LA VIE
P E I NTR E S
FLAMANDS,
ALLEMANDS ET HOLLANDOIS,
AVEC DES P0RTRA1TS
Gravés en Taille-douce, une indication de leurs
principaux Ouvrages, & des Réflexions fur
leurs difFérentes manieres.
Par Mr. ƒ. fi. DESCAMPS ,Pelntre da Rol, Membre
de l'Acadéitiie Royale de Peinture & de Sculpture , de f Académie Impériale Francifcienne , de celk des Sciences, Belles-Lettres & Arts de Rouen, & Profejfeur de PEcolt du Dejfeln de la mérne Vitte. T O M E QUATRIEME.
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A P A R ! S ,
C DisAiNT& Saillant.rue de S. Jean de Beauvais. Chei' PissoT,Quai de Conty. |
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Du rand Ie Neven , me S- Jacques
de la rue du Platre. |
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au coin
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M. D C C. LXIV,
AVEC APPROBATtON ET PRIVILEGE DU R01 |
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AVERTISSEMENT,
A n s ce quatrieme & dernier
| Tome j'effaye de faciliter aux Francois la prononciation des
noms propres des Artiftes dont il eft fait mention dans eet Ouvrage. Pour y parvenir je mets en cara£tere romain les noms comme les Peintres les écri- voient fur leurs Tableaux ou fur leurs Deffeins, & entre deux parenthefes ces mots tels qu'il faut les prononcer. L'E en Flamand eft toujours muet, &
a peine fenfible; j'ai fupprimé eet E, oü il eft très-muet, en fubftituant a ia place L'apoftrophe. Exemple, Vander} prononcez |
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vj AFERTISSEMENT.
(Vand'r)» Vanden, prononcez (Vand'n)
Rubcns} prononcez (Rub'ns.) De deux E enfemble on n'en prononcc
q u'un, mais ferme; ainfi Beeldemaecker, prononcez ( Béldemaqu'r.) La diphthongue OE eft OU, comme
dans Bloemen, prononcez (Bloum'n.) Le G a paru rude aux Flamands, ils
1'adouciffent en difant GUE; ainfi dans Elliger, prononcez (Elligu'r.) Le K eft comme le C, fans cédille
devant les voyelles A, O, U, ou com- me le QU. Exemples, Kakker, pronon- cez ( Calqu'r ) ; Kaynot , prononcez ( Quaynot. ) Le W eft OU, ainfi TVaffer, pronon-
cez ( Ouaff'r.) L'Y a le fon comme dans Paye ou dans
Taye. L'H eft inutile dans la methode que
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JFERTISSEMENT. vi)
j'indique ; dans Hal, prononce^ (Al.)
J'ai place a la fuite de la Table de ce Volume celles des Volumes précédens, oü les noms font écrits felon ma methode, & places entre deux parenthefes. Avant deux ans je donnerai au Public
Ie Voyage Pittorefque des principales Villes de Flandre & du Brabant; je ferai connoitre les Ouvrages de Peinture, de Sculpture & d'Archite£lure; j'y joindrai quelques réflexionsj j'indiquerai les Cabi- nets, fans m'arrêter aux détails, que je réferve pour les Edifices publics, dont les richefles de ce genre font rarement dé- placées; il y aura des planches quand il faudra donner une idee plus fenfible dts chofes. J'ai commencé eet Ouvrage particulier
en écrivant la vie des Peintres; mais je ne compte Ie faire paroitre qu'après m'être |
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vüj AVERTISSEMENT.
afluré de nouveau fur les lieux de certains
faits, pour ne pas induire en aucune er* reur ceux qui voudront bien prcndre mon Livre pour guide. |
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ARNOLD
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A R N O LD
HOUBRAKEN,
ÉLEVE DE SAMUEL
H 00 G-S TRAE TEN. OUBRAKENj bon Peintre &"
Hiftorien exadt, naquit a Dort < !e 28 Mars 1660, d'une familie aifée, qui lui fit faire des études convenables jufqu'a ce qu'il mar- quat une prédiledtion particu- liere pour la Peinture. Guillaume Drillenburg fut fon premier Maitre ; Jacques Lavecq fon fecond , mais la mort Ie lui enleva au bout de Tome iVk A neuf
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La Vie des Peintres
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1660. g$
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1'Ecole, & il furpafla (es Camarades. En état de fe perfe&ionner d'après la nature, il quitta fon Maitre : ce fut dans fa ville natale qu'il fit 1'eflai de fes talens; on y voit encore les Por- traits qu'il y fit pour les principales families: il efl: fingulier, fur-tout, de voir comment il a traite & bien réufli dans Ie Tableau qu'il a fait pour la Monnoie; tous les Officiers de ce temps y font repréfentés : des Tableaux d'hif- toire , & d'autres pour orner les fallons Sc les appartemens lui réuflïrent: également. Un ama- teur, M. Witfeti) prit tant de plaifir dans deux petits Tableaux qa Houbraken venoitdelui faire, qu'il mit tont en oeuvre pour 1'attirer a Amfterdam» Notre Peintre » qui avoit époufé la rille de Jacques Sasbout, Lithotomifte habile ,& quï eutd'elle une familie nombreufe, crut Amfter- dam plus propre que Dort a 1'éducation & a 1'établiffement de fes enfans. CechangetnentdeVilleluifutd'unavantagecon-
fidérable, malgré lamort de fon Mécene Wilfen; Houbraken n étoit point encore connu, mais les Libraires qui commencerent a 1'employer, enrichirent la Typographie d'un nombre de jo- lk.s Vignettes de fa compofition : un Hiftorio- graphe Anglois lui fit des offres confidérables pour aller en Angleterre & y deffiner les Por- traits des grands Hommes de cette Nation. Houbraken y fut, paffa neuf mois a former cette belle colleftion, & a fon retour en Hol- lande , 1'Auteur Anglois Ie regut avec la plus grande fatisfa&ion ; mais ea même-tcmps il Ie trompa
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Flamands, Allemands & Hollandois. S
trompa, en quittant furtivement Ie Pays, fans
payer fes dettes ; Ie tort qu'il fit a notre Artifte, en ne Ie payant pas plus que fes autres Créan- ciers,nele rebuta point. Houbraken fe mit a peindre des Tableaux, tous fujets d'Hifloire, qui mirent ce Peintre a portee de Faire con- noitre fes talens : il peignit pour M. van Hems- kerk , a la Haye , THiftoire d'Orefte & de Pilade , Ie Sacriiice d'Iphigénie , la Continence de Scipion , &c. Vers ce temps, les Artiftes & les Amateurs
1'engagerent a écrire la Vie des Peintres. Ani- mé par la confiance de fes Confrères , il fit des recherches , & il fut fecondé par les talens de fon fils , Graveur habile, qui grava tous les Portraits. Ainfi Houbraken partagea fon temps entre 1'Art de Peindre & celui d'Ecrire ; ce travail lui fera toujours honneur ; fi la mort ne 1'avoit furpris , il auroit angmenté fon Ou* yrage , qui eft quelquefois trop peu étendu : il ne vit paroitre de fon vivant que deux Vo- lumes ; Ie troifieme parut après fa mort, qui arriva Ie 14 Oftobre 1719. Il laiffa fa veuve avec plufieurs enfans , parmi lefquels on ditrin- gue Jacgues Houbraken, Graveur de Portrait, habile, encore vivant. Houbraken Ie pere defïinoit affez bien ; fes
compofitions font dun homme d'efprit; il étoit très-inftruit, & un des bons Poëtes de fon temps; fon pinceau eft délicat, fa couleur un peu ou- trée, tantöt trop rouge, & en général peu vraie ; fes draperies font pliées avec nobleffe. Peut-être une trop grande qnantité d'étoffes Yariées de tons, empêche de trouver, dans quel- A1 ques-
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4 La T'ie des Pcintres
uns de fes Tableaux , Ie repos qu'on remar-
r que dans la plupart de fes Ouvrages: il étoit riche dans fes fonds : Un bon gout d'Archi- tecture montre qu'il ("cavoit les loix du Coftume dans cette partie , ainfi que dans les ajuftemens de fes rlgures ; fes Ouvrages de Littératiire font affez répandus pour en laiffer juger Ie Public. Nous avons parlé de fa Vie des Peintres dans 1'Avertiffement de notre premier Volume. Son Ouvrage nous a beaucoup fervi: ce fut d'ailleurs un honnête homme , dont les moeurs ont été louées par ceux qui ont été a portee de Ie con- noitre & de lire fes écrits. Le feul Tableau, que nous connoiffons de
ce Peintre en France , fe voyoit a Paris dans le cabinet de feu M. le Cotnte de Vence , il repréfente le Sacrifice d'Iphigénie. |
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BODEKKER,
ÈLEVE DE JEAN DE BAËN.
BOdekKER naquit en ï66o, dans le pays
de Cleves ; fils d'un Muficicn célebre, qui avoit fait long-temps les plaifirs de la Cour de Berlin , il devint Muficien lui-mcme, mais fes talens pour la Mufique ne furent pour lui qü'im amui'ement, il s'occupa de la Peinture. Il fut heureufement inftruit dans la bonne Ecole de Jean de Baën, a la Haye, Si il ne la quitta que lorfque le Maïtre le jugea en état de fe pro- curer , par fes Portraits, une fortune & un nom
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Flamands, Allemands & Hollandois. 5
nom. Il pafla par Bois-le-Duc & Breda, oü il fut fort employé ; fes Portraits lui procurerent de grandes prote&ions ; il revint a la Haye oü il eut des perfonnes de confidération a peindre ; il fut enfin appellé a Amfterdam, oü il fe fixa: il fit cependant quelques voyages dans Ie Nord de la Hollande ; la mort 1'enleva a 1'age de foixante-dix ans, en 1727. Il fut inluuné a Amfterdam : il laiffa , par fes Ouvrages , la réputation d'un bon Peintre de Portrait. |
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JACQUES VANDER SLUIS,
ÈLEFE DE SLINGELANDT.
LA ville de Leydén reclame ce Peintre
agréable , qui naquit en 1660. Il fut élevé dans 1'Höpital des Orphelins , oü il fe diftin- gua dans les exercices d'inftruöions. Il fcut captiver Tamitié des Adminiflrateurs par la douceur de fes moeurs; il fit connoitre de bon- ne heure fon génie & fon goiit pour Ie Def- fein. Il eut pour premier Maitre Ari de Voys, &
enfuite Pierre van Slingelandt. Il copia d'abord très-bien ce Maitre , & finit par compofer de fon propre génie. La maniere de Slingelandt lui eft reilée ; fes Tableaux font encore plai- lir : ce font des fujets de mode, mais agréa- bles , des AfTemblées , des Jeux & des Feftins : la joie eft peinte dans fes figures, fon finij eft féduifant, mais fon deffein eft fans finefle; il A 3 y
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6 La Vie des Peintres, &c.
y a de l'harmonie dans fes Ouvrages. On les
aime, parce qu'ils font piquans. 11 a toujours vé- cu dans fa Ville natale, oü il eft mort en 1736. Nous n'avons aucune connoiflance des produc- tions de ce Maitre : c'eft d'aprcs de bons Ar- tiftes que nous avons fait eet éloge & cette petite critique. |
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JEAN FILIUS^
ÉLEVE DE SLINGELANDT.
VOiCl encore un Éleve de Slïngdandt;
Jean Films, né a Bois-le-Duc , a imité fon Maitre dans Ie beau hni de fes Ouvrages. La rnême couleur, un aflez bon gout de deflein font encore rechercher fes Tableaux. Il choi- fiffoit bien (es fujets; des Affemblées & des momens pns dans la vie privée , font les mode- les qu'il a bien imités : nous ne connoiffons point fes Ouvrages, ni en quelle année il eft mort. |
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BONAVENTURE
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BONAVENTURE
VAN OVERBEEK.
ONAVENTURE VAN OVERBEEK
naquit a Amfterdam en 1660, I de parens riches, qui 1'éleverent d'une facon convenable a leur j fortune ; il fe diftingua au Col- lége , & déja très^avancé dans les Langues , il quitta tout pour la Peinture: fon Maitre eft inconnu; on foup^onne que ce fut LaireJJe. Quoi qu'il en foit, Overbéek alla a Rome, oü il s'appliqua avec tant d'ardeur, qu'il fut regarde comme un des premiers ; fa grande faqilité lui laiffa Ie loifir de s'amufer: A4 il
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1660.
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8 La Vie dei Pemtres
"TT ' il aimoit Ie plaiiir, maïs fans ie négliger. La
3 Bande académique Ie nomma Romulus. Overbéek deffina tout ce qui pouvoit être
vu dans cette grande Ville : il acheta les pla- tres moulés fur les Antiques, & ceux que les habiles Sculpteurs avoient copiés. Non content des Deffeins qu'il avoit faits, il fe procura ceux des aurres a prix d'argent; c'étoit une colle&ion très-complette, & peut-être la plus nombreufe qu'aucun Artifte ait apportée d'Italie. A ion arri- vée en Hollande, tous les Amateurs Ie vifite- rent, & fur-tout fes Confrères. Lairejje, éton- né de voir tant de richeffes, fut li fatisfait de tout ce qu'il avoit vu, qu'il offnt fa maifon & fa table a notre Romulus ; Ie mêmc penchant pour Ie plaifir contribua auffi a les unir li étroi- tement. Lairejje étudia les DefTeins d'après les model-es antiques , fa maniere en devint encore plus fcavante ; fes deffeins , fes compofitions & fes tableaux étoient des preuves du gout que produit 1'étude de 1'Antique. Overbéek aimoit Ie plaifir , mais il aimoit
aufli fon Art ; ces deux goüts fe combattoient quelquefois & cédoient tour-a tour 1'un a 1'au- tre : étoit-il las du plaifir ? 1'étude repreaoit fes droits. Ce fut dans un de ces heureux momens que, réfléchiffant férieufement fur les dangers que couroient (es talens, il s'arracha de la com- pagnie du dangereux Lairejje , & qu'il partit pour Rome, dans la ferme réfolution de renoncer a la débauche; heureux s'il eüt pii s'y foutenir! Il mena avec lui un Peintre nommé Trooft, qui peignoit bien a gouaffe, peur 1'aider a cbpier Cxaöeraent des ruines & d'autres reftes de 1'an- cienne
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Flamands , Allemands & H'ollandois. 9
cienne Rome. Ce Troojt périt dans ie Tibre en
fe baignant. C'étoit une perte pour notre Artifte , parce
que ce fecours lui étoit néceffaire pour lé but qu'il s'étoit propofé; mais la fagefie ne man- qua pas de 1'ennuyer: la crapule reprit Ie deffus, & les exces Ie mirent prefque au tombcau; en étant heureufcment réchappé, il Ie remit de nouveau au travail. Cet Artifte pouvoit être deux jours a ie réjouir ; il pouvoit auffi paffer trois 011 quatre jours & quatre nuits de fuite a fa profeffion. Après quatre ans de féjour dans Rome, il retourna en Hollande ; il.prit avec lui pour compagnon de voyage Ckriftophe Le Blon, Peintre en mignature , qu'il défraya. Après avoir paffe quelque temps chcz lui,
il retourna pour la troifieme fois a Rome , pour y recueillir ce qui lui parut manquer a fa col- leftion : ce voyage dura encore deux ans. Tout étoit fingulier dans fa conduite ; lorfqu'il partoit pour Rome, il mettoit fes efïets, meu- bles & bijoux, &c. dans des coffres, qu'il dé- pofoit dans 1'endroit oü 1'on prête fur gages; il diloit qu'il n'agiffoit ainfi que pour ne point payer de loyer de maifon : il fe faifoit auffi faire un habit qu'il portoit pendant tout le voyage, fans prendre garde s'il étoit déchiré, taché, 011 même hors d'état d'être mis; on le connoiffoit fur ce ton la ; il paroiffoit peu inquiet de la raillerie. Notre Obfervateur retourna avec fon Recueil
complet : il choifit la Haye pour fa demeure ; il aimoit tant fon Art, qu'il deffinoit a 1'Aca- démie d'après le modele, très-fouvent pour inf- pirer
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ïd La Vie des Peintres
pirer a la Jeunefle Ie bon gout qu'il avoit ac-
quis en Italië; il fut d'abord recu Membre dans cette Socictédèsl'année 1685. LaHaye lui parut un féjour trop propre a Ie diftraire ; il étoit trop foible auffi pour' réfifter aux occafions. Il loua une chambre a Scheveninge ; pour y monter il n'y avoit qu'un marche-pied , qu'il tiroit après lui lorfqu'il ne vouloit pas être diflrait. Il vé- cut ainfi quelque temps dans 1'excès de la dé- bauche & du travail. Enfin, après avoir écrit fonLivre, fait graver & retouche lui-même les planches, il fut a Amfterdam pour faire impri- mer, lorfqu'une maladie d'épuifement Ie rédui- fit a 1'extrémité a la fleur de fon age; les Mé- decins, dans une confultation, après avoir exa- miné Ie Malade, fondoient leur efpérance fur fon age ; il leur dit en riant : Meflieurs, ne comptc\pas fur mes quarante-Jïx ans, il faut doubler, /'ai vécujour & nuk. Il demanda fon Neveu Michel van Overbéek & fon Héritier, & lui dit de faire imprimer fon Ouvrage a fes frais, de Ie dédier a la Reine Anne d'Angle- terre , & d'en remettre un Exemplaire a 1'Aca- démie de Peinture de la Haye. Cet Ouvrage fut donné au Public en 1709, en trois Parties, grand in-folio, fous ce Titre: Les Resies de Van- cienne Rome. Notre fingulier Artifle mourut en 1706, a
1'age de quarante lix ans ; il dit des chofes très- plaifantes en mourant. C'efl dommage qu^un homme de ce mérite ait donné dans les exces les plus crapuleux; il avoit une érudition pro- fonde, & 1'efprit Ie plus vif & Ie plus capable d'application; il a peint avec béaucoup de fuc- |
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cès
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JFlamands, Jtllemands & Hollandois. 11
cès rHiftoire: il deffinoit bien : fes Ouvrages 1660.
en Peinture nous font inconnus; on peut juger ■■ , par fon Livre, qiü eft écrit en Fran^is, qu'il pofledoit bien les Langues. |
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JEAN MIERIS,
ÉLEVE DE SON PERE
FRANCOIS MIERIS.
Jean Mieris, fl!s ainé de Fran-
cols Mieris , naquit a Leyden Ie 17 Juin Jóéo. Son nom fut 1'heureux préjugé des ta-* lens qu'il devoit un jour acquérir , 'puifqu'il étoit excité a la fois par la réputation de fon pere, & par les progrès de fon frere Guillau- me Mieris , qui étoit plus jeune que lui; cepen- dant il n'imita ni 1'un ni 1'autre dans leur gen- re , il craignit de n'atteindre ni a la patience de fon pere, ni au fini de fes Ouvrages ; & voyant que fon jeune frere donnoit dans Ie petit, il fe déclara pour Ie grand : fon pere n'en fut pas faché; il Ie laiffa faire; il cher- cha a Ie placer chez quelque Maitre habile; il aimoit LaireJJe & fes Ouvrages, mais il mé- prifoit fes débauches; &, dans la crainte d'ex- pofer fon fils a des exemples dangereux, il fe chargea de fon inflru&ion, en lui mettant de- vant les yeux des modeles qu'il ffut copier, & d'après lefquels il a formé fa belle maniere. Ce jeune Artifle étoit continuellement tour- menté
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i i La P~ie des Peintres
j66o. ment^ de la gravelle et de la pierre : cette
^==m cruelle maladie ne 1'empêcha pas de travailler aliiduement. Les Médecins lui ordonnerent de fe tenir affis Ie moins qu'il pourroit, parce que cette pontion lui étoit contraire. Il fe mit alors dans 1'efprit que les voyages pourroient Ie fou- . lager. Après la mort de fon pere, il paffa en Allemagne, oü il travailla quelque temps; il voulut voir 1'Italie : arrivé a Florence, il y fut par-tout bien recu. Le nom de fon pere, (lont les Ouvrages y étoient connus, lui procure- rent des Amis qui le préfenterent au Grand- Duc ; il fut recu avec amitié, & ce Prince voulut fe 1'attacher. Mie ris, zélé Proteftant, crut être gêne; il refufa cette place , & fut a Rome, oü fon talent étoit déja connu, oü fes Ouvrages enfuite le fïrent rechercher : cepen- dant (on mal augmenta , parce qu'il travailloit avec la même afliduité ; il fut pris fi vivement qu'il mourut a Rome, dans des douleurs très- aignës, le 17 Mars 1690. Ceft dommage que eet Artifte n'ait pu par-
courir une plus longue carrière, il auroit été auffi célébre en grand , que fon pere 1'étoit dans fes petits Üuvrages. On nous vante deux beaux Tableaux de lui, qui étoient dans le Cabinet de M. de la Court, et le Portrait en petit de ce Peintre, par lui-même, chez M. Vander Marck, a Leyden , & le même , de grandeur de nature, chez Francois Mieris le jeune: ces deux Tableaux , d'une maniere bien oppofée , ont fait croire qu'il feroit devenu un très-grand homme, il étoit déja un Maitre habile. ■f
PIERRE
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jillemands & Höllandois.
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PIERRE BRANDEL,
ÈLEFE DE JEAN SCHROETER.
"D Randel naquit a Prague en 1660. A ,,
** 1'age de quinze ans il fut admis a 1'Ecole de Jean Schroeter, Peintre de la Cour, & ~ Infpe&eur de la Galene de Prague; Ie Maitre fe vit furpaffer par fon Eleve, après quatre années d'étude; ce fut peut-être un motif de leur féparation. Un jour 1'Eleve recut ordre de peindre un petit Tableau d'Autel: Schroeter, en entrant vers Ie foir , vit Brandel défoeuvré a la fenêtre; il Ie gronda 3 fans avoir regarde Ie Tableau déja n"ni. Brandel piqué , faifit cette occafion pour Ie quitter; il fe mit a travailler pour fon compte : les Eglifes de Prague & de Breflau furent ornées de fa main; Ie Prince de Ha\fdd lui paya cent ducats pour un Tableau repréfentant Saint Jéróme a demi-corps. Son féjour ordinaire étoit a Prague , il n'en
fortoit que pour placer fes Ouvrages : il fut por- ter un Tableau d'Autel au Monaftere de Jéiflau en Siléfie , & un autre dans 1'Eglife de Mac- dling en Autriche. Ce fut alors qu'il eut occafion de voir ce qu'il y a de beau a Vienne. Sa con- duite finguliere & prodigue Ie fit mourir fi pau- vre a Kuttenberg en 1739 , qu'il fut enterré par charité. On voulut honorer fa mémoire, il fut en-
terré a fainte Barbe. Les Peres Jéfuites & tous les
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La Vie des Peintres
du Monaftere de Sedliz,del'Ordre
deCiteaux, furent a la foite du Corps, & trois eens Freres Mineurs porterent des flambeaux. Cette diftin&ion fait honneur au gout de ce temps : On afl'ure encore que ce Peintre avoit du génie; il confultoit la nature fans la char- ger ; fa couleur eft naturelle, quelquefois fes ombres tirent fur Ie noir : fon pinceau eft large & facile. |
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GASPARD JACQUES
VAN OPSTAL.
VAn Opstal *, natif d'Anvers, eft un bon
Peintre d:Hiftoire, plus connu par fes Ouvrages que par des évenemens particuliers de fa vie; il avoit voyagé en France, mais on ne fcait ni Ie temps qu'il y a demeuré , ni s'il a été plus loin. En 1704, il fut chargé de copier la fameu-
fe defcente de Croix de la Chapelie de la Con- frérie du Mail, dans 1'Eglife de Notte-Dame* a Anvers. Ce chef-d'oeuvre de Rubens, qui confifte en cinq Tableaux, eft rendu avec la li- berté, la touche & la couleur de 1'original: ces copies, faites pour Ie Maréchal de Vilieroy, pafferent en France ; elles nous font inconnnes, mais
* On foupconne Gafpatd , Nereu de GérarH van Opftal ,
Sculpteui. un des dou7.e qui ont commencé rétablilfcmcnt de 1'Acatitmic royale de Fcinturc de Paris, en 164S. |
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Flatnands, Allemands & Hollandois. l5
maïs elles font vantées par tous ceux qui les - ■
loco.
ont vues. «—» Plufieurs Eglifes dans la Flandre furent or- "
nées de fes Tableaux : il réuffit aufll très-bien a peindre Ie Portrait. Les Peintres de fleurs lui firent peindre des Nymphes & des Génies, auxquels ils ajouterent des fleurs & des friiits. Ce Peintre compofoit avec génie, il étoit
affez corrett dans fon deffein, & bon colorifte; peut-être eft-il un de ceux de fon temps qui peignoit avec plus de facilité , & qui avoit encore la touche la plus brillante. Nous ignorons 1'année de fa mort: il a fait
de bons Eleves. Voici deux Tableaux que nous connoiflbns de lui: Dans la Salie de 1'Académie royale de Peinture
d'Anvers, un beau Portrait d'un des Direc- teurs : on Ie croit fon morceau de réception. Et dans l'Eglife Cathédrale de Saint-Omer, les
quatre Peres de l'Eglife , grand & bon Tableau. |
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N. V R O M A N S.
VROMANS, furnommé Ie Peintre de
Serpens, naquit en 1660, mais on ignore en quelle Ville de la Hollande. Nous ne con<* noiffons pas fes Ouvrages , qui ne font intéref-* fans que par une grande vérité, un beau fini & une excellente couleur. Les Tableaux de ce Peintre repréfentent de belles plantes, des ron- ces , des épines qu'il mêloit de Grenouilles, de Souris, de toutes fortes de Chenilles, d'Araignées,
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ï6 La F^ie des Peintres
d'Araignées, de Nids d'Oifeaux, &c. Rierl
de fi défagréable que la nature qu'il imitoit ■, car il faut la choifir , & rien de fi agréable que fes copies qu'on eftimoit beaucoiip de fon temps, & que nous ne connoiffons point. Il paroit que notre Artifte avoit la tête un peu folie: il s'avifa de conftruire une machine pour Voler, & ne manqua pas de fe caffer la jambe au premier effai : il fit plufieurs autres machi- nes de cette efpece, au-lieu de faire de bons Tableaux. On ne fcait point 1'année de fa mort. |
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BONSTANTIN FRANCK.
COnstantin Franck naquit k An-
vers en 1660, originaire d'nne familie connue & diftinguée dans la Peinture. On ne dit rien de fes premières années , on ne nomme pas fon Maitre ; nous fcavons qu'il fut Direc- teur de 1'Académie de Peinture d'Anvers en 1695, ^on ta'ent étoit de peindre des Batail- les : il dcffinoit bien la figure , & fur-tout les Chevaux; mais il n'avoit pas, comme Vander Meiden & Hugtenburgh , ce flou & ce large-, propre a ce genre d'Ouvrages ; Franck étoit quelquefois froid & fee. Le plus beau Tableau de ce Peintre repréfente le Siége de Namur, par Guillaume III, Roi d'Angleterre : la Ville eft dans le lointain , & fur le devant du Ta- bleau fe trouve ce Prince , donnant fes ordres , entouré de plufieurs Officiers Généraux très- resseta-
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Flamands, Allemantls & Hollandois. 17
ïeffembians > tels quOuvverkerk , ringénieur Koehoorn , &c. On voyoit encore 1'Armée des Alliés campée entre la Ville & Ie Roi qui com- mande. Ce Tableau eft plein de mérite , & fuffit pour affurer la gloire de fon Auteur; tous ceux qu'il a faits n'ont ni la couleur de la même vé- rité , ni la même liberté dans la touche, & encore moins la même vigueur. C'eft toujours un Peintre eftimable , dont les Ouvrages ne font ni nombreux, ni communs ; s'étant marie richement, il négligea la Peinture : il en fut puni , car il mourut pauvre. |
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GODEFROY MAÉS,
ÉLEVE DE SON PERE
GODEFROY MAÉS.
GOdefroy MaÉs naquit a Anvers en
1660. Son Pere fut fon Maitre & n'eil pas connu, mais il avoit devant les yeux les Ouvra- ges des meilleurs Artifles qu'il pouvoit copier & étudier dans les Eglifes & dans les Cabinets. Il choifiiïbit dans ces modeles, mais Ie Maitre qui lui en a lé plus appris étoit la nature , par- ce qu'elle feule ne donne point de maniere. On Ie vit peindre plufieurs modeles pour êtrê
exécutés en Tapifferies a Bruxelles. On fait fur- tout un grand éloge des quatre parties du Monde: Compofitions abondantes en figures, bien colo- riées , bien deffinées, & avec des expreffions Tome IV. B vraies;
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i $ La Vie des Peintres
ióócT vraies» on a égalé (es Tableaux aux Ouvra-
■ ges mêmes de Rubens. VAcadémie d'Anvers 1'admit au nombre de fes Membres , fur fon morceau de Réception , que 1'on voit encore dans la grande Salie, il repréfente les Arts li- béraux ; & en 1682, cette Compagnie Ie choifit pour Dire&eur. Ce Peintre fut furchargé de grands Ouvrages
pour les Egtifes , pour les Palais & pour 1'E- tranger ; il avoit une grande vogue , mais bien méritée. Il fit alors Ie Tableau d'Autel pour Ie Corps de Métier des Selliers & des Bourreliers , place dans TEglife de Notre-Dame d'Anvers. Il y a très-bien repréfente Ie Martyre de Sainte Lu- cie. Il eut encore 1'occafion de fe diftinguer 1'an-
née fuivante. Il fit pour Ie Grand-Autel de 1'E- glife paroifllale de Saint Georges, Ie Tableau repréfentant Ie Martyre de ce Saint; belle com- pofition qui foutiendra fon nom. Il a fait beau- coup d'autres grands Ouvrages avec la raême facilité & Ie même mérite : nous ne fcavons, point Ie temps de fa mort. Maés eft un grand Peintre d'Hiftoire, & un
de ceux qui ont Ie plus compofé & Ie plus fait dedeffeins. Mr. van Schorel, Bourgmeftre d'An- vers , en poflede un très-grand nombre , bien compofés , deffinés & touches avec efprit & correttion ; j'en ai fous les yeux du même maitre, qui me font juger qu'il avoit étudié les Ouvrages de Pierre de Cortone , & ceux du PouJJin. Ses têtes font bien coëffées, Ie coftume y eft bien obfervé , fes fonds font enrichis d'Archite&ure ou de Payfages , avec des débris de
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Flamands, Allemands & Hollandois. tg
Aq 1'Antiquité. On ne voitaucune maniere dans ](^~* fon deflein : fes draperies font bien pliées & * toujours fimples. Sa couleur eft excellente, Fair eft fenti dans tous fes Ouvrages; il avoit une touche ferme & trèsfacile, c'eft un des bons Artiftes de TEcole d'Anvers. Il avoit compofé les Fables d'Ovide, que fa Veuve a vendu 800 Florins après fa mort. Il deflinoit au crayon noir, a la mine de plomb , ou a 1'encre de la Chine. |
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FER DINA ND
VAN RESSEL,
ÉLEVE DE SON PERE
J E A N VAN K E S S E L.
■CERDINA.ND VAN KESSEL naquit a Anvers
* en 1660. Eleve d'un Pere habile , dont il a été parlé tom. 2, pag. 381; il employa fon temps comme ceux qui apprennent par gout & non par contrainte. Ses Tableaux, portés par-tont, Ie fi- rentconnoitre de Jean Sobieski, Roi dePologne, qui aima tant fes Ouvrages, qu'il fit conftruire un cabinet expres pour y placer ceux qui étoient faits par lui. Ce Prince donna ordre a Molo fon Réfident a Breda, d'engager van KeJJelk ne travailler que pour lui. Van KeJJelrequt 1'ordre, il obéit & fe rendit a Breda. Van Kejjel peignit d'abord fur cuivre les qua-
Bl tra
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i# "La Viè dei Peintrei
CV,;.„, Elémens: 1'Air eft repréienté par un Enfant potte
«■■■■■■■ fur un Aigle, entouré d'un nombre infini d'Oi-
feaux de toutes les efpeces : la Terre eft repré-
fentée par un Enfant appuyé fur un Lyon:
toutes les principales plantes & les fleurs font
auprès de lui, ainfi que les fruits : Ie Feu eft
déiigné par un Enfant qui admire des armes de
toutes les formes, des cuirafles richement dorées
& cifelées , des timbales , des drapeaux, des
étendards, &c, un Singe y fume fa pipe &
tient un verre de liqueur ; 1'Eau eft un Enfant
appuyé fur une Conqtie marine, pres de la
mer; toutes fortes de coquilles, de branches
de Corail & de pétriflcations , &c., y font
très-bien imitées, ainfi que des Poiflbns en très-
grand nombre & de toutes les fortes. Il com-
pofa une feconde fois les mêmes fujets , mais
avec plus d'étendue, & un travail plus confi-
dérable.
Il fit enfuite les quatre parties du Monde avec
beaucoup defigures, felon Ie coftume , les plan- tes, les animaux, & exa&ement tout ce qui peut intéreffer & indiquer les difFérences de chaque partie. Van KeJJel, aidé de la nature > n'auroit pu y fuffire, s'il n'avoit encore eu devant les yeux les études & les recherches de fon pere. On affure que l'on n'a jamais vu plus d'objets repréientés a la fois: ces Tableaux & quelques autres, tous places dans un feul cabinet, furent coniumés par les flammes , au grand re- gret du Roi, qui envoya des ordres pour en- gager TArtifte a réparer Ie dommage, en fai- fant de nouveau la répétition des Tableaux brülés; van ReJJ'elavoit toutes les compofitions &
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Flamands, Allemands & Hollandois. a i
& les études : il finit cette tache, qui fut tres- -—— bien recue & payée richement, avec des pré- '66 O- fens : Ie Roi de Pologne envoya une Patente pour annoblir ce Peintre & fes defcendans , avec une Lettre écrite de fa main , pour engager van KeJJel a paffer a fa Cour en qualité de fon premier Peintre. Notre Artilte eut Ie courage de pré- férer fa liberté a tant d'honneurs; il s'excufa fur fes infirmités & fur fa foibleffe : ce refus ne fêcha point Ie Roi, qui mourut quelque temps après, en 1696. Van KeJJel tomba dans une faute qui ne Ie
perdit cependant point dans 1'efprit de Guil- laume III, Roi d'Angleterre : ce Prince lui ayant fait peindre un plafond au Chateau de Breda, fon Intendant, qui étoit fort attaché a lat Maifon d'Autriche, en donna 1'idée a notre Pein- tre, qui s'y prêta fans en foupconner la malice, Le plafond fini, Ie Roi vit avec furprife un Aigle dans toute fa gloire , entouré d'Oifeaux qui lui rendent leur hommage comme è leur fouverain : danslaCorniche,au pourtour, d'au- tres animaux faifoient voir, fous autant d'em- blêmes fatyriques, que tous les Princes de 1'Eu- rope étoient foumis a l'Empereur repréfenté par 1'Aigle ; le Roi d'Angleterre , après avoir tout confidéré , fe tourna vers 1'Intendant, & lui de* manda/z'/' avoitaujjïdonnè quelquesconfeilsdans cette compojidon. De Wy\e en fut quitte pour nier; il dit au Roi que c'étoit la premiere fois qu'il avoit vu 1'ouvrage : ce menfonge lui con- ferva fon emploi \ TArtifte eut feulement ordre de changer fon ouvrage. Van, KeJJel, toujours infatigable, travailla
B y tres-
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32 La Vie des Peintres, &c.
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1660. toute 1'Europe, fort eftimés & payéscher. Mais g-.." cruellement affligé de la goutte, il mourut com- me unMartyr On nefcait en quelle année. Ce Peintre, avoc moins de mérite que fon
pere, en a approché de plus pres qu'aucun au- tre. Il peignoit bien Ie payfage, toutes les plantes, les fleurs, les fruits & les animaux de toutes les efpeces, qu'il deffinoit, qu'il colorioit & qu'il finifïbit bien : & ce qu'il y a de fin- gulier> c'eft que Ton ne congoit pas comment il a pu faire autant de Tableaux auffi finis. Com- me il ne réufliffoit pas bien a la figure, Ejkens , Maés, van Op/la' & Bifet lui ont rendu fou- vent ce fervice. Voici quelques Tableaux de lui bien eftimés. On voitchezrEleöeurPalatin, a Duffeldorp,
les quatre parties du Monde en quatre Tableaux: on y admire les animaux,les plantes, les arbres, les fleurs , &c. de chaque partie, les forêts, les rivieres & les cités, avec une mul- titude d'objets finguüerement bien finis. Un autre efl un Tableau de fleurs avec trois flgures. |
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JEAN
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J E A N
BRANDENBERG,
ÉLEVE DE SON PER E
THOMAS BRANDENBERG.
HOMAS BRANDENBERG---------.
avolt appris la Peinture dans !e 1660.
remps même qu'il excelloit déja ■■■ dans une autre profefllon que Fon ne nomme pas. Il mourut en 1688 ; il Jaifla un fik Jean tiran- denbers, qui fut auffi fon Eleve : celui-ci na- quit a Zug en 1660. A la mort de fon pere, il avoit déja un nom célebre, qu'il augmenta B 4
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Peintres
> par fes veilles & fes propres difpofitions. Il fu*
a Infpruck chez Ie Tréforier du Roi de Pologne, appellé George Bembo: il y demeura deux ans, en y tra vaillant & en fe fortifiant d'après la nature. Le Comte Ferari Ie mena avec lui a Mantoue,
oü les Ouvrages de Jules Romain attacherent fingulierement Brandcnberg. Il copia prefque tous ces Maitres, dont les Ouvrages avoient tant d attraits pour lui, qu'il ne put a peine voir un Tableau fans le copier en .peinture ou en def- fein; c'elt ainfi qu'il forma cette grande & bon- ne maniere, qui devint bientöt la fienne. Il parcourut toutes les Villes dltalie, tou-
jours avec le projet de mettre a proflt fon temps, & de voir la facon différente de chaque Mai- tre a repréfenter la nature. Encouragé par des fuccès, il fe crut en état de retourner chez lui, de s'y montrer honorablement : il y fut bien accueilli, il s*y maria; mais il éprouva bien- tót que fa Ville natale ne ponvoit fournir a 1'entretien de fa familie, qu'on n'y étoit pas aflez riche pour payer le prix & la valeur de fes Ouvrages. Il ent un autre dégoüt j ce fut d'être obligé de peindre dans tous les genres j les Eglifes et les Couvens occuperent fon pin- ceau : il peignit auffi des Paftorales au plat-fond de la Salie du Concert a Zurich. Ce Peintre très-laborieux, & généralement eftimé & chéri, mourut le 26 Septembre 1729. L'eftime publique confacra cette Epitaph© a-fa
gloire. In tumulo lateat PiHoris dcxtra Joannis,
Quce pinxit nullo funere te&a manent :
Infpice templa tïhï > tabulata vel ipfa loqucntur. PRr JcoDum nuntinus ejjh fiópunu
Bran-
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Flamands, Allemands & Hollandois. »5
Brandenberg avoit un beau génie pour 1'Hif- toire : tous fes Ouvrages fe fentent des Maitres qu'il a étudiés ; il prit une maniere de colorier plus vigouretr'e : fon deffein eft de bon gout & affez correft. Nous ne connoiffons point les Tableaux de ce Peintre, c'eft d'après un très- bon Juge, M. Fuefii, que nous faifons eet éloge. Brandenberg a peint des Batailles qui font très-> vantées. |
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N. BOUDEWYNS,
FRANC01S BAUT ET DU PONT.
ON croit Boudevvyns né a Bruxelles. Il eft
du moins certain qu'il y a vécu quarante ans, & qu'il y eft mort; fans que 1'on fcache qui étoit fon Maitre , nous connoifibns affez fes bons Payfages pour louer fa couleur, un beau fini, & une grande variété dans tont ce qu'il a fait. Il deflinoit bien les arbres , il ornoit fes fonds, fur Ie devant, d'une multitude de peti- tesplantes, &c, qui augmentent 1'agrément de fes Tableaux. On nous apprend que ce Peintre, bien recherche pour fes Ouvrages, fut toujours pauvre : on lui a connu deux fils Peintres, qui ne méritent pas d'ètre comparés a leur pere. Francoïs Baut, ami de Boudevvyns, peignoit
la figure en petit, comme Breugle & Teniers : il ornoit les Tableaux de fon ami Boudevvyns defigures & d'animaux deffinés avec diftinflion: ils étpient nés 1'un pour 1'autre. Baut avoit Ie génie
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a(5 La Vie des Peintrcs
, , génie fertiie , & compofoit des Fêtes de Villa-
' ge, des Aflemblées, comme Ie Breugle de Velour. Ses petitcs figures font deffinées avec la plus grande corrcftion, coloriées agréablement, touchées avec efprit & une grande fineffe. On ne voit gueres de Tableaux de Baut que Bou- devvyns n'ait embellis de fon pinceau. Du Pont, furnommé Point. é, vivoit dans Ie
même temps, & dans la même Ville; il pei- gnoit TArchkeóture avec bien du mérite : les figurinesde Bautle fontencore plus rechercher; 1'annce de la mort de ces trois Artiftes eft igno- rée : Voici quelques Tableaux qui nous font connus de ces Maitres. On voit a Rouen, chez M. Ribard, Négociant
& Ancien Juge-Conful, deux jolis Tableaux de Boudevvyns & de Baur; 1'un eft un Payfage avec des Fabriques : pres d'un Chateau éloigné, on. trouve une foule de monde, la plüpart des Chafleurs a cheval, une joüe Femme au milieu tenant un Oifeau fur Ie poing, &c. L'autre eft auffiun Payfage, une Riviere yfépare Ie premier plan ; un grand nombre de Bateaux chargés de peuples, & beaucoup de figures vers les bords. Sur Ie devant eft une Bohémienne qui amufe ceux qui font pres d'elle : beaucoup d'autres perfonnages s'approchent de la foule pour 1'en- tendre. M. Horutner, Négociant dans la même Ville ,
poffede deux jolis Payfages , avec des Figures & des Animaux , des Rivieres, des Bateaux & des Fabriques ou Mazures. Dans Ie Cabine.t du Prince Charles, a Bru-
xelles, font feize Tableaux par Boudevvyns. Ce font
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Flamands , Allemands & Hollandois* 17
font des i^ayUges^Ls Marais, &c, lapiupartavec des figiires AeJBdut, qui repréientent desChaffes, des Feres galames . dt:s AiTemblées, &c. Et chcz M. BJfchoi , a Rotterdam, un Hyver:
on y adinire une multitude de figures d'honrunes & de femmes qui patinent, & qui fe divertiffent fur la glacé. |
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N. TYSSENS.
NOus foupgonnons que N. TyJJens eft fils
de Pierre ïyjjens , dont nous avons parlé tom. 2, p. 363. Il naquit a Anvers , 1'an 1660. Son Maitre nous eft inconnu, mais, encore jeu- ne, il voyagea en Italië; un Marchand de Ta- bleaux Temploya long temps a Rome j il pafla enfuite a Naples 6c a Venife : fes Tableaux ne furent pas affez recherches par les Amateurs, les Artiftes feuls les enleverent, a caufe de la parfaite imitation & de la bonne couleur. De retour en Flandre , tout ce qu'il put faire pour engager a prendre fes Tableaux ne réuflit pas beaucoup mieux qu'en Italië. 11 partit pour DiifTddorp , oii les Arts & les
Artiftes étoient fingulierement recherches, & dans Ie temps que l'Ele&eur Palatin travailloit a former un des plus beaux Cabinets de 1'Europe. Le premier Peintre, Fiancois Douven,engagea l'Ele&eur de choifir JjJJ'ens pour acheter les plus beaux Tableaux du Brabant & de la Hollande. L'Eleöeur Ie décoia du titred'Agent de fa Cour. Tyffens parcourut rapidement le Pays : il raf-
fembla
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a8 La Vie des Peintrcs
fembla une fi grande quantité de Tableaiix,qH'o«
eut un Cabinet complet plutöt que 1'on auroit ofé 1'efpérer. Sa commiffion itii donna un luftre a Anvers, qui auroit du faire fa fortune ; mais il époufa une Veuve qui n'avoir pas autant de bien qu'on lui en avoit promis. Il remercia 1'E- leóteur & pafla a Breda , cü il croyoit trouver un plus grand débit de fes Tableaiix : il ne réuf- üt pas mieux. Ce fut alcrs qu'il Ie mit a peindre des animaux & des fleurs qni eurcnt Ie fuccès qu'il s'étoit propofé ; ii paffa a Rotterdam & enfin a Londres, oü .ious Ie croyons mort, du moins on ne nous apprcnd plus ricn de lui de- puis ce temps-la. Son premier talent, qui Ie fait regarder com-
me un bon Artifte , coniifloit a repréienter des Cuiraffes, des Boucliers, des Fufils, des Sabres, Piques, Tambours, &c, toutes fortes de Tro- phées qu'il compol'oit & colorioit bien. Ces fu- jets triftes ne purent plaire a tout Ie monde: il peignoit médiocrement des fleurs , mais (es Oifeaux avoient autant de mérite que ceux de Boel & de Hondekoeter. C'eft dans ce dernier genre qu'il a continue de travailler, & les Ou- vrages que nous avons vu de lui , fans mériter d'être comparés a fes Trophées, feront toujour* recherches. |
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p"ïamdnds , Allemands & llolldndois.
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N. PAULY.
PAulY naquit a Anvers 1'an 1660. On ne
dit rien de fa premiere jeuneffe , de fon éducation ni de fes Maitres : il peignoit fupé- rieurement en mignature ; il avoit d'abord co- pié les Ouvrages de Jofeph IVerner ; c'eft, fans doute, d'après lui qu'il s'eft formé cette belle maniere qui fe remarque dans tour. ce qui refle de lui. Pauly demeuroit a Bruxelles , oü il vivoit noblement & parmi les principaux de la Cour qui occuperent fon talent. Il paroit qu'il a beau- coup gagné, beaucoup dépenfé ; on ne dit pas qu'il ait laiffé une fortune confidérable après fa mort, dont 1'année nous eft inconnue , & nous avons vu très-peu de fes Ouvrages. |
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VIGOR ET GUILLAUME
VAN HEEDE.
CEs deux Freres, que nous croyons nés a
Furnes vers Tan 1660, ont laifle très-peu de leurs bons Ouvrages dans leur Patrie ; on nous affure qu'ils Ont voyagé en France , en Allemagne & en Italië, oü Guiilaume refta long- temps, même après Ie retour de Vigor a Fur- nes. L'application de Guiilaumeaugmenta Ie prix de fes Ouvrages, lui affura les éloges des grands Artiftes,
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5o ia Vie des Peintres , &C.
Artiftes, qui 1'égalerent aux plus habiles de fort
„.* temps: éloge peu fufpeft, quand on peut Ie juf- tifier par Ie nombre de Tableaux qu'il fit alors pour les plus diftingués de Rome , de Naples, & de Venife ; fes Ouvrages, portés par-tout, lui mériterent la gtoire d'être appellé a Vienne pour orner Ie Palais de 1'Empereur , ceux des autres Princes de 1'Empire & des différentes Cours oü il a paffe, fans qu'il fe foit voulu arrêter nulle part. Voila ce que nous avons ap- pris de certain : quel dommage que nous ne puiffions citer tous fes Tableaux ! Un feul peu connu, mais que nous avons admiré plus d'une fois , repréfente Ie Martyre de Saint...... qu'on
peut regarder comme 1'épitaphe des deux Fre-
res, on y lit cette infcription: Vigorvan Heede 3 Fits de Jean, mort Ie 8 Avril 1708,6" Guïllaume van Heede fon frere, mort Ie 10 Décembre 1728. C'eft 1'Ouvragede Guïllaume van Heede; il eft place au-deffus de 1'entrée du Choeur, en face de la Sacriftie, dansl'Eglife de Sainte Walburge, a Furnes. Ce Tableau eft compofé & deffiné dans la
maniere de LaireJJe : on y voit briller Ie génie* & 1'efprit; la couleur eft vraie & dorée , & lin* telligence du clair obfeur y eft très-exa&ement obfervée. Les Ouvrages de Vigor nous font in- connus; & quoique ces deuxFreresayentdemeu- ré affez long-temps dans Furnes, malgré nos recherches nous n'avons pu découvrir dans cette Ville, ni dans les environs, aucun de leurs Ou- vrages , ce qui donne a penfer qu'ils étoient occupés pour les Etrangers , qui connoiffoient mieux Ie prix deleurs talens queleurs Compatrio- tes mime. GRÉGOIRE |
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GRÉGOIRE
BRANDMULLER,
ÊLEVEIDE CHARLES LE BRUN.
RÉGOIRE BRANDMULLER
eft confidéré en Allemagne comme
un Peintre du premier rang. Il na- quit a Bafle, Ie 25 Aoüt 1661, de Grégoire BrandmuLler, &dM/z- ne Polibe Stahelin ; fon peref étoit Orfevre & homme de génie, qui fut élevé a la dignité de Membre du Confeil. Une col- leftion des bons Defleins & des Eftampes que Ie jeune Brandmuller vit chez fon pere, déve- loppa fon inclinatioti ', il les copia la plüpart, &
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1661.
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Sü tti. Vie des Peintres
& devint bon Deffinateur fans Maitre. Cet atta-
chement pour la Peinture engagea fon pere a
"{---- Ie placer chez Gafpard Meyer, Peintre médio-
cre a Bafle ; c'en étoit affez pour notre jeu-
ne Eleve , la nature 1'avoit pourvu du gout qui fuffit pour choifir les routes que les bons Artiftes ont tenues. A Tage de dix-fept ans •, il quitta fa Patrie pour aller a Paris, oü il fut affez heureux pour entrer dans 1'Eeole de Ie Brun. Les travaux immenfes, dont ce beau génie étoit chargé , préfentoient a fon Eleve un champ vafte pour apprendre & fe perfeótion* ner; fes progrès plurent au Maitre, qui char* gea BrandmuUer de plufieurs Ouvrages fous fa conduite. Appellé a Prague , il y refta peu ; on croit
qu'il fut redemandé par It Brun ; ce qu'il y a de certain , c'eft qu'il revint a Paris , il tra- vailla avec fon Maitre au Chateau de Verfailles: 1'eftime de Ie Brun pour cet Artifte lui attira des jaloux, qui ne purent cependant Ie perdre, parce qu'il n'étoit occupé que de fon Art : fa conduite irréprochable Ie fauva des piéges de l'envie. Il y auroit cependant fuccombé, malgré fa douceur, s'il n'eiit préféré de retourner dans fa Patrie, après avoir remporté les premiers Prix a 1'Académie royale de Paris. Alors fenfible a tout ce que fes Compatriotes
faifoient pour Ie fixer, il y répondit en épou- fant, Ie 19 Avril 1686, Anne-Catherine Hum-' mei. Les Cours de Wirtemberg, de Bade-Dour- lac,&c. s'enrichirent de fes produöions : 1'Hif- toire, Ie Portrait font les Tableaux qui lui ont affuré une grande réputation dans fa Fatrie; fon
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Flamands, Allemands & Hollandois. 33
fon génie s'étoit fortifié d'après celui de fcn " Maitre, mais son feu dans l'exécurion, & fon 1661.
affiduité au trnvail contribuerent adétruirefon ■■■"■' foible temperament; la mort Tenleva a 1'age de vingt-neut' ans neuf mois , Ie 7 Juin 1691. Il laifla deux fils , Grégoire & Frédéric. Per- fonne n'a peut-être été autant regretté que eet Artifte: fa douceur lui fit des amis de tous ceux dont il étoit connu. Ce Peintreavoitun gout particulier pour 1'Hif*
toire. Ses fujets font noblement traites & pleins de feu : fon deffein eft correö, il avoit de 1'ef- prit, & cela fe voit dans fes expreffions tou- jours juftes; il y ajoutoit une très-bonne cou- leur & une fonte, fans tourmenter fes tein- tes, qui en affure la durée ; fes Portraits bien reffemblans , toujours histories, deviennent intéreffans. Voici quelques Ouvrages de lui les plus connus. Une Defcente de Croix, les figures grandes
comme nature, dans 1'Eglise des Capucins, a Dornach. Une belle copie d'après Ie Brun; c'eft la défai-
te de Darius. Le Speclacle d'une courfeRomainej Tableau
abondant, chez M. Schvveighaufer, Confeiller- Privé ; & chez fon Héritier , Ie Baptême de Jesus-Chrift. A Bafle, chez M. Blarer de Wartenfée, Con-
feiller & Chef de la Maison commune de la Ville; c'eft le Portrait de ce Magiftrat. Plufieurs Tableaux de ce Peintre augmentent
les richefles du Palais du Prince de Bade-Dour- lach,a Bafle. Torne, IV. C JEAN
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34 £a ïrie des Pe in tres
JEAN DE BOCKHORST,
ÉLEVE DE KNELLER.
O Oc K H O rst, né a Deutekom en 1661.
i66t. *-* On nous apprend qu'il a paffe fort jeune a "----- Londres, oü il fuivit les lecons de Kneller pen- dant sept années de (iiite. Ses Ouvrages eurent plus de fuccès que n'ont ordinairement ceux d'un Eleve encore dansl'Ecolede fon maitre. Milord, Pembrok demanda lui-même Bockhorft kKneller, ik employa Ie génie de eet Artifte a peindre Ie Portrait, des Tableaux d'Hiftoire & des Ba- tailles; fes talens dans ces deux derniers genres, qu'il n'avoit pas eu occafion d'exercer, furpri- rent Kneller même, qui 1'engagea de continuer. Après avoir beaucoup peint pour M. Pembrok , il pafla en Allemagne; la Cour de Brandebourg 1'attira, c'étoit pour lors Ie féjour de beaucoup de bons Artistes; il en augmenta Ie nombre,mais fes Portraits 1'en firent fortir pour aller dans les diiïerens endroits oü il fut appellé. Il arriva enfin dans Ie pays de Cleves; Ie nom-
bre de Portraits qu'il y a faits, & d'autres Ou- vrages en Peinture, eft prodigieux. Son talent, affuré par les louanges des Artiftes, lui donne une place ici : fes Ouvrages nous font inconnus; nous fommes certains que ce Peintre efl tnort en 17x4. NICOLAS
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Flamands > Allemands & Hollandois* 3$
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N1COLAS RAVESTEYN,
ÉLEVE DE JE AS DE BAEN.
LE nom de Ravefleyn eft très-connu dans les 'T
fastes de la Peinture. Plusieurs de cette fa- 1661. mille ont été de grands Artistes. Nicolas Ravef- teyn , né a Bommel en 1661 , étoit fils d'Henry Itave/Ieyn, bon Peintre, mais qui mourut jeune, lorsque fon fils étoit au College. L'année de 1671 répandit la terreur en Hoüande, & fit quitter a pluileurs personnes leur demeure. Sa raere étoit dans ce cas, & ce fut dans ce tenips que fon fils, n'ayant point la commodité de fuivre fes études, demanda a quitter pour ap- prendre la Peinture. Il avoit eu de son pere quelques le^ons du Deffein; il se rappelloit que la Peinture avoit honoré fa familie & enrichi la plüpart de fes parens, dont il avoit hérité; ce motif engagea fa mere a Ie placer a la Haye chez Guillaume Doudyns, enfuite chez Jean de Baën. ïl fuivit tous les Artiftes dans leurs études : eet amour pour fon Art Ie fit entrer par* tout : ce furent ces Maitres même qui 1'engage- rent a quitter 1'Ecole, & de continuer de pein- dre d'après la nature. Il alla s'établir a Bommel. On n'eut pas plutót
vu un de fes Portraits, que tons les premiers du Pays fe flrent peindre; fon nom les fit venir de toute part; bientöt il ne put fuffire au nom- bre de perfonnes qui fe préfenterent. En 1694» C 2 il
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36 La T'ie des Pcintres
il fut demandé a la Cour de A'uillenberg ponr
t_!' y peindre la Princeffe de IValdek après fa mort, elle dont aucun Peintre n'avoit pu faire un Por- trait reffemblant; Ravefleyn réuffit contre toute attente, il avoit lui-même douté du fuccès. Le Prince fe fit auffi peindre j il reent des préfens de toute la Cour en retournant chez lui, Quatre ans après, il fit le Portrait du jeune
Prince de Waldek, du Comte de Erpach & de fa familie; en 1702, le Prince Guïllaume de Heffe; en 1707, le Prince de Saxe Hildeburghau- fen, en pied de grandeur de nature; enfuite le Baron de Gand, & Ia Princeffe de Portugal fa femme, & fes enfans; Ie General Macquay, fa familie, & le Comte de Kée\ tous ces Portraits furent envoyés en Angleterre, ainfi que ceux du Gé- néral Ramfay, fa femme & fes enfans; le Baron Pik, fa familie, & une infinité d'autres Sei- gneurs & Dames de toutes les Cours. Nous avons parlé de fes Portraits, il peignoit
bien 1'Hiftoire, il avoit du génie & de 1'efprit; on cite, comme les plus beaux de fa main, les quatre parties du Monde. Agé de quatre-vingt ans, il fit les Portraits de fon Gendre Bruiflens , de fa femme & de fes enfans; ce Tableau n'a aucune tracé de fa vieilleffe. Il eft mort le 9 Jan- vier 1750, a 1'age de quatre-vingt-neuf ans; il a laiffé après lui une grande fortune, une ré- putation de bon Peintre, & celle d'un hom- me d'efprit, noble avec les grands» & affable avec fes égaux. Il avoit un bon gout deDeflein, un pinceau
facile, & de la couleur; fes Portraits font la pJiipart hiftoriés, & généralement bien pofés; on
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Flamands, Allemands & ïlollandois.
aflure qu il faifoit très-bien reffem
a faifoit rien fans confulter la na, les plus petits objets ne lui ont point échappcs. |
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N. LEYSSENS,
T EYSSENS naquit a Anvers 1'an 1661. Il
•*-Jalla fort jeune a Rome, oü fes Tableaux eurent affez de fuccès. 11 s'appliqua exaöement a tout ce qui pouvoit augmenter fes talens: la Bande Académique 1'admit & Ie nomma Ie Caf- fenoix, parce qu'il avoit Ie nez fort grand. Ce Peintre n'aurait jamais quitte Fltalie , fans une raifon très-louable. Son peie étoit pauvre & très-vieux, il retourna pont Ie faire vivre & en avoir foin; la Providence Ie récompenfa vifiblement, il eut plus d'ouvrageque tous les Artiftes enfemble, qui fe produifoient dans Ie monde, & qui ne manquoient point les occa- fions de fe procurer du travail: au contraire, Leyffens ne quittoit fon pere que pour aller a 1'Egiife, on ne Ie voyoit point ailleurs, on ne Ie connoiffoit que chez lui, oü 1'on prenoit plaifir a Ie voir travailler, & oü Ton admiroit fa ten- dreffe & fon refpecl: pour fon pere; quoiqu'il peignit bien l'Hiftoire , il fut beaucoup employé par les Peintres de fleurs Hardimé , Bo(f- chaert, Verbruggen, &c. a enrichir leur Ta-- bleaux de Nymphes, d'Enfans, de Buftes , &c. qu'il colorioit & qu'il deffinoit bien. Leyf- fens eft mort en 1710, laiffant après lui la répu- tationd'un affez bon Peintre, & d'un homme ver-» C 3 THÉODORE
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THÊODORE
NETSCHER,
Éleve de son Pere
GASPARD NETSCHER.
HÉODORE NETSCHER eft
reclame par les Hollandois, quoi- qu'il naquit a Bordeaux en ióór. On f^ait que GafpardNetscher> dé- terminé ?. faire Ie voyaged'Italie, paffa par Bordeaux, oü il époufa la niéce d'un Négociant. Engagé a flnir quelques Tableaux, fa femme y accoucha de Tkéodore. lis qiütterent la France, & fe fïxerent en Hol- hndc.
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La KIe des Peintres, &c. 39
lande. Théodore, 1'ainé de neuf enfans, & Ie ~~^~,
premier Eleve de fon pere, avanca a grands pas dans la carrière de TArt, puifqu'a 1'age de dix-huit ans il quitta la Hollande & vinta Paris avec Ie Comte Davaux, Envoyé de France. I! ne pou- voit être mieux vanté que par ce Seigneur, qui lui procura quelques Portraits, dont Ie nombre augmenta , a mefure que fes talens & fes manie- res furent connus de plus en p'us. Il avoit Ie talent de faire reflembler agréablement : auffi peignoit-il les plus grands de la Cour , & fur-tor.t les femmes; il avoit une figure aimable, de 1'ef- prit, & ce qu'il falloit pour plaire dans Ie grand monde qu'ilaimoit lui-même : il gagnabeaucoup, & mena un train convenable pour frequenter les Grands avec lefquels il neperdit pas un temps toujours précieux aux Artiftes. JNetfcher paffa ainfi vingt années de fuite a
Paris. La mort de fon pere ne Tavoit même pu arracher d'une Ville oü il étoit eftimé & aimé. Le plaifir 1'arrêta encore. Après la paix de Ryf- ^yck, M. Oudych, Ambaffadeur des Etats d'Hol- lande a la Cour de France, fit connoiffance avec Netfcher, il fe lia fi intimement avec ce Peintre, qu'étant pret de retourner en Hollande, il mit tout en o?uvre ponr Temmener avec lui: il ne réufiit qu'en lui prornettant d'obtenir des Etats d'Hollande une commiffion honorable & lucrati- ve pour le dédommager du facrifice qu'il faifoit en fa faveur. C'eft a cette condition que Netfcher quittoit
Paris & le féjour des Arts & des Plaiürs: fé- jour d'antant plus agréable que fon nom y étoit fait, qu'il y gagnoit beaucoup , & que c'étoit C 4 rifquet
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4o La Vie des Peintres
rifquer tout que d'aller eflayer la fortune dans
looi. un pays qu'il connoiffoit peu, & oii il ne trou- ~~ veroit peut-être aucune reflburce. Arrivé a la Haye, il fut recu avec diftincHon : les prin- cipaux du Pays Ie connoiflbient déja, c'étok a qui pourroit fe procurer Ie plailir de traiter Ie Peintre fplendidement. Il fut admis a la Cour du Stathouder: ce premier abord avoit 1'aird'u- ne fortune décidée, lorsque la mort du Roi Guil- laume borna (es efpérances; Ie crédit de M. Oudyck cefla entierement. Netfcher, qui avoit frequente la Cour, connoiffoit très-bien la route qu'il falloit tenir pour y parvenir : il fgavoit aufïi que, quiconque n'a qu'un feul Protefteur, rif- que trop; auffi avoit-il trouvé des amis très- pujffans. Il obtint la Recette pour les Etats Générauxdela ville d'Hulft^ en Flandrc; c'étoit, a propreraent parier, un bénéfice fimple; il n'aimoit point fa réfidence, il y mitunGornmis , pafla 1'hyver a la Haye, & 1'été a la Campagne : jl ne peignoit même que des perfonnes de la premiere diftin&ion. Cette eipece de folie aug- menta totijours. On racontc que Frédéric 1", Roi de Pruffe, demanda a Netfcher ion Portrait: ce Prince lui promit de lui donner Ie temps qu'il refteroit a la Haye ; ce Portrait plut fort au Roi, a 1'ébauche, & lui reflembloit bien: on ne fcait pour quelle raifon il n'a jamais voulu Ie finir; Ie Roi fit un voyage a la Haye , il s'abfenta la veille:ce procédé fingulier donna a foupconner que 1'habitude de vivre dans Ie grand monde lui faifoit prefque regarder Ie talent qui 1'avoit fait confidérer, cptmme au-defïbiis de lui. Il avoit peint, peu de temps avant cettc fin-
gularité,
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Flamahds , Allemands & Hollandois. 4l
gularité, Ie Roi Guillaume. Ce Tableau e tl place dans la Sak du Confeil des Etats-Géiiéraux : un ^ autre repréfente la familie entiere Duivenvoor- '^=5ïr den: dans un même Tableau, YAmiudi-VaJJenaer, & Ie Confeiller Penfionnaire Slingelandt, & Ie Baron Suajfo. En 171 5 , les Etats Généraux envoyerent en
Angleterre fix mille hommes au fecours du Roi Geoi ges : Netfcher en fut nommé Tréforier. En arrivant, il fit fa cour afliduement par-tout, il y fut recu & traite fplendidement: les premiers de Londres vivoient avec lui; il acquit la connoil- fance du Chevalier Dekker, un des plus riches Négocians de fon temps, &néa Amfterdarn. Ce Compatriote avoit un très-grand crédit a la Cour, il aimoit Netfcher, il lepréfenta au Roi & a la Familie Royale. Le Prince de Galles vivoit fa- miliérement avec notre Artifte ; il paffa fix années a Londres: Cette Ville fut, en 1720, un Péron pour lui: toute la Cour fe fit une fête de lui prodiguer des Billets de Banque. Son ami /Jekker lui en fit réalifer pour cinquante mille florins d'Hollande 5 c'eft tout ce qu'il a profité du temps qu'il a perdu a frequenter les Cours, encore ne dut-il cette fortune qu'au hazard. 11 retourna en Hollande en 1722, il y raena
un train honorable, il avoit caroffe; jufqu'alors ISetfcher n'avoit éprouvé aucun revers, lorf- qu'on lui demanda compte, comme Receveur de la Ville d'Hulft, d'une Comme qu'il avoit prêtée a quelqu'un, & dont on ne voulut point le tenir quitte a moins qu'il ne nommat la per- fonne •, il le refufa, a la follicitation de la familie du Debiteur, il aima mieux perdre fon Emploi. Il
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4» La Fie des Peintres
II pritla réfolution de quitter les Grands,& il fe
looi. retira a Huift qu'il avoit autrefois tant méprifé, TSSüf II placa vingt mille florins en rente viagere a dix pour cent : tourrnenté de la goutte & des infirmités de la vieiileffe, il devint fi retiré qiiïl ne voulut prefque voir perfonne. Le Chevalier Dekker fit le voyage d'Hollande en 1727, il 1'engagea a le fuivre a Londres avec toutes les inftances poffibles, il refufa abfolument & vé- cut a. Huift, oü il eft mort en 1732, agé de foixante-onze ans. Il laiffa encore qiielques biens a fes Neveux, les enfans de fon frere Conftantin mort depuis long-temps. Ce Peintre, avec bien des ta1ens,ne fut pasle
plus grand Peintre qu'ait produit la Hollande, mais le plus heureux. Ses Portraits iont par- tont : II a fait des Copies d'après van Djck, qui trompent par 1'imitation. |
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JEAN VAN SON,
ÉLEVE DE SON PERE
GEORGES VAN SON.
JEAN van Son naquita Anvers 1'an 1661;
il étoit fils & éleve de Georges van Son , dont il eft parlé tom. 2, pag. 328. Il adopta la maniere de fon Maitre qu'il furpaffa; il ne fe permit jamais rien fans avoir pour guide la nature, d'après laquelleil faifoit continuellement fes études: il copioit tout, & c'eft a cette bonns habitude
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Flamands, Allemands & Ilollandois. 4-^
habitude que Ton appercoit dam les Ouvrages , cette abondance & cette vérité qui intéreffent même ceux qui ne connoiffent nen a uotre Art. Après avoir vu enlever fes Ouvrages dans les
différentes Cours de 1'Europe , il crr.t que lei Anglois les rechercheroient patticulierement ; il pafla a Londres, ou il vit bientöt, par 1'ac- cueil qui lui fut fait, qu'il ne s'étoit pas trompé. Sans perdre de temps, il fe mit a compoler des Tableaux en grand & en petit, pour donner une forte de fatisfaöion au nombre d'Amateurs qui l'employerent. Il ébaucha toujours pluüeurs Ta- bleaux avant d'en finir'un feul, & c'eft pour cela qu'a fa mort on en trouva beaucoup de com- mencés que JVeyermans a finis fans grand fnccès. Sa réputation augmenta tous les jours, & fon
talent fe fortifia , parce qu'il ne négligeoit rien pour la perfe&ionde fes Ouvrages. Il avoit l'ufage d'introduire dans fes grands Tableaux, desFleurs & des Fruits, des Tapis de Turquie, des Ri- deaux d'étoffes d'or & d'argent, &c. dont les difFérens efFets formoient un enfemble & une harmonie qui ajoutoit encore a 1'éclat de fes Fleurs & de fes Fruits. 11 foutint avec aflez de courage la mort de fa femme, mais il ne put fupporter celle de fa fille unique. Il mourut quel- que temps après a Londres : on ne dit pas en quelle année. ^ Ses compofitions en grand & en petit font
réfléchies , il ccnnoiffoit a fond la theorie & la pratique de fon Art: fa touche eft ferme & facile : fes Fleurs ont de la vérité, de la variété & de la légereté; perfonne ne Ta furpaffé a peindrc;
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44 La Vie des Peintres, &c.
,. peindre les Raifins & les Pêches ; on y voit Ie
"• duvet & cette couleur vraie qui trompe 1'oeil: fon Raifin eft tranfparent: on croit voir Ie pepin. C'eft en tout un excellent artifte bien fupérieur a fon père. Ses études très-abondantes ont été recherchées après fa mort, & n'ont point échap- pé aux curieux. |
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VILLEM
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WILLEM (Guillaume) VAN
M I E R I S,
ÉLEVE DE SON PERE
FRANCO IS FAN MIE RIS.
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A. ville de Leiden, fi célebre par leS „
grands hommes qu'elle a formés & - vu naitre , compte parmi les der- —' niers Willem van Mieris, qui y i66FildF |
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' Mieris & fon Eleve, il fit de grands
progrès fons lui; il étoit déja un Maitre a l'age de dix-neuf ans, lorfqu'il eut le malheur de le perdre, Le jeune Mieris fentit alors combien il lui
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46 La Vie des Peintres
lui reftoit a étudier, il n'avoit plus ce guide (\
ol' für, dont Ie fecours lui étoit fi néceffaire, a me- fure que les difficultés fe préfentoient. Sa ref- fource étoit la nature qu'il avoit déja confultée, & dont il attendoit fon avancement & cette ré- putation que fes Ou vrages lul on t mérités.L'exem- ple d'un père illuftre a fervi encore a augmen- ter fon ardeur. Il avoit pris d'abord , comme fon pere, des fujets dans la vie privée : lei, c'eft une boutique de Modes, oü une jolie Marchande vend fes ajuftemens; la, c'eft unegentille Pay fan- ne qui vend des fruits & des légumes; on voit a une fenêtre une jolie perfonne qui attire les yeux des paffans; un bas-relief termine Ie bas du Tableau , au-deflbus du bandeau de la croi-* fée, &c. tout eft peint d'après nature : il ne fe permettoit pas Ie plus petit détail, fans avoir 1'objet devant lui pour Ie copier. On nous fait 1'éloge d'un Tableau fait dans ce temps, il re- préfente une Femme qui donne de la bouillie a fon enfant, unautreenfantexcitelepetitamanger; Ie Pere, affis pres du feu, regarde la malice de ces petits enfans, Ie petit lit occupe une partie du premier plan d'une chambre meublée, & repré- fentéeavecun art exquis. Ce joli morceaueutun fuccès infini & Ie combla d'honneur. Mie/is, en voyant les Ouvrages de LaireJJe
& d'autres grands Maitres d'Hiftoires, voulut effayer a porter fur Ie panneau quelques fujets, oü 1'efprit peut également être occupé & fatis- fait. Son Mécene, M. de la Court, 1'encouragea beaucoup. Notre Peintre fit fon coup d'effai: ce Tableau repréfente Renaud endormi 8f appuyé fur les genoux d'Armide, entourée des Graces &
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Flamands , Allemands & Hollandois. 4-7
& des Amours. Le fond eft un beau Payfage : fur le devant font repréfentées des Fleurs & des Plantes; ce beau Tableau fit fon effet, fon Mé- cene ne croyoit pouvoir affez le payer , tant il lui fit de plaifir; il ne le garda pas long-temps, le Comte de Wakkerbarth ne 1'eut pas plutót vu qn'il mit tont en ulage pour en devenir le poffefleur; il ne put 1'obtenir que lorfque Mieris eut promis de traiter ce fujet de nouveau avec les changemens qu'il jugeroit convenables. Cette répétition obtint les fuffrages & un préfent, après en avoir recu le prix. Mieris a répété encore ce fuiet pour 1'Envoyé
Meinershagen, avec cette différence que Renaud & Armide font les portraits de 1'Envoyé & de fa femme. Le fond eft auffi un Payfage, les Fi- gures principales font entourées d'Amours, &c. On nous parle auffi d'une fainte Familie de eet Artifte, d'un Triomphe de Bacchus, dun Juge- ment de Paris & de plufieurs autres. Il peignoit auffi de jolis Payfages, des Figures
& des Animaux avec le même fini & la rnême vérité. Mieris avoit un autre talent, qui ne doit pas être indifferent aux Peintres, c'eft de mödé- ler en terre & en eire : les grands Maïtres dans eet Art ont été furpris de voir a quel point il a excellé dans ce genre, qui lui auroit feul accor- dé un rang diftingué parmi les Sculpteurs habiles. Le même M. de la Court pofTédoit quatre Vafes , fur lefquels Mieris avoit modélé en bas-relief des Fêtes bacchiques; lesNymphes, les Satyres & les Enfans y font rendus avec tout 1'Art poffi- ble : Une touche fpirituelle feroit foupconner wne longue pratique de 1'ébauchoir. Cet Ama- teur |
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48 La P~ie des Peinlres
teur eftimable n'a jamais pu fe rcibudr a fd
1062. (Jéfain; de ces quatre morceaux. On lui en a fait en tout temps des offres confidérables, fans pouvoir les lui enlever. Mieris vivoit paifiblement, fans s'aveugler ni
de fa gloire, ni de fa fortune : il partageoit fes momens entre les foins de fes études & de fa familie : fa fagefle Ie rendit heureux & Ie fit efti- mer pendant une longue vie. Il mourut a Leiden, Ie 2.4 Janvier 1747 , agé de quatre-vingt cinq ans : il a laiffé un fils, Francois van Mieris * qui eft fon Eleve, & qui marche fur fes traces. Guillaume van Mieris finhToit, comme fon pere, tous fes Ouvrages: la même harmonie & Ie même foin pour rendre les plus petits dé- tails ; fes Tableaux font prefque au même prix: cependant nous les trouvons bien au-deflbus pour Ie deffein, pour la fïnefle de la touche & Ie piquant des etfets. Les Ouvrages du pere font compofés avec plus de fagefle: on y trouve la même abondance, mais tout y eft groupé avec moins de confufion, ce qui n'empêche pas que lefilsnefoit, (anscontredit,un des bons Peintres de la Hollande; voici quelques Ouvrages bien connus. A Rouen, chez M. Haillet de Couronne, Lieu-
tenant-Général Criminel^la Mufe de la Mufi- que environnée des inftrumens: Ie fond eft un beau Payfage. Dans Ie Cabinet du Prinee de HeJJe, une
Marchande de ^romage clans fa boutique. A la Haye, chez Ie Comte de Wa(fenaer,
un Vieillard & une vieille Femme. Chez Mr £agel, un Philolbphe dans fon Cabinet. Chez M.
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rïamands ", Allemanis 6" Uollandois. 4-9
M. Lormier, une Cuifine hollandoife, avec TZZ7
des figures & des meubles néceffaires. Chez M. ' van Héteren, un jeune Homme coëfte d'un bon-
net avec des plumes; chez M. d'Acofta, Su- zanne&les Vieillards qui cherchent a la feduire; Ie fond efl un Jardin. AAmfterdam, chez M. Lubbeling, Suzanne
infultée par les Vieillards, autrement compofé : un Berger pres d'une Bergere dans un beau payfage. AMiddelbourg,chezM. Cauvverven,une jeune
Fille qui tient un panier rempli de fruits ; une Nymphe endormie : & un Soldat Suiffe tenant un grand verre a la main. |
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ROBERT VAN
OUDENAERDE,
ÈLEVE DE CARLE MARATTI.
VAn Oudenaerde naquit a Gand Ie 30_____
Septembre 1663; il étoit fils de Pierre }(s(r,m van Oudenaerde, Maitre de Langues, qui lui - enfeigna Ie Latin ; la Peinture cependant fut lefeul talent auquel il fe livra en entier. Mierhop fut fon premier Maitre, enfuite de Cléef, dont la réputation Temporta fuf tous ceux de fon temps, lui montra fon Art jufqu'a 1'age de dix- neuf ans qu'il fut envoyé a Tournay pour y apprendre Ie Francois. Il y pafla trois ans chez unPeintre inconnu. Oudenaerde obtint en 1685 Tome IV, D la |
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5o La Vie des Peintres
"T7T la permiffion d'aller a Rome : il eut des lettres
_' de recommandation qui aiderent a Ie faire con- noitre. Carle hiaratti 1'admit dans fon Ecole , & bientót il mérita la confiance de ce Maitre: un travail affidu, un jugement aflez certain, pour ne fe pas méprendre clans Ie choix duvraibeau, Ie diftingua des autres Eleves ; fes progrès dans Ie Defiein & dans la Peinture augmenterent chaque jour. Dans fes momens de repos il avoit eflayé de graver a 1'Eau-forte, & ion début manqua de Ie perdre pour toujours; une efquifle dn Maitre repréfentant Ie Manage de la Sainte Vierge , parut a potre Eleve un objet bien di- gne d'être gravé. Sans confulter fon Maitre, fans croire faire un crime, il la grava & la donna a fes amis : quelques épreuves difperfées furent portées a un marchand d'Eltampes qui en gar- nit fa boutique. Maraiti, en paffant par-la , vit cette épreuve 5 furpris d'abord, il s'informa au Marchand d'oü elle lui venoit, & voulut en connoitre 1'Auteur : on lui dit tout, fans aucun deflein de nuire. Maratti retourna chez lui faché de fe voir fi mal gravé, & d'être trompé par un hcrcme qu'il n'avoit pas même foupconné d'en être capable; il Ie renvoya fans vouloir 1'entendre. Si la colere du Maifre étoit fondée, jamais doulenr n'égala celle de 1'Eleve; il ne voulut ni retourner chez lui, parce qu'il étoit aflez avance pour fcavoir qu'il lui reftoit encore des études a faire, ni entrer chez d'autres Mai- tres, dans la crainte d'irriter davantage celui dont il s'étoit attiré la colere. Enfin fix femai- nes fe paflerent fans travail ni étude, occupé feulement de fon malheur , fe plaignant a tout Ie
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Flamandsj Allemands & Hollandois. 5i'
ïe monde de fon indifcrétion & de fon innocence.
Elle n'étoit pas inconnue a fon Maitre, qui étoit lui-même faché d'avoir été fi rigoureux. Le hazard les fit paiïer tous deux dans Ie même temps fur la place Navone : 1'Eleve falua ref- pe&ueufement le Maitre, fans ofer le regarder. Maratti 1'appella & lui dit froidement: Grave^- vousencorequelquesplanchesd'aprèsmoipourles vendrefans mon aveu? L'innocence dans la con- tenance d'Oudenaerde acheva de le juflifier; de- puis ma difgrace, lui dit-il, tnon cher Mai- tre , je n'ai eu aucune envie de graver ni de peindre, & je fuis pret d'abandonner un talent qui a caufé mon malheur. Et moije vous exhorte de cultiver i'un & Vautre ; mais je ne fuis pas content de voirparoitre en public mes Ouvrages égratignés, au-licu de les voir gravés. Maratti ramena fon Eleve chez lui, & depuis
ils ont toujours été étroitement lies. Oudenaerde fe fortifla dans la Peinture & dans la Gravure : Maratd le choifit alors pour donner au Public fes principaux Ouvrages gravés fous fes yeux, & qui font aujourd'hui les délices des Amateurs. Notre Flamand paffa quinze années dans la plus étroite amitié avec fon Maitre, qui vantoit au- tant fon cara&ere que fes Ouvrages ; il avoit mérité le titre du premier Poëte latin de fon temps : autre avantage qui lui donna un nom diftingué parmi les Scavans & les Académiciens de Rome. Une réputation auffi foïide porta le Cardinal Barbarigo, Evêque de Vérone , a le choifir pour exécuter un Ouvrage entier fur fa Familie , compofé de Portraits & d'Emblêmes , avec des Vers latins. La mort du Cardinal fut D l caufe
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52 La< Vie des Peintrcs
~7l caufe que ce recueil n'a pas été plus confidéra*
^' ble ; il eft cependant compofé de cent foixante- ' quinze planches gravées , avec les vers du même Oudenaerde. Les éloges des Artiftes & des gens de Lettres lui f'urent prodigués. Le Cardinal ai- moit également notre Peintre pour fes moeurs; il avoit des vues pour fon avancement j il lui donna les Ordres pour la Prètrife , mais Oude- naerde , avant de fe confacrer a 1'Eglife, vou- liit revoir fa Patrie : il obtint une année pour fon voyage. Vingt-deux ans qu'il avoit employés a 1'ouvrage du Cardinal, & Ie temps qu'il avoit paffe chez Maratti faifoient environ trente-fept ans deféjour, fans qu'il eut vu fa Ville natale,ilne put fe refufer a lui-même cette fatisfaftion : il partit & arriva a Gand. Les premiers de la Ville s'emprefferent de lui témoigner le plaifir que leur faifoit fa préfence ; on lui propofoit de refter; on lui fit des offres bien capables de le dédom- mager des efpérances que lui faifoit entrevoir fon Prote&eur en Italië. Oudenaerde avoit pro- mis de retourner : mais, pret a partir, il apprit la mort du Cardinal; n'ayant plus d'engagement, il fe fixa a Gand , oü il peignoit 1'Hiftoire & le Portrait ; il fut accablé d'ouvrages , c'étoit a qui en auroit des premiers. Les Eglifes & les Palais furent embellis de fa main ; il ne grava plus que des pctites Planches pour fe recréer & même peu. La Peinture ernploya tout fon temps : il vécut après fon retour encore vingt- un ans , & mourut le 3 Juin 1743 > ^ ^e quatre-vingts ans. Il eft enterré dans 1'Eglife Ca- thédrale de Saint Bavon a Gand. On ne lui con- noit qu'un feul Eleve, nommé Francois Püfen, Peintre
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Flamands , Allemands & Hollandois. 53
Peintre & Graveur, qui conferve 1'oeuvre com- plet de fon Maitre : oeuvre trop rare & trop peu connu. La maniere de defliner & de peindre de van
Oudenaarde tient entierement de celle de Ma- rattu Sa couleur eil vigoureufe, un pinceau flatteur lui réuffit dans Ie Portrait oü il avoit un fuccès étonnant. Sa touche eft franche & facile: fon deffein eft corre£t; quant a fa compofition, la marche en eft belle, févere & fpirituelle. Ses principaux Ouvrages , depuis fon retour > font a Gand; les voici en partie. Dans 1'Abbaye de Baudeloo, on voit de ce
Peintre un Tableau ingénieux , ce font les Por- traits des Religieux de ce temps , de grandeur naturelle & tous bien variés. Dans cette même Maifon fe confervent encore de lui deux beaux Tableaux d'Hiftoire. Au Grand-Autel des Chartreux , 1'Apparition
de Saint Pierre, qui empêche ces Religieux de quitter leur Maifon qu'ils avoient envie d'aban- donner. Ce Tableau paffe, a jufte titre, pour fon chef-d'oeuvre. Dans 1'Eglife des Béguines, Notre-Seigneur
au milieu des Do&eurs. Dans 1'Eglife de Saint Jacques , Ie Tableau
de la Chapelle de Sainte Catherine ; cette Sain- te que l'on veut forcer d'adorer les faux Dieux. Dans la Chapelle de la Boucherie, un grand
Tableau repréfentant les piincipaux Bouchers. |
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D 3 NICOLAS
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54 La Vie des Peintres
NICOLAS HOOFT,
ÈLEVE D'AUGUSTIN TERJVESTEN.
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y
^ d'une très-bonne familie, dont il
tira tous les fecours qui lui étoient néceflaires pour fuivre la paffion qui 1'entrainoit vers la Peinture. On lui procura les trois plus habiles Maitres qui étoient pour Iors a la Haye, Da- nyel Mjtens, Doudyns & Auguftin Tervveften : ce fut ce dernier qui eut la gloire de former Hooft. Matthieu Tervveften, qui étudioit dans ce même-temps fous fon Frere, rapporte que Hooft leur étoit propofé comme un exemple d'application & d'affiduité. Hooft ayant hérité d'un bien affez confidérable de fon pere, il ne cultiva plus la Peinture que par gout & par amufement: il étoit Membre de la Société des Peintres, & il fut fait Direöeur de 1'Acadé- mie. On nous aflure qu'il deffinoit bien & qu'il peignoit bien l'Hiftoire. Cet Artifte pafla fa vie agréablement, occupé de la Peinture , de la Chaffe & de la Pêche : ce furent (es trois paf- iïons dominantes jufqu'a fa mort, qui arriva Ie 21 de Janvier 1748, agé de pres de quatre-vingt' trois ans. Ses Ouvrages nous font inconnns.
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1664.
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JEAN-
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Flamands, Allcman&s & Hollandois.
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JEAN-ANTOINE
VANDER LEEP E.
JEAN-ANTOINE VANDER LÉEPE,fils------
de Jean-Antowe vander Léepe ,Ecuyer, Con- 1664. feiller a la Chambre des Comptes de Bruxelles, at— & de Marie-EU^abetk Vanvelthoven. Ses parens quitterent Bruxelles pour éviter les troubles de la Gaerre, & s'établirent a Bruges, oü il naquit en 1664. Les premiers foins que prit fon pere furent ceux de fon éducation : il fut envoyé a Bruxelles pour y profiter des Maitres & des étu- des convenables a fa nobleffe & a fa fortune. On raconte qu'encore enfant il alloit les jours de ré- création voir une dame Béguine * qui brodoit en petit-point : fon ufage étoit de peindre a gouaffe les fujets qu'elle rendoit enfuite a Té- guille. Notre jeune Ecolier abandonnoit fes ca- marades & Ie jeu pour la voir peindre : bientót il demanda des couleurs & des crayons; il deffi- noit d'après des Eftampes, & copioit a gouaffe les Ouvrages de celle qui lui fervoit de Maitre. Il fit très-bien tous fes exercices ; on lui pro- mettoit pour récompenfe de lui permettre de voir peindre & de manier auffi Ie pinceau. Son gout &
* C'eft une Communauté de Filles qui vivent dans un même
endos, la pliipart séparées, ccpendanf foumifes a une Supérieure *c a des Regies : elles fortent pout fe marier. Il y a beaucoup de tes Communautés dans les gundes Villes de Vlandix. D4
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56 La Fie des Pcintres
*Y & fon travail fe foutinrent toiijours jufqu'a fa
fin de fes études. Rappellé a Bruges , il déclara a fon pere fon amour pour la Peinture. On fut étonné de fes pr'ogrès , mais fa fanté fut un nou- vel obftacle qui penfa faire échouer fon projet ; il lui fut défendu de peindre davantage , parce que la mignature étoit nuifible a la délicateffe de fa poitrine : il obcit; mais un effai qu il fit de peindre a 1'huile lui réuiïit ü bien, qu'il quitta fa premiere manierei la pofition n'étant plus nuifible , il s'y livra fi bien que les meilleurs Artiftes ne purent lui cacher leur furprife & lui refufer leur admiration. Vander Léepe fut deffiner des Payfages dans.
les campagnes; il alla fur Ie bords de la mer
repréfenter les Orages & la Mer dans fon cal^
me ; s'il voyoit un Ciel convenable pour fes
Tableaux , il Ie de/ïïnoit avec du blanc fur Ie
papier colorié. On fera toiijours furpris, quand
on fcaura que fon début, d'après de petits effais,
eft un grand Tableau de fept pieds fur huit &
demi de haut : c'efl un Payfage, dans lequel on
voit une grande étendue de pays, qui contient
une portion de Ville & fes Remparts, des Ri-
vieres, des Arbres de bonneforme, bien feuiilés,
avec des Plantes bien coloriées & bien touchées
fur Ie premier plan, lc Ciel eft d'une grande legé-
reté : les figures qui repréfentent la Fuite en
Egypte, font d'un de fes amis appellé Ramondt,
qui étoit auffi un des Magifirats de Bruges. Vander
Léepe plac,a ce Tableau dans 1'Eglife Paroifliale
de Sainte Anne.
Ce fuccès Ie détermina a fuivre fon projet
(faller étudier en Italië. Il fut arrêté par fes |
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Flamands, Allemands & Hollandois. 5 7
parens , qui ne voulurent jamais Je laifler par-
tir: on lui remontra qu'il ctoit Ie feul héritier du nom & des biens de fa familie; il n'avoit que dix-neuf ans lorfqu'on Ie maria \ il a regretté fouvent qu'on n'ait pas voulu Ie laiffer paffer quelque temps a Rome. Continuellement occupé de fon érude , on
vit paroitre un grand nombre de fes Ouvrages , tnais on ne vouloit pas perdre de vue fa capa- cité pour d'autres emplois utiles a 1'Etat. L'Em- pereur Ie nomina Controleur général de fes Fermes, & peu de temps après Capitaine gé- néral des Chafles de la Flandre. Il occupa fuc- ceffivement d'nutres places dans la Magiftrature. Toujours exad a rerr.plir avec honneur les de- voirs des différens états qni Tobligeoient i veiller aux interets du Prince, a Tadminiftration de la Juftice & au bien public, les feuls momens dont il pouvoit difpofer, il les confacroit a la Peinture : fa vigilance lui donnoit plus de temps qu'aux autres, & il eft étonnant combien il a laiffé de Tableaux de fa main, quoiqu'il ne fut excité a la pratique de fon Art par aucune vue d'intérêt. Un Négociant fort riche, nommé Ie Cerf} né a Paris , & pour lors demeurant a Bruges, aimoit beaucoup les Ouvrages de vander Léepe; il voulut les faire voir en France, & il obtint de lui quatre grands Payfages qu'il fit parvenir a cette Cour; on nous aflure qu ils font places dans une desMaifonsRoyales. Son Attelier étoit une affemblée de gens inf-
truits : On y parloit Sciences, Belles-Lettres, toujours relativement a fon Art ; 'on ne pou-r Yoit y être admis que fous Ia condition d'y lire quelqu©
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58 La Vie des Peinlrcs
"77ZT quelque paffage d'Hiftoire, de Poè'fie, &c. c'eft
' ainfi que eet Artifle fcut écarter les importuns: il n'appella que ceux qui avroient Ie même defir des'inrtruire; la lefture étoit fuivie d'objeöions, d'interprétations, en un mot, de conférences utiles, oü 1'efprit acquiert toujours de laforce & del'étendue. Il aimoit les Artiites, recevoit leurs avis avec docilité , & leur en donnoit avec can- deur : toute fa vie étoit réglée fur Ie même ton ; il recut une marque bien fenfible de l'eftime qu'il avoit acqaife , lorfqu'en 1718, la Cour accorda a fon fils unique la furvivance de fes charges. Une trop grande application avoit al- téré (a fanté , fans qu'il ftit temps d'y apporter du remede. Il mourut d'une hydropifie en 1719 ou 20, & il fut enterré dans Ie tombeau de fa familie dans l'Egüfe des Carmes, a Bruges. VanderLéepe peut être regarde comme Peintre
né , fans être forti de fa Patrie, fans autre Mai- tre que cette dame Béguine \ on croiroit qu'il auroit demeuré en Italië , a en juger par fes Tableaux. Ses Payfages font compoiés dans la maniere d1 Abraham Genoels, & quelquefoiscom- me ceux du Poujjin ; il peignoit avec une faci- lité finguliere ; une touche très-librc , fon Pay- fage bicn feuillé, fa couleur affez bonne, ce- pendant un peu grife, & propre a des Orages & a des Tempêtes ; auffi on eftime fes Marines encore plus que fes Payfages : il faifoit peindre dans fes Tableaux les figures par de bons Ar- tiftes. Mare van Duvcnede & A'. Kerkhove, &c. ont orné plufieurs de fes Ouvrages : voici les plus connus. On trouve un grand Payfage, avec des fï-
gures
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Flamands, Allemands & Hollandois. 0
gures par un Amateur nommé Ramondr, il re- ~~77~ préfente Ia Fuite en Egypte. Ce Tableau eft place ^ ">J" dans 1'Eglife Paroiffiale de Sainte Anne, a Bru- ges; dans la même Ville, chez M. Foers, Tré- forier , plulieurs Tableaux qui ornent un appar- tement ; chez MM. du Hamel, quatorze grands & petits Tableaux , qui fervent de décoration dans une Salie; il y a des figures qui repréien- tent des fujets de la vie de Notre-Seigneur ; elles fontpeintes par N. Kerkhove. & Mare Duvenede; chez M. Verplancke, deux Marines. |
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MATTHIEU MEELE,
Ê L E V E DE L E L Y.
MAt T H I E u M É E L e', né en 1664 , fon
premier Maitre nous eft inconnu. Il paffa a Londres, oü Ie mérite de Pierre LeLy lui fit chercher les moyens dedemeurerquelque temps avec lui. Il y réuffit, & il ne Ie quitta point qu'il n'eüt acquis Ie nom de bon Peintre. 11 retourna a la Haye oü fa réputation lui fit faire un ma- riage très-avantageux, qui nous a privé de beau- coup de bons Portraits : il ne fit prefque plus rien. Il étoit un des Chefs de 1'Académie de Peinture a la Haye. On nous vante beaucoup un Portrait de lui , c'étoit celui de Mme van lïoei. Ce Peintre eft mort en 172.4 j il n'eft in- diqué ici que pour les Ouvrages de fa jeunefle , <jui font dignes d'être lóués. VICTOR-
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Go La Trie des Peintres
VICTOR-HONORÉ
J A N S S E N S.
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An s s e N S eft un des bons Peintres de.Bru-
xelles, oü il naquit en 1664, fils d'un Tailleur. Jl fut deitiné a fa profeffion : maïs fa vocation, caradérifée par un vif defir de peindre , 1'em- porta fur Ie projet de fa familie. 11 fut 1'Eleve de Volders, & après fept années d'application dans cette Ecole, il parvint au point de fur- pafler tous ceux de fon age. Ses Ouvrages de- venus publics aflurerent fa fortune. Le IXic d'Holftein lui ofFrit une penfion de huit eens flo- rins, qu'il accepta. JanJTens demeura quatre ans a la Cour d'Holf-
tein, oii , toujours attaché a fon talent, il ne perdit point de vue le voyage d'ltalie fi nécef- £aire a fa perfedion : il fupplia le Duc de le lui permettre pourfe rendre plus digne de fes bon- tés. Son généreux Protefteur non-feulement le lui permit, mais il lui fit donner une lettre de change de feize eens florins : préfent précieux qui lui fervit a faire fes études a Rome d'après les Tableaux de Raphaël, les Antiques & les Vues des environs de la ville. Les premiers Ha- bitans de Rome employerent a 1'envi fon pinceau. Tempefle , Peintre habile de Payfages & d'Ani- maux, eut recours a lui pour peindre les figures: ils ont été long-temps en fociété ; on croit que c'eft la vogue de ces petits Tableaux qui a porté Janjfens
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1664.
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Plamands, Allemands & Hollandois. 6ï
JanJJens a s'y borner : il prit pour guide les Ou- yrages de YAlbane , nouveau genre , mais qu'il Iö"4- traita mieux que tous fes contemporains. On ------
ne pouvoit obtenir de fes Tableaux qu'apres les
avoir commandés long-temps auparavant. Onze années s'écoulerent fans qu'il put finir tous ceux qu'il avoit entrepris pour retourner en Flandre ; il ne trouva Ie moyen de Ie faire qu'en refu- fant les Ouvrages que 1'on exigeoit de lui. De retour a Bruxelles, fes Tableaux en pe-
titeurent un grand fuccès. IlépoufaM11" Potter, fille du Payeur de Rentes , dont il eut onze enfans : norabre confidérable, qui lui fit aban- donner fa maniere de peindre en petit, pour reprendre celle en grand, plus expéditive, plus lucrative & plus conforme a fon génie. Les Eglifes & les Palais furent décorés par
fon pinceau , toujours conduit par fon efprit & fon jugement. Sa promptitude dans 1'exé- cution parut dans Ie grand nombre d'Ouvrages qui fe voient de nos jours a Bruxelles & aux environs. Vers 1718, il fut nommé Peintre de 1'Empereur : il partit pour Vienne ; trois ans après il paffa a Londres, & retourna a Bru- xelles, oü il eft mort en 1739, & enterré dans 1'Eglife de Saint Gaugeric. Ce Peintre fut Ie plus habiie de fon temps
pour traiter 1'Hiftoire en petit : une fonte de couleur agréable & naturelle, un pinceau flou & facile enlevent nos fuffrages. Ses airs de tête ont de la fineffe, de la nobleffe & de la beauté ; fon deffein eft correft, & fon génie marque de la fécondité. Ses grands Ouvrages font de même, «nais fa couleur eft plus crue & fent trop la pa- lette. |
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62 La Vie des PeintreS
,, lette. Il réuffit très-bien a peindre des plafonds}
^* tous ceux qu'il a faits font traites dans les re- ~ gles & bien entendus pour les effets. Voici une bonne partie de fes Tableaux places en public. On voit a Bruxelles Ie Tableau d'Autel de
1'Eglife de Saint Nicolas, repréfentant Saint Roch : & la Pefte dont Dieu affligea les Juifs, fous Ie regne de David, place dans la Chapelle de laVierge. Sur la porte d'entrée de 1'Eglife des Capu-
cins , Ie Tableau qui repréfente Notre-Seigneur tourmenté par les Juifs. Dans 1'Eglife de la Madelaine, un Tableau
d'Autel pres du Choeur. Jefus-Chrift mort, fur les genoux de fa Mere,
Tableau d'Autel dans 1'Eglife des Religieufes de 1'Ordre de Sainte Brigitte. Cinq grands Tableaux dans la Salie de la Con-
frérie de Saint Georges, tous fujets tirés de la vie de ce Saint; & quatre deffus de portes, ce font les Saifons. Ce Peintre avoit plus de foixante-dix ans quand il les a faits. Le Tableau du grand Autel de 1'Eglife des
Jacobins. Trois grands Tableaux dans 1'Eglife des Carmé-
lircs du grand Couvent, places entre les croifées; & le Tableau d'Autel de la Chapelle de Saint Charles Borromée. On y voit repréfente ce Saint, qui foulage les Peftiférés.^Deux Tableaux du même dans la Salie des EpTciers. Dans la Salie des Tailleurs , le Martyre de Sainte Barbe , le Martyre de Saint Boniface & le Couronnerhent de la ViergexTautresTableaux faits entre./a/2/7ë«J van Orley & Ejckens places dans la Salie des Braffeurs. Dans |
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Flamands , Allemands & Hollanctois. 63
Dans celle de la Maifon Royale , fix Tableaux
de THiftoire de Saül, de David & de Salomon : trois font peints par Janjfens , & trois par van Orley. Et dans la Salie de Saint Georges, neuf Ta-
bleaux : cinq fur la vie du Patron , & quatre deffus de portes, qui font des Allégories fur la Paix. |
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N. MOREL,
ÈLEVE DE VEREN DAËL.
ON croit que Morel eft né a Anvers. Il eut
pour Maitre Verendaël, bon Peintre de Fleurs & de Fruits. Il apprit de lui a cultiver Ie même genre, & a bien imiter la nature. Après avoir acquis de la réputation k Anvers , il alla s'établir a Bruxelles , oii étoit la Cour; il y fut employé de toutes parts. Ce Peintre aimoit la magnificence; il a vécu très-vieux a Bruxelles oü il eft mort; on ignore en quelle année. Morel compofoit bien fes Tableaux : une har-
monie de couleur fe trouve communément dans fes Ouvrages. Il avoit une maniere très-large qui déceloit une grande facilité : fa touche eft fpirituelle & ferme: fa couleur eft vraie & con- venable au genre qu'il a traite ; il furpafloit foa Maitre en repréfentant des Feuillages , ou quel- ques Plantes. C'eft un bonPeintre, dont les Ou- vrages plairont toujours. On
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64 La T^ie des Peintres, Sc.
On trouve dans les Cabinets de la Flandré
1604. |3eaUcoup de fes Tableaux. 11 a peint des Fleurs d'une grande maniere fur
des volets, qui confervent des Tapifleries an- ciennes & précieufes dans 1'Eglife de 1'Abbaye de Saint Pierre a Gand. |
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RACHEL
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RACHEL RUISCH
VAN POOL,
ÉLEVE DE GUILLAUME
VAN A E L S T.
A Hollande place avec raifon cette------
Femme au rang des plus illuftres 1664.
d'Amfterdam, oü elle naquit en ~—y 1664. Elle étoitfille duProfeffeur ' Ruifch, fi connu parmi les Anato- ' miftes. Encore jeune, fans le^ons & fans autre fecours que fon envie de deffiner , on la vit repréfenter tout ce qui la frappoit en Peinture & en Eftampes. Ce fut a des marques Tomc IV. E fi |
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66 La frie des Peintres
ü peu équivoques que fon pere lui choifit pour
Maitre Guillaume van Aelfl, très-célebre pour fes Fruits & fes Fleurs. En peu d'années 1'Eleve fuivit de pres fon
Maitre & fe crut en état de n'en plus confulter d'aurre que la nature. Elle en approcha ü pres , qu'elle fut regardée comme un prodige, & com- me Ia plus habile de fon fiecle. Ses Fleurs & fes Fruits furpaflent ceux de la
nature par Ie beau choix qu'elle en faifoit, par fa facon de les peindre, de les pofer & de les faire fcavamment contrafter. Tandis que Ton portoit dans toutes les Cours de 1'Europe fes Tableaux , & fa réputation renfermée dans fon Cabinet, el!e fuyoit Ie monde, de peur d'être diftraite de fes études: cependant elle ne put fe cacher a l'Amour qui la découvrit & vint trou- bler fon repos. Un Peintre aimable & jeune nommé Juriaen Pool, s'introduifit chez elle: s'il n'eüt été qu'aimable & jeune, peut-être n'auroit-il pasréuffi , mais il étoit Peintre & bon Peintre, & ilfutaimé.Il épousa RachelRuijIhen l6o.f. * Les foins dn Manage ne lui fïrent pas perdre un inftant de (es études. En 1701 la Société académique de la Haye admit ces deux Epoux; elle donna pour fa Reception un Ta- bleau très-précieux, qui repréfentoit une Rofe blanche,
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*C'eftainfiqueM. yien, PeintreduRoi&Piofeffeurdel'Academie
reyale de Paris, parut devant Mlle Marit-Thérefc Rcboul; elle n'aimoit que notte Art: Ie nom de M. yien , dans la Peinrure, lui mérita Ie caeur & la main de notre aimible Artifte ; elle s'étoit déja immortalifée dans l'imitation de Fleurs , d'Jnfeaes, & de Coqnillages, mais 1'Acadéroie royale de Peinture vient d'afluiei i 1'Europe fes taknj, en la reccrant parmi ses Membres iüudres. |
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Flamands, Allemands & Hollandois. (f]
blanche, une rouge, une plante de Chardons
&d'autres Fleurs Sa réputation eut Ie plus grand éclat dans
toute l'Europe. L'Eleöeur Palatin Jean-Guillau- me lui envoya un Diplóme date du 7 Aoüt 1708, qui la nomma Peintre de la Cour de Dufleldorp;ce Princeluiécrivit uneautre lettre qu'il accompagna d'unc toilette complette en argent, compofée de vingt-huit pieces, a la- quelle il ajouta fix flambeaux du même métal. Le Prince lui promit d'ètre Parrain de ion pre- mier enfant: peu de temps après fes couches , elle porta fon fils a Duffeldorp; l'Ele&eur dé- cora le col de eet enfant d'un ruban rouge au- quel étoit attachée une magnifïque medaille en or. Tous fes Ouvrages étoient pour fon Mécene,
qui, en les payant, y ajoutoit toujours des pré- fens honorables. En 1713 , elle fit encore le voyage de Duffeldorp, oü elle fut recue avec toutesles diftinöions que méritoient fes grands talens. L'Ele&eur, pour les faire connoitre, en- voya quelques-unsdefesTableauxauGrand-Duc de Tofcane , qui les admira beaucoup & les placa parmi les Chef-d'oeuvres qui compofent fa riche colleöion : mais la mort lui enleva fon Mécene en 1716. 11 fut pleuré ; cette Femme illuftre regrettoit encore moins en lui Ion Bicn- faiteur que le Proteöeur éclairé des Arts & leur généreux Reftaurateur: carelle vendoit tous fes Onvrages le même prix qu'elle les avoit ven- dus a Duffeldorp, & la Flandre & la Hollande murmuroient de les voir enlever en Allemagne. Ses talens fe font foutenus jufques dans une
E z extreme
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68 La Vie des Peintfes
1664. extreme vieilleffe , & fes Tableaux peints a qua-
avoit faits a trente. Cétoit toujours Ia même maniere & la même perfe&ion; elle joignoit au don du génie toutes les vertus du coeur. Refpec- tée des Grands, aimée de fes Rivaux, chantée par tous les Poëtes, elle ne parcourut que fur des fleurs fa longue carrière, qui fut terminée Ie 12 O&obre 1750, a 1'age de quatre-vingt- fix ans. Elle étoit veuve depuis cinq ans , après avoir été mariée cinquante ans avec Juriaen Pool. C'eft une des plus célebres Artiftes que nous ayorre a placer dans nos faftes. Ses Ta- bleaux font bien compofés & du plus grand fini, d'une vigueur furprenante, & d'une couleur auffi belle que vraie. Ses Fleurs, fes Fruits, fes Plantes & fes Infe&es font comme la nature même: on y feroit trompé , fi on comparoit les Chenilles & les Vers avec ceux qu'elle a cher- ché a imiter. Ses Ouvrages précieux ne font que peu connus en France par la difficulté de les obtenir de ceux qui les pofledent en petit nom- bre en Hollande. On voit a Amfterdam, chez M. Lubbeling ,
quatre beaux Tableaux, les uns des Fruits & des Fleurs : d'autres des Fleurs , &c. L'Elefteur Palatin poflede un Tableau avec
des Fruits & des Fleurs : un autre avec des Fleurs. |
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SIMON
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Flamands, Allemands et Hollandois.
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SIMON VERELST.
SImon Verelst eft né a Anvers, com- 1664.
me 1'aflurent ceux qui 1'ont vu a Londres. - , ..... Son Maitre nous eft inconnu , ainfi que les par-
ticularités de fa premiere jeuneffe. 11 étoit un bon Peintre de Fleurs , loriqu'il fut a Londres, oü fes Tableaux eurent la plus grande vogue: il paffe du moins pour avoir mieux compofé fes Ouvrages & pour avoir eu 1'art de les faire valoir par 1'intelligence du clair obfcur. On rap- porte que Ie Duc de Bukingham. & Ie Prince de Condé, lingulierement attachésa ce Peintre pour fes bons Ouvrages, furent la caufe de fa perte : ils lui demanderent leurs Portraits; il avoit affez de raifon de les refufer, puifqu'il n'en avoit ja- mais fait: ces deux Tableaux eurent de la ref- femblance , mais ils n'étoient point traites com- me 1'exige ce genre : il en re$ut cent cinquante guinées ; la tête lui en tourna, il eut la vanité de fe croire au-deffus de Vandyck & de Kneller, &c. tandis qu'il n'étoit qu'habile a peindre des Fleurs & des Fruits. Il dédaigna la Peinture , & finit par des extravagances: on fut obligé de l'enfermer;il revint a lui, mais il n'avoit plus les mêmes talens. Il eft mort a Londres, fans qu'il nous foit poffible de dire en quelle année. Ce Peintre eft un des premiers dans fon genre.
Les Fleurs & les Fruits ont été peints avec la plus grande fraicheur , & avec la plus grande vérité. Ses Ouvrages font bien confervés en E 3 Angleterre,
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7 o La Vie des Peintres
Anglcterre. On en trouve moins ailleurs. Le cé-
lebre Boe;have poff.-doit le chef-d'oeuvre deno- tre Peintre: on ne icait oii il eft préfentement. |
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PIERRE VANDER WERF
ÉLEVE DE SON FRERE
ADRIEN VANDER WERF.
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.j Ier re vander Werf, né a Kralin-
1" ^' -* gerambacht, pres de Rotterdam , en 1665, m apprit la Peinture de fon frere le Chevalier vander Werf. Il copia d'abord bien lesOuvrages de fon frere ; la même couleur, le même pré- cieux, mais il n'étoit encore que copifte. Le Chevalier compofoit & deffinoit les Tableaux, difpofoit les études & les draperies fur le man- nequin. Le jeune frere ébauchoit les Tableaux que le Chevalier retouchoit a mefure; c'étoit ainfi flu'il eut occalion de profiter. Pierre van- ^/•?Ter/compofaenfuiteluifeuldesfujets:beau- coup ont été retouches par fon frere, & ce font les meilleurs. Il traita quelques fujets d'Hif- toire , mais plus fouvent des fujets pris dans la vie privée. Il fut employé apeindredesPortraits, qiiïl fit très-bien. On connoit de lui un Tableau a 1'Hótel de la Compagnie des Indes: il y a repré- fenté les Direöeurs de ce temps-la. En 1695, il époufa Marie Bofman, qui étoit aufli Eleve du Chevalier : fon talent lui méritoit déja des applaudiffemens , mais elle le négligea depuis. Vandcr
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Flamanch, Allemands & Hollandois. 71
Vander /^//nemenoitpas la conduite de fon 7"
frere Ie Chevalier. Celui-ci aimoit les Grands '605. & la bonne compagnie ; Tantre, au contraire , 7-----r
aimoit Ie cabaret, plus par habitude que par
envie de boire : il ne fut pas poffible de Ie dé- tourner de cette conduite; il finit par fuir la fociété : on Ie vit toujours feul; il devint hypo- condriaque , & croyoit toujours qu'on vouloit rempoifonner. Cette nialadie Ie rendit difficile a vivre , même avec fes parens; elle dura juf- qu'a fa mort qui arriva en 1718. Ce Peintre, fans avoir Ie mérite de fon fre-
re, eft, après tont, un Artifte habile, qui a vu verdre fes Ouvrages bien cher, dans une vente publique, a Rotterdam, en 1713. On paya cinq eens cinquante florins un petit Tableau de fa compofition , repréfentant trois petites Filles qui fe jouent avec des fleurs; un autre, auffi trois Enfans au jeu , qui fut vendu trois eens trente cinq florins: ces deux font de fa com- pofition ; en 173 r, une fainte Familie qu'il avoit copiée d'apres fon frere, ftit achetée , dans une vente, huit eens florins. Le prixn'en diminuera point, parce qu'ils font rares; nous en indique- rons quelquesuns, qui font affez connus. On voit dans le Cabinet du Prince de Hefle ,
un Tableau repréfentant trois petites Filles, c'eft peut-être le même dont nous avons parlé. A la Haye , chez M. Fagei, une Madeleine
en priere: Tableau précieux. Chez M. Lormier, un Berger affis, deux petites Femmes, une dan- fante; Notre Seigneur mis autombeau; une fainte Familie: ces deux derniers Tableaux ont été retouches par fon frere. Chez M. van Béteren, E 4 un
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7 ft La Vie des Peintres
I(~ un petit Garcon & une jeune Fille qui deflinent
''_.?_* d'après la Vénus antique; deux jeunes Filles " attachent des guirlandes de fleurs a une petite Statue de pierre; & un Saint Jéröme lifant dans un grand livre : ce dernier a été retouche par Ie frere. Chez M. iïAcofta, Loth & fes Filles: ces deux derniers font retouches par fon frere. A Rotterdam, chez M. Léers, un Satyre pres d'une Nymphe; & chez M. BiJJchop , Loth & fes Filles, Tableau encore retouche par fon frere. |
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JOACHIM-FRANgOIS
B E I C H.
BEiC H , né a Ravensbourg en Suabe, en
l66j , étoit fils d'un Géometre qui peignoit par amufement. Il donna quelques principes a fon fils. C'en fut affez pour en faire un Maitre habile & lui mériter 1'honneur d'être employé a la Cour de Baviere. Il fut chargé de peindre les BataiUes que l'Ele&eur Maximilien-Emmanuel avoit li- vrées en Hongrie. Pendant la Guerre occafionnée par la fuccef-
fion d'Efpagne, 1'abfence de l'Ele&eur donna a Beick Ie loifir d'aller en Italië pour y avancer fes études & profiter des modeles des grands MaJtres. 11 y laiffa de fes Ouvrages , qui ent mé- rité Tadmiration des plus habiles Peintres: il fuffira de dire pour fon éloge, que leSolimene a copié plufieurs Payfages d'après Beich. On
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Flamands, Allemands & Hollandois. 7 3
On ne f<jait plus rien de ce Maitre , qui a
toujours demeuré a Munich, ou il eft mort Ie
16 O&obre 1748; il avoitperdu l'ouie peu de
temps auparavant.
On nous affure de bonne part qu'il changea
trois fois de maniere: la premiere eft rembru- nie, la feconde plus claire & plus vraie, la derniere eft plus claire, mais plus foible. Ses fcites font pittorefques & toujours très-piquans; fa touche vive & facile, exprime les formes dans fes compofitions, fouvent dans Ie gout du Gafpre & de SaLvator Rofa. Il ne faifoit fes Fi- gures que de peu d'ouvrage , mais avec efprit; il gravoit a 1'eau-fortê Ie Payfage , il y finiffoit (es Figures plus que dans fes Tableaux. On en trouve, a Schleisheim en Baviere, de vingt-qua- tre pieds de large , dont les fujets font des Ba- tailles. Et dans la Colle&ion du Comte (THage- dorn, quatre payfages: deux, dont 1'un eft une Grotte , & un Ruiffeau qui va fe perdre fous un pont, & 1'aurre , des Rochers et des Montagnes d'oii 1'eau fort & fe précipite en cafcade; les Figures font, dans 1'un, lejeuneTobieavecrAn- ge; les deux autres repréfentent les accidens du Soleil qui paffe entre les montagnes & les fou- terrains. |
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74 La yie des Peintres
CORNILLE DU SART,
ÈLEVED'ADRIEN OS T AD E.
------T>U Sart, né a Harlem en 1665 , fut
1665. £-** celui des Eleves d'Adrien Oftade qui a Ie
'===r plus approché du mérite de fon Maitre. Il épioit les Viliageois dans leursjeux, dans leurs querelles & leurs plaifirs: il a rendu fes Tableaux plaifans & agréables par cette vérité ; c'étoit un'prodige pour la mémoire. Une figure originale qui Ie fra- poit dans quelques Fêtes, étoit renduelong-terops après dans fon Tableau, comme s'il en avoit fait la copie fur lechamp d'après la nature. Notre Ar- tifle étoit d'une foible complexion ; fon appli- cation aida auffi a avancer fes jours: il étoit d'ailleurs fobre, & ne paroiflbit dans les Compa- gnies que lorfque 1'on y parloit Peinture , Def- feins ou Eftampes; il avoit lui-même une Col- le&ion rare. Adam Dingemans fon ami, qui pof- fédoit auffi un très-grand nombre de Deffeins & crEltampes, fe trouvoit toujours avec lui; celui-ci venoit de quitter du Sart Ie 6 Odobre )7O4,lorfqu'une demi-heupe après il retourna pour Ie voir, il Ie trouve mort dans fon lit, il mourut auffi lui-même dans Ie jour. On les enterra enfemble dans la même Eglife. Du Sart efl un fort bon Peintre. Ses compo-
fitions ont un peu plus de noblefle que celles de fon Maitre: ce font des Fêtes flamandes , des Chymiftes dans leurs Laboratoires, des Bu- vc-ttes,
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Flamands, Allemands &■ Hollandois. 7 5
vettes, des Jeux, &c., oü il regne plus d'efprit ^T
que dans celle iïOftade, mais il eft au-deflbus .. de lui comme Peintre. La couleur de du San tient de 1'Ecole oü il avoit appris. Ses Fleurs font auffi eitimées que fes jolis Deffeins au crayon & a 1'encre de la Chine, & d'autres coloriés. Voici des Tableaux de lui bien connus. A Rouen, chez M. Ribard, Négociant &
ancien Juge-Conful, deux Tableaux : 1'un re- préfente l'intérieur d'une Maifon oü 1'on diftri- bue des Galettes aux enfans; 1'autre elt une Danfe a la Guinguette. Chez M. Lormier, a la Haye , un aflemblée
de Villageois , & une autre dans une[Chambre. Et chez M. vander Linden, van Slingelandt,
a Dort, un Tableau oü un Payfan joue du Violon , un autre 1'accompagne au fon des Pin- cettes, une Femme chante tenant un enfant fur fes genoux : Ie fond eft une Chambre. |
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JEAN VANDER MEER,
ÈLEFE DE NICOLAS BERGHEM.
TEan vander MÉEReft né versletemps
* de du Sart. L'année & Ie lieu nous font in- connus. Il étoit fils d'im Peintre de Payfage qui lui enfeigna fon Art: la mort l'enleva lorfqu'il ne faifoit que commencer; il entra dans la bonne Ecole de Nicolas Berghem. Au milieu d'un nom- bre d'Eleves, vander Méér voulut fe diftinguer; c'étoit déja réuffir que de Ie youloir comme il Ie
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ij 6 La Vie des Peinlret
,, Ie vouloit; auffi joignoit-il tin travail opiniarre
^' a de grandes difpofitions: il étoit toujours oc- cupé de fon Art, & il apprenoit de fon Maitre a voir la nature , a la fuivre par-tout, a la fur- prendre a chaque inftant, ayant toujours pour guide la fagacité & la réflexion. Ce fut après plufieurs années de travail & de bonnes le- c,ons, qu'il fut regarde lui-mème comme un Maitre ; il époufa la foeur de du Sart. Il peignit de jolis Payfages avec des Figures & des Ani- maux qui ont été vendus cher de fon temps. On 1'accufe d'inconduite & decrapule ; il eft certain qu'il mourut a Harlem, pauvre: on affure que fa Femme fit faire un enterrement magnifïque , oü elle avoit fait inviter fes parens , & que pendant quel'on portoitle corps a TEglife, elle fe retira avec les meilleurs efFets du mort: au retour de 1'enterrement, on trouva la maifonvuide, les parens furent obligés de payer tout; ce fut par cette ridicule friponnerie qu'elle pretendit hono- rer la mémoire de fon Man. Vander Méér eft eftimable dans la plüpart de fesTableaux; quel- ques-uns font faits fi vite, qu'on a de la peine a y reconnoitre Ie même Peintre: nous ne Ie ci- tons que pour fes bons Tableaux, qui font bien inférieurs a ceux de fon Maitre, mais qui mé- ritent une place dans les Cabinets. On recherche fes Deffeins, fans qu'ils foient du premier mérite, & on les trouve en aflez grand nombre en Hol- lande. M. van Bremen, a la Haye, poffede de ce
Peintre une vue duRhin: c'eftun bon Tableau. |
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CORNILLE
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Flamands, Allemands & Hollandois.
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CORNILLE VERELST.
NO U s croyons que Cornille Verelft eft Ie
Frere de Simon Verelft, & peut-être fon Eleve. Il peignoit aufli des Fleurs & des Fruits, qui furent recherches en Angleterre, oü il a paffe fa vie, & oü nous Ie croyons mort; voila tout ce que nous avons appris de ce Peintre, dont les Ouvrages nous font inconnus. |
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GEORGES
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GEORGES-PHILIPPE
RUGENDAS.
UgendaS, né Ie 27 Novembre
1666, dans la ville d'Angsbonrg, eut pour pere un Horloger très- diftingué. Ce Pere avoit d'abord envie d'élever fon Fils dans fon Art: mais voyant que 1'inclination de fon Füs n'y étoit point portee , & qu'il n'avoit du gout que pour Ie deffein , il eut la fageffe de feconder les intentions de la nature, en lui chsnnantdes Maitres enDeffein & en Gravure. Rugendas ayant étéinconimodé de la main droite & hors d'état de manier Ie burin , il fe borna au
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La Vie des Peintres , &c. 79
au crayon & au pinceau, qui font plus faciles ~TT
a conduite. "* Notre jeune Eleve fut confïé a Ifaac Fifches,
Peintre d'Hiftoire eftimé. Cinq années de lecon fous ce Maitre fuffirent pour décider fes talens au point. de pouvoir compofer & choifir Ie genre auquella nature 1'avoit deftiné. Il devint Peintre de Batailles. Fifches, qui aimoit fon Eleve, fit des efForts pour 1'avancer : il lui procura des Tableaux du Bourguignon, de Lembke, & des Eftampes de Tempefte qui venoient de paroitre. C'étoit pour Ie génie de Rugendas une nourri- ture dont il étoit avide, il les copioit, il les deffinoit la nuk, il réfléchiflbit fur chaque partie avec eet efprit d'émulatiön qui. eft Ie germe des grands talens. Rugendas étoit au comble de fon bonheur,
il avoit des guides pour Ie conduire fur les pas de la nature, & des Prote&eurs pour 1'encoura- ger,lorfque fa main droite lui manqua tout- d'un-coup au point qu'il ne put s'en fervir. C'auroit été un coup mortel pour tout autre que lui; mais de quoi n'eftpas capable une vocation décidée pour les Arts ? Il aflervit en pen de temps fa gauche a fa profefïïon, & elle lui rendit la même feryice que fa droite: efpece de prodige que nous avons vu fe renouveller dans rilluftre Jouvenet. Cet accident ainfi réparé en partie, notre jeu-
ne Peintre voulut voir d'autres Maitres, d'au- tres modeles pour s'inftruire; il obtint la per- miffion de fes parens avec peine, & partit pour Vienne; il refta deux ans dans cette Ville, oü. il s'acquit un Protedeur en la perfonne de Hoff- mann,
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8ó La Vie des Peintres
,., mann, Graveur de la Cour, en Pierres & en Mé-
* ' dailles; mais après avoir perdu quelque temps 1'u* ----- fage de fa main droite, quel bonheur pour lui de Ie
recouvrer! un os prefque rongé par la carie tom-
ba, & la plaie fe guérit d'elle-même , fans autre fecours que celui de la nature.Rugendas, au com- ble de fa joie, munide lettres de recommanda- tion (ïHoffmann , partit pour Venife Ie 13 Sep- rembre 1692. Le célebre Molinaro, Peintre d'Hifloire le prit en affeöion, il lui donna des con- feils & des lecons. Pendant le temps qu'il étu- dioit a Venife , il fit plufieurs Tableaux pour les Nobles Mardinelli &c Pergonjï: mais le defir de voir Rome 1'emporta fur ces diftin&ions flat- teufes , il quitta Venife le 27 O&obre 1693. A peine arrivé dans la Capitale d'Italie, il fe mit a tout deffiner, & fuivant les traces de ceux qui fe font rendus célebres dans les differentes manieres, en prenant Fefprit de 1'un & de 1'au- tre, il fe fortifia dans celle qu'il avoit puifée dans fon propre génie. Il ne put échapper a la Bande académique qui le perfécutoit, & il ne fe débarrafla d'eux qu'en fe faifant infcrire, il fut nommé Schild, en Francois, Bouclier, comme Peintre de Batailles; il dut ce nom a la figure qu'il employoitordinairement dans fes Tableaux. On voyoit par-tout Rugendas deffiner tout, & ne faire autre chofe: on ne connoit de lui que deux Tableaux peints pendant fon féjour a Rome, 1'un pour Charles de Vogler, & 1'autre pour M. Richter, Gouverneur d'un jeune Sei- gneur. La mort de fon pere lui fit quitter Rome;
les befoins de fa mere 1'appellerent pres d'elle: |
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Flamands, Allemands & Hollandois. 81
il arriva a Augsbourg au mois de Juin 1695. Ses anciens Amis & fes Prote&eurs Ie recurent avec la plus grande joie , & lui firent des eom- plimens fur les Ouvrages qu'ils avoient recus de lui pendant fon abfence : on lui en comman- da de nouveaux & en fi grand nombre qu'il fe détermina a fe fixer dans ia Patrie. Il fe maria au mois de Mars en 1697, avec
Anne-Barbe Haidt. Il n'eut de ce mariage qu'une fortune médiocre , mais fes vertus lui tenoient lieu de tout bien. Il eut Ie défagrément de fe voir fans ouvrage, lorfque (es amis fe furent fournis de fes Tableaux qu'ils avoient payés rai- fonnablement: les autres Amateurs crurent Ie forcer a en diminuer Ie prix; ils fe liguerent de facon qu'ils auroient réufli, s'il n'avoit pas trouvé dans fon génie des reflburces pour échap- per a leur artifice. En 1699, on vit paroitre des Eftampes qu'il venoit de graver d'après fes com- positions. Les Cavaliers dédiés a fon ami Hoff- mann, & quatre Efcarmouches plus grandes font les premières gravures en maniere noire de notre Artifte. Il grava auffi quelques Thefes. Ayant a peindrela Bataille de Nerva oü Char-
les XII combattit contre Pierre Ie Grand, il abandonna la gravure. Mais Ie Siége , Ie Bom- bardement , la Prife & Ie Pillage d'Augsbourg 1'expoferent aux plus grands dangers. Plus occu- pé de 1'étude & de la gloire de fon Art que du foin de fa fortune & de fa vie , il ofa voir de pres ce qu'il n'avoit encore vu qu'en idee; on Ie vit s'échapper plulieurs fois de la Ville pour confidérer a loifir les effets des boulets & des bombes, les attaques de llnfanterie & de la Tome IV. F Cavalerie,
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82 La Vis des Peintres
j666 Cavalerie, toutes les horreurs d'un Aflaut; les
' defliner de fang froid au milieu du carnage, & en rapporter les deffeins exécutés avec autant de vérité que de génie. A mefure qu'il finiffoit fes Tableaux, ils étoient enlevés, jamais exécu- tion ne fut plus prompte; malgré tant d'obfta- cles, la maifon fut tout-d'un-coup remplie de Tableaux. M.MUlers d'Augsbourg enacheta cin- quante, qu'il porta a Paris. Un Marchand d'Eftampes fort riche qui fe
nommoit Jéremie ü^oZ/Jdemeurant a Augsbourg, fe déclara en faveur des Arts; il exhorta plu- fieurs perfonnes de confidération de folliciter avec lui les Magiftrats, afin d'obtenir Tétabliffe- tnent folide d'une Ecole publique de Deffein; 1'Ecole fut établie en 1710, & Rugendas en fut nommé Directeur. Ce fut a peu pres dans ce temps que 1'on de-
manda a ce Peintre la repréfentation de la prife du Général Steinbock., par les Troupes de Saxe & de Ruffié, auxiliaires du Roi de Danemark. Il refufa de Ie faire, fous les prétextes les plus honnêtes ; mais on infifta , & fa familie avide du grand prix qu'on lui propofoit, aida fort a Ie déterminer. Il entrepritce grand Tableau qu'il n'acheva qu'en verfant des larmes. Il a regrette toute fa vie de 1'avoir fait, tant il étoit attaché a la Couronne de Suede, & fur-tout a la per- fonneduRoi. Rugendas ayant été occupé par plufieursPrin-
ces & Grands de TEurope , auroit tiré un profit coniidérable de fes Tableaux, fi la prife d'Augs- bourg par les Francois & les Bavarois ne lui eüt fait perdre Ie fruit de fon travail & de fon economie,
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Flamands, Allemands & Hollandois. 83
economie. Une familie nombreufe ne lui permit '
pas non-plus d'attendre les occafions de vendre 1666.
des Ouvrages faits, qui n'étoint point de com- ^s* mande , il fe mit encore une fois a graver en maniere noire, efpérant que ce genre feroit plus lucratif. Il repréfenta des Maneges, des Atta- ques, des Siéges, &c. il pouffa Ie nombre de fes Planches fort loin : mais comme il falloit, pour augmenter Ie débit, tous les jours du nou- veau ; il entreprit de graver des Thefes, aide par deux de fes fils, il ne fit autre chofe de- puis 1719 jufqucen 173 5. Il fcut ainfi entrete- nir honorablement fa familie & fuffire aux dé- penfes que lui canferent quelques-uns de (es en- fansparleurinconduite.En I73$,s'étantappercu quefesforces diminuoient, il reprit la palette , dont Ie mauvais fuccès Ie défefpéra d'abord ; mais ayant effayé de nouveau, il appella fes enfans, & tranfporté de joie, il leur dit, je n'ai rien oublié ,jefuis encore Peïntre. Il fit ufage du pinceau jufqu'au dernier moment. Plufieurs atta- ques d'apopléxie annoncerent fa fin, qui arriva Ie 10 Mai 1742., après quatre jours de ma- ladie. Rugendasafolffèapvés lui laréputationd'hom-
me de bien, d'ami fincere & conftant; il par- loit de fon Art avec efprit & jugement» Son amour pour 1'étude lui fit abandonner la compagnie des Grands dont il étoit recherche; la folitude Ie rendoit a lui-même ; il fe délaffoit avec queb ques amis, fans s'embarrafler de 1'épithete d'hom- me fingulier, qu'on lui donnoit injuflement, s'il eft vrai qu'on prit une pareille fingularité pour un défaut. F 2 Nous
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84 La Vie des Peintres
Nous ne dirons rien de la Gravure, (es Ta-
bleaiix nous occuperont davantage. Son Deffein eft ferme & correft, il mérite un rang honora- ble parmi les Peintres de Batailles : génie abon- dant & cependant févere , il ne fe permettoit de peindre que ce qu'il avoit vu dans la nature, dont rien ne lui échappoit. Il regne un ordre dans fes plans , une vapeur qui dégrade les diftances, les difpolitions font réflêchies, & fouvent fa cou- leur eft très-bonne. Tout ce qu'il a fait eft de peu de travail & décele une grande facilité. Il avoitrangé lui-même fes Ouvragesen trois claf- fes: mes premiers Tableaux , difoit-il , fédui- fent par la couleur & les touches de gout; Ie deffein en eft médiocre : dans Ie fecond age, je me fuis attaché a la nature, jai négligé la couleur. Le troifieme & Ie dernier temps, je me fuis livréa la jufteffe des expreffions , des pofi- tions &des mouvemens vifs& paflagers. Cette chaleur eft répandue dans la couleur même. Tout cequ'ila peint depuis 1709 jufqu'en I7i6,eft du dernier & bon temps : comme ce Peintre tenoit un Regiftre exaft des Ouvrages qu'il fai- foit pendant 1'année, du prix & des noms de ceux a qui il les vendoit, nous allons en rappor- Ën ter une partie. 1702. Deux Tableaux pour le Marquis de Brie ,
Envoyé de la Cour deTurin a celle de Vienne. 170I. Deux grands Tableaux pour le même ; 1'un
repréfente le Siége deLandau , & 1'autre le Fort de Kehl. 1705. Deux autres pour le Prince de Lichtenftein;
un pour le Colonel de Slnncr, plufieurs autres pour le même. Une |
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Flamands, Allemands & Hollandois. 85
Une Bataille pour M. R.ichtery a Prague, une
pour M. TUI, Joaillier de la Cour de Virtem- berg, a Stutgard; une pour Ie Comte Francois- Emmeric de Trautmanffdorf. Quatre grands Tableaux pour l'EIe&eur de 1708.
Mayence ; quatre a utres pour Ie même en 1710. Un pour M. Mayer,k Vienne, & plusieurs 1709.
pour M. Steiner a "NVinterrhur. Un Tableau pour M. Grille, a Amfterdam.
Un autre pour Ie Margrave üAnfpach; un
pour Ie Prince de Lobkovvh\ & un pour Ie Baron de Widemann. Une BataiMe pour Ie Comte de Deiring. 1712.
Deux grands Tableaux pour Ie Duc Antoine- I7I^
Vlric de Wolffembuttel ;,en 1715 deuxautres de même pour ce Prince, qui honora Rugendas de fa bienveillance 3 lui rendit des vifites , & lui commanda plufieurs Tableaux de mêrae grandeur. Un Tableau pour M. Hoffmann , a Lyon ; 1714.
un pour Ie Baron de Knorr, Envoyé dü Duc de Brunfvvic Lunebourg. Un pour Ie Comte de Hat^feld. i-rrj c.
Deux très-grands Tableaux pour Ie Roi de 1-716.
Danemarck: 1'un repréfente Ie Siége de la Ville & Forterefle de Stralfund; Tautre , la reddition de cette Forterefle. On trouve beaucoup d'Ouvrages de ce Peintre
a la Cour de Suede. A Rouen , dans Ie Cabinet de M. Brochant,
Auditeur en la Chambre des Comptes de Paris, on voit deux Tableaux, 1'un eft un Trésorier des Troupes, qui paie une Armee qui défile F 3 devant
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86 . La Vie des Peintres
devant lui au fortir d'une Ville. L'autre est une
Ville au-dehors, dont on fait Ie Siége. On compte trente-huit planches gravées a
leau-forte de fa main, & quatre-vingt de diffé- rentes grandeurs en maniere noire. Cinquante autres d'après lui, gravées par
Friederich ; Bodenehr, Engelbrecht & Corvinusy tous Graveurs d'Augsbourg, |
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OTMAR ELLIGER,
ÉLEVE DELA1RESSE.
OTMAR ElliGER naquit a Hambourg
Ie 16 Eévrier 1666, Fils d'unPeintrehabile qui étoit de ja Cour de FEleöeur de Brande- bourg , Sc dont nous avons fait mention. Il apprit de fon Pere les premiers élémens de la Pein- ture; dela il fut a Amfterdam chez Mrchel van MuJJcher. Mais frapé de la beauté des Ouvrages de Laireffe, il parvint a entrer dans fon Ecole: ce fut en 1686. On ne peut être plus exad que Ie fut l'EIeve a fuivre les lecons de fon Maitre, foit en copiant fes Ouvrages & ceux des autres , foit en copiant la nature. L'efpritdu jeunePein- tre intéreffa LaireJJe: une annce de fes lecons ]e mit en état de compofer librement, fans fuivre d'autre modele que la nature , & fans avoir en vue la maniere de perfonne ; la fienne eft grande & noble, fes fonds d'une belle Ar- chiteöure : on y retrouve les reftes précieux des Egyptiens , des Grecs & des Romains. Si la fcene
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Flamands, Allemands & Hollandois. 87
fcene de fa compoiition devoit être repréientée
dans une de ces Contrées , il introduisoit enco re des bas-reliefs relativement au temps: c'étoit un homme de génie & nn homme d'efprit, fes Tableaux intéressent Ie Peintre & Ie Scavant. \\ peignit a Amfterdam plufieurs plafonts 8c
de grands fujets pour orner des Salons publics & des Appartemens. L'Ele&eur de Mayence prit tant de plaifir a la vue de fes Ouvrages , qu'il lui cornmandadeux très-grands Tableaux; 1'un repréfentoitla Mortd'Alexandre, 1'autre les Nóces de Thétis & de Pélée; on vante ces deux compoiitions nombreufes & d'une belle exécu- tion. L'Ele&eur fut fi fatisfait, qu'il paya 1'Ar- tifte , & lui fit en outre un riche préfent, il Ie nomma fon premier Peintre : titre (\\iElliger refufa ainfi que la penfion qui y étoit attachée, préférant la liberté a un honorable efclavage; il retourna chez lui. La Typographie fut ornée de compoiitions ingénieufes de ia main , mais il en fut fi occupé, qu'il ne lui refta plus de temps pour peindre de grands Ouvrages ; il fit des Tableaux en petit, également dignes d'être places dans les Cabinets : on vante encore de ce bon Artifte Ie Feftin des Dieux, grand Tableau qui fuffit pour Timmortalifer. Mais eet homme ii aimable & fi eftimé tom-
ba bientöt dans la crapule & Ie mépris. Ses Ou- vrages ne reffemblent plus a fon premier temps; manièrés de mauvaife couleur , & prefque tou» médiocres, ils nous apprennentque Ie génie ne peut fe foutenir avec la débauche. Il eft mort a 1'age de foixante-fix ans , Ie 14 Novembre 1732. On voit dans Ie Cabinet de M. Half- F 4 WaJJenaer%
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88 La Vie des Peintres r
sss Waffenaer, a la Haye, un beau Tableau d'El-
x liger repréfentant Alexandre mourant. |
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ALBERT VAN SPIERS,
É L E V E
DE GUILLAUME VAN 1NGEN.
ALbert van Spiers naquit a Amfter-
dam en 1666. Il étoit un des bons Eleves de van Ingen, & déja habile , lorfqu'il prit la route de Rome, bien déterminé a s'y former d'après Ie beau ; Raphael, Jules Romain & Ie JDominicain, ont été les Maitres qu'il a étudiés avec la plus grande application: ceux qu'il ne put copier en Peinture furent deffinés avec cette correóbion qui marque Ie gout & Ie deur de profiter de tour. Il ne put échapper a la Bande académique qui Ie re5ut & Ie nomina Pyramider parce qu'il étoit grand ik maigre. Il quitta Rome pour aller étudier la couleur
a Venife. Paul Verpne^e fut encore Ie Maitre qui flatta fon gout; il épia dans FEcole de Carlo Lothl la marche de eet Artifte, qui étoit pour lors dans Ie fort de fa réputation; tous ceux qui étoient dans ce temps a Venife, convinrent que Spiers étoit très-propre a faire honneur a fon Pays: il y retourna en 1697. Amfterdam lui fournit de grands Ouvrages ;
des Plafonds , des Appartemens furent entiere- ment décorés de fa main. Sa fortune & fa ré- putation |
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Flamands, Allemands & Hollandots. 89
putation 1'exciterent a redoubler fon affiduité; mais il fe ruina tellement la fanté, qu'il mourut d'une maladiede langueuren 1718, agé decin- quante-deux ans. Le mérite de eet Arrifte eft très-vanté par fes
Confrères; il avoit de 1'imagination, de la correftion , & la bonne facon de ne jamais nc- gliger la nature, qui fut toujours fon premier modele. Il ne quitta pas non plus la marche des Maitres d'Italie, d'après lefquels il s'étoit formé: de maniere cependant qu'en fuivant toujours fon génie , il ne les imitoit que quand ils imitoient la nature. |
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JURIAEN
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JURIAEN POOL.
Uriaen PoOLnaquit a Amfter-
dam en 1666, il avoit époufé üa* chelRuifch,{i célebre dans laPein- ture. Poo/peignoitbienlePortraiti il avoit joui des bienfaits de 1'Elec- teur Palatin, qui aimoit les Ouvra- ges de fa Femme & les fiens. Après la mort de 1'Eleöeur, fon attachement a ce Prince lui fit quitter la Peinture qu'il avóit tant aimée, & par laquelle il s'étoit fait un nom: il s'occupa depuis du commerce des Dentelles, au grand regret des Amateurs, & fans qu'il ait été pofli- ble de f5avoir la raifon de ce changement. Il eft mort a lage de quatre-vingt ans? en 1745. N. VAN
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La Vie des Peintrcs, &c. 91]
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N. VAN SCHOOR.
VAn Schoor naquit a Anvers vers 1'an
1666. Il deffinoit bien , il compofoit avec génie & facilité , & il colorioit agréablement. Cet Artifte étoit fort occupé a faire des mode- les pour les TapifTeries de la Ma nufaft ure d'An- vers , & pour celle de Bmxelles, II peignoit encore des Nymphes, des Génies & des Jeux d'Enfans pour Morel, Peintre de Fleurs, & pour Rysbrack , Payfagifte. Il f<jut répandre tant de grace dans fes figures, qu'elles furent fingulie- rement recherchées : ce Peintre a beaucoup travaillé pour la Flandre & pour Ie Brabant. On affure qu'il eft mort riche , c'eft tout ce qu'on nous apprend de lui. |
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N. E D E M A.
CDema, que Ton croit né dans la Province
■"-1 de Frife , eft un Payfagifte eftimé. Il paffe a Surinam pour y copier les Infe&es & les Plan- tes: ce genre lui ayant peut-être paru trop bor- né, il 1'abandonna pour deffiner des Vues, des Arbres, &c. Il parcourut enfuite les Colonies Angloifes dans rAmérique, oü il deflina tout, il y peignit même quelques Tableaux qu'il rap- porta a Londres. Tout ce qui fortoit de fa main étoit bien colorié & touche avec efprit. Ses Tableaux
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g» La Vie des Peintres
" Tableaux avoient, aux yeux des Anglois, Ie
1606. mérite de leur repréfenter des Vues d'un Con- tinent qui les intéreflbit. Edema profïta de cette vogue. Il feroït mort plus riche, & il aursit peut-être vécu plus long-temps, s'il avoit été plus fobre; mais on nous affure qu'il aimoit trop Ie vin. |
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HENRI HERREGOUTS.
HErregouts naquit a Malines vers 1'an
1666. Le Maitre de eet Artifte nous eft inconnu, mais il étoit né Peintre & plein de génie: les exemples des grands Maitres , & 1'étude de la nature le formerent tellement, que fon nom pafla dans toutes les Villes de la Flan- dre , celles d'Anvers, Liere } Louvain, Bru- ges,&c. occuperent tour-a-tour fon pinceau; il quitta Malines, & fut demeurer a Anvers oü il augmenta le nombre des bons Artiftes. Il y eft mort, fans que 1'on fcache en quelle année: il a laiffé un Fils qui a fuivi de pres les talens de fon Per e. Herregouts, appellé le Vieux, avoit une
grande & belle maniere, il compofoit avec génie & avec efprit, il deflinoit bien & colo- rioit de même ; fes idees font nobles, fes ü- gures ont de 1'expreflion & du caraöere, (es draperies font bien pliées & d'après la nature. Ce Peintre avoit acquis une grande facilité, la touche de fon pinceau eft ferme & très-large. Voici quelques Ouvrages qui nous font connus
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Flamands, Allemands & Hollandois. 9 3
connus bien plus que les particularités de fa **■—
vie. 1066. Dans la Chapelle des Tonneliers de 1'Eglife -—-~
de Notre-Dame d'Anvers, Ie Martyre de Saint Matthieu, Patron de cette Communauté. Dans 1'Eglife des Jefuites a Anvers, il a re-
préfenté Saint Franc, oisXa vier, qui met en fuite 1'Armée des Idolatres, en leur préfentant un Crucifix. Aux Carmes, des Payfages, par Lu*- cas Francois , & d'autres par Herregouts: des Payfages par AJJelin , oü il a peint les fi- gures. A Bruges, dans 1'Eglife de Notre-Dame ,
Saint Tryon, Tableau d'Autel. Dans 1'Eglife Paroifliale de Sainte Anne,
au-deffus de la porre de 1'Eglife , eft un des plus grands Tableaux connus; il repréfente Ie dernier Jugement. Les Figures fout deux fois plus grandes que nature. On n'y peut rien dé- firer pour la compolition & Ie deflein, c'eft 1'Ouvrage d'un homme de géuie & d'un bon Peintre ; il auroit pu voiler davantage Ie nud, & on lui en auroit feu bon gré. Dans 1'Eglife des Jacobins, on voit Saint Do-
minique en Priere, & 1'Apparition de notre Seigneur en Croix. Dans 1'Eglife de 1'Hópital de la Madeleine,
la Réfurreöion de notre Seigneur , Tableau du grand Autel j la Madeleine Pénitente, autre Tableau d'Autel ; & notre Seigneur au tom- beau, a cóté du grand Autel. Voici quelques Tableaux d''Herregouts Ie Filr,
places dans Bruges. ( Dans 1'Eglife Paroiffiale de Sainte Anne,
Ie
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Pëmtres, &t.
Ie Tableau du maitre Autel repréfentant te.
Vierge dans la Gloire. Aux Carraes chaufles, une affemblée de Car-
dinaux & d'Evêques , devant lefqiiels un Saint de 1'ordre de ces Religieui prêche. Aux Carmes déchauffés, la Préfentation au
Temple: Ie Tableau du maitre Autel repj^éfem te la Vierge, & d'autres Saints & Saintes qui prient Dien de ne point détruire Ie monde. |
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JEAN
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JEAN KUPETZKY,
ÉLEVE DE CLAUS.
IE cara&ere dejean Kupetqki fut ——
Iauffi fingulier que fes talens, 8r 1667. Ifes avantures auffi mêlées de prof- ^ssss» I pérités & de difgraces que fes pro- Idu&ions furent inégales en mérite & enfuccès. Jean Kupetfki, originaire de Bohème, na- quit en 1667 a Porfine, fur les frontieres de la Hongrie, d'une familie obfcure qui ne put lui donner une éducation proportionnee a fon génie; fon Pere Ie forca a faire fon métier de Tifferand, qu'il fit effeöivement avec un dé- goüt
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96 La Vie des Peintres
gout invincible jufqu'a l'age de quinze ans. Alors
' déterminé a tout ce qui pouvoit lui arriver de plus facheux, il aima mieux quitter la maifon de fon Pere que de continuer fon métier. Le jeune homme qui avoit horreur d'être Tiffe- rand, n'en eut pas de demander 1'aumóne. Lorf- qu'il alloit de porte en porre expofer fa mifere, le hazard le conduifit au Chateau du Comte de C^obor, oü étoit un Peintre de Lucerne, appellé Claus. Kupet^kiconüdèratoutavecfaplus grande attention, & fans penfer qu'on 1'examinoit, il prit un charbon & deffina furla muraille quelquesor- nemens avec tant d'exaöitude & de feu, qu'il furprit le Comte & le Peintre. Le premier lui de- manda le nom de fon Maitre ? Je n'en ai point eu d'autre, dit-il, que moi & mon gout pour la Pein- ture. Le Comte le mit fous la conduite de Claus, & lorfque celui-ci eut fini (es Ouvrages au Cha- teau , le Comte lui donna généreufement cent écus pour 1'inftruöion de 1'Eleve qui fiiivit fon Maitre a Vienne , & qui lui fut d un grand fe- cours pour fes Ouvrages. Pendant fes heures de repos il copia aufli les Tableaux de Carlo Lothi, donr il a toujours aimé la maniere. Cotn- bien de jeunes gens , dont la mifere étouffe le génie , & qui feroient devenus de grands hom- mes , fi on eut cherché a les découvrir! Mais fa vocation pour la Peinture devoitêtre
encore éprouvée. Il quitta Vienne & fon Maitre après trois années d'étude, dont il he tira d'au- tre avantage que trois Copies qu'il avoit faites d'après Lothi, & une Lettre de recommanda- tion pour le Chevalier Lïbri , a Venife ; mais ce Seigneur nelui rendit aucunfervice. Ses Ou vrages
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Flamands, Allemands & Hollandois. 97
vrages n'eurent aucun fuccès, il eut beau les
produire dans toutes les Villes d'ltalie & dans ' 7' Rome même, perfonne ne vouloit employer -----
fon pinceau: la mifere & la faim Ie fuivoient
par-tont. Etant entre dans une Auberge pour de- mander rAumóne, un Peintre SuifTe appelé FueJJU, ayant apprisde lui l'état déplorable oüil étoit reduit malgré fes talens , eut compaffion de fon confrère, Ie conduifit chez un Artifte qui Ie refufa: maïs étant place chez unautre, il fe crut Ie plus heureux & Ie plus riche de tous les hom- mes , pnifqu'il avoit de quoi vivre : fon Maitrene lui demandoit que de la promptitude. Il acheva dans un feul jour neuf têtes de Papes a un demi- écu la piece. La nature accorde des talens, mais la fortune n'y attaché pas toujours des ri- cheffes. 11 fe fit des amis , & il perfeöionna fes talens , en fuivant les Académies & en puifant Ie fublimedans les Chefs-d'ceuvres du grand Ra- phaël.Agricola,Blendinger,Dam,Beich,FueJJIi, Eichler, &c., auxquels il s'attacha particuliere- ment, furent furpris de fes progrès; fa fortune & fa réputation augmentoient de jour en jour , lorsqu'une maladie dangereufe Ie mit au bord du tombeau; Ie Médecin de 1'Ambaffadeur Ten- gagea d'aller fe rétablir a Frefcati. Quelques perfonnes de diftinöion fe fïrent
peindre par lui, & fes Portraits flrent tant de plaifir, que tous lui confeillercnt de travailler pour Ie Public & pour fon propre compte , fans fe lier a un Marchand qui, en profitant beaucoup fur fes Ouvrages, Ie preffoit trop & lui ótoit Ie temps de parvenir a la perfe&ion. Il compofa quelques Tableaux d'Hiftoire;
Tome. IV. G fes
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g8 La F~ie des Peintres
~~Z (es réflexions d'après les Ouvrages des grands
'' Maitres & d'après la nature lui ont indiqué la
' bonne maniere: il revint cependant toujours
a celle de Lothi. Ses Tableaux lui furent enlevés
par un Marchand, qui f<jut les vendre a grand
prix, fans nommer 1'Auteur, qu'il difoit étran-
ger. Le Prince Stanïjlas Sobieski, pour lors a
Rome , acheta tous ceux que le Marchand lui
apporta, fans pouvoir découvrir celui qui les
avoit faits , quelque recherche qu'il fït.
Jufqu'alors Kupet^ki hors d'état derécompen-
fer un Médecin qui 1'avoit enlevé a la mort, avoit cru ne pouvoir mieux faire que de lui donner un Tableau qui avoit paru lui faire plai- fir; il repréfentoit un pauvre Vieillard & un jeune Enfant peint d'après nature avec beaucoup de vérité : le Médecin en fit préfent a rAmbaffa- deur de 1'Empereur, qui le placa dans fon Ca- binet. Sobieski ne 1'eut pas plutót vu , qu'il re- connut 1'Auteur qu'il cherchoit depuis long- temps , il le fit venir & 1'engagea a ne peindre que pour lui. Il commenca par le Portrait de ce Prince ; il fit pendant deux ans plufieurs Ou- vrages pour lui, qui furent toujours payés au- dela du prix fixé. Devenu riche par fes Ou- vrages & fes épargnes, il voulut alors revoir le célebre Guide, dont il étoit le plus grand admirateur; il trouvoit 1'Ecole de Rome correc- te pour le deffein, mais inférieure pour la cou- leur. Son gout a eet égard fut un sur garant de fon génie, auffi le coloris fut-il fa perfe&ion do- minante , & pour laquelle la nature 1'avoit fait naitre. Il alla a Bologne copier & épier le Guide
dans
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Flamands , Allemands & Hollandois. 99
dans fa couleur, dans la touche & dans toutes ,,
les autres parties que ce Peintre avoit prefque '' réunies en lui feul. Il vifita Florence & Man- ' toue oü il copia auffi Ie Co rre ge ; & enfin arrivé a Venife, Ie Titien acheva de lerendie Ie plus grand Colorifte de fon temps. Les Portraits de Kupet^ki fmentpréférés a ceux du Peintre Pom- pelly : Ie premier avoit une excellente couleur, un pinceau plus large & une touche plus fpiri- iuelle. Lorfqu'il fut bien connu, {es Tableaux n'eurent plus de prix, les Princes fe les enle- verent les uns aux autres. Celui de Meklenbourg voulut fe 1'attacher; d'un autre cöté Ie Prince Adam de Lichtenflein, qui aimoit paffionnément laPeinture, & qui payoitdespenfionsades Artif- tes pour s'inftruire, engagea Ie nótre a 1 aller trou* ver a Vienne, Ville digne d'occupér fes talens. Il quitta 1'Italie après vingt-deux ans de féjour & d'étude ; il fut recu a Vienne chez Ie Baron de Schotenflein, au FauxbourgLéopold; il fit lePor- trait de ce Seigneur & de fa Familie* Ce Ta- bleau fut recu avec rapplaudiffement de toute la Ville, il fut regarde comme bien fupérieur a Stampan, Donauer & van Schappen, qui étoient des hommes de mérite. Le Prince de Lichtenftein vifita Kupet^ki, &
lui dit, vene\ demeurer dans mort Fa/ais, vous paffere^ agréablement vos jours au milieu des chef-doeuvres des grands Maitres dontvous [ere\ entouré. Son amour pour la libertéluifltrefufer ces offres honorables;mais il futfi vivementfolli- cité qu'ilpaffa dans Tappartementquilui étoitde- ftiné auPalais du Prince , qui fit faire fon Portrait jufqu'aux genoux. Ce Tableau , vanté a la G 2 Cour,
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loo La Vie des P e in tres
- Cour , plut beaucoup a 1'Empereur & a rim-
1667. pératrice.
' J—' Le defir de revoir fon pere après une ü lon-
gue abfence , auroit précipité fon départ, s'il n'eür appris fa mort , dont il fut extrêmement touche : maïs ce qui le confola un peu, ce fut d'apprendre que fon Pere lui avoit pardonné, avant de mourir , fa fuite & fa premiere pro- feflion de Mendiant; il apprit auffi la mort d'un antre Pere, qui devoit lui être auffi cher que le premier, c'ctoit le Peintre Claus, fon Maitre, qui laiffa en mourant une Fille extrêmement jolie. Plein de reconnoiffance pour les bienfaits du Pere, il crut, en époufant fa Fille, s'acquit- ter de ce qu'il lui devoit. Mais ce manage, dont il fe repentit toute fa vie, fut pour lui la caufe de beaucoup de peines: elle étoit Catholique , & il étoit Luthérien zélé; elle étoit jolie, il étoit jaloux; il étoit laborieux & fage, elle étoit prodigue & libertine: 1'inconduite de fa Femme fit fur fon ame une impreiïïon d'autant plus pro- fonde, qu'il avoit l'efprit foible & fujet a des égaremens qui tenoient de la démence & fou- vent de la folie. La mort de 1'Empereur Jofeph, en 1711, &
Tavenement de Charles III, Roi d'Efpagne, qui vint prendre la Couronne Impériale, chan- gea tout dans cette Cour, excepté 1'ame de Kupef{ki, qui, ne s'attachant a rien, étoit tou- jours libre. Cette efpece de révolution n'en fit aucune dans fa fortune , il étoit très-connu de rimpératrice, la plus belle Princeffede 1'Europe, qu'il avoit eu 1'honnenr de peindre. Il confer- va, fous le nouvel Empereur, le même rang qu'il avoit fous le precedent. En |
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Flamands, Allemands 6" Hollandois. i o i
En 1716, Ie Czar Pierre étant arrivé a ~ Caarlsbad, vit quelques Tableaux de notre Pein- ?7* tre , qu'il admira; il ordonna auffi tot a fon Miniftre, réfident a Vienne , de lui envoyer Kupet^ki, qui lc refufa. Notre Peintre, qui avoit peur de tout , craignoit la Cour, & fur-tout Ie Czar. Ce Prince s'adreffa a 1'Empereur même. 11 fallut partir fur Ie champ: on lui donna un congé de fix mois avec une patente & Ie titre de Peintre du Cabinet de FEmpereur. Le Czar 1'attendoit avec impatience , on Ie
prévint fur les grimaces qu'il raifoit, & qui au- roient pu étonner le timide Kupetqki. L'Empe- reur ne lui parut pas ii terrible , il s'entrete- noit fouvent avec le Peintre en langue Bohé- mienne , & s'en fit aimer au point que celui-ci avoua depuis qu'il avoit ferm pour ce grand Prince «ne admiration que perlonne ne lui avoit encore infpirée , mais il ne put fe réfoudre a le fuivre. Sollicité, quelques années après, d'aller a
Petersbourg, il y envoya Donauer , qui y fit une fortune brillante. Il ne put cependant finir tous les Ouvrages commandés pendant le féjour du Czar a Caarlsbad. 11 fit venir Davld Hoyer, Peintre de Leipfick , qui lui fit fes copies & quelques habillemens..AT«^e£<[fcialla enfuite ache^ ver a Leipfick ce qu'il avoit entrepris; il y fut recu avec diftin£tion ; il y peignit encore les premiers du Pays : alors comblé de préfens & d'argentil retourna a Vienne , oü il mena Hoyer: il trouva fa Femme accouchée d'un fils: il fut re9u par-tont avec joie; c.'aurok été une féli- cité pour lui, fi elle n'avoit été interrompue G 3 par
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102 La Vie des Peintres
~7Z par rinconduile de fa Femme qui avoit du pen-
' chant pourle libertinage: il lui tomba par hazard " des Lettres dans les mains écrites en Allemand: ne fcjachant point la langue, il les fitinterpréter par Hoyer: il y découvrit un commerce honteux de fa Femme avec 1'Agent d'une Cour étrangere qu'on ne nomme pas, qu'il avoit cru fon ami, & a qui il avoit, pendant fon féjour a Caarls- bad, conflé fa Femme & fa maifon. Il défendit fa maifon a PAgent & a fa Femme, qni s'avoua coupable, demanda deux jours pour mettre ordre a (es affaires avant de fe féparer. Le temps expiré , elle vint trouverfon Mari, & baignée de larmes, le nouveau Teftament en main, elle lui fit des adieux tendres , lui recommanda fon fils , & le remercia de lui avoir ouvert les yeux fur la Religion , le priant de la faire inftruire clanslaLuthérienne. Cette perfldie eut fon effet: notre Peintre, enthoufiafte ourré , donna dans le piége , tout fut pardonné. L'Aumönier de rAmbafTadeur de Danemarck fut chargé de Tinflrnöion : on fut tranquille pendant quelque temps. Le cara&ere aimable & bienfaifant de 1'Im-
pératrice lui avoit acquis 1'amour de fes Sujets. Les premiers Seigneurs de la Cour de Vienne ayant fupplié 1'lmpératrice de vouloir bien accor- der quelques momens au Peintre Kupei^ki pour leur procurer fon Portrait: il eut 1'honneur de peindre plufieurs fois cette aimable & bienfai- iante Princeffe. Un jour qu'il finiflbit fa tête , 1'Empereur en fut fi fatisfait, qu'il lui dit, en lui frappant fur 1'épaule : Kupet^ki, vous fere/, notre Peintre; il y répondit par une profonde inclination.
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Flamands, uillemands & Hollandois. io3
inclination. De retour chez lui, il fit fermer (j. ., porte pour travailler plus tranquülement a ce j ]_ ^' Portrait; a peine étoit-il monté, qu'on vintlui dire que Ie Comte üAlthan demandoita lui par- Ier de la part de rEmpereur ; on Ie laiffa mon- ter avec peine: Je niefiime fort heureux , lui dit-il, Monjïeurj que l'Empereur malt ckaiji préférablement a toutautre, pour vous annoncer qullvousa nommé fon premier Peintre,qu'd vous laijje le maitre defixer les conditions qui vous ferontles plus avantageufes. Voyant que Kupet^ki ne répondoit point, il crut que la joie pouvoit en être la caufe , & il lui dit: Que dois- je dlre de votre part d l'Empereur ? Sa réponfe fut: Votre Excellence diraqueje Ie remercietrès- humblanent de cette grace, que je lui demande pardon de ne la pouvoir accepter,parce que je fuis entierement réfolu de ne dépendre d'aucun homme ; lafeule faveurque je dejire d'obtenirde l'Empereur, c'efi quïl daigne me protéger, ma femme & monfils dans notie Religion. Tout ce que put faire Ie Comte ne fit point changer Ku- petyki: ils fe quitterent. Le Comte mécontent retourna a la Cour: l'Empereur, qui étoit avec Ie Prince Eugene , demanda la réponfe du Pein- tre ; elle fut fidelement rendue; le Monarque en colere , dit, Kupet^kl eil un habile Peintre, mais un fou. Cette avanturefe répandit par-tout, chacun
en parloit fuivant fa facon de penfer. ïl fut blamé de tout le monde , excepté du Prince Eugene, qui lui dit après , en fe faifant peindre : » Tout fimple particulier que vous êtes, je vous » trouve plus heureux que ces prétendusGrands, G 4 » qui %
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La Vie des Peifitres
T7IZ" » q"i dans nne vie agitée d'inquiétudes , lont
i - » continuellernent expofés aux attaques de 1'en- » vie. » Notre Artifte éprouva bientöt que les grands
talens y font auffi expofés que les grandes pla- ces. Ses enncmis employerent contre lui Ie pré- texte de la Religion, mais fans fruit. Un Peintre Luthérien , quiaffeótoit d'être 1'ami de Kupet\ki, fit plus que les autres enfemble: il lui dit en confidence que l'on avoit Ie projet de l'enlever, fa femme & fon fils, pour Ie mettre a 1'Inqui- fition, que Ie Clergé étoit offenfé de 1'infrruc- tion publique de fa femme dans la Religion Lu- thérienne. Cette faufleté fit fon effet: Kupef^ki, foible
& inquiet, crut ne trouver fa füreté que dans la fuite; il porta fes vues vers Nuremberg , ovi vivoit honorablement Ie Peintre Blendiger,qn'il avoit connu en Italië ; il lui écrivit pour lui de- mander un logement honorable, & des amis contre la perfécution ; Ie Magiftrat de la Ville en fut informé, & on s'eftima heureux d'avoir un homme de fa réputation ; a peine recut-il la réponfe , qu'il y envoya fon fils & fa femme , fous prétexte d'un voyage a Caarlsbad , & lui même s'évada comme nn criminel, fans que l'on fcür dans Vienne la raifon de fa conduite , & fans pouvoir obtenir fon retour; fes envieux feuls en profiterent. Arrivé a Nuremberg chez Blendiger, les prin-
cipaux de la Ville lui firent des vifites fréquen- tes. L'Eledeur de Mayence,le Duc de Gottha, Ie Margrave d'Anfpach & 1'Evêque de Wurtz- bourg l'appel!erent a leurs Cours, mais il ne rena
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Flamands, Allemands & Hollandois. io5
refta auprès d'eux que Ie temps qui lui étoitné- ceiïkire pour faire leurs Portraits. Le Roi d'An- gieterre , pour lors a Hannovre , envoya un Seigneur aKupet^ki pour l'engagerd'aller aLon- dres: il le refufa, auffi-bien que la Reine de Da- nemarck qui 1'invita en 1733 , dans les termes les plus honorables ; il s'excufa fur ion age & la délicateffe de fon temperament. La mort de ion Fils, arrivée le 6 Novembre
1733 , mit le comble a fes malheurs: ce Fils unique étoit fa conlolation & tor.te fon efpérance. Agé de dix-fept ans,il fcavoit le Latin, le Grec, deffinoit & peignoit affez bicn pour faire efpérer qu'il remplaceroit un jour fon pere : cinq 011 fix jours de tmladie Tenleverent. Kupet^ki fut dans un étatdéfefpérant, il ne voulut point permettre d'enterrer fon fils , quoique mort de la petite vérole: on craignit qu'il ne perdit Tefprit. Son Eleve& fon ami, M. Fueffli, en fit faire rentcr- rement en fecret ; le temps qui confole de tout auroitrendupeu-a-peuanotrePeintrefa tranquil- lité ,lorfque fa Femme penfa le défefpérer. Le Ba- ron de Stydtl, fon ami intime , qui connoiffoit cette Femme & fes intrigues, confeilla a Kupet^ki depayerle PrécepteurdefonFils, dele renvoyer & de faire un Teltament en regie : tout fut fait ainfi; mais cette Femme, qui ne pouvoit fe paffer du Précepteur , & qui ne trouvoitpas affez fon intérêt dans le Teftament, mena?a fon Mari <rinftruire une grande Cour des paroles indif- cretes qu'il avoit tenues contr'elle; s'il ne rap- pelloit le Précepteur, & s'il ne révoquoit le Teftament. I! fit 1'un & 1'autre. Une goutte re- montée & une hydropiüe lui cauferent des dou- leurs
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io6 La F"ie des Peintres
leurs inexprimables , qu'il fupporta avec la pa-
tience d'un vrai Chrérien ; enfin la mort Ie dé- livra de fes maux en 1740. On ne lui fit point d'obfeques, il fut porté dans un carofle , & a la pointe du jour enterré dans Ie Cime- tiere de Saint Jean: il fut mis dans une foffe auprès de fon Fils. KupetTjci, perfécuté pendant fa vie, Ie fut encore après fa mort. On pré- tendoit qu'il n'avoit jamais été d'accord fur Ie culte extérieur de fa Religion , qu'il nefréquen- toit point les Eglifes , & qu'il ne s'étoit jamais approché de la fainte Table. M. Ie Comte ó.'Ha^edornn croit qu'il étoit de la Communion des Hujjïtes. Quoiqu'il en fok, M. Fuefjlï *, (on Eleve , nous a donné fa Vie, il Ie juftifie affez par 1'extrait de fon Teftament que voici en abregé. Il laiffa a fa Femme une rente viagere , qui
retourneroit après fa mort a fes Freres & fes Soeurs, dans Ie cas oü ils feroient reliés attachés a la Religion Evangélique : une partie aux Ré- fugiés de Saltzbourg, &ad'autres perfonnes dans la mifère, y comprenant les pauvres Ecoles de Nurenberg, &c. Il avoit une fi grande confiance en M. Fiiefjli,
qu'il 1'avok chargé de mettre Ie prix a fes Ou- vrages, dont il avoit orné fon Cabinet, & de les vendre a des gens dignes , par leur gout, de les pofleder , enfuite de remettre les fonds aux
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M. Fuejfli, Peinrre habile a Zurich, nous a donné Ia Vie des
Peintres Suifles, & de que'ques Allemands, en 5 vo!. Son Ou- vrage , orné de Portraits Sc do Vignettes, deflïnées Sc pravces par lui, eft un garant affez für de les talens pour la 1'eintu- le, & ile Ton gout pour les Lsttrcs. |
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Flamands , Allemands & Hollandois. Ier?
aux Executeurs teftamentaires; pourhonoraire,
il lui légua fes Efquifles & Defleins : préfent di- gne d'un Maitre & d'un Ami, C'eft encore d'après Ie même Hiftorien que
nous allons donner une partie du jugement qu'il porte fur (on cara&ere & fur fes Ouvrages, avec une courte lifte de fes Tableaux. On pourroit en partie Ie comparer a Rem-
brant pour la couleur, a van Dyck pour les mains de fes Portraits. Un Ecrivain éclairé dit qu'elles étoient trop décharnées & les doigts trop courts. M. Fuefjii aflure que ce défaut ne lui eft point ordinaire, & il 1'en juftifie ; cependant il dit ailleurs que Kupet\ki reftoit a la fin ü long-temps fur fes Ouvrages, qu'il les auroit gatés fi on ne les lui avoit pas retirés. Il dit auffi qu'il n'eft tom- be dans ce défaut que dans fa vieilleiTe : ce Pein- tre difpofoit bien fes Portraits , il ne finiffoit gueres fes draperies ; il prétendoit, comme Rembrant, que les têtes méritoient feules les at- tentions du Peintre; quant a la couleur, Ia force & Tintelligence du clair-obfcur , on afTure que perfonne ne Ta égalé : il n'en eft pas ainfi du choix ; la nature ne lui avoit pas donné cette fineffe & cette vivacité de fentiment fi néceffaire pour faifir fes beautés les plus fecrettes; la nature étoit en lui plutöt un inftin£t qu'un fentiment éclairé : il voyoit bien du premier coup d'oeil, mais il voyoit fans réflexion , fans examen , fans critique. Ces défaiits, au refte,tombentp!us fur ion éducation qui fut trop négligée, que fur fon génie qui fut admirable. Ses occupations ne lui laifferent pas Ie temps
de faire 1'effai de (qs talens fur THiftoire. M. Fueffd
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1C8 La Vie des Peintres
Fuefjli dit avoir vu des efquifles & des penfées
fur Ie papier, compofées avec efprit. L'Auteur loue encore dans fon Maitre une compofition afiez finguliere. KupetTjd, toujours occnpé de fon Fils, 1'avoit vu dans un fonge affis dans Ie Ciel, environné d'une gloire. Cette heiireufe idee , qu'il ne devoit quau dérangement de fon imagination, lui rendit fa tranqirillité: il en com- pofa un Tableau qu'il donna a 1'Hótel-de-Ville de Nuremberg , fous condition expreffe qu'ils ne pourroient 1'aliéner qu'au profit des pauves de la Ville. Voici les principaux Tableaux raffemblés par
Kupev^ki pour fon Fils, afin qu'il fe format d'a- près. N° i. La Familie de Kupet\ki. Il eft affis pres
d'iin chevalet, tenant fa palette. Pres de lui eft fa Femme que fa Servante ajufte : entr'eux eft leur Fils qui tient un livre, & de 1'autre main prend un pinceau de fon Pere ; derriere lui eft une bouteille de vin & un plat de röti. 2. Saint Francois dans ie Raviffement & fon-
dant en larmes auprès d'un Crucifix, une tête de mort & un livre. 3. Le Samaritain qui met Ie Bleffé fur fon
cheval. Un Tableau repréfentant trois Hermites ; la
principale tete & les habillemens font ünis , Ie reite n'eft qu'ébauché. 5. KupetsTJri. avec des Lunettes. Sa main gout-
teufe enveloppée d'une étoffe blanche qui pofc négiigemment fur la table : un baton dans la main gauche : pres de lui eft fon fils. 6. Un Homme affis avec un petit Chien fur
le devant. 7. L'Odorat: |
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Flamands, Allemands & Hollandois. I op
7. L'Odorat : mie Femme a demi-nue , avec —— une corbeille de Fleurs. 1667. 8. DeuxPortraits, un Homme & une Femme ^=^
dans un habillement ancien, THomme tenant fa fourriire, & la Femme un livre.
9. Une Femme coèffée d'un voile & d'un crê-
pon noir. 10. CePeintre broyant des couleiirs: derriere
lui fa petite rille défunte, avec des fruits. 11. Une Perfonne debout, on voit les deux
mains. 12. Une autre debout en habit Hongrois.
13. KupetTJd, fa Femme & fon Fils. Tableau
fupérieur a tous : dans 1'Homme fe trouve la magie du clair-obfcur ; dans la Femme, la fa- cilité dn pinccau, & la délicateffe de Ia touche. 14. Kapet^ki Ie Fils, tonchant Ie Clavecin ;
derriere lui un homme bat la mefure. 15. Une fainte Familie , la Vierge tient 1'En-
fant Jefus fur fes genoux, qui fe joue avec Saint Jean; derriere eft Saint Jofeph. ió. Kupef{ki tenant une tabariere.
17. Un homme tenant d'une main une tafle
de caffé , & de 1'autre main une pipc a fumer : ce Tableau eft éclairéde nuit. 18. Un Eccléfiaftique jufqu'aux genoux ,
avec deux mains. 19. LePortrait Ac Kupcïijd. \ tous deux a!v;c
20. Celui de fa Femme. J deux mains.
21. 22. Deux Payfages.
23. La Madeleine faifant fa priere, un livre
dans une main, & dans 1'autre une tête de mort. Neuf autres Tableaux que nous nommerons ,
afin
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11 o La Vie des Peintres, &C.
1667. a^n de faire connoitre cette ColletHon, que Ie
»—w Margrave de Brandebourg - Bareith s'eft procu- ré pour 16000 florins d'Allemagne.
N° 24. La Réfurreftion du Lazare , par
Guerchin.
25. Loth & fesFilles, par Carlo Lothi.
26. Un Payfage, par Ie Titien.
27,28. Deux PayfagesHollandois. 29,30,31, 32. Quatre Payfages, par Agri-
cola. M. Fuefjli marque que Kupet\ki n'a eu que
deux Eleves qui lui ont fait honneur : Max Handl, Autrichien, bon Peintre de Portrait. Il refta long-temps en Italië. Gabriel Muller, d'Anfpach, qui Ie fuivit de
Vienne a Nurenberg : toutes les draperies bien jettées dans les Ouvrages du Maitre font de eet Eleve. Nous ajoutons a ces deux Eleves un troifieme,
que la modeftie de M. Fuefjli veut cacher au public, c'efl: lui-même. |
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EL I E VAN
N I M E E G E N
I M E E G £ N porte Ie ncm de la "TT""
Ville dans laquelle il naquit en 1667. La mort de ion pere, lorf- ' qu'il n'a voit encore que douze ans, manqua d'óter a. ce jeune homme les moyens de percer : fon f'rere aüié, qui avoit recu quelques lecons d'un Pein- tre de Portrait, & d'un autre affez habile a peindre des Fleurs , fe chargea d'enfeigner {es freres E/ie & Tobie : la mort leur enleva encore cette reflburce ; la néceffité toujours dangereufe les contraignit tous deux d'entreprendre tout ce qui
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112 La Vie des Peintres
f(. qui fe préfentoit dans les Campagnes & a la
]_ ?• Ville, afin de foucenir Ie refte de la familie. Cependant on vit ces deux Artiftes, a force d'é- tude & de veilles , fe diflingiier & furprendre leiirs confrères. lis s'appliquerent adeffiner, a faire tout d'après nature , & lorfque Ion ne s'at- tendoit qu'a des effais , on vit paroitre leurs Ouvrages a cóté de cetix des grands Maitres. Les plafonds, les bas-reliefs & les fleurs qu'ils
avoient exécutés chez Ie Baron de IVacktendonk, dans Ie pays deCleves, les firent connoitre; on les chargea de peindre les Tableaux de 1'ap- partementde la Princefl'e d'Orange, a la Cour de Frife : un grand fuccès & des récompenfes mé- ritées mirent les deux Freres en état de pour- fuivre leurs études & leur fortune. Tobie fe ma- ria & fut a la Cour de 1'Eleöenr Palatin aug- menter Ie nombre des bons Artiftes qui y étoienr pour lors employés. Elie paffa a Rotterdam, oü il travailla a plufieurs
Ouvrages.Le Baron de IVachtendonk Ie demanda de nouveau pour peindre chez lui plufieurs pla- fonds avec des figures, des fleurs & d'autres or- nemens. Il en fit autant a la Haye pour les Bour- guemelhes Ruifch & de Bic, 6c enfuite il retour- na a Rotterdam. MIS Nievelt & Schoonhoven lui firent peindre des plafonds & d'autres Tableaux; les Ouvrages lui vinrent enfbule ; il mérita 1'a- mitié de trois Hommes illuftres qui affurerent fa fortune par leur crédit, c'étoient le Cheva- lier vander TV erf\ Mts Paets & Flink, qui, par leurs talens & leurs beaux cabinets, povïédoient a jufte titre la confiance de toute la Ville pouf la dire&ion de cc qui fe faifoif en Peinture. Notre
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Flamands, Allemands & Hollandois. 113
Notre Peintre laborieux ne pouvoit suffire a tant d'Ouvrages, il fut aidé par fon Neveu, & bientótparfon Fils: il donna au premier, aprèsiix années de travail, fa fille en mariage; ilsembloit que toutes les produ&ions d'une même familie étoit de la même main : il eft vrai qu'Elie pré- fidoita tout, il avoitauprcs de lui trois Peintres d'Ornemens qui n'étoient occupés que de cette feule partie, il conduisoit, par son génie , la main de chaque Artifte. Une bonne conduite , de 1'affiduité & des travaux en grand nombre 1'ont enrichi. Il eft mort très-vieux, en 17... Son Fils, fon Gendre, & fa Fille cadette qui peignoit bien les fleurs , font fes Eleves. Ce Peintre peignoit 1'Hiftoire, 1'Architecture,
Ie Payfage & les Fleurs généralement avec mé- rite. Nous ne citerons point de fes Ouvrages ; Ie grand nombre eft a Rotterdam dans les Maifons des principaux Habitans de cette Ville. |
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N. VANDER LEUR.
VAnder Leur naquit a Breda en 1667.
Il partit fort jeune pour Rome , il y eut Ie bonheur de plaire a un Cardinal qui Ie proté- gea & lui procura les plus beaux Ouvrages pour les copier & les étudier. Il étoit Ie premier Co- pifte de Rome, & c'en fut affez pour eflayer fon propre génie : il confulta tous les Maitres & leurs produdions; il copia la nature , defïïna tout & toujours bien. Il fut admis dans les meil- leures maifons, mais il n'y perdit pas fon temps, Tome IV. H il |
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114 La Vie des Peintres
------ il 1'employa ü bien , qu'il fut habile avant de
1667. quitter Rome. Il lui arriva une avanture affez
~----- finguliere: un foir, en fortant de fouper avec
quelques amis, il fe fentit faifir par Ie bras; on
lui demanda , Ie ftilet en main, la bourfe. Van- der Leur obéit en donnant quelqu'argent: on Ie laiffa paffer ; a peine avoit-il fait dix pas , que Ie même voleur 1'arrêtant une feconde fois , lui demanda s'il n'avoit pas de montre & une bourfe d'or: vander Leur avoua qu'il avoit l'un& 1'au- tre; Ie voleur fe mit a rire de tout fon coeur & prit tout; il lui demanda encore ce qu'il fai- foit a Rome: vander Leur dit qu'il étoit Hollan- dois & Peintre , qu'il demeuroit a Rome pour cultiver fon talent; Ie voleur fe mit encore a rire, mais plus que jamais: notre Artifte ne f9avoit ce que deviendroit cette fcene qui ne faifoit qu'aug- menter fes inquiétudes. Enfin Ie voleur lui dit en riant, fi vous êtes un Peintre, je vous con- feille de vous faire plutót Frere lai, vous y êtes plus propre qu'au talent que vousapprenez. Vö- tre poltronnerie me fait pitié:voila votre montre, votre bourfe d'or & votre argent, allez en paix. Dès Ie lendemain il conca fon avanture a plusieurs de fes Camarades, qui fe mirent a Ie plaifanter, & ils lui apprirent que ce voleur étoit Dom Juau de Ravenne, qui avoit été Peintre, mais que n'ayant pu obtenir fa grace pour avoir tué deux personnes, il avoit mené depuis la vie de voleur, mais qu'il n'avoit jamais rien volé aux Peintres. Vander Leur retourna dans fa patrie, oüil fit des Ouvrages qui apprirent qu'il avoit plus été occupé de fon Art, pendant fon féjour a Rome, que des plaifirs qui menent a la diflipation. Ce Peintre
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Flamands, Allemands & Hollandois. 115
Peintre avoit une grande douceur, au rapport •■' de fes Eleves , perfonne ne fe plaifoit, autant 1667. que lui, a les inftruire ; il eftmort encore jeune '-----
d'une Phthifie, on ne f^ait en quel temps.
Cet Artifte étoit bon Peintre d'Hiftoire ;
mais s'il deffinoit & s'il colorioit bien , & s'il entendoit la perfpe&ive, il avoit fi peu de génie que c'étoit pour lui un fupplice quand il falloit compofer un tableau; ilpeignoitbien Ie Portrait, & il auroit été Ie premier de fon temps, s'il avoit aimé ce genre autant qu'il y a réuffi.Le Tableau de 1'Eglife des Récollets , a Breda, eft de lui j il eft aflez beau pour lui mériter Ie nom d'un très- bon Artifte. |
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H x JACQUES
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JACQUE S-A N TO I N E
A R L A U D.
| Acques-Antoine Arlauü
augmente Ie nombre des grands Hommes de la Ville de Geneve » oü il naquit Ie 18 Mai 1668. Sa |! premiere jeuneffe fe paflk dans 1'é- tude des Langues: fes progrès, fon efprit & fa mémoire prodigieufe lui mériterent toujours Ie premier rang parmi fes condifciples; on Ie deftinoit a la Chaire, fi fa fortune lui eüt permis; mais comme il n'avoit befoin pour la Peinture que de fes difpofitions naturelles, il effaya la Mignature, genre affez lucratif dans une
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La Vie des Peintres, &c. 117
une Ville oü Ton faifoit des bijoux de toute ef- "7777
pèce qu'il failoit orner; deux mois lui fuffirent pour fe pafler de Maitre. Ayant pris une ferme réfolution de fe diftinguer dans ce genre, quoi- que petit, il fe renferma trois années pour s'y appliquer uniquement, & fe trouvant fuffifam- ment habile, il fe rendit a Paris a 1'age de vingt ans , oü il redoubla de foins & de travaux jour & nuit pour fortir de la médiocrité & parvenir a la perfettion. Son application conftante & fuivie lui acquit une facilité furprenante, qui, jointe a la corredion du deffein, & a la viva- cité de 1'efprit, Ie mit en état de faire un grand nombre de Tableaux en mignature. Ces Tableaux étoient toujours reflemblans & pofés agréable- ment: il avoit la converfation enjouée , de 1'ef- prit & Ie ton du monde ; il amufoit de fes pro- pos ceux qu'il peignoit; on affure que perfonne ne s'eft ennuyé en fe faifant peindre par lui: ce talent, néceffaire aux Peintres de ce genre, étoit une partie qu'Arlaud poffédoit fupérieurement. Quelques Ouvrages d'Arlaitd, parvenus a la vue du Duc d'Orléans Régent, lui affurerent fa réputation & fa fortune. Ce Prince choilit ce Peintre paur fon Maitre ; & pour être plus a portee de Ie voir travailler , de 1'entendre par- Ier de fon Art & de profiter de fes le^ons , il lui donna un logement a Saint Cloud. Arlaud animé par une protettion fi brillante, fe furpaffa: il eut 1'honneur de s'entretenir fouvent avec fon Protefteur, & de jouir des Tableaux des grands MaJrres, dont ce Prince ornoit fon Palais. Ce fut dans ce temps que la riche colledion de la Reine Chriftine de Suede paffa en France. Ar- H 3 laud
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118 La P~ie des Peintres
l&id profita de tout & fe fortifia par fes réfle-
xions fur tant de chef-d'oeuvres.
Arlaud eut aufli une prote&ion bien grande
en la perfonne de la Princeffe Palatine, mere du Régent. Elle donna au Peintre fon Portrait enrichi de diamans; & ne bornant pas fes libé- ralités a cette distin&ion, dans Ie voyage qu'il fit en Angleterre en 1721 ,elle lui accorda des lettres de recommandation pour la Princeffe de Galles, depuis Reine. Il y fut regu honorable- ment, & fes beaux Ouvrages acheverent de lui procurer tous les agrémens dus afon mérite. Arlaud devint Tami des Grands & des Scavans: Newton lui communiqua fes idees fur FOptique que notre Peintre rendit fenfibles par les figu- res; cette amitié n'a pris fin qu'avec eux. Le Portrait qu'il venoit de faire de la Princeffe de Galles fit un plaifir infini: tous les Poëtes firent des Vers a la louange de 1 Auteur: nous rap- porterons feulement ceux du Comte d'/i- milton. Je le dirai fans complaifance,
Arlaud, pourquoi difïimuler. Les attraits que votr? Science A nos regards vient d'étaler, A ceux de la Princeffeont droit des'égaler; Mais fi 1'Art avoit la puiffance De faire aller la reffemblance Aufli loin qu'elle peut aller, II faudroit exprimer fes graces dans la danfe» II faudroit la faire parlcr. Arlaud prit congé de la Cour de Londres,
on
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Flamands, ji.llem.ands & Hollandois. I IQ
on ne crut pas Ie payer affez, il fut comblé .,:; de riches préfens, entrautres de plufieus tné- ' &' dailles dor; il revint a Paris. Un jour en vi- fitant Ie cabinet de M. Cromelin, il y décou- vrit un bas-relief de marbre blanc, par Michel Ange, il repréfentoit une Léda & Jupiter chan- gé en Cygne. Ce morceau, qui avoit environ deux pieds de large, frappa tellemenr notre Ar- tifte, qu'il Ie demanda a copier : on Ie lui per- mitj il fe mit a 1'imiter fur du papier avec un foin extreme, & 1'Ouvrage fini, tout Paris connoiffeur fut frappe de 1'illufion. Cette super- ficie plate devint en bofle, la vue pouvoit a peine détromper les plus habiles Artiftes, Ie vrai ton de couleur, les dégradations, les om- bres portées, tout étoit rendu, ainfï que la fineffe du deffein. On aiTure que 1c Duc de la Force en avoit fait
Tacquifition pour donze mille livres, prix très- confidérable, & que quelque changement dans la fortune de ce Seigneur 1'obligea de rendre la Léda au Peintre, en lui donnant trois mille li- vres en dédommagemcnt du temps qu'il 1'avoit garde. Quoi qu'il en foit, Arlaud, après avoir vécu quarante ans a Paris, & amaflé pres de quarante mille écus, retourna, en 1729, dans fa Patrie pour y flnir fes jours: il emporta avec lui de beaux Tabieaux des meilieurs Artiftes, anciens et modernes, achetcs en France, par- mi lefquels il fe trouvoit de beaux payfagcs de Forefi3 dont il orna fon Cabinet; fa Léda y tenoit la premiere place. Soit que notre Pein- tre eüt la délicateflè de voir que sa Léda étoit trop nue, ou peut-ctre qii'on lui en fit quelques H 4 repro-
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120 La F ie des Peintres
----■—reproches, ce joli Tableau difparut en 1738.
1668. Qn a {qix depuis qu'il Favoit coupé en morceaux,
■ de facon que les parties n'en ont point été ga- tées; un des principaux Magiftrats de Geneve poflede la tête, une Dame de Paris la main, & une Dame Angloife Ie pied. Arlaud avoit une ü grande vénération pour cette mignature, que son Porrrait par VArgiliere effc repréfenté en cravaillant a ce morceau: il peignit de même fon Portrait avec la Léda, dont il enrichit la Galerie de Florence; Ie Grand Duc lui envoya en échange une medaille d'or. Arlaud ne fit plus rien depuis fon retour de
Paris: il s'excufh fur un coup qu'ii avoit ree.ii a la tempe qui 1'empêchoit de travailler : la vue ne lui permettant plus de s'appliquer, il lifoit continuellement, & partageoit fon temps, 1'été a la Campagne & 1'hyver a la Ville. Une jolie maifon de campagne, fituée fur Ie Lac de Geneve, oü il admit fes amis & les étrangers, étoit pour lui un lieu délicieux oü il voyoit la belle nature & fes variétés avec plaisir; un de fes agrémens encore, c'étoit la correfpon- dance avec les Scavans de tous les Pays & dans tous les genres. M. Varignon lui envoya, de la part de Newton, fon en*ai fur 1'Optique : ce préfent étoit accompagne d'une lettre pleine d'amitié de Ia part du fgavant Anglois: diflinftion d'au- tant plus grande, que Nevvton dit lui-même qu'il écrivoit peu de Lettres. Après avoir été pres de douze ans fans fe fervir
du pinceau, 1'amour de la Peinture fe réveilla & lui reprocha cette inaótion; il effaya & trouva heureufement que la main obéiffoit encore a la
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Flamands, Allemands 6* Hollandois. 121
la tête, & que la pratique , qu'il croyoit entié- rement perdue, ne 1'étoit point. Il fe promit bien de travailler de nouveau a la Campagne, oü il fe rendit vers 1'été ; il alloit mettre la der- niere main auPortrait dun de fes parens , lorf- qu'une mort fubite nous 1'enleva Ie 25 Mars 1743- .
Il laifla, par fon teftament, une partie de fon bien a fes bons amis j & a la Bibliotheque de
Geneve, plufieurs medailles d'or qu'il avoit re- cues de différensPrinces & grands Seigneurs, fon Cabinet deTableaux, fa Bibliotheque compofée de Livres rares, & une ample colleöion d'Ef- tampes : ce beau préfent fe voit encore , & mé- rite 1'éloge & 1'eftime de fes compatriotes. Arlaud avoit un ordre dans fa vie jufques
dans fes plaifirs : il aimoit la décence, il avoit du dégoüt pour Ie jeu, & quoique célibataire, on ne lui a jamais connu d'intrigues ; il étoit libre & très-franc avec fes amis. Il ne changea point la fimplicité de fes moeurs, quoiqu'il eüt paffe fa vie au milieu d'une Cour brillante j mais il avoit une foiblefle, affez excufable dans les grands hommes, c'étoit celle de 1'amour-propre, il fe mettoit fans facon, & cependant d'un ton très-modefte, au premier rang parmi les plus grands Peintres. Louis XIV ayant marqué un jour a Arlaud
pour placer dans fon Cabinet fes meilleurs Ou- vrages , Ie Roi les examina, & dit a 1'Artifte les chofes les plus flatteufes : un Seigneur fut intro- duit dans Ie Cabinet, Ie Monarque fit de nou- veau 1'éloge de fes Ouvrages en préfence du Seigneur qui aimoit 1'Auteur; ce Seigneur lui dit:
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122 La Vie des Peintres
,,q dit: Vous devez êrre bien fatisfait de voir vos
1 Ouvrages loués par Ie Roi. Sa Majefté, répon- T dit Arlaud, me fait beaucoup d'honneur, mals clle me per mettra de dire que l" Academie eft en- core un mcilleur juge. Ce Seigneur s'écria , en lui frappantfurl'épaule :l'excellent Républicain, qui eft fi peu fenfible aux loiianges mêmes d'un fi grand Monarque. Arlaud a mérité les éloges du Duc d'Orléans
Régent, qui dit, et Jufqu'a préfent les Peintres ■>■> en Mignature ontfait des Images, c'eft Arlaud » qui leur a appris a faire des Portraits. Sa 's Mignature a toute la force de la Peinture a » 1'huile. » II étoit flatteur d'être loué par Ie Roi & par ce Prince ; les Artiftes lui ont rendu la même juftice. Ses Ouvrages, répandus par- tout, achevent fa gloire ; la Bibliotheque de Geneve poffede du même deux Mignatures en grand, ce font deux fujets d'Hiftoire, 1'un eft une Sainte Familie, & Tautre la Madeleine pé~ nitente. |
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GASPAR D-P I E R R E
VERBRUGGEN.
LE nom de Verbruggen eft affez connu dans la
Peinture ; 1'Académie d'Anvers en compte quarre parmi fes Direfteurs. GafpardPierre Ver- bruggen naquit dans eette Ville en 1668 : on peutfoupgonner qu'il eft Fils de Pierre Verbrug- ga?, Dircfteur de 1'Académie de cette Ville en
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Flamands, jillemands & Hollandois. 123
en 1659 , & peut-être fon Eleve. Celui dont
nous allons parier ent nne grande vogue dans fa Ville, oü pour lors les Artiftes étoient en grand nombre, & encouragés par la prof.ee- tion que Ie Duc de Baviere accordoit anx Arts. Le départ de ce Prince fut, pour ainfi dire, 1'époque de leur chute & de la défertion des Artifles. Verbruggen pafia en Hollande vers 1706. Sa
réputation 1'avoitdevancé tTAcadémie d'Anvers Tavoitchoifi pour Dire&eur en 1691 , & c'étoit confirmer 1'idée que Ton avoit de les talcns : il choifit la Haye pour demeure, oü il eut occa- fion de s'exercer. M. Fagel occupa son pinceau a orner de Fleurs les plafonds & les fales dans FHötel qu'il faifoit batir. Matthieu Tervveften, bon Peintre d'Hiftoire, occupa long-temps notre Peintre de Fleurs a travailler avec lui a tcn- tes fes grandes entreprifes. La Société acadé- mique de la Haye admit Verbniggen parmi fes Membres en 1708. Sa grande facilité lui fit ga- gner beaucoup de bien , on ne peut aller plus vite que ce Peintre ; dans les temps oü les Ou- vrages le preflerent moins , Tervvefien lui pei- gnoit quelques vafes de b^s-reliefs que Verbrug- gen ornoit de Fleurs & de Fruits ; il en auroit rempli la Hollande , fi les Etrangers n'en avoient enlevé une grande partie. Déja avance en iige & pcu occupé, il retour-
na a Anvers: fa figure aimable & fon attache- •nent a la compagnie & au plaifir , lui a fait "ppenfer promptement ce qu^il avoit fi facile- ment gagné ; il avoit le meme talent, mais il peignoir la nuit & fe promenoit le jour : de facon
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124 La Vie des Peintres> &C.
~ facon. que fes derniers Tableaux n'ont que de 1?
1668. facilité & une couleur plus brillante que vraie.
ysssr II eft mort a Anvers en 1720.
Le talent de Vet bruggen avoit plus de rapport
avec celui de Baprifte Monoyer, qu'avec celui' de van HuyJJum ; il y a une grande maniere dans les Fleurs qu'il a peintes dans les plafonds & dans les fales : il fcavoit les grouper & colorler avec beaucoup d'art. Sa touche eft très-facile & propre a cegenre, elle donne de la légéreté fans travail ni peine. On voit qu'il auroit réuffi a rendre agréables des Tableaux de chevalet: nous pouvons citer pour exemple un Tableau de fleurs dont ce Peintre fit préfent a 1'Académie, & plu- fïeurs autres dans les Cabinets eftimés. On voit a la Haye,chez M. Fagel, un Ta-
bleau avec des Enfans , par 'Tervve.fl.en, & des Fleurs, par Verbruggen. Chez M. Lornüer, un Tableau avec beaucoup de fleurs , particuliere- ment des Tulipes de toutes les efpeces ; & chez M. van Heteren, un Tableau oü des Enfans fou- tiennent des fleurs en guirlande: autres Tableaux par les mêmes Artiftes, ce font auffi des Enfans qui fe jouent avec une guirlande de fleurs. Dans ce mcme Cabinet fe voit un Tableau fur
lequel eft repréfenté un Panier a 1'Angloife avec des fleurs peintes par Henri Verbruggen, que 1'on foupconne le Frere ainé de Gafpard; Henry fut auffi Direfleur de 1'Académie d'Anver&en 1688. Les Ouvrages d'He/iry font au-deflbus de ceux de Gafpard. |
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JEAN,
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JEAN-RUDOLF
H U B E R,
ÈLEVE DE GASPARD MEYER.
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Ean-Rudolf Huber,Fils 1668.
d'Alexis Huber, Aubergifte & ------.
Membre du Grand - Confeil de
Bafle, & petit-fils de Rudolf Hu- ber, Bourguemeflxe de la même Ville , y prit naiffance en 1668. |
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Dès l'age de dix ans fa paffion pour Ie Deffein
fut ü marquée, que fes parens lui en fïrent apprendre les premiers principes pour 1'amufer; niais lorfqu'ils Ie virent s'attacher de plus en plus
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ir- ■
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I2Ö La Kie des P e in tres
T77Z plus a la Peinture, ils s'y oppoferent, fous
_' prétexte dn peu de confidération qu'on avoit pour elle a Rafle, mais les paffions, & fur-tout celles qui ont les Arts pour objet, font au-deffus de tous les obftacles : il fallut ceder, & en 1682 , il fut confié a Gafprad Meyer, Peintre médiocre, qui a eu cependant la gloire de com- mencer Huber & Brandmulier, les premiers Ar- tiftes d'Allemagne. Huber ne tarda pas a fur- pafler fon Maitre, que la mort enleva avant la £n de fon engagement ; ce fut un bonheur pour 1'Eleve , qui paffa dans l'Ecole de Jofeph Wer- ner. Ce fut alors qu'il changea de maniere: les platres des Antiques exercerent tellement ce jeune homme , qu'il devint un Deffinateur fca- vant; il apprit la perfpeftive; fes progrès por- terent Werner a lui confeiller de paffer en Ita- lië. Agé de dix-neuf ans, il alla a Mantoue oü les Ouvrages de Jules Romain 1'arrêterent, II deffina tout avant de vifiter fucceffivement les Villes de Bergame, Vicence , Vérone & Ve- nife, oü il étudia particulierement la couleur dans les Ouvrages du Tuien ; il ne paffe pas un jour fans fuivre les inftrudions académiques, & fon affiduité étoit citée pour exemple aux jeunes Artiftes. Pierre Tempefle , Payfagifte habile, aima tellement Huber, qu'il Ie rec.ut chez lui comme fon frere ; il peignoit en reconnoiffance des figures dans les Tableaux de ce Payfagifte. Les Tableaux du Tuien , du Bajfan, du Tinto- ret, de Paul Véronefe, & les Portraits du Pom- pelly, furent la plüpart copiés par notre jeune Suiffe; il les obferva avec des yeux avides qui caraftérifent Ie gout & 1'émulation. Enfin, après
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___J
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Flamands, Allemands & Hollandois. 127
après un féjour de trois ans, Ie delir de voir------
Rome 1'enleva aux voeux de Tempefte, qui 1'ai- *668.
moit & qui auroit voulu Ie fixer auprès de lui: ------
on lui dit, avant fon départ, qu'il avoit ap-
pris, pendant fon féjour a Venife, tout ce qu'il étoitpoffible d'apprendre ; louange dangereufe, mais qui ne fit autre impreflion ifur Huber que de redoubler fes veilles : les Villes de Parme, Plaifance, Florence & Bologne n'échapperent point a fa curiofité ; il voyagea ainfi, en defli- nant, jufqu'a Rome. Ce fut, pour ainfi dire , un nouveau monde
pour Huber. Les Ouvrages de Raphaè'l 1'occu- perent long-temps. Les Carraches, Jules Romain & Ie Guide furent les feuls objets qui 1'arrête- rent dans cette Ville. 11 ne refta pas long-temps fans èrre connu. Carle Maratü qui aimoit fes Ouvrages, prit foin de fon avancement; il fe chargea dès-lors d'aider de fes confeils un Ar- tifte de cette volée. Il deflina d'après 1'Antique , toujours très-exaft aux heures d'étnde & de 1'A- cadémie, & toujours très-occupé non-feule- raent les jours, mais les nuits même ; c'étoit étendre la carrière de fa vie que de la remplir ainfi. Maraui, Ie voyant donner dans Ie Portrait en mignature, Ie détourna de ce petit genre, en lui confeillant de ménager fa vue pour des Ouvrages plus dignes de lui; il profita de eet avis, ainfi que de tous ceux qu'on lui donna fur fo Art, & il quitta Rome après fix années de ur en Italië. Avant de retourner en Suiffe , il voulut voir
la France en paflant par Lucerne, Geneve Sc Lyon; il arriva a Paris: quelque plaifir qu'il |
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eut
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I28 La Vii des Peintres
™77ö" eüt a y voir les bons Artiftes & les beautés què
_ renferme cette Ville, il y refta peu & retourna ----- a Bafle en 1693, II époufa , en arrivant, Ca-
therine Füfch : Tannée fuivante il fut nommè
Membre du Grand-Confeil. En 1695 , il peignit dans un feul Tableau Ie Margrave de Bade-Dour- lach, Frédéric-Magnus & toute fa Familie. Ce beau Tableau fe voit encore au Palais de ce Prince, a Bafle; il mérita a 1'Auteur reftime& la proteclion de cette illuftre Maifon, & porta fa réputatión par toute 1'Allemagne. En 1696, il fut appelé a la Cour de Stut-
gard, Ie Prince Evrard-Louis Ie nomma fon pre- mier Peintre. Des plafonds & de grands Ta- bleaux d'Hiftoire lui donnerent occafion d'exer- eer fon génie & fes talens: Wzrner, fon Mai- tre & fon Ami, pour lors a Berlin , occupé a former une Académie , voulut attirer pres de lui fon Eieve; il fut chargé par la Cour de Ber- lin de lui offrir huit eens écus d'Allemagne de penfion, & les frais de fon voyage : tout ceci ne put Ie tenter, heureufement pour lui, nous en avons dit la raifon dans la vie de Werner; on voulut attacher Huber pour toujours a cette Cour: on lui propofa la fur-Intendance des Ba- timens & uneforte penfion; 1'amour delaliber- té lui fit refufer une fortune certaine , car il n'aimoit ni la Cour ni fes écueils ; il rec,ut, en quittant, un préfent du Prince : c'étoit une me- daille d'or, & une chaine du même métal. De retour a Balie, en 1700, il fut nornrac
fur-Intendant des Batimens & du Palais du Prince, & du Territoire du Margraviat, avec la penüon annuelle; cette place honorable étoit une récom- penfe
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VUmanh; Attemands & Hollandoisi ï z§
penfe de fa patrie , qui ne Ie gênoit nullement; Ouvrages; de-la a celle de Bade : il y fit les — Portraits du Margrave & de fon Epoufe, des Princes ÜOettingen , de Furtenberg , & d'au- tres Généraux. Sa réputatLon Ie fit appelier k Heidelberg, öu étoit pour lors Ie Roi des Ro- mains , fojeph. Il eut ï'honneur de peindre ce Prince & de réuffir : a peine eut-il Ie temps de jinir ces Tableaux , qu'il fe fauva pour évitef les malheurs de la Guerre qui approchoit, par la prife d'UIms par l'Elefteur de Baviere; arrivé a Bafle , il ne put y faire que peu d'Ouvrages; fes amis 1'inviterent d'aller a Berne , il y fit beaiicoup de Portraits ; Ie plus confidérable fut celui de la Familie de 1'Ambaffadeur d'Angle- terre Derwarts, En 1706 , Ie Comte de Trautmanfdorf 'invita
Huber de l'aller peindre a Bade oü il étoit; ce Portrait fit Ie plus grand plaifir; ce Seigneur achetoit beaiicoup de Tableaux & des DelTeins des grands Maitres : il fe formoit une Collec- tion avec gout & dépenfe : tont ce qu'il put acheter de beau fut envoyé a Vienne , il avoit même des Agens qui enleverent tout a grand prix. Huber retourna a Berne , ouil étoit attendu.
Il fe voyoit furchargé d'Ouvrages , lorfque Ie Comte Aletemicb ,Réiident de la Cour de Pruffe, lui manda de fe rendre a Welfch - Neuenburg, pour y peindre Fréderic l" , Roi de Pruffe , Ie Comte & d'autres Seigneurs. Il alla encore une fois a Berne pour y finir Ie nombre d'Ou- yrages commencés, entr'autres Ie Portrait en pied Terne IV, ï du |
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tfO La fie des Teintres
**—. du Margrave de Bade-Dourlach,quieft encor©
1668. dans Ie Palais de ce nom, a Bafle ,• il refta a Ber- ne jufqu'a 1'année 1713. Le Comte du Luc appella Huber a Bade , ou étoient pour lors affemblés les Plénipotentiaires nommés pour terminer les différends, & qui conclurent la Paix. Notre Pein- tre eut ordre de peindre dans unfeul Tableau les Plénipotentiaires , de la part de la France. Le Maréchal de Fillars , M. de Saint Conteji , le Comtcdu Luc ,&c Mr du Theil f Secrétaire d'Am- baffade ; ceux de la part de 1'Empire étoient, le Prince Eugene , les Comtes de Goè's , deS«- lern ,& M. de Bendenrieth , Secrétaire de Léga- tion. Ce bon Tableau fut envoyé a 1'Evêque d'Aix. Il alla finir a Berne des Portraits commen- cés , & d'autres qu'il entreprit de nouveau. En 1738 , fatisfait de la gloire qu'il avoit ac-
cjuife, il voulut borner fa carrière, aller vivre a Bafle tranqiiillement, & jouir du repos qu'il n'avoit jamais goüté. En 1740 , agé de 72 ans, il fi.it élu Confeiller de cette Ville ; il ne put fe refufer a lui-même le plaifir d'obliger en gagnant beaucoup de bien : c'eft a ce prix qu'il aban- donna le projet de vivre tranquille ; on le vit depuis 1742 , peindre 1'Adminiftrateur de Dour- lach a cheval. Le Portrait de même du Direc- teur des Communautés Rafchen , le Bourgue- meftre Manan , 6c le Grand-Maïtre des Com- nmnautés Battiers ; il finit f on travail par le Portmit de M. Marfchal, Capitaine Impérial j fesforcesdiminuerent, &fon gout pour la Pein- ture diminuoit auffi ; il ie prépara a la mort. Une fluxion de poitrine 1'enleva , après avoir garde huit jours le lit, le 8 Février 1748, agé |
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Flamands, AllemAHds& Hollandois. tjt
èc 80 ans. Il fut enterré dans 1'Eglife de Saint Martin: il ne laiffa qu'une fille qui avoit épöufé Vlnch Schellenberg , Peintre deWinterthur; on fait un éloge bien mérité du Gendre & de la Fille, qui quitterent leur demeure pourprendre tous les foins poffibles de la vieilleffe & de la maladie de leur pere. Son fils aïné , Peintre, après avoir été en Italië & en France, mou- rut jeune. Huber a cönfervé la vigueur de fort efprit & de fa vüe jufqu'au moment de fa morti Perfonne , je crois , ne 1'a furpaffé en nombre d'Ouvrages fortis de fa main , fans compter fes Tableaux d'Hiftoire. On connoït de lui 3065 Portraits. Jamais il ne s'eft fait aider. Ce Pein- tre eft appellé Ie Tintoret de la SuifTe : une cou- leur vigoureufe , nn travail facile & une belle touche fe trouvênt dans fes bons Ouvrages : lous ne font pas de même ; la néceffité de fatis- faire tous ceux qui 1'ont employé , 1'a forcé de laiffer des Ouvrages au-deflbus de lui, & même médiocres ; fa grande vivacité 1'empêchoit quel- iquefois de porter tous fes foins a finif un Ta- bleau : c'efl: d'après fes bons Tableaux que nous avons jugé eet homme digne de tenir , dans toutes les Ecoles, un rang honorable : fa maniere de deiliner eft correfte ; il avoit étudié cette belle partie de 1'Art dans Rome & d'après la na- ture. Ses efquifles fur Ie papier ont Ie feu d'une imagination vive. Ses Ouvrages font par-tout & en trop grand nombre pour les citer. Le Con- feiller privé Drollingcr a honoré la mémoire ÜHuber d'un beau Poëme, |
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I 2
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j Xa Vte des Teintreï
ITÓ68.
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N VAN HAL-
VAn Hal naquit en 1668 , dans la Villd
d'Anvers. Les Tableaux d'Hiftoire de ce Maitre furent recherches dans fa jeuneffe pour Ie génie qui y regne , la bonne couleur & la correftion. Il peignoit auffi des Nymphes & des Génies aux Tableaux d'Hardime, & de plufietirs autres qui ne peignoient que des Fleurs. Fan Hal a fini par faire des Otivrages qui ne font ni efti- més, ni recherches, & qui ne font nullement è comparer avec ceux de fon premier temps» Nous ne f^avons point Pannée rle fa mort. |
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F R A N C O I S
BÉELDEMAKERi
ÊLEVE DE GVILLAUME
D O V D T N S. Éeldemaker ,néa laHayeen 1669 J
X recut les premiers principes de fon pere fean Bêeldemaker , dont nous avons parlé. Le fils, porté a un genre plus élevé , quitta les chaffes &c les animaux, & choifit 1'Ecole de Guillmme Doudyns , oü il s'appliqua fi bien , qu'il fe trouva en état d'aller a Rome avec le fecours |
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FUmAnds, AUemands & Hoüandois'. i j j'
üe fes talens. 11 s'y appliqua quelque temps h 1'étude. La haute opinion qu'il avoit de lui-même Ie rendit infupportable a ceux mê- me de fon Pays ; c'eft pour cela que l'on affure que la Bande académique lui donna Ie nom de Singe. Quoiqu'il en foit, il retourna a la Haye , oü il débuta par quelques Plafonds & d'autres Ouvrages ; il fut élu Membre de la Société des Peintres a la Haye. Il ne s'y fit pas aimer, 6c pour vivre plus tranquillement , il fe retira a la campagne , pres de Rotterdam, dans Ie Pays de fa Femme, oh il eft mort vieux, fans que l'on (cache en quelle année. Les Ouvrages de ce Peintre nous font incon-;
nus. On en dit du biep. |
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1669.
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5 thèodore;
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THÉODORE
VAN P É E,
ÉLEVE DE SON PER
/ U S T E VAN P Ê E,
HÉODORE van PÉE naquit
a Amfterdam en 1669. Il apprit de fon pere les principes de fon Art: il fut affez heureux pour réuffir de bonne heure; il peignoit 1'Hiftoire, Ie Portrait en grand & en petit: 1'a- mour du gain Ie porta a établir chez lui une efpece de Manufacture qu'il ne faifoit que conduire : on y peignoit des figures fur Ie bois découpé pour lm
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LaVie des""Peintres, &cl '135
!es Jardins Sc pour les Appartemens. Le fuccès, dansle commencementdecetteentreprife , don- na 1'idée a d'autres de faire de même & a meil- leur marché. Il voulut faire fortune , a quelque prix que ce fut: il abandonna ie premier projet ; il acheta des Tableaux des Maïtres d'Italie, qu'il porta en Angleterre , 6c qu'il fait vendre ener. \Jn Négociant fort riche , le Chevalier Bex , devint fon ami & un de ceux qui acheterent de ees Tableaux Italiens : il lui commanda un grand plafond pour un de fes Appartemens; de retour en Hollande , il acheta de nouveau tous les bons Tableaux qu'il put trouver, & il y pei- gnit fon grand plafond: compofition qui devoit le faire connoitre en Angleterre ; il y fut pour le placer , porta avec lui un nombre de Ta- bleaux , mena fa femme Sc toute fa maifon , bien réfolu d'y demeurer. Son Ouvrage y fut bien recu , on lui accorda trois eens livres fter- lings , pour payement , maïs les évenemens publics l'entraïnerent dans quelques pertes ; la faillite du Chevalier T>ex , en 1720, lui fit per- dre 100 livres fterlings. C'étoit une perte mé- diocre pour lui qui avoit tant gagné dans fon commerce & par fes Ouvrages , §£ qui étoit refté feul en Angleterre , fa femme étant retour- née en Hollande. Déterminé a faire payer ^ d'autres ce qu'il pré»
tendoit qu'on lui avoit volé, il feignit d'être ma!a- de& perclus, onlevoyoit marcher dans lesmes comme un déterré ; il trompa tont le monde , entr'autres un nommé de Hor, qni avoit un defir extreme de pofféder trois de fes Tableaux, qu'il ne voulut pas ceder au-deflbus de 300 livres fter- I 4 lings:
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136 La Vte des Peintres , &cl
~'— lings : prix exorbitant; mais après avoir touffé
* 9' & fait tous les mouvemens d'un expirant, il fit entendre qu'il voyoit approcher fa fin , que fes infirmités 1'empêcheroient de travailler , qu'il vouloit fe faire des rentes viageres de ce qu'il lui reftoit. De Bor crut tenir les Tableaux a très-bas prix : il offrit 30 livres fterlings par an : 1'Afte fut fait devant Notaire. Le Peintre devint en huit jours en trèsbonne fanté , &il a joui 16 ans de la rente , au grand regret de I'Acquéreur. Après avoir demeuré fept ans a Londres, il
fe détermina a retourner dans fa Patrie. Il fit une Vente publique de fes Ouvrages & d'autr?s Tableaux, fe réfervant feulement ceux qu'il crut pouvoir vendre plus cher en Hollande , oü i! arriva. 11 eut encore Ie fecret d'attraper un Juif fort riche , auquel il vendit plufieurs Tableaux de lui, en rente viagere : il perdit fa femme, & eut 1'adrefTe d'épouier, tout vieux qu'il étoit, line jeune veuve : on nous raconte plufieurs tours de eet homme , qui ne penfoit qu'a lui icul. II avoit une fille qu'il ne voyoit jamais» |
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A R N O L D
O O N E N ,
ÉLEVE DE GODEFROY
SCHAL C K E N.
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'H o nne u r , la gloire & Ia for- ____3
tune couronnerent Ie mérite &Ar- 1669.
nold Bootten , né a Dort, Ie 16 " Décembre 1669, & iflii d'une fa- miile diftinguée dans Ie commer- ce. Ayant fini fes études a 13 ans , fon génie qui paroiflbit déja propre a tous les talens, fe décida pour la Peinture; il eut pour Maitre Arnold Ferbuis , feintre d'Hiftoire &: d
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j La Vie des Veintres
de Portrait, mais fon gout pour Ie libertinage J
q pffi jufques dans fes Tableaux , déplut tellement a fon Eleve, dans un age oü ce gout eft fi féduifant, qu'il eut Ie courage de Ie quit- ter. Il prit pour Maïtre un Artifte plus vertueux, Godefroy Schalenen , qui perfe&ionna egalement fes moeurs & fes talens. Après fix années d'ap- plication , Schalcken avoua qu'il ne pouvoit plus lui rien apprendre , quoiqu'il n'eüt encore que vingt ans , 6c il lui confeilla de ne prendre dorénavant pour Maïtre que la nature ; auiS 1'étudia-t'il avec tant de foin , & il la copia avec tant de fidélité , que fa réputation étoit déja faite a 1'age de 25 ans. Il fit fucceffivement les Portraits de la pre-
miere Nobleffe de Francfort, de 1'Elefteur de Mayence , de fon Frere , & de toute fa Cour: la reffemblance , Ie beau pinceau , la bonne cou- leur , lui mériterent les plus grands éloges ; outre les deux Portraits de 1'EIefteur , dont 1'un 't;n grand & en pied , & 1'autre en petit, ce Prin- ce lui commanda encore dix Tableaux , tous fujets éclaircs de nuit ; on ne parloit que de la jeuneffe de 1'Artifte &c de la perfeüion de fes ouvrages, qui exciterent egalement 1'admiration du public. Tous fes Ouvrages furent bicn payes , &
1'Artifte , chargé de louanges & de préfens, paffa a la Cour du Landgrave de Heffe-Darm- ftad , qui Pavoit engagé a s'y rendre. Il y pei- gnit plufieurs fois en grand & en petit Ie Prince & la PrincefTe : ces Portraits furent générale- ment admirés & envoyés dans diiïerentes Cours de 1'Europe -f il paffa quatre mois a finir fes Ouvrages,
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Tlamands, Allemands & Hollandois. 139
Ouvrages, & on Ie vit partir avec regret. Ses
rares talens Ie firent defircr dans fa Patrie : il 1669.
partit pour Dort , & Ie peu de tem ps qu'il y '—" refta lui fit affez. connoitre qu'il y feroit une fortune affez mcdiocre : perfuadé que les grands talens font faits pour les grandes Villes, il porta les fiens a Amfterdam , Capitalc de la Hollan- ide, non-feulement par Ie rang qu'elle y tient , mais encore par fon commerce & fes richefles. A peine y fut-il arrivc , que les Direfteurs de la Maifon de Force , fc firent peindre en pied de grandeur naturelle , &c dans Ie même Tableau ; tout y étoit marqué au coin de la vérité , & finiavec Ie plus grand foin. Ce Tableau , étant place , attira les regards de tous les Habitans, qui fe firent prefque tous peindre : on affurc que jamais Arrifte ne fut plus chargé d'Ouvra- ges que lui; les Etrangers vinrent en foule exer- cer Ion pinceau , ou pour obtenir de fes jolis Tableaux de Chevalet. En 1698 , Ie Roi de Prufle fe fit peindre , & ce fut un des plus beaux Tableaux qu'il ait fait ; Ie Monarque en fut fi content , qu'il ne cefla de louer 1'Auteur. Ce Portrait a été gravé , & eft très-connu. Il époufa en 1703 , Anne-Marie Alattheus,
iffue d'une familie diftinguée de Dort ; ce fut, pour ainfi dire, affurer a fa Patrie qu'il ne la quittcroit pas , malgré les offres des autres Villes de la Hollande & de 1'Allemagnc. Les Direfteurs de la Monnoie de Dort, au nombre de vingt, fe firent peindre en grand dans Ie même Tableau qui eft place dansleur Sale d'Affemblée: il femble qu'il ait cherché a fe furpaffer dans un autre fiui devoit orner ime place publique dans la Ville
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I4O La Vis des Peintref
Ville qui lui avoit donné la naiflance , tant I'a-i
mour de la Patrie peut animer & augmenter les talens. Il peignoit fucceflivement les Direfteurs de
toutes les Maifons de Force , des Hópitaux , des Confrairies : leur nombre eft trop confi- dérable pour les citer ici. En 1710, il peignit en pied Ie Duc de Marlborough , & en 1717, Ie Czar Pierre Ie Grand. L'Impératrice de Ruf- fie , &c plufieurs Seigneurs de fa fuite ; en 1721, Ie Comte de Zolms ; en 1723 , Ie Baron de Plettenburg , & Ie Prince d'Orange , qui n'avoit pour lors que douze ans. Il fit dans la même année Ie Portrait de 1'Evêque de Munflcr, de- puis Elefteur de Cologne. En 1727,dans un même Tableau, il repré-
fenta la PrincefleDouairiered'Ora^^.SonFils, Ie Prince Heréditaire Stadthouderde la Province de Frife, & la Princeffe fa Fille. Ce beau Ta- bleau fut envoyé au Roi de Suede , & dans Ie même-temps il peignit Ie Frince de Bade-Dour- lach. Il fit encore Ie Portrait du célebre van Huyjfum, qui Ie paya d'un Tableau de Fleurs du plus beau fini; c'efl ainfi que les grands Artiftes doivent commercer enfemble : commerce d'ef- time & de confidération bien plus précieux que celui de 1'intérêt. Surchargé de Portraits , efpece d'Ouvrages
qui ne font pas long-temps entre les mains des Artiftes, il ne pouvoit multiplier , autant qu'il Ie defiroit , fes Tableaux de chevalet ; mais ce travail trop affidu , en Ie comblant de gloire & de richeffes, avansa peut-être la fin de fa carrière. Ie % Oftobre 1729, Cö
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'VUmAnh', Alleman ds & Hollandoisl 141
Ce Peintre avoit une fonte de couleur excel-__—
lente : tous fes Portraits reffembloient bien , il 1669
avoit Ie talent de les bien difpofer. Sa couleur ""SS" naturelle & 1'harmonie dans tout ce qu'il a fait ^ font dignes des éloges que les plus grands Artiftes & Ie public lui ont donnés dans Ion temps. Ses petits Tableaux font entierement dans Ie gout de ceux de fon Maitre. Boonen a fait plufieurs bons Eleves, dont nous ferons mention , tels que Quinkhart , Traojl ü" van Dyk- Nous pourrions bien citer un plus grand nom-
bre de fes Ouvrages ; mais , comme nous 1'a- vons déja dit, les Sales de la plüpart des Com- pagnies d'Amfterdam en font ornées , & dans les principales Families de la Hollande & de 1'AUemagne. L'Ele&eur Palatin poffede de ce Peintre deux beaux Portraits. |
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JOSEPH VANDEN
KERCKHOVE,
E'LEVE DE'RAS ME QV1LLYN.
VAnden Kerckhove, né a Bruges , &
élevé dansl'Ecole d'Erafme Quillyn Ie Pere , étonna fon Maitre par fes progrès rapides & fa grande application. Il voyagea de bonne heu- re, mais il ne paffa pas la France , il fe for- tifia dans 1'Ecole de Paris , oü il étoit confidéré : on f^ait qu'il y fut occupé a de grands Ouvra- ges qu'on n'indique point. 11 peignit encore dans d'autres Villes de ce Royaume. De |
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Ï4I La Vie de f Tel fit re f
L De retour a Bruges , fes travaux „
}^2ir terent avec fes fuccès au point qu'il ne put y
fuffire. On vit fucceffivement fortir de fa main quinze Tableaux fur la vie de Notre-Seigneur, qui font places dans 1'Eglife des Jacobins , a Bru- ges ; le Tableau d'Autel dans la Chapelle de Sainte Rofe. Le Plafond de 1'Hótel-de-Ville d'Oftende ; cette grande & belle compofition repréfente Ie Confeil des Dienx; la difpofition en eft fcavante , ingénieufe & d'une belle exc« cution. Quelques Portraits qu'il fit pour fes amis, engagerent beaucoup de perfonnes des Villes voifines de venir è Bruges lui demander leurs Portraits : ce genre plus lucratif , mais moins eftimable que celui de 1'Hiftoire , nous a privé de beaucoup de bons Tableaux qui auroient été plus connus & plus admirés : des Portraits de familie font fouvent plus obfcurs que ceux qu'ils repréfentent; mais les Tableaux d'Hiftoire font faits pour le Public, & pour décorer les Temples & les Palais. Plus notre bon Peintre aimoit & cultivoit fon
Art, plus il étoit zélé pour fes progrès , plusil vouloit en étendre 6c perfeftionner le gout ; il crut ne pouvoir mieux parvenir a fon but qu'en érablifTant une Académie de Peinture : if communiqua fon deffein au Peintre Duvenede, fon ami intime , & ils obtinrent tous deux le confentement des Magiftrats. Kerckhovefut nom- mé le premier Direfteur de cette Ecole , qui 3 beaucoup augmenté par les foins de M. de Fifch, Peintre habile, qui en eft Directeur depuis long- temps. Kerckhove ne jcuit pas beaucoup de ce titre:
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FUmands, jillemands & Hotlandois. 4^
il mourut en 1724, regretté pour fa bonne con- duite. Malgré fon féjour en France , il avoit 1669. toujours confervé la maniere de fon Maïtre : ___f
fa couleur eft chaude , & fon deflein affez cor-
reft. Sa compofition eft noble & toujours ea grand : il n'introduifoit que ce qui y étoit né- ceffaire : il avoit bien étudié les regies de la perfpeftive , &C fes fonds font enrichis d'Archi-" tefture de bon gout. Voici encore quelques Ta« bieaux de lui. On voit dans 1'Eglife Collegiale de Saint Sau-
veur , a Bruges , quatre Tableaux; les Oeuvres de miféricorde : les trois autres font de /eau fanjfens. Dans la Chapelle de la Boucherie , la Réfur-
reftion de Notre-Seigneur: beau Tableau. Dans 1'Eglife des Carmes , une Circoncifion. Et a Oftende, dans 1'Eglife des Soeurs noires ^
Ie Martyre d« Saint Laurcnt, tableau d'Autel, |
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MATTHIEÜ
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Picaaft ir
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MATTHIEÜ
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T ERWE STEN,
ÉLEVE DE SON FRERE
AUGUSTIN TERJFESTEN.
Atthieu Terwesten ;
Frere d'^ugujiin , dont il a été parlé , naquita laHayeen 1670. Matthieu avoit perdu fon pere» lorfqu'il étoit trop jeune pour en obtenirun Maïtre. Augujiin , qui 'étoit fon frere aïné de vingt-un ans , eut une joiefecrete de Ie voir fe décider , dès Penfance, pour tout ce qui étoit deffein. Sans perdre de |
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S) Allemands <S" Hollandois. 145
Vue cette iuclination , il 1'encouragea & devint enfin fon Maitre.Guillaume Doudyns & Daniel Meytens fe chargerent auffi de son inftruöion; enforte que ces trois Maïtres, également habi- ]es, parvinrent, par fon application & leurs foins, a Tavancer, au point que quelques Ta- bleaux de fa main Ie firent diflinguer affez pour qu'on Ie chargeat de finir différens Plafonds que fon frere Auguftin avoit entrepris; & qu'il ne pouvoit faire, ayant été appellé a la Cour de Berlin , comme nous 1'avons rapporté dans fa vie. Il n'y eut qu'une voix en sa faveur. Ses derniers Ouvrages lui procurerent un grand Protecteur en la perfonne de M. Schuilenburg, Ie premier favori du Roi Guillaume 111. Il peignit plufieurs grands Tableaux pour ce Mé- cene» On vante beaucoup un Salon entierement de lui, ou il avoit représenté Diane au bain avec ses Nymphes. l)'autres Plafonds, d'autres grands Tableaux fuccéderent, & toutes les louan- ges qu'il recut chaque jour ne firent qu'augmen- fer fon defir d'aller en Italië. Une avanture affez plaisante avanca fon départ: un particulier fort riche Talla voir un jour, & ayant loué fes Ou- vrages, defira d'en avoir quelques-uns de fa compofition. Il étoit même fur Ie point da con- venir de prix; mais s'étant avisé de lui deman- der s*il avoit fait Ie voyage de Rome, notre Peintre lui ayant dit qu'il ne 1'avoit point fait, l'Amateur perdit tóut-cPun-coup 1'eftime qu'il avoit pour les Tableaux qu'il venoit d'admirer , & fe retira promprement, en infpirant a Ter- vveflen une affez médiocre idee de fon gout & un grand mépris pour fes préjugés. Muni d'une lome IV. K. bourfe |
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I46 La Trie des Peintrcs
~~ faourfe d'or, il part bienrót après. Maïs ayant
'• voulu voir fa mere & fon frere Auguflln, il '-----" s'arrêta quelque temps a Berlin, oü il trouva
un grand nombre d'habiles artiftes, & une
Académie dirigée avec foin; il ne put quitter cette Ville,qui étoit déja 1'azile des beaux Arts, fans avoir copié les beaux modeles arrivés de Rome. Mais ce qui étoit bien flatteur pour lui, ce fut d'avoir obtenu, dans Ie concours des Artiftes de son age, Ie premier prix de Deffein d'après Ie modele. Cette couronne étoit Ie préfage d'un heureux
avenir. Etant parti de Berlin, il arriva a Ve- nife, oü il étudia d'après les Ouvrages de Paul Vérone\e, du Tintoret & du Titien. Il ne man- qua pas de viliter 1'Ecole de Carlo Lothi. Satis- fait de fon séjour, il alla a Rome, oü il ren- contra fon frere FJie Tervveften, & plufieurs autres Artiftes de fon Pays. II fut admis dans la Bande académique, & nommé UAiglc; pen- dant que Ton procédoit a fa réception, ils furent tous pris par 1'Inquifition & menés dans les prisons, d'oü ils fortirent Ie lendemain. Onavoit fait entendre que c'étoit une affemblée d'Anabap- tiftes qui fe permettoient des chofes fcandaleufes contre la Religion Romaine; leur innocence fut connue, & on fcut que cette avanture ne leur étoit arrivée que de la part de deux de leurs camarades que Ton avoit refufé d'admettre parmi eux,& qui furent , a leur tour, forcés de quitter Rome. Suivons notre Aigle^ qui ne penfa plus qua
Ie devenir dans fon Art; il copia, pendant une année entiere, tout ce qui pouvoit fervir |
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Flamands, Allemands 6" Hollandois. 147
a fon étude : rien n'échappa au pcnchant qu'il
avoit pour 1'étude. Il peignit peu: on ne cite que * trois Tableaux, dont il fit préfent a fa belle-foeur; il quitta Rome pour n'être plus témoin de 1'in- conduite de fon frere Elie. 11 arrivaa Florence, oü il refta pour admirer tout ce qui décore cette Galerie fameufe. Ce fut pour la deuxieme fois qu'il voulut voir Venife, & tout ce que les plus célebres Coloriftes y ont rransmis a la pof- térité. Il ne paroit pas qu'il y ait peint aucun Tableau. En quittant Venife, il voulut revoir fon frere & fa familie: il fut bien recu a Vienne par Schoonjans, premier Peintre de l'Empereur Léopold; ce fut pour lui une occasion de par- courir tout ce que cette Ville renferme de beau Sc de rare : il crut aufli ne pas devoir manquer de defliner & de joindre au refte de fes études, tout ce qui lui parut Ie mériter. Son arrivée a Berlin combla de joie ce frere
célèbre qui avoit été fon premier Maïtre; il fut ravi des progrès que fon Eleve avoit faits,& de 1'abondante moiflbn d'études qu'il avoit rap- portées d'Italie. Il donna quelque temps a voir fes parens, maïs toujours en deffinant ce qui lui avoit échappé dans fon premier paffage: il prit enfin congé d'eux & partit pour la Hol- lande. 11 arriva a la Haye en 1699, & fut adrnis
dans la Société des Peintres, Ie J 5 Aoüt de la même année; incertain d'abord s'il y refteroit, 011 s'il s'établiroit a Amfterdam, Ie public Ie dé- cida en Ie furchargeant d'Ouvrages. On lui com- manda des Plafonds en fi grand nombre, qu'on nous affure qu'il y a peu de maisons a la Have K 2 oü
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La Vie des Peintres
°" ^ nen a't ^lt quelqi'es-iins, ou d'autres Ta-
bleaux: il décora en 1706 Ie falon & la ccupole de 1'Hötel de M. Fagel, & une pour M. van- den Boëtfelaer, oü il avoit repréfenté des Pafto- rales avec beaucoup de génie & d'expreflion. Il repréfenta auffi Notre-Seigneur fur la Monta- gne, Tableau d'Autel place dans 1'Eglife appellée Janfénifie^ & un grand Plafond a 1'Hótel-de- Vilïe de la Haye. Au milieu de tantde travaux, il ne négligea
jamais l'inftruöion qu'il donna a la jeune(Te de 1'Académie, dont il fut nommé Ie Chef. En 1710, il fe déroba a ces exercices par tendreffe pour fes parens, & fit encore Ie voyage de Berlin, mais il n'y refta pas long-temps: a fon retour il époufa une jeune Veuve; il en eut cinq enfans , dont Tainé, déja célebre dans la Peinture, fera un jour cité avec éloge dans 1'Hiftoire de eet Art. Matthieu Tervveflen eft mort, fans que Ton
f^ache en quelle année. Ses Ouvrages, bien connus en Hollande &
en Allemagne, font autant de modeles pour les Artiftes. On y trouve du génie, de la cor- redion , une bonne couleur & les marques de la plus grande facilité. |
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ALEXANDRE
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Flamands, Allemands & Hollandois. 14$)
ALEXANDRE VAN GAELEN,
E L E V E
DE JEAN VAN HUCHTENBVRG.
VAN Gaelen, né Ie 28 Avril 1670,fiir- g
nommé Ie Premier, fut Eleve de Jean van ' , Euchtenburgy qui faifoit auffi commerce de " Tableaux. Avant de les mettre en vente, van Gaëlen ne manquoit jamais de les copier : il ne fe contenta pas d'étudier la nature imitée dans les Ouvrages des Artiftes, il auroit cru borner fon génie s'il nel'eüt pasencore étendu dans l'étude de la nature originale, fi j'ofe parier ainfi, qu'il trouvoit infiniment plus variée dans fes produc- tions que dans Ie petit nombre de copies que les hommes en font. Son génie vif & ardent tenoit beaucoup de cette fécondité : il peignoit a la fois des Batailles, des Chafles, des Ani- maux, qui lui attirerent tant d'éloges, que, pour les mériter de plus en plus , il prit Ie parti de confultef non-feulement les Artiftes, mais encore la nature dans les Pays étrangers. Il prit fon vol vers TAllemagne, oü 1'Elefteur de Co- logne employa long-temps fon pinceau. Ses Ouvrages lui mériterent de la diftinftion ;
il retourna pour peu de temps en Hollande, & paffa en Angleterre : il y étoit bien connu K 3 par
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150 Lu Vie des Peintres
—— par fes talens, puifque la Reine Anne fe fit
'°' peindre par lui, même dans un caroffe a huit —* chevaux, accompagnée de fes Gardes & d'au-
tres Seigneurs; ce grand Tableau fit en fa fa- veur tont l'effet qu'il pouvoit defirer pour arri- ver a la gloire & a la fortune. Un Seigneur Anglois lui fit auffi peindre trois
Batailles données par Charles ler , contre Cromvvel. Jl lui fut commandé une autre Ba- taille dans un tres-grand Tableau : ce fut celle ou Guillaume Ili remporta la viftoire de la Bouyne. Voila tout ce que nous apprennent les Mémoires que 1'on nous a fournis fur eet Ar- tifle, eftimé pour (es talens diftingués. |
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N. C R A M E R,
Éleve de Guillaume
M 1 E R 1 S. C RAM ER naquit en 1670, dans la ville
de Leyden, célebre par les Artiftes & les Scavans qu'elle a donnés a TEurope: fon Maitre fut Guillaume Mie ris, & depuis Charles de Moor, dont il a pris la maniere & la couleur. Il peignoit, comme fon Maitre, des Portraits en petit, & des fujets pris dans la vie privée. On admiroit Tamitié tendre qui unifToit Ie Mai- tre & 1'Eleve : amitié qui devoit reffembler beaucoupacelle desperespour leursenfans &des enfans pour leurs peres; la nature ne lui avoit pas
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Flamands, Allemands 6* Hollandois. I $
pas donné autant de fanté qu'elle lui avoit —— accordé de talens. Il mourut en 1710, a 1'age I"7°- de quarante ans, épuifé de foibleffe. Les jolis Tableaux de ce Maitre , pen connus
enFrance, font recherches en Hollande & en |
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Aliemagne.
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CHRISTOPHE
L E BLOND.
N ne nous apprend point en quelle Ville
d'AUemagne naquit Chriftophe Ie Blond, en 1670. On ne Ie connoit que dans Ie temps qu'il étoit Peinrre du Comte de Marünet^, qui demeuroit a Rome dans les années 1716 & 1717. Il jouiffoit de la réputation de bon Pein- tre de Portrait en mignature, genre de tra- vail toujours lucratif; auffi Ie Blond fe trouvoit- il par-tont avec ceux qui aimoient Ie plaifir. Bonaventurevan Overboek, un de fes plus grands amis, 1'engagea a Ie fuivre en Hol'.ande, en lui promettant de Ie défrayer fur la route; ce qu'il fit. Arrivé a Amfterdatn, Ie Blond fut employé
a peindre Ie Portrait pour des braflelets, des tabatieres & d'autres bijoux : ce Peintre avoit une bonne couleur & même auffi forte que celle de la peinture a 1'huile; mais la vue commen- cant a lui manquer , il effaya de peindre a 1'huile ; il compofa quelques Tableaux en petit d'une bonne maniere pour Ie deffein ; mais ce K 4 n'eft
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IJ 2 La Vie des Peintre f } &c.
n'efl point a ce titre qu'il eft cité ici, nous ie
confidérons comme bon Peintre en mignature: nous ne parlerons pas non plus de fes entrepri- fes en Angleterre, ou il s'eft ruiné lui & fes affociés. C'eft ce Peintre qui a perfeftionné la maniere d'imprimer des Eftampes coloriées com- me des Tableaux : maniere déja connue d'après Laftman, & d'autres qui n'avoient pas mieux réuffi. Voila tour ce qu'on nous apprend de ce Peintre. Nous épargnons a fa mémoire toutes les extravagances qui 1'ont deshonoré pendant Ie féjour qu'il a fait en Angleterre. Si nous remarquons des défauts, & même des
"vices perfonnels dans ceux dont nous écri- vons l'hiftoire , ce n'eft point pour les livrer au mépris de la poftérité j nous ne relevons dans ces défauts & ces vices que ceux qui ont nui a leurs talens , a leur gloire & a leur for- tune, dans 1'unique deffein d'en préferver les Artiftes, auxquels eet Ouvrage eft particuliere- ment deftiné. |
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ISAAG
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I S A A C
MOUCHERON»
ÉLEVE DE SON PERE.
jjO U S avons déja parlé du Pere 1670.
de celui qui va nous occuper. 1 facie |de Frédérlc Moucheron, qu'il eüt 'ie malheur de perdre , lorfqu'il n'avoit encore que 16 ans, mais déja en état de fuffire a lui-même par I'exercice de {es talens & 1'étude de la nature , il ne s'oc- cupa que d'elle pendant fa jeunefle; on Ie vit par-tout la deffiner & la peindre. Enfin, a 1'age de
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J4 ie des Peintres
—-— de vingtquatre ans, 1'envie de voir 1'Italie lui
l67°- fit tont quitter. Il fut a Rome, & n'y perdit pas un inftant, tous les environs furent copiés. On ne croit pas qu'il y eüt rien aux approches de Tivoli qu'il ne deffinat; il y étoit toujours & ne parloit que de ce feul endroit : cependant toutes les autres vues furent également obfer vees: perfonne ne deffinoit comme lui ni auffi prompte- ment; il compofoit avec Ie plus grand mérite tous fes Tableaux : la nature lui avoit appris la marche de la vérité, & c'eft cette marche ap- percue dans tout ce qu'il a fait, qui porta la Bande académique de Rome a Ie nomraer Or- donnance. Infcrit parmi fes Confrères en Italië, il re-
tourna a Amfterdam chargé de Deffeins Sc d'au- tres études : il débuta par de grands Tableaux pour orner des fales, c'étoient des Payfages qu'il enrichiflbit de figures & d'animaux : mais les figures ont été quelquefois ajoutées par d'au- tres Artiftes. La Ville d'Utrecht & d'autres Villes lui commanderent plufieurs Ouvrages : toutes les Maifons des Villes, des Campagnes voifines s'en trouverent décorées: il avoit un talent de re- préfenter des vues fi avantageufement, que la nature qu'il embelliffoit y gagnoit quelquefois, par 1'art qu'il avoit de faire contrafler ou de rapprocher heureufement les objets qu'il ffut y repréfenter, fans qu'il parüt qu'il y eüt ajouté ou changé : ce bon Payfagifte, fi confidéré par fon talent & par fa conduite , mourut Ie 20 Juillet 1744, agé de foixante-quatorze ans. Il a furpafle fon pere dans la Peinture : il
fcavoit 1'Architeéture & la Perfpe&ive a fond, fon
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Flamands, Allemands & Hollandois. 15$
ion feuillé elt touche d'une grande facilité, &on - -— 11e peut rien voir de fi abondant que fes Pay- I"7°* fages; des branches entrelaffées , des plantes & " des fabriques deffinées d'après nature font admi- rer, dans Ie grand nombre de ceux qui font for- tis de fa main, une variété qui étonne toujours. Sa couleur eft copiée d'après la nature , & ajoute a fa fraicheur de la force 8c de 1'har- monie. Ses figures font également bien; mais fouvent de Wit, Verkolle , &c. les ont faites pour lui. Les Ouvrages de ce Maitre font con- fervés , la plupart en Hollande , & toujours très-eftimés. |
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CONSTANTIN NETSCHER,
Eleve de son Pere
GASPARD NETSCHER. E s talens d'un Pere peuvent beaucoup con-
*-J tribuer a 1'avancement d'un fils qui cultive Ie même Art , foit par des le§ons plus fuivies , foit par la commodité que 1'Eleve a en tout temps de confulter & de voir opérer fon Maitre. Conflantin Netfcher , qui naquit en 1670, n'a pu jouir entierement de tous ces avantages. Il perdit, a 1'age de quatorze ans , fon pere , Gajpard Netfcher, qui n'avoit pu lui donner que quelques lecons ; mais il laiffa après lui des Tableaux, des études, & une réputation dé- cidée, que Ie fils ne perdoit pointde vue. Il
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i j6 La Vie des Peintres
11 copia plufieurs beaux Portraits d'après ceux
de fon pere. Sa tnere s'étoit formé Ie gout afloz pour augmenter & fixer celui de fon fils. Cette pratique conftante d'après fon pere & d'après la nature, Ie forma fi bien, que les Por- traits qu'il fit alors, Ie firent connoitre. Il pei- gnit les perfonnes de la premiere confidération: il donnoit de \a fraicheur aux femmes qu'il peignoit: il poffédoit 1'heureux don de flatter, d'embellir & de rendre reffemblant : il réuffit fi bien, que Ie Baron SuaJJ'o fit peindre tous fes enfans dans un feul Tableau, au nombre de fept ou huit. Vander Does y peignit un Chien. Ce Tableau avec les figures enpiedfaitencore Ie plus grand plaifir aux Artiftes. Tous fes Portraits ne font que de la grandeur de ceux de fon pere. II fit aufli les Portraits des Families de TFaJfc'
naer, de Duivenvoorden, & du Comte & de la Comteffe de Portlant. Ce dernier fit des efforts pour engager Netfcher de Ie fuivre en Angle- terre, mais fans fuccès. Il fut admis dans la Société des Peintres a
la Haye , Ie 8 Aoüt 1699 , & depuis Direc- teur de 1'Ecole académique. Il avoit époufé MUo Hansbergen ; mais il fut attaque de la gravelle. Cette cruelle maladie 1'empêcha fouvent de travailltr : il en mourut en 17ZZ, agé de cin- quante-deux ans, laiffant après lui fa veuve & plufieurs enfans. Ce Peintre n'a pas atteint au mérite de fon
pere; il eft eependant eftimable dans plufieurs Ouvrages que nous avons de lui. Il a été très- employé , mais peu affidu, fouvent malade & très-long a opérer : il n'a pas laiffé une fortu- ne
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Flamands , Alleman ds & Hollandois.
ne aufïi confidérable que celle de ion pere. Ses
Portaits bien peints lui ont toujours donné un notn diflingué parmi fes Confrères. |
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N. VAN BERGEN.
LA mort eflleva ce Peintre encore jeune;
c'auroit peut-être été Ie plus habile de fon fiecle ; on ne connoit point d'Artifte qui ait fi bien compofé 1'Hiftoire , fi bien peint & fi bien deffiné avant 1'age de vingt ans. Fan Bergen, né a Breda, & mort dans la
même Ville, compofoit avec une grande ma- niere ; on auroit dit que fes Ouvrages auroient été faits dans Rome même , par Ie rapport qu'ils avoient avec la marche des plus célebres Ita- liens. Nous ne connoiflbns rien de lui; c'eft d'après les Artiftes que nous parlons, qui citent de lui une fainte Familie, Tableau fi bien com- pofé, ü bien peint dans la manierede Rembrant, qu'on ne peut diftinguer 1'un de 1'autre, que par un meilleur gout de deflein qui domine dans celui du Peintre dont nous parlons. |
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CHARLES
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CHARLES BOSSCHART
VOET
OET naquit a Zwolle en 1670,
iffu d'une familie ancienne & ori- ginaire dlpres , mais répandue dans les Provinces de la Hollande, & par-tout diftinguée par les pla- ces honorables qui lui étoient confiées. llapprit adefliner de fon frere, Bour- guemeftre de Zwolle & homme d'efprit, dont l'amour fingulier pour toutes les produöions de la nature , &fur-tout pour les plantes, lesfleurs, les infeótes, lui avoit acquis une réputation très- inéritée; il en infpira Ie gout a notre jeune Pein- tre,
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La Vië des Peintres , &C. i J9
tre, qui Ie conïèrva : il avoit appris a deffiner, -
mais il avoit befoin d'un Maitre pour fe per- feöionner. On lui donna un Peintre mé- diocre qui devoit 1'exercer dans la pratique du mélange & de 1'emploi des couleurs ; mais ce Maitre avoit Ie défaut des petits efprits : il étoit jaloux des progrès de fon Eleve, & il lui cachoit Ie peu qu'il auroit pului montrer. Cette mauvaife foi détermina Ie jeune Voet a fe livrer a la nature , Ie meilleur des Maitres, qui ne cache rien & qui fe montre par-tout. Ses fuccès furent ii rapides , qu'a 1'age de dix-neuf ans, fes Oiivrages lui procurerent 1'amitié du Comte de Portlant, favori de Guillaume III. Ce Sei- gneur donna a notre Peintre une forte penfion , il acheta tous fesTableaux, & Ie mena avec lui tous les ans en Angleterre. Notre jeune Artifte avoit, comme fon frere,
un jardin 011 il élevoit les plantes & les fleurs les plus diflinguées. Guillaume UI y prenoit lui-même tant de plaifir, qu'il fit venir des In- des tout ce qui étoit de plus rare en ce genre : les Seigneurs Anglois en fïrent autant, & c'efl a cette époque qu'on pourroit fixer Ie gout que les Anglois ont eu depuis pour les curiofités utiles. Voet peignit alorsdouze grandsTableaux pour
orner la Galerie du Comte fon Mécene. Chaque Tableau repréfentoit exa&ement les plantes, les fleurs & les fruits qui fe produifent dans chaque mois de Tannée ; les fonds étoient intéreffans, parce qu'ils repréfentoient des vues aux envi- rons du Chateau de Zorgvliet. Il fit d'autres Ouvrages pour les Chateaux de Dieren , de Loo,
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1ÓO La Vie des Peintres
------- Loo, &c. La Reine Ma/v'c? d'Angleterre lui offrir
1670. 1800 florins de penfion & Ie titre de fon Pein-
** tre. La mort de cette Princeffe Ie priva de eet honneur. Le Roi Guillaume chargea Voet de lui deffi-
ner a 1'encre de la Chine tous les reptiles avec leurs métamorphofes. Cette exafte re- préfentation lui acquit bien de la gloire , qui augmenta encore par la fcavante defcription qu'il en fit d'après les Naturaliftes & qu'il éclaira de fes propres recherches. Sans la mort de ce Prin- ce, arrivëe en 1702, Voet auroit fait le voyage de Surinam, a 1'exemple de Sebilla Mérian. Ce malheur fut fuivi d'un autre , qui manqua
de le perdre. 11 époufa M"e vanden Berg, con- tre le gré de fon Prote&eur > qu'il fut forcé de quitter. Le fléau de la guerre , qui venoit de dé- foler la Hollande, avoit diminué le nombre des Amateurs , & notre Peintre, dont les Ouvrages renfermés dans les cabinets d'un 011 deux Sei- gneurs , étoient peu connus, auroit éprouvéles rigueurs de la fortune, fi le Comte , en lui ren- dant fon amitié , n'y eüt ajöuté un emploi con- iidérable a Dordrecht; cette place, quoiqne lucra* tive, luilairTa tout fontempspourpeindre : ilcon- tinua fon curieux ouvrage des Infeftes , avec des remarques qu'il augmenta beaucoup en 173 5. Dans ce temps, la vue lui manqua entierement, 011 du moins elle s'affoiblit au point qu'il ne put depuis ni deflïner ni peindre. C'étoit pour ce génie laborieux leplus affligeantdetouslesmaux'. il ne put s'en confoler ; enfin il mourut en 174^ II étoit de la Société des Peintres de la Haye. On v voit encore fon morceau de réception : ' c'eft |
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Flatnands , Allemands & ffollandois. l6l
e'eft un Oiseau étranger & des Plantcs, peints-------
avec Ia plus grande vérité. 1670.
On rrouve de ce Maitre plufieurs Tableaux '
d Dordrecht, chez fon fils, Médecin, & chez M. vanden Berg: Ce font des Oifeaux étrangers, des Plantes & des Fleurs. On peut les egaler en mérite a ceux düHondekoeter. Jamais de fon vivant il n'avoit voulu fe dé-
faire de fon Ouvrage <ur les infedes. On Ie voit prcfentement a Rorterdarr , chez M. Snel, qni en a fait 1'acquifition après (a mort, ainii que de bien d'autres Deffeins lavés & peints a gouaf- fe. La réputation de eet Artifte tft très-vantée par fes Compatriotes. Nous ne connoiflons point fes Ouvrages. |
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GÜERARD RADEMAKER,
ÉLEVE DE VAN GüOR.
RADEMAKER haouit en 1671, clans la
Ville d'Amfterdam. Il eutpourpereiin Char- pentier, qui joignoit a fa profeffion la fcience & ïa'ratique derArchitecture,hommeaïï'ez diitin- giiédans eet Art pour 1'enfeigner piibliquement, avec 1'eftime générale de Lairejj'e & des hom- nies les plus ctlebres. On ne fcait pourquoi Ie pere du jeuneRademaker Ie forca d'avance d'ap- prendre fon métier. Croyoit-il que la fortune tfun Cbarpentier eft plus affarée que celle d'un Architeöe, cu bicn vouloit-il accourumer de bonne heure fón rlls au travail ? Perfuadé que Tome 1V. L la |
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16 2 La F~ie des Peintrcs
la mollefle dans laquelle on éleve les jeunes Ar-
tiftes,lesrend presque toujours incapables'd'ap- plication & d'afliduité. Quoiqu'il en foit, fon fïls, nar fa foumiffion aux
volontés de fon pere, ménta de lui la permif- fion de deffiner, dans fes heures de loilir, des plans, des élévations d'Archite&ure, d'appren- dre la perfpe&ive qu'il montra bientót lui-mc- me. Le defir d'étudier 1'Art de la Peinture aug- menta a mefure qu'il acquit des connoiffances ïiéccffaires; mais ce ne fut que le hazard, qui eft prefque toujours lecréateurdes grands talens, qui le fit Peinrre. Un bon Peinfre de Portrait, que 1'on nomme van Goor, prenoit des lecons d'Architecture & de Perfpe&ive chez le pere de Rademaker. Lafociété frequente de eet habile Peintre, entretint le gout que le jeune homme avoit pour fon Art, & les nouveaux obftacles que lui oppofa fon pere, Taugmenterent aupoint qu'il quitta tout-a-coup la maifon paternelle, & al!a se réfugier chez van Goor. Une vocation auffi décidée ne doit annoncer rien de médio- cre ; les jours & les nuits furent employés a fon étude: on nous raconte des prodiges d'appli- cation & de perfévérance. Il perdit une reflburce en van Goor, qui mourut lix mois après; il la retrouva en partie dans la Veuve qui peignoit affez bien pour aider aux progrès du jeune Eleve. Il avoit , par fon travail opiniatre , atteinr affez de talens pour mériter la con- fiance de 1'Evêque de Sebafto» qui 1'engagea a enfeigner le deflein a fa niece. Sa bonne con- duice & fes foins pour cette jeune perfonne, lui mériterent 1'amitié de Tonele, qui le mena avec
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_____________',____.^^^—^
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Flamands, Jtllemands £■ Hollandois. 163
avec lui a Rome , oü ce Prélat fat contraint de ■------.
fe rendre. Rademaker y paffa trois années a co- 1672.
pier tont ce qui fe préfenta pour l'inftruire. Il »»» retourna feul a Amfterdam, parce que Ie Prélat accufé d'être Janfénifte, fut détenu a Rome. Rademaker, arrivé a Amfterdam, fut trouver
fon Eleve la niece de 1'Evêque, & de concert, ils firent tant, que les Etats d'Hollande & la Régenced'Amfterdam, enécrivant a SaSainteté, la folliciterent fi vivemcnt, que FEvêque ob- tint font retour en Hoüande. Rademakerfnt ré- compenfé de fa reconnoiflance envcrs fon bien- faiteur, qui lui donna en mariage Mademoifelle Catherine Bloëmaen, ü niece. Ainfi eet Evèque dut fa liberté & fon retour dans h Patrie a la reconnoiflance, a 1'amour & a la Peinture. Les grands Ouvrages furent offerts de tous cótés; des Plafonds & des Salons furent ornés de la main de notre Artifte: 1'abondance de fon génie & fa facilité a opérer, ont été !es feuls moyens qui lui ont fait produire un ü grand nombre d'OuvrageSj puifque Ia mort 1'enleva en 1711 , étant a peine agé de trente-huit ans. C'eft un des bons Peintres de la Hollande.
La facon de compofer fes Ouvrages eft d'un homme de génie qni avoit en vue de grands modeles:il étoit très-inftruit, & fes produ&ions Tindiquent; peu de Peintres ont pofledé 1'Ar- chiteöure & la Perfpeftive comme lui. On con- noit, dans ce genre, la repréfentation de 1'E- güfe de Saint Pierre de Rome: Tableau bien peint & d'une grande exaditude; il appartient a M. Walraavai , Amateur; &tim autre de ciême, c'eft un fujet d'Hiftoire, brné d'archi- L2 tec'ture,
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164 La Vie des Peintres
1672. qu'il introduifoit dans toutes fes compofitions
Il peignit dans rHötel-de-Ville d'Amfterdam
une Allegorie fur la Régence de cette Ville. Le Plafond de la Sa!e bourgeoife eft de lui & du Peintre Hoog^aet. On nous indique encore plu- fieurs Ouvrages de ce Maitre, la plüpart dans les Appartemens des principaux Habitans. |
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N O R B E R T
VAN BLOEMEN.
"VT Oreert van Bloemen naquit a
-*-^ Anvers en 1672. 11 eft le f re re de Fran- cois & de Pierre van Bloemen, dont il eft parlé dans le troilieme Volume de eet Ouvrage; il commenfa , comme fes ireres,a érudier la Pein- ture dans fa Patrie: il étoit déja habile, lorfqu'il fe détermina a voir ritalie pour fe perfedion- ner. Les fuccès de fes deux freres, qui avoient de la réputation a Rome, lui firent précipiterfon voyage pour cette Capitale. Les Oavrages, qui lui fnrent demandés de toutes parts, ne purent 1'arrêter. Dès en arrivant a Rome, cette Bande aca-
démique, fouvent fi funefte aux jeunes Artiftes, 1'afTocia a fes fêtes, fous le nom de Céphale. On nous affure qu'il n'abufa point des plaifirs. Il s'occupa uniquement de fes études, comme s'il n'avoit d'autres fecours que cc qu'ü pouvoit gagner
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Flamands, Allemands , & Hollandois. IÖ5
gagner a peindre Ie Portrait & des Sujers pns T7ZT*
dans la vie privée. Et d'ailleurs, plus occupé a ' étudier qu'a s'enrichir, il ne put y refter auffi " long-temps qu'il 1'auroit defiré. 11 quitta fes con- frères & 1'Italie, & arriva a Anvers, oü il ne manqua pas d'abord d'être employé. Maïs accou- tumé a vivre au milieu d'un nombre d'Artiftes, il ne put foutenir la folitude d'Anvers, dont Ie commerce étoit prefque anéanti. Il fe déter- mina a paffer en Hollande, & choifït Amfter- dam oü il eft mort, fans avoir fait une grande fortune. Les Portraits de van Bloemen ne font pas fans
mérite, & fes converfations galantes auroient eu plus de fuccès, fi fa couleur avoit été plus vraie, moins eclatante & moins crue: c'eft tou- jours un Artifte plein de mérite. |
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N. SMITS.
ON ne fgait rien de la vie de jV. Smits,
natif de Breda, maïs on connoit bien fes Ouvrages en Hollande; c'eft au Chateau d'Hons- Laarsdyck que l'on voit de ce Peintre plufieurs beaux Plafonds & debeauxTableaux d'Hiftoire, qui font rares & fort chers. Il étoit bon Colo- rifte, bon Déffinateur & plein de génie. |
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L 3 ABRAHAM
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l66 La Fie des Pcintres
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ABRAHAM BREUGEL.
—;— A Braham Breugel, connu fous Ie
1072. il nom ^ Breugle Ie Napolitain, naquit k ^^^ Anvers Fan lóyl.On lecroit Fils& Eleve iïAm- broife Beugel, Direfteur de F Académie d'An- vers, en 1Ó53 & 1670. Quoiqu'il en (oit, Abra- ham alla de bonne heure a Rome, oü il femaria, & oü ('es üuvrages ftirentfort recherches, ainfi qu'a Naples. Ses Tableanx de Fleurs & de Fruits lui mériterent une grande réputation. La Bande académique Ie nomma Rhyn-Graef, ou Comte du Rhin. Breugel eft celui de nos Flamands qui s'eft
Ie plus enrichi a Rome; il n'avoit qifune rille de fon Manage, & ce fut pour lui procurer une plus grande dot, qu'il perdittout; il con- fia fon bien a un Négociant, qui, bien loin de Ie faire valoir, prit la fuite & Ie ruina. Ce malheur lui en caufa d'autres. Sa fille,
qui étoit la plus belle perfonne de Rome, étant accordée, vit échouer fon établiflement; elle fe retira dans im Couvent, oii elle fe fit Reli- gieufe, après la mort de fon pere, qui n'avoit pu furvivre a fon malheur: nous ne pouvons dire en quelle année. Les Ouvrages de ce bon Artifte font du pre-
mier mérite: les fruits & les fleurs y sont re- préfentés avec une très-grande vérité , une cou- leur chaude & exa&e, une touche large qui tnarque
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Flamands , Allemands & Hollandois.
marque la plus grande facilité, & Ie caraftere-------•
d'un Peintre qui a bien vu & bien réfléchi. 1072.
On voit a Gand, chcz, M. Hamerlinck, un ^^
fort beau Tableau de ce Maitre. Ce font des Fleurs d'une grande vérité & de la plus belle fa- 9011 de faire. |
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NICOLAS
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N I C O L A S
V E R K O L I E,
ÉLEVE DE SON PERE
JEAN KERKOLIE.
Ean Verkolie ayant apper-
911 dans fon fils Nicolas Ferkolie, né a Delft en 1673 , une incli- nation marquée pour la Peinture, ne manqua pas de 1'aider par (es conseils, & encore plus par fes exemples dans l'étude & Timitation de la natu- re: mais ce pere étant mort trop tot pour ua fils ü digne de lui; ce fils agé de vingt ans, & devenu
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i673
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La Vie des Peintres, &c. 169
Revenu déju aflez habile dans fon Art, fuppléa , ~7"T
par fon travail & fon application, a la perte _____ qu'il venoit de fnire. Qnelques Portaits Ie fi- '" rent bientót connoitre des perfonnes de diftinc- tion; encouragé par les premiers fuccès, il re-^ doubla fes tfforts , & il effaya fes talens fur des fujefs plus dignes d'nn hommede génie. Des Tableaux d'Hiftoirel'occuperent entiere-
ment : on vit fortir de fa main un fujet bien compofé, c'eft Betbfabée au bain; enfuite celui de Moyse trouvé fur Ie Nil : Saint Pierre qui renie notre Seigneur. Ces Tableaux furent en- levés par les Amateurs : on Ie chargea de grands Ouvrages pour orner des falles, & des places très-vaües, il réuflit toujours au gré des Con- noiffeurs. Ceux qui font généralement loués dans ce genre font a Amfterdam, chez M. Zieder- velt: une falle endere eft entourée de Tableaux de Verkolie. Les fujetsfont tirés du PaflorFldo; on en trouve de femblables dans la Maifon de campagne de M. Modern , qui ont fait Ie plus grand honneur a eet Artifte. Jamais il ne fut un inftant oifif: la paffion
qu'il avoit pour s'inftruire ne lui fit rien négliger: il n'étoit jamais fans livres; on nous affure qu'il ne faifoit fes repas qu'en lifant. Il avoit Ie talent fupérieur de deifiner a 1'encre de la Chine mieux que perfonne de fon temps; auffi voit-on ven- dre fes Defleins a grand prix & ils font fort ra-*- res. LI fut choifi pour deffiner les perfonnes il- luftres qui avoient honoré de leur eftime la célebre Koerten Blok. Tous ces Portraits, qu'il faifoit dans fes momens de loifir, font admira- fclss. Il y a ajoutéle fien, qui a mérité que deux Poëtes
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170 La Fie des Peintres
-------Poëtes Hollandois Feicama & Bogaert, Tayent
I"73< honoré de leurs beaux vers.
1-----■ Nous n'omettrons pas d'indiquer fes Gravu- res en maniere noire, affez connues par les Amateurs: il auroit furpaffé tous ceux qui ont exercé eet Art, s'il n'avoit pas eu d'autres occu- pations. Ses talens & fon efprit Ie firent regret- ter a fa mort, qui arriva Ie 21 Janvier 1746, agé pres de foixante-treize ans. Le mérite de fes Ouvrages confifte dans im
deffein corredt, une bonne couleur & une belle fonte dans fes petits Tableaux ; fa touche eft ferme, quoique mouelleufe : les fujets de nuit, qu'il a bien repréfentés, font très-recherchés & très-piquans , les plus beaux Cabinets en font ornés, & fes Portraits décorent les maifons des perfonnes de diftinöion. Ses Ouvrages ra- res en France, le font moins en Hollande. On voit a la Haye, chez M. Lormier, une
belle compofition , c'eft Cléopatre qui préfide a un feftin. Et chez M. Leenden deNeufville, a Ara- fterdam , les trois Tableaux déja cités, Moyfe trouvé fur le Nil, Saint Pierre qui renie notre Seigneur, & Bethfabée au bain. Et a Rouen, chez M. Marye, Secrétaire de Roi,une jolie Couturiere, qu'un homme courtife de pres: ils font éclairés a la bougie : ce Tableau eft bien penfé pour les expreffions; le deffeia & 1'har- monie y font fupérieurement rendus. |
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GUERARD
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Flamands , sllleinands & Hollandois.
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GÜERARD WIGMANA.
WIgmana naquit Ie 2.7 Septembre 1673, ~}
W a Workum , dans la Frife. Auffi-tót qu'il IO73/ fe vit en état de voyager, il alla en Italië : Raphaël, Jules Romain & Ie Titlcn furent fes modeles. Il copia & deffina d'après leurs Ou- vrages pendant quelques temps. De retour en Hollande, il fe mit a compofer
& a peindre ; tous fes fujets font la plüpart pris dans 1'Hiftoire Romaine ou dans la Fable; on ne peut être plus laborieux que ne Ie fut IVig- mana ,• malgré Ie fini de fes Ouvrages , il em- ploya fi bien fon temps, qu'il en produifit plus qu'il n'en put vendre 5 il avoit Ie défaut de les louer lui - même avec fi peu de ménagement qu'il en rebuta les Amateurs. Il eut la folie de demander trois mille florins d'Hollande pour Ie Tableau oü il avoit repréfenté Alexandre au lit de la mort. Ce Tableau , qui avoit du mé- rite & d'excellentes parties , avoit été mis a fi grand prix qu'il lui refta. Ce fut M. Lormïery a la Haye, qui 1'acheta après la mort du Pein- tre. Il peignit 1'adieu d'Heftor &r quelques fu- jets pris dans la vie privée ; Ie prix qu'il y met- toit en dégoüta tout Ie monde. Il partit pour Londres, pour voir fi 1'Angleterre ne lui feroit pas plus favorable : on nous affure qu'il n'y réuffit pas mieux. Il retourna a Amfterdam, oü il a fini fes jours Ie 27 Mai 1741. Il ne laifla qu'un fils, qui eut une conduite fi peu réglée, que
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172. La Vie des Peintres
' que la raifere Ie contraignit de pafler aux In-
Ifi7?- des.
Wigmana méritoit un autrefort; fes Tableaux
d'un beau fïni font la plupart bien compofés. Il s'égaloit a Raphaèl, c'étoitfa folie; &c'eiU propos de cela qu'il efl connu fous Ie nom de Ra- phael Ie Frifon ; car a la vue de fes Tableaux on ne foupconneroit pas mê;ne qu'il ait vu les Oiivrages de ce Maitre. Je ne jugerai pas fur un feul Tableau, que j'ai vu de lui , du mérite des autres. En voici quelques-uns dans les Ca- binets d'Hollande. On voit a la Haye, chez M. van Heteren,
Ie Génie du DefTein , repréfenté par une jeune Femme affife. Chez M. Nicolas van Bremen , la Déeffe Cérès. Et a Rotterdam , chez M. Léers, Jofeph &
la Femme de Putiphar. |
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JACQÜES DE BAAN,
Eleve de son Pere
J E A N DE BAAN. JAcqües de B A A N , né a la Haye en
1673, étoit Fits & Eleve de Jeande Baan, dont nousavons parlé torn. 2,pag.47I. Guidé par fon pere, doublement encouragé par fes exemples & par fes fuccès, on Ie vit a 1'age de dix-huit ans peindre un Portrait qui fut égalé a ceux des bons Maitres. Ce jeune Artifte, qui vifoit
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Flamands, Allemands & Hollandois. l*jj
vifoit a la gloire , & en même-temps a la for- tune, comprit bien qu'ilne feroitpas iliffifamraent employé dans Ie lieu ou demeuroit fon pere. Ayant obtenu de lui la permiffion de voyager, a peine agé de vingt ans, il pafia en Angleterre, a la fuite du Roi Guïllaume III, oü la célé- brité de fon pere lui fervit beaucoup. Quelques Portraits de fa main fixerent , en fa faveur, tous les Grands de la Cour, il les peignit fi bien, que Ie Duc de Clochejfer lui fit faire fon Por- trait en pied, qui fut auffi loué & admiré. La fortune étoit fi favorable a norre de Baan, qu'on fit ce que 1'on put pour Tarrêter a Londres; mais les plus belles efpérances de fortune ne purent Ie détourner d'aller voir Rome. Il quitta tout, pafla par la France & ne s'arrêta qu'a Floren- ce , oü Ie Grand-Duc , plein d'eftime pour fon nom, Ie reent honorablement, lui fit voir fa belle Colleftion , & lui montra Ie Portrait de fon pere , fait par lui-même, ainfi que celui de Guülautne Doudyns. Ce Pnnce redoubla fon eftime pour Ie fils , après avoir vu quelques Por- traits qu'il eut occafion de peindre ; mais il fut encore plus furpris lorfqu'il Ie vit travailler aux Ouvrages a fraifques avec une facilité qui fup- pofoit beaucoup d'ufage , quoiqu'il n'en eüt pas. Le Grand-Duc voulut fixer de Baan a fon
fervice par des penfions confidérables ; rien ne put le tenter. Il arriva a Rome plein de fon projet, qui étoit 1'étude , & il s'y livra affi- duement; il ne put échapper a la Bande acadé- mique , qui le nomma le Gladiateur, a caufe de ia force & de fon adreffe. Tranquille alors, il
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174 La Vie des Pcintres
"~"~~ il compofa des Tableaiix d'Hiftoire & des fujets
1673. galans pris dans la vie privée & quelques Por- ^==r traits. Ses Ouvrages furent recherches, fes étu- des en augmenterent Ie mérite & Ie prix : mais s'il étoit affidu a obferver les Ahtiques & les Ouvrages modernes, il ne manquoit pas une fête bachique; il étoit fi exaö a ie trouver aux feftins de la Bande académique, que, malgré Ie prix de fes Ouvrages, qui étoient auffi-töt ven- dus qu'ils étoient faits, il étoit toujours fans argent. Il eut Ie chagrin de voir partir Nat- thicu TervveJIen , fans pouvoir retourner avec lui : mais 1'année fuivante un Prince d'Alle- magne Ie ramena a Vienne. Ainfi échappé aux habitudes dangereufes de fes Confrères, qui étoient plus lies par l'amour du plaifir que par celui de leur Art, il retrouva dans Vienne la réputation de Rome, & Ie nom de Ion pere: heureux préjugé qui lui avoit fi bien fervi ail- leurs, & qui fe fortifia de plus en plus aufli- tót que 1'on eut vu de fes bons Portraits. Mais a peine commencoit-i! a jouir de fa gloire, qu'une maladie violente 1'cnleva en peu de jours. 11 mourut au mois d'Avril 1700, agé feulement de vingt-fept ans. Cct Artifre approche de fon pere dans Ie Portrait ; mais il 1'auroit bien fur- paffé dans toutes les autres parties del'Art ,puif- qu'il avoit mérité dans Rome même Ie nom de Peintre habile, s'il n'y eut pris Ie gout des plaifirs , qui détruifirent fa fanté a la fleur de fa jeuneffe. |
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MARC
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Flamands, Allemands & Hollandois. 17?
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MARC
VAN DUVENEDE,
ÊLEVE DE CARLE MARATTL
DU V E N E D E naquit a Bruges vers 1'an
1674. Il paroït qu'il a quitte fort jeune fa Patrie pour voir lltalie. Il demeura deux ans a Naples ; mais oü il profita Ie plus, c'eft dans lesquatre annces qu'ila paffées dans l'Ecole de Maratti, qu'il ne quittaque lorfque fes Ou- vrages lui obtinrent Ie nom d'un Maitre habile. Ilrevint dans fon Pays , oü il éprouvacombien il avoit employé (on temps a mériter la célébrité. Quelques Ouvrages places dans les Eglifes de Bru- gesluienfïrentdonnerd'autresplusconfidérables; mais un Manage qu'il contra&a bien-tót, ötaaux Amateurs Ie plaifir de voir fortir de fa main autant de Tableaux qu'ils en defiroient. Le pro- fit confidérable que fa femme faifoit dans un grand commerce de Dentelles,feconda fa pa- reffe, & n'ayant poir.t d'enfans , il ne fit pref- cjue plus rien. Sa vie molle & oifive fut punie d'une cruelle goutte,dontayant été long-temps perclus t il mouruten 1729, ayant a peine cin- quante-cinq ans. Les Ouvrages de ce Peintre font entierement
dans la maniere de fon Maitre: un bon gout de deffein, une maniere large , facile Sc pleine de force jonne diftingue que trop ceux qu'il |
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1674.
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176 La Vle des Peintres
*~ a faitsa fon retour de ceux du temps de fa pa*
'" refle. En voici quelques-uns connus. ------ On voir, aBruges,le Martyre de Saint Lau-
rent, dans Ja Chapelle de Saint Chriftophe:
une autre belle compofition dans 1 Eglife des Clairifles, & chez feu M. F~oormacht^h,qiiatte Tableaux : un Salcmon faifant brüler de 1'encens en 1'honneur des faux Dieux ; les quatre Elé- mens; Samfon & Dalila; & Jahel qui tue Si- fara. |
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JEAN-BA PT IS TE
BREÜGEL
JEan-Baptiste Br EU GEL eft frere dV-
brahatn Brcugel,dont nous vcnons de parier, tous deux habilcs , 1'ainé eft cefjendant plus efli- mé. Jean-Boptifie fut nommé , par la Bande aca- démique, Méléagre ; il a toujours demeuré a Rome,oüil eft mort, regretté pour fes talens &fesmoeurs. Nous fommes facliés de ne fcavoir rien de plus furfa vie ni fur fes Oiivrages. |
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ABRAHAM
RADEMAKER.
6"ï TJ Ad E M A K ER naquit a Arrflerdam en
**- 1675. C'efl encore un homme rare, qui devint habile fans maitre. Son Pere étoit Vi- trier,
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Flamands, Allemands & Ilollandois. 177
trier, Sc néantnoins il lui accorda la permifïion ~~ '
d'étudier, il paffa les jours & les nuits adefliner& 37 '' a copierd'abord a Tencre de la Chine. 11 effaya de ——r peindre a gouaffe, & il peignit avec la même force & la même liberté que s'il avoit peint a rinüle. Arrivé a Ce point, ïl ent recours aux meilleurs Auteurs qni ont écrit furrArchitedure & fur la Perfpeftive. Tous fes Contemporains 1'admirerent & vanterent fon mérite. Il furprit également parfesTableaux a 1'huüe.
Toujours, fans être guidé, il devina tout; on lui vit faire en petitde joïisPayfagesavec desdcbris d'Architeöure , des figures & des animaux bien groupés & biendeffinés. Il fe chargea d'orner un Saion de grands Tableaux : il compofoit en Maïtre; la nature y étoitbien repréfentée, mais avec choix & avec art. Sa couleur excellente k vigoureufe répare un peu la féchercffe de fes grands Ouvrages: Fhabitude de travaillcr en pe- tit lui avoit donné ce défauf. Etant allé demeurer a Harlem en I730 ,
il fut admis , deux ans après , dans Ia Société desPeintres ; il fut la malheureufe viöime des faux bruits répandus parmi Ie peuple , que 1'on alloit détruire les Prcteftans. Il étoit, a fon ordinaire , Ie jour de la Saint Jean , occupé a deffiner dans les Campagnes, lorfqu'il fe trouva affailü par une troupede Payfans, qui croyoient qn'il entreprenoit quelque chofe conrre leur Religion. Ii auroit été afTommé , s'il n'eüt échap- pé , par fa fuite , a leur fureur. La frayeur gla9a fes fens , il languit jufqu'aü 22 de Janvier fui- vant qu'il mourut en 1735 , a I'age de foixante ans. Cet Artifle étoit lettre , avoit de la dou- Tome IV. M ceur
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La Vie des Peintres
~Z— ceur dans Ie cara&ere: on nous affure que per-
*_ 71- ibnne ne parloit mieux de notre Art. |
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BALTHAZAR
VANDEN BOSCH,
ÉLEVE DE THOMAS.
VAnden Bosch naquit a Anvers vers
1'an 1675. Son pere, Tonnelier de pro- feffion , s'apper^ut bien-tót que fon fils ne vou- loit point de fon métier: il lui chercha un Mai- tre appelé Thomas, qui repréfentoit aflez bien des Appartemens avec des figures, comme ceux de Teniers. Il rendoit aufli fes fonds intéreffans, en les enrichifiant de curiofités, de tableaux de buftes, de vafes, &c. comme les Cabinets des Curieux. Ces fortes des fujets furent aflez recherches. Vanden Bofch étudia la même ma- niere , il y réuflit; mais les Curieux connoif- feurs lui confeillerent de donner plus de no- bleffe a fes Ouvrages : on trouvoit ridicule que des Appartemens riches ne fuflent occupés que par Ie bas pcuple ; défaut de jugement qui fai- foit tort a la vente de (es Ouvrages. Fanden Bofch profita de ces avis. Scn pinceau acquit plus de noblefle; des figures agréables inté- reflent toujours plus que celles qui rappellent des idees de mifere & de grofliéreté. Le feul Teniers les a rendues féduifantes par la touche fpirituelle & la variété, mais il ne les déplacoit point;
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Flamands, Alleman&s & Hollandois. 179
point; fes Payfans font dans les campagnes ,
ou dans leurs chaumieres , on ne les trouve I 7
point dans des Palais, ni dans des Galeries.
Vanden Bofch vit acheter cher fes Tableaux.
Il fitauffi des Portraitsqui réuffirent. Uncertain M. Wannemaker 1'engagea a ne travailler que pour lui feul: 1'Artifte fe crut trop heureux , mais il reconnutbien-tötque 1'autre gagnoit Ie doublé fur fes Ouvrages; Ie hazard Ie tira de cette efpece de tyrannie. Le Duc de Marlborough, pour lors a Anvers, enchanté des produ&ions de vanden Bofch, lui fit faire fon Portrait a cheval. Fan Bloe- men avoit peint le cheval; ce Tableau eut tont le fuccès defiré; enfin on vit fes Tableaux monter a un prixqui tenoit de la folie, on les payoit plus cher que ceux de Teniers, d'Oftade, &c. Quel- ques-uns de ce Maitre ont un vrai mérite, bien compofés, quelquefois bien deffinés ; fans unc extreme fineffe , on y trouve d'affez bonnes formes , & toujours une couleur agréable. Ses fujets font bien penfés: ce font prefque toujours des Peintres ou des Sculpteurs dans leurs atte- liers , entourés de Buftes de marbre, de bronze, de platre ou de terre cuite: il les a variés de différentes facons : fon pinceau paroit facile & précieux , il a une touche d'efprit: fes figu- res font gaiantes & habillées fuivant la mode, fes étoffes font auffi fort bien imitées ; avec tout cela ce ne font que des Tableaux a mettre dans !a deuxieme claffe des Maitres dont nous avons parlé , & nous nous garderons bien de les efti- raer autant que fes Compatriotes les eftimerent de fon temps. Ce Peintre profita de fa vogue, il amaffa du
M z bien ;
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l8o La Vie des Peintres
——— bien ; mals tomba dans la crapule & 1'ivrogne--
_ / * • rie, qui lui abregerent fes jours , il mourut des ^ '■— fuites de les exces en 17IJ. Il étoit pour lors Direcïeur de 1'Académie. QueJques Tableaux de ce Maitre , bien choi-
fis, font confervés dans les beaux Cabinets. Je n'en ai vu qu'un feui en France dam celui de feu M. Ie Cointe de Vencc: c'eft un Sculpteur qui corrige fes Eleves. On voit dans Ie Cabinet de M. Lucas Schamp st
a Gand, deux Tableaux de vanden Bofch, de fon plus beau & de fon plus fïni: 1'un repré- fente Ie Cabinet d'un Peintre très-orné de Ta- bleaux & de Figures de ronde-bofie ; Ie Peintre afïis devant fon chevalet, travail'e : un Ele- ve montre un Tableau de fleurs a un jeune Seigneur qui accompagne une jolie Perfonne , un petit Domeftique negre lui porte la queue. L'autre erl: i'Attelier d'un Sculpteur qui travaille a. perfeöionner une figure de marbre; de jeu- nes Eleves deffinent d'après des rondes-boffes. Nous ne citerons qu'un feul Tableau de lui dans la Ville d Anvers, & nous Ie croyons Ie plus capital & Ie plus beau qui foit forti de fa main: il eft place dans la Sale de la Confrérie de 1'Ar- balêtre (appelée les Jeunes ,)on y voit rc- préfenté en pied rous les Chefs de cette Com- pagnie d'après nature ; FArchite&ure eft par Verftraëten. Le Ciel & Ie refte du fond, eft par Ilujfmans de Malincs ; ces fortes de Tableaux fe faifoient pour les Confréries: ceux qui s'y trouvoient peints payoient 1'Artifte. Dans le Tableau dont nous avons parlé , le Bourgue- meftre Delcampo, pour lors le Chef, n'ayant pas
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Flamands, Allemands <S* Hollandois. 1SI
pas aflez récompenfé vanden Bofck , celui-ci,
pour fe vetiger, repréfente ce Magiftrat Ie pou- 1675. ce ferme dans la main. On y voit encore ceTa- ^g"» bleau, qui fera toujours honneur a celui qui en cft 1'Auteur, & aflez peu a 1'avarice de M. Ie Bourguemeftre. |
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ANSELME WEELING.
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g naquit a Bois-le-Dne Ie 21
Novembre 1675. Son pere , Officier au fervice des Etats-Généraux , ne Ie contraignit point de prendre Ie parti des armes: fon inclina- tion pour laPeinture lui procura unMaitre. Ce fat uncertain DelangPe'mtre médiocre, dePortrait, qu il furpafla bien-tót. Nous avonsremarqué dans cette Hiftoire, que beaucoup de bor.s Artiftcs n'ont eu pour Maitres que de mauvais Peintres; ils tenoient tout de leurs difpofitions 5: de leur perfévérance a fuivre la nature. Weelingiwt en- core la victime de la jaloufie & de 1'ignorance de fon Maitre: il falloit êfre né comme lui pour notre Art pour ne pas Fabandonner : il quitta ce méchant homme , & fut a Middelbourg , 0:1 Ie hazard Ie fit connoitre d'un Amateur, Mar- chand de Tableaux, que 1'on fonpgonne être Ja- cob Ban. Il montra au jeune homme les Ouvra- ges des grands Artiftes. TFeeling, qui n'avoit jamais vu que les flens , enflé peut être de fa fupériorité fur Delang, renrra en lui-n:ê- me, & fut honteux da s'être laifle tromper par Tamour - propre. Il s'abandonna au dé- M 3 feipoir y
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La Vie des Peintres
fefpoir , quitta la Peinture & s'enróla pour paf-
' ier aux lndes. J>on deüein rut decouvert au mo- ment qu'il alloit fe perdre. Ce même Ban, au- quel nous avons 1'obligation des Ouvrages que Weeling nous a laiffés, arrcta Ie jeune Artifte, Ie confola, & 1'affura dès-lors de la réputation ciont il a joui. Il paffa deux ans chez lui a copier les beauxTableaux,dont il avoit grandnombre, & fe fortiria tellement, qu'alors il en compofa dans la maniere deSchalcken & de vander Werf, que les Amateurs enleverent & payerent cher. 11 gagna ainfi beaucoup de bien & l'amitié des principaux du Pays : il ne put conïerver ni 1'un ni 1'autre , il fe livra a une débauche crapuleufe qui lui enleva fon argent & fes amis. Il fut in- fenfible a cette perte affligeante, & ne put ré- fifter a fa honteufe pafiion. Combien de malheu- reux Artiftes confument la moitié de leur vie dans des travaux pénibles pour acquérir des hon- neurs & des biens; a peine les ont-ils obtenus qu'ils vont les enfevelir pour jamais dans des débauches fuivies de 1'opprobre & de la mi- fere. Weeling retourna a Bois-lerDuc, mit Ie com-
ble a fes égaremens, en époufant, dans fa vieil- leffe, une jeune perfonne qui Ie réduifit a 1'indi- gence , dont fes Ouvrages, de plus en plus mé- diocres, ne purent Ie tirer. Il eft mort Ie 29 No- vembre 1749. Les Tableaux de ce Maitre font d'nne bon-
ne couleur & d'un affez bon gout de deffein. Il entendoit bien les effets de la lumiere, auffi voyons-nous bien des Tableaux de fnmain, qui repréfentent des fujets éclairés a la bougie. On eftime
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Flamands, Allemands & Hollandois. 183
eftime autant fes premiers Ouvrages, comme Ton eftime peu les derniers. |
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FRANgOIS STAMPART,
ÉLEVE DE TYSSENS.
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C^ StaMPART naquit a Anvers
■T Ie 12 Juin 1675: on aflure que TyJJens avoit été fon Maitre : 1'envie de gagner, jointe a quelques fuccès, Ie porta a peindre Ie Portrait. Il prit d'abord pour modele van Dyck & de Vos; mais tont ce qu'il fit depuis fut peint d'après nature. Etant fort jeune, il fut appellé a Vienne ; TEmpereur Léopold, Charles VI & Sa Majefté régnante , 1'ont fucceffivement ho- noré du titre de Peintre du Cabinet. Nous fga- vons très-peu de particularités de fa vie : nous ne doutons pas des talens d'un homme qui a rempli une place li diftinguée dans line Cour oii les bons Artiftes font en grand nombre. On dit qu'il avoit imaginé une maniere expeditive, lorfqu'il peignoit des perfonnes de confidéra- tion , qui n'avoient ni Ie temps, ni la patience d'attendre; il deffinoit leur tête aux crayons noir, blanc & rouge : d'après ce deflein, il peignoit & il ne fe fervoit plus de la nature que pour finir. Stampan mourut a Vienne, Ie 3 Avril 1750, chez les Peres Minorites oii il s'é- toit retiré. Nous ne connoifïons pas les Portraits de ce
Maitre, mais ils font très-vantés par les Artiftes M4 &
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184 La Vie des Peintres
-------& les Amateurs. Un Auteur rdpedable affure
579- que Stampan, avant d'cbaucher une tê;e, don-
- noit une couche de couleur de chair a la place même oü il la pofoit.
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DANHAVER,
ÉLEVE DE BOMBELLI.
NOus regrettons encore de ne pouvoir rien
rapporter lur la vie de Danhaver , origi- naire de Souabe , ou de quelque eerde voifin. Ce génie facile cultivoit plufieurs talens, entre lefquels on compte ceiui d'Horloger qu'il exer- ca d'après fon pere: la Peintiire i'enlevaa ces différens eilais, Se lecaptivatellemment, qu'ilquit- ta même parens & patrie , & choifit 1 Iialie pour y apprendre la Peintiire & la Muiïque. Bom- óelli ion M.utre Ie regarda comme fon Eleve dans fes Ouvrages a Thuile & en mignature.Son départ d'Italie & fes voyages dans d'autres Cours nous font inconnus. Enfin il s'établit a Péters- bourg, oü fes talens pour Ie Portrait lui ont ac- quis baucoup de gloire. Nous apprenons qu'il y eft mort vers 1'an 1733; c'eittoutce que nous avons découvect de certain. |
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THIERRY
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Flamands, Allemands & Hollandois. 185
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THIERRY
VALKENBURG,
ÉLEVE DE JEAN WEEN INX.
VALKENBURG naquit a Amfterdam Ie 17
Février 1675. ^on avidité pour apprendre dès fon enfance, Ie rendit,a neuf ans, fupé- rieur a ceux de fon age, pour 1'Arithmétique & TEcrtture; mals Ie deffein euf pour lui bien d'au- tres attraits , tont ce qu'il vit fut deffiné, & cette habitude de tont copier lfti donna la plus grande facilité. Son pere , qui aimoit les Arts par gout, pla^i fon fils chez un nommé Kuilenberg; il y refta dix-huit mois. Tout jeune qu'il étoit, il voyoit déja trop combien ce Maïtre étoit mé- diocre & peu propre a Tavancer, fon pere s'en apperc.it auffi ; & ds crainte de dégoüter Ie jeune Eleve, il lui donna d'autres Maitres, Mekhior, Misffcher, Ie Bourguemeflre Vol/enhoven, & en- fin Jean FFceninx : deux années de lecon de ce dernier, employees a copier (es Ouvrages & a imiter la nature, Ie rendirent capable de travailler feul. 11 parcourut Ie pays de Gueldre & d'Overyf-
fel , oii fes Portraits réiiflirentauffi-bien que fes compofitions de Gibier mort & vivant: mais eet Artifte étoit déja trop habile pour fe contenter de ce premier fuccès, il vouloit parvenir a ce haut dégré de mérite & de gloire que Ie feul féjour de Rome pouvoit lui procurer. En |
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l86 La Vie des Peintres
En 1696, il entreprit ce voyage par 1'Alle-
magne : Nimegue , Francfort, Nuremberg font les Villes oü il travailla. Augsbourg fut celle oü il rencontra un Amateur diftingué, Ie Baron de Knobel, depuis Evêque d'Eyftadt. Ce Seigneur aima tellement les Ouvrages de notre Artifte, qu'il Ie logea dans fon Hotel, lui donna fa table & paya généreufement tout ce qu'il fit pour lui. Le Prince Louis de Bade, de retour a Augs-
bourg, frapé du beau Portrait du Baron de Kno- bel, & des Tableaux oü Valkenburg avoit repré- fenté toutes fortes de Gibier mort & vivant, offrit au Peintre 2000Da'èlders , fa table , &c. Le Prince ne put obtenir que quelques Ta-
bleaux : fix mois de féjour dans Augsbourg furent le terme que le Peintre s'étoit prefcrit; il con- tinua fa route. Arrivé a Vienne , il y étoit déja connu. Le Baron de Knobel avoit écrit en fa faveur. Valkenburg fut étonné de voir arriver chez lui un Officier de la part du Prince Adam de Lichtenflein , pour lui demander a voir de fes Ouvrages; il n'avoit que le feul Tableau auquel il travailloit : il 1'envoya encore frais. Le Prince en fut enchanté, & de crainte de rnan- quer le Tableau, il le garda, & le paya cent cinquante ducats. L'Auteur recut ordre d'en faire trois autres dans le même gout. Il fut logé chez le Prince, admis a fa table avec les plus grands egards. Valkenburgneputfuïr fon malheur.Com- blé de gloire & de biens, 1'envie de retourner chez lui, lui fit refufer les propofitions les plus honorables ; & Rome qui avoit été le premier objet de fes voyages , & dont le féjour lui avoit paru fi néceffaire a la perfe&ion du gout & des talens,
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Flamands , Allemands & Hollandois. 187
talens, ne fut pour lui qu'une Ville defagréable, " ■■
a laquelle il renonca pour jamais. J "75 • Réfolu de partir, il prit congé du Prince
enrichi de fes Ouvrages, & de préfens qu'il avoit recus ; il vint a Amfterdam, oü la for- tune & la gloire fembloient 1'attendre. Sa ré- putation 1'avoit déja annonce a la Cour de Guil- laume III, Roi d'Angleterre, Ce Prince donna ordre a Defmarets, Controleur desBatimens, de lui faire vewir ce bon Artifte au Chateau de Loo. Valkenburg Umi. promptement un Tableau qu'il avoit commencé, lequel fut 92CU, comme lui, avec plailir: le Roi lui fit payer cent ducats, aux- quelsil ajouta encore un préfent; quelque temps après, Sa Majefté !e fit appelerde nouveau pour exécuter des Tabieaux qu'il avoit projettésx'étoit pour lui peindre des Oifeaux étrangers & rares. Le Roi étoit li occupé , qu'il ne put s'entretenir avec le Peintre, & il lui fit dire, qü'étant obligê de paffer en Angleterre, il lui feroit pan de fa volonté, lorfqu il feroit de retour; mais la mort enleva aux Artiftes ce Prince plein de gout qui étoit leur Mécene : premier malheur pour Val- kenburg. Le Baron de Schmettau, Envoyé du Roi de
Priiiïe , lui offrit, au nom de fon Maitre, mille Rixdaëlders de penfion pour demeurer a Berlin, en qualité de Peintre de la Cour« il refufa le Roi par attachement a (a Patrie, & il eut en- core le malheur d'époufer une femme que 1'on nous peint des plus noires couleurs. C'étoitpour elle qu'il avoit réiifté a toutes les propofitions honorables qu'on lui avoit faites, & ce fut elle qui lui caufa mille chagrins : il n'eut de repos ni jour
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188 La Fie des Peïntret
jour ni nuit. Enfin, au défefpoir , il eut la trifte
confolation de trouver chez un de fes amis un azile impénétrable a cette furie. Il s'embarqua pour Surynam ; mais après y avoir demeuré deux ans, il devint perclus de fes membres, & fon corps reduit a une telle maigreur, que 1'on craignoit pour fes jours. Il fe détcrmina a re- paffer en Europe, oü il fe rétablit affez bien pour reprendre la palette : mais, a en jugcr par (es derniers Ouvrages, fes chagrins & fa tnala- die avoient beaucoup affoibli fes talens; il fit encore quelques Tableaux de Gibier mort, mais ils'attacha plus a peiijdre Ie Portrait, qu'il fcut faire reflembler & colorier avec vérité & beau- coup de force ; Ie genre de fon Maitre a fait fa réputation, & c'eft a ce titre qu'il occupe ici une place. Il fut furpris la nuit du IX au 23 Janvier 1721, d'nne attaque d'apoplexie, qui 1'enleva 1- 2 Février fuivant^ encore jeune, & épuifé des chagrins domeftiques. Il eft encore un exemple fouvent répété dans eet Ouvrage, de ces Artiltes préfomptueux, qui, loin de profiter des occaiions quelafortune leur ofFre, femblent les dédaigner, & veulent commander aux évenemens , au-licu de s'y foumettre. Les Ouvrages de ce Peintre mé- ritent 1'eftime que les Amateurs y ont attaché, en les achetant un prix confidérable. On voyoit de lui deux Tableaux, après fa mort, a Amfter- dam, dont Ie prix étoit fixé a mille florins. Dans la Vente de 1'Amateur van Vliet, on ven-
dit un Lievre mort cent foixante-iix florins ; des Oifeaux morts, &quelquesattributsde laChaffe, cent foixante-douze florins; un Chat qui tient un Goq (bus (es pattes j & quelques Fruits, deux eens
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Flamands, Allemands & Hollandois. 189
eens florins. Ces prix font augmentés & ne di-
minuer^nt point, tant que Ie mérite aura fa va- La plüpart des Onvrages de ce Peintre font
dans les Cabinets d'Hollande , d'Allemagne, &c. On voit chez M. Lubbeling, a Amfterdam,
un Tableau bien compofé, repréfentant des Per- dreaux raorts & les uftenfiles de la Chaffe. |
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GASPARD BOONEN,
ÉLEVE D'ARNOLD
BOONEN S 0 N F R ER E.
GAspard BooNEN,néa Dordrecht Ie
7 Septembre 1677, eft Ie Frere & TEleve d'Arnold Boonen, cité dans eet Ouvrage. Il mar- cha a grands pas fur les traces de fon frere; il peignoit, comme lui, Ie Portrait, avec moins de mérite, mais toujours en Maitre; Ie talent de faire bien reffembler, de difpofer agréablc- ment & d'orner bien fes fonds avec une couleur vraic, lui procura beaucoup dePortraits a Rot- terdam & dans fa Ville natale, 011 il efi: mort Ie 20 O&obre 172.9, a 1'age de cinquante-fept ins. |
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CHARLES
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La Vie des Pcintres
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CHARLES BREYDEL,
ÉLEVE DU VIEUX RYSBRACK.
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les Breydel, * furnommé Ie
1677. Vj Chevalier, naquit a Anvers en IÓ77. Son premier Maitre étoit Ie vieux Rysbrack, Payia- gifte. Trois années d'étude dans cette Ecole fuffi- rent a fes Ouvrages > a fon entretien & a fa fubfiftance. Son projet étoit d'aller en Italië; il s'arrêtaa Francfort,oüfes üuvrages plurent beau- coup: il alla enfuite a Nuremberg, oü il fut égale- ment bien re^u , mais toiijours dans 1'intention d'aller a Rome. Au moment de fon départ, il appritque fon frere Francais Breydel étoit a la Cour de Heffe - Caflel : 1'envie de Ie voir 1'y conduifit. lis y travaillerent enfemble pour la Cour & pour les Curieux d'Allemagne. Aprcs deux années de féjour, Charles Breydel y laiffa fon frere, & fut a Amfterdam -y toujours occih pé du genre qu'il avoit en vue, il y trouva Toc- cafion de fe former. Jacques Devos, marchand de Tableaux, lui fit copier beaucoup de vues du Rhin|, par Ie Peintre Jean Gryffier. Ce fut pour
* Iflu de la familie des Breydel, Bouchers a Bruges, qui paffent
pour être d'tine anfienne Noblefl'e : i]s furent annoblis t il y a quelques fiecles, pat un Empercur, auqucl ils rendirent des f«- vices marejues. lts exercer.t Ie ttiême métier, fans deroger, por- tant 1'épée 8c ort droit de chaOe fur toutes (ones de Cibier; c'eft fout cela qu'on Ie romme Ie Chevalier, «i'autant plus qu'il étoit auffi tiès-magr.ifiquemem habillé , C'étoit une de fes folies. |
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Flamands, Allemands & Hollandois.
pour Breydel un moyen für de devenir habile ; ———•
& effeftivement} dès-lors il acquit de la couleur, 1677. de la fineffe & une facilité de produire, même
ringuliere. Ce Peintre examina les vues d'après
lefquelles les Tableaux avoient étécopiés; il en fit d'autres, & cela lui réuffit, enforte que nous regardons la maifon de Devos comme fa princi- pale Ecole. Breydel voulut revoir Anvers, ayant peut-
ctre encore Ie projet d'aller en Italië: fon ma- nage 1'en empêcha, il époufa Mlle Anne Buliens: mais, toujours inconftant, il laifla fa femme avec cinq enfans pour aller travailler dans d'autres Villes, fans jamais parier de fa familie & peut- être même fans y penfer. En 1724, il arriva a Bruxelles, oü il vifita
van Helmont, Peintre d'Hiftoire& de Portrait. Ce- lui-ci recut Breydel dans fa maifon, lui fit pein- dre quelques jolis Tableaux, qui lui ont procuré beaucoup d'Ouvrages. Les Amateurs augmente- rent de jour en jour: mais Breydel n'en amafïk pas une plus grande fortune; ami de tous les plai- firs, trop répandu dans la monde, trop occupé de fa figure,trop magnifïque dans fes habillemens, il avoit & Ie fafle & Tair d'un grand Seigneur. Un Curieux lui fit porter deux Tableaux pour les retoucher, 011 pour y faire quelque changement. Breydel les ayant finis, dit Ie même jour a van Helmoni: Voïla unOuvrage qui dok me rapponer pres de quatre louis, c'efl une bonne affaire, je veux vous payerla collatlon. lis fortirent enfem- ble, fans fermer Ie cabinet, dans lequel monta un petit enfant de la maifon, qui prit une brofle qu'il trempa dans Ie pincelier, enfuite dans du blanc,
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La F~ie dés Pcintres
——blanc, & qui barboiülla les deux Tableaux en-
'"77* tierement.Kerckhove, un des Eleves de van Hel- m^^T mont, s''en appercut Ie premier, il coumt enaver- tir fonMaitre, qui prit quelque prétextepour quit- ter Breydcl, & vint a la maifon pour effayer de réparer Ie tort que fon fils avoit fait a 1'Ouvrage: il vint a bout d'enlever la couleur de deffus Ie Tableau qui étoit fee avant que 1'enfant y eüt touche; mais en enlevant cette couleur, il óta auffi tont ce que Bnydel y avoit fait. Ce der- nier retourna a la maifon qu'il trouva en ru- meur. Peu s'en fallut que eet accident ne lui tour- nat la tête, parce qu'il comptoit fur eet argent; mais, au-lieu de réparer fur Ie champ ce petit malheur, il fortit de rage, but long-temps, & en fit de même pendant trois ou quatre jours, fans rentrer chez lui. Parmi les gens de cette efpece, une folie entraïne toujours une autre folie. L'envie lui prit de changer encore de demeu-
re en 1727. Il choifit la grande Ville de Gard, oü il s'établit avec une Gouvernante. Il fut voir M. MariJJal, Peintre qu'il avoit connu chez van Helmont'. ce fut pour M .MariJJal qu'il fit un cou- ple deTableaux que les Amateurs vinrert voir avec plaifir. On lui en commanda de tous có- tés : les premiers de la Ville, tels que Ie Baron van Quifegem, Mrs- Lucas Schamps, Jean-Bc- ti/Ie Dubois, de Tutter, van Steenbergher,, de Beckers, &c. chacun vouloit être fervi Ie pre- mier. C'étoit encore Ie moment de fe fixer : Mais autant il étoit inquiet & irréfolu dans fa con- duite, autant il étoit indifferent pour fa fortune. On ne fcait parquelle raifon ilquitta Gand pour y
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Fïamands, Allémcmds & Hollandois.
y revenir après avoir demeuré pen de temps —— aBruxelles. I(^77 Deretour a Gand, il loua en 1737 une mai-
fon, comme s'il eiit eu Ie projet de s'y établir. Ce fut pour lors qu'il travailla avec vivacité, fans pouvoir raflafier les Curieux. Il gagna beau- coup, mais il dépenfa demême. Sa fidele com- pagne fcavoit veiller a fes befoins, en allant chezceuxqui luicommandoient des Tableaux, pour demander fouvent des a-compte. Ce Pein- tretrès-accornmodant pour les jeunes Amateurs , leur faifoitdes petis Tableaux pour i'.irgentqu'ils difoient avoir a dépenfer. Tout lui étoit égal, il régloit fon traVail fuivant leur bourfe. Auflï on trouve dans la Ville de Gand feule un {i grand nombre de Tableaux de toutes grandeur» , que 1'on ne comprend pas comment il a pu tant faire & perdre antant de temps. Breydel pafla ainfifa vie, fans qu'il nous pa-
roifle qu'il fe foit foucié ni de fa femme ni de fes enfans qu'il avoit laiffés a Anvers; fa fidele Gou- vernante ne Ie quitta jamais, elle lui a furvécu. BreydeL ftitcriiellement tourmenté de la goutte fept a huit ans avant fa mort: il étoit perclus de fes mains au point d'être quelquefois fix mois fans pouvoir peindre : punition de tant d'excès , trifte exemple pour la jeunefle. Accablé demaux, il mourut a Gand Ie 4 Novembre 1744 , & fut enterré a Saint Bavon. J'ai conlidéré lesOuvrages de Breydel en trois
manieres; lorfqu'il croyoit voir la nature avec les yeux de Gryffier : fes Tableaux avoient un vrai mérite ,une excellente couleur, c'étoient des Vues du Rhin chargées de Bateaux t mais abon- Tome IV. N dantes |
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La Vie des Peintres
------dantes en jolies figures d'hommes & d'animaux.
x"77-II changea tout-a-coup cette maniere pour pein-
•----- dre comme Ie Breugle de Velour. C'étoit legout
qui plailoit, mais il eut pour concurrent van
Bredael & Michau. Il fuivit une maniere qui lui étoit propre , & qui tenoit des deux pre- mières pour lharmonie de la couleur , mais plus claire; c'étoient des Batailles , des Attaques, des Siéges , des Campemens , &c. Quelques Eftampes de vanden Meulen lui fervirent d'a- bord, il en fut quelquefois Ie Copifte, & mê- me Ie Plagiaire; mais il fit bien-töt des études d'après la nature : il compofoit très-facilement, il avoit pres de lui une douzaine de jeux de car- tes, fur lefquelsil avoit deffiné fes études, foit au crayon rouge ou a la mine de plomb; la vivacité de fon efprit fe remarque fur tout ce qu'il a peint : fa touche eft ferme & propre a fes Ouvrages , fon deffein eft affez correcl:; s'il avoit confulté plus fouvent la nature , fes Ta- bleaux feroient fans prix. Il s'en trouve qui fen- tent un peu trop la palette , mais d'aucres font pleins d'harmonie. Nous allons indiquer une petite partie de fes Tableaux, la plüpart fur cuivre , fur du fer-blanc, quelques-uns fur des plaques d'argent, & d'autres fur toile. On en trouve deux a Roiien, chez M. Haillet
de Couronne, Lieutenant-Général-Criminel. Ce font deux Vues du Rhin, avec de j olies figu- res & des animaux. A Gand, chez M. Lucas Schamps, dix Ta-
bleaux : les Batailles font les plus confidérables & les plus précieux de ce Maitre. Chez feu M. Hamerlinik, un grand nombre de
Tableaux,
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jFlanïands, Allemands & Ilollandois.
Tableaux, Batailles & Vues du Rhin, &c. Il
y a peu de maiions avec des cabinets oü 1'on ne frouve des Ouvrages de BreydeL CheiM.Jiian-Bapt!,'•:. du Bois, uneColleöion
nombreuie de ce Peintre. Chez M. Lormier, a la Haye , quatre Ta-
bleaux dans la maniere de Wonvvermans. Ce font des Attaques, des Embufcades & des Con- vois pillés. Et chez M. Léers , a Rotterdam, deux Ba-
tailles. |
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PIERRE HERAIMÉ,
Éleve de son Frere
S I M O N H A R D I M É. HARDIMÉ naquit a Anvers en 1678, & , J"
fut Eleve de fon frere Simon haninné ' Peintre de Fleurs, mort a Londres en 1737. Pierre a fuivi Ie même genre , mais avec une grande fupériorité fur les Ouvrages de fon Mai- tre. Il quitta fon frere a. 1'age de dix-neuf ans pour travailler a fon profit, il fut très-employé a la Haye oü il demeuroit; M. Hogendorp , & fon frere, Bourguemeftre de Rotterdam , 1'em- ployerent beaucoup ; fes Tableaux furent por- tés dans toutes les Villes de la Hoilande. Il époufa, en 1709 , Adrïenne Lens, la foeur d'un Abbé de 1'Ordre de Saint Bernard , pres d'An- vers, ce qui lui donna occaiion de peindre pour N 2 certe
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I$)6 La Fie des Peinires
# cette Maifon, en 1718, quatre grands Tableaux
* des quatre Saifons : tous les fruits & les fleurs
connus dans chaque faifon y font repréfentés; 1'Artifte s'y efl furpaffé ; les groupes y font bien compofés : les fleurs & les fruits bien imi- tés & bien finis. Cet Ouvrage fut fa gloire *& lui en procura beaucoup. L'Envoyé de PrufTe , M. de Schmettau, lui
commanda un Tableau de fruits & de fleurs étrangeres pour Ie Roi de Pruffe, qui Ie recut très-bien. Tlardimé remplac.a Ie Peintre Ver- bruggen : il peignit dans les Plafonds, & dans les autres Ouvrages de Tervveften, les fleurs & les fruits. Le Comte de Waffenacr fit embellir les Appartemens de fon Hotel en partie par ce Peintre. Toujours avide de gloire, il fe crut négligé , parce qu'on ne lui ordonnoit plus rien, il en devint mélancolique & mourut a Dort a la fin de 1748, agé de foixante-dix ans ; il avoit époufé en fecondes nöces M!Ie Brui- nejlein , de laquelle il ne laifla point de pofté- rité : les trois enfans de fa premiere fem- me ont pris 1'Etat Eccléfiaftique. Les Ouvrages de cet Artifte facije font
eftimés en Hollande & en Flandre. On y trouve de la bonne couleur & de la liberté , avec cette touche très-propre au genre qu'il avoit choifi. |
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KOENRAET
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KOENRAET
R O Ë P E L ,
ÉLEVE
DE CONSTANTJN NETSCHER.
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|O E PE L naquit a la Haye Ie 6------
|Novembre 1678. Sa mauvaife 1Ó78.
fanté fit défefpérer (es parens de ment , avant d'être formé , fuj |
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épuifé par les remedes; on en
ftjavoit a quel état Ie deftiner, lorfqu'il fe dé- clara lui-même pour la Peinture; on lui dnona pour Maitre Conftantin Netfcher, qui décida N 3 d'en
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198 La F^ie des Peintres
, o d'en faire un Peintre de Portrait, maïs les
7 maladies 1'empêcherent de faire quelques pro- grès. Son pere Tenvoya a la campagne, pour éprouver encore ii 1'air ne feroit pas meilleur pour fa poitrine, & il lui abandonna un Jar- din pour fon amufement. Le changement d'air, Ja culture des plantes & des fleurs le portaa les peindre ; il réuffit au-dela de fon efpérance. Il fit connoiffance avec Mrs- Kinfchot, van Goens & Ban, les plus grands Fleuriftes de ce temps ala Haye, ils choifirent entr'eux les plus belles eurs d'après lefquelles Roëpel composa un Ta- bleau qu'ils lui payerent fort cher, & qui fit en même-temps fa fortune & fon nom. Alors entierement déterminé a fuivre ce gen-
re, il imita d'après nature les fruits & les fleurs, & en peu de temps il fut regarde comme le plus habile da Pays : fes bons Ouvrages le firent connoitre du Comte de Schaëjbergen, favori de TElecteur Palatin, pour lors le Mécene des Artistes. Roëpel fut invite a fuivre le Comte a la Cour de DuJJeldorp en 1716. Il n'avait porté qu'un feul Tableau, qui fit tant de plaifir a 1'E- lecteur, qu'il le garda, & lui fit présent, outre le payement, d'une chaine d'or & d'une me- daille du même métail pours'en décorer; il lui ordonna d'autres Ouvrages en le fixant a fa Cour. Mais ce bonheur dura trop peu par la mort de ce Prince qui arriva peu de temps après, au grand regret des Artistes qui habitoient cette Cour. Roëpel retourna a la Haye, oü il trou- va bientöt des Amateurs de fes Ouvrages : la diftinftion quïl recut a la Cour du Prince le plus éclairé de son temps dans les Arts, ajouta au
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Flamands, Allemands & Hollandois. 199
au mérite de fes Ouvrages. M. Fagzl, Amateur célebre, lui commanda un Tableau; Ie Prince Guillaume de Heffe lui en fit peindre deux qu'il acheta mille florins d'Hollande. Il en fit un pour M. Lormier, a la Haye, & deux autres pour M. Guillaume Haensbergen. Tant de talens engagerent la Société des Peintres de l'infcrire parmi eux, Ie 5 Novembre 1718 , & fucceffi- vement il paffa dans toutes les charges, & enfin au Direftoriat de 1'Ecole académique. Ce Peintre vivoit dans fon jardin, au milieu
des belles fleurs qu'il cultivoit pour fon amufe- ment & pour les repréfenter dans fes Tableaux, toujours eftimés des Amateurs & même des Artiftes k$ rivaux. Il étoit confidéré par les per- ionnes du premier rang qui Ie vifiterent dans cette demeure délicieufe; une vie réglée, mê- lée d'agrémens qu'il s'étoit procurés par fon mérite & fa fageffe, lui ont prolongé la vie, malgré fa mauvaife fanté : il mourut Ie 4 No- vembre en 1748, a i'age de soixante-neuf ans. Koepel eft un Peintre de fleurs & de fruits
rrès-distingué: fes Ouvrages ont été payés cher: van Hujfum l'a surpassé debeaucoup, mais cela n'empeche pas que les Cabinets d'Hollande ne conservent ceux deRoëpel.Nous n'en connoiffons point en France. On voit a la Haye, chez M. Fagel, une belle
composition représentant des Fruits. Chez M. Lormier, quatre Tableaux, 1'un avec des Fruits & des Fleurs; les autres font des Fleurs de tou- tes les efpeces. Chez M. van Héteren, deux, 1'un de Fruits & 1'aurre de Fleurs. Chez M. d'AcoJia, un de Fruits & 1'autre de Fleurs. N 4 A
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La Vie des Peintres
1678. A Amfterdam, chez M. Braamkamp, un fruit
,. '-. très-fïn. A DufTeldorp, chez 1'Eledeur Palatin, im
Tableau oü font repréfentés des Fruits & des
Fleurs enfemble.
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ANTOINE ET JOSEPH
FAISTENBERGER.
f~* E s deux freres, originaires d'Infpruck, oü
V-1 leur familie exifte encore, fe font fait une réputation. Antoine étoit 1'ainé 3 il naquit en 1678 ou en 1680. Il devint Ie Maitre de fon frere Jofeph, & d'un autre dont on ne dit rien. Antoine avoit appris fon Art d'un nommé Bou- ritfch, qui avoit vécu a Saltzbourg & a Paffav. Ces deux freres furent appellés a la Cour de Vienne, oü leurs Ouvrages furent recherches, & de la portés dans les autres Cours d'Alle- magne. Antoine avoit en vue les Ouvrages du Gaf-
pre & ceux de Glauber, enfuite il ne confulta que ceux de la nature: on affure qu'il fe fer- voitde la main d''Hans-Graaf \ du vieux Bredael, &c. pour placer les flgures dans fes Payfages qui ornoient la Galerie de 1'Einpereur, celle de Weimar, & les Cabinets des premiers Ama- teurs. Ce Peintre très-eftimé mourut a Vienne en 1720 ou en 1722. Les Ouvrages de ces deux Artiftes ne me
ront pas connus; mais Ie jugement queje vais tranfcrire
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Flamands, Allertianis & Hollandoisï 201
tranfcrire vient de fi bonne part, que j'ofe Ie
rapporter en entier. Son Payfage eft intéreffant par les belles fa-
briques , dans Ie gout de Rome ; fes folitudes deviennent agréables par les chütes d'eau, les rivieres & les lointains. Quant aux arbres, Ie feuillé eft vrai & touche avec efprit, la cou- leur eft par-tout celle de la nature, tantöt claire & tantöt vigoureufe. Outre fon frere qui étoit fon Eleve, Jofeph Oriënt avoit étudié fous lui. On nous fait aufli Téloge des Ouvrages de Jofeph Faijlenberger 3 fur lefquels nous n'infifte- rons point, non-plus que fur 1'année de fa mort i eft ignorée.
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ANNA
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ANNA WASSER,
É L E V E
DE JOSEPH TFERNER. O I C I encore une fille auffi illuftre
par fes talens pour la Peinture, que nos laSu^eSc nosjDeshoulieres Font été pour la Poëfie, & qui a ennobli ces talens par des moeurs pures , des connohTances diftin- guées, & fur-tout par une foumiffion conftante aux volontés de fon pere , peut-être portee un peu trop loin. Anna WaJJer naquit h Zurich en 1679. E!le
étoit
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La Vie des Peintres &c.
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203
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étoit fille de Rudolf fFaJJer,Membte du Grand- 1679.
Confeil , Baillif de Rattci , & Camérier de la - Fondation de la Cathédrale. Née avec une conception vive, elle apprit
aifément les Iangues latine & francoife, qni lui furentbien-tótauffi familieres que celle de ion pays, & elle fit de rapides progrès dans les Belles-Lettres; mais a peine eüt-elle recu quel- ques lecons du Deffein & vu quelques Ouvra- ges en Mignatiire, qu'elle fufpendit, pour ainfi dire, tous fes goüts pour fe livrer entierement a celui qui lui étoit naturel. Après avoir effayé quelque temps des lecons d'un affez bon Maitre nommé Sul0.000000e+000r, elle fi.it placée, par Ie confeil du célebre Felix Meyer, chez Jofeph ff^erner: il la fit d'abord copier d'après les bons mode- les pour juger de fes talens: mais ayant vu la copie qu'elle avoit faite de fa Flore, il en fut fi furpris, qu'il invita fa jeune Eleve de venir chez lui oü il la combla d'éloges pour la cor- redion de fon deffein, & la parfaite imitation de la couleur; elle n'avoit pour lors que treize ans : & ce fut Ie 18 Mai 1692 qu'elle fit Ie voyage de Berne. Pendant trois années qu'elle paffa dans cette
Ecole j elle parvint a 11 n grand dégré de per- fe&ion, elle s'exerca a peindre a 1'huile , & il y a lieu de croire qu'elle y auroit bien réuffi, mais la Mignatiire étoit Ie genre pour lequel la nature fembloit 1'avoir deftinée. Alors fes inf- truöions ceflerent, fes parens 1'ayant rappellée. Ce fut avec les plus grands regrets que Ie Mai- tre & TEleve fe ieparerent, parce qu'ils avoient 1'un pour 1'autre la plus haute eitime. Arrivée
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204 Ea ^c des Pemtres
------- Arrivée a Zurich, Anna TFaJfer y étoit déja
1679- connue; elle fut employee pour les Cours d'Alle-
de Bade-Dourlach , de Stutgard fe difputerent a qui auroit un plus grand nombre de les Ou- vrages. LeDuc de Wirtemberg Eberhard Louis & fa fcEiir la Margrave de Dourlach, lui en- voyerent leurs Portraits en grand qu'elle peignit en Mignature, & qui répandirent fa gloire dans toute 1'Allemagne. On Ta remarqué plufieurs fois, les Artiftes,
qu'un fordide intérêt guide, manquent a la fois a la gloire &a la perfeftion; ils aimentmieux multiplier leurs produ&ions que de les finir; ce ne fut pas affurément Ie défaut de notre Artiïïe , mais ce fut celui de fon pere, qui , preffé par les beföins d'une nombreufe familie, la contraignoit de précipiter fes Ouvrages; plus fenfible a la gloire qu'a 1'intérêt , & fariguée d'un travail plus pénible qu'agréable, & plus mécaniquequ'ingénieux, elle perdit cettegaieté qui fuit les fuccès, & elle tomba dans unemé- lancolie qui fit craindre pour fa fanté. Heureu- fement la CourdeSolms Braunfels lui ayant fait des propofitions avantageufes, elle y alla accom- pagnée d'un de (es freres; elle n'eut alors qu'a fatisfaire fon goiit pour la perfe&ion, elle re- prit fa premiere vivacité & fut admirée de toute la Cour , oü elle auroit paffe fa vie , fi la cu- pidité de fon pere n'avoit pas troublé de nou- veau fon repos. Il demanda fon retour, & elle y obéir encore, & ce fut en arrivant chez eile qu'elle fe mit au travail avec tant d'affiduité & de dégoüt, que ce qui avoit été pour elle autrefois
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Flamands , Allemands & Hollandois. 20 J
gutrefois un amufement, devint une fatigue. , Une chüte qu'elle fit en 1713, 1'enleva a 1'age ' 79- de trente-quatre ans. M. Fueffli, qui nous a donné la vie d'Jnna
Woffer, nous aflure que Jacques Sandrart, qui avoit concu Ie projet de continuer la Vie des Peintres , commencée par fon pere Joachim, avoit vu la Vie de cette Fille illuftre écrite par elle-même. La mort de Jacques Sandrart nous en a privé, ainfi que de bien d'autres Mémoi- res qu'il avoit recueillis. Quant au mérite $ Anna TVaffer, ce même M.
Fueffli marque qu'elle avoit un beau génie , un defTein fpirituel & une bonne couleur. Il pofTe- de Ie Portrait qu'elle a peint a 1'huile a 1'age de treize ans; mais il convient avec tont Ie monde qu'elle eft fupérieure dans Ie genre de la Migna- ture. Tous fes Portraits font bien reflemblans & agréablement compofés ; mais on voit briller fon efprit dans les Paftorales, petits fujets qu'elle aimoit a traiter, & qui touchent les Artiftes , parce que tout y eft ingénieux & plein d'har- raonie. Lucas Hoffman, JouaillieraBale & fon admi-
rateur , n'épargna rien pour acquérir (es meil- leurs Tableaux. Les Belles Lettres qu'elle aflbcioit a fon Art y & qui en faifoient la richefle & 1'or- nement, lui procurerent un agréable commerce avec les Hommes célebres de TAUemagne, tels que Werner , pere & fils , Méjer, Hubert, Steller, Dun\, Marie-Claire Emmart, Ie Doc- teur Sckench^er, &c. |
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2o6 La Fie des Peinlres
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N. T Y S S E N S.
Tyssens efl Ie frere de celui dont
• nous avons parlé, nous ne fcivons pas celui-ci n'eft pas Auguftin Tyjjlns, qui fut
Direfteur de 1'Academie d'Anvers en 1691. Nous n'avons jamais pu apprendre fon nom de Baptême. Quoi qu'il en foit, il peignoit bien Ie Payfage, qu'il ornoit de figures & d'animaux dans Ie gout de Berghem. Il avoit une bonne couleur, il compofoit agréablement (es Tableaux. On voit prefque toujours des figures jolies a la fuite d'un troupeau de moutons, de vaches, de chevaux, &c. fes fonds fnr Ie devant font enrichis de plantes, de ronces , &c. tout paroit peint d'après nature. L'année de fa mort efl: ignorée. Dans Ie Cabinet du Prince Charles, a Bru-
xelles , on voit deux Payfages avec des figures, par N. TyJJens. |
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FRANgOIS BREYDEL.
FRancois Breydel, frere de Charles,
naquit a Anvers Ie 8 Septembre 1679. On ne fcait point Ie nom de fon Maitre; on foup- conne qu'il a pu commencer chez Ryfbrack, comme fon frere. Il a cependant pris une route Men différente. Encore jeune, il peignit des Portraits
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Flamands, jillemands & Hollandois. 207
Portraits avec un fuccès fiirprenant pour fon £ge , ils lui mériterent Ie titre de Peintre de la Cour de Heffe - Caffel, oü fes talens lui acqui- rent beaucoup de confidération; fon génie ne fe borna point au Portrait feul, il effaya des Aflemblées, des Fêtes, des Carnavals ; ces jo- lis Tableaux piquerent la curiofité des Ama- teurs : il en fit beaucoup. Il y a lieu de croire que eet Artifte tenoit
du cara&ere de fon frere: qu'il avoit, comme lui, la même envie de changer de place, ou Ie même défaut de ne pouvoir refter nulle part. Eftimé, comme il 1'étoit a la Cour de Caffel, fort employé pour d'autres Villes d'AHemagne, il quitta Ie certain pour effayer a Londres une nouvelle fortune: il paroit que fes eonverfa- tions & fes affemblées , &c. y ont été goütées, parce qu'il y refta long-temps avec Héroman vander Myn: il y étoit du moins encoreen 1724. On ne fcait plus rien de fa vie: on nous
apprend feulemeut qu'il eft mort a Anvers Ie 24 Novembre 1750, & enten é dans 1'Eglife paroiffiale de Saint André. Les Bals , les Affemblées, les Carnavals,
font des jolis Tableaux de ce Maitre,bien com- pofés & d'une bonne couleur : on eftime ceux oü il avoit cherché a varier les figures, dont les habillemens étoient fouvent a la mode , & mêlées de foldats ou autres de cette efpece; la nature étoit fidelement répréfentée & avec ef- prit. On aime ce genre agréable, & on les trouve communément en Allemagne & en Angleterre: en voici quelques-uns bien connus. Dans Ie Cabinet de M. van Schorel de Wil-
ryck,
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208 La Vie des Peintres, &c.
•>-----■ ryck, Bourguemeftre d'Anvers, deux jolis Ta-
1679. bleaux: ce font des Mafcarades; & dans la Sale
■*MM? des Confrères de Saint Sebaftien, les Portraits de tous les Doyens. A Dordrecht, chez M. vander Linden van
Slingelandt, un Tableau de familie , autant de Portraits: pres d'une Maiion de campagne un nombre de Gibier de toutes les efpeces: une allee d'Arbres laiffe entrevoir des Chaffeurs dans Ie loingtain. |
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JACQUES
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JACQUES-CAMPO
WEYERMAN,
Éleve de Ferdinand
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VAN K E S
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E L.
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Eyerman fut a la fois Peintre,------
Poë'te & Hiftorien. Il auroit été 1679.
plus eftimé & plus heureux s'il ^SST
n'eüt été que Peintre.
Weyermart naquit en 1679. On ne f<jait s'il étoit parent de Jean
JFeyerman, dont nous avons parlé dans Ie 3° Vol. pag. 40. Celui dont nous écrivons la vie, fut place chez Ferdinand van Kejfcl; il paroit Tome IV. O qu'il |
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110 La Vie des Peintres
------qu'il avoit étudié la langue Latine avec 1'Art
1679. de la Peinture : il avoit une conception fi vive
-----> & fi prompte, qu'il avoit déja des talens dé-
cidés en iortant de chez fon Maitre. Les fleurs
& les fruits qu'il peignoit dès-lors furent recher- ches ; il auroit fait une fortune rapide, s'il eüt cultivé tant de talens naturels,mais toutfon efprit ne fe porta qu'a la diffipation & a la débauche. Il étoit Ie chef des libertins de toutes les efpeces. Ce genre de vie ne pouvoit durer long-temps; il travailloit trop peu pour foutenir la dépenfe qu'il faifoit. Il trouva une reflburce dans la fo- ciéi:é d'un Marchand de curiofités qu'il fuivit a Londres, & qu'il trompa, en lui enlevant fes effets j après avoir diffipé tout, il n'eut que Ie temps de fe fauver en Hollande pour éviter la punition qu'il méritoit. Ce trait, peu intérelTant dans notre Ouvrage,
eft cependant néceffaire pour faire connoitre Ie caraöere méprifable de eet homme , & montrer aux jeunes Artiftes que Ie libertinagemenebien- tót au crime ; nous paffons fous filence bien d'autres traits de cette efpece. Deretour en Hollande, il crut trouver unmoyen
für pour fe procurer de 1'argent, en écrivant, fous des noms empruntés, a des perfonnes ri- ches, qu'il fcavoit de bonne part que TVeyerman alloit écrire contr'eux , & qu'il leur confeilloit en ami de 1'appaifer par des préfens: il écrivit auffi des lettres dans lefquelles il menacoit de brüler les maifons, fi on ne lui faifoit tenir de 1'argent. 11 voulut mettre Ie comble a fes crimes* en faifant des vers infames contre les Direöeurs de la Compagnie des Indes.; Cet écrit féditieux éiant
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Flamands} Allemands & Ilollandois. 211
étant porté en Juftice, on foupconna,furleftile, —— que TVeyermanzn étoitrautenr;on donna ordre 1679. de 1'arrêter, mais il s'étoit fauvé a Kuilenburg. __L „- La hors de prife ? mais dans Ie plus preflant be- foin , il ne put y refter davantage, & a peine fut-il forti de cette retraite , qu'il fut pris & étroitement renferme. A force de baffefles & de fourberies, auxquelles V employa fa plume, il échappa a la corde , rcais il fut condamné, Ie 22 Juillet 1739, a une prifon perpétuelle a fes dépens. Alors certain de ne jamais recouvrer la liberté, & couvert d'infamie , il peignit quelques Tableaux pour fubfïfïer , & des fleurs & des infeöes fur des glaces. On dit qu'il avoit encore écrit quelques Vies de Peintres, qui auroient pu être mifes a la fuite de celles qu'il a imprimées,ou pour mieux dire , défi- gurées d'après Houbraken ; rrais celles qu'il a écrites dans la prifon n'onr pas paru , & je ne crois pas que nous devions les regretter , il les avoit, fans doute , remplies, comme (es autres Ouvrages, de menlonges, d'obfcénités & de critiques auffi faufles que partiales. Weyerman a terminé fes opprobres & fa vie
dans la prifon en 1747. Nous avons été for- cés de citer ce Peintre , mais ce n'efl; que comme Hiftorien que nous faifons mention de lui. II a public la Vie des Peintres en trois Volumes in-quarto. Dans Ie premier il donne une lége- re efquifle des Anciens qu'il rapproche des Modernes. Il a écrit en Hollandois avec ef- prit & mêine avec érudition , mais fa plurne, tonjours licencieufe , ne peut infpirer que Ie libertinage & Ie mépris pour la vertu ; nous O 1 afliirons
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212 La F~ie des Peintres
affurons encore, qu'excepté les dates qu'ü
avoit prifes d'' Houbraken, ou que les Artiftes lui avoient fournies ; Ie refte de fon Ouvrage eft entierement faux, que fes jugemens font autant de libelles contre des Artiftes que leurs talens & leurs moeurs ont toujoursjuftifiés. Quant a fes autres écrits, la plüpart font condamnés par la Juftice. Il n'eft parvenu a notre connoiffance tju'un de fes Tableaux de fleurs qui nous fait regretter la perte de fes talens. |
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PHILIPPE VAN DYK,
ELEVE D''ARNOLD BOONEN.
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]68o. x qu'ü portoit, eft encore aujourd'hui regret-
----- té de la Hollande, qui Ie coniidere comme Ie
dernier de fes plus grands Peintres.
Il naquit a Amfterdam en 1680 , fon Maitre
Arnold Boonen vit avec plaiiir fes rares dif- pofitions, qui furent , dès fa jeuneffe, un pré- fage heureux de fes talens; fon affiduité & fon application au travail ont été les garans affurés de fes fuccès. Cependant, quelque progrès qu'ü fit dans fon Art , il fentit plus qu'un autre Ie befoin de fe perfe&ionner de plus en plus fous fon Maitre, & il ne voulut point Ie quitter que fa réputation ne tut déja bien établie par des Ouvrages recherches; il fe maria peu de temps après , & dans la crainte de ne pas percer dans une Ville remplie alors de bons Peintres, il alla demeurer a Middelbourg en Tannée 1710. 11 ne tarda
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Flamands, Allemands & Hollandois. 21}
tarda pas a s'y faire connoitre & a s'y procu- ------
rer des amis diftingués, tels que Ie Bourgue- I68o.
meftre Kouvverven & 1'Amiral Ockkerfe, tous ™ deux pleins de gout, & tous deux fort riches: ce fut pour lui un commencement de fortune; ils Ie chargerent de leur procurer les plus beaux Tableaux qu'il alla chercher dans la Flandre & dans Ie Brabant. Ces Cabinets ne purent man- quer d'être bien compofés, & eet Artifte habile ne choififfoit qu'en connoiffeur & n'épargnoit point 1'argent. Il peignit les Portraits des princi- paux de cette Province en grand & en petit: il fit plufieurs petits Tableaux dans Ie gout de Miéris & de Gèrardouvv : &, quoiqu'il fut infatigable, il pouvoit a peine fatisfaire tous ceux qui rechercherent (es Ouvrages. L'occafion de faire tous les ans un voyage
dans lesprincipales Villes de la Hollande & dans Ie Brabant, lui procura beaucoup d'amis, fur- toutala Haye oü 1'on aimoit (es jolis Tableaux: on Ie pria d'y fixer fa demeure, & il y confen- tit, parce qu'ayanr déja perdu quelques-uns de fes protedeurs, il fe crut plus libre; ilfe pro- mit bien, dans fes voyages de récréation, de mettre tout a profït, & d'y peindre les têtes de ceux qui Ie defireroient, & enfuite de finir Ie refte chez lui; d'ailleurs, la Haye étoit un fé/our pour lui plus propre encore a l'enrichir & Ie faire connoitre. Il eut occafion d'y for- mer les Cabinets du Comte de JVaffenaer, de MfS Fageltk vanSchuylenburg. Maisfon premier Prote&eur, Ie Prince Guiilaume de Heffe , qui formoit pour lors fa magnifique colle&ion, chargea notre Peintre d'en faire Ie choix, & O 3 d'en
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214 LaVie des Peihtres
-------den fixer Ie pnx, & Ie préfenta hii-même au
16S0. prince d'Orange Stattwudcr de la Frife, qui fe
'! un même Tableau qui fut donné en préfent au Prince de Heffe. Il peignit dans Ie même temps un Plafond pour
Mr van Schuylenburg. C'étoit Iphigénie enlevée au Ciel, il repréfentoit toute fa familie; il eft impoffible de rapporter la lifte de toutes les perfonnes de diftin&ion de la Hollande & de plufieurs Pays qui l'occuperent avec Ie même fiiccès. Le Prince de Heffe, en tout temps attaché
a la gloire de fon protégé, le mena avec lui & le préfenta au prince fon pere , qui le recut avec cette bonté qui infpire Fhonneur & 1'ému- lation. Il commenca les Portraits de cette fa- milie dans un même Tableau ; il eut la permif- fion de s'y repréfenter lui-même tenant le Por- trait de familie en petit du Stathouder de Frife : il tinit ce Tableau a la Haye: les figures ont environ quinze pouces de haut ; il le porta en- iuite a Caffel, oü fon Ouvrage fut bien payé. Il peignit encoreplufieursfoiscetteilluftrefamille en grand & en petit, & d'autres perfonnes de diftinction de cette Cour. Le Prince combla van Dyk de louanges, & 1'honora, dans un di- plome, du titre de son premier Peintre. De retour a la Haye, il répéta plufieurs fois
les Portraits de la familie du Stathouder: c'eft d'après ceux de van Dyk que Ton a gravé les medailles a Poccafion du mariage du Stathouder. Le Prince de Heffe demanda a fon Peintre deux: Tableaux de Cabinet; il laifTa le choix des fu- jets
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Flamands , Allemands & Hollandois. 21 f
jets a 1'Artifte, qui eut foin de les prendre dans
Ie genre noble & agréable : dans Tun, un Hom- me préfente des fucreries a une jeune Dame, auprès de laquelle on voit une compagnie a rable: 1'autre eft un Concert; toutes ces flgures jolies font habillées fuivant la mode: les ac- ceffoires font bien amenés, & tout y eft d'im beau flni & de la plus grande vérité. Une for- tune encore plus confidérable couronna (es fuc- cès. Mr- Dieshoek, de retour des Indes avec de grands tréfors, fe fit peindre, ainfi que fon fils & fa bru; il lui prit auffi envie de fe for- mer une colle&ion de Tableaux : van Djk fut chargé de les acheter. Dans Ie même temps, M. Sichtermans, étant auffi arrivé riche des Indes, fe fit peindre avec fa familie; & a peine fut-il établi a Groningue que fon premier foin fut d'engager notre Peintre a lui procurer un Cabinet de Tableaux. Le Baron d'lmhof , Gouverneur général des mêmes Contrées pour les Etats-Généraux, procura a notre Artifte un nouveau moyen de fediftinguer: il le peignit en pied degrandeurnaturelle:ilfïtle même Tableau en petit; celui-ci a été gravé, le grand fut envoyé a Batavia pour y être place dans la Sale oii font tous les Portraits des Gouverneurs. Les Etats d'Hollande témoignerent auffi leur
eftime pour les talens du Peintre, en lui or- donnant de peindre le Prince d'Orange. Ce Tableau devoit êfre place dans la Sale nommée la Treve. Le nombre des Portraits & des Ta- bleaux de Cabinets qu'il a peints, eft très-con- fidérable. Quant a fa conduite, elle fut eftima- ble: occupé de fon étude & des devoirs de hi O 4 vie,
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2l6 La Vie des Peintres
-------vie, il fut généralement refpedé & nommé
1680. deux fois Diacre de TEglife réformée : emploi
^^=r qu'il a rempli avec exaditude. Il eft mort Ie 3 Février 1752 , laiffant après lui la réputation d'un galant homme, & d'un bon Artifte. Le deffein de ce Peintre eft fans maniere 8c
fans fineffe; fes Portraits, fur-tout en petit, font d'une vérité frapante : aufïï voit-on qu'il copioit la nature fidelement : tous fes fujets font bien compofés : il avoit une bonne cou- leur , &, fans egaler Gérardouvv, fes Tableaux méritent, pour leur précieux, une place dans les Cabinets choifis. lis font encore peu dif- perfés : on en trouve un très-petit nombre en France, & nous ne connoiffons de lui que deux Tableaux, a Paris, chez M. de Gagnat. On voit une jolie Femme qui joue du Luth,
chez Mr van Süngelandt, Receveur général de la Hollande, a la Haye. Chez M. Fagel, une Bergere. Et chez M. Cauvverven , a Middelbourg ,
Sufanne avec les deux Vieillardst |
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HANS (Jean) GRAF,
ÉLEVE DE VAN ALEN.
JEan Graf naquit a Vienne en Autri-
che vers 1680. Jamais il ne fortit de fa Pa- trie, mais les lecons de van Alen, bon Pein- tre , la vue des Ouvrages des grands Artiftes, & enfin la nature qu'il a toujours fuivie, lui ont
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FlamandS) Allemands & Hollandois. ZIJ
ont fait produire de bons Tableaux : il fe plai- ■ foit a peindre des fujets de caprice, des places l °'
publiques, oii il repréfentoit une foule de peu- ple, des chevaux & d'autresanimaux, une bafle- cour, la boutique d'un Maréchal, &c. Tout eft bien groupé, deffiné & touche avec efprit. Son Maitre 1'aimoit fi tendrement, qu'il lui don- na fa belle-foeur en manage; il en eut un fils noramé Volpert, qui ne fit jamais de grands pro- grès. Graf eft mort a Vienne fa Patrie : nous ignorons en quelle année. |
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PIERRE STRUDEL,
ÊLEVE DE CARLO LOTHI.
T)Ierre Strudel a honoré par fes talens
•* Ie Tirol, oüil naquit a Khloes ou Cle\, dans 1'Evêché de Trente, en 1679 ou 1680. Etant encore jeune, il pafla a Venife, oü il eut Ie bonheur d'être recu dans l'Ecole de Carlo Lothi. Excité par fon amour pour notre Art, encoura- gé par des progrès fupérieurs a ceux de fes con- difciples, éclairé par les lecons de fon Maitre , il devint habile en peu d'années. Ses Ouvrages furent portés par-tout, & lui acquirent de la gloire & de la fortune. L'Empereur Léopold, qui 1'invita de venir a
fa Cour, Ie chargea du foin d'orner Ie cha- teau oü il réfidoit; il y fit un grand nombre d'Ouvrages, qui ont beaucoup {ouffert depuis les changemens qu'011 a faits a cette maifon royale.
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La Vie des Peintres, &c.
------royale. Sa Majefté fatisfaite des talens de Stru-
1680. dei, 1'honora du titre de Baron : diftin&ion
~----- bien flatteufe pour un Artifte, puifqu'il ne la
doit ordinairement qu'a lui-même. Strudei com-
pofa fucceffivement d'autres grands Tableaux pour décorer les Eglises de Saint Laurent, des Auguftins, &c. Il en fit deux pour Ie Monaftere de Klofter - Neubourg : il efl étonnant combien de grands Ouvrages on a vu fortir de fa main, pour avoir vécu fi peu d'années. Il mourut a Vienne en 1717, a 1'age de cinquante-fix ou cinquante-fept ans. Strudei avoit un beau génie; dans toutes fes
compofitions, on y voit briller eet efprit ori- ginal, qui n'emprunte rien des autres; il avoit étudié dans la grande Ecole cette marche noble & fcavante qu'il fait appercevoir dans tous fes Tableaux. Son deffein eft correft & fa couleur vigoureufe, quelquefois trop egale. Il repré- fentoit fupérieurement les enfans; il avoit étu- dié & fgavoit rendre la foupleffe dans cette na- ture naiffante qu'il colorio'tt agréablement. Parmi Ie nombre de fes productions qui fe
voient en Allemagne, on conferve dans la Col- leftion de 1'Eleóteur Palatin, cinq Tableaux, deux Bacchanales , un Ecce Homo, Saint Jean 1'Evangélifte & une fainte Familie. |
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JACQUES
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IACQUES
APPEL,
É L E V E
DE T1M0THÉE DE GRAEF.
VCQUES Appel naquitaAms-
rerdam Ie 29 Novembre 1680. Iffu Tune bonne familie , on ne négli- j;ea rien pour fa premiere éduca- tion , mais il donna fort jeune des marques de fon inclination pour la Peinture; avant même de fcavoir ce que c'é- toit, il deffinoit a la pluroe, il décoiipoit avec des cifeaux des petites figures, Sc des animaux qui
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1Ó80.
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220 La Vie des Peintres
qui fembloient être faits par quelque Deflina-
teur, tantil y mettoit de gout. Voila vraifembla- blement ce qui porta fes parens a Ie placer chez Ie Payfagifte habile Thimothée de Graef, qui en- feigna au jeune Eleve Ie Deffein. Ses progrès porterent de Graefk Ie vanter a David vander Plas, dont nous avons parlé. Sous ce nouveau Maitre, Appel redoubla fes
efforts; il marqua un gout décidé pour Ie Pay- fage. Les Ouvrages de Tempefïe lui parurent fu- périeurs a tout ce qui paroiffoita fesyeux; c'eft a ces marques süres que de Graef reconnut Ie genre auquel fon cher Eleve étoit voné: il Ie mena a la campagne, & il vit eet enfant deffiner des vues, des animaux avec beaucoup d'efprit. Ses effais applaudis augmenterent fa confiance & encore plus fon application. Il eut occafion de voir travailler Ie bon Payfagifte Meyring; il en profïta fi bien, que 1'on s'appercut, fur-tout dans fes loingtains, combien un Maitre eft d'un grand fecours a de jeunes gens, qui, commen- cant a étudier 3a nature, rencontrent des diffi- cultés dans 1'art de la repréfenter. Appel deve- nu Peintre de Portrait, & Payfagifte affezpaffa- ble, fe retira pendant deux ans a la campagne pour peindre toutes les vues en grand, & les objets en détail , il y réuffit au point qu'a dix- huit ans on Ie regarda comme un Maitre. Il parcourut les campagnes, toujours en les
deflïnant; il en fit de même aux environs de la Haye. Il eft furprenant combien il avoit multiplie Ie nombre de les études en auffi peu de temps. Ses parens 1'inviterent a retourner a Amfterdam, oü fes Ouvrages étoient connus, &
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Flamands, Allemands & Hollandois, 221
& dès en arrivant, on lui commanda plufieurs •-------
Payfages. M. Cliffort fut Ie premier qui 1'occu- 1680.
pa, & a fon exemple, les Curieux ouvrirent un champ très-étendu a la fortune du jeune Ar- tifte, qui fe maria a vingt-deux ans. Ce fut alors qu'il alla a Sarndam pour y
peindre les Portraits des principaux de la Ville; on lui ordonna auffi quelques Tableaux d'Hif- toire & des Payfages : il fut demandé encore aux environs, il fembloit que la fortune s'offroit a lui par-tout oü il portoit fes pas. Après trois années d'abfence, il retourna a Amfterdatn oü il forma une efpece de Manufaóhire de Peinture, a laquelle il ne faifoit que préfider; il avoit fous lui des Artiftes de toute efpece, des Payfagiftes, des Peintres de fleurs, d'animaux , &c. Auflï trouvoit-on chez lui auffi-töt des meubles d'Ap- partemens de Ville, de Campagne, de Jardin , &c. Appel fut toujours occupé a enrichir des
Sales & des Appartemens de Tableaux d'Hiftoi- res, de Payfages, de Figures imitant Ie marbre & la pierre; il en finit alors un grand nombre pour M. van Schuylenburg, Bourguemeftre d'Harlem , & de jolis Tableaux de cabinet pour M. Santvoort ; Ie Chateau de Méerenberg eft rempli de fes Ouvrages. Plufieurs Salons font décorés de fa main dans
1'Hótel de M. Berkenrode & de Mr» Verhammen & Baftaen; & des Ouvrages très-confidérables fe trouvent chez M« les Bourguemeftres Six & Oéeivlnh. Appel a travaillé jufqu'au dernier moment de
fa vie avec la même ardeur & avec la même vivacité.
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222 La Vie des Peintres
—' vivacité. Après avoir bien ióupé un foir, fans
1680. fentir aucune incommodité , on Ie trouva mort '""■■ , dans fon lit Ie lendemain 7 Mai 1751. C'eft un bon Payfagifte , qui mérite des
egards : il compofoit facilement & touchoit Ie feuillé de fes arbres avec vérité & variété, fa couleur eft agréable, parce qu'elle approche de la nature : bien inférieur a Btrghem, mais fu- périeur a bien des Payfagifles dont on fait cas. |
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N. V E R E L S T.
NOus ne devons pas manquer de paler de
M'ie Vérelfl, qui a illuftré fon nom pat fes Ouvrages. Elle eft niece de Simon Fére'ft, & nous la croyons née a Anvers 1'an 1680. Son cducation fut excellente , elle iouoit très-bien de tous les inftrumens, elle parloit & écrivoit en plufieurs langues. On nous raconte un trait de fa vie bien honorable pour elle , lorsqu'dle demeuroit a Londres chez fon oncle qui y étoit établi. Sa tante & un ami 1'accompagnerent a la Comédie : on la placa dans une des premières loges , oü il fe trouva fix Seigneurs Allemands, qui furent frapés de fa beauté & de fa modeftie: ils la louerent avec tant d'exagération , qu'elle fe crut forcée de leur dire en Allemand : >» Louer » avec tant d'excès une jeune perfonne en fa » préfence , c'eft expofer fa modeftie. Je vous » prie, Mefïïeurs, de vous fouvenir que nous » fommes foupconnées d'être foibles quand on » nous loue. » On lui demanda pardon , mais Oïl
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Flamands, Allemands & Hollandois. 223
on continua fur Ie même ton en langue Italien- _____ ne ; elle répondit en la même langue avec la 1680. même grace. Un des Seigneurs dit en Latin , -----■
ménageons la délicatefle de cette jeune perfonne
qui efi fi digne de nos éloges, &c. MIle Vérelfl après Tavoir écouté , répondit aufli en Latin : „ les hommes nous ont óté les honneurs & les di- „ gnités , pourquoi voudroient-ils encore nous „ priver d'une langue qui peut nous ouvrir 1'en- „ tree des Sciences, &c. „ Ces Meffieurs, plus enchantés que furpris,
garderent quelque temps Ie filence : enfuite Ie Comte * * * s'adreffant a elle, lui demanda , au nom d'eux tous, la permiffion de lui rendre leurs devoirs chez elle : elle dit, je fuis Pein- tre , je recois chez mon oncle tous ceux qui m'honorent de leurs vifites; c'eft un des devoirs de mon état. Dès Ie lendemain elle vit arriver ces Seigneurs,
qui ne purent cacher leur admiration pour fes Ouvrages ; ils fe firent peindre , fon pinceau les charma ; c'étoit pour eux une occafion de récompenfer Ie mérite : ils payerent Ie prix de leurs Portraits, mais ils lui firent des préfens bien plus confidérables , & publierent par-rout Ie fcavoir & les graces de Mlle Vérelft. Elle étoit recherchée dans les meilleures com-
pagnies ; mais elle aimoit fi peu la diffipation, qu'il falloit employer touces fortes de moyens pour la diftraire de fes travaux. Son Art feul avoit des charmes pour elle & pouvoit la fïxer; elle compofoit les fujets d'Hiftoire avec fageffe & efprit : tous les Amateurs de Londres s'en procurerent, il lui reflapeu de temps pour pein- dre |
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224 La ^e des Peintres
dre des Portraits en petit qui ont auffi Ie même
mérite ; nous ne connoiffons point les Ouvrages de cette aimable Artifte. Ses Confrères affurent que jamais femme Peintre n'a deffiné fes figures avec autant de corre&ion & de fineffe ; elle donnoit a toutes cette jnfteffe d'expreffion & cette nobleffe qui annoncent l'élévation de 1'ame de celui qui compofe. Tout ce que nous avons appris de certain, c'eft 1'accueil que les Ama- teurs font a fes Tableaux qui fe confervent dans Londres , & l'eftime qu'elle avoit acquife dans Ie monde par fa conduite & la douceur de fes moeurs. Nous ignorons Ie temps de fa mort que 1'on croit être arrivée a Londres. |
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N. C R E P Ü.
REPU a paffe une partie de fa vie a la
guerre en qualité de Lieutenant dans les troupes d'Efpagne. C'eft une chofe affez fingu- liere Sc même rare de voir que ce Peintre, fans Maitre , & fans prefque avoir vu travailler, foit devenu lui-même auffi habile en très-peu de temps : il quitta Ie lervice a 1'age de qua- rante ans. Il avoit peint par amufement dans les différenres garnifons & même lorfqu'il étoit campé ; il copioit la nature, &apprenoit d'elle a la repréfenter très-fidelemenr. Il s'établit a Anvers, & fe mit a peindre. Les
habiles Artiftes qui vivoient pour lors , ne pu- rent affez louer fes difpofitions. Quelques-uns furent bien plus étonnés de fa fupériorité fur eux :
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Plamands , Allemands & Hollandoir. £
feux : fes Tableaux furent portés par-tont, bien vendus & bien recherches : il quitta Anvers & 1680; alla demeurer a Bruxelles , oü il eut bien-töt des Oliv rages & des Eleves. Une avanture manqua de faire mourir de
peur eet ancien Officier : en fe retirant chez lui , après avoir paffe une partie de la nuit a boire avec quelques amis , il fe fentit faifir par les épaules ; il mit 1'épée a la main , fondit fur Ion ennemi qu'il renverfa par terre. La frayeur ayant diflipé les fumées du vin , il ap- procha du mort, & fut furpris de voir expirer un cerf au-lieu dun homme. Il Ie traina chez lui & Ie fit couper en pieces & faler. Le cerfap- privoifé avoit appartenu au Gouverneur qui aimoit fort eet animal. Aufli-töt qu'il apprit qu'il étoit perdu, il entra dans une fi grande colere , qu'il voulut faire punirtoiis fes gens. Il ordonna de faire une recherche exacle dans toute la Vil- le: recherche inutile ; fon Capitaine des ChafTes lui promit de Ie trouver , s il vouloit lui per- mettre de lacher fa meute. En effet, auffi tot que les chiens , en parcourant la Ville , appro- cherent de la maifon de Crcpu , ils y entrerent tous & y firent un bruit épouvantable. Notre Peintfe, qui f9avoit déja a qui avoit été Ie cerf, & qui connoiffoit la violence du Gouverneur, quitta palette & pinceaux , & fe fauva par fon grenier fur Ie toit des maifons & fe refugia chez un particulier , en lui di(ant qu'il avoit fait un meurtre ; il gagna un autre azile, oii il apprit que les ordres étoient donnés pour l'emmener mort 011 vif. Crépu croyoit déja voir la mort a fes cótés. Ses amis furent trouver Ie Gouver- 7tme IV. P neur
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xiS La Vit des Peintres
neUr & lui peignirent 1'innocence & Ia peut
du Peintre : il en rit beaucoup , & ü revoqua 1'ordre donné la veille , & fit dire a Cr^n-qu'il pouvoit revenir a Bruxelles, oh il continua de travailler , en effuyant de temps en temps de mauvaifes plaifantcries fur fa méprife,qui auroit été fort heureufe pour lui, fi eUe 1'eut guen de fa paffion pour Ie vin. Il eft mort d'une fievre violente, fans que 1'on fcache en quelle annee. 11 avoit époufé la fille de Pattli, Peintre en Mx- enature. .
Crépu eft un bon Peintre de fleurs , moins
■précieuxque van Huyfum, Mignon , de Heem, &c. mais il avoit 1'art de bien compofer fes Tableaux; il donnoit de la légereté a les fleurs: une crande facilité qui regne par-tout y ajoute un mérite bien remarqué par les Artiftes. Nous avons vu des Tableaux de ce Maïtre qui font eftimés en Flandre , & que 1'on connoit en France. |
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N- VANDER STR AËTEN-
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L
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E bon Payfagifte vander Strae'ten naquit
en Hollande vers 1'an 1680. Jamais génie |
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ne fut plus abondant , plus facile &c plus fait
pour furpaffer ceux qui avoient , comme lui, peint Ie Payfage. Il deffinoit fupérieurement fes etudes d'après nature au crayon noir & au crayon rouae ; mais fes exces dans la débauche & fa paflfon pour Ie vin firent perdre a eet Artifte ion talent, fa fortunc & fa réputation. Il paffa a |
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Flamands, Alleman ds & Hollandolf, it-f
Londres, oii il fut d'abord très-recherché : il ne pouvoit fuffire è fatisfaire les Curieux , Sc tout ce qu'il faifoit alors juftifie leur choix ; mais fes paflions augmenterent avec fes richefles , Sc Ie profit confidérable qu'il tiroit de fes talens , au-iieu de les augmenter , ne fervirent, par Ie nrauvais ufage qu'il en fit , qu'a les dégrader. Il ne rechercboit que ceux qui avoient la com- plaifance de boire a fes dépens , de louer fes exces, Sec. Bientót cette vie honteufe abforba fes efprits. Ses Üuvrages n'eurent de mérite que cette facilité qui m'eft agréable que lor(quJelle eft foutenus par Ie jugement & Ie ffavoir. On a vu eet Artifte peindre en un jour dix Tableaux; qui étonnent pour la variété. On y voit des Chütes d'eau, des Vues des Alpes, des Forêrs de fapins , &c. Ces débauches de génie ('e voyoient a Londres dans un Cabaret, oü les plus grands Seigneurs alloient admirer la plus heureuie fé- sondité , jointe a la plus grande pratique. Ce n'eft point pour ces derniers Ouvrages
que nous propofons eet Artiite pour modele & encore moins pour fon inconduite qui Ie rendit méprifable, & qui Ie fit mourir de mifere. Mais nous indiquons fes premiers Tablcaux com-« me des produdtions a imiter. |
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V x
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J E A N
VAN H U Y S U M *
ÉLEVE DE SON PERE
JUS TE VAN HUYSUM.
E Peintre illuftre dans fon genre
a furpaffé tous ceux qui ont peint, comme lui, des fleurs &c des fruits; fes Ouvrages excitent autant de furprife pour leur fïni que d'ad- miration pour leur vérite. fean van Huyfum naquit a Amfterdam, Ie 5 Avril 1682, de fufle van Huyfum , Peintre de fleurs , qui avoit fait de fa maifon unc efpece de Manufa&ure de Peinture , dans laquclle il |
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LaVïe des Veintres , &c'. $
empïoya fes fils , qui peignirent des vafes , des
deflus de portes, des paravans , &c. tout ce 1682» qui pouvoit fervir a orner des Appartemens , ^ÏZS* des Jardins , Perfpeftives, Payfages , Architec- ture , Figures , Fleurs , Animaux , tout y fut peint: on n'avoit qu'a entrer dans cette efpece de jnagafin pour fe meubler. fean van Huyfum , qui étoit 1'aïné de fes
freres , ne fit pas confifter fes talens a peindre vïte , & fon mérite a gagner de 1'argent, il fe propofoit pour objet la gloire & la perfeftion ; auffi acquit-il bien-tót une grande pratique , mais ce fut fur-tout lorfqu'il eut atteint la maturite de 1'age ; alors étant marie & plus maitre de fon temps & de fon gout, il fe livra tout en- tier a la paffion qu'il avoit pour la gloire, 8c par conféquent pour la perfeftion. Après avoir vu les Ouvrages de Mignon &
de tous ceux qui avoient excellé è repréfenter des Fleurs & des Fruits , il effaya de toutes les pratiques qui pouvoient Ie conduire a imiter Ia couleur & la légereté de chaque fleur , de cha- que feuille , & des fruits différens ; il ne tarda pas a étonner les Hollandois. Ceux mêmes qui avoient donné les fleurs choifies de leur jardin , convinrent que la nature perdoit de fon éclatau- près de 1'imitation. On citeunTableau de lui qu'il a peint dans fa jeuneffe en 1716 , pour un Cu- rieux que 1'on nomrae M. Galer. Tous ceux qui Ie virent furent dans la plus. grande furprife. Le Prince GuÜlaume de Heffe , qui faifoit recher- cher les plus beaux Tableaux pour fon Cabinet, ne put affez louer le mérite de ces fleurs : tous les Curieux de fleurs en procurerent au Pein- P 3 tre,
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2 JO Z>4 Vte des Pel»trgs
tre, qui les fcut embellir encore, Sc s'il eft per-
mis de Ie dire , ajouter a leur fraïcheur , a la
Jegereté de leurs feuiües celle que l'art lui avoit
apprife.
Ce fut au gout des Francois qu'il dut fa ré-
putation qui fut portee par tout. L'Envoyé de France , Ie Comte de MarvilU , acheta pour Jut deux Tableaux , & deux autres pour Ie Duc d'Orléans : on paya pour lors chaque Tableau douze eens florins d'Hollande : prix qui a en- core augmenté depuis. Il en fit quatre pour M. Walpolt, fix pour M. Vage , qui furent envoyés è Londres. Le Prince de Heffe en commanda plufieurs a des prix confidérables. Le Roi de Fologne , Ele&eur de Saxe, Ie Roi de Pruffe &c prefque tous les Princes d Allemagne , firent acheter des Tableaux de van Huyfum. Enfin on vit , dans deux Ventes publiques , expofer fix Tableaux de lui : le nombre ne fut pas nmfible aux prix de fes Ouvrages. M. de Reuver de Delft paya 1450 florins , pour celui qui repréfen- toit des fkws, & 100^ florins, toutargent d'Hol- lande , celui qui repréfentoit des Fruits ,• & d'au- tres plus petits furent achetés neuf eens , huit eens & fept eens florins : ce grand Peintre prou- ve bicn que 1'amour de la gloire & de la perfec- tion eft quelquefois récompenfé par la fortune. Le prix exceffif que van Huyjum recut de fes Tableaux lui fit redoubler fes foins &c fes recherches; perfonne ne fut admis dans fon atte- Üer quand il travailloit : on dit que fes freres en furent également privés ; il vouloit appa- yamment dérober au public fa facon de purifier fes couleurs ou de les employer: petiteffe è tops egards,
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Tlamands, 'jihemttnds & Hollandols'. ijf
igards : charlatanifme qui ne doit jamais être mis en ufage par les grands Artiftes ; aufli-ne 1682.. rapportons - nous ceci que d'après van Gooi , * Hiftorien Hollandois, qui dit encore que van Huyfum n'avoit jamais voulu d'autreEleve qu'une Demoifelle Haverman , qui égala affezfon Maï- tre pour lui infpirer de la jaloufie , & dont il n'auroit pu fe défaire , ü elle ne fe fut desho- norée par une foibleffe qui Ia forca de partir & de fe rendre a Paris 011 fes Ouvrages furent recherches, & qui lui mériterent, dit-on , une place a 1'Académie royale de Peinture : mais ce dernier fait n'efl point vrai, elle n'eut jamais 1'honneur d'être de 1'Académie. II paroït affez certain que van Huyfum , aigri
par des chagrins domeftiques , & fur-tout par la débauche de fon flls , devint ialoux , fauva- ge , fuyant Ie monde , qui 1'évita également 5c ne rechercha que fes beaux Tableaux ; tant de mérite excita 1'envie ; les uns répandirent Ie bruit que fes Ouvrages diminuoient en mérite , d'autres Ie difoient mort : ces fauflètés furent connues a la honte de ceux qui en étoient les auteurs. Van Huyfum mourut Ie 8 Février 1749. pufte van Huyfum , frere de notre Peintre , mourut a 1'age de vingt-deux ans , il peignoit des Batailles en grand & en petit avec une fa- cilité étonnante , fans modeles, tout de génie & avec gout. facqnes van Huyfum , autre frere mort k
Londres, oü il copia fi bien les Ouvrages de fon frere fean , qu'on y étoit trompé ; il vendit fes copies quarante & cinquante louisle couple , il f n compofoit lui-même d'après nature qui font P 4 recherches*
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2,3 2, La Vte des Veintret
recherches. Ses Tableaux augmenterent de prïx
comme ceux de fon frere.
Le troifieme frere de fean van Huyfum eft
encore vivant Sc d'une conduite eftimable. II enfeigne en Hollande le Deflein aux perfonnes de confidération. On convient affez généralement que notre
Peintre a furpaffé tous ceux qui ont peint des fleurs & des fniits : le foin qu'il prenoit a pu- rifier (es huiles pour préparer fes couleurs , &c les recherches qu'il a faites pour trouver les plus éclatantes & les plus folides , eft un autre mé- rite , dont la poftérité lui fcaura gré. Nous avons avec foin examiné les Tableaux de ce Maïtre , les uns finis , d'autres moins avances , & quel- ques-uns a peine ébauchés : c'eft d'après eet ordre que nous ofons effayer de développer fa pratique dans 1'opération. L'impreffion en blanc des fonds de fes pan-
neaux on de fes toiles étoit préparée avec le plus grand foin, & une pureté qui lui óta Ia crain- te de voir pouffer ou detruire les couleurs qu'il y appliquoit avec bien de la légereté ; excepté les clairs , il glacoit toutes les autres , & mê= me fes blancs , jufqu'a ce qu'il eüt trouvé le ton; c'eft par deffus cette préparation qu'il fi- niffoit les formes » les lurnieres, lesoinbres, les reflets ; tout y eft avec chaleur & précifion , fans féchereiïe & fans négligence ; Ie duvet s ie poli, le velouté , la tranlparence, & 1'éclat le plus vrai & le plus brillant, fe trouvent par- tout avec cette touche que la nature indique , & qui n'eft ni maniere ni hazard. Les vafes qu'il a feu habilement placer, & dans lefquels il po- foit
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Tlamands , Alleman ds & HolUndois. £35
jfoit fes fleurs , font encore d'après nature : les faas-rehefs , aufli finis que Ie refte , ne déparent 1682. point fes Tableaux , qui font la plupart bien ^SF1 compofes 6c d'une harmonie fcavante , de la lumiere & des ombres; on recherche beaucoup plus ceux qui ont des fonds clairs , parce qu'ils pnt plus d'écLit, ils font plus chers & ont coüté plus de peine a PAuteur ; il s'en trouve oü les fonds font bruns , fans être noirs , qui plaifent autant aux Arfiftes. On y trouve Ie même éclat, mais plus de force & d'harmonie; au refte , il y a un choix a faire dans fes Tableaux. Il s'en trouve de plus heureufement compofes & dans lefquels la lumiere eft plus ou moins bien réunie ; il avoit Padreffe de former fes groupes en forte que les fleurs les plus éclatantes tenoient Ie cen- tre , & il dégradoit par la couleur de chaque fleur depuis Ie centre jufqu'a Pextremité de fon groupe. Des nids d'oifeaux , leurs oeufs , les plumes , les infeftes , les papillons , les gouttes d'eau , tout eft avec la plus grande vérité, & fait illufion dans les Ouvrages. Aprèsavoir fait eet éloge, qu'il me foit per-
mis de dire que les fruits nous ont paru quel- quefois comme de Pivoire 011 de la eire : une touche plus süre auroit auffi annonce plus d'art. Ses études lavées ou deffinées font au même dégré de précifion & chérement vendues. On a vu payer a AmUcrdam mille trente-deux flo- rins pour quatre Payfa«es lavés & touches a la plume ; ajourez au talent de ce Peintre un avantage qui n'exiftoit pas du temps de Mtgnon & de Heem. Les Artiftes Hollandois n'avoient pas un chpix de modeles a copier, comme van
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134 ■£<* P"te des VeinMï
van Huyfum , qui vivoit du temps qne Ia Hol*
lande étoit en pofleffion des plus belles fleurs de 1'Europe que des Amateurs cultivoient & cultivent encore avec foin &. dépenfe. Circonf- tance heureufe pour un Pcintre qui a tant de befoin de voir la belle nature , quand il veut la repréfenter ! Nous avons parlé de van Huyfum comme du
premier Peintre de fleurs , il nous refte è. Ie faire connoïtre comme bon Payfagifte ; il eft moins connu en France par fes Payfages que par fes Fleurs. Ses Payfages font bien compo- fes. Sans avoir vu Rome , il en emploie fouvent des reftes de fes vues immenies qu'il a repré- fentées : on y trouve une couleur excellente ; chaque arbre a une touche propre pour fon feuillé : les plantes , les plans différens font tous diipofés avec jugement & avec gout. Les figu- res bien deffinées dans Ie gout de fai>cffe font très.finies & touchéesavec efprit.il femble en- core qu'il copioit Ja nature dans un pays chaud : les ciels ,-les lointains > les montagnes , les val- lées & Ie feuillage caraöérifent un climat tel que 1'Ita1 '••;. Les Curieux les recherchent en Hollande &. les paient fort cher. M. Tejias , Amateur , acheta dans la vente
du Peintre un petit Payfage pour Ie prix de deux eens cinq florins ; un autre petit en gri- faille , & heurté comme une eiquiflc , fut ven- du cent cinq florins. Les deux feuls Payfages avec figures que nous connoiflbns en France de van Hnyfum, font a Rouen, chez M. Marye , Secrétaire du Roi : ils font des plus fins de ce Makre. On voit a Paris, dans Ie Cabinet de M. |
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FUmands, Alïemmds & HolUndois. 13 f
de Troyer, deux Tableaiix en hauteur : 1'nn re- - préfente des Fleurs , & Pautre des Fruits , tous 1681.
deux du plus beau de ce Maïtre. Chez M. Blon- -p' , g del de dagny, deuxTableaux clairs, un de Fleurs & 1'autre de Fruits. Chez M. de la lyve defully , deux Tableaux Fleurs & Fruits. Chez M. Lem- pereur, ancien Echevin, deux beaux Tableaux , 1'tin de Fleurs & 1'autre de Fruits. Chez M. de fuüer.re , un Panier rempli de fleurs. Dans Ie Cabinet du Prince de Heffe , un Ta-
bleau de Fleurs. Chez M. Fagel, Greffier a Ia Haye, un beau
Payfage. Chez M. van He ter en , un Tableau fond clair avec des Fleurs; &uneCha/Teau cerfdans un beau Payfage. Chez M. Half-W*ffer,aer, un Tableau oü font des Fleurs. Chez M. van Bre~ ir.en , un Payfage joli. Chez M. Braamkjtmp , un Vafe par f. de (Vit, 6c les Fleurs par van Huyfum : un autre repréfente auffi des Fleurs ; des Fleurs dans un vafe de porcelaine ; des Fruits <lans une foücoupe & un joli Payfage avec des Figures. Chez M. Leen dei- de Neufviilé , un grand Tableau rempü de fleurs , très-capital. Et chez M. Luhbeling , un beau Vafe avec des Fleurs ; fon pendant, des Fleurs , des Fruits , un Nid d'oifeau avec les osufs, & un autre avec des Fleurs & des Fruits. Nous avons vu a la Haye , dans Ie Cabinet
de M. Lormier, mort en 1758 , dix Tableaux des plus confidérables Aeftan van h'uyfum. Six avec des Fruits & des Fleurs , & quatre Payfa- ges avec des Figures. |
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SEGRES-
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SEGRES-JACQUES
VAN HELMONT,
ÉLEVE DE SON P £ R E
JEAN VA N HE LM ONT,
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A familie de van Helmont eft dif-
tinguée dans les Sciences &t dans les Arts. fean-Baptifle van Hel- mont , Médecin, eft célebre par fes découvertes dans la Chymie. Matthieu van Helmont , natif de Bruxellcs , eft connu par fes jolis Tableaux qui repréfentent des Boutiques, des Chymiftes , des Marchés a l'Italienne. Scs Ouvrages recherches par
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1683.
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La Vie des Teintres, &ci yj
par Louis XIV, qui enrichit la France de tant
Chefs-d'oeuvres étrangers, en font 1'éloge. Ayant époulé MUe Roffiau , ils furent s'établir a Anvers , oii naqiiit Segres-Jacques vari Heimom Ie 17 Avril 1683. Il vint au monde avec une foiblefle de temperament qui a dure toute fa vie. Son pere fut fon Maïtre, & il eut la joie de voir fon fils déja habile a 1'age oü les autres ne font quecommencer; notre jeune Artifte perdit trop tot fon pere , mais des talens affurés par 1'é- tude & 1'affiduité Ie ramenerent a la nature & aux grands modeles. Il paroït aflez conftant qu'il n'a jamais forti de fon Pays; ce qui prouve que , quand on eft aflez heureux de voir la nature , telle qu'elle eft , fans y ajouter ce qui efl: maniere, & quand on eft aflez judicieux pour en faire un choix , on peut réufiïr par-tout. Les Ouvrages qui fortirent de fa main pu-
blierent fes talens. Il fut chargé de grandes en- treprifes. La Ville de Bruxelles, oü il fe retira, lui procura des occafions de fe fignaler. Tou- jours infirme , mais oubliant fes maux , ne les fentant pas même , quand il étoit échauffé par Ie trayail, 1'amour de fon Art & la grande appli- cation détruifirent infenfiblement fa fanté. II mouru't Ie 21 Aout 1726 , agé de quarante- trois ans quelques mois ; il laifla de fa femme MUe Cathenne vanden Driejfche , trois enfans , deux filles & un garc.on qui eft Prêtre. La Flandre a perdu en ce Peintre un homme
habile , qui compofoit fes Tableaux d'Hiftoire avec nobiefle & efprit ; fa marche eft belle , fa couleur efl aflez vraie, fon deffein correö: : eet Artifte tient un rang difHngué dans l'Ecole de
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j La Vie de f Peintre f
de Flandre, c'eft ce que nous allons jufllfiér paf
1683. quelques Ouvrages places en public. Le Portrait de ce Peintre fe voyoit è Paris j
dans le Cabinet de feu M. le Comte de Vence. A Bruxelles, dans 1'Eglife dé Sainte Gudule ,
dans le nombre des Tableaux qüi reprefentent la Profanation du Saint Sacrement, on en voit de van Helmont qui tiennent le premier rang. Dans 1'Eglife de la Madelaine , le Martyre de
Sainte Barbe , Tableau d'Autel. Dans 1'Eglife de Saint Nicolas, laCananéen-
ne aux pieds de Notre-Seigneur. Dans 1'Eglife des Carmes non Réformés , k
cóté du maïtre Autel, le Sacrifice d'Elie , grande & belle compofition ; & la Bulle Sabbatine au- deffus du petit portaih Le Peuple d'ffraël qui porte fes bijoux &£
fon or au Grand-Prêtre Aaron pour faire le Veau d'or. Ce grand Tableau fut fait a 1'occa- fion du Jubilé en 1710 & 1735 , on le voit k 1'Hótel-de-Ville. Cinq Tableaux : les fujets font prïs dans Ia
Vie de Saint Jofeph , ik font places dans la Sale du corps de Métier des Charpentiers. Dans la Sale de Saint Michel, le Triomphe
de David. Trois autrcs de la Vie du Patriarche Jacob }
dans la Sale des Epïciers. Dans celle des Mariniers, trois fujets tirés de
l'Ecriture. Chez les Merciers , deux Tableaux , 1'un Jo-
feph reconnu par fes Frercs, 1'autre tiré de la même Hiftoire. Six grands morceaux de 1'Hif- toire de Moyle , appartenans a ; rancois Leymers 5 il§. ont été exécutés en Tapiffcries,' Lê? |
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TUmands , jfltèmands & flollandoh
Le Baptëme de Clovis , grand Tableau au
maïtre Autel de la ParoifTe de Vambéké, entre 1683. Bruxelles & Aloft. *2£5f L'Enfant prodigue recu par fon pere : grand
fujet place dans le Chapitre de lAbbaye de Grimbergue, prèsde Bruxelles, & 1'lmmaculée Conception dans le même endroit. La Gene , placée au grand Autel de 1'Eglife
de Willebroeck , pres du Canal de Bruxelles, a Anvers. Dans la principale Eglife d'Ath, Sainte Anne ,
Tableau d'Autel. Dans le Cloitre des Carmes non Rcfofmss,
a Gand , Jefus-Chrift expirant fur la Croix. fi- gures plus grandes que nature. Les quatre Evangélifles, au Palais Epifcopal
a Ruremonde. Plufieurs Buftes dans Ia Bibliotheque de Dil-
lcghem , pres Bruxelles. Un Appartement entierement orné de Sujets
dans le gout de Teniers , au Chatcau de Catte- huys, pres de Vilvorde. On trouve encore dans fa familie le Portrait
du Peintre , celui de fa Femme ; la rencontre de Jacob & Rachel ; la Réconciliation d'Efaü avec Jacob ; la Miffion de Saint Jean pour bap- tifer & prêcher ; la Multiplication des Pains ; le Sacrifice d'Abraham ; la Sainte Vierge , Saint Jean 1'Evangélifte , tous deux a demi corps ; trois Buftes peints en pierre , des Enfans les ornent de guirlandes de fleurs qui font peintes par Morel ; ce même Morel a peint les fleurs dont plufieurs Génies vont entourer la Déeffe floret Ou conferve dans la même Maifon un Chymifle
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140 La Vie des Peintref
Chymifte dans fon Laboratoire , Tableau ca»
pital peint par Mattbieu van Hcimont.
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JEAN VAN BREDA,
ÉLEVE DE SON PERE
ALEXAND RE FAN BREDJ. TEan van B red a nSquit è Anvers Ie 19
Mars 1683,1! étoit fils d' Alexundre van Breda, jaon Payfagifte , qui a repréfenté très-bien les Vues d'Italie , des Places publiquês, des Mar- chés , des Foires ,avec des Figures & des Ani- maux. Excité par des le$ons, des fuccès &c 1'exem- ple d'une étude continuelle , il étudia fous fon pere jufqu'a 1'année 1701. La Colleöion la plus nombreufe Sc la
plus précieufe d'Anvers appartenoit a fac- cfues de Wit , qui faifoit Ie commerce de Ta> bleaux. Le jeune van Breda eut occafion de les voir. Les beaux Ouvrages de Bteugle de Velour 1'attacherent particuliercment : il n'eut point de repos qu'il n'obtïnt la permiffion d en ïaire des copies ; il y réuflit fi heureufement , que de Wit lui propofa de copier pour lui tous les Tableaux qu'il avoit en fa poffeffion ; c'étoit augmenter la fortune de de Wit, qui aura fans doute tiré parti de ces trompeufes copies. Van Breda fut neuf ans k étudier , & , pour ainii dire , a décompofer les Ouvrages de 'hreugle de Velour & ceux de Wouvvermans. S'il étoit pref- que impoffible de diftinguer fes eopies , bien- tot
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Tlamands? Allemands & HolUndois, 241
tot on cut la même peine a difèinguer fes imi- tations : fes Tableaux eurent de la vogue, Sc 1 firent fa fortune. Fan Breda , affuré de fa réputation en Angle-
terre , y paffe avecle Sculpteur Rysbrack^, il vit combien on y recherchoit fes Tableaux. Cet éncouragement redoubla fes études , fes foins a perfeclionner fa maniere & fon afliduité au tra- vail,' bien-töt les grands Seigneurs Ie vifiterent: il s'attacha entierement au Comte d'Harltvva- ter, qui chériflbit 1'Auteuf & fes Ouvrages. On fcait la fin malheureufc de ce Seigneur : ion atta» chement a la Maifon de Stuart Ie fit périr fur1 1'échafaiid en 1715. Van Breda, avoit été affi- duement voir ce Comte dans fa prifon , & la derniere fois qu'il Ie vifita , il recut de lui, pour marque d'eftime , une montre d'or a répétition de grand prix. Notre Artifte inconfolable de la mort de fon Bienfaiteur, ne voulut s'attacher a perfonae. Revenu a lui, il travailla de nou- veau , il fit plufieurs Tableaux pour Ie Roi ck pour les principaux de la Cour. Il ne put fuffi- re a tous ceux qui lui en demanderent. En 1723 , >I époulzCatberine Ryck^t Angloife, & en 172J il quitta ceRoyaume & üit s'etablir a Anvers^ chargé de gloire & de richefles. A peine fut il arrivé , que la Société acadé-
mique Ie choifit pour ion Chef. On Ie vit rem- plir cette place avec douceur & intelligence: tous ceux qui n'avoient pu obtcnir de les Ou- vrages s'en procurerent , mais en petit nombre , parce que les Hollandois , les Allemands , &c. en étoient avides , il eut beau les faire payer cher, il ne put empêcher qu'on ne les lui enlevat: Torn e IV. Q on |
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^ La Vie des Tehitres
on ne put guere s'affisrcr d'ur Tableau , a rnoïns!
* 3' de 1'avoir en fa pofleffion ; c'eft ainfi que vivoit —- honorablement notre Artifte chéri de ies Con- frères , vifité & confidéré des Grands. Jamais Breda n'eut plus de gloire qu'en 1745.
LorfqueleRoi LoH/'.f.AT'fit fon entree dans la Ville d'Anvers. Sa Majefté fit venir ce Pcintre , &c lui acheta quatre de fes Tableaux ; deux repré- (entant Notre-Seigneur prêchant fur les bords de la mer : Ie fecond , Notre-Seigneur faifant des miracles ; deux Paytages & des vues de rivieres ; on y voyoit une multitude de figureS ü bien dans la maniere de Breugle de l'elour , qu'il fera difficile dans qiielque temps de les dif- tinguer de ceux de ce Peintre , qui vivoit plus de cent ans avant cette époque. Le choix du Monar- que engagea le Prince de Clermont, le Prince de Soulnze , le Duc d'Havré , le Maréchal de Lovvendal & plufieiirs autres Seigneurs a ache- ter & payer honorablement des Tableaux de ce Maïtre. Le modefte van Breda , qui ne s'at- tendoit nullement a eet evenement glorieux , en fut fi ému , que de retour chez lui > il tom- ba malade & fut reduit a la derniere extrémité. Cependant il fe retablit bien-tót, & travailla tou- jours avec le même defir d'augmenter le nom- bre de fes jolis Tableaux & fa réputation; tou- jours tourmenté de la goutte ,'fa vie réglée &C laborieufe flnit le 19 Février 1750, a 1'age de foixante-treize ans. 11 laifla unefortune honnêtc a fon fils tran^ois van Breda , qui eft fon Eleve, & qui fuit fa maniere. Ce Peintre eft, lans contredit, celui quia ap-
proché des plus pres des deuxMaïtres qu'il avoir en
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Flamatndt, Alleman ds & tJollandoh. 24 j'
fen vue, Ie Breugle & JVouvvermans ; fes Pay- *> tude de h'gures repréfentant un trait de 1'Hif- '"5^^ toire facree 011 de 1'Hiftoire prophane , des Fê- tes ou des Foires , des Batailles ou des Atta- ques , &c. font dans la maniere de IVouvver- mans ; une très-bonne couleur , une touche fine & précife , des ciels , des lointains agréables & naturels , un bon gout de deffein ; mais difons tont, il lui manquoit cette pate & ce large fi précieuxdansnotre Hollandoi-.^» "Breda avoif. autant de feu dans fes compofitions & peut-être plus de génie , c'eft fur-tout dans fes Tableaux, qui font dans Ie gout de Breugle , que 1'on voit de joliesfigures, dont les groupes font bien pla- ces , les plans bien déterminés : chaque petite figure a fon cara£tere & occupe fa place ,• c'eft un bon Peintre , dont la réputation bien étabüe augmentera toujours ; fes Tableaux en grand nombrefont répandus dans 1'Europe: voiciceux que nous connoiffons. On voit k Rouen , chez M. Horutner , Né-
gociant , deux Batailles peintes fur bois , 6c chez 1'Auteur de eet Ouvrage , deux autres Ba» Éailles entierement dans la maniere de IVouwer* mans, ils font peints fur Ie cuivre. A la Have , chez M. van Heteren , un Pay-
fage , c'efl: un Bourg fur Ie bord d'une Riviere chargée de bateaux , de chariots , & une mul- titude de figures & d'animaux ; on voit dans un autre un Bourg & une Riviere avec figures , &c. & un Payfage avec un Canal chargé de Bateaux , &c. Chez M. Benjamin d'Acofta f deux Payfages avec figures , peints fur cuivre. Q * A
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244 L* e ,
, .1 M A Rotterdam > chez M. heers, deux Saifons 5
1683. dans un,l'Hyver, Sedans 1'autre, 1'Eté. Et chez
*',"'— M. Biffchop ds la même Ville, une Danfe a 1'en-
tour d'un mai, une Vue de 1'Efcaut, un Payfa-
ge avec des chariots & des figures , & trois
autres du même,
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HÉROMAN
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HÉROMAN ( Herman )
VANDER MYN,
ÊLEFE &ERNEST STUVEN.
j Ander Myn naquit è Amf-
terdam en 1684. Son pere , qui I étoit Prédicateur , deftina fon fils ; a la Chaire : il fit affez bien fes Hu- manités , mais il cmploya égale- ment ion temps a deffiner; enfin la Peinture 1'emporta fur les Lettres, on lui don- na pour Maitre Emeft Stuven , bon Peintre de Fleurs, mais d une conduite extravagante, com- me jious 1'ayons fait voir dans Ie 3= Tome , Q 3 page
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2.46 La Vu des Teintret
t page 371 L'EIeve s'appliqua fi bien a fon Art.J
1684. ^ue ^'on Prcvoyoit déja qu'il furpafferoit fon
■■■!■* Maïtre dans la reprélentation des fleurs &C des fruits. Quoiqu'on puiffe acquérir quelquefois line
grande gloire dans un petit genre, il eft toujours plus beau de fe diftinguer dans Ie grand. Pander Myn , peu fenfible a la gloire d'avoir réufli k peindre des fleurs & des fruits , parce qu'il en étoit affuré , eut encore la noble ambition de courir la carrière du Portrait & même de 1'Hif- toire ; il femble que cette noble ambition lui tint lieu de Maitre. On ignore du moins ce- lui qui conduifit fon pinceau avec tant de fuc- cès, qu'il fe fit remarquer dès fa jeunefle a la Cour de 1'Elefteur IK.latm avant 1716; cettc Cour étoit pour lors Ie rendcz vous des meil- leurs Artiftes, qui fe difperferent a la mort de ce Prince. Ce Peintre retourna <\ la Haye en 1717 , il
porta avec lui un Tableau , qui furprit les meil- leurs Artiftes , il repréfentoit Danaé : leslouan- ges que 1'on donna juftement a ce Tableau , fl- rent grand tort a TAuteur, parce qu'il régla Ie prix fur 1'iinpreffion que 1'ouvrage avoit paru faire , & cette fomme étoit fi exorbitante que perfonne n'ofa y penfer : In Tableau lui reita. Deux ans après on vit paroftre du même un fujet bien compolé & plein d'expreffions , c'efl Ammon qui vient de commettre un crime avec fa Sceur , & qui la renvoie. Un autre , Tha- mar qui trompe Juda : fujet traite avec beau- coup d'efprit & de réflexion. Le Payfage étoit ffi peint dans la grande perfe&ion. Ce défaut d'exige?
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Flamands, Allemands & Hollandois. 247
tPexiger trop d'argent de fes Ouvrages , tout-------
bons qu'ils étoient , 1'a fouvent reduit a la mi- 1684.
fere : on dit même qu'il fut forcé de les mettre "^ÜS?" en gage , & que ne pouvant les retirer au temps marqué , ils refterent entre les mains de ceux qui lui avoient prêté de 1'argent. Anvers étoit pour lors Ie lieu de fa demeure ; il fit un voyage de Paris en 1718 pour porterauDuc d'Orléans 9 Régent, quelques-uns de fes Tableaux. Le Prin- cecn fut très-fatisfait. Coypel, fon premier Pein- tre , ne diffimula point a vander Alyn , com- bien fes Tableaux lui avoient fait plaifir , Sc confeilla même au Prince d'en acheter. Notre Hollandois perdit encore une fois la tête, il mit fes,Ouvrages a fi grandprix, qu'on les lui lailfa: il manqua même de confidération pour Coypel, qui Pavoit préfenté au Régent , & qui lui avoit rendu tous les iervices d'un galant homme. Les Tableaux furent emballés & renvoyés en Flan- dre. Ilignoroit fansdoute que l'avarice dégrade le génie ; qu'un grand Artifte qui a de la fa- geffe ne manque jamais , & qu'un pen plus 011 un pen moins de bien difparoït toujoursa cótc de la gloire. Le plus beau Tabieau qu'il a fait dans fa vie , reprélentant Saint Pierre qui renie Notre-Seigneur, fut gaté par un clou qui s'étoit défaitde la Caiffe ; eet accident achevade ruiner enticrement vander Myn, De retour a Anvers, il fit les Portraits de la familie d'un riche An. glois nommé Bourrouchs. Ce Tableau étoit d'une grande beauté & luiattira l'amitié de eet Amateur > qui le mena avec toute fa familie en Angleterre. 11 fut auifi-tót chargé de faire les Portraits des principauxde ia Cour'de Londres; Q 4 14!
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4 ■£<* We des Peintre f
1684. 'c Portrait du Duc & de la Ducheffe de Chandoj
enpied, & grand comme nature, dans un même Tableau repréfentant 1'Attelier d'un Peintre, lui fut payé cinq eens guinées , c'eft une belle compolition , la Dameafllfedevantle chevalet, faifoit Ie Portrait de fon man; il eft bon de dire qu'elle peignoit réellement , & qu'elle aimoit beaucoup la Peinture ; il a fait un grand nombre de Portraits pour Ie Chevalier Page, cntr'autres celui du Chevalier qui defcend de fon Caroflc pour vifiter fa Mere qui eft repréfentée fur Ie premier plan, un Domeftique ouvre la portiere, &c Ce Sujet très-ingrat efl tres-bien traite: les Amateurs &: les Artiftes vanterent Ie mérite du Peintre ; déja accablé d'Ouvrage, il fut obligé de prendre une maifon fpacieufe qu'il loua deux mille florins par an ; fa Familie & ies domefti- ques montoient k vingt-deux perfonnes qu'il au- roit pu foutenir , s'il avoit eu de la conduite» Ileut Ie malheur de perdre fa femme qui lui laiffa fept enfans ; a peine Ie deuil fut-il fini, qu'il négocia un nouvel engagement avec une jeune Hollandoife qu'il envoya chercher avec often- ïation: fes enfans & fes amis s'y oppoferent, mais pour y réuflir , il trompa tout Ie monde , en faifant voir , par des faufletés , qu'il poffé- doit plus de richeffes qu'il n'en avoit efFeftive- jnenf , & dont il fut puni par la fuite , quand fes enfans lui demanderent leur légitime. Cc mariage inconfidéré lui attira Ie mépris
4e fes amis , qu'il augmenta enfuite par une con- duite folie & faftueufe qui Ie ruina & Tendetta, Une nouvelle niortification mit Ie comble a fa 4)fgrace:il venoit de peindre laPrinceffe deGal/es |
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Flamands, Allemmds & Hollandoisl 49
& fon frere Ie Duc de Cumberland, tous deux en pied & de grandeur naturelle, rien n'étoit plus 16S4. reffemblant & mieux peint: les acceflbires, les *^Z? étoffes, tont étoit richement orné & rendu a. faire illufion. Ce beau Tableau lui refta: les uns difent qu'il avoit exigé mille guinées : d'autres croient que fes ennemis 1'avoient perdu a la Cour. Il avoit encore peint d'autres Tableaux de familie hiftoriés, entr'autres un Concert bien compofé. Le Portrait de l.each , Rélident a Bru- xelles pendant bien des années , un Courier lui apporte un paquet de dépêches. Notre Peintre fut touiours bien payé , mais
fa prodigalité fut auffi infenfée que fon avidité fut honteufe. Cet homme infatiable d'or , le ré- pandoit a pleines mains : étant un jour invite è diner dans un Navire Hollandois, il prodigua , en fortant , une fomme immenfe , & il fit les mêmes folies en mille autres occafions. Ses en- fans étonnés de cette profufion, le croyant infi- niment plus riche qu'il ne 1'étoit , lui deman- derent le bien de leur mere qu il avoit encore eu la vanité d'exagérer ; il fatisfit è peine fes (snfans, & devint la proie de fes Créanciers. Le Prince d'Orange étant a Londres pour épou-
fer unePrinceöe d'Angleterre, vander Myn com- poia en homme d'elprit une Allegorie fur ce manage ; ce Tableau eft place en Hollande au Chatcau de Loo , & il ett généralement loué. Ce Peintre perdit fa deuxieme femme , de laqueüe jl avoit encore deux enfans. Tourraenté pour fes dettes, il quitfa Londres en 1756 , & vint avec deux de fes fils en Hollande ; il préfenta au Prince ÜOmnge quelques Portraits de la familie d'Anr
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des Teintres
d'Angieterre : Ie Prince Ie recut très-bïen & Ie? l protégeaouvertement.On rapporte qu'il en recut quinze eens florins de penfion par an. Il étoit encore temps pour vander Myn de rétablir fa fortune : mais un troifieme mariage qu'il fit , malgré les repréfentations de tous ceux qui lui voulurent du bien , combla fes malheurs ; il per- dit la proteöion du Prince d'Orange , ce qui l'o- bligea de retourneren Angleterre, oüil demeura avec (es enfans, il ne jouit pas long-temps de ce mariage , il mourut a Londres au mois de No- vembre 1741 , laiffant fa veuve & huit en- fans , dont fept font Peintres. Les défauts de eet Artifte étoient une vanité
exceflive ,une magnificence déplacée&c une avi- dité fordide. Il mourut fans bien , après en avoir gagné plus qu'aucun Artifte de fon temps. Il étoit tres laborieux , bon Peintre d'Hiftoire ; excel- lent pour Ie Portrait , & pour les Flcurs & les Fruits. Peu d'Artiftes ont réuffi comme lui dans ces différens genres. Ses Portraits reflemblans font colorics avec force & fans maniere, chaquemo- dele lui donnoit des tons différens : fes étoffes font a tromper 8c bien pliées , les fonds riches & pleins d'harmonie : il avoit des Artiftes pour 1'aider dans fes draperies , mais il repeignoit tout : fes Tableaux d'Hiftoire méritent d'être loués, ils font moins bien coloriés , la carna- tion eft quelquefois rougeatre , fouvent grife, fon deffein eft peu f<javant , mais affez corred pour laiffer voir qu'il ne faifoit rien fans la na- ture. Les Tableaux de fleurs que nous avons de lui font touches avec légereté & avec bien de reelat & de la véritc. Nous ne connoiffons point d'Ou-
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Tlamands , Allemmds & HolUndoif. 151
d'Ouvrages de ce Maïtre en France :voici les plus contius après ceux que nous avons cités. On voit chez M. Half-Waffenaer, a la Haye ,
un beau Tableau d'Hiftoire repréfentant Notre- Seigneur qui marche fur la mer. A Amfterdam , chez M. 'Bmamkamp , une Co-
quette habillée en fatin blanc; une Bergere bien ajuftée ; une jolie Brune ; un Homme habillé è 1'Angloife , avec une jeune Fille ; une autre jo- lie Brune. Chez M. Lc'enders de Neufvtlle, deux Portraits , un Homme & une Femme. Chez 1 Eleüeur Palatin , un Enfant entouré
de fleurs, il tient un perroquet furfa maingau- che ; un beau Tableau de Fleurs,' un autre En- fant avec des fleurs. |
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N VAN KESSEL-
NVanKessel, neveu de Ferdinand van
.Kejfel.cü originaire d'une familie qui a don- ré a la Peinture un grand nombre dhabiles Artif- tes. II lesauroit peut- êtrefousfurpafféss'il ne s'é- toit livré trop a la crapule , il erl: certain qu'i en juger par quelques-uns de fes Tableaux dans Ie gout de ccnx de Teniers , il auroit égalé ce Maitre. Une facilité de deflinêr tont d'après na- ture , fit valoir a tout ce qui fortoit de fa main Ie prix qu'il en demandoit. Il fut a. Paris oü il deffina encore , & ne put affez deflinêr pour répondre au gout des Amateurs , fes petits Ta- bleau v, clans lefquels ilrepréfentoit des Payfans , leurs Fêtcs , leur Ménage, &i tout ce qu'il avoit re-i
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H | La Vie des feintres , &c'.
1684. remarqué dans la vie des Villageois. Il gagna
— beaucoup d'argent, & s'il avoit été toujours aufli affidu & aufli modéré dans fes paffions , il au- roit été un des plus grands Peintres, comme il eft un des Dcffinateurs les plus diftingués , mais Ie vin éteint promptement Ie génie , comme nous 1'avons fait remarquer plufieursfois. Ses defleins font dans Ie gout de ceux de la lage , il y regne un efprit & un caraftere furprenant. L'argent qu'il avoit apporté de Paris fut dé-
penfé & difperfé a Anvers : il finit alors par époufer une femme qui aimoit tous fes défauts, parce qu'elle les avoit. Ferdtnand van Kejfel , ion oncle , étant mort a Breda , notre Peintre y tranfporta tout fon ménage : il hérita de tous les biens de fon oncle & d'une belle Collec- tionde Tableaux, d'ungrand nombre d'Efquiffes des Maltres Hollandois, & de beaucoup de Def- feins & de Jlecueils complets en Eftampes d'I- talie, de France , &c. Van Kejfel, encore une fois enrichi, méprifa
Ie genre de Teniers , il voulut faire Ie Portrait; il en fit effe&ivement de ridicules , 1'on fe mo- qua de lui ; il reprit fon train de vie avec tant d'extravagance qu'il tomba de nouveau dans la mifere. On ne nous apprend point fa mort. Nous Ie citons pour fes premiers Ouvrages qui ont un vrai mérite , & pour fes Deffeins qui ont de la finefle, de 1'efprit & la plus grande liberté. |
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BALTHAZAR
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B ALTH AZAR
D E N N E R>
Amais 1'Artn'apoufle plus loiti
1'imitation de la nature dans fes dé- 168 tails &l'extrêmefinides têtes que Ie Peintre dont nous allons parier. Bdtbd'^ar £>«7»<>rnaquita Ham- bonrg Ie 15 Novembre 1685 de facob Denner, Miniftre des Minoriftes pendant foixante ans a Altena , & de Cathenne Wiebe , qui virent avec douleur languir leur enfant des fuites d'une chüte. Continuellement affis ou cou- ehé , les amufemens de 1'enfance ne Ie tou- choient pas autant que celui de copier des ima- |
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154 LdVte dei Veintrei
*~~ ges ou d'autres petites eftampes: il oublioit fort
\' mal quand il deffinoit. Il eut d'abord pour Maïtre Ie meilleur Pein-
tre d'Altena ; il pafla enfuite dans 1'Ecole d'un autre aDantzik: ce fut celui-ci qui lui enfeigna a peindre ; il Ie quitta & ne fit plus que copier tous les bons Tableaux qu'il put obtenir. 11 paroït que fes parens ne comptoient pas
affez fur fes progrès , tont rapides qu'ils ftiflent j pour fonder fur eux 1'efpérance de fa fortune. lis lui fïrent quitter en 1701 l'attelier du Peintre pour Ie comptoir. U apprit Ie Commerce chez lm oncle , riche Négociant de Hambourg ; mais en rempliflant fes devoirs avec exa£Htude , il confacroit fes loifirs au Deflein & a la Pein- ture. Il fut envoyé a Berlin en 1707 , 011 Ie Roi
tredene II avoit raffemblé les meilleurs Artif- tes. Penner faifit cette occafion pour copier les plus beaux Tableaux , il deffina afliduement d'a- près Ie modele vivant. Son amour pour notre Art fut fecondé par fes talens : les Artiftes lui confeillerent d'abandonner Ie Commerce pour un Art qui lui étoit naturel; leurs avis s'accordant avec fes inclinations , ils furent bien-tót écoutés. En 1708 il quitta Ie Commerce & embrafla la Peinture 1'année iuivante : il peignit en migna- ture Ie Duc Chrétien Augufte , Adminiftrateur d'Holftein-Gottorp S>C la PrincefTe fa foeur. 11 avoit fi bien réuffi qu'on 1'invita d'aller aGottorp, oü il peignit dans un feul Tableau vingt-un Por- traits de cette familie illuftre , auxquels il ajou- ta auffi Ie fien. Ce Tableau frapa tellement Ie Czar Pierre Ie Grand , lorfqu'il fit ld conquête du
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FUmands j Allemmnds & Hollandois. 2, f <f
3u Holftein , qu'il voulut 1'enlever pour fatis- faire fa curiofité ; mais ce Monarque s'en dé- tacha , lorfqu'il apprit que Ie Duc &£ fa familie verroient avec peine emporter un Ouvrage li précieux. Denner époufa en 17(2 Mlle Eflher Winter ,
ifïiie d'une très-bonne familie , dont il eut fïx enfans. Cette femme aimable a fuivi fon mari dans les difFérens voyages qu'il a faits. Il peignit alors trédérk IV', Roi de Danemarck. La Prin- cefle de Slefvvick,, MaïtrefTe de ce Monarque , invita Denner d'aller a Huffum : il y peignit plufieurs fois fon Portrait& ceux des principaux Seigneurs de fa Cour ; retourné a Hambourg , il fit Ie Portrait du Prince Menficof, qui lui donna cent ducats lorfqu'il vit la tête n'nie. La Pefte qui fit des ravages dans fa Ville, Ie
retint une année entiere a la Campagne ; cepen- dant il fit un voyage a Amfterdam & k Lon- dres, oü il ne refta que peu de temps, mais affez pour y laifTer de fes Ouvrages. En 1717 , Ie Roi de Danemarck Pappella a HuJJum , il y fit plus de vingt Portraits de ce Monarque ; il ne put refufer Ie Roi qui Ie mena a Copenhague , oü il refta dix mois : voyage tres - lucratif & très-honorable ; on voulut l'y tixer , mais il s'en excufa par 1'attachement qu'il avoit pour fa fa- milie. La Duchefle de Wolfembutel Ie fit demander
k fa Cour en 1710 : il y peignit plufieurs fois cette PrincefTe ; de-la appeilé a Hanovre , il fit les Portraits de quelques Milords Sc de Dames: on Ie détermina au voyage de Londres, oü il arriva 1'année fuivante j il ƒ porta une Tête de vieille
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i 5 6 La Vie des Teititref
*------ vieille femme , qui a fait 1'admiratlon du Che«
168 5. valier vanuer Werffy, de 1'Amateur tlinck^ Lorf-
^555?" que Denner paffe a Rotterdam pour fe rendre en Angleterre, toute cette Nation rendit juftice è fes talens , en em^loyant fon pinceau : on vint Voir cette Tête de Vieille , on en offrit cinq eens guinées, qu'il refufa ; 1'Empereur Charles VI en donna depuis cinq mille huit eens foixante* quinze florins ; celui qui fut chargé de la lui pré- fenter , eut 1'honneur de baifer la main de Sa Majefté qui garda ü foigneufement ce Tableau , qu'il n'y avoit que lui feul qui eut la clef de 1'en- droit oü elle étoit renfermée. Il obtint dans la fuite Ie pendant de cette Vieille que Denner fit pour Ie même prix. Après avoir beaucoup tra- vaillé a Londres , il retourna , a la priere de fes parens & de fes amis, a Hambourg. Ce fut la que Ie Cömte de Staremberg, Envoyé de 1'Em- pereur , lui demanda , au nom de fon Maitre ,- Ie pendant de la Vieille , dont il a été parlé , &C quelque-temps après il envoya a Sa Majefté une Tête de Vieillard, dans laquelle eft raflemblé tout ee que la vieilleffe peut offrir de remarquable. Ce font deux Chefs-d'oeuvre de ce Maïtre. Notre Artifle retourna a Londres, & manqua
de périr dans Ie trajet; il y fut recu, avec la plus grande joie, des Grands & des Artiftes ; il fit nombre de Portraits 8c flnit la Tête deftinée pour 1'Empereur, qui fit 1'admiration de tout Ie mon- de , il la remit au Baron de Palm , fon Envoyé , & quitta Londres, parce qu'il ne put fuppor- ter 1'odeur du charbon de terre. Arrivé a Ham- bourg , fa réputation bien établie par-tout Ie fit appelier en 172,9 a la Cour de Blankenburg, 011 ü
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Flamands , Allemands & Hollandoic.
il peignit le Duc & la Ducheffe. L fut a Drefde, , ^ .
oü il fit le Portrait du Roi de Pologne qui lui ' " '^ paya cinq eens ducats ; il céda au Monarque une ou deux têtes de fa main. Enfin, fatigué de cette vie errante , il alla a
Amfterdam , & après une année d'abfence , il fe rendit a Hambourg, bien déterminé a ne plus faire de longs voyages. Le Roi de Danemarck Chrétien Vj, étant a Altena en 1734, fe fit peindre par Denner, qui fut aBrunfwic, & s'en- gagea de faire un Tableau pour la Galene de ce Prince , qu'il envoya depuis, & qui fut recu avec admiration & richement payé. L'année fui- vante il fit les Portraits du Duc Chrétien Louis de Meklenbourg & de fa familie. Le Duc Ferdi- nand Albrecht deBrunfvvic avoit pris jour pour fe faire peindre, la mortl'enlexa dans le même temps , au grand regret de fa Cour. Denner y fit les Portraits de quelques Seigneurs, & fe rendit a fa patrie. Le Roi de Danemarck étant encore a Altena
avec la Princeffe Sophie-Charlotte fa foenr, Den- ner fit le Portrait de la Princefïe & d'autres Sei- gneurs. Le Roi lui offrit une penfion confidéra- ble , pour qu'il allat s'établir a Copenhague; il s'excufa comme par !e paffe : il avoit effedive- ment, deux ans auparavant, loué une maifon a Amfterdam , oü il fe rendit pour y demeurer & pour neplus voyager:maisaprèsy avoirdemeuré trois ans & demi fort occupé, il retourna a Ham- bourg. A peine fut-il arrivé que le Duc d'Hol- ftein-Gottorp , Grand-Duc de Ruffie , 1'appella a Kiel, oü il peignit deux fois ce Prince en grand & en pied : on en a fait depuis nombre de co- Tome IV. R pies |
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SjS Za Vie des Peintr&S
—----pies pour envoyer dans les Cours de ï'Eurt>pe:
16 ")• les Portraits qu'il fit a Ploën du Duc & de fa
—— familie lui mériterent Ie plus grand accueil. L'Impératnce de Ruffie lui fit offrir de Ie dé-
frayer de fon voyage , s'il vouloit fe rendre a fa Cour, & mille diicats pour fon Portrait. Ce grand voyage 1'efFraya , lui qui étoit accoutu- mé a fe tranfporter par-tont facilement, ne put fe réfoudre apartir: il voyoit cependant une fortune certaine ; il céda a fes craintes , & il re- fufa Thonneur que cette Princeffe lui faifoit. Il peignit , dans Ie temps de ce refus, Ie Roi de Suede, pour lors a Hambourg, & 1'année fui- vante, 1'Eleöeur de Cologne ca petit & en grand. Le Duc de Pioen , en paffant par Hambourg, fit auffl faire fon Portrait. Il fut encore a Brunfwic pour y peindre la
Doiuiriere du Duc Augujie-Guillaume fcchel^ïl en fit phüïeurs d'après cette Princeffe & d'après la Duchefle de W'oljembutel & d'autres perfonnes de diftinction : il fut il bien rcc^i dans cette Cour, qu'il fe détermina a s'y rendre pour s'y fixer. 11 retourna dans cette intention a Hambourg , & pret a partir , la mort 1'enleva le 14 Avril 1747. Nous confulérons eet Artille comme le pre- mier qui ait fc.11 peindre une tête avec le plus grand fini : fon expreffion eit vive & naturelle, fa couleur & fa touche fans maniere , fans gêne, fans roideur : Tharmonie eft réfléchie & copiée, maïs il eft médiocre Deffinateur en tout, excep- téfes têtes : il compofoit fans gout, fans princi- pes : fes draperies font médiocres, fans forme de plis & fans vérité. C'eft toujours un homme uni- que, mais que nous ne propoferons jamais pour modele:
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Flamands, Allemands & Hollandout
modele : il a cependant fait des Portraits dans __ la maniere cle Jtiembnint, a s'y méprendre. (■ tels que Ie fien & celui de fa femme , 1'on croa ^ y voir Ie fang circuler , & 1'on appercoit jus- qu'aux pores de la peau ; unemaniere plus libre fuppofe plus d'art, & tient moins de la peine qui eft toujours une marque de pen de genie. Nous ajoutons aux Tableaux nommés un petit nom- bre qui nous font connus. ChezM. Lormier, a la Haye, deux Têtes j
un Vieillard & une Vieille, peints fur cuivre : atitre Vieillard affis, avec des mains, peint fur toile. Et chez M. Léenders de Neufville, a Amfter-»
dam , un Hermite aufli d'un beau fini. |
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WINCESLAS-LAURENT
REINER,
Éleve de son Pere
J 0 S E P H REINER. WInceslas-Laurent Reiner na-
*^ quit dans la Ville neuve de Prague en 1686, fils de Jofeph Reiner^Sculpteur médiocre, qui fut d'abord ion Maitre; ce fut chez fon On- cle Diftillateur & Marchand de Tableaux qu'il commenca a faire quelques progrès. Etant obli- gé de travailler a des Defleins & des Copies pour Ie Commerce de fon oncle , ces effais n'auroient R 2 que
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I6o La Vie des Peïntreï
que peu aidé a Ie former , fi les bons Peintresi
Halvvachs & Brandel, amis de la maifon , ne s'étoient portés a encourager les ta'.ens du jeune Eleve : il profita beaucoup de leurs confeils, maïs 1'ufage de Prague, encore trop fuivi dans d'autres Villes , lui fit perdre bien du temps; il falloit paffer trois ans fous quelque Maitre Peintre, pour acquérir Ie droit de 1'être : ufage tyrannique qui ne peut fervir qu'a décourager les Eleves cu perpétuer parmi eux Ie mauvais gout. Les Princes les plus éclairés aujourd'hui ont fubftitué fagement a eet ufage les établiffe- mens des Académies, dont la direÖion eft con- fiée a des Maitres habiles , & d'une fageffe re- connue , qui ont la générofité d'offnr a leurs Eleves de bons modelcs & 1'heureux don de leur infpirer de rémulation par des prix & d'autres diftin&ions. Le jeune Reiner, après avoir joué trois ans
Ie role d'Apprentif chez un barboiiilleur nommé Schvveiger, devint a la fin libre & fe livra tout entier a fon Art. Ce génie heureux, fans être jamais forti de fa Patrie, parvint a la célé- brité dans différens genres , tels que THiftoire a Thuile } a Fraifque, le Payfage & les Ratailles; il auroit pu réullir & même exceller en beau- coup d'autres , tant il avoit étudié a fond toutes lesregles de fon Art. Reiner voulut voir Vienne : les beaux Arts
protégés par la Cour furent fon principal objet: il s'y maria & revint dans fa Patrie pour y fatis- faire le gout des Amateurs : il compofa d'abord plufieurs fujets qu'il exécuta a Gaeminq, dans la Chartreufe; on affure qu'il a peint une Eglife a
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Flamands, 'Allemands & Ilóllandois', 161
a Breflau. Continuellement occupé, toujours p
eftimé pour fes talens & fes moeurs , il fut fin- K _ gulierement regretté a fa mort, qui arriva en -----
I743 ; fes funérailles fe firent avec diftinftion ;
il fut enterré dans 1'Eglife de Saint Gilles de Prague. Les compofitions font abondantes dans les Ti-
bleaux de ce Peintre : fon defiein & fa couleur lui ont mérité de grands éloges ; fon Payfage eft colorié & touche avec vigueur & vérité : les figures & les animaux, dans fes Bataüles & (es Payfages , font affez dans la maniere de Pierre van Bloemen. Le Roi Ausvfle de Pologne a fait placer les
Tableaux de Reiner dans fa fuperbe Galerie. Le Comte de Brulh, fon Miniftre, poflede plufieurs de fes Ouvrages. |
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R3 JACQUES
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._ _
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JACQUES
DE R O O R E,
É L E V E
DE VAN OPSTAL.
A.CQUES DE ROORE naquit
a Anvers Ie 20 Juillet 1686. Il per- dit fon pere étant fort jeune : fa mereleplaca aux Ecoles latines: Ie deffein occupa autant fes mo- mens que les principes d'une lan- gue qu'il n'apprenoit qu'a regret. 11 parvint a la fin a obtenir un Maitre , & il quitca Ie Col- lége ; il avoit des partifans de fon gout qui Ie fou-
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La Vie des Peintres, &C. 263
foutenoient dans fon projet auprès de fa mere.
Elle étoit du bon Peintre Thierry vander Haege\ elle avoit encore fon frere & fon neven, tous Peintres : on ne doit pas être étonné fi de Roore aimoit eet Art, & s'il pouvoit compter fur les fecours néceffaires a fon avancement. Louis vanden Bofck lui enfeigna pendant deux ans , & clcpuis, vander Schoor lui montra a peindre. - La mort de Ia mere de notre Eleve interrom-
pit fes études : fes Tuteurs Ie forcerent de quit- ter la Peinture pour apprendre l'Orfevrcrie, tnais il ne perdit jamais de vue fon Art favori : fes parens Ie voyant toujours occupé du Deffein & de la Peinture , Fabandoniierent a fon gout. Abraham Génoelshü donna van Opftal pour
nouveau Maitre: les Tableaux des meilleurs Artiftes furent copiés. I! avan^a fi bien que ce- lui-ci Ie jugea digne de faire la copie de Saint Chriiïophe de Rubens pour la Cour de France. De Kooerh fit entierement, au poinr que van Op/lal en fut furpris & ne fit que retoucher lé- gerement quelques endroits. Alors de Roore fe retira chez lui, suivit la
nature en tout: il furprit par fes jolis Tableaux , compofés tantót dans Ie gout de van Orley , & tantot dans celui de Teniers. On lui paya ceux- ci trois eens florins Ie couple. A 1'age de dix- neuf ans, il fut recu dans Ie corps des Peintres d'Anvers ; quoiqu'affidu au travail , il ne pou- voit fuffire a la quantité de Tableaux qu'on lui demandoit. L'envie de voir Pltalie lui fit tout quitter ; il
trouva 1'occafion d'y aller avec Ie jeune van R 4 Lint
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264 La Vie des Peintres
•—-— L:nt qui y avoitdéja demeuré, & qui parloitla
1686. langue Italienne : mais n'ayant que vingt trois 1==^ ans , il ne put forcer fon Tuteur a lui rendre fes comptes: eet obftacle arrêta de Roore , qui regretta en tout ttmps de n'avoir pas vu Rome. A 1'age de vingt-cinq ans, il peignit en fociété avec van öpjtal plufieurs Tableaux, qui ont tous paffe dans les difFéientes Cours d Allema- gne, & dans Ie mêmetemps, Ie Plafond de la Tréfoiie, a 1'Hötel-de-ville d'Anvers: trois au- tres Plafonds & un quatrieme pour la Ville de Louvain. Ces grands Ouvrages lui firent un nom diftingué, ce qui détermina M. Zvveerts en 17OO d'inviter de Roore a venir chez lui; il y aila : fon début futun Plafond & une Sale entiere; il fit anffi les Efquiffes des principaux évenemens de 1 hiltoire de Bacchus pour M. Pickvat, a Rot- terdam. La mort de fa femme Ie rappella a An- vers : il y rég'.a fes affaires & retourna s'établir a Aniilerdam, il y paffa une année, ainfi qu'a Fotterdam, &rlt un voyage a la Haye en 1722, il y j)eignit un Plafond pourM. Fièrens, Avocat, & pour MIS Poot & Musketticr: a Leyde , deux Saions ornés de Tableaux d'Hiftoire, dans 1'un il a repréfenté lesfujets intéréflans du Pa/lor Fi- do , dans 1'autre, i'Hiftoire d'Achilles, & dans Ie Plafond , TApothéofe de ce Héros. L'envie de revoir Anvers Ie ramena dans fa
patrie en 1728. Il fut accueilli avec diftinótion. M. Dubois lui commanda deux Tableaux, &c 1'Amiral dei Campo, trois: fon affiduitéau vail nerempêchoit point de voir & de culriver fes amis. Il retourna encore a la Haye, oü Tan- née suivante il peignit deux Plafonds pour Ie Receveur
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Flamands, Allemands & Hollanctois.
Receveur des Rentes d'Anvers. Ces grands Ou--------
vrages furent mêlés de pluficurs Tableaux de j68ó.
chevalet. M. Fagel obtint de lui un Tableau bien ■ connu depuis , c'eft Ie Siége du Capitoie par Brennus. En 1740, on vit fortirdefamain quatre grands
Tableaux de l'Hiftoire de Pandore , Ie Plafond de cette Sale a vingt-huit pieds fur dix-huit,& eft compofé de pres de cent figures : on y voit Pandore au Confeil des Dieux ; lescompoütions furent faites pourM. Hajfelaer, Echevin d'Ainf- terdam. Il fitencore un nombre de Tabkaux de chevalet, qui ne manquerent pas de plaire & d'être bien vendus : il avoit encore un autre ta- lent qui l'enrichit beaucoup, c'étoit celui c!e mettre en état des Tableaux anciens, de les raccommoder ou de les aggrandir. On ne pou- voit diftinguer ce qu'il avoit ajouté de fa main: on nous cite cinq Tableaux appartenans a M. van Slin^elandt,quïétoicnt tïllondekoeter, dans lefquels il eil , dit-on, impoffible de reconnot- tre les parties rapportées. Un autre objet,qui a augmenté la fortune
de de Roore,ce fut Ie commerce de Tableaux qu'il a faits pendant quelque temps en fociété avec M. tioet, fils de Guerard Hoet, dont il a été parlé. Notre Peintre , étant devenu infïrme pendant quelque temps , mourut Ie 17 Juil- let 1747,agé de foixante-un ans;il avoit été marie en fecondes nóces, mais fa femme étoit morte avant lui: fa fucceilion a paffe a des ne- veux & des nieces. La Vente de fes Tableaux & deceux de fon cabinet futfaite Ie quatre Sep- tembre de la même année, & elle monta a trente
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2.66 La Vie des Peintres
.------trente rriüe flörins d'Holiande : Je rapporte Ces
1686. petits details pour faire voir combien il faut
être fur les gardes, quand on confulte les Hif- toriens. Van Gooi, qui a écrit cetre Vie, eft, comme dans ia plupart des autres, prefque tou- jours en contradiöion avec lui-même. A Ten- tendre, de Roore a peu travailié , il femble qu'il ait été des années fans rien faire ; & il cite un grand nombre d'Ouvrages que nous avons en- core abrégés; tantót il donne a entendre qu'il conlommoit dans Toifivetéce qu'il avoit an;affé en rtavaillant: tantöt il ala bonté de Tem iel ir, apparenmient dans des momens de bonne hu- meur. Nous ne releverons point d'autres mé- prif'es fur la Vie de eet Artifte , les particulari- tcs qu'il a rapportées font fauffes , nous en avons des prtuv.s. De Ronrs avoit c!u génie : fes compofitionsen
Hiitoire ('ent tien penfées & abondantes ,il lui tnanquoit ci'a\ oir vu Rome pour luidonner plus de fineffe c-ans Ie Deffein , quoiqu'il ne loit pas d.; rrauva;s g^ut, parce qu'il confultoit la na- ture. Sa couleur eit généralement bonne , fes Tableat:x de ch:va!et ont été plus précieux a la fin , parce qu'il avoit appris (d'après les beaux Tab'eaux qu'i! ent occafion de voir) aéviterle ton de la palette. Ses tointes font plus locales, il compofoit ficiiement , avec choix & avec ftnti.r:ent : f« exoreffions font vraies & don- nent une preuve de fon efprit. Après ia mort, il lahTa quelques-uns de fes
nieilieur? Tcibieaux a cits amis qu'il nomina fes executeurs teiiamentaires. A M. de Wan&élaër, a Leyden , un beau Ta- bleau |
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Flamands, Allcmands & Hollandois. l€"J
bleau repréfentant Antoine qui donne Ie Diadc- - me a Cézar , au milieu d'une Place publique, j a Rome. " Jéroboam puni pour avoir adoré les faux
Dieux : a M. Jfannaer, a la Haye. Et celui oii Cézar fut déïfié dans k champ de
Mars: un des meilleurs de notre Artifte appar- tenoit a fa foeur quidemeuroit a Courtray. On voit encore chez M. Fagel, a la Haye,
Ie fujet qui repréfente la prife de Rome : & chez M. Versfchuuring, deux Tableaux. Ce font des Bacchantes &des Satyres. |
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J E A N - A B E L
W ASSENBERG,
ÊLEVE DE JEAN VAN DIEREN.
YV/' Assenberg naquit a Groningue Ie-------
^ 18 Février 1689, nis de Jean Waffenberg, t68q.
Avocat, qui fit placer fon fils au College, & lui fit apprendre a defilner, dans fes momens de loifir. Les exercices des Humanités & dn Deffein ne devroient pas être fé[>arés , fur-rout quand les jeunes gens paroiffent avoir des difpo- fitions fuffifantes , 1'un peut les délafl'er de 1'au- tre ; & quand ils renoncent aux Etudes , Ie Deffein devient leur reffource pour embraffer les autres Arts. WaJJenbeift fcut par gout & par devoir remplir
deux exercices avec Ie même fuccès, après avoir defliné
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268 La Vie des Peintres
deiliné quelque temps, il commenc,a a peindre.'
NOUveau plaifir , qui augmenta lorsqu'il vit acheter affez cher fes Copies. Il abandonna fes études pour fe livrer entierement au talent qu'il aima bien davantage, quand il Ie vit cou- ronner par les fuccès; il ne quitta fon Maitre, Jean van Dieren, que lorfqu'il époufa en 1712 Mlle Jeanne van Oijen. Rotterdam lui parut plus propre a Ie fïxer. Sa douceur lui piocura des amis, & fur-tout Ie Chevalier vander Werj, qui 1'aida de fes confeils. Sa grande application & fon afliduité a fuivre fon Maitre Ie rendirent bien ■ tot très-habile; il fit voir qu'il ne s'étoit ex- patrié que pour slnltruire , car il retourna peu de temps après chez lui: on vit avec plaifir, com- bien ce voyage avoit augmenté fon mérite: on Ie chargea de grands Ouvrages ; divers Plafonds & Salons, entourés de fes Tableaux d'Hiftoire & de Portraits très-reffemblans & bien coloriés lui procurerent 1'honneur de peindre Ie Prince ü O range & prefque toutes les Dames de fa Cour : il fit au/Ii ceux des Bourguemeftres Go- ckinga & Boitenius, & celui duConnétable Trip, & de bien d'autres perfonnes du premier rang: il peignit auffi dans Ie mème temps la Coupole de rhótel de M. Sichtermans. Toujours infatigable au travail , ces grands
Ouvrages furent mêlés de petits Tableaux pré- cieufement finis, qu'il fit avec la plus grande fineffe. On nous vante de fon bon temps une Naifiance de Jefus-Chrift 5 un autre de Jefus- Chrift encore Enfant. Ces Tableaux de Cabinet égalent en fini ceux des Maitres qui n'ont jamais tra-
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Flamands, Allemands & Hollandois'. l6g
travaillé que dans ce genre. Il femble que eet
Artifte avoit rorce la nature par fes veilles & fon affiduité. Il fuccomba : une maladie Ie frapa tout-a-coup; il mourut Ie 17 Juillet 1750 , agé de foixante ans. Il laiffa fa veuve & trois enfans , deux filles & un garcon. FJi\abeth, Genrude & fon frere avancent a grands pas fur les traces de leur pere & donnent de grandes efpérances. Nous ne connoiflbns pas les Ouvrages de eet
Artifte. Ceux qui les connoiffent les louent beau- coup. |
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FRAN^OIS - PAUL FERG,
ÉLEVE D'ORIENT.
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Ferg naquit a Vienne
en Autriche Ie 2 Mai 1689. Pancrace f erg fon pere étoit un Peintre médiocre & aflez peu connoiffeur pour confier fon fils au nommé Baf- chueber, qui ne pouvoit Ie difputer qu'a lui feul en ignorance. Le jeune Eleve eut ia patience & Ie malheur de paffer quatre années dans cette Ecole. Enfin fon pere ouvrit les yeux & rap- pella fon Hls chez lui, il 1'engagca a compofer 1'Hiftoire ; les Eftampes de Calot, de le Clerc furent fes délices , il les copia & les étudia avec foin ; mais on lui fit remarquer que ces. petites figures étoient peu propres a fon avancement , qu'ilfalloir, avant tont, étudier en grand. Hans- Graf, Peintre habile a Vienne ,• fut fon Maitre pour
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2yO La Vie des Pcintres
' ' ' pour la Figure, mais il lui préféra Oriënt, grand
I6öy. iJay('agill:e , chez iequel il fe logea & reita trois " tante, & par la difpofition la plus heureuie , lui mérita l'eltime de fes Maitres & des Amateurs, qui ne purent Ie fixer dans fa patrie. L'envie de voyager 1'ernporta , il quitta Vienne Ie 18 Oc- tobre 1718 : il reila quelque temps dans la Franconie ; la Cour de Bamberg , fur-tout, lui procura des Amateurs diftingués, il y acquit de la gloire & des richelTes. Le Payfagilte Alexan- dre l hiéle, enchanté de rencontrer Bergk Leip- fic, Tengagea a demeurer chez lui a Drelde ; il peignit des figures dans les Tableaux du Payfa- gifle , qui en augmentent le prix. Il refta encore quelque temps dans la bafle
Saxe , d'oü il paffa a Londres , ou ies talens furent également eftimés ; un mariage incon- iidéré répandit lur le refte de les jours une infortune qu'il ne put furmonter par ion affi- duité au travaü. Des malheurs domeftiques le forcerent d'abord de diminiier le prix de ies Ouvrages : ce difcrédit augmenta avec fes be- foins, & il fut tel que eet Artiite , dont les Tableaux s'étoient jufqu'alors vendus cher, fe vit forcé de les donner au plus bas prix ; il fut accablé par fes créanciers qifil évita tant qu'il put, en cachant ia demeure, tantót dans un quartier de la Ville , tantot dans un autre. La mort feule fcut le découvrir & le délivrer d'une vie fi malheureufe & fi peu mérirée. On rap- porte qu'il fut trouvé mort devant fa maifon , fi exténué de froid & de mifere, qu'il n'avoit pu ouvrir fa porte , ce fut en 1740. Ce
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Flamands, Allcmands & Hollandois, VJ\
CePeintre repréfentoit comme Bcrghem &
Wouwermans, les Fêtes agréables des campa- ' gnes, les Travaux des Villageois: il ornoit fes —s Payfages de ruines; d'Ardute&ure du meüleur choix; la pierre & Ie marbre y étoient diftinc- tement repréfentés, fans féchereffe & fans froi- deur, Son gout de colorier, dans fes premières années, tenoit de la vigueur & de la force des Maitres dltalie. Quand il les quitta & qu'il con- tinua de confulter la nature,il abandonna la préjugé de 1'imitation de maniere, & ne iiiivit plus que lavéritable, qui eft plus clairc & plus vague. Sa couleur eft bonne, & fa touche fa- cile, fes compofitions font d'un homme d'efprit, chaque figure intéreffe dans fes Payfages; il defrmoit bien, mais fes chevanx n'ont pas la fl- nefl'e de ceux de JVouvvermans, qui connoiffoit & rendoit parfaitement la foupiefTe qui doit marquer les infertions & les emboitemens des mufcles & des os. Quant aux Ouvrages de Fzrct, 1'Allemagne
& 1'Angleterre les conicrvent & les eftiment. Heureux ü les derniers avoient procuré un fort plus favorable a eet Artifte , dont ils chériffent Jes talens après fa morr. Il ne faut pas oublier que F^r^gravoit a 1'eau-
forte avec beaucoup d'intelligence : les épreuves de fes planches font recherchées & eftiméeSi On voit a la Haye, chez M. Fafrcl, deux
jolss Tableaux : ce font des vues du Rhin. |
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HENRIETTH
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HENRIETTE
W O L T E R S,
ÉLEVE DE SON PERE
TIIÉODORE VAN PÉE. Enriette "Wolters a fait
beaucoup d'honneiir a la Ville d'Amfterdam, oü elle naquit Ie 5 Décembre 1692, de Théodore van Pée,&. de Cornelie van Baf- feveld. Dès 1'age de fept ans, elle donna des mar-
ques du plus grand defir d'apprendre Ie Def- fein : les refus 1'attrifterent, & c'eft précifément ce
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flamands j Altemands & HoUandoht 'vjjf
fee que demandoit fon pere , qui mit alors tous fes foins a lui montrer Ie Deflein. Parvenue a 1'age oü il faut plus que de la theorie , elle fe procura la connoiffance des meilleurs Artiftes : c'étoient autant de Maitres qui veillerent a fon avancement; oh lui apporta des Deffeins, des Tableaux , mais uris copie qu'elle fit dapres Jidrun vanden Felde , montra Combien elle étoit avancée , & combien elle devoit donner d'efpé- ir«nce. Il lui tomba dans les mains une Mignature
de Chriftopbe Ie Blond. Ce joli morceau la flatta tellement, qu'elle ne fut point tranquilie jufqu'a ce que let Blond fut appcllé pour lui donner des lecons. Il refufa d'abord , mais il s'y porta vo- lontiers, & même avec plaifir , quand elle lui montra fes Ouvrages. Son étonnement auamen- ta , lorfqu'il vit les progres dans Ie temps qu'il ne lui avoit , pour ainü dire , qu'ébauché Ja pratique. Déja en éfat d'aller feulc, elle copia d'après
les grands Maitres ; elle fut agréablement fur- prife , quand elle vit des Bijoutiers orner des fcraffelets & d'autres bijoux de fes copies. Elle copia un Portrait d'après van Dyck,, un Saint Sébaftien d'après Ie même : on ne peut appro- clier de plus pres des deux origina'.ix, même cor- ï-eftion de deffein , même couleur & la même touche dans une grandeur bien différente. Ces fuccès mirent Ie comble a fa gloire : les Artiftes & les Amateurs publierent par-tout la beauté de ces deux Mignatures. Toujours occupée de fon Art j elle crut pon-
yoir effayer de copier la nature. Les premier» Tome IV. S d<?
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274 !<<* F** des Peintres
de la Ville fe crurent honorés de fon pinceau*
1692.. Le Czar Pierre le Grand, ponr lors a Amfter- ~^ dam , fut la voir , & ne put cacher fa furprife; il voulut engager cette fille illuftre de le fuiyre a fa Cour , lui offrit une peniïon de fix mille florins d'Hollande , fans ce qu'clle auroit gagné a peindre ceux qui ie préfenteroient; elle re- fuia poliment : mais forcée de donner qiielqnes raifons clle répondit qu'clle ne pouvoit quitter ja patne , que fa Religion & fes masurs ne lui permettoient pas de vivre au milieu da tourbil- lon & de l'ejcUvage de la Cour. Cette réponfe, plus que philofophique , frapa le Czar & ang-< menta fon eftime ; il lui fit peindre trois Prin- ceffes de fa fuite ; il fe feroit fait peindre auffi , mais il ne put fe réfoudre a refter le temps qu'elle exÏ2;eoit pour finir une tête ; elle demandoit ordinairement vingt féances, a deux heures cha- cune.
Les talens & les charmes iïHcnriette attire-
rent pres d'elle une f'oule d'amans qui la deman- derent en manage. Htrman Wohers , qui avoit été Eleve de van Pee , fut affez heureux pour être préféré ; il époufa notre Artifte en 1719. Ce fut dans ce temps qu'il lui arriva une avan- ture facheufe a bicn des egards, fean Gutllaume^, Elefteur Palatin , fit mille inftances pour obtenir un morceau de fa main ; elle en acheva un , dans lequel elle mit tout l'art dont elle étoit capable; ce morceau fut confié a un Négociant qui répandit dans le public qu'on l'avoit volé dans la Voiture , elle en eut du chagrin ; mais reprenant courage , elle mit une fecondefois la main au pinceau, 6c quoiqu'elle travaillat diffi- cilement
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Fkmands , Al\emAnd.s & Hollandoisl 2,75
dlement , Ie defir d'être eftimée d'un Pri.nce-------
auflï connoiffeur , lui fït encore peindre un au- 1692,.
tre Tableau : fon. Ouvrage étoit prefque fini , -^JF lorfqu'elle eut la douleur d'apprendre la mort d'un Prince qui fera toujours regretté des Ar« tiftes. Ayant fait trois Portraits du Comts de Lot-
turn , ils furent préfentés au Roi de Pruffe Fré- déric Guiilaume. Ce Prince fut furpris & de la reflemblance & de I'art avec lcquel ils étoient rendus. Dans un voyage qu'il fit en Hollande , il alla incognito vjfiter celle dont les talens lui faifoient tant de plaifir. Son étonnement augmenta , en parcourant de fes yeux les diffé- fens Ouvrages qu'elle avoit dans les mains. I! lui dit , » qu'il étoit très-bien avec Ie Roi de » Pruffe , & qu'il fe flattoit de lui faire avoir » une forte penfion ; qu'elle feroit affiirée de n 1'eflime de toute la Cour , & que fa fortune » feroit plus certaine qu'avec les Négocians » d'Amflerdam. Elle répondit froidement & » avec franchife: « Ma Patrie m'eft trop chere & trop agréa-i
» ble pour la facrifier au defir d'une vaine ^loi» » re, & fttr 1'efpérance d'une fortune incertaine. » J'ai d'ailleiirs une grande vénération pour les w Négociansd'Amfterdam,quipaientmieuxque
» les Gens de la Cour. » Le Roi furpris de cette réponiè l'aflura qu'elle
n'auroit paslieu d'être mécontente, qu'elle pou- voit effayer, & qu'il la défrayeroit de tout. » Je n'irai jamais a ia Cour de Prufle, (dit-
» elle,) fi j'avois voulu quitter , j'aurois choifi » la Cour de Londres & celle de Vienne oi« |
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Ij 6 La Vie des Teinheï
m
1691. » point un Gouvernement defpotique , 011 les » hommes font efclaves & forcés au fervice » militaire ; elleajouta qu'un pareil Gouverne- » ment ne pouvoit plaire a des gens bien nés » auffi libres que les Hollandois ; que d'ailleurs » fon mari 6c ellc étoient trop fimples pour en » faire des courtifans: que la vérité & la liber- » té étant bannies de la Cour , elle chérifloit » tfop I'une & i'autre pour habitcr un Pays dont »> clles étoient exclues. » Le Roi ne diminna point de fon eftitne pour
Mde Wolters. Sa fincérité donna de Tinquiétude a fon mari , qui avoit toujours été préfent , & qui avoit plufieurs fois fait figne a fa femme de fe modérer ; mais elle n'y avoit fait aucune attention. lis apprirent , auffi-toÉ que le Roi fut forti, qu'il étoit arrivé a Amf- terdam &C qu'il gardoit ^incognito; il fut encore voir deux fois celle dont il aimoittant les Ouvra- ges : ellc le reent également bien , fans donner a connoïtre qu'ellc foupconnat que cc fut lui ? ellc fut feulement plus circonfpcftc dans la con- verfation. Le Roi partit fans fc faire pcindre ^ fautedetemps. On vit de fuite fortir de fa main les Portraits
du Baron de Vos , Seigneur Saxon , des deus Bourguemefl-Yesd'Amltcrdam , JHajfeiaèr&C Ren- dorp , & destrois freres Santyn ; celui de 1'Ama- teur Tonnemans , &£ du Peintre Jacquet de Wit, du Bourguemeftre d'Harlemt-<j» Zypeftcyn^d'Ar- nold de Kaat & de ion époufe: la lifle feroit trop longue , s'il falloit citer tous les Etrangers ÓC ceux de la Hollande dont elle a fait les Portraits. |
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It'hmands, Alleman fa & tiollandolt. 177
ïüle fe faifoit payer , en commenc,ant, foixante florins, enfuite cent vingt Si jufqu'a deux eens & quatre eens florins. Elte pafla une année a la J-laye a peindre les perfonnes les plus diftinguées, & ellc retourna a Amftcrdam pour y vivre tran- quillement. Elle fit vendre tous les Tablcaux dont fon mari faifoit Ie commerce : Elle n'eut point d'enfans : ayant affez de fortune pour vi- vre commodément, elle n'eut point Pambition de chercher a Paugmenter ; ils fe mirenl en pen. fion pour n'être point dillraits par les foins d'utt ménage. Elle choifit u Harlem un quartier oh elle pouvoit vivre entourée d'Artiftes 6c d'Ama- teurs , qui Peftimcrent autant pour fa douceuf. & fon efprit que pour les grands talens. Au milieu de cc repos, dont ellc a joui trop
peu , elle eut quelques infirmités , qui finirent par une chaleur dans la gorge , dont elle mou- rut Ie 3 Oftobre 1741 , a peine agée de qua- rante-neuf ans.Cette femme célebre a été chan- tée par les meilleurs Poëtes de fon temps. L'éloge , que les Artiftes donnent a fes Ou-»
vrages , eft que tout ce qu'elle a peint en mi- gnature , cft d'un précieux fini , d'un deflein correft , avec la force &C la vigueur des Tar; bleaux peinls a 1'huile. |
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ADRIEM
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2.78 La Vie des feintrer
ADRIEN VANDER BURG l
É L E V E
L'ARNOLD HOVBRAKEN.
V Ander Burg naquit a Dordrecht en
1693. Arnold Houbraken fut fon Maïtre jufqu'a ce qu'il put lui-même lire dans la nature & apprendre d'elle 1'art de la repréfenter, fans fe laiffer entraïner par des manieres qui la défï- gurent phitöt que de 1'embellir. Déja bien inftruit par fon Maïtre , il retourna chez lui, on Ie re- chercha par-tout pour fe faire peindre. A 1'art de faire reffembler, il ajoutoit des agrémens. Ce furent ces fuccès qui engagerent Ie jeune Duc d'' Aremberg a 1'appeller a Bruxelles pour fe faire peindre par lui; diflinftion flatteufe pour vander Burg , parce que cette Ville &c Anvers avoient pour lors des Artiftes qui avoient du mérite. Son Ouvrage fini avec gloire , il retourna
chez lui , il y trouva toujours Ie même gout pour fes Ouvrages. Les Adminiftrateurs de 1'Hö- pital des Orphelins fe firent tous peindre dans Ie même Tableau pour Ie placer dans une de leurs Sales. Les Dire&eurs de la monnoie , au nombre de dix-fept , en firent faire de même. Ce Tableau occupe Ie premier rang parmi ceux qui font dans Ie même endroit. Vander "Burg avoit encore Ie talent de faire
$e joljis Tableaux dans Ie gout de Miéris &c de
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Flamdtidx, Allemtinds & Hollandoisi jy
He Metz.u. En voici deux dans ce genre bien connus , 1'un repréfente un Marchand de petits poiffons appellés Crevettes : Cet hom- me vent embraffer une jeune fille qui eft pres de lui. Ce Tableau eft connu fous Ie nom KAry 'Buurman, ou, Eh ! Voifin ; Tautre repréfente une jeune Femme ivre , fujet trop libre. Ces deux Tableaux furent faits pour un M. vander LU, Amateur diftingué qui aimoit les Ouvrages de ce Peintre. On les voit aujourd'hui dans Ie ca- binet de M. Bijfchop , a Rotterdam , Amateur trcs-connu que nous avons fouvent occafion de citer. ,x Cet Artifte recherche par fes talens , les dé-
grada dans la compagnie de ceux qui dépenfent leur bien & leur temps dans 1'oifiveté & dans Ie vin ; il ne peignoit, pour ainfi dire , que dans Ie belbin , il négügea fa mailon , ion talent & fes Elevcs: cette vie, qui n'eft jamais fans exces , lui abréga fes jours , il mourut Ie 30 Mai 1733 » a peine agé de quarante ans. Cet Artifte avoit une belle fac.on pour pein-
dre Ie Portrait, une fonte fans peiner & fans fati- guer fa couleur naturelle & vraie ; fa touche large & facile aide aux formes qui ont l'air d'être nég'.iaées , mais font arrêtées avec une finefle furprenante ! fes Tableaux de Cabinet font entierement dans Ie gout de ceux de fon Maitre , finis avec la plus grande propreté: on regrette qu'il en ait fi peu fait, ils fe foutien- nent a cóté de cenx qui ont Ie premier rang «lans ce genre agréable. |
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S 4 GUERARD
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BUERARD
MELDERE
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El der naquit a Amfterdam Ie
17 Avril 1693. Il ctoit fils ds Cor-> lld&kü\d4
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Melder, célebre dans 1'Art de for?
tifier les Places de guerre , & bierj, connu par deux Oi'vrages publiés en 1658 & en 1664. Ceft aux defleins de for» grand-pere que les Amateurs doivent les bons Ouvrages de notre Artifte. Ayant perdu ior. pere h 1'age de fix ans, fa uiere vit eet enfant , eu ibrtant des Ecolcs, négliger les amuiemcns de (ön agepour deffiner j, elle lui proeura les moyens |
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La Vie des feintres * '&cl 281
#.e fatïsfaire fon gout. Enfin il finit paracqué-
rir les Livres Sc les Eftampes qui pouvoient fervir a fon pfojet. Il fit lui feul des progrès qui intéreflTerent les bons Maïtres , & qui lui valurentdes modeles &: des lecons : ilcommen- ^a a peindre a 1'huile, & ce qu'il y a de fingu- lier pour lui , c'efl: que eet effai fut recherche & payé affez cher : un encouragement de cette efpece m lui donna point d'orgueil , mais ne fervit qu'a lui faire écouter plus attentivcment les avis que les Amateurs lui donnerent: on lui fit entendre que la Mignature traitée par un hom- ine de génie lui affureroit fa fortune , que les Artiftes dans ce genre étoient rares & bien re- cherches. Alors Melder eopia ce qu'il put trouver de
plus précieux dans ce genre, &c en peu de temps il réuffit k imiter fur 1'Ivoire , fur Ie Vélin tout ce qui 1'intéreffoit. Un nommé Wilkins apporta d'Italie plufieiirs Mignatures de la Rujalba. Mel- der les acheta toutes , il en tira un doublé avan- tage , elles fervirent a former fa belle maniere & a lui procurer un profit confidérable ; il vit acheter fes copies auffi cher que les originaux', tant il approchoit de fes modeles. Il entreprit alors de copier les Tableaux de Rotenhamer , de vander Werf , &c. II compofa des allégories & des fujets hiftoriques , avec Ie même fu:cès. Ses Ouvrages furent enlevé^ a grand p rix- II fit un mariage confidérable avec Mllc Margue- rite van Schalkyiiyk^de Velden ; cette fortine ne diminua point 1'amour de fon Art, mais lui don- yia Ie temps de Ie perfeöionner & de mieux jfhoifir les fujets. Il fit un grand nombre de Por tit
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18 z La Vle des Veintres, &e2
t traits: on cite ceux du jeune Prince de
1693. Dourla:b , du Prince de Heffe Philipsdhal , des
^5*y principaux de la Cour , &c. Les fujets de fa
compofition flirent toujours traites avec préfé-
rence , & recherches pour la délicateffe & pour
1'efprit.
Ses Payfages avec des Figures , fes Deffeins
lavés légerement furent enlevés par les Ama- teurs M[S Val\enier Sc Witfen , Echevins d'Amf- terdam , par Mts Bijfchop & Schuttde Rotter- dam , & de Trcvor , Envoyé d'Angleterre. Le Roi Augufie de Pologne lui fit peindrc plufienrs Mignatures qui font placées dans la riche Col- lecTion de ce Prince. Melder afluré de fa réputation & de fa for-
tune ne s'occupa plus que de 1'éducation de ion fils; il choifit Utrecht pour le former plus com- modément a fon gout pour les études , il s'y fixa en 1735. On nous allure que eet Artifte y eft mort, fans qu'on fcache en quelle année ; quoi- qu'il en foit, on nous cite les principaux Ama< teurs de cette Ville qui poffedent une grande partie des Ouvrages , tant en Mignature qu'en Deffeins, qu'ils ont pu obtenir de Melder; les principaux font MIS le Bourguemeftre de Reuver, van Manjveld , Wagtendorp & vander Waey. Melder eft un des premiers dans fon genre :
fineffe de deffein, compofitionsingénieufes, vraie & belle couleur ; voila le mérite de fes Ouvra- ges. Il peignoit bien en email , mais il évita cette pratique, dans la crainte que le feu ne nuisït è fa vue. |
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JACQUES
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J A C Q U E S
DE WIT.
Ê L E V E
DE JACQI/ES VAN HAL.
A Hollande vient de perdre Ie meil- *
leur des Peintres d'Hiftoire qu'el- l695- Ie ait produit dans cefiecle , c'efl "^^ Jacquet de Wit, né è Amfterdam en 1695. Dès fon enfance il de- manda a être Peintre , & la Peinture fut, pour ainfi dire, fon premier inftinct, & fon premier fentiment ; il ent pour MaJtre Alben Spiers , qui faifoit Ie Portrait k 1'aae de treize ans, n |
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4 La Fie des Peiatret
II fut envoyé a Anvers chez fon oncle , Mar-
chand de vin en gros , Amateur lui-même Se poffefTeurd'un richc Cabinet de Tableaux. Ce fut pour fon neven un moyen für de devenir ha- pile. Son oncle lui donna pour Maïtre facques van Hal, Peintre d'Hiftoire. Deux années clans cette Ecole lui fuffirent pour
fe livrer tout entier a 1'étudc de la nature ; fon oncle lui avoit procuré la permiffion de copier &C de voir tous les principaux Ouvrages de Ru' hens , de van Dyck^, <kc. Toujours Ie premier & Ie dernier a deffiner a 1'Académic , il obtint en 1713 Ie premier prix d'après b modcle vi- vant, & lq premier prix de Peinturc au juge- ment de la même Academie. Ces deux prix furent des garans afïurés de fa fupériorité future fur tous ceux de fon pays. Ce fut dans cc temps qu'il deffina trente-fix Plafonds des Jcfukes , par Rubens & van VycK,, que Ie Tonnerre a détruits en 1719. Si tant de morceaux précieux ne font pas per»
dus entierement pour Ie public , il en eft rede- vable au dcfir que cc jeune Artifte avoit de s'inrtruire, puifqu'onagravé les deffeins, & que plufieurs font déja entre les mains des Amateurs. Il étoit fi occupé de fon Art , qu'il ne voulut prefque frequenter que ceux qui lui en parloient ou qui poiivoient 1'inftruire. Jamais il ne voyoit un Tableau fans Ie deffiner, c'efl cc qu'il a exé- cuté d'après prefque tous les Tableaux d'Autcl de Rubens , de van Dyck. & de plufieurs autres grands Maïtres que les Amateurs s'empreffeïent è Tenvi de lui fournir pour exercer fon crayor» Si avancer fes études, Comme on ne connoït tóea
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'Tlamands, AllcruAttds & Hollandois. J
bien les grands Ecrivains de 1'antiquité qu'en J , effayant d'en traduire les meilletirs moixeaux , l ^\ Auffi defiroit-il d'allcr a Rome puifer a la four- ce du beau ; mais fon oncle , qui craignoit de Ie perdre, Sc qui Ie troitvoit encore trop jeune pour entreprendre un pareil voyage , Pen em- pêcha. de Wit facriua Ie plaifir de voir cctte Capitale des Arts a la reconnoiffance qu'il avoit pour les bontés de (on oncle , il en fut un peu dédommagé par la penniflïon qu'il eut de revoir fa patrie. A pcineétoit-ilentrédans Arftflerdamen 171^,
qu'il fut accablé de Portraits , mais fon génie ne pouvoit fe borner a cc genre trop dependant du caprice , de 1'amour - propre & de Pigno- rance ; & comme il aimoit a répandre dans fes Ouvrages tont Ie gout de ion efprit & toute la vérité de fon ame , il dédaigna la contraintc du Portrait malgrc les éloges dont il fut comblé , & fe livra tout entier a 1'Hiftoire. Ses eflais firent leur efFet: un Amateur célebre
& riche > M. Kromhout , Seigneur de Nieuwer» kerek^t qui fc plaifoit a 1'Architeftnre, chargea de Wit d'orner de Plafonds & d'autres Tableaux dans plufieurs Hotels qu'il avoit élevés. Des Connoiffeurs tels que Mrs Lammer* Tenkaten , vander Schelling & autres ne lc quitterent point, 1'aiderent de leurs confeils, publierentfes talens , &C Ie placerent au premier degré des Peintres d'Hiftoire de fon temps. Toiites les Villes de la Hollande remployerenté Ce fut en 1736 que les Bourguemeftres d'Amf-
terdam chargerent de Wit des Ouvrages qui dé- cprent la Sale du Confcil des Tnmt-fix. II re-
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i$6 La Vie dei Veintret
repréfenta Moyfe , qui choifit les foïxante-
douze Vieillards pour former fon Confeil: com- pofition immenfe , Ie Tableau a quarante-cinq pieds de long lur dix-neuf de hant ,■ les quatre portes font ornées de bas-reliefs en rond, fup- portés par des enfans , 1'ufl repréfente è cöté de la cheminée Ie Sacrifice d'Abraham ; I'autre cócé un emblême fur la Vérité : en face 3 Jofeph qui fait aflembler les Bleds , fymbole de la Prévoyan- ce ; lequatrieme repréfente Ie mépris des Dons , c'eft Ie Prophete Elifée qui refuie ceux que lui ofFre Naaman Ie Syrien. Des Enfans peints de Ia couleur de marbre imitent ceux de la Frife qui décorent la cheminée ,• on diftingue a peine ceux qui font feints. Au - deffous du Sacrifice d'Abraham,on admire d'autresfymboles. Celui de la FidélitéefhinChien, desCiefs,uneEpée, un Bouclier , des Sceaux. La Vigilance eft re- préfentée par une Ruche , un Tamis, un Coq, une Lampe , &c. Sous celui de la Prévoyance eft la Tempérance ;ony remarque une Pendu- le , une Bride & un Are. Sous Ie Prophete Eli- fée eft défignée 1'Eloquence par un Caducée , iin Livre & un Sable. Sur les croifées eft la Religion, connue par
les Tables de la Loi > un Autel , une Bible &c une Lampe , enfuite Punion des Peuples par Ie Faifceau, Ie Chapeau de la liberté , une Corne d'abondance & la Couronne de chêne. Le Com- merce par le Caducée > des Ballots & une Ba- lance avec des poids: & le quatrieme, pour dé- figner que la Richeffe de cette Ville ne vient que de la mer , le devant d'un Navire , des Ancres r des Cordages, un Pavillon, une Bouflble, &c. Ce£
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Flamands, AHemands & Hollandois. 287
Cet Ouvrage , excepté Ie grand Tableau , eft • • * peint en bas-relief & en ronde-bofle de la cou- 1695. leur de la pierre & du marbre a faire illufion. "—-" En deux années tout fut fini & place : on peut, en regardant 1'Ouvrage dont nous ne pouvons donner qu'une légere idee , affurer que fa faci- lité cü. furprenante , &C on peut auffi juger de fonefprit par fes idees ingénieufes&bien penfées. Il a décoré plufieurs Eglifes Catholiques. Le Tableau du grand Autel de 1'Egüfe Francoife , & dix bas-reliefs dans la couleur de bois. Siméon dans le Temple , Tableau d'Autel , dans 1'Eglife des Béguines ,, & d'autres bas-reliefs a Delft. Dans la Chambre Echevinale , a la Haye ,
un Plafond & quatre bas-reliefs dans les angles , & un deffus de Porte. Ce fut au milieu de fes travaux qu'il fe maria en 1724 , mais il ne laiffa point de poflérité ; fa vie fut tran- quille & heureufe , parce que fes defirs furent bornés & que fon amour pour Ia gloire fut tou- jours fubordonné a la fagefle , enforte que fes rivaux , qui redoutoient (es Ouvrages , ne pou- voicnt s'empêcher d'aimer fon ca'-aftere & de le regretter lorfqu'il mourut. On pourroit don- ner un petit Volume des vers que les Poëtes ont faits fur fes différens Ouvrages. Quoique de Wit n'eut pas vu Rome , il y
avoit fuppléé par la belle Colleftion qu'il avoit amaffée des Deffeins & des Eftampes des Maï- tres d'Italie , des bas-Reliefs , des Figurcs de rondeboffe , & de la nature qu'il coniulta tou- jours : il avoit une fort bonne couleur; fes com- pofitions plaifent , parce qu'elles font ingénieu- ïes Sc menent k une très-grande maniere. Son pin-
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2,88 Ld Vie des Tethtres
pinceau eft facile , &c fa touche également bril-
lante : un meilleur gout do deffein auroit rendu eet Artifte encore plus célebre; Ie talent, dans lequel il n'a pas été furpafle , efl: fon imitation des bas-reliefs en pierre, marbre, platre , bois , terrecuite, &c. Ces foites d'Ouvrages ont été portés par toute l'E«rope:nons en avonsen Fran- ce ; pluiienrs y ont été loués par les bons Ar- tiftes. Il repréfentoit trèsbien les Enfans. Voici encore quelques ïableaux de lui très-connus. On voit a Amfterdam , chez M. Braamfamp ,
tine Allegorie repréfentant Ie Commerce 6c la Vigilance, avec ce proverbe , Uborvincit emm- tias ; deux autres , des Bacchanales par des en- fans. Six autres en bas-reliefs , la Peinture , la Poëfie ; des Enfans qui luttent : des Enfans en- dormis; un Peintre repréfenté par des enfans ; un Medaillon , & un Vafe orné de fleurs par fean van Huyjum. A Paris, chez M. Ie Comte de Choifeul, deux
deflus de Portes; on y voit des enfans qui agacent des animaux; & a Toulouze, chez M. Cajtel, aflb- cié ordinaire de 1'Académie de Peinture,&c. de la inême Ville , on y voit une Niche, dans laquelle font repréfentées en marbre blanc cinq Veftales qui entretiennent Ie feu facré , l'Autel eft eti- touré d'urnes , de vafes & d'autres meuble? dont les Anciens fe fervoient aux Sacrifices* |
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THÊODORE
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Flamands, jillemarids & ffollanJoiY. 289
THÉODORE H A R T Z O EKER;
ÈLEVE DE BALESTRA.
TTartzoeker, fils du célebre Phyfkien____
•*•■*■ de ce nom. Il naquit a Utrecht vers- 1'an 1606.
1696; Ie gout pour la Peinture luiprit dans' fes Peintre Baleflra a Venife : il Ie choifit pour fon Maitre , il ne Ie quitta que pour aller a Rome, toujoursdansle delir d'y continuer fes études. De retour chezlui en 1720 ou 1721, on s'emprefTa de voir des Ouvrages de fa main , fur la réputa- tion qu'il s'éroit faite en Italië ; mais comme fa fortune étoit confidérable , il neparoitpas qu'il ait enrichi beaucoup les Amateurs de fes bons Tableaux : nous n'en avons jamais vu , & nous croyons feulement qu'il avoit des talens égaux a fa réputation. Unemaladie de langueur 1'enleva dans la Ville d'Utrecht, oü il eft mort en 1740 ou en 1741. N. BOSSCHAERT,
ÉLEVE DE CRÉPU.
VOiCi encore un bon Peintre deFleurs, né
a Anvers 1'an 1696. Il eft Ie meilleur Eleve de Crépu, auffi Peintre de Fleurs, dont nous Tome IV. T avons |
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IjCI Vie des Peintres, &C»
—— avons parlé: il avoit Ie pinceau plus délicat que 1696. Verbruggen, c'eft-a-dire , qu'il donnoit plus de -=ü- légereté a fes fleurs , beauté effentielle aux Ou- vrages de cette efpece. Nous n'avons rien appris de eet Artifte; on dit que fes Tableaux ont été bien recherches, ce qui ne nous étonne pas , nous les connoiffons pour être très-bons, , c'eft en ce genre un des plus habiles de la Flandre ; il fut quelquefois employé par d'autres Peintres pour peindre les fleurs dans leurs Ouvrages; nous ne fcavons rien de plus d'unaufli bon Ar- tifte, nous ignorons 1'année de fa mort. |
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CORNILLE
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C O R N I L L E
TROOST,
ÉLEVE
D'ARNOLD BOONEN. |
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Troost efl encore
un Artifte habile que la Ville d'Amfterdam a vu naitre Ie 8 Ofto- bre 1697. Après deux ans & demi d'étude fous Arnald Boonen, il fe perfedlionna d'après la nature, Ie feul & Ie vrai modele a fuivre : il devoic fon avancement a 1'amitié & même a. 1'envie; mes envieux, difoit-il, nc trouverent rien de bien dans T2 mes
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i,a Vie des Peintres
-----■ mes Ouvrages; ils m'auroient découragé, Jimes
1697. amis,quimefaifoientappercevoirles mêmesdé-
„l fautsfans irien cacher aucun, ne m'euJJ'ent rendu Ie courage. L'envie blefloit fon amour-propre , 1'amitié guériffoit en même-temps la bleffure ; mais Ie public , ce juge impartial, en fit Ie plus parfait éloge par l'empreffement qu'il eut a re- chercher fes Ouvrages que 1'on enleva bien-töt, ils furent places a cóté de ceux des grands Mai- tres. Nous lui rendons la même juftice après fa mort, & nous affurons avec les Artiftes que fes bons Tableaux ont mérité de tourmenter & d'irriter l'envie. 11 peignoit a la fois 1'Hiftoire, les Tableaux agréables de converfation & des Portraits; ces genres différens eurent beaucoup defuccès;il débuta par un grand Tableau qui a fait fortune, il repréfente enfemble les cinq Infpe&eurs du College des Médecins,en pied, de grandeur de nature. Ce beau Tableau , place en public , ramena ceux-mêmes qui avoient em- ployé leur crédit pour décrier fes Ouvrages. La plüpart des Dir&eurs des différentes Com-
pagnies fe firent peindre , & ornerent de ieurs Poctraits les Sales publiques. Ils font un Spe&a- cle affez agréable dans toutes les Villes de la Hollande & dans quelques-unes de la Flandre. Les Direöeurs de 1'riópitaldesOrphelinsfefirent auffi peindre enfemble dans Ie même morceau , & ceux des Tonneliers en firent autant & bien d'au- tres. f 11 fit deux Tableaux pour la Sale des Chi- rurgiens ,) mais celui qui mérite Ie plus 1'atten- tion des Curieux , eft celui oü font repréfentés les principaux, de certe Profeffion, affis autour d'une table ,fur laquelle eft un cadavre oü Ie Pro-
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Flamands, Allemands & Hollandois. 293
Profefleur qui eft debout, Ie Scalpel en main,
fait la démonftration de quelques parties : on _ nepeut donner affez de louange a ce Tableau, qui fut dès-lors regarde comme un des plus beaux de fon temps, tousfont habillés fuivant Ie cofhi- me, il y regne une belle harmonie, Ie fond clair donne du mouvement aux objets qui font places deffus. On peut encore compter au nombre de fes beaux
Portraits celui du célebre Boerhave, place clans la Sale d'Anatomie. Quant a fes Tableaux, la plu- part de leurs fujets font pris dans ia vie privée, 6 encore plus d'après les Scènes originales de la
Comédie;il paroit auffi qu'il ne s'attachoit pas toujours a voiler fes fujets , qui font traites avec uneliberté, dont nous ne ferons jamais Téloge. Il avoit encore une vogue pour fes compofïtions en deflein: il exprimoit avec Ie crayon les pen- fées qui lui furent fuggérées, ou qu'il a imagi- nées lui-mème ; fon crayon étoit manie très- facilement, quelquefois il y faifoit un travail avec Ie pinceau. Il a peint des Defleins a gouaffe qui font comme des Tableaux, ils furent payés cher, & font toujours également recherches: peu de vrais Amateurs d'Hollande ont négligé 1'occafion de s'en procurer. Trooft avoit Ie plaifir d'élever une de fes filles
dans fon Art. A dix-fept ans elle étoit déja affez avancée pour effayer de* peindre des Portraits: elleeut Ie malheur de perdre fon pere qui étoit cruellement tourmenté de la goutte. Cette mala- die, après 1'avoir privé d'un (s\\, 1'enleva Ie 7 Mars 1750. Il laifla fa veuve & cinq filles :
Sara Trooft exerce encore fon talent avec diftinc- T 3 tio'n:
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294 La J^ie des Peintres
^ tion : eet Artifte avoit 1'efprit orné & agréable,
1 97' ce qui Ie fit rechercher dans Ie monde, auquel ^ il fe livra peut-être trop. Tous fes Tableaux font bien compofés, d'une bonne couleur & touches avec liberté. Ses Portraits très-refTemblans plai- fent par la fa$on de les ajufter & de les orner de fes fonds, &c. Ses petits Tableaux ont de la finefl'e & font pleins d'intérêt, mais peut-être un peu trop libres; les Cabinets en font ornés, on a de la peine a les enlever a la Hollande, Sc on n'en voit point en France, ou 1'on en voit très-peu. Voici ceux qui nous font les plus connus.
On voit a la Haye, chez M. van Hétéren , un
fujet d'une farce nommé Tbeflickte Svvaende, ou Ie Cigne crotté. Ceil un Deffein au crayon & au pinceau, refiemblant a un Tableau. Chez M. Halj-TFaJfenaer, les quatre Saifons.
Chez M. FerfchuuringiimeFamilieentiere, tous Portraits au dcflein, & la vue d'une Digue avec des fïgures. A Amfterdam, chezM.Braamkamp., un Corps-
<3e-Garde oü font affemblés des Officiers : Ie Tartuffe, Tableau ingénieux : une Dame & un jeune Seigneur faifant de la Mufique : & un Deffein un peu plus galant. Et chez M. Léenders de Neufville, dans la
même Ville, une Femme en couche. hei talens de ce Peintre ont été chantés par
de bons Poëtes. |
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JEAN
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Flamands, Allemands & Hollandois. 295
JEAN ANTIQUÜS,
É L E V E
DE WASSEN BERG IL
A Ntiquus naquit a Groningue Ie II Oc- ——
■**■ tobre 1702. Il a peinr jufqu'a 1'agede vingt I7O2# ans fur Ie verre chez Guérardv ander Veen: mais '===' toujour» occupé de 1'amour pour la Peinture a 1'huile, il perdit avec regret une année chcz Êenheimein, & enfuite 'chez Jean-Abel TF'affen- bergh, Artifte liabilë , oü il demeura pres de deux ans avec Ie mêrae dégoüt, puifqu'il n'a- voit vu travailler tont au plus que trois ou quatre fois fon Maitre qui fe renfermoit & qui faifoit un fecret de fon Art. Il falloit Ie courage & Ie defir d'apprendre du
jeune Artifte pour ne pas abandon ner un talent qui lui promettoit peu de fuccès ; il quitta bruf- quement Groningue agé de vingt-trois ans , & s'embarqua a Amfterdam : il ne paroit pas qu'il fut pour lors difpofé a continuer fon voyage , peut-être auffi faute d'argent: ce qu'il y a cle certain, c'eft qu'après avoir parcouru Paris, & y avoir vu les Ouvrages dans les Eglifes & dans les Palais faits par les grands Artiftes, il revint a Amfterdam, oü il pafla quelqucs mois chez Ie Peintre Gimnich, en travaillant avec Ie plus grand courage, mais 1'envie de voyager 1'ernporta encorc fur ion repos. T4 II
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296 La Vie des Peintres
____ II fit Ie projct avec fon frere Lamben, Pay-
1702. fagifte, d'aller en Angleterre ; mais, par un
'.. , t caprice fingulier , au moment de s'embarquer, ils trouverent un Navire deitiné pour Gènes : fans autres arrangemens ils s'y embarquerent. Jean Andquus, occupé de fon Art, remarqua la tere du Capitaine, il y vit des beautés, & obtint de la copier. Cetre fingularité leur valut unereffource, ü laquelle ils n'avoient pas pen- fé. Auffi-töt que Ie Capitaine eut fait voir ce Tableau a fon Equipage , tous fe recrierent fuc Ia grande reffemblance : Ie Capitaine ne voulut rien recevoir pour leur paffage ; ils furent dès ce moment regardes avec une forte de fatisfac- tion, & c'étoit une bonne fortune, comme il Ie dit après, parce qu'ils n'avoient tous deux que très-peu d'argent. Ils arriverent a Gènes, après avoir effuyé deux orages oii ils manque- rent de périr. De Gènes i's partirent pourPife : ils trouve-
rent pres de la Ville une efpece de lac ou marais qu'ils ne purent paffer a pied: un homme vigou- reux les porta fur fes épaules a 1'autre bord, & les conduiiit pendant la nuit dans une des Auberges du Fauxbourg : ce miférable leur vola leur argent, fe fauva & ne leur laifla qu'un ducat; ce malheur les obligea de refter, n'ayant pas Ie moyen d'aller plus loin. Andquus trouva beaucoup de Portraits a peindre, & pendant cinq mois qu'ils y refterent, ils y amaflerent affez pour continuer leurs projets d'étude , & furent enfemble a Florence, trois mois après a Livourne, oü Jean Andquus fut bien accueilli: Ie Grand-Duc lui donna une forte penfion pour refter
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Flamands, Allemands & Hollandois. 297
refter a fon fervice ; il fut admis a 1'Académie de Peinture, il commenca par y peindre un grand Tableau, la chüte des Géants, compo- fition très-étendue & bien rendue. L'Efquiffe fe garde encore dans cette Académie ; il fit une copie d'après Ie Cigoli, c'eft Ie fameux Martyra de Saint Etienne ; il peignit auffi fon Portrait en grifaille que Ie Cavalier Gabouri lui deman- da ; cette copie de Saint Etienne lui fut deman- dée, & on lui en donna cent ducats. Il paffa fix années dans cette Cour, & fit pendant ce temps quatre voyages a Rome : dans un de fes voya- ges il eut 1'honneur de s'entretenir avec Ie Pa- pe Benoit XIII, qui lui montra fa Bibliothe- que, & qui lui permit de voir & de copier les beautés que Ton y confervoit; il fit auffi con- noiffance avec les bons Artiftes, tels que Bena- fiali, Ie Bianci, Ie Trevi^ani, Sebafiien Conca, & bien d'autres , il paffa treize mois a étudier dans les difFérentes Académies, & a tout defli- ner; il alla a Naples, oü il recut beaucoup d'ac- cueil de la part de SoUmene , qui lui offrit fa maifon , il n'y refta que Ie temps qu'il falloit pour voir & parcourir ce beau pays encore rempli de veftiges des anciens monumens , & il retourua a Rome. Cette Capitale 1'arrêta quelque temps pour
y peindre , il fit plufieurs grands Ouvrages , mais Ie bruit de la maladie du Grand-Duc lui fit tout quitter ; il vola a Florence , il trouva cette Ville en deuil, elle venoit de perdre Ie Prince Ie plus chéri, & Ie plus attaché aux Arts ; il paffa encore quelque temps a la Cour, dela il alla par Boulogne a Venife , qu'il quitta auffi
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298 La Vic des Peintres
——— auffi pour voir Padoue, Mantoue, Milan &
I702. Turin : il fut arrêté trois mois dans cette der- • niere Ville par Ie Général Schuilenburg & d'au- tres Curieux qui employerent fon pinceau ; il partit pour fe rendre en Angieterre , ce voyage n'eut pas lieu , il pafla la mer avec ion frere , & ils arriverent enfemble a Groningue. Scs Compatriotes s'emprefferent a obtenir de
fes Oiivrages; il eut occalion de faire les Por- traits des Principaux: c'étoit fe faire connoitre ; mais il fut encore plus connu par des Tableaux d'Hiftoire ; il eut ordre de peindre la Coupole du Salon d'été du Palais du Prince ; il s'en ac- quitta ü bien , que Ie Prince 1'engagea d'aller a Breda , lui accorda une penfion annuelle pour qu'il s'attachat auffi a l'inftruöion de quelques Eleves. Plufieurs bons Oiivrages remplirent les roomens oü il éioit libre au Chateau de Breda. Il a reprélenté , fur la porte de la chambre a coucher, Mars deshabillé par les Graces. Les ■ deux deffus des portes de la Sale d'Audience font auffi de ce Peintre , 1'un repréfente Co- riolan, 1'autrc Scipion 1'Africain. Dans Ie même-temps il finit un Plafond de
dix-huit pieds pour M. Landsheer, il y avoit repréfente Ie Parnaffe. Les figures plus gran- des q 'j nature font d'une grande beauté, tout fut terminé en vingt«un jours. En 1747 il peignit pour M. tSichiermans, Enée enlevéauCiel,fur un Plafond de vingt-cinq pieds en quarré. Bien d'autres grands Oiivrages ont affuré a eet Ar- tifte un rang diftingué dans les faftes de la Pein- ture. Bon Deffinateur, Peintre facile, bon Co- lorifte, il avoit puifé dans 1'Ecole de Rome ce
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Flamands, Allemands & Hollandois.
cegoüt fage que Ton rencontre dans tous fes Ouvrages. Il eft mort a peine agé de quarante- fixans,en 1750. Les Ouvrages de ce bon Peintre font bien
eftimés en Hollande oü ils font confervés. |
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FRANCJOIS KRAUSE,
ÉLEVE DE P1AZETTA.
"VToiciun Peintre qui a encore augmenté \jc6.
▼ Ie grand nombre de ceux qui ont illuftré
dans Tindigence ; il fut contraint, pour fubfifter dans fajeuneffe, de barbouiller les Appartemens de maifons; mais Ie defird'être Peintre lui fit franchir tous les obftacles , il ie prêta a tout ce que fes Maitres exigeoient de lui : mais ayant vu que fon extreme docilité ne Ie conduifoit point affez rapidement a fon but, il quitta fes Maitres, & s'attacha a un Seigneur qui lui trouva du mérite & lemena aveclui a Venife, oü il Ie placa chez Fia\etta, bon Peintre. Ce fut Ie conduire a la gloire que de lui donner un tel Maitre, il en proflta : les jours & les muts furent employés a i'étude. Parvenu au point de voir les Artiftes mêmes
fe tromper & prendre fes Ouvrages pour <:eux de fon Maitre, il quitta i'Italie & vint a Paris, oü il fut inconnu 3 parce qu'il ne fortit point de fon Attelier; il peignituneSultane au fortir du bain que 1'on préiente. au Grand-Seigneur. Ce Ta-
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300 La Vie des Peintres.
Tableau fut vu & parut fi beau , qu'on lui con-
I7CO. feji(a (je faire jes démarches nécefl'aires pour '------ mérite r, par fes talens, la place diftinguée de
Membre de 1'Académie royale de Peinture: il
fit tous fes efForts; il avoit peint la mort d'Ado- nis , Tableau qu'il jugea digne d'être préfenté ; peut-être auroit-il réuffi, maisil avoit Ie défaut plus ordinaire encore aux médiocres Artistes qu'aux excellens, c'étoit de croire queses feuls Ouvragcs étoient parfaits, qu'ils ne laiffoient rien a deilrer, & de blamertous ceux des au- tres fans juftice & fans ménagement. Cette me- chanccté lui attira Ie mépris de ceux qui cher- cherent a Ie produire a I'Académie,il s'en ap- percut, mais trop tard : il quitta Paris , & fe retira a Langres. Il eut occafion, dans cette Ville, d'y peindre
pour 1'Eglife de Saint Pierre, il s'y maria; il Paffa a Dijon, oü il fit plufieurs Tableaux pour les Chartrcax; i! débuta par une grande com- pofition , c'efl la Madeleine chez Simon Ie Pha- rifien : ce bon Tableau place dans Ie réfectoire eft fon chef d'oeuvre ; il repréfenta en fept mor- ceanx 1'Hiftoire de la Sainte Vierge, on les voit dans Ie Chapitre des mêmes Religieux. Avec tant de grands Ouvrages , Kraufe ne
pouvoit ni s'enrichir, ni même payer fes det- tes. Comme il connoiflbit d'ailleurs Ie gout de la Province Sc fur-tout des petites Villes, il fe mit il peindre Ie Portrait en paftel, il fut très- employé; il parcourut toutes les Villes de la Bourgogne ; il ne paroit pas qu'il en revint plus opulent : ce fut ce qui Ie détermina enfin d'aller aLyonj cette Ville riche, oü paffent & ou s'arrêtent
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Flamands, Allemands & Hollandois. 3OI
s'arrêtent fouvent les bons Artiftes, étoit bien1-----~r*
plus capable de juger de fes talens & de les ré-
compenfer. On lui commanda quelques Ta- "' bleaux pour 1'Eglife de Sainte Croix ; foit a caufe de fes fuccès dans cette entreprife, foit pour Ie mérite de fes autres Ouvrages, il fut char- gé de peindre 1'Eglife entiere de Notre-Dame des Hermites; c'étoit une occafion de fe diftinguer , il y employa douze années, ce fut Ie terme de fa carrière : il y mourut vers 1'an I7<f4- Kraufe avoitété marie deux fois:il eut de fa premiere femme un fils, & de la feconde une fille. Il avoit Ie défaut de se trop eftimer & d'efti-
mer trop peu les autres ; cependant 1 avoit de très-grandes parties dans fon Art, il deffinoit bien & fupérieurement les pieds & les mains ; il n'avoit pas Ie génie abondant, mais fa cou- leur eft vigoureufe & dorée: fon pinceau eft d'une grande facilité, fa touche eft ferme ,tan- tót feche , tantót brillante; quelques-uns de fes Tableaux font outrés pour Ie noir , parce qu'il en vouloit rendre les effets trop vigoureux;il eft dangereux pour ceux qui ont voulu Timiter. La poftérité jouira peu d'une partie de fes Ou- vrages , qui font déja changés , il employoit par-tout Ie ftile de grain & 1'orpin ; fes Ta- bleaux , en fortant de fa main, avoient une vi- gueur furprenante. Le temps les détruifoit a vue d'ceil: c'eft toujours un bon Artifte qui a fait - desOiivragesdans la maniere de ("on Maitre , qui ont trompé & qiii tromperont vrai(emblable- ment encore. Je n'indique point tous les Tableaux de
Kraufe, répandus dans les endroits qu'il avoit parcou-
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La Via des Peintres, &c'.
.. parcourus,& oü 1'on m'affure qu'ils font efti- 1706. més ; cette légere critique n'en doit ni dimi- '^5=? nuer Ie vrai mérite, ni Ie prix ; c'eft plutöt un avertiffement pour les Artiftes qni pour- roient fe laiffer féduire par 1'éclat apparant d'une couleur trompeufe qui n'en impofe qu'un inftant, & qui peut nuire a leur gloire par leur peu de durée. Fin du quatrieme Tome.
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TABLE
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TABLE
ALPHABÉTIQUE
DES N O MS
DES PEINTRES CONTENUS
DANS CE QUATRIEME VOLUME. A Blond , Chrlflophe Ie , 151
Bodekker, (Bodecqifr), 4
ANTIQUUS, (Anticus) Bockhorft, (Bocorft) Jean
Jean , 295 de , 34 Appel, ( App'1) Jacques , Boonen , ( Boin'n) Arnold,
2I9 J}7
Arlaud , Jacques - Antoine , Boonen , (Boin'n) Gafpard,
116 189
B Boofch, ( Bofg ) Balthaiar
BAan , Jacques de ( Ba'n ) vanden , ijS
172 Bofgaert, (Bofgart) N. 289
Baut, Francois, 2; Boudewyns, ) Boud'ouins )
Béeldemaecher, (Béldema- 2V. aj
qu'r) Francois, 122 Brandel, (Brand'1, ) Pierre >
Beich , ( Beïg ) Joachim- 13
Francois , 72 Brandenberg, (Brand'nberg)
Bergen ,(Bergu'n) N. 157 Jean, 23
Bloemen, ( Bloum'n ) Nor- Brandmuller, (Brandmull'r)
tere van, 164 Grégoire, 31
Breda,
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TABLE
Breda, Jean van, 240
Breughel, (Breugu'1) Abra-
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Baptifte, 176 n c T ' ^Z-
BreydV,(Breyd'l)CwL, Graf,/™,, 2l6
190 „
Breydel, (Breyd'1) Francois, n
%
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195
^ Hartzoeker, ( Artfouqu'r ),
CThéodore, 289
Ramer^Cram'r) 150 Héedc, ( Eede ) Vigor &
Crépu, N. 224 Guillaume van, 29 Ilelmont, ( Elmont) Segers
£) Jacquesvant 236
Henftenburg, ( Enft'nburg )
ÜEnhauer, ( Danau'r ), ^J-^ ( ^^ }
Denoer, (Denn-DA-W-H H*{^(O]£t)yicolas, ?J
DuTenéde , M.rc v.P, Houbraken, (Oubraqu'n)
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, 228
£ ƒ
E Deraa, Ar. 91 JAnffens, ( Janfs'ns ) Ho-
Elliger, ( Elligu'r ) Of- noré, 60
m«r, 86 ^
FXvErckhove, (Quercove)
Aiftenberger, (Faift'nber- Jofeph vanden, 141 gu'r) Antoine-Jofeph, 200 Keflel, ( Quefs'1)Ferdinand
Ferg, Francois -Paul, 269 ,van, 19 Filius, /w/i, 6 Keffel, ( Quefs'1) N. van.
Franck, (Franc) Conflamin, 251
16 Kraus , (Craus) Francois,
299
Kupetzky |
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T A B
, ( Cupetfqui )
95 Z |
L E.
Overbéek , (Overbéc) Bo-
naventure van, 7 |
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p
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J
|
ean
|
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Eepe , Jean - Anto'mt
vander <« Lem , K vander . 11
Leyflens , (LryfVns) 37
|
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* Au ^
l ce • < Pé ) »
1 '4
Po 1 . ( P- il ) Jurhert, oq
P<ol. ( Poi! ) , Rachd i f h, (Ruifs), 6? |
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M
|
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Aes, (Ma
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V)
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y.
Mcele, ( Méle )
Meer , ( Mair ) han vandV, Melder, (Meld'r) G««^! Mieris , ( Miris ) Jean , Mieriv. f Miris) i
GA
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Ademacker ( Rade-
maqii rN G tr„-/-(/, 161 Radcmneker, (Rademaqu'r)
Alr..him , 176 *■»«*">. f lUwftin ) M
Re;ner' (Rain>) ^#
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, 45
Morel, iV. 63
Moucheron , Ifaac, 153
Myn , 2/^l« vandcr, |
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Bo.ore '
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Rugendas , f Ruguendas )
Georgis-PhWppe , 78
Ruifch, ( Ruifg ) Rachel,
|
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N
Etfcher , ( Netfgu'r ) Théodore ,38 Neifcher , (Netfgu'r) Conf- tantin, 155 Nymegen, (Nimegu'n) Elie-
van , ui |
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, Art, CornilU du, 74
Schoor , (S'^oir) A^. van, 91
Sluys, (Slüs) Jacques van-
aer, 5
Smits, N. 16 j
Son , Jean van, 4a
Spiers, ( Spi'rs) Alben van,
88
y Stampan,
|
||||||||||||||||||||||||||||
O
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Pftal , Gafpard - Jac-
ques van , 14 Oudenaerde, ( Oudenar'd )
Roten van, 49 |
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T A B L E.
Stampart, (Stampa'rt) Fran- Verkolie , (Verkoli'é ) Nico -
gois, 183 las, 168
Straeten , (Stra'ten) N. van- Voet, (Vont) Charles Boff-
der, 226 chaen, 158
Strudel, ( Strud'1) Pierre , Vromans, N. (V'romans )
217 15
T W
1 Erveften , (Teroueft' n) V^ Affer, ( Ouafs'r) An-
Matthieu, 144 ne , 202
Trooft, ( Troift ) Cornüle , Waffenberg, (Ouafs'nberg )
291 267
Tyffens, (Tayfs'ns) N. 27 Wéeling, (Ouéling ) Anfel-
Tyffens , ( Tayfsns) N. me, 181
206 Werf,( Ouerf ) Pierre van-
V der, 70
VWeyerman , ( Ouey'rman )
Alkenburg, (Valqu'n- Jacques Campo, 209
burg j Thierry, 185 Wigmana , ( Ouigmana )
Verbruggen, (Verbrugu,n) Guerard, 171
Gafpard-Pedro , 122 Wit, ( Ouit ) Jacques de ,
Verelft, N. 222 283
Verelft , (Cornllle), 77 Wolters , ( Ouolt'rs ) Hen-
Verelft,(S'imon), 69 nette, 27a
Fin de la Table.
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TABLE
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T A B L E
DES PEINTRES A VEC PORTRAIT
DU QUATRIExME TOME. AX Houbrahen , ( Oubra-
P p E l , ( App'1) q»1") Arnould, i
Jacques, zig Huber Jean-Rudolf, Arlaud, Jacques- An- l2$
toine, 116 Huyfitm, (l)'hm) Jean
van, zz8
BIT
Oonen, (Boinen) Arno/d 137 KUPETZKY, (Gu-
Bnmdeuberg, (Brand n- {} J(an ,
berg ) Jean, zj f ^ ' * J
Brand muller, ( Brand- M
nHill'r) Grégolre,
31 Melder, (MeWV)
D Guerard, z8o E\ , . Miens, ( Miris ) Guil-
/ENNER,(Dennr) l
|
||||||
Balthaiar, ZÏJ Mouctieron, Ifaac, 1Ó3
H Myn,Heromanvander, Hz4b
Elmont, (El- mont) Segers- Jac- ques van, zj6 Vz Netfcher
|
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T A B L E.
N Ruifch,(Kui(g)RacheU
N6b
Etscher , ( Nets- T gu'r) Théodore, j8 rp
Njmegen , (Nimégu'ii) JL Erwesten , ( Te- JElie van , in roueft'n ) Matthieu , 144
O Troofl(Tto'iü)Cornille, Ozgi
Verbeek, (Over- V béc) Bonaventure -»j-
van, 7 V erkolie , (Verco- li'é)^co/^, 168
P- Voet, (Vout) Charles PBojchaert, ibS
Ool , (Poil; Rachel Ruifch (Ruifg) 6b W Pool, (J?oï\)Juriaen,go ^rrr
W Asser, (Ouafs'r)
R Anne, zoz
Weyerman , (Ouey'r-
JvOEPEL, (Roup'1) man) Jacques-Cam-
Koenraet, igy po, zog
Roore,{Roire)Jacques Wit, (Ouit) Jacques
de, z6z de, 2.83
Rugendas,{Ruguendas) Wolters, ( Ouolt'rs )
Gcorges-Phllippe,y8 Henriette, %yz
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F I N.
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Table
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T A B L E
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, . i
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DU TOME PREMIER-
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Barentfcn , ( Bar'nts'n )
Thierry, 155
Bartels , ( Bart'ls ) Guerard,
269
Beer , (Bair ) Arnold de ,
37
Beer, ( Bair ) Jofeph de , 213
Beerings , ( Bairings ) Grê-
goire , 9? Beukelaer , ( Beuquelar )
Joachim, 140 Bi e, ( Bi ) Adrien de , 4061
Biefelinghen , ( Bifelingu'n ) Chreftien van, 215 Bles , Henry de , 32
Block , ( Bloc ) Jacques
Reagers , 34J Blocklandt, ( Broclant) An-
tenne de Monfort, 150 Bloemaert , ( Blouraart ) Abraham, 246 Bloemaert , ( Bloumart )
Henry, 404 Blondéel , ( Blondel) Lans-
loot , 94 Bol, Jean , 157 Bom , Pierre, 147 Bos , Jéróme, 19 Bos , Jean-Louis , 21 Borgt, Henry vander , 357 Bramer , { Bram'r ) Lènard , 416 V 3 Bray> |
||||||||||
.A.C H E N , ( Aqu'n ) Jean
van, 219 Achtfchelling , ( Agts'guel-
ling ) Lucas , 266 Aertlen , ( A'rts'n ) Pierre ,
108 Aertz, (A'rtz) Rkhard,
Alsloot, ( Alsloit ) Daniel
van , 275
Antonizo , Cornille, 85
Arents , ( Ar'nts ) Jean, 390
B
ijAbeur, Théodore , 272
Backer , ( Baqu'r ) Jacques,
de, 141
Badens, ( Bad'ns ) Francois,
280
Badens , ( Bad'ns ) Jean j 292
Bailli , David, 289
Bakereel, ( Baqueré'1) Guil-
laume & Guilles , 268
Balen , ( Bal'n ) Hemy van,
337
Balten, (Balt'n) Pierre, 168
Bamesbicr , ( Bam sbir )
Jean , 91 |
||||||||||
T A B L Ë.
|
||||||||||||||||
Bray, Salomcn de, 39
Brentel , ^ Bient'1 )'Frédè-
tic, 274
Breu. hel , ( Breiigii'1 )
1' icrre , 101
Breughel, (Breugu 1) Jean ,
. '76
Bril , " Matthieu & Paul , Broëcké , (Brouque ) C/ir.f-
, p'n f.indcn , ïvi BroiifkKorft , ( Broncorft }
., Pierre , J73 Bruu , Aughflln , 274
|
||||||||||||||||
D
|
||||||||||||||||
D Ach , ( Dag ) Jean ,
Dade , ( Dale ) Jean van ,
148 Delft , Jacques - Willems,
276 Delmont , Deodaet , %AJ
Druyvift;yn. ( Dru veftin )
A'tcld Jwjfe, 296 Durer , Alben, 2,4
|
||||||||||||||||
£ Lbrught , ( Elbrugt )
Jen van, 92 Éngeltu-echtfen , ( Enguel-
b"reg's"n ) CorAilk , 2j Ehl , (Enguclrams)
|
||||||||||||||||
aeflbon , ( Cla'floin )
. Amaffld , 67 Gtótf, (Cléf) Jo/ephvan,
C\èe( , ( Cléf ) Henry &
Minin de , 106 Ovgriet» Gilles , ^4)
Cool, ( Coi) ) Laurent van ,
127 Cööninxloo , ( Coin'nxloi )
Gilles de, 172 Gofnilfë , dit Ie Cuifinier ,
41
Cofnelt* , Cornille, 240
Cornelifz , Jacques , 48
Cqxcle, Michel, 57 Oaberh, Tuierry - F'ailiicr ,
124 Crabeth , Francais , 90
Crabrth , Adrien , 20S
Oabeth , Vautier , 278
Cranffe', Jean , 32 Craycr, Gafpard de , 350
|
||||||||||||||||
Es , Jacques van , 267
Erafnu-, Didier, 22
Eytk , ( Eyc ) Hubert &
Jean van, x
Elzheimer , ( Elfaym'r )
Adam , 283
|
||||||||||||||||
-TE'ldes, (Faid's) Pierre,
27}
Flore , ( Franc ) Francais
de Vrï'ndt, 11 f
Floris , Cornille , aij
Frans , N. 163
Franck, (.Franc ) Jiróme ,
Frangois & Ambróife ,
173
Franck, ( Franc ) Franpis ,
175
Franck, |
||||||||||||||||
T A B L E.
Franck , ( Franc ) Ambro'i- Harlcm , ( A'rlem ) Thierry
fe, 176 cT, 11
Franck, (Franc) Sébafïun , Heek , ( Ec ) Nicolas van*
281 der, 346
Franck, (Franc ) Francois , Heere , ( Eire ) Lucas de,
334 '52
Francois,Lucas , 282 Helmont , (Ehnont) Lucas
Francquacrt, ( Francart ( Gaffel van, 3 3
Jacques , 413 Hemmelinck , ( Emmelinc )
Jean, 1 2
q Hemskerck , ( Émfquerc )
_, Martin , 60
(jAÜ , Mkhel de, 111 Herder, (Erd'r) 215
Gelderfman, ( Gudd'rfman) Heuvic, ( Euvic ) Gafpard,
Vincent , 164 . , . 2I4
Gheyn , ( Gain ) Jacques Heyden , (Eyd'n ) Jacques
de, 240 vander, 274
Gheeft , ( Gué'ft ) Jacques Holbcen , ( Olbén ) Jean,
de , 269 71
Gheeft, ( Gué'ft ) Wibrand Hollandois , Jean l', 47
de , 402 Hoey , ( Ouay ) Jean de ,
Goes , ( Gous ) Hugues I^°
vander, 8 Hoefnaeghel, ( Oufnagu'1 )
Goltzius , (Goltfius) Hu- Georges, 180
ten t 128 Ilollman , ( Ollman ) Jean ,
Goltzius. (Goltfius) Henry, 274
230 Honthorft , ( Ontorft ) Gue-
Gortzius, (Gortfius) Gual- Tard» 4OJ
dorp, dit Geldorp, 217 Hooghenberg , (Oigu'n-
Gouda, Cornille van, 107 berg) Jean. 9»
Goyen , ( Goï'n ) Jean van, Hooghftraeten , ( Oigftra-
410 tn) Thierry van, 411
Grimmer, Jacques, <)7 Horebout , ( Orebout )
Grobbcr , Francois , 33-j Guerard, 77
Guerards , Mare , 14 j HjAcobs, ( Jïcops) Simon,
Aen, (A'n)Davidde, 131
275 Janflens, ( Janfs'ns ) Abra*
Hals,(Als) Francois, 360 ham, 261
V 4 Jesn,
|
||||
T A B L E.
Jean , Guerard de Sc. 10
Joris , ( G, oi is ) David , *■
3° T
Joris , ( Georis ) Auguft.n , L Aenen , ( Lan'n) Chnf-
1 4 tophe Jidn vander , 27a
Ifacs , Pierre, 259 Laftnan , Pierre, 242 LeyJen , ( Leyd'n ) Lucas
]£ van, 43 Lierre , ( Lire ) Jofeph
A'ker , ( Ca'qu'r ) ™'( Uy$ ) Jean ( *6|
Jean van, 8o L;einascker, ( Liemaqu'r )
Kamphuvlen,(OrapüS'n) NkoUs A fimommi
Theodorc, Raphael Rooft. > 2g7
. _. . , XJ"9 Linf hooten , ( L'ms'gor'n )
Knvnot, ( Qaainot) Nico- ^dln van, 394 vUs.Rr°SeA &.Z*f**r -1,/2 Lombart , Lambert , 36
Ketel, ( Quet i) Corntlle , ' '99 at
Keulen , ( Queul'n ) Jan- M
fons van , 344 -» ir .
Key , ( Quey ) Guillaume , jYl Abufe , Jean de ,
'33 83
Kierings , (Quirings) JU- Mahüe , ( MaU2 ) Guillau-
xandre, 4°° me , 274 Klerck , (Cle-q) Hcnry de , Mandyn , ( Mandin ) Jean,
*7) 16 Koek , ( Coq ) Matthieu Mander, ( Mand'r ) Char-
& Jiróme , ! 3 /« van , 194 Koeck , ( Couq ) Pierre , Mathiflens , ( Matifs'ns )
88 Abraham , 27 u Koeberger, ( Coubergu'r ) Mwire , Guerard vander ,
Fencefl-ius, 205 ij Kryns , ( Crins) Everard, Men on , Frangois , 212
2 58 Meffis . Qutntin , 17
Kunft , ( Cunft ) Corniüe, Mirevelt, ( Mirev'lt ) Mi- 40 chel, 256
Kuyck, ( Cuyq ) Jean van, Molenaer , ( Molenar) Cor-
144 nille , 169
M >lyn , (Molin) Pierre, 429
Monfort , Antoine Block-
landtdt, M°
Moreelze,
|
||||
T A B L E.
Moreelze, ( Morélfe ) Paul, Pieters , ( Pi't'rs) Arnold,
279 212
Moto, Antoinc, 98 Pierers, ( P*'trs ) ( Dirk )
JJoftaitt, ( Moftart) Fran- Thierry , 219
fois & Gilles, I22 Pieters, ( Pi'trs ) Gueratd,
Mcytens , (Mayt'ns) Ar- ^39
nold, 169 Pinas, Jean, 428
-. Pla* , Pierre vander, 26$
^ Poel nburg, ( Poul'nburg )
, ( Néfi ) Pierre , v C°7Ue \ . ^ \
' v ' ,' Poi-.drc , Jacques de, 139
xt t -v • \ n- j Porbus , Pierre, 9?
Neyn , ( Nam ) iW <& p^ ' ^*
|
|||||||||
Nicolas,/yW, 164 Ptata»fM"PlJ'« ^
Nieulant, Jean, 259 ^
Nieulant, Guillaume, 3G3 Nop, Gerr'u, -if>% T> _
F' ' r( Av-fteyn, ( Raveftin)
O Jean van, 341
Rheni , ( Réni) Remi van , jmey, ( Orlay ) Ber- a-6
nard van , ',8 Rlc:ke» ( Ri(lue ) Bernard
Oorr, ( Oirt ) Lambrccht de, _ 132
i-an , «121 Roger, fumommé de Bru-
Oort, ( Oirt ) Adam van, xell:s > 7
228 Rogman , Rolant, 424
Ottovenius , ( Chtavio ) Romboius , Théodore , 425
vanFten, 22-5 R^odtfeus , ( Roitféus )
Ouwmer, ( Ouat'r ) Alben Jean . , _ ,397
Van , 9 Roofe , ( Roife ) Nuolas de
p Lumaecher , 287
Rofenhaiiier, (Rotenam'r) |
|||||||||
Parcelles, (Parcell's) Jean, ^f{ Rïq
Parcdles, (Parcel', ) jff ^™\ Ricart) |
|||||||||
^p., 326 'in' a66
Pieters , ( Pi't'rs ) Pierre ,
171 Sameling,
|
|||||||||
T A B L E.
|
|||||||||
X Eniers, ( Tenirs) Da-
vidIe Vieux, 349
Terbrugghen, (Terbrugu'n)
Henry, 371
Thoman , ( Toman ) Jac- '
ques Ernefl, 372
Tilburg , jEgidiusvan , 276
Toeput, ( Touput ) Louis,
213
Torrcntius , Jean , 382
|
|||||||||
jAmelIng , Benjamin , 116
Salaert, ( Salart) Antoine,
273
Savery , Roland, 293
Schooreelj ( S'goir'1 ) Jean ,
5°
Schooten , ( S'goit'n ) Geor-
ges van , "\J0
Schut , ( Sgut ) CormlU ,
398
Seeu , Marin de , 116
Scghers , ( Ségu'rs ) Gue-
rard, 386
Seghers , (Ségu'is) Danid,
391
Shigher , ( Singu'r ) Jean , 91
Snellinck, ( Snellinc ) Jean ,
179 Sneyders, ( Snayd'rs) Fran-
cais , 230 Snayers , ( Snay'rs) Pierre , 4° ï
Soens , (Souns) Jean, 218
Someren , ( Somei'n ) Ber- nard & Paul Van , 333
Soutman , Pierre, 395 Spelt, Adnen vander, 147
Spranger , ( Sprangu'r ) Bar- tholomé, 184
Srradanus , Jean , 159
Stecnwicfc , ( Sténouic )
Henry, 384
Swart , ( Souart ) Jean ,
Swarts , ( Souarts ) Chrifto-
pke, 167
Switfer, ( Souits'r) Jofepk ,
260
|
|||||||||
V Adder , ( Vad'r ) Louis
de, 236
Vakkenburg , ( Valqu'n-
burg ) Lucas & Martin ,
149
Vaclks , ( Vales ) Pierre ,
3 58
Valkaert, ( Valcart ) Waer-
naert vanden, 291
Velde , Ifaye vande , 396
Veen , (Vén) OElavio ^p»,
223
Vereycke , ( Verayque )
Jean, 96
Verhaegt, ( Vera'gt) Tobie ,
251
Vcrmryen , ( Vermay'n )
Jean-Cornilh , 86
Vinckenbooms , ( Vinqu'n-
boims ) David , 327
Viflcher , ( Vis'gu'r , ) Cor-
nille de, ■ 131
Vlrrick , ( Vcléric ) Pierre ,
161
Vliet, ( Vélit) Henry van ,
364
Vliet,
|
|||||||||
T A B L È.
Vliet, ( Véh't ) Gulllaume Wael, (Oua'l, Lucas de,
van, 5 64 400
Vo'ckaert, (Volcart) 16 Wa^l, ( Oiu'1 ) Cormlle de,
Voort, ( Voirt ) Cormlle 407
vander, 345 Weyde , ( O.iayde ) Roger
Vos, Martin de , 117 vander, 33
Vofraer, Jucques Wouters, We^rdt', ( Oiuirt ) AJrien
-° de, 97
TT 11 __ _ /*"w ■'
|
|||||||||
VrL-ndt, ( Verint ) Frangols W.llcms, (Oaill msl
de, in
Vries , ( Veris ) Jean Fre- Winden , ( (
demande, i3? Jofephvm, l77
Vnc, (V,rie) Thlerry de, Witte, ( Óaitte ) Lhvl
Vroom ( Vroim ) J5f«ry- Witte , (Öuïrte) Pierre de]
CormlU, 2J4 >
Witte, (Ouitte) Cornillede,
203 TTV , ■• Wildens,(Ouildens)/^,
l^ Ytenwael, ( Utenoual) „6
lUnM%A> ^ r 2Ï2 Willaerö,(OulUarts)^,
Uden, (Ud'n ) Lucas van, 2 <j
408 Y
|
|||||||||
el , ( Oua'l ) Jean YPr«, ( d'IpV ) ', 91
217
Fin de la Table du premier Tome.
|
|||||||||
TABLE
|
|||||||||
T A B L E
|
||||||
DU TOME SECOND.
|
||||||
A Beek, ( Béc ) David, 313
ADriaensens, Bemmel, ( Bemm'1 ) Guil-
(Adria'iis'ns) Akxan- laume, 285
dre , 364 Berckmans , ( Bercmans }
Aelft , ( A'ifl: ) Evrard van , Hcnrj, 424
70 Berg , Matthieu vanden ,
Aclft , ( A'ift ) Guillaume 244
van, 277 Berghem , ( Bergu'm ) NU
ArHneiTns, ( Andrifs'ns) colas, 340
H*.nry , furnommè Man- Bifluhop ,(Bifgop ) Cornille,
k<:nheyn , ( Manquenin ) 433
42 Bizet , Charles - Emmanuel,
Artois , Jacqnes van , 313 469
Afch , ( Ai'g ) Pkrre-Jean Block , ( Bloc ) Benjamin,
van, 76 457
Affen , ( Afi'n ) Jean van, Blankhof, ( Blancof) Jean-
441 Anto'ine, 409
B Bokhorft, ( Bocorft ) Jean Bvan , ou ( Langu'n , Jan ,
Aan , ( Ba'n ) Jean de , 170
471 Boel, ( Boul) Pierre, 349
Backcr , ( Baqu'r ) Jacques Bol , Ferdlnand , 280
de , 141 Borght , ( Borgt ) Pierre
Baelen, ( Ba'len ) Jean van , vander, 366
193 Boffchaert , ( Bofs'gard )
Bakhuifen, (Bacuis'n) Louis, Thomas, dit Willeborts ,
442 2Ot
Bamboche, Pierre de Laar, Both _, (Bot) Jean & An~ ou, 205 dré, 302
Bauer, (Bau'r) Guillaume, Boucquet, Vi&or , 275
49 Brauwer, (Brau'r) Adrien,
Bega, CorniUe, 283 129
Bredael,
|
||||||
T A B L E.
Bredael, ( Brédal ) Pierre Dyck , (Dayc) Floris van',
van, 433 46
Bréenberg , Bartholomè , g
299 Bronkhorft, ( Bronccrft ) £ Eckhout, ( Écout) G,r-
Jeanvan 72 brantvandm 3^
Bylert, (B.l'rt) Jean, 77 £gmont _ ('A-^mJt }
„ Juflevan, 71
Elger , ( Elgu'r ) Ottomar, CHampagne , Philip- Emelr?et/(Em'lra't.) 197
dc vd», ^ Everdineen^ (Everdingu'n)
v>hatel, Ftuticois du 5 37^ /°'
Coning , 5-ifoiiw«, M9 EveXgen', (Everdingu'n°)
Coques , ( Coqu s ) Gouw- ^/forf ViJ„',
|
||||||
r*P ,r*ir ^ r Everdyck, (Everdic)
Cofliers , (Coffirs) ƒ«» , , ' 'v ÏO
Craesbéke , ( Cra'sbéque ) Eyck' ^^ GasPard van>
Joseph van 138 £ fc (£ } ^^^ ^59
Creeten , (Crétn) CAar- 4 ' ' v ' ■* ^'
les> 365 Eyckens, (Eyqu'ns) Jtan
j) & Frangois, 365
Eyckens, (Eyqu'ns) Pierre, Iepenbéke , (Dip'nbé- 3 S
que ) Abraham van , F
IIO T-l
Deynum, (Daynum) Jca/z- Jf Aes , ( Fa's ) Pierre
Baptijle van, 297 vander, 011 , Lefy 356
Does , ( Dous ) Jacques Flemael , ( Flema'1 )' Bar-
vander, 333 tholet, 226
Doudyns (Doudins) Guil- Flinck , (Flinc ) Govaert,
laume, 434 246
Douw , ( Dou ) Gérard , Fouchier , Bemand, 142
216 Franck , ( Franc ) Jean-
Drillenburg (Dril'nburg ) Baptijle, 47
Guillaume van , 377 Frangois, Pierre, 81
Duiven , ( Duv'n ) Jean , Fruitiers , ( Fruti'rs ) Phi-
193 lippes, 360
Dyck, (Dayc) Antoine Fyt, (Fayt) Jean, 35a
van t 8
Gabron
|
||||||
T A B L E.
Hoogftad , (Oigftat) Gut-
G rardvan, 367 GHocgft'-ï.eten , (OigftraYn)
Abron , Guillaume , Jean van, 407 368 Hoiö, (Orft) Nicolas van-
Gentil , Louis primo, fur- der, 30 nommé, 8 a »
Goebouw, (Goubau) An-
6 |
|
||||||||||
r j r r- • > */ Arobs, (Jacopsj furnom-
Gouedaert , ( Gonom) "^.Grtoini, J 36
VT/ G' ) BdJaCobs > ( JaCO0 A*
|
||||||||||
G
|
||||||||||
Grauw, ( Grau ) ffwtj! Janflens' (J^'ns) ^
|
||||||||||
Grebber, (Grebb'r) PiJr,! J*fens' (Janfs'ns
|
||||||||||
Jong , ( Yong ) Ludolf de,
H 154
Jorc'nens, ( Jorda'ns ) Jac- Anneman, fAnneman) T f"'* . T ,, T r
^tón, 186 Jordaens, (Jprda'ns)/M«,
Heek , (Ec) Jean van . 25'
, 3.85 X
Heem , ( Ém ) Jean David, -r-r
de, * 37 JS. Abel , (Cab'1) ^tó/z
Heil , ( Ayl ) Daniel van, vander, 439
78 Kager, (Csgu'r) Ma.tth.ieu,
Heil , ( Ayl ) Jtan-Baptifte 31
van, ijo Kalf, ( Calf) Guillaume,
Helmlm'ktr , ( Elmbréqu'r ) 4 \ 1
Théodort, ï)j Keffel , ( Quefi'1 ) Jean
Helft , ( Eifl) Banholomé van, 381
vander, 195 Knufer , ( Cnuf'r) Nicolas ,
Hoeck , (,Ouc ) /««! "<3/z, 73
*9 Koogen , ( roigu'n ) ifo-
Hoeck, ( Ouc ) Roten van , natd vander , 179
150 Kauwci burg, (Cau'nberg),
Hofman, (Ofman) Samuel, Chreflien van, 7&
29 Kuyp , ( Cüp ) Jlbtrt ,
Hoogfttaeten , (Qigfti.a't'i ) ' 7-9
Samuel van, 383 Laar,
|
||||||||||
T A B L E.
L Miei, Jean Meel (Mél),
L32
Aar , ( La'r ) Reduit Monnix, ,.99 van 180 Moucheron, Frédmc, 478
Laar ,' ( La'r ) Pierre de, Murant, Emmanuel, 328
OU Bamboclie, 205
Langhenjan, (Langii'nïant) -W
Jean van Bockhorft , "jk t
( Bocorft ) furnommé , i\Edeck, (Nedec) P'ier-
|
||||||||
7 , ^
Lely, Pierre vander Faes , Néve, Francais de, 361
(Fa's) surnommé, 256
Langelé, ( Lenguelé) Afar- O
H/z, 188 y^v
Lieyens , ( Liv'ns ) Jean , \^J Oft , ( Oift ) Jacques
372 van, _ 51
Lint, Pierre van, 143 Oflberwyc , ( Oift'rouïc )
Loon , ( Loin ) Théodore Marie van, 427
van, 426 Offenbéeck , (Ofs'nbe'c) N.
Loyer , ( Loy'r ) Nicolas, 287
368 Oftade , Adrien van, 173
Luyks , (Lücs) iV. 304 Ovens, ( Ov'ns ) Jurien,
Lys, (Lays) Jean vander, 279
61 P
m
|
||||||||
MXAuluz , ( Paulus) Za-
Aes, (Ma's) Arnoidd char'u, 41
van, 281 Paudits, 2^9
Maes , (Ma's) Nicolas, Peters, Bonaventure, 225
463 Pierson , (Pirflbn) Chriflophe,
Man, Cornille de, 324 459
Marcellis , OMo , 203 Pieters , ( Pi'ters ) Jean ,
Meel, (Mél) Jean Miei, 348
ou, 32 Pot, Henry, 4$
Meerkerck , ( Meirqu'rc ) Potma , Jacques , 151
Thierry, 282 Potter,(Pott'r) Paul, 351
Meert, ( Meirt ) Pierre, Primo, Louis, 82
260 Pynakcr, (Pinaqu'r) Adam,
Metzu, Gabriel, 239 317
Méyffens , ( Meyfs'ns ) Jean t 196 Quellyn,
|
||||||||
T A B L E,
Q Sibrechts, ( Sibregts ) Jean,
\^ Uellyn , ( Cuelain ) Son , Georges van , 3 -28
£mfme, 108 Spierings , ( Spirings) N.
Que^yn, (Cuelain) Jean- 470
Erafme, 420 Sp'lberg, Jean, 171
Sprong, Guerard, 41
R Stcenrée, (Sténrée) Guil-
Rlaume, 47
Avefteyn , ( Raveftin ) Steven , ( Stév'rs ) Pnla-
Arnoldvan, 2:7 medes, 118
Rembrant, van Ryn , 84 Stokade, (Stocade ) Nico-
Reyn , (Rein) Jean de, las de Helt, 21 r
189 Streeck , ( Srec ) Juriaen
Roeftraeten, (Rouftrat'n) van, "" 467
2V. 3V2 Suftermans , (Suft'rmans)
Roos, ( Roi's ) Jean Hen- J„fte, 44
ry, 4X7 Swanevelt , ( Souanevelt )
Rozóe , (Rofé) Mademoi- Herman, 196
felle, 4^'i
Ry , ( Rei) Pierre Dankerts
de, 79 T
Ryckaert , (Reicart) Da- rr-.
vid, 237 J Empel, (T'mp'1) Abra-
Ryfen , (Reis'n) Warnard ham vanden, 266
van , 46 Teniers , ( Tenirs ) David
U jeune, ij;j
■* Terbnrg, Gérard, 123
SThielen , ( Til'n ) Jean-
Andrart, Joacliim, 101 PJiilippes van, 269
Savoyen , ( Savoy'n ) Char- Thomas , Jean , if>9
les van, 277 Thulden , (Tuld'n) Thèodore
Schagen , (S gagu'n) Gil- van, 112
les, 252 Thys , ( Tys ) Gysbreclit,
Schellirks , ( S'guellincs ) i(rf
Guülaume, 462 Tilborgh, (Tilborg) Gilles
Schentk, (S'guenc) Simon- van, 375
Pierre T'llenians , 69 Tillemans , Simon-Pierre ,
Schuur, (S'gür) Thèodore, 69
vander, 400 Tombe, N-la , 350
Schuurmans , (S"gurmans) Tyffens, (Tayfs'ns) Pierre,
jinne-Marie, 119 363
VaiUant,
|
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T A B L £.
Wieringeti, ( Ouiringu'n )
V Cornille, 4? V .... Willaerts, (Ouillarrs) Abra-
* Aillam , lVallerant , ham, 112 _. ... _ 3 3° Wülingen ( Ouilüngu'n )
Vailant, Jean, 380 Pierre vander, 114
Vaiant.AmW, 386 Withoos, ( Ouitois ) Mat-
Vaillant, Jacques , 405 th'ieu , 388 Vaillant ,Andri\ 424 Witte , ( Ouitte ) Emanue l
Vecq, Jacquts la, 378 </« , Io?
Velde, Gullaume vande , Witte,( Owtte) Pierre de
Velde , Gudlaume vanden , Witte , ( Ouitte ) Gaspard
182 <fe , or(5
Verdoel, (Verdoul) Adrien, Wolfarts, ( Ouolfarts ) Ar-
298 lus , 0(5,
Verfchuuring , ( Vers'gu- Worft, ( Ouorft ) Jean,
ring )ƒ/«„, 394 ^ Vertangen , ( \ ertangn'n ) Wouters, ( Ouout'rs) F««-
Danul, 2l} co}s> Verwilt, C Verouilt)ƒ■««- Wouwermans, ( OuauV-
v fö"' . a8 mans ) Philippes, 286
V inne , Vincent vander , Wouwermans, ( Ouaa'r-
v n , 4>7 mans ) Pierre, 2OZ
Vos.P^/^, 43 Wouwermans, (Ouau'r-
yos, Simon de, 7? mans) Jean, 291
Wulfliagen , ( Ouulfagu'n )
UU Francois, 2?g
., • Wyck, (Ouic) Thomas,
J-.it , Jacques vander , 2,.
Utrecht, ^</rifra V<W2 ^ 3I ry
*~ Acht - Léven , ( S'aet-
^rr 1V lèv'n) Herman, 146
\VA . /rt Zaftléven , ( S'aftleVn )
V* Aterloo, (Ouat'rloi) Cornille, ,„,
Antome, 26o Zcghers , ( Ségu'rs ) Hercu-
Weeninx , ( Ouénincs ) les, ,f7
Jean-Baptisu , 3 60 Zorg, (Sorg') Jfcmy J?^„ \
322
Fin de la Table du second Tome.
Tem IV. X TABLE |
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TA B L E
DU TOME TROISIEME.
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A Broek , ( Brouc ) El'ie vatl'
Aden, vj%
Ppelman , (App'lman) Bronkhorft, ( Broncorft )
Adrien, loÖ Jean, 239
Bruyn , ( Bruin ) Cornüle
B di, 297
BBunnick , ( Bunic ) Jean
Acker, (Baqu'r) Adricn, van, 313
151 C
Backer ( Baqu'r ) AT. de , s^
214 VjAI , Je.m van, 317
Beeklemaecksr , ( BcUejna- Cané , ( Quaié ) Francois
qu'r) Jean, 32 van, 31
Begyn)( Beguin ) Abraham, Carru , ( Quaré ) Hmry ,
291 360
Bent, Jean vander, 2.64 Carré, ( Quaré ) Michel,
Bcrckheyden , ( Bcrceid'n ) ^65
Job & Guerard, 15} Champagne, Jean-Baptiste ,
Biskop ou Biffchop, ( Bil- 161
cop ) Jeandt, i84 Cleef, ( Cléf ) Jean van ,
Blekers , ( Bléqu'rs ) A'. 191
7 Colyns, (Colins) David,
Block , ( Bloc ; Joanne ' 283
Koerten, 173 Coninck, ( Coninc ) David
Bloemen, (Bloum'n ) Jean- de , 37
Francois van , 7 f8 D
Bloemen, (Bloum'n ) Pierre, ipv
van, 39 L/Alcns ( DaPns ) Thier-
Botscbilt, (Bctfguüt) Sa ry , 397
muel, 98 Danks, ( Dancs ) Francois ,
Brakenburg, ( Brsqu'nbura; ) 282
Reinier, 2^3 Délcn , ( Pél'n ) Thierry
^rizé, CurniUei 7 van, 23
Penys,
|
||||||
, T A B L E;
*>enys, ( Denïs ) Jacques, Glauber, Jean , ify
U n ,r 2l° Glauber , Jean Gotlieb,
Deyfter, ( Dayft'r ) Louis „j
r»"' , r^ x 3-6 Griffier, ( Grifir) Jean ,
|
|||||||||||||||||||||
Does , ( Dous ) Simon van-
|
35*
|
||||||||||||||||||||
der, 304
D°es , ( Dous ) Jacques
vander, 3,<5
Douven , ( Douv'n ) Jean-
|
|||||||||||||||||||||
Dullaert, (Dullart)«y-
i7j
|
|||||||||||||||||||||
Hakken,(Aqu'rt )
Haring, ( Aring) |
|||||||||||||||||||||
34
Heus , ( Eus) Guillaume de > 7*
Heus , ( Eus ) Jacques de » 3 66
Heufch , ( Eufg ) Abraham
de, 27a
Heydcn , ( Eyd'n ) Jean
vander, 48
Heyden , ( Eyd'n ) Francois-
Pierre ver, 364
Hoet , ( Out ) Guerard t
232
Holfteyn , ( Olffin ) Cornil-
le, 303 Hondekoeter, (Onclecout'r)
Melchior, 44 Hondius, ( Ondius ) Abra-
ham , a8o Hooge , ( Oigue ) Pierre de, 162 Hüogfaet, (Oigfa't) Jean y 31a Hugtenburg, ( Ugtenburg )
jean van ,- 196
X a Huyfliin,
|
|||||||||||||||||||||
JLLEckhoute ( Ecoute )
Antoine vanden, 345
Elias , Matthieu , 377 Eyckens, ( Eyqu'ns ) Pierre
Ie Vieux, 286
|
|||||||||||||||||||||
F
Ehling, (Féling), Henry- Christopke, 311 Freres, ( Frerais ) Thèodore,
149 Frits, Pierre, 23 |
|||||||||||||||||||||
G
Aal, Bernard, 284
Gelder, ( Gueld'r) Arnout
de, ijii
Genoels, ( Jenouls ) Abra-
ham, 92
Oillig, (Guilüg) 42
|
|||||||||||||||||||||
T A B l Ë.
Huysum , ( Usum ) Jufie Madderfteg , ( Maderfteg )
van, 39S Mie lul, 398
Huift, (Ulfl) Pierre vander, Marienhof , ( Mari'nof )
295 265
Huysmans, (Ufmans ) Cor- Meer, (Meir) Jean van-
mik, 241 der, i(>j J Mertan , Marie - Sibyüe , J200
Ardin, Car/e du, m Meulen, (Mwl'n) Antoi- Ingen , ( Ingu'ji ) Guillau- ne-Frangois vander , 1 me van, 276 Meyer, ( Mey'r ) Félix, 307
Jl Meyring, Alben, 179 KMierhop , ( Mirop ) Fran*
Alraat, ( Calra't ) Abra- fois van Cuyck de, 11 ^ ham van , 147 Mieris , ( Mi'ris ) Francois Kalraat, ( Calra't ) Bernard ym , 13
van, 268 Mignon, Abraham, 52
Kic, (Quic) Cormlic, 6 Milé, Frandfquc , 169
Kloofterman , ( Cloift'nnan) Minderhout , ( Mind'rout)
N. 3«(i 5^ Kneller , ( Cnell'r ) Gode- Molyn , ( Molin ) Pierre ,
froy, 225 148 Koene , ( Coune ) Ifaac , Moor, ( Moir ) Charles de,
284 318 Koets, ( Couts ) Roelof, Moortel, ( Moirt'1) Jean ,
326 191 Koning, (Coning) Jacques , Muffcher, ( Mufgu'r ) Mi-
262. ehel van, 181
Meytens , ( Mayt'ns ) Da-
L niel, 35
J-jAfresse, Gérard, 101 iV
Leeuw , ( Léou ) Pierre
t lander\- , t vi '68 NEck , ( Nee ) Jean
Lubienetski, ( Lubienets- yan ^ qui) Tlüodorc et Chrlflo- Neer/(Néer) Eëon van-
Ph<> M 305 de/, .133 Nes, /«iin van, 22
MNetfcher , ( Netfgu'r ) Gaf-
Ac», (Ma's) FAwr- PW, 7» ry, 362 Neveu, Matthieu, --05
Notell,
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T A B L E.
Nollet, Dominique, 90 '
O Schalcken, ( Sgalqu'n )
Godefroy, 139
Ooft , (Oift ) Jaeguei Schendel, (Sguend'1) Ber-
CMey', ( Orlay ) Rkhard Schoonjans , ( S'goinians )
i ,m Antoine, 288
V<J/Z' 3 Slingelandt, ( Slinguelant )
Pierrt van, 98
' Spalthof, (Spaltof). 42
PStarenberg , ( Star'nberg )
Auün, Horact , 151 Jean, 271
Peuteman , N. 284 Steen , ( Sté'n ) Jean, 26
Piemont, Nicolas , 401 Steenwyck , ( Sté'nouic )
Pieters, (Pit'rs) N. 220 {f, 109»
Plas, Davidvander, 213 Storck, (Store) Abraham,
Poorter, (Poirt'r ) 42 a8i
Poft, Francois , 8 Stuven , ( Stuv'n ) Ernejl,
372
R Syder , ( Cid'r ) Dan'ul,
Jt\ Euven , ( Reuv'n ) f
Pierre, 266
Rietfchof, (Ritfgof) Jean, ^Erlée, (Terlé') 41
o r x> \ t i9 Terweften , ( Teroueft'n )
Roer ( Rour ) Jacquet -
t, ; « • > t, • ƒ *3 Terwcöen , ( Teroueft'n )
Roos, ( Rois ) Theodore, £lie ^ ^
|
||||||
Torenvliet } fafart )
Roos, (Rois) AT. 4^0 Jac1ues> '"
Ruyfdael, ( Ruifda'l) Jac-
ques, 9 *
Ruyfdael, ( Ruifda'l ) Sak- -r-r
mon, 11 V Al , Robtrt du, 17»
Ryckx , ( Rics ) Nicolas , Veen, ( Vé'n ) Roch van ,
60 269
Rysbraeck , ( Risbrac ) Velde , Adiien vanden ,
Pierre, 374 7 ft
|
||||||
T A B L E.
Verbuis, (Verbüs) Arnould, Jean, 50?
186 Voftermans, ( Voft'rmans j
Verendael, ( Vér'ndal) N. Jean, 157
799 W
Verheyden , ( Verayd'n ) -yxr/
Franfois-Pierre, 364 \V Ithoos , ( Ouitois )
Verkolie, (Vercoliai) Jean, Jean, 302
259 Withoos, (Ouitois) Pier-
Vernertam , ( Vern'rtam ) re, 31$
Frangou, 376 Withoos, ( Ouitois ) Fran-
Vtrfthuuring, (Verf'guring) cois, 375
Gu'Uaume , 368 Wolf, ( Ouolf) Jacqu.es,
Viffcher, (Vis'gu'r) Theo- de, i7i
dore , a9o Wulfraat, (Ouulfra't) Mat-
Voys, Aride, 118 th'uu, 217
Votlevens , ( Vollev'ns ) Wyck, ( Ouic ) Jean, 118
Jean , 151 Wytman, (Ouitman ) JWa-
Voorhout , ( Voirout ) thitu, 164
Fin de Ja Table du troisième Tome,
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