fon deffein au Peintre Duvenede,
fon ami intime , & ils obtinrent tous deux le
confentement des Magiftrats. Kerckhovefut nom-
m� le premier Direfteur de cette Ecole , qui 3
beaucoup augment� par les foins de M. de Fifch,
Peintre habile, qui en eft Directeur depuis long-
temps.
Kerckhove ne jcuit pas beaucoup de ce titre:
-ocr page 148-
FUmands, jillemands & Hotlandois. 4^
il mourut en 1724, regrett� pour fa bonne con-
duite. Malgr� fon f�jour en France , il avoit 1669.
toujours conferv� la maniere de fon Ma�tre : ___f
fa couleur eft chaude , & fon deflein affez cor-
reft. Sa compofition eft noble & toujours ea
grand : il n'introduifoit que ce qui y �toit n�-
ceffaire : il avoit bien �tudi� les regies de la
perfpeftive , &C fes fonds font enrichis d'Archi-"
tefture de bon gout. Voici encore quelques Ta«
bieaux de lui.
On voit dans 1'Eglife Collegiale de Saint Sau-
veur , a Bruges , quatre Tableaux; les Oeuvres
de mif�ricorde : les trois autres font de /eau
fanjfens.
Dans la Chapelle de la Boucherie , la R�fur-
reftion de Notre-Seigneur: beau Tableau. Dans
1'Eglife des Carmes , une Circoncifion.
Et a Oftende, dans 1'Eglife des Soeurs noires ^
Ie Martyre d« Saint Laurcnt, tableau d'Autel,
MATTHIE�
-ocr page 149-
Picaaft ir
MATTHIE�
T ERWE STEN,
�LEVE DE SON FRERE
AUGUSTIN TERJFESTEN.
Atthieu Terwesten ;
Frere d'^ugujiin , dont il a �t�
parl� , naquita laHayeen 1670.
Matthieu avoit perdu fon pere»
lorfqu'il �toit trop jeune pour en
obtenirun Ma�tre. Augujiin , qui
'�toit fon frere a�n� de vingt-un ans , eut une
joiefecrete de Ie voir fe d�cider , d�s Penfance,
pour tout ce qui �toit deffein. Sans perdre de
-ocr page 150-
S) Allemands <S" Hollandois. 145
Vue cette iuclination , il 1'encouragea & devint
enfin fon Maitre.Guillaume Doudyns & Daniel
Meytens
fe chargerent auffi de son inftru�ion;
enforte que ces trois Ma�tres, �galement habi-
]es, parvinrent, par fon application & leurs
foins, a Tavancer, au point que quelques Ta-
bleaux de fa main Ie firent diflinguer affez pour
qu'on Ie chargeat de finir diff�rens Plafonds que
fon frere Auguftin avoit entrepris; & qu'il ne
pouvoit faire, ayant �t� appell� a la Cour de
Berlin , comme nous 1'avons rapport� dans fa
vie. Il n'y eut qu'une voix en sa faveur. Ses
derniers Ouvrages lui procurerent un grand
Protecteur en la perfonne de M. Schuilenburg,
Ie premier favori du Roi Guillaume 111. Il
peignit plufieurs grands Tableaux pour ce M�-
cene» On vante beaucoup un Salon entierement
de lui, ou il avoit repr�sent� Diane au bain
avec ses Nymphes. l)'autres Plafonds, d'autres
grands Tableaux fucc�derent, & toutes les louan-
ges qu'il recut chaque jour ne firent qu'augmen-
fer fon defir d'aller en Itali�. Une avanture affez
plaisante avanca fon d�part: un particulier fort
riche Talla voir un jour, & ayant lou� fes Ou-
vrages, defira d'en avoir quelques-uns de fa
compofition. Il �toit m�me fur Ie point da con-
venir de prix; mais s'�tant avis� de lui deman-
der s*il avoit fait Ie voyage de Rome, notre
Peintre lui ayant dit qu'il ne 1'avoit point fait,
l'Amateur perdit t�ut-cPun-coup 1'eftime qu'il
avoit pour les Tableaux qu'il venoit d'admirer ,
& fe retira promprement, en infpirant a Ter-
vveflen
une affez m�diocre idee de fon gout &
un grand m�pris pour fes pr�jug�s. Muni d'une
lome IV.
                             K.            bourfe
■.. _
-ocr page 151-
I46                   La Trie des Peintrcs
~~ faourfe d'or, il part bienr�t apr�s. Ma�s ayant
'� voulu voir fa mere & fon frere Auguflln, il
'-----" s'arr�ta quelque temps a Berlin, o� il trouva
un grand nombre d'habiles artiftes, & une
Acad�mie dirig�e avec foin; il ne put quitter
cette Ville,qui �toit d�ja 1'azile des beaux Arts,
fans avoir copi� les beaux modeles arriv�s de
Rome. Mais ce qui �toit bien flatteur pour lui,
ce fut d'avoir obtenu, dans Ie concours des
Artiftes de son age, Ie premier prix de Deffein
d'apr�s Ie modele.
Cette couronne �toit Ie pr�fage d'un heureux
avenir. Etant parti de Berlin, il arriva a Ve-
nife, o� il �tudia d'apr�s les Ouvrages de Paul
V�rone\e
, du Tintoret & du Titien. Il ne man-
qua pas de viliter 1'Ecole de Carlo Lothi. Satis-
fait de fon s�jour, il alla a Rome, o� il ren-
contra fon frere FJie Tervveften, & plufieurs
autres Artiftes de fon Pays. II fut admis dans
la Bande acad�mique, & nomm� UAiglc; pen-
dant que Ton proc�doit a fa r�ception, ils
furent tous pris par 1'Inquifition & men�s dans les
prisons, d'o� ils fortirent Ie lendemain. Onavoit
fait entendre que c'�toit une affembl�e d'Anabap-
tiftes qui fe permettoient des chofes fcandaleufes
contre la Religion Romaine; leur innocence fut
connue, & on fcut que cette avanture ne leur �toit
arriv�e que de la part de deux de leurs camarades
que Ton avoit refuf� d'admettre parmi eux,&
qui furent , a leur tour, forc�s de quitter
Rome.
Suivons notre Aigle^ qui ne penfa plus qua
Ie devenir dans fon Art; il copia, pendant
une ann�e entiere, tout ce qui pouvoit fervir
-ocr page 152-
Flamands, Allemands 6" Hollandois. 147
a fon �tude : rien n'�chappa au pcnchant qu'il
avoit pour 1'�tude. Il peignit peu: on ne cite que *
trois Tableaux, dont il fit pr�fent a fa belle-foeur;
il quitta Rome pour n'�tre plus t�moin de 1'in-
conduite de fon frere Elie. 11 arrivaa Florence,
o� il refta pour admirer tout ce qui d�core cette
Galerie fameufe. Ce fut pour la deuxieme fois
qu'il voulut voir Venife, & tout ce que les
plus c�lebres Coloriftes y ont rransmis a la pof-
t�rit�. Il ne paroit pas qu'il y ait peint aucun
Tableau. En quittant Venife, il voulut revoir
fon frere & fa familie: il fut bien recu a Vienne
par Schoonjans, premier Peintre de l'Empereur
L�opold; ce fut pour lui une occasion de par-
courir tout ce que cette Ville renferme de beau Sc
de rare : il crut aufli ne pas devoir manquer de
defliner & de joindre au refte de fes �tudes,
tout ce qui lui parut Ie m�riter.
Son arriv�e a Berlin combla de joie ce frere
c�l�bre qui avoit �t� fon premier Ma�tre; il fut
ravi des progr�s que fon Eleve avoit faits,&
de 1'abondante moiflbn d'�tudes qu'il avoit rap-
port�es d'Italie. Il donna quelque temps a voir
fes parens, ma�s toujours en deffinant ce qui
lui avoit �chapp� dans fon premier paffage: il
prit enfin cong� d'eux & partit pour la Hol-
lande.
11 arriva a la Haye en 1699, & fut adrnis
dans la Soci�t� des Peintres, Ie J 5 Ao�t de la
m�me ann�e; incertain d'abord s'il y refteroit,
011 s'il s'�tabliroit a Amfterdam, Ie public Ie d�-
cida en Ie furchargeant d'Ouvrages. On lui com-
manda des Plafonds en fi grand nombre, qu'on
nous affure qu'il y a peu de maisons a la Have
K 2                  o�
-ocr page 153-
La Vie des Peintres
°" ^ nen a't ^lt quelqi'es-iins, ou d'autres Ta-
bleaux: il d�cora en 1706 Ie falon & la ccupole
de 1'H�tel de M. Fagel, & une pour M. van-
den Bo�tfelaer,
o� il avoit repr�fent� des Pafto-
rales avec beaucoup de g�nie & d'expreflion.
Il repr�fenta auffi Notre-Seigneur fur la Monta-
gne, Tableau d'Autel place dans 1'Eglife appell�e
Janf�nifie^ & un grand Plafond a 1'H�tel-de-
Vil�e de la Haye.
Au milieu de tantde travaux, il ne n�gligea
jamais l'inftru�ion qu'il donna a la jeune(Te de
1'Acad�mie, dont il fut nomm� Ie Chef. En
1710, il fe d�roba a ces exercices par tendreffe
pour fes parens, & fit encore Ie voyage de
Berlin, mais il n'y refta pas long-temps: a fon
retour il �poufa une jeune Veuve; il en eut
cinq enfans , dont Tain�, d�ja c�lebre dans la
Peinture, fera un jour cit� avec �loge dans
1'Hiftoire de eet Art.
Matthieu Tervveflen eft mort, fans que Ton
f^ache en quelle ann�e.
Ses Ouvrages, bien connus en Hollande &
en Allemagne, font autant de modeles pour
les Artiftes. On y trouve du g�nie, de la cor-
redion , une bonne couleur & les marques de
la plus grande facilit�.
ALEXANDRE
-ocr page 154-
Flamands, Allemands & Hollandois. 14$)
ALEXANDRE
VAN GAELEN,
E L E V E
DE JEAN VAN HUCHTENBVRG.
VAN Gaelen, n� Ie 28 Avril 1670,fiir- g
nomm� Ie Premier, fut Eleve de Jean van ' ,
Euchtenburgy qui faifoit auffi commerce de "
Tableaux. Avant de les mettre en vente, van
Ga�len
ne manquoit jamais de les copier : il ne
fe contenta pas d'�tudier la nature imit�e dans
les Ouvrages des Artiftes, il auroit cru borner fon
g�nie s'il nel'e�t pasencore �tendu dans l'�tude
de la nature originale, fi j'ofe parier ainfi, qu'il
trouvoit infiniment plus vari�e dans fes produc-
tions que dans Ie petit nombre de copies que
les hommes en font. Son g�nie vif & ardent
tenoit beaucoup de cette f�condit� : il peignoit
a la fois des Batailles, des Chafles, des Ani-
maux, qui lui attirerent tant d'�loges, que,
pour les m�riter de plus en plus , il prit Ie parti
de confultef non-feulement les Artiftes, mais
encore la nature dans les Pays �trangers. Il prit
fon vol vers TAllemagne, o� 1'Elefteur de Co-
logne employa long-temps fon pinceau.
Ses Ouvrages lui m�riterent de la diftinftion ;
il retourna pour peu de temps en Hollande,
& paffa en Angleterre : il y �toit bien connu
K 3               par
-ocr page 155-
150              Lu Vie des Peintres
�� par fes talens, puifque la Reine Anne fe fit
'°' peindre par lui, m�me dans un caroffe a huit
�* chevaux, accompagn�e de fes Gardes & d'au-
tres Seigneurs; ce grand Tableau fit en fa fa-
veur tont l'effet qu'il pouvoit defirer pour arri-
ver a la gloire & a la fortune.
Un Seigneur Anglois lui fit auffi peindre trois
Batailles donn�es par Charles ler , contre
Cromvvel. Jl lui fut command� une autre Ba-
taille dans un tres-grand Tableau : ce fut celle
ou Guillaume Ili remporta la viftoire de la
Bouyne. Voila tout ce que nous apprennent les
M�moires que 1'on nous a fournis fur eet Ar-
tifle, eftim� pour (es talens diftingu�s.
N. C R A M E R,
�leve de Guillaume
M 1 E R 1 S.
C RAM ER naquit en 1670, dans la ville
de Leyden, c�lebre par les Artiftes & les
Scavans qu'elle a donn�s a TEurope: fon Maitre
fut Guillaume Mie ris, & depuis Charles de
Moor,
dont il a pris la maniere & la couleur.
Il peignoit, comme fon Maitre, des Portraits
en petit, & des fujets pris dans la vie priv�e.
On admiroit Tamiti� tendre qui unifToit Ie Mai-
tre & 1'Eleve : amiti� qui devoit reffembler
beaucoupacelle desperespour leursenfans &des
enfans pour leurs peres; la nature ne lui avoit
pas
-ocr page 156-
Flamands, Allemands 6* Hollandois. I $
pas donn� autant de fant� qu'elle lui avoit ��
accord� de talens. Il mourut en 1710, a 1'age I"7°-
de quarante ans, �puif� de foibleffe.
Les jolis Tableaux de ce Maitre , pen connus
enFrance, font recherches en Hollande & en
Aliemagne.
CHRISTOPHE
L E BLOND.
N ne nous apprend point en quelle Ville
d'AUemagne naquit Chriftophe Ie Blond,
en 1670. On ne Ie connoit que dans Ie temps
qu'il �toit Peinrre du Comte de Mar�net^,
qui demeuroit a Rome dans les ann�es 1716 &
1717. Il jouiffoit de la r�putation de bon Pein-
tre de Portrait en mignature, genre de tra-
vail toujours lucratif; auffi Ie Blond fe trouvoit-
il par-tont avec ceux qui aimoient Ie plaifir.
Bonaventurevan Overboek, un de fes plus grands
amis, 1'engagea a Ie fuivre en Hol'.ande, en
lui promettant de Ie d�frayer fur la route; ce
qu'il fit.
Arriv� a Amfterdatn, Ie Blond fut employ�
a peindre Ie Portrait pour des braflelets, des
tabatieres & d'autres bijoux : ce Peintre avoit
une bonne couleur & m�me auffi forte que celle
de la peinture a 1'huile; mais la vue commen-
cant a lui manquer , il effaya de peindre a
1'huile ; il compofa quelques Tableaux en petit
d'une bonne maniere pour Ie deffein ; mais ce
K 4              n'eft
-ocr page 157-
IJ 2             La Vie des Peintre f } &c.
n'efl point a ce titre qu'il eft cit� ici, nous ie
confid�rons comme bon Peintre en mignature:
nous ne parlerons pas non plus de fes entrepri-
fes en Angleterre, ou il s'eft ruin� lui & fes
affoci�s. C'eft ce Peintre qui a perfeftionn� la
maniere d'imprimer des Eftampes colori�es com-
me des Tableaux : maniere d�ja connue d'apr�s
Laftman, & d'autres qui n'avoient pas mieux
r�uffi. Voila tour ce qu'on nous apprend de ce
Peintre. Nous �pargnons a fa m�moire toutes les
extravagances qui 1'ont deshonor� pendant Ie
f�jour qu'il a fait en Angleterre.
Si nous remarquons des d�fauts, & m�me des
"vices perfonnels dans ceux dont nous �cri-
vons l'hiftoire , ce n'eft point pour les livrer
au m�pris de la poft�rit� j nous ne relevons
dans ces d�fauts & ces vices que ceux qui ont
nui a leurs talens , a leur gloire & a leur for-
tune, dans 1'unique deffein d'en pr�ferver les
Artiftes, auxquels eet Ouvrage eft particuliere-
ment deftin�.
ISAAG
-ocr page 158-
I S A A C
MOUCHERON»
�LEVE DE SON PERE.
jjO U S avons d�ja parl� du Pere 1670.
de celui qui va nous occuper. 1 facie v .i
�Moucheron naquit en 1670. Eleve
|de Fr�d�rlc Moucheron, qu'il e�t
'ie malheur de perdre , lorfqu'il
n'avoit encore que 16 ans, mais
d�ja en �tat de fuffire a lui-m�me par I'exercice
de {es talens & 1'�tude de la nature , il ne s'oc-
cupa que d'elle pendant fa jeunefle; on Ie vit
par-tout la deffiner & la peindre. Enfin, a 1'age
de
-ocr page 159-
J4                       ie des Peintres
�-� de vingtquatre ans, 1'envie de voir 1'Italie lui
l67°- fit tont quitter. Il fut a Rome, & n'y perdit pas
un inftant, tous les environs furent copi�s. On
ne croit pas qu'il y e�t rien aux approches de
Tivoli qu'il ne deffinat; il y �toit toujours &
ne parloit que de ce feul endroit : cependant
toutes les autres vues furent �galement obfer vees:
perfonne ne deffinoit comme lui ni auffi prompte-
ment; il compofoit avec Ie plus grand m�rite
tous fes Tableaux : la nature lui avoit appris la
marche de la v�rit�, & c'eft cette marche ap-
percue dans tout ce qu'il a fait, qui porta la
Bande acad�mique de Rome a Ie nomraer Or-
donnance.
Infcrit parmi fes Confr�res en Itali�, il re-
tourna a Amfterdam charg� de Deffeins Sc d'au-
tres �tudes : il d�buta par de grands Tableaux
pour orner des fales, c'�toient des Payfages
qu'il enrichiflbit de figures & d'animaux : mais
les figures ont �t� quelquefois ajout�es par d'au-
tres Artiftes. La Ville d'Utrecht & d'autres Villes
lui commanderent plufieurs Ouvrages : toutes
les Maifons des Villes, des Campagnes voifines
s'en trouverent d�cor�es: il avoit un talent de re-
pr�fenter des vues fi avantageufement, que la
nature qu'il embelliffoit y gagnoit quelquefois,
par 1'art qu'il avoit de faire contrafler ou de
rapprocher heureufement les objets qu'il ffut y
repr�fenter, fans qu'il par�t qu'il y e�t ajout�
ou chang� : ce bon Payfagifte, fi confid�r� par
fon talent & par fa conduite , mourut Ie 20
Juillet 1744, ag� de foixante-quatorze ans.
Il a furpafle fon pere dans la Peinture : il
fcavoit 1'Archite�ture & la Perfpe&ive a fond,
fon
_,
-ocr page 160-
Flamands, Allemands & Hollandois. 15$
ion feuill� elt touche d'une grande facilit�, &on - -�
11e peut rien voir de fi abondant que fes Pay- I"7°*
fages; des branches entrelaff�es , des plantes & "
des fabriques deffin�es d'apr�s nature font admi-
rer, dans Ie grand nombre de ceux qui font for-
tis de fa main, une vari�t� qui �tonne toujours.
Sa couleur eft copi�e d'apr�s la nature , &
ajoute a fa fraicheur de la force 8c de 1'har-
monie. Ses figures font �galement bien; mais
fouvent de Wit, Verkolle , &c. les ont faites
pour lui. Les Ouvrages de ce Maitre font con-
ferv�s , la plupart en Hollande , & toujours
tr�s-eftim�s.
CONSTANTIN NETSCHER,
Eleve de son Pere
GASPARD NETSCHER.
E s talens d'un Pere peuvent beaucoup con-
*-J tribuer a 1'avancement d'un fils qui cultive
Ie m�me Art , foit par des le§ons plus fuivies ,
foit par la commodit� que 1'Eleve a en tout
temps de confulter & de voir op�rer fon Maitre.
Conflantin Netfcher , qui naquit en 1670,
n'a pu jouir entierement de tous ces avantages.
Il perdit, a 1'age de quatorze ans , fon pere ,
Gajpard Netfcher, qui n'avoit pu lui donner
que quelques lecons ; mais il laiffa apr�s lui des
Tableaux, des �tudes, & une r�putation d�-
cid�e, que Ie fils ne perdoit pointde vue.
Il
-ocr page 161-
i j6              La Vie des Peintres
11 copia plufieurs beaux Portraits d'apr�s ceux
de fon pere. Sa tnere s'�toit form� Ie gout
afloz pour augmenter & fixer celui de fon fils.
Cette pratique conftante d'apr�s fon pere &
d'apr�s la nature, Ie forma fi bien, que les Por-
traits qu'il fit alors, Ie firent connoitre. Il pei-
gnit les perfonnes de la premiere confid�ration:
il donnoit de \a fraicheur aux femmes qu'il
peignoit: il poff�doit 1'heureux don de flatter,
d'embellir & de rendre reffemblant : il r�uffit
fi bien, que Ie Baron SuaJJ'o fit peindre tous fes
enfans dans un feul Tableau, au nombre de fept
ou huit. Vander Does y peignit un Chien. Ce
Tableau avec les figures enpiedfaitencore Ie plus
grand plaifir aux Artiftes. Tous fes Portraits ne
font que de la grandeur de ceux de fon pere.
II fit aufli les Portraits des Families de TFaJfc'
naer,
de Duivenvoorden, & du Comte & de la
Comteffe de Portlant. Ce dernier fit des efforts
pour engager Netfcher de Ie fuivre en Angle-
terre, mais fans fucc�s.
Il fut admis dans la Soci�t� des Peintres a
la Haye , Ie 8 Ao�t 1699 , & depuis Direc-
teur de 1'Ecole acad�mique. Il avoit �pouf� MUo
Hansbergen ; mais il fut attaque de la gravelle.
Cette cruelle maladie 1'emp�cha fouvent de
travailltr : il en mourut en 17ZZ, ag� de cin-
quante-deux ans, laiffant apr�s lui fa veuve &
plufieurs enfans.
Ce Peintre n'a pas atteint au m�rite de fon
pere; il eft eependant eftimable dans plufieurs
Ouvrages que nous avons de lui. Il a �t� tr�s-
employ� , mais peu affidu, fouvent malade &
tr�s-long a op�rer : il n'a pas laiff� une fortu-
ne
-ocr page 162-
Flamands , Alleman ds & Hollandois.
ne auf�i confid�rable que celle de ion pere. Ses
Portaits bien peints lui ont toujours donn� un
notn diflingu� parmi fes Confr�res.
N. VAN BERGEN.
LA mort eflleva ce Peintre encore jeune;
c'auroit peut-�tre �t� Ie plus habile de
fon fiecle ; on ne connoit point d'Artifte qui
ait fi bien compof� 1'Hiftoire , fi bien peint &
fi bien deffin� avant 1'age de vingt ans.
Fan Bergen, n� a Breda, & mort dans la
m�me Ville, compofoit avec une grande ma-
niere ; on auroit dit que fes Ouvrages auroient
�t� faits dans Rome m�me , par Ie rapport qu'ils
avoient avec la marche des plus c�lebres Ita-
liens. Nous ne connoiflbns rien de lui; c'eft
d'apr�s les Artiftes que nous parlons, qui citent
de lui une fainte Familie, Tableau fi bien com-
pof�, bien peint dans la manierede Rembrant,
qu'on ne peut diftinguer 1'un de 1'autre, que
par un meilleur gout de deflein qui domine dans
celui du Peintre dont nous parlons.
CHARLES
-ocr page 163-
CHARLES BOSSCHART
VOET
OET naquit a Zwolle en 1670,
iffu d'une familie ancienne & ori-
ginaire dlpres , mais r�pandue
dans les Provinces de la Hollande,
& par-tout diftingu�e par les pla-
ces honorables qui lui �toient
confi�es. llapprit adefliner de fon frere, Bour-
guemeftre de Zwolle & homme d'efprit, dont
l'amour fingulier pour toutes les produ�ions de
la nature , &fur-tout pour les plantes, lesfleurs,
les infe�tes, lui avoit acquis une r�putation tr�s-
in�rit�e; il en infpira Ie gout a notre jeune Pein-
tre,
-ocr page 164-
La Vi� des Peintres , &C.            i J9
tre, qui Ie con��rva : il avoit appris a deffiner, -
mais il avoit befoin d'un Maitre pour fe per-
fe�ionner. On lui donna un Peintre m�-
diocre qui devoit 1'exercer dans la pratique
du m�lange & de 1'emploi des couleurs ; mais
ce Maitre avoit Ie d�faut des petits efprits : il
�toit jaloux des progr�s de fon Eleve, & il lui
cachoit Ie peu qu'il auroit pului montrer. Cette
mauvaife foi d�termina Ie jeune Voet a fe livrer
a la nature , Ie meilleur des Maitres, qui ne
cache rien & qui fe montre par-tout. Ses fucc�s
furent ii rapides , qu'a 1'age de dix-neuf ans,
fes Oiivrages lui procurerent 1'amiti� du Comte
de Portlant, favori de Guillaume III. Ce Sei-
gneur donna a notre Peintre une forte penfion ,
il acheta tous fesTableaux, & Ie mena avec lui
tous les ans en Angleterre.
Notre jeune Artifte avoit, comme fon frere,
un jardin 011 il �levoit les plantes & les fleurs
les plus diflingu�es. Guillaume UI y prenoit
lui-m�me tant de plaifir, qu'il fit venir des In-
des tout ce qui �toit de plus rare en ce genre :
les Seigneurs Anglois en f�rent autant, & c'efl
a cette �poque qu'on pourroit fixer Ie gout que
les Anglois ont eu depuis pour les curiofit�s
utiles.
Voet peignit alorsdouze grandsTableaux pour
orner la Galerie du Comte fon M�cene. Chaque
Tableau repr�fentoit exa&ement les plantes, les
fleurs & les fruits qui fe produifent dans chaque
mois de Tann�e ; les fonds �toient int�reffans,
parce qu'ils repr�fentoient des vues aux envi-
rons du Chateau de Zorgvliet. Il fit d'autres
Ouvrages pour les Chateaux de Dieren , de
Loo,
-ocr page 165-
1�O                 La Vie des Peintres
------- Loo, &c. La Reine Ma/v'c? d'Angleterre lui offrir
1670. 1800 florins de penfion & Ie titre de fon Pein-
** tre. La mort de cette Princeffe Ie priva de eet
honneur.
Le Roi Guillaume chargea Voet de lui deffi-
ner a 1'encre de la Chine tous les reptiles
avec leurs m�tamorphofes. Cette exafte re-
pr�fentation lui acquit bien de la gloire , qui
augmenta encore par la fcavante defcription qu'il
en fit d'apr�s les Naturaliftes & qu'il �claira de
fes propres recherches. Sans la mort de ce Prin-
ce, arriv�e en 1702, Voet auroit fait le voyage
de Surinam, a 1'exemple de Sebilla M�rian.
Ce malheur fut fuivi d'un autre , qui manqua
de le perdre. 11 �poufa M"e vanden Berg, con-
tre le gr� de fon Prote&eur > qu'il fut forc� de
quitter. Le fl�au de la guerre , qui venoit de d�-
foler la Hollande, avoit diminu� le nombre des
Amateurs , & notre Peintre, dont les Ouvrages
renferm�s dans les cabinets d'un 011 deux Sei-
gneurs , �toient peu connus, auroit �prouv�les
rigueurs de la fortune, fi le Comte , en lui ren-
dant fon amiti� , n'y e�t aj�ut� un emploi con-
iid�rable a Dordrecht; cette place, quoiqne lucra*
tive, luilairTa tout fontempspourpeindre : ilcon-
tinua fon curieux ouvrage des Infeftes , avec
des remarques qu'il augmenta beaucoup en 173 5.
Dans ce temps, la vue lui manqua entierement,
011 du moins elle s'affoiblit au point qu'il ne put
depuis ni defl�ner ni peindre. C'�toit pour ce
g�nie laborieux leplus affligeantdetouslesmaux'.
il ne put s'en confoler ; enfin il mourut en 174^
II �toit de la Soci�t� des Peintres de la Haye.
On v voit encore fon morceau de r�ception :
'
                                                                  c'eft
-ocr page 166-
Flatnands , Allemands & ffollandois. l6l
e'eft un Oiseau �tranger & des Plantcs, peints-------
avec Ia plus grande v�rit�.                                 1670.
On rrouve de ce Maitre plufieurs Tableaux ''"■<"
d Dordrecht, chez fon fils, M�decin, & chez
M. vanden Berg: Ce font des Oifeaux �trangers,
des Plantes & des Fleurs. On peut les egaler en
m�rite a ceux d�Hondekoeter.
Jamais de fon vivant il n'avoit voulu fe d�-
faire de fon Ouvrage <ur les infedes. On Ie voit
prcfentement a Rorterdarr , chez M. Snel, qni
en a fait 1'acquifition apr�s (a mort, ainii que
de bien d'autres Deffeins lav�s & peints a gouaf-
fe. La r�putation de eet Artifte tft tr�s-vant�e
par fes Compatriotes. Nous ne connoiflons
point fes Ouvrages.
G�ERARD RADEMAKER,
�LEVE DE VAN G�OR.
RADEMAKER haouit en 1671, clans la
Ville d'Amfterdam. Il eutpourpereiin Char-
pentier, qui joignoit a fa profeffion la fcience &
�a'ratique derArchitecture,hommea��'ez diitin-
gii�dans eet Art pour 1'enfeigner piibliquement,
avec 1'eftime g�n�rale de Lairejj'e & des hom-
nies les plus ctlebres. On ne fcait pourquoi Ie
pere du jeuneRademaker Ie forca d'avance d'ap-
prendre fon m�tier. Croyoit-il que la fortune
tfun Cbarpentier eft plus affar�e que celle d'un
Archite�e, cu bicn vouloit-il accourumer de
bonne heure f�n rlls au travail ? Perfuad� que
Tome 1V.                              L              la
-ocr page 167-
16 2                La F~ie des Peintrcs
la mollefle dans laquelle on �leve les jeunes Ar-
tiftes,lesrend presque toujours incapables'd'ap-
plication & d'afliduit�.
Quoiqu'il en foit, fon f�ls, nar fa foumiffion aux
volont�s de fon pere, m�nta de lui la permif-
fion de deffiner, dans fes heures de loilir, des
plans, des �l�vations d'Archite&ure, d'appren-
dre la perfpe&ive qu'il montra bient�t lui-mc-
me. Le defir d'�tudier 1'Art de la Peinture aug-
menta a mefure qu'il acquit des connoiffances
�i�ccffaires; mais ce ne fut que le hazard, qui
eft prefque toujours lecr�ateurdes grands talens,
qui le fit Peinrre. Un bon Peinfre de Portrait,
que 1'on nomme van Goor, prenoit des lecons
d'Architecture & de Perfpe&ive chez le pere
de Rademaker. Lafoci�t� frequente de eet habile
Peintre, entretint le gout que le jeune homme
avoit pour fon Art, & les nouveaux obftacles
que lui oppofa fon pere, Taugmenterent aupoint
qu'il quitta tout-a-coup la maifon paternelle, &
al!a se r�fugier chez van Goor. Une vocation
auffi d�cid�e ne doit annoncer rien de m�dio-
cre ; les jours & les nuits furent employ�s a
fon �tude: on nous raconte des prodiges d'appli-
cation & de perf�v�rance. Il perdit une reflburce
en van Goor, qui mourut lix mois apr�s; il la
retrouva en partie dans la Veuve qui peignoit
affez bien pour aider aux progr�s du jeune
Eleve. Il avoit , par fon travail opiniatre ,
atteinr affez de talens pour m�riter la con-
fiance de 1'Ev�que de Sebafto» qui 1'engagea a
enfeigner le deflein a fa niece. Sa bonne con-
duice & fes foins pour cette jeune perfonne,
lui m�riterent 1'amiti� de Tonele, qui le mena
avec
_____________',____.^^^�^
-ocr page 168-
Flamands, Jtllemands �■ Hollandois. 163
avec lui a Rome , o� ce Pr�lat fat contraint de ■------.
fe rendre. Rademaker y paffa trois ann�es a co- 1672.
pier tont ce qui fe pr�fenta pour l'inftruire. Il »»»
retourna feul a Amfterdam, parce que Ie Pr�lat
accuf� d'�tre Janf�nifte, fut d�tenu a Rome.
Rademaker, arriv� a Amfterdam, fut trouver
fon Eleve la niece de 1'Ev�que, & de concert,
ils firent tant, que les Etats d'Hollande & la
R�genced'Amfterdam, en�crivant a SaSaintet�,
la folliciterent fi vivemcnt, que FEv�que ob-
tint font retour en Ho�ande. Rademakerfnt r�-
compenf� de fa reconnoiflance envcrs fon bien-
faiteur, qui lui donna en mariage Mademoifelle
Catherine Blo�maen, � niece. Ainfi eet Ev�que
dut fa libert� & fon retour dans h Patrie a
la reconnoiflance, a 1'amour & a la Peinture.
Les grands Ouvrages furent offerts de tous
c�t�s; des Plafonds & des Salons furent orn�s
de la main de notre Artifte: 1'abondance de fon
g�nie & fa facilit� a op�rer, ont �t� !es feuls
moyens qui lui ont fait produire un grand
nombre d'OuvrageSj puifque Ia mort 1'enleva en
1711 , �tant a peine ag� de trente-huit ans.
C'eft un des bons Peintres de la Hollande.
La facon de compofer fes Ouvrages eft d'un
homme de g�nie qni avoit en vue de grands
modeles:il �toit tr�s-inftruit, & fes produ&ions
Tindiquent; peu de Peintres ont pofled� 1'Ar-
chite�ure & la Perfpeftive comme lui. On con-
noit, dans ce genre, la repr�fentation de 1'E-
g�fe de Saint Pierre de Rome: Tableau bien
peint & d'une grande exaditude; il appartient
a M. Walraavai , Amateur; &tim autre de
ci�me, c'eft un fujet d'Hiftoire, brn� d'archi-
L2                tec'ture,
-ocr page 169-
164               La Vie des Peintres
......te�ure, de bas-reliefs &r de f�guresde ronde bofle
1672. qu'il introduifoit dans toutes fes compofitions
....... avec alitant d'Art que de v�rit�.
Il peignit dans rH�tel-de-Ville d'Amfterdam
une Allegorie fur la R�gence de cette Ville. Le
Plafond de la Sa!e bourgeoife eft de lui & du
Peintre Hoog^aet. On nous indique encore plu-
fieurs Ouvrages de ce Maitre, la pl�part dans
les Appartemens des principaux Habitans.
N O R B E R T
VAN BLOEMEN.
"VT Oreert van Bloemen naquit a
-*-^ Anvers en 1672. 11 eft le f re re de Fran-
cois & de Pierre van Bloemen, dont il eft parl�
dans le troilieme Volume de eet Ouvrage; il
commenfa , comme fes ireres,a �rudier la Pein-
ture dans fa Patrie: il �toit d�ja habile, lorfqu'il
fe d�termina a voir ritalie pour fe perfedion-
ner. Les fucc�s de fes deux freres, qui avoient
de la r�putation a Rome, lui firent pr�cipiterfon
voyage pour cette Capitale. Les Oavrages, qui
lui fnrent demand�s de toutes parts, ne purent
1'arr�ter.
D�s en arrivant a Rome, cette Bande aca-
d�mique, fouvent fi funefte aux jeunes Artiftes,
1'afTocia a fes f�tes, fous le nom de C�phale.
On nous affure qu'il n'abufa point des plaifirs.
Il s'occupa uniquement de fes �tudes, comme
s'il n'avoit d'autres fecours que cc qu'� pouvoit
gagner
-ocr page 170-
Flamands, Allemands , & Hollandois. I�5
gagner a peindre Ie Portrait & des Sujers pns T7ZT*
dans la vie priv�e. Et d'ailleurs, plus occup� a '
�tudier qu'a s'enrichir, il ne put y refter auffi "
long-temps qu'il 1'auroit defir�. 11 quitta fes con-
fr�res & 1'Italie, & arriva a Anvers, o� il ne
manqua pas d'abord d'�tre employ�. Ma�s accou-
tum� a vivre au milieu d'un nombre d'Artiftes,
il ne put foutenir la folitude d'Anvers, dont
Ie commerce �toit prefque an�anti. Il fe d�ter-
mina a paffer en Hollande, & choif�t Amfter-
dam o� il eft mort, fans avoir fait une grande
fortune.
Les Portraits de van Bloemen ne font pas fans
m�rite, & fes converfations galantes auroient
eu plus de fucc�s, fi fa couleur avoit �t� plus
vraie, moins eclatante & moins crue: c'eft tou-
jours un Artifte plein de m�rite.
N. SMITS.
ON ne fgait rien de la vie de jV. Smits,
natif de Breda, ma�s on connoit bien fes
Ouvrages en Hollande; c'eft au Chateau d'Hons-
Laarsdyck
que l'on voit de ce Peintre plufieurs
beaux Plafonds & debeauxTableaux d'Hiftoire,
qui font rares & fort chers. Il �toit bon Colo-
rifte, bon D�ffinateur & plein de g�nie.
L 3 ABRAHAM
-ocr page 171-
l66            La Fie des Pcintres
ABRAHAM BREUGEL.
�;� A Braham Breugel, connu fous Ie
1072. il nom ^ Breugle Ie Napolitain, naquit k
^^^ Anvers Fan l�yl.On lecroit Fils& Eleve i�Am-
broife Beugel,
Direfteur de F Acad�mie d'An-
vers, en 1�53 & 1670. Quoiqu'il en (oit, Abra-
ham
alla de bonne heure a Rome, o� il femaria,
& o� ('es �uvrages ftirentfort recherches, ainfi
qu'a Naples. Ses Tableanx de Fleurs & de Fruits
lui m�riterent une grande r�putation. La Bande
acad�mique Ie nomma Rhyn-Graef, ou Comte
du Rhin.
Breugel eft celui de nos Flamands qui s'eft
Ie plus enrichi a Rome; il n'avoit qifune rille
de fon Manage, & ce fut pour lui procurer
une plus grande dot, qu'il perdittout; il con-
fia fon bien a un N�gociant, qui, bien loin de
Ie faire valoir, prit la fuite & Ie ruina.
Ce malheur lui en caufa d'autres. Sa fille,
qui �toit la plus belle perfonne de Rome, �tant
accord�e, vit �chouer fon �tabliflement; elle
fe retira dans im Couvent, oii elle fe fit Reli-
gieufe, apr�s la mort de fon pere, qui n'avoit
pu furvivre a fon malheur: nous ne pouvons
dire en quelle ann�e.
Les Ouvrages de ce bon Artifte font du pre-
mier m�rite: les fruits & les fleurs y sont re-
pr�fent�s avec une tr�s-grande v�rit� , une cou-
leur chaude & exa&e, une touche large qui
tnarque
-ocr page 172-
Flamands , Allemands & Hollandois.
marque la plus grande facilit�, & Ie caraftere-------�
d'un Peintre qui a bien vu & bien r�fl�chi.           1072.
On voit a Gand, chcz, M. Hamerlinck, un ^^
fort beau Tableau de ce Maitre. Ce font des
Fleurs d'une grande v�rit� & de la plus belle fa-
9011 de faire.
NICOLAS
-ocr page 173-
N I C O L A S
V E R K O L I E,
�LEVE DE SON PERE
JEAN KERKOLIE.
Ean Verkolie ayant apper-
911 dans fon fils Nicolas Ferkolie,
n� a Delft en 1673 , une incli-
nation marqu�e pour la Peinture,
ne manqua pas de 1'aider par (es
conseils, & encore plus par fes
exemples dans l'�tude & Timitation de la natu-
re: mais ce pere �tant mort trop tot pour ua
fils digne de lui; ce fils ag� de vingt ans, &
devenu
i673
-ocr page 174-
La Vie des Peintres, &c.           169
Revenu d�ju aflez habile dans fon Art, fuppl�a , ~7"T
par fon travail & fon application, a la perte _____
qu'il venoit de fnire. Qnelques Portaits Ie fi- '"
rent bient�t connoitre des perfonnes de diftinc-
tion; encourag� par les premiers fucc�s, il re-^
doubla fes tfforts , & il effaya fes talens fur des
fujefs plus dignes d'nn hommede g�nie.
Des Tableaux d'Hiftoirel'occuperent entiere-
ment : on vit fortir de fa main un fujet bien
compof�, c'eft Betbfab�e au bain; enfuite celui
de Moyse trouv� fur Ie Nil : Saint Pierre qui
renie notre Seigneur. Ces Tableaux furent en-
lev�s par les Amateurs : on Ie chargea de grands
Ouvrages pour orner des falles, & des places
tr�s-va�es, il r�uflit toujours au gr� des Con-
noiffeurs. Ceux qui font g�n�ralement lou�s
dans ce genre font a Amfterdam, chez M. Zieder-
velt:
une falle endere eft entour�e de Tableaux
de Verkolie. Les fujetsfont tir�s du PaflorFldo;
on en trouve de femblables dans la Maifon de
campagne de M. Modern , qui ont fait Ie plus
grand honneur a eet Artifte.
Jamais il ne fut un inftant oifif: la paffion
qu'il avoit pour s'inftruire ne lui fit rien n�gliger:
il n'�toit jamais fans livres; on nous affure qu'il
ne faifoit fes repas qu'en lifant. Il avoit Ie talent
fup�rieur de deifiner a 1'encre de la Chine mieux
que perfonne de fon temps; auffi voit-on ven-
dre fes Defleins a grand prix & ils font fort ra-*-
res. LI fut choifi pour deffiner les perfonnes il-
luftres qui avoient honor� de leur eftime la
c�lebre Koerten Blok. Tous ces Portraits, qu'il
faifoit dans fes momens de loifir, font admira-
fclss. Il y a ajout�le fien, qui a m�rit� que deux
Po�tes
-ocr page 175-
170                La Fie des Peintres
-------Po�tes Hollandois Feicama & Bogaert, Tayent
I"73< honor� de leurs beaux vers.
1-----■ Nous n'omettrons pas d'indiquer fes Gravu-
res en maniere noire, affez connues par les
Amateurs: il auroit furpaff� tous ceux qui ont
exerc� eet Art, s'il n'avoit pas eu d'autres occu-
pations. Ses talens & fon efprit Ie firent regret-
ter a fa mort, qui arriva Ie 21 Janvier 1746,
ag� pres de foixante-treize ans.
Le m�rite de fes Ouvrages confifte dans im
deffein corredt, une bonne couleur & une belle
fonte dans fes petits Tableaux ; fa touche eft
ferme, quoique mouelleufe : les fujets de nuit,
qu'il a bien repr�fent�s, font tr�s-recherch�s &
tr�s-piquans , les plus beaux Cabinets en font
orn�s, & fes Portraits d�corent les maifons
des perfonnes de diftin�ion. Ses Ouvrages ra-
res en France, le font moins en Hollande.
On voit a la Haye, chez M. Lormier, une
belle compofition , c'eft Cl�opatre qui pr�fide a
un feftin. Et chez M. Leenden deNeufville, a Ara-
fterdam , les trois Tableaux d�ja cit�s, Moyfe
trouv� fur le Nil, Saint Pierre qui renie notre
Seigneur, & Bethfab�e au bain. Et a Rouen,
chez M. Marye, Secr�taire de Roi,une jolie
Couturiere, qu'un homme courtife de pres: ils
font �clair�s a la bougie : ce Tableau eft bien
penf� pour les expreffions; le deffeia & 1'har-
monie y font fup�rieurement rendus.
GUERARD
-ocr page 176-
Flamands , sllleinands & Hollandois.
G�ERARD WIGMANA.
WIgmana naquit Ie 2.7 Septembre 1673, ~}
W a Workum , dans la Frife. Auffi-t�t qu'il IO73/
fe vit en �tat de voyager, il alla en Itali� :
Rapha�l, Jules Romain & Ie Titlcn furent fes
modeles. Il copia & deffina d'apr�s leurs Ou-
vrages pendant quelques temps.
De retour en Hollande, il fe mit a compofer
& a peindre ; tous fes fujets font la pl�part pris
dans 1'Hiftoire Romaine ou dans la Fable; on
ne peut �tre plus laborieux que ne Ie fut IVig-
mana
,� malgr� Ie fini de fes Ouvrages , il em-
ploya fi bien fon temps, qu'il en produifit plus
qu'il n'en put vendre 5 il avoit Ie d�faut de les
louer lui - m�me avec fi peu de m�nagement
qu'il en rebuta les Amateurs. Il eut la folie
de demander trois mille florins d'Hollande pour
Ie Tableau o� il avoit repr�fent� Alexandre au
lit de la mort. Ce Tableau , qui avoit du m�-
rite & d'excellentes parties , avoit �t� mis a fi
grand prix qu'il lui refta. Ce fut M. Lorm�ery
a la Haye, qui 1'acheta apr�s la mort du Pein-
tre. Il peignit 1'adieu d'Heftor &r quelques fu-
jets pris dans la vie priv�e ; Ie prix qu'il y met-
toit en d�go�ta tout Ie monde. Il partit pour
Londres, pour voir fi 1'Angleterre ne lui feroit
pas plus favorable : on nous affure qu'il n'y
r�uffit pas mieux. Il retourna a Amfterdam, o�
il a fini fes jours Ie 27 Mai 1741. Il ne laifla
qu'un fils, qui eut une conduite fi peu r�gl�e,
que
-ocr page 177-
172.                  La Vie des Peintres
'          que la raifere Ie contraignit de pafler aux In-
Ifi7?- des.
Wigmana m�ritoit un autrefort; fes Tableaux
d'un beau f�ni font la plupart bien compof�s.
Il s'�galoit a Rapha�l, c'�toitfa folie; &c'eiU
propos de cela qu'il efl connu fous Ie nom de Ra-
phael
Ie Frifon ; car a la vue de fes Tableaux
on ne foupconneroit pas m�;ne qu'il ait vu les
Oiivrages de ce Maitre. Je ne jugerai pas fur
un feul Tableau, que j'ai vu de lui , du m�rite
des autres. En voici quelques-uns dans les Ca-
binets d'Hollande.
On voit a la Haye, chez M. van Heteren,
Ie G�nie du DefTein , repr�fent� par une jeune
Femme affife. Chez M. Nicolas van Bremen , la
D�effe C�r�s.
Et a Rotterdam , chez M. L�ers, Jofeph &
la Femme de Putiphar.
JACQ�ES DE BAAN,
Eleve de son Pere
J E A N DE BAAN.
JAcq�es de B A A N , n� a la Haye en
1673, �toit Fits & Eleve de Jeande Baan,
dont nousavons parl� torn. 2,pag.47I. Guid�
par fon pere, doublement encourag� par fes
exemples & par fes fucc�s, on Ie vit a 1'age
de dix-huit ans peindre un Portrait qui fut �gal�
a ceux des bons Maitres. Ce jeune Artifte, qui
vifoit
-ocr page 178-
Flamands, Allemands & Hollandois. l*jj
vifoit a la gloire , & en m�me-temps a la for-
tune, comprit bien qu'ilne feroitpas iliffifamraent
employ� dans Ie lieu ou demeuroit fon pere.
Ayant obtenu de lui la permiffion de voyager,
a peine ag� de vingt ans, il pafia en Angleterre,
a la fuite du Roi Gu�llaume III, o� la c�l�-
brit� de fon pere lui fervit beaucoup. Quelques
Portraits de fa main fixerent , en fa faveur,
tous les Grands de la Cour, il les peignit fi bien,
que Ie Duc de Clochejfer lui fit faire fon Por-
trait en pied, qui fut auffi lou� & admir�. La
fortune �toit fi favorable a norre de Baan, qu'on
fit ce que 1'on put pour Tarr�ter a Londres; mais
les plus belles efp�rances de fortune ne purent
Ie d�tourner d'aller voir Rome. Il quitta tout,
pafla par la France & ne s'arr�ta qu'a Floren-
ce , o� Ie Grand-Duc , plein d'eftime pour fon
nom, Ie reent honorablement, lui fit voir fa
belle Colleftion , & lui montra Ie Portrait de
fon pere , fait par lui-m�me, ainfi que celui de
Gu�lautne Doudyns. Ce Pnnce redoubla fon
eftime pour Ie fils , apr�s avoir vu quelques Por-
traits qu'il eut occafion de peindre ; mais il fut
encore plus furpris lorfqu'il Ie vit travailler aux
Ouvrages a fraifques avec une facilit� qui fup-
pofoit beaucoup d'ufage , quoiqu'il n'en e�t
pas.
Le Grand-Duc voulut fixer de Baan a fon
fervice par des penfions confid�rables ; rien ne
put le tenter. Il arriva a Rome plein de fon
projet, qui �toit 1'�tude , & il s'y livra affi-
duement; il ne put �chapper a la Bande acad�-
mique , qui le nomma le Gladiateur, a caufe de
ia force & de fon adreffe. Tranquille alors,
il
-ocr page 179-
174               La Vie des Pcintres
"~"~~ il compofa des Tableaiix d'Hiftoire & des fujets
1673. galans pris dans la vie priv�e & quelques Por-
^==r traits. Ses Ouvrages furent recherches, fes �tu-
des en augmenterent Ie m�rite & Ie prix : mais
s'il �toit affidu a obferver les Ahtiques & les
Ouvrages modernes, il ne manquoit pas une
f�te bachique; il �toit fi exa� a ie trouver aux
feftins de la Bande acad�mique, que, malgr� Ie
prix de fes Ouvrages, qui �toient auffi-t�t ven-
dus qu'ils �toient faits, il �toit toujours fans
argent. Il eut Ie chagrin de voir partir Nat-
thicu TervveJIen ,
fans pouvoir retourner avec
lui : mais 1'ann�e fuivante un Prince d'Alle-
magne Ie ramena a Vienne. Ainfi �chapp� aux
habitudes dangereufes de fes Confr�res, qui
�toient plus lies par l'amour du plaifir que par
celui de leur Art, il retrouva dans Vienne la
r�putation de Rome, & Ie nom de Ion pere:
heureux pr�jug� qui lui avoit fi bien fervi ail-
leurs, & qui fe fortifia de plus en plus aufli-
t�t que 1'on eut vu de fes bons Portraits. Mais
a peine commencoit-i! a jouir de fa gloire, qu'une
maladie violente 1'cnleva en peu de jours. 11
mourut au mois d'Avril 1700, ag� feulement
de vingt-fept ans. Cct Artifre approche de fon
pere dans Ie Portrait ; mais il 1'auroit bien fur-
paff� dans toutes les autres parties del'Art ,puif-
qu'il avoit m�rit� dans Rome m�me Ie nom
de Peintre habile, s'il n'y eut pris Ie gout des
plaifirs , qui d�truifirent fa fant� a la fleur de fa
jeuneffe.
MARC
-ocr page 180-
Flamands, Allemands & Hollandois. 17?
MARC
VAN DUVENEDE,
�LEVE DE CARLE MARATTL
DU V E N E D E naquit a Bruges vers 1'an
1674. Il paro�t qu'il a quitte fort jeune
fa Patrie pour voir lltalie. Il demeura deux
ans a Naples ; mais o� il profita Ie plus, c'eft
dans lesquatre annces qu'ila paff�es dans l'Ecole
de Maratti, qu'il ne quittaque lorfque fes Ou-
vrages lui obtinrent Ie nom d'un Maitre habile.
Ilrevint dans fon Pays , o� il �prouvacombien il
avoit employ� (on temps a m�riter la c�l�brit�.
Quelques Ouvrages places dans les Eglifes de Bru-
gesluienf�rentdonnerd'autresplusconfid�rables;
mais un Manage qu'il contra&a bien-t�t, �taaux
Amateurs Ie plaifir de voir fortir de fa main
autant de Tableaux qu'ils en defiroient. Le pro-
fit confid�rable que fa femme faifoit dans un
grand commerce de Dentelles,feconda fa pa-
reffe, & n'ayant poir.t d'enfans , il ne fit pref-
cjue plus rien. Sa vie molle & oifive fut punie
d'une cruelle goutte,dontayant �t� long-temps
perclus t il mouruten 1729, ayant a peine cin-
quante-cinq ans.
Les Ouvrages de ce Peintre font entierement
dans la maniere de fon Maitre: un bon gout
de deffein, une maniere large , facile Sc pleine
de force jonne diftingue que trop ceux qu'il
1674.
-ocr page 181-
176              La Vle des Peintres
*~ a faitsa fon retour de ceux du temps de fa pa*
'" refle. En voici quelques-uns connus.
------ On voir, aBruges,le Martyre de Saint Lau-
rent, dans Ja Chapelle de Saint Chriftophe:
une autre belle compofition dans 1 Eglife des
Clairifles, & chez feu M. F~oormacht^h,qiiatte
Tableaux : un Salcmon faifant br�ler de 1'encens
en 1'honneur des faux Dieux ; les quatre El�-
mens; Samfon & Dalila; & Jahel qui tue Si-
fara.
JEAN-BA PT IS TE
BRE�GEL
JEan-Baptiste Br EU GEL eft frere dV-
brahatn Brcugel,dont nous vcnons de parier,
tous deux habilcs , 1'ain� eft cefjendant plus efli-
m�. Jean-Boptifie fut nomm� , par la Bande aca-
d�mique, M�l�agre ; il a toujours demeur� a
Rome,o�il eft mort, regrett� pour fes talens
&fesmoeurs. Nous fommes facli�s de ne fcavoir
rien de plus furfa vie ni fur fes Oiivrages.
ABRAHAM
RADEMAKER.
6"� TJ Ad E M A K ER naquit a Arrflerdam en
**- 1675. C'efl encore un homme rare, qui
devint habile fans maitre. Son Pere �toit Vi-
trier,
-ocr page 182-
Flamands, Allemands & Ilollandois. 177
trier, Sc n�antnoins il lui accorda la permif�ion ~~ '
d'�tudier, il paffa les jours & les nuits adefliner& 37 ''
a copierd'abord a Tencre de la Chine. 11 effaya de ��r
peindre a gouaffe, & il peignit avec la m�me
force & la m�me libert� que s'il avoit peint a
rin�le. Arriv� a Ce point, �l ent recours aux
meilleurs Auteurs qni ont �crit furrArchitedure
& fur la Perfpeftive. Tous fes Contemporains
1'admirerent & vanterent fon m�rite.
Il furprit �galement parfesTableaux a 1'hu�e.
Toujours, fans �tre guid�, il devina tout; on lui
vit faire en petitde jo�isPayfagesavec desdcbris
d'Archite�ure , des figures & des animaux bien
group�s & biendeffin�s. Il fe chargea d'orner un
Saion de grands Tableaux : il compofoit en
Ma�tre; la nature y �toitbien repr�fent�e, mais
avec choix & avec art. Sa couleur excellente
k vigoureufe r�pare un peu la f�chercffe de fes
grands Ouvrages: Fhabitude de travaillcr en pe-
tit lui avoit donn� ce d�fauf.
Etant all� demeurer a Harlem en I730 ,
il fut admis , deux ans apr�s , dans Ia Soci�t�
desPeintres ; il fut la malheureufe vi�ime des
faux bruits r�pandus parmi Ie peuple , que 1'on
alloit d�truire les Prcteftans. Il �toit, a fon
ordinaire , Ie jour de la Saint Jean , occup� a
deffiner dans les Campagnes, lorfqu'il fe trouva
affail� par une troupede Payfans, qui croyoient
qn'il entreprenoit quelque chofe conrre leur
Religion. Ii auroit �t� afTomm� , s'il n'e�t �chap-
p� , par fa fuite , a leur fureur. La frayeur gla9a
fes fens , il languit jufqu'a� 22 de Janvier fui-
vant qu'il mourut en 1735 , a I'age de foixante
ans. Cet Artifle �toit lettre , avoit de la dou-
Tome IV.                               M ceur
-ocr page 183-
La Vie des Peintres
~Z� ceur dans Ie cara&ere: on nous affure que per-
*_ 71- ibnne ne parloit mieux de notre Art.
BALTHAZAR
VANDEN BOSCH,
�LEVE DE THOMAS.
VAnden Bosch naquit a Anvers vers
1'an 1675. Son pere, Tonnelier de pro-
feffion , s'apper^ut bien-t�t que fon fils ne vou-
loit point de fon m�tier: il lui chercha un Mai-
tre appel� Thomas, qui repr�fentoit aflez bien
des Appartemens avec des figures, comme ceux
de Teniers. Il rendoit aufli fes fonds int�reffans,
en les enrichifiant de curiofit�s, de tableaux
de buftes, de vafes, &c. comme les Cabinets
des Curieux. Ces fortes des fujets furent aflez
recherches. Vanden Bofch �tudia la m�me ma-
niere , il y r�uflit; mais les Curieux connoif-
feurs lui confeillerent de donner plus de no-
bleffe a fes Ouvrages : on trouvoit ridicule que
des Appartemens riches ne fuflent occup�s que
par Ie bas pcuple ; d�faut de jugement qui fai-
foit tort a la vente de (es Ouvrages. Fanden
Bofch
profita de ces avis. Scn pinceau acquit
plus de noblefle; des figures agr�ables int�-
reflent toujours plus que celles qui rappellent
des idees de mifere & de grofli�ret�. Le feul
Teniers les a rendues f�duifantes par la touche
fpirituelle & la vari�t�, mais il ne les d�placoit
point;
-ocr page 184-
Flamands, Alleman&s & Hollandois. 179
point; fes Payfans font dans les campagnes ,
ou dans leurs chaumieres , on ne les trouve I 7
point dans des Palais, ni dans des Galeries.
Vanden Bofch vit acheter cher fes Tableaux.
Il fitauffi des Portraitsqui r�uffirent. Uncertain
M. Wannemaker 1'engagea a ne travailler que
pour lui feul: 1'Artifte fe crut trop heureux , mais
il reconnutbien-t�tque 1'autre gagnoit Ie doubl�
fur fes Ouvrages; Ie hazard Ie tira de cette efpece
de tyrannie. Le Duc de Marlborough, pour lors
a Anvers, enchant� des produ&ions de vanden
Bofch
, lui fit faire fon Portrait a cheval. Fan Bloe-
men
avoit peint le cheval; ce Tableau eut tont le
fucc�s defir�; enfin on vit fes Tableaux monter
a un prixqui tenoit de la folie, on les payoit plus
cher que ceux de Teniers, d'Oftade, &c. Quel-
ques-uns de ce Maitre ont un vrai m�rite, bien
compof�s, quelquefois bien deffin�s ; fans unc
extreme fineffe , on y trouve d'affez bonnes
formes , & toujours une couleur agr�able. Ses
fujets font bien penf�s: ce font prefque toujours
des Peintres ou des Sculpteurs dans leurs atte-
liers , entour�s de Buftes de marbre, de bronze,
de platre ou de terre cuite: il les a vari�s
de diff�rentes facons : fon pinceau paroit facile
& pr�cieux , il a une touche d'efprit: fes figu-
res font gaiantes & habill�es fuivant la mode,
fes �toffes font auffi fort bien imit�es ; avec tout
cela ce ne font que des Tableaux a mettre dans !a
deuxieme claffe des Maitres dont nous avons
parl� , & nous nous garderons bien de les efti-
raer autant que fes Compatriotes les eftimerent
de fon temps.
Ce Peintre profita de fa vogue, il amaffa du
M z              bien ;
-ocr page 185-
l8o                La Vie des Peintres
��� bien ; mals tomba dans la crapule & 1'ivrogne--
_ / * � rie, qui lui abregerent fes jours , il mourut des
^ '■� fuites de les exces en 17IJ. Il �toit pour lors
Direc�eur de 1'Acad�mie.
QueJques Tableaux de ce Maitre , bien choi-
fis, font conferv�s dans les beaux Cabinets. Je
n'en ai vu qu'un feui en France dam celui de
feu M. Ie Cointe de Vencc: c'eft un Sculpteur qui
corrige fes Eleves.
On voit dans Ie Cabinet de M. Lucas Schamp st
a Gand, deux Tableaux de vanden Bofch, de
fon plus beau & de fon plus f�ni: 1'un repr�-
fente Ie Cabinet d'un Peintre tr�s-orn� de Ta-
bleaux & de Figures de ronde-bofie ; Ie Peintre
af�is devant fon chevalet, travail'e : un Ele-
ve montre un Tableau de fleurs a un jeune
Seigneur qui accompagne une jolie Perfonne ,
un petit Domeftique negre lui porte la queue.
L'autre erl: i'Attelier d'un Sculpteur qui travaille
a. perfe�ionner une figure de marbre; de jeu-
nes Eleves deffinent d'apr�s des rondes-boffes.
Nous ne citerons qu'un feul Tableau de lui dans
la Ville d Anvers, & nous Ie croyons Ie plus
capital & Ie plus beau qui foit forti de fa main:
il eft place dans la Sale de la Confr�rie de 1'Ar-
bal�tre (appel�e les Jeunes ,)on y voit rc-
pr�fent� en pied rous les Chefs de cette Com-
pagnie d'apr�s nature ; FArchite&ure eft par
Verftra�ten. Le Ciel & Ie refte du fond, eft par
Ilujfmans de Malincs ; ces fortes de Tableaux
fe faifoient pour les Confr�ries: ceux qui s'y
trouvoient peints payoient 1'Artifte. Dans le
Tableau dont nous avons parl� , le Bourgue-
meftre Delcampo, pour lors le Chef, n'ayant
pas
-ocr page 186-
Flamands, Allemands <S* Hollandois. 1SI
pas aflez r�compenf� vanden Bofck , celui-ci,
pour fe vetiger, repr�fente ce Magiftrat Ie pou- 1675.
ce ferme dans la main. On y voit encore ceTa- ^g"»
bleau, qui fera toujours honneur a celui qui en
cft 1'Auteur, & aflez peu a 1'avarice de M. Ie
Bourguemeftre.
ANSELME WEELING.
g naquit a Bois-le-Dne Ie 21
Novembre 1675. Son pere , Officier au
fervice des Etats-G�n�raux , ne Ie contraignit
point de prendre Ie parti des armes: fon inclina-
tion pour laPeinture lui procura unMaitre. Ce fat
uncertain DelangPe'mtre m�diocre, dePortrait,
qu il furpafla bien-t�t. Nous avonsremarqu� dans
cette Hiftoire, que beaucoup de bor.s Artiftcs
n'ont eu pour Maitres que de mauvais Peintres;
ils tenoient tout de leurs difpofitions 5: de leur
perf�v�rance a fuivre la nature. Weelingiwt en-
core la victime de la jaloufie & de 1'ignorance
de fon Maitre: il falloit �fre n� comme lui pour
notre Art pour ne pas Fabandonner : il quitta
ce m�chant homme , & fut a Middelbourg , 0:1
Ie hazard Ie fit connoitre d'un Amateur, Mar-
chand de Tableaux, que 1'on fonpgonne �tre Ja-
cob Ban.
Il montra au jeune homme les Ouvra-
ges des grands Artiftes. TFeeling, qui n'avoit
jamais vu que les flens , enfl� peut �tre de fa
fup�riorit� fur Delang, renrra en lui-n:�-
me, & fut honteux da s'�tre laifle tromper
par Tamour - propre. Il s'abandonna au d�-
M 3 feipoir y
-ocr page 187-
La Vie des Peintres
fefpoir , quitta la Peinture & s'enr�la pour paf-
' ier aux lndes. J>on de�ein rut decouvert au mo-
ment qu'il alloit fe perdre. Ce m�me Ban, au-
quel nous avons 1'obligation des Ouvrages que
Weeling nous a laiff�s, arrcta Ie jeune Artifte,
Ie confola, & 1'affura d�s-lors de la r�putation
ciont il a joui. Il paffa deux ans chez lui a copier
les beauxTableaux,dont il avoit grandnombre,
& fe fortiria tellement, qu'alors il en compofa
dans la maniere deSchalcken & de vander Werf,
que les Amateurs enleverent & payerent cher.
11 gagna ainfi beaucoup de bien & l'amiti� des
principaux du Pays : il ne put con�erver ni 1'un
ni 1'autre , il fe livra a une d�bauche crapuleufe
qui lui enleva fon argent & fes amis. Il fut in-
fenfible a cette perte affligeante, & ne put r�-
fifter a fa honteufe pafiion. Combien de malheu-
reux Artiftes confument la moiti� de leur vie
dans des travaux p�nibles pour acqu�rir des hon-
neurs & des biens; a peine les ont-ils obtenus
qu'ils vont les enfevelir pour jamais dans des
d�bauches fuivies de 1'opprobre & de la mi-
fere.
Weeling retourna a Bois-lerDuc, mit Ie com-
ble a fes �garemens, en �poufant, dans fa vieil-
leffe, une jeune perfonne qui Ie r�duifit a 1'indi-
gence , dont fes Ouvrages, de plus en plus m�-
diocres, ne purent Ie tirer. Il eft mort Ie 29 No-
vembre 1749.
Les Tableaux de ce Maitre font d'nne bon-
ne couleur & d'un affez bon gout de deffein. Il
entendoit bien les effets de la lumiere, auffi
voyons-nous bien des Tableaux de fnmain, qui
repr�fentent des fujets �clair�s a la bougie. On
eftime
-ocr page 188-
Flamands, Allemands & Hollandois. 183
eftime autant fes premiers Ouvrages, comme
Ton eftime peu les derniers.
FRANgOIS STAMPART,
�LEVE DE TYSSENS.
C^ StaMPART naquit a Anvers
■T Ie 12 Juin 1675: on aflure que TyJJens avoit
�t� fon Maitre : 1'envie de gagner, jointe a
quelques fucc�s, Ie porta a peindre Ie Portrait.
Il prit d'abord pour modele van Dyck & de Vos;
mais tont ce qu'il fit depuis fut peint d'apr�s
nature. Etant fort jeune, il fut appell� a
Vienne ; TEmpereur L�opold, Charles VI &
Sa Majeft� r�gnante , 1'ont fucceffivement ho-
nor� du titre de Peintre du Cabinet. Nous fga-
vons tr�s-peu de particularit�s de fa vie : nous
ne doutons pas des talens d'un homme qui a
rempli une place li diftingu�e dans line Cour
oii les bons Artiftes font en grand nombre. On
dit qu'il avoit imagin� une maniere expeditive,
lorfqu'il peignoit des perfonnes de confid�ra-
tion , qui n'avoient ni Ie temps, ni la patience
d'attendre; il deffinoit leur t�te aux crayons
noir, blanc & rouge : d'apr�s ce deflein, il
peignoit & il ne fe fervoit plus de la nature que
pour finir. Stampan mourut a Vienne, Ie 3
Avril 1750, chez les Peres Minorites oii il s'�-
toit retir�.
Nous ne connoif�ons pas les Portraits de ce
Maitre, mais ils font tr�s-vant�s par les Artiftes
M4                &
-ocr page 189-
184               La Vie des Peintres
-------& les Amateurs. Un Auteur rdpedable affure
579- que Stampan, avant d'cbaucher une t�;e, don-
- noit une couche de couleur de chair a la place
m�me o� il la pofoit.
DANHAVER,
�LEVE DE BOMBELLI.
NOus regrettons encore de ne pouvoir rien
rapporter lur la vie de Danhaver , origi-
naire de Souabe , ou de quelque eerde voifin.
Ce g�nie facile cultivoit plufieurs talens, entre
lefquels on compte ceiui d'Horloger qu'il exer-
ca d'apr�s fon pere: la Peintiire i'enlevaa ces
diff�rens eilais, Se lecaptivatellemment, qu'ilquit-
ta
m�me parens & patrie , & choifit 1 Iialie pour
y apprendre la Peintiire & la Mui�que. Bom-
�elli ion
M.utre Ie regarda comme fon Eleve
dans fes Ouvrages a Thuile & en mignature.Son
d�part d'Italie & fes voyages dans d'autres Cours
nous font inconnus. Enfin il s'�tablit a P�ters-
bourg, o� fes talens pour Ie Portrait lui ont ac-
quis baucoup de gloire. Nous apprenons qu'il
y eft mort vers 1'an 1733; c'eittoutce que nous
avons d�couvect de certain.
THIERRY
-ocr page 190-
Flamands, Allemands & Hollandois. 185
THIERRY
VALKENBURG,
�LEVE DE JEAN WEEN INX.
VALKENBURG naquit a Amfterdam Ie 17
F�vrier 1675. ^on avidit� pour apprendre
d�s fon enfance, Ie rendit,a neuf ans, fup�-
rieur a ceux de fon age, pour 1'Arithm�tique &
TEcrtture; mals Ie deffein euf pour lui bien d'au-
tres attraits , tont ce qu'il vit fut deffin�, & cette
habitude de tont copier lfti donna la plus grande
facilit�. Son pere , qui aimoit les Arts par gout,
pla^i fon fils chez un nomm� Kuilenberg; il y
refta dix-huit mois. Tout jeune qu'il �toit, il
voyoit d�ja trop combien ce Ma�tre �toit m�-
diocre & peu propre a Tavancer, fon pere s'en
apperc.it auffi ; & ds crainte de d�go�ter Ie jeune
Eleve, il lui donna d'autres Maitres, Mekhior,
Misffcher,
Ie Bourguemeflre Vol/enhoven, & en-
fin Jean FFceninx : deux ann�es de lecon de ce
dernier, employees a copier (es Ouvrages & a
imiter la nature, Ie rendirent capable de travailler
feul.
11 parcourut Ie pays de Gueldre & d'Overyf-
fel , oii fes Portraits r�iiflirentauffi-bien que fes
compofitions de Gibier mort & vivant: mais eet
Artifte �toit d�ja trop habile pour fe contenter
de ce premier fucc�s, il vouloit parvenir a ce haut
d�gr� de m�rite & de gloire que Ie feul f�jour
de Rome pouvoit lui procurer.
                       En
-ocr page 191-
l86              La Vie des Peintres
En 1696, il entreprit ce voyage par 1'Alle-
magne : Nimegue , Francfort, Nuremberg font
les Villes o� il travailla. Augsbourg fut celle o�
il rencontra un Amateur diftingu�, Ie Baron de
Knobel, depuis Ev�que d'Eyftadt. Ce Seigneur
aima tellement les Ouvrages de notre Artifte,
qu'il Ie logea dans fon Hotel, lui donna fa table
& paya g�n�reufement tout ce qu'il fit pour lui.
Le Prince Louis de Bade, de retour a Augs-
bourg, frap� du beau Portrait du Baron de Kno-
bel,
& des Tableaux o� Valkenburg avoit repr�-
fent� toutes fortes de Gibier mort & vivant,
offrit au Peintre 2000Da'�lders , fa table , &c.
Le Prince ne put obtenir que quelques Ta-
bleaux : fix mois de f�jour dans Augsbourg furent
le terme que le Peintre s'�toit prefcrit; il con-
tinua fa route. Arriv� a Vienne , il y �toit d�ja
connu. Le Baron de Knobel avoit �crit en fa
faveur. Valkenburg fut �tonn� de voir arriver
chez lui un Officier de la part du Prince Adam
de Lichtenflein
, pour lui demander a voir de
fes Ouvrages; il n'avoit que le feul Tableau
auquel il travailloit : il 1'envoya encore frais.
Le Prince en fut enchant�, & de crainte de rnan-
quer le Tableau, il le garda, & le paya cent
cinquante ducats. L'Auteur recut ordre d'en faire
trois autres dans le m�me gout. Il fut log� chez
le Prince, admis a fa table avec les plus grands
egards. Valkenburgneputfu�r fon malheur.Com-
bl� de gloire & de biens, 1'envie de retourner
chez lui, lui fit refufer les propofitions les plus
honorables ; & Rome qui avoit �t� le premier
objet de fes voyages , & dont le f�jour lui avoit
paru fi n�ceffaire a la perfe&ion du gout & des
talens,
-ocr page 192-
Flamands , Allemands & Hollandois. 187
talens, ne fut pour lui qu'une Ville defagr�able, " ■■
a laquelle il renonca pour jamais.
                        J "75 �
R�folu de partir, il prit cong� du Prince
enrichi de fes Ouvrages, & de pr�fens qu'il
avoit recus ; il vint a Amfterdam, o� la for-
tune & la gloire fembloient 1'attendre. Sa r�-
putation 1'avoit d�ja annonce a la Cour de Guil-
laume III
, Roi d'Angleterre, Ce Prince donna
ordre a Defmarets, Controleur desBatimens, de
lui faire vewir ce bon Artifte au Chateau de Loo.
Valkenburg Umi. promptement un Tableau qu'il
avoit commenc�, lequel fut 92CU, comme lui,
avec plailir: le Roi lui fit payer cent ducats, aux-
quelsil ajouta encore un pr�fent; quelque temps
apr�s, Sa Majeft� !e fit appelerde nouveau pour
ex�cuter des Tabieaux qu'il avoit projett�sx'�toit
pour lui peindre des Oifeaux �trangers & rares.
Le Roi �toit li occup� , qu'il ne put s'entretenir
avec le Peintre, & il lui fit dire, q�'�tant oblig�
de paffer en Angleterre, il lui feroit pan de fa
volont�
, lorfqu il feroit de retour; mais la mort
enleva aux Artiftes ce Prince plein de gout qui
�toit leur M�cene : premier malheur pour Val-
kenburg.
Le Baron de Schmettau, Envoy� du Roi de
Priii�e , lui offrit, au nom de fon Maitre, mille
Rixda�lders de penfion pour demeurer a Berlin,
en qualit� de Peintre de la Cour« il refufa le
Roi par attachement a (a Patrie, & il eut en-
core le malheur d'�poufer une femme que 1'on
nous peint des plus noires couleurs. C'�toitpour
elle qu'il avoit r�iift� a toutes les propofitions
honorables qu'on lui avoit faites, & ce fut elle
qui lui caufa mille chagrins : il n'eut de repos ni
jour
-ocr page 193-
188                La Fie des Pe�ntret
jour ni nuit. Enfin, au d�fefpoir , il eut la trifte
confolation de trouver chez un de fes amis un
azile imp�n�trable a cette furie. Il s'embarqua
pour Surynam ; mais apr�s y avoir demeur�
deux ans, il devint perclus de fes membres, &
fon corps reduit a une telle maigreur, que 1'on
craignoit pour fes jours. Il fe d�tcrmina a re-
paffer en Europe, o� il fe r�tablit affez bien
pour reprendre la palette : mais, a en jugcr par
(es derniers Ouvrages, fes chagrins & fa tnala-
die avoient beaucoup affoibli fes talens; il fit
encore quelques Tableaux de Gibier mort, mais
ils'attacha plus a peiijdre Ie Portrait, qu'il fcut
faire reflembler & colorier avec v�rit� & beau-
coup de force ; Ie genre de fon Maitre a fait fa
r�putation, & c'eft a ce titre qu'il occupe ici une
place. Il fut furpris la nuit du IX au 23 Janvier
1721, d'nne attaque d'apoplexie, qui 1'enleva 1-
2 F�vrier fuivant^ encore jeune, & �puif� des
chagrins domeftiques. Il eft encore un exemple
fouvent r�p�t� dans eet Ouvrage, de ces Artiltes
pr�fomptueux, qui, loin de profiter des occaiions
quelafortune leur ofFre, femblent les d�daigner,
& veulent commander aux �venemens , au-licu
de s'y foumettre. Les Ouvrages de ce Peintre m�-
ritent 1'eftime que les Amateurs y ont attach�,
en les achetant un prix confid�rable. On voyoit
de lui deux Tableaux, apr�s fa mort, a Amfter-
dam, dont Ie prix �toit fix� a mille florins.
Dans la Vente de 1'Amateur van Vliet, on ven-
dit un Lievre mort cent foixante-iix florins ; des
Oifeaux morts, &quelquesattributsde laChaffe,
cent foixante-douze florins; un Chat qui tient
un Goq (bus (es pattes j & quelques Fruits, deux
eens
-ocr page 194-
Flamands, Allemands & Hollandois. 189
eens florins. Ces prix font augment�s & ne di-
minuer^nt point, tant que Ie m�rite aura fa va-
La pl�part des Onvrages de ce Peintre font
dans les Cabinets d'Hollande , d'Allemagne,
&c.
On voit chez M. Lubbeling, a Amfterdam,
un Tableau bien compof�, repr�fentant des Per-
dreaux raorts & les uftenfiles de la Chaffe.
GASPARD BOONEN,
�LEVE D'ARNOLD
BOONEN S 0 N F R ER E.
GAspard BooNEN,n�a Dordrecht Ie
7 Septembre 1677, eft Ie Frere & TEleve
d'Arnold Boonen, cit� dans eet Ouvrage. Il mar-
cha a grands pas fur les traces de fon frere; il
peignoit, comme lui, Ie Portrait, avec moins
de m�rite, mais toujours en Maitre; Ie talent
de faire bien reffembler, de difpofer agr�ablc-
ment & d'orner bien fes fonds avec une couleur
vraic, lui procura beaucoup dePortraits a Rot-
terdam & dans fa Ville natale, 011 il efi: mort
Ie 20 O&obre 172.9, a 1'age de cinquante-fept
ins.
CHARLES
-ocr page 195-
La Vie des Pcintres
CHARLES BREYDEL,
�LEVE DU VIEUX RYSBRACK.
les Breydel, * furnomm� Ie
1677. Vj Chevalier, naquit a Anvers en I�77. Son
premier Maitre �toit Ie vieux Rysbrack, Payia-
gifte. Trois ann�es d'�tude dans cette Ecole fuffi-
rent a fes Ouvrages > a fon entretien & a fa
fubfiftance. Son projet �toit d'aller en Itali�; il
s'arr�taa Francfort,o�fes �uvrages plurent beau-
coup: il alla enfuite a Nuremberg, o� il fut �gale-
ment bien re^u , mais toiijours dans 1'intention
d'aller a Rome. Au moment de fon d�part, il
appritque fon frere Francais Breydel �toit a la
Cour de Heffe - Caflel : 1'envie de Ie voir 1'y
conduifit. lis y travaillerent enfemble pour la
Cour & pour les Curieux d'Allemagne. Aprcs
deux ann�es de f�jour, Charles Breydel y laiffa
fon frere, & fut a Amfterdam -y toujours occih
p� du genre qu'il avoit en vue, il y trouva Toc-
cafion de fe former. Jacques Devos, marchand
de Tableaux, lui fit copier beaucoup de vues
du Rhin|, par Ie Peintre Jean Gryffier. Ce fut
pour
* Iflu de la familie des Breydel, Bouchers a Bruges, qui paffent
pour �tre d'tine anfienne Noblefl'e : i]s furent annoblis t il y a
quelques fiecles, pat un Empercur, auqucl ils rendirent des f«-
vices marejues. lts exercer.t Ie tti�me m�tier, fans deroger, por-
tant 1'�p�e 8c ort droit de chaOe fur toutes (ones de Cibier; c'eft
fout cela qu'on Ie romme Ie Chevalier, «i'autant plus qu'il �toit
auffi ti�s-magr.ifiquemem habill� , C'�toit une de fes folies.
-ocr page 196-
Flamands, Allemands & Hollandois.
pour Breydel un moyen f�r de devenir habile ; ����
& effeftivement} d�s-lors il acquit de la couleur, 1677.
de la fineffe & une facilit� de produire, m�me.....■'■■,�
ringuliere. Ce Peintre examina les vues d'apr�s
lefquelles les Tableaux avoient �t�copi�s; il en
fit d'autres, & cela lui r�uffit, enforte que nous
regardons la maifon de Devos comme fa princi-
pale Ecole.
Breydel voulut revoir Anvers, ayant peut-
ctre encore Ie projet d'aller en Itali�: fon ma-
nage 1'en emp�cha, il �poufa Mlle Anne Buliens:
mais, toujours inconftant, il laifla fa femme avec
cinq enfans pour aller travailler dans d'autres
Villes, fans jamais parier de fa familie & peut-
�tre m�me fans y penfer.
En 1724, il arriva a Bruxelles, o� il vifita
van Helmont, Peintre d'Hiftoire& de Portrait. Ce-
lui-ci recut Breydel dans fa maifon, lui fit pein-
dre quelques jolis Tableaux, qui lui ont procur�
beaucoup d'Ouvrages. Les Amateurs augmente-
rent de jour en jour: mais Breydel n'en amaf�k
pas une plus grande fortune; ami de tous les plai-
firs, trop r�pandu dans la monde, trop occup�
de fa figure,trop magnif�que dans fes habillemens,
il avoit & Ie fafle & Tair d'un grand Seigneur.
Un Curieux lui fit porter deux Tableaux pour les
retoucher, 011 pour y faire quelque changement.
Breydel les ayant finis, dit Ie m�me jour a van
Helmoni: Vo�la unOuvrage qui dok me rapponer
pres de quatre louis, c'efl une bonne affaire, je
veux vous payerla collatlon.
lis fortirent enfem-
ble, fans fermer Ie cabinet, dans lequel monta
un petit enfant de la maifon, qui prit une brofle
qu'il trempa dans Ie pincelier, enfuite dans du
blanc,
-ocr page 197-
La F~ie d�s Pcintres
�blanc, & qui barboi�lla les deux Tableaux en-
'"77* tierement.Kerckhove, un des Eleves de van Hel-
m^^T mont, s'
'en appercut Ie premier, il coumt enaver-
tir fonMaitre, qui prit quelque pr�textepour quit-
ter Breydcl, & vint a la maifon pour effayer de
r�parer Ie tort que fon fils avoit fait a 1'Ouvrage:
il vint a bout d'enlever la couleur de deffus Ie
Tableau qui �toit fee avant que 1'enfant y e�t
touche; mais en enlevant cette couleur, il �ta
auffi tont ce que Bnydel y avoit fait. Ce der-
nier retourna a la maifon qu'il trouva en ru-
meur. Peu s'en fallut que eet accident ne lui tour-
nat la t�te, parce qu'il comptoit fur eet argent;
mais, au-lieu de r�parer fur Ie champ ce petit
malheur, il fortit de rage, but long-temps, &
en fit de m�me pendant trois ou quatre jours,
fans rentrer chez lui. Parmi les gens de cette
efpece, une folie entra�ne toujours une autre
folie.
L'envie lui prit de changer encore de demeu-
re en 1727. Il choifit la grande Ville de Gard,
o� il s'�tablit avec une Gouvernante. Il fut voir
M. MariJJal, Peintre qu'il avoit connu chez van
Helmont'.
ce fut pour M .MariJJal qu'il fit un cou-
ple deTableaux que les Amateurs vinrert voir
avec plaifir. On lui en commanda de tous c�-
t�s : les premiers de la Ville, tels que Ie Baron
van Quifegem, Mrs- Lucas Schamps, Jean-Bc-
ti/Ie Dubois,
de Tutter, van Steenbergher,, de
Beckers, &c. chacun vouloit �tre fervi Ie pre-
mier. C'�toit encore Ie moment de fe fixer : Mais
autant il �toit inquiet & irr�folu dans fa con-
duite, autant il �toit indifferent pour fa fortune.
On ne fcait parquelle raifon ilquitta Gand pour
y
-ocr page 198-
F�amands, All�mcmds & Hollandois.
y revenir apr�s avoir demeur� pen de temps ��
aBruxelles.
                                                         I(^77
Deretour a Gand, il loua en 1737 une mai-
fon, comme s'il eiit eu Ie projet de s'y �tablir.
Ce fut pour lors qu'il travailla avec vivacit�,
fans pouvoir raflafier les Curieux. Il gagna beau-
coup, mais il d�penfa dem�me. Sa fidele com-
pagne fcavoit veiller a fes befoins, en allant
chezceuxqui luicommandoient des Tableaux,
pour demander fouvent des a-compte. Ce Pein-
tretr�s-accornmodant pour les jeunes Amateurs ,
leur faifoitdes petis Tableaux pour i'.irgentqu'ils
difoient avoir a d�penfer. Tout lui �toit �gal,
il r�gloit fon traVail fuivant leur bourfe. Aufl�
on trouve dans la Ville de Gand feule un {i grand
nombre de Tableaux de toutes grandeur» , que
1'on ne comprend pas comment il a pu tant faire
& perdre antant de temps.
Breydel pafla ainfifa vie, fans qu'il nous pa-
roifle qu'il fe foit fouci� ni de fa femme ni de fes
enfans qu'il avoit laiff�s a Anvers; fa fidele Gou-
vernante ne Ie quitta jamais, elle lui a furv�cu.
BreydeL ftitcriiellement tourment� de la goutte
fept a huit ans avant fa mort: il �toit perclus de
fes mains au point d'�tre quelquefois fix mois
fans pouvoir peindre : punition de tant d'exc�s ,
trifte exemple pour la jeunefle. Accabl� demaux,
il mourut a Gand Ie 4 Novembre 1744 , & fut
enterr� a Saint Bavon.
J'ai conlid�r� lesOuvrages de Breydel en trois
manieres; lorfqu'il croyoit voir la nature avec
les yeux de Gryffier : fes Tableaux avoient un
vrai m�rite ,une excellente couleur, c'�toient des
Vues du Rhin charg�es de Bateaux t mais abon-
Tome IV.                         N             dantes
-ocr page 199-
La Vie des Peintres
------dantes en jolies figures d'hommes & d'animaux.
x"77-II changea tout-a-coup cette maniere pour pein-
----- dre comme Ie Breugle de Velour. C'�toit legout
qui plailoit, mais il eut pour concurrent van
Bredael
& Michau. Il fuivit une maniere qui
lui �toit propre , & qui tenoit des deux pre-
mi�res pour lharmonie de la couleur , mais plus
claire; c'�toient des Batailles , des Attaques,
des Si�ges , des Campemens , &c. Quelques
Eftampes de vanden Meulen lui fervirent d'a-
bord, il en fut quelquefois Ie Copifte, & m�-
me Ie Plagiaire; mais il fit bien-t�t des �tudes
d'apr�s la nature : il compofoit tr�s-facilement,
il avoit pres de lui une douzaine de jeux de car-
tes, fur lefquelsil avoit deffin� fes �tudes, foit
au crayon rouge ou a la mine de plomb; la
vivacit� de fon efprit fe remarque fur tout ce
qu'il a peint : fa touche eft ferme & propre a
fes Ouvrages , fon deffein eft affez correcl:; s'il
avoit confult� plus fouvent la nature , fes Ta-
bleaux feroient fans prix. Il s'en trouve qui fen-
tent un peu trop la palette , mais d'aucres font
pleins d'harmonie. Nous allons indiquer une
petite partie de fes Tableaux, la pl�part fur
cuivre , fur du fer-blanc, quelques-uns fur des
plaques d'argent, & d'autres fur toile.
On en trouve deux a Roiien, chez M. Haillet
de Couronne,
Lieutenant-G�n�ral-Criminel. Ce
font deux Vues du Rhin, avec de j olies figu-
res & des animaux.
A Gand, chez M. Lucas Schamps, dix Ta-
bleaux : les Batailles font les plus confid�rables
& les plus pr�cieux de ce Maitre.
Chez feu M. Hamerlinik, un grand nombre de
Tableaux,
-ocr page 200-
jFlan�ands, Allemands & Ilollandois.
Tableaux, Batailles & Vues du Rhin, &c. Il
y a peu de maiions avec des cabinets o� 1'on
ne frouve des Ouvrages de BreydeL
CheiM.Jiian-Bapt!,'�:. du Bois, uneColle�ion
nombreuie de ce Peintre.
Chez M. Lormier, a la Haye , quatre Ta-
bleaux dans la maniere de Wonvvermans. Ce
font des Attaques, des Embufcades & des Con-
vois pill�s.
Et chez M. L�ers , a Rotterdam, deux Ba-
tailles.
PIERRE HERAIM�,
�leve de son Frere
S I M O N H A R D I M �.
HARDIM� naquit a Anvers en 1678, & , J"
fut Eleve de fon frere Simon haninn� '
Peintre de Fleurs, mort a Londres en 1737.
Pierre a fuivi Ie m�me genre , mais avec une
grande fup�riorit� fur les Ouvrages de fon Mai-
tre. Il quitta fon frere a. 1'age de dix-neuf ans
pour travailler a fon profit, il fut tr�s-employ�
a la Haye o� il demeuroit; M. Hogendorp , &
fon frere, Bourguemeftre de Rotterdam , 1'em-
ployerent beaucoup ; fes Tableaux furent por-
t�s dans toutes les Villes de la Hoilande. Il
�poufa, en 1709 , Adr�enne Lens, la foeur d'un
Abb� de 1'Ordre de Saint Bernard , pres d'An-
vers, ce qui lui donna occaiion de peindre pour
N 2             certe
-ocr page 201-
I$)6                La Fie des Peinires
# cette Maifon, en 1718, quatre grands Tableaux
* des quatre Saifons : tous les fruits & les fleurs
connus dans chaque faifon y font repr�fent�s;
1'Artifte s'y efl furpaff� ; les groupes y font
bien compof�s : les fleurs & les fruits bien imi-
t�s & bien finis. Cet Ouvrage fut fa gloire *&
lui en procura beaucoup.
L'Envoy� de PrufTe , M. de Schmettau, lui
commanda un Tableau de fruits & de fleurs
�trangeres pour Ie Roi de Pruffe, qui Ie recut
tr�s-bien. Tlardim� remplac.a Ie Peintre Ver-
bruggen
: il peignit dans les Plafonds, & dans
les autres Ouvrages de Tervveften, les fleurs &
les fruits. Le Comte de Waffenacr fit embellir
les Appartemens de fon Hotel en partie par ce
Peintre. Toujours avide de gloire, il fe crut
n�glig� , parce qu'on ne lui ordonnoit plus
rien, il en devint m�lancolique & mourut a Dort
a la fin de 1748, ag� de foixante-dix ans ;
il avoit �pouf� en fecondes n�ces M!Ie Brui-
nejlein
, de laquelle il ne laifla point de poft�-
rit� : les trois enfans de fa premiere fem-
me ont pris 1'Etat Eccl�fiaftique.
Les Ouvrages de cet Artifte facije font
eftim�s en Hollande & en Flandre. On y trouve
de la bonne couleur & de la libert� , avec cette
touche tr�s-propre au genre qu'il avoit choifi.
KOENRAET
-ocr page 202-
�=__________
pySssa^��TTr�ff�nii�nnr^gMB'gi
1
M
W/v
KOENRAET
R O � P E L ,
�LEVE
DE CONSTANTJN NETSCHER.
|O E PE L naquit a la Haye Ie 6------
|Novembre 1678. Sa mauvaife 1�78.
fant� fit d�fefp�rer (es parens de r
■pouvoir 1'�lever. Son tempera-
ment , avant d'�tre form� , fuj
�puif� par les remedes; on en
ftjavoit a quel �tat Ie deftiner, lorfqu'il fe d�-
clara lui-m�me pour la Peinture; on lui dnona
pour Maitre Conftantin Netfcher, qui d�cida
N 3          d'en
-ocr page 203-
198              La F^ie des Peintres
, o d'en faire un Peintre de Portrait, ma�s les
7 maladies 1'emp�cherent de faire quelques pro-
gr�s. Son pere Tenvoya a la campagne, pour
�prouver encore ii 1'air ne feroit pas meilleur
pour fa poitrine, & il lui abandonna un Jar-
din pour fon amufement. Le changement d'air,
Ja culture des plantes & des fleurs le portaa
les peindre ; il r�uffit au-dela de fon efp�rance.
Il fit connoiffance avec Mrs- Kinfchot, van Goens
& Ban, les plus grands Fleuriftes de ce temps
ala Haye, ils choifirent entr'eux les plus belles
eurs d'apr�s lefquelles Ro�pel composa un Ta-
bleau qu'ils lui payerent fort cher, & qui fit
en m�me-temps fa fortune & fon nom.
Alors entierement d�termin� a fuivre ce gen-
re, il imita d'apr�s nature les fruits & les fleurs,
& en peu de temps il fut regarde comme le
plus habile da Pays : fes bons Ouvrages le firent
connoitre du Comte de Scha�jbergen, favori
de TElecteur Palatin, pour lors le M�cene des
Artistes. Ro�pel fut invite a fuivre le Comte a
la Cour de DuJJeldorp en 1716. Il n'avait port�
qu'un feul Tableau, qui fit tant de plaifir a 1'E-
lecteur, qu'il le garda, & lui fit pr�sent, outre
le payement, d'une chaine d'or & d'une me-
daille du m�me m�tail pours'en d�corer; il lui
ordonna d'autres Ouvrages en le fixant a fa
Cour. Mais ce bonheur dura trop peu par la
mort de ce Prince qui arriva peu de temps apr�s,
au grand regret des Artistes qui habitoient cette
Cour. Ro�pel retourna a la Haye, o� il trou-
va bient�t des Amateurs de fes Ouvrages : la
diftinftion qu�l recut a la Cour du Prince le
plus �clair� de son temps dans les Arts, ajouta
au
-ocr page 204-
Flamands, Allemands & Hollandois. 199
au m�rite de fes Ouvrages. M. Fagzl, Amateur
c�lebre, lui commanda un Tableau; Ie Prince
Guillaume de Heffe lui en fit peindre deux qu'il
acheta mille florins d'Hollande. Il en fit un
pour M. Lormier, a la Haye, & deux autres
pour M. Guillaume Haensbergen. Tant de talens
engagerent la Soci�t� des Peintres de l'infcrire
parmi eux, Ie 5 Novembre 1718 , & fucceffi-
vement il paffa dans toutes les charges, &
enfin au Direftoriat de 1'Ecole acad�mique.
Ce Peintre vivoit dans fon jardin, au milieu
des belles fleurs qu'il cultivoit pour fon amufe-
ment & pour les repr�fenter dans fes Tableaux,
toujours eftim�s des Amateurs & m�me des
Artiftes k$ rivaux. Il �toit confid�r� par les per-
ionnes du premier rang qui Ie vifiterent dans
cette demeure d�licieufe; une vie r�gl�e, m�-
l�e d'agr�mens qu'il s'�toit procur�s par fon
m�rite & fa fageffe, lui ont prolong� la vie,
malgr� fa mauvaife fant� : il mourut Ie 4 No-
vembre en 1748, a i'age de soixante-neuf ans.
Koepel eft un Peintre de fleurs & de fruits
rr�s-distingu�: fes Ouvrages ont �t� pay�s cher:
van Hujfum l'a surpass� debeaucoup, mais cela
n'empeche pas que les Cabinets d'Hollande ne
conservent ceux deRo�pel.Nous n'en connoiffons
point en France.
On voit a la Haye, chez M. Fagel, une belle
composition repr�sentant des Fruits. Chez M.
Lormier, quatre Tableaux, 1'un avec des Fruits
& des Fleurs; les autres font des Fleurs de tou-
tes les efpeces. Chez M. van H�teren, deux,
1'un de Fruits & 1'aurre de Fleurs. Chez M.
d'AcoJia, un de Fruits & 1'autre de Fleurs.
N 4              A
-ocr page 205-
La Vie des Peintres
1678. A Amfterdam, chez M. Braamkamp, un fruit
,. '-. tr�s-f�n.
A DufTeldorp, chez 1'Eledeur Palatin, im
Tableau o� font repr�fent�s des Fruits & des
Fleurs enfemble.
ANTOINE ET JOSEPH
FAISTENBERGER.
f~* E s deux freres, originaires d'Infpruck, o�
V-1 leur familie exifte encore, fe font fait une
r�putation. Antoine �toit 1'ain� 3 il naquit en
1678 ou en 1680. Il devint Ie Maitre de fon
frere Jofeph, & d'un autre dont on ne dit rien.
Antoine avoit appris fon Art d'un nomm� Bou-
ritfch,
qui avoit v�cu a Saltzbourg & a Paffav.
Ces deux freres furent appell�s a la Cour de
Vienne, o� leurs Ouvrages furent recherches,
& de la port�s dans les autres Cours d'Alle-
magne.
Antoine avoit en vue les Ouvrages du Gaf-
pre
& ceux de Glauber, enfuite il ne confulta
que ceux de la nature: on affure qu'il fe fer-
voitde la main d''Hans-Graaf \ du vieux Bredael,
&c. pour placer les flgures dans fes Payfages
qui ornoient la Galerie de 1'Einpereur, celle
de Weimar, & les Cabinets des premiers Ama-
teurs. Ce Peintre tr�s-eftim� mourut a Vienne
en 1720 ou en 1722.
Les Ouvrages de ces deux Artiftes ne me
ront pas connus; mais Ie jugement queje vais
tranfcrire
-ocr page 206-
Flamands, Allertianis & Hollandois� 201
tranfcrire vient de fi bonne part, que j'ofe Ie
rapporter en entier.
Son Payfage eft int�reffant par les belles fa-
briques , dans Ie gout de Rome ; fes folitudes
deviennent agr�ables par les ch�tes d'eau, les
rivieres & les lointains. Quant aux arbres, Ie
feuill� eft vrai & touche avec efprit, la cou-
leur eft par-tout celle de la nature, tant�t
claire & tant�t vigoureufe. Outre fon frere qui
�toit fon Eleve, Jofeph Ori�nt avoit �tudi� fous
lui. On nous fait aufli T�loge des Ouvrages de
Jofeph Faijlenberger 3 fur lefquels nous n'infifte-
rons point, non-plus que fur 1'ann�e de fa mort
i eft ignor�e.
ANNA
-ocr page 207-
ANNA WASSER,
� L E V E
DE JOSEPH TFERNER.
O I C I encore une fille auffi illuftre
par fes talens pour la Peinture,
que nos laSu^eSc nosjDeshoulieres
Font �t� pour la Po�fie, & qui a
ennobli ces talens par des moeurs
pures , des connohTances diftin-
gu�es, & fur-tout par une foumiffion conftante
aux volont�s de fon pere , peut-�tre portee un
peu trop loin.
Anna WaJJer naquit h Zurich en 1679. E!le
�toit
-ocr page 208-
La Vie des Peintres &c.
203
�toit fille de Rudolf fFaJJer,Membte du Grand- 1679.
Confeil , Baillif de Rattci , & Cam�rier de la -
Fondation de la Cath�drale.
N�e avec une conception vive, elle apprit
aif�ment les Iangues latine & francoife, qni lui
furentbien-t�tauffi familieres que celle de ion
pays, & elle fit de rapides progr�s dans les
Belles-Lettres; mais a peine e�t-elle recu quel-
ques lecons du Deffein & vu quelques Ouvra-
ges en Mignatiire, qu'elle fufpendit, pour ainfi
dire, tous fes go�ts pour fe livrer entierement
a celui qui lui �toit naturel. Apr�s avoir effay�
quelque temps des lecons d'un affez bon Maitre
nomm� Sul0.000000e+000r, elle fi.it plac�e, par Ie confeil
du c�lebre Felix Meyer, chez Jofeph ff^erner:
il la fit d'abord copier d'apr�s les bons mode-
les pour juger de fes talens: mais ayant vu la
copie qu'elle avoit faite de fa Flore, il en fut
fi furpris, qu'il invita fa jeune Eleve de venir
chez lui o� il la combla d'�loges pour la cor-
redion de fon deffein, & la parfaite imitation
de la couleur; elle n'avoit pour lors que treize
ans : & ce fut Ie 18 Mai 1692 qu'elle fit Ie
voyage de Berne.
Pendant trois ann�es qu'elle paffa dans cette
Ecole j elle parvint a 11 n grand d�gr� de per-
fe&ion, elle s'exerca a peindre a 1'huile , & il
y a lieu de croire qu'elle y auroit bien r�uffi,
mais la Mignatiire �toit Ie genre pour lequel la
nature fembloit 1'avoir deftin�e. Alors fes inf-
tru�ions ceflerent, fes parens 1'ayant rappell�e.
Ce fut avec les plus grands regrets que Ie Mai-
tre & TEleve fe ieparerent, parce qu'ils avoient
1'un pour 1'autre la plus haute eitime.
Arriv�e
-ocr page 209-
204               Ea ^c des Pemtres
------- Arriv�e a Zurich, Anna TFaJfer y �toit d�ja
1679- connue; elle fut employee pour les Cours d'Alle-
1 magne , de Londres & de la Hollande. Celles
de Bade-Dourlach , de Stutgard fe difputerent
a qui auroit un plus grand nombre de les Ou-
vrages. LeDuc de Wirtemberg Eberhard Louis
& fa fcEiir la Margrave de Dourlach, lui en-
voyerent leurs Portraits en grand qu'elle peignit
en Mignature, & qui r�pandirent fa gloire dans
toute 1'Allemagne.
On Ta remarqu� plufieurs fois, les Artiftes,
qu'un fordide int�r�t guide, manquent a la fois
a la gloire &a la perfeftion; ils aimentmieux
multiplier leurs produ&ions que de les finir;
ce ne fut pas affur�ment Ie d�faut de notre
Arti��e , mais ce fut celui de fon pere, qui ,
preff� par les bef�ins d'une nombreufe familie,
la contraignoit de pr�cipiter fes Ouvrages; plus
fenfible a la gloire qu'a 1'int�r�t , & farigu�e
d'un travail plus p�nible qu'agr�able, & plus
m�caniquequ'ing�nieux, elle perdit cettegaiet�
qui fuit les fucc�s, & elle tomba dans unem�-
lancolie qui fit craindre pour fa fant�. Heureu-
fement la CourdeSolms Braunfels lui ayant fait
des propofitions avantageufes, elle y alla accom-
pagn�e d'un de (es freres; elle n'eut alors qu'a
fatisfaire fon goiit pour la perfe&ion, elle re-
prit fa premiere vivacit� & fut admir�e de toute
la Cour , o� elle auroit paffe fa vie , fi la cu-
pidit� de fon pere n'avoit pas troubl� de nou-
veau fon repos. Il demanda fon retour, & elle
y ob�ir encore, & ce fut en arrivant chez
eile qu'elle fe mit au travail avec tant d'affiduit�
& de d�go�t, que ce qui avoit �t� pour elle
autrefois
-ocr page 210-
Flamands , Allemands & Hollandois. 20 J
gutrefois un amufement, devint une fatigue. ,
Une ch�te qu'elle fit en 1713, 1'enleva a 1'age ' 79-
de trente-quatre ans.
M. Fueffli, qui nous a donn� la vie d'Jnna
Woffer,
nous aflure que Jacques Sandrart, qui
avoit concu Ie projet de continuer la Vie des
Peintres , commenc�e par fon pere Joachim,
avoit vu la Vie de cette Fille illuftre �crite par
elle-m�me. La mort de Jacques Sandrart nous
en a priv�, ainfi que de bien d'autres M�moi-
res qu'il avoit recueillis.
Quant au m�rite $ Anna TVaffer, ce m�me M.
Fueffli marque qu'elle avoit un beau g�nie , un
defTein fpirituel & une bonne couleur. Il pofTe-
de Ie Portrait qu'elle a peint a 1'huile a 1'age de
treize ans; mais il convient avec tont Ie monde
qu'elle eft fup�rieure dans Ie genre de la Migna-
ture. Tous fes Portraits font bien reflemblans &
agr�ablement compof�s ; mais on voit briller fon
efprit dans les Paftorales, petits fujets qu'elle
aimoit a traiter, & qui touchent les Artiftes ,
parce que tout y eft ing�nieux & plein d'har-
raonie.
Lucas Hoffman, JouaillieraBale & fon admi-
rateur , n'�pargna rien pour acqu�rir (es meil-
leurs Tableaux. Les Belles Lettres qu'elle aflbcioit
a fon Art y & qui en faifoient la richefle & 1'or-
nement, lui procurerent un agr�able commerce
avec les Hommes c�lebres de TAUemagne, tels
que Werner , pere & fils , M�jer, Hubert,
Steller, Dun\, Marie-Claire Emmart, Ie Doc-
teur Sckench^er, &c.
-ocr page 211-
2o6               La Fie des Peinlres
N. T Y S S E N S.
Tyssens efl Ie frere de celui dont
nous avons parl�, nous ne fcivons pas
celui-ci n'eft pas Auguftin Tyjjlns, qui fut
Direfteur de 1'Academie d'Anvers en 1691.
Nous n'avons jamais pu apprendre fon nom de
Bapt�me. Quoi qu'il en foit, il peignoit bien Ie
Payfage, qu'il ornoit de figures & d'animaux
dans Ie gout de Berghem. Il avoit une bonne
couleur, il compofoit agr�ablement (es Tableaux.
On voit prefque toujours des figures jolies a
la fuite d'un troupeau de moutons, de vaches,
de chevaux, &c. fes fonds fnr Ie devant font
enrichis de plantes, de ronces , &c. tout paroit
peint d'apr�s nature. L'ann�e de fa mort efl:
ignor�e.
Dans Ie Cabinet du Prince Charles, a Bru-
xelles , on voit deux Payfages avec des figures,
par N. TyJJens.
FRANgOIS BREYDEL.
FRancois Breydel, frere de Charles,
naquit a Anvers Ie 8 Septembre 1679. On
ne fcait point Ie nom de fon Maitre; on foup-
conne qu'il a pu commencer chez Ryfbrack,
comme fon frere. Il a cependant pris une route
Men diff�rente. Encore jeune, il peignit des
Portraits
-ocr page 212-
Flamands, jillemands & Hollandois. 207
Portraits avec un fucc�s fiirprenant pour fon
�ge , ils lui m�riterent Ie titre de Peintre de la
Cour de Heffe - Caffel, o� fes talens lui acqui-
rent beaucoup de confid�ration; fon g�nie ne
fe borna point au Portrait feul, il effaya des
Aflembl�es, des F�tes, des Carnavals ; ces jo-
lis Tableaux piquerent la curiofit� des Ama-
teurs : il en fit beaucoup.
Il y a lieu de croire que eet Artifte tenoit
du cara&ere de fon frere: qu'il avoit, comme
lui, la m�me envie de changer de place, ou
Ie m�me d�faut de ne pouvoir refter nulle part.
Eftim�, comme il 1'�toit a la Cour de Caffel,
fort employ� pour d'autres Villes d'AHemagne,
il quitta Ie certain pour effayer a Londres une
nouvelle fortune: il paroit que fes eonverfa-
tions & fes affembl�es , &c. y ont �t� go�t�es,
parce qu'il y refta long-temps avec H�roman
vander Myn
: il y �toit du moins encoreen 1724.
On ne fcait plus rien de fa vie: on nous
apprend feulemeut qu'il eft mort a Anvers Ie
24 Novembre 1750, & enten � dans 1'Eglife
paroiffiale de Saint Andr�.
Les Bals , les Affembl�es, les Carnavals,
font des jolis Tableaux de ce Maitre,bien com-
pof�s & d'une bonne couleur : on eftime ceux
o� il avoit cherch� a varier les figures, dont
les habillemens �toient fouvent a la mode , &
m�l�es de foldats ou autres de cette efpece; la
nature �toit fidelement r�pr�fent�e & avec ef-
prit. On aime ce genre agr�able, & on les trouve
commun�ment en Allemagne & en Angleterre:
en voici quelques-uns bien connus.
Dans Ie Cabinet de M. van Schorel de Wil-
ryck,
-ocr page 213-
208            La Vie des Peintres, &c.
�>-----■ ryck, Bourguemeftre d'Anvers, deux jolis Ta-
1679. bleaux: ce font des Mafcarades; & dans la Sale
■*MM? des Confr�res de Saint Sebaftien, les Portraits
de tous les Doyens.
A Dordrecht, chez M. vander Linden van
Slingelandt
, un Tableau de familie , autant de
Portraits: pres d'une Maiion de campagne un
nombre de Gibier de toutes les efpeces: une
allee d'Arbres laiffe entrevoir des Chaffeurs dans
Ie loingtain.
JACQUES
-ocr page 214-
JACQUES-CAMPO
WEYERMAN,
�leve de Ferdinand
VAN K E S
E L.
Eyerman fut a la fois Peintre,------
Po�'te & Hiftorien. Il auroit �t� 1679.
plus eftim� & plus heureux s'il ^SST
n'e�t �t� que Peintre.
Weyermart naquit en 1679. On
ne f<jait s'il �toit parent de Jean
JFeyerman,
dont nous avons parl� dans Ie 3°
Vol. pag. 40. Celui dont nous �crivons la vie,
fut place chez Ferdinand van Kejfcl; il paroit
Tome IV.                  O                 qu'il
-ocr page 215-
110              La Vie des Peintres
------qu'il avoit �tudi� la langue Latine avec 1'Art
1679. de la Peinture : il avoit une conception fi vive
-----> & fi prompte, qu'il avoit d�ja des talens d�-
cid�s en iortant de chez fon Maitre. Les fleurs
& les fruits qu'il peignoit d�s-lors furent recher-
ches ; il auroit fait une fortune rapide, s'il e�t
cultiv� tant de talens naturels,mais toutfon efprit
ne fe porta qu'a la diffipation & a la d�bauche. Il
�toit Ie chef des libertins de toutes les efpeces.
Ce genre de vie ne pouvoit durer long-temps;
il travailloit trop peu pour foutenir la d�penfe
qu'il faifoit. Il trouva une reflburce dans la fo-
ci�i:� d'un Marchand de curiofit�s qu'il fuivit a
Londres, & qu'il trompa, en lui enlevant fes
effets j apr�s avoir diffip� tout, il n'eut que Ie
temps de fe fauver en Hollande pour �viter la
punition qu'il m�ritoit.
Ce trait, peu int�relTant dans notre Ouvrage,
eft cependant n�ceffaire pour faire connoitre Ie
cara�ere m�prifable de eet homme , & montrer
aux jeunes Artiftes que Ie libertinagemenebien-
t�t au crime ; nous paffons fous filence bien
d'autres traits de cette efpece.
Deretour en Hollande, il crut trouver unmoyen
f�r pour fe procurer de 1'argent, en �crivant,
fous des noms emprunt�s, a des perfonnes ri-
ches, qu'il fcavoit de bonne part que TVeyerman
alloit �crire contr'eux , & qu'il leur confeilloit
en ami de 1'appaifer par des pr�fens: il �crivit
auffi des lettres dans lefquelles il menacoit de
br�ler les maifons, fi on ne lui faifoit tenir de
1'argent. 11 voulut mettre Ie comble a fes crimes*
en faifant des vers infames contre les Dire�eurs
de la Compagnie des Indes.; Cet �crit f�ditieux
�iant
-ocr page 216-
Flamands} Allemands & Ilollandois. 211
�tant port� en Juftice, on foupconna,furleftile, ��
que TVeyermanzn �toitrautenr;on donna ordre 1679.
de 1'arr�ter, mais il s'�toit fauv� a Kuilenburg. __L-
La hors de prife ? mais dans Ie plus preflant be-
foin , il ne put y refter davantage, & a peine
fut-il forti de cette retraite , qu'il fut pris &
�troitement renferme. A force de baffefles &
de fourberies, auxquelles V employa fa plume,
il �chappa a la corde , rcais il fut condamn�, Ie
22 Juillet 1739, a une prifon perp�tuelle a fes
d�pens. Alors certain de ne jamais recouvrer
la libert�, & couvert d'infamie , il peignit
quelques Tableaux pour fubf�f�er , & des fleurs
& des infe�es fur des glaces. On dit qu'il
avoit encore �crit quelques Vies de Peintres,
qui auroient pu �tre mifes a la fuite de celles
qu'il a imprim�es,ou pour mieux dire , d�fi-
gur�es d'apr�s Houbraken ; rrais celles qu'il a
�crites dans la prifon n'onr pas paru , & je ne
crois pas que nous devions les regretter , il les
avoit, fans doute , remplies, comme (es autres
Ouvrages, de menlonges, d'obfc�nit�s & de
critiques auffi faufles que partiales.
Weyerman a termin� fes opprobres & fa vie
dans la prifon en 1747. Nous avons �t� for-
c�s de citer ce Peintre , mais ce n'efl; que comme
Hiftorien que nous faifons mention de lui. II
a public la Vie des Peintres en trois Volumes
in-quarto. Dans Ie premier il donne une l�ge-
re efquifle des Anciens qu'il rapproche des
Modernes. Il a �crit en Hollandois avec ef-
prit & m�ine avec �rudition , mais fa plurne,
tonjours licencieufe , ne peut infpirer que Ie
libertinage & Ie m�pris pour la vertu ; nous
O 1                 afliirons
-ocr page 217-
212               La F~ie des Peintres
affurons encore, qu'except� les dates qu'�
avoit prifes d'' Houbraken, ou que les Artiftes
lui avoient fournies ; Ie refte de fon Ouvrage
eft entierement faux, que fes jugemens font
autant de libelles contre des Artiftes que leurs
talens & leurs moeurs ont toujoursjuftifi�s. Quant
a fes autres �crits, la pl�part font condamn�s par
la Juftice. Il n'eft parvenu a notre connoiffance
tju'un de fes Tableaux de fleurs qui nous fait
regretter la perte de fes talens.
PHILIPPE VAN DYK,
ELEVE D''ARNOLD BOONEN.
-.........- T)Hilippe van D YK, fi digne du nom
]68o. x qu'� portoit, eft encore aujourd'hui regret-
----- t� de la Hollande, qui Ie coniidere comme Ie
dernier de fes plus grands Peintres.
Il naquit a Amfterdam en 1680 , fon Maitre
Arnold Boonen vit avec plaiiir fes rares dif-
pofitions, qui furent , d�s fa jeuneffe, un pr�-
fage heureux de fes talens; fon affiduit� & fon
application au travail ont �t� les garans affur�s
de fes fucc�s. Cependant, quelque progr�s qu'�
fit dans fon Art , il fentit plus qu'un autre Ie
befoin de fe perfe&ionner de plus en plus fous
fon Maitre, & il ne voulut point Ie quitter que
fa r�putation ne tut d�ja bien �tablie par des
Ouvrages recherches; il fe maria peu de temps
apr�s , & dans la crainte de ne pas percer dans
une Ville remplie alors de bons Peintres, il alla
demeurer a Middelbourg en Tann�e 1710. 11 ne
tarda
-ocr page 218-
Flamands, Allemands & Hollandois. 21}
tarda pas a s'y faire connoitre & a s'y procu- ------
rer des amis diftingu�s, tels que Ie Bourgue- I68o.
meftre Kouvverven & 1'Amiral Ockkerfe, tous �
deux pleins de gout, & tous deux fort riches:
ce fut pour lui un commencement de fortune;
ils Ie chargerent de leur procurer les plus beaux
Tableaux qu'il alla chercher dans la Flandre &
dans Ie Brabant. Ces Cabinets ne purent man-
quer d'�tre bien compof�s, & eet Artifte habile
ne choififfoit qu'en connoiffeur & n'�pargnoit
point 1'argent. Il peignit les Portraits des princi-
paux de cette Province en grand & en petit:
il fit plufieurs petits Tableaux dans Ie gout de
Mi�ris & de G�rardouvv : &, quoiqu'il fut
infatigable, il pouvoit a peine fatisfaire tous
ceux qui rechercherent (es Ouvrages.
L'occafion de faire tous les ans un voyage
dans lesprincipales Villes de la Hollande & dans
Ie Brabant, lui procura beaucoup d'amis, fur-
toutala Haye o� 1'on aimoit (es jolis Tableaux:
on Ie pria d'y fixer fa demeure, & il y confen-
tit, parce qu'ayanr d�ja perdu quelques-uns de
fes protedeurs, il fe crut plus libre; ilfe pro-
mit bien, dans fes voyages de r�cr�ation, de
mettre tout a prof�t, & d'y peindre les t�tes
de ceux qui Ie defireroient, & enfuite de finir
Ie refte chez lui; d'ailleurs, la Haye �toit un
f�/our pour lui plus propre encore a l'enrichir
& Ie faire connoitre. Il eut occafion d'y for-
mer les Cabinets du Comte de JVaffenaer, de
MfS Fageltk vanSchuylenburg. Maisfon premier
Prote&eur, Ie Prince Guiilaume de Heffe , qui
formoit pour lors fa magnifique colle&ion,
chargea notre Peintre d'en faire Ie choix, &
O 3             d'en
-ocr page 219-
214              LaVie des Peihtres
-------den fixer Ie pnx, & Ie pr�fenta hii-m�me au
16S0. prince d'Orange Stattwudcr de la Frife, qui fe
'!'-' fit peindre , ainfi que fa m�re & fa fceur, dans
un m�me Tableau qui fut donn� en pr�fent au
Prince de Heffe.
Il peignit dans Ie m�me temps un Plafond pour
Mr van Schuylenburg. C'�toit Iphig�nie enlev�e
au Ciel, il repr�fentoit toute fa familie; il eft
impoffible de rapporter la lifte de toutes les
perfonnes de diftin&ion de la Hollande & de
plufieurs Pays qui l'occuperent avec Ie m�me
fiicc�s.
Le Prince de Heffe, en tout temps attach�
a la gloire de fon prot�g�, le mena avec lui
& le pr�fenta au prince fon pere , qui le recut
avec cette bont� qui infpire Fhonneur & 1'�mu-
lation. Il commenca les Portraits de cette fa-
milie dans un m�me Tableau ; il eut la permif-
fion de s'y repr�fenter lui-m�me tenant le Por-
trait de familie en petit du Stathouder de Frife :
il tinit ce Tableau a la Haye: les figures ont
environ quinze pouces de haut ; il le porta en-
iuite a Caffel, o� fon Ouvrage fut bien pay�.
Il peignit encoreplufieursfoiscetteilluftrefamille
en grand & en petit, & d'autres perfonnes de
diftinction de cette Cour. Le Prince combla
van Dyk de louanges, & 1'honora, dans un di-
plome, du titre de son premier Peintre.
De retour a la Haye, il r�p�ta plufieurs fois
les Portraits de la familie du Stathouder: c'eft
d'apr�s ceux de van Dyk que Ton a grav� les
medailles a Poccafion du mariage du Stathouder.
Le Prince de Heffe demanda a fon Peintre deux:
Tableaux de Cabinet; il laifTa le choix des fu-
jets
-ocr page 220-
Flamands , Allemands & Hollandois. 21 f
jets a 1'Artifte, qui eut foin de les prendre dans
Ie genre noble & agr�able : dans Tun, un Hom-
me pr�fente des fucreries a une jeune Dame,
aupr�s de laquelle on voit une compagnie a
rable: 1'autre eft un Concert; toutes ces flgures
jolies font habill�es fuivant la mode: les ac-
ceffoires font bien amen�s, & tout y eft d'im
beau flni & de la plus grande v�rit�. Une for-
tune encore plus confid�rable couronna (es fuc-
c�s. Mr- Dieshoek, de retour des Indes avec de
grands tr�fors, fe fit peindre, ainfi que fon
fils & fa bru; il lui prit auffi envie de fe for-
mer une colle&ion de Tableaux : van Djk fut
charg� de les acheter. Dans Ie m�me temps,
M. Sichtermans, �tant auffi arriv� riche des
Indes, fe fit peindre avec fa familie; & a peine
fut-il �tabli a Groningue que fon premier foin
fut d'engager notre Peintre a lui procurer un
Cabinet de Tableaux. Le Baron d'lmhof ,
Gouverneur g�n�ral des m�mes Contr�es pour
les Etats-G�n�raux, procura a notre Artifte un
nouveau moyen de fediftinguer: il le peignit en
pied degrandeurnaturelle:ilf�tle m�me Tableau
en petit; celui-ci a �t� grav�, le grand fut envoy�
a Batavia pour y �tre place dans la Sale oii font
tous les Portraits des Gouverneurs.
Les Etats d'Hollande t�moignerent auffi leur
eftime pour les talens du Peintre, en lui or-
donnant de peindre le Prince d'Orange. Ce
Tableau devoit �fre place dans la Sale nomm�e
la Treve. Le nombre des Portraits & des Ta-
bleaux de Cabinets qu'il a peints, eft tr�s-con-
fid�rable. Quant a fa conduite, elle fut eftima-
ble: occup� de fon �tude & des devoirs de hi
O 4              vie,
-ocr page 221-
2l6               La Vie des Peintres
-------vie, il fut g�n�ralement refped� & nomm�
1680. deux fois Diacre de TEglife r�form�e : emploi
^^=r qu'il a rempli avec exaditude. Il eft mort Ie
3 F�vrier 1752 , laiffant apr�s lui la r�putation
d'un galant homme, & d'un bon Artifte.
Le deffein de ce Peintre eft fans maniere 8c
fans fineffe; fes Portraits, fur-tout en petit,
font d'une v�rit� frapante : auf�� voit-on qu'il
copioit la nature fidelement : tous fes fujets
font bien compof�s : il avoit une bonne cou-
leur , &, fans egaler G�rardouvv, fes Tableaux
m�ritent, pour leur pr�cieux, une place dans
les Cabinets choifis. lis font encore peu dif-
perf�s : on en trouve un tr�s-petit nombre en
France, & nous ne connoiffons de lui que deux
Tableaux, a Paris, chez M. de Gagnat.
On voit une jolie Femme qui joue du Luth,
chez Mr van S�ngelandt, Receveur g�n�ral de
la Hollande, a la Haye. Chez M. Fagel, une
Bergere.
Et chez M. Cauvverven , a Middelbourg ,
Sufanne avec les deux Vieillardst
HANS (Jean) GRAF,
�LEVE DE VAN ALEN.
JEan Graf naquit a Vienne en Autri-
che vers 1680. Jamais il ne fortit de fa Pa-
trie, mais les lecons de van Alen, bon Pein-
tre , la vue des Ouvrages des grands Artiftes,
& enfin la nature qu'il a toujours fuivie, lui
ont
.
-ocr page 222-
FlamandS) Allemands & Hollandois. ZIJ
ont fait produire de bons Tableaux : il fe plai-
         
foit a peindre des fujets de caprice, des places l °'
publiques, oii il repr�fentoit une foule de peu-
ple, des chevaux & d'autresanimaux, une bafle-
cour, la boutique d'un Mar�chal, &c. Tout
eft bien group�, deffin� & touche avec efprit.
Son Maitre 1'aimoit fi tendrement, qu'il lui don-
na fa belle-foeur en manage; il en eut un fils
noram� Volpert, qui ne fit jamais de grands pro-
gr�s. Graf eft mort a Vienne fa Patrie : nous
ignorons en quelle ann�e.
PIERRE STRUDEL,
�LEVE DE CARLO LOTHI.
T)Ierre Strudel a honor� par fes talens
�* Ie Tirol, o�il naquit a Khloes ou Cle\, dans
1'Ev�ch� de Trente, en 1679 ou 1680. Etant
encore jeune, il pafla a Venife, o� il eut Ie
bonheur d'�tre recu dans l'Ecole de Carlo Lothi.
Excit� par fon amour pour notre Art, encoura-
g� par des progr�s fup�rieurs a ceux de fes con-
difciples, �clair� par les lecons de fon Maitre , il
devint habile en peu d'ann�es. Ses Ouvrages
furent port�s par-tout, & lui acquirent de la
gloire & de la fortune.
L'Empereur L�opold, qui 1'invita de venir a
fa Cour, Ie chargea du foin d'orner Ie cha-
teau o� il r�fidoit; il y fit un grand nombre
d'Ouvrages, qui ont beaucoup {ouffert depuis
les changemens qu'011 a faits a cette maifon
royale.
-ocr page 223-
La Vie des Peintres, &c.
------royale. Sa Majeft� fatisfaite des talens de Stru-
1680. dei, 1'honora du titre de Baron : diftin&ion
~----- bien flatteufe pour un Artifte, puifqu'il ne la
doit ordinairement qu'a lui-m�me. Strudei com-
pofa fucceffivement d'autres grands Tableaux
pour d�corer les Eglises de Saint Laurent, des
Auguftins, &c. Il en fit deux pour Ie Monaftere
de Klofter - Neubourg : il efl �tonnant combien
de grands Ouvrages on a vu fortir de fa main,
pour avoir v�cu fi peu d'ann�es. Il mourut a
Vienne en 1717, a 1'age de cinquante-fix ou
cinquante-fept ans.
Strudei avoit un beau g�nie; dans toutes fes
compofitions, on y voit briller eet efprit ori-
ginal, qui n'emprunte rien des autres; il avoit
�tudi� dans la grande Ecole cette marche noble
& fcavante qu'il fait appercevoir dans tous fes
Tableaux. Son deffein eft correft & fa couleur
vigoureufe, quelquefois trop egale. Il repr�-
fentoit fup�rieurement les enfans; il avoit �tu-
di� & fgavoit rendre la foupleffe dans cette na-
ture naiffante qu'il colorio'tt agr�ablement.
Parmi Ie nombre de fes productions qui fe
voient en Allemagne, on conferve dans la Col-
leftion de 1'Ele�teur Palatin, cinq Tableaux,
deux Bacchanales , un Ecce Homo, Saint Jean
1'Evang�lifte & une fainte Familie.
JACQUES
-ocr page 224-
IACQUES
APPEL,
� L E V E
DE T1M0TH�E DE GRAEF.
VCQUES Appel naquitaAms-
rerdam Ie 29 Novembre 1680. Iffu
Tune bonne familie , on ne n�gli-
j;ea rien pour fa premiere �duca-
tion , mais il donna fort jeune des
marques de fon inclination pour
la Peinture; avant m�me de fcavoir ce que c'�-
toit, il deffinoit a la pluroe, il d�coiipoit avec
des cifeaux des petites figures, Sc des animaux
qui
1�80.
-ocr page 225-
220              La Vie des Peintres
qui fembloient �tre faits par quelque Deflina-
teur, tantil y mettoit de gout. Voila vraifembla-
blement ce qui porta fes parens a Ie placer chez
Ie Payfagifte habile Thimoth�e de Graef, qui en-
feigna au jeune Eleve Ie Deffein. Ses progr�s
porterent de Graefk Ie vanter a David vander
Plas,
dont nous avons parl�.
Sous ce nouveau Maitre, Appel redoubla fes
efforts; il marqua un gout d�cid� pour Ie Pay-
fage. Les Ouvrages de Tempef�e lui parurent fu-
p�rieurs a tout ce qui paroiffoita fesyeux; c'eft
a ces marques s�res que de Graef reconnut Ie
genre auquel fon cher Eleve �toit von�: il Ie
mena a la campagne, & il vit eet enfant deffiner
des vues, des animaux avec beaucoup d'efprit.
Ses effais applaudis augmenterent fa confiance
& encore plus fon application. Il eut occafion
de voir travailler Ie bon Payfagifte Meyring; il
en prof�ta fi bien, que 1'on s'appercut, fur-tout
dans fes loingtains, combien un Maitre eft d'un
grand fecours a de jeunes gens, qui, commen-
cant a �tudier 3a nature, rencontrent des diffi-
cult�s dans 1'art de la repr�fenter. Appel deve-
nu Peintre de Portrait, & Payfagifte affezpaffa-
ble, fe retira pendant deux ans a la campagne
pour peindre toutes les vues en grand, & les
objets en d�tail , il y r�uffit au point qu'a dix-
huit ans on Ie regarda comme un Maitre.
Il parcourut les campagnes, toujours en les
defl�nant; il en fit de m�me aux environs de
la Haye. Il eft furprenant combien il avoit
multiplie Ie nombre de les �tudes en auffi peu
de temps. Ses parens 1'inviterent a retourner a
Amfterdam, o� fes Ouvrages �toient connus,
&
-ocr page 226-
Flamands, Allemands & Hollandois, 221
& d�s en arrivant, on lui commanda plufieurs �-------
Payfages. M. Cliffort fut Ie premier qui 1'occu- 1680.
pa, & a fon exemple, les Curieux ouvrirent
un champ tr�s-�tendu a la fortune du jeune Ar-
tifte, qui fe maria a vingt-deux ans.
Ce fut alors qu'il alla a Sarndam pour y
peindre les Portraits des principaux de la Ville;
on lui ordonna auffi quelques Tableaux d'Hif-
toire & des Payfages : il fut demand� encore
aux environs, il fembloit que la fortune s'offroit
a lui par-tout o� il portoit fes pas. Apr�s trois
ann�es d'abfence, il retourna a Amfterdatn o�
il forma une efpece de Manufa�hire de Peinture,
a laquelle il ne faifoit que pr�fider; il avoit fous
lui des Artiftes de toute efpece, des Payfagiftes,
des Peintres de fleurs, d'animaux , &c. Aufl�
trouvoit-on chez lui auffi-t�t des meubles d'Ap-
partemens de Ville, de Campagne, de Jardin ,
&c.
Appel fut toujours occup� a enrichir des
Sales & des Appartemens de Tableaux d'Hiftoi-
res, de Payfages, de Figures imitant Ie marbre
& la pierre; il en finit alors un grand nombre
pour M. van Schuylenburg, Bourguemeftre
d'Harlem , & de jolis Tableaux de cabinet pour
M. Santvoort ; Ie Chateau de M�erenberg eft
rempli de fes Ouvrages.
Plufieurs Salons font d�cor�s de fa main dans
1'H�tel de M. Berkenrode & de Mr» Verhammen
& Baftaen; & des Ouvrages tr�s-confid�rables
fe trouvent chez M« les Bourguemeftres Six
& O�eivlnh.
Appel a travaill� jufqu'au dernier moment de
fa vie avec la m�me ardeur & avec la m�me
vivacit�.
-ocr page 227-
222              La Vie des Peintres
�' vivacit�. Apr�s avoir bien i�up� un foir, fans
1680. fentir aucune incommodit� , on Ie trouva mort
'""■■ , dans fon lit Ie lendemain 7 Mai 1751.
C'eft un bon Payfagifte , qui m�rite des
egards : il compofoit facilement & touchoit Ie
feuill� de fes arbres avec v�rit� & vari�t�, fa
couleur eft agr�able, parce qu'elle approche de
la nature : bien inf�rieur a Btrghem, mais fu-
p�rieur a bien des Payfagifles dont on fait cas.
N. V E R E L S T.
NOus ne devons pas manquer de paler de
M'ie V�relfl, qui a illuftr� fon nom pat
fes Ouvrages. Elle eft niece de Simon F�re'ft,
& nous la croyons n�e a Anvers 1'an 1680. Son
cducation fut excellente , elle iouoit tr�s-bien
de tous les inftrumens, elle parloit & �crivoit
en plufieurs langues. On nous raconte un trait
de fa vie bien honorable pour elle , lorsqu'dle
demeuroit a Londres chez fon oncle qui y �toit
�tabli. Sa tante & un ami 1'accompagnerent a la
Com�die : on la placa dans une des premi�res
loges , o� il fe trouva fix Seigneurs Allemands,
qui furent frap�s de fa beaut� & de fa modeftie:
ils la louerent avec tant d'exag�ration , qu'elle
fe crut forc�e de leur dire en Allemand : >» Louer
» avec tant d'exc�s une jeune perfonne en fa
» pr�fence , c'eft expofer fa modeftie. Je vous
» prie, Mef��eurs, de vous fouvenir que nous
» fommes foupconn�es d'�tre foibles quand on
» nous loue. » On lui demanda pardon , mais
O�l
-ocr page 228-
Flamands, Allemands & Hollandois. 223
on continua fur Ie m�me ton en langue Italien- _____
ne ; elle r�pondit en la m�me langue avec la 1680.
m�me grace. Un des Seigneurs dit en Latin , -----■
m�nageons la d�licatefle de cette jeune perfonne
qui efi fi digne de nos �loges, &c. MIle V�relfl
apr�s Tavoir �cout� , r�pondit aufli en Latin :
� les hommes nous ont �t� les honneurs & les di-
� gnit�s , pourquoi voudroient-ils encore nous
� priver d'une langue qui peut nous ouvrir 1'en-
� tree des Sciences, &c. �
Ces Meffieurs, plus enchant�s que furpris,
garderent quelque temps Ie filence : enfuite Ie
Comte * * * s'adreffant a elle, lui demanda ,
au nom d'eux tous, la permiffion de lui rendre
leurs devoirs chez elle : elle dit, je fuis Pein-
tre , je recois chez mon oncle tous ceux qui
m'honorent de leurs vifites; c'eft un des devoirs
de mon �tat.
D�s Ie lendemain elle vit arriver ces Seigneurs,
qui ne purent cacher leur admiration pour fes
Ouvrages ; ils fe firent peindre , fon pinceau
les charma ; c'�toit pour eux une occafion de
r�compenfer Ie m�rite : ils payerent Ie prix de
leurs Portraits, mais ils lui firent des pr�fens bien
plus confid�rables , & publierent par-rout Ie
fcavoir & les graces de Mlle V�relft.
Elle �toit recherch�e dans les meilleures com-
pagnies ; mais elle aimoit fi peu la diffipation,
qu'il falloit employer touces fortes de moyens
pour la diftraire de fes travaux. Son Art feul
avoit des charmes pour elle & pouvoit la f�xer;
elle compofoit les fujets d'Hiftoire avec fageffe
& efprit : tous les Amateurs de Londres s'en
procurerent, il lui reflapeu de temps pour pein-
dre
-ocr page 229-
224                La ^e des Peintres
dre des Portraits en petit qui ont auffi Ie m�me
m�rite ; nous ne connoiffons point les Ouvrages
de cette aimable Artifte. Ses Confr�res affurent
que jamais femme Peintre n'a deffin� fes figures
avec autant de corre&ion & de fineffe ; elle
donnoit a toutes cette jnfteffe d'expreffion &
cette nobleffe qui annoncent l'�l�vation de 1'ame
de celui qui compofe. Tout ce que nous avons
appris de certain, c'eft 1'accueil que les Ama-
teurs font a fes Tableaux qui fe confervent dans
Londres , & l'eftime qu'elle avoit acquife dans
Ie monde par fa conduite & la douceur de fes
moeurs. Nous ignorons Ie temps de fa mort que
1'on croit �tre arriv�e a Londres.
N. C R E P �.
REPU a paffe une partie de fa vie a la
guerre en qualit� de Lieutenant dans les
troupes d'Efpagne. C'eft une chofe affez fingu-
liere Sc m�me rare de voir que ce Peintre, fans
Maitre , & fans prefque avoir vu travailler,
foit devenu lui-m�me auffi habile en tr�s-peu
de temps : il quitta Ie lervice a 1'age de qua-
rante ans. Il avoit peint par amufement dans
les diff�renres garnifons & m�me lorfqu'il �toit
camp� ; il copioit la nature, &apprenoit d'elle
a la repr�fenter tr�s-fidelemenr.
Il s'�tablit a Anvers, & fe mit a peindre. Les
habiles Artiftes qui vivoient pour lors , ne pu-
rent affez louer fes difpofitions. Quelques-uns
furent bien plus �tonn�s de fa fup�riorit� fur
eux :
-ocr page 230-
Plamands , Allemands & Hollandoir.
feux : fes Tableaux furent port�s par-tont, bien
vendus & bien recherches : il quitta Anvers & 1680;
alla demeurer a Bruxelles , o� il eut bien-t�t
des Oliv rages & des Eleves.
Une avanture manqua de faire mourir de
peur eet ancien Officier : en fe retirant chez
lui , apr�s avoir paffe une partie de la nuit a
boire avec quelques amis , il fe fentit faifir par
les �paules ; il mit 1'�p�e a la main , fondit
fur Ion ennemi qu'il renverfa par terre. La
frayeur ayant diflip� les fum�es du vin , il ap-
procha du mort, & fut furpris de voir expirer
un cerf au-lieu dun homme. Il Ie traina chez lui
& Ie fit couper en pieces & faler. Le cerfap-
privoif� avoit appartenu au Gouverneur qui
aimoit fort eet animal. Aufli-t�t qu'il apprit qu'il
�toit perdu, il entra dans une fi grande colere ,
qu'il voulut faire punirtoiis fes gens. Il ordonna
de faire une recherche exacle dans toute la Vil-
le: recherche inutile ; fon Capitaine des ChafTes
lui promit de Ie trouver , s il vouloit lui per-
mettre de lacher fa meute. En effet, auffi tot
que les chiens , en parcourant la Ville , appro-
cherent de la maifon de Crcpu , ils y entrerent
tous & y firent un bruit �pouvantable. Notre
Peintfe, qui f9avoit d�ja a qui avoit �t� Ie cerf,
& qui connoiffoit la violence du Gouverneur,
quitta palette & pinceaux , & fe fauva par fon
grenier fur Ie toit des maifons & fe refugia chez
un particulier , en lui di(ant qu'il avoit fait un
meurtre ; il gagna un autre azile, oii il apprit
que les ordres �toient donn�s pour l'emmener
mort 011 vif. Cr�pu croyoit d�ja voir la mort
a fes c�t�s. Ses amis furent trouver Ie Gouver-
7tme IV.                             P           neur
-ocr page 231-
xiS               La Vit des Peintres
neUr & lui peignirent 1'innocence & Ia peut
du Peintre : il en rit beaucoup , & � revoqua
1'ordre donn� la veille , & fit dire a Cr^n-qu'il
pouvoit revenir a Bruxelles, oh il continua de
travailler , en effuyant de temps en temps de
mauvaifes plaifantcries fur fa m�prife,qui auroit
�t� fort heureufe pour lui, fi eUe 1'eut guen de
fa paffion pour Ie vin. Il eft mort d'une fievre
violente, fans que 1'on fcache en quelle annee.
11 avoit �pouf� la fille de Pattli, Peintre en Mx-
enature.                                      .
Cr�pu eft un bon Peintre de fleurs , moins
■pr�cieuxque van Huyfum, Mignon , de Heem,
&c. mais il avoit 1'art de bien compofer fes
Tableaux; il donnoit de la l�geret� a les fleurs:
une crande facilit� qui regne par-tout y ajoute
un m�rite bien remarqu� par les Artiftes. Nous
avons vu des Tableaux de ce Ma�tre qui font
eftim�s en Flandre , & que 1'on connoit en
France.
N- VANDER STR A�TEN-
L
E bon Payfagifte vander Strae'ten naquit
en Hollande vers 1'an 1680. Jamais g�nie
ne fut plus abondant , plus facile &c plus fait
pour furpaffer ceux qui avoient , comme lui,
peint Ie Payfage. Il deffinoit fup�rieurement fes
etudes d'apr�s nature au crayon noir & au crayon
rouae ; mais fes exces dans la d�bauche & fa
paflfon pour Ie vin firent perdre a eet Artifte ion
talent, fa fortunc & fa r�putation. Il paffa a
-ocr page 232-
Flamands, Alleman ds & Hollandolf, it-f
Londres, oii il fut d'abord tr�s-recherch� : il ne
pouvoit fuffire � fatisfaire les Curieux , Sc tout
ce qu'il faifoit alors juftifie leur choix ; mais
fes paflions augmenterent avec fes richefles , Sc
Ie profit confid�rable qu'il tiroit de fes talens ,
au-iieu de les augmenter , ne fervirent, par Ie
nrauvais ufage qu'il en fit , qu'a les d�grader.
Il ne rechercboit que ceux qui avoient la com-
plaifance de boire a fes d�pens , de louer fes
exces, Sec. Bient�t cette vie honteufe abforba
fes efprits. Ses �uvrages n'eurent de m�rite que
cette facilit� qui m'eft agr�able que lor(quJelle
eft foutenus par Ie jugement & Ie ffavoir. On
a vu eet Artifte peindre en un jour dix Tableaux;
qui �tonnent pour la vari�t�. On y voit des
Ch�tes d'eau, des Vues des Alpes, des For�rs de
fapins , &c. Ces d�bauches de g�nie ('e voyoient
a Londres dans un Cabaret, o� les plus grands
Seigneurs alloient admirer la plus heureuie f�-
sondit� , jointe a la plus grande pratique.
Ce n'eft point pour ces derniers Ouvrages
que nous propofons eet Artiite pour modele
& encore moins pour fon inconduite qui Ie
rendit m�prifable, & qui Ie fit mourir de mifere.
Mais nous indiquons fes premiers Tablcaux com-«
me des produdtions a imiter.
V x
-ocr page 233-
J E A N
VAN H U Y S U M *
�LEVE DE SON PERE
JUS TE VAN HUYSUM.
E Peintre illuftre dans fon genre
a furpaff� tous ceux qui ont peint,
comme lui, des fleurs &c des fruits;
fes Ouvrages excitent autant de
furprife pour leur f�ni que d'ad-
miration pour leur v�rite.
fean van Huyfum naquit a Amfterdam, Ie 5
Avril 1682, de fufle van Huyfum , Peintre de
fleurs , qui avoit fait de fa maifon unc efpece
de Manufa&ure de Peinture , dans laquclle il
-ocr page 234-
LaV�e des Veintres , &c'.             $
emp�oya fes fils , qui peignirent des vafes , des
deflus de portes, des paravans , &c. tout ce 1682»
qui pouvoit fervir a orner des Appartemens , ^�ZS*
des Jardins , Perfpeftives, Payfages , Architec-
ture , Figures , Fleurs , Animaux , tout y fut
peint: on n'avoit qu'a entrer dans cette efpece de
jnagafin pour fe meubler.
fean van Huyfum , qui �toit 1'a�n� de fes
freres , ne fit pas confifter fes talens a peindre
v�te , & fon m�rite a gagner de 1'argent, il fe
propofoit pour objet la gloire & la perfeftion ;
auffi acquit-il bien-t�t une grande pratique , mais
ce fut fur-tout lorfqu'il eut atteint la maturite
de 1'age ; alors �tant marie & plus maitre de
fon temps & de fon gout, il fe livra tout en-
tier a la paffion qu'il avoit pour la gloire, 8c
par conf�quent pour la perfeftion.
Apr�s avoir vu les Ouvrages de Mignon &
de tous ceux qui avoient excell� � repr�fenter
des Fleurs & des Fruits , il effaya de toutes les
pratiques qui pouvoient Ie conduire a imiter Ia
couleur & la l�geret� de chaque fleur , de cha-
que feuille , & des fruits diff�rens ; il ne tarda
pas a �tonner les Hollandois. Ceux m�mes qui
avoient donn� les fleurs choifies de leur jardin ,
convinrent que la nature perdoit de fon �clatau-
pr�s de 1'imitation. On citeunTableau de lui qu'il
a peint dans fa jeuneffe en 1716 , pour un Cu-
rieux que 1'on nomrae M. Galer. Tous ceux qui
Ie virent furent dans la plus. grande furprife. Le
Prince Gu�laume de Heffe , qui faifoit recher-
cher les plus beaux Tableaux pour fon Cabinet,
ne put affez louer le m�rite de ces fleurs : tous
les Curieux de fleurs en procurerent au Pein-
P 3             tre,
-ocr page 235-
2 JO                  Z>4 Vte des Pel»trgs
tre, qui les fcut embellir encore, Sc s'il eft per-
mis de Ie dire , ajouter a leur fra�cheur , a la
Jegeret� de leurs feui�es celle que l'art lui avoit
apprife.
Ce fut au gout des Francois qu'il dut fa r�-
putation qui fut portee par tout. L'Envoy� de
France , Ie Comte de MarvilU , acheta pour
Jut deux Tableaux , & deux autres pour Ie Duc
d'Orl�ans : on paya pour lors chaque Tableau
douze eens florins d'Hollande : prix qui a en-
core augment� depuis. Il en fit quatre pour M.
Walpolt, fix pour M. Vage , qui furent envoy�s
� Londres. Le Prince de Heffe en commanda
plufieurs a des prix confid�rables. Le Roi de
Fologne , Ele&eur de Saxe, Ie Roi de Pruffe
&c prefque tous les Princes d Allemagne , firent
acheter des Tableaux de van Huyfum. Enfin on
vit , dans deux Ventes publiques , expofer fix
Tableaux de lui : le nombre ne fut pas nmfible
aux prix de fes Ouvrages. M. de Reuver de
Delft paya 1450 florins , pour celui qui repr�fen-
toit des fkws, & 100^ florins, toutargent d'Hol-
lande , celui qui repr�fentoit des Fruits ,� & d'au-
tres plus petits furent achet�s neuf eens , huit
eens & fept eens florins : ce grand Peintre prou-
ve bicn que 1'amour de la gloire & de la perfec-
tion eft quelquefois r�compenf� par la fortune.
Le prix exceffif que van Huyjum recut de
fes Tableaux lui fit redoubler fes foins &c fes
recherches; perfonne ne fut admis dans fon atte-
�er quand il travailloit : on dit que fes freres
en furent �galement priv�s ; il vouloit appa-
yamment d�rober au public fa facon de purifier
fes couleurs ou de les employer: petiteffe � tops
egards,
-ocr page 236-
Tlamands, 'jihemttnds & Hollandols'. ijf
igards : charlatanifme qui ne doit jamais �tre
mis en ufage par les grands Artiftes ; aufli-ne 1682..
rapportons - nous ceci que d'apr�s van Gooi , *
Hiftorien Hollandois, qui dit encore que van
Huyfum
n'avoit jamais voulu d'autreEleve qu'une
Demoifelle Haverman , qui �gala affezfon Ma�-
tre pour lui infpirer de la jaloufie , & dont il
n'auroit pu fe d�faire , elle ne fe fut desho-
nor�e par une foibleffe qui Ia forca de partir
& de fe rendre a Paris 011 fes Ouvrages furent
recherches, & qui lui m�riterent, dit-on , une
place a 1'Acad�mie royale de Peinture : mais
ce dernier fait n'efl point vrai, elle n'eut jamais
1'honneur d'�tre de 1'Acad�mie.
II paro�t affez certain que van Huyfum , aigri
par des chagrins domeftiques , & fur-tout par
la d�bauche de fon flls , devint ialoux , fauva-
ge , fuyant Ie monde , qui 1'�vita �galement 5c
ne rechercha que fes beaux Tableaux ; tant de
m�rite excita 1'envie ; les uns r�pandirent Ie
bruit que fes Ouvrages diminuoient en m�rite ,
d'autres Ie difoient mort : ces faufl�t�s furent
connues a la honte de ceux qui en �toient les
auteurs. Van Huyfum mourut Ie 8 F�vrier 1749.
pufte van Huyfum , frere de notre Peintre ,
mourut a 1'age de vingt-deux ans , il peignoit
des Batailles en grand & en petit avec une fa-
cilit� �tonnante , fans modeles, tout de g�nie
& avec gout.
facqnes van Huyfum , autre frere mort k
Londres, o� il copia fi bien les Ouvrages de fon
frere fean , qu'on y �toit tromp� ; il vendit fes
copies quarante & cinquante louisle couple , il
f n compofoit lui-m�me d'apr�s nature qui font
P 4          recherches*
-ocr page 237-
2,3 2,                 La Vte des Veintret
recherches. Ses Tableaux augmenterent de pr�x
comme ceux de fon frere.
Le troifieme frere de fean van Huyfum eft
encore vivant Sc d'une conduite eftimable. II
enfeigne en Hollande le Deflein aux perfonnes
de confid�ration.
On convient affez g�n�ralement que notre
Peintre a furpaff� tous ceux qui ont peint des
fleurs & des fniits : le foin qu'il prenoit a pu-
rifier (es huiles pour pr�parer fes couleurs , &c
les recherches qu'il a faites pour trouver les plus
�clatantes & les plus folides , eft un autre m�-
rite , dont la poft�rit� lui fcaura gr�. Nous avons
avec foin examin� les Tableaux de ce Ma�tre ,
les uns finis , d'autres moins avances , & quel-
ques-uns a peine �bauch�s : c'eft d'apr�s eet
ordre que nous ofons effayer de d�velopper
fa pratique dans 1'op�ration.
L'impreffion en blanc des fonds de fes pan-
neaux on de fes toiles �toit pr�par�e avec le
plus grand foin, & une puret� qui lui �ta Ia crain-
te de voir pouffer ou detruire les couleurs qu'il
y appliquoit avec bien de la l�geret� ; except�
les clairs , il glacoit toutes les autres , & m�=
me fes blancs , jufqu'a ce qu'il e�t trouv� le
ton; c'eft par deffus cette pr�paration qu'il fi-
niffoit les formes » les lurnieres, lesoinbres,
les reflets ; tout y eft avec chaleur & pr�cifion ,
fans f�cherei�e & fans n�gligence ; Ie duvet s
ie poli, le velout� , la tranlparence, & 1'�clat
le plus vrai & le plus brillant, fe trouvent par-
tout avec cette touche que la nature indique ,
& qui n'eft ni maniere ni hazard. Les vafes qu'il
a feu habilement placer, & dans lefquels il po-
foit
-ocr page 238-
Tlamands , Alleman ds & HolUndois. �35
jfoit fes fleurs , font encore d'apr�s nature : les
faas-rehefs , aufli finis que Ie refte , ne d�parent 1682.
point fes Tableaux , qui font la plupart bien ^SF1
compofes 6c d'une harmonie fcavante , de la
lumiere & des ombres; on recherche beaucoup
plus ceux qui ont des fonds clairs , parce qu'ils
pnt plus d'�cLit, ils font plus chers & ont co�t�
plus de peine a PAuteur ; il s'en trouve o� les
fonds font bruns , fans �tre noirs , qui plaifent
autant aux Arfiftes. On y trouve Ie m�me �clat,
mais plus de force & d'harmonie; au refte , il
y a un choix a faire dans fes Tableaux. Il s'en
trouve de plus heureufement compofes & dans
lefquels la lumiere eft plus ou moins bien r�unie ;
il avoit Padreffe de former fes groupes en forte
que les fleurs les plus �clatantes tenoient Ie cen-
tre , & il d�gradoit par la couleur de chaque
fleur depuis Ie centre jufqu'a Pextremit� de fon
groupe. Des nids d'oifeaux , leurs oeufs , les
plumes , les infeftes , les papillons , les gouttes
d'eau , tout eft avec la plus grande v�rit�, &
fait illufion dans les Ouvrages.
Apr�savoir fait eet �loge, qu'il me foit per-
mis de dire que les fruits nous ont paru quel-
quefois comme de Pivoire 011 de la eire : une
touche plus s�re auroit auffi annonce plus d'art.
Ses �tudes lav�es ou deffin�es font au m�me
d�gr� de pr�cifion & ch�rement vendues. On
a vu payer a AmUcrdam mille trente-deux flo-
rins pour quatre Payfa«es lav�s & touches a
la plume ; ajourez au talent de ce Peintre un
avantage qui n'exiftoit pas du temps de Mtgnon
& de Heem. Les Artiftes Hollandois n'avoient
pas un chpix de modeles a copier, comme
van
-ocr page 239-
134              ■�<* P"te des VeinM�
van Huyfum , qui vivoit du temps qne Ia Hol*
lande �toit en pofleffion des plus belles fleurs
de 1'Europe que des Amateurs cultivoient &
cultivent encore avec foin &. d�penfe. Circonf-
tance heureufe pour un Pcintre qui a tant de
befoin de voir la belle nature , quand il veut la
repr�fenter !
Nous avons parl� de van Huyfum comme du
premier Peintre de fleurs , il nous refte �. Ie
faire conno�tre comme bon Payfagifte ; il eft
moins connu en France par fes Payfages que
par fes Fleurs. Ses Payfages font bien compo-
fes. Sans avoir vu Rome , il en emploie fouvent
des reftes de fes vues immenies qu'il a repr�-
fent�es : on y trouve une couleur excellente ;
chaque arbre a une touche propre pour fon
feuill� : les plantes , les plans diff�rens font tous
diipof�s avec jugement & avec gout. Les figu-
res bien deffin�es dans Ie gout de fai>cffe font
tr�s.finies & touch�esavec efprit.il femble en-
core qu'il copioit Ja nature dans un pays chaud :
les ciels ,-les lointains > les montagnes , les val-
l�es & Ie feuillage cara��rifent un climat tel
que 1'Ita1 '��;. Les Curieux les recherchent en
Hollande &. les paient fort cher.
M. Tejias , Amateur , acheta dans la vente
du Peintre un petit Payfage pour Ie prix de
deux eens cinq florins ; un autre petit en gri-
faille , & heurt� comme une eiquiflc , fut ven-
du cent cinq florins. Les deux feuls Payfages
avec figures que nous connoiflbns en France
de van Hnyfum, font a Rouen, chez M. Marye ,
Secr�taire du Roi : ils font des plus fins de ce
Makre. On voit a Paris, dans Ie Cabinet de M.
-ocr page 240-
FUmands, Al�emmds & HolUndois. 13 f
de Troyer, deux Tableaiix en hauteur : 1'nn re-
          -
pr�fente des Fleurs , & Pautre des Fruits , tous 1681.
deux du plus beau de ce Ma�tre. Chez M. Blon- -p' , g
del de dagny, deuxTableaux clairs, un de Fleurs
& 1'autre de Fruits. Chez M. de la lyve defully ,
deux Tableaux Fleurs & Fruits. Chez M. Lem-
pereur,
ancien Echevin, deux beaux Tableaux ,
1'tin de Fleurs & 1'autre de Fruits. Chez M. de
fu�er.re , un Panier rempli de fleurs.
Dans Ie Cabinet du Prince de Heffe , un Ta-
bleau de Fleurs.
Chez M. Fagel, Greffier a Ia Haye, un beau
Payfage. Chez M. van He ter en , un Tableau fond
clair avec des Fleurs; &uneCha/Teau cerfdans
un beau Payfage. Chez M. Half-W*ffer,aer, un
Tableau o� font des Fleurs. Chez M. van Bre~
ir.en
, un Payfage joli. Chez M. Braamkjtmp ,
un Vafe par f. de (Vit, 6c les Fleurs par van
Huyfum
: un autre repr�fente auffi des Fleurs ;
des Fleurs dans un vafe de porcelaine ; des Fruits
<lans une fo�coupe & un joli Payfage avec des
Figures. Chez M. Leen dei- de Neufviil� , un grand
Tableau remp� de fleurs , tr�s-capital. Et chez
M. Luhbeling , un beau Vafe avec des Fleurs ;
fon pendant, des Fleurs , des Fruits , un Nid
d'oifeau avec les osufs, & un autre avec des
Fleurs & des Fruits.
Nous avons vu a la Haye , dans Ie Cabinet
de M. Lormier, mort en 1758 , dix Tableaux
des plus confid�rables Aeftan van h'uyfum. Six
avec des Fruits & des Fleurs , & quatre Payfa-
ges avec des Figures.
SEGRES-
-ocr page 241-
SEGRES-JACQUES
VAN HELMONT,
�LEVE DE SON P � R E
JEAN VA N HE LM ONT,
A familie de van Helmont eft dif-
tingu�e dans les Sciences &t dans
les Arts. fean-Baptifle van Hel-
mont ,
M�decin, eft c�lebre par
fes d�couvertes dans la Chymie.
Matthieu van Helmont , natif de
Bruxellcs , eft connu par fes jolis Tableaux qui
repr�fentent des Boutiques, des Chymiftes , des
March�s a l'Italienne. Scs Ouvrages recherches
par
1683.
-ocr page 242-
La Vie des Teintres, &ci            yj
par Louis XIV, qui enrichit la France de tant
Chefs-d'oeuvres �trangers, en font 1'�loge. Ayant
�poul� MUe Roffiau , ils furent s'�tablir a Anvers ,
oii naqiiit Segres-Jacques vari Heimom Ie 17
Avril 1683. Il vint au monde avec une foiblefle
de temperament qui a dure toute fa vie. Son
pere fut fon Ma�tre, & il eut la joie de voir
fon fils d�ja habile a 1'age o� les autres ne font
quecommencer; notre jeune Artifte perdit trop
tot fon pere , mais des talens affur�s par 1'�-
tude & 1'affiduit� Ie ramenerent a la nature &
aux grands modeles. Il paro�t aflez conftant
qu'il n'a jamais forti de fon Pays; ce qui prouve
que , quand on eft aflez heureux de voir la
nature , telle qu'elle eft , fans y ajouter ce qui
efl: maniere, & quand on eft aflez judicieux pour
en faire un choix , on peut r�ufi�r par-tout.
Les Ouvrages qui fortirent de fa main pu-
blierent fes talens. Il fut charg� de grandes en-
treprifes. La Ville de Bruxelles, o� il fe retira,
lui procura des occafions de fe fignaler. Tou-
jours infirme , mais oubliant fes maux , ne les
fentant pas m�me , quand il �toit �chauff� par
Ie trayail, 1'amour de fon Art & la grande appli-
cation d�truifirent infenfiblement fa fant�. II
mouru't Ie 21 Aout 1726 , ag� de quarante-
trois ans quelques mois ; il laifla de fa femme
MUe Cathenne vanden Driejfche , trois enfans ,
deux filles & un garc.on qui eft Pr�tre.
La Flandre a perdu en ce Peintre un homme
habile , qui compofoit fes Tableaux d'Hiftoire
avec nobiefle & efprit ; fa marche eft belle ,
fa couleur efl aflez vraie, fon deffein corre�: :
eet Artifte tient un rang difHngu� dans l'Ecole
de
-ocr page 243-
j                  La Vie de f Peintre f
de Flandre, c'eft ce que nous allons jufllfi�r paf
1683. quelques Ouvrages places en public.
Le Portrait de ce Peintre fe voyoit � Paris j
dans le Cabinet de feu M. le Comte de Vence.
A Bruxelles, dans 1'Eglife d� Sainte Gudule ,
dans le nombre des Tableaux q�i reprefentent
la Profanation du Saint Sacrement, on en voit
de van Helmont qui tiennent le premier rang.
Dans 1'Eglife de la Madelaine , le Martyre de
Sainte Barbe , Tableau d'Autel.
Dans 1'Eglife de Saint Nicolas, laCanan�en-
ne aux pieds de Notre-Seigneur.
Dans 1'Eglife des Carmes non R�form�s , k
c�t� du ma�tre Autel, le Sacrifice d'Elie , grande
& belle compofition ; & la Bulle Sabbatine au-
deffus du petit portaih
Le Peuple d'ffra�l qui porte fes bijoux &�
fon or au Grand-Pr�tre Aaron pour faire le
Veau d'or. Ce grand Tableau fut fait a 1'occa-
fion du Jubil� en 1710 & 1735 , on le voit k
1'H�tel-de-Ville.
Cinq Tableaux : les fujets font pr�s dans Ia
Vie de Saint Jofeph , ik font places dans la
Sale du corps de M�tier des Charpentiers.
Dans la Sale de Saint Michel, le Triomphe
de David.
Trois autrcs de la Vie du Patriarche Jacob }
dans la Sale des Ep�ciers.
Dans celle des Mariniers, trois fujets tir�s de
l'Ecriture.
Chez les Merciers , deux Tableaux , 1'un Jo-
feph reconnu par fes Frercs, 1'autre tir� de la
m�me Hiftoire. Six grands morceaux de 1'Hif-
toire de Moyle , appartenans a ; rancois Leymers 5
il§. ont �t� ex�cut�s en Tapiffcries,'
                 L�?
-ocr page 244-
TUmands , jflt�mands & flollandoh
Le Bapt�me de Clovis , grand Tableau au
ma�tre Autel de la ParoifTe de Vamb�k�, entre 1683.
Bruxelles & Aloft.
                                             *2�5f
L'Enfant prodigue recu par fon pere : grand
fujet place dans le Chapitre de lAbbaye de
Grimbergue, pr�sde Bruxelles, & 1'lmmacul�e
Conception dans le m�me endroit.
La Gene , plac�e au grand Autel de 1'Eglife
de Willebroeck , pres du Canal de Bruxelles, a
Anvers.
Dans la principale Eglife d'Ath, Sainte Anne ,
Tableau d'Autel.
Dans le Cloitre des Carmes non Rcfofmss,
a Gand , Jefus-Chrift expirant fur la Croix. fi-
gures plus grandes que nature.
Les quatre Evang�lifles, au Palais Epifcopal
a Ruremonde.
Plufieurs Buftes dans Ia Bibliotheque de Dil-
lcghem , pres Bruxelles.
Un Appartement entierement orn� de Sujets
dans le gout de Teniers , au Chatcau de Catte-
huys,
pres de Vilvorde.
On trouve encore dans fa familie le Portrait
du Peintre , celui de fa Femme ; la rencontre
de Jacob & Rachel ; la R�conciliation d'Efa�
avec Jacob ; la Miffion de Saint Jean pour bap-
tifer & pr�cher ; la Multiplication des Pains ; le
Sacrifice d'Abraham ; la Sainte Vierge , Saint
Jean 1'Evang�lifte , tous deux a demi corps ;
trois Buftes peints en pierre , des Enfans les
ornent de guirlandes de fleurs qui font peintes
par Morel ; ce m�me Morel a peint les fleurs
dont plufieurs G�nies vont entourer la D�effe
floret Ou conferve dans la m�me Maifon un
Chymifle
.
-ocr page 245-
140                La Vie des Peintref
Chymifte dans fon Laboratoire , Tableau ca»
pital peint par Mattbieu van Hcimont.
JEAN VAN BREDA,
�LEVE DE SON PERE
ALEXAND RE FAN BREDJ.
TEan van B red a nSquit � Anvers Ie 19
Mars 1683,1! �toit fils d' Alexundre van Breda,
jaon Payfagifte , qui a repr�fent� tr�s-bien les
Vues d'Italie , des Places publiqu�s, des Mar-
ch�s , des Foires ,avec des Figures & des Ani-
maux. Excit� par des le$ons, des fucc�s &c 1'exem-
ple d'une �tude continuelle , il �tudia fous fon
pere jufqu'a 1'ann�e 1701.
La Colle�ion la plus nombreufe Sc la
plus pr�cieufe d'Anvers appartenoit a fac-
cfues de Wit ,
qui faifoit Ie commerce de Ta>
bleaux. Le jeune van Breda eut occafion de
les voir. Les beaux Ouvrages de Bteugle de
Velour
1'attacherent particuliercment : il n'eut
point de repos qu'il n'obt�nt la permiffion d en
�aire des copies ; il y r�uflit fi heureufement ,
que de Wit lui propofa de copier pour lui tous
les Tableaux qu'il avoit en fa poffeffion ; c'�toit
augmenter la fortune de de Wit, qui aura fans
doute tir� parti de ces trompeufes copies. Van
Breda
fut neuf ans k �tudier , & , pour ainii
dire , a d�compofer les Ouvrages de 'hreugle de
Velour
& ceux de Wouvvermans. S'il �toit pref-
que impoffible de diftinguer fes eopies , bien-
tot
-ocr page 246-
Tlamands? Allemands & HolUndois, 241
tot on cut la m�me peine a dif�inguer fes imi-
tations : fes Tableaux eurent de la vogue, Sc 1
firent fa fortune.
Fan Breda , affur� de fa r�putation en Angle-
terre , y paffe avecle Sculpteur Rysbrack^, il vit
combien on y recherchoit fes Tableaux. Cet
�ncouragement redoubla fes �tudes , fes foins a
perfeclionner fa maniere & fon afliduit� au tra-
vail,' bien-t�t les grands Seigneurs Ie vifiterent:
il s'attacha entierement au Comte d'Harltvva-
ter
, qui ch�riflbit 1'Auteuf & fes Ouvrages. On
fcait la fin malheureufc de ce Seigneur : ion atta»
chement a la Maifon de Stuart Ie fit p�rir fur1
1'�chafaiid en 1715. Van Breda, avoit �t� affi-
duement voir ce Comte dans fa prifon , & la
derniere fois qu'il Ie vifita , il recut de lui, pour
marque d'eftime , une montre d'or a r�p�tition
de grand prix. Notre Artifte inconfolable de la
mort de fon Bienfaiteur, ne voulut s'attacher
a perfonae. Revenu a lui, il travailla de nou-
veau , il fit plufieurs Tableaux pour Ie Roi ck
pour les principaux de la Cour. Il ne put fuffi-
re a tous ceux qui lui en demanderent. En 1723 ,
>I �poulzCatberine Ryck^t Angloife, & en 172J
il quitta ceRoyaume & �it s'etablir a Anvers^
charg� de gloire & de richefles.
A peine fut il arriv� , que la Soci�t� acad�-
mique Ie choifit pour ion Chef. On Ie vit rem-
plir cette place avec douceur & intelligence:
tous ceux qui n'avoient pu obtcnir de les Ou-
vrages s'en procurerent , mais en petit nombre ,
parce que les Hollandois , les Allemands , &c.
en �toient avides , il eut beau les faire payer
cher, il ne put emp�cher qu'on ne les lui enlevat:
Torn e IV.
                                 Q              on
-ocr page 247-
^                 La Vie des Tehitres
on ne put guere s'affisrcr d'ur Tableau , a rno�ns!
* 3' de 1'avoir en fa pofleffion ; c'eft ainfi que vivoit
�- honorablement notre Artifte ch�ri de ies Con-
fr�res , vifit� & confid�r� des Grands.
Jamais Breda n'eut plus de gloire qu'en 1745.
LorfqueleRoi LoH/'.f.AT'fit fon entree dans la Ville
d'Anvers. Sa Majeft� fit venir ce Pcintre , &c
lui acheta quatre de fes Tableaux ; deux repr�-
(entant Notre-Seigneur pr�chant fur les bords
de la mer : Ie fecond , Notre-Seigneur faifant
des miracles ; deux Paytages & des vues de
rivieres ; on y voyoit une multitude de figureS
bien dans la maniere de Breugle de l'elour ,
qu'il fera difficile dans qiielque temps de les dif-
tinguer de ceux de ce Peintre , qui vivoit plus de
cent ans avant cette �poque. Le choix du Monar-
que engagea le Prince de Clermont, le Prince de
Soulnze , le Duc d'Havr� , le Mar�chal de
Lovvendal & plufieiirs autres Seigneurs a ache-
ter & payer honorablement des Tableaux de
ce Ma�tre. Le modefte van Breda , qui ne s'at-
tendoit nullement a eet evenement glorieux ,
en fut fi �mu , que de retour chez lui > il tom-
ba malade & fut reduit a la derniere extr�mit�.
Cependant il fe retablit bien-t�t, & travailla tou-
jours avec le m�me defir d'augmenter le nom-
bre de fes jolis Tableaux & fa r�putation; tou-
jours tourment� de la goutte ,'fa vie r�gl�e &C
laborieufe flnit le 19 F�vrier 1750, a 1'age de
foixante-treize ans. 11 laifla unefortune honn�tc
a fon fils tran^ois van Breda , qui eft fon Eleve,
& qui fuit fa maniere.
Ce Peintre eft, lans contredit, celui quia ap-
proch� des plus pres des deuxMa�tres qu'il avoir
en
-ocr page 248-
Flamatndt, Alleman ds & tJollandoh. 24 j'
fen vue, Ie Breugle & JVouvvermans ; fes Pay- *> ""
fages, dans Ie gout du premier , & une multi- 1683.
tude de h'gures repr�fentant un trait de 1'Hif- '"5^^
toire facree 011 de 1'Hiftoire prophane , des F�-
tes ou des Foires , des Batailles ou des Atta-
ques , &c. font dans la maniere de IVouvver-
mans
; une tr�s-bonne couleur , une touche fine
& pr�cife , des ciels , des lointains agr�ables &
naturels , un bon gout de deffein ; mais difons
tont, il lui manquoit cette pate & ce large fi
pr�cieuxdansnotre Hollandoi-.^» "Breda avoif.
autant de feu dans fes compofitions & peut-�tre
plus de g�nie , c'eft fur-tout dans fes Tableaux,
qui font dans Ie gout de Breugle , que 1'on voit
de joliesfigures, dont les groupes font bien pla-
ces , les plans bien d�termin�s : chaque petite
figure a fon cara�tere & occupe fa place ,� c'eft
un bon Peintre , dont la r�putation bien �tab�e
augmentera toujours ; fes Tableaux en grand
nombrefont r�pandus dans 1'Europe: voiciceux
que nous connoiffons.
On voit k Rouen , chez M. Horutner , N�-
gociant , deux Batailles peintes fur bois , 6c
chez 1'Auteur de eet Ouvrage , deux autres Ba»
�ailles entierement dans la maniere de IVouwer*
mans
, ils font peints fur Ie cuivre.
A la Have , chez M. van Heteren , un Pay-
fage , c'efl: un Bourg fur Ie bord d'une Riviere
charg�e de bateaux , de chariots , & une mul-
titude de figures & d'animaux ; on voit dans
un autre un Bourg & une Riviere avec figures ,
&c. & un Payfage avec un Canal charg� de
Bateaux , &c. Chez M. Benjamin d'Acofta f
deux Payfages avec figures , peints fur cuivre.
Q * A
-ocr page 249-
244           L* e                    ,
, .1 M A Rotterdam > chez M. heers, deux Saifons 5
1683. dans un,l'Hyver, Sedans 1'autre, 1'Et�. Et chez
*',"'� M. Biffchop ds la m�me Ville, une Danfe a 1'en-
tour d'un mai, une Vue de 1'Efcaut, un Payfa-
ge avec des chariots & des figures , & trois
autres du m�me,
H�ROMAN
-ocr page 250-
H�ROMAN ( Herman )
VANDER MYN,
�LEFE &ERNEST STUVEN.
j Ander Myn naquit � Amf-
terdam en 1684. Son pere , qui
I �toit Pr�dicateur , deftina fon fils
; a la Chaire : il fit affez bien fes Hu-
manit�s , mais il cmploya �gale-
ment ion temps a deffiner; enfin
la Peinture 1'emporta fur les Lettres, on lui don-
na pour Maitre Emeft Stuven , bon Peintre de
Fleurs, mais d une conduite extravagante, com-
me jious 1'ayons fait voir dans Ie 3= Tome ,
Q 3 page
-ocr page 251-
2.46              La Vu des Teintret
t          page 371 L'EIeve s'appliqua fi bien a fon Art.J
1684. ^ue ^'on Prcvoyoit d�ja qu'il furpafferoit fon
■■■!■* Ma�tre dans la repr�lentation des fleurs &C des
fruits.
Quoiqu'on puiffe acqu�rir quelquefois line
grande gloire dans un petit genre, il eft toujours
plus beau de fe diftinguer dans Ie grand. Pander
Myn
, peu fenfible a la gloire d'avoir r�ufli k
peindre des fleurs & des fruits , parce qu'il en
�toit affur� , eut encore la noble ambition de
courir la carri�re du Portrait & m�me de 1'Hif-
toire ; il femble que cette noble ambition lui
tint lieu de Maitre. On ignore du moins ce-
lui qui conduifit fon pinceau avec tant de fuc-
c�s, qu'il fe fit remarquer d�s fa jeunefle a la
Cour de 1'Elefteur IK.latm avant 1716; cettc
Cour �toit pour lors Ie rendcz vous des meil-
leurs Artiftes, qui fe difperferent a la mort de
ce Prince.
Ce Peintre retourna <\ la Haye en 1717 , il
porta avec lui un Tableau , qui furprit les meil-
leurs Artiftes , il repr�fentoit Dana� : leslouan-
ges que 1'on donna juftement a ce Tableau , fl-
rent grand tort a TAuteur, parce qu'il r�gla Ie
prix fur 1'iinpreffion que 1'ouvrage avoit paru
faire , & cette fomme �toit fi exorbitante que
perfonne n'ofa y penfer : In Tableau lui reita.
Deux ans apr�s on vit paroftre du m�me un
fujet bien compol� & plein d'expreffions , c'efl
Ammon qui vient de commettre un crime avec
fa Sceur , & qui la renvoie. Un autre , Tha-
mar qui trompe Juda : fujet traite avec beau-
coup d'efprit & de r�flexion. Le Payfage �toit
ffi peint dans la grande perfe&ion. Ce d�faut
d'exige?
-ocr page 252-
Flamands, Allemands & Hollandois. 247
tPexiger trop d'argent de fes Ouvrages , tout-------
bons qu'ils �toient , 1'a fouvent reduit a la mi- 1684.
fere : on dit m�me qu'il fut forc� de les mettre "^�S?"
en gage , & que ne pouvant les retirer au temps
marqu� , ils refterent entre les mains de ceux
qui lui avoient pr�t� de 1'argent. Anvers �toit
pour lors Ie lieu de fa demeure ; il fit un voyage
de Paris en 1718 pour porterauDuc d'Orl�ans 9
R�gent, quelques-uns de fes Tableaux. Le Prin-
cecn fut tr�s-fatisfait. Coypel, fon premier Pein-
tre , ne diffimula point a vander Alyn , com-
bien fes Tableaux lui avoient fait plaifir , Sc
confeilla m�me au Prince d'en acheter. Notre
Hollandois perdit encore une fois la t�te, il mit
fes,Ouvrages a fi grandprix, qu'on les lui lailfa:
il manqua m�me de confid�ration pour Coypel,
qui Pavoit pr�fent� au R�gent , & qui lui avoit
rendu tous les iervices d'un galant homme. Les
Tableaux furent emball�s & renvoy�s en Flan-
dre. Ilignoroit fansdoute que l'avarice d�grade
le g�nie ; qu'un grand Artifte qui a de la fa-
geffe ne manque jamais , & qu'un pen plus 011
un pen moins de bien difparo�t toujoursa c�tc
de la gloire. Le plus beau Tabieau qu'il a fait
dans fa vie , repr�lentant Saint Pierre qui renie
Notre-Seigneur, fut gat� par un clou qui s'�toit
d�faitde la Caiffe ; eet accident achevade ruiner
enticrement vander Myn, De retour a Anvers,
il fit les Portraits de la familie d'un riche An.
glois nomm� Bourrouchs. Ce Tableau �toit
d'une grande beaut� & luiattira l'amiti� de eet
Amateur > qui le mena avec toute fa familie en
Angleterre. 11 fut auifi-t�t charg� de faire les
Portraits des principauxde ia Cour'de Londres;
Q 4         14!
-ocr page 253-
4                   ■�<* We des Peintre f
1684. 'c Portrait du Duc & de la Ducheffe de Chandoj
enpied, & grand comme nature, dans un m�me
Tableau repr�fentant 1'Attelier d'un Peintre, lui
fut pay� cinq eens guin�es , c'eft une belle
compolition , la Dameafllfedevantle chevalet,
faifoit Ie Portrait de fon man; il eft bon de dire
qu'elle peignoit r�ellement , & qu'elle aimoit
beaucoup la Peinture ; il a fait un grand nombre
de Portraits pour Ie Chevalier Page, cntr'autres
celui du Chevalier qui defcend de fon Caroflc
pour vifiter fa Mere qui eft repr�fent�e fur Ie
premier plan, un Domeftique ouvre la portiere,
&c Ce Sujet tr�s-ingrat efl tres-bien traite: les
Amateurs &: les Artiftes vanterent Ie m�rite du
Peintre ; d�ja accabl� d'Ouvrage, il fut oblig�
de prendre une maifon fpacieufe qu'il loua deux
mille florins par an ; fa Familie & ies domefti-
ques montoient k vingt-deux perfonnes qu'il au-
roit pu foutenir , s'il avoit eu de la conduite»
Ileut Ie malheur de perdre fa femme qui lui laiffa
fept enfans ; a peine Ie deuil fut-il fini, qu'il
n�gocia un nouvel engagement avec une jeune
Hollandoife qu'il envoya chercher avec often-
�ation: fes enfans & fes amis s'y oppoferent, mais
pour y r�uflir , il trompa tout Ie monde , en
faifant voir , par des fauflet�s , qu'il poff�-
doit plus de richeffes qu'il n'en avoit efFeftive-
jnenf , & dont il fut puni par la fuite , quand
fes enfans lui demanderent leur l�gitime.
Cc mariage inconfid�r� lui attira Ie m�pris
4e fes amis , qu'il augmenta enfuite par une con-
duite folie & faftueufe qui Ie ruina & Tendetta,
Une nouvelle niortification mit Ie comble a fa
4)fgrace:il venoit de peindre laPrinceffe deGal/es
-ocr page 254-
Flamands, Allemmds & Hollandoisl 49
& fon frere Ie Duc de Cumberland, tous deux en
pied & de grandeur naturelle, rien n'�toit plus 16S4.
reffemblant & mieux peint: les acceflbires, les *^Z?
�toffes, tont �toit richement orn� & rendu a.
faire illufion. Ce beau Tableau lui refta: les uns
difent qu'il avoit exig� mille guin�es : d'autres
croient que fes ennemis 1'avoient perdu a la
Cour. Il avoit encore peint d'autres Tableaux
de familie hiftori�s, entr'autres un Concert bien
compof�. Le Portrait de l.each , R�lident a Bru-
xelles pendant bien des ann�es , un Courier lui
apporte un paquet de d�p�ches.
Notre Peintre fut touiours bien pay� , mais
fa prodigalit� fut auffi infenf�e que fon avidit�
fut honteufe. Cet homme infatiable d'or , le r�-
pandoit a pleines mains : �tant un jour invite �
diner dans un Navire Hollandois, il prodigua ,
en fortant , une fomme immenfe , & il fit les
m�mes folies en mille autres occafions. Ses en-
fans �tonn�s de cette profufion, le croyant infi-
niment plus riche qu'il ne 1'�toit , lui deman-
derent le bien de leur mere qu il avoit encore
eu la vanit� d'exag�rer ; il fatisfit � peine fes
(snfans, & devint la proie de fes Cr�anciers.
Le Prince d'Orange �tant a Londres pour �pou-
fer unePrince�e d'Angleterre, vander Myn com-
poia en homme d'elprit une Allegorie fur ce
manage ; ce Tableau eft place en Hollande au
Chatcau de Loo , & il ett g�n�ralement lou�. Ce
Peintre perdit fa deuxieme femme , de laque�e
jl avoit encore deux enfans. Tourraent� pour fes
dettes, il quitfa Londres en 1756 , & vint avec
deux de fes fils en Hollande ; il pr�fenta au
Prince �Omnge quelques Portraits de la familie
d'Anr
-ocr page 255-
des Teintres
d'Angieterre : Ie Prince Ie recut tr�s-b�en & Ie?
l prot�geaouvertement.On rapporte qu'il en recut
quinze eens florins de penfion par an. Il �toit
encore temps pour vander Myn de r�tablir fa
fortune : mais un troifieme mariage qu'il fit ,
malgr� les repr�fentations de tous ceux qui lui
voulurent du bien , combla fes malheurs ; il per-
dit la prote�ion du Prince d'Orange , ce qui l'o-
bligea de retourneren Angleterre, o�il demeura
avec (es enfans, il ne jouit pas long-temps de ce
mariage , il mourut a Londres au mois de No-
vembre 1741 , laiffant fa veuve & huit en-
fans , dont fept font Peintres.
Les d�fauts de eet Artifte �toient une vanit�
exceflive ,une magnificence d�plac�e&c une avi-
dit� fordide. Il mourut fans bien , apr�s en avoir
gagn� plus qu'aucun Artifte de fon temps. Il �toit
tres laborieux , bon Peintre d'Hiftoire ; excel-
lent pour Ie Portrait , & pour les Flcurs & les
Fruits. Peu d'Artiftes ont r�uffi comme lui dans
ces diff�rens genres. Ses Portraits reflemblans font
colorics avec force & fans maniere, chaquemo-
dele lui donnoit des tons diff�rens : fes �toffes
font a tromper 8c bien pli�es , les fonds riches
& pleins d'harmonie : il avoit des Artiftes pour
1'aider dans fes draperies , mais il repeignoit
tout : fes Tableaux d'Hiftoire m�ritent d'�tre
lou�s, ils font moins bien colori�s , la carna-
tion eft quelquefois rougeatre , fouvent grife,
fon deffein eft peu f<javant , mais affez corred
pour laiffer voir qu'il ne faifoit rien fans la na-
ture. Les Tableaux de fleurs que nous avons de
lui font touches avec l�geret� & avec bien de
reelat & de la v�ritc. Nous ne connoiffons point
d'Ou-
-ocr page 256-
Tlamands , Allemmds & HolUndoif. 151
d'Ouvrages de ce Ma�tre en France :voici les
plus contius apr�s ceux que nous avons cit�s.
On voit chez M. Half-Waffenaer, a la Haye ,
un beau Tableau d'Hiftoire repr�fentant Notre-
Seigneur qui marche fur la mer.
A Amfterdam , chez M. 'Bmamkamp , une Co-
quette habill�e en fatin blanc; une Bergere bien
ajuft�e ; une jolie Brune ; un Homme habill�
� 1'Angloife , avec une jeune Fille ; une autre jo-
lie Brune. Chez M. Lc'enders de Neufvtlle, deux
Portraits , un Homme & une Femme.
Chez 1 Ele�eur Palatin , un Enfant entour�
de fleurs, il tient un perroquet furfa maingau-
che ; un beau Tableau de Fleurs,' un autre En-
fant avec des fleurs.
N VAN KESSEL-
NVanKessel, neveu de Ferdinand van
.Kejfel.c�
originaire d'une familie qui a don-
r� a la Peinture un grand nombre dhabiles Artif-
tes. II lesauroit peut- �trefousfurpaff�ss'il ne s'�-
toit livr� trop a la crapule , il erl: certain qu'i
en juger par quelques-uns de fes Tableaux dans
Ie gout de ccnx de Teniers , il auroit �gal� ce
Maitre. Une facilit� de deflin�r tont d'apr�s na-
ture , fit valoir a tout ce qui fortoit de fa main
Ie prix qu'il en demandoit. Il fut a. Paris o� il
deffina encore , & ne put affez deflin�r pour
r�pondre au gout des Amateurs , fes petits Ta-
bleau v, clans lefquels ilrepr�fentoit des Payfans ,
leurs F�tcs , leur M�nage, &i tout ce qu'il avoit
re-i
-ocr page 257-
H            |             La Vie des feintres , &c'.
1684. remarqu� dans la vie des Villageois. Il gagna
� beaucoup d'argent, & s'il avoit �t� toujours aufli
affidu & aufli mod�r� dans fes paffions , il au-
roit �t� un des plus grands Peintres, comme il
eft un des Dcffinateurs les plus diftingu�s , mais
Ie vin �teint promptement Ie g�nie , comme nous
1'avons fait remarquer plufieursfois. Ses defleins
font dans Ie gout de ceux de la lage , il y regne
un efprit & un caraftere furprenant.
L'argent qu'il avoit apport� de Paris fut d�-
penf� & difperf� a Anvers : il finit alors par
�poufer une femme qui aimoit tous fes d�fauts,
parce qu'elle les avoit. Ferdtnand van Kejfel ,
ion oncle , �tant mort a Breda , notre Peintre
y tranfporta tout fon m�nage : il h�rita de tous
les biens de fon oncle & d'une belle Collec-
tionde Tableaux, d'ungrand nombre d'Efquiffes
des Maltres Hollandois, & de beaucoup de Def-
feins & de Jlecueils complets en Eftampes d'I-
talie, de France , &c.
Van Kejfel, encore une fois enrichi, m�prifa
Ie genre de Teniers , il voulut faire Ie Portrait;
il en fit effe&ivement de ridicules , 1'on fe mo-
qua de lui ; il reprit fon train de vie avec tant
d'extravagance qu'il tomba de nouveau dans la
mifere. On ne nous apprend point fa mort. Nous
Ie citons pour fes premiers Ouvrages qui ont un
vrai m�rite , & pour fes Deffeins qui ont de la
finefle, de 1'efprit & la plus grande libert�.
BALTHAZAR
-ocr page 258-
B ALTH AZAR
D E N N E R>
Amais 1'Artn'apoufle plus loiti
1'imitation de la nature dans fes d�- 168
tails &l'extr�mefinides t�tes que
Ie Peintre dont nous allons parier.
Bdtbd'^ar �>«7»<>rnaquita Ham-
bonrg Ie 15 Novembre 1685 de
facob Denner, Miniftre des Minoriftes pendant
foixante ans a Altena , & de Cathenne Wiebe ,
qui virent avec douleur languir leur enfant des
fuites d'une ch�te. Continuellement affis ou cou-
eh� , les amufemens de 1'enfance ne Ie tou-
choient pas autant que celui de copier des ima-
__
-ocr page 259-
154                LdVte dei Veintrei
*~~ ges ou d'autres petites eftampes: il oublioit fort
\' mal quand il deffinoit.
Il eut d'abord pour Ma�tre Ie meilleur Pein-
tre d'Altena ; il pafla enfuite dans 1'Ecole d'un
autre aDantzik: ce fut celui-ci qui lui enfeigna
a peindre ; il Ie quitta & ne fit plus que copier
tous les bons Tableaux qu'il put obtenir.
11 paro�t que fes parens ne comptoient pas
affez fur fes progr�s , tont rapides qu'ils ftiflent j
pour fonder fur eux 1'efp�rance de fa fortune.
lis lui f�rent quitter en 1701 l'attelier du Peintre
pour Ie comptoir. U apprit Ie Commerce chez
lm oncle , riche N�gociant de Hambourg ; mais
en rempliflant fes devoirs avec exa�Htude , il
confacroit fes loifirs au Deflein & a la Pein-
ture.
Il fut envoy� a Berlin en 1707 , 011 Ie Roi
tredene II avoit raffembl� les meilleurs Artif-
tes. Penner faifit cette occafion pour copier les
plus beaux Tableaux , il deffina afliduement d'a-
pr�s Ie modele vivant. Son amour pour notre
Art fut fecond� par fes talens : les Artiftes lui
confeillerent d'abandonner Ie Commerce pour un
Art qui lui �toit naturel; leurs avis s'accordant
avec fes inclinations , ils furent bien-t�t �cout�s.
En 1708 il quitta Ie Commerce & embrafla la
Peinture 1'ann�e iuivante : il peignit en migna-
ture Ie Duc Chr�tien Augufte , Adminiftrateur
d'Holftein-Gottorp S>C la PrincefTe fa foeur. 11
avoit fi bien r�uffi qu'on 1'invita d'aller aGottorp,
o� il peignit dans un feul Tableau vingt-un Por-
traits de cette familie illuftre , auxquels il ajou-
ta auffi Ie fien. Ce Tableau frapa tellement Ie
Czar Pierre Ie Grand , lorfqu'il fit ld conqu�te
du
* ■■■■�■-.....-■ "�' '�*a>- ■ ■-
-ocr page 260-
FUmands j Allemmnds & Hollandois. 2, f <f
3u Holftein , qu'il voulut 1'enlever pour fatis-
faire fa curiofit� ; mais ce Monarque s'en d�-
tacha , lorfqu'il apprit que Ie Duc &� fa familie
verroient avec peine emporter un Ouvrage li
pr�cieux.
Denner �poufa en 17(2 Mlle Eflher Winter ,
if�iie d'une tr�s-bonne familie , dont il eut f�x
enfans. Cette femme aimable a fuivi fon mari
dans les difF�rens voyages qu'il a faits. Il peignit
alors tr�d�rk IV', Roi de Danemarck. La Prin-
cefle de Slefvvick,, Ma�trefTe de ce Monarque ,
invita Denner d'aller a Huffum : il y peignit
plufieurs fois fon Portrait& ceux des principaux
Seigneurs de fa Cour ; retourn� a Hambourg ,
il fit Ie Portrait du Prince Menficof, qui lui
donna cent ducats lorfqu'il vit la t�te n'nie.
La Pefte qui fit des ravages dans fa Ville, Ie
retint une ann�e entiere a la Campagne ; cepen-
dant il fit un voyage a Amfterdam & k Lon-
dres, o� il ne refta que peu de temps, mais affez
pour y laifTer de fes Ouvrages. En 1717 , Ie
Roi de Danemarck Pappella a HuJJum , il y fit
plus de vingt Portraits de ce Monarque ; il ne
put refufer Ie Roi qui Ie mena a Copenhague ,
o� il refta dix mois : voyage tres - lucratif &
tr�s-honorable ; on voulut l'y tixer , mais il s'en
excufa par 1'attachement qu'il avoit pour fa fa-
milie.
La Duchefle de Wolfembutel Ie fit demander
k fa Cour en 1710 : il y peignit plufieurs fois
cette PrincefTe ; de-la appeil� a Hanovre , il fit
les Portraits de quelques Milords Sc de Dames:
on Ie d�termina au voyage de Londres, o� il
arriva 1'ann�e fuivante j il � porta une T�te de
vieille
-ocr page 261-
i 5 6                La Vie des Teititref
*------ vieille femme , qui a fait 1'admiratlon du Che«
168 5. valier vanuer Werffy, de 1'Amateur tlinck^ Lorf-
^555?" que Denner paffe a Rotterdam pour fe rendre
en Angleterre, toute cette Nation rendit juftice
� fes talens , en em^loyant fon pinceau : on vint
Voir cette T�te de Vieille , on en offrit cinq
eens guin�es, qu'il refufa ; 1'Empereur Charles
VI
en donna depuis cinq mille huit eens foixante*
quinze florins ; celui qui fut charg� de la lui pr�-
fenter , eut 1'honneur de baifer la main de Sa
Majeft� qui garda foigneufement ce Tableau ,
qu'il n'y avoit que lui feul qui eut la clef de 1'en-
droit o� elle �toit renferm�e. Il obtint dans la
fuite Ie pendant de cette Vieille que Denner fit
pour Ie m�me prix. Apr�s avoir beaucoup tra-
vaill� a Londres , il retourna , a la priere de fes
parens & de fes amis, a Hambourg. Ce fut la
que Ie C�mte de Staremberg, Envoy� de 1'Em-
pereur , lui demanda , au nom de fon Maitre ,-
Ie pendant de la Vieille , dont il a �t� parl� , &C
quelque-temps apr�s il envoya a Sa Majeft� une
T�te de Vieillard, dans laquelle eft raflembl� tout
ee que la vieilleffe peut offrir de remarquable.
Ce font deux Chefs-d'oeuvre de ce Ma�tre.
Notre Artifle retourna a Londres, & manqua
de p�rir dans Ie trajet; il y fut recu, avec la plus
grande joie, des Grands & des Artiftes ; il fit
nombre de Portraits 8c flnit la T�te deftin�e pour
1'Empereur, qui fit 1'admiration de tout Ie mon-
de , il la remit au Baron de Palm , fon Envoy� ,
& quitta Londres, parce qu'il ne put fuppor-
ter 1'odeur du charbon de terre. Arriv� a Ham-
bourg , fa r�putation bien �tablie par-tout Ie fit
appelier en 172,9 a la Cour de Blankenburg, 011
-ocr page 262-
Flamands , Allemands & Hollandoic.
il peignit le Duc & la Ducheffe. L fut a Drefde, , ^ .
o� il fit le Portrait du Roi de Pologne qui lui ' " '^
paya cinq eens ducats ; il c�da au Monarque
une ou deux t�tes de fa main.
Enfin, fatigu� de cette vie errante , il alla a
Amfterdam , & apr�s une ann�e d'abfence , il
fe rendit a Hambourg, bien d�termin� a ne plus
faire de longs voyages. Le Roi de Danemarck
Chr�tien Vj, �tant a Altena en 1734, fe fit
peindre par Denner, qui fut aBrunfwic, & s'en-
gagea de faire un Tableau pour la Galene de
ce Prince , qu'il envoya depuis, & qui fut recu
avec admiration & richement pay�. L'ann�e fui-
vante il fit les Portraits du Duc Chr�tien Louis
de Meklenbourg
& de fa familie. Le Duc Ferdi-
nand Albrecht deBrunfvvic
avoit pris jour pour
fe faire peindre, la mortl'enlexa dans le m�me
temps , au grand regret de fa Cour. Denner y fit
les Portraits de quelques Seigneurs, & fe rendit
a fa patrie.
Le Roi de Danemarck �tant encore a Altena
avec la Princeffe Sophie-Charlotte fa foenr, Den-
ner
fit le Portrait de la Princef�e & d'autres Sei-
gneurs. Le Roi lui offrit une penfion confid�ra-
ble , pour qu'il allat s'�tablir a Copenhague; il
s'excufa comme par !e paffe : il avoit effedive-
ment, deux ans auparavant, lou� une maifon a
Amfterdam , o� il fe rendit pour y demeurer &
pour neplus voyager:maisapr�sy avoirdemeur�
trois ans & demi fort occup�, il retourna a Ham-
bourg. A peine fut-il arriv� que le Duc d'Hol-
ftein-Gottorp , Grand-Duc de Ruffie , 1'appella
a Kiel, o� il peignit deux fois ce Prince en grand
& en pied : on en a fait depuis nombre de co-
Tome IV.                       R              pies
____________________________
-ocr page 263-
SjS               Za Vie des Peintr&S
----pies pour envoyer dans les Cours de �'Eurt>pe:
16 ")� les Portraits qu'il fit a Plo�n du Duc & de fa
�� familie lui m�riterent Ie plus grand accueil.
L'Imp�ratnce de Ruffie lui fit offrir de Ie d�-
frayer de fon voyage , s'il vouloit fe rendre a
fa Cour, & mille diicats pour fon Portrait. Ce
grand voyage 1'efFraya , lui qui �toit accoutu-
m� a fe tranfporter par-tont facilement, ne
put fe r�foudre apartir: il voyoit cependant une
fortune certaine ; il c�da a fes craintes , & il re-
fufa Thonneur que cette Princeffe lui faifoit. Il
peignit , dans Ie temps de ce refus, Ie Roi de
Suede, pour lors a Hambourg, & 1'ann�e fui-
vante, 1'Ele�eur de Cologne ca petit & en grand.
Le Duc de Pioen , en paffant par Hambourg, fit
auffl faire fon Portrait.
Il fut encore a Brunfwic pour y peindre la
Doiuiriere du Duc Augujie-Guillaume fcchel^�l
en fit ph��eurs d'apr�s cette Princeffe & d'apr�s la
Duchefle de W'oljembutel & d'autres perfonnes
de diftinction : il fut il bien rcc^i dans cette Cour,
qu'il fe d�termina a s'y rendre pour s'y fixer. 11
retourna dans cette intention a Hambourg , &
pret a partir , la mort 1'enleva le 14 Avril 1747.
Nous conful�rons eet Artille comme le pre-
mier qui ait fc.11 peindre une t�te avec le plus
grand fini : fon expreffion eit vive & naturelle,
fa couleur & fa touche fans maniere , fans g�ne,
fans roideur : Tharmonie eft r�fl�chie & copi�e,
ma�s il eft m�diocre Deffinateur en tout, excep-
t�fes t�tes : il compofoit fans gout, fans princi-
pes : fes draperies font m�diocres, fans forme de
plis & fans v�rit�. C'eft toujours un homme uni-
que, mais que nous ne propoferons jamais pour
modele:
-ocr page 264-
Flamands, Allemands & Hollandout
modele : il a cependant fait des Portraits dans __
la maniere cle Jtiembnint, a s'y m�prendre. (■
tels que Ie fien & celui de fa femme , 1'on croa ^
y voir Ie fang circuler , & 1'on appercoit jus-
qu'aux pores de la peau ; unemaniere plus libre
fuppofe plus d'art, & tient moins de la peine qui
eft toujours une marque de pen de genie. Nous
ajoutons aux Tableaux nomm�s un petit nom-
bre qui nous font connus.
ChezM. Lormier, a la Haye, deux T�tes j
un Vieillard & une Vieille, peints fur cuivre :
atitre Vieillard affis, avec des mains, peint fur
toile.
Et chez M. L�enders de Neufville, a Amfter-»
dam , un Hermite aufli d'un beau fini.
WINCESLAS-LAURENT
REINER,
�leve de son Pere
J 0 S E P H REINER.
WInceslas-Laurent Reiner na-
*^ quit dans la Ville neuve de Prague en
1686, fils de Jofeph Reiner^Sculpteur m�diocre,
qui fut d'abord ion Maitre; ce fut chez fon On-
cle Diftillateur & Marchand de Tableaux qu'il
commenca a faire quelques progr�s. Etant obli-
g� de travailler a des Defleins & des Copies pour
Ie Commerce de fon oncle , ces effais n'auroient
R 2             que
-ocr page 265-
I6o              La Vie des Pe�ntre�
que peu aid� a Ie former , fi les bons Peintresi
Halvvachs & Brandel, amis de la maifon , ne
s'�toient port�s a encourager les ta'.ens du jeune
Eleve : il profita beaucoup de leurs confeils,
ma�s 1'ufage de Prague, encore trop fuivi dans
d'autres Villes , lui fit perdre bien du temps;
il falloit paffer trois ans fous quelque Maitre
Peintre, pour acqu�rir Ie droit de 1'�tre : ufage
tyrannique qui ne peut fervir qu'a d�courager
les Eleves cu perp�tuer parmi eux Ie mauvais
gout. Les Princes les plus �clair�s aujourd'hui
ont fubftitu� fagement a eet ufage les �tabliffe-
mens des Acad�mies, dont la dire�ion eft con-
fi�e a des Maitres habiles , & d'une fageffe re-
connue , qui ont la g�n�rofit� d'offnr a leurs
Eleves de bons modelcs & 1'heureux don de leur
infpirer de r�mulation par des prix & d'autres
diftin&ions.
Le jeune Reiner, apr�s avoir jou� trois ans
Ie role d'Apprentif chez un barboiiilleur nomm�
Schvveiger, devint a la fin libre & fe livra tout
entier a fon Art. Ce g�nie heureux, fans �tre
jamais forti de fa Patrie, parvint a la c�l�-
brit� dans diff�rens genres , tels que THiftoire a
Thuile } a Fraifque, le Payfage & les Ratailles;
il auroit pu r�ullir & m�me exceller en beau-
coup d'autres , tant il avoit �tudi� a fond toutes
lesregles de fon Art.
Reiner voulut voir Vienne : les beaux Arts
prot�g�s par la Cour furent fon principal objet:
il s'y maria & revint dans fa Patrie pour y fatis-
faire le gout des Amateurs : il compofa d'abord
plufieurs fujets qu'il ex�cuta a Gaeminq, dans la
Chartreufe; on affure qu'il a peint une Eglife
a
-ocr page 266-
Flamands, 'Allemands & Il�llandois', 161
a Breflau. Continuellement occup�, toujours p
eftim� pour fes talens & fes moeurs , il fut fin- K _
gulierement regrett� a fa mort, qui arriva en -----
I743 ; fes fun�railles fe firent avec diftinftion ;
il fut enterr� dans 1'Eglife de Saint Gilles de
Prague.
Les compofitions font abondantes dans les Ti-
bleaux de ce Peintre : fon defiein & fa couleur
lui ont m�rit� de grands �loges ; fon Payfage
eft colori� & touche avec vigueur & v�rit� : les
figures & les animaux, dans fes Bata�les & (es
Payfages , font affez dans la maniere de Pierre
van Bloemen.
Le Roi Ausvfle de Pologne a fait placer les
Tableaux de Reiner dans fa fuperbe Galerie. Le
Comte de Brulh, fon Miniftre, poflede plufieurs
de fes Ouvrages.
R3            JACQUES
._ _
-ocr page 267-
JACQUES
DE R O O R E,
� L E V E
DE VAN OPSTAL.
A.CQUES DE ROORE naquit
a Anvers Ie 20 Juillet 1686. Il per-
dit fon pere �tant fort jeune : fa
mereleplaca aux Ecoles latines:
Ie deffein occupa autant fes mo-
mens que les principes d'une lan-
gue qu'il n'apprenoit qu'a regret. 11 parvint a
la fin a obtenir un Maitre , & il quitca Ie Col-
l�ge ; il avoit des partifans de fon gout qui Ie
fou-
-ocr page 268-
La Vie des Peintres, &C.           263
foutenoient dans fon projet aupr�s de fa mere.
Elle �toit du bon Peintre Thierry vander
Haege\
elle avoit encore fon frere & fon neven,
tous Peintres : on ne doit pas �tre �tonn� fi de
Roore
aimoit eet Art, & s'il pouvoit compter
fur les fecours n�ceffaires a fon avancement.
Louis vanden Bofck lui enfeigna pendant deux
ans , & clcpuis, vander Schoor lui montra a
peindre.
                                     -
La mort de Ia mere de notre Eleve interrom-
pit fes �tudes : fes Tuteurs Ie forcerent de quit-
ter la Peinture pour apprendre l'Orfevrcrie,
tnais il ne perdit jamais de vue fon Art favori :
fes parens Ie voyant toujours occup� du Deffein
& de la Peinture , Fabandoniierent a fon gout.
Abraham G�noelsh� donna van Opftal pour
nouveau Maitre: les Tableaux des meilleurs
Artiftes furent copi�s. I! avan^a fi bien que ce-
lui-ci Ie jugea digne de faire la copie de Saint
Chrii�ophe de Rubens pour la Cour de France.
De Kooerh fit entierement, au poinr que van
Op/lal
en fut furpris & ne fit que retoucher l�-
gerement quelques endroits.
Alors de Roore fe retira chez lui, suivit la
nature en tout: il furprit par fes jolis Tableaux ,
compof�s tant�t dans Ie gout de van Orley , &
tantot dans celui de Teniers. On lui paya ceux-
ci trois eens florins Ie couple. A 1'age de dix-
neuf ans, il fut recu dans Ie corps des Peintres
d'Anvers ; quoiqu'affidu au travail , il ne pou-
voit fuffire a la quantit� de Tableaux qu'on lui
demandoit.
L'envie de voir Pltalie lui fit tout quitter ; il
trouva 1'occafion d'y aller avec Ie jeune van
R 4           Lint
-ocr page 269-
264              La Vie des Peintres
�-� L:nt qui y avoitd�ja demeur�, & qui parloitla
1686. langue Italienne : mais n'ayant que vingt trois
1==^ ans , il ne put forcer fon Tuteur a lui rendre
fes comptes: eet obftacle arr�ta de Roore , qui
regretta en tout ttmps de n'avoir pas vu Rome.
A 1'age de vingt-cinq ans, il peignit en foci�t�
avec van �pjtal plufieurs Tableaux, qui ont
tous paffe dans les difF�ientes Cours d Allema-
gne, & dans Ie m�metemps, Ie Plafond de la
Tr�foiie, a 1'H�tel-de-ville d'Anvers: trois au-
tres Plafonds & un quatrieme pour la Ville de
Louvain. Ces grands Ouvrages lui firent un nom
diftingu�, ce qui d�termina M. Zvveerts en 17OO
d'inviter de Roore a venir chez lui; il y aila :
fon d�but futun Plafond & une Sale entiere; il
fit anffi les Efquiffes des principaux �venemens
de 1 hiltoire de Bacchus pour M. Pickvat, a Rot-
terdam. La mort de fa femme Ie rappella a An-
vers : il y r�g'.a fes affaires & retourna s'�tablir
a Aniilerdam, il y paffa une ann�e, ainfi qu'a
Fotterdam, &rlt un voyage a la Haye en 1722,
il y j)eignit un Plafond pourM. Fi�rens, Avocat,
& pour MIS Poot & Musketticr: a Leyde , deux
Saions orn�s de Tableaux d'Hiftoire, dans 1'un
il a repr�fent� lesfujets int�r�flans du Pa/lor Fi-
do ,
dans 1'autre, i'Hiftoire d'Achilles, & dans
Ie Plafond , TApoth�ofe de ce H�ros.
L'envie de revoir Anvers Ie ramena dans fa
patrie en 1728. Il fut accueilli avec diftin�tion.
M. Dubois lui commanda deux Tableaux, &c
1'Amiral dei Campo, trois: fon affiduit�au
vail neremp�choit point de voir & de culriver
fes amis. Il retourna encore a la Haye, o� Tan-
n�e suivante il peignit deux Plafonds pour Ie
Receveur
-ocr page 270-
Flamands, Allemands & Hollanctois.
Receveur des Rentes d'Anvers. Ces grands Ou--------
vrages furent m�l�s de pluficurs Tableaux de j68�.
chevalet. M. Fagel obtint de lui un Tableau bien ■
connu depuis , c'eft Ie Si�ge du Capitoie par
Brennus.
En 1740, on vit fortirdefamain quatre grands
Tableaux de l'Hiftoire de Pandore , Ie Plafond
de cette Sale a vingt-huit pieds fur dix-huit,&
eft compof� de pres de cent figures : on y voit
Pandore au Confeil des Dieux ; lescompo�tions
furent faites pourM. Hajfelaer, Echevin d'Ainf-
terdam. Il fitencore un nombre de Tabkaux de
chevalet, qui ne manquerent pas de plaire &
d'�tre bien vendus : il avoit encore un autre ta-
lent qui l'enrichit beaucoup, c'�toit celui c!e
mettre en �tat des Tableaux anciens, de les
raccommoder ou de les aggrandir. On ne pou-
voit diftinguer ce qu'il avoit ajout� de fa main:
on nous cite cinq Tableaux appartenans a M.
van Slin^elandt,qu��toicnt t�llondekoeter, dans
lefquels il eil , dit-on, impoffible de reconnot-
tre les parties rapport�es.
Un autre objet,qui a augment� la fortune
de de Roore,ce fut Ie commerce de Tableaux
qu'il a faits pendant quelque temps en foci�t�
avec M. tioet, fils de Guerard Hoet, dont il a
�t� parl�. Notre Peintre , �tant devenu inf�rme
pendant quelque temps , mourut Ie 17 Juil-
let 1747,ag� de foixante-un ans;il avoit �t�
marie en fecondes n�ces, mais fa femme �toit
morte avant lui: fa fucceilion a paffe a des ne-
veux & des nieces. La Vente de fes Tableaux
& deceux de fon cabinet futfaite Ie quatre Sep-
tembre de la m�me ann�e, & elle monta a
trente
-ocr page 271-
2.66                 La Vie des Peintres
.------trente rri�e fl�rins d'Holiande : Je rapporte Ces
1686. petits details pour faire voir combien il faut
�tre fur les gardes, quand on confulte les Hif-
toriens. Van Gooi, qui a �crit cetre Vie, eft,
comme dans ia plupart des autres, prefque tou-
jours en contradi�ion avec lui-m�me. A Ten-
tendre, de Roore a peu travaili� , il femble qu'il
ait �t� des ann�es fans rien faire ; & il cite un
grand nombre d'Ouvrages que nous avons en-
core abr�g�s; tant�t il donne a entendre qu'il
conlommoit dans Toifivet�ce qu'il avoit an;aff�
en rtavaillant: tant�t il ala bont� de Tem iel ir,
apparenmient dans des momens de bonne hu-
meur. Nous ne releverons point d'autres m�-
prif'es fur la Vie de eet Artifte , les particulari-
tcs qu'il a rapport�es font fauffes , nous en
avons des prtuv.s.
De Ronrs avoit c!u g�nie : fes compofitionsen
Hiitoire ('ent tien penf�es & abondantes ,il lui
tnanquoit ci'a\ oir vu Rome pour luidonner plus
de fineffe c-ans Ie Deffein , quoiqu'il ne loit pas
d.; rrauva;s g^ut, parce qu'il confultoit la na-
ture. Sa couleur eit g�n�ralement bonne , fes
Tableat:x de ch:va!et ont �t� plus pr�cieux a la
fin , parce qu'il avoit appris (d'apr�s les beaux
Tab'eaux qu'i! ent occafion de voir) a�viterle
ton de la palette. Ses tointes font plus locales,
il compofoit ficiiement , avec choix & avec
ftnti.r:ent : f« exoreffions font vraies & don-
nent une preuve de fon efprit.
Apr�s ia mort, il lahTa quelques-uns de fes
nieilieur? Tcibieaux a cits amis qu'il nomina fes
executeurs teiiamentaires.
A M. de Wan&�la�r, a Leyden , un beau Ta-
bleau
-ocr page 272-
Flamands, Allcmands & Hollandois. l�"J
bleau repr�fentant Antoine qui donne Ie Diadc- -
me a C�zar , au milieu d'une Place publique, j
a Rome.
                                                              "
J�roboam puni pour avoir ador� les faux
Dieux : a M. Jfannaer, a la Haye.
Et celui oii C�zar fut d��fi� dans k champ de
Mars: un des meilleurs de notre Artifte appar-
tenoit a fa foeur quidemeuroit a Courtray.
On voit encore chez M. Fagel, a la Haye,
Ie fujet qui repr�fente la prife de Rome : & chez
M. Versfchuuring, deux Tableaux. Ce font des
Bacchantes &des Satyres.
J E A N - A B E L
W ASSENBERG,
�LEVE DE JEAN VAN DIEREN.
YV/' Assenberg naquit a Groningue Ie-------
^ 18 F�vrier 1689, nis de Jean Waffenberg, t68q.
Avocat, qui fit placer fon fils au College, v�j>'
& lui fit apprendre a defilner, dans fes momens
de loifir. Les exercices des Humanit�s & dn
Deffein ne devroient pas �tre f�[>ar�s , fur-rout
quand les jeunes gens paroiffent avoir des difpo-
fitions fuffifantes , 1'un peut les d�lafl'er de 1'au-
tre ; & quand ils renoncent aux Etudes , Ie
Deffein devient leur reffource pour embraffer
les autres Arts.
WaJJenbeift fcut par gout & par devoir remplir
deux exercices avec Ie m�me fucc�s, apr�s avoir
deflin�
-ocr page 273-
268               La Vie des Peintres
deilin� quelque temps, il commenc,a a peindre.'
NOUveau plaifir , qui augmenta lorsqu'il vit
acheter affez cher fes Copies. Il abandonna
fes �tudes pour fe livrer entierement au talent
qu'il aima bien davantage, quand il Ie vit cou-
ronner par les fucc�s; il ne quitta fon Maitre,
Jean van Dieren, que lorfqu'il �poufa en 1712
Mlle Jeanne van Oijen. Rotterdam lui parut plus
propre a Ie f�xer. Sa douceur lui piocura des
amis, & fur-tout Ie Chevalier vander Werj, qui
1'aida de fes confeils. Sa grande application &
fon afliduit� a fuivre fon Maitre Ie rendirent
bien ■ tot tr�s-habile; il fit voir qu'il ne s'�toit ex-
patri� que pour slnltruire , car il retourna peu
de temps apr�s chez lui: on vit avec plaifir, com-
bien ce voyage avoit augment� fon m�rite: on Ie
chargea de grands Ouvrages ; divers Plafonds
& Salons, entour�s de fes Tableaux d'Hiftoire
& de Portraits tr�s-reffemblans & bien colori�s
lui procurerent 1'honneur de peindre Ie Prince
� O range & prefque toutes les Dames de fa
Cour : il fit au/Ii ceux des Bourguemeftres Go-
ckinga
& Boitenius, & celui duConn�table Trip,
& de bien d'autres perfonnes du premier rang:
il peignit auffi dans Ie m�me temps la Coupole
de rh�tel de M. Sichtermans.
Toujours infatigable au travail , ces grands
Ouvrages furent m�l�s de petits Tableaux pr�-
cieufement finis, qu'il fit avec la plus grande
fineffe. On nous vante de fon bon temps une
Naifiance de Jefus-Chrift 5 un autre de Jefus-
Chrift encore Enfant. Ces Tableaux de Cabinet
�galent en fini ceux des Maitres qui n'ont jamais
tra-
-ocr page 274-
Flamands, Allemands & Hollandois'. l6g
travaill� que dans ce genre. Il femble que eet
Artifte avoit rorce la nature par fes veilles &
fon affiduit�. Il fuccomba : une maladie Ie frapa
tout-a-coup; il mourut Ie 17 Juillet 1750 ,
ag� de foixante ans. Il laiffa fa veuve &
trois enfans , deux filles & un garcon. FJi\abeth,
Genrude
& fon frere avancent a grands pas fur
les traces de leur pere & donnent de grandes
efp�rances.
Nous ne connoiflbns pas les Ouvrages de eet
Artifte. Ceux qui les connoiffent les louent beau-
coup.
FRAN^OIS - PAUL FERG,
�LEVE D'ORIENT.
Ferg naquit a Vienne
en Autriche Ie 2 Mai 1689. Pancrace f erg
fon pere �toit un Peintre m�diocre & aflez peu
connoiffeur pour confier fon fils au nomm� Baf-
chueber,
qui ne pouvoit Ie difputer qu'a lui feul
en ignorance. Le jeune Eleve eut ia patience &
Ie malheur de paffer quatre ann�es dans cette
Ecole. Enfin fon pere ouvrit les yeux & rap-
pella fon Hls chez lui, il 1'engagca a compofer
1'Hiftoire ; les Eftampes de Calot, de le Clerc
furent fes d�lices , il les copia & les �tudia avec
foin ; mais on lui fit remarquer que ces. petites
figures �toient peu propres a fon avancement ,
qu'ilfalloir, avant tont, �tudier en grand. Hans-
Graf,
Peintre habile a Vienne ,� fut fon Maitre
pour
-ocr page 275-
2yO                La Vie des Pcintres
' ' ' pour la Figure, mais il lui pr�f�ra Ori�nt, grand
I6�y. iJay('agill:e , chez iequel il fe logea & reita trois
"» ans. Son gout fix� & form� par une �tude conf-
tante, & par la difpofition la plus heureuie , lui
m�rita l'eltime de fes Maitres & des Amateurs,
qui ne purent Ie fixer dans fa patrie. L'envie de
voyager 1'ernporta , il quitta Vienne Ie 18 Oc-
tobre 1718 : il reila quelque temps dans la
Franconie ; la Cour de Bamberg , fur-tout, lui
procura des Amateurs diftingu�s, il y acquit de
la gloire & des richelTes. Le Payfagilte Alexan-
dre l hi�le,
enchant� de rencontrer Bergk Leip-
fic, Tengagea a demeurer chez lui a Drelde ; il
peignit des figures dans les Tableaux du Payfa-
gifle , qui en augmentent le prix.
Il refta encore quelque temps dans la bafle
Saxe , d'o� il paffa a Londres , ou ies talens
furent �galement eftim�s ; un mariage incon-
iid�r� r�pandit lur le refte de les jours une
infortune qu'il ne put furmonter par ion affi-
duit� au trava�. Des malheurs domeftiques
le forcerent d'abord de diminiier le prix de ies
Ouvrages : ce difcr�dit augmenta avec fes be-
foins, & il fut tel que eet Artiite , dont les
Tableaux s'�toient jufqu'alors vendus cher, fe
vit forc� de les donner au plus bas prix ; il fut
accabl� par fes cr�anciers qifil �vita tant qu'il
put, en cachant ia demeure, tant�t dans un
quartier de la Ville , tantot dans un autre. La
mort feule fcut le d�couvrir & le d�livrer d'une
vie fi malheureufe & fi peu m�rir�e. On rap-
porte qu'il fut trouv� mort devant fa maifon ,
fi ext�nu� de froid & de mifere, qu'il n'avoit
pu ouvrir fa porte , ce fut en 1740.
Ce
-ocr page 276-
Flamands, Allcmands & Hollandois, VJ\
CePeintre repr�fentoit comme Bcrghem &
Wouwermans, les F�tes agr�ables des campa- '
gnes, les Travaux des Villageois: il ornoit fes �s
Payfages de ruines; d'Ardute&ure du me�leur
choix; la pierre & Ie marbre y �toient diftinc-
tement repr�fent�s, fans f�chereffe & fans froi-
deur, Son gout de colorier, dans fes premi�res
ann�es, tenoit de la vigueur & de la force des
Maitres dltalie. Quand il les quitta & qu'il con-
tinua de confulter la nature,il abandonna la
pr�jug� de 1'imitation de maniere, & ne iiiivit
plus que lav�ritable, qui eft plus clairc & plus
vague. Sa couleur eft bonne, & fa touche fa-
cile, fes compofitions font d'un homme d'efprit,
chaque figure int�reffe dans fes Payfages; il
defrmoit bien, mais fes chevanx n'ont pas la fl-
nefl'e de ceux de JVouvvermans, qui connoiffoit
& rendoit parfaitement la foupiefTe qui doit
marquer les infertions & les emboitemens des
mufcles & des os.
Quant aux Ouvrages de Fzrct, 1'Allemagne
& 1'Angleterre les conicrvent & les eftiment.
Heureux les derniers avoient procur� un fort
plus favorable a eet Artifte , dont ils ch�riffent
Jes talens apr�s fa morr.
Il ne faut pas oublier que F^r^gravoit a 1'eau-
forte avec beaucoup d'intelligence : les �preuves
de fes planches font recherch�es & eftim�eSi
On voit a la Haye, chez M. Fafrcl, deux
jolss Tableaux : ce font des vues du Rhin.
HENRIETTH
-ocr page 277-
HENRIETTE
W O L T E R S,
�LEVE DE SON PERE
TII�ODORE VAN P�E.
Enriette "Wolters a fait
beaucoup d'honneiir a la Ville
d'Amfterdam, o� elle naquit Ie
5 D�cembre 1692, de Th�odore
van P�e,&.
de Cornelie van Baf-
feveld.
D�s 1'age de fept ans, elle donna des mar-
ques du plus grand defir d'apprendre Ie Def-
fein : les refus 1'attrifterent, & c'eft pr�cif�ment
ce
-ocr page 278-
flamands j Altemands & HoUandoht 'vjjf
fee que demandoit fon pere , qui mit alors tous
fes foins a lui montrer Ie Deflein. Parvenue a
1'age o� il faut plus que de la theorie , elle fe
procura la connoiffance des meilleurs Artiftes :
c'�toient autant de Maitres qui veillerent a fon
avancement; oh lui apporta des Deffeins, des
Tableaux , mais uris copie qu'elle fit dapres
Jidrun vanden Felde , montra Combien elle �toit
avanc�e , & combien elle devoit donner d'efp�-
ir«nce.
Il lui tomba dans les mains une Mignature
de Chriftopbe Ie Blond. Ce joli morceau la flatta
tellement, qu'elle ne fut point tranquilie jufqu'a
ce que let Blond fut appcll� pour lui donner des
lecons. Il refufa d'abord , mais il s'y porta vo-
lontiers, & m�me avec plaifir , quand elle lui
montra fes Ouvrages. Son �tonnement auamen-
ta , lorfqu'il vit les progres dans Ie temps qu'il
ne lui avoit , pour ain� dire , qu'�bauch� Ja
pratique.
D�ja en �fat d'aller feulc, elle copia d'apr�s
les grands Maitres ; elle fut agr�ablement fur-
prife , quand elle vit des Bijoutiers orner des
fcraffelets & d'autres bijoux de fes copies. Elle
copia un Portrait d'apr�s van Dyck,, un Saint
S�baftien d'apr�s Ie m�me : on ne peut appro-
clier de plus pres des deux origina'.ix, m�me cor-
�-eftion de deffein , m�me couleur & la m�me
touche dans une grandeur bien diff�rente. Ces
fucc�s mirent Ie comble a fa gloire : les Artiftes
& les Amateurs publierent par-tout la beaut�
de ces deux Mignatures.
Toujours occup�e de fon Art j elle crut pon-
yoir effayer de copier la nature. Les premier»
Tome IV.                            S                        d<?
-ocr page 279-
274                 !<<* F** des Peintres
de la Ville fe crurent honor�s de fon pinceau*
1692.. Le Czar Pierre le Grand, ponr lors a Amfter-
~^ dam , fut la voir , & ne put cacher fa furprife;
il voulut engager cette fille illuftre de le fuiyre
a fa Cour , lui offrit une peni�on de fix mille
florins d'Hollande , fans ce qu'clle auroit gagn�
a peindre ceux qui ie pr�fenteroient; elle re-
fuia poliment : mais forc�e de donner qiielqnes
raifons clle r�pondit qu'clle ne pouvoit quitter
ja patne , que fa Religion & fes masurs ne lui
permettoient pas de vivre au milieu da tourbil-
lon & de l'ejcUvage de la Cour.
Cette r�ponfe,
plus que philofophique , frapa le Czar & ang-<
menta fon eftime ; il lui fit peindre trois Prin-
ceffes de fa fuite ; il fe feroit fait peindre auffi ,
mais il ne put fe r�foudre a refter le temps qu'elle
ex�2;eoit pour finir une t�te ; elle demandoit
ordinairement vingt f�ances, a deux heures cha-
cune.
Les talens & les charmes i�Hcnriette attire-
rent pres d'elle une f'oule d'amans qui la deman-
derent en manage. Htrman Wohers , qui avoit
�t� Eleve de van Pee , fut affez heureux pour
�tre pr�f�r� ; il �poufa notre Artifte en 1719.
Ce fut dans ce temps qu'il lui arriva une avan-
ture facheufe a bicn des egards, fean Gutllaume^,
Elefteur Palatin , fit mille inftances pour obtenir
un morceau de fa main ; elle en acheva un ,
dans lequel elle mit tout l'art dont elle �toit
capable; ce morceau fut confi� a un N�gociant
qui r�pandit dans le public qu'on l'avoit vol�
dans la Voiture , elle en eut du chagrin ; mais
reprenant courage , elle mit une fecondefois la
main au pinceau, 6c quoiqu'elle travaillat diffi-
cilement
-ocr page 280-
Fkmands , Al\emAnd.s & Hollandoisl 2,75
dlement , Ie defir d'�tre eftim�e d'un Pri.nce-------
aufl� connoiffeur , lui f�t encore peindre un au- 1692,.
tre Tableau : fon. Ouvrage �toit prefque fini , -^JF
lorfqu'elle eut la douleur d'apprendre la mort
d'un Prince qui fera toujours regrett� des Ar«
tiftes.
Ayant fait trois Portraits du Comts de Lot-
turn
, ils furent pr�fent�s au Roi de Pruffe Fr�-
d�ric Guiilaume.
Ce Prince fut furpris & de la
reflemblance & de I'art avec lcquel ils �toient
rendus. Dans un voyage qu'il fit en Hollande ,
il alla incognito vjfiter celle dont les talens
lui faifoient tant de plaifir. Son �tonnement
augmenta , en parcourant de fes yeux les diff�-
fens Ouvrages qu'elle avoit dans les mains. I!
lui dit , » qu'il �toit tr�s-bien avec Ie Roi de
» Pruffe , & qu'il fe flattoit de lui faire avoir
» une forte penfion ; qu'elle feroit affiir�e de
n 1'eflime de toute la Cour , & que fa fortune
» feroit plus certaine qu'avec les N�gocians
» d'Amflerdam. Elle r�pondit froidement &
» avec franchife:
« Ma Patrie m'eft trop chere & trop agr�a-i
» ble pour la facrifier au defir d'une vaine ^loi»
» re, & fttr 1'efp�rance d'une fortune incertaine.
» J'ai d'ailleiirs une grande v�n�ration pour les
w N�gociansd'Amfterdam,quipaientmieuxque
» les Gens de la Cour. »
Le Roi furpris de cette r�poni� l'aflura qu'elle
n'auroit paslieu d'�tre m�contente, qu'elle pou-
voit effayer, & qu'il la d�frayeroit de tout.
» Je n'irai jamais a ia Cour de Prufle, (dit-
» elle,) fi j'avois voulu quitter , j'aurois choifi
» la Cour de Londres & celle de Vienne oi«
-ocr page 281-
Ij 6                La Vie des Teinhe�
m ' » j'ai eu occafion de me rendre. Je n'aim�
1691. » point un Gouvernement defpotique , 011 les
» hommes font efclaves & forc�s au fervice
» militaire ; elleajouta qu'un pareil Gouverne-
» ment ne pouvoit plaire a des gens bien n�s
» auffi libres que les Hollandois ; que d'ailleurs
» fon mari 6c ellc �toient trop fimples pour en
» faire des courtifans: que la v�rit� & la liber-
» t� �tant bannies de la Cour , elle ch�rifloit
» tfop I'une & i'autre pour habitcr un Pays dont
»> clles �toient exclues. »
Le Roi ne diminna point de fon eftitne pour
Mde Wolters. Sa finc�rit� donna de Tinqui�tude
a fon mari , qui avoit toujours �t� pr�fent ,
& qui avoit plufieurs fois fait figne a fa
femme de fe mod�rer ; mais elle n'y avoit
fait aucune attention. lis apprirent , auffi-to�
que le Roi fut forti, qu'il �toit arriv� a Amf-
terdam &C qu'il gardoit ^incognito; il fut encore
voir deux fois celle dont il aimoittant les Ouvra-
ges : ellc le reent �galement bien , fans donner
a conno�tre qu'ellc foupconnat que cc fut lui ?
ellc fut feulement plus circonfpcftc dans la con-
verfation. Le Roi partit fans fc faire pcindre ^
fautedetemps.
On vit de fuite fortir de fa main les Portraits
du Baron de Vos , Seigneur Saxon , des deus
Bourguemefl-Yesd'Amltcrdam , JHajfeia�r&C Ren-
dorp ,
& destrois freres Santyn ; celui de 1'Ama-
teur Tonnemans , &� du Peintre Jacquet de Wit,
du Bourguemeftre d'Harlemt-<j» Zypeftcyn^d'Ar-
nold de Kaat
& de ion �poufe: la lifle feroit trop
longue , s'il falloit citer tous les Etrangers �C
ceux de la Hollande dont elle a fait les Portraits.
-ocr page 282-
It'hmands, Alleman fa & tiollandolt. 177
��le fe faifoit payer , en commenc,ant, foixante
florins, enfuite cent vingt Si jufqu'a deux eens
& quatre eens florins. Elte pafla une ann�e a la
J-laye a peindre les perfonnes les plus diftingu�es,
& ellc retourna a Amftcrdam pour y vivre tran-
quillement. Elle fit vendre tous les Tablcaux
dont fon mari faifoit Ie commerce : Elle n'eut
point d'enfans : ayant affez de fortune pour vi-
vre commod�ment, elle n'eut point Pambition
de chercher a Paugmenter ; ils fe mirenl en pen.
fion pour n'�tre point dillraits par les foins d'utt
m�nage. Elle choifit u Harlem un quartier oh
elle pouvoit vivre entour�e d'Artiftes 6c d'Ama-
teurs , qui Peftimcrent autant pour fa douceuf.
& fon efprit que pour les grands talens.
Au milieu de cc repos, dont ellc a joui trop
peu , elle eut quelques infirmit�s , qui finirent
par une chaleur dans la gorge , dont elle mou-
rut Ie 3 Oftobre 1741 , a peine ag�e de qua-
rante-neuf ans.Cette femme c�lebre a �t� chan-
t�e par les meilleurs Po�tes de fon temps.
L'�loge , que les Artiftes donnent a fes Ou-»
vrages , eft que tout ce qu'elle a peint en mi-
gnature , cft d'un pr�cieux fini , d'un deflein
correft , avec la force &C la vigueur des Tar;
bleaux peinls a 1'huile.
ADRIEM
-ocr page 283-
2.78                 La Vie des feintrer
ADRIEN VANDER BURG l
� L E V E
L'ARNOLD HOVBRAKEN.
V Ander Burg naquit a Dordrecht en
1693. Arnold Houbraken fut fon Ma�tre
jufqu'a ce qu'il put lui-m�me lire dans la nature
& apprendre d'elle 1'art de la repr�fenter, fans
fe laiffer entra�ner par des manieres qui la d�f�-
gurent phit�t que de 1'embellir. D�ja bien inftruit
par fon Ma�tre , il retourna chez lui, on Ie re-
chercha par-tout pour fe faire peindre. A 1'art
de faire reffembler, il ajoutoit des agr�mens. Ce
furent ces fucc�s qui engagerent Ie jeune Duc
d'' Aremberg a 1'appeller a Bruxelles pour fe faire
peindre par lui; diflinftion flatteufe pour vander
Burg
, parce que cette Ville &c Anvers avoient
pour lors des Artiftes qui avoient du m�rite.
Son Ouvrage fini avec gloire , il retourna
chez lui , il y trouva toujours Ie m�me gout
pour fes Ouvrages. Les Adminiftrateurs de 1'H�-
pital des Orphelins fe firent tous peindre dans
Ie m�me Tableau pour Ie placer dans une de
leurs Sales. Les Dire&eurs de la monnoie , au
nombre de dix-fept , en firent faire de m�me.
Ce Tableau occupe Ie premier rang parmi ceux
qui font dans Ie m�me endroit.
Vander "Burg avoit encore Ie talent de faire
$e joljis Tableaux dans Ie gout de Mi�ris &c
de
-ocr page 284-
Flamdtidx, Allemtinds & Hollandoisi jy
He Metz.u. En voici deux dans ce genre bien
connus , 1'un repr�fente un Marchand de
petits poiffons appell�s Crevettes : Cet hom-
me vent embraffer une jeune fille qui eft pres
de lui. Ce Tableau eft connu fous Ie nom KAry
'Buurman
, ou, Eh ! Voifin ; Tautre repr�fente une
jeune Femme ivre , fujet trop libre. Ces deux
Tableaux furent faits pour un M. vander LU,
Amateur diftingu� qui aimoit les Ouvrages de
ce Peintre. On les voit aujourd'hui dans Ie ca-
binet de M. Bijfchop , a Rotterdam , Amateur
trcs-connu que nous avons fouvent occafion de
citer.
                                          ,x
Cet Artifte recherche par fes talens , les d�-
grada dans la compagnie de ceux qui d�penfent
leur bien & leur temps dans 1'oifivet� & dans
Ie vin ; il ne peignoit, pour ainfi dire , que dans
Ie belbin , il n�g�gea fa mailon , ion talent &
fes Elevcs: cette vie, qui n'eft jamais fans exces ,
lui abr�ga fes jours , il mourut Ie 30 Mai 1733 »
a peine ag� de quarante ans.
Cet Artifte avoit une belle fac.on pour pein-
dre Ie Portrait, une fonte fans peiner & fans fati-
guer fa couleur naturelle & vraie ; fa touche
large & facile aide aux formes qui ont l'air d'�tre
n�g'.ia�es , mais font arr�t�es avec une finefle
furprenante ! fes Tableaux de Cabinet font
entierement dans Ie gout de ceux de fon
Maitre , finis avec la plus grande propret�: on
regrette qu'il en ait fi peu fait, ils fe foutien-
nent a c�t� de cenx qui ont Ie premier rang
«lans ce genre agr�able.
S 4            GUERARD
-ocr page 285-
BUERARD
MELDERE
El der naquit a Amfterdam Ie
17 Avril 1693. Il ctoit fils ds Cor->
lld&k�\d4
Melder, c�lebre dans 1'Art de for?
tifier les Places de guerre , & bierj,
connu par deux Oi'vrages publi�s
en 1658 & en 1664. Ceft aux defleins de for»
grand-pere que les Amateurs doivent les bons
Ouvrages de notre Artifte. Ayant perdu ior. pere
h 1'age de fix ans, fa uiere vit eet enfant , eu
ibrtant des Ecolcs, n�gliger les amuiemcns de
(�n agepour deffiner j, elle lui proeura les moyens
-ocr page 286-
La Vie des feintres * '&cl           281
#.e fat�sfaire fon gout. Enfin il finit paracqu�-
rir les Livres Sc les Eftampes qui pouvoient
fervir a fon pfojet. Il fit lui feul des progr�s
qui int�reflTerent les bons Ma�tres , & qui lui
valurentdes modeles &: des lecons : ilcommen-
^a a peindre a 1'huile, & ce qu'il y a de fingu-
lier pour lui , c'efl: que eet effai fut recherche
& pay� affez cher : un encouragement de cette
efpece m lui donna point d'orgueil , mais ne
fervit qu'a lui faire �couter plus attentivcment
les avis que les Amateurs lui donnerent: on lui
fit entendre que la Mignature trait�e par un hom-
ine de g�nie lui affureroit fa fortune , que les
Artiftes dans ce genre �toient rares & bien re-
cherches.
Alors Melder eopia ce qu'il put trouver de
plus pr�cieux dans ce genre, &c en peu de temps
il r�uffit k imiter fur 1'Ivoire , fur Ie V�lin tout
ce qui 1'int�reffoit. Un nomm� Wilkins apporta
d'Italie plufieiirs Mignatures de la Rujalba. Mel-
der
les acheta toutes , il en tira un doubl� avan-
tage , elles fervirent a former fa belle maniere
& a lui procurer un profit confid�rable ; il vit
acheter fes copies auffi cher que les originaux',
tant il approchoit de fes modeles. Il entreprit
alors de copier les Tableaux de Rotenhamer , de
vander Werf , &c. II compofa des all�gories
& des fujets hiftoriques , avec Ie m�me fu:c�s.
Ses Ouvrages furent enlev�^ a grand p rix- II
fit un mariage confid�rable avec Mllc Margue-
rite van Schalkyiiyk^de Velden ;
cette fortine ne
diminua point 1'amour de fon Art, mais lui don-
yia Ie temps de Ie perfe�ionner & de mieux
jfhoifir les fujets. Il fit un grand nombre de Por
tit
-ocr page 287-
18 z           La Vle des Veintres, &e2
t          traits: on cite ceux du jeune Prince de
1693. Dourla:b , du Prince de Heffe Philipsdhal , des
^5*y principaux de la Cour , &c. Les fujets de fa
compofition flirent toujours traites avec pr�f�-
rence , & recherches pour la d�licateffe & pour
1'efprit.
Ses Payfages avec des Figures , fes Deffeins
lav�s l�gerement furent enlev�s par les Ama-
teurs M[S Val\enier Sc Witfen , Echevins d'Amf-
terdam , par Mts Bijfchop & Schuttde Rotter-
dam , & de Trcvor , Envoy� d'Angleterre. Le
Roi Augufie de Pologne lui fit peindrc plufienrs
Mignatures qui font plac�es dans la riche Col-
lecTion de ce Prince.
Melder aflur� de fa r�putation & de fa for-
tune ne s'occupa plus que de 1'�ducation de ion
fils; il choifit Utrecht pour le former plus com-
mod�ment a fon gout pour les �tudes , il s'y fixa
en 1735. On nous allure que eet Artifte y eft
mort, fans qu'on fcache en quelle ann�e ; quoi-
qu'il en foit, on nous cite les principaux Ama<
teurs de cette Ville qui poffedent une grande
partie des Ouvrages , tant en Mignature qu'en
Deffeins, qu'ils ont pu obtenir de Melder; les
principaux font MIS le Bourguemeftre de Reuver,
van Manjveld , Wagtendorp & vander Waey.
Melder eft un des premiers dans fon genre :
fineffe de deffein, compofitionsing�nieufes, vraie
& belle couleur ; voila le m�rite de fes Ouvra-
ges. Il peignoit bien en email , mais il �vita
cette pratique, dans la crainte que le feu ne nuis�t
� fa vue.
JACQUES
-ocr page 288-
J A C Q U E S
DE WIT.
� L E V E
DE JACQI/ES VAN HAL.
A Hollande vient de perdre Ie meil- *" ' '
leur des Peintres d'Hiftoire qu'el- l695-
Ie ait produit dans cefiecle , c'efl "^^
Jacquet de Wit, n� � Amfterdam
en 1695. D�s fon enfance il de-
manda a �tre Peintre , & la
Peinture fut, pour ainfi dire, fon premier inftinct,
& fon premier fentiment ; il ent pour MaJtre
Alben Spiers , qui faifoit Ie Portrait k 1'aae de
treize ans,
                                                     n
-ocr page 289-
4                 La Fie des Peiatret
II fut envoy� a Anvers chez fon oncle , Mar-
chand de vin en gros , Amateur lui-m�me Se
poffefTeurd'un richc Cabinet de Tableaux. Ce fut
pour fon neven un moyen f�r de devenir ha-
pile. Son oncle lui donna pour Ma�tre facques
van Hal,
Peintre d'Hiftoire.
Deux ann�es clans cette Ecole lui fuffirent pour
fe livrer tout entier a 1'�tudc de la nature ; fon
oncle lui avoit procur� la permiffion de copier &C
de voir tous les principaux Ouvrages de Ru'
hens
, de van Dyck^, <kc. Toujours Ie premier
& Ie dernier a deffiner a 1'Acad�mic , il obtint
en 1713 Ie premier prix d'apr�s b modcle vi-
vant, & lq premier prix de Peinturc au juge-
ment de la m�me Academie. Ces deux prix
furent des garans af�ur�s de fa fup�riorit� future
fur tous ceux de fon pays. Ce fut dans cc temps
qu'il deffina trente-fix Plafonds des Jcfukes ,
par Rubens & van VycK,, que Ie Tonnerre a
d�truits en 1719.
Si tant de morceaux pr�cieux ne font pas per»
dus entierement pour Ie public , il en eft rede-
vable au dcfir que cc jeune Artifte avoit de
s'inrtruire, puifqu'onagrav� les deffeins, & que
plufieurs font d�ja entre les mains des Amateurs.
Il �toit fi occup� de fon Art , qu'il ne voulut
prefque frequenter que ceux qui lui en parloient
ou qui poiivoient 1'inftruire. Jamais il ne voyoit
un Tableau fans Ie deffiner, c'efl cc qu'il a ex�-
cut� d'apr�s prefque tous les Tableaux d'Autcl
de Rubens , de van Dyck. & de plufieurs autres
grands Ma�tres que les Amateurs s'empreffe�ent
� Tenvi de lui fournir pour exercer fon crayor»
Si avancer fes �tudes, Comme on ne conno�t
t�ea
-ocr page 290-
'Tlamands, AllcruAttds & Hollandois. J
bien les grands Ecrivains de 1'antiquit� qu'en J ,
effayant d'en traduire les meilletirs moixeaux , l ^\
Auffi defiroit-il d'allcr a Rome puifer a la four-
ce du beau ; mais fon oncle , qui craignoit de
Ie perdre, Sc qui Ie troitvoit encore trop jeune
pour entreprendre un pareil voyage , Pen em-
p�cha. de Wit facriua Ie plaifir de voir cctte
Capitale des Arts a la reconnoiffance qu'il avoit
pour les bont�s de (on oncle , il en fut un peu
d�dommag� par la pennifl�on qu'il eut de revoir
fa patrie.
A pcine�toit-ilentr�dans Arftflerdamen 171^,
qu'il fut accabl� de Portraits , mais fon g�nie ne
pouvoit fe borner a cc genre trop dependant
du caprice , de 1'amour - propre & de Pigno-
rance ; & comme il aimoit a r�pandre dans fes
Ouvrages tont Ie gout de ion efprit & toute la
v�rit� de fon ame , il d�daigna la contraintc du
Portrait malgrc les �loges dont il fut combl� ,
& fe livra tout entier a 1'Hiftoire.
Ses eflais firent leur efFet: un Amateur c�lebre
& riche > M. Kromhout , Seigneur de Nieuwer»
kerek^t
qui fc plaifoit a 1'Architeftnre, chargea
de Wit d'orner de Plafonds & d'autres Tableaux
dans plufieurs Hotels qu'il avoit �lev�s. Des
Connoiffeurs tels que Mrs Lammer* Tenkaten ,
vander Schelling & autres ne lc quitterent point,
1'aiderent de leurs confeils, publierentfes talens ,
&C Ie placerent au premier degr� des Peintres
d'Hiftoire de fon temps. Toiites les Villes de la
Hollande remployerent�
Ce fut en 1736 que les Bourguemeftres d'Amf-
terdam chargerent de Wit des Ouvrages qui d�-
cprent la Sale du Confcil des Tnmt-fix. II
re-
-ocr page 291-
i$6                La Vie dei Veintret
repr�fenta Moyfe , qui choifit les fo�xante-
douze Vieillards pour former fon Confeil: com-
pofition immenfe , Ie Tableau a quarante-cinq
pieds de long lur dix-neuf de hant ,■ les quatre
portes font orn�es de bas-reliefs en rond, fup-
port�s par des enfans , 1'ufl repr�fente � c�t� de
la chemin�e Ie Sacrifice d'Abraham ; I'autre c�c�
un embl�me fur la V�rit� : en face 3 Jofeph qui
fait aflembler les Bleds , fymbole de la Pr�voyan-
ce ; lequatrieme repr�fente Ie m�pris des Dons ,
c'eft Ie Prophete Elif�e qui refuie ceux que lui
ofFre Naaman Ie Syrien. Des Enfans peints
de Ia couleur de marbre imitent ceux de la Frife
qui d�corent la chemin�e ,� on diftingue a peine
ceux qui font feints. Au - deffous du Sacrifice
d'Abraham,on admire d'autresfymboles. Celui
de la Fid�lit�efhinChien, desCiefs,uneEp�e,
un Bouclier , des Sceaux. La Vigilance eft re-
pr�fent�e par une Ruche , un Tamis, un Coq,
une Lampe , &c. Sous celui de la Pr�voyance
eft la Temp�rance ;ony remarque une Pendu-
le , une Bride & un Are. Sous Ie Prophete Eli-
f�e eft d�fign�e 1'Eloquence par un Caduc�e ,
iin Livre & un Sable.
Sur les croif�es eft la Religion, connue par
les Tables de la Loi > un Autel , une Bible &c
une
Lampe , enfuite Punion des Peuples par Ie
Faifceau, Ie Chapeau de la libert� , une Corne
d'abondance & la Couronne de ch�ne. Le Com-
merce par le Caduc�e > des Ballots & une Ba-
lance avec des poids: & le quatrieme, pour d�-
figner que la Richeffe de cette Ville ne vient que
de la mer , le devant d'un Navire , des Ancres r
des Cordages, un Pavillon, une Bouflble, &c.
Ce�
-ocr page 292-
Flamands, AHemands & Hollandois. 287
Cet Ouvrage , except� Ie grand Tableau , eft � � *
peint en bas-relief & en ronde-bofle de la cou- 1695.
leur de la pierre & du marbre a faire illufion. "�-"
En deux ann�es tout fut fini & place : on peut,
en regardant 1'Ouvrage dont nous ne pouvons
donner qu'une l�gere idee , affurer que fa faci-
lit� c�. furprenante , &C on peut auffi juger de
fonefprit par fes idees ing�nieufes&bien penf�es.
Il a d�cor� plufieurs Eglifes Catholiques. Le
Tableau du grand Autel de 1'Eg�fe Francoife ,
& dix bas-reliefs dans la couleur de bois. Sim�on
dans le Temple , Tableau d'Autel , dans 1'Eglife
des B�guines ,, & d'autres bas-reliefs a Delft.
Dans la Chambre Echevinale , a la Haye ,
un Plafond & quatre bas-reliefs dans les angles ,
& un deffus de Porte. Ce fut au milieu de fes
travaux qu'il fe maria en 1724 , mais il ne
laiffa point de pofl�rit� ; fa vie fut tran-
quille & heureufe , parce que fes defirs furent
born�s & que fon amour pour Ia gloire fut tou-
jours fubordonn� a la fagefle , enforte que fes
rivaux , qui redoutoient (es Ouvrages , ne pou-
voicnt s'emp�cher d'aimer fon ca'-aftere & de
le regretter lorfqu'il mourut. On pourroit don-
ner un petit Volume des vers que les Po�tes ont
faits fur fes diff�rens Ouvrages.
Quoique de Wit n'eut pas vu Rome , il y
avoit fuppl�� par la belle Colleftion qu'il avoit
amaff�e des Deffeins & des Eftampes des Ma�-
tres d'Italie , des bas-Reliefs , des Figurcs de
rondeboffe , & de la nature qu'il coniulta tou-
jours : il avoit une fort bonne couleur; fes com-
pofitions plaifent , parce qu'elles font ing�nieu-
�es Sc menent k une tr�s-grande maniere. Son
pin-
-ocr page 293-
2,88                Ld Vie des Tethtres
pinceau eft facile , &c fa touche �galement bril-
lante : un meilleur gout do deffein auroit rendu
eet Artifte encore plus c�lebre; Ie talent, dans
lequel il n'a pas �t� furpafle , efl: fon imitation
des bas-reliefs en pierre, marbre, platre , bois ,
terrecuite, &c. Ces foites d'Ouvrages ont �t�
port�s par toute l'E«rope:nons en avonsen Fran-
ce ; pluiienrs y ont �t� lou�s par les bons Ar-
tiftes. Il repr�fentoit tr�sbien les Enfans. Voici
encore quelques �ableaux de lui tr�s-connus.
On voit a Amfterdam , chez M. Braamfamp ,
tine Allegorie repr�fentant Ie Commerce 6c la
Vigilance, avec ce proverbe , Uborvincit emm-
tias
; deux autres , des Bacchanales par des en-
fans. Six autres en bas-reliefs , la Peinture , la
Po�fie ; des Enfans qui luttent : des Enfans en-
dormis; un Peintre repr�fent� par des enfans ;
un Medaillon , & un Vafe orn� de fleurs par
fean van Huyjum.
A Paris, chez M. Ie Comte de Choifeul, deux
deflus de Portes; on y voit des enfans qui agacent
des animaux; & a Toulouze, chez M. Cajtel, aflb-
ci� ordinaire de 1'Acad�mie de Peinture,&c. de la
in�me Ville , on y voit une Niche, dans laquelle
font repr�fent�es en marbre blanc cinq Veftales
qui entretiennent Ie feu facr� , l'Autel eft eti-
tour� d'urnes , de vafes & d'autres meuble?
dont les Anciens fe fervoient aux Sacrifices*
TH�ODORE
-ocr page 294-
Flamands, jillemarids & ffollanJoiY. 289
TH�ODORE
H A R T Z O EKER;
�LEVE DE BALESTRA.
TTartzoeker, fils du c�lebre Phyfkien____
�*�■*■ de ce nom. Il naquit a Utrecht vers- 1'an 1606.
1696; Ie gout pour la Peinture luiprit dans' fes _
voyages d'Italie ; il fut frap� des Ouvrages du
Peintre Baleflra a Venife : il Ie choifit pour fon
Maitre , il ne Ie quitta que pour aller a Rome,
toujoursdansle delir d'y continuer fes �tudes. De
retour chezlui en 1720 ou 1721, on s'emprefTa
de voir des Ouvrages de fa main , fur la r�puta-
tion qu'il s'�roit faite en Itali� ; mais comme fa
fortune �toit confid�rable , il neparoitpas qu'il
ait enrichi beaucoup les Amateurs de fes bons
Tableaux : nous n'en avons jamais vu , & nous
croyons feulement qu'il avoit des talens �gaux
a fa r�putation. Unemaladie de langueur 1'enleva
dans la Ville d'Utrecht, o� il eft mort en 1740
ou en 1741.
N. BOSSCHAERT,
�LEVE DE CR�PU.
VOiCi encore un bon Peintre deFleurs, n�
a Anvers 1'an 1696. Il eft Ie meilleur Eleve
de Cr�pu, auffi Peintre de Fleurs, dont nous
Tome IV.
                           T            avons
-ocr page 295-
IjCI Vie des Peintres, &C»
�� avons parl�: il avoit Ie pinceau plus d�licat que
1696. Verbruggen, c'eft-a-dire , qu'il donnoit plus de
-=�- l�geret� a fes fleurs , beaut� effentielle aux Ou-
vrages de cette efpece. Nous n'avons rien appris
de eet Artifte; on dit que fes Tableaux ont �t�
bien recherches, ce qui ne nous �tonne pas ,
nous les connoiffons pour �tre tr�s-bons, , c'eft
en ce genre un des plus habiles de la Flandre ;
il fut quelquefois employ� par d'autres Peintres
pour peindre les fleurs dans leurs Ouvrages;
nous ne fcavons rien de plus d'unaufli bon Ar-
tifte, nous ignorons 1'ann�e de fa mort.
CORNILLE
-ocr page 296-
C O R N I L L E
TROOST,
�LEVE
D'ARNOLD BOONEN.
Troost efl encore
un Artifte habile que la Ville
d'Amfterdam a vu naitre Ie 8 Ofto-
bre 1697. Apr�s deux ans & demi
d'�tude fous Arnald Boonen, il fe
perfedlionna d'apr�s la nature, Ie
feul & Ie vrai modele a fuivre : il devoic fon
avancement a 1'amiti� & m�me a. 1'envie; mes
envieux,
difoit-il, nc trouverent rien de bien dans
T2          mes
-ocr page 297-
i,a Vie des Peintres
-----■ mes Ouvrages; ils m'auroient d�courag�, Jimes
1697. amis,quimefaifoientappercevoirles m�mesd�-
l fautsfans irien cacher aucun, ne m'euJJ'ent rendu
Ie courage.
L'envie blefloit fon amour-propre ,
1'amiti� gu�riffoit en m�me-temps la bleffure ;
mais Ie public , ce juge impartial, en fit Ie plus
parfait �loge par l'empreffement qu'il eut a re-
chercher fes Ouvrages que 1'on enleva bien-t�t,
ils furent places a c�t� de ceux des grands Mai-
tres. Nous lui rendons la m�me juftice apr�s fa
mort, & nous affurons avec les Artiftes que
fes bons Tableaux ont m�rit� de tourmenter &
d'irriter l'envie. 11 peignoit a la fois 1'Hiftoire,
les Tableaux agr�ables de converfation & des
Portraits; ces genres diff�rens eurent beaucoup
defucc�s;il d�buta par un grand Tableau qui a
fait fortune, il repr�fente enfemble les cinq
Infpe&eurs du College des M�decins,en pied,
de grandeur de nature. Ce beau Tableau , place
en public , ramena ceux-m�mes qui avoient em-
ploy� leur cr�dit pour d�crier fes Ouvrages.
La pl�part des Dir&eurs des diff�rentes Com-
pagnies fe firent peindre , & ornerent de ieurs
Poctraits les Sales publiques. Ils font un Spe&a-
cle affez agr�able dans toutes les Villes de la
Hollande & dans quelques-unes de la Flandre.
Les Dire�eurs de 1'ri�pitaldesOrphelinsfefirent
auffi peindre enfemble dans Ie m�me morceau , &
ceux des Tonneliers en firent autant & bien d'au-
tres. f 11 fit deux Tableaux pour la Sale des Chi-
rurgiens ,) mais celui qui m�rite Ie plus 1'atten-
tion des Curieux , eft celui o� font repr�fent�s
les principaux, de certe Profeffion, affis autour
d'une table ,fur laquelle eft un cadavre o� Ie
Pro-
-ocr page 298-
Flamands, Allemands & Hollandois. 293
Profefleur qui eft debout, Ie Scalpel en main,
fait la d�monftration de quelques parties : on _
nepeut donner affez de louange a ce Tableau,
qui fut d�s-lors regarde comme un des plus beaux
de fon temps, tousfont habill�s fuivant Ie cofhi-
me, il y regne une belle harmonie, Ie fond clair
donne du mouvement aux objets qui font places
deffus.
On peut encore compter au nombre de fes beaux
Portraits celui du c�lebre Boerhave, place clans la
Sale d'Anatomie. Quant a fes Tableaux, la plu-
part de leurs fujets font pris dans ia vie priv�e,
6 encore plus d'apr�s les Sc�nes originales de la
Com�die;il paroit auffi qu'il ne s'attachoit pas
toujours a voiler fes fujets , qui font traites avec
unelibert�, dont nous ne ferons jamais T�loge.
Il avoit encore une vogue pour fes compof�tions
en deflein: il exprimoit avec Ie crayon les pen-
f�es qui lui furent fugg�r�es, ou qu'il a imagi-
n�es lui-m�me ; fon crayon �toit manie tr�s-
facilement, quelquefois il y faifoit un travail
avec Ie pinceau. Il a peint des Defleins a gouaffe
qui font comme des Tableaux, ils furent pay�s
cher, & font toujours �galement recherches:
peu de vrais Amateurs d'Hollande ont n�glig�
1'occafion de s'en procurer.
Trooft avoit Ie plaifir d'�lever une de fes filles
dans fon Art. A dix-fept ans elle �toit d�ja affez
avanc�e pour effayer de* peindre des Portraits:
elleeut Ie malheur de perdre fon pere qui �toit
cruellement tourment� de la goutte. Cette mala-
die, apr�s 1'avoir priv� d'un (s\\, 1'enleva Ie
7  Mars 1750. Il laifla fa veuve & cinq filles :
Sara Trooft exerce encore fon talent avec diftinc-
T 3            tio'n:
-ocr page 299-
294                La J^ie des Peintres
^ tion : eet Artifte avoit 1'efprit orn� & agr�able,
1 97' ce qui Ie fit rechercher dans Ie monde, auquel
^ il fe livra peut-�tre trop. Tous fes Tableaux font
bien compof�s, d'une bonne couleur & touches
avec libert�. Ses Portraits tr�s-refTemblans plai-
fent par la fa$on de les ajufter & de les orner
de fes fonds, &c. Ses petits Tableaux ont de la
finefl'e & font pleins d'int�r�t, mais peut-�tre
un peu trop libres; les Cabinets en font orn�s,
on a de la peine a les enlever a la Hollande,
Sc on n'en voit point en France, ou 1'on en
voit tr�s-peu.
Voici ceux qui nous font les plus connus.
On voit a la Haye, chez M. van H�t�ren , un
fujet d'une farce nomm� Tbeflickte Svvaende, ou
Ie Cigne crott�. Ceil un Deffein au crayon &
au pinceau, refiemblant a un Tableau.
Chez M. Halj-TFaJfenaer, les quatre Saifons.
Chez M. FerfchuuringiimeFamilieentiere, tous
Portraits au dcflein, & la vue d'une Digue avec
des f�gures.
A Amfterdam, chezM.Braamkamp., un Corps-
<3e-Garde o� font affembl�s des Officiers : Ie
Tartuffe, Tableau ing�nieux : une Dame & un
jeune Seigneur faifant de la Mufique : & un
Deffein un peu plus galant.
Et chez M. L�enders de Neufville, dans la
m�me Ville, une Femme en couche.
hei talens de ce Peintre ont �t� chant�s par
de bons Po�tes.
JEAN
-ocr page 300-
Flamands, Allemands & Hollandois. 295
JEAN ANTIQU�S,
� L E V E
DE WASSEN BERG IL
A Ntiquus naquit a Groningue Ie II Oc- ��
■**■ tobre 1702. Il a peinr jufqu'a 1'agede vingt I7O2#
ans fur Ie verre chez Gu�rardv ander Veen: mais '==='
toujour» occup� de 1'amour pour la Peinture a
1'huile, il perdit avec regret une ann�e chcz
�enheimein, & enfuite 'chez Jean-Abel TF'affen-
bergh,
Artifte liabil� , o� il demeura pres de
deux ans avec Ie m�rae d�go�t, puifqu'il n'a-
voit vu travailler tont au plus que trois ou
quatre fois fon Maitre qui fe renfermoit & qui
faifoit un fecret de fon Art.
Il falloit Ie courage & Ie defir d'apprendre du
jeune Artifte pour ne pas abandon ner un talent
qui lui promettoit peu de fucc�s ; il quitta bruf-
quement Groningue ag� de vingt-trois ans , &
s'embarqua a Amfterdam : il ne paroit pas qu'il
fut pour lors difpof� a continuer fon voyage ,
peut-�tre auffi faute d'argent: ce qu'il y a cle
certain, c'eft qu'apr�s avoir parcouru Paris,
& y avoir vu les Ouvrages dans les Eglifes &
dans les Palais faits par les grands Artiftes, il
revint a Amfterdam, o� il pafla quelqucs mois
chez Ie Peintre Gimnich, en travaillant avec
Ie plus grand courage, mais 1'envie de voyager
1'ernporta encorc fur ion repos.
T4           II
-ocr page 301-
296              La Vie des Peintres
____ II fit Ie projct avec fon frere Lamben, Pay-
1702. fagifte, d'aller en Angleterre ; mais, par un
'.. , t caprice fingulier , au moment de s'embarquer,
ils trouverent un Navire deitin� pour G�nes :
fans autres arrangemens ils s'y embarquerent.
Jean Andquus, occup� de fon Art, remarqua
la tere du Capitaine, il y vit des beaut�s, &
obtint de la copier. Cetre fingularit� leur valut
unereffource, � laquelle ils n'avoient pas pen-
f�. Auffi-t�t que Ie Capitaine eut fait voir ce
Tableau a fon Equipage , tous fe recrierent fuc
Ia grande reffemblance : Ie Capitaine ne voulut
rien recevoir pour leur paffage ; ils furent d�s
ce moment regardes avec une forte de fatisfac-
tion, & c'�toit une bonne fortune, comme il
Ie dit apr�s, parce qu'ils n'avoient tous deux
que tr�s-peu d'argent. Ils arriverent a G�nes,
apr�s avoir effuy� deux orages oii ils manque-
rent de p�rir.
De G�nes i's partirent pourPife : ils trouve-
rent pres de la Ville une efpece de lac ou marais
qu'ils ne purent paffer a pied: un homme vigou-
reux les porta fur fes �paules a 1'autre bord,
& les conduiiit pendant la nuit dans une des
Auberges du Fauxbourg : ce mif�rable leur vola
leur argent, fe fauva & ne leur laifla qu'un
ducat; ce malheur les obligea de refter, n'ayant
pas Ie moyen d'aller plus loin. Andquus trouva
beaucoup de Portraits a peindre, & pendant
cinq mois qu'ils y refterent, ils y amaflerent
affez pour continuer leurs projets d'�tude , &
furent enfemble a Florence, trois mois apr�s
a Livourne, o� Jean Andquus fut bien accueilli:
Ie Grand-Duc lui donna une forte penfion pour
refter
-ocr page 302-
Flamands, Allemands & Hollandois. 297
refter a fon fervice ; il fut admis a 1'Acad�mie
de Peinture, il commenca par y peindre un
grand Tableau, la ch�te des G�ants, compo-
fition tr�s-�tendue & bien rendue. L'Efquiffe fe
garde encore dans cette Acad�mie ; il fit une
copie d'apr�s Ie Cigoli, c'eft Ie fameux Martyra
de Saint Etienne ; il peignit auffi fon Portrait
en grifaille que Ie Cavalier Gabouri lui deman-
da ; cette copie de Saint Etienne lui fut deman-
d�e, & on lui en donna cent ducats. Il paffa fix
ann�es dans cette Cour, & fit pendant ce temps
quatre voyages a Rome : dans un de fes voya-
ges il eut 1'honneur de s'entretenir avec Ie Pa-
pe Benoit XIII, qui lui montra fa Bibliothe-
que, & qui lui permit de voir & de copier les
beaut�s que Ton y confervoit; il fit auffi con-
noiffance avec les bons Artiftes, tels que Bena-
fiali,
Ie Bianci, Ie Trevi^ani, Sebafiien Conca,
& bien d'autres , il paffa treize mois a �tudier
dans les difF�rentes Acad�mies, & a tout defli-
ner; il alla a Naples, o� il recut beaucoup d'ac-
cueil de la part de SoUmene , qui lui offrit fa
maifon , il n'y refta que Ie temps qu'il falloit
pour voir & parcourir ce beau pays encore
rempli de veftiges des anciens monumens , &
il retourua a Rome.
Cette Capitale 1'arr�ta quelque temps pour
y peindre , il fit plufieurs grands Ouvrages ,
mais Ie bruit de la maladie du Grand-Duc lui
fit tout quitter ; il vola a Florence , il trouva
cette Ville en deuil, elle venoit de perdre Ie
Prince Ie plus ch�ri, & Ie plus attach� aux
Arts ; il paffa encore quelque temps a la Cour,
dela il alla par Boulogne a Venife , qu'il quitta
auffi
-ocr page 303-
298                 La Vic des Peintres
�� auffi pour voir Padoue, Mantoue, Milan &
I702. Turin : il fut arr�t� trois mois dans cette der-
� niere Ville par Ie G�n�ral Schuilenburg & d'au-
tres Curieux qui employerent fon pinceau ; il
partit pour fe rendre en Angieterre , ce voyage
n'eut pas lieu , il pafla la mer avec ion frere ,
& ils arriverent enfemble a Groningue.
Scs Compatriotes s'emprefferent a obtenir de
fes Oiivrages; il eut occalion de faire les Por-
traits des Principaux: c'�toit fe faire connoitre ;
mais il fut encore plus connu par des Tableaux
d'Hiftoire ; il eut ordre de peindre la Coupole
du Salon d'�t� du Palais du Prince ; il s'en ac-
quitta bien , que Ie Prince 1'engagea d'aller a
Breda , lui accorda une penfion annuelle pour
qu'il s'attachat auffi a l'inftru�ion de quelques
Eleves. Plufieurs bons Oiivrages remplirent les
roomens o� il �ioit libre au Chateau de Breda.
Il a repr�lent� , fur la porte de la chambre a
coucher
, Mars deshabill� par les Graces. Les
■ deux deffus des portes de la Sale d'Audience
font auffi de ce Peintre , 1'un repr�fente Co-
riolan, 1'autrc Scipion 1'Africain.
Dans Ie m�me-temps il finit un Plafond de
dix-huit pieds pour M. Landsheer, il y avoit
repr�fente Ie Parnaffe. Les figures plus gran-
des q 'j nature font d'une grande beaut�, tout
fut termin� en vingt«un jours. En 1747 il peignit
pour M. tSichiermans, En�e enlev�auCiel,fur
un Plafond de vingt-cinq pieds en quarr�. Bien
d'autres grands Oiivrages ont affur� a eet Ar-
tifte un rang diftingu� dans les faftes de la Pein-
ture. Bon Deffinateur, Peintre facile, bon Co-
lorifte, il avoit puif� dans 1'Ecole de Rome
ce
-ocr page 304-
Flamands, Allemands & Hollandois.
cego�t fage que Ton rencontre dans tous fes
Ouvrages. Il eft mort a peine ag� de quarante-
fixans,en 1750.
Les Ouvrages de ce bon Peintre font bien
eftim�s en Hollande o� ils font conferv�s.
FRANCJOIS KRAUSE,
�LEVE DE P1AZETTA.
"VToiciun Peintre qui a encore augment� \jc6.
▼ Ie grand nombre de ceux qui ont illuftr�
la Ville d'Augsbonrg, il y naquit en 1706,
dans Tindigence ; il fut contraint, pour fubfifter
dans fajeuneffe, de barbouiller les Appartemens
de maifons; mais Ie defird'�tre Peintre lui fit
franchir tous les obftacles , il ie pr�ta a tout ce
que fes Maitres exigeoient de lui : mais ayant
vu que fon extreme docilit� ne Ie conduifoit
point affez rapidement a fon but, il quitta fes
Maitres, & s'attacha a un Seigneur qui lui
trouva du m�rite & lemena aveclui a Venife,
o� il Ie placa chez Fia\etta, bon Peintre. Ce
fut Ie conduire a la gloire que de lui donner
un tel Maitre, il en proflta : les jours & les
muts furent employ�s a i'�tude.
Parvenu au point de voir les Artiftes m�mes
fe tromper & prendre fes Ouvrages pour <:eux
de fon Maitre, il quitta i'Italie & vint a Paris,
o� il fut inconnu 3 parce qu'il ne fortit point
de fon Attelier; il peignituneSultane au fortir du
bain que 1'on pr�iente. au Grand-Seigneur. Ce
Ta-
-ocr page 305-
300                La Vie des Peintres.
Tableau fut vu & parut fi beau , qu'on lui con-
I7CO. feji(a (je faire jes d�marches n�cefl'aires pour
'------ m�rite r, par fes talens, la place diftingu�e de
Membre de 1'Acad�mie royale de Peinture: il
fit tous fes efForts; il avoit peint la mort d'Ado-
nis , Tableau qu'il jugea digne d'�tre pr�fent� ;
peut-�tre auroit-il r�uffi, maisil avoit Ie d�faut
plus ordinaire encore aux m�diocres Artistes
qu'aux excellens, c'�toit de croire queses feuls
Ouvragcs �toient parfaits, qu'ils ne laiffoient
rien a deilrer, & de blamertous ceux des au-
tres fans juftice & fans m�nagement. Cette me-
chancct� lui attira Ie m�pris de ceux qui cher-
cherent a Ie produire a I'Acad�mie,il s'en ap-
percut, mais trop tard : il quitta Paris , & fe
retira a Langres.
Il eut occafion, dans cette Ville, d'y peindre
pour 1'Eglife de Saint Pierre, il s'y maria; il
Paffa a Dijon, o� il fit plufieurs Tableaux pour
les Chartrcax; i! d�buta par une grande com-
pofition , c'efl la Madeleine chez Simon Ie Pha-
rifien : ce bon Tableau place dans Ie r�fectoire
eft fon chef d'oeuvre ; il repr�fenta en fept mor-
ceanx 1'Hiftoire de la Sainte Vierge, on les
voit dans Ie Chapitre des m�mes Religieux.
Avec tant de grands Ouvrages , Kraufe ne
pouvoit ni s'enrichir, ni m�me payer fes det-
tes. Comme il connoiflbit d'ailleurs Ie gout de
la Province Sc fur-tout des petites Villes, il fe
mit il peindre Ie Portrait en paftel, il fut tr�s-
employ�; il parcourut toutes les Villes de la
Bourgogne ; il ne paroit pas qu'il en revint plus
opulent : ce fut ce qui Ie d�termina enfin d'aller
aLyonj cette Ville riche, o� paffent & ou
s'arr�tent
-ocr page 306-
Flamands, Allemands & Hollandois. 3OI
s'arr�tent fouvent les bons Artiftes, �toit bien1-----~r*
plus capable de juger de fes talens & de les r�-
compenfer. On lui commanda quelques Ta- "'
bleaux pour 1'Eglife de Sainte Croix ; foit a
caufe de fes fucc�s dans cette entreprife, foit
pour Ie m�rite de fes autres Ouvrages, il fut char-
g� de peindre 1'Eglife entiere de Notre-Dame des
Hermites; c'�toit une occafion de fe diftinguer ,
il y employa douze ann�es, ce fut Ie terme de
fa carri�re : il y mourut vers 1'an I7<f4- Kraufe
avoit�t� marie deux fois:il eut de fa premiere
femme un fils, & de la feconde une fille.
Il avoit Ie d�faut de se trop eftimer & d'efti-
mer trop peu les autres ; cependant 1 avoit de
tr�s-grandes parties dans fon Art, il deffinoit
bien & fup�rieurement les pieds & les mains ;
il n'avoit pas Ie g�nie abondant, mais fa cou-
leur eft vigoureufe & dor�e: fon pinceau eft
d'une grande facilit�, fa touche eft ferme ,tan-
t�t feche , tant�t brillante; quelques-uns de fes
Tableaux font outr�s pour Ie noir , parce qu'il
en vouloit rendre les effets trop vigoureux;il
eft dangereux pour ceux qui ont voulu Timiter.
La poft�rit� jouira peu d'une partie de fes Ou-
vrages , qui font d�ja chang�s , il employoit
par-tout Ie ftile de grain & 1'orpin ; fes Ta-
bleaux , en fortant de fa main, avoient une vi-
gueur furprenante. Le temps les d�truifoit a vue
d'ceil: c'eft toujours un bon Artifte qui a fait -
desOiivragesdans la maniere de ("on Maitre , qui
ont tromp� & qiii tromperont vrai(emblable-
ment encore.
Je n'indique point tous les Tableaux de
Kraufe, r�pandus dans les endroits qu'il avoit
parcou-
-ocr page 307-
La Via des Peintres, &c'.
.. parcourus,& o� 1'on m'affure qu'ils font efti-
1706. m�s ; cette l�gere critique n'en doit ni dimi-
'^5=? nuer Ie vrai m�rite, ni Ie prix ; c'eft plut�t
un avertiffement pour les Artiftes qni pour-
roient fe laiffer f�duire par 1'�clat apparant
d'une couleur trompeufe qui n'en impofe qu'un
inftant, & qui peut nuire a leur gloire par
leur peu de dur�e.
Fin du quatrieme Tome.
TABLE
-ocr page 308-
TABLE
ALPHAB�TIQUE
DES N O MS
DES PEINTRES
CONTENUS
DANS CE QUATRIEME VOLUME.
A                       Blond , Chrlflophe Ie , 151
Bodekker, (Bodecqifr), 4
ANTIQUUS, (Anticus) Bockhorft, (Bocorft) Jean
Jean ,
                   295 de ,                               34
Appel, ( App'1) Jacques , Boonen , ( Boin'n) Arnold,
2I9                                         J}7
Arlaud , Jacques - Antoine , Boonen , (Boin'n) Gafpard,
116                                         189
B                        Boofch, ( Bofg ) Balthaiar
BAan , Jacques de ( Ba'n )       vanden , ijS
172    Bofgaert, (Bofgart) N. 289
Baut, Francois, 2;    Boudewyns, ) Boud'ouins )
B�eldemaecher, (B�ldema-        2V. aj
qu'r) Francois, 122    Brandel, (Brand'1, ) Pierre >
Beich , ( Be�g ) Joachim-                                           13
Francois , 72    Brandenberg, (Brand'nberg)
Bergen ,(Bergu'n) N. 157        Jean, 23
Bloemen, ( Bloum'n ) Nor-    Brandmuller, (Brandmull'r)
tere van, 164        Gr�goire, 31
Breda,
-ocr page 309-
TABLE
Breda, Jean van,            240
Breughel, (Breugu'1) Abra-
Baptifte,                     176 n c T '                       ^Z-
BreydV,(Breyd'l)CwL, Graf,/�,,              2l6
190                     
Breydel, (Breyd'1) Francois,                     n
%
195
^                    Hartzoeker, ( Artfouqu'r ),
CTh�odore,                 289
Ramer^Cram'r) 150 H�edc, ( Eede ) Vigor &
Cr�pu, N.
                   224 Guillaume van,            29
Ilelmont, ( Elmont) Segers
�)                        Jacquesvant              236
Henftenburg, ( Enft'nburg )
�Enhauer, ( Danau'r ), ^J-^ ( ^^ }
Denoer, (Denn-DA-W-H H*{^(O]�t)yicolas, ?J
DuTen�de , M.rc v.P, Houbraken, (Oubraqu'n)
,                          228
�                                             �
E Deraa, Ar.              91 JAnffens, ( Janfs'ns ) Ho-
Elliger, ( Elligu'r ) Of- nor�,                         60
m«r,                          86                     ^
FXvErckhove, (Quercove)
Aiftenberger, (Faift'nber- Jofeph vanden,
           141
gu'r) Antoine-Jofeph, 200 Keflel, ( Quefs'1)Ferdinand
Ferg, Francois -Paul, 269 ,van,
                          19
Filius, /w/i,                   6 Keffel, ( Quefs'1) N. van.
Franck, (Franc) Conflamin,                                     251
16 Kraus , (Craus) Francois,
299
Kupetzky
-ocr page 310-
T A B
, ( Cupetfqui )
95
Z
L E.
Overb�ek , (Overb�c) Bo-
naventure van,               7
p
J
ean
Eepe , Jean - Anto'mt
vander
                           
Lem , K vander .           11
Leyflens , (LryfVns) 37
* Au ^
l ce � < P� )                    »
1 '4
Po 1 . ( P- il ) Jurhert, oq
P<ol. ( Poi! ) , Rachd i
f h, (Ruifs), 6?
M
Aes, (Ma
V)
y.
Mcele, ( M�le )
Meer , ( Mair ) han vandV,
Melder, (Meld'r) G««^!
Mieris , ( Miris ) Jean ,
Mieriv. f Miris)            i
GA
Ademacker ( Rade-
maqii rN G tr�-/-(/, 161
Radcmneker, (Rademaqu'r)
Alr..him ,
                   176
*■»«*">. f lUwftin ) M
Re;ner' (Rain>) ^#
,                 45
Morel, iV.                     63
Moucheron , Ifaac, 153
Myn , 2/^l« vandcr,
Bo.ore '
Rugendas , f Ruguendas )
Georgis-PhWppe ,          78
Ruifch, ( Ruifg ) Rachel,
N
Etfcher , ( Netfgu'r )
Th�odore ,38
Neifcher , (Netfgu'r) Conf-
tantin,
                        155
Nymegen, (Nimegu'n) Elie-
van ,
                     ui
, Art, CornilU du, 74
Schoor , (S'^oir) A^. van, 91
Sluys, (Sl�s) Jacques van-
aer,                                5
Smits, N.                      16 j
Son , Jean van,                4a
Spiers, ( Spi'rs) Alben van,
88
y             Stampan,
O
Pftal , Gafpard - Jac-
ques van ,
                     14
Oudenaerde, ( Oudenar'd )
Roten van,
                  49
-ocr page 311-
T A B L E.
Stampart, (Stampa'rt) Fran-   Verkolie , (Verkoli'� ) Nico -
gois, 183        las, 168
Straeten , (Stra'ten) N. van-    Voet, (Vont) Charles Boff-
der, 226        chaen, 158
Strudel, ( Strud'1) Pierre ,    Vromans, N. (V'romans )
217                                           15
T                                            W
1 Erveften , (Teroueft' n)     V^ Affer, ( Ouafs'r) An-
Matthieu, 144       ne , 202
Trooft, ( Troift ) Corn�le ,    Waffenberg, (Ouafs'nberg )
291                                      267
Tyffens, (Tayfs'ns) N. 27   W�eling, (Ou�ling ) Anfel-
Tyffens , ( Tayfsns) N.       me, 181
206   Werf,( Ouerf ) Pierre van-
V                        der, 70
VWeyerman , ( Ouey'rman )
Alkenburg, (Valqu'n-        Jacques Campo, 209
burg j Thierry, 185    Wigmana , ( Ouigmana )
Verbruggen, (Verbrugu,n)       Guerard, 171
Gafpard-Pedro , 122    Wit, ( Ouit ) Jacques de ,
Verelft, N. 222                                         283
Verelft , (Cornllle), 77    Wolters , ( Ouolt'rs ) Hen-
Verelft,(S'imon), 69        nette, 27a
Fin de la Table.
TABLE
-ocr page 312-
T A B L E
DES PEINTRES
A VEC PORTRAIT
DU QUATRIExME TOME.
AX                Houbrahen , ( Oubra-
P p E l , ( App'1) q»1") Arnould, i
Jacques,
          zig Huber Jean-Rudolf,
Arlaud, Jacques- An-                            l2$
toine,              116 Huyfitm, (l)'hm) Jean
van,               zz8
BIT
Oonen, (Boinen)
Arno/d 137   KUPETZKY, (Gu-
Bnmdeuberg, (Brand n-                 {} J(an ,
berg ) Jean, zj       f ^ ' * J
Brand muller, ( Brand-                   M
nHill'r) Gr�golre,
31 Melder, (MeWV)
D                     Guerard,         z8o
E\                     , . Miens, ( Miris ) Guil-
/ENNER,(Dennr) l
Balthaiar, Z�J Mouctieron, Ifaac, 1�3
H
                 Myn,Heromanvander,
Hz4b
Elmont, (El-
mont) Segers- Jac-
ques van, zj6
Vz          Netfcher
-ocr page 313-
T A B L E.
N                 Ruifch,(Kui(g)RacheU
N6b
Etscher , ( Nets-
                 T
gu'r) Th�odore, j8 rp
Njmegen , (Nim�gu'ii) JL Erwesten , ( Te-
JElie van ,
         in roueft'n ) Matthieu ,
144
O
                 Troofl(Tto'i�)Cornille,
Ozgi
Verbeek, (Over-
                  V
b�c) Bonaventure -»j-
van,
                 7 V erkolie , (Verco-
li'�)^co/^, 168
P-
                Voet, (Vout) Charles
PBojchaert, ibS
Ool , (Poil; Rachel
Ruifch
(Ruifg) 6b
                W
Pool, (J?o�\)Juriaen,go ^rrr
W Asser, (Ouafs'r)
R                     Anne,              zoz
Weyerman , (Ouey'r-
JvOEPEL, (Roup'1) man) Jacques-Cam-
Koenraet, igy po,                  zog
Roore,{Roire)Jacques Wit, (Ouit) Jacques
de,                  z6z de,                  2.83
Rugendas,{Ruguendas) Wolters, ( Ouolt'rs )
Gcorges-Phllippe,y8 Henriette, %yz
F I N.
Table
..
-ocr page 314-
T A B L E
, . i
DU TOME PREMIER-
Barentfcn , ( Bar'nts'n )
Thierry,                      155
Bartels , ( Bart'ls ) Guerard,
269
Beer , (Bair ) Arnold de ,
37
Beer, ( Bair ) Jofeph de ,
213
Beerings , ( Bairings ) Gr�-
goire ,
                           9?
Beukelaer , ( Beuquelar )
Joachim,
                         140
Bi e, ( Bi ) Adrien de , 4061
Biefelinghen , ( Bifelingu'n )
Chreftien van,
              215
Bles , Henry de ,               32
Block , ( Bloc ) Jacques
Reagers ,
                     34J
Blocklandt, ( Broclant) An-
tenne de Monfort,
150
Bloemaert , ( Blouraart )
Abraham,
                  246
Bloemaert , ( Bloumart )
Henry,
                       404
Blond�el , ( Blondel) Lans-
loot ,
                            94
Bol, Jean , 157
Bom , Pierre, 147
Bos , J�r�me,
                   19
Bos , Jean-Louis , 21
Borgt, Henry vander , 357
Bramer , { Bram'r ) L�nard ,
416
V 3 Bray>
.A.C H E N , ( Aqu'n ) Jean
van,                           219
Achtfchelling , ( Agts'guel-
ling ) Lucas ,
             266
Aertlen , ( A'rts'n ) Pierre ,
108
Aertz, (A'rtz) Rkhard,
Alsloot, ( Alsloit ) Daniel
van ,                           275
Antonizo , Cornille,          85
Arents , ( Ar'nts ) Jean, 390
B
ijAbeur, Th�odore , 272
Backer , ( Baqu'r ) Jacques,
de,                             141
Badens, ( Bad'ns ) Francois,
280
Badens , ( Bad'ns ) Jean j
292
Bailli , David,               289
Bakereel, ( Baquer�'1) Guil-
laume & Guilles , 268
Balen , ( Bal'n ) Hemy van,
337
Balten, (Balt'n) Pierre,
168
Bamesbicr , ( Bam sbir )
Jean ,
                          91
-ocr page 315-
T A B L �.
Bray, Salomcn de,          39
Brentel , ^ Bient'1 )'Fr�d�-
tic,                            274
Breu. hel , ( Breiigii'1 )
1' icrre ,                          101
Breughel, (Breugu 1) Jean ,
. '76
Bril , " Matthieu & Paul ,
Bro�ck� , (Brouque ) C/ir.f-
, p'n f.indcn ,                 �vi
BroiifkKorft , ( Broncorft }
., Pierre ,                     J73
Bruu , Aughflln ,           274
D
D Ach , ( Dag ) Jean ,
Dade , ( Dale ) Jean van ,
148
Delft , Jacques - Willems,
276
Delmont , Deodaet , %AJ
Druyvift;yn. ( Dru veftin )
A'tcld Jwjfe
,
             296
Durer , Alben,                2,4
Lbrught , ( Elbrugt )
Jen van,                   92
�ngeltu-echtfen , ( Enguel-
b"reg's"n ) CorAilk , 2j
Ehl , (Enguclrams)
aeflbon , ( Cla'floin )
. Amaffld ,                     67
Gt�tf, (Cl�f) Jo/ephvan,
C\�e( , ( Cl�f ) Henry &
Minin de ,
                 106
Ovgriet» Gilles ,            ^4)
Cool, ( Coi) ) Laurent van ,
127
C��ninxloo , ( Coin'nxloi )
Gilles de,
                   172
Gofnilf� , dit Ie Cuifinier ,
41
Cofnelt* , Cornille,         240
Cornelifz , Jacques , 48
Cqxcle, Michel,
                57
Oaberh, Tuierry - F'ailiicr ,
124
Crabeth , Francais ,          90
Crabrth , Adrien ,         20S
Oabeth , Vautier , 278
Cranffe', Jean ,
                32
Craycr, Gafpard de , 350
Es , Jacques van ,          267
Erafnu-, Didier,              22
Eytk , ( Eyc ) Hubert &
Jean van,                      x
Elzheimer , ( Elfaym'r )
Adam ,                      283
-TE'ldes, (Faid's) Pierre,
27}
Flore , ( Franc ) Francais
de Vr�'ndt,                11 f
Floris , Cornille ,           aij
Frans , N.                  163
Franck, (.Franc ) Jir�me ,
Frangois & Ambr�ife ,
173
Franck, ( Franc ) Franpis ,
175
Franck,
-ocr page 316-
T A B L E.
Franck , ( Franc ) Ambro'i-   Harlcm , ( A'rlem ) Thierry
fe, 176       cT, 11
Franck, (Franc) S�baf�un ,    Heek , ( Ec ) Nicolas van*
281       der, 346
Franck, (Franc ) Francois ,    Heere , ( Eire ) Lucas de,
334                                     '52
Francois,Lucas , 282    Helmont , (Ehnont) Lucas
Francquacrt, ( Francart (       Gaffel van, 3 3
Jacques , 413    Hemmelinck , ( Emmelinc )
Jean,                         1 2
q                     Hemskerck , ( �mfquerc )
_,                                         Martin , 60
(jA� , Mkhel de, 111    Herder, (Erd'r) 215
Gelderfman, ( Gudd'rfman)   Heuvic, ( Euvic ) Gafpard,
Vincent , 164     . , . 2I4
Gheyn , ( Gain ) Jacques   Heyden , (Eyd'n ) Jacques
de, 240       vander, 274
Gheeft , ( Gu�'ft ) Jacques   Holbcen , ( Olb�n ) Jean,
de , 269                                       71
Gheeft, ( Gu�'ft ) Wibrand   Hollandois , Jean l', 47
de , 402   Hoey , ( Ouay ) Jean de ,
Goes , ( Gous ) Hugues                                     I
vander, 8   Hoefnaeghel, ( Oufnagu'1 )
Goltzius , (Goltfius) Hu-       Georges, 180
ten t 128   Ilollman , ( Ollman ) Jean ,
Goltzius. (Goltfius) Henry,                                     274
230   Honthorft , ( Ontorft ) Gue-
Gortzius, (Gortfius) Gual-       Tard» 4OJ
dorp, dit Geldorp, 217   Hooghenberg , (Oigu'n-
Gouda, Cornille van, 107       berg) Jean. 9»
Goyen , ( Go�'n ) Jean van,   Hooghftraeten , ( Oigftra-
410       tn) Thierry van, 411
Grimmer, Jacques, <)7   Horebout , ( Orebout )
Grobbcr , Francois , 33-j       Guerard, 77
Guerards , Mare , 14 j
HjAcobs, ( J�cops) Simon,
Aen, (A'n)Davidde,                                     131
275    Janflens, ( Janfs'ns ) Abra*
Hals,(Als) Francois, 360       ham, 261
V 4           Jesn,
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T A B L E.
Jean , Guerard de Sc. 10
Joris , ( G, oi is ) David ,                        *■
3° T
Joris , ( Georis ) Auguft.n , L Aenen , ( Lan'n) Chnf-
1   4 tophe Jidn vander , 27a
Ifacs , Pierre, 259 Laftnan , Pierre,
           242
LeyJen , ( Leyd'n ) Lucas
]�
                          van,                           43
Lierre , ( Lire ) Jofeph
A'ker , ( Ca'qu'r )        �'( Uy$ ) Jean ( *6|
Jean van, 8o    L;einascker, ( Liemaqu'r )
Kamphuvlen,(Orap�S'n)       NkoUs A fimommi
Theodorc, Raphael            Rooft. > 2g7
. _. . , XJ"9 Linf hooten , ( L'ms'gor'n )
Knvnot, ( Qaainot) Nico- ^dln van,
              394
vUs.Rr°SeA &.Z*f**r -1,/2 Lombart , Lambert , 36
Ketel, ( Quet i) Corntlle ,
                  '
'99                       at
Keulen , ( Queul'n ) Jan-                      M
fons van ,                  344 -» ir .
Key , ( Quey ) Guillaume , jYl Abufe , Jean de ,
'33                                         83
Kierings , (Quirings) JU- Mah�e , ( MaU2 ) Guillau-
xandre,
                     4°° me ,                           274
Klerck , (Cle-q) Hcnry de , Mandyn , ( Mandin ) Jean,
*7)
                                          16
Koek , ( Coq ) Matthieu Mander, ( Mand'r ) Char-
& Jir�me
,
                   ! 3 van ,                     194
Koeck , ( Couq ) Pierre , Mathiflens , ( Matifs'ns )
88 Abraham ,
                 27 u
Koeberger, ( Coubergu'r ) Mwire , Guerard vander ,
Fencefl-ius,
                 205                                          ij
Kryns , ( Crins) Everard, Men on , Frangois , 212
2 58 Meffis . Qutntin ,            17
Kunft , ( Cunft ) Corni�e, Mirevelt, ( Mirev'lt ) Mi-
40 chel,                         256
Kuyck, ( Cuyq ) Jean van, Molenaer , ( Molenar) Cor-
144 nille ,                         169
M >lyn , (Molin) Pierre, 429
Monfort , Antoine Block-
landtdt,                   
Moreelze,
-ocr page 318-
T A  B L E.
Moreelze, ( Mor�lfe ) Paul,    Pieters , ( Pi't'rs) Arnold,
279                                      212
Moto, Antoinc, 98    Pierers, ( P*'trs ) ( Dirk )
JJoftaitt, ( Moftart) Fran-        Thierry , 219
fois & Gilles, I22    Pieters, ( Pi'trs ) Gueratd,
Mcytens , (Mayt'ns) Ar-                                       ^39
nold, 169    Pinas, Jean, 428
-.                         Pla* , Pierre vander, 26$
^                       Poel nburg, ( Poul'nburg )
, ( N�fi ) Pierre ,    v C°7Ue \ . ^ \
' v ' ,'    Poi-.drc , Jacques de, 139
xt t -v � \ n- j     Porbus , Pierre, 9?
Neyn , ( Nam ) iW <&   p^ ' ^*
Nicolas,/yW, 164    Ptata»fM"PlJ'« ^
Nieulant, Jean, 259                        ^
Nieulant, Guillaume, 3G3
Nop, Gerr'u, -if>%    T> _
F' '                          r( Av-fteyn, ( Raveftin)
O                          Jean van, 341
Rheni , ( R�ni) Remi van ,
jmey, ( Orlay ) Ber-                                  a-6
nard van , ',8    Rlc:ke» ( Ri(lue ) Bernard
Oorr, ( Oirt ) Lambrccht        de, _ 132
i-an , «121    Roger, fumomm� de Bru-
Oort, ( Oirt ) Adam van,        xell:s > 7
228    Rogman , Rolant, 424
Ottovenius , ( Chtavio )    Romboius , Th�odore , 425
vanFten, 22-5    R^odtfeus , ( Roitf�us )
Ouwmer, ( Ouat'r ) Alben       Jean . , _ ,397
Van , 9    Roofe , ( Roife ) Nuolas de
p                           Lumaecher , 287
Rofenhaiiier, (Rotenam'r)
Parcelles, (Parcell's) Jean, ^f{ R�q
Parcdles, (Parcel', ) jff ^�\ Ricart)
^p.,              326 'in'                            a66
Pieters , ( Pi't'rs ) Pierre ,
171
Sameling,
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T A B L E.
X Eniers, ( Tenirs) Da-
vidIe Vieux,              349
Terbrugghen, (Terbrugu'n)
Henry,                        371
Thoman , ( Toman ) Jac- '
ques Ernefl,                372
Tilburg , jEgidiusvan , 276
Toeput, ( Touput ) Louis,
213
Torrcntius , Jean , 382
jAmelIng , Benjamin , 116
Salaert, ( Salart) Antoine,
273
Savery , Roland,           293
Schooreelj ( S'goir'1 ) Jean ,
Schooten , ( S'goit'n ) Geor-
ges van ,                    "\J0
Schut , ( Sgut ) CormlU ,
398
Seeu , Marin de ,           116
Scghers , ( S�gu'rs ) Gue-
rard,                          386
Seghers , (S�gu'is) Danid,
391
Shigher , ( Singu'r ) Jean ,
91
Snellinck, ( Snellinc ) Jean ,
179
Sneyders, ( Snayd'rs) Fran-
cais ,
                           230
Snayers , ( Snay'rs) Pierre ,
4° �
Soens , (Souns) Jean, 218
Someren , ( Somei'n ) Ber-
nard & Paul Van , 333
Soutman , Pierre,          395
Spelt, Adnen vander, 147
Spranger , ( Sprangu'r ) Bar-
tholom�,                      184
Srradanus , Jean ,            159
Stecnwicfc , ( St�nouic )
Henry,                        384
Swart , ( Souart ) Jean ,
Swarts , ( Souarts ) Chrifto-
pke,                            167
Switfer, ( Souits'r) Jofepk ,
260
V Adder , ( Vad'r ) Louis
de,                            236
Vakkenburg , ( Valqu'n-
burg ) Lucas & Martin ,
149
Vaclks , ( Vales ) Pierre ,
3 58
Valkaert, ( Valcart ) Waer-
naert vanden,              291
Velde , Ifaye vande , 396
Veen , (V�n) OElavio ^p»,
223
Vereycke , ( Verayque )
Jean,                            96
Verhaegt, ( Vera'gt) Tobie ,
251
Vcrmryen , ( Vermay'n )
Jean-Cornilh ,               86
Vinckenbooms , ( Vinqu'n-
boims ) David ,          327
Viflcher , ( Vis'gu'r , ) Cor-
nille de,                      131
Vlrrick , ( Vcl�ric ) Pierre ,
161
Vliet, ( V�lit) Henry van ,
364
Vliet,
-ocr page 320-
T A  B L �.
Vliet, ( V�h't ) Gulllaume    Wael, (Oua'l, Lucas de,
van, 5 64                                         400
Vo'ckaert, (Volcart) 16    Wa^l, ( Oiu'1 ) Cormlle de,
Voort, ( Voirt ) Cormlle                                         407
vander, 345    Weyde , ( O.iayde ) Roger
Vos, Martin de , 117        vander, 33
Vofraer, Jucques Wouters,    We^rdt', ( Oiuirt ) AJrien
       de, 97
TT 11 __ _         /*"w ■'
VrL-ndt, ( Verint ) Frangols    W.llcms, (Oaill msl
de,                      in
Vries , ( Veris ) Jean Fre-   Winden , ( (
demande, i3?        Jofephvm, l77
Vnc, (V,rie) Thlerry de,    Witte, ( �aitte ) Lhvl
Vroom ( Vroim ) J5f«ry-   Witte , (�u�rte) Pierre de]
CormlU, 2J4                                                   >
Witte, (Ouitte) Cornillede,
203
TTV , ■�               Wildens,(Ouildens)/^,
l^ Ytenwael, ( Utenoual)                                   �6
lUnM%A> ^ r 2�2    Willaer�,(OulUarts)^,
Uden, (Ud'n ) Lucas van,                                         2 <j
408                        Y
el , ( Oua'l ) Jean YPr«, ( d'IpV ) ', 91
217
Fin de la Table du premier Tome.
TABLE
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T A B L E
DU TOME SECOND.
A                        Beek, ( B�c ) David, 313
ADriaensens,    Bemmel, ( Bemm'1 ) Guil-
(Adria'iis'ns) Akxan-        laume, 285
dre , 364    Berckmans , ( Bercmans }
Aelft , ( A'ifl: ) Evrard van ,        Hcnrj, 424
70    Berg , Matthieu vanden ,
Aclft , ( A'ift ) Guillaume                                         244
van, 277    Berghem , ( Bergu'm ) NU
ArHneiTns, ( Andrifs'ns)        colas, 340
H*.nry , furnomm� Man-    Bifluhop ,(Bifgop ) Cornille,
k<:nheyn , ( Manquenin )                                         433
42    Bizet , Charles - Emmanuel,
Artois , Jacqnes van , 313                                          469
Afch , ( Ai'g ) Pkrre-Jean    Block , ( Bloc ) Benjamin,
van, 76                                         457
Affen , ( Afi'n ) Jean van,    Blankhof, ( Blancof) Jean-
441         Anto'ine,                    409
B
                       Bokhorft, ( Bocorft ) Jean
Bvan , ou ( Langu'n , Jan ,
Aan , ( Ba'n ) Jean de ,                                          170
471    Boel, ( Boul) Pierre, 349
Backcr , ( Baqu'r ) Jacques    Bol , Ferdlnand , 280
de , 141    Borght , ( Borgt ) Pierre
Baelen, ( Ba'len ) Jean van ,        vander, 366
193    Boffchaert , ( Bofs'gard )
Bakhuifen, (Bacuis'n) Louis,        Thomas, dit Willeborts ,
442                                              2Ot
Bamboche, Pierre de Laar,
    Both _, (Bot) Jean & An~
ou, 205        dr�, 302
Bauer, (Bau'r) Guillaume,    Boucquet, Vi&or , 275
49    Brauwer, (Brau'r) Adrien,
Bega, CorniUe, 283                                          129
Bredael,
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T A B L E.
Bredael, ( Br�dal ) Pierre    Dyck , (Dayc) Floris van',
van, 433                                           46
Br�enberg , Bartholom� ,                        g
299
Bronkhorft, ( Bronccrft )    � Eckhout, ( �cout) G,r-
Jeanvan 72        brantvandm 3^
Bylert, (B.l'rt) Jean, 77   �gmont _ ('A-^mJt }
                         Juflevan, 71
Elger , ( Elgu'r ) Ottomar,
CHampagne , Philip-    Emelr?et/(Em'lra't.) 197
dc vd», ^                      Everdineen^ (Everdingu'n)
v>hatel, Ftuticois du 5 37^        /°'
Coning , 5-ifoiiw«, M9    EveXgen', (Everdingu'n°)
Coques , ( Coqu s ) Gouw-        ^/forf ViJ�',
r*P ,r*ir ^ r          Everdyck, (Everdic)
Cofliers , (Coffirs) �«» ,        , ' 'v �O
Craesb�ke , ( Cra'sb�que )    Eyck' ^^ GasPard van>
Joseph van 138    fc (� } ^^^ ^59
Creeten , (Cr�tn) CAar-   4 ' ' v ' ■* ^'
les> 365    Eyckens, (Eyqu'ns) Jtan
j)                            & Frangois, 365
Eyckens, (Eyqu'ns) Pierre,
Iepenb�ke , (Dip'nb�-                                           3 S
que ) Abraham van ,                        F
IIO    T-l
Deynum, (Daynum) Jca/z-    Jf Aes , ( Fa's ) Pierre
Baptijle van, 297       vander, 011 , Lefy 356
Does , ( Dous ) Jacques    Flemael , ( Flema'1 )' Bar-
vander, 333        tholet, 226
Doudyns (Doudins) Guil-    Flinck , (Flinc ) Govaert,
laume, 434                                         246
Douw , ( Dou ) G�rard ,    Fouchier , Bemand, 142
216    Franck , ( Franc ) Jean-
Drillenburg (Dril'nburg )        Baptijle, 47
Guillaume van , 377    Frangois, Pierre, 81
Duiven , ( Duv'n ) Jean ,    Fruitiers , ( Fruti'rs ) Phi-
193       lippes, 360
Dyck, (Dayc) Antoine   Fyt, (Fayt) Jean, 35a
van t                              8
Gabron
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T A B L E.
Hoogftad , (Oigftat) Gut-
G                           rardvan,                   367
GHocgft'-�.eten , (OigftraYn)
Abron , Guillaume , Jean van,
                  407
368 Hoi�, (Orft) Nicolas van-
Gentil , Louis primo, fur- der,
                              30
nomm�,                        8 a                         »
Goebouw, (Goubau) An-
6 |
r j r r- � >    */ Arobs, (Jacopsj furnom-
Gouedaert , ( Gonom)    "^.Grtoini, J 36
VT/ G' ) BdJaCobs > ( JaCO0 A*
G
Grauw, ( Grau ) ffwtj! Janflens' (J^'ns) ^
Grebber, (Grebb'r) PiJr,! J*fens' (Janfs'ns
Jong , ( Yong ) Ludolf de,
H                                                        154
Jorc'nens, ( Jorda'ns ) Jac-
Anneman, fAnneman)    T f"'* . T ,, T r
^t�n, 186    Jordaens, (Jprda'ns)/M«,
Heek , (Ec) Jean van .                                      25'
, 3.85                      X
Heem , ( �m ) Jean David,    -r-r
de, * 37    JS. Abel , (Cab'1) ^t�/z
Heil , ( Ayl ) Daniel van,       vander, 439
78    Kager, (Csgu'r) Ma.tth.ieu,
Heil , ( Ayl ) Jtan-Baptifte                                          31
van, ijo    Kalf, ( Calf) Guillaume,
Helmlm'ktr , ( Elmbr�qu'r )                                       4 \ 1
Th�odort, �)j    Keffel , ( Quefi'1 ) Jean
Helft , ( Eifl) Banholom�        van, 381
vander, 195    Knufer , ( Cnuf'r) Nicolas ,
Hoeck , (,Ouc ) /««! "<3/z,                                         73
*9    Koogen , ( roigu'n ) ifo-
Hoeck, ( Ouc ) Roten van ,        natd vander , 179
150   Kauwci burg, (Cau'nberg),
Hofman, (Ofman) Samuel,        Chreflien van, 7&
29    Kuyp , ( C�p ) Jlbtrt ,
Hoogfttaeten , (Qigfti.a't'i )                                    ' 7-9
Samuel van, 383
Laar,
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T A B L E.
L                      Miei, Jean Meel (M�l),
L32
Aar , ( La'r ) Reduit Monnix,
              ,.99
van                             180 Moucheron, Fr�dmc, 478
Laar ,' ( La'r ) Pierre de, Murant, Emmanuel, 328
OU Bamboclie,             205
Langhenjan, (Langii'n�ant)                        -W
Jean van Bockhorft , "jk t
( Bocorft ) furnomm� , i\Edeck, (Nedec) P'ier-
7             , ^
Lely, Pierre vander Faes ,    N�ve, Francais de, 361
(Fa's) surnomm�, 256
Langel�, ( Lenguel�) Afar-                        O
H/z, 188    y^v
Lieyens , ( Liv'ns ) Jean ,    \^J Oft , ( Oift ) Jacques
372        van, _ 51
Lint, Pierre van, 143    Oflberwyc , ( Oift'rou�c )
Loon , ( Loin ) Th�odore        Marie van, 427
van, 426    Offenb�eck , (Ofs'nbe'c) N.
Loyer , ( Loy'r ) Nicolas,                                         287
368    Oftade , Adrien van, 173
Luyks , (L�cs) iV. 304    Ovens, ( Ov'ns ) Jurien,
Lys, (Lays) Jean vander,                                         279
61                        P
m
MXAuluz , ( Paulus) Za-
Aes, (Ma's) Arnoidd       char'u, 41
van, 281    Paudits, 2^9
Maes , (Ma's) Nicolas,    Peters, Bonaventure, 225
463    Pierson , (Pirflbn) Chriflophe,
Man, Cornille de, 324                                         459
Marcellis , OMo , 203    Pieters , ( Pi'ters ) Jean ,
Meel, (M�l) Jean Miei,                                         348
ou, 32    Pot, Henry, 4$
Meerkerck , ( Meirqu'rc )    Potma , Jacques , 151
Thierry, 282    Potter,(Pott'r) Paul, 351
Meert, ( Meirt ) Pierre,    Primo, Louis, 82
260    Pynakcr, (Pinaqu'r) Adam,
Metzu, Gabriel, 239                                         317
M�yffens , ( Meyfs'ns )
Jean t 196
Quellyn,
-ocr page 325-
T A B L E,
Q                        Sibrechts, ( Sibregts ) Jean,
\^ Uellyn , ( Cuelain )    Son , Georges van , 3 -28
�mfme, 108    Spierings , ( Spirings) N.
Que^yn, (Cuelain) Jean-                                         470
Erafme, 420    Sp'lberg, Jean, 171
Sprong, Guerard,           41
R                        Stcenr�e, (St�nr�e) Guil-
Rlaume,                          47
Avefteyn , ( Raveftin )    Steven , ( St�v'rs ) Pnla-
Arnoldvan, 2:7        medes, 118
Rembrant, van Ryn , 84    Stokade, (Stocade ) Nico-
Reyn , (Rein) Jean de,        las de Helt, 21 r
189    Streeck , ( Srec ) Juriaen
Roeftraeten, (Rouftrat'n)        van, "" 467
2V. 3V2    Suftermans , (Suft'rmans)
Roos, ( Roi's ) Jean Hen-        J�fte, 44
ry, 4X7    Swanevelt , ( Souanevelt )
Roz�e , (Rof�) Mademoi-        Herman, 196
felle,                          4^'i
Ry , ( Rei) Pierre Dankerts
de, 79                        T
Ryckaert , (Reicart) Da-    rr-.
vid, 237      J Empel, (T'mp'1) Abra-
Ryfen , (Reis'n) Warnard       ham vanden, 266
van , 46    Teniers , ( Tenirs ) David
U jeune,                       ij;j
■*                        Terbnrg, G�rard, 123
SThielen , ( Til'n ) Jean-
Andrart, Joacliim, 101        PJiilippes van, 269
Savoyen , ( Savoy'n ) Char-    Thomas , Jean , if>9
les van, 277    Thulden , (Tuld'n) Th�odore
Schagen , (S gagu'n) Gil-        van, 112
les, 252    Thys , ( Tys ) Gysbreclit,
Schellirks , ( S'guellincs )                                         i(rf
Gu�laume, 462    Tilborgh, (Tilborg) Gilles
Schentk, (S'guenc) Simon-        van, 375
Pierre T'llenians , 69    Tillemans , Simon-Pierre ,
Schuur, (S'g�r) Th�odore,                                           69
vander, 400    Tombe, N-la , 350
Schuurmans , (S"gurmans)    Tyffens, (Tayfs'ns) Pierre,
jinne-Marie, 119                                         363
VaiUant,
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T A B L �.
Wieringeti, ( Ouiringu'n )
V
                         Cornille,                     4?
V ....                                 Willaerts, (Ouillarrs) Abra-
* Aillam , lVallerant , ham,
                        112
_. ...         _                 3 3°   W�lingen ( Ouil�ngu'n )
Vailant, Jean,            380 Pierre vander,            114
Vaiant.AmW, 386   Withoos, ( Ouitois ) Mat-
Vaillant, Jacques , 405 th'ieu ,
                       388
Vaillant ,Andri\         424   Witte , ( Ouitte ) Emanue l
Vecq, Jacquts la,        378 </« ,                          Io?
Velde, Gullaume vande ,   Witte,( Owtte) Pierre de
Velde , Gudlaume vanden , Witte , ( Ouitte ) Gaspard
182 <fe ,                           or(5
Verdoel, (Verdoul) Adrien, Wolfarts, ( Ouolfarts ) Ar-
298       lus ,                          0(5,
Verfchuuring , ( Vers'gu- Worft, ( Ouorft ) Jean,
ring )�/«�,
             394                                        ^
Vertangen , ( \ ertangn'n ) Wouters, ( Ouout'rs) F««-
Danul,
                      2l} co}s>
Verwilt, C Verouilt)�■««-    Wouwermans, ( OuauV-
v f�"' . a8       mans ) Philippes, 286
V inne , Vincent vander ,    Wouwermans, ( Ouaa'r-
v n , 4>7       mans ) Pierre, 2OZ
Vos.P^/^, 43    Wouwermans, (Ouau'r-
yos, Simon de, 7?       mans) Jean, 291
Wulfliagen , ( Ouulfagu'n )
UU                         Francois, 2?g
., �                       Wyck, (Ouic) Thomas,
J-.it , Jacques vander ,                                      2,.
Utrecht, ^</rifra V<W2 ^ 3I ry
*~ Acht - L�ven , ( S'aet-
^rr           1V                        l�v'n) Herman,         146
\VA . /rt              Zaftl�ven , ( S'aftleVn )
V* Aterloo, (Ouat'rloi) Cornille,                    ,�,
Antome,                   26o Zcghers , ( S�gu'rs ) Hercu-
Weeninx , ( Ou�nincs ) les,                          ,f7
Jean-Baptisu ,           3 60 Zorg, (Sorg') Jfcmy J?^� \
322
Fin de la Table du second Tome.
Tem IV.
                                   X              TABLE
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TA B L E
DU TOME TROISIEME.
A                       Broek , ( Brouc ) El'ie vatl'
Aden,                           vj%
Ppelman , (App'lman)    Bronkhorft, ( Broncorft )
Adrien, lo�       Jean, 239
Bruyn , ( Bruin ) Corn�le
B                           di, 297
BBunnick , ( Bunic ) Jean
Acker, (Baqu'r) Adricn,        van, 313
151                         C
Backer ( Baqu'r ) AT. de ,    s^
214    VjAI , Je.m van, 317
Beeklemaecksr , ( BcUejna-    Can� , ( Quai� ) Francois
qu'r) Jean, 32       van, 31
Begyn)( Beguin ) Abraham,    Carru , ( Quar� ) Hmry ,
291                                        360
Bent, Jean vander, 2.64    Carr�, ( Quar� ) Michel,
Bcrckheyden , ( Bcrceid'n )                                        ^65
Job & Guerard, 15}    Champagne, Jean-Baptiste ,
Biskop ou Biffchop, ( Bil-                                        161
cop ) Jeandt, i84    Cleef, ( Cl�f ) Jean van ,
Blekers , ( Bl�qu'rs ) A'.                                        191
7    Colyns, (Colins) David,
Block , ( Bloc ; Joanne         ' 283
Koerten, 173    Coninck, ( Coninc ) David
Bloemen, (Bloum'n ) Jean-       de , 37
Francois van , 7 f8                       D
Bloemen, (Bloum'n ) Pierre,    ipv
van, 39    L/Alcns ( DaPns ) Thier-
Botscbilt, (Bctfgu�t) Sa         ry , 397
muel, 98    Danks, ( Dancs ) Francois ,
Brakenburg, ( Brsqu'nbura; )                                        282
Reinier, 2^3    D�lcn , ( P�l'n ) Thierry
^riz�, CurniUei 7       van, 23
Penys,
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,                              T A B L E;
*>enys, ( Den�s ) Jacques, Glauber, Jean ,              ify
U n ,r                 2l° Glauber , Jean Gotlieb,
Deyfter, ( Dayft'r ) Louis                                   �j
r»"' , r^ x             3-6 Griffier, ( Grifir) Jean ,
Does , ( Dous ) Simon van-
35*
der,                           304
D°es , ( Dous ) Jacques
vander,                        3,<5
Douven , ( Douv'n ) Jean-
Dullaert, (Dullart)«y-
i7j
Hakken,(Aqu'rt )
Haring, ( Aring)
34
Heus , ( Eus) Guillaume de >
7*
Heus , ( Eus ) Jacques de »
3 66
Heufch , ( Eufg ) Abraham
de,                           27a
Heydcn , ( Eyd'n ) Jean
vander,                         48
Heyden , ( Eyd'n ) Francois-
Pierre ver,                   364
Hoet , ( Out ) Guerard t
232
Holfteyn , ( Olffin ) Cornil-
le,
                            303
Hondekoeter, (Onclecout'r)
Melchior,
                    44
Hondius, ( Ondius ) Abra-
ham ,
                        a8o
Hooge , ( Oigue ) Pierre
de, 162
H�ogfaet, (Oigfa't) Jean y
31a
Hugtenburg, ( Ugtenburg )
jean van ,-                 196
X a           Huyfliin,
JLLEckhoute ( Ecoute )
Antoine vanden, 345
Elias , Matthieu ,
            377
Eyckens, ( Eyqu'ns ) Pierre
Ie Vieux,                   286
F
Ehling, (F�ling), Henry-
Christopke,                311
Freres, ( Frerais ) Th�odore,
149
Frits, Pierre,
                  23
G
Aal, Bernard,         284
Gelder, ( Gueld'r)  Arnout
de,                           ijii
Genoels, ( Jenouls )  Abra-
ham,                          92
Oillig, (Guil�g)           42
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T A B l �.
Huysum , ( Usum ) Jufie Madderfteg , ( Maderfteg )
van,                           39S Mie lul,                       398
Huift, (Ulfl) Pierre vander, Marienhof , ( Mari'nof )
295                                          265
Huysmans, (Ufmans ) Cor- Meer, (Meir) Jean van-
mik,
                           241 der,                             i(>j
J
Mertan , Marie - Siby�e ,
J200
Ardin, Car/e du, m Meulen, (Mwl'n) Antoi-
Ingen , ( Ingu'ji ) Guillau- ne-Frangois vander , 1
me van,
                      276 Meyer, ( Mey'r ) F�lix,
307
Jl
                        Meyring, Alben,          179
KMierhop , ( Mirop ) Fran*
Alraat, ( Calra't ) Abra- fois van Cuyck de, 11 ^
ham van ,
                    147 Mieris , ( Mi'ris ) Francois
Kalraat, ( Calra't ) Bernard ym ,                             13
van,                           268 Mignon, Abraham,         52
Kic, (Quic) Cormlic, 6 Mil�, Frandfquc ,         169
Kloofterman , ( Cloift'nnan) Minderhout , ( Mind'rout)
N.
                            3«(i                                        5^
Kneller , ( Cnell'r ) Gode- Molyn , ( Molin ) Pierre ,
froy,
                           225                                          148
Koene , ( Coune ) Ifaac , Moor, ( Moir ) Charles de,
284
                                          318
Koets, ( Couts ) Roelof, Moortel, ( Moirt'1) Jean ,
326
                                          191
Koning, (Coning) Jacques , Muffcher, ( Mufgu'r ) Mi-
262. ehel van,                     181
Meytens , ( Mayt'ns ) Da-
L                              niel,                              35
J-jAfresse, G�rard, 101                          iV
Leeuw , ( L�ou ) Pierre
t lander\- , t vi '68 NEck , ( Nee ) Jean
Lubienetski, ( Lubienets- yan
                                ^
qui) Tl�odorc et Chrlflo- Neer/(N�er) E�on van-
Ph<>
           M               305 de/,                              .133
Nes, /«iin van,               22
MNetfcher , ( Netfgu'r ) Gaf-
Ac», (Ma's) FAwr- PW,
                         
ry,                           362 Neveu, Matthieu, --05
Notell,
-ocr page 330-
T A B  L E.
Nollet, Dominique, 90                         '
O                      Schalcken, ( Sgalqu'n )
Godefroy,                    139
Ooft , (Oift ) Jaeguei   Schendel, (Sguend'1) Ber-
CMey', ( Orlay ) Rkhard   Schoonjans , ( S'goinians )
i ,m       Antoine, 288
V<J/Z' 3        Slingelandt, ( Slinguelant )
Pierrt van,                    98
'                          Spalthof, (Spaltof). 42
PStarenberg , ( Star'nberg )
Au�n, Horact , 151        Jean, 271
Peuteman , N. 284    Steen , ( St�'n ) Jean, 26
Piemont, Nicolas , 401    Steenwyck , ( St�'nouic )
Pieters, (Pit'rs) N. 220        {f, 109»
Plas, Davidvander, 213    Storck, (Store) Abraham,
Poorter, (Poirt'r ) 42                                      a8i
Poft, Francois , 8    Stuven , ( Stuv'n ) Ernejl,
372
R                        Syder , ( Cid'r ) Dan'ul,
Jt\ Euven , ( Reuv'n )                         f
Pierre,                        266
Rietfchof, (Ritfgof) Jean,    ^Erl�e, (Terl�') 41
o r x> \ t i9      Terweften , ( Teroueft'n )
Roer ( Rour ) Jacquet                 -
t, ; « � > t, � � *3    Terwc�en , ( Teroueft'n )
Roos, ( Rois ) Theodore,        �lie ^ ^
Torenvliet } fafart )
Roos, (Rois) AT. 4^0        Jac1ues> '"
Ruyfdael, ( Ruifda'l) Jac-
ques, 9                         *
Ruyfdael, ( Ruifda'l ) Sak-    -r-r
mon, 11     V Al , Robtrt du, 17»
Ryckx , ( Rics ) Nicolas ,    Veen, ( V�'n ) Roch van ,
60                                     269
Rysbraeck , ( Risbrac )    Velde , Adiien vanden ,
Pierre, 374                                            7 ft
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T A  B L E.
Verbuis, (Verb�s) Arnould,        Jean, 50?
186    Voftermans, ( Voft'rmans j
Verendael, ( V�r'ndal) N.        Jean, 157
799                       W
Verheyden , ( Verayd'n )    -yxr/
Franfois-Pierre, 364     \V Ithoos , ( Ouitois )
Verkolie, (Vercoliai) Jean,        Jean, 302
259    Withoos, (Ouitois) Pier-
Vernertam , ( Vern'rtam )       re, 31$
Frangou, 376    Withoos, ( Ouitois ) Fran-
Vtrfthuuring, (Verf'guring)        cois, 375
Gu'Uaume , 368    Wolf, ( Ouolf) Jacqu.es,
Viffcher, (Vis'gu'r) Theo-        de, i7i
dore , a9o    Wulfraat, (Ouulfra't) Mat-
Voys, Aride, 118       th'uu, 217
Votlevens , ( Vollev'ns )    Wyck, ( Ouic ) Jean, 118
Jean , 151    Wytman, (Ouitman ) JWa-
Voorhout , ( Voirout )        thitu, 164
Fin de Ja Table du troisi�me Tome,